L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 8 décembre 1983 - Vol. 27 N° 59

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez prendre vos places.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle.

Au dépôt de documents, M. le ministre des Transports.

Il n'y a pas de dépôt de documents ni quelque autre dépôt que ce soit, si bien que nous sommes à la période de questions des députés.

M. Rivest: M. le Président.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: J'aimerais adresser une question au président du Conseil du trésor. Est-ce qu'il sera ici bientôt?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Normalement, il devrait être ici. Peut-être qu'un des quatre autres députés libéraux présents aurait une question à poser aux dix ministres présents ce matin?

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je vois que du côté ministériel il manque énormément de ministres. On voulait indiquer que les députés libéraux n'étaient pas tellement nombreux, mais vous les voyez arriver, nous revenons d'un conseil des députés à l'heure où je vous parle.

M. Brassard: M. le Président, le député de Bellechasse a une question à poser.

Le Président: Je prends bonne note. M. le député de Brome-Missisquoi.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS Le prix de l'essence

M. Paradis: Ma question s'adresse au ministre délégué aux Relations avec les citoyens. Ce dernier s'est engagé cette semaine, en cette Chambre, à intervenir auprès du Conseil des ministres concernant le prix de l'essence. Est-ce qu'il peut nous faire rapport de ses interventions ainsi que des actions que le gouvernement entend prendre dans ledit dossier?

Le Président: M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: M. le Président, tel que convenu et selon mes habitudes, j'ai tenu l'engagement que j'avais pris ici en réponse à une question de l'Opposition et j'ai soulevé cette question des prix variables de l'essence, surtout dans la région de Montréal, au Conseil des ministres. Il y a eu discussion et je demanderais à mon collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, qui est ici ce matin, de nous donner un peu plus de détails sur le sens de cette discussion au Conseil des ministres.

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: M. le Président, je pense qu'il y a deux aspects à la question soulevée par le député de Brome-Missisquoi. Il y a d'abord une question de répartition de pouvoirs entre les deux paliers de gouvernement. La première chose que je dirai, c'est que le Québec aurait, bien sûr, le pouvoir de légiférer et de réglementer le prix de l'essence au détail. Cela a déjà été fait dans d'autres provinces, au moins dans une que je connaisse, mais nous n'entendons pas aller dans cette direction. C'est une chose qui revient à l'occasion lorsque la guerre des prix à la pompe fait rage. Il serait toujours tentant d'envisager une réglementation. Cela m'étonnerait d'ailleurs que le Parti libéral soit lui-même d'accord avec une pareille approche.

Le deuxième aspect de la question ne relève pas de notre gouvernement, parce que nous n'avons pas le pouvoir de surveiller s'il y a entente ou non entre les compagnies dans la fixation des prix. Cela relève de la loi fédérale et il faudrait que la question soit soulevée devant l'autre Parlement.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Le ministre ne serait-il pas d'accord que le gouvernement du Québec, avec son système de taxe ascenseur sur l'essence, se retrouve en plein conflit d'intérêts parce que plus l'essence est chère plus les revenus du ministre des Finances augmentent, et que c'est pour cela qu'ils n'interviennent pas dans le dossier?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Une voix: C'est niaiseux.

M. Duhaime: Je répondrai là-dessus, M. le Président, que le député de Brome-Missisquoi a peut-être été absent de l'Assemblée nationale pour autres activités que j'ignore, mais depuis que mon collègue des Finances a prononcé son discours sur le budget supplémentaire, ramenant la taxe ou la surtaxe de 40% à 30%, le gouvernement fédéral, à l'heure actuelle, sur la base de 0,499 $ le litre... Mais je vais vous le donner en pourcentage. Le gouvernement fédéral, à l'heure actuelle, retire plus d'argent que le gouvernement du Québec. Le Québec, avec la taxe routière, actuellement, retire 23,65%...

Une voix: C'est cela.

M. Duhaime: ...c'est-à-dire 0,118 $ sur la base d'un litre à 0,499 $, et le gouvernement fédéral retire 24,75%, c'est-à-dire 0,1235 $ le litre.

Je pourrais vous donner les chiffres aussi pour ce qui est des prélèvements à la province productrice, la marge du détaillant, la marge de l'industrie pétrolière, mais cela m'apparaît très secondaire. Il est donc évident, M. le Président, qu'à l'heure actuelle nous avons fait un effort, et nous l'avions dit, aussitôt que nos équilibres financiers le permettraient, nous allions abolir la taxe de vente sur le gaz naturel, ce que nous avons fait. Nous avions dit également que nous ramènerions à la normale la taxe temporaire sur le prix de l'essence, et nous avons fait la moitié du chemin.

Si vous voulez que le prix de vente au détail de l'essence diminue, comme j'ai demandé à mon collègue fédéral, M. Chrétien, le ministre de l'Énergie, de faire un effort et de diminuer le niveau de la taxation fédérale sur le gaz naturel, chemin faisant, il pourrait peut-être regarder aussi et diminuer la taxe fédérale sur le prix de l'essence, puisque c'est actuellement le gouvernement fédéral qui retire tout près de 24% des revenus sur le prix du litre vendu au détail au Québec.

Le Président: Question principale, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais demander au leader du gouvernement s'il attend bientôt le ministre de l'Éducation, dont il est encore beaucoup question dans les journaux ce matin.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je n'ai pas d'information ici disant que le ministre de l'Éducation serait absent. Je constate qu'il l'est et je pense qu'effectivement, normalement, comme tous les autres qui ne motivent pas une absence, les ministres qui indiquent qu'ils seront présents devraient l'être à 10 heures.

Le Président: M. le député de Chapleau.

Les deniers dépensés dans le secteur minier

M. Kehoe: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. Dans son budget du 10 mai dernier, le ministre des Finances a annoncé des investissements de quelque 250 000 000 $ dans le secteur minier. Les travaux devraient commencer cet été. Il a continué en disant que le ministre de l'Énergie et des Ressources communiquera sous peu ces investissements.

Par ailleurs, les principaux secteurs miniers sont toujours en crise. Schefferville est fermée. Gagnon et Fermont attendent la reprise du marché du fer et de l'acier. Murdochville attend toujours. Les villes d'Asbestos et de Thetford-Mines sont en difficulté. Dans toutes ces villes, les taux de chômage sont très élevés. Ma question est la suivante: Le ministre de l'Énergie et des Ressources peut-il me dire, jusqu'ici, combien ont été dépensés, sur la somme de 250 000 000 $ annoncée par le ministre des Finances?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: Je suis très heureux que le député soulève cette question devant l'Assemblée nationale parce que cela va me permettre de préciser que, depuis que nous avons annoncé le programme d'accélération à partir du mont Sainte-Anne en mai dernier, dans le secteur des mines, principalement dans le secteur du cuivre, du zinc, de l'or et de l'amiante, les investissements engagés, pas nécessairement dépensés, mais engagés, devraient se chiffrer, si ma mémoire est bonne, à 492 000 000 $. C'est un sommet sans précédent.

Deuxième élément, c'est que, dans deux grands dossiers et pour ne rien vous cacher dans le dossier de Mines Gaspé, pour ce qui est de l'investissement de Murdochville, je crois que la compagnie est sur le point de rendre publique une décision favorable, puisqu'il ne nous reste qu'à nous entendre sur la protection de la rivière York, et j'y travaille avec mon collègue de l'Environnement.

Troisième élément, il y a deux autres

dossiers, cette fois dans les secteurs du cuivre et du zinc, il y a le projet à Selby et le projet de la compagnie Falcon Bridge, l'un comptant pour 127 000 000 $ et l'autre pour 137 000 000 $. Votre question c'est: Combien y a-t-il actuellement d'argent dépensé sur le terrain? Je vais devoir prendre avis de la question sur cet aspect et faire une vérification, parce que si nous sommes aujourd'hui au début de décembre et qu'un investissement a été annoncé en septembre, si c'est un investissement de 16 000 000 $ ou de 30 000 000 $, si vous me demandez aujourd'hui quel est le montant qui a réellement été dépensé sur le terrain, je devrai demander à mes fonctionnaires de vérifier auprès des entreprises pour trouver la réponse.

Le Président: Complémentaire, M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: M. le ministre, quand vous annoncez un montant de 492 000 000 $ engagés, si je comprends bien, c'est un montant engagé par le secteur privé. Ma question, c'est de savoir combien votre ministère a engagé et dépensé jusqu'à maintenant dans le secteur des mines?

M. Houde: C'est cela, c'est vous qui...

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: Vous savez, M. le Président, et M. le député devrait le savoir aussi, que le programme d'accélération ne peut dépasser en aucun temps 20% de l'investissement global, ce qui est à peu près l'équivalent des revenus fiscaux escomptés durant la première année. Selon le programme d'accélération, dans le seul secteur des mines, si ces 492 000 000 $, dont j'ai parlé, s'engagent sur un an ou sur deux ans, nous aurons investi à peu près 85 00 000 $.

Le Président: Question principale, M. le député d'Argenteuil.

Le contrat pour micro-ordinateurs

M. Ryan: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Education. La manière précipitée et inhabituelle dont a procédé le gouvernement pour octroyer à la firme Comterm-Matra un contrat pour la fourniture de 9000 micro-ordinateurs dans les écoles, au montant approximatif de 30 000 000 $ au cours des 18 prochains mois, a suscité, dans les milieux éducatifs et dans les milieux industriels, une réprobation presque unanime. Non pas tant quant au contenu de la décision, sur laquelle nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer pour l'instant, mais quant à la manière dont le gouvernement a procédé pour en arriver à cette décision.

À titre d'exemple, je voudrais citer un extrait d'une déclaration que publiait, hier, la Fédération des cégeps, que nous avons entendue, M. le ministre et d'autres députés, à propos d'un autre problème hier soir: "Au moment où les médias diffusaient l'annonce faite à Paris par le premier ministre de la décision, nos représentants, comme ceux des commissions scolaires, étaient réunis sous l'égide du responsable ministériel du dossier pour faire leurs recommandations concernant le choix d'un ou plusieurs fournisseurs. Les cégeps considèrent s'être fait complètement leurrer par le gouvernement dans cette histoire. Ils ont collaboré de bonne foi à l'élaboration du devis et ont cru à l'engagement formel de leur partenaire de les associer à son choix. Or, ils ont été complètement exclus du processus de décision, au point qu'ils se demandent si le choix n'était pas arrêté avant même que ne soit lancée la demande de consultation."

C'est une manière de procéder qui met évidemment en question toute la crédibilité du gouvernement et l'intégrité du processus de décision au sein de l'appareil gouvernemental et qui, par conséquent, demande à être éclaircie au maximum pour que les doutes qui ont surgi puissent être dissipés. Dans cette perspective, je voudrais poser au ministre la question suivante, qui comprend quelques volets, que vous comprendrez facilement, M. le Président. Les réponses peuvent être très brèves, un oui ou un non sera beaucoup plus éclairant que des explications interminables. Le ministre était-il au courant, avant l'événement, de l'annonce que le premier ministre, M. René Lévesque, allait faire à Paris mardi et a-t-il approuvé cette manière absolument précipitée de procéder?

Deuxièmement, le ministre était-il au courant de la réunion qui avait été convoquée à son ministère aux fins qu'a décrites la déclaration de la Fédération des cégeps hier? Entend-il nier - parce qu'hier, je crois qu'il a insinué le contraire - que cette réunion avait été convoquée pour permettre aux représentants des organismes scolaires de donner leur opinion sur les propositions déposées par les fournisseurs?

Troisièmement, son sous-ministre, M. Pronovost, chargé du dossier et qui présidait la réunion de mardi matin, était-il au courant de la décision prise aux plus hauts niveaux politiques avant cette réunion et quelles instructions avait-il reçues du ministre en vue de cette réunion? Le ministre, pour restaurer le plus tôt possible...

Le Président: M. le député!

M. Ryan: ...la crédibilité du gouverne-

ment est-il prêt à demander à son collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme que les propositions reçues de la part des fournisseurs soient rendues publiques immédiatement, afin qu'on soit en mesure de juger du bien-fondé de la décision gouvernementale? Finalement, qu'est-ce que le ministre entend faire pour réparer l'affront qui a été fait à ceux qu'il appelle en d'autres circonstances ses partenaires du monde scolaire?

Le Président: Je voudrais simplement souligner de nouveau, d'abord, que la question comprenait cinq questions en elle-même, qu'il y avait toujours moyen d'y revenir en complémentaire et de ne pas s'étonner qu'une question qui a duré près de quatre minutes entraîne une réponse qui puisse être longue. M. le ministre de l'Éducation, aussi succinctement que faire se peut.

M. Laurin: M. le Président, je n'entends pas reprendre tous les propos que j'ai tenus hier. Je veux simplement répéter au député d'Argenteuil que j'étais au courant de tout ce que mon sous-ministre fait ou dit en mon nom, que j'étais au courant de tout ce qui a entouré l'entente de principe autour de l'ordinateur choisi et de la maison qui le fabriquera, ainsi que de tous les arrangements en ce qui concerne la suite du contrat à négocier. (10 h 20)

Des voix: Très bien!

M. Ryan: M. le Président, il n'y a même pas de réponse au premier volet de la question. Dois-je comprendre que le ministre est tellement embarrassé qu'il n'est pas capable de répondre aux autres?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: Je répète, M. le Président, que j'étais au courant de tout ce qu'a fait mon sous-ministre en mon nom et que cela a reçu mon aval.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'ai eu l'occasion de siéger en commission en compagnie du ministre ces jours-ci; il est beaucoup plus précis et fonctionnel que cela quand on discute en commission.

Le Président: M. le député...

M. Ryan: J'ai posé des questions qui demandent à être éclaircies.

Le Président: M. le député...

M. Ryan: Dans l'intérêt public, je demande au ministre s'il veut répondre, oui ou non.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: On a répondu hier à toutes ces questions et je ne vois pas l'utilité d'y revenir.

Des voix: Oh!

M. Ryan: On va les prendre une par une. Il paraît qu'il faut les prendre une par une.

Le Président: M. le...

M. Ryan: Quelles instructions votre sous-ministre avait-il reçues de votre part avant de se rendre à la réunion de mardi matin? Êtes-vous en mesure de nier l'affirmation de la Fédération des cégeps qui dit qu'elle s'est fait tromper, leurrer par votre gouvernement et, en particulier, par votre ministère?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: Comme je l'ai dit hier, mon sous-ministre avait l'intention de saisir la Fédération des collèges et les commissions scolaires de la proposition suivante: une fois le consortium choisi, nous aurions besoin de vos lumières pour négocier tels termes du contrat comme, par exemple, le prix de l'ordinateur, s'il répond vraiment aux spécifications du ministère, comment négocier le service après vente, le service des techniciens et les réparations d'équipement; toutes ces choses ont été discutées et continueront de l'être.

Le Président: Question principale, M. le député de Bellechasse.

Le programme de bourses d'affaires destinées aux jeunes

M. Lachance: Merci, M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il y a deux semaines, le 24 novembre dernier, le ministre de l'Industrie, Commerce et Tourisme annonçait la mise en oeuvre prochaine d'un programme de bourses d'affaires destinées aux jeunes diplômés universitaires et des cégeps du secteur professionnel qui veulent devenir leur propre patron.

Bien sûr, cette nouvelle mesure s'inscrit dans le cadre du plan de relance du gouvernement du Québec et aussi dans la foulée d'une proposition qui avait été adoptée par

le sommet québécois de la jeunesse qui s'est tenu au mois d'août dernier et qui, entre autres, revendiquait pour les jeunes des garanties financières du gouvernement pour les aider à se tailler des emplois permanents et valorisants et, en même temps, créer de nouvelles entreprises.

Une voix: Question!

M. Lachance: Ma question, en trois volets, est la suivante.

Une voix: Trois!

M. Lachance: Premièrement, est-ce que l'intérêt manifesté par ce programme innovateur est conforme aux attentes du ministre, après deux semaines d'annonce? Deuxièmement, comme ce programme s'annonce intéressant, est-ce qu'il sera effectivement opérationnel rapidement? Troisièmement, à qui les jeunes diplômés doivent-ils s'adresser pour se prévaloir des avantages de ce programme?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: D'abord, je dois rappeler que les objectifs de ce programme sont multiples. Bien sûr, cela vise la création d'emplois, mais c'est aussi pour développer énormément l'entrepreneurship au Québec. On sait qu'on développe l'économie avec des entrepreneurs. De plus en plus de jeunes Québécois et de jeunes Québécoises apprennent les sciences, soit le génie ou l'administration, et on a besoin de leur donner des défis et surtout des outils pour qu'ils puissent se lancer en affaires.

Ce programme de bourses d'affaires, je le rappelle, va mettre à la disposition des jeunes qui veulent lancer leur entreprise ou acheter une participation dans une entreprise existante, dans certains créneaux manufacturiers ou touristiques ou du tertiaire moteur, une somme d'argent de 25 000 $. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est mieux que rien pour pouvoir lancer une petite entreprise ou avoir une participation dans une entreprise existante. Le gouvernement du Québec prendra charge de 100% de l'intérêt la première année, de 50% la deuxième année et de 50% la troisième année.

Il y a énormément d'intérêt chez les jeunes parce que les jeunes veulent maintenant travailler pour eux-mêmes. Alors qu'autrefois on apprenait, les Québécois et les Québécoises, à travailler pour les autres, maintenant nos jeunes veulent travailler pour eux. C'est d'ailleurs à la suite d'une recommandation du sommet québécois de la jeunesse.

Les demandes sont reçues au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme en région. Donc, pour bénéficier de ces bourses d'affaires, il faut faire la demande à chacun des bureaux régionaux du MICT dans les régions du Québec et, à compter du 15 janvier prochain, les demandes pourront être reçues dans les bureaux régionaux où elles seront étudiées. On espère pouvoir répondre dans le courant du mois de février aux premières demandes qui, déjà, commencent à entrer. Mais, officiellement, ce sera à compter du 15 janvier dans les bureaux régionaux du MICT.

M. Lachance: Question complémentaire.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Le ministre peut-il nous donner l'assurance que les délais de réponses ainsi "que la paperasse seront réduits au minimum?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, vous savez que je me suis toujours fait un point d'honneur de réduire la paperasse au minimum et de répondre rapidement. J'informe l'Opposition, parce qu'elle ne le sait peut-être pas, que dans le programme d'urgence d'aide aux entreprises manufacturières, en moyenne, nous avons pris onze jours pour répondre à une demande, moyenne des entreprises québécoises, ce qui est extraordinaire pour prendre le temps d'analyser la demande sérieusement et de répondre.

M. le Président, au niveau des bourses d'affaires, nous espérons pouvoir, au cours des trois prochaines années, répondre à 5000 demandes de jeunes entrepreneurs qui voudront devenir indépendants financièrement, être à leur compte et prendre des décisions eux-mêmes. Alors, 5000 demandes pour 125 000 000 $ de capital de risque qui seront mis dans les PME québécoises à cause de cette intervention du gouvernement du Québec.

M. Charbonneau: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: En supplémentaire, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je veux demander à la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ou au ministre délégué au Développement régional s'ils ont été saisis des problèmes de compréhension qu'il peut y avoir entre ce nouveau programme de bourses d'affaires et le programme PECEC, volet des jeunes entrepreneurs, et si des dispositions ont été

prises pour faire en sorte que l'information qui sera donnée aux jeunes permettent à ces jeunes de faire la distinction entre les deux programmes, parce que dans les deux cas cela permet à des jeunes de se lancer en affaires.

Le Président: La question s'adresse à Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Ma réponse est simplement oui, M. le Président.

Le Président: Question principale, M. le député de Portneuf.

Construction: juridiction accordée aux électriciens

M. Pagé: Merci, M. le Président. Ma question porte ce matin sur la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre dans le secteur de la construction. On sait que le monde de la construction est un monde fébrile et délicat, et que l'équilibre et la bonne entente s'appuient en principe sur les juridictions de métiers qui sont bien définies. La juridiction des métiers dans le monde de la construction dépend évidemment de la qualification, de l'aptitude à effectuer un travail donné, de la sécurité sur les chantiers et dépend aussi de cette juridiction un partage équitable du volume de travail qui est offert aux travailleurs de la construction.

Le 13 juillet dernier, à une journée ou deux des vacances de la construction, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. Marois, publiait dans la Gazette officielle du Québec des modifications au règlement sur la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre dans le monde de la construction. Ces modifications ont pour objet d'attribuer une juridiction presque exclusive d'un secteur important de la construction aux électriciens et ce, au détriment des chaudronniers, des monteurs d'acier, des "millwright" et d'autres hommes de métiers connexes.

Un mécanisme de consultation s'ensuivit. J'aimerais demander à la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu si elle est au fait de ce dossier, et, de plus, quelles sont les intentions du gouvernement dans la poursuite et la mise en vigueur éventuelle de ce projet de règlement.

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Non, M. le Président, je ne suis pas au fait, dans le détail, de ce dossier. Je vais donc en prendre connaissance. Il y a eu prépublication. J'estime qu'il a dû y avoir avis. Je vais donc, en prenant connaissance du dossier, prendre connaissance aussi des avis ou des opinions qui ont été apportées concernant ce règlement et les modifications qu'on pourrait y apporter s'il y a lieu et j'aviserai et recommanderai au gouvernement ce qu'on doit faire dans ce cas.

Le Président: M. le député de Portneuf, en complémentaire. (10 h 30)

M. Pagé: Oui, M. le Président. Compte tenu que plusieurs intervenants du secteur de la construction - ceux qui s'intéressent à ces aspects de la construction au Québec - ont toujours fait valoir le fait qu'accorder des monopoles pouvait créer des problèmes, et d'ailleurs, le gouvernement l'a soutenu à certains égards; compte tenu que si cette modification était apportée, elle risquerait de briser l'équilibre qu'il y avait auparavant dans le monde de la construction et ce, au profit des électriciens, ce seront d'autres métiers de la construction qui paieront pour cette attribution de juridiction... somme toute, cela veut dire que des gens...

Le Président: M. le député, votre question.

M. Pagé: ...qui ont du travail aujourd'hui ne pourraient continuer à occuper ce travail si ce règlement était adopté et cela risque de mettre en péril...

Le Président: M. le député, vous faites là de l'argumentation et un préambule qui, vous le savez bien, n'est pas permis à une question complémentaire. Votre question, s'il vous plaît!

M. Pagé: Vous comprendrez que la ministre - je ne lui en fais pas grief - nous a informés qu'elle n'était pas au courant de ce règlement et je veux la sensibiliser aux dangers qu'il y aurait si ce règlement était adopté.

Si ce règlement était adopté tel quel, il risquerait d'amener des problèmes sérieux, graves, troublants et inquiétants dans le monde de la construction. Ne croyez-vous pas que vous devriez, dans un premier temps, revoir l'ensemble de la démarche, la valeur de la démarche qui avait été enclenchée par le ministre Marois? Si vous avez l'intention de le faire adopter, ne croyez-vous pas qu'il serait plus sage, plus démocratique, plus transparent de convoquer une commission parlementaire pour que tous les intervenants et ceux qui risquent de perdre leur emploi à cause de ce règlement puissent venir se faire entendre ici à l'Assemblée nationale du Québec?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Je prends avis des suggestions et commentaires du député de Portneuf. Merci.

Le Président: Question principale, M. le député de Westmount.

Prêt à une entreprise qui a fermé ses portes

M. French: M. le Président, ma question s'adresserait normalement au ministre des Affaires culturelles mais, en son absence, je la poserai au ministre de la Science et de la Technologie. En septembre 1983, le gouvernement, par le biais de la SOD1CC, la Société de développement des industries de la culture et des communications, a prêté 250 000 $ à la compagnie Nordais-Logiciel. Or, on apprend que cette compagnie a fermé ses portes, ses employés ne travaillent plus, ne sont pas payés. Comment le gouvernement a-t-il réussi à choisir une compagnie pour lui prêter une somme de cette envergure qui ferme ses portes aussi rapidement? Comment a-t-il réussi à le faire en respectant le critère de la SODICC, à savoir que tout récipiendaire d'aide financière doit envisager une rentabilité financière à court et à moyen terme? Qu'est-ce qui arrive avec les 250 000 $ ainsi prêtés?

Le Président: M. le ministre de la Science et de la Technologie.

M. Paquette: M. le Président, je pense qu'il est bon de souligner que, depuis le début de l'année 1983-1984, la Société de développement des industries de la culture et des communications a consenti un total de 850 000 $, si ma mémoire est fidèle, à quatre ou cinq entreprises naissantes dans le domaine du logiciel. Ce ne sont pas des subventions, parce que la SODICC ne peut pas donner des subventions aux entreprises. Ce sont des prêts et des prêts qui sont destinés à assurer un fonds de roulement pour permettre le démarrage. Les autres entreprises vont très bien. Cette entreprise, en particulier, progresse et progressait jusqu'à tout récemment de façon extrêmement satisfaisante. Les ventes augmentent régulièrement. Il y a eu une scission chez les actionnaires. Je dois vous dire que, n'étant pas responsable de cette société, je vais consulter mon collègue qui me dira ce qui va arriver maintenant, puisqu'il y a eu scission chez les actionnaires. Mais il ne faudrait pas en conclure que cette entreprise est une entreprise qui a fait faillite. Ce n'est pas une entreprise qui a fait faillite. C'est une entreprise où il y a eu scission parmi les actionnaires, mais une entreprise qui avait des contrats, des produits. Donc, elle devrait pouvoir poursuivre ses activités d'une autre façon.

Je soulignerai, M. le Président, que, dans l'industrie naissante des logiciels, il faut s'attendre à beaucoup de mouvements au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Il va y avoir des fusions, des regroupements, des entreprises vont naître, d'autres vont cesser leurs activités, parce que c'est un marché de haute technologie qui va prendre un certain temps à s'implanter. Mais je tiens à vous dire, M. le Président, qu'avec ce qu'on vient de faire pour les micro-ordinateurs dans les écoles, avec les centres de recherche qu'on veut implanter dans ce domaine, nous avons les moyens de solidifier une entreprise du logiciel grand public forte au Québec et respectueuse de nos caractéristiques culturelles.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Westmount.

M. French: Je prends note, M. le Président, qu'on peut s'attendre à savoir du ministre responsable ce qui arrive précisément des 250 000 $ ainsi prêtés. On espère que les autres compagnies qui ont reçu une aide vont démarrer une peu plus efficacement et qu'elles vont être en meilleure santé.

M. le Président, ma question complémentaire s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. N'est-il pas vrai que le cas de la compagnie Nordais-Logiciel est l'exemple parfait des problèmes inhérents à tout programme d'aide financière à l'industrie qui utilise l'outil de la dette? N'est-il pas vrai justement, M. le Président, que nos entreprises sont déjà trop endettées? Dans la mesure où on donne des garanties de prêts ou des prêts additionnels, tout ce qu'on fait, c'est d'augmenter le ratio de dettes acquittées alors que ce qu'on aurait dû faire pour promouvoir les PME québécoises, c'était justement d'apporter des mesures fiscales afin de hausser le capital-actions, le capital stable des entreprises québécoises.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, sur ce sujet particulier, je crois que le député de Westmount sait fort bien - je l'ai dit à plusieurs reprises - qu'au Québec, la tradition industrielle et économique n'est quand même pas longue. Malheureusement, nos gens sont sous-capitalisés. Mais s'il n'y a pas d'autre façon d'y arriver, je pense que les entreprises méritent d'avoir de l'aide ou de l'appui sous forme d'endossements ou de garanties de prêts de la part du gouvernement du Québec.

Vous allez me dire: C'est peut-être un

peu artificiel pour les aider, mais si on ne les aide pas, elles vont tomber. Je vous rappelle qu'avec le plan d'urgence, l'an dernier, justement en endossant certaines entreprises, on a aidé 700 entreprises à protéger plus de 30 000 emplois. Pour réussir à obtenir 150 000 000 $ de quasi-capitaux de risque dans tout le Québec, savez-vous ce que cela a coûté aux contribuables jusqu'à aujourd'hui? Six millions de dollars. Cela veut dire qu'on a parié sur des entreprises, sur la capacité de gérer des gestionnaires. Bien sûr, de temps à autre, il va en tomber, mais, pour ces 700 entreprises, je pense qu'un travail extraordinaire a été fait, et tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas trouvé un moyen de corriger à long terme la structure de manque de capitaux des entreprises québécoises, le gouvernement du Québec va continuer à miser sur des entreprises, sur des entrepreneurs qui sont capables de bien gérer.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Westmount.

M. French: Je suis toujours content d'apprendre, M. le Président, que le ministre apprécie le fait que le ratio de la dette en capital est trop élevé dans les entreprises québécoises. Je me demande tout simplement pourquoi on taxe le capital des entreprises québécoises.

Le Président: Était-ce une question? Une voix: Vous êtes obligé de répondre.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Je pense que ce que le gouvernement du Québec a fait jusqu'à maintenant pour aider les entreprises québécoises, c'est plus que ce qui ne s'est jamais fait dans l'histoire. Je vous rappelle que, l'an dernier, on a aidé, avec la Société de développement industriel, 831 entreprises. Savez-vous combien d'entreprises les libéraux, sous le gouvernement Bourassa, ont aidées? C'est 561 seulement pendant six ans et demi. On en a aidé 831 dans un an. Il me semble que l'effort qui est fait vis-à-vis de l'aide aux entreprises...

Le Président: À l'ordre!

M. Biron: ...par l'actuel gouvernement du Québec est un effort qui n'a jamais été fait dans le passé. Il y a une sensibilisation à atteindre, à aider davantage les entrepreneurs. On a confiance aux entrepreneurs québécois. Il faut leur donner le coup de pouce avec des façons modernes de le faire et non pas avec des façons dépassées, comme vous autres le faisiez à l'époque.

Des voix: Bravo!

M. Rodrigue: Question de privilège.

Le Président: M. le député, je ne vois pas en quoi votre privilège a été mis en cause.

M. Rodrigue: M. le Président, je pense que c'est le privilège des députés de cette Chambre de pouvoir s'exprimer librement et le privilège...

Le Président: Je vous réfère au règlement de la Chambre à cet effet, mais vous avez parfaitement raison au sujet de la question de règlement par ailleurs, qu'un député a tout à fait le droit de s'exprimer librement, qu'on ne doit pas porter entrave à sa liberté d'expression et plus particulièrement que seul le député qui a la parole a effectivement le droit de parler et que les autres devront normalement être muets.

Cela étant dit, question principale, M. le député de Richmond. (10 h 40)

Projet d'école de musique à Sherbrooke

M. Vallières: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation et concerne l'installation de l'école de musique de Sherbrooke. Il y a quatre ans, votre prédécesseur, M. Jacques-Yvan Morin, annonçait la création d'une pareille école à l'Université de Sherbrooke. Plus récemment, le 11 novembre dernier, à Compton, vous-même promettiez de donner l'heure juste au milieu estrien, soit dans deux semaines, et disiez qu'une nouvelle proposition serait faite. Depuis ce temps, l'heure juste du ministre s'est traduite par un épais nuage de brume. Ses attachés politiques soutiennent qu'aucun nouveau projet n'existe sur le sujet au ministère de l'Éducation, contrairement à ce qu'a laissé entendre le ministre à Compton. Ma question est la suivante et reprend de façon interrogative un éditorial paru dans la Tribune, rédigé par M. Jean-Jacques Lafontaine. Le ministre de l'Éducation trouvera-t-il le courage de confirmer, d'infirmer ou de compléter les déclarations de ses adjoints? Le ministre de l'Éducation acceptera-t-il aujourd'hui de mettre fin à la confusion qui règne, de répondre favorablement aux demandes urgentes du milieu estrien? Le ministre s'engage-t-il, ce matin, formellement, à installer l'école de musique à Sherbrooke?

Le Président: M. le ministre de

l'Éducation.

M. Laurin: Je ne peux prendre aujourd'hui cet engagement. Le dossier est bien connu et il est encore à l'étude. J'espère être en mesure d'apporter une solution, une réponse favorable aux demandes qui m'ont été faites.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Richmond.

M. Vallières: Est-ce que le ministre pourrait nous indiquer, compte tenu de la façon dont il me parle, s'il a oublié son courage dans le vestiaire. C'est ce qu'il semble avoir fait et c'est la question que je lui pose. Je veux savoir, pourquoi le ministre a pris ces engagements quand il est venu à Compton, pourquoi il a dit aux intervenants du milieu que cela prendrait deux semaines avant qu'on ait une réponse? La région continue d'être dans la confusion. J'entends les députés péquistes de l'Estrie qui...

Le Président: Votre question est posée et ne peut pas faire l'objet d'un commentaire additionnel. M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, même réponse. J'espère être en mesure d'apporter une réponse favorable dans les plus brefs délais.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Orford.

M. Vaillancourt: Étant donné que l'Université de Sherbrooke n'a reçu aucune confirmation de subvention pour des projets comme l'école de musique, est-ce que le ministre peut nous dire quand le montant de 183 000 $ va être versé à l'Université de Sherbrooke, étant donné que c'est un montant qui est indexé?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: Je pense que cette somme est incluse dans les discussions que nous avons actuellement et que nous menons, en fait, depuis plusieurs mois avec l'Université de Sherbrooke. Quant à son plan triennal de développement, quant a son équilibre financier, la réponse viendra, évidemment, de la conclusion des discussions que nous avons avec elle.

Le Président: Question principale, M. le député de Sainte-Anne.

La francisation des panneaux de rue à Montréal

M. Polak: Merci. Ma question s'adresse au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. On sait que le projet de loi 57, la Loi modifiant la Charte de la langue française qui est présentement à l'étude, permettra dorénavant à certaines municipalités dont la population est majoritairement anglophone d'afficher le nom de leurs rues en anglais et en français. C'est ainsi que, sur le côté sud du chemin Côte Saint-Luc à Montréal, partie de Montréal du chemin, la ville doit faire disparaître les mots "road et street" tandis que, sur le côté nord du même chemin, de l'autre côté de la rue, laquelle fait partie du territoire de la municipalité de Hampstead, l'anglais sera permis. Devant cette situation quelque peu ridicule, j'aimerais demander au ministre, qui s'est engagé à examiner la demande du maire de Montréal de surseoir à l'obligation de biffer les inscriptions en anglais, s'il a pris une décision à ce sujet et, mieux encore, s'il ne croit pas qu'il serait indiqué de présenter un autre amendement au projet de loi 57 pour permettre à la ville de Montréal de conserver en permanence les quelques plaques de rues qui n'ont pas encore été corrigées?

Le Président: M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Godin: Le député de Sainte-Anne est doté d'une intuition très forte puisque j'allais, en complément de réponse à son collègue de D'Arcy McGee, répondre à sa première question qui est qu'à la fin de 1978, la ville de Montréal avait 3000 panneaux de rue, ce qu'on appelle techniquement des panneaux odonymiques à changer. En mai 1983, donc, cinq ans plus tard, 60% l'avaient été à cette date. Il ne restait en mai dernier que 1200 panneaux à modifier. Aujourd'hui, j'imagine, six mois plus tard, le nombre a encore diminué. Par ailleurs, après consultation auprès de l'Office de la langue française, nous sommes convenus d'accorder à la ville de Montréal l'exemption prévue à l'article 133 et de lui donner, par conséquent, une période d'un an de plus pour franciser l'ensemble de ses plaques odonymiques, de ses plaques de rue à Montréal. Le maire Drapeau sera avisé de cette décision dès que je sortirai de cette Chambre, parce que je tenais à l'annoncer ici.

Quant à la deuxième partie de votre question, vous dites qu'il y a un côté de la rue où les plaques sont en anglais et en français et un autre côté, où les plaques sont en français seulement. Je dirais que, de ce côté-ci de cette Chambre, il y a le gouvernement et de l'autre côté, l'Opposition. Il y a donc, dans tout l'ensemble du Québec, des territoires reconnus anglophones, c'est une demande de la communauté anglophone,

et, dans les territoires reconnus francophones, les francophones veulent que ce soit français. Je pense que c'est tout à fait logique. M. le député de Sainte-Anne et M. le Président, c'est dans le souci du respect des réalités culturelles que nous agissons ainsi. C'est justement de la souplesse. Je ne comprends pas pourquoi on devrait donner à Montréal le statut de Hampstead, puisque Montréal n'est pas Hampstead, à Montréal, il n'y a pas une majorité anglophone. C'est très clair, très simple et cela respecte les droits de la minorité anglophone reconnus au préambule de la charte à compter de l'adoption de la loi, M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Hull.

M. Rocheleau: J'aimerais demander au ministre si cela veut dire que les anglophones devront marcher d'un côté de la rue et les francophones de l'autre.

Des voix: Niaiseux! niaiseux! niaiseux!

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Godin: M. le Président, je pense que le choeur ministériel a répondu à la question.

Le Président: Question principale, M. le député de Viger.

M. Godin: M. le Président. Le Président: M. le ministre.

M. Godin: Dans les tragédies grecques, le choeur répond parfois aux questions de certains acteurs.

Le Président: M. le député de Viger, question principale.

La direction générale du Palais des congrès de Montréal

M. Maciocia: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Lundi dernier, je lui ai posé la question à savoir si l'information - entre guillemets - "du réseau d'information du Parti libéral" voulant que le nouveau président du Palais des congrès de Montréal, M. Yves Michaud, serait très prochainement ou éventuellement nommé aussi à la direction générale du Palais des congrès est juste. Si oui, je voudrais savoir ce qu'il adviendrait de M. Privé, qui est actuellement directeur général du Palais des congrès de Montréal?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je crois que, au mois de juin, j'avais répondu à une question du député de Viger. J'ai répondu exactement d'après les informations que j'avais à l'époque, comme je réponds d'après les informations que j'ai présentement. M. Michaud a été, il y a quelques semaines, nommé président de la Société du Palais des congrès de Montréal. Il va assumer ses responsabilités à compter de la deuxième semaine de janvier. M. Privé va continuer d'occuper ses fonctions actuelles.

M. Maciocia: M. le Président...

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Viger.

M. Maciocia: Ma question complémentaire est pour prouver, encore une fois, que le ministre...

Le Président: M. le député, la question.

M. Maciocia: ...n'y a pas été pour la nomination de M. Michaud et n'y serait pour rien...

Le Président: Je n'ai pas besoin de vous définir les mots "question complémentaire", M. le député. Si vous voulez en poser une en complément, allez-y, mais il n'y a pas de préambule à une question complémentaire.

M. Maciocia: Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est-il au courant que vendredi dernier, le premier ministre nous répondait: "Ce contrat, qui est la décision du gouvernement de lui demander d'assurer la présidence et la direction générale éventuelle du Palais des congrès, correspond très exactement aux qualités que nous trouvons chez M. Michaud."? C'est la question que je lui pose. Ou ils ne se parlent pas dans ce gouvernement ou, comme nous croyons de ce côté-ci, nous sommes convaincus que c'est le premier ministre qui a pris la décision de la nomination de M. Michaud. (10 h 50)

Ma deuxième question tombe sous le sens. Le ministre nous a répondu lundi dernier qu'il avait contacté l'Association des hôteliers de l'agglomération de Montréal et la ville de Montréal.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: Un rappel au règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: ...un rappel au règlement.

Le Président: Cela va?

M. Maciocia: Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme peut-il nous dire qui il a contacté à la ville de Montréal et qui il a contacté à l'Association des hôteliers de l'agglomération de Montréal?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je voudrais d'abord informer le député de Viger que dans une entreprise c'est toujours un président qui assume la direction de l'entreprise; c'est lui qui est responsable auprès des actionnaires ou auprès du gouvernement, dans ce cas-là. Dans ce sens, oui, M. Michaud a été nommé président de la Société du Palais des congrès de Montréal et c'est lui qui assume la responsabilité de répondre des actions, des gestes et de l'administration de la Société du Palais des congrès de Montréal, ce qui n'empêche certainement pas M. Privé de continuer à exercer sa fonction actuelle.

Quant aux consultations, elles ont été faites auprès de la ville de Montréal. J'ai également consulté les intervenants touristiques et les hôteliers de l'agglomération de Montréal. Ces gens-là sont convaincus que M. Michaud peut faire un excellent travail, peut faire de la promotion touristique, peut attirer de nombreux congrès au Québec et peut contribuer par ses qualités à faire travailler de nombreux Québécois et Québécoises dans votre région, en particulier.

Le Président: Fin de la période des questions.

M. le ministre de l'Énergie et des Ressources a un complément de réponse à une question qui lui a été posée par M. le député de Maskinongé. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

L'approvisionnement de la société Kruger de Trois-Rivières

M. Duhaime: M. le Président, pour la bonne compréhension, peut-être que vous pourriez permettre - la question a été adressée par le député de Maskinongé au premier ministre la semaine dernière, et cela concerne la compagnie Kruger de Trois-Rivières - que je relise les trois lignes qui sont au coeur de la question. Je vais citer mon collègue de Maskinongé. Ce n'est pas une chose que je fais souvent. C'est à la page 2 du ruban R-4663, et M. le député de Maskinongé pose la question au premier ministre: "En 1982, votre gouvernement qui, soit dit en passant, est censé s'occuper de création d'emplois, a décidé de réduire de 59% la garantie d'approvisionnement pour la même compagnie Kruger dans la région de Chibougamau et de Chapais." C'est la question. Ce que je voudrais dire d'abord, M. le Président, c'est que cette question, telle qu'elle est formulée, laisse entendre des faits qui sont absolument faux et qui, de plus, sont dommageables à une entreprise de notre région.

Quand un député se lève en Chambre et à partir de coupures de presse glanées à gauche et à droite, sans qu'aucune vérification ne soit faite, ni au ministère, ni auprès de l'entreprise, on lance que 59% des approvisionnements d'une compagnie qui fabrique du papier journal tombent du jour au lendemain, il y a peut-être des gens qui financent cette entreprise qui se posent des questions.

Ma réponse sera très brève. Non seulement nous n'avons pas réduit la garantie d'approvisionnement qui avait été concédée le 12 mars 1975 par le décret 1019-75, mais au début de 1981 - et à l'époque, en 1975, cela portait sur 300 000 cunits - nous l'avons augmentée de 26 000 cunits moyennant certaines conditions que l'entreprise Kruger a acceptées, c'est-à-dire s'entendre avec la scierie Barrette et Chapais dans la région de Chibougamau pour que cette scierie puisse approvisionner Kruger en copeaux. Tout le monde sait que la compagnie Kruger est une entreprise très importante en Mauricie dans le domaine du papier journal. Le problème n'est pas une question d'approvisionnement en soi, mais beaucoup plus un problème de coûts de transport. Je demanderais au député de Maskinongé, s'il a eu le temps de faire des vérifications pour permettre à cette entreprise de retrouver la confiance que tout le monde lui doit, de corriger les faits.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, le ministre serait-il au courant que M. Cyrenne a lui-même déclaré, et je cite: "C'est le manque de garanties de la part du gouvernement du Québec sur l'approvisionnement à long terme en matières premières qui retarde la construction d'une nouvelle machine à papier à la société Kruger de Trois-Rivières." C'est le commentaire qu'a fait de son côté M. Roland Cyrenne, vice-président-directeur général chez Kruger à Trois-Rivières. Le ministre est-il au courant de cela et pourrait-il répondre à la vraie question? Qu'attend-il pour donner des garanties à cette compagnie pour qu'un investissement de 100 000 000 $ soit réalisé dans notre région tel que le demande la Kruger et tel que l'exigeait la compagnie avant le 6 décembre? Qu'a fait le ministre avant le 6 décembre quant aux garanties que demandait la compagnie Kruger? C'est ce que je veux savoir. Répondez à cela et vous aurez fait votre boulot.

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: Je vais essayer de faire un effort pour faire comprendre quelque chose au député de Maskinongé.

Des voix: Bonne chance!

M. Duhaime: Puisque la question a été posée au cours de la semaine dernière, j'imagine que le 6 décembre étant proche du 5, cela a dû vous aider à poser votre question alors que je n'étais pas en Chambre. La décision d'installer une nouvelle machine à papier à Trois-Rivières par Kruger est prise depuis trois ans. Vous devriez savoir cela. La machine à papier est achetée. Il y a déjà eu de l'amortissement là-dessus depuis trois ans. Qu'est-ce qui fait que la compagnie Kruger ne se décide pas à ajouter les 100 000 000 $ additionnels pour installer cette machine à papier? La réponse à cela est simple.

Si le député de Maskinongé veut simplement regarder les chiffres de la production de papier journal depuis un an ou deux, il verra que nos usines tournent à 80%, 81% ou 82% de leur capacité. Comme je l'ai dit tantôt, la compagnie Kruger a un coût de transport élevé parce que ses approvisionnements sont loin de Trois-Rivières. Lorsque les conditions ont été faites au printemps 1981, lorsque nous avons porté de 300 000 à 326 000 cunits - ce n'est pas diminué de 50%, c'est augmenté d'à peu près 7% ou 8% - la compagnie Kruger savait pertinemment la distance qui existait entre Chibougamau, Chapais et Trois-Rivières; cette distance n'a pas changé depuis.

Que des compagnies fassent des démarches, des pressions auprès du ministère de l'Énergie et des Ressources pour obtenir de meilleures garanties d'approvisionnement, c'est ce qu'on fait la journée durant à mon ministère. Nous devons faire des arbitrages. Si, par hypothèse, nous décidions de favoriser Kruger, dans une certaine région du Québec, nous le ferions nécessairement au détriment d'une autre compagnie. C'est ce que le député de Maskinongé devrait essayer de comprendre. Les conditions qui ont été faites et acceptées en 1981 par le groupe Kruger existent toujours. Sauf erreur, la scierie Barrette-Chapais est également prête à livrer les copeaux suivant qu'une entente de livraison et de prix interviendra entre les deux parties.

Une voix: Bon, avez-vous compris?

Le Président: Motions non annoncées. Aux avis à la Chambre, aux motions, M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, si j'avais le consentement du leader de l'Opposition, y aurait-il possibilité de revenir à la période des affaires courantes, au dépôt de documents? Il y aurait deux documents qui pourraient être déposés: un du ministre de l'Énergie et des Ressources et l'autre du ministre des Transports.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Sûrement. Étant donné que ce consentement va dans le sens d'informer le plus rapidement possible les citoyens des bourdes du gouvernement, nous allons donner notre consentement.

Le Président: Dépôt de documents. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Une voix: C'est encore le même.

Une voix: Envoyez votre bourde!

Statistiques de l'énergie pour 1982

M. Duhaime: II me fait plaisir de déposer, avec le consentement de l'Opposition, les statistiques de l'énergie au Québec pour 1982. L'édition de 1983 sera prête, bien sûr, en 1984. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre des Transports.

Rapport de l'Office des autoroutes du Québec

M. Clair: Je dépose le rapport d'activités de l'Office des autoroutes du Québec, qui a été aboli l'année dernière en ce qui concerne son rôle opérationnel mais qui demeure gérant de la dette obligataire, pour la période s'étendant du 1er janvier 1982 au 31 mars 1983.

Le Président: Rapport déposé. Les motions, M. le leader du gouvernement.

Travaux des commissions

M. Bertrand: D'abord, j'aurais besoin du consentement de l'Opposition. Hier, M. le Président, nous avons obtenu le consentement pour que trois commissions parlementaires puissent siéger. Il y a une commission parlementaire, celle de l'éducation, qui entend des groupes relativement aux nouvelles propositions concernant le règlement sur l'enseignement au collégial. Or, aujourd'hui, cette commission poursuit ses travaux ainsi que demain.

(11 heures)

Nous souhaiterions obtenir le consentement de l'Opposition pour que, pendant que la commission de l'éducation entendra des groupes, deux autres commissions parlementaires puissent siéger, à savoir celle de la fonction publique, toute la journée, pour l'étude du projet de loi 51, article par article, et ce matin, la commission des transports, pour terminer probablement l'étude du projet de loi 47 et, cet après-midi, la commission des travaux publics et de l'approvisionnement pour l'étude article par article du projet de loi 18.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, étant donné - je l'ai expliqué hier, mais j'aimerais le répéter - que la commission de l'éducation se réunit pour entendre des groupes sur le projet de règlement, en partie à notre demande aussi, nous aurions mauvaise grâce de refuser ce consentement, ce qu'on pourrait refuser, toutefois, compte tenu des autres commissions qui seraient appelées à siéger en même temps. Le leader nous a dit quelles commissions seraient appelées à siéger aujourd'hui et je ne vois pas de conflit en ce qui concerne les intervenants entre les différentes commissions appelées à siéger en même temps aujourd'hui.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: En remerciant le leader de l'Opposition pour sa collaboration, je fais donc motion pour que, ce matin, de 11 h 15 à 13 heures, cet après-midi, de 15 heures à 18 heures, et ce soir, de 20 heures à 24 heures, la commission de l'éducation siège à la salle 81-A; qu'au salon rouge, la commission de la fonction publique siège pour étudier le projet de loi 51 article par article; que, ce matin aussi, à la salle 80-A, la commission des transports siège pour étudier le projet de loi 47 article par article et que, cet après-midi, de 15 heures à 18 heures, à la même salle 80-A, la commission des travaux publics et approvisionnement siège pour l'étude du projet de loi 18, article par article.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

M. Lalonde: Vote enregistré.

Le Président: Vote enregistré. Qu'on appelle les députés. (11 h 03 - 11 h 09)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre vos places.

À l'ordre! Mme la ministre de la

Fonction publique.

Mme la ministre, je ne voudrais pas vous déranger indûment, mais... Merci.

Des voix: Ah!

Le Président: 0e crois comprendre que le leader du gouvernement a une modification à faire à sa motion.

M. Bertrand: Oui, un petit ajout, M. le Président, au cas où la commission des travaux publics et de l'approvisionnement, pour l'étude du projet de loi 18 créant la Société immobilière du Québec n'aurait pas terminé ses travaux à 18 heures. On me dit qu'il est fort possible que les travaux soient terminés à 18 heures. J'ajouterais à la motion que la commission siégerait aussi ce soir, de 20 heures à minuit; mais, à la commission, les membres peuvent s'entendre s'ils veulent poursuivre une heure de plus, à 18 heures. Bien sûr, la décision leur appartient.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Laquelle des trois ou quatre commissions que vous avez nommées serait appelée à siéger ce soir?

M. Bertrand: La commission des travaux publics et de l'approvisionnement.

M. Lalonde: Mais si elle a terminé à 18 heures?

M. Bertrand: Non. Je dis que c'est dans la mesure où les gens n'auraient pas terminé leurs travaux.

M. Lalonde: Très bien.

M. Bertrand: D'accord? À ce moment-là, ils poursuivraient leurs travaux à 20 heures.

Une voix: C'est compris là? M. Bertrand: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Si cette commission parlementaire avait terminé ses travaux à 18 heures ou à 19 heures, parce qu'il peut y avoir un consentement donné à la commission, je préviens le député de D'Arcy McGee qu'il se retrouverait avec son bon ami, le ministre de la Justice, pour poursuivre l'étude du projet de loi concernant les coroners, de 20' heures à minuit.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, j'avais bien entendu la fin de la description des commissions avant de donner mon consentement, mais il semble que celui-là pourrait créer un certain problème. On pourrait peut-être voter sur les motions, tel que proposé.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, pour l'instant, demeurons-en avec l'ajout que j'ai fait tantôt et, d'ici 18 heures, on verra. Il y aura des discussions de part et d'autre. (11 h 10)

Une voix: Est-ce que cela va?

Le Président: Des députés se plaignent à bon droit qu'ils n'arrivent pas à entendre ce que les intervenants disent parce qu'il y a trop de bruit dans la Chambre. Je reviens, encore une fois, là-dessus. Je vous prierais de bien vouloir tenir des conversations en caucus, à l'extérieur de l'Assemblée.

Je mets donc aux voix la motion de M. le leader du gouvernement visant à faire siéger la commission parlementaire de la fonction publique au salon rouge, la commission parlementaire de l'éducation à la salle 81-A et la commission parlementaire des transports à la salle 80-A et également, la commission parlementaire des travaux publics et de l'approvisionnement à la salle 80-A, subséquemment, aux heures qu'il a indiquées.

Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît:

Le Secrétaire adjoint: MM. Bertrand (Vanier), Jolivet (Laviolette), Mme Marois (La Peltrie), MM. Bédard (Chicoutimi), Laurin (Bourget), Bérubé (Matane), Landry (Laval-des-Rapides), Lazure (Bertrand), Gendron (Abitibi-Ouest), Godin (Mercier), Biron (Lotbinière), Marcoux (Rimouski), Ouellette (Beauce-Nord), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), MM. Martel (Richelieu), Léonard (Labelle), Clair (Drummond), Fréchette (Sherbrooke), Duhaime (Saint-Maurice), Chevrette (Joliette), Paquette (Rosemont), Rancourt (Saint-François), Leduc (Fabre), Léger (Lafontaine), Proulx (Saint-Jean), Gauthier (Roberval), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Boucher (Rivière-du-Loup), Dean (Prévost), Rodrigue (Vimont), Beaumier (Nicolet), Gagnon (Champlain), Dussault (Châteauguay), Desbiens (Dubuc), Mme Juneau (Johnson), MM. Fallu (Groulx), Bordeleau (Abitibi-Est), Rochefort (Gouin), Marquis (Matapédia), Baril (Arthabaska), Laplante (Bourassa), Charbonneau (Verchères), Champagne (Mille-Îles), Perron (Duplessis), Blais (Terrebonne), Blouin (Rousseau), Lachance (Bellechasse), Gravel (Limoilou), LeMay (Gaspé), Mme Harel (Maisonneuve),

MM. Brouillet (Chauveau), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Payne (Vachon), Paré (Shefford), Tremblay (Chambly), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lafrenière (Ungava), Levesque (Bonaventure), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Ciaccia (Mont-Royal), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Vaillancourt (Orford), Mme Bacon (Chomedey), MM. Marx (D'Arcy McGee), O'Gallagher (Robert Baldwin), Vallières (Richmond), Assad (Papineau), Mathieu (Beauce-Sud), Caron (Verdun), Blank (Saint-Louis), Maciocia (Viger), Polak (Sainte-Anne), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Rocheleau (Hull), Fortier (Outremont), Rivest (Jean-Talon), Gratton (Gatineau), Pagé (Portneuf), Côté (Charlesbourg), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Paradis (Brome-Missisquoi), Lincoln (Nelligan), Cusano (Viau), Dubois (Huntingdon), Sirros (Laurier), Saintonge (Laprairie), Picotte (Maskinongé), French (Westmount), Bissonnet (Jeanne-Mance), Dauphin (Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde (Berthier), Middlemiss (Pontiac), Hains (Saint-Henri), Doyon (Louis-Hébert), Leduc (Saint-Laurent), Maltais (Saguenay).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Pas d'abstention.

Le Secrétaire: Pour: 99

Contre: 0

Abstentions: 0

Le Président: La motion est donc adoptée.

Aux questions sur les travaux de la Chambre, en vertu de l'article 34, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Recours à l'article 34

M. Scowen: Le leader peut-il me dire quand le rapport du Vérificateur général pour l'année 1982-1983 sera déposé? Est-ce que ce sera avant Noël? Sinon, pourquoi pas?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M'aviez-vous déjà posé cette question ou si c'est la première fois aujourd'hui? Je garde un recueil d'information sur chacune des questions posées en vertu de l'article 34. C'est la première fois que vous me la posez. Je vais vérifier, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, et je vous donnerai la réponse dès que je l'obtiendrai, demain ou au début de la semaine prochaine.

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. En vertu de l'article 34, j'ai à poser une question au leader. J'ai posé une question au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation cette semaine concernant la relève agricole. Je lui ai offert le consentement officiel de l'Opposition, s'il voulait uniquement changer quelque chose concernant ce point dans la loi. Le leader du gouvernement pourrait-il me dire si, effectivement, il y aura un changement dans ce projet de loi qu'il a l'intention de nous proposer bientôt et avant l'ajournement, si possible, tel que demandé par la Fédération de la relève agricole du Québec.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je réfère le député de Maskinongé à la réponse apportée par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui, je pense, si ma mémoire est bonne, indiquait que, dans la mesure où il y aurait un consentement pour procéder à l'adoption de quelque chose relativement à ce dossier, il était prêt à en discuter avec le porte-parole de l'Opposition en la matière, mais en dehors de tout autre "deal" de quelque nature que ce soit.

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, je reviens à la charge, puisque je lui ai dit qu'en ce qui concerne le 31 décembre, nous sommes prêt à donner notre consentement concernant cet amendement. Que voulez-vous de plus que cela? Vous autres, allez-vous nous dire que vous acceptez de présenter cet amendement? Précisément, c'est ce que je vous demande, mais il ne faudrait pas me donner la réponse après le 21 décembre, parce qu'il sera trop tard.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: De la même façon que j'ai donné une réponse hier à une question formulée par le député de Beauce-Sud, en ce sens que nous apporterions un amendement à la loi 90 par le projet de loi 50, projet omnibus présenté par le ministre de la Justice, je ne peux sur ce projet comme tel, personnellement, prendre un engagement face au député de Maskinongé. Je m'engage, par ailleurs, d'ici la fin de la journée, à communiquer avec mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pour qu'une réponse soit donnée au député de Maskinongé dans les plus brefs délais.

Projet de loi 57

Reprise du débat sur la deuxième lecture

Le Président: Aux affaires du jour, nous reprenons donc le débat sur la motion de M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, proposant que le projet de loi 57, Loi modifiant la Charte de la langue française, soit maintenant lu une deuxième fois. Je cède la parole à M. le député de Viger. M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, je cède mon droit de parole au leader de l'Opposition.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, cela fait dix ans et quelques semaines que j'ai l'honneur de siéger ici à l'Assemblée nationale. J'ai vécu deux débats linguistiques extrêmement douloureux, coûteux, et voici qu'à l'occasion de la présentation de ce projet de loi, je voudrais, en concluant le débat - je crois comprendre que la réplique du ministre viendra immédiatement après - récapituler, résumer, si vous me le permettez, mais de façon très modeste, la position du Parti libéral du Québec sur cette question. (11 h 20)

Le Parti libéral du Québec a tout d'abord été le premier... Je le fais sans fanfaronnade, simplement pour répondre à des accusations qui sont portées souvent au milieu de trémolos et de discours "patriopétants". Je veux simplement rétablir les faits. Le Parti libéral du Québec est le parti qui a fait du français la langue officielle au Québec, et ceci en 1974. C'est incontestable. C'est inscrit dans nos archives, c'est là. Je sais que, dans le climat qui régnait en 1977, après la victoire du Parti québécois, on a fait disparaître cette loi. On l'a remplacée. On aurait pu l'amender parce qu'au fond ces deux lois se ressemblent beaucoup, la loi 22 et la loi 101. Je vous dirai de quelle manière plus tard.

Donc, le Parti libéral du Québec n'a de leçon à recevoir de personne ici en cette Chambre sur la volonté de faire du français une langue vivante, de faire de la culture française une culture vivante et forte, de faire surtout du français une langue nécessaire. Là-dessus, je pense que nos propos se rejoignent d'un côté et de l'autre de la Chambre. C'était la conclusion première et fondamentale de la commission Gendron que le français, à la faveur du développement des communications, de l'industrialisation et de l'urbanisation dans les quelques dernières décennies, perdait son

caractère nécessaire. On avait de moins en moins besoin - je parle des francophones -du français au Québec pour vivre, plus particulièrement dans le milieu du travail. Au-delà de cette déclaration solennelle: "Le français est la langue officielle du Québec", qu'on retrouve à l'article 1 de la loi 22, et verbatim, ce sont exactement les mêmes mots à l'article 1 de la loi 101. Tout le reste, ce sont des moyens pour atteindre un objectif que nous partageons.

C'est sur les moyens que nous avons des différences d'opinions d'un côté et de l'autre de la Chambre. Le Parti libéral du Québec - je reviens là-dessus - a été aussi celui qui a mis en place les instruments pour faire cette francisation des entreprises. Je pense que le ministre de l'Éducation, qui était responsable de cette loi, l'a reconnu publiquement à quelques reprises. Lorsque l'Office de la langue française a remplacé la régie, on a même changé les mots pour en faire disparaître le crédit au Parti libéral du temps. Tous les instruments, les règlements étaient quasiment en place. Les calendriers étaient en place pour commencer cette entreprise gigantesque de franciser, de rendre le français une langue utile en milieu de travail.

Le Parti québécois, lui, arrive avec sa loi 101 et, je le répète, l'article 1 de la loi 101 est exactement le même que l'article 1 de la loi 22: "Le français est la langue officielle du Québec." Cette proclamation solennelle donne tout son dynamisme au geste, donne son caractère officiel au geste de faire du français, de faire d'une langue une langue officielle. C'est le coeur même de la loi, l'article 1. Mais le Parti québécois a choisi, et c'est là que nous avons commencé à nous y opposer, des moyens tracassiers, souvent abusifs, inutiles et parfois discriminatoires pour donner une coloration un peu revancharde à la loi. On a fait un drapeau de la loi 101, alors que le Parti libéral avait, et avec courage, parce que Dieu sait que nous étions bien conscients qu'une bonne partie de notre clientèle allait trouver fort déplaisante cette loi, et elle nous l'a rappelé quelques années plus tard... Donc, quel courage cela prenait au Parti libéral pour le faire. Mais le Parti libéral avait tenté de rester dans le milieu, de donner de la mesure, de faire preuve de tolérance. On dit souvent...

Une voix: Et de réalisme.

M. Lalonde: Et de réalisme, oui; de réalisme économique en particulier. Fort conscient que la langue de travail, c'est en plein milieu de l'économie et que, voulant construire d'un côté, on peut détruire de l'autre si on va trop loin. Et c'est ce que la loi 101 a commencé de faire. C'est là que nous ne sommes plus d'accord.

Hier, j'entendais des députés péquistes dire: Les libéraux ont voté contre la loi 101, donc les libéraux sont contre la spécificité française au Québec. C'est même un ministre qui le disait. Je comprends qu'on puisse s'emporter dans les trémolos, j'ai reconnu quelques discours référendaires hier, le ton est un peu "grésillard", on voit que ça ne prend plus, mais quand même on aime l'exercice des deux côtés. D'ailleurs, c'est ce genre de discours qui est malhonnête et qui est trompeur.

Voyons ce qui s'est passé. L'article 1 de la loi 22, je l'ai dit, est exactement le même que l'article 1 de la loi 101. Or, le Parti québécois a voté contre la loi 22, donc contre l'article 1. Est-ce que nous accusons le Parti québécois d'être contre le français?

Voyons ce qui s'est passé en 1977. Les libéraux ont voté pour l'article 1 de la loi 101 et contre la loi 101 globalement, étant donné qu'elle était abusive à plusieurs égards.

M. le Président, j'ai fait sortir la transcription des débats du 4 août 1977 de la commission permanente qui étudiait article par article la loi 101. Mise aux voix de l'article premier - là, on reconnaît quelques-uns de nos collègues actuels et passés, il y en a quelques-uns qui ne sont pas ici - "Je demande l'appel nominal, M. le Président" -c'est M. Charron qui demandait l'appel nominal. J'avais le privilège de siéger avec Mme la députée de L'Acadie, M. le député de Mont-Royal et d'autres pour le Parti libéral. Je vois ici: "M. Ciaccia: Pour. Mme Lavoie-Roux: Pour. M. Lalonde: En faveur." Tout à coup, je vois: "M. Biron: Abstention." Et, hier soir, c'est un de ceux qui est venu nous donner des leçons, qui est venu faire des reproches au Parti libéral.

M. le Président, on a le droit de douter de l'honnêteté intellectuelle et de la sincérité des gens à certains moments. Ce sont ceux-là qui, souvent, sont les plus violents dans leurs discours. C'est ça la réalité. Le Parti libéral, à deux reprises, a voté en faveur de la proclamation du français comme langue officielle au Québec, mais nous avons voté contre les abus et nous continuerons de combattre les abus de la loi.

Quand M. Jean Drapeau - qui a commencé de faire de la francisation avant que le nom soit inventé, dans la ville de Montréal, sans bruit, sans brimer qui que ce soit, qui a francisé et ce n'est pas assez connu, ça devrait l'être davantage - vient ici pour nous dire ce qu'il nous a dit il y a quelques semaines, quand la Commission des droits de la personne du Québec - j'y reviendrai - vient nous dire ce qu'elle est venue nous dire, il y a sûrement quelque chose à changer. Et le seul fait que le gouvernement actuellement présente un projet de loi - on n'est pas d'accord avec le projet de loi, on l'a dit, je ne reviendrai pas sur

les raisons; on a eu plusieurs discours à cet égard, le député de Gatineau est entré en détail là-dessus - pour faire des changements, cela confirme, au moins en partie, l'opposition que nous avions en 1977. Cela confirme le vote que nous avions donné contre la loi 101 en 1977. Votre geste est la confirmation du bien-fondé de notre décision. (11 h 30)

Ne venez pas nous reprocher d'avoir voté contre la loi 101. Vous êtes vous-mêmes les premiers à vouloir la changer - et vous avez raison de vouloir la changer - mais, malheureusement, vous avez créé des illusions chez bien des gens. C'est malheureux, parce que, quand j'avais... Je ne veux pas faire de personnalité, mais c'est quand même de notoriété publique que, lorsque le ministre actuel a été nommé, compte tenu de sa personnalité, de son passé, etc., beaucoup d'espoirs ont été créés. Son attitude très réceptive, au départ a créé des espoirs. J'étais un de ceux qui lui faisaient confiance. Je trouvais d'ailleurs la démarche très difficile. Elle est d'autant plus difficile que la voix des ténors du Parti québécois en 1977 a été plus stridente. On a tellement charrié avec la question linguistique. On est allé tellement loin de l'autre côté de cette Chambre avec la question linguistique que c'est plus difficile peut-être pour eux de revenir en arrière. J'en conviens.

Mais dans le climat actuel, l'après-crise - parce que la crise a fait changer bien des mentalités ou a aidé à bien des mentalités à entreprendre une évolution - avec l'appui que vous auriez pu avoir de l'Opposition - parce que nous ne faisons pas de démagogie avec une question aussi importante que la langue et nous n'en avons jamais fait - vous aviez la chance d'apporter les changements qui iraient, qui seraient allés dans le sens que nous voulons. Le sens que nous voulons, on ne le retrouve pas nécessairement.

Ce n'est pas le programme du Parti libéral, c'est le mémoire de la Commission des droits de la personne, organisme non partisan, qui dit, à la page 33: "Ceci fait appel en même temps à l'esprit d'ouverture et de tolérance dont doivent faire preuve les autorités publiques devant une partie de leur population qui s'estime lésée par une telle loi." Ces quatre lignes résument ce qui nous anime ici, de l'autre côté: tolérance. On dit qu'on ne devrait jamais légiférer sur des questions linguistiques ou de religion. Des sages ont dit cela. Il était nécessaire de le faire sur la question de la langue. Je pense qu'on en a convenu.

Est-ce une erreur unanime qu'on a faite? Enfin! je ne le pense pas, mais il faut donc faire attention quand on touche aux questions linguistiques'. Il faut donc faire preuve de mesure, de tolérance et de générosité; Quand on demande de la générosité pour les minorités, on nous accuse d'être le parti des Anglais, mais fort bien, si on veut nous accuser de cela. Je préférerais être accusé de représenter les minorités que de faire des abus au nom de la majorité. Là n'est pas la question. On nous reproche... Je disais justement que ce qui nous anime, c'est la tolérance et la mesure. C'est ce que nous voulons, au nom de tous les Québécois. Je ne me sens pas à l'aise de faire partie d'une majorité qui traite de façon abusive ses minorités. C'est au nom de la qualité de la civilisation qu'on veut se donner. Souventefois, on entend le PQ dire: Les Anglais ont le meilleur traitement de toutes les minorités au Canada. Oui, tant mieux, mais je ne veux pas diminuer cela. C'est un héritage. Ce n'est même pas nous qui avons fait cela. Ce sont nos ancêtres, ceux qui sont passés avant nous. Mais pourquoi le diminuer au niveau des autres minorités qui, ailleurs, pourraient être moins bien traitées? Le Parti libéral veut conserver cela.

Dans l'affichage, je n'ai jamais compris pourquoi on empêche quelqu'un d'afficher dans sa langue. La loi 22 permettait une autre langue, c'est-à-dire qu'elle obligeait à l'usage du français. Je le sais, il faut avoir l'air français.

Ce discours cache une réalité extrêmement exécrable, cela veut dire qu'il faut faire disparaître l'autre réalité si on ne veut qu'une réalité. Je suis convaincu qu'une grande majorité de Québécois ne veulent pas traiter ces minorités de cette façon. Il y a quelque chose de répugnant dans cette attitude. On dit: Oui, les anglophones, vous allez pouvoir vous parler entre vous. Et là, on arrive dans des petits détails souvent "picayunes". On leur dit: Ne paraissez pas, disparaissez. Moi, cela me répugne intellectuellement et le Parti libéral ne peut accepter une telle attitude au nom des libertés.

D'ailleurs, c'est ce qui tracasse tellement la Commission des droits de la personne. C'est surtout là-dessus qu'elle s'est appliquée à faire sa recommandation, c'est-à-dire que l'article 58 de la loi 101 soit amendé en vue de permettre l'utilisation dans l'affichage public et la publicité commerciale de langues autres que le français, mais sous réserve que le français, grâce a l'adoption d'une réglementation adéquate, demeure prépondérant.

Bien voyons, soyez généreux! Vous ne l'êtes pas et nous ne pouvons pas vous suivre dans cette voie. Nous ne sommes pas les seuls, on nous a dit que le député de Vachon va s'abstenir de voter sur la loi. Il pourrait faire comme nous et voter contre, mais cela prend un peu de courage.

Sur le ton le plus modéré possible, je voudrais faire appel au gouvernement. On se prépare à aller en commission parlementaire où il sera possible d'apporter des amende-

merits un peu plus considérables, dans le sens d'enlever à cette loi ce qui est abusif, ce qui va au débit de tous les Québécois. Je ne répéterai pas les sondages qu'on vous a rapportés ici, mais la majorité des Québécois n'est pas favorable à une loi tatillonne, à une loi revancharde. La majorité des Québécois est favorable à une loi généreuse. Elle veut garder la loi 101, nous voulons la garder, que ce soit la loi 101 ou la loi 22, quel que soit le numéro; nous voulons que le législateur continue de protéger le fait français au Québec, mais nous voulons que ce soit fait de façon généreuse. Nous ne pouvons pas suivre le gouvernement dans la voie tout à fait imprécise et incohérente dans laquelle il nous engage actuellement; c'est pour cela que nous allons voter contre la loi 57, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre droit de réplique.

