L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 22 novembre 1983 - Vol. 27 N° 49

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre vos places.

J'ai le plaisir d'attirer l'attention des membres de cette Assemblée sur la présence, à la table de l'Assemblée, aujourd'hui, du directeur du Conseil en droit parlementaire, Me Mathieu Proulx, qui, après consultation avec les formations politiques, pourra seconder et appuyer le travail du secrétaire général en l'absence de M. Lessard qui est retenu chez lui pour cause de maladie et en l'absence temporaire, cet après-midi, du secrétaire général adjoint de l'Assemblée. J'indique déjà de toute façon que la nouvelle direction du Conseil en droit parlementaire ayant pour but précisément de former la relève en droit parlementaire, son directeur et ses membres pourront être appelés de temps à autre à venir ici à la table de l'Assemblée nationale.

Visite du haut-commissaire de la Nouvelle-Zélande et de Mme Latter

Je désire également souligner la présence dans les galeries aujourd'hui du haut-commissaire de la Nouvelle-Zélande au Canada, M. Edward Latter, et de son épouse.

Aux affaires courantes il n'y a pas de déclaration ministérielle. Au dépôt de documents, M. le premier ministre.

Rapport annuel du ministère du Conseil exécutif

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer en deux copies réglementaires le rapport 1982-1983 du ministère du Conseil exécutif.

Le Président: Rapport déposé. M. le leader du gouvernement.

Rapport annuel du Bureau de la protection civile

M. Bertrand: M. le Président, au nom du ministre de la Justice il me fait plaisir de déposer le rapport annuel 1982-1983 du Bureau de la protection civile du Québec.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre des Finances.

États financiers et rapport annuel de la SDC

M. Parizeau: M. le Président, conformément à l'article 50 de la Loi sur la

Société de développement coopératif, j'ai l'honneur de déposer en deux copies les états financiers et le rapport des activités de la Société de développement coopératif pour l'année financière se terminant le 31 mars 1983.

Le Président: Rapport déposé. M. le leader du gouvernement.

Rapport annuel de l'Institut

québécois de recherche sur la

culture et procès verbaux de la

Commission des biens culturels

M. Bertrand: M. le Président, au nom de mon collègue, le ministre des Affaires culturelles, qu'il me soit permis de déposer le rapport annuel 1982-1983 de l'Institut québécois de recherche sur la culture ainsi que des extraits de différents procès-verbaux; l'un de la réunion de la Commission des biens culturels du Québec tenue à Montréal le 20 janvier 1983 relativement au calvaire de Trois-Rivières-Ouest; l'autre de la Commission des biens culturels, à la suite d'une séance tenue à Québec le 2 septembre 1982, sur la maison Brossard-Gauvin; un autre sur une séance de la Commission des biens culturels tenue à Québec le 5 mai 1983 relativement au site de la gare à Havre-Aubert; un autre sur la séance de la Commission des biens culturels le 20 janvier 1983 relativement au dossier de l'église Saint-Georges-de-Clarenceville dans le comté de Brome-Missisquoi; un autre de la réunion de la Commission des biens culturels tenue à Montréal le 20 janvier 1983 relativement au dossier du hangar à grain de Varennes.

Le Président: Rapports et documents déposés.

M. le député de Trois-Rivières.

Rapport de la commission d'étude

sur le contrôle parlementaire de

la législation déléguée

M. Vaugeois: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de déposer devant cette Chambre le rapport de la commission d'étude sur le contrôle parlementaire de la législation déléguée. J'ai compris que nous aurions l'occasion tout à l'heure de commenter un peu ce rapport.

Le Président: Nous y reviendrons, M. le député.

Rapport déposé.

M. le leader du gouvernement.

Rapport annuel de l'Office de la protection du consommateur

M. Bertrand: Au nom du ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur, je désire déposer le rapport annuel 1982-1983 de l'Office de la protection du consommateur.

Le Président: Rapport déposé. Au dépôt de pétitions. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Pétition d'opposition aux lois 101, 70, 105 et 111

M. Scowen: Permettez-moi, M. le Président, de déposer une pétition signée par 150 personnes de Notre-Dame-de-Grâce, regroupées sous le nom du Réseau pour la justice sociale et touchant la loi 111. Je cite: "Nous, soussignés, sommes fort inquiets des projets de loi répressifs 101, 70, 105 et 111. Gouverner par moyens défensifs et gouvernement par décret ne sont pas acceptables dans un système démocratique. Nous considérons que ces lois sont un mépris des droits humains. Nous prions fortement le gouvernement provincial de rétablir les droits et privilèges acquis de tous les citoyens."

Si vous me le permettez, M. le Président, je vais la lire en anglais: "We, the undersigned, are deeply concerned about the repressive laws enacted in Bills 101, 70, 105 and 111. Government defensive management and government by decree is not acceptable in a democratic system. Failure to remedy or rescind the above Bills appears as oppression and a significant disregard for human rights. We, therefore, strongly urge the provincial government to reinstate the inherent rights and titles of all citizens with appropriate legislation."

Le Président: Pétition déposée. Au dépôt de rapports des commissions élues. M. le député de Shefford.

Étude du projet de loi 37

M. Paré: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution qui a siégé le 17 novembre 1983 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 37, Loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Rapport déposé.

Il n'y a pas de rapports du greffier en loi.

Nous passons donc à la présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article a) du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi 42 Première lecture

Le Président: M. le ministre du Travail propose la première lecture du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

M. le ministre du Travail.

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: M. le Président, je vais faire un résumé des notes explicatives qui apparaissent au projet. Ce projet de loi a pour but d'instaurer un nouveau régime de réparation des lésions professionnelles en remplacement des régimes prévus par la Loi sur les accidents du travail et par la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silicose dans les mines et les carrières. Il s'appliquera à tous les travailleurs victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au Québec et, sous certaines conditions, aux travailleurs québécois qui subiront une telle lésion professionnelle hors du Québec. L'employeur, l'administrateur, le travailleur autonome et le domestique pourront également s'inscrire auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin de bénéficier de la protection accordée aux travailleurs. (14 h 10)

Parmi les prestations prévues par ce projet de loi, le travailleur devenu incapable d'exercer son emploi en raison d'une lésion professionnelle aura droit à une indemnité de remplacement du revenu égale à 90% du revenu net retenu qu'il retire annuellement de son emploi. S'il subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, en raison de cette lésion professionnelle, le travailleur aura de plus droit à une indemnité pour dommages corporels. S'il décède en raison d'une lésion professionnelle, ses personnes à charge auront, pour leur part, droit à des indemnités de décès.

Ce projet de loi reconduit certaines dispositions de l'actuelle Loi sur les accidents du travail qui prévoit des indemnités à titre de remboursement du coût des vêtements, des prothèses ou des orthèses endommagées par suite d'un accident du travail ainsi que le remboursement des frais de déplacement et de séjour engagés par un travailleur en raison de sa lésion professionnelle. Il reconnaît en outre au travailleur le droit à l'assistance médicale que requiert son état par suite de sa lésion ainsi que le droit à des mesures de réadaptation qui favorisent sa réinsertion sociale et professionnelle. À ce dernier

chapitre, il faut souligner que ce projet de loi crée au bénéfice du travailleur un droit de retour au travail dont il précise les limites et les modalités d'exercice. Les divers montants et indemnités prévus par ce projet seront revalorisés chaque année suivant l'indice des prix à la consommation établis par Statistique Canada.

Ce projet de loi prévoit que la CSST continuera de percevoir des employeurs les sommes requises au financement du régime. Il prévoit particulièrement que de 1984 à 1988 la commission ne capitalisera qu'à 90% le coût des lésions professionnelles à survenir, puis à 2% de plus par année jusqu'à concurrence de 100%, et qu'elle ne pourra plus cotiser les employeurs pour des déficits reliés au passé.

Ce projet de loi prévoit également que, par exception, l'employeur qui exploite une entreprise de transport ferroviaire ou maritime, international ou interprovincial, sera tenu personnellement au paiement des prestations dues à ces travailleurs victimes de lésions professionnelles.

Toute décision de la commission, à l'exception d'une décision qui reconnaît ou non un travailleur atteint d'amiantose ou de silicose, pourra faire l'objet d'une reconsidération administrative par la commission. Dans le cas d'une décision portant sur le droit à une indemnité ou sur le montant ou le recouvrement d'une indemnité, il y aura appel à la Commission des affaires sociales.

Ce projet de loi confère à la CSST quelques pouvoirs réglementaires, crée des infractions, en établit les sanctions et prévoit que les poursuites pénales seront intentées devant le Tribunal du travail. Il prévoit en outre certaines dispositions visant à assurer aux travailleurs de bonne foi pour qui un premier diagnostic d'amiantose ou de silicose a été infirmé, le droit de conserver leur rente ou leur indemnité. Il prévoit également certaines dispositions qui ont pour objet l'harmonisation du régime qu'il instaure avec le régime de rentes du Québec.

Finalement, il modifie de façon substantielle les régimes d'indemnisation prévus par la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et la Loi visant à favoriser le civisme.

Le Président: La première lecture de ce projet de loi...

M. Pagé: M. le Président.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Une très brève question à la suite du dépôt en première lecture de ce projet de loi. C'est évident que c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on prend connaissance de la première lecture à ce moment-ci. On va s'y associer, cela va de soi.

Le ministre, le 10 mai 1983, lors de l'étude des crédits, s'était engagé à déposer les documents qui avaient été produits au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et s'était engagé clairement, à la page B-2498 du journal des Débats, à déposer à l'Assemblée nationale du Québec les coûts, l'impact financier en termes de coûts, de piastres et de cents additionnels à débourser à la suite de l'adoption de ce projet de loi. On attend l'autre document avec beaucoup d'intérêt également.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, effectivement, cet engagement a été pris au moment qu'indique le député de Portneuf. Il y aura une commission parlementaire autant pour entendre des témoins que pour procéder à l'étude article par article, mais avant ces exercices, je ferai parvenir au député de Portneuf, enfin à l'Opposition, les documents auxquels il vient de se référer.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: J'allais poser la question au leader du gouvernement, à savoir si c'est l'intention du gouvernement de proposer ce projet de loi à la consultation lors d'une commission parlementaire avant la deuxième lecture, parce que les paroles du ministre, à cet égard, ne sont pas claires.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: C'est tellement notre intention, M. le Président, que je voudrais faire motion immédiatement pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire permanente du travail, tout en sachant, par ailleurs, que lorsque nous aurons adopté le nouveau règlement sessionnel qui s'inscrit dans le cadre de la réforme parlementaire, avant le 21 décembre, c'est une toute nouvelle commision parlementaire qui étudiera ce projet de loi, à partir, bien sûr, des décisions que nous aurons peut-être prises à l'unanimité, ici, ensemble.

Le Président: La motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: L'article b) du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi 53 Première lecture

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales propose la première lecture du projet de loi 53, Loi annexant un territoire à celui de la ville de Chicoutimi.

M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, ce projet de loi a pour objet l'annexion d'une partie du territoire de la municipalité de Laterrière à la ville de Chicoutimi. Il prévoit également le versement annuel d'une indemnité à la municipalité de Laterrière en considération de cette annexion.

Le Président: La première lecture du projet de loi no 53 est-elle adoptée?

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Il n'y a pas de présentation de projets de loi au nom des députés, ce qui nous mène à la période des questions des députés.

M. le député de Laporte.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Promotion de l'industrie québécoise du matériel de transport

M. Bourbeau: M. le Président, j'avais l'intention d'adresser ma question au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, mais, en son absence, je la poserai au ministre des Transports.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, pour l'information de cette Chambre et peut-être pour l'information du député de Laporte, je voulais simplement indiquer que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est retenu à Montréal aujourd'hui, car il doit rencontrer des banquiers relativement à un projet que vous connaissez peut-être.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, j'avais justement souligné qu'en l'absence du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, je voulais poser ma question au ministre des Transports.

Le marché nord-américain de l'industrie du matériel de transport est estimé à au moins 1 000 000 000 $ par année, et le Québec, avec Bombardier comme fer de lance, se trouve dans une position exceptionnelle pour accaparer une partie importante de ce marché avec toutes les retombées économiques que cela comporte pour les sous-traitants québécois. Le gouvernement du Québec d'ailleurs l'avait reconnu. Il avait invoqué cette raison pour promouvoir à Montréal la construction d'un métro de surface dans le nord-est de l'île de Montréal, un projet qui a été unanimement rejeté par tous les membres du comité ad hoc qui a étudié cette question, le projet étant jugé irréaliste, inutile et beaucoup trop coûteux. Pourtant, le gouvernement du Québec a déjà dépensé au-delà de 10 000 000 $ en études de toutes sortes sur ce fameux projet de métro de surface qui devait s'étendre de la ville de Saint-Laurent à Pointe-aux-Trembles, dans l'emprise du Canadien National.

La question que j'ai à poser au ministre est la suivante: Compte tenu du rejet total de la proposition gouvernementale par tous les organismes intéressés, soit la CUM, la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, la ville de Montréal, les villes intéressées et même le BTM, le Bureau de transport métropolitain, qu'entend faire maintenant le gouvernement pour promouvoir l'industrie québécoise du matériel de transport, et plus spécialement celle du métro sur roues de fer, communément appelée le métro sur fer?

Le Président: M. le ministre des Transports. (14 h 20)

M. Clair: M. le Président, je pense qu'il faut bien distinguer deux sujets, d'abord le sujet spécifique du métro de surface et de son avenir dans la région métropolitaine de Montréal et, d'autre part, les différentes mesures que le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de même que le ministère du Commerce extérieur entendent prendre pour soutenir l'effort de développement d'une technologie québécoise et d'une expertise québécoise en matière de matériel roulant fer sur fer.

Comme le député l'a dit, effectivement, le marché non seulement nord-américain, mais le marché international, au cours des 20 ou 25 prochaines années, d'une part, est surtout compris dans un marché de métro de surface et, d'autre part, dans un marché fer sur fer. Il n'existe à peu près plus de possibilités d'exportation de matériel de métro souterrain sur pneus. Seul le renouvellement des flottes déjà existantes permet d'envisager certaines retombées à long terme.

En ce qui a trait aux mesures prises par le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et la SDI, mon collègue pourra compléter, mais d'ores et déjà, le ministère du Commerce extérieur travaille avec Bombardier en ce qui concerne des possibilités d'exportation. Mon collègue, le ministre du Commerce extérieur est présent, il pourra ajouter à ce propos.

Par ailleurs, la Société de développement industriel travaille actuellement avec la compagnie Bombardier à la mise en place d'une piste d'essai à Sainte-Anne-de-la-Pocatière pour les fins de vérification du matériel roulant qui servira à New York. Mon collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme pourrait vous faire part d'une manière plus précise où en est rendu le dossier tant au niveau de la Société de développement industriel qu'au niveau du gouvernement fédéral.

Maintenant, en ce qui concerne le dossier du métro de surface, il ne fait aucun doute dans mon esprit et dans l'esprit de tous ceux qui se sont penchés sur le dossier, que le dossier tel qu'il a été corrigé par une pénétration au centre-ville demeure, sur le plan technique et sur le plan des achalandages, le dossier le plus solide et sans commune mesure avec les autres inventions qui ont été mises sur la table, souvent à la dernière minute, par un comité qui visait davantage à répondre aux besoins politiques des élus de la Communauté urbaine de Montréal qu'à répondre vraiment aux problèmes de transport de l'Est de Montréal et aux préoccupations de développement technologique du Québec. Afin d'éviter un affrontement qui semblait devenir inévitable avec la Communauté urbaine de Montréal, le gouvernement a accepté de poursuivre les échanges, ce qui se fait présentement avec les élus de la Communauté urbaine de Montréal, puisque finalement il s'agit bien davantage d'une question politique entre la Communauté urbaine de Montréal et le gouvernement du Québec qu'une question de contenu technologique, de solidité technique et financière du dossier...

Le Président: M. le ministre, en conclusion.

M. Clair: Celui qui vous parle est en mesure de défendre ce dossier sur le fond qui est très valable.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, ce qui est important en définitive, c'est de permettre aux sous-traitants québécois de pouvoir, le plus tôt possible, se qualifier sur les marchés nord-américains et mondiaux. On ne peut pas le faire à moins...

Le Président: Préambule, M. le député.

M. Bourbeau: ...de démontrer sur place que les sous-traitants aient pu avoir la possibilité de construire, de participer à la construction. Le ministre a-t-il pris connaissance d'une suggestion qui était contenue dans le rapport Gascon et qui était faite justement par la ville de Montréal, de permettre l'essai de voitures de métro de surface sur la ligne de banlieue no 3 qui va de la Gare centrale à Deux-Montagnes. Est-ce que le ministre a pris connaissance de ces passages du rapport Gascon, où la ville de Montréal suggère de vérifier le métro de surface non pas dans les champs de Pointe-aux-Trembles, mais sur une ligne qui existe déjà, la ligne no 3 vers Deux-Montagnes?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Clair: Le député a tout à fait raison quand il dit que ce qui l'importe c'est d'être en mesure de qualifier des sous-traitants au Québec dans des composantes de matériel roulant. Cependant, il existe une règle internationale qui veut que pour que la compagnie Bombardier soit capable de permettre à des sous-traitants de se qualifier sur le plan international, il ne faut pas que ces sous-traitants aient seulement frabriqué des pièces sur un métro qui tourne en rond pour un démonstrateur. Tous les experts internationaux s'entendent pour dire que la meilleure façon de percer sur le plan international en matière de fabrication de matériel roulant fer sur fer serait, non pas d'avoir un métro à l'essai, mais d'avoir un métro de surface réel qui fonctionne réellement, qui peut réellement contribuer au développement de la technologie québécoise dans ce domaine et augmenter les exportations tant au niveau du contenu québécois dans les contrats déjà obtenus par Bombardier que dans d'autres contrats qui sont actuellement sollicités.

Par ailleurs, en ce qui concerne les autres corridors qui ont été examinés, le ministère des Transports a examiné toutes ces possibilités. La ligne no 3. C'est évident que, si le métro de surface vers Pointe-aux-Trembles se réalise, de façon inévitable il doit y avoir des améliorations sur la ligne no 3 vers Deux-Montagnes. En ce qui concerne le projet de réaliser seulement le métro de surface sur la ligne de Deux-Montagnes, on rencontre un certain nombre de problèmes, et encore une fois un certain nombre de problèmes politiques puisque même ce projet, contrairement à ce que le député affirme, ne fait pas l'unanimité des gens de la

Communauté urbaine de Montréal.

M. le Président, en ce qui concerne le système léger sur rail dans l'axe de Radisson vers Pointe-aux-Trembles, j'ai eu l'occasion personnellement de rencontrer le président directeur-général du Canadien National, M. Maurice Leclerc, qui m'a confirmé que le CN n'a jamais été consulté sur cette hypothèse, et qu'en conséquence il ne voit pas comment on peut d'ores et déjà conclure en la faisabilité d'un SLR dans cet axe.

M. Bourbeau: Une question additionnelle.

Le Président: Les questions sont relativement brèves et les réponses devraient être également aussi brèves. M. le député de Laporte, en complémentaire.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président.

En ce qui concerne le métro vers Pointe-aux-Trembles, le système léger sur rail, nous sommes parfaitement d'accord.

Étant donné que le temps est de l'essence du dossier - autrement dit les sous-contracteurs québécois doivent se qualifier le plus tôt possible - est-ce que le ministre peut nous dire dans combien d'années le métro de surface vers Pointe-aux-Trembles, le projet du ministre, qu'il soit modifié ou non, serait opérationnel? Et dans combien d'années serait-t-il opérationnel sur la ligne no 3?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Clair: M. le Président, je ne peux pas m'empêcher de dire que ce qui me surprend dans l'attitude du député de Laporte, c'est qu'au moment de la commission parlementaire sur la réorganisation des transports en commun, il s'est opposé à tout projet d'immobilisation dans l'Est de Montréal. Il change d'idée encore une fois.

M. Bourbeau: M. le Président, une question de règlement. Est-ce qu'on peut demander au ministre de répondre à la question et non pas de me poser des questions?

Le Président: M. le ministre des Transports, brièvement.

M. Clair: M. le Président, en ce qui concerne la qualification des sous-traitants québécois, s'il y avait construction du dossier du métro de surface, ligne 6, les sous-traitants québécois pourraient se qualifier beaucoup plus rapidement dans ce projet que dans n'importe quel autre pour deux raisons. D'abord, c'est le seul projet qui soit à l'étape de passer à la préparation des plans et devis d'éxécution. Aucun autre projet n'est aussi avancé. Ensuite et surtout, si on devait construire le métro de surface dans la ligne 6, on pourrait immédiatement passer des commandes pour des voitures présérie qui permettraient aux sous-traitants québécois de pouvoir se qualifier dans des voitures présérie qui, dans quelques années, seraient opérationnelles sur la ligne no 6, ce qui leur permettrait d'ores et d'ores et déjà, dès la présente année, de commencer à acquérir de l'expérience pratique dans la construction de composantes pour du matériel roulant d'exportation.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Est-ce que le ministre est d'accord sur le fait qu'il y a deux projets de métro de surface? Un sur la ligne no 3 où la ligne existe déjà et pour laquelle on n'a qu'à commander des voitures, et une sur la ligne no 6 - qui est celle du ministre - où il n'y a ni ligne, ni voie ferrée, ni voiture. Dans les deux cas, est-ce que le ministre n'est pas d'accord que si on prenait la ligne no 3, ligne existante, il ne s'agirait que de commander les voitures et dans deux ans et demi on aurait des voitures qui rouleraient sur une ligne de métro de surface?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Clair: M. le Président, le député a tort sur deux points. Premier point: on ne pourrait pas se contenter d'installer du matériel roulant de type métro de surface sur la ligne de Deux-Montagnes; il faudrait que la voie ferrée elle-même, le système électrique, les systèmes de signalisation soient eux aussi modifiés. D'autre part, en ce qui concerne la ligne no 6, il a tort quand il affirme qu'il n'existe pas de voie ferrée. Au contraire, l'un des atouts majeurs de la ligne no 6 c'est justement d'utiliser un corridor de transport existant qui appartient au CN, qui est là pour demeurer et sur lequel ont déjà circulé des trains de banlieue comme il en circule encore sur la ligne de Deux-Montagnes.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le ministre, entre la ligne no 6 et la ligne no 7, pourriez-vous donner la différence du nombre de kilomètres, compte tenu que la ligne no 6 irait jusqu'au centre-ville, ainsi que le coût pour les deux lignes no 6 et no 7?

Le Président: M. le ministre des Transports. (14 h 30)

M. Clair: La longueur totale de la ligne

no 6 - si ma mémoire est fidèle - est d'environ 27 kilomètres, partant de la Gare centrale et se rendant jusqu'à la station Armand-Bombardier, dans l'Est de Montréal, alors que la ligne no 7, qui est conçue dans un tout autre concept, soit dans un concept nord-sud plutôt qu'est-ouest, et est en partie à l'est, sans faciliter beaucoup l'entrée au centre-ville des gens qui proviennent de l'Est de Montréal, a une longueur de 10 kilomètres environ.

En ce qui concerne les coûts de construction du projet total, la ligne no 6 et la ligne no 7, ils sont comparables. Maintenant, j'attire l'attention du député sur la révision qui est en cours actuellement des coûts de construction du métro souterrain. Tous les experts s'entendent pour dire que, incluant le matériel roulant et les autres systèmes afférents aux coûts de construction d'un métro souterrain de type métro sur pneus, les coûts sont d'environ 40 000 000 $ le kilomètre et non pas de 20 000 000 $, 25 000 000 $, 28 000 000 $ ou 32 000 000 $, comme certains l'ont laissé entendre.

En ce qui concerne les coûts de construction d'un métro de surface, compte tenu qu'on n'a pas besoin de construire un tunnel, c'est évident qu'ils sont beaucoup moins élevés et se situent entre 15 000 000 $ et 20 000 000 $ selon, encore là, ce qu'on inclut dans les coûts de construction et d'achat du matériel roulant.

Le Président: Question principale, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, j'aurais une question pour le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Le leader pourrait-il nous dire s'il sera ici plus tard, s'il vous plaît?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est retenu à son domicile aujourd'hui pour cause de maladie.

Le Président: Question principale, M. le député de Jeanne-Mance.

Le crédit d'impôt de 500 $ par taxi

M. Bissonnet: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Je sais pertinemment que le ministre des Finances se rappelle très bien les revendications que les propriétaires d'autos-taxis et les chauffeurs de taxi, lui ont faites il y a environ un an. La situation est extrêmement difficile dans l'industrie du taxi, en particulier à cause de la taxe ascenseur; les plaques d'immatriculation des véhicules-taxis coûtent plus cher alors que les blessures corporelles sont moindres. Les assurances coûtent cher également. Dans l'énoncé budgétaire que vous faisiez le 15 novembre dernier, vous prévoyiez donner des crédits spéciaux d'impôt aux entreprises de taxi et de transport en commun. Pourriez-vous nous indiquer clairement, M. le ministre, en quoi consiste, en particulier dans l'industrie du taxi, ce crédit de 500 $ par véhicule enregistré au 31 décembre 1984? S'agit-il d'un montant que le ministère versera directement à chaque propriétaire d'auto-taxi ou de quelle façon ce montant sera-t-il inclus dans le rapport d'impôt?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, à l'occasion des déclarations d'impôt, un crédit d'impôt de 500 $ sera alors versé au propriétaire de taxi, s'il en est lui-même l'exploitant, mais sera transféré au locataire - parce qu'il y a beaucoup de taxis qui sont loués - s'il dit payer l'essence lui-même. On sait qu'il y a beaucoup de taxis qui sont loués selon cette formule. Dans ce cas, une formule est prévue pour que le crédit d'impôt - le montant de 500 $ - soit transféré au locataire.

M. Bissonnet: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Selon les propriétaires de taxis, au 1er janvier 1985, ils auront droit à un remboursement de 500 $. Ce qui veut dire, d'après les commentaires que vous venez de faire, M. le ministre, que quelqu'un qui fait un rapport d'impôt et qui doit payer de 200 $ aura un crédit de 200 $ seulement. Est-ce exact?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Mais non, M. le Président. C'est un crédit d'impôt remboursable. La formule est bien connue. Cela vient en déduction de l'impôt à payer, ou si l'impôt à payer est inférieur à 500 $, la différence lui est remboursée, lui est payée.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: M. le ministre, lors de la présentation de votre énoncé complémentaire, vous avez indiqué que pour le système de transport en commun par autobus - le

transport interurbain - la surtaxe additionnelle de 10% est abolie à compter du 1er janvier. Pourquoi faire deux catégories de transport en commun, le taxi avec une prime au 31 décembre, alors que les compagnies d'autobus ont une prime le 1er janvier? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les autos-taxis ne seraient pas admissibles, à compter du 1er janvier, à la même ristourne que les transports en commun par autobus?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Pour des raisons rigoureusement administratives, M. le Président. Il y a un tout petit nombre de commissions de transport en commun au Québec, mais il y a quelque chose comme 10 000 taxis. Dans ces conditions - je vois le député qui se lève, qu'il me permette quand même, même si mes réponses sont brèves, d'aller jusqu'au bout - il y a une simplicité administrative de donner un crédit d'impôt aux taxis qui est avantageuse pour le propriétaire ou le locataire d'un taxi, parce qu'il n'a pas besoin de ramasser toutes ses factures et de les envoyer au gouvernement constamment. Le gouvernement n'a pas besoin d'embaucher des fonctionnaires pour tamponner des factures qui rentrent, alors que, évidemment, le remboursement aux quelques commissions de transport en commun au Québec est beaucoup plus facile quant à leur consommation d'essence. C'est pour des raisons rigoureusement administratives. À l'égard des taxis, je pense que ce sera infiniment plus simple et pour le chauffeur de taxi et pour le gouvernement. Quand on peut mettre d'accord à la fois l'utilisateur de ce genre de crédit d'impôt et le gouvernement, je pense qu'il faut en profiter.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Une simple question additionnelle. Depuis 1975, au fédéral, on remet un crédit de 0,015 $ le litre. Puisqu'on le fait au fédéral, on pourrait le faire ici aussi; cela les avantagerait beaucoup plus que la solution que vous leur proposez.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: C'est justement en regardant l'expérience du fédéral à cet égard que nous avons décidé de ne pas la suivre.

Le Président: M. le député de Nelligan.

Le renouvellement du bateau du pécheur Jean-Paul Paradis

M. Lincoln: M. le Président, maintenant que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est en Chambre, je voudrais lui poser une question au sujet du cas de M. Jean-Paul Paradis, un pêcheur de Rivière-au-Renard, qui a commencé des négociations, en décembre 1981, pour remplacer son bateau qui a maintenant 21 ans d'existence. Ces négociations ont débouché sur un appel de soumissions lancé par le sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Ferdinand Ouellet, au début d'avril 1983. Deux mois plus tard, le 9 juin 1983, la soumission du plus bas soumissionnaire, le Chantier maritime Île-aux-Coudres, fut acceptée pour une somme d'environ 679 000 $. Le prêt fut consenti par le Comité central des prêts du ministère le 23 juin, le même mois, et ce comité des prêts a alloué à M. Paradis une somme de 397 000 $. Auparavant, le fédéral avait consenti, lui aussi, un prêt de 100 000 $.

Depuis ce temps, depuis le mois de juin, la convention de prêt dort sur le bureau du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et elle attend d'être signée. La soumission est maintenant périmée et il y a déjà eu un ajout de 34 000 $ à la soumission en juillet; le montant s'élève sans doute maintenant à 75 000 $ ou 100 000 $. La date de la construction du bateau a été reportée de plusieurs mois.

Le Président: M. le député, votre question.

M. Lincoln: Je voudrais demander au ministre: Qu'est-ce que vous attendez et pourquoi n'avez-vous pas signé la convention de prêt en juin ou juillet 1983?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Après l'annonce du programme de M. de Bané, le 11 juillet 1983, j'ai demandé aux gens du ministère de changer le programme pour les contrats, de sorte que les plans soient approuvés avant plutôt qu'après les lettres d'offre. C'est ce qui retarde actuellement l'offre qu'on doit faire à M. Paradis.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le ministre, n'est-il pas vrai qu'il y a eu quatre appels d'offres en même temps que celui de M. Paradis? Des demandes d'application ont été faites après celle de M. Paradis. Entre autres, celle de M. Donald Dupuis, pour un bateau en acier, celle de M. Joseph Meunier, pour un bateau

en bois. Cela s'est fait à la même période que celle de M. Paradis; elles ont été signées bien avant et depuis des mois déjà. N'est-ce pas vrai que la demande de M. Paradis a été refusée parce qu'il est président de Pêcheurs-Unis et que c'est une querelle personnelle que vous avez avec Pêcheurs-Unis? N'est-ce pas vrai que vous refusez de signer cette convention... (14 h 40)

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Lincoln: N'est-ce pas vrai que vous refusez de signer cette convention et que vos fonctionnaires ont dit: C'est la décision du ministre de refuser de signer cette convention pour des raisons de revanche personnelle? N'est-ce pas vrai?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, j'ai parlé avec M. Paradis lui-même qui m'a donné les raisons que vous mentionnez. Je lui ai dit que cela n'était pas exact. J'ai d'ailleurs vérifié avec les fonctionnaires qui m'ont dit qu'ils ne lui avaient jamais donné de telles raisons. C'est exact, j'ai demandé de changer le programme pour que les plans soient approuvés antérieurement parce que je ne veux pas avoir d'imbroglio avec le gouvernement fédéral où celui-ci interviendrait dans nos décisions avec l'approbation des plans qu'il fait avec la certification des bateaux.

Comme nos normes d'entreposage du poisson à bord des bateaux sont plus rigoureuses que celles du gouvernement fédéral mais qu'il y a une certification des bateaux qui se fait après la construction de ceux-ci par le gouvernement fédéral, même lorsqu'il ne donne pas un seul sou, je ne voulais pas que nous soyons placés dans la situation où nous aurions refusé la cale d'entreposage pour des questions de salubrité ou d'hygiène au point de vue de la qualité d'entreposage du poisson et où le gouvernement aurait certifié le bateau.

J'ai demandé immédiatement aux gens du ministère de changer ce programme pour que les plans soient approuvés antérieurement à la lettre d'offre et qu'il soit spécifié dans celle-ci que la subvention sera valable si les bateaux sont construits selon les plans qui auront été approuvés par le ministère et qui rencontreraient nos standards.

Le Président: M. le député de Nelligan, question complémentaire.

M. Lincoln: N'est-ce pas vrai, M. le ministre, que le cas de MM. Donald Dupuis et Joseph Meunier était exactement similaire à celui de M. Paradis? En fait qu'ils avaient fait la demande après M. Paradis? N'est-ce pas vrai aussi que vos fonctionnaires ont dit à M. Paradis que c'est vous qui refusiez de signer sa convention pour des raisons personnelles? N'est-ce pas vrai aussi que cela est resté sur votre bureau pendant des mois, que le prêt était approuvé depuis juin, que toute l'affaire du fédéral n'a rien à voir là-dedans, que tout cela est une affaire de vengeance personnelle, de discrimination et d'abus de pouvoir de votre part envers M. Paradis?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Vous savez que le cheminement d'un dossier de prêt exige plusieurs mois. Que quelqu'un ait fait application avant et que la lettre d'offre ait été prête avant ou après, c'est très possible dans le cheminement d'un dossier qui dure plusieurs mois.

Je veux vous dire cependant que la lettre de M. Paradis n'avait pas été signée le 11 juillet lorsque M. de Bané a fait sa déclaration. C'est au retour de la conférence fédérale-provinciale, en juillet, que j'ai demandé aux fonctionnaires de changer le programme pour qu'il n'y ait pas de chicane avec le gouvernement fédéral parce que je soupçonnais qu'il n'y avait pas de collaboration. D'ailleurs...

Une voix: Farceur.

M. Garon: Demandez au propriétaire du Domega s'il a eu la collaboration qu'il aurait dû attendre du gouvernement fédéral pour la certification d'un bateau qui a été financée presque à 100% par le gouvernement du Québec.

