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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 23 novembre 1983 - Vol. 27 N° 50

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures deux minutes)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Un moment de recueillement.

Vous pouvez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 22) de notre feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi 48 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième lecture du projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres dispositions législatives. La parole est au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.

M. Jean Garon

M. Garon: Un instant, M. le Président. Quand on est obligé de faire des discours pour démentir constamment les propos du ministre fédéral des Pêches, cela nous oblige à référer dans le temps à des documents qui ont un an, deux ans, trois ans pour démontrer que ce qu'on dit est vrai et que ce que le ministre fédéral des Pêches dit n'est pas exact.

Le projet de loi 48 sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales que nous étudions aujourd'hui représente une étape importante dans l'histoire des pêches au Québec. Par ce projet de loi, le Québec affirme sa volonté d'assumer pleinement sa juridiction sur son territoire immergé et par conséquent, d'émettre des permis d'utilisation de son territoire pour des fins de pêche à l'aide d'engins fixés ou déposés au fond de l'eau. En agissant de la sorte, le Québec entend se doter d'un instrument de gestion suffisamment puissant pour assurer l'utilisation rationnelle et la plus profitable possible pour la population de notre territoire maritime et de notre économie en général. Le projet de loi permet de plus au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de jeter les bases d'une vaste politique de développement de l'aquaculture, activité considérée par l'Organisation mondiale de l'alimentation comme une des principales voies d'avenir pour relever le défi de nourrir la population du globe d'ici à l'an 2000. Pour ce faire, il affirme la juridiction de l'Assemblée nationale sur ce champ d'activité relativement neuf et instaure un régime de permis pour les établissements piscicoles pratiquant l'élevage à des fins commerciales de poissons, crustacés, mollusques, etc., ou encore la culture des plantes aquatiques.

Enfin, dans un souci d'efficacité et pour combler le vide juridique créé en juillet dernier lors de l'annulation unilatérale de l'entente de 1922 par laquelle le gouvernement fédéral déléguait au Québec d'importants pouvoirs dans le domaine des pêches. Le projet de loi clarifie le partage des responsabilités entre le ministre de l'Environnement, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il mettra fin aux zones grises dans le partage des responsabilités qui, par le passé, ont ralenti la mise en valeur des ressources de nos eaux intérieures. Il en résultera un développement plus grand et plus harmonieux de la pêche commerciale, de l'aquaculture et de la pêche sportive dans le respect des vocations propres à chaque ministère.

Depuis des siècles au Québec meurent des poissons qu'on aurait pu pêcher pour nourrir des centaines, voire des milliers de personnes. Traditionnellement, sous les gouvernements tant bleus que rouges qui ont défilé au Québec, à cause des imbroglios juridiques tant entre les ministères qu'entre Québec et Ottawa, des ressources considérables n'ont jamais été utilisées alors qu'elles auraient pu faire vivre des milliers de personnes au Québec.

Ce projet de loi clarifie les juridictions entre Ottawa et Québec et également entre les différents ministères québécois. On se rendra compte que, quand la constitution parle de pêche, elle ne parle pas d'élevage de poisson. Il y a une grande distinction entre la capture du poisson et l'élevage du poisson dans un enclos où on peut produire des tonnes de poisson; c'est un poisson qui devient sédentaire plutôt que nomade.

J'ai eu l'occasion, l'an dernier, d'aller en Asie et de voir à quel point l'élevage du poisson peut développer des ressources considérables. Un territoire comme le nôtre comprend des milliers de kilomètres de côtes, d'eaux intérieures et d'eaux côtières, et j'y reviendrai.

Le but premier du projet de loi est de permettre au Québec d'occuper la place qui lui revient dans la gestion des pêches sur son territoire. L'enjeu n'est pas la couleur du drapeau qui flottera au mât des bateaux patrouilleurs chargés d'appliquer les règle-

ments de pêche ou sur tel édifice de la Gaspésie ou des Îles-de-la-Madeleine; l'enjeu est l'avenir même du territoire maritime qui, par sa population et son étendue, devrait occuper une place plus importante que celle qu'il occupe actuellement dans l'ensemble du secteur des pêches de l'Atlantique.

Depuis maintenant trois ans, je dirais même cinq ans, le Québec a mis sur pied un plan d'action qui permet déjà à notre industrie des pêches de relever la tête, après avoir été pendant si longtemps le parent pauvre des pêches de l'Atlantique.

Je parlerai de ce plan d'action dans les minutes qui viennent, mais qu'il me soit permis de dire dès maintenant que le Québec a pris une avance décisive sur la question cruciale de la qualité. Ce fait est reconnu par M. Kirby lui-même, celui à qui le premier ministre Trudeau a confié, par-dessus la tête de son ministre des Pêches, le mandat de sauver du naufrage les pêches de l'Atlantique en faillite mais aussi sous juridiction fédérale depuis toujours.

Alors que ni du côté fédéral, ni du côté des autres provinces, on n'aperçoit l'ombre d'une solution au problème de la qualité des produits marins, que ce soit au niveau législatif, au niveau réglementaire ou à celui des systèmes d'inspection, le Québec possède depuis décembre 1981, pour ce qui est de la loi, la Loi sur les produits marins, et en mai 1982, pour ce qui est du règlement, un outil de premier ordre pour relever le défi de la qualité. Il s'agit de la Loi et du règlement sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments qui seront encore améliorés par le projet de loi 49 que nous étudierons au cours des prochains jours.

Alors que le fédéral et les autres provinces en sont encore à se demander si le poisson doit être éviscéré à bord des bateaux et s'il convient de trier les prises selon leur longueur et leur qualité à leur arrivée à l'usine ou à leur arrivée au quai, l'éviscération à bord se fait déjà à peu près à 100%, quand c'est possible, au Québec et après une période d'essai de deux ans dans un certain nombre d'usines, le triage sera obligatoire partout sur notre territoire à compter du 1er avril 1984 puisque nous avons commencé par cinq usines en 1982 et que nous avons 22 usines en 1983. Le triage sera étendu à l'ensemble du territoire québécois et le poisson sera trié selon la qualité dès son arrivée à l'usine. (10 h 10)

Alors que le gouvernement fédéral n'a aucune norme lui permettant de déterminer ce qu'est un poisson de qualité, hormis le fait de statuer que les produits pourris doivent être écartés, le Québec a entrepris la préparation de cahiers de normes sur le modèle Scandinave qui, pour chaque produit marin, permettront de guider les inspecteurs.

La "Qualité Québec" sera élevée et uniforme, peu importe l'endroit d'où proviendront les produits parce qu'ils devront rencontrer les mêmes standards partout.

Cette qualité constitue la clé des marchés intérieurs comme des marchés extérieurs. Par conséquent elle est la clé d'un développement économique sans précédent pour notre territoire maritime.

Le dynamisme dont fait preuve le Québec sur cette question vitale par rapport à l'impuissance du côté fédéral et des autres provinces est au coeur même du débat qui nous oppose au gouvernement fédéral dans ce dossier.

Derrière le discours officiel de la relance des pêches, des dizaines, peut-être des centaines de milliers de dollars d'annonces dans les journaux, d'annonces à la radio, d'annonces à la télévision, que nous livre M. De Bané depuis des mois, en promettant et repromettant sans cesse les mêmes millions, à diverses conférences de presse, les mêmes millions qui ne viennent jamais, se cache une volonté fédérale de remettre le Québec à sa place, une place, il va sans dire, petite comme elle a toujours été dans le passé.

Je suis le ministre responsable des pêches depuis un peu plus de trois ans et j'ai été, pendant tout ce temps, responsable de dossiers de développement économique. J'ai donc l'habitude de voir les efforts du Québec pour se tailler une place dans l'économie canadienne être piétinés par le gouvernement fédéral. Mais c'est sans doute dans le domaine des pêches que l'affrontement est le plus marqué entre la volonté du Québec d'utiliser sa main-d'oeuvre et ses ressources au maximum et la volonté fédérale de restreindre le développement économique du Québec pour qu'il ne nuise pas trop à celui des autres provinces. Cela s'est concrétisé de façon éclatante le 11 juillet dernier alors que le ministre fédéral des Pêches et des Océans, M. Pierre De Bané, a mis fin unilatéralement à l'entente qui définissait le partage des responsabilités entre Ottawa et Québec. D'un trait de plume, M. De Bané n'a pu souffrir une entente de 61 ans qui avait été administrée au cours des années par des ministres anglophones de presque toutes les provinces maritimes du Canada; M. De Bané n'a pu souffrir quelques mois de cette entente et a tenté d'effacer, en même temps que 61 ans de présence québécoise sur les eaux du golfe, tout ce qui nous singularisait et nous permettait d'aller plus rapidement que les autres provinces.

Les gens du territoire maritime sont des gens sages. Ils savent que M. De Bané est temporaire. Dans son cas, temporaire veut peut-être dire encore quelques mois. Au cours des 100 dernières années, il y a eu un ministre québécois des Pêches et des Océans, pendant un an ou deux. Essentiellement, ce

furent des ministres des autres provinces, et les gens savent que tous les hauts fonctionnaires du ministère fédéral des Pêches et des Océans sont des gens de Terre-Neuve ou de la Nouvelle-Écosse et qu'il n'y a aucun poste de commande important occupé par des Québécois à Ottawa. Je dirais plus: dans le rapport de la commission Kirby, vous pouvez lire tous les noms de ceux qui ont fait partie de la commission, ceux qui ont fait partie des services de recherche, à quelque niveau que ce soit; vous ne trouverez aucun nom de Québécois, sauf des gens de langue française pour les services de traduction. Qu'on ne vienne pas me dire, M. le Président, surtout pas le député de Nelligan, que le rapport Kirby a été fait pour le Québec.

En neuf mois, M. Kirby a passé une journée et demie au Québec. M. De Bané a cependant oublié une chose. L'entente de 1922, par son existence même, a obligé le Québec à faire toutes sortes de compromis quant à ses propres pouvoirs dans le domaine des pêches. Entre autres, au début des années soixante-dix, lors du remplacement de la loi de la pêche par la Loi sur la conservation de la faune, le gouvernement d'alors avait fait disparaître tous les articles permettant d'asseoir la juridiction québécoise sur les terres publiques immergées en raison de l'existence de cette entente.

En dénonçant un accord vieux de 61 ans et qui, depuis trois ans, donnait de meilleurs résultats que jamais avec le réveil des pêches constaté au Québec, M. De Bané a mis en branle un processus de réajustement qui amène le Québec à occuper toute la place qui lui revient dans ce secteur, non plus sur la base d'une délégation de pouvoirs, mais sur celle beaucoup plus solide de sa propre juridiction.

M. le Président, je ne le ferai pas dans mon discours de première lecture, mais je le ferai sans doute en reprise, si c'est nécessaire; je référerai aux causes de jurisprudence du Conseil privé de Londres qui ont établi la démarcation de juridiction entre Ottawa et Québec, entre le fédéral et les provinces dans le secteur des pêches. Le Conseil privé, le tribunal supérieur, disait clairement alors que si le gouvernement fédéral avait juridiction dans le domaine des pêches, sur le plan constitutionnel, il ne s'agissait pas d'un droit exclusif et que ce droit était assujetti aux autres droits mentionnés dans la constitution. M. Trudeau aime la constitution, mais dans le secteur des pêches, nous allons manger un peu de constitution.

L'article 4 du projet de loi permet donc au ministre "de concéder le droit d'utiliser la portion de la rive ou du lit...". M. De Bané, disait, le 11 juillet: La rive! les tribunaux ne disent pas la rive seulement, "de la rive ou du lit qui fait partie du domaine public pour y fixer ou y déposer des engins ou des installations destinés à la pêche commerciale."

En d'autres mots, il s'agit de l'instauration d'un régime de permis d'utilisation du territoire pour des fins de pêche. Les types de pêche touchés sont ceux impliquant la fixation d'engins de pêche aux rives ou au lit de l'eau. Il s'agit de la pêche du homard, du crabe et des poissons de fond - la morue, le flétan et la plie - à l'aide d'engins fixes tels que les cages, trappes, filets maillants et palangres.

La très grande majorité des quelque 25 000 permis de pêche commerciale délivrés par le Québec avant que le fédéral commence à gruger le contenu de l'entente de 1922, en 1982, tombe dans l'une ou l'autre de ces catégories. En fait, seules les pêches pratiquées au moyen d'engins qui ne sont pas fixés au fond ou placés sur le lit immergé échappent à l'obligation de détenir un permis d'utilisation du territoire québécois en plus du permis de pêche fédéral. Il s'agit, entre autres, de la pêche au chalut, qui n'implique pas un grand nombre de permis, mais des quantités importantes de poisson. D'ailleurs, c'est pour cela que les gouvernements du Québec et d'Ottawa avaient convenu d'une entente en 1922 et qu'au cours de ces années, pendant 61 ans, des gens beaucoup plus sages que M. De Bané, beaucoup moins vindicatifs que M. Trudeau -dans leur esprit, je suppose, le fédéralisme coopératif est mort, comme le dit M. Trudeau depuis quelques années - ont bien voulu faire une entente qui représentait un aménagement pas parfait, mais un aménagement pour gérer les pêches conjointement au Québec.

Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation conservera donc sa Direction de la protection qui emploie présentement 85 employés permanents et 17 occasionnels dont 66 agents de pêcheries. Cette direction gère, en 1983-1984, un budget de 4 300 000 $ et exploite six bateaux patrouilleurs. Au cours de l'hiver 1983, la Direction de la protection a émis, au début de l'année 1983, des permis de pêche à plus de 4000 pêcheurs et 7000 aide-pêcheurs. M. De Bané, dans un autre de ses mensonges dont il a le secret et surtout la manie, a dit que la protection nous coûterait au minimum 50 000 000 $ dans cinq ans. J'espère qu'il ne fait pas ses prévisions de cette façon, car ce n'est pas vrai. La protection nous coûte environ 4 000 000 $ et ce n'est pas 10 000 000 $ par année.

Je sais toute l'inquiétude que la décision du gouvernement fédéral de mettre fin à l'entente de 1922 a suscitée chez ces personnes, les agents des pêches qui travaillent pour le gouvernement du Québec. J'aimerais leur dire ceci: Le Québec a toujours besoin d'eux, non plus pour faire

respecter les règlements de pêche au Canada, mais bien les règlements d'utilisation du territoire immergé et des rives du Québec. C'est pourquoi la Direction de la protection au sein du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec sera maintenue et qu'aucun employé ne sera démis de ses fonctions. Nous avons l'intention d'utiliser nos employés permanents, de même que nos employés occasionnels pour faire de la protection en fonction de nos propres règlements. C'est pourquoi je veux, ce matin, indiquer d'une façon très claire à ces employés du ministère des Pêcheries du Québec de ne pas être inquiets, de ne pas penser que nous avons l'intention de les abandonner, mais qu'au contraire leurs services seront requis autant dans l'avenir qu'ils l'ont été dans le passé. La connaissance de ces employés des pêcheurs, de nos eaux et du milieu marin sont des atouts précieux pour atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé, soit l'utilisation la plus rationnelle possible de nos ressources. (10 h 20)

Pourquoi le Québec a-t-il besoin de cet outil de gestion? Le Québec a-t-il vraiment besoin de cet outil de gestion que seront les permis d'utilisation de son territoire à des fins de pêche? La réponse à cette question, M. le Président, est oui et pour plusieurs raisons. Ces permis sont un instrument de développement économique et social de la première importance pour des régions entières du Québec. La façon dont cet outil sera utilisé peut modeler ce développement, le ralentir, l'accélérer ou l'orienter dans telle ou telle direction. Ainsi, pour capturer une même quantité de poisson, l'autorité qui émet les permis peut décider que cinq gros pêcheurs se partageront la ressource, quinze moyens ou quarante petits.

Quand j'entendais M. De Bané qui disait: Cela prend de grosses usines; je dis qu'une usine de 15 000 000 de livres ne produit pas plus de poisson que trois usines de 5 000 000 de livres. Le problème n'est pas une question de grosseur d'usine, mais de contrôle de la qualité. Comme M. De Bané n'a pas le courage d'admettre que son service d'inspection ne vaut rien, ne donne aucune garantie de qualité, il n'est pas capable de corriger le problème où il est. C'est pourquoi le poisson canadien sur les marchés américains est déclassé, parce que le service d'inspection fédéral n'a jamais joué le rôle qu'il devait jouer. C'est pourquoi, après avoir adopté nos lois et nos règlements, à partir du 1er avril 1984, le gouvernement du Québec assumera lui-même l'inspection du poisson produit sur le territoire québécois et mis en marché sur le territoire québécois. Ce sera l'assurance que nous donnerons aux producteurs québécois, aux pêcheurs québécois d'aller chercher le meilleur niveau de prix sur le marché, mais aussi aux consommateurs d'avoir une qualité standard avec des normes minimales beaucoup plus élevées que ce que leur a garanti jusqu'à maintenant - il ne leur a pas garanti, il n'y a pas de garantie - le gouvernement fédéral.

Les permis sont, M. le Président, une forme de développement en fonction de nos besoins. Il faut prévoir adapter le modèle de développement à la réalité de chaque région et cela, le gouvernement du Québec a amplement prouvé qu'il est plus en mesure de le faire que le gouvernement fédéral. Prenons l'exemple de la pêche au crabe sur la Basse-C6te-Nord. Alors qu'ailleurs les pêcheurs ont jusqu'à 150 casiers chacun, j'ai été voir M. De Bané l'an dernier pour lui demander de diminuer le nombre de casiers par pêcheur parce que cela permettrait à plus de gens de gagner leur vie. Les gens se rendent compte à l'usage actuellement que 150 casiers, c'est beaucoup de casiers et que souvent, on n'a pas le temps de relever tous les casiers. Il y a une perte de ressources inutilement, alors qu'il y aurait une meilleure utilisation de la ressource si le nombre de casiers était moins grand par pêcheur. M. De Bané s'est retourné vers son sous-ministre adjoint et lui a demandé, les yeux fermés: Qu'en pensez-vous? Le sous-ministre adjoint a dit: Impossible! - croyez-le ou non - parce que nous sommes incapables de vérifier le nombre de casiers qu'a chaque pêcheur. J'ai été sidéré et estomaqué d'entendre cette réponse d'un sous-ministre adjoint aux Pêches du gouvernement fédéral, parce que ce n'est pas plus difficile de contrôler 50 que 150, 100 que 150. Si on met un nombre de 150 actuellement, c'est parce qu'on va être capable de contrôler 150. Je dis que c'est aussi difficile de contrôler 150 que 100 ou 50 et actuellement, en donnant cette réponse, c'était un aveu d'impuissance épouvantable.

Quant à nous, dans le domaine où nous avions le pouvoir d'émettre ces permis, nous avons préféré, dans la Basse-Côte-Nord, où les ressources autres que la pêche sont peu ( abondantes, à la demande même du milieu, à la demande même des pêcheurs, faire profiter le plus grand nombre de personnes de cette pêche lucrative. Nous avons émis 40 permis pour 50 cages chacun à autant de pêcheurs. Plutôt qu'émettre un grand nombre de permis à quelques pêcheurs, nous avons préféré diviser le nombre de cages, qui est resté le même en fonction de ce que peut offrir la ressource, à un plus grand nombre de pêcheurs comme pêche d'appoint après la pêche à la morue pour que les gens puissent faire un revenu décent sur une base annuelle. C'est pourquoi j'ai dit à plusieurs reprises à M. De Bané qu'il est important que le secteur des pêches soit géré à partir des provinces plutôt qu'à partir d'Ottawa.

Je ne crois pas qu'on fasse dans un territoire côtier des pêches avec des bateaux de plus de 100 pieds, alors que les bateaux de 65 pieds et moins ou de 55 à 65 pieds sont encore beaucoup plus efficaces en termes de rentabilité et permettent à beaucoup plus de personnes de gagner leur vie. Il faut être capable d'adapter des modèles en fonction des besoins de notre territoire. La pêche sur la Côte-Nord, la pêche en Gaspésie et dans la baie des Chaleurs ou dans le territoire Cloridorme-Saint-Maurice, Rivière-au-Renard, Anse-au-Griffon, n'est pas nécessairement la pêche qu'on va trouver à Lunenburg en Nouvelle-Ecosse ou qu'on va trouver à Terre-Neuve dans les territoires qui ont accès aux 200 milles. Il s'agit de modèles différents et actuellement on est en train d'essayer d'imposer à Ottawa un modèle unique en mentant systématiquement à la population. Ce qu'on est en train de faire, c'est d'essayer de nationaliser sous de faux prétextes les pêches au Canada. Et j'en donnerai la preuve tout à l'heure.

Il est faux - c'est un mensonge flagrant de M. De Bané - de dire qu'il n'y a pas d'investissement privé qui puisse se réaliser dans le secteur des pêches. Au contraire, M. De Bané, en accord avec les créanciers de Pêcheurs unis, actuellement, essaie d'empêcher par tous les moyens, par les menaces même, les gens du secteur privé d'investir dans le secteur des pêches. Malgré cela, malgré les menaces, malgré qu'ils se soient fait prendre en otage par la CSN dans un cas, ils continuent parce qu'ils veulent diriger eux-mêmes les pêches chez eux. Les gens ont du courage, ils veulent assumer eux-mêmes leur propre développement. Ils veulent compter sur leurs propres moyens, comme le disait autrefois la CSN. Ils veulent que l'investissement vienne de leur région. Ce projet vient les appuyer et j'aurai l'occasion d'en reparler un peu plus tard.

Le Québec a entrepris de rationaliser son industrie des pêches. Un des principaux objectifs que nous nous sommes fixé dans cette perspective est de coordonner l'effort de pêche dans une région donnée avec la capacité de transformation qu'on y retrouve. Les permis d'usine que nous avons commencé à émettre et qui seront obligatoires à compter du 1er janvier 1985 comportent des quotas pour des espèces précises de façon à éviter que certaines usines ne soient surutilisées pendant que d'autres ne le sont pas assez. Tout cela dans une perspective de développement économique le plus rationnel possible et mieux réparti sur l'ensemble du territoire. Il est évident que si nous n'avons aucun contrôle sur l'effort de pêche censé approvisionner ces usines, toute rationalisation est impossible au point de départ.

Le gouvernement a investi, depuis 1977, des dizaines de millions de dollars en subventions directes et en prêts sans intérêt ou à faible taux d'intérêt dans le renouvellement de la flotte de pêche. Nous devons pouvoir nous assurer que ces importants fonds publics sont bien utilisés et vont à des pêcheurs dont nous avons pu nous-mêmes nous enquérir du professionnalisme et de la solvabilité. Le choix du Québec a été, depuis l'instauration de la nouvelle formule d'émission des permis en 1981, de privilégier les personnes dont la pêche est la principale activité tant pour l'émission des permis que pour les subventions à l'achat d'un bateau. Finis les permis sur le territoire maritime sous l'administration du gouvernement actuel à des "chums" restaurateurs, à des "chums" hôteliers, à des "chums" professionnels, à des "chums" professeurs d'école, à des gens qui, au fond, enlevaient le pain de la bouche des pêcheurs qui ont des revenus à faible niveau. C'est pourquoi, sur la Basse-Côte-Nord, le revenu qui était, à l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, de 2500 $ par année, atteint aujourd'hui 10 000 $. Dans l'espace de six ans, les revenus ont quadruplé sur la Basse-Côte-Nord parce que nous avons vu à ce que la pêche soit faite par des gens dont c'est la principale occupation plutôt que par des gens qui venaient s'amuser à pêcher en enlevant le pain de la bouche de ceux qui avaient besoin de cette ressource pour gagner leur vie. (10 h 30)

II y a, le long de nos côtes, autour de l'île Anticosti et des Îles-de-la-Madeleine, des zones de pêche qui, traditionnellement, ont été exploitées par nos pêcheurs avec des méthodes de pêche typiques du Québec. Comme gouvernement, peut-on prendre le risque de laisser à un autre palier d'autorité, qui doit tenir compte des pressions des pêcheurs de toutes les provinces, la responsabilité exclusive de décider qui pêche quoi, où, comment, quand et en quelle quantité? Ceux qui croient que nous souffrons de paranoïa lorsque nous nous posons ces questions n'ont qu'à demander aux Gaspésiens s'ils se souviennent des seineurs à hareng de la B.C. Packers auxquels le gouvernement fédéral a fait traverser le canal de Panama en 1966 pour venir pêcher jusque dans la baie de Gaspé. Cela en a été fait pour longtemps de la pêche au hareng en Gaspésie. Nous savons tous les pressions que les seineurs de la Nouvelle-Écosse font sur le gouvernement fédéral pour qu'il leur ouvre toutes grandes les portes du golfe. Ce ne sont pas des menaces à prendre à la légère, M. le Président.

De façon plus générale, nous avons besoin d'outils nous permettant de développer nos pêches selon un modèle adapté à notre réalité et pouvant même être modifié d'une région à l'autre pour tenir compte des particularités de chacune.

La pêche que nous pratiquons au Québec est adaptée au golfe. Elle est soit côtière, soit hauturière, mais avec des bateaux de moins de 65 pieds qui n'appartiennent pas à des usines mais à des pêcheurs indépendants. Nos usines sont généralement de petite taille et autonomes comparativement aux usines de Terre-Neuve. Si l'on fait exception du groupe Pêcheurs unis qui n'a pas été un succès, la modèle de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, avec ses grosses corporations, propriétaires elles-mêmes de l'essentiel de la flotte composée de bateaux de plus de 100 pieds, ne nous convient pas parce qu'on pourrait vider le golfe dans quelques jours, M. le Président. On peut toutefois craindre que ce soit le modèle qu'Ottawa veuille nous imposer quand on regarde M. De Bané agir dans le dossier de Pêcheurs unis et des entreprises en faillite dans l'Est du Canada.

Les projets de loi 48 et 49 ne sont que les plus récents éléments d'un plan d'action très complet que le gouvernement met en place depuis trois ans et qui vise à faire de nos pêches un secteur moderne, capable de rivaliser, par la qualité de ses produits, avec ce qui se fait de mieux au monde.

Je veux répondre ici à quelques arguments du ministre fédéral des Pêches qui a mentionné dans son discours de présentation de la loi C-170 une foule de choses qui sont complètement inexactes. Quand il dit, par exemple, que Pêcheurs unis est une filiale du Mouvement Desjardins, il devrait savoir que celui-ci n'a pas de filiale en dehors du secteur des caisses d'épargne et de crédit, que le Mouvement Desjardins n'a pas d'investissement, sauf sous forme de prêts, dans le secteur des pêches, et il ne s'agit pas d'une filiale. Quand il laisse entendre que j'ai fait de la surenchère, il ment effrontément et je vais vous en donner la preuve. Les difficultés de Pêcheurs unis datent depuis longtemps. J'ai écrit, en octobre 1981, à M. Richard Lapointe, président de Madelipêche, pour lui demander de faire une étude - lorsqu'il fallait payer le déficit de Madelipêche - sur la gestion et l'administration de Madelipêche. De fait, cette étude a été faite par Madelipêche et aussi par Pêcheurs unis, et c'est le rapport Mallette qui a été publié. Cela a été fait parce que pour payer le déficit de Madelipêche j'ai exigé qu'une étude soit faite parce que je considérais qu'il y avait une mauvaise administration. Je mets au défi les gens de Pêcheurs unis de publier le rapport Mallette qui est. une attaque très dure à l'administration de Pêcheurs unis. D'ailleurs, ce n'est pas une étude - ce n'est pas moi qui ai choisi la firme; c'est Pêcheurs unis elle-même qui a choisi la firme - c'est un rapport qui est très important - les deux rapports ensemble doivent avoir une épaisseur de deux pouces - et qui analyse l'administration de Pêcheurs unis sous tous ses angles. L'attaque est très dure contre l'administration de Pêcheurs unis, à quelque niveau que ce soit, qu'il s'agisse de la commercialisation, du contrôle de la qualité, du contrôle des coûts, de la comptabilité, des relations du travail, des processus décisionnels. C'est une attaque très dure au plan interne.

Cette firme avait été choisie par Pêcheurs unis elle-même et, à la suite de cette étude, j'ai écrit, le 2 juillet 1982, une lettre au président de Pêcheurs unis lui offrant l'aide du gouvernement de Québec, mais à des conditions de redressement financier, de rationalisation des activités. C'est une lettre dans laquelle il y a plusieurs conditions, parce que je tiens compte de l'étude qui a été faite. Malheureusement, le gouvernement fédéral, voulant sans doute un jour mettre la main sur Pêcheurs unis et préférant Pêcheurs unis en faillite qu'en situation redressée, est intervenu pour laisser entièrement de côté les plans de restructuration proposés par les études qui avaient été faites par les firmes engagées par Pêcheurs unis. Comme, dans ma lettre du 2 juillet 1982 que je peux rendre publique, la réponse n'est pas venue, il y a eu, plus tard, au cours de la même année, une rencontre et j'ai écrit une nouvelle lettre, le 10 décembre 1982, et voici ce que je demande aux gens. Je vais lire une partie de la lettre. "Dois-je vous rappeler que, dès le 3 juillet 1982, devant le conseil d'administration de Pêcheurs unis réuni à ma demande à Mont-Joli, j'ai déposé une offre d'aide financière de 701 250 $ sous la forme d'une prise en charge d'intérêts sur un prêt à court terme de 8 500 000 $."

M. De Bané devrait modérer ses menteries. Peut-être que si Pêcheurs unis avait suivi mon plan, elle ne serait pas en faillite aujourd'hui ou en situation de faillite. Il s'agissait d'une offre très concrète pour laquelle j'avais reçu l'assentiment du Conseil des ministres. Ce n'était pas une promesse en l'air. Habituellement, je ne fais pas de promesse avant d'avoir les autorisations. Ce n'était donc pas une promesse, mais bien un engagement très ferme. Cette offre était assortie de conditions et Pêcheurs unis avait dix jours pour faire connaître sa réponse. À ce jour, malgré des affirmations contraires, à ce moment-là, je considère - j'ai écrit la lettre au mois de décembre - toujours que Pêcheurs unis n'a jamais fait connaître sa réponse à cette offre qui, par le fait même, n'est plus valable depuis longtemps.

Ensuite, j'ai fait une nouvelle offre à Pêcheurs unis et je leur dis: "Pour ce faire, il est nécessaire que Pêcheurs unis ait d'abord un plan de modernisation complet et chiffré comportant: 1- un plan de réorganisation de la structure coopérative; 2-

l'intégration des entrepôts frigorifiques; 3- un plan de modernisation des différentes usines en conformité avec notre réglementation sur la qualité; 4- un plan de réorganisation financière; 5- un échéancier de réalisation." Malgré mes demandes répétées, je n'ai toujours pas reçu ces informations qui me sont nécessaires pour évaluer les besoins de Pêcheurs unis.

M. le Président, je dois vous dire que j'ai rencontré toute la direction, le conseil d'administration au complet, ici, au Parlement, accompagné du président du Mouvement Desjardins, M. Raymond Blais, et de quelques hauts fonctionnaires de Pêcheurs unis qui m'ont dit: Nous allons vous soumettre un document. J'ai dit: J'aimerais que vous n'attendiez pas l'ouverture de la saison de la pêche pour le faire, encore avec un hold-up qui est arrivé trop souvent dans le passé. Qu'est-ce que les pêcheurs ont produit? Les pêcheurs ont été plus forts que tous les technocrates qui ont gravité et qui allaient sucer un revenu dans Pêcheurs unis ou allaient siphonner un revenu de technocrate. Les pêcheurs, eux, ont fait leur devoir. Les pêcheurs ont produit un document d'une épaisseur d'un pouce dans lequel ils souhaitent la réorganisation de Pêcheurs unis sur la base de coopératives régionales. Les gens sont venus siéger plusieurs journées, dormant trois ou quatre par chambre pour réduire les frais. Les pêcheurs qui tiennent à leur entreprise ont fait leur travail. Qu'est-ce qu'ils ont proposé? Ils ont proposé, à la fin de mars ou au début d'avril, un plan de réorganisation sur la base de quatre coopératives régionales.

Qu'est-ce qui est arrivé à la suite de cela, M. le Président? J'ai écrit trois lettres: une à M. Raynald Cloutier, président de la Coopérative des pêcheurs de la Rivière-au-Tonnerre, de la Moyenne-Côte-Nord, la seule; une à M. Lorenzo Albert, des pêcheurs de Newport; une à M. Pierre-Marie Cotton, des pêcheurs de la Rivière-au-Renard, dans lesquelles je fais l'offre sur la même base du prix estimé de vente des actifs de Pêcheurs unis à des coopératives régionales. Nous offrons ici une aide de 35% à Pierre-Marie Cotton, pour une subvention qui pourrait atteindre 280 000 $.

Nous offrons - je vous le dis, au mois d'avril 1983, M. De Bané n'est pas dans le portrait; il ne s'agit pas de surenchère; il n'est même pas là - à Newport une subvention de 120 750 $. Les actifs ont coûté 345 000 $. Comme surenchère à M. Cloutier, le 22 avril 1983, je lui fais une offre. L'aide consistera dans le paiement d'une somme égale à 35% des investissements reconnus comme admissibles et qui peuvent totaliser 240 000 $. Cette subvention ne devrait pas toutefois dépasser 84 000 $. Au printemps, en avril 1983, il s'agissait de 84 000 $. À ceux qui ont dit que j'ai fait de la surenchère, parce que je suis allé les rencontrer après l'offre du fédéral cet automne, savez-vous combien je leur ai offert cet automne pour acheter les actifs? Non pas 84 000 $, parce qu'ils avaient une offre ferme de vente, je leur ai offert 60 200 $, 24 000 $ de moins. Comme surenchère, ce n'est pas "vargeux". Au printemps, on pensait que la vente donnerait environ 240 000 $, mais la vente a été de 172 000 $, et on leur a offert 60 200 $ pour acquérir les actifs, offre dont ils se sont prévalus, mais en même temps - cela avait toujours été compris dans le temps - il y aurait modernisation, acquisition des entrepôts frigorifiques et modernisation de la machine à glace. C'était à part l'acquisition. Sur la même base que tout ce qui a été fait; on a fait cela à la Rivière-au-Tonnerre. Avant d'aller trop vite, je voudrais revenir sur la façon de fonctionner, la façon un peu fasciste. Je vois le député...

Une voix: D'Argenteuil.

M. Garon: ...d'Argenteuil. Je lui demanderais d'analyser la situation moins comme député d'Argenteuil qu'en sa qualité d'ancien directeur du Devoir. J'ai reçu l'offre de M. De Bané. Je l'ai vue le vendredi après-midi. La veille, un de mes hauts fonctionnaires ne pouvait pas s'y rendre. Il a dit: Envoie n'importe quel fonctionnaire; on va lui remettre un document. De sorte qu'il a eu le document le jeudi. Je l'ai entrevu le vendredi après-midi. Il devait y avoir une rencontre le 16 octobre de cette année, à Gaspé, avec des gens du conseil d'administration de Pêcheurs unis, sauf que le document que j'ai eu et celui qui a été présenté n'étaient pas le même exactement; il y avait de petites variantes. Sur le champ, à des pêcheurs qui ne sont pas des comptables, sans qu'ils aient le moindrement la chance de discuter, on a dit: C'est cela ou vos usines n'ouvrent pas. Le lundi, on a fait une première assemblée informelle. On a réuni des gens à Rivière-au-Renard, sachant que c'est là que les gens étaient les plus inquiets, parce que c'est là que, dans le passé, il y a eu le plus de grèves sauvages. Je souhaite la meilleure alliance possible à M. De Bané avec la CSN à Rivière-au-Renard, mais s'il y a le même comportement que les années passées, je lui dis d'avance: Bonne chance!

Je vous dirai ceci: Dès le lundi, qu'est-ce qui est arrivé? On a essayé de "hold-upper" le consentement des quelques pêcheurs qui avaient été réunis en vitesse. Dès le mercredi suivant, sans même que les pêcheurs n'aient vu le document complet -ils ont vu seulement deux pages du document - on a réuni d'urgence à Newport quelques pêcheurs, un petit pourcentage des pêcheurs de Newport, pour leur dire: Si vous

n'endossez pas cela en principe, l'usine sera fermée le printemps prochain. On a même fait sortir Lorenzo Albert des bois, lui qui était à la chasse à l'orignal, et on lui a demandé de revenir en vitesse à cette assemblée, sans aucun préavis.

À Rivière-au-Tonnerre, les gens m'ont appelé, parce que l'assemblée était plus tard. Ils m'ont demandé de m'y rendre. J'y suis allé à leur invitation. Ils m'ont invité pour aller les rencontrer, parce que les gens du fédéral devaient être là, les gens des Pêcheurs unis aussi et qu'ils désiraient que mes fonctionnaires soient là. Je n'ai pas voulu y aller moi-même. J'ai envoyé des fonctionnaires comme observateurs ou pour répondre à des questions.

Le lundi, quelques jours après, j'allais les rencontrer et je leur ai dit: Les engagements de 35% que nous avons pris sur l'acquisition des actifs, je suis prêt à vous les renouveler au printemps. L'échéance est passée, mais je suis prêt à renouveler, et comme le montant de vente est moins élevé que ce qu'on avait prévu, la subvention, en fait, était plus faible. Par ailleurs, comme vous aimeriez savoir, sans doute, de quelle façon on va fonctionner, j'ai dit: Pour la machine à glace, je vais fonctionner sur la même base qu'à Cloridorme où il y a eu un appel d'offres au printemps à 75%. Pour le reste, on n'attendra pas que le fédéral vienne dire oui ou non pour faire une proposition, on va recommander au Conseil des ministres sur la base d'à peu près 50%, ce qui équivaut à peu près à ce qu'on fait pour des entreprises de cet ordre, c'est-à-dire des coopératives qui ont un aspect communautaire.

Je suis reparti et je n'ai pas assisté à leur réunion. Le lendemain ou quelques jours après, ils se sont réunis eux-mêmes, entre eux, et ils ont décidé 29 à 2 d'avoir leur propre coopérative régionale, comme ils l'avaient souhaité au cours de l'hiver. Le gouvernement du Québec a maintenu leur appui et dans quelques jours, parce que maintenant j'ai toutes les autorisations requises, ils ont déjà le chèque de 60 200 $ pour le paiement final de l'achat des actifs dont ils se sont prévalus, ils auront une lettre que j'irai leur porter personnellement pour faire la modernisation qui commencera peut-être au cours de cet hiver si c'est physiquement possible.

