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(Dix heures deux minutes)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Un moment de recueillement.
Vous pouvez vous asseoir.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 22) de notre feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi 48 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième lecture
du projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales
et modifiant d'autres dispositions législatives. La parole est au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le
ministre.
M. Jean Garon
M. Garon: Un instant, M. le Président. Quand on est
obligé de faire des discours pour démentir constamment les propos
du ministre fédéral des Pêches, cela nous oblige à
référer dans le temps à des documents qui ont un an, deux
ans, trois ans pour démontrer que ce qu'on dit est vrai et que ce que le
ministre fédéral des Pêches dit n'est pas exact.
Le projet de loi 48 sur les pêcheries et l'aquaculture
commerciales que nous étudions aujourd'hui représente une
étape importante dans l'histoire des pêches au Québec. Par
ce projet de loi, le Québec affirme sa volonté d'assumer
pleinement sa juridiction sur son territoire immergé et par
conséquent, d'émettre des permis d'utilisation de son territoire
pour des fins de pêche à l'aide d'engins fixés ou
déposés au fond de l'eau. En agissant de la sorte, le
Québec entend se doter d'un instrument de gestion suffisamment puissant
pour assurer l'utilisation rationnelle et la plus profitable possible pour la
population de notre territoire maritime et de notre économie en
général. Le projet de loi permet de plus au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de jeter les bases
d'une vaste politique de développement de l'aquaculture, activité
considérée par l'Organisation mondiale de l'alimentation comme
une des principales voies d'avenir pour relever le défi de nourrir la
population du globe d'ici à l'an 2000. Pour ce faire, il affirme la
juridiction de l'Assemblée nationale sur ce champ d'activité
relativement neuf et instaure un régime de permis pour les
établissements piscicoles pratiquant l'élevage à des fins
commerciales de poissons, crustacés, mollusques, etc., ou encore la
culture des plantes aquatiques.
Enfin, dans un souci d'efficacité et pour combler le vide
juridique créé en juillet dernier lors de l'annulation
unilatérale de l'entente de 1922 par laquelle le gouvernement
fédéral déléguait au Québec d'importants
pouvoirs dans le domaine des pêches. Le projet de loi clarifie le partage
des responsabilités entre le ministre de l'Environnement, le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. Il mettra fin aux zones grises dans le
partage des responsabilités qui, par le passé, ont ralenti la
mise en valeur des ressources de nos eaux intérieures. Il en
résultera un développement plus grand et plus harmonieux de la
pêche commerciale, de l'aquaculture et de la pêche sportive dans le
respect des vocations propres à chaque ministère.
Depuis des siècles au Québec meurent des poissons qu'on
aurait pu pêcher pour nourrir des centaines, voire des milliers de
personnes. Traditionnellement, sous les gouvernements tant bleus que rouges qui
ont défilé au Québec, à cause des imbroglios
juridiques tant entre les ministères qu'entre Québec et Ottawa,
des ressources considérables n'ont jamais été
utilisées alors qu'elles auraient pu faire vivre des milliers de
personnes au Québec.
Ce projet de loi clarifie les juridictions entre Ottawa et Québec
et également entre les différents ministères
québécois. On se rendra compte que, quand la constitution parle
de pêche, elle ne parle pas d'élevage de poisson. Il y a une
grande distinction entre la capture du poisson et l'élevage du poisson
dans un enclos où on peut produire des tonnes de poisson; c'est un
poisson qui devient sédentaire plutôt que nomade.
J'ai eu l'occasion, l'an dernier, d'aller en Asie et de voir à
quel point l'élevage du poisson peut développer des ressources
considérables. Un territoire comme le nôtre comprend des milliers
de kilomètres de côtes, d'eaux intérieures et d'eaux
côtières, et j'y reviendrai.
Le but premier du projet de loi est de permettre au Québec
d'occuper la place qui lui revient dans la gestion des pêches sur son
territoire. L'enjeu n'est pas la couleur du drapeau qui flottera au mât
des bateaux patrouilleurs chargés d'appliquer les règle-
ments de pêche ou sur tel édifice de la Gaspésie ou
des Îles-de-la-Madeleine; l'enjeu est l'avenir même du territoire
maritime qui, par sa population et son étendue, devrait occuper une
place plus importante que celle qu'il occupe actuellement dans l'ensemble du
secteur des pêches de l'Atlantique.
Depuis maintenant trois ans, je dirais même cinq ans, le
Québec a mis sur pied un plan d'action qui permet déjà
à notre industrie des pêches de relever la tête,
après avoir été pendant si longtemps le parent pauvre des
pêches de l'Atlantique.
Je parlerai de ce plan d'action dans les minutes qui viennent, mais
qu'il me soit permis de dire dès maintenant que le Québec a pris
une avance décisive sur la question cruciale de la qualité. Ce
fait est reconnu par M. Kirby lui-même, celui à qui le premier
ministre Trudeau a confié, par-dessus la tête de son ministre des
Pêches, le mandat de sauver du naufrage les pêches de l'Atlantique
en faillite mais aussi sous juridiction fédérale depuis
toujours.
Alors que ni du côté fédéral, ni du
côté des autres provinces, on n'aperçoit l'ombre d'une
solution au problème de la qualité des produits marins, que ce
soit au niveau législatif, au niveau réglementaire ou à
celui des systèmes d'inspection, le Québec possède depuis
décembre 1981, pour ce qui est de la loi, la Loi sur les produits
marins, et en mai 1982, pour ce qui est du règlement, un outil de
premier ordre pour relever le défi de la qualité. Il s'agit de la
Loi et du règlement sur les produits agricoles, les produits marins et
les aliments qui seront encore améliorés par le projet de loi 49
que nous étudierons au cours des prochains jours.
Alors que le fédéral et les autres provinces en sont
encore à se demander si le poisson doit être
éviscéré à bord des bateaux et s'il convient de
trier les prises selon leur longueur et leur qualité à leur
arrivée à l'usine ou à leur arrivée au quai,
l'éviscération à bord se fait déjà à
peu près à 100%, quand c'est possible, au Québec et
après une période d'essai de deux ans dans un certain nombre
d'usines, le triage sera obligatoire partout sur notre territoire à
compter du 1er avril 1984 puisque nous avons commencé par cinq usines en
1982 et que nous avons 22 usines en 1983. Le triage sera étendu à
l'ensemble du territoire québécois et le poisson sera trié
selon la qualité dès son arrivée à l'usine. (10 h
10)
Alors que le gouvernement fédéral n'a aucune norme lui
permettant de déterminer ce qu'est un poisson de qualité, hormis
le fait de statuer que les produits pourris doivent être
écartés, le Québec a entrepris la préparation de
cahiers de normes sur le modèle Scandinave qui, pour chaque produit
marin, permettront de guider les inspecteurs.
La "Qualité Québec" sera élevée et uniforme,
peu importe l'endroit d'où proviendront les produits parce qu'ils
devront rencontrer les mêmes standards partout.
Cette qualité constitue la clé des marchés
intérieurs comme des marchés extérieurs. Par
conséquent elle est la clé d'un développement
économique sans précédent pour notre territoire
maritime.
Le dynamisme dont fait preuve le Québec sur cette question vitale
par rapport à l'impuissance du côté fédéral
et des autres provinces est au coeur même du débat qui nous oppose
au gouvernement fédéral dans ce dossier.
Derrière le discours officiel de la relance des pêches, des
dizaines, peut-être des centaines de milliers de dollars d'annonces dans
les journaux, d'annonces à la radio, d'annonces à la
télévision, que nous livre M. De Bané depuis des mois, en
promettant et repromettant sans cesse les mêmes millions, à
diverses conférences de presse, les mêmes millions qui ne viennent
jamais, se cache une volonté fédérale de remettre le
Québec à sa place, une place, il va sans dire, petite comme elle
a toujours été dans le passé.
Je suis le ministre responsable des pêches depuis un peu plus de
trois ans et j'ai été, pendant tout ce temps, responsable de
dossiers de développement économique. J'ai donc l'habitude de
voir les efforts du Québec pour se tailler une place dans
l'économie canadienne être piétinés par le
gouvernement fédéral. Mais c'est sans doute dans le domaine des
pêches que l'affrontement est le plus marqué entre la
volonté du Québec d'utiliser sa main-d'oeuvre et ses ressources
au maximum et la volonté fédérale de restreindre le
développement économique du Québec pour qu'il ne nuise pas
trop à celui des autres provinces. Cela s'est concrétisé
de façon éclatante le 11 juillet dernier alors que le ministre
fédéral des Pêches et des Océans, M. Pierre De
Bané, a mis fin unilatéralement à l'entente qui
définissait le partage des responsabilités entre Ottawa et
Québec. D'un trait de plume, M. De Bané n'a pu souffrir une
entente de 61 ans qui avait été administrée au cours des
années par des ministres anglophones de presque toutes les provinces
maritimes du Canada; M. De Bané n'a pu souffrir quelques mois de cette
entente et a tenté d'effacer, en même temps que 61 ans de
présence québécoise sur les eaux du golfe, tout ce qui
nous singularisait et nous permettait d'aller plus rapidement que les autres
provinces.
Les gens du territoire maritime sont des gens sages. Ils savent que M.
De Bané est temporaire. Dans son cas, temporaire veut peut-être
dire encore quelques mois. Au cours des 100 dernières années, il
y a eu un ministre québécois des Pêches et des
Océans, pendant un an ou deux. Essentiellement, ce
furent des ministres des autres provinces, et les gens savent que tous
les hauts fonctionnaires du ministère fédéral des
Pêches et des Océans sont des gens de Terre-Neuve ou de la
Nouvelle-Écosse et qu'il n'y a aucun poste de commande important
occupé par des Québécois à Ottawa. Je dirais plus:
dans le rapport de la commission Kirby, vous pouvez lire tous les noms de ceux
qui ont fait partie de la commission, ceux qui ont fait partie des services de
recherche, à quelque niveau que ce soit; vous ne trouverez aucun nom de
Québécois, sauf des gens de langue française pour les
services de traduction. Qu'on ne vienne pas me dire, M. le Président,
surtout pas le député de Nelligan, que le rapport Kirby a
été fait pour le Québec.
En neuf mois, M. Kirby a passé une journée et demie au
Québec. M. De Bané a cependant oublié une chose. L'entente
de 1922, par son existence même, a obligé le Québec
à faire toutes sortes de compromis quant à ses propres pouvoirs
dans le domaine des pêches. Entre autres, au début des
années soixante-dix, lors du remplacement de la loi de la pêche
par la Loi sur la conservation de la faune, le gouvernement d'alors avait fait
disparaître tous les articles permettant d'asseoir la juridiction
québécoise sur les terres publiques immergées en raison de
l'existence de cette entente.
En dénonçant un accord vieux de 61 ans et qui, depuis
trois ans, donnait de meilleurs résultats que jamais avec le
réveil des pêches constaté au Québec, M. De
Bané a mis en branle un processus de réajustement qui
amène le Québec à occuper toute la place qui lui revient
dans ce secteur, non plus sur la base d'une délégation de
pouvoirs, mais sur celle beaucoup plus solide de sa propre juridiction.
M. le Président, je ne le ferai pas dans mon discours de
première lecture, mais je le ferai sans doute en reprise, si c'est
nécessaire; je référerai aux causes de jurisprudence du
Conseil privé de Londres qui ont établi la démarcation de
juridiction entre Ottawa et Québec, entre le fédéral et
les provinces dans le secteur des pêches. Le Conseil privé, le
tribunal supérieur, disait clairement alors que si le gouvernement
fédéral avait juridiction dans le domaine des pêches, sur
le plan constitutionnel, il ne s'agissait pas d'un droit exclusif et que ce
droit était assujetti aux autres droits mentionnés dans la
constitution. M. Trudeau aime la constitution, mais dans le secteur des
pêches, nous allons manger un peu de constitution.
L'article 4 du projet de loi permet donc au ministre "de concéder
le droit d'utiliser la portion de la rive ou du lit...". M. De Bané,
disait, le 11 juillet: La rive! les tribunaux ne disent pas la rive seulement,
"de la rive ou du lit qui fait partie du domaine public pour y fixer ou y
déposer des engins ou des installations destinés à la
pêche commerciale."
En d'autres mots, il s'agit de l'instauration d'un régime de
permis d'utilisation du territoire pour des fins de pêche. Les types de
pêche touchés sont ceux impliquant la fixation d'engins de
pêche aux rives ou au lit de l'eau. Il s'agit de la pêche du
homard, du crabe et des poissons de fond - la morue, le flétan et la
plie - à l'aide d'engins fixes tels que les cages, trappes, filets
maillants et palangres.
La très grande majorité des quelque 25 000 permis de
pêche commerciale délivrés par le Québec avant que
le fédéral commence à gruger le contenu de l'entente de
1922, en 1982, tombe dans l'une ou l'autre de ces catégories. En fait,
seules les pêches pratiquées au moyen d'engins qui ne sont pas
fixés au fond ou placés sur le lit immergé
échappent à l'obligation de détenir un permis
d'utilisation du territoire québécois en plus du permis de
pêche fédéral. Il s'agit, entre autres, de la pêche
au chalut, qui n'implique pas un grand nombre de permis, mais des
quantités importantes de poisson. D'ailleurs, c'est pour cela que les
gouvernements du Québec et d'Ottawa avaient convenu d'une entente en
1922 et qu'au cours de ces années, pendant 61 ans, des gens beaucoup
plus sages que M. De Bané, beaucoup moins vindicatifs que M. Trudeau
-dans leur esprit, je suppose, le fédéralisme coopératif
est mort, comme le dit M. Trudeau depuis quelques années - ont bien
voulu faire une entente qui représentait un aménagement pas
parfait, mais un aménagement pour gérer les pêches
conjointement au Québec.
Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation conservera donc sa Direction de la protection qui emploie
présentement 85 employés permanents et 17 occasionnels dont 66
agents de pêcheries. Cette direction gère, en 1983-1984, un budget
de 4 300 000 $ et exploite six bateaux patrouilleurs. Au cours de l'hiver 1983,
la Direction de la protection a émis, au début de l'année
1983, des permis de pêche à plus de 4000 pêcheurs et 7000
aide-pêcheurs. M. De Bané, dans un autre de ses mensonges dont il
a le secret et surtout la manie, a dit que la protection nous coûterait
au minimum 50 000 000 $ dans cinq ans. J'espère qu'il ne fait pas ses
prévisions de cette façon, car ce n'est pas vrai. La protection
nous coûte environ 4 000 000 $ et ce n'est pas 10 000 000 $ par
année.
Je sais toute l'inquiétude que la décision du gouvernement
fédéral de mettre fin à l'entente de 1922 a
suscitée chez ces personnes, les agents des pêches qui travaillent
pour le gouvernement du Québec. J'aimerais leur dire ceci: Le
Québec a toujours besoin d'eux, non plus pour faire
respecter les règlements de pêche au Canada, mais bien les
règlements d'utilisation du territoire immergé et des rives du
Québec. C'est pourquoi la Direction de la protection au sein du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du
Québec sera maintenue et qu'aucun employé ne sera démis de
ses fonctions. Nous avons l'intention d'utiliser nos employés
permanents, de même que nos employés occasionnels pour faire de la
protection en fonction de nos propres règlements. C'est pourquoi je
veux, ce matin, indiquer d'une façon très claire à ces
employés du ministère des Pêcheries du Québec de ne
pas être inquiets, de ne pas penser que nous avons l'intention de les
abandonner, mais qu'au contraire leurs services seront requis autant dans
l'avenir qu'ils l'ont été dans le passé. La connaissance
de ces employés des pêcheurs, de nos eaux et du milieu marin sont
des atouts précieux pour atteindre l'objectif que nous nous sommes
fixé, soit l'utilisation la plus rationnelle possible de nos ressources.
(10 h 20)
Pourquoi le Québec a-t-il besoin de cet outil de gestion? Le
Québec a-t-il vraiment besoin de cet outil de gestion que seront les
permis d'utilisation de son territoire à des fins de pêche? La
réponse à cette question, M. le Président, est oui et pour
plusieurs raisons. Ces permis sont un instrument de développement
économique et social de la première importance pour des
régions entières du Québec. La façon dont cet outil
sera utilisé peut modeler ce développement, le ralentir,
l'accélérer ou l'orienter dans telle ou telle direction. Ainsi,
pour capturer une même quantité de poisson, l'autorité qui
émet les permis peut décider que cinq gros pêcheurs se
partageront la ressource, quinze moyens ou quarante petits.
Quand j'entendais M. De Bané qui disait: Cela prend de grosses
usines; je dis qu'une usine de 15 000 000 de livres ne produit pas plus de
poisson que trois usines de 5 000 000 de livres. Le problème n'est pas
une question de grosseur d'usine, mais de contrôle de la qualité.
Comme M. De Bané n'a pas le courage d'admettre que son service
d'inspection ne vaut rien, ne donne aucune garantie de qualité, il n'est
pas capable de corriger le problème où il est. C'est pourquoi le
poisson canadien sur les marchés américains est
déclassé, parce que le service d'inspection fédéral
n'a jamais joué le rôle qu'il devait jouer. C'est pourquoi,
après avoir adopté nos lois et nos règlements, à
partir du 1er avril 1984, le gouvernement du Québec assumera
lui-même l'inspection du poisson produit sur le territoire
québécois et mis en marché sur le territoire
québécois. Ce sera l'assurance que nous donnerons aux producteurs
québécois, aux pêcheurs québécois d'aller
chercher le meilleur niveau de prix sur le marché, mais aussi aux
consommateurs d'avoir une qualité standard avec des normes minimales
beaucoup plus élevées que ce que leur a garanti jusqu'à
maintenant - il ne leur a pas garanti, il n'y a pas de garantie - le
gouvernement fédéral.
Les permis sont, M. le Président, une forme de
développement en fonction de nos besoins. Il faut prévoir adapter
le modèle de développement à la réalité de
chaque région et cela, le gouvernement du Québec a amplement
prouvé qu'il est plus en mesure de le faire que le gouvernement
fédéral. Prenons l'exemple de la pêche au crabe sur la
Basse-C6te-Nord. Alors qu'ailleurs les pêcheurs ont jusqu'à 150
casiers chacun, j'ai été voir M. De Bané l'an dernier pour
lui demander de diminuer le nombre de casiers par pêcheur parce que cela
permettrait à plus de gens de gagner leur vie. Les gens se rendent
compte à l'usage actuellement que 150 casiers, c'est beaucoup de casiers
et que souvent, on n'a pas le temps de relever tous les casiers. Il y a une
perte de ressources inutilement, alors qu'il y aurait une meilleure utilisation
de la ressource si le nombre de casiers était moins grand par
pêcheur. M. De Bané s'est retourné vers son sous-ministre
adjoint et lui a demandé, les yeux fermés: Qu'en pensez-vous? Le
sous-ministre adjoint a dit: Impossible! - croyez-le ou non - parce que nous
sommes incapables de vérifier le nombre de casiers qu'a chaque
pêcheur. J'ai été sidéré et estomaqué
d'entendre cette réponse d'un sous-ministre adjoint aux Pêches du
gouvernement fédéral, parce que ce n'est pas plus difficile de
contrôler 50 que 150, 100 que 150. Si on met un nombre de 150
actuellement, c'est parce qu'on va être capable de contrôler 150.
Je dis que c'est aussi difficile de contrôler 150 que 100 ou 50 et
actuellement, en donnant cette réponse, c'était un aveu
d'impuissance épouvantable.
Quant à nous, dans le domaine où nous avions le pouvoir
d'émettre ces permis, nous avons préféré, dans la
Basse-Côte-Nord, où les ressources autres que la pêche sont
peu ( abondantes, à la demande même du milieu, à
la demande même des pêcheurs, faire profiter le plus grand nombre
de personnes de cette pêche lucrative. Nous avons émis 40 permis
pour 50 cages chacun à autant de pêcheurs. Plutôt
qu'émettre un grand nombre de permis à quelques pêcheurs,
nous avons préféré diviser le nombre de cages, qui est
resté le même en fonction de ce que peut offrir la ressource,
à un plus grand nombre de pêcheurs comme pêche d'appoint
après la pêche à la morue pour que les gens puissent faire
un revenu décent sur une base annuelle. C'est pourquoi j'ai dit à
plusieurs reprises à M. De Bané qu'il est important que le
secteur des pêches soit géré à partir des provinces
plutôt qu'à partir d'Ottawa.
Je ne crois pas qu'on fasse dans un territoire côtier des
pêches avec des bateaux de plus de 100 pieds, alors que les bateaux de 65
pieds et moins ou de 55 à 65 pieds sont encore beaucoup plus efficaces
en termes de rentabilité et permettent à beaucoup plus de
personnes de gagner leur vie. Il faut être capable d'adapter des
modèles en fonction des besoins de notre territoire. La pêche sur
la Côte-Nord, la pêche en Gaspésie et dans la baie des
Chaleurs ou dans le territoire Cloridorme-Saint-Maurice,
Rivière-au-Renard, Anse-au-Griffon, n'est pas nécessairement la
pêche qu'on va trouver à Lunenburg en Nouvelle-Ecosse ou qu'on va
trouver à Terre-Neuve dans les territoires qui ont accès aux 200
milles. Il s'agit de modèles différents et actuellement on est en
train d'essayer d'imposer à Ottawa un modèle unique en mentant
systématiquement à la population. Ce qu'on est en train de faire,
c'est d'essayer de nationaliser sous de faux prétextes les pêches
au Canada. Et j'en donnerai la preuve tout à l'heure.
Il est faux - c'est un mensonge flagrant de M. De Bané - de dire
qu'il n'y a pas d'investissement privé qui puisse se réaliser
dans le secteur des pêches. Au contraire, M. De Bané, en accord
avec les créanciers de Pêcheurs unis, actuellement, essaie
d'empêcher par tous les moyens, par les menaces même, les gens du
secteur privé d'investir dans le secteur des pêches. Malgré
cela, malgré les menaces, malgré qu'ils se soient fait prendre en
otage par la CSN dans un cas, ils continuent parce qu'ils veulent diriger
eux-mêmes les pêches chez eux. Les gens ont du courage, ils veulent
assumer eux-mêmes leur propre développement. Ils veulent compter
sur leurs propres moyens, comme le disait autrefois la CSN. Ils veulent que
l'investissement vienne de leur région. Ce projet vient les appuyer et
j'aurai l'occasion d'en reparler un peu plus tard.
Le Québec a entrepris de rationaliser son industrie des
pêches. Un des principaux objectifs que nous nous sommes fixé dans
cette perspective est de coordonner l'effort de pêche dans une
région donnée avec la capacité de transformation qu'on y
retrouve. Les permis d'usine que nous avons commencé à
émettre et qui seront obligatoires à compter du 1er janvier 1985
comportent des quotas pour des espèces précises de façon
à éviter que certaines usines ne soient surutilisées
pendant que d'autres ne le sont pas assez. Tout cela dans une perspective de
développement économique le plus rationnel possible et mieux
réparti sur l'ensemble du territoire. Il est évident que si nous
n'avons aucun contrôle sur l'effort de pêche censé
approvisionner ces usines, toute rationalisation est impossible au point de
départ.
Le gouvernement a investi, depuis 1977, des dizaines de millions de
dollars en subventions directes et en prêts sans intérêt ou
à faible taux d'intérêt dans le renouvellement de la flotte
de pêche. Nous devons pouvoir nous assurer que ces importants fonds
publics sont bien utilisés et vont à des pêcheurs dont nous
avons pu nous-mêmes nous enquérir du professionnalisme et de la
solvabilité. Le choix du Québec a été, depuis
l'instauration de la nouvelle formule d'émission des permis en 1981, de
privilégier les personnes dont la pêche est la principale
activité tant pour l'émission des permis que pour les subventions
à l'achat d'un bateau. Finis les permis sur le territoire maritime sous
l'administration du gouvernement actuel à des "chums" restaurateurs,
à des "chums" hôteliers, à des "chums" professionnels,
à des "chums" professeurs d'école, à des gens qui, au
fond, enlevaient le pain de la bouche des pêcheurs qui ont des revenus
à faible niveau. C'est pourquoi, sur la Basse-Côte-Nord, le revenu
qui était, à l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel,
de 2500 $ par année, atteint aujourd'hui 10 000 $. Dans l'espace de six
ans, les revenus ont quadruplé sur la Basse-Côte-Nord parce que
nous avons vu à ce que la pêche soit faite par des gens dont c'est
la principale occupation plutôt que par des gens qui venaient s'amuser
à pêcher en enlevant le pain de la bouche de ceux qui avaient
besoin de cette ressource pour gagner leur vie. (10 h 30)
II y a, le long de nos côtes, autour de l'île Anticosti et
des Îles-de-la-Madeleine, des zones de pêche qui,
traditionnellement, ont été exploitées par nos
pêcheurs avec des méthodes de pêche typiques du
Québec. Comme gouvernement, peut-on prendre le risque de laisser
à un autre palier d'autorité, qui doit tenir compte des pressions
des pêcheurs de toutes les provinces, la responsabilité exclusive
de décider qui pêche quoi, où, comment, quand et en quelle
quantité? Ceux qui croient que nous souffrons de paranoïa lorsque
nous nous posons ces questions n'ont qu'à demander aux Gaspésiens
s'ils se souviennent des seineurs à hareng de la B.C. Packers auxquels
le gouvernement fédéral a fait traverser le canal de Panama en
1966 pour venir pêcher jusque dans la baie de Gaspé. Cela en a
été fait pour longtemps de la pêche au hareng en
Gaspésie. Nous savons tous les pressions que les seineurs de la
Nouvelle-Écosse font sur le gouvernement fédéral pour
qu'il leur ouvre toutes grandes les portes du golfe. Ce ne sont pas des menaces
à prendre à la légère, M. le Président.
De façon plus générale, nous avons besoin d'outils
nous permettant de développer nos pêches selon un modèle
adapté à notre réalité et pouvant même
être modifié d'une région à l'autre pour tenir
compte des particularités de chacune.
La pêche que nous pratiquons au Québec est adaptée
au golfe. Elle est soit côtière, soit hauturière, mais avec
des bateaux de moins de 65 pieds qui n'appartiennent pas à des usines
mais à des pêcheurs indépendants. Nos usines sont
généralement de petite taille et autonomes comparativement aux
usines de Terre-Neuve. Si l'on fait exception du groupe Pêcheurs unis qui
n'a pas été un succès, la modèle de Terre-Neuve et
de la Nouvelle-Écosse, avec ses grosses corporations,
propriétaires elles-mêmes de l'essentiel de la flotte
composée de bateaux de plus de 100 pieds, ne nous convient pas parce
qu'on pourrait vider le golfe dans quelques jours, M. le Président. On
peut toutefois craindre que ce soit le modèle qu'Ottawa veuille nous
imposer quand on regarde M. De Bané agir dans le dossier de
Pêcheurs unis et des entreprises en faillite dans l'Est du Canada.
Les projets de loi 48 et 49 ne sont que les plus récents
éléments d'un plan d'action très complet que le
gouvernement met en place depuis trois ans et qui vise à faire de nos
pêches un secteur moderne, capable de rivaliser, par la qualité de
ses produits, avec ce qui se fait de mieux au monde.
Je veux répondre ici à quelques arguments du ministre
fédéral des Pêches qui a mentionné dans son discours
de présentation de la loi C-170 une foule de choses qui sont
complètement inexactes. Quand il dit, par exemple, que Pêcheurs
unis est une filiale du Mouvement Desjardins, il devrait savoir que celui-ci
n'a pas de filiale en dehors du secteur des caisses d'épargne et de
crédit, que le Mouvement Desjardins n'a pas d'investissement, sauf sous
forme de prêts, dans le secteur des pêches, et il ne s'agit pas
d'une filiale. Quand il laisse entendre que j'ai fait de la surenchère,
il ment effrontément et je vais vous en donner la preuve. Les
difficultés de Pêcheurs unis datent depuis longtemps. J'ai
écrit, en octobre 1981, à M. Richard Lapointe, président
de Madelipêche, pour lui demander de faire une étude - lorsqu'il
fallait payer le déficit de Madelipêche - sur la gestion et
l'administration de Madelipêche. De fait, cette étude a
été faite par Madelipêche et aussi par Pêcheurs unis,
et c'est le rapport Mallette qui a été publié. Cela a
été fait parce que pour payer le déficit de
Madelipêche j'ai exigé qu'une étude soit faite parce que je
considérais qu'il y avait une mauvaise administration. Je mets au
défi les gens de Pêcheurs unis de publier le rapport Mallette qui
est. une attaque très dure à l'administration de Pêcheurs
unis. D'ailleurs, ce n'est pas une étude - ce n'est pas moi qui ai
choisi la firme; c'est Pêcheurs unis elle-même qui a choisi la
firme - c'est un rapport qui est très important - les deux rapports
ensemble doivent avoir une épaisseur de deux pouces - et qui analyse
l'administration de Pêcheurs unis sous tous ses angles. L'attaque est
très dure contre l'administration de Pêcheurs unis, à
quelque niveau que ce soit, qu'il s'agisse de la commercialisation, du
contrôle de la qualité, du contrôle des coûts, de la
comptabilité, des relations du travail, des processus
décisionnels. C'est une attaque très dure au plan interne.
Cette firme avait été choisie par Pêcheurs unis
elle-même et, à la suite de cette étude, j'ai écrit,
le 2 juillet 1982, une lettre au président de Pêcheurs unis lui
offrant l'aide du gouvernement de Québec, mais à des conditions
de redressement financier, de rationalisation des activités. C'est une
lettre dans laquelle il y a plusieurs conditions, parce que je tiens compte de
l'étude qui a été faite. Malheureusement, le gouvernement
fédéral, voulant sans doute un jour mettre la main sur
Pêcheurs unis et préférant Pêcheurs unis en faillite
qu'en situation redressée, est intervenu pour laisser entièrement
de côté les plans de restructuration proposés par les
études qui avaient été faites par les firmes
engagées par Pêcheurs unis. Comme, dans ma lettre du 2 juillet
1982 que je peux rendre publique, la réponse n'est pas venue, il y a eu,
plus tard, au cours de la même année, une rencontre et j'ai
écrit une nouvelle lettre, le 10 décembre 1982, et voici ce que
je demande aux gens. Je vais lire une partie de la lettre. "Dois-je vous
rappeler que, dès le 3 juillet 1982, devant le conseil d'administration
de Pêcheurs unis réuni à ma demande à Mont-Joli,
j'ai déposé une offre d'aide financière de 701 250 $ sous
la forme d'une prise en charge d'intérêts sur un prêt
à court terme de 8 500 000 $."
M. De Bané devrait modérer ses menteries. Peut-être
que si Pêcheurs unis avait suivi mon plan, elle ne serait pas en faillite
aujourd'hui ou en situation de faillite. Il s'agissait d'une offre très
concrète pour laquelle j'avais reçu l'assentiment du Conseil des
ministres. Ce n'était pas une promesse en l'air. Habituellement, je ne
fais pas de promesse avant d'avoir les autorisations. Ce n'était donc
pas une promesse, mais bien un engagement très ferme. Cette offre
était assortie de conditions et Pêcheurs unis avait dix jours pour
faire connaître sa réponse. À ce jour, malgré des
affirmations contraires, à ce moment-là, je considère -
j'ai écrit la lettre au mois de décembre - toujours que
Pêcheurs unis n'a jamais fait connaître sa réponse à
cette offre qui, par le fait même, n'est plus valable depuis
longtemps.
Ensuite, j'ai fait une nouvelle offre à Pêcheurs unis et je
leur dis: "Pour ce faire, il est nécessaire que Pêcheurs unis ait
d'abord un plan de modernisation complet et chiffré comportant: 1- un
plan de réorganisation de la structure coopérative; 2-
l'intégration des entrepôts frigorifiques; 3- un plan de
modernisation des différentes usines en conformité avec notre
réglementation sur la qualité; 4- un plan de
réorganisation financière; 5- un échéancier de
réalisation." Malgré mes demandes répétées,
je n'ai toujours pas reçu ces informations qui me sont
nécessaires pour évaluer les besoins de Pêcheurs unis.
M. le Président, je dois vous dire que j'ai rencontré
toute la direction, le conseil d'administration au complet, ici, au Parlement,
accompagné du président du Mouvement Desjardins, M. Raymond
Blais, et de quelques hauts fonctionnaires de Pêcheurs unis qui m'ont
dit: Nous allons vous soumettre un document. J'ai dit: J'aimerais que vous
n'attendiez pas l'ouverture de la saison de la pêche pour le faire,
encore avec un hold-up qui est arrivé trop souvent dans le passé.
Qu'est-ce que les pêcheurs ont produit? Les pêcheurs ont
été plus forts que tous les technocrates qui ont gravité
et qui allaient sucer un revenu dans Pêcheurs unis ou allaient siphonner
un revenu de technocrate. Les pêcheurs, eux, ont fait leur devoir. Les
pêcheurs ont produit un document d'une épaisseur d'un pouce dans
lequel ils souhaitent la réorganisation de Pêcheurs unis sur la
base de coopératives régionales. Les gens sont venus
siéger plusieurs journées, dormant trois ou quatre par chambre
pour réduire les frais. Les pêcheurs qui tiennent à leur
entreprise ont fait leur travail. Qu'est-ce qu'ils ont proposé? Ils ont
proposé, à la fin de mars ou au début d'avril, un plan de
réorganisation sur la base de quatre coopératives
régionales.
Qu'est-ce qui est arrivé à la suite de cela, M. le
Président? J'ai écrit trois lettres: une à M. Raynald
Cloutier, président de la Coopérative des pêcheurs de la
Rivière-au-Tonnerre, de la Moyenne-Côte-Nord, la seule; une
à M. Lorenzo Albert, des pêcheurs de Newport; une à M.
Pierre-Marie Cotton, des pêcheurs de la Rivière-au-Renard, dans
lesquelles je fais l'offre sur la même base du prix estimé de
vente des actifs de Pêcheurs unis à des coopératives
régionales. Nous offrons ici une aide de 35% à Pierre-Marie
Cotton, pour une subvention qui pourrait atteindre 280 000 $.
Nous offrons - je vous le dis, au mois d'avril 1983, M. De Bané
n'est pas dans le portrait; il ne s'agit pas de surenchère; il n'est
même pas là - à Newport une subvention de 120 750 $. Les
actifs ont coûté 345 000 $. Comme surenchère à M.
Cloutier, le 22 avril 1983, je lui fais une offre. L'aide consistera dans le
paiement d'une somme égale à 35% des investissements reconnus
comme admissibles et qui peuvent totaliser 240 000 $. Cette subvention ne
devrait pas toutefois dépasser 84 000 $. Au printemps, en avril 1983, il
s'agissait de 84 000 $. À ceux qui ont dit que j'ai fait de la
surenchère, parce que je suis allé les rencontrer après
l'offre du fédéral cet automne, savez-vous combien je leur ai
offert cet automne pour acheter les actifs? Non pas 84 000 $, parce qu'ils
avaient une offre ferme de vente, je leur ai offert 60 200 $, 24 000 $ de
moins. Comme surenchère, ce n'est pas "vargeux". Au printemps, on
pensait que la vente donnerait environ 240 000 $, mais la vente a
été de 172 000 $, et on leur a offert 60 200 $ pour
acquérir les actifs, offre dont ils se sont prévalus, mais en
même temps - cela avait toujours été compris dans le temps
- il y aurait modernisation, acquisition des entrepôts frigorifiques et
modernisation de la machine à glace. C'était à part
l'acquisition. Sur la même base que tout ce qui a été fait;
on a fait cela à la Rivière-au-Tonnerre. Avant d'aller trop vite,
je voudrais revenir sur la façon de fonctionner, la façon un peu
fasciste. Je vois le député...
Une voix: D'Argenteuil.
M. Garon: ...d'Argenteuil. Je lui demanderais d'analyser la
situation moins comme député d'Argenteuil qu'en sa qualité
d'ancien directeur du Devoir. J'ai reçu l'offre de M. De Bané. Je
l'ai vue le vendredi après-midi. La veille, un de mes hauts
fonctionnaires ne pouvait pas s'y rendre. Il a dit: Envoie n'importe quel
fonctionnaire; on va lui remettre un document. De sorte qu'il a eu le document
le jeudi. Je l'ai entrevu le vendredi après-midi. Il devait y avoir une
rencontre le 16 octobre de cette année, à Gaspé, avec des
gens du conseil d'administration de Pêcheurs unis, sauf que le document
que j'ai eu et celui qui a été présenté
n'étaient pas le même exactement; il y avait de petites variantes.
Sur le champ, à des pêcheurs qui ne sont pas des comptables, sans
qu'ils aient le moindrement la chance de discuter, on a dit: C'est cela ou vos
usines n'ouvrent pas. Le lundi, on a fait une première assemblée
informelle. On a réuni des gens à Rivière-au-Renard,
sachant que c'est là que les gens étaient les plus inquiets,
parce que c'est là que, dans le passé, il y a eu le plus de
grèves sauvages. Je souhaite la meilleure alliance possible à M.
De Bané avec la CSN à Rivière-au-Renard, mais s'il y a le
même comportement que les années passées, je lui dis
d'avance: Bonne chance!
Je vous dirai ceci: Dès le lundi, qu'est-ce qui est
arrivé? On a essayé de "hold-upper" le consentement des quelques
pêcheurs qui avaient été réunis en vitesse.
Dès le mercredi suivant, sans même que les pêcheurs n'aient
vu le document complet -ils ont vu seulement deux pages du document - on a
réuni d'urgence à Newport quelques pêcheurs, un petit
pourcentage des pêcheurs de Newport, pour leur dire: Si vous
n'endossez pas cela en principe, l'usine sera fermée le printemps
prochain. On a même fait sortir Lorenzo Albert des bois, lui qui
était à la chasse à l'orignal, et on lui a demandé
de revenir en vitesse à cette assemblée, sans aucun
préavis.
À Rivière-au-Tonnerre, les gens m'ont appelé, parce
que l'assemblée était plus tard. Ils m'ont demandé de m'y
rendre. J'y suis allé à leur invitation. Ils m'ont invité
pour aller les rencontrer, parce que les gens du fédéral devaient
être là, les gens des Pêcheurs unis aussi et qu'ils
désiraient que mes fonctionnaires soient là. Je n'ai pas voulu y
aller moi-même. J'ai envoyé des fonctionnaires comme observateurs
ou pour répondre à des questions.
Le lundi, quelques jours après, j'allais les rencontrer et je
leur ai dit: Les engagements de 35% que nous avons pris sur l'acquisition des
actifs, je suis prêt à vous les renouveler au printemps.
L'échéance est passée, mais je suis prêt à
renouveler, et comme le montant de vente est moins élevé que ce
qu'on avait prévu, la subvention, en fait, était plus faible. Par
ailleurs, comme vous aimeriez savoir, sans doute, de quelle façon on va
fonctionner, j'ai dit: Pour la machine à glace, je vais fonctionner sur
la même base qu'à Cloridorme où il y a eu un appel d'offres
au printemps à 75%. Pour le reste, on n'attendra pas que le
fédéral vienne dire oui ou non pour faire une proposition, on va
recommander au Conseil des ministres sur la base d'à peu près
50%, ce qui équivaut à peu près à ce qu'on fait
pour des entreprises de cet ordre, c'est-à-dire des coopératives
qui ont un aspect communautaire.
Je suis reparti et je n'ai pas assisté à leur
réunion. Le lendemain ou quelques jours après, ils se sont
réunis eux-mêmes, entre eux, et ils ont décidé 29
à 2 d'avoir leur propre coopérative régionale, comme ils
l'avaient souhaité au cours de l'hiver. Le gouvernement du Québec
a maintenu leur appui et dans quelques jours, parce que maintenant j'ai toutes
les autorisations requises, ils ont déjà le chèque de 60
200 $ pour le paiement final de l'achat des actifs dont ils se sont
prévalus, ils auront une lettre que j'irai leur porter personnellement
pour faire la modernisation qui commencera peut-être au cours de cet
hiver si c'est physiquement possible.