M. Lincoln: M. le ministre, vous ne répondez toujours pas à ma question. Comment expliquez-vous le cas de M. Dupuis, de M. Meunier, et le fait que cette convention a été acceptée le 23 juin 1983? N'est-ce pas vrai que l'affaire du fédéral n'a rien à voir là-dedans? N'avez-vous pas refusé de répondre à une lettre du 5 octobre de M. Paradis? Tous vos fonctionnaires, MM. Bonneau, Carbonneau, Bourget, Boudreault, Ouellet, tous refusent de nous répondre. C'est un secret de polichinelle dans votre ministère que c'est une affaire personnelle de rancoeur, de vengeance, de dictateur.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, c'est à M. Boudreault que j'ai demandé de préparer le nouveau programme. Quand j'ai parlé au téléphone à M. Paradis je lui ai dit: II n'est pas question que j'aie dit d'aucune façon aux

fonctionnaires de vous traiter de telle ou telle façon. J'ai demandé de changer le programme.

Comme il avait dit que certains fonctionnaires avaient dit cela, le seul avec qui j'avais parlé c'était M. Boudreault. Je lui ai dit: Avez-vous dit cela? Il a dit: Non. J'ai parlé ensuite avec M. Carbonneau en Gaspésie. J'ai dit: M. Paradis m'a appelé et apparemment vous lui auriez dit que j'avais dit de mettre son projet sur la glace. Il m'a dit: Non, je n'ai jamais dit cela.

Je peux vous dire que M. Paradis souffre peut-être de persécution ou, parce qu'il est président de Pêcheurs Unis... Comme M. de Bané veut donner 225 000 000 $ en Gaspésie, il pourrait peut-être aider M. Paradis à construire son bateau. Cela prendrait seulement un petit montant. Je peux vous dire que quant à nous le programme sera changé dans son ensemble pour que...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre!

M. Garon: Quant au programme, il sera modifié dans le sens que je vous ai mentionné pour qu'il n'y ait pas de chicane fédérale-provinciale...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Garon: ...sur l'approbation des bateaux. C'est le Québec qui paie et c'est le Québec qui a des normes de qualité pour l'entreposage du poisson à bord des bateaux, c'est le Québec qui va décider de la qualité que doit avoir la cale d'un bateau. Que le fédéral certifie, c'est son problème, sauf que le gouvernement qui paie a un mot à dire et c'est le mot que nous voulons dire, pour ne pas qu'il y ait d'imbroglio. Lorsque le programme aura été changé, M. Paradis aura sa lettre d'offre.

Le Président: Question principale, M. le député...

M. Bertrand: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je voudrais m'excuser auprès du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation si, tantôt, par l'information que j'ai donnée, j'ai laissé croire, finalement, que...

Des voix: II est malade.

M. Bertrand: ...un mince filet de voix l'empêchait d'être pétant de santé à l'Assemblée nationale.

Une voix: II a confirmé....

Une voix: Très malade.

Le Président: Question principale, M. le député...

M. Lalonde: D'accord, M. le Président.

Une voix: II est plus malade qu'on pense.

M. Lalonde: M. le Président, lorsqu'on nous a dit que le ministre était malade, nous l'avons écouté et nous avons constaté.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: Question principale, M. le député de Jean-Talon suivi du député de Chauveau.

Le rapport du comité sur la question nationale

M. Rivest: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre et elle concerne l'obtention de certaines précisions relativement au comité dit sur la question nationale. En fin de semaine, le ministre de l'Éducation, dans le journal La Presse, évoquait la possibilité que le comité ne remette pas son rapport d'ici à Noël. Or, la semaine dernière, le premier ministre a indiqué, en cette Chambre, que le comité remettrait son rapport d'ici à quelques semaines et qu'à la suite des travaux de ce comité, des décisions seraient apportées dans les semaines suivantes. C'est la déclaration du premier ministre. Qu'est-ce qui en est exactement? Est-ce qu'il y aura un rapport de même nature que celui qu'on a eu sur la soi-disant relance économique?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, pour enchaîner d'abord sur ce qu'a dit le député de Marguerite-Bourgeoys, comme disait le Dr Knock - je paraphrase quelque peu - dans la fameuse pièce, il y a des gens qui s'imaginent bien portants qui sont des malades qui s'ignorent. Cela peut s'appliquer...

Des voix: Ah!

Une voix: ...

Le Président: À l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je ne pensais pas qu'une évocation littéraire comme celle-là pourrait soulever une telle effervescence, mais, enfin, j'en suis fort heureux.

Cela dit, je voudrais revenir à la question du député de Jean-Talon. Ce que j'ai dit en Chambre, que je répète et qui correspond très bien à ce qu'a laissé entendre le ministre de l'Éducation, c'est qu'il y a beaucoup de travail qui a été fait sur divers sujets qui peuvent, jusqu'à un certain point, s'interconnecter, d'ailleurs en ce qui concerne le travail du comité sur la question nationale, et que, le cas échéant -je suis sûr qu'il y en aura au moins quelques-unes - des décisions découlant de ses travaux seront très certainement annoncées avant l'ajournement des fêtes. Je ne peux pas aller plus loin pour l'instant, parce qu'il y a du travail à compléter. C'est, en résumé, ce que j'ai dit et c'est ce que je répète.

M. Rivest: M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Beaucoup de travail sur divers sujets, le cas échéant. Qu'est-ce que ce comité-là fait au juste?

Le Président: M. le premier ministre. M. Lévesque (Taillon): Pardon? Une voix: Répète.

M. Rivest: M. le premier ministre, vous dites, dans une de vos réponses sibyllines, "beaucoup de travail, divers sujets, le cas échéant, des décisions". Qu'est-ce que ce comité fait au juste? D'autant plus, si vous permettez, que vous avez dit à l'Assemblée nationale que c'était impropre de qualifier ce comité sur la question de l'indépendance nationale alors que le Dr Laurin, selon la Presse, ne trouve absolument pas condamnable qu'un comité gouvernemental s'emploie à chercher les meilleurs moyens de promouvoir l'indépendance du Québec?

Des voix: Ah!

M. Rivest: Est-ce que vous pourriez dire, effectivement, à l'Assemblée nationale, que c'est là l'objet du comité gouvernemental dit sur la question nationale.

Une voix: Oui ou non?

Le Président: M. le premier ministre. (14 h 50)

M. Lévesque (Taillon): Je crois, M. le Président, que, quand certaines des décisions qui nous paraissent opportunes, une fois le travail terminé, seront annoncées, le député de Jean-Talon verra que, en effet, on a travaillé sur divers sujets, ce qui n'exclut absolument pas qu'on puisse également envisager certaines perspectives en fonction de l'option à laquelle nous croyons, parce que nous croyons que c'est la solution pour l'avenir du Québec, mais il est évident que, de façon spécifique, on a travaillé sur des sujets à plus court terme et sur lesquels, je crois, des décisions pourraient être annoncées très bientôt.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, dernière question additionnelle. Depuis 1974, à ma connaissance, a existé au ministère des Affaires intergouvernementales un comité de coordination des relations fédérales-provinciales qui conseillait le gouvernement sur la stratégie à suivre dans les dossiers entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec. Pourquoi cet autre comité, si ce n'est - c'est l'interprétation qu'on peut avoir et est-ce qu'on a tort? -parce que le gouvernement actuel entend se servir du domaine des relations fédérales-provinciales pour promouvoir la cause de la souveraineté à l'encontre de la décision des Québécois, le 20 mai 1980?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président, premièrement, à propos des comités aux Affaires intergouvernementales, essentiellement, il s'agissait de comités de fonctionnaires. Des fonctionnaires continuent d'ailleurs de travailler à ces dossiers. Mais je crois que, sauf dans un état parfaitement fainéant au point de vue politique, il y a aussi une contribution qui doit être apportée par les élus politiques qui ont la responsabilité finale. C'est une partie de la réponse.

La deuxième partie de la réponse, c'est que, comme on a nos convictions politiques, qu'on n'a jamais caché ces convictions politiques et que...

Si vous voulez poser des questions là-dessus pour voir si votre ancien nouveau chef avait raison de dire des choses comme cela, que vous répétez en perroquet, là on pourra vous répondre. Une chose certaine, c'est que quand on a des convictions comme celles que nous avons et qu'on est d'année en année, on pourrait dire de mois en mois, plus convaincus que c'est, quant à nous, dans cette direction - c'est légitime d'avoir des convictions de ce genre - que le Québec doit aller, je crois que nous avons parfaitement le droit de faire valoir ces convictions, et on ne s'en privera pas.

Le Président: Question principale, M. le député de Chauveau.

Enseignants et professionnels en disponibilité

M. Brouillet: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation. Nous savons tous que, durant la dernière ronde de négociations, un des points les plus litigieux, lors de ces pourparlers avec en particulier des syndicats du monde de l'éducation, c'était la menace d'un nombre effarant de mises en disponibilité qui devaient résulter de la mise en application des nouvelles normes dans le domaine de l'éducation. Nous savons aussi qu'à l'époque le gouvernement avait proposé une série de mesures de résorption, c'est-à-dire des mesures pour permettre de faciliter la réduction des mises en disponibilité. Les médias ou certains journaux, ce matin, faisaient allusion à certains chiffres en ce qui concerne les mises effectives en disponibilité et l'efficacité aussi des mesures de résorption. La question que je pose au ministre a trois volet. Pourrait-il dire à cette Chambre quel est le nombre exact de mises en disponibilité comparativement à ce qui avait été prévu ou même annoncé par certains leaders syndicaux à l'époque? Est-ce que les mesures de résorption ont joué vraiment leur rôle?

Une voix: Ah oui!

M. Brouillet: Le comité qui avait été prévu pour faciliter la mise en application des mesures de résorption, quel a été son mode de fonctionnement et est-ce qu'il a effectivement atteint les buts et les objectifs pour lesquels il avait été mis sur pied?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, en mars 1983, il y avait 2345 enseignants en disponibilité; quant aux professionnels non-enseignants, il y en avait 306 et, quant au personnel de soutien, il y en avait 647. Il est vrai qu'en vertu de l'augmentation de la tâche que prévoyait le décret, on a dit, à l'époque, que ce chiffre serait gonflé d'une façon extraordinaire. On a avancé un chiffre jusqu'à 12 000 ou 15 000. Effectivement, en juillet, il y en avait encore près de 6000 en disponibilité. Cependant, vous vous rappellerez, M. le Président, que lors des négociations, le ministère de l'Éducation et le gouvernement s'étaient engagés à ce que le nombre de mises en disponibilité parmi les enseignants ne dépasse pas 5000 et que le nombre de professionnels non enseignants, le personnel de soutien serait exactement le même que celui qui existait l'année antérieure. Je suis heureux de vous annoncer que, grâce aux mesures que nous avons prises, le chiffre des mises en disponibilité à tous les niveaux se révèle maintenant très inférieur à ce qu'on avait prévu. Bien en deçà des 5000 qu'on avait garantis comme plafond et même presque en deçà de ce que nous avions prévu.

Ce qui veut dire que maintenant, au moment où on se parle, il n'y a plus que 2727 enseignants en disponibilité. Il n'y a plus que 233 professionnels non enseignants et seulement 468 membres de professionnels de soutien. C'est là un chiffre très éloigné de la catastrophe qu'on nous avait prédite. Pourquoi cet heureux résultat? C'est parce que nous avons mis en place d'abord un comité national de résorption et de relocalisation composé, pour la moitié, des enseignants et des membres de commissions scolaires et surtout que nous avons proposé un très grand nombre de mesures de résorption et de relocalisation.

Le Président: M. le ministre.

M. Laurin: Par exemple, en ce qui concerne la résorption, nous avons effectué 1667 mesures de résorption et en même temps nous avons procédé à 1106 réaffectations d'enseignants en disponibilité grâce aux mesures que nous avons mises en place, c'est-à-dire mise à la retraite anticipée sans perte de bénéfices actuariels, préretraite également, et primes de séparation versées à près de 1667 personnes. Cela nous a quand même coûté 100 000 000 $. Nous aboutissons à ce chiffre extraordinaire qui est encore meilleur que celui que nous avons prévu. Je pense que c'est un gage, une mesure...

Le Président: À quelques reprises, au cours de votre réponse, j'ai indiqué qu'il était temps de conclure. Je vous l'ai indiqué formellement. Malgré tout, vous avez persisté à poursuivre votre réponse, cela fait déjà au-delà de trois minutes, ce qui est beaucoup trop long à mon avis. Je rappelle que si les questions sont courtes et effectivement il y a un effort de ce côté, les réponses également doivent être courtes. D'ailleurs, c'est le règlement qui le dit et j'aimerais bien qu'on s'y conforme si possible et même si ce n'est pas possible. M. le député de Saguenay.

Le chantier de Manic 5

M. Maltais: Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. Comme vous le savez, M. le Président, le chômage règne particulièrement sur la Côte-Nord. Certaines rumeurs courent dans le comté, depuis quelques jours, qu'Hydro-Québec s'apprêterait à fermer le chantier de Manic 5. J'aimerais savoir, de la part du ministre, si cette rumeur est vraie et quels

sont les moyens qu'il entend prendre pour relancer Manie 5?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: Je suis un peu étonné de la question. Vous parlez du chantier d'Hydro-Québec, Manie 5, puissance additionnelle...

M. Maltais: Puissance additionnelle.

M. Duhaime: ...si c'est celui-là dont vous parlez, le chantier est arrêté cela fait un an.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Je pense que cela fait longtemps que le ministre n'est pas allé à Manic 5 parce qu'il y a encore 250 travailleurs qui y travaillent. J'aimerais savoir si dans le plan de relance pour les citoyens de la Côte-Nord il est mention que Manic 5, puissance additionnelle, va continuer ou s'il va arrêter le 16 décembre comme les rumeurs circulent dans le comté présentement?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: M. le Président, j'ai eu l'occasion de me rendre sur la Côte-Nord à plusieurs occasions. L'an dernier, je me rappelle très bien, nous avons pris la décision, en accord avec Hydro-Québec, de reporter de trois ans le chantier de Manic 5 et de l'augmenter de 790 mégawatts puissance additionnelle. Cette décision a été prise à la lumière des surplus de disponibilité qui existent à l'heure actuelle à Hydro-Québec et je crois que le député est très en retard pour soulever cette question à l'Assemblée nationale. (15 heures)

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, même si je suis en retard; j'ai été élu le 20 juin seulement. Je demande au ministre de confirmer aux 250 travailleurs si oui ou non, le 16 décembre, ils seront mis à pied? C'est la question. Elle est très courte et je veux avoir une réponse.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: M. le Président, je répète l'information que j'ai donnée tout à l'heure. Ceux qui oeuvrent actuellement sur le chantier... C'est un chantier qui est en démobilisation, je ne suis pas au courant de la date du 16 décembre. Ce n'est pas une décision nouvelle. Cette décision a été prise l'an dernier... Lorsque nous avons discuté du plan d'équipement d'Hydro-Québec l'an passé, il en a également été question.

M. Fortier: Une question additionnelle.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le ministre ce que nous voulons savoir c'est ceci: dans les nombreuses commandes que vous avez passées à Hydro-Québec dernièrement, avez-vous pensé aux gens de la Côte-Nord pour leur permettre d'obtenir du travail?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: M. le Président, nous aurons l'occasion en commission parlementaire, les 12 et 13 décembre qui viennent, de discuter non seulement de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec mais également du plan d'équipement. Le député d'Outremont aura tout le loisir de poser toutes les questions possibles. Je dis ceci: Sur le chantier de Manic 5, en puissance additionnelle, les décisions remontent à un an.

Le Président: Fin de la période des questions. Les motions non annoncées, M. le député de Prévost.

Motion proposant que l'Assemblée

appuie les recommandations du groups

d'étude sur l'industrie de l'auto

M. Robert Dean

M. Dean: M. le Président, j'aurais une motion non annoncée, avec le consentement de l'Opposition. J'ai aussi des problèmes de statique aujourd'hui. La motion est que l'Assemblée nationale appuie fortement les recommandations du groupe d'étude sur l'industrie canadienne des véhicules et des pièces d'automobile et demande au gouvernement du Canada d'adopter lesdites recommandations dans les plus brefs délais, en prévoyant des mécanismes qui assureront au Québec les nouveaux investissements qui en découleront et la possibilité de redresser le déséquilibre historique qui le défavorise et d'obtenir un nombre d'emplois proportionnel à sa part du marché des ventes d'automobiles tant en ce qui concerne la fabrication de pièces que le montage. Est-ce qu'il y a consentement?

Le Président: Est-ce qu'il y a consente-

ment à la présentation? Il y a consentement. M. le député.

M. Dean: M. le Président, le 25 mars 1982, nous avons eu la visite, ici, à l'Assemblée nationale des délégués et des représentants du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile. À la suite de leur visite, cette Assemblée, sur une motion du député de Notre-Dame-de-Grâce qui a été appuyé par le parti ministériel, avec amendement, a adopté une motion demandant au gouvernement fédéral d'appuyer les travailleurs unis de l'automobile dans leurs revendications d'obtenir du gouvernement fédéral une loi sur le contenu canadien des automobiles. À la suite de cette démarche, le gouvernement du Canada a nommé un groupe de travail formé du président de l'Association canadienne des fabricants de pièces d'automobile, le président de la Société des fabricants de véhicules à moteur, les présidents de General Motors, Ford et Chrysler du Canada, le vice-président de Magnat International et le directeur pour le Canada et le directeur de la recherche du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile. Ce groupe d'étude avait pour mandat d'analyser l'évolution actuelle et future de l'industrie et de présenter des recommandations concrètes en vue de politiques visant à renforcer l'industrie canadienne. Le groupe d'étude a fait ses recommandations au gouvernement fédéral au mois de mai dernier. Le groupe recommande essentiellement que le gouvernement adopte une nouvelle politique cadre sur le commerce automobile étendant les principes du pacte de l'automobile de manière à obliger tous les fabricants de véhicules qui vendent sur le marché canadien à prendre des engagements mandatoires, mis en oeuvre dans des délais raisonnables, comparables aux engagements actuels des fabricants de véhicules faisant affaire au Canada dans le cadre du pacte de l'automobile, c'est-à-dire des engagements en vue de rapports production-vente de véhicules et une valeur ajoutée au Canada de 60%.

A aussi suivi un autre train de mesures de ce groupe d'étude, à savoir de permettre à l'industrie de l'automobile et au syndicat d'améliorer le climat de relations du travail, assurer un climat favorable aux investissements grâce aux mesures fiscales et tarifaires, favoriser l'innovation technologique, améliorer les capacités des ressources humaines dans l'industrie, garantir l'évolution sans accroc des adaptations structurelles nécessaires dans l'industrie et enfin assurer une consultation permanente et l'examen adéquat des questions concernant l'automobile.

Dans la formulation, le groupe d'étude n'a rien recommandé qui n'existe pas dans les pays industriels modernes qui cherchent à développer et maintenir une industrie moderne et efficace de l'automobile.

Je termine en disant que le groupe estime, à la suite de ces études, qu'à défaut d'une telle loi qui est recommandée au gouvernement du Canada, l'industrie canadienne de l'automobile pourrait connaître d'ici à quelques années une perte de 20 000 emplois directs dans l'industrie automobile, de 20 000 autres emplois dans l'industrie des pièces, acier, caoutchouc, plastique, verre, etc., avec un effet d'entraînement de 35 000 autres pertes d'emploi.

Par contre, selon le groupe d'étude, si le gouvernement du Canada adoptait les recommandations du groupe on pourrait espérer que tous ces emplois soient sauvegardés et qu'on voie la création de 20 000 emplois directs dans l'industrie automobile, 20 000 emplois dans l'industrie des pièces et 35 000 autres emplois par effet d'entraînement.

Il est sûr et certain que, malgré que le Québec détienne 25% du marché des ventes d'automobiles - au bas mot - depuis des années au Canada, le Québec actuellement a 8% des emplois dans le montage et seulement 2% dans la fabrication de pièces. Donc, il me semble que pour que le Québec puisse espérer, par de nouveaux investissements et la création de nouveaux emplois, redresser ce déséquilibre et faire en sorte que le nombre d'emplois et les investissements au Québec dans cette industrie du montage et des pièces d'automobile reflètent en quelque sorte le pourcentage des ventes ici, au Québec, il faudra l'adoption par le gouvernement fédéral du rapport du groupe d'étude, avec la possibilité de créer un total de 75 000 emplois directs et indirects.

C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que j'espère - en ajoutant que le gouvernement du Québec a déjà avisé les coprésidents de ce groupe d'étude de l'appui du gouvernement du Québec à ses recommandations - voir aujourd'hui cette Assemblée nationale à l'unanimité adopter cette motion que je propose. Merci.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que l'Opposition se joint et donne son appui à la proposition qui vient d'être faite par le député de Prévost.

L'an dernier, au mois de mars 1982, l'Opposition elle-même avait fait une motion semblable par la voix du député de Notre-Dame-de-Grâce. Je pense que ce n'est pas nouveau pour l'Opposition de promouvoir le contenu québécois dans l'industrie de l'automobile.

Je pense qu'il est important de tendre à augmenter autant que possible les emplois dans cette industrie. Si on réussit à augmenter le contenu québécois dans les automobiles, les autobus, les camions, etc., bien sûr on aura créé des emplois additionnels. (15 h 10)

Cependant, il s'agirait de savoir comment on doit s'y prendre. Certains demandent au gouvernement fédéral de voter une loi pour obliger les exportateurs des pays européens ou japonais d'avoir un contenu canadien de 60% ou plus et d'autres estiment qu'on devrait plutôt négocier avec les exportateurs d'automobiles, de camions ou d'autobus des ententes bilatérales. Il faut bien penser que le secteur de l'automobile n'est pas le seul avec lequel nous avons des relations avec les pays étrangers. Si, par hasard, le Canada votait une loi unilatérale mandatant ou obligeant un contenu canadien minimum, il y aurait un risque de représailles de la part de ces pays sur d'autres marchés ou d'autres secteurs. Qu'on pense, par exemple, au secteur des pêcheries, des mines, de l'aluminium avec Pechiney où on tente d'exporter des produits vers ces pays européens ou vers le Japon. Bien sûr, si on ferme la porte unilatéralement dans un secteur, il y aurait danger de représailles dans les autres. En faisant la promotion d'emplois dans un secteur au Canada et au Québec, on pourrait susciter la perte d'emplois dans d'autres secteurs. L'Opposition est d'accord sur le principe. Il faudrait voir quelle est la meilleure méthode pour susciter des emplois sans en perdre d'autres dans d'autres secteurs.

M. le Président, ce qui m'étonne dans la motion du député de Prévost, c'est l'attitude du gouvernement du Parti québécois à ce sujet. On se souviendra qu'en 1977, le gouvernement du Parti québécois a eu une chance unique de créer au Québec un grand nombre d'emplois justement dans le secteur de la construction d'automobiles. À ce moment-là, le gouvernement avait placé sur les marchés une commande de 1200 autobus pour l'usage des différentes compagnies de transport au Québec. Or, deux soumissions avaient été présentées, celle de Bombardier, une compagnie québécoise qui voulait se lancer dans la fabrication des autobus et qui était alliée avec un fabricant américain, American Motors et General Motors, une compagnie entièrement américaine. Quand les soumissions ont été ouvertes, on se rappellera que Bombardier, sur un contrat de 92 000 000 $, avait présenté une soumission de 7 000 000 $ plus élevée, mais que son contenu québécois était de 57%, alors que le contenu québécois de General Motors était de 40%. Or, en calculant les retombées pour les sous-traitants québécois, la différence de 17%, on en vient à la conclusion que le contrat de Bombardier était moins cher que celui de General Motors. Bombarbier voulait construire à Valcourt 1200 autobus. Étant donné que le marché canadien est évalué aujourd'hui à 1000 autobus par an dont 300 à 400 au Québec, on peut considérer les retombées énormes dont le Québec aurait joui depuis dix ans si le gouvernement du Québec n'avait pas eu seulement une politique de parole, mais avait joint l'acte à la parole. On a préféré donner le contrat de 1200 autobus - ce gouvernement qui prétend favoriser les intérêts des Québécois - à une compagnie américaine et il y a eu une perte d'emplois énorme au Québec.

Je voudrais simplement citer ce que le Devoir disait à ce moment-là: "Pour réussir ce contenu de 57% qui a surpris tout le monde et reçu, semble-t-il, l'agrément technique des experts des commissions de transport, Bombardier a passé des mois à la recherche des petites entreprises québécoises, bien avant que le fameux index des manufacturiers québécois fasse son apparition." Et on disait un peu plus loin: "La décision du cabinet semble en porte-à-faux avec la politique d'achat du gouvernement du Québec. En effet, cette politique vise à favoriser l'émergence ou la croissance d'entreprises québécoises à partir du levier que constituent les achats publics. La politique prévoit qu'on peut tenir compte du contenu québécois des achats autant que des avantages économiques à court terme." On disait également: "A court terme, le Québec peut espérer dans ce contrat un gain de 7 000 000 $ et un investissement de 6 000 000 $ par GM. À long terme, c'est la rentabilité de 60 000 000 $ d'investissements québécois dispersés dans des régions excentriques de la province, la survie de 400 emplois dans les Cantons de l'Est et la création d'un vaste complexe industriel d'envergure internationale, mais à 100% québécois. Bombarbier vend ses tramways à Chicago, ses trains au grand réseau ferroviaire américain Amtrack. Il est sur les rangs pour des contrats en Amérique du Sud et en Europe, mais il n'avait pas encore réussi à se lancer dans le marché d'autobus qui eut complété sa gamme de véhicules de transport public, le marché qui connaît la plus forte croissance aujourd'hui."

Je termine cette citation en disant que quelques mois auparavant, Bombardier a perdu une commande de tramways de la Commission de transport de Toronto, en Ontario. Bombardier était alors le plus bas soumissionnaire, mais le gouvernement ontarien est intervenu pour obliger la compagnie de l'Ontario à commander ses tramways d'un fabricant ontarien. À ce moment-là, le Québec avait riposté en oubliant de donner le contrat à Bombardier dont la soumission, d'une façon générale,

était la plus intéressante. Nous avons un gouvernement qui dit certaines choses mais qui agit autrement.

En ce qui concerne la présente motion visant à promouvoir l'emploi chez nous, j'espère que le gouvernement, cette fois-ci, va donner suite à ses belles intentions par des actes concrets. Quant à nous, de l'Opposition, nous souscrivons à l'objectif d'augmenter le contenu canadien des automobiles, des autobus et des camions de toutes nos industries et nous sommes d'accord pour prier le gouvernement canadien de prendre tous les moyens à sa disposition pour atteindre cet objectif. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: M. le député de Vachon. M. David Payne

M. Payne: Merci, M. le Président. Le député de Laporte devrait faire attention, j'étais de passage à Ottawa vendredi pour revendiquer un certain contenu canadien.

Des voix: Cela a paru! M. Houde: On a vu celai

M. Payne: Lorsque j'ai fait cette renvendication auprès du ministre Ouellet, il m'a traité de séparatiste. Vous devez faire bien attention avant de voter. Pour bon nombre de travailleurs, les mots "contenu canadien" évoquent un certain sentiment d'amertume. Je m'explique: II y a une couple de mois, Carrosserie Fleet de Saint-Hubert a soumissionné auprès de Postes Canada pour 225 unités de camions. Le contrat a été accordé, il y a à peine quatre jours, à General Motors Canada, ce qui explique la raison de mon voyage à Ottawa avec les travailleurs de chez nous. Jusqu'ici, c'est parfait, tout le monde devrait être fier de l'octroi de ce contrat.

Mais ceux qui voudraient regarder de plus près ou ceux qui connaissent très bien l'industrie de l'automobile, l'industrie des carrosseries et des boîtes de camion vont constater immédiatement que le châssis vient exclusivement des États-Unis pour General Motors. Postes Canada ont accordé le contrat des carrosseries à General Motors: le contrat a été donné à une compagnie qui s'appelle Grunman Aircraft des États-Unis. Cela représente une grande proportion de 0% canadien, mais ce n'est pas tout. La compagnie de Saint-Hubert, Québec Canada, a soumissionné pour un montant moindre et favorable aux contribuables canadiens de 99 280 $; c'était la plus basse soumission et, malgré cela, le contrat a été accordé à General Motors qui, par la suite, a acheté des États-Unis. La compagnie canadienne de Vachon avait garanti 60% de contenu canadien. Nous risquons, dans Saint-Hubert, seulement à cause de cela, de perdre 120 emplois.

Une autre chose révèle beaucoup de vérités. Le ministre Ouellet a refusé jusqu'à maintenant - le sens de cette motion pourrait peut-être encourager M. Ouellet à changer d'idée - de rendre publiques les soumissions. Je trouve cela scandaleux.

In conclusion, I just would like to say: Who is looking after Canadian and "québécois" jobs when Canada Post, a crown corporation, puts out tenders throughout Canada and accords the contract to General Motors? General Motors following upon that subcontracts out to the US, to Grunman Aircraft, for the body and the chassis from GM America, Detroit, and at the same time that we, in Vachon, have a product which is made in Canada, by Canadians and that is sent out and refused by Canada Post. That means briefly that we lose 99 000 $ for the Canadian taxpayer first of all and, secondly, we lose 120 jobs in Canada, in Québec. That is the policy and that is the sense of the motion. (15 h 20)

C'est pour cette raison, M. le Président, que je l'appuie sans condition.

Le Président: M. le député de Nelligan. M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: Très brièvement, M. le Président, afin de ne pas prolonger le débat indûment. De notre part on appuie certainement l'initiative du député de Prévost, faite au nom des Travailleurs unis de l'automobile qui ont porté cette démarche devant le ministre fédéral pour justement augmenter le contenu local dans les importations.

En fait, moi, qui suis le porte-parole du Parti libéral pour le commerce extérieur, j'ai toujours prôné le fait qu'on mette beaucoup plus d'accent et d'importance sur toute la question de l'importation au Canada. Les importations, si on s'en sert de façon raisonnable, au lieu d'être des importations de marchandise brute, devraient d'abord être créatrices d'emplois et un moyen de faire un transfert technologique dans notre milieu. Si, justement, on pouvait imposer aux importateurs une proportion importante de contenu canadien, à ce moment-là on pourrait provoquer une création d'emplois et, en même temps, un transfert technologique important.

Il est indéniable que les produits de l'extérieur ont une influence immense sur l'amélioration de notre technologie locale et nord-américaine. En ce sens, on pourrait profiter de ces importations en les améliorant, en y ajoutant une valeur locale. Dans ce sens, nous nous associons tout à fait

à toute démarche qui voudrait aller dans le sens de rendre nos importations réellement une créature du commerce international dans son sens le plus large.

Tout en m'associant tout à fait à la démarche du député de Prévost, je refuse d'entrer dans toute une affaire contre General Motors. Je trouve qu'on entre dans un débat qui n'est pas dans le cadre de ce qu'on veut faire ici. Je recommande au député de Vachon d'aller s'adresser à son futur ministre fédéral à Ottawa, le chef du Parti nationaliste qui pourra régler cette petite question-là pour lui.

Le Président: M. le député de Groulx. M. Elie Fallu

M. Fallu: M. le Président, je voudrais que nous soyons bien clairs lorsque nous appuyons cette motion. Il ne s'agit pas d'imposer aux gens quelque modèle de voiture que ce soit, ou de les restreindre dans leur achat ou de restreindre l'importation de quelque façon. Ce que nous voulons c'est créer des emplois au Canada et au Québec. Ce que nous voulons c'est que les pièces soient fabriquées ici pour la valeur pour laquelle nous achetons les voitures à l'étranger ou encore que du montage soit fait dans des usines situées chez nous pour l'équivalent en valeur des importations que nous faisons.

La démarche que nous proposons au gouvernement fédéral n'est pas nouvelle puisque déjà un grand nombre de pays ont des politiques semblables. Pourrait-on se souvenir, pour le député de Laporte qui n'a pas l'air de connaître le dossier, que dans un très grand nombre de pays, des mesures législatives sont prises pour contrôler l'importation? Peut-on lui dire qu'en Italie, les importations d'automobiles japonaises sont limitées à 2000 par année, c'est-à-dire 0,2% du marché italien? qu'en France c'est limité à 3% du marché, en Grande-Bretagne à 10%, en Allemagne à 10%? Qu'en Espagne les droits de douane sont de 50% sur les voitures importées et qu'il y a des lois sur le contenu qui limitent les importations? Il en va de même au Mexique, en Australie et dans presque tous les pays.

Il n'y a qu'un pays qui n'en est pas un: le Canada, qui n'a pas encore pris des mesures pour faire en sorte que nous n'exportions pas systématiquement notre main-d'oeuvre et nos fonds.

Quant à nous, entre-temps au Québec, nous avons tâché, par les faibles moyens dont nous disposions, de prendre un certain nombre de mesures pour faire en sorte que les conditions soient réalisées afin que le travail se fasse chez nous. Souvenons-nous du Salon de la sous-traitance du véhicule moteur 1983 que nous avons tenu en inaugurant le

Palais des congrès, au mois de juin, avec l'accord des syndicats et des constructeurs. Nous sommes en train de mettre sur pied le centre ordinique, à Lionel-Groulx, le bassin naturel de l'industrie de l'automobile au Québec, pour former la main-d'oeuvre, recycler les travailleurs et fournir à l'industrie des outils de recherche et d'application pour relancer le marché sur les voies du virage technologique. Souvenons-nous de la politique d'achat du gouvernement du Québec qui, incidemment... Souvenons-nous que - ce que n'a pas dit, tout à l'heure, le député de Laporte - GM, en contrepartie, a fermé son usine en Ontario, est venue l'installer chez nous...

Une voix: ...

M. Fallu: ...et a construit non seulement le montage, mais fait faire de nombreuses pièces à un minimum de 41% de sous-traitance chez nous. Qui dit mieux?

M. le Président, en terminant, je voudrais, depuis l'Assemblée nationale et à l'unanimité de la Chambre, lancer une invitation à tous nos concitoyens et concitoyennes du Québec, municipalités en tête, pour qu'ils appuient nommément -chaque individu et chaque municipalité - la revendication qui est faite très justement par les Travailleurs unis de l'automobile. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, il me fait plaisir d'appuyer cette motion qui, dans son essence même, demande au gouvernement fédéral d'intervenir pour que les importateurs de voitures augmentent l'emploi chez nous. Je crois que c'est l'essentiel de la motion et cela rallie notre enthousiasme et notre appui.

