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(Quatorze heures trois minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez prendre vos places.
J'ai le plaisir d'attirer l'attention des membres de cette
Assemblée sur la présence, à la table de
l'Assemblée, aujourd'hui, du directeur du Conseil en droit
parlementaire, Me Mathieu Proulx, qui, après consultation avec les
formations politiques, pourra seconder et appuyer le travail du
secrétaire général en l'absence de M. Lessard qui est
retenu chez lui pour cause de maladie et en l'absence temporaire, cet
après-midi, du secrétaire général adjoint de
l'Assemblée. J'indique déjà de toute façon que la
nouvelle direction du Conseil en droit parlementaire ayant pour but
précisément de former la relève en droit parlementaire,
son directeur et ses membres pourront être appelés de temps
à autre à venir ici à la table de l'Assemblée
nationale.
Visite du haut-commissaire de la
Nouvelle-Zélande et de Mme Latter
Je désire également souligner la présence dans les
galeries aujourd'hui du haut-commissaire de la Nouvelle-Zélande au
Canada, M. Edward Latter, et de son épouse.
Aux affaires courantes il n'y a pas de déclaration
ministérielle. Au dépôt de documents, M. le premier
ministre.
Rapport annuel du ministère du Conseil
exécutif
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai
l'honneur de déposer en deux copies réglementaires le rapport
1982-1983 du ministère du Conseil exécutif.
Le Président: Rapport déposé. M. le leader
du gouvernement.
Rapport annuel du Bureau de la protection
civile
M. Bertrand: M. le Président, au nom du ministre de la
Justice il me fait plaisir de déposer le rapport annuel 1982-1983 du
Bureau de la protection civile du Québec.
Le Président: Rapport déposé. M. le ministre
des Finances.
États financiers et rapport annuel de la
SDC
M. Parizeau: M. le Président, conformément à
l'article 50 de la Loi sur la
Société de développement coopératif, j'ai
l'honneur de déposer en deux copies les états financiers et le
rapport des activités de la Société de
développement coopératif pour l'année financière se
terminant le 31 mars 1983.
Le Président: Rapport déposé. M. le leader
du gouvernement.
Rapport annuel de l'Institut
québécois de recherche sur la
culture et procès verbaux de la
Commission des biens culturels
M. Bertrand: M. le Président, au nom de mon
collègue, le ministre des Affaires culturelles, qu'il me soit permis de
déposer le rapport annuel 1982-1983 de l'Institut
québécois de recherche sur la culture ainsi que des extraits de
différents procès-verbaux; l'un de la réunion de la
Commission des biens culturels du Québec tenue à Montréal
le 20 janvier 1983 relativement au calvaire de Trois-Rivières-Ouest;
l'autre de la Commission des biens culturels, à la suite d'une
séance tenue à Québec le 2 septembre 1982, sur la maison
Brossard-Gauvin; un autre sur une séance de la Commission des biens
culturels tenue à Québec le 5 mai 1983 relativement au site de la
gare à Havre-Aubert; un autre sur la séance de la Commission des
biens culturels le 20 janvier 1983 relativement au dossier de l'église
Saint-Georges-de-Clarenceville dans le comté de Brome-Missisquoi; un
autre de la réunion de la Commission des biens culturels tenue à
Montréal le 20 janvier 1983 relativement au dossier du hangar à
grain de Varennes.
Le Président: Rapports et documents
déposés.
M. le député de Trois-Rivières.
Rapport de la commission d'étude
sur le contrôle parlementaire de
la législation
déléguée
M. Vaugeois: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de
déposer devant cette Chambre le rapport de la commission d'étude
sur le contrôle parlementaire de la législation
déléguée. J'ai compris que nous aurions l'occasion tout
à l'heure de commenter un peu ce rapport.
Le Président: Nous y reviendrons, M. le
député.
Rapport déposé.
M. le leader du gouvernement.
Rapport annuel de l'Office de la protection du
consommateur
M. Bertrand: Au nom du ministre de l'Habitation et de la
Protection du consommateur, je désire déposer le rapport annuel
1982-1983 de l'Office de la protection du consommateur.
Le Président: Rapport déposé. Au
dépôt de pétitions. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Pétition d'opposition aux lois 101, 70, 105 et
111
M. Scowen: Permettez-moi, M. le Président, de
déposer une pétition signée par 150 personnes de
Notre-Dame-de-Grâce, regroupées sous le nom du Réseau pour
la justice sociale et touchant la loi 111. Je cite: "Nous, soussignés,
sommes fort inquiets des projets de loi répressifs 101, 70, 105 et 111.
Gouverner par moyens défensifs et gouvernement par décret ne sont
pas acceptables dans un système démocratique. Nous
considérons que ces lois sont un mépris des droits humains. Nous
prions fortement le gouvernement provincial de rétablir les droits et
privilèges acquis de tous les citoyens."
Si vous me le permettez, M. le Président, je vais la lire en
anglais: "We, the undersigned, are deeply concerned about the repressive laws
enacted in Bills 101, 70, 105 and 111. Government defensive management and
government by decree is not acceptable in a democratic system. Failure to
remedy or rescind the above Bills appears as oppression and a significant
disregard for human rights. We, therefore, strongly urge the provincial
government to reinstate the inherent rights and titles of all citizens with
appropriate legislation."
Le Président: Pétition déposée. Au
dépôt de rapports des commissions élues. M. le
député de Shefford.
Étude du projet de loi 37
M. Paré: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission élue permanente de la
présidence du conseil et de la constitution qui a siégé le
17 novembre 1983 aux fins d'étudier article par article le projet de loi
no 37, Loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle
de la recherche. Le projet de loi a été adopté avec
amendements.
Le Président: Rapport déposé.
Il n'y a pas de rapports du greffier en loi.
Nous passons donc à la présentation de projets de loi au
nom du gouvernement.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article a) du feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi 42 Première lecture
Le Président: M. le ministre du Travail propose la
première lecture du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles.
M. le ministre du Travail.
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: M. le Président, je vais faire un
résumé des notes explicatives qui apparaissent au projet. Ce
projet de loi a pour but d'instaurer un nouveau régime de
réparation des lésions professionnelles en remplacement des
régimes prévus par la Loi sur les accidents du travail et par la
Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silicose dans les mines
et les carrières. Il s'appliquera à tous les travailleurs
victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au
Québec et, sous certaines conditions, aux travailleurs
québécois qui subiront une telle lésion professionnelle
hors du Québec. L'employeur, l'administrateur, le travailleur autonome
et le domestique pourront également s'inscrire auprès de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail afin
de bénéficier de la protection accordée aux travailleurs.
(14 h 10)
Parmi les prestations prévues par ce projet de loi, le
travailleur devenu incapable d'exercer son emploi en raison d'une lésion
professionnelle aura droit à une indemnité de remplacement du
revenu égale à 90% du revenu net retenu qu'il retire annuellement
de son emploi. S'il subit une atteinte permanente à son
intégrité physique ou psychique, en raison de cette lésion
professionnelle, le travailleur aura de plus droit à une
indemnité pour dommages corporels. S'il décède en raison
d'une lésion professionnelle, ses personnes à charge auront, pour
leur part, droit à des indemnités de décès.
Ce projet de loi reconduit certaines dispositions de l'actuelle Loi sur
les accidents du travail qui prévoit des indemnités à
titre de remboursement du coût des vêtements, des prothèses
ou des orthèses endommagées par suite d'un accident du travail
ainsi que le remboursement des frais de déplacement et de séjour
engagés par un travailleur en raison de sa lésion
professionnelle. Il reconnaît en outre au travailleur le droit à
l'assistance médicale que requiert son état par suite de sa
lésion ainsi que le droit à des mesures de réadaptation
qui favorisent sa réinsertion sociale et professionnelle. À ce
dernier
chapitre, il faut souligner que ce projet de loi crée au
bénéfice du travailleur un droit de retour au travail dont il
précise les limites et les modalités d'exercice. Les divers
montants et indemnités prévus par ce projet seront
revalorisés chaque année suivant l'indice des prix à la
consommation établis par Statistique Canada.
Ce projet de loi prévoit que la CSST continuera de percevoir des
employeurs les sommes requises au financement du régime. Il
prévoit particulièrement que de 1984 à 1988 la commission
ne capitalisera qu'à 90% le coût des lésions
professionnelles à survenir, puis à 2% de plus par année
jusqu'à concurrence de 100%, et qu'elle ne pourra plus cotiser les
employeurs pour des déficits reliés au passé.
Ce projet de loi prévoit également que, par exception,
l'employeur qui exploite une entreprise de transport ferroviaire ou maritime,
international ou interprovincial, sera tenu personnellement au paiement des
prestations dues à ces travailleurs victimes de lésions
professionnelles.
Toute décision de la commission, à l'exception d'une
décision qui reconnaît ou non un travailleur atteint d'amiantose
ou de silicose, pourra faire l'objet d'une reconsidération
administrative par la commission. Dans le cas d'une décision portant sur
le droit à une indemnité ou sur le montant ou le recouvrement
d'une indemnité, il y aura appel à la Commission des affaires
sociales.
Ce projet de loi confère à la CSST quelques pouvoirs
réglementaires, crée des infractions, en établit les
sanctions et prévoit que les poursuites pénales seront
intentées devant le Tribunal du travail. Il prévoit en outre
certaines dispositions visant à assurer aux travailleurs de bonne foi
pour qui un premier diagnostic d'amiantose ou de silicose a été
infirmé, le droit de conserver leur rente ou leur indemnité. Il
prévoit également certaines dispositions qui ont pour objet
l'harmonisation du régime qu'il instaure avec le régime de rentes
du Québec.
Finalement, il modifie de façon substantielle les régimes
d'indemnisation prévus par la Loi sur l'indemnisation des victimes
d'actes criminels et la Loi visant à favoriser le civisme.
Le Président: La première lecture de ce projet de
loi...
M. Pagé: M. le Président.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Une très brève question à la
suite du dépôt en première lecture de ce projet de loi.
C'est évident que c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on prend
connaissance de la première lecture à ce moment-ci. On va s'y
associer, cela va de soi.
Le ministre, le 10 mai 1983, lors de l'étude des crédits,
s'était engagé à déposer les documents qui avaient
été produits au Comité consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre et s'était engagé clairement, à la page
B-2498 du journal des Débats, à déposer à
l'Assemblée nationale du Québec les coûts, l'impact
financier en termes de coûts, de piastres et de cents additionnels
à débourser à la suite de l'adoption de ce projet de loi.
On attend l'autre document avec beaucoup d'intérêt
également.
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, effectivement, cet
engagement a été pris au moment qu'indique le
député de Portneuf. Il y aura une commission parlementaire autant
pour entendre des témoins que pour procéder à
l'étude article par article, mais avant ces exercices, je ferai parvenir
au député de Portneuf, enfin à l'Opposition, les documents
auxquels il vient de se référer.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: J'allais poser la question au leader du gouvernement,
à savoir si c'est l'intention du gouvernement de proposer ce projet de
loi à la consultation lors d'une commission parlementaire avant la
deuxième lecture, parce que les paroles du ministre, à cet
égard, ne sont pas claires.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: C'est tellement notre intention, M. le
Président, que je voudrais faire motion immédiatement pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission
parlementaire permanente du travail, tout en sachant, par ailleurs, que lorsque
nous aurons adopté le nouveau règlement sessionnel qui s'inscrit
dans le cadre de la réforme parlementaire, avant le 21 décembre,
c'est une toute nouvelle commision parlementaire qui étudiera ce projet
de loi, à partir, bien sûr, des décisions que nous aurons
peut-être prises à l'unanimité, ici, ensemble.
Le Président: La motion est-elle adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: L'article b) du feuilleton, M. le
Président.
Projet de loi 53 Première lecture
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales
propose la première lecture du projet de loi 53, Loi annexant un
territoire à celui de la ville de Chicoutimi.
M. le ministre des Affaires municipales.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: M. le Président, ce projet de loi a
pour objet l'annexion d'une partie du territoire de la municipalité de
Laterrière à la ville de Chicoutimi. Il prévoit
également le versement annuel d'une indemnité à la
municipalité de Laterrière en considération de cette
annexion.
Le Président: La première lecture du projet de loi
no 53 est-elle adoptée?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
Il n'y a pas de présentation de projets de loi au nom des
députés, ce qui nous mène à la période des
questions des députés.
M. le député de Laporte.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Promotion de l'industrie québécoise du
matériel de transport
M. Bourbeau: M. le Président, j'avais l'intention
d'adresser ma question au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
mais, en son absence, je la poserai au ministre des Transports.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, pour l'information de cette
Chambre et peut-être pour l'information du député de
Laporte, je voulais simplement indiquer que le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme est retenu à Montréal aujourd'hui, car il
doit rencontrer des banquiers relativement à un projet que vous
connaissez peut-être.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, j'avais justement
souligné qu'en l'absence du ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, je voulais poser ma question au ministre des Transports.
Le marché nord-américain de l'industrie du matériel
de transport est estimé à au moins 1 000 000 000 $ par
année, et le Québec, avec Bombardier comme fer de lance, se
trouve dans une position exceptionnelle pour accaparer une partie importante de
ce marché avec toutes les retombées économiques que cela
comporte pour les sous-traitants québécois. Le gouvernement du
Québec d'ailleurs l'avait reconnu. Il avait invoqué cette raison
pour promouvoir à Montréal la construction d'un métro de
surface dans le nord-est de l'île de Montréal, un projet qui a
été unanimement rejeté par tous les membres du
comité ad hoc qui a étudié cette question, le projet
étant jugé irréaliste, inutile et beaucoup trop
coûteux. Pourtant, le gouvernement du Québec a déjà
dépensé au-delà de 10 000 000 $ en études de toutes
sortes sur ce fameux projet de métro de surface qui devait
s'étendre de la ville de Saint-Laurent à Pointe-aux-Trembles,
dans l'emprise du Canadien National.
La question que j'ai à poser au ministre est la suivante: Compte
tenu du rejet total de la proposition gouvernementale par tous les organismes
intéressés, soit la CUM, la Commission de transport de la
Communauté urbaine de Montréal, la ville de Montréal, les
villes intéressées et même le BTM, le Bureau de transport
métropolitain, qu'entend faire maintenant le gouvernement pour
promouvoir l'industrie québécoise du matériel de
transport, et plus spécialement celle du métro sur roues de fer,
communément appelée le métro sur fer?
Le Président: M. le ministre des Transports. (14 h 20)
M. Clair: M. le Président, je pense qu'il faut bien
distinguer deux sujets, d'abord le sujet spécifique du métro de
surface et de son avenir dans la région métropolitaine de
Montréal et, d'autre part, les différentes mesures que le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de même que
le ministère du Commerce extérieur entendent prendre pour
soutenir l'effort de développement d'une technologie
québécoise et d'une expertise québécoise en
matière de matériel roulant fer sur fer.
Comme le député l'a dit, effectivement, le marché
non seulement nord-américain, mais le marché international, au
cours des 20 ou 25 prochaines années, d'une part, est surtout compris
dans un marché de métro de surface et, d'autre part, dans un
marché fer sur fer. Il n'existe à peu près plus de
possibilités d'exportation de matériel de métro souterrain
sur pneus. Seul le renouvellement des flottes déjà existantes
permet d'envisager certaines retombées à long terme.
En ce qui a trait aux mesures prises par le ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et la SDI, mon collègue pourra
compléter, mais d'ores et déjà, le ministère du
Commerce extérieur travaille avec Bombardier en ce qui concerne des
possibilités d'exportation. Mon collègue, le ministre du Commerce
extérieur est présent, il pourra ajouter à ce propos.
Par ailleurs, la Société de développement
industriel travaille actuellement avec la compagnie Bombardier à la mise
en place d'une piste d'essai à Sainte-Anne-de-la-Pocatière pour
les fins de vérification du matériel roulant qui servira à
New York. Mon collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme pourrait vous faire part d'une manière plus précise
où en est rendu le dossier tant au niveau de la Société de
développement industriel qu'au niveau du gouvernement
fédéral.
Maintenant, en ce qui concerne le dossier du métro de surface, il
ne fait aucun doute dans mon esprit et dans l'esprit de tous ceux qui se sont
penchés sur le dossier, que le dossier tel qu'il a été
corrigé par une pénétration au centre-ville demeure, sur
le plan technique et sur le plan des achalandages, le dossier le plus solide et
sans commune mesure avec les autres inventions qui ont été mises
sur la table, souvent à la dernière minute, par un comité
qui visait davantage à répondre aux besoins politiques des
élus de la Communauté urbaine de Montréal qu'à
répondre vraiment aux problèmes de transport de l'Est de
Montréal et aux préoccupations de développement
technologique du Québec. Afin d'éviter un affrontement qui
semblait devenir inévitable avec la Communauté urbaine de
Montréal, le gouvernement a accepté de poursuivre les
échanges, ce qui se fait présentement avec les élus de la
Communauté urbaine de Montréal, puisque finalement il s'agit bien
davantage d'une question politique entre la Communauté urbaine de
Montréal et le gouvernement du Québec qu'une question de contenu
technologique, de solidité technique et financière du
dossier...
Le Président: M. le ministre, en conclusion.
M. Clair: Celui qui vous parle est en mesure de défendre
ce dossier sur le fond qui est très valable.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, ce qui est important en
définitive, c'est de permettre aux sous-traitants
québécois de pouvoir, le plus tôt possible, se qualifier
sur les marchés nord-américains et mondiaux. On ne peut pas le
faire à moins...
Le Président: Préambule, M. le
député.
M. Bourbeau: ...de démontrer sur place que les
sous-traitants aient pu avoir la possibilité de construire, de
participer à la construction. Le ministre a-t-il pris connaissance d'une
suggestion qui était contenue dans le rapport Gascon et qui était
faite justement par la ville de Montréal, de permettre l'essai de
voitures de métro de surface sur la ligne de banlieue no 3 qui va de la
Gare centrale à Deux-Montagnes. Est-ce que le ministre a pris
connaissance de ces passages du rapport Gascon, où la ville de
Montréal suggère de vérifier le métro de surface
non pas dans les champs de Pointe-aux-Trembles, mais sur une ligne qui existe
déjà, la ligne no 3 vers Deux-Montagnes?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Clair: Le député a tout à fait raison
quand il dit que ce qui l'importe c'est d'être en mesure de qualifier des
sous-traitants au Québec dans des composantes de matériel
roulant. Cependant, il existe une règle internationale qui veut que pour
que la compagnie Bombardier soit capable de permettre à des
sous-traitants de se qualifier sur le plan international, il ne faut pas que
ces sous-traitants aient seulement frabriqué des pièces sur un
métro qui tourne en rond pour un démonstrateur. Tous les experts
internationaux s'entendent pour dire que la meilleure façon de percer
sur le plan international en matière de fabrication de matériel
roulant fer sur fer serait, non pas d'avoir un métro à l'essai,
mais d'avoir un métro de surface réel qui fonctionne
réellement, qui peut réellement contribuer au
développement de la technologie québécoise dans ce domaine
et augmenter les exportations tant au niveau du contenu québécois
dans les contrats déjà obtenus par Bombardier que dans d'autres
contrats qui sont actuellement sollicités.
Par ailleurs, en ce qui concerne les autres corridors qui ont
été examinés, le ministère des Transports a
examiné toutes ces possibilités. La ligne no 3. C'est
évident que, si le métro de surface vers Pointe-aux-Trembles se
réalise, de façon inévitable il doit y avoir des
améliorations sur la ligne no 3 vers Deux-Montagnes. En ce qui concerne
le projet de réaliser seulement le métro de surface sur la ligne
de Deux-Montagnes, on rencontre un certain nombre de problèmes, et
encore une fois un certain nombre de problèmes politiques puisque
même ce projet, contrairement à ce que le député
affirme, ne fait pas l'unanimité des gens de la
Communauté urbaine de Montréal.
M. le Président, en ce qui concerne le système
léger sur rail dans l'axe de Radisson vers Pointe-aux-Trembles, j'ai eu
l'occasion personnellement de rencontrer le président
directeur-général du Canadien National, M. Maurice Leclerc, qui
m'a confirmé que le CN n'a jamais été consulté sur
cette hypothèse, et qu'en conséquence il ne voit pas comment on
peut d'ores et déjà conclure en la faisabilité d'un SLR
dans cet axe.
M. Bourbeau: Une question additionnelle.
Le Président: Les questions sont relativement
brèves et les réponses devraient être également
aussi brèves. M. le député de Laporte, en
complémentaire.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président.
En ce qui concerne le métro vers Pointe-aux-Trembles, le
système léger sur rail, nous sommes parfaitement d'accord.
Étant donné que le temps est de l'essence du dossier -
autrement dit les sous-contracteurs québécois doivent se
qualifier le plus tôt possible - est-ce que le ministre peut nous dire
dans combien d'années le métro de surface vers
Pointe-aux-Trembles, le projet du ministre, qu'il soit modifié ou non,
serait opérationnel? Et dans combien d'années serait-t-il
opérationnel sur la ligne no 3?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Clair: M. le Président, je ne peux pas m'empêcher
de dire que ce qui me surprend dans l'attitude du député de
Laporte, c'est qu'au moment de la commission parlementaire sur la
réorganisation des transports en commun, il s'est opposé à
tout projet d'immobilisation dans l'Est de Montréal. Il change
d'idée encore une fois.
M. Bourbeau: M. le Président, une question de
règlement. Est-ce qu'on peut demander au ministre de répondre
à la question et non pas de me poser des questions?
Le Président: M. le ministre des Transports,
brièvement.
M. Clair: M. le Président, en ce qui concerne la
qualification des sous-traitants québécois, s'il y avait
construction du dossier du métro de surface, ligne 6, les sous-traitants
québécois pourraient se qualifier beaucoup plus rapidement dans
ce projet que dans n'importe quel autre pour deux raisons. D'abord, c'est le
seul projet qui soit à l'étape de passer à la
préparation des plans et devis d'éxécution. Aucun autre
projet n'est aussi avancé. Ensuite et surtout, si on devait construire
le métro de surface dans la ligne 6, on pourrait immédiatement
passer des commandes pour des voitures présérie qui permettraient
aux sous-traitants québécois de pouvoir se qualifier dans des
voitures présérie qui, dans quelques années, seraient
opérationnelles sur la ligne no 6, ce qui leur permettrait d'ores et
d'ores et déjà, dès la présente année, de
commencer à acquérir de l'expérience pratique dans la
construction de composantes pour du matériel roulant d'exportation.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Est-ce que le ministre est d'accord sur le fait
qu'il y a deux projets de métro de surface? Un sur la ligne no 3
où la ligne existe déjà et pour laquelle on n'a
qu'à commander des voitures, et une sur la ligne no 6 - qui est celle du
ministre - où il n'y a ni ligne, ni voie ferrée, ni voiture. Dans
les deux cas, est-ce que le ministre n'est pas d'accord que si on prenait la
ligne no 3, ligne existante, il ne s'agirait que de commander les voitures et
dans deux ans et demi on aurait des voitures qui rouleraient sur une ligne de
métro de surface?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Clair: M. le Président, le député a tort
sur deux points. Premier point: on ne pourrait pas se contenter d'installer du
matériel roulant de type métro de surface sur la ligne de
Deux-Montagnes; il faudrait que la voie ferrée elle-même, le
système électrique, les systèmes de signalisation soient
eux aussi modifiés. D'autre part, en ce qui concerne la ligne no 6, il a
tort quand il affirme qu'il n'existe pas de voie ferrée. Au contraire,
l'un des atouts majeurs de la ligne no 6 c'est justement d'utiliser un corridor
de transport existant qui appartient au CN, qui est là pour demeurer et
sur lequel ont déjà circulé des trains de banlieue comme
il en circule encore sur la ligne de Deux-Montagnes.
Le Président: Dernière question
complémentaire, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: M. le ministre, entre la ligne no 6 et la ligne no
7, pourriez-vous donner la différence du nombre de kilomètres,
compte tenu que la ligne no 6 irait jusqu'au centre-ville, ainsi que le
coût pour les deux lignes no 6 et no 7?
Le Président: M. le ministre des Transports. (14 h 30)
M. Clair: La longueur totale de la ligne
no 6 - si ma mémoire est fidèle - est d'environ 27
kilomètres, partant de la Gare centrale et se rendant jusqu'à la
station Armand-Bombardier, dans l'Est de Montréal, alors que la ligne no
7, qui est conçue dans un tout autre concept, soit dans un concept
nord-sud plutôt qu'est-ouest, et est en partie à l'est, sans
faciliter beaucoup l'entrée au centre-ville des gens qui proviennent de
l'Est de Montréal, a une longueur de 10 kilomètres environ.
En ce qui concerne les coûts de construction du projet total, la
ligne no 6 et la ligne no 7, ils sont comparables. Maintenant, j'attire
l'attention du député sur la révision qui est en cours
actuellement des coûts de construction du métro souterrain. Tous
les experts s'entendent pour dire que, incluant le matériel roulant et
les autres systèmes afférents aux coûts de construction
d'un métro souterrain de type métro sur pneus, les coûts
sont d'environ 40 000 000 $ le kilomètre et non pas de 20 000 000 $, 25
000 000 $, 28 000 000 $ ou 32 000 000 $, comme certains l'ont laissé
entendre.
En ce qui concerne les coûts de construction d'un métro de
surface, compte tenu qu'on n'a pas besoin de construire un tunnel, c'est
évident qu'ils sont beaucoup moins élevés et se situent
entre 15 000 000 $ et 20 000 000 $ selon, encore là, ce qu'on inclut
dans les coûts de construction et d'achat du matériel roulant.
Le Président: Question principale, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, j'aurais une question pour le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Le leader
pourrait-il nous dire s'il sera ici plus tard, s'il vous plaît?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est retenu à son
domicile aujourd'hui pour cause de maladie.
Le Président: Question principale, M. le
député de Jeanne-Mance.
Le crédit d'impôt de 500 $ par
taxi
M. Bissonnet: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Finances. Je sais pertinemment que le ministre des Finances se
rappelle très bien les revendications que les propriétaires
d'autos-taxis et les chauffeurs de taxi, lui ont faites il y a environ un an.
La situation est extrêmement difficile dans l'industrie du taxi, en
particulier à cause de la taxe ascenseur; les plaques d'immatriculation
des véhicules-taxis coûtent plus cher alors que les blessures
corporelles sont moindres. Les assurances coûtent cher également.
Dans l'énoncé budgétaire que vous faisiez le 15 novembre
dernier, vous prévoyiez donner des crédits spéciaux
d'impôt aux entreprises de taxi et de transport en commun. Pourriez-vous
nous indiquer clairement, M. le ministre, en quoi consiste, en particulier dans
l'industrie du taxi, ce crédit de 500 $ par véhicule
enregistré au 31 décembre 1984? S'agit-il d'un montant que le
ministère versera directement à chaque propriétaire
d'auto-taxi ou de quelle façon ce montant sera-t-il inclus dans le
rapport d'impôt?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, à l'occasion des
déclarations d'impôt, un crédit d'impôt de 500 $ sera
alors versé au propriétaire de taxi, s'il en est lui-même
l'exploitant, mais sera transféré au locataire - parce qu'il y a
beaucoup de taxis qui sont loués - s'il dit payer l'essence
lui-même. On sait qu'il y a beaucoup de taxis qui sont loués selon
cette formule. Dans ce cas, une formule est prévue pour que le
crédit d'impôt - le montant de 500 $ - soit
transféré au locataire.
M. Bissonnet: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Selon les propriétaires de taxis, au 1er
janvier 1985, ils auront droit à un remboursement de 500 $. Ce qui veut
dire, d'après les commentaires que vous venez de faire, M. le ministre,
que quelqu'un qui fait un rapport d'impôt et qui doit payer de 200 $ aura
un crédit de 200 $ seulement. Est-ce exact?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Mais non, M. le Président. C'est un
crédit d'impôt remboursable. La formule est bien connue. Cela
vient en déduction de l'impôt à payer, ou si l'impôt
à payer est inférieur à 500 $, la différence lui
est remboursée, lui est payée.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: M. le ministre, lors de la présentation de
votre énoncé complémentaire, vous avez indiqué que
pour le système de transport en commun par autobus - le
transport interurbain - la surtaxe additionnelle de 10% est abolie
à compter du 1er janvier. Pourquoi faire deux catégories de
transport en commun, le taxi avec une prime au 31 décembre, alors que
les compagnies d'autobus ont une prime le 1er janvier? Pouvez-vous nous
expliquer pourquoi les autos-taxis ne seraient pas admissibles, à
compter du 1er janvier, à la même ristourne que les transports en
commun par autobus?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Pour des raisons rigoureusement administratives, M.
le Président. Il y a un tout petit nombre de commissions de transport en
commun au Québec, mais il y a quelque chose comme 10 000 taxis. Dans ces
conditions - je vois le député qui se lève, qu'il me
permette quand même, même si mes réponses sont
brèves, d'aller jusqu'au bout - il y a une simplicité
administrative de donner un crédit d'impôt aux taxis qui est
avantageuse pour le propriétaire ou le locataire d'un taxi, parce qu'il
n'a pas besoin de ramasser toutes ses factures et de les envoyer au
gouvernement constamment. Le gouvernement n'a pas besoin d'embaucher des
fonctionnaires pour tamponner des factures qui rentrent, alors que,
évidemment, le remboursement aux quelques commissions de transport en
commun au Québec est beaucoup plus facile quant à leur
consommation d'essence. C'est pour des raisons rigoureusement administratives.
À l'égard des taxis, je pense que ce sera infiniment plus simple
et pour le chauffeur de taxi et pour le gouvernement. Quand on peut mettre
d'accord à la fois l'utilisateur de ce genre de crédit
d'impôt et le gouvernement, je pense qu'il faut en profiter.
Le Président: Dernière question
complémentaire, M. le député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Une simple question additionnelle. Depuis 1975, au
fédéral, on remet un crédit de 0,015 $ le litre. Puisqu'on
le fait au fédéral, on pourrait le faire ici aussi; cela les
avantagerait beaucoup plus que la solution que vous leur proposez.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: C'est justement en regardant l'expérience du
fédéral à cet égard que nous avons
décidé de ne pas la suivre.
Le Président: M. le député de Nelligan.
Le renouvellement du bateau du pécheur
Jean-Paul Paradis
M. Lincoln: M. le Président, maintenant que le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est en Chambre, je
voudrais lui poser une question au sujet du cas de M. Jean-Paul Paradis, un
pêcheur de Rivière-au-Renard, qui a commencé des
négociations, en décembre 1981, pour remplacer son bateau qui a
maintenant 21 ans d'existence. Ces négociations ont
débouché sur un appel de soumissions lancé par le
sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M.
Ferdinand Ouellet, au début d'avril 1983. Deux mois plus tard, le 9 juin
1983, la soumission du plus bas soumissionnaire, le Chantier maritime
Île-aux-Coudres, fut acceptée pour une somme d'environ 679 000 $.
Le prêt fut consenti par le Comité central des prêts du
ministère le 23 juin, le même mois, et ce comité des
prêts a alloué à M. Paradis une somme de 397 000 $.
Auparavant, le fédéral avait consenti, lui aussi, un prêt
de 100 000 $.
Depuis ce temps, depuis le mois de juin, la convention de prêt
dort sur le bureau du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation et elle attend d'être signée. La soumission est
maintenant périmée et il y a déjà eu un ajout de 34
000 $ à la soumission en juillet; le montant s'élève sans
doute maintenant à 75 000 $ ou 100 000 $. La date de la construction du
bateau a été reportée de plusieurs mois.
Le Président: M. le député, votre
question.
M. Lincoln: Je voudrais demander au ministre: Qu'est-ce que vous
attendez et pourquoi n'avez-vous pas signé la convention de prêt
en juin ou juillet 1983?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Après l'annonce du programme de M. de
Bané, le 11 juillet 1983, j'ai demandé aux gens du
ministère de changer le programme pour les contrats, de sorte que les
plans soient approuvés avant plutôt qu'après les lettres
d'offre. C'est ce qui retarde actuellement l'offre qu'on doit faire à M.
Paradis.
Le Président: M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, n'est-il pas vrai qu'il y a eu quatre
appels d'offres en même temps que celui de M. Paradis? Des demandes
d'application ont été faites après celle de M. Paradis.
Entre autres, celle de M. Donald Dupuis, pour un bateau en acier, celle de M.
Joseph Meunier, pour un bateau
en bois. Cela s'est fait à la même période que celle
de M. Paradis; elles ont été signées bien avant et depuis
des mois déjà. N'est-ce pas vrai que la demande de M. Paradis a
été refusée parce qu'il est président de
Pêcheurs-Unis et que c'est une querelle personnelle que vous avez avec
Pêcheurs-Unis? N'est-ce pas vrai que vous refusez de signer cette
convention... (14 h 40)
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Lincoln: N'est-ce pas vrai que vous refusez de signer cette
convention et que vos fonctionnaires ont dit: C'est la décision du
ministre de refuser de signer cette convention pour des raisons de revanche
personnelle? N'est-ce pas vrai?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, j'ai parlé avec M.
Paradis lui-même qui m'a donné les raisons que vous mentionnez. Je
lui ai dit que cela n'était pas exact. J'ai d'ailleurs
vérifié avec les fonctionnaires qui m'ont dit qu'ils ne lui
avaient jamais donné de telles raisons. C'est exact, j'ai demandé
de changer le programme pour que les plans soient approuvés
antérieurement parce que je ne veux pas avoir d'imbroglio avec le
gouvernement fédéral où celui-ci interviendrait dans nos
décisions avec l'approbation des plans qu'il fait avec la certification
des bateaux.
Comme nos normes d'entreposage du poisson à bord des bateaux sont
plus rigoureuses que celles du gouvernement fédéral mais qu'il y
a une certification des bateaux qui se fait après la construction de
ceux-ci par le gouvernement fédéral, même lorsqu'il ne
donne pas un seul sou, je ne voulais pas que nous soyons placés dans la
situation où nous aurions refusé la cale d'entreposage pour des
questions de salubrité ou d'hygiène au point de vue de la
qualité d'entreposage du poisson et où le gouvernement aurait
certifié le bateau.
J'ai demandé immédiatement aux gens du ministère de
changer ce programme pour que les plans soient approuvés
antérieurement à la lettre d'offre et qu'il soit
spécifié dans celle-ci que la subvention sera valable si les
bateaux sont construits selon les plans qui auront été
approuvés par le ministère et qui rencontreraient nos
standards.
Le Président: M. le député de Nelligan,
question complémentaire.
M. Lincoln: N'est-ce pas vrai, M. le ministre, que le cas de MM.
Donald Dupuis et Joseph Meunier était exactement similaire à
celui de M. Paradis? En fait qu'ils avaient fait la demande après M.
Paradis? N'est-ce pas vrai aussi que vos fonctionnaires ont dit à M.
Paradis que c'est vous qui refusiez de signer sa convention pour des raisons
personnelles? N'est-ce pas vrai aussi que cela est resté sur votre
bureau pendant des mois, que le prêt était approuvé depuis
juin, que toute l'affaire du fédéral n'a rien à voir
là-dedans, que tout cela est une affaire de vengeance personnelle, de
discrimination et d'abus de pouvoir de votre part envers M. Paradis?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Vous savez que le cheminement d'un dossier de
prêt exige plusieurs mois. Que quelqu'un ait fait application avant et
que la lettre d'offre ait été prête avant ou après,
c'est très possible dans le cheminement d'un dossier qui dure plusieurs
mois.