La même chose à Newport. Quand M. De Bané, dans son
discours, nous dit qu'il nationalise de force, ce n'est pas une
nationalisation, mais l'entreprise privée ne veut pas. Il va y avoir de
petites surprises tantôt. Les pêcheurs, dans une très grande
majorité... Je n'ai pas communiqué avec Newport depuis quelques
jours, mais la dernière fois, on a eu l'assurance de l'approvisionnement
de 14 000 000 de livres sur 18 000 000 de livres. Je suis certain qu'au moment
de la pelletée de terre, nous aurons à peu près à
100%. Je comprends que le pêcheur, qui est parent avec le
député fédéral, est mal pris pour donner son
adhésion. Il y a un pêcheur, M. Martin Castilloux, qui est parent
avec le député fédéral, je ne lui en veux pas de ne
pas embarquer dans le plan, c'est un peu gênant sur le plan familial, les
fêtes s'en viennent, mais quand le projet aura démarré, je
vais demander aux pêcheurs de ne pas lui garder rancune.
Les pêcheurs côtiers sont embarqués d'une
façon au-delà de toute espérance et l'usine va se
bâtir à Newport. Maintenant, non seulement les pêcheurs
veulent s'impliquer eux-mêmes avec leur argent, malgré les menaces
fédérales, malgré des manifestations de la CSN pour
essayer de leur faire peur. Des investisseurs locaux aussi ont donné
leur accord dans la Société de développement
régional qu'il y a sur place de même qu'une autre
société de pêche du village d'à côté,
Grande-Rivière, qui est intéressée et qui a
déjà donné son appui pour investir dans le projet. La
Société québécoise des pêches sera
minoritaire. Nous pensons à un projet comportant pour un tiers des
pêcheurs, un tiers, les investisseurs locaux et un tiers, la
Société québécoise des pêches. C'est le
modèle que nous avons suivi et dont nous sommes très fiers.
Maintenant, à Madelipêche, qui avait été mise
en situation de faillite, à toutes fins utiles, par Pêcheurs unis,
qui avait vendu le poisson de Madelipêche, cette histoire n'est pas
terminée. Il s'agit de fonds publics, c'est mon rôle à
titre de ministre des Pêcheries du Québec de protéger les
fonds publics, je vais les protéger au maximum. Cette histoire n'est pas
terminée. Les poissons de Madelipêche ont été vendus
par Pêcheurs unis et l'argent ne s'est pas retrouvé dans le compte
de Madelipêche, il s'est retrouvé à la banque. Quand je
regarde ce dossier, je me rappelle les discours des gens qui parlaient des
requins de la finance. Ne nous trompons pas. Les requins de la finance ne sont
pas de notre côté dans ce dossier et, un jour, ils
apparaîtront sur la place publique.
Il ne s'agit pas d'une menace, parce que c'est peut-être la
meilleure façon de ne pas le faire moi-même, pour que les gens
sachent ce qui s'est passé dans ce dossier. Il n'est pas normal qu'on
déduise des cotisations syndicales à des employés pendant
des mois et que l'argent ne se retrouve pas au syndicat. Il n'est pas normal
qu'on déduise des cotisations d'assurance d'employés et que
l'argent ne se retrouve pas aux compagnies d'assurance pour assurer des
employés. Il n'est pas normal qu'on fasse toutes sortes de
déductions sous la forme de l'impôt sur le revenu et que cela
serve à financer des opérations courantes plutôt que se
retrouver
au ministère du Revenu, alors que cela a été
déduit directement du salaire des employés. (10 h 50)
Je vais vous dire, M. le Président, que j'ai été
menacé à l'été 1982 que tout le mouvement soit mis
en faillite si je n'acceptais pas que les déductions de 14% faites sur
les bateaux de pêcheurs pour rembourser les paiements des pêcheurs,
qui étaient déduits par les Pêcheurs unis ou par
Madelipêche à titre de fiduciaire, retournent au gouvernement pour
le paiement des pêcheurs. On voulait utiliser cela pour d'autres fins.
J'ai dit non, c'est de l'argent des pêcheurs qui doit servir pour les
paiements de bateaux et si ces paiements ne sont pas faits ce ne sera pas
crédité au compte des pêcheurs, ces paiements doivent
être faits. Il y en a d'autres qui ont pensé que je
céderais à la menace, qu'il y aurait fermeture des usines. J'ai
dit: Fermez, si vous avez le courage de fermer, mais l'argent des
pêcheurs va aller dans le compte des pêcheurs et n'ira pas dans les
comptes de banque.
Dans ce dossier, je ne crains pas la place publique et je ne crains pas
que le dossier soit étalé totalement sur la place publique. Je
vais vous dire une chose: mes recommandations au Conseil des ministres c'est
que ce soit étalé sur la place publique, car il est temps qu'on
sache à quel point, dans le secteur des pêches, les pêcheurs
n'ont pas été protégés comme ils auraient dû
l'être à tous les niveaux.
Qu'est-ce que nous avons fait dans Madelipêche? M. De Bané
a dit: Hold-up! Je vais vous dire une chose, M. le Président. Pour que
Madelipêche fonctionne, cela prenait de l'argent. Nous avons mis
près de 2 000 000 $ en capital-actions dans Madelipêche et nous en
avons mis autant sous forme de prêts ou de garantie de prêts, de
sorte qu'aujourd'hui Madelipêche fonctionne mieux que jamais. Il y avait
seulement quatre bateaux qui étaient utilisés dans le temps de
Pêcheurs unis. On est rendu à six actuellement, on a fait
réparer les deux autres qui sont partis pour la pêche. Il y a six
bateaux qui pêchent et éventuellement on pense qu'il y en aura
plus. Je peux vous dire que les activités vont très bien, on a
repris des clients qui avaient été perdus antérieurement
par Pêcheurs unis, parce que le standard de qualité a
augmenté à Madelipêche. Les ventes se font très
bien, sans couper les prix. On ne peut pas en dire autant des
sociétés fédérales de Terre-Neuve ou de la
Nouvelle-Écosse, mais, sans couper les prix, nous avons vendu notre
poisson. Quand toute la situation financière de Madelipêche sera
rationalisée, on va essayer de récupérer les 3 000 000 $
qui nous sont dus. Alors, il sera possible de faire une répartition et
mon souhait c'est qu'on fasse le même modèle aux
Îles-de-la-Madeleine qu'on a fait à Newport, c'est-à-dire
un tiers pour les pêcheurs, un tiers pour pour les investisseurs locaux
et un tiers pour la Société québécoise des
pêches, parce que nous ne tenons pas à être
majoritaires.
Je vous parlerai aussi des investisseurs privés. À
Cloridorme, M. Gaston Langlais a offert avec des pêcheurs
d'acquérir l'usine de Cloridorme de Pêcheurs unis pour que ce soit
l'entreprise privée qui la dirige. Je dois dire qu'avec le
député de Gaspé nous sommes allés rencontrer les
gens de Cloridorme, l'été dernier, et les pêcheurs de
Cloridorme eux-mêmes, en assemblée publique, m'ont demandé
d'acquérir leur usine de Pêcheurs unis à Cloridorme pour en
faire une entreprise coopérative locale. Je peux vous dire que je leur
ai donné mon appui dès ce moment, à l'usine même,
devant les gens, publiquement. J'ai dit: C'est un projet qui nous
intéresse.
À Saint-Maurice, où l'usine coopérative doit
être fermée, un industriel de Gaspé, M. Langlais, a offert
avec des pêcheurs d'ouvrir l'usine. À toutes fins utiles, il reste
à bâtir un modèle, celui de Rivière-au-Renard et de
Curadeau. Je pense que, dans les semaines qui viennent, nous avons le temps
voulu, avant l'ouverture de la saison de la pêche, de bâtir le
même genre d'entreprise locale avec des pêcheurs locaux ou
régionaux, avec des investisseurs locaux ou régionaux et avec
l'aide de la Société québécoise des pêches,
pour faire en sorte que le projet démarre là aussi. Ce qui voudra
dire que le projet dans son ensemble sera réglé, mais pour cela
il faut absolument que le gouvernement fédéral arrête
d'intimider les gens, de leur faire croire que les usines ne pourront pas
ouvrir au printemps s'ils n'acceptent pas le plan de M. De Bané, parce
que, au contraire, des gens, localement, veulent investir et diriger les
entreprises. Pensez-vous que je serais assez bête pour proposer un plan
qui ferait en sorte que les usines resteraient fermées? Pensez-vous que
je peux garder des usines de la Gaspésie fermées à la
cachette? Pensez-vous que je suis assez bête pour proposer à
Newport un projet qui n'a aucune chance de succès et pour lequel nous
n'avons pas l'adhésion de la population?
Les gens qui ont fait croire à la population de Newport qu'il n'y
aurait pas de main-d'oeuvre dans cette usine, pensez-vous qu'une usine qui est
évaluée à environ 14 000 000 $ n'engagera pas des gens,
alors qu'on pense faire beaucoup plus de filets individuels que de blocs
congelés? C'est cela, le projet de l'usine de Newport. Les gens de
Newport le savent. Ils ont dit: M. Garon, vous avez été le seul
à reconnaître Newport depuis 30 ans avec le parc d'hivernement de
Newport. Personne n'avait tenu compte de Newport. C'était un des trois
ou quatre plus grands endroits de débarquement au Québec.
Personne n'avait reconnu Newport.
Aujourd'hui, il y a un parc qui est presque terminé et qui sera
inauguré à la fin de l'année 1983 ou au début de
l'année 1984 et qui fait de Newport un centre de pêches.
Ce qui manque à Newport maintenant, sur un quai asphalté
à 100%, c'est un quai éclairé plutôt que d'avoir de
petites lampes qui ont l'air du temps de la crise - on pourrait les remplacer
par des chandelles, oui, ce ne serait pas plus sombre - avec un quai de
gravier. J'incite les gens de Newport à dire: Ce qu'on veut à
Newport, c'est un havre moderne. On demande à M. De Bané: Vous
avez 224 000 000 $, si vous l'avez vraiment, M. De Bané, mettez-le donc
dans le havre. Faites donc un beau havre à Newport. Faites donc un beau
havre à Sainte-Thérèse. Faites donc un beau havre à
l'Anse à Beaufils. Enlevez vos pancartes "Accès à vos
risques, Pêches et Océans Canada". Ne regardez pas le ciel quand
vous marchez sur ces quais-là, parce que vous pouvez tomber dans le
quai. Il y a assez de trous dans le quai et de madriers qui manquent. Il me
semble que M. De Bané, qui a été ministre du MEER et
ministre des Pêches - cela fait beaucoup d'années, bout à
bout - pourrait s'occuper des quais de la Gaspésie au lieu de promettre
toujours les mêmes sommes.
J'ai dit, M. le Président, Rivière-au-Tonnerre, Newport,
Madelipêche, Cloridorme, Saint-Maurice. Le projet de
Rivière-au-Renard, au plus dans les prochains jours aussi, et si vous
pensez que les pêcheurs sont si heureux que cela de ce qui est en train
de se passer, j'ai reçu récemment un télégramme qui
était adressé au premier ministre - copie à
différents ministres - des pêcheurs membres de Pêcheurs unis
aux Îles-de-la-Madeleine qui demandent quoi? Que le gouvernement du
Québec fasse en sorte que les intérêts des membres
coopérateurs soient protégés dans les transactions que
s'apprêtent à faire Pêcheurs unis et qu'il nomme
immédiatement un inspecteur pour vérifier ses transactions. Vous
pensez que le mouvement coopératif se sent sécurisé par le
plan de M. De Bané? Aux Îles-de-la-Madeleine, ils demandent au
gouvernement du Québec de nommer un inspecteur parce qu'ils ne se
sentent pas sécurisés. À Newport, à 75% ou 80%, les
pêcheurs embarquent dans notre projet et quand la pelletée de
terre va être lavée, cela va monter à 100%. À
Cloridorme et à Saint-Maurice, ils veulent former une entreprise
privée avec des pêcheurs et avec un industriel local et à
Rivière-au-Renard, on a commencé à prendre contact avec le
député de Gaspé, parce que les gens commencent à
dire: À Rivière-au-Renard, on n'est pas plus bête
qu'ailleurs et on aimerait, nous aussi, diriger notre propre projet à
Rivière-au-Renard. On est favorable à un projet dirigé
à Rivière-au-Renard par des gens de Rivière-au-Renard.
À Blanc-Sablon, il y aura aussi un projet. Je suis allé
rencontrer la population locale. La population locale est
intéressée à investir dans un projet. Quand on a
acheté le Lumaaq des Esquimaux qui avaient des difficultés, j'ai
demandé aux Esquimaux de rester dans le projet, parce que je ne voulais
pas les exclure. À Natashquan aussi, il y aura une usine. On va
arrêter de penser que le développement des pêches va se
faire en pelletant du sel sur la morue sur la Côte-Nord. Cela prend
d'autre chose aussi, alors que les marchés de poisson salé ne
sont pas illimités. Il faut penser à des alternatives. Tout cela
est en train de se mettre en place et va être mis en place puisque la
Société québécoise des pêches a
commencé à fonctionner. On n'a pas eu le temps d'annoncer encore
les nominations. Cela viendra avec le temps, mais la Société
québécoise des pêches a commencé à
fonctionner. (11 heures)
Je voudrais, dans les minutes qui me restent, terminer mon discours. Les
projets de loi nos 48 et 49 ne sont que les plus récents
éléments d'un plan d'action très complet que le
Québec met en place depuis trois ans et qui vise à faire de nos
pêches un secteur moderne, capable de rivaliser, par la qualité de
ses produits, avec ce qui se fait de mieux au monde. Les grands axes de ce plan
sont l'amélioration de la qualité, le remplacement du
paternalisme gouvernemental par une meilleure organisation du secteur en mesure
de se prendre en main et le développement des marchés.
En voici les détails. Le retrait graduel du gouvernement du
Québec des services de congélation, d'entreposage frigorifique et
de fourniture de la glace aux pêcheurs et aux entreprises de
transformation. Il était normal, dans les années quarante, que
ces services soient assurés par l'État mais, dans les
années quatre-vingt, le milieu doit assumer lui-même cette
responsabilité. Nous cédons nos actifs à des entreprises
ou à des groupes de pêcheurs et nous leur offrons une aide
financière importante pour leur modernisation ou la construction de
nouveaux équipements lorsque cela est nécessaire.
Aux Îles-de-la-Madeleine, par exemple, à Aurigny, les
pêcheurs ont eux-mêmes acquis l'entrepôt frigorifique. Ils
entreposent eux-mêmes la bouette, ils font eux-mêmes le commerce de
la bouette et cela va bien. Ils ont été financés
localement et vous allez me dire que les gens du milieu ne veulent pas prendre
leurs responsabilités? M. de Bané ment. Si, à Terre-Neuve,
ils ne veulent pas prendre de responsabilités, sur tout le territoire
québécois, les gens veulent prendre leurs responsabilités.
Quand M. de Bané dit qu'ils ne veulent pas, il ment. Partout, les gens
veulent prendre leurs responsabilités et investir des capitaux
privément.
Nous avons mis en place, dès 1981, un nouveau système de
délivrance des permis basé sur des principes de
démocratie, de décentralisation et d'équité. Dans
chacun des neuf districts de notre direction de la protection, des
comités locaux, formés de représentants du
ministère et des pêcheurs, voient à l'application en tenant
compte des particularités locales et d'un cahier de normes
écrites. La priorité est donnée aux personnes dont la
pêche constitue la principale activité et un droit d'appel existe.
Ce système est un modèle du genre.
M. Lincoln: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député, je suis debout. S'il vous plaîti
M. le ministre, il vous reste deux minutes.
M. Garon: Ce système est un modèle du genre,
surtout si on le compare à ce qui existe dans les autres provinces
où la politique continue à jouer un grand rôle dans la
délivrance des permis. Pourquoi M. De Bané veut-il
détruire ce système alors que ses propres fonctionnaires en font
l'éloge? C'est là une des nombreuses questions que je me suis
posées en juillet dernier quand il a dénoncé l'entente de
1922. Grâce à son rattachement au ministère de
l'Agriculture, le secteur des pêches a pu profiter de l'expérience
acquise lors de la normalisation et de la modernisation des secteurs du lait et
des viandes. Ce simple fait a permis à cette industrie de sauver
plusieurs années de tâtonnement et c'est pourquoi nous avons pu,
dans un délai relativement court, produire, en décembre 1981, la
Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments, une
véritable charte de l'amélioration de la qualité des
produits alimentaires au Québec. Au cours de cette période
intense, nous avons tenu pas moins de trois colloques nationaux sur l'industrie
de la pêche, deux portant sur la qualité et un troisième
sur la commercialisation.
J'ai personnellement, avec un groupe d'experts, visité les
principaux pays renommés pour la qualité de leurs produits marins
afin de pouvoir incorporer dans notre projet les meilleures idées que
nous avons rencontrées. Notre loi et le règlement qui
l'accompagne prévoient deux choses fondamentales: le triage des produits
marins selon leur qualité et leur taille à l'arrivée
à l'usine sera obligatoire à compter du 1er avril 1984 et toutes
les entreprises de transformation devront détenir un permis attestant
leur conformité à nos normes de qualité à compter
du 1er janvier 1985.
Le Vice-Président (M. Jolivet): En terminant, M. le
ministre.
M. Garon: M. le Président, je ne voudrais pas être
plus long, j'ai presque terminé. Je vais vous dire une chose, en
terminant: toute mon action, depuis trois ans, se résume à faire
confiance aux gens du milieu, aux gens qui dirigent, entre autres, les
Crustacés de Gaspé. Ils ont modernisé leur installation
et, cet été, ils ont engagé presque deux fois plus de
monde que d'habitude parce qu'ils ont modernisé.
Aujourd'hui, à Newport, un pêcheur, Lorenzo Albert, avec
son groupe Les Huards et les autres qui l'accompagnent, veut bâtir un
modèle qui convienne à son milieu. Il y a un leadership sur le
plan local qui est capable de s'exprimer. Il y a un leadership sur la
Côte-Nord qui est capable de s'exprimer. Il y a un leadership aux
Îles-de-la-Madeleine qui est également capable de s'exprimer et
qui s'incarne dans des individus qui sont prêts à investir et
à prendre en main la direction d'entreprises localement,
régionalement. Nous allons appuyer à 100% ces individus, ces
personnes, ces groupes locaux et régionaux. Nous allons empêcher
M. De Bané de leur enlever le droit de prendre leur place dans la
direction de leurs institutions, de leurs entreprises locales ou
régionales.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole
au député de Nelligan, j'aimerais que le ministre utilise la
formule habituelle pour la deuxième lecture. Si vous voulez dire votre
mot, M. le ministre.
M. Garon: Oui, on m'a remis un petit mot qui dit: II me
plaît de vous indiquer que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris
connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à
cette Assemblée.
Cependant, je ne lui ferais pas passer un examen sur le projet de
loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Nelligan, vous avez maintenant la parole.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, pendant une heure et quelques
minutes, nous avons entendu le ministre parler de choses tout à fait
disjointes, tout à fait incohérentes, incompatibles avec le
projet de loi. Nous pensions qu'il était venu ici pour défendre
son projet de loi 48, nous donner des raisons valables pour lesquelles il a
présenté ce projet de loi, un projet de loi si draconien dans le
milieu des pêches, qui souffre tellement maintenant, qui est tellement
accablé. J'espère de tout coeur que tous les
gens du milieu en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine et
dans la Basse-Côte-Nord ont écouté le ministre aujourd'hui.
Je trouve triste et déplorable que le ministre ait passé à
peine un quart de son temps pour nous expliquer ce qu'il y a de bon dans ce
projet de loi. La plupart du temps, cela a été des
élucubrations, des accusations de mensonges à droite et à
gauche contre le ministre De Bané, contre Pêcheurs unis du
Québec, contre celui-ci et contre celui-là.
On a fait le tour de toutes les régions du Québec. On a
passé en liasse toutes sortes de petits problèmes, un
méli-mélo, mais jamais, pas une fois, le ministre n'a
essayé de nous prouver pourquoi, comment, pour quelle raison il a
présenté ce projet de loi 48. Quand il parlait du projet de loi
48 il lisait un boniment à toute vitesse comme s'il ne l'avait pas
écrit lui-même. Je suis sûr que c'est le cas; c'est
peut-être le ministre de l'Éducation qui l'a écrit pour
lui. C'était tout à fait incompréhensible. Il n'a
énoncé aucune raison valable pour laquelle il a
présenté le projet de loi.
Ce qui arrive dans le milieu des pêcheries au Québec et au
Canada nous rappelle l'histoire de ce petit royaume qui était
dirigé par deux princes qui se convoitaient mutuellement. Ils
étaient tellement jaloux l'un de l'autre que si l'un faisait quelque
chose, l'autre faisait un peu mieux ou essayait de faire un peu mieux. Si l'un
avait un drapeau, l'autre en avait un plus grand. Si l'un avait un cheval,
l'autre en avait un meilleur. Si l'un avait une petite armée, l'autre
essayait d'en avoir une plus grande. Ces deux princes se convoitaient et,
à un moment donné, ils étaient devenus aveugles de leur
puissance personnelle, tellement contents, tellement imbus de leur importance
personnelle individuelle, tellement imbus de leur pouvoir personnel qu'ils
commençaient graduellement et de plus en plus à oublier les
sujets, les citoyens pour lesquels ils étaient supposés
régner. C'est cela qui se passe aujourd'hui dans le milieu des
pêches, tant au Canada qu'au Québec.
Nous avons un dialogue de sourds entre le ministre des Pêches et
Océans du Canada, d'un côté, et le ministre des
Pêcheries du Québec, de l'autre. Ils ne s'écoutent plus,
ils ne se parlent plus, c'est une ronde de boxeurs qui se font la guerre sans
penser aux familles qui sont à côté, qui sont
déprimées et accablées. C'est ce qui arrive
aujourd'hui.
Le ministre a passé la plupart de son temps, aujourd'hui,
à accuser l'autre ministre de mensonges. Je suis sûr que l'autre
ministre fera la même chose quand il s'adressera à la Chambre
fédérale. Est-ce là le dialogue qu'on devrait tenir? Que
sait-on de plus aujourd'hui du projet de loi 48 qu'on n'en savait avant que le
ministre ne commence à parler? Cela a été une
péroraison incohérente, tout à fait détachée
des réalités, qui explique pourquoi les pêches maritimes au
Québec démontrent le même symptôme
d'incohérence, de politique au pied levé, de politique au jour le
jour, de manque de planification, de manque de vue d'ensemble qui
caractérise ce ministre. Des politiques personnelles, des petites
politiques revanchardes d'un côté et de l'autre, une bataille de
coqs qui leur donne beaucoup d'assise, qui leur donne sans doute beaucoup de
satisfaction personnelle, qui les fait paraître dans les journaux l'un et
l'autre tous les jours. (11 h 10)
M. De Bané dit ceci, M. Garon dit cela. L'un gagne ceci, l'autre
gagne cela. On fait de la surenchère avec l'argent des contribuables. La
surenchère de millions à droite et de millions à gauche.
15 000 000 $ à Newport, M. De Bané dira 16 000 000 $. S'il dit 5
000 000 $, lui, dira 6 000 000 $. Durant ce temps, qui souffre de cette
question? Ce sont les pêcheurs; ce sont les travailleurs d'usine; ce sont
les producteurs dans le domaine des pêches, pendant que vous vous battez
comme des enfants d'école. Hier, j'ai parlé à un
intervenant du milieu, un personnage réputé dans le domaine des
pêches, qui a écrit un rapport de première taille, et qui
me disait: Ils me font penser à des enfants d'école qui se
battent dans la cour d'école pendant que les autres sont tout à
fait impuissants. Eux qui ont des pouvoirs immenses, au lieu d'aider les gens,
ils sont en train de les écraser par leur petite politicaillerie
personnelle. C'est cela qui se produit dans le milieu des pêches. Si vous
ne voulez pas le croire, M. le ministre, essayez d'écouter un peu plus
les gens du milieu et ils vous le diront.
Une voix: ...parler de la papeterie de Matane.
Le Président suppléant (M. Gagnon): À
l'ordre!
Une voix: Je vais vous parler de la papeterie de Matane.
M. Lincoln: Ce qui m'étonne, c'est d'entendre le ministre
nous dire tout ce qui a été fait dans le milieu des pêches
maritimes. Qu'est-ce qui arrive? Au début d'une session, à la
vapeur encore une fois, à toute vitesse, on dépose un projet de
loi 48 qu'on n'a même pas eu le temps d'étudier, de façon
normale, pendant quelques jours. Le 13 novembre, le grand programme de relance
économique a été présenté par le premier
ministre Lévesque: document de 16 pages de format légal qui
contient toutes sortes de mesures pour la relance économique. Pour les
régions du Québec, affichant le plus grand taux de chômage
qui va de 50% à 80%, où les familles sont tellement sous
pression
financière et sous pression sociale, il n'y a pas un seul mot,
dans ce programme. Sur les pêches maritimes, pas un seul mot dans la
relance économique. Dans les crédits supplémentaires que
le ministre des Finances a déposés l'autre jour, son fameux
minibudget, c'était tellement mini qu'on ne savait même pas ce que
c'était. Il n'y avait rien pour les pêches et lui vient nous
annoncer tous ces millions qu'il donne à droite et à gauche.
Les pêcheries maritimes au Québec, c'est l'enjeu d'une
querelle stérile que nous déplorons. Peut-être faudrait-il
voir ce que sont les pêcheries maritimes au Québec par rapport au
budget total. Le ministre parle de millions à droite et de millions
à gauche. Ce n'est que 30 000 000 $ par année que consacre le
Québec par rapport à un budget de plus de 20 000 000 000 $, tout
au plus 22 000 000 000 $. On consacre seulement 30 000 000 $ pour toutes les
pêches maritimes. Au cours des deux dernières années, j'ai
démontré au ministre qu'on a périmé des
crédits de 22,5%, en moyenne. L'année dernière seulement,
5 400 000 $ de crédits ont été périmés par
rapport à un budget net d'un peu plus de 20 000 000 $, et il vient se
targuer aujourd'hui de tout ce qu'il fait pour le secteur des pêches au
Québec.
Le secteur des pêches au Québec, ce n'est pas très
gros. Il fait vivre environ 4000 pêcheurs, 3000 travailleurs d'usine ou
un peu plus et quelques autres producteurs; peut-être 8000 personnes au
total.
Une voix: ...
M. Lincoln: Mais c'est une industrie cruciale, une industrie
importante, parce qu'elle fait vivre les régions peut-être les
plus défavorisées du Québec. Ce ne sont que 125 000 000 $
de revenus, peut-être 150 000 000 $, du revenu total du Québec de
plus de 20 000 000 000 $. C'est à peine 1% de notre revenu brut. C'est
très petit, mais nous exportons 75% de cette production. Cela fait vivre
30% à 40% des gens en Gaspésie. Cela fait vivre plus de 50% des
gens des Îles-de-la-Madeleine. Dans la Basse-Côte-Nord, presque les
trois quarts des gens vivent de la pêche. Le secteur des pêches, au
plan socio-économique, est crucial pour nous. Qu'est-ce qui arrive dans
le secteur des pêches?
Au début de l'année, lorsque M. Levesque a
été nommé chef de l'Opposition, on m'a demandé de
m'occuper de ce secteur. J'ai commencé à étudier le
dossier et, depuis le début de l'année, cela a été
un conflit après l'autre. Cela a été d'abord le conflit de
l'ouverture de la saison de la pêche. On a posé des questions
plusieurs fois au ministre, en Chambre. L'ouverture de la saison de la
pêche était retardée. On lui a dit: Faites quelque chose;
donnez des garanties bancaires; impliquez-vous. On a posé des questions
au ministre et au premier ministre, en Chambre, trois, quatre et cinq fois.
L'ouverture de la saison de la pêche a été retardée.
Il y a eu le grand problème de Pêcheurs unis du Québec. Il
y a eu des bagarres à droite et à gauche, entre le
fédéral et le provincial, encore une fois la bataille des
coqs.
Aujourd'hui, le ministre est revenu à la charge dans son discours
et a dit: Je ne fais pas de menace. Mais, en même temps, il faisait des
menaces. Il a dit: Je vais mettre tout cela sur la place publique. Je rappelle
au ministre que Pêcheurs unis du Québec elle-même a
demandé une commission d'enquête à ce sujet. S'il y a
tellement de choses, faites une commission d'enquête publique. Ne faites
pas que le dire en Chambre, où vous êtes protégé,
faites une commission parlementaire; demandez la vérité;
faites-les venir s'ils sont accusés; trainez-les en cour, mais cessez de
faire des menaces que vous ne mettez pas à exécution, parce que
vous ne faites que cela, des menaces en Chambre ici. Amenez-les, s'il y a
tellement de choses malsaines. C'est très possible; on ne sait jamais.
Amenez-les; faites une commission d'enquête publique. Laissez les gens se
défendre, mais ne les accusez pas ici sans leur donner la chance de se
défendre.
Il y a toute la question de Madelipêche. Peut-être que des
choses n'ont pas tourné rond chez Madelipêche, mais je veux
rappeler au ministre que, sournoisement, il a repris les six bateaux de
Madelipêche qui valent beaucoup plus que les 3 000 000 $ dont il parle
ici.
Il y a eu le fameux rapport Kirby. Là aussi, je déplore,
comme le ministre, qu'il n'y ait eu aucune présence
québécoise dans la conception du rapport Kirby. Nous aussi nous
sommes très malheureux de cela, mais en même temps le fait est que
le rapport a été déposé, qu'il faudra vivre avec,
parce que, veux ou veux pas, le fédéral a une juridiction tout
à fait claire dans le domaine des pêcheries.
Il y a une intensification des conflits. Maintenant, c'est le conflit de
qui va bâtir une usine. On bâtit une usine ici, une usine
là. Le ministre ne fait que parler et parler à nouveau de
Newport. Qu'est-ce qui se passe à Newport? Le ministre va donner 14 000
000 $ ou 15 000 000 $ de subsides quand une usine existe déjà
à Newport. Qu'est-ce qui arrivera à cette usine qui existe?
Va-t-on la fermer? Les deux usines, celle du ministre de 15 000 000 $ et
l'usine existante, vont-elles se faire concurrence? C'est cela la folie des
grandeurs qui nous mène dans un domaine qui peut le moins que tous se
tenir debout aujourd'hui et souffrir la folie des grandeurs. Qu'est-ce qui
arrive,
selon les constatations du milieu, contrairement à ce que dit le
ministre? Les constatations sont celles-ci: Que tout ce milieu, les
pêcheurs, les travailleurs d'usine ou les producteurs, en ont assez de la
confrontation continuelle entre le fédéral et le provincial. Ils
les blâment tous les deux de se battre tout de temps comme des coqs de
bataille. Ils en ont assez. Nous n'avons pas affaire au ministre
fédéral, il n'est pas ici en Chambre; mais l'autre ministre est
ici en Chambre. Ils ont en ont assez de l'attitude autocratique, dictatoriale
et intempestive du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
Ce qu'il nous faut, c'est une politique qui couvrira à la fois le
court terme, le moyen terme et surtout le long terme. Il nous faut une
politique d'ensemble; il nous faut une politique à court terme pour
commencer à planifier maintenant la saison prochaine, pour que la saison
prochaine ne soit pas en retard et que cela ne cause pas des dommages
considérables aux familles des pêcheurs et des travailleurs, comme
cela été le cas cette année. Il faut être sûr
que, l'année prochaine, les usines, les entrepôts frigorifiques,
les ports seront prêts. Il nous faut une politique à moyen terme
qui apportera des solutions intérimaires pendant la modernisation et la
rationalisation des usines, de la flotte, des ports. Il faut surtout une
politique à long terme, comme le ministre a dit dans son rapport, une
politique quinquennale qu'il n'a pas suivie du tout. Il faut une politique au
moins quinquennale, une politique qui va regarder l'avenir.
Qu'est-ce qu'on va faire des pêcheries au Québec? Quelle
est sa vocation? J'entendais le ministre dire tout à l'heure: On va
pêcher chez nous, dans notre territoire québécois. On va
s'occuper des bateaux de pêche de 35 pieds à 65 pieds. On n'a pas
besoin de bateaux de pêche de 100 pieds. Pendant ce temps, il a
acheté un gros crevettier qu'il envoie pêcher au large. Il en a
deux maintenant. L'un n'est pas exclusif de l'autre. C'est cela la petitesse de
l'affaire, de voir que, dans notre territoire, il y a toujours les
visières de ce ministre et de tous les autres ministres, qui voient les
poissons dans un petit bocal québécois, mais les poissons et les
crustacés sont migratoires, ils vont au-delà du Québec,
ils vont nager quelque part. Pourquoi, nous au Québec ne pourrions-nous
pas profiter à la fois de notre territoire, comme dit le ministre, en
plus de ce grand territoire que nous offre l'option canadienne,
c'est-à-dire le large des côtes du Labrador? Qu'est-ce qui nous
empêche d'avoir une politique à long terme qui nous ferait avoir
des grands chalutiers qui pêcheraient au grand large et profiter de la
zone des 200 milles? Mais le ministre ne peut voir qu'en petit; il ne peut voir
que cette petite option de cocon, une option emmurée, une option qui
produit justement des lois comme la loi 48.
M. Garon: M. le Président...
Le Président suppléant (M. Gagnon): M. le
ministre... Je m'excuse, M. le ministre, je m'excuse, vous aurez votre droit de
réplique. La parole est maintenant au député de Nelligan.
(11 h 20)
M. Lincoln: M. le Président, ce qu'il nous faut, c'est une
politique d'ensemble des pêcheries. Par exemple, ici, on ne fait qu'une
première transformation de nos produits. On exporte en première
transformation 75% de ceux-ci. Pendant ce temps, l'ironie du sort veut qu'au
Québec on importe 75% des plats cuisinés, des produits en
conserverie. Ce qu'il faut, c'est une deuxième transformation qui nous
aidera justement à aller dans le domaine de la conserverie, dans le
domaine des plats cuisinés, au lieu de les importer. C'est cela l'ironie
du sort: qu'on exporte 75% de nos produits en première transformation
pendant qu'on importe 75% des produits transformés une deuxième
fois. Notre flotte est caduque complètement. Il faudra en faire une
réfection graduelle.
Là je vais citer quelques passages qui vont vous montrer à
quel point on est déficient au Québec. Comment accomplir tout
cela? Des solutions à court terme, des solutions à moyen terme,
des solutions surtout à long terme, dans un climat impossible où
le fédéral et le provincial s'affrontent dans le milieu le plus
défavorisé du Québec. Si on avait choisi n'importe quoi
d'autre, on dirait c'est déjà mauvais; mais on choisit le milieu
le plus défavorisé la pêche, pour aller se battre,
fédéral et provincial. C'est le milieu où tous les jours,
depuis que je suis dedans, on est en confrontation continuelle. C'est un
état de conflit, de guerre tout à fait systématique et
permanent. Comment voulez-vous choisir le milieu le plus
défavorisé de tous pour aller faire la guerre au
fédéral et le fédéral vous faire la guerre. Mais
que vous cessiez!
Là je vais passer, pour un instant, à quelques rapports
que j'ai relus hier soir, le rapport du Conseil régional de
développement de l'Est du Québec. J'en ai parlé à
un de ses auteurs, hier ou avant-hier, qui me disait: toutes mes conclusions
demeurent exactement les mêmes. Le ministre qui nous dit que les
pêches au Québec, c'est florissant. Je vais lui dire. Le rapport
dit: Le facteur humain... Sur le plan humain, la situation n'est pas plus
enviable. Si les pêcheurs propriétaires tant bien que maltirent leur épingle du jeu, les ouvriers de la transformation
connaissent par contre des conditions de travail parmi les plus difficiles qui
soient au Québec. Ils constituent, en fait,
un véritable sous-prolétariat aux prises avec la
médiocrité des salaires, l'instabilité de l'emploi,
l'assurance chômage, quand ce n'est pas l'aide sociale.
Quant aux producteurs, ils tentent de survivre au sein du chaos,
confrontés aux conflits sociaux, aux problèmes de financement et
de crédit, aux rapports difficiles avec les différents paliers de
gouvernement, à la confusion qui règne dans l'industrie des
pêches. Il parle plus loin des pêches et des gouvernements. Il dit
la même chose que tout le monde vous a dite combien de fois.
De leur côté, pêcheurs et producteurs ne cessent de
déplorer les interférences et les chicanes intergouvernementales
dont ils s'estiment finalement les victimes. Certains ont rappelé des
conférences organisées par chacun des gouvernements à
quelques jours d'intervalle, en un même lieu, sur le même sujet,
avec les mêmes participants. D'autres ont déploré les
tracasseries administratives dont ils étaient victimes du fait de la
dualité des pouvoirs. Tous ont condamné la complexité des
documents dont la compréhension est inaccessible pour les gens auxquels
ils sont supposés d'être destinés. Il parle qu'"ils ont
dénoncé la boulimie paperassière des fonctionnaires du
Québec."
Cela vous fait rire, mais cela devrait vous faire pleurer, M. le
ministre. Cela vous fait rire, oui.
Il y a le rapport des syndicats qui a été
déposé, qui date du 28 janvier 1982. Le rapport du syndicat dit:
- M. le Président, est-ce que je pourrais continuer, s'il vous
plaît? "Enfin quand on sait que le travailleur moyen n'a
été à l'ouvrage que pendant environ 28 semaines, c'est
plutôt d'un salaire moyen de 4461 $, je répète, qu'il faut
parler. Non seulement il travaille peu de temps, mais sa
rémunération est encore inférieure à celle de la
plupart des secteurs, tel que le démontre le tableau." Il parle des
femmes. "Dans ce secteur déjà défavorisé les
femmes, qui représentent 40% de la main-d'oeuvre, le sont encore plus
puisque les postes de travail féminin sont moins bien
rémunérés que les autres. Ce sont elles que l'on retrouve
majoritairement dans les catégories les moins
rémunérées."
Là je parle aussi d'un rapport qui avait été soumis
à vous-même en 1982. Vous dites: Les pêcheurs sont bien
contents. C'est un rapport. Mémoire présenté à
Gaspé par l'Association des capitaines, propriétaires de bateaux
de 45 pieds et plus au ministre Jean Garon. On va voir ce que dit ce rapport.
"Les chiffres sont clairs. Dans la situation actuelle, le capitaine
propriétaire se procure un salaire équivalent aux prestations
d'aide sociale et doit de plus en plus assumer des responsabilités et
prendre des risques disproportionnés par rapport à ce qu'il en
retire. "Pour crémer le gâteau, les agents de l'impôt du
Québec ont découvert, après toutes ces années,
comment nos membres procédaient pour s'en tirer. Ce n'est pas tout:
votre ministère a augmenté le prix de la glace, a
décidé de ne plus payer en entier les primes d'assurances, a
haussé les coûts d'hivernement. Le prix du carburant de votre
collègue poursuit sa montée, la bouette vaut plus cher que le
poisson que nous vendons, le prix des agrès et l'entretien de nos
bateaux représentent un pourcentage de plus en plus élevé
de notre déboursé." Il dit: "Tous ces facteurs ont
déjà acculé cette année les "millionnaires" - entre
guillemets - à la faillite." Il parle de revenus nets des pêcheurs
propriétaires, il cite des cas typiques, il donne, sorti des
états financiers: un cas, 5618 $ en un an; un autre cas, 9475 $; un
autre, 11 100 $ et l'autre, 18 000 $. Voilà une année de
pêche. Là, ce n'est pas assez. Il vous ont envoyé ce
rapport, les pêcheurs côtiers, le 15 janvier 1983. Mais, en
décembre 1983, ils vous disaient: "Les autres problèmes que nous
avions soulevés en janvier 1982 demeurent sans solution et pour combien
de temps? Vous êtes au courant des problèmes vécus dans
l'industrie de la pêche et plus particulièrement par le
pêcheur membre."