Nous avons entendu plusieurs députés de ce côté-ci de la Chambre; nous avons également entendu des députés que je qualifierais, sans vouloir les diminuer, d'arrière-ban et quelques adjoints parlementaires. Ce qui nous aurait intéressés, cela aurait été d'entendre les ministres, le ministre du Commerce extérieur, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Mais où sont ces gens-là? Qu'est-ce que fait le gouvernement? C'est cela que les Québécois veulent savoir. C'est bien beau de faire adopter une motion autour de laquelle les députés se rallient pour demander qu'il y ait de la création d'emplois et pour demander aux importateurs de voitures de faire prendre des mesures qui feraient que plus de voitures soient construites ici même, mais ce qui importe,

finalement, c'est: Qu'est-ce que le gouvernement du Québec a fait?

Nous souscrivons à cette motion, mais, encore une fois, nous demandons au ministre du Commerce extérieur et au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de nous dire ce qu'ils font dans ce dossier et ce qu'ils font pour les Québécois.

Le Président: M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Bellefeuille

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais dire quelques mots à l'appui de cette motion de mon collègue, le député de Prévost, pour expliquer qu'il est un peu étonnant que nous, législateurs, qui avons le pouvoir d'adopter des lois et le pouvoir de légiférer, en soyons réduits à demander à d'autres d'adopter une loi.

Une voix: On n'est pas indépendants.

M. de Bellefeuille: Justement, comme vient de le dire un député d'en face, un député libéral, le Québec n'est pas indépendant. C'est précisément...

Une voix: ...

M. de Bellefeuille: Je constate avec joie que le député de Jeanne-Mance a compris que la souveraineté du Québec nous permettrait d'adopter nous-mêmes ce genre de lois, plutôt que d'être dans la situation où nous devons demander à un autre lieu, à une autre instance, à un autre Parlement d'adopter une loi dont nous avons besoin. Nous pourrions adopter nous-mêmes cette loi si le Québec était parvenu à la souveraineté.

J'appuie cette motion, M. le Président, parce que si jamais le Parlement fédéral entend notre voix et les nombreuses autres voix qui réclament cette loi, nous pourrons commencer une autre bataille qui consistera à chercher à obtenir la part du Québec de cette industrialisation canadienne que nous souhaitons. C'est la première étape, il faut d'abord la franchir et, par conséquent, j'appuie cette motion.

Le Président: M. le député d'Argenteuil. M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, je suis d'autant plus heureux d'intervenir sur cette motion que de nombreux travailleurs du comté d'Argenteuil ont l'avantage de travailler à l'usine de Boisbriand de la General Motors accomplissent un excellent travail. À cette occasion, je salue de manière particulière les nombreux dirigeants syndicaux de cette usine de la General

Motors qui sont dans les galeries à l'heure actuelle.

Je voudrais tout d'abord déplorer "l'excursus" que vient de faire le député de Deux-Montagnes. Je ne pense pas que nous ayons avantage, à ce stade-ci, à mêler la question de l'indépendance ou de l'option constitutionnelle à la discussion que nous avons. Si on voulait discuter du problème dans cette optique, qui peut se discuter dans d'autres circonstances, il faudrait accepter de prendre tout l'ensemble du dossier, il faudrait prendre le dossier de Bell Helicopter, par exemple, et se demander si Bell Helicopter viendrait atterrir à côté de l'usine de General Motors, à Boisbriand, si nous étions dans une république séparée. Et je pense que cela nous conduirait tellement loin, que cela nous éloignerait de notre discussion d'aujourd'hui. Je serais prêt à faire le débat avec mon ami, le député de Deux-Montagnes, en d'autres circonstances, mais il me semble qu'aujourd'hui, ce n'est pas opportun d'aller dans cette direction.

Ce qu'on nous demande aujourd'hui -j'en viens au point que nous soumet la motion - c'est d'accorder notre appui à une démarche qui serait faite en notre nom à tous auprès des autorités fédérales afin d'inviter celles-ci à veiller à ce qu'un contenu canadien plus grand soit exigé pour les véhicules qui sont vendus sur les marchés canadiens. C'est une proposition très intéressante. A priori, je comprends très bien le député de Laporte d'avoir certaines interrogations, parce que les mesures de protectionnisme en matière de commerce international sont des mesures que tous les pays cherchent à faire reculer, théoriquement, mais en pratique, nous savons tous que chaque pays pratique le protectionnisme dans une mesure plus ou moins grande, et ce qu'on doit souligner fermement, c'est que le Canada, dans ce domaine, a toujours été plus généreux que tous les autres pays, y compris les États-Unis et le Japon dont il est particulièrement question dans le débat d'aujourd'hui.

Si on demande au gouvernement canadien de veiller un peu plus aux intérêts des Canadiens, y compris évidemment des Québécois, en mesure de politique d'exigence concernant le contenu canadien des véhicules automobiles vendus au Québec et au Canada, je pense que nous présentons une proposition très raisonnable, très modeste, très réaliste et qui ne va pas du tout dans le sens contraire des normes de bonne conduite observées sur le plan international. Dans ce sens, et pourvu qu'on reste dans des mesures raisonnables, qu'on n'aille pas s'embarquer dans des politiques qui ne tiennent pas debout - je ne pense pas qu'il en soit question du tout - je pense que nous avons tout intérêt à appuyer les gens qui nous ont posé le problème que nous discutons

actuellement.

Je voudrais souligner une autre chose. Je pense d'ailleurs que plusieurs d'entre nous étions ensemble à l'usine de General Motors. Le député de Prévost était là. Je ne sais pas si, quand les députés de la région ont visité l'usine de General Motors récemment, le député de Deux-Montagnes était là, à l'occasion de la journée ouverte qu'elle a faite. Nous nous sommes rencontrés. Le député de Terrebonne y était également...

Une voix: Le député de Groulx.

M. Ryan: Excusez-moi, le député de Groulx. Nous avons fait une excellente visite de l'usine. Nous avons causé avec les dirigeants de l'entreprise, les responsables syndicaux, les travailleurs, des fournisseurs également qui étaient sur les lieux. Je pense qu'il y a des choses que je dois souligner à propos de cette usine de General Motors à Boisbriand.

D'abord, j'ai appris avec plaisir - je pense qu'on l'a dit tantôt, mais je suis heureux de le confirmer sur la base de ce que j'ai appris - que c'est l'une des filiales de la General Motors qui a les plus hautes normes de productivité dans toute l'Amérique du Nord. Par conséquent, de ce point de vue, nous avons raison d'être fiers de la main-d'oeuvre, des travailleurs de l'entreprise et de la gérance également qui, ensemble, ont fait en sorte que cette usine a fait la preuve de manière claire que le Québec est capable de se situer au premier rang dans l'industrie automobile, comme dans les autres secteurs de l'industrie manufacturière.

Deuxièmement, j'ai constaté à Boisbriand que les rapports entre les syndicats et la gestion sont excellents. On a pu le voir sur les lieux. M. Ducharme, qui est ici, nous a fait un discours assez emporté ce matin-là, mais constructif, très constructif. On nous a dit de part et d'autre qu'on avait des relations souvent vigoureuses, comme on dit, mais toujours empreintes de franchise, de respect mutuel et que ces relations, l'acceptation mutuelle par les deux parties l'une de l'autre, ont permis d'établir un climat de travail qui est sain. J'ai pu le constater en circulant dans l'usine, en causant avec des douzaines de travailleurs qu'il existe dans cette entreprise un climat sain. On a tellement parlé de l'impact du climat de relations ouvrières sur la productivité et la santé de l'économie que cela vaut la peine de signaler cet exemple.

Il y a un troisième point qui est important. Il y a déjà de nombreuses années qu'on travaille en français, à General Motors de Boisbriand. Cela n'a pas du tout empêché cette usine de réaliser les hautes normes de productivité dont nous avons parlé. Par conséquent, je pense que nous avons un exemple ici qui est très intéressant, qui nous donne des raisons d'y aller avec détermination et fermeté dans la démarche qui nous est proposée à tous auprès de l'autorité fédérale.

Je ne voudrais pas qu'on se scandalise outre mesure de ce qu'on est obligé, en vertu de l'ordre constitutionnel qui nous régit, de nous adresser à l'autorité fédérale. Je pense qu'il y a des domaines qui ont été conférés à l'autorité fédérale sous notre constitution. Il est normal que nous nous adressions à celle-ci. Si nous étions dans l'Europe du Marché commun, il faudrait aller voir également l'autorité de la communauté des dix maintenant pour obtenir l'autorisation de faire certaines choses ou même obtenir que certaines politiques soient implantées. Tant que le régime demeure ce qu'il est, et cela a été confirmé il n'y a pas tellement longtemps, je pense qu'il faut y aller sans trop de récriminations, surtout sans toujours prêter de motifs ou d'intentions à l'autre partenaire, en nous rappelant que c'est très difficile également parce que pour nous, c'est facile d'appuyer une démarche qui porte sur un point particulier de la politique tarifaire ou de la politique de commerce international du Canada et nous devons accepter que ces politiques soient examinées dans toutes leurs dimensions et dans la répercussion de l'une des dimensions sur les autres.

Dans ce sens, je voudrais demander au gouvernement, en terminant, de veiller avec un soin particulier - de faire rapport peut-être à la Chambre à ce sujet plus souvent -sur ce qui se passe en matière de mise au point et d'application de la politique canadienne en matière d'échanges commerciaux internationaux. Je ne me souviens pas que nous ayons jamais eu un rapport objectif et complet de démarches faites par notre gouvernement. Il faut vraiment défendre nos intérêts là-dedans et j'ai hâte que le ministre du Commerce extérieur vienne un jour nous soumettre un rapport factuel, pas des revendications partielles ou partiales, un rapport factuel, toutes les démarches qui auraient été faites, les résultats qui auraient été obtenus ou qui n'auraient pas été obtenus de manière qu'ensemble nous puissions appuyer de nouveau des démarches comme celle qui nous est soumise aujourd'hui non seulement dans le domaine de l'industrie automobile, mais dans beaucoup d'autres où la vigilance du Québec pour la défense de ses intérêts s'impose et où le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale du Québec ont des responsabilités politiques sinon toujours constitutionnelles. Merci.

Le Président: En réplique, M. le député

de Prévost.

M. Robert Dean (réplique)

M. Dean: D'abord, je suis très heureux de cette unanimité de l'Assemblée nationale sur cette motion et je suis d'accord avec bien des remarques qui ont été faites par les députés des deux côtés de la Chambre. C'est une indication d'être bref dans sa réplique. J'essaierai de m'exécuter sauf que je voudrais relever deux points seulement. En ce qui regarde les autobus - la question posée par le député de Laporte - General Motors ou Bombardier, il s'agit d'abord de savoir que General Motors était le plus bas soumissionnaire. Donc, nous avons respecté les règles normales de concurrence internationale et cela aurait été très difficile pour le Québec d'accorder un contrat à un soumissionnaire qui n'était pas le plus bas soumissionnaire et, quelques années après, essayer de défendre le même Bombardier auprès de la ville de New York, alors que Bombardier était le plus bas soumissionnaire. On ne peut pas donner à un ce qu'on n'est pas prêt à donner à l'autre.

Deuxièmement, pour ceux qui connaissent un peu l'industrie automobile, que ce soit Bombardier avec une alliance avec AM General qui était une division d'American Motors ou avec General Motors, les pièces importantes d'un véhicule automobile viennent en bonne partie des États-Unis: les moteurs, les transmissions, etc. Il n'y a pas d'usines de moteurs d'automobiles au Québec. Il n'y a pas d'usine de transmission au Québec. Quand on parle de contenu québécois, de toute façon, c'est une question relative. (15 h 40)

Pour ce qui est de l'usine de General Motors à Saint-Eustache, General Motors a non seulement fabriqué au Québec les 1200 autobus pour les différentes communautés urbaines du Québec, mais a également développé un marché d'exportation tant dans les autres provinces canadiennes qu'aux États-Unis. Alors, ce sont des produits fabriqués au Québec qui sont expédiés à l'extérieur.

On nous a posé la question: Qu'est-ce que le gouvernement fait pour inciter les entreprises de l'automobile à venir au Québec? Je dirais qu'on fait ce que tous les gouvernements ont fait, y compris le gouvernement qui nous a précédés. Je ne pense pas me tromper si je vous dis que le chef de l'Opposition en cette Chambre, le député de Bonaventure - à moins que je ne me trompe était ministre de l'Industrie et du Commerce lors de la décision de General Motors de s'implanter au Québec. Je dis: Bravo. Mais, je souligne, M. le Président, que malgré ses efforts, la même année, soit en 1964, 1965 ou 1966, Ford du Canada aussi a implanté au Canada une deuxième usine de montage, qui aurait pu s'établir au Québec, mais qui s'est jointe à la première usine de Ford en Ontario.

Donc, le gouvernement du Québec actuel, dans le contexte actuel, fait exactement la même chose que les gouvernements qui l'ont précédé, y compris les gouvernements de nos amis d'en face, pour essayer de convaincre les entreprises de l'automobile de s'implanter au Québec, mais avec à peu près les mêmes résultats. Nous faisons des progrès, mais de petits progrès.

Tenant toujours compte de cette réalité actuelle que les politiques commerciales sont sous la gouverne du gouvernement fédéral, la nécessité de cette résolution est dictée par le fait - comme je l'ai dit tantôt, et je termine là-dessus - que si on veut espérer créer d'autres emplois au Québec dans les années à venir dans l'industrie de l'automobile, il faut absolument que le gouvernement fédéral accepte la demande des Travailleurs unis de l'automobile et les recommandations de ce groupe d'étude formé de représentants patronaux et syndicaux de l'industrie au Canada. Une fois qu'on aura cette garantie de création future d'emplois, on va faire notre possible et plus que notre possible pour qu'une bonne part de ces nouveaux investissements s'effectuent au Québec pour créer des emplois payants, durables et permanents pour les Québécois et les Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Président: La motion du député de Prévost est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Mont-Royal.

Bienvenue aux Amérindiens et aux Inuits

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, aujourd'hui, demain et jeudi l'Assemblée nationale a le grand privilège d'accueillir les nations amérindiennes et inuites au Québec en commission parlementaire. Alors je propose que cette Assemblée, tout en souhaitant la bienvenue aux nations amérindiennes et inuites, leur témoigne le respect de leurs traditions et de leurs cultures et la reconnaissance de nos obligations envers elles.

Si vous me le permettez, M. le Président, dans le language de la nation des Cris: Ne-me-ye-ten che-je-wadjehm-gaw eyou nooch. I am pleased to welcome the Native People today. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue au peuple autochtone aujourd'hui.

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je me joins à mon collègue de Mont-Royal. Tout comme lui, durant ces trois jours, nous aurons à entendre ces revendications. Je suis heureux de souligner également qu'on nous a dit ce matin que c'était le vingtième anniversaire des relations intensives avec le peuple amérindien. J'ose espérer que ce vingtième anniversaire portera ses fruits.

Le Président: La motion de M. le député de Mont-Royal est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, j'aimerais requérir le consentement unanime de l'Assemblée pour présenter la motion non annoncée suivante: "Que cette Assemblée fournisse au premier ministre l'occasion d'expliquer pourquoi exactement 83 personnes sont venues à ce qui se voulait une grande fête populaire organisée pour célébrer le quinzième anniversaire de la fondation du Parti québécois à Longueuil, comté de Taillon, hier.

Le Président: Y a-t-il consentement?

Des voix: Non!

Le Président: Non? Il n'y a pas de consentement. Pardon?

Une voix: ...dans Taillon?

Le Président: Ah! Très clairement.

Aux avis à la Chambre. M. le leader du gouvernement. Oh! je m'excuse. Y a-t-il des questions en vertu de l'article 34?

M. Polak: En vertu de l'article 34.

Recours à l'article 34

Le Président: Oui, en vertu de l'article 34, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, j'ai une question au leader parlementaire concernant la séance de la commission des engagements financiers qui a été fixée par notre commission elle-même le 27 octobre. On a convenu de l'avoir le 24 novembre. Hier, j'ai reçu une lettre m'informant que c'était annulé. Le leader parlementaire écoute-t-il ce que je dis? J'ai donc dit que j'ai reçu une lettre hier, à savoir qu'on avait annulé la réunion du 24 novembre. Je n'accepte pas cette annulation. On est venu ici pour travailler.

On veut que la commission siège. Vous avez cinq ministres...

Le Président: M. le député! M. le député, nous sommes aux questions sur les travaux de la Chambre et ces questions ne peuvent pas faire l'objet d'argumentation. Donc, votre question.

M. Polak: M. le Président, j'ai au moins, finalement, l'attention du leader parlementaire. Je voudrais donc savoir quel ministre - sur les cinq ministres qui font partie du Conseil du trésor - sera présent le 24 novembre à la commission des engagements financiers, laquelle commission, en vertu de l'article 135a, a le droit de fixer la date de ses séances.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je vais sortir ma 22, M. le Président, et je vais tirer cela au clair.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, je pense que l'Assemblée nationale et le député qui vient de poser la question en vertu de l'article 34 ont droit à une attitude différente du leader du gouvernement. J'aimerais qu'il puisse nous dire quand et quel ministre sera là, dans les meilleurs délais.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: C'est exactement ce que j'ai dit, M. le Président. En fait, je ne demande pas mieux que d'être informé. Il semblerait qu'il y a une lettre qui a été envoyée hier aux membres de la commission les informant qu'effectivement elle ne siégerait pas. Je vais donc aller aux informations et, dès que je les aurai, je les transmettrai au député de Sainte-Anne.

Le Président: M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, peut-être que le leader du gouvernement ne connaît pas le système des engagements financiers. Nous fixons nos propres dates. On n'a pas besoin de vous. Donc, je demande simplement: La lettre qu'on a eue de la part de notre secrétaire qui dit que la réunion est annulée, cela vient de qui? C'est le cas de cette lettre-là. J'ai appelé immédiatement M. Nadeau, notre secrétaire, qui m'a dit: Demandez cela à l'Assemblée nationale.

Donc, nous sommes prêts à siéger. Je répète ma question. On siège jeudi. On veut venir ici. Lequel des cinq ministres veut venir pour répondre aux questions?

Le Président: M. le député! M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, si j'ai bien compris - j'aimerais adresser une autre question au leader du gouvernement avant qu'il ne nous quitte - le leader, on aura la réponse dans les meilleurs délais.

Nous avons, avant le régime de fin de session au mois de décembre, deux mercredis où une motion de député, c'est-à-dire de l'Opposition, peut être discutée. Après certains échanges avec le leader du gouvernement, nous avons tiré la conclusion suivante: c'est qu'on fera une motion demain qui est d'ailleurs au feuilleton, en appendice, au nom de Mme Lavoie-Roux - et que, la dernier mercredi de novembre disponible, il y aura une autre motion. Je voudrais demander au leader du gouvernement, en vertu de l'article 34, qui concerne l'organisation de nos travaux, si c'est bien la façon dont il entend que les choses soient faites et s'il consent que cela devienne un ordre de la Chambre. À ce moment-là, on saura qu'il y aura un vote le jour même, le mercredi après-midi, ou le lendemain et qu'on aura donc deux motions séparées avec vote dans chaque cas. Comme c'est une exception aux dispositions du règlement, s'il y consent, il y aurait peut-être lieu d'en faire un ordre de la Chambre. (15 h 50)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Sur le premier aspect, relativement à la commission des engagements financiers, je pense que la lettre que le député de Sainte-Anne a dans les mains est signée par le secrétaire des commissions parlementaires.

Une voix: Non, de cette commission-là.

M. Bertrand: De cette commission parlementaire?

Une voix: C'est cela.

M. Polak: Excusez-moi, M. le Président, mais est-ce que je peux répondre?

Le Président: M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: La lettre porte la signature du secrétaire de la commission des engagements financiers.

M. Bertrand: C'est ce que je dis!

M. Polak: II n'est pas le secrétaire de cette commission seulement, je n'ai jamais été consulté, moi.

M. Bertrand: C'est ce que j'ai dit. Une voix: C'est bien gentil.

M. Polak: Donc, cette commission fixe ses propres dates. On a fixé la date le 27 octobre. On a décidé de notre agenda devant tout le monde, y inclus les membres de l'Opposition. On a convenu du 24 novembre, si possible, le quatrième jeudi du mois. On a déjà vu trois ministres; la dernière fois, c'était le ministre Gendron. On a eu Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, le président du Conseil du trésor, etc. Il y en a cinq, vous pourrez choisir; nous n'aurons pas peur de poser nos questions à qui que ce soit, mais nous voulons poser nos questions régulières du mois.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Le député de Sainte-Anne veut laisser croire, par la lecture qu'il a faite de la lettre, que c'est le bureau du leader du gouvernement qui aurait pris la décision que cette commission n'aurait pas lieu.

Une voix: Qui a pris la décision, qui?

M. Bertrand: Comme il l'a dit lui-même, la commission est maîtresse de ses travaux; comme la lettre est signée par le secrétaire de la commission des engagements financiers, que voulez-vous de plus? Cela provient de la commission elle-même.

Des voix: Non.

M. Bertrand: Vous me posez la question comme leader du gouvernement et, même si je n'ai pas à décréter la tenue de cette commission, je vais m'enquérir auprès de son secrétaire pour savoir exactement, d'abord, comment il se fait que cette lettre ait été transmise et, ensuite, ce que la commission entend faire à la suite de l'avis transmis par le secrétaire.

Ce que je veux dire au député, c'est que je n'ai rien à voir avec cette lettre signée par le secrétaire de la commission. Je veux qu'on le sache bien.

M. Champagne: M. le Président, question de règlement, s'il vous plaît!

M. Polak: M. le Président, ce n'est pas la première fois que cela arrive.

Le Président: Si vous me le permettez, je vous suggère, puisque nous ne sommes pas

encore rendus au 24 novembre et comme nous débordons singulièrement le cadre de ce qui est prévu à l'article 34, que de part et d'autre - je crois comprendre que le député de Mille-Îles aussi a des observations à faire sur le sujet - vous vous concertiez et que la réponse soit apportée demain. Sans cela, nous allons avoir ici même, sur le parquet de la Chambre, une discussion qui n'a pas sa place. M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: Compte tenu des explications du leader du gouvernement, je comprends que cela ne relève pas de son bureau, mais je lui formule une demande de directive. Comment le secrétaire d'une commission - et on me confirme que ce n'est pas du personnel qui relève de l'Assemblée nationale, de vos services - peut-il changer les décisions de la commission? Cela regarde les travaux de la Chambre car cette commission n'a pas une vie séparée de la nôtre, elle est quand même soumise au règlement. Comment un secrétaire de commission peut-il donner un avis aux membres? Si l'Assemblée n'intervient pas, le 24 novembre, il n'y aura pas de réunion, si on en croit l'avis qui a été envoyé aux membres. Or, cette commission est maîtresse de ses travaux, elle a le droit de décider et, semble-t-il, elle aurait décidé de siéger le 24 novembre. Seriez-vous assez gentil pour nous donner les directives concernant le fonctionnement de cette commission désormais?

M. Champagne: M. le Président, question de règlement, s'il vous plaît.

Le Président: M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Je suis membre de cette commission et je ne comprends pas pourquoi le député de Sainte-Anne pose cette question ici, en Chambre. En effet, la commission des engagements financiers est autonome et décrète elle-même l'horaire de ses séances. Je ne vois pas pourquoi le député de Sainte-Anne en parle ici.

M. Polak: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le député, quand le président est debout, vous devez reprendre votre place. Je comprends que la commission des engagements financiers est maîtresse de ses travaux. Son secrétaire ne relève pas du Secrétariat des commissions, donc, pas de l'Assemblée nationale mais bel et bien de cette commission. C'est une situation hybride à l'heure actuelle que la réforme parlementaire viendra sans doute corriger, M. le leader de l'Opposition. Si la commission n'a pas donné de directive à son secrétaire, j'avoue que j'ignore complètement qui a donné la directive au secrétaire en question, d'autant qu'il ne relève pas de l'Assemblée nationale.

M. Polak: M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: En vertu de l'article 34, j'ai le droit de demander des renseignements sur les travaux de l'Assemblée. J'imagine que le travail de la commission des engagements financiers en est un de l'Assemblée, même si le député de Mille-Îles ne semble pas le trouver très sérieux. La commission fixe les dates. Ce n'est pas la première fois que ce problème se pose. On a eu ce problème il y a quelques mois et je me rappelle très bien qu'à ce moment-là, le leader du gouvernement a réglé le problème. Il est même parti pour trouver un ministre en remplacement. C'était exactement le même problème et il n'a pas nié avoir juridiction. Donc en vertu de l'article 34 je dis poliment que nous voulons siéger. Nous n'avons jamais été consultés pour changer la date. Je suis devant l'Assemblée nationale et je demande des instructions. On veut siéger, qu'il se trouve un ministre parmi les cinq. Ce n'est pas moi...

Le Président: Tout le monde prend bonne note de votre demande, M. le député de Sainte-Anne. J'imagine que dans la mesure où il peut y remédier, le leader du gouvernement y apportera réponse dans les meilleurs délais.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Est-ce que ma demande de directive est accueillie ou si vous ne croyez pas qu'elle soit de votre ressort?

Deuxièmement j'aimerais que le leader réponde à la deuxième partie de ma demande.

Le Président: Si j'ai bien compris, votre demande de directive portait sur de qui relève le secrétaire de la commission. J'ai répondu tantôt, l'avant dernière fois où j'ai dû me lever sur cette question, que le secrétaire de la commission des engagements financiers ne relève pas du Secrétariat des commissions de l'Assemblée nationale. En conséquence, je présume donc qu'il relève de la commission elle-même. J'ai bien dit que c'était une situation hybride que la réforme parlementaire viendra précisément corriger.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je pense qu'on a encore un peu de travail à faire en sous-commission sur la réforme parlementaire pour éclaircir ce genre de choses. Pendant ce temps-là on va tenter de voir comment on pourrait arriver à régler cet imbroglio.

Pour ce qui est de l'article 34, quant à la question posée par le député de Marguerite-Bourgeoys et leader de l'Opposition, je peux indiquer que nous sommes tout à fait d'accord avec cette façon de procéder pour les deux prochaines semaines. Disposons de la motion présentée par l'Opposition demain relativement à la Loi sur la protection de la jeunesse. On prendra probablement le vote jeudi. La semaine prochaine on aura un autre sujet à l'ordre du jour.

M. Lalonde: J'aimerais un peu plus de précisions, M. le Président. Comme le règlement prévoit qu'on discute pendant deux mercredis de suite - c'est le petit problème auquel nous faisons face - j'aimerais qu'il soit bien entendu, sur un ordre de la Chambre, que la dernière motion du dernier mercredi de novembre ne chevauche pas sur le premier mercredi de mars pour éviter cette situation un peu étrange qui est déjà arrivée dans le passé. Que ce soit donc un ordre de la Chambre parce que d'ici à ce temps-là, il peut y avoir d'autres problèmes. Que pendant une séance seulement, on discute d'une motion, je ne sais pas laquelle, on la connaîtra au feuilleton éventuellement, et qu'on vote sur cette motion le lendemain ou le mercredi même.

Le Président: Est-ce que je comprends bien que la motion de l'Opposition, le mercredi 30 novembre, ne sera utilisée que pendant la séance de ce mercredi après-midi, qu'elle sera mise aux voix immédiatement ou à la rigueur lors d'un vote reporté au lendemain et que cela devient un ordre de l'Assemblée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Aux avis à la Chambre, M. le leader du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Bertrand: Je voudrais donner avis que cet après-midi, de 16 heures à 18 heures et ce soir de 20 heures à 22 heures, au salon rouge, la commission de la présidence du conseil et de la constitution poursuit l'audition de différents groupes autochtones. Elle continuera son mandat demain matin au salon rouge de 10 heures à 13 heures.

Je lance un appel ici à l'ensemble des députés qui siègent à cette commission. Nous nous sommes entendus de part et d'autre pour que pendant trois jours nous recevions quinze groupes et mémoires différents. Ce matin nous en avons entendu un. Je comprends que c'était le début et c'est normal. Il serait acceptable dans les circonstances, je pense, de faire en sorte que la commission s'autodiscipline puisque je pense qu'il avait été convenu d'une certaine répartition du temps. S'il y a nécessité de continuer après 22 heures, ce soir, pour que nous puissions accommoder des groupes qui viennent demain et jeudi, je pense qu'il faudrait peut-être faire en sorte que, de part et d'autre, on puisse s'entendre et trouver le temps nécessaire pour recevoir tous les groupes d'ici à jeudi soir. (16 heures)

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Je n'ai aucun engagement à prendre au nom des membres de l'Opposition à cette commission, mais, comme d'habitude, la commission prendra ses propres décisions à cet effet.

Le Président: Bien. Ce qui nous mène aux affaires du jour.

M. Lalonde: J'aimerais simplement...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: ...avoir une petite précision sur les travaux de la Chambre. On sait que le discours sur le budget a été prononcé il y a une semaine, que le règlement prévoit un débat de 25 heures, que votre propre projet de réforme qui a été adopté unanimement au mois de juin prévoit que, désormais, dans la réforme parlementaire, le débat sur le discours sur le budget sera privilégié, donc toute autre chose cessante, et ne pourra pas être interrompu comme on le fait actuellement. Est-ce que le leader pourrait nous assurer qu'on ne discutera pas du budget à minuit ou une heure au mois de décembre, mais que, d'ici à la fin de novembre, il pourra saisir l'Assemblée de ce débat pour qu'on en débatte? Je crains, voyant le menu législatif que nous avons devant nous, que nous soyons appelés à faire exactement ce que la réforme parlementaire veut corriger. Je ferais appel au leader du gouvernement pour que, dans l'esprit de cette réforme, il organise ses travaux pour permettre aux députés de discuter, parce que c'est un débat important. Les députés peuvent parler, à l'intérieur de ce débat, de tous les problèmes qui nous assaillent et j'aimerais qu'on puisse le faire à la clarté, normalement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Brièvement, deux choses, M. le Président. D'abord, on se rappellera que la dernière fois que nous avons vécu ce complément à la politique budgétaire du gouvernement, c'était en novembre 1981. Le débat n'avait pas duré 25 heures, mais la moitié du temps, soit environ 12 heures. Il y avait eu, bien sûr, les 8 heures en commission plénière pour l'étude des crédits additionnels.

Deuxièmement, le leader de l'Opposition se rappellera qu'au mois de juin dernier, nous avons travaillé de part et d'autre, je dois le dire, dans un esprit de collaboration pour que les députés n'aient pas à siéger à des heures indues, c'est-à-dire que nous n'avons jamais dépassé, si ma mémoire est bonne, minuit ou une heure du matin. Donc, dans les circonstances, le rythme de travail était relativement respectueux de ce qui nous apparaissait être une journée normale de travail. Si nous pouvons parvenir, de part et d'autre, au cours du mois de décembre, à adopter notre législation et, en même temps, avoir un débat sur le budget - on verra un peu plus tard s'il doit doit durer 25 heures -je suis disposé à regarder cela de très près. Le leader de l'Opposition comprendra qu'effectivement on peut avoir les contraintes qu'on a, mais, dans un esprit de collaboration, je suis prêt à envisager cette opportunité.

Le Président: Bien.

M. Bertrand: Article 11.

Le Président: Votre motion...

M. Bertrand: II y a autre chose.

Le Président: ...puisque c'était une motion, visant à faire siéger la commission cet après-midi, ce soir et demain matin, est donc adoptée, je présume.

M. Bertrand: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Après entente, je ne sais pas si vous l'avez sur vos feuilles bleues... Non?

Le Président: Oui.

M. Bertrand: Vous l'avez?

Le Président: Oui.

M. Bertrand: On va le savoir...

Rapport de la commission spéciale sur la législation déléguée

Le Président: Effectivement, je crois comprendre qu'il y a eu un accord entre les deux formations politiques à l'effet de permettre un échange sur le rapport de la commission parlementaire spéciale sur l'étude de la législation déléguée qu'a présidée le député de Trois-Rivières, rapport qui a été formellement déposé à l'Assemblée cet après-midi. Ce que j'ignore, M. le leader du gouvernement, c'est si le temps a été fixé pour ces échanges.

M. Bertrand: M. le Président, si ma mémoire est bonne, il y a entente pour qu'il y ait un porte-parole...

Une voix: De chaque côté.

M. Bertrand: ...de chaque côté, c'est-à-dire le député de Trois-Rivières pour le parti ministériel et je crois que c'est le député de Louis-Hébert qui remplace le député de Westmount pour l'Opposition.

Une voix: C'est cela.

Une voix: Ah mon Dieu!

M. Bertrand: Dix minutes chacun.

Le Président: Je cède donc la parole au président de la commission parlementaire sur la législation déléguée, M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: M. le Président, j'allais dire que cette Chambre est bien bonne de nous donner l'occasion de parler, mais j'ai de la difficulté à le dire parce qu'en même temps qu'elle nous permet de parler, elle limite notre droit de parole dans le temps et en nombre. Je le regrette et j'aurais presque envie de vous demander, si j'écourtais mon droit de parole de dix minutes, si cela signifierait que mes collègues qui ont été membres de cette commission pourraient partager ces dix minutes, puisque, au fond, je comprends que c'est une question de temps. Peut-on être d'accord, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, il n'y a pas de...

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais rappeler, en réponse aux premières remarques du député de Trois-Rivières, que c'est par entente. On nous a suggéré dix minutes. Si le député de Trois-Rivières veut parler une heure... Il y a plusieurs députés ici qui voudraient aussi exprimer des opinions là-

dessus mais il semble que tout ce qu'on nous a demandé, c'est dix minutes. Si c'est plus long, on est d'accord, même s'il y a un plus grand nombre de députés. Nous sommes pour la liberté, vous le savez.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Trois-Rivières.