Je veux vous dire cependant que la lettre de M. Paradis n'avait pas
été signée le 11 juillet lorsque M. de Bané a fait
sa déclaration. C'est au retour de la conférence
fédérale-provinciale, en juillet, que j'ai demandé aux
fonctionnaires de changer le programme pour qu'il n'y ait pas de chicane avec
le gouvernement fédéral parce que je soupçonnais qu'il n'y
avait pas de collaboration. D'ailleurs...
Une voix: Farceur.
M. Garon: Demandez au propriétaire du Domega s'il a eu la
collaboration qu'il aurait dû attendre du gouvernement
fédéral pour la certification d'un bateau qui a été
financée presque à 100% par le gouvernement du Québec.
M. Lincoln: M. le ministre, vous ne répondez toujours pas
à ma question. Comment expliquez-vous le cas de M. Dupuis, de M.
Meunier, et le fait que cette convention a été acceptée le
23 juin 1983? N'est-ce pas vrai que l'affaire du fédéral n'a rien
à voir là-dedans? N'avez-vous pas refusé de
répondre à une lettre du 5 octobre de M. Paradis? Tous vos
fonctionnaires, MM. Bonneau, Carbonneau, Bourget, Boudreault, Ouellet, tous
refusent de nous répondre. C'est un secret de polichinelle dans votre
ministère que c'est une affaire personnelle de rancoeur, de vengeance,
de dictateur.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, c'est à M. Boudreault
que j'ai demandé de préparer le nouveau programme. Quand j'ai
parlé au téléphone à M. Paradis je lui ai dit: II
n'est pas question que j'aie dit d'aucune façon aux
fonctionnaires de vous traiter de telle ou telle façon. J'ai
demandé de changer le programme.
Comme il avait dit que certains fonctionnaires avaient dit cela, le seul
avec qui j'avais parlé c'était M. Boudreault. Je lui ai dit:
Avez-vous dit cela? Il a dit: Non. J'ai parlé ensuite avec M. Carbonneau
en Gaspésie. J'ai dit: M. Paradis m'a appelé et apparemment vous
lui auriez dit que j'avais dit de mettre son projet sur la glace. Il m'a dit:
Non, je n'ai jamais dit cela.
Je peux vous dire que M. Paradis souffre peut-être de
persécution ou, parce qu'il est président de Pêcheurs
Unis... Comme M. de Bané veut donner 225 000 000 $ en Gaspésie,
il pourrait peut-être aider M. Paradis à construire son bateau.
Cela prendrait seulement un petit montant. Je peux vous dire que quant à
nous le programme sera changé dans son ensemble pour que...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre!
M. Garon: Quant au programme, il sera modifié dans le sens
que je vous ai mentionné pour qu'il n'y ait pas de chicane
fédérale-provinciale...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Garon: ...sur l'approbation des bateaux. C'est le
Québec qui paie et c'est le Québec qui a des normes de
qualité pour l'entreposage du poisson à bord des bateaux, c'est
le Québec qui va décider de la qualité que doit avoir la
cale d'un bateau. Que le fédéral certifie, c'est son
problème, sauf que le gouvernement qui paie a un mot à dire et
c'est le mot que nous voulons dire, pour ne pas qu'il y ait d'imbroglio.
Lorsque le programme aura été changé, M. Paradis aura sa
lettre d'offre.
Le Président: Question principale, M. le
député...
M. Bertrand: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je voudrais m'excuser auprès du ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation si, tantôt, par
l'information que j'ai donnée, j'ai laissé croire, finalement,
que...
Des voix: II est malade.
M. Bertrand: ...un mince filet de voix l'empêchait
d'être pétant de santé à l'Assemblée
nationale.
Une voix: II a confirmé....
Une voix: Très malade.
Le Président: Question principale, M. le
député...
M. Lalonde: D'accord, M. le Président.
Une voix: II est plus malade qu'on pense.
M. Lalonde: M. le Président, lorsqu'on nous a dit que le
ministre était malade, nous l'avons écouté et nous avons
constaté.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: Question principale, M. le
député de Jean-Talon suivi du député de
Chauveau.
Le rapport du comité sur la question
nationale
M. Rivest: M. le Président, ma question s'adresse au
premier ministre et elle concerne l'obtention de certaines précisions
relativement au comité dit sur la question nationale. En fin de semaine,
le ministre de l'Éducation, dans le journal La Presse, évoquait
la possibilité que le comité ne remette pas son rapport d'ici
à Noël. Or, la semaine dernière, le premier ministre a
indiqué, en cette Chambre, que le comité remettrait son rapport
d'ici à quelques semaines et qu'à la suite des travaux de ce
comité, des décisions seraient apportées dans les semaines
suivantes. C'est la déclaration du premier ministre. Qu'est-ce qui en
est exactement? Est-ce qu'il y aura un rapport de même nature que celui
qu'on a eu sur la soi-disant relance économique?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, pour
enchaîner d'abord sur ce qu'a dit le député de
Marguerite-Bourgeoys, comme disait le Dr Knock - je paraphrase quelque peu -
dans la fameuse pièce, il y a des gens qui s'imaginent bien portants qui
sont des malades qui s'ignorent. Cela peut s'appliquer...
Des voix: Ah!
Une voix: ...
Le Président: À l'ordre!
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je ne
pensais pas qu'une évocation littéraire comme celle-là
pourrait soulever une telle effervescence, mais, enfin, j'en suis fort
heureux.
Cela dit, je voudrais revenir à la question du
député de Jean-Talon. Ce que j'ai dit en Chambre, que je
répète et qui correspond très bien à ce qu'a
laissé entendre le ministre de l'Éducation, c'est qu'il y a
beaucoup de travail qui a été fait sur divers sujets qui peuvent,
jusqu'à un certain point, s'interconnecter, d'ailleurs en ce qui
concerne le travail du comité sur la question nationale, et que, le cas
échéant -je suis sûr qu'il y en aura au moins quelques-unes
- des décisions découlant de ses travaux seront très
certainement annoncées avant l'ajournement des fêtes. Je ne peux
pas aller plus loin pour l'instant, parce qu'il y a du travail à
compléter. C'est, en résumé, ce que j'ai dit et c'est ce
que je répète.
M. Rivest: M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Beaucoup de travail sur divers sujets, le cas
échéant. Qu'est-ce que ce comité-là fait au
juste?
Le Président: M. le premier ministre. M.
Lévesque (Taillon): Pardon? Une voix:
Répète.
M. Rivest: M. le premier ministre, vous dites, dans une de vos
réponses sibyllines, "beaucoup de travail, divers sujets, le cas
échéant, des décisions". Qu'est-ce que ce comité
fait au juste? D'autant plus, si vous permettez, que vous avez dit à
l'Assemblée nationale que c'était impropre de qualifier ce
comité sur la question de l'indépendance nationale alors que le
Dr Laurin, selon la Presse, ne trouve absolument pas condamnable qu'un
comité gouvernemental s'emploie à chercher les meilleurs moyens
de promouvoir l'indépendance du Québec?
Des voix: Ah!
M. Rivest: Est-ce que vous pourriez dire, effectivement, à
l'Assemblée nationale, que c'est là l'objet du comité
gouvernemental dit sur la question nationale.
Une voix: Oui ou non?
Le Président: M. le premier ministre. (14 h 50)
M. Lévesque (Taillon): Je crois, M. le Président,
que, quand certaines des décisions qui nous paraissent opportunes, une
fois le travail terminé, seront annoncées, le
député de Jean-Talon verra que, en effet, on a travaillé
sur divers sujets, ce qui n'exclut absolument pas qu'on puisse également
envisager certaines perspectives en fonction de l'option à laquelle nous
croyons, parce que nous croyons que c'est la solution pour l'avenir du
Québec, mais il est évident que, de façon
spécifique, on a travaillé sur des sujets à plus court
terme et sur lesquels, je crois, des décisions pourraient être
annoncées très bientôt.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, dernière question
additionnelle. Depuis 1974, à ma connaissance, a existé au
ministère des Affaires intergouvernementales un comité de
coordination des relations fédérales-provinciales qui conseillait
le gouvernement sur la stratégie à suivre dans les dossiers entre
le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec.
Pourquoi cet autre comité, si ce n'est - c'est l'interprétation
qu'on peut avoir et est-ce qu'on a tort? -parce que le gouvernement actuel
entend se servir du domaine des relations fédérales-provinciales
pour promouvoir la cause de la souveraineté à l'encontre de la
décision des Québécois, le 20 mai 1980?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président,
premièrement, à propos des comités aux Affaires
intergouvernementales, essentiellement, il s'agissait de comités de
fonctionnaires. Des fonctionnaires continuent d'ailleurs de travailler à
ces dossiers. Mais je crois que, sauf dans un état parfaitement
fainéant au point de vue politique, il y a aussi une contribution qui
doit être apportée par les élus politiques qui ont la
responsabilité finale. C'est une partie de la réponse.
La deuxième partie de la réponse, c'est que, comme on a
nos convictions politiques, qu'on n'a jamais caché ces convictions
politiques et que...
Si vous voulez poser des questions là-dessus pour voir si votre
ancien nouveau chef avait raison de dire des choses comme cela, que vous
répétez en perroquet, là on pourra vous répondre.
Une chose certaine, c'est que quand on a des convictions comme celles que nous
avons et qu'on est d'année en année, on pourrait dire de mois en
mois, plus convaincus que c'est, quant à nous, dans cette direction -
c'est légitime d'avoir des convictions de ce genre - que le
Québec doit aller, je crois que nous avons parfaitement le droit de
faire valoir ces convictions, et on ne s'en privera pas.
Le Président: Question principale, M. le
député de Chauveau.
Enseignants et professionnels en
disponibilité
M. Brouillet: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre de l'Éducation. Nous savons tous que, durant la
dernière ronde de négociations, un des points les plus litigieux,
lors de ces pourparlers avec en particulier des syndicats du monde de
l'éducation, c'était la menace d'un nombre effarant de mises en
disponibilité qui devaient résulter de la mise en application des
nouvelles normes dans le domaine de l'éducation. Nous savons aussi
qu'à l'époque le gouvernement avait proposé une
série de mesures de résorption, c'est-à-dire des mesures
pour permettre de faciliter la réduction des mises en
disponibilité. Les médias ou certains journaux, ce matin,
faisaient allusion à certains chiffres en ce qui concerne les mises
effectives en disponibilité et l'efficacité aussi des mesures de
résorption. La question que je pose au ministre a trois volet.
Pourrait-il dire à cette Chambre quel est le nombre exact de mises en
disponibilité comparativement à ce qui avait été
prévu ou même annoncé par certains leaders syndicaux
à l'époque? Est-ce que les mesures de résorption ont
joué vraiment leur rôle?
Une voix: Ah oui!
M. Brouillet: Le comité qui avait été
prévu pour faciliter la mise en application des mesures de
résorption, quel a été son mode de fonctionnement et
est-ce qu'il a effectivement atteint les buts et les objectifs pour lesquels il
avait été mis sur pied?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: M. le Président, en mars 1983, il y avait 2345
enseignants en disponibilité; quant aux professionnels non-enseignants,
il y en avait 306 et, quant au personnel de soutien, il y en avait 647. Il est
vrai qu'en vertu de l'augmentation de la tâche que prévoyait le
décret, on a dit, à l'époque, que ce chiffre serait
gonflé d'une façon extraordinaire. On a avancé un chiffre
jusqu'à 12 000 ou 15 000. Effectivement, en juillet, il y en avait
encore près de 6000 en disponibilité. Cependant, vous vous
rappellerez, M. le Président, que lors des négociations, le
ministère de l'Éducation et le gouvernement s'étaient
engagés à ce que le nombre de mises en disponibilité parmi
les enseignants ne dépasse pas 5000 et que le nombre de professionnels
non enseignants, le personnel de soutien serait exactement le même que
celui qui existait l'année antérieure. Je suis heureux de vous
annoncer que, grâce aux mesures que nous avons prises, le chiffre des
mises en disponibilité à tous les niveaux se révèle
maintenant très inférieur à ce qu'on avait prévu.
Bien en deçà des 5000 qu'on avait garantis comme plafond et
même presque en deçà de ce que nous avions
prévu.
Ce qui veut dire que maintenant, au moment où on se parle, il n'y
a plus que 2727 enseignants en disponibilité. Il n'y a plus que 233
professionnels non enseignants et seulement 468 membres de professionnels de
soutien. C'est là un chiffre très éloigné de la
catastrophe qu'on nous avait prédite. Pourquoi cet heureux
résultat? C'est parce que nous avons mis en place d'abord un
comité national de résorption et de relocalisation
composé, pour la moitié, des enseignants et des membres de
commissions scolaires et surtout que nous avons proposé un très
grand nombre de mesures de résorption et de relocalisation.
Le Président: M. le ministre.
M. Laurin: Par exemple, en ce qui concerne la résorption,
nous avons effectué 1667 mesures de résorption et en même
temps nous avons procédé à 1106 réaffectations
d'enseignants en disponibilité grâce aux mesures que nous avons
mises en place, c'est-à-dire mise à la retraite anticipée
sans perte de bénéfices actuariels, préretraite
également, et primes de séparation versées à
près de 1667 personnes. Cela nous a quand même coûté
100 000 000 $. Nous aboutissons à ce chiffre extraordinaire qui est
encore meilleur que celui que nous avons prévu. Je pense que c'est un
gage, une mesure...
Le Président: À quelques reprises, au cours de
votre réponse, j'ai indiqué qu'il était temps de conclure.
Je vous l'ai indiqué formellement. Malgré tout, vous avez
persisté à poursuivre votre réponse, cela fait
déjà au-delà de trois minutes, ce qui est beaucoup trop
long à mon avis. Je rappelle que si les questions sont courtes et
effectivement il y a un effort de ce côté, les réponses
également doivent être courtes. D'ailleurs, c'est le
règlement qui le dit et j'aimerais bien qu'on s'y conforme si possible
et même si ce n'est pas possible. M. le député de
Saguenay.
Le chantier de Manic 5
M. Maltais: Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie
et des Ressources. Comme vous le savez, M. le Président, le
chômage règne particulièrement sur la Côte-Nord.
Certaines rumeurs courent dans le comté, depuis quelques jours,
qu'Hydro-Québec s'apprêterait à fermer le chantier de Manic
5. J'aimerais savoir, de la part du ministre, si cette rumeur est vraie et
quels
sont les moyens qu'il entend prendre pour relancer Manie 5?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: Je suis un peu étonné de la question.
Vous parlez du chantier d'Hydro-Québec, Manie 5, puissance
additionnelle...
M. Maltais: Puissance additionnelle.
M. Duhaime: ...si c'est celui-là dont vous parlez, le
chantier est arrêté cela fait un an.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Je pense que cela fait longtemps que le ministre
n'est pas allé à Manic 5 parce qu'il y a encore 250 travailleurs
qui y travaillent. J'aimerais savoir si dans le plan de relance pour les
citoyens de la Côte-Nord il est mention que Manic 5, puissance
additionnelle, va continuer ou s'il va arrêter le 16 décembre
comme les rumeurs circulent dans le comté présentement?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, j'ai eu l'occasion de me
rendre sur la Côte-Nord à plusieurs occasions. L'an dernier, je me
rappelle très bien, nous avons pris la décision, en accord avec
Hydro-Québec, de reporter de trois ans le chantier de Manic 5 et de
l'augmenter de 790 mégawatts puissance additionnelle. Cette
décision a été prise à la lumière des
surplus de disponibilité qui existent à l'heure actuelle à
Hydro-Québec et je crois que le député est très en
retard pour soulever cette question à l'Assemblée nationale. (15
heures)
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, même si je suis en
retard; j'ai été élu le 20 juin seulement. Je demande au
ministre de confirmer aux 250 travailleurs si oui ou non, le 16
décembre, ils seront mis à pied? C'est la question. Elle est
très courte et je veux avoir une réponse.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, je répète
l'information que j'ai donnée tout à l'heure. Ceux qui oeuvrent
actuellement sur le chantier... C'est un chantier qui est en
démobilisation, je ne suis pas au courant de la date du 16
décembre. Ce n'est pas une décision nouvelle. Cette
décision a été prise l'an dernier... Lorsque nous avons
discuté du plan d'équipement d'Hydro-Québec l'an
passé, il en a également été question.
M. Fortier: Une question additionnelle.
Le Président: En complémentaire, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le ministre ce que nous voulons savoir c'est ceci:
dans les nombreuses commandes que vous avez passées à
Hydro-Québec dernièrement, avez-vous pensé aux gens de la
Côte-Nord pour leur permettre d'obtenir du travail?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, nous aurons l'occasion en
commission parlementaire, les 12 et 13 décembre qui viennent, de
discuter non seulement de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec mais
également du plan d'équipement. Le député
d'Outremont aura tout le loisir de poser toutes les questions possibles. Je dis
ceci: Sur le chantier de Manic 5, en puissance additionnelle, les
décisions remontent à un an.
Le Président: Fin de la période des questions. Les
motions non annoncées, M. le député de Prévost.
Motion proposant que l'Assemblée
appuie les recommandations du groups
d'étude sur l'industrie de l'auto
M. Robert Dean
M. Dean: M. le Président, j'aurais une motion non
annoncée, avec le consentement de l'Opposition. J'ai aussi des
problèmes de statique aujourd'hui. La motion est que l'Assemblée
nationale appuie fortement les recommandations du groupe d'étude sur
l'industrie canadienne des véhicules et des pièces d'automobile
et demande au gouvernement du Canada d'adopter lesdites recommandations dans
les plus brefs délais, en prévoyant des mécanismes qui
assureront au Québec les nouveaux investissements qui en
découleront et la possibilité de redresser le
déséquilibre historique qui le défavorise et d'obtenir un
nombre d'emplois proportionnel à sa part du marché des ventes
d'automobiles tant en ce qui concerne la fabrication de pièces que le
montage. Est-ce qu'il y a consentement?
Le Président: Est-ce qu'il y a consente-
ment à la présentation? Il y a consentement. M. le
député.
M. Dean: M. le Président, le 25 mars 1982, nous avons eu
la visite, ici, à l'Assemblée nationale des
délégués et des représentants du Syndicat des
travailleurs unis de l'automobile. À la suite de leur visite, cette
Assemblée, sur une motion du député de
Notre-Dame-de-Grâce qui a été appuyé par le parti
ministériel, avec amendement, a adopté une motion demandant au
gouvernement fédéral d'appuyer les travailleurs unis de
l'automobile dans leurs revendications d'obtenir du gouvernement
fédéral une loi sur le contenu canadien des automobiles. À
la suite de cette démarche, le gouvernement du Canada a nommé un
groupe de travail formé du président de l'Association canadienne
des fabricants de pièces d'automobile, le président de la
Société des fabricants de véhicules à moteur, les
présidents de General Motors, Ford et Chrysler du Canada, le
vice-président de Magnat International et le directeur pour le Canada et
le directeur de la recherche du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile.
Ce groupe d'étude avait pour mandat d'analyser l'évolution
actuelle et future de l'industrie et de présenter des recommandations
concrètes en vue de politiques visant à renforcer l'industrie
canadienne. Le groupe d'étude a fait ses recommandations au gouvernement
fédéral au mois de mai dernier. Le groupe recommande
essentiellement que le gouvernement adopte une nouvelle politique cadre sur le
commerce automobile étendant les principes du pacte de l'automobile de
manière à obliger tous les fabricants de véhicules qui
vendent sur le marché canadien à prendre des engagements
mandatoires, mis en oeuvre dans des délais raisonnables, comparables aux
engagements actuels des fabricants de véhicules faisant affaire au
Canada dans le cadre du pacte de l'automobile, c'est-à-dire des
engagements en vue de rapports production-vente de véhicules et une
valeur ajoutée au Canada de 60%.
A aussi suivi un autre train de mesures de ce groupe d'étude,
à savoir de permettre à l'industrie de l'automobile et au
syndicat d'améliorer le climat de relations du travail, assurer un
climat favorable aux investissements grâce aux mesures fiscales et
tarifaires, favoriser l'innovation technologique, améliorer les
capacités des ressources humaines dans l'industrie, garantir
l'évolution sans accroc des adaptations structurelles nécessaires
dans l'industrie et enfin assurer une consultation permanente et l'examen
adéquat des questions concernant l'automobile.
Dans la formulation, le groupe d'étude n'a rien recommandé
qui n'existe pas dans les pays industriels modernes qui cherchent à
développer et maintenir une industrie moderne et efficace de
l'automobile.
Je termine en disant que le groupe estime, à la suite de ces
études, qu'à défaut d'une telle loi qui est
recommandée au gouvernement du Canada, l'industrie canadienne de
l'automobile pourrait connaître d'ici à quelques années une
perte de 20 000 emplois directs dans l'industrie automobile, de 20 000 autres
emplois dans l'industrie des pièces, acier, caoutchouc, plastique,
verre, etc., avec un effet d'entraînement de 35 000 autres pertes
d'emploi.
Par contre, selon le groupe d'étude, si le gouvernement du Canada
adoptait les recommandations du groupe on pourrait espérer que tous ces
emplois soient sauvegardés et qu'on voie la création de 20 000
emplois directs dans l'industrie automobile, 20 000 emplois dans l'industrie
des pièces et 35 000 autres emplois par effet d'entraînement.
Il est sûr et certain que, malgré que le Québec
détienne 25% du marché des ventes d'automobiles - au bas mot -
depuis des années au Canada, le Québec actuellement a 8% des
emplois dans le montage et seulement 2% dans la fabrication de pièces.
Donc, il me semble que pour que le Québec puisse espérer, par de
nouveaux investissements et la création de nouveaux emplois, redresser
ce déséquilibre et faire en sorte que le nombre d'emplois et les
investissements au Québec dans cette industrie du montage et des
pièces d'automobile reflètent en quelque sorte le pourcentage des
ventes ici, au Québec, il faudra l'adoption par le gouvernement
fédéral du rapport du groupe d'étude, avec la
possibilité de créer un total de 75 000 emplois directs et
indirects.
C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que
j'espère - en ajoutant que le gouvernement du Québec a
déjà avisé les coprésidents de ce groupe
d'étude de l'appui du gouvernement du Québec à ses
recommandations - voir aujourd'hui cette Assemblée nationale à
l'unanimité adopter cette motion que je propose. Merci.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir
que l'Opposition se joint et donne son appui à la proposition qui vient
d'être faite par le député de Prévost.
L'an dernier, au mois de mars 1982, l'Opposition elle-même avait
fait une motion semblable par la voix du député de
Notre-Dame-de-Grâce. Je pense que ce n'est pas nouveau pour l'Opposition
de promouvoir le contenu québécois dans l'industrie de
l'automobile.
Je pense qu'il est important de tendre à augmenter autant que
possible les emplois dans cette industrie. Si on réussit à
augmenter le contenu québécois dans les automobiles, les autobus,
les camions, etc., bien sûr on aura créé des emplois
additionnels. (15 h 10)
Cependant, il s'agirait de savoir comment on doit s'y prendre. Certains
demandent au gouvernement fédéral de voter une loi pour obliger
les exportateurs des pays européens ou japonais d'avoir un contenu
canadien de 60% ou plus et d'autres estiment qu'on devrait plutôt
négocier avec les exportateurs d'automobiles, de camions ou d'autobus
des ententes bilatérales. Il faut bien penser que le secteur de
l'automobile n'est pas le seul avec lequel nous avons des relations avec les
pays étrangers. Si, par hasard, le Canada votait une loi
unilatérale mandatant ou obligeant un contenu canadien minimum, il y
aurait un risque de représailles de la part de ces pays sur d'autres
marchés ou d'autres secteurs. Qu'on pense, par exemple, au secteur des
pêcheries, des mines, de l'aluminium avec Pechiney où on tente
d'exporter des produits vers ces pays européens ou vers le Japon. Bien
sûr, si on ferme la porte unilatéralement dans un secteur, il y
aurait danger de représailles dans les autres. En faisant la promotion
d'emplois dans un secteur au Canada et au Québec, on pourrait susciter
la perte d'emplois dans d'autres secteurs. L'Opposition est d'accord sur le
principe. Il faudrait voir quelle est la meilleure méthode pour susciter
des emplois sans en perdre d'autres dans d'autres secteurs.
M. le Président, ce qui m'étonne dans la motion du
député de Prévost, c'est l'attitude du gouvernement du
Parti québécois à ce sujet. On se souviendra qu'en 1977,
le gouvernement du Parti québécois a eu une chance unique de
créer au Québec un grand nombre d'emplois justement dans le
secteur de la construction d'automobiles. À ce moment-là, le
gouvernement avait placé sur les marchés une commande de 1200
autobus pour l'usage des différentes compagnies de transport au
Québec. Or, deux soumissions avaient été
présentées, celle de Bombardier, une compagnie
québécoise qui voulait se lancer dans la fabrication des autobus
et qui était alliée avec un fabricant américain, American
Motors et General Motors, une compagnie entièrement américaine.
Quand les soumissions ont été ouvertes, on se rappellera que
Bombardier, sur un contrat de 92 000 000 $, avait présenté une
soumission de 7 000 000 $ plus élevée, mais que son contenu
québécois était de 57%, alors que le contenu
québécois de General Motors était de 40%. Or, en calculant
les retombées pour les sous-traitants québécois, la
différence de 17%, on en vient à la conclusion que le contrat de
Bombardier était moins cher que celui de General Motors. Bombarbier
voulait construire à Valcourt 1200 autobus. Étant donné
que le marché canadien est évalué aujourd'hui à
1000 autobus par an dont 300 à 400 au Québec, on peut
considérer les retombées énormes dont le Québec
aurait joui depuis dix ans si le gouvernement du Québec n'avait pas eu
seulement une politique de parole, mais avait joint l'acte à la parole.
On a préféré donner le contrat de 1200 autobus - ce
gouvernement qui prétend favoriser les intérêts des
Québécois - à une compagnie américaine et il y a eu
une perte d'emplois énorme au Québec.
Je voudrais simplement citer ce que le Devoir disait à ce
moment-là: "Pour réussir ce contenu de 57% qui a surpris tout le
monde et reçu, semble-t-il, l'agrément technique des experts des
commissions de transport, Bombardier a passé des mois à la
recherche des petites entreprises québécoises, bien avant que le
fameux index des manufacturiers québécois fasse son apparition."
Et on disait un peu plus loin: "La décision du cabinet semble en
porte-à-faux avec la politique d'achat du gouvernement du Québec.
En effet, cette politique vise à favoriser l'émergence ou la
croissance d'entreprises québécoises à partir du levier
que constituent les achats publics. La politique prévoit qu'on peut
tenir compte du contenu québécois des achats autant que des
avantages économiques à court terme." On disait également:
"A court terme, le Québec peut espérer dans ce contrat un gain de
7 000 000 $ et un investissement de 6 000 000 $ par GM. À long terme,
c'est la rentabilité de 60 000 000 $ d'investissements
québécois dispersés dans des régions excentriques
de la province, la survie de 400 emplois dans les Cantons de l'Est et la
création d'un vaste complexe industriel d'envergure internationale, mais
à 100% québécois. Bombarbier vend ses tramways à
Chicago, ses trains au grand réseau ferroviaire américain
Amtrack. Il est sur les rangs pour des contrats en Amérique du Sud et en
Europe, mais il n'avait pas encore réussi à se lancer dans le
marché d'autobus qui eut complété sa gamme de
véhicules de transport public, le marché qui connaît la
plus forte croissance aujourd'hui."
Je termine cette citation en disant que quelques mois auparavant,
Bombardier a perdu une commande de tramways de la Commission de transport de
Toronto, en Ontario. Bombardier était alors le plus bas soumissionnaire,
mais le gouvernement ontarien est intervenu pour obliger la compagnie de
l'Ontario à commander ses tramways d'un fabricant ontarien. À ce
moment-là, le Québec avait riposté en oubliant de donner
le contrat à Bombardier dont la soumission, d'une façon
générale,
était la plus intéressante. Nous avons un gouvernement qui
dit certaines choses mais qui agit autrement.
En ce qui concerne la présente motion visant à promouvoir
l'emploi chez nous, j'espère que le gouvernement, cette fois-ci, va
donner suite à ses belles intentions par des actes concrets. Quant
à nous, de l'Opposition, nous souscrivons à l'objectif
d'augmenter le contenu canadien des automobiles, des autobus et des camions de
toutes nos industries et nous sommes d'accord pour prier le gouvernement
canadien de prendre tous les moyens à sa disposition pour atteindre cet
objectif. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président: M. le député de Vachon. M.
David Payne
M. Payne: Merci, M. le Président. Le député
de Laporte devrait faire attention, j'étais de passage à Ottawa
vendredi pour revendiquer un certain contenu canadien.
Des voix: Cela a paru! M. Houde: On a vu celai
M. Payne: Lorsque j'ai fait cette renvendication auprès du
ministre Ouellet, il m'a traité de séparatiste. Vous devez faire
bien attention avant de voter. Pour bon nombre de travailleurs, les mots
"contenu canadien" évoquent un certain sentiment d'amertume. Je
m'explique: II y a une couple de mois, Carrosserie Fleet de Saint-Hubert a
soumissionné auprès de Postes Canada pour 225 unités de
camions. Le contrat a été accordé, il y a à peine
quatre jours, à General Motors Canada, ce qui explique la raison de mon
voyage à Ottawa avec les travailleurs de chez nous. Jusqu'ici, c'est
parfait, tout le monde devrait être fier de l'octroi de ce contrat.
Mais ceux qui voudraient regarder de plus près ou ceux qui
connaissent très bien l'industrie de l'automobile, l'industrie des
carrosseries et des boîtes de camion vont constater immédiatement
que le châssis vient exclusivement des États-Unis pour General
Motors. Postes Canada ont accordé le contrat des carrosseries à
General Motors: le contrat a été donné à une
compagnie qui s'appelle Grunman Aircraft des États-Unis. Cela
représente une grande proportion de 0% canadien, mais ce n'est pas tout.
La compagnie de Saint-Hubert, Québec Canada, a soumissionné pour
un montant moindre et favorable aux contribuables canadiens de 99 280 $;
c'était la plus basse soumission et, malgré cela, le contrat a
été accordé à General Motors qui, par la suite, a
acheté des États-Unis. La compagnie canadienne de Vachon avait
garanti 60% de contenu canadien. Nous risquons, dans Saint-Hubert, seulement
à cause de cela, de perdre 120 emplois.
Une autre chose révèle beaucoup de vérités.
Le ministre Ouellet a refusé jusqu'à maintenant - le sens de
cette motion pourrait peut-être encourager M. Ouellet à changer
d'idée - de rendre publiques les soumissions. Je trouve cela
scandaleux.
In conclusion, I just would like to say: Who is looking after Canadian
and "québécois" jobs when Canada Post, a crown corporation, puts
out tenders throughout Canada and accords the contract to General Motors?
General Motors following upon that subcontracts out to the US, to Grunman
Aircraft, for the body and the chassis from GM America, Detroit, and at the
same time that we, in Vachon, have a product which is made in Canada, by
Canadians and that is sent out and refused by Canada Post. That means briefly
that we lose 99 000 $ for the Canadian taxpayer first of all and, secondly, we
lose 120 jobs in Canada, in Québec. That is the policy and that is the
sense of the motion. (15 h 20)
C'est pour cette raison, M. le Président, que je l'appuie sans
condition.
Le Président: M. le député de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: Très brièvement, M. le
Président, afin de ne pas prolonger le débat indûment. De
notre part on appuie certainement l'initiative du député de
Prévost, faite au nom des Travailleurs unis de l'automobile qui ont
porté cette démarche devant le ministre fédéral
pour justement augmenter le contenu local dans les importations.
En fait, moi, qui suis le porte-parole du Parti libéral pour le
commerce extérieur, j'ai toujours prôné le fait qu'on mette
beaucoup plus d'accent et d'importance sur toute la question de l'importation
au Canada. Les importations, si on s'en sert de façon raisonnable, au
lieu d'être des importations de marchandise brute, devraient d'abord
être créatrices d'emplois et un moyen de faire un transfert
technologique dans notre milieu. Si, justement, on pouvait imposer aux
importateurs une proportion importante de contenu canadien, à ce
moment-là on pourrait provoquer une création d'emplois et, en
même temps, un transfert technologique important.
Il est indéniable que les produits de l'extérieur ont une
influence immense sur l'amélioration de notre technologie locale et
nord-américaine. En ce sens, on pourrait profiter de ces importations en
les améliorant, en y ajoutant une valeur locale. Dans ce sens, nous nous
associons tout à fait
à toute démarche qui voudrait aller dans le sens de rendre
nos importations réellement une créature du commerce
international dans son sens le plus large.
Tout en m'associant tout à fait à la démarche du
député de Prévost, je refuse d'entrer dans toute une
affaire contre General Motors. Je trouve qu'on entre dans un débat qui
n'est pas dans le cadre de ce qu'on veut faire ici. Je recommande au
député de Vachon d'aller s'adresser à son futur ministre
fédéral à Ottawa, le chef du Parti nationaliste qui pourra
régler cette petite question-là pour lui.
Le Président: M. le député de Groulx. M.
Elie Fallu
M. Fallu: M. le Président, je voudrais que nous soyons
bien clairs lorsque nous appuyons cette motion. Il ne s'agit pas d'imposer aux
gens quelque modèle de voiture que ce soit, ou de les restreindre dans
leur achat ou de restreindre l'importation de quelque façon. Ce que nous
voulons c'est créer des emplois au Canada et au Québec. Ce que
nous voulons c'est que les pièces soient fabriquées ici pour la
valeur pour laquelle nous achetons les voitures à l'étranger ou
encore que du montage soit fait dans des usines situées chez nous pour
l'équivalent en valeur des importations que nous faisons.
La démarche que nous proposons au gouvernement
fédéral n'est pas nouvelle puisque déjà un grand
nombre de pays ont des politiques semblables. Pourrait-on se souvenir, pour le
député de Laporte qui n'a pas l'air de connaître le
dossier, que dans un très grand nombre de pays, des mesures
législatives sont prises pour contrôler l'importation? Peut-on lui
dire qu'en Italie, les importations d'automobiles japonaises sont
limitées à 2000 par année, c'est-à-dire 0,2% du
marché italien? qu'en France c'est limité à 3% du
marché, en Grande-Bretagne à 10%, en Allemagne à 10%?
Qu'en Espagne les droits de douane sont de 50% sur les voitures
importées et qu'il y a des lois sur le contenu qui limitent les
importations? Il en va de même au Mexique, en Australie et dans presque
tous les pays.
Il n'y a qu'un pays qui n'en est pas un: le Canada, qui n'a pas encore
pris des mesures pour faire en sorte que nous n'exportions pas
systématiquement notre main-d'oeuvre et nos fonds.
Quant à nous, entre-temps au Québec, nous avons
tâché, par les faibles moyens dont nous disposions, de prendre un
certain nombre de mesures pour faire en sorte que les conditions soient
réalisées afin que le travail se fasse chez nous. Souvenons-nous
du Salon de la sous-traitance du véhicule moteur 1983 que nous avons
tenu en inaugurant le
Palais des congrès, au mois de juin, avec l'accord des syndicats
et des constructeurs. Nous sommes en train de mettre sur pied le centre
ordinique, à Lionel-Groulx, le bassin naturel de l'industrie de
l'automobile au Québec, pour former la main-d'oeuvre, recycler les
travailleurs et fournir à l'industrie des outils de recherche et
d'application pour relancer le marché sur les voies du virage
technologique. Souvenons-nous de la politique d'achat du gouvernement du
Québec qui, incidemment... Souvenons-nous que - ce que n'a pas dit, tout
à l'heure, le député de Laporte - GM, en contrepartie, a
fermé son usine en Ontario, est venue l'installer chez nous...
Une voix: ...
M. Fallu: ...et a construit non seulement le montage, mais fait
faire de nombreuses pièces à un minimum de 41% de sous-traitance
chez nous. Qui dit mieux?