Face à cette situation difficile, vous avez déclaré
au Soleil, le 17 décembre dernier: "II faut faire des changements. Nous
avons donné la limite du 1er janvier 1985 -c'est vous - et nous savons
où nous allons." Là, ils vous posent la question, ces
pêcheurs possédant des bateaux de 45 pieds et plus: "Si vous savez
où vous allez, nous, nous ne le savons pas. C'est la raison pour
laquelle nous vous demandons de nous faire parvenir par écrit votre plan
de développement prévu jusqu'en janvier 1985." Mais,
naturellement, vous n'avez pas fait parvenir le plan de développement
prévu parce que vous n'en avez pas, parce que d'ici à 1985 vous
allez passer votre temps, si vous êtes toujours au pouvoir, à vous
disputer avec le ministre De Bané et à vous lancer des insultes
mutuelles. C'est ce que vous allez passer votre temps à faire.
M. Garon: ...signé le document.
M. Lincoln: Si vous ne savez pas lire le document, je vous en
enverrai une copie.
M. Garon: ...signé le document.
M. Lincoln: M. le Président, j'ai envie de finir, je n'ai
pas interrompu le ministre.
Je sais qu'il y a des vérités qu'il n'aime pas
entendre.
Le Président suppléant (M. Gagnon): À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Dans son fameux rapport, lorsqu'il a pris la
direction des Pêcheries, en 1979-1980, il parlait de la flotte de
pêche. Là, le grand, le fier, combien croyez-vous qu'il va
dépenser pour les bateaux? M. le Président, il dit: "Le 9 mai
1979, le Conseil des ministres a adopté la stratégie quinquennale
d'allocation des ressources. Il s'agit d'une programmation impliquant des
déboursés gouvernementaux de 90 000 000 $. Cela va participer au
financement de 233 bateaux, 31 500 000 $ au chapitre des subventions et 52 600
000 $ sous forme de prêts gouvernementaux."
Encore une fois, c'est du "big talk" du ministre, car en 1981-1982, dans
le dernier rapport qui ait été soumis, il avait
dépensé seulement environ 17 000 000 $ pour les subventions et
les prêts étaient loin de 90 000 000 $. Lorsque je lui ai
posé la question, au cours de l'étude des crédits du
ministère, il m'a dit: Vous voyez, c'est à cause du
fédéral qui a gelé les permis.
Pour revenir à la question de la juridiction
fédérale-provinciale, ce qui est étonnant, c'est qu'il
faut revenir en arrière, le 5 janvier 1982. Ce n'était pas le
ministre De Bané, c'était l'autre ministre, M. LeBlanc, avec qui
il se battait aussi fort parce que, s'il n'y avait pas un ministre
fédéral comme De Bané, il faudrait en inventer un pour M.
Garon afin qu'il se batte avec lui. Il est seulement satisfait quand il se bat.
C'est sa personnalité, il faut qu'il se batte, c'est un boxeur. À
ce moment-là, c'était le ministre LeBlanc; il disait que le
ministre LeBlanc aussi était semblable. Le 5 janvier 1982, le ministre
LeBlanc a fait ceci: il a repris les trois quarts de la juridiction du
Québec, il a repris la juridiction de tous les bateaux qui pratiquent la
pêche aux pétoncles au Québec, tous les bateaux de 35 pieds
qui pratiquent la pêche du poisson de fond au Québec,
indépendamment du type d'engin de pêche utilisé. Il a
repris la juridiction de permis sur tous les bateaux du Québec qui
pêchent en dehors du golfe Saint-Laurent, indépendamment de la
longueur du bateau, du type d'engin et de pêche utilisé.
C'était le 5 janvier 1982. Est-ce que vous croyez que le ministre a fait
une loi? Est-ce que vous croyez que le ministre a fait une motion en Chambre
comme il aime bien le faire? Non, il n'a rien fait. Le 24 mars 1982, il a fait
une déclaration. Il déclarait que le Québec ne disposait
d'aucune base juridique pour contester une telle décision et qu'il
comptait sur les pêcheurs pour mener la lutte au niveau politique! C'est
cela.
Aujourd'hui, il vient nous "fourrer" une loi 48. Quelle est sa solution
pour tous les problèmes? Il y a quelque temps, c'était une
motion...
Des voix: ...
(11 h 30)
Le Président suppléant (M. Gagnon): S'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Nelligan, vous avez toujours la parole.
M. Lincoln: La solution de ce ministre, c'est les motions en
Chambre, les déclarations dans les journaux. C'est les
déclarations dans ses journaux favoris. Cette fois, c'est un projet de
loi. Est-ce un projet de loi positif? Est-ce un projet de loi constructif?
Est-ce un projet de loi destiné à la relance économique,
comme l'a annoncé le premier ministre, le 13 novembre 1983, en grande
pompe, mais sans argent et sans programme? Est-ce un projet de loi
destiné à dynamiser ce milieu qui est confus, ce milieu qui est
frustré, ce milieu qui est accablé, qui est appauvri, qui est en
chômage, qui est tanné de toutes les bagarres entre le ministre
provincial et le ministre fédéral? Est-ce que c'est cela, le
projet de loi qu'il a apporté devant nous, un projet de loi pour
ressusciter ce milieu et pour le dynamiser? Est-ce un projet de loi qui met
l'accent sur le milieu des pêches, qui met l'accent sur les
pêcheurs, qui met l'accent sur les travailleurs d'usine et sur leurs
familles? Non, c'est un projet de loi politique, une nouvelle raison pour
propager la même bataille de coqs fédérale-provinciale, qui
est le problème même et qui fait que les pêches au
Québec souffrent tellement aujourd'hui. C'est un projet de loi non pas
pour dynamiser le milieu, mais pour continuer la même raison qui fait que
les pêches aujourd'hui au Québec sont tellement
déstabilisées.
Le ministre et son collègue De Bané, me font un peu penser
aux deux boxeurs qui entrent dans l'arène et qui sont là pour se
frapper jusqu'à la mort. Ils se cassent la gueule. Le sang coule.
Là, ils arrivent, mais, pendant tout ce temps, pendant qu'un cherche la
victoire sur l'autre, personne ne pense à la famille de l'un et à
la famille de l'autre. Pendant que les familles chez elles regardent les deux
qui se cassent la gueule, qui se donnent des coups de poings, qui
s'affaiblissent les sens, pendant ce temps ces familles se demandent ce qui va
sortir de là. Ce qui arrive, c'est que ce sont deux boxeurs qui sortent
de là affaiblis l'un et l'autre, qui se sont fait ridiculiser l'un et
l'autre, cherchant une victoire personnelle, ne pensant jamais que, chez eux,
il y a des familles qui vont devoir vivre avec eux, avec une grosse oreille,
avec un nez écrasé, avec les sens affaiblis. C'est ce que cela me
rappelle.
Nous, du Parti libéral du Québec, on ne veut pas entrer
dans l'arène avec vous. On ne veut pas entrer dans l'arène avec
vous, le boxeur provincial et, lui, le boxeur fédéral. On ne veut
pas faire la même chose. On veut être l'arbitre qui va surveiller
la chose
et faire arrêter ce combat ridicule parce que nous pensons aux
familles qui sont là. On pense aux familles des pêcheurs. On pense
aux familles des travailleurs. On pense aux familles qui gagnent de l'argent
dans ce milieu, mais qui en gagnent tellement peu dans ce milieu qu'il faut
dynamiser. C'est ce qui compte dans cette affaire-là.
Votre projet de loi ne fait rien pour apporter des solutions. Que fait
ce projet de loi? Il cherche l'affrontement constitutionnel. Il cherche
l'affrontement juridique entre le Québec et le Canada, une bataille que
personne ne peut gagner, mais cela ne m'étonne pas du tout, parce que,
lundi, j'ai lu la presse et je voyais: "Le ministre Camille Laurin, qui est
membre du comité sur la question nationale, explique que ce
comité va durer longtemps, qu'il poursuivra probablement ses travaux
jusqu'à la prochaine élection. Déjà, il a largement
alimenté la réflexion du comité économique. C'est
aussi de lui, ajoute-t-on, que vient la loi Garon pour contrer le plan De
Bané" - c'est peut-être pour cette raison que M. Garon n'a pas
parlé beaucoup de sa loi, parce qu'il n'en savait pas grand-chose - "et
il va peut-être en venir d'autres prochainement."
Cela explique beaucoup de choses, parce que le ministre, votre
collègue, le Dr Strangelove, qui voit la vie avec des visières,
qui voit la vie renfermé, qui ne vous regarde jamais - même
debout, il est toujours... Ce qui arrive avec ce ministre, qui mêle ses
petites potions vertes, rouges et bleues, qui ajoute de petites choses pour
trouver de petites puces, pour trouver de petites choses qui vont ennuyer les
gens, qui a déjà tellement divisé les communautés
au Québec, qui a déjà semé la panique parmi les
communautés, qui va faire la même chose dans l'éducation
bientôt, qui cherche toujours... Le ministre Laurin a découvert
une autre petite puce. Il a été la chercher sur le tapis et il a
découvert la petite puce qui va piquer les gens. Il a découvert
quelque chose. Là, il vous a dit, selon lui... En tout cas, c'est lui ou
vous qui racontez la vérité, je ne sais pas. Voilà ce
qu'il a dit dans le journal: Là, je vais trouver une petite puce. Je
vais aller regarder la loi. On va aller trouver quelque chose pour créer
une discorde, parce que votre parti vit dans la discorde.
Malheureusement, le fédéral aussi, aujourd'hui, aime cette
bagarre, cette bataille de coqs. Qu'est-ce qui va arriver? Vous allez dire:
Nous allons prendre possession... En fait, vous avez parlé - je vous
cite - de nationaliser les pêches au Québec. Qui vous a
donné ce mandat? Est-ce un mandat des pêcheurs? Est-ce un mandat
qui vous a été donné par un référendum?
Est-ce un mandat qui vous a été donné par des travailleurs
d'usine? C'est un mandat qui vous a été donné par qui de
nationaliser les pêches au Québec? De quel droit voulez-vous, d'un
jour à l'autre, nationaliser les pêches au Québec?
M. Garon: M. le Président, je pense...
M. Lincoln: M. le Président, quand j'aurai fini.
Le Président suppléant (M. Gagnon): Un instant! M.
le ministre, vous aurez l'occasion, lors de votre droit de réplique ou
immédiatement après la fin du discours du député de
Nelligan, de rectifier les faits.
M. Garon: Non, question de règlement.
Le Président suppléant (M. Gagnon):
Après, immédiatement après, vous pourrez rectifier
les faits.
M. Lincoln: Je réalise que c'est un débat de
principe, je ne veux pas référer aux articles
spécifiquement, mais il y a deux articles de cette loi qui donnent le
pouvoir au ministre de faire des concessions de pêche. Cela va plus loin
que les engins fixés au sol, qui faisaient partie de l'entente de 1922.
Cela va plus loin que les engins d'avant 1922, cela va plus loin que cela.
Maintenant, ce sont des engins déposés. Qu'est-ce qui va arriver?
Quand le ministre entend-il arrêter ces concessions? Quelle est la limite
territoriale de ces concessions? Quelle est la limite à
l'intérieur de laquelle il va permettre aux pêcheurs d'aller
déposer leurs cages à homard et leurs cages à crabe? Ce
sont des questions fondamentales qu'il faut se poser. Le ministre
lui-même s'arroge dans cette loi le pouvoir de décider du nombre
de concessions par les mots "qu'il fixe et détermine" pour chaque
concession, les espèces et la quantité de produits aquatiques qui
peuvent être pêchés.
Puisque c'est l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui
régit toujours le Québec pour le moment, jusqu'à ce que
vous vous sépariez, si jamais cela arrive, nous sommes toujours
régis par l'article 91(12) et les pêcheries sont un domaine
fédéral, ne croyez-vous pas à une querelle juridique
là-dessus? Ne croyez-vous pas que cela ira en cour? Vous qui,
maintenant, voulez prendre en main la gestion des pêches au
Québec, la gestion des espèces par le biais de l'article 6,
avez-vous pensé aux risques juridiques que cela comporte? Avez-vous
pensé aux conséquences de ce geste pour le Québec dans
d'autres domaines? Ce sera très bien, si vous gagnez la bataille
juridique, mais si vous la perdez - et les chances sont grandes que vous la
perdiez - qu'est-ce qui va arriver des secteurs connexes, des secteurs
parallèles? Qu'est-ce qui va arriver au secteur minier? Qu'est-ce qui va
arriver au secteur pétrolifère sous la mer?
Vous prenez un risque de première envergure, celui de provoquer
un affrontement juridique délibéré qui peut avoir des
conséquences pour l'avenir parce que si vous perdez la bataille
juridique en cour, vous pouvez causer des préjudices sérieux
à d'autres secteurs industriels au Québec qui pourront être
affectés de la même façon. Ces choses doivent être
négociées et non pas résolues par des lois aussi
stériles et ridicules.
Avez-vous pensé, par exemple, aux réactions des autres
provinces quand, vous, vous allez fixer le territoire où vous allez
donner ces concessions? Si elles ne sont pas d'accord, si, par exemple, le
Nouveau-Brunswick n'est pas d'accord sur le territoire que vous avez choisi
pour donner vos concessions, avez-vous pensé à leur
réaction? Avez-vous pensé à la bataille de homards et de
crabes que cela peut signifier au milieu de l'océan?
Une voix: II n'y a pas de homard au milieu de l'océan.
M. Lincoln: De toute façon, c'est le principe qui compte,
M. le ministre. Où irez-vous avec votre dépôt d'engins?
Est-ce que cela va aider les pêcheurs d'avoir deux permis de pêche?
Est-ce que cela va aider le milieu d'avoir deux permis? Avez-vous pensé
à la confusion qui va se produire? Avez-vous pensé que les
pêcheurs, au lieu de demander deux permis, vont peut-être aller
déposer leurs prises ailleurs, dans les Maritimes? Avez-vous
pensé à toute la confusion qui va exister? Peut-être que
les acheteurs seront même affectés par tout cela. (11 h 40)
Avez-vous pensé aux conséquences de votre loi? Croyez-vous
vraiment que la solution fondamentale aux problèmes des pêcheurs,
aux problèmes des travailleurs et des producteurs se trouve dans la loi
48? Avez-vous tout fait pour que la loi 48 soit une solution constructive et
positive, au lieu d'être d'une solution négative,
"con-frontatrice" et ridicule? Tout cela est relié à une action
politique vers l'indépendance du Québec. Cela est dit par le Dr
Strangelove lui-même. Il avoue ici que c'est une question
d'étapisme indépendantiste. Le Dr Strangelove l'avoue
lui-même. Il a concocté la petite affaire, il est allé
chercher sa puce là, il l'a envoyée pour aller piquer des gens,
pour aller créer une autre bagarre juridique.
M. Garon: ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Lincoln: Le problème, M. le ministre, n'est pas
constitutionnel, ce n'est pas le problème de l'étapisme
indépendantiste du Dr Laurin. C'est surtout un problème humain,
c'est un problème de compréhension humaine, de
compréhension du milieu. Hier, par exemple, j'ai posé des
questions au ministre sur le cas de M. Jean-Paul Paradis, un pêcheur qui
s'est vu refuser jusqu'à présent une convention de prêt,
qui est sur le bureau du ministre qui refuse de signer, par abus de pouvoir
personnel, par attitude dictatoriale. Un citoyen du Québec qui a rempli
toutes ses fonctions et toutes les contraintes du règlement et de la
loi, comme d'autres l'ont fait, qui a fait sa demande avant d'autres à
qui on a déjà accordé le prêt. Ce citoyen se voit
maintenant dans la situation où son bateau neuf ne sera pas prêt
pour la saison prochaine; il aura sans doute à payer 100 000 $ de plus
sur 700 000 $, un septième de plus pour un pauvre pêcheur parce
que le ministre n'aime pas la coopérative dont il est le
président. C'est cela qui arrive.
Il y a d'autres cas aussi. Un cas d'agrandissement de port de
pêche qui végète encore sur le bureau du ministre parce que
lui et le ministre fédéral ne peuvent s'entendre pour signer
l'entente. Il y a le cas de deux entrepôts d'équipement, un projet
de 125 000 $ que le fédéral veut verser, qui est encore en retard
parce que le ministre ne veut pas céder une terre dans le parc
industriel. C'est la même chose dans le cas de deux entrepôts
frigorifiques pour lequel il y a encore une bagarre sur la question de cession
de terrains dans le parc industriel.
Le ministre dit qu'il n'y a pas de surenchère de millions. Mais
oui, il y a en ce moment une surenchère de millions entre le
fédéral et le provincial, qui vont à droite et à
gauche faire de la surenchère avec les pêcheurs. Le ministre a
pris presque 20 minutes aujourd'hui sur Newport. Si on ajoute le nombre de fois
que le nom de Newport a été dit, parce que Newport est la porte
d'entrée du ministre... C'est Newport qui va déstabiliser toutes
les choses. Il a réussi, par de très grosses subventions - 15 000
000 $ -à mettre un allié de son côté pour continuer
plus que jamais la bagarre.
Qu'est-ce qui va arriver de sa nouvelle usine de 15 000 000 $? Pourquoi
15 000 000 $? Pourquoi n'avez-vous mis que 30 000 000 $ dans toute la relance
économique du premier ministre Lévesque? Vous allez mettre 15 000
000 $ dans une usine, quand il y a déjà une usine sur place?
Qu'est-ce qui arrivera de l'usine qui est sur place? Est-ce que vous la
fermez?
Vous parlez de Newport, Newport, Newport, Newport. Vous avez
parlé d'ici et vous avez parlé de là. Tout ce que je sais,
c'est que je parle du cas de Jean-Paul Paradis. On vous posera aussi des
questions sur les cas que je vous ai déjà cités, sur les
ports de mer, sur les entrepôts, sur les
entrepôts frigorifiques.
Pour ma part, je vois tout le contraire. C'est comme citer dans les
rapports des pêcheurs, dans les rapports du CRD, dans les rapports des
travailleurs; le milieu n'est pas content, comme vous le disiez. Au contraire,
c'est un milieu déstabilisé, c'est un milieu fatigué de
toute l'affaire, tanné de vous, de M. De Bané, de vos querelles
personnelles et qui veut être remis en marche. Ce n'est pas par le projet
de loi 48 que le milieu sera remis en marche.
Peut-être suis-je un grand naïf, M. le ministre! C'est
possible, mais j'avais l'impression, avant de venir à l'Assemblée
nationale, que le rôle d'un politicien, surtout d'un ministre qui a des
pouvoirs immenses, qui a un budget immense en main, c'était de se servir
de ses pouvoirs, de son influence immense, des sommes que le public met
à sa disposition pour aider les gens d'abord et avant tout, pour aider
surtout les plus démunis de la société. C'est ce que sont
les gens dans les territoires des pêches maritimes, les gens
peut-être les plus démunis de la société.
Je vous demande où est cette humanité que devraient avoir
les ministres. Où est votre compréhension humaine dans toute
cette affaire? Est-ce que c'est le moment de venir présenter des lois
constitutionnelles pendant que ce milieu est déstabilisé,
désaffecté et ennuyé?
Les pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine, de la Gaspésie
et de la Côte-Nord, les travailleurs d'usine, les femmes, dont j'ai
cité le cas, qui gagnent encore bien moins que les hommes qui ne gagnent
que 4500 $ par année, ce ne sont pas des victoires constitutionnelles
qu'ils cherchent, M. le ministre. Même si vous gagnez une victoire
constitutionnelle, qu'est-ce que cela va leur apporter? Est-ce que vous pouvez
me dire ce que cela va leur apporter si vous ou le fédéral gagnez
une victoire constitutionnelle? Cela va faire qu'ils seront plus que jamais
affectés par la bagarre. Ce n'est pas cela qu'ils cherchent. Les
victoires constitutionnelles, cela vous fait du bien; cela vous fait bomber la
poitrine; cela vous fait mettre vos pouces dans vos poches; vous êtes
content; vous vous faites applaudir par tous vos collègues. Est-ce que
c'est encore une autre victoire indépendantiste?
Là, tout le monde est content. Vous êtes le grand
héros de l'Assemblée nationale. C'est très bien. Les
journalistes vont dire: Ah oui, c'est un homme fort, M. Garon; formidable. Mais
qu'est-ce que cela apporte aux pêcheurs? Qu'est-ce que cela apporte aux
travailleurs d'usine? Qu'est-ce que cela apporte aux gens du milieu, votre
victoire constitutionnelle? C'est formidable pour vous. C'est formidable pour
le Dr Laurin et pour le premier ministre Lévesque, mais cela n'apporte
rien aux gens du milieu qui gagnent 4500 $. Je vous ai dit ce que gagnent les
pêcheurs du milieu. Cela ne leur apporte rien. Même si cela fait
applaudir vos collègues à tout rompre, cela n'apporte rien aux
gens du milieu.
On n'a qu'à voyager, n'importe quand -je sais que je ne le fais
pas souvent - on n'a qu'à aller dans les villages de pêche une ou
deux fois par année pour savoir ce que sont ces milieux, des gens sans
travail, des gens qui sont en chômage - des taux de chômage
élevés - qui cherchent une vraie relance économique, pas
cette relance économique qui dit beaucoup de mots, mais qui ne fait rien
pour les pêcheurs maritimes et pour tous les autres secteurs non plus.
Est-ce que votre projet de loi leur assure un salaire équitable et leur
permet de travailler plus? Est-ce que votre projet de loi résout le
problème qui est celui de gagner leur vie honorablement et sans souci
pour l'avenir? Tandis que vous-même et votre homologue
fédéral jouez à une bataille de coqs, les gens qui
comptent sur vous désespèrent que vous ne puissiez jamais les
comprendre, que vous ne puissiez jamais les écouter, que vous ne
puissiez jamais changer leur vie pour le mieux. C'est cela, la question.
Quand vous parlez de nationalisation de l'industrie des pêches,
quand vous parlez du projet de loi 48, quand vous parlez d'aller donner des
concessions, quand vous parlez de contrôler les espèces et la
quantité des produits marins qui peuvent être pêchés
sur votre territoire, qu'est-ce que ce territoire? Expliquez-le-nous. Je vais
vous citer un document qui vous recommande "de participer avec les organismes
internationaux qui s'occupent de la pêche et de négocier avec le
Canada et les autres pays concernés des accords portant sur
l'exploitation rationnelle des ressources du golfe Saint-Laurent, la protection
des espèces, la présence et le contrôle des flottes, la
délimitation des eaux territoriales." Négocier avec le Canada,
c'est ce que cela dit. C'est le dernier programme de votre parti, le Parti
québécois. C'est cela qu'il vous demande de faire. On vous
demande de négocier pour l'exploitation rationnelle des ressources. On
vous demande de négocier pour la protection des espèces. Est-ce
que c'est cela que vous faites avec ce projet de loi? Si, maintenant, parce que
vous avez des querelles personnelles avec M. De Bané et que vous ne
pouvez pas vous sentir, vous ne pouvez pas négocier avec lui, attendez
qu'on change de gouvernement là-bas; attendez d'avoir un parti
nationaliste au Parlement fédéral qui pourra peut-être
négocier pour vous. Si vous ne pouvez pas négocier
vous-même, faites négocier par quelqu'un de votre parti qui soit
plus flexible. Créez le ministère des pêcheries, comme
votre programme du parti vous le dit. C'est cela qu'il faut faire.
Je vais vous faire une requête
spécifique, M. le ministre. Malheureusement, vous n'êtes
pas là pour écouter. Quand, la dernière fois, comme
ministre, avez-vous donné la chance à tous les intervenants du
milieu qui veulent se faire entendre - les pêcheurs, les travailleurs,
les producteurs -de se faire entendre par tous les députés de
l'Assemblée nationale? Pour mettre de l'ordre dans toute cette affaire,
pour entendre ce que les gens du milieu pensent vraiment, pour savoir si c'est
une partie qui a raison ou l'autre, pour savoir ce que les gens du milieu
pensent vraiment - pas M. De Bané ni M. Garon, mais les gens du milieu -
ce qu'il nous faut, d'une façon urgente, c'est une commission
parlementaire. Il nous faut une commission parlementaire sur les
pêcheries maritimes qui nous permettra d'entendre les gens du milieu, les
pêcheurs, les travailleurs, les producteurs et tous les autres, tous ceux
qui voudront se faire entendre. M. le ministre, j'espère que vous allez
vous pencher sur cette question, parce que cela permettra à ces gens de
nous faire savoir quelles sont leurs contraintes, leurs inquiétudes, ce
qu'ils veulent eux-mêmes. Cela nous permettra de savoir comment ils se
situent par rapport à vos projets de loi 48, 49 et les autres, à
la Société québécoise des pêches et à
tout le reste. (11 h 50)
Si nous avons eu, au gouvernement du Québec, une commission
parlementaire spécifique pour écouter les gens au sujet de la loi
101, et si nous en avons une aujourd'hui pour écouter les Indiens, les
Inuits et les populations autochtones sur leurs contraintes et leurs droits, ne
devons-nous pas aussi, pour un milieu tellement désaffecté,
déstabilisé, pour un milieu qui demande de se faire entendre, et
que les ministres fédéral et provincial n'écoutent jamais,
convoquer une commission parlementaire publique qui permettra à tous ces
gens de présenter des mémoires et de dire ce qu'ils ont sur le
coeur? De cette façon, on connaîtra tous la vérité;
nous serons tous beaucoup plus éclairés, parce que ce n'est pas
seulement le ministre qui proclame la vérité.
M. le ministre, vous m'avez dit trois ou quatre fois que vous trouviez
cela ironique que, venant de l'Ouest de Montréal, je m'occupe des
pêcheries maritimes. Oui, je sais, c'est drôle que, venant d'un
milieu urbain, je m'occupe du milieu maritime. Je réalise que je ne suis
pas un expert sur la question. Je réalise que j'ai beaucoup à
apprendre sur la question. Je réalise qu'il y a certainement beaucoup de
chemin à faire, pour nous, comme parti, pour savoir exactement ce que le
milieu pense. Il faut beaucoup de temps pour écouter les gens, et le
temps manque. Mais d'après ce que j'ai pu lire, ce que j'ai pu apprendre
depuis que je m'occupe de ce dossier, les gens dont le ministre est
censé s'occuper, les gens pour lesquels il consacre un budget tellement
petit, dont il n'utilise même pas tous les crédits, dont il
utilise seulement 75% des crédits par année, dont il utilise
seulement quelque chose comme 22 000 000 $ de budget par année, ces
mêmes gens ont très peu d'argent pour se débrouiller
maintenant. Et le ministre distribue ses largesses de façon tout
à fait intempestive à droite et à gauche pour faire une
surenchère de millions avec le gouvernement fédéral. Ce
que j'ai appris en m'occupant de ce dossier - je l'ai appris avec une
conviction profonde, qui devient de plus en plus profonde, plus je m'occupe de
ce dossier - c'est que ces gens ne cherchent pas des affrontements
constitutionnels. Ils ne veulent pas la loi 48 ni même la loi 49. Ce
n'est certainement pas la loi 48. Ce n'est pas cela qu'ils cherchent. Ils vous
le diront. Si M. le député de Gaspé veut bien leur parler,
je vais lui donner les noms des personnes à qui j'ai moi-même
parlé ainsi que mes collègues. Il saura lui même que ces
gens ne cherchent pas cela. Il ne veulent pas de concesssions. Ils ne veulent
pas de concessions spéciales. Ils ne veulent pas que leur cas arrive en
Cour suprême du Canada ou en Cour supérieure du Québec pour
que cela devienne une nouvelle bataille fédérale-provinciale. Ils
nous disent: Cela ne va résoudre en rien nos problèmes. Notre
problème est un problème de qualité de vie minimale. C'est
un problème d'argent; c'est le problème qui repose sur le fait de
gagner sa vie. On ne gagne pas sa vie comme cela; au contraire, on la rend plus
compliquée; on la rend plus stérile. Ces gens seront les premiers
à souffrir de tous ces affrontements entre deux ministres, entre deux
gouvernements.
Ce qu'il faut justement, ce n'est pas la constitution, ce n'est pas
l'indépendance, d'abord et avant tout, en tout cas, avant qu'on
règle toute la question de l'indépendance aux prochaines
élections d'une façon ou d'une autre - nous l'espérons
-c'est un peu plus d'humanité, de compréhension. Il faut surtout
répondre à la lettre que M. Jean-Paul Paradis a envoyée au
ministre, le 5 octobre. Le ministre n'a fait qu'éplucher des chapelets
de lettres, mais, quand M. Jean-Paul Paradis lui a écrit, le 5 octobre
1983, il n'a même pas pris la peine de lui répondre. M. Paradis a
aussi écrit au député de Gaspé et n'a pas eu de
réponse. Ce qu'il faut, c'est justement aller écouter ces gens.
Ce qu'il faut, c'est être un peu plus humain. Ce qu'il faut, c'est une
compréhension du milieu que le ministre n'a pas. C'est cela qu'il faut
et cela ne se fait pas par des lois. Cela ne se fait pas par des motions. Cela
ne se fait pas par des règlements, si beaux soient-ils. Cela ne se fait
pas par des grandes promesses de donner des millions à untel et d'autres
millions à un
autre seulement s'ils prennent la part du ministre.
Si le ministre peut comprendre cela, si le ministre peut comprendre que
le problème est un problème très simple en fait - c'est un
problème de gens, c'est un problème de milieu de travail - s'il
peut se mettre à l'écoute des gens, s'il peut commencer à
planifier un peu mieux au lieu de faire des petites politiques au pied
levé comme cette loi en témoigne aujourd'hui très
clairement, s'il peut faire cela, à ce moment il aura une chance que,
pendant les deux prochaines années, ce milieu tellement affecté,
tellement accablé puisse reprendre un peu de son essor.
Malheureusement, si on prend l'historique de ce qui s'est passé
jusqu'à présent, je doute fort que cela arrive parce que le
ministre, comme l'autre, ne sait pas nous écouter. Lorsqu'on lui pose
des questions en Chambre, il a toujours raison. Il fait applaudir tous ses
collègues parce qu'il est l'homme fort. M. le ministre, moi je vous
demande de ne pas gagner vos batailles ici à l'Assemblée
nationale, mais plutôt d'aller gagner la bataille des gens du milieu
là-bas dans les régions de la Basse-Côte-Nord, de la
Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Il y a un nouveau
collègue ici qui vient de la Basse-Côte-Nord, le
député de Saguenay, et lui vous dira, tout à l'heure, tous
les cas qui se passent là-bas, à l'encontre de ce que le ministre
nous dit que tout est tellement rose dans le milieu des pêches.
C'est pourquoi nous, on ne va pas entrer dans l'arène des
boxeurs. On va rester comme arbitres. On va essayer de faire comprendre au
ministre provincial et au ministre fédéral, si lui peut
écouter ou lire ces discours, qu'on en a assez de ces bagarres inutiles,
qu'on veut être des arbitres, qu'on veut faire stopper le combat avant
que ces ministres deviennent tellement hantés par cette espèce
d'esprit de jalousie personnelle, par cet esprit revanchard d'un
côté et de l'autre, qu'ils oublient tout à fait les gens
pour lesquels ils sont censés avoir été élus. C'est
cela qui va être notre rôle dans tout cela. Notre rôle, dans
la loi 48, va être de vous dire: Vous ne résolvez rien. Vous
apportez seulement une confrontation stérile, négative, qui ne
fait rien pour résoudre les vrais problèmes dont je vous ai
parlé, les problèmes qu'a soulignés le CRD de la
deuxième transformation de nos produits de pêche, des
problèmes humains, des problèmes de producteurs et de
travailleurs; les problèmes qu'ont soulignés les syndicats, les
problèmes qu'ont soulignés les pêcheurs qui, après
avoir donné un rapport personnel au ministre, douze mois après
lui écrivaient: Vous n'avez résolu aucun de nos problèmes.
Ils sont encore tous ici. Vous ne nous écoutez jamais.
C'est cela le problème fondamental. Une deuxième fois,
pour que ce soit bien clair, au lieu de la loi 48 maintenant, nous voulons
avant tout une commission parlementaire qui va aller écouter ces gens,
qui va aller donner une chance bientôt, j'espère très
bientôt, aux gens du milieu de se faire entendre, de présenter des
mémoires et de nous dire ce qu'ils veulent eux-mêmes. C'est cela
la question clé. Je demande aussi au ministre, parce qu'il a
accusé des gens de façon formelle ici, des gens de Pêcheurs
unis et de Madelipêche, qu'il forme, au lieu d'accusations à
l'Assemblée nationale, une commission d'enquête publique, qu'il
mette tout cela au clair afin de donner une chance à ces gens de se
défendre publiquement.
C'est la notion la plus fondamentale, la plus équitable du droit
commun. C'est cela qu'il devrait faire au lieu de les accuser en Chambre parce
qu'il sait qu'ils ne peuvent pas répondre ici. On aurait pu faire tout
un débat sur toute cette question. Mais là on ne va pas faire un
débat sur la question de Pêcheurs unis ou de Newport ou de
Madelipêche ou de Cloridorme. Ici, on parle surtout de la loi 48 et nous
nous posons des questions fondamentales parce que tout ce que cette loi va
apporter, c'est des affrontements, alors que nous voulons des constructions
positives, des constructions humaines. C'est dans ce sens que nous
espérons que nous allons travailler. (12 heures)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Gaspé et adjoint parlementaire au ministre des Pêcheries.
M. Henri LeMay
M. LeMay: M. le Président, je suis très heureux
qu'on parle aujourd'hui des pêches étant donné que, depuis
la semaine dernière, Radio-Québec a fait son entrée en
Gaspésie et que dorénavant, toute la Gaspésie pourra
écouter nos débats ici à l'Assemblée nationale.
C'est seulement le 15 décembre que Radio-Québec officialisera son
entrée en Gaspésie, mais déjà on peut capter ses
ondes qui nous viennent de Carleton et je suis convaincu que tous les gens du
milieu gaspésien, contrairement aux années passées,
pourront profiter des débats qui se passent ici, en particulier dans le
domaine des pêches.
Il y a certains points du discours du député de Nelligan,
ministre des Pêcheries du gouvernement fantôme du Parti
libéral, que j'aimerais relever. Il a commencé son discours en
disant qu'il n'avait pas eu le temps - c'était une loi qu'on passe en
catastrophe - d'en prendre connaissance ou à peu près pas. Si je
me souviens bien, M. le ministre responsable des Pêcheries au
Québec, après avoir déposé à
l'Assemblée nationale le projet de loi 48, a fait une
conférence de presse le 16 novembre; nous sommes aujourd'hui le
23, M. le Président, cela fait donc sept jours que le
député de Nelligan a le projet de loi en main, projet qui
contient onze pages. S'il n'a pas eu le temps d'en prendre connaissance, ce
n'est vraiment pas la faute du gouvernement ou la faute du ministre.
Autre chose. M. le député de Nelligan nous disait qu'on
avait l'intention d'investir 14 000 000 $ à Newport. Je pense qu'il y a
erreur et que M. le ministre l'a bien dit tout à l'heure.
Peut-être l'usine coûtera-t-elle entre 12 000 000 $ et 14 000 000
$, mais nous n'avons jamais parlé d'investir 14 000 000 $, nous avons
dit que les gens du milieu allaient investir le tiers, nous avons dit que les
pêcheurs allaient investir le tiers et qu'enfin, la Société
québécoise des pêches allait investir le reste,
c'est-à-dire minoritairement.
Également, quand M. le député de Nelligan parle du
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en le
qualifiant d'avoir la folie des grandeurs, je ne sais pas si M. le
député de Nelligan a pris connaissance du plan de gestion des
pêches de M. De Bané, ministre fédéral qui voit une
immense société de gestion exactement comme il en existait une
avant, alors que nous, nous parlons de société coopérative
régionale. Je ne vois pas beaucoup de folie des grandeurs
là-dedans, M. le Président.
Un autre point que j'ai relevé du discours de M. le
député de Nelligan, c'est quand il nous parle de migration des
crustacés. Peut-être a-t-il raison de nous dire qu'il vient d'un
milieu urbain, qu'il ne connaît pas tellement les pêches, qu'il
essaie de s'informer de plus en plus. Mais j'aimerais qu'il nous parle de la
migration des crustacés, parce qu'on sait qu'il n'y a pas de migration
du côté des crevettes, il n'y en a pas non plus du
côté du homard et même pour le crabe nous ne sommes pas
sûrs; il se fait actuellement des expériences à savoir si
le crabe se déplace de saison en saison. On ne le sait même pas.
Je ne sais pas où il a pris ses informations, mais je suis sûr
qu'il ne pourrait certainement pas nous parler pendant une heure de la
migration des crustacés.
M. le Président, pourquoi cette loi 48 et quelle est l'origine de
cette loi 48? C'est que tout simplement le gouvernement d'Ottawa, le 8 juillet,
au Conseil des ministres, rapatriait la totalité des pêches du
Québec, c'est-à-dire la juridiction que nous avions, après
entente avec Ottawa, depuis le 1er avril 1922. Le 11 juillet, M. De
Bané, lors d'une conférence de presse, annonçait que
dorénavant, étant donné que le Québec était
incompétent dans le domaine des pêches, il se décidait
à rapatrier à Ottawa toute l'administration des pêches.
Pour ce qui est des permis, on n'a jamais contesté, c'est vrai. Ils ont
rapatrié tous les permis dans le domaine des pêches et on n'a pas
contesté cela parce que Juridiquement, ils ont le droit de le faire,
même unilatéralement. Mais pour ce qui nous reste, M. le
Président, c'est bien de valeur, on doit encadrer dans une loi ce qui
nous appartient. Si quelqu'un vient chez nous stationner sa voiture dans ma
cour, c'est normal qu'il ait une autorisation. C'est ce que dit la loi. Si
quelqu'un vient déposer sur le fonds marin d'eau salée ou d'eau
douce des engins marins, il est normal qu'il obtienne notre autorisation.
Ce n'est donc pas un permis de pêche qu'on va donner. C'est un
permis d'utilisation du sol qui appartient au Québec et qui est de
juridiction québécoise. Il ne s'agit pas... Et ce n'est pas nous
qui sommes retournés avant 1922. C'est le gouvernement
fédéral qui a rapatrié ses droits et a dit: On va se
replacer avant 1922, alors qu'il y avait deux permis. Ce n'est pas nous. On n'a
jamais voulu que les pêcheurs soient obligés d'aller chercher deux
permis, l'un du gouvernement fédéral et l'autre du gouvernement
provincial. Au contraire. D'ailleurs, comment vont-ils administrer ces permis?
À qui vont-ils les donner? Vont-ils les donner de façon
discrétionnaire, comme cela se faisait avant, du côté
fédéral? Vont-ils suivre notre exemple en formant des
comités de pêcheurs avec des gens représentant le
gouvernement pour attribuer vraiment des permis à ceux qui en ont besoin
et qui peuvent gagner leur vie avec cela?
Va-t-on faire comme avant 1970, alors qu'on donnait des permis de saumon
à un hôtelier, parce qu'il était de la bonne couleur
politique? Nous, on a complètement éliminé cela. À
partir du mois d'avril 1984, les permis pour la pêche au saumon seront
donnés exactement comme on le faisait pour la pêche au homard. Ils
vont être donnés par un comité de pêcheurs. Donc,
cela va être un revenu pour les pêcheurs qui en ont besoin et non
pas pour un hôtel qui a besoin d'un permis pour avoir du saumon pour
fournir sa cuisine.