La même chose à Newport. Quand M. De Bané, dans son discours, nous dit qu'il nationalise de force, ce n'est pas une nationalisation, mais l'entreprise privée ne veut pas. Il va y avoir de petites surprises tantôt. Les pêcheurs, dans une très grande majorité... Je n'ai pas communiqué avec Newport depuis quelques jours, mais la dernière fois, on a eu l'assurance de l'approvisionnement de 14 000 000 de livres sur 18 000 000 de livres. Je suis certain qu'au moment de la pelletée de terre, nous aurons à peu près à 100%. Je comprends que le pêcheur, qui est parent avec le député fédéral, est mal pris pour donner son adhésion. Il y a un pêcheur, M. Martin Castilloux, qui est parent avec le député fédéral, je ne lui en veux pas de ne pas embarquer dans le plan, c'est un peu gênant sur le plan familial, les fêtes s'en viennent, mais quand le projet aura démarré, je vais demander aux pêcheurs de ne pas lui garder rancune.

Les pêcheurs côtiers sont embarqués d'une façon au-delà de toute espérance et l'usine va se bâtir à Newport. Maintenant, non seulement les pêcheurs veulent s'impliquer eux-mêmes avec leur argent, malgré les menaces fédérales, malgré des manifestations de la CSN pour essayer de leur faire peur. Des investisseurs locaux aussi ont donné leur accord dans la Société de développement régional qu'il y a sur place de même qu'une autre société de pêche du village d'à côté, Grande-Rivière, qui est intéressée et qui a déjà donné son appui pour investir dans le projet. La Société québécoise des pêches sera minoritaire. Nous pensons à un projet comportant pour un tiers des pêcheurs, un tiers, les investisseurs locaux et un tiers, la Société québécoise des pêches. C'est le modèle que nous avons suivi et dont nous sommes très fiers.

Maintenant, à Madelipêche, qui avait été mise en situation de faillite, à toutes fins utiles, par Pêcheurs unis, qui avait vendu le poisson de Madelipêche, cette histoire n'est pas terminée. Il s'agit de fonds publics, c'est mon rôle à titre de ministre des Pêcheries du Québec de protéger les fonds publics, je vais les protéger au maximum. Cette histoire n'est pas terminée. Les poissons de Madelipêche ont été vendus par Pêcheurs unis et l'argent ne s'est pas retrouvé dans le compte de Madelipêche, il s'est retrouvé à la banque. Quand je regarde ce dossier, je me rappelle les discours des gens qui parlaient des requins de la finance. Ne nous trompons pas. Les requins de la finance ne sont pas de notre côté dans ce dossier et, un jour, ils apparaîtront sur la place publique.

Il ne s'agit pas d'une menace, parce que c'est peut-être la meilleure façon de ne pas le faire moi-même, pour que les gens sachent ce qui s'est passé dans ce dossier. Il n'est pas normal qu'on déduise des cotisations syndicales à des employés pendant des mois et que l'argent ne se retrouve pas au syndicat. Il n'est pas normal qu'on déduise des cotisations d'assurance d'employés et que l'argent ne se retrouve pas aux compagnies d'assurance pour assurer des employés. Il n'est pas normal qu'on fasse toutes sortes de déductions sous la forme de l'impôt sur le revenu et que cela serve à financer des opérations courantes plutôt que se retrouver

au ministère du Revenu, alors que cela a été déduit directement du salaire des employés. (10 h 50)

Je vais vous dire, M. le Président, que j'ai été menacé à l'été 1982 que tout le mouvement soit mis en faillite si je n'acceptais pas que les déductions de 14% faites sur les bateaux de pêcheurs pour rembourser les paiements des pêcheurs, qui étaient déduits par les Pêcheurs unis ou par Madelipêche à titre de fiduciaire, retournent au gouvernement pour le paiement des pêcheurs. On voulait utiliser cela pour d'autres fins. J'ai dit non, c'est de l'argent des pêcheurs qui doit servir pour les paiements de bateaux et si ces paiements ne sont pas faits ce ne sera pas crédité au compte des pêcheurs, ces paiements doivent être faits. Il y en a d'autres qui ont pensé que je céderais à la menace, qu'il y aurait fermeture des usines. J'ai dit: Fermez, si vous avez le courage de fermer, mais l'argent des pêcheurs va aller dans le compte des pêcheurs et n'ira pas dans les comptes de banque.

Dans ce dossier, je ne crains pas la place publique et je ne crains pas que le dossier soit étalé totalement sur la place publique. Je vais vous dire une chose: mes recommandations au Conseil des ministres c'est que ce soit étalé sur la place publique, car il est temps qu'on sache à quel point, dans le secteur des pêches, les pêcheurs n'ont pas été protégés comme ils auraient dû l'être à tous les niveaux.

Qu'est-ce que nous avons fait dans Madelipêche? M. De Bané a dit: Hold-up! Je vais vous dire une chose, M. le Président. Pour que Madelipêche fonctionne, cela prenait de l'argent. Nous avons mis près de 2 000 000 $ en capital-actions dans Madelipêche et nous en avons mis autant sous forme de prêts ou de garantie de prêts, de sorte qu'aujourd'hui Madelipêche fonctionne mieux que jamais. Il y avait seulement quatre bateaux qui étaient utilisés dans le temps de Pêcheurs unis. On est rendu à six actuellement, on a fait réparer les deux autres qui sont partis pour la pêche. Il y a six bateaux qui pêchent et éventuellement on pense qu'il y en aura plus. Je peux vous dire que les activités vont très bien, on a repris des clients qui avaient été perdus antérieurement par Pêcheurs unis, parce que le standard de qualité a augmenté à Madelipêche. Les ventes se font très bien, sans couper les prix. On ne peut pas en dire autant des sociétés fédérales de Terre-Neuve ou de la Nouvelle-Écosse, mais, sans couper les prix, nous avons vendu notre poisson. Quand toute la situation financière de Madelipêche sera rationalisée, on va essayer de récupérer les 3 000 000 $ qui nous sont dus. Alors, il sera possible de faire une répartition et mon souhait c'est qu'on fasse le même modèle aux Îles-de-la-Madeleine qu'on a fait à Newport, c'est-à-dire un tiers pour les pêcheurs, un tiers pour pour les investisseurs locaux et un tiers pour la Société québécoise des pêches, parce que nous ne tenons pas à être majoritaires.

Je vous parlerai aussi des investisseurs privés. À Cloridorme, M. Gaston Langlais a offert avec des pêcheurs d'acquérir l'usine de Cloridorme de Pêcheurs unis pour que ce soit l'entreprise privée qui la dirige. Je dois dire qu'avec le député de Gaspé nous sommes allés rencontrer les gens de Cloridorme, l'été dernier, et les pêcheurs de Cloridorme eux-mêmes, en assemblée publique, m'ont demandé d'acquérir leur usine de Pêcheurs unis à Cloridorme pour en faire une entreprise coopérative locale. Je peux vous dire que je leur ai donné mon appui dès ce moment, à l'usine même, devant les gens, publiquement. J'ai dit: C'est un projet qui nous intéresse.

À Saint-Maurice, où l'usine coopérative doit être fermée, un industriel de Gaspé, M. Langlais, a offert avec des pêcheurs d'ouvrir l'usine. À toutes fins utiles, il reste à bâtir un modèle, celui de Rivière-au-Renard et de Curadeau. Je pense que, dans les semaines qui viennent, nous avons le temps voulu, avant l'ouverture de la saison de la pêche, de bâtir le même genre d'entreprise locale avec des pêcheurs locaux ou régionaux, avec des investisseurs locaux ou régionaux et avec l'aide de la Société québécoise des pêches, pour faire en sorte que le projet démarre là aussi. Ce qui voudra dire que le projet dans son ensemble sera réglé, mais pour cela il faut absolument que le gouvernement fédéral arrête d'intimider les gens, de leur faire croire que les usines ne pourront pas ouvrir au printemps s'ils n'acceptent pas le plan de M. De Bané, parce que, au contraire, des gens, localement, veulent investir et diriger les entreprises. Pensez-vous que je serais assez bête pour proposer un plan qui ferait en sorte que les usines resteraient fermées? Pensez-vous que je peux garder des usines de la Gaspésie fermées à la cachette? Pensez-vous que je suis assez bête pour proposer à Newport un projet qui n'a aucune chance de succès et pour lequel nous n'avons pas l'adhésion de la population?

Les gens qui ont fait croire à la population de Newport qu'il n'y aurait pas de main-d'oeuvre dans cette usine, pensez-vous qu'une usine qui est évaluée à environ 14 000 000 $ n'engagera pas des gens, alors qu'on pense faire beaucoup plus de filets individuels que de blocs congelés? C'est cela, le projet de l'usine de Newport. Les gens de Newport le savent. Ils ont dit: M. Garon, vous avez été le seul à reconnaître Newport depuis 30 ans avec le parc d'hivernement de Newport. Personne n'avait tenu compte de Newport. C'était un des trois ou quatre plus grands endroits de débarquement au Québec. Personne n'avait reconnu Newport.

Aujourd'hui, il y a un parc qui est presque terminé et qui sera inauguré à la fin de l'année 1983 ou au début de l'année 1984 et qui fait de Newport un centre de pêches.

Ce qui manque à Newport maintenant, sur un quai asphalté à 100%, c'est un quai éclairé plutôt que d'avoir de petites lampes qui ont l'air du temps de la crise - on pourrait les remplacer par des chandelles, oui, ce ne serait pas plus sombre - avec un quai de gravier. J'incite les gens de Newport à dire: Ce qu'on veut à Newport, c'est un havre moderne. On demande à M. De Bané: Vous avez 224 000 000 $, si vous l'avez vraiment, M. De Bané, mettez-le donc dans le havre. Faites donc un beau havre à Newport. Faites donc un beau havre à Sainte-Thérèse. Faites donc un beau havre à l'Anse à Beaufils. Enlevez vos pancartes "Accès à vos risques, Pêches et Océans Canada". Ne regardez pas le ciel quand vous marchez sur ces quais-là, parce que vous pouvez tomber dans le quai. Il y a assez de trous dans le quai et de madriers qui manquent. Il me semble que M. De Bané, qui a été ministre du MEER et ministre des Pêches - cela fait beaucoup d'années, bout à bout - pourrait s'occuper des quais de la Gaspésie au lieu de promettre toujours les mêmes sommes.

J'ai dit, M. le Président, Rivière-au-Tonnerre, Newport, Madelipêche, Cloridorme, Saint-Maurice. Le projet de Rivière-au-Renard, au plus dans les prochains jours aussi, et si vous pensez que les pêcheurs sont si heureux que cela de ce qui est en train de se passer, j'ai reçu récemment un télégramme qui était adressé au premier ministre - copie à différents ministres - des pêcheurs membres de Pêcheurs unis aux Îles-de-la-Madeleine qui demandent quoi? Que le gouvernement du Québec fasse en sorte que les intérêts des membres coopérateurs soient protégés dans les transactions que s'apprêtent à faire Pêcheurs unis et qu'il nomme immédiatement un inspecteur pour vérifier ses transactions. Vous pensez que le mouvement coopératif se sent sécurisé par le plan de M. De Bané? Aux Îles-de-la-Madeleine, ils demandent au gouvernement du Québec de nommer un inspecteur parce qu'ils ne se sentent pas sécurisés. À Newport, à 75% ou 80%, les pêcheurs embarquent dans notre projet et quand la pelletée de terre va être lavée, cela va monter à 100%. À Cloridorme et à Saint-Maurice, ils veulent former une entreprise privée avec des pêcheurs et avec un industriel local et à Rivière-au-Renard, on a commencé à prendre contact avec le député de Gaspé, parce que les gens commencent à dire: À Rivière-au-Renard, on n'est pas plus bête qu'ailleurs et on aimerait, nous aussi, diriger notre propre projet à Rivière-au-Renard. On est favorable à un projet dirigé à Rivière-au-Renard par des gens de Rivière-au-Renard.

À Blanc-Sablon, il y aura aussi un projet. Je suis allé rencontrer la population locale. La population locale est intéressée à investir dans un projet. Quand on a acheté le Lumaaq des Esquimaux qui avaient des difficultés, j'ai demandé aux Esquimaux de rester dans le projet, parce que je ne voulais pas les exclure. À Natashquan aussi, il y aura une usine. On va arrêter de penser que le développement des pêches va se faire en pelletant du sel sur la morue sur la Côte-Nord. Cela prend d'autre chose aussi, alors que les marchés de poisson salé ne sont pas illimités. Il faut penser à des alternatives. Tout cela est en train de se mettre en place et va être mis en place puisque la Société québécoise des pêches a commencé à fonctionner. On n'a pas eu le temps d'annoncer encore les nominations. Cela viendra avec le temps, mais la Société québécoise des pêches a commencé à fonctionner. (11 heures)

Je voudrais, dans les minutes qui me restent, terminer mon discours. Les projets de loi nos 48 et 49 ne sont que les plus récents éléments d'un plan d'action très complet que le Québec met en place depuis trois ans et qui vise à faire de nos pêches un secteur moderne, capable de rivaliser, par la qualité de ses produits, avec ce qui se fait de mieux au monde. Les grands axes de ce plan sont l'amélioration de la qualité, le remplacement du paternalisme gouvernemental par une meilleure organisation du secteur en mesure de se prendre en main et le développement des marchés.

En voici les détails. Le retrait graduel du gouvernement du Québec des services de congélation, d'entreposage frigorifique et de fourniture de la glace aux pêcheurs et aux entreprises de transformation. Il était normal, dans les années quarante, que ces services soient assurés par l'État mais, dans les années quatre-vingt, le milieu doit assumer lui-même cette responsabilité. Nous cédons nos actifs à des entreprises ou à des groupes de pêcheurs et nous leur offrons une aide financière importante pour leur modernisation ou la construction de nouveaux équipements lorsque cela est nécessaire.

Aux Îles-de-la-Madeleine, par exemple, à Aurigny, les pêcheurs ont eux-mêmes acquis l'entrepôt frigorifique. Ils entreposent eux-mêmes la bouette, ils font eux-mêmes le commerce de la bouette et cela va bien. Ils ont été financés localement et vous allez me dire que les gens du milieu ne veulent pas prendre leurs responsabilités? M. de Bané ment. Si, à Terre-Neuve, ils ne veulent pas prendre de responsabilités, sur tout le territoire québécois, les gens veulent prendre leurs responsabilités. Quand M. de Bané dit qu'ils ne veulent pas, il ment. Partout, les gens veulent prendre leurs responsabilités et investir des capitaux privément.

Nous avons mis en place, dès 1981, un nouveau système de délivrance des permis basé sur des principes de démocratie, de décentralisation et d'équité. Dans chacun des neuf districts de notre direction de la protection, des comités locaux, formés de représentants du ministère et des pêcheurs, voient à l'application en tenant compte des particularités locales et d'un cahier de normes écrites. La priorité est donnée aux personnes dont la pêche constitue la principale activité et un droit d'appel existe. Ce système est un modèle du genre.

M. Lincoln: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le député, je suis debout. S'il vous plaîti

M. le ministre, il vous reste deux minutes.

M. Garon: Ce système est un modèle du genre, surtout si on le compare à ce qui existe dans les autres provinces où la politique continue à jouer un grand rôle dans la délivrance des permis. Pourquoi M. De Bané veut-il détruire ce système alors que ses propres fonctionnaires en font l'éloge? C'est là une des nombreuses questions que je me suis posées en juillet dernier quand il a dénoncé l'entente de 1922. Grâce à son rattachement au ministère de l'Agriculture, le secteur des pêches a pu profiter de l'expérience acquise lors de la normalisation et de la modernisation des secteurs du lait et des viandes. Ce simple fait a permis à cette industrie de sauver plusieurs années de tâtonnement et c'est pourquoi nous avons pu, dans un délai relativement court, produire, en décembre 1981, la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments, une véritable charte de l'amélioration de la qualité des produits alimentaires au Québec. Au cours de cette période intense, nous avons tenu pas moins de trois colloques nationaux sur l'industrie de la pêche, deux portant sur la qualité et un troisième sur la commercialisation.

J'ai personnellement, avec un groupe d'experts, visité les principaux pays renommés pour la qualité de leurs produits marins afin de pouvoir incorporer dans notre projet les meilleures idées que nous avons rencontrées. Notre loi et le règlement qui l'accompagne prévoient deux choses fondamentales: le triage des produits marins selon leur qualité et leur taille à l'arrivée à l'usine sera obligatoire à compter du 1er avril 1984 et toutes les entreprises de transformation devront détenir un permis attestant leur conformité à nos normes de qualité à compter du 1er janvier 1985.

Le Vice-Président (M. Jolivet): En terminant, M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, je ne voudrais pas être plus long, j'ai presque terminé. Je vais vous dire une chose, en terminant: toute mon action, depuis trois ans, se résume à faire confiance aux gens du milieu, aux gens qui dirigent, entre autres, les Crustacés de Gaspé. Ils ont modernisé leur installation et, cet été, ils ont engagé presque deux fois plus de monde que d'habitude parce qu'ils ont modernisé.

Aujourd'hui, à Newport, un pêcheur, Lorenzo Albert, avec son groupe Les Huards et les autres qui l'accompagnent, veut bâtir un modèle qui convienne à son milieu. Il y a un leadership sur le plan local qui est capable de s'exprimer. Il y a un leadership sur la Côte-Nord qui est capable de s'exprimer. Il y a un leadership aux Îles-de-la-Madeleine qui est également capable de s'exprimer et qui s'incarne dans des individus qui sont prêts à investir et à prendre en main la direction d'entreprises localement, régionalement. Nous allons appuyer à 100% ces individus, ces personnes, ces groupes locaux et régionaux. Nous allons empêcher M. De Bané de leur enlever le droit de prendre leur place dans la direction de leurs institutions, de leurs entreprises locales ou régionales.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole au député de Nelligan, j'aimerais que le ministre utilise la formule habituelle pour la deuxième lecture. Si vous voulez dire votre mot, M. le ministre.

M. Garon: Oui, on m'a remis un petit mot qui dit: II me plaît de vous indiquer que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à cette Assemblée.

Cependant, je ne lui ferais pas passer un examen sur le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Nelligan, vous avez maintenant la parole.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, pendant une heure et quelques minutes, nous avons entendu le ministre parler de choses tout à fait disjointes, tout à fait incohérentes, incompatibles avec le projet de loi. Nous pensions qu'il était venu ici pour défendre son projet de loi 48, nous donner des raisons valables pour lesquelles il a présenté ce projet de loi, un projet de loi si draconien dans le milieu des pêches, qui souffre tellement maintenant, qui est tellement accablé. J'espère de tout coeur que tous les

gens du milieu en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine et dans la Basse-Côte-Nord ont écouté le ministre aujourd'hui. Je trouve triste et déplorable que le ministre ait passé à peine un quart de son temps pour nous expliquer ce qu'il y a de bon dans ce projet de loi. La plupart du temps, cela a été des élucubrations, des accusations de mensonges à droite et à gauche contre le ministre De Bané, contre Pêcheurs unis du Québec, contre celui-ci et contre celui-là.

On a fait le tour de toutes les régions du Québec. On a passé en liasse toutes sortes de petits problèmes, un méli-mélo, mais jamais, pas une fois, le ministre n'a essayé de nous prouver pourquoi, comment, pour quelle raison il a présenté ce projet de loi 48. Quand il parlait du projet de loi 48 il lisait un boniment à toute vitesse comme s'il ne l'avait pas écrit lui-même. Je suis sûr que c'est le cas; c'est peut-être le ministre de l'Éducation qui l'a écrit pour lui. C'était tout à fait incompréhensible. Il n'a énoncé aucune raison valable pour laquelle il a présenté le projet de loi.

Ce qui arrive dans le milieu des pêcheries au Québec et au Canada nous rappelle l'histoire de ce petit royaume qui était dirigé par deux princes qui se convoitaient mutuellement. Ils étaient tellement jaloux l'un de l'autre que si l'un faisait quelque chose, l'autre faisait un peu mieux ou essayait de faire un peu mieux. Si l'un avait un drapeau, l'autre en avait un plus grand. Si l'un avait un cheval, l'autre en avait un meilleur. Si l'un avait une petite armée, l'autre essayait d'en avoir une plus grande. Ces deux princes se convoitaient et, à un moment donné, ils étaient devenus aveugles de leur puissance personnelle, tellement contents, tellement imbus de leur importance personnelle individuelle, tellement imbus de leur pouvoir personnel qu'ils commençaient graduellement et de plus en plus à oublier les sujets, les citoyens pour lesquels ils étaient supposés régner. C'est cela qui se passe aujourd'hui dans le milieu des pêches, tant au Canada qu'au Québec.

Nous avons un dialogue de sourds entre le ministre des Pêches et Océans du Canada, d'un côté, et le ministre des Pêcheries du Québec, de l'autre. Ils ne s'écoutent plus, ils ne se parlent plus, c'est une ronde de boxeurs qui se font la guerre sans penser aux familles qui sont à côté, qui sont déprimées et accablées. C'est ce qui arrive aujourd'hui.

Le ministre a passé la plupart de son temps, aujourd'hui, à accuser l'autre ministre de mensonges. Je suis sûr que l'autre ministre fera la même chose quand il s'adressera à la Chambre fédérale. Est-ce là le dialogue qu'on devrait tenir? Que sait-on de plus aujourd'hui du projet de loi 48 qu'on n'en savait avant que le ministre ne commence à parler? Cela a été une péroraison incohérente, tout à fait détachée des réalités, qui explique pourquoi les pêches maritimes au Québec démontrent le même symptôme d'incohérence, de politique au pied levé, de politique au jour le jour, de manque de planification, de manque de vue d'ensemble qui caractérise ce ministre. Des politiques personnelles, des petites politiques revanchardes d'un côté et de l'autre, une bataille de coqs qui leur donne beaucoup d'assise, qui leur donne sans doute beaucoup de satisfaction personnelle, qui les fait paraître dans les journaux l'un et l'autre tous les jours. (11 h 10)

M. De Bané dit ceci, M. Garon dit cela. L'un gagne ceci, l'autre gagne cela. On fait de la surenchère avec l'argent des contribuables. La surenchère de millions à droite et de millions à gauche. 15 000 000 $ à Newport, M. De Bané dira 16 000 000 $. S'il dit 5 000 000 $, lui, dira 6 000 000 $. Durant ce temps, qui souffre de cette question? Ce sont les pêcheurs; ce sont les travailleurs d'usine; ce sont les producteurs dans le domaine des pêches, pendant que vous vous battez comme des enfants d'école. Hier, j'ai parlé à un intervenant du milieu, un personnage réputé dans le domaine des pêches, qui a écrit un rapport de première taille, et qui me disait: Ils me font penser à des enfants d'école qui se battent dans la cour d'école pendant que les autres sont tout à fait impuissants. Eux qui ont des pouvoirs immenses, au lieu d'aider les gens, ils sont en train de les écraser par leur petite politicaillerie personnelle. C'est cela qui se produit dans le milieu des pêches. Si vous ne voulez pas le croire, M. le ministre, essayez d'écouter un peu plus les gens du milieu et ils vous le diront.

Une voix: ...parler de la papeterie de Matane.

Le Président suppléant (M. Gagnon): À l'ordre!

Une voix: Je vais vous parler de la papeterie de Matane.

M. Lincoln: Ce qui m'étonne, c'est d'entendre le ministre nous dire tout ce qui a été fait dans le milieu des pêches maritimes. Qu'est-ce qui arrive? Au début d'une session, à la vapeur encore une fois, à toute vitesse, on dépose un projet de loi 48 qu'on n'a même pas eu le temps d'étudier, de façon normale, pendant quelques jours. Le 13 novembre, le grand programme de relance économique a été présenté par le premier ministre Lévesque: document de 16 pages de format légal qui contient toutes sortes de mesures pour la relance économique. Pour les régions du Québec, affichant le plus grand taux de chômage qui va de 50% à 80%, où les familles sont tellement sous pression

financière et sous pression sociale, il n'y a pas un seul mot, dans ce programme. Sur les pêches maritimes, pas un seul mot dans la relance économique. Dans les crédits supplémentaires que le ministre des Finances a déposés l'autre jour, son fameux minibudget, c'était tellement mini qu'on ne savait même pas ce que c'était. Il n'y avait rien pour les pêches et lui vient nous annoncer tous ces millions qu'il donne à droite et à gauche.

Les pêcheries maritimes au Québec, c'est l'enjeu d'une querelle stérile que nous déplorons. Peut-être faudrait-il voir ce que sont les pêcheries maritimes au Québec par rapport au budget total. Le ministre parle de millions à droite et de millions à gauche. Ce n'est que 30 000 000 $ par année que consacre le Québec par rapport à un budget de plus de 20 000 000 000 $, tout au plus 22 000 000 000 $. On consacre seulement 30 000 000 $ pour toutes les pêches maritimes. Au cours des deux dernières années, j'ai démontré au ministre qu'on a périmé des crédits de 22,5%, en moyenne. L'année dernière seulement, 5 400 000 $ de crédits ont été périmés par rapport à un budget net d'un peu plus de 20 000 000 $, et il vient se targuer aujourd'hui de tout ce qu'il fait pour le secteur des pêches au Québec.

Le secteur des pêches au Québec, ce n'est pas très gros. Il fait vivre environ 4000 pêcheurs, 3000 travailleurs d'usine ou un peu plus et quelques autres producteurs; peut-être 8000 personnes au total.

Une voix: ...

M. Lincoln: Mais c'est une industrie cruciale, une industrie importante, parce qu'elle fait vivre les régions peut-être les plus défavorisées du Québec. Ce ne sont que 125 000 000 $ de revenus, peut-être 150 000 000 $, du revenu total du Québec de plus de 20 000 000 000 $. C'est à peine 1% de notre revenu brut. C'est très petit, mais nous exportons 75% de cette production. Cela fait vivre 30% à 40% des gens en Gaspésie. Cela fait vivre plus de 50% des gens des Îles-de-la-Madeleine. Dans la Basse-Côte-Nord, presque les trois quarts des gens vivent de la pêche. Le secteur des pêches, au plan socio-économique, est crucial pour nous. Qu'est-ce qui arrive dans le secteur des pêches?

Au début de l'année, lorsque M. Levesque a été nommé chef de l'Opposition, on m'a demandé de m'occuper de ce secteur. J'ai commencé à étudier le dossier et, depuis le début de l'année, cela a été un conflit après l'autre. Cela a été d'abord le conflit de l'ouverture de la saison de la pêche. On a posé des questions plusieurs fois au ministre, en Chambre. L'ouverture de la saison de la pêche était retardée. On lui a dit: Faites quelque chose; donnez des garanties bancaires; impliquez-vous. On a posé des questions au ministre et au premier ministre, en Chambre, trois, quatre et cinq fois. L'ouverture de la saison de la pêche a été retardée. Il y a eu le grand problème de Pêcheurs unis du Québec. Il y a eu des bagarres à droite et à gauche, entre le fédéral et le provincial, encore une fois la bataille des coqs.

Aujourd'hui, le ministre est revenu à la charge dans son discours et a dit: Je ne fais pas de menace. Mais, en même temps, il faisait des menaces. Il a dit: Je vais mettre tout cela sur la place publique. Je rappelle au ministre que Pêcheurs unis du Québec elle-même a demandé une commission d'enquête à ce sujet. S'il y a tellement de choses, faites une commission d'enquête publique. Ne faites pas que le dire en Chambre, où vous êtes protégé, faites une commission parlementaire; demandez la vérité; faites-les venir s'ils sont accusés; trainez-les en cour, mais cessez de faire des menaces que vous ne mettez pas à exécution, parce que vous ne faites que cela, des menaces en Chambre ici. Amenez-les, s'il y a tellement de choses malsaines. C'est très possible; on ne sait jamais. Amenez-les; faites une commission d'enquête publique. Laissez les gens se défendre, mais ne les accusez pas ici sans leur donner la chance de se défendre.

Il y a toute la question de Madelipêche. Peut-être que des choses n'ont pas tourné rond chez Madelipêche, mais je veux rappeler au ministre que, sournoisement, il a repris les six bateaux de Madelipêche qui valent beaucoup plus que les 3 000 000 $ dont il parle ici.

Il y a eu le fameux rapport Kirby. Là aussi, je déplore, comme le ministre, qu'il n'y ait eu aucune présence québécoise dans la conception du rapport Kirby. Nous aussi nous sommes très malheureux de cela, mais en même temps le fait est que le rapport a été déposé, qu'il faudra vivre avec, parce que, veux ou veux pas, le fédéral a une juridiction tout à fait claire dans le domaine des pêcheries.

Il y a une intensification des conflits. Maintenant, c'est le conflit de qui va bâtir une usine. On bâtit une usine ici, une usine là. Le ministre ne fait que parler et parler à nouveau de Newport. Qu'est-ce qui se passe à Newport? Le ministre va donner 14 000 000 $ ou 15 000 000 $ de subsides quand une usine existe déjà à Newport. Qu'est-ce qui arrivera à cette usine qui existe? Va-t-on la fermer? Les deux usines, celle du ministre de 15 000 000 $ et l'usine existante, vont-elles se faire concurrence? C'est cela la folie des grandeurs qui nous mène dans un domaine qui peut le moins que tous se tenir debout aujourd'hui et souffrir la folie des grandeurs. Qu'est-ce qui arrive,

selon les constatations du milieu, contrairement à ce que dit le ministre? Les constatations sont celles-ci: Que tout ce milieu, les pêcheurs, les travailleurs d'usine ou les producteurs, en ont assez de la confrontation continuelle entre le fédéral et le provincial. Ils les blâment tous les deux de se battre tout de temps comme des coqs de bataille. Ils en ont assez. Nous n'avons pas affaire au ministre fédéral, il n'est pas ici en Chambre; mais l'autre ministre est ici en Chambre. Ils ont en ont assez de l'attitude autocratique, dictatoriale et intempestive du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Ce qu'il nous faut, c'est une politique qui couvrira à la fois le court terme, le moyen terme et surtout le long terme. Il nous faut une politique d'ensemble; il nous faut une politique à court terme pour commencer à planifier maintenant la saison prochaine, pour que la saison prochaine ne soit pas en retard et que cela ne cause pas des dommages considérables aux familles des pêcheurs et des travailleurs, comme cela été le cas cette année. Il faut être sûr que, l'année prochaine, les usines, les entrepôts frigorifiques, les ports seront prêts. Il nous faut une politique à moyen terme qui apportera des solutions intérimaires pendant la modernisation et la rationalisation des usines, de la flotte, des ports. Il faut surtout une politique à long terme, comme le ministre a dit dans son rapport, une politique quinquennale qu'il n'a pas suivie du tout. Il faut une politique au moins quinquennale, une politique qui va regarder l'avenir.

Qu'est-ce qu'on va faire des pêcheries au Québec? Quelle est sa vocation? J'entendais le ministre dire tout à l'heure: On va pêcher chez nous, dans notre territoire québécois. On va s'occuper des bateaux de pêche de 35 pieds à 65 pieds. On n'a pas besoin de bateaux de pêche de 100 pieds. Pendant ce temps, il a acheté un gros crevettier qu'il envoie pêcher au large. Il en a deux maintenant. L'un n'est pas exclusif de l'autre. C'est cela la petitesse de l'affaire, de voir que, dans notre territoire, il y a toujours les visières de ce ministre et de tous les autres ministres, qui voient les poissons dans un petit bocal québécois, mais les poissons et les crustacés sont migratoires, ils vont au-delà du Québec, ils vont nager quelque part. Pourquoi, nous au Québec ne pourrions-nous pas profiter à la fois de notre territoire, comme dit le ministre, en plus de ce grand territoire que nous offre l'option canadienne, c'est-à-dire le large des côtes du Labrador? Qu'est-ce qui nous empêche d'avoir une politique à long terme qui nous ferait avoir des grands chalutiers qui pêcheraient au grand large et profiter de la zone des 200 milles? Mais le ministre ne peut voir qu'en petit; il ne peut voir que cette petite option de cocon, une option emmurée, une option qui produit justement des lois comme la loi 48.

M. Garon: M. le Président...

Le Président suppléant (M. Gagnon): M. le ministre... Je m'excuse, M. le ministre, je m'excuse, vous aurez votre droit de réplique. La parole est maintenant au député de Nelligan. (11 h 20)

M. Lincoln: M. le Président, ce qu'il nous faut, c'est une politique d'ensemble des pêcheries. Par exemple, ici, on ne fait qu'une première transformation de nos produits. On exporte en première transformation 75% de ceux-ci. Pendant ce temps, l'ironie du sort veut qu'au Québec on importe 75% des plats cuisinés, des produits en conserverie. Ce qu'il faut, c'est une deuxième transformation qui nous aidera justement à aller dans le domaine de la conserverie, dans le domaine des plats cuisinés, au lieu de les importer. C'est cela l'ironie du sort: qu'on exporte 75% de nos produits en première transformation pendant qu'on importe 75% des produits transformés une deuxième fois. Notre flotte est caduque complètement. Il faudra en faire une réfection graduelle.

Là je vais citer quelques passages qui vont vous montrer à quel point on est déficient au Québec. Comment accomplir tout cela? Des solutions à court terme, des solutions à moyen terme, des solutions surtout à long terme, dans un climat impossible où le fédéral et le provincial s'affrontent dans le milieu le plus défavorisé du Québec. Si on avait choisi n'importe quoi d'autre, on dirait c'est déjà mauvais; mais on choisit le milieu le plus défavorisé la pêche, pour aller se battre, fédéral et provincial. C'est le milieu où tous les jours, depuis que je suis dedans, on est en confrontation continuelle. C'est un état de conflit, de guerre tout à fait systématique et permanent. Comment voulez-vous choisir le milieu le plus défavorisé de tous pour aller faire la guerre au fédéral et le fédéral vous faire la guerre. Mais que vous cessiez!

Là je vais passer, pour un instant, à quelques rapports que j'ai relus hier soir, le rapport du Conseil régional de développement de l'Est du Québec. J'en ai parlé à un de ses auteurs, hier ou avant-hier, qui me disait: toutes mes conclusions demeurent exactement les mêmes. Le ministre qui nous dit que les pêches au Québec, c'est florissant. Je vais lui dire. Le rapport dit: Le facteur humain... Sur le plan humain, la situation n'est pas plus enviable. Si les pêcheurs propriétaires tant bien que maltirent leur épingle du jeu, les ouvriers de la transformation connaissent par contre des conditions de travail parmi les plus difficiles qui soient au Québec. Ils constituent, en fait,

un véritable sous-prolétariat aux prises avec la médiocrité des salaires, l'instabilité de l'emploi, l'assurance chômage, quand ce n'est pas l'aide sociale.

Quant aux producteurs, ils tentent de survivre au sein du chaos, confrontés aux conflits sociaux, aux problèmes de financement et de crédit, aux rapports difficiles avec les différents paliers de gouvernement, à la confusion qui règne dans l'industrie des pêches. Il parle plus loin des pêches et des gouvernements. Il dit la même chose que tout le monde vous a dite combien de fois.

De leur côté, pêcheurs et producteurs ne cessent de déplorer les interférences et les chicanes intergouvernementales dont ils s'estiment finalement les victimes. Certains ont rappelé des conférences organisées par chacun des gouvernements à quelques jours d'intervalle, en un même lieu, sur le même sujet, avec les mêmes participants. D'autres ont déploré les tracasseries administratives dont ils étaient victimes du fait de la dualité des pouvoirs. Tous ont condamné la complexité des documents dont la compréhension est inaccessible pour les gens auxquels ils sont supposés d'être destinés. Il parle qu'"ils ont dénoncé la boulimie paperassière des fonctionnaires du Québec."

Cela vous fait rire, mais cela devrait vous faire pleurer, M. le ministre. Cela vous fait rire, oui.

Il y a le rapport des syndicats qui a été déposé, qui date du 28 janvier 1982. Le rapport du syndicat dit: - M. le Président, est-ce que je pourrais continuer, s'il vous plaît? "Enfin quand on sait que le travailleur moyen n'a été à l'ouvrage que pendant environ 28 semaines, c'est plutôt d'un salaire moyen de 4461 $, je répète, qu'il faut parler. Non seulement il travaille peu de temps, mais sa rémunération est encore inférieure à celle de la plupart des secteurs, tel que le démontre le tableau." Il parle des femmes. "Dans ce secteur déjà défavorisé les femmes, qui représentent 40% de la main-d'oeuvre, le sont encore plus puisque les postes de travail féminin sont moins bien rémunérés que les autres. Ce sont elles que l'on retrouve majoritairement dans les catégories les moins rémunérées."

Là je parle aussi d'un rapport qui avait été soumis à vous-même en 1982. Vous dites: Les pêcheurs sont bien contents. C'est un rapport. Mémoire présenté à Gaspé par l'Association des capitaines, propriétaires de bateaux de 45 pieds et plus au ministre Jean Garon. On va voir ce que dit ce rapport. "Les chiffres sont clairs. Dans la situation actuelle, le capitaine propriétaire se procure un salaire équivalent aux prestations d'aide sociale et doit de plus en plus assumer des responsabilités et prendre des risques disproportionnés par rapport à ce qu'il en retire. "Pour crémer le gâteau, les agents de l'impôt du Québec ont découvert, après toutes ces années, comment nos membres procédaient pour s'en tirer. Ce n'est pas tout: votre ministère a augmenté le prix de la glace, a décidé de ne plus payer en entier les primes d'assurances, a haussé les coûts d'hivernement. Le prix du carburant de votre collègue poursuit sa montée, la bouette vaut plus cher que le poisson que nous vendons, le prix des agrès et l'entretien de nos bateaux représentent un pourcentage de plus en plus élevé de notre déboursé." Il dit: "Tous ces facteurs ont déjà acculé cette année les "millionnaires" - entre guillemets - à la faillite." Il parle de revenus nets des pêcheurs propriétaires, il cite des cas typiques, il donne, sorti des états financiers: un cas, 5618 $ en un an; un autre cas, 9475 $; un autre, 11 100 $ et l'autre, 18 000 $. Voilà une année de pêche. Là, ce n'est pas assez. Il vous ont envoyé ce rapport, les pêcheurs côtiers, le 15 janvier 1983. Mais, en décembre 1983, ils vous disaient: "Les autres problèmes que nous avions soulevés en janvier 1982 demeurent sans solution et pour combien de temps? Vous êtes au courant des problèmes vécus dans l'industrie de la pêche et plus particulièrement par le pêcheur membre."

