Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures trois minutes)
Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez prendre vos places.
Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration
ministérielle.
Au dépôt de documents, M. le ministre des Transports.
Il n'y a pas de dépôt de documents ni quelque autre
dépôt que ce soit, si bien que nous sommes à la
période de questions des députés.
M. Rivest: M. le Président.
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: J'aimerais adresser une question au président
du Conseil du trésor. Est-ce qu'il sera ici bientôt?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Normalement, il devrait être ici.
Peut-être qu'un des quatre autres députés libéraux
présents aurait une question à poser aux dix ministres
présents ce matin?
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je vois que du
côté ministériel il manque énormément de
ministres. On voulait indiquer que les députés libéraux
n'étaient pas tellement nombreux, mais vous les voyez arriver, nous
revenons d'un conseil des députés à l'heure où je
vous parle.
M. Brassard: M. le Président, le député de
Bellechasse a une question à poser.
Le Président: Je prends bonne note. M. le
député de Brome-Missisquoi.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS Le prix de
l'essence
M. Paradis: Ma question s'adresse au ministre
délégué aux Relations avec les citoyens. Ce dernier s'est
engagé cette semaine, en cette Chambre, à intervenir
auprès du Conseil des ministres concernant le prix de l'essence. Est-ce
qu'il peut nous faire rapport de ses interventions ainsi que des actions que le
gouvernement entend prendre dans ledit dossier?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Relations avec les citoyens.
M. Lazure: M. le Président, tel que convenu et selon mes
habitudes, j'ai tenu l'engagement que j'avais pris ici en réponse
à une question de l'Opposition et j'ai soulevé cette question des
prix variables de l'essence, surtout dans la région de Montréal,
au Conseil des ministres. Il y a eu discussion et je demanderais à mon
collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, qui est ici
ce matin, de nous donner un peu plus de détails sur le sens de cette
discussion au Conseil des ministres.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, je pense qu'il y a deux
aspects à la question soulevée par le député de
Brome-Missisquoi. Il y a d'abord une question de répartition de pouvoirs
entre les deux paliers de gouvernement. La première chose que je dirai,
c'est que le Québec aurait, bien sûr, le pouvoir de
légiférer et de réglementer le prix de l'essence au
détail. Cela a déjà été fait dans d'autres
provinces, au moins dans une que je connaisse, mais nous n'entendons pas aller
dans cette direction. C'est une chose qui revient à l'occasion lorsque
la guerre des prix à la pompe fait rage. Il serait toujours tentant
d'envisager une réglementation. Cela m'étonnerait d'ailleurs que
le Parti libéral soit lui-même d'accord avec une pareille
approche.
Le deuxième aspect de la question ne relève pas de notre
gouvernement, parce que nous n'avons pas le pouvoir de surveiller s'il y a
entente ou non entre les compagnies dans la fixation des prix. Cela
relève de la loi fédérale et il faudrait que la question
soit soulevée devant l'autre Parlement.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Le ministre ne serait-il pas d'accord que le
gouvernement du Québec, avec son système de taxe ascenseur sur
l'essence, se retrouve en plein conflit d'intérêts parce que plus
l'essence est chère plus les revenus du ministre des Finances
augmentent, et que c'est pour cela qu'ils n'interviennent pas dans le
dossier?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Une voix: C'est niaiseux.
M. Duhaime: Je répondrai là-dessus, M. le
Président, que le député de Brome-Missisquoi a
peut-être été absent de l'Assemblée nationale pour
autres activités que j'ignore, mais depuis que mon collègue des
Finances a prononcé son discours sur le budget supplémentaire,
ramenant la taxe ou la surtaxe de 40% à 30%, le gouvernement
fédéral, à l'heure actuelle, sur la base de 0,499 $ le
litre... Mais je vais vous le donner en pourcentage. Le gouvernement
fédéral, à l'heure actuelle, retire plus d'argent que le
gouvernement du Québec. Le Québec, avec la taxe routière,
actuellement, retire 23,65%...
Une voix: C'est cela.
M. Duhaime: ...c'est-à-dire 0,118 $ sur la base d'un litre
à 0,499 $, et le gouvernement fédéral retire 24,75%,
c'est-à-dire 0,1235 $ le litre.
Je pourrais vous donner les chiffres aussi pour ce qui est des
prélèvements à la province productrice, la marge du
détaillant, la marge de l'industrie pétrolière, mais cela
m'apparaît très secondaire. Il est donc évident, M. le
Président, qu'à l'heure actuelle nous avons fait un effort, et
nous l'avions dit, aussitôt que nos équilibres financiers le
permettraient, nous allions abolir la taxe de vente sur le gaz naturel, ce que
nous avons fait. Nous avions dit également que nous ramènerions
à la normale la taxe temporaire sur le prix de l'essence, et nous avons
fait la moitié du chemin.
Si vous voulez que le prix de vente au détail de l'essence
diminue, comme j'ai demandé à mon collègue
fédéral, M. Chrétien, le ministre de l'Énergie, de
faire un effort et de diminuer le niveau de la taxation fédérale
sur le gaz naturel, chemin faisant, il pourrait peut-être regarder aussi
et diminuer la taxe fédérale sur le prix de l'essence, puisque
c'est actuellement le gouvernement fédéral qui retire tout
près de 24% des revenus sur le prix du litre vendu au détail au
Québec.
Le Président: Question principale, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais demander au leader
du gouvernement s'il attend bientôt le ministre de l'Éducation,
dont il est encore beaucoup question dans les journaux ce matin.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je n'ai pas d'information
ici disant que le ministre de l'Éducation serait absent. Je constate
qu'il l'est et je pense qu'effectivement, normalement, comme tous les autres
qui ne motivent pas une absence, les ministres qui indiquent qu'ils seront
présents devraient l'être à 10 heures.
Le Président: M. le député de Chapleau.
Les deniers dépensés dans le secteur
minier
M. Kehoe: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Énergie et des Ressources. Dans son budget du 10 mai
dernier, le ministre des Finances a annoncé des investissements de
quelque 250 000 000 $ dans le secteur minier. Les travaux devraient commencer
cet été. Il a continué en disant que le ministre de
l'Énergie et des Ressources communiquera sous peu ces
investissements.
Par ailleurs, les principaux secteurs miniers sont toujours en crise.
Schefferville est fermée. Gagnon et Fermont attendent la reprise du
marché du fer et de l'acier. Murdochville attend toujours. Les villes
d'Asbestos et de Thetford-Mines sont en difficulté. Dans toutes ces
villes, les taux de chômage sont très élevés. Ma
question est la suivante: Le ministre de l'Énergie et des Ressources
peut-il me dire, jusqu'ici, combien ont été
dépensés, sur la somme de 250 000 000 $ annoncée par le
ministre des Finances?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: Je suis très heureux que le
député soulève cette question devant l'Assemblée
nationale parce que cela va me permettre de préciser que, depuis que
nous avons annoncé le programme d'accélération à
partir du mont Sainte-Anne en mai dernier, dans le secteur des mines,
principalement dans le secteur du cuivre, du zinc, de l'or et de l'amiante, les
investissements engagés, pas nécessairement
dépensés, mais engagés, devraient se chiffrer, si ma
mémoire est bonne, à 492 000 000 $. C'est un sommet sans
précédent.
Deuxième élément, c'est que, dans deux grands
dossiers et pour ne rien vous cacher dans le dossier de Mines Gaspé,
pour ce qui est de l'investissement de Murdochville, je crois que la compagnie
est sur le point de rendre publique une décision favorable, puisqu'il ne
nous reste qu'à nous entendre sur la protection de la rivière
York, et j'y travaille avec mon collègue de l'Environnement.
Troisième élément, il y a deux autres
dossiers, cette fois dans les secteurs du cuivre et du zinc, il y a le
projet à Selby et le projet de la compagnie Falcon Bridge, l'un comptant
pour 127 000 000 $ et l'autre pour 137 000 000 $. Votre question c'est: Combien
y a-t-il actuellement d'argent dépensé sur le terrain? Je vais
devoir prendre avis de la question sur cet aspect et faire une
vérification, parce que si nous sommes aujourd'hui au début de
décembre et qu'un investissement a été annoncé en
septembre, si c'est un investissement de 16 000 000 $ ou de 30 000 000 $, si
vous me demandez aujourd'hui quel est le montant qui a réellement
été dépensé sur le terrain, je devrai demander
à mes fonctionnaires de vérifier auprès des entreprises
pour trouver la réponse.
Le Président: Complémentaire, M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: M. le ministre, quand vous annoncez un montant de 492
000 000 $ engagés, si je comprends bien, c'est un montant engagé
par le secteur privé. Ma question, c'est de savoir combien votre
ministère a engagé et dépensé jusqu'à
maintenant dans le secteur des mines?
M. Houde: C'est cela, c'est vous qui...
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: Vous savez, M. le Président, et M. le
député devrait le savoir aussi, que le programme
d'accélération ne peut dépasser en aucun temps 20% de
l'investissement global, ce qui est à peu près
l'équivalent des revenus fiscaux escomptés durant la
première année. Selon le programme d'accélération,
dans le seul secteur des mines, si ces 492 000 000 $, dont j'ai parlé,
s'engagent sur un an ou sur deux ans, nous aurons investi à peu
près 85 00 000 $.
Le Président: Question principale, M. le
député d'Argenteuil.
Le contrat pour micro-ordinateurs
M. Ryan: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Education. La manière précipitée et
inhabituelle dont a procédé le gouvernement pour octroyer
à la firme Comterm-Matra un contrat pour la fourniture de 9000
micro-ordinateurs dans les écoles, au montant approximatif de 30 000 000
$ au cours des 18 prochains mois, a suscité, dans les milieux
éducatifs et dans les milieux industriels, une réprobation
presque unanime. Non pas tant quant au contenu de la décision, sur
laquelle nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer pour l'instant, mais
quant à la manière dont le gouvernement a procédé
pour en arriver à cette décision.
À titre d'exemple, je voudrais citer un extrait d'une
déclaration que publiait, hier, la Fédération des
cégeps, que nous avons entendue, M. le ministre et d'autres
députés, à propos d'un autre problème hier soir:
"Au moment où les médias diffusaient l'annonce faite à
Paris par le premier ministre de la décision, nos représentants,
comme ceux des commissions scolaires, étaient réunis sous
l'égide du responsable ministériel du dossier pour faire leurs
recommandations concernant le choix d'un ou plusieurs fournisseurs. Les
cégeps considèrent s'être fait complètement leurrer
par le gouvernement dans cette histoire. Ils ont collaboré de bonne foi
à l'élaboration du devis et ont cru à l'engagement formel
de leur partenaire de les associer à son choix. Or, ils ont
été complètement exclus du processus de décision,
au point qu'ils se demandent si le choix n'était pas arrêté
avant même que ne soit lancée la demande de consultation."
C'est une manière de procéder qui met évidemment en
question toute la crédibilité du gouvernement et
l'intégrité du processus de décision au sein de l'appareil
gouvernemental et qui, par conséquent, demande à être
éclaircie au maximum pour que les doutes qui ont surgi puissent
être dissipés. Dans cette perspective, je voudrais poser au
ministre la question suivante, qui comprend quelques volets, que vous
comprendrez facilement, M. le Président. Les réponses peuvent
être très brèves, un oui ou un non sera beaucoup plus
éclairant que des explications interminables. Le ministre
était-il au courant, avant l'événement, de l'annonce que
le premier ministre, M. René Lévesque, allait faire à
Paris mardi et a-t-il approuvé cette manière absolument
précipitée de procéder?
Deuxièmement, le ministre était-il au courant de la
réunion qui avait été convoquée à son
ministère aux fins qu'a décrites la déclaration de la
Fédération des cégeps hier? Entend-il nier - parce
qu'hier, je crois qu'il a insinué le contraire - que cette
réunion avait été convoquée pour permettre aux
représentants des organismes scolaires de donner leur opinion sur les
propositions déposées par les fournisseurs?
Troisièmement, son sous-ministre, M. Pronovost, chargé du
dossier et qui présidait la réunion de mardi matin,
était-il au courant de la décision prise aux plus hauts niveaux
politiques avant cette réunion et quelles instructions avait-il
reçues du ministre en vue de cette réunion? Le ministre, pour
restaurer le plus tôt possible...
Le Président: M. le député!
M. Ryan: ...la crédibilité du gouverne-
ment est-il prêt à demander à son collègue de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme que les propositions reçues de
la part des fournisseurs soient rendues publiques immédiatement, afin
qu'on soit en mesure de juger du bien-fondé de la décision
gouvernementale? Finalement, qu'est-ce que le ministre entend faire pour
réparer l'affront qui a été fait à ceux qu'il
appelle en d'autres circonstances ses partenaires du monde scolaire?
Le Président: Je voudrais simplement souligner de nouveau,
d'abord, que la question comprenait cinq questions en elle-même, qu'il y
avait toujours moyen d'y revenir en complémentaire et de ne pas
s'étonner qu'une question qui a duré près de quatre
minutes entraîne une réponse qui puisse être longue. M. le
ministre de l'Éducation, aussi succinctement que faire se peut.
M. Laurin: M. le Président, je n'entends pas reprendre
tous les propos que j'ai tenus hier. Je veux simplement répéter
au député d'Argenteuil que j'étais au courant de tout ce
que mon sous-ministre fait ou dit en mon nom, que j'étais au courant de
tout ce qui a entouré l'entente de principe autour de l'ordinateur
choisi et de la maison qui le fabriquera, ainsi que de tous les arrangements en
ce qui concerne la suite du contrat à négocier. (10 h 20)
Des voix: Très bien!
M. Ryan: M. le Président, il n'y a même pas de
réponse au premier volet de la question. Dois-je comprendre que le
ministre est tellement embarrassé qu'il n'est pas capable de
répondre aux autres?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: Je répète, M. le Président, que
j'étais au courant de tout ce qu'a fait mon sous-ministre en mon nom et
que cela a reçu mon aval.
Le Président: En complémentaire, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: J'ai eu l'occasion de siéger en commission en
compagnie du ministre ces jours-ci; il est beaucoup plus précis et
fonctionnel que cela quand on discute en commission.
Le Président: M. le député...
M. Ryan: J'ai posé des questions qui demandent à
être éclaircies.
Le Président: M. le député...
M. Ryan: Dans l'intérêt public, je demande au
ministre s'il veut répondre, oui ou non.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: On a répondu hier à toutes ces questions
et je ne vois pas l'utilité d'y revenir.
Des voix: Oh!
M. Ryan: On va les prendre une par une. Il paraît qu'il
faut les prendre une par une.
Le Président: M. le...
M. Ryan: Quelles instructions votre sous-ministre avait-il
reçues de votre part avant de se rendre à la réunion de
mardi matin? Êtes-vous en mesure de nier l'affirmation de la
Fédération des cégeps qui dit qu'elle s'est fait tromper,
leurrer par votre gouvernement et, en particulier, par votre
ministère?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: Comme je l'ai dit hier, mon sous-ministre avait
l'intention de saisir la Fédération des collèges et les
commissions scolaires de la proposition suivante: une fois le consortium
choisi, nous aurions besoin de vos lumières pour négocier tels
termes du contrat comme, par exemple, le prix de l'ordinateur, s'il
répond vraiment aux spécifications du ministère, comment
négocier le service après vente, le service des techniciens et
les réparations d'équipement; toutes ces choses ont
été discutées et continueront de l'être.
Le Président: Question principale, M. le
député de Bellechasse.
Le programme de bourses d'affaires destinées
aux jeunes
M. Lachance: Merci, M. le Président, ma question s'adresse
au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il y a deux semaines,
le 24 novembre dernier, le ministre de l'Industrie, Commerce et Tourisme
annonçait la mise en oeuvre prochaine d'un programme de bourses
d'affaires destinées aux jeunes diplômés universitaires et
des cégeps du secteur professionnel qui veulent devenir leur propre
patron.
Bien sûr, cette nouvelle mesure s'inscrit dans le cadre du plan de
relance du gouvernement du Québec et aussi dans la foulée d'une
proposition qui avait été adoptée par
le sommet québécois de la jeunesse qui s'est tenu au mois
d'août dernier et qui, entre autres, revendiquait pour les jeunes des
garanties financières du gouvernement pour les aider à se tailler
des emplois permanents et valorisants et, en même temps, créer de
nouvelles entreprises.
Une voix: Question!
M. Lachance: Ma question, en trois volets, est la suivante.
Une voix: Trois!
M. Lachance: Premièrement, est-ce que
l'intérêt manifesté par ce programme innovateur est
conforme aux attentes du ministre, après deux semaines d'annonce?
Deuxièmement, comme ce programme s'annonce intéressant, est-ce
qu'il sera effectivement opérationnel rapidement? Troisièmement,
à qui les jeunes diplômés doivent-ils s'adresser pour se
prévaloir des avantages de ce programme?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: D'abord, je dois rappeler que les objectifs de ce
programme sont multiples. Bien sûr, cela vise la création
d'emplois, mais c'est aussi pour développer énormément
l'entrepreneurship au Québec. On sait qu'on développe
l'économie avec des entrepreneurs. De plus en plus de jeunes
Québécois et de jeunes Québécoises apprennent les
sciences, soit le génie ou l'administration, et on a besoin de leur
donner des défis et surtout des outils pour qu'ils puissent se lancer en
affaires.
Ce programme de bourses d'affaires, je le rappelle, va mettre à
la disposition des jeunes qui veulent lancer leur entreprise ou acheter une
participation dans une entreprise existante, dans certains créneaux
manufacturiers ou touristiques ou du tertiaire moteur, une somme d'argent de 25
000 $. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est mieux que rien pour pouvoir lancer une
petite entreprise ou avoir une participation dans une entreprise existante. Le
gouvernement du Québec prendra charge de 100% de l'intérêt
la première année, de 50% la deuxième année et de
50% la troisième année.
Il y a énormément d'intérêt chez les jeunes
parce que les jeunes veulent maintenant travailler pour eux-mêmes. Alors
qu'autrefois on apprenait, les Québécois et les
Québécoises, à travailler pour les autres, maintenant nos
jeunes veulent travailler pour eux. C'est d'ailleurs à la suite d'une
recommandation du sommet québécois de la jeunesse.
Les demandes sont reçues au ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme en région. Donc, pour bénéficier
de ces bourses d'affaires, il faut faire la demande à chacun des bureaux
régionaux du MICT dans les régions du Québec et, à
compter du 15 janvier prochain, les demandes pourront être reçues
dans les bureaux régionaux où elles seront
étudiées. On espère pouvoir répondre dans le
courant du mois de février aux premières demandes qui,
déjà, commencent à entrer. Mais, officiellement, ce sera
à compter du 15 janvier dans les bureaux régionaux du MICT.
M. Lachance: Question complémentaire.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Bellechasse.
M. Lachance: Le ministre peut-il nous donner l'assurance que les
délais de réponses ainsi "que la paperasse seront réduits
au minimum?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, vous savez que je me suis
toujours fait un point d'honneur de réduire la paperasse au minimum et
de répondre rapidement. J'informe l'Opposition, parce qu'elle ne le sait
peut-être pas, que dans le programme d'urgence d'aide aux entreprises
manufacturières, en moyenne, nous avons pris onze jours pour
répondre à une demande, moyenne des entreprises
québécoises, ce qui est extraordinaire pour prendre le temps
d'analyser la demande sérieusement et de répondre.
M. le Président, au niveau des bourses d'affaires, nous
espérons pouvoir, au cours des trois prochaines années,
répondre à 5000 demandes de jeunes entrepreneurs qui voudront
devenir indépendants financièrement, être à leur
compte et prendre des décisions eux-mêmes. Alors, 5000 demandes
pour 125 000 000 $ de capital de risque qui seront mis dans les PME
québécoises à cause de cette intervention du gouvernement
du Québec.
M. Charbonneau: Question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: En supplémentaire, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je veux demander
à la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu ou au ministre délégué au Développement
régional s'ils ont été saisis des problèmes de
compréhension qu'il peut y avoir entre ce nouveau programme de bourses
d'affaires et le programme PECEC, volet des jeunes entrepreneurs, et si des
dispositions ont été
prises pour faire en sorte que l'information qui sera donnée aux
jeunes permettent à ces jeunes de faire la distinction entre les deux
programmes, parce que dans les deux cas cela permet à des jeunes de se
lancer en affaires.
Le Président: La question s'adresse à Mme la
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Mme Marois: Ma réponse est simplement oui, M. le
Président.
Le Président: Question principale, M. le
député de Portneuf.
Construction: juridiction accordée aux
électriciens
M. Pagé: Merci, M. le Président. Ma question porte
ce matin sur la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre dans le
secteur de la construction. On sait que le monde de la construction est un
monde fébrile et délicat, et que l'équilibre et la bonne
entente s'appuient en principe sur les juridictions de métiers qui sont
bien définies. La juridiction des métiers dans le monde de la
construction dépend évidemment de la qualification, de l'aptitude
à effectuer un travail donné, de la sécurité sur
les chantiers et dépend aussi de cette juridiction un partage
équitable du volume de travail qui est offert aux travailleurs de la
construction.
Le 13 juillet dernier, à une journée ou deux des vacances
de la construction, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, M. Marois, publiait dans la Gazette
officielle du Québec des modifications au règlement sur la
qualification professionnelle de la main-d'oeuvre dans le monde de la
construction. Ces modifications ont pour objet d'attribuer une juridiction
presque exclusive d'un secteur important de la construction aux
électriciens et ce, au détriment des chaudronniers, des monteurs
d'acier, des "millwright" et d'autres hommes de métiers connexes.
Un mécanisme de consultation s'ensuivit. J'aimerais demander
à la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu si elle est au fait de ce dossier, et, de plus, quelles sont les
intentions du gouvernement dans la poursuite et la mise en vigueur
éventuelle de ce projet de règlement.
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: Non, M. le Président, je ne suis pas au fait,
dans le détail, de ce dossier. Je vais donc en prendre connaissance. Il
y a eu prépublication. J'estime qu'il a dû y avoir avis. Je vais
donc, en prenant connaissance du dossier, prendre connaissance aussi des avis
ou des opinions qui ont été apportées concernant ce
règlement et les modifications qu'on pourrait y apporter s'il y a lieu
et j'aviserai et recommanderai au gouvernement ce qu'on doit faire dans ce
cas.
Le Président: M. le député de Portneuf, en
complémentaire. (10 h 30)
M. Pagé: Oui, M. le Président. Compte tenu que
plusieurs intervenants du secteur de la construction - ceux qui
s'intéressent à ces aspects de la construction au Québec -
ont toujours fait valoir le fait qu'accorder des monopoles pouvait créer
des problèmes, et d'ailleurs, le gouvernement l'a soutenu à
certains égards; compte tenu que si cette modification était
apportée, elle risquerait de briser l'équilibre qu'il y avait
auparavant dans le monde de la construction et ce, au profit des
électriciens, ce seront d'autres métiers de la construction qui
paieront pour cette attribution de juridiction... somme toute, cela veut dire
que des gens...
Le Président: M. le député, votre
question.
M. Pagé: ...qui ont du travail aujourd'hui ne pourraient
continuer à occuper ce travail si ce règlement était
adopté et cela risque de mettre en péril...
Le Président: M. le député, vous faites
là de l'argumentation et un préambule qui, vous le savez bien,
n'est pas permis à une question complémentaire. Votre question,
s'il vous plaît!
M. Pagé: Vous comprendrez que la ministre - je ne lui en
fais pas grief - nous a informés qu'elle n'était pas au courant
de ce règlement et je veux la sensibiliser aux dangers qu'il y aurait si
ce règlement était adopté.
Si ce règlement était adopté tel quel, il
risquerait d'amener des problèmes sérieux, graves, troublants et
inquiétants dans le monde de la construction. Ne croyez-vous pas que
vous devriez, dans un premier temps, revoir l'ensemble de la démarche,
la valeur de la démarche qui avait été enclenchée
par le ministre Marois? Si vous avez l'intention de le faire adopter, ne
croyez-vous pas qu'il serait plus sage, plus démocratique, plus
transparent de convoquer une commission parlementaire pour que tous les
intervenants et ceux qui risquent de perdre leur emploi à cause de ce
règlement puissent venir se faire entendre ici à
l'Assemblée nationale du Québec?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: Je prends avis des suggestions et commentaires du
député de Portneuf. Merci.
Le Président: Question principale, M. le
député de Westmount.
Prêt à une entreprise qui a fermé
ses portes
M. French: M. le Président, ma question s'adresserait
normalement au ministre des Affaires culturelles mais, en son absence, je la
poserai au ministre de la Science et de la Technologie. En septembre 1983, le
gouvernement, par le biais de la SOD1CC, la Société de
développement des industries de la culture et des communications, a
prêté 250 000 $ à la compagnie Nordais-Logiciel. Or, on
apprend que cette compagnie a fermé ses portes, ses employés ne
travaillent plus, ne sont pas payés. Comment le gouvernement a-t-il
réussi à choisir une compagnie pour lui prêter une somme de
cette envergure qui ferme ses portes aussi rapidement? Comment a-t-il
réussi à le faire en respectant le critère de la SODICC,
à savoir que tout récipiendaire d'aide financière doit
envisager une rentabilité financière à court et à
moyen terme? Qu'est-ce qui arrive avec les 250 000 $ ainsi
prêtés?
Le Président: M. le ministre de la Science et de la
Technologie.
M. Paquette: M. le Président, je pense qu'il est bon de
souligner que, depuis le début de l'année 1983-1984, la
Société de développement des industries de la culture et
des communications a consenti un total de 850 000 $, si ma mémoire est
fidèle, à quatre ou cinq entreprises naissantes dans le domaine
du logiciel. Ce ne sont pas des subventions, parce que la SODICC ne peut pas
donner des subventions aux entreprises. Ce sont des prêts et des
prêts qui sont destinés à assurer un fonds de roulement
pour permettre le démarrage. Les autres entreprises vont très
bien. Cette entreprise, en particulier, progresse et progressait jusqu'à
tout récemment de façon extrêmement satisfaisante. Les
ventes augmentent régulièrement. Il y a eu une scission chez les
actionnaires. Je dois vous dire que, n'étant pas responsable de cette
société, je vais consulter mon collègue qui me dira ce qui
va arriver maintenant, puisqu'il y a eu scission chez les actionnaires. Mais il
ne faudrait pas en conclure que cette entreprise est une entreprise qui a fait
faillite. Ce n'est pas une entreprise qui a fait faillite. C'est une entreprise
où il y a eu scission parmi les actionnaires, mais une entreprise qui
avait des contrats, des produits. Donc, elle devrait pouvoir poursuivre ses
activités d'une autre façon.
Je soulignerai, M. le Président, que, dans l'industrie naissante
des logiciels, il faut s'attendre à beaucoup de mouvements au cours des
prochaines semaines et des prochains mois. Il va y avoir des fusions, des
regroupements, des entreprises vont naître, d'autres vont cesser leurs
activités, parce que c'est un marché de haute technologie qui va
prendre un certain temps à s'implanter. Mais je tiens à vous
dire, M. le Président, qu'avec ce qu'on vient de faire pour les
micro-ordinateurs dans les écoles, avec les centres de recherche qu'on
veut implanter dans ce domaine, nous avons les moyens de solidifier une
entreprise du logiciel grand public forte au Québec et respectueuse de
nos caractéristiques culturelles.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Westmount.
M. French: Je prends note, M. le Président, qu'on peut
s'attendre à savoir du ministre responsable ce qui arrive
précisément des 250 000 $ ainsi prêtés. On
espère que les autres compagnies qui ont reçu une aide vont
démarrer une peu plus efficacement et qu'elles vont être en
meilleure santé.
M. le Président, ma question complémentaire s'adresse au
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. N'est-il pas vrai que le
cas de la compagnie Nordais-Logiciel est l'exemple parfait des problèmes
inhérents à tout programme d'aide financière à
l'industrie qui utilise l'outil de la dette? N'est-il pas vrai justement, M. le
Président, que nos entreprises sont déjà trop
endettées? Dans la mesure où on donne des garanties de
prêts ou des prêts additionnels, tout ce qu'on fait, c'est
d'augmenter le ratio de dettes acquittées alors que ce qu'on aurait
dû faire pour promouvoir les PME québécoises,
c'était justement d'apporter des mesures fiscales afin de hausser le
capital-actions, le capital stable des entreprises
québécoises.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, sur ce sujet particulier, je
crois que le député de Westmount sait fort bien - je l'ai dit
à plusieurs reprises - qu'au Québec, la tradition industrielle et
économique n'est quand même pas longue. Malheureusement, nos gens
sont sous-capitalisés. Mais s'il n'y a pas d'autre façon d'y
arriver, je pense que les entreprises méritent d'avoir de l'aide ou de
l'appui sous forme d'endossements ou de garanties de prêts de la part du
gouvernement du Québec.
Vous allez me dire: C'est peut-être un
peu artificiel pour les aider, mais si on ne les aide pas, elles vont
tomber. Je vous rappelle qu'avec le plan d'urgence, l'an dernier, justement en
endossant certaines entreprises, on a aidé 700 entreprises à
protéger plus de 30 000 emplois. Pour réussir à obtenir
150 000 000 $ de quasi-capitaux de risque dans tout le Québec,
savez-vous ce que cela a coûté aux contribuables jusqu'à
aujourd'hui? Six millions de dollars. Cela veut dire qu'on a parié sur
des entreprises, sur la capacité de gérer des gestionnaires. Bien
sûr, de temps à autre, il va en tomber, mais, pour ces 700
entreprises, je pense qu'un travail extraordinaire a été fait, et
tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas trouvé un moyen de corriger
à long terme la structure de manque de capitaux des entreprises
québécoises, le gouvernement du Québec va continuer
à miser sur des entreprises, sur des entrepreneurs qui sont capables de
bien gérer.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Westmount.
M. French: Je suis toujours content d'apprendre, M. le
Président, que le ministre apprécie le fait que le ratio de la
dette en capital est trop élevé dans les entreprises
québécoises. Je me demande tout simplement pourquoi on taxe le
capital des entreprises québécoises.
Le Président: Était-ce une question? Une voix:
Vous êtes obligé de répondre.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Je pense que ce que le gouvernement du Québec a
fait jusqu'à maintenant pour aider les entreprises
québécoises, c'est plus que ce qui ne s'est jamais fait dans
l'histoire. Je vous rappelle que, l'an dernier, on a aidé, avec la
Société de développement industriel, 831 entreprises.
Savez-vous combien d'entreprises les libéraux, sous le gouvernement
Bourassa, ont aidées? C'est 561 seulement pendant six ans et demi. On en
a aidé 831 dans un an. Il me semble que l'effort qui est fait
vis-à-vis de l'aide aux entreprises...
Le Président: À l'ordre!
M. Biron: ...par l'actuel gouvernement du Québec est un
effort qui n'a jamais été fait dans le passé. Il y a une
sensibilisation à atteindre, à aider davantage les entrepreneurs.
On a confiance aux entrepreneurs québécois. Il faut leur donner
le coup de pouce avec des façons modernes de le faire et non pas avec
des façons dépassées, comme vous autres le faisiez
à l'époque.
Des voix: Bravo!
M. Rodrigue: Question de privilège.
Le Président: M. le député, je ne vois pas
en quoi votre privilège a été mis en cause.
M. Rodrigue: M. le Président, je pense que c'est le
privilège des députés de cette Chambre de pouvoir
s'exprimer librement et le privilège...
Le Président: Je vous réfère au
règlement de la Chambre à cet effet, mais vous avez parfaitement
raison au sujet de la question de règlement par ailleurs, qu'un
député a tout à fait le droit de s'exprimer librement,
qu'on ne doit pas porter entrave à sa liberté d'expression et
plus particulièrement que seul le député qui a la parole a
effectivement le droit de parler et que les autres devront normalement
être muets.
Cela étant dit, question principale, M. le député
de Richmond. (10 h 40)
Projet d'école de musique à
Sherbrooke
M. Vallières: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre de l'Éducation et concerne l'installation de
l'école de musique de Sherbrooke. Il y a quatre ans, votre
prédécesseur, M. Jacques-Yvan Morin, annonçait la
création d'une pareille école à l'Université de
Sherbrooke. Plus récemment, le 11 novembre dernier, à Compton,
vous-même promettiez de donner l'heure juste au milieu estrien, soit dans
deux semaines, et disiez qu'une nouvelle proposition serait faite. Depuis ce
temps, l'heure juste du ministre s'est traduite par un épais nuage de
brume. Ses attachés politiques soutiennent qu'aucun nouveau projet
n'existe sur le sujet au ministère de l'Éducation, contrairement
à ce qu'a laissé entendre le ministre à Compton. Ma
question est la suivante et reprend de façon interrogative un
éditorial paru dans la Tribune, rédigé par M. Jean-Jacques
Lafontaine. Le ministre de l'Éducation trouvera-t-il le courage de
confirmer, d'infirmer ou de compléter les déclarations de ses
adjoints? Le ministre de l'Éducation acceptera-t-il aujourd'hui de
mettre fin à la confusion qui règne, de répondre
favorablement aux demandes urgentes du milieu estrien? Le ministre
s'engage-t-il, ce matin, formellement, à installer l'école de
musique à Sherbrooke?
Le Président: M. le ministre de
l'Éducation.
M. Laurin: Je ne peux prendre aujourd'hui cet engagement. Le
dossier est bien connu et il est encore à l'étude.
J'espère être en mesure d'apporter une solution, une
réponse favorable aux demandes qui m'ont été faites.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Richmond.
M. Vallières: Est-ce que le ministre pourrait nous
indiquer, compte tenu de la façon dont il me parle, s'il a oublié
son courage dans le vestiaire. C'est ce qu'il semble avoir fait et c'est la
question que je lui pose. Je veux savoir, pourquoi le ministre a pris ces
engagements quand il est venu à Compton, pourquoi il a dit aux
intervenants du milieu que cela prendrait deux semaines avant qu'on ait une
réponse? La région continue d'être dans la confusion.
J'entends les députés péquistes de l'Estrie qui...
Le Président: Votre question est posée et ne peut
pas faire l'objet d'un commentaire additionnel. M. le ministre de
l'Éducation.
M. Laurin: M. le Président, même réponse.
J'espère être en mesure d'apporter une réponse favorable
dans les plus brefs délais.
Le Président: En complémentaire, M. le
député d'Orford.
M. Vaillancourt: Étant donné que
l'Université de Sherbrooke n'a reçu aucune confirmation de
subvention pour des projets comme l'école de musique, est-ce que le
ministre peut nous dire quand le montant de 183 000 $ va être
versé à l'Université de Sherbrooke, étant
donné que c'est un montant qui est indexé?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: Je pense que cette somme est incluse dans les
discussions que nous avons actuellement et que nous menons, en fait, depuis
plusieurs mois avec l'Université de Sherbrooke. Quant à son plan
triennal de développement, quant a son équilibre financier, la
réponse viendra, évidemment, de la conclusion des discussions que
nous avons avec elle.
Le Président: Question principale, M. le
député de Sainte-Anne.
La francisation des panneaux de rue à
Montréal
M. Polak: Merci. Ma question s'adresse au ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration. On sait que le projet de
loi 57, la Loi modifiant la Charte de la langue française qui est
présentement à l'étude, permettra dorénavant
à certaines municipalités dont la population est majoritairement
anglophone d'afficher le nom de leurs rues en anglais et en français.
C'est ainsi que, sur le côté sud du chemin Côte Saint-Luc
à Montréal, partie de Montréal du chemin, la ville doit
faire disparaître les mots "road et street" tandis que, sur le
côté nord du même chemin, de l'autre côté de la
rue, laquelle fait partie du territoire de la municipalité de Hampstead,
l'anglais sera permis. Devant cette situation quelque peu ridicule, j'aimerais
demander au ministre, qui s'est engagé à examiner la demande du
maire de Montréal de surseoir à l'obligation de biffer les
inscriptions en anglais, s'il a pris une décision à ce sujet et,
mieux encore, s'il ne croit pas qu'il serait indiqué de présenter
un autre amendement au projet de loi 57 pour permettre à la ville de
Montréal de conserver en permanence les quelques plaques de rues qui
n'ont pas encore été corrigées?