Il y a un mois environ, M. De Bané -on a appelé cela "le
plan De Bané", il est arrivé avec la Société de
gestion des pêches - a rencontré très rapidement, dans
l'espace de trois ou quatre jours, tous ceux qu'il pouvait ramasser comme
pêcheurs et il leur a dit: Je mets 23 000 000 $. Les structures que je
propose, ce sont celles qui existaient du temps de Pêcheurs unis,
exactement les mêmes; même plus que cela, avec les mêmes gens
pour administrer cette même société, une
société qui est techniquement en faillite depuis deux ans. On
leur a dit, aux pauvres pêcheurs: On vous garantit un approvisionnement;
on vous garantit que les usines vont être ouvertes. Et on a dit aux
travailleurs
d'usine: On vous garantit "une job" pour au moins cinq ans, avec les
mêmes structures qui existaient alors qu'ils étaient en faillite
technique. On vous donne dix jours pour dire oui. Si c'est non, on ferme. Que
pensez-vous que les pêcheurs ont fait, M. le Président? Ils
n'avaient pas le choix. Ils ont dit: D'accord. Les gens de
Rivière-au-Renard, qui étaient très inquiets à ce
moment-là ont dit: D'accord, on embarque. Les autres à Newport -
ils étaient onze, dont deux ont refusé de voter - ont dit: II
faut bien, on n'a pas le choix. Ensuite, M. De Bané est arrivé en
conférence de presse et il a dit: Vous avez le choix entre le plan De
Bané -le mien - ou le plan Garon. C'est curieux.
Dans cette perspective, il n'y a jamais eu de plan Garon. Le plan Garon
a toujours été le plan des pêcheurs, ce que les
pêcheurs voulaient. Et plus que cela, la semaine dernière - ils
ont tellement faussé l'idée des gens - je recevais un appel
téléphonique de Rivière-au-Renard, de quelqu'un qui est
très influent dans le milieu, et il me disait: Qu'attendez-vous, vous
autres, pour venir nous proposer quelque chose à
Rivière-au-Renard comme vous l'avez fait à
Rivière-au-Tonnerre, comme vous l'avez fait à Newport? J'ai dit:
C'est la première fois que j'en entends parler. C'est bien de valeur,
mais on n'a jamais rien proposé à Newport. On est allé
à Newport sur invitation des pêcheurs de Newport. Jamais M. Garon
n'est allé imposer sa présence à
Rivière-au-Tonnerre, à Newport ou aux Îles-de-la-Madeleine.
M. Garon est arrivé à Newport à la demande des
pêcheurs de Newport et leur a dit: Que voulez-vous? Ils ont dit: Nous
autres, on voudrait investir dans une usine neuve à Newport. Le
gouvernement fédéral offre 2 300 000 $ pour rénover
l'usine de Newport. Savez-vous à combien est actuellement
évaluée l'usine de Newport? 185 000 $ et le gouvernement
fédéral serait prêt à investir 2 500 000 $ pour la
moderniser selon nos normes. Cela n'a pas de sens. (16 h 10)
Nous avons même un spécialiste qui est allé voir
l'usine de Newport et qui a dit: Cela va coûter encore plus cher en
investissement et vous allez toujours avoir une vieille cabane. Pourquoi ne pas
investir dans quelque chose de neuf, dans quelque chose de moderne? Les
pêcheurs, Lorenzo Albert en tête et toute son équipe, ont
dit: On va se pencher sur la possibilité de la construction d'une usine
neuve. De notre côté, nous leur avons prêté une aide
technique parce que des pêcheurs, ce ne sont pas des avocats, ce ne sont
pas des notaires, ce ne sont pas des architectes, ce ne sont pas des
ingénieurs. On leur a prêté une aide technique et on a
travaillé le plan de Newport, on a fait ce que les gens voulaient. On
n'ira pas construire une usine de production de 25 000 000 de livres quand on
sait bien que la capacité de Newport, si on regarde les bateaux qui vont
la fournir, est d'un maximum de 20 000 000 de livres. On ne peut pas
dépasser cela. Actuellement, on a l'assurance d'un approvisionnement
autour de 15 000 000 à 18 000 000 de livres provenant de pêcheurs
qui sont prêts à fournir cette usine. Si le fédéral
ne veut absolument pas investir dans une usine neuve, qu'il garde la vieille
usine et qu'il la fasse fonctionner cahin-caha, comme fonctionnait l'usine des
Pêcheurs unis il y a quelques années.
Pour Rivière-au-Tonnerre, c'est la même chose. Les gens ont
dit: On aimerait acquérir les actifs des Pêcheurs unis. Cela vaut
tant; d'accord, on va vous subventionner sous forme de capital-actions,
toujours par la Société québécoise des
pêches. C'est fait, le ministre l'a dit tantôt, ils ont même
reçu leur chèque de 60 200 $.
Les gens de Rivière-au-Renard sont inquiets et je les comprends.
Je ne sais pas si vous avez déjà eu le plaisir de faire le tour
de la Gaspésie, mais, à Rivière-au-Renard, on retrouve la
plus belle installation portuaire de toute la Gaspésie, l'infrastructure
la plus importante, une usine très importante. Les gens de
Rivière-au-Renard sont inquiets parce qu'ils attendent que le
Québec arrive avec une solution toute faite pour
Rivière-au-Renard. On m'a même dit la semaine dernière: Si
vous n'avez pas de solution pour Rivière-au-Renard, c'est parce que le
ministre n'aime pas les gens de Rivière-au-Renard. Je leur ai
répondu: Si vous voulez rencontrer le ministre, il ira vous voir, sur
votre invitation, n'importe quand. On agira avec vous comme on l'a fait
à Newport, comme on l'a fait à Rivière-au-Tonnerre; on
n'arrivera pas avec des solutions toutes faites comme la Société
de gestion des pêches de M. De Bané, avec une solution qui part
d'en haut, qui est chapeautée par un ministère et imposée
aux pêcheurs. On sait très bien que c'est fait en fonction des
banques, en fonction de la Fédération des caisses populaires qui
avait investi de l'argent dans Pêcheurs unis. Comme cet argent est perdu,
le fédéral est arrivé en disant: On va vous le
récupérer, vous allez rentrer dans votre argent, vous, les
institutions bancaires. En fait, c'est cela.
Plus que cela, on leur a dit: Vous êtes les créanciers de
Pêcheurs unis et ces gens sont en faillite; vos créances, tout
l'argent que vous avez perdu, les banques et la Fédération des
caisses populaires, toutes ces dettes vont devenir du capital-actions positif.
Avez-vous déjà vu cela, prendre des dettes et en faire du
capital-actions, prendre du moins et en faire du plus? C'est ce qu'on veut
faire.
Est-ce qu'on va essayer de remettre en branle une structure qui ne
fonctionnait pas
depuis dix ans peut-être? On savait où était le
bobo, le ministre responsable des Pêcheries nous l'a clairement dit tout
à l'heure. On a demandé un plan de redressement, on l'a
demandé à Mont-Joli, en juillet 1982, et on n'a jamais eu de
réponse. Là, on s'est mis à crier: Le Québec ne
veut plus investir dans Pêcheurs unis. C'est curieux, mais, un an ou deux
ans avant, tout le monde nous accusait d'investir dans Pêcheurs unis,
dans une compagnie en faillite. On leur demande un plan de redressement, mais
non, ça ne fonctionne plus. Quand le plan de redressement est
arrivé, Pêcheurs unis étaient déjà en
faillite technique. On a fait comme on le fait pour un grand malade
couché sur un lit d'hôpital, qui est branché sur une
machine; on lui a injecté un sérum, l'argent du
fédéral, pour le maintenir en vie pendant six mois, le temps de
la saison de la pêche. Mais, maintenant que la saison de la pêche
est terminée, il serait peut-être bon qu'on s'asseoie et qu'on
arrête de parler de Pêcheurs unis qui, techniquement, n'existe
plus.
M. le Président, les gens de Rivière-au-Renard sont
inquiets, mais le ministre leur a lancé l'invitation, et je la leur
refais: S'ils veulent s'asseoir à la table et regarder les actifs de
Rivière-au-Renard, on va les regarder ensemble, on va les
évaluer, on va former un plan de pêche d'ici cinq, dix ou quinze
ans, mais on n'ira pas faire pleuvoir des millions pour maintenir en vie un
organisme mort - c'est officiel - comme voulait le faire M. De Bané avec
sa société de gestion des pêches.
Quel est, en fait, notre politique? Notre politique a commencé le
18 décembre 1981, quand on a adopté en Chambre cela fera deux ans
bientôt notre loi sur la qualité des produits marins. On ne veut
plus faire rire de nous sur les marchés mondiaux sur les marchés
de Boston, américains ou autres. On sait que l'inspection des aliments,
le fédéral n'est pas capable de la faire. Cela a
été prouvé, les fédéraux eux-mêmes
l'ont dit. Je pourrais même vous donner un exemple qui vous fera
peut-être sourire un peu. Savez-vous comment on forme les inspecteurs de
poisson au fédéral? Par exemple, il y a un surplus de personnel
à un centre de main-d'oeuvre du Canada ou à un bureau
d'assurance-chômage du Canada. On prend quelqu'un là et on lui
dit: Toi, tu seras inspecteur en produits marins, du jour au lendemain. On lui
donne un petit cours accéléré de quinze jours ou trois
semaines et la personne s'en va au bout des quais et, à partir de ce
moment, elle a juridiction sur la qualité du produit marin. Que
pensez-vous qu'il arrive? Il arrive ce qui est arrivé l'an passé:
on rejette 20% ou 25% de notre poisson, parce qu'on ne peut même pas
l'envoyer sur le marché. C'est effrayant, M. le Président. C'est
pour cela qu'à l'avenir on prévoit dans notre projet de loi des
usines conformes à nos normes, qui sont peut-être
sévères. Je me souviens quand on a décidé de faire
le ménage dans les abattoirs. On a crié, bien sûr, mais
aujourd'hui tout le monde au Québec est content d'avoir une
qualité de viande qui soit supérieure pour la consommation
humaine. On peut maintenant se comparer à n'importe qui.
Dans le domaine du poisson, ce sera la même chose à partir
du mois d'avril 1985. On ne veut plus qu'à l'intérieur des usines
il y ait des risques de contamination. On ne veut plus qu'à
l'intérieur des bateaux il y ait 25 000, 30 000 ou 40 000 livres de
poisson empilé pendant quatre ou cinq jours. Imaginez-vous ce que peut
avoir l'air, dans l'assiette d'un consommateur, la pauvre morue qui a
été prise la première, qui passe cinq jours en mer et qui
arrive avec 40 000 livres d'autres morues par-dessus elle.
On arrive donc avec des normes. Pour aider les pêcheurs et les
industriels à se conformer à ces normes, on a des programmes. En
fait, le député de Nelligan nous demandait: Quel est votre
programme de développement des pêches? Qu'il regarde tous les
programmes. On a des programmes de désuétude. Quand les usines
sont trop vieilles, on subventionne des gens pour les faire démolir.
Avez-vous déjà vu cela? On n'a jamais vu cela. Un programme
où on paie le monde pour démolir des choses qui sont
usagées, vieilles, désuètes, désaffectées et
tout ce qu'on voudra, cela n'existe nulle part.
On a des programmes de construction d'usines neuves. On a des programmes
de modernisation d'usines neuves. On a des programmes pour la modernisation des
bateaux eux-mêmes. M. le député de Nelligan disait
tantôt: On ne dépense même pas tout notre budget ou on
dépense 22 000 000 $ sur les 30 000 000 $ qu'on propose. Bien sûr,
les programmes sont là. Si les gens ne se prévalent pas des
programmes, ils ne peuvent pas profiter de ces sommes; donc, celles-ci ne sont
pas dépensées, c'est sûr. Ce qu'il ne se rappelle pas, par
exemple, c'est que l'an passé, en commission parlementaire, ' le
député de Bonaventure nous disait que, lorsqu'il était
ministre des Pêches, il avait 800 000 $ de budget. Nous autres, nous
sommes rendus à 30 000 000 $ et il s'en ajoutera encore. L'an
passé, cela a été un des seuls budgets qui ont
été augmentés. À cause de la crise, les budgets
avaient été diminués l'an passé, mais
celui-là a été augmenté. Ces sommes seront
dépensées pour autant que les pêcheurs ou les industriels
de la pêche en feront la demande. (12 h 20)
II me reste une minute et, pour terminer, M. le Président, je
voudrais simplement lancer un appel aux pêcheurs de
réfléchir, parce qu'il ne faut pas oublier une
chose: la société de gestion des pêches
proposée par M. De Bané fera mourir toute l'entreprise
privée dans le secteur des pêches. Aucune entreprise privée
ne pourra concurrencer avec les millions qui vont pleuvoir du
fédéral et qui vont, en fait, tomber à l'eau, parce que,
dans quatre ou cinq ans, on sera exactement au même point qu'aujourd'hui.
Si les pêcheurs veulent vraiment structurer leurs activités de
pêche de façon qu'on ne soit plus 50, 60 ou 100 ans en
arrière, qu'ils s'assoient avec nous, qu'ils aient un plan de
structuration des pêches et l'avenir des pêches, en Gaspésie
comme dans tout le Québec, sera assuré. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Lorsque nous
avons appris que le ministre avait déposé un projet de loi sur
les pêcheries, notre réaction première a été
de croire que les intérêts de cette industrie et des intervenants
du milieu étaient devenus une priorité du gouvernement. Nous
étions très heureux de la tournure des événements,
d'autant plus que rien dans le plan de relance économique ne laissait
prévoir une telle intervention.
Je dois avouer, toutefois, que la lecture du projet de loi nous a fait
déchanter. En effet, lorsque nous avons cherché les dispositions
permettant d'améliorer la situation des pêcheurs de façon
perceptible sinon immédiate, nous n'avons rien trouvé, pas de
plan d'action. Tout ce que nous avons trouvé, ce sont des pouvoirs de
réglementation des pêcheries, un régime de concessions et
ce qui nous apparaît, à ce moment-ci, l'augmentation de la
bureaucratie probablement sur le dos des pêcheurs.
Même si la querelle De Bané-Garon ou le ton du
communiqué du ministre du Québec étaient largement
axés sur l'aspect juridictionnel et avaient tracé la voie que le
gouvernement entend suivre, c'est une déclaration du ministre de
l'Éducation, M. Laurin, qui a confirmé notre opinion dans ce
sens. En effet, dans une entrevue accordée à la presse, le
ministre de l'Éducation avouait que le projet de loi 48 avait
été inspiré non pas par le comité
ministériel sur l'économie, mais bien par le comité
spécial sur la question nationale. Voilà pour le projet de loi
concernant les pêcheries.
Comme nous connaissons la tendance du gouvernement actuel à
mêler le problème constitutionnel à toutes les sauces, nous
n'avons pas été trop surpris. Nous avons, cependant, beaucoup de
mal à nous imaginer comment les gens pour qui la pêche est une
source de revenus pourront accueillir avec enthousiasme la nouvelle qu'ils ont
sans doute des problèmes économiques, mais peut-être bien
davantage des problèmes constitutionnels.
Partant du fait que le gouvernement a malheureusement
décidé d'engager le débat sur ce terrain, nous avons
tenté d'examiner le partage des juridictions dans le domaine des
pêcheries entre le fédéral et les provinces, sans aucune
prétention de notre part, M. le Président, car nous ne voulons
évidemment pas trancher d'une façon définitive ce
débat fort complexe. J'aimerais, au départ, assurer les gens d'en
face que nous n'entendons aucunement prétendre que le Québec ne
doive pas chercher à occuper tous les champs de juridiction qui lui sont
conférés, mais dans le projet de loi qui est devant nous, la
question qui se pose, c'est: Va-t-il au-delà des champs de juridiction
qui lui sont conférés par la constitution?
Si le ministre réussit à nous démontrer que son
projet s'inscrit dans le cadre constitutionnel canadien, nous ne pourrons que
le féliciter de sa démarche. Dans le cas contraire, les
préjudices que pourrait causer aux pêcheurs un long débat
juridique à la suite d'interprétations trop imprécises
nous laissent fort inquiets et perplexes. Quoi qu'il en soit, nous nous sommes
demandé si le but recherché par le gouvernement était
d'occuper toute la juridiction dévolue au Québec dans le cadre
constitutionnel canadien.
Là-dessus, je voudrais simplement faire une digression à
la suite d'une remarque du député de Gaspé qui disait que
sept jours, c'était amplement de temps pour examiner ce projet de loi.
Quand un projet de loi touche à des aspects constitutionnels, M. le
Président - je sais que, par expérience, vous le savez - ce n'est
pas un problème si simple. Sept jours, c'est quand on compte,
évidemment, la journée où il est déposé,
etc. Finalement, le temps qui a été mis à notre
disposition est extrêmement restreint.
J'aimerais rappeler que le paragraphe 12 de l'article 91 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique accorde au Parlement du Canada le pouvoir
exclusif de légiférer sur "les pêcheries
côtières et intérieures." D'autre part, toujours en vertu
de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, le Québec jouit d'un
droit de propriété de son territoire et de ses ressources. Ces
dispositions interreliées ont, d'ailleurs, été
interprétées par les tribunaux. C'est ainsi qu'il a
été établi que, si le gouvernement du Canada a un pouvoir
législatif exclusif sur les pêcheries, le gouvernement du
Québec a un droit de propriété sur la rive et le lit des
eaux du domaine public de son territoire. Ce droit de propriété
n'emporte pas un droit de légiférer sur les pêcheries, mais
il permet à la province de réglementer la fixation d'engins ou
d'installations sur la rive ou le
lit de ses eaux.
À la suite de cette interprétation, pour mettre fin
à l'obligation d'obtenir deux permis, il y eut une entente
administrative en 1922 - d'autres collègues dans cette Chambre y ont
fait allusion - entre les deux gouvernements. Cette dernière avait pour
effet de confier au gouvernement du Québec l'émission des permis,
quoique le gouvernement du Canada conservait toujours son pouvoir de
réglementation.
M. le Président, cette entente qui existait depuis 60 ans - je
regrette d'avoir à le dire - a été annulée
unilatéralement par le ministre De Bané à la suite d'une
recommandation contenue dans le rapport connu sous le nom de rapport Kirby. Ce
geste téméraire se justifie difficilement et les arguments
invoqués par le ministre des Pêches et des Océans d'Ottawa
n'ont pas réussi à nous convaincre de son bien-fondé,
d'autant plus qu'aucun représentant du Québec ne siégeait
à ce comité.
Mais, de là à prendre l'initiative que le gouvernement
actuel prend, on est en droit de se poser des questions. Y aurait-il eu un
autre cheminement que le gouvernement du Québec aurait pu suivre? Au
cours des discussions qui vont suivre, pourrait-il nous dire si des
négociations ont eu lieu à la suite de cette brisure
unilatérale, même si je reconnais qu'une décision
unilatérale n'invite pas beaucoup à la négociation? Mais
si on tient compte de l'autre aspect, des personnes qui seront touchées
par un projet de loi qui pourrait avoir des rebondissements devant les
tribunaux pendant de longues périodes, il faut peut-être peser les
deux et se dire qu'en dépit de tout cela il vaudrait peut-être
encore la peine de laisser les portes ouvertes et trouver une autre solution
qu'une solution qui pourrait s'avérer, devant les tribunaux, comme
étant non constitutionnelle.
Nous nous retrouvons donc aujourd'hui devant un projet de loi qui veut
reconnaître une certaine juridiction au Québec en matière
de pêcheries. Cette juridiction va-t-elle au-delà de celle qui lui
est accordée? Nous ne saurions y répondre d'une façon
précise.
J'aimerais entendre la version du ministre. Ce que j'ai entendu de lui
ce matin, à moins que je ne fasse erreur, c'est une décision en
ce sens que la compétence du gouvernement fédéral en
pêcheries n'était pas une juridiction exclusive, mais nous n'avons
pas eu d'autres explications que celle-là.
Si nous partons du principe qu'une partie importante de la pêche
commerciale est pratiquée dans les eaux à marée, nous
abordons le pouvoir de concéder le droit d'utiliser la portion de la
rive et du lit de ces eaux faisant partie du domaine public pour y fixer ou y
déposer des engins ou des installations destinés à la
pêche commerciale.
Dans le cas du fleuve Saint-Laurent, le simple fait d'accorder la
concession pose peu de problèmes, puisqu'il est situé en
territoire québécois. C'est lorsque l'on parle du golfe que la
question est tout autre. Comme nous ne voyons pas pourquoi le gouvernement
légiférerait sous cet aspect par le projet de loi 48 sans inclure
le golfe, nous croyons donc que celui-ci est considéré comme
partie du domaine public aux fins du présent projet de loi, à
moins que le ministre ne nous dise le contraire. Il est important d'examiner ce
point particulier. (12 h 30)
Les tribunaux n'ont pas eu à statuer sur ce point, à
savoir si le golfe fait partie du territoire du Québec. Toutefois,
certains constitutionnalistes ont émis des opinions qui nous font douter
de la justesse de cette interprétation qui serait sous-jacente au projet
de loi qui nous est présenté. J'aimerais simplement faire
référence au constitutionnaliste, M. Henri Brun qui, en 1974,
dans les Presses universitaires de Laval, s'était livré à
une étude historique du territoire québécois avant et
après son entrée dans la Confédération canadienne.
Après avoir fait une étude de la jurisprudence sur le statut du
golfe, il a conclu, en premier lieu, que le territoire du Québec se rend
jusqu'à la ligne de baisse des eaux le long de ses côtes, on veut
dire la marée basse. En second lieu, il affirme: "II nous faut donc
conclure que le territoire du Québec continue d'être, dans le
golfe Saint-Laurent, celui qu'il était en 1867. Il ne comprend ni une
portion du golfe dans l'hypothèse, que nous ne partageons pas, où
ce lit serait devenu une eau intérieure canadienne, ce qui n'aurait pu
survenir qu'après 1949, ni la mer territoriale sur laquelle le Canada a
progressivement affirmé sa compétence territoriale depuis le
début du siècle dans l'hypothèse où le golfe
Saint-Laurent continue d'être globalement une partie de la haute mer.
"Sur ces espaces, suivant l'une ou l'autre des deux hypothèses, les
organes fédéraux pourraient exercer la plénitude des
compétences étatiques: compétence législative, bien
sûr, mais aussi le droit de propriété sur les lits et le
sous-sol dans la mesure où il n'aurait pas encore concédé
sur eux des droits spécifiques. La propriété
résiduaire étatique revient, en effet, aux gouvernements
provinciaux suivant le droit fédératif canadien seulement pour
les territoires respectifs des provinces et le Québec, n'a encore
bénéficié d'aucune concession sur les espaces marins du
golfe."
Il ajoute, ce même constitutionnaliste: "Nous nous accordons aussi
assez bien avec l'avis donné par la Cour suprême en 1967. Il
s'agit ici de l'avis qui a statué sur la propriété de la
mer territoriale au large des côtes de la Colombie britannique en faveur
du
fédéral."
J'aimerais rappeler une autre opinion qui, cette fois, avait
été donnée par l'actuel ministre des Affaires
intergouvernementales dans les années où il pratiquait, où
il enseignait le droit constitutionnel à l'Université de
Montréal. Dans un rapport qu'il présentait à la commission
d'étude sur l'intégrité du territoire du Québec en
mai 1970, il écrit, sur la propriété des eaux
territoriales, que c'est la décision de la Cour suprême - l'avis
que je viens de mentionner - qui considérait la mer territoriale au
large des côtes de la Colombie britannique de juridiction
fédérale, donc, une propriété
fédérale. Commentant cette décision, il ajoute: "Quoique
l'on puisse penser de cette opinion - et on peut s'imaginer facilement que le
ministre des Affaires intergouvernementales n'en était pas très
heureux fondée sur une théorie du fédéralisme qui
confond la fédération et le pouvoir central et qui
néglige, notamment, de mentionner que les richesses naturelles
relèvent des provinces, il faut reconnaître que cet avis
consultatif constitue un précédent dont il sera malaisé de
se défaire tant que la Cour suprême sera constituée et
composée comme elle l'est. Du point de vue du statut des eaux du golfe
Saint-Laurent, compte tenu de la jurisprudence qui nie aux provinces le droit
de propriété sur le lit de la mer territoriale, l'avis de la Cour
suprême constitue un précédent redoutable qui ne manquera
pas d'être invoqué dans toute discussion ou négociation sur
le plateau continental."
Les auteurs et la jurisprudence, M. le Président, sont donc en
accord sur ce point en accordant la propriété des eaux au
fédéral. Les doutes ainsi soulevés et les étapes
qui devraient être franchies pour que la propriété du
Québec soit reconnue, soit un recours devant les tribunaux pour
déterminer si la propriété d'une mer territoriale lui
revient ou la reconnaissance d'une mer intérieure, nous laissent
très inquiets eu égard à la juridiction que la province
peut exercer dans ce domaine. On peut sérieusement se poser la question
à savoir si le ministre Garon ne se trouve pas, à ce moment-ci,
avec ce projet de loi à nager en eau trouble. Je pense que c'est le cas
de le dire, mais, malheureusement, peut-être entraînera-t-il avec
lui un grand nombre de pêcheurs qui seront pris dans ces batailles
constitutionnelles.
Avant de conclure, nous aimerions tout simplement souligner une couple
d'autres points non éclaircis. La réglementation de la nature des
concessions et de leur nombre constitue-t-elle une réglementation
indirecte des pêcheries? Quelles sont, enfin, les conséquences
pratiques de cette loi?
L'émission de deux permis constitue certainement une tracasserie
administrative dont les pêcheurs pourraient se passer. On peut faire
certaines hypothèses que, j'en suis certaine, le ministre des
Pêcheries se fera un plaisir d'infirmer s'il y a lieu. Par exemple,
peut-on conclure qu'un pêcheur québécois aurait besoin de
deux permis pour pêcher dans le fleuve et qu'un seul lui suffirait dans
le golfe, si la loi était déclarée inconstitutionnelle?
Peut-on conclure qu'un pêcheur québécois aurait besoin de
deux permis pour pêcher dans les eaux du golfe et d'un seul pour
pêcher au large des côtes d'une autre province? Peut-on conclure
qu'un pêcheur du Nouveau-Brunswick venant pêcher dans le golfe
devrait détenir un permis québécois en plus d'un permis
fédéral? Nous croyons, M. le Président, que les
tracasseries administratives possibles pourraient avoir un impact
négatif sur nos relations avec les pêcheurs des autres provinces
de l'Est. Qu'adviendrait-il alors des pêcheurs des
Îles-de-la-Madeleine qui veulent pêcher au large des côtes
d'une de ces provinces?
Cette politique ne révèle-t-elle pas une courte vue du
gouvernement sur le problème des pêcheries? D'autant plus qu'une
exploitation rationnelle des pêches ne peut se faire que par une
collaboration entre les deux paliers de gouvernement. D'une part, on
reconnaît au gouvernement fédéral, entre autres
responsabilités, la protection des espèces qui sont mouvantes.
Même si le député de Gaspé a voulu un peu ironiser
sur ce qu'a dit mon collègue de Nelligan à ce sujet, on sait fort
bien que, dans le cas d'un grand nombre d'espèces de poissons, elles
sont mouvantes: II n'y a pas de frontières pour les poissons; même
pour la circulation du saumon, on pourrait dire la même chose. Le
fédéral est également responsable des négociations
sur les marchés internationaux, sur les ententes avec les autres
pays.
Pour sa part, le gouvernement provincial a la responsabilité des
conditions de travail des pêcheurs, des conditions touchant tout
l'aménagement de l'industrie de la pêche et sa commercialisation.
La plus grande partie du discours du député de Gaspé a
été de démontrer ces points et, sur ces points, nous ne
contestons pas la juridiction du Québec. D'ailleurs, ce que nous
demandons au gouvernement, c'est: Avez-vous pris le soin de vraiment
vérifier la juridiction provinciale dans ce domaine pour ne pas exposer
des pêcheurs à des batailles constitutionnelles dont, finalement,
ils feront les frais?
Si dans sa réplique le ministre n'apporte pas d'éclairage
plus satisfaisant, entre autres sur l'imprécision constitutionnelle du
projet de loi 48, nous serons en droit de nous demander si le gouvernement par
cette loi cherche des solutions aux vrais problèmes des pêcheurs
ou plutôt s'il s'exerce à une relance des batailles constitu-
tionnelles dans la perspective d'une élection
référendaire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Deux-Montagnes.
M. Pierre de Bellefeuille
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Dans ce
débat, un élément qui est, je crois, très important
et dont le ministre a parlé, c'est la volonté des pêcheurs
québécois de prendre leurs affaires en main. Je crois que, dans
ce débat, c'est ce qui est fondamental. Ce que le gouvernement du
Québec veut faire par cette loi, c'est fournir le cadre
législatif qui va permettre aux pêcheurs québécois
de prendre leurs affaires en main et de prendre en même temps un
véritable essor que les conditions du marché permettent
maintenant d'espérer.
Jusqu'à maintenant, j'ai écouté deux porte-parole
de l'Opposition libérale sur cette question: le député de
Nelligan et Mme la députée de L'Acadie. Je crois constater qu'ils
n'expriment pas tout à fait le même point de vue, ce que je ne
leur reproche pas, car je suis le premier à souhaiter que dans cette
Chambre il y ait la plus grande diversité possible de points de vue qui
s'exprime. Cependant, nous, du côté du gouvernement, aimerions
bien savoir lequel des deux, Mme la députée de L'Acadie ou M. le
député de Nelligan parle vraiment au nom de l'Opposition, lequel
exprime le point de vue de l'Opposition. (12 h 40)
Peut-être que le député d'Argenteuil, qui a suivi ce
débat attentivement, nous éclairera là-dessus tout
à l'heure. C'est un sujet qui pourrait sûrement
l'intéresser, parce que c'est un sujet qui a des aspects
constitutionnels fondamentaux. Chacun sait que le député
d'Argenteuil a déjà commis des documents importants sur ce genre
de question, y compris le fameux livre beige du Parti libéral. Je
souhaite que le député d'Argenteuil ou quelqu'un d'autre parmi
nos amis d'en face nous éclaire pour qu'on sache quel est
véritablement le point de vue de l'Opposition libérale sur ce
projet de loi.
Le député de Nelligan nous dit que nous avons choisi le
dossier de la pêche pour faire la guerre au gouvernement
fédéral, alors que Mme la députée de L'Acadie,
ayant soigneusement étudié le dossier, nous dit que le geste
posé unilatéralement par M. De Bané, le ministre
fédéral, est un geste téméraire qui se justifie
difficilement. J'ai noté ce qu'elle a dit. Elle me fait signe que c'est
bien ce qu'elle a dit. Là, il y a vraiment, il me semble, une
contradiction, quoique la contradiction est peut-être entre ce que le
député de Nelligan dit aujourd'hui et ce qu'il disait
l'été dernier. La Presse canadienne, dans une
dépêche publiée par le Devoir du 13 juillet de cette
année, disait que le député de Nelligan et critique du
Parti libéral en matière de pêches maritimes s'est dit
déçu, mais non étonné de la décision du
gouvernement fédéral de reprendre en main la totalité de
sa compétence administrative sur la gestion de la flotte
québécoise des pêches. Bien sûr que, dans le reste de
cette dépêche, M. le député de Nelligan apostrophe
notre ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, mais
il n'en demeure pas moins qu'à ce moment-là il se
désolidarisait des grands frères d'Ottawa. Tandis que, dans son
discours d'aujourd'hui, je n'ai pas senti qu'il se désolidarisait de ses
encombrants grands frères dont l'ombre plane toujours sur les banquettes
de nos amis d'en face. Je n'ai pas vraiment senti cela. J'ai senti, au
contraire, qu'il nous cherchait querelle.
J'ai parlé de l'aspect constitutionnel. Je crois que ce dossier
des pêches maritimes illustre très bien comment fonctionne le
fédéralisme canadien, comment il a fonctionné dans les
faits. C'est une histoire qui remonte loin. Déjà, avant le
tournant du siècle, en 1898 - c'est loin, cela devait être vers
les débuts du gouvernement de celui qui allait être fait chevalier
par Sa Majesté la reine et devenir "sir", Sir Wilfrid Laurier; on met
l'épée sur l'épaule du type qui devient "sir" - du temps
de Sir Wilfrid Laurier, une entente Ottawa-Québec confiait à la
province de Québec la responsabilité des pêches du
Saint-Laurent et de la côte gaspésienne. Cette entente a
été confirmée en 1922 par un accord célèbre
dont il a souvent été question dans cette Assemblée, le
célèbre accord de 1922 comportant une délégation
d'autorité dans les eaux à marée. Afin de mettre fin au
régime des deux permis, Ottawa déléguait à
Québec son autorité, chose qui n'a pas été faite
dans le cas des provinces maritimes.
Après toutes ces années où il n'y avait pas le
régime des deux permis qui avait existé avant, il arrive
maintenant qu'Ottawa a pris des décisions dont l'effet est de
rétablir le régime des deux permis. C'est ce qu'Ottawa fait. On
revient à une situation qui, avant 1922, avait été
jugée pénible pour les pêcheurs; Ottawa rétablit
cette situation, le régime des doubles permis.
Au fil des années, cela s'est administré tant bien que
mal; selon le point de vue d'Ottawa, c'était plutôt mal que bien.
Ottawa a tendance à ne pas aimer les compétences partagées
que la province concernée cherche vraiment à exercer. Ottawa,
c'est le gouvernement central, et un gouvernement central c'est presque
fatalement un gouvernement centralisateur. Ottawa n'aimait pas cela. Ottawa a
constaté ou a cru que ça fonctionnait mal. Quelle est la solution
proposée par Ottawa,
naturellement? Quand une compétence partagée, du point de
vue d'Ottawa, fonctionne mal, la solution qu'Ottawa propose, fatalement, c'est
de mettre la main dessus et de rapatrier les pouvoirs.
Cela a commencé en 1982, alors qu'Ottawa s'est arrogé le
pouvoir d'émettre les permis pour les bateaux de 35 pieds et plus,
c'est-à-dire 75% du potentiel de pêche, selon les données
d'aujourd'hui. L'année suivante, cette année, cela a
été le rapport Kirby auquel il faut bien donner son nom parce que
M. Kirby - on le connaît - est l'un des techniciens de la centralisation
à Ottawa. C'est un haut fonctionnaire qui a joué un rôle
extrêmement important dans le coup de force constitutionnel du
gouvernement fédéral par des documents qui ne devaient pas
être publics, mais qui le sont devenus, dont un mémo confidentiel,
le mémo Kirby, qui a été un point tournant dans les
manoeuvres d'Ottawa pour en venir au coup de force constitutionnel.
M. Kirby, ensuite, s'est vu confier par Ottawa la responsabilité
de faire enquête sur ces questions de pêche. Il a
présenté son rapport, à tendance nettement
centralisatrice, dont M. de Bané s'est maintenant inspiré pour
réaliser, l'été dernier, son propre coup de force sur les
pêches maritimes. C'est comme ça que ça fonctionne, le
fédéralisme. Le fédéralisme, il faut croire qu'il
est forcément centralisateur. D'ailleurs, le chef de ce gouvernement
d'Ottawa, M. Trudeau, l'a dit. Il a parfois la qualité de parler haut et
clair, M. Trudeau. De ce temps-ci, il parle de la paix; c'est excellent,
j'espère qu'il va continuer.
Une voix: Mais c'est la guerre à l'intérieur.
M. de Bellefeuille: Oui, à l'intérieur, c'est autre
chose. Il fait des guerres constitutionnelles pendant qu'à
l'étranger, en Asie, il parle de paix. Il nous a annoncé la mort
du fédéralisme coopératif. Notez que ce n'est pas si
sûr que cela n'ait jamais existé, le fédéralisme
coopératif, mais M. Trudeau ne voulait pas qu'on se fasse des illusions.
M. Trudeau ne voulait pas que les Québécois, en particulier, se
fassent des illusions et pensent que le fédéralisme est un
régime qui comporte de la coopération ou qui repose sur de la
coopération. Non, M. Trudeau a dissipé tous les doutes que les
Québécois et les Québécoises pouvaient avoir
là-dessus; il a annoncé la mort du fédéralisme
coopératif.
Là-dessus aussi, j'aimerais bien connaître la pensée
du député d'Argenteuil. Est-ce que le député
d'Argenteuil ne considère pas que ce coup de force sur les
pêcheries, suivant le coup de force constitutionnel que le
député d'Argenteuil a déjà dénoncé,
est aussi quelque chose qui doit être dénoncé unanimement
par cette
Chambre? Je laisse à nos amis d'en face le choix de voter avec
nous ou contre nous. Les pêcheurs du Québec les jugeront selon le
vote qu'ils porteront. Je voudrais savoir si le député
d'Argenteuil considère, comme Mme la députée de L'Acadie,
que ce geste d'Ottawa, ce geste de M. De Bané est un geste
inacceptable.
Dans les contacts qu'on a avec nos électeurs, nous nous rendons
compte comme députés que ce que la population souhaite dans notre
régime fédéral c'est la collaboration entre les deux
paliers de gouvernement. C'est ce que spontanément nos électeurs
souhaitent, c'est ce qu'ils me disent souvent. Je suis sûr qu'ils le
disent aussi à d'autres députés et qu'ils disent cela
aussi, je l'espère, à leurs députés
fédéraux.
Il est normal que la population souhaite la collaboration. C'est un bien
drôle de régime que celui où il n'y a pas de
coopération et il me semble que, lorsque M. Trudeau a annoncé la
mort du fédéralisme coopératif, il dénonçait
le fédéralisme. Il se faisait lui-même en quelque sorte un
adversaire du fédéralisme parce que, s'il n'y a pas de
coopération dans le fédéralisme, cela veut dire que les
pauvres électeurs envoient à Ottawa et à Québec des
gens qui sont là seulement pour refuser de collaborer. Cela n'a pas de
sens, c'est absurde. La population a bien raison de s'attendre qu'il y ait
collaboration mais le problème c'est que ce régime-là,
dans sa nature même - ce n'est pas la personne de M. De Bané, ce
n'est pas la personne de M. Trudeau - ne favorise pas la coopération. Ce
régime, nous en sommes convaincus de ce côté-ci de la
Chambre et je pense qu'il y a des gens de l'autre côté de la
Chambre aussi qui, dans leur for intérieur, le savent très bien,
n'est pas fait pour répondre vraiment aux besoins du Québec.
C'est un régime déséquilibré, un régime
boiteux. Il y a partage de compétences entre un gouvernement central qui
a d'énormes pouvoirs et des gouvernements de provinces individuelles qui
sont sans défense soit contre le gouvernement fédéral,
soit contre des alliances entre le gouvernement fédéral et des
groupes de provinces. C'est un régime qui, à long terme, ne peut
pas satisfaire vraiment les aspirations et les besoins du Québec, que ce
soit dans les pêcheries ou dans un autre domaine. (12 h 50)
Je n'hésite pas à dire - je ne suis pas un mauvais
militant du Parti québécois, M. le Président, quand je dis
que je considère qu'il faut que les deux paliers de gouvernement
coopèrent - que je pense que cela ne marchera pas. Il faut que nous
fassions l'impossible pour coopérer avec Ottawa mais cela ne marchera
pas parce que c'est dans la nature du régime qu'Ottawa cherche à
centraliser, comme cela s'est fait
dans le domaine de la constitution, comme cela s'est fait de nouveau
dans le domaine des pêcheries. J'ai beau vouloir que cette
coopération existe, je suis profondément convaincu que mon voeu
ne sera pas exaucé et qu'un jour viendra où la population du
Québec tirera la conclusion de cette observation qu'ensemble nous sommes
en train de faire que ce régime ne peut pas apporter au Québec
les réponses dont il a besoin.
Le député de Nelligan dit que ce projet de loi est une
action étapiste vers l'indépendance du Québec. Je le
souhaiterais, M. le Président, parce qu'il y aurait toutes les raisons,
à partir de ce dossier-là, comme à partir d'un grand
nombre d'autres dossiers, d'en faire une des étapes vers
l'indépendance du Québec. Je crains que ce ne soit pas tout
à fait vrai, cependant, M. le député de Nelligan.
Malheureusement, ce n'est pas encore tout à fait cela. J'espère
que cela viendra, mais ce n'est pas encore tout à fait cela.