Face à cette situation difficile, vous avez déclaré au Soleil, le 17 décembre dernier: "II faut faire des changements. Nous avons donné la limite du 1er janvier 1985 -c'est vous - et nous savons où nous allons." Là, ils vous posent la question, ces pêcheurs possédant des bateaux de 45 pieds et plus: "Si vous savez où vous allez, nous, nous ne le savons pas. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de nous faire parvenir par écrit votre plan de développement prévu jusqu'en janvier 1985." Mais, naturellement, vous n'avez pas fait parvenir le plan de développement prévu parce que vous n'en avez pas, parce que d'ici à 1985 vous allez passer votre temps, si vous êtes toujours au pouvoir, à vous disputer avec le ministre De Bané et à vous lancer des insultes mutuelles. C'est ce que vous allez passer votre temps à faire.

M. Garon: ...signé le document.

M. Lincoln: Si vous ne savez pas lire le document, je vous en enverrai une copie.

M. Garon: ...signé le document.

M. Lincoln: M. le Président, j'ai envie de finir, je n'ai pas interrompu le ministre.

Je sais qu'il y a des vérités qu'il n'aime pas entendre.

Le Président suppléant (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Dans son fameux rapport, lorsqu'il a pris la direction des Pêcheries, en 1979-1980, il parlait de la flotte de pêche. Là, le grand, le fier, combien croyez-vous qu'il va dépenser pour les bateaux? M. le Président, il dit: "Le 9 mai 1979, le Conseil des ministres a adopté la stratégie quinquennale d'allocation des ressources. Il s'agit d'une programmation impliquant des déboursés gouvernementaux de 90 000 000 $. Cela va participer au financement de 233 bateaux, 31 500 000 $ au chapitre des subventions et 52 600 000 $ sous forme de prêts gouvernementaux."

Encore une fois, c'est du "big talk" du ministre, car en 1981-1982, dans le dernier rapport qui ait été soumis, il avait dépensé seulement environ 17 000 000 $ pour les subventions et les prêts étaient loin de 90 000 000 $. Lorsque je lui ai posé la question, au cours de l'étude des crédits du ministère, il m'a dit: Vous voyez, c'est à cause du fédéral qui a gelé les permis.

Pour revenir à la question de la juridiction fédérale-provinciale, ce qui est étonnant, c'est qu'il faut revenir en arrière, le 5 janvier 1982. Ce n'était pas le ministre De Bané, c'était l'autre ministre, M. LeBlanc, avec qui il se battait aussi fort parce que, s'il n'y avait pas un ministre fédéral comme De Bané, il faudrait en inventer un pour M. Garon afin qu'il se batte avec lui. Il est seulement satisfait quand il se bat. C'est sa personnalité, il faut qu'il se batte, c'est un boxeur. À ce moment-là, c'était le ministre LeBlanc; il disait que le ministre LeBlanc aussi était semblable. Le 5 janvier 1982, le ministre LeBlanc a fait ceci: il a repris les trois quarts de la juridiction du Québec, il a repris la juridiction de tous les bateaux qui pratiquent la pêche aux pétoncles au Québec, tous les bateaux de 35 pieds qui pratiquent la pêche du poisson de fond au Québec, indépendamment du type d'engin de pêche utilisé. Il a repris la juridiction de permis sur tous les bateaux du Québec qui pêchent en dehors du golfe Saint-Laurent, indépendamment de la longueur du bateau, du type d'engin et de pêche utilisé. C'était le 5 janvier 1982. Est-ce que vous croyez que le ministre a fait une loi? Est-ce que vous croyez que le ministre a fait une motion en Chambre comme il aime bien le faire? Non, il n'a rien fait. Le 24 mars 1982, il a fait une déclaration. Il déclarait que le Québec ne disposait d'aucune base juridique pour contester une telle décision et qu'il comptait sur les pêcheurs pour mener la lutte au niveau politique! C'est cela.

Aujourd'hui, il vient nous "fourrer" une loi 48. Quelle est sa solution pour tous les problèmes? Il y a quelque temps, c'était une motion...

Des voix: ...

(11 h 30)

Le Président suppléant (M. Gagnon): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Nelligan, vous avez toujours la parole.

M. Lincoln: La solution de ce ministre, c'est les motions en Chambre, les déclarations dans les journaux. C'est les déclarations dans ses journaux favoris. Cette fois, c'est un projet de loi. Est-ce un projet de loi positif? Est-ce un projet de loi constructif? Est-ce un projet de loi destiné à la relance économique, comme l'a annoncé le premier ministre, le 13 novembre 1983, en grande pompe, mais sans argent et sans programme? Est-ce un projet de loi destiné à dynamiser ce milieu qui est confus, ce milieu qui est frustré, ce milieu qui est accablé, qui est appauvri, qui est en chômage, qui est tanné de toutes les bagarres entre le ministre provincial et le ministre fédéral? Est-ce que c'est cela, le projet de loi qu'il a apporté devant nous, un projet de loi pour ressusciter ce milieu et pour le dynamiser? Est-ce un projet de loi qui met l'accent sur le milieu des pêches, qui met l'accent sur les pêcheurs, qui met l'accent sur les travailleurs d'usine et sur leurs familles? Non, c'est un projet de loi politique, une nouvelle raison pour propager la même bataille de coqs fédérale-provinciale, qui est le problème même et qui fait que les pêches au Québec souffrent tellement aujourd'hui. C'est un projet de loi non pas pour dynamiser le milieu, mais pour continuer la même raison qui fait que les pêches aujourd'hui au Québec sont tellement déstabilisées.

Le ministre et son collègue De Bané, me font un peu penser aux deux boxeurs qui entrent dans l'arène et qui sont là pour se frapper jusqu'à la mort. Ils se cassent la gueule. Le sang coule. Là, ils arrivent, mais, pendant tout ce temps, pendant qu'un cherche la victoire sur l'autre, personne ne pense à la famille de l'un et à la famille de l'autre. Pendant que les familles chez elles regardent les deux qui se cassent la gueule, qui se donnent des coups de poings, qui s'affaiblissent les sens, pendant ce temps ces familles se demandent ce qui va sortir de là. Ce qui arrive, c'est que ce sont deux boxeurs qui sortent de là affaiblis l'un et l'autre, qui se sont fait ridiculiser l'un et l'autre, cherchant une victoire personnelle, ne pensant jamais que, chez eux, il y a des familles qui vont devoir vivre avec eux, avec une grosse oreille, avec un nez écrasé, avec les sens affaiblis. C'est ce que cela me rappelle.

Nous, du Parti libéral du Québec, on ne veut pas entrer dans l'arène avec vous. On ne veut pas entrer dans l'arène avec vous, le boxeur provincial et, lui, le boxeur fédéral. On ne veut pas faire la même chose. On veut être l'arbitre qui va surveiller la chose

et faire arrêter ce combat ridicule parce que nous pensons aux familles qui sont là. On pense aux familles des pêcheurs. On pense aux familles des travailleurs. On pense aux familles qui gagnent de l'argent dans ce milieu, mais qui en gagnent tellement peu dans ce milieu qu'il faut dynamiser. C'est ce qui compte dans cette affaire-là.

Votre projet de loi ne fait rien pour apporter des solutions. Que fait ce projet de loi? Il cherche l'affrontement constitutionnel. Il cherche l'affrontement juridique entre le Québec et le Canada, une bataille que personne ne peut gagner, mais cela ne m'étonne pas du tout, parce que, lundi, j'ai lu la presse et je voyais: "Le ministre Camille Laurin, qui est membre du comité sur la question nationale, explique que ce comité va durer longtemps, qu'il poursuivra probablement ses travaux jusqu'à la prochaine élection. Déjà, il a largement alimenté la réflexion du comité économique. C'est aussi de lui, ajoute-t-on, que vient la loi Garon pour contrer le plan De Bané" - c'est peut-être pour cette raison que M. Garon n'a pas parlé beaucoup de sa loi, parce qu'il n'en savait pas grand-chose - "et il va peut-être en venir d'autres prochainement."

Cela explique beaucoup de choses, parce que le ministre, votre collègue, le Dr Strangelove, qui voit la vie avec des visières, qui voit la vie renfermé, qui ne vous regarde jamais - même debout, il est toujours... Ce qui arrive avec ce ministre, qui mêle ses petites potions vertes, rouges et bleues, qui ajoute de petites choses pour trouver de petites puces, pour trouver de petites choses qui vont ennuyer les gens, qui a déjà tellement divisé les communautés au Québec, qui a déjà semé la panique parmi les communautés, qui va faire la même chose dans l'éducation bientôt, qui cherche toujours... Le ministre Laurin a découvert une autre petite puce. Il a été la chercher sur le tapis et il a découvert la petite puce qui va piquer les gens. Il a découvert quelque chose. Là, il vous a dit, selon lui... En tout cas, c'est lui ou vous qui racontez la vérité, je ne sais pas. Voilà ce qu'il a dit dans le journal: Là, je vais trouver une petite puce. Je vais aller regarder la loi. On va aller trouver quelque chose pour créer une discorde, parce que votre parti vit dans la discorde.

Malheureusement, le fédéral aussi, aujourd'hui, aime cette bagarre, cette bataille de coqs. Qu'est-ce qui va arriver? Vous allez dire: Nous allons prendre possession... En fait, vous avez parlé - je vous cite - de nationaliser les pêches au Québec. Qui vous a donné ce mandat? Est-ce un mandat des pêcheurs? Est-ce un mandat qui vous a été donné par un référendum? Est-ce un mandat qui vous a été donné par des travailleurs d'usine? C'est un mandat qui vous a été donné par qui de nationaliser les pêches au Québec? De quel droit voulez-vous, d'un jour à l'autre, nationaliser les pêches au Québec?

M. Garon: M. le Président, je pense...

M. Lincoln: M. le Président, quand j'aurai fini.

Le Président suppléant (M. Gagnon): Un instant! M. le ministre, vous aurez l'occasion, lors de votre droit de réplique ou immédiatement après la fin du discours du député de Nelligan, de rectifier les faits.

M. Garon: Non, question de règlement.

Le Président suppléant (M. Gagnon):

Après, immédiatement après, vous pourrez rectifier les faits.

M. Lincoln: Je réalise que c'est un débat de principe, je ne veux pas référer aux articles spécifiquement, mais il y a deux articles de cette loi qui donnent le pouvoir au ministre de faire des concessions de pêche. Cela va plus loin que les engins fixés au sol, qui faisaient partie de l'entente de 1922. Cela va plus loin que les engins d'avant 1922, cela va plus loin que cela. Maintenant, ce sont des engins déposés. Qu'est-ce qui va arriver? Quand le ministre entend-il arrêter ces concessions? Quelle est la limite territoriale de ces concessions? Quelle est la limite à l'intérieur de laquelle il va permettre aux pêcheurs d'aller déposer leurs cages à homard et leurs cages à crabe? Ce sont des questions fondamentales qu'il faut se poser. Le ministre lui-même s'arroge dans cette loi le pouvoir de décider du nombre de concessions par les mots "qu'il fixe et détermine" pour chaque concession, les espèces et la quantité de produits aquatiques qui peuvent être pêchés.

Puisque c'est l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui régit toujours le Québec pour le moment, jusqu'à ce que vous vous sépariez, si jamais cela arrive, nous sommes toujours régis par l'article 91(12) et les pêcheries sont un domaine fédéral, ne croyez-vous pas à une querelle juridique là-dessus? Ne croyez-vous pas que cela ira en cour? Vous qui, maintenant, voulez prendre en main la gestion des pêches au Québec, la gestion des espèces par le biais de l'article 6, avez-vous pensé aux risques juridiques que cela comporte? Avez-vous pensé aux conséquences de ce geste pour le Québec dans d'autres domaines? Ce sera très bien, si vous gagnez la bataille juridique, mais si vous la perdez - et les chances sont grandes que vous la perdiez - qu'est-ce qui va arriver des secteurs connexes, des secteurs parallèles? Qu'est-ce qui va arriver au secteur minier? Qu'est-ce qui va arriver au secteur pétrolifère sous la mer?

Vous prenez un risque de première envergure, celui de provoquer un affrontement juridique délibéré qui peut avoir des conséquences pour l'avenir parce que si vous perdez la bataille juridique en cour, vous pouvez causer des préjudices sérieux à d'autres secteurs industriels au Québec qui pourront être affectés de la même façon. Ces choses doivent être négociées et non pas résolues par des lois aussi stériles et ridicules.

Avez-vous pensé, par exemple, aux réactions des autres provinces quand, vous, vous allez fixer le territoire où vous allez donner ces concessions? Si elles ne sont pas d'accord, si, par exemple, le Nouveau-Brunswick n'est pas d'accord sur le territoire que vous avez choisi pour donner vos concessions, avez-vous pensé à leur réaction? Avez-vous pensé à la bataille de homards et de crabes que cela peut signifier au milieu de l'océan?

Une voix: II n'y a pas de homard au milieu de l'océan.

M. Lincoln: De toute façon, c'est le principe qui compte, M. le ministre. Où irez-vous avec votre dépôt d'engins? Est-ce que cela va aider les pêcheurs d'avoir deux permis de pêche? Est-ce que cela va aider le milieu d'avoir deux permis? Avez-vous pensé à la confusion qui va se produire? Avez-vous pensé que les pêcheurs, au lieu de demander deux permis, vont peut-être aller déposer leurs prises ailleurs, dans les Maritimes? Avez-vous pensé à toute la confusion qui va exister? Peut-être que les acheteurs seront même affectés par tout cela. (11 h 40)

Avez-vous pensé aux conséquences de votre loi? Croyez-vous vraiment que la solution fondamentale aux problèmes des pêcheurs, aux problèmes des travailleurs et des producteurs se trouve dans la loi 48? Avez-vous tout fait pour que la loi 48 soit une solution constructive et positive, au lieu d'être d'une solution négative, "con-frontatrice" et ridicule? Tout cela est relié à une action politique vers l'indépendance du Québec. Cela est dit par le Dr Strangelove lui-même. Il avoue ici que c'est une question d'étapisme indépendantiste. Le Dr Strangelove l'avoue lui-même. Il a concocté la petite affaire, il est allé chercher sa puce là, il l'a envoyée pour aller piquer des gens, pour aller créer une autre bagarre juridique.

M. Garon: ...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Lincoln: Le problème, M. le ministre, n'est pas constitutionnel, ce n'est pas le problème de l'étapisme indépendantiste du Dr Laurin. C'est surtout un problème humain, c'est un problème de compréhension humaine, de compréhension du milieu. Hier, par exemple, j'ai posé des questions au ministre sur le cas de M. Jean-Paul Paradis, un pêcheur qui s'est vu refuser jusqu'à présent une convention de prêt, qui est sur le bureau du ministre qui refuse de signer, par abus de pouvoir personnel, par attitude dictatoriale. Un citoyen du Québec qui a rempli toutes ses fonctions et toutes les contraintes du règlement et de la loi, comme d'autres l'ont fait, qui a fait sa demande avant d'autres à qui on a déjà accordé le prêt. Ce citoyen se voit maintenant dans la situation où son bateau neuf ne sera pas prêt pour la saison prochaine; il aura sans doute à payer 100 000 $ de plus sur 700 000 $, un septième de plus pour un pauvre pêcheur parce que le ministre n'aime pas la coopérative dont il est le président. C'est cela qui arrive.

Il y a d'autres cas aussi. Un cas d'agrandissement de port de pêche qui végète encore sur le bureau du ministre parce que lui et le ministre fédéral ne peuvent s'entendre pour signer l'entente. Il y a le cas de deux entrepôts d'équipement, un projet de 125 000 $ que le fédéral veut verser, qui est encore en retard parce que le ministre ne veut pas céder une terre dans le parc industriel. C'est la même chose dans le cas de deux entrepôts frigorifiques pour lequel il y a encore une bagarre sur la question de cession de terrains dans le parc industriel.

Le ministre dit qu'il n'y a pas de surenchère de millions. Mais oui, il y a en ce moment une surenchère de millions entre le fédéral et le provincial, qui vont à droite et à gauche faire de la surenchère avec les pêcheurs. Le ministre a pris presque 20 minutes aujourd'hui sur Newport. Si on ajoute le nombre de fois que le nom de Newport a été dit, parce que Newport est la porte d'entrée du ministre... C'est Newport qui va déstabiliser toutes les choses. Il a réussi, par de très grosses subventions - 15 000 000 $ -à mettre un allié de son côté pour continuer plus que jamais la bagarre.

Qu'est-ce qui va arriver de sa nouvelle usine de 15 000 000 $? Pourquoi 15 000 000 $? Pourquoi n'avez-vous mis que 30 000 000 $ dans toute la relance économique du premier ministre Lévesque? Vous allez mettre 15 000 000 $ dans une usine, quand il y a déjà une usine sur place? Qu'est-ce qui arrivera de l'usine qui est sur place? Est-ce que vous la fermez?

Vous parlez de Newport, Newport, Newport, Newport. Vous avez parlé d'ici et vous avez parlé de là. Tout ce que je sais, c'est que je parle du cas de Jean-Paul Paradis. On vous posera aussi des questions sur les cas que je vous ai déjà cités, sur les ports de mer, sur les entrepôts, sur les

entrepôts frigorifiques.

Pour ma part, je vois tout le contraire. C'est comme citer dans les rapports des pêcheurs, dans les rapports du CRD, dans les rapports des travailleurs; le milieu n'est pas content, comme vous le disiez. Au contraire, c'est un milieu déstabilisé, c'est un milieu fatigué de toute l'affaire, tanné de vous, de M. De Bané, de vos querelles personnelles et qui veut être remis en marche. Ce n'est pas par le projet de loi 48 que le milieu sera remis en marche.

Peut-être suis-je un grand naïf, M. le ministre! C'est possible, mais j'avais l'impression, avant de venir à l'Assemblée nationale, que le rôle d'un politicien, surtout d'un ministre qui a des pouvoirs immenses, qui a un budget immense en main, c'était de se servir de ses pouvoirs, de son influence immense, des sommes que le public met à sa disposition pour aider les gens d'abord et avant tout, pour aider surtout les plus démunis de la société. C'est ce que sont les gens dans les territoires des pêches maritimes, les gens peut-être les plus démunis de la société.

Je vous demande où est cette humanité que devraient avoir les ministres. Où est votre compréhension humaine dans toute cette affaire? Est-ce que c'est le moment de venir présenter des lois constitutionnelles pendant que ce milieu est déstabilisé, désaffecté et ennuyé?

Les pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine, de la Gaspésie et de la Côte-Nord, les travailleurs d'usine, les femmes, dont j'ai cité le cas, qui gagnent encore bien moins que les hommes qui ne gagnent que 4500 $ par année, ce ne sont pas des victoires constitutionnelles qu'ils cherchent, M. le ministre. Même si vous gagnez une victoire constitutionnelle, qu'est-ce que cela va leur apporter? Est-ce que vous pouvez me dire ce que cela va leur apporter si vous ou le fédéral gagnez une victoire constitutionnelle? Cela va faire qu'ils seront plus que jamais affectés par la bagarre. Ce n'est pas cela qu'ils cherchent. Les victoires constitutionnelles, cela vous fait du bien; cela vous fait bomber la poitrine; cela vous fait mettre vos pouces dans vos poches; vous êtes content; vous vous faites applaudir par tous vos collègues. Est-ce que c'est encore une autre victoire indépendantiste?

Là, tout le monde est content. Vous êtes le grand héros de l'Assemblée nationale. C'est très bien. Les journalistes vont dire: Ah oui, c'est un homme fort, M. Garon; formidable. Mais qu'est-ce que cela apporte aux pêcheurs? Qu'est-ce que cela apporte aux travailleurs d'usine? Qu'est-ce que cela apporte aux gens du milieu, votre victoire constitutionnelle? C'est formidable pour vous. C'est formidable pour le Dr Laurin et pour le premier ministre Lévesque, mais cela n'apporte rien aux gens du milieu qui gagnent 4500 $. Je vous ai dit ce que gagnent les pêcheurs du milieu. Cela ne leur apporte rien. Même si cela fait applaudir vos collègues à tout rompre, cela n'apporte rien aux gens du milieu.

On n'a qu'à voyager, n'importe quand -je sais que je ne le fais pas souvent - on n'a qu'à aller dans les villages de pêche une ou deux fois par année pour savoir ce que sont ces milieux, des gens sans travail, des gens qui sont en chômage - des taux de chômage élevés - qui cherchent une vraie relance économique, pas cette relance économique qui dit beaucoup de mots, mais qui ne fait rien pour les pêcheurs maritimes et pour tous les autres secteurs non plus. Est-ce que votre projet de loi leur assure un salaire équitable et leur permet de travailler plus? Est-ce que votre projet de loi résout le problème qui est celui de gagner leur vie honorablement et sans souci pour l'avenir? Tandis que vous-même et votre homologue fédéral jouez à une bataille de coqs, les gens qui comptent sur vous désespèrent que vous ne puissiez jamais les comprendre, que vous ne puissiez jamais les écouter, que vous ne puissiez jamais changer leur vie pour le mieux. C'est cela, la question.

Quand vous parlez de nationalisation de l'industrie des pêches, quand vous parlez du projet de loi 48, quand vous parlez d'aller donner des concessions, quand vous parlez de contrôler les espèces et la quantité des produits marins qui peuvent être pêchés sur votre territoire, qu'est-ce que ce territoire? Expliquez-le-nous. Je vais vous citer un document qui vous recommande "de participer avec les organismes internationaux qui s'occupent de la pêche et de négocier avec le Canada et les autres pays concernés des accords portant sur l'exploitation rationnelle des ressources du golfe Saint-Laurent, la protection des espèces, la présence et le contrôle des flottes, la délimitation des eaux territoriales." Négocier avec le Canada, c'est ce que cela dit. C'est le dernier programme de votre parti, le Parti québécois. C'est cela qu'il vous demande de faire. On vous demande de négocier pour l'exploitation rationnelle des ressources. On vous demande de négocier pour la protection des espèces. Est-ce que c'est cela que vous faites avec ce projet de loi? Si, maintenant, parce que vous avez des querelles personnelles avec M. De Bané et que vous ne pouvez pas vous sentir, vous ne pouvez pas négocier avec lui, attendez qu'on change de gouvernement là-bas; attendez d'avoir un parti nationaliste au Parlement fédéral qui pourra peut-être négocier pour vous. Si vous ne pouvez pas négocier vous-même, faites négocier par quelqu'un de votre parti qui soit plus flexible. Créez le ministère des pêcheries, comme votre programme du parti vous le dit. C'est cela qu'il faut faire.

Je vais vous faire une requête

spécifique, M. le ministre. Malheureusement, vous n'êtes pas là pour écouter. Quand, la dernière fois, comme ministre, avez-vous donné la chance à tous les intervenants du milieu qui veulent se faire entendre - les pêcheurs, les travailleurs, les producteurs -de se faire entendre par tous les députés de l'Assemblée nationale? Pour mettre de l'ordre dans toute cette affaire, pour entendre ce que les gens du milieu pensent vraiment, pour savoir si c'est une partie qui a raison ou l'autre, pour savoir ce que les gens du milieu pensent vraiment - pas M. De Bané ni M. Garon, mais les gens du milieu - ce qu'il nous faut, d'une façon urgente, c'est une commission parlementaire. Il nous faut une commission parlementaire sur les pêcheries maritimes qui nous permettra d'entendre les gens du milieu, les pêcheurs, les travailleurs, les producteurs et tous les autres, tous ceux qui voudront se faire entendre. M. le ministre, j'espère que vous allez vous pencher sur cette question, parce que cela permettra à ces gens de nous faire savoir quelles sont leurs contraintes, leurs inquiétudes, ce qu'ils veulent eux-mêmes. Cela nous permettra de savoir comment ils se situent par rapport à vos projets de loi 48, 49 et les autres, à la Société québécoise des pêches et à tout le reste. (11 h 50)

Si nous avons eu, au gouvernement du Québec, une commission parlementaire spécifique pour écouter les gens au sujet de la loi 101, et si nous en avons une aujourd'hui pour écouter les Indiens, les Inuits et les populations autochtones sur leurs contraintes et leurs droits, ne devons-nous pas aussi, pour un milieu tellement désaffecté, déstabilisé, pour un milieu qui demande de se faire entendre, et que les ministres fédéral et provincial n'écoutent jamais, convoquer une commission parlementaire publique qui permettra à tous ces gens de présenter des mémoires et de dire ce qu'ils ont sur le coeur? De cette façon, on connaîtra tous la vérité; nous serons tous beaucoup plus éclairés, parce que ce n'est pas seulement le ministre qui proclame la vérité.

M. le ministre, vous m'avez dit trois ou quatre fois que vous trouviez cela ironique que, venant de l'Ouest de Montréal, je m'occupe des pêcheries maritimes. Oui, je sais, c'est drôle que, venant d'un milieu urbain, je m'occupe du milieu maritime. Je réalise que je ne suis pas un expert sur la question. Je réalise que j'ai beaucoup à apprendre sur la question. Je réalise qu'il y a certainement beaucoup de chemin à faire, pour nous, comme parti, pour savoir exactement ce que le milieu pense. Il faut beaucoup de temps pour écouter les gens, et le temps manque. Mais d'après ce que j'ai pu lire, ce que j'ai pu apprendre depuis que je m'occupe de ce dossier, les gens dont le ministre est censé s'occuper, les gens pour lesquels il consacre un budget tellement petit, dont il n'utilise même pas tous les crédits, dont il utilise seulement 75% des crédits par année, dont il utilise seulement quelque chose comme 22 000 000 $ de budget par année, ces mêmes gens ont très peu d'argent pour se débrouiller maintenant. Et le ministre distribue ses largesses de façon tout à fait intempestive à droite et à gauche pour faire une surenchère de millions avec le gouvernement fédéral. Ce que j'ai appris en m'occupant de ce dossier - je l'ai appris avec une conviction profonde, qui devient de plus en plus profonde, plus je m'occupe de ce dossier - c'est que ces gens ne cherchent pas des affrontements constitutionnels. Ils ne veulent pas la loi 48 ni même la loi 49. Ce n'est certainement pas la loi 48. Ce n'est pas cela qu'ils cherchent. Ils vous le diront. Si M. le député de Gaspé veut bien leur parler, je vais lui donner les noms des personnes à qui j'ai moi-même parlé ainsi que mes collègues. Il saura lui même que ces gens ne cherchent pas cela. Il ne veulent pas de concesssions. Ils ne veulent pas de concessions spéciales. Ils ne veulent pas que leur cas arrive en Cour suprême du Canada ou en Cour supérieure du Québec pour que cela devienne une nouvelle bataille fédérale-provinciale. Ils nous disent: Cela ne va résoudre en rien nos problèmes. Notre problème est un problème de qualité de vie minimale. C'est un problème d'argent; c'est le problème qui repose sur le fait de gagner sa vie. On ne gagne pas sa vie comme cela; au contraire, on la rend plus compliquée; on la rend plus stérile. Ces gens seront les premiers à souffrir de tous ces affrontements entre deux ministres, entre deux gouvernements.

Ce qu'il faut justement, ce n'est pas la constitution, ce n'est pas l'indépendance, d'abord et avant tout, en tout cas, avant qu'on règle toute la question de l'indépendance aux prochaines élections d'une façon ou d'une autre - nous l'espérons -c'est un peu plus d'humanité, de compréhension. Il faut surtout répondre à la lettre que M. Jean-Paul Paradis a envoyée au ministre, le 5 octobre. Le ministre n'a fait qu'éplucher des chapelets de lettres, mais, quand M. Jean-Paul Paradis lui a écrit, le 5 octobre 1983, il n'a même pas pris la peine de lui répondre. M. Paradis a aussi écrit au député de Gaspé et n'a pas eu de réponse. Ce qu'il faut, c'est justement aller écouter ces gens. Ce qu'il faut, c'est être un peu plus humain. Ce qu'il faut, c'est une compréhension du milieu que le ministre n'a pas. C'est cela qu'il faut et cela ne se fait pas par des lois. Cela ne se fait pas par des motions. Cela ne se fait pas par des règlements, si beaux soient-ils. Cela ne se fait pas par des grandes promesses de donner des millions à untel et d'autres millions à un

autre seulement s'ils prennent la part du ministre.

Si le ministre peut comprendre cela, si le ministre peut comprendre que le problème est un problème très simple en fait - c'est un problème de gens, c'est un problème de milieu de travail - s'il peut se mettre à l'écoute des gens, s'il peut commencer à planifier un peu mieux au lieu de faire des petites politiques au pied levé comme cette loi en témoigne aujourd'hui très clairement, s'il peut faire cela, à ce moment il aura une chance que, pendant les deux prochaines années, ce milieu tellement affecté, tellement accablé puisse reprendre un peu de son essor.

Malheureusement, si on prend l'historique de ce qui s'est passé jusqu'à présent, je doute fort que cela arrive parce que le ministre, comme l'autre, ne sait pas nous écouter. Lorsqu'on lui pose des questions en Chambre, il a toujours raison. Il fait applaudir tous ses collègues parce qu'il est l'homme fort. M. le ministre, moi je vous demande de ne pas gagner vos batailles ici à l'Assemblée nationale, mais plutôt d'aller gagner la bataille des gens du milieu là-bas dans les régions de la Basse-Côte-Nord, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Il y a un nouveau collègue ici qui vient de la Basse-Côte-Nord, le député de Saguenay, et lui vous dira, tout à l'heure, tous les cas qui se passent là-bas, à l'encontre de ce que le ministre nous dit que tout est tellement rose dans le milieu des pêches.

C'est pourquoi nous, on ne va pas entrer dans l'arène des boxeurs. On va rester comme arbitres. On va essayer de faire comprendre au ministre provincial et au ministre fédéral, si lui peut écouter ou lire ces discours, qu'on en a assez de ces bagarres inutiles, qu'on veut être des arbitres, qu'on veut faire stopper le combat avant que ces ministres deviennent tellement hantés par cette espèce d'esprit de jalousie personnelle, par cet esprit revanchard d'un côté et de l'autre, qu'ils oublient tout à fait les gens pour lesquels ils sont censés avoir été élus. C'est cela qui va être notre rôle dans tout cela. Notre rôle, dans la loi 48, va être de vous dire: Vous ne résolvez rien. Vous apportez seulement une confrontation stérile, négative, qui ne fait rien pour résoudre les vrais problèmes dont je vous ai parlé, les problèmes qu'a soulignés le CRD de la deuxième transformation de nos produits de pêche, des problèmes humains, des problèmes de producteurs et de travailleurs; les problèmes qu'ont soulignés les syndicats, les problèmes qu'ont soulignés les pêcheurs qui, après avoir donné un rapport personnel au ministre, douze mois après lui écrivaient: Vous n'avez résolu aucun de nos problèmes. Ils sont encore tous ici. Vous ne nous écoutez jamais.

C'est cela le problème fondamental. Une deuxième fois, pour que ce soit bien clair, au lieu de la loi 48 maintenant, nous voulons avant tout une commission parlementaire qui va aller écouter ces gens, qui va aller donner une chance bientôt, j'espère très bientôt, aux gens du milieu de se faire entendre, de présenter des mémoires et de nous dire ce qu'ils veulent eux-mêmes. C'est cela la question clé. Je demande aussi au ministre, parce qu'il a accusé des gens de façon formelle ici, des gens de Pêcheurs unis et de Madelipêche, qu'il forme, au lieu d'accusations à l'Assemblée nationale, une commission d'enquête publique, qu'il mette tout cela au clair afin de donner une chance à ces gens de se défendre publiquement.

C'est la notion la plus fondamentale, la plus équitable du droit commun. C'est cela qu'il devrait faire au lieu de les accuser en Chambre parce qu'il sait qu'ils ne peuvent pas répondre ici. On aurait pu faire tout un débat sur toute cette question. Mais là on ne va pas faire un débat sur la question de Pêcheurs unis ou de Newport ou de Madelipêche ou de Cloridorme. Ici, on parle surtout de la loi 48 et nous nous posons des questions fondamentales parce que tout ce que cette loi va apporter, c'est des affrontements, alors que nous voulons des constructions positives, des constructions humaines. C'est dans ce sens que nous espérons que nous allons travailler. (12 heures)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Gaspé et adjoint parlementaire au ministre des Pêcheries.

M. Henri LeMay

M. LeMay: M. le Président, je suis très heureux qu'on parle aujourd'hui des pêches étant donné que, depuis la semaine dernière, Radio-Québec a fait son entrée en Gaspésie et que dorénavant, toute la Gaspésie pourra écouter nos débats ici à l'Assemblée nationale. C'est seulement le 15 décembre que Radio-Québec officialisera son entrée en Gaspésie, mais déjà on peut capter ses ondes qui nous viennent de Carleton et je suis convaincu que tous les gens du milieu gaspésien, contrairement aux années passées, pourront profiter des débats qui se passent ici, en particulier dans le domaine des pêches.

Il y a certains points du discours du député de Nelligan, ministre des Pêcheries du gouvernement fantôme du Parti libéral, que j'aimerais relever. Il a commencé son discours en disant qu'il n'avait pas eu le temps - c'était une loi qu'on passe en catastrophe - d'en prendre connaissance ou à peu près pas. Si je me souviens bien, M. le ministre responsable des Pêcheries au Québec, après avoir déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi 48, a fait une

conférence de presse le 16 novembre; nous sommes aujourd'hui le 23, M. le Président, cela fait donc sept jours que le député de Nelligan a le projet de loi en main, projet qui contient onze pages. S'il n'a pas eu le temps d'en prendre connaissance, ce n'est vraiment pas la faute du gouvernement ou la faute du ministre.

Autre chose. M. le député de Nelligan nous disait qu'on avait l'intention d'investir 14 000 000 $ à Newport. Je pense qu'il y a erreur et que M. le ministre l'a bien dit tout à l'heure. Peut-être l'usine coûtera-t-elle entre 12 000 000 $ et 14 000 000 $, mais nous n'avons jamais parlé d'investir 14 000 000 $, nous avons dit que les gens du milieu allaient investir le tiers, nous avons dit que les pêcheurs allaient investir le tiers et qu'enfin, la Société québécoise des pêches allait investir le reste, c'est-à-dire minoritairement.

Également, quand M. le député de Nelligan parle du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en le qualifiant d'avoir la folie des grandeurs, je ne sais pas si M. le député de Nelligan a pris connaissance du plan de gestion des pêches de M. De Bané, ministre fédéral qui voit une immense société de gestion exactement comme il en existait une avant, alors que nous, nous parlons de société coopérative régionale. Je ne vois pas beaucoup de folie des grandeurs là-dedans, M. le Président.

Un autre point que j'ai relevé du discours de M. le député de Nelligan, c'est quand il nous parle de migration des crustacés. Peut-être a-t-il raison de nous dire qu'il vient d'un milieu urbain, qu'il ne connaît pas tellement les pêches, qu'il essaie de s'informer de plus en plus. Mais j'aimerais qu'il nous parle de la migration des crustacés, parce qu'on sait qu'il n'y a pas de migration du côté des crevettes, il n'y en a pas non plus du côté du homard et même pour le crabe nous ne sommes pas sûrs; il se fait actuellement des expériences à savoir si le crabe se déplace de saison en saison. On ne le sait même pas. Je ne sais pas où il a pris ses informations, mais je suis sûr qu'il ne pourrait certainement pas nous parler pendant une heure de la migration des crustacés.

M. le Président, pourquoi cette loi 48 et quelle est l'origine de cette loi 48? C'est que tout simplement le gouvernement d'Ottawa, le 8 juillet, au Conseil des ministres, rapatriait la totalité des pêches du Québec, c'est-à-dire la juridiction que nous avions, après entente avec Ottawa, depuis le 1er avril 1922. Le 11 juillet, M. De Bané, lors d'une conférence de presse, annonçait que dorénavant, étant donné que le Québec était incompétent dans le domaine des pêches, il se décidait à rapatrier à Ottawa toute l'administration des pêches. Pour ce qui est des permis, on n'a jamais contesté, c'est vrai. Ils ont rapatrié tous les permis dans le domaine des pêches et on n'a pas contesté cela parce que Juridiquement, ils ont le droit de le faire, même unilatéralement. Mais pour ce qui nous reste, M. le Président, c'est bien de valeur, on doit encadrer dans une loi ce qui nous appartient. Si quelqu'un vient chez nous stationner sa voiture dans ma cour, c'est normal qu'il ait une autorisation. C'est ce que dit la loi. Si quelqu'un vient déposer sur le fonds marin d'eau salée ou d'eau douce des engins marins, il est normal qu'il obtienne notre autorisation.

Ce n'est donc pas un permis de pêche qu'on va donner. C'est un permis d'utilisation du sol qui appartient au Québec et qui est de juridiction québécoise. Il ne s'agit pas... Et ce n'est pas nous qui sommes retournés avant 1922. C'est le gouvernement fédéral qui a rapatrié ses droits et a dit: On va se replacer avant 1922, alors qu'il y avait deux permis. Ce n'est pas nous. On n'a jamais voulu que les pêcheurs soient obligés d'aller chercher deux permis, l'un du gouvernement fédéral et l'autre du gouvernement provincial. Au contraire. D'ailleurs, comment vont-ils administrer ces permis? À qui vont-ils les donner? Vont-ils les donner de façon discrétionnaire, comme cela se faisait avant, du côté fédéral? Vont-ils suivre notre exemple en formant des comités de pêcheurs avec des gens représentant le gouvernement pour attribuer vraiment des permis à ceux qui en ont besoin et qui peuvent gagner leur vie avec cela?

Va-t-on faire comme avant 1970, alors qu'on donnait des permis de saumon à un hôtelier, parce qu'il était de la bonne couleur politique? Nous, on a complètement éliminé cela. À partir du mois d'avril 1984, les permis pour la pêche au saumon seront donnés exactement comme on le faisait pour la pêche au homard. Ils vont être donnés par un comité de pêcheurs. Donc, cela va être un revenu pour les pêcheurs qui en ont besoin et non pas pour un hôtel qui a besoin d'un permis pour avoir du saumon pour fournir sa cuisine.