M. Gérald Godin (réplique)

M. Godin: Je suis rassuré de constater le ton modéré, rationnel et logique de mon collègue et ami - je le dis sans gêne et publiquement - le député de Marguerite-Bourgeoys sur la loi 57 et la loi 101. Je dois dire que je reconnais dans ses propos la voix de la sagesse et surtout de l'expérience. En effet, le député de Marguerite-Bourgeoys était ici lors de l'adoption de la loi 22. Il était ici quand il a vu une partie du Parti libéral, au pouvoir à l'époque, éclater, quand il a vu un ministre libéral, M. William Tetley, un homme courageux, se faire littéralement expulser d'une assemblée dans le West Island parce qu'il présentait la loi 22 qui était relativement modérée par rapport aux demandes des anglophones. Il était ici quand il a vu quelques-uns des députés du Parti libéral organiser des pétitions, des campagnes contre une loi du gouvernement libéral de l'époque. Je dois dire, des expériences précédentes - je l'ai évoqué chaque fois en commission parlementaire, M. le Président - que le Parti libéral avait fourni à la question linguistique un éclairage extrêmement utile au gouvernement quand est venu le temps d'adopter le projet de loi 101 et aujourd'hui le projet de loi 57. (11 h 40)

J'ai dit que tous les grands partis de la décennie au Québec avaient tenté de résoudre le problème. Je constate par ailleurs que la loi 22, malgré qu'elle était un pas dans la bonne direction, a amené la défaite du Parti libéral, a amené le rejet du Parti libéral par une grande partie des francophones mécontents et par une grande partie des anglophones mécontents aussi. C'est donc dire qu'il y avait là aussi des amendements à faire et la défaite du Parti libéral sur ces questions confirme la justesse des opinions exprimées à l'époque par le Parti québécois qui avait vu clair et qui incitait le Parti libéral à ne pas aller trop loin dans le sens du libre choix qui mettait en danger l'équilibre démolinguistique à Montréal.

La population a passé son jugement. Cela a été évoqué hier par mon collègue, le député de Sherbrooke et ministre du Travail. Je pense que la défaite du Parti libéral sur la loi 22 confirme la justesse de la position du Parti québécois. Je pense que l'adhésion aujourd'hui du Parti libéral à la loi 101, adhésion répétée en commission parlementaire, adhésion répétée sur le principe ici hier, confirme également la justesse de cette loi et la justice de cette loi.

Je voudrais m'attarder sur trois points. La question du respect des travailleurs au Québec, la sensibilité, ce qu'on appelait il y a quelques années le préjugé favorable à l'égard des travailleurs du Québec, cela a été central dans la discussion sur la loi 101 et c'est central dans les préoccupations actuelles du gouvernement du Québec pour ce qui touche la loi 57 qui modifie la loi 101. Je parlerai en deuxième lieu de la question de l'affichage parce qu'elle est centrale. Je parlerai aussi de l'opinion de la Commission des droits de la personne, parce qu'elle est centrale. Je vous dirai les tourments, au fond, qui ont été les miens à l'égard de l'affichage.

Venons-en à la question des travailleurs, M. le Président. La loi 57 apporte trois modifications qui touchent les comités de francisation. Le Parti libéral a demandé l'avis du Centre de linguistique de l'entreprise sur ces modifications; c'est une association patronale fort respectable, avec laquelle nous avons les meilleurs des rapports et avec laquelle nous travaillons d'ailleurs pour améliorer les formulaires, les attitudes et le comportement de l'Office de la langue française dans ses contacts avec l'entreprise.

Je m'étonne que le Parti libéral n'ait pas cru bon, parce qu'il a demandé un avis au Centre de linguistique, de demander le même avis aux travailleurs du Québec, à la Fédération des travailleurs du Québec, par exemple, à la CSN, ce que j'ai fait. J'ai rencontré le président de la CSN à mon bureau avec des représentants syndicaux des hôpitaux anglophones, et j'y viendrai plus tard. J'ai eu des échanges avec l'exécutif de la FTQ et nous avons contacté les deux groupes. Ce qui me préoccupe d'abord et avant tout, c'est que les travailleurs du Québec puissent travailler en français dans l'entreprise.

Nous avons vu hier un député que je respecte la plupart du temps, parce qu'il est près de son monde, et ses remarques, ses reproches à l'égard de l'Office de la construction du Québec, par exemple, sont extrêmement utiles au gouvernement pour

tenter de modifier ce décret qui régit le monde de la construction, de manière à respecter à la fois l'ancienneté des travailleurs de la construction, mais, en même temps, à éviter que cela ne devienne le déversoir de l'ensemble des régions du Québec comme c'était le cas dans le passé, avec les résultats que nous avons vus lors de la commission Cliche convoquée, mandatée par le gouvernement libéral de l'époque pour faire la lumière dans un domaine où, à la faveur de ce fourre-tout, tout arrivait et tout était possible.

Pour régler ce problème, nous avons confié à l'OCQ le soin d'administrer la répartition du gâteau entre les travailleurs de la construction, en fonction de leur ancienneté, ce qui est la règle généralement admise dans le monde ouvrier.

Donc, cette préoccupation des travailleurs, je ne l'ai pas vue non plus dans l'intervention, dont je faisais état tout à l'heure, de mon collègue, le député de Beauce-Sud, qui nous a cité, avec un comportement un peu bouffon, ce qu'on appelle en grec "karagiozis", un document qui émane de l'office et qui demande à l'entreprise de se franciser. Le député de Beauce-Sud disait: C'est un torchon; le patron l'a jeté dans les poubelles; on l'a ramassé dans les poubelles et le voici, je vais vous le citer. Il a alors dit: 100% des travailleurs de mon comté sont francophones; voilà que l'office veut franciser cette entreprise-là; le patron a jeté ce document au panier; c'est ridicule, c'est de la folie furieuse, etc.

Ce que le député n'a peut-être pas fait, c'est de s'enquérir auprès des travailleurs de l'entreprise en question au sujet de la machinerie utilisée par l'entreprise qui vient d'Allemagne, de Suède ou des États-Unis, comme il a dit lui-même. Est-ce que ces inscriptions sont en français pour précisément que les travailleurs de la Beauce qui sont francophones puissent comprendre en français, dans leur langue, la portée, l'usage de ces instruments, de cet équipement? Est-ce que les guides d'accompagnement de cet équipement sont en français, M. le Président? Donc, l'office fait son boulot. L'office est le défenseur des travailleurs francophones du Québec même dans la Beauce, parce que, même dans la Beauce, il y a des équipements utilisés qui ne sont pas francisés. Il y a des documents d'accompagnement qui ne sont pas en français. Qui va défendre les travailleurs, M. le Président? Qui va s'occuper d'eux si on laisse le tout entre les mains de l'entreprise qui n'est pas, traditionnellement, préoccupée par ces questions et qui se dit que le travailleur va se "démerder", que le travailleur va s'adapter, qu'il va s'angliciser partiellement pour pouvoir traduire ou pour pouvoir comprendre son document en anglais?

Je pense que l'office - c'est son mandat et l'office succède à la régie; c'était le même mandat dans le temps de la régie -a le droit de vérifier si, même dans une entreprise française, dans la Beauce, à Trois-Rivières, à La Tuque, à Grand-Mère ou dans le comté de Marguerite-Bourgeoys, cette entreprise utilise des manuels en français. C'est élémentaire. Autrement, le travailleur se dit: Ma langue, elle sert à quoi?; l'équipement que j'utilise tous les jours ne parle pas ma langue; le guide d'accompagnement ne parle pas ma langue. Par conséquent, il en vient à douter de la capacité du français de transporter, de véhiculer le monde mécanique, le monde technique, le monde électronique et, par conséquent, l'avenir de l'humanité. D'ailleurs, les sondages du Conseil de la langue française confirment que, pour un nombre croissant de Québécois francophones, le français ne leur apparaît pas comme étant la langue du XXIe siècle. Si cette idée pernicieuse fait des progrès, nous allons assister à un accroissement de l'assimilation des francophones du Québec vers l'anglais, comme on l'a vu récemment dans les statistiques publiées par Statistique Canada.

Par conséquent, la francisation est une opération qui doit se faire partout et je n'accepterai pas que, par ignorance, de mauvaise foi ou pour faire un bon spectacle en cette Chambre, un député ne représente pas ces gens par rapport à la francisation, parce que cette francisation est faite pour ces gens, pour ceux qui, au Québec - pas seulement les patrons - produisent et créent ce que nous vendons, ce que nous exportons, ce que nous consommons. Ce sont les travailleurs et les travailleuses du Québec, les ouvriers et les ouvrières du Québec. Le Québec, c'est eux d'abord et avant tout. C'est également eux les consommateurs au Québec et c'est également eux que nous voulons protéger. C'est également pour eux que la loi 101 prévoit, ainsi que le projet de loi 57, que la documentation d'accompagnement doit être en français pour tout équipement acheté au Québec. Il faut que chaque dollar dépensé pour un produit acheté dans un autre pays dise à ce pays: Vous allez respecter, sinon la culture, du moins l'argent de la personne qui achète vos produits; vous allez franciser vos inscriptions; vous allez franciser vos guides d'accompagnement; vous ne nous vendrez pas de télécouleur sans nous dire, en français, comment procéder pour le faire fonctionner, pour y adapter des ordinateurs, pour y adapter des jeux électroniques. C'est ce que cela veut dire, le respect de la base au Québec, le respect des gens anonymes, humbles, sans grade. Qui va s'occuper d'eux si ce n'est pas l'État, au fond? D'ailleurs, le Parti libéral l'avait bien vu, puisqu'il a adopté lui-même la loi 22 qui, malgré ses

défauts évidents que l'électorat lui a rappelés fortement, était une loi qui, dans son principe, m'apparaissait... Si j'avais été ici, j'aurais voté pour l'article 1 de la loi 22, moi aussi. Malheureusement, à l'époque, j'étais ailleurs. (11 h 50)

M. le Président, parlons maintenant d'un autre groupe de travailleurs, les travailleurs anglophones, les ouvriers et les ouvrières anglophones dans les institutions anglophones. J'avais été informé par des rencontres privées avec des gens d'Alliance Québec, avec des médecins, des porte-parole des institutions anglophones de santé, que les travailleurs manuels, les travailleurs de soutien étaient inquiets quant à leur avenir, parce que, à la fin de l'année courante, la loi 101 prévoyait que toutes les institutions anglophones devraient se conformer totalement à la loi. Ces travailleurs anglophones, eux aussi des humbles, des modestes, des sans-grade, qui ne sont pas des professionnels, au même titre que les travailleurs francophones d'entreprises québécoises, étaient inquiets, et cela m'inquiétait qu'ils le soient. Dans certains cas, on m'a dit qu'ils paniquaient à cause de l'échéance de la fin de l'année 1983. C'est la raison pour laquelle nous avons modifié l'article 20 de cette loi 101, de manière que, dans chaque institution anglophone, l'administration de celle-ci détermine les niveaux d'activité où le français est requis et les niveaux où celui-ci n'est pas requis, afin que les travailleurs soient protégés et que l'on n'impose pas aux travailleurs non francophones de ces institutions un fardeau qu'ils ne pourraient pas assumer sans risques.

Je dirais que ce sont les deux axes auxquels s'articule le projet de loi 57, et nous avons tenté de résoudre ces problèmes. D'ailleurs, M. le Président, je vais vous citer quelques témoignages de porte-parole d'institutions anglophones, les municipalités du West Island. Le maire de Westmount, Bryan Gallery, récemment élu, dit que les changements à la loi 101 correspondent à un "long awaited common sense. It saves a lot of time and effort for our staff." Il est content. "Town of Mount Royal", le maire Réginald Dawson de la ville de Mont-Royal dit: Je suis très content d'entendre parler de ces changements. "That is excellent news." Ce sont de très bonnes nouvelles, dit-il. C'est magnifique. "That is wonderful. That is what we have been waiting for", les changements dans le projet de loi 57. Il disait: Je serai très heureux d'annoncer les changements à ma séance régulière du conseil, dans les jours qui viennent. Le maire Gerry Weiner de la ville de Dollard-des-Ormeaux disait: Le projet de loi justifie ou légalise ce qui était moralement correct. Je suis d'accord avec lui, c'était une question morale que de respecter les travailleurs anglophones dans ces institutions, ceux qui n'ont pas de contact avec le public francophone. Le maire de Pointe-Claire, M. Malcolm Knox, disait: "It is nothing more than applying a little common sense." Le maire de Beconsfield, seule exception, Pat Rustad, dit que les changements ne vont pas assez loin, et il ajoute: Je ne suis pas surpris, étant donné les inclinations philosophiques de ce gouvernement. Le maire de Dorval, M. Peter Yeomans déclare que ces changements seront "an excellent step forward", un très important pas en avant, un excellent pas en avant. Mme la mairessse de Baie-d'Urfé, Ann Myles, a accueilli les nouvelles de changements "with a huge sigh of relief", avec un grand soupir de soulagement. Le maire de Côte-Saint-Luc, M. Bernard Lang, qui est venu témoigner ici, a dit: Le gouvernement a écouté la majeure partie de nos objections à cette loi et des changements ont été faits qui vont dans ce sens, dans le sens de ce qui avait été demandé. Par conséquent, voilà des institutions anglophones où on est satisfait.

L'autre groupe d'institutions, ce sont les hôpitaux anglophones. Or, dans la Gazette du 18 novembre, quelques jours après le dépôt de la loi 57, M. Alex Paterson, le conseiller juridique de cette association des hôpitaux anglophones, disait: It is not a black day for English Québec. Ce n'est pas une mauvaise journée pour le Québec anglais. Il y a de la lumière au bout du tunnel. Par ailleurs, dit-il, ce qui est désappointant, c'est qu'on n'a pas abordé la question du "testing of nonprofessionals", la question des examens de français pour les non-professionnels.

À la suite de cette remarque, M. le Président, de nouveaux amendements sont apportés, ce matin, à l'article 20 pour précisément permettre aux hôpitaux anglophones de déterminer eux-mêmes les niveaux d'emploi où le français sera requis et les niveaux d'emploi où le français ne sera plus requis. Je pense donc que, comme on dit en anglais, "we have delivered the goods".

Je terminerai mes remarques de ce matin, en deuxième lecture, sur la question de l'affichage. J'ai été moi-même très pris par le mémoire soumis à la commission parlementaire qui a étudié les changements à la loi 101 par la Commission des droits de la personne du Québec. Je dois dire que le mémoire de la Commission des droits de la personne peut se résumer en trois points. D'abord, le mémoire cite un jugement rendu dans une cour du Québec, récemment, par le juge Dugas. Le juge Dugas, de la Cour supérieure, a rejeté une plainte portée par une entreprise, un commerce anglophone, contre la loi 101 qui trouvait précisément que l'affichage en français seulement venait à l'encontre de la Charte des droits de la personne. Le juge Dugas, dans son jugement,

est très clair. Il rejette la demande d'annulation et il dit: La loi 101 n'est pas incompatible avec la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. C'est un jugement et ce jugement est cité en long et en large par la Commission des droits de la personne.

Après avoir résumé le jugement Dugas qui confirme le bien-fondé de la loi 101, on aurait pu s'attendre que la Commission des droits de la personne conclue que la loi 101 ne brime pas les droits d'expression des Québécois de quelque origine qu'ils soient. Non, M. le Président. La même commission nous cite, à l'encontre du jugement Dugas, un article. Pas un jugement, mais un article d'une personne qui s'appelle Clare Bekton. C'est un article, ce n'est pas un jugement. Donc, la base juridique d'un article par rapport à la base juridique d'un jugement, ce n'est pas très convaincant.

De plus, la même commission cite, à l'appui de sa thèse comme quoi la loi 101 brime les droits de la personne, une opinion rendue par la même Commission des droits de la personne. Donc, c'est ce qu'on appelle un plaidoyer pro domo. Si on fait la somme des arguments à l'appui de la thèse de la commission, nous avons un article et une opinion de la commission. Si on fait la somme des opinions rendues qui confirment la loi 101 par rapport à l'affichage, nous avons un jugement de la Cour supérieure du Québec.

La même commission, dans ses recommandations finales, dit ceci: La Commission des droits de la personne propose que l'article sur l'affichage soit amendé en vue de permettre l'utilisation, dans l'affichage public et la publicité commerciale, de langues autres que le français, mais à condition et sous réserve que le français, grâce à l'adoption d'une réglementation adéquate, demeure prépondérant.

Je pense que c'est précisément ce que la loi 101, et maintenant la loi 57, permettra de faire, c'est-à-dire trcuver le point d'équilibre de la place du français au Québec, qui doit être prépondérante. Pas sur la même affiche, partout au Québec, l'anglais en bas et le français en haut, cela ne fait pas une prépondérance. Ce serait le bilinguisme universel, mais la prépondérance dans le paysage. (12 heures)

La loi 101 reconnaît aux municipalités, aux hôpitaux, aux institutions scolaires le droit d'affichage public en anglais et en français, c'est-à-dire que 98 municipalités au Québec peuvent avoir un affichage public en anglais et en français. Donc, quand j'entends certaines personnes dire que nous voulons gommer, effacer et faire disparaître l'anglais du Québec, cela ne correspond pas à la réalité. D'autre part, les changements à l'article 62 permettront à la réalité multiculturelle du Québec d'apparaître.

Vous me faites signe, M. le Président, que mon temps est terminé. Je sollicite le consentement de cette Chambre pour deux ou trois minutes encore. Je terminerai très bientôt là-dessus.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Accordé.

M. Godin: Cela n'a pas été une décision facile à prendre, mais mon collègue et ami, le député de D'Arcy McGee - un autre ami de l'autre côté de cette Chambre - nous a demandé, en commission parlementaire et hier encore: Nommez-moi un pays, nommez-moi un cas où l'affichage unilingue dans la langue nationale est le seul qui soit autorisé. Donnez-moi un cas. Nous avons fait des recherches, parce que tout le monde affirmait qu'il n'y en avait point. Or, il y a, comme par hasard, le Mexique, notre voisin latin du sud. Lui aussi, comme nous, dans l'ombre de l'éléphant américain, éléphant culturel, éléphant économique, éléphant politique, éléphant militaire, le peuple le plus puissant de la terre, le peuple le plus puissant dans l'histoire de l'humanité, sauf peut-être les Romains il y a plusieurs siècles, le Mexique a senti le besoin, lui aussi, de limiter l'usage des autres langues et de n'autoriser que l'usage de l'espagnol dans le district fédéral de Mexico, la partie centrale du Mexique, la partie où la population est concentrée. Le texte des affiches - en espagnol, anuncios, annonces -doit être rédigé en langue espagnole seulement pour le district fédéral. Eux aussi estiment qu'il y a une menace à leur culture qui vient de l'autre côté de la frontière, soit des États-Unis.

Donc, je pense que nous avons senti, aussi bien au Québec, par la force et la réalité des choses, aussi bien au Mexique, à cause de la force et de la réalité des choses, qu'il fallait littéralement ouvrir au-dessus du Québec, comme du Mexique, un parapluie linguistique qui fasse que le Mexique garde son caractère espagnol, son caractère culturel spécifique et que le Québec, de son côté, le garde aussi.

Je souhaite que, d'ici à la fin de ce débat, le Parti libéral se rallie au projet de loi 57 et l'appuie, parce que je craindrais qu'il ne lui arrive dans quelques années, par rapport au projet de loi 57, ce qui lui arrive par rapport à la loi 101, qu'il ne m'avoue, dans six ans, qu'au fond il aurait dû voter pour le projet de loi 57, comme il me dit aujourd'hui que la loi 101 est une loi qu'il ne veut pas abolir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la deuxième lecture du projet de loi 57, Loi modifiant la Charte de la langue française, est adoptée?

M. Gratton: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: Pourrions-nous demander au gouvernement - je pense qu'il y a entente d'ailleurs - que le vote enregistré soit reporté à lundi?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: Exactement, M. le Président, pour accommoder l'Opposition, nous allons reporter le vote à lundi prochain, le 12, avant l'appel des affaires du jour.

Le Vice-Président (M. Rancourt): II y a consentement pour que le vote soit reporté à lundi, le 12, avant la période des affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, l'article 12) de notre feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 52 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture du projet de loi 52, Loi modifiant diverses lois fiscales en vue d'instituer un nouveau recours pour les contribuables. M. le député de Rimouski, ministre du Revenu.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, le projet de loi que nous abordons, intitulé Loi modifiant diverses lois fiscales en vue d'instituer un nouveau recours pour les contribuables, donne suite à un engagement du discours inaugural du premier ministre de mars 1983, qui se lisait comme suit: "Le ministère du Revenu proposera, pour sa part, des mesures précises visant à améliorer le recours des contribuables, ceux en particulier qui ont, avec le ministère, des différends dont on a décidé de simplifier et d'accélérer le règlement."

Cet engagement du discours inaugural, je l'avais proposé au premier ministre à la suite du débat que nous avions eu en cette Chambre et à la suite de différentes rencontres que j'avais pu avoir avec les citoyens du Québec, avec mes collègues députés de l'Assemblée nationale qui avaient plusieurs critiques à faire sur le ministère du Revenu du Québec et sur les relations que ce ministère avait avec les citoyens du Québec. J'avais indiqué, dès que j'avais été nommé ministre du Revenu, que je serais attentif au maximum aux critiques, aux suggestions et aux propositions qui pourraient être faites par mes collègues députés de l'Assemblée nationale et par les citoyens pour améliorer les relations entre les citoyens ou les contribuables du Québec et le ministère du Revenu. D'ailleurs, plusieurs de ces constatations se retrouvaient dans le premier rapport du ministre délégué aux Relations avec les citoyens, M. Lazure, le député de Bertrand, qui avait fait plusieurs suggestions au ministère du Revenu. Une des propositions qui avaient été formulées au cours de l'automne dernier dans différents débats que j'avais eus à l'Assemblée nationale ici avec l'Opposition, à la suite de l'opération de recouvrement des vieux comptes qui a été faite au ministère du Revenu dans les dernières années, c'était de revoir les recours que le citoyen avait face au ministère du Revenu.

Je veux, dans une phrase préliminaire, bien distinguer ce qui s'est passé au niveau du ministère du Revenu depuis 1978. L'opération de recouvrement des vieux comptes portait sur des comptes dont les avis de cotisation avaient été émis dans des années antérieures, en 1968, 1970, 1972, 1974 et 1975. Le problème que nous abordons aujourd'hui et la solution que nous proposons sont pour permettre à ceux qui veulent s'opposer à une cotisation du ministère du Revenu, d'avoir un nouveau recours. Ce nouveau recours, c'est d'introduire une division, une nouvelle responsabilité, un nouveau champ d'exercice de la Cour des petites créances du Québec en lui donnant une responsabilité au niveau fiscal.

Si on regarde l'engagement que j'avais pris l'automne dernier lors de débats que j'avais eus avec l'Opposition ici à l'Assemblée nationale, je m'étais engagé à essayer de mettre en place un nouveau recours pour les citoyens en matière fiscale qui corresponde aux critères suivants: qu'il soit simple, rapide, peu coûteux et où le ministère du Revenu ne serait pas perçu comme étant juge et partie. Nous avons examiné différentes hypothèses, la possibilité de créer un nouveau tribunal administratif ou un nouveau tribunal quasi judiciaire et finalement, à la suggestion du ministère de la Justice, l'hypothèse que nous avons retenue, c'est celle de créer une division fiscale à la Cour des petites créances. Pourquoi? Parce que, essentiellement, les Québécois sont familiers avec la Cour des petites créances. Aussi, la Cour des petites créances est un recours d'une simplicité très grande avec laquelle l'ensemble des citoyens du Québec sont déjà familiers et à laquelle ils peuvent avoir recours facilement. La façon dont sont entendues, dont se déroulent les causes à la Cour des petites créances comporte également peu de formalisme. Les délais d'audition également des causes à la Cour des petites créances sont relativement courts et le coût, évidemment, pour le

citoyen, est minime. (12 h 10)

En somme, donner un nouveau champ de juridiction à la Cour des petites créances nous a permis d'atteindre l'objectif que je m'étais fixé sans avoir à créer un nouveau tribunal administratif ou à créer un organisme supplémentaire. Mais nous nous sommes assurés, dans la proposition qui est faite, que le contribuable conserve le choix entre aller à la Cour des petites créances, s'il veut faire opposition à une cotisation émise par le ministère du Revenu ou aller à la Cour provinciale.

Ce nouveau recours ne sera accessible qu'aux particuliers; il ne sera pas accessible aux mandataires ou aux corporations qui, en fait, n'ont pas la même relation avec le ministère du Revenu que celle qu'ont les citoyens. Le citoyen pourra demander d'être entendu à huis clos. On sait que les questions fiscales... De toute façon, la loi du ministère du Revenu nous oblige au secret le plus absolu concernant les dossiers fiscaux des particuliers. Si le citoyen veut être entendu à huis clos plutôt que de façon publique, il pourra le demander au juge qui présidera les travaux. Évidemment, selon les critères habituels, le jugement de la Cour des petites créances sera sans appel puisque ces jugements ne feront pas jurisprudence, contrairement aux jugements prononcés à la Cour provinciale.

Nous croyons ainsi avoir choisi une formule qui rejoint l'objectif de donner un nouveau recours aux citoyens en matière fiscale qui correspond, en somme, au désir des membres de cette Assemblée nationale et au désir du gouvernement. Mais ce n'est pas tout. Ce ne sont pas les seuls efforts que nous avons faits dans ce secteur puisque le problème était antérieur: le problème était celui des oppositions au ministère du Revenu. Je dois dire que, depuis deux ans, des efforts considérables ont été faits au ministère du Revenu pour régler le problème des oppositions en général, et je veux les rappeler brièvement.

Il y a à peine deux ans, en 1981, quelqu'un qui s'opposait à une cotisation émise par le ministère du Revenu devait attendre de quatre à cinq ans pour que son opposition soit étudiée ou traitée au ministère du Revenu. En l'espace de deux ans, ce délai a été abaissé de cinq ans à dix-huit mois. L'objectif que nous nous sommes donné, les ressources que nous avons allouées à ce secteur nous permettront de réduire ce délai à six mois d'ici à l'automne 1984. En fait, d'ici à un an et en l'espace de trois ans, nous serons passés d'un délai de cinq ans, pour entendre une opposition au ministère du Revenu, à un délai de six mois. C'est considérable et je pense que c'est marquer concrètement la volonté du ministère du Revenu d'améliorer ses relations avec les citoyens.

Mais il n'est pas suffisant de raccourcir les délais d'audition des oppositions au ministère du Revenu, encore faut-il tenter de diminuer cette quantité d'oppositions. Nous avons donc adopté deux nouvelles mesures administratives. La première stipule qu'à l'avenir, quand Revenu Canada va émettre un nouvel avis de cotisation, au lieu d'émettre nous-mêmes, automatiquement, un nouvel avis de cotisation, nous communiquerons d'abord avec le citoyen pour savoir s'il s'est opposé à l'avis de cotisation émis par Revenu Canada. S'il s'est opposé à cet avis de cotisation, nous pourrons retarder l'émission d'un nouvel avis de cotisation durant au moins six mois pour que, si le citoyen a gain de cause, à la suite de son opposition à Revenu Canada, nous ne soyons pas obligés d'émettre un nouvel avis de cotisation qui pourrait être modifié ou annulé.

Dans cette perspective de diminuer le nombre d'oppositions, à l'avenir, lorsque, à la suite d'une vérification, le ministère du Revenu voudra émettre une nouvelle cotisation sur la base de données, de faits qu'il a, il communiquera d'abord avec le citoyen, soit verbalement ou par écrit, selon la nature du dossier, pour s'enquérir auprès de celui-ci s'il a de nouvelles preuves ou des informations à nous donner qui pourraient modifier le projet de nouvel avis de cotisation.

Ces deux mesures administratives elles ne sont pas légales, elles sont administratives - permettront, nous en sommes convaincus, d'éviter des avis d'opposition qui peuvent être corrigés et éliminés avant même que le citoyen ne reçoive son avis de cotisation.

En somme, si on reprend l'ensemble de cette situation, à son origine, le ministère émet un avis de cotisation. On dit que dorénavant, avant d'émettre un nouvel avis de cotisation, si c'est à la suite d'un avis de cotisation du fédéral, on communiquera avec le citoyen pour savoir s'il s'est opposé afin de retarder d'autant l'émission de ce nouvel avis de cotisation pour diminuer le nombre d'oppositions.

Deuxièmement, si c'est à la suite d'une vérification du ministère du Revenu du Québec, là aussi nous communiquerons avec le citoyen pour lui demander sa version des faits, des preuves pour nous permettre en somme de concilier nos données avec celles du citoyen et, en conséquence, éviter ou diminuer le nombre d'oppositions.

Lors d'une deuxième étape, parce qu'il arrive que des citoyens ne soient pas d'accord avec les cotisations émises par le ministère du Revenu, et c'est leur droit, si ces citoyens font opposition, nous prenons des mesures pour raccourcir de façon considérable les délais d'audition de ces oppositions. Il y a deux ans, c'était cinq ans;

ces délais sont maintenant rendus à 18 mois en moyenne et, d'ici à un an, nous abaisserons ce délai à six mois. Et si, encore, le citoyen, après avoir été entendu au niveau des oppositions au ministère du Revenu, n'est pas d'accord avec la décision du ministère-Sur l'ensemble des oppositions qui sont faites au ministère du Revenu, dans environ 50% des cas nous refusons de donner raison au citoyen, dans 40% des cas nous donnons raison au citoyen, en partie ou en totalité, et dans environ 10% des cas le citoyen retire son opposition.

C'est dire qu'à ce stade des oppositions, 50% des dossiers environ sont réglés à la satisfaction du citoyen. Et si le citoyen n'obtient pas satisfaction à ce moment-là, s'il croit qu'il a raison, il aura recours soit à la Cour des petites créances, si c'est pour un dossier d'impôt inférieur à 1650 $ par année d'imposition, dans le cas d'un particulier, ou à la Cour provinciale, selon son choix. Évidemment, la Cour des petites créances étant beaucoup moins coûteuse, ne nécessitant pas le recours à un avocat ou à des services spécialisés plus coûteux, nous pensons que ce type de recours sera utilisé par des citoyens qui n'ont pas actuellement de recours véritable devant les tribunaux, soit devant la Cour provinciale, compte tenu des procédures impliquées par la Cour provinciale, compte tenu des coûts impliqués par les services de la Cour provinciale, compte tenu également des délais impliqués par la Cour provinciale.

Ainsi nous croyons, par l'ensemble de ces changements, avant l'opposition, au moment de l'opposition et au moment du recours devant les tribunaux, pouvoir dire que par ces mesures nous améliorerons considérablement les relations entre les contribuables et le ministère du Revenu du Québec.

Mais nous ne nous en sommes pas tenus là parce que, au-delà de ces oppositions qui concernent peu de citoyens, nous avons essayé de mettre en place des mesures administratives qui touchent l'ensemble des citoyens du Québec qui ont des relations avec le ministère du Revenu. Il me fait plaisir d'indiquer qu'à ce sujet, j'ai la collaboration la plus totale des employés du ministère du Revenu qui veulent, j'ai eu l'occasion de le constater à plusieurs reprises, vraiment améliorer la relation entre les contribuables et le ministère du Revenu. (12 h 20)

Par exemple, dans un dossier précis, très concret, celui du problème de la téléphonie, plusieurs citoyens du Québec et plusieurs députés m'ont constamment indiqué qu'il était presque impossible ou très difficile de rejoindre le ministère du Revenu. Nous avons fait faire une enquête qui indique précisément que 40% des citoyens qui appellent au ministère du Revenu doivent appeler six fois et plus avant de le rejoindre, ce qui est vraiment inacceptable. C'est ainsi que j'ai présenté au Conseil des ministres une demande de fonds supplémentaires de 3 000 000 $, qui a été acceptée il y a environ trois semaines, pour nous permettre, à toutes fins utiles, de doubler le nombre de préposés aux renseignements au ministère du Revenu. Au nombre approximatif de 80 postes, nous en ajouterons 73. Nous allons augmenter le nombre de 188 écrans cathodiques à environ 200, un élément informationnel important pour ces préposés aux renseignements. En somme, nous voulons modifier complètement le secteur de la téléphonie et doubler véritablement l'ensemble des ressources pour permettre au citoyen de nous rejoindre.

Ladite enquête révèle quelque chose d'intéressant. Il y a eu des critiques récemment sur la qualité des services fournis par le ministère du Revenu, entre autres, de la part du ministre délégué aux Relations avec les citoyens et de la part des députés de cette Chambre. Cette enquête nous révèle ceci. Lorsque les citoyens réussissent à nous rejoindre, en règle générale, ils sont très satisfaits des services donnés par les fonctionnaires. Une enquête faite par une firme indépendante, SEROM, indique qu'il y avait quatre sujets précis: l'attention apportée au contribuable - lorsqu'on rejoint quelqu'un au ministère du Revenu, est-ce que l'évaluation est positive ou négative? L'évaluation est très positive - la politesse du personnel, l'assurance du préposé aux renseignements face à l'information transmise, la justice avec laquelle le problème a été traité. Sur la base de ces quatre critères, les citoyens qui nous rejoignent font une évaluation positive du travail qui est fait par les fonctionnaires du ministère du Revenu, le problème étant principalement que plusieurs concitoyens ne réussissent pas à nous rejoindre ou à nous rejoindre dans des délais qu'on pourrait qualifier d'acceptables et normaux.

Ce grand problème, qui est un problème très technique, très concret, sera, pour l'essentiel, réglé à partir de janvier ou février prochain. Dans cette même perspective, nous avons décidé d'ouvrir les bureaux de Revenu Québec le midi. Ils sont déjà ouverts, le midi, à Montréal et à Québec, mais nous avons décidé d'ouvrir les bureaux de Revenu Québec, le midi, dans l'ensemble des régions du Québec à partir du milieu de l'hiver, dans environ deux ou trois mois.

Dans cette même perspective d'améliorer nos relations avec le citoyen pour qu'il soit informé de la situation de sa relation avec le ministère du Revenu, nous avons décidé, à partir de janvier prochain, d'envoyer, à tous les deux mois, des états de compte à l'ensemble des citoyens qui ont des

dettes ou qui ont des comptes créditeurs à l'endroit du ministère du Revenu. J'étais entièrement d'accord avec les députés de cette Chambre qui nous disaient, l'an dernier, concernant les opérations de recouvrement que le ministère du Revenu a fait des vieux comptes, des dettes qui étaient là, qu'il était inacceptable que des citoyens soient cinq ans, six ans, huit ans, dix ans et douze ans sans entendre parler d'une dette qu'ils avaient envers le ministère du Revenu. Ils avaient été informés de cette dette à trois reprises: il y a dix ans ou il y a huit ans, lorsqu'ils avaient reçu leur avis de cotisation, lorsqu'on leur a envoyé une demande de paiement dans les 45 jours et lorsqu'on leur a envoyé un dernier avis de 45 jours. Ces trois avis sont automatiques, sont informatisés. Mais quand on n'entend pas parler durant quatre, cinq, six, sept et huit ans d'une dette, même si elle est minime, au bout de dix ans, cette dette est souvent plus forte en pénalité et intérêts qu'en droits à percevoir. C'était une situation inacceptable. C'est ainsi qu'à partir de janvier prochain, tous les contribuables qui ont des dettes envers le ministère du Revenu recevront, à tous les deux mois, un état de compte, ainsi que ceux qui ont des comptes créditeurs au ministère du Revenu. C'est en même temps qu'entrera en application le délai de 30 jours sans intérêt, à partir de janvier prochain, pour les particuliers à qui on enverra un état de compte. Ils auront, comme c'est la pratique commerciale courante, un délai de 30 jours sans intérêt pour nous faire parvenir ce remboursement.

Dans la même perspective de mieux informer le citoyen parce que, souvent, les oppositions sont liées à un problème d'information que nous avons à donner au citoyen, nous avons décidé de modifier complètement nos avis de cotisation pour les citoyens. À partir de l'année d'imposition 1983, c'est-à-dire pour le prochain rapport d'impôt du citoyen, l'avis de cotisation que nous transmettrons, si nous modifions le rapport d'impôt du citoyen, sera complètement modifié afin de permettre au citoyen d'avoir la pleine information sur l'état de son rapport d'impôt.

Auparavant, jusqu'à cette année, lorsque nous avisions un citoyen que nous modifiions son rapport d'impôt, tout ce que nous indiquions, c'était le nouveau montant qu'il avait à nous payer et une phrase qui disait à quel article de la loi cette modification se référait. C'était peu explicite, peu clair, et la plupart des citoyens devaient nous appeler pour comprendre le changement que nous avions fait. Or, nous avons décidé de préparer de nouveaux avis de cotisation où seront inscrits le montant que le citoyen nous aura indiqué et le total qu'il nous aura indiqué et, dans une colonne séparée, le montant que nous avons corrigé avec le total que nous avons corrigé. Par la suite, sur l'autre page, il y aura l'explication dans une phrase indiquant pourquoi nous avons modifié le montant.

En somme, le citoyen saura de façon très claire qu'il avait inscrit tel montant sur son rapport d'impôt, que nous avons apporté telle correction, compte tenu des informations que nous avons au ministère ou à l'analyse de son rapport d'impôt, et il aura, sur une autre feuille, les explications sur les modifications que nous avons apportées. Nous croyons ainsi, par cette méthode très concrète, diminuer considérablement la demande de renseignements ou d'information de la part des citoyens, puisque nous leur fournirons cette information chaque fois que nous modifierons leur rapport d'impôt.

Il y a d'autres changements administratifs, dont j'aimerais vous parler, qui sont en cours actuellement au ministère du Revenu pour faire en sorte que les relations entre le citoyen et le ministère s'améliorent. Nous aurons l'occasion, lors de l'étude du projet de loi omnibus sur le ministère du Revenu que j'ai déposé il y a une quinzaine de jours, qui sera étudié en cette Chambre probablement au tout début de la semaine prochaine, de revenir sur d'autres exemples concrets qui manifestent notre volonté d'améliorer nos relations avec le citoyen. Je peux vous assurer que j'ai la volonté de faire cette amélioration et je veux surtout la faire dans la perspective d'être le plus concret possible. Souvent, ce sont par des choses qu'on pourrait dire très simplement qu'on peut améliorer la relation entre le ministère du Revenu et le contribuable.

Vous allez me dire: C'était élémentaire, au lieu d'envoyer des états de compte une fois par cinq ou dix ans, qu'on les envoie de façon régulière concernant les dettes du citoyen face au ministère du Revenu. C'était élémentaire, mais cela ne se faisait pas. Vous allez dire: C'était élémentaire ou c'est élémentaire qu'on réponde aux appels téléphoniques ou qu'il y ait suffisamment de lignes téléphoniques et de préposés aux renseignements et que ces personnes aient les moyens d'informer le citoyen. C'était élémentaire, mais cela ne se faisait pas. Cela se fera. Vous allez me dire: C'était élémentaire que, lorsqu'on modifiait le rapport d'impôt d'un citoyen, on l'informe des chiffres qu'il nous avait donnés et du montant que nous modifiions, ainsi que des motifs, de façon très claire, pour lesquels nous modifiions ce montant. C'était élémentaire, mais cela ne se faisait pas.

Je peux vous assurer - je terminerai sur cette idée, M. le Président - de ma volonté de continuer d'être le plus disponible possible, à l'écoute de l'ensemble des députés de cette Chambre, de l'ensemble des

citoyens, de ceux qui sont familiers avec la fiscalité, à l'écoute de toute suggestion concrète, de toute suggestion précise qui viserait à modifier soit les pratiques administratives du ministère, soit des éléments de la loi qui peuvent avoir des conséquences d'iniquité ou paraître injustes. C'est dans cette perspective que j'ai travaillé avec mes collègues de l'Assemblée nationale, depuis un an, et c'est dans cette perspective que j'entends continuer à travailler durant la prochaine année. Je vous remercie, M. le Président. (12 h 30)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: Je veux remercier le ministre de son discours intéressant d'environ 30 minutes: 5 minutes sur le bill et 25 minutes de publicité pour son ministère.

Une voix: L'information est passée.

M. Blank: Oui, c'est vrai, vous avez passé de l'information, même si vous ne suivez pas le règlement de la Chambre. Vous ne pouvez pas vous arrêter, parce que moi-même je suis intéressé d'avoir cette information. Mais, normalement, dans un Parlement, il y a d'autres moyens de diffuser la publicité du ministère que dans le discours de deuxième lecture d'un projet de loi.

Je retourne au projet de loi 52, la Loi modifiant diverses lois fiscales en vue d'instituer un nouveau recours pour les contribuables. Cela veut dire en quelques mots, que maintenant, un citoyen a le choix de faire son opposition à une cotisation devant la Cour provinciale, comme cela s'est fait jusqu'à aujourd'hui, et, si c'est moins de 550 $, il va désormais avoir le droit d'aller devant la Cour des petites créances, mais pas immédiatement, parce que je note que cette loi ne vient pas en vigueur au moment de la sanction, mais seulement par proclamation, cela veut dire à une date que le ministre va décider.

Peut-être que c'est seulement pour des raisons administratives. Le ministre me dit: C'est le ministre de la Justice, on attendrait donc longtemps pour cette loi-ci. Le ministre a dit que, dans le discours du trône, ce qu'on appelle maintenant le discours inaugural, on a fait mention d'un nouveau système d'appel pour le citoyen qui est plus efficace, plus vite, moins coûteux, etc. J'ai reçu copie d'un rapport d'une commission, d'un comité mixte sur les juridictions contentieuses en matière fiscale, daté du 30 mai 1983, immédiatement après ce discours inaugural, et je suis certain que la commission a siégé durant cette période et même avant le discours inaugural, ce comité se composait d'avocats, de comptables, de représentants de l'Association québécoise de planification fiscale et successorale et aussi de gens du ministère du Revenu et de gens du ministère de la Justice. Ils en sont venus à la conclusion qu'on avait besoin d'un haut tribunal, mais pas comme celui qu'on nous propose ici aujourd'hui, une sorte de cour de révision comme on a au gouvernement fédéral pour les impôts fédéraux.

Cela veut donc dire un autre tribunal administratif où on peut entrer facilement, où le système est très vite et où on a une décision, pas seulement sur les réclamations de 550 $ et moins, mais n'importe quelle décision. Si on n'est pas satisfait de cette décision, on peut avoir un nouveau procès de piano, c'est-à-dire qu'on peut recommencer l'affaire au complet devant un tribunal qui est, dans ce cas, la Cour fédérale. C'est cela qu'on a pensé, soit qu'ici à Québec, on créerait un tribunal administratif, rapide, efficace, moins coûteux, où un citoyen peut avoir une décision avant d'être forcé d'aller devant les tribunaux. Mais on vient avec cette loi-ci. Franchement, je dois vous dire que les normes qui sont dans le rapport pour ce comité ne sont pas du tout dans cette loi-ci. Il dit ici que, dans un tribunal spécialisé, on a besoin d'une spécialisation du tribunal, de règles de procédure adaptées et simples, mais elles se retrouvent à la Cour des petites créances.

Des règles de preuve adaptées et appliquées avec souplesse, on trouverait cela à la Cour des petites créances. Les communications préalables de la preuve, on ne trouvera cela ni à la Cour des petites créances ni dans cette loi, parce que, à la Cour des petites créances, il n'y a pas de procédures. Vous déposez votre réclamation, dans ce cas-ci, votre opposition, et la prochaine étape est que vous viendrez devant le tribunal pour plaider votre cause.

Accès géographique plus facile. Le ministre va me dire: II y a des Cours des petites créances partout dans la province. C'est vrai. Mais, je sais que, pour être logique, donner un peu de crédibilité à ces lois, on doit avoir des juges au moins un peu spécialisés dans ce domaine et je suis certain que le ministre de la Justice va s'arranger pour avoir certains juges qui sont spécialisés.

Mais on ne peut certainement pas avoir ces juges dans tous les districts judiciaires où il y a des Cours des petites créances. C'est pratiquement impossible. Cela veut dire que, dans certains districts, on doit attendre ou pour les juges itinérants ou que cela soit référé, dans un sens plus large, dans la région. Un des problèmes qu'on a maintenant avec la Cour provinciale, c'est, comme le dit ce comité, le manque de spécialisation des juges en matière fiscale. Cette jurisprudence inconsistance est un problème que soulevait le mémoire présenté au ministre de la

Justice par le comité mixte en juin 1982. Cela veut dire que depuis 1982 on se plaint de ce problème. Là, on parle de la Cour provinciale, où toutes les réclamations ou objections ont été faites jusqu'à maintenant. Maintenant, on prend une section de cette cour et on essaie de lui donner un nouveau pouvoir, c'est-à-dire d'entendre des citoyens dans ces cas.

Il y a un autre problème que, non seulement ce comité mixte a relevé, mais aussi le barreau. En passant, le barreau a étudié ce projet de loi et est en complet désaccord. Ce n'est pas la question qu'il n'y avait pas d'avocats, c'est une de ses plaintes, c'est normal, mais il y avait au moins deux ou trois autres raisons pour justifier son opposition. Il dit: "La création d'une cour nouvelle et distincte, alors que le gouvernement s'apprête à unifier les recours administratifs dans le contexte de la réforme des structures des tribunaux du Québec, est surprenante. En effet, même si on prétend utiliser la Cour des petites créances, il s'agit d'une juridiction et d'un recours nouveau assortis de procédures qui leur sont propres et qui se différencient substantiellement de celles de la Cour des petites créances." Cela veut dire que, dans cette section de la Cour des petites créances, on va avoir des procédures complètement différentes de celles de la Cour des petites créances ordinaire. Car, dans la loi fiscale, c'est un peu différent, ce n'est pas une réclamation que le citoyen fait, c'est une opposition ou une demande de modification, et c'est différent; ce n'est pas une demande par le citoyen et une défense par l'autre côté, c'est complètement différent.

Je cite le barreau: "La législation projetée n'améliorerait pas les relations entre les contribuables et le ministre du Revenu." Le ministre a fait beaucoup état de cela. Attendez d'entendre ce que dit le barreau. "C'est plutôt un déséquilibre entre le contribuable et l'administration publique qui est créé ici. Le citoyen est laissé à lui-même devant les spécialistes en fiscalité du ministre; de plus il ne peut pas interjeter appel de la décision."

C'est le comité mixte qui a proposé la solution d'un tribunal de révision - comme au fédéral - en mai 1983. Il parle du même déséquilibre, parce que, quand on a créé la Cour des petites créances... Cela a été créé sous le gouvernement précédent. Au moins on nous donne le crédit d'avoir fait une bonne chose...

Une voix: II y a plus que cela.

M. Blank: II y a plus que cela? Merci. Mais l'idée de la Cour des petites créances, à ce moment-là, était de créer un peu d'équilibre entre les parties en cause. C'est la raison pour laquelle les corporations n'ont pas le droit d'aller devant la Cour des petites créances. C'est le citoyen qui décide d'y amener la corporation, mais les corporations n'y ont pas droit. Les corporations peuvent avoir comme employés des spécialistes, des techniciens, même des avocats qui travaillent pour la compagnie et ceux-ci peuvent représenter la compaganie si celle-ci vient à la Cour des petites créances. On veut avoir un équilibre, c'est un citoyen contre l'autre, sans avocat, et le juge décide après avoir entendu ces gens. Ici, devant la Cour des petites créances, dans les problèmes fiscaux, qu'est-ce qu'on va voir? On va voir un simple citoyen... Ce ne sont pas tellement des citoyens avec de gros moyens, parce que, s'ils avaient de gros moyens, ils procéderaient devant la cour normale avec des avocats. Cela veut dire que le citoyen qui n'a pas les moyens d'engager un avocat viendrait devant la Cour des petites créances pour défendre son opposition, par exemple, pour 400 $ ou 500 $. Qu'est-ce qu'il va trouver de l'autre côté? Il va trouver un spécialiste en fiscalité, un monsieur qui travaille pour le ministère du Revenu depuis des années et des années, qui est spécialiste dans ce domaine ou même un avocat spécialisé dans ce domaine et qui travaille pour le ministère du Revenu, et il y en a beaucoup.

Une voix: ...

M. Blank: Vous me faites signe "pas d'avocat", mais, dans la loi sur les petites créances, n'importe quelle personne peut représenter une corporation - ici le gouvernement - si elle est employée à temps plein du gouvernement. Vous avez des tas d'avocats qui travaillent pour le ministère du Revenu, vous pouvez envoyer un avocat si vous voulez. Si ce n'est pas un avocat, c'est au moins un spécialiste en ce domaine parce qu'il travaille pour le ministère du Revenu, c'est ce qu'il fait à longueur d'année. Et pour le pauvre citoyen qui vient pour la première fois, où est l'équilibre? (12 h 40)

Je ne dis pas que je voterai contre ce projet de loi, parce qu'au moins, c'est un pas dans la bonne direction, mais je vous dirai que c'est seulement, si on veut, un pansement, c'est seulement un cataplasme pour essayer de boucher un trou et donner encore un peu de publicité au ministre, excusez-moi, au ministère, pas à M. le ministre. Mais cela ne fait pas grand-chose. Cela crée une nouvelle avenue pour aller en appel, mais c'est une avenue où il y a un grand déséquilibre. Il y a au moins une chose. Avec mon expérience, après avoir vu fonctionner la Cour des petites créances, j'ai trouvé que les juges de cette cour avaient -du moins dans les causes civiles, pas dans la fiscalité - un coeur très large. Ils essayaient

de régler les problèmes, pas nécessairement de rendre un jugement, mais d'avoir un règlement par jugement. Ils sont très souples avec la preuve. Ils donnent une chance au coureur dans ces affaires-là. Je pense que les citoyens auraient plus de chance que le ministre du Revenu dans ce cas-là devant des juges, devant une simple Cour des petites créances.

Le ministre dit oui. Il me fait signe que c'est une bonne idée. Oui, il a raison, mais ce ne sont pas nécessairement ces juges qui devraient siéger dans cette section de la cour de la fiscalité. Cela prendrait des juges qui ont une expérience de la fiscalité. Du moment qu'ils ont une spécialisation, ils commencent à être un peu plus droits dans leur jugement ou dans leur pensée. J'ai 33 ans d'expérience comme avocat. J'ai plaidé devant bien des juges. Il y a des juges et il y a des juges. Dans certaines spécialités, c'est plus difficile d'être équitable. Je dois dire que, plus on se spécialise, plus on a à être droit sur la question de la preuve, des raisons, etc. En général, la Cour des petites créances est la meilleure place au monde. C'est une bonne idée. Tout le monde est satisfait, mais je ne suis pas certain que ce soit bon en droit fiscal.

Le ministre dit aussi que c'est le choix du citoyen de décider s'il veut aller à la Cour des petites créances ou à la Cour provinciale. Mais ce n'est pas tellement cela, parce que si le citoyen fait le choix d'aller devant la Cour des petites créances, il y va, mais le ministre peut faire une demande à la cour pour changer et aller devant la Cour provinciale. La loi pose des conditions, mais, si on regarde ces conditions, n'importe quelle cause peut se situer à ce niveau. Je ne veux pas citer la loi. Je n'ai pas le droit de le faire à ce stade-ci. On en discutera en commission parlementaire, mais, franchement, c'est une porte ouverte au ministre pour arrêter n'importe quelle procédure portée devant ce tribunal si le citoyen décide d'y aller. S'il le veut, il le peut. C'est le juge qui décide, mais, selon les normes que vous avez là, si le juge ne le sait pas, la prochaine chose que vous pourrez faire, c'est de prendre un bref d'évocation pour aller devant la Cour supérieure pour manque de compétence du juge, manque de juridiction. Cela arrive toujours. Demandez au ministre des Transports combien de fois il a fait cela récemment devant la Régie des transports. Cela arrive et je suis certain que si le ministère voit que cette cour a tendance à donner trop souvent raison aux contribuables, il va trouver des moyens pour éviter cette cour et aller en Cour provinciale.

Je ne dis pas que la Cour provinciale est mauvaise, mais là, c'est la règle de procédure, des avocats. Même, c'est assez intéressant de voir que le comité mixte complimente les juges de la Cour provinciale.

Il dit ce qui suit dans le rapport - je veux être honnête avec le ministre, c'est quelque chose qui peut l'aider dans son projet de loi - il dit que, quand un citoyen arrive sans avocat, les juges sont plus compréhensifs, sauf que - le fait est là - de l'autre côté, on a un expert. Le juge doit souvent intervenir pour aider le pauvre homme. Comme je l'ai dit, si cela arrive dans une cour provinciale, où, dans 99% des cas, il y a des avocats, dans 1% des cas, le juge viendra en aide à la personne. Mais, si le juge doit venir en aide aux citoyens dans 100% des cas, c'est autre chose. À la Cour des petites créances, dans 100% des cas, le citoyen est seul ou accompagné d'un témoin, alors que, de l'autre côté, vous avez un expert du ministre du Revenu, un fiscaliste, un avocat entraîné dans le domaine des lois fiscales ou des choses semblables.

Lors de la commission parlementaire, j'ai suggéré des amendements pour donner une chance aux citoyens qui vont devant la Cour des petites créances parce que, à ce moment-ci, je trouve qu'il n'y a pas d'équilibre. On doit trouver le moyen de leur donner une chance devant le tribunal. Quant à la communication de preuve, le ministre va me répondre que, lors de l'émission de la cotisation, on donnera les raisons de la cotisation. Ce que le ministre veut faire, le fédéral le fait depuis longtemps, mais d'une façon différente. Au lieu de donner tous les chiffres et d'indiquer les chiffres qui sont changés, le fédéral ne donne aucun chiffre. Dans son raisonnement, il dit: On a changé tel chiffre pour telle raison et il donne les raisons en un ou deux paragraphes que personne ne comprend. Moi-même, quand je reçois une nouvelle cotisation du fédéral, je l'envoie à mon comptable pour qu'il me l'explique.

C'est la même chose qui va arriver avec le ministère du Revenu du Québec. Il va donner une raison, une raison comprise par ses fonctionnaires mais parfois difficile à comprendre pour les citoyens. C'est une plainte qui a été mentionnée par le comité mixte sur la juridiction du contentieux en matières fiscales. Une des principales plaintes était qu'il n'y a pas de communication de preuve faite par le ministre du Revenu du Québec au préalable, avant le procès. C'est un manque flagrant. à la Cour fédérale, on l'a. En Ontario, on l'a. Ici, c'est une affaire de cache-cache avec les citoyens. J'espère qu'on trouvera un moyen pour que ce ne soit pas la même chose qui se reproduise pour les citoyens qui se prévaudront des nouveaux recours devant la Cour des petites créances. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Revenu, votre droit de réplique.

M. Alain Marcoux (réplique)

M. Marcoux: M. le Président, je note avec joie que le représentant de l'Opposition a dit que son parti était d'accord sur le principe de ce projet de loi visant à reconnaître ou à mettre en place un nouveau recours pour les citoyens en matière fiscale, après qu'ils sont passés à l'opposition, au ministère du Revenu, s'ils désirent aller plus loin parce qu'ils ne sont pas d'accord avec la décision rendue.

Concernant la proclamation, c'est sûr qu'on ne pouvait pas mentionner que la loi entrera en vigueur au moment de son adoption. Il nous faut d'abord collaborer avec le ministère de la Justice et, principalement, avec l'appareil judiciaire, lequel, vous savez, est largement autonome par rapport au ministère de la Justice. Toutefois, nous sommes assurés d'avoir la collaboration à la fois du ministère de la Justice et des responsables de l'administration de l'appareil judiciaire pour appliquer ces changements le plus rapidement possible.

Deuxièmement, les six, sept ou huit points soulevés par le député de Saint-Louis sont tous des points sur lesquels j'ai eu à réfléchir avant de choisir une hypothèse de solution. J'ai lu les rapports du comité mixte fondé depuis six ou sept ans entre le ministère de la Justice, le ministère du Revenu, des représentants de l'Association québécoise des fiscalistes au Québec et des gens du secteur judiciaire pour essayer d'améliorer les recours du citoyen en matière fiscale face aux tribunaux. Il se trouve que ce comité a vécu ce qui arrive souvent aux comités. On se réunit, on se réunit et, souvent, on ne s'entend pas ou on n'accouche pas de recommandations qui font consensus ou qui peuvent allier l'ensemble des points de vue. (12 h 50)

Je peux indiquer que, par rapport aux choix proposés, par rapport à l'expérience du gouvernement fédéral, nous avons communiqué avec les autorités du ministère du Revenu du gouvernement fédéral pour voir l'évaluation qu'elles faisaient de l'expérience d'un tribunal administratif. Et, justement, le fédéral veut changer. Il nous a recommandé de ne pas entrer dans cette voie puisque ce qui arrive, à ce moment-là, c'est qu'en fonction des règles de fonctionnement d'un tribunal administratif, la chose suivante peut se produire: le tribunal administratif donne raison au ministère du Revenu. Le citoyen dit alors: Je porte ma cause en appel devant les tribunaux de la Cour supérieure. Et il arrive certains éléments de preuve, admissibles selon les critères des tribunaux administratifs, ne le sont pas toujours devant les tribunaux judiciaires. À ce moment-là, la décision peut être inversée, pas à partir du fond, mais de la technique de chacun de ces tribunaux, ce qui fait que cela dédoublait souvent l'audition des causes. Une cause était entendue au tribunal administratif, le ministère du Revenu conservait son droit de l'amener en Cour supérieure s'il n'était pas satisfait de la décision ou le citoyen également.

En somme, cela ajoutait une étape de plus, qui n'était pas une étape finale. Il y a déjà un recours administratif, ce sont les oppositions. J'ai fait état des efforts déployés depuis deux ans au ministère et qui seront complétés cette année, pour faire en sorte que le citoyen obtienne rapidement une réponse au ministère du Revenu. Dans quelques mois, pour entendre une opposition, au lieu de cinq ans, on sera rendu à six mois, ce qui fait que le citoyen pourra beaucoup plus rapidement à l'avenir, soit inscrire sa cause en Cour provinciale ou à la Cour des petites créances.

L'hypothèse de la création d'un tribunal administratif avec tout ce que cela suppose en termes de coûts humains, de coûts financiers, d'étapes supplémentaires pour le citoyen qui, après que son opposition aurait été entendue au ministère du Revenu, aurait dû aller au tribunal administratif ou à la Cour provinciale - dans le cas du fédéral, c'est à la Cour supérieure - on ne croyait pas que c'était la bonne méthode pour régler ce problème du recours du citoyen en matière fiscale.

Il y a des changements - on pourra y revenir en commission parlementaire - à chacun des points précis abordés par le député de Saint-Louis, mais le juge pourra faire préparer le dossier. Il aura le pouvoir d'enquête pour faire préparer le dossier avant l'audition de la cause. Donc, un travail préparatoire pourra être fait par le juge. Notre volonté, en tout cas, c'était dans ce sens-là, que le juge ait le pouvoir d'enquête - c'est parmi ses pouvoirs - pour préparer, en somme, la cause.

Quant à la spécialisation des juges, les discussions que nous avons eues avec le ministère de la Justice, avec les représentants de la magistrature, nous assurent - et c'est ce que nous souhaitons -que ces juges seront nommés pour une période d'au moins un an. C'est dans la loi. Il est indiqué que nous voulons, évidemment, que ce soient des juges qui acquièrent ou qui aient déjà une spécialisation dans ce domaine. On est assuré de la collaboration de la magistrature dans cette perspective.

Quant aux deux plaintes importantes du barreau, à savoir que le citoyen devra se débrouiller seul devant ce juge et que ce sera sans appel, ce sont, en fait, les deux questions fondamentales qui ont été posées il y a douze ou treize ans, quand la Cour des petites créances a été créée. La Cour des petites créances a ses défauts, a ses vertus, mais c'est le citoyen qui aura le choix, eu

égard à l'évaluation qu'il fera de la cause ou la façon dont il veut que la cause soit entendue, d'être défendu par un avocat, des comptables, etc., avec des preuves, selon toute la procédure judiciaire qui est plus complexe. Il décidera s'il veut un jugement obtenu peut-être plus rapidement ou s'il ira se défendre. Je suis heureux que le député de Saint-Louis l'ait souligné, lorsque le citoyen se défend lui-même, les faits démontrent que ce n'est pas à son désavantage, ordinairement. Dans ce sens-là, vous pouvez être assuré que je n'aurais pas proposé à mes collègues d'adopter ce nouveau recours en matière fiscale si j'avais cru qu'il pouvait être au désavantage du citoyen.

Il m'apparaît y avoir une sorte d'équilibre. On sait que, devant la Cour des petites créances, les juges sont portés à tenir compte davantage du point de vue humain, des faits circonstanciels, sans être injustes ou sans s'opposer à la loi. Par contre, nous savons que le fonctionnaire représentant le ministère du Revenu fera la preuve telle que nous l'avons constituée. Nous croyons qu'ainsi, l'équilibre que nous voulions, à la fois d'améliorer nos relations avec les citoyens et de permettre un recours rapide, efficace... Que le ministère ne soit pas juge et partie, c'est important. J'avais eu un premier projet de constitution d'un tribunal administratif. Je suis convaincu que même si c'était des commissaires nommés etc., l'Opposition nous aurait accusés en disant: Vous dites que, dans le nouveau tribunal administratif, le ministère ne sera pas juge et partie. Nous n'en croyons rien. Vous auriez dû vous adresser à une section de la Cour provinciale, parce que l'appareil judiciaire est complètement indépendant du ministère du Revenu. Il y a des juges spécialisés dans ce secteur et le citoyen, a ce moment-là, aura véritablement la conviction que le ministère n'est pas juge et partie.

Je pense qu'il faut ajouter un élément d'information à la suite de ce que le député de Saint-Louis a dit. La Cour provinciale, depuis un an, s'est beaucoup modifiée à ce titre. Même s'il n'y a pas encore de chambre fiscale comme section des cours administratives du Québec, depuis un an déjà, ces cours désignent les mêmes juges de façon régulière, spécialisent des juges dans les causes fiscales. Cela s'est fait par la voie administrative. L'objectif que nous visions au ministère du Revenu depuis des années, qu'il y ait accord pour que la magistrature spécialise des juges dans les causes fiscales, est atteint déjà depuis un an. Je pense qu'il faut savoir gré à la magistrature d'avoir changé cette façon d'administrer les causes fiscales devant la Cour provinciale.

Un dernier élément que je voudrais ajouter, c'est qu'il y a eu des consultations avec le ministère de la Justice. J'ai tenu compte de tous les rapports qui avaient été faits par le comité mixte dont vous parlez, mais j'ai surtout consulté le comité consultatif du Revenu auquel siègent des représentants des milieux comptables, de l'entreprise, des représentants de différentes régions du Québec qui sont des spécialistes des questions fiscales. Je peux vous assurer qu'entre la première hypothèse d'un tribunal administratif, ce dont j'ai eu le plaisir de discuter avec eux, et celle d'une Cour des petites créances - ce sont des gens à la fois spécialisés dans le secteur, mais qui ont, je dirais, le sens commun du besoin du contribuable, du particulier face aux causes fiscales - ils ont été emballés de cette idée de créer une division fiscale de la Cour des petites créances.

Or, je suis très heureux que l'Opposition soit d'accord en principe avec ce projet de loi. Dans un esprit de collaboration, je peux assurer l'Opposition que les amendements qui seront proposés, nous les étudierons avec la plus grande attention pour faire en sorte d'avoir un projet de loi qui soit le plus parfait possible et dont pourront bénéficier les citoyens du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la deuxième lecture du projet de loi 52, Loi modifiant diverses lois fiscales en vue d'instituer un nouveau recours pour les contribuables, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission du revenu

M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission élue permanente du revenu.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: Je demande que nous suspendions nos travaux jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise de la séance à 15 h 03)

Le Vice-Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous plaît!

Vous pouvez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 10) de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 46 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est la deuxième lecture du projet de loi 46, Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et modifiant diverses dispositions législatives. La parole est au ministre des Transports. M. le ministre.

M. Michel Clair

M. Clair: Merci, M. le Président. Le projet de loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal, dont nous abordons l'étude aujourd'hui et que le gouvernement a déposé devant cette Assemblée le 16 novembre dernier, traite principalement de trois sujets.

Le premier et le plus important de ces sujets est évidemment la mise en place des conseils intermunicipaux de transport. Cette formule a été conçue expressément pour les municipalités de la région de Montréal qui n'appartiennent pas à une commission de transport, comme instrument privilégié pour les aider à prendre la responsabilité du transport en commun sur leur territoire,

En deuxième lieu, le projet de loi apporte des adaptations assez substantielles aux pouvoirs que la Loi sur les cités et villes et le Code municipal accordent déjà aux municipalités en matière de transport en commun. Ces adaptations découlent de l'expérience acquise depuis que ces dispositions sont en vigueur et s'inspirent également de tous les efforts de réflexion qui ont suivi le dépôt de la proposition de juin 1982 quant à l'organisation du transport dans la région de Montréal.

Enfin, le projet de loi propose une révision d'ensemble des pouvoirs des organismes publics de transport en commun en dehors de leur territoire. La révision est substantielle dans le cas de la CTCUM et de la CTRSM, mais elle affectera aussi les autres commissions et corporations publiques de transport du Québec, notre objectif étant de limiter au strict minimum les incidences de juridiction extraterritoriale et de confirmer le contrôle des municipalités sur les services de nature locale dispensés sur leur territoire.

Avant d'en venir a l'exposé des objectifs et des principes qui ont guidé la rédaction de ce projet de loi, permettez-moi, M. le Président, de procéder à un bref rappel des principales étapes qui ont marqué la restructuration des services de transport en commun dans la région de Montréal au cours des dernières années.

Jusqu'en 1972, la CTCUM était le seul organisme public contrôlé localement à offrir des services de transport urbain dans la région Montréal. Les municipalités de banlieue étaient alors desservies par des transporteurs privés pour ce qui est des services d'autobus et par le CN et le CP pour ce qui est des trains de banlieue. À mesure que le temps a passé, les services offerts répondaient cependant de moins en moins aux besoins nouveaux engendrés par la croissance urbaine rapide qui faisait plus particulièrement sentir ses effets dans les proches banlieues de Montréal. C'est pourquoi le gouvernement et les élus locaux ont convenu de créer deux nouvelles commissions de transport: la Commission de transport de Laval, en 1972 et la Commission de transport de la rive sud de Montréal, en 1974. Mais la mise en place de ces deux commissions entraînait inévitablement l'acquisition de transporteurs privés en place si l'on voulait véritablement rationnaliser les activités et améliorer les services.

Dans le cas de la CTL - la Commission de transport de Laval - l'achat des entreprises qui oeuvraient sur le territoire de la ville de Laval a amené cette commission à acquérir, du même coup, un vaste réseau en dehors du territoire de la ville de Laval. Du côté de la CTRSM, l'effet fut plutôt à l'inverse puisque la première acquisition effectuée ne permettait pas à la commission de desservir la ville de Boucherville qui faisait pourtant partie de son territoire, mais dont les droits d'exploitation appartenaient à Métropolitain-Sud. Une situation assez semblable existait également sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. La desserte des douze municipalités de l'ouest de l'île relevait en effet de deux sociétés privées, Transurbain et Métropolitain Provincial.

La baisse de l'achalandage grugeait toutefois progressivement la rentabilité de ces entreprises et rendait de plus en plus problématique l'avenir des services qu'elles fournissaient. D'ailleurs, à compter de janvier 1977, le gouvernement du Québec était amené à supporter financièrement par une subvention ad hoc, Métropolitain Provincial, afin que cette entreprise continue d'offrir le

service et soit maintenue temporairement en vie. La précarité de la situation des transporteurs, alliée à la volonté des deux commissions de transport de rationaliser les activités sur leurs territoires devaient finalement conduire à l'acquisition de Métropolitain-Sud par la CTRSM en 1978, puis de Métropolitain Provincial en 1980. Ces acquisitions plaçaient les deux commissions comme c'était déjà le cas pour la CTL, à la tête d'un vaste réseau s'étendant loin en dehors de leurs territoires propres et recouvrant au-delà de 150 municipalités tant dans la banlieue immédiate de Montréal que dans la banlieue verte et lointaine de Montréal. On se demandera sans doute pour quelle raison les commissions de transport ont acheté des entreprises au complet plutôt que d'acquérir seulement des droits sur les territoires qu'elles convoitaient. C'est d'abord parce que les permis détenus par les entreprises ne correspondaient pas au découpage des territoires de ces commissions, mais c'est aussi et surtout parce que la jurisprudence en matière d'expropriation d'entreprises de transport tient compte des inconvénients causés à l'entreprise du fait même de l'expropriation ainsi que des impacts sur la rentabilité du fonctionnement restant après l'expropriation lorsqu'il n'y a qu'une expropriation partielle. Ces conditions forcent l'acquéreur à verser une compensation qui peut équivaloir à la valeur totale de l'entreprise, en fin de compte. Ainsi, quant à verser une compensation aussi élevée, les commissions de transport ont choisi d'acquérir les entreprises au complet. (15 h 10)

II existe, par ailleurs, une différence importante entre le sort réservé aux municipalités que la CTL dessert en dehors de son territoire et celles que desservent la CTCUM et la CTRSM. En effet, la CTL ne peut pas imposer une quote-part aux municipalités qu'elle dessert en dehors de son territoire; cependant, la CTRSM et la CTCUM possèdent, elles, le pouvoir de le faire. C'est d'ailleurs ce pouvoir qui a indisposé les élus des municipalités desservies et les a amenés à intervenir vigoureusement auprès du gouvernement pour que cette situation soit changée et qu'on mette un terme à cette situation de "taxation without representation", comme l'invoquaient ces municipalités.

En juin 1982, le gouvernement soumettait à la population de la région de Montréal une proposition sur l'organisation et le financement du transport en commun dans cette région. Cette proposition contenait des éléments qui s'adressaient directement aux préoccupations des municipalités hors territoire. Il était notamment question, premièrement, du transfert aux municipalités des pouvoirs décisionnels en matière de transport; deuxièmement, du regroupement en conseil local de transport des municipalités ayant des besoins complémentaires; troisièmement, de la participation des municipalités hors territoire aux décisions qui se prendraient à l'échelon régional, c'est-à-dire au sein de l'organisme régional de transport alors proposé; quatrièmement, de la possibilité de donner aux municipalités la liberté de faire appel au transporteur de leur choix.