M. Denis Vaugeois

M. Vaugeois: M. le Président, je vais commencer mon intervention de dix minutes! Nous avons attendu ce jour depuis plusieurs semaines. Ce rapport est prêt depuis le mois de juillet. Je signale en passant qu'il est maintenant prêt en version anglaise et qu'on peut s'adresser soit au Secrétariat des commissions, soit à mon bureau ou au bureau du vice-président pour avoir une copie anglaise. Nous avons donc attendu ce moment... bien que limités dans le temps. Nous avons enfin un document que les gens pourront lire, que les gens pourront consulter, et, je l'espère, un document sur lequel les membres de cette Chambre auront l'occasion de réfléchir.

En tout premier lieu, on me permettra de signaler la présence, d'abord, de collègues parlementaires qui ont été membres de cette commission et qui sont aujourd'hui présents. Je pense à M. le député de Louis-Hébert, qui est absorbé sans doute dans une lecture qui précède son intervention de tout à l'heure, au député de Gaspé, M. Henri LeMay - je me permets de le nommer - au député d'Arthabaska, M. Jacques Baril, au député de Saint-Hyacinthe, M. Maurice Dupré et à l'autre président, celui qui a quitté maintenant le fauteuil, c'est-à-dire le député de Taschereau, qui a été membre de notre commission pendant plusieurs mois, de même qu'à mon voisin ici qui l'a remplacé, le député de Châteauguay, au député de Brome-Missisquoi, qui a été également des nôtres, bien qu'à la fin il ait été quelque peu dérangé, et enfin il y a eu une contribution particulière du vice-président, le député de Westmount qui, malheureusement, est absent aujourd'hui. Il est souffrant, m'a-t-on dit. Nous aurions bien aimé déposer ce rapport en sa présence.

Il y a également dans les galeries des gens à qui nous devons, on le comprendra, une bonne partie du rapport de la commission. Les parlementaires étant ce qu'ils sont, ils ont de multiples travaux, et même lorsqu'ils sont membres d'une commission d'étude, ils ne reçoivent pas pour autant de congé pour les autres fonctions qui sont les leurs. Je tiens, au nom des membres parlementaires de la commission, à remercier bien chaleureusement cette petite équipe d'élite, ce corps d'élite, qui a su nous permettre de livrer la marchandise, en qualité et en temps. Il y a Gilles Angers, qui est ici présent et qui a agi comme secrétaire de notre commission. Cette tâche lui a permis d'avoir une promotion, à peine nos travaux terminés. Jean Alarie est retourné au bureau des règlements, ce qui était une promotion aussi, puisqu'il y est retourné probablement pour voir venir le rapport de la commission. Jean Alarie a agi comme directeur de la recherche. Gaston Pelletier a joué un rôle de premier plan dans la rédaction. Il a également repris son service au ministère de la Justice. Mme Mariette Bélanger a pour sa part profité de cette expérience pour franchir, dans sa carrière une étape nouvelle à l'Assemblée nationale même. Je leur souhaite à chacun d'avoir bien profité de cette expérience de réflexion sur le mandat de la commission.

D'autres personnes ont également été associées aux travaux de la commission. Elles ne sont pas ici, je crois, aujourd'hui. On trouvera leur nom au début de ce rapport. Sans les nommer tous et toutes, je voudrais les remercier. Mais on me permettra quand même d'avoir une mention spéciale pour le personnel de soutien, Mme DeFoy, Mme Royer, Mme Martineau, Mme Drolet; pour des professionnels qui nous ont assistés, Mme Boivin, Me Garant, M. Eglinton, Me Issalys, M. Champagne; pour des experts de l'extérieur, M. Mallory, Me Jules Brière, Me René Dussault et M. Young, qui a assuré les travaux de traduction.

La question posée à la commission concernait le contrôle de la législation déléguée. Je pense bien que, même parmi les parlementaires ici présents ou ceux qui sont absents, plusieurs pourraient se demander si tout le monde comprend bien ce que veut dire "législation déléguée". (16 h 10)

Nous pouvons avouer, comme membres de cette commission, que nous-mêmes, nous avons eu à préciser notre compréhension de ces termes. La législation déléguée, M. le Président, vous le savez, c'est cette législation que nous n'assumons pas, cette législation que nous ne discutons ni dans cette Chambre ni en commission parlementaire, sauf exception, parce qu'il arrivera parfois qu'un ministre saisisse une commission parlementaire de son projet de règlement, mais il le fait alors librement, parce que nos règles, notre procédure ne prévoient pas de contrôle de la réglementation.

La question posée à la commission d'étude, c'était: Est-ce que nous devons continuer comme cela? Est-ce qu'il y a quelque chose à corriger? La commission le savait en partant, nous l'avons vérifié: la réglementation est maintenant devenue plus importante que la législation. En 1981, une compilation nous donnait quatre fois plus de règlements que de lois. Dans la seule année 1982, j'ai les chiffres ici, nous avons voté dans cette Chambre 17 nouvelles lois, tandis

que l'administration soumettait à l'exécutif 350 nouveaux règlements. La même année, nous modifiions ici à peu près une quarantaine de lois alors que l'administration faisait modifier par l'exécutif 450 règlements. Cette année, le rapport était de 20 règlements pour une loi, soit nouvelle, soit modifiée. Il reste que la moyenne générale depuis ces dernières années, c'est quatre fois plus de règlements que de lois. Inutile de dire que lorsque d'un côté comme de l'autre de cette Chambre nous nous inquiétons de la portée réelle d'une loi, nous faisons référence aux règlements.

Les recommandations de la commission d'étude ne surprendront personne. Nous recommandons le contrôle parlementaire. Nous recommandons que ce contrôle porte d'abord sur la légalité des règlements. Est-ce que les règlements correspondent bien à nos lois et à la loi qui lui donne naissance? Également, nous proposons un contrôle d'opportunité.

Nous croyons que les parlementaires sont encore les mieux placés pour s'interroger sur l'opportunité des règlements, soit des règlements qui s'en viennent, soit des règlements déjà en vigueur. Je ne veux pas être trop long parce que j'aimerais bien laisser une chance à mes collègues de prendre la parole quelques minutes. Je renvoie donc les lecteurs éventuels à la présentation que j'ai signée avec le coprésident, Richard French. On y verra des exemples de dispositions habilitantes, c'est-à-dire des exemples d'articles de lois qui permettent à l'Exécutif et à l'administration quasiment d'ignorer la loi. Par exemple, dans le Code de sécurité routière, il y a un article qui permet à l'Exécutif d'ignorer 205 articles de la loi. Il y a un article dans la Loi créant la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui permet à la commission de faire à peu près n'importe quoi. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que dans quelques jours, nous entendrons cette commission. Je crois que le "législateur" a été un peu généreux, sinon un peu distrait lorsqu'il a voté la loi, parce qu'il a ouvert toute grande, par cette disposition, la porte à une réglementation que plus personne ici, que plus personne parmi les élus, non plus au niveau du gouvernement, ne peut contrôler.

Nous avons été tellement préoccupés par la question qu'une de nos recommandations serait de permettre à cinq parlementaires de cette Chambre, représentant deux formations politiques, de pouvoir inscrire une motion de désaveu. Évidemment, les gens croiront que les parlementaires du côté ministériel n'oseraient jamais. Nous avons pensé qu'il devrait se trouver dans cette Chambre, dans certains cas, des parlementaires ministériels prêts à signer une motion de désaveu visant un règlement passé sous l'actuel règlement ou un précédent gouvernement. Cette motion de désaveu obligerait le gouvernement et le leader à appeler la motion permettant ainsi aux membres du gouvernement de s'expliquer et éventuellement à appeler un vote, nous le devinons bien, qui battrait la motion. À défaut d'être appelée, cette motion pourrait signifier le désaveu de la réglementation visée.

Il y a beaucoup d'autres éléments dans les rapports que nous avons publiés. Je dis les rapports. En fait, c'est un rapport qui vient en deux tomes parce que nous avons cru opportun de publier, dans un deuxième tome, les documents reçus particulièrement à l'occasion de nos audiences publiques.

C'est l'occasion pour moi également de remercier ceux qui nous ont présenté des rapports, ceux qui sont venus nous rencontrer lors des audiences publiques. Si la question intéresse ceux qui, à ce moment-ci, suivent nos travaux, ceux qui en prendront connaissance dans les prochaines heures, je les invite à nous écrire et nous demander copie de ces rapports. Également, les membres de cette commission se tiennent à la disposition des groupes intéressés pour pouvoir poursuivre une réflexion à partir de ce rapport.

Je serais bien déçu s'il fallait que cette Assemblée n'entreprenne pas rapidement une réflexion à partir de notre rapport. Nous sommes prêts à accepter que ses recommandations fassent l'objet d'une réévaluation par cette Chambre, surtout dans le contexte de la réforme parlementaire en cours. Mais, au moins, que cette réflexion s'engage! Je crois qu'il y va de la santé de nos institutions démocratiques. Autrement, ce Parlement fermera les yeux sur une matière quatre fois plus importante que les lois, sur les règlements qui ont force de loi dans ce pays.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président, c'est avec plaisir que je m'associe aux propos de mon collègue de Trois-Rivières dans la présentation qu'il a faite du rapport de la commission d'étude sur le contrôle parlementaire de la législation déléguée. Il a expliqué suffisamment longtemps la raison de ces travaux, qui ont été entrepris par la commission et qui ont été menés à bonne fin, grâce en très grande partie à l'audace, l'opiniâtreté, la décision et le travail des membres de cette commission et particulièrement de ses deux coprésidents, c'est-à-dire le député de Trois-Rivières et le député de Westmount, qui est retenu chez lui actuellement pour cause de maladie.

Les remerciements d'usage, qui sont

plus que des remerciements d'usage, ont été transmis au personnel qui a appuyé les parlementaires dans les travaux de cette commission. Je n'ai aucune hésitation à dire que sans leur collaboration, sans leur participation de tous les moments, il aurait été impossible à cette commission de mener à bien ses travaux. La gratitude la plus sincère de la commission s'adresse à eux; et je suis sûr qu'en m'exprimant de cette façon, j'exprime aussi le sentiment de la majorité sinon de la totalité des membres de cette Assemblée nationale qui, comme les membres de la commission, ont tous à coeur la revalorisation du rôle des élus et la remise dans une perspective qui tienne compte d'une façon plus réelle de la souveraineté de l'Assemblée nationale de tous nos travaux, de toutes nos décisions, de tout ce qui entoure les lois que nous adoptons, les règlements que nous habilitons les ministres à passer.

Dans ce sens, le travail qui a été effectué par notre commission est un travail extrêmement important. C'est un travail qui nous a permis aussi - je pense que cela vaut la peine de le souligner - de profiter des lumières et des renseignements que nous avons été chercher ailleurs. Nous n'avons pas tenté d'une façon orgueilleuse de réinventer la roue; nous n'avons pas eu peur d'aller nous inspirer ailleurs. Nous l'avons fait au tout début de nos travaux en nous présentant au Parlement fédéral à Ottawa, où un comité est en vigueur qui fait un travail de la nature de celui qui est proposé pour surveiller la délégation déléguée. Aussi certains de nos collègues sont allés à Londres et sont allés voir ce qui se passait dans les "select committees"; nous en avons tiré beaucoup d'enseignements. Tout cela a été mis ensemble et de cette façon nous avons réussi à présenter devant cette Assemblée le rapport. C'est un honneur pour moi d'y être associé. C'est un honneur d'avoir eu l'occasion de participer un tant soit peu à cette revalorisation du rôle des députés. Il ne faut pas s'imaginer que tout le travail a été fait par les élus; cela a été aussi fait par d'autres personnes qui ont extrêmement bien travaillé et qui méritent nos félicitations, comme je le disais.

Il est connu, M. le Président, qu'il y a trop de règlements au Québec. Ils sont très souvent préparés en vase clos, à l'insu des parlementaires; trop souvent aussi, il faut le reconnaître, à l'insu des ministres, d'après les réactions que nous avons très souvent. Ils ont souvent des impacts inattendus, coûteux, contreproductifs et les bureaucraties qui existent afin de servir les citoyens deviennent trop fréquemment un fléau dans l'existence de ces citoyens. Ce problème se situe d'ailleurs dans le contexte d'une difficulté plus vaste, c'est-à-dire la tentation des gouvernements démocratiques de s'adresser à trop de phénomènes sociaux, économiques, culturels, etc., sans avoir la capacité, les ressources humaines ou financières, les connaissances, la capacité nécessaire de maîtriser les soi-disant problèmes identifiés par les divers lobbies qui pressurisent les élus de tout bord et de tout côté. Mais ce n'était pas pour examiner le déclin des moyens publics que l'Assemblée nationale a créé la commission d'étude. Notre mandat était plus circonscrit. Notre mandat touchait le rôle des élus dans le contrôle de la législation déléguée. (16 h 20)

Je résumerais nos conclusions principales de la façon suivante: Ceux et celles qui vivent et travaillent sous l'égide des règlements veulent avoir l'occasion de faire valoir leurs opinions et leurs expériences dans ce domaine auprès des élus. Ils veulent le faire aux moments qui sont les plus aptes à influencer les décisions de l'Exécutif à ce titre. Ils croient que l'Assemblée nationale doit jouer un rôle plus large en ce sens. Les parlementaires de la commission partagent les frustrations de leurs commettants à cet égard. Ces mêmes parlementaires désirent des mécanismes flexibles et sélectifs afin d'examiner, commenter et, à la limite, contrôler les règlements ou projets de règlement qui menacent de créer des contentieux. Toutefois, les parlementaires reconnaissent que ce serait en dehors de leurs intérêts et de leurs capacités de prétendre contrôler tous et chacun des règlements émis par l'Exécutif. Il s'agit plutôt de la possibilité -je dis bien "la possibilité" - s'il y a suffisamment de parlementaires qui s'y intéressent, d'examiner certains règlements qui semblent particulièrement importants ou problématiques. Cet examen pourrait toucher la légalité du règlement, son opportunité ou son bien-fondé. Cet examen pourrait donc se faire à l'étape du projet de règlement ou après des mois ou des années d'expérience de l'application du règlement.

Le contrôle parlementaire de la législation déléguée s'inscrit aussi dans la foulée de la réforme parlementaire et ce, dans deux sens. D'abord, puisque le contrôle des règlements ne se ferait que rarement à l'Assemblée nationale même, nos recommandations se veulent un complément au projet de renouvellement des commissions parlementaires envisagé par la commission de l'Assemblée nationale. Le contrôle des règlements passe par des commissions parlementaires actives et engagées. Sans ce prérequis essentiel, il n'y aura pas de progrès significatif dans le dossier de la législation déléguée.

Il y a un autre sens à la relation entre le sujet de ce rapport et la réforme parlementaire. C'est la nécessité, afin d'augmenter la responsabilité de simples députés, de réduire l'engagement de la

responsabilité ministérielle, de la responsabilité gouvernementale et, donc, l'application de la ligne du parti au strict minimum de mesures fondamentales telles que le budget, les motions de blâme et les projets de loi majeurs. Nous ne croyons pas que les députés, lorsqu'ils étudient des règlements, devraient normalement et dans tous les cas être assujettis à la discipline de parti. Nous croyons qu'il serait sain que les ministres soient appelés à justifier ou à défendre de temps en temps ceux parmi leurs règlements qui semblent problématiques ou qui donnent lieu à un litige sans que le filet de sécurité que constituent pour eux la sacro-sainte solidarité ministérielle, la sacro-sainte majorité ministérielle les protège dans tous les cas. Je pense qu'à la fin du processus, en fin de compte, ce seront les citoyens et les citoyennes du Québec qui seront gagnants. C'est tout un changement de moeurs politiques pour l'Assemblée nationale et pour un Parlement canadien, mais il faut renverser la tendance actuelle qui dévalorise surtout ceux et celles de la majorité qui n'ont pas le bonheur, parfois très discutable, d'être ministre.

En terminant, quelques mots sur la relation entre le sujet en question et la situation économique. Vous avez entendu les discours ministériels sur l'importance de la relance de l'emploi ou de la relance économique. Je suis très heureux de dire que cette commission a des propositions concrètes et très efficaces à faire de façon qu'on s'engage véritablement au niveau des procédures de l'Assemblée nationale sur le chemin que prétend prendre le gouvernement actuel. C'est de la sagesse conventionnelle que de dire que l'économie québécoise souffre d'une réglementation surabondante, excessive, qui enfreint notre compétitivité sur les marchés extérieurs. C'est une enfarge supplémentaire que même le ministre du Commerce extérieur, peu reconnu pour ne pas blâmer pour tout et pour rien le système fédéral, a eu l'occasion de reconnaître à quelques reprises. Or, ce problème ne découle pas uniquement de la législation déléguée, mais bien de la législation primaire, c'est-à-dire des principes enchâssés dans les statuts.

Ce rapport n'a donc pas pour sujet cette fameuse déréglementation dont on entend si souvent parler. Toutefois, le contrôle parlementaire de la législation déléguée serait un élément important d'un programme de déréglementation ayant pour objet d'aider la relance de l'économie. Quelle ne fut pas ma déception lorsque j'ai appris qu'on ne verra pas, semble-t-il, à cette session-ci, avant les fêtes, un projet de loi encadrant le processus de la législation déléguée cet automne. J'en suis extrêmement déçu et j'espère que le mois où l'Assemblée nationale n'a pu siéger n'est pas à la source de cette impossibilité dans laquelle se trouve le gouvernement de donner suite, au moyen d'un projet de loi, au rapport de cette commission sur la législation déléguée. Il s'agit d'un sujet qui ne passionne probablement pas la multitude des gens, peut-être même pas la multitude des députés, mais qui, par contre, intéresse au plus haut point tous les agents économiques qui ont fait valoir leur point de vue devant la commission et qui investissent soit dans l'exportation, soit dans la création d'emplois.

La balle est dans le camp du gouvernement, nous allons voir ce qu'il va en faire. Les élus de cette Chambre de même que la population porteront un jugement après.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Arthabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Très rapidement, je tiens à signaler que j'ai travaillé comme membre de cette commission durant quelques mois. C'est avec un grand intérêt que je l'ai fait. De par mon expérience en cette Chambre, depuis sept ans que j'y siège, je dirais que de 50% à 60% du temps d'un député consiste à expliquer à ses commettants pourquoi ils ne sont pas admissibles à un programme gouvernemental, pourquoi, malgré une loi qui a été adoptée, ils n'y sont pas admissibles.

Nous sommes actuellement - vous me passerez l'expression - "poignés" avec une réglementation tatillonne et restrictive. L'élu n'a absolument aucun droit de regard sur cette réglementation qui est mise en place. Le but de la commission était de revaloriser d'abord cette Assemblée, de lui ramener les pouvoirs qu'elle a perdus ou qu'elle a laissé aller, et ce n'est pas à moi d'en juger, mais si on veut mobiliser, intéresser les députés aux activités parlementaires, il faut d'abord leur donner des pouvoirs pour vérifier cette réglementation qui, souvent, a été faite par des gens qui n'affrontent plus quotidiennement la réalité.

Pour cette raison, je sollicite l'appui des membres de cette Assemblée afin que le gouvernement puisse retrouver les pouvoirs perdus et qu'il parvienne ainsi à réaliser plusieurs mesures énoncées dans ce rapport. Il n'y a rien de plus difficile que d'essayer d'expliquer à un citoyen que son député n'a rien eu à dire sur l'application d'un tel règlement. Un des buts de la commission était d'essayer de voir ce qu'on pouvait faire pour intéresser les députés à corriger des irrégularités qui ont beaucoup trop duré.

Je pourrais aller plus loin, mais je veux laisser l'occasion à mon collègue, le ministre du Revenu, de défendre sa loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le

député de Gaspé.

M. Henri LeMay

M. LeMay: Merci, M. le Président, je ferai une brève intervention. Je voulais simplement vous avouer que, quand on m'a demandé de faire partie de cette commission, j'étais fort embarrassé devant le vocabulaire employé, surtout quand on parlait de contrôle de la législation déléguée. Or, plus les travaux de la commission avançaient, plus j'ai constaté que, face à l'avalanche de règlements qui pesaient lourd sur les épaules de tous les Québécois, notre commission était loin d'être inutile, elle était même nécessaire.

Tout comme le député d'Arthabaska, j'insiste auprès du gouvernement pour que les propositions contenues dans ce rapport soient mises en application le plus tôt possible afin d'éliminer des règlements désuets, afin de mettre des balises à tous les règlements qui viendront dans l'avenir, afin de décharger un peu les épaules de tous les Québécois et de toutes les Québécoises de notre belle province. J'espère que dans les mois qui vont venir la structure sera en place, sous forme de commission ou de sous-commission, pour qu'enfin le pouvoir législatif puisse contrôler cette foule de règlements qui, malheureusement, sont en plus grand nombre que nos lois.

Là-dessus, je félicite le député de Trois-Rivières pour sa motion et j'acquiesce en ce sens.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie, en vous rappelant que c'est un débat et qu'il n'y a pas de motion.

M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: Certainement, M. le Président. Je serai très bref d'ailleurs, non pas parce que je ne trouve pas que le sujet est d'importance. Je pense qu'on devrait passer davantage de temps à discuter du contenu du rapport de cette commission que d'un bon nombre de projets de loi qui nous sont présentés. Je serai bref parce que, aujourd'hui, pour moi, c'est la commission qui présente son rapport à l'Assemblée. (16 h 30)

Le député de Trois-Rivières et ses collègues de la commission nous ont alertés dans le fond sur un problème majeur que rencontre actuellement notre système parlementaire. Le gouvernement n'aurait pas besoin de multiplier les comités pour chercher les irritants - ce nouveau mot à la mode - il en trouverait déjà un bon nombre dans le rapport de la commission et dans la réglementation que cette commission a dénoncés.

On atteint souvent - et c'est cela la curiosité - les effets contraires de ce que l'on recherche. Si on essaie d'examiner ce qui, à l'origine, a justifié la procédure de la législation déléguée, on se rendrait peut-être compte que c'est une notion d'efficacité, qu'on a probablement procédé de cette façon-là pour être plus efficace, plus rapide, plus expéditif alors qu'on atteint exactement l'effet contraire. Il en va tout autrement lorsqu'on produit un objet alors qu'on produit une législation. Être efficace lorsqu'on légifère, c'est peut-être prendre davantage de temps, c'est peut-être mesurer plus longuement, c'est peut-être placer beaucoup plus de prudence. Dans ce sens-là, M. le Président, il est essentiel que ce rapport de la commission sur la législation déléguée puisse venir sous une forme différente que le débat de présentation d'aujourd'hui, puisse venir sous une forme différente devant ce Parlement et puisse faire l'objet d'un vote de l'Assemblée nationale susceptible d'influencer la réforme parlementaire qui vient mais aussi, les actions gouvernementales à venir.

Je voudrais, si vous me le permettez, M. le Président, souligner que c'est la troisième commission spéciale qui dépose un rapport en cette Assemblée. Qu'au moins la première commission, celle sur la fonction publique - en tout cas pour ce que j'en connais - a connu un certain aboutissement dans des projets de loi qui ont été déposés par la ministre de la Fonction publique, par une motion votée à l'unanimité à cette Assemblée et dont on devrait avoir les résultats demain, si j'ai bien compris, ou après-demain. Normalement, le 24 novembre, le gouvernement devrait nous déposer ce que nous avons voté ici à cette Assemblée, c'est-à-dire un plan, un échéancier d'application d'une partie du rapport de la commission. On attend impatiemment ce projet gouvernemental qui fera suite aux travaux de la commission.

Je voudrais juste indiquer, M. le Président, que ce que la première commission avait souligné, c'était qu'il fallait trouver un mécanisme pour que ce Parlement puisse faire le débat véritable sur les rapports de ces commissions. Je pense qu'il faudra songer, au moment où on aborde la réforme parlementaire, à trouver véritablement un mécanisme qui permette aux personnes qui se sont penchées sur un problème de pouvoir le présenter à leurs collègues de l'Assemblée nationale et de leur fournir une occasion de réagir.

Je voudrais terminer en posant une question en vertu de notre règlement, si vous me le permettez et si le député de Trois-Rivières me le permet. On sait qu'une coutume existe à l'effet qu'un président de commission qui dépose son rapport devant

l'Assemblée nationale, à moins de vouloir être nommé au cabinet et accéder au cabinet ministériel, a tendance à démissionner et à siéger comme indépendant pour s'assurer que tous les moyens seront mis en oeuvre pour que son rapport soit appliqué. Je voudrais demander au député de Trois-Rivières, qui comme on le sait, est respectueux des coutumes parlementaires, s'il a l'intention de respecter cette coutume qui voudrait qu'il démissionne aujourd'hui pour s'assurer de la bonne application de son rapport.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: M. le Président, est-ce que le règlement m'autorise à répondre?

Le Vice-Président (M. Jolivet): II n'y a aucune objection à le faire.

Une voix: Consentement.

M. Vaugeois: Si je comprends bien, c'est ma décision qui va faire si cela devient une coutume ou pas parce que c'est moitié moitié. Il y a eu le président de la commission de la protection de la jeunesse qui, lui, n'a pas démissionné, sauf dans une fonction particulière. Je me rends compte du poids qui pèse sur moi, M. le Président. Je vais consulter le député indépendant pour savoir s'il se trouve plus efficace dans cette nouvelle fonction, ce nouveau statut et j'aviserai.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, je ne fais pas de reproche à quiconque en cette Assemblée. Selon l'entente, on devait parler un à la fois. Puisqu'on s'est permis quelques libertés, je vais en profiter pour dire quelques mots.

Tout d'abord, le député de Westmount, qui était ce qu'on appelle le vice-président de cette commission spéciale présidée par le député de Trois-Rivières, est absent pour des raisons qui sont hors de sa volonté. Il aurait sûrement eu bien des choses à dire sur cette question parce qu'il y a consacré, avec le député de Louis-Hébert, beaucoup de temps. Il y a également le député de Brome-Missisquoi qui a dû consacrer, à ce moment-là, plus de temps à d'autres occupations.

C'est une commission spéciale, c'est-à-dire qu'elle a été formée ici en vertu d'une résolution de l'Assemblée nationale. Lors de ce débat, j'avais eu l'occasion de l'appuyer et de donner certaines statistiques sur les besoins d'une action du gouvernement, surtout de l'Assemblée nationale, en ce qui concerne la prolifération, la perte de contrôle totale de l'Assemblée nationale sur une bonne partie de ce qui est légiféré, c'est-à-dire ce qui devient loi, et surtout la principale partie, c'est-à-dire celle qui affecte les gens quotidiennement, que ce soit pour ouvrir un dépanneur, que ce soit pour faire toutes sortes d'autres activités. C'est à ce genre de loi que le Québécois se trouve confronté quotidiennement.

Je veux terminer en rappelant, en assurant... Il n'y avait, pendant tout ce débat, sauf le ministre du Revenu qui attend son tour pour présenter une loi, aucun ministre qui assistait à nos échanges. Chacun a sûrement quelque chose à faire en dehors de l'Assemblée nationale, mais, comme le rapport Vaugeois, le rapport de cette commission s'adresse plus particulièrement aux ministres, c'est-à-dire qu'il veut récupérer à l'Assemblée nationale ce que les ministres font... Ce sont les ministres qui, en groupe, en cabinet, comme on dit, adoptent ces règlements. C'est important que les gens sachent cela. Cela ne vient pas des nuages. Ce n'est pas ici que c'est adopté; c'est ailleurs. Ailleurs, c'est où? Au Conseil des ministres. Il n'y en avait pas ici, en tout cas.

Je veux simplement assurer l'Assemblée de la détermination de l'Opposition que le rapport Vaugeois ne reste pas lettre morte. Ce n'est pas une coïncidence, mais il reste que, dans le même souffle, il y a eu, à l'Assemblée nationale qui a vu naître la commission spéciale dirigée par le député de Trois-Rivières, la réforme parlementaire. Je ne sais pas si ce sera exactement dans les termes du rapport que l'on dépose aujourd'hui, mais nous avons l'intention, nous de l'Opposition, de nous assurer que les nouvelles commissions parlementaires ou une nouvelle commission parlementaire, quel que soit son nom, soit habilitée à examiner, tout d'abord, ce qui existe et à examiner, avant le fait, les règlements importants qui seront proposés à l'avenir.

Il y a aussi autre chose. Le whip adjoint a parlé quelques minutes avant moi -c'est le député d'Arthabaska, je pense - et a dit: Je vais m'asseoir parce que le ministre a une loi à présenter. Je comprends, ils sont tous de bonne foi. Nous sommes aussi de bonne foi, mais combien de fois avons-nous, depuis sept ans... Le mal n'a pas commencé il y a sept ans; il a commencé avant cela. Puisque je suis membre de l'Opposition c'est de mon expérience de l'Opposition que je dois témoigner. Nous avons dit: Vous avez trop de pouvoir réglementaire dans l'une ou l'autre loi, soit ici à l'Assemblée nationale lors de l'étude de deuxième lecture, soit surtout à l'étude article par article. Nous avons souvent tenté de réduire le pouvoir réglementaire du gouvernement et, à ce

moment-là, la majorité, généralement, sauf exception appuyait le gouvernement dans sa recherche de plus de pouvoirs, de plus grands pouvoirs pour faire des règlements. Aujourd'hui, on a vu se doubler le nombre de règlements. Le député de Trois-Rivières a donné des statistiques extrêmement éloquentes. Voici que maintenant, nous avons cette situation monstrueuse dont il faut réduire les dimensions et corriger les défauts. Je le fais après le député de Sainte-Marie, parce que lui-même avait présidé une commission à laquelle on n'a pas donné suite.

Le député de Verchères a présidé une autre commission spéciale. Il y eu trois commissions spéciales, celle du député de Sainte-Marie et celle du député de Trois-Rivières. Il y a eu trois commissions spéciales. Le député de Sainte-Marie a demandé qu'on lui donne suite. Il y a eu une promesse à ce sujet ici, il y a un an. Le député de Verchères a cru bon de démissionner de quelques fonctions quasi exécutives, devant le peu de succès qu'avait son propre rapport. Je vous rappelle que, demain, Mme la députée de L'Acadie, qui faisait partie de la deuxième commission, celle présidée par le député de Verchères, se croit obligée de présenter une motion de député. Elle occupera tout un mercredi après-midi pour déplorer l'inaction du gouvernement, depuis le dépôt du rapport de la commission parlementaire spéciale, créée le 19 décembre 1981, pour procéder à une évaluation de la Loi sur la protection de la jeunesse. Cette motion demandera au gouvernement de donner suite, avant la fin de la présente année, aux recommandations de ce rapport déposé à l'Assemblée nationale le 23 novembre 1982. M. le député de Trois-Rivières, c'est presque jour pour jour un anniversaire de votre rapport. Mais heureusement, dans le cas de cette commission, de ce rapport, il y aura des suites dans la réforme parlementaire. D'ailleurs, le député de Trois-Rivières, avec quelques-uns de nos collègues, participe aux travaux de la sous-commission qui voit à préparer la réforme parlementaire.

Je voulais souligner en particulier le travail du député de Westmount qui n'est pas ici actuellement - comme leader, je pense que c'était mon devoir de le faire - et assurer les membres de cette sous-commission qu'en ce qui nous concerne, nous de l'Opposition allons voir à ce qu'il y ait suite à plusieurs des recommandations, aux principales recommandations de cette sous-commission. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais de rappeler l'article 11 de notre feuilleton.

Projet de loi 43 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire. M. le ministre du Revenu.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, je présente aujourd'hui, au nom du gouvernement, le projet de loi 43, loi concernant les travailleurs et les travailleuses au pourboire. Ce projet de loi, qui s'appliquera à compter du 1er janvier 1984, fera en sorte que les travailleurs et les travailleuses au pourboire devront révéler, à chaque période de paie, à partir du 1er janvier 1984, la totalité de leurs revenus de pourboires et que, d'autre part, les employeurs, à chaque période de paie également, devront faire les retenues à la source de l'impôt sur ces revenus de pourboires, ainsi que déduire la part de l'employé relativement au Régime de rentes du Québec.

En plus, les employeurs, sur cette part de pourboires révélée, déclarée par les travailleurs au pourboire, devront payer la totalité des avantages sociaux auxquels les autres travailleurs, les autres salariés de notre société ont droit, soit les avantages sociaux qui ont trait à la Régie des rentes du Québec, à la santé et à la sécurité du travail, au fonds d'assurance-maladie et aux lois relatives aux conditions minimales du travail. Voilà pour l'essentiel du projet de loi en ce qui a trait aux travailleurs et aux employeurs.

En ce qui a trait au ministère du Revenu du Québec, ce dernier s'est engagé à fournir gratuitement à chacun des travailleurs au pourboire un registre quotidien pour aider à la mise en oeuvre de cette réforme qui s'applique aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire. De plus, la formule proposée dans ce projet de loi prévoit que si le total des pourboires révélés, déclarés par les travailleurs dans un établissement est inférieur à 8% du chiffre de ventes, l'employeur devra attribuer la différence entre les différents employés de son établissement. La différence entre les pourboires déclarés et les 8% minimum.

Voilà l'essentiel du projet de loi tel que j'ai eu le plaisir de le déposer à l'Assemblée nationale la semaine dernière. Ce projet de loi vise trois objectifs. D'abord, nous permettre d'atteindre l'équité fiscale c'est-à-dire que les travailleurs au pourboire paient la totalité de leur impôt comme tous les autres citoyens du Québec à la fois sur leur

revenu de salaire et leur revenu de pourboire. En premier objectif, équité fiscale. Deuxième objectif, équité sociale, c'est-à-dire que tous les travailleurs au pourboire bénéficient pleinement de tous les régimes, programmes sociaux de notre société, ce dont ils ne bénéficient pas complètement, totalement actuellement. J'y reviendrai plus en détail tantôt. Troisième objectif que veut atteindre ce projet de loi en plus de l'équité fiscale et de l'équité sociale, c'est de maintenir, d'assurer la protection de l'industrie touristique du Québec et de la restauration.