Je voudrais répondre à une question extrêmement
pertinente de Mme la députée de L'Acadie. Elle nous a
demandé si l'intention du gouvernement du Québec en
présentant ce projet de loi, c'est vraiment d'occuper le champ de
compétence dévolu constitutionnellement au Québec. Cela me
fait plaisir, M. le Président, de répondre à Mme la
députée de L'Acadie par l'affirmative. C'est ce que nous voulons
faire. Ce n'est pas encore une étape dans la réalisation de
l'indépendance. C'est seulement une étape dans l'affirmation des
compétences du Québec sous le régime actuel. Ce sont nos
compétences sous le régime fédéral constitutionnel
actuel que nous voulons protéger.
L'Assemblée nationale, en 1969, a modifié les lois
relatives aux pêches. Dans cette loi de 1969 - à l'époque,
si ma mémoire est fidèle, c'était le gouvernement de M.
Jean-Jacques Bertrand - je ne sais pas si cela a été un oubli de
la part du gouvernement de M. Bertrand, un certain nombre d'aspects de la
compétence du Québec dans le domaine des pêcheries n'ont
pas été mis. On a peut-être cru, à l'époque,
que l'entente de 1922 couvrait tout cela et qu'il n'était pas
nécessaire de le réaffirmer dans la loi. Mais, comme maintenant
Ottawa a dénoncé l'entente de 1922, il devient important de faire
en sorte que nos lois affirment cette compétence du Québec dans
le domaine des pêcheries. C'est l'intention essentielle du projet de loi
qui est devant nous aujourd'hui. Mme la députée de L'Acadie a
posé une question extrêmement pertinente et je lui
répète que la réponse est affirmative, que notre but,
c'est de combler, en quelque sorte, un vide juridique.
Il y a eu correspondance entre le ministre d'Ottawa et le ministre du
Québec.
Je vais terminer là-dessus. Il y a eu une lettre de M. Garon
à M. De Bané datée du 11 août. C'était la
réponse du ministre du Québec à la lettre qu'il avait
reçue quelques semaines plus tôt du ministre d'Ottawa l'informant
du coup de force. Je ne vais pas citer la lettre en entier, mais je vais en
citer un seul paragraphe qui porte la signature du député de
Lévis, ministre québécois de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation: "En tout cela, moi, je perds mes
dernières illusions. J'avais pensé que nous pourrions collaborer
en cultivant chacun son jardin, comme dit Jean-Jacques Rousseau. Pendant des
mois, je me suis abstenu de tout commentaire afin de ne pas créer de
climat d'animosité, de laisser la porte ouverte au dialogue et à
la compréhension mutuelle. Je vous ai même offert d'établir
des liens personnels afin de pouvoir clarifier les situations ambiguës et
d'éviter les affrontements inutiles. Je me rends compte aujourd'hui que
ces précautions n'ont pas servi à grand-chose et que vous aviez
décidé de procéder coûte que coûte à ce
rapatriement." C'est ce que le ministre québécois écrivait
au mois d'août à son homologue fédéral. Il est
clair, M. le Président, que cette lettre, c'est l'expression d'une
profonde volonté de collaboration qui a été trahie par
l'homologue fédéral.
L'homologue fédéral, M. De Bané,
député fédéral de Matapédia-Matane, lui a
répondu en date du 26 août. Là, il y a six pages de
considérations que je ne vous lirai pas pour plusieurs raisons: le temps
m'en empêcherait et elles ne sont pas tellement intéressantes.
Mais je voudrais vous dire cependant que M. De Bané a raison sur un
point, dans cet échange de correspondance: ce n'était pas
Jean-Jacques Rousseau, c'était Voltaire qui avait parlé de la
nécessité que chacun cultive son jardin. C'est Candide de
Voltaire qui a dit cela. Je pense que M. le député de
Lévis me pardonnera, en son nom, de dire que M. De Bané avait
raison là-dessus. Il avait raison, mais il avait tort sur tout le reste.
Il avait tort de vouloir empêcher le Québec d'exercer pleinement
sa compétence constitutionnelle dans le domaine des pêches,
compétence que nous sommes sur le point de protéger, de garantir
au moyen de ce projet de loi. En ce qui nous concerne, nous allons nous occuper
de notre jardin. Par ce projet de loi, le Québec protège son
jardin ou, pour être plus précis, son jardin aquatique. Merci, M.
le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, parce qu'il est presque 13
heures, je demanderais la suspension jusqu'à 15 heures. J'ai le
consen-
tement unanime de ma formation politique.
Le Vice-Président (M. Jolivet): II a donc ajournement du
débat sur le projet de loi, mais le leader adjoint du gouvernement va
demander...
M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que nous
suspendions nos travaux jusqu'à 15 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): La Chambre suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures. Nous reviendrons à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise de la séance à 15 h 02)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaîti
Veuillez prendre vos places.
Il n'y a pas de déclaration ministérielle.
Rapport annuel de la Commission de la fonction
publique
Au dépôt de documents, j'ai le plaisir de déposer le
rapport de la commission de la fonction publique pour l'année
1982-1983.
Toujours au dépôt de documents, M. le ministre de
l'Environnement.
Rapports de la Société de
gestion
des eaux et du Conseil consultatif
de l'environnement
M. Ouellette: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de gestion 1983 de la Société
québécoise de l'assainissement des eaux, de même que le
rapport annuel 1982-1983 du Conseil consultatif de l'environnement.
Le Président: Rapport déposé. M. le ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Rapports de la SDI et de
l'Institut national de
productivité
M. Biron: M. le Président, j'ai le plaisir de
déposer le rapport annuel 1982-1983 de la Société de
développement industriel du Québec, de même que le rapport
annuel 1982-1983 de l'Institut national de productivité.
Le Président: Rapport déposé. M. le leader
du gouvernement.
Rapport annuel du ministère des
Transports
M. Bertrand: M. le Président, au nom du ministre des
Transports, je voudrais déposer le rapport annuel 1982-1983 de son
ministère.
Le Président: Rapport déposé. H n'y a pas de
dépôt de rapport de commissions élues. Dépôt
de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés. M. le
leader du gouvernement.
Rapports du greffier en loi
M. Bertrand: M. le Président, le greffier en loi
m'indique, relativement au projet de loi 228, Loi concernant les Soeurs de
Sainte-Anne, que le projet est conforme à l'avis et que tous les avis
ont été publiés, mais que le projet ayant
été déposé au secrétariat des commissions
après l'ouverture de la session, il y aurait lieu de suspendre les
règles de pratique. Je fais donc motion.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté. M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Même chose dans le cas du projet de loi 233
concernant l'annexion d'un certain territoire à celui de la ville de
Sorel. Le projet est conforme à l'avis et tous les avis ont
été publiés, mais le projet de loi a été
déposé au secrétariat après le jour de l'ouverture
de la session. Je fais donc motion pour suspendre les règles de
pratique.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté. Il n'y a pas de présentation de projets de loi au nom du
gouvernement ni au nom des députés, ce qui nous mène
à la période des questions. M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'ai une question pour le premier ministre. Est-ce
qu'il sera ici cet après-midi?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Oui, M. le Président.
Le Président: En attendant, nous pouvons passer à
une question de M. le député de Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, le premier ministre n'est pas
ici. Le vice-premier ministre non plus. Est-ce qu'on pourrait...
Le Président: M. le député de
Charlesbourg.
La relocalisation de la RAAQ
M. Côté: Ma question s'adresse au
ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Depuis
déjà un certain temps, il est question que la RAAQ localise ses
fonctionnaires dans un autre endroit. Ce matin, la Chambre de commerce de
Charlesbourg déposait une pétition au ministre signée par
20 000 signataires et appuyée par les chambres de commerce locales de
Loretteville, de Sainte-Foy, de Beauport et de l'île d'Orléans, de
même que par la chambre de commerce régionale. Est-ce
qu'aujourd'hui le ministre serait en mesure de faire le point sur le dossier de
la relocalisation de la RAAQ?
Le Président: M. le ministre des Travaux publics et de
l'Approvisionnement.
M. Marcoux: Le ministre responsable de la région de
Québec m'a informé du dépôt de cette pétition
et m'a transmis l'essence des communiqués qui avaient été
publiés à ce moment concernant la possible fusion des bureaux de
la Régie de l'assurance automobile, qui sont actuellement situés
dans des locaux séparés, divisés essentiellement en deux
endroits. Quant aux possibilités de relocalisation de la Régie de
l'assurance automobile, ce sont des choses qui sont étudiées et
analysées dans le cadre de la position qui a été prise par
le caucus des députés de la région de Québec lors
du sommet de la région de Québec et sur lesquelles le
gouvernement s'est engagé à prendre position au cours du mois de
décembre.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Charlesbourg.
M. Côté: M. le Président, par l'entremise de
ses fonctionnaires le ministre a demandé des soumissions ou des offres
à des gens qui étaient intéressés à offrir
des locaux disponibles dans le but de relocaliser les employés de la
Régie de l'assurance automobile. Le ministre pourrait-il nous dire,
à ce moment-ci, combien il y a de propositions faites par des
entreprises privées sur la table et combien il y a de dossiers
étudiés actuellement? Par exemple, la gare intermodale, l'Atrium,
l'édifice Bois-Fontaine et autres.
Le Président: M. le ministre des Travaux publics et de
l'Approvisionnement.
M. Marcoux: Dans le cadre de cette analyse, c'est évident
que j'ai demandé aux fonctionnaires d'examiner les différentes
possibilités de relocalisation de la Régie de l'assurance
automobile du Québec et que nous avons demandé aux
différents offrants de locaux de nous soumettre des prix pour lesquels
ils pourraient consentir une location à la Régie de l'assurance
automobile du
Québec. Il a été demandé aux
propriétaires de l'édifice Bois-Fontaine de le faire; en ce qui
concerne ceux de l'Atrium, nous avons eu une offre et nous leur avons
demandé d'indiquer un prix auquel ils pourraient louer l'Atrium dans le
cadre de cette analyse, théorique jusqu'à un certain point, et
également a la Mutuelle-vie des fonctionnaires dans le cadre du projet
de la gare intermodale, pour que je puisse, lorsque je ferai rapport au Conseil
des ministres, donner l'ensemble des possibilités, des faits et des
coûts comparés.
M. Côté: M. le Président.
Le Président: M. le député de Charlesbourg,
en complémentaire.
M. Côté: Lors du sommet économique de
Québec, il y avait un considérant qui était très
important. Je pense que le ministre originaire de la région de Rimouski,
qui a su bénéficier dans le passé de la
décentralisation des services, doit être sensible à cette
résolution d'une meilleure répartition des effectifs sur le plan
administratif. Charlesbourg a actuellement quatre dizièmes pour cent des
édifices à bureaux du gouvernement, alors que la ville de
Québec en a 75%. Une considération comme celle-là est-elle
étudiée sérieusement par les fonctionnaires et par le
ministre et en dernier lieu, j'aimerais savoir du ministre, lorsqu'il nous
parle de décembre, si effectivement la décision sera prise par le
ministre et le Conseil des ministres avant que la Chambre n'ajourne ses
travaux.
Le Président: M. le ministre des Travaux publics et de
l'Approvisionnement.
M. Marcoux: Ce que je peux indiquer, c'est que, comme il avait
été convenu au sommet de Québec, le gouvernement avait
pris l'engagement à ce moment-là qu'au début de
décembre ou à la fin de novembre, il y aurait une décision
définitive de prise quant à la location ou la construction d'un
édifice à bureaux sur le site de la gare intermodale et quant
à la participation ou non du gouvernement à la construction ou
à la location d'un tel édifice. Je dois répondre à
cette commande ou à cet engagement qui a été pris au
sommet de Québec. Dans ce rapport, il sera fait état de
l'ensemble des possibilités et de l'ensemble des offres. Je ne peux en
dire davantage cet après-midi.
M. Côté: M. le Président...
Le Président: M. le député de Charlesbourg.
(15 h 10)
M. Côté: ...dois-je comprendre des propos du
ministre qu'il ne s'engage
actuellement qu'à prendre une décision uniquement sur
l'édifice de la gare intermodale? Il y a d'autres propositions. Vous
venez de me dire que vous allez prendre une décision en décembre
- ce à quoi vous vous êtes engagé - à savoir si on
va à l'édifice de la gare intermodale. Quant au reste du dossier,
vous avez entre les mains toutes les propositions. À ce
moment-là, recommanderez-vous que la régie s'installe dans un
édifice de l'une des possibilités qui ont été
évoquées par vous-même tout à l'heure?
Le Président: M. le ministre des Travaux publics et de
l'Approvisionnement.
M. Marcoux: Je ne peux préjuger de la recommandation que
je ferai au Conseil des ministres. Il faut que j'aie l'ensemble des
études ou l'ensemble du portrait, parce qu'il faut se souvenir que dans
cet engagement au sommet de Québec, on avait fait allusion à
l'attitude du gouvernement face aux logements ou au recyclage d'édifices
à bureaux existants en logements. Il était fait allusion à
la possibilité d'un centre d'interprétation touristique qui
pourrait être localisé à différents endroits dans la
ville de Québec. Il était fait mention de la possibilité
de construire un édifice au-dessus de la gare intermodale, un
édifice à bureaux ou un autre type d'édifice. C'est
l'ensemble de ces possibilités que le ministère des Travaux
publics et de l'Approvisionnement a eu le mandat d'étudier et il fera
rapport au Conseil des ministres de l'ensemble de ces possibilités et
des conséquences de chacune d'entre elles.
M. Gratton: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition,
question de règlement.
M. Gratton: M. le Président, je vous ai remis, avant le
début de la séance, au moins six questions que nous avons
l'intention de poser. Malheureusement, on a dû passer à la
troisième en premier, compte tenu de l'absence du premier ministre. Les
cinq autres que nous voudrions poser à ce moment-ci sont toutes à
l'adresse du premier ministre. Puis-je suggérer qu'on suspende en
attendant qu'il arrive?
Des voix: Non, non.
M. Gratton: Un instant, je m'adresse au Président et non
au whip du parti ministériel.
Des voix: Coco la gaffe!
M. Dupré: M. le Président, j'aurais une
question...
Le Président: Une seconde, M. le député de
Saint-Hyacinthe. J'aimerais savoir, de la part du leader du gouvernement, si la
présence du premier ministre est imminente. Sinon, il faudrait passer
à des questions de d'autres députés.
M. Bertrand: Le premier ministre a été retenu
à son bureau par une réunion fort importante. On m'a dit tout
à l'heure qu'il arrivait; il devrait être ici dans quelques
secondes, M. le Président.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: On comprend que le premier ministre ait des
occupations qui puissent l'éloigner de l'Assemblée nationale.
Loin de nous l'idée de laisser croire qu'on doive lui en faire reproche.
Si on nous avait averti de son absence avant le début de cette
séance, nous aurions probablement organisé autrement nos travaux.
Mais puisque nous n'avons pas eu cet avis, on vous demanderait de suspendre les
travaux de l'Assemblée jusqu'à ce que le premier ministre nous
rejoigne.
Le Président: Vous conviendrez avec moi, M. le leader de
l'Opposition, que je peux difficilement suspendre la séance alors qu'il
y a, malgré tout, un député qui désire poser une
question. Je conviens avec vous que, d'ordinaire...
Des voix: Ah!
Le Président: Si on peut me le permettre...
Une voix: Le voici, l'agneau si doux!
Le Président: Le premier ministre faisant son
entrée, cela règle tout et nous pouvons donc passer à une
question de M. le député d'Outremont.
L'avenir de la Côte-Nord
M. Fortier: Merci. Ma question s'adresse au premier ministre. Je
voudrais lui dire, premièrement, que le plan de relance qu'il a
proposé a créé bien des déceptions, surtout dans
les régions éloignées, et plus particulièrement sur
la Côte-Nord où on vit une situation
désespérée depuis plusieurs années
déjà.
En effet, le comité Action-Côte-Nord faisait
connaître dernièrement les résultats d'une étude qui
démontrait que le nombre d'employés réguliers dans les
villes nordiques
avait chuté de 20 479 à 14 383, soit une chute de 6000
emplois ou de 30% dans une seule région, en quatre ans.
Le problème n'est donc pas nouveau, il date déjà de
quatre ans. Il est en grande partie l'effet de la situation difficile de
l'industrie du fer sur la Côte-Nord. Quoique le problème existe
depuis un bon bout de temps, le gouvernement a été
extrêmement lent à réagir. Le premier sursaut a
été la tenue de la commission parlementaire à
Schefferville suivie d'un mini-sommet au mois de juin dernier qui sera suivi
d'un autre mini-sommet, mardi prochain, à Port-Cartier. Je ne
mentionnerai pas le fait qu'aucune décision ne semble avoir
été prise dans le dossier de SIDBEC-Normines qui est important
pour la Côte-Nord en particulier.
Bien plus, le premier ministre qui est allé sur la
Côte-Nord dernièrement a fait des déclarations tonitruantes
qui sèment la crainte et la panique parmi les habitants de cette
région.
Mes questions sont celles-ci, M. le premier ministre. Les gens de la
Côte-Nord veulent savoir si le gouvernement a la volonté politique
de garder la Côte-Nord ouverte. Compte tenu de la gravité de la
situation, avez-vous un plan de relance impliquant tous les ministères
qui devraient l'être pour assurer la survie de l'industrie du fer en
particulier? Combien de millions allez-vous consacrer si ce plan de relance
existe et quels sont les échéanciers?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): II est évident, M. le
Président, que la question, surtout en ce qui concerne les
détails qu'on peut donner, s'adresserait beaucoup mieux au ministre de
l'Énergie et des Ressources en particulier, pour une raison très
simple. Demain, sauf erreur, il rencontre les gens de Port-Cartier à
propos du maintien - jusqu'à nouvel ordre, hélasi c'est seulement
le maintien, mais quand même - qui a été menacé des
installations de ITT. Soit dit en passant, le Québec a réagi
très vite - si vous vous donnez la peine de lire certains journaux de ce
matin - en ce qui concerne ce maintien, cette protection des actifs à
Port-Cartier mais on attend toujours - c'est souligné par le journal -
une réponse qui n'est pas venue d'un autre niveau de gouvernement.
Le 29 novembre, il doit y avoir également, à propos du
fer, une deuxième réunion de tous les interlocuteurs qui sont
plus directement concernés pour justement pouvoir évaluer
où on en est. Ce sera comme une sorte de réunion d'étape
parce qu'il y a encore du travail à faire; il s'agit d'un très
gros sujet, le maintien de SIDBEC, de quelle façon, etc., et on n'a pas
encore toutes les réponses, loin de là.
Pour ce qui est de la question très globale et très
publicitaire du député d'Outremont, à savoir si le
gouvernement a l'intention de fermer la Côte-Nord: ni pour or, ni pour
argent. On a, au contraire, une confiance extrême dans l'avenir de la
Côte-Nord et de l'arrière-pays aussi, sauf qu'il y a des
difficultés que connaissent à peu près tous les secteurs
miniers du monde actuellement et on n'a pas été
épargnés, c'est sûr. Si on me le permet ou, enfin, si
d'autres questions sur le sujet, pour pouvoir aller un peu plus loin, viennent
du député d'Outremont, je lui suggérerais, s'il le veut
bien, de les poser à mon collègue de l'Énergie et des
Ressources.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, d'une part, je ferai
remarquer au premier ministre que ma question concernait
particulièrement l'industrie du fer. Je suis au courant qu'il y a
d'autres problèmes sur la Côte-Nord et ils sont nombreux, mais ma
question concernait précisément l'état de l'industrie,
à savoir ce que le plan de relance ferait dans ce cas. Je n'ai pas
entendu dire du premier ministre qu'il existait un plan de relance et, si le
sujet n'est pas assez important pour qu'il réponde lui-même, je
suis bien prêt à accepter la réponse du ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, question de
privilège. Je veux bien qu'on essaie de jouer à de la petite
politique avec la période des questions; c'est l'endroit par excellence
où l'Opposition excelle. Je ferai remarquer, par exemple, que
l'espèce de truc de jardin d'enfance qu'on a eu tout à l'heure
sur mon absence - je sais que, dans d'autres gouvernements, on n'en fait pas un
plat, tandis que...
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
M. Lévesque (Taillon): ...je suis ici à peu
près tous les jours que le bon Dieu amène...
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Question de règlement, M. le
député de Gatineau.
Une voix: Ce n'était pas le jardin d'enfance;
c'était le jardin à Gratton. Voyons donc!
Le Président: M. le député de Gatineau,
question de règlement.
M. Gratton: Ce que fait le premier
ministre n'a rien à voir avec une question de privilège,
M. le Président, et je vous demande de le rappeler à l'ordre.
Une voix: Jardin d'enfance; Grégoire n'est pas ici.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président...
Le Président: Effectivement, je dois reconnaître que
M. le député de Gatineau a quelque peu raison.
Une voix: ...
Le Président: Les questions de privilège doivent se
référer à un des privilèges que la loi
confère à l'Assemblée nationale ou que la tradition
confère à l'Assemblée nationale. J'avoue que je n'ai rien
vu dans l'intervention de M. le premier ministre qui se référait
à cela. Puisque la question, à la suggestion du premier ministre,
s'adressait au ministre de l'Énergie et des Ressources, peut-être
lui permettra-t-on de répondre.
M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, pour employer la bonne
expression, nous ne sommes pas à mettre au point un plan de relance dans
l'industrie du fer, mais un plan de sauvetage. Depuis la première table
de concertation qui s'est réunie en mai, avec la collaboration active et
intensive des cinq compagnies impliquées et de leur syndicat, les
Métallos, des maires et de tous ceux qui sont impliqués dans
Action Côte-Nord...
Une voix: Le député de Duplessis.
M. Duhaime: ...de même que mon collègue, le
député de Duplessis, nous avons mis en route huit comités
techniques sur la fiscalité, les transports, l'énergie, la
recherche et le développement, la mise en marché, etc. Ces
comités ont produit un rapport, et il est bien certain que, lors de
cette deuxième réunion de la table de fer qui aura lieu le 29
novembre - je suis très heureux de voir que l'Opposition a
demandé d'y participer à titre d'observateur - nous pourrons
mettre au point un scénario. (15 h 20)
M. le Président, le problème est majeur, parce que nous ne
pourrons pas changer nos teneurs en fer. Les Brésiliens mettent sur le
marché un minerai beaucoup plus riche, trouvé à
l'état naturel, et nous ne sommes pas au bout de nos peines, parce que
si le chantier minier de Carajas, au Brésil, a un objectif
d'écouler sur le marché mondial 35 000 000 de tonnes, j'ai
l'impression que si on ne met pas un scénario de sauvetage dans
l'industrie du fer au Québec plutôt que seulement chercher
à maintenir un niveau minimal d'activité, je pense qu'on se
réserve des lendemains dangereux. Il est bien certain que notre approche
dans le dossier est une approche de durée, une approche axée sur
toute possibilité de développement. Cela implique, bien
sûr, de la diversification, donc des programmes de recherche, de
développement et d'exploration. Je profite de la question qui m'est
posée pour remercier à l'avance nos partenaires qui travaillent
étroitement avec nous depuis plusieurs mois. Cette table de fer se
réunira vraisemblablement en mars ou en avril prochain, suivant, bien
sûr, la volonté et le voeu que les participants à cette
table du 29 novembre pourront manifester.
M. Fortier: Question additionnelle.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je suis bien conscient qu'il
s'agit d'un problème difficile, mais comme je l'ai indiqué, il a
été étudié à Schefferville. Cela fait quand
même un certain nombre de mois. D'autres demandes ont été
faites, entre autres, en commission parlementaire par l'Association des mines
et métaux du Québec sur des points bien particuliers. Le ministre
n'a pas encore répondu à ses demandes en ce qui concerne...
Le Président: M. le député!
M. Fortier: Soyez patient, M. le Président.
Le Président: Je suis patient, M. le
député.
M. Fortier: Nous allons avoir ce minisommet mardi prochain. On
m'a informé qu'il y avait certains représentants techniques du
gouvernement fédéral, mais à ma connaissance, il n'y aura
aucune présence politique du gouvernement fédéral. Le
ministre peut-il me dire comment il peut résoudre ce problème si
important qui implique sûrement le gouvernement fédéral.
Comment se fait-il que vous n'ayez pas daigné inviter des
représentants du gouvernement fédéral à ce
mini-sommet?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: D'abord, M. le Président, je voudrais
peut-être corriger une impression que laisserait entendre la question du
député d'Outremont. L'Association des mines et métaux a
fait des représentations sur le fer, mais je dois dire que celle-ci se
réjouit très certainement de constater aujourd'hui qu'à la
faveur du programme d'accélération des
investissements nous avons suscité pour 492 069 000 $
d'investissements en huit mois dans la région du Nord-Ouest et dans les
dossiers du cuivre.
Je suis convaincu que si le député d'Outremont veut
vérifier avec M. Langlois, en particulier, le directeur
général, il va très certainement recevoir des échos
favorables.
Pour ce qui est de la présence du gouvernement
fédéral, mon collègue de l'Éducation dirait
sûrement qu'à ce stade-ci des opérations, leur
présence serait peut-être superfétatoire. Nous voulons
d'abord nous entendre entre nous, avec les dirigeants, les patrons, les
travailleurs, le milieu municipal. Ensuite, soyez assurés que nous
tenterons, nous aussi, de décrocher notre petit Nid-de-Corbeau pour ce
qui est de la politique des transports, non seulement ferroviaires mais
maritimes également. Alors, ce que je réponds, M. le
Président, c'est qu'en temps et lieu le gouvernement
fédéral sera sensibilisé. Mais si je me fie aux grandes
déclarations qui se font sur la Côte-Nord par les ténors
fédéraux, je ne vois pas accoucher les millions souvent de ce
côté-là.
Le Président: Question principale... M. Saintonge:
Additionnelle.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Laprairie.
M. Saintonge: On entend parler du plan de sauvetage de
l'industrie du fer; il y a aussi le plan de relance du gouvernement qui
implique plusieurs ministères. Je voudrais demander au ministre des
Affaires municipales s'il n'a pas considéré la
possibilité, dans le cadre du plan de relance, d'accorder à
certaines villes situées au-delà d'un certain parallèle le
statut de ville nordique, afin de leur permettre de bénéficier de
certaines mesures d'intervention ou de certains programmes de subventions pour
faire face aux difficultés particulières des municipalités
de la Côte-Nord.
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Léonard: C'est un dossier que nous étudions
présentement. Ce sont des hypothèses. De plus, on doit exclure
d'avance de toucher au système fiscal municipal et plutôt
procéder par voie de subventions, ou plutôt procéder par la
permission donnée à des villes de subventionner des entreprises,
comme une ville peut, à un moment donné, donner des
allégements par subventions pour faire de la rénovation
résidentielle ou autre.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, j'ai une question
additionnelle sur le sujet. On sait qu'un des objectifs des intervenants dans
ce dossier, c'est de réduire de 7 $ le coût de la tonne qui est
produite là-bas, pour un montant de 175 000 000 $ en 1983. Le ministre
de l'Énergie et des Ressources s'est référé tout
à l'heure au transport du minerai. J'aimerais demander au ministre des
Transports s'il a préparé, pour fins de négociations avec
le gouvernement fédéral, un programme de subventions au transport
nord-sud du fer de la Côte-Nord, tout comme on a le Maritime Freight Act
dans l'Est et le Nid-de-Corbeau dans l'Ouest. À quel moment cela
pourra-il être déposé pour le bénéfice des
intervenants?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Clair: À la suggestion du ministre de l'Énergie
et des Ressources, nous étudions actuellement trois sujets
différents: les tarifs de la voie maritime du Saint-Laurent, en ce qui
concerne l'acheminement du minerai vers les Grands Lacs; la rationalisation
éventuelle des infrastructures ferroviaires sur la Côte-Nord; et
finalement, toute la question de la structure des coûts de transport en
ce qui concerne le minerai. Il est trop tôt à ce moment-ci pour
déposer ces études puisqu'elles ne sont pas terminées.
Nous sommes davantage à l'étape de tenter d'établir les
devis qui devraient être mis en oeuvre pour poursuivre l'analyse de
façon plus approfondie sur chacun de ces trois aspects.
M. Pagé: Une dernière brève question
additionnelle.
Le Président: Une dernière.
M. Pagé: Devons-nous comprendre de la réponse du
ministre que l'intention du gouvernement est dans ce sens-là; que vous
êtes à préparer une politique et que vous entendez la
soumettre à vos interlocuteurs fédéraux, ou si cela a
déjà été fait, et si ce n'est pas fait, dans quel
délai prévoyez-vous que cela pourra l'être?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Clair: Cela n'a pas été fait et, comme je
l'indiquais au député, nous sommes à travailler sur ces
trois questions. Nous n'avons préparé aucune proposition. Nous
sommes à l'étape de nous pencher sur la structure des coûts
de transport sous les trois angles que j'indiquais: rationalisation des
réseaux, coûts de transport ferroviaire et coûts de
transport maritime. Pour l'instant, il nous serait impossible de faire une
proposition complète sur cette question, puisque nous sommes
justement à travailler à cela.
Le Président: Question principale, M. le
député de Saguenay.
Les investissements du gouvernement sur la
Côte-Nord
M. Maltais: M. le Président, ma question s'adresse au
premier ministre. Toujours dans le programme de relance de la Côte-Nord,
j'aimerais savoir si dans son programme, M. le premier ministre a
peut-être autre chose de mieux que ce qu'on voit habituellement dans les
annonces des journaux. On remarque à Sept-Îles,
dernièrement, que le gouvernement a subventionné un "sex bar"
pour un montant de 20 800 $. On est en train de se demander si les gens de la
Côte-Nord ne mériteraient pas une nouvelle relance. Preuve
à l'appui, dans les journaux de la Côte-Nord, le
député de Duplessis déclarait: L'économie reprend
du poil de la bête. Sérieusement, M. le Président, les gens
de la Côte-Nord, je pense que le premier ministre va être d'accord
avec moi, méritent mieux que cela. Je pense que dans ce programme de
relance on devrait peut-être mieux attribuer l'argent. Je demande au
premier ministre si cela va se continuer dans cette relance ou si l'argent du
gouvernement va être mieux appliqué au niveau de la relance sur la
Côte-Nord?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, pour autant
que la question mérite une réponse sérieuse, je suppose
que le "sex bar" en question a dû être considéré
comme une petite PME pleine d'avenir. Je ne le sais pas, moi. Cela fait partie,
je pense, de certaines subventions qui seront données
régionalement à partir de fonds qui sont votés ici pour
les programmes qu'il a fallu intensifier et parfois, à l'occasion...
Dans le cas en question, cela pourrait s'appeler OSE, en effet.
Sérieusement, pendant la crise, on a intensifié des programmes de
création d'emplois ou des programmes de subventions à certaines
entreprises très rapidement. Il peut y avoir eu - je ne sais pas si
c'était une erreur - des erreurs dans ces petites subventions, mais si
c'est la façon d'aborder le plan de relance qui a été
annoncé que veut choisir l'Opposition, je pense que la population jugera
du sérieux de sa perspective.
M. Maltais: Question complémentaire.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, je comprends très bien
le premier ministre.
Le Président: Sans préambule. (15 h 30)
M. Maltais: La question, c'est que les gens de la Côte-Nord
méritent mieux et aimeraient savoir du premier ministre s'ils vont avoir
plus d'emplois que des emplois d'un soir dans un "sex bar". Ce qu'ils veulent,
ce sont des emplois permanents.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je ferai remarquer au
député - c'est le député de Saguenay qui parle -
que sans prétendre avoir des recettes magiques pour tout régler,
on a employé le terme "tonitruant" tout à l'heure, ce que j'ai
rencontré de tonitruant dans Baie-Comeau pendant l'élection
d'où a émergé l'actuel député de Saguenay,
c'étaient de tonitruants agents d'élections et des manifestants
bien déguisés.
Cela étant dit, je ferai remarquer une chose. Je me souviens, par
exemple, d'un dirigeant de chambre de commerce à l'échelle
provinciale, qui gagne sa vie à Baie-Comeau, qui nous confirmait au
cours d'une réunion qu'à cause des 500 000 000 $
d'investissements à Baie-Comeau par la Reynolds en expansion,
grâce à une politique de tarif d'électricité que le
gouvernement a mise au point sous la pression et de la crise et de la
nécessité d'une reprise, une des villes, au point de vue
économique qui actuellement est en expansion au Québec
-particulièrement en expansion - c'est Baie-Comeau dans le comté
de Saguenay.
M. Maltais: Question complémentaire, M. le
Président.
Le Président: Question complémentaire sans
préambule, M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Cela fait deux ans qu'on en parle, c'est vrai que
c'est là et les gens sont bien heureux. Cela ne veut pas
nécessairement dire que ce soit la faute du gouvernement.
Ce que je voudrais savoir du premier ministre, comme je l'ai dit tout
à l'heure -je l'invite à venir discuter de l'économie dans
mon comté et je l'invite à venir en dehors des campagnes
électorales...
Le Président: Votre question, M. le
député.
M. Maltais: Je voudrais savoir si le plan de relance qui est
soi-disant mis en marche présentement va s'appliquer seulement aux
villes pour qui il y a déjà des programmes d'annoncés ou
s'il va s'appliquer à l'ensemble de la population. Je parle des
chômeurs et des bénéficiaires d'aide sociale. Le
Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, prenons
deux extrêmes. Le programme de garantie d'emprunts, dont l'horizon global
est de 2 000 000 000 $ en première étape, assorti d'une garantie
des taux d'intérêt -cela va dans le sens de la diversification
-c'est évident que cela va s'appliquer aux PME, extrêmement
vivantes d'ailleurs, qu'on retrouve ici et là sur la Côte-Nord
dans plusieurs secteurs. C'est une chance d'expansion, c'est une chance de
relance aussi. Morceau par morceau cela peut vivifier ou revivifier de gros
morceaux de l'économie dans votre région comme dans les autres au
Québec. À l'autre extrême, on a annoncé - on va
donner les détails aussitôt que tout aura été mis au
point, parce que c'est tout un programme - justement dans le cas des
bénéficiaires d'aide sociale, des jeunes en particulier, qu'il y
aurait une réorientation radicale. On en a donné les grandes
lignes et on sait à quel point les machines administratives doivent
s'ajuster pour cela. Il y a une période de transition, mais le plus
rapidement possible c'est évident que cette réorientation va
être mise en marche et en particulier s'adressant aux jeunes qui
actuellement... Je pense que les derniers chiffres qui ont été
publiés sur l'aide sociale qui rejoint les jeunes de moins de 30 ans
sont de 125 000; la moitié du total au Québec des aptes au
travail ont moins de 30 ans. Il s'agit évidemment d'essayer de valoriser
au point de vue humain, au plus vite, ces gens que le système
fédéral-provincial - c'est vrai partout au Canada - a
"barouettés" depuis 15 ou 20 ans, dans des programmes sans horizon, dans
littéralement une espèce de tunnel dont on ne sort jamais. On
peut faire un changement révolutionnaire là-dessus. On voudrait
le faire conjointement avec le fédéral. On l'a offert, on est en
train de le mettre au point et d'ici bientôt on verra. Cela s'applique
aux bénéficiaires d'aide sociale où qu'ils soient au
Québec, à partir du moment où cela pourra
démarrer.
M. Maltais: M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Est-ce que le premier ministre peut nous dire si ces
programmes vont s'appliquer avant juin 1984?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Très sûrement, ils
seront en marche avant juin 1984.
Le Président: Question principale, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
Le projet de loi S-31 et l'économie du
Québec
M. Dupré: Merci, M. le Président. Dans le Soleil du
mercredi 9 novembre, Jacques Dumais écrivait, et je cite: "Un an,
presque jour pour jour, après le dépôt hypocrite au
Sénat d'un projet de loi 5-31 devant limiter l'appétit des
provinces pour le transport interprovincial, la ministre fédérale
Judy Erola a pris la relève de l'ineffable André Ouellet pour
servir au pays le même plat avec une garniture différente." Je ne
reprendrai pas tous les titres des journaux de ce matin. La Presse: "La rue
Saint-Jacques demande le retrait..." Le Journal de Montréal: "La pire
trahison", mais passons... Il y a un autre article du journal La Presse ce
matin qui dit: "Le mouvement de refus fait boule de neige au sein...
Des voix: Oh!
Le Président: À l'ordre! À l'ordre!
M. Dupré: Merci, M. le Président. "Le mouvement de
refus fait boule de neige au sein du caucus libéral." Mais on sait que
lorsque le roi soleil va revenir au pays, lorsqu'il va revenir des Indes, les
boules de neige, on sait ce que les libéraux en font. L'obsession du
5-31 en a surpris plusieurs, mais cela ne m'a pas surpris...
Le Président: M. le député!
M. Dupré: ...parce que lorsqu'on établit feu et
lieu de l'autre côté de la rivière et que certains
députés fédéraux paient leurs impôts en
Ontario, ce n'est pas surprenant...
Le Président: M. le député!
M. Dupré: ...que lorsque vient le temps de prendre
position...
Le Président: M. le député!
M. Dupré: ...pour le Québec...
Le Président: M. le député!
M. Dupré: ...ils sont très loin de la
réalité. Ma question, M. le Président...
Des voix: Ah! Ah!
M. Dupré: ...s'adresse au ministre des Finances. Hier, 21
présidents québécois de compagnies et de mouvements
coopératifs ont demandé le retrait du projet de loi S-31. De
toutes parts, les oppositions fusent à cet effet. Dans ces conditions,
M. le ministre,
avez-vous l'intention de convoquer une commission parlementaire pour
examiner les conséquences du projet de loi S-31 sur l'économie du
Québec?
Des voix: Bonne idée!
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, j'ai déjà eu
l'occasion d'indiquer en cette Chambre que dans la mesure où le
gouvernement fédéral persisterait à vouloir faire adopter
ce que de plus en plus de Québécois comprennent comme la loi
scélérate qu'est le projet de loi S-31, une commission
parlementaire, effectivement, serait convoquée pour examiner les
conséquences du projet de loi S-31 sur l'économie du
Québec, ses sociétés d'État et le financement des
entreprises privées. Néanmoins, il est remarquable, depuis un an
que le débat dure, que les positions prises par le gouvernement du
Québec à cet égard, que les représentations que
nous avons faites à Ottawa dans un cadre tout à fait nouveau -
c'est la première fois qu'un ministre du Québec allait à
une séance d'une commission sénatoriale à Ottawa pour
protester contre ce genre de loi - à l'occasion aussi des prises de
position extrêmement fermes de certains organismes d'affaires contre le
projet de loi S-31 - je pense, en particulier, à la Chambre de commerce
de Montréal - l'opposition est devenue de plus en plus
généralisée.
Je sais gré au chef de l'Opposition en cette Chambre, le
député de Bonaventure, d'avoir exprimé ses positions
très clairement contre le projet de loi S-31. Je note cependant, comme
tout le monde, que maintenant que le gouvernement fédéral a
introduit des amendements au projet de loi S-31, on se rend compte que sauf
pour les petites entreprises de camionnage, c'est du pareil au même et
que pendant un an, on a, à toutes fins utiles, jeté de la poudre
aux yeux. Je constate que l'éveil de toute une série de milieux
d'affaires au Québec est tel que cela commence - si vous me passez
l'expression - à branler dans le manche à Ottawa. La lettre des
21 présidents de compagnies d'hier est, à cet égard,
remarquable de même que la position d'autres groupes d'affaires. Je note
aussi la position du député de Vaudreuil-Soulanges hier, à
cet effet.
Ceci nous amène, cependant, à une hésitation. Cet
après-midi à la Chambre des communes, M. Marc Lalonde, le
ministre des Finances fédéral, a annoncé qu'on laisserait
le projet de loi S-31 mourir au feuilleton.
Des voix: Ah!
(15 h 40)
M. Parizeau: Cela date de quelques minutes. Néanmoins, le
ministre fédéral des Finances a indiqué qu'il tenait au
principe de cette loi, mais qu'il y aurait consultation des provinces et des
milieux d'affaires avant que le projet soit réintroduit. Il est donc
fondamental que nous gardions cette possibilité d'une commission
parlementaire pour voir venir et, une fois de plus, nous opposer à S-31
sous une forme ou sous une autre, quoi qu'il arrive dans les mois qui
viendront.