Il y a un mois environ, M. De Bané -on a appelé cela "le plan De Bané", il est arrivé avec la Société de gestion des pêches - a rencontré très rapidement, dans l'espace de trois ou quatre jours, tous ceux qu'il pouvait ramasser comme pêcheurs et il leur a dit: Je mets 23 000 000 $. Les structures que je propose, ce sont celles qui existaient du temps de Pêcheurs unis, exactement les mêmes; même plus que cela, avec les mêmes gens pour administrer cette même société, une société qui est techniquement en faillite depuis deux ans. On leur a dit, aux pauvres pêcheurs: On vous garantit un approvisionnement; on vous garantit que les usines vont être ouvertes. Et on a dit aux travailleurs

d'usine: On vous garantit "une job" pour au moins cinq ans, avec les mêmes structures qui existaient alors qu'ils étaient en faillite technique. On vous donne dix jours pour dire oui. Si c'est non, on ferme. Que pensez-vous que les pêcheurs ont fait, M. le Président? Ils n'avaient pas le choix. Ils ont dit: D'accord. Les gens de Rivière-au-Renard, qui étaient très inquiets à ce moment-là ont dit: D'accord, on embarque. Les autres à Newport - ils étaient onze, dont deux ont refusé de voter - ont dit: II faut bien, on n'a pas le choix. Ensuite, M. De Bané est arrivé en conférence de presse et il a dit: Vous avez le choix entre le plan De Bané -le mien - ou le plan Garon. C'est curieux.

Dans cette perspective, il n'y a jamais eu de plan Garon. Le plan Garon a toujours été le plan des pêcheurs, ce que les pêcheurs voulaient. Et plus que cela, la semaine dernière - ils ont tellement faussé l'idée des gens - je recevais un appel téléphonique de Rivière-au-Renard, de quelqu'un qui est très influent dans le milieu, et il me disait: Qu'attendez-vous, vous autres, pour venir nous proposer quelque chose à Rivière-au-Renard comme vous l'avez fait à Rivière-au-Tonnerre, comme vous l'avez fait à Newport? J'ai dit: C'est la première fois que j'en entends parler. C'est bien de valeur, mais on n'a jamais rien proposé à Newport. On est allé à Newport sur invitation des pêcheurs de Newport. Jamais M. Garon n'est allé imposer sa présence à Rivière-au-Tonnerre, à Newport ou aux Îles-de-la-Madeleine. M. Garon est arrivé à Newport à la demande des pêcheurs de Newport et leur a dit: Que voulez-vous? Ils ont dit: Nous autres, on voudrait investir dans une usine neuve à Newport. Le gouvernement fédéral offre 2 300 000 $ pour rénover l'usine de Newport. Savez-vous à combien est actuellement évaluée l'usine de Newport? 185 000 $ et le gouvernement fédéral serait prêt à investir 2 500 000 $ pour la moderniser selon nos normes. Cela n'a pas de sens. (16 h 10)

Nous avons même un spécialiste qui est allé voir l'usine de Newport et qui a dit: Cela va coûter encore plus cher en investissement et vous allez toujours avoir une vieille cabane. Pourquoi ne pas investir dans quelque chose de neuf, dans quelque chose de moderne? Les pêcheurs, Lorenzo Albert en tête et toute son équipe, ont dit: On va se pencher sur la possibilité de la construction d'une usine neuve. De notre côté, nous leur avons prêté une aide technique parce que des pêcheurs, ce ne sont pas des avocats, ce ne sont pas des notaires, ce ne sont pas des architectes, ce ne sont pas des ingénieurs. On leur a prêté une aide technique et on a travaillé le plan de Newport, on a fait ce que les gens voulaient. On n'ira pas construire une usine de production de 25 000 000 de livres quand on sait bien que la capacité de Newport, si on regarde les bateaux qui vont la fournir, est d'un maximum de 20 000 000 de livres. On ne peut pas dépasser cela. Actuellement, on a l'assurance d'un approvisionnement autour de 15 000 000 à 18 000 000 de livres provenant de pêcheurs qui sont prêts à fournir cette usine. Si le fédéral ne veut absolument pas investir dans une usine neuve, qu'il garde la vieille usine et qu'il la fasse fonctionner cahin-caha, comme fonctionnait l'usine des Pêcheurs unis il y a quelques années.

Pour Rivière-au-Tonnerre, c'est la même chose. Les gens ont dit: On aimerait acquérir les actifs des Pêcheurs unis. Cela vaut tant; d'accord, on va vous subventionner sous forme de capital-actions, toujours par la Société québécoise des pêches. C'est fait, le ministre l'a dit tantôt, ils ont même reçu leur chèque de 60 200 $.

Les gens de Rivière-au-Renard sont inquiets et je les comprends. Je ne sais pas si vous avez déjà eu le plaisir de faire le tour de la Gaspésie, mais, à Rivière-au-Renard, on retrouve la plus belle installation portuaire de toute la Gaspésie, l'infrastructure la plus importante, une usine très importante. Les gens de Rivière-au-Renard sont inquiets parce qu'ils attendent que le Québec arrive avec une solution toute faite pour Rivière-au-Renard. On m'a même dit la semaine dernière: Si vous n'avez pas de solution pour Rivière-au-Renard, c'est parce que le ministre n'aime pas les gens de Rivière-au-Renard. Je leur ai répondu: Si vous voulez rencontrer le ministre, il ira vous voir, sur votre invitation, n'importe quand. On agira avec vous comme on l'a fait à Newport, comme on l'a fait à Rivière-au-Tonnerre; on n'arrivera pas avec des solutions toutes faites comme la Société de gestion des pêches de M. De Bané, avec une solution qui part d'en haut, qui est chapeautée par un ministère et imposée aux pêcheurs. On sait très bien que c'est fait en fonction des banques, en fonction de la Fédération des caisses populaires qui avait investi de l'argent dans Pêcheurs unis. Comme cet argent est perdu, le fédéral est arrivé en disant: On va vous le récupérer, vous allez rentrer dans votre argent, vous, les institutions bancaires. En fait, c'est cela.

Plus que cela, on leur a dit: Vous êtes les créanciers de Pêcheurs unis et ces gens sont en faillite; vos créances, tout l'argent que vous avez perdu, les banques et la Fédération des caisses populaires, toutes ces dettes vont devenir du capital-actions positif. Avez-vous déjà vu cela, prendre des dettes et en faire du capital-actions, prendre du moins et en faire du plus? C'est ce qu'on veut faire.

Est-ce qu'on va essayer de remettre en branle une structure qui ne fonctionnait pas

depuis dix ans peut-être? On savait où était le bobo, le ministre responsable des Pêcheries nous l'a clairement dit tout à l'heure. On a demandé un plan de redressement, on l'a demandé à Mont-Joli, en juillet 1982, et on n'a jamais eu de réponse. Là, on s'est mis à crier: Le Québec ne veut plus investir dans Pêcheurs unis. C'est curieux, mais, un an ou deux ans avant, tout le monde nous accusait d'investir dans Pêcheurs unis, dans une compagnie en faillite. On leur demande un plan de redressement, mais non, ça ne fonctionne plus. Quand le plan de redressement est arrivé, Pêcheurs unis étaient déjà en faillite technique. On a fait comme on le fait pour un grand malade couché sur un lit d'hôpital, qui est branché sur une machine; on lui a injecté un sérum, l'argent du fédéral, pour le maintenir en vie pendant six mois, le temps de la saison de la pêche. Mais, maintenant que la saison de la pêche est terminée, il serait peut-être bon qu'on s'asseoie et qu'on arrête de parler de Pêcheurs unis qui, techniquement, n'existe plus.

M. le Président, les gens de Rivière-au-Renard sont inquiets, mais le ministre leur a lancé l'invitation, et je la leur refais: S'ils veulent s'asseoir à la table et regarder les actifs de Rivière-au-Renard, on va les regarder ensemble, on va les évaluer, on va former un plan de pêche d'ici cinq, dix ou quinze ans, mais on n'ira pas faire pleuvoir des millions pour maintenir en vie un organisme mort - c'est officiel - comme voulait le faire M. De Bané avec sa société de gestion des pêches.

Quel est, en fait, notre politique? Notre politique a commencé le 18 décembre 1981, quand on a adopté en Chambre cela fera deux ans bientôt notre loi sur la qualité des produits marins. On ne veut plus faire rire de nous sur les marchés mondiaux sur les marchés de Boston, américains ou autres. On sait que l'inspection des aliments, le fédéral n'est pas capable de la faire. Cela a été prouvé, les fédéraux eux-mêmes l'ont dit. Je pourrais même vous donner un exemple qui vous fera peut-être sourire un peu. Savez-vous comment on forme les inspecteurs de poisson au fédéral? Par exemple, il y a un surplus de personnel à un centre de main-d'oeuvre du Canada ou à un bureau d'assurance-chômage du Canada. On prend quelqu'un là et on lui dit: Toi, tu seras inspecteur en produits marins, du jour au lendemain. On lui donne un petit cours accéléré de quinze jours ou trois semaines et la personne s'en va au bout des quais et, à partir de ce moment, elle a juridiction sur la qualité du produit marin. Que pensez-vous qu'il arrive? Il arrive ce qui est arrivé l'an passé: on rejette 20% ou 25% de notre poisson, parce qu'on ne peut même pas l'envoyer sur le marché. C'est effrayant, M. le Président. C'est pour cela qu'à l'avenir on prévoit dans notre projet de loi des usines conformes à nos normes, qui sont peut-être sévères. Je me souviens quand on a décidé de faire le ménage dans les abattoirs. On a crié, bien sûr, mais aujourd'hui tout le monde au Québec est content d'avoir une qualité de viande qui soit supérieure pour la consommation humaine. On peut maintenant se comparer à n'importe qui.

Dans le domaine du poisson, ce sera la même chose à partir du mois d'avril 1985. On ne veut plus qu'à l'intérieur des usines il y ait des risques de contamination. On ne veut plus qu'à l'intérieur des bateaux il y ait 25 000, 30 000 ou 40 000 livres de poisson empilé pendant quatre ou cinq jours. Imaginez-vous ce que peut avoir l'air, dans l'assiette d'un consommateur, la pauvre morue qui a été prise la première, qui passe cinq jours en mer et qui arrive avec 40 000 livres d'autres morues par-dessus elle.

On arrive donc avec des normes. Pour aider les pêcheurs et les industriels à se conformer à ces normes, on a des programmes. En fait, le député de Nelligan nous demandait: Quel est votre programme de développement des pêches? Qu'il regarde tous les programmes. On a des programmes de désuétude. Quand les usines sont trop vieilles, on subventionne des gens pour les faire démolir. Avez-vous déjà vu cela? On n'a jamais vu cela. Un programme où on paie le monde pour démolir des choses qui sont usagées, vieilles, désuètes, désaffectées et tout ce qu'on voudra, cela n'existe nulle part.

On a des programmes de construction d'usines neuves. On a des programmes de modernisation d'usines neuves. On a des programmes pour la modernisation des bateaux eux-mêmes. M. le député de Nelligan disait tantôt: On ne dépense même pas tout notre budget ou on dépense 22 000 000 $ sur les 30 000 000 $ qu'on propose. Bien sûr, les programmes sont là. Si les gens ne se prévalent pas des programmes, ils ne peuvent pas profiter de ces sommes; donc, celles-ci ne sont pas dépensées, c'est sûr. Ce qu'il ne se rappelle pas, par exemple, c'est que l'an passé, en commission parlementaire, ' le député de Bonaventure nous disait que, lorsqu'il était ministre des Pêches, il avait 800 000 $ de budget. Nous autres, nous sommes rendus à 30 000 000 $ et il s'en ajoutera encore. L'an passé, cela a été un des seuls budgets qui ont été augmentés. À cause de la crise, les budgets avaient été diminués l'an passé, mais celui-là a été augmenté. Ces sommes seront dépensées pour autant que les pêcheurs ou les industriels de la pêche en feront la demande. (12 h 20)

II me reste une minute et, pour terminer, M. le Président, je voudrais simplement lancer un appel aux pêcheurs de réfléchir, parce qu'il ne faut pas oublier une

chose: la société de gestion des pêches proposée par M. De Bané fera mourir toute l'entreprise privée dans le secteur des pêches. Aucune entreprise privée ne pourra concurrencer avec les millions qui vont pleuvoir du fédéral et qui vont, en fait, tomber à l'eau, parce que, dans quatre ou cinq ans, on sera exactement au même point qu'aujourd'hui. Si les pêcheurs veulent vraiment structurer leurs activités de pêche de façon qu'on ne soit plus 50, 60 ou 100 ans en arrière, qu'ils s'assoient avec nous, qu'ils aient un plan de structuration des pêches et l'avenir des pêches, en Gaspésie comme dans tout le Québec, sera assuré. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Lorsque nous avons appris que le ministre avait déposé un projet de loi sur les pêcheries, notre réaction première a été de croire que les intérêts de cette industrie et des intervenants du milieu étaient devenus une priorité du gouvernement. Nous étions très heureux de la tournure des événements, d'autant plus que rien dans le plan de relance économique ne laissait prévoir une telle intervention.

Je dois avouer, toutefois, que la lecture du projet de loi nous a fait déchanter. En effet, lorsque nous avons cherché les dispositions permettant d'améliorer la situation des pêcheurs de façon perceptible sinon immédiate, nous n'avons rien trouvé, pas de plan d'action. Tout ce que nous avons trouvé, ce sont des pouvoirs de réglementation des pêcheries, un régime de concessions et ce qui nous apparaît, à ce moment-ci, l'augmentation de la bureaucratie probablement sur le dos des pêcheurs.

Même si la querelle De Bané-Garon ou le ton du communiqué du ministre du Québec étaient largement axés sur l'aspect juridictionnel et avaient tracé la voie que le gouvernement entend suivre, c'est une déclaration du ministre de l'Éducation, M. Laurin, qui a confirmé notre opinion dans ce sens. En effet, dans une entrevue accordée à la presse, le ministre de l'Éducation avouait que le projet de loi 48 avait été inspiré non pas par le comité ministériel sur l'économie, mais bien par le comité spécial sur la question nationale. Voilà pour le projet de loi concernant les pêcheries.

Comme nous connaissons la tendance du gouvernement actuel à mêler le problème constitutionnel à toutes les sauces, nous n'avons pas été trop surpris. Nous avons, cependant, beaucoup de mal à nous imaginer comment les gens pour qui la pêche est une source de revenus pourront accueillir avec enthousiasme la nouvelle qu'ils ont sans doute des problèmes économiques, mais peut-être bien davantage des problèmes constitutionnels.

Partant du fait que le gouvernement a malheureusement décidé d'engager le débat sur ce terrain, nous avons tenté d'examiner le partage des juridictions dans le domaine des pêcheries entre le fédéral et les provinces, sans aucune prétention de notre part, M. le Président, car nous ne voulons évidemment pas trancher d'une façon définitive ce débat fort complexe. J'aimerais, au départ, assurer les gens d'en face que nous n'entendons aucunement prétendre que le Québec ne doive pas chercher à occuper tous les champs de juridiction qui lui sont conférés, mais dans le projet de loi qui est devant nous, la question qui se pose, c'est: Va-t-il au-delà des champs de juridiction qui lui sont conférés par la constitution?

Si le ministre réussit à nous démontrer que son projet s'inscrit dans le cadre constitutionnel canadien, nous ne pourrons que le féliciter de sa démarche. Dans le cas contraire, les préjudices que pourrait causer aux pêcheurs un long débat juridique à la suite d'interprétations trop imprécises nous laissent fort inquiets et perplexes. Quoi qu'il en soit, nous nous sommes demandé si le but recherché par le gouvernement était d'occuper toute la juridiction dévolue au Québec dans le cadre constitutionnel canadien.

Là-dessus, je voudrais simplement faire une digression à la suite d'une remarque du député de Gaspé qui disait que sept jours, c'était amplement de temps pour examiner ce projet de loi. Quand un projet de loi touche à des aspects constitutionnels, M. le Président - je sais que, par expérience, vous le savez - ce n'est pas un problème si simple. Sept jours, c'est quand on compte, évidemment, la journée où il est déposé, etc. Finalement, le temps qui a été mis à notre disposition est extrêmement restreint.

J'aimerais rappeler que le paragraphe 12 de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique accorde au Parlement du Canada le pouvoir exclusif de légiférer sur "les pêcheries côtières et intérieures." D'autre part, toujours en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, le Québec jouit d'un droit de propriété de son territoire et de ses ressources. Ces dispositions interreliées ont, d'ailleurs, été interprétées par les tribunaux. C'est ainsi qu'il a été établi que, si le gouvernement du Canada a un pouvoir législatif exclusif sur les pêcheries, le gouvernement du Québec a un droit de propriété sur la rive et le lit des eaux du domaine public de son territoire. Ce droit de propriété n'emporte pas un droit de légiférer sur les pêcheries, mais il permet à la province de réglementer la fixation d'engins ou d'installations sur la rive ou le

lit de ses eaux.

À la suite de cette interprétation, pour mettre fin à l'obligation d'obtenir deux permis, il y eut une entente administrative en 1922 - d'autres collègues dans cette Chambre y ont fait allusion - entre les deux gouvernements. Cette dernière avait pour effet de confier au gouvernement du Québec l'émission des permis, quoique le gouvernement du Canada conservait toujours son pouvoir de réglementation.

M. le Président, cette entente qui existait depuis 60 ans - je regrette d'avoir à le dire - a été annulée unilatéralement par le ministre De Bané à la suite d'une recommandation contenue dans le rapport connu sous le nom de rapport Kirby. Ce geste téméraire se justifie difficilement et les arguments invoqués par le ministre des Pêches et des Océans d'Ottawa n'ont pas réussi à nous convaincre de son bien-fondé, d'autant plus qu'aucun représentant du Québec ne siégeait à ce comité.

Mais, de là à prendre l'initiative que le gouvernement actuel prend, on est en droit de se poser des questions. Y aurait-il eu un autre cheminement que le gouvernement du Québec aurait pu suivre? Au cours des discussions qui vont suivre, pourrait-il nous dire si des négociations ont eu lieu à la suite de cette brisure unilatérale, même si je reconnais qu'une décision unilatérale n'invite pas beaucoup à la négociation? Mais si on tient compte de l'autre aspect, des personnes qui seront touchées par un projet de loi qui pourrait avoir des rebondissements devant les tribunaux pendant de longues périodes, il faut peut-être peser les deux et se dire qu'en dépit de tout cela il vaudrait peut-être encore la peine de laisser les portes ouvertes et trouver une autre solution qu'une solution qui pourrait s'avérer, devant les tribunaux, comme étant non constitutionnelle.

Nous nous retrouvons donc aujourd'hui devant un projet de loi qui veut reconnaître une certaine juridiction au Québec en matière de pêcheries. Cette juridiction va-t-elle au-delà de celle qui lui est accordée? Nous ne saurions y répondre d'une façon précise.

J'aimerais entendre la version du ministre. Ce que j'ai entendu de lui ce matin, à moins que je ne fasse erreur, c'est une décision en ce sens que la compétence du gouvernement fédéral en pêcheries n'était pas une juridiction exclusive, mais nous n'avons pas eu d'autres explications que celle-là.

Si nous partons du principe qu'une partie importante de la pêche commerciale est pratiquée dans les eaux à marée, nous abordons le pouvoir de concéder le droit d'utiliser la portion de la rive et du lit de ces eaux faisant partie du domaine public pour y fixer ou y déposer des engins ou des installations destinés à la pêche commerciale.

Dans le cas du fleuve Saint-Laurent, le simple fait d'accorder la concession pose peu de problèmes, puisqu'il est situé en territoire québécois. C'est lorsque l'on parle du golfe que la question est tout autre. Comme nous ne voyons pas pourquoi le gouvernement légiférerait sous cet aspect par le projet de loi 48 sans inclure le golfe, nous croyons donc que celui-ci est considéré comme partie du domaine public aux fins du présent projet de loi, à moins que le ministre ne nous dise le contraire. Il est important d'examiner ce point particulier. (12 h 30)

Les tribunaux n'ont pas eu à statuer sur ce point, à savoir si le golfe fait partie du territoire du Québec. Toutefois, certains constitutionnalistes ont émis des opinions qui nous font douter de la justesse de cette interprétation qui serait sous-jacente au projet de loi qui nous est présenté. J'aimerais simplement faire référence au constitutionnaliste, M. Henri Brun qui, en 1974, dans les Presses universitaires de Laval, s'était livré à une étude historique du territoire québécois avant et après son entrée dans la Confédération canadienne. Après avoir fait une étude de la jurisprudence sur le statut du golfe, il a conclu, en premier lieu, que le territoire du Québec se rend jusqu'à la ligne de baisse des eaux le long de ses côtes, on veut dire la marée basse. En second lieu, il affirme: "II nous faut donc conclure que le territoire du Québec continue d'être, dans le golfe Saint-Laurent, celui qu'il était en 1867. Il ne comprend ni une portion du golfe dans l'hypothèse, que nous ne partageons pas, où ce lit serait devenu une eau intérieure canadienne, ce qui n'aurait pu survenir qu'après 1949, ni la mer territoriale sur laquelle le Canada a progressivement affirmé sa compétence territoriale depuis le début du siècle dans l'hypothèse où le golfe Saint-Laurent continue d'être globalement une partie de la haute mer. "Sur ces espaces, suivant l'une ou l'autre des deux hypothèses, les organes fédéraux pourraient exercer la plénitude des compétences étatiques: compétence législative, bien sûr, mais aussi le droit de propriété sur les lits et le sous-sol dans la mesure où il n'aurait pas encore concédé sur eux des droits spécifiques. La propriété résiduaire étatique revient, en effet, aux gouvernements provinciaux suivant le droit fédératif canadien seulement pour les territoires respectifs des provinces et le Québec, n'a encore bénéficié d'aucune concession sur les espaces marins du golfe."

Il ajoute, ce même constitutionnaliste: "Nous nous accordons aussi assez bien avec l'avis donné par la Cour suprême en 1967. Il s'agit ici de l'avis qui a statué sur la propriété de la mer territoriale au large des côtes de la Colombie britannique en faveur du

fédéral."

J'aimerais rappeler une autre opinion qui, cette fois, avait été donnée par l'actuel ministre des Affaires intergouvernementales dans les années où il pratiquait, où il enseignait le droit constitutionnel à l'Université de Montréal. Dans un rapport qu'il présentait à la commission d'étude sur l'intégrité du territoire du Québec en mai 1970, il écrit, sur la propriété des eaux territoriales, que c'est la décision de la Cour suprême - l'avis que je viens de mentionner - qui considérait la mer territoriale au large des côtes de la Colombie britannique de juridiction fédérale, donc, une propriété fédérale. Commentant cette décision, il ajoute: "Quoique l'on puisse penser de cette opinion - et on peut s'imaginer facilement que le ministre des Affaires intergouvernementales n'en était pas très heureux fondée sur une théorie du fédéralisme qui confond la fédération et le pouvoir central et qui néglige, notamment, de mentionner que les richesses naturelles relèvent des provinces, il faut reconnaître que cet avis consultatif constitue un précédent dont il sera malaisé de se défaire tant que la Cour suprême sera constituée et composée comme elle l'est. Du point de vue du statut des eaux du golfe Saint-Laurent, compte tenu de la jurisprudence qui nie aux provinces le droit de propriété sur le lit de la mer territoriale, l'avis de la Cour suprême constitue un précédent redoutable qui ne manquera pas d'être invoqué dans toute discussion ou négociation sur le plateau continental."

Les auteurs et la jurisprudence, M. le Président, sont donc en accord sur ce point en accordant la propriété des eaux au fédéral. Les doutes ainsi soulevés et les étapes qui devraient être franchies pour que la propriété du Québec soit reconnue, soit un recours devant les tribunaux pour déterminer si la propriété d'une mer territoriale lui revient ou la reconnaissance d'une mer intérieure, nous laissent très inquiets eu égard à la juridiction que la province peut exercer dans ce domaine. On peut sérieusement se poser la question à savoir si le ministre Garon ne se trouve pas, à ce moment-ci, avec ce projet de loi à nager en eau trouble. Je pense que c'est le cas de le dire, mais, malheureusement, peut-être entraînera-t-il avec lui un grand nombre de pêcheurs qui seront pris dans ces batailles constitutionnelles.

Avant de conclure, nous aimerions tout simplement souligner une couple d'autres points non éclaircis. La réglementation de la nature des concessions et de leur nombre constitue-t-elle une réglementation indirecte des pêcheries? Quelles sont, enfin, les conséquences pratiques de cette loi?

L'émission de deux permis constitue certainement une tracasserie administrative dont les pêcheurs pourraient se passer. On peut faire certaines hypothèses que, j'en suis certaine, le ministre des Pêcheries se fera un plaisir d'infirmer s'il y a lieu. Par exemple, peut-on conclure qu'un pêcheur québécois aurait besoin de deux permis pour pêcher dans le fleuve et qu'un seul lui suffirait dans le golfe, si la loi était déclarée inconstitutionnelle? Peut-on conclure qu'un pêcheur québécois aurait besoin de deux permis pour pêcher dans les eaux du golfe et d'un seul pour pêcher au large des côtes d'une autre province? Peut-on conclure qu'un pêcheur du Nouveau-Brunswick venant pêcher dans le golfe devrait détenir un permis québécois en plus d'un permis fédéral? Nous croyons, M. le Président, que les tracasseries administratives possibles pourraient avoir un impact négatif sur nos relations avec les pêcheurs des autres provinces de l'Est. Qu'adviendrait-il alors des pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine qui veulent pêcher au large des côtes d'une de ces provinces?

Cette politique ne révèle-t-elle pas une courte vue du gouvernement sur le problème des pêcheries? D'autant plus qu'une exploitation rationnelle des pêches ne peut se faire que par une collaboration entre les deux paliers de gouvernement. D'une part, on reconnaît au gouvernement fédéral, entre autres responsabilités, la protection des espèces qui sont mouvantes. Même si le député de Gaspé a voulu un peu ironiser sur ce qu'a dit mon collègue de Nelligan à ce sujet, on sait fort bien que, dans le cas d'un grand nombre d'espèces de poissons, elles sont mouvantes: II n'y a pas de frontières pour les poissons; même pour la circulation du saumon, on pourrait dire la même chose. Le fédéral est également responsable des négociations sur les marchés internationaux, sur les ententes avec les autres pays.

Pour sa part, le gouvernement provincial a la responsabilité des conditions de travail des pêcheurs, des conditions touchant tout l'aménagement de l'industrie de la pêche et sa commercialisation. La plus grande partie du discours du député de Gaspé a été de démontrer ces points et, sur ces points, nous ne contestons pas la juridiction du Québec. D'ailleurs, ce que nous demandons au gouvernement, c'est: Avez-vous pris le soin de vraiment vérifier la juridiction provinciale dans ce domaine pour ne pas exposer des pêcheurs à des batailles constitutionnelles dont, finalement, ils feront les frais?

Si dans sa réplique le ministre n'apporte pas d'éclairage plus satisfaisant, entre autres sur l'imprécision constitutionnelle du projet de loi 48, nous serons en droit de nous demander si le gouvernement par cette loi cherche des solutions aux vrais problèmes des pêcheurs ou plutôt s'il s'exerce à une relance des batailles constitu-

tionnelles dans la perspective d'une élection référendaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Bellefeuille

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Dans ce débat, un élément qui est, je crois, très important et dont le ministre a parlé, c'est la volonté des pêcheurs québécois de prendre leurs affaires en main. Je crois que, dans ce débat, c'est ce qui est fondamental. Ce que le gouvernement du Québec veut faire par cette loi, c'est fournir le cadre législatif qui va permettre aux pêcheurs québécois de prendre leurs affaires en main et de prendre en même temps un véritable essor que les conditions du marché permettent maintenant d'espérer.

Jusqu'à maintenant, j'ai écouté deux porte-parole de l'Opposition libérale sur cette question: le député de Nelligan et Mme la députée de L'Acadie. Je crois constater qu'ils n'expriment pas tout à fait le même point de vue, ce que je ne leur reproche pas, car je suis le premier à souhaiter que dans cette Chambre il y ait la plus grande diversité possible de points de vue qui s'exprime. Cependant, nous, du côté du gouvernement, aimerions bien savoir lequel des deux, Mme la députée de L'Acadie ou M. le député de Nelligan parle vraiment au nom de l'Opposition, lequel exprime le point de vue de l'Opposition. (12 h 40)

Peut-être que le député d'Argenteuil, qui a suivi ce débat attentivement, nous éclairera là-dessus tout à l'heure. C'est un sujet qui pourrait sûrement l'intéresser, parce que c'est un sujet qui a des aspects constitutionnels fondamentaux. Chacun sait que le député d'Argenteuil a déjà commis des documents importants sur ce genre de question, y compris le fameux livre beige du Parti libéral. Je souhaite que le député d'Argenteuil ou quelqu'un d'autre parmi nos amis d'en face nous éclaire pour qu'on sache quel est véritablement le point de vue de l'Opposition libérale sur ce projet de loi.

Le député de Nelligan nous dit que nous avons choisi le dossier de la pêche pour faire la guerre au gouvernement fédéral, alors que Mme la députée de L'Acadie, ayant soigneusement étudié le dossier, nous dit que le geste posé unilatéralement par M. De Bané, le ministre fédéral, est un geste téméraire qui se justifie difficilement. J'ai noté ce qu'elle a dit. Elle me fait signe que c'est bien ce qu'elle a dit. Là, il y a vraiment, il me semble, une contradiction, quoique la contradiction est peut-être entre ce que le député de Nelligan dit aujourd'hui et ce qu'il disait l'été dernier. La Presse canadienne, dans une dépêche publiée par le Devoir du 13 juillet de cette année, disait que le député de Nelligan et critique du Parti libéral en matière de pêches maritimes s'est dit déçu, mais non étonné de la décision du gouvernement fédéral de reprendre en main la totalité de sa compétence administrative sur la gestion de la flotte québécoise des pêches. Bien sûr que, dans le reste de cette dépêche, M. le député de Nelligan apostrophe notre ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, mais il n'en demeure pas moins qu'à ce moment-là il se désolidarisait des grands frères d'Ottawa. Tandis que, dans son discours d'aujourd'hui, je n'ai pas senti qu'il se désolidarisait de ses encombrants grands frères dont l'ombre plane toujours sur les banquettes de nos amis d'en face. Je n'ai pas vraiment senti cela. J'ai senti, au contraire, qu'il nous cherchait querelle.

J'ai parlé de l'aspect constitutionnel. Je crois que ce dossier des pêches maritimes illustre très bien comment fonctionne le fédéralisme canadien, comment il a fonctionné dans les faits. C'est une histoire qui remonte loin. Déjà, avant le tournant du siècle, en 1898 - c'est loin, cela devait être vers les débuts du gouvernement de celui qui allait être fait chevalier par Sa Majesté la reine et devenir "sir", Sir Wilfrid Laurier; on met l'épée sur l'épaule du type qui devient "sir" - du temps de Sir Wilfrid Laurier, une entente Ottawa-Québec confiait à la province de Québec la responsabilité des pêches du Saint-Laurent et de la côte gaspésienne. Cette entente a été confirmée en 1922 par un accord célèbre dont il a souvent été question dans cette Assemblée, le célèbre accord de 1922 comportant une délégation d'autorité dans les eaux à marée. Afin de mettre fin au régime des deux permis, Ottawa déléguait à Québec son autorité, chose qui n'a pas été faite dans le cas des provinces maritimes.

Après toutes ces années où il n'y avait pas le régime des deux permis qui avait existé avant, il arrive maintenant qu'Ottawa a pris des décisions dont l'effet est de rétablir le régime des deux permis. C'est ce qu'Ottawa fait. On revient à une situation qui, avant 1922, avait été jugée pénible pour les pêcheurs; Ottawa rétablit cette situation, le régime des doubles permis.

Au fil des années, cela s'est administré tant bien que mal; selon le point de vue d'Ottawa, c'était plutôt mal que bien. Ottawa a tendance à ne pas aimer les compétences partagées que la province concernée cherche vraiment à exercer. Ottawa, c'est le gouvernement central, et un gouvernement central c'est presque fatalement un gouvernement centralisateur. Ottawa n'aimait pas cela. Ottawa a constaté ou a cru que ça fonctionnait mal. Quelle est la solution proposée par Ottawa,

naturellement? Quand une compétence partagée, du point de vue d'Ottawa, fonctionne mal, la solution qu'Ottawa propose, fatalement, c'est de mettre la main dessus et de rapatrier les pouvoirs.

Cela a commencé en 1982, alors qu'Ottawa s'est arrogé le pouvoir d'émettre les permis pour les bateaux de 35 pieds et plus, c'est-à-dire 75% du potentiel de pêche, selon les données d'aujourd'hui. L'année suivante, cette année, cela a été le rapport Kirby auquel il faut bien donner son nom parce que M. Kirby - on le connaît - est l'un des techniciens de la centralisation à Ottawa. C'est un haut fonctionnaire qui a joué un rôle extrêmement important dans le coup de force constitutionnel du gouvernement fédéral par des documents qui ne devaient pas être publics, mais qui le sont devenus, dont un mémo confidentiel, le mémo Kirby, qui a été un point tournant dans les manoeuvres d'Ottawa pour en venir au coup de force constitutionnel.

M. Kirby, ensuite, s'est vu confier par Ottawa la responsabilité de faire enquête sur ces questions de pêche. Il a présenté son rapport, à tendance nettement centralisatrice, dont M. de Bané s'est maintenant inspiré pour réaliser, l'été dernier, son propre coup de force sur les pêches maritimes. C'est comme ça que ça fonctionne, le fédéralisme. Le fédéralisme, il faut croire qu'il est forcément centralisateur. D'ailleurs, le chef de ce gouvernement d'Ottawa, M. Trudeau, l'a dit. Il a parfois la qualité de parler haut et clair, M. Trudeau. De ce temps-ci, il parle de la paix; c'est excellent, j'espère qu'il va continuer.

Une voix: Mais c'est la guerre à l'intérieur.

M. de Bellefeuille: Oui, à l'intérieur, c'est autre chose. Il fait des guerres constitutionnelles pendant qu'à l'étranger, en Asie, il parle de paix. Il nous a annoncé la mort du fédéralisme coopératif. Notez que ce n'est pas si sûr que cela n'ait jamais existé, le fédéralisme coopératif, mais M. Trudeau ne voulait pas qu'on se fasse des illusions. M. Trudeau ne voulait pas que les Québécois, en particulier, se fassent des illusions et pensent que le fédéralisme est un régime qui comporte de la coopération ou qui repose sur de la coopération. Non, M. Trudeau a dissipé tous les doutes que les Québécois et les Québécoises pouvaient avoir là-dessus; il a annoncé la mort du fédéralisme coopératif.

Là-dessus aussi, j'aimerais bien connaître la pensée du député d'Argenteuil. Est-ce que le député d'Argenteuil ne considère pas que ce coup de force sur les pêcheries, suivant le coup de force constitutionnel que le député d'Argenteuil a déjà dénoncé, est aussi quelque chose qui doit être dénoncé unanimement par cette

Chambre? Je laisse à nos amis d'en face le choix de voter avec nous ou contre nous. Les pêcheurs du Québec les jugeront selon le vote qu'ils porteront. Je voudrais savoir si le député d'Argenteuil considère, comme Mme la députée de L'Acadie, que ce geste d'Ottawa, ce geste de M. De Bané est un geste inacceptable.

Dans les contacts qu'on a avec nos électeurs, nous nous rendons compte comme députés que ce que la population souhaite dans notre régime fédéral c'est la collaboration entre les deux paliers de gouvernement. C'est ce que spontanément nos électeurs souhaitent, c'est ce qu'ils me disent souvent. Je suis sûr qu'ils le disent aussi à d'autres députés et qu'ils disent cela aussi, je l'espère, à leurs députés fédéraux.

Il est normal que la population souhaite la collaboration. C'est un bien drôle de régime que celui où il n'y a pas de coopération et il me semble que, lorsque M. Trudeau a annoncé la mort du fédéralisme coopératif, il dénonçait le fédéralisme. Il se faisait lui-même en quelque sorte un adversaire du fédéralisme parce que, s'il n'y a pas de coopération dans le fédéralisme, cela veut dire que les pauvres électeurs envoient à Ottawa et à Québec des gens qui sont là seulement pour refuser de collaborer. Cela n'a pas de sens, c'est absurde. La population a bien raison de s'attendre qu'il y ait collaboration mais le problème c'est que ce régime-là, dans sa nature même - ce n'est pas la personne de M. De Bané, ce n'est pas la personne de M. Trudeau - ne favorise pas la coopération. Ce régime, nous en sommes convaincus de ce côté-ci de la Chambre et je pense qu'il y a des gens de l'autre côté de la Chambre aussi qui, dans leur for intérieur, le savent très bien, n'est pas fait pour répondre vraiment aux besoins du Québec. C'est un régime déséquilibré, un régime boiteux. Il y a partage de compétences entre un gouvernement central qui a d'énormes pouvoirs et des gouvernements de provinces individuelles qui sont sans défense soit contre le gouvernement fédéral, soit contre des alliances entre le gouvernement fédéral et des groupes de provinces. C'est un régime qui, à long terme, ne peut pas satisfaire vraiment les aspirations et les besoins du Québec, que ce soit dans les pêcheries ou dans un autre domaine. (12 h 50)

Je n'hésite pas à dire - je ne suis pas un mauvais militant du Parti québécois, M. le Président, quand je dis que je considère qu'il faut que les deux paliers de gouvernement coopèrent - que je pense que cela ne marchera pas. Il faut que nous fassions l'impossible pour coopérer avec Ottawa mais cela ne marchera pas parce que c'est dans la nature du régime qu'Ottawa cherche à centraliser, comme cela s'est fait

dans le domaine de la constitution, comme cela s'est fait de nouveau dans le domaine des pêcheries. J'ai beau vouloir que cette coopération existe, je suis profondément convaincu que mon voeu ne sera pas exaucé et qu'un jour viendra où la population du Québec tirera la conclusion de cette observation qu'ensemble nous sommes en train de faire que ce régime ne peut pas apporter au Québec les réponses dont il a besoin.