Pour bien comprendre la solution proposée par le gouvernement au problème des travailleurs et travailleuses au pourboire concernant le ministère du Revenu ou leurs bénéfices sociaux, je crois qu'il vaut la peine de faire un bref historique pour voir comment tout a commencé. Il est utile de se rappeler que de tout temps, depuis plusieurs années, la loi obligeait toujours les travailleurs et les travailleuses au pourboire à révéler leur revenu de pourboire au moment où ils faisaient leurs rapports d'impôt c'est-à-dire une fois par année. Un changement d'attitude est intervenu en 1979 au moment où Revenu Canada a commencé à cotiser les employés au pourboire de certaines régions du Québec, dans certains secteurs de la restauration, pour les années antérieures. Pour vous donner un exemple, en 1979, il y avait 14 000 travailleurs au pourboire au Québec sur environ 70 000, qui révélaient des revenus en pourboires. Le montant de revenus révélé était de 11 000 000 $ alors qu'on évalue en ce moment à environ 200 000 000 $ les revenus de pourboire.

C'est pour indiquer l'écart qu'il y avait entre les revenus de pourboire déclarés et ceux qui étaient, effectivement, gagnés par les travailleurs et les travailleuses au pourboire. Je dis bien qu'en 1979, Revenu Canada a commencé une activité de vérification spécifique auprès des travailleurs et travailleuses au pourboire et à les cotiser pour les années antérieures. Comme à chaque fois que Revenu Canada émet une cotisation à un citoyen au Québec, le Québec émet une cotisation semblable sur la base de ses rentrées fiscales des Lois de l'impôt du Québec et inversement, lorsque le Québec cotise quelqu'un, il en informe Revenu Canada et sa cotisation suit également normalement Revenu Canada.

Cette nouvelle attitude des vérificateurs de Revenu Canada et de Revenu Québec a eu comme conséquence d'entraîner des situations inhumaines, très difficiles pour quelques milliers de travailleurs et de travailleuses au pourboire au Québec. En effet, quelques milliers de ces travailleurs et de ces travailleuses ont reçu des cotisations pour des années antérieures de 3000 $ à 4000 $, 5000 $, 6000 $ qui étaient doublées par celles de Revenu Canada ou à l'inverse ce qui faisait que ces citoyens devaient faire face à des situations financières difficiles, pénibles. Pourquoi? Parce que la situation actuelle, c'est la suivante: Un travailleur au pourboire peut révéler ses revenus de pourboire une fois par année au moment où il fait son rapport d'impôt. S'il révèle la totalité de ses revenus de pourboire à ce moment, cela lui fait un montant considérable à rembourser aux différents ministères du Revenu. De plus, même s'il révèle la totalité de ses revenus de pourboire, il ne peut pas bénéficier pleinement des différents régimes sociaux dont les autres salariés du Québec peuvent bénéficier. Il peut bénéficier du Régime de rentes du Québec simplement sur la base de son salaire, qui est ordinairement le salaire minimum, ou près du salaire minimum, mais il ne peut pas bénéficier du Régime de rentes du Québec à moins de contribuer pour la totalité, à la fois la part de l'employeur et la part de l'employé, alors qu'à partir du moment où le pourboire sera considéré comme un salaire, l'employeur va payer sa part du Régime de rentes du Québec et l'employé va aussi payer sa part. (16 h 50)

Actuellement, un travailleur au pourboire qui a un accident du travail... Des cas de gens que je connais m'ont été cités: ils ont eu un accident du travail et comme l'indemnité de la Commission de la santé et de la sécurité du travail est basée sur le salaire, ces personnes reçoivent environ 90% du salaire net basés sur le salaire minimum, c'est-à-dire qu'ils reçoivent environ 50 $ par semaine d'indemnité de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

C'est la même situation en ce qui concerne la Régie d'assurance automobile. Quelqu'un a un accident d'automobile, la Régie d'assurance automobile se base sur le salaire net, qui est basé sur le salaire minimum, ce qui donne une indemnité marginale très faible.

Il en est de même pour l'assurance-chômage, où un travailleur au pourboire qui doit bénéficier de l'assurance-chômage reçoit des montants d'environ 55 $, 60 $, 65 $ ou 70 $ au lieu de recevoir une assurance-chômage qui soit davantage convenable.

À partir du moment où Revenu Canada, comme Revenu Québec, a vérifié les travailleurs au pourboire pour les années antérieures et les a cotisés, j'ai indiqué que cela avait eu comme conséquence, pour quelques milliers de travailleurs au Québec, de les faire vivre dans des situations intolérables, dans des situations difficiles parce qu'ils avaient à payer des montants pouvant aller entre 5000 $ et 15 000 $ pour des années antérieures et continuer à payer leur impôt, alors que leur revenu actuel leur

rendait très difficile cette possibilité, ce qui a entraîné des problèmes humains, des problèmes sociaux. Évidemment, il y a eu des réactions de ces travailleurs et de ces travailleuses au pourboire, réactions qui sont venues comment? À travers des associations d'employés au pourboire, parce que ainsi se sont formées des associations de défense des droits des employés au pourboire dans les régions de l'Estrie, de la Mauricie, de Montréal, de Québec, etc.

Les syndicats - parce qu'il y a un certain nombre de travailleurs au pourboire qui sont syndiqués - se sont mis à réagir face à cette situation et à demander au gouvernement du Québec en particulier de la corriger.

Deux ans plus tard - puisque les cotisations ont commencé en 1979 - en 1981, mon prédécesseur au ministère du Revenu, M. Raynald Fréchette, député de Sherbrooke, maintenant ministre du Travail, a conçu un livre vert qui faisait le point sur la situation des travailleurs au pourboire en décrivant brièvement l'historique du pourboire, la situation actuelle des employés au pourboire, de l'employeur, du consommateur et du ministère du Revenu face à cette situation, la problématique de la situation actuelle. Et, dans ce livre vert, il énonçait quatre solutions possibles, quatre hypothèses de solution.

Il me fait plaisir de parler de ce livre vert sur la situation au Québec des travailleurs et des travailleuses au pourboire parce que, à mon sens - c'est d'autant plus agréable de le dire que c'est mon prédécesseur qui l'a fait - ce livre vert était un des meilleurs documents de consultation à avoir été fait par les gouvernements, parce qu'il décrivait très simplement à la fois la situation des travailleurs au pourboire, la situation de l'employeur, la situation de l'industrie; il décrivait très bien quelques hypothèses de solution et les objectifs que devrait viser toute solution élaborée ou proposée. Je crois que c'était un document très clair, très simple, pour mener une consultation qui rejoindrait vraiment les premiers concernés.

Dans ce livre vert, quelles étaient les quatre hypothèses de solution élaborées? La première, c'était celle du pourboire obligatoire, et on en décrivait les avantages et les inconvénients. La deuxième, c'était le pourboire inscrit sur la facture par le client. Une troisième hypothèse de solution, c'était de considérer les revenus de pourboire comme les revenus d'un travailleur autonome, c'est-à-dire qu'un travailleur autonome paie entièrement sa cotisation au Régime de rentes du Québec et n'a pas droit à l'assurance-chômage sur ses revenus de travailleur autonome. Il n'a pas droit aux indemnités de santé et de sécurité du travail pour le travail autonome, ou dans la même proportion où ce n'est pas l'employeur qui le paie. La quatrième hypothèse qui était soulevée, c'était celle de la déclaration périodique des pourboires par l'employé à son employeur qui déduirait ainsi à la source les impôts à payer et la part des bénéfices sociaux qu'il aurait à payer, comme celle que l'employé aurait à payer.

Mon collègue, dis-je, a publié ce livre vert à l'été 1982 et la commission parlementaire y donnant suite a eu lieu à l'automne 1982. Environ 25 mémoires ont été présentés à cette commission et au début de cette commission, comme ministre du Revenu, j'avais indiqué clairement qu'à mon sens il n'y avait qu'une seule hypothèse à rejeter, soit celle du statu quo. Il y avait une seule hypothèse que j'avais complètement rejetée dès le début de la commission parlementaire; c'était celle de s'en tenir à la situation actuelle. Pourquoi? Pour deux raisons. Parce que la situation actuelle est inéquitable au niveau fiscal, les employés au pourboire ne payant pas la totalité des impôts qu'ils doivent payer comme tous les autres citoyens. D'autre part, la situation actuelle est inéquitable parce que ces travailleurs au pourboire ne bénéficient pas pleinement des bénéfices sociaux auxquels ils auraient normalement droit comme l'ensemble des salariés du Québec.

Nous avons vécu ensemble cette commission parlementaire où je suis entré sans avoir d'idée préconçue et définitive sur le choix qui serait préférable pour corriger la situation actuelle. Cette commission parlementaire s'est déroulée dans un climat d'écoute, de façon positive avec, je dois le dire, la pleine collaboration des membres de l'Opposition. Cette commission parlementaire a donné lieu à une véritable démarche au cours de ces trois jours ou de ces trois jours et demi. Différents groupes ont fait des démarches et des individus ont évolué au niveau des idées entre le moment où ils sont entrés à cette commission parlementaire et celui - des députés aussi - où ils en sont sortis. La même chose autant au niveau des employeurs que des travailleurs au pourboire. Je me souviens très bien d'une association d'employeurs dont le mémoire disait qu'elle favorisait le fait que les employés fassent une déclaration de pourboire périodique à l'employeur. Elle disait: Nous, comme employeur, on est prêt à payer notre part du Régime de rentes du Québec, mais c'est le seul bénéfice social que nous sommes prêts à payer.

À la fin de la discussion entre les députés et les représentants des employeurs, cette association admettait clairement qu'elle serait prête, toutes considérations faites, à payer aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire les mêmes bénéfices sociaux, et dans la même proportion, que ceux qu'ils paient à leurs autres salariés et dont les

autres salariés du Québec bénéficient. C'est une démarche qui a été faite au sein de la commission, au moment de la commission, et je pense qu'il faut savoir gré à ces personnes d'avoir accepté de faire un véritable cheminement.

La même chose, jusqu'à un certain point, du côté des travailleurs et des travailleuses au pourboire dont nous avons entendu des témoignages individuels percutants, des témoignages humains qui montraient la situation dramatique que certains Québécois et certaines Québécoises ont vécue à la suite des vérifications faites par le ministère du Revenu et combien ces personnes étaient soucieuses de trouver une ou des solutions pour l'avenir. Je me souviens particulièrement avoir demandé à quelques-uns de ces travailleurs et de ces travailleuses, qui privilégiaient au point de départ le pourboire obligatoire, à savoir si on mettait en oeuvre l'autre option d'une déclaration périodique du revenu du pourboire des travailleurs de ce secteur à leur employeur à chaque période de paie. Si on indiquait un pourcentage minimal de pourboires à être déclarés par l'ensemble des travailleurs au pourboire d'un établissement, ce serait peut-être une façon d'éviter - ce dont on nous a parlé - le chantage que pourraient exercer les employeurs face à leurs employés pour qu'ils diminuent la quantité des pourboires déclarés et ainsi payer moins d'avantages sociaux. (17 heures)

Je demandais à ces travailleurs et à ces travailleuses si, en indiquant dans la loi un minimum de pourboires devant être déclarés par la totalité des travailleurs et des travailleuses au pourboire d'un établissement, ce ne serait pas une façon d'assurer une certaine sécurité de ce côté. Certains ont reconnu que c'était un moyen qu'il fallait étudier avec attention.

De ces mémoires, de la démarche de la commission parlementaire - je le dis à nouveau, en ce qui me concerne, elle a été très satisfaisante, très enrichissante - le gouvernement du Québec a retenu une formule qui a été proposée par des travailleurs au pourboire, entre autres, par l'Alliance des travailleurs au pourboire du Québec qui regroupe des travailleurs et des travailleuses au pourboire qui sont syndiqués dans certaines chaînes d'établissements de restauration au Québec. Ils ont proposé, mot à mot, jusqu'à un certain point, l'esprit, les grandes lignes de la formule que j'ai retenue comme ministre du Revenu et que j'ai proposée au gouvernement. Elle s'inspire de la formule qui est appliquée aux États-Unis depuis janvier 1983. Peut-être vaut-il la peine de répéter brièvement en quoi consiste cette formule.

Le travailleur au pourboire, à chaque période de paie, va révéler par écrit à son employeur la totalité des revenus de pourboire qu'il a eus durant cette période. D'autre part, l'employeur va faire les déductions à la source de l'impôt et on va considérer, à partir du 1er janvier 1984, que le salaire de base - le salaire minimal, la plupart du temps - et le pourboire constituent un même et unique revenu sur lequel le travailleur au pourboire paie de l'impôt, sur lequel il paie sa part du Régime de rentes du Québec et sur lequel l'employeur paie sa part des avantages sociaux, comme il le fait pour tous les autres travailleurs du même établissement. Si la totalité des pourboires révélés est inférieure à 8%, l'employeur devra attribuer la différence aux travailleurs et travailleuses au pourboire.

Cette formule, à mon sens, nous permet d'atteindre les trois objectifs clairement identifiés dans le livre vert du ministère du Revenu qui a été l'objet des réunions de la commission parlementaire. Elle nous permet, premièrement, d'atteindre un objectif d'équité fiscale. Qu'en est-il de l'équité fiscale? Cette année, 30 000 travailleurs au pourboire ont révélé, à l'occasion de la production de leur rapport d'impôt, avoir reçu des revenus de pourboire pour une totalité de 33 000 000 $, soit environ 1100 $ par personne. 30 000 personnes ont révélé des revenus pour environ 33 000 000 $, alors qu'on sait qu'il y a environ 70 000 travailleurs au pourboire. Si on se base sur un pourboire d'environ 10% du chiffre d'affaires, du chiffre de vente de l'entreprise, c'est environ 250 000 000 $ de revenus de pourboire que ces travailleurs auraient dû déclarer plutôt que les 33 000 000 $ déclarés, ce qui signifie environ huit fois plus de pourboires à déclarer que les pourboires déclarés actuellement en 1983 pour l'année 1982. Vous ne pouvez vous imaginer l'écart fiscal qui en découle. Au lieu de 250 000 000 $ de revenus en pourboires déclarés, c'est 33 000 000 $ cette année pour l'année d'imposition 1982.

Je comprends les travailleurs et les travailleuses au pourboire. Quand on a à payer 2000 $, ou 3000 $, ou 4000 $ d'impôt en un seul montant le 30 avril de l'année suivante, après avoir eu ces gains de travail, il est très difficile de les économiser, il est très difficile de les payer, surtout quand on ajoute des cotisations pour les années antérieures pour des montants équivalents. C'est justement ce problème que nous avons voulu régler par la formule proposée. À chaque période de paie, normalement à chaque semaine dans ce métier ou à toutes les deux semaines, l'employé au pourboire va payer ses impôts à la fois sur son salaire et sur les pourboires qu'il a faits durant cette période de paie et sur la totalité des pourboires qu'il a réellement eus.

Je pense qu'ainsi, l'objectif d'équité fiscale qui fait que les travailleurs et travailleuses au pourboire doivent payer leur impôt sur la totalité de leur revenu comme tous les autres citoyens du Québec, pour la plupart en tout cas, ont à le faire à chaque semaine ou tous les quinze jours par des déductions à la source. Il en sera ainsi à l'avenir pour les travailleurs et travailleuses au pourboire.

L'objectif d'équité sociale. Là aussi, la formule proposée permet d'atteindre cet objectif d'équité sociale. Actuellement, le travailleur au pourboire paie, en ce qui concerne le Régime de rentes du Québec, sa part de 1,8% sur chaque 100 $ de revenu basé sur le salaire minimum pour la plupart du temps, mais ni lui ni son employeur ne contribue au Régime de rentes du Québec sur ses revenus de pourboire.

À partir du 1er janvier 1984, l'employeur comme l'employé contribueront au Régime de rentes du Québec sur la totalité des revenus du travailleur ou de la travailleuse au pourboire, soit le revenu de salaire et le revenu de pourboire qui constitueront, à partir du 1er janvier 1984, un seul et même revenu.

En plus de la Régie des rentes du Québec, l'employeur aura à payer sa part de contribution à la Commission de la santé et de la sécurité du travail sur la totalité des revenus de l'employé, à la fois ses revenus basés sur le salaire minimum, sur le salaire de l'entreprise, plus les revenus de pourboire, ce qui fera que lorsque cet employé aura un accident du travail, au lieu de recevoir, comme actuellement, environ 50 $ de revenu d'indemnité, il recevra une indemnité basée sur la totalité de son revenu réel, la totalité de son rythme de vie réel.

Il en sera ainsi au niveau de la Régie de l'assurance automobile du Québec qui est basée, comme pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail, sur le salaire de base actuellement lorsqu'il y a une indemnité à verser. À partir de janvier 1984, lorsque quelqu'un aura un accident d'automobile et qu'il est travailleur ou travailleuse au pourboire, il pourra bénéficier d'une indemnité basée sur 90% de son salaire net, celui-ci comprenant le salaire de base et le revenu en pourboires.

Il en est de même des autres avantages sociaux consentis en vertu de la Loi des conditions minimales du travail en ce qui a trait aux vacances et aux autres bénéfices sociaux alloués par cette Loi des conditions minimales du travail.

Au-delà de ces deux objectifs que je suis convaincu que la formule proposée nous permet d'atteindre, il y a un troisième objectif qui est très important également et qui, je pense, nous permet de respecter la formule proposée; c'est la protection de l'industrie touristique et de la restauration.

Je peux vous assurer, M. le Président, que dans la conjoncture économique difficile que nous venons de traverser, en analysant ce dossier depuis un an, j'ai été très soucieux de faire en sorte que la formule mise en oeuvre ne pénalise pas l'industrie de la restauration au Québec et ne pénalise pas l'industrie touristique au Québec tout en rendant droit aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire.

C'est ainsi que, selon la formule proposée, la totalité du coût de ces bénéfices sociaux à l'entreprise, si les pourboires déclarés sont en moyenne de 10% dans un établissement, c'est 1,6% de hausse du chiffre de vente que représente le coût des bénéfices sociaux à payer par l'employeur. En somme, si dans tel établissement, les travailleurs et travailleuses au pourboire révèlent 10% de revenu de pourboire basé sur leur chiffre de vente et que l'employeur décide de refiler au complet la facture au client, il devrait augmenter ses prix d'environ 1,6%. Si les pourboires déclarés sont d'environ 12%, c'est de 1,9% que l'employeur devrait ou pourrait augmenter son coût de facturation s'il veut refiler au consommateur le coût total des bénéfices sociaux impliqués par la révélation des revenus de pourboire, soit les pourboires déclarés dans les établissements de restauration et d'hôtellerie. (17 h 10)

Je peux vous assurer que ces données, nous les avons discutées, nous les avons travaillées en commission parlementaire avec les groupes. Je m'en souviens très bien, contrairement aux affirmations premières où on prévoyait des hausses de coûts beaucoup plus importantes. On s'est entendu avec nos partenaires sur le fait que l'évaluation des coûts soit claire. Le coût total de cette formule pour l'entreprise, si les pourboires déclarés sont d'environ 12%, serait de 1,9% si on refilait la totalité de la facture au consommateur. Bien sûr, il faut ajouter les frais d'administration pour l'entreprise puisque cette formule implique des mesures administratives au sein de l'entreprise. Je ne veux pas les nier; il y aura des frais d'administration. Cependant, je dis que, fondamentalement, faire les déductions à la source pour 100 $ de salaire ou les faire, à l'avenir, pour 100 $ de salaire plus 100 $ de pourboire - en somme, sur un revenu de 200 $ ou un salaire de 200 $ - ce n'est pas plus compliqué. Je ne veux pas réduire le problème à cette dimension. Il y a des calculs, il y a l'administration sous-jacente, et elle est là. Je crois que cela fait partie de cette justice, de cette équité que les entreprises doivent avoir vis-à-vis de leurs employés, faire en sorte que cette administration, elles l'assument pour que leurs employés puissent payer leurs impôts, mais aussi profiter de tous les avantages

sociaux auxquels ils ont droit.

Dans cette perspective, pourquoi avoir rejeté le pourboire obligatoire, l'autre formule particulièrement discutée ou le plus fréquemment discutée, évidemment, par les représentants de plusieurs groupes de travailleurs et travailleuses au pourboire? Je voudrais indiquer brièvement cinq motifs qui m'ont incité à rejeter cette formule et proposer au gouvernement de ne pas l'adopter.

D'abord, le problème qui avait été créé depuis 1979, qui concernait-il? Il concernait 70 000 travailleurs et travailleuses au pourboire et 20 000 entreprises de la restauration et de l'hôtellerie. Le problème de l'équité fiscale ne concernait pas les 4 000 000 de consommateurs qui bénéficient des services de la restauration et de l'hôtellerie. J'ai cru qu'il était sage d'essayer de trouver une formule qui apporte des solutions au problème que nous avions identifié et qui touchait ces 70 000 travailleurs et travailleuses au pourboire et les 20 000 entreprises de la restauration et de l'hôtellerie qui ne participaient pas pleinement, dans le passé, au coût des avantages sociaux, et non de trouver une formule qui toucherait les 4 000 000 de consommateurs au Québec.

Le deuxième motif pour lequel j'ai rejeté la formule du pourboire obligatoire, c'est que je ne croyais pas que le moment était choisi de modifier la relation entre le client et le travailleur au pourboire. On a eu des témoignages en commission. Les rapports nous l'ont dit, ainsi que des mémoires, et les discussions avec nos concitoyens du Québec témoignent que les consommateurs apprécient ce système où ils peuvent donner un pourboire plus ou moins élevé selon la satisfaction du service qu'ils obtiennent ou d'autres considérations du genre. Nous n'avons pas voulu modifier cette relation entre le client et le travailleur au pourboire.

Un troisième motif plus concret, plus pragmatique, a trait au coût d'une réforme qui aurait impliqué des frais de service obligatoires, le pourboire obligatoire. Avec un tel pourboire obligatoire de 15%, plus le coût des avantages sociaux sur ces 15% de frais de service ou de pourboire obligatoire, on évalue que la hausse des coûts directe au consommateur, inévitable sur la facture, aurait été de 17% à 18%, en plus de la taxe de vente actuelle de 10%. Si le pourboire obligatoire avait été fixé à 10%, ce qui, selon les témoignages entendus en commission parlementaire, était inacceptable, parce qu'il aurait baissé le revenu réel de plusieurs travailleurs au pourboire qui gagnent plus de 10% actuellement en revenus de pourboire, on peut indiquer que la hausse des prix aurait été d'environ 12%.

Selon des données, les effets d'une hausse de prix de 18% ou de 12% sur la facture de la restauration, de l'hôtellerie, auraient entraîné immédiatement une baisse de l'emploi importante dans ce secteur et une augmentation réelle du chômage. Je pense que la dernière chose que nos concitoyens auraient souhaitée, après la conjoncture que nous venons de vivre depuis deux ans et au moment où plusieurs commencent à reprendre espoir sur la possibilité de se retrouver un emploi ou de garder leur emploi, c'est une hausse obligatoire des prix de 12%, 15% ou 18% dans le secteur de la restauration qui aurait entraîné la perte d'un nombre appréciable d'emplois dans ce secteur. Je suis convaincu que même les personnes qui ont défendu l'idée, qui défendent l'idée d'un pourboire obligatoire voudraient trouver des moyens d'éviter cette conséquence; mais on sait que, selon les règles économiques, cette conséquence aurait été inévitable dans les circonstances actuelles. C'est un troisième motif pour lequel le gouvernement a rejeté le pourboire obligatoire, parce qu'il aurait diminué la consommation interne. Beaucoup de gens auraient décidé de ne plus aller au restaurant ou de ne plus aller à l'hôtel, ce qui aurait entraîné ici une baisse d'emplois.

Ce pourboire obligatoire n'aurait pas seulement entraîné une baisse de consommation interne face à la restauration et à l'hôtellerie, il aurait aussi entraîné une baisse de consommation externe face au tourisme. Je pense qu'il est important de préserver notre concurrence en Amérique du Nord à ce titre. Si nous avions choisi cette méthode, cette hypothèse, nous aurions été le seul État en Amérique du Nord, la seule province en Amérique du Nord, à appliquer des frais de service obligatoires sur la facture ou le pourboire obligatoire.

Un autre motif, spécifique au ministère du Revenu celui-là, c'est que, selon l'expérience des pays où existe le pourboire obligatoire, on sait qu'il se développe un bourboire parallèle qui, au début, n'est pas important, mais qui, petit à petit, devient de plus en plus important. Le problème de fraude fiscale auquel le ministère du Revenu a fait face aurait été le même dans quelques années; alors que, par la formule que nous proposons, le travailleur au pourboire a à révéler chaque semaine ses revenus de pourboire. Je suis convaincu que, dans quelques années, même si on avait eu le pourboire obligatoire, il aurait fallu instaurer une formule semblable pour prévenir la fraude fiscale sur les nouveaux pourboires qui se seraient développés parallèlement.

M. le Président, je sais que la solution proposée par le gouvernement n'est pas une solution parfaite. Il m'est apparu évident en abordant ce dossier qu'il n'y avait pas de solution idéale, qu'il n'y avait pas de solution parfaite. Mais je pense que, même si la solution proposée n'est pas parfaite, c'est

une solution acceptable pour les travailleurs au pourboire, parce qu'en plus de payer la totalité de leurs impôts, comme tous les autres citoyens du Québec, ils pourront, comme les autres salariés du Québec, participer pleinement à tous les avantages sociaux. Je sais que cette formule ne suscitera pas l'emballement chez les travailleurs au pourboire, puisqu'ils auront dans l'avenir à payer davantage d'impôt; mais, pour en avoir parlé, discuté avec plusieurs, avant comme après le dépôt de ce projet de loi, ou l'annonce du dépôt de ce projet de loi, qu'elle obtient leur acceptation. En somme, cette formule est acceptable, je le crois sincèrement, pour les travailleurs au pourboire. Je crois que cette formule est acceptable pour les employeurs. J'en veux comme preuve la déclaration, entre autres, de l'Association des restaurateurs du Québec qui, l'été dernier, à son congrès de juin, acceptait l'essentiel de cette réforme qui allait être proposée. Après l'annonce de la politique retenue par le gouvernement, elle a indiqué qu'elle était satisfaite de ce choix. (17 h 20)

Je suis convaincu que cette solution est acceptable pour les employeurs, parce que, même si elle implique pour eux des coûts supplémentaires, minimes jusqu'à un certain point de vue, moins de 2% pour les bénéfices sociaux, plus les frais administratifs, cette réforme se situe quand même dans des limites acceptables en ce qui concerne les coûts et les aspects administratifs. De plus, je suis convaincu que cette solution est parfaitement acceptable pour le consommateur. Bien sûr, il est possible qu'à partir du 1er janvier 1984 il y ait une hausse des prix de 1%, 1,5%, 2% environ et je pense qu'il est important d'indiquer que l'Association des restaurateurs du Québec a déjà pris position sur ce sujet, en juin dernier, indiquant que si le gouvernement retenait cette formule, il recommanderait et je cite l'Association des restaurateurs du Québec: "Recommande à tous ses membres de hausser leurs prix de vente d'environ 0,5% à 0,75%, c'est-à-dire moins de 1% dès que cette loi sera en vigueur, de façon à faire face aux coûts de cette nouvelle charge sociale pour le personnel au pourboire."

C'était dans la perspective où le minimum était de 6%. Si on le met dans la perspective où les pourboires déclarés sont autour de 10% ou de 12%, on peut faire l'hypothèse que c'est 0,5% à 2% la hausse du prix recommandée par le secteur de la restauration. Finalement, cette solution est acceptable pour le ministère du Revenu parce qu'elle va lui permettre de percevoir, comme pour l'ensemble des salariés, à chaque période de paie les impôts que les citoyens du Québec ont à payer comme la part que l'employeur a à payer sur le fonds d'assurance-maladie et des autres bénéfices que l'employeur doit payer.

En somme, je le redis, cette solution n'est sûrement pas parfaite, mais je crois qu'elle est acceptable à la fois aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire; elle est acceptable pour les employeurs, et les consommateurs, et enfin elle est acceptable pour le ministère du Revenu du Québec.

Cette solution, qui sera mise en oeuvre en janvier 1984, c'est une solution pour l'avenir parce que lorsque j'avais pris l'engagement, à la fin de la commission parlementaire, l'an dernier, qu'il fallait que le statu quo cesse, c'est-à-dire cette situation où quelques milliers de travailleurs au pourboire sont pénalisés en ayant à payer rétroactivement pour les années antérieures des cotisations très élevées sur leur revenu de pourboire, j'avais indiqué que nous voulions une solution pour l'avenir. C'est ainsi que le Conseil des ministres, le gouvernement a décidé, et ceci est capital, que le ministère du Revenu du Québec n'utilisera pas les renseignements obtenus par l'application de la nouvelle formule comme élément de preuve et d'information aux fins d'émettre des avis de cotisation pour les années antérieures. Je pense que c'est important de bien comprendre cet engagement, cette décision. Le ministère du Revenu n'utilisera pas les renseignements obtenus par l'application de la nouvelle formule comme élément de preuve et d'information aux fins d'émettre des avis de cotisation pour les années antérieures. Pour être bien clair, c'est sûr qu'il n'y aura pas amnistie, c'est-à-dire que le ministère du Revenu n'annulera pas les cotisations déjà émises, déjà produites, mais le ministère du Revenu, le gouvernement du Québec a décidé qu'à partir du 1er janvier 1984, comme nous aurions mis en oeuvre un système qui faciliterait le paiement de la totalité des impôts par l'ensemble des travailleurs et travailleuses au pourboire dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie, les énergies du ministère du Revenu seront mises sur des efforts de vérification pour aider à la mise en oeuvre de cette réforme et pour faire respecter cette réforme, pour faire respecter cette nouvelle formule. Cela fait partie de la décision du Conseil des ministres. Je pense que c'est important que les travailleurs et les travailleuses au pourboire le sachent.

Maintenant, en ce qui concerne - parce que l'Opposition posera probablement la question - l'attitude de Revenu Canada dans ce dossier, je peux indiquer à cette Chambre que j'ai écrit à M. John Roberts, ministre de l'Immigration et de l'Emploi du Canada, à M. Pierre Bussières, ministre du Revenu national, il y a plus d'un mois déjà, pour les informer de la décision du gouvernement. Les fonctionnaires du ministère du Revenu du

Québec ont eu des rencontres à la fois avec des fonctionnaires du ministère du Revenu national et des fonctionnaires du ministère de l'Immigration et de l'Emploi du gouvernement fédéral et ces rencontres se sont déroulées dans un climat positif.

Deuxièmement, je devais, la semaine dernière, rencontrer le ministre du Revenu national, M. Bussières, à Québec. Cette rencontre a dû être annulée à cause d'un vote à la Chambre des communes, lequel a retenu le ministre fédéral à Ottawa. Mais il est prévu que d'ici à quelques jours nous nous rencontrerons, M. Bussières et moi, pour voir comment nous pouvons agir en présence de cette loi. Mais je peux vous dire aujourd'hui, toute évaluation faite, que j'ai confiance que Revenu Canada s'harmonisera avec notre réforme. J'ai confiance que, à la fois en ce qui concerne le ministère du Revenu national et le ministère de l'Immigration et de l'Emploi, responsable du secteur de l'assurance-cnômage, il y aura harmonisation avec notre réforme.

En conclusion, M. le Président, je peux vous dire que dans ce dossier, comme ministre du Revenu, je pense pouvoir dire que j'ai eu toute la collaboration des participants à la commission parlementaire, que j'ai discuté à plusieurs reprises avec les membres de la commission parlementaire du côté ministériel de ce projet que nous avons élaboré ensemble devrais-je dire, que nous nous sommes tenus en contact depuis un an avec les représentants des employeurs et les représentants des travailleurs et travailleuses au pourboire. Aujourd'hui, je veux solliciter la collaboration de tous pour la mise en oeuvre de la solution retenue. Je peux assurer tous nos partenaires de la collaboration la plus totale, de l'ouverture d'esprit la plus totale du ministère du Revenu du Québec et de l'ensemble de son personnel.

En somme la solution proposée, qui fait qu'à partir de janvier 1984 chaque travailleur au pourboire aura à révéler la totalité de ses revenus sous forme de pourboires et l'employeur à payer la totalité des bénéfices sociaux en conséquence, donne suite à un engagement que j'avais pris en commission parlementaire, savoir que le statu quo ne pouvait plus durer et que nous allions tenter de trouver une solution qui correspondrait aux trois objectifs d'équité fiscale, d'équité sociale et de protection de l'industrie de la restauration et du tourisme au Québec.

Dans toute cette réflexion, vous pouvez être assurés que c'est d'abord à l'aspect humain qu'ont pu vivre plusieurs travailleurs et travailleuses au pourboire depuis quelques années au Québec que j'ai voulu apporter une solution, que c'est dans ce sens que j'étais convaincu que le statu quo ne pouvait plus durer et qu'il fallait rendre justice à ces travailleurs et à ces travailleuses.

Aujourd'hui, je demande à l'Opposition d'appuyer cette loi qui, à mon sens, va nous permettre d'apporter, comme je l'ai dit tantôt, non pas une solution parfaite au problème des travailleurs et travailleuses au pourboire, mais une solution acceptable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: M. le Président, comme porte-parole de l'Opposition pour ce projet de loi je veux, dès le début, dire au ministre que nous de l'Opposition sommes en faveur du principe de ce projet de loi et cela pour une raison très simple: c'est que même en commission parlementaire, même avant que les associations des employés de certains restaurants ou chaînes de restaurants aient proposé le système américain, c'est moi-même qui ai proposé ce système au ministre et ai même fourni la documentation au sous-ministre pour l'aider dans l'étude de ce projet de loi.

Franchement, quand je suis arrivé en commission parlementaire et que j'ai reçu le livre vert, j'avais la même opinion que le ministre: le statu quo était complètement hors de question, parce que le statu quo causait des problèmes non seulement au fisc, mais aussi aux travailleurs et travailleuses. C'était inacceptable d'avoir le statu quo. Si on regardait les quatre propositions du livre vert, on avait un bout de statu quo. Pour les travailleurs autonomes, c'était presque le statu quo. De l'autre côté, il y avait le pourboire obligatoire. Le ministre nous a donné beaucoup de raisons pour lesquelles il n'acceptait pas le pourboire obligatoire, mais il y en a une qu'il a oubliée. Il y a eu un sondage CROP, l'an dernier, et 91% de la population était contre le pourboire obligatoire. Il n'y a aucun parti politique qui proposerait une telle solution si 91% de la population est contre. Moi-même, j'étais contre aussi.