La longue et vaste démarche de consultation qui a été menée sur cette proposition devait démontrer que la plupart des intervenants acceptaient l'ensemble des orientations proposées même s'ils en contestaient certaines modalités. Des échanges de vues avec les municipalités hors territoire et les commissions de transport se sont poursuivis depuis ce temps et de manière presque incessante depuis l'automne dernier. Ils ont permis de définir plus concrètement les orientations de juin 1982 et d'ajuster le contenu aux besoins des intervenants. L'ensemble de ces travaux a permis d'en arriver au projet de loi qui est devant nous aujourd'hui.

À cette étape, M. le Président, je voudrais rappeler les objectifs visés par la restructuration des services hors territoire qui découlera du présent projet de loi mais il m'apparaît important de souligner d'abord quelques grands traits du mode d'organisation des services de transport dans les municipalités hors territoire à l'heure actuelle. Les services les plus importants sont les services orientés vers Montréal et ces services sont, dans la plupart des cas, fournis par les commissions publiques de transport. Mais il existe aussi des services vers Montréal offerts par des transporteurs privés et plus souvent qu'autrement, ces services suivent les mêmes parcours que ceux des commissions.

En vertu d'une tradition découlant des permis émis dans le passé, ces transporteurs doivent toutefois circuler à porte fermée sur les parcours réservés aux commissions, c'est donc dire sans offrir de services sur le territoire des commissions de transport. Il y a donc là une duplication qui nuit aux transporteurs sans apporter aucun bénéfice additionnel aux usagers ni à la collectivité.

Parallèlement aux services suburbains et interurbains vers Montréal, il existe quelques petits services à caractère local mais les deux types de services ne sont pas intégrés l'un à l'autre parce qu'ils relèvent de transporteurs différents.

Enfin, les véhicules utilisés pour les services sont le plus souvent des autobus conventionnels à grande capacité, circulant à heure fixe sur des parcours également fixes, même si les milieux à desservir sont des banlieues où la densité de la population est faible ou même très faible.

Face à cette situation, les principaux

objectifs que nous cherchons à atteindre sont les suivants: d'abord maintenir, et, dans toute la mesure du possible, améliorer les services existants; deuxièmement, minimiser les coûts tant pour les usagers que pour les pouvoirs publics; troisièmement, accorder le plus de souplesse possible aux personnes qui sont responsables de l'organisation du transport.

Ces trois objectifs sont très étroitement interreliés. En effet, pour être en mesure d'offrir le service le mieux adapté aux besoins et pour en contrôler les coûts, il faut avoir le choix des solutions. C'est pourquoi les municipalités qui organiseront un service de transport pourront s'adresser tout aussi bien à un organisme public, c'est-à-dire une commission ou corporation de transport, à un détenteur privé de permis de transport en commun, à un transporteur scolaire, à un détenteur de permis de taxi ou, enfin, à un regroupement de titulaires de permis de taxi.

Les municipalités pourront même s'adresser à plus d'un transporteur à la fois et confier à chacun des responsabilités différentes. Ainsi, on peut fort bien imaginer qu'une municipalité fasse appel à un transporteur possédant de gros véhicules pour les heures de grande affluence, mais qu'elle s'adresse à un autre transporteur pour assurer la desserte aux heures creuses ou dans les parties moins denses de son territoire.

Également, au chapitre de la souplesse, le projet de loi autorise les municipalités et les conseils intermunicipaux de transport à accorder un contrat de transport en commun sans passer par la procédure des soumissions publiques. Cette exception à la règle habituelle apparaissait nécessaire pour deux raisons. Premièrement, à plusieurs endroits au Québec, les droits de desserte dans un milieu donné appartiennent au transporteur détenteur d'un permis émis par la Commission des transports du Québec. En vertu des privilèges qui sont attachés à ce permis, la municipalité est forcée de s'entendre avec ce transporteur lorsqu'elle veut offrir un service similaire au sien. L'obligation de procéder par soumissions publiques aurait donc été inopérante dans tous ces cas.

En deuxième lieu - c'est là le principal facteur - le transport en commun n'est pas une marchandise, mais un service, un service qui est offert à des personnes. En pareils cas, des qualités comme la ponctualité, la courtoisie du personnel, le confort, la propreté des véhicules sont tout autant d'éléments qui risqueraient de ne pas apparaître dans une soumission publique. Ils jouent cependant pour beaucoup dans la décision d'utiliser le transport en commun et d'y rester fidèle.

Outre ces trois objectifs déjà mentionnés, la réorganisation des services hors territoire devra se faire en utilisant les ressources existantes, notamment, en profitant au maximum des services que les transporteurs privés ou publics sont déjà en mesure d'offrir. C'est pourquoi nous n'avons pas donné aux municipalités le pouvoir de devenir elles-mêmes de nouveaux exploitants de transport. Plutôt que de se lancer directement dans un domaine nouveau pour elles, les municipalités ont tout avantage à confier l'exploitation de leur service à un transporteur professionnel qui possède déjà l'expérience nécessaire pour gérer un service de transport. En s'adressant aux transporteurs existants, on tire non seulement un meilleur parti d'une ressource existante, mais l'on contribue également à améliorer leur situation financière. On sait, en effet, que l'industrie du taxi et l'industrie du transport par autobus font présentement face à des problèmes de rentabilité réelle.

Grâce à cette latitude qui leur est désormais accordée dans l'organisation des services, j'ai pleinement confiance que les municipalités pourront fournir à leurs citoyens des services adaptés à leurs besoins. Je suis également confiant que ces services seront fournis à un coût modéré, autant pour l'usager que pour la collectivité et, bien souvent, à un coût moindre que le système actuel prévoit.

Quant aux principes, je voudrais maintenant, M. le Président, exposer de façon plus précise le contenu de ce projet de loi, mais plutôt que de procéder à une énumération ou à une description qui pourrait se révéler fastidieuse, il m'apparaît préférable d'insister sur les principes qui ont guidé la rédaction du projet de loi et d'y relier au passage les différentes dispositions qui en découlent.

Le premier principe à la base de ce projet est que le contrôle sur les services doit appartenir au palier de gouvernement le plus près des besoins. C'est pourquoi le contrôle sur les services de transport en commun appartiendra, dans la plupart des cas, aux municipalités.

Il aurait sans doute été envisageable d'insister sur le caractère régional des services et de créer, par exemple, une entreprise qui aurait regroupé tous les services hors territoire offerts par les trois commissions. La vision d'ensemble de l'unité d'action qui en aurait résulté aurait certainement pu offrir des avantages, mais il a été possible de constater, à l'examen, que chaque corridor est un cas particulier et qu'on en viendra à des approches plus conformes aux besoins en laissant aux premiers intéressés la possibilité de décider eux-mêmes de leurs services de transport. (15 h 20)

Le deuxième principe, celui de l'autonomie locale, a joué un rôle capital dans la préparation de ce projet de loi. Ce principe détermine, en effet, la liberté d'une

municipalité de participer ou non à l'organisation et au financement d'un service de transport en commun, deuxièmement, l'étendue des pouvoirs accordés aux municipalités et, finalement, la liberté d'adhérer à un regroupement de municipalités pour organiser conjointement un service de transport.

Le premier effet de l'affirmation du contrôle des municipalités concernant les services de transport sur leur territoire consiste à enlever à la CTCUM et à la CTRSM le pouvoir d'exploiter des services réguliers hors de leur territoire et d'imposer des quotes-parts aux municipalités desservies.

À compter du début de 1984, les deux commissions ne pourront plus fournir un service régulier dans une municipalité sans avoir obtenu au préalable un contrat de service de ladite municipalité. Le service de transport dans une municipalité de la région de Montréal ne sera donc plus une question réglée de l'extérieur et sur laquelle les élus locaux n'ont virtuellement aucun contrôle. Au contraire, les pouvoirs d'organiser et de financer un service de transport en commun qui sont accordés aux municipalités sont des pouvoirs habilitants. Une municipalité demeure, par conséquent, libre de les utiliser ou non. Ainsi, on peut s'attendre que certaines des municipalités les plus éloignées de Montréal ou celles à vocation principalement rurale choisiront de ne pas prendre en main les services auxquels la CTCUM et la CTRSM devront mettre un terme.

Dans ces cas, il est prévu que le contrôle sur le service sera exercé par la Commission des transports du Québec, comme c'est le cas ailleurs au Québec. Ainsi, un transporteur privé intéressé pourra soumettre un ordre de service à la Commission des transports du Québec avant le 31 mars 1984. La Commission des transports du Québec émettra d'abord un permis spécial pour le reste de l'année 1984. Ce permis spécial donne à la municipalité la possibilité de revenir sur sa décision sans avoir à verser une indemnité aux transporteurs. En 1985, toutefois, la CTQ, la Commission des transports du Québec transformera le permis spécial en permis régulier. Le détenteur possédera alors sur une base permanente le privilège d'assurer la desserte et devra assumer les obligations qui y sont rattachées.

L'étendue des pouvoirs accordés aux municipalités illustre également la volonté de laisser aux municipalités le soin de décider elles-mêmes du type et du niveau de services qu'elles veulent se donner. Une municipalité pourra, en effet, par règlement établir un service de transport en commun, fixer les tarifs et les modifier, modifier les conditions du service tels que les horaires, les parcours, la fréquence. La municipalité pourra confier l'exploitation du service au transporteur de son choix par le moyen d'un contrat. La municipalité aura la responsabilité de financer le service qu'elle offre à ses citoyens et ce, à partir des sources de financement habituelles: les tarifs provenant des usagers, les subventions gouvernementales et les taxes qu'elles prélèveront à cette fin. Enfin, la municipalité pourra acquérir les biens et services requis pour son service de transport.

Des changements sont, par ailleurs, apportés afin de limiter au strict minimum les contrôles gouvernementaux. Ainsi, la Commission des transports du Québec n'aura aucun pouvoir de révision des décisions prises par les municipalités en matière de transport en commun. Le principe du contrôle par les élus s'avère en effet inconciliable avec la possibilité de voir leurs décisions renversées par un organisme a caractère quasi judiciaire.

De plus, les pouvoirs du ministre des Transports à l'égard d'un service municipal de transport en commun sont substantiellement réduits. Il y a deux ans, lorsque les municipalités ont reçu le pouvoir d'établir un service de transport en commun, la loi obligeait les municipalités à obtenir l'approbation du ministre pour le règlement initial établissant le service, pour le contrat par lequel elles confiaient l'exploitation à un transporteur et finalement pour toute modification apportée au service et au contrat.

L'expérience acquise au cours de ces deux années, de même que toute la réflexion qui a entouré la restructuration des services dans les municipalités hors territoire, nous amène à réviser cette situation.

Avec l'adoption du projet de loi, les municipalités n'auront plus à faire approuver le contrat conclu avec un transporteur. Un règlement traitant des tarifs sera également de compétence exclusivement locale. Quant au règlement établissant un service de transport, il apparaît utile qu'un contrôle gouvernemental soit conservé et ce pour deux raisons; la première, c'est la protection des droits des détenteurs de permis. Une saine administration suppose en effet qu'une municipalité n'organise pas un service de transport similaire à celui qu'exploite déjà un détenteur de permis. C'est au ministère des Transports qu'il incombera d'exercer une surveillance à cet égard. En deuxième lieu, une municipalité peut organiser son service de manière à assurer une liaison avec des points situés à l'extérieur de son territoire. Comme ce pouvoir est susceptible d'avoir des effets sur les territoires voisins, le ministre se réserve le pouvoir d'intervenir s'il y a lieu, afin d'éviter certains effets négatifs qui pourraient résulter d'un manque de coordination.

Dans les municipalités de la région de Montréal, les services de transport sont déjà

organisés sur une base qui fait nécessairement appel à la coopération entre les municipalités. La plupart des parcours prennent en effet la forme d'un corridor qui franchit tantôt quelques municipalités ou, dans certains cas, un bon nombre de municipalités. J'insiste sur le fait que ces services existent et qu'ils sont utilisés par environ 4000 personnes par jour, tant dans le cas de la CTCUM que dans le cas de la CTRSM. Il importe par conséquent de prendre les meilleurs moyens d'assurer, avec la collaboration des municipalités, la continuité de ces services.

C'est pourquoi le projet de loi offre aux municipalités intéressées la possibilité de se regrouper en conseil intermunicipal de transport. Le conseil intermunicipal de transport n'est pas une création nouvelle, mais simplement une adaptation des dispositions générales sur les ententes intermunicipales au contexte particulier des services de transport en commun dans la région montréalaise.

Des dispositions régissant les ententes intermunicipales, nous avons retenu la règle du volontariat, c'est-à-dire la liberté d'une municipalité d'adhérer ou non à une entente. Il s'agit là d'une conséquence logique du principe de l'autonomie municipale. C'est donc dire que les municipalités qui se reconnaissent des besoins similaires ou complémentaires peuvent se regrouper et décider ensemble des municipalités qui feront partie du conseil intermunicipal de transport, du nombre de membres que chaque municipalité possédera au sein du conseil d'administration d'un conseil intermunicipal de transport, du mode de partage des coûts entre les municipalités membres et, finalement, des règles de fonctionnement d'un tel conseil. Ces différents éléments constitueront l'entente entre les municipalités.

L'entente devra être adoptée par un règlement de chaque municipalité et être approuvée par un décret du gouvernement. Une fois formé, un conseil intermunicipal de transport possédera tous les pouvoirs normalement dévolus aux municipalités en matière de transport. Ainsi, le conseil intermunicipal de transport pourra établir par règlement un service de transport sur son territoire et prévoir également une liaison avec des points situés à l'extérieur de son territoire. Deuxièmement, il pourra définir et modifier les conditions du service, tels les horaires, les parcours et les fréquences. Il pourra fixer les tarifs, assurer le financement du service, confier par contrat l'exploitation du service à un transporteur de son choix et, finalement, acquérir les biens et services nécessaires et en confier la gestion au transporteur.

Ici, il importe de retenir que le conseil intermunicipal de transport n'existe pas indépendamment des municipalités qui le constituent. Cela s'avère particulièrement vrai en matière financière. En effet, le budget d'un conseil intermunicipal de transport et tout emprunt qu'il pourrait être appelé à contracter doivent être ratifiés par le conseil de chacune des municipalités concernées. La liberté d'une municipalité d'adhérer à une entente doit toutefois être tempérée par une réalité: celle des interdépendances ou, plus précisément, des conséquences qu'ont les décisions d'une municipalité sur l'organisation et le coût du service dans la municipalité voisine. (15 h 30)

II existe bien peu de domaines où les interdépendances sont aussi évidentes qu'en matière de transport. C'est pourquoi le projet de loi prévoit qu'une municipalité pourra, dans certaines circonstances que le projet de loi identifie précisément, être forcée de participer à un conseil intermunicipal de transport. Ainsi, lorsque des municipalités qui ont décidé de former un conseil intermunicipal considèrent qu'une autre municipalité devrait également en faire partie, elles pourront demander au gouvernement de joindre cette municipalité au conseil intermunicipal de transport. À titre d'exemple, on peut imaginer les problèmes qui risqueraient de se produire si la municipalité située à l'extrémité la plus achalandée d'un corridor refusait de se regrouper avec les autres municipalités de ce corridor.

Toutefois, les municipalités devront présenter une demande unanime et démontrer que l'absence de la municipalité en question aurait pour effet de compromettre l'organisation du service ou de le rendre trop onéreux. S'il choisit de donner suite à pareille demande, le gouvernement pourra joindre la municipalité récalcitrante au conseil intermunicipal. Il pourra de plus fixer le nombre de voix auxquelles la municipalité aura droit au conseil d'administration du conseil intermunicipal de transport ainsi que le mode d'établissement de sa contribution financière, mais, bien entendu, seulement si les termes de l'entente ne le prévoient pas déjà. Cette façon de faire contient suffisamment de balises pour protéger l'autonomie de chaque municipalité, mais elle constitue également pour les municipalités qui voudront aller de l'avant et pour les usagers une police d'assurance, ou une garantie que les municipalités qui doivent participer à l'organisation et au financement du transport en commun seront effectivement de la partie. J'insiste d'ailleurs pour souligner, sur ce point, que c'est après de longues et nombreuses consultations avec les cent municipalités desservies par la CTRSM et la CTCUM que je me suis rendu à des représentations qui demandaient précisément qu'on puisse, dans certains cas limites, à la

demande unanime des municipalités, demande motivée expliquant que sans une telle intervention on risquerait de rendre prohibitive l'organisation du transport en commun ou même impossible, inclure dans le projet de loi une telle disposition.

Mais il existe également des interdépendances entre les conseils intermunicipaux de transport eux-mêmes ainsi qu'entre les conseils intermunicipaux de transport et les commissions de transport. C'est pourquoi le projet de loi donne aux conseils intermunicipaux de transport la possibilité de conclure entre eux des ententes ou encore de s'entendre avec une municipalité, une commission de transport ou la Communauté urbaine de Montréal sur toute question susceptible d'améliorer le service aux usagers.

Par ailleurs, nous avons voulu prendre des mesures afin d'assurer le respect d'un principe primordial: la protection des droits des usagers. Ainsi, tout projet de modification du service, parcours, horaire, fréquence ou tarif devra faire l'objet d'un avis de motion et un exemplaire du projet de règlement devra être déposé à ce moment. Un résumé du projet de règlement devra aussi être publié dans un journal diffusé dans la municipalité et être affiché dans les véhicules du transporteur au moins 30 jours avant l'adoption du règlement. Les usagers du service et les contribuables seront ainsi prévenus des décisions qui se préparent et auront la possibilité d'intervenir auprès de leurs élus municipaux. Cela constitue probablement une amélioration par rapport à la situation actuelle qui prévoit un recours à la Commission des transports du Québec, recours dont, bien entendu, très peu de citoyens connaissent l'existence et qui s'avère, de ce fait, plus illusoire que réel.

On aura sans doute remarqué que j'ai surtout fait référence à la situation des municipalités hors territoire desservies par la CTCUM et la CTRSM; il a été bien peu question de la CTL, de la Commission de transport de Laval. Il ne s'agit pas d'un oubli, il s'agit plutôt d'adopter une approche différente pour une situation différente. Des municipalités desservies par la CTL, je le rappelle, n'ont pas de quote-part à payer, elles n'ont donc pas autant intérêt que les autres municipalités hors territoire à prendre charge, aussitôt que possible, de l'organisation du transport sur leur territoire. Mais on peut constater que ces municipalités - et je m'en réjouis - ont récemment entrepris des travaux sur cette question, ce qui peut laisser supposer qu'elles seront bientôt prêtes à assumer leurs responsabilités.

Il aurait été possible, comme dans le cas des deux autres commissions, d'enlever à la CTL le pouvoir de poursuivre ses activités hors territoire ou encore de forcer les municipalités à assumer immédiatement la responsabilité du service sur leur territoire. Nous avons préféré agir autrement. D'une part, en effet, le projet de loi donne à la CTL le pouvoir de contracter avec des municipalités pour leur vendre des services. D'autre part, les municipalités reçoivent, elles, le pouvoir de se regrouper en conseil intermunicipal de transport et de contracter avec le transporteur de leur choix. Ces municipalités pourront également se rendre admissibles au programme d'aide financière au transport en commun. C'est donc dire que le projet de loi donne aux intéressés tous les instruments requis pour s'entendre sur une base volontaire et procéder ainsi à leur propre rythme. À eux donc de prendre leurs responsabilités sans aucune autre intervention gouvernementale.

Dans un autre ordre d'idées il m'apparaît utile à ce stade de souligner l'existence de mesures contenues dans le projet de loi lesquelles, malgré leur caractère transitoire, sont néanmoins essentielles pour assurer en un aussi court laps de temps le transfert des responsabilités des commissions de transport aux municipalités hors territoire.

En premier lieu, le projet de loi accorde aux municipalités la possibilité de conclure pour 1984 un contrat avec un transporteur sans aucune formalité d'approbation. Cette disposition a pour but de permettre aux municipalités de procéder rapidement afin qu'elles puissent connaître la nature et l'ampleur de leurs engagements financiers au moment où elles finalisent leur budget pour l'an prochain.

Dans ce même esprit, je déposerai en commission parlementaire un amendement ayant pour but de reconnaître comme valides les contrats conclus entre une municipalité et un transporteur depuis le dépôt du projet de loi, pourvu que les termes en soient respectés.

Des amendements seront également apportés au projet de loi sur deux autres sujets pour l'année 1984. Tout d'abord nos consultations avec les municipalités ont par ailleurs démontré l'utilité, d'un point de vue administratif surtout, de permettre aux municipalités de s'entendre de manière relativement rapide et informelle pour l'année 1984. Par conséquent, les municipalités pourront conclure une entente qui ne nécessitera aucune approbation pour confier à l'une d'entre elles la responsabilité de négocier un contrat avec un transporteur, d'en assurer l'administration, de percevoir les subventions gouvernementales ainsi que pour se partager le coût du contrat.

En deuxième lieu, le changement des règles du jeu que le projet de loi apporte ne permet pas, dans certains cas, de respecter les délais minimaux de notification des employés prévus soit dans les conventions

collectives, soit dans la Loi sur les normes minimales du travail. C'est pourquoi une municipalité devra donner un avis à la commission qui dessert actuellement son territoire si elle contracte avec un autre transporteur. Ainsi, une municipalité qui décidera de changer de transporteur devra donner à la commission un préavis, dans un délai raisonnable, afin de permettre à cette commission de respecter ses engagements envers ses employés et de lui donner le temps de les réaffecter dans certains cas.

J'ai mentionné au début, M. le Président, que ce projet de loi s'adresse d'abord à la question des services hors territoire des commissions de transport de la région de Montréal. Mais ce projet de loi modifie aussi les dispositions générales applicables à toutes les municipalités sises à l'extérieur d'un organisme public en matière de transport en commun. Les nouveaux pouvoirs qui seront accordés aux municipalités ont été exposés précédemment et je n'y reviendrai pas.

Il m'apparaît néanmoins utile de rappeler que des sédimentations législatives successives avaient produit trois régimes administratifs différents à la Loi sur les cités et villes et au Code municipal en matière de transport en commun: la subvention à un transporteur; le règlement d'organisation avec contrat de services et un régime particulier applicable au transport de personnes handicapées.

La révision proposée par le projet de loi prévoit un seul régime, celui du règlement pour établir un service, suivi d'un contrat avec un transporteur. La même procédure s'appliquera au transport des personnes handicapées, sauf que dans ce cas la municipalité pourra aussi conclure une entente avec un organisme sans but lucratif pour fournir un service. (15 h 40)

Enfin, M. le Président, je tiens à souligner que la restructuration des services hors territoire dans la région de Montréal, mais surtout la logique qui l'inspire commandent une révision des lois qui régissent les autres commissions et corporations de transport au Québec. Ainsi, il sera établi que les organismes publics peuvent fournir des services réguliers à l'extérieur de leur territoire seulement s'ils ont conclu au préalable un contrat avec la municipalité desservie. Ceci vient confirmer que les municipalités ont le droit de déterminer les services qui seront fournis sur leur territoire et si elles doivent y contribuer financièrement. Par ailleurs, les lois sont également modifiées pour que ces organismes puissent assurer au besoin une liaison avec un point situé à l'extérieur de leur territoire, et ce autant pour les services réguliers et spéciaux que pour la charte-partie.

Enfin, M. le Président, j'aimerais souligner que cette nouvelle loi posera plusieurs défis, aux élus locaux, aux transporteurs, aux usagers ainsi qu'au gouvernement. D'abord, aux élus locaux des territoires visés, la loi fournit les instruments nécessaires non seulement au maintien, mais aussi à l'amélioration des services de transport. Toutefois, c'est sur leur volonté d'agir que l'efficacité de cette loi repose puisque, dorénavant, ce sont les élus qui définiront les paramètres de mobilité de leurs citoyens et permettront l'existence de liens de transport entre leur territoire et la ville centrale.

Quant aux transporteurs publics, les modalités d'exploitation seront dorénavant modifiées dans le sens d'une entente contractuelle avec les municipalités intéressées et plus de souplesse leur sera, par conséquent, demandée dans la formulation de leur offre de services. Ils devront dorénavant développer davantage une approche client comme toute entreprise commerciale, plutôt que de s'appuyer simplement sur l'exclusivité de leurs droits.

Cela m'amène à identifier les défis qui sont posés aussi aux transporteurs privés. Ceux-ci devront être à la hauteur des nouvelles attentes et possibilités créées par la loi. Ils s'impliqueront dans un secteur reconnu comme un service public à la population où la rentabilité économique doit être assortie également d'une certaine rentabilité sociale. Les contrats de services devront donc refléter les besoins de transport du milieu, la capacité de payer des usagers et des contribuables ainsi que les caractéristiques propres aux transporteurs. C'est un nouveau marché qui s'offre à eux, mais la réorganisation qui va en résulter doit se traduire par une continuité du service, sinon par une amélioration des services existants.

Quant aux usagers, ils sont trop souvent les oubliés dans toute réorganisation significative des politiques. Ce projet de loi donnera lieu à des changements d'horaire, des changements de parcours et de tarif, et il faut que les transporteurs actuels et les municipalités mettent en oeuvre des mesures d'information immédiates pour que la clientèle soit avisée des changements du 1er janvier 1984. Il se pourrait que la période de transition donne lieu à des perturbations de services et que les usagers voient leurs horaires modifiés. Nous faisons actuellement tout en notre pouvoir pour que les usagers soient avisés de ces changements et que la période de transition soit la plus courte et la plus harmonieuse possible.

Quant au ministère des Transports, c'est un pari sur l'avenir que nous prenons. Ces nouvelles compétences pour les municipalités et ces nouveaux marchés pour les transporteurs constituent des éléments

nouveaux de politique qui devraient assurer l'avenir du transport en commun dans les territoires périphériques aux commissions de transport. Cette nouvelle forme d'organisation qui se concrétisera graduellement au cours de l'année 1984 repose sur une volonté ferme de notre part de doter l'agglomération de Montréal de mécanismes institutionnels et financiers adéquats pour que le développement des transports collectifs constitue une alternative valable à l'automobile dans les territoires concernés.

M. le Président, avant de céder la parole à l'Opposition, vous me permettrez de dresser rapidement et de façon très sommaire un bref état de la situation en ce qui concerne les corridors tant de la CTCUM que de la CTRSM. Toutes les municipalités de ces corridors sont bien au fait du projet de loi qui est actuellement débattu devant nous et l'immense majorité d'entre elles a déjà commencé à s'organiser pour répondre aux attentes de ce projet de loi. Je me permets de faire un rapport préliminaire, ponctuel, sur la situation. Les informations dont je vais vous faire part datent d'hier. Cela semble être ce qu'il y a de plus précis venant de toutes les municipalités concernées.

Ainsi, selon les informations disponibles actuellement, dans le corridor Varennes-Sorel, les municipalités sont en train de discuter de la possibilité de former effectivement un conseil intermunicipal de transport et sont en discussion avec un transporteur privé, Les autobus Deshaies. Ce serait un service qui viendrait remplacer celui de la CTRSM sur une base de tarif d'équilibre, c'est-à-dire sans subvention ni des municipalités ni du gouvernement.

En ce qui concerne le corridor Saint-Bruno-Saint-Hilaire-Saint-Hyacinthe, ces municipalités sont d'ores et déjà en négociation avec la CTRSM. Elles accepteraient de former un conseil intermunicipal de transport qui est en voie de formation et d'apporter une contribution financière à ce service de transport en commun.

En ce qui concerne le corridor Chambly-Marieville-Carignan, il y aura la formation également d'un conseil intermunicipal de transport. Les municipalités accepteraient de contribuer financièrement à la mise en marche de ce système. Il y aurait cependant certaines hésitations du côté de la municipalité de Carignan.

En ce qui concerne le corridor compris entre Marieville et Farnham, seule la municipalité de Farnham a, jusqu'à maintenant, manifesté son intérêt pour la formation d'un conseil intermunicipal de transport, mais toutes les autres municipalités préfèrent actuellement se désintéresser du service de transport en commun, de sorte qu'il est possible que ce soit un transporteur privé qui en prenne la charge dans ce corridor et qu'il n'y ait pas de formation d'un conseil intermunicipal de transport.

En ce qui concerne le corridor L'Acadie-Saint-Luc-Saint-Jean-Iberville, ces municipalités sont déjà en négociation avec la CTRSM. Elles voudraient signer une entente à court terme, de courte durée et continuer d'étudier, au cours des prochains mois, la formation d'un CIT, un conseil intermunicipal de transport, mais il semble qu'on a toutes les raisons de croire qu'effectivement elles formeraient un conseil intermunicipal de transport, à l'exception de la municipalité de L'Acadie.

En ce qui concerne le corridor Saint-Athanase-Bedford-Saint-Armand-Venise-en-Québec, il n'y aurait pas formation d'un conseil intermunicipal de transport dans ce corridor et ce serait un transporteur privé qui prendrait la relève. Il s'agit effectivement, dans ce cas, cependant, véritablement d'un bout de ligne.

En ce qui concerne le corridor. La-prairie-Candiac-Delson-Sainte-Catherine-Saint-Constant, les municipalités ont déjà signé, à toutes fins utiles, le contrat avec la CTRSM et formeront un CIT dès qu'elles seront habilitées à le faire par la loi.

En ce qui concerne le corridor Saint-Rémi-Saint-Isidore, ces municipalités manifestent un intérêt pour former un conseil intermunicipal de transport pour obtenir un service avec minibus, cependant sans subvention.

En ce qui concerne les municipalités des corridors de la CTCUM - cela concernait la CTRSM - le rapport que j'ai à ce moment-ci m'indique que les municipalités de Repentigny-Charlemagne-Le Gardeur vont effectivement former un conseil intermunicipal de transport. Elles sont déjà en négociation avec la CTCUM. Elles accepteraient d'apporter une contribution financière, et les pourparlers sont déjà en marche.

En ce qui concerne le corridor Berthier-Saint-Sulpice, ces municipalités formeraient une conseil intermunicipal de transport, mais elles contracteraient, à tarif d'équilibre, avec un transporteur privé.

En ce qui concerne toutes les municipalité dans les environs de Joliette et de L'Assomption, elles sont présentement en voie de discussion quant à une entente avec deux transporteurs qui oeuvrent dans cette région, soit Brandon Transport et Gaudreau Transport. Elles formeraient un conseil intermunicipal de transport, transigeraient avec ces deux compagnies privées et procéderaient à tarif d'équilibre, c'est-à-dire sans subvention.

En ce qui concerne le corridor Châteauguay-Valleyfield-Beauharnois et tout le

secteur sud-ouest, les municipalités se sont réunies hier soir ou avant-hier soir. Elles formeront un conseil intermunicipal de transport, acceptent d'apporter une contribution financière et elles négocient actuellement avec la CTCUM. (15 h 50)

La MRC du Haut-Saint-Laurent, la région de Huntingdon; toutes les municipalités s'entendent pour contribuer à la mise en service de transport avec un transporteur privé, éventuellement minibus et contribueraient financièrement. Cela desservirait six municipalités, mais les quinze municipalités de la municipalité régionale de comté accepteraient de participer financièrement. En ce qui concerne le corridor de Dorion-Vaudreuil, c'est un corridor compliqué. Il y aura formation d'un conseil intermunicipal de transport, mais il se présente toute une série de solutions de rechange dans ce corridor. L'entreprise Deshaies a fait une proposition: un contrat de service sans subvention. Les municipalités étudient par ailleurs une autre solution de rechange avec Voyageur et l'intégration d'un service de taxi collectif pour rabattre sur les lignes de Voyageur. Elles veulent vivre une expérience de quelques mois, non pas avant de se former en conseil intermunicipal de transport, mais sur le plan du transporteur choisi. Jusqu'ici, elles n'ont pas fait d'offre, contrairement à ce que nous les avions invitées à faire pour l'intégration des services de trains. C'est la même situation d'ailleurs en ce qui concerne le corridor Saint-Bruno-Saint-Hyacinthe. Nous avions proposé aux municipalités de faire une proposition en ce qui concerne le service de trains du CN vers Saint-Hilaire et jusqu'à maintenant elles n'en ont pas fait.

C'est donc dire, M. le Président, au moment de clore ma présentation de ce très important projet de loi sur l'organisation du transport des personnes en périphérie de Montréal que d'ores et déjà, avant que cette loi soit adoptée par l'Assemblée nationale, douze regroupements de municipalités sont en voie de se former pour prendre en charge l'organisation des services de transport en commun sur leurs territoires. Nous avons travaillé avec elles depuis maintenant deux ans à établir quelles étaient leurs attentes à l'égard du transport en commun, quels étaient les mécanismes juridiques qu'elles voulaient retenir. Je les remercie sincèrement d'avoir accepté de collaborer avec moi parce que tout nous porte à croire, à moins de surprises de dernière minute, que dans l'immense majorité des cas, des municipalités qui étaient desservies autrefois par la CTCUM et la CTRSM, un service de transport en commun non seulement continuera d'être offert, mais sera même amélioré à compter du début de 1984 grâce à la mise en place d'une douzaine de conseils intermunicipaux de transport sous la responsabilité des municipalités dont j'ai pu bénéficier encore une fois de toute la collaboration, au cours des deux dernières années, pour en venir à la présentation de ce projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): J'aimerais simplement faire remarquer qu'il ne doit pas y avoir de manifestations de quelque façon que ce soit dans les galeries. La parole est au député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le gouvernement se propose de constituer des conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal. Le projet de loi 46 ne peut être vraiment discuté sans faire référence à la problématique du transport en commun dans la région de Montréal. On sait que le gouvernement actuel, surtout l'actuel ministre des Transports, a placé, depuis quelques années, une emphase considérable sur le développement du transport en commun, particulièrement dans la région de Montréal. Cependant, il y a eu des projets ambitieux qui ont été proposés par le ministre et souvent ces projets ont été qualifiés même d'éléphants blancs, si on fait référence au projet d'un métro de surface qui a été rejeté majoritairement par les organismes en place. D'ailleurs, conscient que cette politique d'encouragement au transport collectif a atteint un seuil qu'il paraît difficile de franchir, le ministre annonçait à la mi-octobre une nouvelle politique d'aide au transport en commun. Celle-ci vise à plafonner à son niveau actuel, qui est approximativement de 44%, pour les cinq prochaines années, la contribution gouvernementale et à rééquilibrer la quote-part des trois partenaires du transport en commun: le gouvernement, les municipalités et les usagers. Cette nouvelle politique n'est pas étrangère au fait que tous les efforts et l'argent engouffré dans le transport en commun n'ont pas donné les résultats attendus. L'achalandage est loin d'y être proportionnel.

M. le Président, avant de discuter des termes précis du projet de loi actuel, il faudrait discuter, dans le contexte de cette politique du gouvernement, des sommes qui sont dépensées pour le transport en commun, des objectifs du gouvernement, pour situer un peu les objectifs du gouvernement, les solutions qu'il veut y apporter. Ce n'est pas l'endroit maintenant de faire un long débat sur le transport en commun en général dans la région de Montréal, mais il faut souligner certains aspects qui sont troublants, qui sont un peu inquiétants et pour lesquels le gouvernement doit faire certaines études et

apporter certaines solutions pour freiner l'augmentation des coûts. Par exemple, la contribution des usagers est passée de 45,9%, en 1977, à 31,7%, en 1983 et elle augmentera à 33,7%, en 1988. Quant aux dépenses totales du transport en commun dans la région de Montréal, elles n'ont cessé de croître, passant de 271 000 000 $, en 1977, à 661 000 000 $ cette année; et on prévoit qu'elles seront de 868 000 000 $ en 1988.

M. le Président, il y a certainement matière à considérer, matière à réfléchir et matière à être inquiet des coûts du transport en commun qui augmentent, des sommes que le gouvernement paie pour le transport en commun - on dit que c'est le gouvernement qui paie, mais ce sont les contribuables - et de la part de l'usager qui va toujours en décroissant. Cela voudrait dire que, quelque part, les politiques du gouvernement n'ont pas l'effet que le gouvernement souhaiterait, que cela coûte de plus en plus cher et que le gouvernement devrait nécessairement réviser ses politiques.

Quand le ministre mentionnait, à la commission parlementaire, que la plupart des intervenants étaient en faveur de la politique du livre blanc que le gouvernement avait proposée, je pense que ce n'est pas tout à fait exact. Car les grandes solutions - qu'on pourrait qualifier et que même plusieurs ont qualifiées de préfabriquées - ont été, si on peut se permettre l'expression, taillées en pièces par les intervenants de la commission parlementaire. Ils y ont trouvé plusieurs défauts, plusieurs lacunes et ils ont constesté les politiques que le gouvernement proposait pour le transport en commun. Même - nous allons y venir tantôt - nous allons voir que le projet de loi actuel est un recul du gouvernement sur plusieurs des politiques que lui-même avait proposées dans son livre blanc.

Venons au problème précis du projet de loi actuel. Nous savons qu'il y a un problème d'argent, un problème d'équipement, un problème de tarifs, un problème de fonds publics massifs qui sont injectés dans le transport en commun, dans la région de Montréal spécialement. L'urgence de l'adoption du présent projet de loi est due à deux problèmes majeurs. Il y a le problème de la rive sud et il y a le problème de la CTCUM et des territoires desservis par la CTCUM. Le problème s'est produit parce qu'à un moment donné la CTRSM a été obligée d'acheter les actifs de Métropolitain Sud, pour fournir les services à la rive sud. Elle a été obligée de le faire à la suite de la politique du gouvernement. La CTRSM a été constituée en 1971 pour desservir un certain territoire et, en 1977... (16 heures)

Je pense qu'il est bon de rappeler les faits qui ont conduit à la situation actuelle qui nous oblige maintenant et qui oblige le gouvernement à faire adopter le projet de loi actuel pour résoudre un problème très particulier et très sérieux qui existe, soit avec la CTRSM, soit avec la CTCUM et qui concerne aussi toutes les municipalités qui sont concernées par le service en dehors de la région de Montréal qui est desservie par ces deux commissions de transport. En 1971, la CTRSM a été constituée. En 1977, Boucherville manifesta le désir d'être desservie par la CTRSM afin d'augmenter le niveau de service et l'étendre à l'ensemble de son territoire, mais à cette époque, la Loi constituant la CTRSM ne lui permettait pas d'exproprier ou d'acquérir de gré à gré Métropolitain Sud, parce que la majeure partie des activités de cette dernière étaient situées en dehors du territoire de la CTRSM.

En effet, avant la modification de juin 1978 à la Loi constituant la CTRSM, il fallait qu'une entreprise soit exploitée en tout ou en grande partie à l'intérieur du territoire pour qu'elle puisse être acquise par la commission de transport. C'est pourquoi à partir de juillet 1977, la Commission de transport de la rive sud avait conclu un contrat de location d'autobus avec Métropolitain Sud afin de desservir Boucherville, mais le problème était que le service de Métropolitain Sud était un service de transport en majorité interurbain et c'était un problème sérieux parce que les problèmes et les activités de transport urbain et interurbain ne sont pas nécessairement compatibles.

Cette opinion fut corroborée par une étude du ministère des Transports qui indiquait, et je cite l'étude: "II n'apparaît pas souhaitable d'engager la CTRSM dans l'exploitation d'un réseau interurbain en liant l'extension de ses services dans Boucherville à une acquisition par voie d'expropriation de l'ensemble des actifs de Métropolitain Sud dont l'exploitation est en plus grande partie interurbaine." L'étude du ministère des Transports avait averti le gouvernement de ne pas procéder de cette façon parce qu'il y avait des problèmes incompatibles. La Loi constituant la CTRSM fut modifiée en 1978 et lors des délibérations de la commission permanente des transports chargée d'étudier ce projet de loi, le ministre des Transports exprima son intention de confier le soin de gérer le réseau de Métropolitain Sud à une filiale de la CTRSM dont l'administration serait séparée. Mais ce n'était pas de cette façon qu'on pouvait éviter les problèmes qu'on a connus après que cette loi fut adoptée et que le ministre des Transports ait obligé à cette opération.

À l'époque, le conseil des maires avait indiqué clairement qu'il ne voulait être responsable d'aucun coût susceptible de résulter du fonctionnement de cette soi-disant filiale. Dans l'esprit du conseil des

maires, la décision d'acquérir Métropolitain Sud reflétait beaucoup plus une volonté de rendre service jusqu'à ce qu'une solution puisse être élaborée plutôt qu'une volonté d'étendre le rayonnement de la CTRSM à l'ensemble du territoire desservi par Métropolitain Sud. Ce furent des impératifs économiques et politiques - je ne sais pas de quelle importance, mais c'était plutôt politique qu'économique - qui ont fait qu'il a fallu acquérir l'ensemble des actifs de Métropolitain Sud afin d'obtenir le permis d'exploitation de Boucherville et c'est ainsi que la vocation originale de la CTRSM qui était celle d'exploiter un service urbain de transport en commun fut élargie au service interurbain et que fut créée sa filiale. C'est ainsi que les problèmes de cette filiale de la CTRSM ont commencé. Ils ont abouti à la situation dans laquelle on se trouve aujour'hui. Il faut adopter un projet de loi à la mi-décembre pour qu'il soit mis en vigueur dans deux semaines pour régler un problème assez crucial qui est survenu au cours des dernières années à la suite du projet de loi du ministre qui a imposé cette solution.

Dans le cas de la compagnie Métropolitain Provincial - juste pour terminer sur cet aspect; il y avait une dimension financière aussi à l'acquisition, nous y reviendrons tantôt - elle a été acquise par la CTCUM en 1980. À la suite de la rumeur que laissait planer le rapport de l'étude Origine-destination, qui avait été effectuée en 1977 quant à l'expropriation de Métropolitain Provincial et la présence de la CTCUM sur le territoire, les élus de la région de Repentigny-l'Assomption ont formé le Comité de transport intermunicipal pour étudier toute alternative à cette éventualité, et un comité d'étude ayant pour mandat d'étudier la pertinence d'établir une corporation intermunicipale de transport sur le territoire. Les conclusions étaient favorables.

Ils voulaient former ce conseil intermunicipal, les municipalités étaient favorables, mais toutes les municipalités s'étaient opposées à défrayer tout déficit encouru pour le service de transport par la CTCUM. Les municipalités voulaient un certain service, avaient proposé une certaine structure et le gouvernement en a imposé une autre sans le consentement des gens affectés. Après que des études eurent été faites démontrant la nécessité d'un autre organisme, une autre façon de fournir du transport en commun, en octobre 1980, ces usagers, ces municipalités ont vu l'arrivée de la CTCUM sur leur territoire. Il y a eu des menaces de faillite, etc. En tout cas, cela a été fait par le gouvernement, il a imposé cet achat et, par la suite, c'est la CTCUM qui a fourni le service à ces différentes municipalités.

La conclusion de tout cela est que la CTRSM et la CTCUM ont été pour ainsi dire forcées d'acquérir des compagnies privées; d'autre part, les municipalités n'ont pas été consultées dans ces décisions. Même si le ministre nous dit qu'il a consulté quelques-unes des municipalités, cela a été fait sans leur approbation, sans leur consentement. Aucune des parties n'y a trouvé son compte: les commissions de transport se sont retrouvées avec un nouveau service sur les bras, un service interurbain par surcroît, dans le cas de la rive sud, pour lequel les problèmes et les besoins sont significativement différents, et les municipalités concernées se voyaient imposer un service dont elles n'avaient pas participé à la définition, sur lequel elles ne pouvaient pas se prononcer mais dont elles devaient toutefois payer la note en acquittant leur quote-part des déficits d'exploitation et des coûts d'acquisition. C'était vraiment une formule désastreuse.

Quand on impose des solutions qui ne sont voulues ni par le transporteur ni par l'usager, c'est ce qui arrive. Les municipalités ne le voulaient pas, mais pour des raisons politiques, à court terme, pour résoudre certains problèmes, le gouvernement a imposé la structure, le service, le coût d'expropriation et on a imposé un coût à l'usager pour quelque chose dont personne ne voulait. Naturellement, quand vous rassemblez tous ces éléments, vous avez tout ce qu'il faut pour provoquer un conflit; c'est ce qui s'est produit. Et c'est un conflit explosif. C'est ce qui est arrivé au mois de mars dernier.

Curieusement, les municipalités n'avaient pas encore reçu de facture d'une commission de transport depuis deux ans. On impose le service d'une commission de transport, on impose un service de transport en commun, un service fourni aux municipalités sans leur consentement, et on laisse traîner les choses. Deux ans plus tard, on envoie des comptes aux municipalités. Vous savez que le budget des municipalités se fait chaque année. Si une petite municipalité reçoit un compte de deux ans, cela cause des problèmes assez sérieux dans son budget. Ces montants n'étaient pas prévus. Les municipalités ne sont pas des sociétés à but lucratif, qui font des profits; elles administrent leurs affaires et au fur et à mesure qu'elles ont certains besoins, elles imposent des taxes aux contribuables pour payer les dépenses. Si elles ne connaissent pas d'avance le montant de ces dépenses, c'est difficile pour elles d'imposer ces taxes. Elles se retrouvent avec des montants à payer pour lesquels elles n'avaient pas les fonds. Nous reviendrons aux augmentations. (16 h 10)

Elles ont fortement protesté en refusant de payer. Elles ont même porté leur

cause à la Commission municipale demandant le retrait au 1er janvier 1984 des commissions de transport. Le terme de l'entente allait jusqu'à janvier 1984. C'est à ce moment-là que le ministre des Transports a offert de payer 100% des coûts d'acquisition des compagnies privées au lieu des 75% qui avaient été prévus. Quant aux factures qui couvraient les déficits d'exploitation, il n'y avait rien à faire, c'était aux municipalités à les payer.

Je pense qu'il serait bon de regarder un peu l'évolution du conflit pour comprendre pourquoi le gouvernement a été obligé de faire adopter le projet de loi à l'Assemblée nationale. D'après ce qu'on pourrait tirer des difficultés que le conflit a créées, des coûts prohibitifs, du manque de contrôle, cela pourrait peut-être servir de leçon au gouvernement pour éviter les mêmes problèmes à l'avenir.

En mars 1983 plusieurs municipalités ont contesté les factures de la CTCUM à la Commission municipale du Québec. Curieusement, le ministre a appuyé les revendications de la région de Repentigny par exemple. Le ministre ne pouvait pas dire autrement que les municipalités avaient raison. Il n'avait pas reçu d'information sur les factures de la CTCUM et il avait dit que c'était inconcevable qu'aucune facture ne soit parvenue aux municipalités plus de deux ans après l'arrivée de la CTCUM sur le territoire. Je comprends que le ministre n'avait vraiment pas le choix de sympathiser avec les municipalités, car c'était sa loi qui n'avait pas imposé cette obligation. La loi, qui avait créé le service pour les municipalités, n'avait pas imposé l'obligation de fournir ces montants. Il n'y avait pas eu de supervision adéquate pour s'assurer que les municipalités seraient informées en temps et lieu, en temps nécessaire pour qu'elles puissent inclure ces montants dans leur budget.

Le ministre a informé les municipalités que Québec pourrait prendre à sa charge les coûts d'expropriation de Métropolitain Provincial quant à la CTCUM mais à deux conditions: que les municipalités paient les factures du déficit d'exploitation et que les municipalités décideront elles-mêmes de l'avenir du transport sur leur territoire. Il y avait là trois formules possibles: le contrat de service avec la CTCUM, la formation d'une corporation locale de transport pour avoir le contrôle ou le contrat avec une entreprise privée.

La décision de la Commission municipale sur les plaintes des conseils municipaux qui contestent leur facture de la CTCUM est dans le sens que celle-ci a facturé de la seule façon que la loi l'avait indiqué, soit sur le potentiel fiscal et non pas sur la base de services reçus ou d'autre façon. La loi l'imposait et le montant qui devait être payé a été maintenu.

Le ministre n'a pas donné d'espoir concernant les factures rétroactives de la CTCUM plus les factures à venir pour 1982 et 1983. À la suite de la décision de la Commission municipale, neuf municipalités ont décidé de faire front commun sur cette question. Elles sont allées en Cour supérieure du Québec pour faire annuler la décision de la Commission municipale du mois de mai. Elles ont reçu une facture totale de la CTCUM et c'est intéressant de voir les chiffres qui ont augmenté d'année en année et de la façon dont cela a été fait: 20 400 $ pour 1980, 103 000 $ pour 1981, soit cinq fois le prix l'année suivante. Elles ont reçu une facture de 690 000 $ pour 1982. Alors, on peut comprendre la colère de ces municipalités et leur refus de payer. Certaines municipalités avaient même porté à l'attention... À titre d'exemple, la municipalité de L'Assomption paroisse a reçu une facture de 18 000 $ de la CTCUM pour 1982. Or, un relevé indique que seulement onze citoyens de cette localité utilisent les services de la CTCUM. La municipalité doit donc accorder une subvention de plus de 1000 $ par citoyen pour le transport en commun. Dans de telles conditions, le maire avait souligné que cela aurait été plus économique de payer le taxi à ces usagers plutôt que de continuer à payer les sommes imposées par la CTCUM, à la suite de la loi imposée par le ministre.

La loi obligeait ces villes à être desservies par la CTCUM jusqu'en janvier 1984 et à partager les déficits d'expropriation de l'ancienne compagnie Métropolitain Provincial. D'autres événements se sont produits. Il y a eu des gens qui ont commencé à soulever d'autres problèmes. Par exemple, Transport 2000 encourage les pressions des usagers pour empêcher la cessation du service de la CTCUM en janvier, parce que, face à l'augmentation des coûts, face à toute la situation et face aux demandes des municipalités et des usagers, plusieurs groupes disaient: Écoutez! Le service va cesser; on n'aura plus de service de transport en commun. Alors, ils ont fait des pressions, des demandes, pour s'assurer que ce service soit maintenu et que le gouvernement prenne les mesures nécessaires. Il y a même eu les syndiqués de la CTCUM qui réclament maintenant un sommet sur le transport en banlieue, parce que cela crée certains problèmes relativement à leur convention collective, à leur avenir. Ce qui va se produire s'il y a des transporteurs privés? Tout cela, j'y reviendrai spécifiquement dans le projet de loi et je voudrais poser certaines questions au ministre quant à la façon dont ces questions vont être résolues, mises en application, quant aux solutions que le ministre va apporter.

Le gouvernement avait fait une offre

aux 60 municipalités de banlieue, soit de payer environ 600 000 $ de leurs factures à la CTCUM, représentant la totalité du coût d'acquisition de Métropolitain Provincial, et de prendre à sa charge le coût des nouveaux véhicules acquis depuis cette date, pour continuer la desserte de l'ancienne compagnie. Cette offre, qui fait partie des offres du ministre et faisait également partie de la campagne visant à les persuader de faire des arrangements pour le service de transport après le 1er janvier, est conditionnelle au paiement par les municipalités du solde des factures d'environ 2 000 000 $ de la CTCUM pour 1982, 1981 et une partie de 1980. Les maires trouvaient que cette offre ne faisait pas une grande différence avec ce qu'ils devaient payer.

M. le Président, nous voyons les problèmes qui ont été soulevés. C'est vrai que le principe du projet de loi actuel, la création de ces conseils intermunicipaux de transport, apporte une solution à un problème très grave. Mais il ne faut pas oublier que le problème avait déjà été créé par le gouvernement pour ne pas avoir consulté les personnes impliquées et ne pas avoir prévu les conséquences de l'imposition de ce service aux différentes municipalités concernées.

Il y a un problème, je crois, beaucoup plus particulier avec la CTRSM. Je demanderais au ministre, dans sa réplique, de répondre à certaines préoccupations, certains problèmes qui existent particulièrement à cette commission de transport. (16 h 20)

La CTRSM a un certain actif. Elle a un certain nombre d'employés. Je voudrais demander au ministre ce qui va arriver à ces employés et à l'équipement de la Commission de transport de la rive sud le 1er janvier. Je crois que le ministre aurait mentionné - je ne sais s'il l'a fait publiquement ou s'il l'a laissé entendre - qu'il pouvait y avoir une extension de 60 jours avant l'application de la loi en ce qui concerne la Commission de transport de la rive sud. Cette extension de 60 jours va-t-elle résoudre le problème très difficile avec lequel cette commission devra vivre? Il y a la question des employés et de son équipement.

Si les différentes municipalités présentement desservies par cette commission de transport ne concluent pas d'entente avec la CTRSM - je crois qu'il y a un problème dans certains cas, parce que le coût de fonctionnement est plus élevé avec la CTRSM qu'il ne le serait pour les usagers avec un transporteur privé ou d'une autre façon - que va-t-il arriver aux employés qui font maintenant partie de la CTRSM et des actifs, les coûts sociaux et économiques de la cessation du fonctionnement de la commission de transport? Mon collègue, le député de Laporte va traiter davantage de ce sujet particulier.

Les représentations que nous avons indiquent que le problème est beaucoup plus grave que ce que le ministre a laissé entendre. Il ne faudrait pas, en essayant de résoudre un problème pour certaines municipalités, en créer un autre plus grave pour celles qui resteront avec la CTRSM qui auront des sommes additionnelles à payer à la suite d'une loi qui leur aura déjà été imposée par le ministre. Je crois que les demandes qui ont été faites au ministre des Transports seraient d'attendre plus longtemps que le délai de 60 jours afin de permettre à la CTRSM de négocier avec les autres municipalités pour résoudre ce problème des chauffeurs d'autobus et des équipements. Les CIT ne sont pas forcés de négocier avec les commissions de transport. Je crois que c'est logique, parce que, autrement, il ne servirait à rien d'adopter le présent projet de loi, si ce n'est pour essayer de réduire les coûts et de permettre à ces municipalités de prévoir leur propre transport en commun par d'autres moyens qui réduiront les coûts aux usagers et aux contribuables.

Il y a aussi un autre problème concernant la période de transition. M. le ministre, on prévoit certaines mesures de transition pour les prochains trois mois et que la Commission des transports du Québec pourra accorder des permis spéciaux à des transporteurs pour une période n'excédant pas la fin de l'année 1984. Quelles mesures seront incluses dans le projet de loi pour s'assurer qu'il n'y aura pas d'interruption de transport dans ces différentes municipalités? De la façon que le projet de loi est présentement libellé, il n'y a pas de garantie, dans cette période de transition, à moins que les municipalités elles-mêmes en viennent à des ententes immédiatement, il n'y a aucune mesure pour s'assurer que le service ne sera pas interrompu.

M. le Président, nous avons déjà souligné que les propositions du ministre aujourd'hui, le projet de loi, ont été nécessitées par la politique du gouvernement, du fait que le gouvernement avait déjà imposé ce service à ces différentes municipalités. Nous avons aussi donné l'affirmation que le ministère des Transports a reculé par rapport à ses propositions du livre blanc. C'est évident qu'il l'a fait en ce qui concerne la structure à caractère régional, parce qu'on l'abandonne, et selon la proposition du ministre, c'était une structure lourde qui aurait imposé d'autres charges additionnelles et qui serait allée vraiment à l'encontre d'un autre principe que le livre blanc voulait soumettre. C'était que ces décisions devraient être soumises a l'approbation des élus locaux. Quand vous avez tellement de différents paliers de décision, que vous arrivez à une structure lourde de conseil régional, vous réduisez,

effectivement, le pouvoir de décision au niveau local. C'est peut-être ce qui a causé les coûts additionnels que ces différentes municipalités sont obligées maintenant de supporter.

On pourrait souligner aussi que parmi les autres mesures du livre blanc quant aux tarifs, quant à l'autre aspect qui est la façon de financer, ils avaient proposé même d'utiliser les fonds de poste à péage sur les autoroutes pour essayer de financer le transport en commun. Je crois que le ministre, le gouvernement a commis une erreur en promouvant de telles politiques et il se l'est fait dire à la commission parlementaire. On voit, aujourd'hui, qu'il recule des politiques qu'il avait annoncées.

On devrait aussi, M. le Président, déplorer le retard dans la réaction du ministère à une crise qui a été poussée à sa limite, puisqu'au 1er janvier 1984, tout le monde menaçait de couper les ponts. Il y avait un problème sérieux, problème de coûts, de sorte que les gens ne savaient pas ce qui devait se produire dans l'avenir. On arrive maintenant à la dernière minute avec ce projet de loi qui a des conséquences assez sérieuses et qui ne sont pas résolues dans le projet de loi. Quand on dit que l'on va adopter, que l'on va appuyer le principe de la création de ces conseils de transport, c'est une chose. Mais les modalités, les fonds, les paiements pour les équipements, les dettes des commissions de transport existantes, qui va les assumer? Qui va assumer les dettes à long terme? Qui va assumer la question des conventions collectives?

Je voudrais souligner un autre problème que le ministre a mentionné brièvement, c'est la question des conventions collectives. L'article 45 du Code du travail va affecter les transporteurs privés qui voudront prendre la relève dans ces différentes communautés. Il y a des problèmes possibles, car d'après cet article, un transporteur privé pourrait être obligé de respecter la convention collective de la commission de transport qui la remplace.

Est-ce que le ministre déplace le problème des coûts, le problème des décisions, le problème qui existe maintenant? Est-ce qu'il va être déplacé à un autre niveau, à une commission intermunicipale de transport ou est-ce que le ministre va apporter d'autres solutions? Qu'arrivera-t-il à ces conventions collectives? Quel sera le sort des gens qui sont présentement employés? D'après l'article 45 du Code du travail, toutes ces conventions, les conditions de travail, les salaires, etc., devront être assumés par les municipalités qui vont se regrouper et qui vont être obligées de fournir le transport en commun. Je voudrais que le ministre, dans sa réplique, nous dise ce qui va arriver des actifs de la CTCUM et de la CTRSM qu'elles doivent assumer. Je crois que dans le cas de la CTCUM, c'est un moindre problème parce que le réseau est tellement grand. Ils peuvent peut-être absorber l'équipement pour leur réseau de la région de Montréal, mais dans le cas de la Commission de transport de la rive sud, est-ce que cette dernière va être obligée d'absorber le nombre d'employés et les coûts d'exploitation et la dette qu'ils ont maintenant, alors que le réseau est beaucoup moindre? Le pourcentage va être beaucoup plus élevé pour ces municipalités.

J'aimerais que le ministre nous indique les pourparlers, les discussions qu'il a eues. C'est évident qu'en commission parlementaire, quand nous allons étudier ce projet de loi article par article, nous allons insister pour que certaines garanties soient données afin de ne pas pénaliser les municipalités de la rive sud qui seront aux prises avec le problème. (16 h 30)

Je voudrais dire au ministre que, si les problèmes que nous soulevons ne sont pas résolus d'une façon adéquate, nous allons certainement nous réserver le droit de voter contre ce projet de loi en troisième lecture. Nous approuvons le principe de trouver une solution maintenant aux problèmes créés par le gouvernement, je pense qu'on ne peut contester ce principe, une solution s'impose, mais pour résoudre un problème il ne faut pas en créer trois autres. C'est ce que le projet de loi ne contient pas. Le projet de loi est silencieux sur la question des actifs, sur la question des dettes, sur la question des employés. C'est bien beau de dire que, d'une façon, on n'oblige pas les municipalités à transiger avec la CTRSM, mais, d'une autre façon, la CTRSM, elle, va être obligée de maintenir ses dettes, ses employés, ses chauffeurs selon la convention collective. Il faudrait prévoir un moyen pour ne pas pénaliser ces municipalités.

Il y a un autre aspect du projet de loi, c'est que les subventions aux CIT ne couvrent pas les équipements. Alors, si je comprends bien, après les discussions du ministre avec les représentants des différentes municipalités, celles-ci ne recommandent pas qu'il procède par l'entremise des transporteurs privés. Une autre question qu'on peut se poser, un autre problème s'est présenté, il y avait des transporteurs privés: Métropolitain Sud, Voyageur. Quelle garantie avons-nous que le même problème ne se présentera pas encore si ces municipalités se regroupent et ont un autre transporteur privé? Le problème peut se répéter. Quelle mesure y a-t-il dans le projet de loi pour s'assurer qu'il n'y aura pas une répétition du problème qu'on nous amène aujourd'hui à corriger par le projet de loi?

Mais, si le ministre veut favoriser les CIT plutôt que d'accorder le transport à des

transporteurs privés, je crois que le projet de loi pourrait avoir comme effet l'opposé de ce qu'il recommande, car il n'y a pas de subvention qui couvre les équipements. Alors, les CIT n'ayant pas le moyen d'obtenir de telles subventions, les municipalités seront plutôt portées à encourager le transport privé parce que les transporteurs vont s'occuper eux-mêmes de l'achat des équipements et ce sera une charge moindre pour les municipalités. Le ministre pourrait-il préciser cet aspect du projet de loi?

Le problème des factures n'est pas encore réglé. Il est réglé en partie pour le coût des expropriations, mais il n'est pas réglé pour le coût d'exploitation et cela impose des frais considérables à des municipalités qui, parfois, n'ont pas la capacité - il va falloir qu'elles la trouvent, évidemment - mais cela leur impose un coût démesuré.

Nous croyons qu'il est essentiel de trouver une solution aux problèmes qui existent dans le transport en commun en dehors des régions métropolitaines. Nous sommes d'accord sur le principe qui est contenu dans le projet de loi, soit celui des conseils intermunicipaux de transport. Cependant, les modalités de l'application de ce principe sont laissées en suspens. Il va falloir qu'il y ait des garanties pour les différentes municipalités concernées, afin qu'elles ne soient pas obligées, à notre demande, de subir les conséquences d'une décision que le gouvernement avait déjà prise sans leur consentement. Si tel est le cas, il va falloir que le gouvernement fasse quelque chose.

Il y a l'autre aspect du projet de loi où le ministre semble vouloir dire que les décisions doivent être prises au niveau local, mais il y a certains aspects du projet de loi qui donnent le droit au gouvernement d'imposer des décisions. Je parle spécifiquement de l'article 7, où une municipalité qui refuse de faire partie d'une entente peut être obligée par le gouvernement de le faire. Je sais que le ministre a posé certaines conditions. Il est possible qu'il y ait certains endroits où une municipalité pourrait prendre avantage du service qui va dans le corridor dans lequel elle se situe et ne pas faire partie de l'entente et cela pourrait pénaliser les municipalités environnantes. C'est possible qu'il y ait de tels abus. Mais la façon dont le ministre a libellé son projet de loi laisse la porte ouverte à toutes sortes d'autres abus possibles et il va falloir, s'il veut restreindre l'application de cet article aux situations qu'il a lui-même décrites, que cet article reflète les intentions du ministre. Il va falloir aussi s'assurer qu'il ne pourra pas y avoir d'abus, parce que, trop souvent, c'est déjà arrivé.

Par exemple, dans le cas du West

Island, on a imposé des charges pour le transport en commun avant même qu'on en ait, même avant que le service y soit rendu. Le contribuable a très peu de recours dans un tel cas et il ne faudrait pas que le projet de loi, tel que rédigé présentement, tolère un abus en vertu duquel une municipalité qui, pour une raison ou une autre, ne veut pas faire partie d'une telle entente, y soit obligée, parce qu'il pourrait y avoir des raisons, des pressions politiques, toutes sortes de raisons qui forceraient cette municipalité à participer à quelque chose qu'elle ne voudrait pas. Il va falloir restreindre l'application de la discrétion du gouvernement dans ces articles ainsi que dans les articles quant à la reconduction des ententes si certaines municipalités voient que leurs contributions ou les déficits qu'elles doivent payer ne valent pas vraiment les services qu'elles reçoivent. Elles doivent être en mesure d'avoir toute la latitude possible pour pouvoir se retirer de ces ententes.

M. le Président, il faut que le projet de loi respecte les droits des municipalités et il faut qu'il respecte aussi le droit de celles qui se sont vu imposer dans le passé des charges auxquelles elles n'ont pas consenti et sur lesquelles elles n'avaient aucun contrôle. Aujourd'hui, elles voient qu'elles sont obligées de payer ces sommes additionnelles. Il va falloir que, dans le projet de loi, on inclue des modalités pour résoudre le problème où les actifs, les dettes actuelles ne seront pas imposés à l'avenir à un petit groupement de municipalités. Ce n'est pas leur faute si elles se sont fait imposer cela et ce n'est pas leur faute si, le 1er janvier, les ententes seront terminées, car elles seront alors dans l'impossibilité de récupérer les montants qu'elles ont été obligées de dépenser. Si le ministre est prêt à répondre à ces questions et à donner les garanties nécessaires, nous allons certainement appuyer les efforts du projet de loi. Cela devrait aussi servir de leçon au ministre, qui pourrait l'appliquer dans le transport en commun dans la région de Montréal. On voit ici les conséquences des décisions qui ont été prises sans le consentement, sans la consultation et sans l'appui de ceux qui étaient directement affectés. (16 h 40)

II ne faudrait pas que des décisions semblables se prennent à l'avenir dans le secteur du transport en commun. Et il y aura des décisions assez importantes à prendre, qui vont impliquer le déboursé de sommes énormes. On ne parle pas ici de seulement 10 000 000 $ ou 20 000 000 $, on parle de centaines de millions de dollars seulement dans la capitalisation. On parle de centaines de millions de dollars de déficit dans les coûts de fonctionnement.

Il va donc falloir que le gouvernement établisse des politiques de transport en

commun qui sont réalistes. C'est bien beau, dans le livre blanc, de vouloir promouvoir le transport en commun et, comme on dit ici, de faire du transport en commun "une alternative réelle à l'automobile". Il ne faudrait pas rêver en couleur non plus. Il faudrait être réaliste et prendre des décisions non pas sur la base de ce que devrait être le transport en commun, mais en consultation avec les intéressés et avec le consentement des milieux affectés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Nous avons entendu, tout à l'heure, mon collègue, le ministre des Transports, nous faire la description du projet de loi que le gouvernement présente actuellement en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale. Il me fait plaisir, à titre de ministre responsable de la surveillance et de l'administration des lois qui concernent le système municipal, de m'associer à mon collègue dans la mise en place de ce projet qui est une solution pratique, raisonnable et juste.

Je voudrais d'abord souligner que je souscris aux objectifs du projet de loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal puisque ce projet de loi permet de régler, de façon efficace et réaliste, la situation, disons-le, délicate vécue depuis quelques années dans la région de Montréal.

En principe, le mode d'organisation du transport en commun que nous proposons s'adresse aux municipalités de ce que nous appelons la grande banlieue verte de la région métropolitaine. Je crois que les solutions mises de l'avant permettront aux municipalités qui avaient un problème ou qui vivaient une situation particulière de se doter de services de transport en commun à la mesure de leurs besoins.

Je voudrais brièvement rappeler les quelques principes qui nous ont guidés. Premièrement, nous avons voulu nous servir du modèle des ententes intermunicipales dont se servent de plus en plus les municipalités depuis les quatre années que dure la loi 74, Loi sur les ententes intermunicipales. De façon générale, les dispositions de la Loi sur les cités et villes concernant les régies intermunicipales s'appliqueront au conseil intermunicipal. La formule des ententes intermunicipales donne la responsabilité à chaque municipalité de mettre en commun avec ses voisines toute compétence qui est de son ressort. Cette formule est basée sur le volontariat puisque les municipalités adhèrent librement à une entente et qu'elles établissent elles-mêmes leurs règles de fonctionnement, sous réserve, évidemment, du cadre général établi par les lois municipales. Cette formule, enfin, laisse l'initiative aux municipalités et limite l'intervention gouvernementale au minimum.

Deuxièmement, quant à la question de l'intervention gouvernementale soulevée dans le projet de loi, la portée en est très réduite. La seule exception au principe de volontariat et d'initiative confié aux municipalités réside dans le pouvoir gouvernemental de forcer une municipalité à adhérer à un conseil intermunicipal de transport lorsque les autres municipalités en font la demande et, deuxièmement, que l'absence de la municipalité récalcitrante aurait pour effet de compromettre l'organisation du service ou de le rendre moins économique.

Il s'agit, avant tout, de protéger la chaîne sans briser les maillons, en rappelant qu'il doit y avoir une volonté majoritaire de la part des municipalités. Nous espérons que ce pouvoir ne sera que rarement utilisé et que s'il devait l'être le gouvernement ne devra l'exercer que dans la seule éventualité où il apparaîtrait clairement que toute solution négociée s'avère impossible.

Je rappelle encore une fois que dans un tel cas l'entente doit être accompagnée d'une résolution de chaque municipalité partie à cette entente et précisant les raisons de cette demande. À mon sens l'autonomie des municipalités locales est sauve. Par exemple, si les municipalités parties a une entente s'entendent pour ne pas la renouveler, le gouvernement n'a pas d'autre choix que de constater sa non-reconduction.

Le projet de loi énonce aussi que les pouvoirs d'un conseil intermunicipal en matière de transport sont similaires à ceux d'une municipalité en vertu de la Loi sur les cités et villes et du Code municipal, comme c'est le cas de toute régie intermunicipale pour les fins de cette régie.

Quatrièmement, nous avons voulu aborder ce projet de loi de façon très positive et nous croyons que le monde municipal aura la même réaction que nous. Nous avons préféré un projet de loi distinct pour faciliter la vie des municipalités concernées et éviter une série de modifications au Code municipal et à la Loi sur les cités et villes.

En conclusion, M. le Président, je considère que la consultation qui a été menée auprès des maires dont le territoire est concerné est déjà une garantie. Je pense aussi que la mécanique suggérée, garantie financièrement par l'autorité de la Commission municipale, va se mettre en marche sans heurts ni malheurs dans les prochains mois. L'objectif, en tout cas, est de servir des contribuables et de leur donner droit de regard sur l'argent qu'ils y investissent.

Comme les Québécois s'intéressent de plus en plus aux séances de leur conseil municipal et au montant des taxes qu'ils paient, je m'en remets aux citoyens du Québec et j'ai confiance que leur sens pratique de l'administration produira le succès escompté de cette formule qui est proposée par mon collègue, le ministre des Transports. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le projet de loi qui est devant nous présentement, intitulé Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et modifiant certaines dispositions législatives, comme on l'a mentionné un peu plus tôt, vise - je vais citer quelques parties des notes explicatives - à réorganiser les services de transport en commun dans la région de Montréal à l'extérieur des territoires des commissions de transport. Il prévoit que les municipalités mentionnées dans l'annexe 1 - il y en a environ 150 si j'ai bien compté - pourront faire des ententes dans le but de constituer des conseils intermunicipaux de transport, qu'on appelle communément maintenant les CIT.

Un conseil intermunicipal de transport ou un CIT aura pour objet d'organiser un service de transport en commun dans son territoire et d'assurer une liaison avec des points situés à l'extérieur de son territoire. Ce service de transport ne pourra être effectué que par un transporteur lié par contrat avec le conseil ou avec le CIT.