M. le Président, en terminant, je voudrais, depuis
l'Assemblée nationale et à l'unanimité de la Chambre,
lancer une invitation à tous nos concitoyens et concitoyennes du
Québec, municipalités en tête, pour qu'ils appuient
nommément -chaque individu et chaque municipalité - la
revendication qui est faite très justement par les Travailleurs unis de
l'automobile. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, il me fait plaisir d'appuyer
cette motion qui, dans son essence même, demande au gouvernement
fédéral d'intervenir pour que les importateurs de voitures
augmentent l'emploi chez nous. Je crois que c'est l'essentiel de la motion et
cela rallie notre enthousiasme et notre appui.
Nous avons entendu plusieurs députés de ce
côté-ci de la Chambre; nous avons également entendu des
députés que je qualifierais, sans vouloir les diminuer,
d'arrière-ban et quelques adjoints parlementaires. Ce qui nous aurait
intéressés, cela aurait été d'entendre les
ministres, le ministre du Commerce extérieur, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Mais où sont ces
gens-là? Qu'est-ce que fait le gouvernement? C'est cela que les
Québécois veulent savoir. C'est bien beau de faire adopter une
motion autour de laquelle les députés se rallient pour demander
qu'il y ait de la création d'emplois et pour demander aux importateurs
de voitures de faire prendre des mesures qui feraient que plus de voitures
soient construites ici même, mais ce qui importe,
finalement, c'est: Qu'est-ce que le gouvernement du Québec a
fait?
Nous souscrivons à cette motion, mais, encore une fois, nous
demandons au ministre du Commerce extérieur et au ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de nous dire ce qu'ils font dans ce
dossier et ce qu'ils font pour les Québécois.
Le Président: M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Pierre de Bellefeuille
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
dire quelques mots à l'appui de cette motion de mon collègue, le
député de Prévost, pour expliquer qu'il est un peu
étonnant que nous, législateurs, qui avons le pouvoir d'adopter
des lois et le pouvoir de légiférer, en soyons réduits
à demander à d'autres d'adopter une loi.
Une voix: On n'est pas indépendants.
M. de Bellefeuille: Justement, comme vient de le dire un
député d'en face, un député libéral, le
Québec n'est pas indépendant. C'est
précisément...
Une voix: ...
M. de Bellefeuille: Je constate avec joie que le
député de Jeanne-Mance a compris que la souveraineté du
Québec nous permettrait d'adopter nous-mêmes ce genre de lois,
plutôt que d'être dans la situation où nous devons demander
à un autre lieu, à une autre instance, à un autre
Parlement d'adopter une loi dont nous avons besoin. Nous pourrions adopter
nous-mêmes cette loi si le Québec était parvenu à la
souveraineté.
J'appuie cette motion, M. le Président, parce que si jamais le
Parlement fédéral entend notre voix et les nombreuses autres voix
qui réclament cette loi, nous pourrons commencer une autre bataille qui
consistera à chercher à obtenir la part du Québec de cette
industrialisation canadienne que nous souhaitons. C'est la première
étape, il faut d'abord la franchir et, par conséquent, j'appuie
cette motion.
Le Président: M. le député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je suis d'autant plus heureux
d'intervenir sur cette motion que de nombreux travailleurs du comté
d'Argenteuil ont l'avantage de travailler à l'usine de Boisbriand de la
General Motors accomplissent un excellent travail. À cette occasion, je
salue de manière particulière les nombreux dirigeants syndicaux
de cette usine de la General
Motors qui sont dans les galeries à l'heure actuelle.
Je voudrais tout d'abord déplorer "l'excursus" que vient de faire
le député de Deux-Montagnes. Je ne pense pas que nous ayons
avantage, à ce stade-ci, à mêler la question de
l'indépendance ou de l'option constitutionnelle à la discussion
que nous avons. Si on voulait discuter du problème dans cette optique,
qui peut se discuter dans d'autres circonstances, il faudrait accepter de
prendre tout l'ensemble du dossier, il faudrait prendre le dossier de Bell
Helicopter, par exemple, et se demander si Bell Helicopter viendrait atterrir
à côté de l'usine de General Motors, à Boisbriand,
si nous étions dans une république séparée. Et je
pense que cela nous conduirait tellement loin, que cela nous éloignerait
de notre discussion d'aujourd'hui. Je serais prêt à faire le
débat avec mon ami, le député de Deux-Montagnes, en
d'autres circonstances, mais il me semble qu'aujourd'hui, ce n'est pas opportun
d'aller dans cette direction.
Ce qu'on nous demande aujourd'hui -j'en viens au point que nous soumet
la motion - c'est d'accorder notre appui à une démarche qui
serait faite en notre nom à tous auprès des autorités
fédérales afin d'inviter celles-ci à veiller à ce
qu'un contenu canadien plus grand soit exigé pour les véhicules
qui sont vendus sur les marchés canadiens. C'est une proposition
très intéressante. A priori, je comprends très bien le
député de Laporte d'avoir certaines interrogations, parce que les
mesures de protectionnisme en matière de commerce international sont des
mesures que tous les pays cherchent à faire reculer,
théoriquement, mais en pratique, nous savons tous que chaque pays
pratique le protectionnisme dans une mesure plus ou moins grande, et ce qu'on
doit souligner fermement, c'est que le Canada, dans ce domaine, a toujours
été plus généreux que tous les autres pays, y
compris les États-Unis et le Japon dont il est particulièrement
question dans le débat d'aujourd'hui.
Si on demande au gouvernement canadien de veiller un peu plus aux
intérêts des Canadiens, y compris évidemment des
Québécois, en mesure de politique d'exigence concernant le
contenu canadien des véhicules automobiles vendus au Québec et au
Canada, je pense que nous présentons une proposition très
raisonnable, très modeste, très réaliste et qui ne va pas
du tout dans le sens contraire des normes de bonne conduite observées
sur le plan international. Dans ce sens, et pourvu qu'on reste dans des mesures
raisonnables, qu'on n'aille pas s'embarquer dans des politiques qui ne tiennent
pas debout - je ne pense pas qu'il en soit question du tout - je pense que nous
avons tout intérêt à appuyer les gens qui nous ont
posé le problème que nous discutons
actuellement.
Je voudrais souligner une autre chose. Je pense d'ailleurs que plusieurs
d'entre nous étions ensemble à l'usine de General Motors. Le
député de Prévost était là. Je ne sais pas
si, quand les députés de la région ont visité
l'usine de General Motors récemment, le député de
Deux-Montagnes était là, à l'occasion de la journée
ouverte qu'elle a faite. Nous nous sommes rencontrés. Le
député de Terrebonne y était également...
Une voix: Le député de Groulx.
M. Ryan: Excusez-moi, le député de Groulx. Nous
avons fait une excellente visite de l'usine. Nous avons causé avec les
dirigeants de l'entreprise, les responsables syndicaux, les travailleurs, des
fournisseurs également qui étaient sur les lieux. Je pense qu'il
y a des choses que je dois souligner à propos de cette usine de General
Motors à Boisbriand.
D'abord, j'ai appris avec plaisir - je pense qu'on l'a dit tantôt,
mais je suis heureux de le confirmer sur la base de ce que j'ai appris - que
c'est l'une des filiales de la General Motors qui a les plus hautes normes de
productivité dans toute l'Amérique du Nord. Par
conséquent, de ce point de vue, nous avons raison d'être fiers de
la main-d'oeuvre, des travailleurs de l'entreprise et de la gérance
également qui, ensemble, ont fait en sorte que cette usine a fait la
preuve de manière claire que le Québec est capable de se situer
au premier rang dans l'industrie automobile, comme dans les autres secteurs de
l'industrie manufacturière.
Deuxièmement, j'ai constaté à Boisbriand que les
rapports entre les syndicats et la gestion sont excellents. On a pu le voir sur
les lieux. M. Ducharme, qui est ici, nous a fait un discours assez
emporté ce matin-là, mais constructif, très constructif.
On nous a dit de part et d'autre qu'on avait des relations souvent vigoureuses,
comme on dit, mais toujours empreintes de franchise, de respect mutuel et que
ces relations, l'acceptation mutuelle par les deux parties l'une de l'autre,
ont permis d'établir un climat de travail qui est sain. J'ai pu le
constater en circulant dans l'usine, en causant avec des douzaines de
travailleurs qu'il existe dans cette entreprise un climat sain. On a tellement
parlé de l'impact du climat de relations ouvrières sur la
productivité et la santé de l'économie que cela vaut la
peine de signaler cet exemple.
Il y a un troisième point qui est important. Il y a
déjà de nombreuses années qu'on travaille en
français, à General Motors de Boisbriand. Cela n'a pas du tout
empêché cette usine de réaliser les hautes normes de
productivité dont nous avons parlé. Par conséquent, je
pense que nous avons un exemple ici qui est très intéressant, qui
nous donne des raisons d'y aller avec détermination et fermeté
dans la démarche qui nous est proposée à tous
auprès de l'autorité fédérale.
Je ne voudrais pas qu'on se scandalise outre mesure de ce qu'on est
obligé, en vertu de l'ordre constitutionnel qui nous régit, de
nous adresser à l'autorité fédérale. Je pense qu'il
y a des domaines qui ont été conférés à
l'autorité fédérale sous notre constitution. Il est normal
que nous nous adressions à celle-ci. Si nous étions dans l'Europe
du Marché commun, il faudrait aller voir également
l'autorité de la communauté des dix maintenant pour obtenir
l'autorisation de faire certaines choses ou même obtenir que certaines
politiques soient implantées. Tant que le régime demeure ce qu'il
est, et cela a été confirmé il n'y a pas tellement
longtemps, je pense qu'il faut y aller sans trop de récriminations,
surtout sans toujours prêter de motifs ou d'intentions à l'autre
partenaire, en nous rappelant que c'est très difficile également
parce que pour nous, c'est facile d'appuyer une démarche qui porte sur
un point particulier de la politique tarifaire ou de la politique de commerce
international du Canada et nous devons accepter que ces politiques soient
examinées dans toutes leurs dimensions et dans la répercussion de
l'une des dimensions sur les autres.
Dans ce sens, je voudrais demander au gouvernement, en terminant, de
veiller avec un soin particulier - de faire rapport peut-être à la
Chambre à ce sujet plus souvent -sur ce qui se passe en matière
de mise au point et d'application de la politique canadienne en matière
d'échanges commerciaux internationaux. Je ne me souviens pas que nous
ayons jamais eu un rapport objectif et complet de démarches faites par
notre gouvernement. Il faut vraiment défendre nos intérêts
là-dedans et j'ai hâte que le ministre du Commerce
extérieur vienne un jour nous soumettre un rapport factuel, pas des
revendications partielles ou partiales, un rapport factuel, toutes les
démarches qui auraient été faites, les résultats
qui auraient été obtenus ou qui n'auraient pas été
obtenus de manière qu'ensemble nous puissions appuyer de nouveau des
démarches comme celle qui nous est soumise aujourd'hui non seulement
dans le domaine de l'industrie automobile, mais dans beaucoup d'autres
où la vigilance du Québec pour la défense de ses
intérêts s'impose et où le gouvernement du Québec et
l'Assemblée nationale du Québec ont des responsabilités
politiques sinon toujours constitutionnelles. Merci.
Le Président: En réplique, M. le
député
de Prévost.
M. Robert Dean (réplique)
M. Dean: D'abord, je suis très heureux de cette
unanimité de l'Assemblée nationale sur cette motion et je suis
d'accord avec bien des remarques qui ont été faites par les
députés des deux côtés de la Chambre. C'est une
indication d'être bref dans sa réplique. J'essaierai de
m'exécuter sauf que je voudrais relever deux points seulement. En ce qui
regarde les autobus - la question posée par le député de
Laporte - General Motors ou Bombardier, il s'agit d'abord de savoir que General
Motors était le plus bas soumissionnaire. Donc, nous avons
respecté les règles normales de concurrence internationale et
cela aurait été très difficile pour le Québec
d'accorder un contrat à un soumissionnaire qui n'était pas le
plus bas soumissionnaire et, quelques années après, essayer de
défendre le même Bombardier auprès de la ville de New York,
alors que Bombardier était le plus bas soumissionnaire. On ne peut pas
donner à un ce qu'on n'est pas prêt à donner à
l'autre.
Deuxièmement, pour ceux qui connaissent un peu l'industrie
automobile, que ce soit Bombardier avec une alliance avec AM General qui
était une division d'American Motors ou avec General Motors, les
pièces importantes d'un véhicule automobile viennent en bonne
partie des États-Unis: les moteurs, les transmissions, etc. Il n'y a pas
d'usines de moteurs d'automobiles au Québec. Il n'y a pas d'usine de
transmission au Québec. Quand on parle de contenu
québécois, de toute façon, c'est une question relative.
(15 h 40)
Pour ce qui est de l'usine de General Motors à Saint-Eustache,
General Motors a non seulement fabriqué au Québec les 1200
autobus pour les différentes communautés urbaines du
Québec, mais a également développé un marché
d'exportation tant dans les autres provinces canadiennes qu'aux
États-Unis. Alors, ce sont des produits fabriqués au
Québec qui sont expédiés à l'extérieur.
On nous a posé la question: Qu'est-ce que le gouvernement fait
pour inciter les entreprises de l'automobile à venir au Québec?
Je dirais qu'on fait ce que tous les gouvernements ont fait, y compris le
gouvernement qui nous a précédés. Je ne pense pas me
tromper si je vous dis que le chef de l'Opposition en cette Chambre, le
député de Bonaventure - à moins que je ne me trompe
était ministre de l'Industrie et du Commerce lors de la décision
de General Motors de s'implanter au Québec. Je dis: Bravo. Mais, je
souligne, M. le Président, que malgré ses efforts, la même
année, soit en 1964, 1965 ou 1966, Ford du Canada aussi a
implanté au Canada une deuxième usine de montage, qui aurait pu
s'établir au Québec, mais qui s'est jointe à la
première usine de Ford en Ontario.
Donc, le gouvernement du Québec actuel, dans le contexte actuel,
fait exactement la même chose que les gouvernements qui l'ont
précédé, y compris les gouvernements de nos amis d'en
face, pour essayer de convaincre les entreprises de l'automobile de s'implanter
au Québec, mais avec à peu près les mêmes
résultats. Nous faisons des progrès, mais de petits
progrès.
Tenant toujours compte de cette réalité actuelle que les
politiques commerciales sont sous la gouverne du gouvernement
fédéral, la nécessité de cette résolution
est dictée par le fait - comme je l'ai dit tantôt, et je termine
là-dessus - que si on veut espérer créer d'autres emplois
au Québec dans les années à venir dans l'industrie de
l'automobile, il faut absolument que le gouvernement fédéral
accepte la demande des Travailleurs unis de l'automobile et les recommandations
de ce groupe d'étude formé de représentants patronaux et
syndicaux de l'industrie au Canada. Une fois qu'on aura cette garantie de
création future d'emplois, on va faire notre possible et plus que notre
possible pour qu'une bonne part de ces nouveaux investissements s'effectuent au
Québec pour créer des emplois payants, durables et permanents
pour les Québécois et les Québécoises. Merci, M. le
Président.
Le Président: La motion du député de
Prévost est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Mont-Royal.
Bienvenue aux Amérindiens et aux Inuits
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, aujourd'hui, demain et jeudi
l'Assemblée nationale a le grand privilège d'accueillir les
nations amérindiennes et inuites au Québec en commission
parlementaire. Alors je propose que cette Assemblée, tout en souhaitant
la bienvenue aux nations amérindiennes et inuites, leur témoigne
le respect de leurs traditions et de leurs cultures et la reconnaissance de nos
obligations envers elles.
Si vous me le permettez, M. le Président, dans le language de la
nation des Cris: Ne-me-ye-ten che-je-wadjehm-gaw eyou nooch. I am pleased to
welcome the Native People today. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue au
peuple autochtone aujourd'hui.
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, je me joins à mon
collègue de Mont-Royal. Tout comme lui, durant ces trois jours, nous
aurons à entendre ces revendications. Je suis heureux de souligner
également qu'on nous a dit ce matin que c'était le
vingtième anniversaire des relations intensives avec le peuple
amérindien. J'ose espérer que ce vingtième anniversaire
portera ses fruits.
Le Président: La motion de M. le député de
Mont-Royal est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, j'aimerais requérir le
consentement unanime de l'Assemblée pour présenter la motion non
annoncée suivante: "Que cette Assemblée fournisse au premier
ministre l'occasion d'expliquer pourquoi exactement 83 personnes sont venues
à ce qui se voulait une grande fête populaire organisée
pour célébrer le quinzième anniversaire de la fondation du
Parti québécois à Longueuil, comté de Taillon,
hier.
Le Président: Y a-t-il consentement?
Des voix: Non!
Le Président: Non? Il n'y a pas de consentement.
Pardon?
Une voix: ...dans Taillon?
Le Président: Ah! Très clairement.
Aux avis à la Chambre. M. le leader du gouvernement. Oh! je
m'excuse. Y a-t-il des questions en vertu de l'article 34?
M. Polak: En vertu de l'article 34.
Recours à l'article 34
Le Président: Oui, en vertu de l'article 34, M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, j'ai une question au leader
parlementaire concernant la séance de la commission des engagements
financiers qui a été fixée par notre commission
elle-même le 27 octobre. On a convenu de l'avoir le 24 novembre. Hier,
j'ai reçu une lettre m'informant que c'était annulé. Le
leader parlementaire écoute-t-il ce que je dis? J'ai donc dit que j'ai
reçu une lettre hier, à savoir qu'on avait annulé la
réunion du 24 novembre. Je n'accepte pas cette annulation. On est venu
ici pour travailler.
On veut que la commission siège. Vous avez cinq ministres...
Le Président: M. le député! M. le
député, nous sommes aux questions sur les travaux de la Chambre
et ces questions ne peuvent pas faire l'objet d'argumentation. Donc, votre
question.
M. Polak: M. le Président, j'ai au moins, finalement,
l'attention du leader parlementaire. Je voudrais donc savoir quel ministre -
sur les cinq ministres qui font partie du Conseil du trésor - sera
présent le 24 novembre à la commission des engagements
financiers, laquelle commission, en vertu de l'article 135a, a le droit de
fixer la date de ses séances.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je vais sortir ma 22, M. le Président, et je
vais tirer cela au clair.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, je pense que
l'Assemblée nationale et le député qui vient de poser la
question en vertu de l'article 34 ont droit à une attitude
différente du leader du gouvernement. J'aimerais qu'il puisse nous dire
quand et quel ministre sera là, dans les meilleurs délais.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: C'est exactement ce que j'ai dit, M. le
Président. En fait, je ne demande pas mieux que d'être
informé. Il semblerait qu'il y a une lettre qui a été
envoyée hier aux membres de la commission les informant qu'effectivement
elle ne siégerait pas. Je vais donc aller aux informations et,
dès que je les aurai, je les transmettrai au député de
Sainte-Anne.
Le Président: M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, peut-être que le leader
du gouvernement ne connaît pas le système des engagements
financiers. Nous fixons nos propres dates. On n'a pas besoin de vous. Donc, je
demande simplement: La lettre qu'on a eue de la part de notre secrétaire
qui dit que la réunion est annulée, cela vient de qui? C'est le
cas de cette lettre-là. J'ai appelé immédiatement M.
Nadeau, notre secrétaire, qui m'a dit: Demandez cela à
l'Assemblée nationale.
Donc, nous sommes prêts à siéger. Je
répète ma question. On siège jeudi. On veut venir ici.
Lequel des cinq ministres veut venir pour répondre aux questions?
Le Président: M. le député! M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, si j'ai bien compris -
j'aimerais adresser une autre question au leader du gouvernement avant qu'il ne
nous quitte - le leader, on aura la réponse dans les meilleurs
délais.
Nous avons, avant le régime de fin de session au mois de
décembre, deux mercredis où une motion de député,
c'est-à-dire de l'Opposition, peut être discutée.
Après certains échanges avec le leader du gouvernement, nous
avons tiré la conclusion suivante: c'est qu'on fera une motion demain
qui est d'ailleurs au feuilleton, en appendice, au nom de Mme Lavoie-Roux - et
que, la dernier mercredi de novembre disponible, il y aura une autre motion. Je
voudrais demander au leader du gouvernement, en vertu de l'article 34, qui
concerne l'organisation de nos travaux, si c'est bien la façon dont il
entend que les choses soient faites et s'il consent que cela devienne un ordre
de la Chambre. À ce moment-là, on saura qu'il y aura un vote le
jour même, le mercredi après-midi, ou le lendemain et qu'on aura
donc deux motions séparées avec vote dans chaque cas. Comme c'est
une exception aux dispositions du règlement, s'il y consent, il y aurait
peut-être lieu d'en faire un ordre de la Chambre. (15 h 50)
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Sur le premier aspect, relativement à la
commission des engagements financiers, je pense que la lettre que le
député de Sainte-Anne a dans les mains est signée par le
secrétaire des commissions parlementaires.
Une voix: Non, de cette commission-là.
M. Bertrand: De cette commission parlementaire?
Une voix: C'est cela.
M. Polak: Excusez-moi, M. le Président, mais est-ce que je
peux répondre?
Le Président: M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: La lettre porte la signature du secrétaire de la
commission des engagements financiers.
M. Bertrand: C'est ce que je dis!
M. Polak: II n'est pas le secrétaire de cette commission
seulement, je n'ai jamais été consulté, moi.
M. Bertrand: C'est ce que j'ai dit. Une voix: C'est bien
gentil.
M. Polak: Donc, cette commission fixe ses propres dates. On a
fixé la date le 27 octobre. On a décidé de notre agenda
devant tout le monde, y inclus les membres de l'Opposition. On a convenu du 24
novembre, si possible, le quatrième jeudi du mois. On a
déjà vu trois ministres; la dernière fois, c'était
le ministre Gendron. On a eu Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine, le président du Conseil du
trésor, etc. Il y en a cinq, vous pourrez choisir; nous n'aurons pas
peur de poser nos questions à qui que ce soit, mais nous voulons poser
nos questions régulières du mois.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: Le député de Sainte-Anne veut laisser
croire, par la lecture qu'il a faite de la lettre, que c'est le bureau du
leader du gouvernement qui aurait pris la décision que cette commission
n'aurait pas lieu.
Une voix: Qui a pris la décision, qui?
M. Bertrand: Comme il l'a dit lui-même, la commission est
maîtresse de ses travaux; comme la lettre est signée par le
secrétaire de la commission des engagements financiers, que voulez-vous
de plus? Cela provient de la commission elle-même.
Des voix: Non.
M. Bertrand: Vous me posez la question comme leader du
gouvernement et, même si je n'ai pas à décréter la
tenue de cette commission, je vais m'enquérir auprès de son
secrétaire pour savoir exactement, d'abord, comment il se fait que cette
lettre ait été transmise et, ensuite, ce que la commission entend
faire à la suite de l'avis transmis par le secrétaire.
Ce que je veux dire au député, c'est que je n'ai rien
à voir avec cette lettre signée par le secrétaire de la
commission. Je veux qu'on le sache bien.
M. Champagne: M. le Président, question de
règlement, s'il vous plaît!
M. Polak: M. le Président, ce n'est pas la première
fois que cela arrive.
Le Président: Si vous me le permettez, je vous
suggère, puisque nous ne sommes pas
encore rendus au 24 novembre et comme nous débordons
singulièrement le cadre de ce qui est prévu à l'article
34, que de part et d'autre - je crois comprendre que le député de
Mille-Îles aussi a des observations à faire sur le sujet - vous
vous concertiez et que la réponse soit apportée demain. Sans
cela, nous allons avoir ici même, sur le parquet de la Chambre, une
discussion qui n'a pas sa place. M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Lalonde: Compte tenu des explications du leader du
gouvernement, je comprends que cela ne relève pas de son bureau, mais je
lui formule une demande de directive. Comment le secrétaire d'une
commission - et on me confirme que ce n'est pas du personnel qui relève
de l'Assemblée nationale, de vos services - peut-il changer les
décisions de la commission? Cela regarde les travaux de la Chambre car
cette commission n'a pas une vie séparée de la nôtre, elle
est quand même soumise au règlement. Comment un secrétaire
de commission peut-il donner un avis aux membres? Si l'Assemblée
n'intervient pas, le 24 novembre, il n'y aura pas de réunion, si on en
croit l'avis qui a été envoyé aux membres. Or, cette
commission est maîtresse de ses travaux, elle a le droit de
décider et, semble-t-il, elle aurait décidé de
siéger le 24 novembre. Seriez-vous assez gentil pour nous donner les
directives concernant le fonctionnement de cette commission
désormais?
M. Champagne: M. le Président, question de
règlement, s'il vous plaît.
Le Président: M. le député de
Mille-Îles.
M. Champagne: Je suis membre de cette commission et je ne
comprends pas pourquoi le député de Sainte-Anne pose cette
question ici, en Chambre. En effet, la commission des engagements financiers
est autonome et décrète elle-même l'horaire de ses
séances. Je ne vois pas pourquoi le député de Sainte-Anne
en parle ici.
M. Polak: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le député, quand le
président est debout, vous devez reprendre votre place. Je comprends que
la commission des engagements financiers est maîtresse de ses travaux.
Son secrétaire ne relève pas du Secrétariat des
commissions, donc, pas de l'Assemblée nationale mais bel et bien de
cette commission. C'est une situation hybride à l'heure actuelle que la
réforme parlementaire viendra sans doute corriger, M. le leader de
l'Opposition. Si la commission n'a pas donné de directive à son
secrétaire, j'avoue que j'ignore complètement qui a donné
la directive au secrétaire en question, d'autant qu'il ne relève
pas de l'Assemblée nationale.
M. Polak: M. le Président.
Le Président: Oui, M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: En vertu de l'article 34, j'ai le droit de demander des
renseignements sur les travaux de l'Assemblée. J'imagine que le travail
de la commission des engagements financiers en est un de l'Assemblée,
même si le député de Mille-Îles ne semble pas le
trouver très sérieux. La commission fixe les dates. Ce n'est pas
la première fois que ce problème se pose. On a eu ce
problème il y a quelques mois et je me rappelle très bien
qu'à ce moment-là, le leader du gouvernement a
réglé le problème. Il est même parti pour trouver un
ministre en remplacement. C'était exactement le même
problème et il n'a pas nié avoir juridiction. Donc en vertu de
l'article 34 je dis poliment que nous voulons siéger. Nous n'avons
jamais été consultés pour changer la date. Je suis devant
l'Assemblée nationale et je demande des instructions. On veut
siéger, qu'il se trouve un ministre parmi les cinq. Ce n'est pas
moi...
Le Président: Tout le monde prend bonne note de votre
demande, M. le député de Sainte-Anne. J'imagine que dans la
mesure où il peut y remédier, le leader du gouvernement y
apportera réponse dans les meilleurs délais.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Est-ce que ma demande de directive est accueillie ou
si vous ne croyez pas qu'elle soit de votre ressort?
Deuxièmement j'aimerais que le leader réponde à la
deuxième partie de ma demande.
Le Président: Si j'ai bien compris, votre demande de
directive portait sur de qui relève le secrétaire de la
commission. J'ai répondu tantôt, l'avant dernière fois
où j'ai dû me lever sur cette question, que le secrétaire
de la commission des engagements financiers ne relève pas du
Secrétariat des commissions de l'Assemblée nationale. En
conséquence, je présume donc qu'il relève de la commission
elle-même. J'ai bien dit que c'était une situation hybride que la
réforme parlementaire viendra précisément corriger.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je pense qu'on a encore un
peu de travail à faire en sous-commission sur la réforme
parlementaire pour éclaircir ce genre de choses. Pendant ce
temps-là on va tenter de voir comment on pourrait arriver à
régler cet imbroglio.
Pour ce qui est de l'article 34, quant à la question posée
par le député de Marguerite-Bourgeoys et leader de l'Opposition,
je peux indiquer que nous sommes tout à fait d'accord avec cette
façon de procéder pour les deux prochaines semaines. Disposons de
la motion présentée par l'Opposition demain relativement à
la Loi sur la protection de la jeunesse. On prendra probablement le vote jeudi.
La semaine prochaine on aura un autre sujet à l'ordre du jour.
M. Lalonde: J'aimerais un peu plus de précisions, M. le
Président. Comme le règlement prévoit qu'on discute
pendant deux mercredis de suite - c'est le petit problème auquel nous
faisons face - j'aimerais qu'il soit bien entendu, sur un ordre de la Chambre,
que la dernière motion du dernier mercredi de novembre ne chevauche pas
sur le premier mercredi de mars pour éviter cette situation un peu
étrange qui est déjà arrivée dans le passé.
Que ce soit donc un ordre de la Chambre parce que d'ici à ce
temps-là, il peut y avoir d'autres problèmes. Que pendant une
séance seulement, on discute d'une motion, je ne sais pas laquelle, on
la connaîtra au feuilleton éventuellement, et qu'on vote sur cette
motion le lendemain ou le mercredi même.
Le Président: Est-ce que je comprends bien que la motion
de l'Opposition, le mercredi 30 novembre, ne sera utilisée que pendant
la séance de ce mercredi après-midi, qu'elle sera mise aux voix
immédiatement ou à la rigueur lors d'un vote reporté au
lendemain et que cela devient un ordre de l'Assemblée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Aux avis à la Chambre,
M. le leader du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Bertrand: Je voudrais donner avis que cet après-midi,
de 16 heures à 18 heures et ce soir de 20 heures à 22 heures, au
salon rouge, la commission de la présidence du conseil et de la
constitution poursuit l'audition de différents groupes autochtones. Elle
continuera son mandat demain matin au salon rouge de 10 heures à 13
heures.
Je lance un appel ici à l'ensemble des députés qui
siègent à cette commission. Nous nous sommes entendus de part et
d'autre pour que pendant trois jours nous recevions quinze groupes et
mémoires différents. Ce matin nous en avons entendu un. Je
comprends que c'était le début et c'est normal. Il serait
acceptable dans les circonstances, je pense, de faire en sorte que la
commission s'autodiscipline puisque je pense qu'il avait été
convenu d'une certaine répartition du temps. S'il y a
nécessité de continuer après 22 heures, ce soir, pour que
nous puissions accommoder des groupes qui viennent demain et jeudi, je pense
qu'il faudrait peut-être faire en sorte que, de part et d'autre, on
puisse s'entendre et trouver le temps nécessaire pour recevoir tous les
groupes d'ici à jeudi soir. (16 heures)
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Je n'ai aucun engagement à prendre au nom des
membres de l'Opposition à cette commission, mais, comme d'habitude, la
commission prendra ses propres décisions à cet effet.
Le Président: Bien. Ce qui nous mène aux affaires
du jour.
M. Lalonde: J'aimerais simplement...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: ...avoir une petite précision sur les travaux
de la Chambre. On sait que le discours sur le budget a été
prononcé il y a une semaine, que le règlement prévoit un
débat de 25 heures, que votre propre projet de réforme qui a
été adopté unanimement au mois de juin prévoit que,
désormais, dans la réforme parlementaire, le débat sur le
discours sur le budget sera privilégié, donc toute autre chose
cessante, et ne pourra pas être interrompu comme on le fait actuellement.
Est-ce que le leader pourrait nous assurer qu'on ne discutera pas du budget
à minuit ou une heure au mois de décembre, mais que, d'ici
à la fin de novembre, il pourra saisir l'Assemblée de ce
débat pour qu'on en débatte? Je crains, voyant le menu
législatif que nous avons devant nous, que nous soyons appelés
à faire exactement ce que la réforme parlementaire veut corriger.
Je ferais appel au leader du gouvernement pour que, dans l'esprit de cette
réforme, il organise ses travaux pour permettre aux
députés de discuter, parce que c'est un débat important.
Les députés peuvent parler, à l'intérieur de ce
débat, de tous les problèmes qui nous assaillent et j'aimerais
qu'on puisse le faire à la clarté, normalement.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Brièvement, deux choses, M. le
Président. D'abord, on se rappellera que la dernière fois que
nous avons vécu ce complément à la politique
budgétaire du gouvernement, c'était en novembre 1981. Le
débat n'avait pas duré 25 heures, mais la moitié du temps,
soit environ 12 heures. Il y avait eu, bien sûr, les 8 heures en
commission plénière pour l'étude des crédits
additionnels.
Deuxièmement, le leader de l'Opposition se rappellera qu'au mois
de juin dernier, nous avons travaillé de part et d'autre, je dois le
dire, dans un esprit de collaboration pour que les députés
n'aient pas à siéger à des heures indues,
c'est-à-dire que nous n'avons jamais dépassé, si ma
mémoire est bonne, minuit ou une heure du matin. Donc, dans les
circonstances, le rythme de travail était relativement respectueux de ce
qui nous apparaissait être une journée normale de travail. Si nous
pouvons parvenir, de part et d'autre, au cours du mois de décembre,
à adopter notre législation et, en même temps, avoir un
débat sur le budget - on verra un peu plus tard s'il doit doit durer 25
heures -je suis disposé à regarder cela de très
près. Le leader de l'Opposition comprendra qu'effectivement on peut
avoir les contraintes qu'on a, mais, dans un esprit de collaboration, je suis
prêt à envisager cette opportunité.
Le Président: Bien.
M. Bertrand: Article 11.
Le Président: Votre motion...
M. Bertrand: II y a autre chose.
Le Président: ...puisque c'était une motion, visant
à faire siéger la commission cet après-midi, ce soir et
demain matin, est donc adoptée, je présume.
M. Bertrand: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Après entente, je ne sais pas si vous l'avez
sur vos feuilles bleues... Non?
Le Président: Oui.
M. Bertrand: Vous l'avez?
Le Président: Oui.
M. Bertrand: On va le savoir...
Rapport de la commission spéciale sur la
législation déléguée
Le Président: Effectivement, je crois comprendre qu'il y a
eu un accord entre les deux formations politiques à l'effet de permettre
un échange sur le rapport de la commission parlementaire spéciale
sur l'étude de la législation déléguée qu'a
présidée le député de Trois-Rivières,
rapport qui a été formellement déposé à
l'Assemblée cet après-midi. Ce que j'ignore, M. le leader du
gouvernement, c'est si le temps a été fixé pour ces
échanges.
M. Bertrand: M. le Président, si ma mémoire est
bonne, il y a entente pour qu'il y ait un porte-parole...
Une voix: De chaque côté.
M. Bertrand: ...de chaque côté, c'est-à-dire
le député de Trois-Rivières pour le parti
ministériel et je crois que c'est le député de
Louis-Hébert qui remplace le député de Westmount pour
l'Opposition.
Une voix: C'est cela.
Une voix: Ah mon Dieu!
M. Bertrand: Dix minutes chacun.
Le Président: Je cède donc la parole au
président de la commission parlementaire sur la législation
déléguée, M. le député de
Trois-Rivières.
M. Vaugeois: M. le Président, j'allais dire que cette
Chambre est bien bonne de nous donner l'occasion de parler, mais j'ai de la
difficulté à le dire parce qu'en même temps qu'elle nous
permet de parler, elle limite notre droit de parole dans le temps et en nombre.
Je le regrette et j'aurais presque envie de vous demander, si
j'écourtais mon droit de parole de dix minutes, si cela signifierait que
mes collègues qui ont été membres de cette commission
pourraient partager ces dix minutes, puisque, au fond, je comprends que c'est
une question de temps. Peut-on être d'accord, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, il n'y a pas
de...
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais rappeler, en
réponse aux premières remarques du député de
Trois-Rivières, que c'est par entente. On nous a suggéré
dix minutes. Si le député de Trois-Rivières veut parler
une heure... Il y a plusieurs députés ici qui voudraient aussi
exprimer des opinions là-
dessus mais il semble que tout ce qu'on nous a demandé, c'est dix
minutes. Si c'est plus long, on est d'accord, même s'il y a un plus grand
nombre de députés. Nous sommes pour la liberté, vous le
savez.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Trois-Rivières.