Dans ce projet de loi, le principe d'avoir une perception de taxes raisonnable par le gouvernement et que les employés bénéficient des avantages sociaux est admirable. C'est ce qu'on voulait avoir en adoptant cette loi. On a essayé d'avoir quelque chose entre l'obligatoire et le statu quo. Ici, on a un compromis qui est acceptable, à mon avis, par presque tout le monde. Mais quand je dis "acceptable", c'est en principe, parce que, si on regarde les modalités de cette loi, il y a de la place pour des changements. L'Opposition suggérera des amendements, en commission parlementaire, dans le but d'améliorer cette loi. Ce qui est intéressant, c'est qu'avant le dépôt de ce projet de loi on a entendu des

groupements de restaurateurs ou d'employés qui ont demandé quand viendrait cette loi, parce qu'on ne savait pas ce qu'elle contenait. Entre le moment de son dépôt, la semaine dernière, et aujourd'hui, l'Opposition a déjà reçu des appels de quatre ou cinq groupements de travailleurs et de travailleuses qui proposent des amendements parce qu'ils trouvent que certaines modalités ne font pas leur affaire. Je proposerai certains amendements en commission parlementaire.

Le ministre dit, en particulier, que l'Association des restaurateurs est pour son projet de loi. Elle est pour ce projet de loi en principe, mais il y a des modalités qu'elle n'aime pas. Elle n'aime pas être l'arbitre entre l'employé et le gouvernement sur la question des 8%, la question de l'approbation des 8%. Comme le ministre l'a expliqué, si la totalité des pourboires dans un établissement n'arrive pas à 8%, c'est l'employeur qui doit donner l'approbation de ce montant, la différence entre les 8% et le montant rapporté. Il y a dans la loi une modalité qui dit: "Suivant un accord avec les employés ou par règlement du ministère du Revenu." Mais les employeurs ne veulent pas être des arbitres. Je comprends leur argument parce que le ministre, dans tous ses discours, n'a pas tellement parlé des 8%. Il a parlé des 10% ou 12% que les gens vont rapporter. Les employeurs disent: Au moins, fixez un minimum de 8%. Il n'y a pas de question d'approbation. Tous doivent payer au moins 8% de ce qu'ils ont vendu. S'il y a des gens qui pensent que 8%, c'est un peu trop, ils ont toujours un recours contre le ministère pour avoir la ristourne de cette différence.

Maintenant, on n'a pas le droit de parler des autres lois, mais le projet de loi que le ministre a déposé la semaine dernière pour donner un nouveau recours à des contribuables quant à la question des impôts, je suis certain que presque tous les problèmes des travailleurs et des travailleuses au pourboire tomberont dans le domaine de cette loi et qu'ils pourront demander à la Cour des petites créances le remboursement des montants qu'ils pensent avoir payés en trop s'il y a une cotisation de 8%. J'appellerais cela une cotisation de 8%. C'est ce que l'Association des restaurateurs veut. Si le gouvernement veut fixer 8%, faites une cotisation d'au moins 8% et les gens qui veulent rapporter plus rapporteront plus.

Il y a un autre problème dont le ministre n'a pas trop parlé. On se demande, si les gens rapportent 8%, s'il y aura aussi des vérifications après ou si, comme on le fait maintenant, on va dire: Peut-être que ce n'était pas 8%, peut-être que c'était 10% et 12%. Si on regarde la loi américaine, dont on a une copie, on retrouve un paragraphe intéressant dans les explications. On dit ici - c'est anglais - "The 8% figure reflects the conferees judgment that the tip rate in establishments subject to this reporting requirement will rarely be below the 8% level. Thus, an employee who reports less than his allocated amount of tips must be able to substantiate his reporting position".

C'est ce que je disais: Si l'employé peut prouver que c'est moins de 8%, il peut aller devant la Cour des petites créances et demander un remboursement. Ce qui est le plus intéressant, c'est la suite: "The Internal Revenue Service could prove that tipped employees received a larger amount of tip income". Cela veut dire que le fisc peut dire: Oui, monsieur, vous avez déclaré 8% mais, en fait, vous avez reçu plus de 8%; d'après nos calculs, c'est 10%, 12%, 15% et vous nous devez cet argent. Je veux au moins avoir une assurance verbale du ministre que si on adopte une telle loi, pour essayer d'obtenir un peu d'équité entre le fisc et les employés, on n'aura pas une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des employés au pourboire, qu'on fera des vérifications de cotisations pour des montants représentant plus de 7% ou 8%.

Peut-être les gens vont-ils se demander pourquoi seulement 8%, alors que ces gens reçoivent peut-être 10% ou 12%. C'est dans l'intérêt de l'employé de déclarer vraiment ce qu'il gagne parce qu'il recevra des avantages sociaux plus élevés. Mais il y a des gens qui, pour une raison ou l'autre, vont peut-être s'en tenir à 8%. Je voudrais au moins avoir l'assurance du ministre qu'il ne fera pas une chasse aux sorcières contre ces gens. Il n'a pas dit grand-chose à ce sujet. J'espère que toute politique qui sera établie au Québec verra son double établi aussi à Ottawa.

Quant à l'autre point mentionné par le ministre à la fin de son discours - personne ne peut parler contre la première partie de son discours, nous sommes tous pour les trois principes énoncés: l'équité fiscale, l'équité sociale et la protection de l'industrie du tourisme et de la restauration; on ne peut être contre ces principes, c'est la base de ce projet de loi et nous sommes d'accord - et qui représente l'une des raisons de la présentation de ce projet de loi aujourd'hui, ce sont les fameuses cotisations des années antérieures. Il a été explicite pour une partie, mais un peu moins pour l'autre. Il a dit: Aucune amnistie pour les gens déjà cotisés, mais pour les gens qui n'ont pas déjà été cotisés, peut-être doivent-ils de l'argent et n'ont-ils pas été touchés encore. C'est un peu farfelu, son affaire. Il a dit - je le cite de mémoire - qu'il allait concentrer ses efforts sur la vérification de l'application de la nouvelle loi pour que tout fonctionne bien. Il n'a pas dit clairement qu'il ne touchera pas ces gens. J'espère qu'il pourra faire une déclaration à ce sujet et peut-être conclure

un accord avec le fédéral afin que ces gens puissent dormir en paix, sans avoir à penser qu'on puisse "attaquer" leur rapport d'impôt.

Il a dit qu'on n'utiliserait pas le chiffre de 8% pour récupérer les arrérages. De quoi parle-t-il? S'il parle des cotisations déjà faites, pas besoin de preuve, il y a déjà eu des cotisations. Sinon, il doit parler d'autre chose. Je veux être certain qu'il ne touchera pas aux gens déjà cotisés. Si on finit par dire qu'on ne touchera pas à ces gens, il y a un autre problème. Il a dit qu'il n'y aurait pas d'amnistie pour ceux qui sont déjà cotisés. On a donc deux classes de citoyens: une classe de malchanceux, qui ont été cotisés, et une autre qui ont été chanceux, qui ont évité le fisc. Si le ministre veut partir à zéro, il doit le faire au complet. Je sais que suivant la loi, il n'a pas le droit de mettre des cotisations de côté, mais on peut toujours amender cette loi-ci pour donner une amnistie à ces gens-là, dans des cas spécifiques. Je pense que ce serait équitable pour tout le monde à ce stade-ci et on demandera à nos amis d'Ottawa de faire de même.

Je pense qu'il serait juste de ne pas avoir deux classes de travailleurs et de travailleuses au pourboire: la classe qui était déjà cotisée et celle qui sera exemptée par une déclaration ministérielle ou un arrêté en conseil. L'Opposition est prête à faire cela pour le ministre, soit amender cette loi pour que ces gens-là soient libérés de cette cotisation.

Il y a aussi quelque chose d'intéressant. Dans cette loi-là, on a de grands principes mais pas de détails. Je suis certain qu'on aura des réglementations pour l'appliquer. J'espère que si on a cette commission parlementaire la semaine prochaine ou après, le ministre aura au moins un brouillon des règlements à apporter afin que l'on sache exactement de quoi il s'agit. On a déjà des appels de gens qui ne comprennent pas exactement qui sont inclus dans cette loi-ci.. On parle des gens qui travaillent dans des établissements couverts par la Loi de l'hôtellerie. Est-ce que cela comprend le "room service" ou le service aux chambres? Cela n'est pas clair. Est-ce que cela comprend les gens qui perçoivent 10% ou 15% additionnels sur la facture d'un banquet dans un hôtel? On ne le sait pas. On sait que particulièrement lors des banquets et des réceptions à l'hôtel, on ajoute 10% ou 15% à la facture. Ce n'est pas de viser 8% aux travailleurs au pourboire, les "waitresses" et les "waiters". Il y a d'autres personnes, même le chef a une partie de cette affaire-là ainsi que les autres personnes qui travaillent dans l'hôtel, les "bus boys", les plongeurs et les autres. Est-ce que ces montants de frais de service seront obligatoirement ajoutés dans un sens? La personne qui donne la réception ou le banquet contracte pour ce montant-là. Est-ce que ce montant tombe dans les pourboires obligatoires? On ne le sait pas, ce n'est pas clair du tout.

On ne trouve pas non plus la définition du pourboire. Qu'est-ce qu'un pourboire? On doit voir cela dans la loi ou au moins dans les règlements. On doit discuter de cela lors de la commission parlementaire.

Même le titre de la loi apporte un peu de confusion - je ne veux pas utiliser le mot malhonnête. La loi s'intitule "Loi concernant les travailleurs au pourboire". Si on lit le projet de loi, il s'applique seulement aux travailleurs au pourboire dans les restaurants et les hôtels. Tous les autres travailleurs au pourboire ne sont pas couverts et le gouvernement va se vanter qu'il a adopté une loi concernant les travailleurs au pourboire.

Je pense qu'on devrait au moins amender le titre. Franchement, on est d'accord avec l'ensemble du projet de loi. Les Américains ont cette loi-là depuis le début de l'année, mais elle ne s'applique qu'aux grands restaurants, comme on les appelle, qui comptent dix employés et plus. Ici, on fait cela pour tous les établissements de la restauration et de l'hôtellerie. Je suis également d'accord là-dessus; je ne suis pas contre.

J'ai reçu une copie d'un rapport qui a été remis au Congrès américain et je vais vous dire, en deux ou trois mots, que cela fonctionne très bien pour les employés et pour le fisc. Il semble que tout le monde soit satisfait. Au commencement, il y avait des problèmes de communication. Comme je l'ai expliqué au ministre, il y a des gens qui ne comprennent pas cette loi. Elle doit être plus explicite. On doit avoir des explications dans la loi. On doit avoir plus de détails dans la loi. On a besoin d'un règlement en vue de l'étude article par article pour savoir où on va exactement, qui est couvert par cette loi. Il y a des gens qui sont pour cette loi: les associations de restaurateurs. Presque tous les garçons et filles de table que j'ai rencontrés dans les restaurants sont pour, mais ils posent certaines questions auxquelles on ne peut pas répondre, parce que la loi n'est pas claire. C'est pour cela que le ministre a suggéré qu'on étudie cela demain; je lui ai demandé - et il a compris - qu'on l'étudie seulement la semaine prochaine pour donner une chance à ces groupes de faire parvenir au ministre ou de me faire parvenir leurs sugestions concernant les modalités de cette loi.

Pour le moment, M. le Président, comme je l'ai dit, l'Opposition est prête à voter pour le principe de la loi. On verra en commission parlementaire relativement aux modalités.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je ne pourrais pas répondre à toutes les questions que le député de Saint-Louis a posées durant son intervention. Je vais laisser le ministre et la commission parlementaire répondre à ses questions. Cependant, je pourrais répondre à quelques questions que je me suis posées moi-même, c'est-à-dire comment et pourquoi on a décidé de présenter ce projet de loi 43. Comment en sommes-nous venus à penser à faire ce projet de loi 43? Tout simplement parce qu'en 1979 le gouvernement fédéral a fait parvenir des avis de cotisation à plusieurs personnes travaillant dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie et, en tout premier lieu, aux travailleurs et travailleuses au pourboire de l'Estrie.

La raison pour laquelle le gouvernement fédéral a commencé par l'Estrie, je ne peux pas vous l'expliquer, mais je peux vous dire que le député de Sherbrooke, M. Raynald Fréchette, alors titulaire du ministère du Revenu, n'a pas hésité un instant à étudier la situation des employés au pourboire. Tout de suite il a publié le livre vert sur la situation au Québec des travailleurs et travailleuses au pourboire. Ce livre vert se voulait un outil de travail, un outil de concertation, également un outil de consultation, donnant le droit de parole, les 9, 10 et 11 novembre 1982, à tous ceux et celles qui étaient impliqués dans ce domaine. Les hommes et les femmes touchés par cette situation ont pu nous exprimer leurs besoins, leur façon de voir se préparer ce projet de loi 43 que l'on discute aujourd'hui.

Pourquoi ai-je voulu intervenir sur ce projet de loi? En tout premier lieu parce que je suis une femme et que presque 60% des employés au pourboire sont des femmes. Qui sont le moins bien payés dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie, M. le Président? Comme tout le monde le sait, ce sont les femmes. Qui, en général, occupe les postes les moins valorisants dans ce domaine? Les femmes. Qui, en vieillissant, sont les moins bien protégés par les régimes sociaux? Ce sont encore les femmes. C'est la raison fondamentale pour laquelle j'interviens sur ce projet de loi.

Au début de mon intervention, j'ai fait état des raisons qui nous ont amenés à dire comment nous en étions venus à préparer ce projet de loi. Maintenant, je suis rendue à vous dire pourquoi on l'a fait. On a préparé le projet de loi 43 pour trois raisons, M. le Président. Comme le disait le ministre tout à l'heure, dans un premier temps, c'est pour corriger l'injustice sociale à l'égard de nos travailleurs et de nos travailleuses au pourboire; deuxièmement pour corriger l'injustice fiscale à l'égard des autres contribuables et, troisièmement, pour trouver ensemble - non pas seulement de notre côté, ensemble - avec les principaux intéressés du milieu, la meilleure solution ne risquant en aucune façon de nuire à l'essor grandissant de l'industrie touristique québécoise. Voilà, M. le Président, les raisons qui nous ont amenés à présenter ce projet de loi. (17 h 50)

Aujourd'hui, je vous dirais que, dans son ensemble, le projet de loi reçoit une assez bonne oreille, d'abord, auprès du ministre du Revenu fédéral, M. Pierre Bussières, dont on disait, dans le journal Le Soleil du 16 novembre dernier, alors qu'il s'était adressé aux membres de la Chambre de commerce de Charlesbourg: "Le ministre Bussières s'est dit prêt à recommander au ministre canadien des Finances d'amender la Loi sur l'impôt dans le même sens que le Québec." Il faut croire que notre projet de loi a une certaine valeur. Nous avons eu une oreille favorable aussi de la part des employeurs et, en grande partie, des employés visés par leprojet.

Qu'est-ce que nos employés au pourboire auront à faire après le 1er janvier 1984, qui sera la date de l'application de cette loi? L'employé devra obligatoirement déclarer à son employeur la totalité de ses revenus de pourboire à chaque période de paie. L'employeur, en plus d'acquitter la quote-part des différents régimes sociaux, que ce soit la Régie des rentes du Québec, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Commission de la santé et de la sécurité du travail et 4% de vacances sur la totalité des revenus déclarés, aura l'obligation de retenir à la source l'impôt et la partie du Régime de rentes du Québec payable par l'employé.

Troisièmement, pour le ministère du Revenu du Québec, c'était important qu'il aide à nos travailleurs et à nos travailleuses en leur donnant un carnet des pourboires dont l'usage sera facultatif, bien sûr, mais je pense que ce petit carnet aidera nos employés au pourboire à avoir en tête et avoir à la mémoire tout ce qui s'est passé au jour le jour, tout ce qu'ils devront déclarer. Vous savez, la mémoire est une faculté qui oublie et ce serait important qu'ils puissent faire référence à ce petit carnet qui va leur rendre un grand service dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle j'incite les travailleurs et les travailleuses au pourboire à s'en servir. C'est facultatif, je l'ai dit, au début, comme l'a souligné le ministre. C'est un outil important de travail. Il serait important aussi que les gens croient que cela pourrait leur rendre service.

Pour toutes les raisons énumérées plus haut, que ce soit l'équité sociale, que ce soit l'équité fiscale, que ce soit pour une meilleure décision pour conserver et attirer chez nous au Québec, au Québec en général, et plus précisément dans la région de

l'Estrie, ce nombre incalculable de touristes qui, de plus en plus, trouvent qu'ici au Québec c'est beau, on est bien et les gens sont accueillants. Entre autres, je voudrais bien ouvrir une parenthèse. Le Festival international de la motoneige qui s'en vient cette année. Un paquet de touristes de partout dans le monde vont venir chez nous...

Des voix: Où ça?

Mme Juneau: À Valcourt, dans le comté de Johnson.

Une voix: Merci de l'invitation.

Mme Juneau: Ce festival va attirer un nombre incalculable de touristes. Il faut leur faire une belle façon pour les amener à revenir encore chez nous pour d'autres choses que toutes les régions du Québec peuvent leur offrir. C'est ainsi que nous avons essayé, par ce projet de loi, de minimiser l'impact de ce que pourrait être un pourboire imputé sur la facture ou autre chose, ou autre proposition dont le ministre a parlé tout à l'heure. Nous avons voulu minimiser l'impact et attirer chez nous cette mine d'or qu'est l'industrie touristique. Pour toutes ces raisons, j'espère que tous les parlementaires ici à l'Assemblée nationale penseront que dans leur comté respectif, il y a des employés au pourboire, il y a des employés qui comptent sur eux et pour toute cette manne touristique, j'espère que nous, les parlementaires, allons être tous d'accord pour voter pour ce projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, je note qu'il est 17 h 55. À moins que vous vouliez que je commence comme, apparemment, le leader parlementaire insisterait... M. le Président, je ne pense tout de même pas que ce soit le tyran du groupe, parce que j'en vois d'autres qui sont bien prêts à m'accorder de suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures, de sorte que tout le monde puisse avoir le bénéfice d'un discours intéqral.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, puisque la commission des engagements financiers a suspendu ses travaux, on peut peut-être suspendre le député de Sainte-Anne pendant cinq minutes aussi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

(Reprise de la séance à 20 h 04)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! Vous pouvez vous asseoir. La parole était au député de Sainte-Anne sur la deuxième lecture du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire. M. le député, vous avez la parole.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. On parle ce soir de la Loi concernant les travailleurs au pourboire. D'ailleurs, je dois vous dire que j'ai mangé très rapidement et j'ai laissé même un peu plus que 15%. Je suis certain qu'on ne pourrait pas me critiquer.

Il y avait un temps où je m'inquiétais du quorum, mais maintenant, je suis content de voir qu'il y autant de mes amis péquistes qui sont venus ce soir pour m'écouter et pour apprendre quelque chose de la critique libérale positive. On a l'intention de ne pas attaquer le principe du projet de loi, mais d'apporter des changements et de vous dire: Messieurs, de temps en temps, sur le principe, nous sommes d'accord, mais sur le détail, vous avez beaucoup à apprendre. Donc, M. le Président, je sais que je n'ai pas le droit d'entrer dans tous les détails, article par article, mais je vais essayer, comme d'ailleurs tous les autres députés de mon parti, d'améliorer ce projet de loi pour que, finalement, cela devienne acceptable pour la population.

Le ministre a dit que le but de ce projet de loi - et il faut bien comprendre que c'est une loi qui va maintenant régler la situation des travailleurs au pourboire dans la restauration - est de promouvoir l'équité fiscale, l'équité sociale, et la protection de l'industrie touristique. Au point de vue de l'équité fiscale, évidemment, le ministre a dit - et nous sommes d'accord avec cela -que chaque contribuable, chaque citoyen et chaque Québécois, chaque Québécoise doit payer des impôts sur la somme totale de ses revenus. C'est normal. C'est vrai et c'est connu que ceux qui travaillent au pourboire ne déclarent peut-être pas toujours le montant total de leur revenu. Quand je donne 15%, 17% ou 18% à une serveuse dans un restaurant, je ne lui demande pas: Mademoiselle, avez-vous déclaré ce montant, mais je présume que c'est inclus dans son revenu et qu'elle le déclare. Donc, au point de vue de l'équité fiscale, nous sommes d'accord, évidemment, pour que chaque contribuable paie des impôts sur le plein montant de ses revenus de quelque source que cela vienne.

On parle d'équité sociale. Cela veut dire que les travailleurs au pourboire de l'industrie de la restauration n'ont jamais eu d'équité sociale, parce que précisément,

jusqu'à maintenant, elles - parce que très souvent, ce sont des femmes qui travaillent dans cette industrie - n'ont pas eu d'avantages sociaux. Donc, maintenant, en vertu de ce projet de loi, ils ou elles vont participer aux avantages sociaux tels que le Régime de rentes, l'assurance-maladie, les avantages en vertu de la Loi sur les normes du travail et, on l'espère, l'assurance-chômage au fédéral, dès que le projet provincial sera adopté.

Il y a peut-être quelque chose de bizarre. Je me rappelle très bien qu'au printemps on avait ici, à l'Assemblée nationale, une commission parlementaire justement sur ce problème des travailleurs au pourboire. Tous ces groupes sont venus. Je me rappelle très bien les représentants des employeurs, propriétaires de restaurant, qui nous ont dit qu'ils ne voulaient pas de changement parce qu'ils ne voulaient pas faire de l'administration additionnelle. D'autre part, des employés sont venus nous parler de leur situation. Évidemment, la nature humaine sera toujours la nature humaine. Je ne sais pas, M. le Président, de quelle façon vous déterminez vos pourboires mais, quant à moi, je me base sur la nature du service. Si je trouve que le service est plaisant, que le service est personnel, qu'on semble me considérer comme quelqu'un - ici, je ne suis pas toujours considéré comme quelqu'un et j'aime bien, quand je mange, qu'on me considère - je paie au fur et à mesure que je trouve ce service bon et cela peut varier autour de 10%, 12% ou 15%.

Il y a des gens qui se basent... Je me rappelle des auditions de la commission parlementaire. On a parlé de la nature humaine, de l'homme qui, par exemple, quand la serveuse est plus belle, a une tendance -c'est peut-être naturel - à donner un peu plus. Je vois tout de suite le député de Trois-Rivières me regarder parce que, lui, il ne suit pas ce standard. Moi non plus; je vous ai dit tout à l'heure que je me base exclusivement sur le service. Mais la nature humaine étant ce qu'elle est, cela arrive. Il y a donc des distinctions à faire. Il y a des personnes qui sont plaisantes, d'autres qui le sont moins. Il y en a qui ont le sourire, d'autres qui ne l'ont pas; cela peut varier. Des serveuses sont venues témoigner devant cette commission qu'elles recevaient des pourboires de 2%, 3% et 4%. On nous a dit que parfois, pour une facture totalisant 24,90 $, on leur donnait 25 $, ce qui voulait dire 0,10 $ de pourboire. Donc, ce n'est pas toujours 8%, 10% ou 15%.

Évidemment, selon le projet de loi, les avantages sociaux seront basés sur le revenu total. Donc, celles qui reçoivent un peu plus en pourboires auront donc, par le fait même, un revenu plus substantiel, évidemment à la condition de déclarer leur revenu total, alors que celles qui gagnent moins, peut-être à cause de facteurs extérieurs, déclareront moins et auront donc moins en bénéfices sociaux. Comme je le disais tout à l'heure, c'est un facteur dépendant de la nature humaine et on ne peut rien y faire. (20 h 10)

Quant à la protection de l'industrie touristique, le ministre a dit: Ce projet de loi va protéger en même temps l'industrie touristique. Il doit sans doute penser à la situation dont on avait discuté, c'est-à-dire le pourboire obligatoire de 15% qui était réclamé surtout par les travailleurs représentés par la CSN. On a eu de longues discussions. Beaucoup de témoins sont venus devant cette commission pendant quelques jours. Je suis heureux de constater que le gouvernement n'a pas accepté cette formule parce que cela n'aurait sans doute pas été avantageux pour l'industrie touristique, l'hôtellerie et le commerce en général. Il y a trop d'éléments négatifs là-dedans. Si on décide que le client doit obligatoirement payer 15%, indépendamment de la qualité du service, à un moment donné, cela devient juste un montant additionnel à la facture. En fait, on se retrouverait dans la même situation que celle qu'on trouve maintenant en Europe où ceux qui reçoivent un bon service sont ceux qui donnent un pourboire en sus des 15%.

Je me rappelle très bien quand j'étais en Europe, il y a deux ans. C'est bien connu qu'en Hollande, par exemple, on a le système des 15% obligatoires. Tout le monde doit payer 15% en sus de sa facture. Qu'arrive-t-il? Les Allemands qui venaient en touristes aux Pays-Bas payaient un montant supplémentaire de 5% ou de 10% et ils avaient le meilleur service parce que la serveuse ou le serveur disait: Eux, au moins, ils paient un pourboire. Donc, on donne déjà 15% obligatoirement et, ensuite, on s'attend à recevoir un montant additionnel.

M. le Président, l'idée du projet de loi - comme le député de Saint-Louis nous l'expliquait, puisque c'est le porte-parole de la députation libérale sur ce projet de loi -est que chaque travailleur au pourboire déclare et doit payer les impôts sur le montant total de ses revenus. Cela comprend le petit salaire de base minimal plus le total des pourboires.

Il y a évidemment des réactions de la part des employeurs parce que, désormais, après l'adoption de ce projet de loi, l'employeur devra acquitter sa quote-part des différents régimes sociaux, c'est-à-dire le régime de rentes du Québec, le régime de l'assurance-maladie, c'est-à-dire 3% du salaire payables par l'employeur, tous les avantages en vertu de la Loi sur les normes du travail et aussi la cotisation en vertu de la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

J'ai parlé, la semaine dernière, avec le

propriétaire d'un petit restaurant, à Montréal, et je lui ai demandé: Qu'est-ce que vous pensez de ce projet de loi? Il a dit: Je comprends les avantages sociaux pour nos employés, mais j'ai peur que cela me coûte beaucoup d'argent pour mes employés parce que je dois financer les avantages sociaux. On parle maintenant d'environ 2% de plus sur la facture; cela n'est peut-être pas fatal, mais c'est toujours le problème avec une loi adoptée par le gouvernement. On a des beaux principes. On ne nous donne pas les chiffres exacts, et on ne sait pas combien cela va coûter. J'ai peur qu'à un moment donné, le propriétaire d'un restaurant constate que cela lui coûte beaucoup plus cher en cotisations pour tous ces avantages sociaux que ce qu'on nous dit maintenant.

Par exemple, la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, facture l'employeur. Donc, ce sera le restaurateur, le propriétaire du restaurant qui devra payer la cotisation de la CSST pour chacun de ses employés. Au début, la CSST va dire: II n'y a rien de sérieux là-dedans; c'est une dame ou un monsieur qui travaille dans un restaurant; il n'y a pas trop de risque au point de vue des accidents; donc, on va cotiser un montant pas trop élevé. Mais, M. le Président, on n'a aucun contrôle si, soudainement, la CSST commence à avoir soif et décide d'augmenter ses cotisations. C'est l'employeur qui devra évidemment payer la note. D'ailleurs, je me rappelle le cas d'un restaurant, à Montréal, qui comptait deux parties: la partie restaurant et la partie taverne. La CSST avait dit: Dans la partie taverne, c'est beaucoup plus risqué; ceux qui y travaillent doivent payer plus cher parce que le risque de se blesser ou de se faire attaquer - quelque chose du genre dans une taverne - est beaucoup plus grand que dans un restaurant. Donc, le tarif peut augmenter. Il faut penser à cela. À un moment donné, la note pour l'employeur devient tellement dispendieuse qu'il faut l'imposer au client et le client paie plus cher le repas qu'il y prend.

M. le Président, depuis que le projet de loi a été déposé, on a fait quelques tests. On a demandé à ceux qui travaillent justement dans cette industrie ce qu'ils pensaient du projet de loi. Évidemment, nous sommes d'accord que tous ceux qui travaillent doivent payer des impôts sur leur revenu. Il n'y a aucune loi qui dit: Quand tu travailles dans un restaurant, tu peux garder tes pourboires, les mettre dans ta poche et ne pas les déclarer. C'est vrai dans la restauration. C'est vrai pour un coiffeur. C'est vrai pour un cordonnier. C'est vrai dans chaque secteur où on donne un pourboire. On a noté, par exemple, que dans un grand restaurant, dans un restaurant de luxe, les employés n'ont aucune objection. Je me rappelle avoir mangé la semaine dernière dans deux restaurants différents. On a demandé aux dames qui travaillaient là ce qu'elles en pensaient. La réaction fut très positive vis-à-vis de ce pourboire. Elles disaient: Nous déclarons 8%, et cela règle notre cas. Pour le reste du pourboire entre 8% et peut-être ce que les bons clients nous donnent, le gouvernement ne posera pas trop de questions, et en déclarant 8% nous remplissons nos obligations. Je leur ai dit: Je ne crois pas que ce soit l'intention du ministre que les travailleurs au pourboire déclarent seulement 8% et qu'ils mettent dans leur poche le reste sur 15%. Évidemment, c'est un problème. Il faut bien expliquer à ceux qui travaillent dans ce secteur qu'ils sont obligés de déclarer le plein montant.

M. le Président, dans mon comté, il y a des personnes qui ont beaucoup de problèmes sur le plan social et économique, qui ne travaillent pas, qui bénéficient de l'assurance-chômage, etc. Je suis allé dans un restaurant du type barbecue. J'ai demandé à la serveuse: Que pensez-vous de ce projet de loi? Elle m'a dit: M. le député, il faut bien comprendre que, très souvent, je présente une facture. Il y a trois ou quatre personnes qui viennent manger un petit poulet, un quart de poulet, une cuisse ou quelque chose comme cela avec un petit verre de vin. La facture totalise 21,70 $ et on me donne 22 $; 0,30 $ de pourboire. Que voulez-vous que je fasse? Elle m'a dit: Le même client revient avec sa femme et son oncle. Ils viennent deux ou trois fois par mois, et je reçois tout le temps 0,30 $ de pourboire. Je ne peux pas dire: Vous n'avez plus le droit de venir. Donc, les gens ne donnent pas toujours 8%, parfois ils ne donnent même pas 1%.

Il faut être prudent. Le projet de loi du ministre dit: Le pourboire peut varier et être de 8% dans certains établissements selon la nature de la clientèle dans le cas où le propriétaire peut faire la preuve que c'est un problème particulier. Il peut être moindre, mais on dit qu'il ne doit jamais être moins de 5%.

Je dirais, M. le Président - c'est une autre suggestion positive de la part de l'Opposition - qu'il y a tout de même des cas particuliers: si le propriétaire et les gens qui travaillent avec lui sont en mesure de prouver qu'ils ne reçoivent même pas 5%, que la moyenne est de 3%, par exemple, acceptez donc cela. Ici à Québec, il y a un petit restaurant où les chauffeurs d'autobus vont le matin et où je vais de temps en temps prendre un petit "breakfast". Je vois ce que les gens laissent comme pourboire. Je peux vous assurer qu'ils ne laissent pas 15%, même pas 10%, même pas 8%. Je le vois autour de moi. Je laisse un peu plus. On me regarde comme une chose un peu spéciale.

Je dois me comporter un peu comme les autres. Je note que c'est un restaurant où on devrait faire une exception, où, au moins, l'établissement devrait avoir la possibilité d'expliquer que ce n'est pas la même chose. Ce que je dis - et je termine parce que je vois que j'ai encore une ou deux minutes -c'est que chaque fois qu'il y a ce que j'appelle de la législation péquiste, de beaux principes nous sommes d'accord avec cela. Mais soyez donc pratiques, soyez donc flexibles, donnez une chance au monde de s'expliquer. Ne commencez pas à classifier tout le monde: Vous tombez dans la catégorie de 8%, de 10%, de 12%, de 15%. Si vous voulez faire cela, il y en a aussi qui sont en-dessous de 5%. Il y a des gens qui vraiment ne sont pas capables, selon cette loi... Il y aura des problèmes: comme je disais, le propriétaire qui doit faire toute cette administration. On parle déjà, il y a encore une très belle expression péquiste, on va donner maintenant un carnet de pourboires. Je comprends l'idée d'un carnet de pourboires, mais j'ai peur qu'à un moment donné on ne soit plus capable de bouger. La serveuse entre au restaurant: Voici mon carnet. Je prends le carnet, grand crayon, j'entre exactement le pourboire. (20 h 20)

Soyons flexibles. Disons que l'employé voit ceci, vous allez tenir compte de cela; mais qu'on ne devienne pas, chacun et chacune qui travaillent, comme de petits comptables qui rendent compte de ce qu'ils font à chaque minute de leur vie. Il y a une limite. C'est l'apport que j'ai. Vous commencez à rire, le ministre va dire: Ce n'est pas là l'intention. Je vous avertis. Car votre CSST, par exemple, c'est déjà devenu ce que les employeurs appellent un "nightmare". Je vois déjà les inspecteurs du ministère du Revenu qui viennent là: donnez-moi votre carnet; je vais vérifier exactement ce que vous avez fait hier, de 9 heures à midi; combien d'heures vous avez travaillé ici et là.

Donnez une chance à ces gens de respirer. À cette condition et à condition qu'on accepte justement des amendements d'ordre pratique, d'ordre de flexibilité, d'ordre d'avoir un peu de joie de vivre, on va l'accepter. Si vous voulez commencer et nous prendre à la gorge, vous aurez des problèmes. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse.

M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, à mon tour, de participer brièvement à la discussion en deuxième lecture du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire. On le sait, ce projet de loi a trois objectifs: d'abord, d'assurer l'équité fiscale, deuxièmement, l'équité sociale, troisièmement, de préserver l'industrie touristique au Québec.