Le Président: M. le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
M. Godin: Le député de Sainte-Anne est doté
d'une intuition très forte puisque j'allais, en complément de
réponse à son collègue de D'Arcy McGee, répondre
à sa première question qui est qu'à la fin de 1978, la
ville de Montréal avait 3000 panneaux de rue, ce qu'on appelle
techniquement des panneaux odonymiques à changer. En mai 1983, donc,
cinq ans plus tard, 60% l'avaient été à cette date. Il ne
restait en mai dernier que 1200 panneaux à modifier. Aujourd'hui,
j'imagine, six mois plus tard, le nombre a encore diminué. Par ailleurs,
après consultation auprès de l'Office de la langue
française, nous sommes convenus d'accorder à la ville de
Montréal l'exemption prévue à l'article 133 et de lui
donner, par conséquent, une période d'un an de plus pour
franciser l'ensemble de ses plaques odonymiques, de ses plaques de rue à
Montréal. Le maire Drapeau sera avisé de cette décision
dès que je sortirai de cette Chambre, parce que je tenais à
l'annoncer ici.
Quant à la deuxième partie de votre question, vous dites
qu'il y a un côté de la rue où les plaques sont en anglais
et en français et un autre côté, où les plaques sont
en français seulement. Je dirais que, de ce côté-ci de
cette Chambre, il y a le gouvernement et de l'autre côté,
l'Opposition. Il y a donc, dans tout l'ensemble du Québec, des
territoires reconnus anglophones, c'est une demande de la communauté
anglophone,
et, dans les territoires reconnus francophones, les francophones veulent
que ce soit français. Je pense que c'est tout à fait logique. M.
le député de Sainte-Anne et M. le Président, c'est dans le
souci du respect des réalités culturelles que nous agissons
ainsi. C'est justement de la souplesse. Je ne comprends pas pourquoi on devrait
donner à Montréal le statut de Hampstead, puisque Montréal
n'est pas Hampstead, à Montréal, il n'y a pas une majorité
anglophone. C'est très clair, très simple et cela respecte les
droits de la minorité anglophone reconnus au préambule de la
charte à compter de l'adoption de la loi, M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: J'aimerais demander au ministre si cela veut dire
que les anglophones devront marcher d'un côté de la rue et les
francophones de l'autre.
Des voix: Niaiseux! niaiseux! niaiseux!
Le Président: À l'ordre! À l'ordre! M. le
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.
M. Godin: M. le Président, je pense que le choeur
ministériel a répondu à la question.
Le Président: Question principale, M. le
député de Viger.
M. Godin: M. le Président. Le Président: M.
le ministre.
M. Godin: Dans les tragédies grecques, le choeur
répond parfois aux questions de certains acteurs.
Le Président: M. le député de Viger,
question principale.
La direction générale du Palais des
congrès de Montréal
M. Maciocia: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Lundi dernier, je lui ai
posé la question à savoir si l'information - entre guillemets -
"du réseau d'information du Parti libéral" voulant que le nouveau
président du Palais des congrès de Montréal, M. Yves
Michaud, serait très prochainement ou éventuellement nommé
aussi à la direction générale du Palais des congrès
est juste. Si oui, je voudrais savoir ce qu'il adviendrait de M. Privé,
qui est actuellement directeur général du Palais des
congrès de Montréal?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, je crois que, au mois de juin,
j'avais répondu à une question du député de Viger.
J'ai répondu exactement d'après les informations que j'avais
à l'époque, comme je réponds d'après les
informations que j'ai présentement. M. Michaud a été, il y
a quelques semaines, nommé président de la Société
du Palais des congrès de Montréal. Il va assumer ses
responsabilités à compter de la deuxième semaine de
janvier. M. Privé va continuer d'occuper ses fonctions actuelles.
M. Maciocia: M. le Président...
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Viger.
M. Maciocia: Ma question complémentaire est pour prouver,
encore une fois, que le ministre...
Le Président: M. le député, la question.
M. Maciocia: ...n'y a pas été pour la nomination de
M. Michaud et n'y serait pour rien...
Le Président: Je n'ai pas besoin de vous définir
les mots "question complémentaire", M. le député. Si vous
voulez en poser une en complément, allez-y, mais il n'y a pas de
préambule à une question complémentaire.
M. Maciocia: Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme est-il au courant que vendredi dernier, le premier ministre nous
répondait: "Ce contrat, qui est la décision du gouvernement de
lui demander d'assurer la présidence et la direction
générale éventuelle du Palais des congrès,
correspond très exactement aux qualités que nous trouvons chez M.
Michaud."? C'est la question que je lui pose. Ou ils ne se parlent pas dans ce
gouvernement ou, comme nous croyons de ce côté-ci, nous sommes
convaincus que c'est le premier ministre qui a pris la décision de la
nomination de M. Michaud. (10 h 50)
Ma deuxième question tombe sous le sens. Le ministre nous a
répondu lundi dernier qu'il avait contacté l'Association des
hôteliers de l'agglomération de Montréal et la ville de
Montréal.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président: Un rappel au règlement, M. le leader
du gouvernement.
M. Bertrand: ...un rappel au règlement.
Le Président: Cela va?
M. Maciocia: Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme peut-il nous dire qui il a contacté à la ville de
Montréal et qui il a contacté à l'Association des
hôteliers de l'agglomération de Montréal?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, je voudrais d'abord informer le
député de Viger que dans une entreprise c'est toujours un
président qui assume la direction de l'entreprise; c'est lui qui est
responsable auprès des actionnaires ou auprès du gouvernement,
dans ce cas-là. Dans ce sens, oui, M. Michaud a été
nommé président de la Société du Palais des
congrès de Montréal et c'est lui qui assume la
responsabilité de répondre des actions, des gestes et de
l'administration de la Société du Palais des congrès de
Montréal, ce qui n'empêche certainement pas M. Privé de
continuer à exercer sa fonction actuelle.
Quant aux consultations, elles ont été faites
auprès de la ville de Montréal. J'ai également
consulté les intervenants touristiques et les hôteliers de
l'agglomération de Montréal. Ces gens-là sont convaincus
que M. Michaud peut faire un excellent travail, peut faire de la promotion
touristique, peut attirer de nombreux congrès au Québec et peut
contribuer par ses qualités à faire travailler de nombreux
Québécois et Québécoises dans votre région,
en particulier.
Le Président: Fin de la période des questions.
M. le ministre de l'Énergie et des Ressources a un
complément de réponse à une question qui lui a
été posée par M. le député de
Maskinongé. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
L'approvisionnement de la société Kruger
de Trois-Rivières
M. Duhaime: M. le Président, pour la bonne
compréhension, peut-être que vous pourriez permettre - la question
a été adressée par le député de
Maskinongé au premier ministre la semaine dernière, et cela
concerne la compagnie Kruger de Trois-Rivières - que je relise les trois
lignes qui sont au coeur de la question. Je vais citer mon collègue de
Maskinongé. Ce n'est pas une chose que je fais souvent. C'est à
la page 2 du ruban R-4663, et M. le député de Maskinongé
pose la question au premier ministre: "En 1982, votre gouvernement qui, soit
dit en passant, est censé s'occuper de création d'emplois, a
décidé de réduire de 59% la garantie d'approvisionnement
pour la même compagnie Kruger dans la région de Chibougamau et de
Chapais." C'est la question. Ce que je voudrais dire d'abord, M. le
Président, c'est que cette question, telle qu'elle est formulée,
laisse entendre des faits qui sont absolument faux et qui, de plus, sont
dommageables à une entreprise de notre région.
Quand un député se lève en Chambre et à
partir de coupures de presse glanées à gauche et à droite,
sans qu'aucune vérification ne soit faite, ni au ministère, ni
auprès de l'entreprise, on lance que 59% des approvisionnements d'une
compagnie qui fabrique du papier journal tombent du jour au lendemain, il y a
peut-être des gens qui financent cette entreprise qui se posent des
questions.
Ma réponse sera très brève. Non seulement nous
n'avons pas réduit la garantie d'approvisionnement qui avait
été concédée le 12 mars 1975 par le décret
1019-75, mais au début de 1981 - et à l'époque, en 1975,
cela portait sur 300 000 cunits - nous l'avons augmentée de 26 000
cunits moyennant certaines conditions que l'entreprise Kruger a
acceptées, c'est-à-dire s'entendre avec la scierie Barrette et
Chapais dans la région de Chibougamau pour que cette scierie puisse
approvisionner Kruger en copeaux. Tout le monde sait que la compagnie Kruger
est une entreprise très importante en Mauricie dans le domaine du papier
journal. Le problème n'est pas une question d'approvisionnement en soi,
mais beaucoup plus un problème de coûts de transport. Je
demanderais au député de Maskinongé, s'il a eu le temps de
faire des vérifications pour permettre à cette entreprise de
retrouver la confiance que tout le monde lui doit, de corriger les faits.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, le ministre serait-il au
courant que M. Cyrenne a lui-même déclaré, et je cite:
"C'est le manque de garanties de la part du gouvernement du Québec sur
l'approvisionnement à long terme en matières premières qui
retarde la construction d'une nouvelle machine à papier à la
société Kruger de Trois-Rivières." C'est le commentaire
qu'a fait de son côté M. Roland Cyrenne,
vice-président-directeur général chez Kruger à
Trois-Rivières. Le ministre est-il au courant de cela et pourrait-il
répondre à la vraie question? Qu'attend-il pour donner des
garanties à cette compagnie pour qu'un investissement de 100 000 000 $
soit réalisé dans notre région tel que le demande la
Kruger et tel que l'exigeait la compagnie avant le 6 décembre? Qu'a fait
le ministre avant le 6 décembre quant aux garanties que demandait la
compagnie Kruger? C'est ce que je veux savoir. Répondez à cela et
vous aurez fait votre boulot.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: Je vais essayer de faire un effort pour faire
comprendre quelque chose au député de Maskinongé.
Des voix: Bonne chance!
M. Duhaime: Puisque la question a été posée
au cours de la semaine dernière, j'imagine que le 6 décembre
étant proche du 5, cela a dû vous aider à poser votre
question alors que je n'étais pas en Chambre. La décision
d'installer une nouvelle machine à papier à Trois-Rivières
par Kruger est prise depuis trois ans. Vous devriez savoir cela. La machine
à papier est achetée. Il y a déjà eu de
l'amortissement là-dessus depuis trois ans. Qu'est-ce qui fait que la
compagnie Kruger ne se décide pas à ajouter les 100 000 000 $
additionnels pour installer cette machine à papier? La réponse
à cela est simple.
Si le député de Maskinongé veut simplement regarder
les chiffres de la production de papier journal depuis un an ou deux, il verra
que nos usines tournent à 80%, 81% ou 82% de leur capacité. Comme
je l'ai dit tantôt, la compagnie Kruger a un coût de transport
élevé parce que ses approvisionnements sont loin de
Trois-Rivières. Lorsque les conditions ont été faites au
printemps 1981, lorsque nous avons porté de 300 000 à 326 000
cunits - ce n'est pas diminué de 50%, c'est augmenté d'à
peu près 7% ou 8% - la compagnie Kruger savait pertinemment la distance
qui existait entre Chibougamau, Chapais et Trois-Rivières; cette
distance n'a pas changé depuis.
Que des compagnies fassent des démarches, des pressions
auprès du ministère de l'Énergie et des Ressources pour
obtenir de meilleures garanties d'approvisionnement, c'est ce qu'on fait la
journée durant à mon ministère. Nous devons faire des
arbitrages. Si, par hypothèse, nous décidions de favoriser
Kruger, dans une certaine région du Québec, nous le ferions
nécessairement au détriment d'une autre compagnie. C'est ce que
le député de Maskinongé devrait essayer de comprendre. Les
conditions qui ont été faites et acceptées en 1981 par le
groupe Kruger existent toujours. Sauf erreur, la scierie Barrette-Chapais est
également prête à livrer les copeaux suivant qu'une entente
de livraison et de prix interviendra entre les deux parties.
Une voix: Bon, avez-vous compris?
Le Président: Motions non annoncées. Aux avis
à la Chambre, aux motions, M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, si j'avais le consentement
du leader de l'Opposition, y aurait-il possibilité de revenir à
la période des affaires courantes, au dépôt de documents?
Il y aurait deux documents qui pourraient être déposés: un
du ministre de l'Énergie et des Ressources et l'autre du ministre des
Transports.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Sûrement. Étant donné que ce
consentement va dans le sens d'informer le plus rapidement possible les
citoyens des bourdes du gouvernement, nous allons donner notre
consentement.
Le Président: Dépôt de documents. M. le
ministre de l'Énergie et des Ressources.
Une voix: C'est encore le même.
Une voix: Envoyez votre bourde!
Statistiques de l'énergie pour 1982
M. Duhaime: II me fait plaisir de déposer, avec le
consentement de l'Opposition, les statistiques de l'énergie au
Québec pour 1982. L'édition de 1983 sera prête, bien
sûr, en 1984. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président: Rapport déposé. M. le ministre
des Transports.
Rapport de l'Office des autoroutes du
Québec
M. Clair: Je dépose le rapport d'activités de
l'Office des autoroutes du Québec, qui a été aboli
l'année dernière en ce qui concerne son rôle
opérationnel mais qui demeure gérant de la dette obligataire,
pour la période s'étendant du 1er janvier 1982 au 31 mars
1983.
Le Président: Rapport déposé. Les motions,
M. le leader du gouvernement.
Travaux des commissions
M. Bertrand: D'abord, j'aurais besoin du consentement de
l'Opposition. Hier, M. le Président, nous avons obtenu le consentement
pour que trois commissions parlementaires puissent siéger. Il y a une
commission parlementaire, celle de l'éducation, qui entend des groupes
relativement aux nouvelles propositions concernant le règlement sur
l'enseignement au collégial. Or, aujourd'hui, cette commission poursuit
ses travaux ainsi que demain.
(11 heures)
Nous souhaiterions obtenir le consentement de l'Opposition pour que,
pendant que la commission de l'éducation entendra des groupes, deux
autres commissions parlementaires puissent siéger, à savoir celle
de la fonction publique, toute la journée, pour l'étude du projet
de loi 51, article par article, et ce matin, la commission des transports, pour
terminer probablement l'étude du projet de loi 47 et, cet
après-midi, la commission des travaux publics et de l'approvisionnement
pour l'étude article par article du projet de loi 18.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, étant donné -
je l'ai expliqué hier, mais j'aimerais le répéter - que la
commission de l'éducation se réunit pour entendre des groupes sur
le projet de règlement, en partie à notre demande aussi, nous
aurions mauvaise grâce de refuser ce consentement, ce qu'on pourrait
refuser, toutefois, compte tenu des autres commissions qui seraient
appelées à siéger en même temps. Le leader nous a
dit quelles commissions seraient appelées à siéger
aujourd'hui et je ne vois pas de conflit en ce qui concerne les intervenants
entre les différentes commissions appelées à siéger
en même temps aujourd'hui.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: En remerciant le leader de l'Opposition pour sa
collaboration, je fais donc motion pour que, ce matin, de 11 h 15 à 13
heures, cet après-midi, de 15 heures à 18 heures, et ce soir, de
20 heures à 24 heures, la commission de l'éducation siège
à la salle 81-A; qu'au salon rouge, la commission de la fonction
publique siège pour étudier le projet de loi 51 article par
article; que, ce matin aussi, à la salle 80-A, la commission des
transports siège pour étudier le projet de loi 47 article par
article et que, cet après-midi, de 15 heures à 18 heures,
à la même salle 80-A, la commission des travaux publics et
approvisionnement siège pour l'étude du projet de loi 18, article
par article.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
M. Lalonde: Vote enregistré.
Le Président: Vote enregistré. Qu'on appelle les
députés. (11 h 03 - 11 h 09)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez prendre vos places.
À l'ordre! Mme la ministre de la
Fonction publique.
Mme la ministre, je ne voudrais pas vous déranger indûment,
mais... Merci.
Des voix: Ah!
Le Président: 0e crois comprendre que le leader du
gouvernement a une modification à faire à sa motion.
M. Bertrand: Oui, un petit ajout, M. le Président, au cas
où la commission des travaux publics et de l'approvisionnement, pour
l'étude du projet de loi 18 créant la Société
immobilière du Québec n'aurait pas terminé ses travaux
à 18 heures. On me dit qu'il est fort possible que les travaux soient
terminés à 18 heures. J'ajouterais à la motion que la
commission siégerait aussi ce soir, de 20 heures à minuit; mais,
à la commission, les membres peuvent s'entendre s'ils veulent poursuivre
une heure de plus, à 18 heures. Bien sûr, la décision leur
appartient.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Laquelle des trois ou quatre commissions que vous
avez nommées serait appelée à siéger ce soir?
M. Bertrand: La commission des travaux publics et de
l'approvisionnement.
M. Lalonde: Mais si elle a terminé à 18 heures?
M. Bertrand: Non. Je dis que c'est dans la mesure où les
gens n'auraient pas terminé leurs travaux.
M. Lalonde: Très bien.
M. Bertrand: D'accord? À ce moment-là, ils
poursuivraient leurs travaux à 20 heures.
Une voix: C'est compris là? M. Bertrand: M. le
Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Si cette commission parlementaire avait
terminé ses travaux à 18 heures ou à 19 heures, parce
qu'il peut y avoir un consentement donné à la commission, je
préviens le député de D'Arcy McGee qu'il se retrouverait
avec son bon ami, le ministre de la Justice, pour poursuivre l'étude du
projet de loi concernant les coroners, de 20' heures à minuit.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, j'avais bien entendu la fin
de la description des commissions avant de donner mon consentement, mais il
semble que celui-là pourrait créer un certain problème. On
pourrait peut-être voter sur les motions, tel que proposé.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, pour l'instant, demeurons-en
avec l'ajout que j'ai fait tantôt et, d'ici 18 heures, on verra. Il y
aura des discussions de part et d'autre. (11 h 10)
Une voix: Est-ce que cela va?
Le Président: Des députés se plaignent
à bon droit qu'ils n'arrivent pas à entendre ce que les
intervenants disent parce qu'il y a trop de bruit dans la Chambre. Je reviens,
encore une fois, là-dessus. Je vous prierais de bien vouloir tenir des
conversations en caucus, à l'extérieur de l'Assemblée.
Je mets donc aux voix la motion de M. le leader du gouvernement visant
à faire siéger la commission parlementaire de la fonction
publique au salon rouge, la commission parlementaire de l'éducation
à la salle 81-A et la commission parlementaire des transports à
la salle 80-A et également, la commission parlementaire des travaux
publics et de l'approvisionnement à la salle 80-A, subséquemment,
aux heures qu'il a indiquées.
Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se lever,
s'il vous plaît:
Le Secrétaire adjoint: MM. Bertrand (Vanier), Jolivet
(Laviolette), Mme Marois (La Peltrie), MM. Bédard (Chicoutimi), Laurin
(Bourget), Bérubé (Matane), Landry (Laval-des-Rapides), Lazure
(Bertrand), Gendron (Abitibi-Ouest), Godin (Mercier), Biron
(Lotbinière), Marcoux (Rimouski), Ouellette (Beauce-Nord), Mme
LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), MM. Martel (Richelieu),
Léonard (Labelle), Clair (Drummond), Fréchette (Sherbrooke),
Duhaime (Saint-Maurice), Chevrette (Joliette), Paquette (Rosemont), Rancourt
(Saint-François), Leduc (Fabre), Léger (Lafontaine), Proulx
(Saint-Jean), Gauthier (Roberval), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme
Lachapelle (Dorion), MM. Boucher (Rivière-du-Loup), Dean
(Prévost), Rodrigue (Vimont), Beaumier (Nicolet), Gagnon (Champlain),
Dussault (Châteauguay), Desbiens (Dubuc), Mme Juneau (Johnson), MM. Fallu
(Groulx), Bordeleau (Abitibi-Est), Rochefort (Gouin), Marquis
(Matapédia), Baril (Arthabaska), Laplante (Bourassa), Charbonneau
(Verchères), Champagne (Mille-Îles), Perron (Duplessis), Blais
(Terrebonne), Blouin (Rousseau), Lachance (Bellechasse), Gravel (Limoilou),
LeMay (Gaspé), Mme Harel (Maisonneuve),
MM. Brouillet (Chauveau), Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Payne (Vachon), Paré (Shefford),
Tremblay (Chambly), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lafrenière (Ungava),
Levesque (Bonaventure), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), Ciaccia (Mont-Royal), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie),
M. Vaillancourt (Orford), Mme Bacon (Chomedey), MM. Marx (D'Arcy McGee),
O'Gallagher (Robert Baldwin), Vallières (Richmond), Assad (Papineau),
Mathieu (Beauce-Sud), Caron (Verdun), Blank (Saint-Louis), Maciocia (Viger),
Polak (Sainte-Anne), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Rocheleau (Hull),
Fortier (Outremont), Rivest (Jean-Talon), Gratton (Gatineau), Pagé
(Portneuf), Côté (Charlesbourg), Johnson (Vaudreuil-Soulanges),
Paradis (Brome-Missisquoi), Lincoln (Nelligan), Cusano (Viau), Dubois
(Huntingdon), Sirros (Laurier), Saintonge (Laprairie), Picotte
(Maskinongé), French (Westmount), Bissonnet (Jeanne-Mance), Dauphin
(Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde (Berthier), Middlemiss (Pontiac), Hains
(Saint-Henri), Doyon (Louis-Hébert), Leduc (Saint-Laurent), Maltais
(Saguenay).
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre veuillent
bien se lever, s'il vous plaît!
Pas d'abstention.
Le Secrétaire: Pour: 99
Contre: 0
Abstentions: 0
Le Président: La motion est donc adoptée.
Aux questions sur les travaux de la Chambre, en vertu de l'article 34,
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Recours à l'article 34
M. Scowen: Le leader peut-il me dire quand le rapport du
Vérificateur général pour l'année 1982-1983 sera
déposé? Est-ce que ce sera avant Noël? Sinon, pourquoi
pas?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M'aviez-vous déjà posé cette
question ou si c'est la première fois aujourd'hui? Je garde un recueil
d'information sur chacune des questions posées en vertu de l'article 34.
C'est la première fois que vous me la posez. Je vais vérifier, M.
le député de Notre-Dame-de-Grâce, et je vous donnerai la
réponse dès que je l'obtiendrai, demain ou au début de la
semaine prochaine.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. En vertu de l'article
34, j'ai à poser une question au leader. J'ai posé une question
au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation cette
semaine concernant la relève agricole. Je lui ai offert le consentement
officiel de l'Opposition, s'il voulait uniquement changer quelque chose
concernant ce point dans la loi. Le leader du gouvernement pourrait-il me dire
si, effectivement, il y aura un changement dans ce projet de loi qu'il a
l'intention de nous proposer bientôt et avant l'ajournement, si possible,
tel que demandé par la Fédération de la relève
agricole du Québec.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je réfère le député de
Maskinongé à la réponse apportée par le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui, je pense, si ma
mémoire est bonne, indiquait que, dans la mesure où il y aurait
un consentement pour procéder à l'adoption de quelque chose
relativement à ce dossier, il était prêt à en
discuter avec le porte-parole de l'Opposition en la matière, mais en
dehors de tout autre "deal" de quelque nature que ce soit.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, je reviens à la
charge, puisque je lui ai dit qu'en ce qui concerne le 31 décembre, nous
sommes prêt à donner notre consentement concernant cet amendement.
Que voulez-vous de plus que cela? Vous autres, allez-vous nous dire que vous
acceptez de présenter cet amendement? Précisément, c'est
ce que je vous demande, mais il ne faudrait pas me donner la réponse
après le 21 décembre, parce qu'il sera trop tard.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: De la même façon que j'ai donné
une réponse hier à une question formulée par le
député de Beauce-Sud, en ce sens que nous apporterions un
amendement à la loi 90 par le projet de loi 50, projet omnibus
présenté par le ministre de la Justice, je ne peux sur ce projet
comme tel, personnellement, prendre un engagement face au député
de Maskinongé. Je m'engage, par ailleurs, d'ici la fin de la
journée, à communiquer avec mon collègue, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pour qu'une
réponse soit donnée au député de Maskinongé
dans les plus brefs délais.
Projet de loi 57
Reprise du débat sur la deuxième
lecture
Le Président: Aux affaires du jour, nous reprenons donc le
débat sur la motion de M. le ministre des Communautés culturelles
et de l'Immigration, proposant que le projet de loi 57, Loi modifiant la Charte
de la langue française, soit maintenant lu une deuxième fois. Je
cède la parole à M. le député de Viger. M. le
député de Viger.
M. Maciocia: M. le Président, je cède mon droit de
parole au leader de l'Opposition.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, cela fait dix ans et quelques
semaines que j'ai l'honneur de siéger ici à l'Assemblée
nationale. J'ai vécu deux débats linguistiques extrêmement
douloureux, coûteux, et voici qu'à l'occasion de la
présentation de ce projet de loi, je voudrais, en concluant le
débat - je crois comprendre que la réplique du ministre viendra
immédiatement après - récapituler, résumer, si vous
me le permettez, mais de façon très modeste, la position du Parti
libéral du Québec sur cette question. (11 h 20)
Le Parti libéral du Québec a tout d'abord
été le premier... Je le fais sans fanfaronnade, simplement pour
répondre à des accusations qui sont portées souvent au
milieu de trémolos et de discours "patriopétants". Je veux
simplement rétablir les faits. Le Parti libéral du Québec
est le parti qui a fait du français la langue officielle au
Québec, et ceci en 1974. C'est incontestable. C'est inscrit dans nos
archives, c'est là. Je sais que, dans le climat qui régnait en
1977, après la victoire du Parti québécois, on a fait
disparaître cette loi. On l'a remplacée. On aurait pu l'amender
parce qu'au fond ces deux lois se ressemblent beaucoup, la loi 22 et la loi
101. Je vous dirai de quelle manière plus tard.
Donc, le Parti libéral du Québec n'a de leçon
à recevoir de personne ici en cette Chambre sur la volonté de
faire du français une langue vivante, de faire de la culture
française une culture vivante et forte, de faire surtout du
français une langue nécessaire. Là-dessus, je pense que
nos propos se rejoignent d'un côté et de l'autre de la Chambre.
C'était la conclusion première et fondamentale de la commission
Gendron que le français, à la faveur du développement des
communications, de l'industrialisation et de l'urbanisation dans les quelques
dernières décennies, perdait son
caractère nécessaire. On avait de moins en moins besoin -
je parle des francophones -du français au Québec pour vivre, plus
particulièrement dans le milieu du travail. Au-delà de cette
déclaration solennelle: "Le français est la langue officielle du
Québec", qu'on retrouve à l'article 1 de la loi 22, et verbatim,
ce sont exactement les mêmes mots à l'article 1 de la loi 101.
Tout le reste, ce sont des moyens pour atteindre un objectif que nous
partageons.
C'est sur les moyens que nous avons des différences d'opinions
d'un côté et de l'autre de la Chambre. Le Parti libéral du
Québec - je reviens là-dessus - a été aussi celui
qui a mis en place les instruments pour faire cette francisation des
entreprises. Je pense que le ministre de l'Éducation, qui était
responsable de cette loi, l'a reconnu publiquement à quelques reprises.
Lorsque l'Office de la langue française a remplacé la
régie, on a même changé les mots pour en faire
disparaître le crédit au Parti libéral du temps. Tous les
instruments, les règlements étaient quasiment en place. Les
calendriers étaient en place pour commencer cette entreprise gigantesque
de franciser, de rendre le français une langue utile en milieu de
travail.
Le Parti québécois, lui, arrive avec sa loi 101 et, je le
répète, l'article 1 de la loi 101 est exactement le même
que l'article 1 de la loi 22: "Le français est la langue officielle du
Québec." Cette proclamation solennelle donne tout son dynamisme au
geste, donne son caractère officiel au geste de faire du
français, de faire d'une langue une langue officielle. C'est le coeur
même de la loi, l'article 1. Mais le Parti québécois a
choisi, et c'est là que nous avons commencé à nous y
opposer, des moyens tracassiers, souvent abusifs, inutiles et parfois
discriminatoires pour donner une coloration un peu revancharde à la loi.
On a fait un drapeau de la loi 101, alors que le Parti libéral avait, et
avec courage, parce que Dieu sait que nous étions bien conscients qu'une
bonne partie de notre clientèle allait trouver fort déplaisante
cette loi, et elle nous l'a rappelé quelques années plus tard...
Donc, quel courage cela prenait au Parti libéral pour le faire. Mais le
Parti libéral avait tenté de rester dans le milieu, de donner de
la mesure, de faire preuve de tolérance. On dit souvent...
Une voix: Et de réalisme.
M. Lalonde: Et de réalisme, oui; de réalisme
économique en particulier. Fort conscient que la langue de travail,
c'est en plein milieu de l'économie et que, voulant construire d'un
côté, on peut détruire de l'autre si on va trop loin. Et
c'est ce que la loi 101 a commencé de faire. C'est là que nous ne
sommes plus d'accord.
Hier, j'entendais des députés péquistes dire: Les
libéraux ont voté contre la loi 101, donc les libéraux
sont contre la spécificité française au Québec.
C'est même un ministre qui le disait. Je comprends qu'on puisse
s'emporter dans les trémolos, j'ai reconnu quelques discours
référendaires hier, le ton est un peu "grésillard", on
voit que ça ne prend plus, mais quand même on aime l'exercice des
deux côtés. D'ailleurs, c'est ce genre de discours qui est
malhonnête et qui est trompeur.
Voyons ce qui s'est passé. L'article 1 de la loi 22, je l'ai dit,
est exactement le même que l'article 1 de la loi 101. Or, le Parti
québécois a voté contre la loi 22, donc contre l'article
1. Est-ce que nous accusons le Parti québécois d'être
contre le français?
Voyons ce qui s'est passé en 1977. Les libéraux ont
voté pour l'article 1 de la loi 101 et contre la loi 101 globalement,
étant donné qu'elle était abusive à plusieurs
égards.
M. le Président, j'ai fait sortir la transcription des
débats du 4 août 1977 de la commission permanente qui
étudiait article par article la loi 101. Mise aux voix de l'article
premier - là, on reconnaît quelques-uns de nos collègues
actuels et passés, il y en a quelques-uns qui ne sont pas ici - "Je
demande l'appel nominal, M. le Président" -c'est M. Charron qui
demandait l'appel nominal. J'avais le privilège de siéger avec
Mme la députée de L'Acadie, M. le député de
Mont-Royal et d'autres pour le Parti libéral. Je vois ici: "M. Ciaccia:
Pour. Mme Lavoie-Roux: Pour. M. Lalonde: En faveur." Tout à coup, je
vois: "M. Biron: Abstention." Et, hier soir, c'est un de ceux qui est venu nous
donner des leçons, qui est venu faire des reproches au Parti
libéral.
M. le Président, on a le droit de douter de
l'honnêteté intellectuelle et de la sincérité des
gens à certains moments. Ce sont ceux-là qui, souvent, sont les
plus violents dans leurs discours. C'est ça la réalité. Le
Parti libéral, à deux reprises, a voté en faveur de la
proclamation du français comme langue officielle au Québec, mais
nous avons voté contre les abus et nous continuerons de combattre les
abus de la loi.
Quand M. Jean Drapeau - qui a commencé de faire de la
francisation avant que le nom soit inventé, dans la ville de
Montréal, sans bruit, sans brimer qui que ce soit, qui a francisé
et ce n'est pas assez connu, ça devrait l'être davantage - vient
ici pour nous dire ce qu'il nous a dit il y a quelques semaines, quand la
Commission des droits de la personne du Québec - j'y reviendrai - vient
nous dire ce qu'elle est venue nous dire, il y a sûrement quelque chose
à changer. Et le seul fait que le gouvernement actuellement
présente un projet de loi - on n'est pas d'accord avec le projet de loi,
on l'a dit, je ne reviendrai pas sur
les raisons; on a eu plusieurs discours à cet égard, le
député de Gatineau est entré en détail
là-dessus - pour faire des changements, cela confirme, au moins en
partie, l'opposition que nous avions en 1977. Cela confirme le vote que nous
avions donné contre la loi 101 en 1977. Votre geste est la confirmation
du bien-fondé de notre décision. (11 h 30)
Ne venez pas nous reprocher d'avoir voté contre la loi 101. Vous
êtes vous-mêmes les premiers à vouloir la changer - et vous
avez raison de vouloir la changer - mais, malheureusement, vous avez
créé des illusions chez bien des gens. C'est malheureux, parce
que, quand j'avais... Je ne veux pas faire de personnalité, mais c'est
quand même de notoriété publique que, lorsque le ministre
actuel a été nommé, compte tenu de sa personnalité,
de son passé, etc., beaucoup d'espoirs ont été
créés. Son attitude très réceptive, au
départ a créé des espoirs. J'étais un de ceux qui
lui faisaient confiance. Je trouvais d'ailleurs la démarche très
difficile. Elle est d'autant plus difficile que la voix des ténors du
Parti québécois en 1977 a été plus stridente. On a
tellement charrié avec la question linguistique. On est allé
tellement loin de l'autre côté de cette Chambre avec la question
linguistique que c'est plus difficile peut-être pour eux de revenir en
arrière. J'en conviens.
Mais dans le climat actuel, l'après-crise - parce que la crise a
fait changer bien des mentalités ou a aidé à bien des
mentalités à entreprendre une évolution - avec l'appui que
vous auriez pu avoir de l'Opposition - parce que nous ne faisons pas de
démagogie avec une question aussi importante que la langue et nous n'en
avons jamais fait - vous aviez la chance d'apporter les changements qui
iraient, qui seraient allés dans le sens que nous voulons. Le sens que
nous voulons, on ne le retrouve pas nécessairement.
Ce n'est pas le programme du Parti libéral, c'est le
mémoire de la Commission des droits de la personne, organisme non
partisan, qui dit, à la page 33: "Ceci fait appel en même temps
à l'esprit d'ouverture et de tolérance dont doivent faire preuve
les autorités publiques devant une partie de leur population qui
s'estime lésée par une telle loi." Ces quatre lignes
résument ce qui nous anime ici, de l'autre côté:
tolérance. On dit qu'on ne devrait jamais légiférer sur
des questions linguistiques ou de religion. Des sages ont dit cela. Il
était nécessaire de le faire sur la question de la langue. Je
pense qu'on en a convenu.
Est-ce une erreur unanime qu'on a faite? Enfin! je ne le pense pas, mais
il faut donc faire attention quand on touche aux questions linguistiques'. Il
faut donc faire preuve de mesure, de tolérance et de
générosité; Quand on demande de la
générosité pour les minorités, on nous accuse
d'être le parti des Anglais, mais fort bien, si on veut nous accuser de
cela. Je préférerais être accusé de
représenter les minorités que de faire des abus au nom de la
majorité. Là n'est pas la question. On nous reproche... Je disais
justement que ce qui nous anime, c'est la tolérance et la mesure. C'est
ce que nous voulons, au nom de tous les Québécois. Je ne me sens
pas à l'aise de faire partie d'une majorité qui traite de
façon abusive ses minorités. C'est au nom de la qualité de
la civilisation qu'on veut se donner. Souventefois, on entend le PQ dire: Les
Anglais ont le meilleur traitement de toutes les minorités au Canada.
Oui, tant mieux, mais je ne veux pas diminuer cela. C'est un héritage.
Ce n'est même pas nous qui avons fait cela. Ce sont nos ancêtres,
ceux qui sont passés avant nous. Mais pourquoi le diminuer au niveau des
autres minorités qui, ailleurs, pourraient être moins bien
traitées? Le Parti libéral veut conserver cela.
Dans l'affichage, je n'ai jamais compris pourquoi on empêche
quelqu'un d'afficher dans sa langue. La loi 22 permettait une autre langue,
c'est-à-dire qu'elle obligeait à l'usage du français. Je
le sais, il faut avoir l'air français.
Ce discours cache une réalité extrêmement
exécrable, cela veut dire qu'il faut faire disparaître l'autre
réalité si on ne veut qu'une réalité. Je suis
convaincu qu'une grande majorité de Québécois ne veulent
pas traiter ces minorités de cette façon. Il y a quelque chose de
répugnant dans cette attitude. On dit: Oui, les anglophones, vous allez
pouvoir vous parler entre vous. Et là, on arrive dans des petits
détails souvent "picayunes". On leur dit: Ne paraissez pas,
disparaissez. Moi, cela me répugne intellectuellement et le Parti
libéral ne peut accepter une telle attitude au nom des
libertés.
D'ailleurs, c'est ce qui tracasse tellement la Commission des droits de
la personne. C'est surtout là-dessus qu'elle s'est appliquée
à faire sa recommandation, c'est-à-dire que l'article 58 de la
loi 101 soit amendé en vue de permettre l'utilisation dans l'affichage
public et la publicité commerciale de langues autres que le
français, mais sous réserve que le français, grâce a
l'adoption d'une réglementation adéquate, demeure
prépondérant.