Le député de Nelligan dit que ce projet de loi est une action étapiste vers l'indépendance du Québec. Je le souhaiterais, M. le Président, parce qu'il y aurait toutes les raisons, à partir de ce dossier-là, comme à partir d'un grand nombre d'autres dossiers, d'en faire une des étapes vers l'indépendance du Québec. Je crains que ce ne soit pas tout à fait vrai, cependant, M. le député de Nelligan. Malheureusement, ce n'est pas encore tout à fait cela. J'espère que cela viendra, mais ce n'est pas encore tout à fait cela.

Je voudrais répondre à une question extrêmement pertinente de Mme la députée de L'Acadie. Elle nous a demandé si l'intention du gouvernement du Québec en présentant ce projet de loi, c'est vraiment d'occuper le champ de compétence dévolu constitutionnellement au Québec. Cela me fait plaisir, M. le Président, de répondre à Mme la députée de L'Acadie par l'affirmative. C'est ce que nous voulons faire. Ce n'est pas encore une étape dans la réalisation de l'indépendance. C'est seulement une étape dans l'affirmation des compétences du Québec sous le régime actuel. Ce sont nos compétences sous le régime fédéral constitutionnel actuel que nous voulons protéger.

L'Assemblée nationale, en 1969, a modifié les lois relatives aux pêches. Dans cette loi de 1969 - à l'époque, si ma mémoire est fidèle, c'était le gouvernement de M. Jean-Jacques Bertrand - je ne sais pas si cela a été un oubli de la part du gouvernement de M. Bertrand, un certain nombre d'aspects de la compétence du Québec dans le domaine des pêcheries n'ont pas été mis. On a peut-être cru, à l'époque, que l'entente de 1922 couvrait tout cela et qu'il n'était pas nécessaire de le réaffirmer dans la loi. Mais, comme maintenant Ottawa a dénoncé l'entente de 1922, il devient important de faire en sorte que nos lois affirment cette compétence du Québec dans le domaine des pêcheries. C'est l'intention essentielle du projet de loi qui est devant nous aujourd'hui. Mme la députée de L'Acadie a posé une question extrêmement pertinente et je lui répète que la réponse est affirmative, que notre but, c'est de combler, en quelque sorte, un vide juridique.

Il y a eu correspondance entre le ministre d'Ottawa et le ministre du Québec.

Je vais terminer là-dessus. Il y a eu une lettre de M. Garon à M. De Bané datée du 11 août. C'était la réponse du ministre du Québec à la lettre qu'il avait reçue quelques semaines plus tôt du ministre d'Ottawa l'informant du coup de force. Je ne vais pas citer la lettre en entier, mais je vais en citer un seul paragraphe qui porte la signature du député de Lévis, ministre québécois de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation: "En tout cela, moi, je perds mes dernières illusions. J'avais pensé que nous pourrions collaborer en cultivant chacun son jardin, comme dit Jean-Jacques Rousseau. Pendant des mois, je me suis abstenu de tout commentaire afin de ne pas créer de climat d'animosité, de laisser la porte ouverte au dialogue et à la compréhension mutuelle. Je vous ai même offert d'établir des liens personnels afin de pouvoir clarifier les situations ambiguës et d'éviter les affrontements inutiles. Je me rends compte aujourd'hui que ces précautions n'ont pas servi à grand-chose et que vous aviez décidé de procéder coûte que coûte à ce rapatriement." C'est ce que le ministre québécois écrivait au mois d'août à son homologue fédéral. Il est clair, M. le Président, que cette lettre, c'est l'expression d'une profonde volonté de collaboration qui a été trahie par l'homologue fédéral.

L'homologue fédéral, M. De Bané, député fédéral de Matapédia-Matane, lui a répondu en date du 26 août. Là, il y a six pages de considérations que je ne vous lirai pas pour plusieurs raisons: le temps m'en empêcherait et elles ne sont pas tellement intéressantes. Mais je voudrais vous dire cependant que M. De Bané a raison sur un point, dans cet échange de correspondance: ce n'était pas Jean-Jacques Rousseau, c'était Voltaire qui avait parlé de la nécessité que chacun cultive son jardin. C'est Candide de Voltaire qui a dit cela. Je pense que M. le député de Lévis me pardonnera, en son nom, de dire que M. De Bané avait raison là-dessus. Il avait raison, mais il avait tort sur tout le reste. Il avait tort de vouloir empêcher le Québec d'exercer pleinement sa compétence constitutionnelle dans le domaine des pêches, compétence que nous sommes sur le point de protéger, de garantir au moyen de ce projet de loi. En ce qui nous concerne, nous allons nous occuper de notre jardin. Par ce projet de loi, le Québec protège son jardin ou, pour être plus précis, son jardin aquatique. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, parce qu'il est presque 13 heures, je demanderais la suspension jusqu'à 15 heures. J'ai le consen-

tement unanime de ma formation politique.

Le Vice-Président (M. Jolivet): II a donc ajournement du débat sur le projet de loi, mais le leader adjoint du gouvernement va demander...

M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Nous reviendrons à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise de la séance à 15 h 02)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaîti Veuillez prendre vos places.

Il n'y a pas de déclaration ministérielle.

Rapport annuel de la Commission de la fonction publique

Au dépôt de documents, j'ai le plaisir de déposer le rapport de la commission de la fonction publique pour l'année 1982-1983.

Toujours au dépôt de documents, M. le ministre de l'Environnement.

Rapports de la Société de gestion

des eaux et du Conseil consultatif

de l'environnement

M. Ouellette: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de gestion 1983 de la Société québécoise de l'assainissement des eaux, de même que le rapport annuel 1982-1983 du Conseil consultatif de l'environnement.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Rapports de la SDI et de

l'Institut national de

productivité

M. Biron: M. le Président, j'ai le plaisir de déposer le rapport annuel 1982-1983 de la Société de développement industriel du Québec, de même que le rapport annuel 1982-1983 de l'Institut national de productivité.

Le Président: Rapport déposé. M. le leader du gouvernement.

Rapport annuel du ministère des Transports

M. Bertrand: M. le Président, au nom du ministre des Transports, je voudrais déposer le rapport annuel 1982-1983 de son ministère.

Le Président: Rapport déposé. H n'y a pas de dépôt de rapport de commissions élues. Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés. M. le leader du gouvernement.

Rapports du greffier en loi

M. Bertrand: M. le Président, le greffier en loi m'indique, relativement au projet de loi 228, Loi concernant les Soeurs de Sainte-Anne, que le projet est conforme à l'avis et que tous les avis ont été publiés, mais que le projet ayant été déposé au secrétariat des commissions après l'ouverture de la session, il y aurait lieu de suspendre les règles de pratique. Je fais donc motion.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Même chose dans le cas du projet de loi 233 concernant l'annexion d'un certain territoire à celui de la ville de Sorel. Le projet est conforme à l'avis et tous les avis ont été publiés, mais le projet de loi a été déposé au secrétariat après le jour de l'ouverture de la session. Je fais donc motion pour suspendre les règles de pratique.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Il n'y a pas de présentation de projets de loi au nom du gouvernement ni au nom des députés, ce qui nous mène à la période des questions. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'ai une question pour le premier ministre. Est-ce qu'il sera ici cet après-midi?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Oui, M. le Président.

Le Président: En attendant, nous pouvons passer à une question de M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, le premier ministre n'est pas ici. Le vice-premier ministre non plus. Est-ce qu'on pourrait...

Le Président: M. le député de Charlesbourg.

La relocalisation de la RAAQ

M. Côté: Ma question s'adresse au

ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Depuis déjà un certain temps, il est question que la RAAQ localise ses fonctionnaires dans un autre endroit. Ce matin, la Chambre de commerce de Charlesbourg déposait une pétition au ministre signée par 20 000 signataires et appuyée par les chambres de commerce locales de Loretteville, de Sainte-Foy, de Beauport et de l'île d'Orléans, de même que par la chambre de commerce régionale. Est-ce qu'aujourd'hui le ministre serait en mesure de faire le point sur le dossier de la relocalisation de la RAAQ?

Le Président: M. le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement.

M. Marcoux: Le ministre responsable de la région de Québec m'a informé du dépôt de cette pétition et m'a transmis l'essence des communiqués qui avaient été publiés à ce moment concernant la possible fusion des bureaux de la Régie de l'assurance automobile, qui sont actuellement situés dans des locaux séparés, divisés essentiellement en deux endroits. Quant aux possibilités de relocalisation de la Régie de l'assurance automobile, ce sont des choses qui sont étudiées et analysées dans le cadre de la position qui a été prise par le caucus des députés de la région de Québec lors du sommet de la région de Québec et sur lesquelles le gouvernement s'est engagé à prendre position au cours du mois de décembre.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Charlesbourg.

M. Côté: M. le Président, par l'entremise de ses fonctionnaires le ministre a demandé des soumissions ou des offres à des gens qui étaient intéressés à offrir des locaux disponibles dans le but de relocaliser les employés de la Régie de l'assurance automobile. Le ministre pourrait-il nous dire, à ce moment-ci, combien il y a de propositions faites par des entreprises privées sur la table et combien il y a de dossiers étudiés actuellement? Par exemple, la gare intermodale, l'Atrium, l'édifice Bois-Fontaine et autres.

Le Président: M. le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement.

M. Marcoux: Dans le cadre de cette analyse, c'est évident que j'ai demandé aux fonctionnaires d'examiner les différentes possibilités de relocalisation de la Régie de l'assurance automobile du Québec et que nous avons demandé aux différents offrants de locaux de nous soumettre des prix pour lesquels ils pourraient consentir une location à la Régie de l'assurance automobile du

Québec. Il a été demandé aux propriétaires de l'édifice Bois-Fontaine de le faire; en ce qui concerne ceux de l'Atrium, nous avons eu une offre et nous leur avons demandé d'indiquer un prix auquel ils pourraient louer l'Atrium dans le cadre de cette analyse, théorique jusqu'à un certain point, et également a la Mutuelle-vie des fonctionnaires dans le cadre du projet de la gare intermodale, pour que je puisse, lorsque je ferai rapport au Conseil des ministres, donner l'ensemble des possibilités, des faits et des coûts comparés.

M. Côté: M. le Président.

Le Président: M. le député de Charlesbourg, en complémentaire.

M. Côté: Lors du sommet économique de Québec, il y avait un considérant qui était très important. Je pense que le ministre originaire de la région de Rimouski, qui a su bénéficier dans le passé de la décentralisation des services, doit être sensible à cette résolution d'une meilleure répartition des effectifs sur le plan administratif. Charlesbourg a actuellement quatre dizièmes pour cent des édifices à bureaux du gouvernement, alors que la ville de Québec en a 75%. Une considération comme celle-là est-elle étudiée sérieusement par les fonctionnaires et par le ministre et en dernier lieu, j'aimerais savoir du ministre, lorsqu'il nous parle de décembre, si effectivement la décision sera prise par le ministre et le Conseil des ministres avant que la Chambre n'ajourne ses travaux.

Le Président: M. le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement.

M. Marcoux: Ce que je peux indiquer, c'est que, comme il avait été convenu au sommet de Québec, le gouvernement avait pris l'engagement à ce moment-là qu'au début de décembre ou à la fin de novembre, il y aurait une décision définitive de prise quant à la location ou la construction d'un édifice à bureaux sur le site de la gare intermodale et quant à la participation ou non du gouvernement à la construction ou à la location d'un tel édifice. Je dois répondre à cette commande ou à cet engagement qui a été pris au sommet de Québec. Dans ce rapport, il sera fait état de l'ensemble des possibilités et de l'ensemble des offres. Je ne peux en dire davantage cet après-midi.

M. Côté: M. le Président...

Le Président: M. le député de Charlesbourg. (15 h 10)

M. Côté: ...dois-je comprendre des propos du ministre qu'il ne s'engage

actuellement qu'à prendre une décision uniquement sur l'édifice de la gare intermodale? Il y a d'autres propositions. Vous venez de me dire que vous allez prendre une décision en décembre - ce à quoi vous vous êtes engagé - à savoir si on va à l'édifice de la gare intermodale. Quant au reste du dossier, vous avez entre les mains toutes les propositions. À ce moment-là, recommanderez-vous que la régie s'installe dans un édifice de l'une des possibilités qui ont été évoquées par vous-même tout à l'heure?

Le Président: M. le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement.

M. Marcoux: Je ne peux préjuger de la recommandation que je ferai au Conseil des ministres. Il faut que j'aie l'ensemble des études ou l'ensemble du portrait, parce qu'il faut se souvenir que dans cet engagement au sommet de Québec, on avait fait allusion à l'attitude du gouvernement face aux logements ou au recyclage d'édifices à bureaux existants en logements. Il était fait allusion à la possibilité d'un centre d'interprétation touristique qui pourrait être localisé à différents endroits dans la ville de Québec. Il était fait mention de la possibilité de construire un édifice au-dessus de la gare intermodale, un édifice à bureaux ou un autre type d'édifice. C'est l'ensemble de ces possibilités que le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement a eu le mandat d'étudier et il fera rapport au Conseil des ministres de l'ensemble de ces possibilités et des conséquences de chacune d'entre elles.

M. Gratton: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, question de règlement.

M. Gratton: M. le Président, je vous ai remis, avant le début de la séance, au moins six questions que nous avons l'intention de poser. Malheureusement, on a dû passer à la troisième en premier, compte tenu de l'absence du premier ministre. Les cinq autres que nous voudrions poser à ce moment-ci sont toutes à l'adresse du premier ministre. Puis-je suggérer qu'on suspende en attendant qu'il arrive?

Des voix: Non, non.

M. Gratton: Un instant, je m'adresse au Président et non au whip du parti ministériel.

Des voix: Coco la gaffe!

M. Dupré: M. le Président, j'aurais une question...

Le Président: Une seconde, M. le député de Saint-Hyacinthe. J'aimerais savoir, de la part du leader du gouvernement, si la présence du premier ministre est imminente. Sinon, il faudrait passer à des questions de d'autres députés.

M. Bertrand: Le premier ministre a été retenu à son bureau par une réunion fort importante. On m'a dit tout à l'heure qu'il arrivait; il devrait être ici dans quelques secondes, M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: On comprend que le premier ministre ait des occupations qui puissent l'éloigner de l'Assemblée nationale. Loin de nous l'idée de laisser croire qu'on doive lui en faire reproche. Si on nous avait averti de son absence avant le début de cette séance, nous aurions probablement organisé autrement nos travaux. Mais puisque nous n'avons pas eu cet avis, on vous demanderait de suspendre les travaux de l'Assemblée jusqu'à ce que le premier ministre nous rejoigne.

Le Président: Vous conviendrez avec moi, M. le leader de l'Opposition, que je peux difficilement suspendre la séance alors qu'il y a, malgré tout, un député qui désire poser une question. Je conviens avec vous que, d'ordinaire...

Des voix: Ah!

Le Président: Si on peut me le permettre...

Une voix: Le voici, l'agneau si doux!

Le Président: Le premier ministre faisant son entrée, cela règle tout et nous pouvons donc passer à une question de M. le député d'Outremont.

L'avenir de la Côte-Nord

M. Fortier: Merci. Ma question s'adresse au premier ministre. Je voudrais lui dire, premièrement, que le plan de relance qu'il a proposé a créé bien des déceptions, surtout dans les régions éloignées, et plus particulièrement sur la Côte-Nord où on vit une situation désespérée depuis plusieurs années déjà.

En effet, le comité Action-Côte-Nord faisait connaître dernièrement les résultats d'une étude qui démontrait que le nombre d'employés réguliers dans les villes nordiques

avait chuté de 20 479 à 14 383, soit une chute de 6000 emplois ou de 30% dans une seule région, en quatre ans.

Le problème n'est donc pas nouveau, il date déjà de quatre ans. Il est en grande partie l'effet de la situation difficile de l'industrie du fer sur la Côte-Nord. Quoique le problème existe depuis un bon bout de temps, le gouvernement a été extrêmement lent à réagir. Le premier sursaut a été la tenue de la commission parlementaire à Schefferville suivie d'un mini-sommet au mois de juin dernier qui sera suivi d'un autre mini-sommet, mardi prochain, à Port-Cartier. Je ne mentionnerai pas le fait qu'aucune décision ne semble avoir été prise dans le dossier de SIDBEC-Normines qui est important pour la Côte-Nord en particulier.

Bien plus, le premier ministre qui est allé sur la Côte-Nord dernièrement a fait des déclarations tonitruantes qui sèment la crainte et la panique parmi les habitants de cette région.

Mes questions sont celles-ci, M. le premier ministre. Les gens de la Côte-Nord veulent savoir si le gouvernement a la volonté politique de garder la Côte-Nord ouverte. Compte tenu de la gravité de la situation, avez-vous un plan de relance impliquant tous les ministères qui devraient l'être pour assurer la survie de l'industrie du fer en particulier? Combien de millions allez-vous consacrer si ce plan de relance existe et quels sont les échéanciers?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): II est évident, M. le Président, que la question, surtout en ce qui concerne les détails qu'on peut donner, s'adresserait beaucoup mieux au ministre de l'Énergie et des Ressources en particulier, pour une raison très simple. Demain, sauf erreur, il rencontre les gens de Port-Cartier à propos du maintien - jusqu'à nouvel ordre, hélasi c'est seulement le maintien, mais quand même - qui a été menacé des installations de ITT. Soit dit en passant, le Québec a réagi très vite - si vous vous donnez la peine de lire certains journaux de ce matin - en ce qui concerne ce maintien, cette protection des actifs à Port-Cartier mais on attend toujours - c'est souligné par le journal - une réponse qui n'est pas venue d'un autre niveau de gouvernement.

Le 29 novembre, il doit y avoir également, à propos du fer, une deuxième réunion de tous les interlocuteurs qui sont plus directement concernés pour justement pouvoir évaluer où on en est. Ce sera comme une sorte de réunion d'étape parce qu'il y a encore du travail à faire; il s'agit d'un très gros sujet, le maintien de SIDBEC, de quelle façon, etc., et on n'a pas encore toutes les réponses, loin de là.

Pour ce qui est de la question très globale et très publicitaire du député d'Outremont, à savoir si le gouvernement a l'intention de fermer la Côte-Nord: ni pour or, ni pour argent. On a, au contraire, une confiance extrême dans l'avenir de la Côte-Nord et de l'arrière-pays aussi, sauf qu'il y a des difficultés que connaissent à peu près tous les secteurs miniers du monde actuellement et on n'a pas été épargnés, c'est sûr. Si on me le permet ou, enfin, si d'autres questions sur le sujet, pour pouvoir aller un peu plus loin, viennent du député d'Outremont, je lui suggérerais, s'il le veut bien, de les poser à mon collègue de l'Énergie et des Ressources.

Le Président: Question complémentaire, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, d'une part, je ferai remarquer au premier ministre que ma question concernait particulièrement l'industrie du fer. Je suis au courant qu'il y a d'autres problèmes sur la Côte-Nord et ils sont nombreux, mais ma question concernait précisément l'état de l'industrie, à savoir ce que le plan de relance ferait dans ce cas. Je n'ai pas entendu dire du premier ministre qu'il existait un plan de relance et, si le sujet n'est pas assez important pour qu'il réponde lui-même, je suis bien prêt à accepter la réponse du ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, question de privilège. Je veux bien qu'on essaie de jouer à de la petite politique avec la période des questions; c'est l'endroit par excellence où l'Opposition excelle. Je ferai remarquer, par exemple, que l'espèce de truc de jardin d'enfance qu'on a eu tout à l'heure sur mon absence - je sais que, dans d'autres gouvernements, on n'en fait pas un plat, tandis que...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

M. Lévesque (Taillon): ...je suis ici à peu près tous les jours que le bon Dieu amène...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Question de règlement, M. le député de Gatineau.

Une voix: Ce n'était pas le jardin d'enfance; c'était le jardin à Gratton. Voyons donc!

Le Président: M. le député de Gatineau, question de règlement.

M. Gratton: Ce que fait le premier

ministre n'a rien à voir avec une question de privilège, M. le Président, et je vous demande de le rappeler à l'ordre.

Une voix: Jardin d'enfance; Grégoire n'est pas ici.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président...

Le Président: Effectivement, je dois reconnaître que M. le député de Gatineau a quelque peu raison.

Une voix: ...

Le Président: Les questions de privilège doivent se référer à un des privilèges que la loi confère à l'Assemblée nationale ou que la tradition confère à l'Assemblée nationale. J'avoue que je n'ai rien vu dans l'intervention de M. le premier ministre qui se référait à cela. Puisque la question, à la suggestion du premier ministre, s'adressait au ministre de l'Énergie et des Ressources, peut-être lui permettra-t-on de répondre.

M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: M. le Président, pour employer la bonne expression, nous ne sommes pas à mettre au point un plan de relance dans l'industrie du fer, mais un plan de sauvetage. Depuis la première table de concertation qui s'est réunie en mai, avec la collaboration active et intensive des cinq compagnies impliquées et de leur syndicat, les Métallos, des maires et de tous ceux qui sont impliqués dans Action Côte-Nord...

Une voix: Le député de Duplessis.

M. Duhaime: ...de même que mon collègue, le député de Duplessis, nous avons mis en route huit comités techniques sur la fiscalité, les transports, l'énergie, la recherche et le développement, la mise en marché, etc. Ces comités ont produit un rapport, et il est bien certain que, lors de cette deuxième réunion de la table de fer qui aura lieu le 29 novembre - je suis très heureux de voir que l'Opposition a demandé d'y participer à titre d'observateur - nous pourrons mettre au point un scénario. (15 h 20)

M. le Président, le problème est majeur, parce que nous ne pourrons pas changer nos teneurs en fer. Les Brésiliens mettent sur le marché un minerai beaucoup plus riche, trouvé à l'état naturel, et nous ne sommes pas au bout de nos peines, parce que si le chantier minier de Carajas, au Brésil, a un objectif d'écouler sur le marché mondial 35 000 000 de tonnes, j'ai l'impression que si on ne met pas un scénario de sauvetage dans l'industrie du fer au Québec plutôt que seulement chercher à maintenir un niveau minimal d'activité, je pense qu'on se réserve des lendemains dangereux. Il est bien certain que notre approche dans le dossier est une approche de durée, une approche axée sur toute possibilité de développement. Cela implique, bien sûr, de la diversification, donc des programmes de recherche, de développement et d'exploration. Je profite de la question qui m'est posée pour remercier à l'avance nos partenaires qui travaillent étroitement avec nous depuis plusieurs mois. Cette table de fer se réunira vraisemblablement en mars ou en avril prochain, suivant, bien sûr, la volonté et le voeu que les participants à cette table du 29 novembre pourront manifester.

M. Fortier: Question additionnelle.

Le Président: Question complémentaire, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je suis bien conscient qu'il s'agit d'un problème difficile, mais comme je l'ai indiqué, il a été étudié à Schefferville. Cela fait quand même un certain nombre de mois. D'autres demandes ont été faites, entre autres, en commission parlementaire par l'Association des mines et métaux du Québec sur des points bien particuliers. Le ministre n'a pas encore répondu à ses demandes en ce qui concerne...

Le Président: M. le député!

M. Fortier: Soyez patient, M. le Président.

Le Président: Je suis patient, M. le député.

M. Fortier: Nous allons avoir ce minisommet mardi prochain. On m'a informé qu'il y avait certains représentants techniques du gouvernement fédéral, mais à ma connaissance, il n'y aura aucune présence politique du gouvernement fédéral. Le ministre peut-il me dire comment il peut résoudre ce problème si important qui implique sûrement le gouvernement fédéral. Comment se fait-il que vous n'ayez pas daigné inviter des représentants du gouvernement fédéral à ce mini-sommet?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: D'abord, M. le Président, je voudrais peut-être corriger une impression que laisserait entendre la question du député d'Outremont. L'Association des mines et métaux a fait des représentations sur le fer, mais je dois dire que celle-ci se réjouit très certainement de constater aujourd'hui qu'à la faveur du programme d'accélération des

investissements nous avons suscité pour 492 069 000 $ d'investissements en huit mois dans la région du Nord-Ouest et dans les dossiers du cuivre.

Je suis convaincu que si le député d'Outremont veut vérifier avec M. Langlois, en particulier, le directeur général, il va très certainement recevoir des échos favorables.

Pour ce qui est de la présence du gouvernement fédéral, mon collègue de l'Éducation dirait sûrement qu'à ce stade-ci des opérations, leur présence serait peut-être superfétatoire. Nous voulons d'abord nous entendre entre nous, avec les dirigeants, les patrons, les travailleurs, le milieu municipal. Ensuite, soyez assurés que nous tenterons, nous aussi, de décrocher notre petit Nid-de-Corbeau pour ce qui est de la politique des transports, non seulement ferroviaires mais maritimes également. Alors, ce que je réponds, M. le Président, c'est qu'en temps et lieu le gouvernement fédéral sera sensibilisé. Mais si je me fie aux grandes déclarations qui se font sur la Côte-Nord par les ténors fédéraux, je ne vois pas accoucher les millions souvent de ce côté-là.

Le Président: Question principale... M. Saintonge: Additionnelle.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: On entend parler du plan de sauvetage de l'industrie du fer; il y a aussi le plan de relance du gouvernement qui implique plusieurs ministères. Je voudrais demander au ministre des Affaires municipales s'il n'a pas considéré la possibilité, dans le cadre du plan de relance, d'accorder à certaines villes situées au-delà d'un certain parallèle le statut de ville nordique, afin de leur permettre de bénéficier de certaines mesures d'intervention ou de certains programmes de subventions pour faire face aux difficultés particulières des municipalités de la Côte-Nord.

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Léonard: C'est un dossier que nous étudions présentement. Ce sont des hypothèses. De plus, on doit exclure d'avance de toucher au système fiscal municipal et plutôt procéder par voie de subventions, ou plutôt procéder par la permission donnée à des villes de subventionner des entreprises, comme une ville peut, à un moment donné, donner des allégements par subventions pour faire de la rénovation résidentielle ou autre.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, j'ai une question additionnelle sur le sujet. On sait qu'un des objectifs des intervenants dans ce dossier, c'est de réduire de 7 $ le coût de la tonne qui est produite là-bas, pour un montant de 175 000 000 $ en 1983. Le ministre de l'Énergie et des Ressources s'est référé tout à l'heure au transport du minerai. J'aimerais demander au ministre des Transports s'il a préparé, pour fins de négociations avec le gouvernement fédéral, un programme de subventions au transport nord-sud du fer de la Côte-Nord, tout comme on a le Maritime Freight Act dans l'Est et le Nid-de-Corbeau dans l'Ouest. À quel moment cela pourra-il être déposé pour le bénéfice des intervenants?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Clair: À la suggestion du ministre de l'Énergie et des Ressources, nous étudions actuellement trois sujets différents: les tarifs de la voie maritime du Saint-Laurent, en ce qui concerne l'acheminement du minerai vers les Grands Lacs; la rationalisation éventuelle des infrastructures ferroviaires sur la Côte-Nord; et finalement, toute la question de la structure des coûts de transport en ce qui concerne le minerai. Il est trop tôt à ce moment-ci pour déposer ces études puisqu'elles ne sont pas terminées. Nous sommes davantage à l'étape de tenter d'établir les devis qui devraient être mis en oeuvre pour poursuivre l'analyse de façon plus approfondie sur chacun de ces trois aspects.

M. Pagé: Une dernière brève question additionnelle.

Le Président: Une dernière.

M. Pagé: Devons-nous comprendre de la réponse du ministre que l'intention du gouvernement est dans ce sens-là; que vous êtes à préparer une politique et que vous entendez la soumettre à vos interlocuteurs fédéraux, ou si cela a déjà été fait, et si ce n'est pas fait, dans quel délai prévoyez-vous que cela pourra l'être?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Clair: Cela n'a pas été fait et, comme je l'indiquais au député, nous sommes à travailler sur ces trois questions. Nous n'avons préparé aucune proposition. Nous sommes à l'étape de nous pencher sur la structure des coûts de transport sous les trois angles que j'indiquais: rationalisation des réseaux, coûts de transport ferroviaire et coûts de transport maritime. Pour l'instant, il nous serait impossible de faire une

proposition complète sur cette question, puisque nous sommes justement à travailler à cela.

Le Président: Question principale, M. le député de Saguenay.

Les investissements du gouvernement sur la Côte-Nord

M. Maltais: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Toujours dans le programme de relance de la Côte-Nord, j'aimerais savoir si dans son programme, M. le premier ministre a peut-être autre chose de mieux que ce qu'on voit habituellement dans les annonces des journaux. On remarque à Sept-Îles, dernièrement, que le gouvernement a subventionné un "sex bar" pour un montant de 20 800 $. On est en train de se demander si les gens de la Côte-Nord ne mériteraient pas une nouvelle relance. Preuve à l'appui, dans les journaux de la Côte-Nord, le député de Duplessis déclarait: L'économie reprend du poil de la bête. Sérieusement, M. le Président, les gens de la Côte-Nord, je pense que le premier ministre va être d'accord avec moi, méritent mieux que cela. Je pense que dans ce programme de relance on devrait peut-être mieux attribuer l'argent. Je demande au premier ministre si cela va se continuer dans cette relance ou si l'argent du gouvernement va être mieux appliqué au niveau de la relance sur la Côte-Nord?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, pour autant que la question mérite une réponse sérieuse, je suppose que le "sex bar" en question a dû être considéré comme une petite PME pleine d'avenir. Je ne le sais pas, moi. Cela fait partie, je pense, de certaines subventions qui seront données régionalement à partir de fonds qui sont votés ici pour les programmes qu'il a fallu intensifier et parfois, à l'occasion... Dans le cas en question, cela pourrait s'appeler OSE, en effet. Sérieusement, pendant la crise, on a intensifié des programmes de création d'emplois ou des programmes de subventions à certaines entreprises très rapidement. Il peut y avoir eu - je ne sais pas si c'était une erreur - des erreurs dans ces petites subventions, mais si c'est la façon d'aborder le plan de relance qui a été annoncé que veut choisir l'Opposition, je pense que la population jugera du sérieux de sa perspective.

M. Maltais: Question complémentaire.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, je comprends très bien le premier ministre.

Le Président: Sans préambule. (15 h 30)

M. Maltais: La question, c'est que les gens de la Côte-Nord méritent mieux et aimeraient savoir du premier ministre s'ils vont avoir plus d'emplois que des emplois d'un soir dans un "sex bar". Ce qu'ils veulent, ce sont des emplois permanents.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je ferai remarquer au député - c'est le député de Saguenay qui parle - que sans prétendre avoir des recettes magiques pour tout régler, on a employé le terme "tonitruant" tout à l'heure, ce que j'ai rencontré de tonitruant dans Baie-Comeau pendant l'élection d'où a émergé l'actuel député de Saguenay, c'étaient de tonitruants agents d'élections et des manifestants bien déguisés.

Cela étant dit, je ferai remarquer une chose. Je me souviens, par exemple, d'un dirigeant de chambre de commerce à l'échelle provinciale, qui gagne sa vie à Baie-Comeau, qui nous confirmait au cours d'une réunion qu'à cause des 500 000 000 $ d'investissements à Baie-Comeau par la Reynolds en expansion, grâce à une politique de tarif d'électricité que le gouvernement a mise au point sous la pression et de la crise et de la nécessité d'une reprise, une des villes, au point de vue économique qui actuellement est en expansion au Québec -particulièrement en expansion - c'est Baie-Comeau dans le comté de Saguenay.

M. Maltais: Question complémentaire, M. le Président.

Le Président: Question complémentaire sans préambule, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Cela fait deux ans qu'on en parle, c'est vrai que c'est là et les gens sont bien heureux. Cela ne veut pas nécessairement dire que ce soit la faute du gouvernement.

Ce que je voudrais savoir du premier ministre, comme je l'ai dit tout à l'heure -je l'invite à venir discuter de l'économie dans mon comté et je l'invite à venir en dehors des campagnes électorales...

Le Président: Votre question, M. le député.

M. Maltais: Je voudrais savoir si le plan de relance qui est soi-disant mis en marche présentement va s'appliquer seulement aux villes pour qui il y a déjà des programmes d'annoncés ou s'il va s'appliquer à l'ensemble de la population. Je parle des

chômeurs et des bénéficiaires d'aide sociale. Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, prenons deux extrêmes. Le programme de garantie d'emprunts, dont l'horizon global est de 2 000 000 000 $ en première étape, assorti d'une garantie des taux d'intérêt -cela va dans le sens de la diversification -c'est évident que cela va s'appliquer aux PME, extrêmement vivantes d'ailleurs, qu'on retrouve ici et là sur la Côte-Nord dans plusieurs secteurs. C'est une chance d'expansion, c'est une chance de relance aussi. Morceau par morceau cela peut vivifier ou revivifier de gros morceaux de l'économie dans votre région comme dans les autres au Québec. À l'autre extrême, on a annoncé - on va donner les détails aussitôt que tout aura été mis au point, parce que c'est tout un programme - justement dans le cas des bénéficiaires d'aide sociale, des jeunes en particulier, qu'il y aurait une réorientation radicale. On en a donné les grandes lignes et on sait à quel point les machines administratives doivent s'ajuster pour cela. Il y a une période de transition, mais le plus rapidement possible c'est évident que cette réorientation va être mise en marche et en particulier s'adressant aux jeunes qui actuellement... Je pense que les derniers chiffres qui ont été publiés sur l'aide sociale qui rejoint les jeunes de moins de 30 ans sont de 125 000; la moitié du total au Québec des aptes au travail ont moins de 30 ans. Il s'agit évidemment d'essayer de valoriser au point de vue humain, au plus vite, ces gens que le système fédéral-provincial - c'est vrai partout au Canada - a "barouettés" depuis 15 ou 20 ans, dans des programmes sans horizon, dans littéralement une espèce de tunnel dont on ne sort jamais. On peut faire un changement révolutionnaire là-dessus. On voudrait le faire conjointement avec le fédéral. On l'a offert, on est en train de le mettre au point et d'ici bientôt on verra. Cela s'applique aux bénéficiaires d'aide sociale où qu'ils soient au Québec, à partir du moment où cela pourra démarrer.

M. Maltais: M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Est-ce que le premier ministre peut nous dire si ces programmes vont s'appliquer avant juin 1984?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Très sûrement, ils seront en marche avant juin 1984.

Le Président: Question principale, M. le député de Saint-Hyacinthe.

Le projet de loi S-31 et l'économie du Québec

M. Dupré: Merci, M. le Président. Dans le Soleil du mercredi 9 novembre, Jacques Dumais écrivait, et je cite: "Un an, presque jour pour jour, après le dépôt hypocrite au Sénat d'un projet de loi 5-31 devant limiter l'appétit des provinces pour le transport interprovincial, la ministre fédérale Judy Erola a pris la relève de l'ineffable André Ouellet pour servir au pays le même plat avec une garniture différente." Je ne reprendrai pas tous les titres des journaux de ce matin. La Presse: "La rue Saint-Jacques demande le retrait..." Le Journal de Montréal: "La pire trahison", mais passons... Il y a un autre article du journal La Presse ce matin qui dit: "Le mouvement de refus fait boule de neige au sein...

Des voix: Oh!

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Dupré: Merci, M. le Président. "Le mouvement de refus fait boule de neige au sein du caucus libéral." Mais on sait que lorsque le roi soleil va revenir au pays, lorsqu'il va revenir des Indes, les boules de neige, on sait ce que les libéraux en font. L'obsession du 5-31 en a surpris plusieurs, mais cela ne m'a pas surpris...

Le Président: M. le député!

M. Dupré: ...parce que lorsqu'on établit feu et lieu de l'autre côté de la rivière et que certains députés fédéraux paient leurs impôts en Ontario, ce n'est pas surprenant...

Le Président: M. le député!

M. Dupré: ...que lorsque vient le temps de prendre position...

Le Président: M. le député!

M. Dupré: ...pour le Québec...

Le Président: M. le député!

M. Dupré: ...ils sont très loin de la réalité. Ma question, M. le Président...

Des voix: Ah! Ah!

M. Dupré: ...s'adresse au ministre des Finances. Hier, 21 présidents québécois de compagnies et de mouvements coopératifs ont demandé le retrait du projet de loi S-31. De toutes parts, les oppositions fusent à cet effet. Dans ces conditions, M. le ministre,

avez-vous l'intention de convoquer une commission parlementaire pour examiner les conséquences du projet de loi S-31 sur l'économie du Québec?

Des voix: Bonne idée!

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion d'indiquer en cette Chambre que dans la mesure où le gouvernement fédéral persisterait à vouloir faire adopter ce que de plus en plus de Québécois comprennent comme la loi scélérate qu'est le projet de loi S-31, une commission parlementaire, effectivement, serait convoquée pour examiner les conséquences du projet de loi S-31 sur l'économie du Québec, ses sociétés d'État et le financement des entreprises privées. Néanmoins, il est remarquable, depuis un an que le débat dure, que les positions prises par le gouvernement du Québec à cet égard, que les représentations que nous avons faites à Ottawa dans un cadre tout à fait nouveau - c'est la première fois qu'un ministre du Québec allait à une séance d'une commission sénatoriale à Ottawa pour protester contre ce genre de loi - à l'occasion aussi des prises de position extrêmement fermes de certains organismes d'affaires contre le projet de loi S-31 - je pense, en particulier, à la Chambre de commerce de Montréal - l'opposition est devenue de plus en plus généralisée.

Je sais gré au chef de l'Opposition en cette Chambre, le député de Bonaventure, d'avoir exprimé ses positions très clairement contre le projet de loi S-31. Je note cependant, comme tout le monde, que maintenant que le gouvernement fédéral a introduit des amendements au projet de loi S-31, on se rend compte que sauf pour les petites entreprises de camionnage, c'est du pareil au même et que pendant un an, on a, à toutes fins utiles, jeté de la poudre aux yeux. Je constate que l'éveil de toute une série de milieux d'affaires au Québec est tel que cela commence - si vous me passez l'expression - à branler dans le manche à Ottawa. La lettre des 21 présidents de compagnies d'hier est, à cet égard, remarquable de même que la position d'autres groupes d'affaires. Je note aussi la position du député de Vaudreuil-Soulanges hier, à cet effet.

Ceci nous amène, cependant, à une hésitation. Cet après-midi à la Chambre des communes, M. Marc Lalonde, le ministre des Finances fédéral, a annoncé qu'on laisserait le projet de loi S-31 mourir au feuilleton.

Des voix: Ah!