Vous savez, dans la société, il y a toujours une équation. L'équation des droits et des devoirs. Le devoir des employés visés par la loi, c'est l'équité fiscale. Donc, peu importe d'où vient l'argent, 1 $, qu'il vienne de droite, de gauche, d'en arrière ou d'en avant, c'est 1 $ et il n'est que juste - je pense qu'il faut le reconnaître - que les citoyens du Québec, peu importe qui ils sont, peu importent leur âge, la couleur de leurs cheveux ou de leurs yeux, paient leurs taxes et leurs impôts de façon équitable. C'est ce que le projet de loi 43 vise.

Cela va de pair avec l'équité sociale que le gouvernement veut donner à ces citoyens et à ces citoyennes qui sont nombreux à vivre en partie de pourboires. Quand on parle d'équité sociale, évidemment, on fait référence à des avantages dont bénéficie l'ensemble des citoyens du Québec, auxquels ont droit ces employés qui oeuvrent dans le secteur du pourboire souvent, comme on le sait, avec un salaire de base horaire très faible. Pour ceux qui ne le sauraient pas, contrairement au salaire minimum qui est fixé à 4 $, dans le secteur de la restauration, cette somme est de 3,28 $ pour les employés de 18 ans et plus et de 2,95 $ seulement pour ceux dont l'âge est inférieur à 18 ans.

M. le Président, lorsque vient le moment de prendre sa retraite, dans la situation actuelle, avec un salaire de base de 3,28 $ l'heure, on constate que cela ne donne pas un montant très élevé aux personnes qui oeuvrent dans le secteur de la restauration. Donc, pour eux, la Régie des rentes n'est pas très attrayante. Même chose lorsqu'une personne a la malchance d'avoir un accident du travail. Ses prestations de la CSST sont en relation avec le salaire horaire. Donc, ces prestations sont très faibles.

Également, on vit la même situation dans le cas d'accidents où les prestations de la Régie de l'assurance automobile sont diminuées parce que l'ensemble de la rémunération des employés au pourboire n'est pas calculé.

J'ouvre une parenthèse qui n'est pas de juridiction du gouvernement du Québec, mais je pense que ce qui a été fait par le gouvernement va permettre aussi - on l'a appris avec plaisir - au gouvernement fédéral de s'ajuster et de permettre à ces gens-là qui oeuvrent dans le secteur de pouvoir bénéficier de prestations d'assurance-chômage plus alléchantes. Évidemment, l'un des objectifs aussi, je pense, qui préoccupait grandement le gouvernement, c'est la protection de l'industrie touristique au Québec. L'industrie touristique constitue un

apport économique très appréciable et je pense que parmi les solutions qu'on a envisagées pour mettre à jour la situation des employés au pourboire au Québec, on devait avoir à l'esprit la protection de l'industrie touristique de façon à ne pas diminuer l'impact économique que cette industrie peut avoir sur l'ensemble de l'économie québécoise.

On peut se poser comme question, M. le Président, d'où cela vient qu'aujourd'hui, on soit appelé, à l'Assemblée nationale du Québec, à prendre position sur les employés au pourboire. Si vous me permettez une brève rétrospective, on peut dire que l'abcès a véritablement crevé - après des années et des années de tolérance, il faut bien le dire - en 1979 lorsque Revenu Canada a décidé -pour utiliser une expression du ministre du Revenu - de faire une opération auprès de cette catégorie d'employés. Je qualifierais plutôt cela, non pas d'opération, mais de harcèlement de la part du gouvernement canadien. Entre les deux paliers de gouvernement, même s'il est parfois difficile de se parler, il semble y avoir - malheureusement pour les contribuables - une communication assez bonne entre les deux paliers de gouvernement - Revenu Canada et Revenu Québec - en ce qui concerne le rôle des percepteurs d'impôts et de taxes. Toujours est-il que le geste posé par Revenu Canada, en 1979, a fait en sorte que les informations ou les avis de cotisation du gouvernement fédéral ont été transmis à Québec et il a fallu, à ce moment-là, y donner suite. C'est ainsi que ce geste a entraîné une série d'avis de cotisation pour un certain nombre d'employés au pourboire. Comme on pouvait bien s'y attendre, cela a suscité une vague de réactions vives de la part de cette catégorie de contribuables.

Le ministre du Revenu de l'époque, le député de Sherbrooke - je parle maintenant de l'époque 1981-1982 - a décidé de prendre le taureau par les cornes, comme on dit chez nous, et de poser des gestes concrets. C'est ainsi qu'il a rédigé le livre vert sur la situation au Québec des travailleurs et des travailleuses au pourboire et je crois bien que le député de Sherbrooke avait connu un auteur du XVIIe siècle, Boileau, parce que c'est un modèle de concision qu'on trouve là-dedans. Comme le disait Boileau: "Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément." Je pense qu'on doit le féliciter, parce que c'est un modèle de concision. Ce livre vert contient exactement 18 pages et il résume de façon exemplaire toute la problématique concernant la situation des employés au pourboire au Québec.

M. le Président, j'ai eu l'occasion, à titre de membre de la commission parlementaire du revenu, il y a maintenant un an -précisément les 9, 10 et 11 septembre 1982 - d'entendre plusieurs groupes présenter des mémoires en commission parlementaire pour exposer la problématique concernant cette catégorie d'employés. Environ 25 mémoires ont été présentés et c'est ainsi que nous avons pu étudier l'éventail des revendications des différents intervenants, c'est-à-dire des employés au pourboire, des employeurs oeuvrant dans le secteur ainsi que des consommateurs. Cela se produisait il y a un an.

Par la suite, on peut dire que ce qui est ressorti de la commission parlementaire a mijoté et, finalement, le Conseil des ministres, le 28 septembre dernier, donnait son accord au projet de loi qui est présentement devant nous. La solution retenue était communiquée, annoncée le 4 octobre dernier par l'actuel ministre du Revenu. Le 15 novembre, la semaine dernière, ici même en cette Chambre, le ministre déposait le projet de loi 43 qui contient 14 articles. Ce projet de loi doit entrer en vigueur le 1er janvier 1984, donc, dans quelques semaines. Je pense qu'on doit accorder crédit au gouvernement et au ministre d'avoir eu le courage, une fois pour toutes, de clarifier une situation qui existait, si on peut dire, en eau trouble depuis plusieurs années. (20 h 30)

Dans le livre vert, les différentes hypothèses soumises résument assez bien, je pense, les avenues qui s'ouvraient au gouvernement pour arrêter son choix sur l'une des mesures proposées. La première était les frais de service obligatoires. On sait que le principal inconvénient de cette mesure est le fait que le client perd sa liberté d'ajuster à sa juste valeur la qualité du service rendu. Deuxièmement, le pourboire obligatoire présentait des problèmes - je pense que tout le monde le reconnaît - au niveau de l'attrait touristique que le Québec peut constituer. Une deuxième hypothèse était de permettre au client d'inscrire lui-même sur la facture le montant de son pourboire. Une autre hypothèse était la déclaration périodique des pourboires par l'employé et c'est celle qui a été retenue. Une quatrième offrait de considérer l'employé au pourboire comme un travailleur autonome.

Je suis heureux de constater - et ce n'est pas très fréquent en cette Chambre -la façon non partisane, le ton positif des députés de l'Opposition et, en particulier, celui avec lequel le député de Saint-Louis a abordé cette question. C'est certainement une bonne loi parce qu'ils n'ont pas l'habitude de se gêner pour critiquer lorsqu'ils ne sont pas contents. Je reconnais cependant que c'est trop peu souvent en cette Chambre qu'on peut entendre les députés de l'Opposition dire qu'ils sont d'accord et qu'ils vont voter avec le gouvernement sur une mesure. Je suis heureux de

cette ouverture d'esprit et j'y vois une espèce de mûrissement de leur part de reconnaître que le gouvernement a choisi, parmi toutes les hypothèses, celle qui avait le plus de bon sens.

Je voudrais relever...

Une voix: ...

M. Lachance: Eh oui! Il arrive parfois que l'Opposition soumette de bonnes idées et à ce moment-là on les retient. Justement, M. le Président, le député de Saint-Louis suggérait tantôt et s'inquiétait même que certains employés concernés par ce projet de loi ne sont pas au courant, encore aujourd'hui, de la façon dont cela fonctionnera. Je voudrais, moi aussi, sensibiliser le ministre - je sais que c'est un type qui va nous écouter, qui a l'esprit ouvert - à l'importance de bien informer les employés au pourboire pour que cette mesure s'applique de la façon la plus harmonieuse possible et que cela se fasse en douce, comme on dit.

Je voudrais terminer en disant qu'il me fait plaisir de constater la détermination du gouvernement du Québec de passer aux actes, même si on sait qu'il est impossible d'en arriver à une décision qui va faire l'unanimité. On sait que ce n'est pas possible, parce que les écarts entre les différents intervenants sont trop considérables, par exemple entre les employés qui aimeraient bien augmenter leur revenu, et c'est tout à fait normal, et d'autre part, les consommateurs qui veulent continuer aussi d'avoir accès à un service au moindre coût possible, en passant par les employeurs qui veulent avoir le moins de problèmes possible concernant la paperasse et tout ce qui entoure les contributions de l'employeur.

Je pense qu'il faut retenir de tout cela qu'on a décidé de passer aux actes et d'arrêter, comme disait quelqu'un un jour dans cette Chambre, de faire le jeu de l'autruche et d'avoir la tête dans le sable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: M. le Président, nous prenons bonne note des commentaires du député de Bellechasse faisant référence à ce que l'Opposition était très positive. Je tiens à souligner au député de Bellechasse que nous sommes toujours positifs; lorsque nous faisons des critiques à ce gouvernement elles sont plus que fondées.

À titre d'exemple, nous avons proposé depuis de nombreuses années à ce gouvernement l'abolition des droits successoraux afin d'éviter à nos concitoyens les plus nantis d'investir dans d'autres provinces canadiennes ou aux États-Unis dans le but évident...

M. Blouin: ...

M. Bissonnet: Je reviens à la pertinence, M. le député de Rousseau, ne soyez pas inquiet. Je suis en pleine forme ce soir, j'ai passé une bonne journée et j'ai laissé de bons pourboires ce midi et ce soir.

Il s'agit d'un projet de loi à caractère restrictif, il faut l'avouer, pour récupérer des impôts qui ne sont pas payés par nos concitoyens qui oeuvrent dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie. Il est évident qu'il y a eu beaucoup de discussions sur l'imposition d'un pourboire obligatoire mais tous les sondages, et en particulier le sondage CROP qui a été publié au mois de février 1983, ont démontré que 91% de la population du Québec s'opposait à un pourboire obligatoire parce qu'il est important pour le consommateur d'apprécier la qualité du service qui lui est offert lorsqu'il va dans un hôtel ou dans un restaurant.

De plus, je pense que le gouvernement du Parti québécois devrait s'efforcer de tenir compte - j'entendais quelques députés en parler relativement à ce projet de loi - de l'importance de l'industrie touristique. Qu'est-ce qu'on fait pour amener des touristes au Québec? Qu'est-ce qu'on fait véritablement pour amener une nouvelle clientèle au Québec? On n'a qu'à penser au gouvernement américain, à l'État de New York qui n'est pas loin d'ici. M. le Président, je suis certain que, dans le comté de Laviolette, vous avez eu l'occasion de remarquer ces annonces commerciales qui affichent: "I love New York"; venez nous voir. Nous, au Québec, on n'invite pas les gens qui habitent à 100 milles d'ici à venir voir nos richesses, à venir constater l'intérêt touristique; on ne les incite pas à venir nous visiter. Combien perd-on en revenus, annuellement? On s'efforce, pourtant, d'avoir des maisons du Québec à San Francisco, à Boston, en Europe; c'est pour les investissements.

Évidemment, tant que la question de l'indépendance nationale ne sera pas clarifiée, c'est plus difficile pour les maisons du Québec d'oeuvrer à l'étranger et d'amener des investissements sérieux. Il n'en demeure pas moins qu'au plan touristique le gouvernement est dans une situation dont nous ne pouvons pas être fiers, comme Québécois, parce qu'il n'amène pas les touristes au Québec. Cette industrie devrait être, pour une population de 6 000 000 dans un territoire immense comme le nôtre, un apport important pour relever et relancer notre économie.

Égalité de nos concitoyens en regard du

projet de loi, ceux qui oeuvrent dans ce domaine, les employés au pourboire. Évidemment, je suis convaincu que chaque député en cette Assemblée, même si nous ne sommes pas nombreux ce soir, compte, dans son comté, des citoyens qui oeuvrent dans ce domaine. Relativement à des accidents du travail, relativement à des réclamations en vertu de la Loi sur l'assurance automobile, relativement à une perte d'emploi où ils sont nettement défavorisés, étant donné qu'ils sont payés au tarif du salaire minimum et en deçà du salaire minimum, leurs réclamations ne correspondent pas exactement au revenu réel qu'ils gagnent comme travailleurs dans ce secteur de l'industrie. (20 h 40)

Le député de Saint-Louis a fait un travail remarquable. Ce n'est pas la première fois d'ailleurs que le député de Saint-Louis défend des projets de loi dans cette Chambre. Lorsqu'il était vice-président, comme vous, M. le Président, il a accompli un travail qui a été souligné à plusieurs reprises. Il a fait des recherches à propos de ce projet de loi pour ce qui est de la connotation de nos voisins, les États-Unis. Les Américains ont sensiblement ce même projet de loi. M. le ministre, il est évident que les membres de l'Opposition qui assisteront à la commission parlementaire, ayant en tête leur chef de file, M. le député de Saint-Louis, M. Blank, vous proposeront des amendements afin de corriger des lacunes en ce qui a trait aux réclamations des employeurs, compte tenu de la comptabilité additionnelle qu'ils auront à faire. Dans les petits restaurants, ce sera peut-être un fardeau de travail additionnel qu'il faudra alléger pour permettre aux propriétaires de mieux administrer leur commerce.

Prestations d'assurance-chômage. Souvent, on entend les députés du Parti québécois parler contre Ottawa. C'est toujours la faute d'Ottawa, mais cette fois-ci, il faut remarquer la déclaration du ministre Bussières qui a annoncé qu'il ferait tout en son possible pour convaincre le gouvernement fédéral de modifier la Loi sur l'assuranee-chômage afin que les employés qui oeuvrent dans ce domaine, compte tenu des 8% additionnels et des réels pourboires qu'ils déclareront, puissent être admissibles à l'assurance-chômage au même titre qu'un employé salarié qui a un revenu de X par année.

M. le Président, c'est évidemment une amélioration des revenus pour l'État qu'on dit de l'ordre de 40 000 000 $. J'espère que ce gouvernement, au lieu de donner seulement 30 000 000 $ pour la relance économique, sera plus généreux dès le début de janvier pour relancer davantage l'économie, parce que je pense qu'on n'a pas touché au véritable domaine de la relance et que ce revenu additionnel permettra sûrement à l'État de mieux faire son travail. Nous attendons de voir l'attitude du gouvernement en commission parlementaire, mais si les amendements que nous proposerons sont acceptés, il est évident que l'Opposition votera pour ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre droit de réplique.

M. Alain Marcoux (réplique)

M. Marcoux: M. le Président, je serai très bref dans ce droit de réplique, compte tenu de la nature du débat. Je vois que nous avons fait consensus sur l'essentiel, nous du parti ministériel et les membres de l'Opposition, pour véritablement pouvoir apporter une solution qui, même si elle n'est pas parfaite, est quand même acceptable à la fois pour les travailleurs et les travailleuses au pourboire, les employeurs, les consommateurs et le ministère du Revenu.

Je peux assurer l'Opposition de mon ouverture d'esprit face aux amendements qu'elle ou différents groupes pourront proposer lors de l'étude article par article en commission parlementaire pour améliorer le projet de loi 43, parce que, évidemment, il y a plusieurs nuances possibles dans la façon d'appliquer les principes d'une loi, l'essentiel d'une loi.

Quant à certains points précis - je pense que c'est le moment de répondre à certaines questions, certaines interrogations de l'Opposition ou à certaines de ses remarques, très brièvement toutefois, puisque je pense que c'est davantage en commission parlementaire que nous pourrons aborder chacun des points précis soulevés par les députés de l'Opposition - je voudrais quand même indiquer qu'un des éléments importants de ce projet de loi a trait à l'attribution des pourboires non déclarés, si l'ensemble des pourboires déclarés dans un établissement sont inférieurs à 8%. Là aussi, des aménagements sont possibles. On regardera les suggestions qui nous seront faites, mais fondamentalement, le principe de l'attribution des pourboires dans un établissement où l'ensemble des pourboires révélés serait inférieur à 8%, ce principe fait partie de la loi comme il fait partie de la formule américaine. C'est ce qui fait la différence fondamentale entre une simple déclaration volontaire, à chaque période de paie, ou même obligatoire sans minimum, c'est ce qui assure l'objectif de ces 8%, il faut bien le voir, il est double. D'une part, c'est évident, c'est d'assurer un minimum de recettes fiscales au gouvernement qui correspond à la réalité d'ailleurs puisque tout le monde admet que la moyenne des pourboires au Québec est même supérieure aux pourboires aux États-Unis et qu'elle est bien davantage

probablement autour de 11%, 12% ou 13%. C'est d'assurer un minimum de recettes fiscales.

Je l'ai indiqué cet après-midi, c'est aussi une réaction face à la crainte pour certains employés qui craignent des pressions que certains employeurs pourraient faire sur eux pour faire en sorte que les pourboires soient déclarés au minimum pour diminuer le coût des bénéfices sociaux. C'est une façon de s'assurer ainsi que les pressions que certains, même si c'est une très faible minorité, pourraient vouloir exercer sur leurs employés ne s'exercent pas ou soient affaiblies.

Un autre point qui a été abordé par l'Opposition concerne la vérification. Là je veux être très clair. Le député de Saint-Louis m'a posé la question à savoir si les vérifications du ministère du Revenu continueraient pour l'avenir. Il est évident que c'est une des fonctions essentielles du ministère du Revenu de vérifier l'application des lois. Il est évident que pour les travailleurs au pourboire, il faut être très clair quant à l'esprit de la réforme. C'est que le travailleur au pourboire révèle la totalité de ses pourboires réels. On sait que dans plusieurs institutions la moyenne des pourboires est peut-être de 18%, 20%, par exemple, dans les bars, dans des restaurants plus chics alors que dans d'autres, c'est plutôt autour de 10%, de 9% ou 11%.

C'est très clair dans loi. L'esprit fondamental de la loi, le principe de base, c'est que le travailleur au pourboire et la travailleuse au pourboire révèlent leur revenu de pourboire réel et le ministère du Revenu conserve ses moyens de vérification habituels qui sont par exemple de regarder dans tel établissement, sur les cartes de crédit. Si, sur les cartes de crédit d'un travailleur au pourboire, la moyenne des pourboires révélés est autour de 17% ou 18% ou 15%, on sait bien qu'il ne peut pas déclarer une moyenne de pourboire réelle pour l'ensemble de son chiffre d'affaires de 8%. L'esprit fondamental de la loi, c'est que le travailleur au pourboire révèle la totalité de ses pourboires réellement perçus. Dans cet esprit, c'est évident que le ministère du Revenu n'abdique pas le droit, comme c'est son devoir, de faire cette vérification. Je pense que cela entre dans cet esprit d'équité fiscale.

Quant aux cotisations, le député de Saint-Louis m'a demandé qu'est-ce qu'il arriverait dans l'avenir? J'ai voulu être très clair quant à l'avenir. C'est une décision du Conseil des ministres. Je l'ai indiqué: Le ministère du Revenu du Québec n'utilisera pas les renseignements obtenus par l'application de la nouvelle formule comme élément de preuve et d'information aux fins d'émettre des avis de cotisation pour les années antérieures. J'ai ajouté: Les efforts du ministère se feront en termes de vérification sur l'application de la nouvelle formule à partir du 1er janvier 1984 parce qu'on est là pour aider à la fois les travailleurs et les employeurs à appliquer cette nouvelle formule et que les efforts de vérification du ministère se feront sur le respect de cette nouvelle formule c'est-à-dire que nous tournons une page. Je veux que cela soit très clair que nous n'utiliserons en aucun cas les informations transmises à partir de la révélation périodique des pourboires à partir du 1er janvier 1984 pour cotiser pour des années antérieures les travailleurs au pourboire. Même dans les établissements où nous serons appelés à faire des vérifications, pour d'autres motifs, faillite de l'entreprise, etc., nous appliquerons dans le même esprit cette décision par rapport aux années antérieures.

Un autre point soulevé par le député de Saint-Louis, qui a évoqué la possibilité de l'amnistie ou qui a souhaité l'amnistie pour les travailleurs au pourboire qui ont déjà été cotisés depuis 1974, c'est-à-dire l'annulation des cotisations déjà faites et dans la plupart des cas déjà payées en totalité ou en partie. Là aussi je dois être très clair, je pense que, à bien y penser, le député de Saint-Louis sera d'accord avec moi, il n'y a sous aucune juridiction fiscale en Occident de telles possibilités d'amnistie face à des cotisations déjà émises en conformité avec la loi qui exigeait que les travailleurs au pourboire, comme tous les autres travailleurs, révèlent la totalité de leurs revenus durant une année. Dans ce sens...

M. Blank: Si le ministre me permet une question pour la clarification de cette partie.

M. Marcoux: Bien sûr.

M. Blank: J'ai entendu bien clairement le ministre dire qu'il n'utilisait pas les 8% pour vérification des années antérieures. Mais si on ne l'utilisait pas, je vous demande si, pour des gens qui n'étaient pas cotisés, par d'autres moyens comme, par exemple, le "net worth" de la personne, vous faites des vérifications pour essayer d'attraper d'autres travailleurs au pourboire qui n'ont pas fait de déclaration adéquate?

M. Marcoux: Ma réponse est très claire, c'est non. Quand j'ai dit que les efforts de vérification du ministère seraient pour aider à la fois les entreprises et les employeurs à mettre en oeuvre la nouvelle formule et que les efforts de vérification du ministère seraient véritablement pour que cette formule soit respectée, c'est que c'est clair dans mon esprit comme dans l'esprit de l'ensemble des membres du Conseil des ministres qu'en appliquant cette formule, les travailleurs au pourboire du Québec seront

appelés à payer davantage d'impôt, et que les employeurs seront appelés à payer davantage pour l'ensemble des bénéfices sociaux et que nous devons, par rapport aux problèmes d'inéquité fiscale, d'inéquité sociale qui existaient dans le passé, tourner la page, sans amnistie, cela va de soi, selon tous les principes communément admis dans la fiscalité des pays occidentaux. Nous disons: II y a eu des problèmes dans le passé, il y a eu un livre vert pour tenter de les corriger, il y a eu des hypothèses d'émises et on a réussi, d'après ce que je peux voir, à faire un consensus minimal sur une solution possible à ces problèmes; nous allons déployer tous nos efforts pour la mise en oeuvre de cette solution, puisque nous sommes convaincus que c'est là que, à la fois, le ministère du Revenu obtiendra justice en termes de paiement des impôts alors que les travailleurs au pourboire rendront justice à leurs concitoyens en payant leurs impôts et qu'ils obtiendront justice par rapport aux différents bénéfices sociaux. Je veux être très clair par rapport à l'amnistie et je suis convaincu que le député de Saint-Louis abondera dans mon sens que ce n'est pas possible face à notre philosophie et notre pratique fiscales.

En ce qui concerne la réglementation, il y a un seul règlement de base que je déposerai à la commission parlementaire. Dans la loi, on dit que l'attribution se fait à partir d'une entente entre les employés et l'employeur; s'il n'y a pas entente, le règlement prévoit deux méthodes, c'est-à-dire l'attribution des pourboires non réclamés, s'ils sont inférieurs à 8%, sur la base soit du chiffre de vente de chaque employé, soit du nombre d'heures d'ouvrage. Le règlement prévoit la mise en oeuvre de ce principe, de cette possibilité qui est ouverte dans la loi.

Pour ce qui a trait à la mise en oeuvre de cette politique - j'ai été heureux de voir le député de Saint-Louis le signaler - durant l'été j'ai envoyé une équipe composée du sous-ministre en titre, de l'adjoint administratif du sous-ministre et d'un membre de mon cabinet voir comment se mettait en oeuvre la formule américaine et à la fois rencontrer non seulement l'IRS, l'Internai Revenue Service, mais rencontrer aussi des représentants des employeurs et des représentants des travailleurs. J'ai alors fait rapport au Conseil des ministres, puisque c'était une idée qui a été soumise par mes collègues d'aller voir comment s'appliquait la formule depuis quelques mois. Je leur ai donc fait rapport ainsi qu'au Comité de développement économique. Tous nous avons été convaincus que la mise en oeuvre de la formule américaine, la façon dont elle se faisait actuellement aux États-Unis, pouvait facilement être transposée au Québec et qu'elle produisait de très heureux effets, même si cela faisait très peu de mois que cette formule était en vigueur. Je dirais que c'est le dernier argument qui a fini par me convaincre, ainsi que mes collègues, que cette formule pouvait être facilement - pas nécessairement facilement, mais qu'elle pouvait l'être - applicable au Québec.

En ce qui concerne le carnet des pourboires - là, je fais écho à une remarque d'un de vos collègues, le député de Sainte-Anne, je crois - si nous avons préparé ce carnet... Au début, on aurait pu le rendre obligatoire comme il est obligatoire aux États-Unis, mais nous avons, dans une première étape, préféré le rendre disponible comme instrument pour les travailleurs au pourboire. D'ailleurs, jusqu'à maintenant, ce sont les travailleurs au pourboire qui ont insisté autant que certains employeurs pour que nous fournissions cet instrument. On est convaincu qu'au cours des mois et des années, cet instrument, ce registre ou ce carnet quotidien des pourboires sera de plus en plus utilisé par les travailleurs au pourboire pour conserver les données sur leur chiffre de vente, sur les pourboires qu'ils ont reçus, les pourboires qu'ils ont redistribués et le montant net de leurs pourboires. Si nous avons voulu le donner comme instrument, ce n'est pas pour imposer de la paperasse aux travailleurs au pourboire. C'est vraiment pour répondre à une demande qu'ils ont faite et qui correspond, je pense, à une nouvelle attitude qu'il faut avoir au ministère du Revenu, à savoir de donner les instruments les plus simples et les meilleurs possible à nos concitoyens pour remplir leurs exigences fiscales.

Quant à Revenu Canada et au ministre du Revenu du gouvernement fédéral, j'ai oublié d'indiquer dans le discours de deuxième lecture que j'appréciais hautement le fait que, dès la parution du projet de loi 43, M. Bussières ait indiqué publiquement qu'il était entièrement d'accord avec les principes et le contenu de cette loi. J'ai oublié d'indiquer à ce moment-là ma confiance dans le fait que le gouvernement fédéral harmonise ses lois avec cette nouvelle politique. Cela faisait partie de l'élément de ma confiance - je m'en veux de ne pas l'avoir dit à ce moment - qu'il fallait noter, entre autres, la déclaration du ministre du Revenu national qui appuyait entièrement le projet de loi 43, en tout cas, dans ses principes et dans ses éléments fondamentaux.

Je le dis simplement à titre d'information, au niveau fiscal, le plus grand bénéficiaire de cette mesure n'est pas le gouvernement du Québec, mais bien le gouvernement fédéral, puisque pour 40 000 000 $ que le gouvernement du Québec va percevoir, en gros, ses rendements de péréquation vont diminuer d'environ 20 000 000 $. Cela signifie que cette mesure aura un rendement fiscal net

d'environ 20 000 000 $, alors que le gouvernement fédéral, en plus de recevoir les impôts et le rendement de l'assurance-chômage, va pouvoir comptabiliser comme revenu supplémentaire net la péréquation qu'il n'aura pas à payer au gouvernement du Québec. Notre système fiscal est ainsi fait que, chaque fois que le Québec hausse ses revenus autonomes ou le rendement fiscal de ses propres taxes, la péréquation diminue dans une certaine proportion, en conséquence.

C'est donc dire que, concrètement - je pense qu'il faut le constater - le gouvernement fédéral a autant d'intérêt que nous, sinon plus - en pratique, plus que nous, en termes fiscaux - à se joindre à cette réforme. Je suis convaincu que comme nous, si le gouvernement fédéral se joint à cette réforme, ce n'est pas simplement pour des questions de rendement fiscal, quoique cela joue aussi, mais c'est aussi pour régler ou pour trouver une solution qui rejoint les trois objectifs dont j'ai parlé à quelques reprises depuis le début de cet après-midi, c'est-à-dire l'équité fiscale, l'équité sociale et assurer quand même la sécurité de notre industrie de la restauration et de notre industrie touristique.

En terminant, je veux remercier mes collègues qui ont participé à la commission parlementaire, il y a un an, dans un esprit de travail, qui m'ont accompagné dans toute la réflexion que j'ai faite sur cette question durant les mois qui ont suivi et que j'ai consultés régulièrement sur l'état de la réflexion. Je veux également remercier l'Opposition pour sa collaboration positive durant toute la commission parlementaire et l'attitude qu'elle a eue dans l'ensemble de ce débat, en deuxième lecture, sur ce projet de loi. (21 heures)

J'avoue qu'au point de départ ce n'est pas une question emballante, ce n'est pas une question facile parce qu'on sait que lorsqu'on touche la fiscalité, lorsqu'on touche l'impôt, on touche souvent à la fibre sensible de nos concitoyens. Même si ce sont des questions financières, elles touchent leur vie de tous les jours. Cette question des travailleurs au pourboire a fait l'objet de l'attention de nos concitoyens depuis des années en ce sens qu'on a tous été sensibilisés par des personnes qui nous ont raconté les effets de l'application des mesures fiscales jusqu'à maintenant sur leur vie personnelle. On a tous été sensibilisés à travers les journaux sur les effets de l'application actuelle des lois fiscales dans ce domaine. C'est probablement ce qui nous a tous rendus conscients ici, à l'Assemblée nationale, que le statu quo ne pouvait plus durer, que toute solution quelle qu'elle soit, même si elle n'était pas parfaite, valait mieux que le statu quo par rapport aux objectifs que nous poursuivons ensemble.

Je vous remercie et je souhaite que la commission parlementaire se déroule dans le même esprit que ce débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième lecture du projet de loi no 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire, est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission du revenu

M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission permanente du revenu.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: Avant d'appeler un nouvel article, je demanderais une suspension pour permettre au député de D'Arcy McGee d'être présent.

M. Picotte: M. le Président, on m'informe que notre collègue de D'Arcy McGee sera ici dans quelques minutes. Si on peut suspendre quelques instants, on pourra poursuivre à son arrivée.

Le Vice-Président (M. Jolivet): D'accord, suspension accordée pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 02)

(Reprise de la séance à 21 h 03)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 3 de notre feuilleton.

Projet de loi 36 Reprise du débat sur la deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Reprise du débat sur la motion du ministre de la Justice qui propose que le projet de loi 36, Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, soit maintenant lu la deuxième fois.

La parole est au député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. Nous sommes en présence du projet de loi 36, intitulé Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, qui va remplacer notre Loi sur les coroners. Je pense qu'on peut parler de la Loi sur les coroners.

Il faut que je souligne tout de suite que le ministre a refusé d'entendre en commission parlementaire les organismes qui voulaient se faire entendre. Je l'ai demandé au mois de juin 1983 et le ministre n'a pas répondu, c'était en réflexion. Ont suivi les mois d'août, de septembre, d'octobre et de novembre. Il me semble qu'il aurait été possible d'entendre en commission parlementaire ceux qui auraient aimé être entendus par la commission permanente de la justice. Le ministre a refusé, je ne sais pas pourquoi. Je pense qu'il aurait été utile d'entendre des gens qui ont quelque chose à dire comme les chefs de police, les organismes de protection des droits de la personne, le barreau, l'Association des avocats de la défense, etc.

Je fais appel à tous ceux qui veulent se faire entendre pour qu'ils exercent des pressions sur le ministre de la Justice et le leader du gouvernement, peut-être même sur le premier ministre, afin qu'ils convoquent la commission permanente de la justice pour entendre ces personnes. J'espère que cela est encore possible, rien n'empêche de le faire, sauf le refus du ministre.

J'aimerais, premièrement, faire un historique de l'institution de coroner. Le coroner se veut être un enquêteur indépendant qui cherche à détecter les décès survenus par suite de violence, de négligence ou de conduite coupable d'un tiers, et identifier les personnes pouvant être responsables de ces décès.

Il s'agit d'une vieille institution qui trouve son origine en Angleterre au cours du Xlle siècle et qui fut introduite au Québec avec la conquête. C'est ainsi que le 16 octobre 1766 le lieutenant-gouverneur Guy Carleton nommait John Burke pour exercer les fonctions de coroner dans le district de Montréal. Depuis cette époque les fonctions de coroner ont quelque peu évolué avant d'être définies pour la dernière fois dans une loi sanctionnée le 29 juin 1967 et que l'on retrouve actuellement au chapitre C-68 des lois refondues du Québec sous le titre de Loi sur les coroners.

Cette loi est fortement critiquée depuis plusieurs années par le Barreau du Québec, l'Association des avocats de la défense de Montréal, les groupes dédiés à la défense des droits de la personne ainsi que par les coroners eux-mêmes. On dénonce les abus inqualifiables auxquels cette loi donne lieu et certains se demandent même s'il ne faudrait pas tout simplement abroger cette charge de coroner.

Des comités d'étude au sein du ministère de la Justice se sont penchés sur l'institution de coroner. C'est ainsi, par exemple, que la Direction de la recherche du ministère de la Justice présentait au ministre de la Justice, en novembre 1979, un rapport intitulé "Pour la réforme de l'institution des coroners." Ce rapport qui ne fut jamais rendu public, mais dont nous avons obtenu copie, incluait qu'il fallait repenser complètement la législation québécoise relative à cette institution.

Des projets de loi furent préparés et le ministre de la Justice a répété à plusieurs reprises qu'il allait procéder à une refonte en profondeur de la Loi sur les coroners. Cependant, rien ne fut fait. Pendant ce temps, l'institution de coroner connaissait des changements majeurs en Angleterre, aux États-Unis et dans la plupart des provinces du Canada. Après sept ans de travail, le ministre a déposé un projet de loi au mois de juin 1983. Sept ans de travail, je le répète, c'est assez long.