Il y a bien sûr dans le projet de loi d'autres aspects. Je pourrais mentionner le fait qu'une municipalité qui refuserait, par exemple, de faire partie d'un conseil intermunicipal de transport alors que les autres autour d'elle veulent en faire partie pourra être forcée par le gouvernement d'adhérer à ce conseil intermunicipal de transport. Je sais que ce point soulève beaucoup de réserves chez un grand nombre de maires et chez ceux qui se préoccupent des principes de la démocratie et du respect de l'autonomie des municipalités. Je crois que tout à l'heure mon collègue, le député de Laprairie, a l'intention d'en traiter davantage.

On parle aussi dans le projet de loi de modifications concernant les personnes handicapées et également de modifications aux pouvoirs des commissions de transport, entre autres celui qui permettra à une commission de transport de faire l'achat de matériel sans passer par le processus normal des soumissions publiques. Je crois qu'il y a des dangers à permettre à des commissions de transport ou à quelque organisme public de procéder de cette façon-là. Je suis convaincu que nous reviendrons un peu plus tard sur ce sujet. (16 h 50)

En ce qui concerne l'objet même du projet de loi, la formation des CIT, mon collègue, le député de Mont-Royal, le porte-parole de l'Opposition en matière de transport, a bien indiqué tout à l'heure que l'Opposition souscrivait au principe de former des conseils intermunicipaux de transport en dehors du territoire des grandes commissions de transport de la région de Montréal. On sait que, dans la région de Montréal, il y a trois grandes commissions de transport: la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, la CTCUM, dont le territoire de base est l'île de Montréal, la CTRSM, la Commission de transport de la rive sud de Montréal, qui dessert les municipalités de ce qu'on appelle la rive sud immédiate, soit Longueuil, Saint-Hubert, Saint-Lambert, Boucherville, Brossard,

Lemoyne et Greenfield-Park, et également la Commission de transport de Laval, dont le territoire de base est la ville de Laval.

Pour des raisons historiques qui ont été énoncées précédemment, chacune de ces commissions de transport, dans le passé, en est venue à fournir le service en dehors de son territoire de base, le service interurbain. Par exemple, dans le cas de la rive sud de Montréal, on en est venu à fournir le service dans ce qu'appelle la grande rive sud de Montréal qui va aussi loin que les frontières américaines, jusqu'à Sorel et même jusqu'à Philipsburg, à la frontière du Vermont.

Voici ce qui s'est passé. Ces commissions existent et, à l'extérieur de leur territoire de base, le service était fourni et, maintenant, il est fourni en partie par les grandes commissions de transport, les trois dont j'ai parlé précédemment.

Malheureusement, ces commissions n'ont pas été formées dans le but de faire du transport interurbain, mais du transport urbain. Ce n'est pas la même chose de fournir du transport interurbain et du transport urbain. On a appris, au cours des dernières années, ce que cela pouvait coûter de faire du transport interurbain quand on n'est pas équipé pour le faire, quand on n'a pas la vocation de le faire ou l'expérience pour le faire. Les municipalités de ces territoires, hors territoire, ont appris, d'une façon très amère - mon collègue de Mont-Royal en a fait état tout à l'heure -combien cela pouvait coûter en déficits le service fourni à l'extérieur du territoire des commissions de transport.

Les conseils intermunicipaux de transport seront donc appelés à former ou à s'organiser à l'extérieur du territoire des grandes commissions afin de donner du service à leurs concitoyens. Nous souscrivons,

comme je l'ai dit, à ce principe qui permettra aux municipalités locales de déterminer le type de transport, le niveau des services, les horaires, les tarifs, la fréquence et également les conditions financières. Ces municipalités pourront, si elles le désirent, donner un contrat de services à l'entreprise privée. Elles pourront négocier avec l'une des trois grandes commissions de transport dont j'ai parlé tout à l'heure. Elles pourront même donner des contrats de transport à des transporteurs scolaires. Elles s'arrangeront avec leurs fournisseurs de services. Elles pourront signer des contrats qui pourront être à court terme, à moyen terme ou à long terme. Nous sommes entièrement pour ce système qui vise, je pense, à donner un bon service de transport aux municipalités à l'extérieur du territoire des commmissions de transport public et à des coûts qui, espérons-le, seront les plus bas possible. De toute façon, les élus municipaux auront le contrôle sur ces services, sauront exactement ce que cela coûte et pourront prendre des décisions en conséquence.

M. le Président, je voudrais revenir maintenant, après avoir parlé du principe de base du projet de loi, à un des problèmes qui nous apparaît important et que soulève le projet de loi. Mon collègue, le député de Mont-Royal, en a parlé tout à l'heure, mais je voudrais quand même revenir sur ce dossier, celui qui fait en sorte que les filiales de la Commission de transport de la rive sud de Montréal et de la CTCUM, à toutes fins utiles, sont dissoutes par ce projet de loi.

Je voudrais faire une brève rétrospective de ce qui s'est pasé dans le cas de la rive sud de Montréal puisque j'ai eu l'occasion, dans le passé, d'être président du conseil de la CTRSM, la Commission de transport de la rive sud de Montréal. La Commission de transport de la rive sud de Montréal a été formée au début des années soixante-dix et, initialement, elle ne desservait que six des sept municipalités qui forment la rive sud immédiate. En effet, la ville de Boucherville ne faisait pas partie du territoire initial. En 1978, Boucherville ne faisant pas partie de la CTRSM et le désirant, on a discuté de la possibilité de l'y inclure. Il y avait deux façons de le faire. L'une était d'adopter un projet de loi qui aurait inclus Boucherville dans la CTRSM et l'aurait détachée du territoire hors CTRSM. L'autre façon était d'obliger la CTRSM à acheter la compagnie Métropolitain Sud, qui était une compagnie privée qui faisait le service interurbain sur la rive sud de Montréal, à l'extérieur du territoire de la CTRSM, mais qui desservait, par exception, Boucherville.

Or, M. le Président, la solution logique aurait été de dire: Nous avons un territoire urbain qui comprend les six municipalités de base, de Brossard à Longueuil. Nous allons joindre Boucherville à ce territoire, qui est aussi un territoire urbain. Nous allons régler le problème, quitte à dédommager Métropolitain Sud pour la perte de ces territoires. Cela aurait coûté quelques centaines de milliers de dollars, peut-être 1 000 000 $, et on n'en aurait plus entendu parler.

M. le Président, ce n'est pas ce qui s'est passé, et c'est malheureux, je dois le dire, parce que cela a coûté à la rive sud de Montréal et aux municipalités de la CTRSM des millions et des millions de dollars, pour l'erreur qui a été commise à ce moment-là. On a forcé littéralement la CTRSM à faire l'acquisition de Métropolitain Sud.

Peut-on s'imaginer que, pour donner le service dans un territoire aussi petit que la ville de Boucherville, on ait obligé la CTRSM à faire l'acquisition d'une compagnie, Métropolitain Sud, qui desservait toute la rive sud de Montréal, de Sorel aux lignes américaines, en passant par Saint-Jean, Farnham, Bedford, Saint-Hyacinthe, etc.? La CTRSM s'est trouvée, du jour au lendemain, dans l'obligation d'administrer une filiale, Métropolitain Sud, qui ne la concernait vraiment pas. C'est comme si quelqu'un avait voulu acheter un miroir pour son automobile et qu'on lui aurait dit: Si tu veux avoir le miroir, tu dois acheter l'autobus. C'est un peu ce qu'on a fait. Pour pouvoir desservir Boucherville, on a obligé la commission de transport à acheter la compagnie qui donnait des services à 50 municipalités, dans un territoire immense. C'était du service interurbain, service que ne connaissait pas la CTRSM et pour lequel elle n'était pas équipée.

Des pressions énormes ont été faites sur la CTRSM, et il faut avoir parlé aux maires des municipalités de la CTRSM pour savoir ce qui s'est passé. À ce moment-là, je n'étais pas encore maire de la ville de Saint-Lambert, mais les témoignages recueillis à mon arrivée étaient éloquents. Je voudrais simplement citer un extrait du rapport SECOR qui a été publié au cours de l'année 1980 et qui relate justement ces faits. On dit: "C'est à son corps défendant que le Conseil des maires de la rive sud en est venu à se préoccuper activement du dossier de Métropolitain Sud. Faut-il rappeler qu'il autorisa l'acquisition de Métropolitain Sud, afin de permettre à la CTRSM d'assurer les services dans Boucherville et non pas dans le but d'étendre le rayonnement de la CTRSM hors de son territoire."

Cela a été fait, M. le Président, après une série de tractations entre les fonctionnaires du ministère des Transports et ceux de la CTRSM, qui avaient été nommés par le gouvernement et qui étaient téléguidés directement de Québec. Malheureusement, les

maires se sont vus placés, du jour au lendemain, devant un fait accompli, devant une acquisition pratiquement forcée de Métropolitain Sud et les citoyens des sept municipalités de Boucherville à Brossard se sont vus devant la très désagréable obligation d'administrer une commission de transport, Métropolitain Sud, dont elles ne voulaient pas.

J'ai siégé à ce moment-là au Conseil des maires de la CTRSM. C'était absolument loufoque de voir comment nous étions obligés de voter des règlements d'emprunt, de décider de l'achat de matériel, de lignes de transport pour des municipalités qui ne nous concernaient pas, qui étaient en dehors de notre territoire, de faire des dépenses, d'être obligés - parce que, dans le transport public, il y a toujours des déficits - de créer des déficits et, éventuellement de leur envoyer une facture.

Comment cela s'est-il passé? Cela s'est passé par l'adoption d'une loi, adoptée en sourdine par le gouvernement du Québec, en 1978, parce qu'aucun des maires, à ce moment-là, de ces 50 municipalités n'avait été avisé de l'adoption de cette loi. On a amendé la loi de la CTRSM - elle fut sanctionnée le 23 juin 1978 - en disant que la Commission de transport de la rive sud, dorénavant, aurait pour mission de gérer Métropolitain Sud et qu'elle pourrait également établir des tarifs. On pouvait également établir des tarifs pour la filiale, Métropolitain Sud. On devait tenir une comptabilité séparée, parce_ que c'était une filiale, bien sûr. Éventuellement, la CTRSM devait faire parvenir, aux 50 municipalités, un avis adressé aux greffiers et aux secrétaires-trésoriers établissant la quote-part du déficit d'exploitation. (17 heures)

Voilà une bien belle façon de procéder. Vous avez 50 municipalités dans un territoire qui, un bon jour, reçoivent des factures et qui n'avaient aucune espèce d'idée qu'elles étaient responsables pour le service qu'on leur donnait un peu malgré elles et qui n'avaient pas prévu dans leur budget ces déficits, ces montants qu'elles doivent payer.

Cela s'est passé sur la rive sud. Cela s'est passé à l'égard de la CTCUM à Montréal et mon collègue de Mont-Royal, tout à l'heure, a décrit le tollé qui s'est élevé dans toutes ces municipalités quand elles ont reçu les factures. Elles avaient raison. Elles n'avaient pas été consultées et cela s'était fait dans leur dos. Cette loi était injuste, inique et méprisante envers les municipalités. Elle faisait absolument fi de leur autonomie.

On peut dire en conclusion que la CTRSM et la CTCUM ont été, pour ainsi dire, forcées d'acquérir ces compagnies privées. D'autre part, les municipalités concernées, qui étaient les municipalités suburbaines desservies par les compagnies privées avant que ces compagnies soient acquises par la CTRSM et par la CTCUM, n'ont pas été consultées dans ces décisions. Aucune des parties n'y trouvait son compte. Les commissions de transport se retrouvaient avec un nouveau service sur les bras et un service interurbain, par surcroît, pour lequel les problèmes et les besoins sont bien différents des services urbains et les municipalités qui recevaient le service se voyaient imposer un service qu'elles n'avaient pas participé à définir et sur lequel elles ne pouvaient pas se prononcer, mais dont elles devraient toutefois payer la note en acquittant leur quote-part des déficits d'exploitation et des coûts d'acquisition.

En 1980, la CTRSM, consciente de ce problème, décide de le régler. Des consultants furent engagés par les maires des municipalités de la rive sud immédiate pour tenter de trouver une solution pratique et une solution, effectivement, fut trouvée. Il y a sur la rive sud de Montréal cinq grands corridors interurbains dont le point central est le métro de Longueuil et ces corridors s'éloignent du métro de Longueuil vers les frontières américaines dans cinq directions différentes. Or, les maires de la rive sud avaient convenu, après des études sérieuses, d'offrir en vente la partie de ces corridors qui était à l'extérieur du territoire de la CTRSM. On voulait procéder par offre, par demande de soumissions publiques. Il y avait un très grand nombre de transporteurs privés qui étaient intéressés à faire des soumissions pour acheter les permis, l'équipement. On leur aurait transféré probablement le personnel et à ce moment, la CTRSM aurait réglé le problème, n'aurait pas eu à garder le matériel. Les municipalités concernées auraient eu le service du secteur privé et nous n'aurions pas les problèmes qui ont surgi depuis ce temps.

Malheureusement, le ministre des Transports, lorsqu'on lui a demandé de sanctionner le projet, a refusé de le faire de sorte que le problème dure. La situation actuelle, le ministre l'a décrite tout à l'heure. Je ne sais pas s'il a tenté d'apaiser l'Opposition quand il a fait un énoncé de la situation. Il nous a expliqué que dans bien des cas dans les corridors donnés, par exemple, Varennes-Sorel, un conseil intermunicipal était en voie de formation et on entend donner le service à un transporteur privé. Dans le cas de Saint-Bruno, un CIT serait en formation, mais on veut négocier avec soit le secteur privé ou la CTRSM. Quant à Chambly-Marieville-Carignan, une municipalité ne veut pas se joindre. Probablement qu'on fera un CIT. Enfin, si on regarde toute la liste - et je ne veux pas revenir là-dessus parce que le temps passe - on voit qu'il n'y a absolument

rien de réglé actuellement sur la rive sud de Montréal et à peu près aucunement dans la grande région de Montréal.

Les municipalités sont intéressées par la formation de CIT. Elles sont en train d'étudier le dossier. On a amorcé des négociations dans certains cas avec les commissions de transport public, en d'autres cas avec des transporteurs privés. Rien n'est réglé. Or, la loi sera en vigueur le 1er janvier. Qu'est-ce qui va se passer le 1er janvier prochain? Prenez, par exemple, le cas de la Commission de transport de la rive sud de Montréal. Lors de la mise en vigueur de la présente loi, la filiale Métropolitain Sud sera dissoute. On dit dans le projet de loi que ses actifs deviennent la propriété de la CTRSM; cette dernière a également ses obligations. Le service de la dette, lui, demeurera payable par les 50 municipalités de l'agglomération de la rive sud de Montréal.

Alors, de quoi la CTRSM va-t-elle hériter? Voyons ce qu'il en est. Elle va hériter de 43 autobus dont elle n'a plus besoin puisqu'elle n'a plus de service à fournir. Là-dessus, il y a douze autobus qui ont dix ans et plus de service; une valeur d'environ 2 000 000 $. Et qu'on ne vienne pas me dire que la CTRSM pourra utiliser ces autobus au cas où la Commission de transport de Montréal se retirerait du Vieux-Longueuil - comme il semble qu'on soit en train de discuter - parce que ce sont des autobus de type interurbain, donc impossible de les utiliser dans le Vieux-Longueuil. La CTRSM va hériter de 145 employés de Métropolitain Sud dont 91 chauffeurs, 26 employés d'entretien, 10 employés de bureau, 8 agents de maîtrise, 3 cadres intermédiaires, 145 personnes, soit une masse salariale de près de 5 000 000 $ en 1984. Que va-t-on faire de tout ce monde? Il n'y a absolument aucune des municipalités, en dehors de la CTRSM, qui a signé de contrat avec la CTRSM. Et, quand on regarde les prix que doit exiger la CTRSM pour ses autobus - on parle actuellement d'un tarif de 70 $ l'heure - il y a fort à parier que les municipalités à l'extérieur vont plutôt aller vers le secteur privé dont les tarifs sont moins élevés.

Ce qui va arriver, c'est que la CTRSM va être collée avec un budget de 5 000 000 $ par année de salaires et aucune facilité pour négocier parce que, mettez-vous à la place des municipalités hors territoire. Elles savent actuellement que la CTRSM a 145 employés de trop et 43 autobus. Cela va faire une très belle jambe à la CTRSM pour négocier avec ces municipalités. Elle va se présenter à une table de négociation alors que les municipalités savent qu'elle a 43 autobus et 145 personnes de trop. Comment peut-on négocier sur une base d'égal à égal quand un des partenaires est en situation d'infériorité? Ou bien la CTRSM va devoir négocier à rabais, et alors ce sont les sept municipalités immédiates de la rive sud qui vont écoper des pertes, ou bien les municipalités hors territoire vont aller à l'entreprise privée, comme il est fort probable. Selon les informations que nous avons, ce serait ce qui va se produire dans bien des cas.

M. le Président, j'ai parlé à plusieurs maires des municipalités de la rive sud au cours des dernières heures et c'est la stupéfaction actuellement sur la rive sud de Montréal. La plupart des maires n'étaient absolument pas au courant que ce projet de loi était déposé aujourd'hui. Le maire de Longueuil m'a affirmé, cet après-midi, qu'il y a deux semaines, le 21 novembre, il a demandé au premier ministre et à l'ex-député de Marie-Victorin de surseoir au projet de loi pour un an. Il n'en est rien, le projet de loi est sur la table. On ne voit pas comment on peut régler le problème dans les jours qui viennent. Alors, c'est la catastrophe.

Le gouvernement n'a pas consulté les municipalités de la rive sud, elles sont prises par surprise actuellement. Elles n'acceptent pas d'être mises dans une situation où elles devront, à toutes fins utiles, payer les pots cassés à la suite de la négligence du gouvernement.

Je sais que mon temps est terminé, M. le Président, et je vais conclure en disant qu'en ce qui concerne le projet de loi, nous sommes d'accord sur la formation avec les conseils intermunicipaux de transport. Cependant, nous ne pouvons pas accepter que, à l'égard des municipalités de la rive sud de Montréal en particulier, on leur fasse un coup semblable. On a créé des injustices, en 1978, à l'égard des 50 municipalités hors territoire, en leur imposant des conditions qui n'avaient pas été négociées avec elles et, aujourd'hui, on est en train de créer de plus graves injustices envers les municipalités de Boucherville, Longueuil, Saint-Hubert, Bros-sard, Saint-Lambert, Greenfield Park et Lemoyne. Ces municipalités sont en grave danger d'avoir à absorber des sommes d'argent importantes au cours des mois et des années à venir à cause d'un gouvernement qui ne consulte pas, qui agit de façon unilatérale.

Lorsque viendra le temps de voter en commission parlementaire, l'Opposition s'attend que le gouvernement se penche sur ce problème, qu'il consulte les municipalités et qu'il apporte des modifications à sa loi ou des assurances que ce problème va être réglé, sans quoi, M. le Président, nous ne pourrons pas voter en faveur d'un projet de loi qui crée des injustices aussi graves à l'endroit d'une population de 350 000 personnes sur la rive sud de Montréal. Je vous remercie.

(17 h 10)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont et adjoint parlementaire au ministre des Transports.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: M. le Président, il se dit beaucoup de choses dans cette Chambre, mais il me semble que la vérité a des droits. Le député de Laporte vient d'affirmer que ce projet de loi a été déposé en sourdine et à l'insu de tous. Je ne sais pas, peut-être que le député n'est pas au courant de son dossier, mais le lendemain du dépôt de cette loi à l'Assemblée, le ministre des Transports a rencontré à Montréal 60 maires, dont plusieurs de la région de la rive sud, qui sont directement concernés par le projet de loi. De venir affirmer aujourd'hui, dans cette Chambre, que ce projet de loi a été déposé à l'insu des personnes concernées, c'est faire une affirmation totalement gratuite. Soit que le député ne connaît pas son dossier ou qu'il est carrément démagogue dans ses propos.

Une voix: Les deux!

M. Rodrigue: Je reviens au discours qu'a tenu tout à l'heure le député de Mont-Royal. Il a beaucoup insisté, à plusieurs reprises, sur le fait que le projet de loi qui est devant nous constituait un recul par rapport au livre blanc déposé par le ministre en juin 1982. Il faut comprendre que la constitution ou la formation des conseils intermunicipaux de transport est un des éléments qui étaient inclus dans le livre blanc concernant l'organisation du transport dans les régions périphériques de l'agglomération métropolitaine de Montréal, mais il ne s'agit pas là du seul élément contenu au livre blanc. Le livre blanc traitait du financement. Il y a eu des modifications apportées par des lois le printemps dernier de sorte que, si on prétend que le projet de loi constitue un recul par rapport au livre blanc, ce n'est pas conforme à la réalité.

Indépendamment de cela, il me semble qu'il n'y a pas de gêne et qu'il n'y a pas de honte pour un gouvernement, lorsqu'il dépose un livre blanc - qui est, en fait, un énoncé de politique gouvernementale, un énoncé des intentions du gouvernement - à écouter les représentations de la population et à en tenir compte lorsqu'il dépose des projets de loi. Si c'est ce que nous reproche le député de Mont-Royal, je lui dis que nous allons continuer à agir de cette façon, parce que autrement - et je ne sais pas si c'est ce qu'il souhaite - ce serait agir d'une façon tout à fait dictatoriale. Le gouvernement déposerait ses intentions - un livre blanc -et, après, il imposerait à tous les gens concernés, à la population, les énoncés de son livre blanc sans tenir compte de leur désir, sans tenir compte des remarques tout à fait pertinentes et justifiées qu'ils peuvent nous faire sur les projets de loi à l'étude. Ce n'est pas pour rien que les livres blancs existent. Leur objectif est de faire connaître à la population les intentions du gouvernement pour permettre à celle-ci de se prononcer, de réagir et de faire valoir ses points de vue de façon à améliorer les projets de loi, s'il y a lieu. Dans ce sens, je ne sais pas si le député de Mont-Royal veut revenir au système des dictateurs qui existait il y a peut-être une centaine d'années, mais il me semble que la façon de procéder du présent gouvernement est de beaucoup supérieure et je ne vois pas pourquoi on lui ferait un reproche là-dessus.

Le gouvernement actuel n'a jamais caché sa volonté de favoriser le transport en commun et il est un peu normal que, dans un tel contexte, les coûts aient augmenté. Les coûts ont augmenté parce que le service a augmenté. Si on se reporte à 1976, sous le gouvernement de M. Robert Bourassa dont faisait partie le député de Mont-Royal, on avait dépensé en tout et par tout, cette année-là, pour le transport en commun, 55 000 000 $. Par contre, pour les routes et les autoroutes, on avait dépensé 500 000 000 $. Des autoroutes, on en faisait, même qu'on en passait là où on n'en avait pas besoin. Par exemple, l'autoroute Ville-Marie dans l'Est de Montréal a constitué un problème dès le lancement des travaux. Cela constitue encore un problème aujourd'hui, parce qu'il s'agit maintenant d'essayer de terminer ces travaux, mais sans défaire davantage le coeur de Montréal qui a été ravagé considérablement par le gouvernement qui nous a précédés. Il y a eu 1400 logements détruits par le gouvernement libéral de M. Bourassa pour dégager l'emprise de ce qui devait être la future autoroute Ville-Marie. Aujourd'hui, on est pris avec cela et il faut essayer de trouver une solution au problème.

En 1976, 55 000 000 $ pour le transport en commun. En 1984, nous prévoyons dépenser 350 000 000 $. Mais pourquoi? C'est parce que, depuis ce temps, le ministre des Transports du Québec a organisé du transport en commun à Trois-Rivières, à Sherbrooke, à Chicoutimi-Jonquière et sur la rive sud de Québec. En plus, nous avons réorganisé complètement, en réaménageant la Loi sur la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, le transport en commun dans la région de Québec. Le résultat de tout cela? Il y a eu une augmentation de services aux citoyens et une augmentation de l'achalandage global sur les réseaux de transport en commun au Québec. Le nombre d'usagers n'a pas cessé d'augmenter et je pense que c'est l'objectif poursuivi par le gouvernement; je ne vois pas pourquoi on

nous en fait reproche.

Un autre élément a été souligné par le député de Mont-Royal et a trait à la part du financement qu'ont à absorber les usagers du transport en commun. Le député de Mont-Royal a semblé déplorer que la part des usagers n'ait pas cessé de diminuer depuis quelques années. J'aimerais, s'il a l'occasion de le faire en commission parlementaire ou si d'autres intervenants libéraux ont l'occasion de le faire, qu'ils nous indiquent si, dans leur esprit, la part des usagers dans les coûts de transport en commun devrait être plus élevée. À ce moment-là, cela voudrait dire que le Parti libéral propose des hausses de tarifs du transport en commun dans toutes les commissions de transport au Québec. Il faudrait être clair là-dessus. On ne peut pas, d'un côté, déplorer que la part des usagers n'ait pas cessé de diminuer et, d'autre part, s'en tenir aux tarifs actuels.

L'équation est simple. Si les députés du Parti libéral trouvent que la part des usagers n'est pas assez élevée, il va falloir qu'ils soient conséquents avec eux-mêmes et qu'ils proposent de hausser les tarifs. J'aimerais les entendre là-dessus parce que notre politique - on l'a vu récemment dans l'attitude du ministre des Transports concernant la diminution de la taxe sur l'essence - notre attitude a été de permettre aux usagers de profiter de cette économie plutôt que de la laisser aux commissions de transport.

En juin 1982, le ministre des Transports a publié le livre blanc sur l'organisation et le financement du transport en commun dans la région de Montréal auquel je me référais plus tôt. Cet énoncé de politique gouvernementale visait, premièrement, à énoncer toute la problématique du transport en commun dans la région de Montréal et à permettre un vaste débat public sur cette question. En particulier, cela visait à permettre aux élus municipaux, aux représentants des comités d'usagers de se faire entendre et de venir dire au gouvernement de quelle façon ils accueillaient les propositions qui étaient soumises et quel était leur point de vue sur les solutions qui pouvaient être apportées aux problèmes qui ont été identifiés quant à l'organisation du transport en commun dans toute cette vaste zone périphérique autour de Montréal, Laval et la rive sud immédiate de Montréal.

Le livre blanc proposait de transférer aux élus locaux la responsabilité d'organiser le transport en commun sur leur territoire; il proposait également un partage plus équitable et mieux contrôlé des coûts de ce service public. Comme je l'ai déjà indiqué, le livre blanc a été l'objet d'une vaste consultation qui a donné lieu à la présentation de 58 mémoires en commission parlementaire. Cette commission a siégé pendant cinq jours, en octobre 1982. À la suite de cette audition publique, les diverses recommandations, les divers points de vue qui ont été soumis au gouvernement ont été analysés et, finalement, cela a donné lieu à des mesures législatives dont le projet de loi 46, intitulé Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et modifiant diverses dispositions législatives, qui est devant nous, que nous étudions présentement.

Ce projet de loi se situe dans la foulée directe de l'énoncé de politique contenu au livre blanc. Il vise à réorganiser les services de transport en commun dans la grande région métropolitaine de Montréal, en dehors de Montréal, de l'île de Laval et de la rive sud immédiate de Montréal, et il accorde à plus de 150 municipalités de cette grande zone périphérique les pouvoirs nécessaires pour leur permettre d'assurer elles-mêmes l'organisation du transport en commun sur leur territoire, de même que l'organisation du transport en commun vers Laval, Montréal ou vers d'autres centres importants selon les cas. (17 h 20)

Actuellement, M. le Président, il y a trois commissions de transport qui desservent principalement cette zone: la Commission de transport de la communauté urbaine de Montréal, la Commission de transport de Laval et la Commission de transport de la rive sud de Montréal. À la suite de permis qui ont été achetés, du développement du transport dans une zone et dans l'autre, on en arrive aujourd'hui à un réseau où ces trois commissions de transport donnent des services à des distances de leur municipalité de base qui sont parfois aussi éloignées que 50, 60 ou 70 milles, comme c'est le cas de Saint-Donat pour la Commission de transport de Laval. Ces services sont élaborés et décidés par deux, trois ou cinq commissaires qui siègent à ces commissions de transport et qui ont été nommés là à la fois par le gouvernement et par les administrations municipales et, finalement, cela nous donne une situation où les municipalités qui sont desservies par ces commissions de transport n'ont eu rien ou presque rien à dire sur le service qui leur est accordé. Cela nous donne une situation, dans le cas des municipalités desservies par la CTCUM et la CTRSM, où les municipalités doivent payer une quote-part même si elles n'ont eu rien ou peu de choses à dire dans l'élaboration et l'organisation du réseau de transport en commun sur leur territoire et dans leur région.

Il fallait corriger cette situation et le projet de loi qui est devant nous va permettre d'effectuer une réorganisation importante du transport en commun dans ces régions, qui s'articulera principalement autour de la création des conseils intermunicipaux de transport qui seront constitués par des municipalités qui, volontairement, se regrou-

peront et auront conclu des ententes à cet effet. Ce regroupement de municipalités, qui prendra le nom de conseil intermunicipal de transport, aura les pouvoirs d'organiser un service de transport en commun dans son territoire et d'assurer également une liaison avec les points situés à l'extérieur de son territoire, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, les grands centres de la grande région métropolitaine de Montréal.

Organiser un service de transport en commun dans la région ne veut pas dire créer de nouvelles commissions de transport à l'échelle de ces conseils intermunicipaux de transport. Ce que cela veut dire en réalité c'est que ces conseils intermunicipaux de transport auront comme fonction principale de définir le niveau de services qu'ils jugent utile sur leur propre territoire, niveau de services à l'intérieur même des municipalités concernées et entre les municipalités elles-mêmes. Une des plaintes qu'on rencontre actuellement lorsqu'on discute avec les maires de la rive nord de la rivière des Mille Îles, c'est que le transport est organisé principalement en direction de Laval et de Montréal mais le transport à l'intérieur de cette région, de l'est à l'ouest ou de l'ouest à l'est, laisse à désirer. C'est une plainte qui a été constamment formulée au cours des derniers mois envers le service de la Commission de transport de Laval.

Or, le fait de permettre à ces maires de former des conseils intermunicipaux de transport leur permettra de définir eux-mêmes le type de services qu'ils veulent avoir sur leur territoire. De cette façon-là nous croyons que ce service devrait être mieux adapté, répondre davantage aux besoins des populations de ces municipalités.

Les conseils intermunicipaux de transport ne pourront pas, bien sûr, organiser le service eux-mêmes en formant une commission de transport. Ils devront donc, pour assurer ce service, s'adresser soit à des commissions de transport existantes, avec lesquelles ils pourront négocier cependant la nature du service qui sera accordé et les coûts, ou encore, si cela est moins coûteux, s'adresser à des transporteurs privés ou à des transporteurs scolaires qui, actuellement, ont des équipements qui peuvent servir au transport en commun. Pour des zones moins densément peuplées ou pour des secteurs où l'achalandage est moins important, ils pourraient même s'adresser à des propriétaires de taxis pour assurer des services de transport en commun.

Cette gamme de possibilités qui sont offertes aux éventuels conseils intermunicipaux de transport va permettre une souplesse beaucoup plus grande dans l'organisation du transport et va permettre d'adapter les modes de transport aux besoins réels de la population. Au lieu d'avoir des autobus de 50 ou 60 passagers qui, à 22 heures, le soir, circulent dans des rues où il y a peu d'usagers et sont presque tout le temps vides, ce qui coûte extrêmement cher, les conseils intermunicipaux de transport, pourraient très bien s'entendre avec une coopérative de taxis pour assurer ce service. C'est un exemple qui démontre la souplesse qu'on peut obtenir par la réorganisation proposée.

Cela va permettre également d'organiser le transport aux meilleurs coûts possible. L'exemple que je viens de donner, il me semble, est assez évident. Finalement, cela va permettre d'assurer la desserte de zones à faible achalandage qui, aujourd'hui, sont négligées parce que les autobus coûtent beaucoup trop cher pour leur permettre d'y circuler quasiment vides.

Pour ce qui est du financement, les conseils intermunicipaux de transport et les municipalités qui en font partie devront, bien sûr, accepter d'assumer une partie des coûts. Cependant, elles sont assurées de recevoir les subventions que le gouvernement met déjà à la disposition des commissions de transport pour l'organisation du transport sur le territoire de ces commissions. Donc, pour ce qui est des subventions de fonctionnement, le gouvernement va accorder des subventions qui équivalent à environ 40% des revenus des usagers et également des subventions spéciales, telles des subventions pour compenser les tarifs inférieurs qui sont exigés des étudiants ou des personnes âgées. De plus, si on introduit des systèmes comme des cartes mensuelles, le gouvernement, à l'instar de ce qu'il fait pour les commissions de transport, va accorder également des subventions pour compenser le manque à gagner auquel feraient face les conseils intermunicipaux de transport. Donc, au plan des subventions gouvernementales, ces nouvelles structures organisationnelles, ces conseils intermunicipaux de transport vont profiter à peu près des mêmes subventions que celles qui sont accordées actuellement aux commissions de transport qu'on connaît.

En conclusion, M. le Président, je pense que ce projet de loi, qui transfère les pouvoirs aux municipalités en matière de transport en commun, répond aux désirs exprimés par les élus de ces municipalités lors de leur comparution devant la commission parlementaire qui a siégé en octobre 1982. Cette mesure de décentralisation va leur permettre d'organiser un service de transport en commun à l'échelle de leurs besoins et à la mesure de leurs moyens. Nous pensons qu'en agissant ainsi, les usagers du transport en commun dans ces régions seront beaucoup mieux servis qu'ils ne le sont présentement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Jean-Pierre Saintonge

M. Saintonge: Merci, M. le Président. Nous en sommes donc à la deuxième lecture du projet de loi 46, Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et modifiant diverses dispositions législatives. Ce projet de loi, d'une certaine façon, est certainement le bienvenu pour plusieurs municipalités du Québec, principalement sur la rive sud de Montréal et dans la région de Montréal. J'explique pourquoi.

Dans ces régions, des municipalités hors territoire des grandes commissions de transport font face à un problème sérieux qui a été créé par le ministère et dont le ministère est entièrement responsable. Les retards dans la réaction du ministère à cette crise ont été poussés à leur limite puisque, pour le 1er janvier prochain, dans plusieurs municipalités, il y avait menace de disparition du transport en commun si on ne corrigeait pas la situation. Un grave problème a été instauré en raison du coût des services à défrayer et par le fait que plusieurs municipalités avaient décidé purement et simplement, de ne point payer un tel coût et que, en contrepartie, plus de service de transport n'aurait été assuré. (17 h 30)

Le ministère est en partie responsable de cette crise, car lors de l'expropriation des compagnies privées, comme l'a mentionné mon confrère de Mont-Royal et également celui de Laporte, on aurait pu trouver de meilleures solutions et même anticiper les problèmes auxquels les municipalités ont fait face.

La situation adoptée à ce moment-là devait être seulement une situation temporaire. Pourquoi n'a-t-on pas plutôt proposé aux municipalités une solution de rechange à plus brève échéance que d'attendre plus de trois ans ou trois ans et demi avant d'apporter une telle solution de rechange?

D'autre part, les municipalités, justement au moment de la réforme antérieure, n'auraient-elles pas pu être mieux informées? N'aurait-on pu prévoir une meilleure répartition des déficits? Il y a certainement eu, à ce moment-là, un manque certain de planification. L'urgence d'agir n'était pas nécessaire d'une certaine façon. Il aurait été préférable, à ce moment-là, de faire montre de prudence et d'adopter une solution qui aurait permis non seulement aux municipalités d'entrevoir des possibilités de transport à moindres coûts, mais également aux commissions de transport d'assumer, d'une façon moins négative, les conséquences qui ont été imposées aux municipalités environnantes.

Je voudrais également, M. le Président, au début de cette intervention, souligner un point. Non pas le député de Mille-Îles, mais l'adjoint parlementaire au ministre des Transports accusait tantôt mon confrère de Laporte de démagogie, puisqu'il disait que les maires avaient été parfaitement informés, qu'ils étaient au courant de la situation et qu'ils souhaitaient même la réforme. Je dois dire que mon confrère de Laporte m'a confirmé tantôt qu'il a communiqué cet après-midi avec les maires de Longueuil et de Saint-Lambert et que la réaction qu'il a mentionnée tantôt était véridique, ces maires sont renversés et stupéfaits qu'un tel projet de loi soit adopté aussi rapidement, sans que les modalités pour le mettre en vigueur dès le 1er janvier ne soient fixées. On demandait plutôt une attente d'un an, afin de bien se préparer et d'éviter de subir les mêmes inconvénients qu'il y a trois ans ou trois ans et demi, dans des circonstances presque identiques.

Mon intervention portera principalement sur la question du respect de l'autonomie locale à l'intérieur de ce projet de loi à la suite du discours du ministre des Affaires municipales, alors qu'il mentionnait la participation volontaire des municipalités à ces conseils intermunicipaux de transport. Certes, le projet de loi dit que les municipalités décident ou non de participer à une entente. Soit, si elles acceptent d'adhérer à cette entente, mais ce que la loi mentionne, aux articles 7 et 8, c'est que, lorsqu'une municipalité refuse d'être partie à une entente - c'est là le problème - c'est là que le problème majeur est soulevé. Qu'arrive-t-il dans un tel cas? Si une municipalité refuse d'être partie à une entente, même dans un corridor prévu, de cette commission intermunicipale ou de ce conseil intermunicipal de transport, on donne la possibilité d'une intervention discrétionnaire du gouvernement sur la gestion municipale, une ingérence directe du gouvernement sur la gestion municipale en ce qu'il permet une espèce de pouvoir d'arbitrage du gouvernement sur une municipalité dissidente, et je m'explique.

L'article 7 dit: "Lorsqu'une municipalité refuse d'être partie à une entente avec d'autres municipalités et que ces municipalités estiment que ce refus risque de compromettre l'organisation du service de transport en commun ou de le rendre trop onéreux, les municipalités parties à l'entente peuvent demander au gouvernement de joindre cette municipalité à l'entente." Donc, l'action est entreprise, à la suite du refus d'une première municipalité, par les municipalités environnantes. Ce sont elles qui, par résolution, demanderont au ministre d'inclure une autre municipalité dans l'entente, mais à partir du moment où une municipalité a refusé de s'entendre avec d'autres municipalités voisines, cette municipalité n'a plus rien à dire suivant la

loi, n'a plus rien à faire. Quelle est la seule solution? Les autres municipalités s'adressent au ministre et peuvent la faire inclure dans une telle entente. Que fait-on d'un principe de droit bien connu et qui s'applique dans ce cas si on veut respecter l'autonomie municipale de cette municipalité concernée, le principe de droit qui prévoit que chaque personne a le droit d'être entendue, la règle de l'audi alteram partem?

Dans un conflit donné, chaque partie a le pouvoir d'exprimer sa dissidence, d'exprimer pourquoi, en quelque sorte elle ne veut pas faire partie d'une telle entente. Dans le cas présent, il n'est nullement question pour le ministre d'entendre cette partie, du moins au sens de la loi. On permet aux municipalités d'expliquer les motifs. On donne principalement deux motifs. Les deux motifs: Que le refus de la municipalité risque de compromettre l'organisation du service de transport en commun, ou, deuxième motif, de le rendre trop onéreux. Il va de soi que dans un tel cas ces deux motifs qui sont exprimés au ministre, qui sont envoyés au ministre, qui sont soumis au ministre par des municipalités vraiment intéressées à ce qu'une autre municipalité extérieure vienne participer à cette entente, qu'une municipalité dissidente soit intégrée dans telle entente, ces motifs, quand ils seront expliqués au ministre feront sûrement preuve d'une certaine subjectivité de la part des municipalités qui auront à faire valoir leur point de vue au ministre.

C'est bien normal dans les circonstances, je pense, que les municipalités vont tenter d'influencer la décision du ministre, de démontrer au ministre - à leur avantage - qu'une telle municipalité devrait être partie à l'entente. Ce qui n'est pas normal, c'est que la municipalité concernée ne puisse être entendue. Du moins, il n'y a aucune disposition dans la loi qui prévoit que cette municipalité devrait être entendue par le ministre pour que celui-ci décide, oui ou non, si le refus est motivé. Donc, c'est un premier point important à souligner. Il y aurait lieu que cette municipalité qui refuse de participer à l'entente puisse bénéficier d'un droit d'être entendue.

Autrement, qu'arrive-t-il justement du respect de l'autonomie locale? À ce moment, non seulement la décision ministérielle sera une intervention directe du gouvernement sur la gestion municipale, mais également, on permettra d'une certaine façon que certaines municipalités environnantes puissent venir changer la décision d'un conseil municipal, venir changer la décision d'une municipalité concernée de son propre chef. On se retrouve dans une situation où, pour imposer un système à une municipalité, la décision est prise par les municipalités environnantes sans que la municipalité concernée n'ait rien à faire là-dedans. Donc, c'est une ingérence des municipalités avoisinantes dans l'administration même de la municipalité dissidente. Cette situation, à mon point de vue, m'apparaît tout à fait contraire à l'autonomie locale qu'on veut fortement respecter et qui, d'une certaine façon, on se plaît à le répéter, est la base même de tout le système municipal et la base même de toute intervention du ministre et du gouvernement dans les affaires municipales.

M. le Président, je pense que dans un tel cas, également, il pourrait y avoir possibilité que la décision quant à la nécessité d'implanter un service, au lieu d'être confiée au ministre, soit confiée à une autre autorité, possiblement, la Commission des transports du Québec ou même la Commission municipale du Québec, qui serait un organisme neutre. Cela permettrait peut-être une meilleure objectivité en tout cas au niveau des affaires municipales pour les municipalités concernées. À tout le moins, si le ministre décidait de conserver lui-même cette discrétion, il y aurait peut-être possibilité de faire un appel, à mon point de vue, de la décision du ministre à la Commission des transports, par exemple.

Un autre point important à souligner, c'est au niveau justement des municipalités, un point qui, à mon avis, pourrait, d'une certaine façon apporter une solution au problème. Non seulement la municipalité dissidente pourrait faire valoir au ministre ses objections à être incluse dans une telle entente, mais si le ministre, après précision - ou l'organisme qui serait appelé à prendre la décision - constatant que la décision du conseil en question, de la municipalité dissidente n'est pas valable ou n'est pas retenue, il pourrait y avoir une solution, à mon point de vue qui m'apparaîtrait démocratique d'une façon absolue. Ce serait, possiblement, de tenir un référendum dans la même municipalité pour s'assurer que les citoyens de cette municipalité désirent vraiment le service.

Pourquoi un tel mécanisme? Puisque l'assurance d'un service de transport, le fait de donner un service de transport à une municipalité, de faire partie d'une telle entente s'est révélé, suivant les expériences antérieures, d'un coût économique assez considérable, je pense que les citoyens à la limite devraient eux-mêmes se prononcer sur une telle décision. (17 h 40)

Un deuxième point où on peut considérer une ingérence très grande du gouvernement dans l'administration des municipalités. Je me réfère à l'article 8 du paragraphe 2 où on dit que le gouvernement, lorsqu'il approuve l'entente, peut y joindre une municipalité qui refuse d'en être partie. C'est donc le cas où ce n'est sur une base volontaire, mais c'est sur une base décisionnelle du ministre qu'une municipalité

est intégrée dans l'entente. Qu'arrive-t-il dans un tel cas? Dans ce cas, le ministre fixe le nombre de membres que cette municipalité peut déléguer au conseil, il détermine leur nombre de voix et il peut fixer le montant de sa contribution financière. C'est le ministre lui-même qui décide de cette chose.

Dans un cas contraire où tout le monde est d'accord, les municipalités s'entendent et vont fixer elles-mêmes ces modalités. Pourquoi, dans un tel cas, alors que la décision est prise, que la municipalité dissidente est vraiment intégrée à l'entente, ne donne-t-on pas la possibilité à toutes les municipalités, y compris la dissidente, de venir fixer le nombre de membres que cette municipalité peut déléguer au conseil, de déterminer leur nombre de voix et également de fixer le montant de sa contribution? Ce n'est pas parce qu'une municipalité a refusé, si éventuellement, par obligation, on l'intègre dans cette entente, qu'on doit lui nier le droit, au même titre que les autres municipalités, de fixer de telles conditions.

Évidemment, on pourrait mentionner que si une municipalité a refusé d'être partie à une entente, elle pourra vouloir bloquer l'entente à intervenir sur ces modalités. Dans un tel cas, il pourrait y avoir dans la loi un mécanisme d'arbitrage. Si la première possibilité ne fonctionne pas, si la municipalité qu'on veut obliger à faire partie de l'entente ne veut pas procéder de bonne foi, dans un tel cas on pourrait se soumettre à l'arbitrage. Un arbitrage par la Commission des transports du Québec, par exemple, même par la commission municipale ou, si on veut, même la garder au niveau du ministre. Dans un tel cas, il y aurait sûrement une incitation pour cette municipalité de participer plutôt à la décision avec les autres municipalités pour régler elle-même son problème.

Je veux aussi parler de l'autonomie locale, cela concerne les articles 11 et 16 où on donne au ministre un pouvoir d'approbation et également un pouvoir de désaveu. À l'article 11, on soumet à l'approbation du ministre le règlement du conseil qui établit le service de transport en commun et, à l'article 16, on donne au ministre un pouvoir de désaveu du règlement modifiant le service. Pourquoi, dans un tel cas, confie-t-on au ministre un tel pouvoir d'approbation et un tel pouvoir de désaveu? N'y aurait-il pas lieu que ces deux pouvoirs soient concédés à une instance neutre? Je reviens encore, par exemple, à la Commission des transports du Québec. Je crois, d'une certaine façon, que la Commission des transports du Québec possède, pour les commissions de transport en commun, certains pouvoir analogues au pouvoir d'approbation et au pouvoir de désaveu qu'on veut confier au ministre. La Commission des transports du

Québec possède certains pouvoirs concernant précisément la question du service de transport en commun. Ce serait peut-être une façon de confier l'administration de ces pouvoirs à un organisme autonome.

Finalement, M. le Président, je voudrais parler des règles de reconduction ou de non-reconduction de l'entente qui intervient pour la période prévue de chaque année ou à son terme, de toute façon, l'entente peut être reconduite ou non. Dans un tel cas, il y a lieu d'examiner attentivement la situation que le projet de loi nous présente.

À l'article 19, on parle d'une entente reconduite si, de toute façon, aucune des municipalités participant à cette entente ne demande un changement. C'est une reconduction tacite de l'entente en question. Cela va de soi. Il y a une possibilité également qu'une municipalité demande de ne pas reconduire une entente et on se retrouve, à ce moment-là, à l'article 22. Dans un tel cas, il semble que toutes les municipalités à l'entente doivent être unanimes pour que l'entente ne soit pas reconduite. Il y aurait donc un mécanisme qui manque peut-être de flexibilité si plus d'une municipalité... On ne devrait pas exiger, en tout cas, l'unanimité des municipalités pour ne pas reconduire l'entente. Si une majorité des municipalités, par exemple, les trois quarts, n'étaient pas satisfaites d'une telle entente et ne voulaient pas la reconduire, il pourrait certes y avoir une possibilité de considérer justement l'annulation de cette entente, c'est-à-dire de ne pas la reconduire, de la faire cesser purement et simplement. Il y a donc, un besoin, à mon point de vue, de flexibilité qu'il faudrait introduire dans le projet de loi advenant le cas où un nombre fortement majoritaire de municipalités ne voulaient pas reconduire une telle entente.

Il y a un troisième cas. Il s'agit du cas où on veut l'ajout d'une municipalité à l'entente intermunicipale de transport. Dans un tel cas, l'article 20 dit que les municipalités qui sont parties à l'entente, voulant améliorer le service ou en diminuer le coût d'application, peuvent demander au ministre par résolution d'intégrer une autre municipalité à l'entente, c'est-à-dire de reconduire l'entente qui arrive à terme, mais en y incluant une autre municipalité. Dans un tel cas, on revient à ce qu'on a connu tantôt, sous l'article 8, quant à l'intégration d'une municipalité à une entente. Il n'y a rien de prévu, pas de mécanisme pour entendre justement cette autre municipalité qu'on veut faire introduire dans l'entente intermunicipale reconduite.

À mon point de vue, de la même façon qu'il est prévu, à l'article 8, les modalités que j'ai mentionnées tantôt, il y aurait lieu de prévoir dans le projet de loi l'audition de cette autre municipalité qu'on veut ramener

dans l'entente ou qu'on veut introduire dans la reconduction de l'entente pour voir si cette municipalité le désire vraiment ou si elle ne le veut pas, quels sont les motifs de son refus et les analyser d'une façon objective. Encore une fois, si on soumet simplement la décision à la demande des municipalités qui sont parties à l'entente, évidemment, il y aura certainement une forme de subjectivité dans les opinions qu'on donnera au ministre pour inclure cette municipalité dans le service intermunicipal de transport.

Finalement, il y a la possibilité qu'une municipalité demande à ne pas être dans l'entente et qu'on accepte une non-reconduction, c'est-à-dire une exclusion de cette municipalité dans l'entente. Donc, si cette municipalité est exclue, on prévoit dans le projet de loi que le ministre lui-même puisse modifier, par l'article 23, le montant de la contribution financière de chaque municipalité ou le mode de répartition des contributions financières des municipalités demeurant à l'entente. Dans un tel cas, pourquoi, encore une fois, ne pas respecter l'autonomie de ces municipalités et ne pas leur donner la possibilité de s'entendre entre elles sur ces conditions?

En terminant, je voudrais attirer l'attention du ministre sur un point. La loi en question entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Il y aurait une possibilité, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1984, de passer un contrat avec un transporteur pour assurer le service dans les municipalités en question s'il n'y a pas de conseil intermunicipal et s'il n'y a pas d'entente signée. Ce serait une résolution qui pourrait être adoptée en vertu de l'article 82 de la loi.

Les municipalités pourraient passer un contrat avec un transporteur, mais qu'arrive-t-il, si une des municipalités refuse et qu'elle est actuellement desservie? Est-ce que, dans un tel cas, cette municipalité serait privée de transport pendant toute la durée de l'année ou jusqu'à ce que le conseil intermunicipal en arrive à une entente?

Puisque la résolution, de toute façon, doit être adoptée avant le 31 décembre 1983, est-ce que le ministre ne pourrait pas prévoir, dans la période de transition, une espèce de préavis de la cessation du transport dans les municipalités concernées, justement pour éviter un problème majeur, c'est-à-dire qu'à partir du 1er janvier on se retrouve sans transport en commun, dans certaines municipalités qui sont actuellement desservies? Ce sont des ajustements que le ministre devrait considérer afin de s'assurer que toutes les municipalités puissent vraiment bénéficier d'un service de transport en attendant que le conseil intermunicipal prenne les choses en main et conclue les ententes nécessaires avec les transporteurs au meilleur coût possible. Merci, M. le Président.

(17 h 50)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Transports, votre droit de réplique. Je vous souligne qu'il ne reste que dix minutes avant la suspension.

M. Michel Clair (réplique)

M. Clair: Oui, M. le Président, je vais essayer de faire rapidement et terminer à 18 heures.

Après avoir entendu les trois députés libéraux qui sont intervenus, je constate trois choses: d'abord, ils sont capables de lire le projet de loi et de critiquer certains aspects mineurs du projet de loi en tentant de leur donner une importance qu'ils ne méritent pas. J'aurai l'occasion, en commission parlementaire, de répondre sur chacun des points précis, parfois intéressants, qui ont été soulignés par les députés de l'Opposition mais qui, encore une fois, ne concernent pas le coeur du projet de loi.

La deuxième chose que j'ai pu constater, comme chacun des députés du côté ministériel - je pense aux députés de Châteauguay et de Vimont qui ont suivi le dossier - c'est qu'ils ne connaissent pas le dossier du transport en commun en périphérie de Montréal. Le député de Laporte, l'ancien critique - je comprends que le député de Mont-Royal vient d'arriver dans ce domaine, ce n'est pas non plus son milieu - connaît bien ce milieu du transport en commun en périphérie de Montréal. Il a affirmé, cet après-midi, que ce projet de loi a été préparé en tenant les maires dans l'ignorance et en déposant, à la dernière minute, un projet de loi en novembre dernier.

Rien n'est plus faux. J'ai rencontré personnellement, à plusieurs reprises, je ne dirai pas la totalité, parce qu'il est possible qu'un ou deux maires ne soient pas venus, mais la très grande majorité des maires. Pas plus tard que le 17 novembre dernier, au Méridien, à Montréal, j'ai convoqué tous les maires de la région. L'immense majorité d'entre eux est venue. Le député de Châteauguay était avec moi, à ce moment-là, et aussi le député de Verchères, le ministre des Affaires municipales, les maires de Valleyfield et de Châteauguay et les maires de toutes les municipalités en périphérie de Montréal. Donc, ces trois députés libéraux ne connaissent pas le dossier.

Deuxièmement, j'ai entendu le député de Laprairie, tantôt, souligner la possibilité de forcer une municipalité, à la demande des autres municipalités, à se joindre à un conseil intermunicipal de transport. Cela est inscrit dans le projet de loi à la demande même des municipalités qui se sont intéressées, depuis deux ans, au

développement du transport en commun dans leur territoire.

Encore là, ce n'est pas ce qui est le plus grave. Les députés de l'Opposition ne sont pas chargés de la gestion des affaires de l'Etat, en particulier dans le domaine des transports. C'est normal que des députés qui sont dans l'Opposition ne suivent pas cela de trop près, essaient tant bien que mal d'intervenir à l'Assemblée nationale, mais ce n'est pas ce qui est le plus important ni le plus grave. Ce qui est plus grave c'est que ces gens-là, aujourd'hui comme de 1970 à 1976, n'ont aucune politique en matière de transport en commun.

Ce que nous faisons par le projet de loi sur les conseils intermunicipaux de transport, c'est justement de répondre à des années d'imprévoyance en matière de transport en commun, non pas de la part du gouvernement du Parti québécois, mais de la part du gouvernement libéral de Robert Bourassa de 1970 à 1976.

Comment se fait-il que c'est autour de 1976-1977 que Métropolitain Provincial et Métropolitain Sud en sont venues au bord de la faillite? Est-ce que cela s'est développé entre le 15 novembre 1976 et le 20 février 1977? Aucunement. Ces gens-là n'avaient aucune politique de transport des personnes. La construction d'autoroutes leur tenait lieu de politique de transport des personnes dans tout le territoire du Québec. Alors que dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu on avait besoin d'un transport en commun entre Saint-Jean-sur-Richelieu et le coeur de l'agglomération de Montréal, savez-vous ce que ces gens-là faisaient? Ils expropriaient un corridor d'autoroute à quatre voies entre Saint-Jean-sur-Richelieu et Farnham. C'est là qu'ils mettaient l'argent, dans des folies furieuses de construction d'autoroutes. C'est cela qu'ils ont fait pendant les années où ils ont été là.

Le Québec est couvert encore de terrains qui sont la propriété du ministère des Transports et qui devaient servir à la construction d'autoroutes. Il y en a un peu partout; dans la région de Montréal également avec l'autoroute 19, la 640, la 440, la 15. Combien de projets d'autoroutes? C'était ce qui leur tenait de politique de transport en commun. Ils s'étaient désintéressés de la question du transport des personnes.

Si on regarde cela globalement, qu'est-ce qu'ils avaient fait? Dans le domaine du transport écolier ils s'étaient contentés de centraliser cela entre les mains du ministre des Transports et de la Commission des transports du Québec et de donner des augmentations qui étaient en train de gruger les finances de l'État québécois. On a dû, après un régime de sept ans, qu'ils avaient imposé par la loi en 1973, réviser cela et instaurer des mesures de polyvalence dans le transport scolaire. Permettre à d'autres que des enfants de monter à bord quand il y a de la place dans les autobus. Faire de la charte-partie avec des autobus scolaires, ce qui était interdit, et permettre aux municipalités qui le désirent d'avoir recours à des autobus scolaires pour organiser du transport en commun d'appoint. En plus d'en confier la gestion aux commissions scolaires, cela a entraîné des économies énormes. Ils s'étaient contentés de centraliser cela à Québec, c'était mal administré et ils le savent fort bien.

Dans le transport par taxi, vous avez fait la même chose. Vous avez tout centralisé au ministère des Transports du Québec. Il y a eu un bon point - je l'ai dit ce matin en commission - la constitution d'agglomérations. Le reste, M. le Président, cela a été une erreur qu'on est en train de corriger aujourd'hui par le projet de loi 46.

En matière de transport en commun, qu'est-ce qu'ils avaient comme politique? Les augmentations de tarif. C'était cela purement et simplement, le désintéressement. Qu'est-ce que le gouvernement du Parti québécois a fait depuis ce temps en matière de transport en commun? Nous avons introduit la carte d'abonnement mensuelle, favorisé les laissez-passer à tarifs réduits pour les personnes âgées et pour les étudiants, subventionné les municipalités selon leurs revenus pour qu'elles s'organisent en matière de transport en commun. Allez voir aujourd'hui à Sherbrooke. Ils sont dotés de bons instruments de gestion, de bons équipements en matière de transport et cela a servi au développement de cette collectivité. Le député de Mont-Royal disait que l'achalandage n'avait pas augmenté. M. le Président, qu'il aille voir à Sherbrooke. Je pense qu'ils l'ont multipliée par trois au cours des quatre dernières années. Qu'il aille voir à Chicoutimi, à Jonquière, à Trois-Rivières, à Hull, ici même sur la rive sud de Québec, avec la réorganisation de la CTCUQ. Ils n'en avaient pas de politique de transport des personnes et ils n'en ont toujours pas.

Le plus drôle là-dedans, M. le Président, c'est quand le député de Laporte, un ex-président du Conseil des maires de la rive sud de Montréal, vient nous reprocher de vouloir négocier des achats d'autobus. Ah! Ça, c'est une bonne, M. le Président. J'ai eu l'occasion de démontrer, l'autre jour, à quel point il pouvait être - passez-moi l'expression, on dit cela chez nous - dans les patates en ce qui concerne les effets qu'a eus la commande unifiée de 1200 autobus urbains au Québec. Mais il a raison, il était l'un des maires libéraux qui, à l'époque, essayaient de mettre des bois dans les roues quand Lucien Lessard, l'ex-député de Saguenay, a procédé au premier regroupement de la commande unifiée d'autobus. Qu'est-ce que le député de

Laporte a fait à cette époque? La première fanfaronnade qu'il a faite en arrivant à la présidence de la Conférence des maires de banlieue a été de dire: II y a une trentaine d'autobus de trop; on veut les vendre, essayer de congédier son directeur général avec lequel il s'est mal entendu pendant toute la durée de son mandat. Finalement, il a vendu 30 autobus à la CTCUM que la CTRSM a été obligée de racheter quelques années plus tard à cause de ses erreurs.

C'était leur politique en matière de transport, la construction d'autoroutes, essayer au minimum de réduire le potentiel de développement du transport en commun et ce au plus grand détriment des populations desservies.

Si aujourd'hui on propose un projet de loi du type de celui-ci pour remettre entre les mains des élus municipaux la responsabilité qu'ils désirent avoir en matière d'organisation du transport en commun, c'est parce que cela fait des années qu'ils attendent cela, M. le Président; et si le Parti libéral avait été plus vigilant de 1970 à 1976, nous n'aurions pas fait face à la faillite appréhendée de Métropolitain Provincial, de Transurbain et de Métropolitain Sud et de combien d'autres systèmes de transport privés, de 1976 à nos jours. Eux qui étaient les grands propagandistes de l'entreprise privée dans le domaine du transport en commun, de 1970 à 1976, ils l'ont laissé s'étouffer progressivement par l'absence d'une politique cohérente de transport des personnes. Ils n'avaient qu'une seule idée en tête: favoriser la construction d'autoroutes et l'automobile privée. Ils laissaient pour compte non seulement les transporteurs privés, mais aussi les 800 000 usagers quotidiens des systèmes de transport en commun au Québec. Ce sont 800 000 personnes qui utilisent chaque jour les services de transport en commun. Ces gens sont justement des gens qui n'ont pas toujours les moyens de se payer une automobile, à qui on doit fournir un choix autre que l'automobile privée. Non pas qu'on ait quoi que ce soit contre l'automobile, mais pour ceux qui n'ont pas les moyens de s'en payer - il y en a dans la périphérie de Montréal, également; il y en a 4000 par jour sur chacun des deux systèmes - c'est une responsabilité du gouvernement d'essayer de les organiser en transport en commun. On voit que cela a des retombées non seulement pour les usagers du transport en commun, mais pour l'industrie de la fabrication du matériel roulant au Québec, comme j'ai eu l'occasion de le démontrer au député de Laporte l'autre jour. Je vous remercie, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la deuxième lecture du projet de loi 46, Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et modifiant diverses dispositions législatives, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des transports

M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission permanente des transports.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: Concernant les commissions, M. le Président, j'aurais, avec le consentement de l'Opposition, une motion à présenter afin que, ce soir, de 20 heures à 24 heures, contrairement à ce qui avait été annoncé ce matin, la commission permanente de la fonction publique ne siège pas, sauf qu'au salon rouge, la commission permanente des transports siégera pour étudier le projet de loi 47 article par article et, au local 80, la commission permanente de la justice, afin d'étudier le projet de loi 36 article par article.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip adjoint.

M. Picotte: M. le Président, avant d'accorder notre consentement, est-ce que la commission permanente de l'éducation doit siéger aussi? Je crois qu'il y aura trois commissions qui vont siéger ce soir.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: Avec l'autorisation qui avait été donnée ce matin.

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Consentement. En conséquence, la Chambre suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise de la séance à 20 h 03)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre place.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je vous

demanderais d'appeler l'article 3) de notre feuilleton.

Projet de loi 38

Reprise du débat sur la deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): Reprise du débat sur la motion du ministre des Affaires municipales proposant que le projet de loi 38, Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités, soit maintenant lu pour la deuxième fois. La parole est au député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, encore une fois, dans cette Chambre, pendant cette partie de la session que nous avons ouverte il y a seulement deux ou trois semaines, nous sommes là pour discuter une question qui revient malheureusement beaucoup trop souvent. L'histoire se répète toujours beaucoup trop souvent, malheureusement.

Encore une fois, nous sommes confrontés à une question des droits du Québec versus les droits du gouvernement fédéral canadien.

Dans mon cas, il y a seulement une semaine, j'étais le porte-parole de notre parti par rapport à la loi 48. Une loi qui avait justement les mêmes symptômes que le projet de loi 38 et qui était le symbole même de cette confrontation continuelle qui oppose le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral.

Dans toute cette affaire de confrontation continuelle entre les droits du Québec, d'une part, et les droits du gouvernement fédéral, d'autre part, il faut se poser la question principale: Qui parle dans tout cela des droits des citoyens eux-mêmes? Des droits des gens qui sont impliqués au sein même de cette confrontation continuelle entre deux parties qui ne veulent pas s'entendre?

On parle toujours ici des droits du Québec et, là-bas, je suppose, à Ottawa, on parle des droits du fédéral. Mais est-ce que dans chaque enceinte parlementaire on s'arrête pour poser la question: Qu'est-ce qui arrive des droits des citoyens qui sont impliqués dans ces confrontations continuelles? On semble oublier les gens pour lesquels nous sommes ici et que nous avons la vocation de servir. En fait, cela me fait me rappeler ces soirs où on venait de temps en temps - je pense que cela s'est passé beaucoup trop souvent - pour des lois spéciales qu'on discutait bien tard dans la nuit, par exemple, la grève des transports de Montréal au coeur de l'hiver comme maintenant, où les autobus et le transport en commun étaient arrêtés dans la ville de Montréal. Là aussi, c'était une guerre de droit, une confrontation de deux parties qui se faisaient face. Personne ne voulait céder. Aucun ne voulait écouter l'autre. C'était cette fois la guerre du patronat, la CTCUM, la ville de Montréal ou quoi que ce soit, l'entité patronale et les droits de l'autre, le syndicat ou les syndicats. Toute cette confrontation qui opposait en un sens un pouvoir à un autre, c'était toujours, encore une fois, le citoyen qui était l'otage, le citoyen, lui, qui n'avait aucune voix au chapitre, aucune façon de se défendre dans cette guerre de coqs de bataille. Là, il y avait une guerre, deux boxeurs qui s'affrontaient, une confrontation de droit, un qui dit: Moi, j'ai raison; l'autre qui dit: Ah non! C'est moi qui ai raison. Et dans ce dialogue de sourds, ce dialogue continuel où deux pouvoirs s'affrontent continuellement, le seul qui souffre dans l'affaire, c'est le citoyen ordinaire, le citoyen qui, lui, n'a pas de voix au chapitre, qui n'est pas là pour dire son mot dans toute cette mésentente entre deux parties qui se battent sur son dos.

Cela me fait toujours penser, lorsqu'il y a des grèves, que la seule partie qui devrait se faire entendre, c'est le citoyen qui, lui, est lésé dans ses droits fondamentaux. Il n'a jamais voix au chapitre. Il n'est jamais là pour se situer à la table de la confrontation, pour dire son mot, pour dire: Arrêtez ce dialogue de sourds. C'est un peu cela que nous, comme parti d'Opposition à l'Assemblée nationale, nous voulons être, en un sens, la partie qui essaie de vous dire, au nom de ces citoyens qui sont délaissés à chaque fois: Cessez ces querelles inutiles. Cessez ces querelles stériles. Cessez ces querelles négatives qui n'apportent de bien ni au gouvernement provincial, ni au gouvernement central d'Ottawa, le gouvernement fédéral et qui font que les citoyens vous disent à chaque fois: Faut-il, dans n'importe quel système, qu'il y ait une querelle avant que les gens commencent à entendre raison?

Les gens, les citoyens ont parlé fort. Ils vous parlent fort dans toutes les élections. Ils ont parlé fort récemment aux élections partielles. Ce qu'ils vous ont dit dans ces élections partielles à Jonquière et à Mégantic-Compton, c'est qu'ils sont tannés, qu'ils sont fatigués, qu'ils en ont assez des querelles stériles. Tout ce qu'ils veulent, les citoyens, c'est que nous recommencions à nous entendre, que nous recommencions à agir avec bon sens, avec un sens commun, à agir comme des individus agiraient dans n'importe quelle circonstance de la vie, que ce soit en affaires, que ce soit pour des contrats d'achat ou de vente de maison, comme on le fait tous les jours. Qu'est-ce qu'ils font? Ils s'assoient à une table pour négocier. C'est sûr que chaque partie veut

des choses tout à fait différentes; c'est certain qu'il y a des intérêts conflictuels au début mais, sûrement, à la fin, on se rencontre dans un certain compromis. Une partie offre une chose, une autre offre une autre chose et, à un moment donné, on en vient à un compromis, à une entente quelconque, à un certain consensus, on arrive à s'entendre car, autrement, la vie ne serait plus vivable. (20 h 10)

Qu'on pense à n'importe quelle circonstance de la vie, qu'on pense à un achat à faire dans un supermarché, si on ne trouve pas ce qu'on veut dans un seul supermarché, on va voir dans un autre. Si on ne trouve pas ce qu'on veut dans un centre commercial quelconque, on va voir dans un autre. Si on ne trouve pas ce qu'on veut dans un magasin quelconque, on va dans un autre. Éventuellement, il y a un équilibre qui se fait, les parties se rencontrent, on trouve ce dont on a besoin et on réussit à s'entendre d'une façon ou d'une autre.

Mais ici, entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, se situe une espèce de lutte, une bataille de coqs, deux parties qui cherchent tout le temps à dire: Moi, je suis le plus fort; non, c'est moi qui ai raison; non, c'est moi'. Dans cette guerre inutile, cette guerre stérile, cette guerre négative qui ne cesse jamais, le seul qui souffre, c'est le citoyen. L'ironie du sort veut que ce soit ce même citoyen qui, lui, paie des taxes, qui, lui, paie des impôts, qui, lui, nous a élus ici pour le représenter comme députés. C'est lui qui vous dit: Comment des gens de bon vouloir, des gens d'intelligence raisonnable, d'un côté et de l'autre, ne peuvent-ils pas s'asseoir à une table pour s'entendre et en arriver à un genre de compromis, une espèce d'entente comme cela se produit pour toutes les circonstances de la vie et tous les jours?

N'est-ce pas l'ironie de la chose, par rapport à ce projet de loi 38, que, de l'autre côté de la Chambre, on proclame tous les jours que le gouvernement fédéral se fait de plus en plus centralisateur, se fait de plus en plus puissant, qu'il repousse toutes les avances du gouvernement provincial? Pendant qu'on proclame que ce gouvernement fédéral est tellement puissant, tellement centralisateur, de plus en plus dominateur, de plus en plus centralisateur, c'est la même chose qu'on fait avec nos municipalités parce qu'on les traite comme des enfants d'école à qui on dicte des choses, avec qui on ne veut même pas s'asseoir et négocier. Les municipalités qu'on traite comme des gens en tutelle, à qui on dit: Si vous ne faites pas à ma façon, je vais proclamer une loi et je vais vous faire cela à ma façon. Pendant ce temps-là on dit que le fédéral est centralisateur, qu'il est trop puissant, qu'il est tout à fait dominateur. Peut-être que les gens qui disent cela ont raison. Mais, en même temps, on fait exactement la même chose avec les municipalités. Si vraiment vous dites que dans une fédération il faudrait qu'il y ait des ententes, il faudrait que les gens s'entendent, est-ce que ce n'est pas vrai aussi avec les gouvernements locaux qui dépendent de vous? Est-ce que ce n'est pas la même chose qui se passe dans le cadre de la province par rapport aux municipalités? Ce que vous reprochez vous-mêmes au gouvernement fédéral, vous le faites beaucoup plus avec les municipalités. Par exemple, l'Union des municipalités du Québec a été très claire lorsqu'elle a demandé à Montréal, et je cite sa résolution du 25 février 1983: "L'Union des municipalités du Québec prie les instances fédérales et provinciales de conclure dans les plus brefs délais une entente afin de ne pas priver les citoyens du Québec de l'aide financière qui leur permettrait la réalisation de leurs attentes."