Bien voyons, soyez généreux! Vous ne l'êtes pas et
nous ne pouvons pas vous suivre dans cette voie. Nous ne sommes pas les seuls,
on nous a dit que le député de Vachon va s'abstenir de voter sur
la loi. Il pourrait faire comme nous et voter contre, mais cela prend un peu de
courage.
Sur le ton le plus modéré possible, je voudrais faire
appel au gouvernement. On se prépare à aller en commission
parlementaire où il sera possible d'apporter des amende-
merits un peu plus considérables, dans le sens d'enlever à
cette loi ce qui est abusif, ce qui va au débit de tous les
Québécois. Je ne répéterai pas les sondages qu'on
vous a rapportés ici, mais la majorité des
Québécois n'est pas favorable à une loi tatillonne,
à une loi revancharde. La majorité des Québécois
est favorable à une loi généreuse. Elle veut garder la loi
101, nous voulons la garder, que ce soit la loi 101 ou la loi 22, quel que soit
le numéro; nous voulons que le législateur continue de
protéger le fait français au Québec, mais nous voulons que
ce soit fait de façon généreuse. Nous ne pouvons pas
suivre le gouvernement dans la voie tout à fait imprécise et
incohérente dans laquelle il nous engage actuellement; c'est pour cela
que nous allons voter contre la loi 57, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre
droit de réplique.
M. Gérald Godin (réplique)
M. Godin: Je suis rassuré de constater le ton
modéré, rationnel et logique de mon collègue et ami - je
le dis sans gêne et publiquement - le député de
Marguerite-Bourgeoys sur la loi 57 et la loi 101. Je dois dire que je reconnais
dans ses propos la voix de la sagesse et surtout de l'expérience. En
effet, le député de Marguerite-Bourgeoys était ici lors de
l'adoption de la loi 22. Il était ici quand il a vu une partie du Parti
libéral, au pouvoir à l'époque, éclater, quand il a
vu un ministre libéral, M. William Tetley, un homme courageux, se faire
littéralement expulser d'une assemblée dans le West Island parce
qu'il présentait la loi 22 qui était relativement
modérée par rapport aux demandes des anglophones. Il était
ici quand il a vu quelques-uns des députés du Parti
libéral organiser des pétitions, des campagnes contre une loi du
gouvernement libéral de l'époque. Je dois dire, des
expériences précédentes - je l'ai évoqué
chaque fois en commission parlementaire, M. le Président - que le Parti
libéral avait fourni à la question linguistique un
éclairage extrêmement utile au gouvernement quand est venu le
temps d'adopter le projet de loi 101 et aujourd'hui le projet de loi 57. (11 h
40)
J'ai dit que tous les grands partis de la décennie au
Québec avaient tenté de résoudre le problème. Je
constate par ailleurs que la loi 22, malgré qu'elle était un pas
dans la bonne direction, a amené la défaite du Parti
libéral, a amené le rejet du Parti libéral par une grande
partie des francophones mécontents et par une grande partie des
anglophones mécontents aussi. C'est donc dire qu'il y avait là
aussi des amendements à faire et la défaite du Parti
libéral sur ces questions confirme la justesse des opinions
exprimées à l'époque par le Parti québécois
qui avait vu clair et qui incitait le Parti libéral à ne pas
aller trop loin dans le sens du libre choix qui mettait en danger
l'équilibre démolinguistique à Montréal.
La population a passé son jugement. Cela a été
évoqué hier par mon collègue, le député de
Sherbrooke et ministre du Travail. Je pense que la défaite du Parti
libéral sur la loi 22 confirme la justesse de la position du Parti
québécois. Je pense que l'adhésion aujourd'hui du Parti
libéral à la loi 101, adhésion
répétée en commission parlementaire, adhésion
répétée sur le principe ici hier, confirme
également la justesse de cette loi et la justice de cette loi.
Je voudrais m'attarder sur trois points. La question du respect des
travailleurs au Québec, la sensibilité, ce qu'on appelait il y a
quelques années le préjugé favorable à
l'égard des travailleurs du Québec, cela a été
central dans la discussion sur la loi 101 et c'est central dans les
préoccupations actuelles du gouvernement du Québec pour ce qui
touche la loi 57 qui modifie la loi 101. Je parlerai en deuxième lieu de
la question de l'affichage parce qu'elle est centrale. Je parlerai aussi de
l'opinion de la Commission des droits de la personne, parce qu'elle est
centrale. Je vous dirai les tourments, au fond, qui ont été les
miens à l'égard de l'affichage.
Venons-en à la question des travailleurs, M. le Président.
La loi 57 apporte trois modifications qui touchent les comités de
francisation. Le Parti libéral a demandé l'avis du Centre de
linguistique de l'entreprise sur ces modifications; c'est une association
patronale fort respectable, avec laquelle nous avons les meilleurs des rapports
et avec laquelle nous travaillons d'ailleurs pour améliorer les
formulaires, les attitudes et le comportement de l'Office de la langue
française dans ses contacts avec l'entreprise.
Je m'étonne que le Parti libéral n'ait pas cru bon, parce
qu'il a demandé un avis au Centre de linguistique, de demander le
même avis aux travailleurs du Québec, à la
Fédération des travailleurs du Québec, par exemple,
à la CSN, ce que j'ai fait. J'ai rencontré le président de
la CSN à mon bureau avec des représentants syndicaux des
hôpitaux anglophones, et j'y viendrai plus tard. J'ai eu des
échanges avec l'exécutif de la FTQ et nous avons contacté
les deux groupes. Ce qui me préoccupe d'abord et avant tout, c'est que
les travailleurs du Québec puissent travailler en français dans
l'entreprise.
Nous avons vu hier un député que je respecte la plupart du
temps, parce qu'il est près de son monde, et ses remarques, ses
reproches à l'égard de l'Office de la construction du
Québec, par exemple, sont extrêmement utiles au gouvernement
pour
tenter de modifier ce décret qui régit le monde de la
construction, de manière à respecter à la fois
l'ancienneté des travailleurs de la construction, mais, en même
temps, à éviter que cela ne devienne le déversoir de
l'ensemble des régions du Québec comme c'était le cas dans
le passé, avec les résultats que nous avons vus lors de la
commission Cliche convoquée, mandatée par le gouvernement
libéral de l'époque pour faire la lumière dans un domaine
où, à la faveur de ce fourre-tout, tout arrivait et tout
était possible.
Pour régler ce problème, nous avons confié à
l'OCQ le soin d'administrer la répartition du gâteau entre les
travailleurs de la construction, en fonction de leur ancienneté, ce qui
est la règle généralement admise dans le monde
ouvrier.
Donc, cette préoccupation des travailleurs, je ne l'ai pas vue
non plus dans l'intervention, dont je faisais état tout à
l'heure, de mon collègue, le député de Beauce-Sud, qui
nous a cité, avec un comportement un peu bouffon, ce qu'on appelle en
grec "karagiozis", un document qui émane de l'office et qui demande
à l'entreprise de se franciser. Le député de Beauce-Sud
disait: C'est un torchon; le patron l'a jeté dans les poubelles; on l'a
ramassé dans les poubelles et le voici, je vais vous le citer. Il a
alors dit: 100% des travailleurs de mon comté sont francophones;
voilà que l'office veut franciser cette entreprise-là; le patron
a jeté ce document au panier; c'est ridicule, c'est de la folie
furieuse, etc.
Ce que le député n'a peut-être pas fait, c'est de
s'enquérir auprès des travailleurs de l'entreprise en question au
sujet de la machinerie utilisée par l'entreprise qui vient d'Allemagne,
de Suède ou des États-Unis, comme il a dit lui-même. Est-ce
que ces inscriptions sont en français pour précisément que
les travailleurs de la Beauce qui sont francophones puissent comprendre en
français, dans leur langue, la portée, l'usage de ces
instruments, de cet équipement? Est-ce que les guides d'accompagnement
de cet équipement sont en français, M. le Président? Donc,
l'office fait son boulot. L'office est le défenseur des travailleurs
francophones du Québec même dans la Beauce, parce que, même
dans la Beauce, il y a des équipements utilisés qui ne sont pas
francisés. Il y a des documents d'accompagnement qui ne sont pas en
français. Qui va défendre les travailleurs, M. le
Président? Qui va s'occuper d'eux si on laisse le tout entre les mains
de l'entreprise qui n'est pas, traditionnellement, préoccupée par
ces questions et qui se dit que le travailleur va se "démerder", que le
travailleur va s'adapter, qu'il va s'angliciser partiellement pour pouvoir
traduire ou pour pouvoir comprendre son document en anglais?
Je pense que l'office - c'est son mandat et l'office succède
à la régie; c'était le même mandat dans le temps de
la régie -a le droit de vérifier si, même dans une
entreprise française, dans la Beauce, à Trois-Rivières,
à La Tuque, à Grand-Mère ou dans le comté de
Marguerite-Bourgeoys, cette entreprise utilise des manuels en français.
C'est élémentaire. Autrement, le travailleur se dit: Ma langue,
elle sert à quoi?; l'équipement que j'utilise tous les jours ne
parle pas ma langue; le guide d'accompagnement ne parle pas ma langue. Par
conséquent, il en vient à douter de la capacité du
français de transporter, de véhiculer le monde mécanique,
le monde technique, le monde électronique et, par conséquent,
l'avenir de l'humanité. D'ailleurs, les sondages du Conseil de la langue
française confirment que, pour un nombre croissant de
Québécois francophones, le français ne leur apparaît
pas comme étant la langue du XXIe siècle. Si cette idée
pernicieuse fait des progrès, nous allons assister à un
accroissement de l'assimilation des francophones du Québec vers
l'anglais, comme on l'a vu récemment dans les statistiques
publiées par Statistique Canada.
Par conséquent, la francisation est une opération qui doit
se faire partout et je n'accepterai pas que, par ignorance, de mauvaise foi ou
pour faire un bon spectacle en cette Chambre, un député ne
représente pas ces gens par rapport à la francisation, parce que
cette francisation est faite pour ces gens, pour ceux qui, au Québec -
pas seulement les patrons - produisent et créent ce que nous vendons, ce
que nous exportons, ce que nous consommons. Ce sont les travailleurs et les
travailleuses du Québec, les ouvriers et les ouvrières du
Québec. Le Québec, c'est eux d'abord et avant tout. C'est
également eux les consommateurs au Québec et c'est
également eux que nous voulons protéger. C'est également
pour eux que la loi 101 prévoit, ainsi que le projet de loi 57, que la
documentation d'accompagnement doit être en français pour tout
équipement acheté au Québec. Il faut que chaque dollar
dépensé pour un produit acheté dans un autre pays dise
à ce pays: Vous allez respecter, sinon la culture, du moins l'argent de
la personne qui achète vos produits; vous allez franciser vos
inscriptions; vous allez franciser vos guides d'accompagnement; vous ne nous
vendrez pas de télécouleur sans nous dire, en français,
comment procéder pour le faire fonctionner, pour y adapter des
ordinateurs, pour y adapter des jeux électroniques. C'est ce que cela
veut dire, le respect de la base au Québec, le respect des gens
anonymes, humbles, sans grade. Qui va s'occuper d'eux si ce n'est pas
l'État, au fond? D'ailleurs, le Parti libéral l'avait bien vu,
puisqu'il a adopté lui-même la loi 22 qui, malgré ses
défauts évidents que l'électorat lui a
rappelés fortement, était une loi qui, dans son principe,
m'apparaissait... Si j'avais été ici, j'aurais voté pour
l'article 1 de la loi 22, moi aussi. Malheureusement, à l'époque,
j'étais ailleurs. (11 h 50)
M. le Président, parlons maintenant d'un autre groupe de
travailleurs, les travailleurs anglophones, les ouvriers et les
ouvrières anglophones dans les institutions anglophones. J'avais
été informé par des rencontres privées avec des
gens d'Alliance Québec, avec des médecins, des porte-parole des
institutions anglophones de santé, que les travailleurs manuels, les
travailleurs de soutien étaient inquiets quant à leur avenir,
parce que, à la fin de l'année courante, la loi 101
prévoyait que toutes les institutions anglophones devraient se conformer
totalement à la loi. Ces travailleurs anglophones, eux aussi des
humbles, des modestes, des sans-grade, qui ne sont pas des professionnels, au
même titre que les travailleurs francophones d'entreprises
québécoises, étaient inquiets, et cela m'inquiétait
qu'ils le soient. Dans certains cas, on m'a dit qu'ils paniquaient à
cause de l'échéance de la fin de l'année 1983. C'est la
raison pour laquelle nous avons modifié l'article 20 de cette loi 101,
de manière que, dans chaque institution anglophone, l'administration de
celle-ci détermine les niveaux d'activité où le
français est requis et les niveaux où celui-ci n'est pas requis,
afin que les travailleurs soient protégés et que l'on n'impose
pas aux travailleurs non francophones de ces institutions un fardeau qu'ils ne
pourraient pas assumer sans risques.
Je dirais que ce sont les deux axes auxquels s'articule le projet de loi
57, et nous avons tenté de résoudre ces problèmes.
D'ailleurs, M. le Président, je vais vous citer quelques
témoignages de porte-parole d'institutions anglophones, les
municipalités du West Island. Le maire de Westmount, Bryan Gallery,
récemment élu, dit que les changements à la loi 101
correspondent à un "long awaited common sense. It saves a lot of time
and effort for our staff." Il est content. "Town of Mount Royal", le maire
Réginald Dawson de la ville de Mont-Royal dit: Je suis très
content d'entendre parler de ces changements. "That is excellent news." Ce sont
de très bonnes nouvelles, dit-il. C'est magnifique. "That is wonderful.
That is what we have been waiting for", les changements dans le projet de loi
57. Il disait: Je serai très heureux d'annoncer les changements à
ma séance régulière du conseil, dans les jours qui
viennent. Le maire Gerry Weiner de la ville de Dollard-des-Ormeaux disait: Le
projet de loi justifie ou légalise ce qui était moralement
correct. Je suis d'accord avec lui, c'était une question morale que de
respecter les travailleurs anglophones dans ces institutions, ceux qui n'ont
pas de contact avec le public francophone. Le maire de Pointe-Claire, M.
Malcolm Knox, disait: "It is nothing more than applying a little common sense."
Le maire de Beconsfield, seule exception, Pat Rustad, dit que les changements
ne vont pas assez loin, et il ajoute: Je ne suis pas surpris, étant
donné les inclinations philosophiques de ce gouvernement. Le maire de
Dorval, M. Peter Yeomans déclare que ces changements seront "an
excellent step forward", un très important pas en avant, un excellent
pas en avant. Mme la mairessse de Baie-d'Urfé, Ann Myles, a accueilli
les nouvelles de changements "with a huge sigh of relief", avec un grand soupir
de soulagement. Le maire de Côte-Saint-Luc, M. Bernard Lang, qui est venu
témoigner ici, a dit: Le gouvernement a écouté la majeure
partie de nos objections à cette loi et des changements ont
été faits qui vont dans ce sens, dans le sens de ce qui avait
été demandé. Par conséquent, voilà des
institutions anglophones où on est satisfait.
L'autre groupe d'institutions, ce sont les hôpitaux anglophones.
Or, dans la Gazette du 18 novembre, quelques jours après le
dépôt de la loi 57, M. Alex Paterson, le conseiller juridique de
cette association des hôpitaux anglophones, disait: It is not a black day
for English Québec. Ce n'est pas une mauvaise journée pour le
Québec anglais. Il y a de la lumière au bout du tunnel. Par
ailleurs, dit-il, ce qui est désappointant, c'est qu'on n'a pas
abordé la question du "testing of nonprofessionals", la question des
examens de français pour les non-professionnels.
À la suite de cette remarque, M. le Président, de nouveaux
amendements sont apportés, ce matin, à l'article 20 pour
précisément permettre aux hôpitaux anglophones de
déterminer eux-mêmes les niveaux d'emploi où le
français sera requis et les niveaux d'emploi où le
français ne sera plus requis. Je pense donc que, comme on dit en
anglais, "we have delivered the goods".
Je terminerai mes remarques de ce matin, en deuxième lecture, sur
la question de l'affichage. J'ai été moi-même très
pris par le mémoire soumis à la commission parlementaire qui a
étudié les changements à la loi 101 par la Commission des
droits de la personne du Québec. Je dois dire que le mémoire de
la Commission des droits de la personne peut se résumer en trois points.
D'abord, le mémoire cite un jugement rendu dans une cour du
Québec, récemment, par le juge Dugas. Le juge Dugas, de la Cour
supérieure, a rejeté une plainte portée par une
entreprise, un commerce anglophone, contre la loi 101 qui trouvait
précisément que l'affichage en français seulement venait
à l'encontre de la Charte des droits de la personne. Le juge Dugas, dans
son jugement,
est très clair. Il rejette la demande d'annulation et il dit: La
loi 101 n'est pas incompatible avec la Charte des droits et libertés de
la personne du Québec. C'est un jugement et ce jugement est cité
en long et en large par la Commission des droits de la personne.
Après avoir résumé le jugement Dugas qui confirme
le bien-fondé de la loi 101, on aurait pu s'attendre que la Commission
des droits de la personne conclue que la loi 101 ne brime pas les droits
d'expression des Québécois de quelque origine qu'ils soient. Non,
M. le Président. La même commission nous cite, à l'encontre
du jugement Dugas, un article. Pas un jugement, mais un article d'une personne
qui s'appelle Clare Bekton. C'est un article, ce n'est pas un jugement. Donc,
la base juridique d'un article par rapport à la base juridique d'un
jugement, ce n'est pas très convaincant.
De plus, la même commission cite, à l'appui de sa
thèse comme quoi la loi 101 brime les droits de la personne, une opinion
rendue par la même Commission des droits de la personne. Donc, c'est ce
qu'on appelle un plaidoyer pro domo. Si on fait la somme des arguments à
l'appui de la thèse de la commission, nous avons un article et une
opinion de la commission. Si on fait la somme des opinions rendues qui
confirment la loi 101 par rapport à l'affichage, nous avons un jugement
de la Cour supérieure du Québec.
La même commission, dans ses recommandations finales, dit ceci: La
Commission des droits de la personne propose que l'article sur l'affichage soit
amendé en vue de permettre l'utilisation, dans l'affichage public et la
publicité commerciale, de langues autres que le français, mais
à condition et sous réserve que le français, grâce
à l'adoption d'une réglementation adéquate, demeure
prépondérant.
Je pense que c'est précisément ce que la loi 101, et
maintenant la loi 57, permettra de faire, c'est-à-dire trcuver le point
d'équilibre de la place du français au Québec, qui doit
être prépondérante. Pas sur la même affiche, partout
au Québec, l'anglais en bas et le français en haut, cela ne fait
pas une prépondérance. Ce serait le bilinguisme universel, mais
la prépondérance dans le paysage. (12 heures)
La loi 101 reconnaît aux municipalités, aux hôpitaux,
aux institutions scolaires le droit d'affichage public en anglais et en
français, c'est-à-dire que 98 municipalités au
Québec peuvent avoir un affichage public en anglais et en
français. Donc, quand j'entends certaines personnes dire que nous
voulons gommer, effacer et faire disparaître l'anglais du Québec,
cela ne correspond pas à la réalité. D'autre part, les
changements à l'article 62 permettront à la réalité
multiculturelle du Québec d'apparaître.
Vous me faites signe, M. le Président, que mon temps est
terminé. Je sollicite le consentement de cette Chambre pour deux ou
trois minutes encore. Je terminerai très bientôt
là-dessus.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Accordé.
M. Godin: Cela n'a pas été une décision
facile à prendre, mais mon collègue et ami, le
député de D'Arcy McGee - un autre ami de l'autre
côté de cette Chambre - nous a demandé, en commission
parlementaire et hier encore: Nommez-moi un pays, nommez-moi un cas où
l'affichage unilingue dans la langue nationale est le seul qui soit
autorisé. Donnez-moi un cas. Nous avons fait des recherches, parce que
tout le monde affirmait qu'il n'y en avait point. Or, il y a, comme par hasard,
le Mexique, notre voisin latin du sud. Lui aussi, comme nous, dans l'ombre de
l'éléphant américain, éléphant culturel,
éléphant économique, éléphant politique,
éléphant militaire, le peuple le plus puissant de la terre, le
peuple le plus puissant dans l'histoire de l'humanité, sauf
peut-être les Romains il y a plusieurs siècles, le Mexique a senti
le besoin, lui aussi, de limiter l'usage des autres langues et de n'autoriser
que l'usage de l'espagnol dans le district fédéral de Mexico, la
partie centrale du Mexique, la partie où la population est
concentrée. Le texte des affiches - en espagnol, anuncios, annonces
-doit être rédigé en langue espagnole seulement pour le
district fédéral. Eux aussi estiment qu'il y a une menace
à leur culture qui vient de l'autre côté de la
frontière, soit des États-Unis.
Donc, je pense que nous avons senti, aussi bien au Québec, par la
force et la réalité des choses, aussi bien au Mexique, à
cause de la force et de la réalité des choses, qu'il fallait
littéralement ouvrir au-dessus du Québec, comme du Mexique, un
parapluie linguistique qui fasse que le Mexique garde son caractère
espagnol, son caractère culturel spécifique et que le
Québec, de son côté, le garde aussi.
Je souhaite que, d'ici à la fin de ce débat, le Parti
libéral se rallie au projet de loi 57 et l'appuie, parce que je
craindrais qu'il ne lui arrive dans quelques années, par rapport au
projet de loi 57, ce qui lui arrive par rapport à la loi 101, qu'il ne
m'avoue, dans six ans, qu'au fond il aurait dû voter pour le projet de
loi 57, comme il me dit aujourd'hui que la loi 101 est une loi qu'il ne veut
pas abolir. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
deuxième lecture du projet de loi 57, Loi modifiant la Charte de la
langue française, est adoptée?
M. Gratton: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gratton: Pourrions-nous demander au gouvernement - je pense
qu'il y a entente d'ailleurs - que le vote enregistré soit
reporté à lundi?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Boucher: Exactement, M. le Président, pour accommoder
l'Opposition, nous allons reporter le vote à lundi prochain, le 12,
avant l'appel des affaires du jour.
Le Vice-Président (M. Rancourt): II y a consentement pour
que le vote soit reporté à lundi, le 12, avant la période
des affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, l'article 12) de notre
feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 52 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi 52, Loi modifiant diverses lois fiscales en vue d'instituer un
nouveau recours pour les contribuables. M. le député de Rimouski,
ministre du Revenu.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, le projet de loi que nous
abordons, intitulé Loi modifiant diverses lois fiscales en vue
d'instituer un nouveau recours pour les contribuables, donne suite à un
engagement du discours inaugural du premier ministre de mars 1983, qui se
lisait comme suit: "Le ministère du Revenu proposera, pour sa part, des
mesures précises visant à améliorer le recours des
contribuables, ceux en particulier qui ont, avec le ministère, des
différends dont on a décidé de simplifier et
d'accélérer le règlement."
Cet engagement du discours inaugural, je l'avais proposé au
premier ministre à la suite du débat que nous avions eu en cette
Chambre et à la suite de différentes rencontres que j'avais pu
avoir avec les citoyens du Québec, avec mes collègues
députés de l'Assemblée nationale qui avaient plusieurs
critiques à faire sur le ministère du Revenu du Québec et
sur les relations que ce ministère avait avec les citoyens du
Québec. J'avais indiqué, dès que j'avais été
nommé ministre du Revenu, que je serais attentif au maximum aux
critiques, aux suggestions et aux propositions qui pourraient être faites
par mes collègues députés de l'Assemblée nationale
et par les citoyens pour améliorer les relations entre les citoyens ou
les contribuables du Québec et le ministère du Revenu.
D'ailleurs, plusieurs de ces constatations se retrouvaient dans le premier
rapport du ministre délégué aux Relations avec les
citoyens, M. Lazure, le député de Bertrand, qui avait fait
plusieurs suggestions au ministère du Revenu. Une des propositions qui
avaient été formulées au cours de l'automne dernier dans
différents débats que j'avais eus à l'Assemblée
nationale ici avec l'Opposition, à la suite de l'opération de
recouvrement des vieux comptes qui a été faite au
ministère du Revenu dans les dernières années,
c'était de revoir les recours que le citoyen avait face au
ministère du Revenu.
Je veux, dans une phrase préliminaire, bien distinguer ce qui
s'est passé au niveau du ministère du Revenu depuis 1978.
L'opération de recouvrement des vieux comptes portait sur des comptes
dont les avis de cotisation avaient été émis dans des
années antérieures, en 1968, 1970, 1972, 1974 et 1975. Le
problème que nous abordons aujourd'hui et la solution que nous proposons
sont pour permettre à ceux qui veulent s'opposer à une cotisation
du ministère du Revenu, d'avoir un nouveau recours. Ce nouveau recours,
c'est d'introduire une division, une nouvelle responsabilité, un nouveau
champ d'exercice de la Cour des petites créances du Québec en lui
donnant une responsabilité au niveau fiscal.
Si on regarde l'engagement que j'avais pris l'automne dernier lors de
débats que j'avais eus avec l'Opposition ici à l'Assemblée
nationale, je m'étais engagé à essayer de mettre en place
un nouveau recours pour les citoyens en matière fiscale qui corresponde
aux critères suivants: qu'il soit simple, rapide, peu coûteux et
où le ministère du Revenu ne serait pas perçu comme
étant juge et partie. Nous avons examiné différentes
hypothèses, la possibilité de créer un nouveau tribunal
administratif ou un nouveau tribunal quasi judiciaire et finalement, à
la suggestion du ministère de la Justice, l'hypothèse que nous
avons retenue, c'est celle de créer une division fiscale à la
Cour des petites créances. Pourquoi? Parce que, essentiellement, les
Québécois sont familiers avec la Cour des petites
créances. Aussi, la Cour des petites créances est un recours
d'une simplicité très grande avec laquelle l'ensemble des
citoyens du Québec sont déjà familiers et à
laquelle ils peuvent avoir recours facilement. La façon dont sont
entendues, dont se déroulent les causes à la Cour des petites
créances comporte également peu de formalisme. Les délais
d'audition également des causes à la Cour des petites
créances sont relativement courts et le coût, évidemment,
pour le
citoyen, est minime. (12 h 10)
En somme, donner un nouveau champ de juridiction à la Cour des
petites créances nous a permis d'atteindre l'objectif que je
m'étais fixé sans avoir à créer un nouveau tribunal
administratif ou à créer un organisme supplémentaire. Mais
nous nous sommes assurés, dans la proposition qui est faite, que le
contribuable conserve le choix entre aller à la Cour des petites
créances, s'il veut faire opposition à une cotisation
émise par le ministère du Revenu ou aller à la Cour
provinciale.
Ce nouveau recours ne sera accessible qu'aux particuliers; il ne sera
pas accessible aux mandataires ou aux corporations qui, en fait, n'ont pas la
même relation avec le ministère du Revenu que celle qu'ont les
citoyens. Le citoyen pourra demander d'être entendu à huis clos.
On sait que les questions fiscales... De toute façon, la loi du
ministère du Revenu nous oblige au secret le plus absolu concernant les
dossiers fiscaux des particuliers. Si le citoyen veut être entendu
à huis clos plutôt que de façon publique, il pourra le
demander au juge qui présidera les travaux. Évidemment, selon les
critères habituels, le jugement de la Cour des petites créances
sera sans appel puisque ces jugements ne feront pas jurisprudence,
contrairement aux jugements prononcés à la Cour provinciale.
Nous croyons ainsi avoir choisi une formule qui rejoint l'objectif de
donner un nouveau recours aux citoyens en matière fiscale qui
correspond, en somme, au désir des membres de cette Assemblée
nationale et au désir du gouvernement. Mais ce n'est pas tout. Ce ne
sont pas les seuls efforts que nous avons faits dans ce secteur puisque le
problème était antérieur: le problème était
celui des oppositions au ministère du Revenu. Je dois dire que, depuis
deux ans, des efforts considérables ont été faits au
ministère du Revenu pour régler le problème des
oppositions en général, et je veux les rappeler
brièvement.
Il y a à peine deux ans, en 1981, quelqu'un qui s'opposait
à une cotisation émise par le ministère du Revenu devait
attendre de quatre à cinq ans pour que son opposition soit
étudiée ou traitée au ministère du Revenu. En
l'espace de deux ans, ce délai a été abaissé de
cinq ans à dix-huit mois. L'objectif que nous nous sommes donné,
les ressources que nous avons allouées à ce secteur nous
permettront de réduire ce délai à six mois d'ici à
l'automne 1984. En fait, d'ici à un an et en l'espace de trois ans, nous
serons passés d'un délai de cinq ans, pour entendre une
opposition au ministère du Revenu, à un délai de six mois.
C'est considérable et je pense que c'est marquer concrètement la
volonté du ministère du Revenu d'améliorer ses relations
avec les citoyens.
Mais il n'est pas suffisant de raccourcir les délais d'audition
des oppositions au ministère du Revenu, encore faut-il tenter de
diminuer cette quantité d'oppositions. Nous avons donc adopté
deux nouvelles mesures administratives. La première stipule qu'à
l'avenir, quand Revenu Canada va émettre un nouvel avis de cotisation,
au lieu d'émettre nous-mêmes, automatiquement, un nouvel avis de
cotisation, nous communiquerons d'abord avec le citoyen pour savoir s'il s'est
opposé à l'avis de cotisation émis par Revenu Canada. S'il
s'est opposé à cet avis de cotisation, nous pourrons retarder
l'émission d'un nouvel avis de cotisation durant au moins six mois pour
que, si le citoyen a gain de cause, à la suite de son opposition
à Revenu Canada, nous ne soyons pas obligés d'émettre un
nouvel avis de cotisation qui pourrait être modifié ou
annulé.
Dans cette perspective de diminuer le nombre d'oppositions, à
l'avenir, lorsque, à la suite d'une vérification, le
ministère du Revenu voudra émettre une nouvelle cotisation sur la
base de données, de faits qu'il a, il communiquera d'abord avec le
citoyen, soit verbalement ou par écrit, selon la nature du dossier, pour
s'enquérir auprès de celui-ci s'il a de nouvelles preuves ou des
informations à nous donner qui pourraient modifier le projet de nouvel
avis de cotisation.
Ces deux mesures administratives elles ne sont pas légales, elles
sont administratives - permettront, nous en sommes convaincus, d'éviter
des avis d'opposition qui peuvent être corrigés et
éliminés avant même que le citoyen ne reçoive son
avis de cotisation.
En somme, si on reprend l'ensemble de cette situation, à son
origine, le ministère émet un avis de cotisation. On dit que
dorénavant, avant d'émettre un nouvel avis de cotisation, si
c'est à la suite d'un avis de cotisation du fédéral, on
communiquera avec le citoyen pour savoir s'il s'est opposé afin de
retarder d'autant l'émission de ce nouvel avis de cotisation pour
diminuer le nombre d'oppositions.
Deuxièmement, si c'est à la suite d'une
vérification du ministère du Revenu du Québec, là
aussi nous communiquerons avec le citoyen pour lui demander sa version des
faits, des preuves pour nous permettre en somme de concilier nos données
avec celles du citoyen et, en conséquence, éviter ou diminuer le
nombre d'oppositions.
Lors d'une deuxième étape, parce qu'il arrive que des
citoyens ne soient pas d'accord avec les cotisations émises par le
ministère du Revenu, et c'est leur droit, si ces citoyens font
opposition, nous prenons des mesures pour raccourcir de façon
considérable les délais d'audition de ces oppositions. Il y a
deux ans, c'était cinq ans;
ces délais sont maintenant rendus à 18 mois en moyenne et,
d'ici à un an, nous abaisserons ce délai à six mois. Et
si, encore, le citoyen, après avoir été entendu au niveau
des oppositions au ministère du Revenu, n'est pas d'accord avec la
décision du ministère-Sur l'ensemble des oppositions qui sont
faites au ministère du Revenu, dans environ 50% des cas nous refusons de
donner raison au citoyen, dans 40% des cas nous donnons raison au citoyen, en
partie ou en totalité, et dans environ 10% des cas le citoyen retire son
opposition.
C'est dire qu'à ce stade des oppositions, 50% des dossiers
environ sont réglés à la satisfaction du citoyen. Et si le
citoyen n'obtient pas satisfaction à ce moment-là, s'il croit
qu'il a raison, il aura recours soit à la Cour des petites
créances, si c'est pour un dossier d'impôt inférieur
à 1650 $ par année d'imposition, dans le cas d'un particulier, ou
à la Cour provinciale, selon son choix. Évidemment, la Cour des
petites créances étant beaucoup moins coûteuse, ne
nécessitant pas le recours à un avocat ou à des services
spécialisés plus coûteux, nous pensons que ce type de
recours sera utilisé par des citoyens qui n'ont pas actuellement de
recours véritable devant les tribunaux, soit devant la Cour provinciale,
compte tenu des procédures impliquées par la Cour provinciale,
compte tenu des coûts impliqués par les services de la Cour
provinciale, compte tenu également des délais impliqués
par la Cour provinciale.
Ainsi nous croyons, par l'ensemble de ces changements, avant
l'opposition, au moment de l'opposition et au moment du recours devant les
tribunaux, pouvoir dire que par ces mesures nous améliorerons
considérablement les relations entre les contribuables et le
ministère du Revenu du Québec.
Mais nous ne nous en sommes pas tenus là parce que,
au-delà de ces oppositions qui concernent peu de citoyens, nous avons
essayé de mettre en place des mesures administratives qui touchent
l'ensemble des citoyens du Québec qui ont des relations avec le
ministère du Revenu. Il me fait plaisir d'indiquer qu'à ce sujet,
j'ai la collaboration la plus totale des employés du ministère du
Revenu qui veulent, j'ai eu l'occasion de le constater à plusieurs
reprises, vraiment améliorer la relation entre les contribuables et le
ministère du Revenu. (12 h 20)
Par exemple, dans un dossier précis, très concret, celui
du problème de la téléphonie, plusieurs citoyens du
Québec et plusieurs députés m'ont constamment
indiqué qu'il était presque impossible ou très difficile
de rejoindre le ministère du Revenu. Nous avons fait faire une
enquête qui indique précisément que 40% des citoyens qui
appellent au ministère du Revenu doivent appeler six fois et plus avant
de le rejoindre, ce qui est vraiment inacceptable. C'est ainsi que j'ai
présenté au Conseil des ministres une demande de fonds
supplémentaires de 3 000 000 $, qui a été acceptée
il y a environ trois semaines, pour nous permettre, à toutes fins
utiles, de doubler le nombre de préposés aux renseignements au
ministère du Revenu. Au nombre approximatif de 80 postes, nous en
ajouterons 73. Nous allons augmenter le nombre de 188 écrans cathodiques
à environ 200, un élément informationnel important pour
ces préposés aux renseignements. En somme, nous voulons modifier
complètement le secteur de la téléphonie et doubler
véritablement l'ensemble des ressources pour permettre au citoyen de
nous rejoindre.
Ladite enquête révèle quelque chose
d'intéressant. Il y a eu des critiques récemment sur la
qualité des services fournis par le ministère du Revenu, entre
autres, de la part du ministre délégué aux Relations avec
les citoyens et de la part des députés de cette Chambre. Cette
enquête nous révèle ceci. Lorsque les citoyens
réussissent à nous rejoindre, en règle
générale, ils sont très satisfaits des services
donnés par les fonctionnaires. Une enquête faite par une firme
indépendante, SEROM, indique qu'il y avait quatre sujets précis:
l'attention apportée au contribuable - lorsqu'on rejoint quelqu'un au
ministère du Revenu, est-ce que l'évaluation est positive ou
négative? L'évaluation est très positive - la politesse du
personnel, l'assurance du préposé aux renseignements face
à l'information transmise, la justice avec laquelle le problème a
été traité. Sur la base de ces quatre critères, les
citoyens qui nous rejoignent font une évaluation positive du travail qui
est fait par les fonctionnaires du ministère du Revenu, le
problème étant principalement que plusieurs concitoyens ne
réussissent pas à nous rejoindre ou à nous rejoindre dans
des délais qu'on pourrait qualifier d'acceptables et normaux.
Ce grand problème, qui est un problème très
technique, très concret, sera, pour l'essentiel, réglé
à partir de janvier ou février prochain. Dans cette même
perspective, nous avons décidé d'ouvrir les bureaux de Revenu
Québec le midi. Ils sont déjà ouverts, le midi, à
Montréal et à Québec, mais nous avons décidé
d'ouvrir les bureaux de Revenu Québec, le midi, dans l'ensemble des
régions du Québec à partir du milieu de l'hiver, dans
environ deux ou trois mois.