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois: M. le Président, je vais commencer mon
intervention de dix minutes! Nous avons attendu ce jour depuis plusieurs
semaines. Ce rapport est prêt depuis le mois de juillet. Je signale en
passant qu'il est maintenant prêt en version anglaise et qu'on peut
s'adresser soit au Secrétariat des commissions, soit à mon bureau
ou au bureau du vice-président pour avoir une copie anglaise. Nous avons
donc attendu ce moment... bien que limités dans le temps. Nous avons
enfin un document que les gens pourront lire, que les gens pourront consulter,
et, je l'espère, un document sur lequel les membres de cette Chambre
auront l'occasion de réfléchir.
En tout premier lieu, on me permettra de signaler la présence,
d'abord, de collègues parlementaires qui ont été membres
de cette commission et qui sont aujourd'hui présents. Je pense à
M. le député de Louis-Hébert, qui est absorbé sans
doute dans une lecture qui précède son intervention de tout
à l'heure, au député de Gaspé, M. Henri LeMay - je
me permets de le nommer - au député d'Arthabaska, M. Jacques
Baril, au député de Saint-Hyacinthe, M. Maurice Dupré et
à l'autre président, celui qui a quitté maintenant le
fauteuil, c'est-à-dire le député de Taschereau, qui a
été membre de notre commission pendant plusieurs mois, de
même qu'à mon voisin ici qui l'a remplacé, le
député de Châteauguay, au député de
Brome-Missisquoi, qui a été également des nôtres,
bien qu'à la fin il ait été quelque peu
dérangé, et enfin il y a eu une contribution particulière
du vice-président, le député de Westmount qui,
malheureusement, est absent aujourd'hui. Il est souffrant, m'a-t-on dit. Nous
aurions bien aimé déposer ce rapport en sa présence.
Il y a également dans les galeries des gens à qui nous
devons, on le comprendra, une bonne partie du rapport de la commission. Les
parlementaires étant ce qu'ils sont, ils ont de multiples travaux, et
même lorsqu'ils sont membres d'une commission d'étude, ils ne
reçoivent pas pour autant de congé pour les autres fonctions qui
sont les leurs. Je tiens, au nom des membres parlementaires de la commission,
à remercier bien chaleureusement cette petite équipe
d'élite, ce corps d'élite, qui a su nous permettre de livrer la
marchandise, en qualité et en temps. Il y a Gilles Angers, qui est ici
présent et qui a agi comme secrétaire de notre commission. Cette
tâche lui a permis d'avoir une promotion, à peine nos travaux
terminés. Jean Alarie est retourné au bureau des
règlements, ce qui était une promotion aussi, puisqu'il y est
retourné probablement pour voir venir le rapport de la commission. Jean
Alarie a agi comme directeur de la recherche. Gaston Pelletier a joué un
rôle de premier plan dans la rédaction. Il a également
repris son service au ministère de la Justice. Mme Mariette
Bélanger a pour sa part profité de cette expérience pour
franchir, dans sa carrière une étape nouvelle à
l'Assemblée nationale même. Je leur souhaite à chacun
d'avoir bien profité de cette expérience de réflexion sur
le mandat de la commission.
D'autres personnes ont également été
associées aux travaux de la commission. Elles ne sont pas ici, je crois,
aujourd'hui. On trouvera leur nom au début de ce rapport. Sans les
nommer tous et toutes, je voudrais les remercier. Mais on me permettra quand
même d'avoir une mention spéciale pour le personnel de soutien,
Mme DeFoy, Mme Royer, Mme Martineau, Mme Drolet; pour des professionnels qui
nous ont assistés, Mme Boivin, Me Garant, M. Eglinton, Me Issalys, M.
Champagne; pour des experts de l'extérieur, M. Mallory, Me Jules
Brière, Me René Dussault et M. Young, qui a assuré les
travaux de traduction.
La question posée à la commission concernait le
contrôle de la législation déléguée. Je pense
bien que, même parmi les parlementaires ici présents ou ceux qui
sont absents, plusieurs pourraient se demander si tout le monde comprend bien
ce que veut dire "législation déléguée". (16 h
10)
Nous pouvons avouer, comme membres de cette commission, que
nous-mêmes, nous avons eu à préciser notre
compréhension de ces termes. La législation
déléguée, M. le Président, vous le savez, c'est
cette législation que nous n'assumons pas, cette législation que
nous ne discutons ni dans cette Chambre ni en commission parlementaire, sauf
exception, parce qu'il arrivera parfois qu'un ministre saisisse une commission
parlementaire de son projet de règlement, mais il le fait alors
librement, parce que nos règles, notre procédure ne
prévoient pas de contrôle de la réglementation.
La question posée à la commission d'étude,
c'était: Est-ce que nous devons continuer comme cela? Est-ce qu'il y a
quelque chose à corriger? La commission le savait en partant, nous
l'avons vérifié: la réglementation est maintenant devenue
plus importante que la législation. En 1981, une compilation nous
donnait quatre fois plus de règlements que de lois. Dans la seule
année 1982, j'ai les chiffres ici, nous avons voté dans cette
Chambre 17 nouvelles lois, tandis
que l'administration soumettait à l'exécutif 350 nouveaux
règlements. La même année, nous modifiions ici à peu
près une quarantaine de lois alors que l'administration faisait modifier
par l'exécutif 450 règlements. Cette année, le rapport
était de 20 règlements pour une loi, soit nouvelle, soit
modifiée. Il reste que la moyenne générale depuis ces
dernières années, c'est quatre fois plus de règlements que
de lois. Inutile de dire que lorsque d'un côté comme de l'autre de
cette Chambre nous nous inquiétons de la portée réelle
d'une loi, nous faisons référence aux règlements.
Les recommandations de la commission d'étude ne surprendront
personne. Nous recommandons le contrôle parlementaire. Nous recommandons
que ce contrôle porte d'abord sur la légalité des
règlements. Est-ce que les règlements correspondent bien à
nos lois et à la loi qui lui donne naissance? Également, nous
proposons un contrôle d'opportunité.
Nous croyons que les parlementaires sont encore les mieux placés
pour s'interroger sur l'opportunité des règlements, soit des
règlements qui s'en viennent, soit des règlements
déjà en vigueur. Je ne veux pas être trop long parce que
j'aimerais bien laisser une chance à mes collègues de prendre la
parole quelques minutes. Je renvoie donc les lecteurs éventuels à
la présentation que j'ai signée avec le coprésident,
Richard French. On y verra des exemples de dispositions habilitantes,
c'est-à-dire des exemples d'articles de lois qui permettent à
l'Exécutif et à l'administration quasiment d'ignorer la loi. Par
exemple, dans le Code de sécurité routière, il y a un
article qui permet à l'Exécutif d'ignorer 205 articles de la loi.
Il y a un article dans la Loi créant la Commission de la santé et
de la sécurité du travail qui permet à la commission de
faire à peu près n'importe quoi. D'ailleurs, ce n'est pas pour
rien que dans quelques jours, nous entendrons cette commission. Je crois que le
"législateur" a été un peu généreux, sinon
un peu distrait lorsqu'il a voté la loi, parce qu'il a ouvert toute
grande, par cette disposition, la porte à une réglementation que
plus personne ici, que plus personne parmi les élus, non plus au niveau
du gouvernement, ne peut contrôler.
Nous avons été tellement préoccupés par la
question qu'une de nos recommandations serait de permettre à cinq
parlementaires de cette Chambre, représentant deux formations
politiques, de pouvoir inscrire une motion de désaveu.
Évidemment, les gens croiront que les parlementaires du
côté ministériel n'oseraient jamais. Nous avons
pensé qu'il devrait se trouver dans cette Chambre, dans certains cas,
des parlementaires ministériels prêts à signer une motion
de désaveu visant un règlement passé sous l'actuel
règlement ou un précédent gouvernement. Cette motion de
désaveu obligerait le gouvernement et le leader à appeler la
motion permettant ainsi aux membres du gouvernement de s'expliquer et
éventuellement à appeler un vote, nous le devinons bien, qui
battrait la motion. À défaut d'être appelée, cette
motion pourrait signifier le désaveu de la réglementation
visée.
Il y a beaucoup d'autres éléments dans les rapports que
nous avons publiés. Je dis les rapports. En fait, c'est un rapport qui
vient en deux tomes parce que nous avons cru opportun de publier, dans un
deuxième tome, les documents reçus particulièrement
à l'occasion de nos audiences publiques.
C'est l'occasion pour moi également de remercier ceux qui nous
ont présenté des rapports, ceux qui sont venus nous rencontrer
lors des audiences publiques. Si la question intéresse ceux qui,
à ce moment-ci, suivent nos travaux, ceux qui en prendront connaissance
dans les prochaines heures, je les invite à nous écrire et nous
demander copie de ces rapports. Également, les membres de cette
commission se tiennent à la disposition des groupes
intéressés pour pouvoir poursuivre une réflexion à
partir de ce rapport.
Je serais bien déçu s'il fallait que cette
Assemblée n'entreprenne pas rapidement une réflexion à
partir de notre rapport. Nous sommes prêts à accepter que ses
recommandations fassent l'objet d'une réévaluation par cette
Chambre, surtout dans le contexte de la réforme parlementaire en cours.
Mais, au moins, que cette réflexion s'engage! Je crois qu'il y va de la
santé de nos institutions démocratiques. Autrement, ce Parlement
fermera les yeux sur une matière quatre fois plus importante que les
lois, sur les règlements qui ont force de loi dans ce pays.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président, c'est avec plaisir que
je m'associe aux propos de mon collègue de Trois-Rivières dans la
présentation qu'il a faite du rapport de la commission d'étude
sur le contrôle parlementaire de la législation
déléguée. Il a expliqué suffisamment longtemps la
raison de ces travaux, qui ont été entrepris par la commission et
qui ont été menés à bonne fin, grâce en
très grande partie à l'audace, l'opiniâtreté, la
décision et le travail des membres de cette commission et
particulièrement de ses deux coprésidents, c'est-à-dire le
député de Trois-Rivières et le député de
Westmount, qui est retenu chez lui actuellement pour cause de maladie.
Les remerciements d'usage, qui sont
plus que des remerciements d'usage, ont été transmis au
personnel qui a appuyé les parlementaires dans les travaux de cette
commission. Je n'ai aucune hésitation à dire que sans leur
collaboration, sans leur participation de tous les moments, il aurait
été impossible à cette commission de mener à bien
ses travaux. La gratitude la plus sincère de la commission s'adresse
à eux; et je suis sûr qu'en m'exprimant de cette façon,
j'exprime aussi le sentiment de la majorité sinon de la totalité
des membres de cette Assemblée nationale qui, comme les membres de la
commission, ont tous à coeur la revalorisation du rôle des
élus et la remise dans une perspective qui tienne compte d'une
façon plus réelle de la souveraineté de l'Assemblée
nationale de tous nos travaux, de toutes nos décisions, de tout ce qui
entoure les lois que nous adoptons, les règlements que nous habilitons
les ministres à passer.
Dans ce sens, le travail qui a été effectué par
notre commission est un travail extrêmement important. C'est un travail
qui nous a permis aussi - je pense que cela vaut la peine de le souligner - de
profiter des lumières et des renseignements que nous avons
été chercher ailleurs. Nous n'avons pas tenté d'une
façon orgueilleuse de réinventer la roue; nous n'avons pas eu
peur d'aller nous inspirer ailleurs. Nous l'avons fait au tout début de
nos travaux en nous présentant au Parlement fédéral
à Ottawa, où un comité est en vigueur qui fait un travail
de la nature de celui qui est proposé pour surveiller la
délégation déléguée. Aussi certains de nos
collègues sont allés à Londres et sont allés voir
ce qui se passait dans les "select committees"; nous en avons tiré
beaucoup d'enseignements. Tout cela a été mis ensemble et de
cette façon nous avons réussi à présenter devant
cette Assemblée le rapport. C'est un honneur pour moi d'y être
associé. C'est un honneur d'avoir eu l'occasion de participer un tant
soit peu à cette revalorisation du rôle des députés.
Il ne faut pas s'imaginer que tout le travail a été fait par les
élus; cela a été aussi fait par d'autres personnes qui ont
extrêmement bien travaillé et qui méritent nos
félicitations, comme je le disais.
Il est connu, M. le Président, qu'il y a trop de
règlements au Québec. Ils sont très souvent
préparés en vase clos, à l'insu des parlementaires; trop
souvent aussi, il faut le reconnaître, à l'insu des ministres,
d'après les réactions que nous avons très souvent. Ils ont
souvent des impacts inattendus, coûteux, contreproductifs et les
bureaucraties qui existent afin de servir les citoyens deviennent trop
fréquemment un fléau dans l'existence de ces citoyens. Ce
problème se situe d'ailleurs dans le contexte d'une difficulté
plus vaste, c'est-à-dire la tentation des gouvernements
démocratiques de s'adresser à trop de phénomènes
sociaux, économiques, culturels, etc., sans avoir la capacité,
les ressources humaines ou financières, les connaissances, la
capacité nécessaire de maîtriser les soi-disant
problèmes identifiés par les divers lobbies qui pressurisent les
élus de tout bord et de tout côté. Mais ce n'était
pas pour examiner le déclin des moyens publics que l'Assemblée
nationale a créé la commission d'étude. Notre mandat
était plus circonscrit. Notre mandat touchait le rôle des
élus dans le contrôle de la législation
déléguée. (16 h 20)
Je résumerais nos conclusions principales de la façon
suivante: Ceux et celles qui vivent et travaillent sous l'égide des
règlements veulent avoir l'occasion de faire valoir leurs opinions et
leurs expériences dans ce domaine auprès des élus. Ils
veulent le faire aux moments qui sont les plus aptes à influencer les
décisions de l'Exécutif à ce titre. Ils croient que
l'Assemblée nationale doit jouer un rôle plus large en ce sens.
Les parlementaires de la commission partagent les frustrations de leurs
commettants à cet égard. Ces mêmes parlementaires
désirent des mécanismes flexibles et sélectifs afin
d'examiner, commenter et, à la limite, contrôler les
règlements ou projets de règlement qui menacent de créer
des contentieux. Toutefois, les parlementaires reconnaissent que ce serait en
dehors de leurs intérêts et de leurs capacités de
prétendre contrôler tous et chacun des règlements
émis par l'Exécutif. Il s'agit plutôt de la
possibilité -je dis bien "la possibilité" - s'il y a suffisamment
de parlementaires qui s'y intéressent, d'examiner certains
règlements qui semblent particulièrement importants ou
problématiques. Cet examen pourrait toucher la légalité du
règlement, son opportunité ou son bien-fondé. Cet examen
pourrait donc se faire à l'étape du projet de règlement ou
après des mois ou des années d'expérience de l'application
du règlement.
Le contrôle parlementaire de la législation
déléguée s'inscrit aussi dans la foulée de la
réforme parlementaire et ce, dans deux sens. D'abord, puisque le
contrôle des règlements ne se ferait que rarement à
l'Assemblée nationale même, nos recommandations se veulent un
complément au projet de renouvellement des commissions parlementaires
envisagé par la commission de l'Assemblée nationale. Le
contrôle des règlements passe par des commissions parlementaires
actives et engagées. Sans ce prérequis essentiel, il n'y aura pas
de progrès significatif dans le dossier de la législation
déléguée.
Il y a un autre sens à la relation entre le sujet de ce rapport
et la réforme parlementaire. C'est la nécessité, afin
d'augmenter la responsabilité de simples députés, de
réduire l'engagement de la
responsabilité ministérielle, de la responsabilité
gouvernementale et, donc, l'application de la ligne du parti au strict minimum
de mesures fondamentales telles que le budget, les motions de blâme et
les projets de loi majeurs. Nous ne croyons pas que les députés,
lorsqu'ils étudient des règlements, devraient normalement et dans
tous les cas être assujettis à la discipline de parti. Nous
croyons qu'il serait sain que les ministres soient appelés à
justifier ou à défendre de temps en temps ceux parmi leurs
règlements qui semblent problématiques ou qui donnent lieu
à un litige sans que le filet de sécurité que constituent
pour eux la sacro-sainte solidarité ministérielle, la
sacro-sainte majorité ministérielle les protège dans tous
les cas. Je pense qu'à la fin du processus, en fin de compte, ce seront
les citoyens et les citoyennes du Québec qui seront gagnants. C'est tout
un changement de moeurs politiques pour l'Assemblée nationale et pour un
Parlement canadien, mais il faut renverser la tendance actuelle qui
dévalorise surtout ceux et celles de la majorité qui n'ont pas le
bonheur, parfois très discutable, d'être ministre.
En terminant, quelques mots sur la relation entre le sujet en question
et la situation économique. Vous avez entendu les discours
ministériels sur l'importance de la relance de l'emploi ou de la relance
économique. Je suis très heureux de dire que cette commission a
des propositions concrètes et très efficaces à faire de
façon qu'on s'engage véritablement au niveau des
procédures de l'Assemblée nationale sur le chemin que
prétend prendre le gouvernement actuel. C'est de la sagesse
conventionnelle que de dire que l'économie québécoise
souffre d'une réglementation surabondante, excessive, qui enfreint notre
compétitivité sur les marchés extérieurs. C'est une
enfarge supplémentaire que même le ministre du Commerce
extérieur, peu reconnu pour ne pas blâmer pour tout et pour rien
le système fédéral, a eu l'occasion de reconnaître
à quelques reprises. Or, ce problème ne découle pas
uniquement de la législation déléguée, mais bien de
la législation primaire, c'est-à-dire des principes
enchâssés dans les statuts.
Ce rapport n'a donc pas pour sujet cette fameuse
déréglementation dont on entend si souvent parler. Toutefois, le
contrôle parlementaire de la législation
déléguée serait un élément important d'un
programme de déréglementation ayant pour objet d'aider la relance
de l'économie. Quelle ne fut pas ma déception lorsque j'ai appris
qu'on ne verra pas, semble-t-il, à cette session-ci, avant les
fêtes, un projet de loi encadrant le processus de la législation
déléguée cet automne. J'en suis extrêmement
déçu et j'espère que le mois où l'Assemblée
nationale n'a pu siéger n'est pas à la source de cette
impossibilité dans laquelle se trouve le gouvernement de donner suite,
au moyen d'un projet de loi, au rapport de cette commission sur la
législation déléguée. Il s'agit d'un sujet qui ne
passionne probablement pas la multitude des gens, peut-être même
pas la multitude des députés, mais qui, par contre,
intéresse au plus haut point tous les agents économiques qui ont
fait valoir leur point de vue devant la commission et qui investissent soit
dans l'exportation, soit dans la création d'emplois.
La balle est dans le camp du gouvernement, nous allons voir ce qu'il va
en faire. Les élus de cette Chambre de même que la population
porteront un jugement après.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Arthabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Très
rapidement, je tiens à signaler que j'ai travaillé comme membre
de cette commission durant quelques mois. C'est avec un grand
intérêt que je l'ai fait. De par mon expérience en cette
Chambre, depuis sept ans que j'y siège, je dirais que de 50% à
60% du temps d'un député consiste à expliquer à ses
commettants pourquoi ils ne sont pas admissibles à un programme
gouvernemental, pourquoi, malgré une loi qui a été
adoptée, ils n'y sont pas admissibles.
Nous sommes actuellement - vous me passerez l'expression -
"poignés" avec une réglementation tatillonne et restrictive.
L'élu n'a absolument aucun droit de regard sur cette
réglementation qui est mise en place. Le but de la commission
était de revaloriser d'abord cette Assemblée, de lui ramener les
pouvoirs qu'elle a perdus ou qu'elle a laissé aller, et ce n'est pas
à moi d'en juger, mais si on veut mobiliser, intéresser les
députés aux activités parlementaires, il faut d'abord leur
donner des pouvoirs pour vérifier cette réglementation qui,
souvent, a été faite par des gens qui n'affrontent plus
quotidiennement la réalité.
Pour cette raison, je sollicite l'appui des membres de cette
Assemblée afin que le gouvernement puisse retrouver les pouvoirs perdus
et qu'il parvienne ainsi à réaliser plusieurs mesures
énoncées dans ce rapport. Il n'y a rien de plus difficile que
d'essayer d'expliquer à un citoyen que son député n'a rien
eu à dire sur l'application d'un tel règlement. Un des buts de la
commission était d'essayer de voir ce qu'on pouvait faire pour
intéresser les députés à corriger des
irrégularités qui ont beaucoup trop duré.
Je pourrais aller plus loin, mais je veux laisser l'occasion à
mon collègue, le ministre du Revenu, de défendre sa loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député de Gaspé.
M. Henri LeMay
M. LeMay: Merci, M. le Président, je ferai une
brève intervention. Je voulais simplement vous avouer que, quand on m'a
demandé de faire partie de cette commission, j'étais fort
embarrassé devant le vocabulaire employé, surtout quand on
parlait de contrôle de la législation
déléguée. Or, plus les travaux de la commission
avançaient, plus j'ai constaté que, face à l'avalanche de
règlements qui pesaient lourd sur les épaules de tous les
Québécois, notre commission était loin d'être
inutile, elle était même nécessaire.
Tout comme le député d'Arthabaska, j'insiste auprès
du gouvernement pour que les propositions contenues dans ce rapport soient
mises en application le plus tôt possible afin d'éliminer des
règlements désuets, afin de mettre des balises à tous les
règlements qui viendront dans l'avenir, afin de décharger un peu
les épaules de tous les Québécois et de toutes les
Québécoises de notre belle province. J'espère que dans les
mois qui vont venir la structure sera en place, sous forme de commission ou de
sous-commission, pour qu'enfin le pouvoir législatif puisse
contrôler cette foule de règlements qui, malheureusement, sont en
plus grand nombre que nos lois.
Là-dessus, je félicite le député de
Trois-Rivières pour sa motion et j'acquiesce en ce sens.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Marie, en vous rappelant que c'est un débat et qu'il n'y a pas
de motion.
M. le député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: Certainement, M. le Président. Je serai
très bref d'ailleurs, non pas parce que je ne trouve pas que le sujet
est d'importance. Je pense qu'on devrait passer davantage de temps à
discuter du contenu du rapport de cette commission que d'un bon nombre de
projets de loi qui nous sont présentés. Je serai bref parce que,
aujourd'hui, pour moi, c'est la commission qui présente son rapport
à l'Assemblée. (16 h 30)
Le député de Trois-Rivières et ses collègues
de la commission nous ont alertés dans le fond sur un problème
majeur que rencontre actuellement notre système parlementaire. Le
gouvernement n'aurait pas besoin de multiplier les comités pour chercher
les irritants - ce nouveau mot à la mode - il en trouverait
déjà un bon nombre dans le rapport de la commission et dans la
réglementation que cette commission a dénoncés.
On atteint souvent - et c'est cela la curiosité - les effets
contraires de ce que l'on recherche. Si on essaie d'examiner ce qui, à
l'origine, a justifié la procédure de la législation
déléguée, on se rendrait peut-être compte que c'est
une notion d'efficacité, qu'on a probablement procédé de
cette façon-là pour être plus efficace, plus rapide, plus
expéditif alors qu'on atteint exactement l'effet contraire. Il en va
tout autrement lorsqu'on produit un objet alors qu'on produit une
législation. Être efficace lorsqu'on légifère, c'est
peut-être prendre davantage de temps, c'est peut-être mesurer plus
longuement, c'est peut-être placer beaucoup plus de prudence. Dans ce
sens-là, M. le Président, il est essentiel que ce rapport de la
commission sur la législation déléguée puisse venir
sous une forme différente que le débat de présentation
d'aujourd'hui, puisse venir sous une forme différente devant ce
Parlement et puisse faire l'objet d'un vote de l'Assemblée nationale
susceptible d'influencer la réforme parlementaire qui vient mais aussi,
les actions gouvernementales à venir.
Je voudrais, si vous me le permettez, M. le Président, souligner
que c'est la troisième commission spéciale qui dépose un
rapport en cette Assemblée. Qu'au moins la première commission,
celle sur la fonction publique - en tout cas pour ce que j'en connais - a connu
un certain aboutissement dans des projets de loi qui ont été
déposés par la ministre de la Fonction publique, par une motion
votée à l'unanimité à cette Assemblée et
dont on devrait avoir les résultats demain, si j'ai bien compris, ou
après-demain. Normalement, le 24 novembre, le gouvernement devrait nous
déposer ce que nous avons voté ici à cette
Assemblée, c'est-à-dire un plan, un échéancier
d'application d'une partie du rapport de la commission. On attend impatiemment
ce projet gouvernemental qui fera suite aux travaux de la commission.
Je voudrais juste indiquer, M. le Président, que ce que la
première commission avait souligné, c'était qu'il fallait
trouver un mécanisme pour que ce Parlement puisse faire le débat
véritable sur les rapports de ces commissions. Je pense qu'il faudra
songer, au moment où on aborde la réforme parlementaire, à
trouver véritablement un mécanisme qui permette aux personnes qui
se sont penchées sur un problème de pouvoir le présenter
à leurs collègues de l'Assemblée nationale et de leur
fournir une occasion de réagir.
Je voudrais terminer en posant une question en vertu de notre
règlement, si vous me le permettez et si le député de
Trois-Rivières me le permet. On sait qu'une coutume existe à
l'effet qu'un président de commission qui dépose son rapport
devant
l'Assemblée nationale, à moins de vouloir être
nommé au cabinet et accéder au cabinet ministériel, a
tendance à démissionner et à siéger comme
indépendant pour s'assurer que tous les moyens seront mis en oeuvre pour
que son rapport soit appliqué. Je voudrais demander au
député de Trois-Rivières, qui comme on le sait, est
respectueux des coutumes parlementaires, s'il a l'intention de respecter cette
coutume qui voudrait qu'il démissionne aujourd'hui pour s'assurer de la
bonne application de son rapport.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: M. le Président, est-ce que le
règlement m'autorise à répondre?
Le Vice-Président (M. Jolivet): II n'y a aucune objection
à le faire.
Une voix: Consentement.
M. Vaugeois: Si je comprends bien, c'est ma décision qui
va faire si cela devient une coutume ou pas parce que c'est moitié
moitié. Il y a eu le président de la commission de la protection
de la jeunesse qui, lui, n'a pas démissionné, sauf dans une
fonction particulière. Je me rends compte du poids qui pèse sur
moi, M. le Président. Je vais consulter le député
indépendant pour savoir s'il se trouve plus efficace dans cette nouvelle
fonction, ce nouveau statut et j'aviserai.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, je ne fais pas de reproche
à quiconque en cette Assemblée. Selon l'entente, on devait parler
un à la fois. Puisqu'on s'est permis quelques libertés, je vais
en profiter pour dire quelques mots.
Tout d'abord, le député de Westmount, qui était ce
qu'on appelle le vice-président de cette commission spéciale
présidée par le député de Trois-Rivières,
est absent pour des raisons qui sont hors de sa volonté. Il aurait
sûrement eu bien des choses à dire sur cette question parce qu'il
y a consacré, avec le député de Louis-Hébert,
beaucoup de temps. Il y a également le député de
Brome-Missisquoi qui a dû consacrer, à ce moment-là, plus
de temps à d'autres occupations.
C'est une commission spéciale, c'est-à-dire qu'elle a
été formée ici en vertu d'une résolution de
l'Assemblée nationale. Lors de ce débat, j'avais eu l'occasion de
l'appuyer et de donner certaines statistiques sur les besoins d'une action du
gouvernement, surtout de l'Assemblée nationale, en ce qui concerne la
prolifération, la perte de contrôle totale de l'Assemblée
nationale sur une bonne partie de ce qui est légiféré,
c'est-à-dire ce qui devient loi, et surtout la principale partie,
c'est-à-dire celle qui affecte les gens quotidiennement, que ce soit
pour ouvrir un dépanneur, que ce soit pour faire toutes sortes d'autres
activités. C'est à ce genre de loi que le Québécois
se trouve confronté quotidiennement.
Je veux terminer en rappelant, en assurant... Il n'y avait, pendant tout
ce débat, sauf le ministre du Revenu qui attend son tour pour
présenter une loi, aucun ministre qui assistait à nos
échanges. Chacun a sûrement quelque chose à faire en dehors
de l'Assemblée nationale, mais, comme le rapport Vaugeois, le rapport de
cette commission s'adresse plus particulièrement aux ministres,
c'est-à-dire qu'il veut récupérer à
l'Assemblée nationale ce que les ministres font... Ce sont les ministres
qui, en groupe, en cabinet, comme on dit, adoptent ces règlements. C'est
important que les gens sachent cela. Cela ne vient pas des nuages. Ce n'est pas
ici que c'est adopté; c'est ailleurs. Ailleurs, c'est où? Au
Conseil des ministres. Il n'y en avait pas ici, en tout cas.
Je veux simplement assurer l'Assemblée de la détermination
de l'Opposition que le rapport Vaugeois ne reste pas lettre morte. Ce n'est pas
une coïncidence, mais il reste que, dans le même souffle, il y a eu,
à l'Assemblée nationale qui a vu naître la commission
spéciale dirigée par le député de
Trois-Rivières, la réforme parlementaire. Je ne sais pas si ce
sera exactement dans les termes du rapport que l'on dépose aujourd'hui,
mais nous avons l'intention, nous de l'Opposition, de nous assurer que les
nouvelles commissions parlementaires ou une nouvelle commission parlementaire,
quel que soit son nom, soit habilitée à examiner, tout d'abord,
ce qui existe et à examiner, avant le fait, les règlements
importants qui seront proposés à l'avenir.
Il y a aussi autre chose. Le whip adjoint a parlé quelques
minutes avant moi -c'est le député d'Arthabaska, je pense - et a
dit: Je vais m'asseoir parce que le ministre a une loi à
présenter. Je comprends, ils sont tous de bonne foi. Nous sommes aussi
de bonne foi, mais combien de fois avons-nous, depuis sept ans... Le mal n'a
pas commencé il y a sept ans; il a commencé avant cela. Puisque
je suis membre de l'Opposition c'est de mon expérience de l'Opposition
que je dois témoigner. Nous avons dit: Vous avez trop de pouvoir
réglementaire dans l'une ou l'autre loi, soit ici à
l'Assemblée nationale lors de l'étude de deuxième lecture,
soit surtout à l'étude article par article. Nous avons souvent
tenté de réduire le pouvoir réglementaire du gouvernement
et, à ce
moment-là, la majorité, généralement, sauf
exception appuyait le gouvernement dans sa recherche de plus de pouvoirs, de
plus grands pouvoirs pour faire des règlements. Aujourd'hui, on a vu se
doubler le nombre de règlements. Le député de
Trois-Rivières a donné des statistiques extrêmement
éloquentes. Voici que maintenant, nous avons cette situation monstrueuse
dont il faut réduire les dimensions et corriger les défauts. Je
le fais après le député de Sainte-Marie, parce que
lui-même avait présidé une commission à laquelle on
n'a pas donné suite.
Le député de Verchères a présidé une
autre commission spéciale. Il y eu trois commissions spéciales,
celle du député de Sainte-Marie et celle du député
de Trois-Rivières. Il y a eu trois commissions spéciales. Le
député de Sainte-Marie a demandé qu'on lui donne suite. Il
y a eu une promesse à ce sujet ici, il y a un an. Le
député de Verchères a cru bon de démissionner de
quelques fonctions quasi exécutives, devant le peu de succès
qu'avait son propre rapport. Je vous rappelle que, demain, Mme la
députée de L'Acadie, qui faisait partie de la deuxième
commission, celle présidée par le député de
Verchères, se croit obligée de présenter une motion de
député. Elle occupera tout un mercredi après-midi pour
déplorer l'inaction du gouvernement, depuis le dépôt du
rapport de la commission parlementaire spéciale, créée le
19 décembre 1981, pour procéder à une évaluation de
la Loi sur la protection de la jeunesse. Cette motion demandera au gouvernement
de donner suite, avant la fin de la présente année, aux
recommandations de ce rapport déposé à l'Assemblée
nationale le 23 novembre 1982. M. le député de
Trois-Rivières, c'est presque jour pour jour un anniversaire de votre
rapport. Mais heureusement, dans le cas de cette commission, de ce rapport, il
y aura des suites dans la réforme parlementaire. D'ailleurs, le
député de Trois-Rivières, avec quelques-uns de nos
collègues, participe aux travaux de la sous-commission qui voit à
préparer la réforme parlementaire.
Je voulais souligner en particulier le travail du député
de Westmount qui n'est pas ici actuellement - comme leader, je pense que
c'était mon devoir de le faire - et assurer les membres de cette
sous-commission qu'en ce qui nous concerne, nous de l'Opposition allons voir
à ce qu'il y ait suite à plusieurs des recommandations, aux
principales recommandations de cette sous-commission. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais de
rappeler l'article 11 de notre feuilleton.
Projet de loi 43 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture du
projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire. M. le ministre
du Revenu.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, je présente
aujourd'hui, au nom du gouvernement, le projet de loi 43, loi concernant les
travailleurs et les travailleuses au pourboire. Ce projet de loi, qui
s'appliquera à compter du 1er janvier 1984, fera en sorte que les
travailleurs et les travailleuses au pourboire devront révéler,
à chaque période de paie, à partir du 1er janvier 1984, la
totalité de leurs revenus de pourboires et que, d'autre part, les
employeurs, à chaque période de paie également, devront
faire les retenues à la source de l'impôt sur ces revenus de
pourboires, ainsi que déduire la part de l'employé relativement
au Régime de rentes du Québec.
En plus, les employeurs, sur cette part de pourboires
révélée, déclarée par les travailleurs au
pourboire, devront payer la totalité des avantages sociaux auxquels les
autres travailleurs, les autres salariés de notre société
ont droit, soit les avantages sociaux qui ont trait à la Régie
des rentes du Québec, à la santé et à la
sécurité du travail, au fonds d'assurance-maladie et aux lois
relatives aux conditions minimales du travail. Voilà pour l'essentiel du
projet de loi en ce qui a trait aux travailleurs et aux employeurs.
En ce qui a trait au ministère du Revenu du Québec, ce
dernier s'est engagé à fournir gratuitement à chacun des
travailleurs au pourboire un registre quotidien pour aider à la mise en
oeuvre de cette réforme qui s'applique aux travailleurs et aux
travailleuses au pourboire. De plus, la formule proposée dans ce projet
de loi prévoit que si le total des pourboires
révélés, déclarés par les travailleurs dans
un établissement est inférieur à 8% du chiffre de ventes,
l'employeur devra attribuer la différence entre les différents
employés de son établissement. La différence entre les
pourboires déclarés et les 8% minimum.
Voilà l'essentiel du projet de loi tel que j'ai eu le plaisir de
le déposer à l'Assemblée nationale la semaine
dernière. Ce projet de loi vise trois objectifs. D'abord, nous permettre
d'atteindre l'équité fiscale c'est-à-dire que les
travailleurs au pourboire paient la totalité de leur impôt comme
tous les autres citoyens du Québec à la fois sur leur
revenu de salaire et leur revenu de pourboire. En premier objectif,
équité fiscale. Deuxième objectif, équité
sociale, c'est-à-dire que tous les travailleurs au pourboire
bénéficient pleinement de tous les régimes, programmes
sociaux de notre société, ce dont ils ne
bénéficient pas complètement, totalement actuellement. J'y
reviendrai plus en détail tantôt. Troisième objectif que
veut atteindre ce projet de loi en plus de l'équité fiscale et de
l'équité sociale, c'est de maintenir, d'assurer la protection de
l'industrie touristique du Québec et de la restauration.