Presque une année après, on est en train de discuter ici d'un projet de loi qui impose des choses parce que entre-temps, presque dix mois après, on n'a pas réussi à s'entendre comme des gens de sens commun et de bon sens. Est-ce ça la réalité politique qui fait qu'aujourd'hui, les contribuables, les citoyens sont tannés des politiciens, des mouvements politiques, des gouvernements, et du gouvernement du Parti québécois de l'autre côté et du gouvernement libéral à Ottawa parce qu'ils sentent que ces gouvernements ne répondent plus à leurs attentes? Ils sentent que ces deux gouvernements ne savent plus les écouter, qu'ils sont dépassés tout à fait parce qu'ils ne savent plus la réalité des attentes des citoyens qui demandent tous une meilleure qualité de vie, qui demandent qu'on écoute leurs contraintes, qu'on écoute ce dont ils ont besoin eux-mêmes, de vivre en paix, de pouvoir réaliser leurs attentes les plus simples et les plus essentielles.

Comme dit l'Union des municipalités, le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral ne peuvent plus s'entendre. Ils se font des dialogues de sourds. C'est à qui a raison. Et pendant ce temps, ce sont les citoyens du Québec qui ont tant besoin de cette aide financière, surtout à une époque de crise économique que le premier ministre et le ministre des Finances ont eux-mêmes qualifiée de crise économique sans pareil depuis bien longtemps, depuis des années, depuis peut-être 50 ans, qui écopent. En cette crise économique où on a besoin plus que jamais d'aide financière, voilà qu'on fait des batailles constitutionnelles, des batailles de lois à droite et à gauche, au lieu de penser aux citoyens qui cherchent une aide financière qui les aidera à se sortir du pétrin pendant une crise économique qui les touche tous, où le chômage est à son plus fort partout au Canada.

Ce n'est pas pour rien que les membres du conseil d'administration de l'Union des municipalités du Québec disaient encore, le 27 août 1983, à Montréal, après le 25 février 1983, date où vous avez adopté une résolution: Rien ne se passe. Plusieurs mois après, ils vous demandent de les écouter encore une fois, parce que le ministre des Affaires municipales ne sait pas écouter. À ce moment-là, ils adoptent une autre résolution qui est proposée par le maire de la ville de Québec, M. Jean Pelletier, appuyée par M. Philippe Bonneau: "Que l'Union des municipalités du Québec réaffirme sa position du 25 février 1983, à savoir que la règle constitutionnelle soit respectée et que les deux gouvernements s'entendent pour que les municipalités ne soient pas privées de fonds disponibles; que l'Union des municipalités du Québec ne voit pas pourquoi, au moment où des pourparlers pour éclaircir le climat sont entrepris, le gouvernement adopterait le projet de loi 38 qui risque d'assombrir le climat actuel; que l'Union des municipalités du Québec réaffirme son désir de respecter la loi constitutionnelle et n'encourage pas les municipalités à défier la loi; que, pour atteindre ses objectifs, l'UMQ demande au gouvernement de retirer son projet de loi 38."

En fait, c'est la province de Québec, l'Union des municipalités, certainement tous les intervenants de notre parti, comme du vôtre, qui admettent que, d'après la constitution, c'est clair que la province a juridiction sur les municipalités. Tout le monde dit que le gouvernement fédéral ne devrait pas s'ingérer dans les affaires des municipalités sans le consentement du gouvernement du Québec, mais, en même temps, il faut qu'il y ait un désir, de part et d'autre, de s'écouter, de s'entendre. Tout ce que les municipalités demandent, c'est que des gens d'intelligence raisonnable, des gens de bonne foi, s'assoient et écoutent. Mais comment voulez-vous aller négocier quand vous-mêmes, tout ce que vous voulez, c'est déstabiliser tout le régime fédéral? C'est un paradoxe que d'essayer vous-mêmes de faire des ententes quand tout ce que vous voulez, c'est que des ententes ne se fassent pas et ne fonctionnent pas. C'est impossible que vous fassiez des ententes quand tout ce que vous voulez c'est de déstabiliser le régime même dans lequel on se trouve maintenant.

Ce n'est pas seulement l'Union des municipalités du Québec. L'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec elles aussi disent, le 22 septembre 1983, dans un communiqué de presse: Ottawa et Québec doivent cesser de se chicaner sur le dos des municipalités". Cela dit tout: "Le projet de loi 38, a poursuivi le président de l'Union des MRC, demeure inacceptable tant par son caractère rétroactif que par la discrétion qu'il accorde au ministre d'intervenir à son tour dans les budgets municipaux." C'est cela la question. Ce n'est pas seulement la juridiction qu'on conteste. Tout le monde est d'accord sur la juridiction.

Tout le monde vous dit: II y a sûrement des façons de négocier. Il y a sûrement des façons de s'entendre sans adopter des lois punitives, des lois qui ont un effet rétroactif, qui donnent des pouvoirs exceptionnels à un ministre de faire ce qu'il veut par rapport aux municipalités. Lui qui réclame les droits du Québec, que fait-il des droits des municipalités, de leur droit d'autonomie, de leur droit de respect à elles-mêmes? Plus tôt, il y a quelques jours de cela, je pense qu'on a parlé de la loi 38. Je ne sais pas si c'était au début de la semaine. J'écoutais un intervenant du côté du gouvernement qui disait - je pense que c'était le dernier intervenant du côté du gouvernement parce que j'ai écrit quelques bribes de son discours: Ce n'est pas nous qui avons commencé la chicane. C'est de cela dont il se servait pour justifier la loi 38. Cela me faisait rappeler des jours d'école quand j'étais tout petit. On disait: Non, ce n'est pas moi qui ai commencé la chicane, c'est toi qui as commencé la chicane. Alors, personne ne veut admettre que c'est lui qui a commencé la chicane et on finit par se donner des coups de poing. (20 h 20)

Est-ce que c'est cela qu'on cherche? Qu'est-ce que cela peut faire si c'est nous qui avons commencé la chicane ou si ce sont eux qui ont commencé la chicane. Si ce sont eux qui ont commencé la chicane, est-ce que c'est la raison pour présenter des lois stériles, des lois négatives, des lois inutiles? Ce n'est pas ma faute, c'est ta faute. Ce n'est pas ta faute, c'est ma faute. Qu'est-ce que tout cela peut faire? Est-ce qu'on n'est pas assez intelligent pour passer par-dessus tout cela? On parle du cadeau du fédéral que les membres du gouvernement fédéral, les députés passent à droite et à gauche. Moi je déplore cela autant que vous. Cela se passe dans mon comté. Cela se passe dans vos comtés. Je déplore cela tout à fait parce que c'est fait sans planification, c'est fait d'une manière arbitraire, c'est fait d'une manière inefficace et sur cela nous sommes tout à fait d'accord. Mais pourquoi cela est-il arrivé? C'est arrivé parce que vous et eux ne pouvez réussir à vous entendre. C'est là qu'on vous blâme. Je ne peux pas croire que des gens de raison, des gens d'une intelligence normale, des gens d'une intelligence minimale ne puissent pas s'asseoir et arriver à une entente quelconque dans n'importe quel domaine.

L'autre jour, j'écoutais le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation me dire: on ne peut jamais s'entendre

avec Ottawa; alors il faut adopter la loi 48; il faut faire valoir nos droits; il faut aller de l'avant; il faut aller faire de la confrontation. Tout ce qu'on cherche, c'est une querelle constitutionnelle continuelle; tout ce qu'on cherche, c'est de faire passer avant tout la question d'étapisme vers l'indépendance.

Le ministre Laurin l'a admis lui-même à la presse dans le cas de loi 48: c'est la première étape dans la guerre de l'indépendance. Tout ce qu'on pense, c'est le paradoxe de l'affaire. On veut déstabiliser un régime dans lequel on ne croit pas du tout. L'article 1 de votre programme, votre option fondamentale, c'est la séparation du Québec. Vous allez négocier avec le préjugé fondamental que cela ne fonctionnera pas. Comment voulez-vous allez négocier dans un système auquel vous ne croyez pas du tout? Comment voulez-vous aller négocier, en supposant que vous êtes des croyants, avec des athées? Vous allez partir au départ avec une barrière, avec une visière, les yeux fermés et les oreilles bouchées. C'est cela qui arrive.

Tout ce que nous vous disons, c'est que l'Ontario et l'Alberta sont actuellement des provinces aussi jalouses de leur autonomie, des provinces dont les municipalités sont aussi jalouses de leur autonomie. L'autre jour, il y avait un député du Parti ministériel qui citait le cas de l'Ontario; c'est un des ministres qui disait: on jalouse autant notre autonomie municipale. Mais ils ont réussi, quant à eux, à se débrouiller avec le gouvernement fédéral pour en arriver à une entente quelconque. L'Alberta est aussi jalouse de ses juridictions que l'est le Québec. Elle l'a prouvé à plusieurs reprises. Mais ils ont réussi à s'entendre. Tout ce que vous cherchez, c'est cette querelle continuelle: vous vous réjouissez de la loi constitutionnelle, vous vous réjouissez de la loi 48, vous vous réjouissez encore de la loi 38. C'est ce que nous n'acceptons pas. Car nous nous disons que, malgré qu'il y ait des fossés idéologiques, on peut toujours arriver d'une façon ou d'une autre, si on est des gens raisonnables, si on cherche le bien du citoyen, à s'entendre, à communiquer ensemble pour s'entendre et arriver à un consensus quelconque. Nous espérons que les citoyens vont nous écouter. Il faut savoir ce dont les citoyens ont besoin: on demande que cessent ces querelles inutiles. Ce qu'ils veulent dire maintenant au gouvernement fédéral à Ottawa et au gouvernement provincial à Québec, lors de toutes les élections partielles, c'est qu'ils en ont assez de vous, qu'ils en ont assez de ces querelles inutiles. Tout ce qu'ils veulent, c'est que vous reveniez au bon sens, que vous reveniez sur terre, que vous recommenciez à négocier. Nous avons assez de lois comme la loi 48 et surtout le projet de loi 38 et nous nous opposons fondamentalement aux deux.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Roberval, adjoint parlementaire au ministre des Finances.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: M. le Président, nous sommes au moins fixés sur une chose. Les députés de ce côté-ci de la Chambre et les députés de l'Opposition sont au moins d'accord sur un principe fondamental: l'intrusion du gouvernement fédéral dans les finances publiques et municipales, ça n'a pas d'allure. L'invasion fédérale dans les projets communautaires, dans les municipalités du Québec, que ce soit directement ou indirectement, nous ne sommes pas d'accord. L'Opposition vient de le dire clairement, le député de Nelligan l'a dit clairement, les municipalités du Québec l'ont dit aussi clairement, l'Union des municipalités régionales de comté l'a dit aussi clairement, l'intrusion inconstitutionnelle du gouvernement fédéral dans l'administration municipale au Québec, personne n'est d'accord.

Là où ça fait un peu curieux, c'est qu'au moment où le député de Nelligan se dit en désaccord profond avec cette intrusion du gouvernement fédéral, avec cette inconstitutionnalité que fait le gouvernement fédéral, au moment même où il prononce ces paroles à l'Assemblée nationale, dans la Gazette, on écrit que, dans le West Island, plusieurs centaines de milliers de dollars sont disponibles en provenance du gouvernement fédéral et sont distribués pour différentes choses: 500 000 $ ici, 385 000 $ là; Lachine, 100 000 $; Pointe-Claire: 100 000 $; Beaconsfield: 100 000 $ et, dans la Gazette d'aujourd'hui c'est plein d'exemples dans le comté de ces messieurs où le gouvernement fédéral outrepasse nettement son mandat.

Le gouvernement fédéral a décidé, dans le West Island peut-être plus qu'ailleurs, d'investir directement des fonds publics dans des projets municipaux. Et, pendant que le député de Nelligan essaie ici, à l'Assemblée nationale, de nous faire la morale en nous disant qu'ils sont d'accord de l'autre côté pour condamner cette invasion fédérale, combien de ces gentils messieurs, combien d'entre eux ont dénoncé vigoureusement, combien d'entre eux ont utilisé ces médias d'information largement diffusés pour faire savoir à la population du Québec que les gestes du fédéral n'ont pas d'allure? Combien?

De ce côté-ci de la Chambre, le ministre des Affaires municipales et les députés ont dénoncé vigoureusement, depuis plusieurs mois, l'intrusion du fédéral. Combien d'entre eux, eux qui nous font la morale ici, à l'Assemblée nationale, ont posé

des gestes publics pour étayer ce que vient de dire le député de Nelligan? Il nous l'a dit clairement, ils sont contre le principe. Ils ne sont pas seuls à être contre, tout le monde au Québec trouve que cela n'a pas d'allure, mais combien d'entre eux ont posé des gestes pour dire à leurs copains fédéraux, à leurs grands frères fédéraux, au Parti libéral fédéral qui est leur maison mère, combien d'entre eux leur ont dit qu'on ne voulait pas d'une intrusion comme celle-là, qu'elle était anticonstitutionnelle, qu'elle était antidémocratique, qu'elle était antipolitique et antiadministrative? Bref, c'est une démarche qui n'a pas de bon sens. Combien d'entre eux ont eu le culot de démontrer et de dire à leurs concitoyens qu'ils n'étaient pas d'accord?

M. le Président, les députés de l'Opposition s'acharnent actuellement, comme certains adversaires politiques du gouvernement, bien sûr, à attribuer au gouvernement du Québec toute la responsabilité et tout le tort là-dedans. Le député de Nelligan tout à l'heure nous disait: Cela a-t-il de l'importance de savoir qui a commencé la chicane? Est-ce important de savoir qui s'est mis dans le tort? Je pense que c'est fondamental. C'est non seulement important, c'est fondamental qu'un gouvernement démocratiquement élu, le gouvernement fédéral, décide de passer outre les principes les plus élémentaires de justice et d'équité, décide d'intervenir directement dans les municipalités du Québec. Que ce gouvernement-ci réagisse vigoureusement, le député de Nelligan, qui parle au nom de son parti, bien sûr, ne trouve pas cela important. Ce n'est pas grave de savoir qui a commencé la chicane. Quand on nous démontre à Ottawa même que la constitution canadienne ne peut plus fonctionner de la façon dont les pouvoirs sont actuellement partagés, ces gens-là refusent catégoriquement de dénoncer des gestes du gouvernement fédéral qui n'ont pas d'allure. (20 h 30)

Ah! si ce gouvernement élève la voix, si ce gouvernement semble avoir provoqué une divergence de vues, immédiatement, ils nous condamnent dans tous les médias. Immédiatement, ils nous fustigent ici à l'Assemblée nationale. Immédiatement, ils attaquent systématiquement tous les ministres qui sont concernés. Mais quand c'est le grand frère fédéral, quand c'est la maison mère, quand c'est le grand patron à Ottawa, ce n'est pas important de savoir qui a commencé la chicane. Il y a une chicane. Courbons la tête. Soyons bons princes. Tassons-nous. Laissons les fédéraux envahir l'administration publique. Laissons-les donc faire ce qu'ils veulent, les fédéraux. Ils perçoivent des impôts. Laissons-les se promener dans les municipalités du Québec. Comme le disait mon collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, laissons-les donc se promener, donner 100 000 $ ici pour une aréna, en donner 250 000 $ à cet endroit, en donner 500 000 $ à tel endroit, en donner 50 000 $ ici. Laissons-les faire. Ce sont des fédéraux. Ce n'est pas important. On sait que ce n'est pas important. Là-dessus aussi, on est d'accord, mais de là à dire qu'il n'est pas important que ces gens-là soient obligés de dépenser les deniers publics avec un minimum de sérieux et en respectant les juridictions des autres gouvernements, là, c'est forti

Les gens de l'Opposition ont réussi ce tour de force de condamner un geste fédéral, d'éviter de le dire à quiconque, cependant, de les laisser gaspiller l'argent public de n'importe quelle façon, mais pas un n'ose lever la voix. Cela prouve une fois de plus -et très clairement - aux yeux de tout le Québec, que les patrons sont à Ottawa, les patrons, ceux qui décident pour vous, ceux qui vous ont sous leur emprise et sous leur joug, ils sont à Ottawa. Quand les patrons décident de se comporter incorrectement, vous ne pouvez que les dénoncer à basse voix. Vous n'osez pas et vous n'oserez jamais. C'est d'ailleurs pour cela que les citoyens du Québec ne vous ont pas choisis l'avant-dernière fois, c'est pour cela que les citoyens du Québec ne vous ont pas choisis la dernière fois et c'est pour cela aussi qu'ils vont vous laisser sur ces banquettes la prochaine fois.

Une voix: Bravo!

M. Gauthier: Pour comprendre le contexte de la loi 38, il faut bien regarder comment est fait notre système fédéral. Quand le Québec a décidé de s'associer avec quelques autres provinces du Canada pour se donner un gouvernement central, on voulait qu'il fasse deux choses: la première, qu'il s'occupe de grandes questions nationales, qu'il était plus commode de confier à un comité de coordination et, la deuxième, était de partager la richesse parmi les régions du Canada afin de leur permettre de se développer à leur propre rythme et selon leurs aspirations. Deux fonctions fondamentales, la base du fédéralisme. Si on regarde la loi 38 de plus près, on pourrait diviser en deux grandes périodes l'histoire de notre pays. La première période va du début jusqu'en 1982 et la deuxième période de 1982 jusqu'à aujourd'hui.

Fidèle à son mandat, en se faisant tirer de temps à autre les oreilles, bien sûr, que ce soit par Robert Bourassa, Jean Lesage, Maurice Duplessis ou par d'autres, le gouvernement fédéral a toujours signé un certain nombre d'ententes pour réinvestir dans les municipalités du Québec, selon un certain nombre de priorités, les impôts qu'il

venait chercher. Comme il ramasse la moitié du portefeuille, il est juste et raisonnable qu'il paie, qu'il contribue sa juste part à l'ensemble des investissements publics.

Avant 1982, ce gouvernement, et d'autres aussi, ont réussi à construire dans les municipalités, tantôt un centre communautaire, tantôt un hôtel de ville, tantôt une caserne de pompiers, tantôt un service d'égout ou d'aqueduc, bref, des travaux utiles, demandés et désirés, des équipements dont on a besoin dans l'administration quotidienne des municipalités. Tous les maires du Québec qui sont à l'écoute le savent ou ont bénéficié un jour ou l'autre de ces programmes conjoints, administrés par le gouvernement du Québec, comme il se doit, comme c'est écrit dans la constitution, mais à frais partagés avec le gouvernement fédéral qui nous retournait ainsi une partie des impôts qu'il prélevait chez nous. C'était durant la période avant 1982.

Un jour, notre ami, le premier ministre fédéral, pas tellement longtemps après le référendum, alors qu'il nous avait promis des changements majeurs, décide de déclarer publiquement que c'est fini le fédéralisme coopératif. Le soir où M. Trudeau a déclaré cela, comme on était habitué à des déclarations pas toujours très significatives, la plupart des gens ont pensé que M. Trudeau s'égarait encore une fois dans l'ensemble du dossier constitutionnel et des relations avec les provinces. On n'a pas porté d'attention plus qu'il n'en fallait à ses paroles; sauf que depuis ce temps, les citoyens du Québec ont le droit de savoir que le gouvernement fédéral refuse systématiquement de signer des ententes avec le gouvernement du Québec. La première raison qu'ils ont donnée: On n'a plus d'argent à mettre là-dedans. Le ministre des Affaires municipales, pensant que les difficultés économiques avaient eu raison du gouvernement fédéral, a essayé de négocier des choses, mais toujours en pensant que la caisse était peut-être moins bien garnie.

Cette histoire a fonctionné jusqu'au jour où on s'est aperçu, dans l'ensemble des comtés du Québec, parce que des médias d'information l'avaient relaté, comme c'est le cas dans l'article que je citais tout à l'heure, que les députés fédéraux se promenaient tantôt avec un million en poche, tantôt avec deux millions, tantôt avec cinq millions ou tantôt avec sept millions, comme c'était le cas dans le comté de Roberval où Mme Suzanne Beauchamp-Niquette, la députée fédérale, se vantait d'avoir 7 000 000 $ à distribuer aux municipalités. Imaginez, M. le Président, un gouvernement qui refuse sa responsabilité la plus élémentaire, soit celle de retourner d'une façon juste et équitable, leurs impôts aux contribuables du Québec, qui se permet de donner à ses députés des cagnottes de 7 000 000 $. Un rien du tout1. 7 000 000 $ pour donner à gauche et à droite, pour faire de la politique.

Mon député fédéral, comme celui de l'ensemble des députés dans cette Chambre, comme celui du député de Nelligan, s'est promené à gauche et à droite, offrant tantôt une carotte à une municipalité, tantôt un fruit à une autre, tantôt un cadeau à un maire complaisant. Et le système a fonctionné pendant un certain temps, jusqu'à ce que le gouvernement du Québec décide de déposer le projet de loi qu'on étudie présentement et qui n'a pour but que de ramener à la raison ce gouvernement fédéral qui est en train de perdre les pédales puisque, les sondages lui accordent une très piètre performance et nous indiquent que d'ici à quelques mois il sera probablement l'Opposition officielle, si ce n'est le tiers parti à Ottawa.

Dans la panique, ces gens-là ont agi comme ils pensaient devoir agir dans les circonstances. Mais le gouvernement du Québec, en déposant le projet de loi 38, a voulu mettre un frein à ça. Le projet de loi 38 n'est pas compliqué. Il dit simplement aux municipalités: Aidez-nous à faire comprendre au fédéral - et on le demande aussi à l'Opposition - aidez-nous donc à faire comprendre au fédéral que ce qu'ils essaient de faire, ça n'a pas d'allure; aidez-nous donc à dire au fédéral que son argent, on le prendra quand il sera dans des programmes normalisés, quand il nous sera accessible de façon équitable et non pas discrétionnaire, selon la couleur des yeux du maire ou, mieux encore, selon sa couleur politique.

Après 1982, finies les ententes. Depuis 1982 les députés fédéraux garrochent les impôts des Québécois sous toutes sortes de formes. On a court-circuité littéralement l'administration municipale. Il se fait dans le Québec un gaspillage de fonds éhonté, des gens qui fournissent dans des comtés sans que les besoins en aient été exprimés, selon leur volonté, qui dépensent des impôts des Québécois de façon tout à fait discrétionnaire. Cela, c'est condamnable.

Que doit faire le gouvernement du Québec dans une pareille situation? le gouvernement du Québec, qui a réformé depuis quelques années la fiscalité municipale pour donner aux municipalités du Québec, à leur demande même, un peu plus de pouvoirs, pour leur donner l'autonomie, pour leur donner la capacité de s'administrer correctement sans avoir à faire les éternels pèlerinages à Québec, comme à l'époque où nos amis d'en face occupaient le pouvoir à Québec? (20 h 40)

M. le Président, après avoir réformé la fiscalité, après avoir répondu à ce désir légitime des élus municipaux du Québec qui

veulent s'administrer chez eux, selon leurs priorités, qui veulent budgétiser et qui veulent réaliser des choses en fonction de leurs besoins, que devait faire le gouvernement du Québec face à un partenaire fédéral qui a littéralement perdu les pédales et qui garroche les impôts des Québécois selon son bon vouloir politique ou selon les intérêts du moment? Le gouvernement du Québec a décidé de stopper l'hémorragie. Il a déposé le projet de loi 38, une loi à caractère fiscal et qui prend effet, comme toutes les lois à caractère fiscal, au moment de son dépôt. Depuis que ce projet de loi a été déposé en juin 1983, les municipalités du Québec savent qu'elles ne peuvent utiliser les fonds qui leur sont souvent donnés sous de fausses représentations. Elles doivent simplement faire entendre raison au gouvernement fédéral. Je serais heureux que les municipalités le demandent clairement, que les gens de l'Opposition le demandent aussi clairement, même si c'est la maison mère, même si les décisions se prennent là-bas. Ils doivent probablement être capables d'un dernier regain de fierté. Ils doivent probablement être capables de dire au gouvernement fédéral: Cela n'a plus de bon sens. Si les municipalités du Québec et l'Opposition s'associent au gouvernement dans cette démarche, on comprendrait vite, à Ottawa, que ce qu'ils font est inaccepté et inacceptable.

M. le Président, avant de terminer, j'aimerais revenir sur l'attitude, sur les propos qu'a tenus M. Asselin, le président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, qui fait également consensus avec nous en disant: D'accord, ce n'est pas de juridiction fédérale. Là-dessus, on s'entend avec M. Asselin, on s'entend avec M. Dufour, on s'entend avec l'Opposition. Tout le monde trouve que cela n'a pas d'allure. Cependant, il réclame qu'il n'y ait pas de rétroactivité, que le projet de loi ne soit pas rétroactif. Je regrette, mais quand on connaît la nature d'une loi fiscale, elle prend effet au moment de son dépôt, et c'est fondamental. Depuis que le projet de loi a été déposé à l'Assemblée nationale, qui de l'Opposition ou quelle municipalité du Québec oserait venir nous dire qu'ils ignoraient qu'ils n'avaient pas le droit d'accepter ces fonds illégitimes? Qui aurait l'audace de venir nous dire qu'ils ont administré en toute bonne conscience, qu'ils ont pris ces fonds pensant qu'ils avaient le droit de le faire? Le projet de loi était déposé. Le projet de loi était clair. Le projet de loi est actuellement débattu et le projet de loi sera voté, M. le Président.

Je pense que ce gouvernement n'a pas le choix d'agir exactement comme ses prédécesseurs l'ont fait, avec un peu plus de courage cependant. Ce gouvernement n'avait pas le choix d'accepter une situation aussi intolérable. Pour répondre au député de

Nelligan qui dit être d'accord avec le principe du projet de loi, je lui dis: Vous devriez, vous autres, pour une fois, faire montre d'un peu de fierté; vous devriez vous associer à notre démarche; vous devriez dire au fédéral que cela n'a pas d'allure; vous devriez avoir le courage et l'audace de dire à vos concitoyens combien cette démarche est repréhensible et inacceptable.

Un appui clair et sans équivoque est demandé à l'Opposition comme à l'Union des municipalités régionales de comté du Québec et à l'Union des municipalités du Québec. On demande à l'Opposition de cesser de faire pitié. On demande à l'Opposition de se tenir debout, de respecter la constitution, de cesser de jouer à l'enfant perdu, de cesser de jouer à la vierge offensée et de nous aider, de s'associer à cette démarche pour replacer les gens du fédéral, qui ont perdu les pédales, dans le droit chemin constitutionnel. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Berthier.

M. Albert Houde

M. Houde: Merci, M. le Président. D'abord et avant tout je voudrais répondre au député de Roberval qui disait tantôt: Le gouvernement fédéral va chercher 50% des taxes au Québec pour les apporter à Ottawa. J'aurais aimé qu'il tienne compte des déclarations de son ministre des Finances dans cette Chambre lorsqu'il a dit qu'il allait chercher en péréquation à Ottawa des milliards, apportant au Québec plus que ce qu'on donnait. Encore dernièrement, il a dit: Un cadeau'. Des centaines de millions, un peu plus d'un milliard. Le ministre des Finances a dit, voilà quinze jours, ici, qu'il y avait 278 000 000 $ venant du fédéral auxquels il ne s'attendait pas du tout, un cadeau de plus encore. Il faudrait peut-être que le député de Roberval tienne compte de ces choses... M. le député de Bourassa, c'est moi qui parle. Vous parlerez tantôt.

M. le Président, nous allons parler du projet de loi 38 qui est devant nous ce soir. Le gouvernement du Québec déposait, le 21 juin dernier, le projet de loi 38. Le but visé par ce projet de loi était d'arriver à une entente entre le gouvernement du Québec et celui d'Ottawa vis-à-vis de l'aide financière accordée aux municipalités par le fédéral.

Le projet de loi 38 qui est déposé devant nous ce soir - c'est-à-dire qu'on discute ici, ce soir - n'avait pas sa raison d'être du tout. D'abord, premièrement, si les gens d'en face étaient honnêtes, pas hypocrites, pouvaient négocier avec les gens du fédéral pour en venir à une entente, ce serait certainement mieux que ce qu'ils font actuellement, parce que la plupart des ministres font le contraire. En face, on

essaie de nous faire miroiter qu'ils travaillent avec eux pour essayer d'aller chercher le maximum. C'est tout le contraire. On a peut-être eu un exemple la semaine dernière avec le ministre qui a démissionné. Probablement qu'il s'est trop bien entendu. Lorsqu'il est revenu voir ses confrères, ils lui ont probablement dit: Écoutez, vous ne pouvez pas accepter cela. Vous avez un choix. Soit de retourner à Ottawa et dire non ou bien de prendre la porte. Probablement qu'il a préféré prendre la porte. Après cela ils viendront nous faire croire, le premier ministre en tête, que tout va bien dans le gouvernement péquiste.

Si on regarde l'article 2 du projet de loi 38, il dit ceci: "Une municipalité qui, au jugement du gouvernement, a bénéficié autrement que selon l'article 1 d'une participation du gouvernement du Canada ou de l'un de ses ministres ou organismes, directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit, perd ainsi, conformément à l'article 4, le droit d'exiger du gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministres ou organismes..." Si on s'en va plus loin, on lit à l'article 3: "Le gouvernement peut, à sa discrétion, constater par décret qu'une municipalité se trouve dans la situation visée à l'article 2." Je pourrais peut-être faire une parenthèse. En parlant de décret, je reviens du Château Frontenac, du Congrès de l'UPA, cet après-midi. C'était notre place auprès des agriculteurs, M. le député de Bourassa. Oui, c'était notre place en tant que député d'un comté rural. Mais votre ministre, M. Garon, n'était pas présent cet après-midi. Ils l'avaient invité mais il n'y était pas.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaîtl S'il vous plaîtl Question de règlement, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: ...le congrès de l'UPA versus le député de Houde, qu'est-ce qu'il peut y avoir de conséquent...

Le Vice-Président (M- Rancourt): S'il vous plaît! Oui, je comprends très bien ce à quoi vous faites allusion, M. le député de Saint-Hyacinthe. Vous faites allusion à la pertinence du débat et je redemanderais, évidemment, au député de Berthier... S'il vous plaîtl Question de règlement, M. le député de Saint-Laurent. (20 h 50)

M. Leduc (Saint-Laurent): Je veux demander au député de Bourassa de se taire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît: M. le député de Saint-Laurent. S'il vous plaîtl S'il vous plaîtl Je demanderais la collaboration de cette Chambre, bien sûr, comme à l'ordinaire, pour permettre aux députés d'exprimer leur opinion. M. le député de Berthier.

M. Houde: M. le Président, lorsque je parlais de décret tantôt, je faisais allusion à un décret qui intéresse le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il n'était pas présent cet après-midi. Deuxièmement, cela m'a permis aussi de rencontrer beaucoup de maires de municipalités au congrès de l'UPA.

Une voix: On est membre de l'UPA.

M. Houde: On est membre de l'UPA à part cela pour ceux qui ne le savent pas. Je vais continuer à l'article 16: "Le gouvernement peut se prévaloir de la présente loi si...

M. Laplante: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît: Oui, M. le député de Bourassa sur une question de règlement.

M. Laplante: Oui, M. le Président. Il est interdit lors du discours en deuxième lecture de lire les articles d'un projet de loi. Vous savez cela.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Bien sûr, M. le député de Bourassa ainsi que chacun des membres de cette Assemblée sait fort bien qu'à l'article 120, le débat sur toute motion de deuxième lecture doit être restreint à la portée, aux propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi ou à toute autre méthode d'atteindre ces fins. Donc si vous voulez vous y conformer, M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. J'ai cité les articles fondamentaux du projet de loi 38.

Une voix: Oui, oui, il a raison.

M. Houde: Je ne vous ai pas dérangé tantôt lorsque vous avez parlé des députés d'en face. Si vous voulez parlez, vous le ferez à votre tour. Si vous ne voulez pas parler, vous savez ce que vous avez à faire.

Au sujet des subventions distribuées, avant-hier j'entendais un député d'en face qui en parlait dans les comtés où il y a des députés libéraux fédéraux. Pour ceux qui ne le savent pas, je reste voisin du comté de Joliette, représenté par un député conservateur que je sache. C'est le député qui s'est présenté candidat comme chef de l'Union Nationale dans mon comté en 1981 et que j'ai eu l'honneur et la chance de battre. Il s'est présenté à nouveau dans le comté de Joliette et il a été élu. Il est conservateur, il n'est pas libéral. Il a obtenu une subvention du gouvernement fédéral de 750 000 $ pour la rénovation d'une aréna, ce

n'est pas 750 $. L'aréna a été rénovée que je sache. Le maire de la municipalité de Joliette était bien content dans le temps. Il s'agissait d'une somme qui venait du fédéral et c'était un conservateur, pour ceux qui ne le savent pas, c'est exactement cela.

On peut parler encore de la région de Lanaudière. Vous disiez que les sommes d'argent venant du fédéral étaient inacceptables et qu'il ne fallait pas les accepter pour les municipalités. Lorsqu'il y a eu un sommet économique à Joliette et dans la région de Lanaudière - qui comprend mon comté aussi - il y a eu des sommes d'argent qui sont venues du fédéral. C'est grâce à l'intervention et aux subventions du fédéral si le sommet économique a eu lieu parce que sans cela nous n'aurions pas eu de sommet économique à Joliette. On a eu la collaboration du gouvernement provincial, mais sans l'aide du fédéral, nous n'aurions pas eu de sommet économique à Joliette. Plusieurs ont participé à cette rencontre. Il semblerait que cela a été un succès. Attendons les résultats, mais en tout cas pour le moment, cela a été un succès.

Si le gouvernement fédéral a versé des sommes d'argent et en verse peut-être encore dans la province de Québec à des organismes ou à des municipalités, cela s'explique, c'est que le gouvernement péquiste criait au fédéral: Créez des emplois; créez des emplois! Il en a créé des emplois en donnant des subventions. Tout de suite après, le gouvernement péquiste criait: au meurtre! Au meurtre! Cela ne se peut pas! On ne peut pas accepter cela, c'est inacceptable! L'argent, qu'il vienne d'un ou de l'autre, je le prends parce qu'il n'a pas d'odeur.

Si on parle maintenant du projet RELAIS, lorsqu'il y a eu une entente de signée pour les projets RELAIS avec le gouvernement provincial, qu'est-ce qui est arrivé? On avait signé une entente avec des représentants du gouvernement du Québec. Par la suite, tout est tombé à l'eau. Probablement que le projet était trop bon, tout le monde en aurait bénéficié. Avec les deux paliers de gouvernement? Non, cela est tombé à l'eau. Il a représenté un PRIME, qu'est-ce qui est arrivé au PRIME? Je peux vous en parler un peu des PRIME parce que j'en ai eus quelques-un dans mon comté. D'autres municipalités n'ont rien voulu savoir de cela. D'abord, premièrement, lorsqu'il a pris connaissance du projet du programme PRIME, il y avait tellement de paperasse à remplir, tellement de lenteur qu'en fin de compte, il n'y avait rien à voir là-dedans. Il a dit: on laisse tomber tout cela, travaillons sur autre chose.

On va aussi parler des HLM. Beaucoup de HLM ont été construits dans mon comté, comme partout ailleurs. Il y a souvent une guerre de drapeaux, d'abord: c'est une bataille, il n'y a presque jamais de drapeau du Canada, en tout cas ce que je vois.

M. Dupré: ...

M. Houde: Est-ce que je pourrais demander la paix au député de Saint-Hyacinthe?

Le Vice-Président (M- Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Berthier, vous avez le droit de parole.

M. Houde: Merci. Lorsqu'on voit 60% venant d'Ottawa, 30% venant du Québec et 10% venant des municipalités, c'est là qu'on peut construire des logements pour nos personnes retraitées. Et on ne voit pas, sur un grand panneau-réclame "60-30-10"; non, bien plus souvent qu'autrement on ne voit rien.

Peut-être qu'il y en a qui ne le savent pas ici, mais dans plusieurs municipalités, les autoroutes, les grandes routes et les voies d'accès sont défrayées à 50% par le gouvernement fédéral. Vous ne voyez pas un panneau-réclame... les trois quarts du temps vous ne voyez pas cela. Vous voyez une belle pancarte bleue écrite en blanc pour dire que c'est une initiative du gouvernement provincial. De temps en temps on verra une pancarte fédérale, et plus souvent qu'autrement la pancarte est séparée en deux et on ne la voit plus. Dans mon comté cela s'est fait. Celle du provincial on la voit encore.

Quels seront les critères du ministre, advenant le cas qu'il veuille réellement mettre en application les coupures qu'il voudra faire dans les municipalités, là où il décidera d'en enlever parce qu'elles en ont reçu du fédéral? J'aimerais que le ministre, lorsqu'il répondra, nous donne les critères. Comment va-t-il s'y prendre? Va-t-il tenir compte des comtés qui ont élu des députés libéraux? Des comtés péquistes? D'un maire péquiste ou d'un maire libéral? Dans mon comté il y a plus de libéraux que de péquistes, alors je vais peut-être être désavantagé. J'espère qu'il ne m'oubliera pas sur ce côté et que ce sera réparti également si jamais il vient à le faire. J'espère qu'il ne le fera jamais et que tous ceux qui en ont bénéficié les oublieront.

Tantôt il parlait du maire Asselin: c'est un maire de mon comté et j'en suis fier parce qu'il est préfet des MRC du Québec. Il a été vice-président pendant trois ans et il a été élu président. J'en suis très fier et je sais qu'il va très bien représenter les municipalités auprès du gouvernement; je peux vous le dire.

Dans le Soleil du 5 décembre 1983 on peut lire: "Les municipalités qualifient d'ingérence le projet de loi 38", et elles disent qu'on ne peut accepter un tel projet

de loi. Plusieurs autres organismes ont dit la même chose. Je ne sais pas si le ministre va en tenir compte.

J'ai écrit une lettre à chacune des municipalités de mon comté leur demandant combien d'argent elles avaient investi pour ériger un édifice municipal, un centre culturel ou des réparations, peu importe. La plupart ont eu le temps de me répondre pour me dire qu'elles avaient dépensé énormément d'argent pour les services d'ingénieurs, d'architectes; d'autres, qu'elles n'avaient pas commencé; et d'autres enfin, qu'elles ont fini même de dépenser les sommes reçues du fédéral depuis le 17 juin 1983.

Je peux vous donner quelques chiffres des municipalités qui sont concernées et qui n'ont pas osé défier le projet de loi qui était déposé, car elles craignaient de se faire reprocher par leurs concitoyens d'avoir mal agi ou de s'être peut-être trompées. Je vais vous en nommer quelques-unes, entre autres: Saint-Barthélémy a dépensé 9000 $ en frais d'architectes et le projet est tombé à l'eau, mais elle a pour 40 000 $ de réparations à effectuer pour rénover son édifice municipal afin de ménager l'électricité et que cela coûte moins cher dans les années à venir. La municipalité de Saint-Alphonse-de-Rodriguez, 45 000 $; elle attend, elle ne bouge pas. La municipalité de Saint-Félix paroisse - c'est chez nous - avait une subvention de 150 000 $ offerte par le fédéral pour bâtir un édifice municipal, parce qu'elle est à loyer et aurait bien voulu se prévaloir de cet argent; elle n'a rien fait, mais elle a dépensé 10 500 $ pour des plans et cela reste là. (21 heures)

Je vais vous en nommer d'autres: la municipalité de Sainte-Élizabeth, elle a commencé. Quels problèmes elle aura? Je ne le sais pas. Il y a eu une élection municipale et cela a joué énormément dans le résultat des élections. Je peux vous dire cela, M. le ministre. Je vais vous en nommer une autre: la municipalité de Lavaltrie paroisse qui a dépensé des sommes d'argent et qui attend encore le résultat du projet de loi, ce qu'il va donner en fin de compte. Il y a encore une autre municipalité, la municipalité de Saint-Félix village parce que nous avons deux municipalités et j'en passe. Il y en a d'autres qui ne sont pas encore entrées. Donc, je ne peux pas vous les donner, mais cela a coûté à plusieurs municipalités des centaines de milliers de dollars qu'elles ont donnés et elles n'ont encore rien retiré. En plus, elles ont eu des montants d'argent qui leur ont été offerts par le gouvernement fédéral, presque 2 000 000 $ dans mon comté. On ne les a pas encore. Les aura-t-on encore? Le gouvernement fédéral va-t-il attendre pour nous les donner si le ministre décide de retirer son projet de loi? Je ne le sais pas. En tout cas, je laisse cela à votre discrétion.

Vous avez parlé de certaines arénas et de montants d'argent fabuleux dans des comtés. Dans mon comté, à Saint-Gabriel-de-Brandon, il y a un projet d'aréna qui leur coûtera à peu près rien, parce que le gouvernement fédéral aura mis près de 4 000 000 $ pour l'aréna de Saint-Gabriel-de-Brandon.

Une voix: Saint-Gabriel-de-Brandon?

M. Houde: Oui, c'est dans mon comté. Deuxièmement, les 100 000 $; le comité qui a été formé pour ramasser des sommes d'argent pour payer les fonds de terrain est allé chercher cette somme auprès des contribuables, auprès des hommes d'affaires. Après, il a demandé aux municipalités de signer des contrats avec lui pour être capable de faire fonctionner l'aréna après, pour qu'elle ne soit pas déficitaire. L'aréna ne leur coûtera probablement pas grand-chose quand elle sera terminée. Tout cela pour vous dire que lorsqu'il y a des chicanes de clochers...

Avant-hier, j'entendais un autre ministre de votre côté qui disait: II s'agit d'annoncer le projet un avant l'autre, le provincial avant le fédéral ou le fédéral avant le provincial. Le musée d'art de Joliette, ils sont en train de le réparer, mais il aurait fallu qu'il soit réparé il y a déjà deux ans parce qu'il pleuvait dedans. Il était grandement temps de le réparer. Qu'ont-ils fait? Le gouvernement fédéral est en train de donner 125 000 $ et le gouvernement provincial, 125 000 $. Malheureusement, le gouvernement provincial a mis du temps à démarrer et c'est le gouvernement fédéral qui a annoncé les 125 000 $. Ils ont gelé les réparations pour un an et demi. Durant ce temps, il se détériorait, le musée d'art de Joliette. Il y a des chicanes, encore là. C'est à celui qui l'annoncerait le premier. Tout ce temps perdu avec les différents ministères du provincial auprès du fédéral. Il me semble que, si vous n'êtes pas des séparatistes, il y aurait moyen de s'entendre pour ne pas perdre du temps et même des sommes d'argent qu'on pourrait recevoir, parce que, quand l'argent est voté, il s'agit de le dépenser. Si on ne le prend pas, c'est un autre comté qui va le prendre.

Deux minutes, M. le Président? Merci. C'est ce qui arrive avec vous. Comme je vous le disais tantôt, si vous étiez honnêtes et moins hypocrites, ce serait beaucoup mieux et on y gagnerait énormément dans la province de Québec avec vous autres. Tant et aussi longtemps que vous garderez votre option séparatiste comme objectif no 1, on aura toujours des problèmes. Ce sera toujours la même chose. Ce seront toujours les Québécois et les Québécoises qui en paieront la note.

M. le Président, je voudrais demander,

en terminant, au ministre des Affaires municipales, au nom des municipalités, de s'asseoir et de discuter sérieusement et franchement, tout en oubliant l'indépendance, avec le gouvernement fédéral. On aurait tout à gagner pour le bien des Québécois et des Québécoises. Aussi, je demanderais au ministre une commission parlementaire pour que les gens intéressés, les gens qui représentent bien les Québécois et les Québécoises se fassent entendre auprès des autorités gouvernementales afin que nous obtenions ce qui nous revient dans un esprit de bonne entente. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Trois-Rivières.

Des voix: Bravo! Bravo!

Des voix: M. le maire!

M. Denis Vaugeois

M. Vaugeois: J'espère que le député de Jean-Talon ne se contentera pas de quelques remarques au départ et qu'il restera à son siège parce que je me servirai de lui comme d'un témoin, tout à l'heure.

Des voix: Ah!

M. Rivest: Un bon témoin!

M. Vaugeois: J'ai ici une lettre qu'a reçue le maire de Trois-Rivières - celui qui a été élu...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Vaugeois: ...M. Gilles Beaudoin - une lettre importante signée d'un ministre fédéral, le ministre des Finances, qui essaie de contrôler non seulement l'argent, mais les municipalités du Québec. Il explique à M. Beaudoin, qui n'est pas dupe - il n'a pas gagné pour rien, M. Beaudoin, c'est un homme rusé, un homme astucieux, un homme intelligent, un capable - les détours pris par le Québec dans cette affaire de la loi 38.

Quel est l'enjeu de la loi 38? Qu'est-ce qui fait qu'on recommence ce débat ce soir? Qu'est-ce qui fait que les gens d'en face sont nerveux, agités? Môme le député de Berthier, qui est un pacifique...

Mme Bacon: Non!

M. Vaugeois: Regardez la députée qui intervient mal à propos! Je ne perds pas toujours mes campagnes électorales, j'en ai déjà gagné une contre son frère; peut-être qu'il y a des réminiscences personnelles dans son attitude ce soir.

Une voix: C'est visible.

Une voix: II y en a un qui s'en va.

M. Vaugeois: Le député de Berthier, qui nous quitte et qui, d'habitude, est un homme paisible, en est venu ce soir à nous traiter d'hypocrites. Si j'ai bien compris, il a osé nous traiter d'hypocrites.

Des voix: C'est vrai!

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Vaugeois: Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui se passe pour qu'on soit à ce point nerveux, pour que, soudainement, l'Opposition décide de faire une résistance de tous les diables sur ce projet de loi? Est-ce leur initiative propre ou s'ils ont reçu, eux aussi, une lettre de Marc Lalonde leur disant l'enjeu du débat?

Qu'est-ce que dit M. Lalonde dans sa lettre? Dans sa lettre, il rappelle qu'en 1979 la province de Québec... Parce que le fédéral ne sait pas dire "le Québec"; pour lui, c'est "la province de Québec". La province, c'est une municipalité un peu plus grande que les autres, comme on a dit à l'origine même de notre constitution. M. Lalonde parle de "la province" et il ne se gênera jamais, sur le plan international, pour dire "la province". Quand notre premier ministre est reçu à l'étranger, on le fait accompagner, provincial qu'il est, par un ambassadeur du Canada. Sans doute que les gens d'en face applaudiront à ce geste du gouvernement fédéral.

M. Rivest: Oh! On ne l'a pas fait.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, je m'excuse.

M. le député de Jean-Talon, s'il vous plaît!

Une voix: Vous êtes nerveux!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je fais un rappel de part et d'autre, d'ailleurs.

Mme Bacon: Ils sont nerveux!

Le Vice-Président (M. Jolivet): J'aimerais avoir la possibilité d'entendre paisiblement le discours du député de Trois-Rivières. M. le député.

M. Vaugeois: Vous avez bien raison, M. le Président, parce que cela promet d'être correct, je pense bien. Même si ce débat est long, je pense que je parlerai de choses un peu différentes étant donné l'expérience que je peux avoir et les observations que j'ai pu faire.

Dans cette lettre de M. Lalonde, on rappelle qu'en 1979 le Québec aurait versé

15 000 000 $ aux municipalités en "en lieu" de taxes, alors que le fédéral en aurait versé 27 000 000 $ la même année. Donc, en 1979 - ce n'est pas si loin - le fédéral verse deux fois plus en "en lieu" de taxes que le Québec. Bien entendu, à ce moment-là, le Québec y va de toutes sortes de petites subventions à gauche et à droite pour des choses utiles, pour des choses intéressantes, pour des choses négociées, mais qui placent les municipalités dans une situation un peu humiliante alors qu'elles ont à demander un peu d'argent pour faire telle chose, un peu d'argent pour faire telle autre chose, etc.

Le ministre actuel, avec ses collègues du Conseil des ministres, a décidé, après une longue réflexion et plusieurs évaluations, après plusieurs consultations avec le monde municipal, de mettre un terme à cette situation humiliante pour les municipalités et d'en venir à un comportement de bon contribuable qui accepte qu'il y ait une évaluation franche de faite de ses propriétés et qui accepte de payer ses taxes sur ses propriétés. (21 h 10)

Le Québec, qui est aussi la couronne dans ce pays, n'a pas à payer ses taxes. Le fédéral se défend de ne pas payer ses taxes à certains moments parce que, dit-il, la couronne n'a pas à payer ses taxes. Le Québec, qui est aussi une partie de la couronne, a convenu de payer ses taxes sans humilier les municipalités, sans les obliger à faire chaque fois le petit voyage.

Je prends un raccourci, M. le Président, parce que notre temps est bien précieux. À partir de 15 000 000 $ au Québec et de 27 000 000 $ au fédéral, en 1982, le Québec versait, comme contribuable qui paie ses taxes, 374 000 000 $ alors que le fédéral en versait 31 000 000 $.

Une voix: II n'y a pas eu d'inflation pour eux.

M. Vaugeois: On est passé, le temps de le dire, d'une situation où le fédéral payait deux fois plus à une situation où le Québec paie plus de dix fois plus. C'est un chèque qui arrive sans discussion. Cela correspond à une évaluation qui est faite et c'est le montant qu'on doit, compte tenu des proportions qu'on paie à ce moment-ci.

Que propose le fédéral entre-temps? Le fédéral a décidé, un peu gêné, quand même, de voir qu'on met de bons montants sur la table sans discussion, d'augmenter ses montants. Au-delà des 31 000 000 $ que je viens de mentionner, honnêtement je dois dire que le fédéral essaie de donner un peu d'argent à côté. Le député de Berthier vient d'en évoquer. Il prétend qu'on serait prêt à donner 4 000 000 $ pour un centre sportif et communautaire à Saint-Gabriel. C'est beaucoup d'argent. J'ai vu dans des dossiers concernant également son comté qu'on voulait même financer la construction d'un hôtel de ville. Imaginez-vous! La constitution du Canada et même la nouvelle, en fait toutes les constitutions depuis 1867, malgré les amendements, a toujours convenu d'une chose: les institutions municipales sont des prolongements du pouvoir provincial, c'est-à-dire que c'est un pouvoir délégué, finalement. Les municipalités sont de la responsabilité exclusive, de la compétence exclusive du gouvernement du Québec. Pour autant, ce ne sont pas des institutions mises en tutelle parce qu'avec le temps elles ont acquis leurs pouvoirs propres, pouvoirs délégués, mais pouvoirs qu'elles gèrent et le gouvernement du Québec actuel a convenu de leur donner les moyens de se comporter comme des gouvernements responsables.

Pendant ce temps-là le gouvernement fédéral propose de mettre un petit peu plus d'argent, mais de façon conditionnelle. Qu'est-ce que cela veut dire? Il met des conditions de drapeau, des conditions de gentillesse, des conditions de petits détails, d'invitations, évidemment. Il faudra que le ministre fédéral puisse venir couper quelque chose et qu'il soit plus important, même s'il est plus petit, que le député provincial qui sera au deuxième rang, si jamais on l'invite. Ça, c'est la bataille, c'est l'enjeu. C'est un petit peu d'humiliation et en même temps les conditions.

Les conditions, on les connaît, les maires les connaissent. Ils sont habitués à avoir les conditions du fédéral. Dans mon comté, par exemple, on fête actuellement le 350e anniversaire de la fondation de Trois-Rivières. Le Québec a mis sur la table sa contribution de 350 000 $. Le fédéral est arrivé en disant: On va vous donner 300 000 $, 80 000 $ pour ça, 20 000 $ pour ça, 100 000 $ pour ça. D'ailleurs, c'est toujours pour faire venir à Trois-Rivières des groupes de l'extérieur. Ils font leur patronage avec les groupes de l'extérieur et ils disent à la ville: On va vous donner 300 000 $, mais voici ce que vous allez faire avec cet argent. Le maire Beaudoin, qui est un adulte, un homme responsable, un homme compétent, se fait dire par le fédéral, avec son comité des fêtes, quoi faire avec la subvention fédérale.

Non seulement la contribution est conditionnelle, mais elle est basée sur une évaluation extérieure. Ainsi, le fédéral décide d'évaluer lui-même ses propriétés; il n'accepte pas l'évaluation des autres. Imaginez un médecin qui déciderait de payer ses taxes, mais qui dirait à la ville quoi faire avec ses taxes. Avec les taxes que je vais vous payer, vous allez faire ça, ça et ça. Je vous signale que ma maison, contrairement à ce qu'on pense ailleurs, ne vaut pas 80 000 $. mais 50 000 $. En annexe à ma maison, il y a mon bureau et

un endroit où je reçois des gens et où je donne des premiers soins. Vous comprendrez que c'est un service public et que je n'ai pas à payer des taxes sur cette partie-là de ma résidence. Le gouvernement fédéral fait ça au Québec. Il décide de l'évaluation de ses propriétés et il décide quand il paie des taxes, quelle est la valeur de ses propriétés, ainsi de suite. Comment voulez-vous gérer des villes, administrer des budgets publics avec de telles attitudes? Est-ce que cette attitude du fédéral est grave? C'est humiliant, c'est méprisant pour les municipalités. Est-ce que c'est grave?

Une voix: Ce n'est pas vrai.

M. Vaugeois: Si le fédéral était un petit propriétaire, on dirait: voilà un petit propriétaire qui ne veut pas payer ses taxes selon l'évaluation normale, qui ne veut pas les payer comme tout le monde, c'est-à-dire en faisant confiance aux élus municipaux. Le fédéral possède, au Québec, des ports, des quais, des aéroports et de grands aéroports. On connaît l'histoire de Mirabel.

Une voix: Le plus grand au monde!

M. Vaugeois: Le plus grand au monde! On connaît, d'ailleurs, le succès qu'il a avec Mirabel.

Une voix: Le plus gros éléphant blanc.

M. Vaugeois: II possède des parcs, de grands parcs, de beaux parcs, d'autant plus beaux que c'est une façon pour lui d'acheter plus de terrains, d'acquérir plus de terrains, et des sites historiques; Le fédéral a des stations agricoles. Il possède plus ou moins certaines réserves indiennes. Plusieurs travaux appartiennent au fédéral: qu'on pense aux chemins de fer, aux oléoducs, aux élévateurs à grain. Il y a des bases militaires. Vous en avez une à Farnham, une à Valcartier, vous avez La Macaza.

Une voix: La Citadelle.

M. Vaugeois: Le fédéral, depuis quelques années en particulier, cherche par tous les moyens à acquérir du terrain. Il a besoin d'un terrain pour construire un aéroport. Il choisit un emplacement et exproprie beaucoup plus grand que nécessaire. Pourquoi? Tout à l'heure, le député de Berthier disait: Arrêtez donc de parler d'indépendance. Il y a une chose qui m'apparaît assez évidente, c'est que le gouvernement fédéral n'a pas oublié qu'il y avait, dans le coeur de quelques Québécois, des rêves de liberté et d'indépendance. Le gouvernement fédéral, surtout celui qui est actuellement en place et qui a une peur bleue que des Québécois se tiennent debout et prennent un certain nombre de décisions qui concernent le développement de leur territoire, s'est dit: On ne leur donnera pas de chance; on va acquérir le plus possible de ce territoire.

Une voix: Oh!

M. Vaugeois: À mon avis, c'est assez évident, le fédéral cherche, par tous les moyens... Il pourrait se contenter de louer, il pourrait se contenter de bail emphytéotique, il pourrait se contenter juste de ce qu'il lui faut pour remplir ses fonctions de gouvernement fédéral. Mais non, il prend beaucoup plus grand. Non seulement il prend beaucoup plus grand, mais il ne paie pas ses taxes. Quand il paie de petits montants, c'est de façon humiliante, c'est de façon conditionnelle, c'est sur la base d'une évaluation qu'il fait lui-même.

Prenons l'exemple de Québec, la ville de Québec. À Québec même, en 1982, le gouvernement fédéral payait 2 451 000 $ de taxes ou "en lieu" de taxes. Ce n'est pas si mal, 2 451 000 $. La même année, le gouvernement du Québec payait, en "en lieu" de taxes à la ville de Québec, 34 922 000 $.

Des voix: Quoi?

Une voix: Le fédéral?

M. Vaugeois: Un instant. Le fédéral, me dites-vous? Le fédéral, évidemment, ce n'est pas à Québec; c'est à Ottawa. Alors, à Québec, il n'a pas à payer beaucoup; le député de Jean-Talon le sait bien. Quelle est l'importance du fédéral à Québec?

Une voix: II a juste les plaines d'Abraham.

M. Vaugeois: Écoutez! Allons-y! Faisons le tour. Vous avez les plaines d'Abraham. Ce n'est pas bien grand, les plaines d'Abraham, évidemment. Ce n'est pas un grand terrain.

Une voix: Non, c'est petit.

M. Vaugeois: Au pied des plaines, depuis environ Sainte-Foy, Cap-Rouge jusqu'à l'embouchure de la rivière Saint-Charles et au-delà...

Une voix: C'est si peu.

M. Vaugeois: ...le port. Mais ce n'est pas beaucoup, le port.

Une voix: C'est rien.

M. Vaugeois: Vous allez me mêler, par exemple! Il ne faut pas que j'en oublie; il y en a beaucoup.

Une voix: La Citadelle.

M. Vaugeois Ah! Voilà. La Citadelle.

Une voix: La Citadelle, c'est vrai.

M. Vaugeois: Évidemment, ce n'est pas bien grand, la Citadelle.

Une voix: Non, une petite affaire de rien.

M. Vaugeois: Cela n'a pas servi beaucoup, non plus, mais c'est là. Écoutezl Reprenons: les plaines, les quais, la Citadelle. Et, si on allait de l'autre côté, évidemment, vous avez les aménagements portuaires importants, des élévateurs. Vous avez la Redoute Dauphine, le parc de l'Artillerie, etc. On n'en finit pas, finalement.

Une voix: C'est si peu.

M. Vaugeois: J'ai été quelque temps ministre des Affaires culturelles. J'ai appris des choses, bien sûr. J'ai appris, par exemple, que le fédéral occupait, possédait les deux cinquièmes de l'arrondissement historique de Québec.

Une voix: Les deux cinquièmes? (21 h 20)

M. Vaugeois: II est au coeur même de Québec, dans l'arrondissement historique. Je ne lui fais pas reproche d'être propriétaire des deux cinquièmes de l'arrondissement historique. Mais sur le territoire municipal lui-même, la ville de Québec, quelle est la proportion de terrain que le gouvernement fédéral possède? 2% ou 3%? 5% peut-être? 10%, 15%, 20%, 30%? Non, là, écoutez, je suis allé trop loin. En fait, 42%, 43% du territoire de la ville de Québec - parce que je peux me tromper de 1% ou 2% - serait propriété du gouvernement fédéral. Écoutez, je dirai même que nous ne sommes pas tout à fait certains que le parlement où nous siégeons a été lui-même construit sur du terrain qui n'appartient pas au fédéral. Ceci pour vous dire l'importance du territoire occupé dans la capitale même du Québec par le gouvernement fédéral. Vous me direz que c'est un hasard, vous me direz que le fédéral fait cela de façon distraite. Je suis prêt à leur faire beaucoup de reproches au fédéral, mais pas de telles distractions. Je pense que cela procéda d'une volonté absolument machiavélique - qu'est-ce que vous voulez -avec des desseins de bloquer, s'il le faut, par la propriété du territoire, un jour les aspirations normales du peuple du Québec. Voilà ce qui fait tellement mal dans le projet de loi 381

Les Québécois qui m'écoutent ce soir, ceux qui sont ici, doivent transposer ce que je viens de dire pour la ville de Québec. Évidemment, dans toutes les villes du Québec, le gouvernement fédéral n'a pas autant de propriétés. Qui n'a pas son bureau de poste? Qui n'a pas, le long du Saint-Laurent, ses petits bureaux de douane, etc. Pensez à tous ces édifices fédéraux qui vous entourent. Vous voulez les reconnaître? Regardez le drapeau qui flotte dessus. Il n'en manque pas de drapeaux sur leurs édifices. Dans un village, quand vous voulez trouver un édifice qui appartient au fédéral, prenez celui qui jure dans le décor, celui qui ne va pas avec les autres maisons, celui qui ne ressemble pas au type d'habitations du village, les belles maisons traditionnelles que nos gens ont su faire construire. Prenez l'affaire qui jure, qui n'est pas tout à fait dans le décor, c'est le bureau de poste, c'est au fédéral. C'est vrai.

Est-ce que le fédéral paie ses taxes, M. le Président? Oh non. Le fédéral évalue ses bureaux de poste, ses bureaux de ceci, ses bureaux de cela et il décide de temps en temps de payer un peu ses taxes. À Québec, il a décidé d'en payer pour 2 500 000 $ avec tout ce qu'il possède. Nous en payons plus de dix fois plus. Pas plus de dix fois plus! De 2 500 000 $ à 40 000 000 $, cela fait quoi? 20 fois plus. On a toujours l'impression d'exagérer, mais non. Je dis aux habitants de la ville de Québec - que les gens dans leur municipalité fassent le calcul pour eux-mêmes - que, si le gouvernement fédéral acceptait de se comporter comme le gouvernement du Québec, avec l'importance des propriétés qu'il possède, leur compte de taxes, qui se répercute sur les logements, les loyers, baisserait du jour au lendemain'. Par exemple, quelqu'un qui paie 2000 $ de taxes à Québec - et ce n'est pas rare à Québec de payer 2000 $ de taxes sur une petite maison verrait son compte baisser à 1200 $ probablement d'un coup. Si le fédéral acceptait d'être un bon contribuable au Québec, leur compte de taxes tomberait, le loyer également. Comment voulez-vous qu'une ville comme Québec, comme n'importe quelle ville au Québec, puisse s'aménager normalement sans peser trop lourdement sur chacun?

Je compare cela - et je termine là-dessus, M. le Président - à un propriétaire d'immeuble, qui aurait réussi à construire un immeuble de dix, douze étages. Un bon jour le gouvernement fédéral se présente pour louer des étages. Au premier coup d'oeil le propriétaire se dit: Le gouvernement fédéral, locataire, il n'est pas pire lui, il doit être capable de payer, il paie tellement de choses. Sauf qu'une fois installé le fédéral dit au propriétaire de l'immeuble: Je décide des étages où je paie des loyers. Je vous dirai quoi faire avec l'argent. Je décide qu'à certains étages je ne paie pas de loyer. La conclusion, c'est que ceux qui sont dans les

autres étages vont payer un peu plus cher. Dans toutes les villes du Québec, les contribuables paient un peu plus cher parce que le fédéral ne paie pas sa part de taxes.

En plus, le ministre fédéral vient dire à nos maires la générosité qui est la leur, mais qui est en fait une attitude de manque de respect, d'humiliation vis-à-vis des gens qui ont été élus par une population pour gérer un budget à partir de ce que doivent payer tous les contribuables y compris, à mon avis, le gouvernement fédéral.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: Je vais passer outre, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Dubois: ...à certains propos passablement dégoûtants qui furent ceux du député de Trois-Rivières.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je m'excuse, M. le député de Huntingdon. S'il vous plaît, de la même façon que j'ai demandé le respect pour le député de Trois-Rivières, je demande pour le député de Huntingdon le même respect. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: J'espère, M. le Président, que les téléspectateurs du Québec, eux aussi, pourront porter un jugement sévère sur les propos qu'on vient d'entendre.

M. le Président, en outre des propos tenus par le député de Trois-Rivières, nous avons eu droit à des discours de vertueux prédicateurs. Tels qu'on connaît les gens d'en face, ils sont bien capables d'essayer de souligner la vertu, d'indiquer aux gens de cette Chambre comment on prêche la vertu, mais ils n'ont jamais pu nous prouver comment s'exerce la vertu. Jamais, depuis sept ans, dans l'application des mesures gouvernementales et des lois, ils n'ont pu nous prouver qu'ils étaient vertueux et qu'ils appliquaient les lois et toutes les mesures gouvernementales avec une vertu passablement acceptable.

Tout à l'heure, le député de Trois-Rivières nous parlait de fiscalité municipale. Mais, encore là, ses propos furent d'une malhonnêteté évidente. Le député de Trois-Rivières comparait les paiements d"'en lieu" de taxes au Québec, d'une part, par le gouvernement provincial et, d'autre part, par le gouvernement fédéral. Je ne pense pas que ce soit par ignorance, M. le Président, que le député de Trois-Rivières a expliqué cette différence d'"en lieu" de taxes. Je pense qu'il a été vraiment malhonnête. À moins qu'il ne soit - je ne dirai pas le mot que j'ai à l'esprit - vraiment et totalement ignorant de la fiscalité municipale, il n'aurait pas parlé comme cela.

Quand il y a eu un réaménagement de la fiscalité municipale, on se souviendra que le gouvernement provincial payait ou remboursait 2% des 8% de taxes aux municipalités. En remplacement de ces 2%, le gouvernement provincial, par ses mesures, a voulu procéder d'une façon différente, c'est-à-dire payer des taxes sur les immeubles gouvernementaux, ce qu'on appelait "en lieu" de taxes, et ouvrir un champ de taxation aux municipalités, récupérer les taxes scolaires. M. le Président, ce fut un réaménagement total et complet. Il n'y avait pas d'obligation ni pour le provincial ni pour le fédéral de payer des "en lieu" de taxes. Seulement, le gouvernement provincial devait le faire, car c'était inclus dans les modifications de la fiscalité municipale. Cette même mesure n'était pas imposée au gouvernement fédéral. Il n'y a aucune obligation pour le fédéral de payer des "en lieu" de taxes au Québec; ceux qui sont payés le sont d'une façon libre.

De toute façon, M. le Président, j'espère que le député de Trois-Rivières voudra bien se reprendre et en aura l'occasion. Vous savez, être malhonnête et tenir des propos aussi ignorants dans cette Chambre, c'est inacceptable.

M. le Président, ce soir, nous discutons...

M. Vaugeois: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député de Huntingdon. S'il vous plaît! Juste une question de règlement de la part du député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: Je voudrais vous demander à quel moment des propos deviennent antiparlementaires ou manquent de respect envers un parlementaire.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je serai peut-être obligé de... S'il vous plaît, Mme la députée. Je serai peut-être obligé de reprendre ce que le député de Marguerite-Bourgeoys me faisait... S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le whip! Ce que j'essaie de dire - je pense qu'il est important de bien le rappeler - c'est qu'il y a l'article 99.8 qui peut vous servir de guide. Je pense que le député de Huntingdon pourrait reprendre à sa charge les propos du député de Marguerite-Bourgeoys hier. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le Président, quand un

député tient dans cette Chambre des propos volontairement malhonnêtes, il peut être traité de cette façon.

M. Vaugeois: M. le Président... (21 h 30)

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Trois-Rivières, un instant. M. le député de Huntingdon, je voudrais vous rappeler le règlement pour la seconde fois. Je voudrais que vous lisiez l'article 99 qui dit, de n'imputer aucun motif à personne. Je vous le rappelle en vous rappelant aussi l'article 45. Donc, je vous demanderais de retirer vos paroles à l'endroit du député de Trois-Rivières.

M. Dubois: M. le Président, vous m'indiquez que les propos que j'ai tenus sont antiparlementaires?

Le Vice-Président (M. Jolivet): J'indique, M. le député de Huntingdon, que vous avez imputé au député de Trois-Rivières des motifs et vous n'en avez pas le droit en vertu du règlement. Je vous demande de retirer vos paroles.

M. Dubois: M. le Président, je peux bien les retirer, tout en croyant que mes propos étaient sincères et véridiques.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Huntingdon, je dois vous dire aussi que vous devenez impoli envers la présidence et je vous demande de le retirer aussi. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: D'accord, M. le Président. Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci.

M. Dubois: Je vais continuer mes propos sur le projet de loi 38.

M. Vaugeois: M. le Président, s'il vous plaît!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Trois-Rivières, en lui demandant de retirer envers moi ce qu'il venait de dire aussi, c'est envers vous qu'il le retirait.

M. Vaugeois: D'accord, M. le Président, j'ai bien compris. Mais je voudrais quand même donner l'occasion au député de Huntingdon de reprendre en dehors de cette Chambre les propos qu'il a osé tenir dans cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Huntingdon, en revenant maintenant au sujet qui nous préoccupe.

M. Dubois: J'inviterais les péquistes à faire de même, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Dubois: Selon le projet de loi 38, dont nous discutons la teneur ce soir, il est évident qu'à sa face même le ministre des Affaires municipales porte de sérieuses accusations contre le gouvernement canadien. Aussi, selon ce même projet de loi 38, il est stipulé qu'une municipalité qui, directement ou indirectement, aurait obtenu une subvention fédérale se verra pénalisée pour un montant équivalent lors des versements qui ont trait au financement des municipalités.

Je crois fermement que, pour s'entendre, il faut tout de même vouloir discuter, il faut vouloir échanger, il faut honnêtement et sincèrement désirer réussir et négocier des ententes. Mais ce désir de dialoguer avec, particulièrement, le gouvernement fédéral ne semble pas exister chez le gouvernement péquiste. Il est évident - ceci depuis très longtemps - que les gens d'en face et particulièrement le ministre des Affaires municipales souhaitent que les relations fédérales-provinciales soient les plus tendues possible. Je pense que cela va pour tous les ministres d'en face, ce qui permet à ce gouvernement, à ces ministres de faire croire à la population que le gouvernement canadien n'est pas un bon gouvernement, que le gouvernement canadien ne veut pas discuter, que le gouvernement canadien ne veut pas s'entendre. Mais c'est tout à fait le contraire, on en a la preuve ce soir. On en a eu la preuve depuis le début des discours sur le projet de loi 38. On a eu la preuve au dépôt du projet de loi 38 que ce que le gouvernement péquiste veut, c'est faire croire à la population qu'eux seuls sont les bons, sont les vertueux et que les gens du gouvernement fédéral sont des gens avec qui on ne peut pas s'entendre. Je crois que c'est beaucoup de mesquinerie et ceci caractérise la plupart des gens d'en face. Par les propos qu'ils tiennent constamment, on peut facilement percevoir cette mesquinerie qui ne s'arrête à peu près jamais.

Les ambitions indépendantistes et les objectifs de séparation, à n'importe quel coût, sont aussi ce qui amène le gouvernement à ne pas vouloir s'entendre avec le Canada. Quoi de plus simple que de charrier sur le gouvernement fédéral, de blâmer constamment les gens qui administrent le Canada pour tous les maux de la terre? Aussitôt qu'il y a quelque chose qui va mal au Québec, on accuse toujours le gouvernement fédéral. Cela fait sept ans que je suis ici en cette Chambre et ça fait sept ans que j'entends les mêmes propos, ça fait sept ans qu'on frappe sur le même clou et ça fait sept ans qu'on s'attaque au fédéral et qu'on dilapide des fonds ici au Québec. Après, on nous fait croire que ce sont les fédéraux qui

ont dépensé cet argent et qui nous ont mis en faillite ou presque. Quand on voit le Québec avec 20 000 000 000 $ de déficit, on accuse encore le gouvernement fédéral d'être responsable.