Dans cette même perspective d'améliorer nos relations avec
le citoyen pour qu'il soit informé de la situation de sa relation avec
le ministère du Revenu, nous avons décidé, à partir
de janvier prochain, d'envoyer, à tous les deux mois, des états
de compte à l'ensemble des citoyens qui ont des
dettes ou qui ont des comptes créditeurs à l'endroit du
ministère du Revenu. J'étais entièrement d'accord avec les
députés de cette Chambre qui nous disaient, l'an dernier,
concernant les opérations de recouvrement que le ministère du
Revenu a fait des vieux comptes, des dettes qui étaient là, qu'il
était inacceptable que des citoyens soient cinq ans, six ans, huit ans,
dix ans et douze ans sans entendre parler d'une dette qu'ils avaient envers le
ministère du Revenu. Ils avaient été informés de
cette dette à trois reprises: il y a dix ans ou il y a huit ans,
lorsqu'ils avaient reçu leur avis de cotisation, lorsqu'on leur a
envoyé une demande de paiement dans les 45 jours et lorsqu'on leur a
envoyé un dernier avis de 45 jours. Ces trois avis sont automatiques,
sont informatisés. Mais quand on n'entend pas parler durant quatre,
cinq, six, sept et huit ans d'une dette, même si elle est minime, au bout
de dix ans, cette dette est souvent plus forte en pénalité et
intérêts qu'en droits à percevoir. C'était une
situation inacceptable. C'est ainsi qu'à partir de janvier prochain,
tous les contribuables qui ont des dettes envers le ministère du Revenu
recevront, à tous les deux mois, un état de compte, ainsi que
ceux qui ont des comptes créditeurs au ministère du Revenu. C'est
en même temps qu'entrera en application le délai de 30 jours sans
intérêt, à partir de janvier prochain, pour les
particuliers à qui on enverra un état de compte. Ils auront,
comme c'est la pratique commerciale courante, un délai de 30 jours sans
intérêt pour nous faire parvenir ce remboursement.
Dans la même perspective de mieux informer le citoyen parce que,
souvent, les oppositions sont liées à un problème
d'information que nous avons à donner au citoyen, nous avons
décidé de modifier complètement nos avis de cotisation
pour les citoyens. À partir de l'année d'imposition 1983,
c'est-à-dire pour le prochain rapport d'impôt du citoyen, l'avis
de cotisation que nous transmettrons, si nous modifions le rapport
d'impôt du citoyen, sera complètement modifié afin de
permettre au citoyen d'avoir la pleine information sur l'état de son
rapport d'impôt.
Auparavant, jusqu'à cette année, lorsque nous avisions un
citoyen que nous modifiions son rapport d'impôt, tout ce que nous
indiquions, c'était le nouveau montant qu'il avait à nous payer
et une phrase qui disait à quel article de la loi cette modification se
référait. C'était peu explicite, peu clair, et la plupart
des citoyens devaient nous appeler pour comprendre le changement que nous
avions fait. Or, nous avons décidé de préparer de nouveaux
avis de cotisation où seront inscrits le montant que le citoyen nous
aura indiqué et le total qu'il nous aura indiqué et, dans une
colonne séparée, le montant que nous avons corrigé avec le
total que nous avons corrigé. Par la suite, sur l'autre page, il y aura
l'explication dans une phrase indiquant pourquoi nous avons modifié le
montant.
En somme, le citoyen saura de façon très claire qu'il
avait inscrit tel montant sur son rapport d'impôt, que nous avons
apporté telle correction, compte tenu des informations que nous avons au
ministère ou à l'analyse de son rapport d'impôt, et il
aura, sur une autre feuille, les explications sur les modifications que nous
avons apportées. Nous croyons ainsi, par cette méthode
très concrète, diminuer considérablement la demande de
renseignements ou d'information de la part des citoyens, puisque nous leur
fournirons cette information chaque fois que nous modifierons leur rapport
d'impôt.
Il y a d'autres changements administratifs, dont j'aimerais vous parler,
qui sont en cours actuellement au ministère du Revenu pour faire en
sorte que les relations entre le citoyen et le ministère
s'améliorent. Nous aurons l'occasion, lors de l'étude du projet
de loi omnibus sur le ministère du Revenu que j'ai déposé
il y a une quinzaine de jours, qui sera étudié en cette Chambre
probablement au tout début de la semaine prochaine, de revenir sur
d'autres exemples concrets qui manifestent notre volonté
d'améliorer nos relations avec le citoyen. Je peux vous assurer que j'ai
la volonté de faire cette amélioration et je veux surtout la
faire dans la perspective d'être le plus concret possible. Souvent, ce
sont par des choses qu'on pourrait dire très simplement qu'on peut
améliorer la relation entre le ministère du Revenu et le
contribuable.
Vous allez me dire: C'était élémentaire, au lieu
d'envoyer des états de compte une fois par cinq ou dix ans, qu'on les
envoie de façon régulière concernant les dettes du citoyen
face au ministère du Revenu. C'était élémentaire,
mais cela ne se faisait pas. Vous allez dire: C'était
élémentaire ou c'est élémentaire qu'on
réponde aux appels téléphoniques ou qu'il y ait
suffisamment de lignes téléphoniques et de préposés
aux renseignements et que ces personnes aient les moyens d'informer le citoyen.
C'était élémentaire, mais cela ne se faisait pas. Cela se
fera. Vous allez me dire: C'était élémentaire que,
lorsqu'on modifiait le rapport d'impôt d'un citoyen, on l'informe des
chiffres qu'il nous avait donnés et du montant que nous modifiions,
ainsi que des motifs, de façon très claire, pour lesquels nous
modifiions ce montant. C'était élémentaire, mais cela ne
se faisait pas.
Je peux vous assurer - je terminerai sur cette idée, M. le
Président - de ma volonté de continuer d'être le plus
disponible possible, à l'écoute de l'ensemble des
députés de cette Chambre, de l'ensemble des
citoyens, de ceux qui sont familiers avec la fiscalité, à
l'écoute de toute suggestion concrète, de toute suggestion
précise qui viserait à modifier soit les pratiques
administratives du ministère, soit des éléments de la loi
qui peuvent avoir des conséquences d'iniquité ou paraître
injustes. C'est dans cette perspective que j'ai travaillé avec mes
collègues de l'Assemblée nationale, depuis un an, et c'est dans
cette perspective que j'entends continuer à travailler durant la
prochaine année. Je vous remercie, M. le Président. (12 h 30)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: Je veux remercier le ministre de son discours
intéressant d'environ 30 minutes: 5 minutes sur le bill et 25 minutes de
publicité pour son ministère.
Une voix: L'information est passée.
M. Blank: Oui, c'est vrai, vous avez passé de
l'information, même si vous ne suivez pas le règlement de la
Chambre. Vous ne pouvez pas vous arrêter, parce que moi-même je
suis intéressé d'avoir cette information. Mais, normalement, dans
un Parlement, il y a d'autres moyens de diffuser la publicité du
ministère que dans le discours de deuxième lecture d'un projet de
loi.
Je retourne au projet de loi 52, la Loi modifiant diverses lois fiscales
en vue d'instituer un nouveau recours pour les contribuables. Cela veut dire en
quelques mots, que maintenant, un citoyen a le choix de faire son opposition
à une cotisation devant la Cour provinciale, comme cela s'est fait
jusqu'à aujourd'hui, et, si c'est moins de 550 $, il va désormais
avoir le droit d'aller devant la Cour des petites créances, mais pas
immédiatement, parce que je note que cette loi ne vient pas en vigueur
au moment de la sanction, mais seulement par proclamation, cela veut dire
à une date que le ministre va décider.
Peut-être que c'est seulement pour des raisons administratives. Le
ministre me dit: C'est le ministre de la Justice, on attendrait donc longtemps
pour cette loi-ci. Le ministre a dit que, dans le discours du trône, ce
qu'on appelle maintenant le discours inaugural, on a fait mention d'un nouveau
système d'appel pour le citoyen qui est plus efficace, plus vite, moins
coûteux, etc. J'ai reçu copie d'un rapport d'une commission, d'un
comité mixte sur les juridictions contentieuses en matière
fiscale, daté du 30 mai 1983, immédiatement après ce
discours inaugural, et je suis certain que la commission a siégé
durant cette période et même avant le discours inaugural, ce
comité se composait d'avocats, de comptables, de représentants de
l'Association québécoise de planification fiscale et successorale
et aussi de gens du ministère du Revenu et de gens du ministère
de la Justice. Ils en sont venus à la conclusion qu'on avait besoin d'un
haut tribunal, mais pas comme celui qu'on nous propose ici aujourd'hui, une
sorte de cour de révision comme on a au gouvernement
fédéral pour les impôts fédéraux.
Cela veut donc dire un autre tribunal administratif où on peut
entrer facilement, où le système est très vite et
où on a une décision, pas seulement sur les réclamations
de 550 $ et moins, mais n'importe quelle décision. Si on n'est pas
satisfait de cette décision, on peut avoir un nouveau procès de
piano, c'est-à-dire qu'on peut recommencer l'affaire au complet devant
un tribunal qui est, dans ce cas, la Cour fédérale. C'est cela
qu'on a pensé, soit qu'ici à Québec, on créerait un
tribunal administratif, rapide, efficace, moins coûteux, où un
citoyen peut avoir une décision avant d'être forcé d'aller
devant les tribunaux. Mais on vient avec cette loi-ci. Franchement, je dois
vous dire que les normes qui sont dans le rapport pour ce comité ne sont
pas du tout dans cette loi-ci. Il dit ici que, dans un tribunal
spécialisé, on a besoin d'une spécialisation du tribunal,
de règles de procédure adaptées et simples, mais elles se
retrouvent à la Cour des petites créances.
Des règles de preuve adaptées et appliquées avec
souplesse, on trouverait cela à la Cour des petites créances. Les
communications préalables de la preuve, on ne trouvera cela ni à
la Cour des petites créances ni dans cette loi, parce que, à la
Cour des petites créances, il n'y a pas de procédures. Vous
déposez votre réclamation, dans ce cas-ci, votre opposition, et
la prochaine étape est que vous viendrez devant le tribunal pour plaider
votre cause.
Accès géographique plus facile. Le ministre va me dire: II
y a des Cours des petites créances partout dans la province. C'est vrai.
Mais, je sais que, pour être logique, donner un peu de
crédibilité à ces lois, on doit avoir des juges au moins
un peu spécialisés dans ce domaine et je suis certain que le
ministre de la Justice va s'arranger pour avoir certains juges qui sont
spécialisés.
Mais on ne peut certainement pas avoir ces juges dans tous les districts
judiciaires où il y a des Cours des petites créances. C'est
pratiquement impossible. Cela veut dire que, dans certains districts, on doit
attendre ou pour les juges itinérants ou que cela soit
référé, dans un sens plus large, dans la région. Un
des problèmes qu'on a maintenant avec la Cour provinciale, c'est, comme
le dit ce comité, le manque de spécialisation des juges en
matière fiscale. Cette jurisprudence inconsistance est un
problème que soulevait le mémoire présenté au
ministre de la
Justice par le comité mixte en juin 1982. Cela veut dire que
depuis 1982 on se plaint de ce problème. Là, on parle de la Cour
provinciale, où toutes les réclamations ou objections ont
été faites jusqu'à maintenant. Maintenant, on prend une
section de cette cour et on essaie de lui donner un nouveau pouvoir,
c'est-à-dire d'entendre des citoyens dans ces cas.
Il y a un autre problème que, non seulement ce comité
mixte a relevé, mais aussi le barreau. En passant, le barreau a
étudié ce projet de loi et est en complet désaccord. Ce
n'est pas la question qu'il n'y avait pas d'avocats, c'est une de ses plaintes,
c'est normal, mais il y avait au moins deux ou trois autres raisons pour
justifier son opposition. Il dit: "La création d'une cour nouvelle et
distincte, alors que le gouvernement s'apprête à unifier les
recours administratifs dans le contexte de la réforme des structures des
tribunaux du Québec, est surprenante. En effet, même si on
prétend utiliser la Cour des petites créances, il s'agit d'une
juridiction et d'un recours nouveau assortis de procédures qui leur sont
propres et qui se différencient substantiellement de celles de la Cour
des petites créances." Cela veut dire que, dans cette section de la Cour
des petites créances, on va avoir des procédures
complètement différentes de celles de la Cour des petites
créances ordinaire. Car, dans la loi fiscale, c'est un peu
différent, ce n'est pas une réclamation que le citoyen fait,
c'est une opposition ou une demande de modification, et c'est différent;
ce n'est pas une demande par le citoyen et une défense par l'autre
côté, c'est complètement différent.
Je cite le barreau: "La législation projetée
n'améliorerait pas les relations entre les contribuables et le ministre
du Revenu." Le ministre a fait beaucoup état de cela. Attendez
d'entendre ce que dit le barreau. "C'est plutôt un
déséquilibre entre le contribuable et l'administration publique
qui est créé ici. Le citoyen est laissé à
lui-même devant les spécialistes en fiscalité du ministre;
de plus il ne peut pas interjeter appel de la décision."
C'est le comité mixte qui a proposé la solution d'un
tribunal de révision - comme au fédéral - en mai 1983. Il
parle du même déséquilibre, parce que, quand on a
créé la Cour des petites créances... Cela a
été créé sous le gouvernement
précédent. Au moins on nous donne le crédit d'avoir fait
une bonne chose...
Une voix: II y a plus que cela.
M. Blank: II y a plus que cela? Merci. Mais l'idée de la
Cour des petites créances, à ce moment-là, était de
créer un peu d'équilibre entre les parties en cause. C'est la
raison pour laquelle les corporations n'ont pas le droit d'aller devant la Cour
des petites créances. C'est le citoyen qui décide d'y amener la
corporation, mais les corporations n'y ont pas droit. Les corporations peuvent
avoir comme employés des spécialistes, des techniciens,
même des avocats qui travaillent pour la compagnie et ceux-ci peuvent
représenter la compaganie si celle-ci vient à la Cour des petites
créances. On veut avoir un équilibre, c'est un citoyen contre
l'autre, sans avocat, et le juge décide après avoir entendu ces
gens. Ici, devant la Cour des petites créances, dans les
problèmes fiscaux, qu'est-ce qu'on va voir? On va voir un simple
citoyen... Ce ne sont pas tellement des citoyens avec de gros moyens, parce
que, s'ils avaient de gros moyens, ils procéderaient devant la cour
normale avec des avocats. Cela veut dire que le citoyen qui n'a pas les moyens
d'engager un avocat viendrait devant la Cour des petites créances pour
défendre son opposition, par exemple, pour 400 $ ou 500 $. Qu'est-ce
qu'il va trouver de l'autre côté? Il va trouver un
spécialiste en fiscalité, un monsieur qui travaille pour le
ministère du Revenu depuis des années et des années, qui
est spécialiste dans ce domaine ou même un avocat
spécialisé dans ce domaine et qui travaille pour le
ministère du Revenu, et il y en a beaucoup.
Une voix: ...
M. Blank: Vous me faites signe "pas d'avocat", mais, dans la loi
sur les petites créances, n'importe quelle personne peut
représenter une corporation - ici le gouvernement - si elle est
employée à temps plein du gouvernement. Vous avez des tas
d'avocats qui travaillent pour le ministère du Revenu, vous pouvez
envoyer un avocat si vous voulez. Si ce n'est pas un avocat, c'est au moins un
spécialiste en ce domaine parce qu'il travaille pour le ministère
du Revenu, c'est ce qu'il fait à longueur d'année. Et pour le
pauvre citoyen qui vient pour la première fois, où est
l'équilibre? (12 h 40)
Je ne dis pas que je voterai contre ce projet de loi, parce qu'au moins,
c'est un pas dans la bonne direction, mais je vous dirai que c'est seulement,
si on veut, un pansement, c'est seulement un cataplasme pour essayer de boucher
un trou et donner encore un peu de publicité au ministre, excusez-moi,
au ministère, pas à M. le ministre. Mais cela ne fait pas
grand-chose. Cela crée une nouvelle avenue pour aller en appel, mais
c'est une avenue où il y a un grand déséquilibre. Il y a
au moins une chose. Avec mon expérience, après avoir vu
fonctionner la Cour des petites créances, j'ai trouvé que les
juges de cette cour avaient -du moins dans les causes civiles, pas dans la
fiscalité - un coeur très large. Ils essayaient
de régler les problèmes, pas nécessairement de
rendre un jugement, mais d'avoir un règlement par jugement. Ils sont
très souples avec la preuve. Ils donnent une chance au coureur dans ces
affaires-là. Je pense que les citoyens auraient plus de chance que le
ministre du Revenu dans ce cas-là devant des juges, devant une simple
Cour des petites créances.
Le ministre dit oui. Il me fait signe que c'est une bonne idée.
Oui, il a raison, mais ce ne sont pas nécessairement ces juges qui
devraient siéger dans cette section de la cour de la fiscalité.
Cela prendrait des juges qui ont une expérience de la fiscalité.
Du moment qu'ils ont une spécialisation, ils commencent à
être un peu plus droits dans leur jugement ou dans leur pensée.
J'ai 33 ans d'expérience comme avocat. J'ai plaidé devant bien
des juges. Il y a des juges et il y a des juges. Dans certaines
spécialités, c'est plus difficile d'être équitable.
Je dois dire que, plus on se spécialise, plus on a à être
droit sur la question de la preuve, des raisons, etc. En général,
la Cour des petites créances est la meilleure place au monde. C'est une
bonne idée. Tout le monde est satisfait, mais je ne suis pas certain que
ce soit bon en droit fiscal.
Le ministre dit aussi que c'est le choix du citoyen de décider
s'il veut aller à la Cour des petites créances ou à la
Cour provinciale. Mais ce n'est pas tellement cela, parce que si le citoyen
fait le choix d'aller devant la Cour des petites créances, il y va, mais
le ministre peut faire une demande à la cour pour changer et aller
devant la Cour provinciale. La loi pose des conditions, mais, si on regarde ces
conditions, n'importe quelle cause peut se situer à ce niveau. Je ne
veux pas citer la loi. Je n'ai pas le droit de le faire à ce stade-ci.
On en discutera en commission parlementaire, mais, franchement, c'est une porte
ouverte au ministre pour arrêter n'importe quelle procédure
portée devant ce tribunal si le citoyen décide d'y aller. S'il le
veut, il le peut. C'est le juge qui décide, mais, selon les normes que
vous avez là, si le juge ne le sait pas, la prochaine chose que vous
pourrez faire, c'est de prendre un bref d'évocation pour aller devant la
Cour supérieure pour manque de compétence du juge, manque de
juridiction. Cela arrive toujours. Demandez au ministre des Transports combien
de fois il a fait cela récemment devant la Régie des transports.
Cela arrive et je suis certain que si le ministère voit que cette cour a
tendance à donner trop souvent raison aux contribuables, il va trouver
des moyens pour éviter cette cour et aller en Cour provinciale.
Je ne dis pas que la Cour provinciale est mauvaise, mais là,
c'est la règle de procédure, des avocats. Même, c'est assez
intéressant de voir que le comité mixte complimente les juges de
la Cour provinciale.
Il dit ce qui suit dans le rapport - je veux être honnête
avec le ministre, c'est quelque chose qui peut l'aider dans son projet de loi -
il dit que, quand un citoyen arrive sans avocat, les juges sont plus
compréhensifs, sauf que - le fait est là - de l'autre
côté, on a un expert. Le juge doit souvent intervenir pour aider
le pauvre homme. Comme je l'ai dit, si cela arrive dans une cour provinciale,
où, dans 99% des cas, il y a des avocats, dans 1% des cas, le juge
viendra en aide à la personne. Mais, si le juge doit venir en aide aux
citoyens dans 100% des cas, c'est autre chose. À la Cour des petites
créances, dans 100% des cas, le citoyen est seul ou accompagné
d'un témoin, alors que, de l'autre côté, vous avez un
expert du ministre du Revenu, un fiscaliste, un avocat entraîné
dans le domaine des lois fiscales ou des choses semblables.
Lors de la commission parlementaire, j'ai suggéré des
amendements pour donner une chance aux citoyens qui vont devant la Cour des
petites créances parce que, à ce moment-ci, je trouve qu'il n'y a
pas d'équilibre. On doit trouver le moyen de leur donner une chance
devant le tribunal. Quant à la communication de preuve, le ministre va
me répondre que, lors de l'émission de la cotisation, on donnera
les raisons de la cotisation. Ce que le ministre veut faire, le
fédéral le fait depuis longtemps, mais d'une façon
différente. Au lieu de donner tous les chiffres et d'indiquer les
chiffres qui sont changés, le fédéral ne donne aucun
chiffre. Dans son raisonnement, il dit: On a changé tel chiffre pour
telle raison et il donne les raisons en un ou deux paragraphes que personne ne
comprend. Moi-même, quand je reçois une nouvelle cotisation du
fédéral, je l'envoie à mon comptable pour qu'il me
l'explique.
C'est la même chose qui va arriver avec le ministère du
Revenu du Québec. Il va donner une raison, une raison comprise par ses
fonctionnaires mais parfois difficile à comprendre pour les citoyens.
C'est une plainte qui a été mentionnée par le
comité mixte sur la juridiction du contentieux en matières
fiscales. Une des principales plaintes était qu'il n'y a pas de
communication de preuve faite par le ministre du Revenu du Québec au
préalable, avant le procès. C'est un manque flagrant. à la
Cour fédérale, on l'a. En Ontario, on l'a. Ici, c'est une affaire
de cache-cache avec les citoyens. J'espère qu'on trouvera un moyen pour
que ce ne soit pas la même chose qui se reproduise pour les citoyens qui
se prévaudront des nouveaux recours devant la Cour des petites
créances. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Revenu,
votre droit de réplique.
M. Alain Marcoux (réplique)
M. Marcoux: M. le Président, je note avec joie que le
représentant de l'Opposition a dit que son parti était d'accord
sur le principe de ce projet de loi visant à reconnaître ou
à mettre en place un nouveau recours pour les citoyens en matière
fiscale, après qu'ils sont passés à l'opposition, au
ministère du Revenu, s'ils désirent aller plus loin parce qu'ils
ne sont pas d'accord avec la décision rendue.
Concernant la proclamation, c'est sûr qu'on ne pouvait pas
mentionner que la loi entrera en vigueur au moment de son adoption. Il nous
faut d'abord collaborer avec le ministère de la Justice et,
principalement, avec l'appareil judiciaire, lequel, vous savez, est largement
autonome par rapport au ministère de la Justice. Toutefois, nous sommes
assurés d'avoir la collaboration à la fois du ministère de
la Justice et des responsables de l'administration de l'appareil judiciaire
pour appliquer ces changements le plus rapidement possible.
Deuxièmement, les six, sept ou huit points soulevés par le
député de Saint-Louis sont tous des points sur lesquels j'ai eu
à réfléchir avant de choisir une hypothèse de
solution. J'ai lu les rapports du comité mixte fondé depuis six
ou sept ans entre le ministère de la Justice, le ministère du
Revenu, des représentants de l'Association québécoise des
fiscalistes au Québec et des gens du secteur judiciaire pour essayer
d'améliorer les recours du citoyen en matière fiscale face aux
tribunaux. Il se trouve que ce comité a vécu ce qui arrive
souvent aux comités. On se réunit, on se réunit et,
souvent, on ne s'entend pas ou on n'accouche pas de recommandations qui font
consensus ou qui peuvent allier l'ensemble des points de vue. (12 h 50)
Je peux indiquer que, par rapport aux choix proposés, par rapport
à l'expérience du gouvernement fédéral, nous avons
communiqué avec les autorités du ministère du Revenu du
gouvernement fédéral pour voir l'évaluation qu'elles
faisaient de l'expérience d'un tribunal administratif. Et, justement, le
fédéral veut changer. Il nous a recommandé de ne pas
entrer dans cette voie puisque ce qui arrive, à ce moment-là,
c'est qu'en fonction des règles de fonctionnement d'un tribunal
administratif, la chose suivante peut se produire: le tribunal administratif
donne raison au ministère du Revenu. Le citoyen dit alors: Je porte ma
cause en appel devant les tribunaux de la Cour supérieure. Et il arrive
certains éléments de preuve, admissibles selon les
critères des tribunaux administratifs, ne le sont pas toujours devant
les tribunaux judiciaires. À ce moment-là, la décision
peut être inversée, pas à partir du fond, mais de la
technique de chacun de ces tribunaux, ce qui fait que cela dédoublait
souvent l'audition des causes. Une cause était entendue au tribunal
administratif, le ministère du Revenu conservait son droit de l'amener
en Cour supérieure s'il n'était pas satisfait de la
décision ou le citoyen également.
En somme, cela ajoutait une étape de plus, qui n'était pas
une étape finale. Il y a déjà un recours administratif, ce
sont les oppositions. J'ai fait état des efforts déployés
depuis deux ans au ministère et qui seront complétés cette
année, pour faire en sorte que le citoyen obtienne rapidement une
réponse au ministère du Revenu. Dans quelques mois, pour entendre
une opposition, au lieu de cinq ans, on sera rendu à six mois, ce qui
fait que le citoyen pourra beaucoup plus rapidement à l'avenir, soit
inscrire sa cause en Cour provinciale ou à la Cour des petites
créances.
L'hypothèse de la création d'un tribunal administratif
avec tout ce que cela suppose en termes de coûts humains, de coûts
financiers, d'étapes supplémentaires pour le citoyen qui,
après que son opposition aurait été entendue au
ministère du Revenu, aurait dû aller au tribunal administratif ou
à la Cour provinciale - dans le cas du fédéral, c'est
à la Cour supérieure - on ne croyait pas que c'était la
bonne méthode pour régler ce problème du recours du
citoyen en matière fiscale.
Il y a des changements - on pourra y revenir en commission parlementaire
- à chacun des points précis abordés par le
député de Saint-Louis, mais le juge pourra faire préparer
le dossier. Il aura le pouvoir d'enquête pour faire préparer le
dossier avant l'audition de la cause. Donc, un travail préparatoire
pourra être fait par le juge. Notre volonté, en tout cas,
c'était dans ce sens-là, que le juge ait le pouvoir
d'enquête - c'est parmi ses pouvoirs - pour préparer, en somme, la
cause.
Quant à la spécialisation des juges, les discussions que
nous avons eues avec le ministère de la Justice, avec les
représentants de la magistrature, nous assurent - et c'est ce que nous
souhaitons -que ces juges seront nommés pour une période d'au
moins un an. C'est dans la loi. Il est indiqué que nous voulons,
évidemment, que ce soient des juges qui acquièrent ou qui aient
déjà une spécialisation dans ce domaine. On est
assuré de la collaboration de la magistrature dans cette
perspective.
Quant aux deux plaintes importantes du barreau, à savoir que le
citoyen devra se débrouiller seul devant ce juge et que ce sera sans
appel, ce sont, en fait, les deux questions fondamentales qui ont
été posées il y a douze ou treize ans, quand la Cour des
petites créances a été créée. La Cour des
petites créances a ses défauts, a ses vertus, mais c'est le
citoyen qui aura le choix, eu
égard à l'évaluation qu'il fera de la cause ou la
façon dont il veut que la cause soit entendue, d'être
défendu par un avocat, des comptables, etc., avec des preuves, selon
toute la procédure judiciaire qui est plus complexe. Il décidera
s'il veut un jugement obtenu peut-être plus rapidement ou s'il ira se
défendre. Je suis heureux que le député de Saint-Louis
l'ait souligné, lorsque le citoyen se défend lui-même, les
faits démontrent que ce n'est pas à son désavantage,
ordinairement. Dans ce sens-là, vous pouvez être assuré que
je n'aurais pas proposé à mes collègues d'adopter ce
nouveau recours en matière fiscale si j'avais cru qu'il pouvait
être au désavantage du citoyen.
Il m'apparaît y avoir une sorte d'équilibre. On sait que,
devant la Cour des petites créances, les juges sont portés
à tenir compte davantage du point de vue humain, des faits
circonstanciels, sans être injustes ou sans s'opposer à la loi.
Par contre, nous savons que le fonctionnaire représentant le
ministère du Revenu fera la preuve telle que nous l'avons
constituée. Nous croyons qu'ainsi, l'équilibre que nous voulions,
à la fois d'améliorer nos relations avec les citoyens et de
permettre un recours rapide, efficace... Que le ministère ne soit pas
juge et partie, c'est important. J'avais eu un premier projet de constitution
d'un tribunal administratif. Je suis convaincu que même si c'était
des commissaires nommés etc., l'Opposition nous aurait accusés en
disant: Vous dites que, dans le nouveau tribunal administratif, le
ministère ne sera pas juge et partie. Nous n'en croyons rien. Vous
auriez dû vous adresser à une section de la Cour provinciale,
parce que l'appareil judiciaire est complètement indépendant du
ministère du Revenu. Il y a des juges spécialisés dans ce
secteur et le citoyen, a ce moment-là, aura véritablement la
conviction que le ministère n'est pas juge et partie.
Je pense qu'il faut ajouter un élément d'information
à la suite de ce que le député de Saint-Louis a dit. La
Cour provinciale, depuis un an, s'est beaucoup modifiée à ce
titre. Même s'il n'y a pas encore de chambre fiscale comme section des
cours administratives du Québec, depuis un an déjà, ces
cours désignent les mêmes juges de façon
régulière, spécialisent des juges dans les causes
fiscales. Cela s'est fait par la voie administrative. L'objectif que nous
visions au ministère du Revenu depuis des années, qu'il y ait
accord pour que la magistrature spécialise des juges dans les causes
fiscales, est atteint déjà depuis un an. Je pense qu'il faut
savoir gré à la magistrature d'avoir changé cette
façon d'administrer les causes fiscales devant la Cour provinciale.
Un dernier élément que je voudrais ajouter, c'est qu'il y
a eu des consultations avec le ministère de la Justice. J'ai tenu compte
de tous les rapports qui avaient été faits par le comité
mixte dont vous parlez, mais j'ai surtout consulté le comité
consultatif du Revenu auquel siègent des représentants des
milieux comptables, de l'entreprise, des représentants de
différentes régions du Québec qui sont des
spécialistes des questions fiscales. Je peux vous assurer qu'entre la
première hypothèse d'un tribunal administratif, ce dont j'ai eu
le plaisir de discuter avec eux, et celle d'une Cour des petites
créances - ce sont des gens à la fois spécialisés
dans le secteur, mais qui ont, je dirais, le sens commun du besoin du
contribuable, du particulier face aux causes fiscales - ils ont
été emballés de cette idée de créer une
division fiscale de la Cour des petites créances.
Or, je suis très heureux que l'Opposition soit d'accord en
principe avec ce projet de loi. Dans un esprit de collaboration, je peux
assurer l'Opposition que les amendements qui seront proposés, nous les
étudierons avec la plus grande attention pour faire en sorte d'avoir un
projet de loi qui soit le plus parfait possible et dont pourront
bénéficier les citoyens du Québec. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
deuxième lecture du projet de loi 52, Loi modifiant diverses lois
fiscales en vue d'instituer un nouveau recours pour les contribuables, est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission du revenu
M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que le
projet de loi soit déféré à la commission
élue permanente du revenu.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: Je demande que nous suspendions nos travaux
jusqu'à 15 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos
travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise de la séance à 15 h 03)
Le Vice-Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Vous pouvez vous asseoir.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 10) de notre feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 46 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est la deuxième
lecture du projet de loi 46, Loi sur les conseils intermunicipaux de transport
dans la région de Montréal et modifiant diverses dispositions
législatives. La parole est au ministre des Transports. M. le
ministre.
M. Michel Clair
M. Clair: Merci, M. le Président. Le projet de loi sur les
conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal,
dont nous abordons l'étude aujourd'hui et que le gouvernement a
déposé devant cette Assemblée le 16 novembre dernier,
traite principalement de trois sujets.
Le premier et le plus important de ces sujets est évidemment la
mise en place des conseils intermunicipaux de transport. Cette formule a
été conçue expressément pour les
municipalités de la région de Montréal qui n'appartiennent
pas à une commission de transport, comme instrument
privilégié pour les aider à prendre la
responsabilité du transport en commun sur leur territoire,
En deuxième lieu, le projet de loi apporte des adaptations assez
substantielles aux pouvoirs que la Loi sur les cités et villes et le
Code municipal accordent déjà aux municipalités en
matière de transport en commun. Ces adaptations découlent de
l'expérience acquise depuis que ces dispositions sont en vigueur et
s'inspirent également de tous les efforts de réflexion qui ont
suivi le dépôt de la proposition de juin 1982 quant à
l'organisation du transport dans la région de Montréal.
Enfin, le projet de loi propose une révision d'ensemble des
pouvoirs des organismes publics de transport en commun en dehors de leur
territoire. La révision est substantielle dans le cas de la CTCUM et de
la CTRSM, mais elle affectera aussi les autres commissions et corporations
publiques de transport du Québec, notre objectif étant de limiter
au strict minimum les incidences de juridiction extraterritoriale et de
confirmer le contrôle des municipalités sur les services de nature
locale dispensés sur leur territoire.
Avant d'en venir a l'exposé des objectifs et des principes qui
ont guidé la rédaction de ce projet de loi, permettez-moi, M. le
Président, de procéder à un bref rappel des principales
étapes qui ont marqué la restructuration des services de
transport en commun dans la région de Montréal au cours des
dernières années.
Jusqu'en 1972, la CTCUM était le seul organisme public
contrôlé localement à offrir des services de transport
urbain dans la région Montréal. Les municipalités de
banlieue étaient alors desservies par des transporteurs privés
pour ce qui est des services d'autobus et par le CN et le CP pour ce qui est
des trains de banlieue. À mesure que le temps a passé, les
services offerts répondaient cependant de moins en moins aux besoins
nouveaux engendrés par la croissance urbaine rapide qui faisait plus
particulièrement sentir ses effets dans les proches banlieues de
Montréal. C'est pourquoi le gouvernement et les élus locaux ont
convenu de créer deux nouvelles commissions de transport: la Commission
de transport de Laval, en 1972 et la Commission de transport de la rive sud de
Montréal, en 1974. Mais la mise en place de ces deux commissions
entraînait inévitablement l'acquisition de transporteurs
privés en place si l'on voulait véritablement rationnaliser les
activités et améliorer les services.
Dans le cas de la CTL - la Commission de transport de Laval - l'achat
des entreprises qui oeuvraient sur le territoire de la ville de Laval a
amené cette commission à acquérir, du même coup, un
vaste réseau en dehors du territoire de la ville de Laval. Du
côté de la CTRSM, l'effet fut plutôt à l'inverse
puisque la première acquisition effectuée ne permettait pas
à la commission de desservir la ville de Boucherville qui faisait
pourtant partie de son territoire, mais dont les droits d'exploitation
appartenaient à Métropolitain-Sud. Une situation assez semblable
existait également sur le territoire de la Communauté urbaine de
Montréal. La desserte des douze municipalités de l'ouest de
l'île relevait en effet de deux sociétés privées,
Transurbain et Métropolitain Provincial.
La baisse de l'achalandage grugeait toutefois progressivement la
rentabilité de ces entreprises et rendait de plus en plus
problématique l'avenir des services qu'elles fournissaient. D'ailleurs,
à compter de janvier 1977, le gouvernement du Québec était
amené à supporter financièrement par une subvention ad
hoc, Métropolitain Provincial, afin que cette entreprise continue
d'offrir le
service et soit maintenue temporairement en vie. La
précarité de la situation des transporteurs, alliée
à la volonté des deux commissions de transport de rationaliser
les activités sur leurs territoires devaient finalement conduire
à l'acquisition de Métropolitain-Sud par la CTRSM en 1978, puis
de Métropolitain Provincial en 1980. Ces acquisitions plaçaient
les deux commissions comme c'était déjà le cas pour la
CTL, à la tête d'un vaste réseau s'étendant loin en
dehors de leurs territoires propres et recouvrant au-delà de 150
municipalités tant dans la banlieue immédiate de Montréal
que dans la banlieue verte et lointaine de Montréal. On se demandera
sans doute pour quelle raison les commissions de transport ont acheté
des entreprises au complet plutôt que d'acquérir seulement des
droits sur les territoires qu'elles convoitaient. C'est d'abord parce que les
permis détenus par les entreprises ne correspondaient pas au
découpage des territoires de ces commissions, mais c'est aussi et
surtout parce que la jurisprudence en matière d'expropriation
d'entreprises de transport tient compte des inconvénients causés
à l'entreprise du fait même de l'expropriation ainsi que des
impacts sur la rentabilité du fonctionnement restant après
l'expropriation lorsqu'il n'y a qu'une expropriation partielle. Ces conditions
forcent l'acquéreur à verser une compensation qui peut
équivaloir à la valeur totale de l'entreprise, en fin de compte.