Pour bien comprendre la solution proposée par le gouvernement au
problème des travailleurs et travailleuses au pourboire concernant le
ministère du Revenu ou leurs bénéfices sociaux, je crois
qu'il vaut la peine de faire un bref historique pour voir comment tout a
commencé. Il est utile de se rappeler que de tout temps, depuis
plusieurs années, la loi obligeait toujours les travailleurs et les
travailleuses au pourboire à révéler leur revenu de
pourboire au moment où ils faisaient leurs rapports d'impôt
c'est-à-dire une fois par année. Un changement d'attitude est
intervenu en 1979 au moment où Revenu Canada a commencé à
cotiser les employés au pourboire de certaines régions du
Québec, dans certains secteurs de la restauration, pour les
années antérieures. Pour vous donner un exemple, en 1979, il y
avait 14 000 travailleurs au pourboire au Québec sur environ 70 000, qui
révélaient des revenus en pourboires. Le montant de revenus
révélé était de 11 000 000 $ alors qu'on
évalue en ce moment à environ 200 000 000 $ les revenus de
pourboire.
C'est pour indiquer l'écart qu'il y avait entre les revenus de
pourboire déclarés et ceux qui étaient, effectivement,
gagnés par les travailleurs et les travailleuses au pourboire. Je dis
bien qu'en 1979, Revenu Canada a commencé une activité de
vérification spécifique auprès des travailleurs et
travailleuses au pourboire et à les cotiser pour les années
antérieures. Comme à chaque fois que Revenu Canada émet
une cotisation à un citoyen au Québec, le Québec
émet une cotisation semblable sur la base de ses rentrées
fiscales des Lois de l'impôt du Québec et inversement, lorsque le
Québec cotise quelqu'un, il en informe Revenu Canada et sa cotisation
suit également normalement Revenu Canada.
Cette nouvelle attitude des vérificateurs de Revenu Canada et de
Revenu Québec a eu comme conséquence d'entraîner des
situations inhumaines, très difficiles pour quelques milliers de
travailleurs et de travailleuses au pourboire au Québec. En effet,
quelques milliers de ces travailleurs et de ces travailleuses ont reçu
des cotisations pour des années antérieures de 3000 $ à
4000 $, 5000 $, 6000 $ qui étaient doublées par celles de Revenu
Canada ou à l'inverse ce qui faisait que ces citoyens devaient faire
face à des situations financières difficiles, pénibles.
Pourquoi? Parce que la situation actuelle, c'est la suivante: Un travailleur au
pourboire peut révéler ses revenus de pourboire une fois par
année au moment où il fait son rapport d'impôt. S'il
révèle la totalité de ses revenus de pourboire à ce
moment, cela lui fait un montant considérable à rembourser aux
différents ministères du Revenu. De plus, même s'il
révèle la totalité de ses revenus de pourboire, il ne peut
pas bénéficier pleinement des différents régimes
sociaux dont les autres salariés du Québec peuvent
bénéficier. Il peut bénéficier du Régime de
rentes du Québec simplement sur la base de son salaire, qui est
ordinairement le salaire minimum, ou près du salaire minimum, mais il ne
peut pas bénéficier du Régime de rentes du Québec
à moins de contribuer pour la totalité, à la fois la part
de l'employeur et la part de l'employé, alors qu'à partir du
moment où le pourboire sera considéré comme un salaire,
l'employeur va payer sa part du Régime de rentes du Québec et
l'employé va aussi payer sa part. (16 h 50)
Actuellement, un travailleur au pourboire qui a un accident du
travail... Des cas de gens que je connais m'ont été cités:
ils ont eu un accident du travail et comme l'indemnité de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail est basée
sur le salaire, ces personnes reçoivent environ 90% du salaire net
basés sur le salaire minimum, c'est-à-dire qu'ils
reçoivent environ 50 $ par semaine d'indemnité de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail.
C'est la même situation en ce qui concerne la Régie
d'assurance automobile. Quelqu'un a un accident d'automobile, la Régie
d'assurance automobile se base sur le salaire net, qui est basé sur le
salaire minimum, ce qui donne une indemnité marginale très
faible.
Il en est de même pour l'assurance-chômage, où un
travailleur au pourboire qui doit bénéficier de
l'assurance-chômage reçoit des montants d'environ 55 $, 60 $, 65 $
ou 70 $ au lieu de recevoir une assurance-chômage qui soit davantage
convenable.
À partir du moment où Revenu Canada, comme Revenu
Québec, a vérifié les travailleurs au pourboire pour les
années antérieures et les a cotisés, j'ai indiqué
que cela avait eu comme conséquence, pour quelques milliers de
travailleurs au Québec, de les faire vivre dans des situations
intolérables, dans des situations difficiles parce qu'ils avaient
à payer des montants pouvant aller entre 5000 $ et 15 000 $ pour des
années antérieures et continuer à payer leur impôt,
alors que leur revenu actuel leur
rendait très difficile cette possibilité, ce qui a
entraîné des problèmes humains, des problèmes
sociaux. Évidemment, il y a eu des réactions de ces travailleurs
et de ces travailleuses au pourboire, réactions qui sont venues comment?
À travers des associations d'employés au pourboire, parce que
ainsi se sont formées des associations de défense des droits des
employés au pourboire dans les régions de l'Estrie, de la
Mauricie, de Montréal, de Québec, etc.
Les syndicats - parce qu'il y a un certain nombre de travailleurs au
pourboire qui sont syndiqués - se sont mis à réagir face
à cette situation et à demander au gouvernement du Québec
en particulier de la corriger.
Deux ans plus tard - puisque les cotisations ont commencé en 1979
- en 1981, mon prédécesseur au ministère du Revenu, M.
Raynald Fréchette, député de Sherbrooke, maintenant
ministre du Travail, a conçu un livre vert qui faisait le point sur la
situation des travailleurs au pourboire en décrivant brièvement
l'historique du pourboire, la situation actuelle des employés au
pourboire, de l'employeur, du consommateur et du ministère du Revenu
face à cette situation, la problématique de la situation
actuelle. Et, dans ce livre vert, il énonçait quatre solutions
possibles, quatre hypothèses de solution.
Il me fait plaisir de parler de ce livre vert sur la situation au
Québec des travailleurs et des travailleuses au pourboire parce que,
à mon sens - c'est d'autant plus agréable de le dire que c'est
mon prédécesseur qui l'a fait - ce livre vert était un des
meilleurs documents de consultation à avoir été fait par
les gouvernements, parce qu'il décrivait très simplement à
la fois la situation des travailleurs au pourboire, la situation de
l'employeur, la situation de l'industrie; il décrivait très bien
quelques hypothèses de solution et les objectifs que devrait viser toute
solution élaborée ou proposée. Je crois que c'était
un document très clair, très simple, pour mener une consultation
qui rejoindrait vraiment les premiers concernés.
Dans ce livre vert, quelles étaient les quatre hypothèses
de solution élaborées? La première, c'était celle
du pourboire obligatoire, et on en décrivait les avantages et les
inconvénients. La deuxième, c'était le pourboire inscrit
sur la facture par le client. Une troisième hypothèse de
solution, c'était de considérer les revenus de pourboire comme
les revenus d'un travailleur autonome, c'est-à-dire qu'un travailleur
autonome paie entièrement sa cotisation au Régime de rentes du
Québec et n'a pas droit à l'assurance-chômage sur ses
revenus de travailleur autonome. Il n'a pas droit aux indemnités de
santé et de sécurité du travail pour le travail autonome,
ou dans la même proportion où ce n'est pas l'employeur qui le
paie. La quatrième hypothèse qui était soulevée,
c'était celle de la déclaration périodique des pourboires
par l'employé à son employeur qui déduirait ainsi à
la source les impôts à payer et la part des
bénéfices sociaux qu'il aurait à payer, comme celle que
l'employé aurait à payer.
Mon collègue, dis-je, a publié ce livre vert à
l'été 1982 et la commission parlementaire y donnant suite a eu
lieu à l'automne 1982. Environ 25 mémoires ont été
présentés à cette commission et au début de cette
commission, comme ministre du Revenu, j'avais indiqué clairement
qu'à mon sens il n'y avait qu'une seule hypothèse à
rejeter, soit celle du statu quo. Il y avait une seule hypothèse que
j'avais complètement rejetée dès le début de la
commission parlementaire; c'était celle de s'en tenir à la
situation actuelle. Pourquoi? Pour deux raisons. Parce que la situation
actuelle est inéquitable au niveau fiscal, les employés au
pourboire ne payant pas la totalité des impôts qu'ils doivent
payer comme tous les autres citoyens. D'autre part, la situation actuelle est
inéquitable parce que ces travailleurs au pourboire ne
bénéficient pas pleinement des bénéfices sociaux
auxquels ils auraient normalement droit comme l'ensemble des salariés du
Québec.
Nous avons vécu ensemble cette commission parlementaire où
je suis entré sans avoir d'idée préconçue et
définitive sur le choix qui serait préférable pour
corriger la situation actuelle. Cette commission parlementaire s'est
déroulée dans un climat d'écoute, de façon positive
avec, je dois le dire, la pleine collaboration des membres de l'Opposition.
Cette commission parlementaire a donné lieu à une
véritable démarche au cours de ces trois jours ou de ces trois
jours et demi. Différents groupes ont fait des démarches et des
individus ont évolué au niveau des idées entre le moment
où ils sont entrés à cette commission parlementaire et
celui - des députés aussi - où ils en sont sortis. La
même chose autant au niveau des employeurs que des travailleurs au
pourboire. Je me souviens très bien d'une association d'employeurs dont
le mémoire disait qu'elle favorisait le fait que les employés
fassent une déclaration de pourboire périodique à
l'employeur. Elle disait: Nous, comme employeur, on est prêt à
payer notre part du Régime de rentes du Québec, mais c'est le
seul bénéfice social que nous sommes prêts à
payer.
À la fin de la discussion entre les députés et les
représentants des employeurs, cette association admettait clairement
qu'elle serait prête, toutes considérations faites, à payer
aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire les mêmes
bénéfices sociaux, et dans la même proportion, que ceux
qu'ils paient à leurs autres salariés et dont les
autres salariés du Québec bénéficient. C'est
une démarche qui a été faite au sein de la commission, au
moment de la commission, et je pense qu'il faut savoir gré à ces
personnes d'avoir accepté de faire un véritable cheminement.
La même chose, jusqu'à un certain point, du
côté des travailleurs et des travailleuses au pourboire dont nous
avons entendu des témoignages individuels percutants, des
témoignages humains qui montraient la situation dramatique que certains
Québécois et certaines Québécoises ont vécue
à la suite des vérifications faites par le ministère du
Revenu et combien ces personnes étaient soucieuses de trouver une ou des
solutions pour l'avenir. Je me souviens particulièrement avoir
demandé à quelques-uns de ces travailleurs et de ces
travailleuses, qui privilégiaient au point de départ le pourboire
obligatoire, à savoir si on mettait en oeuvre l'autre option d'une
déclaration périodique du revenu du pourboire des travailleurs de
ce secteur à leur employeur à chaque période de paie. Si
on indiquait un pourcentage minimal de pourboires à être
déclarés par l'ensemble des travailleurs au pourboire d'un
établissement, ce serait peut-être une façon
d'éviter - ce dont on nous a parlé - le chantage que pourraient
exercer les employeurs face à leurs employés pour qu'ils
diminuent la quantité des pourboires déclarés et ainsi
payer moins d'avantages sociaux. (17 heures)
Je demandais à ces travailleurs et à ces travailleuses si,
en indiquant dans la loi un minimum de pourboires devant être
déclarés par la totalité des travailleurs et des
travailleuses au pourboire d'un établissement, ce ne serait pas une
façon d'assurer une certaine sécurité de ce
côté. Certains ont reconnu que c'était un moyen qu'il
fallait étudier avec attention.
De ces mémoires, de la démarche de la commission
parlementaire - je le dis à nouveau, en ce qui me concerne, elle a
été très satisfaisante, très enrichissante - le
gouvernement du Québec a retenu une formule qui a été
proposée par des travailleurs au pourboire, entre autres, par l'Alliance
des travailleurs au pourboire du Québec qui regroupe des travailleurs et
des travailleuses au pourboire qui sont syndiqués dans certaines
chaînes d'établissements de restauration au Québec. Ils ont
proposé, mot à mot, jusqu'à un certain point, l'esprit,
les grandes lignes de la formule que j'ai retenue comme ministre du Revenu et
que j'ai proposée au gouvernement. Elle s'inspire de la formule qui est
appliquée aux États-Unis depuis janvier 1983. Peut-être
vaut-il la peine de répéter brièvement en quoi consiste
cette formule.
Le travailleur au pourboire, à chaque période de paie, va
révéler par écrit à son employeur la
totalité des revenus de pourboire qu'il a eus durant cette
période. D'autre part, l'employeur va faire les déductions
à la source de l'impôt et on va considérer, à partir
du 1er janvier 1984, que le salaire de base - le salaire minimal, la plupart du
temps - et le pourboire constituent un même et unique revenu sur lequel
le travailleur au pourboire paie de l'impôt, sur lequel il paie sa part
du Régime de rentes du Québec et sur lequel l'employeur paie sa
part des avantages sociaux, comme il le fait pour tous les autres travailleurs
du même établissement. Si la totalité des pourboires
révélés est inférieure à 8%, l'employeur
devra attribuer la différence aux travailleurs et travailleuses au
pourboire.
Cette formule, à mon sens, nous permet d'atteindre les trois
objectifs clairement identifiés dans le livre vert du ministère
du Revenu qui a été l'objet des réunions de la commission
parlementaire. Elle nous permet, premièrement, d'atteindre un objectif
d'équité fiscale. Qu'en est-il de l'équité fiscale?
Cette année, 30 000 travailleurs au pourboire ont
révélé, à l'occasion de la production de leur
rapport d'impôt, avoir reçu des revenus de pourboire pour une
totalité de 33 000 000 $, soit environ 1100 $ par personne. 30 000
personnes ont révélé des revenus pour environ 33 000 000
$, alors qu'on sait qu'il y a environ 70 000 travailleurs au pourboire. Si on
se base sur un pourboire d'environ 10% du chiffre d'affaires, du chiffre de
vente de l'entreprise, c'est environ 250 000 000 $ de revenus de pourboire que
ces travailleurs auraient dû déclarer plutôt que les 33 000
000 $ déclarés, ce qui signifie environ huit fois plus de
pourboires à déclarer que les pourboires déclarés
actuellement en 1983 pour l'année 1982. Vous ne pouvez vous imaginer
l'écart fiscal qui en découle. Au lieu de 250 000 000 $ de
revenus en pourboires déclarés, c'est 33 000 000 $ cette
année pour l'année d'imposition 1982.
Je comprends les travailleurs et les travailleuses au pourboire. Quand
on a à payer 2000 $, ou 3000 $, ou 4000 $ d'impôt en un seul
montant le 30 avril de l'année suivante, après avoir eu ces gains
de travail, il est très difficile de les économiser, il est
très difficile de les payer, surtout quand on ajoute des cotisations
pour les années antérieures pour des montants équivalents.
C'est justement ce problème que nous avons voulu régler par la
formule proposée. À chaque période de paie, normalement
à chaque semaine dans ce métier ou à toutes les deux
semaines, l'employé au pourboire va payer ses impôts à la
fois sur son salaire et sur les pourboires qu'il a faits durant cette
période de paie et sur la totalité des pourboires qu'il a
réellement eus.
Je pense qu'ainsi, l'objectif d'équité fiscale qui fait
que les travailleurs et travailleuses au pourboire doivent payer leur
impôt sur la totalité de leur revenu comme tous les autres
citoyens du Québec, pour la plupart en tout cas, ont à le faire
à chaque semaine ou tous les quinze jours par des déductions
à la source. Il en sera ainsi à l'avenir pour les travailleurs et
travailleuses au pourboire.
L'objectif d'équité sociale. Là aussi, la formule
proposée permet d'atteindre cet objectif d'équité sociale.
Actuellement, le travailleur au pourboire paie, en ce qui concerne le
Régime de rentes du Québec, sa part de 1,8% sur chaque 100 $ de
revenu basé sur le salaire minimum pour la plupart du temps, mais ni lui
ni son employeur ne contribue au Régime de rentes du Québec sur
ses revenus de pourboire.
À partir du 1er janvier 1984, l'employeur comme l'employé
contribueront au Régime de rentes du Québec sur la
totalité des revenus du travailleur ou de la travailleuse au pourboire,
soit le revenu de salaire et le revenu de pourboire qui constitueront, à
partir du 1er janvier 1984, un seul et même revenu.
En plus de la Régie des rentes du Québec, l'employeur aura
à payer sa part de contribution à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail sur la totalité
des revenus de l'employé, à la fois ses revenus basés sur
le salaire minimum, sur le salaire de l'entreprise, plus les revenus de
pourboire, ce qui fera que lorsque cet employé aura un accident du
travail, au lieu de recevoir, comme actuellement, environ 50 $ de revenu
d'indemnité, il recevra une indemnité basée sur la
totalité de son revenu réel, la totalité de son rythme de
vie réel.
Il en sera ainsi au niveau de la Régie de l'assurance automobile
du Québec qui est basée, comme pour la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, sur le salaire de base
actuellement lorsqu'il y a une indemnité à verser. À
partir de janvier 1984, lorsque quelqu'un aura un accident d'automobile et
qu'il est travailleur ou travailleuse au pourboire, il pourra
bénéficier d'une indemnité basée sur 90% de son
salaire net, celui-ci comprenant le salaire de base et le revenu en
pourboires.
Il en est de même des autres avantages sociaux consentis en vertu
de la Loi des conditions minimales du travail en ce qui a trait aux vacances et
aux autres bénéfices sociaux alloués par cette Loi des
conditions minimales du travail.
Au-delà de ces deux objectifs que je suis convaincu que la
formule proposée nous permet d'atteindre, il y a un troisième
objectif qui est très important également et qui, je pense, nous
permet de respecter la formule proposée; c'est la protection de
l'industrie touristique et de la restauration.
Je peux vous assurer, M. le Président, que dans la conjoncture
économique difficile que nous venons de traverser, en analysant ce
dossier depuis un an, j'ai été très soucieux de faire en
sorte que la formule mise en oeuvre ne pénalise pas l'industrie de la
restauration au Québec et ne pénalise pas l'industrie touristique
au Québec tout en rendant droit aux travailleurs et aux travailleuses au
pourboire.
C'est ainsi que, selon la formule proposée, la totalité du
coût de ces bénéfices sociaux à l'entreprise, si les
pourboires déclarés sont en moyenne de 10% dans un
établissement, c'est 1,6% de hausse du chiffre de vente que
représente le coût des bénéfices sociaux à
payer par l'employeur. En somme, si dans tel établissement, les
travailleurs et travailleuses au pourboire révèlent 10% de revenu
de pourboire basé sur leur chiffre de vente et que l'employeur
décide de refiler au complet la facture au client, il devrait augmenter
ses prix d'environ 1,6%. Si les pourboires déclarés sont
d'environ 12%, c'est de 1,9% que l'employeur devrait ou pourrait augmenter son
coût de facturation s'il veut refiler au consommateur le coût total
des bénéfices sociaux impliqués par la
révélation des revenus de pourboire, soit les pourboires
déclarés dans les établissements de restauration et
d'hôtellerie. (17 h 10)
Je peux vous assurer que ces données, nous les avons
discutées, nous les avons travaillées en commission parlementaire
avec les groupes. Je m'en souviens très bien, contrairement aux
affirmations premières où on prévoyait des hausses de
coûts beaucoup plus importantes. On s'est entendu avec nos partenaires
sur le fait que l'évaluation des coûts soit claire. Le coût
total de cette formule pour l'entreprise, si les pourboires
déclarés sont d'environ 12%, serait de 1,9% si on refilait la
totalité de la facture au consommateur. Bien sûr, il faut ajouter
les frais d'administration pour l'entreprise puisque cette formule implique des
mesures administratives au sein de l'entreprise. Je ne veux pas les nier; il y
aura des frais d'administration. Cependant, je dis que, fondamentalement, faire
les déductions à la source pour 100 $ de salaire ou les faire,
à l'avenir, pour 100 $ de salaire plus 100 $ de pourboire - en somme,
sur un revenu de 200 $ ou un salaire de 200 $ - ce n'est pas plus
compliqué. Je ne veux pas réduire le problème à
cette dimension. Il y a des calculs, il y a l'administration sous-jacente, et
elle est là. Je crois que cela fait partie de cette justice, de cette
équité que les entreprises doivent avoir vis-à-vis de
leurs employés, faire en sorte que cette administration, elles
l'assument pour que leurs employés puissent payer leurs impôts,
mais aussi profiter de tous les avantages
sociaux auxquels ils ont droit.
Dans cette perspective, pourquoi avoir rejeté le pourboire
obligatoire, l'autre formule particulièrement discutée ou le plus
fréquemment discutée, évidemment, par les
représentants de plusieurs groupes de travailleurs et travailleuses au
pourboire? Je voudrais indiquer brièvement cinq motifs qui m'ont
incité à rejeter cette formule et proposer au gouvernement de ne
pas l'adopter.
D'abord, le problème qui avait été
créé depuis 1979, qui concernait-il? Il concernait 70 000
travailleurs et travailleuses au pourboire et 20 000 entreprises de la
restauration et de l'hôtellerie. Le problème de
l'équité fiscale ne concernait pas les 4 000 000 de consommateurs
qui bénéficient des services de la restauration et de
l'hôtellerie. J'ai cru qu'il était sage d'essayer de trouver une
formule qui apporte des solutions au problème que nous avions
identifié et qui touchait ces 70 000 travailleurs et travailleuses au
pourboire et les 20 000 entreprises de la restauration et de l'hôtellerie
qui ne participaient pas pleinement, dans le passé, au coût des
avantages sociaux, et non de trouver une formule qui toucherait les 4 000 000
de consommateurs au Québec.
Le deuxième motif pour lequel j'ai rejeté la formule du
pourboire obligatoire, c'est que je ne croyais pas que le moment était
choisi de modifier la relation entre le client et le travailleur au pourboire.
On a eu des témoignages en commission. Les rapports nous l'ont dit,
ainsi que des mémoires, et les discussions avec nos concitoyens du
Québec témoignent que les consommateurs apprécient ce
système où ils peuvent donner un pourboire plus ou moins
élevé selon la satisfaction du service qu'ils obtiennent ou
d'autres considérations du genre. Nous n'avons pas voulu modifier cette
relation entre le client et le travailleur au pourboire.
Un troisième motif plus concret, plus pragmatique, a trait au
coût d'une réforme qui aurait impliqué des frais de service
obligatoires, le pourboire obligatoire. Avec un tel pourboire obligatoire de
15%, plus le coût des avantages sociaux sur ces 15% de frais de service
ou de pourboire obligatoire, on évalue que la hausse des coûts
directe au consommateur, inévitable sur la facture, aurait
été de 17% à 18%, en plus de la taxe de vente actuelle de
10%. Si le pourboire obligatoire avait été fixé à
10%, ce qui, selon les témoignages entendus en commission parlementaire,
était inacceptable, parce qu'il aurait baissé le revenu
réel de plusieurs travailleurs au pourboire qui gagnent plus de 10%
actuellement en revenus de pourboire, on peut indiquer que la hausse des prix
aurait été d'environ 12%.
Selon des données, les effets d'une hausse de prix de 18% ou de
12% sur la facture de la restauration, de l'hôtellerie, auraient
entraîné immédiatement une baisse de l'emploi importante
dans ce secteur et une augmentation réelle du chômage. Je pense
que la dernière chose que nos concitoyens auraient souhaitée,
après la conjoncture que nous venons de vivre depuis deux ans et au
moment où plusieurs commencent à reprendre espoir sur la
possibilité de se retrouver un emploi ou de garder leur emploi, c'est
une hausse obligatoire des prix de 12%, 15% ou 18% dans le secteur de la
restauration qui aurait entraîné la perte d'un nombre
appréciable d'emplois dans ce secteur. Je suis convaincu que même
les personnes qui ont défendu l'idée, qui défendent
l'idée d'un pourboire obligatoire voudraient trouver des moyens
d'éviter cette conséquence; mais on sait que, selon les
règles économiques, cette conséquence aurait
été inévitable dans les circonstances actuelles. C'est un
troisième motif pour lequel le gouvernement a rejeté le pourboire
obligatoire, parce qu'il aurait diminué la consommation interne.
Beaucoup de gens auraient décidé de ne plus aller au restaurant
ou de ne plus aller à l'hôtel, ce qui aurait entraîné
ici une baisse d'emplois.
Ce pourboire obligatoire n'aurait pas seulement entraîné
une baisse de consommation interne face à la restauration et à
l'hôtellerie, il aurait aussi entraîné une baisse de
consommation externe face au tourisme. Je pense qu'il est important de
préserver notre concurrence en Amérique du Nord à ce
titre. Si nous avions choisi cette méthode, cette hypothèse, nous
aurions été le seul État en Amérique du Nord, la
seule province en Amérique du Nord, à appliquer des frais de
service obligatoires sur la facture ou le pourboire obligatoire.
Un autre motif, spécifique au ministère du Revenu
celui-là, c'est que, selon l'expérience des pays où existe
le pourboire obligatoire, on sait qu'il se développe un bourboire
parallèle qui, au début, n'est pas important, mais qui, petit
à petit, devient de plus en plus important. Le problème de fraude
fiscale auquel le ministère du Revenu a fait face aurait
été le même dans quelques années; alors que, par la
formule que nous proposons, le travailleur au pourboire a à
révéler chaque semaine ses revenus de pourboire. Je suis
convaincu que, dans quelques années, même si on avait eu le
pourboire obligatoire, il aurait fallu instaurer une formule semblable pour
prévenir la fraude fiscale sur les nouveaux pourboires qui se seraient
développés parallèlement.
M. le Président, je sais que la solution proposée par le
gouvernement n'est pas une solution parfaite. Il m'est apparu évident en
abordant ce dossier qu'il n'y avait pas de solution idéale, qu'il n'y
avait pas de solution parfaite. Mais je pense que, même si la solution
proposée n'est pas parfaite, c'est
une solution acceptable pour les travailleurs au pourboire, parce qu'en
plus de payer la totalité de leurs impôts, comme tous les autres
citoyens du Québec, ils pourront, comme les autres salariés du
Québec, participer pleinement à tous les avantages sociaux. Je
sais que cette formule ne suscitera pas l'emballement chez les travailleurs au
pourboire, puisqu'ils auront dans l'avenir à payer davantage
d'impôt; mais, pour en avoir parlé, discuté avec plusieurs,
avant comme après le dépôt de ce projet de loi, ou
l'annonce du dépôt de ce projet de loi, qu'elle obtient leur
acceptation. En somme, cette formule est acceptable, je le crois
sincèrement, pour les travailleurs au pourboire. Je crois que cette
formule est acceptable pour les employeurs. J'en veux comme preuve la
déclaration, entre autres, de l'Association des restaurateurs du
Québec qui, l'été dernier, à son congrès de
juin, acceptait l'essentiel de cette réforme qui allait être
proposée. Après l'annonce de la politique retenue par le
gouvernement, elle a indiqué qu'elle était satisfaite de ce
choix. (17 h 20)
Je suis convaincu que cette solution est acceptable pour les employeurs,
parce que, même si elle implique pour eux des coûts
supplémentaires, minimes jusqu'à un certain point de vue, moins
de 2% pour les bénéfices sociaux, plus les frais administratifs,
cette réforme se situe quand même dans des limites acceptables en
ce qui concerne les coûts et les aspects administratifs. De plus, je suis
convaincu que cette solution est parfaitement acceptable pour le consommateur.
Bien sûr, il est possible qu'à partir du 1er janvier 1984 il y ait
une hausse des prix de 1%, 1,5%, 2% environ et je pense qu'il est important
d'indiquer que l'Association des restaurateurs du Québec a
déjà pris position sur ce sujet, en juin dernier, indiquant que
si le gouvernement retenait cette formule, il recommanderait et je cite
l'Association des restaurateurs du Québec: "Recommande à tous ses
membres de hausser leurs prix de vente d'environ 0,5% à 0,75%,
c'est-à-dire moins de 1% dès que cette loi sera en vigueur, de
façon à faire face aux coûts de cette nouvelle charge
sociale pour le personnel au pourboire."
C'était dans la perspective où le minimum était de
6%. Si on le met dans la perspective où les pourboires
déclarés sont autour de 10% ou de 12%, on peut faire
l'hypothèse que c'est 0,5% à 2% la hausse du prix
recommandée par le secteur de la restauration. Finalement, cette
solution est acceptable pour le ministère du Revenu parce qu'elle va lui
permettre de percevoir, comme pour l'ensemble des salariés, à
chaque période de paie les impôts que les citoyens du
Québec ont à payer comme la part que l'employeur a à payer
sur le fonds d'assurance-maladie et des autres bénéfices que
l'employeur doit payer.
En somme, je le redis, cette solution n'est sûrement pas parfaite,
mais je crois qu'elle est acceptable à la fois aux travailleurs et aux
travailleuses au pourboire; elle est acceptable pour les employeurs, et les
consommateurs, et enfin elle est acceptable pour le ministère du Revenu
du Québec.
Cette solution, qui sera mise en oeuvre en janvier 1984, c'est une
solution pour l'avenir parce que lorsque j'avais pris l'engagement, à la
fin de la commission parlementaire, l'an dernier, qu'il fallait que le statu
quo cesse, c'est-à-dire cette situation où quelques milliers de
travailleurs au pourboire sont pénalisés en ayant à payer
rétroactivement pour les années antérieures des
cotisations très élevées sur leur revenu de pourboire,
j'avais indiqué que nous voulions une solution pour l'avenir. C'est
ainsi que le Conseil des ministres, le gouvernement a décidé, et
ceci est capital, que le ministère du Revenu du Québec
n'utilisera pas les renseignements obtenus par l'application de la nouvelle
formule comme élément de preuve et d'information aux fins
d'émettre des avis de cotisation pour les années
antérieures. Je pense que c'est important de bien comprendre cet
engagement, cette décision. Le ministère du Revenu n'utilisera
pas les renseignements obtenus par l'application de la nouvelle formule comme
élément de preuve et d'information aux fins d'émettre des
avis de cotisation pour les années antérieures. Pour être
bien clair, c'est sûr qu'il n'y aura pas amnistie, c'est-à-dire
que le ministère du Revenu n'annulera pas les cotisations
déjà émises, déjà produites, mais le
ministère du Revenu, le gouvernement du Québec a
décidé qu'à partir du 1er janvier 1984, comme nous aurions
mis en oeuvre un système qui faciliterait le paiement de la
totalité des impôts par l'ensemble des travailleurs et
travailleuses au pourboire dans le secteur de la restauration et de
l'hôtellerie, les énergies du ministère du Revenu seront
mises sur des efforts de vérification pour aider à la mise en
oeuvre de cette réforme et pour faire respecter cette réforme,
pour faire respecter cette nouvelle formule. Cela fait partie de la
décision du Conseil des ministres. Je pense que c'est important que les
travailleurs et les travailleuses au pourboire le sachent.
Maintenant, en ce qui concerne - parce que l'Opposition posera
probablement la question - l'attitude de Revenu Canada dans ce dossier, je peux
indiquer à cette Chambre que j'ai écrit à M. John Roberts,
ministre de l'Immigration et de l'Emploi du Canada, à M. Pierre
Bussières, ministre du Revenu national, il y a plus d'un mois
déjà, pour les informer de la décision du gouvernement.
Les fonctionnaires du ministère du Revenu du
Québec ont eu des rencontres à la fois avec des
fonctionnaires du ministère du Revenu national et des fonctionnaires du
ministère de l'Immigration et de l'Emploi du gouvernement
fédéral et ces rencontres se sont déroulées dans un
climat positif.
Deuxièmement, je devais, la semaine dernière, rencontrer
le ministre du Revenu national, M. Bussières, à Québec.
Cette rencontre a dû être annulée à cause d'un vote
à la Chambre des communes, lequel a retenu le ministre
fédéral à Ottawa. Mais il est prévu que d'ici
à quelques jours nous nous rencontrerons, M. Bussières et moi,
pour voir comment nous pouvons agir en présence de cette loi. Mais je
peux vous dire aujourd'hui, toute évaluation faite, que j'ai confiance
que Revenu Canada s'harmonisera avec notre réforme. J'ai confiance que,
à la fois en ce qui concerne le ministère du Revenu national et
le ministère de l'Immigration et de l'Emploi, responsable du secteur de
l'assurance-cnômage, il y aura harmonisation avec notre
réforme.
En conclusion, M. le Président, je peux vous dire que dans ce
dossier, comme ministre du Revenu, je pense pouvoir dire que j'ai eu toute la
collaboration des participants à la commission parlementaire, que j'ai
discuté à plusieurs reprises avec les membres de la commission
parlementaire du côté ministériel de ce projet que nous
avons élaboré ensemble devrais-je dire, que nous nous sommes
tenus en contact depuis un an avec les représentants des employeurs et
les représentants des travailleurs et travailleuses au pourboire.
Aujourd'hui, je veux solliciter la collaboration de tous pour la mise en oeuvre
de la solution retenue. Je peux assurer tous nos partenaires de la
collaboration la plus totale, de l'ouverture d'esprit la plus totale du
ministère du Revenu du Québec et de l'ensemble de son
personnel.
En somme la solution proposée, qui fait qu'à partir de
janvier 1984 chaque travailleur au pourboire aura à
révéler la totalité de ses revenus sous forme de
pourboires et l'employeur à payer la totalité des
bénéfices sociaux en conséquence, donne suite à un
engagement que j'avais pris en commission parlementaire, savoir que le statu
quo ne pouvait plus durer et que nous allions tenter de trouver une solution
qui correspondrait aux trois objectifs d'équité fiscale,
d'équité sociale et de protection de l'industrie de la
restauration et du tourisme au Québec.
Dans toute cette réflexion, vous pouvez être assurés
que c'est d'abord à l'aspect humain qu'ont pu vivre plusieurs
travailleurs et travailleuses au pourboire depuis quelques années au
Québec que j'ai voulu apporter une solution, que c'est dans ce sens que
j'étais convaincu que le statu quo ne pouvait plus durer et qu'il
fallait rendre justice à ces travailleurs et à ces
travailleuses.
Aujourd'hui, je demande à l'Opposition d'appuyer cette loi qui,
à mon sens, va nous permettre d'apporter, comme je l'ai dit
tantôt, non pas une solution parfaite au problème des travailleurs
et travailleuses au pourboire, mais une solution acceptable. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: M. le Président, comme porte-parole de
l'Opposition pour ce projet de loi je veux, dès le début, dire au
ministre que nous de l'Opposition sommes en faveur du principe de ce projet de
loi et cela pour une raison très simple: c'est que même en
commission parlementaire, même avant que les associations des
employés de certains restaurants ou chaînes de restaurants aient
proposé le système américain, c'est moi-même qui ai
proposé ce système au ministre et ai même fourni la
documentation au sous-ministre pour l'aider dans l'étude de ce projet de
loi.
Franchement, quand je suis arrivé en commission parlementaire et
que j'ai reçu le livre vert, j'avais la même opinion que le
ministre: le statu quo était complètement hors de question, parce
que le statu quo causait des problèmes non seulement au fisc, mais aussi
aux travailleurs et travailleuses. C'était inacceptable d'avoir le statu
quo. Si on regardait les quatre propositions du livre vert, on avait un bout de
statu quo. Pour les travailleurs autonomes, c'était presque le statu
quo. De l'autre côté, il y avait le pourboire obligatoire. Le
ministre nous a donné beaucoup de raisons pour lesquelles il n'acceptait
pas le pourboire obligatoire, mais il y en a une qu'il a oubliée. Il y a
eu un sondage CROP, l'an dernier, et 91% de la population était contre
le pourboire obligatoire. Il n'y a aucun parti politique qui proposerait une
telle solution si 91% de la population est contre. Moi-même,
j'étais contre aussi.