(15 h 40)

M. Parizeau: Cela date de quelques minutes. Néanmoins, le ministre fédéral des Finances a indiqué qu'il tenait au principe de cette loi, mais qu'il y aurait consultation des provinces et des milieux d'affaires avant que le projet soit réintroduit. Il est donc fondamental que nous gardions cette possibilité d'une commission parlementaire pour voir venir et, une fois de plus, nous opposer à S-31 sous une forme ou sous une autre, quoi qu'il arrive dans les mois qui viendront.

Le Président: M. le ministre, en conclusion.

M. Parizeau: II me reste une chose à déplorer. Dans ce concert de voix, aussi bien au niveau gouvernemental que dans les milieux d'affaires, une voix manque et manque singulièrement, celle du chef du Parti libéral. Je le déplore et j'espère que dans les jours qui viennent, comme tant d'autres Québécois, il pourra se solidariser avec cette espèce de manifestation fondamentale contre cette loi, que j'ai dite scélérate, qu'est la S-31.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, ma question s'adresse toujours au ministre des Finances. Nous avons cru comprendre que la commission parlementaire n'aurait lieu que si un projet comme le S-31 ou quelque chose s'y approchant était présenté par le gouvernement fédéral. Maintenant que l'annonce du ministre des Finances a été faite à Ottawa, est-ce qu'on doit conclure qu'il n'y aura pas de commission parlementaire sur le rôle de la Caisse de dépôt, ce que nous réclamons. Nous avons fait valoir notre position sur le projet S-31, le Parti libéral du Québec l'a fait valoir et son chef également. Le ministre n'a pas à attendre le chef du Parti libéral.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je reprends simplement la dernière phrase du député de Vaudreuil-Soulanges pour dire que son chef ne s'est pas encore manifesté.

Une voix: Du parti.

M. Parizeau: Du parti? Sûrement pas. Je vous rappelle ici l'extrait de la Presse du 3 novembre, ce n'est pas loin: "Désireuse de se gagner des appuis au Québec, Mme Erola a récemment fait parvenir un exemplaire du projet modifié au chef du Parti libéral du Québec, M. Robert Bourassa." Le 11 novembre, ce n'est pas loin, il y a seulement quelques jours: "Devant les journalistes, le

chef libéral a été louvoyant dans ses commentaires sur le projet de loi modifié S-31. Il a affirmé ne pas connaître avec précision la nouvelle version du projet de loi." Il faut le faire! Si vous, me passez l'expression, cela me paraît un peu gros.

Je réponds maintenant à la question spécifique posée par le député de Vaudreuil-Soulanges. Je sais qu'à plusieurs reprises il a insisté pour avoir une commission parlementaire au sujet de la Caisse de dépôt et de son fonctionnement, enfin, de ses règles administratives. Cela donne des choses très curieuses, d'ailleurs, parce que ce matin, on pouvait lire de lui, dans le Soleil - là, je comprends qu'il demande une commission parlementaire sur le fonctionnement de la Caisse de dépôt, s'il pense cela - ce qui suit: "M. Johnson déplore He manque de critères. Québec devrait établir le pourcentage d'actions que la Caisse de dépôt et placement peut détenir d'une société. Si cela avait été fait, il aurait été facile d'exiger une explication de la ministre Judy Erola pour la limite qu'elle fixe à 10%."

Je rappellerai au député de Vaudreuil-Soulanges...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Parizeau: ...que s'il ne sait pas que la Caisse de dépôt, de par sa loi, ne peut pas acheter plus de 30% des actions d'une compagnie, je comprends qu'il demande une commission parlementaire. A ce moment-là, c'est de l'éducation des adultes.

Le Président: J'attire votre attention... M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, s'il vous plaît, il n'y a pas de question qui vous a été adressée. Je me permets d'attirer l'attention des membres de l'Assemblée sur le fait que la période des questions avait admirablement bien commencé par des questions brèves du député de Charlesbourg et par des réponses brèves du ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Mais, on ne sait pourquoi si bien parti, il a fallu que nous assistions à une certaine dégénérescence.

M. le ministre des Finances, votre réponse à la question principale a duré trois minutes quarante et vous vous êtes rendu à deux minutes en réponse à une question complémentaire. J'ai eu l'occasion, hier, de souligner à votre collègue de l'Éducation qu'au-delà de trois minutes, c'était nettement abusif. Je vous prie de bien vouloir conclure votre réponse à la question complémentaire.

M. Parizeau: Je conclus donc, sur la question complémentaire du député de Vaudreuil-Soulanges en disant que je lui ai indiqué à plusieurs reprises, entre autres, à la commission permanente des finances et des comptes publics du 31 mai dernier, lors de l'étude des crédits, que cette commission parlementaire m'apparaissait effectivement comme un moyen de défense des intérêts québécois à l'égard des conséquences du projet de loi S-31 ou son équivalent sur le développement économique du Québec, ses sociétés d'État et les entreprises privées.

Le Président: M. le ministre...

M. Parizeau: C'est toujours dans ce sens que je l'envisage. Il y aura donc commission parlementaire à cet effet si jamais, après avoir laissé mourir au feuilleton d'ici quelques jours le présent projet de loi S-31, le gouvernement fédéral réintroduisait un projet de loi avec le même principe.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que le ministre se rend compte qu'afin d'être transparent en matière de discussion du rôle complet de la Caisse de dépôt et placement du Québec, de ses politiques d'investissement, de son rôle dans l'économie du Québec, il est en train d'obliger cette Chambre, l'Opposition et le reste de la population à espérer que le gouvernement fédéral introduise un projet de loi comme S-31 afin que, finalement, on voie clair dans le jeu du gouvernement?

Le Président: M. le ministre des Finances, brièvement.

M. Parizeau: M. le Président, le député de Vaudreuil-Soulanges a, dans le passé, souvent attaqué la Caisse de dépôt à des époques où les taux d'intérêt étant élevés, la valeur des obligations du portefeuille était faible, et cela se reflétait évidemment sur le rendement théorique de la caisse.

Cependant, je ne l'ai pas entendu intervenir depuis quelque temps à ce sujet. Pourquoi? Parce que les taux d'intérêt ont baissé et la cote des obligations a augmenté. Je dois dire que la demande du député de Vaudreuil-Soulanges, dans ce cadre, je la prends comme un moyen de pression d'ordre politique - si on peut me passer l'expression - partisane, pour essayer, à une certaine époque, de déconsidérer la direction de la Caisse de dépôt, ce qu'il ne fait plus à l'heure actuelle, bien sûr, pour les raisons que j'ai indiquées.

Dans ces conditions, j'en reste à ma position voulant que nous aurons une commission parlementaire pour défendre non pas seulement la caisse, mais toutes ces institutions publiques de financement des entreprises que le gouvernement du Québec a montées depuis 20 ans et, d'une façon

générale, les intérêts des Québécois.

Le Président: Question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le ministre des Finances pourrait me dire et dire à cette Chambre pourquoi il se refuse constamment à convoquer la commission parlementaire qui aurait pour mandat justement d'étudier aujourd'hui, en 1983, après tant d'années de fonctionnement, le rôle et le mandat de la Caisse de dépôt et placement du Québec ou s'il va attendre la réforme parlementaire de 1984 alors que là, on pourra nous-mêmes décider de convoquer la caisse?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je rappelle au chef parlementaire de l'Opposition que, chaque année, l'Opposition peut scruter le fonctionnement de la Caisse à l'occasion de l'examen des crédits du ministère des Finances. Je rappellerai d'ailleurs au chef parlementaire de l'Opposition que les représentants de l'Opposition ne manquent pas, chaque année, pendant des heures, d'examiner le fonctionnement de la caisse et d'interroger à loisir le président de la caisse. Cela se fait en fonction de nos règlements, cela s'est toujours fait, cela se fait chaque année et, effectivement, la réforme parlementaire va permettre d'aller plus loin encore. Je ne vois pas, dans ces conditions, cette espèce d'acharnement à examiner une institution qui va très bien, qui rend des services signalés et qui, à l'heure actuelle, a l'appui d'un très grand nombre de milieux d'affaires. Pourquoi veut-on trouver quelque chose qui sorte de notre fonctionnement normal et de cet examen annuel qui non seulement est disponible mais utilisé?

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: Oui, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): ...je voudrais poser une question additionnelle au ministre des Finances qui avoue quelquefois n'être pas parlementaire mais qui se débrouille assez bien jusqu'à maintenant. Admet-il qu'il y a une différence essentielle et fondamentale entre une commission parlementaire qui est convoquée pour étudier les crédits d'un ministère et une commission parlementaire qui est convoquée précisément et spécialement pour étudier le rôle et le mandat d'une commission ou d'une société d'État?

(15 h 50)

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Bien sûr, M. le Président. Il y a une différence fondamentale. Par exemple, dans le cadre de ce projet de loi S-31, on sent très bien que sont visées non seulement la Caisse de dépôt, mais la Société générale de financement, mais la SDI, mais potentiellement SOQUEM; donc, plusieurs de nos sociétés d'État. Là, je comprends très bien que cela ne peut pas se faire par le truchement des commissions régulières. Il faut avoir une commission particulière qui permette d'examiner l'ensemble des interférences du projet de loi S-31 sur le fonctionnement des rouages de notre économie. C'est pour cela que, dans ces conditions, je dis oui. Dans un cas comme celui-là, il faut une commission parlementaire spécifique. Pour l'examen de la SDI, de la SGF, de la Caisse de dépôt...

Une voix: D'Hydro-Québec.

M. Parizeau: ...d'Hydro-Québec. Est-ce qu'on va le moindrement suggérer que les mécanismes existants à l'heure actuelle ne sont pas suffisants? Allons donc!

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: J'aimerais poser une question au premier ministre en question additionnelle.

Le Président: Dernière question additionnelle.

M. Lalonde: Se rend-il compte que, si l'on prend les réponses du ministre des Finances, des réponses claires, à savoir qu'on devrait se satisfaire, de ce côté-ci, de l'étude des crédits pour examiner le fonctionnement, le rôle et le mandat des sociétés d'État, si le ministre des Finances a raison, la réforme parlementaire à laquelle son parti et nous, de notre côté, avons travaillé très fort depuis un bon moment n'a aucun sens, aucune raison d'être?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense que c'est exactement l'inverse qui est vrai. En période d'urgence comme celle que peut créer, qu'a créée, que pourrait recréer une chose assez abominable comme ce projet de loi S-31, je pense que c'est normal qu'on fasse appel, par la voie d'une commission parlementaire d'urgence, à une espèce de force de frappe d'unanimité,

autant que possible, du Parlement. En période normale, on s'est servi des choses qui étaient là normalement et dont l'Opposition s'est servie. À compter de l'an prochain, il y aura des commissions nouvelles et, à ce moment-là, cela s'élargira. Je ne vois pa& quelle sorte de péril en la demeure il peut y avoir à la veille du mois de décembre, en dernière période de session, à littéralement s'accrocher à cette idée, puisque tout cela va s'ouvrir en 1984, sauf s'il y a une urgence, et, à ce moment-là, cela va s'ouvrir plus vite.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, la période des questions...

M. Levesque (Bonaventure): Oui, je comprends, mais...

Le Président: Je suis content que vous compreniez, mais...

M. Levesque (Bonaventure): ...on ne peut pas laisser passer cela, M. le Président, sans demander ceci au ministre des Finances. Si on suit son raisonnement, n'est-il pas vrai qu'on n'aurait jamais pu rencontrer la direction d'Hydro-Québec, avoir une commission parlementaire comme nous avons régulièrement sur le mandat, l'administration, les tarifs d'Hydro-Québec, etc.? On peut avoir cela. Si on suit le raisonnement du ministre des Finances, on devrait attendre à l'étude des crédits du ministère de l'Énergie et des Ressources pour pouvoir parler d'Hydro-Québec. Est-ce que c'est cela que suggère le ministre des Finances?

Le Président: Brièvement, M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président. Voyons! La loi prévoit qu'à l'occasion de la détermination des tarifs d'Hydro-Québec une commission doit siéger. Alors, elle siège. C'est une obligation de la loi; on n'a pas le choix; il faut le faire. Nous avons eu, jusqu'à maintenant, un certain nombre de mécanismes que nous avons utilisés pour examiner le fonctionnement de nos sociétés d'État, du gouvernement ou des ministères. La réforme parlementaire, on le pense, va permettre d'aller plus loin, d'améliorer le système. Mais je ne vois pas en vertu de quoi, au fond - pourquoi? Pour essayer de cacher les effets du projet de loi S-31 - on cherche aujourd'hui à dévier un peu l'accent vers une commission qui porterait sur le fonctionnement de la Caisse de dépôt alors que ce n'est pas cela qui est en cause. C'est le fait qu'on cherche à limiter les pouvoirs de la Caisse de dépôt par le truchement du projet de loi S-31. Nous disons: Une commission parlementaire si le projet de loi S-31 revient. On nous répond, de l'autre côté: Est-ce que vous pourriez faire défiler, de toute façon, la Caisse de dépôt devant nous? Voyonsi Ce n'est pas de cela qu'on parle. Ce n'est pas cela l'urgence. C'est le projet de loi S-31.

Le Président: La période des questions est terminée.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Question de règlement, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, vous annoncez la fin de la période des questions.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! Si les leaders veulent se parler, on peut les convier derrière et laisser la Chambre siéger. M. le leader adjoint de l'Opposition, vous avez une question de règlement.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président, pour vous souligner à nouveau, pour une deuxième fois en cette cinquième journée de session, depuis le début, que l'Opposition a eu droit exactement à trois questions principales aujourd'hui.

Effectivement, vous allez me faire remarquer qu'on a eu un certain nombre de questions supplémentaires. Je vous dirai, M. le Président, que, dans tout cela, on n'a pas eu une seule réponse claire du gouvernement.

Une voix: Cela a mal été aujourd'hui, n'est-ce pas?

Une voix: Vous ne perdez rien pour attendre.

Le Président: Sans avoir fait un bilan exhaustif - je le ferai si vous voulez, M. le député de Gatineau - il y eu au moins 22 ou 23 questions principales et additionnelles de l'Opposition au cours de cette période des questions. Je conviens cependant que certaines questions ont été beaucoup trop longues et que certaines réponses ont été démesurément longues.

Une voix: Aux motions non annoncées.

Le Président: II n'y a pas d'enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Aux questions à la Chambre, en vertu de l'article 34, M. le député d'Outremont.

Recours à l'article 34

M. Fortier: Oui, le leader m'a informé

que la commission parlementaire de l'énergie et des ressources qui doit entendre HydroQuébec se tiendra les 12 et 13 décembre. Je l'en remercie. Nous avons reçu avis que nous entendrons M. Bourbeau et M. Coulombe, le président du conseil et le président d'Hydro-Québec. Comme le plan d'action d'Hydro-Québec a beaucoup d'importance pour plusieurs régions du Québec dont la Côte-Nord, l'Abitibi et autres, le leader accepterait-il d'avoir trois ou quatre représentants des régions pour qu'ils puissent faire valoir leur point de vue?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, sur cette question, je dois répondre non, mais je peux dire au député d'Outremont qui m'avait posé une question l'autre jour à savoir si des documents seraient remis aux membres de la commission avant qu'elle ne siège les 12 et 13 décembre prochain que lundi, au début de la semaine, le ministre de l'Énergie et des Ressources pourra transmettre aux membres de la commission les documents qui avaient été demandés.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. le Président, le troisième volume sur les comptes publics de l'année 1981-1982 est disponible maintenant dans les librairies et à la bibliothèque de l'Assemblée nationale, neuf mois en retard, mais à ma connaissance, il n'a pas encore été déposé à l'Assemblée nationale. Je demande au leader de me dire si c'est normal qu'on soit obligé d'aller dans une librairie pour obtenir ce document. Sinon, a-t-il l'intention de déposer ce troisième tome des comptes publics du Québec à l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, comme le ministre des Finances est présent, il peut donner la réponse au député. Je demande au ministre de répondre.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je remercie le député de Notre-Dame-de-Grâce de m'avoir alerté sur cette question, il y a quelques minutes. J'ai fait vérifier et, effectivement, nous ne sommes pas tenus de déposer en Chambre ce troisième volume. Il est effectivement disponible à la bibliothèque du parlement. Il est sorti pendant que la Chambre ne siégeait pas, mais je pense qu'il serait normal que je le dépose, et je le ferai dans le courant de la semaine prochaine.

Le Président: M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: M. le Président, je demanderais au leader de nous informer si le gouvernement a l'intention de convoquer la commission permanente des affaires municipales pour l'étude des projets de loi privés déférés à cette commission après la première lecture. Cette commission siégera-t-elle en décembre?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: II n'est pas impossible, M. le Président - une commission a siégé pendant l'intersession, entre le 18 octobre et le 15 novembre - que nous fassions siéger une commission sur certains projets de loi privés qui sont encore au feuilleton. Pour ce qui est de la date précise, je ne peux pas vous la dire aujourd'hui. Je prends avis de la question et, dès que j'ai l'information, je vais la transmettre.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: II s'agit du projet de loi 53, l'annexion d'un territoire à celui de la ville de Chicoutimi. Est-ce que les autorités ou les parties intéressées de ce territoire seront entendues en commission parlementaire avant l'étude en deuxième lecture de ce projet de loi?

Le Président: M. le leader du gouvernement. (16 heures)

M. Bertrand: M. le Président, nous n'avons pas d'objection de principe. Il y a simplement une chose que je voudrais signaler au leader de l'Opposition pendant que nous y sommes, c'est que, pour ce qui est d'entendre des groupes, on s'entend de part et d'autre pour se limiter à un certain nombre de groupes. Dans le cas présent, je pense qu'il s'agirait de Chicoutimi et Laterrière. Dans des cas précis comme cela on peut faire une évaluation du temps que cela prendrait pour les commissions parlementaires. Je voudrais déjà indiquer qu'à ce stade-ci, nous avons déjà décidé d'avoir une commission parlementaire - nous devons, de toute façon, avoir une commission parlementaire sur Hydro-Québec - à la suite d'une entente entre les deux parties, sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail; nous en aurons une sur le règlement d'enseignement au collégial, pour laquelle nous avons ajouté une journée à la demande du député d'Argenteuil qui nous a demandé

de faire entendre d'autres groupes que ceux qui avaient été mis sur une première liste.

Il faut donc savoir qu'il y a possibilité là qu'on arrive à une situation où beaucoup de commissions parlementaires seraient convoquées. Dans la mesure où on peut organiser nos travaux, je n'ai pas d'objection de principe. Reste à voir maintenant si ce sera avant la deuxième ou après la deuxième lecture. Il n'y a pas d'objection de principe a priori si les deux porte-parole, le ministre des Affaires municipales et votre représentant, peuvent s'entendre. Peut-être que nous pourrions y parvenir assez rapidement.

M. Lalonde: Étant donné que c'est seulement le principe que je voulais soulever, quant à l'organisation des travaux on pourra toujours collaborer comme on le fait tout le temps. On a même consenti à ce qu'une troisième commission parlementaire, aussi longtemps que celle qui sera convoquée pour entendre les autorités de la CSST et les parties intéressées, siège. Maintenant, comme il s'agit de la nature d'un projet de loi privé - c'est un projet de loi public présenté par le gouvernement, mais c'est l'annexion de territoire entre deux municipalités - je souligne simplement qu'il serait plus convenable, je pense, que les parties soient entendues avant la deuxième lecture.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Je suis prêt à indiquer que nous pourrons procéder de la sorte. Cependant, il faudrait que ce soit dans un temps relativement réduit puisqu'il s'agit, en fait, comme le disait le député de Marguerite-Bourgeoys, d'un projet de loi qui ressemble un peu à un projet de loi privé, mais qui est présenté sous forme de projet de loi public; probablement que durant une matinée nous pourrions avoir entendu les deux groupes.

Le Président: M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Oui. J'ai oublié de demander une précision au leader. La commission parlementaire sur l'énergie devait être télévisée. Est-ce que celle qui aura lieu sera télévisée, oui ou non?

M. Bertrand: Je crois que, si ce n'est pas déjà fait, vous avez reçu une lettre de ma part - je crois l'avoir signée avant-hier -transmise par messager. Je ne me fie pas, là-dessus; au service postal, mais... Non mais c'est une société autonome maintenant. Je vous ai transmis, M. le Président, une demande pour que cette commission parlementaire puisse être télédiffusée les 12 et 13 décembre prochain. J'ai transmis copie de cette lettre aussi au leader de l'Opposition ainsi qu'au whip en chef de l'Opposition de même qu'au whip en chef du parti ministériel. La demande a été faite.

Le Président: Vous me permettrez d'intervenir. Je n'ai pas encore pris connaissance de la lettre, mais puisqu'il s'agit de faire télédiffuser une commission parlementaire pendant que la Chambre siégera - les 12 et 13 décembre, nous sommes en période intensive; donc, la Chambre siège cinq jours par semaine - je suis porté un peu à renvoyer la balle au ministre des Communications - qui est responsable de la Société Radio-Québec. Car on peut nous demander de télédiffuser une commission parlementaire, mais même si on installait de l'équipement en commission parlementaire, s'il n'y a personne pour recevoir le signal, comme on dit en mauvais français, à l'autre bout et pour le transmettre, le diffuser, eh bien, c'est de l'argent qui est jeté par les fenêtres. En l'occurrence, d'ordinaire - et c'est le cas pour la commission sur les autochtones - Radio-Québec la télédiffuse d'une manière un peu particulière, par tranches. Je voudrais renvoyer la balle et voir s'il y a un télédiffuseur qui est intéressé à diffuser la commission parlementaire en question avant qu'on puisse prendre une décision quant à savoir si oui ou non on louera de l'équipement de télévision et on l'installera dans le salon rouge.

M. Bertrand: Je pourrai toujours consulter le ministre des Communications, à ce sujet, M. le Président. Toujours est-il qu'à l'heure actuelle... D'ailleurs ce n'est pas Radio-Québec nécessairement: Radio-Québec diffuse certaines parties des travaux de l'Assemblée nationale, mais pour l'essentiel des travaux de l'Assemblée nationale, c'est un canal qui est réservé chez les câblodistributeurs. Vous savez que nous n'avons pas juridiction sur la câblodistribu-tion, mais que nous nous entendons bien avec les entreprises de câblodistribution. Alors, la question c'est de pouvoir transmettre le signal. À partir de là, ce sont les câblodistributeurs qui décident s'ils veulent ou non libérer un canal pour permettre la transmission. Ils pourraient le faire, s'ils le voulaient. Je sais que vous avez déjà songé, que certains songent à la possibilité de discuter avec les câblodistributeurs de l'éventualité d'avoir plus d'un canal pour transmettre les travaux de l'Assemblée nationale et de ses commissions parlementaires, surtout lorsque la réforme parlementaire sera implantée. En tout cas, vous avez raison d'invoquer ces contraintes et la lettre vous a été transmise en connaissance de cause.

Le Président: Aux avis à la Chambre,

M. le leader des Communications... M. le leader du gouvernement, je m'excuse.

Avis à la Chambre

M. Bertrand: On va fusionner les deux postes. M. le Président, je voudrais faire motion afin que puisse siéger, cet après-midi, au salon rouge, de 16 h 05 à 18 heures et, ce soir de 20 heures à 22 heures - après entente, il pourrait y avoir prolongement jusqu'à 23 ou 24 heures - la commission de la présidence du conseil et de la constitution pour entendre des groupes autochtones.

Je donne aussi avis que, demain matin, de 10 heures à 13 heures, au salon rouge, la même commission de la présidence du conseil et de la constitution poursuivra l'audition de groupes autochtones.

Je donne aussi avis, M. le Président -je l'ai évoqué tout à l'heure en réponse à une question qui m'a été posée - que nous allons ajouter une journée aux deux journées qui étaient initialement prévues pour la commission de l'éducation relativement aux nouvelles propositions concernant le régime d'études collégiales, ce sera la journée du 7 décembre. Elle s'ajoute aux deux journées déjà connues, soit celles du 8 et du 9 décembre.

Je donne ces avis et je fais motion pour la séance d'aujourd'hui au salon rouge.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Motion proposant que l'Assemblée

demande au gouvernement de donner

suite au rapport de la commission

d'évaluation de la Loi sur la

protection de la jeunesse

Le Président: Adopté. Ce qui nous mène aux affaires du jour et à la motion de Mme la députée de L'Acadie: "Que cette Assemblée, tout en déplorant l'inaction du gouvernement depuis le dépôt du rapport de la commission parlementaire spéciale créée le 19 décembre 1981 pour procéder à une évaluation de la Loi sur la protection de la jeunesse, lui demande de donner suite, avant la fin de la présente année, aux recommandations de ce rapport déposé à l'Assemblée nationale le 23 novembre 1982." Je cède la parole à Mme la députée.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Si Mme la députée le permet, j'ai une demande à adresser au leader du gouvernement. Je crois que nous avions convenu que le vote sur cette motion de Mme la députée de L'Acadie aurait lieu demain et non pas à la fin de la séance aujourd'hui.

M. Bertrand: C'est exact, M. le Président. Non seulement avons-nous convenu que nous ne passerions qu'un mercredi sur cette motion, mais que nous voterions demain et que, la semaine prochaine, ce serait une autre motion avec un vote le lendemain.

Le Président: Mme la députée de L'Acadie, je vous cède la parole.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Si j'ai mis cette motion à l'ordre du jour, il est très clair que c'est à cause de l'inaction du gouvernement à donner suite à la commission parlementaire spéciale qui était chargée de réviser la loi 24, Loi sur la protection de la jeunesse.

Il faut se rappeler que la mise sur pied de cette commission spéciale de l'Assemblée nationale n'est pas le fruit du hasard. Elle faisait suite à un désir même de la part du gouvernement dont le Conseil des ministres avait confié au ministre de la Justice et à celui des Affaires sociales et du Développement social, le 20 mai 1981, le soin d'examiner les autres modifications qu'il y aurait lieu d'apporter à la Loi sur la protection de la jeunesse, en vue de soumettre un deuxième projet de loi à l'Assemblée nationale lors de la session d'automne 1981. Nous avions convenu et nous avions demandé la formation de cette commission spéciale non partisane à laquelle le gouvernement s'était rendu. C'était aussi le résultat des pressions qui avaient été exercées par les différents intervenants dans le domaine de la protection de la jeunesse et également par la population qui, à tort ou à raison, trouvait insatisfaisants plusieurs aspects de l'application de la loi 24, entre autres, les droits de la victime et la responsabilisation du jeune délinquant. Des parents trouvaient qu'ils n'avaient pas, à l'intérieur de la loi 24, même si leur enfant était en difficulté, la place normale qui aurait dû leur revenir dans la responsabilité qu'ils doivent assumer à l'égard de leurs enfants. (16 h 10)

Nous avons commencé nos travaux en décembre 1981 et nous avons été pressés par le gouvernement et particulièrement par le ministre de la Justice qui écrivait, le 10 mai 1982, au ministre des Affaires sociales, la lettre suivante dont je ne cite qu'un paragraphe. S'adressant à son collègue des Affaires sociales, le ministre de la Justice disait: "Je tiens à souligner que je partage vos préoccupations sur l'urgence d'agir dans

ce secteur. Le contexte juridique créé par les effets de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Touchette C. Bergeron - un jugement qui avait été rendu dans le cas d'une victime qui, à cause des dispositions de la loi 24, ne pouvait pas prendre de poursuite vis-à-vis de son agresseur - ainsi que par l'adoption prochaine de la Loi sur les jeunes contrevenants nous oblige à intervenir le plus rapidement possible. Perpétuer - ce sont les mots du ministre de la Justice - une situation d'incertitude ne pourrait que nuire au fonctionnement de nos institutions sociales et judiciaires. Comme vous l'avez souligné, de nombreuses consultations ont eu lieu auprès de tous les intervenants depuis plus d'un an - ceci avant même que la commission ne commence à fonctionner et s'acquitter de son mandat - et surtout depuis l'automne dernier." C'était le 10 mai 1982.

La commission spéciale fut saisie de cette lettre du ministre de la Justice et nous dûmes réviser notre échéancier. On nous avait parlé de six mois. Finalement, nous avons pu étendre notre mandat jusqu'à la fin de novembre 1982. En novembre 1982, nous remettions à l'Assemblée nationale, après avoir pris les bouchées doubles - comme, j'en suis certaine, saura vous le dire le député de Verchères qui était le président de cette commission - notre rapport qui contenait 105 recommandations.

Depuis ce temps, à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale et à cause des pressions qui ont été exercées sur nous de la part de la communauté, de la part de parents, de la part de la population, je me suis souvent informée pour savoir quand le gouvernement entendait déposer un projet de loi qui donnerait suite aux recommandations du rapport de la commission spéciale. À chaque fois, le leader du gouvernement... Et je pense même qu'à certains moments il m'a peut-être induite en erreur lorsqu'il m'a dit qu'il y avait un projet de loi en préparation, alors que, selon les nouvelles que j'ai eues, ce n'est qu'en octobre, finalement, qu'on s'est mis à la rédaction d'un projet de loi.

Je vois le ministre de la Justice qui proteste. Évidemment, on ne pourra jamais éclaircir si, de part et d'autre, c'était octobre ou pas, mais peu importe. La réalité est qu'un an plus tard il n'y a rien de fait, et c'est ce qui est le plus tragique.

Je ne voudrais pas, M. le Président, parcourir les 105 recommandations et vous dire qu'elles sont toutes importantes ou qu'elles ont toutes la même importance, mais une chose est certaine; il y a des recommandations qui impliquent des modifications législatives, il y a des recommandations d'ordre administratif et des recommandations qui incitent les intervenants ou les différents organismes qui s'occupent de la protection de la jeunesse à prendre des mesures particulières qui relèvent de leur autonomie propre pour améliorer les services touchant la jeunesse, mais, du côté des modifications législatives, il y en a une qui apparaît très importante et qui ne peut pas être faite sans que le gouvernement présente un projet de loi. Ceci touche ce qu'on appelle le cadre ou le mécanisme d'orientation touchant les jeunes délinquants.

On sait que la loi 24 est une loi très progressiste. D'ailleurs, personne, lors des auditions et des tournées que nous avons faites, n'a voulu remettre en cause les fondements mêmes de la loi 24 qui faisaient appel davantage aux réalités d'aujourd'hui en indiquant comme principes de base le respect des droits des enfants, l'ouverture à la non-judiciarisation, la prépondérance du milieu naturel et l'entente sur des mesures volontaires. C'étaient déjà des mesures très progressistes, mais il reste qu'on avait mal défini dans la loi les mesures qui devaient être prises à l'égard des jeunes en matière de délinquance et à l'égard des jeunes ayant besoin de protection, si bien qu'à un moment donné on s'est trouvé devant des problèmes comme celui dont j'ai parlé au début, le problème de non-responsabilisation des délinquants même s'ils sont âgés de 15 ou 16 ans, si bien aussi que la population, à tort ou à raison - et dans certains cas à tort - a cru que la loi 24 était un encouragement à la délinquance. Les travaux de la commission et les auditions publiques que nous avons tenues dans le Québec - c'était une première comme mode de fonctionnement d'une commission parlementaire - ont un peu amoindri un certain nombre de préjugés que l'on entretenait à l'égard de la loi 24.

Le fait n'en demeure pas moins - je ne toucherai que quelques points, pas en détail, forcément - que la recommandation de la commission Charbonneau disait qu'en intervention auprès des délinquants, on devait s'appuyer sur un rééquilibre des objectifs qui reconnaît, d'une part, des droits aux jeunes mais aussi des responsabilités quant aux actes qu'ils posent, ce qui n'existe pas dans la loi 24 présentement, qui passe aussi par la protection de la société et par la responsabilisation des parents, les trois dernières rubriques ayant été mises un peu en veilleuse par rapport à cette reconnaissance des droits des jeunes.

Il y a également la nécessité de mieux définir la nature des infractions, de rejoindre les jeunes de 12 et 13 ans pour qui il existe des situations problématiques. La tendance, dans le type d'intervention, à la non-judiciarisation qui a résulté en un modèle québécois de traitement de délinquance a sans doute permis de faire des acquisitions de taille dans le traitement de la délinquance, mais a soulevé des problèmes importants sur le plan juridique et sur le plan opérationnel, de même que la nécessité

de réviser l'analyse légale de l'infraction. En matière de délinquance, ce sont des mesures qui nous semblaient très importantes non seulement pour rassurer la population, mais également pour mieux servir le jeune qu'on appelle le jeune délinquant et mieux contribuer au traitement de ce jeune.

Dans la Loi sur la protection de la jeunesse, il y a deux volets: un touchant la délinquance et l'autre, la protection. Souvent, les objectifs ont été confus et les moyens d'intervention aussi. Une des recommandations de notre commission voulait que l'on sépare d'une façon plus nette les objectifs de chacun de ces groupes et les modes d'intervention les mieux appropriés pour chacune de ces catégories d'enfants.

Du côté de la protection de la jeunesse, on a réalisé que, très souvent, il y avait un mauvais équilibre entre la notion de droit des enfants et la notion de besoin. Souvent, la première l'emportait sur la deuxième. Si bien que pour respecter les droits des enfants, on ne tenait pas suffisamment compte de leurs besoins. Il était important de faire intervenir une troisième notion, la notion d'intérêt des enfants quand il s'agit d'équilibrer droits et besoins. C'est important du point de vue de la réinsertion sociale de ces enfants, des services qu'on veut leur rendre. Il est urgent que le gouvernement soit saisi de ce problème et qu'on débouche sur une loi qui va devoir modifier forcément la loi existante.

Notre travail nous a également permis de mieux définir les catégories d'enfants qui tombent sous le volet de la protection. Par exemple, le cas des enfants abandonnés qui sont encore mal protégés, le cas des enfants dont le développement mental ou émotif est une cause de nécessité de protection, laquelle ne nous paraissait pas suffisamment rigoureuse et permettait peut-être des abus quant au placement des enfants. Nous avons suggéré de la remplacer là où les enfants souffrent de négligence continue et sérieuse de telle sorte qu'on ne multiplie pas sans nécessité le placement des enfants. (16 h 20)

Du côté de la protection, nous avons également suggéré de remettre aux parents -ceci avait été un peu négligé, peut-être pas volontairement, mais c'est à l'application qu'on s'en est aperçu - la responsabilité première qui, dans les cas de la protection de l'enfance, doit revenir aux parents. Ce n'est que dans un rôle supplétif ou complémentaire que l'État doit intervenir. Malheureusement, dans le passé, avec la loi 24, et ce n'est pas une condamnation de la loi 24, je pense que c'est à l'exercice qu'on a reconnu les déficiences de la loi 24... Si on veut parler de protection véritable et d'intervention valable auprès des jeunes en matière de délinquance ou en matière de protection, il est urgent que le gouvernement agisse.

Avant de prendre le point suivant, je voudrais ajouter aussi que la commission nous a permis d'aborder des problèmes qui sont de plus en plus à l'avant-scène, je dirais, des réalités sociales d'aujourd'hui. On a touché d'une façon particulière aux problèmes de prostitution des mineurs où, encore une fois, on trouve que l'enfant est mal protégé, que les sanctions prises contre les adultes qui les exploitent sont insignifiantes dans bien des cas et, finalement, n'assurent pas, quant aux mesures d'intervention, une réinsertion sociale ou une réhabilitation de l'enfant qui lui permette de redevenir un jeune fonctionnant normalement dans notre société. Il y a d'autres problèmes qui ont été touchés et peut-être que mes collègues y reviendront.

La question qui se pose c'est de savoir pourquoi le gouvernement n'a pas agi avant aujourd'hui. On voudra peut-être nous offrir un éclairage là-dessus. Il semblerait bien qu'à la suite du dépôt du rapport, ce que j'appellerais le pouvoir politico-technocratique a cru bon de reprendre tout l'ouvrage au complet. Nous n'avions pas d'illusion. Je suis certaine que nous avons fait des recommandations qui s'appliquent peut-être difficilement, qui ne sont pas réalistes, mais il reste quand même que ce rapport a été rédigé à la suite d'une très large consultation et, comme je le disais tout à l'heure, d'audiences dans tout le Québec où, finalement, on a trouvé ce consensus vis-à-vis de la nécessité d'agir rapidement pour mieux différencier chez les jeunes les problèmes reliés à la délinquance et ceux qui sont reliés à la protection de la jeunesse.

Je vois que les deux ministres sont là; pour une fois ils semblent être près l'un de l'autre, parce que les rumeurs veulent... D'ailleurs ce ne sont pas uniquement des rumeurs, car il fut reconnu par le premier ministre lui-même en Chambre - vous faites bien de vous rapprocher l'un de l'autre -qu'il y avait des tiraillements entre les deux ministères, qu'il faisait bien son possible pour amoindrir cela et qu'il espérait qu'on aboutirait à quelque chose. Si je me souviens bien, le premier ministre m'a dit cela au mois de mai. Nous sommes au mois de décembre et j'ai l'impression que le premier ministre n'a pas beaucoup d'influence ou d'autorité sur ses ministres puisqu'on n'a pas encore de projet de loi.

Cette partie-ci est peut-être plus à l'état de rumeur... il semble que la seule façon dont les problèmes peuvent se régler est qu'ils se discutent au niveau sous-ministériel, puisque les deux ministres en question, le ministre des Affaires sociales et le ministre de la Justice semblent incapables de se parler, du moins sur ce sujet-là.

Une autre possibilité, c'est les problèmes que le ministère des Affaires

sociales connaît quant à la redistribution des responsabilités à l'intérieur du réseau. On sait qu'il existe des zones grises entre le chapitre 48 et la loi 24 quant à celui qui pourrait, dans le réseau, s'acquitter des responsabilités envers la jeunesse. Dans le moment ce sont les centres de services sociaux qui ont développé, depuis de nombreuses années, une expertise dans ces domaines, mais avec ce que maintenant on nomme couramment le cadre de référence dans le milieu. Sauf que personne ne sait exactement ce qu'est le cadre de référence. Est-ce que c'est le ministre? On serait porté à croire que c'est peut-être davantage un de ses sous-ministres qui, d'ailleurs, a condamné ouvertement la façon d'intervenir des intervenants sociaux concernant la loi 24. Je ne sais pas quel droit il s'arrogeait, mais, enfin, c'est cela. Ceci est un autre facteur également qui fait que les choses traînent en longueur parce qu'on ne saurait pas se décider, au plan administratif, à qui remettre les responsabilités.