Ainsi, quant à verser une compensation aussi élevée, les
commissions de transport ont choisi d'acquérir les entreprises au
complet. (15 h 10)
II existe, par ailleurs, une différence importante entre le sort
réservé aux municipalités que la CTL dessert en dehors de
son territoire et celles que desservent la CTCUM et la CTRSM. En effet, la CTL
ne peut pas imposer une quote-part aux municipalités qu'elle dessert en
dehors de son territoire; cependant, la CTRSM et la CTCUM possèdent,
elles, le pouvoir de le faire. C'est d'ailleurs ce pouvoir qui a
indisposé les élus des municipalités desservies et les a
amenés à intervenir vigoureusement auprès du gouvernement
pour que cette situation soit changée et qu'on mette un terme à
cette situation de "taxation without representation", comme l'invoquaient ces
municipalités.
En juin 1982, le gouvernement soumettait à la population de la
région de Montréal une proposition sur l'organisation et le
financement du transport en commun dans cette région. Cette proposition
contenait des éléments qui s'adressaient directement aux
préoccupations des municipalités hors territoire. Il était
notamment question, premièrement, du transfert aux municipalités
des pouvoirs décisionnels en matière de transport;
deuxièmement, du regroupement en conseil local de transport des
municipalités ayant des besoins complémentaires;
troisièmement, de la participation des municipalités hors
territoire aux décisions qui se prendraient à l'échelon
régional, c'est-à-dire au sein de l'organisme régional de
transport alors proposé; quatrièmement, de la possibilité
de donner aux municipalités la liberté de faire appel au
transporteur de leur choix.
La longue et vaste démarche de consultation qui a
été menée sur cette proposition devait démontrer
que la plupart des intervenants acceptaient l'ensemble des orientations
proposées même s'ils en contestaient certaines modalités.
Des échanges de vues avec les municipalités hors territoire et
les commissions de transport se sont poursuivis depuis ce temps et de
manière presque incessante depuis l'automne dernier. Ils ont permis de
définir plus concrètement les orientations de juin 1982 et
d'ajuster le contenu aux besoins des intervenants. L'ensemble de ces travaux a
permis d'en arriver au projet de loi qui est devant nous aujourd'hui.
À cette étape, M. le Président, je voudrais
rappeler les objectifs visés par la restructuration des services hors
territoire qui découlera du présent projet de loi mais il
m'apparaît important de souligner d'abord quelques grands traits du mode
d'organisation des services de transport dans les municipalités hors
territoire à l'heure actuelle. Les services les plus importants sont les
services orientés vers Montréal et ces services sont, dans la
plupart des cas, fournis par les commissions publiques de transport. Mais il
existe aussi des services vers Montréal offerts par des transporteurs
privés et plus souvent qu'autrement, ces services suivent les
mêmes parcours que ceux des commissions.
En vertu d'une tradition découlant des permis émis dans le
passé, ces transporteurs doivent toutefois circuler à porte
fermée sur les parcours réservés aux commissions, c'est
donc dire sans offrir de services sur le territoire des commissions de
transport. Il y a donc là une duplication qui nuit aux transporteurs
sans apporter aucun bénéfice additionnel aux usagers ni à
la collectivité.
Parallèlement aux services suburbains et interurbains vers
Montréal, il existe quelques petits services à caractère
local mais les deux types de services ne sont pas intégrés l'un
à l'autre parce qu'ils relèvent de transporteurs
différents.
Enfin, les véhicules utilisés pour les services sont le
plus souvent des autobus conventionnels à grande capacité,
circulant à heure fixe sur des parcours également fixes,
même si les milieux à desservir sont des banlieues où la
densité de la population est faible ou même très
faible.
Face à cette situation, les principaux
objectifs que nous cherchons à atteindre sont les suivants:
d'abord maintenir, et, dans toute la mesure du possible, améliorer les
services existants; deuxièmement, minimiser les coûts tant pour
les usagers que pour les pouvoirs publics; troisièmement, accorder le
plus de souplesse possible aux personnes qui sont responsables de
l'organisation du transport.
Ces trois objectifs sont très étroitement
interreliés. En effet, pour être en mesure d'offrir le service le
mieux adapté aux besoins et pour en contrôler les coûts, il
faut avoir le choix des solutions. C'est pourquoi les municipalités qui
organiseront un service de transport pourront s'adresser tout aussi bien
à un organisme public, c'est-à-dire une commission ou corporation
de transport, à un détenteur privé de permis de transport
en commun, à un transporteur scolaire, à un détenteur de
permis de taxi ou, enfin, à un regroupement de titulaires de permis de
taxi.
Les municipalités pourront même s'adresser à plus
d'un transporteur à la fois et confier à chacun des
responsabilités différentes. Ainsi, on peut fort bien imaginer
qu'une municipalité fasse appel à un transporteur
possédant de gros véhicules pour les heures de grande affluence,
mais qu'elle s'adresse à un autre transporteur pour assurer la desserte
aux heures creuses ou dans les parties moins denses de son territoire.
Également, au chapitre de la souplesse, le projet de loi autorise
les municipalités et les conseils intermunicipaux de transport à
accorder un contrat de transport en commun sans passer par la procédure
des soumissions publiques. Cette exception à la règle habituelle
apparaissait nécessaire pour deux raisons. Premièrement, à
plusieurs endroits au Québec, les droits de desserte dans un milieu
donné appartiennent au transporteur détenteur d'un permis
émis par la Commission des transports du Québec. En vertu des
privilèges qui sont attachés à ce permis, la
municipalité est forcée de s'entendre avec ce transporteur
lorsqu'elle veut offrir un service similaire au sien. L'obligation de
procéder par soumissions publiques aurait donc été
inopérante dans tous ces cas.
En deuxième lieu - c'est là le principal facteur - le
transport en commun n'est pas une marchandise, mais un service, un service qui
est offert à des personnes. En pareils cas, des qualités comme la
ponctualité, la courtoisie du personnel, le confort, la propreté
des véhicules sont tout autant d'éléments qui risqueraient
de ne pas apparaître dans une soumission publique. Ils jouent cependant
pour beaucoup dans la décision d'utiliser le transport en commun et d'y
rester fidèle.
Outre ces trois objectifs déjà mentionnés, la
réorganisation des services hors territoire devra se faire en utilisant
les ressources existantes, notamment, en profitant au maximum des services que
les transporteurs privés ou publics sont déjà en mesure
d'offrir. C'est pourquoi nous n'avons pas donné aux municipalités
le pouvoir de devenir elles-mêmes de nouveaux exploitants de transport.
Plutôt que de se lancer directement dans un domaine nouveau pour elles,
les municipalités ont tout avantage à confier l'exploitation de
leur service à un transporteur professionnel qui possède
déjà l'expérience nécessaire pour gérer un
service de transport. En s'adressant aux transporteurs existants, on tire non
seulement un meilleur parti d'une ressource existante, mais l'on contribue
également à améliorer leur situation financière. On
sait, en effet, que l'industrie du taxi et l'industrie du transport par autobus
font présentement face à des problèmes de
rentabilité réelle.
Grâce à cette latitude qui leur est désormais
accordée dans l'organisation des services, j'ai pleinement confiance que
les municipalités pourront fournir à leurs citoyens des services
adaptés à leurs besoins. Je suis également confiant que
ces services seront fournis à un coût modéré, autant
pour l'usager que pour la collectivité et, bien souvent, à un
coût moindre que le système actuel prévoit.
Quant aux principes, je voudrais maintenant, M. le Président,
exposer de façon plus précise le contenu de ce projet de loi,
mais plutôt que de procéder à une énumération
ou à une description qui pourrait se révéler fastidieuse,
il m'apparaît préférable d'insister sur les principes qui
ont guidé la rédaction du projet de loi et d'y relier au passage
les différentes dispositions qui en découlent.
Le premier principe à la base de ce projet est que le
contrôle sur les services doit appartenir au palier de gouvernement le
plus près des besoins. C'est pourquoi le contrôle sur les services
de transport en commun appartiendra, dans la plupart des cas, aux
municipalités.
Il aurait sans doute été envisageable d'insister sur le
caractère régional des services et de créer, par exemple,
une entreprise qui aurait regroupé tous les services hors territoire
offerts par les trois commissions. La vision d'ensemble de l'unité
d'action qui en aurait résulté aurait certainement pu offrir des
avantages, mais il a été possible de constater, à
l'examen, que chaque corridor est un cas particulier et qu'on en viendra
à des approches plus conformes aux besoins en laissant aux premiers
intéressés la possibilité de décider
eux-mêmes de leurs services de transport. (15 h 20)
Le deuxième principe, celui de l'autonomie locale, a joué
un rôle capital dans la préparation de ce projet de loi. Ce
principe détermine, en effet, la liberté d'une
municipalité de participer ou non à l'organisation et au
financement d'un service de transport en commun, deuxièmement,
l'étendue des pouvoirs accordés aux municipalités et,
finalement, la liberté d'adhérer à un regroupement de
municipalités pour organiser conjointement un service de transport.
Le premier effet de l'affirmation du contrôle des
municipalités concernant les services de transport sur leur territoire
consiste à enlever à la CTCUM et à la CTRSM le pouvoir
d'exploiter des services réguliers hors de leur territoire et d'imposer
des quotes-parts aux municipalités desservies.
À compter du début de 1984, les deux commissions ne
pourront plus fournir un service régulier dans une municipalité
sans avoir obtenu au préalable un contrat de service de ladite
municipalité. Le service de transport dans une municipalité de la
région de Montréal ne sera donc plus une question
réglée de l'extérieur et sur laquelle les élus
locaux n'ont virtuellement aucun contrôle. Au contraire, les pouvoirs
d'organiser et de financer un service de transport en commun qui sont
accordés aux municipalités sont des pouvoirs habilitants. Une
municipalité demeure, par conséquent, libre de les utiliser ou
non. Ainsi, on peut s'attendre que certaines des municipalités les plus
éloignées de Montréal ou celles à vocation
principalement rurale choisiront de ne pas prendre en main les services
auxquels la CTCUM et la CTRSM devront mettre un terme.
Dans ces cas, il est prévu que le contrôle sur le service
sera exercé par la Commission des transports du Québec, comme
c'est le cas ailleurs au Québec. Ainsi, un transporteur privé
intéressé pourra soumettre un ordre de service à la
Commission des transports du Québec avant le 31 mars 1984. La Commission
des transports du Québec émettra d'abord un permis spécial
pour le reste de l'année 1984. Ce permis spécial donne à
la municipalité la possibilité de revenir sur sa décision
sans avoir à verser une indemnité aux transporteurs. En 1985,
toutefois, la CTQ, la Commission des transports du Québec transformera
le permis spécial en permis régulier. Le détenteur
possédera alors sur une base permanente le privilège d'assurer la
desserte et devra assumer les obligations qui y sont rattachées.
L'étendue des pouvoirs accordés aux municipalités
illustre également la volonté de laisser aux municipalités
le soin de décider elles-mêmes du type et du niveau de services
qu'elles veulent se donner. Une municipalité pourra, en effet, par
règlement établir un service de transport en commun, fixer les
tarifs et les modifier, modifier les conditions du service tels que les
horaires, les parcours, la fréquence. La municipalité pourra
confier l'exploitation du service au transporteur de son choix par le moyen
d'un contrat. La municipalité aura la responsabilité de financer
le service qu'elle offre à ses citoyens et ce, à partir des
sources de financement habituelles: les tarifs provenant des usagers, les
subventions gouvernementales et les taxes qu'elles prélèveront
à cette fin. Enfin, la municipalité pourra acquérir les
biens et services requis pour son service de transport.
Des changements sont, par ailleurs, apportés afin de limiter au
strict minimum les contrôles gouvernementaux. Ainsi, la Commission des
transports du Québec n'aura aucun pouvoir de révision des
décisions prises par les municipalités en matière de
transport en commun. Le principe du contrôle par les élus
s'avère en effet inconciliable avec la possibilité de voir leurs
décisions renversées par un organisme a caractère quasi
judiciaire.
De plus, les pouvoirs du ministre des Transports à l'égard
d'un service municipal de transport en commun sont substantiellement
réduits. Il y a deux ans, lorsque les municipalités ont
reçu le pouvoir d'établir un service de transport en commun, la
loi obligeait les municipalités à obtenir l'approbation du
ministre pour le règlement initial établissant le service, pour
le contrat par lequel elles confiaient l'exploitation à un transporteur
et finalement pour toute modification apportée au service et au
contrat.
L'expérience acquise au cours de ces deux années, de
même que toute la réflexion qui a entouré la
restructuration des services dans les municipalités hors territoire,
nous amène à réviser cette situation.
Avec l'adoption du projet de loi, les municipalités n'auront plus
à faire approuver le contrat conclu avec un transporteur. Un
règlement traitant des tarifs sera également de compétence
exclusivement locale. Quant au règlement établissant un service
de transport, il apparaît utile qu'un contrôle gouvernemental soit
conservé et ce pour deux raisons; la première, c'est la
protection des droits des détenteurs de permis. Une saine administration
suppose en effet qu'une municipalité n'organise pas un service de
transport similaire à celui qu'exploite déjà un
détenteur de permis. C'est au ministère des Transports qu'il
incombera d'exercer une surveillance à cet égard. En
deuxième lieu, une municipalité peut organiser son service de
manière à assurer une liaison avec des points situés
à l'extérieur de son territoire. Comme ce pouvoir est susceptible
d'avoir des effets sur les territoires voisins, le ministre se réserve
le pouvoir d'intervenir s'il y a lieu, afin d'éviter certains effets
négatifs qui pourraient résulter d'un manque de coordination.
Dans les municipalités de la région de Montréal,
les services de transport sont déjà
organisés sur une base qui fait nécessairement appel
à la coopération entre les municipalités. La plupart des
parcours prennent en effet la forme d'un corridor qui franchit tantôt
quelques municipalités ou, dans certains cas, un bon nombre de
municipalités. J'insiste sur le fait que ces services existent et qu'ils
sont utilisés par environ 4000 personnes par jour, tant dans le cas de
la CTCUM que dans le cas de la CTRSM. Il importe par conséquent de
prendre les meilleurs moyens d'assurer, avec la collaboration des
municipalités, la continuité de ces services.
C'est pourquoi le projet de loi offre aux municipalités
intéressées la possibilité de se regrouper en conseil
intermunicipal de transport. Le conseil intermunicipal de transport n'est pas
une création nouvelle, mais simplement une adaptation des dispositions
générales sur les ententes intermunicipales au contexte
particulier des services de transport en commun dans la région
montréalaise.
Des dispositions régissant les ententes intermunicipales, nous
avons retenu la règle du volontariat, c'est-à-dire la
liberté d'une municipalité d'adhérer ou non à une
entente. Il s'agit là d'une conséquence logique du principe de
l'autonomie municipale. C'est donc dire que les municipalités qui se
reconnaissent des besoins similaires ou complémentaires peuvent se
regrouper et décider ensemble des municipalités qui feront partie
du conseil intermunicipal de transport, du nombre de membres que chaque
municipalité possédera au sein du conseil d'administration d'un
conseil intermunicipal de transport, du mode de partage des coûts entre
les municipalités membres et, finalement, des règles de
fonctionnement d'un tel conseil. Ces différents éléments
constitueront l'entente entre les municipalités.
L'entente devra être adoptée par un règlement de
chaque municipalité et être approuvée par un décret
du gouvernement. Une fois formé, un conseil intermunicipal de transport
possédera tous les pouvoirs normalement dévolus aux
municipalités en matière de transport. Ainsi, le conseil
intermunicipal de transport pourra établir par règlement un
service de transport sur son territoire et prévoir également une
liaison avec des points situés à l'extérieur de son
territoire. Deuxièmement, il pourra définir et modifier les
conditions du service, tels les horaires, les parcours et les
fréquences. Il pourra fixer les tarifs, assurer le financement du
service, confier par contrat l'exploitation du service à un transporteur
de son choix et, finalement, acquérir les biens et services
nécessaires et en confier la gestion au transporteur.
Ici, il importe de retenir que le conseil intermunicipal de transport
n'existe pas indépendamment des municipalités qui le constituent.
Cela s'avère particulièrement vrai en matière
financière. En effet, le budget d'un conseil intermunicipal de transport
et tout emprunt qu'il pourrait être appelé à contracter
doivent être ratifiés par le conseil de chacune des
municipalités concernées. La liberté d'une
municipalité d'adhérer à une entente doit toutefois
être tempérée par une réalité: celle des
interdépendances ou, plus précisément, des
conséquences qu'ont les décisions d'une municipalité sur
l'organisation et le coût du service dans la municipalité voisine.
(15 h 30)
II existe bien peu de domaines où les interdépendances
sont aussi évidentes qu'en matière de transport. C'est pourquoi
le projet de loi prévoit qu'une municipalité pourra, dans
certaines circonstances que le projet de loi identifie
précisément, être forcée de participer à un
conseil intermunicipal de transport. Ainsi, lorsque des municipalités
qui ont décidé de former un conseil intermunicipal
considèrent qu'une autre municipalité devrait également en
faire partie, elles pourront demander au gouvernement de joindre cette
municipalité au conseil intermunicipal de transport. À titre
d'exemple, on peut imaginer les problèmes qui risqueraient de se
produire si la municipalité située à
l'extrémité la plus achalandée d'un corridor refusait de
se regrouper avec les autres municipalités de ce corridor.
Toutefois, les municipalités devront présenter une demande
unanime et démontrer que l'absence de la municipalité en question
aurait pour effet de compromettre l'organisation du service ou de le rendre
trop onéreux. S'il choisit de donner suite à pareille demande, le
gouvernement pourra joindre la municipalité récalcitrante au
conseil intermunicipal. Il pourra de plus fixer le nombre de voix auxquelles la
municipalité aura droit au conseil d'administration du conseil
intermunicipal de transport ainsi que le mode d'établissement de sa
contribution financière, mais, bien entendu, seulement si les termes de
l'entente ne le prévoient pas déjà. Cette façon de
faire contient suffisamment de balises pour protéger l'autonomie de
chaque municipalité, mais elle constitue également pour les
municipalités qui voudront aller de l'avant et pour les usagers une
police d'assurance, ou une garantie que les municipalités qui doivent
participer à l'organisation et au financement du transport en commun
seront effectivement de la partie. J'insiste d'ailleurs pour souligner, sur ce
point, que c'est après de longues et nombreuses consultations avec les
cent municipalités desservies par la CTRSM et la CTCUM que je me suis
rendu à des représentations qui demandaient
précisément qu'on puisse, dans certains cas limites, à
la
demande unanime des municipalités, demande motivée
expliquant que sans une telle intervention on risquerait de rendre prohibitive
l'organisation du transport en commun ou même impossible, inclure dans le
projet de loi une telle disposition.
Mais il existe également des interdépendances entre les
conseils intermunicipaux de transport eux-mêmes ainsi qu'entre les
conseils intermunicipaux de transport et les commissions de transport. C'est
pourquoi le projet de loi donne aux conseils intermunicipaux de transport la
possibilité de conclure entre eux des ententes ou encore de s'entendre
avec une municipalité, une commission de transport ou la
Communauté urbaine de Montréal sur toute question susceptible
d'améliorer le service aux usagers.
Par ailleurs, nous avons voulu prendre des mesures afin d'assurer le
respect d'un principe primordial: la protection des droits des usagers. Ainsi,
tout projet de modification du service, parcours, horaire, fréquence ou
tarif devra faire l'objet d'un avis de motion et un exemplaire du projet de
règlement devra être déposé à ce moment. Un
résumé du projet de règlement devra aussi être
publié dans un journal diffusé dans la municipalité et
être affiché dans les véhicules du transporteur au moins 30
jours avant l'adoption du règlement. Les usagers du service et les
contribuables seront ainsi prévenus des décisions qui se
préparent et auront la possibilité d'intervenir auprès de
leurs élus municipaux. Cela constitue probablement une
amélioration par rapport à la situation actuelle qui
prévoit un recours à la Commission des transports du
Québec, recours dont, bien entendu, très peu de citoyens
connaissent l'existence et qui s'avère, de ce fait, plus illusoire que
réel.
On aura sans doute remarqué que j'ai surtout fait
référence à la situation des municipalités hors
territoire desservies par la CTCUM et la CTRSM; il a été bien peu
question de la CTL, de la Commission de transport de Laval. Il ne s'agit pas
d'un oubli, il s'agit plutôt d'adopter une approche différente
pour une situation différente. Des municipalités desservies par
la CTL, je le rappelle, n'ont pas de quote-part à payer, elles n'ont
donc pas autant intérêt que les autres municipalités hors
territoire à prendre charge, aussitôt que possible, de
l'organisation du transport sur leur territoire. Mais on peut constater que ces
municipalités - et je m'en réjouis - ont récemment
entrepris des travaux sur cette question, ce qui peut laisser supposer qu'elles
seront bientôt prêtes à assumer leurs
responsabilités.
Il aurait été possible, comme dans le cas des deux autres
commissions, d'enlever à la CTL le pouvoir de poursuivre ses
activités hors territoire ou encore de forcer les municipalités
à assumer immédiatement la responsabilité du service sur
leur territoire. Nous avons préféré agir autrement. D'une
part, en effet, le projet de loi donne à la CTL le pouvoir de contracter
avec des municipalités pour leur vendre des services. D'autre part, les
municipalités reçoivent, elles, le pouvoir de se regrouper en
conseil intermunicipal de transport et de contracter avec le transporteur de
leur choix. Ces municipalités pourront également se rendre
admissibles au programme d'aide financière au transport en commun. C'est
donc dire que le projet de loi donne aux intéressés tous les
instruments requis pour s'entendre sur une base volontaire et procéder
ainsi à leur propre rythme. À eux donc de prendre leurs
responsabilités sans aucune autre intervention gouvernementale.
Dans un autre ordre d'idées il m'apparaît utile à ce
stade de souligner l'existence de mesures contenues dans le projet de loi
lesquelles, malgré leur caractère transitoire, sont
néanmoins essentielles pour assurer en un aussi court laps de temps le
transfert des responsabilités des commissions de transport aux
municipalités hors territoire.
En premier lieu, le projet de loi accorde aux municipalités la
possibilité de conclure pour 1984 un contrat avec un transporteur sans
aucune formalité d'approbation. Cette disposition a pour but de
permettre aux municipalités de procéder rapidement afin qu'elles
puissent connaître la nature et l'ampleur de leurs engagements financiers
au moment où elles finalisent leur budget pour l'an prochain.
Dans ce même esprit, je déposerai en commission
parlementaire un amendement ayant pour but de reconnaître comme valides
les contrats conclus entre une municipalité et un transporteur depuis le
dépôt du projet de loi, pourvu que les termes en soient
respectés.
Des amendements seront également apportés au projet de loi
sur deux autres sujets pour l'année 1984. Tout d'abord nos consultations
avec les municipalités ont par ailleurs démontré
l'utilité, d'un point de vue administratif surtout, de permettre aux
municipalités de s'entendre de manière relativement rapide et
informelle pour l'année 1984. Par conséquent, les
municipalités pourront conclure une entente qui ne nécessitera
aucune approbation pour confier à l'une d'entre elles la
responsabilité de négocier un contrat avec un transporteur, d'en
assurer l'administration, de percevoir les subventions gouvernementales ainsi
que pour se partager le coût du contrat.
En deuxième lieu, le changement des règles du jeu que le
projet de loi apporte ne permet pas, dans certains cas, de respecter les
délais minimaux de notification des employés prévus soit
dans les conventions
collectives, soit dans la Loi sur les normes minimales du travail. C'est
pourquoi une municipalité devra donner un avis à la commission
qui dessert actuellement son territoire si elle contracte avec un autre
transporteur. Ainsi, une municipalité qui décidera de changer de
transporteur devra donner à la commission un préavis, dans un
délai raisonnable, afin de permettre à cette commission de
respecter ses engagements envers ses employés et de lui donner le temps
de les réaffecter dans certains cas.
J'ai mentionné au début, M. le Président, que ce
projet de loi s'adresse d'abord à la question des services hors
territoire des commissions de transport de la région de Montréal.
Mais ce projet de loi modifie aussi les dispositions générales
applicables à toutes les municipalités sises à
l'extérieur d'un organisme public en matière de transport en
commun. Les nouveaux pouvoirs qui seront accordés aux
municipalités ont été exposés
précédemment et je n'y reviendrai pas.
Il m'apparaît néanmoins utile de rappeler que des
sédimentations législatives successives avaient produit trois
régimes administratifs différents à la Loi sur les
cités et villes et au Code municipal en matière de transport en
commun: la subvention à un transporteur; le règlement
d'organisation avec contrat de services et un régime particulier
applicable au transport de personnes handicapées.
La révision proposée par le projet de loi prévoit
un seul régime, celui du règlement pour établir un
service, suivi d'un contrat avec un transporteur. La même
procédure s'appliquera au transport des personnes handicapées,
sauf que dans ce cas la municipalité pourra aussi conclure une entente
avec un organisme sans but lucratif pour fournir un service. (15 h 40)
Enfin, M. le Président, je tiens à souligner que la
restructuration des services hors territoire dans la région de
Montréal, mais surtout la logique qui l'inspire commandent une
révision des lois qui régissent les autres commissions et
corporations de transport au Québec. Ainsi, il sera établi que
les organismes publics peuvent fournir des services réguliers à
l'extérieur de leur territoire seulement s'ils ont conclu au
préalable un contrat avec la municipalité desservie. Ceci vient
confirmer que les municipalités ont le droit de déterminer les
services qui seront fournis sur leur territoire et si elles doivent y
contribuer financièrement. Par ailleurs, les lois sont également
modifiées pour que ces organismes puissent assurer au besoin une liaison
avec un point situé à l'extérieur de leur territoire, et
ce autant pour les services réguliers et spéciaux que pour la
charte-partie.
Enfin, M. le Président, j'aimerais souligner que cette nouvelle
loi posera plusieurs défis, aux élus locaux, aux transporteurs,
aux usagers ainsi qu'au gouvernement. D'abord, aux élus locaux des
territoires visés, la loi fournit les instruments nécessaires non
seulement au maintien, mais aussi à l'amélioration des services
de transport. Toutefois, c'est sur leur volonté d'agir que
l'efficacité de cette loi repose puisque, dorénavant, ce sont les
élus qui définiront les paramètres de mobilité de
leurs citoyens et permettront l'existence de liens de transport entre leur
territoire et la ville centrale.
Quant aux transporteurs publics, les modalités d'exploitation
seront dorénavant modifiées dans le sens d'une entente
contractuelle avec les municipalités intéressées et plus
de souplesse leur sera, par conséquent, demandée dans la
formulation de leur offre de services. Ils devront dorénavant
développer davantage une approche client comme toute entreprise
commerciale, plutôt que de s'appuyer simplement sur l'exclusivité
de leurs droits.
Cela m'amène à identifier les défis qui sont
posés aussi aux transporteurs privés. Ceux-ci devront être
à la hauteur des nouvelles attentes et possibilités
créées par la loi. Ils s'impliqueront dans un secteur reconnu
comme un service public à la population où la rentabilité
économique doit être assortie également d'une certaine
rentabilité sociale. Les contrats de services devront donc
refléter les besoins de transport du milieu, la capacité de payer
des usagers et des contribuables ainsi que les caractéristiques propres
aux transporteurs. C'est un nouveau marché qui s'offre à eux,
mais la réorganisation qui va en résulter doit se traduire par
une continuité du service, sinon par une amélioration des
services existants.
Quant aux usagers, ils sont trop souvent les oubliés dans toute
réorganisation significative des politiques. Ce projet de loi donnera
lieu à des changements d'horaire, des changements de parcours et de
tarif, et il faut que les transporteurs actuels et les municipalités
mettent en oeuvre des mesures d'information immédiates pour que la
clientèle soit avisée des changements du 1er janvier 1984. Il se
pourrait que la période de transition donne lieu à des
perturbations de services et que les usagers voient leurs horaires
modifiés. Nous faisons actuellement tout en notre pouvoir pour que les
usagers soient avisés de ces changements et que la période de
transition soit la plus courte et la plus harmonieuse possible.
Quant au ministère des Transports, c'est un pari sur l'avenir que
nous prenons. Ces nouvelles compétences pour les municipalités et
ces nouveaux marchés pour les transporteurs constituent des
éléments
nouveaux de politique qui devraient assurer l'avenir du transport en
commun dans les territoires périphériques aux commissions de
transport. Cette nouvelle forme d'organisation qui se concrétisera
graduellement au cours de l'année 1984 repose sur une volonté
ferme de notre part de doter l'agglomération de Montréal de
mécanismes institutionnels et financiers adéquats pour que le
développement des transports collectifs constitue une alternative
valable à l'automobile dans les territoires concernés.
M. le Président, avant de céder la parole à
l'Opposition, vous me permettrez de dresser rapidement et de façon
très sommaire un bref état de la situation en ce qui concerne les
corridors tant de la CTCUM que de la CTRSM. Toutes les municipalités de
ces corridors sont bien au fait du projet de loi qui est actuellement
débattu devant nous et l'immense majorité d'entre elles a
déjà commencé à s'organiser pour répondre
aux attentes de ce projet de loi. Je me permets de faire un rapport
préliminaire, ponctuel, sur la situation. Les informations dont je vais
vous faire part datent d'hier. Cela semble être ce qu'il y a de plus
précis venant de toutes les municipalités concernées.
Ainsi, selon les informations disponibles actuellement, dans le corridor
Varennes-Sorel, les municipalités sont en train de discuter de la
possibilité de former effectivement un conseil intermunicipal de
transport et sont en discussion avec un transporteur privé, Les autobus
Deshaies. Ce serait un service qui viendrait remplacer celui de la CTRSM sur
une base de tarif d'équilibre, c'est-à-dire sans subvention ni
des municipalités ni du gouvernement.
En ce qui concerne le corridor
Saint-Bruno-Saint-Hilaire-Saint-Hyacinthe, ces municipalités sont d'ores
et déjà en négociation avec la CTRSM. Elles accepteraient
de former un conseil intermunicipal de transport qui est en voie de formation
et d'apporter une contribution financière à ce service de
transport en commun.
En ce qui concerne le corridor Chambly-Marieville-Carignan, il y aura la
formation également d'un conseil intermunicipal de transport. Les
municipalités accepteraient de contribuer financièrement à
la mise en marche de ce système. Il y aurait cependant certaines
hésitations du côté de la municipalité de
Carignan.
En ce qui concerne le corridor compris entre Marieville et Farnham,
seule la municipalité de Farnham a, jusqu'à maintenant,
manifesté son intérêt pour la formation d'un conseil
intermunicipal de transport, mais toutes les autres municipalités
préfèrent actuellement se désintéresser du service
de transport en commun, de sorte qu'il est possible que ce soit un transporteur
privé qui en prenne la charge dans ce corridor et qu'il n'y ait pas de
formation d'un conseil intermunicipal de transport.
En ce qui concerne le corridor L'Acadie-Saint-Luc-Saint-Jean-Iberville,
ces municipalités sont déjà en négociation avec la
CTRSM. Elles voudraient signer une entente à court terme, de courte
durée et continuer d'étudier, au cours des prochains mois, la
formation d'un CIT, un conseil intermunicipal de transport, mais il semble
qu'on a toutes les raisons de croire qu'effectivement elles formeraient un
conseil intermunicipal de transport, à l'exception de la
municipalité de L'Acadie.
En ce qui concerne le corridor
Saint-Athanase-Bedford-Saint-Armand-Venise-en-Québec, il n'y aurait pas
formation d'un conseil intermunicipal de transport dans ce corridor et ce
serait un transporteur privé qui prendrait la relève. Il s'agit
effectivement, dans ce cas, cependant, véritablement d'un bout de
ligne.
En ce qui concerne le corridor.
La-prairie-Candiac-Delson-Sainte-Catherine-Saint-Constant, les
municipalités ont déjà signé, à toutes fins
utiles, le contrat avec la CTRSM et formeront un CIT dès qu'elles seront
habilitées à le faire par la loi.
En ce qui concerne le corridor Saint-Rémi-Saint-Isidore, ces
municipalités manifestent un intérêt pour former un conseil
intermunicipal de transport pour obtenir un service avec minibus, cependant
sans subvention.
En ce qui concerne les municipalités des corridors de la CTCUM -
cela concernait la CTRSM - le rapport que j'ai à ce moment-ci m'indique
que les municipalités de Repentigny-Charlemagne-Le Gardeur vont
effectivement former un conseil intermunicipal de transport. Elles sont
déjà en négociation avec la CTCUM. Elles accepteraient
d'apporter une contribution financière, et les pourparlers sont
déjà en marche.
En ce qui concerne le corridor Berthier-Saint-Sulpice, ces
municipalités formeraient une conseil intermunicipal de transport, mais
elles contracteraient, à tarif d'équilibre, avec un transporteur
privé.
En ce qui concerne toutes les municipalité dans les environs de
Joliette et de L'Assomption, elles sont présentement en voie de
discussion quant à une entente avec deux transporteurs qui oeuvrent dans
cette région, soit Brandon Transport et Gaudreau Transport. Elles
formeraient un conseil intermunicipal de transport, transigeraient avec ces
deux compagnies privées et procéderaient à tarif
d'équilibre, c'est-à-dire sans subvention.
En ce qui concerne le corridor Châteauguay-Valleyfield-Beauharnois
et tout le
secteur sud-ouest, les municipalités se sont réunies hier
soir ou avant-hier soir. Elles formeront un conseil intermunicipal de
transport, acceptent d'apporter une contribution financière et elles
négocient actuellement avec la CTCUM. (15 h 50)
La MRC du Haut-Saint-Laurent, la région de Huntingdon; toutes les
municipalités s'entendent pour contribuer à la mise en service de
transport avec un transporteur privé, éventuellement minibus et
contribueraient financièrement. Cela desservirait six
municipalités, mais les quinze municipalités de la
municipalité régionale de comté accepteraient de
participer financièrement. En ce qui concerne le corridor de
Dorion-Vaudreuil, c'est un corridor compliqué. Il y aura formation d'un
conseil intermunicipal de transport, mais il se présente toute une
série de solutions de rechange dans ce corridor. L'entreprise Deshaies a
fait une proposition: un contrat de service sans subvention. Les
municipalités étudient par ailleurs une autre solution de
rechange avec Voyageur et l'intégration d'un service de taxi collectif
pour rabattre sur les lignes de Voyageur. Elles veulent vivre une
expérience de quelques mois, non pas avant de se former en conseil
intermunicipal de transport, mais sur le plan du transporteur choisi.
Jusqu'ici, elles n'ont pas fait d'offre, contrairement à ce que nous les
avions invitées à faire pour l'intégration des services de
trains. C'est la même situation d'ailleurs en ce qui concerne le corridor
Saint-Bruno-Saint-Hyacinthe. Nous avions proposé aux
municipalités de faire une proposition en ce qui concerne le service de
trains du CN vers Saint-Hilaire et jusqu'à maintenant elles n'en ont pas
fait.