Le Président: M. le ministre, en conclusion.
M. Parizeau: II me reste une chose à déplorer. Dans
ce concert de voix, aussi bien au niveau gouvernemental que dans les milieux
d'affaires, une voix manque et manque singulièrement, celle du chef du
Parti libéral. Je le déplore et j'espère que dans les
jours qui viennent, comme tant d'autres Québécois, il pourra se
solidariser avec cette espèce de manifestation fondamentale contre cette
loi, que j'ai dite scélérate, qu'est la S-31.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, ma question s'adresse
toujours au ministre des Finances. Nous avons cru comprendre que la commission
parlementaire n'aurait lieu que si un projet comme le S-31 ou quelque chose s'y
approchant était présenté par le gouvernement
fédéral. Maintenant que l'annonce du ministre des Finances a
été faite à Ottawa, est-ce qu'on doit conclure qu'il n'y
aura pas de commission parlementaire sur le rôle de la Caisse de
dépôt, ce que nous réclamons. Nous avons fait valoir notre
position sur le projet S-31, le Parti libéral du Québec l'a fait
valoir et son chef également. Le ministre n'a pas à attendre le
chef du Parti libéral.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Je reprends simplement la dernière phrase du
député de Vaudreuil-Soulanges pour dire que son chef ne s'est pas
encore manifesté.
Une voix: Du parti.
M. Parizeau: Du parti? Sûrement pas. Je vous rappelle ici
l'extrait de la Presse du 3 novembre, ce n'est pas loin: "Désireuse de
se gagner des appuis au Québec, Mme Erola a récemment fait
parvenir un exemplaire du projet modifié au chef du Parti libéral
du Québec, M. Robert Bourassa." Le 11 novembre, ce n'est pas loin, il y
a seulement quelques jours: "Devant les journalistes, le
chef libéral a été louvoyant dans ses commentaires
sur le projet de loi modifié S-31. Il a affirmé ne pas
connaître avec précision la nouvelle version du projet de loi." Il
faut le faire! Si vous, me passez l'expression, cela me paraît un peu
gros.
Je réponds maintenant à la question spécifique
posée par le député de Vaudreuil-Soulanges. Je sais
qu'à plusieurs reprises il a insisté pour avoir une commission
parlementaire au sujet de la Caisse de dépôt et de son
fonctionnement, enfin, de ses règles administratives. Cela donne des
choses très curieuses, d'ailleurs, parce que ce matin, on pouvait lire
de lui, dans le Soleil - là, je comprends qu'il demande une commission
parlementaire sur le fonctionnement de la Caisse de dépôt, s'il
pense cela - ce qui suit: "M. Johnson déplore He manque de
critères. Québec devrait établir le pourcentage d'actions
que la Caisse de dépôt et placement peut détenir d'une
société. Si cela avait été fait, il aurait
été facile d'exiger une explication de la ministre Judy Erola
pour la limite qu'elle fixe à 10%."
Je rappellerai au député de Vaudreuil-Soulanges...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Parizeau: ...que s'il ne sait pas que la Caisse de
dépôt, de par sa loi, ne peut pas acheter plus de 30% des actions
d'une compagnie, je comprends qu'il demande une commission parlementaire. A ce
moment-là, c'est de l'éducation des adultes.
Le Président: J'attire votre attention... M. le ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, s'il vous
plaît, il n'y a pas de question qui vous a été
adressée. Je me permets d'attirer l'attention des membres de
l'Assemblée sur le fait que la période des questions avait
admirablement bien commencé par des questions brèves du
député de Charlesbourg et par des réponses brèves
du ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Mais, on ne sait
pourquoi si bien parti, il a fallu que nous assistions à une certaine
dégénérescence.
M. le ministre des Finances, votre réponse à la question
principale a duré trois minutes quarante et vous vous êtes rendu
à deux minutes en réponse à une question
complémentaire. J'ai eu l'occasion, hier, de souligner à votre
collègue de l'Éducation qu'au-delà de trois minutes,
c'était nettement abusif. Je vous prie de bien vouloir conclure votre
réponse à la question complémentaire.
M. Parizeau: Je conclus donc, sur la question
complémentaire du député de Vaudreuil-Soulanges en disant
que je lui ai indiqué à plusieurs reprises, entre autres,
à la commission permanente des finances et des comptes publics du 31 mai
dernier, lors de l'étude des crédits, que cette commission
parlementaire m'apparaissait effectivement comme un moyen de défense des
intérêts québécois à l'égard des
conséquences du projet de loi S-31 ou son équivalent sur le
développement économique du Québec, ses
sociétés d'État et les entreprises privées.
Le Président: M. le ministre...
M. Parizeau: C'est toujours dans ce sens que je l'envisage. Il y
aura donc commission parlementaire à cet effet si jamais, après
avoir laissé mourir au feuilleton d'ici quelques jours le présent
projet de loi S-31, le gouvernement fédéral réintroduisait
un projet de loi avec le même principe.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que le ministre se rend
compte qu'afin d'être transparent en matière de discussion du
rôle complet de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, de ses politiques d'investissement, de son rôle dans
l'économie du Québec, il est en train d'obliger cette Chambre,
l'Opposition et le reste de la population à espérer que le
gouvernement fédéral introduise un projet de loi comme S-31 afin
que, finalement, on voie clair dans le jeu du gouvernement?
Le Président: M. le ministre des Finances,
brièvement.
M. Parizeau: M. le Président, le député de
Vaudreuil-Soulanges a, dans le passé, souvent attaqué la Caisse
de dépôt à des époques où les taux
d'intérêt étant élevés, la valeur des
obligations du portefeuille était faible, et cela se reflétait
évidemment sur le rendement théorique de la caisse.
Cependant, je ne l'ai pas entendu intervenir depuis quelque temps
à ce sujet. Pourquoi? Parce que les taux d'intérêt ont
baissé et la cote des obligations a augmenté. Je dois dire que la
demande du député de Vaudreuil-Soulanges, dans ce cadre, je la
prends comme un moyen de pression d'ordre politique - si on peut me passer
l'expression - partisane, pour essayer, à une certaine époque, de
déconsidérer la direction de la Caisse de dépôt, ce
qu'il ne fait plus à l'heure actuelle, bien sûr, pour les raisons
que j'ai indiquées.
Dans ces conditions, j'en reste à ma position voulant que nous
aurons une commission parlementaire pour défendre non pas seulement la
caisse, mais toutes ces institutions publiques de financement des entreprises
que le gouvernement du Québec a montées depuis 20 ans et, d'une
façon
générale, les intérêts des
Québécois.
Le Président: Question complémentaire, M. le chef
de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le ministre des Finances
pourrait me dire et dire à cette Chambre pourquoi il se refuse
constamment à convoquer la commission parlementaire qui aurait pour
mandat justement d'étudier aujourd'hui, en 1983, après tant
d'années de fonctionnement, le rôle et le mandat de la Caisse de
dépôt et placement du Québec ou s'il va attendre la
réforme parlementaire de 1984 alors que là, on pourra
nous-mêmes décider de convoquer la caisse?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je rappelle au chef
parlementaire de l'Opposition que, chaque année, l'Opposition peut
scruter le fonctionnement de la Caisse à l'occasion de l'examen des
crédits du ministère des Finances. Je rappellerai d'ailleurs au
chef parlementaire de l'Opposition que les représentants de l'Opposition
ne manquent pas, chaque année, pendant des heures, d'examiner le
fonctionnement de la caisse et d'interroger à loisir le président
de la caisse. Cela se fait en fonction de nos règlements, cela s'est
toujours fait, cela se fait chaque année et, effectivement, la
réforme parlementaire va permettre d'aller plus loin encore. Je ne vois
pas, dans ces conditions, cette espèce d'acharnement à examiner
une institution qui va très bien, qui rend des services signalés
et qui, à l'heure actuelle, a l'appui d'un très grand nombre de
milieux d'affaires. Pourquoi veut-on trouver quelque chose qui sorte de notre
fonctionnement normal et de cet examen annuel qui non seulement est disponible
mais utilisé?
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: Oui, M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): ...je voudrais poser une question
additionnelle au ministre des Finances qui avoue quelquefois n'être pas
parlementaire mais qui se débrouille assez bien jusqu'à
maintenant. Admet-il qu'il y a une différence essentielle et
fondamentale entre une commission parlementaire qui est convoquée pour
étudier les crédits d'un ministère et une commission
parlementaire qui est convoquée précisément et
spécialement pour étudier le rôle et le mandat d'une
commission ou d'une société d'État?
(15 h 50)
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Bien sûr, M. le Président. Il y a une
différence fondamentale. Par exemple, dans le cadre de ce projet de loi
S-31, on sent très bien que sont visées non seulement la Caisse
de dépôt, mais la Société générale de
financement, mais la SDI, mais potentiellement SOQUEM; donc, plusieurs de nos
sociétés d'État. Là, je comprends très bien
que cela ne peut pas se faire par le truchement des commissions
régulières. Il faut avoir une commission particulière qui
permette d'examiner l'ensemble des interférences du projet de loi S-31
sur le fonctionnement des rouages de notre économie. C'est pour cela
que, dans ces conditions, je dis oui. Dans un cas comme celui-là, il
faut une commission parlementaire spécifique. Pour l'examen de la SDI,
de la SGF, de la Caisse de dépôt...
Une voix: D'Hydro-Québec.
M. Parizeau: ...d'Hydro-Québec. Est-ce qu'on va le
moindrement suggérer que les mécanismes existants à
l'heure actuelle ne sont pas suffisants? Allons donc!
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: J'aimerais poser une question au premier ministre en
question additionnelle.
Le Président: Dernière question additionnelle.
M. Lalonde: Se rend-il compte que, si l'on prend les
réponses du ministre des Finances, des réponses claires, à
savoir qu'on devrait se satisfaire, de ce côté-ci, de
l'étude des crédits pour examiner le fonctionnement, le
rôle et le mandat des sociétés d'État, si le
ministre des Finances a raison, la réforme parlementaire à
laquelle son parti et nous, de notre côté, avons travaillé
très fort depuis un bon moment n'a aucun sens, aucune raison
d'être?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense
que c'est exactement l'inverse qui est vrai. En période d'urgence comme
celle que peut créer, qu'a créée, que pourrait
recréer une chose assez abominable comme ce projet de loi S-31, je pense
que c'est normal qu'on fasse appel, par la voie d'une commission parlementaire
d'urgence, à une espèce de force de frappe
d'unanimité,
autant que possible, du Parlement. En période normale, on s'est
servi des choses qui étaient là normalement et dont l'Opposition
s'est servie. À compter de l'an prochain, il y aura des commissions
nouvelles et, à ce moment-là, cela s'élargira. Je ne vois
pa& quelle sorte de péril en la demeure il peut y avoir à la
veille du mois de décembre, en dernière période de
session, à littéralement s'accrocher à cette idée,
puisque tout cela va s'ouvrir en 1984, sauf s'il y a une urgence, et, à
ce moment-là, cela va s'ouvrir plus vite.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, la
période des questions...
M. Levesque (Bonaventure): Oui, je comprends, mais...
Le Président: Je suis content que vous compreniez,
mais...
M. Levesque (Bonaventure): ...on ne peut pas laisser passer cela,
M. le Président, sans demander ceci au ministre des Finances. Si on suit
son raisonnement, n'est-il pas vrai qu'on n'aurait jamais pu rencontrer la
direction d'Hydro-Québec, avoir une commission parlementaire comme nous
avons régulièrement sur le mandat, l'administration, les tarifs
d'Hydro-Québec, etc.? On peut avoir cela. Si on suit le raisonnement du
ministre des Finances, on devrait attendre à l'étude des
crédits du ministère de l'Énergie et des Ressources pour
pouvoir parler d'Hydro-Québec. Est-ce que c'est cela que suggère
le ministre des Finances?
Le Président: Brièvement, M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président. Voyons! La loi
prévoit qu'à l'occasion de la détermination des tarifs
d'Hydro-Québec une commission doit siéger. Alors, elle
siège. C'est une obligation de la loi; on n'a pas le choix; il faut le
faire. Nous avons eu, jusqu'à maintenant, un certain nombre de
mécanismes que nous avons utilisés pour examiner le
fonctionnement de nos sociétés d'État, du gouvernement ou
des ministères. La réforme parlementaire, on le pense, va
permettre d'aller plus loin, d'améliorer le système. Mais je ne
vois pas en vertu de quoi, au fond - pourquoi? Pour essayer de cacher les
effets du projet de loi S-31 - on cherche aujourd'hui à dévier un
peu l'accent vers une commission qui porterait sur le fonctionnement de la
Caisse de dépôt alors que ce n'est pas cela qui est en cause.
C'est le fait qu'on cherche à limiter les pouvoirs de la Caisse de
dépôt par le truchement du projet de loi S-31. Nous disons: Une
commission parlementaire si le projet de loi S-31 revient. On nous
répond, de l'autre côté: Est-ce que vous pourriez faire
défiler, de toute façon, la Caisse de dépôt devant
nous? Voyonsi Ce n'est pas de cela qu'on parle. Ce n'est pas cela l'urgence.
C'est le projet de loi S-31.
Le Président: La période des questions est
terminée.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Question de règlement, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, vous annoncez la fin de la
période des questions.
Le Président: À l'ordre! À l'ordre! Si les
leaders veulent se parler, on peut les convier derrière et laisser la
Chambre siéger. M. le leader adjoint de l'Opposition, vous avez une
question de règlement.
M. Gratton: Question de règlement, M. le Président,
pour vous souligner à nouveau, pour une deuxième fois en cette
cinquième journée de session, depuis le début, que
l'Opposition a eu droit exactement à trois questions principales
aujourd'hui.
Effectivement, vous allez me faire remarquer qu'on a eu un certain
nombre de questions supplémentaires. Je vous dirai, M. le
Président, que, dans tout cela, on n'a pas eu une seule réponse
claire du gouvernement.
Une voix: Cela a mal été aujourd'hui, n'est-ce
pas?
Une voix: Vous ne perdez rien pour attendre.
Le Président: Sans avoir fait un bilan exhaustif - je le
ferai si vous voulez, M. le député de Gatineau - il y eu au moins
22 ou 23 questions principales et additionnelles de l'Opposition au cours de
cette période des questions. Je conviens cependant que certaines
questions ont été beaucoup trop longues et que certaines
réponses ont été démesurément longues.
Une voix: Aux motions non annoncées.
Le Président: II n'y a pas d'enregistrement des noms sur
les votes en suspens.
Aux questions à la Chambre, en vertu de l'article 34, M. le
député d'Outremont.
Recours à l'article 34
M. Fortier: Oui, le leader m'a informé
que la commission parlementaire de l'énergie et des ressources
qui doit entendre HydroQuébec se tiendra les 12 et 13 décembre.
Je l'en remercie. Nous avons reçu avis que nous entendrons M. Bourbeau
et M. Coulombe, le président du conseil et le président
d'Hydro-Québec. Comme le plan d'action d'Hydro-Québec a beaucoup
d'importance pour plusieurs régions du Québec dont la
Côte-Nord, l'Abitibi et autres, le leader accepterait-il d'avoir trois ou
quatre représentants des régions pour qu'ils puissent faire
valoir leur point de vue?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, sur cette question, je dois
répondre non, mais je peux dire au député d'Outremont qui
m'avait posé une question l'autre jour à savoir si des documents
seraient remis aux membres de la commission avant qu'elle ne siège les
12 et 13 décembre prochain que lundi, au début de la semaine, le
ministre de l'Énergie et des Ressources pourra transmettre aux membres
de la commission les documents qui avaient été
demandés.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, le troisième volume sur
les comptes publics de l'année 1981-1982 est disponible maintenant dans
les librairies et à la bibliothèque de l'Assemblée
nationale, neuf mois en retard, mais à ma connaissance, il n'a pas
encore été déposé à l'Assemblée
nationale. Je demande au leader de me dire si c'est normal qu'on soit
obligé d'aller dans une librairie pour obtenir ce document. Sinon,
a-t-il l'intention de déposer ce troisième tome des comptes
publics du Québec à l'Assemblée nationale?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, comme le ministre des
Finances est présent, il peut donner la réponse au
député. Je demande au ministre de répondre.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je remercie le
député de Notre-Dame-de-Grâce de m'avoir alerté sur
cette question, il y a quelques minutes. J'ai fait vérifier et,
effectivement, nous ne sommes pas tenus de déposer en Chambre ce
troisième volume. Il est effectivement disponible à la
bibliothèque du parlement. Il est sorti pendant que la Chambre ne
siégeait pas, mais je pense qu'il serait normal que je le dépose,
et je le ferai dans le courant de la semaine prochaine.
Le Président: M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: M. le Président, je demanderais au leader de
nous informer si le gouvernement a l'intention de convoquer la commission
permanente des affaires municipales pour l'étude des projets de loi
privés déférés à cette commission
après la première lecture. Cette commission siégera-t-elle
en décembre?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: II n'est pas impossible, M. le Président -
une commission a siégé pendant l'intersession, entre le 18
octobre et le 15 novembre - que nous fassions siéger une commission sur
certains projets de loi privés qui sont encore au feuilleton. Pour ce
qui est de la date précise, je ne peux pas vous la dire aujourd'hui. Je
prends avis de la question et, dès que j'ai l'information, je vais la
transmettre.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: II s'agit du projet de loi 53, l'annexion d'un
territoire à celui de la ville de Chicoutimi. Est-ce que les
autorités ou les parties intéressées de ce territoire
seront entendues en commission parlementaire avant l'étude en
deuxième lecture de ce projet de loi?
Le Président: M. le leader du gouvernement. (16
heures)
M. Bertrand: M. le Président, nous n'avons pas d'objection
de principe. Il y a simplement une chose que je voudrais signaler au leader de
l'Opposition pendant que nous y sommes, c'est que, pour ce qui est d'entendre
des groupes, on s'entend de part et d'autre pour se limiter à un certain
nombre de groupes. Dans le cas présent, je pense qu'il s'agirait de
Chicoutimi et Laterrière. Dans des cas précis comme cela on peut
faire une évaluation du temps que cela prendrait pour les commissions
parlementaires. Je voudrais déjà indiquer qu'à ce
stade-ci, nous avons déjà décidé d'avoir une
commission parlementaire - nous devons, de toute façon, avoir une
commission parlementaire sur Hydro-Québec - à la suite d'une
entente entre les deux parties, sur la Commission de la santé et de la
sécurité du travail; nous en aurons une sur le règlement
d'enseignement au collégial, pour laquelle nous avons ajouté une
journée à la demande du député d'Argenteuil qui
nous a demandé
de faire entendre d'autres groupes que ceux qui avaient
été mis sur une première liste.
Il faut donc savoir qu'il y a possibilité là qu'on arrive
à une situation où beaucoup de commissions parlementaires
seraient convoquées. Dans la mesure où on peut organiser nos
travaux, je n'ai pas d'objection de principe. Reste à voir maintenant si
ce sera avant la deuxième ou après la deuxième lecture. Il
n'y a pas d'objection de principe a priori si les deux porte-parole, le
ministre des Affaires municipales et votre représentant, peuvent
s'entendre. Peut-être que nous pourrions y parvenir assez rapidement.
M. Lalonde: Étant donné que c'est seulement le
principe que je voulais soulever, quant à l'organisation des travaux on
pourra toujours collaborer comme on le fait tout le temps. On a même
consenti à ce qu'une troisième commission parlementaire, aussi
longtemps que celle qui sera convoquée pour entendre les
autorités de la CSST et les parties intéressées,
siège. Maintenant, comme il s'agit de la nature d'un projet de loi
privé - c'est un projet de loi public présenté par le
gouvernement, mais c'est l'annexion de territoire entre deux
municipalités - je souligne simplement qu'il serait plus convenable, je
pense, que les parties soient entendues avant la deuxième lecture.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: Je suis prêt à indiquer que nous
pourrons procéder de la sorte. Cependant, il faudrait que ce soit dans
un temps relativement réduit puisqu'il s'agit, en fait, comme le disait
le député de Marguerite-Bourgeoys, d'un projet de loi qui
ressemble un peu à un projet de loi privé, mais qui est
présenté sous forme de projet de loi public; probablement que
durant une matinée nous pourrions avoir entendu les deux groupes.
Le Président: M. le député d'Outremont.
M. Fortier: Oui. J'ai oublié de demander une
précision au leader. La commission parlementaire sur l'énergie
devait être télévisée. Est-ce que celle qui aura
lieu sera télévisée, oui ou non?
M. Bertrand: Je crois que, si ce n'est pas déjà
fait, vous avez reçu une lettre de ma part - je crois l'avoir
signée avant-hier -transmise par messager. Je ne me fie pas,
là-dessus; au service postal, mais... Non mais c'est une
société autonome maintenant. Je vous ai transmis, M. le
Président, une demande pour que cette commission parlementaire puisse
être télédiffusée les 12 et 13 décembre
prochain. J'ai transmis copie de cette lettre aussi au leader de l'Opposition
ainsi qu'au whip en chef de l'Opposition de même qu'au whip en chef du
parti ministériel. La demande a été faite.
Le Président: Vous me permettrez d'intervenir. Je n'ai pas
encore pris connaissance de la lettre, mais puisqu'il s'agit de faire
télédiffuser une commission parlementaire pendant que la Chambre
siégera - les 12 et 13 décembre, nous sommes en période
intensive; donc, la Chambre siège cinq jours par semaine - je suis
porté un peu à renvoyer la balle au ministre des Communications -
qui est responsable de la Société Radio-Québec. Car on
peut nous demander de télédiffuser une commission parlementaire,
mais même si on installait de l'équipement en commission
parlementaire, s'il n'y a personne pour recevoir le signal, comme on dit en
mauvais français, à l'autre bout et pour le transmettre, le
diffuser, eh bien, c'est de l'argent qui est jeté par les
fenêtres. En l'occurrence, d'ordinaire - et c'est le cas pour la
commission sur les autochtones - Radio-Québec la
télédiffuse d'une manière un peu particulière, par
tranches. Je voudrais renvoyer la balle et voir s'il y a un
télédiffuseur qui est intéressé à diffuser
la commission parlementaire en question avant qu'on puisse prendre une
décision quant à savoir si oui ou non on louera de
l'équipement de télévision et on l'installera dans le
salon rouge.
M. Bertrand: Je pourrai toujours consulter le ministre des
Communications, à ce sujet, M. le Président. Toujours est-il
qu'à l'heure actuelle... D'ailleurs ce n'est pas Radio-Québec
nécessairement: Radio-Québec diffuse certaines parties des
travaux de l'Assemblée nationale, mais pour l'essentiel des travaux de
l'Assemblée nationale, c'est un canal qui est réservé chez
les câblodistributeurs. Vous savez que nous n'avons pas juridiction sur
la câblodistribu-tion, mais que nous nous entendons bien avec les
entreprises de câblodistribution. Alors, la question c'est de pouvoir
transmettre le signal. À partir de là, ce sont les
câblodistributeurs qui décident s'ils veulent ou non
libérer un canal pour permettre la transmission. Ils pourraient le
faire, s'ils le voulaient. Je sais que vous avez déjà
songé, que certains songent à la possibilité de discuter
avec les câblodistributeurs de l'éventualité d'avoir plus
d'un canal pour transmettre les travaux de l'Assemblée nationale et de
ses commissions parlementaires, surtout lorsque la réforme parlementaire
sera implantée. En tout cas, vous avez raison d'invoquer ces contraintes
et la lettre vous a été transmise en connaissance de cause.
Le Président: Aux avis à la Chambre,
M. le leader des Communications... M. le leader du gouvernement, je
m'excuse.
Avis à la Chambre
M. Bertrand: On va fusionner les deux postes. M. le
Président, je voudrais faire motion afin que puisse siéger, cet
après-midi, au salon rouge, de 16 h 05 à 18 heures et, ce soir de
20 heures à 22 heures - après entente, il pourrait y avoir
prolongement jusqu'à 23 ou 24 heures - la commission de la
présidence du conseil et de la constitution pour entendre des groupes
autochtones.
Je donne aussi avis que, demain matin, de 10 heures à 13 heures,
au salon rouge, la même commission de la présidence du conseil et
de la constitution poursuivra l'audition de groupes autochtones.
Je donne aussi avis, M. le Président -je l'ai
évoqué tout à l'heure en réponse à une
question qui m'a été posée - que nous allons ajouter une
journée aux deux journées qui étaient initialement
prévues pour la commission de l'éducation relativement aux
nouvelles propositions concernant le régime d'études
collégiales, ce sera la journée du 7 décembre. Elle
s'ajoute aux deux journées déjà connues, soit celles du 8
et du 9 décembre.
Je donne ces avis et je fais motion pour la séance d'aujourd'hui
au salon rouge.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Motion proposant que l'Assemblée
demande au gouvernement de donner
suite au rapport de la commission
d'évaluation de la Loi sur la
protection de la jeunesse
Le Président: Adopté. Ce qui nous mène aux
affaires du jour et à la motion de Mme la députée de
L'Acadie: "Que cette Assemblée, tout en déplorant l'inaction du
gouvernement depuis le dépôt du rapport de la commission
parlementaire spéciale créée le 19 décembre 1981
pour procéder à une évaluation de la Loi sur la protection
de la jeunesse, lui demande de donner suite, avant la fin de la présente
année, aux recommandations de ce rapport déposé à
l'Assemblée nationale le 23 novembre 1982." Je cède la parole
à Mme la députée.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Si Mme la députée le permet, j'ai une
demande à adresser au leader du gouvernement. Je crois que nous avions
convenu que le vote sur cette motion de Mme la députée de
L'Acadie aurait lieu demain et non pas à la fin de la séance
aujourd'hui.
M. Bertrand: C'est exact, M. le Président. Non seulement
avons-nous convenu que nous ne passerions qu'un mercredi sur cette motion, mais
que nous voterions demain et que, la semaine prochaine, ce serait une autre
motion avec un vote le lendemain.
Le Président: Mme la députée de L'Acadie, je
vous cède la parole.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Si j'ai mis cette
motion à l'ordre du jour, il est très clair que c'est à
cause de l'inaction du gouvernement à donner suite à la
commission parlementaire spéciale qui était chargée de
réviser la loi 24, Loi sur la protection de la jeunesse.
Il faut se rappeler que la mise sur pied de cette commission
spéciale de l'Assemblée nationale n'est pas le fruit du hasard.
Elle faisait suite à un désir même de la part du
gouvernement dont le Conseil des ministres avait confié au ministre de
la Justice et à celui des Affaires sociales et du Développement
social, le 20 mai 1981, le soin d'examiner les autres modifications qu'il y
aurait lieu d'apporter à la Loi sur la protection de la jeunesse, en vue
de soumettre un deuxième projet de loi à l'Assemblée
nationale lors de la session d'automne 1981. Nous avions convenu et nous avions
demandé la formation de cette commission spéciale non partisane
à laquelle le gouvernement s'était rendu. C'était aussi le
résultat des pressions qui avaient été exercées par
les différents intervenants dans le domaine de la protection de la
jeunesse et également par la population qui, à tort ou à
raison, trouvait insatisfaisants plusieurs aspects de l'application de la loi
24, entre autres, les droits de la victime et la responsabilisation du jeune
délinquant. Des parents trouvaient qu'ils n'avaient pas, à
l'intérieur de la loi 24, même si leur enfant était en
difficulté, la place normale qui aurait dû leur revenir dans la
responsabilité qu'ils doivent assumer à l'égard de leurs
enfants. (16 h 10)
Nous avons commencé nos travaux en décembre 1981 et nous
avons été pressés par le gouvernement et
particulièrement par le ministre de la Justice qui écrivait, le
10 mai 1982, au ministre des Affaires sociales, la lettre suivante dont je ne
cite qu'un paragraphe. S'adressant à son collègue des Affaires
sociales, le ministre de la Justice disait: "Je tiens à souligner que je
partage vos préoccupations sur l'urgence d'agir dans
ce secteur. Le contexte juridique créé par les effets de
la décision de la Cour suprême dans l'affaire Touchette C.
Bergeron - un jugement qui avait été rendu dans le cas d'une
victime qui, à cause des dispositions de la loi 24, ne pouvait pas
prendre de poursuite vis-à-vis de son agresseur - ainsi que par
l'adoption prochaine de la Loi sur les jeunes contrevenants nous oblige
à intervenir le plus rapidement possible. Perpétuer - ce sont les
mots du ministre de la Justice - une situation d'incertitude ne pourrait que
nuire au fonctionnement de nos institutions sociales et judiciaires. Comme vous
l'avez souligné, de nombreuses consultations ont eu lieu auprès
de tous les intervenants depuis plus d'un an - ceci avant même que la
commission ne commence à fonctionner et s'acquitter de son mandat - et
surtout depuis l'automne dernier." C'était le 10 mai 1982.
La commission spéciale fut saisie de cette lettre du ministre de
la Justice et nous dûmes réviser notre échéancier.
On nous avait parlé de six mois. Finalement, nous avons pu
étendre notre mandat jusqu'à la fin de novembre 1982. En novembre
1982, nous remettions à l'Assemblée nationale, après avoir
pris les bouchées doubles - comme, j'en suis certaine, saura vous le
dire le député de Verchères qui était le
président de cette commission - notre rapport qui contenait 105
recommandations.
Depuis ce temps, à plusieurs reprises à l'Assemblée
nationale et à cause des pressions qui ont été
exercées sur nous de la part de la communauté, de la part de
parents, de la part de la population, je me suis souvent informée pour
savoir quand le gouvernement entendait déposer un projet de loi qui
donnerait suite aux recommandations du rapport de la commission
spéciale. À chaque fois, le leader du gouvernement... Et je pense
même qu'à certains moments il m'a peut-être induite en
erreur lorsqu'il m'a dit qu'il y avait un projet de loi en préparation,
alors que, selon les nouvelles que j'ai eues, ce n'est qu'en octobre,
finalement, qu'on s'est mis à la rédaction d'un projet de
loi.
Je vois le ministre de la Justice qui proteste. Évidemment, on ne
pourra jamais éclaircir si, de part et d'autre, c'était octobre
ou pas, mais peu importe. La réalité est qu'un an plus tard il
n'y a rien de fait, et c'est ce qui est le plus tragique.
Je ne voudrais pas, M. le Président, parcourir les 105
recommandations et vous dire qu'elles sont toutes importantes ou qu'elles ont
toutes la même importance, mais une chose est certaine; il y a des
recommandations qui impliquent des modifications législatives, il y a
des recommandations d'ordre administratif et des recommandations qui incitent
les intervenants ou les différents organismes qui s'occupent de la
protection de la jeunesse à prendre des mesures particulières qui
relèvent de leur autonomie propre pour améliorer les services
touchant la jeunesse, mais, du côté des modifications
législatives, il y en a une qui apparaît très importante et
qui ne peut pas être faite sans que le gouvernement présente un
projet de loi. Ceci touche ce qu'on appelle le cadre ou le mécanisme
d'orientation touchant les jeunes délinquants.
On sait que la loi 24 est une loi très progressiste. D'ailleurs,
personne, lors des auditions et des tournées que nous avons faites, n'a
voulu remettre en cause les fondements mêmes de la loi 24 qui faisaient
appel davantage aux réalités d'aujourd'hui en indiquant comme
principes de base le respect des droits des enfants, l'ouverture à la
non-judiciarisation, la prépondérance du milieu naturel et
l'entente sur des mesures volontaires. C'étaient déjà des
mesures très progressistes, mais il reste qu'on avait mal défini
dans la loi les mesures qui devaient être prises à l'égard
des jeunes en matière de délinquance et à l'égard
des jeunes ayant besoin de protection, si bien qu'à un moment
donné on s'est trouvé devant des problèmes comme celui
dont j'ai parlé au début, le problème de
non-responsabilisation des délinquants même s'ils sont
âgés de 15 ou 16 ans, si bien aussi que la population, à
tort ou à raison - et dans certains cas à tort - a cru que la loi
24 était un encouragement à la délinquance. Les travaux de
la commission et les auditions publiques que nous avons tenues dans le
Québec - c'était une première comme mode de fonctionnement
d'une commission parlementaire - ont un peu amoindri un certain nombre de
préjugés que l'on entretenait à l'égard de la loi
24.
Le fait n'en demeure pas moins - je ne toucherai que quelques points,
pas en détail, forcément - que la recommandation de la commission
Charbonneau disait qu'en intervention auprès des délinquants, on
devait s'appuyer sur un rééquilibre des objectifs qui
reconnaît, d'une part, des droits aux jeunes mais aussi des
responsabilités quant aux actes qu'ils posent, ce qui n'existe pas dans
la loi 24 présentement, qui passe aussi par la protection de la
société et par la responsabilisation des parents, les trois
dernières rubriques ayant été mises un peu en veilleuse
par rapport à cette reconnaissance des droits des jeunes.
Il y a également la nécessité de mieux
définir la nature des infractions, de rejoindre les jeunes de 12 et 13
ans pour qui il existe des situations problématiques. La tendance, dans
le type d'intervention, à la non-judiciarisation qui a
résulté en un modèle québécois de traitement
de délinquance a sans doute permis de faire des acquisitions de taille
dans le traitement de la délinquance, mais a soulevé des
problèmes importants sur le plan juridique et sur le plan
opérationnel, de même que la nécessité
de réviser l'analyse légale de l'infraction. En
matière de délinquance, ce sont des mesures qui nous semblaient
très importantes non seulement pour rassurer la population, mais
également pour mieux servir le jeune qu'on appelle le jeune
délinquant et mieux contribuer au traitement de ce jeune.
Dans la Loi sur la protection de la jeunesse, il y a deux volets: un
touchant la délinquance et l'autre, la protection. Souvent, les
objectifs ont été confus et les moyens d'intervention aussi. Une
des recommandations de notre commission voulait que l'on sépare d'une
façon plus nette les objectifs de chacun de ces groupes et les modes
d'intervention les mieux appropriés pour chacune de ces
catégories d'enfants.
Du côté de la protection de la jeunesse, on a
réalisé que, très souvent, il y avait un mauvais
équilibre entre la notion de droit des enfants et la notion de besoin.
Souvent, la première l'emportait sur la deuxième. Si bien que
pour respecter les droits des enfants, on ne tenait pas suffisamment compte de
leurs besoins. Il était important de faire intervenir une
troisième notion, la notion d'intérêt des enfants quand il
s'agit d'équilibrer droits et besoins. C'est important du point de vue
de la réinsertion sociale de ces enfants, des services qu'on veut leur
rendre. Il est urgent que le gouvernement soit saisi de ce problème et
qu'on débouche sur une loi qui va devoir modifier forcément la
loi existante.
Notre travail nous a également permis de mieux définir les
catégories d'enfants qui tombent sous le volet de la protection. Par
exemple, le cas des enfants abandonnés qui sont encore mal
protégés, le cas des enfants dont le développement mental
ou émotif est une cause de nécessité de protection,
laquelle ne nous paraissait pas suffisamment rigoureuse et permettait
peut-être des abus quant au placement des enfants. Nous avons
suggéré de la remplacer là où les enfants souffrent
de négligence continue et sérieuse de telle sorte qu'on ne
multiplie pas sans nécessité le placement des enfants. (16 h
20)
Du côté de la protection, nous avons également
suggéré de remettre aux parents -ceci avait été un
peu négligé, peut-être pas volontairement, mais c'est
à l'application qu'on s'en est aperçu - la responsabilité
première qui, dans les cas de la protection de l'enfance, doit revenir
aux parents. Ce n'est que dans un rôle supplétif ou
complémentaire que l'État doit intervenir. Malheureusement, dans
le passé, avec la loi 24, et ce n'est pas une condamnation de la loi 24,
je pense que c'est à l'exercice qu'on a reconnu les déficiences
de la loi 24... Si on veut parler de protection véritable et
d'intervention valable auprès des jeunes en matière de
délinquance ou en matière de protection, il est urgent que le
gouvernement agisse.
Avant de prendre le point suivant, je voudrais ajouter aussi que la
commission nous a permis d'aborder des problèmes qui sont de plus en
plus à l'avant-scène, je dirais, des réalités
sociales d'aujourd'hui. On a touché d'une façon
particulière aux problèmes de prostitution des mineurs où,
encore une fois, on trouve que l'enfant est mal protégé, que les
sanctions prises contre les adultes qui les exploitent sont insignifiantes dans
bien des cas et, finalement, n'assurent pas, quant aux mesures d'intervention,
une réinsertion sociale ou une réhabilitation de l'enfant qui lui
permette de redevenir un jeune fonctionnant normalement dans notre
société. Il y a d'autres problèmes qui ont
été touchés et peut-être que mes collègues y
reviendront.
La question qui se pose c'est de savoir pourquoi le gouvernement n'a pas
agi avant aujourd'hui. On voudra peut-être nous offrir un
éclairage là-dessus. Il semblerait bien qu'à la suite du
dépôt du rapport, ce que j'appellerais le pouvoir
politico-technocratique a cru bon de reprendre tout l'ouvrage au complet. Nous
n'avions pas d'illusion. Je suis certaine que nous avons fait des
recommandations qui s'appliquent peut-être difficilement, qui ne sont pas
réalistes, mais il reste quand même que ce rapport a
été rédigé à la suite d'une très
large consultation et, comme je le disais tout à l'heure, d'audiences
dans tout le Québec où, finalement, on a trouvé ce
consensus vis-à-vis de la nécessité d'agir rapidement pour
mieux différencier chez les jeunes les problèmes reliés
à la délinquance et ceux qui sont reliés à la
protection de la jeunesse.
Je vois que les deux ministres sont là; pour une fois ils
semblent être près l'un de l'autre, parce que les rumeurs
veulent... D'ailleurs ce ne sont pas uniquement des rumeurs, car il fut reconnu
par le premier ministre lui-même en Chambre - vous faites bien de vous
rapprocher l'un de l'autre -qu'il y avait des tiraillements entre les deux
ministères, qu'il faisait bien son possible pour amoindrir cela et qu'il
espérait qu'on aboutirait à quelque chose. Si je me souviens
bien, le premier ministre m'a dit cela au mois de mai. Nous sommes au mois de
décembre et j'ai l'impression que le premier ministre n'a pas beaucoup
d'influence ou d'autorité sur ses ministres puisqu'on n'a pas encore de
projet de loi.
Cette partie-ci est peut-être plus à l'état de
rumeur... il semble que la seule façon dont les problèmes peuvent
se régler est qu'ils se discutent au niveau sous-ministériel,
puisque les deux ministres en question, le ministre des Affaires sociales et le
ministre de la Justice semblent incapables de se parler, du moins sur ce
sujet-là.
Une autre possibilité, c'est les problèmes que le
ministère des Affaires
sociales connaît quant à la redistribution des
responsabilités à l'intérieur du réseau. On sait
qu'il existe des zones grises entre le chapitre 48 et la loi 24 quant à
celui qui pourrait, dans le réseau, s'acquitter des
responsabilités envers la jeunesse. Dans le moment ce sont les centres
de services sociaux qui ont développé, depuis de nombreuses
années, une expertise dans ces domaines, mais avec ce que maintenant on
nomme couramment le cadre de référence dans le milieu. Sauf que
personne ne sait exactement ce qu'est le cadre de référence.
Est-ce que c'est le ministre? On serait porté à croire que c'est
peut-être davantage un de ses sous-ministres qui, d'ailleurs, a
condamné ouvertement la façon d'intervenir des intervenants
sociaux concernant la loi 24. Je ne sais pas quel droit il s'arrogeait, mais,
enfin, c'est cela. Ceci est un autre facteur également qui fait que les
choses traînent en longueur parce qu'on ne saurait pas se décider,
au plan administratif, à qui remettre les responsabilités.