Dans ce projet de loi, le principe d'avoir une perception de taxes
raisonnable par le gouvernement et que les employés
bénéficient des avantages sociaux est admirable. C'est ce qu'on
voulait avoir en adoptant cette loi. On a essayé d'avoir quelque chose
entre l'obligatoire et le statu quo. Ici, on a un compromis qui est acceptable,
à mon avis, par presque tout le monde. Mais quand je dis "acceptable",
c'est en principe, parce que, si on regarde les modalités de cette loi,
il y a de la place pour des changements. L'Opposition suggérera des
amendements, en commission parlementaire, dans le but d'améliorer cette
loi. Ce qui est intéressant, c'est qu'avant le dépôt de ce
projet de loi on a entendu des
groupements de restaurateurs ou d'employés qui ont demandé
quand viendrait cette loi, parce qu'on ne savait pas ce qu'elle contenait.
Entre le moment de son dépôt, la semaine dernière, et
aujourd'hui, l'Opposition a déjà reçu des appels de quatre
ou cinq groupements de travailleurs et de travailleuses qui proposent des
amendements parce qu'ils trouvent que certaines modalités ne font pas
leur affaire. Je proposerai certains amendements en commission
parlementaire.
Le ministre dit, en particulier, que l'Association des restaurateurs est
pour son projet de loi. Elle est pour ce projet de loi en principe, mais il y a
des modalités qu'elle n'aime pas. Elle n'aime pas être l'arbitre
entre l'employé et le gouvernement sur la question des 8%, la question
de l'approbation des 8%. Comme le ministre l'a expliqué, si la
totalité des pourboires dans un établissement n'arrive pas
à 8%, c'est l'employeur qui doit donner l'approbation de ce montant, la
différence entre les 8% et le montant rapporté. Il y a dans la
loi une modalité qui dit: "Suivant un accord avec les employés ou
par règlement du ministère du Revenu." Mais les employeurs ne
veulent pas être des arbitres. Je comprends leur argument parce que le
ministre, dans tous ses discours, n'a pas tellement parlé des 8%. Il a
parlé des 10% ou 12% que les gens vont rapporter. Les employeurs disent:
Au moins, fixez un minimum de 8%. Il n'y a pas de question d'approbation. Tous
doivent payer au moins 8% de ce qu'ils ont vendu. S'il y a des gens qui pensent
que 8%, c'est un peu trop, ils ont toujours un recours contre le
ministère pour avoir la ristourne de cette différence.
Maintenant, on n'a pas le droit de parler des autres lois, mais le
projet de loi que le ministre a déposé la semaine dernière
pour donner un nouveau recours à des contribuables quant à la
question des impôts, je suis certain que presque tous les
problèmes des travailleurs et des travailleuses au pourboire tomberont
dans le domaine de cette loi et qu'ils pourront demander à la Cour des
petites créances le remboursement des montants qu'ils pensent avoir
payés en trop s'il y a une cotisation de 8%. J'appellerais cela une
cotisation de 8%. C'est ce que l'Association des restaurateurs veut. Si le
gouvernement veut fixer 8%, faites une cotisation d'au moins 8% et les gens qui
veulent rapporter plus rapporteront plus.
Il y a un autre problème dont le ministre n'a pas trop
parlé. On se demande, si les gens rapportent 8%, s'il y aura aussi des
vérifications après ou si, comme on le fait maintenant, on va
dire: Peut-être que ce n'était pas 8%, peut-être que
c'était 10% et 12%. Si on regarde la loi américaine, dont on a
une copie, on retrouve un paragraphe intéressant dans les explications.
On dit ici - c'est anglais - "The 8% figure reflects the conferees judgment
that the tip rate in establishments subject to this reporting requirement will
rarely be below the 8% level. Thus, an employee who reports less than his
allocated amount of tips must be able to substantiate his reporting
position".
C'est ce que je disais: Si l'employé peut prouver que c'est moins
de 8%, il peut aller devant la Cour des petites créances et demander un
remboursement. Ce qui est le plus intéressant, c'est la suite: "The
Internal Revenue Service could prove that tipped employees received a larger
amount of tip income". Cela veut dire que le fisc peut dire: Oui, monsieur,
vous avez déclaré 8% mais, en fait, vous avez reçu plus de
8%; d'après nos calculs, c'est 10%, 12%, 15% et vous nous devez cet
argent. Je veux au moins avoir une assurance verbale du ministre que si on
adopte une telle loi, pour essayer d'obtenir un peu d'équité
entre le fisc et les employés, on n'aura pas une épée de
Damoclès suspendue au-dessus de la tête des employés au
pourboire, qu'on fera des vérifications de cotisations pour des montants
représentant plus de 7% ou 8%.
Peut-être les gens vont-ils se demander pourquoi seulement 8%,
alors que ces gens reçoivent peut-être 10% ou 12%. C'est dans
l'intérêt de l'employé de déclarer vraiment ce qu'il
gagne parce qu'il recevra des avantages sociaux plus élevés. Mais
il y a des gens qui, pour une raison ou l'autre, vont peut-être s'en
tenir à 8%. Je voudrais au moins avoir l'assurance du ministre qu'il ne
fera pas une chasse aux sorcières contre ces gens. Il n'a pas dit
grand-chose à ce sujet. J'espère que toute politique qui sera
établie au Québec verra son double établi aussi à
Ottawa.
Quant à l'autre point mentionné par le ministre à
la fin de son discours - personne ne peut parler contre la première
partie de son discours, nous sommes tous pour les trois principes
énoncés: l'équité fiscale, l'équité
sociale et la protection de l'industrie du tourisme et de la restauration; on
ne peut être contre ces principes, c'est la base de ce projet de loi et
nous sommes d'accord - et qui représente l'une des raisons de la
présentation de ce projet de loi aujourd'hui, ce sont les fameuses
cotisations des années antérieures. Il a été
explicite pour une partie, mais un peu moins pour l'autre. Il a dit: Aucune
amnistie pour les gens déjà cotisés, mais pour les gens
qui n'ont pas déjà été cotisés,
peut-être doivent-ils de l'argent et n'ont-ils pas été
touchés encore. C'est un peu farfelu, son affaire. Il a dit - je le cite
de mémoire - qu'il allait concentrer ses efforts sur la
vérification de l'application de la nouvelle loi pour que tout
fonctionne bien. Il n'a pas dit clairement qu'il ne touchera pas ces gens.
J'espère qu'il pourra faire une déclaration à ce sujet et
peut-être conclure
un accord avec le fédéral afin que ces gens puissent
dormir en paix, sans avoir à penser qu'on puisse "attaquer" leur rapport
d'impôt.
Il a dit qu'on n'utiliserait pas le chiffre de 8% pour
récupérer les arrérages. De quoi parle-t-il? S'il parle
des cotisations déjà faites, pas besoin de preuve, il y a
déjà eu des cotisations. Sinon, il doit parler d'autre chose. Je
veux être certain qu'il ne touchera pas aux gens déjà
cotisés. Si on finit par dire qu'on ne touchera pas à ces gens,
il y a un autre problème. Il a dit qu'il n'y aurait pas d'amnistie pour
ceux qui sont déjà cotisés. On a donc deux classes de
citoyens: une classe de malchanceux, qui ont été cotisés,
et une autre qui ont été chanceux, qui ont évité le
fisc. Si le ministre veut partir à zéro, il doit le faire au
complet. Je sais que suivant la loi, il n'a pas le droit de mettre des
cotisations de côté, mais on peut toujours amender cette loi-ci
pour donner une amnistie à ces gens-là, dans des cas
spécifiques. Je pense que ce serait équitable pour tout le monde
à ce stade-ci et on demandera à nos amis d'Ottawa de faire de
même.
Je pense qu'il serait juste de ne pas avoir deux classes de travailleurs
et de travailleuses au pourboire: la classe qui était déjà
cotisée et celle qui sera exemptée par une déclaration
ministérielle ou un arrêté en conseil. L'Opposition est
prête à faire cela pour le ministre, soit amender cette loi pour
que ces gens-là soient libérés de cette cotisation.
Il y a aussi quelque chose d'intéressant. Dans cette
loi-là, on a de grands principes mais pas de détails. Je suis
certain qu'on aura des réglementations pour l'appliquer. J'espère
que si on a cette commission parlementaire la semaine prochaine ou
après, le ministre aura au moins un brouillon des règlements
à apporter afin que l'on sache exactement de quoi il s'agit. On a
déjà des appels de gens qui ne comprennent pas exactement qui
sont inclus dans cette loi-ci.. On parle des gens qui travaillent dans des
établissements couverts par la Loi de l'hôtellerie. Est-ce que
cela comprend le "room service" ou le service aux chambres? Cela n'est pas
clair. Est-ce que cela comprend les gens qui perçoivent 10% ou 15%
additionnels sur la facture d'un banquet dans un hôtel? On ne le sait
pas. On sait que particulièrement lors des banquets et des
réceptions à l'hôtel, on ajoute 10% ou 15% à la
facture. Ce n'est pas de viser 8% aux travailleurs au pourboire, les
"waitresses" et les "waiters". Il y a d'autres personnes, même le chef a
une partie de cette affaire-là ainsi que les autres personnes qui
travaillent dans l'hôtel, les "bus boys", les plongeurs et les autres.
Est-ce que ces montants de frais de service seront obligatoirement
ajoutés dans un sens? La personne qui donne la réception ou le
banquet contracte pour ce montant-là. Est-ce que ce montant tombe dans
les pourboires obligatoires? On ne le sait pas, ce n'est pas clair du tout.
On ne trouve pas non plus la définition du pourboire. Qu'est-ce
qu'un pourboire? On doit voir cela dans la loi ou au moins dans les
règlements. On doit discuter de cela lors de la commission
parlementaire.
Même le titre de la loi apporte un peu de confusion - je ne veux
pas utiliser le mot malhonnête. La loi s'intitule "Loi concernant les
travailleurs au pourboire". Si on lit le projet de loi, il s'applique seulement
aux travailleurs au pourboire dans les restaurants et les hôtels. Tous
les autres travailleurs au pourboire ne sont pas couverts et le gouvernement va
se vanter qu'il a adopté une loi concernant les travailleurs au
pourboire.
Je pense qu'on devrait au moins amender le titre. Franchement, on est
d'accord avec l'ensemble du projet de loi. Les Américains ont cette
loi-là depuis le début de l'année, mais elle ne s'applique
qu'aux grands restaurants, comme on les appelle, qui comptent dix
employés et plus. Ici, on fait cela pour tous les établissements
de la restauration et de l'hôtellerie. Je suis également d'accord
là-dessus; je ne suis pas contre.
J'ai reçu une copie d'un rapport qui a été remis au
Congrès américain et je vais vous dire, en deux ou trois mots,
que cela fonctionne très bien pour les employés et pour le fisc.
Il semble que tout le monde soit satisfait. Au commencement, il y avait des
problèmes de communication. Comme je l'ai expliqué au ministre,
il y a des gens qui ne comprennent pas cette loi. Elle doit être plus
explicite. On doit avoir des explications dans la loi. On doit avoir plus de
détails dans la loi. On a besoin d'un règlement en vue de
l'étude article par article pour savoir où on va exactement, qui
est couvert par cette loi. Il y a des gens qui sont pour cette loi: les
associations de restaurateurs. Presque tous les garçons et filles de
table que j'ai rencontrés dans les restaurants sont pour, mais ils
posent certaines questions auxquelles on ne peut pas répondre, parce que
la loi n'est pas claire. C'est pour cela que le ministre a
suggéré qu'on étudie cela demain; je lui ai demandé
- et il a compris - qu'on l'étudie seulement la semaine prochaine pour
donner une chance à ces groupes de faire parvenir au ministre ou de me
faire parvenir leurs sugestions concernant les modalités de cette
loi.
Pour le moment, M. le Président, comme je l'ai dit, l'Opposition
est prête à voter pour le principe de la loi. On verra en
commission parlementaire relativement aux modalités.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je ne pourrais pas
répondre à toutes les questions que le député de
Saint-Louis a posées durant son intervention. Je vais laisser le
ministre et la commission parlementaire répondre à ses questions.
Cependant, je pourrais répondre à quelques questions que je me
suis posées moi-même, c'est-à-dire comment et pourquoi on a
décidé de présenter ce projet de loi 43. Comment en
sommes-nous venus à penser à faire ce projet de loi 43? Tout
simplement parce qu'en 1979 le gouvernement fédéral a fait
parvenir des avis de cotisation à plusieurs personnes travaillant dans
le domaine de la restauration et de l'hôtellerie et, en tout premier
lieu, aux travailleurs et travailleuses au pourboire de l'Estrie.
La raison pour laquelle le gouvernement fédéral a
commencé par l'Estrie, je ne peux pas vous l'expliquer, mais je peux
vous dire que le député de Sherbrooke, M. Raynald
Fréchette, alors titulaire du ministère du Revenu, n'a pas
hésité un instant à étudier la situation des
employés au pourboire. Tout de suite il a publié le livre vert
sur la situation au Québec des travailleurs et travailleuses au
pourboire. Ce livre vert se voulait un outil de travail, un outil de
concertation, également un outil de consultation, donnant le droit de
parole, les 9, 10 et 11 novembre 1982, à tous ceux et celles qui
étaient impliqués dans ce domaine. Les hommes et les femmes
touchés par cette situation ont pu nous exprimer leurs besoins, leur
façon de voir se préparer ce projet de loi 43 que l'on discute
aujourd'hui.
Pourquoi ai-je voulu intervenir sur ce projet de loi? En tout premier
lieu parce que je suis une femme et que presque 60% des employés au
pourboire sont des femmes. Qui sont le moins bien payés dans le domaine
de la restauration et de l'hôtellerie, M. le Président? Comme tout
le monde le sait, ce sont les femmes. Qui, en général, occupe les
postes les moins valorisants dans ce domaine? Les femmes. Qui, en vieillissant,
sont les moins bien protégés par les régimes sociaux? Ce
sont encore les femmes. C'est la raison fondamentale pour laquelle j'interviens
sur ce projet de loi.
Au début de mon intervention, j'ai fait état des raisons
qui nous ont amenés à dire comment nous en étions venus
à préparer ce projet de loi. Maintenant, je suis rendue à
vous dire pourquoi on l'a fait. On a préparé le projet de loi 43
pour trois raisons, M. le Président. Comme le disait le ministre tout
à l'heure, dans un premier temps, c'est pour corriger l'injustice
sociale à l'égard de nos travailleurs et de nos travailleuses au
pourboire; deuxièmement pour corriger l'injustice fiscale à
l'égard des autres contribuables et, troisièmement, pour trouver
ensemble - non pas seulement de notre côté, ensemble - avec les
principaux intéressés du milieu, la meilleure solution ne
risquant en aucune façon de nuire à l'essor grandissant de
l'industrie touristique québécoise. Voilà, M. le
Président, les raisons qui nous ont amenés à
présenter ce projet de loi. (17 h 50)
Aujourd'hui, je vous dirais que, dans son ensemble, le projet de loi
reçoit une assez bonne oreille, d'abord, auprès du ministre du
Revenu fédéral, M. Pierre Bussières, dont on disait, dans
le journal Le Soleil du 16 novembre dernier, alors qu'il s'était
adressé aux membres de la Chambre de commerce de Charlesbourg: "Le
ministre Bussières s'est dit prêt à recommander au ministre
canadien des Finances d'amender la Loi sur l'impôt dans le même
sens que le Québec." Il faut croire que notre projet de loi a une
certaine valeur. Nous avons eu une oreille favorable aussi de la part des
employeurs et, en grande partie, des employés visés par leprojet.
Qu'est-ce que nos employés au pourboire auront à faire
après le 1er janvier 1984, qui sera la date de l'application de cette
loi? L'employé devra obligatoirement déclarer à son
employeur la totalité de ses revenus de pourboire à chaque
période de paie. L'employeur, en plus d'acquitter la quote-part des
différents régimes sociaux, que ce soit la Régie des
rentes du Québec, la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, la Commission de la santé et de la sécurité
du travail et 4% de vacances sur la totalité des revenus
déclarés, aura l'obligation de retenir à la source
l'impôt et la partie du Régime de rentes du Québec payable
par l'employé.
Troisièmement, pour le ministère du Revenu du
Québec, c'était important qu'il aide à nos travailleurs et
à nos travailleuses en leur donnant un carnet des pourboires dont
l'usage sera facultatif, bien sûr, mais je pense que ce petit carnet
aidera nos employés au pourboire à avoir en tête et avoir
à la mémoire tout ce qui s'est passé au jour le jour, tout
ce qu'ils devront déclarer. Vous savez, la mémoire est une
faculté qui oublie et ce serait important qu'ils puissent faire
référence à ce petit carnet qui va leur rendre un grand
service dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle j'incite les travailleurs
et les travailleuses au pourboire à s'en servir. C'est facultatif, je
l'ai dit, au début, comme l'a souligné le ministre. C'est un
outil important de travail. Il serait important aussi que les gens croient que
cela pourrait leur rendre service.
Pour toutes les raisons énumérées plus haut, que ce
soit l'équité sociale, que ce soit l'équité
fiscale, que ce soit pour une meilleure décision pour conserver et
attirer chez nous au Québec, au Québec en général,
et plus précisément dans la région de
l'Estrie, ce nombre incalculable de touristes qui, de plus en plus,
trouvent qu'ici au Québec c'est beau, on est bien et les gens sont
accueillants. Entre autres, je voudrais bien ouvrir une parenthèse. Le
Festival international de la motoneige qui s'en vient cette année. Un
paquet de touristes de partout dans le monde vont venir chez nous...
Des voix: Où ça?
Mme Juneau: À Valcourt, dans le comté de
Johnson.
Une voix: Merci de l'invitation.
Mme Juneau: Ce festival va attirer un nombre incalculable de
touristes. Il faut leur faire une belle façon pour les amener à
revenir encore chez nous pour d'autres choses que toutes les régions du
Québec peuvent leur offrir. C'est ainsi que nous avons essayé,
par ce projet de loi, de minimiser l'impact de ce que pourrait être un
pourboire imputé sur la facture ou autre chose, ou autre proposition
dont le ministre a parlé tout à l'heure. Nous avons voulu
minimiser l'impact et attirer chez nous cette mine d'or qu'est l'industrie
touristique. Pour toutes ces raisons, j'espère que tous les
parlementaires ici à l'Assemblée nationale penseront que dans
leur comté respectif, il y a des employés au pourboire, il y a
des employés qui comptent sur eux et pour toute cette manne touristique,
j'espère que nous, les parlementaires, allons être tous d'accord
pour voter pour ce projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, je note qu'il est 17 h 55.
À moins que vous vouliez que je commence comme, apparemment, le leader
parlementaire insisterait... M. le Président, je ne pense tout de
même pas que ce soit le tyran du groupe, parce que j'en vois d'autres qui
sont bien prêts à m'accorder de suspendre nos travaux
jusqu'à 20 heures, de sorte que tout le monde puisse avoir le
bénéfice d'un discours intéqral.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, puisque la commission des
engagements financiers a suspendu ses travaux, on peut peut-être
suspendre le député de Sainte-Anne pendant cinq minutes
aussi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous allons suspendre nos
travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 56)
(Reprise de la séance à 20 h 04)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! Vous
pouvez vous asseoir. La parole était au député de
Sainte-Anne sur la deuxième lecture du projet de loi 43, Loi concernant
les travailleurs au pourboire. M. le député, vous avez la
parole.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. On parle ce soir de la
Loi concernant les travailleurs au pourboire. D'ailleurs, je dois vous dire que
j'ai mangé très rapidement et j'ai laissé même un
peu plus que 15%. Je suis certain qu'on ne pourrait pas me critiquer.
Il y avait un temps où je m'inquiétais du quorum, mais
maintenant, je suis content de voir qu'il y autant de mes amis péquistes
qui sont venus ce soir pour m'écouter et pour apprendre quelque chose de
la critique libérale positive. On a l'intention de ne pas attaquer le
principe du projet de loi, mais d'apporter des changements et de vous dire:
Messieurs, de temps en temps, sur le principe, nous sommes d'accord, mais sur
le détail, vous avez beaucoup à apprendre. Donc, M. le
Président, je sais que je n'ai pas le droit d'entrer dans tous les
détails, article par article, mais je vais essayer, comme d'ailleurs
tous les autres députés de mon parti, d'améliorer ce
projet de loi pour que, finalement, cela devienne acceptable pour la
population.
Le ministre a dit que le but de ce projet de loi - et il faut bien
comprendre que c'est une loi qui va maintenant régler la situation des
travailleurs au pourboire dans la restauration - est de promouvoir
l'équité fiscale, l'équité sociale, et la
protection de l'industrie touristique. Au point de vue de
l'équité fiscale, évidemment, le ministre a dit - et nous
sommes d'accord avec cela -que chaque contribuable, chaque citoyen et chaque
Québécois, chaque Québécoise doit payer des
impôts sur la somme totale de ses revenus. C'est normal. C'est vrai et
c'est connu que ceux qui travaillent au pourboire ne déclarent
peut-être pas toujours le montant total de leur revenu. Quand je donne
15%, 17% ou 18% à une serveuse dans un restaurant, je ne lui demande
pas: Mademoiselle, avez-vous déclaré ce montant, mais je
présume que c'est inclus dans son revenu et qu'elle le déclare.
Donc, au point de vue de l'équité fiscale, nous sommes d'accord,
évidemment, pour que chaque contribuable paie des impôts sur le
plein montant de ses revenus de quelque source que cela vienne.
On parle d'équité sociale. Cela veut dire que les
travailleurs au pourboire de l'industrie de la restauration n'ont jamais eu
d'équité sociale, parce que précisément,
jusqu'à maintenant, elles - parce que très souvent, ce
sont des femmes qui travaillent dans cette industrie - n'ont pas eu d'avantages
sociaux. Donc, maintenant, en vertu de ce projet de loi, ils ou elles vont
participer aux avantages sociaux tels que le Régime de rentes,
l'assurance-maladie, les avantages en vertu de la Loi sur les normes du travail
et, on l'espère, l'assurance-chômage au fédéral,
dès que le projet provincial sera adopté.
Il y a peut-être quelque chose de bizarre. Je me rappelle
très bien qu'au printemps on avait ici, à l'Assemblée
nationale, une commission parlementaire justement sur ce problème des
travailleurs au pourboire. Tous ces groupes sont venus. Je me rappelle
très bien les représentants des employeurs, propriétaires
de restaurant, qui nous ont dit qu'ils ne voulaient pas de changement parce
qu'ils ne voulaient pas faire de l'administration additionnelle. D'autre part,
des employés sont venus nous parler de leur situation.
Évidemment, la nature humaine sera toujours la nature humaine. Je ne
sais pas, M. le Président, de quelle façon vous déterminez
vos pourboires mais, quant à moi, je me base sur la nature du service.
Si je trouve que le service est plaisant, que le service est personnel, qu'on
semble me considérer comme quelqu'un - ici, je ne suis pas toujours
considéré comme quelqu'un et j'aime bien, quand je mange, qu'on
me considère - je paie au fur et à mesure que je trouve ce
service bon et cela peut varier autour de 10%, 12% ou 15%.
Il y a des gens qui se basent... Je me rappelle des auditions de la
commission parlementaire. On a parlé de la nature humaine, de l'homme
qui, par exemple, quand la serveuse est plus belle, a une tendance -c'est
peut-être naturel - à donner un peu plus. Je vois tout de suite le
député de Trois-Rivières me regarder parce que, lui, il ne
suit pas ce standard. Moi non plus; je vous ai dit tout à l'heure que je
me base exclusivement sur le service. Mais la nature humaine étant ce
qu'elle est, cela arrive. Il y a donc des distinctions à faire. Il y a
des personnes qui sont plaisantes, d'autres qui le sont moins. Il y en a qui
ont le sourire, d'autres qui ne l'ont pas; cela peut varier. Des serveuses sont
venues témoigner devant cette commission qu'elles recevaient des
pourboires de 2%, 3% et 4%. On nous a dit que parfois, pour une facture
totalisant 24,90 $, on leur donnait 25 $, ce qui voulait dire 0,10 $ de
pourboire. Donc, ce n'est pas toujours 8%, 10% ou 15%.
Évidemment, selon le projet de loi, les avantages sociaux seront
basés sur le revenu total. Donc, celles qui reçoivent un peu plus
en pourboires auront donc, par le fait même, un revenu plus substantiel,
évidemment à la condition de déclarer leur revenu total,
alors que celles qui gagnent moins, peut-être à cause de facteurs
extérieurs, déclareront moins et auront donc moins en
bénéfices sociaux. Comme je le disais tout à l'heure,
c'est un facteur dépendant de la nature humaine et on ne peut rien y
faire. (20 h 10)
Quant à la protection de l'industrie touristique, le ministre a
dit: Ce projet de loi va protéger en même temps l'industrie
touristique. Il doit sans doute penser à la situation dont on avait
discuté, c'est-à-dire le pourboire obligatoire de 15% qui
était réclamé surtout par les travailleurs
représentés par la CSN. On a eu de longues discussions. Beaucoup
de témoins sont venus devant cette commission pendant quelques jours. Je
suis heureux de constater que le gouvernement n'a pas accepté cette
formule parce que cela n'aurait sans doute pas été avantageux
pour l'industrie touristique, l'hôtellerie et le commerce en
général. Il y a trop d'éléments négatifs
là-dedans. Si on décide que le client doit obligatoirement payer
15%, indépendamment de la qualité du service, à un moment
donné, cela devient juste un montant additionnel à la facture. En
fait, on se retrouverait dans la même situation que celle qu'on trouve
maintenant en Europe où ceux qui reçoivent un bon service sont
ceux qui donnent un pourboire en sus des 15%.
Je me rappelle très bien quand j'étais en Europe, il y a
deux ans. C'est bien connu qu'en Hollande, par exemple, on a le système
des 15% obligatoires. Tout le monde doit payer 15% en sus de sa facture.
Qu'arrive-t-il? Les Allemands qui venaient en touristes aux Pays-Bas payaient
un montant supplémentaire de 5% ou de 10% et ils avaient le meilleur
service parce que la serveuse ou le serveur disait: Eux, au moins, ils paient
un pourboire. Donc, on donne déjà 15% obligatoirement et,
ensuite, on s'attend à recevoir un montant additionnel.
M. le Président, l'idée du projet de loi - comme le
député de Saint-Louis nous l'expliquait, puisque c'est le
porte-parole de la députation libérale sur ce projet de loi -est
que chaque travailleur au pourboire déclare et doit payer les
impôts sur le montant total de ses revenus. Cela comprend le petit
salaire de base minimal plus le total des pourboires.
Il y a évidemment des réactions de la part des employeurs
parce que, désormais, après l'adoption de ce projet de loi,
l'employeur devra acquitter sa quote-part des différents régimes
sociaux, c'est-à-dire le régime de rentes du Québec, le
régime de l'assurance-maladie, c'est-à-dire 3% du salaire
payables par l'employeur, tous les avantages en vertu de la Loi sur les normes
du travail et aussi la cotisation en vertu de la CSST, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail.
J'ai parlé, la semaine dernière, avec le
propriétaire d'un petit restaurant, à Montréal, et
je lui ai demandé: Qu'est-ce que vous pensez de ce projet de loi? Il a
dit: Je comprends les avantages sociaux pour nos employés, mais j'ai
peur que cela me coûte beaucoup d'argent pour mes employés parce
que je dois financer les avantages sociaux. On parle maintenant d'environ 2% de
plus sur la facture; cela n'est peut-être pas fatal, mais c'est toujours
le problème avec une loi adoptée par le gouvernement. On a des
beaux principes. On ne nous donne pas les chiffres exacts, et on ne sait pas
combien cela va coûter. J'ai peur qu'à un moment donné, le
propriétaire d'un restaurant constate que cela lui coûte beaucoup
plus cher en cotisations pour tous ces avantages sociaux que ce qu'on nous dit
maintenant.
Par exemple, la CSST, la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, facture l'employeur. Donc, ce sera le
restaurateur, le propriétaire du restaurant qui devra payer la
cotisation de la CSST pour chacun de ses employés. Au début, la
CSST va dire: II n'y a rien de sérieux là-dedans; c'est une dame
ou un monsieur qui travaille dans un restaurant; il n'y a pas trop de risque au
point de vue des accidents; donc, on va cotiser un montant pas trop
élevé. Mais, M. le Président, on n'a aucun contrôle
si, soudainement, la CSST commence à avoir soif et décide
d'augmenter ses cotisations. C'est l'employeur qui devra évidemment
payer la note. D'ailleurs, je me rappelle le cas d'un restaurant, à
Montréal, qui comptait deux parties: la partie restaurant et la partie
taverne. La CSST avait dit: Dans la partie taverne, c'est beaucoup plus
risqué; ceux qui y travaillent doivent payer plus cher parce que le
risque de se blesser ou de se faire attaquer - quelque chose du genre dans une
taverne - est beaucoup plus grand que dans un restaurant. Donc, le tarif peut
augmenter. Il faut penser à cela. À un moment donné, la
note pour l'employeur devient tellement dispendieuse qu'il faut l'imposer au
client et le client paie plus cher le repas qu'il y prend.
M. le Président, depuis que le projet de loi a été
déposé, on a fait quelques tests. On a demandé à
ceux qui travaillent justement dans cette industrie ce qu'ils pensaient du
projet de loi. Évidemment, nous sommes d'accord que tous ceux qui
travaillent doivent payer des impôts sur leur revenu. Il n'y a aucune loi
qui dit: Quand tu travailles dans un restaurant, tu peux garder tes pourboires,
les mettre dans ta poche et ne pas les déclarer. C'est vrai dans la
restauration. C'est vrai pour un coiffeur. C'est vrai pour un cordonnier. C'est
vrai dans chaque secteur où on donne un pourboire. On a noté, par
exemple, que dans un grand restaurant, dans un restaurant de luxe, les
employés n'ont aucune objection. Je me rappelle avoir mangé la
semaine dernière dans deux restaurants différents. On a
demandé aux dames qui travaillaient là ce qu'elles en pensaient.
La réaction fut très positive vis-à-vis de ce pourboire.
Elles disaient: Nous déclarons 8%, et cela règle notre cas. Pour
le reste du pourboire entre 8% et peut-être ce que les bons clients nous
donnent, le gouvernement ne posera pas trop de questions, et en
déclarant 8% nous remplissons nos obligations. Je leur ai dit: Je ne
crois pas que ce soit l'intention du ministre que les travailleurs au pourboire
déclarent seulement 8% et qu'ils mettent dans leur poche le reste sur
15%. Évidemment, c'est un problème. Il faut bien expliquer
à ceux qui travaillent dans ce secteur qu'ils sont obligés de
déclarer le plein montant.
M. le Président, dans mon comté, il y a des personnes qui
ont beaucoup de problèmes sur le plan social et économique, qui
ne travaillent pas, qui bénéficient de l'assurance-chômage,
etc. Je suis allé dans un restaurant du type barbecue. J'ai
demandé à la serveuse: Que pensez-vous de ce projet de loi? Elle
m'a dit: M. le député, il faut bien comprendre que, très
souvent, je présente une facture. Il y a trois ou quatre personnes qui
viennent manger un petit poulet, un quart de poulet, une cuisse ou quelque
chose comme cela avec un petit verre de vin. La facture totalise 21,70 $ et on
me donne 22 $; 0,30 $ de pourboire. Que voulez-vous que je fasse? Elle m'a dit:
Le même client revient avec sa femme et son oncle. Ils viennent deux ou
trois fois par mois, et je reçois tout le temps 0,30 $ de pourboire. Je
ne peux pas dire: Vous n'avez plus le droit de venir. Donc, les gens ne donnent
pas toujours 8%, parfois ils ne donnent même pas 1%.
Il faut être prudent. Le projet de loi du ministre dit: Le
pourboire peut varier et être de 8% dans certains établissements
selon la nature de la clientèle dans le cas où le
propriétaire peut faire la preuve que c'est un problème
particulier. Il peut être moindre, mais on dit qu'il ne doit jamais
être moins de 5%.
Je dirais, M. le Président - c'est une autre suggestion positive
de la part de l'Opposition - qu'il y a tout de même des cas particuliers:
si le propriétaire et les gens qui travaillent avec lui sont en mesure
de prouver qu'ils ne reçoivent même pas 5%, que la moyenne est de
3%, par exemple, acceptez donc cela. Ici à Québec, il y a un
petit restaurant où les chauffeurs d'autobus vont le matin et où
je vais de temps en temps prendre un petit "breakfast". Je vois ce que les gens
laissent comme pourboire. Je peux vous assurer qu'ils ne laissent pas 15%,
même pas 10%, même pas 8%. Je le vois autour de moi. Je laisse un
peu plus. On me regarde comme une chose un peu spéciale.
Je dois me comporter un peu comme les autres. Je note que c'est un
restaurant où on devrait faire une exception, où, au moins,
l'établissement devrait avoir la possibilité d'expliquer que ce
n'est pas la même chose. Ce que je dis - et je termine parce que je vois
que j'ai encore une ou deux minutes -c'est que chaque fois qu'il y a ce que
j'appelle de la législation péquiste, de beaux principes nous
sommes d'accord avec cela. Mais soyez donc pratiques, soyez donc flexibles,
donnez une chance au monde de s'expliquer. Ne commencez pas à classifier
tout le monde: Vous tombez dans la catégorie de 8%, de 10%, de 12%, de
15%. Si vous voulez faire cela, il y en a aussi qui sont en-dessous de 5%. Il y
a des gens qui vraiment ne sont pas capables, selon cette loi... Il y aura des
problèmes: comme je disais, le propriétaire qui doit faire toute
cette administration. On parle déjà, il y a encore une
très belle expression péquiste, on va donner maintenant un carnet
de pourboires. Je comprends l'idée d'un carnet de pourboires, mais j'ai
peur qu'à un moment donné on ne soit plus capable de bouger. La
serveuse entre au restaurant: Voici mon carnet. Je prends le carnet, grand
crayon, j'entre exactement le pourboire. (20 h 20)
Soyons flexibles. Disons que l'employé voit ceci, vous allez
tenir compte de cela; mais qu'on ne devienne pas, chacun et chacune qui
travaillent, comme de petits comptables qui rendent compte de ce qu'ils font
à chaque minute de leur vie. Il y a une limite. C'est l'apport que j'ai.
Vous commencez à rire, le ministre va dire: Ce n'est pas là
l'intention. Je vous avertis. Car votre CSST, par exemple, c'est
déjà devenu ce que les employeurs appellent un "nightmare". Je
vois déjà les inspecteurs du ministère du Revenu qui
viennent là: donnez-moi votre carnet; je vais vérifier exactement
ce que vous avez fait hier, de 9 heures à midi; combien d'heures vous
avez travaillé ici et là.
Donnez une chance à ces gens de respirer. À cette
condition et à condition qu'on accepte justement des amendements d'ordre
pratique, d'ordre de flexibilité, d'ordre d'avoir un peu de joie de
vivre, on va l'accepter. Si vous voulez commencer et nous prendre à la
gorge, vous aurez des problèmes. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Bellechasse.
M. Claude Lachance
M. Lachance: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir,
à mon tour, de participer brièvement à la discussion en
deuxième lecture du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au
pourboire. On le sait, ce projet de loi a trois objectifs: d'abord, d'assurer
l'équité fiscale, deuxièmement, l'équité
sociale, troisièmement, de préserver l'industrie touristique au
Québec.