Entre parenthèses, M. le Président, l'adoption de notre nouveau Code civil traîne aussi. Je dis souvent que le ministre de la Justice est débordé. Il cumule entre autres les postes suivants: ministre de la Justice, Procureur général du Québec, Solliciteur général du Québec, ministre responsable de la réforme électorale, président du Comité de législation au Conseil des ministres et j'en passe. Il est aussi l'organisateur en chef dans le Lac-Saint-Jean. J'imagine qu'il est très occupé ces jours-ci. Tout cela pour dire que les projets de loi sont retardés à l'Assemblée nationale. Tout ce qui vient du ministère de la Justice est retardé, le Code civil en tête.

Il y a un fait curieux, M. le Président. Le ministre de la Justice, le ministre le plus occupé au Conseil des ministres, n'a pas d'adjoint parlementaire. Il y a des ministres qui n'ont rien à faire, qui ont un adjoint parlementaire. Mais voilà que le ministre qui a le plus à faire au Conseil des ministres et à l'Assemblée nationale n'a pas d'adjoint parlementaire. J'aimerais suggérer qu'on nomme un adjoint parlementaire au ministre de la Justice, quelqu'un qui pourrait s'occuper par exemple du nouveau Code civil ou quelqu'un, par exemple, qui déposerait des règlements en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne en ce qui concerne l'égalité homme-femme. Un règlement est censé être déposé et l'autre règlement en ce qui concerne l'accès à l'égalité. Donc, deux projets de règlement qui retardent aussi. Je pense qu'il serait bon qu'on nomme un adjoint parlementaire au ministre pour qu'il puisse accomplir son travail, que les lois ne soient pas retardées et qu'on n'ait pas, comme aujourd'hui, deux codes civils au Québec dans lesquels les gens ne se

retrouvent pas. (21 h 10)

Le 28 février 1983, nous avons rendu publique une étude intitulée "Le coroner, une institution dénaturée et à repenser." Elle a été publiée en partie dans le Devoir du 9 mars 1983. Nous avons conclu, dans ce rapport, premièrement, qu'il faut modifier le rôle des coroners de façon qu'ils ne fassent plus partie de l'appareil judiciaire pénal et qu'on leur interdise de rendre des verdicts de responsabilité criminelle en limitant leur rôle à celui de déterminer les causes d'un décès qui n'apparaît pas naturel ou purement accidentel. Deuxièmement, il faut également redonner aux coroners leur indépendance vis-à-vis du gouvernement, du ministre de la Justice, du Procureur général, des avocats de la couronne et de la police; troisièmement, le coroner devra avoir le souci de respecter en tout temps les droits de la personne, plus précisément le droit à la présomption d'innocence, le droit à la vie privée et le droit de ne pas s'incriminer. Le projet de loi 36 ne donne suite qu'à la première conclusion. Dans ce sens, le projet précise bien que le coroner ne peut se prononcer sur la responsabilité civile ou criminelle d'une personne. Malheureusement, les deux autres conclusions n'y ont pas eu d'écho.

Lorsque nous examinons les 202 articles que contient le projet de loi 36, comparativement aux 46 articles de la présente Loi sur les coroners et aux 56 articles de la loi ontarienne sur les coroners, il nous apparaît clairement qu'il s'agit une fois de plus d'une réforme timide, parcellaire et incomplète qui, malheureusement, ne répond pas aux nombreuses critiques formulées à l'égard de l'institution des coroners depuis plusieurs années. Même si l'objectif du projet de loi 36, qui est de redéfinir le rôle de coroner, est fort louable, il n'en demeure pas moins, à notre avis, que les mécanismes mis en place dans le projet de loi sont fortement critiquables.

Dans les remarques qui suivent, nous faisons des comparaisons avec la Loi sur les coroners de l'Ontario, parce que le coroner est une institution du Common Law et parce que cette province voisine a procédé à une réforme de cette institution dernièrement. De plus, c'est tout à fait normal de voir ce qui est fait ailleurs avant d'adopter une loi au Québec. Cela fut fait dans le cas de la loi concernant les petites créances, la Loi sur le Protecteur du citoyen, etc. Par ailleurs, dans d'autres provinces, ils vont s'inspirer de nos lois, comme on l'a fait avec notre Loi sur l'aide juridique. Beaucoup de juridictions se sont inspirées de notre Loi sur l'aide juridique, de notre Charte des lois et libertés de la personne, etc. J'ai donc décidé de faire une comparaison, le cas échéant, avec la loi de l'Ontario pour mieux expliquer le projet de loi 36.

Ma présentation sera divisée en quatre parties: premièrement, la nomination des coroners; deuxièmement, l'organisation et la direction des coroners; troisièmement, la rémunération des coroners; quatrièmement, les fonctions des coroners.

Premièrement, la nomination des coroners. Dans la loi actuelle, l'ensemble des coroners relève du Service des coroners et des commissaires-enquêteurs sur les incendies qui constitue lui-même une unité administrative de la Direction générale des affaires criminelles du ministère de la Justice. Le gouvernement a nommé une centaine de coroners et chacun exerce ses fonctions dans les limites du district judiciaire pour lequel il a été nommé. Il y a actuellement cinq coroners salariés à temps plein, trois à Montréal, un à Québec et un à Hull, alors que les autres sont des coroners à temps partiel rémunérés selon un tarif établi par décret du gouvernement.

La loi ne prévoit aucune exigence particulière afin d'être choisi pour devenir coroner ni aucun cours de formation afin d'initier les nouveaux coroners aux règles élémentaires de la preuve ainsi qu'à des notions de médecine légale. De plus, l'actuelle Loi sur les coroners ne prévoit aucun critère de sélection des coroners et le gouvernement du Québec peut nommer n'importe qui comme coroner. De fait, on remarque, parmi les coroners à temps partiel, un chiropraticien, un pharmacien et un hôtelier.

Le projet de loi 36 n'est pas clair à ce sujet. Contrairement à la plupart des lois des autres provinces, qui prévoient la nomination d'un médecin comme coroner, le projet de loi 36 indique simplement que les personnes appelées à devenir coroners sont sélectionnées conformément aux règlements adoptés par le gouvernement (voir les articles 6 et 154). Encore une fois, la sélection des coroners est laissée à l'entière discrétion du gouvernement et rien ne permet de s'assurer que les critères établis dans le futur règlement répondront aux nouvelles fonctions de coroner.

Le projet de loi 36 mentionne que ceux qui étaient coroners le jour de l'entrée en vigueur de ce projet de loi deviendront coroners au sens de cette nouvelle loi. C'est à l'article 176. Bref, le projet de loi 36 ne résout en rien le problème de la sélection et de la formation des coroners.

Deuxièmement, l'organisation et la direction des coroners. Présentement, les coroners québécois relèvent du Service des coroners et des commissaires-enquêteurs sur les incendies qui constitue, comme je viens de le dire, une unité administrative de la Direction générale des affaires criminelles du ministère de la Justice. Dans les faits, l'action des coroners est guidée par un fonctionnaire préposé à l'application de la

Loi sur les coroners.

En vertu du projet de loi 36, les coroners relèveraient d'un coroner en chef, assisté, le cas échéant, de deux coroners en chef adjoints choisis parmi les coroners permanents - il y en a actuellement cinq -et nommés par le gouvernement. C'est à l'article 8. La loi ontarienne sur les coroners ne parle que d'un seul coroner en chef adjoint, malgré un plus grand nombre de coroners en Ontario.

Les pouvoirs de coroner en chef sont définis dans le projet de loi 36 et ils consistent à coordonner, répartir et surveiller le travail des coroners qui doivent se soumettre à ses ordres et à ses directives (article 23). Le coroner en chef peut, de plus, adopter des règlements, ainsi que les directives nécessaires à l'application de la nouvelle loi (article 32).

Même si les règlements adoptés par le coroner en chef sont soumis à l'approbation du ministre de la Justice ou du gouvernement - article 157 - nous nous étonnons qu'un tel pouvoir d'initiative soit confié à un officier public. D'ailleurs, nous ne trouvons rien de semblable dans la loi de l'Ontario. Une fois de plus, il s'agit d'un texte de loi qui échappe partiellement au contrôle de l'Assemblée nationale. Avec de tels projets de loi, ce ne sont plus les élus, ni le gouvernement, qui précisent les contenus des lois, mais des fonctionnaires.

De plus, il nous apparaît dangereux de confier au coroner en chef le pouvoir d'adopter "les directives nécessaires à l'application de la présente loi" - article 32, paragraphe 5 - auxquelles doivent se soumettre les coroners (article 23). Il s'agit là d'un pouvoir discrétionnaire indu confié au coroner en chef et ce, sans aucun mécanisme de contrôle, ni de procédure de publicité.

Qui pourrait empêcher le coroner en chef d'émettre, peut-être de bonne foi, des directives contraires à la loi? Comment faut-il interpréter l'expression "nécessaire à l'application de la présente loi"? De telles directives ne risquent-elles pas de venir en conflit avec la liberté d'action inhérente à la fonction du coroner? En Ontario, le législateur n'a pas cru bon de confier un tel pouvoir de directives au coroner en chef. Ce dernier doit non pas faire la loi, mais plutôt l'appliquer ainsi que ses règlements. (21 h 20)

Le projet de loi 36 prévoit aussi que le coroner en chef peut conclure avec une personne, un organisme public ou un ministère d'un autre gouvernement des ententes pour l'application de projets de loi. D'une part, il semble curieux que le coroner en chef puisse si facilement contracter avec le gouvernement fédéral alors que ceci est formellement interdit aux municipalités du Québec. D'autre part, nous croyons qu'un tel pouvoir devrait davantage relever du ministre de la Justice responsable en principe de l'application de projets de loi.

Troisièmement, la rémunération des coroners. Cette rémunération est aujourd'hui parfois bizarre et nous l'avons commentée dans notre étude de février 1983. Aussi le 22 juin 1983, par le décret 1376-83, le ministre de la justice a fait adopter des modifications en ce qui concerne le tarif relatif aux recherches et aux enquêtes des coroners. L'article 2 de ce décret se lit comme suit: "Les honoraires de coroner sont de 125 $ pour une recherche qui conclut à une mort violente et de 75 $ pour une recherche qui conclut à une mort naturelle." Il nous apparaît ici assez curieux que des honoraires soient reliés à la nature du verdict rendu. Imaginons un instant ce que serait l'administration de la justice s'il fallait que les juges soient rémunérés en fonction de leurs jugements, le juge étant mieux payé, par exemple, lorsqu'il trouve le prévenu coupable de telle infraction ou de tel acte criminel. Quant aux coroners permanents en vertu de la loi actuelle, ils jouissent de traitements déterminés par le ministère de la Justice et très différents les uns des autres. Comme ce n'est pas la loi qui fixe leurs rémunérations, les coroners apparaissent non pas comme des enquêteurs indépendants, mais plutôt comme de simples fonctionnaires du ministère de la Justice.

C'est d'ailleurs ce qui faisait dire à la Direction de la recherche du ministère de la Justice dans son rapport intitulé: Pour la réforme de l'institution des coroners de 1979, et je cite aux pages 24 et 25 du rapport: "L'on peut s'interroger sérieusement sur le degré d'indépendance des coroners permanents au niveau de la prise de décision, lorsque l'on songe qu'ils sont actuellement évalués par le sous-procureur général adjoint et directeur général des affaires criminelles à la suite d'une fiche de notation comme tous les autres cadres du ministère et qu'ils ont parfois à apprécier la conduite d'officiers du Procureur général comme les policiers, les gardiens de prison. Cette mise en doute de leur indépendance est d'autant plus grande lorsque l'on songe que, d'une part, ils ont parfois à apprécier la conduite des policiers ou gardiens de prison et à l'occasion de recherche ou d'une enquête sur un décès et, d'autre part, ils sont administrativement supervisés par le sous-procureur général adjoint et directeur général des affaires criminelles."

Maintenant, examinons les dispositions dans le projet de loi 36 qui est devant la Chambre et qu'on débat aujourd'hui. Au chapitre de la rémunération, le projet de loi 36 ne propose rien de nouveau. Le traitement, les avantages sociaux et les autres conditions de travail du coroner en chef et des autres coroners permanents sont fixés par le gouvernement, alors qu'un

coroner à temps partiel continue à être rémunéré suivant un tarif adopté par règlement du gouvernement; articles 19 et 22. Comme nous l'avons déjà réclamé dans notre étude de février de 1983, il est à souhaiter que les honoraires payés au coroner à temps partiel soient plus élevés et aucunement reliés à la nature des conclusions retenues par les coroners.

D'autre part, le fait que ce soit le gouvernement qui, à sa discrétion, fixe le salaire et les autres conditions de travail du coroner en chef et des coroners permanents, n'est certes pas de nature à assurer l'indépendance de cet officier public. Il aurait été, à notre avis, préférable de définir dans le projet de loi un mode de rémunération moins arbitraire et semblable, par exemple, à celui des juges.

Enfin, le fait qu'un coroner qui, tout en restant coroner, cesse d'occuper les fonctions de coroner en chef ou de coroner en chef adjoint après avoir assumé ces fonctions pendant au moins deux ans, puisse continuer à recevoir la même rémunération - article 21 - nous apparaît plutôt généreux, compte tenu de cette période de temps ainsi que des restrictions budgétaires actuelles. D'ailleurs, nous ne retrouvons rien de tel dans la loi ontarienne si nous continuons notre comparaison avec cette province. C'est comme si un député était nommé ministre et quand il redeviendrait simple député il garderait son salaire de ministre.

Quatrièmement, les fonctions de coroner. La principale modification apportée par le projet de loi 36 au rôle de coroner concerne le fait qu'il ne pourrait plus se prononcer sur la responsabilité civile ou criminelle d'une personne. Fondamentalement, son rôle devra se limiter à rechercher au moyen d'une investigation - et le cas échéant d'une enquête - l'identité de la personne décédée dans des circonstances obscures ou violentes ou encore dans certains lieux - par exemple, l'établissement de détention ou le poste de police - la date et le lieu de décès, les causes médicales de décès et les circonstances de décès.

Le gouvernement du Québec donne ainsi suite à une demande souvent formulée par des organismes soucieux de la protection des droits de la personne. C'est d'ailleurs ce que l'on retrouve dans les autres provinces canadiennes et dans beaucoup d'États américains.

J'aimerais maintenant discuter l'investigation et l'enquête de coroner.

L'investigation. Selon le projet de loi 36 c'est le coroner desservant le lieu où le cadavre a été trouvé qui procède à l'investigation - article 46. Le coroner en chef peut toutefois désigner un autre coroner pour procéder à l'investigation ou pour la compléter. Le projet de loi ne précise pas les motifs qui pourraient justifier une telle décision de la part du coroner en chef. En Ontario, c'est le coroner qui, lui-même, peut demander pour juste cause à un confrère de procéder ou de compléter l'investigation. Il doit en aviser le coroner en chef qui, sur demande, doit l'aider à procéder à un tel transfert. Nous constatons encore ici comme la loi ontarienne est beaucoup plus respectueuse des prérogatives et du statut historiquement conférés au coroner. (21 h 30)

L'enquête. Il faut discuter de l'enquête du coroner en vertu de la loi actuelle avant d'être en mesure d'apprécier les modifications proposées par le ministre de la Justice. Aujourd'hui, en vertu de la loi actuelle, l'enquête du coroner, lorsqu'elle a lieu, n'est pas un procès à proprement parler. Il s'agit simplement de faire la lumière sur les circonstances d'une mort dont les causes sont apparemment violentes et criminelles. Il n'y a donc pas dans ces circonstances de litige, d'accusé et d'accusation. La personne que la police soupçonne être l'auteur du crime est désignée sous le nom de témoin important. Lors d'une enquête du coroner, il arrive souvent que les droits fondamentaux de la personne soient bafoués. Par exemple, le droit à la vie privée, le droit à la sauvegarde de sa réputation et le droit à la présomption d'innocence. La Loi sur les coroners, telle qu'elle est actuellement rédigée et telle que mise en vigueur, permet en effet que la vie privée de personnes innocentes soit indûment étalée dans le public et viole les droits des témoins qui peuvent ensuite être accusés devant les tribunaux de juridiction criminelle.

L'article 22 de la présente Loi sur les coroners accorde aux coroners le pouvoir de faire arrêter une personne pour s'assurer de sa présence à l'enquête. Le premier paragraphe de cet article se lit comme suit: "Lorsque le coroner est d'avis qu'une personne dont le témoignage lui semble nécessaire négligera ou refusera d'être présente à l'enquête, il peut ordonner qu'elle soit arrêtée avec ou sans mandat pour être conduite devant lui dans les 24 heures suivant son arrestation ou en cas d'impossibilité, dans les plus brefs délais possible. Le coroner pourra alors, afin de garantir sa présence à l'enquête, exiger d'elle un cautionnement ou requérir sa détention dans un établissement."

Le pouvoir d'arrestation et de détention a fait l'objet d'abus considérables. La Cour suprême du Canada a d'ailleurs dénoncé, dans l'arrêt Chartier contre le Procureur général du Québec, 1979, du rapport de la Cour suprême à la page 474, l'usage fait de cet article dans le but de permettre aux policiers d'interroger une personne dans des conditions de détention plus propices à l'obtention d'aveux incriminants et non pas

en vue d'assurer sa présence à l'enquête du coroner. Dans l'affaire Chartier, l'appelant a été, en 1965, victime d'une erreur d'identification commise par la police. Il a été arrêté, détenu pendant 30 heures et inculpé pour homicide involontaire à la suite du verdict d'un jury de coroner qui l'a erronément tenu criminellement responsable de la mort d'une personne décédée d'une hémorragie cérébrale à la suite d'un coup de poing reçu en pleine rue.

Quelques jours après l'inculpation de l'appelant, le vrai agresseur était dénoncé et, faisant des aveux, était inculpé. L'accusation contre l'appelant fut alors retirée. Dans cet arrêt, le juge Pigeon de la Cour suprême du Canada écrivait à cette occasion, et je cite: "La police invoque le mandat du coroner. Mais il faut bien noter que ce mandat est de détenir Chartier comme témoin, non comme suspect. En réalité, c'est comme suspect et non comme témoin que les agents entendaient le détenir et c'est également comme suspect qu'ils l'ont détenu. Leurs propres documents en font foi. Le coroner n'ayant pas témoigné, il faut présumer qu'ils l'ont bien réassigné et que par conséquent, le mandat a été délivré en vue de mettre Chartier en état d'arrestation comme suspect, non comme témoin. À mon avis, la délivrance d'un tel mandat par le coroner dans ce but constituait un abus de pouvoir. Dans le cas présent, il est parfaitement clair que les agents de la police ne croyaient aucunement avoir besoin de procéder à l'arrestation de l'appelant pour s'assurer de sa présence comme témoin à une enquête du coroner ni pour l'interroger. Ils savaient bien qu'ils n'avaient pas affaire à un malfaiteur. Le coupable n'était pas un assassin. Son acte n'avait manifestement pas été prémédité ni fait dans le but de causer la mort de la victime. S'ils ont mis Chartier en état d'arrestation, c'est manifestement dans le but de l'intimider et d'exercer une forte pression sur lui en le mettant en cellule et en le privant du droit de consulter un avocat. Ce n'est pas parce qu'ils craignaient qu'il cherche à se soustraire à la justice, mais uniquement pour tenter ainsi de lui arracher des aveux. "Je dois donc dire que le coroner ne pouvait pas se servir de son pouvoir d'ordonner la détention d'une personne comme témoin en vue de permettre son incarcération comme suspect." Fin de la citation qui se trouve aux pages 496 a 498.

Ce pouvoir, conféré aux coroners par l'article 22 de la loi actuelle, paraît donc excessif si on considère le fait qu'il n'y a que des témoins devant le coroner.

Aujourd'hui, en vertu de la loi actuellement en vigueur, l'enquête du coroner est, en principe, publique. Il s'agit, dit-on, de faire connaître à la population les circonstances entourant une mort violente et de chercher à éviter la répétition d'événements malheureux. Cependant, les mass media ne manquent pas de rapporter dans les moindres détails ce qui s'y passe et ce que les témoins viennent y dire. Si certains journaux en tirent ainsi des profits intéressants, la réputation de certains témoins risque malheureusement d'être à jamais ternie même s'ils sont exonérés de tout blâme par le coroner ou les tribunaux judiciaires.

Lorsque le témoin important est envoyé à son procès, le juge peut, en vertu du Code criminel, émettre une ordonnance de non-publication des témoignages rendus devant lui et ce, dès le stade de l'enquête préliminaire. Cette mesure a pour but de préserver la présomption d'innocence que le Code criminel reconnaît à tout citoyen en évitant, par exemple, que d'éventuels jurés, lors de procès, aient pu avoir pris connaissance de la preuve faite lors de procédures préliminaires. De plus, cette mesure protège, autant que faire se peut, la réputation d'un accusé qui se voit acquitté à la clôture de son procès.

Comment comprendre maintenant que des témoignages entendus lors d'une enquête du coroner puissent, quelques semaines plus tard, être frappés d'un interdit de publication? Est-ce encore vraiment utile? Comment accepter qu'un témoin devant le coroner ait moins de droits qu'une personne formellement accusée d'un acte criminel? Des modifications à la Loi sur les coroners afin de protéger la vie privée des témoins ont été réclamées depuis plusieurs années par divers intervenants, lors des enquêtes du coroner, et ont même fait l'objet de recommandations de la part de certains coroners. Tout ceci est cependant resté lettre morte.

Bref, la publicité tapageuse qui accompagne ordinairement l'enquête du coroner rend très difficile la tenue par la suite, le cas échéant, d'un procès juste et équitable pour le témoin important, en plus de le discréditer aux yeux de la population avant même qu'un tribunal ne se prononce sur son sort. Quant aux autres témoins, ils sont souvent appelés à confier à la population des choses qui relèvent avant tout de leur vie privée et qui risquent de les gêner par la suite dans leur vie de tous les jours.

En vertu de la Loi sur les coroners actuelle, le coroner a le pouvoir d'assigner les témoins dont l'audition lui semble nécessaire à la conclusion de son enquête. Il peut, de plus, condamner pour outrage au tribunal toute personne qui refuse de répondre à ses questions ou à celles du substitut du Procureur général qui l'assiste dans son enquête. Notons ici que seul l'avocat représentant le Procureur général à l'enquête peut interroger les témoins et exiger l'assignation par le coroner de toute personne dont le témoignage lui paraît

nécessaire. On risque ainsi de faire entendre un seul son de cloche qui, dans l'affaire Chartier que je viens de citer, a conduit à un verdict de responsabilité criminelle contre une personne innocente. (21 h 40)

Lors d'un procès criminel, il existe une règle à l'effet que l'accusé ne peut être contraint de s'incriminer, c'est-à-dire qu'il n'est jamais obligé de témoigner et son refus ne peut être invoqué contre lui, car c'est à la couronne de faire la preuve de la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable. Comme le soulignait le juge Estey de la Cour suprême du Canada: "Un des principaux bastions de droit criminel est le droit de l'accusé de se taire." Cette citation se trouve dans l'arrêt Procureur général du Québec et Keable contre le Procureur général du Canada 1979, rapport de la Cour suprême 218, à la page 258.

Or, devant le coroner, il n'y a pas d'accusés mais des témoins et la Loi sur les coroners actuelle précise qu'"un témoin ne peut refuser de répondre pour le motif que sa réponse pourrait tendre à l'incriminer ou à l'exposer à une poursuite de quelque nature qu'elle puisse être."

Ainsi, si le témoin important refuse de parler, il est condamné pour outrage au tribunal. S'il répond aux questions, il fait très souvent le travail des policiers enquêteurs qui cherchent à accumuler le plus de preuves possible contre le suspect. Parfois, on a d'ailleurs l'impression que l'enquête du coroner ne sert qu'à bâtir une preuve contre un suspect quand on ne va pas tout simplement à la pêche! Une fois de plus, un témoin a moins de droits lorsqu'il comparaît devant le coroner que lorsqu'il comparaît devant un juge à titre d'accusé pour répondre de la commission d'un acte criminel. Il s'agit là d'un autre exemple qui illustre comment l'institution de coroner peut être utilisée pour contourner les garanties accordées aux prévenus en vertu des principes fondamentaux de notre droit pénal.

Enfin, mentionnons que d'autres règles de preuve sont également mises de côté lors des enquêtes de coroner comme l'a d'ailleurs rappelé, au mois de mai 1982, l'Association des avocats de la défense de Montréal qui précisait: "Deux de ces règles sont systématiquement ignorées à l'occasion d'un trop grand nombre d'enquêtes du coroner: la règle qui exclut le ouï-dire et la règle qui exige la démonstration qu'un aveu a été donné librement et volontairement. "C'est ainsi qu'on permettra, sous prétexte de ne pas alourdir la procédure, un laxisme en matière de ouï-dire intolérable devant les tribunaux ordinaires et également, les coroners accepteront qu'on lisent publiquement, sans aucune façon de s'assurer du caractère volontaire des aveux, des déclarations de témoin principal. Cette procédure pourtant très fréquente sera permise en dépit des protestations, fondées sur le droit, des avocats chargés de représenter les témoins." Cette citation se trouve dans le Devoir du mercredi 12 mars 1982.

Le manque de formation des coroners ne peut que favoriser de tels accrocs aux règles élémentaires de la preuve en matière criminelle.

Voilà pour la loi actuelle. Maintenant, nous verrons les modifications qui se trouvent dans le projet de loi 36.

Le projet de loi 36 prévoit qu'à la suite de son investigation, le coroner rédige un rapport et s'il est d'avis qu'une enquête avec audition des témoins sera utile, il en fait la recommandation au coroner en chef. Ce dernier décidera s'il y a lieu de tenir une enquête avec audition des témoins et il l'ordonnera s'il est convaincu que c'est nécessaire, notamment, pour obtenir les informations propres à établir les causes probables ou les cironstances du décès pour permettre à un coroner de formuler des recommandations visant une meilleure protection de la vie humaine ou encore pour informer le public sur les causes ou les circonstances du décès.

Le coroner en chef désigne de plus le coroner qui préside l'enquête (article 105). La Loi actuelle sur les coroners précise au contraire que c'est le coroner qui, en principe, décide s'il doit y avoir une enquête. Il en va de même en Ontario. Nous comprenons mal l'ingérence du coroner en chef dans un domaine qui, historiquement, a toujours relevé des simples coroners. Puisque le projet de loi précise bien que l'enquête porte sur les causes probables ou les circonstances d'un décès, nous croyons que c'est le coroner qui est le mieux placé pour déterminer la nécessité d'une telle enquête et ce, afin de remplir le plus fidèlement possible le mandat qui lui est confié par la loi.

Le projet de loi 36, malgré ses apparences, n'est aucunement garant du respect des droits de la personne, notamment, le droit de ne pas s'incriminer. Lors de l'enquête, le coroner peut assigner, afin de l'interroger, toute personne qu'il croit être en mesure de fournir des informations utiles ou de nature à l'éclairer (article 108). Cette personne doit de plus répondre aux questions posées (article 119) même si ses réponses peuvent l'incriminer. Le projet de loi prévoit cependant qu'une personne qui fait l'objet d'une poursuite criminelle pour un décès ne peut être contrainte de témoigner devant le coroner (article 121). Or, il suffira que l'on attende la fin de l'enquête du coroner pour accuser formellement le témoin important et éviter ainsi l'application de cette disposition.

Lorsque le coroner a des motifs de

croire qu'une personne qu'il veut assigner comme témoin ne se présentera pas, il ne pourra plus, selon le projet de loi, ordonner lui-même l'arrestation de ce témoin, mais devra plutôt s'adresser à un juge de. la Cour des sessions de la paix ou de la Cour provinciale afin que celui-ci décerne un mandat d'arrestation (article 112).

La Cour suprême du Canada a déjà dénoncé, comme je viens d'expliquer, comment le pouvoir d'arrestation et de détention des coroners permettait aux policiers d'interroger une personne dans des conditions de détention plus propices à l'obtention d'aveux incriminants et non pas en vue d'assurer sa présence à l'enquête du coroner. Nous ne voyons pas très bien comment le fait de passer par un juge pourra mettre fin à de tels abus. D'ailleurs, le pouvoir de détention préventif que nous ne retrouvons pas dans la loi de l'Ontario nous apparaît exorbitant, compte tenu du fait que l'enquête du coroner n'est pas un procès et qu'il s'agit tout simplement d'établir les causes ou les circonstances du décès.

Je ne veux pas nuire au travail efficace réalisé par nos corps policiers qui sont parmi les meilleurs en Amérique du Nord. Cependant, la détention préventive n'est guère essentielle dans leur travail. Si nos policiers manquent d'outils pour accomplir leurs tâches, nous sommes prêts à considérer cela et à leur en fournir d'autres, le cas échéant.

En outre, le projet de loi prévoit la possibilité pour une tierce personne, association, ministère ou organisme, de participer à l'enquête à titre de personne intéressée (article 129). Cette dernière peut alors demander au coroner d'assigner un témoin, et tout comme le procureur ou l'assesseur qui assiste le coroner, l'interroger et même contre-interroger les autres témoins. Ne risquons-nous pas ici de modifier les objectifs de l'enquête? Il faut, certes, éviter que l'enquête du coroner dégénère en procès ou serve à bâtir une preuve de responsabilité civile, ou encore permette à la couronne de trouver des éléments lui permettant de porter une plainte pénale par la suite. Peut-être faudrait-il conférer au coroner, comme le précise d'ailleurs la loi de l'Ontario, le pouvoir de limiter, dans certaines circonstances, l'interrogatoire d'un témoin. (21 h 50)

Enfin, mentionnons que le projet de loi 36 ajoute que l'enquête demeure publique (article 133). Cependant, l'article 137 spécifie que: "S'il l'estime nécessaire à l'intérêt public ou à la protection de la vie privée d'une personne, de sa réputation ou de ses droits à un procès juste et équitable, le coroner peut, d'office ou sur demande, interdire la publication ou la diffusion de certaines informations relatées ou pouvant être relatées au cours de l'enquête." Il ne s'agit donc pas d'un droit conféré au témoin appelé à témoigner devant le coroner, mais la question de la publication ou de la diffusion des éléments rapportés devant ce dernier relève de son entière discrétion qui, lorsque exercée, doit, de plus, se limiter à certaines informations. C'est seulement lorsqu'une personne fait l'objet d'une poursuite criminelle, qu'il est interdit de publier ou de diffuser la preuve faite à l'enquête (article 136). Y a-t-il vraiment une distinction à faire entre une personne qui fait l'objet d'une poursuite criminelle et une autre que l'on sait devoir faire l'objet d'une poursuite criminelle après l'enquête?

En conclusion, M. le Président, j'aimerais dire ceci: Au cours des dernières années, la présente Loi sur les coroners qui est composée de 46 articles a donné lieu à de très nombreuses critiques. Afin d'y répondre, le ministre de la Justice nous propose, après sept ans de réflexion, semble-t-il, un projet de loi qui comprend 202 articles et qui s'intitute Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. Malgré le grand nombre d'articles, il s'agit d'un projet de loi décevant qui apporte peu de nouveau. Son principal mérite serait d'interdire au coroner de se prononcer sur la responsabilité civile ou criminelle d'une personne.

En contrepartie, le ministre suggère une bureaucratisation de la fonction de coroner qui deviendrait, à toutes fins utiles, un simple employé sous la tutelle du coroner en chef. On va établir toute une bureaucratie plus grande ici qu'en Ontario, où il y a plus de population et plus de coroners. À vrai dire, les pouvoirs que le ministre veut voir conférer au coroner en chef apparaissent exorbitants. Nous sommes donc loin de cette conception historique du rôle de coroner qui veut que ce dernier soit un officier public indépendant, capable de faire enquête de façon impartiale sur les cas de décès survenus dans des circonstances plus ou moins obscures ou violentes et de rassurer le public.

Bien que le projet de loi 36 veuille limiter le rôle de coroner à la recherche des causes et des circonstances des décès survenus dans des circonstances douteuses, il continue plus que jamais à faire partie de l'appareil judiciaire pénal alors que l'enquête continuera, par exemple, à constituer une sorte de procès pour le témoin important avec la différence qu'il pourrait peut-être assigner les témoins et les interroger. Enfin, rien ne garantit dans le projet de loi 36 la protection de la vie privée d'une personne ou de sa réputation, le respect de la présomption d'innocence ou encore le droit de ne pas s'incriminer. La plupart des problèmes de fond ne sont donc pas résolus dans ce projet de loi.

Bref, ce que le ministre de la Justice nous propose avec le projet de loi 36, c'est plutôt l'illusion d'une réforme de la Loi sur les coroners. L'Opposition ne peut pas voter pour une illusion. Nous voulons, cependant, voter pour une réforme.

Nous sommes prêts à collaborer avec le ministre afin d'améliorer ce projet de loi qui doit être réécrit. Dans ce but, nous réclamons une autre fois la convocation de la commission permanente de la justice afin d'entendre certains organismes, tels que les chefs de police, le barreau, l'Association des avocats de la défense et les groupes dédiés à la défense des droits.

Je vois le leader du gouvernement ici, peut-être va-t-il convaincre son ministre de la Justice de donner ce privilège aux gens de venir se faire entendre en commission parlementaire.

Enfin, nous voterons contre ce projet de loi en deuxième lecture, nous voterons contre cette illusion de réforme que le ministre a encadrée dans le projet de loi 36 et j'espère que le ministre va prendre le temps en commission parlementaire d'entendre des gens qui aimeraient se faire entendre, de faire des amendements à ce projet de loi et en fait, d'écrire à nouveau ce projet de loi avant qu'il ne soit adopté, parce que la majorité est malheureusement de l'autre côté de la Chambre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais demander l'ajournement de ce débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, en vous indiquant que demain matin nous entreprendrons nos travaux à dix heures par l'étude du projet de loi 48 sur les pêches et l'aquaculture. Je voudrais faire motion pour que nous ajournions nos travaux à demain matin dix heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Nos travaux sont ajournés à demain matin dix heures.

(Fin de la séance à 21 h 57)

Document(s) associé(s) à la séance