Finalement, un dernier élément, c'est la loi
fédérale sur les jeunes contrevenants qui a été
adoptée et dont on attend la promulgation. Je vois le ministre de la
Justice qui hoche la tête - oui, j'achève, M. le Président
- et qui me dira sans doute: Écoutez; C'est le gouvernement
fédéral qui vient de remettre peut-être au printemps la
proclamation de la loi d'octobre, etc. Une chose est certaine, c'est qu'il y a
un grand nombre de recommandations qui peuvent être faites,
c'est-à-dire des modifications au plan législatif qui peuvent
être apportées sans même que la Loi sur les jeunes
délinquants soit proclamée. C'est évident que nous avons,
en matière de protection de la jeunesse, une longueur d'avance sur le
reste du Canada, mais, à ce moment-là, qu'on soit la bougie
d'allumage ou encore le moteur qui pousse sur le gouvernement
fédéral pour que, finalement, on ait, au Québec en
particulier - ce qui nous tient d'abord à coeur - et dans l'ensemble du
pays une loi qui soit vraiment dans l'intérêt des jeunes, qui les
protège véritablement et qui permette surtout, dans le cas des
enfants qui ont plus de problèmes, leur réinsertion la plus
satisfaisante dans la société.
M. le Président, je termine ici et je dois dire que même si
cette commission n'avait pas un caractère partisan au départ,
elle veut continuer d'être dans l'intérêt de nos jeunes.
L'attitude de l'Opposition, c'est qu'elle- veut demeurer une Opposition non
partisane, mais ceci ne peut pas nous empêcher de rappeler le
gouvernement à l'ordre et de lui dire: II est temps que vous agissiez.
Je pense qu'en disant ceci aujourd'hui, nous nous faisons les porte-parole de
l'ensemble de la population et surtout des enfants.
Je voudrais, en terminant, rappeler au ministre de la Justice que tous
ceux qui nous ont rencontrés ont pris soin de dire que s'il doit y avoir
encore des tiraillements constitutionnels ou fédéraux-provinciaux
sur cette question, qu'on ne le fasse pas sur le dos des jeunes. D'ailleurs, la
Loi sur les jeunes délinquants - je pense que c'est à l'honneur
du Québec - a retenu dans ses orientations un grand nombre de principes
qui étaient déjà les orientations fondamentales du
Québec en matière de protection de la jeunesse. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de la
Justice.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'attention Mme la députée de
L'Acadie. Je comprends que tout n'est pas parfait concernant la Loi sur la
protection de la jeunesse, mais de là à taxer l'actuel
gouvernement d'inaction dans ce domaine, je pense qu'il y a toute une marge.
S'il y a un gouvernement qui, au niveau de la législation, a vraiment
fait quelque chose de consistant, de significatif, en matière de
protection de la jeunesse, c'est bien le présent gouvernement. Je ne me
rappelle pas de loi importante du gouvernement libéral en matière
de protection de la jeunesse. On en jasait beaucoup. Je me rappelle, pour avoir
siégé ici de 1973 à 1976, qu'on parlait beaucoup de la
protection de la jeunesse, avec beaucoup d'émotion, etc., comme vient
d'ailleurs de le faire Mme la députée de L'Acadie. Mais je ne me
rappelle pas de loi importante ou de geste important posé par le
gouvernement du Parti libéral en matière de protection de la
jeunesse. (16 h 30)
Pour ce qui est des rumeurs de tiraillements entre le ministère
de la Justice et le ministère des Affaires sociales, c'est comme toutes
les rumeurs libérales, M. le Président, et je suis en mesure de
dire qu'il n'y a aucun tiraillement entre le ministre de la Justice et le
ministre des Affaires sociales. Il y a des discussions positives, des
discussions constructives aussi, je crois, avec toute la prudence que cela
demande - je m'expliquerai tout à l'heure - mais toujours des
discussions en fonction d'un intérêt que nous partageons avec
l'Opposition, c'est-à-dire le meilleur intérêt de
l'ensemble de nos jeunes concernant la mise en place d'une loi qui soit la plus
appropriée possible.
Je ne parlerai pas du fond même de la Loi sur la protection de la
jeunesse - Mme la députée de L'Acadie s'y est engagée un
peu - ou des recommandations. Je pense qu'il y aura un autre moment pour le
faire, puisqu'un projet de loi sera déposé par le gouvernement
à la suite du rapport qui a été fait par la commission
Charbonneau. Je me
limiterai simplement à la motion elle-même qui parle de
l'inaction du gouvernement en matière de protection de la jeunesse
relativement au rapport Charbonneau, ce qui est strictement faux, M. le
Président.
D'ailleurs, je suis en mesure de dire que, d'ici à la fin de la
session, nous avons toutes les raisons de croire, d'espérer que nous en
arriverons au dépôt, tel que demandé, d'un projet de loi
qui donnera suite aux travaux faits par la commission Charbonneau et aux
réflexions du ministère des Affaires sociales et du
ministère de la Justice, ainsi qu'à toutes les réflexions
qui ont été faites à l'intérieur de ces
réseaux par les différents organismes concernés. Nous
avons toutes les raisons de croire que nous pourrons déposer ce projet
de loi avant l'ajournement des fêtes.
Pour ce qui est de la soi-disant inaction du gouvernement concernant le
rapport Charbonneau, je pense qu'il y a des nuances importantes à faire,
ce à quoi ne s'est pas employée d'une façon très
spéciale Mme la députée de L'Acadie. On comprendra
pourquoi.
Depuis le 15 janvier 1979, date à laquelle est entrée en
vigueur la Loi sur la protection de la jeunesse, il ne faudrait quand
même pas oublier que cette loi a été amendée
à trois reprises, les amendements les plus substantiels ayant
été apportés par la Loi modifiant la Loi sur la protection
de la jeunesse, chapitre 2 des lois du Québec de 1981. Ce n'est donc pas
la première fois que nous y allons de modifications concernant cette loi
très importante qui, d'ailleurs, a été adoptée
à l'unanimité de l'Assemblée nationale.
M. le Président, il importe de rappeler que lors du débat
entourant la présentation de ces amendements, un consensus
s'était établi sur le fait que, tôt ou tard, un bilan
devrait être dressé sur l'ensemble de l'application de la loi.
Effectivement, à partir de 1981, différentes
représentations ont été faites au gouvernement, tant par
les intervenants chargés de l'application de la loi que par la
population, à partir des perceptions qu'elle avait de son
application.
À cette réflexion se sont ajoutées l'adoption de la
loi sur les jeunes contrevenants et différentes décisions
judiciaires d'importance, dont l'arrêt Touchette-Bergeron ayant pour
effet d'affecter le mécanisme d'orientation privilégié par
la loi et de confirmer la légitimité de certaines des
représentations qui nous avaient été faites. Il devenait
donc de plus en plus important d'adopter des modifications.
Dans la même foulée - ce sont les faits - le 19
décembre 1981, de consentement unanime, l'Assemblée nationale
créait une commission spéciale dont le mandat se lisait comme
suit: "Aux fins de réviser la
Loi sur la protection de la jeunesse, de procéder à
l'évaluation des applications de cette loi et des conséquences de
ces applications en regard des objectifs fondamentaux de respect et de
protection des droits des jeunes et de protection légitime du public
devant les infractions et les actes de délinquance."
On spécifiait, à ce moment-là, que la commission
Charbonneau devait, avant le 1er décembre 1982, faire rapport, faire
à l'Assemblée nationale des recommandations portant à la
fois sur les amendements législatifs et réglementaires
jugés nécessaires et sur les applications en vigueur ou encore
à mettre en vigueur. Il devait y avoir un rapport de la part de la
commission Charbonneau en décembre 1982. Ce rapport, comme on le sait, a
été déposé en novembre. Également, il
était spécifié qu'afin de remplir adéquatement son
mandat la commission devait, notamment, rencontrer les personnes ou les
organismes chargés de l'application de la Loi sur la protection de la
jeunesse ainsi que les personnes et les groupes communautaires, ce qui a
été fait, effectivement.
Le mandat confié à la commission parlementaire
spéciale confirmait donc, dès ce moment, la volonté
gouvernementale d'apporter des modifications législatives. C'est dans
cet objectif qu'il nous a été possible de prolonger le moratoire
qui avait été convenu à la suite, notamment, du jugement
dans l'affaire Touchette-Bergeron, moratoire qui avait été
convenu avec les secteurs policiers quant à l'application de la loi
actuelle qui créait d'énormes difficultés. C'est dans ce
sens et c'est ce à quoi faisait référence Mme la
députée de L'Acadie, tout à l'heure, quand elle parlait
d'une lettre du ministre de la Justice aux membres de la commission.
Le 23 novembre 1982, la commission parlementaire spéciale sur la
protection de la jeunesse, présidée par le député
de Verchères, M. Jean-Pierre Charbonneau, a déposé son
rapport devant l'Assemblée nationale. Ce rapport, M. le
Président, comprenait plus de 600 pages et contenait 105 recommandations
à multiples volets touchant toute la législation que les
pratiques ou activités des intervenants et ministères
concernaient. La commission préconisant une réforme
complète... Cette commission, qui au départ, et ce n'est pas un
reproche, devait indiquer au gouvernement les modifications qu'il fallait faire
à la Loi sur la protection de la jeunesse, s'est terminée, en
fait, par un rapport qui préconisait effectivement une réforme
complète de la loi actuelle. Y étaient jointes quatre annexes
dont une contenait une proposition législative en bonne et due
forme.
Vous comprendrez qu'à la suite d'un tel rapport, il était
nécessaire d'évaluer la
légalité et l'applicabilité de la réforme
proposée. Je peux dire que, contrairement à ce qu'a dit Mme la
députée de L'Acadie tout à l'heure, c'est avec grande
diligence que le ministère des Affaires sociales et le ministère
de la Justice, sans chicane, ont procédé à l'étude
des recommandations faites par la commission et ont examiné la
réforme législative qui était proposée. Cette
étude a nécessité la consultation aussi de la part... Les
travaux de la commission ont quand même duré un an. Il faudrait
quand même faire des nuances avant d'exprimer des reproches au
gouvernement. À partir de son rapport qui préconisait une
réforme globale de toute la Loi sur la protection de la jeunesse,
l'étude, je l'ai dit, du point de vue de la légalité ce
n'est pas si simple que cela. Je m'attarderai sur ce point tout à
l'heure.
En plus de cela, pour arriver à des modifications il fallait
nécessairement en arriver à aller reconsulter l'ensemble des
intervenants. Cette étude a nécessité la consultation des
personnes et organismes qui sont plus directement impliqués dans la loi
101.
Comme chacun le sait, l'application quotidienne de la loi fait appel
à de nombreux intervenants ou organismes. On y retrouve les centres de
services sociaux, les directeurs de la protection de la jeunesse, les centres
d'accueil, les familles d'accueil, les centres locaux de services
communautaires, les associations de ces établissements, les substituts
du Procureur général, les services de police, les services
judiciaires, la Commission des services juridiques, le Comité de la
protection de la jeunesse, pour n'en mentionner que quelques-uns qui sont plus
directement concernés par cette loi, très directement
concernés par cette loi et qu'il faut consulter avant d'en arriver, pour
un gouvernement, à déposer une loi d'importance au niveau des
modifications. Cela, M. le Président, on peut désirer que
ça se fasse le plus rapidement possible, mais, sans qu'il y ait de
chicane entre les deux ministères, toutes ces consultations, on en
convient très rapidement, ne peuvent se faire dans un très court
temps.
Je suis en mesure de dire à Mme la députée de
L'Acadie que les deux ministères ont vraiment fait diligence, parce
qu'une telle consultation implique des délais qui sont toutefois fort
justifiables lorsqu'il s'agit d'assurer l'applicabilité de nouvelles
dispositions législatives.
À la suite de l'étude et de la consultation que nous avons
effectuées, nos deux ministères se sont rencontrés
à maintes reprises - je dirais les deux ministres également - en
vue de compléter les amendements qui devraient être
apportés à la Loi sur la protection de la jeunesse. Comme je l'ai
dit tout à l'heure, nous avons toutes les raisons de croire qu'il sera
possible, avant l'ajournement des fêtes, de déposer le projet de
loi concernant les modifications à la Loi sur la protection de la
jeunesse.
En plus de cette première obligation que nous avions
d'étudier les recommandations de la commission et de consulter les
personnes et organismes impliqués, il y a eu également - il faut
se le rappeler - des difficultés majeures qui sont survenues et dont
j'aimerais vous faire part. Tout d'abord, l'incertitude quant aux
modalités de partage des coûts résultant de la Loi sur les
jeunes contrevenants. L'adoption par le Parlement canadien - ce n'est pas une
bataille fédérale-provinciale dont je veux parler, il n'y en a
pas eu, il y a eu beaucoup de représentations de la part du gouvernement
du Québec au gouvernement fédéral et je suis en mesure de
dire que les deux ministères ont travaillé avec suffisamment
d'efficacité pour pouvoir dire que la loi fédérale est
grandement sinon exclusivement influencée par l'ensemble des
représentations qui ont été faites par le gouvernement du
Québec en ce qui a trait aux principales orientations - de la Loi sur
les jeunes contrevenants, dont l'entrée en vigueur est prévue
pour le 1er avril 1984, modifiera sensiblement le processus d'intervention
auprès d'un adolescent soupçonné d'une infraction
criminelle.
Le gouvernement fédéral, par l'entremise du Solliciteur
général du Canada, prévoit assumer une partie des
coûts additionnels que les provinces devront payer de façon
transitoire ou permanente consécutivement à l'implantation de
cette nouvelle loi fédérale.
Actuellement, il faut bien dire que le règlement de partage - ce
n'est pas parce que nous n'avons pas poussé pour que cela aboutisse le
plus rapidement possible - est l'objet de la négociation qui
nécessite de nombreux échanges entre le gouvernement
fédéral et les provinces. Le Solliciteur général du
Canada a proposé d'assumer cet impact financier selon deux modes:
premièrement, la reconduction des modalités de partage
établies entre le ministère du Bien-être social
fédéral et les provinces en vertu du régime d'assistance
publique du Canada; deuxièmement, le partage des coûts marginaux
dans certains services que la loi fédérale entend
privilégier, à savoir la sélection des mesures de rechange
et des rapports prédécisionnels, pour ne nommer que
ceux-là.
En raison de ces deux modes proposés, le problème du
Québec est double. Premièrement, il doit s'assurer d'une
interprétation favorable du règlement de partage actuel qui devra
être reconduit. Or, le ministère du Bien-être social
fédéral vient de remettre en cause les ententes existant à
l'heure actuelle et sa participation financière de plusieurs dizaines de
millions par année qui résulte de
la mise en cause de cette entente qui existe à l'heure actuelle,
en prétextant que plusieurs sections de la Loi sur la protection de la
jeunesse ne répondent pas aux critères de politique
administrative de partage et cela se traduit, en fin de compte, dans des
coûts très importants. J'y reviendrai tout à l'heure. Cela
pourrait se traduire, s'il n'y a pas une entente satisfaisante, par des
coûts très importants pour le gouvernement du Québec et
pour l'ensemble de la population du Québec.
Le gouvernement du Québec, étant donné l'attitude
du gouvernement fédéral -en fait, cela se comprend, ce sont des
négociations - a un autre problème. On doit s'assurer d'une
couverture maximale des coûts résultant de la nouvelle loi
fédérale. Or, la définition de services partageables
entraîne des discussions laborieuses sur des définitions de termes
et des interprétations de services a l'intérieur du processus
d'intervention actuel et futur auprès des contrevenants. Les
conséquences des différents scénarios de
négociation sont difficiles à évaluer puisque,
jusqu'à présent, le gouvernement fédéral n'a pas
mis de propositions chiffrées sur la table. On doit en tenir compte par
rapport à des amendements qui viendront. Le Québec peut aussi
bien tout perdre que tout espérer.
L'enjeu est donc de taille, surtout si on considère que les
services aux jeunes délinquants au Québec vont coûter, en
1983-1984, environ 350 000 000 $ incluant les coûts de police et que les
services impliqués dans les discussions de partage représentent
au moins 100 000 000 $ sur ce total, ce qui montre jusqu'à quel point il
est important d'en arriver à une conclusion au niveau des
négociations avec le gouvernement fédéral qui nous soit
favorable par rapport aux directions, par rapport à l'ensemble de la
philosophie qui caractérise, en fait, d'une façon
spéciale, la Loi sur la protection de la jeunesse.
C'est vrai, comme l'a dit Mme la députée de L'Acadie - et
je pense qu'on doit s'en féliciter - que le Québec est à
l'avant-garde de toutes les provinces dans le domaine de la protection de la
jeunesse. Je pense que le gouvernement actuel, par la législation et les
gestes posés, y est pour beaucoup. Il est évident qu'on ne doit
pas s'asseoir sur cette réalité, mais essayer d'y aller encore
avec des améliorations additionnelles. C'est l'objectif que nous
atteindrons, j'en suis convaincu, avec le dépôt d'un projet de loi
contenant des modifications substantielles à la Loi sur la protection de
la jeunesse qui existe actuellement.
Il y a eu également - je n'aurai pas le temps, il ne me reste que
deux minutes, M. le Président - comme on le sait, des jugements
très importants qui ont été rendus, et pas seulement le
jugement Touchette C.
Bergeron. Il y en a eu d'autres tout récemment qui sont d'une
extrême importance et toute analyse de modifications de la Loi sur la
protection de la jeunesse doit se faire à la lumière de l'analyse
de la portée de l'ensemble de ces jugements qui ne sont pas de nature
à améliorer la situation du Québec ou des provinces
concernant leur compétence au niveau de l'administration de la justice.
Je n'ai pas le temps d'approfondir, mais c'est un autre élément
avec le partage des coûts, avec également l'ensemble des
consultations qu'il nous fallait faire, nous, les ministères,
auprès des organismes visés dans le réseau.
D'une façon tout à fait convaincante, sinon pour
l'Opposition, j'en suis assuré, pour la population qui nous
écoute, toutes ces démarches, tous ces éléments
expliquent pourquoi il a fallu y mettre un certain temps avant d'en arriver au
dépôt d'un projet de loi concernant les modifications à
apporter à la Loi sur la protection de la jeunesse. C'est pour cette
raison que nous ne pouvons en aucune façon être d'accord avec le
libellé même de la motion de Mme la députée de
L'Acadie qui parle de l'inaction du gouvernement, alors qu'on est en mesure de
constater que le gouvernement a, au contraire, agi avec
célérité, rapidement, n'a pas ménagé les
efforts et, malgré tous les obstacles qu'on a rencontrés,
trouvera le moyen quand même d'en arriver au dépôt d'une loi
dans des délais raisonnables. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de L'Acadie a une question à poser, je pense.
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, en vertu de
l'article 96, vraiment une très courte question à poser à
M. le ministre, s'il me le permet. Je voudrais savoir à quelle date les
derniers jugements auxquels il a fait allusion ont été rendus.
(16 h 50)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bédard: Au cours du mois d'octobre de cette
année, le 23 octobre.
Mme Lavoie-Roux: Le 23 octobre, bon, d'accord.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laurier.
M. Bédard: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui.
M. Bédard: Je m'excuse, mais si Mme la
députée de L'Acadie prend ma réponse en essayant de
conclure que ce n'est donc qu'à
partir du 23 octobre qu'il y a eu du travail de fait, ce serait une
interprétation fort malhonnête dont je ne soupçonnerais en
aucune façon Mme la députée de L'Acadie. Je crois avoir
dit dans quelle mesure, dès le dépôt du rapport de la
commission Charbonneau, le gouvernement a fait diligence pour essayer d'en
arriver le plus rapidement possible à la présentation d'une
loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. J'ai
écouté très attentivement ce que le ministre avait
à nous dire sur cette question et sur la motion à l'étude
devant cette Chambre. Je dois vous avouer très franchement, M. le
Président, qu'il ne m'a pas convaincu que le gouvernement n'aurait pas
pu avant aujourd'hui déposer devant cette Chambre un projet de loi qui
visait à modifier la loi 24. Il ne m'a pas convaincu parce que non
seulement le rapport a été précis, en présentant
une série de propositions concrètes - 105 en tout, c'est
très volumineux, effectivement - mais on a fait tout cela à la
suite d'une vaste consultation à travers la province. C'est pour cette
raison surtout que je veux intervenir en vous demandant, M. le
Président, de considérer l'effet d'inaction - parce qu'il s'agit
d'inaction - à la suite du rapport de cette commission dont j'avais
l'honneur d'être vice-président avec mon collègue, le
député de Verchères.
On a dit à tout le monde qu'il fallait agir et qu'il fallait agir
rapidement. On est allé, le président de la commission et
moi-même, voir la police de Montréal, la Sûreté du
Québec avant de commencer nos travaux parce qu'on voulait s'assurer
qu'il y aurait un moratoire, on voulait faire notre part pour qu'il y ait un
moratoire en ce qui concerne le traitement des plaintes de la part des
policiers. On leur a dit effectivement: Nous sommes prêts à partir
et nous allons faire notre consultation, notre tournée. On va même
raccourcir notre mandat, on va même déposer notre rapport avant le
temps pour que le gouvernement puisse agir par la suite et régler des
problèmes qui sont évidents sous certains aspects.
Ces gens nous ont accueillis, nous ont écoutés; ils ont
accepté par la suite - non seulement je ne veux pas être
prétentieux et dire qu'ils ont accepté uniquement parce qu'on est
allé les voir - de maintenir le système tel qu'il était
avant la décision de la Cour suprême, de continuer à
fournir de la bonne volonté et de la bonne foi dans ce domaine
extrêmement important. Nous nous sommes engagés dans des
consultations en privé et en public; nous avons participé
à des rencontres avec des gens en petit nombre et nous avons
participé à des audiences publiques un peu partout à
travers la province. Nous avons rencontré des centaines de personnes.
À ces personnes, on a dit exactement la même chose. C'était
effectivement un mandat que la commission avait reçu de
l'Assemblée nationale pour examiner, pour réviser, pour
réévaluer l'application de la loi 24 et faire des propositions
concrètes au gouvernement pour que la loi 24, après trois ans
d'application, puisse être raffinée, rajustée,
changée.
On a fait un certain nombre de constatations. Une des constatations
qu'on a faites est qu'à travers toute la province, tous les intervenants
dans ce domaine sont des gens d'un dévouement certain qui, eux aussi,
voyaient les lacunes, mais de façon terre à terre, de
façon pratique: les intervenants sociaux, les juges, les avocats, les
personnes désignées par le ministre de la Justice, tout ce monde
avait des choses à dire sur la loi 24 et sur son application. Tout le
monde était conscient qu'il fallait agir afin de corriger certaines
lacunes de la loi 24.
Ce qui m'embête dans tout cela, et la raison pour laquelle je veux
parler pour la motion, c'est qu'effectivement il y a eu inaction de la part du
gouvernement. Il me semble qu'il y a une certaine contradiction quand
l'Assemblée nationale décide de créer une commission
spéciale. De part et d'autre, on a convenu que c'était une
commission non partisane et on n'a pas fait de politique partisane sur ce
sujet. On est allé voir le monde à l'extérieur avec toute
notre bonne volonté et on l'a retrouvée sur le champ. On a
donné à cette commission l'idée qu'on allait voir
rapidement quelque chose se produire. C'est venu de la bouche du gouvernement
même. On a eu de multiples promesses, notamment qu'un projet de loi qui
donnerait suite aux recommandations qu'on avait faites et qui aurait comme
objet de modifier la loi 24 serait déposé en juin. On a eu cette
promesse dans le discours inaugural de la part du premier ministre, mais tout
en faisant état des difficultés quant à l'entente qui
devrait exister entre le ministère des Affaires sociales et le
ministère de la Justice. On ne la qualifiait pas de chicane, on disait
qu'il y avait des différences d'opinions très vives et qu'il y
avait des discussions sur ce sujet. Néanmoins, le premier ministre
disait: II est clair qu'il doit y avoir des amendements pour le mois de
juin.
Après cet engagement, à l'occasion de questions qu'on a
posées en Chambre, on a eu l'engagement, encore une fois, qu'il y aurait
des modifications pour donner suite au rapport de la commission spéciale
sur la protection de la jeunesse et pour amender la
loi 24, avant la fin de cette année. Une deuxième
promesse, après l'échéancier du mois de juin, la fin de
l'année. La fin de l'année, c'est le 31 décembre, dans un
mois à peu près et on sait fort bien qu'on n'a pas eu encore de
modifications à la loi déposée ici en cette Chambre. Donc,
on peut conclure, en tenant compte du règlement qui prévoit que
s'il devait y en avoir ils auraient déjà été
déposés qu'il n'y aura donc pas de modifications avant la fin de
l'année tel que promis.
Si on tient compte après cela que la Chambre ne recommencera pas
à siéger avant la deuxième semaine du mois de mars, c'est
sûr et certain qu'on se retrouvera au printemps sans avoir touché
quoi que ce soit dans la loi 24 pour la modifier et donner suite aux
recommandations qu'on avait faites.
Sachant comment cela peut fonctionner, il n'est pas irréaliste de
s'attendre qu'il n'y aura pas de modifications adoptées, avant
l'été prochain. Cela aura fait, à ce moment-là
presque deux ans que la commission a soumis son rapport - un an et trois quarts
à peu près - à l'Assemblée nationale à la
suite d'un engagement que les membres de la commission avaient pris
eux-mêmes de raccourcir leur mandat et de faire en sorte de prendre les
bouchées doubles, selon l'expression, pour que le législateur, le
gouvernement soit saisi des propositions et soit en mesure de préparer
les amendements nécessaires.
Après tout ce que le ministre de la Justice a dit, M. le
Président, je n'y ai pas vu une explication concrète du fait
qu'on n'a pas eu encore ces modifications. À la toute fin de son
discours, il s'est attardé un certain moment sur les négociations
qu'il peut y avoir entre le gouvernement du Québec et le gouvernement
fédéral quant au transfert de sommes d'argent pour l'application
de la Loi sur les jeunes contravenants et la part que le Québec assume
là-dedans. Je ne voudrais pas croire que toute cette inaction
découle uniquement du fait qu'il y a des pourparlers. Je ne voudrais pas
croire non plus que le gouvernement tente d'utiliser le retard dans les
modifications pour avancer les négociations. En dépit de tout ce
qu'il peut y avoir comme résultat de ces négociations à
Ottawa, il y a un paquet de choses qui dépendent uniquement du
Québec et sur lesquelles le Québec aurait pu agir, même en
présentant des modifications complètes, quitte à faire
appliquer certaines mesures un peu plus tard une fois certains autres
détails réglés.
On a déjà vu, dans d'autres projets de loi, que certains
articles peuvent entrer en vigueur à la suite de l'adoption du projet.
Cela aurait pu être la même chose. Si, de façon
sérieuse, le gouvernement voulait donner suite à ces
propositions, il aurait pu, j'en suis convaincu.
Une des choses qui m'amènent à sentir que le gouvernement
n'a pas agi jusqu'à maintenant, c'est un peu ce que le ministre a dit
tout à l'heure, tout en protestant que ce n'est pas un reproche. Je me
demande si, effectivement, le résultat de nos travaux de la commission
parlementaire n'était pas quelque chose auquel le gouvernement et
peut-être particulièrement le ministre de la Justice ne
s'attendait pas et même ne voulait pas.
J'avais un peu l'impression qu'il disait: Si on avait eu simplement
quelques petites recommandations précises par rapport à la loi 24
sur laquelle on a fait tout... une chose, ce n'est pas le bon mot, ce n'est pas
le mot que je cherche, mais... (17 heures)
Une voix: Un plat.
M. Sirros: ...un plat, on aurait peut-être pu avancer tout
de suite, rapidement, et faire quelque chose dans ce sens-là, mais au
contraire nous avons, à la commission, pris notre travail d'une
façon très sérieuse, très responsable, et nous
avons vu sur le terrain qu'il y avait lieu de regarder l'ensemble de la
question, parce qu'il y avait effectivement beaucoup de questions posées
dans le réseau par les intervenants. Finalement, ce sont eux, M. le
Président, qui ont à appliquer la loi et qui ont à
travailler directement avec les jeunes pour lesquels on essaie de
légiférer.
Nous avons constaté tout cela et nous nous sommes dit qu'on ne
pouvait pas se limiter simplement à faire un travail qui pourrait faire
plaisir au ministre de la Justice ou au ministre des Affaires sociales, mais
qui ne rendrait vraiment pas justice à tout ce qu'il y a à faire
dans ce domaine. Concernant la loi 24, si on trouve ses principes louables, si
on trouve que le Québec s'est mis bien en avant du reste du Canada en ce
qui concerne le traitement des jeunes, il y avait certes une confusion dans
certains domaines, surtout pour ce qui est de l'approche et de la distinction
qu'on peut faire entre les cas de protection et les cas de délinquance,
et il y avait beaucoup de questions sur cet aspect.
En guise de conclusion, je ne veux pas m'excuser pour avoir
contribué tant que j'ai pu à faire en sorte qu'on ait ici un
rapport volumineux contenant 105 recommandations et qui fait le tour complet de
la question. C'est entre les mains du gouvernement depuis un an et on n'a rien
vu, sauf deux promesses quant aux modifications, qui n'ont pas
été respectées jusqu'à maintenant.
En concluant, je ne peux que dire qu'il y a eu inaction et je souhaite
que, le plus rapidement possible, ce soit corrigé.
Le Président suppléant (M. Gagnon):
Merci, M. le député.
M. le ministre des Affaires sociales.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, sur la motion de Mme
la députée de L'Acadie, qu'il me soit permis de rappeler certains
faits et de compléter une partie des propos qu'aurait voulu ajouter le
ministre de la Justice, ce que le temps ne lui a pas permis de faire.
D'abord, tout ce qui a été fait depuis 1977 en cette
matière - je ne veux pas remonter aux calendes grecques - c'est une
approche nouvelle, audacieuse, on le sait, qu'aucun autre gouvernement canadien
n'a adoptée antérieurement. Le Québec, dans ce domaine
comme dans bien d'autres, se distinguait de la plupart des autres provinces
canadiennes. Deuxièmement, on a reconnu enfin, d'une manière
très spécifique, les besoins des jeunes plutôt que de les
laisser dans des structures conçues pour des adultes. C'est aussi simple
que cela. La base de la loi 24, c'était cela.
On a reconnu des droits particuliers aux jeunes. On a tenté d'en
garantir l'exercice. On a créé cet accès à la
non-judiciarisation à la suite d'un délit. On a fait en sorte que
les ministères et les intervenants se concertent plus. On a
assuré très concrètement l'accessibilité 24 heures
par jour aux services sociaux en matière de protection et de
délinquance. On a favorisé le maintien des enfants et des jeunes
dans leur milieu naturel. Il est donc, je pense, de notoriété
publique que cette loi adoptée par le gouvernement du Québec, il
y a un certain nombre d'années, a servi d'inspiration évidente au
législateur fédéral pour sa Loi sur les jeunes
contrevenants.
Il était évident qu'il y aurait des difficultés de
rodage et d'implantation qui viendraient avec un changement aussi important,
aussi radical, touchant un si grand nombre de citoyens, fussent-ils jeunes ou
fussent-ils les parents de ces enfants. Ce fut donc le colloque Tous pour un,
en juin 1980, la loi 10 en mai 1981, le sommet sur la protection de la jeunesse
en octobre 1981, les discussions entre le MAS et le ministère de la
Justice, la création de la commission dont on évoque les travaux,
la remise de ce rapport le 23 novembre 1982.
Je voudrais, évidemment, rendre ici hommage aux membres de cette
commission qui ont fait un travail absolument titanesque, ce qui faisait dire
à certains, en blaguant: Vous auriez dû faire un rapport de 100
pages plutôt que de 600; peut-être que cela aurait
été plus vite. Je veux bien ne pas disconvenir du fait qu'il
s'agit là d'une boutade, mais je pense que cela parle en soi et que cela
devrait inspirer les députés de l'Opposition quant aux
délais.
Quand une commission de l'Assemblée nationale décide de
remettre un rapport de 600 pages avec 150 recommandations au gouvernement,
quand cette même commission a du passer des mois et des centaines
d'heures de travail de consultation et de mise en forme, etc., on ne doit pas
s'attendre que le gouvernement réagisse en quelques semaines. Je pense
que ce ne serait pas rendre le respect qui est dû à un travail de
cette envergure. Il est donc normal que le gouvernement ait eu à prendre
un certain temps.
À cela, il faut ajouter trois ordres de difficulté
importants. Le premier, c'est le retard dans la promulgation de la Loi sur les
jeunes contrevenants, puisqu'il y a interdépendance entre les deux lois,
et ce n'est pas nous qui décidons de retarder sa promulgation. Je me
souviens, pour avoir comparu comme membre du gouvernement devant la commission,
qu'au moment où les membres de la commission étaient à
discuter de certains aspects en matière de délinquance ils
étaient extrêmement préoccupés par la mise en
vigueur anticipée de la Loi sur les jeunes délinquants. Pourtant,
il y a eu retard dans cette mise en vigueur. Deuxièmement, il y a eu une
difficulté d'entente quant aux coûts. Le Québec, à
cet égard, n'est absolument pas différent des autres provinces
qui, elles aussi, voient des problèmes sérieux dans le partage
des coûts. Troisièmement, il y a eu les récents jugements
de la Cour suprême.
Quant à l'incertitude qui touche la date d'entrée en
vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, celle-ci est attendue avec
impatience par la plupart des intervenants au Québec parce que,
justement, cette loi tient largement compte de la richesse de
l'expérience de la loi 24, sans tenir compte du fait qu'une fois la
nouvelle loi 24 adoptée ou la loi 24 amendée, je ne doute pas
qu'éventuellement le législateur fédéral pourra
s'en inspirer à l'égard de la Loi des jeunes
délinquants.
Il faut cependant reconnaître que cet enthousiasme n'est pas
partagé par toutes les provinces du Canada et que des pressions,
extrêmement fortes sont exercées sur l'État
fédéral pour retarder l'application de la Loi sur les jeunes
contrevenants, tant pour des raisons qui touchent le partage des coûts
que pour des motifs beaucoup plus fondamentaux quant aux principes mêmes
qu'on retrouve dans la loi. On se souviendra qu'en janvier 1983, un
représentant du ministère du Solliciteur général
fédéral annonçait que la loi entrerait en vigueur le 1er
avril 1983. Toutefois, les discussions sur les modalités
financières étant à peine amorcées, il se
dégagea un consensus que cela devrait être reporté au 1er
octobre.
Dans l'intervalle, en vue d'assurer, malgré tout, l'implantation
de la loi, le ministère de la Justice et celui des Affaires
sociales ont mis sur pied, le 21 mars 1983, une mission d'implantation
ayant pour objet d'assurer la compréhension commune des changements
législatifs, de déterminer et d'étudier en priorité
les impacts de ces changements sur les pratiques, sur les dimensions
organisationnelles des services, de permettre la formation des intervenants
impliqués et de favoriser une formation et une publicité qui
soient adéquates et cohérentes des contenus qui seront
développés.
Par ailleurs, les différentes instances des deux
ministères, celui des Affaires sociales et celui de la Justice, se sont
livrées à une étude d'impact sur les changements
apportés par la loi fédérale et ont
développé des modalités qui doivent entourer la formation
des intervenants.
M. le Président, en juillet dernier, dans le cadre de la
conférence fédérale-provinciale des ministres de la
Justice, l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants a de
nouveau été reportée. En réponse aux
représentations des provinces, la date du 1er octobre 1983 était
donc écartée et on a appris, quelque temps après, que la
nouvelle date serait le 1er avril 1984. Les rumeurs, en ce moment, veulent que
ce soit le 1er avril 1985. Par conséquent, il était difficile
d'établir exactement le contenu de notre loi, alors qu'on ne sait pas si
la Loi des jeunes délinquants sera effectivement remplacée par la
Loi sur les jeunes contrevenants. (17 h 10)
Nous considérons, en effet, que dans l'intérêt des
adolescents, notre système d'administration de la justice pénale
pour les adolescents en particulier ne devrait pas faire l'objet de litiges
juridiques. Comme la nouvelle loi fédérale permet l'application
de mesures de rechange, ce qui est le pendant de nos mesures volontaires en
matière de délinquance introduite par la Loi sur la protection de
la jeunesse, nous sommes disposés à établir les
modalités des mesures en conformité avec la nouvelle loi
fédérale. Encore faudrait-il qu'elle entre en vigueur.
Quant à l'impact de deux récents jugements de la Cour
suprême, et j'abrégerai un peu, le Procureur général
du Canada contre les Transports nationaux du Canada Ltée et la compagnie
de transports Canadien Pacifique, CN-CP, et Sa Majesté la reine contre
l'honorable juge Whitmore, ce jugement, rendu au mois d'octobre dernier, ne
vient pas simplifier le portrait.
Le pouvoir de légiférer de l'Assemblée nationale en
matière d'administration de la justice est considérablement
restreint par ces deux jugements. Cette question a suscité d'ailleurs
une réaction extrêmement vive, profonde et inquiète chez
les Procureurs généraux de la plupart des provinces et a
entraîné des modifications au projet de loi en préparation.
En effet, il ne serait plus possible d'envisager que l'Assemblée
nationale énonce dans la loi leurs modalités d'application des
mesures de rechange qui peuvent être préconisées par le
Directeur de la protection de la jeunesse lorsqu'un adolescent est
impliqué dans une effraction fédérale. Il ne serait plus
possible non plus, en vertu de ces jugements, que l'Assemblée nationale
légifère sur la décision elle-même de poursuivre ou
de ne pas poursuivre, que cette décision soit prise par le Procureur
général ou le Directeur de la protection de la jeunesse. Ces
dispositions constitueraient donc de la procédure criminelle au sens
où l'entend la Cour suprême dans l'arrêt CN-CP et dans
l'arrêt Whitmore.
En somme, ces deux jugements, même s'ils sont survenus
tardivement, sont effectivement survenus au moment où le ministre de la
Justice et le ministre des Affaires sociales s'apprêtaient à
présenter un mémoire au Conseil des ministres pour les fins
d'obtenir son aval pour un projet de loi qui allait être
déposé. L'essentiel des matières que je ne qualifierai pas
de litigieuses entre le ministère des Affaires sociales et de la
Justice, mais des matières qui font l'objet de discussions normales,
compte tenu des préoccupations quotidiennes légèrement
différentes de ces deux ministères, étaient
réglées et les arrêts CN-CP et Whitmore sont intervenus
alors même que nous étions presque en phase de rédaction de
ce projet de loi; et ce n'est pas une excuse ou un alibi, c'est simplement une
question de fait.
Nous ne pouvons pas présenter ce projet de loi dans la forme
qu'il était littéralement en train de prendre au niveau du
comité de rédaction dans lequel sont impliqués les
sous-ministres des deux ministères et qui, je veux rassurer Mme la
députée de L'Acadie à cet égard, ne sont pas a
couteaux tirés, pas plus d'ailleurs que le ministre des Affaires
sociales et le ministre de la Justice sont à couteaux tirés, bien
au contraire.
Je dirai que les quelques rencontres que nous avons eues au niveau
ministériel et sous-ministériel entre les deux ministères,
indépendamment du travail considérable qui a été
fait par les équipes au niveau des professionnels et des
spécialistes dans les deux ministères qui avaient suivi les
travaux de la commission, se sont faits dans un contexte tout à fait
serein qui a permis, effectivement, de dégager des consensus très
clairs entre les deux ministères.
Motion d'amendement
C'est pourquoi, je termine, en conséquence de ce
qu'évoquait tout à l'heure mon collègue le ministre de la
Justice, en proposant un amendement à la motion de la
députée de L'Acadie: Que soient retranchés dans les
première et deuxième lignes les mots "tout en déplorant
l'inaction du gouvernement" et qu'ils soient remplacés par "en raison du
délai qui s'écoule" tout en ajoutant après le mot
"dépôt", "le 23 novembre 1982". Que soient retranchés dans
les quatrième et cinquième lignes les mots "lui demande de" et
qu'ils soient remplacés par "demande au gouvernement d'y". Que soient
retranchés dans les sixième et septième lignes les mots
"aux recommandations de ce rapport déposé à
l'Assemblée nationale le 23 novembre 1982" et qu'ils soient
remplacés par "le dépôt d'un projet de loi sur cette
question".