Vous savez, dans la société, il y a toujours une
équation. L'équation des droits et des devoirs. Le devoir des
employés visés par la loi, c'est l'équité fiscale.
Donc, peu importe d'où vient l'argent, 1 $, qu'il vienne de droite, de
gauche, d'en arrière ou d'en avant, c'est 1 $ et il n'est que juste - je
pense qu'il faut le reconnaître - que les citoyens du Québec, peu
importe qui ils sont, peu importent leur âge, la couleur de leurs cheveux
ou de leurs yeux, paient leurs taxes et leurs impôts de façon
équitable. C'est ce que le projet de loi 43 vise.
Cela va de pair avec l'équité sociale que le gouvernement
veut donner à ces citoyens et à ces citoyennes qui sont nombreux
à vivre en partie de pourboires. Quand on parle d'équité
sociale, évidemment, on fait référence à des
avantages dont bénéficie l'ensemble des citoyens du
Québec, auxquels ont droit ces employés qui oeuvrent dans le
secteur du pourboire souvent, comme on le sait, avec un salaire de base horaire
très faible. Pour ceux qui ne le sauraient pas, contrairement au salaire
minimum qui est fixé à 4 $, dans le secteur de la restauration,
cette somme est de 3,28 $ pour les employés de 18 ans et plus et de 2,95
$ seulement pour ceux dont l'âge est inférieur à 18
ans.
M. le Président, lorsque vient le moment de prendre sa retraite,
dans la situation actuelle, avec un salaire de base de 3,28 $ l'heure, on
constate que cela ne donne pas un montant très élevé aux
personnes qui oeuvrent dans le secteur de la restauration. Donc, pour eux, la
Régie des rentes n'est pas très attrayante. Même chose
lorsqu'une personne a la malchance d'avoir un accident du travail. Ses
prestations de la CSST sont en relation avec le salaire horaire. Donc, ces
prestations sont très faibles.
Également, on vit la même situation dans le cas d'accidents
où les prestations de la Régie de l'assurance automobile sont
diminuées parce que l'ensemble de la rémunération des
employés au pourboire n'est pas calculé.
J'ouvre une parenthèse qui n'est pas de juridiction du
gouvernement du Québec, mais je pense que ce qui a été
fait par le gouvernement va permettre aussi - on l'a appris avec plaisir - au
gouvernement fédéral de s'ajuster et de permettre à ces
gens-là qui oeuvrent dans le secteur de pouvoir bénéficier
de prestations d'assurance-chômage plus alléchantes.
Évidemment, l'un des objectifs aussi, je pense, qui préoccupait
grandement le gouvernement, c'est la protection de l'industrie touristique au
Québec. L'industrie touristique constitue un
apport économique très appréciable et je pense que
parmi les solutions qu'on a envisagées pour mettre à jour la
situation des employés au pourboire au Québec, on devait avoir
à l'esprit la protection de l'industrie touristique de façon
à ne pas diminuer l'impact économique que cette industrie peut
avoir sur l'ensemble de l'économie québécoise.
On peut se poser comme question, M. le Président, d'où
cela vient qu'aujourd'hui, on soit appelé, à l'Assemblée
nationale du Québec, à prendre position sur les employés
au pourboire. Si vous me permettez une brève rétrospective, on
peut dire que l'abcès a véritablement crevé - après
des années et des années de tolérance, il faut bien le
dire - en 1979 lorsque Revenu Canada a décidé -pour utiliser une
expression du ministre du Revenu - de faire une opération auprès
de cette catégorie d'employés. Je qualifierais plutôt cela,
non pas d'opération, mais de harcèlement de la part du
gouvernement canadien. Entre les deux paliers de gouvernement, même s'il
est parfois difficile de se parler, il semble y avoir - malheureusement pour
les contribuables - une communication assez bonne entre les deux paliers de
gouvernement - Revenu Canada et Revenu Québec - en ce qui concerne le
rôle des percepteurs d'impôts et de taxes. Toujours est-il que le
geste posé par Revenu Canada, en 1979, a fait en sorte que les
informations ou les avis de cotisation du gouvernement fédéral
ont été transmis à Québec et il a fallu, à
ce moment-là, y donner suite. C'est ainsi que ce geste a
entraîné une série d'avis de cotisation pour un certain
nombre d'employés au pourboire. Comme on pouvait bien s'y attendre, cela
a suscité une vague de réactions vives de la part de cette
catégorie de contribuables.
Le ministre du Revenu de l'époque, le député de
Sherbrooke - je parle maintenant de l'époque 1981-1982 - a
décidé de prendre le taureau par les cornes, comme on dit chez
nous, et de poser des gestes concrets. C'est ainsi qu'il a rédigé
le livre vert sur la situation au Québec des travailleurs et des
travailleuses au pourboire et je crois bien que le député de
Sherbrooke avait connu un auteur du XVIIe siècle, Boileau, parce que
c'est un modèle de concision qu'on trouve là-dedans. Comme le
disait Boileau: "Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et
les mots pour le dire arrivent aisément." Je pense qu'on doit le
féliciter, parce que c'est un modèle de concision. Ce livre vert
contient exactement 18 pages et il résume de façon exemplaire
toute la problématique concernant la situation des employés au
pourboire au Québec.
M. le Président, j'ai eu l'occasion, à titre de membre de
la commission parlementaire du revenu, il y a maintenant un an
-précisément les 9, 10 et 11 septembre 1982 - d'entendre
plusieurs groupes présenter des mémoires en commission
parlementaire pour exposer la problématique concernant cette
catégorie d'employés. Environ 25 mémoires ont
été présentés et c'est ainsi que nous avons pu
étudier l'éventail des revendications des différents
intervenants, c'est-à-dire des employés au pourboire, des
employeurs oeuvrant dans le secteur ainsi que des consommateurs. Cela se
produisait il y a un an.
Par la suite, on peut dire que ce qui est ressorti de la commission
parlementaire a mijoté et, finalement, le Conseil des ministres, le 28
septembre dernier, donnait son accord au projet de loi qui est
présentement devant nous. La solution retenue était
communiquée, annoncée le 4 octobre dernier par l'actuel ministre
du Revenu. Le 15 novembre, la semaine dernière, ici même en cette
Chambre, le ministre déposait le projet de loi 43 qui contient 14
articles. Ce projet de loi doit entrer en vigueur le 1er janvier 1984, donc,
dans quelques semaines. Je pense qu'on doit accorder crédit au
gouvernement et au ministre d'avoir eu le courage, une fois pour toutes, de
clarifier une situation qui existait, si on peut dire, en eau trouble depuis
plusieurs années. (20 h 30)
Dans le livre vert, les différentes hypothèses soumises
résument assez bien, je pense, les avenues qui s'ouvraient au
gouvernement pour arrêter son choix sur l'une des mesures
proposées. La première était les frais de service
obligatoires. On sait que le principal inconvénient de cette mesure est
le fait que le client perd sa liberté d'ajuster à sa juste valeur
la qualité du service rendu. Deuxièmement, le pourboire
obligatoire présentait des problèmes - je pense que tout le monde
le reconnaît - au niveau de l'attrait touristique que le Québec
peut constituer. Une deuxième hypothèse était de permettre
au client d'inscrire lui-même sur la facture le montant de son pourboire.
Une autre hypothèse était la déclaration périodique
des pourboires par l'employé et c'est celle qui a été
retenue. Une quatrième offrait de considérer l'employé au
pourboire comme un travailleur autonome.
Je suis heureux de constater - et ce n'est pas très
fréquent en cette Chambre -la façon non partisane, le ton positif
des députés de l'Opposition et, en particulier, celui avec lequel
le député de Saint-Louis a abordé cette question. C'est
certainement une bonne loi parce qu'ils n'ont pas l'habitude de se gêner
pour critiquer lorsqu'ils ne sont pas contents. Je reconnais cependant que
c'est trop peu souvent en cette Chambre qu'on peut entendre les
députés de l'Opposition dire qu'ils sont d'accord et qu'ils vont
voter avec le gouvernement sur une mesure. Je suis heureux de
cette ouverture d'esprit et j'y vois une espèce de
mûrissement de leur part de reconnaître que le gouvernement a
choisi, parmi toutes les hypothèses, celle qui avait le plus de bon
sens.
Je voudrais relever...
Une voix: ...
M. Lachance: Eh oui! Il arrive parfois que l'Opposition soumette
de bonnes idées et à ce moment-là on les retient.
Justement, M. le Président, le député de Saint-Louis
suggérait tantôt et s'inquiétait même que certains
employés concernés par ce projet de loi ne sont pas au courant,
encore aujourd'hui, de la façon dont cela fonctionnera. Je voudrais, moi
aussi, sensibiliser le ministre - je sais que c'est un type qui va nous
écouter, qui a l'esprit ouvert - à l'importance de bien informer
les employés au pourboire pour que cette mesure s'applique de la
façon la plus harmonieuse possible et que cela se fasse en douce, comme
on dit.
Je voudrais terminer en disant qu'il me fait plaisir de constater la
détermination du gouvernement du Québec de passer aux actes,
même si on sait qu'il est impossible d'en arriver à une
décision qui va faire l'unanimité. On sait que ce n'est pas
possible, parce que les écarts entre les différents intervenants
sont trop considérables, par exemple entre les employés qui
aimeraient bien augmenter leur revenu, et c'est tout à fait normal, et
d'autre part, les consommateurs qui veulent continuer aussi d'avoir
accès à un service au moindre coût possible, en passant par
les employeurs qui veulent avoir le moins de problèmes possible
concernant la paperasse et tout ce qui entoure les contributions de
l'employeur.
Je pense qu'il faut retenir de tout cela qu'on a décidé de
passer aux actes et d'arrêter, comme disait quelqu'un un jour dans cette
Chambre, de faire le jeu de l'autruche et d'avoir la tête dans le sable.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, nous prenons bonne note des
commentaires du député de Bellechasse faisant
référence à ce que l'Opposition était très
positive. Je tiens à souligner au député de Bellechasse
que nous sommes toujours positifs; lorsque nous faisons des critiques à
ce gouvernement elles sont plus que fondées.
À titre d'exemple, nous avons proposé depuis de nombreuses
années à ce gouvernement l'abolition des droits successoraux afin
d'éviter à nos concitoyens les plus nantis d'investir dans
d'autres provinces canadiennes ou aux États-Unis dans le but
évident...
M. Blouin: ...
M. Bissonnet: Je reviens à la pertinence, M. le
député de Rousseau, ne soyez pas inquiet. Je suis en pleine forme
ce soir, j'ai passé une bonne journée et j'ai laissé de
bons pourboires ce midi et ce soir.
Il s'agit d'un projet de loi à caractère restrictif, il
faut l'avouer, pour récupérer des impôts qui ne sont pas
payés par nos concitoyens qui oeuvrent dans le domaine de la
restauration et de l'hôtellerie. Il est évident qu'il y a eu
beaucoup de discussions sur l'imposition d'un pourboire obligatoire mais tous
les sondages, et en particulier le sondage CROP qui a été
publié au mois de février 1983, ont démontré que
91% de la population du Québec s'opposait à un pourboire
obligatoire parce qu'il est important pour le consommateur d'apprécier
la qualité du service qui lui est offert lorsqu'il va dans un
hôtel ou dans un restaurant.
De plus, je pense que le gouvernement du Parti québécois
devrait s'efforcer de tenir compte - j'entendais quelques députés
en parler relativement à ce projet de loi - de l'importance de
l'industrie touristique. Qu'est-ce qu'on fait pour amener des touristes au
Québec? Qu'est-ce qu'on fait véritablement pour amener une
nouvelle clientèle au Québec? On n'a qu'à penser au
gouvernement américain, à l'État de New York qui n'est pas
loin d'ici. M. le Président, je suis certain que, dans le comté
de Laviolette, vous avez eu l'occasion de remarquer ces annonces commerciales
qui affichent: "I love New York"; venez nous voir. Nous, au Québec, on
n'invite pas les gens qui habitent à 100 milles d'ici à venir
voir nos richesses, à venir constater l'intérêt
touristique; on ne les incite pas à venir nous visiter. Combien perd-on
en revenus, annuellement? On s'efforce, pourtant, d'avoir des maisons du
Québec à San Francisco, à Boston, en Europe; c'est pour
les investissements.
Évidemment, tant que la question de l'indépendance
nationale ne sera pas clarifiée, c'est plus difficile pour les maisons
du Québec d'oeuvrer à l'étranger et d'amener des
investissements sérieux. Il n'en demeure pas moins qu'au plan
touristique le gouvernement est dans une situation dont nous ne pouvons pas
être fiers, comme Québécois, parce qu'il n'amène pas
les touristes au Québec. Cette industrie devrait être, pour une
population de 6 000 000 dans un territoire immense comme le nôtre, un
apport important pour relever et relancer notre économie.
Égalité de nos concitoyens en regard du
projet de loi, ceux qui oeuvrent dans ce domaine, les employés au
pourboire. Évidemment, je suis convaincu que chaque député
en cette Assemblée, même si nous ne sommes pas nombreux ce soir,
compte, dans son comté, des citoyens qui oeuvrent dans ce domaine.
Relativement à des accidents du travail, relativement à des
réclamations en vertu de la Loi sur l'assurance automobile, relativement
à une perte d'emploi où ils sont nettement
défavorisés, étant donné qu'ils sont payés
au tarif du salaire minimum et en deçà du salaire minimum, leurs
réclamations ne correspondent pas exactement au revenu réel
qu'ils gagnent comme travailleurs dans ce secteur de l'industrie. (20 h 40)
Le député de Saint-Louis a fait un travail remarquable. Ce
n'est pas la première fois d'ailleurs que le député de
Saint-Louis défend des projets de loi dans cette Chambre. Lorsqu'il
était vice-président, comme vous, M. le Président, il a
accompli un travail qui a été souligné à plusieurs
reprises. Il a fait des recherches à propos de ce projet de loi pour ce
qui est de la connotation de nos voisins, les États-Unis. Les
Américains ont sensiblement ce même projet de loi. M. le ministre,
il est évident que les membres de l'Opposition qui assisteront à
la commission parlementaire, ayant en tête leur chef de file, M. le
député de Saint-Louis, M. Blank, vous proposeront des amendements
afin de corriger des lacunes en ce qui a trait aux réclamations des
employeurs, compte tenu de la comptabilité additionnelle qu'ils auront
à faire. Dans les petits restaurants, ce sera peut-être un fardeau
de travail additionnel qu'il faudra alléger pour permettre aux
propriétaires de mieux administrer leur commerce.
Prestations d'assurance-chômage. Souvent, on entend les
députés du Parti québécois parler contre Ottawa.
C'est toujours la faute d'Ottawa, mais cette fois-ci, il faut remarquer la
déclaration du ministre Bussières qui a annoncé qu'il
ferait tout en son possible pour convaincre le gouvernement
fédéral de modifier la Loi sur l'assuranee-chômage afin que
les employés qui oeuvrent dans ce domaine, compte tenu des 8%
additionnels et des réels pourboires qu'ils déclareront, puissent
être admissibles à l'assurance-chômage au même titre
qu'un employé salarié qui a un revenu de X par année.
M. le Président, c'est évidemment une amélioration
des revenus pour l'État qu'on dit de l'ordre de 40 000 000 $.
J'espère que ce gouvernement, au lieu de donner seulement 30 000 000 $
pour la relance économique, sera plus généreux dès
le début de janvier pour relancer davantage l'économie, parce que
je pense qu'on n'a pas touché au véritable domaine de la relance
et que ce revenu additionnel permettra sûrement à l'État de
mieux faire son travail. Nous attendons de voir l'attitude du gouvernement en
commission parlementaire, mais si les amendements que nous proposerons sont
acceptés, il est évident que l'Opposition votera pour ce projet
de loi. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre
droit de réplique.
M. Alain Marcoux (réplique)
M. Marcoux: M. le Président, je serai très bref
dans ce droit de réplique, compte tenu de la nature du débat. Je
vois que nous avons fait consensus sur l'essentiel, nous du parti
ministériel et les membres de l'Opposition, pour véritablement
pouvoir apporter une solution qui, même si elle n'est pas parfaite, est
quand même acceptable à la fois pour les travailleurs et les
travailleuses au pourboire, les employeurs, les consommateurs et le
ministère du Revenu.
Je peux assurer l'Opposition de mon ouverture d'esprit face aux
amendements qu'elle ou différents groupes pourront proposer lors de
l'étude article par article en commission parlementaire pour
améliorer le projet de loi 43, parce que, évidemment, il y a
plusieurs nuances possibles dans la façon d'appliquer les principes
d'une loi, l'essentiel d'une loi.
Quant à certains points précis - je pense que c'est le
moment de répondre à certaines questions, certaines
interrogations de l'Opposition ou à certaines de ses remarques,
très brièvement toutefois, puisque je pense que c'est davantage
en commission parlementaire que nous pourrons aborder chacun des points
précis soulevés par les députés de l'Opposition -
je voudrais quand même indiquer qu'un des éléments
importants de ce projet de loi a trait à l'attribution des pourboires
non déclarés, si l'ensemble des pourboires déclarés
dans un établissement sont inférieurs à 8%. Là
aussi, des aménagements sont possibles. On regardera les suggestions qui
nous seront faites, mais fondamentalement, le principe de l'attribution des
pourboires dans un établissement où l'ensemble des pourboires
révélés serait inférieur à 8%, ce principe
fait partie de la loi comme il fait partie de la formule américaine.
C'est ce qui fait la différence fondamentale entre une simple
déclaration volontaire, à chaque période de paie, ou
même obligatoire sans minimum, c'est ce qui assure l'objectif de ces 8%,
il faut bien le voir, il est double. D'une part, c'est évident, c'est
d'assurer un minimum de recettes fiscales au gouvernement qui correspond
à la réalité d'ailleurs puisque tout le monde admet que la
moyenne des pourboires au Québec est même supérieure aux
pourboires aux États-Unis et qu'elle est bien davantage
probablement autour de 11%, 12% ou 13%. C'est d'assurer un minimum de
recettes fiscales.
Je l'ai indiqué cet après-midi, c'est aussi une
réaction face à la crainte pour certains employés qui
craignent des pressions que certains employeurs pourraient faire sur eux pour
faire en sorte que les pourboires soient déclarés au minimum pour
diminuer le coût des bénéfices sociaux. C'est une
façon de s'assurer ainsi que les pressions que certains, même si
c'est une très faible minorité, pourraient vouloir exercer sur
leurs employés ne s'exercent pas ou soient affaiblies.
Un autre point qui a été abordé par l'Opposition
concerne la vérification. Là je veux être très
clair. Le député de Saint-Louis m'a posé la question
à savoir si les vérifications du ministère du Revenu
continueraient pour l'avenir. Il est évident que c'est une des fonctions
essentielles du ministère du Revenu de vérifier l'application des
lois. Il est évident que pour les travailleurs au pourboire, il faut
être très clair quant à l'esprit de la réforme.
C'est que le travailleur au pourboire révèle la totalité
de ses pourboires réels. On sait que dans plusieurs institutions la
moyenne des pourboires est peut-être de 18%, 20%, par exemple, dans les
bars, dans des restaurants plus chics alors que dans d'autres, c'est
plutôt autour de 10%, de 9% ou 11%.
C'est très clair dans loi. L'esprit fondamental de la loi, le
principe de base, c'est que le travailleur au pourboire et la travailleuse au
pourboire révèlent leur revenu de pourboire réel et le
ministère du Revenu conserve ses moyens de vérification habituels
qui sont par exemple de regarder dans tel établissement, sur les cartes
de crédit. Si, sur les cartes de crédit d'un travailleur au
pourboire, la moyenne des pourboires révélés est autour de
17% ou 18% ou 15%, on sait bien qu'il ne peut pas déclarer une moyenne
de pourboire réelle pour l'ensemble de son chiffre d'affaires de 8%.
L'esprit fondamental de la loi, c'est que le travailleur au pourboire
révèle la totalité de ses pourboires réellement
perçus. Dans cet esprit, c'est évident que le ministère du
Revenu n'abdique pas le droit, comme c'est son devoir, de faire cette
vérification. Je pense que cela entre dans cet esprit
d'équité fiscale.
Quant aux cotisations, le député de Saint-Louis m'a
demandé qu'est-ce qu'il arriverait dans l'avenir? J'ai voulu être
très clair quant à l'avenir. C'est une décision du Conseil
des ministres. Je l'ai indiqué: Le ministère du Revenu du
Québec n'utilisera pas les renseignements obtenus par l'application de
la nouvelle formule comme élément de preuve et d'information aux
fins d'émettre des avis de cotisation pour les années
antérieures. J'ai ajouté: Les efforts du ministère se
feront en termes de vérification sur l'application de la nouvelle
formule à partir du 1er janvier 1984 parce qu'on est là pour
aider à la fois les travailleurs et les employeurs à appliquer
cette nouvelle formule et que les efforts de vérification du
ministère se feront sur le respect de cette nouvelle formule
c'est-à-dire que nous tournons une page. Je veux que cela soit
très clair que nous n'utiliserons en aucun cas les informations
transmises à partir de la révélation périodique des
pourboires à partir du 1er janvier 1984 pour cotiser pour des
années antérieures les travailleurs au pourboire. Même dans
les établissements où nous serons appelés à faire
des vérifications, pour d'autres motifs, faillite de l'entreprise, etc.,
nous appliquerons dans le même esprit cette décision par rapport
aux années antérieures.
Un autre point soulevé par le député de
Saint-Louis, qui a évoqué la possibilité de l'amnistie ou
qui a souhaité l'amnistie pour les travailleurs au pourboire qui ont
déjà été cotisés depuis 1974,
c'est-à-dire l'annulation des cotisations déjà faites et
dans la plupart des cas déjà payées en totalité ou
en partie. Là aussi je dois être très clair, je pense que,
à bien y penser, le député de Saint-Louis sera d'accord
avec moi, il n'y a sous aucune juridiction fiscale en Occident de telles
possibilités d'amnistie face à des cotisations déjà
émises en conformité avec la loi qui exigeait que les
travailleurs au pourboire, comme tous les autres travailleurs,
révèlent la totalité de leurs revenus durant une
année. Dans ce sens...
M. Blank: Si le ministre me permet une question pour la
clarification de cette partie.
M. Marcoux: Bien sûr.
M. Blank: J'ai entendu bien clairement le ministre dire qu'il
n'utilisait pas les 8% pour vérification des années
antérieures. Mais si on ne l'utilisait pas, je vous demande si, pour des
gens qui n'étaient pas cotisés, par d'autres moyens comme, par
exemple, le "net worth" de la personne, vous faites des vérifications
pour essayer d'attraper d'autres travailleurs au pourboire qui n'ont pas fait
de déclaration adéquate?
M. Marcoux: Ma réponse est très claire, c'est non.
Quand j'ai dit que les efforts de vérification du ministère
seraient pour aider à la fois les entreprises et les employeurs à
mettre en oeuvre la nouvelle formule et que les efforts de vérification
du ministère seraient véritablement pour que cette formule soit
respectée, c'est que c'est clair dans mon esprit comme dans l'esprit de
l'ensemble des membres du Conseil des ministres qu'en appliquant cette formule,
les travailleurs au pourboire du Québec seront
appelés à payer davantage d'impôt, et que les
employeurs seront appelés à payer davantage pour l'ensemble des
bénéfices sociaux et que nous devons, par rapport aux
problèmes d'inéquité fiscale, d'inéquité
sociale qui existaient dans le passé, tourner la page, sans amnistie,
cela va de soi, selon tous les principes communément admis dans la
fiscalité des pays occidentaux. Nous disons: II y a eu des
problèmes dans le passé, il y a eu un livre vert pour tenter de
les corriger, il y a eu des hypothèses d'émises et on a
réussi, d'après ce que je peux voir, à faire un consensus
minimal sur une solution possible à ces problèmes; nous allons
déployer tous nos efforts pour la mise en oeuvre de cette solution,
puisque nous sommes convaincus que c'est là que, à la fois, le
ministère du Revenu obtiendra justice en termes de paiement des
impôts alors que les travailleurs au pourboire rendront justice à
leurs concitoyens en payant leurs impôts et qu'ils obtiendront justice
par rapport aux différents bénéfices sociaux. Je veux
être très clair par rapport à l'amnistie et je suis
convaincu que le député de Saint-Louis abondera dans mon sens que
ce n'est pas possible face à notre philosophie et notre pratique
fiscales.
En ce qui concerne la réglementation, il y a un seul
règlement de base que je déposerai à la commission
parlementaire. Dans la loi, on dit que l'attribution se fait à partir
d'une entente entre les employés et l'employeur; s'il n'y a pas entente,
le règlement prévoit deux méthodes, c'est-à-dire
l'attribution des pourboires non réclamés, s'ils sont
inférieurs à 8%, sur la base soit du chiffre de vente de chaque
employé, soit du nombre d'heures d'ouvrage. Le règlement
prévoit la mise en oeuvre de ce principe, de cette possibilité
qui est ouverte dans la loi.
Pour ce qui a trait à la mise en oeuvre de cette politique - j'ai
été heureux de voir le député de Saint-Louis le
signaler - durant l'été j'ai envoyé une équipe
composée du sous-ministre en titre, de l'adjoint administratif du
sous-ministre et d'un membre de mon cabinet voir comment se mettait en oeuvre
la formule américaine et à la fois rencontrer non seulement
l'IRS, l'Internai Revenue Service, mais rencontrer aussi des
représentants des employeurs et des représentants des
travailleurs. J'ai alors fait rapport au Conseil des ministres, puisque
c'était une idée qui a été soumise par mes
collègues d'aller voir comment s'appliquait la formule depuis quelques
mois. Je leur ai donc fait rapport ainsi qu'au Comité de
développement économique. Tous nous avons été
convaincus que la mise en oeuvre de la formule américaine, la
façon dont elle se faisait actuellement aux États-Unis, pouvait
facilement être transposée au Québec et qu'elle produisait
de très heureux effets, même si cela faisait très peu de
mois que cette formule était en vigueur. Je dirais que c'est le dernier
argument qui a fini par me convaincre, ainsi que mes collègues, que
cette formule pouvait être facilement - pas nécessairement
facilement, mais qu'elle pouvait l'être - applicable au
Québec.
En ce qui concerne le carnet des pourboires - là, je fais
écho à une remarque d'un de vos collègues, le
député de Sainte-Anne, je crois - si nous avons
préparé ce carnet... Au début, on aurait pu le rendre
obligatoire comme il est obligatoire aux États-Unis, mais nous avons,
dans une première étape, préféré le rendre
disponible comme instrument pour les travailleurs au pourboire. D'ailleurs,
jusqu'à maintenant, ce sont les travailleurs au pourboire qui ont
insisté autant que certains employeurs pour que nous fournissions cet
instrument. On est convaincu qu'au cours des mois et des années, cet
instrument, ce registre ou ce carnet quotidien des pourboires sera de plus en
plus utilisé par les travailleurs au pourboire pour conserver les
données sur leur chiffre de vente, sur les pourboires qu'ils ont
reçus, les pourboires qu'ils ont redistribués et le montant net
de leurs pourboires. Si nous avons voulu le donner comme instrument, ce n'est
pas pour imposer de la paperasse aux travailleurs au pourboire. C'est vraiment
pour répondre à une demande qu'ils ont faite et qui correspond,
je pense, à une nouvelle attitude qu'il faut avoir au ministère
du Revenu, à savoir de donner les instruments les plus simples et les
meilleurs possible à nos concitoyens pour remplir leurs exigences
fiscales.
Quant à Revenu Canada et au ministre du Revenu du gouvernement
fédéral, j'ai oublié d'indiquer dans le discours de
deuxième lecture que j'appréciais hautement le fait que,
dès la parution du projet de loi 43, M. Bussières ait
indiqué publiquement qu'il était entièrement d'accord avec
les principes et le contenu de cette loi. J'ai oublié d'indiquer
à ce moment-là ma confiance dans le fait que le gouvernement
fédéral harmonise ses lois avec cette nouvelle politique. Cela
faisait partie de l'élément de ma confiance - je m'en veux de ne
pas l'avoir dit à ce moment - qu'il fallait noter, entre autres, la
déclaration du ministre du Revenu national qui appuyait
entièrement le projet de loi 43, en tout cas, dans ses principes et dans
ses éléments fondamentaux.
Je le dis simplement à titre d'information, au niveau fiscal, le
plus grand bénéficiaire de cette mesure n'est pas le gouvernement
du Québec, mais bien le gouvernement fédéral, puisque pour
40 000 000 $ que le gouvernement du Québec va percevoir, en gros, ses
rendements de péréquation vont diminuer d'environ 20 000 000 $.
Cela signifie que cette mesure aura un rendement fiscal net
d'environ 20 000 000 $, alors que le gouvernement fédéral,
en plus de recevoir les impôts et le rendement de
l'assurance-chômage, va pouvoir comptabiliser comme revenu
supplémentaire net la péréquation qu'il n'aura pas
à payer au gouvernement du Québec. Notre système fiscal
est ainsi fait que, chaque fois que le Québec hausse ses revenus
autonomes ou le rendement fiscal de ses propres taxes, la
péréquation diminue dans une certaine proportion, en
conséquence.
C'est donc dire que, concrètement - je pense qu'il faut le
constater - le gouvernement fédéral a autant
d'intérêt que nous, sinon plus - en pratique, plus que nous, en
termes fiscaux - à se joindre à cette réforme. Je suis
convaincu que comme nous, si le gouvernement fédéral se joint
à cette réforme, ce n'est pas simplement pour des questions de
rendement fiscal, quoique cela joue aussi, mais c'est aussi pour régler
ou pour trouver une solution qui rejoint les trois objectifs dont j'ai
parlé à quelques reprises depuis le début de cet
après-midi, c'est-à-dire l'équité fiscale,
l'équité sociale et assurer quand même la
sécurité de notre industrie de la restauration et de notre
industrie touristique.
En terminant, je veux remercier mes collègues qui ont
participé à la commission parlementaire, il y a un an, dans un
esprit de travail, qui m'ont accompagné dans toute la réflexion
que j'ai faite sur cette question durant les mois qui ont suivi et que j'ai
consultés régulièrement sur l'état de la
réflexion. Je veux également remercier l'Opposition pour sa
collaboration positive durant toute la commission parlementaire et l'attitude
qu'elle a eue dans l'ensemble de ce débat, en deuxième lecture,
sur ce projet de loi. (21 heures)
J'avoue qu'au point de départ ce n'est pas une question
emballante, ce n'est pas une question facile parce qu'on sait que lorsqu'on
touche la fiscalité, lorsqu'on touche l'impôt, on touche souvent
à la fibre sensible de nos concitoyens. Même si ce sont des
questions financières, elles touchent leur vie de tous les jours. Cette
question des travailleurs au pourboire a fait l'objet de l'attention de nos
concitoyens depuis des années en ce sens qu'on a tous été
sensibilisés par des personnes qui nous ont raconté les effets de
l'application des mesures fiscales jusqu'à maintenant sur leur vie
personnelle. On a tous été sensibilisés à travers
les journaux sur les effets de l'application actuelle des lois fiscales dans ce
domaine. C'est probablement ce qui nous a tous rendus conscients ici, à
l'Assemblée nationale, que le statu quo ne pouvait plus durer, que toute
solution quelle qu'elle soit, même si elle n'était pas parfaite,
valait mieux que le statu quo par rapport aux objectifs que nous poursuivons
ensemble.
Je vous remercie et je souhaite que la commission parlementaire se
déroule dans le même esprit que ce débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième lecture
du projet de loi no 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire, est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission du revenu
M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission
permanente du revenu.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: Avant d'appeler un nouvel article, je demanderais une
suspension pour permettre au député de D'Arcy McGee d'être
présent.
M. Picotte: M. le Président, on m'informe que notre
collègue de D'Arcy McGee sera ici dans quelques minutes. Si on peut
suspendre quelques instants, on pourra poursuivre à son
arrivée.
Le Vice-Président (M. Jolivet): D'accord, suspension
accordée pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 21 h 02)
(Reprise de la séance à 21 h 03)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 3 de notre feuilleton.
Projet de loi 36 Reprise du débat sur la
deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Reprise du débat
sur la motion du ministre de la Justice qui propose que le projet de loi 36,
Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès,
soit maintenant lu la deuxième fois.
La parole est au député de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Nous sommes en
présence du projet de loi 36, intitulé Loi sur la recherche des
causes et des circonstances des décès, qui va remplacer notre Loi
sur les coroners. Je pense qu'on peut parler de la Loi sur les coroners.
Il faut que je souligne tout de suite que le ministre a refusé
d'entendre en commission parlementaire les organismes qui voulaient se faire
entendre. Je l'ai demandé au mois de juin 1983 et le ministre n'a pas
répondu, c'était en réflexion. Ont suivi les mois
d'août, de septembre, d'octobre et de novembre. Il me semble qu'il aurait
été possible d'entendre en commission parlementaire ceux qui
auraient aimé être entendus par la commission permanente de la
justice. Le ministre a refusé, je ne sais pas pourquoi. Je pense qu'il
aurait été utile d'entendre des gens qui ont quelque chose
à dire comme les chefs de police, les organismes de protection des
droits de la personne, le barreau, l'Association des avocats de la
défense, etc.
Je fais appel à tous ceux qui veulent se faire entendre pour
qu'ils exercent des pressions sur le ministre de la Justice et le leader du
gouvernement, peut-être même sur le premier ministre, afin qu'ils
convoquent la commission permanente de la justice pour entendre ces personnes.
J'espère que cela est encore possible, rien n'empêche de le faire,
sauf le refus du ministre.
J'aimerais, premièrement, faire un historique de l'institution de
coroner. Le coroner se veut être un enquêteur indépendant
qui cherche à détecter les décès survenus par suite
de violence, de négligence ou de conduite coupable d'un tiers, et
identifier les personnes pouvant être responsables de ces
décès.
Il s'agit d'une vieille institution qui trouve son origine en Angleterre
au cours du Xlle siècle et qui fut introduite au Québec avec la
conquête. C'est ainsi que le 16 octobre 1766 le lieutenant-gouverneur Guy
Carleton nommait John Burke pour exercer les fonctions de coroner dans le
district de Montréal. Depuis cette époque les fonctions de
coroner ont quelque peu évolué avant d'être définies
pour la dernière fois dans une loi sanctionnée le 29 juin 1967 et
que l'on retrouve actuellement au chapitre C-68 des lois refondues du
Québec sous le titre de Loi sur les coroners.
Cette loi est fortement critiquée depuis plusieurs années
par le Barreau du Québec, l'Association des avocats de la défense
de Montréal, les groupes dédiés à la défense
des droits de la personne ainsi que par les coroners eux-mêmes. On
dénonce les abus inqualifiables auxquels cette loi donne lieu et
certains se demandent même s'il ne faudrait pas tout simplement abroger
cette charge de coroner.
Des comités d'étude au sein du ministère de la
Justice se sont penchés sur l'institution de coroner. C'est ainsi, par
exemple, que la Direction de la recherche du ministère de la Justice
présentait au ministre de la Justice, en novembre 1979, un rapport
intitulé "Pour la réforme de l'institution des coroners." Ce
rapport qui ne fut jamais rendu public, mais dont nous avons obtenu copie,
incluait qu'il fallait repenser complètement la législation
québécoise relative à cette institution.
Des projets de loi furent préparés et le ministre de la
Justice a répété à plusieurs reprises qu'il allait
procéder à une refonte en profondeur de la Loi sur les coroners.