C'est donc dire, M. le Président, au moment de clore ma
présentation de ce très important projet de loi sur
l'organisation du transport des personnes en périphérie de
Montréal que d'ores et déjà, avant que cette loi soit
adoptée par l'Assemblée nationale, douze regroupements de
municipalités sont en voie de se former pour prendre en charge
l'organisation des services de transport en commun sur leurs territoires. Nous
avons travaillé avec elles depuis maintenant deux ans à
établir quelles étaient leurs attentes à l'égard du
transport en commun, quels étaient les mécanismes juridiques
qu'elles voulaient retenir. Je les remercie sincèrement d'avoir
accepté de collaborer avec moi parce que tout nous porte à
croire, à moins de surprises de dernière minute, que dans
l'immense majorité des cas, des municipalités qui étaient
desservies autrefois par la CTCUM et la CTRSM, un service de transport en
commun non seulement continuera d'être offert, mais sera même
amélioré à compter du début de 1984 grâce
à la mise en place d'une douzaine de conseils intermunicipaux de
transport sous la responsabilité des municipalités dont j'ai pu
bénéficier encore une fois de toute la collaboration, au cours
des deux dernières années, pour en venir à la
présentation de ce projet de loi. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): J'aimerais simplement
faire remarquer qu'il ne doit pas y avoir de manifestations de quelque
façon que ce soit dans les galeries. La parole est au
député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le gouvernement se
propose de constituer des conseils intermunicipaux de transport dans la
région de Montréal. Le projet de loi 46 ne peut être
vraiment discuté sans faire référence à la
problématique du transport en commun dans la région de
Montréal. On sait que le gouvernement actuel, surtout l'actuel ministre
des Transports, a placé, depuis quelques années, une emphase
considérable sur le développement du transport en commun,
particulièrement dans la région de Montréal. Cependant, il
y a eu des projets ambitieux qui ont été proposés par le
ministre et souvent ces projets ont été qualifiés
même d'éléphants blancs, si on fait référence
au projet d'un métro de surface qui a été rejeté
majoritairement par les organismes en place. D'ailleurs, conscient que cette
politique d'encouragement au transport collectif a atteint un seuil qu'il
paraît difficile de franchir, le ministre annonçait à la
mi-octobre une nouvelle politique d'aide au transport en commun. Celle-ci vise
à plafonner à son niveau actuel, qui est approximativement de
44%, pour les cinq prochaines années, la contribution gouvernementale et
à rééquilibrer la quote-part des trois partenaires du
transport en commun: le gouvernement, les municipalités et les usagers.
Cette nouvelle politique n'est pas étrangère au fait que tous les
efforts et l'argent engouffré dans le transport en commun n'ont pas
donné les résultats attendus. L'achalandage est loin d'y
être proportionnel.
M. le Président, avant de discuter des termes précis du
projet de loi actuel, il faudrait discuter, dans le contexte de cette politique
du gouvernement, des sommes qui sont dépensées pour le transport
en commun, des objectifs du gouvernement, pour situer un peu les objectifs du
gouvernement, les solutions qu'il veut y apporter. Ce n'est pas l'endroit
maintenant de faire un long débat sur le transport en commun en
général dans la région de Montréal, mais il faut
souligner certains aspects qui sont troublants, qui sont un peu
inquiétants et pour lesquels le gouvernement doit faire certaines
études et
apporter certaines solutions pour freiner l'augmentation des
coûts. Par exemple, la contribution des usagers est passée de
45,9%, en 1977, à 31,7%, en 1983 et elle augmentera à 33,7%, en
1988. Quant aux dépenses totales du transport en commun dans la
région de Montréal, elles n'ont cessé de croître,
passant de 271 000 000 $, en 1977, à 661 000 000 $ cette année;
et on prévoit qu'elles seront de 868 000 000 $ en 1988.
M. le Président, il y a certainement matière à
considérer, matière à réfléchir et
matière à être inquiet des coûts du transport en
commun qui augmentent, des sommes que le gouvernement paie pour le transport en
commun - on dit que c'est le gouvernement qui paie, mais ce sont les
contribuables - et de la part de l'usager qui va toujours en
décroissant. Cela voudrait dire que, quelque part, les politiques du
gouvernement n'ont pas l'effet que le gouvernement souhaiterait, que cela
coûte de plus en plus cher et que le gouvernement devrait
nécessairement réviser ses politiques.
Quand le ministre mentionnait, à la commission parlementaire, que
la plupart des intervenants étaient en faveur de la politique du livre
blanc que le gouvernement avait proposée, je pense que ce n'est pas tout
à fait exact. Car les grandes solutions - qu'on pourrait qualifier et
que même plusieurs ont qualifiées de préfabriquées -
ont été, si on peut se permettre l'expression, taillées en
pièces par les intervenants de la commission parlementaire. Ils y ont
trouvé plusieurs défauts, plusieurs lacunes et ils ont
constesté les politiques que le gouvernement proposait pour le transport
en commun. Même - nous allons y venir tantôt - nous allons voir que
le projet de loi actuel est un recul du gouvernement sur plusieurs des
politiques que lui-même avait proposées dans son livre blanc.
Venons au problème précis du projet de loi actuel. Nous
savons qu'il y a un problème d'argent, un problème
d'équipement, un problème de tarifs, un problème de fonds
publics massifs qui sont injectés dans le transport en commun, dans la
région de Montréal spécialement. L'urgence de l'adoption
du présent projet de loi est due à deux problèmes majeurs.
Il y a le problème de la rive sud et il y a le problème de la
CTCUM et des territoires desservis par la CTCUM. Le problème s'est
produit parce qu'à un moment donné la CTRSM a été
obligée d'acheter les actifs de Métropolitain Sud, pour fournir
les services à la rive sud. Elle a été obligée de
le faire à la suite de la politique du gouvernement. La CTRSM a
été constituée en 1971 pour desservir un certain
territoire et, en 1977... (16 heures)
Je pense qu'il est bon de rappeler les faits qui ont conduit à la
situation actuelle qui nous oblige maintenant et qui oblige le gouvernement
à faire adopter le projet de loi actuel pour résoudre un
problème très particulier et très sérieux qui
existe, soit avec la CTRSM, soit avec la CTCUM et qui concerne aussi toutes les
municipalités qui sont concernées par le service en dehors de la
région de Montréal qui est desservie par ces deux commissions de
transport. En 1971, la CTRSM a été constituée. En 1977,
Boucherville manifesta le désir d'être desservie par la CTRSM afin
d'augmenter le niveau de service et l'étendre à l'ensemble de son
territoire, mais à cette époque, la Loi constituant la CTRSM ne
lui permettait pas d'exproprier ou d'acquérir de gré à
gré Métropolitain Sud, parce que la majeure partie des
activités de cette dernière étaient situées en
dehors du territoire de la CTRSM.
En effet, avant la modification de juin 1978 à la Loi constituant
la CTRSM, il fallait qu'une entreprise soit exploitée en tout ou en
grande partie à l'intérieur du territoire pour qu'elle puisse
être acquise par la commission de transport. C'est pourquoi à
partir de juillet 1977, la Commission de transport de la rive sud avait conclu
un contrat de location d'autobus avec Métropolitain Sud afin de
desservir Boucherville, mais le problème était que le service de
Métropolitain Sud était un service de transport en
majorité interurbain et c'était un problème sérieux
parce que les problèmes et les activités de transport urbain et
interurbain ne sont pas nécessairement compatibles.
Cette opinion fut corroborée par une étude du
ministère des Transports qui indiquait, et je cite l'étude: "II
n'apparaît pas souhaitable d'engager la CTRSM dans l'exploitation d'un
réseau interurbain en liant l'extension de ses services dans
Boucherville à une acquisition par voie d'expropriation de l'ensemble
des actifs de Métropolitain Sud dont l'exploitation est en plus grande
partie interurbaine." L'étude du ministère des Transports avait
averti le gouvernement de ne pas procéder de cette façon parce
qu'il y avait des problèmes incompatibles. La Loi constituant la CTRSM
fut modifiée en 1978 et lors des délibérations de la
commission permanente des transports chargée d'étudier ce projet
de loi, le ministre des Transports exprima son intention de confier le soin de
gérer le réseau de Métropolitain Sud à une filiale
de la CTRSM dont l'administration serait séparée. Mais ce
n'était pas de cette façon qu'on pouvait éviter les
problèmes qu'on a connus après que cette loi fut adoptée
et que le ministre des Transports ait obligé à cette
opération.
À l'époque, le conseil des maires avait indiqué
clairement qu'il ne voulait être responsable d'aucun coût
susceptible de résulter du fonctionnement de cette soi-disant filiale.
Dans l'esprit du conseil des
maires, la décision d'acquérir Métropolitain Sud
reflétait beaucoup plus une volonté de rendre service
jusqu'à ce qu'une solution puisse être élaborée
plutôt qu'une volonté d'étendre le rayonnement de la CTRSM
à l'ensemble du territoire desservi par Métropolitain Sud. Ce
furent des impératifs économiques et politiques - je ne sais pas
de quelle importance, mais c'était plutôt politique
qu'économique - qui ont fait qu'il a fallu acquérir l'ensemble
des actifs de Métropolitain Sud afin d'obtenir le permis d'exploitation
de Boucherville et c'est ainsi que la vocation originale de la CTRSM qui
était celle d'exploiter un service urbain de transport en commun fut
élargie au service interurbain et que fut créée sa
filiale. C'est ainsi que les problèmes de cette filiale de la CTRSM ont
commencé. Ils ont abouti à la situation dans laquelle on se
trouve aujour'hui. Il faut adopter un projet de loi à la
mi-décembre pour qu'il soit mis en vigueur dans deux semaines pour
régler un problème assez crucial qui est survenu au cours des
dernières années à la suite du projet de loi du ministre
qui a imposé cette solution.
Dans le cas de la compagnie Métropolitain Provincial - juste pour
terminer sur cet aspect; il y avait une dimension financière aussi
à l'acquisition, nous y reviendrons tantôt - elle a
été acquise par la CTCUM en 1980. À la suite de la rumeur
que laissait planer le rapport de l'étude Origine-destination, qui avait
été effectuée en 1977 quant à l'expropriation de
Métropolitain Provincial et la présence de la CTCUM sur le
territoire, les élus de la région de Repentigny-l'Assomption ont
formé le Comité de transport intermunicipal pour étudier
toute alternative à cette éventualité, et un comité
d'étude ayant pour mandat d'étudier la pertinence
d'établir une corporation intermunicipale de transport sur le
territoire. Les conclusions étaient favorables.
Ils voulaient former ce conseil intermunicipal, les municipalités
étaient favorables, mais toutes les municipalités
s'étaient opposées à défrayer tout déficit
encouru pour le service de transport par la CTCUM. Les municipalités
voulaient un certain service, avaient proposé une certaine structure et
le gouvernement en a imposé une autre sans le consentement des gens
affectés. Après que des études eurent été
faites démontrant la nécessité d'un autre organisme, une
autre façon de fournir du transport en commun, en octobre 1980, ces
usagers, ces municipalités ont vu l'arrivée de la CTCUM sur leur
territoire. Il y a eu des menaces de faillite, etc. En tout cas, cela a
été fait par le gouvernement, il a imposé cet achat et,
par la suite, c'est la CTCUM qui a fourni le service à ces
différentes municipalités.
La conclusion de tout cela est que la CTRSM et la CTCUM ont
été pour ainsi dire forcées d'acquérir des
compagnies privées; d'autre part, les municipalités n'ont pas
été consultées dans ces décisions. Même si le
ministre nous dit qu'il a consulté quelques-unes des
municipalités, cela a été fait sans leur approbation, sans
leur consentement. Aucune des parties n'y a trouvé son compte: les
commissions de transport se sont retrouvées avec un nouveau service sur
les bras, un service interurbain par surcroît, dans le cas de la rive
sud, pour lequel les problèmes et les besoins sont significativement
différents, et les municipalités concernées se voyaient
imposer un service dont elles n'avaient pas participé à la
définition, sur lequel elles ne pouvaient pas se prononcer mais dont
elles devaient toutefois payer la note en acquittant leur quote-part des
déficits d'exploitation et des coûts d'acquisition. C'était
vraiment une formule désastreuse.
Quand on impose des solutions qui ne sont voulues ni par le transporteur
ni par l'usager, c'est ce qui arrive. Les municipalités ne le voulaient
pas, mais pour des raisons politiques, à court terme, pour
résoudre certains problèmes, le gouvernement a imposé la
structure, le service, le coût d'expropriation et on a imposé un
coût à l'usager pour quelque chose dont personne ne voulait.
Naturellement, quand vous rassemblez tous ces éléments, vous avez
tout ce qu'il faut pour provoquer un conflit; c'est ce qui s'est produit. Et
c'est un conflit explosif. C'est ce qui est arrivé au mois de mars
dernier.
Curieusement, les municipalités n'avaient pas encore reçu
de facture d'une commission de transport depuis deux ans. On impose le service
d'une commission de transport, on impose un service de transport en commun, un
service fourni aux municipalités sans leur consentement, et on laisse
traîner les choses. Deux ans plus tard, on envoie des comptes aux
municipalités. Vous savez que le budget des municipalités se fait
chaque année. Si une petite municipalité reçoit un compte
de deux ans, cela cause des problèmes assez sérieux dans son
budget. Ces montants n'étaient pas prévus. Les
municipalités ne sont pas des sociétés à but
lucratif, qui font des profits; elles administrent leurs affaires et au fur et
à mesure qu'elles ont certains besoins, elles imposent des taxes aux
contribuables pour payer les dépenses. Si elles ne connaissent pas
d'avance le montant de ces dépenses, c'est difficile pour elles
d'imposer ces taxes. Elles se retrouvent avec des montants à payer pour
lesquels elles n'avaient pas les fonds. Nous reviendrons aux augmentations. (16
h 10)
Elles ont fortement protesté en refusant de payer. Elles ont
même porté leur
cause à la Commission municipale demandant le retrait au 1er
janvier 1984 des commissions de transport. Le terme de l'entente allait
jusqu'à janvier 1984. C'est à ce moment-là que le ministre
des Transports a offert de payer 100% des coûts d'acquisition des
compagnies privées au lieu des 75% qui avaient été
prévus. Quant aux factures qui couvraient les déficits
d'exploitation, il n'y avait rien à faire, c'était aux
municipalités à les payer.
Je pense qu'il serait bon de regarder un peu l'évolution du
conflit pour comprendre pourquoi le gouvernement a été
obligé de faire adopter le projet de loi à l'Assemblée
nationale. D'après ce qu'on pourrait tirer des difficultés que le
conflit a créées, des coûts prohibitifs, du manque de
contrôle, cela pourrait peut-être servir de leçon au
gouvernement pour éviter les mêmes problèmes à
l'avenir.
En mars 1983 plusieurs municipalités ont contesté les
factures de la CTCUM à la Commission municipale du Québec.
Curieusement, le ministre a appuyé les revendications de la
région de Repentigny par exemple. Le ministre ne pouvait pas dire
autrement que les municipalités avaient raison. Il n'avait pas
reçu d'information sur les factures de la CTCUM et il avait dit que
c'était inconcevable qu'aucune facture ne soit parvenue aux
municipalités plus de deux ans après l'arrivée de la CTCUM
sur le territoire. Je comprends que le ministre n'avait vraiment pas le choix
de sympathiser avec les municipalités, car c'était sa loi qui
n'avait pas imposé cette obligation. La loi, qui avait
créé le service pour les municipalités, n'avait pas
imposé l'obligation de fournir ces montants. Il n'y avait pas eu de
supervision adéquate pour s'assurer que les municipalités
seraient informées en temps et lieu, en temps nécessaire pour
qu'elles puissent inclure ces montants dans leur budget.
Le ministre a informé les municipalités que Québec
pourrait prendre à sa charge les coûts d'expropriation de
Métropolitain Provincial quant à la CTCUM mais à deux
conditions: que les municipalités paient les factures du déficit
d'exploitation et que les municipalités décideront
elles-mêmes de l'avenir du transport sur leur territoire. Il y avait
là trois formules possibles: le contrat de service avec la CTCUM, la
formation d'une corporation locale de transport pour avoir le contrôle ou
le contrat avec une entreprise privée.
La décision de la Commission municipale sur les plaintes des
conseils municipaux qui contestent leur facture de la CTCUM est dans le sens
que celle-ci a facturé de la seule façon que la loi l'avait
indiqué, soit sur le potentiel fiscal et non pas sur la base de services
reçus ou d'autre façon. La loi l'imposait et le montant qui
devait être payé a été maintenu.
Le ministre n'a pas donné d'espoir concernant les factures
rétroactives de la CTCUM plus les factures à venir pour 1982 et
1983. À la suite de la décision de la Commission municipale, neuf
municipalités ont décidé de faire front commun sur cette
question. Elles sont allées en Cour supérieure du Québec
pour faire annuler la décision de la Commission municipale du mois de
mai. Elles ont reçu une facture totale de la CTCUM et c'est
intéressant de voir les chiffres qui ont augmenté d'année
en année et de la façon dont cela a été fait: 20
400 $ pour 1980, 103 000 $ pour 1981, soit cinq fois le prix l'année
suivante. Elles ont reçu une facture de 690 000 $ pour 1982. Alors, on
peut comprendre la colère de ces municipalités et leur refus de
payer. Certaines municipalités avaient même porté à
l'attention... À titre d'exemple, la municipalité de L'Assomption
paroisse a reçu une facture de 18 000 $ de la CTCUM pour 1982. Or, un
relevé indique que seulement onze citoyens de cette localité
utilisent les services de la CTCUM. La municipalité doit donc accorder
une subvention de plus de 1000 $ par citoyen pour le transport en commun. Dans
de telles conditions, le maire avait souligné que cela aurait
été plus économique de payer le taxi à ces usagers
plutôt que de continuer à payer les sommes imposées par la
CTCUM, à la suite de la loi imposée par le ministre.
La loi obligeait ces villes à être desservies par la CTCUM
jusqu'en janvier 1984 et à partager les déficits d'expropriation
de l'ancienne compagnie Métropolitain Provincial. D'autres
événements se sont produits. Il y a eu des gens qui ont
commencé à soulever d'autres problèmes. Par exemple,
Transport 2000 encourage les pressions des usagers pour empêcher la
cessation du service de la CTCUM en janvier, parce que, face à
l'augmentation des coûts, face à toute la situation et face aux
demandes des municipalités et des usagers, plusieurs groupes disaient:
Écoutez! Le service va cesser; on n'aura plus de service de transport en
commun. Alors, ils ont fait des pressions, des demandes, pour s'assurer que ce
service soit maintenu et que le gouvernement prenne les mesures
nécessaires. Il y a même eu les syndiqués de la CTCUM qui
réclament maintenant un sommet sur le transport en banlieue, parce que
cela crée certains problèmes relativement à leur
convention collective, à leur avenir. Ce qui va se produire s'il y a des
transporteurs privés? Tout cela, j'y reviendrai spécifiquement
dans le projet de loi et je voudrais poser certaines questions au ministre
quant à la façon dont ces questions vont être
résolues, mises en application, quant aux solutions que le ministre va
apporter.
Le gouvernement avait fait une offre
aux 60 municipalités de banlieue, soit de payer environ 600 000 $
de leurs factures à la CTCUM, représentant la totalité du
coût d'acquisition de Métropolitain Provincial, et de prendre
à sa charge le coût des nouveaux véhicules acquis depuis
cette date, pour continuer la desserte de l'ancienne compagnie. Cette offre,
qui fait partie des offres du ministre et faisait également partie de la
campagne visant à les persuader de faire des arrangements pour le
service de transport après le 1er janvier, est conditionnelle au
paiement par les municipalités du solde des factures d'environ 2 000 000
$ de la CTCUM pour 1982, 1981 et une partie de 1980. Les maires trouvaient que
cette offre ne faisait pas une grande différence avec ce qu'ils devaient
payer.
M. le Président, nous voyons les problèmes qui ont
été soulevés. C'est vrai que le principe du projet de loi
actuel, la création de ces conseils intermunicipaux de transport,
apporte une solution à un problème très grave. Mais il ne
faut pas oublier que le problème avait déjà
été créé par le gouvernement pour ne pas avoir
consulté les personnes impliquées et ne pas avoir prévu
les conséquences de l'imposition de ce service aux différentes
municipalités concernées.
Il y a un problème, je crois, beaucoup plus particulier avec la
CTRSM. Je demanderais au ministre, dans sa réplique, de répondre
à certaines préoccupations, certains problèmes qui
existent particulièrement à cette commission de transport. (16 h
20)
La CTRSM a un certain actif. Elle a un certain nombre d'employés.
Je voudrais demander au ministre ce qui va arriver à ces employés
et à l'équipement de la Commission de transport de la rive sud le
1er janvier. Je crois que le ministre aurait mentionné - je ne sais s'il
l'a fait publiquement ou s'il l'a laissé entendre - qu'il pouvait y
avoir une extension de 60 jours avant l'application de la loi en ce qui
concerne la Commission de transport de la rive sud. Cette extension de 60 jours
va-t-elle résoudre le problème très difficile avec lequel
cette commission devra vivre? Il y a la question des employés et de son
équipement.
Si les différentes municipalités présentement
desservies par cette commission de transport ne concluent pas d'entente avec la
CTRSM - je crois qu'il y a un problème dans certains cas, parce que le
coût de fonctionnement est plus élevé avec la CTRSM qu'il
ne le serait pour les usagers avec un transporteur privé ou d'une autre
façon - que va-t-il arriver aux employés qui font maintenant
partie de la CTRSM et des actifs, les coûts sociaux et économiques
de la cessation du fonctionnement de la commission de transport? Mon
collègue, le député de Laporte va traiter davantage de ce
sujet particulier.
Les représentations que nous avons indiquent que le
problème est beaucoup plus grave que ce que le ministre a laissé
entendre. Il ne faudrait pas, en essayant de résoudre un problème
pour certaines municipalités, en créer un autre plus grave pour
celles qui resteront avec la CTRSM qui auront des sommes additionnelles
à payer à la suite d'une loi qui leur aura déjà
été imposée par le ministre. Je crois que les demandes qui
ont été faites au ministre des Transports seraient d'attendre
plus longtemps que le délai de 60 jours afin de permettre à la
CTRSM de négocier avec les autres municipalités pour
résoudre ce problème des chauffeurs d'autobus et des
équipements. Les CIT ne sont pas forcés de négocier avec
les commissions de transport. Je crois que c'est logique, parce que, autrement,
il ne servirait à rien d'adopter le présent projet de loi, si ce
n'est pour essayer de réduire les coûts et de permettre à
ces municipalités de prévoir leur propre transport en commun par
d'autres moyens qui réduiront les coûts aux usagers et aux
contribuables.
Il y a aussi un autre problème concernant la période de
transition. M. le ministre, on prévoit certaines mesures de transition
pour les prochains trois mois et que la Commission des transports du
Québec pourra accorder des permis spéciaux à des
transporteurs pour une période n'excédant pas la fin de
l'année 1984. Quelles mesures seront incluses dans le projet de loi pour
s'assurer qu'il n'y aura pas d'interruption de transport dans ces
différentes municipalités? De la façon que le projet de
loi est présentement libellé, il n'y a pas de garantie, dans
cette période de transition, à moins que les municipalités
elles-mêmes en viennent à des ententes immédiatement, il
n'y a aucune mesure pour s'assurer que le service ne sera pas interrompu.
M. le Président, nous avons déjà souligné
que les propositions du ministre aujourd'hui, le projet de loi, ont
été nécessitées par la politique du gouvernement,
du fait que le gouvernement avait déjà imposé ce service
à ces différentes municipalités. Nous avons aussi
donné l'affirmation que le ministère des Transports a
reculé par rapport à ses propositions du livre blanc. C'est
évident qu'il l'a fait en ce qui concerne la structure à
caractère régional, parce qu'on l'abandonne, et selon la
proposition du ministre, c'était une structure lourde qui aurait
imposé d'autres charges additionnelles et qui serait allée
vraiment à l'encontre d'un autre principe que le livre blanc voulait
soumettre. C'était que ces décisions devraient être
soumises a l'approbation des élus locaux. Quand vous avez tellement de
différents paliers de décision, que vous arrivez à une
structure lourde de conseil régional, vous réduisez,
effectivement, le pouvoir de décision au niveau local. C'est
peut-être ce qui a causé les coûts additionnels que ces
différentes municipalités sont obligées maintenant de
supporter.
On pourrait souligner aussi que parmi les autres mesures du livre blanc
quant aux tarifs, quant à l'autre aspect qui est la façon de
financer, ils avaient proposé même d'utiliser les fonds de poste
à péage sur les autoroutes pour essayer de financer le transport
en commun. Je crois que le ministre, le gouvernement a commis une erreur en
promouvant de telles politiques et il se l'est fait dire à la commission
parlementaire. On voit, aujourd'hui, qu'il recule des politiques qu'il avait
annoncées.
On devrait aussi, M. le Président, déplorer le retard dans
la réaction du ministère à une crise qui a
été poussée à sa limite, puisqu'au 1er janvier
1984, tout le monde menaçait de couper les ponts. Il y avait un
problème sérieux, problème de coûts, de sorte que
les gens ne savaient pas ce qui devait se produire dans l'avenir. On arrive
maintenant à la dernière minute avec ce projet de loi qui a des
conséquences assez sérieuses et qui ne sont pas résolues
dans le projet de loi. Quand on dit que l'on va adopter, que l'on va appuyer le
principe de la création de ces conseils de transport, c'est une chose.
Mais les modalités, les fonds, les paiements pour les
équipements, les dettes des commissions de transport existantes, qui va
les assumer? Qui va assumer les dettes à long terme? Qui va assumer la
question des conventions collectives?
Je voudrais souligner un autre problème que le ministre a
mentionné brièvement, c'est la question des conventions
collectives. L'article 45 du Code du travail va affecter les transporteurs
privés qui voudront prendre la relève dans ces différentes
communautés. Il y a des problèmes possibles, car d'après
cet article, un transporteur privé pourrait être obligé de
respecter la convention collective de la commission de transport qui la
remplace.
Est-ce que le ministre déplace le problème des
coûts, le problème des décisions, le problème qui
existe maintenant? Est-ce qu'il va être déplacé à un
autre niveau, à une commission intermunicipale de transport ou est-ce
que le ministre va apporter d'autres solutions? Qu'arrivera-t-il à ces
conventions collectives? Quel sera le sort des gens qui sont
présentement employés? D'après l'article 45 du Code du
travail, toutes ces conventions, les conditions de travail, les salaires, etc.,
devront être assumés par les municipalités qui vont se
regrouper et qui vont être obligées de fournir le transport en
commun. Je voudrais que le ministre, dans sa réplique, nous dise ce qui
va arriver des actifs de la CTCUM et de la CTRSM qu'elles doivent assumer. Je
crois que dans le cas de la CTCUM, c'est un moindre problème parce que
le réseau est tellement grand. Ils peuvent peut-être absorber
l'équipement pour leur réseau de la région de
Montréal, mais dans le cas de la Commission de transport de la rive sud,
est-ce que cette dernière va être obligée d'absorber le
nombre d'employés et les coûts d'exploitation et la dette qu'ils
ont maintenant, alors que le réseau est beaucoup moindre? Le pourcentage
va être beaucoup plus élevé pour ces
municipalités.
J'aimerais que le ministre nous indique les pourparlers, les discussions
qu'il a eues. C'est évident qu'en commission parlementaire, quand nous
allons étudier ce projet de loi article par article, nous allons
insister pour que certaines garanties soient données afin de ne pas
pénaliser les municipalités de la rive sud qui seront aux prises
avec le problème. (16 h 30)
Je voudrais dire au ministre que, si les problèmes que nous
soulevons ne sont pas résolus d'une façon adéquate, nous
allons certainement nous réserver le droit de voter contre ce projet de
loi en troisième lecture. Nous approuvons le principe de trouver une
solution maintenant aux problèmes créés par le
gouvernement, je pense qu'on ne peut contester ce principe, une solution
s'impose, mais pour résoudre un problème il ne faut pas en
créer trois autres. C'est ce que le projet de loi ne contient pas. Le
projet de loi est silencieux sur la question des actifs, sur la question des
dettes, sur la question des employés. C'est bien beau de dire que, d'une
façon, on n'oblige pas les municipalités à transiger avec
la CTRSM, mais, d'une autre façon, la CTRSM, elle, va être
obligée de maintenir ses dettes, ses employés, ses chauffeurs
selon la convention collective. Il faudrait prévoir un moyen pour ne pas
pénaliser ces municipalités.
Il y a un autre aspect du projet de loi, c'est que les subventions aux
CIT ne couvrent pas les équipements. Alors, si je comprends bien,
après les discussions du ministre avec les représentants des
différentes municipalités, celles-ci ne recommandent pas qu'il
procède par l'entremise des transporteurs privés. Une autre
question qu'on peut se poser, un autre problème s'est
présenté, il y avait des transporteurs privés:
Métropolitain Sud, Voyageur. Quelle garantie avons-nous que le
même problème ne se présentera pas encore si ces
municipalités se regroupent et ont un autre transporteur privé?
Le problème peut se répéter. Quelle mesure y a-t-il dans
le projet de loi pour s'assurer qu'il n'y aura pas une répétition
du problème qu'on nous amène aujourd'hui à corriger par le
projet de loi?
Mais, si le ministre veut favoriser les CIT plutôt que d'accorder
le transport à des
transporteurs privés, je crois que le projet de loi pourrait
avoir comme effet l'opposé de ce qu'il recommande, car il n'y a pas de
subvention qui couvre les équipements. Alors, les CIT n'ayant pas le
moyen d'obtenir de telles subventions, les municipalités seront
plutôt portées à encourager le transport privé parce
que les transporteurs vont s'occuper eux-mêmes de l'achat des
équipements et ce sera une charge moindre pour les municipalités.
Le ministre pourrait-il préciser cet aspect du projet de loi?
Le problème des factures n'est pas encore réglé. Il
est réglé en partie pour le coût des expropriations, mais
il n'est pas réglé pour le coût d'exploitation et cela
impose des frais considérables à des municipalités qui,
parfois, n'ont pas la capacité - il va falloir qu'elles la trouvent,
évidemment - mais cela leur impose un coût
démesuré.
Nous croyons qu'il est essentiel de trouver une solution aux
problèmes qui existent dans le transport en commun en dehors des
régions métropolitaines. Nous sommes d'accord sur le principe qui
est contenu dans le projet de loi, soit celui des conseils intermunicipaux de
transport. Cependant, les modalités de l'application de ce principe sont
laissées en suspens. Il va falloir qu'il y ait des garanties pour les
différentes municipalités concernées, afin qu'elles ne
soient pas obligées, à notre demande, de subir les
conséquences d'une décision que le gouvernement avait
déjà prise sans leur consentement. Si tel est le cas, il va
falloir que le gouvernement fasse quelque chose.
Il y a l'autre aspect du projet de loi où le ministre semble
vouloir dire que les décisions doivent être prises au niveau
local, mais il y a certains aspects du projet de loi qui donnent le droit au
gouvernement d'imposer des décisions. Je parle spécifiquement de
l'article 7, où une municipalité qui refuse de faire partie d'une
entente peut être obligée par le gouvernement de le faire. Je sais
que le ministre a posé certaines conditions. Il est possible qu'il y ait
certains endroits où une municipalité pourrait prendre avantage
du service qui va dans le corridor dans lequel elle se situe et ne pas faire
partie de l'entente et cela pourrait pénaliser les municipalités
environnantes. C'est possible qu'il y ait de tels abus. Mais la façon
dont le ministre a libellé son projet de loi laisse la porte ouverte
à toutes sortes d'autres abus possibles et il va falloir, s'il veut
restreindre l'application de cet article aux situations qu'il a lui-même
décrites, que cet article reflète les intentions du ministre. Il
va falloir aussi s'assurer qu'il ne pourra pas y avoir d'abus, parce que, trop
souvent, c'est déjà arrivé.
Par exemple, dans le cas du West
Island, on a imposé des charges pour le transport en commun avant
même qu'on en ait, même avant que le service y soit rendu. Le
contribuable a très peu de recours dans un tel cas et il ne faudrait pas
que le projet de loi, tel que rédigé présentement,
tolère un abus en vertu duquel une municipalité qui, pour une
raison ou une autre, ne veut pas faire partie d'une telle entente, y soit
obligée, parce qu'il pourrait y avoir des raisons, des pressions
politiques, toutes sortes de raisons qui forceraient cette municipalité
à participer à quelque chose qu'elle ne voudrait pas. Il va
falloir restreindre l'application de la discrétion du gouvernement dans
ces articles ainsi que dans les articles quant à la reconduction des
ententes si certaines municipalités voient que leurs contributions ou
les déficits qu'elles doivent payer ne valent pas vraiment les services
qu'elles reçoivent. Elles doivent être en mesure d'avoir toute la
latitude possible pour pouvoir se retirer de ces ententes.
M. le Président, il faut que le projet de loi respecte les droits
des municipalités et il faut qu'il respecte aussi le droit de celles qui
se sont vu imposer dans le passé des charges auxquelles elles n'ont pas
consenti et sur lesquelles elles n'avaient aucun contrôle. Aujourd'hui,
elles voient qu'elles sont obligées de payer ces sommes additionnelles.
Il va falloir que, dans le projet de loi, on inclue des modalités pour
résoudre le problème où les actifs, les dettes actuelles
ne seront pas imposés à l'avenir à un petit groupement de
municipalités. Ce n'est pas leur faute si elles se sont fait imposer
cela et ce n'est pas leur faute si, le 1er janvier, les ententes seront
terminées, car elles seront alors dans l'impossibilité de
récupérer les montants qu'elles ont été
obligées de dépenser. Si le ministre est prêt à
répondre à ces questions et à donner les garanties
nécessaires, nous allons certainement appuyer les efforts du projet de
loi. Cela devrait aussi servir de leçon au ministre, qui pourrait
l'appliquer dans le transport en commun dans la région de
Montréal. On voit ici les conséquences des décisions qui
ont été prises sans le consentement, sans la consultation et sans
l'appui de ceux qui étaient directement affectés. (16 h 40)
II ne faudrait pas que des décisions semblables se prennent
à l'avenir dans le secteur du transport en commun. Et il y aura des
décisions assez importantes à prendre, qui vont impliquer le
déboursé de sommes énormes. On ne parle pas ici de
seulement 10 000 000 $ ou 20 000 000 $, on parle de centaines de millions de
dollars seulement dans la capitalisation. On parle de centaines de millions de
dollars de déficit dans les coûts de fonctionnement.
Il va donc falloir que le gouvernement établisse des politiques
de transport en
commun qui sont réalistes. C'est bien beau, dans le livre blanc,
de vouloir promouvoir le transport en commun et, comme on dit ici, de faire du
transport en commun "une alternative réelle à l'automobile". Il
ne faudrait pas rêver en couleur non plus. Il faudrait être
réaliste et prendre des décisions non pas sur la base de ce que
devrait être le transport en commun, mais en consultation avec les
intéressés et avec le consentement des milieux affectés.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Affaires municipales.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Nous avons entendu, tout à l'heure, mon
collègue, le ministre des Transports, nous faire la description du
projet de loi que le gouvernement présente actuellement en
deuxième lecture devant l'Assemblée nationale. Il me fait
plaisir, à titre de ministre responsable de la surveillance et de
l'administration des lois qui concernent le système municipal, de
m'associer à mon collègue dans la mise en place de ce projet qui
est une solution pratique, raisonnable et juste.
Je voudrais d'abord souligner que je souscris aux objectifs du projet de
loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de
Montréal puisque ce projet de loi permet de régler, de
façon efficace et réaliste, la situation, disons-le,
délicate vécue depuis quelques années dans la
région de Montréal.
En principe, le mode d'organisation du transport en commun que nous
proposons s'adresse aux municipalités de ce que nous appelons la grande
banlieue verte de la région métropolitaine. Je crois que les
solutions mises de l'avant permettront aux municipalités qui avaient un
problème ou qui vivaient une situation particulière de se doter
de services de transport en commun à la mesure de leurs besoins.
Je voudrais brièvement rappeler les quelques principes qui nous
ont guidés. Premièrement, nous avons voulu nous servir du
modèle des ententes intermunicipales dont se servent de plus en plus les
municipalités depuis les quatre années que dure la loi 74, Loi
sur les ententes intermunicipales. De façon générale, les
dispositions de la Loi sur les cités et villes concernant les
régies intermunicipales s'appliqueront au conseil intermunicipal. La
formule des ententes intermunicipales donne la responsabilité à
chaque municipalité de mettre en commun avec ses voisines toute
compétence qui est de son ressort. Cette formule est basée sur le
volontariat puisque les municipalités adhèrent librement à
une entente et qu'elles établissent elles-mêmes leurs
règles de fonctionnement, sous réserve, évidemment, du
cadre général établi par les lois municipales. Cette
formule, enfin, laisse l'initiative aux municipalités et limite
l'intervention gouvernementale au minimum.
Deuxièmement, quant à la question de l'intervention
gouvernementale soulevée dans le projet de loi, la portée en est
très réduite. La seule exception au principe de volontariat et
d'initiative confié aux municipalités réside dans le
pouvoir gouvernemental de forcer une municipalité à
adhérer à un conseil intermunicipal de transport lorsque les
autres municipalités en font la demande et, deuxièmement, que
l'absence de la municipalité récalcitrante aurait pour effet de
compromettre l'organisation du service ou de le rendre moins
économique.