Finalement, un dernier élément, c'est la loi fédérale sur les jeunes contrevenants qui a été adoptée et dont on attend la promulgation. Je vois le ministre de la Justice qui hoche la tête - oui, j'achève, M. le Président - et qui me dira sans doute: Écoutez; C'est le gouvernement fédéral qui vient de remettre peut-être au printemps la proclamation de la loi d'octobre, etc. Une chose est certaine, c'est qu'il y a un grand nombre de recommandations qui peuvent être faites, c'est-à-dire des modifications au plan législatif qui peuvent être apportées sans même que la Loi sur les jeunes délinquants soit proclamée. C'est évident que nous avons, en matière de protection de la jeunesse, une longueur d'avance sur le reste du Canada, mais, à ce moment-là, qu'on soit la bougie d'allumage ou encore le moteur qui pousse sur le gouvernement fédéral pour que, finalement, on ait, au Québec en particulier - ce qui nous tient d'abord à coeur - et dans l'ensemble du pays une loi qui soit vraiment dans l'intérêt des jeunes, qui les protège véritablement et qui permette surtout, dans le cas des enfants qui ont plus de problèmes, leur réinsertion la plus satisfaisante dans la société.

M. le Président, je termine ici et je dois dire que même si cette commission n'avait pas un caractère partisan au départ, elle veut continuer d'être dans l'intérêt de nos jeunes. L'attitude de l'Opposition, c'est qu'elle- veut demeurer une Opposition non partisane, mais ceci ne peut pas nous empêcher de rappeler le gouvernement à l'ordre et de lui dire: II est temps que vous agissiez. Je pense qu'en disant ceci aujourd'hui, nous nous faisons les porte-parole de l'ensemble de la population et surtout des enfants.

Je voudrais, en terminant, rappeler au ministre de la Justice que tous ceux qui nous ont rencontrés ont pris soin de dire que s'il doit y avoir encore des tiraillements constitutionnels ou fédéraux-provinciaux sur cette question, qu'on ne le fasse pas sur le dos des jeunes. D'ailleurs, la Loi sur les jeunes délinquants - je pense que c'est à l'honneur du Québec - a retenu dans ses orientations un grand nombre de principes qui étaient déjà les orientations fondamentales du Québec en matière de protection de la jeunesse. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de la Justice.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention Mme la députée de L'Acadie. Je comprends que tout n'est pas parfait concernant la Loi sur la protection de la jeunesse, mais de là à taxer l'actuel gouvernement d'inaction dans ce domaine, je pense qu'il y a toute une marge. S'il y a un gouvernement qui, au niveau de la législation, a vraiment fait quelque chose de consistant, de significatif, en matière de protection de la jeunesse, c'est bien le présent gouvernement. Je ne me rappelle pas de loi importante du gouvernement libéral en matière de protection de la jeunesse. On en jasait beaucoup. Je me rappelle, pour avoir siégé ici de 1973 à 1976, qu'on parlait beaucoup de la protection de la jeunesse, avec beaucoup d'émotion, etc., comme vient d'ailleurs de le faire Mme la députée de L'Acadie. Mais je ne me rappelle pas de loi importante ou de geste important posé par le gouvernement du Parti libéral en matière de protection de la jeunesse. (16 h 30)

Pour ce qui est des rumeurs de tiraillements entre le ministère de la Justice et le ministère des Affaires sociales, c'est comme toutes les rumeurs libérales, M. le Président, et je suis en mesure de dire qu'il n'y a aucun tiraillement entre le ministre de la Justice et le ministre des Affaires sociales. Il y a des discussions positives, des discussions constructives aussi, je crois, avec toute la prudence que cela demande - je m'expliquerai tout à l'heure - mais toujours des discussions en fonction d'un intérêt que nous partageons avec l'Opposition, c'est-à-dire le meilleur intérêt de l'ensemble de nos jeunes concernant la mise en place d'une loi qui soit la plus appropriée possible.

Je ne parlerai pas du fond même de la Loi sur la protection de la jeunesse - Mme la députée de L'Acadie s'y est engagée un peu - ou des recommandations. Je pense qu'il y aura un autre moment pour le faire, puisqu'un projet de loi sera déposé par le gouvernement à la suite du rapport qui a été fait par la commission Charbonneau. Je me

limiterai simplement à la motion elle-même qui parle de l'inaction du gouvernement en matière de protection de la jeunesse relativement au rapport Charbonneau, ce qui est strictement faux, M. le Président.

D'ailleurs, je suis en mesure de dire que, d'ici à la fin de la session, nous avons toutes les raisons de croire, d'espérer que nous en arriverons au dépôt, tel que demandé, d'un projet de loi qui donnera suite aux travaux faits par la commission Charbonneau et aux réflexions du ministère des Affaires sociales et du ministère de la Justice, ainsi qu'à toutes les réflexions qui ont été faites à l'intérieur de ces réseaux par les différents organismes concernés. Nous avons toutes les raisons de croire que nous pourrons déposer ce projet de loi avant l'ajournement des fêtes.

Pour ce qui est de la soi-disant inaction du gouvernement concernant le rapport Charbonneau, je pense qu'il y a des nuances importantes à faire, ce à quoi ne s'est pas employée d'une façon très spéciale Mme la députée de L'Acadie. On comprendra pourquoi.

Depuis le 15 janvier 1979, date à laquelle est entrée en vigueur la Loi sur la protection de la jeunesse, il ne faudrait quand même pas oublier que cette loi a été amendée à trois reprises, les amendements les plus substantiels ayant été apportés par la Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, chapitre 2 des lois du Québec de 1981. Ce n'est donc pas la première fois que nous y allons de modifications concernant cette loi très importante qui, d'ailleurs, a été adoptée à l'unanimité de l'Assemblée nationale.

M. le Président, il importe de rappeler que lors du débat entourant la présentation de ces amendements, un consensus s'était établi sur le fait que, tôt ou tard, un bilan devrait être dressé sur l'ensemble de l'application de la loi. Effectivement, à partir de 1981, différentes représentations ont été faites au gouvernement, tant par les intervenants chargés de l'application de la loi que par la population, à partir des perceptions qu'elle avait de son application.

À cette réflexion se sont ajoutées l'adoption de la loi sur les jeunes contrevenants et différentes décisions judiciaires d'importance, dont l'arrêt Touchette-Bergeron ayant pour effet d'affecter le mécanisme d'orientation privilégié par la loi et de confirmer la légitimité de certaines des représentations qui nous avaient été faites. Il devenait donc de plus en plus important d'adopter des modifications.

Dans la même foulée - ce sont les faits - le 19 décembre 1981, de consentement unanime, l'Assemblée nationale créait une commission spéciale dont le mandat se lisait comme suit: "Aux fins de réviser la

Loi sur la protection de la jeunesse, de procéder à l'évaluation des applications de cette loi et des conséquences de ces applications en regard des objectifs fondamentaux de respect et de protection des droits des jeunes et de protection légitime du public devant les infractions et les actes de délinquance."

On spécifiait, à ce moment-là, que la commission Charbonneau devait, avant le 1er décembre 1982, faire rapport, faire à l'Assemblée nationale des recommandations portant à la fois sur les amendements législatifs et réglementaires jugés nécessaires et sur les applications en vigueur ou encore à mettre en vigueur. Il devait y avoir un rapport de la part de la commission Charbonneau en décembre 1982. Ce rapport, comme on le sait, a été déposé en novembre. Également, il était spécifié qu'afin de remplir adéquatement son mandat la commission devait, notamment, rencontrer les personnes ou les organismes chargés de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse ainsi que les personnes et les groupes communautaires, ce qui a été fait, effectivement.

Le mandat confié à la commission parlementaire spéciale confirmait donc, dès ce moment, la volonté gouvernementale d'apporter des modifications législatives. C'est dans cet objectif qu'il nous a été possible de prolonger le moratoire qui avait été convenu à la suite, notamment, du jugement dans l'affaire Touchette-Bergeron, moratoire qui avait été convenu avec les secteurs policiers quant à l'application de la loi actuelle qui créait d'énormes difficultés. C'est dans ce sens et c'est ce à quoi faisait référence Mme la députée de L'Acadie, tout à l'heure, quand elle parlait d'une lettre du ministre de la Justice aux membres de la commission.

Le 23 novembre 1982, la commission parlementaire spéciale sur la protection de la jeunesse, présidée par le député de Verchères, M. Jean-Pierre Charbonneau, a déposé son rapport devant l'Assemblée nationale. Ce rapport, M. le Président, comprenait plus de 600 pages et contenait 105 recommandations à multiples volets touchant toute la législation que les pratiques ou activités des intervenants et ministères concernaient. La commission préconisant une réforme complète... Cette commission, qui au départ, et ce n'est pas un reproche, devait indiquer au gouvernement les modifications qu'il fallait faire à la Loi sur la protection de la jeunesse, s'est terminée, en fait, par un rapport qui préconisait effectivement une réforme complète de la loi actuelle. Y étaient jointes quatre annexes dont une contenait une proposition législative en bonne et due forme.

Vous comprendrez qu'à la suite d'un tel rapport, il était nécessaire d'évaluer la

légalité et l'applicabilité de la réforme proposée. Je peux dire que, contrairement à ce qu'a dit Mme la députée de L'Acadie tout à l'heure, c'est avec grande diligence que le ministère des Affaires sociales et le ministère de la Justice, sans chicane, ont procédé à l'étude des recommandations faites par la commission et ont examiné la réforme législative qui était proposée. Cette étude a nécessité la consultation aussi de la part... Les travaux de la commission ont quand même duré un an. Il faudrait quand même faire des nuances avant d'exprimer des reproches au gouvernement. À partir de son rapport qui préconisait une réforme globale de toute la Loi sur la protection de la jeunesse, l'étude, je l'ai dit, du point de vue de la légalité ce n'est pas si simple que cela. Je m'attarderai sur ce point tout à l'heure.

En plus de cela, pour arriver à des modifications il fallait nécessairement en arriver à aller reconsulter l'ensemble des intervenants. Cette étude a nécessité la consultation des personnes et organismes qui sont plus directement impliqués dans la loi 101.

Comme chacun le sait, l'application quotidienne de la loi fait appel à de nombreux intervenants ou organismes. On y retrouve les centres de services sociaux, les directeurs de la protection de la jeunesse, les centres d'accueil, les familles d'accueil, les centres locaux de services communautaires, les associations de ces établissements, les substituts du Procureur général, les services de police, les services judiciaires, la Commission des services juridiques, le Comité de la protection de la jeunesse, pour n'en mentionner que quelques-uns qui sont plus directement concernés par cette loi, très directement concernés par cette loi et qu'il faut consulter avant d'en arriver, pour un gouvernement, à déposer une loi d'importance au niveau des modifications. Cela, M. le Président, on peut désirer que ça se fasse le plus rapidement possible, mais, sans qu'il y ait de chicane entre les deux ministères, toutes ces consultations, on en convient très rapidement, ne peuvent se faire dans un très court temps.

Je suis en mesure de dire à Mme la députée de L'Acadie que les deux ministères ont vraiment fait diligence, parce qu'une telle consultation implique des délais qui sont toutefois fort justifiables lorsqu'il s'agit d'assurer l'applicabilité de nouvelles dispositions législatives.

À la suite de l'étude et de la consultation que nous avons effectuées, nos deux ministères se sont rencontrés à maintes reprises - je dirais les deux ministres également - en vue de compléter les amendements qui devraient être apportés à la Loi sur la protection de la jeunesse. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons toutes les raisons de croire qu'il sera possible, avant l'ajournement des fêtes, de déposer le projet de loi concernant les modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse.

En plus de cette première obligation que nous avions d'étudier les recommandations de la commission et de consulter les personnes et organismes impliqués, il y a eu également - il faut se le rappeler - des difficultés majeures qui sont survenues et dont j'aimerais vous faire part. Tout d'abord, l'incertitude quant aux modalités de partage des coûts résultant de la Loi sur les jeunes contrevenants. L'adoption par le Parlement canadien - ce n'est pas une bataille fédérale-provinciale dont je veux parler, il n'y en a pas eu, il y a eu beaucoup de représentations de la part du gouvernement du Québec au gouvernement fédéral et je suis en mesure de dire que les deux ministères ont travaillé avec suffisamment d'efficacité pour pouvoir dire que la loi fédérale est grandement sinon exclusivement influencée par l'ensemble des représentations qui ont été faites par le gouvernement du Québec en ce qui a trait aux principales orientations - de la Loi sur les jeunes contrevenants, dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er avril 1984, modifiera sensiblement le processus d'intervention auprès d'un adolescent soupçonné d'une infraction criminelle.

Le gouvernement fédéral, par l'entremise du Solliciteur général du Canada, prévoit assumer une partie des coûts additionnels que les provinces devront payer de façon transitoire ou permanente consécutivement à l'implantation de cette nouvelle loi fédérale.

Actuellement, il faut bien dire que le règlement de partage - ce n'est pas parce que nous n'avons pas poussé pour que cela aboutisse le plus rapidement possible - est l'objet de la négociation qui nécessite de nombreux échanges entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le Solliciteur général du Canada a proposé d'assumer cet impact financier selon deux modes: premièrement, la reconduction des modalités de partage établies entre le ministère du Bien-être social fédéral et les provinces en vertu du régime d'assistance publique du Canada; deuxièmement, le partage des coûts marginaux dans certains services que la loi fédérale entend privilégier, à savoir la sélection des mesures de rechange et des rapports prédécisionnels, pour ne nommer que ceux-là.

En raison de ces deux modes proposés, le problème du Québec est double. Premièrement, il doit s'assurer d'une interprétation favorable du règlement de partage actuel qui devra être reconduit. Or, le ministère du Bien-être social fédéral vient de remettre en cause les ententes existant à l'heure actuelle et sa participation financière de plusieurs dizaines de millions par année qui résulte de

la mise en cause de cette entente qui existe à l'heure actuelle, en prétextant que plusieurs sections de la Loi sur la protection de la jeunesse ne répondent pas aux critères de politique administrative de partage et cela se traduit, en fin de compte, dans des coûts très importants. J'y reviendrai tout à l'heure. Cela pourrait se traduire, s'il n'y a pas une entente satisfaisante, par des coûts très importants pour le gouvernement du Québec et pour l'ensemble de la population du Québec.

Le gouvernement du Québec, étant donné l'attitude du gouvernement fédéral -en fait, cela se comprend, ce sont des négociations - a un autre problème. On doit s'assurer d'une couverture maximale des coûts résultant de la nouvelle loi fédérale. Or, la définition de services partageables entraîne des discussions laborieuses sur des définitions de termes et des interprétations de services a l'intérieur du processus d'intervention actuel et futur auprès des contrevenants. Les conséquences des différents scénarios de négociation sont difficiles à évaluer puisque, jusqu'à présent, le gouvernement fédéral n'a pas mis de propositions chiffrées sur la table. On doit en tenir compte par rapport à des amendements qui viendront. Le Québec peut aussi bien tout perdre que tout espérer.

L'enjeu est donc de taille, surtout si on considère que les services aux jeunes délinquants au Québec vont coûter, en 1983-1984, environ 350 000 000 $ incluant les coûts de police et que les services impliqués dans les discussions de partage représentent au moins 100 000 000 $ sur ce total, ce qui montre jusqu'à quel point il est important d'en arriver à une conclusion au niveau des négociations avec le gouvernement fédéral qui nous soit favorable par rapport aux directions, par rapport à l'ensemble de la philosophie qui caractérise, en fait, d'une façon spéciale, la Loi sur la protection de la jeunesse.

C'est vrai, comme l'a dit Mme la députée de L'Acadie - et je pense qu'on doit s'en féliciter - que le Québec est à l'avant-garde de toutes les provinces dans le domaine de la protection de la jeunesse. Je pense que le gouvernement actuel, par la législation et les gestes posés, y est pour beaucoup. Il est évident qu'on ne doit pas s'asseoir sur cette réalité, mais essayer d'y aller encore avec des améliorations additionnelles. C'est l'objectif que nous atteindrons, j'en suis convaincu, avec le dépôt d'un projet de loi contenant des modifications substantielles à la Loi sur la protection de la jeunesse qui existe actuellement.

Il y a eu également - je n'aurai pas le temps, il ne me reste que deux minutes, M. le Président - comme on le sait, des jugements très importants qui ont été rendus, et pas seulement le jugement Touchette C.

Bergeron. Il y en a eu d'autres tout récemment qui sont d'une extrême importance et toute analyse de modifications de la Loi sur la protection de la jeunesse doit se faire à la lumière de l'analyse de la portée de l'ensemble de ces jugements qui ne sont pas de nature à améliorer la situation du Québec ou des provinces concernant leur compétence au niveau de l'administration de la justice. Je n'ai pas le temps d'approfondir, mais c'est un autre élément avec le partage des coûts, avec également l'ensemble des consultations qu'il nous fallait faire, nous, les ministères, auprès des organismes visés dans le réseau.

D'une façon tout à fait convaincante, sinon pour l'Opposition, j'en suis assuré, pour la population qui nous écoute, toutes ces démarches, tous ces éléments expliquent pourquoi il a fallu y mettre un certain temps avant d'en arriver au dépôt d'un projet de loi concernant les modifications à apporter à la Loi sur la protection de la jeunesse. C'est pour cette raison que nous ne pouvons en aucune façon être d'accord avec le libellé même de la motion de Mme la députée de L'Acadie qui parle de l'inaction du gouvernement, alors qu'on est en mesure de constater que le gouvernement a, au contraire, agi avec célérité, rapidement, n'a pas ménagé les efforts et, malgré tous les obstacles qu'on a rencontrés, trouvera le moyen quand même d'en arriver au dépôt d'une loi dans des délais raisonnables. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de L'Acadie a une question à poser, je pense.

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, en vertu de l'article 96, vraiment une très courte question à poser à M. le ministre, s'il me le permet. Je voudrais savoir à quelle date les derniers jugements auxquels il a fait allusion ont été rendus. (16 h 50)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bédard: Au cours du mois d'octobre de cette année, le 23 octobre.

Mme Lavoie-Roux: Le 23 octobre, bon, d'accord.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laurier.

M. Bédard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui.

M. Bédard: Je m'excuse, mais si Mme la députée de L'Acadie prend ma réponse en essayant de conclure que ce n'est donc qu'à

partir du 23 octobre qu'il y a eu du travail de fait, ce serait une interprétation fort malhonnête dont je ne soupçonnerais en aucune façon Mme la députée de L'Acadie. Je crois avoir dit dans quelle mesure, dès le dépôt du rapport de la commission Charbonneau, le gouvernement a fait diligence pour essayer d'en arriver le plus rapidement possible à la présentation d'une loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'ai écouté très attentivement ce que le ministre avait à nous dire sur cette question et sur la motion à l'étude devant cette Chambre. Je dois vous avouer très franchement, M. le Président, qu'il ne m'a pas convaincu que le gouvernement n'aurait pas pu avant aujourd'hui déposer devant cette Chambre un projet de loi qui visait à modifier la loi 24. Il ne m'a pas convaincu parce que non seulement le rapport a été précis, en présentant une série de propositions concrètes - 105 en tout, c'est très volumineux, effectivement - mais on a fait tout cela à la suite d'une vaste consultation à travers la province. C'est pour cette raison surtout que je veux intervenir en vous demandant, M. le Président, de considérer l'effet d'inaction - parce qu'il s'agit d'inaction - à la suite du rapport de cette commission dont j'avais l'honneur d'être vice-président avec mon collègue, le député de Verchères.

On a dit à tout le monde qu'il fallait agir et qu'il fallait agir rapidement. On est allé, le président de la commission et moi-même, voir la police de Montréal, la Sûreté du Québec avant de commencer nos travaux parce qu'on voulait s'assurer qu'il y aurait un moratoire, on voulait faire notre part pour qu'il y ait un moratoire en ce qui concerne le traitement des plaintes de la part des policiers. On leur a dit effectivement: Nous sommes prêts à partir et nous allons faire notre consultation, notre tournée. On va même raccourcir notre mandat, on va même déposer notre rapport avant le temps pour que le gouvernement puisse agir par la suite et régler des problèmes qui sont évidents sous certains aspects.

Ces gens nous ont accueillis, nous ont écoutés; ils ont accepté par la suite - non seulement je ne veux pas être prétentieux et dire qu'ils ont accepté uniquement parce qu'on est allé les voir - de maintenir le système tel qu'il était avant la décision de la Cour suprême, de continuer à fournir de la bonne volonté et de la bonne foi dans ce domaine extrêmement important. Nous nous sommes engagés dans des consultations en privé et en public; nous avons participé à des rencontres avec des gens en petit nombre et nous avons participé à des audiences publiques un peu partout à travers la province. Nous avons rencontré des centaines de personnes. À ces personnes, on a dit exactement la même chose. C'était effectivement un mandat que la commission avait reçu de l'Assemblée nationale pour examiner, pour réviser, pour réévaluer l'application de la loi 24 et faire des propositions concrètes au gouvernement pour que la loi 24, après trois ans d'application, puisse être raffinée, rajustée, changée.

On a fait un certain nombre de constatations. Une des constatations qu'on a faites est qu'à travers toute la province, tous les intervenants dans ce domaine sont des gens d'un dévouement certain qui, eux aussi, voyaient les lacunes, mais de façon terre à terre, de façon pratique: les intervenants sociaux, les juges, les avocats, les personnes désignées par le ministre de la Justice, tout ce monde avait des choses à dire sur la loi 24 et sur son application. Tout le monde était conscient qu'il fallait agir afin de corriger certaines lacunes de la loi 24.

Ce qui m'embête dans tout cela, et la raison pour laquelle je veux parler pour la motion, c'est qu'effectivement il y a eu inaction de la part du gouvernement. Il me semble qu'il y a une certaine contradiction quand l'Assemblée nationale décide de créer une commission spéciale. De part et d'autre, on a convenu que c'était une commission non partisane et on n'a pas fait de politique partisane sur ce sujet. On est allé voir le monde à l'extérieur avec toute notre bonne volonté et on l'a retrouvée sur le champ. On a donné à cette commission l'idée qu'on allait voir rapidement quelque chose se produire. C'est venu de la bouche du gouvernement même. On a eu de multiples promesses, notamment qu'un projet de loi qui donnerait suite aux recommandations qu'on avait faites et qui aurait comme objet de modifier la loi 24 serait déposé en juin. On a eu cette promesse dans le discours inaugural de la part du premier ministre, mais tout en faisant état des difficultés quant à l'entente qui devrait exister entre le ministère des Affaires sociales et le ministère de la Justice. On ne la qualifiait pas de chicane, on disait qu'il y avait des différences d'opinions très vives et qu'il y avait des discussions sur ce sujet. Néanmoins, le premier ministre disait: II est clair qu'il doit y avoir des amendements pour le mois de juin.

Après cet engagement, à l'occasion de questions qu'on a posées en Chambre, on a eu l'engagement, encore une fois, qu'il y aurait des modifications pour donner suite au rapport de la commission spéciale sur la protection de la jeunesse et pour amender la

loi 24, avant la fin de cette année. Une deuxième promesse, après l'échéancier du mois de juin, la fin de l'année. La fin de l'année, c'est le 31 décembre, dans un mois à peu près et on sait fort bien qu'on n'a pas eu encore de modifications à la loi déposée ici en cette Chambre. Donc, on peut conclure, en tenant compte du règlement qui prévoit que s'il devait y en avoir ils auraient déjà été déposés qu'il n'y aura donc pas de modifications avant la fin de l'année tel que promis.

Si on tient compte après cela que la Chambre ne recommencera pas à siéger avant la deuxième semaine du mois de mars, c'est sûr et certain qu'on se retrouvera au printemps sans avoir touché quoi que ce soit dans la loi 24 pour la modifier et donner suite aux recommandations qu'on avait faites.

Sachant comment cela peut fonctionner, il n'est pas irréaliste de s'attendre qu'il n'y aura pas de modifications adoptées, avant l'été prochain. Cela aura fait, à ce moment-là presque deux ans que la commission a soumis son rapport - un an et trois quarts à peu près - à l'Assemblée nationale à la suite d'un engagement que les membres de la commission avaient pris eux-mêmes de raccourcir leur mandat et de faire en sorte de prendre les bouchées doubles, selon l'expression, pour que le législateur, le gouvernement soit saisi des propositions et soit en mesure de préparer les amendements nécessaires.

Après tout ce que le ministre de la Justice a dit, M. le Président, je n'y ai pas vu une explication concrète du fait qu'on n'a pas eu encore ces modifications. À la toute fin de son discours, il s'est attardé un certain moment sur les négociations qu'il peut y avoir entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral quant au transfert de sommes d'argent pour l'application de la Loi sur les jeunes contravenants et la part que le Québec assume là-dedans. Je ne voudrais pas croire que toute cette inaction découle uniquement du fait qu'il y a des pourparlers. Je ne voudrais pas croire non plus que le gouvernement tente d'utiliser le retard dans les modifications pour avancer les négociations. En dépit de tout ce qu'il peut y avoir comme résultat de ces négociations à Ottawa, il y a un paquet de choses qui dépendent uniquement du Québec et sur lesquelles le Québec aurait pu agir, même en présentant des modifications complètes, quitte à faire appliquer certaines mesures un peu plus tard une fois certains autres détails réglés.

On a déjà vu, dans d'autres projets de loi, que certains articles peuvent entrer en vigueur à la suite de l'adoption du projet. Cela aurait pu être la même chose. Si, de façon sérieuse, le gouvernement voulait donner suite à ces propositions, il aurait pu, j'en suis convaincu.

Une des choses qui m'amènent à sentir que le gouvernement n'a pas agi jusqu'à maintenant, c'est un peu ce que le ministre a dit tout à l'heure, tout en protestant que ce n'est pas un reproche. Je me demande si, effectivement, le résultat de nos travaux de la commission parlementaire n'était pas quelque chose auquel le gouvernement et peut-être particulièrement le ministre de la Justice ne s'attendait pas et même ne voulait pas.

J'avais un peu l'impression qu'il disait: Si on avait eu simplement quelques petites recommandations précises par rapport à la loi 24 sur laquelle on a fait tout... une chose, ce n'est pas le bon mot, ce n'est pas le mot que je cherche, mais... (17 heures)

Une voix: Un plat.

M. Sirros: ...un plat, on aurait peut-être pu avancer tout de suite, rapidement, et faire quelque chose dans ce sens-là, mais au contraire nous avons, à la commission, pris notre travail d'une façon très sérieuse, très responsable, et nous avons vu sur le terrain qu'il y avait lieu de regarder l'ensemble de la question, parce qu'il y avait effectivement beaucoup de questions posées dans le réseau par les intervenants. Finalement, ce sont eux, M. le Président, qui ont à appliquer la loi et qui ont à travailler directement avec les jeunes pour lesquels on essaie de légiférer.

Nous avons constaté tout cela et nous nous sommes dit qu'on ne pouvait pas se limiter simplement à faire un travail qui pourrait faire plaisir au ministre de la Justice ou au ministre des Affaires sociales, mais qui ne rendrait vraiment pas justice à tout ce qu'il y a à faire dans ce domaine. Concernant la loi 24, si on trouve ses principes louables, si on trouve que le Québec s'est mis bien en avant du reste du Canada en ce qui concerne le traitement des jeunes, il y avait certes une confusion dans certains domaines, surtout pour ce qui est de l'approche et de la distinction qu'on peut faire entre les cas de protection et les cas de délinquance, et il y avait beaucoup de questions sur cet aspect.

En guise de conclusion, je ne veux pas m'excuser pour avoir contribué tant que j'ai pu à faire en sorte qu'on ait ici un rapport volumineux contenant 105 recommandations et qui fait le tour complet de la question. C'est entre les mains du gouvernement depuis un an et on n'a rien vu, sauf deux promesses quant aux modifications, qui n'ont pas été respectées jusqu'à maintenant.

En concluant, je ne peux que dire qu'il y a eu inaction et je souhaite que, le plus rapidement possible, ce soit corrigé.

Le Président suppléant (M. Gagnon):

Merci, M. le député.

M. le ministre des Affaires sociales.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, sur la motion de Mme la députée de L'Acadie, qu'il me soit permis de rappeler certains faits et de compléter une partie des propos qu'aurait voulu ajouter le ministre de la Justice, ce que le temps ne lui a pas permis de faire.

D'abord, tout ce qui a été fait depuis 1977 en cette matière - je ne veux pas remonter aux calendes grecques - c'est une approche nouvelle, audacieuse, on le sait, qu'aucun autre gouvernement canadien n'a adoptée antérieurement. Le Québec, dans ce domaine comme dans bien d'autres, se distinguait de la plupart des autres provinces canadiennes. Deuxièmement, on a reconnu enfin, d'une manière très spécifique, les besoins des jeunes plutôt que de les laisser dans des structures conçues pour des adultes. C'est aussi simple que cela. La base de la loi 24, c'était cela.

On a reconnu des droits particuliers aux jeunes. On a tenté d'en garantir l'exercice. On a créé cet accès à la non-judiciarisation à la suite d'un délit. On a fait en sorte que les ministères et les intervenants se concertent plus. On a assuré très concrètement l'accessibilité 24 heures par jour aux services sociaux en matière de protection et de délinquance. On a favorisé le maintien des enfants et des jeunes dans leur milieu naturel. Il est donc, je pense, de notoriété publique que cette loi adoptée par le gouvernement du Québec, il y a un certain nombre d'années, a servi d'inspiration évidente au législateur fédéral pour sa Loi sur les jeunes contrevenants.

Il était évident qu'il y aurait des difficultés de rodage et d'implantation qui viendraient avec un changement aussi important, aussi radical, touchant un si grand nombre de citoyens, fussent-ils jeunes ou fussent-ils les parents de ces enfants. Ce fut donc le colloque Tous pour un, en juin 1980, la loi 10 en mai 1981, le sommet sur la protection de la jeunesse en octobre 1981, les discussions entre le MAS et le ministère de la Justice, la création de la commission dont on évoque les travaux, la remise de ce rapport le 23 novembre 1982.

Je voudrais, évidemment, rendre ici hommage aux membres de cette commission qui ont fait un travail absolument titanesque, ce qui faisait dire à certains, en blaguant: Vous auriez dû faire un rapport de 100 pages plutôt que de 600; peut-être que cela aurait été plus vite. Je veux bien ne pas disconvenir du fait qu'il s'agit là d'une boutade, mais je pense que cela parle en soi et que cela devrait inspirer les députés de l'Opposition quant aux délais.

Quand une commission de l'Assemblée nationale décide de remettre un rapport de 600 pages avec 150 recommandations au gouvernement, quand cette même commission a du passer des mois et des centaines d'heures de travail de consultation et de mise en forme, etc., on ne doit pas s'attendre que le gouvernement réagisse en quelques semaines. Je pense que ce ne serait pas rendre le respect qui est dû à un travail de cette envergure. Il est donc normal que le gouvernement ait eu à prendre un certain temps.

À cela, il faut ajouter trois ordres de difficulté importants. Le premier, c'est le retard dans la promulgation de la Loi sur les jeunes contrevenants, puisqu'il y a interdépendance entre les deux lois, et ce n'est pas nous qui décidons de retarder sa promulgation. Je me souviens, pour avoir comparu comme membre du gouvernement devant la commission, qu'au moment où les membres de la commission étaient à discuter de certains aspects en matière de délinquance ils étaient extrêmement préoccupés par la mise en vigueur anticipée de la Loi sur les jeunes délinquants. Pourtant, il y a eu retard dans cette mise en vigueur. Deuxièmement, il y a eu une difficulté d'entente quant aux coûts. Le Québec, à cet égard, n'est absolument pas différent des autres provinces qui, elles aussi, voient des problèmes sérieux dans le partage des coûts. Troisièmement, il y a eu les récents jugements de la Cour suprême.

Quant à l'incertitude qui touche la date d'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, celle-ci est attendue avec impatience par la plupart des intervenants au Québec parce que, justement, cette loi tient largement compte de la richesse de l'expérience de la loi 24, sans tenir compte du fait qu'une fois la nouvelle loi 24 adoptée ou la loi 24 amendée, je ne doute pas qu'éventuellement le législateur fédéral pourra s'en inspirer à l'égard de la Loi des jeunes délinquants.

Il faut cependant reconnaître que cet enthousiasme n'est pas partagé par toutes les provinces du Canada et que des pressions, extrêmement fortes sont exercées sur l'État fédéral pour retarder l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, tant pour des raisons qui touchent le partage des coûts que pour des motifs beaucoup plus fondamentaux quant aux principes mêmes qu'on retrouve dans la loi. On se souviendra qu'en janvier 1983, un représentant du ministère du Solliciteur général fédéral annonçait que la loi entrerait en vigueur le 1er avril 1983. Toutefois, les discussions sur les modalités financières étant à peine amorcées, il se dégagea un consensus que cela devrait être reporté au 1er octobre.

Dans l'intervalle, en vue d'assurer, malgré tout, l'implantation de la loi, le ministère de la Justice et celui des Affaires

sociales ont mis sur pied, le 21 mars 1983, une mission d'implantation ayant pour objet d'assurer la compréhension commune des changements législatifs, de déterminer et d'étudier en priorité les impacts de ces changements sur les pratiques, sur les dimensions organisationnelles des services, de permettre la formation des intervenants impliqués et de favoriser une formation et une publicité qui soient adéquates et cohérentes des contenus qui seront développés.

Par ailleurs, les différentes instances des deux ministères, celui des Affaires sociales et celui de la Justice, se sont livrées à une étude d'impact sur les changements apportés par la loi fédérale et ont développé des modalités qui doivent entourer la formation des intervenants.

M. le Président, en juillet dernier, dans le cadre de la conférence fédérale-provinciale des ministres de la Justice, l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants a de nouveau été reportée. En réponse aux représentations des provinces, la date du 1er octobre 1983 était donc écartée et on a appris, quelque temps après, que la nouvelle date serait le 1er avril 1984. Les rumeurs, en ce moment, veulent que ce soit le 1er avril 1985. Par conséquent, il était difficile d'établir exactement le contenu de notre loi, alors qu'on ne sait pas si la Loi des jeunes délinquants sera effectivement remplacée par la Loi sur les jeunes contrevenants. (17 h 10)

Nous considérons, en effet, que dans l'intérêt des adolescents, notre système d'administration de la justice pénale pour les adolescents en particulier ne devrait pas faire l'objet de litiges juridiques. Comme la nouvelle loi fédérale permet l'application de mesures de rechange, ce qui est le pendant de nos mesures volontaires en matière de délinquance introduite par la Loi sur la protection de la jeunesse, nous sommes disposés à établir les modalités des mesures en conformité avec la nouvelle loi fédérale. Encore faudrait-il qu'elle entre en vigueur.

Quant à l'impact de deux récents jugements de la Cour suprême, et j'abrégerai un peu, le Procureur général du Canada contre les Transports nationaux du Canada Ltée et la compagnie de transports Canadien Pacifique, CN-CP, et Sa Majesté la reine contre l'honorable juge Whitmore, ce jugement, rendu au mois d'octobre dernier, ne vient pas simplifier le portrait.

Le pouvoir de légiférer de l'Assemblée nationale en matière d'administration de la justice est considérablement restreint par ces deux jugements. Cette question a suscité d'ailleurs une réaction extrêmement vive, profonde et inquiète chez les Procureurs généraux de la plupart des provinces et a entraîné des modifications au projet de loi en préparation. En effet, il ne serait plus possible d'envisager que l'Assemblée nationale énonce dans la loi leurs modalités d'application des mesures de rechange qui peuvent être préconisées par le Directeur de la protection de la jeunesse lorsqu'un adolescent est impliqué dans une effraction fédérale. Il ne serait plus possible non plus, en vertu de ces jugements, que l'Assemblée nationale légifère sur la décision elle-même de poursuivre ou de ne pas poursuivre, que cette décision soit prise par le Procureur général ou le Directeur de la protection de la jeunesse. Ces dispositions constitueraient donc de la procédure criminelle au sens où l'entend la Cour suprême dans l'arrêt CN-CP et dans l'arrêt Whitmore.

En somme, ces deux jugements, même s'ils sont survenus tardivement, sont effectivement survenus au moment où le ministre de la Justice et le ministre des Affaires sociales s'apprêtaient à présenter un mémoire au Conseil des ministres pour les fins d'obtenir son aval pour un projet de loi qui allait être déposé. L'essentiel des matières que je ne qualifierai pas de litigieuses entre le ministère des Affaires sociales et de la Justice, mais des matières qui font l'objet de discussions normales, compte tenu des préoccupations quotidiennes légèrement différentes de ces deux ministères, étaient réglées et les arrêts CN-CP et Whitmore sont intervenus alors même que nous étions presque en phase de rédaction de ce projet de loi; et ce n'est pas une excuse ou un alibi, c'est simplement une question de fait.

Nous ne pouvons pas présenter ce projet de loi dans la forme qu'il était littéralement en train de prendre au niveau du comité de rédaction dans lequel sont impliqués les sous-ministres des deux ministères et qui, je veux rassurer Mme la députée de L'Acadie à cet égard, ne sont pas a couteaux tirés, pas plus d'ailleurs que le ministre des Affaires sociales et le ministre de la Justice sont à couteaux tirés, bien au contraire.

Je dirai que les quelques rencontres que nous avons eues au niveau ministériel et sous-ministériel entre les deux ministères, indépendamment du travail considérable qui a été fait par les équipes au niveau des professionnels et des spécialistes dans les deux ministères qui avaient suivi les travaux de la commission, se sont faits dans un contexte tout à fait serein qui a permis, effectivement, de dégager des consensus très clairs entre les deux ministères.

Motion d'amendement

C'est pourquoi, je termine, en conséquence de ce qu'évoquait tout à l'heure mon collègue le ministre de la Justice, en proposant un amendement à la motion de la

députée de L'Acadie: Que soient retranchés dans les première et deuxième lignes les mots "tout en déplorant l'inaction du gouvernement" et qu'ils soient remplacés par "en raison du délai qui s'écoule" tout en ajoutant après le mot "dépôt", "le 23 novembre 1982". Que soient retranchés dans les quatrième et cinquième lignes les mots "lui demande de" et qu'ils soient remplacés par "demande au gouvernement d'y". Que soient retranchés dans les sixième et septième lignes les mots "aux recommandations de ce rapport déposé à l'Assemblée nationale le 23 novembre 1982" et qu'ils soient remplacés par "le dépôt d'un projet de loi sur cette question".