Cependant, rien ne fut fait. Pendant ce temps, l'institution de coroner
connaissait des changements majeurs en Angleterre, aux États-Unis et
dans la plupart des provinces du Canada. Après sept ans de travail, le
ministre a déposé un projet de loi au mois de juin 1983. Sept ans
de travail, je le répète, c'est assez long.
Entre parenthèses, M. le Président, l'adoption de notre
nouveau Code civil traîne aussi. Je dis souvent que le ministre de la
Justice est débordé. Il cumule entre autres les postes suivants:
ministre de la Justice, Procureur général du Québec,
Solliciteur général du Québec, ministre responsable de la
réforme électorale, président du Comité de
législation au Conseil des ministres et j'en passe. Il est aussi
l'organisateur en chef dans le Lac-Saint-Jean. J'imagine qu'il est très
occupé ces jours-ci. Tout cela pour dire que les projets de loi sont
retardés à l'Assemblée nationale. Tout ce qui vient du
ministère de la Justice est retardé, le Code civil en
tête.
Il y a un fait curieux, M. le Président. Le ministre de la
Justice, le ministre le plus occupé au Conseil des ministres, n'a pas
d'adjoint parlementaire. Il y a des ministres qui n'ont rien à faire,
qui ont un adjoint parlementaire. Mais voilà que le ministre qui a le
plus à faire au Conseil des ministres et à l'Assemblée
nationale n'a pas d'adjoint parlementaire. J'aimerais suggérer qu'on
nomme un adjoint parlementaire au ministre de la Justice, quelqu'un qui
pourrait s'occuper par exemple du nouveau Code civil ou quelqu'un, par exemple,
qui déposerait des règlements en vertu de la Charte des droits et
libertés de la personne en ce qui concerne l'égalité
homme-femme. Un règlement est censé être
déposé et l'autre règlement en ce qui concerne
l'accès à l'égalité. Donc, deux projets de
règlement qui retardent aussi. Je pense qu'il serait bon qu'on nomme un
adjoint parlementaire au ministre pour qu'il puisse accomplir son travail, que
les lois ne soient pas retardées et qu'on n'ait pas, comme aujourd'hui,
deux codes civils au Québec dans lesquels les gens ne se
retrouvent pas. (21 h 10)
Le 28 février 1983, nous avons rendu publique une étude
intitulée "Le coroner, une institution dénaturée et
à repenser." Elle a été publiée en partie dans le
Devoir du 9 mars 1983. Nous avons conclu, dans ce rapport, premièrement,
qu'il faut modifier le rôle des coroners de façon qu'ils ne
fassent plus partie de l'appareil judiciaire pénal et qu'on leur
interdise de rendre des verdicts de responsabilité criminelle en
limitant leur rôle à celui de déterminer les causes d'un
décès qui n'apparaît pas naturel ou purement accidentel.
Deuxièmement, il faut également redonner aux coroners leur
indépendance vis-à-vis du gouvernement, du ministre de la
Justice, du Procureur général, des avocats de la couronne et de
la police; troisièmement, le coroner devra avoir le souci de respecter
en tout temps les droits de la personne, plus précisément le
droit à la présomption d'innocence, le droit à la vie
privée et le droit de ne pas s'incriminer. Le projet de loi 36 ne donne
suite qu'à la première conclusion. Dans ce sens, le projet
précise bien que le coroner ne peut se prononcer sur la
responsabilité civile ou criminelle d'une personne. Malheureusement, les
deux autres conclusions n'y ont pas eu d'écho.
Lorsque nous examinons les 202 articles que contient le projet de loi
36, comparativement aux 46 articles de la présente Loi sur les coroners
et aux 56 articles de la loi ontarienne sur les coroners, il nous
apparaît clairement qu'il s'agit une fois de plus d'une réforme
timide, parcellaire et incomplète qui, malheureusement, ne répond
pas aux nombreuses critiques formulées à l'égard de
l'institution des coroners depuis plusieurs années. Même si
l'objectif du projet de loi 36, qui est de redéfinir le rôle de
coroner, est fort louable, il n'en demeure pas moins, à notre avis, que
les mécanismes mis en place dans le projet de loi sont fortement
critiquables.
Dans les remarques qui suivent, nous faisons des comparaisons avec la
Loi sur les coroners de l'Ontario, parce que le coroner est une institution du
Common Law et parce que cette province voisine a procédé à
une réforme de cette institution dernièrement. De plus, c'est
tout à fait normal de voir ce qui est fait ailleurs avant d'adopter une
loi au Québec. Cela fut fait dans le cas de la loi concernant les
petites créances, la Loi sur le Protecteur du citoyen, etc. Par
ailleurs, dans d'autres provinces, ils vont s'inspirer de nos lois, comme on
l'a fait avec notre Loi sur l'aide juridique. Beaucoup de juridictions se sont
inspirées de notre Loi sur l'aide juridique, de notre Charte des lois et
libertés de la personne, etc. J'ai donc décidé de faire
une comparaison, le cas échéant, avec la loi de l'Ontario pour
mieux expliquer le projet de loi 36.
Ma présentation sera divisée en quatre parties:
premièrement, la nomination des coroners; deuxièmement,
l'organisation et la direction des coroners; troisièmement, la
rémunération des coroners; quatrièmement, les fonctions
des coroners.
Premièrement, la nomination des coroners. Dans la loi actuelle,
l'ensemble des coroners relève du Service des coroners et des
commissaires-enquêteurs sur les incendies qui constitue lui-même
une unité administrative de la Direction générale des
affaires criminelles du ministère de la Justice. Le gouvernement a
nommé une centaine de coroners et chacun exerce ses fonctions dans les
limites du district judiciaire pour lequel il a été nommé.
Il y a actuellement cinq coroners salariés à temps plein, trois
à Montréal, un à Québec et un à Hull, alors
que les autres sont des coroners à temps partiel
rémunérés selon un tarif établi par décret
du gouvernement.
La loi ne prévoit aucune exigence particulière afin
d'être choisi pour devenir coroner ni aucun cours de formation afin
d'initier les nouveaux coroners aux règles élémentaires de
la preuve ainsi qu'à des notions de médecine légale. De
plus, l'actuelle Loi sur les coroners ne prévoit aucun critère de
sélection des coroners et le gouvernement du Québec peut nommer
n'importe qui comme coroner. De fait, on remarque, parmi les coroners à
temps partiel, un chiropraticien, un pharmacien et un hôtelier.
Le projet de loi 36 n'est pas clair à ce sujet. Contrairement
à la plupart des lois des autres provinces, qui prévoient la
nomination d'un médecin comme coroner, le projet de loi 36 indique
simplement que les personnes appelées à devenir coroners sont
sélectionnées conformément aux règlements
adoptés par le gouvernement (voir les articles 6 et 154). Encore une
fois, la sélection des coroners est laissée à
l'entière discrétion du gouvernement et rien ne permet de
s'assurer que les critères établis dans le futur règlement
répondront aux nouvelles fonctions de coroner.
Le projet de loi 36 mentionne que ceux qui étaient coroners le
jour de l'entrée en vigueur de ce projet de loi deviendront coroners au
sens de cette nouvelle loi. C'est à l'article 176. Bref, le projet de
loi 36 ne résout en rien le problème de la sélection et de
la formation des coroners.
Deuxièmement, l'organisation et la direction des coroners.
Présentement, les coroners québécois relèvent du
Service des coroners et des commissaires-enquêteurs sur les incendies qui
constitue, comme je viens de le dire, une unité administrative de la
Direction générale des affaires criminelles du ministère
de la Justice. Dans les faits, l'action des coroners est guidée par un
fonctionnaire préposé à l'application de la
Loi sur les coroners.
En vertu du projet de loi 36, les coroners relèveraient d'un
coroner en chef, assisté, le cas échéant, de deux coroners
en chef adjoints choisis parmi les coroners permanents - il y en a actuellement
cinq -et nommés par le gouvernement. C'est à l'article 8. La loi
ontarienne sur les coroners ne parle que d'un seul coroner en chef adjoint,
malgré un plus grand nombre de coroners en Ontario.
Les pouvoirs de coroner en chef sont définis dans le projet de
loi 36 et ils consistent à coordonner, répartir et surveiller le
travail des coroners qui doivent se soumettre à ses ordres et à
ses directives (article 23). Le coroner en chef peut, de plus, adopter des
règlements, ainsi que les directives nécessaires à
l'application de la nouvelle loi (article 32).
Même si les règlements adoptés par le coroner en
chef sont soumis à l'approbation du ministre de la Justice ou du
gouvernement - article 157 - nous nous étonnons qu'un tel pouvoir
d'initiative soit confié à un officier public. D'ailleurs, nous
ne trouvons rien de semblable dans la loi de l'Ontario. Une fois de plus, il
s'agit d'un texte de loi qui échappe partiellement au contrôle de
l'Assemblée nationale. Avec de tels projets de loi, ce ne sont plus les
élus, ni le gouvernement, qui précisent les contenus des lois,
mais des fonctionnaires.
De plus, il nous apparaît dangereux de confier au coroner en chef
le pouvoir d'adopter "les directives nécessaires à l'application
de la présente loi" - article 32, paragraphe 5 - auxquelles doivent se
soumettre les coroners (article 23). Il s'agit là d'un pouvoir
discrétionnaire indu confié au coroner en chef et ce, sans aucun
mécanisme de contrôle, ni de procédure de
publicité.
Qui pourrait empêcher le coroner en chef d'émettre,
peut-être de bonne foi, des directives contraires à la loi?
Comment faut-il interpréter l'expression "nécessaire à
l'application de la présente loi"? De telles directives ne
risquent-elles pas de venir en conflit avec la liberté d'action
inhérente à la fonction du coroner? En Ontario, le
législateur n'a pas cru bon de confier un tel pouvoir de directives au
coroner en chef. Ce dernier doit non pas faire la loi, mais plutôt
l'appliquer ainsi que ses règlements. (21 h 20)
Le projet de loi 36 prévoit aussi que le coroner en chef peut
conclure avec une personne, un organisme public ou un ministère d'un
autre gouvernement des ententes pour l'application de projets de loi. D'une
part, il semble curieux que le coroner en chef puisse si facilement contracter
avec le gouvernement fédéral alors que ceci est formellement
interdit aux municipalités du Québec. D'autre part, nous croyons
qu'un tel pouvoir devrait davantage relever du ministre de la Justice
responsable en principe de l'application de projets de loi.
Troisièmement, la rémunération des coroners. Cette
rémunération est aujourd'hui parfois bizarre et nous l'avons
commentée dans notre étude de février 1983. Aussi le 22
juin 1983, par le décret 1376-83, le ministre de la justice a fait
adopter des modifications en ce qui concerne le tarif relatif aux recherches et
aux enquêtes des coroners. L'article 2 de ce décret se lit comme
suit: "Les honoraires de coroner sont de 125 $ pour une recherche qui conclut
à une mort violente et de 75 $ pour une recherche qui conclut à
une mort naturelle." Il nous apparaît ici assez curieux que des
honoraires soient reliés à la nature du verdict rendu. Imaginons
un instant ce que serait l'administration de la justice s'il fallait que les
juges soient rémunérés en fonction de leurs jugements, le
juge étant mieux payé, par exemple, lorsqu'il trouve le
prévenu coupable de telle infraction ou de tel acte criminel. Quant aux
coroners permanents en vertu de la loi actuelle, ils jouissent de traitements
déterminés par le ministère de la Justice et très
différents les uns des autres. Comme ce n'est pas la loi qui fixe leurs
rémunérations, les coroners apparaissent non pas comme des
enquêteurs indépendants, mais plutôt comme de simples
fonctionnaires du ministère de la Justice.
C'est d'ailleurs ce qui faisait dire à la Direction de la
recherche du ministère de la Justice dans son rapport intitulé:
Pour la réforme de l'institution des coroners de 1979, et je cite aux
pages 24 et 25 du rapport: "L'on peut s'interroger sérieusement sur le
degré d'indépendance des coroners permanents au niveau de la
prise de décision, lorsque l'on songe qu'ils sont actuellement
évalués par le sous-procureur général adjoint et
directeur général des affaires criminelles à la suite
d'une fiche de notation comme tous les autres cadres du ministère et
qu'ils ont parfois à apprécier la conduite d'officiers du
Procureur général comme les policiers, les gardiens de prison.
Cette mise en doute de leur indépendance est d'autant plus grande
lorsque l'on songe que, d'une part, ils ont parfois à apprécier
la conduite des policiers ou gardiens de prison et à l'occasion de
recherche ou d'une enquête sur un décès et, d'autre part,
ils sont administrativement supervisés par le sous-procureur
général adjoint et directeur général des affaires
criminelles."
Maintenant, examinons les dispositions dans le projet de loi 36 qui est
devant la Chambre et qu'on débat aujourd'hui. Au chapitre de la
rémunération, le projet de loi 36 ne propose rien de nouveau. Le
traitement, les avantages sociaux et les autres conditions de travail du
coroner en chef et des autres coroners permanents sont fixés par le
gouvernement, alors qu'un
coroner à temps partiel continue à être
rémunéré suivant un tarif adopté par
règlement du gouvernement; articles 19 et 22. Comme nous l'avons
déjà réclamé dans notre étude de
février de 1983, il est à souhaiter que les honoraires
payés au coroner à temps partiel soient plus élevés
et aucunement reliés à la nature des conclusions retenues par les
coroners.
D'autre part, le fait que ce soit le gouvernement qui, à sa
discrétion, fixe le salaire et les autres conditions de travail du
coroner en chef et des coroners permanents, n'est certes pas de nature à
assurer l'indépendance de cet officier public. Il aurait
été, à notre avis, préférable de
définir dans le projet de loi un mode de rémunération
moins arbitraire et semblable, par exemple, à celui des juges.
Enfin, le fait qu'un coroner qui, tout en restant coroner, cesse
d'occuper les fonctions de coroner en chef ou de coroner en chef adjoint
après avoir assumé ces fonctions pendant au moins deux ans,
puisse continuer à recevoir la même rémunération -
article 21 - nous apparaît plutôt généreux, compte
tenu de cette période de temps ainsi que des restrictions
budgétaires actuelles. D'ailleurs, nous ne retrouvons rien de tel dans
la loi ontarienne si nous continuons notre comparaison avec cette province.
C'est comme si un député était nommé ministre et
quand il redeviendrait simple député il garderait son salaire de
ministre.
Quatrièmement, les fonctions de coroner. La principale
modification apportée par le projet de loi 36 au rôle de coroner
concerne le fait qu'il ne pourrait plus se prononcer sur la
responsabilité civile ou criminelle d'une personne. Fondamentalement,
son rôle devra se limiter à rechercher au moyen d'une
investigation - et le cas échéant d'une enquête -
l'identité de la personne décédée dans des
circonstances obscures ou violentes ou encore dans certains lieux - par
exemple, l'établissement de détention ou le poste de police - la
date et le lieu de décès, les causes médicales de
décès et les circonstances de décès.
Le gouvernement du Québec donne ainsi suite à une demande
souvent formulée par des organismes soucieux de la protection des droits
de la personne. C'est d'ailleurs ce que l'on retrouve dans les autres provinces
canadiennes et dans beaucoup d'États américains.
J'aimerais maintenant discuter l'investigation et l'enquête de
coroner.
L'investigation. Selon le projet de loi 36 c'est le coroner desservant
le lieu où le cadavre a été trouvé qui
procède à l'investigation - article 46. Le coroner en chef peut
toutefois désigner un autre coroner pour procéder à
l'investigation ou pour la compléter. Le projet de loi ne précise
pas les motifs qui pourraient justifier une telle décision de la part du
coroner en chef. En Ontario, c'est le coroner qui, lui-même, peut
demander pour juste cause à un confrère de procéder ou de
compléter l'investigation. Il doit en aviser le coroner en chef qui, sur
demande, doit l'aider à procéder à un tel transfert. Nous
constatons encore ici comme la loi ontarienne est beaucoup plus respectueuse
des prérogatives et du statut historiquement conférés au
coroner. (21 h 30)
L'enquête. Il faut discuter de l'enquête du coroner en vertu
de la loi actuelle avant d'être en mesure d'apprécier les
modifications proposées par le ministre de la Justice. Aujourd'hui, en
vertu de la loi actuelle, l'enquête du coroner, lorsqu'elle a lieu, n'est
pas un procès à proprement parler. Il s'agit simplement de faire
la lumière sur les circonstances d'une mort dont les causes sont
apparemment violentes et criminelles. Il n'y a donc pas dans ces circonstances
de litige, d'accusé et d'accusation. La personne que la police
soupçonne être l'auteur du crime est désignée sous
le nom de témoin important. Lors d'une enquête du coroner, il
arrive souvent que les droits fondamentaux de la personne soient
bafoués. Par exemple, le droit à la vie privée, le droit
à la sauvegarde de sa réputation et le droit à la
présomption d'innocence. La Loi sur les coroners, telle qu'elle est
actuellement rédigée et telle que mise en vigueur, permet en
effet que la vie privée de personnes innocentes soit indûment
étalée dans le public et viole les droits des témoins qui
peuvent ensuite être accusés devant les tribunaux de juridiction
criminelle.
L'article 22 de la présente Loi sur les coroners accorde aux
coroners le pouvoir de faire arrêter une personne pour s'assurer de sa
présence à l'enquête. Le premier paragraphe de cet article
se lit comme suit: "Lorsque le coroner est d'avis qu'une personne dont le
témoignage lui semble nécessaire négligera ou refusera
d'être présente à l'enquête, il peut ordonner qu'elle
soit arrêtée avec ou sans mandat pour être conduite devant
lui dans les 24 heures suivant son arrestation ou en cas
d'impossibilité, dans les plus brefs délais possible. Le coroner
pourra alors, afin de garantir sa présence à l'enquête,
exiger d'elle un cautionnement ou requérir sa détention dans un
établissement."
Le pouvoir d'arrestation et de détention a fait l'objet d'abus
considérables. La Cour suprême du Canada a d'ailleurs
dénoncé, dans l'arrêt Chartier contre le Procureur
général du Québec, 1979, du rapport de la Cour
suprême à la page 474, l'usage fait de cet article dans le but de
permettre aux policiers d'interroger une personne dans des conditions de
détention plus propices à l'obtention d'aveux incriminants et non
pas
en vue d'assurer sa présence à l'enquête du coroner.
Dans l'affaire Chartier, l'appelant a été, en 1965, victime d'une
erreur d'identification commise par la police. Il a été
arrêté, détenu pendant 30 heures et inculpé pour
homicide involontaire à la suite du verdict d'un jury de coroner qui l'a
erronément tenu criminellement responsable de la mort d'une personne
décédée d'une hémorragie cérébrale
à la suite d'un coup de poing reçu en pleine rue.
Quelques jours après l'inculpation de l'appelant, le vrai
agresseur était dénoncé et, faisant des aveux,
était inculpé. L'accusation contre l'appelant fut alors
retirée. Dans cet arrêt, le juge Pigeon de la Cour suprême
du Canada écrivait à cette occasion, et je cite: "La police
invoque le mandat du coroner. Mais il faut bien noter que ce mandat est de
détenir Chartier comme témoin, non comme suspect. En
réalité, c'est comme suspect et non comme témoin que les
agents entendaient le détenir et c'est également comme suspect
qu'ils l'ont détenu. Leurs propres documents en font foi. Le coroner
n'ayant pas témoigné, il faut présumer qu'ils l'ont bien
réassigné et que par conséquent, le mandat a
été délivré en vue de mettre Chartier en
état d'arrestation comme suspect, non comme témoin. À mon
avis, la délivrance d'un tel mandat par le coroner dans ce but
constituait un abus de pouvoir. Dans le cas présent, il est parfaitement
clair que les agents de la police ne croyaient aucunement avoir besoin de
procéder à l'arrestation de l'appelant pour s'assurer de sa
présence comme témoin à une enquête du coroner ni
pour l'interroger. Ils savaient bien qu'ils n'avaient pas affaire à un
malfaiteur. Le coupable n'était pas un assassin. Son acte n'avait
manifestement pas été prémédité ni fait dans
le but de causer la mort de la victime. S'ils ont mis Chartier en état
d'arrestation, c'est manifestement dans le but de l'intimider et d'exercer une
forte pression sur lui en le mettant en cellule et en le privant du droit de
consulter un avocat. Ce n'est pas parce qu'ils craignaient qu'il cherche
à se soustraire à la justice, mais uniquement pour tenter ainsi
de lui arracher des aveux. "Je dois donc dire que le coroner ne pouvait pas se
servir de son pouvoir d'ordonner la détention d'une personne comme
témoin en vue de permettre son incarcération comme suspect." Fin
de la citation qui se trouve aux pages 496 a 498.
Ce pouvoir, conféré aux coroners par l'article 22 de la
loi actuelle, paraît donc excessif si on considère le fait qu'il
n'y a que des témoins devant le coroner.
Aujourd'hui, en vertu de la loi actuellement en vigueur, l'enquête
du coroner est, en principe, publique. Il s'agit, dit-on, de faire
connaître à la population les circonstances entourant une mort
violente et de chercher à éviter la répétition
d'événements malheureux. Cependant, les mass media ne manquent
pas de rapporter dans les moindres détails ce qui s'y passe et ce que
les témoins viennent y dire. Si certains journaux en tirent ainsi des
profits intéressants, la réputation de certains témoins
risque malheureusement d'être à jamais ternie même s'ils
sont exonérés de tout blâme par le coroner ou les tribunaux
judiciaires.
Lorsque le témoin important est envoyé à son
procès, le juge peut, en vertu du Code criminel, émettre une
ordonnance de non-publication des témoignages rendus devant lui et ce,
dès le stade de l'enquête préliminaire. Cette mesure a pour
but de préserver la présomption d'innocence que le Code criminel
reconnaît à tout citoyen en évitant, par exemple, que
d'éventuels jurés, lors de procès, aient pu avoir pris
connaissance de la preuve faite lors de procédures préliminaires.
De plus, cette mesure protège, autant que faire se peut, la
réputation d'un accusé qui se voit acquitté à la
clôture de son procès.
Comment comprendre maintenant que des témoignages entendus lors
d'une enquête du coroner puissent, quelques semaines plus tard,
être frappés d'un interdit de publication? Est-ce encore vraiment
utile? Comment accepter qu'un témoin devant le coroner ait moins de
droits qu'une personne formellement accusée d'un acte criminel? Des
modifications à la Loi sur les coroners afin de protéger la vie
privée des témoins ont été réclamées
depuis plusieurs années par divers intervenants, lors des enquêtes
du coroner, et ont même fait l'objet de recommandations de la part de
certains coroners. Tout ceci est cependant resté lettre morte.
Bref, la publicité tapageuse qui accompagne ordinairement
l'enquête du coroner rend très difficile la tenue par la suite, le
cas échéant, d'un procès juste et équitable pour le
témoin important, en plus de le discréditer aux yeux de la
population avant même qu'un tribunal ne se prononce sur son sort. Quant
aux autres témoins, ils sont souvent appelés à confier
à la population des choses qui relèvent avant tout de leur vie
privée et qui risquent de les gêner par la suite dans leur vie de
tous les jours.
En vertu de la Loi sur les coroners actuelle, le coroner a le pouvoir
d'assigner les témoins dont l'audition lui semble nécessaire
à la conclusion de son enquête. Il peut, de plus, condamner pour
outrage au tribunal toute personne qui refuse de répondre à ses
questions ou à celles du substitut du Procureur général
qui l'assiste dans son enquête. Notons ici que seul l'avocat
représentant le Procureur général à l'enquête
peut interroger les témoins et exiger l'assignation par le coroner de
toute personne dont le témoignage lui paraît
nécessaire. On risque ainsi de faire entendre un seul son de
cloche qui, dans l'affaire Chartier que je viens de citer, a conduit à
un verdict de responsabilité criminelle contre une personne innocente.
(21 h 40)
Lors d'un procès criminel, il existe une règle à
l'effet que l'accusé ne peut être contraint de s'incriminer,
c'est-à-dire qu'il n'est jamais obligé de témoigner et son
refus ne peut être invoqué contre lui, car c'est à la
couronne de faire la preuve de la culpabilité de l'accusé hors de
tout doute raisonnable. Comme le soulignait le juge Estey de la Cour
suprême du Canada: "Un des principaux bastions de droit criminel est le
droit de l'accusé de se taire." Cette citation se trouve dans
l'arrêt Procureur général du Québec et Keable contre
le Procureur général du Canada 1979, rapport de la Cour
suprême 218, à la page 258.
Or, devant le coroner, il n'y a pas d'accusés mais des
témoins et la Loi sur les coroners actuelle précise qu'"un
témoin ne peut refuser de répondre pour le motif que sa
réponse pourrait tendre à l'incriminer ou à l'exposer
à une poursuite de quelque nature qu'elle puisse être."
Ainsi, si le témoin important refuse de parler, il est
condamné pour outrage au tribunal. S'il répond aux questions, il
fait très souvent le travail des policiers enquêteurs qui
cherchent à accumuler le plus de preuves possible contre le suspect.
Parfois, on a d'ailleurs l'impression que l'enquête du coroner ne sert
qu'à bâtir une preuve contre un suspect quand on ne va pas tout
simplement à la pêche! Une fois de plus, un témoin a moins
de droits lorsqu'il comparaît devant le coroner que lorsqu'il
comparaît devant un juge à titre d'accusé pour
répondre de la commission d'un acte criminel. Il s'agit là d'un
autre exemple qui illustre comment l'institution de coroner peut être
utilisée pour contourner les garanties accordées aux
prévenus en vertu des principes fondamentaux de notre droit
pénal.
Enfin, mentionnons que d'autres règles de preuve sont
également mises de côté lors des enquêtes de coroner
comme l'a d'ailleurs rappelé, au mois de mai 1982, l'Association des
avocats de la défense de Montréal qui précisait: "Deux de
ces règles sont systématiquement ignorées à
l'occasion d'un trop grand nombre d'enquêtes du coroner: la règle
qui exclut le ouï-dire et la règle qui exige la
démonstration qu'un aveu a été donné librement et
volontairement. "C'est ainsi qu'on permettra, sous prétexte de ne pas
alourdir la procédure, un laxisme en matière de ouï-dire
intolérable devant les tribunaux ordinaires et également, les
coroners accepteront qu'on lisent publiquement, sans aucune façon de
s'assurer du caractère volontaire des aveux, des déclarations de
témoin principal. Cette procédure pourtant très
fréquente sera permise en dépit des protestations, fondées
sur le droit, des avocats chargés de représenter les
témoins." Cette citation se trouve dans le Devoir du mercredi 12 mars
1982.
Le manque de formation des coroners ne peut que favoriser de tels
accrocs aux règles élémentaires de la preuve en
matière criminelle.
Voilà pour la loi actuelle. Maintenant, nous verrons les
modifications qui se trouvent dans le projet de loi 36.
Le projet de loi 36 prévoit qu'à la suite de son
investigation, le coroner rédige un rapport et s'il est d'avis qu'une
enquête avec audition des témoins sera utile, il en fait la
recommandation au coroner en chef. Ce dernier décidera s'il y a lieu de
tenir une enquête avec audition des témoins et il l'ordonnera s'il
est convaincu que c'est nécessaire, notamment, pour obtenir les
informations propres à établir les causes probables ou les
cironstances du décès pour permettre à un coroner de
formuler des recommandations visant une meilleure protection de la vie humaine
ou encore pour informer le public sur les causes ou les circonstances du
décès.
Le coroner en chef désigne de plus le coroner qui préside
l'enquête (article 105). La Loi actuelle sur les coroners précise
au contraire que c'est le coroner qui, en principe, décide s'il doit y
avoir une enquête. Il en va de même en Ontario. Nous comprenons mal
l'ingérence du coroner en chef dans un domaine qui, historiquement, a
toujours relevé des simples coroners. Puisque le projet de loi
précise bien que l'enquête porte sur les causes probables ou les
circonstances d'un décès, nous croyons que c'est le coroner qui
est le mieux placé pour déterminer la nécessité
d'une telle enquête et ce, afin de remplir le plus fidèlement
possible le mandat qui lui est confié par la loi.
Le projet de loi 36, malgré ses apparences, n'est aucunement
garant du respect des droits de la personne, notamment, le droit de ne pas
s'incriminer. Lors de l'enquête, le coroner peut assigner, afin de
l'interroger, toute personne qu'il croit être en mesure de fournir des
informations utiles ou de nature à l'éclairer (article 108).
Cette personne doit de plus répondre aux questions posées
(article 119) même si ses réponses peuvent l'incriminer. Le projet
de loi prévoit cependant qu'une personne qui fait l'objet d'une
poursuite criminelle pour un décès ne peut être contrainte
de témoigner devant le coroner (article 121). Or, il suffira que l'on
attende la fin de l'enquête du coroner pour accuser formellement le
témoin important et éviter ainsi l'application de cette
disposition.
Lorsque le coroner a des motifs de
croire qu'une personne qu'il veut assigner comme témoin ne se
présentera pas, il ne pourra plus, selon le projet de loi, ordonner
lui-même l'arrestation de ce témoin, mais devra plutôt
s'adresser à un juge de. la Cour des sessions de la paix ou de la Cour
provinciale afin que celui-ci décerne un mandat d'arrestation (article
112).
La Cour suprême du Canada a déjà
dénoncé, comme je viens d'expliquer, comment le pouvoir
d'arrestation et de détention des coroners permettait aux policiers
d'interroger une personne dans des conditions de détention plus propices
à l'obtention d'aveux incriminants et non pas en vue d'assurer sa
présence à l'enquête du coroner. Nous ne voyons pas
très bien comment le fait de passer par un juge pourra mettre fin
à de tels abus. D'ailleurs, le pouvoir de détention
préventif que nous ne retrouvons pas dans la loi de l'Ontario nous
apparaît exorbitant, compte tenu du fait que l'enquête du coroner
n'est pas un procès et qu'il s'agit tout simplement d'établir les
causes ou les circonstances du décès.
Je ne veux pas nuire au travail efficace réalisé par nos
corps policiers qui sont parmi les meilleurs en Amérique du Nord.
Cependant, la détention préventive n'est guère essentielle
dans leur travail. Si nos policiers manquent d'outils pour accomplir leurs
tâches, nous sommes prêts à considérer cela et
à leur en fournir d'autres, le cas échéant.
En outre, le projet de loi prévoit la possibilité pour une
tierce personne, association, ministère ou organisme, de participer
à l'enquête à titre de personne intéressée
(article 129). Cette dernière peut alors demander au coroner d'assigner
un témoin, et tout comme le procureur ou l'assesseur qui assiste le
coroner, l'interroger et même contre-interroger les autres
témoins. Ne risquons-nous pas ici de modifier les objectifs de
l'enquête? Il faut, certes, éviter que l'enquête du coroner
dégénère en procès ou serve à bâtir
une preuve de responsabilité civile, ou encore permette à la
couronne de trouver des éléments lui permettant de porter une
plainte pénale par la suite. Peut-être faudrait-il conférer
au coroner, comme le précise d'ailleurs la loi de l'Ontario, le pouvoir
de limiter, dans certaines circonstances, l'interrogatoire d'un témoin.
(21 h 50)
Enfin, mentionnons que le projet de loi 36 ajoute que l'enquête
demeure publique (article 133). Cependant, l'article 137 spécifie que:
"S'il l'estime nécessaire à l'intérêt public ou
à la protection de la vie privée d'une personne, de sa
réputation ou de ses droits à un procès juste et
équitable, le coroner peut, d'office ou sur demande, interdire la
publication ou la diffusion de certaines informations relatées ou
pouvant être relatées au cours de l'enquête." Il ne s'agit
donc pas d'un droit conféré au témoin appelé
à témoigner devant le coroner, mais la question de la publication
ou de la diffusion des éléments rapportés devant ce
dernier relève de son entière discrétion qui, lorsque
exercée, doit, de plus, se limiter à certaines informations.
C'est seulement lorsqu'une personne fait l'objet d'une poursuite criminelle,
qu'il est interdit de publier ou de diffuser la preuve faite à
l'enquête (article 136). Y a-t-il vraiment une distinction à faire
entre une personne qui fait l'objet d'une poursuite criminelle et une autre que
l'on sait devoir faire l'objet d'une poursuite criminelle après
l'enquête?
En conclusion, M. le Président, j'aimerais dire ceci: Au cours
des dernières années, la présente Loi sur les coroners qui
est composée de 46 articles a donné lieu à de très
nombreuses critiques. Afin d'y répondre, le ministre de la Justice nous
propose, après sept ans de réflexion, semble-t-il, un projet de
loi qui comprend 202 articles et qui s'intitute Loi sur la recherche des causes
et des circonstances des décès. Malgré le grand nombre
d'articles, il s'agit d'un projet de loi décevant qui apporte peu de
nouveau. Son principal mérite serait d'interdire au coroner de se
prononcer sur la responsabilité civile ou criminelle d'une personne.
En contrepartie, le ministre suggère une bureaucratisation de la
fonction de coroner qui deviendrait, à toutes fins utiles, un simple
employé sous la tutelle du coroner en chef. On va établir toute
une bureaucratie plus grande ici qu'en Ontario, où il y a plus de
population et plus de coroners. À vrai dire, les pouvoirs que le
ministre veut voir conférer au coroner en chef apparaissent exorbitants.
Nous sommes donc loin de cette conception historique du rôle de coroner
qui veut que ce dernier soit un officier public indépendant, capable de
faire enquête de façon impartiale sur les cas de
décès survenus dans des circonstances plus ou moins obscures ou
violentes et de rassurer le public.
Bien que le projet de loi 36 veuille limiter le rôle de coroner
à la recherche des causes et des circonstances des décès
survenus dans des circonstances douteuses, il continue plus que jamais à
faire partie de l'appareil judiciaire pénal alors que l'enquête
continuera, par exemple, à constituer une sorte de procès pour le
témoin important avec la différence qu'il pourrait
peut-être assigner les témoins et les interroger. Enfin, rien ne
garantit dans le projet de loi 36 la protection de la vie privée d'une
personne ou de sa réputation, le respect de la présomption
d'innocence ou encore le droit de ne pas s'incriminer. La plupart des
problèmes de fond ne sont donc pas résolus dans ce projet de
loi.
Bref, ce que le ministre de la Justice nous propose avec le projet de
loi 36, c'est plutôt l'illusion d'une réforme de la Loi sur les
coroners. L'Opposition ne peut pas voter pour une illusion. Nous voulons,
cependant, voter pour une réforme.
Nous sommes prêts à collaborer avec le ministre afin
d'améliorer ce projet de loi qui doit être réécrit.
Dans ce but, nous réclamons une autre fois la convocation de la
commission permanente de la justice afin d'entendre certains organismes, tels
que les chefs de police, le barreau, l'Association des avocats de la
défense et les groupes dédiés à la défense
des droits.
Je vois le leader du gouvernement ici, peut-être va-t-il
convaincre son ministre de la Justice de donner ce privilège aux gens de
venir se faire entendre en commission parlementaire.
Enfin, nous voterons contre ce projet de loi en deuxième lecture,
nous voterons contre cette illusion de réforme que le ministre a
encadrée dans le projet de loi 36 et j'espère que le ministre va
prendre le temps en commission parlementaire d'entendre des gens qui aimeraient
se faire entendre, de faire des amendements à ce projet de loi et en
fait, d'écrire à nouveau ce projet de loi avant qu'il ne soit
adopté, parce que la majorité est malheureusement de l'autre
côté de la Chambre. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais demander
l'ajournement de ce débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, en vous indiquant que demain
matin nous entreprendrons nos travaux à dix heures par l'étude du
projet de loi 48 sur les pêches et l'aquaculture. Je voudrais faire
motion pour que nous ajournions nos travaux à demain matin dix
heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Nos travaux
sont ajournés à demain matin dix heures.
(Fin de la séance à 21 h 57)