Cela fait sept ans que j'entends frapper sur le même clou: des attaques et du torpillage envers le gouvernement fédéral. On peut constater facilement que les causes profondes sont particulièrement dans cette Assemblée, en face de nous, parce qu'on a pu y constater un acharnement à démolir le pays. Nous avons pu le constater au moment du référendum, durant cette campagne qui a été très ardue. Nous avons pu constater quel genre de propos le gouvernement péquiste tenait à l'endroit des gens du gouvernement fédéral, à l'endroit des députés et à l'endroit des ministres fédéraux. Tout ce qu'ils désirent, c'est provoquer des confrontations. Et je pense que cela commence à tomber sur les nerfs des Québécois, ce genre de pratique que poursuit constamment le gouvernement du Parti québécois, étant donné qu'on accuse toujours les mêmes gens d'être responsables de tous les maux. Je pense qu'en toute logique il y a deux côtés à une médaille. C'est bien beau d'avoir des responsabilités; il y a des responsabilités de la part du gouvernement canadien, mais il y a aussi des responsabilités de la part du gouvernement québécois.

Il est évident que ce sont les gens d'en face qui ont creusé depuis sept ans le fossé qui s'élargit d'année en année entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Ils en sont les seuls responsables. Ils croient que cela peut les aider dans leur petit jeu de séparation et d'indépendantisme, mais je pense que la population commence à réagir autrement. D'ailleurs, les preuves, on vient de les avoir récemment, lors des deux campagnes électorales qu'on a connues. Si ce n'est pas un avertissement pour le Parti québécois, je pense qu'il ne voit pas clair.

Le conflit actuel qui existe entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial a été créé de toutes pièces par le ministre des Affaires municipales. Son but ultime est d'essayer de séparer le Québec. C'était cela il y a sept ans. C'est cela encore aujourd'hui. Dans le projet de loi 38, le but ultime que vise le ministre n'est pas de réaffirmer la compétence exclusive du Québec en matière municipale, particulièrement. Son but ultime n'est pas cela; c'est plutôt d'agir à titre de tribunal partial. Il impose des sanctions avant jugement aux villes et aux municipalités du Québec. Il condamne avant jugement les municipalités du Québec. Ce n'est pas réaffirmer la compétence du Québec que de condamner les municipalités. Il y en a 1600 au Québec. Je pense qu'il serait temps que le ministre des Affaires municipales ait un peu plus de respect envers les maires, envers les conseils municipaux du Québec, envers nos élus municipaux. C'est vraiment les prendre pour des jeunes ignorants, ou presque, que de vouloir leur imposer une sanction avant jugement. Il n'y a pas un maire du Québec ni un conseil municipal du Québec qui a pu présenter sa cause devant le ministre des Affaires municipales. Celui-ci porte un jugement avant même de les avoir entendus. Je pourrais sans trop me tromper vous dire que la base fondamentale du problème, c'est la grande fatuité du ministre des Affaires municipales: fatuité qui a provoqué et qui continue à provoquer des confrontations constantes, aussi bien avec le monde municipal qu'avec le gouvernement fédérai. Je ne me tromperais pas beaucoup en indiquant que la cote d'amour du ministre des Affaires municipales est à son plus bas, tellement basse qu'elle est encore plus basse que la cote d'amour du Parti québécois...

Des voix: Ah non! (21 h 40)

M. Dubois: ...et ce n'est pas peu dire. On a un gouvernement composé d'experts en propagande, d'experts en publicité partisane. Ils n'ont jamais voulu accepter que le gouvernement fédéral puisse participer à des projets, annoncer cette participation et la publiciser. Chaque fois qu'il y a un programme ou un projet gouvernemental qui inclut des fonds fédéraux ou dans lequel il y a une participation fédérale, avez-vous déjà vu ce gouvernement indiquer qu'il y a eu une participation des deux paliers gouvernementaux? Jamais! Le crédit, ils le veulent au complet de leur côté. Même si, parfois, les fonds fédéraux vont jusqu'à 75% dans un projet, jamais ce gouvernement n'a voulu l'indiquer; c'est toujours: Le gouvernement du Québec vient de vous donner. C'est toujours ce qu'on voit, c'est ce qui se passe dans le comté de Huntingdon et c'est cela aussi ailleurs, partout au Québec.

On se souviendra du débat référendaire alors que les péquistes ont essayé de vendre l'idée à la population du Québec qu'eux seuls avaient les fonds, les contrôlaient. Rien ne venait du gouvernement fédéral; ce n'était pas bon, ce qui venait du fédéral. On n'osait même pas indiquer un simple cent qui pouvait venir du gouvernement fédéral. Il a fallu que nous rétablissions les faits aux yeux de la population du Québec; il fallait être juste et honnête, il fallait indiquer d'où provenaient les fonds.

Je ne dirai pas qu'ils sont malhonnêtes, M. le Président, vous m'avez empêché de le dire tout à l'heure, mais il reste que c'est jouer sur les mots et ce n'est pas dire la vérité que de prétendre que le gouvernement du Québec donne tout et qu'on ne reçoit rien du gouvernment fédéral. Je ne suis pas ici pour défendre les intérêts du gouvernement fédéral, je ne suis pas ici pour défendre des

politiques qui ont permis au gouvernement fédéral de donner des subventions aux municipalités, mais il faut quand même donner les raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral a donné des fonds à des municipalités québécoises.

Le seul responsable est le ministre des Affaires municipales. Jamais il n'a voulu s'entendre avec le gouvernement fédéral sur un programme quelconque. Il nous a présenté le projet de loi 38 qui constitue un irritant pour les municipalités; il est inacceptable, car il punit les municipalités. Il les condamne même avant de les avoir entendues.

Les péquistes s'interrogent sur les raisons particulières qui amènent le gouvernement fédéral à donner des subventions aux municipalités, comme si c'était la première fois qu'un gouvernement défiait quelques aspects de la constitution canadienne. Si le gouvernement fédéral avait défié aussi souvent la constitution canadienne que l'a fait ce gouvernement péquiste, on verrait autre chose que ce qu'on voit aujourd'hui. Dans plusieurs lois sanctionnées ici, dans cette Assemblée, on défie souvent la constitution canadienne. J'aimerais que, de part et d'autre, on s'abstienne de faire cela et qu'on respecte notre constitution canadienne. Si on veut obtenir le respect du gouvernement fédéral, on devrait commencer par respecter la constitution canadienne. On devrait demander au gouvernement péquiste de s'arrêter un peu à cela avant de poser des gestes, d'essayer d'être respectueux envers les autres si on veut en être respecté. Cela va dans les deux sens.

Je disais tout à l'heure que je ne voulais pas essayer d'excuser l'intrusion fédérale dans le domaine des affaires municipales, mais je pense que le ministre des Affaires municipales s'est attiré bien des choses par son comportement. Quand on crache en l'air, on risque fort qu'il nous tombe quelque chose dans la face. C'est ce qui arrive parfois. Le grand ministre des Affaires municipales a décidé d'imposer une sanction aux municipalités. On dit: Tout ce qui vous a été donné par le fédéral, on va vous l'enlever parce que le montant que vous devez recevoir est celui qui a été prévu dans les ententes financières municipales. C'est là qu'on voit l'arrogance du ministre; il a posé un jugement rapide face aux municipalités du Québec. On ne les entend même pas et on les accuse d'avoir pris des fonds du fédéral; on les leur enlève même automatiquement par la loi 38. Elle est rétroactive; c'est encore une autre chose inacceptable.

Je sais une chose: les 1600 maires du Québec n'admirent pas le comportement du ministre, n'admirent pas la mesquinerie du ministre, ni son despotisme. Si, au moins, ce ministre avait un peu de bonne foi, s'il était sérieux et s'il procédait avec respect envers les maires, on pourrait comprendre que ce projet de loi, une fois modifié, pourrait être acceptable, pour autant qu'on y retrouve un respect intégral de tous les maires du Québec. Mais comment peut-on accepter une telle loi? Comment peut-on accepter une loi matraque, une loi abusive, une loi discriminatoire, une loi absurde? M. le Président, je demande au ministre de retirer son projet de loi immédiatement. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Les propos que vient de tenir le député de Huntingdon nécessitent que nous reprenions la présentation du projet de loi 38 afin de rétablir les faits tels qu'ils sont en réalité.

Dans un premier temps, le projet de loi 38 vise à réaffirmer clairement et avec force un principe qui est contenu dans la constitution canadienne et qui a été repris par une loi de cette Assemblée nationale adoptée en 1974, cette fois-là à l'unanimité des deux principaux partis que cette Assemblée comprenait: le Parti libéral du Québec, qui était au pouvoir, et le Parti québécois, qui assumait la responsabilité de l'Opposition.

Cette unanimité indiquait donc que cette question ne soulevait pas de débats, ne soulevait pas d'enjeux partisans, mais était bien une question qui reflétait, qui représentait un très large consensus dans la société québécoise. Ce principe, quel est-il? C'est celui de reconnaître et de confirmer la compétence exclusive des provinces canadiennes en matière d'affaires municipales, donc, celle du Québec. Je reprends les termes mêmes du projet de loi adopté à l'unanimité en 1974 sur une proposition du député de Bonaventure qui était à l'époque ministre du gouvernement de Robert Bourassa, M. Gérard D. Levesque: "Ce principe interdit aux municipalités de négocier ou de conclure des ententes avec le gouvernement fédéral, ses ministères ou ses organismes, sous peine de nullité et seule une entente négociée et conclue par une province avec le gouvernement fédéral peut permettre à des fonds fédéraux d'être utilisés pour le développement, pour l'aide aux municipalités."

Ce principe, pourquoi existe-t-il? Parce qu'il faut, dans un pays, distinguer les responsabilités de chacun des paliers de gouvernement, parce qu'il faut que nos institutions fonctionnent dans l'ordre, que nous nous assurions que l'ensemble des paliers de gouvernement puissent utiliser pleinement les impôts des citoyens, donc éviter tout double emploi possible dans les services, dans les structures gouvernementales et assurer une saine gestion à la fois du gouvernement

fédéral et des gouvernements des provinces, mais aussi de l'ensemble des municipalités. Lorsqu'on pense au Québec, on pense aux 1600 municipalités du Québec.

Ce principe visait aussi à indiquer qu'il fallait que cette participation financière du gouvernement fédéral soit équitable et qu'elle respecte les priorités en aménagement du territoire et en équipements publics de chacune des provinces. Ce grand principe contenu dans notre constitution canadienne reçoit un appui unanime, un consensus partout au niveau des déclarations. On croirait entendre une très belle, une très grande chorale, sans fausses notes, à l'unisson, et on sait que c'est très rare sur des questions où il y a différents paliers de gouvernement qui sont impliqués. Cela dénote jusqu'à quel point cette question est claire et qu'on ne devrait pas reprendre de débats à tout bout de champ là-dessus.

À la fois le Parti libéral du Québec et le Parti québécois viennent de réaffirmer dans le présent débat qu'on s'entend sur le principe. Même au niveau fédéral, M. Trudeau, dans une lettre à M. Lévesque, a dit: Oui, vous avez raison sur le principe. Le principe est bon et il doit être maintenu. M. John Roberts, ministre fédéral responsable de la création d'emplois - lorsqu'ils ont le temps et que leurs fonds le leur permettent, quand ils ne sont pas consacrés à augmenter le déficit - reconnaît lui aussi que le principe est valable et doit être respecté. L'Union des municipalités du Québec, celle des municipalités régionales comme celle des municipalités urbaines, l'ensemble des 1600 municipalités, les dix provinces canadiennes, tous les éditorialistes, donc tout le monde s'entend sur ce grand principe qui doit être respecté.

Dans un deuxième temps, le projet de loi a pour but de rappeler que le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois tient à obtenir ces sommes qui sont disponibles au fédéral. Que, deuxièmement, on veut indiquer dans quel cadre ces sommes peuvent être remises aux municipalités du Québec. Et, finalement, le projet de loi vient compléter la loi adoptée en 1974 parce que cette loi n'était pas applicable. La meilleure preuve, c'est qu'elle a été violée par peu de municipalités du Québec, mais elle a été violée, et on ne peut se permettre, si nous voulons maintenir notre dignité, que nos lois soient violées par des municipalités sous l'influence du gouvernement fédéral. (21 h 50)

C'est là, M. le Président, que, tout à coup, le grand concert, la grande chorale unanime s'arrête, comme par hasard et que, du côté du Parti libéral du Québec, les fausses notes commencent à retentir de toutes parts. On entend alors toutes sortes d'arguments pour essayer de justifier leur refus d'adopter ce projet de loi 38 tel que défini dans le document présentement à l'étude à l'Assemblée nationale. Quels sont les arguments qu'on entend pour tenter de justifier l'opposition du Parti libéral à ce projet de loi?

On nous dit, dans un premier temps: Laissez donc tomber votre projet de loi; négociez donc avec le gouvernement fédéral; parlez-vous donc franchement; vous n'avez même pas encore commencé à discuter avec lui. Rien n'est plus faux. Quelques jours après que le gouvernement du Québec a constaté que des députés fédéraux commençaient à se promener sur le territoire pour offrir des subventions directement aux municipalités, le vice-premier ministre et ministre des Affaires intergouvernementales ainsi que le ministre des Affaires municipales ont immédiatement engagé un dialogue avec les ministres fédéraux pour leur dire que nous tenions à ce que la constitution soit respectée et que nous leur proposions, dès ce moment, une façon d'en arriver à une entente leur permettant de fournir un soutien financier auquel les municipalités du Québec ont droit.

Dans un premier temps, pour éviter qu'on dise: Oui, mais ce sera long la négociation, le ministre des Affaires municipales a proposé qu'on reconduise immédiatement l'entente du programme d'aide aux équipements communautaires à laquelle le gouvernement fédéral avait mis fin, prétendait-il, à l'époque, faute de fonds. Deuxièmement, le ministre des Affaires municipales a déposé six propositions d'ententes précises à l'intérieur desquelles l'ensemble des municipalités du Québec auraient été en mesure et seraient en mesure d'obtenir des sommes importantes à la fois du gouvernement du Québec et du gouvernement d'Ottawa. De très nombreuses démarches ont été entreprises. Des rencontres au niveau ministériel, au niveau sous-ministériel et au niveau des hauts fonctionnaires ont été entreprises afin d'en arriver à une entente. Je dirai, à cet égard, à ceux qui nous disent: Négociez donc plutôt que de déposer votre projet de loi, qu'ils devraient peut-être comprendre que la lenteur avec laquelle le gouvernement fédéral participe à cette négociation nous force précisément non seulement à déposer ce projet de loi avec l'intention de l'adopter, mais nous fait obligation d'utiliser ce projet de loi pour être plus forts à la table de négociation de façon à montrer le sérieux encore plus grand du gouvernement du Québec dans cette négociation.

Le deuxième argument qui nous est servi, c'est: Ah! C'est le Parti québécois qui est au pouvoir; il ne pourra sûrement pas s'entendre avec le gouvernement fédéral. Nous, M. le Président, ne pas être capables de nous entendre avec le gouvernement

fédéral sur la répartition des sommes? Il existe des ententes auxiliaires au Québec. Le Parti libéral du Québec, qui les avait signées en l'espace de trois ou quatre années, en a signé pour environ 400 000 $ avec le gouvernement fédéral...

M. Laplante: 400 000 000 $.

M. Rochefort: 400 000 000 $. Merci, M. le député de Bourassa. Le gouvernement du Parti québécois, avec le même ministre à la tête de ce dossier, le député de Labelle, aujourd'hui ministre des Affaires municipales, a signé pour plus de 1 200 000 000 $ d'ententes avec le gouvernement fédéral en l'espace de trois ans, alors que les libéraux en avaient signé pour seulement 400 000 000 $. On nous dit qu'on n'est pas capables de négocier des ententes avec le fédéral.

Relativement aux HLM, les habitations à loyer modique, quand le Parti québécois a pris le pouvoir, le 15 novembre 1976, il y avait seulement 19 000 unités de logement HLM au Québec, et cela avait été négocié en six ans. Aujourd'hui, après sept ans, le Parti québécois a négocié 34 000 unités additionnelles de logement, ce qui porte le nombre de logements publics financés par les différents paliers de gouvernement à 55 000 unités au Québec.

Encore récemment, M. le Président, nous avons réussi à conclure la première entente avec le gouvernement fédéral concernant le virage que nous voulons faire prendre à l'aide sociale en ce qui a trait aux gens qui sont aptes au travail. Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu en est arrivé à une entente avec sa collègue fédérale et les discussions se poursuivent pour compléter une entente. Qu'on ne vienne pas nous dire que le Parti québécois n'est pas capable de négocier des ententes avec le fédéral. Nous avons fait beaucoup mieux qu'un gouvernement fédéraliste comme celui du Parti libéral n'a réussi è faire avec le gouvernement fédéral. Autre argument qu'on entend: le Parti québécois ne veut pas de l'argent d'Ottawa. Il faut vraiment le faire pour prétendre que le Parti québécois ne veut pas, pour développer le Québec, de l'argent d'Ottawa. L'existence même du Parti québécois, sa raison d'être, c'est d'avoir tous les impôts que les Québécois paient à Ottawa pour être bien certain que ces sommes serviront à développer de façon harmonieuse le Québec.

M. le Président, qu'on vienne nous accuser de ne pas vouloir de cet argent, rien n'est plus faux. À tout moment, le Parti québécois, le gouvernement du Québec de M. Lévesque est obligé de revendiquer sa part des investissements du fédéral parce qu'on veut avoir au moins la part qui nous revient dans le système et qui nous revient si peu souvent sur l'ensemble des dossiers importants au niveau économique. Combien de fois sommes-nous obligés de dénoncer le fait que les miettes viennent au Québec alors que les gros investissements structurants sont concentrés en Ontario? Nous ne voulons pas de l'argent du fédéral? C'est le gouvernement fédéral qui a mis fin à l'entente sur les équipements communautaires, les amis du Parti libéral, la maison mère de la succursale qui est devant nous, qui a mis fin à ces ententes, faute d'argent, prétendait-il à l'époque.

Finalement, dernier argument qu'on nous sert pour dire que cette loi ne doit pas être adoptée, on nous dit: Les sanctions qui sont prévues seront discrétionnaires. Mais il faut avoir lu le projet de loi, il faut comprendre de quoi il est question. Pourquoi, actuellement, est-il prévu qu'on devra y aller d'une façon discrétionnaire pour appliquer cette loi? Parce qu'on n'aura pas la liste de toutes les municipalités du Québec qui auront reçu ces sommes du fédéral.

Que le gouvernement fédéral s'engage à nous déposer une liste exhaustive, complète, détaillée et on n'aura pas à appliquer cette loi d'une façon discrétionnaire; ou mieux, que les députés du Parti libéral du Québec complètent la liste que nous avons dressée à l'aide des 80 députés du Parti québécois. Prenez donc l'engagement de nous rendre compte de chacune des municipalités de vos comtés qui ont obtenu des subventions du gouvernement fédéral illégalement et nous nous engageons à ne pas appliquer notre loi de façon discrétionnaire. Chacune de ces municipalités automatiquement se verra appliquer la loi 38 sans aucune discrétion de notre part. Prenez donc l'engagement de prendre vos responsabilités de membres de l'Assemblée nationale du Québec. D'ailleurs, qui a mis fin au discrétionnaire dans le financement des municipalités au Québec? C'est le gouvernement du Parti québécois qui a mis fin au discrétionnaire dans le financement des municipalités du Québec. Pendant 25 ans, l'ensemble des municipalités du Québec réclamaient qu'on les respecte, qu'on leur accorde la dignité à laquelle elles avaient droit.

Le Parti libéral, qui a assumé le pouvoir pendant de très nombreuses années, avait refusé d'éliminer le discrétionnaire au niveau du financement des municipalités. Nous, par la réforme de la fiscalité municipale, nous avons éliminé le discrétionnaire au niveau du financement des municipalités, de façon à leur accorder une pleine autonomie et de façon à assurer une santé financière à l'ensemble des municipalités du Québec et une stabilité financière, tout en leur accordant les moyens de se développer de façon harmonieuse et en fonction de leurs priorités. Non seulement le Parti libéral du Québec n'a pas voulu mettre fin au

discrétionnaire dans le financement des municipalités lorsqu'il était au pouvoir, mais il a voté contre la loi qui voulait mettre fin au discrétionnaire dans le financement des municipalités. Et aujourd'hui, ces gens viennent nous dire que c'est nous qui voulons agir d'une façon discrétionnaire avec les municipalités. Au contraire, ils sont heureux que les députés fédéraux fonctionnent de façon discrétionnaire parce qu'ils souhaitent que, si jamais eux, de la succursale, reviennent au pouvoir, on aura réussi à défaire la réforme de la fiscalité municipale de façon qu'ils puissent reprendre leurs bonnes vieilles habitudes d'agir discrétionnairement avec l'ensemble des municipalités du Québec.

Des voix: Patroneux! (22 heures)

M. Rochefort: M. le Président, les arguments du Parti libéral du Québec pour refuser d'appuyer le projet de loi 38 ne sont pas sérieux. C'est plutôt une tentative de se trouver des motifs pour s'opposer à un projet de loi qui pourtant, au niveau de son principe, reçoit l'unanimité. Ce refus, M. le Président, d'appuyer le projet de loi 38 équivaut à renier la loi que ces gens ont fait adopter par l'Assemblée nationale en 1974. Car, M. le Président, une loi qui ne fait que contenir des principes, c'est du vent; ce sont des voeux pieux. Une loi, lorsqu'on y tient, lorsqu'on est responsable, lorsqu'on ne veut pas encourager l'illégalité, lorsqu'on ne veut pas donner l'illusion que les gens sont protégés par une loi, lorsqu'on fait une loi, on énonce les principes de cette loi et on y met les façons, les moyens que nous retenons pour l'appliquer, de façon à être bien certain que nos principes seront appliqués en tout temps.

D'ailleurs, M. le Président, je me permets de dire aux députés du Parti libéral du Québec que des principes, ce n'est pas comme un paquet de cigarettes que l'on achète lorsqu'on en a besoin et que l'on jette lorsqu'on n'en a plus besoin. Les principes, M. le Président, lorsqu'on les a, on les a en tout temps et on voit à être en mesure de les appliquer en tout temps, pas quand cela fait notre affaire et, quand cela ne fait pas notre affaire, on les met de côté. C'est là que cela perd son sens et ce ne sont plus des principes.

M. le Président, il faut se méfier de l'attitude du Parti libéral de toujours nous dire, à chaque loi que nous présentons: Oui, sur cette question, nous sommes d'accord avec le principe. Mais, par contre, nous allons nous opposer à la loi parce que nous ne sommes pas d'accord quant à la façon que vous prévoyez pour l'appliquer. Ce vieux truc, M. le Président, nous le connaissons. Cela a été leur argumentation pour la loi 101, cela a été leur argumentation pour la protection du territoire agricole, cela a été leur argumentation sur le financement des partis politiques, cela a été leur argumentation sur la réforme de l'assurance automobile. Mais, M. le Président, si nous nous étions limités à énoncer dans nos lois, dans nos grandes législations, simplement les principes que nous voulions mettre de l'avant, le Québec n'aurait pas connu les transformations qu'il a connues de 1976 à 1981 et dont les Québécois ont été tellement satisfaits qu'ils ont reporté encore plus fortement au pouvoir le Parti québécois en 1981.

Le débat que nous avons actuellement ne doit pas nous faire oublier l'ensemble du débat des taxes municipales. Notre collègue de Trois-Rivières l'a rappelé tantôt, le gouvernement du Québec, lui, paie ses taxes municipales, ses taxes foncières, à l'ensemble des municipalités du Québec, contrairement au gouvernement fédéral et, plutôt que de se promener au Québec en saupoudrant quelques centaines de milliers de dollars ici et là dans chacune des municipalités, que le gouvernement fédéral commence donc par payer ses taxes foncières. Ce sera de l'argent qu'on sera certain de récupérer de façon statutaire à chaque année; de l'argent qui nous permettra de nous assurer que nous pouvons développer de façon harmonieuse, de façon cohérente et de façon permanente, l'ensemble du Québec et l'ensemble des municipalités du Québec.

M. le Président, prenons l'exemple - je termine là-dessus - de Montréal. Le gouvernement fédéral paie à Montréal 6 200 000 $ de taxes foncières par année.

Une voix: Combien?

M. Rochefort: Six millions deux cent mille dollars, alors que le gouvernement du Québec en paie au-delà de 125 000 000 $. M. le Président, devant une situation semblable, le ministre André Ouellet vient dire aux commerçants de la plaza Saint-Hubert: J'ai un petit montant de 1 200 000 $ à vous donner cette année parce que mes élections s'en viennent. Qu'ils paient donc tous leurs impôts fonciers et on aura de l'argent non seulement pour développer la plaza Saint-Hubert, mais pour développer l'ensemble des artères commerciales de Montréal et l'ensemble des priorités que les Montréalais se sont définies.

M. le Président, c'est là le contenu de la loi 38. C'est pour cette raison et pour l'ensemble de ces raisons que nous avons déposé la loi 38 et c'est pour ces raisons que, malgré l'attitude négative, rébarbative du Parti libéral du Québec, nous allons faire adopter cette loi par l'Assemblée nationale du Québec et, par un souci d'équité pour l'ensemble des municipalités et des citoyens du Québec, nous appliquerons la loi 38.

Des voix: Bravol

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez laisser parler votre collègue, j'aimerais au moins que vous le respectiez. M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. Je suis en communication assez constante avec les gens de mon comté et ils m'ont demandé: Allez-vous parler sur le projet de loi 38? Qu'est-ce que ce projet de loi veut dire? Nous, nous ne comprenons pas cette terminologie péquiste. J'ai dit: Le projet de loi 38 s'appelle Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités. Ils m'ont dit: II n'y a rien là, c'est le gouvernement provincial qui participe au financement des municipalités, c'est du domaine provincial. Donc, pourquoi a-t-on besoin d'une loi? J'ai dit: Non, ce n'est pas son vrai titre, le vrai titre devait être loi sur la prohibition de la participation gouvernementale fédérale au financement des municipalités. Ils ont dit: C'est trop compliqué pour nous, voulez-vous expliquer en termes simples de quoi il s'agit.

Il s'agit vraiment d'une autre bataille de juridiction, d'une autre guerre de drapeaux, d'une autre bataille Ottawa-Québec, d'une autre bataille et, cette fois, personnalisée par deux individus. Il y en a un qui s'appelle Léonard et l'autre s'appelle Roberts; Léonard au provincial et Roberts au fédéral. C'est vraiment le but du projet de loi 38, parce que nous sommes tous d'accord sur le fait que le domaine municipal est de juridiction provinciale, il n'y a aucun problème là-dessus. Et de la part des députés ministériels et de la part des députés de l'Opposition, tout le monde est d'accord là-dessus, il n'y a pas de problème.

Le seul problème, c'est que, comme toujours, notre province de Québec, notre gouvernement n'est pas capable de faire un arrangement avec le gouvernement fédéral. Ces gens ne sont pas capables de vivre en paix et de trouver une solution acceptable aux deux parties. Comment se fait-il que, dans les autres provinces du Canada, on a aussi ce programme d'aide financière fédérale aux municipalités? N'oubliez pas que cet argent provient de tout le monde, c'est notre argent à nous tous, les Canadiens. Le ministre Léonard lui-même contribue à la bourse fédérale, même un peu plus que moi parce qu'il a un salaire de ministre et, moi, j'ai seulement un salaire de député. Mais ce qui arrive, comme les gens de mon comté le disent, c'est bien simple, il y a de l'argent perçu par le gouvernement fédéral parmi tous les Canadiens, on veut avoir notre part. Comment se fait-il qu'au Québec ça ne marche pas? Dans toutes les autres provinces, il n'y a pas de problème. Le gouvernement du Québec dit aux municipalités: On vous défend d'accepter cet argent du fédéral, à moins que cela ne soit dans le cadre d'une entente intervenue selon des conditions qui nous sont acceptables. C'est exactement le but du projet de loi 38.

L'autre soir, vous avez entendu parler le député de Verdun qui est en même temps maire de Verdun. Il a donné l'exemple d'une subvention fédérale de 2 000 000 $ en vertu d'un tel programme, et il l'a refusée. Pourquoi? Parce qu'il y avait une opinion des conseillers juridiques de Verdun qui lui avaient dit: N'acceptez pas cet argent parce que, si vous le faites, vous agissez en contravention avec le projet de loi 38 et le gouvernement provincial va couper d'autre argent ailleurs pour compenser le montant de cette subvention. On en est rendu au point où le gouvernement provincial, en vertu du projet de loi 38, défend aux municipalités d'accepter cette aide qui vient du gouvernement fédéral, de l'argent qui appartient à tout le monde, y inclus les citoyens canadiens du Québec.

Le projet de loi stipule que, selon le bon jugement du gouvernement, c'est-à-dire selon l'opinion du ministre des Affaires municipales, si on en arrive à la conclusion qu'une municipalité du Québec a bénéficié d'une telle participation fédérale, on a le droit de décréter immédiatement que les subventions ordinaires à cette municipalité seront coupées d'un montant équivalant à l'aide qui lui parvient du gouvernement fédéral. (22 h 10)

Le député qui m'a précédé a parlé... Il n'y a aucune discrétion là-dedans. Nous ne sommes pas discrétionnaires. M. le Président, on ne peut pas avoir un projet de loi plus discrétionnaire que le projet de loi 38, parce qu'il dit que le ministre - c'est encore le ministre des Affaires municipales... Il y a des gens qui m'ont parlé du ministre et qui m'ont dit: II semble être un homme assez gentil. Il a l'air gentil. Il a un gentil visage. Il était connu comme un gentil comptable avant d'être en politique. Comment se fait-il qu'il y ait encore cette bataille entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial? C'est parce que, quand il s'agit de relations provinciales ou interprovinciales ou de la province de Québec avec le gouvernement fédéral, les péquistes, soudainement, commencent à voir rouge collectivement. Vous n'êtes plus capables de parler normalement, d'agir normalement, d'être calmes, de regarder faire les autres et d'être de bonne foi, parce que, vraiment, vous ne voulez pas. Même dans le projet de loi, vous parlez du Canada. Le projet de loi parle du Canada. On ne parle pas du gouvernement fédéral. On ne parle pas d'une

entente entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Mais non! Dans le texte péquiste, on dit: Une entente entre le gouvernement et celui du Canada. On parle déjà du Canada comme d'un autre pays, comme d'une entente entre le Québec et les États-Unis. Vous êtes tellement possédés par cette obsession que, même dans le texte de votre projet de loi, vous ne parlez plus du gouvernement fédéral ou du fédéral, vous parlez du Canada, parce que le Canada c'est pour vous un pays étranger avec lequel on négocie.

M. le Président, ceux qui sont impliqués dans le monde municipal ne cherchent aucunement cette chicane. Ils n'en veulent pas. Les grandes villes et l'Union des municipalités régionales de comté a déjà clairement dit qu'elle ne veut pas de bataille de juridiction, encore une fois. Elle l'a dit et le ministre est au courant. Le ministre Léonard a reçu des lettres. Il a reçu des télégrammes. Il n'en a pas parlé hier quand il a fait son discours sur ce projet de loi. J'aimerais bien qu'il nous relate ici à l'Assemblée tous les télégrammes, toutes les lettres et tous les appels qu'il a reçus. Il a reçu une lettre de M. Dufour. J'ai rencontré M. Dufour, parce que je suis allé à Jonquière en fin de semaine. On a travaillé là pendant quatre jours. C'est intéressant de travailler là. M. Dufour est le maire de Jonquière et, en même temps, le président de l'Union des municipalités. M. Dufour est lui-même un péquiste bien connu. Il a travaillé pour la candidate péquiste. Malheureusement pour vous, elle a été battue. M. Dufour lui-même réclame au nom de l'Union des municipalités au ministre des Affaires municipales de ne pas adopter tout de suite ce projet de loi et d'avoir d'abord une discussion avec tous les représentants du monde municipal. On refuse. On nous présente ici ce projet de loi parce qu'on voit rouge. On est en face du gouvernement fédéral, l'ennemi. Ce n'est pas le gouvernement fédéral pour vous. C'est un pays étranger qui s'appelle le Canada.

Nous avons tous reçu maintenant une copie d'une lettre ou de la correspondance entre le ministre fédéral Roberts et M. Léonard, ministre provincial, des Affaires municipales. On n'était pas au courant, parce qu'on était ici. On entend les déclarations du ministre qui dit: Je suis en train de négocier avec Ottawa et mes fonctionnaires travaillent fort. On se rencontre et je suis prêt à aller n'importe où de l'autre côté, à Ottawa, même sur le territoire de la province de l'Ontario, à Ottawa, mais nous, nous avons reçu la copie d'une lettre du 30 novembre 1983 qui stipule très clairement... J'ai analysé cette lettre d'une manière objective et je me suis dit: Qu'y a-t-il là-dedans où je pourrais critiquer le gouvernement fédéral? Ce que je trouve, c'est que le point de vue du gouvernement fédéral est pas mal acceptable, parce que, d'abord, le gouvernement fédéral nous dit - c'est la lettre du ministre Roberts - et je le cite, c'est bon que la population le sache, parce que, lorsque le ministre fait ses grandes déclarations, il ne mentionne pas cela, il ne mentionne pas que le ministre Roberts a écrit le 30 novembre, il y a, quoi? six jours: "Le gouvernement fédéral reconnaît la compétence exclusive des provinces en matière d'institutions municipales et nous entendons les respecter." D'abord, s'il y avait un doute dans votre esprit péquiste, une fois pour toutes, que le gouvernement fédéral vous attaque ou empiète sur votre domaine, il le dit clairement dans sa lettre: Non. Nous, le gouvernement fédéral, nous respectons la juridiction du gouvernement provincial dans le domaine municipal. C'est clair. C'est entendu. Je le savais. Je n'avais pas besoin de la lettre de M. Roberts, mais, au cas où vous la voudriez, elle est là.

Deuxièmement, il dit - je cite la lettre du ministre fédéral - "Vous comprendrez cependant - c'est le ministre fédéral qui écrit au ministre provincial - que toute entente doit aussi tenir compte de l'imputabilité financière du gouvernement fédéral au Parlement et à ses commettants". Je trouve cela bien normal. Quand je vais à New York en automobile, on entre dans l'État de New York et on voit "argent fédéral au travail", "Federal money at work". On voit de grandes pancartes sur lesquelles on peut lire: "4 000 000 $, Hyghway construction". Le gouvernement fédéral paie tant, le gouvernement de New York paie tant, la municipalité de telle ville paie tant. Tout est inscrit, il n'y a pas de problème.

Tout ce qu'il demande dans sa lettre, c'est que, s'il y a une contribution de la part du gouvernement fédéral, elle soit reconnue. Et pourquoi pas? C'est son argent et c'est notre argent, c'est mon argent qui travaille. Si je donne 1 $ au fédéral et 1 $ au provincial en impôts et qu'on met les 2 $ ensemble dans un programme, qu'on le dise: 1 $ du fédéral et 1 $ du provincial. C'est parfait, je n'ai rien contre cela. Je trouve cela bien pratique.

Vous, vous n'acceptez pas cela, parce que vous, vous voyez rouge. Dès que vous voyez le mot "fédéral", vous ne pouvez plus agir et penser normalement. Sur le plan individuel, vous êtes corrects. Sur le plan individuel, je n'ai rien contre les péquistes. Vous, M. le Président, vous êtes péquiste, on le sait; je n'ai rien contre vous non plus, je vous respecte, je respecte votre fonction, je respecte le ministre. Mais, en équipe, soudainement, on ne voit plus clair, on n'est plus raisonnable, on veut la guerre. C'est presque une sorte d'hystérie collective; c'est malheureux, mais on est rendu à ce point.

Je conclus, M. le Président, en finissant de citer la lettre du ministre fédéral

Roberts. Il dit: "Nos propositions - c'est le fédéral qui parle - prévoient aussi que le ministère des Affaires municipales du Québec soit saisi de toute demande et qu'il puisse exercer un droit de veto en ce qui concerne le choix des projets". Le ministre Roberts dit même au ministre Léonard: Au cas où vous ne seriez pas d'accord sur la nature des programmes conjoints, je suis prêt à vous accorder un droit de veto. En d'autres termes, si vous n'aimez pas tel projet, vous, M. le ministre Léonard, vous avez un droit de veto. Il le dit dans sa lettre. Mais ça ne fonctionne pas, ça vient du fédéral et ce n'est pas possible de négocier.

Dernier argument de la part du ministre Roberts et je pense que c'est important. Il dit: "Si le projet de loi 38 est adopté, ce projet pénaliserait financièrement les municipalités québécoises et les placerait dans une situation défavorable par rapport à celle des autres provinces." C'est vrai parce que ce même argent fédéral est investi dans d'autres provinces. Cet argent fonctionne, cet argent travaille en Ontario, en Saskatchewan, en Alberta et aussi dans toutes les provinces à l'Est du Canada. Ce même argent, nous ne l'acceptons pas, c'est bloqué. Nous avons un projet de loi 38, parce qu'il y a une bataille de juridiction.

C'est rendu à un point tel que les municipalités ne sont pas folles, elles commencent maintenant à chercher, par d'autres méthodes, à obtenir cet argent. Vous connaissez la méthode: les municipalités, au lieu de recevoir cet argent directement - ce qu'elles n'osent pas faire parce qu'elles savent qu'il y a un projet de loi 38 qui leur défend de le faire - commencent à former ce qu'on appelle des associations communautaires, j'en ai vu une en fin de semaine.

En fin de semaine, j'ai reçu de quelqu'un une plume qui venait du lac Kénogami, dans le comté de Jonquière. Il y a une petite municipalité, autour du lac Kénogami, une partie du comté de Jonquière, où le phénomène s'est produit. On m'a montré un centre communautaire et sportif en construction, presque fini. En fait, il y avait des gens qui travaillaient là-dedans et aussi pour les élections. Il y avait tellement de volontaires qui voulaient travailler pour le Parti libéral que, finalement, c'est arrivé: on a gagné le comté de Jonquière. C'était un comté péquiste et il est devenu libéral, maintenant.

Il y avait là un centre communautaire sportif. Ce n'est pas la municipalité qui avait reçu l'argent, elle ne pouvait pas, elle n'osait pas parce que, à cause du projet de loi, elle ne peut pas l'accepter. Il y avait donc là une association communautaire de cette petite municipalité qui avait, par l'entremise de cette association, reçu de l'argent pour construire une aréna.

(22 h 20)

On est rendu à un point tel qu'il faut maintenant se servir de subterfuges pour accepter notre propre argent, l'argent que nous payons; que tous les contribuables du Québec paient au gouvernement fédéral et celui-ci veut nous redonner une partie de cet argent pour investir, par exemple en bâtissant des centres communautaires et sportifs, mais on ne peut pas l'accepter, parce qu'il y a une bataille entre Léonard et Roberts. Donc, on est obligé de marcher par le biais d'une association communautaire.

M. le Président, ce qu'on a dit dès le début et tout le monde de notre équipe l'a répété, c'est que c'est un problème qui n'aurait pas dû exister. On aurait dû négocier comme les autres provinces l'ont fait avec le fédéral. Je comprends, le fédéral n'est pas toujours élégant, c'est vrai. Il faut être dur, il faut négocier avec lui de manière qu'il respecte nos droits et il y a une manière de faire ça, mais pas avec le projet de loi 38 ou avec les députés qui nous disent: Donnez-nous le projet de loi 38 et ensuite on va mettre le fédéral à genoux et on va avoir des résultats.

On aura le résultat inverse. Est-ce que mon temps est expiré, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Non, M. le député, vous avez jusqu'à 22 h 26.

M. Polak: Merci, M. le Président. Donc, on est encore une fois de plus en face d'une bataille de juridiction, d'une bataille entre Québec et Ottawa, d'une bataille entre le Québec et le Canada, parce qu'on n'ose plus parler maintenant du gouvernement fédéral, on ne veut pas. On parle même déjà dans nos projets de loi du Canada, le pays étranger. C'est malheureux, parce que le monde municipal et ceux qui sont impliqués dans ce dossier ne veulent rien savoir.

J'étais ici l'autre soir, quand le député de Beauce-Sud a lu au moins une quinzaine de résolutions de petites municipalités. Ce ne sont pas toutes des municipalités administrées par des libéraux, il y a des péquistes aussi là-dedans. Chaque municipalité, dans sa propre terminologie, avait conclu en disant: On ne veut rien savoir du projet de loi 36... Encore une autre bataille stérile, une bataille sur les grands principes, bataille de drapeaux, bataille de paroles, on ne veut rien savoir de ça et cela veut dire quelque chose. Après, j'ai demandé au député de Beauce-Sud de me montrer ces résolutions. Ce qui m'a frappé, c'est que chaque résolution était formulée par chaque municipalité à sa manière. Il y en avait qui étaient très bien formulées, d'autres un peu moins, avec une technique moins bonne, mais le sens de l'affaire était là. Il y avait un grand message pour vous autres. Il y avait un message à Jonquière en fin de semaine,

un message très très clair. J'ai été là pendant quatre jours et vous n'avez rien compris, vous n'avez pas écouté, vous continuez sur cette route.

Si on voulait vraiment faire de la politique partisane, on dirait: Prenez donc votre projet de loi 36 parce que avec ça, vous allez vous faire encore plus d'ennemis. On ne devrait pas être ici pour parler contre, pour vous aider à voir clair et vous demander de retirer votre projet de loi, parce qu'on contribuerait peut-être à améliorer la situation. Parce que nous sommes une Opposition positive, on ne veut pas prendre avantage de vos faiblesses, mais vous ne voyez rien, vous n'apprenez pas, vous n'avez rien compris ni en fin de semaine ni maintenant, ni pour l'avenir. Vous allez continuer sur cette même route, la route qui conduira finalement à une faillite totale, pas seulement pour la province de Québec, mais dans le domaine municipal, dans le domaine financier et dans tous les domaines.

C'est malheureux qu'on en soit rendu encore à ce point. Nous sommes encore en face d'une autre bataille de juridiction qui se trouve maintenant dans le projet de loi. Excusez-moi, tout à l'heure j'ai dit le projet de loi 36, c'est 38. Quand j'entends les députés ministériels parler sur ce projet de loi, je réalise de plus en plus qu'il y a vraiment une différence énorme entre nous, une différence incroyable. Sur le plan des principes, nous ne sommes vraiment pas sur la même longueur d'onde. Je ne pense pas que nous soyons capables de vous convaincre, parce que vous ne voulez rien savoir, vous ne voulez pas apprendre et, indépendamment de toutes les leçons que vous recevrez. Vous avez reçu une grosse claque en fin de semaine, mais vous ne voulez rien savoir, vous continuez même à dire: II n'y a rien là! Il y a même de l'optimisme là-dedans parce qu'on monte un peu plus haut qu'on était il y a deux ou trois mois.

C'est malheureux qu'on en soit rendu à ce point-là, mais je pense que c'est important de renseigner la population sur la vraie nature du projet de loi 38. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président. L'Opposition n'est pas chanceuse cette semaine. On arrive dans la gloire mardi matin en se gonflant après avoir gagné deux élections partielles...

Une voix: Deux pas fortes, fortes, fortes!

M. Laplante: M. le Président, on n'a jamais dit à ces gens-là, ni de Jonquière, ni de Mégantic-Compton, que, rendus à l'Assemblée nationale, ils ne savaient plus choisir entre le bon et le mauvais. Cette semaine, on a débattu le projet de loi 57, qui modifie la loi 101. L'Opposition s'est dite d'accord avec la loi 101 même si elle avait voté contre auparavant. Par les amendements au projet de loi 57 que ses députés avaient réclamés, ils ont trouvé le tour de dénigrer la loi 101 et de voter contre le projet de loi 57.

Aujourd'hui, c'est le projet de loi 38, Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités. Sur le principe, les libéraux sont encore pour ce projet de loi. Ils disent que c'est vrai que le fédéral brime les droits du Québec, les droits constitutionnels à part cela. Ils disent que c'est vrai que le fédéral doit négocier avec le Québec pour redistribuer de l'argent aux municipalités. Même M. Bourassa, en 1974, adoptait une loi, au Québec, pour faire respecter justement la juridiction du Québec en matière municipale. Mais il a adopté une loi comme tout ce qu'il a fait, comme il a gouverné, ce qu'on appelle une loi "gélatine".

Une voix: Ah!

M. Laplante: Vous savez comment M. Bourassa a gouverné de 1970 à 1976? Dans une indécision complète. La loi de 1974, c'en est une de ses lois aussi, où il réaffirmait les droits du Québec en matière municipale. II réclamait qu'Ottawa respecte la juridiction, par la constitution, des droits du Québec. Mais la loi se terminait là. Aucune pénalité; rien dans la loi qui indiquait des pénalités. Cela voulait dire que n'importe quelle municipalité pouvait faire n'importe quoi. La seule chose qu'on pouvait leur dire, c'est: Écoutez! On a une loi qui demande de respecter la juridiction du Québec. Mais tout arrêtait là; aucune pénalité. Ce qui veut dire qu'une loi dans laquelle on défend des choses sans pénalité devient une loi caduque. C'est encore une des lois que M. Bourassa a adoptées en 1974 et qu'encore aujourd'hui lui le chef, l'ancien nouveau chef du Parti libéral... Ils ne se tiennent pas encore plus debout. On dit que cela appartient au Québec. On dit que le fédéral n'a pas à passer par les municipalités pour donner des subventions, distribuer des subventions. Par contre, le gouvernement présente le projet de loi 38 et on va voter contre, justement parce que la loi revendique les vrais droits constitutionnels du Québec envers les municipalités. C'est vrai, la pénalité est là, M. le Président.

Mais on n'était pas seuls. Le maire de Montréal, dans un article de la Presse du mercredi 26 mars 1974 disait ceci: "Si le gouvernement fédéral n'est pas satisfait de la façon dont les provinces s'occupent des

problèmes urbains et qu'il veut contribuer à l'aménagement urbain, il doit le faire par l'intermédiaire des provinces. Le maire de Montréal est d'avis que tout flirt du gouvernement fédéral avec les municipalités ne pourra jouer qu'au détriment de celles-ci et des provinces parce que le gouvernement fédéral n'ayant aucune obligation constitutionnelle à l'égard des villes pourra les laisser tomber quand bon lui semblera."

Une voix: ...

M. Laplante: On pourrait peut-être être plus polie, Mme la députée de Chomedey. Vous êtes la première à critiquer lorsque quelqu'un parle et qu'un des vôtres parle, madame.

Une voix: Qui d'autre sera insulté ce soir? (22 h 30)

M. Laplante: Vous-même, monsieur.

Si d'aventure des municipalités tentaient de s'affranchir des provinces en s'acoquinant avec le fédéral, elles ne risquent rien de moins que de voir le palier provincial réduire leurs pouvoirs, voire les faire disparaître. Plus loin aussi, il y avait la remarque qui se lisait comme suit: Ce qui est au fond caractéristique de la philosophie du maire de Montréal sur ce sujet, c'est la préoccupation constante d'éviter toute confusion. Les affaires municipales relèvent des provinces de par la constitution et c'est là un partage clair qu'il faut éviter d'embrouiller en multipliant les cas de frontières. Dès 1974, les maires étaient sensibilisés aux juridictions du Québec. Il est certain que nous ne refusons pas d'argent du fédéral. Nous voulons avoir notre part des 32 000 000 000 $ de déficit que le gouvernement fédéral va avoir cette année. Le Québec paiera donc sans avoir un mot à dire dans les finances fédérales, il sera obligé de payer 8 000 000 000 $ de déficit dans l'assiette du fédéral.

Ce sont des taxes qu'on sera obligé de payer pour payer ces déficits. Il n'est que juste que, lorsque le fédéral a de l'argent à donner, on puisse récupérer cet argent et le distribuer à ceux qui en ont besoin. Les municipalités, le besoin qu'elles ont actuellement, on a essayé de corriger cela, nous-mêmes, par la loi 57. On a essayé de corriger les finances des municipalités si bien qu'aujourd'hui, elles déclarent au total au Québec des surplus budgétaires de près de 180 000 000 $. Lorsque l'Opposition dit que le Québec ne peut jamais s'entendre avec Ottawa, on a donné la preuve tout à l'heure que même le ministre des Affaires municipales a négocié lui-même pour 1 200 000 000 $. Quelqu'un a dit que c'était une guerre de drapeaux. C'est faux. Pour n'importe quelle entente qu'on peut avoir avec les gens du fédéral, en respectant ce qu'ils ont établi eux-mêmes, la constitution, en respectant les droits du Québec envers les municipalités, le drapeau pour nous autres n'a pas d'importance à ce moment.

Si l'on veut, à l'ouverture d'un chantier fait en collaboration avec le Québec et l'argent du fédéral, négocier avec le ministre des Affaires municipales, qu'il y ait un drapeau canadien et qu'il y ait un drapeau du Québec à côté, cela ne nous fait pas mal, M. le Président. Les raisons ne sont pas là. C'est de l'enfantillage que j'ai vécu moi-même avec le député fédéral de mon comté sur les drapeaux. Le même député fédéral se plaît à se promener dans mon comté, comme les autres, parce que les 73 députés québécois du fédéral se plaisent à se vanter qu'ils ont de 750 000 $ à 7 000 000 $ dans leurs poches pour donner à qui ils veulent. C'est discrétionnaire.

Imaginez-vous que nous autres, gouvernement du Québec, on retire la loi 57, on remet cela comme c'était avant, on prend, disons, seulement les 180 000 000 $ de surplus des municipalités, on se promène avec cela dans nos poches pour essayer de plaire à M. le maire ici, M. le maire là et on les fait venir à nos bureaux. Qu'est-ce que dirait l'Opposition, à ce moment? Ces gens auraient raison de nous voir distribuer toutes sortes de subventions arbitraires sans étudier réellement les pouvoirs financiers de cette municipalité. Qu'est-ce que ces gens vont faire après qu'ils auront certains équipements? Est-ce qu'ils auront les moyens de les entretenir? Mon député, le député fédéral de Bourassa - à un moment donné, j'ouvre le journal de Montréal-Nord - accuse le gouvernement du Québec et le député de Sauvé, Jacques-Yvan Morin et votre humble serviteur, le député de Bourassa, de bloquer l'avancement de la ville de Montréal-Nord pour une subvention, pas donnée directement à la ville, mais donnée par le Club Optimiste de Montréal-Nord. C'est un cercle qui n'est pas censé faire de la politique, mais il en est membre comme par hasard, par exemple. C'est un club apolitique et il faut faire attention à cela quand on parle avec eux autres. Il leur a dit: Construisez un centre communautaire et vous obtiendrez 500 000 $. Mais, connaissant bien mon maire, même si on ne partage pas la même idéologie, c'est un homme qui se tourne vite de bord, c'est un homme qui a le respect des lois, il lui a répondu: Ma priorité pour la ville de Montréal-Nord - je ne la laisserai imposer par personne - ma priorité n'est pas un centre communautaire, j'ai besoin d'un service public et c'est un poste de pompier. Même M. le maire m'a dit que, si on était intéressé à l'aider à construire son poste de pompier, il va le construire avec l'aide de Québec. C'est un homme qui a voulu

administrer les affaires d'une ville suivant les lois, suivant la constitution du Canada. Je suis certain qu'un jour pas très loin, on pourra s'arranger avec M. le ministre pour essayer d'aider la ville de Montréal-Nord à accomplir ce qu'elle veut avoir et ce qu'elle me demande depuis une couple d'années, M. le ministre, son poste de pompier. Ces gens en bénéficieront. On pourra peut-être le prendre à ceux qui ne respectent pas la loi, à ceux qui aiment mieux aller coucher dans le lit du fédéral pour tripoter avec lui les deniers des municipalités. Ceux-là seront pénalisés. Cela nous fera des sommes d'argent pour aider justement les municipalités qui ont des projets sérieux, des projets dont elles ont besoin et qu'elles pourront assumer après leur construction, on pourra les aider à accomplir leurs projets.

C'est sûr que j'ai répondu au député fédéral, mais sur un ton qui voulait dire: Écoute, c'est hypocrite ce que tu fais là; tu ne respectes même pas la constitution que tu as adoptée. Oui, je les veux les 500 000 $. Il y a une condition au bout, c'est d'aller voir mon ministre des Affaires municipales, de prendre entente avec lui et je vous garantis que les 500 000 $ vont venir suivant les priorités de la ville de Montréal-Nord. Je pouvais lui garantir cela. N'ayez pas peur, je n'ai eu aucune réponse du député fédéral. Il se promène encore d'un organisme à l'autre en disant: Les "boys", j'ai 500 000 $ dans mes poches. Pourtant, on a un déficit de 32 000 000 000 $. Comment un gouvernement responsable peut-il distribuer l'argent à coups de millions comme cela quand on souffre d'un déficit de 32 000 000 000 $? Ce sont des questions qu'on se pose. Pourtant, s'il allait seulement à Montréal, à l'édifice de Radio-Canada, si cet édifice appartenait au gouvernement du Québec, on paierait, nous, Québécois, nos taxes qui se monteraient à 8 153 888 $. C'est ce qu'on paierait à la ville de Montréal pour l'édifice de Radio-Canada. Mais que paie Radio-Canada? 571 000 $, une différence de 7 800 000 $. Pourtant, on a le Palais des congrès que le Québec a construit et le Québec paie, seulement pour le Palais des congrès, 4 412 865 $. (22 h 40)

C'est facile d'avoir des ententes avec le fédéral. S'il veut créer des ententes, qu'on paie les taxes et l'entente sera facile. Les municipalités auront alors des surplus d'argent. Peut-être pourra-t-on diminuer les taux pour les contribuables, peut-être aussi construire des choses que la municipalité aurait le moyen de garder ensuite, mais ce serait dans les priorités des municipalités, elles pourraient administrer leur propre budget. Si, dans la décentralisation qui va, par la loi 57 et d'autres lois, donner du pouvoir aux municipalités, accroître leur pouvoir, si on veut continuer dans cette ligne, je pense que deux interlocuteurs, c'est assez, les municipalités et le Québec. Tout ce qu'on souhaite, comme gouvernement, c'est que les sommes que le gouvernement fédéral a à distribuer dans nos municipalités nous soient remises et on préparera des programmes avec lui comme on en a déjà préparé et je suis certain que l'argent sera bien placé, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, j'écoutais, hier matin, sur les ondes d'un poste de radio à Québec, le maire de Québec - dont le député de Trois-Rivières a parlé indirectement en parlant des problèmes financiers ou de la fiscalité municipale à Québec - dire le plus simplement du monde, mais avec énormément de conviction, son opposition comme maire - puisque vous parlez d'abondance au nom des maires - à ce projet de loi et il le disait peut-être d'une façon un peu caricaturale, mais néanmoins très vraie, pour montrer jusqu'à quel point l'incapacité du gouvernement du Québec de s'entendre avec le gouvernement fédéral pouvait mener à des situations absolument saugrenues, dans la mesure où, en vertu de ce projet de loi, les municipalités du Québec pourraient accepter des sommes de gouvernements étrangers, comme, par exemple, le gouvernement de la France, mais ne pourraient pas accepter d'argent qui viendrait du gouvernement canadien.

Une voix: Ridicule!

M. Rivest: Ce projet de loi illustre à mon avis, de façon absolument patente, l'incapacité chronique du gouvernement du Parti québécois à négocier des ententes et à conclure des ententes avec ses partenaires, que ce soient ses partenaires au niveau politique, au niveau économique ou au niveau social. Encore une fois, un ministre du gouvernement du Parti québécois saisit l'Assemblée nationale d'une projet de loi qui constitue, dans son essence même, l'échec de ce gouvernement à conclure une entente, cette fois avec le gouvernement fédéral. D'une façon analogue, pour illustrer cet échec de ce gouvernement, son incapacité à négocier des ententes raisonnables, sans doute à cause de ce sentiment qu'exprime d'une manière constante le gouvernement du Parti québécois d'être le seul à avoir la vérité, à avoir le pas, à avoir l'expression juste des problèmes, d'une façon analogue, lorsque ce gouvernement n'arrive pas à conclure une entente, par obstination ou autre chose, on fait le procès de la

personne, de l'institution ou du gouvernement avec lequel on devait conclure une entente.

M. le Président, en juin 1982, à l'automne et à l'hiver de 1983, l'Assemblée nationale a été saisie de trois projets de loi qui étaient encore une fois des constats d'échec, de l'incapacité du gouvernement du Parti québécois de s'entendre avec qui que ce soit. Cette fois, c'était avec les employés des secteurs public et parapublic. Quelle a été l'essence et toute la substance des discours, de l'attitude du gouvernement du Parti québécois qui n'avait pas réussi à s'entendre? Ce fut de faire le procès des employés des secteurs public et parapublic, c'était la faute des syndicats des employés du secteur public, de l'exagération dans leurs demandes, de leur refus d'accepter les propositions du gouvernement. Cette fois-ci, c'est la faute, bien sûr, du gouvernement fédéral.

M. le Président, je pense que l'on peut s'interroger. La population s'interroge très sérieusement sur ce nouvel échec qu'illustre le projet de loi 38, surtout que ce dont il s'agit ici, ce sont des sommes d'argent qui seraient dépensées par les municipalités et qui auraient un impact très significatif sur le plan de relance économique. Quand le premier ministre a fait, il y a quinze jours ou trois semaines, son énoncé à Radio-Québec annonçant le plan de relance du gouvernement, il me semble qu'une des toutes premières choses... Si ce plan de relance économique avait été autre chose qu'un plan de relance de la crédibilité politique du Parti québécois, il me semble que ce gouvernement se serait employé, d'une façon totale, aurait mis toutes ses énergies, vu la situation économique que connaissaient les femmes et les hommes qui vivent sur l'ensemble du territoire du Québec, à trouver avec le gouvernement fédéral, dans le contexte économique où nous nous trouvons, un terrain d'entente pour faire en sorte que les montants d'argent disponibles au niveau du gouvernement du Québec, comme les montants d'argent disponibles au niveau du gouvernement canadien, puissent être mis à la disposition des municipalités pour qu'elles puissent lancer des projets créateurs d'emplois à l'échelle du territoire de la province de Québec.

Il me semble que, si le gouvernement avait eu cette conviction et, dans d'autres domaines, il a essayé - on sait les difficultés et on imagine les difficultés dans le domaine de la relance économique que le gouvernement a eues pour négocier une certaine entente avec Hydro-Québec, c'est-à-dire demander à Hydro-Québec de revoir son plan d'investissement pour dégager quelques sommes additionnelles, parce qu'il s'agissait de créer des emplois - il a fait des efforts; mais là, s'agissant du gouvernement canadien, immédiatement le dossier s'est politisé comme on l'a vu d'une façon systématique depuis 1976, la politisation à outrance des rapports entre le gouvernement du Québec et le gouvernement canadien amenant de part et d'autre des exagérations, des abus et des stratégies qui, l'une annulant l'autre, ont eu comme résultat très net - les Québécois le savent, le réalisent de plus en plus et l'expriment très clairement, comme on l'a vu tout récemment lors des élections dans Jonquière et dans Mégantic-Compton - de faire en sorte qu'il y a des travailleurs et des travailleuses au Québec qui se sont retrouvés en chômage, parce qu'il y avait, au niveau de leur gouvernement, du gouvernement du Québec, cette incapacité chronique d'en arriver à mettre entre parenthèses les ambitions politiques des uns et des autres pour faire dominer les intérêts véritables des Québécois qui commandaient un effort systématique et sérieux pour en arriver à une entente afin que les municipalités puissent participer aux efforts de relance économique et aux efforts qui étaient faits -et qui devaient être faits - pour essayer de pallier les difficultés de la crise économique.

On peut faire le procès des attitudes du gouvernement fédéral dans le domaine municipal, de l'utilisation des pouvoirs constitutionnels que fait le gouvernement fédéral, mais il reste une chose absolument fondamentale - et ce projet de loi l'illustre d'une façon tellement évidente - c'est, encore une fois, que ce projet de loi est le constat d'un échec du gouvernement du Parti québécois. Je pense que c'est perçu de cette façon non seulement par la population, mais par les autorités municipales qui regrettent, par toutes les communications qu'elles ont fait parvenir au niveau fédéral, au ministre des Affaires municipales et à l'ensemble des députés de cette Chambre, pour presser le gouvernement du Québec d'essayer de négocier une entente qui aille dans le sens de la mise en oeuvre de projets par les municipalités afin d'appuyer les efforts de relance que les uns et les autres veulent bien entreprendre dans le domaine économique...

Bien sûr, il y a cette dimension - et plusieurs en ont parlé - cette espèce de concurrence entre les hommes politiques à Québec et ceux qui, à Ottawa, tentent, les uns et les autres, d'avoir le mérite des projets qui sont annoncés. Personnellement, je vous avoue que cette dimension de la chose - beaucoup de gens en ont parlé - me laisse assez indifférent. Je pense que la population est aussi indifférente de savoir si c'est un député fédéral ou un député péquiste qui va aller planter son drapeau sur un projet. Personnellement, cela me laisse totalement indifférent et la population s'en fout royalement, je pense, et elle a parfaitement raison. (22 h 50)

Ce que la population veut et exige de la part des niveaux de gouvernement, c'est que ces niveaux de gouvernement réussissent à conclure une entente. La question que mes collègues de l'Assemblée nationale et que la population posent à ce gouvernement auquel nous faisons face, au gouvernement du Québec, c'est: Comment se fait-il qu'il soit si difficile pour ce gouvernement d'en arriver à des ententes? On s'est référé au passé. Je me rappelle très bien les travaux d'hiver qui ont fait partie d'un programme fédéral au début des années soixante-dix. Nous étions conscients à l'époque, comme gouvernement du Québec... J'écoutais le ministre des Affaires municipales et d'autres collègues évoquer que l'utilisation du pouvoir de dépense du gouvernement fédéral dans le domaine municipal pouvait bousculer les ordres de priorités du gouvernement du Québec dans le domaine municipal.

Nous en étions conscients, nous avons vécu les problèmes. Je pourrais vous donner des exemples où sont survenues des incongruités vraiment regrettables. Au moment des travaux d'hiver de ce programme fédéral, nous avons négocié une entente dans laquelle était inscrite et respectée la juridiction du gouvernement du Québec. Les municipalités ont reçu les sommes d'argent disponibles au fédéral, cela a été fait dans le respect mutuel et avec le concours des autorités du ministère des Affaires municipales. Les municipalités ont pu ainsi mettre sur pied des programmes. Cela s'est fait dans le passé et on a négocié. Bien sûr, cela ne s'est pas fait du jour au lendemain, cela a dû prendre quelques semaines et mêmes quelques mois pour négocier, pour organiser des rencontres au niveau des hauts fonctionnaires, des rencontres politiques.

Mais il y avait cette chose essentielle, je pense: dans un régime fédéral - et jusqu'à nouvel ordre, on fait partie d'un régime fédéral et la majorité des Québécois veut que le Québec reste à l'intérieur du régime fédéral - pour mener une négociation, et surtout lorsqu'il s'agit de questions économiques et de questions sociales, il doit y avoir à la base une crédibilité, un respect réciproque des mandats que reçoivent les gens qui ont la responsabilité, au niveau provincial, et les gens au niveau fédéral. Dès lors qu'à cause d'une option politique fondamentale, les uns et les autres doivent vivre dans un climat, dans une attitude d'affrontement, de confrontation parce que les uns et les autres ont quelque chose à gagner selon qu'une entente est faite ou n'est pas faite, quand on s'inscrit dans une telle dynamique, c'est sûr qu'on aboutit à des projets de loi comme ce projet de loi qui est le constat d'un nouvel échec des rapports. Et qui en fait les frais? Personnellement, je me fous royalement - je le dis en toute franchise - que ce soit les ministres fédéraux ou le ministre péquiste qui perde ou qui gagne du prestige. Ce que je veux - je pense que mes collègues ont suffisamment insisté pour expliquer les raisons pour lesquelles on s'oppose à cela -c'est que les perdants véritables, ceux-là qui doivent nous préoccuper, ce ne soient pas les citoyens du Québec qui, eux, seront pénalisés à cause de ce nouvel échec du gouvernement du Parti québécois.

Une voix: C'est ça.

M. Rivest: Les maires, au fond, c'est ce qu'ils expriment. Mon collègue de Sainte-Anne a signale que le maire de Jonquière, M. Francis Dufour, qui a lui-même une option politique favorable au Parti québécois, ce qui mérite d'être respecté, mais qui est le représentant de l'ensemble des municipalités... Face à ce problème-là, M. Dufour dit au ministre des Affaires municipales: Entendez-vous, retardez le projet de loi 38; nous n'avons pas besoin de cela. Cela va desservir les intérêts des uns et des autres. Si le ministre ne veut pas entendre les propos tenus ici pour des raisons politiques et de confrontation parlementaire, fort bien, mais entendez au moins les représentants des milieux municipaux, que ce soit M. Dufour ou M. Pelletier, maire de Québec, enfin l'ensemble des maires. Je pense que mes collègues se sont employés à citer des communications qu'ils ont eues avec les édiles municipaux qui ont plaidé de la même façon.

Et, encore une fois, le gouvernement du Parti québécois saisit l'Assemblée nationale d'un projet de loi qui nous demande, comme parlementaires, de ratifier un échec, son incapacité de conclure une entente. On ne peut pas sanctionner les échecs du gouvernement du Parti québécois, on ne ferait que cela, non seulement dans le domaine municipal, mais dans tellement d'autres domaines. On ne peut quand même pas appuyer cela. C'est la première raison.

La deuxième raison, c'est la façon dont ce projet de loi est conçu. Ce projet de loi, qu'on dit censé défendre et valoriser l'autonomie municipale, est paternaliste et méprise la responsabilité des autorités municipales.

Tantôt, j'écoutais le député de Gouin dire que le gouvernement du Parti québécois va abandonner les subventions discrétionnaires. Mais ce projet de loi est rempli de pouvoirs discrétionnaires. Par exemple, à l'article 2, c'est le ministre lui-même d'autorité qui va décider, peut-être bien, qu'une municipalité, directement ou indirectement, aurait accepté de l'argent du gouvernement fédéral. Sans consultation, sans communiquer avec la municipalité, il déciderait cela. À l'article 3, le gouverne-

ment peut, à sa discrétion, constater par décret qu'une municipalité se trouve dans la situation que je viens de décrire. Plus loin, il peut décider que les sommes payables à une municipalité, à sa discrétion absolue, le gouvernement ne les paiera pas ou il va en payer une partie ou il va constituer un fonds. Quand les municipalités seront pénalisées, ensuite, il va distribuer ce fonds, à sa discrétion à l'ensemble des municipalités du Québec.

Quand on regarde la tenue du projet de loi - je termine là-dessus - ces deux raisons de fond, comment le ministre et les députés du Parti québécois peuvent-ils être sérieux lorsqu'ils demandent aux députés de l'Opposition d'endosser un projet de loi qui s'adresse aux municipalités, alors même que les municipalités, les administrateurs publics sont contre? Je ne pense pas qu'il s'en trouve qui soient pour un tel projet de loi qui se révélera, de toute façon, absolument néfaste, non seulement à l'élaboration de rapports sereins entre les trois paliers de gouvernement, mais à l'ensemble des citoyens du Québec qui souhaitent que leur gouvernement s'entende pour réaliser une chose capitale, la relance économique et la création d'emplois.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Dubuc.

M. Hubert Desbiens

M. Desbiens: M. le Président, nous nous retrouvons, ce soir, dans l'obligation d'étudier et d'approuver un projet de loi portant sur la participation gouvernementale au financement des municipalités. Contrairement à ce que vient d'exprimer le député de Jean-Talon, il m'apparaît que, si le projet de loi 38 est un constat d'échec, c'est plutôt le constat d'échec d'une loi qui a été adoptée en 1974 par le gouvernement de M. Bourassa et qui exprimait la volonté du gouvernement du Québec de l'époque, comme de celui de tous les temps, de voir respecté l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la loi fondamentale du pays. L'article de la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales dit très clairement ceci: "Sauf dans la mesure prévue expressément par la loi, aucune commission scolaire, commission régionale, corporation municipale, communauté urbaine ou communauté régionale ne peut, sous peine de nullité, négocier ou conclure des ententes avec le gouvernement du Canada, celui d'une autre province - gouvernement du Canada, on nous reprochait tantôt d'utiliser le mot "Canada" dans notre projet de loi - un gouvernement étranger ou un ministère ou un organisme de l'un de ces gouvernements." C'est la Loi sur le ministère des Affaires intergouverne- mentales qui a été votée en 1974 par le gouvernement de M. Bourassa, édition première. (23 heures)

S'il y a un échec, c'est l'échec de cette loi, d'une loi que vous avez adoptée vous-mêmes à cette époque. Cet échec, M. le Président, il est manifeste et il est un exemple de ce que tous les gouvernements antérieurs à celui qui est en place actuellement ont toujours défendu au niveau des municipalités du Québec. Jamais un gouvernement du Québec, depuis M. Duplessis, M. Jean Lesage, M. Jean-Jacques Bertrand ou M. Bourassa, comme je viens de le mentionner, n'a accepté que le gouvernement fédéral vienne toucher au domaine municipal. C'est d'ailleurs dans un article de la Presse daté du vendredi 22 septembre 1972 qui titrait: "Bourassa prévient Ottawa de ne pas toucher au domaine municipal." Le premier ministre...

Une voix: Montre donc cela, voir.

M. Desbiens: Dans la Presse, monsieur: "Bourassa prévient Ottawa de ne pas toucher au domaine municipal." Quelle est la politique? Est-ce que c'est la politique de Bourassa, édition 1970-1976, qui prévaut dans le Parti libéral ou est-ce que M. Bourassa a une nouvelle politique maintenant? Le premier ministre du Québec a déclaré à Montréal que la conférence tripartite de novembre à Toronto sera le test de la Confédération. Quelle sorte de test passons-nous aujourd'hui après l'attaque répétée et qui date d'août 1982? C'est à partir d'août 1982 que le problème a commencé à se manifester.