La motion se lirait donc comme suit, M. le Président: "Que cette Assemblée, en raison du délai qui s'écoule depuis le dépôt, le 23 novembre 1982, du rapport de la commission parlementaire spéciale créée le 19 décembre 1981 pour procéder à une évaluation de la Loi sur la protection de la jeunesse, demande au gouvernement d'y donner suite avant la fin de la présente année par le dépôt d'un projet de loi sur cette question."

En d'autres termes, nous concourons à la préoccupation, mais sûrement pas aux intentions que nous imputent nos collègues d'en face. Très concrètement, le gouvernement sera prêt à déposer, d'ici à la fin de l'année, ce projet de loi et nous voterons évidemment en faveur de la motion, dans la mesure où notre amendement sera accepté.

Le Président suppléant (M. Gagnon):

Merci, M. le ministre. Je déclare donc cette motion d'amendement recevable. Maintenant, d'ici à 18 heures, nous discuterons en même temps de l'amendement et de la motion principale. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: M. le Président, ma première réaction, quand j'ai entendu la motion d'amendement du ministre, a été de dire - j'espère que vous allez m'excuser -Bravo, Thérèse, vous allez finalement les faire bouger. Et je pense que vous avez droit à toutes les félicitations parce que vous êtes la responsable de ce geste qui a finalement été posé, de cet engagement qui est finalement pris par le gouvernement cet après-midi.

Jusqu'ici c'était plat, M. le Président, d'être obligé de venir ici l'après-midi, sept ans après la prise du pouvoir par le Parti québécois, entendre deux grands ministres nous expliquer pourquoi ils n'ont pas été capables de livrer la marchandise. Vous avez eu droit à des explications: la vie est compliquée, il y a des questions de concordance, il y a des problèmes de partage de pouvoirs, il y a des consultations, il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles nous ne sommes pas capables de respecter nos engagements.

Je me souviens que lorsque je suis arrivé en Chambre, en 1978, j'ai trouvé fatigantes les déclarations répétées - dans l'euphorie du pouvoir récent de ces députés d'arrière-ban, du côté gouvernemental - que c'est un gouvernement qui respecte ses engagements. Je ne sais pas combien de fois j'ai entendu ces déclarations et je les ai trouvées très fatigantes.

Aujourd'hui, ils ne sont plus fatigants, ils sont fatigués. Et en conséquence, vous avez un gouvernement qui fait des promesses qu'il n'est pas capable de respecter et qui n'a pas l'énergie nécessaire pour poursuivre même ses propres intentions.

Je pense que c'est important de le souligner et surtout de souligner l'effort qui a été fait par ma collègue, la députée de L'Acadie, dans ce dossier.

Il faut rappeler que le rapport, qui a été rédigé par une équipe de députés dont le président était le député de Verchères et le vice-président le député de Laurier, alors que la députée de L'Acadie et le député de D'Arcy McGee étaient également membres, a été déposé il y a plus d'un an, en novembre 1982. J'ai la forte impression que, dès ce moment, c'était destiné à devenir une espèce de rapport Pepin-Robarts au niveau du gouvernement du Québec, un rapport "tabletté" et duquel on n'aurait jamais plus entendu parler.

Mais ce n'était pas possible parce que, dès la reprise de la session au mois de mars, à la première occasion, la députée de L'Acadie a commencé à intervenir; elle n'avait pas l'intention de laisser le gouvernement oublier ce rapport. Le 8 mars, elle a demandé au leader, en vertu de l'article 34, s'il avait l'intention d'aller de l'avant avec les conclusions et de présenter un projet de loi. M. Bertrand a dit: "Nous aurons un Conseil des ministres spécial durant le week-end, entre autres choses, pour préparer le menu législatif et bien sûr établir nos priorités. Je ne doute pas que nous ferons, entre autres choses, état de ce dossier. Effectivement, je crois savoir que c'est un dossier qui chemine bien." Il était très optimiste, il était obligé de répondre. (17 h 20)

Quelques jours après, le premier ministre a dit, dans son discours inaugural -parce qu'il avait aussi écouté le discours de la députée de L'Acadie - "II est clair néanmoins qu'en cours d'année le gouvernement aura à tenir compte concrètement des plus évidentes de ces constatations." Mais la députée de L'Acadie, sachant fort bien que le gouvernement et même le premier ministre ont tendance à oublier parfois les promesses faites dans les discours inauguraux - il y a d'autres exemples, comme vous le

savez - n'a pas lâché et, lors de l'étude des crédits, au mois de mai, elle a posé la question au ministre des Affaires sociales. Elle a dit: "Allez-vous déposer un projet de loi touchant les modifications à la loi 24?" Et le ministre a dit: "Possiblement au mois de juin." "Quand pourrait-il être adopté?" a-t-elle demandé. "Si on le dépose au mois de juin, on ne peut pas l'adopter avant octobre." Elle attend alors le dépôt de ce projet de loi avant la fin de la session au mois de juin.

On arrive au 31 mai, la dernière journée où on peut déposer un projet de loi pour que ce soit adopté avant la fin de juin. La députée de L'Acadie réclame encore. Elle a recours à l'article 34. Elle demande au leader s'il a l'intention de déposer ce projet de loi, parce que c'était plus ou moins un engagement de le déposer au mois de juin. C'est long, sa réponse, comme vous pouvez l'imaginer, parce qu'il n'avait pas de réponse. Finalement, il dit: "En tout état de cause, dans l'état actuel des choses, je ne peux pas vous indiquer qu'il y aura un projet de loi adopté avant le 25 juin. Ce sera probablement davantage l'automne prochain." Il ajoute: "Je continue de maintenir que cela chemine bien." Mais, malheureusement, les attentes qu'on avait eues du premier ministre, du leader et du ministre lui-même, dès le mois de mars, n'étaient pas réalisées.

Finalement, la députée de L'Acadie ne lâche plus. Elle est encore là le 15 juin, presque la dernière journée de la session. Posant une question, elle demande au premier ministre ce qui se passe et le premier ministre lui dit: "Tout ce que je peux dire, c'est que cela a été assez long, assez ardu, comme cela arrive souvent quand il y a une sorte de double juridiction." Mme la députée de L'Acadie a soulevé la possibilité qu'il y avait peut-être des problèmes internes, ce qui a été nié fortement cet après-midi. Vous l'avez entendu, mais nous ne sommes pas les seuls qui avons noté ces problèmes. Le premier ministre a dit: "Je dois répondre à Mme la députée que ce ne sont pas tellement des querelles que de légitimes différences d'opinions." C'est là une nuance. Mais entre eux, d'après le premier ministre, entre le ministre des Affaires sociales et le ministre de la Justice, il y avait de légitimes différences d'opinions. Une querelle peut être une légitime différence d'opinions. L'un n'exclut pas l'autre. De toute façon, le premier ministre a dit, et je pense que c'est intéressant, parce que le premier ministre est d'accord avec moi sur le rôle qu'a joué la députée de L'Acadie dans ce dossier, il a dit: "Je répète, je garde l'espoir que ce projet de loi va venir bientôt et je remercie la députée de L'Acadie de m'avoir fourni une sorte de pression. Cela va m'amener à mettre de la pression moi aussi pour qu'on puisse aboutir avant la fin de l'année."

Alors, la session se termine au mois de juin. Malheureusement, la députée de L'Acadie ne peut pas poser de question au mois de juillet, pas de session, au mois d'août, pas de session, au mois de septembre, pas de session, au mois d'octobre, pas de session. Ils étaient au travail sur la question nationale. Finalement, la session a repris la semaine dernière. Immédiatement...

Mme Lavoie-Roux: ...le 15 octobre.

M. Scowen: Mon Dieu! Mme la députée de L'Acadie me rappelle qu'elle a proposé une motion le 15 octobre. La motion à débattre aujourd'hui a été présentée la première journée. À la reprise de la session, elle a rappelé au gouvernement la nécessité de ne pas oublier ce document, de ne pas le laisser sur les tablettes et d'agir. Aujourd'hui, on se retrouve devant une motion que le ministre de la Justice a refusée. Il a dit: II n'en est pas question, mais nous avons l'intention d'essayer de faire quelque chose d'ici à la fin de l'année. Mais le ministre des Affaires sociales, un homme qui a une sensibilité politique très aiguë, a finalement réalisé que les pressions exercées par la députée de L'Acadie sont la conséquence des attentes et des désirs de toute la population du Québec. Dans un délai de dix minutes, entre le discours du ministre de la Justice et celui du ministre des Affaires sociales, ils ont décidé - je ne veux pas dire que cela a été fait en panique, je suis certain que cela a été raisonné parce que c'est une décision très sage sur le plan politique - ce gouvernement a finalement décidé, à la suite des efforts de ma collègue, la députée de L'Acadie, depuis un an maintenant, de donner suite aux engagements ou aux recommandations qui ont été faites dans le rapport Charbonneau. Tout ce que je peux dire en terminant, une fois de plus, M. le Président, c'est: Bravo, Thérèse! Merci.

Des voix: Bravo, Thérèse!

Le Président suppléant (M. Gagnon):

Merci, M. le député.

M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, on m'a beaucoup nommé cet après-midi et je m'en voudrais de ne pas intervenir dans ce débat. Je pense avoir une obligation morale, comme feu-président de cette commission parlementaire spéciale, celle de faire un certain nombre de mises au point et de constatations aussi après un an. Ce qui est un peu curieux, c'est de voir que nous discutons de ce sujet un an jour pour jour après la présentation du rapport de la com-

mission parlementaire à l'Assemblée nationale.

Après un an, si j'étais convaincu, comme tentent de nous le faire croire qu'ils le sont, eux, les députés de l'Opposition, que le gouvernement n'a rien fait depuis un an, je serais obligé de voter pour la motion qui a été présentée par Mme la députée de L'Acadie, une de mes collègues de la commission parlementaire spéciale. Je serais obligé parce que je n'ai pas passé un an de ma vie à présider cette commission parlementaire pour accepter, comme d'autres l'ont accepté dans le passé, que des travaux et des conclusions sérieuses soient mis sur des tablettes et qu'on n'en tienne pas compte.

Je regarde ce qui s'est fait depuis un an et je suis obligé de constater - je ne suis pas obligé, mais je le reconnais et je m'en réjouis d'une certaine façon - que le travail a avancé. Je ne reviendrai pas sur les explications qui ont été données par le ministre de la Justice et par le ministre des Affaires sociales sur les raisons pour lesquelles on n'a pas réussi encore à déposer à l'Assemblée nationale un projet de loi. Néanmoins, les deux ministres responsables de ce dossier ont donné des indications précises sur le travail qui a été effectué au cours de cette année pour en arriver, dans les prochaines semaines, à la présentation d'un projet de loi à l'Assemblée nationale.

On n'a qu'à penser à tout le travail de réflexion qui s'est fait à l'intérieur des deux ministères. Bien sûr, il y a eu des divergences d'opinions, les ministres vont en convenir. Le premier ministre vient d'être cité et il l'a lui-même reconnu, il y avait des différences d'approche dans les deux réseaux dirigés par les ministres qui sont intervenus. Bien sûr, cela a amené des discussions, c'était inévitable. Je conviens avec le ministre des Affaires sociales que le rapport de la commission parlementaire était passablement volumineux et on ne pouvait pas, du jour au lendemain, tirer des conclusions et présenter des recommandations législatives à l'Assemblée nationale.

Ce dont on doit se rendre compte, c'est que ce rapport, dont on a fait état de l'importance en termes de volume et du nombre de recommandations, contenait une série de recommandations législatives pour modifier la Loi sur la protection de la jeunesse. Contrairement à ce que vient de dire le député de Notre-Dame-de-Grâce, on n'a pas attendu son intervention pour que le ministre de la Justice annonce aujourd'hui et confirme, dans le fond, ce que le premier ministre avait déjà dit au mois de juin, qu'avant la fin de cette année il y aurait un projet de loi déposé ici, à l'Assemblée nationale.

Je voudrais aussi m'attarder sur les autres suites qui ont été données au rapport de la commission parlementaire. S'il y avait une partie législative reliée directement à la Loi sur la protection de la jeunesse, on s'est beaucoup attardé aussi sur des aspects administratifs et des aspects de réorganisation de la philosophie politique et administrative qui devaient sous-tendre l'action gouvernementale au niveau de l'aide à la jeunesse. On a consacré de nombreuses pages de ce rapport à expliquer comment, par exemple, tout le système législatif qu'on avait mis en place avec la loi 24 et qu'on veut améliorer par les propositions législatives, reposait sur une philosophie d'aide qui devait faire appel plus que jamais, plus qu'on ne l'avait fait à la suite de la loi 24, à une approche préventive qui fait appel à l'intervention communautaire. (17 h 30)

II y avait, par exemple, un constat que nous avions fait, y compris les députés ministériels - nous avons adressé ce constat au gouvernement - qu'il manquait, à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, un lieu de concertation qui permettrait au gouvernement d'améliorer l'efficacité et la cohérence de ses interventions à l'égard des jeunes et, entre autres, des jeunes en difficulté.

Nous proposions dans le rapport de la commission parlementaire sur la protection de la jeunesse, la création d'un Secrétariat à la jeunesse. Je voudrais rappeler aux députés de l'Opposition que ce Secrétariat à la jeunesse a été créé au mois de mars 1983, qu'il existe toujours et qu'il est même sous l'autorité du premier ministre du Québec. Donc, voilà une suite concrète qui a été donnée au rapport de la commission parlementaire, une suite qui continue de se dérouler, qui ne fait pas continuellement la manchette des journaux, qui semble avoir passé complètement inaperçue aux yeux des députés de l'Opposition et malheureusement aux yeux de mes collègues qui avaient jugé comme moi cette mesure importante, qui a été réalisée. On n'en a cependant pas fait état de l'autre côté.

On a parlé aussi, dans le rapport de la commission parlementaire, de l'importance de développer les approches préventives au niveau des interventions d'aide à la jeunesse. Je ferai remarquer aux députés de l'Opposition qu'au moment même où le premier ministre a annoncé la création du Secrétariat à la jeunesse, il a également annoncé la mise en place d'une série de mesures visant à améliorer l'intervention gouvernementale des jeunes. C'est ce qu'on a appelé, au mois de mars dernier, le plan d'action gouvernemental en faveur des jeunes. Dans ce plan d'action, il y avait un des cinq volets qui était celui de l'amélioration des services sociaux pour les jeunes. On disait en particulier dans ce plan d'action que le gouvernement s'engageait, par le ministère des Affaires sociales, à faire en sorte que les

centres locaux de services communautaires, les CLSC entre autres, augmentent leurs interventions préventives à l'égard des jeunes, en particulier des jeunes ayant des problèmes de délinquance juvénile.

Je sais, pour avoir non seulement parlé avec le ministre de la Justice et ses fonctionnaires mais également avec des gens sur le terrain, que c'est en marche, que plus que jamais, depuis un an, les interventions des CLSC et des services sociaux s'améliorent et sont inspirés d'une plus grande compréhension de l'importance qu'on doit accorder à l'approche préventive.

On a, par exemple, augmenté les crédits, comme on le suggérait dans le rapport de la commission parlementaire, aux maisons de jeunes et aux organismes communautaires d'aide à la jeunesse et de services aux jeunes. Je pense qu'on peut encore aller beaucoup plus loin dans ce domaine-là, mais depuis un an, on ne peut pas dire que le gouvernement n'a pas tenu compte de l'approche et des recommandations de la commission parlementaire que j'ai présidée.

On avait aussi indiqué dans le rapport de ladite commission qu'il était important et capital que le gouvernement fasse non seulement la promotion mais soutienne les actions et les initiatives de concertation des services d'aide à la jeunesse sur le terrain. Je puis vous dire que si ce n'est pas aussi avancé que je le voudrais, moi personnellement, néanmoins depuis un an, un changement intéressant a été fait à cet égard; que dans un certain nombre de régions du Québec on constate que des CRSSS, des conseils régionaux de la santé et des services sociaux se sont particulièrement sensibilisés et mis à l'oeuvre pour améliorer la concertation des services d'aide à la jeunesse sur leur territoire. Je prends deux exemples, le Conseil régional de la santé et des services sociaux du Montréal métropolitain qui a une personne à temps plein sur ce dossier de concertation et la même chose du côté du CRSSS de la Montérégie qui, là aussi, a affecté une personne à temps plein pour faire et susciter la concertation des services d'aide à la jeunesse.

Donc, on se rend compte, M. le Président, que si tout n'est pas complété en termes de mise en place des propositions qu'on a faites à l'occasion des travaux de notre commission parlementaire, des choses importantes et significatives ont été mises en chantier à la suite du rapport de la commission que j'ai présidée.

On pourrait multiplier ainsi les exemples. On pourrait également parler de tout le travail qui s'est fait par les intervenants-jeunesse qui ont lu attentivement les recommandations de la commission parlementaire qui s'adressaient à eux et qui n'avaient pas à attendre le gou- vernement pour agir. Là aussi, il faut se rappeler qu'une partie des recommandations du rapport de la commission/ parlementaire s'adressaient à des intervenants et faisaient appel à leurs propres initiatives. Dans plusieurs cas, des processus et des changements ont été enclenchés et je m'en réjouis.

J'ai entendu le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui n'est pas connu comme un spécialiste des questions en matière de protection de la jeunesse et des questions en matière sociale, nous parler d'un gouvernement fatigué et nous parler d'un rapport qui, finalement, serait le pendant québécois du rapport Pepin-Robarts. Je suis heureux de constater, comme président de cette commission parlementaire, que, contrairement à l'ex-collègue du député de Notre-Dame-de-Grâce qui a siégé avec eux pendant un certain nombre de mois, Mme Solange Chaput-Rolland, je ne serai pas obligé, un jour, de faire un mea culpa et d'accuser le gouvernement d'avoir mis mon rapport sur les tablettes. Je ne serai pas obligé de faire cela, mais votre ancienne collègue, malheureusement, a été obligée de le faire et de reconnaître que le rapport Pepin-Robarts a été mis sur les tablettes par un gouvernement libéral, à un autre niveau, mais un gouvernement libéral.

M. le Président, je me réjouis - c'est une raison additionnelle pour laquelle je vais appuyer la motion d'amendement qui a été présentée par le ministre des Affaires sociales - de l'engagement ferme qui a été pris aujourd'hui par le ministre de la Justice et répété par le ministre des Affaires sociales. Il y aura, avant la fin de l'année, le dépôt d'un projet de loi qui s'inspirera, j'en suis convaincu et je l'espère, des recommandations, des analyses et des constatations que l'ensemble des députés membres de cette commission a faites pendant un an.

Je termine en disant que si je ne peux m'associer aux éloges du député de Notre-Dame-de-Grâce à l'endroit de ma collègue, Mme la députée de L'Acadie, que je soupçonne aujourd'hui de vouloir nous récupérer politiquement parce que je suis convaincu qu'elle savait que le projet de loi s'en venait... Je suis convaincu qu'elle savait qu'on déposerait un projet de loi avant la fin de cette session.

Une voix: Bravo!

M. Charbonneau: C'est de bonne guerre. Je ne lui en tiens pas rigueur, mais, dans ces circonstances, je ne pourrai certainement pas m'associer aux éloges de son collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, et je vais appuyer la motion d'amendement du ministre des Affaires sociales. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole au député de D'Arcy McGee, je dois vous dire que je dois protéger le droit de réplique de Mme la députée de L'Acadie. Il restera donc environ quatre minutes au député de Rousseau s'il a toujours l'intention de participer à ce débat.

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'ai juste quatre minutes?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous avez dix minutes, M. le député.

M. Marx: J'ai dix minutes.

Une voix: II a tout cela à lire.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Herbert Marx

M. Marx: M. le Président, premièrement, j'aimerais féliciter le député de Verchères pour son travail, pour ce qu'il a fait dans ce rapport.

Des voix: Bravo!

M. Marx: Je pense que c'est un très bon travail...

M. Charbonneau: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Charbonneau: Un peu à la blague, mais je préférerais que le député de...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, vous empêchez le député de D'Arcy McGee d'utiliser ses dix minutes. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais, encore une fois, féliciter le député de Verchères. Le rapport est plus volumineux; ceci est seulement un résumé.

Dans ce dossier, M. le Président, c'est le ministre de la Justice qui traîne la patte. Il ne traîne pas la patte seulement dans ce dossier, mais dans tous ses dossiers: le Code civil, les femmes battues, l'aide juridique, le règlement en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, etc. Je ne veux pas lister tous les dossiers où le ministre de la Justice traîne la patte parce que je vais prendre mes dix minutes juste pour en faire la liste. Il traîne la patte, toujours avec des excuses.

Cela ne m'impressionne pas que le ministre des Affaires sociales ait dit qu'on va déposer un projet de loi avant le 20 décembre. Cela ne m'impressionne pas beaucoup parce que je peux vous montrer des projets de loi que le ministre de la Justice a déposés en 1982 et qui ne sont pas encore adoptés. Déposer un projet de loi et faire adopter un projet de loi, ce n'est pas la même chose. (17 h 40)

Donc, si les promesses qu'on nous a faites aujourd'hui valent ce qu'elles valent, cela peut être une autre façon, comme on dit en bon français, de "staller" l'affaire. Si on a donné suite aujourd'hui aux demandes de la députée de L'Acadie, c'est parce qu'elle a démontré une certaine ténacité dans ce dossier et qu'elle a insisté, depuis un an, pour que le gouvernement prenne ses responsabilités au sérieux.

M. le Président, seulement pour vous donner un exemple de la façon dont ce gouvernement traîne la patte, voici la recommandation 34, paragraphe f, du rapport. "Que les autorités politiques provinciales, municipales adoptent une réglementation concernant la pornographie sous ses différentes formes: revues, films, vidéocassettes, matériel de spectacle, et que les législations pertinentes soient revues et appliqués dans cette optique." C'est une recommandation assez précise, mais le gouvernement n'y a pas donné suite en ce qui concerne la pornographie. Dans ce dossier, le ministre de la Justice, M. Bédard, fuit ses responsabilités en ce qui concerne le problème de la pornographie.

À la suite de ce rapport, nous avons rendu public, il y a quelques semaines, un document sur la pornographie intitulé: La pornographie, le contrôle sans la censure, dans lequel nous avons demandé au gouvernement d'agir. Vous pouvez trouver un extrait de ce rapport dans le Devoir du 21 novembre 1983. Nous avons demandé de donner aux municipalités le pouvoir de contrôler, de réglementer la pornographie, les revues pornographies qu'on retrouve sur les tablettes du bas chez les dépanneurs du coin. Tout ce qui est disponible aujourd'hui pourrait être disponible pour les adultes, à moins que ce ne soit une revue obscène, ce qui serait illégal comme c'est le cas aujourd'hui. En vertu du Code criminel, elle peut être . saisie par les autorités compétentes.

M. le Président, vous avez des enfants aussi, vous savez que la pornographie, c'est vraiment un problème aujourd'hui au Québec. Par exemple, chez le dépanneur du coin, on peut voir sur le plancher toutes sortes de revues pornographiques à côté du lait, du pain. Souvent, il y a des parents - on m'a dit cela; on m'a téléphoné; on m'a écrit sur ce problème - des femmes qui entrent chez le dépanneur avec leurs enfants. C'est très gênant, parce que tout est sur le plancher, toutes les revues pornographique que je n'aimerais pas décrire à la télévision.

II y a un problème pour régler l'étalage des revues pornographiques chez les dépanneurs. On l'a résolu dans d'autres juridictions, dans certaines villes canadiennes, dans certaines villes américaines. On y a pris les mesures nécessaires, parce que là les ministres de la Justice ne traînent pas la patte comme notre ministre de la Justice. Par exemple, à Toronto, il y a un règlement qui exige que ces revues pornographiques soient étalées cinq pieds au-dessus du plancher, en arrière d'un écran. C'est donc disponible pour les adultes, mais ce n'est pas disponible pour les enfants mineurs.

En ce moment, il y a des municipalités qui viennent faire amender leur charte en commission parlementaire; elles demandent des modifications. Il y a des villes comme Repentigny, LaSalle, Saint-Léonard, Saint-Hyacinthe qui ont demandé des modifications à leur charte municipale pour réglementer les boutiques érotiques, y compris l'étalage dans leurs vitrines. Tout ce que je veux proposer aujourd'hui, c'est très simple: si le gouvernement veut bien agir, il suffit de mettre un amendement dans le Code municipal et dans la Loi sur les cités et villes pour permettre aux municipalités du Québec de réglementer l'étalage des revues pornographiques chez les dépanneurs partout au Québec.

Cela ne prendrait pas cinq ou six semaines ou deux mois pour rédiger un tel amendement à ces deux lois. C'est très facile à faire. Si le gouvernement a vraiment la volonté politique de donner suite aux recommandations dans ce rapport, qu'on donne suite à cette recommandation pour contrôler la pornographie en vente chez les dépanneurs. On va voir d'ici la fin de la session si le gouvernement, si le ministre de la Justice a vraiment cette volonté politique de suivre les recommandations du rapport Charbonneau. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Rousseau.

M. René Blouin

M. Blouin: Merci, M. le Président. Je vais tenter d'exposer très rapidement les quelques idées que je veux émettre parce que je sais que nous devrons mettre fin aux travaux dans quelques minutes. Je ne commenterai pas les premiers commentaires du député de D'Arcy McGee qui étaient un peu déplacés. Déplacés surtout en regard du sujet dont nous traitons cet après-midi qui est un sujet qui pourrait se passer de ces attitudes parfaitement partisanes, notamment, celle du député de Notre-Dame-de-Grâce qui, je ne sais trop pourquoi, s'est levé pour parler. Probablement parce qu'il a l'air jeune. Je n'ai pas vu d'autres motifs.

D'autre part, je voudrais rappeler le travail extrêmement important qui a été fait par tous les membres qui ont participé à cette commission spéciale sur la protection de la jeunesse que présidait M. Charbonneau. Au cours de ces travaux - j'étais aussi membre de cette commission - nous avions d'abord pensé que nous pouvions, en l'espace de six mois, parce qu'il semblait qu'il y avait urgence, effectuer l'ensemble de ces analyses, de ces observations, recevoir les commentaires des groupes, des personnes, des individus intéressés par ce sujet de la protection de la jeunesse. Nous nous sommes rendu compte que pour aller chercher ces opinions et nous entendre entre nous, nous aurions besoin de bien au-delà de six mois. En fait, c'est en travaillant très fort et de façon accélérée que nous avons pu remettre notre rapport après un an de travail.

Je crois que l'expression utilisée par la députée de L'Acadie, lorsqu'elle parle d'inaction dans sa motion, n'est pas justifiée et n'est certainement pas justifiable non plus à l'égard de ce que le gouvernement a dû faire à la suite du dépôt de notre rapport. C'est un rapport qui contient un nombre très important de recommandations qui touchent des sujets très variés. Une fois le rapport déposé, le gouvernement n'avait pas qu'à donner sa propre opinion. Avant de faire cela, il avait à aller consulter, à se concerter aussi avec un nombre très important d'organismes. Qu'il me suffise d'en identifier quelques-uns: le Comité de protection de la jeunesse; la Commission des services juridiques; les services judiciaires; les services de police; les substituts du Procureur général; les associations des établissements de centres de services communautaires; les familles d'accueil; les centres d'accueil eux-mêmes; les directeurs de la protection de la jeunesse; les centres de services sociaux. Enfin il y a toute une panoplie d'organismes qui sont directement concernés par ce sujet et qui se devaient d'être consultés parce que ce sont eux ensuite qui auront à appliquer les modifications à la loi qui seront présentées bientôt à l'Assemblée nationale.

Je rappelle également que cette expression d'inaction utilisée par la députée de L'Acadie est profondément injuste à l'égard d'un gouvernement qui a pris les devants en Amérique à l'égard du traitement des problèmes de la jeunesse, de l'attention qu'il faut y apporter et des modifications qui ont été effectivement apportées pour permettre un traitement plus juste, plus équitable et qui corresponde davantage au statut des jeunes. Car enfin, de quoi s'agit-il? Il s'agissait fondamentalement de faire en sorte que les jeunes au Québec puissent recevoir, lorsqu'ils ont des difficultés, un traitement qui leur convienne. (17 h 50)

Le choix fondamental était le suivant:

Devons-nous les traiter comme nous traitons les adultes, de la même façon, ou devons-nous encore les traiter en tenant compte que ce ne sont pas encore des adultes, mais que ce sont des adultes en devenir et que le fait qu'ils n'aient pas encore atteint la majorité et le fait qu'ils n'aient pas encore la maturité devaient être des éléments dont il nous fallait absolument tenir compte? C'est ce virement qui a donné naissance à la loi 24. C'est tellement vrai que le Québec a pris de l'avance sur les autres et n'a pas été inactif, qu'aujourd'hui le gouvernement fédéral, qui s'est inspiré de cette loi québécoise, ne peut pas l'appliquer parce que certaines provinces canadiennes mettent encore les jeunes de 16 ans en prison et qu'ils n'ont pas d'institution pour modifier leur comportement. Il leur faudra d'abord bâtir des institutions.

Alors je crois, M. le Président, que le gouvernement a bien travaillé en douze mois; c'était raisonnable. Maintenant que les amendements seront déposés, nous pourrons revenir sur ce sujet d'ici peu puisque nous aurons le projet de loi entre les mains. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Mme la députée de L'Acadie pour son droit de réplique.

Mme Thérèse Lavoie-Roux (réplique)

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je sens vraiment que la motion a heurté le gouvernement de plein front. Je les ai tous vus se justifier sur l'inaction du gouvernement. On est tellement conscient de l'image qu'il faut conserver, que le ministre des Affaires sociales a présenté un amendement pour retrancher "tout en déplorant l'inaction du gouvernement" et dire: "Nous demandons au gouvernement de procéder et de donner une suite au rapport de la commission spéciale sur la jeunesse."

Au lieu de s'attarder vraiment au fond de la motion, on est tout bouleversé parce qu'on a parlé de l'inaction du gouvernement. Je tiens ici à rétablir les faits, non pas dans le domaine de la protection de la jeunesse... D'ailleurs, j'inviterais les membres du côté ministériel à prendre la peine de lire le rapport Charbonneau où on fait l'histoire du développement des services à la jeunesse, échelonnée depuis fort longtemps et à laquelle tous les gouvernements ont participé. Je voudrais rappeler au ministre de la Justice qui lui, pourtant, aurait dû le savoir, qu'il y a eu en 1974 la loi sur les enfants battus, qu'il y avait eu un projet de loi proposé en 1972 - qui a malheureusement avorté - sur la protection de la jeunesse, qui est revenu en 1975. Finalement - particulièrement les membres qui ont siégé à la commission avec moi doivent se le rappeler - tous les gens nous ont dit comment ceci avait été une longue gestation parce que c'était difficile; il fallait que les mentalités évoluent. C'est vrai que c'est sous le gouvernement actuel que, finalement, la loi 24 a été adoptée. Je n'ai jamais remis cela en question, mais ces gens se sentent tellement coupables, M. le Président, devant le fait qu'il n'y a pas de véritable excuse pour le retard à agir sur les suites à donner au rapport de la commission spéciale sur la protection de la jeunesse;

Je voudrais tout de suite corriger une erreur - on va appeler cela une erreur, parce que je ne peux pas croire que c'est fait de mauvaise foi - du député de Verchères qui dit que j'ai tenté de récupérer le gouvernement en présentant cette motion. Mais mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a établi que pendant huit mois j'ai interrogé le gouvernement sur les suites à donner à ce projet. Vos collègues le savaient fort bien. Il faut quand même avoir un peu de logique.

Je vais aussi vous indiquer pourquoi le gouvernement se sent un peu mal à l'aise. J'avais d'ailleurs indiqué au point de départ que le rapport contenait des recommandations d'ordre administratif, d'ordre législatif et aussi d'autres recommandations qui relevaient de la juridiction des institutions ou des organismes eux-mêmes chargés de la protection de la jeunesse. Je suis sûre que ces derniers n'ont pas totalement dormi sur leurs lauriers depuis le dépôt de ce rapport puisqu'on sentait bien, à l'intérêt qu'ils portaient au problème quand ils se sont présentés devant nous, que la réflexion qui s'est faite autour du rapport a dû porter ses fruits. Quand on revient là-dessus, je ne sais vraiment pas... On se trouve des excuses.

Au plan administratif, que des choses aient été faites, je l'espère. J'espère que le gouvernement ne dort pas et qu'on n'est pas rendu dans un état de stagnation complète en ce qui a trait à la protection de la jeunesse. Si le député de Verchères a relevé certaines choses qui avaient été faites, que dire, par exemple... Nous avions, pas plus tard qu'il y a trois semaines, des gens de la communauté anglophone qui venaient nous dire que les ressources pour la protection de la jeunesse du côté anglophone, les ressources du point de vue de la traduction, des services dans leur langue - qui sont des recommandations contenues là-dedans - n'ont pas eu de suite. Hier, c'étaient les Inuits et les Cris qui venaient nous dire la même chose. Mon collègue de D'Arcy McGee a parlé des suites à donner aux recommandations touchant la pornographie. Je n'ai pas le temps de reprendre toutes les recommandations auxquelles, sur le plan administratif, on n'a pas donné suite. Je ne vois donc pas quelle gloire on peut en tirer.

Le ministre de la Justice a fait grand

état du jugement Bergeron qui, d'ailleurs, n'était pas nouveau puisqu'il a suscité, entre autres, la création de la commission; cela a été l'un des éléments. On devait agir vite en fonction de ce jugement, alors il ne s'agit pas d'un élément nouveau. Ce qu'il y a de plus étrange, c'est qu'il y a deux nouveaux jugements qui sont sortis - remarquez bien la date, M. le Président - le 23 octobre. On en a fait tout un plat. Je comprends qu'ils ont des répercussions importantes sur une partie de la loi, mais ils sont sortis le 23 octobre et le ministre de la Justice nous a dit: J'ai toute raison de croire que je pourrai déposer le projet de loi avant la fin de la session. Qu'a-t-on fait pendant onze mois, alors que ces jugements n'y étaient pas? Tout à coup, ces jugements, qui ont une importance si considérable, on peut s'en accommoder ou faire les ajustements nécessaires dans trois semaines. N'est-ce pas merveilleux, tout à coup, de voir la célérité du gouvernement?

J'entendais le ministre des Affaires sociales dire - et c'est encore une tendance de ce gouvernement - attendons que le fédéral promulgue sa loi, il ne l'a pas encore proclamée et c'est le fédéral. La Loi sur les jeunes contrevenants a été adoptée et il faut prévoir une période d'implantation pour établir la concordance entre la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y a des décisions qui vont permettre à ce comité d'implantation de travailler des décisions qui doivent être prises par le gouvernement actuel justement pour permettre l'arrimage avec la loi C-61 qu'on appelle maintenant d'un numéro que j'ai oublié. De toute façon, c'est une autre excuse. Si la loi fédérale est promulguée et que le gouvernement du Québec n'a pas pris d'orientation finale quant aux points qui touchent en particulier la délinquance, on va se retrouver devant un paquet de problèmes juridiques. C'est ce qui va arriver si la loi fédérale est appliquée et que le Québec n'a pas encore pris les décisions qui auront des répercussions sur les concordances qui doivent être faites entre la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les jeunes contrevenants.

Dans ma jeunesse, on disait - je l'entends encore parfois - "leur argumentation est cousue de fil blanc". Si on reprenait les uns après les autres les arguments que le ministre de la Justice, en particulier, nous a servis, il est clair et net que ce gouvernement a été inaçtif. Je ne regrette en rien d'être intervenue aussi souvent à l'Assemblée nationale. Je devrais vous dire que cette motion serait même venue avant aujourd'hui. Elle avait même été prévue pour le mois d'octobre et vous connaissez le sort que vous nous avez réservé du 15 octobre au 15 novembre. C'est vraiment le deuxième mercredi que nous avons depuis ce retour à l'Assemblée natio- nale.

M. le Président, je pense que c'est un reproche vraiment très bénin que nous faisons au gouvernement. Tout en déplorant l'inaction du gouvernement, nous lui disons: C'est le temps d'agir.

Je pense que le gouvernement devra avoir l'humilité de reconnaître qu'il s'est traîné les pieds dans ce dossier et que cela n'enlève rien à tous les autres gestes qu'il peut poser qui sont dans l'intérêt des enfants et que nous avons contribué à poser avec lui, à l'occasion de cette commission parlementaire justement parce que les enfants, la protection de notre jeunesse c'est ce qui demeure une des choses les plus importantes dans notre société et qu'on ne peut pas trouver de prétexte pour essayer d'excuser des retards impardonnables dans un domaine comme celui-ci. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je voudrais vous rappeler qu'il reste une minute, M. le député. D'accord, M. le député, je ne voudrais pas que votre question de privilège en arrive à faire en sorte que cela coûte 1500 $ à l'Assemblée nationale. Rapidement, M. le député.

M. Marx: Question de privilège, M. le Président. Quand j'ai parlé, vous m'avez signalé trois ou quatre fois que mon temps était terminé. J'ai envoyé un page au troisième étage pour vérifier combien de minutes j'ai parlé. J'ai parlé sept minutes 35 secondes. Vous m'avez coupé plus de 25% de mon temps et je trouve cela injuste, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je vais la régler moi-même. D'abord, M. le député de d'Arcy McGee, ce n'est pas la première fois que vous accusez la présidence de couper votre temps. La première chose que je peux vous dire, c'est qu'à l'horloge devant moi - et c'est sur quoi je me fie pour tout le monde - il était 17 h 36. Est-ce qu'il était 17 h 36 et 35 secondes ou moins 35 secondes? Je ne le sais pas mais il était 17 h 36. Je fais ordinairement appel à deux occasions aux gens en mettant deux minutes. Ensuite une minute et au moment où j'ai signalé une minute vous avez vous-même arrêté... Je m'excuse, je m'excuse. Vous avez arrêté de vous-même au moment où je vous ai dit qu'il ne restait qu'une minute. Cela voulait dire qu'il vous restait une minute. Ce sont les signes que je donne à tout le monde et c'est la façon selon laquelle je fonctionne.

M. le député, compte tenu des circonstances et en même temps de la décision qui a été prise au début de la séance, le rapport du vote étant fait à demain, j'ajourne les travaux à demain 14 heures.

(Fin de la séance à 18 h 01)

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