La motion se lirait donc comme suit, M. le Président: "Que cette
Assemblée, en raison du délai qui s'écoule depuis le
dépôt, le 23 novembre 1982, du rapport de la commission
parlementaire spéciale créée le 19 décembre 1981
pour procéder à une évaluation de la Loi sur la protection
de la jeunesse, demande au gouvernement d'y donner suite avant la fin de la
présente année par le dépôt d'un projet de loi sur
cette question."
En d'autres termes, nous concourons à la préoccupation,
mais sûrement pas aux intentions que nous imputent nos collègues
d'en face. Très concrètement, le gouvernement sera prêt
à déposer, d'ici à la fin de l'année, ce projet de
loi et nous voterons évidemment en faveur de la motion, dans la mesure
où notre amendement sera accepté.
Le Président suppléant (M. Gagnon):
Merci, M. le ministre. Je déclare donc cette motion d'amendement
recevable. Maintenant, d'ici à 18 heures, nous discuterons en même
temps de l'amendement et de la motion principale. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: M. le Président, ma première
réaction, quand j'ai entendu la motion d'amendement du ministre, a
été de dire - j'espère que vous allez m'excuser -Bravo,
Thérèse, vous allez finalement les faire bouger. Et je pense que
vous avez droit à toutes les félicitations parce que vous
êtes la responsable de ce geste qui a finalement été
posé, de cet engagement qui est finalement pris par le gouvernement cet
après-midi.
Jusqu'ici c'était plat, M. le Président, d'être
obligé de venir ici l'après-midi, sept ans après la prise
du pouvoir par le Parti québécois, entendre deux grands ministres
nous expliquer pourquoi ils n'ont pas été capables de livrer la
marchandise. Vous avez eu droit à des explications: la vie est
compliquée, il y a des questions de concordance, il y a des
problèmes de partage de pouvoirs, il y a des consultations, il y a
toutes sortes de raisons pour lesquelles nous ne sommes pas capables de
respecter nos engagements.
Je me souviens que lorsque je suis arrivé en Chambre, en 1978,
j'ai trouvé fatigantes les déclarations
répétées - dans l'euphorie du pouvoir récent de ces
députés d'arrière-ban, du côté gouvernemental
- que c'est un gouvernement qui respecte ses engagements. Je ne sais pas
combien de fois j'ai entendu ces déclarations et je les ai
trouvées très fatigantes.
Aujourd'hui, ils ne sont plus fatigants, ils sont fatigués. Et en
conséquence, vous avez un gouvernement qui fait des promesses qu'il
n'est pas capable de respecter et qui n'a pas l'énergie
nécessaire pour poursuivre même ses propres intentions.
Je pense que c'est important de le souligner et surtout de souligner
l'effort qui a été fait par ma collègue, la
députée de L'Acadie, dans ce dossier.
Il faut rappeler que le rapport, qui a été
rédigé par une équipe de députés dont le
président était le député de Verchères et le
vice-président le député de Laurier, alors que la
députée de L'Acadie et le député de D'Arcy McGee
étaient également membres, a été
déposé il y a plus d'un an, en novembre 1982. J'ai la forte
impression que, dès ce moment, c'était destiné à
devenir une espèce de rapport Pepin-Robarts au niveau du gouvernement du
Québec, un rapport "tabletté" et duquel on n'aurait jamais plus
entendu parler.
Mais ce n'était pas possible parce que, dès la reprise de
la session au mois de mars, à la première occasion, la
députée de L'Acadie a commencé à intervenir; elle
n'avait pas l'intention de laisser le gouvernement oublier ce rapport. Le 8
mars, elle a demandé au leader, en vertu de l'article 34, s'il avait
l'intention d'aller de l'avant avec les conclusions et de présenter un
projet de loi. M. Bertrand a dit: "Nous aurons un Conseil des ministres
spécial durant le week-end, entre autres choses, pour préparer le
menu législatif et bien sûr établir nos priorités.
Je ne doute pas que nous ferons, entre autres choses, état de ce
dossier. Effectivement, je crois savoir que c'est un dossier qui chemine bien."
Il était très optimiste, il était obligé de
répondre. (17 h 20)
Quelques jours après, le premier ministre a dit, dans son
discours inaugural -parce qu'il avait aussi écouté le discours de
la députée de L'Acadie - "II est clair néanmoins qu'en
cours d'année le gouvernement aura à tenir compte
concrètement des plus évidentes de ces constatations." Mais la
députée de L'Acadie, sachant fort bien que le gouvernement et
même le premier ministre ont tendance à oublier parfois les
promesses faites dans les discours inauguraux - il y a d'autres exemples, comme
vous le
savez - n'a pas lâché et, lors de l'étude des
crédits, au mois de mai, elle a posé la question au ministre des
Affaires sociales. Elle a dit: "Allez-vous déposer un projet de loi
touchant les modifications à la loi 24?" Et le ministre a dit:
"Possiblement au mois de juin." "Quand pourrait-il être adopté?"
a-t-elle demandé. "Si on le dépose au mois de juin, on ne peut
pas l'adopter avant octobre." Elle attend alors le dépôt de ce
projet de loi avant la fin de la session au mois de juin.
On arrive au 31 mai, la dernière journée où on peut
déposer un projet de loi pour que ce soit adopté avant la fin de
juin. La députée de L'Acadie réclame encore. Elle a
recours à l'article 34. Elle demande au leader s'il a l'intention de
déposer ce projet de loi, parce que c'était plus ou moins un
engagement de le déposer au mois de juin. C'est long, sa réponse,
comme vous pouvez l'imaginer, parce qu'il n'avait pas de réponse.
Finalement, il dit: "En tout état de cause, dans l'état actuel
des choses, je ne peux pas vous indiquer qu'il y aura un projet de loi
adopté avant le 25 juin. Ce sera probablement davantage l'automne
prochain." Il ajoute: "Je continue de maintenir que cela chemine bien." Mais,
malheureusement, les attentes qu'on avait eues du premier ministre, du leader
et du ministre lui-même, dès le mois de mars, n'étaient pas
réalisées.
Finalement, la députée de L'Acadie ne lâche plus.
Elle est encore là le 15 juin, presque la dernière journée
de la session. Posant une question, elle demande au premier ministre ce qui se
passe et le premier ministre lui dit: "Tout ce que je peux dire, c'est que cela
a été assez long, assez ardu, comme cela arrive souvent quand il
y a une sorte de double juridiction." Mme la députée de L'Acadie
a soulevé la possibilité qu'il y avait peut-être des
problèmes internes, ce qui a été nié fortement cet
après-midi. Vous l'avez entendu, mais nous ne sommes pas les seuls qui
avons noté ces problèmes. Le premier ministre a dit: "Je dois
répondre à Mme la députée que ce ne sont pas
tellement des querelles que de légitimes différences d'opinions."
C'est là une nuance. Mais entre eux, d'après le premier ministre,
entre le ministre des Affaires sociales et le ministre de la Justice, il y
avait de légitimes différences d'opinions. Une querelle peut
être une légitime différence d'opinions. L'un n'exclut pas
l'autre. De toute façon, le premier ministre a dit, et je pense que
c'est intéressant, parce que le premier ministre est d'accord avec moi
sur le rôle qu'a joué la députée de L'Acadie dans ce
dossier, il a dit: "Je répète, je garde l'espoir que ce projet de
loi va venir bientôt et je remercie la députée de L'Acadie
de m'avoir fourni une sorte de pression. Cela va m'amener à mettre de la
pression moi aussi pour qu'on puisse aboutir avant la fin de
l'année."
Alors, la session se termine au mois de juin. Malheureusement, la
députée de L'Acadie ne peut pas poser de question au mois de
juillet, pas de session, au mois d'août, pas de session, au mois de
septembre, pas de session, au mois d'octobre, pas de session. Ils
étaient au travail sur la question nationale. Finalement, la session a
repris la semaine dernière. Immédiatement...
Mme Lavoie-Roux: ...le 15 octobre.
M. Scowen: Mon Dieu! Mme la députée de L'Acadie me
rappelle qu'elle a proposé une motion le 15 octobre. La motion à
débattre aujourd'hui a été présentée la
première journée. À la reprise de la session, elle a
rappelé au gouvernement la nécessité de ne pas oublier ce
document, de ne pas le laisser sur les tablettes et d'agir. Aujourd'hui, on se
retrouve devant une motion que le ministre de la Justice a refusée. Il a
dit: II n'en est pas question, mais nous avons l'intention d'essayer de faire
quelque chose d'ici à la fin de l'année. Mais le ministre des
Affaires sociales, un homme qui a une sensibilité politique très
aiguë, a finalement réalisé que les pressions
exercées par la députée de L'Acadie sont la
conséquence des attentes et des désirs de toute la population du
Québec. Dans un délai de dix minutes, entre le discours du
ministre de la Justice et celui du ministre des Affaires sociales, ils ont
décidé - je ne veux pas dire que cela a été fait en
panique, je suis certain que cela a été raisonné parce que
c'est une décision très sage sur le plan politique - ce
gouvernement a finalement décidé, à la suite des efforts
de ma collègue, la députée de L'Acadie, depuis un an
maintenant, de donner suite aux engagements ou aux recommandations qui ont
été faites dans le rapport Charbonneau. Tout ce que je peux dire
en terminant, une fois de plus, M. le Président, c'est: Bravo,
Thérèse! Merci.
Des voix: Bravo, Thérèse!
Le Président suppléant (M. Gagnon):
Merci, M. le député.
M. le député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: M. le Président, on m'a beaucoup
nommé cet après-midi et je m'en voudrais de ne pas intervenir
dans ce débat. Je pense avoir une obligation morale, comme
feu-président de cette commission parlementaire spéciale, celle
de faire un certain nombre de mises au point et de constatations aussi
après un an. Ce qui est un peu curieux, c'est de voir que nous discutons
de ce sujet un an jour pour jour après la présentation du rapport
de la com-
mission parlementaire à l'Assemblée nationale.
Après un an, si j'étais convaincu, comme tentent de nous
le faire croire qu'ils le sont, eux, les députés de l'Opposition,
que le gouvernement n'a rien fait depuis un an, je serais obligé de
voter pour la motion qui a été présentée par Mme la
députée de L'Acadie, une de mes collègues de la commission
parlementaire spéciale. Je serais obligé parce que je n'ai pas
passé un an de ma vie à présider cette commission
parlementaire pour accepter, comme d'autres l'ont accepté dans le
passé, que des travaux et des conclusions sérieuses soient mis
sur des tablettes et qu'on n'en tienne pas compte.
Je regarde ce qui s'est fait depuis un an et je suis obligé de
constater - je ne suis pas obligé, mais je le reconnais et je m'en
réjouis d'une certaine façon - que le travail a avancé. Je
ne reviendrai pas sur les explications qui ont été données
par le ministre de la Justice et par le ministre des Affaires sociales sur les
raisons pour lesquelles on n'a pas réussi encore à déposer
à l'Assemblée nationale un projet de loi. Néanmoins, les
deux ministres responsables de ce dossier ont donné des indications
précises sur le travail qui a été effectué au cours
de cette année pour en arriver, dans les prochaines semaines, à
la présentation d'un projet de loi à l'Assemblée
nationale.
On n'a qu'à penser à tout le travail de réflexion
qui s'est fait à l'intérieur des deux ministères. Bien
sûr, il y a eu des divergences d'opinions, les ministres vont en
convenir. Le premier ministre vient d'être cité et il l'a
lui-même reconnu, il y avait des différences d'approche dans les
deux réseaux dirigés par les ministres qui sont intervenus. Bien
sûr, cela a amené des discussions, c'était
inévitable. Je conviens avec le ministre des Affaires sociales que le
rapport de la commission parlementaire était passablement volumineux et
on ne pouvait pas, du jour au lendemain, tirer des conclusions et
présenter des recommandations législatives à
l'Assemblée nationale.
Ce dont on doit se rendre compte, c'est que ce rapport, dont on a fait
état de l'importance en termes de volume et du nombre de
recommandations, contenait une série de recommandations
législatives pour modifier la Loi sur la protection de la jeunesse.
Contrairement à ce que vient de dire le député de
Notre-Dame-de-Grâce, on n'a pas attendu son intervention pour que le
ministre de la Justice annonce aujourd'hui et confirme, dans le fond, ce que le
premier ministre avait déjà dit au mois de juin, qu'avant la fin
de cette année il y aurait un projet de loi déposé ici,
à l'Assemblée nationale.
Je voudrais aussi m'attarder sur les autres suites qui ont
été données au rapport de la commission parlementaire.
S'il y avait une partie législative reliée directement à
la Loi sur la protection de la jeunesse, on s'est beaucoup attardé aussi
sur des aspects administratifs et des aspects de réorganisation de la
philosophie politique et administrative qui devaient sous-tendre l'action
gouvernementale au niveau de l'aide à la jeunesse. On a consacré
de nombreuses pages de ce rapport à expliquer comment, par exemple, tout
le système législatif qu'on avait mis en place avec la loi 24 et
qu'on veut améliorer par les propositions législatives, reposait
sur une philosophie d'aide qui devait faire appel plus que jamais, plus qu'on
ne l'avait fait à la suite de la loi 24, à une approche
préventive qui fait appel à l'intervention communautaire. (17 h
30)
II y avait, par exemple, un constat que nous avions fait, y compris les
députés ministériels - nous avons adressé ce
constat au gouvernement - qu'il manquait, à l'intérieur de
l'appareil gouvernemental, un lieu de concertation qui permettrait au
gouvernement d'améliorer l'efficacité et la cohérence de
ses interventions à l'égard des jeunes et, entre autres, des
jeunes en difficulté.
Nous proposions dans le rapport de la commission parlementaire sur la
protection de la jeunesse, la création d'un Secrétariat à
la jeunesse. Je voudrais rappeler aux députés de l'Opposition que
ce Secrétariat à la jeunesse a été
créé au mois de mars 1983, qu'il existe toujours et qu'il est
même sous l'autorité du premier ministre du Québec. Donc,
voilà une suite concrète qui a été donnée au
rapport de la commission parlementaire, une suite qui continue de se
dérouler, qui ne fait pas continuellement la manchette des journaux, qui
semble avoir passé complètement inaperçue aux yeux des
députés de l'Opposition et malheureusement aux yeux de mes
collègues qui avaient jugé comme moi cette mesure importante, qui
a été réalisée. On n'en a cependant pas fait
état de l'autre côté.
On a parlé aussi, dans le rapport de la commission parlementaire,
de l'importance de développer les approches préventives au niveau
des interventions d'aide à la jeunesse. Je ferai remarquer aux
députés de l'Opposition qu'au moment même où le
premier ministre a annoncé la création du Secrétariat
à la jeunesse, il a également annoncé la mise en place
d'une série de mesures visant à améliorer l'intervention
gouvernementale des jeunes. C'est ce qu'on a appelé, au mois de mars
dernier, le plan d'action gouvernemental en faveur des jeunes. Dans ce plan
d'action, il y avait un des cinq volets qui était celui de
l'amélioration des services sociaux pour les jeunes. On disait en
particulier dans ce plan d'action que le gouvernement s'engageait, par le
ministère des Affaires sociales, à faire en sorte que les
centres locaux de services communautaires, les CLSC entre autres,
augmentent leurs interventions préventives à l'égard des
jeunes, en particulier des jeunes ayant des problèmes de
délinquance juvénile.
Je sais, pour avoir non seulement parlé avec le ministre de la
Justice et ses fonctionnaires mais également avec des gens sur le
terrain, que c'est en marche, que plus que jamais, depuis un an, les
interventions des CLSC et des services sociaux s'améliorent et sont
inspirés d'une plus grande compréhension de l'importance qu'on
doit accorder à l'approche préventive.
On a, par exemple, augmenté les crédits, comme on le
suggérait dans le rapport de la commission parlementaire, aux maisons de
jeunes et aux organismes communautaires d'aide à la jeunesse et de
services aux jeunes. Je pense qu'on peut encore aller beaucoup plus loin dans
ce domaine-là, mais depuis un an, on ne peut pas dire que le
gouvernement n'a pas tenu compte de l'approche et des recommandations de la
commission parlementaire que j'ai présidée.
On avait aussi indiqué dans le rapport de ladite commission qu'il
était important et capital que le gouvernement fasse non seulement la
promotion mais soutienne les actions et les initiatives de concertation des
services d'aide à la jeunesse sur le terrain. Je puis vous dire que si
ce n'est pas aussi avancé que je le voudrais, moi personnellement,
néanmoins depuis un an, un changement intéressant a
été fait à cet égard; que dans un certain nombre de
régions du Québec on constate que des CRSSS, des conseils
régionaux de la santé et des services sociaux se sont
particulièrement sensibilisés et mis à l'oeuvre pour
améliorer la concertation des services d'aide à la jeunesse sur
leur territoire. Je prends deux exemples, le Conseil régional de la
santé et des services sociaux du Montréal métropolitain
qui a une personne à temps plein sur ce dossier de concertation et la
même chose du côté du CRSSS de la Montérégie
qui, là aussi, a affecté une personne à temps plein pour
faire et susciter la concertation des services d'aide à la jeunesse.
Donc, on se rend compte, M. le Président, que si tout n'est pas
complété en termes de mise en place des propositions qu'on a
faites à l'occasion des travaux de notre commission parlementaire, des
choses importantes et significatives ont été mises en chantier
à la suite du rapport de la commission que j'ai
présidée.
On pourrait multiplier ainsi les exemples. On pourrait également
parler de tout le travail qui s'est fait par les intervenants-jeunesse qui ont
lu attentivement les recommandations de la commission parlementaire qui
s'adressaient à eux et qui n'avaient pas à attendre le gou-
vernement pour agir. Là aussi, il faut se rappeler qu'une partie des
recommandations du rapport de la commission/ parlementaire s'adressaient
à des intervenants et faisaient appel à leurs propres
initiatives. Dans plusieurs cas, des processus et des changements ont
été enclenchés et je m'en réjouis.
J'ai entendu le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui
n'est pas connu comme un spécialiste des questions en matière de
protection de la jeunesse et des questions en matière sociale, nous
parler d'un gouvernement fatigué et nous parler d'un rapport qui,
finalement, serait le pendant québécois du rapport Pepin-Robarts.
Je suis heureux de constater, comme président de cette commission
parlementaire, que, contrairement à l'ex-collègue du
député de Notre-Dame-de-Grâce qui a siégé
avec eux pendant un certain nombre de mois, Mme Solange Chaput-Rolland, je ne
serai pas obligé, un jour, de faire un mea culpa et d'accuser le
gouvernement d'avoir mis mon rapport sur les tablettes. Je ne serai pas
obligé de faire cela, mais votre ancienne collègue,
malheureusement, a été obligée de le faire et de
reconnaître que le rapport Pepin-Robarts a été mis sur les
tablettes par un gouvernement libéral, à un autre niveau, mais un
gouvernement libéral.
M. le Président, je me réjouis - c'est une raison
additionnelle pour laquelle je vais appuyer la motion d'amendement qui a
été présentée par le ministre des Affaires sociales
- de l'engagement ferme qui a été pris aujourd'hui par le
ministre de la Justice et répété par le ministre des
Affaires sociales. Il y aura, avant la fin de l'année, le
dépôt d'un projet de loi qui s'inspirera, j'en suis convaincu et
je l'espère, des recommandations, des analyses et des constatations que
l'ensemble des députés membres de cette commission a faites
pendant un an.
Je termine en disant que si je ne peux m'associer aux éloges du
député de Notre-Dame-de-Grâce à l'endroit de ma
collègue, Mme la députée de L'Acadie, que je
soupçonne aujourd'hui de vouloir nous récupérer
politiquement parce que je suis convaincu qu'elle savait que le projet de loi
s'en venait... Je suis convaincu qu'elle savait qu'on déposerait un
projet de loi avant la fin de cette session.
Une voix: Bravo!
M. Charbonneau: C'est de bonne guerre. Je ne lui en tiens pas
rigueur, mais, dans ces circonstances, je ne pourrai certainement pas
m'associer aux éloges de son collègue, le député de
Notre-Dame-de-Grâce, et je vais appuyer la motion d'amendement du
ministre des Affaires sociales. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole
au député de D'Arcy McGee, je dois vous dire que je dois
protéger le droit de réplique de Mme la députée de
L'Acadie. Il restera donc environ quatre minutes au député de
Rousseau s'il a toujours l'intention de participer à ce
débat.
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai juste quatre minutes?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous avez dix minutes, M.
le député.
M. Marx: J'ai dix minutes.
Une voix: II a tout cela à lire.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Herbert Marx
M. Marx: M. le Président, premièrement, j'aimerais
féliciter le député de Verchères pour son travail,
pour ce qu'il a fait dans ce rapport.
Des voix: Bravo!
M. Marx: Je pense que c'est un très bon travail...
M. Charbonneau: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Charbonneau: Un peu à la blague, mais je
préférerais que le député de...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, vous empêchez le député de D'Arcy
McGee d'utiliser ses dix minutes. M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: J'aimerais, encore une fois, féliciter le
député de Verchères. Le rapport est plus volumineux; ceci
est seulement un résumé.
Dans ce dossier, M. le Président, c'est le ministre de la Justice
qui traîne la patte. Il ne traîne pas la patte seulement dans ce
dossier, mais dans tous ses dossiers: le Code civil, les femmes battues, l'aide
juridique, le règlement en vertu de la Charte des droits et
libertés de la personne, etc. Je ne veux pas lister tous les dossiers
où le ministre de la Justice traîne la patte parce que je vais
prendre mes dix minutes juste pour en faire la liste. Il traîne la patte,
toujours avec des excuses.
Cela ne m'impressionne pas que le ministre des Affaires sociales ait dit
qu'on va déposer un projet de loi avant le 20 décembre. Cela ne
m'impressionne pas beaucoup parce que je peux vous montrer des projets de loi
que le ministre de la Justice a déposés en 1982 et qui ne sont
pas encore adoptés. Déposer un projet de loi et faire adopter un
projet de loi, ce n'est pas la même chose. (17 h 40)
Donc, si les promesses qu'on nous a faites aujourd'hui valent ce
qu'elles valent, cela peut être une autre façon, comme on dit en
bon français, de "staller" l'affaire. Si on a donné suite
aujourd'hui aux demandes de la députée de L'Acadie, c'est parce
qu'elle a démontré une certaine ténacité dans ce
dossier et qu'elle a insisté, depuis un an, pour que le gouvernement
prenne ses responsabilités au sérieux.
M. le Président, seulement pour vous donner un exemple de la
façon dont ce gouvernement traîne la patte, voici la
recommandation 34, paragraphe f, du rapport. "Que les autorités
politiques provinciales, municipales adoptent une réglementation
concernant la pornographie sous ses différentes formes: revues, films,
vidéocassettes, matériel de spectacle, et que les
législations pertinentes soient revues et appliqués dans cette
optique." C'est une recommandation assez précise, mais le gouvernement
n'y a pas donné suite en ce qui concerne la pornographie. Dans ce
dossier, le ministre de la Justice, M. Bédard, fuit ses
responsabilités en ce qui concerne le problème de la
pornographie.
À la suite de ce rapport, nous avons rendu public, il y a
quelques semaines, un document sur la pornographie intitulé: La
pornographie, le contrôle sans la censure, dans lequel nous avons
demandé au gouvernement d'agir. Vous pouvez trouver un extrait de ce
rapport dans le Devoir du 21 novembre 1983. Nous avons demandé de donner
aux municipalités le pouvoir de contrôler, de réglementer
la pornographie, les revues pornographies qu'on retrouve sur les tablettes du
bas chez les dépanneurs du coin. Tout ce qui est disponible aujourd'hui
pourrait être disponible pour les adultes, à moins que ce ne soit
une revue obscène, ce qui serait illégal comme c'est le cas
aujourd'hui. En vertu du Code criminel, elle peut être . saisie par les
autorités compétentes.
M. le Président, vous avez des enfants aussi, vous savez que la
pornographie, c'est vraiment un problème aujourd'hui au Québec.
Par exemple, chez le dépanneur du coin, on peut voir sur le plancher
toutes sortes de revues pornographiques à côté du lait, du
pain. Souvent, il y a des parents - on m'a dit cela; on m'a
téléphoné; on m'a écrit sur ce problème -
des femmes qui entrent chez le dépanneur avec leurs enfants. C'est
très gênant, parce que tout est sur le plancher, toutes les revues
pornographique que je n'aimerais pas décrire à la
télévision.
II y a un problème pour régler l'étalage des revues
pornographiques chez les dépanneurs. On l'a résolu dans d'autres
juridictions, dans certaines villes canadiennes, dans certaines villes
américaines. On y a pris les mesures nécessaires, parce que
là les ministres de la Justice ne traînent pas la patte comme
notre ministre de la Justice. Par exemple, à Toronto, il y a un
règlement qui exige que ces revues pornographiques soient
étalées cinq pieds au-dessus du plancher, en arrière d'un
écran. C'est donc disponible pour les adultes, mais ce n'est pas
disponible pour les enfants mineurs.
En ce moment, il y a des municipalités qui viennent faire amender
leur charte en commission parlementaire; elles demandent des modifications. Il
y a des villes comme Repentigny, LaSalle, Saint-Léonard, Saint-Hyacinthe
qui ont demandé des modifications à leur charte municipale pour
réglementer les boutiques érotiques, y compris l'étalage
dans leurs vitrines. Tout ce que je veux proposer aujourd'hui, c'est
très simple: si le gouvernement veut bien agir, il suffit de mettre un
amendement dans le Code municipal et dans la Loi sur les cités et villes
pour permettre aux municipalités du Québec de réglementer
l'étalage des revues pornographiques chez les dépanneurs partout
au Québec.
Cela ne prendrait pas cinq ou six semaines ou deux mois pour
rédiger un tel amendement à ces deux lois. C'est très
facile à faire. Si le gouvernement a vraiment la volonté
politique de donner suite aux recommandations dans ce rapport, qu'on donne
suite à cette recommandation pour contrôler la pornographie en
vente chez les dépanneurs. On va voir d'ici la fin de la session si le
gouvernement, si le ministre de la Justice a vraiment cette volonté
politique de suivre les recommandations du rapport Charbonneau. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Rousseau.
M. René Blouin
M. Blouin: Merci, M. le Président. Je vais tenter
d'exposer très rapidement les quelques idées que je veux
émettre parce que je sais que nous devrons mettre fin aux travaux dans
quelques minutes. Je ne commenterai pas les premiers commentaires du
député de D'Arcy McGee qui étaient un peu
déplacés. Déplacés surtout en regard du sujet dont
nous traitons cet après-midi qui est un sujet qui pourrait se passer de
ces attitudes parfaitement partisanes, notamment, celle du député
de Notre-Dame-de-Grâce qui, je ne sais trop pourquoi, s'est levé
pour parler. Probablement parce qu'il a l'air jeune. Je n'ai pas vu d'autres
motifs.
D'autre part, je voudrais rappeler le travail extrêmement
important qui a été fait par tous les membres qui ont
participé à cette commission spéciale sur la protection de
la jeunesse que présidait M. Charbonneau. Au cours de ces travaux -
j'étais aussi membre de cette commission - nous avions d'abord
pensé que nous pouvions, en l'espace de six mois, parce qu'il semblait
qu'il y avait urgence, effectuer l'ensemble de ces analyses, de ces
observations, recevoir les commentaires des groupes, des personnes, des
individus intéressés par ce sujet de la protection de la
jeunesse. Nous nous sommes rendu compte que pour aller chercher ces opinions et
nous entendre entre nous, nous aurions besoin de bien au-delà de six
mois. En fait, c'est en travaillant très fort et de façon
accélérée que nous avons pu remettre notre rapport
après un an de travail.
Je crois que l'expression utilisée par la députée
de L'Acadie, lorsqu'elle parle d'inaction dans sa motion, n'est pas
justifiée et n'est certainement pas justifiable non plus à
l'égard de ce que le gouvernement a dû faire à la suite du
dépôt de notre rapport. C'est un rapport qui contient un nombre
très important de recommandations qui touchent des sujets très
variés. Une fois le rapport déposé, le gouvernement
n'avait pas qu'à donner sa propre opinion. Avant de faire cela, il avait
à aller consulter, à se concerter aussi avec un nombre
très important d'organismes. Qu'il me suffise d'en identifier
quelques-uns: le Comité de protection de la jeunesse; la Commission des
services juridiques; les services judiciaires; les services de police; les
substituts du Procureur général; les associations des
établissements de centres de services communautaires; les familles
d'accueil; les centres d'accueil eux-mêmes; les directeurs de la
protection de la jeunesse; les centres de services sociaux. Enfin il y a toute
une panoplie d'organismes qui sont directement concernés par ce sujet et
qui se devaient d'être consultés parce que ce sont eux ensuite qui
auront à appliquer les modifications à la loi qui seront
présentées bientôt à l'Assemblée
nationale.
Je rappelle également que cette expression d'inaction
utilisée par la députée de L'Acadie est
profondément injuste à l'égard d'un gouvernement qui a
pris les devants en Amérique à l'égard du traitement des
problèmes de la jeunesse, de l'attention qu'il faut y apporter et des
modifications qui ont été effectivement apportées pour
permettre un traitement plus juste, plus équitable et qui corresponde
davantage au statut des jeunes. Car enfin, de quoi s'agit-il? Il s'agissait
fondamentalement de faire en sorte que les jeunes au Québec puissent
recevoir, lorsqu'ils ont des difficultés, un traitement qui leur
convienne. (17 h 50)
Le choix fondamental était le suivant:
Devons-nous les traiter comme nous traitons les adultes, de la
même façon, ou devons-nous encore les traiter en tenant compte que
ce ne sont pas encore des adultes, mais que ce sont des adultes en devenir et
que le fait qu'ils n'aient pas encore atteint la majorité et le fait
qu'ils n'aient pas encore la maturité devaient être des
éléments dont il nous fallait absolument tenir compte? C'est ce
virement qui a donné naissance à la loi 24. C'est tellement vrai
que le Québec a pris de l'avance sur les autres et n'a pas
été inactif, qu'aujourd'hui le gouvernement
fédéral, qui s'est inspiré de cette loi
québécoise, ne peut pas l'appliquer parce que certaines provinces
canadiennes mettent encore les jeunes de 16 ans en prison et qu'ils n'ont pas
d'institution pour modifier leur comportement. Il leur faudra d'abord
bâtir des institutions.
Alors je crois, M. le Président, que le gouvernement a bien
travaillé en douze mois; c'était raisonnable. Maintenant que les
amendements seront déposés, nous pourrons revenir sur ce sujet
d'ici peu puisque nous aurons le projet de loi entre les mains. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Mme la
députée de L'Acadie pour son droit de réplique.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
(réplique)
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je sens vraiment que la
motion a heurté le gouvernement de plein front. Je les ai tous vus se
justifier sur l'inaction du gouvernement. On est tellement conscient de l'image
qu'il faut conserver, que le ministre des Affaires sociales a
présenté un amendement pour retrancher "tout en déplorant
l'inaction du gouvernement" et dire: "Nous demandons au gouvernement de
procéder et de donner une suite au rapport de la commission
spéciale sur la jeunesse."
Au lieu de s'attarder vraiment au fond de la motion, on est tout
bouleversé parce qu'on a parlé de l'inaction du gouvernement. Je
tiens ici à rétablir les faits, non pas dans le domaine de la
protection de la jeunesse... D'ailleurs, j'inviterais les membres du
côté ministériel à prendre la peine de lire le
rapport Charbonneau où on fait l'histoire du développement des
services à la jeunesse, échelonnée depuis fort longtemps
et à laquelle tous les gouvernements ont participé. Je voudrais
rappeler au ministre de la Justice qui lui, pourtant, aurait dû le
savoir, qu'il y a eu en 1974 la loi sur les enfants battus, qu'il y avait eu un
projet de loi proposé en 1972 - qui a malheureusement avorté -
sur la protection de la jeunesse, qui est revenu en 1975. Finalement -
particulièrement les membres qui ont siégé à la
commission avec moi doivent se le rappeler - tous les gens nous ont dit comment
ceci avait été une longue gestation parce que c'était
difficile; il fallait que les mentalités évoluent. C'est vrai que
c'est sous le gouvernement actuel que, finalement, la loi 24 a
été adoptée. Je n'ai jamais remis cela en question, mais
ces gens se sentent tellement coupables, M. le Président, devant le fait
qu'il n'y a pas de véritable excuse pour le retard à agir sur les
suites à donner au rapport de la commission spéciale sur la
protection de la jeunesse;
Je voudrais tout de suite corriger une erreur - on va appeler cela une
erreur, parce que je ne peux pas croire que c'est fait de mauvaise foi - du
député de Verchères qui dit que j'ai tenté de
récupérer le gouvernement en présentant cette motion. Mais
mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a établi que pendant
huit mois j'ai interrogé le gouvernement sur les suites à donner
à ce projet. Vos collègues le savaient fort bien. Il faut quand
même avoir un peu de logique.
Je vais aussi vous indiquer pourquoi le gouvernement se sent un peu mal
à l'aise. J'avais d'ailleurs indiqué au point de départ
que le rapport contenait des recommandations d'ordre administratif, d'ordre
législatif et aussi d'autres recommandations qui relevaient de la
juridiction des institutions ou des organismes eux-mêmes chargés
de la protection de la jeunesse. Je suis sûre que ces derniers n'ont pas
totalement dormi sur leurs lauriers depuis le dépôt de ce rapport
puisqu'on sentait bien, à l'intérêt qu'ils portaient au
problème quand ils se sont présentés devant nous, que la
réflexion qui s'est faite autour du rapport a dû porter ses
fruits. Quand on revient là-dessus, je ne sais vraiment pas... On se
trouve des excuses.
Au plan administratif, que des choses aient été faites, je
l'espère. J'espère que le gouvernement ne dort pas et qu'on n'est
pas rendu dans un état de stagnation complète en ce qui a trait
à la protection de la jeunesse. Si le député de
Verchères a relevé certaines choses qui avaient été
faites, que dire, par exemple... Nous avions, pas plus tard qu'il y a trois
semaines, des gens de la communauté anglophone qui venaient nous dire
que les ressources pour la protection de la jeunesse du côté
anglophone, les ressources du point de vue de la traduction, des services dans
leur langue - qui sont des recommandations contenues là-dedans - n'ont
pas eu de suite. Hier, c'étaient les Inuits et les Cris qui venaient
nous dire la même chose. Mon collègue de D'Arcy McGee a
parlé des suites à donner aux recommandations touchant la
pornographie. Je n'ai pas le temps de reprendre toutes les recommandations
auxquelles, sur le plan administratif, on n'a pas donné suite. Je ne
vois donc pas quelle gloire on peut en tirer.
Le ministre de la Justice a fait grand
état du jugement Bergeron qui, d'ailleurs, n'était pas
nouveau puisqu'il a suscité, entre autres, la création de la
commission; cela a été l'un des éléments. On devait
agir vite en fonction de ce jugement, alors il ne s'agit pas d'un
élément nouveau. Ce qu'il y a de plus étrange, c'est qu'il
y a deux nouveaux jugements qui sont sortis - remarquez bien la date, M. le
Président - le 23 octobre. On en a fait tout un plat. Je comprends
qu'ils ont des répercussions importantes sur une partie de la loi, mais
ils sont sortis le 23 octobre et le ministre de la Justice nous a dit: J'ai
toute raison de croire que je pourrai déposer le projet de loi avant la
fin de la session. Qu'a-t-on fait pendant onze mois, alors que ces jugements
n'y étaient pas? Tout à coup, ces jugements, qui ont une
importance si considérable, on peut s'en accommoder ou faire les
ajustements nécessaires dans trois semaines. N'est-ce pas merveilleux,
tout à coup, de voir la célérité du
gouvernement?
J'entendais le ministre des Affaires sociales dire - et c'est encore une
tendance de ce gouvernement - attendons que le fédéral promulgue
sa loi, il ne l'a pas encore proclamée et c'est le
fédéral. La Loi sur les jeunes contrevenants a été
adoptée et il faut prévoir une période d'implantation pour
établir la concordance entre la Loi sur la protection de la jeunesse et
la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y a des décisions qui vont
permettre à ce comité d'implantation de travailler des
décisions qui doivent être prises par le gouvernement actuel
justement pour permettre l'arrimage avec la loi C-61 qu'on appelle maintenant
d'un numéro que j'ai oublié. De toute façon, c'est une
autre excuse. Si la loi fédérale est promulguée et que le
gouvernement du Québec n'a pas pris d'orientation finale quant aux
points qui touchent en particulier la délinquance, on va se retrouver
devant un paquet de problèmes juridiques. C'est ce qui va arriver si la
loi fédérale est appliquée et que le Québec n'a pas
encore pris les décisions qui auront des répercussions sur les
concordances qui doivent être faites entre la Loi sur la protection de la
jeunesse et la Loi sur les jeunes contrevenants.
Dans ma jeunesse, on disait - je l'entends encore parfois - "leur
argumentation est cousue de fil blanc". Si on reprenait les uns après
les autres les arguments que le ministre de la Justice, en particulier, nous a
servis, il est clair et net que ce gouvernement a été
inaçtif. Je ne regrette en rien d'être intervenue aussi souvent
à l'Assemblée nationale. Je devrais vous dire que cette motion
serait même venue avant aujourd'hui. Elle avait même
été prévue pour le mois d'octobre et vous connaissez le
sort que vous nous avez réservé du 15 octobre au 15 novembre.
C'est vraiment le deuxième mercredi que nous avons depuis ce retour
à l'Assemblée natio- nale.
M. le Président, je pense que c'est un reproche vraiment
très bénin que nous faisons au gouvernement. Tout en
déplorant l'inaction du gouvernement, nous lui disons: C'est le temps
d'agir.
Je pense que le gouvernement devra avoir l'humilité de
reconnaître qu'il s'est traîné les pieds dans ce dossier et
que cela n'enlève rien à tous les autres gestes qu'il peut poser
qui sont dans l'intérêt des enfants et que nous avons
contribué à poser avec lui, à l'occasion de cette
commission parlementaire justement parce que les enfants, la protection de
notre jeunesse c'est ce qui demeure une des choses les plus importantes dans
notre société et qu'on ne peut pas trouver de prétexte
pour essayer d'excuser des retards impardonnables dans un domaine comme
celui-ci. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je voudrais vous rappeler
qu'il reste une minute, M. le député. D'accord, M. le
député, je ne voudrais pas que votre question de privilège
en arrive à faire en sorte que cela coûte 1500 $ à
l'Assemblée nationale. Rapidement, M. le député.
M. Marx: Question de privilège, M. le Président.
Quand j'ai parlé, vous m'avez signalé trois ou quatre fois que
mon temps était terminé. J'ai envoyé un page au
troisième étage pour vérifier combien de minutes j'ai
parlé. J'ai parlé sept minutes 35 secondes. Vous m'avez
coupé plus de 25% de mon temps et je trouve cela injuste, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je vais la
régler moi-même. D'abord, M. le député de d'Arcy
McGee, ce n'est pas la première fois que vous accusez la
présidence de couper votre temps. La première chose que je peux
vous dire, c'est qu'à l'horloge devant moi - et c'est sur quoi je me fie
pour tout le monde - il était 17 h 36. Est-ce qu'il était 17 h 36
et 35 secondes ou moins 35 secondes? Je ne le sais pas mais il était 17
h 36. Je fais ordinairement appel à deux occasions aux gens en mettant
deux minutes. Ensuite une minute et au moment où j'ai signalé une
minute vous avez vous-même arrêté... Je m'excuse, je
m'excuse. Vous avez arrêté de vous-même au moment où
je vous ai dit qu'il ne restait qu'une minute. Cela voulait dire qu'il vous
restait une minute. Ce sont les signes que je donne à tout le monde et
c'est la façon selon laquelle je fonctionne.
M. le député, compte tenu des circonstances et en
même temps de la décision qui a été prise au
début de la séance, le rapport du vote étant fait à
demain, j'ajourne les travaux à demain 14 heures.
(Fin de la séance à 18 h 01)