Quand on parle de la volonté du ministre des Affaires municipales et du gouvernement du Québec, et de la capacité du gouvernement du Québec de signer des ententes avec le gouvernement fédéral, il faut reprendre le dossier à ses premières heures. C'est depuis le mois d'août 1982 -cela veut dire au-delà de 16 mois maintenant - que les députés fédéraux se promènent à travers le paysage offrant des subventions, saupoudrant des subventions, comme le disait un de mes collègues tantôt, quelques municipalités particulièrement amies ou dans des endroits où l'on croyait pouvoir faire une percée. Dès le 31 août 1982, M. Francis Dufour, le président de l'UMQ, écrivait ceci aux membres de l'Union des municipalités du Québec: "Le conseil d'administration de l'UMQ soumet donc à ses membres que, dès le moment où elles reçoivent des offres formelles écrites de leur député, elles en avisent le ministère des Affaires municipales pour respecter la tradition et les règles déjà établies." L'appui de l'Union des municipalités du Québec date déjà du 31 août...

Une voix: Qui a dit cela?

M. Desbiens: C'est dans une lettre signée par le président de l'Union des municipalités, M. Francis Dufour, maire de Jonquière. Le 21 octobre 1982, il y a encore plus d'un an de cela, lors de l'ouverture du congrès annuel de l'Union des conseils de comté, son président, M. Moreau, marquait son appui et l'appui de l'UCCQ à la position du Québec en ces termes: "S'il est un point sur lequel la constitution canadienne est claire, c'est bien sur la juridiction exclusive des gouvernements provinciaux envers les municipalités et il importe - continuait-il -de ne pas s'écarter de cette ligne directrice."

L'attaque du gouvernement fédéral et des fédéraux, sans doute, selon ce qu'on constate, pour préparer une élection fédérale imminente, d'ici quelques mois, et redorer un peu le blason de ce gouvernement fédéral, soutenue par la succursale libérale du parti fédéral, contrevient expressément... Je pourrais continuer les citations et les appuis apportés par les divers intervenants du monde municipal. Qu'il me suffise de rappeler encore que les ouvertures et les intentions d'ententes ont été très manifestement et très clairement exprimées dans la lettre que, déjà, le 28 octobre 1982, l'actuel ministre des Affaires municipales faisait parvenir à Ottawa et dans laquelle il disait que les membres du gouvernement du Québec sont réceptifs à tout mécanisme qui permettra aux municipalités du Québec, dans le respect des juridictions respectives, de profiter des retombées des taxes que nous payons tous à Ottawa.

On sait que le ministre actuel des Affaires municipales - cela a déjà été mentionné - a été dans l'actuel gouvernement l'un de ceux qui ont très clairement et de façon très nette réussi à conclure des ententes comme jamais il n'en avait été réalisé avec le gouvernement fédéral. On a mentionné les chiffres tantôt. Alors que, sous le régime libéral précédent - Parti libéral du Québec avec Parti libéral fédéral de l'époque, entre 1970 et 1976 - il s'était conclu pour 383 867 000 $ d'ententes avec le gouvernement fédéral, le ministre des Affaires municipales qui tente depuis au-delà d'un an maintenant de négocier une entente dans le domaine municipal avec ce même gouvernement fédéral est le même ministre -comme ministre des Affaires municipales et ministre délégué à l'Aménagement précédemment - qui a conclu des ententes pour 1 345 445 000 $.

Pourtant ministre d'un méchant gouvernement séparatiste, il a réussi à conclure près de cinq fois plus d'ententes financières que le précédent gouvernement. Il m'apparaît donc tout à fait injuste d'accuser le gouvernement actuel de non-collaboration avec le fédéral dans ce domaine. Lorsque des ententes équitables ont été proposées - et elles ont été nombreuses, je viens de le prouver par les chiffres que j'ai mentionnés -le gouvernement du Québec a toujours démontré sa bonne volonté. Il n'a jamais hésité à s'associer au fédéral pour réaliser des programmes permettant aux Québécois de profiter des impôts payés aux deux paliers de gouvernement. Qu'il suffise de se souvenir, par exemple, de tous ces programmes conjoints de création d'emplois qui ont existé. Entre autres, dans le domaine municipal, le programme PAEC qui a été en vigueur jusqu'en 1981 - si ma mémoire est fidèle - un des meilleurs programmes, quant à moi, à titre de député d'un comté rural, qui ait pu exister et qui était le fruit d'une entente entre le gouvernement du Québec et celui d'Ottawa. Le programme PAEC d'aide aux équipements communautaires a permis de réaliser des équipements excessivement importants, utiles et nécessaires, dans certains cas, dans des municipalités de mon comté.

Le programme PAQ, Programme d'amélioration de quartiers, a également servi de façon très importante. On vient de le compléter et d'en faire l'inauguration justement dans la ville de La Baie, dans mon comté, pour l'amélioration d'un quartier complet de la ville.

Ce sont des programmes de formation professionnelle, des ententes qui sont conclues pour les cours aux adultes ou en industrie. Il y a également les projets liés à l'environnement, les projets liés au tourisme, les projets liés à la chasse et à la pêche, à l'énergie et aux ressources, à l'OPDQ, aux affaires sociales, aux transports, et j'en passe. Des ententes avec le fédéral, le gouvernement actuel en a conclu, est capable d'en signer encore et désire en signer encore pour le meilleur profit des Québécois et des Québécoises.

Toutefois, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le Québec ne doit pas signer n'importe quoi les yeux fermés. Lorsque, sous le couvert de l'entente, on attaque des compétences ou des juridictions bien québécoises, on ne peut pas nous reprocher d'être très vigilants à cet égard. Les Québécois et les Québécoises seraient certainement, à l'inverse, justifiés de nous reprocher d'être moins vigilants que les gouvernements antérieurs de MM. Duplessis, Lesage, Bertrand et Bourassa, que j'ai mentionnés.

Le gouvernement et le ministre sont prêts à conclure des ententes. Les efforts dans ce sens se font depuis déjà au-delà d'un an et ils ont été appuyés - je l'ai mentionné tantôt - par l'Union des municipalités du Québec, par l'Union des conseils de comté du Québec, qui est maintenant l'Union des MRC du Québec.

(23 h 10)

Je rappellerai que, le 1er mars 1983... C'est une des choses qu'on se fait parfois reprocher par les députés d'en face d'être arrivés avec ce projet de loi comme un cheveu sur la soupe. Les nombreuses lettres et déclarations, autant des présidents des unions de municipalités que du ministre lui-même, démontrent très clairement qu'au contraire le projet de loi 38 vient confirmer, à la suite de plusieurs dénonciations de l'attitude fédérale, cette loi qui existait déjà et qui était celle des Affaires intergouvemementales, interdisant aux municipalités de conclure des ententes. La Loi sur les Affaires intergouvernementales n'ayant pas été respectée, il devenait donc nécessaire de présenter un projet de loi qui soit plus complet et, comme tout projet de loi, qui soit assorti de certaines sanctions. Quant aux municipalités de mon comté, j'en ai discuté avec toutes et chacune d'entre elles cet automne et au cours de l'été et on m'a demandé justement de les rencontrer pour discuter et savoir quels étaient les effets directs de cette loi afin de pouvoir déjà la respecter.

Ce serait inéquitable pour les municipalités qui acceptent de respecter la constitution même du pays et la Loi québécoise sur les Affaires intergouvernementales interdisant aux municipalités de signer directement des ententes avec le gouvernement fédéral, ce serait inéquitable, je crois, pour les autres municipalités, celles qui ont décidé en majorité de respecter la loi, qu'il n'y ait pas de sanction pour celles qui auraient décidé de passer outre à ce projet de loi annoncé bien à l'avance et très clairement aux différents intervenants municipaux.

M. le Président, il a fallu même se rendre jusqu'au 26 mai 1983. Il a fallu que M. Lévesque lui-même écrive au premier ministre du Canada dans une ultime tentative d'en arriver à une entente en réaffirmant la position du Québec, en invitant le gouvernement fédéral à négocier. Il l'a fait dans une lettre directe à M. Trudeau du 26 mai 1983. Il y a eu le dépôt à la fin de juin du projet de loi 38. Je pense, qu'il est important de se rappeler aussi que, le 26 juillet 1983, M. Jean-Marie Moreau, encore président des MRC du Québec, rappelait une autre fois aux maires et conseillers des municipalités ou préfets que l'UMRQ appuyait la position du Québec dans le dossier et qu'on réclamait qu'une entente soit signée dans le respect de la constitution et la reconnaissance de la compétence exclusive des provinces en matière municipale et urbaine. "Il est impossible pour les municipalités de recevoir des fonds disponibles à Ottawa tout en respectant les dispositions du pacte constitutionnel. Cela peut et doit se faire par le biais d'une entente dûment négociée signée à la fois par Québec et par Ottawa."

Il me semble que cela me paraît assez clair. Le même M. Moreau s'est également adressé lui-même directement au premier ministre du Canada pour lui demander de participer à des ententes. C'est ainsi qu'on en arrive au 11 août où le premier ministre, M. Trudeau, finit par répondre à la lettre du 26 mai de M. Lévesque. Or, le 11 août 1983, M. le Président, cela faisait déjà une année complète que le gouvernement et que les députés libéraux fédéraux se promenaient dans le décor et essayaient de pervertir, si on peut dire, les corps municipaux québécois. M. Trudeau, dans sa réponse à la lettre du 26 mai de M. Lévesque, disait ceci: "Je vous confirme, par la présente, que le gouvernement du Canada est disposé à conclure avec votre gouvernement une entente sur les modalités de participation des municipalités québécoises aux programmes fédéraux de création d'emplois et de stabilisation économique."

Je me demande si cela n'est pas une reconnaissance justement que finalement le gouvernement fédéral n'avait pas, dans l'année antérieure, accepté de conclure des ententes. Depuis ce temps, il y a eu une offre, une ouverture qui a été faite. Tantôt, le député de Jean-Talon mentionnait qu'il n'y avait rien dans ce projet de loi 38 qui puisse être rattaché ou relié à la relance économique. Il s'agit de revoir quelles sont les offres que le ministre des Affaires municipales du Québec a faites, le 4 octobre 1983, à son collègue, M. Roberts. Les propositions qui sont faites concernent les programmes d'assainissement des eaux, ce qui est justement et très nettement un des points très importants puisque cela représente des milliards de dollars d'investissements et de travaux créateurs d'emplois à travers tout le Québec; des programmes d'assainissement des eaux où on offre la participation du gouvernement fédéral; l'aide à l'implantation des réseaux d'aqueduc au Québec; le programme qui touche également tous les centre-ville qui a été suggéré par M. Léonard, de même que tout le traitement des déchets, trois des programmes qui sont directement liés au programme de relance économique annoncé par M. Lévesque le 13 novembre dernier.

Enfin - et cela touche particulièrement un comté comme le mien - l'aide à l'implantation des réseaux d'aqueduc, l'aide à l'équipement de loisirs également, de même que l'amélioration de la voirie rurale. Pour tous ces programmes, la négociation se poursuit, elle traîne et il est donc extrêmement important que, le plus rapidement possible, à cause de cette lenteur des négociations en cours, le projet de loi 38 soit adopté.

Je rappellerai en terminant que, dans la région du Saguenay, la MRC du Fjord-du-

Saguenay a elle-même envoyé, en date du 23 novembre 1983, une résolution adoptée par son conseil, dont j'ai un extrait en main, qui demande l'appui des députés fédéraux et provinciaux de la région pour insister fortement auprès du cabinet fédéral pour que celui-ci réponde affirmativement, dans les plus brefs délais, à la demande du ministre des Affaires municipales, M. Jacques Léonard, concernant l'aide fédérale qui pourrait être accordée dans le cadre du programme d'assainissement des eaux pour soulager le fardeau fiscal des municipalités moins bien nanties. Cette résolution, adoptée par la MRC du Fjord-du-Saguenay, touche, évidemment, les municipalités du comté de Dubuc qui font toutes parties de cette MRC.

De même, en date du 1er décembre 1983, la municipalité de ville de La Baie, dans mon comté - je vous fais grâce des attendus - soumet la résolution suivante: "Qu'un appui soit accordé au gouvernement du Québec dans les démarches qu'il a entreprises par l'entremise de M. Jacques Léonard, ministre des Affaires municipales et M. Adrien Ouellette, ministre de l'Environnement, pour obtenir de la part du gouvernement fédéral une aide financière dans le programme d'assainissement des eaux afin de diminuer le fardeau fiscal des municipalités participantes." Je vous rappelle à cet égard qu'au Saguenay il y a pour des dizaines de millions de projets d'assainissement des eaux qui n'attendent qu'un appui financier supplémentaire à nos municipalités pour qu'elles puissent mettre leurs projets en branle, créant ainsi de nombreux emplois. "Que copie de la présente soit envoyée au député..."

M. le Président, il y a de nombreux aspects de cette loi 38 et de toute la relation qui existe entre le gouvernement du Québec, son ministre et son ministère des Affaires municipales et les municipalités du Québec qui ont été soulevés, d'ailleurs, par mes collègues et qui démontrent très clairement la volonté du gouvernement du Québec de remettre entre les mains des municipalités la plus large part d'autonomie possible. On sait qu'aujourd'hui les municipalités du Québec sont autonomes à 95% alors qu'elles l'étaient à peine à 75% en 1977, avant que le gouvernement du Québec vote la loi 57 sur la fiscalité municipale. Cette loi qui a permis cette autonomie budgétaire municipale est extrêmement importante.

Il y aurait aussi tout cet aspect qui a été développé et qui est important, celui des taxes et des impôts, car, si le gouvernement fédéral a tellement de moyens financiers à consacrer aux municipalités, il y a un canal très évident par lequel il pourrait le faire, c'est celui de payer ses taxes municipales. (23 h 20)

Je ne prendrai, en terminant, qu'un seul exemple, celui de ma municipalité qui compte 3500 âmes. En 1980, le gouvernement du Québec a payé à ma municipalité 86 354 $ en taxes et en "en lieu" de taxes, alors que le gouvernement fédéral a payé 1225 $ de taxes et d'impôts. En 1981, le gouvernement du Québec a payé 84 879 $ dans ma municipalité, alors que le gouvernement fédéral en payait 1453 $. En 1982, le gouvernement du Québec a payé 133 185 $ en taxes et en "en lieu" de taxes dans ma municipalité contre 2000 $ pour le gouvernement fédéral. Je pourrais reprendre chacune des municipalités de mon comté et vous démontrer que, si le gouvernement fédéral a autant d'argent à offrir aux municipalités, il pourrait très largement et très bien, s'il ne veut pas le faire par des ententes, le faire en payant ses taxes aux municipalités du Québec.

Des voix: Bravo!

M. Desbiens: M. le Président, mon temps est terminé. J'aurais aimé ajouter quand même, parce qu'il ne faut pas l'oublier, que les municipalités du Québec, face au programme RELAIS, n'ont pas perdu un cent puisque les 50 000 000 $ qui avaient été prévus à l'entente ont été entièrement financés par le gouvernement du Québec. Et, en plus, il y a eu le programme PECEM qui était d'environ 10 000 000 $, ce qui veut dire qu'il y a eu 60 000 000 $ d'investis par le ministère des Affaires municipales du Québec pour la création d'emplois au Québec en 1983. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Hull.

M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Avant de traiter du projet de loi 38 - et nous en traitons effectivement - il faut apporter certains correctifs. Le député du comté de Huntingdon, il y a quelques instants, a mentionné au député de Trois-Rivières qu'il avait tenu des propos malhonnêtes tenant compte des taxes payées par le gouvernement fédéral. Par la suite, par ignorance, sûrement, ne connaissant pas le dossier, on parle moins, mais quand même il y a des députés du côté ministériel qui font des affirmations gratuites. Entre autres, le député de Gouin mentionnait plus tôt que le gouvernement fédéral payait, à Montréal, en taxes ou en "en lieu" de taxes 6 200 000 $ par année. On sait, par des chiffres confirmés, que le gouvernement fédéral paie à Montréal plus de 14 000 000 $ en "en lieu" de taxes par année. On sait que les sociétés d'État du gouvernement fédéral, dont le Canadien

National, paient 16 000 000 $ en taxes foncières. On sait qu'Air Canada paie plus de 5 500 000 $ de taxes à Montréal par année. Et le député de Gouin nous mentionne un montant de 6 200 000 $. Ce sont des paroles en l'air ou c'est mentir à l'Assemblée nationale.

M. le Président, le député de Dubuc, qui vient à peine de prononcer son discours et de lire les mêmes notes qu'à peu près tous les députés du côté ministériel ont lues depuis qu'on a amorcé l'étude du projet de loi 38, mentionnait, et on a eu des applaudissements, certains énoncés du président de l'Union des municipalités du Québec, M. Francis Dufour, maire de Jonquière. Pourtant, c'est important que la population comprenne bien qu'un projet de loi comme le projet de loi 38 est un projet de loi matraque. C'est un projet de loi qui est déposé en cette Chambre par le bourreau des municipalités, par le ministre des Affaires municipales. Lui qui devrait être l'interlocuteur privilégié des municipalités auprès du gouvernement est le matraqueur des municipalités. Cela ressemble un peu au projet de loi 37 qui a fusionné, d'une façon forcée, les municipalités de Baie-Comeau et de Hauterive.

M. le Président, l'Union des municipalités du Québec est un organisme très important au Québec. Il regroupe l'ensemble des municipalités les plus importantes. Dans son petit document Urba qui est publié mensuellement, au mois d'août dernier, on peut lire: "Le projet de loi 38, un dangereux précédent. Selon l'Union des municipalités, ce projet de législation crée un dangereux précédent et laisse la porte ouverte à des décisions ministérielles discrétionnaires et inéquitables." On peut lire un peu plus loin que "l'Union des municipalités croit enfin qu'au lieu de brandir la carotte et le bâton le gouvernement du Québec devrait mettre tout en oeuvre, de concert avec le gouvernement fédéral, afin que cesse cette chicane stérile et que l'on établisse au plus vite un terrain d'entente acceptable pour les toutes les parties impliquées."

M. le Président, pourtant on a eu des élections complémentaires lundi dernier. Dans le comté de Mégantic-Compton, étant donné que nous avions perdu un collègue à cette Assemblée nationale que c'était un membre de l'Opposition, un collègue libéral, on pouvait s'attendre que cela devait être un libéral. Mais, Jonquière est, à toutes fins utiles, le comté par excellence pour les péquistes, le comté qui représentait l'option souverainiste, d'après ce gouvernement. C'était le comté qui, pour ce gouvernement, était son étoile. Ils l'ont perdu. Est-ce que ce n'est pas une autre leçon que ce gouvernement a eue? Est-ce que ce n'est pas une autre leçon qu'a eue le ministre des Affaires municipales, celui même qui a créé la discorde dans les municipalités, celui même qui a créé de la discorde dans les MRC dans tout le Québec, celui qui s'est approprié une grande partie du territoire de l'Outaouais québécois à son propre actif, à l'actif de sa municipalité régionale de comté, en plein conflit d'intérêts?

Le premier ministre du Québec, lors de l'élection complémentaire, a pris part à la tournée des ministres à Jonquière, pour faire pratiquement du porte-à-porte pour tenter d'aller convaincre les militants de Jonquière de voter péquiste. Selon le premier ministre - c'est dans le Droit du lundi 21 novembre -Ottawa fait du chantage auprès des municipalités. Voyons donc! Quand vous tenez compte d'un projet de loi matraque, quand vous tenez compte d'un projet de loi qui comprend des clauses rétroactives au 21 juin 1983, quand vous tenez compte d'un projet de loi qui est totalement discriminatoire à l'égard des municipalités, qui est discrétionnaire à l'égard du ministre des Affaires municipales, c'est encore lui qui peut brandir la carotte à celles qu'il n'aime pas parmi les municipalités du Québec!

Pis encore, le gouvernement, par l'entremise de son ministre des Affaires municipales, peut décréter... On sait que ce gouvernement a la facilité des décrets, on a connu cela avec la loi 111. Il est habitué à prendre des mesures agressives envers les citoyens du Québec, il est habitué à passer sous une forme dictatoriale tout ce qu'il veut passer. Nous sommes ici pour étudier un projet de loi qui a privé et qui prive actuellement les Québécois et les Québécoises de subventions qui permettraient, justement, à ces Québécois et à ces Québécoises actuellement en chômage, qui doivent recourir à l'assistance sociale, de se trouver des "jobs" et de travailler.

On comprend le principe qui veut que la constitution canadienne soit respectée, que les municipalités sont des créatures du gouvernement du Québec. Nous sommes d'accord avec tout cela, et même le gouvernement du temps en 1974, le gouvernement libéral, avait adopté un projet de loi, la loi 56. Nous retrouvons même l'article 20 de la loi 56 dans votre projet de loi. Vous auriez pu recourir à la loi 56, vous auriez pu la prendre au niveau d'une municipalité qui avait reçu des subventions du gouvernement fédéral. Vous auriez pu vous imposer, tenant compte de cette loi. Mais non. Il fallait, encore une fois, que le ministre des Affaires municipales fasse son petit jars et vienne imposer sa volonté aux municipalités du Québec. (23 h 30)

M. Doyon: Le petit matamorel

Une voix: Le bourreau matamore!

M. Rocheleau: Le premier ministre du Québec, le 21 novembre 1983, à Jonquière, signalait que son gouvernement jouit de l'appui de l'Union des municipalités dans ce dossier. Ce n'est pas vrai; c'est absolument faux, terriblement faux.

M. Lalonde: Ce sont des menteurs.

M. Rocheleau: On est habitué, M. le Président, grâce à la technologie, à l'information à la télévision, à ce que les nouvelles circulent en l'espace de quelques minutes. On n'est plus au temps de Duplessis où on peut dire quelque chose dans un coin du Québec un soir et qu'il faille deux semaines pour que ce soit véhiculé dans un autre coin du Québec. Non, les nouvelles, on les connaît à quelques minutes près. Il est allé dire aux gens de Jonquière que l'Union des municipalités appuyait la position du gouvernement.

Une voix: Qui a dit cela?

M. Rocheleau: Le premier ministre, M. René Lévesque, celui même qui s'est sauvé en Italie au cours de la semaine pour ne pas faire face à la déconfiture de Jonquière et de Mégantic-Compton parce qu'il n'avait pas de raison à donner pour ces deux élections qu'il savait déjà qu'il allait perdre. Cela a été expliqué par le leader du gouvernement comme étant une victoire morale, deux victoires morales. Comme le disait le whip de notre formation politique, cela faisait penser à la partie de hockey que nous avons vue pendant quelques minutes l'autre soir, au cours de laquelle Québec avait flanqué une méchante volée à Calgary. Le whip nous disait: Bien oui, le club de Calgary est retourné chez lui avec une victoire morale, il a perdu 8 à 1. C'est un peu à cela que ressemble votre formation politique. C'est à cela que ressemble un peu actuellement le côté ministériel par les lois qu'on nous dépose à cette Assemblée nationale.

Eh oui! L'Union des municipalités régionales de comté, représentée par son président, M. André Asselin, dans le Soleil du 5 décembre 1983, mentionne: "Les municipalités qualifient d'ingéreance le projet de loi 38." Ces principaux intervenants du monde municipal sont contre le projet de loi 38, sont contre l'ingérence du gouvernement du Québec au niveau de l'autonomie municipale. Est-ce que le ministre des Affaires municipales va comprendre une fois pour toutes, lui qui dit que les municipalités du Québec sont autonomes, que les municipalités du Québec sont là pour décider comme gouvernement local, qu'il est en train d'habiller les maires du Québec en culotte courte? C'est cela qu'il veut faire des maires et des conseillers municipaux du Québec, comme si ces gens ne pouvaient pas s'administrer eux- mêmes. Je voudrais dire une chose au gouvernement: II y a des élections dans les municipalités tous les quatre ans, les gens choisissent leurs représentants, comme il y a des élections au gouvernement du Québec environ tous les quatre ans au cours desquelles les citoyens du Québec choisissent aussi leurs représentants. Ils l'ont fait aux dernières élections et ils le feraient très prochainement si vous aviez le courage de décréter une élection générale. D'autant plus, M. le Président, que ce gouvernement représente à peine 20% de la population du Québec d'après les sondages que nous avons eus au cours des derniers mois, à peine 20%. C'est une excellente démocratie de tenter de gérer la province de Québec par des projets de loi semblables.

Si on allait un peu plus loin, M. le Président, et qu'on s'adressait à la population du Québec qui est actuellement témoin d'un chantage de ce gouvernement, témoin d'un chantage pourquoi? Simplement pour créer un affontement continu avec le gouvernement fédéral, un affrontement qui prive l'ensemble des municipalités du Québec de montants substantiels, montants pour lesquels on pourrait souhaiter un accord entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.

Mais non, on a des attitudes comme celle que le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional a eue au mois de novembre 1981. Dans un document confidentiel, ce ministre mentionnait: "Les risques de voir s'abattre une aide directe à des organismes régionaux ne sont pas à négliger. Les MRC qui amorcent leur schéma d'aménagement et qui auront besoin de financement pour le mettre en oeuvre seront des proies attrayantes. Aussi, devrons-nous rapidement mettre en place des mécanismes en vue de canaliser ces relations directes."

C'est comme cela que les négociations commencent au Québec vis-à-vis du gouvernement fédéral. Ce gouvernement, mes amis, n'est plus capable de négocier pour les citoyens du Québec et il le prouve tellement bien. Une négociation, c'est s'asseoir et discuter, C'est l'art du compromis, c'est l'art d'accepter des choses qui font notre affaire. Les autres provinces canadiennes prennent l'argent et négocient après. Nous, nous négocions et nous laissons l'argent là. Puis, nos citoyens, malheureusement, n'en bénéficient pas.

Une voix: C'est cela.

M. Rocheleau: On peut vraiment dire à la population du Québec que ce gouvernement n'est plus capable de négocier parce qu'actuellement nos agents de la paix, nos hommes en bleu, ici, à l'Assemblée nationale, les agents de conservation, les agents du transport routier, les agents du milieu

carcéral et les employés du ministère des Travaux publics ont une convention collective échue depuis trois ans, 36 mois, et elle n'est pas encore complétée, acceptée et ce gouvernement reporte, reporte et reporte.

Une voix: Bérubé qui arrive avec sa sacoche.

M. Rocheleau: Sûrement, le président du Conseil du trésor est ici avec sa sacoche. Je ne sais pas s'il l'a dans sa sacoche, la convention collective. On vient de leur faire une avance de 2000 $, un petit bonbon pour Noël. Ce n'est pas cela que ces gens veulent avoir, c'est une convention signée. Quand on prend comme exemple que cela fait trois ans, cela démontre que le gouvernement n'est plus capable d'entamer des négociations avec personne.

On a parlé tantôt de création d'emplois. Oui, la loi 38 empêche effectivement la création d'emplois. La loi 38 a pourri votre système, comme il a été pourri par d'autres lois que vous avez adoptées. Elle a empêché les citoyens du Québec de travailler.

Une voix: Un exemple?

M. Rocheleau: Un exemplel Je pourrais vous en donner tellement. Mais, dans votre loi 38, M. le ministre des Affaires municipales, qu'allez-vous faire étant donné qu'elle est rétroactive au 21 juin 1983? Qu'allez-vous faire si un organisme, un club social, un curé de paroisse a obtenu une subvention de son député fédéral pour réparer sa couverture ou améliorer son sous-sol d'église, afin de permettre aux citoyens, à toutes fins utiles, d'utiliser ces lieux? Est-ce que la municipalité va être pénalisée? Le gouvernement du Québec va lui retirer les subventions qu'elle aura reçues et le ministre des Affaires municipales va pouvoir, à sa discrétion, remettre le montant pour lequel il aura pénalisé une municipalité à qui il va vouloir. Il va aller choisir un petit maire péquiste au Québec, s'il en reste, et il va lui remettre la subvention qu'il aura enlevée à telle municipalité parce qu'elle avait reçu effectivement des subventions.

M. le Président, la ville de Québec a demandé d'être entendue. Le président de la Chambre de commerce de la province de Québec, l'Union des municipalités, l'Union des conseils de comté et combien d'autres municipalités, comme la ville de Hull, voudraient être entendus en commission parlementaire afin de pouvoir s'expliquer et demander des informations au gouvernement.

Motion de report

Pour toutes ces raisons, je veux proposer que la motion en discussion soit amendée en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant à la fin les mots "dans cinq jours" afin de permettre à ces intervenants du milieu de venir se faire entendre ici.

M. le Président, en terminant, je suis convaincu que le gouvernement n'avait pas pensé à inviter les intervenants du milieu pour qu'ils viennent nous éclairer et éclairer ce gouvernement avant qu'il fasse cette bêtise. Merci. (23 h 40)

Le Vice-Président (M. Jolivet): Étant donné que la motion d'amendement est recevable et qu'elle va être maintenant débattue, j'aimerais savoir, pour les besoins de l'organisation du débat, qui va être le porte-parole du côté gouvernemental. M. le ministre des Affaires municipales. Et du côté de l'Opposition? M. le député de Laprairie. Je vous remercie bien gros, mais, comme on m'a déjà fait le signe, je l'avais pris en conséquence pour les besoins de la cause. Quant à tous les autres, vous savez que le temps est diminué de moitié. Je rappelle aux gens qui sont dans les estrades que les sons que j'entends ne doivent pas être produits.

M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je viens d'entendre le député de Hull. Je lui dirai d'abord qu'il n'y a pas lieu de reporter ce débat.

Des voix: Pinochet! Dictateurl

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je m'excuse; ce ne sera pas compté dans votre temps. S'il vous plaît! De la même façon qu'on a été respectueux depuis le début pour tous les intervenants, incluant le député de Hull qui vient de terminer son intervention, je vous demanderais d'être respectueux envers le ministre responsable. S'il vous plaîtl M. le député de Jean-Talon. S'il vous plaît, M. le ministre. M. le ministre.

M. Léonard: Le leader du gouvernement a déjà annoncé que nous étions disposés, au début de la commission parlementaire pour l'étude article par article, à entendre les représentants de l'Union des municipalités du Québec et les représentants de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Il l'a fait savoir à deux reprises. Je le répète ce soir.

Maintenant, il n'y a pas lieu de reporter ce débat parce que la question que nous débattons existe depuis longtemps. Depuis 1980, les députés fédéraux envahissent sans gêne le réseau municipal. Depuis longtemps, mais depuis 1980 aussi, le gouvernement du Québec rappelle ses positions en la matière. Depuis longtemps aussi, les muni-

cipalités du Québec sont invitées à la prudence de toutes sortes de façons.

Nous n'avons pas cherché cet affrontement, loin de là. Au contraire, s'il y a un secteur, un domaine où le gouvernement du Québec, à mon sens, a toujours pensé qu'il était à l'abri de l'intrusion du fédéral, c'est bien celui des affaires municipales.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député de Gatineau, aidez-moi, aidez-moi.

M. Léonard: M. le Président, la "poulaille" fait du bruit.

Mais plus récemment, M. le Président, en août 1982, déjà, les députés fédéraux ont fait des offres de subventions à certaines municipalités du Québec et de façon très précise, notamment à Longueuil et Laval.

Le 31 août 1982, M. Dufour, président de l'UMQ, écrivait aux membres de l'union, mais je pense qu'on peut considérer cela comme un appui à la position du Québec. Il disait ceci: "Le conseil d'administration de l'UMQ soumet donc à ses membres que, dès le moment où elles reçoivent des offres formelles écrites de leur député, elles en avisent le ministère des Affaires municipales pour respecter la tradition et les règles déjà établies."

Le 14 octobre 1982, nous posons des gestes vis-à-vis du gouvernement fédéral. Dans une lettre de M. Jacques-Yvan Morin à M. Gray, président du Conseil du trésor du Canada, au sujet des offres de subventions, nous lisons ce qui suit: "Ces offres, par leur caractère discrétionnaire, nous paraissent peu respectueuses des principes d'une saine gestion des fonds publics. Il est, par ailleurs, évident que la démarche unilatérale du gouvernement fédéral ne respecte en rien les compétences et priorités du Québec dans le domaine municipal."

Le 21 octobre 1982, discours de M. Moreau, président de l'UCCQ: "S'il est un point sur lequel la constitution canadienne est claire, c'est bien sur la juridiction exclusive des gouvernements provinciaux envers les municipalités. Il importe de ne pas s'écarter de cette ligne directrice."

Le 26 octobre 1982, j'écris à M. Roméo LeBlanc. Dans cette lettre, je lui propose de chercher ensemble une autre façon mutuellement acceptable de permettre aux municipalités québécoises de bénéficier de fonds nouveaux mis à leur disposition. Nous ne cherchons pas l'affrontement, M. le Président. Le 28 octobre 1982, j'ai envoyé cette lettre à toutes les municipalités du Québec pour les informer de ce qui se passait. Il y a seulement les députés d'en face qui ne savent pas ce qui s'est passé. Le 23 novembre, M. LeBlanc m'a répondu et c'est connu. J'en passe parce qu'il y a eu des démarches de toutes sortes.

Le 17 mars, j'écrivais de nouveau à M. LeBlanc. Je lui ai rappelé que je n'avais reçu aucune réponse de ses collègues et que les subventions discrétionnaires se poursuivaient.

Le 30 mars 1983, M. Dufour à M. Roméo LeBlanc, ministre fédéral: "Nous déplorons que le ministre Léonard n'ait obtenu de votre part à ce jour aucune réponse à sa demande du 17 mars dernier, demande pourtant fort urgente dans le contexte économique extrêmement difficile que nous connaissons actuellement."

Discours du 28 avril devant l'UMQ. Discours de M. Lévesque, le 1er mai, devant l'UMQ. Lettre de M. Lévesque à M. Trudeau, le 26 mai 1983, qui rappelle la position du Québec en matière de subventions aux municipalités et qui fait état des démarches effectuées par les ministres québécois qui étaient là. Bref, une lettre qui, elle aussi, a été rendue publique.

C'est seulement le 21 juin que nous déposons le projet de loi 38, après toutes ces démarches, après ces rappels aux municipalités et pendant qu'il y avait des subventions discrétionnaires dans le paysage, pendant qu'on construisait des trottoirs grâce à des subventions fédérales.

Le 14 juillet, j'ai encore écrit aux maires. Le 26 juillet, lettre de M. Moreau aux préfets, maires et conseillers. L'UMRQ appuie la position du Québec sur ce dossier, mais ne veut pas faire les frais de querelles entre Ottawa et Québec. On réclame qu'une entente soit signée dans le respect de la constitution et la reconnaissance de la compétence exclusive des provinces en matière municipale et urbaine. Il est possible pour les municipalités de recevoir les fonds disponibles à Ottawa, tout en respectant les dispositions du pacte constitutionnel. Cela peut et doit se faire par le biais d'une entente dûment négociée et signée à la fois par Québec et Ottawa.

Le 28 juillet 1983, lettre de M. Moreau à M. Trudeau: "Une telle situation - l'offre de subventions discrétionnaires - place les élus municipaux du Québec dans un véritable dilemme. Ils ont le choix entre enfreindre les dispositions de la loi fondamentale du Canada et bénéficier des subventions fédérales ou respecter la constitution et se priver des sommes nécessaires à la réalisation de projets générateurs de développement."

Le 8 septembre, lettre de M. Lévesque à M. Trudeau. Le 26 septembre, réponse de M. Trudeau à M. Lévesque. Le 4 octobre, rencontre de M. Roberts avec moi-même. J'ai déposé la position du Québec, que j'ai déposée il y a quelques jours en Chambre, avec une demande portant sur quatre volets donnant lieu à la possibilité d'ententes.

Le 11 octobre, première rencontre de fonctionnaires. Le 28 octobre, j'ai écrit à M. Johnston pour lui demander de me répondre

sur les quatre premiers volets et pour ajouter deux autres volets. Deuxième rencontre de fonctionnaires le 14 novembre. Troisième, le 18 novembre et quatrième, aujourd'hui le 8 décembre.

M. le Président, on dira, de l'autre côté, que nous ne connaissons pas la position des municipalités. J'ai fait des tournées dans le Québec. J'ai rencontré, au cours du printemps dernier et récemment au cours des dernières semaines, des centaines de maires dans le Québec. Nous n'avons pas cherché l'affrontement; je pense que s'il y a une chose sur laquelle les gens s'entendent, c'est que nous ne cherchons pas l'affrontement dans ce secteur. (23 h 50)

Pourtant, la problématique perdure. Encore aujourd'hui, comme l'a mentionné tout à l'heure le député de Roberval, le journal The Gazette nous parle d'investissements dans le West Island de Montréal. Bien sûr, on dit que l'argent est disponible pour des groupes privés sans but lucratif, qui créeraient des emplois communautaires. Bien sûr, on dit cela, mais l'argent tombe toujours, 100 000 $ à chaque municipalité ou 200 000 $. On nous dit: De toute façon, c'est de notre compétence. Pendant qu'on dit que c'est de la compétence exclusive du Québec, dans les faits c'est le contraire. Pendant qu'on dit que les affaires municipales sont de la responsabilité du Québec et des municipalités, dans le même temps on donne de l'argent, maintenant surtout à des corporations parallèles pour faire des choses qui sont du ressort des municipalités.

On nous a dit, de l'autre côté, que nous étions des hypocrites, mais ce que je viens de décrire est typiquement de l'hypocrisie. Je dirais que c'est de la corruption des institutions municipales. C'est une gangrène qui risque de s'étendre. Je pense aussi qu'on ne peut pas se fier autant qu'on le dit de l'autre côté à des gens qui ont joué double jeu assez souvent. On parle de paix sur le plan international, mais on fait la guerre sur le plan interne. C'est ce qu'on fait. Il y a urgence, parce qu'il y a du danger dans ce qui se passe maintenant.

Je voudrais simplement vous citer un fait; je vous donnerai l'origine tout à l'heure, c'est quelqu'un que tout le monde ici connaît, "je déjeunais un jour avec un premier ministre du Canada à sa résidence. Nous étions d'accord pour affirmer que les zones réservées aux provinces en noir sur blanc dans notre constitution devaient être tenues pour sacrées. Nous convînmes que jamais au grand jamais il n'y aurait de ministère des Affaires urbaines au Canada. Quelques jours avant la session d'été de 1971, j'appris au travers des branches que le gouvernement fédéral s'apprêtait à créer un tel ministère. J'appelai au téléphone le premier ministre (du Canada) pour l'informer de ce que je venais d'apprendre. Il me dit que cela était impossible, qu'il ne pouvait y croire. Je vais faire monter les épreuves du discours du trône pour vérifier. Je vous rappelle. Ce qu'il fit environ une heure plus tard pour m'expliquer sa surprise et que, malheureusement, il était trop tard pour y faire des changements. Le département d'État aux Affaires urbaines est né le 30 juin 1971. Il obtint un statut de ministère le 28 août 1971." C'est signé M. Lucien Saulnier dans un extrait d'une analyse du Rapport du groupe de travail sur l'urbanisation.

Une voix: Qui était le premier ministre du Canada?

Une voix: Qui était le premier ministre du Québec?

M. Léonard: En 1971, c'est quelqu'un que vous connaissez bien et que vous défendez présentement.

Une voix: Le grand frère! Alors, relisez ce passage.

Une voix: Vendu.

M. Léonard: Je pense, M. le Président, qu'il y a lieu de procéder sans délai; les municipalités nous pressent de le faire. Il faut éviter la surenchère; il faut que la situation soit claire. Il y a aussi des résolutions de municipalités qui nous pressent de le faire. J'en ai une ici de Val-des-Monts: "En conclusion, c'est dans cet esprit que j'appuie votre projet de loi 38 et vous demande respectueusement de bien vouloir tenir compte de..." C'est ce qu'il nous disait. J'en ai une autre de Saint-André-Est: "Les membres du conseil désirent vous aviser qu'ils ne sont pas d'accord avec cette demande de retrait du projet de loi mis de l'avant par l'Union des municipalités régionales de comté. Il serait essentiel que le gouvernement fédéral respecte sa propre constitution et négocie les ententes spéciales avec les provinces."

Une voix: C'est dans le comté d'Argenteuil.

M. Léonard: Dans le comté d'Argenteuil et le maire était M. Guy Vaillancourt. À Saint-Luc-de-Matane: "En conséquence, il est proposé par M. Victor Murray et résolu unanimement d'aviser le ministre, M. Léonard, qu'il bénéficie de l'appui de la corporation municipale de Saint-Luc dans ce dossier."

Nous avons déposé le projet de loi 38 à la fin de la session et c'est après cela que les fédéraux se sont assis à table; après

seulement, pas avant. Je pense que c'est déjà une indication. Avec l'adoption du projet de loi en deuxième lecture, M. le Président, je crois qu'Ottawa sera obligé de signer une entente. Et tant que ce projet de loi ne sera pas adopté, compte tenu de son attitude antérieure, je pense qu'il ne signera jamais.

Quand le projet de loi 38 sera sanctionné, les municipalités vont travailler avec nous pour nous aider à obliger le gouvernement fédéral à s'asseoir - il n'y aura pas d'autre solution - pour nous aider à préciser les modalités du projet de loi. Je suis d'accord là-dessus. L'horizon va être clair, net. Je pense que, lorsqu'on fait des discours sur l'autonomie municipale, c'est en relation avec tout cela qu'il faut y penser. Si on doit continuer à laisser arriver dans les municipalités des subventions discrétionnaires comme celles qui arrivent maintenant, ce sont elles qui en feront les frais les premières parce qu'on va démolir un système qu'on a bâti de peine et de misère. Je sais qu'on peut faire des discours sur l'autonomie comme on en a fait tout à l'heure, mais, au fond, ce qu'on désire, c'est revenir à l'ancien système. Vous défendez vos amis d'Ottawa parce que vous voulez revenir au système de la discrétion. C'est exactement cela.

Des voix: Patroneux!

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Léonard: Vous voudriez qu'on adopte une mesure dilatoire pour qu'on puisse revenir à ce patronage que vous connaissez bien. Vous voudriez que...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Léonard: ...vos petits amis d'Ottawa puissent faire du patronage en attendant l'élection fédérale. C'est cela que vous cherchez. Vous voudriez prendre quelques mois de plus pour influencer l'électorat, si c'était possible encore.

Une voix: C'est cela. Ils ne sont plus capables d'en faire; ils passent par les libéraux d'Ottawa.

M. Léonard: Cette mesure serait l'initiative d'un parti politique qui se fait le complice d'Ottawa plutôt que de favoriser l'autonomie véritable des municipalités.

Une voix: C'est vrai. Le jupon dépasse.

M. Léonard: Vous voulez favoriser votre maison mère au détriment de l'autonomie municipale. Vous voulez vous servir des municipalités plutôt que les servir. C'est cela que vous voulez faire. Demandez-leur donc, à vos amis, de signer, puisque vous leur parlez si souvent.

Une voix: Allez négocier.

M. Léonard: Nous avons négocié. Demandez-leur donc. Demandez-leur, d'abord, de payer leurs taxes, de s'astreindre au système d'évaluation foncière au Québec et d'y mettre toutes leurs propriétés, pas seulement les bureaux de poste, toutes leurs propriétés.

Je pense qu'il est urgent qu'on adopte cette loi ces jours-ci en particulier. Cette loi a un caractère fiscal et c'est pour cela qu'elle s'applique depuis le moment de son dépôt. Ce n'est pas une loi rétroactive. C'est une loi à caractère fiscal qui s'applique depuis le moment de son dépôt. Les municipalités, ces jours-ci, sont en train de préparer leur budget, sont en train de définir leurs priorités pour 1984. C'est important que l'horizon soit clair pour elles en faisant leur budget. Tout délai pourrait prolonger la confusion, va conduire à de la mauvaise administration et, quant à moi, tout délai signifie l'irresponsabilité administrative. M. le Président, nous devons étudier maintenant ce projet de loi, nous devons adopter ce projet de loi et nous devons appliquer ce projet de loi. Merci.

Des voix: Bravo! (minuit)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie. De la même façon que je l'ai demandé pour le ministre tout à l'heure, de la même façon, je demande le respect pour le député de Laprairie. M. le député de Laprairie.

M. Jean-Pierre Saintonge

M. Saintonge: Merci, M. le Président. Nous en sommes à une motion de report et je voudrais ici expliquer le pourquoi d'une telle motion de report. En fait, il est important, pour les gens qui nous écoutent, pas nécessairement pour les ministériels qui devraient déjà savoir cela, de savoir que nous sommes à discuter d'une motion de M. Léonard, ministre des Affaires municipales, proposant que le projet de loi 38, Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités, soit maintenant lu pour la deuxième fois. Et nous présentons une motion pour amender ladite motion pour que, dorénavant, on puisse lire la motion de M. Léonard proposant que le projet de loi 38, Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités, soit lu pour la deuxième fois dans cinq jours.

M. le Président, cinq jours, c'est le but de la motion. Pourquoi cinq jours? Le ministre s'est fait, plus tôt, bon prince en nous disant qu'on voulait être dilatoire dans

cette motion. La motion, c'est vrai, ne demande pas une remise du débat dans un mois, dans six mois ou dans un an. On demande dans cinq jours, pour un seul et unique motif. C'est que le ministre des Affaires municipales puisse reconsidérer la décision qu'il a prise en accord avec le leader du gouvernement de refuser d'entendre les principaux acteurs du monde municipal: les unions des municipalités, l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales de même que tout autre intervenant du monde municipal qui auraient désiré ardemment se faire entendre sur le projet de loi 38. Mais pas une consultation à la sauvette comme le ministre propose de faire aux unions. Il propose une consultation à la sauvette avant l'étude article par article. Il est important d'entendre les unions des municipalités; il est important d'entendre les corps intermédiaires qui doivent, qui veulent se prononcer et donner leur opinion sur un tel projet de loi; il est important de les entendre et les entendre avant même que le principe de la loi soit adopté en deuxième lecture. C'est donc une commission parlementaire avant la deuxième lecture que nous voulons. En cela, nous rejoignons la demande pratiquement unanime du monde municipal à cet effet.

Se faire entendre pourquoi? Pour expliquer au ministre leur point de vue sur la loi 38. En quoi consiste la loi 38? On entend toutes sortes de choses depuis le début du débat sur le projet de loi 38, Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités. J'ai entendu ce soir, entre autres, le député de Roberval mentionner que c'était une loi fiscale. Une loi fiscale, beau problème. La loi 38 n'est nullement une loi fiscale. La loi 38 n'est pas non plus une loi qui affirme un principe de la constitution canadienne, d'aucune façon. Le principe établi dans la constitution canadienne, dans l'article 92, le définit clairement. La Loi sur les Affaires intergouvernementales, depuis 1974, reconnaît le principe, le principe de la compétence exclusive du Québec en matière municipale. C'est quelque chose qui est figé dans le ciment, qui est là dans une loi du Québec qui n'a pas encore été amendée et qui le demeurera - je l'espère - longtemps.

Le législateur fait une loi. C'est également un principe reconnu qu'une loi parle pour dire quelque chose. Une loi parle pour dire quelque chose, c'est-à-dire qu'une loi nouvellement adoptée ne vient pas confirmer une loi en vigueur depuis quelque temps. Donc, si c'est le principe de la loi qu'on recherche, le projet de loi 38 ne vient pas confirmer le principe. C'est déjà dans une loi du Québec qui a toujours pleine force et qui a toujours son application.

Le projet de loi 38 est une mesure non pas à caractère fiscal, mais purement et simplement une mesure pénale contre les municipalités du Québec. C'est quoi les municipalités du Québec? Le ministre de la consultation, le ministre de la concertation, le ministre à l'écoute des citoyens et des administrations municipales, je trouve extrêmement étrange de la part de ce ministre de venir proposer un tel projet à caractère pénal de cette façon. Les municipalités, soit, sont des créatures, d'une certaine façon, du gouvernement provincial par charte et elles sont régies par des lois, la Loi sur les cités et villes, le Code municipal ou une charte spéciale. Mais, en fait, une municipalité, c'est beaucoup plus qu'une simple créature du gouvernement. En quelque sorte, c'est un gouvernement local plein d'autonomie. C'est un partenaire, c'est un associé de l'État. Un associé de l'État, c'est quoi? Un associé non seulement du gouvernement du Québec, mais également du gouvernement canadien, une partie du territoire. C'est comme cela qu'il faut voir une municipalité et tenter de cette façon de composer avec les municipalités et non pas jouer avec elles le rôle de bon père de famille.

Dans le cadre présent, est-ce que le ministre démontre du respect envers des partenaires, envers des associés? D'aucune façon. On ne traite pas des associés de cette façon. Il y a un dicton qui dit: Avec un ami comme cela, je n'ai pas besoin d'ennemis. Mais je crois que les municipalités du Québec peuvent dire qu'avec un gouvernement provincial comme cela, on n'a pas besoin d'associés pour partager des choses avec lui, d'aucune façon.

La loi 38 a été décriée à travers le Québec, non seulement par l'Opposition, mais par les municipalités, par les préfets, par des organismes indépendants, des chambres de commerce, toutes sortes d'institutions tournant autour du monde municipal et participant avec le monde municipal à la vie de la collectivité. Cette loi, on a déploré d'une façon unanime son caractère discrétionnaire, son caractère discriminatoire, son caractère déraisonnable, inéquitable, abusif, et également son caractère imprécis. C'est allé plus loin que cela. Nous avons même entendu la loi 38 être traitée par le président de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales comme étant la loi des mesures de guerre du monde municipal. C'est comme cela qu'on perçoit la loi 38 dans le monde municipal.

Le ministre ne comprend pourtant pas. Le ministre n'a pas compris. Est-ce que le ministre a besoin de voir pour croire? Est-ce que le ministre a besoin d'entendre personnellement pour comprendre? Si c'est le cas, M. le Président, c'est justement ce qu'on veut offrir au ministre avec cette

motion que nous présentons ce soir. Si le ministre a besoin de voir pour croire et d'entendre pour comprendre, qu'il convoque l'Union des conseils de comté, l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales. Qu'il les convoque en commission parlementaire pour les entendre vraiment avant d'adopter le principe d'une telle loi inique.

Le ministre nous dit avoir l'appui des unions et également des maires. À mon point de vue, je dois dire que c'est absolument faux. Les unions des municipalités, les maires des municipalités, les préfets de comté, c'est unanime au Québec, c'est vrai, reconnaissent la compétence exclusive du Québec en matière municipale.

Mais jamais au grand jamais - je défie le ministre de me montrer une seule résolution qu'il a pu recevoir des municipalités, des unions des municipalités donnant leur appui fondamental au projet de loi 38 tel qu'il est en discussion devant cette Assemblée nationale - le ministre n'a reçu au sujet du projet de loi 38 un accord de l'Union des municipalités du Québec ou de l'Union des MRC. Au grand jamais, et non plus de quelque municipalité que ce soit, à ma connaissance.

Si le ministre veut vraiment montrer du respect pour les intervenants municipaux, il leur donnera le droit d'être entendus sur une loi qui va les affecter directement, de façon fort impopulaire, et qui va semer également le désarroi dans les municipalités. Dans notre régime de droit commun, d'une certaine façon, il y a une règle de droit qui dit: Audi alteram partem. Nous devons entendre toutes les parties. Je n'ai jamais vu une négociation entre deux parties se dérouler sans qu'on puisse entendre vraiment la partie concernée venir expliquer ce qu'elle a à dire et ce qu'elle pense.

Il ne faut pas se méprendre, tout le problème, en ce qui concerne la distribution des subventions aux municipalités du Québec, est véritable. Dans certains cas, le gouvernement fédéral a fait des offres, nous ne pouvons pas nier cela. Or nous ne sommes nullement d'accord pour que ces offres soient faites. Nous souhaitons que le gouvernement fédéral respecte la constitution, respecte la compétence exclusive du Québec. Depuis ce temps, depuis le temps où certaines offres ont pu être faites par certains députés, il y a tout de même eu un rappel à l'ordre par Ottawa. Le premier ministre du Canada a confirmé qu'il veut le respect de la constitution, qu'il veut le respect de la compétence du Québec en ce domaine. Il l'a affirmé dans une lettre au premier ministre du Québec, M. Lévesque. Celui-ci l'a vraiment reconnu et, plus que cela, il a même mandaté son ministre pour aller s'entendre en son nom, au nom du gouverne- ment du Québec, avec le ministre désigné par le gouvernement fédéral, M. John Roberts, de l'Emploi et de l'Immigration. (0 h 10)

Les négociations ne vont pas bon train. Pourtant, M. le Président, c'est dans une lettre que le ministre Roberts a cru bon de le rendre public, justement pour éclairer un peu le débat. Le ministre des Affaires municipales lui-même reprochait au ministre Roberts du fédéral d'avoir envoyé une lettre aux municipalités pour leur donner l'information appropriée sur le sujet. Pourtant, il pouvait se promener en disant ce qu'il voulait bien comprendre des soi-disant négociations et ce qu'il voulait des négociations. Dans la lettre en date du 30 novembre 1983, le ministre Roberts reconnaît expressément certaines discussions qui ont eu lieu. Il reconnaît expressément que le gouvernement fédéral reconnaît la compétence exclusive des provinces en matière d'institution municipale et il ajoute: "et nous entendons la respecter".

Je pense que c'est assez clair. C'est maintenant public, tout le monde le sait. On continuait plus loin: "Le gouvernement fédéral est tout à fait disposé à faire droit aux préoccupations constitutionnelles du Québec en cette matière. Vous comprendrez cependant que toute entente doit aussi tenir compte de l'imputabilité financière du gouvernement fédéral au Parlement et à ses commettants. Nos propositions prévoient donc un suivi fédéral ou conjoint des projets ainsi que le versement direct de la contribution fédérale aux municipalités. Mais nos propositions prévoient aussi que le ministère des Affaires municipales du Québec soit saisi de toute demande que des municipalités québécoises pourraient adresser à la Commission de l'emploi et de l'immigration en même temps que celui-ci et qu'il puisse exercer un droit de veto en ce qui concerne le choix des projets de création d'emplois."

Évidemment, M. le Président, dans un tel cas, je pense que la compétence exclusive du Québec en cette matière est reconnue, est établie. Ce sont des questions de modalité à négocier au niveau des ententes. Mais quand, au niveau des ententes, on refuse complètement de s'entendre d'un côté, on refuse toute concertation, toute négociation, mais qu'on recherche uniquement l'affrontement, on en arrive à une impasse. C'est ce genre d'impasse qu'on connaît. C'est le genre d'impasse qu'on a connu également dans un autre cas que je crois bon de rappeler ici ce soir, c'est le programme RELAIS. On a parlé tantôt du programme RELAIS qui contient 220 000 000 $ d'investissements au Québec pour la création d'emplois: 170 000 000 $ venant du fédéral et 50 000 000 $ venant du provincial; entente qui a été signée, acceptée et par le gouvernement fédéral et par le gouvernement

provincial et signée par deux ministres: le ministre des Affaires intergouvernementales, M. Jacques-Yvan Morin, et le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. Pierre Marois, en décembre 1981.

Pourtant, M. le Président, cela n'a pas été tellement long. Nous avons connu, quelques mois plus tard, la véritable couleur d'un ministre du gouvernement du Québec, le ministre des Affaires municipales qui, lui, de son côté, a fait avorter le projet RELAIS par mauvaise volonté, simplement en ne respectant pas l'entente reconnue par deux des ministres du Québec mandatés par le Conseil des ministres, par l'Exécutif du Québec pour signer une telle entente. Pourquoi? Sur des modalités d'opération dans le cadre d'un tel programme. Mais pourtant, dans le programme RELAIS municipal, dans le volet municipal, qu'est-ce qu'on trouvait? La volonté du Québec était parfaitement respectée. En premier lieu, on décidait si tout projet soumis était acceptable ou non par le ministère des Affaires municipales. C'était la première base du programme RELAIS au niveau du volet municipal. Cependant, que le gouvernement fédéral signe un contrat, donne de l'argent aux municipalités, même si le gouvernement provincial suit cette chose et a un suivi conjoint des programmes, ce n'est acceptable d'aucune façon. Cela ne touche pas la compétence du Québec. Ce sont des modalités d'opération qui, étant acceptées, auraient dû être maintenues. Mais on sait ce qu'une signature peut valoir pour un tel gouvernement. On l'a vu dans le cas des employés du secteur public, on l'a revu au niveau des ententes avec le gouvernement fédéral.

Quelle chose ultime a fait que le programme RELAIS n'a pas fonctionné? Le fait ultime pour lequel le programme RELAIS n'a pas fonctionné a été de priver, au niveau provincial, la part du Québec dans la participation à 100 000 000 $ d'investissement, c'est-à-dire que le fédéral a quand même investi les 170 000 000 $ promis pour la création d'emplois au Québec, mais, dans ces 170 000 000 $, il y avait une part de 100 000 000 $ par laquelle le Québec participait avec le gouvernement fédéral au choix des programmes subventionnés, où il y avait une interaction directe du gouvernement provincial sur le choix des programmes. Il participait activement avec le gouvernement fédéral pour choisir les programmes, suivant ce que le gouvernement du Québec pouvait, à la lumière de son expertise, envoyer dans les régions qui en avaient le plus besoin. Dans certains cas, non seulement avec le gouvernement du Québec, mais également avec les municipalités du Québec.

On a préféré, pour une guerre de drapeau, se retirer de ce programme et refuser d'y participer pour le bien-être du Québec. À 100 000 000 $ d'investissements, on aurait effectivement pu diriger certains investissements d'une façon prioritaire. On a préféré laisser faire cela par le gouvernement fédéral. Qu'est-ce qu'on entend ultérieurement de ces gens d'en face? On nous dit: Le fédéral dispense l'argent à droite et à gauche de façon inconsidérée dans les programmes de création d'emplois. Quand on refuse soi-même de participer, comment peut-on se plaindre d'une attitude d'un autre ordre de gouvernement?

Une voix: Bande d'hypocritesl

M. Saintonge: M. le Président, la commission parlementaire que nous réclamons avant la fin de la deuxième lecture, avant que la deuxième lecture soit complétée, est réclamée par les intervenants municipaux. Je vous fais part dès maintenant de certains télégrammes et de certaines lettres reçus à ce sujet. L'Union des municipalités du Québec, en date du 6 décembre envoyait un télégramme à M. Jacques Léonard, ministre des Affaires municipales: "M. le ministre, informée que le projet de loi 38, Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités, serait appelé en deuxième lecture dès ce matin, l'Union des municipalités du Québec demande à être entendue en commission parlementaire pour faire valoir son point de vue. Dernièrement et à quelques reprises, nous avons fait valoir que le projet de loi 38 constituait un moyen excessif pavant la voie à des actions ministérielles discrétionnaires et inéquitables. Soucieuse de voir l'ordre constitutionnel et administratif respecté, l'Union des municipalités du Québec réitère plutôt sa demande aux gouvernements fédéral et provincial d'en arriver à une entente dans les plus brefs délais afin que les municipalités ne soient pas privées des fonds disponibles." C'était signé par M. François Dufour, président de l'Union des municipalités du Québec.

M. le Président, vous avez également une lettre envoyée en date du 2 décembre à M. Jacques Léonard, ministre des Affaires municipales: "M. le ministre, le projet de loi 38 sur les subventions gouvernementales aux municipalités sera étudié en deuxième lecture avant l'ajournement de la session, le 21 décembre 1983. Étant donné l'importance de ce projet de loi et l'impact financier qu'il peut entraîner pour nos municipalités, nous vous demandons d'être entendus lors de la commission parlementaire qui étudiera le projet de loi afin de faire valoir le point de vue des municipalités que nous représentons. Espérant que vous acquiescerez à notre demande, veuillez agréer, M. le ministre, l'expression de mes sentiments distingués." C'est signé par le président de l'Union des

municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec Inc., Me André Asselin.

M. le Président, dans ces deux cas, dans le cas de l'Union des municipalités du Québec et de l'Union des MRC, en date du 2 décembre, je recevais confirmation ce soir même, vers 20 heures, qu'aucune réponse n'a été donnée à ce télégramme. C'est la même chose pour l'UMQ. C'est la façon dont on traite des partenaires et des associés.

La ville de Québec, en date du 8 décembre 1983, envoyait également un télégramme à M. Jacques Léonard: "Devant l'importance pour les municipalités du projet de loi 38 déposé aujourd'hui en deuxième lecture à l'Assemblée nationale du Québec, la ville de Québec souscrit à la demande qui vous a été présentée par l'Union des municipalités du Québec, afin que soit tenue une commission parlementaire sur ce projet de loi et que ladite commission parlementaire accepte d'entendre tous ceux qui en manifesteront l'intention. Pour sa part, si une telle commission est accordée, la ville de Québec entend y comparaître."

Ce serait intéressant d'entendre la ville de Québec, puisque le maire Pelletier avait déjà envoyé un télégramme à M. Roméo LeBlanc, ministre des Travaux publics à Ottawa. Dans ce télégramme, M. Jean Pelletier, maire de Québec et président de la Fédération canadienne des municipalités, mentionnait avoir rencontré le ministre Jacques Léonard, des Affaires municipales, et Jacques-Yvan Morin, des Affaires intergouvernementales du Québec - c'était avant le 31 mars 1983 - "à qui nous avons fait une suggestion concrète pour tenter de trouver la façon pratique de résoudre le problème à l'intérieur du cadre constitutionnel canadien".

J'aimerais bien qu'on puisse réentendre de telles suggestions que le maire Pelletier avait faites, lui maire de Québec et président de la Fédération canadienne des municipalités. Ce serait doublement intéressant d'entendre le ministre là-dessus. (0 h 20)

II y a également un autre télégramme qui a été envoyé au ministre des Affaires municipales le 6 décembre. "M. le ministre. Nous avons espéré pendant un certain temps que vos échanges avec votre collègue fédéral, M. John Roberts, Emploi et Immigration, déboucheraient sur une entente Québec-Ottawa permettant aux municipalités du Québec de bénéficier, comme les autres municipalités du Canada, des programmes fédéraux s'adressant à elles. "Malheureusement, comme ces échanges ne semblent pas aboutir et que le projet de loi 38 visant à pénaliser les municipalités qui voudraient bénéficier de tels programmes en dehors d'une entente fédérale-provinciale revient à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, je me vois dans l'obligation d'exécuter un mandat de notre dernière assemblée générale tenue au début de novembre dernier. Conséquemment, je vous demande de retirer le projet de loi 38 et cela aussi longtemps que les ententes appropriées ne seront pas signées avec le gouvernement fédéral. "Agréez, monsieur le ministre, l'expression de mes sentiments distingués."

C'est signé par M. P. Earle, président de la Chambre de commerce de la province de Québec.

Le monde municipal n'est pas seul à considérer que ce projet de loi est vraiment inique pour les municipalités et pénalisant pour les municipalités et les citoyens du Québec. Également, M. le Président, aujourd'hui même, la Chambre de commerce du district de Montréal a demandé au gouvernement du Québec de surseoir au présent projet de loi 38 sur le financement des municipalités et au gouvernement fédéral d'adopter une attitude plus respectueuse des compétences du Québec en matière d'affaires municipales. C'est une déclaration de M. Pierre Goyette, président de la Chambre de commerce du district de Montréal, dans une communication qu'il adressait à tous les médias d'information.

Pourquoi? M. Goyette mentionnait que les implications à court, moyen et long terme de ce projet de loi - au dire de la chambre - sont trop considérables pour mettre fin abruptement aux discussions. Il demandait également au gouvernement de retirer le projet de loi ou à tout le moins de surseoir à son étude et à son adoption afin de créer un climat propice à une négociation raisonnable plutôt qu'à un affrontement stérile. Il mentionnait également des impacts éminemment désastreux sur les finances municipales, en pertes d'argent, afin d'immédiatement abaisser le taux de chômage. Le genre de projets qu'on refuse actuellement, ce sont des projets qui permettraient à des municipalités de participer à un programme de relance. On souhaite un programme de relance. On n'attend pas celui du gouvernement, car on attendrait trop longtemps.

On souligne des impacts désastreux comme, par exemple, le fait que cela annule de façon incompréhensible les divers programmes fédéraux de développement industriel et régional. Cela met en péril certains des programmes reliés aux économies d'énergie et autres subventions pour les aéroports municipaux et la Commission de la capitale nationale. Cela vient de la Chambre de commerce de Montréal.

Je pense que ce sont des gens assez sérieux pour montrer qu'il y a vraiment un problème et que le ministre devrait prendre le temps d'écouter les intervenants intéressés au monde municipal, intéressés vraiment au désir des citoyens du Québec. Le projet de

loi 38, M. le Président, vise quoi et qui? Le ministre, durant toute son allocution, et la majorité des intervenants du côté ministériel ont continuellement décrié le fédéral. À mon point de vue, dans le projet de loi 38, d'aucune façon s'en prend-on au gouvernement fédéral. On s'en prend à qui? On pénalise qui? On frappe qui? On tape sur les doigts de qui? Sur les municipalités du Québec, qui sont censées être les partenaires, les associées du gouvernement au niveau de l'ensemble des citoyens du Québec. Une telle façon d'agir est répréhensible.

L'Opposition libérale, dans son effort de contrer l'adoption d'un tel projet de loi, fait front commun avec les municipalités du Québec, avec les unions des municipalités du Québec, avec les chambres de commerce, avec d'autres municipalités. La ville de Hull, semble-t-il, vous enverra un télégramme ou vous a envoyé un télégramme et d'autres municipalités se joindront au mouvement de protestation. Le monde municipal, de façon unanime, décrie un tel projet de loi.

Le ministre a certainement fait allusion à une rencontre, vendredi dernier, sur la rive sud de Montréal, où il disait qu'il avait reçu l'appui de plusieurs maires de la Montérégie, de plus de 50 maires de la Montérégie et même de 70 maires de la Montérégie. Les commentaires que j'ai reçus de cette réunion ne concordent pas avec ce que j'ai entendu dire par le ministre des Affaires municipales.

Évidemment, dans de telles rencontres, l'Opposition n'est pas invitée; en aucun temps, un représentant de l'Opposition ne pourrait aller voir ce qui se passe lors de ces rencontres pour vérifier si, vraiment, les paroles que le ministre mentionne et les rapports qu'il nous donne de ces réunions sont véridiques. Mon confrère, le député de Hull...

Une voix: C'est un menteur!

M. Saintonge: ...a bien tenté l'an dernier de se présenter ici, à Québec, à une réunion de l'Union des municipalités régionales de comté pour tenter de voir ce que le ministre avait à dire à l'union, pour tenter de voir si les paroles qu'il pouvait leur dire étaient dans le respect de l'autonomie municipale, étaient dans le respect des vues des municipalités du Québec relativement au schéma d'aménagement et au règlement de contrôle intérimaire. Tout ce qu'on a pu gagner, M. le Président, dans une démocratie ouverte, dans une transparence sans borne du ministre, ce fut l'expulsion du député de Hull, qui voulait observer ce qui se passait.

Une voix: Léonard le matamore!

M. Saintonge: Devant une telle façon d'agir, il ne faut pas se surprendre d'une attitude aussi négative du ministre vis-à-vis des municipalités, d'une attitude aussi discrétionnaire et totalitaire envers les municipalités du Québec.

Je voudrais également mentionner que le ministre dit avoir l'appui de l'ensemble des municipalités du Québec. À ma connaissance, selon des renseignements que j'ai obtenus de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, c'est plus de 600 municipalités - on a mentionné entre 600 et 1000 municipalités. J'apprécierais que le ministre des Affaires municipales convoque la commission parlementaire pour que l'Union des MRC puisse faire le dépôt de résolutions du genre de celles que je peux vous lire et qui sont parvenues au ministre et que le ministre feint de ne pas avoir reçues ou d'ignorer avoir reçues.

Une voix: II n'en accuse pas réception.

M. Saintonge: "Attendu qu'une assemblée des préfets de la province de Québec s'est tenue le 9 juillet 1983 à Québec et qu'il y a été question, entre autres, du projet de loi 38 intitulé Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités; "Attendu que les préfets reconnaissaient le principe du projet de loi, à savoir le respect par tous les gouvernements, tant fédéral, provinciaux que municipaux, du partage des pouvoirs tel que reconnu par la loi constitutionnelle de 1982; "Attendu que les préfets dénonçaient cependant énergiquement le texte du projet de loi principalement en ses articles 2, 3 et 7, par lesquels l'Assemblée nationale accorde des pouvoirs purement discrétionnaires, arbitraires et discriminatoires au gouvernement et à son ministre des Affaires municipales; "Attendu que les préfets constataient que les municipalités étaient littéralement prises en otage dans le contentieux fédéral-provincial et que la rétroactivité du projet de loi paralyse toute l'action municipale; "Attendu qu'il y a lieu d'entériner la position prise par les préfets à cette assemblée; "En conséquence, sur proposition de M. Lucien Daoust, appuyé par Mme Lise Gourley, il est résolu de demander au ministre des Affaires municipales, l'honorable Jacques Léonard, qu'il retire, dès l'ouverture de la session d'automne de l'Assemblée nationale prévue pour le 18 octobre 1983, son projet de loi no 38 intitulé Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités; il est également résolu que le ministre annonce immédiatement son intention de retirer ce projet de loi et ce, afin de permettre aux municipalités de poursuivre leurs activités dans les domaines touchés par le projet de loi 38." C'est une

résolution du village Les Cèdres.

Vous avez le village de Val-Brillant qui a fait la même chose. Je peux en énumérer quelques-unes: la corporation municipale du canton de Magog, la corporation municipale de Saint-Godefroi, le village d'Omerville, la ville de Candiac, la MRC de Roussillon, la MRC de Memphrémagog et j'en passe; 25 dans le comté de Beauce. Il y en a plus de 600, pratiquement 1000 résolutions au minimum, envoyées au ministre des Affaires municipales. Qu'est-ce que le ministre a fait? La demande a été présentée dès l'ouverture de la session et le ministre l'a refusée purement et simplement. Aujourd'hui le ministre veut faire une chose, pousser l'adoption de son projet de loi à la limite, pousser l'adoption de son projet de loi contre les voeux unanimes du monde municipal, contre les partenaires du monde municipal. L'Opposition se battra jusqu'au bout, défendra les municipalités du Québec entre un tel régime totalitaire qu'on veut leur imposer. (0 h 30)

S'il y a un problème à régler au niveau du gouvernement du Québec, avec le gouvernement central, avec le gouvernement fédéral, il faudrait que le ministre agisse comme une personne de bonne foi, comme une personne capable de faire preuve de maturité et capable de faire preuve aussi, d'ouverture d'esprit et tente de régler, pour le bien-être et des municipalités et de l'ensemble des citoyens, tout ce contentieux pour permettre d'une façon positive, que les fonds fédéraux pour la relance de l'emploi au Québec, pour l'investissement dans certaines structures puissent venir au Québec d'une façon régulière. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verchères, avant de vous donner la parole, j'avise chacun des membres de cette Assemblée que maintenant, vos interventions sont de dix minutes.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. On vient d'entendre le critique de l'Opposition en matière municipale appuyer la motion de report qui a été présentée par son collègue avec une série d'arguments, en particulier, nous disant: Nous demandons une motion de report pour entendre les intervenants du monde municipal.