Il s'agit, avant tout, de protéger la chaîne sans briser
les maillons, en rappelant qu'il doit y avoir une volonté majoritaire de
la part des municipalités. Nous espérons que ce pouvoir ne sera
que rarement utilisé et que s'il devait l'être le gouvernement ne
devra l'exercer que dans la seule éventualité où il
apparaîtrait clairement que toute solution négociée
s'avère impossible.
Je rappelle encore une fois que dans un tel cas l'entente doit
être accompagnée d'une résolution de chaque
municipalité partie à cette entente et précisant les
raisons de cette demande. À mon sens l'autonomie des
municipalités locales est sauve. Par exemple, si les
municipalités parties a une entente s'entendent pour ne pas la
renouveler, le gouvernement n'a pas d'autre choix que de constater sa
non-reconduction.
Le projet de loi énonce aussi que les pouvoirs d'un conseil
intermunicipal en matière de transport sont similaires à ceux
d'une municipalité en vertu de la Loi sur les cités et villes et
du Code municipal, comme c'est le cas de toute régie intermunicipale
pour les fins de cette régie.
Quatrièmement, nous avons voulu aborder ce projet de loi de
façon très positive et nous croyons que le monde municipal aura
la même réaction que nous. Nous avons préféré
un projet de loi distinct pour faciliter la vie des municipalités
concernées et éviter une série de modifications au Code
municipal et à la Loi sur les cités et villes.
En conclusion, M. le Président, je considère que la
consultation qui a été menée auprès des maires dont
le territoire est concerné est déjà une garantie. Je pense
aussi que la mécanique suggérée, garantie
financièrement par l'autorité de la Commission municipale, va se
mettre en marche sans heurts ni malheurs dans les prochains mois. L'objectif,
en tout cas, est de servir des contribuables et de leur donner droit de regard
sur l'argent qu'ils y investissent.
Comme les Québécois s'intéressent de plus en plus
aux séances de leur conseil municipal et au montant des taxes qu'ils
paient, je m'en remets aux citoyens du Québec et j'ai confiance que leur
sens pratique de l'administration produira le succès escompté de
cette formule qui est proposée par mon collègue, le ministre des
Transports. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le projet de loi qui
est devant nous présentement, intitulé Loi sur les conseils
intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et
modifiant certaines dispositions législatives, comme on l'a
mentionné un peu plus tôt, vise - je vais citer quelques parties
des notes explicatives - à réorganiser les services de transport
en commun dans la région de Montréal à l'extérieur
des territoires des commissions de transport. Il prévoit que les
municipalités mentionnées dans l'annexe 1 - il y en a environ 150
si j'ai bien compté - pourront faire des ententes dans le but de
constituer des conseils intermunicipaux de transport, qu'on appelle
communément maintenant les CIT.
Un conseil intermunicipal de transport ou un CIT aura pour objet
d'organiser un service de transport en commun dans son territoire et d'assurer
une liaison avec des points situés à l'extérieur de son
territoire. Ce service de transport ne pourra être effectué que
par un transporteur lié par contrat avec le conseil ou avec le CIT.
Il y a bien sûr dans le projet de loi d'autres aspects. Je
pourrais mentionner le fait qu'une municipalité qui refuserait, par
exemple, de faire partie d'un conseil intermunicipal de transport alors que les
autres autour d'elle veulent en faire partie pourra être forcée
par le gouvernement d'adhérer à ce conseil intermunicipal de
transport. Je sais que ce point soulève beaucoup de réserves chez
un grand nombre de maires et chez ceux qui se préoccupent des principes
de la démocratie et du respect de l'autonomie des municipalités.
Je crois que tout à l'heure mon collègue, le député
de Laprairie, a l'intention d'en traiter davantage.
On parle aussi dans le projet de loi de modifications concernant les
personnes handicapées et également de modifications aux pouvoirs
des commissions de transport, entre autres celui qui permettra à une
commission de transport de faire l'achat de matériel sans passer par le
processus normal des soumissions publiques. Je crois qu'il y a des dangers
à permettre à des commissions de transport ou à quelque
organisme public de procéder de cette façon-là. Je suis
convaincu que nous reviendrons un peu plus tard sur ce sujet. (16 h 50)
En ce qui concerne l'objet même du projet de loi, la formation des
CIT, mon collègue, le député de Mont-Royal, le
porte-parole de l'Opposition en matière de transport, a bien
indiqué tout à l'heure que l'Opposition souscrivait au principe
de former des conseils intermunicipaux de transport en dehors du territoire des
grandes commissions de transport de la région de Montréal. On
sait que, dans la région de Montréal, il y a trois grandes
commissions de transport: la Commission de transport de la Communauté
urbaine de Montréal, la CTCUM, dont le territoire de base est
l'île de Montréal, la CTRSM, la Commission de transport de la rive
sud de Montréal, qui dessert les municipalités de ce qu'on
appelle la rive sud immédiate, soit Longueuil, Saint-Hubert,
Saint-Lambert, Boucherville, Brossard,
Lemoyne et Greenfield-Park, et également la Commission de
transport de Laval, dont le territoire de base est la ville de Laval.
Pour des raisons historiques qui ont été
énoncées précédemment, chacune de ces commissions
de transport, dans le passé, en est venue à fournir le service en
dehors de son territoire de base, le service interurbain. Par exemple, dans le
cas de la rive sud de Montréal, on en est venu à fournir le
service dans ce qu'appelle la grande rive sud de Montréal qui va aussi
loin que les frontières américaines, jusqu'à Sorel et
même jusqu'à Philipsburg, à la frontière du
Vermont.
Voici ce qui s'est passé. Ces commissions existent et, à
l'extérieur de leur territoire de base, le service était fourni
et, maintenant, il est fourni en partie par les grandes commissions de
transport, les trois dont j'ai parlé précédemment.
Malheureusement, ces commissions n'ont pas été
formées dans le but de faire du transport interurbain, mais du transport
urbain. Ce n'est pas la même chose de fournir du transport interurbain et
du transport urbain. On a appris, au cours des dernières années,
ce que cela pouvait coûter de faire du transport interurbain quand on
n'est pas équipé pour le faire, quand on n'a pas la vocation de
le faire ou l'expérience pour le faire. Les municipalités de ces
territoires, hors territoire, ont appris, d'une façon très
amère - mon collègue de Mont-Royal en a fait état tout
à l'heure -combien cela pouvait coûter en déficits le
service fourni à l'extérieur du territoire des commissions de
transport.
Les conseils intermunicipaux de transport seront donc appelés
à former ou à s'organiser à l'extérieur du
territoire des grandes commissions afin de donner du service à leurs
concitoyens. Nous souscrivons,
comme je l'ai dit, à ce principe qui permettra aux
municipalités locales de déterminer le type de transport, le
niveau des services, les horaires, les tarifs, la fréquence et
également les conditions financières. Ces municipalités
pourront, si elles le désirent, donner un contrat de services à
l'entreprise privée. Elles pourront négocier avec l'une des trois
grandes commissions de transport dont j'ai parlé tout à l'heure.
Elles pourront même donner des contrats de transport à des
transporteurs scolaires. Elles s'arrangeront avec leurs fournisseurs de
services. Elles pourront signer des contrats qui pourront être à
court terme, à moyen terme ou à long terme. Nous sommes
entièrement pour ce système qui vise, je pense, à donner
un bon service de transport aux municipalités à
l'extérieur du territoire des commmissions de transport public et
à des coûts qui, espérons-le, seront les plus bas possible.
De toute façon, les élus municipaux auront le contrôle sur
ces services, sauront exactement ce que cela coûte et pourront prendre
des décisions en conséquence.
M. le Président, je voudrais revenir maintenant, après
avoir parlé du principe de base du projet de loi, à un des
problèmes qui nous apparaît important et que soulève le
projet de loi. Mon collègue, le député de Mont-Royal, en a
parlé tout à l'heure, mais je voudrais quand même revenir
sur ce dossier, celui qui fait en sorte que les filiales de la Commission de
transport de la rive sud de Montréal et de la CTCUM, à toutes
fins utiles, sont dissoutes par ce projet de loi.
Je voudrais faire une brève rétrospective de ce qui s'est
pasé dans le cas de la rive sud de Montréal puisque j'ai eu
l'occasion, dans le passé, d'être président du conseil de
la CTRSM, la Commission de transport de la rive sud de Montréal. La
Commission de transport de la rive sud de Montréal a été
formée au début des années soixante-dix et, initialement,
elle ne desservait que six des sept municipalités qui forment la rive
sud immédiate. En effet, la ville de Boucherville ne faisait pas partie
du territoire initial. En 1978, Boucherville ne faisant pas partie de la CTRSM
et le désirant, on a discuté de la possibilité de l'y
inclure. Il y avait deux façons de le faire. L'une était
d'adopter un projet de loi qui aurait inclus Boucherville dans la CTRSM et
l'aurait détachée du territoire hors CTRSM. L'autre façon
était d'obliger la CTRSM à acheter la compagnie
Métropolitain Sud, qui était une compagnie privée qui
faisait le service interurbain sur la rive sud de Montréal, à
l'extérieur du territoire de la CTRSM, mais qui desservait, par
exception, Boucherville.
Or, M. le Président, la solution logique aurait été
de dire: Nous avons un territoire urbain qui comprend les six
municipalités de base, de Brossard à Longueuil. Nous allons
joindre Boucherville à ce territoire, qui est aussi un territoire
urbain. Nous allons régler le problème, quitte à
dédommager Métropolitain Sud pour la perte de ces territoires.
Cela aurait coûté quelques centaines de milliers de dollars,
peut-être 1 000 000 $, et on n'en aurait plus entendu parler.
M. le Président, ce n'est pas ce qui s'est passé, et c'est
malheureux, je dois le dire, parce que cela a coûté à la
rive sud de Montréal et aux municipalités de la CTRSM des
millions et des millions de dollars, pour l'erreur qui a été
commise à ce moment-là. On a forcé littéralement la
CTRSM à faire l'acquisition de Métropolitain Sud.
Peut-on s'imaginer que, pour donner le service dans un territoire aussi
petit que la ville de Boucherville, on ait obligé la CTRSM à
faire l'acquisition d'une compagnie, Métropolitain Sud, qui desservait
toute la rive sud de Montréal, de Sorel aux lignes américaines,
en passant par Saint-Jean, Farnham, Bedford, Saint-Hyacinthe, etc.? La CTRSM
s'est trouvée, du jour au lendemain, dans l'obligation d'administrer une
filiale, Métropolitain Sud, qui ne la concernait vraiment pas. C'est
comme si quelqu'un avait voulu acheter un miroir pour son automobile et qu'on
lui aurait dit: Si tu veux avoir le miroir, tu dois acheter l'autobus. C'est un
peu ce qu'on a fait. Pour pouvoir desservir Boucherville, on a obligé la
commission de transport à acheter la compagnie qui donnait des services
à 50 municipalités, dans un territoire immense. C'était du
service interurbain, service que ne connaissait pas la CTRSM et pour lequel
elle n'était pas équipée.
Des pressions énormes ont été faites sur la CTRSM,
et il faut avoir parlé aux maires des municipalités de la CTRSM
pour savoir ce qui s'est passé. À ce moment-là, je
n'étais pas encore maire de la ville de Saint-Lambert, mais les
témoignages recueillis à mon arrivée étaient
éloquents. Je voudrais simplement citer un extrait du rapport SECOR qui
a été publié au cours de l'année 1980 et qui relate
justement ces faits. On dit: "C'est à son corps défendant que le
Conseil des maires de la rive sud en est venu à se préoccuper
activement du dossier de Métropolitain Sud. Faut-il rappeler qu'il
autorisa l'acquisition de Métropolitain Sud, afin de permettre à
la CTRSM d'assurer les services dans Boucherville et non pas dans le but
d'étendre le rayonnement de la CTRSM hors de son territoire."
Cela a été fait, M. le Président, après une
série de tractations entre les fonctionnaires du ministère des
Transports et ceux de la CTRSM, qui avaient été nommés par
le gouvernement et qui étaient téléguidés
directement de Québec. Malheureusement, les
maires se sont vus placés, du jour au lendemain, devant un fait
accompli, devant une acquisition pratiquement forcée de
Métropolitain Sud et les citoyens des sept municipalités de
Boucherville à Brossard se sont vus devant la très
désagréable obligation d'administrer une commission de transport,
Métropolitain Sud, dont elles ne voulaient pas.
J'ai siégé à ce moment-là au Conseil des
maires de la CTRSM. C'était absolument loufoque de voir comment nous
étions obligés de voter des règlements d'emprunt, de
décider de l'achat de matériel, de lignes de transport pour des
municipalités qui ne nous concernaient pas, qui étaient en dehors
de notre territoire, de faire des dépenses, d'être obligés
- parce que, dans le transport public, il y a toujours des déficits - de
créer des déficits et, éventuellement de leur envoyer une
facture.
Comment cela s'est-il passé? Cela s'est passé par
l'adoption d'une loi, adoptée en sourdine par le gouvernement du
Québec, en 1978, parce qu'aucun des maires, à ce
moment-là, de ces 50 municipalités n'avait été
avisé de l'adoption de cette loi. On a amendé la loi de la CTRSM
- elle fut sanctionnée le 23 juin 1978 - en disant que la Commission de
transport de la rive sud, dorénavant, aurait pour mission de
gérer Métropolitain Sud et qu'elle pourrait également
établir des tarifs. On pouvait également établir des
tarifs pour la filiale, Métropolitain Sud. On devait tenir une
comptabilité séparée, parce_ que c'était une
filiale, bien sûr. Éventuellement, la CTRSM devait faire parvenir,
aux 50 municipalités, un avis adressé aux greffiers et aux
secrétaires-trésoriers établissant la quote-part du
déficit d'exploitation. (17 heures)
Voilà une bien belle façon de procéder. Vous avez
50 municipalités dans un territoire qui, un bon jour, reçoivent
des factures et qui n'avaient aucune espèce d'idée qu'elles
étaient responsables pour le service qu'on leur donnait un peu
malgré elles et qui n'avaient pas prévu dans leur budget ces
déficits, ces montants qu'elles doivent payer.
Cela s'est passé sur la rive sud. Cela s'est passé
à l'égard de la CTCUM à Montréal et mon
collègue de Mont-Royal, tout à l'heure, a décrit le
tollé qui s'est élevé dans toutes ces municipalités
quand elles ont reçu les factures. Elles avaient raison. Elles n'avaient
pas été consultées et cela s'était fait dans leur
dos. Cette loi était injuste, inique et méprisante envers les
municipalités. Elle faisait absolument fi de leur autonomie.
On peut dire en conclusion que la CTRSM et la CTCUM ont
été, pour ainsi dire, forcées d'acquérir ces
compagnies privées. D'autre part, les municipalités
concernées, qui étaient les municipalités suburbaines
desservies par les compagnies privées avant que ces compagnies soient
acquises par la CTRSM et par la CTCUM, n'ont pas été
consultées dans ces décisions. Aucune des parties n'y trouvait
son compte. Les commissions de transport se retrouvaient avec un nouveau
service sur les bras et un service interurbain, par surcroît, pour lequel
les problèmes et les besoins sont bien différents des services
urbains et les municipalités qui recevaient le service se voyaient
imposer un service qu'elles n'avaient pas participé à
définir et sur lequel elles ne pouvaient pas se prononcer, mais dont
elles devraient toutefois payer la note en acquittant leur quote-part des
déficits d'exploitation et des coûts d'acquisition.
En 1980, la CTRSM, consciente de ce problème, décide de le
régler. Des consultants furent engagés par les maires des
municipalités de la rive sud immédiate pour tenter de trouver une
solution pratique et une solution, effectivement, fut trouvée. Il y a
sur la rive sud de Montréal cinq grands corridors interurbains dont le
point central est le métro de Longueuil et ces corridors
s'éloignent du métro de Longueuil vers les frontières
américaines dans cinq directions différentes. Or, les maires de
la rive sud avaient convenu, après des études sérieuses,
d'offrir en vente la partie de ces corridors qui était à
l'extérieur du territoire de la CTRSM. On voulait procéder par
offre, par demande de soumissions publiques. Il y avait un très grand
nombre de transporteurs privés qui étaient
intéressés à faire des soumissions pour acheter les
permis, l'équipement. On leur aurait transféré
probablement le personnel et à ce moment, la CTRSM aurait
réglé le problème, n'aurait pas eu à garder le
matériel. Les municipalités concernées auraient eu le
service du secteur privé et nous n'aurions pas les problèmes qui
ont surgi depuis ce temps.
Malheureusement, le ministre des Transports, lorsqu'on lui a
demandé de sanctionner le projet, a refusé de le faire de sorte
que le problème dure. La situation actuelle, le ministre l'a
décrite tout à l'heure. Je ne sais pas s'il a tenté
d'apaiser l'Opposition quand il a fait un énoncé de la situation.
Il nous a expliqué que dans bien des cas dans les corridors
donnés, par exemple, Varennes-Sorel, un conseil intermunicipal
était en voie de formation et on entend donner le service à un
transporteur privé. Dans le cas de Saint-Bruno, un CIT serait en
formation, mais on veut négocier avec soit le secteur privé ou la
CTRSM. Quant à Chambly-Marieville-Carignan, une municipalité ne
veut pas se joindre. Probablement qu'on fera un CIT. Enfin, si on regarde toute
la liste - et je ne veux pas revenir là-dessus parce que le temps passe
- on voit qu'il n'y a absolument
rien de réglé actuellement sur la rive sud de
Montréal et à peu près aucunement dans la grande
région de Montréal.
Les municipalités sont intéressées par la formation
de CIT. Elles sont en train d'étudier le dossier. On a amorcé des
négociations dans certains cas avec les commissions de transport public,
en d'autres cas avec des transporteurs privés. Rien n'est
réglé. Or, la loi sera en vigueur le 1er janvier. Qu'est-ce qui
va se passer le 1er janvier prochain? Prenez, par exemple, le cas de la
Commission de transport de la rive sud de Montréal. Lors de la mise en
vigueur de la présente loi, la filiale Métropolitain Sud sera
dissoute. On dit dans le projet de loi que ses actifs deviennent la
propriété de la CTRSM; cette dernière a également
ses obligations. Le service de la dette, lui, demeurera payable par les 50
municipalités de l'agglomération de la rive sud de
Montréal.
Alors, de quoi la CTRSM va-t-elle hériter? Voyons ce qu'il en
est. Elle va hériter de 43 autobus dont elle n'a plus besoin puisqu'elle
n'a plus de service à fournir. Là-dessus, il y a douze autobus
qui ont dix ans et plus de service; une valeur d'environ 2 000 000 $. Et qu'on
ne vienne pas me dire que la CTRSM pourra utiliser ces autobus au cas où
la Commission de transport de Montréal se retirerait du Vieux-Longueuil
- comme il semble qu'on soit en train de discuter - parce que ce sont des
autobus de type interurbain, donc impossible de les utiliser dans le
Vieux-Longueuil. La CTRSM va hériter de 145 employés de
Métropolitain Sud dont 91 chauffeurs, 26 employés d'entretien, 10
employés de bureau, 8 agents de maîtrise, 3 cadres
intermédiaires, 145 personnes, soit une masse salariale de près
de 5 000 000 $ en 1984. Que va-t-on faire de tout ce monde? Il n'y a absolument
aucune des municipalités, en dehors de la CTRSM, qui a signé de
contrat avec la CTRSM. Et, quand on regarde les prix que doit exiger la CTRSM
pour ses autobus - on parle actuellement d'un tarif de 70 $ l'heure - il y a
fort à parier que les municipalités à l'extérieur
vont plutôt aller vers le secteur privé dont les tarifs sont moins
élevés.
Ce qui va arriver, c'est que la CTRSM va être collée avec
un budget de 5 000 000 $ par année de salaires et aucune facilité
pour négocier parce que, mettez-vous à la place des
municipalités hors territoire. Elles savent actuellement que la CTRSM a
145 employés de trop et 43 autobus. Cela va faire une très belle
jambe à la CTRSM pour négocier avec ces municipalités.
Elle va se présenter à une table de négociation alors que
les municipalités savent qu'elle a 43 autobus et 145 personnes de trop.
Comment peut-on négocier sur une base d'égal à égal
quand un des partenaires est en situation d'infériorité? Ou bien
la CTRSM va devoir négocier à rabais, et alors ce sont les sept
municipalités immédiates de la rive sud qui vont écoper
des pertes, ou bien les municipalités hors territoire vont aller
à l'entreprise privée, comme il est fort probable. Selon les
informations que nous avons, ce serait ce qui va se produire dans bien des
cas.
M. le Président, j'ai parlé à plusieurs maires des
municipalités de la rive sud au cours des dernières heures et
c'est la stupéfaction actuellement sur la rive sud de Montréal.
La plupart des maires n'étaient absolument pas au courant que ce projet
de loi était déposé aujourd'hui. Le maire de Longueuil m'a
affirmé, cet après-midi, qu'il y a deux semaines, le 21 novembre,
il a demandé au premier ministre et à l'ex-député
de Marie-Victorin de surseoir au projet de loi pour un an. Il n'en est rien, le
projet de loi est sur la table. On ne voit pas comment on peut régler le
problème dans les jours qui viennent. Alors, c'est la catastrophe.
Le gouvernement n'a pas consulté les municipalités de la
rive sud, elles sont prises par surprise actuellement. Elles n'acceptent pas
d'être mises dans une situation où elles devront, à toutes
fins utiles, payer les pots cassés à la suite de la
négligence du gouvernement.
Je sais que mon temps est terminé, M. le Président, et je
vais conclure en disant qu'en ce qui concerne le projet de loi, nous sommes
d'accord sur la formation avec les conseils intermunicipaux de transport.
Cependant, nous ne pouvons pas accepter que, à l'égard des
municipalités de la rive sud de Montréal en particulier, on leur
fasse un coup semblable. On a créé des injustices, en 1978,
à l'égard des 50 municipalités hors territoire, en leur
imposant des conditions qui n'avaient pas été
négociées avec elles et, aujourd'hui, on est en train de
créer de plus graves injustices envers les municipalités de
Boucherville, Longueuil, Saint-Hubert, Bros-sard, Saint-Lambert, Greenfield
Park et Lemoyne. Ces municipalités sont en grave danger d'avoir à
absorber des sommes d'argent importantes au cours des mois et des années
à venir à cause d'un gouvernement qui ne consulte pas, qui agit
de façon unilatérale.
Lorsque viendra le temps de voter en commission parlementaire,
l'Opposition s'attend que le gouvernement se penche sur ce problème,
qu'il consulte les municipalités et qu'il apporte des modifications
à sa loi ou des assurances que ce problème va être
réglé, sans quoi, M. le Président, nous ne pourrons pas
voter en faveur d'un projet de loi qui crée des injustices aussi graves
à l'endroit d'une population de 350 000 personnes sur la rive sud de
Montréal. Je vous remercie.
(17 h 10)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Vimont et adjoint parlementaire au ministre des Transports.
M. Jean-Guy Rodrigue
M. Rodrigue: M. le Président, il se dit beaucoup de choses
dans cette Chambre, mais il me semble que la vérité a des droits.
Le député de Laporte vient d'affirmer que ce projet de loi a
été déposé en sourdine et à l'insu de tous.
Je ne sais pas, peut-être que le député n'est pas au
courant de son dossier, mais le lendemain du dépôt de cette loi
à l'Assemblée, le ministre des Transports a rencontré
à Montréal 60 maires, dont plusieurs de la région de la
rive sud, qui sont directement concernés par le projet de loi. De venir
affirmer aujourd'hui, dans cette Chambre, que ce projet de loi a
été déposé à l'insu des personnes
concernées, c'est faire une affirmation totalement gratuite. Soit que le
député ne connaît pas son dossier ou qu'il est
carrément démagogue dans ses propos.
Une voix: Les deux!
M. Rodrigue: Je reviens au discours qu'a tenu tout à
l'heure le député de Mont-Royal. Il a beaucoup insisté,
à plusieurs reprises, sur le fait que le projet de loi qui est devant
nous constituait un recul par rapport au livre blanc déposé par
le ministre en juin 1982. Il faut comprendre que la constitution ou la
formation des conseils intermunicipaux de transport est un des
éléments qui étaient inclus dans le livre blanc concernant
l'organisation du transport dans les régions périphériques
de l'agglomération métropolitaine de Montréal, mais il ne
s'agit pas là du seul élément contenu au livre blanc. Le
livre blanc traitait du financement. Il y a eu des modifications
apportées par des lois le printemps dernier de sorte que, si on
prétend que le projet de loi constitue un recul par rapport au livre
blanc, ce n'est pas conforme à la réalité.
Indépendamment de cela, il me semble qu'il n'y a pas de
gêne et qu'il n'y a pas de honte pour un gouvernement, lorsqu'il
dépose un livre blanc - qui est, en fait, un énoncé de
politique gouvernementale, un énoncé des intentions du
gouvernement - à écouter les représentations de la
population et à en tenir compte lorsqu'il dépose des projets de
loi. Si c'est ce que nous reproche le député de Mont-Royal, je
lui dis que nous allons continuer à agir de cette façon, parce
que autrement - et je ne sais pas si c'est ce qu'il souhaite - ce serait agir
d'une façon tout à fait dictatoriale. Le gouvernement
déposerait ses intentions - un livre blanc -et, après, il
imposerait à tous les gens concernés, à la population, les
énoncés de son livre blanc sans tenir compte de leur
désir, sans tenir compte des remarques tout à fait pertinentes et
justifiées qu'ils peuvent nous faire sur les projets de loi à
l'étude. Ce n'est pas pour rien que les livres blancs existent. Leur
objectif est de faire connaître à la population les intentions du
gouvernement pour permettre à celle-ci de se prononcer, de réagir
et de faire valoir ses points de vue de façon à améliorer
les projets de loi, s'il y a lieu. Dans ce sens, je ne sais pas si le
député de Mont-Royal veut revenir au système des
dictateurs qui existait il y a peut-être une centaine d'années,
mais il me semble que la façon de procéder du présent
gouvernement est de beaucoup supérieure et je ne vois pas pourquoi on
lui ferait un reproche là-dessus.
Le gouvernement actuel n'a jamais caché sa volonté de
favoriser le transport en commun et il est un peu normal que, dans un tel
contexte, les coûts aient augmenté. Les coûts ont
augmenté parce que le service a augmenté. Si on se reporte
à 1976, sous le gouvernement de M. Robert Bourassa dont faisait partie
le député de Mont-Royal, on avait dépensé en tout
et par tout, cette année-là, pour le transport en commun, 55 000
000 $. Par contre, pour les routes et les autoroutes, on avait
dépensé 500 000 000 $. Des autoroutes, on en faisait, même
qu'on en passait là où on n'en avait pas besoin. Par exemple,
l'autoroute Ville-Marie dans l'Est de Montréal a constitué un
problème dès le lancement des travaux. Cela constitue encore un
problème aujourd'hui, parce qu'il s'agit maintenant d'essayer de
terminer ces travaux, mais sans défaire davantage le coeur de
Montréal qui a été ravagé considérablement
par le gouvernement qui nous a précédés. Il y a eu 1400
logements détruits par le gouvernement libéral de M. Bourassa
pour dégager l'emprise de ce qui devait être la future autoroute
Ville-Marie. Aujourd'hui, on est pris avec cela et il faut essayer de trouver
une solution au problème.
En 1976, 55 000 000 $ pour le transport en commun. En 1984, nous
prévoyons dépenser 350 000 000 $. Mais pourquoi? C'est parce que,
depuis ce temps, le ministre des Transports du Québec a organisé
du transport en commun à Trois-Rivières, à Sherbrooke,
à Chicoutimi-Jonquière et sur la rive sud de Québec. En
plus, nous avons réorganisé complètement, en
réaménageant la Loi sur la Commission de transport de la
Communauté urbaine de Québec, le transport en commun dans la
région de Québec. Le résultat de tout cela? Il y a eu une
augmentation de services aux citoyens et une augmentation de l'achalandage
global sur les réseaux de transport en commun au Québec. Le
nombre d'usagers n'a pas cessé d'augmenter et je pense que c'est
l'objectif poursuivi par le gouvernement; je ne vois pas pourquoi on
nous en fait reproche.
Un autre élément a été souligné par
le député de Mont-Royal et a trait à la part du
financement qu'ont à absorber les usagers du transport en commun. Le
député de Mont-Royal a semblé déplorer que la part
des usagers n'ait pas cessé de diminuer depuis quelques années.
J'aimerais, s'il a l'occasion de le faire en commission parlementaire ou si
d'autres intervenants libéraux ont l'occasion de le faire, qu'ils nous
indiquent si, dans leur esprit, la part des usagers dans les coûts de
transport en commun devrait être plus élevée. À ce
moment-là, cela voudrait dire que le Parti libéral propose des
hausses de tarifs du transport en commun dans toutes les commissions de
transport au Québec. Il faudrait être clair là-dessus. On
ne peut pas, d'un côté, déplorer que la part des usagers
n'ait pas cessé de diminuer et, d'autre part, s'en tenir aux tarifs
actuels.
L'équation est simple. Si les députés du Parti
libéral trouvent que la part des usagers n'est pas assez
élevée, il va falloir qu'ils soient conséquents avec
eux-mêmes et qu'ils proposent de hausser les tarifs. J'aimerais les
entendre là-dessus parce que notre politique - on l'a vu
récemment dans l'attitude du ministre des Transports concernant la
diminution de la taxe sur l'essence - notre attitude a été de
permettre aux usagers de profiter de cette économie plutôt que de
la laisser aux commissions de transport.
En juin 1982, le ministre des Transports a publié le livre blanc
sur l'organisation et le financement du transport en commun dans la
région de Montréal auquel je me référais plus
tôt. Cet énoncé de politique gouvernementale visait,
premièrement, à énoncer toute la problématique du
transport en commun dans la région de Montréal et à
permettre un vaste débat public sur cette question. En particulier, cela
visait à permettre aux élus municipaux, aux représentants
des comités d'usagers de se faire entendre et de venir dire au
gouvernement de quelle façon ils accueillaient les propositions qui
étaient soumises et quel était leur point de vue sur les
solutions qui pouvaient être apportées aux problèmes qui
ont été identifiés quant à l'organisation du
transport en commun dans toute cette vaste zone périphérique
autour de Montréal, Laval et la rive sud immédiate de
Montréal.
Le livre blanc proposait de transférer aux élus locaux la
responsabilité d'organiser le transport en commun sur leur territoire;
il proposait également un partage plus équitable et mieux
contrôlé des coûts de ce service public. Comme je l'ai
déjà indiqué, le livre blanc a été l'objet
d'une vaste consultation qui a donné lieu à la
présentation de 58 mémoires en commission parlementaire. Cette
commission a siégé pendant cinq jours, en octobre 1982. À
la suite de cette audition publique, les diverses recommandations, les divers
points de vue qui ont été soumis au gouvernement ont
été analysés et, finalement, cela a donné lieu
à des mesures législatives dont le projet de loi 46,
intitulé Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la
région de Montréal et modifiant diverses dispositions
législatives, qui est devant nous, que nous étudions
présentement.
Ce projet de loi se situe dans la foulée directe de
l'énoncé de politique contenu au livre blanc. Il vise à
réorganiser les services de transport en commun dans la grande
région métropolitaine de Montréal, en dehors de
Montréal, de l'île de Laval et de la rive sud immédiate de
Montréal, et il accorde à plus de 150 municipalités de
cette grande zone périphérique les pouvoirs nécessaires
pour leur permettre d'assurer elles-mêmes l'organisation du transport en
commun sur leur territoire, de même que l'organisation du transport en
commun vers Laval, Montréal ou vers d'autres centres importants selon
les cas. (17 h 20)
Actuellement, M. le Président, il y a trois commissions de
transport qui desservent principalement cette zone: la Commission de transport
de la communauté urbaine de Montréal, la Commission de transport
de Laval et la Commission de transport de la rive sud de Montréal.
À la suite de permis qui ont été achetés, du
développement du transport dans une zone et dans l'autre, on en arrive
aujourd'hui à un réseau où ces trois commissions de
transport donnent des services à des distances de leur
municipalité de base qui sont parfois aussi éloignées que
50, 60 ou 70 milles, comme c'est le cas de Saint-Donat pour la Commission de
transport de Laval. Ces services sont élaborés et
décidés par deux, trois ou cinq commissaires qui siègent
à ces commissions de transport et qui ont été
nommés là à la fois par le gouvernement et par les
administrations municipales et, finalement, cela nous donne une situation
où les municipalités qui sont desservies par ces commissions de
transport n'ont eu rien ou presque rien à dire sur le service qui leur
est accordé. Cela nous donne une situation, dans le cas des
municipalités desservies par la CTCUM et la CTRSM, où les
municipalités doivent payer une quote-part même si elles n'ont eu
rien ou peu de choses à dire dans l'élaboration et l'organisation
du réseau de transport en commun sur leur territoire et dans leur
région.
Il fallait corriger cette situation et le projet de loi qui est devant
nous va permettre d'effectuer une réorganisation importante du transport
en commun dans ces régions, qui s'articulera principalement autour de la
création des conseils intermunicipaux de transport qui seront
constitués par des municipalités qui, volontairement, se
regrou-
peront et auront conclu des ententes à cet effet. Ce regroupement
de municipalités, qui prendra le nom de conseil intermunicipal de
transport, aura les pouvoirs d'organiser un service de transport en commun dans
son territoire et d'assurer également une liaison avec les points
situés à l'extérieur de son territoire, comme je l'ai
expliqué tout à l'heure, les grands centres de la grande
région métropolitaine de Montréal.
Organiser un service de transport en commun dans la région ne
veut pas dire créer de nouvelles commissions de transport à
l'échelle de ces conseils intermunicipaux de transport. Ce que cela veut
dire en réalité c'est que ces conseils intermunicipaux de
transport auront comme fonction principale de définir le niveau de
services qu'ils jugent utile sur leur propre territoire, niveau de services
à l'intérieur même des municipalités
concernées et entre les municipalités elles-mêmes. Une des
plaintes qu'on rencontre actuellement lorsqu'on discute avec les maires de la
rive nord de la rivière des Mille Îles, c'est que le transport est
organisé principalement en direction de Laval et de Montréal mais
le transport à l'intérieur de cette région, de l'est
à l'ouest ou de l'ouest à l'est, laisse à désirer.
C'est une plainte qui a été constamment formulée au cours
des derniers mois envers le service de la Commission de transport de Laval.
Or, le fait de permettre à ces maires de former des conseils
intermunicipaux de transport leur permettra de définir eux-mêmes
le type de services qu'ils veulent avoir sur leur territoire. De cette
façon-là nous croyons que ce service devrait être mieux
adapté, répondre davantage aux besoins des populations de ces
municipalités.
Les conseils intermunicipaux de transport ne pourront pas, bien
sûr, organiser le service eux-mêmes en formant une commission de
transport. Ils devront donc, pour assurer ce service, s'adresser soit à
des commissions de transport existantes, avec lesquelles ils pourront
négocier cependant la nature du service qui sera accordé et les
coûts, ou encore, si cela est moins coûteux, s'adresser à
des transporteurs privés ou à des transporteurs scolaires qui,
actuellement, ont des équipements qui peuvent servir au transport en
commun. Pour des zones moins densément peuplées ou pour des
secteurs où l'achalandage est moins important, ils pourraient même
s'adresser à des propriétaires de taxis pour assurer des services
de transport en commun.
Cette gamme de possibilités qui sont offertes aux
éventuels conseils intermunicipaux de transport va permettre une
souplesse beaucoup plus grande dans l'organisation du transport et va permettre
d'adapter les modes de transport aux besoins réels de la population. Au
lieu d'avoir des autobus de 50 ou 60 passagers qui, à 22 heures, le
soir, circulent dans des rues où il y a peu d'usagers et sont presque
tout le temps vides, ce qui coûte extrêmement cher, les conseils
intermunicipaux de transport, pourraient très bien s'entendre avec une
coopérative de taxis pour assurer ce service. C'est un exemple qui
démontre la souplesse qu'on peut obtenir par la réorganisation
proposée.
Cela va permettre également d'organiser le transport aux
meilleurs coûts possible. L'exemple que je viens de donner, il me semble,
est assez évident. Finalement, cela va permettre d'assurer la desserte
de zones à faible achalandage qui, aujourd'hui, sont
négligées parce que les autobus coûtent beaucoup trop cher
pour leur permettre d'y circuler quasiment vides.