M. le Président, on pourrait être incité à accepter ce genre de motion parce que, effectivement, on ne nous demande pas pour une fois de reporter à six mois, de reporter à douze mois, de reporter à huit mois l'adoption du projet de loi.

M. le Président, cette motion suppose que le gouvernement, que le ministre des Affaires municipales n'a d'aucune façon eu des conversations avec le monde municipal, n'a d'aucune façon eu des rencontres avec les porte-parole du monde municipal, n'a d'aucune façon eu des échanges directs importants avec le monde municipal et que, en conséquence, il faille adopter une motion de report pour permettre que ces discussions, que ces échanges de points de vue se fassent. En réalité, elle est tout autre.

On a beaucoup entendu, du côté gouvernemental, le monde municipal. On a beaucoup entendu, depuis plusieurs mois, les élus municipaux, les porte-parole du monde municipal. On les a longuement entendus avant la présentation du projet de loi 38 à l'Assemblée nationale au mois de juin. Et on les a, depuis la présentation de ce projet de loi au mois de juin dernier, longuement entendus. De nombreuses rencontres ont eu lieu, probablement entre tous les députés du parti ministériel et les maires de leur comté. De nombreuses rencontres ont eu lieu entre le ministre des Affaires municipales et les dirigeants du monde municipal. Encore récemment, M. le Président, pas plus tard que le 26 novembre dernier, le ministre des Affaires municipales passait cinq heures en compagnie des dirigeants des deux principales associations représentatives du monde municipal. Et, il l'avait fait quelques jours plus tôt, le 17 novembre, à Québec, encore une fois durant cinq heures. Et, on voudrait aujourd'hui, qu'on adopte une motion dilatoire qui viserait finalement à reporter la discussion publique et on a invoqué l'argument suivant: il est important que ces représentations se fassent publiquement avant l'adoption du principe du projet de loi.

M. le Président, au point où on en est rendu dans ce dossier, ce qui est important, c'est qu'avant que d'autres discussions aient lieu maintenant, il faut que l'Assemblée nationale du Québec adopte le principe du projet de loi 38. On a cherché par tous les moyens à s'entendre avec le gouvernement fédéral, par tous les moyens. On lui a offert ce qu'il désire le plus par les temps qui courent, c'est-à-dire la visibilité nécessaire, ce à quoi il tient le plus en cette période pré-électorale. On a dit: Si cela est un problème de visibilité, on va s'asseoir et on va s'entendre. Mais ce n'est pas cela qu'ils veulent. On a cherché par tous les moyens...

Qu'est-ce qui arrive pendant que nous, de bonne foi, à de nombreuses reprises - et le ministre des Affaires municipales a mentionné une liste considérable de moments où lui et ses fonctionnaires ont eu des rencontres avec le gouvernement fédéral -qu'est-ce qui arrive et qui continue d'arriver, au moment où on se parle, au moment où on discute de ce projet de loi? On continue de voir des députés fédéraux dire à nos médias, dire à nos maires qu'ils sont prêts à négocier avec le gouvernement du Québec, qu'ils respectent la constitution canadienne, mais

en même temps, violer cette constitution, en même temps faire du racolage auprès des municipalités, auprès des élus municipaux et essayer par tous les moyens finalement d'amener le monde municipal à contrevenir à la constitution canadienne et à rétablir le système discrétionnaire qui existait avant que le gouvernement du Parti québécois mette en place des mécanismes qui font en sorte qu'aujourd'hui, toutes les municipalités du Québec sont sur le même pied qu'elles soient dirigées par un maire et un conseil municipal péquistes ou libéraux. Et on voudrait, de l'autre côté de la Chambre, défendre une attitude de leurs collègues libéraux fédéraux qui, elle, consiste à institutionnaliser encore plus que jamais l'approche discrétionnaire, l'approche de patronage. C'est la raison pour laquelle on a tellement combattu cette approche et c'est la raison pour laquelle le moment est venu maintenant d'adopter le principe du projet de loi 38.

M. le Président, la réalité, c'est aussi que ce racolage, certains y résistent et d'autres n'arrivent pas, pour toutes sortes de raisons, à y résister. Et on place ainsi les municipalités qui ont résisté, face à des municipalités qui ne sont pas capables de dire non à ce racolage, dans des situations intenables. Si on n'adoptait pas le projet de loi 38 et si on acceptait de reporter ce projet de loi, qu'arriverait-il? Il arriverait qu'on continuerait de faire rire de nous. Il arriverait qu'on continuerait de ne pas nous prendre au sérieux. Il arriverait que, finalement, les négociations que l'on prétend de l'autre côté vouloir voir aboutir, comme le gouvernement veut qu'elles aboutissent, continueraient de tourner en rond.

Il y a une réalité dans des négociations, c'est qu'à un moment donné, il faut que cela aboutisse. Et dans les négociations où il y a des partenaires - et vous le savez, en tant qu'ancien syndicaliste - il y a des rapports de force qui s'établissent. Ce qu'on sait maintenant, c'est que le rapport de force, il va falloir qu'il s'établisse d'une telle façon que les gens se rendent compte, que les élus municipaux, les conseils municipaux, les associations dans le domaine municipal au Québec et les corps intermédiaires au Québec se rendent compte, que le gouvernement du Québec, cette fois-ci, est sérieux. Il a le gros bout du bâton et il n'entend pas le laisser pour permettre au gouvernement fédéral de continuer à ridiculiser la constitution, à ridiculiser les élus municipaux, à ridiculiser le gouvernement du Québec, un gouvernement qui adopte en cela des positions de l'ensemble des gouvernements du Québec qui nous ont précédés. C'est pour cela qu'il faut maintenant adopter le principe.

Le ministre, je tiens à le rappeler, a indiqué dans son intervention tantôt que, même s'il avait rencontré à plusieurs reprises les représentants du monde municipal, nous étions prêts et il était prêt à les rencontrer à nouveau en commission parlementaire, mais après que le principe du projet de loi 38 aura été adopté, certainement pas avant.

Le principe du projet de loi 38 - il faut qu'une fois pour toutes ce soit clair, clair pour les libéraux, clair pour les conseils municipaux - le principe du projet de loi 38 n'est pas négociable. Et cela ne sert à rien d'assister à des discussions pour négocier un principe qui n'est pas négociable. Nous sommes prêts à parler des modalités; nous sommes prêts à continuer de faire en sorte, avec l'appui de l'Opposition, avec l'appui du monde municipal, d'obtenir une entente avec le gouvernement fédéral. Mais une chose est certaine, on a fini de faire rire de nous. On a fini de faire rire de nous par un gouvernement qui essaie de nous faire passer pour des imbéciles, de nous faire passer pour des gens qui, finalement, veulent couper les vivres aux citoyens, ne veulent pas que des emplois soient créés, en essayant de camoufler que la réalité dans tout cela, c'est qu'on veut simplement se montrer un peu partout, avec beaucoup de visibilité, à un moment où l'on est à la baisse dans les sondages et à un moment où l'on s'en va en élections. C'est cela la réalité. Il ne faut pas être dupe. (0 h 40)

M. le Président, le principe de la loi 38 je termine avec cela - n'est pas négociable. Il n'est pas question de reporter l'adoption du projet de loi 38. C'est la raison pour laquelle nous allons battre cette motion.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, j'entendais plus tôt le ministre des Affaires municipales citer certaines autorités municipales à l'appui de la position qu'il défend dans cette Chambre. Il a cité un maire du comté d'Argenteuil, le maire de Saint-André-Est, si j'ai bien compris. Si le ministre suivait son affaire, il saurait qu'il y a eu un changement de maire à Saint-André-Est il y a au-delà d'un mois. Cela n'enlève pas la valeur de ce maire, mais je pense qu'il aurait mieux fait de citer des messages qu'il a reçus récemment de personnes qui sont habilitées pour parler au nom de l'ensemble des maires du Québec et au nom de l'ensemble des municipalités régionales de comté, qui sont ses deux principaux interlocuteurs. S'il est obligé d'aller cueillir dans des souvenirs déjà lointains pour justifier sa position, cela ne donne pas beaucoup de solidité à son message.

J'examine la position du ministre. Je me disais une chose plus tôt. Si le ministre

négocie avec le gouvernement fédéral comme il a transigé avec l'Opposition dans ce débat-ci, je ne suis pas étonné qu'il n'arrive pas à de gros résultats.

La proposition que nous vous avons faite est bien simple. Nous l'avons répétée à maintes reprises pendant le débat de deuxième lecture. Nous vous avons dit: Vos principaux interlocuteurs du milieu municipal - le député de Laprairie les a énumérés abondamment plus tôt, je n'entends pas recommencer cette énumération - vous demandent de se faire entendre par la commission parlementaire des affaires municipales avant l'adoption de ce projet de loi. Il me semble que si on les respecte un peu, si on les considère comme des partenaires, comme des associés, comme des gouvernements autonomes responsables, souverains dans leur ordre, dans une très large mesure, on va les consulter et les écouter avant d'avoir pris la décision et non pas après. Si vous prenez la décision de les punir pour commencer, que vous l'inscrivez dans votre loi et qu'ensuite vous leur dites: Bien, je suis prêt à négocier avec vous, ce n'est pas sérieux. Ce n'est pas une attitude de gouvernement respectueux de ses partenaires. C'est au stade actuel, si on veut être sérieux, qu'il faudrait non seulement accepter, mais solliciter l'opinion des interlocuteurs municipaux. Une fois que le principe de la loi aura été accepté, si le gouvernement est sérieux, il ne pourra pas reculer beaucoup. C'est tout ce que nous lui demandons.

Le député de Laprairie a fait voir très clairement qu'il n'est pas question d'une remise aux calendes grecques. On demande un délai de cinq jours pour les entendre en commission parlementaire. De plus en plus, dans cette Chambre, lorsqu'il est question d'un projet de loi qui a des implications politiques sérieuses, le gouvernement accepte de le soumettre à la discussion publique avant l'adoption en deuxième lecture pour qu'au cas où le gouvernement ferait fausse route, il lui soit plus facile de redresser son orientation. On a eu des exemples encore récemment de cela. Voici un cas où le gouvernement devrait agir de cette manière. Cela serait beaucoup plus respectueux pour les municipalités et beaucoup plus susceptible de le conduire à des résultats véritables. Si le gouvernement pouvait sortir de ces rencontres, que favoriserait une commission parlementaire avec les interlocuteurs municipaux, muni d'un consensus, d'un accord qui regrouperait les municipalités, l'Union des municipalités régionales de comté, l'Union des municipalités du Québec, les grandes municipalités et les grandes villes comme Québec, Montréal, Hull, Trois-Rivières, Sherbrooke et les autres, et l'Opposition peut-être aussi, je vous donne la garantie -c'est évidemment une garantie morale - que s'il réussit à s'entendre avec les deux grandes unions qui parlent au nom des municipalités sur cette question-ci, il y a 99,9% de chance qu'il réussisse également à s'entendre avec l'Opposition.

Pourquoi refuse-t-il? J'ai l'impression qu'on joue une partie politique. Je ne veux pas imputer de motif à personne mais je ne peux pas comprendre, autrement que par des raisons politiques - malheureusement des raisons de politique partisane - l'attitude obstinée du ministre dans ce débat. Si le ministre pouvait invoquer des autorités sérieuses autres que les préjugés de son propre parti à l'appui du projet de loi, je le comprendrais. Mais tout ce qu'il y a de sérieux dans le monde municipal... J'entendais tantôt lecture du télégramme de l'Union des municipalités du Québec, signé par le maire Francis Dufour, de Jonquière, dont les allégeances péquistes sont bien connues. Je vois le ministre de l'Énergie et des Ressources qui commence à douter de la loyauté de M. Dufour. Jusqu'à maintenant, c'est un homme qui n'a pas hésité à se ranger plutôt du côté du gouvernement mais, dans ce cas, en sa qualité de président de l'Union des municipalités du Québec, il vous dit: Faites attention à ce que vous faites. Écoutez donc la voix du bon sens et du réalisme.

M. le Président, je demande au ministre de réfléchir une dernière fois. Je l'invitais l'autre jour à faire preuve d'une recherche sincère d'un consensus. Je l'entendais faire des allusions partisanes tantôt. Je l'entendais traiter tous les gens de ce côté de la Chambre de valets du gouvernement fédéral, du Parti libéral fédéral. C'est un mensonge. Je ne suivrai pas le ministre des Affaires municipales, ni le président du Conseil du trésor sur cette voie que je méprise profondément. On doit être capable d'exprimer des opinions librement et de manière responsable sans toujours encourir des épithètes comme celles-là. On pourrait vous en accoler facilement, je ne descendrai pas sur ce terrain. Je vous invite, encore une fois, à faire preuve de sincérité, de réalisme, de bon sens, à mettre l'intérêt véritable du Québec et des municipalités avant l'intérêt partisan de votre formation politique. Si vous acceptez cette voie, vous comprendrez facilement qu'un délai de cinq jours pour entendre les municipalités du Québec n'est pas une perte de temps, c'est au contraire un geste politique sage et responsable.

Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

M. Gérald Godin M. Godin: M. le Président, je m'étonne

de voir le député d'Argenteuil proposer au gouvernement du Québec de barguiner la constitution canadienne. Je sais les textes qu'il a écrits, qui défendent les juridictions et les compétences des provinces. Toute sa vie a été consacrée à respecter la constitution canadienne telle qu'elle est ou telle qu'elle sera changée éventuellement. D'ailleurs, mon discours aujourd'hui consistera à citer un professeur de droit constitutionnel, M. Pierre Elliott Trudeau, dont les thèses, en 1954 et 1957, vont totalement à l'appui de la thèse aujourd'hui défendue par notre ministre des Affaires municipales. En 1957, dans Cité libre, Pierre Elliott Trudeau...

M. Bérubé: Ce n'est pas le même?

M. Godin: le même.

M. Bérubé: Ce n'est pas possible!

M. Godin: ...aujourd'hui premier ministre du Canada, écrivait ce qui suit: "Par contre, il est des cas où la présomption d'ingérence d'un niveau de gouvernement dans les affaires d'un autre se résout en certitude. Ainsi - dit-il - si une province entreprenait de taxer ses contribuables dans le but de doter l'armée canadienne de meilleurs fonds, sous prétexte qu'Ottawa est trop pauvre pour nous protéger adéquatement contre le péril russe - il est déjà obsédé par le péril russe, mais écoutez bien - ou si Ottawa - c'est là l'exemple utile pour la cause de mon collègue des Affaires municipales - affectait régulièrement des impôts à la construction d'écoles dans toutes les provinces sous prétexte que celles-ci ne se soucient pas suffisamment de l'éducation, ce gouvernement enfreindrait les bases mêmes du fédéralisme qui, je l'ai dit, ne reconnaît pas ce droit de regard d'un gouvernement sur les affaires des autres gouvernements." C'était Pierre Elliott Trudeau en 1957.

Je continue. M. Trudeau dit: "II ressort de la volonté de Louis Stephen Saint-Laurent de donner des fonds aux universités qui sont reconnues comme étant de compétence provinciale tout comme d'ailleurs les municipalités le sont en vertu de l'article 92 de la constitution canadienne. Il ressort de ceci que le fait de créer par voie de taxation un fonds fédéral pour fins de donation - ce que veulent faire les députés fédéraux avec les municipalités - n'est pas en soi ultra vires. L'illégalité apparaît cependant quand le fédéral dispose de ces fonds par une loi qui empiète dans le domaine provincial." C'est clair, je pense. "Les individus et les industries, poursuit le professeur de droit Pierre Elliott Trudeau, qui est aujourd'hui le père des dons, des cadeaux, que le gouvernement fédéral veut faire aux municipalités. (0 h 50)

Qu'est-ce qu'il a écrit, M. Trudeau, en 1957? "Les individus et les industries ne peuvent faire des dons que dans les limites de la loi - et il souligne "que dans les limites de la loi" -. Par exemple, le Code civil, article 12.65, interdit certaines donations entre époux. De même, nos gouvernements ne peuvent faire des dons que dans les limites de la constitution. Ce sont précisément ces limites qu'il s'agit de respecter. Les différents gouvernements, dit encore M. Trudeau, ne doivent donc exercer leur prérogative de donner l'argent provenant des impôts qu'à l'intérieur de leur juridiction propre."

La théorie de M. Saint-Laurent, qui est maintenant celle de M. Trudeau, est donc la négation même du fédéralisme et aboutit à l'anarchie. C'est une citation de M. Pierre Elliott Trudeau, aujourd'hui le père des cadeaux distribués directement aux municipalités par le gouvernement fédéral. "De la sorte, poursuit Pierre Trudeau, le parti de M. Saint-Laurent aurait réussi à abolir les deux principes les plus fondamentaux de notre constitution: No provincial Legislature could use its special powers as an indirect means of destroying powers given by the Parliament of Canada." En même temps: "The Parliament of Canada could not exercise its power of taxation so as to destroy the capacity of officers lawfully appointed by the provinces."

M. Trudeau conclut en disant ceci: "C'est insultant pour les provinces de se voir offrir des cadeaux avec ce que M. Saint-Laurent leur dit être l'argent de leurs propres contribuables. Cela est néfaste pour les principes de la démocratie." Je répète M. Pierre Trudeau en 1957. "C'est insultant pour les provinces de se voir offrir des cadeaux avec ce que M. Saint-Laurent leur dit être l'argent de leurs propres contribuables." Qui suggère M. Pierre Trudeau, en 1957, au gouvernement provincial de l'époque? "Alors, M. Duplessis aurait pu passer une loi qui ne ressemble pas à celle de mon collègue, une loi pour rendre les universités inhabiles à être les récipiendaires des dons du fédéral. La discussion - écoutez bien cela, M. le Président, c'est prophétique - de pareilles lois à la Législature aurait empêché l'Opposition libérale de reprendre ses faux-fuyants habituels. Ainsi, c'est important ce qu'il dit, les électeurs québécois...

Une voix: Ils vous connaissaient.

M. Godin: ...auraient fait un pas de plus vers la maturation, c'est-à-dire la connaissance de la constitution de ce pays." Ce sont les effets pédagogiques de la loi présentée par mon collègue, la maturation de la connaissance par les citoyens du Québec,

les maires du Québec de la propre constitution de leur propre pays.

Des voix: Bravo!

M. Godin: Quatre ans plus tôt, dans le journal Vrai, sur la même question, je citerai brièvement sa lettre à son ami Jacques Hébert, maintenant sénateur. "Mon vieux Jacques, dit-il, il faudrait publier une lettre ouverte à l'honorable Maurice Duplessis, le félicitant en principe de son opposition à l'ingérence fédérale dans le domaine de l'éducation - nous pourrions dire que c'est ce qui se passe, aujourd'hui, dans le domaine municipal - mais en lui proposant, en pratique, de donner à son opposition une tournure plus inventive en même temps que plus utile aux Canadiens français." Qu'est-ce qu'il propose dans son article humoristique? Il dit que si le fédéral donne aux universités 2 000 000 $, le Québec devrait prélever ces 2 000 000 $ à même l'argent qu'il donne aux universités elles-mêmes et ouvrir à Ottawa, avec ces 2 000 000 $, un bureau dans lequel le Québec donnerait une prime à tout fonctionnaire fédéral qui parlerait le français. C'est ce qu'il a écrit en 1954. Il dit que cette somme prélevée à même les dons normalement donnés aux universités par le Québec devraient servir à verser des subventions aux écoles séparées de l'Ouest et aux écoles françaises. Il dit que cette somme devrait servir à mettre à la disposition du fédéral un service de fabrication et d'apposition de plaques et d'affiches françaises sur les édifices fédéraux, les véhicules publics fédéraux, les chemins de fer nationaux, etc., et nos ambassades étrangères. Il termine en disant ceci - "Mon cher Jacques, je t'assure que mon plan est très réalisable et au fond très sérieux. Ces aspects fantaisistes sont eux-mêmes une arme contre la centralisation, car ils feraient - écoutez bien cela, je pense que c'est le bout le plus contemporain - vite perdre la face à nos braves ministres fédéraux - dont il est maintenant - et les feraient réfléchir un peu sur leur ridicule prétention de cultiver le jardin du voisin après avoir pris soin de voler sa bêche."

En conclusion, oui, M. le député d'Argenteuil, c'est un texte de Pierre Elliott Trudeau et je suis sûr que vous partagez fondamentalement cette option. La loi, c'est la loi, M. le Président. La constitution, c'est la constitution. Alors, qu'est-ce que les libéraux feraient si, par malheur, ils réussissaient à mettre un terme à leur série noire de défaites aux élections générales? Je le répète: Qu'est-ce que les libéraux feraient s'ils réussissaient à mettre un terme à leur série noire de défaites aux élections générales? Qu'est-ce qu'ils feraient? Est-ce qu'ils renieraient les principes de la constitution? Renieraient-ils les propos de leur nouveau renouveau rené chef Robert Bourassa? Le mot "rené" né pour une deuxième fois.

Écoutez bien cela, Mme la députée de Chomedey, cela vous intéressera. M. Bourassa, citant l'article 92 de la constitution canadienne, a dit que les institutions municipales sont de juridiction strictement provinciale et qu'il ne saurait être question de tolérer le moindre écart à ce sujet: la position de M. Léonard aujourd'hui. Quelle conformité avec les principes de fond et de base! M. Bourassa renie ses propres principes. M. Bourassa trahit la constitution canadienne. Il la trahit. Mais M. Bourassa dit: "Nous n'avons aucune objection qu'Ottawa nous fournisse des fonds - nous non plus - mais à la condition, dit-il - et on croirait entendre M. Léonard - à la condition que ces fonds soient dépensés en respectant la juridiction garantie par la constitution." Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Si le ministre des Affaires municipales veut comprendre pourquoi sa formation politique a perdu les élections dans Louis-Hébert, Saguenay, Saint-Jacques, Jonquière, Mégantic-Compton et Charlesbourg, je lui propose...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! Je m'excuse, M. le député.

M. Scowen: Oui. Je pense que...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre, s'il vous plaît!

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Si le ministre veut comprendre pourquoi ils ont perdu ces élections, je lui propose demain matin de regarder attentivement la cassette de son discours de ce soir, parce qu'il a lancé des attaques contre le Parti libéral du Québec et contre le gouvernement du Canada, le Parti libéral du Canada que la population du Québec trouve dépassées, terminées, abusées et abusives. Ce qui est arrivé et qu'ils ne comprennent pas, c'est que depuis 1980, quand ils ont sorti toutes les attaques possibles contre le gouvernement fédérai, pendant le référendum, et qu'ils ont perdu ce référendum après avoir sorti toutes ces attaques, ils n'ont jamais compris qu'ils auraient dû arrêter ce genre d'attaques et passer à un esprit de collaboration et de coopération dans le système fédéral. Mais

non! Ils ont continué sans cesse les attaques contre le gouvernement fédéral, nous traitant de valets du gouvernement fédéral. Aujourd'hui, M. le ministre, la population est écoeurée de ce genre de vocabulaire politique. Je ne parle pas des gens du coin qui blâment le gouvernement fédéral pour les tempêtes de neige à Québec et les grèves d'autobus à Montréal. Cela, c'est amusant. Il n'y a rien là. Mais je parle de ce système d'attaque systématique contre tout ce qui est fédéral, qui peu à peu permet à la population du Québec de réaliser que le gouvernement péquiste, séparatiste ultranationaliste a même perdu la force que le gouvernement du Québec doit normalement avoir dans les négociations avec le gouvernement fédéral. (1 heure)

Souvenez-vous, M. le Président, du débat sur la papeterie de Matane. Ils ont blâmé le fédéral pour sa non-réalisation, et c'est encore une non-réalisation. C'est vrai, voyez-vous? Souvenez-vous récemment de l'affaire des pêcheries dans la Gaspésie. Une loi pour blâmer le fédéral de nos problèmes. Souvenez-vous de la loi 82, la loi qui a été adoptée en pleine nuit pour corriger un élément de la loi 101 qui était clairement anticonstitutionnel, quand on a été obligé d'écouter toutes sortes d'attaques contre le fédéral. Vous souvenez-vous du ministre des Transports avec son affaire de Quebecair quand il a blâmé le fédéral pour tous les maux et les problèmes de Quebecair? Vous souvenez-vous du Nid-de-Corbeau? Vous souvenez-vous de l'"Ottawa-Crash" du ministre Landry? Vous souvenez-vous de la question de la péréquation du ministre des Finances, quand il a continuellement dit que la péréquation allait diminuer, que n'avions pas notre juste part, pour arriver l'an prochain avec des transferts du fédéral qui augmentent plutôt que de diminuer? Vous souvenez-vous des attaques contre le fédéral concernant les contingentements sur la chaussure, sur les vêtements? Vous souvenez-vous des attaques contre le gouvernement fédéral dans le domaine de la pharmacie, de l'automobile, du projet de loi S-31? Ce n'est jamais terminé.

Ce que le gouvernement n'a jamais compris, M. le Président, c'est pourquoi il est maintenant à un taux d'insatisfaction dans la population - je parle directement au président du Conseil du trésor car il fait partie de cette équipe - de 75%. Le plus vite on pourra se débarrasser de vous, mieux ce sera pour le Québec. Ce n'est pas moi qui le dis, mais les sondages que vous aimez tant. Les raisons sont en grande partie cette attitude dépassée. Les gens veulent vivre dans un système fédéral.

Dans un système fédéral - pour votre information, les gens du gouvernement - il y a les accommodations et les compromis qu'il faut faire des deux côtés. Je vous donne juste un exemple. Le domaine des affaires internationales est un domaine dans la constitution qui est fédéral, central. Nous avons insisté et nous insistons encore, avec raison, je pense, même si en principe dans la constitution c'est quelque chose qui est de juridiction du gouvernement central, sur le fait que, quand même, les gouvernements provinciaux, au moins le gouvernement du Québec, doivent avoir un rôle à jouer là-dedans. Alors, il faut négocier, nuancer parce que c'est un système fédéral. Dans ce cas-ci, qui est un peu la contrepartie de la même idée, dans le domaine municipal qui est très clairement défini comme une juridiction provinciale - on s'entend tous là-dessus - il faut aussi accepter que dans le domaine du développement économique vous avez un domaine qui est partagé. Ce domaine est fortement lié, bien sûr, avec les entités qu'on appelle les municipalités.

Quel est le rôle que le gouvernement central doit jouer dans le développement économique par l'entremise des municipalités? Zéro, car personne ne le dit. Certainement pas les municipalités. Il faut nuancer. Les gens du Québec veulent - messieurs du gouvernement - que vous fassiez des compromis, des négociations, que vous essayiez de vous entendre, que vous acceptiez le système fédéral comme un système qui peut marcher. Ils ne veulent pas que vous continuiez, comme vous le faites ce soir et comme vous le faites maintenant depuis cinq ou six ans, d'essayer chaque soir ici, à l'Assemblée nationale, de prouver avec vos discours fleuves exagérés que le sytème ne peut pas marcher. Je le répète, c'est une des raisons principales du taux de satisfaction de votre gouvernement - 25% -de la part de la population du Québec. Vous êtes incapables de comprendre ce qui se passe.

En terminant, je veux simplement vous expliquer que ce que nous proposons ce soir, c'est que le gouvernement remette l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi, pas à l'année prochaine, pas aux calendes grecques, pas pour six mois, mais pour cinq jours. On est prêt, si les municipalités sont d'accord et si vous démontrez que vous êtes capables de négocier à l'intérieur de ce système fédéral, à adopter ce projet de loi avant Noël. Que ce soit adopté ce soir, que ce soit adopté jeudi prochain, cela ne changera pas grand-chose. Tout ce qu'on demande c'est que, d'ici là, immédiatement, dans les cinq prochains jours - si vous pouvez le faire en trois jours, tant mieux -on convoque une commission parlementaire à laquelle on va inviter les institutions impliquées, affectées, obligées de vivre avec le projet de loi que vous voulez adopter ce soir.

Je pense que la population du Québec,

abusée et désabusée par vos politiques depuis longtemps, ne sera pas très gentille envers vous si, encore une fois, vous n'acceptez pas d'être raisonnables, si vous n'acceptez pas une suggestion raisonnable, un délai de deux, trois ou quatre jours pour écouter les personnes qui seront obligées de vivre avec ce projet de loi en commission parlementaire. Si vous refusez, je suis persuadé que les gens vont dire: C'est la preuve, ils l'ont encore faite, c'est le même groupe duquel nous avons notre voyage; c'est fini, merci beaucoup. Vous avez une occasion, ce soir, je pense, de renverser un peu, de changer un peu l'opinion publique quant au comportement et à l'orientation de votre parti politique. Je sais que vous êtes indépendantistes et je vous propose ce soir de nuancer ce vocabulaire, ce discours politique abusif et totalement dépassé. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vachon.

M. David Payne

M. Payne: II arrive souvent, M. le Président, que lorsque le vrai débat est déclenché en Chambre sur un projet de loi important comme ce soir, l'Opposition décide vite, avec une motion dilatoire, de faire une proposition pour retarder nos débats, juste au moment où la lumière commence à se faire, au moment où on commence à comprendre ce qu'est le véritable enjeu. Nous voyons -et c'est devenu vraiment typique de nos débats ici à l'Assemblée nationale, depuis quelques années, avec l'Opposition que nous connaissons - qu'ils deviennent timides, peureux, peut-être fatigués à ce temps-ci de la soirée, parce que nous avons vu depuis quelques heures, depuis deux jours, qu'en réalité le Québec, encore une fois, s'est trouvé dépourvu à cause du gouvernement d'Ottawa. Lorsqu'ils parlent - je ne veux pas donner les noms - de la confrontation avec Ottawa et lorsqu'ils parlent des séparatistes, lorsqu'ils parlent de l'agression de la part du Québec, je me demande d'où cela vient. Qu'est-ce qui fait en sorte qu'on est tellement aggressif? Je ne peux que faire référence à une seule chose: si je me souviens de la date, c'était le 12 novembre 1980. C'est ce jour-là, à cette date-là que le gouvernement d'Ottawa a décidé sans négociation, sans consultation, sans préavis, de retirer la troisième phase d'un programme conjoint entre le gouvernement d'Ottawa et celui du Québec, le PAEC, c'est-à-dire le programme d'assistance aux équipements communautaires. Il a été retiré. Où est l'agression là-dedans? Où le gouvernement du Québec a-t-il montré sa mauvaise foi? Je peux vous illustrer en deux secondes l'urgence du débat. Je vais faire abstraction des grands principes pour deux secondes. Je reviendrai tout à l'heure aux grands principes.

(1 h 10)

Je feuilletais le journal - pas le journal de Montréal, c'était le Dimanche-Matin - le 7 août 1983. C'est bien écrit ici dans l'article en question et il y a une photo d'une église: Faute de pouvoir, dit la manchette, aider les villes, Ottawa s'occupe des églises.

Nous savons très bien dans le contexte économique que tous nos organismes ont besoin de toute l'aide dont on peut disposer. C'est nécessaire. Mais un instant! Je suis député à l'Assemblée nationale, nous fréquentons nos églises mais, mon Dieu, que le gouvernement... C'est bien dit: Que le Dieu... On a décidé ici - l'histoire est bien décrite dans l'article - que le fédéral a décidé de donner à l'église de la paroisse Saint-Zotique de Saint-Henri 225 000 $.

Une voix: Qu'est-ce que vous avez contre la...

M. Payne: Qu'est-ce qu'il y a d'écoeurant là-dedans? Il n'y a rien d'écoeurant là-dedans sauf qu'il y a beaucoup d'autres églises au Québec qui voudraient avoir exactement les mêmes possibilités d'avoir les subventions discrétionnaires gratuitement avec des chèques donnés par le député fédéral. Je ne sais pas s'il se présente le dimanche matin pour donner son chèque mais je trouve cela absolument aberrant, M. le Président. Il n'y a pas une Assemblée nationale qui puisse accepter cela.

Mais revenons à l'histoire. Retournons un petit peu. Pouvoirs. Celui qui voudrait devenir bientôt le premier ministre du Québec, M. Bourassa, qu'était-il il y a à peine quelques années? Qu'a-t-il dit? Je parle sur le principe. Il a dit: Sur ce point, il ne peut y avoir aucune équivoque. Mais ce soir peut-être qu'il ne serait pas trop fier de voir ses troupes en action, cherchant l'équivoque, cherchant précisément à poser un geste qui aurait comme effet de soustraire les pouvoirs du Québec. On peut aussi retourner en arrière dans l'histoire. Je peux regarder les déclarations du premier ministre Jean Lesage en Colombie britannique dans un discours qu'il a donné lorsqu'il était premier ministre. Je le cite: -bien sûr, c'est en anglais - "We wish to assert here that by vertue of the British North America Act..." En vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord, on voudrait affirmer que l'autorité, en ce qui concerne les municipalités, relève exclusivement des provinces. "I know here, in British Columbia - ce n'est pas le Québec, c'est le British Columbia - I know also that during a recent meeting of minister of Municipal Affairs in Québec, it was decided to firmly reiterate the will to see the Federal Government scrupulously

respect the autonomy of the provinces in this particular field."

Ce n'est pas le premier ministre actuel du Québec, M. le Président. Ce n'est pas M. Lévesque. C'est Jean Lesage qui prononce un discours en anglais en Colombie britannique. Il disait: Je veux que ce soit très clair que le gouvernement fédéral respecte scrupuleusement l'autonomie des provinces dans ce domaine. C'est là le principe en question. Je ne veux pas citer tous les autres premiers ministres qui ont parlé sur ce sujet.

J'avais aussi... Mais vous me prenez de court, M. le Président, avec cette motion improvisée et dilatoire de la part de l'Opposition mais je voudrais rappeler aux députés de l'Opposition que la semaine dernière on est allé à Longueuil avec le ministre des Affaires municipales. Nous avons décidé... Les élus, les conseillers, les maires, ont décidé de convoquer une réunion avec le ministre des Affaires municipales. Vers la fin de la réunion, il y avait à peu près 160 maires élus qui étaient présents. Il y a eu une discussion...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Payne: Vous pouvez vous moquer des élus, des conseillers, vous pouvez vous moquer de leurs gestes, mais ils ont décidé d'inviter le ministre responsable à venir les rencontrer. Ils étaient à peu près 160. Il n'y avait pas de financement à faire parce que, depuis 1979, je crois, depuis que le gouvernement du Parti québécois a adopté le projet de loi concernant la fiscalité municipale, les pèlerinages à Québec sont terminés et ils le savent. Si vous leur parlez honnêtement, face à face, ils vont vous dire qu'ils sont fiers et contents que l'histoire des pèlerinages, du patronage pour venir chercher des subventions discrétionnaires soit finie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Payne: Vous pouvez être très gênés, lors de cette discussion, de ne pas vouloir vous associer au gouvernement, parce que vous montrez que vous êtes dans le même "bag", complices de vos confrères d'Ottawa, et vous avez peur que le gouvernement du Québec pose un geste et dise à Ottawa: On est contre ces pouvoirs discrétionnaires. Je reviens à mon histoire.

Une voix: C'est une histoire!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Payne: Je cite: "II est résolu - ce sont les maires qui parlent, vous voudrez bien les écouter, 160 maires élus, conseillers, responsables, sur la rive sud de Montréal, le 1er décembre - de soumettre une demande ferme - à qui? - au gouvernement fédéral de conclure dans les plus brefs délais une entente-cadre avec les gouvernements provinciaux afin de permettre l'attribution de fonds fédéraux aux municipalités". L'accent est très important. C'est une demande ferme au gouvernement fédéral par 160 élus. Vous savez ce qui est arrivé de cette proposition, de cette résolution venant du plancher? Cela a été mis au voix spontanément, il n'y a personne qui a été contre, cela a été adopté à l'unanimité.

L'urgence de la situation, c'est lorsque nous voyons que, depuis le mois d'août 1982, les députés fédéraux sont en train d'offrir des subventions à certaines municipalités du Québec, parmi lesquelles la ville de Longueuil, vous pouvez voir, maintenant, que les citoyens et les élus de cette région sont en train de se rendre compte de ce geste improvisé du gouvernement fédéral, de ce geste électoraliste du gouvernement fédéral. Ils sont en train de se rendre compte que les gestes posés par le gouvernement du Québec et par le ministre des Affaires municipales depuis ce moment sont des gestes de bonne foi pour que le gouvernement d'Ottawa continue ces ententes qu'il a signées en bonne et due forme et ce qu'il a fait avec les ententes auxiliaires. J'achève ici. Le ministre a dit au Conseil des ministres, le 27 août 1982 - c'était au Conseil des ministres, il n'y a pas là de préjugé - que le gouvernement manifestait son ouverture à la négociation d'ententes entre les deux gouvernements. Je pourrais me référer au 31 août et à une centaine d'autres exemples de rencontres. Il me suffit de dire qu'à ce moment-ci de l'histoire, c'est important que le débat continue. (1 h 20)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir pour appuyer la motion de report de mon collègue du comté de Hull pour que le projet de loi 38 ne soit pas adopté en deuxième lecture avant que les principaux intéressés, c'est-à-dire toutes les municipalités du Québec, par l'entremise de leur association officielle, soient entendus en commission parlementaire.

M. le Président, il ne s'agit pas là d'un caprice de l'Opposition. J'entendais les députés du côté ministériel parler de motion dilatoire. Peut-on parler de motion dilatoire quand on demande au gouvernement de retarder de cinq jours l'adoption de la loi en deuxième lecture afin que les intéressés soient entendus? Ce n'est pas un caprice de

l'Opposition parce que c'est simplement se rendre à une demande raisonnable des municipalités régionales de comté et de l'ensemble des municipalités locales du Québec qui, fort inquiètes des répercussions que la loi 38 aura sur leur financement, disent: Écoutez, nous avons des représentations à faire; nous croyons que vous ne posez pas le bon geste; nous voulons, au moins, que vous entendiez nos arguments. C'est se rendre à la demande de l'ensemble des municipalités, qui sont des gouvernements locaux qui ont été élus démocratiquement et qui, par la voix de leurs présidents d'associations respectives, demandent d'être entendues.

Je voudrais simplement demander ceci au gouvernement: Peut-il nous donner un seul exemple où l'Opposition, depuis sept ans, a fait des pressions pour que des commissions parlementaires soient tenues pour entendre les représentations de la population dans différents domaines sans que ceci ait rendu service et au gouvernement et aux citoyens? J'en veux comme exemple - et, à ce moment-là, il semble qu'on ait eu affaire à des ministres qui ont été plus ouverts ou qui ont réalisé que l'intérêt général en bénéficierait - le fait que, justement, aujourd'hui, nous tenons une commission parlementaire spéciale, qui a été demandée par notre collègue d'Argenteuil, pour examiner le régime pédagogique qui doit éventuellement s'appliquer aux collèges. Je pense que ce soir le ministre de l'Éducation serait assez honnête pour dire que c'était une étape nécessaire. Nous avons entendu plusieurs organismes, sept ou huit aujourd'hui; nous continuerons demain. Ce sont trois journées d'étude très intensives - et je ne crois pas que, dans le cas qui nous occupe, cela nécessitera trois jours - mais je suis certaine que le ministre de l'Éducation se félicite de s'être rendu à la demande de l'Opposition.

Un autre exemple: la commission parlementaire qui a été tenue pour étudier les règlements de la loi 27. La loi 27 touche les services de santé et les services sociaux. Là encore, au point de départ, le ministre en titre s'était fait un peu tirer l'oreille, mais, finalement, il s'est rendu à nos demandes répétées. Et même s'il n'y avait pas eu de représentations officielles des principaux intéressés, je puis vous dire, qu'au moment où j'en parle le ministre est fort heureux d'avoir tenu cette commission. Je dois dire que, dans ce cas-là, peut-être qu'on n'a pas dû utiliser autant de persuasion qu'on semble être obligé de le faire ce soir, mais je pense que tout le monde en a bénéficié. On a apporté de nombreuses modifications au projet de règlement de la loi 27. Je vois le député de Gouin qui, je pense, pourrait se lever et confirmer ce que je viens de de dire.

M. le Président, quand on demande une commission parlementaire, qu'on la demande dans un délai aussi restreint que celui que nous proposons, je pense que ce n'est pas parce que l'Opposition veut en retirer des bénéfices politiques ou partisans ou tout ce que vous voudrez. L'Opposition, c'est son rôle, doit se faire la voix de la population et cette voix doit être plus pressante quand, selon notre évaluation - elle peut être bonne ou moins bonne - juste et honnête, nous croyons que ceci rendra service, comme je le disais tout à l'heure, au gouvernement et à l'ensemble des citoyens.

M. le Président, j'ai entendu les représentations qu'on a faites, de l'autre côté de la Chambre. Il ne s'agit pas, ce soir, de trancher si c'est le gouvernement du Québec qui est le bon garçon et le gouvernment d'Ottawa qui est le mauvais garçon ou l'inverse. Ce n'est pas l'objet de la motion de report. La motion de report a uniquement pour objet de convaincre le gouvernement et de faire les représentations qui nous semblent justes pour que les principaux intéressés soient entendus.

Je voudrais, en terminant, rappeler au gouvernement qui nous a dit... Je vois le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration qui, il y a peine deux jours, a reçu les résultats de l'élection de Jonquière comme un coup de masse sur la tête. Il a dit: On a vu des étoiles ou...

Une voix: "A slap in the face".

Mme Lavoie-Roux: ...ou sur la joue. Peu importe dans le visage. Et tout le monde, du côté du Parti québécois, dans les coulisses, s'est dit: II nous faut réfléchir. Moi, M. le Président, je leur ai dit privément, et je pense que c'est peut-être le temps que je le leur dise publiquement, que le problème du gouvernement qui est en face de nous, entre autres, celui qui leur a peut-être fait le plus de tort, c'est leur arrogance, la croyance qu'ils ont toujours la vérité absolue, que seuls, la plupart du temps, ils ont raison envers et contre tous, même quand les représentations qui leur sont faites le sont de bonne foi. C'est cela, entre autres choses, que la population ne veut plus accepter. Je pense que cela devrait vous faire réfléchir et que le ministre des Affaires municipales, ce soir, devrait voir la demande de l'Opposition non pas comme un désir de retarder les choses, mais comme une demande au gouvernement, au côté ministériel de réaliser qu'il n'y a rien là à gagner pour l'Opposition - je le répète -mais qu'il y a peut-être là quelque chose d'important à gagner pour le gouvernement, pour les municipalités et, en fin de compte, pour l'ensemble de la population. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que chacun et chacune d'entre nous, qui sommes ici ce soir à l'Assemblée nationale, nous y sommes

uniquement pour que les intérêts généraux de la population soient le mieux servis. C'est là l'unique raison pour laquelle nous devrions être à l'Assemblée nationale.

Si j'ai accepté de me lever, ce soir, sur cette motion, c'est que je crois fermement qu'il ne pourrait résulter de cette commission parlementaire que des résultats positifs. Si, après coup, le gouvernement décidait d'aller de l'avant après avoir entendu les arguments, au moins il sera certain qu'il s'en va dans une direction qui lui semble dictée à partir des arguments, bons ou mauvais, qui lui seront apportés à cette commission parlementaire.

M. le Président, encore une fois, je sollicite le gouvernement, et particulièrement le ministre des Affaires municipales, de ne pas s'entêter dans une démarche que je ne veux même pas juger mais qui, je pense, ne sera utile à personne. J'ose espérer que mes collègues n'auront pas à continuer, pendant des heures, à convaincre le gouvernement du bien-fondé de la motion que nous avons proposée, mais... Hélas, oui! C'est ce que me dit le président du Conseil du trésor. Écoutez...

Le Président: En conclusion, madame.

Mme Lavoie-Roux: ...M. le Président, si l'on veut s'entêter, si l'on veut continuer d'avoir raison envers et contre tous, vous en recueillerez les fruits, et plus rapidement que vous ne le croyez. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. (1 h 30)

M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, quand j'ai entendu tout à l'heure la motion de report qui a été formulée par un député de l'Opposition, j'avais presque le goût de donner mon consentement parce que, en effet, c'est une très grande amélioration. On se retrouve à 1 h 30 du matin avec une Opposition qui, depuis 7 ans, systématiquement fait des motions de report. Celle que nous avons devant nous, c'est: au lieu de "maintenant", "dans cinq jours".

M. le Président, vous allez me permettre, dans un premier temps, de féliciter l'Opposition parce qu'elle s'est beaucoup améliorée. Autrefois, nous parlions de six mois. Nous avons passé des heures et des nuits à l'Assemblée nationale à entendre des discours à répétition sur des motions de report à six mois. Ensuite, ce furent des motions de report à trois mois. Ensuite, ce furent des motions de report à un mois. Je ne crois pas me souvenir qu'on ait jamais parlé de cinq jours.

M. le Président, êtes-vous capable de me dire ce que l'Opposition apprendra d'ici les cinq fois 24 heures à venir? D'ici cinq jours, qu'est-ce que vous saurez de plus? Nous sommes sur un débat de deuxième lecture. Il me semble que c'est une question de principe. De tous les discours que j'ai entendus ce soir, celui qui m'a éclairé le plus a été, je dois le dire, le discours du député d'Argenteuil, votre ancien chef, qui, dans sa grande sagesse et dans sa grande lucidité - probablement qu'on lira des articles sur cela dans les prochains jours - a dit: II y a une chose qui est claire et sur laquelle tout le monde s'entend: les affaires municipales relèvent du gouvernement des provinces, dans l'ancienne constitution, dont personne d'entre nous n'avait jamais entendu parler, on en a hérité. Mais dans la nouvelle constitution, le "Canada Bill"... Sauf erreur, l'Opposition, le Parti libéral du Québec, ne l'a jamais acceptée, cette nouvelle constitution. Mais, la force de la loi étant ce qu'elle est, on est obligé de vivre dans cet ordre constitutionnel qui reprend presque mot à mot le fait, dans l'ancien article 92 du "British North America Act", comme on l'a dit tout à l'heure, que les affaires municipales relèvent très clairement - "very clear" a déjà dit M. Lesage en Colombie britannique - du pouvoir des provinces. Je me demande si l'Opposition libérale à Québec a besoin d'attendre cinq jours pour comprendre cela. Cela me semble très clair.

Il y a une chose aussi qui me frappe, c'est que tout le monde veut s'entendre. J'entendais tantôt mon bon ami, le député de Hull. D'abord, il veut avoir la peau de mon collègue des Affaires municipales. Il fait partie de l'équipe des nouveaux bagarreurs. Il dit: Le grand ministre des Affaires municipales ne veut pas négocier, ne s'entendra jamais avec le gouvernement fédéral. Erreur, ne dérangez pas vos cartes en cas d'erreur. Mon collègue, le ministre des Affaires municipales - c'est peut-être cela qu'Ottawa lui reproche le plus - c'est le ministre des Affaires municipales qui a négocié le plus grand nombre d'ententes fédérales-Québec. Il y en a eu un pour un montant de 1 200 000 000 $ depuis que nous sommes élus. Cela fait mal à M. Chrétien, cela fait mal à M. Lalonde. Si mon souvenir est bon, beaucoup de ces ententes ont étés signées sous le gouvernement de M. Clark, entre autres, dans le domaine des infrastructures municipales. J'ai comme l'impression que le discours que nous entendons ce soir, c'est l'écho fidèle d'une intention et d'une volonté machiavéliques et directement orchestrées à partir de la maison mère qui a son "head office" à Ottawa.

Je vois l'ancien député d'Outremont qui est à la veille de donner son siège parce qu'il a des ambitions à Hydro-Québec. Vous

êtes en train de faire une erreur, vous aussi. Souvenez-vous de ceci, mesdames et messieurs du Parti libéral du Québec: M. Lalonde, qui est aujourd'hui ministre fédéral des Finances, a dit: "II faut se comporter au Québec - et il a donné ordre à sa police en conséquence - comme si nous étions en territoire occupé." Cela ne fait pas un siècle, c'est dans les années récentes. L'attitude que l'on peut entendre ce soir, à Québec, est le reflet fidèle, le soutien à cette démarche et à cette entreprise systématique de vouloir déstabiliser nos institutions municipales au Québec.

Je puis vous dire, M. le Président, que ce n'est pas le maire de Cap-de-la-Madeleine, ce n'est pas le maire de La Tuque, ce n'est pas le maire de Québec qui va me faire changer d'idée sur le principe du projet de loi, ni maintenant, ni dans cinq jours. Ce que nous voulons, c'est que les choses soient claires dans l'ordre constitutionnel qu'on nous a priés de bien vouloir encaisser malgré que, des deux côtés de la Chambre, sauf 9 ou 10 voix, si je me souviens bien, personne n'en voulait. Maintenant qu'on est pris avec, suivons, mais respectons-le au moins. Sauvons au moins notre dignité dans ce régime.

De quoi s'agit-il dans le projet de loi 38? On dit, de ce côté-ci de l'Assemblée nationale: II y a peut-être des millions qui se baladent et on ne veut pas que le gouvernement fédéral subventionne les zouaves pontificaux pour construire des trottoirs à la place des municipalités. On ne veut pas que le club Optimiste construise un garage municipal. On ne veut pas que le maire de Cap-de-la-Madeleine bâtisse un parc industriel dont sa ville n'a pas besoin, alors qu'il existe un comité directeur sur les ententes auxiliaires régissant les infrastructures industrielles. C'est aussi simple que cela. On est prêt à s'entendre. Celui qui va venir me faire croire que mon collègue, le ministre des Affaires municipales, est un mauvais garçon, qu'il est malin, le connaît très mal. C'est le plus gentil des garçons, il est prêt à s'entendre. Il est même allé négocier avec Ottawa. Il est allé chercher 1 200 000 000 $. M. Chrétien a déjà dit, un jour: Notre argent, on va le dépenser nous-mêmes.

Vous, M. le député, même si vous n'êtes pas à votre siège, je vais vous dire quelque chose. Je vais vous parler un peu de ma région. Je vais vous rappeler le dossier La Prade. Cela vous rappelle quelque chose? Voilà un beau cas! Notre région a perdu 640 000 000 $.

Une voix: C'est de l'argent cela.

M. Duhaime: Le gouvernement conservateur a dit: Nous allons, nous, accepter le principe d'indemniser Québec: 200 000 000 $. On réclamait 400 000 000 $. On a dit: On va régler pour 200 000 000 $. On a dit: 80 000 000 $, 60 000 000 $, d'accord. On est même prêt à renoncer aux intérêts. Quand vos amis à Ottawa ont repris le pouvoir, les 200 000 000 $ sont partis dans la brume, sauf que, pendant qu'on parle d'élections -un peu plus de ce temps-là - finalement, M. Lalonde et M. Chrétien ont fini par dire: Bien sûr, vous allez avoir 200 000 000 $, bien sûr! Mais qui va décider cela? On ne s'entendra pas avec le gouvernement du Québec, même s'il y a eu, premièrement, un ultimatum, deuxièmement, un ultimatum, troisièmement, une entente entre Énergie atomique du Canada et Hydro-Québec, entre le gouvernement d'Ottawa et le gouvernement du Québec, à savoir que l'indemnité serait versée.

Qu'est-ce qui s'est produit? Quelquefois, M. Chrétien est de mauvaise humeur. Il a décidé un bon jour que c'est lui qui administrait cela tout seul. Il a dit: J'ai six ou sept députés dans la région, vous aurez chacun de 25 000 000 $ à 30 000 000 $, faites votre "shopping list". On a promis une aréna à Saint-Gabriel-de-Brandon pour 4 000 000 $. On a promis au maire de La Tuque un petit montant; on a promis au maire de Cap-de-la-Madeleine 4 000 000 $. Il a même dit ceci: Le port de mer de Trois-Rivières est le dernier de tous les ports de mer de tout le Canada à être modernisé. Les gens de ma région demandaient 16 000 000 $. Le gouvernement fédéral a décidé dans sa sagesse que ce serait 8 000 000 $. Il a dit: Ce sera l'indemnité du dossier La Prade. Une salle de quilles, une subvention à l'âge d'or, une subvention à l'AFEAS. C'est comme cela, on tire cela au vent.

Qu'est-ce qui arrive sur le plan de la fiscalité des municipalités, M. le Président? Je regrette beaucoup que mon temps s'épuise, je vois que cela vous intéresse beaucoup. Qu'est-ce qui se produit? On veut annuler complètement les bienfaits et les effets de la loi 57 sur la réforme de la fiscalité municipale. J'aurais même le goût de proposer un sous-amendement, de proposer cinq mois. Si l'Opposition ne peut se faire une idée claire et nette sur un projet de loi comme celui-là en cinq jours, je ne vois pas comment elle pourrait le faire en cinq mois ou même en cinq ans. (1 h 40)

Je voterai contre cette motion de report. Je suis prêt à voter pour ce projet de loi en deuxième lecture et à le faire maintenant. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

Une voix: Mêle-toi pas de cela.

Le Président: De quoi voulez-vous que M. le député de Saguenay ne se mêle pas? J'ai cédé la parole à M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, que mon collègue se rassure, je serai plus bref que le temps m'y autorise. Vous allez peut-être y perdre au change. Cependant, je voudrais vous signaler, en début d'intervention, que je suis déjà intervenu sur le débat de deuxième lecture quant au projet de loi qui est devant nous. Je me suis prononcé pour l'adoption du projet de loi 38 en deuxième lecture parce que je jugeais, dans les circonstances, que c'était la seule solution qui demeurait possible, compte tenu du dossier.

Tantôt, le député de Saint-Maurice disait qu'il avait écouté attentivement l'intervention du député d'Argenteuil, ce que j'ai fait, moi aussi. Que nous a dit, finalement, le député d'Argenteuil? Il nous a dit que, dans l'ensemble du dossier, il était obligé de reconnaître que le gouvernement avait raison, sauf qu'il précisait que, selon lui, le gouvernement n'avait pas exploité à fond tous les aspects de la négociation. C'est un argument qui m'a frappé et je pense qu'on doit le regarder de plus près. Dans le fond, la motion qui vise à retarder l'adoption en deuxième lecture du projet de loi 38 serait inacceptable si elle avait comme effet d'empêcher le Parlement de se prononcer de façon rapide sur le projet de loi 38. Par exemple, si on visait à empêcher de voter ce projet de loi 38 avant la fin des travaux de l'Assemblée nationale, on serait obligé de repousser une motion de report, sauf qu'on est placé devant une motion de report qui demande cinq jours de délai. Pourquoi demande-t-on ces cinq jours de délai? C'est pour que les groupes qui se prononcent contre le projet de loi 38 puissent venir rencontrer les parlementaires, pas pendant cinq jours, mais à un moment donné, pendant cette période.

Le député de Saint-Maurice disait: Qu'est-ce qu'on va apprendre de neuf? Je pourrais peut-être souligner au député de Saint-Maurice qu'une commission parlementaire, ce n'est pas juste pour que les parlementaires apprennent quelque chose. Cela peut aussi servir à faire expliquer davantage la position gouvernementale. Il ne serait pas inutile de rencontrer les groupes qui se sont prononcés contre le projet de loi 38 pour, au moins, leur expliquer plus longuement et avec un échange de vues leur faire comprendre les objectifs poursuivis par le gouvernement du Québec.

Les députés de l'Opposition, qui sont intervenus sur le projet de loi 38, ont tous été d'accord pour dire que les questions municipales étaient de juridiction provinciale. Ils ont tous été d'accord pour dire qu'il fallait faire respecter cette juridiction. Il ne s'agit pas de remettre en cause la juridiction même. Il s'agira, cependant, à un moment donné, de prendre les moyens pour la faire respecter, ce qui, selon moi, est l'objet du projet de loi 38. Comment peut-on, à partir du moment où on a l'assurance qu'avant l'ajournement de la session on pourra voter cette loi, refuser un délai aussi court? L'expérience dans cette Chambre nous apprend que, des fois, on gagne du temps en en perdant un peu Si, pour certaines personnes, c'est de perdre du temps de recevoir des gens pendant une journée, ils pourraient peut-être regarder cela sous un autre angle. Peut-être que cela leur en ferait gagner doublement. D'abord, au niveau du déroulement de nos travaux et, deuxièmement, au niveau de la sensibilisation des groupes qui actuellement ne comprennent pas de façon évidente les orientations et les objectifs poursuivis par le gouvernement dans son projet.

Compte tenu de ce que je viens de dire, M. le Président, même si je suis favorable à l'adoption du projet de loi 38 en deuxième lecture, même si je pense qu'effectivement il faut voter cette motion de deuxième lecture et procéder à l'adoption finale de la loi avant l'ajournement de nos travaux, je dis que cette motion ne vise pas à empêcher la législation. C'est une motion qui ne ferait que permettre à des groupes de venir se faire entendre. Cette motion, tout en atteignant l'objectif de permettre à des groupes de s'exprimer et au gouvernement de mieux leur expliquer sa position, n'aurait pas comme effet de bloquer les travaux législatifs. Dans ce sens, je ne comprends pas l'entêtement du gouvernement à ne pas accepter cette motion qui est présentée par l'Opposition.

En conséquence, je me déclarerai favorable à la motion de report parce que je n'ai pas l'impression qu'elle retarde indûment les travaux de la Chambre quant à l'adoption du projet de loi 38. Je maintiens, cependant, qu'il va falloir adopter ce projet de loi 38 avant l'ajournement de Noël.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: M. le Président, je pense que le député de Sainte-Marie vient, par une mauvaise argumentation, de plaider pour l'acceptation de la motion de report. En effet, beaucoup de nos concitoyens qui sont moins familiers avec les procédures parlementaires pourront se demander ce que cinq jours représentent. Cependant, il faut bien se

rendre compte qu'en fait les cinq jours représentent toute la semaine prochaine et qu'il ne restera, à ce moment, que trois jours de session pour tenter d'adopter un projet de loi où l'Opposition se fait fort de défendre les intérêts de ses amis à Ottawa et se fait donc fort de bloquer, finalement, le processus parlementaire.

Ce que le député de Sainte-Marie suggère donc, avec une certaine candeur que je ne lui connais pas naturellement, c'est de s'imaginer qu'effectivement nous pourrons, dans les trois derniers jours de la session, avoir un débat de fond et même nous permettre d'étudier plus en détail, article par article, le présent projet de loi. Comme on sait que le ministre responsable a déjà reconnu l'importance d'apporter peut-être certains changements à des modalités du projet de loi, il est peut-être important qu'à ce moment on ait un véritable débat article par article du présent projet de loi autrement que dans la hâte des dernières heures avant Noël.

Or, cette motion de report remet en fait en cause le principe même du projet de loi, parce que la question qu'il faut se poser est bien simple: Peut-on accepter que des municipalités reçoivent directement des subventions du gouvernement fédéral à des fins proprement municipales? C'est là la question. Même s'il y avait une entente fédérale-provinciale comme nous avons pu en signer, par exemple, le cas des ententes PAEC qui permettaient de canaliser des fonds fédéraux avec des fonds du Québec vers les municipalités, cela n'enlèverait rien au problème fondamental: peut-on accepter que le gouvernement fédéral verse des sommes à des municipalités?

Or, nous le reconnaissons tous à l'Assemblée nationale - l'Opposition l'a reconnu -les questions municipales sont essentiellement de compétence provinciale. Mon collègue, le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, a déniché un article fort intéressant de Pierre Elliott Trudeau où il traite, justement, de ces questions de l'intervention d'un gouvernement comme le gouvernement fédéral dans ce domaine qui est de juridiction proprement provinciale. D'ailleurs, il n'y va pas avec le dos de la cuillère, ce M. Pierre Elliott Trudeau, lorsqu'il traite de la question. Je reprends quelques citations, parce que je crois qu'il vaut la peine de se souvenir de ce qu'il pensait sur la question. Parlant des subventions aux universités qui sont de juridiction provinciale, il dit: "En effet, il reste du devoir de chaque gouvernement de s'assurer qu'il ne perçoit pas d'impôts pour cette partie du bien commun qui ne dépend pas de lui." Principe simple. (1 h 50) "Si le gouvernement fédéral a un surplus de deniers tel qu'il peut en donner dans un domaine qui ne le concerne pas - à l'époque, c'était le système universitaire - ce qu'il a fait, c'est qu'il a perçu pour l'enseignement, qui ne relève pas de lui, "des argents" qui, s'il les avait laissés aux provinces, auraient servi aux fins voulues par l'électorat de cette province." Principe simple qui dit que le gouvernement fédéral ne peut pas prélever d'impôts au Québec pour accorder des subventions dans un secteur qui n'est pas de sa juridiction.

M. Trudeau poursuivait même en disant: "C'est insultant pour les provinces de se voir offrir des cadeaux avec ce que le premier ministre du Canada leur dit être de l'argent de leurs propres contribuables."

Le gouvernement accepte qu'il y ait, lors de la commission parlementaire, auditions des représentants des municipalités, des municipalités régionales de comté pour discuter des modalités du projet de loi. Ce que nous disons, par contre, c'est sur le principe même, à savoir: Est-ce que le gouvernement fédéral peut verser des sommes dans un domaine qui n'est pas de sa juridiction? Là-dessus, nous ne pouvons pas faire de compromis. Ce ne serait pas, d'ailleurs, un compromis; ce serait de la compromission.

Il faut aussi comprendre la situation délicate où se trouvent les maires de nos municipalités. Comment ceux-ci peuvent-ils défendre devant leur électorat le fait qu'ils refuseront des subventions fédérales qui permettraient certainement d'apporter tel ou tel avantage à la municipalité? Ils sont très mal placés. Ils sont en conflit d'intérêts. De la même façon qu'à l'époque de ce célèbre conflit impliquant les universités et le gouvernement fédéral, sous le régime de M. Saint-Laurent, les universitaires avaient "traficoté" pour tenter d'accepter les offres du gouvernement fédéral. M. Trudeau à l'époque n'était pas tendre pour ce "traficotage" qu'il n'acceptait pas. Il disait: "Les universitaires sont aussi des électeurs et des électeurs influents. S'ils avaient un peu mieux compris, ils auraient pu faire accepter par le fédéral des théories plus saines sur la fiscalité fédéraliste."

De fait, personne ne peut décemment refuser de l'argent, surtout lorsqu'on doit répondre à un électorat, comme c'est le cas pour nos maires et nos conseillers municipaux. Au départ, de tels cadeaux nous apparaissent gratuits. Ils sont le résultat d'une générosité du prince. Le gouvernement, notre député fédéral nous offre une subvention. Il n'y a pas de conditions. Donc, quel risque y a-t-il à courir? Une fois l'habitude prise, une fois des besoins récurrents satisfaits par le biais de ces subventions, on a donc dégagé des sommes qu'on aurait dû consacrer à cette fin et on les alloue ailleurs. Donc, on a développé certaines habitudes de dépenses et le recul n'est plus possible. À un moment donné, on

ne peut plus se passer de cette subvention.

Entre-temps, l'administration qui verse les subventions va rapidement prétendre que les sommes ne sont pas toujours utilisées de la façon la plus correcte, qu'il faut exercer un contrôle normatif un peu plus suivi. Par conséquent, on verra tranquillement se développer une deuxième administration parallèle à l'administration du Québec qui doit s'occuper de ces municipalités, une deuxième administration, celle-là fédérale, qui poursuivra exactement les mêmes objectifs. Elle s'intéressa aux problèmes de la santé financière des municipalités, aux priorités que doivent se donner les municipalités et voudra éventuellement régir les dépenses mêmes des municipalités.

Cette double bureaucratie, comme on l'a vu au Québec dans énormément de domaines, va faire en sorte que nos concitoyens devront continuer de payer deux fois des taxes pour s'offrir deux fois les mêmes services. Non pas que l'administration publique fédérale soit moins honnête que l'administration publique québécoise. J'ai vécu un dossier, par exemple le dossier des pâtes et papiers, où notre administration avait conçu un programme où on mettait l'accent sur l'universalité. On disait, tout simplement, qu'il faudrait que ce programme soit offert à tous puisque ces entreprises sont en concurrence. On voulait jouer sur la concurrence entre les entreprises pour stimuler leur désir de se joindre au programme et, éventuellement, de moderniser leurs usines. C'était notre point de vue.

D'autre part, il y avait aussi le point de vue des fonctionnaires fédéraux qui, eux, disaient: II y a sans doute un bon nombre de projets que nous n'aurions pas à subventionner; allons-y essentiellement sur une base ad hoc, individuelle et non pas universelle. Nous avions un point de vue; ils avaient leur point de vue. Ce n'était pas nécessairement un point de vue mauvais, mais ils partaient d'une analyse différente de la problématique et nous pensions que notre approche était valable. Du côté fédéral, je présume qu'on pensait de même.

La conséquence, c'est que, pendant une année et demie, nous avons bloqué les investissements au Québec simplement parce que nous n'arrivions pas à nous entendre. Lequel céderait? De fait, l'élection fédérale étant survenue à l'époque, le gouvernement fédéral avait finalement accepté de se rallier à notre position; c'est ainsi qu'on avait pu régler ce programme des pâtes et papiers. Nous avions reporté d'un an et demi les investissements essentiels. C'est ce type de conséquence: des doubles bureaucraties, des doubles administrations, qui occasionne des coûts élevés et auquel il faut prendre garde.

Qu'il y ait entente entre Québec et Ottawa n'a rien à voir avec le principe selon lequel on peut accepter qu'un gouvernement qui n'a pas juridiction dans un domaine prélève des impôts au Québec pour le dépenser dans des domaines où il n'a pas juridiction. À cela nous disons non et, par conséquent, il n'y a pas lieu de remettre en cause le principe de cette loi. Nous pouvons entendre les parties intéressées à témoigner sur les modalités d'application du présent projet de loi, mais je pense que le principe du projet de loi, il nous faut prendre les moyens nécessaires pour l'adopter le plus rapidement possible. Merci.

Le Président: M. le député de Papineau. M. Mark Assad

M. Assad: Merci, M. le Président. Je remercie la municipalité régionale de comté de Papineau qui, il y a quelques semaines, s'est prononcée sur le projet de loi 38. J'ai pris la peine de communiquer avec quelques maires qui font partie de cette MRC et je leur ai demandé les raisons pour lesquelles ils s'y opposaient ou ne partageaient pas les mêmes idées que le gouvernement sur le projet de loi 38.

Évidemment, le préfet de la MRC de Papineau, qui était candidat du Parti québécois aux dernières élections, s'est abstenu de voter. J'ai vérifier cela et je l'ai remarqué. Les maires m'ont donné les raisons pour lesquelles ils se sont abstenus. D'abord, ils disent que, depuis que le Parti québécois forme le gouvernement du Québec, il a enlevé la ristourne sur la taxe de vente; cela a ajouté un fardeau sur leur dos puisqu'ils ont dû taxer davantage leurs concitoyens pour boucler leur budget et c'est de plus en plus difficile à mesure que le temps passe. Deuxièmement, en enlevant cette ristourne sur la taxe de vente, le gouvernement avait promis de libérer le champ de taxation au chapitre de la taxe scolaire. Après quelques années, on s'aperçoit que, malgré cette promesse, 60% du champ de taxation reste toujours au niveau scolaire.

Les propos des maires de ma région ne sont pas antigouvernementaux. Ils veulent -et ils me l'ont expliqué - garder une marge de manoeuvre pour aider leurs concitoyens à progresser et, surtout, améliorer le sort de leurs concitoyens dans leurs municipalités respectives. Ils sont obligés de taxer davantage pour boucler leur budget et, comme ils me l'ont dit, ils manquent de l'oxygène nécessaire. La motion de mon collègue, le député de Hull, vise à remettre à plus tard l'étude de ce projet de loi pour qu'on entende les maires. Ils m'ont dit que, si cette occasion se présentait, ils viendraient certainement à Québec pour faire valoir leurs arguments.

Il faut dire, M. le Président, que le projet de loi tel qu'il est, sans compromis avec le gouvernement fédéral, est un

obstacle pour les municipalités. Il faut dire que les conflits habituels que ce gouvernement a avec le gouvernement fédéral touchent maintenant les municipalités; celles-ci ne sont pas en mesure d'administrer avec des déficits chaque année, comme le fait le gouvernement provincial. Comme vous le savez, les municipalités sont obligées de trouver, année après année, les moyens de boucler leur budget; elles ne peuvent pas administrer comme le gouvernement avec des déficits et des emprunts à long terme.

Quand je vois la série de défaites des conseils municipaux et des maires des différentes municipalités, je me demande si le gouvernement d'en face n'en est pas en partie responsable. Parce qu'ils ont été obligés de taxer davantage leurs concitoyens lors des élections municipales, ils ont subi la défaite. Les pressions étaient peut-être trop fortes et les gens ont trouvé qu'ils n'avaient pas bien administré. Mais quand on constate que ce gouvernement, année après année, leur enlève la marge de manoeuvre nécessaire pour fonctionner, on comprend le sort des municipalités et celui de ceux qui ont essayé d'administrer au niveau municipal.

Je crois qu'il serait à l'avantage du gouvernement d'avoir une commission parlementaire pour écouter ce que les municipalités, les maires et les administrateurs au niveau municipal ont à lui communiquer. Ils vont lui dire que le champ de taxation municipale est rendu quasiment insupportable. Ils savent que c'est leur argent et ils ont le droit de donner leur opinion concernant les sommes d'argent qu'ils versent au gouvernement central. Ils ne comprennent pas pourquoi leur gouvernement, qui se dit leur défenseur, ne leur donne pas la chance d'exprimer leur point de vue et surtout peut-être d'en arriver à un compromis nécessaire afin de leur venir en aide.

La motion de report du député de Hull arrive à point. Comme certains de nos amis d'en face l'ont mentionné, c'est seulement cinq jours. Je prétends qu'à une commission parlementaire les maires des différentes municipalités pourraient apporter une contribution qui aiderait non seulement leurs concitoyens au niveau municipal, mais aussi le gouvernement à se rendre compte de ses gestes. Ces conflits, qui sont devenus habituels avec le gouvernement fédéral, nuisent surtout à ceux qui sont, comme le veut l'expression, sur la première ligne de feu, c'est-à-dire le palier municipal.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je demande l'ajournement du débat.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, en espérant que la nuit va porter conseil à l'Opposition, je demande que nous ajournions nos travaux à aujourd'hui, dix heures.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: L'Assemblée nationale ajourne donc ses travaux à ce matin, dix heures.

(Fin de la séance à 2 h 04)

Document(s) associé(s) à la séance