Pour ce qui est du financement, les conseils intermunicipaux de
transport et les municipalités qui en font partie devront, bien
sûr, accepter d'assumer une partie des coûts. Cependant, elles sont
assurées de recevoir les subventions que le gouvernement met
déjà à la disposition des commissions de transport pour
l'organisation du transport sur le territoire de ces commissions. Donc, pour ce
qui est des subventions de fonctionnement, le gouvernement va accorder des
subventions qui équivalent à environ 40% des revenus des usagers
et également des subventions spéciales, telles des subventions
pour compenser les tarifs inférieurs qui sont exigés des
étudiants ou des personnes âgées. De plus, si on introduit
des systèmes comme des cartes mensuelles, le gouvernement, à
l'instar de ce qu'il fait pour les commissions de transport, va accorder
également des subventions pour compenser le manque à gagner
auquel feraient face les conseils intermunicipaux de transport. Donc, au plan
des subventions gouvernementales, ces nouvelles structures organisationnelles,
ces conseils intermunicipaux de transport vont profiter à peu
près des mêmes subventions que celles qui sont accordées
actuellement aux commissions de transport qu'on connaît.
En conclusion, M. le Président, je pense que ce projet de loi,
qui transfère les pouvoirs aux municipalités en matière de
transport en commun, répond aux désirs exprimés par les
élus de ces municipalités lors de leur comparution devant la
commission parlementaire qui a siégé en octobre 1982. Cette
mesure de décentralisation va leur permettre d'organiser un service de
transport en commun à l'échelle de leurs besoins et à la
mesure de leurs moyens. Nous pensons qu'en agissant ainsi, les usagers du
transport en commun dans ces régions seront beaucoup mieux servis qu'ils
ne le sont présentement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laprairie.
M. Jean-Pierre Saintonge
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Nous en sommes donc
à la deuxième lecture du projet de loi 46, Loi sur les conseils
intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et
modifiant diverses dispositions législatives. Ce projet de loi, d'une
certaine façon, est certainement le bienvenu pour plusieurs
municipalités du Québec, principalement sur la rive sud de
Montréal et dans la région de Montréal. J'explique
pourquoi.
Dans ces régions, des municipalités hors territoire des
grandes commissions de transport font face à un problème
sérieux qui a été créé par le
ministère et dont le ministère est entièrement
responsable. Les retards dans la réaction du ministère à
cette crise ont été poussés à leur limite puisque,
pour le 1er janvier prochain, dans plusieurs municipalités, il y avait
menace de disparition du transport en commun si on ne corrigeait pas la
situation. Un grave problème a été instauré en
raison du coût des services à défrayer et par le fait que
plusieurs municipalités avaient décidé purement et
simplement, de ne point payer un tel coût et que, en contrepartie, plus
de service de transport n'aurait été assuré. (17 h 30)
Le ministère est en partie responsable de cette crise, car lors
de l'expropriation des compagnies privées, comme l'a mentionné
mon confrère de Mont-Royal et également celui de Laporte, on
aurait pu trouver de meilleures solutions et même anticiper les
problèmes auxquels les municipalités ont fait face.
La situation adoptée à ce moment-là devait
être seulement une situation temporaire. Pourquoi n'a-t-on pas
plutôt proposé aux municipalités une solution de rechange
à plus brève échéance que d'attendre plus de trois
ans ou trois ans et demi avant d'apporter une telle solution de rechange?
D'autre part, les municipalités, justement au moment de la
réforme antérieure, n'auraient-elles pas pu être mieux
informées? N'aurait-on pu prévoir une meilleure
répartition des déficits? Il y a certainement eu, à ce
moment-là, un manque certain de planification. L'urgence d'agir
n'était pas nécessaire d'une certaine façon. Il aurait
été préférable, à ce moment-là, de
faire montre de prudence et d'adopter une solution qui aurait permis non
seulement aux municipalités d'entrevoir des possibilités de
transport à moindres coûts, mais également aux commissions
de transport d'assumer, d'une façon moins négative, les
conséquences qui ont été imposées aux
municipalités environnantes.
Je voudrais également, M. le Président, au début de
cette intervention, souligner un point. Non pas le député de
Mille-Îles, mais l'adjoint parlementaire au ministre des Transports
accusait tantôt mon confrère de Laporte de démagogie,
puisqu'il disait que les maires avaient été parfaitement
informés, qu'ils étaient au courant de la situation et qu'ils
souhaitaient même la réforme. Je dois dire que mon confrère
de Laporte m'a confirmé tantôt qu'il a communiqué cet
après-midi avec les maires de Longueuil et de Saint-Lambert et que la
réaction qu'il a mentionnée tantôt était
véridique, ces maires sont renversés et stupéfaits qu'un
tel projet de loi soit adopté aussi rapidement, sans que les
modalités pour le mettre en vigueur dès le 1er janvier ne soient
fixées. On demandait plutôt une attente d'un an, afin de bien se
préparer et d'éviter de subir les mêmes
inconvénients qu'il y a trois ans ou trois ans et demi, dans des
circonstances presque identiques.
Mon intervention portera principalement sur la question du respect de
l'autonomie locale à l'intérieur de ce projet de loi à la
suite du discours du ministre des Affaires municipales, alors qu'il mentionnait
la participation volontaire des municipalités à ces conseils
intermunicipaux de transport. Certes, le projet de loi dit que les
municipalités décident ou non de participer à une entente.
Soit, si elles acceptent d'adhérer à cette entente, mais ce que
la loi mentionne, aux articles 7 et 8, c'est que, lorsqu'une
municipalité refuse d'être partie à une entente - c'est
là le problème - c'est là que le problème majeur
est soulevé. Qu'arrive-t-il dans un tel cas? Si une municipalité
refuse d'être partie à une entente, même dans un corridor
prévu, de cette commission intermunicipale ou de ce conseil
intermunicipal de transport, on donne la possibilité d'une intervention
discrétionnaire du gouvernement sur la gestion municipale, une
ingérence directe du gouvernement sur la gestion municipale en ce qu'il
permet une espèce de pouvoir d'arbitrage du gouvernement sur une
municipalité dissidente, et je m'explique.
L'article 7 dit: "Lorsqu'une municipalité refuse d'être
partie à une entente avec d'autres municipalités et que ces
municipalités estiment que ce refus risque de compromettre
l'organisation du service de transport en commun ou de le rendre trop
onéreux, les municipalités parties à l'entente peuvent
demander au gouvernement de joindre cette municipalité à
l'entente." Donc, l'action est entreprise, à la suite du refus d'une
première municipalité, par les municipalités
environnantes. Ce sont elles qui, par résolution, demanderont au
ministre d'inclure une autre municipalité dans l'entente, mais à
partir du moment où une municipalité a refusé de
s'entendre avec d'autres municipalités voisines, cette
municipalité n'a plus rien à dire suivant la
loi, n'a plus rien à faire. Quelle est la seule solution? Les
autres municipalités s'adressent au ministre et peuvent la faire inclure
dans une telle entente. Que fait-on d'un principe de droit bien connu et qui
s'applique dans ce cas si on veut respecter l'autonomie municipale de cette
municipalité concernée, le principe de droit qui prévoit
que chaque personne a le droit d'être entendue, la règle de l'audi
alteram partem?
Dans un conflit donné, chaque partie a le pouvoir d'exprimer sa
dissidence, d'exprimer pourquoi, en quelque sorte elle ne veut pas faire partie
d'une telle entente. Dans le cas présent, il n'est nullement question
pour le ministre d'entendre cette partie, du moins au sens de la loi. On permet
aux municipalités d'expliquer les motifs. On donne principalement deux
motifs. Les deux motifs: Que le refus de la municipalité risque de
compromettre l'organisation du service de transport en commun, ou,
deuxième motif, de le rendre trop onéreux. Il va de soi que dans
un tel cas ces deux motifs qui sont exprimés au ministre, qui sont
envoyés au ministre, qui sont soumis au ministre par des
municipalités vraiment intéressées à ce qu'une
autre municipalité extérieure vienne participer à cette
entente, qu'une municipalité dissidente soit intégrée dans
telle entente, ces motifs, quand ils seront expliqués au ministre feront
sûrement preuve d'une certaine subjectivité de la part des
municipalités qui auront à faire valoir leur point de vue au
ministre.
C'est bien normal dans les circonstances, je pense, que les
municipalités vont tenter d'influencer la décision du ministre,
de démontrer au ministre - à leur avantage - qu'une telle
municipalité devrait être partie à l'entente. Ce qui n'est
pas normal, c'est que la municipalité concernée ne puisse
être entendue. Du moins, il n'y a aucune disposition dans la loi qui
prévoit que cette municipalité devrait être entendue par le
ministre pour que celui-ci décide, oui ou non, si le refus est
motivé. Donc, c'est un premier point important à souligner. Il y
aurait lieu que cette municipalité qui refuse de participer à
l'entente puisse bénéficier d'un droit d'être entendue.
Autrement, qu'arrive-t-il justement du respect de l'autonomie locale?
À ce moment, non seulement la décision ministérielle sera
une intervention directe du gouvernement sur la gestion municipale, mais
également, on permettra d'une certaine façon que certaines
municipalités environnantes puissent venir changer la décision
d'un conseil municipal, venir changer la décision d'une
municipalité concernée de son propre chef. On se retrouve dans
une situation où, pour imposer un système à une
municipalité, la décision est prise par les municipalités
environnantes sans que la municipalité concernée n'ait rien
à faire là-dedans. Donc, c'est une ingérence des
municipalités avoisinantes dans l'administration même de la
municipalité dissidente. Cette situation, à mon point de vue,
m'apparaît tout à fait contraire à l'autonomie locale qu'on
veut fortement respecter et qui, d'une certaine façon, on se plaît
à le répéter, est la base même de tout le
système municipal et la base même de toute intervention du
ministre et du gouvernement dans les affaires municipales.
M. le Président, je pense que dans un tel cas, également,
il pourrait y avoir possibilité que la décision quant à la
nécessité d'implanter un service, au lieu d'être
confiée au ministre, soit confiée à une autre
autorité, possiblement, la Commission des transports du Québec ou
même la Commission municipale du Québec, qui serait un organisme
neutre. Cela permettrait peut-être une meilleure objectivité en
tout cas au niveau des affaires municipales pour les municipalités
concernées. À tout le moins, si le ministre décidait de
conserver lui-même cette discrétion, il y aurait peut-être
possibilité de faire un appel, à mon point de vue, de la
décision du ministre à la Commission des transports, par
exemple.
Un autre point important à souligner, c'est au niveau justement
des municipalités, un point qui, à mon avis, pourrait, d'une
certaine façon apporter une solution au problème. Non seulement
la municipalité dissidente pourrait faire valoir au ministre ses
objections à être incluse dans une telle entente, mais si le
ministre, après précision - ou l'organisme qui serait
appelé à prendre la décision - constatant que la
décision du conseil en question, de la municipalité dissidente
n'est pas valable ou n'est pas retenue, il pourrait y avoir une solution,
à mon point de vue qui m'apparaîtrait démocratique d'une
façon absolue. Ce serait, possiblement, de tenir un
référendum dans la même municipalité pour s'assurer
que les citoyens de cette municipalité désirent vraiment le
service.
Pourquoi un tel mécanisme? Puisque l'assurance d'un service de
transport, le fait de donner un service de transport à une
municipalité, de faire partie d'une telle entente s'est
révélé, suivant les expériences antérieures,
d'un coût économique assez considérable, je pense que les
citoyens à la limite devraient eux-mêmes se prononcer sur une
telle décision. (17 h 40)
Un deuxième point où on peut considérer une
ingérence très grande du gouvernement dans l'administration des
municipalités. Je me réfère à l'article 8 du
paragraphe 2 où on dit que le gouvernement, lorsqu'il approuve
l'entente, peut y joindre une municipalité qui refuse d'en être
partie. C'est donc le cas où ce n'est sur une base volontaire, mais
c'est sur une base décisionnelle du ministre qu'une
municipalité
est intégrée dans l'entente. Qu'arrive-t-il dans un tel
cas? Dans ce cas, le ministre fixe le nombre de membres que cette
municipalité peut déléguer au conseil, il détermine
leur nombre de voix et il peut fixer le montant de sa contribution
financière. C'est le ministre lui-même qui décide de cette
chose.
Dans un cas contraire où tout le monde est d'accord, les
municipalités s'entendent et vont fixer elles-mêmes ces
modalités. Pourquoi, dans un tel cas, alors que la décision est
prise, que la municipalité dissidente est vraiment
intégrée à l'entente, ne donne-t-on pas la
possibilité à toutes les municipalités, y compris la
dissidente, de venir fixer le nombre de membres que cette municipalité
peut déléguer au conseil, de déterminer leur nombre de
voix et également de fixer le montant de sa contribution? Ce n'est pas
parce qu'une municipalité a refusé, si éventuellement, par
obligation, on l'intègre dans cette entente, qu'on doit lui nier le
droit, au même titre que les autres municipalités, de fixer de
telles conditions.
Évidemment, on pourrait mentionner que si une municipalité
a refusé d'être partie à une entente, elle pourra vouloir
bloquer l'entente à intervenir sur ces modalités. Dans un tel
cas, il pourrait y avoir dans la loi un mécanisme d'arbitrage. Si la
première possibilité ne fonctionne pas, si la municipalité
qu'on veut obliger à faire partie de l'entente ne veut pas
procéder de bonne foi, dans un tel cas on pourrait se soumettre à
l'arbitrage. Un arbitrage par la Commission des transports du Québec,
par exemple, même par la commission municipale ou, si on veut, même
la garder au niveau du ministre. Dans un tel cas, il y aurait sûrement
une incitation pour cette municipalité de participer plutôt
à la décision avec les autres municipalités pour
régler elle-même son problème.
Je veux aussi parler de l'autonomie locale, cela concerne les articles
11 et 16 où on donne au ministre un pouvoir d'approbation et
également un pouvoir de désaveu. À l'article 11, on soumet
à l'approbation du ministre le règlement du conseil qui
établit le service de transport en commun et, à l'article 16, on
donne au ministre un pouvoir de désaveu du règlement modifiant le
service. Pourquoi, dans un tel cas, confie-t-on au ministre un tel pouvoir
d'approbation et un tel pouvoir de désaveu? N'y aurait-il pas lieu que
ces deux pouvoirs soient concédés à une instance neutre?
Je reviens encore, par exemple, à la Commission des transports du
Québec. Je crois, d'une certaine façon, que la Commission des
transports du Québec possède, pour les commissions de transport
en commun, certains pouvoir analogues au pouvoir d'approbation et au pouvoir de
désaveu qu'on veut confier au ministre. La Commission des transports
du
Québec possède certains pouvoirs concernant
précisément la question du service de transport en commun. Ce
serait peut-être une façon de confier l'administration de ces
pouvoirs à un organisme autonome.
Finalement, M. le Président, je voudrais parler des règles
de reconduction ou de non-reconduction de l'entente qui intervient pour la
période prévue de chaque année ou à son terme, de
toute façon, l'entente peut être reconduite ou non. Dans un tel
cas, il y a lieu d'examiner attentivement la situation que le projet de loi
nous présente.
À l'article 19, on parle d'une entente reconduite si, de toute
façon, aucune des municipalités participant à cette
entente ne demande un changement. C'est une reconduction tacite de l'entente en
question. Cela va de soi. Il y a une possibilité également qu'une
municipalité demande de ne pas reconduire une entente et on se retrouve,
à ce moment-là, à l'article 22. Dans un tel cas, il semble
que toutes les municipalités à l'entente doivent être
unanimes pour que l'entente ne soit pas reconduite. Il y aurait donc un
mécanisme qui manque peut-être de flexibilité si plus d'une
municipalité... On ne devrait pas exiger, en tout cas,
l'unanimité des municipalités pour ne pas reconduire l'entente.
Si une majorité des municipalités, par exemple, les trois quarts,
n'étaient pas satisfaites d'une telle entente et ne voulaient pas la
reconduire, il pourrait certes y avoir une possibilité de
considérer justement l'annulation de cette entente, c'est-à-dire
de ne pas la reconduire, de la faire cesser purement et simplement. Il y a
donc, un besoin, à mon point de vue, de flexibilité qu'il
faudrait introduire dans le projet de loi advenant le cas où un nombre
fortement majoritaire de municipalités ne voulaient pas reconduire une
telle entente.
Il y a un troisième cas. Il s'agit du cas où on veut
l'ajout d'une municipalité à l'entente intermunicipale de
transport. Dans un tel cas, l'article 20 dit que les municipalités qui
sont parties à l'entente, voulant améliorer le service ou en
diminuer le coût d'application, peuvent demander au ministre par
résolution d'intégrer une autre municipalité à
l'entente, c'est-à-dire de reconduire l'entente qui arrive à
terme, mais en y incluant une autre municipalité. Dans un tel cas, on
revient à ce qu'on a connu tantôt, sous l'article 8, quant
à l'intégration d'une municipalité à une entente.
Il n'y a rien de prévu, pas de mécanisme pour entendre justement
cette autre municipalité qu'on veut faire introduire dans l'entente
intermunicipale reconduite.
À mon point de vue, de la même façon qu'il est
prévu, à l'article 8, les modalités que j'ai
mentionnées tantôt, il y aurait lieu de prévoir dans le
projet de loi l'audition de cette autre municipalité qu'on veut
ramener
dans l'entente ou qu'on veut introduire dans la reconduction de
l'entente pour voir si cette municipalité le désire vraiment ou
si elle ne le veut pas, quels sont les motifs de son refus et les analyser
d'une façon objective. Encore une fois, si on soumet simplement la
décision à la demande des municipalités qui sont parties
à l'entente, évidemment, il y aura certainement une forme de
subjectivité dans les opinions qu'on donnera au ministre pour inclure
cette municipalité dans le service intermunicipal de transport.
Finalement, il y a la possibilité qu'une municipalité
demande à ne pas être dans l'entente et qu'on accepte une
non-reconduction, c'est-à-dire une exclusion de cette
municipalité dans l'entente. Donc, si cette municipalité est
exclue, on prévoit dans le projet de loi que le ministre lui-même
puisse modifier, par l'article 23, le montant de la contribution
financière de chaque municipalité ou le mode de
répartition des contributions financières des
municipalités demeurant à l'entente. Dans un tel cas, pourquoi,
encore une fois, ne pas respecter l'autonomie de ces municipalités et ne
pas leur donner la possibilité de s'entendre entre elles sur ces
conditions?
En terminant, je voudrais attirer l'attention du ministre sur un point.
La loi en question entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Il y aurait une
possibilité, pour la période du 1er janvier au 31 décembre
1984, de passer un contrat avec un transporteur pour assurer le service dans
les municipalités en question s'il n'y a pas de conseil intermunicipal
et s'il n'y a pas d'entente signée. Ce serait une résolution qui
pourrait être adoptée en vertu de l'article 82 de la loi.
Les municipalités pourraient passer un contrat avec un
transporteur, mais qu'arrive-t-il, si une des municipalités refuse et
qu'elle est actuellement desservie? Est-ce que, dans un tel cas, cette
municipalité serait privée de transport pendant toute la
durée de l'année ou jusqu'à ce que le conseil
intermunicipal en arrive à une entente?
Puisque la résolution, de toute façon, doit être
adoptée avant le 31 décembre 1983, est-ce que le ministre ne
pourrait pas prévoir, dans la période de transition, une
espèce de préavis de la cessation du transport dans les
municipalités concernées, justement pour éviter un
problème majeur, c'est-à-dire qu'à partir du 1er janvier
on se retrouve sans transport en commun, dans certaines municipalités
qui sont actuellement desservies? Ce sont des ajustements que le ministre
devrait considérer afin de s'assurer que toutes les municipalités
puissent vraiment bénéficier d'un service de transport en
attendant que le conseil intermunicipal prenne les choses en main et conclue
les ententes nécessaires avec les transporteurs au meilleur coût
possible. Merci, M. le Président.
(17 h 50)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Transports, votre droit de réplique. Je vous souligne qu'il ne reste que
dix minutes avant la suspension.
M. Michel Clair (réplique)
M. Clair: Oui, M. le Président, je vais essayer de faire
rapidement et terminer à 18 heures.
Après avoir entendu les trois députés
libéraux qui sont intervenus, je constate trois choses: d'abord, ils
sont capables de lire le projet de loi et de critiquer certains aspects mineurs
du projet de loi en tentant de leur donner une importance qu'ils ne
méritent pas. J'aurai l'occasion, en commission parlementaire, de
répondre sur chacun des points précis, parfois
intéressants, qui ont été soulignés par les
députés de l'Opposition mais qui, encore une fois, ne concernent
pas le coeur du projet de loi.
La deuxième chose que j'ai pu constater, comme chacun des
députés du côté ministériel - je pense aux
députés de Châteauguay et de Vimont qui ont suivi le
dossier - c'est qu'ils ne connaissent pas le dossier du transport en commun en
périphérie de Montréal. Le député de
Laporte, l'ancien critique - je comprends que le député de
Mont-Royal vient d'arriver dans ce domaine, ce n'est pas non plus son milieu -
connaît bien ce milieu du transport en commun en périphérie
de Montréal. Il a affirmé, cet après-midi, que ce projet
de loi a été préparé en tenant les maires dans
l'ignorance et en déposant, à la dernière minute, un
projet de loi en novembre dernier.
Rien n'est plus faux. J'ai rencontré personnellement, à
plusieurs reprises, je ne dirai pas la totalité, parce qu'il est
possible qu'un ou deux maires ne soient pas venus, mais la très grande
majorité des maires. Pas plus tard que le 17 novembre dernier, au
Méridien, à Montréal, j'ai convoqué tous les maires
de la région. L'immense majorité d'entre eux est venue. Le
député de Châteauguay était avec moi, à ce
moment-là, et aussi le député de Verchères, le
ministre des Affaires municipales, les maires de Valleyfield et de
Châteauguay et les maires de toutes les municipalités en
périphérie de Montréal. Donc, ces trois
députés libéraux ne connaissent pas le dossier.
Deuxièmement, j'ai entendu le député de Laprairie,
tantôt, souligner la possibilité de forcer une
municipalité, à la demande des autres municipalités,
à se joindre à un conseil intermunicipal de transport. Cela est
inscrit dans le projet de loi à la demande même des
municipalités qui se sont intéressées, depuis deux ans,
au
développement du transport en commun dans leur territoire.
Encore là, ce n'est pas ce qui est le plus grave. Les
députés de l'Opposition ne sont pas chargés de la gestion
des affaires de l'Etat, en particulier dans le domaine des transports. C'est
normal que des députés qui sont dans l'Opposition ne suivent pas
cela de trop près, essaient tant bien que mal d'intervenir à
l'Assemblée nationale, mais ce n'est pas ce qui est le plus important ni
le plus grave. Ce qui est plus grave c'est que ces gens-là, aujourd'hui
comme de 1970 à 1976, n'ont aucune politique en matière de
transport en commun.
Ce que nous faisons par le projet de loi sur les conseils
intermunicipaux de transport, c'est justement de répondre à des
années d'imprévoyance en matière de transport en commun,
non pas de la part du gouvernement du Parti québécois, mais de la
part du gouvernement libéral de Robert Bourassa de 1970 à
1976.
Comment se fait-il que c'est autour de 1976-1977 que
Métropolitain Provincial et Métropolitain Sud en sont venues au
bord de la faillite? Est-ce que cela s'est développé entre le 15
novembre 1976 et le 20 février 1977? Aucunement. Ces gens-là
n'avaient aucune politique de transport des personnes. La construction
d'autoroutes leur tenait lieu de politique de transport des personnes dans tout
le territoire du Québec. Alors que dans la région de
Saint-Jean-sur-Richelieu on avait besoin d'un transport en commun entre
Saint-Jean-sur-Richelieu et le coeur de l'agglomération de
Montréal, savez-vous ce que ces gens-là faisaient? Ils
expropriaient un corridor d'autoroute à quatre voies entre
Saint-Jean-sur-Richelieu et Farnham. C'est là qu'ils mettaient l'argent,
dans des folies furieuses de construction d'autoroutes. C'est cela qu'ils ont
fait pendant les années où ils ont été
là.
Le Québec est couvert encore de terrains qui sont la
propriété du ministère des Transports et qui devaient
servir à la construction d'autoroutes. Il y en a un peu partout; dans la
région de Montréal également avec l'autoroute 19, la 640,
la 440, la 15. Combien de projets d'autoroutes? C'était ce qui leur
tenait de politique de transport en commun. Ils s'étaient
désintéressés de la question du transport des
personnes.
Si on regarde cela globalement, qu'est-ce qu'ils avaient fait? Dans le
domaine du transport écolier ils s'étaient contentés de
centraliser cela entre les mains du ministre des Transports et de la Commission
des transports du Québec et de donner des augmentations qui
étaient en train de gruger les finances de l'État
québécois. On a dû, après un régime de sept
ans, qu'ils avaient imposé par la loi en 1973, réviser cela et
instaurer des mesures de polyvalence dans le transport scolaire. Permettre
à d'autres que des enfants de monter à bord quand il y a de la
place dans les autobus. Faire de la charte-partie avec des autobus scolaires,
ce qui était interdit, et permettre aux municipalités qui le
désirent d'avoir recours à des autobus scolaires pour organiser
du transport en commun d'appoint. En plus d'en confier la gestion aux
commissions scolaires, cela a entraîné des économies
énormes. Ils s'étaient contentés de centraliser cela
à Québec, c'était mal administré et ils le savent
fort bien.
Dans le transport par taxi, vous avez fait la même chose. Vous
avez tout centralisé au ministère des Transports du
Québec. Il y a eu un bon point - je l'ai dit ce matin en commission - la
constitution d'agglomérations. Le reste, M. le Président, cela a
été une erreur qu'on est en train de corriger aujourd'hui par le
projet de loi 46.
En matière de transport en commun, qu'est-ce qu'ils avaient comme
politique? Les augmentations de tarif. C'était cela purement et
simplement, le désintéressement. Qu'est-ce que le gouvernement du
Parti québécois a fait depuis ce temps en matière de
transport en commun? Nous avons introduit la carte d'abonnement mensuelle,
favorisé les laissez-passer à tarifs réduits pour les
personnes âgées et pour les étudiants, subventionné
les municipalités selon leurs revenus pour qu'elles s'organisent en
matière de transport en commun. Allez voir aujourd'hui à
Sherbrooke. Ils sont dotés de bons instruments de gestion, de bons
équipements en matière de transport et cela a servi au
développement de cette collectivité. Le député de
Mont-Royal disait que l'achalandage n'avait pas augmenté. M. le
Président, qu'il aille voir à Sherbrooke. Je pense qu'ils l'ont
multipliée par trois au cours des quatre dernières années.
Qu'il aille voir à Chicoutimi, à Jonquière, à
Trois-Rivières, à Hull, ici même sur la rive sud de
Québec, avec la réorganisation de la CTCUQ. Ils n'en avaient pas
de politique de transport des personnes et ils n'en ont toujours pas.
Le plus drôle là-dedans, M. le Président, c'est
quand le député de Laporte, un ex-président du Conseil des
maires de la rive sud de Montréal, vient nous reprocher de vouloir
négocier des achats d'autobus. Ah! Ça, c'est une bonne, M. le
Président. J'ai eu l'occasion de démontrer, l'autre jour,
à quel point il pouvait être - passez-moi l'expression, on dit
cela chez nous - dans les patates en ce qui concerne les effets qu'a eus la
commande unifiée de 1200 autobus urbains au Québec. Mais il a
raison, il était l'un des maires libéraux qui, à
l'époque, essayaient de mettre des bois dans les roues quand Lucien
Lessard, l'ex-député de Saguenay, a procédé au
premier regroupement de la commande unifiée d'autobus. Qu'est-ce que le
député de
Laporte a fait à cette époque? La première
fanfaronnade qu'il a faite en arrivant à la présidence de la
Conférence des maires de banlieue a été de dire: II y a
une trentaine d'autobus de trop; on veut les vendre, essayer de
congédier son directeur général avec lequel il s'est mal
entendu pendant toute la durée de son mandat. Finalement, il a vendu 30
autobus à la CTCUM que la CTRSM a été obligée de
racheter quelques années plus tard à cause de ses erreurs.
C'était leur politique en matière de transport, la
construction d'autoroutes, essayer au minimum de réduire le potentiel de
développement du transport en commun et ce au plus grand
détriment des populations desservies.
Si aujourd'hui on propose un projet de loi du type de celui-ci pour
remettre entre les mains des élus municipaux la responsabilité
qu'ils désirent avoir en matière d'organisation du transport en
commun, c'est parce que cela fait des années qu'ils attendent cela, M.
le Président; et si le Parti libéral avait été plus
vigilant de 1970 à 1976, nous n'aurions pas fait face à la
faillite appréhendée de Métropolitain Provincial, de
Transurbain et de Métropolitain Sud et de combien d'autres
systèmes de transport privés, de 1976 à nos jours. Eux qui
étaient les grands propagandistes de l'entreprise privée dans le
domaine du transport en commun, de 1970 à 1976, ils l'ont laissé
s'étouffer progressivement par l'absence d'une politique
cohérente de transport des personnes. Ils n'avaient qu'une seule
idée en tête: favoriser la construction d'autoroutes et
l'automobile privée. Ils laissaient pour compte non seulement les
transporteurs privés, mais aussi les 800 000 usagers quotidiens des
systèmes de transport en commun au Québec. Ce sont 800 000
personnes qui utilisent chaque jour les services de transport en commun. Ces
gens sont justement des gens qui n'ont pas toujours les moyens de se payer une
automobile, à qui on doit fournir un choix autre que l'automobile
privée. Non pas qu'on ait quoi que ce soit contre l'automobile, mais
pour ceux qui n'ont pas les moyens de s'en payer - il y en a dans la
périphérie de Montréal, également; il y en a 4000
par jour sur chacun des deux systèmes - c'est une responsabilité
du gouvernement d'essayer de les organiser en transport en commun. On voit que
cela a des retombées non seulement pour les usagers du transport en
commun, mais pour l'industrie de la fabrication du matériel roulant au
Québec, comme j'ai eu l'occasion de le démontrer au
député de Laporte l'autre jour. Je vous remercie, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
deuxième lecture du projet de loi 46, Loi sur les conseils
intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et
modifiant diverses dispositions législatives, est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des transports
M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission
permanente des transports.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: Concernant les commissions, M. le Président,
j'aurais, avec le consentement de l'Opposition, une motion à
présenter afin que, ce soir, de 20 heures à 24 heures,
contrairement à ce qui avait été annoncé ce matin,
la commission permanente de la fonction publique ne siège pas, sauf
qu'au salon rouge, la commission permanente des transports siégera pour
étudier le projet de loi 47 article par article et, au local 80, la
commission permanente de la justice, afin d'étudier le projet de loi 36
article par article.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip adjoint.
M. Picotte: M. le Président, avant d'accorder notre
consentement, est-ce que la commission permanente de l'éducation doit
siéger aussi? Je crois qu'il y aura trois commissions qui vont
siéger ce soir.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Boucher: Avec l'autorisation qui avait été
donnée ce matin.
Une voix: Consentement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Consentement. En
conséquence, la Chambre suspend ses travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
(Reprise de la séance à 20 h 03)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez prendre place.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je vous
demanderais d'appeler l'article 3) de notre feuilleton.
Projet de loi 38
Reprise du débat sur la deuxième
lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Reprise du débat
sur la motion du ministre des Affaires municipales proposant que le projet de
loi 38, Loi sur la participation gouvernementale au financement des
municipalités, soit maintenant lu pour la deuxième fois. La
parole est au député de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, encore une fois, dans cette
Chambre, pendant cette partie de la session que nous avons ouverte il y a
seulement deux ou trois semaines, nous sommes là pour discuter une
question qui revient malheureusement beaucoup trop souvent. L'histoire se
répète toujours beaucoup trop souvent, malheureusement.
Encore une fois, nous sommes confrontés à une question des
droits du Québec versus les droits du gouvernement fédéral
canadien.
Dans mon cas, il y a seulement une semaine, j'étais le
porte-parole de notre parti par rapport à la loi 48. Une loi qui avait
justement les mêmes symptômes que le projet de loi 38 et qui
était le symbole même de cette confrontation continuelle qui
oppose le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral.
Dans toute cette affaire de confrontation continuelle entre les droits
du Québec, d'une part, et les droits du gouvernement
fédéral, d'autre part, il faut se poser la question principale:
Qui parle dans tout cela des droits des citoyens eux-mêmes? Des droits
des gens qui sont impliqués au sein même de cette confrontation
continuelle entre deux parties qui ne veulent pas s'entendre?
On parle toujours ici des droits du Québec et, là-bas, je
suppose, à Ottawa, on parle des droits du fédéral. Mais
est-ce que dans chaque enceinte parlementaire on s'arrête pour poser la
question: Qu'est-ce qui arrive des droits des citoyens qui sont
impliqués dans ces confrontations continuelles? On semble oublier les
gens pour lesquels nous sommes ici et que nous avons la vocation de servir. En
fait, cela me fait me rappeler ces soirs où on venait de temps en temps
- je pense que cela s'est passé beaucoup trop souvent - pour des lois
spéciales qu'on discutait bien tard dans la nuit, par exemple, la
grève des transports de Montréal au coeur de l'hiver comme
maintenant, où les autobus et le transport en commun étaient
arrêtés dans la ville de Montréal. Là aussi,
c'était une guerre de droit, une confrontation de deux parties qui se
faisaient face. Personne ne voulait céder. Aucun ne voulait
écouter l'autre. C'était cette fois la guerre du patronat, la
CTCUM, la ville de Montréal ou quoi que ce soit, l'entité
patronale et les droits de l'autre, le syndicat ou les syndicats. Toute cette
confrontation qui opposait en un sens un pouvoir à un autre,
c'était toujours, encore une fois, le citoyen qui était l'otage,
le citoyen, lui, qui n'avait aucune voix au chapitre, aucune façon de se
défendre dans cette guerre de coqs de bataille. Là, il y avait
une guerre, deux boxeurs qui s'affrontaient, une confrontation de droit, un qui
dit: Moi, j'ai raison; l'autre qui dit: Ah non! C'est moi qui ai raison. Et
dans ce dialogue de sourds, ce dialogue continuel où deux pouvoirs
s'affrontent continuellement, le seul qui souffre dans l'affaire, c'est le
citoyen ordinaire, le citoyen qui, lui, n'a pas de voix au chapitre, qui n'est
pas là pour dire son mot dans toute cette mésentente entre deux
parties qui se battent sur son dos.
Cela me fait toujours penser, lorsqu'il y a des grèves, que la
seule partie qui devrait se faire entendre, c'est le citoyen qui, lui, est
lésé dans ses droits fondamentaux. Il n'a jamais voix au
chapitre. Il n'est jamais là pour se situer à la table de la
confrontation, pour dire son mot, pour dire: Arrêtez ce dialogue de
sourds. C'est un peu cela que nous, comme parti d'Opposition à
l'Assemblée nationale, nous voulons être, en un sens, la partie
qui essaie de vous dire, au nom de ces citoyens qui sont
délaissés à chaque fois: Cessez ces querelles inutiles.
Cessez ces querelles stériles. Cessez ces querelles négatives qui
n'apportent de bien ni au gouvernement provincial, ni au gouvernement central
d'Ottawa, le gouvernement fédéral et qui font que les citoyens
vous disent à chaque fois: Faut-il, dans n'importe quel système,
qu'il y ait une querelle avant que les gens commencent à entendre
raison?
Les gens, les citoyens ont parlé fort. Ils vous parlent fort dans
toutes les élections. Ils ont parlé fort récemment aux
élections partielles. Ce qu'ils vous ont dit dans ces élections
partielles à Jonquière et à Mégantic-Compton, c'est
qu'ils sont tannés, qu'ils sont fatigués, qu'ils en ont assez des
querelles stériles. Tout ce qu'ils veulent, les citoyens, c'est que nous
recommencions à nous entendre, que nous recommencions à agir avec
bon sens, avec un sens commun, à agir comme des individus agiraient dans
n'importe quelle circonstance de la vie, que ce soit en affaires, que ce soit
pour des contrats d'achat ou de vente de maison, comme on le fait tous les
jours. Qu'est-ce qu'ils font? Ils s'assoient à une table pour
négocier. C'est sûr que chaque partie veut
des choses tout à fait différentes; c'est certain qu'il y
a des intérêts conflictuels au début mais, sûrement,
à la fin, on se rencontre dans un certain compromis. Une partie offre
une chose, une autre offre une autre chose et, à un moment donné,
on en vient à un compromis, à une entente quelconque, à un
certain consensus, on arrive à s'entendre car, autrement, la vie ne
serait plus vivable. (20 h 10)
Qu'on pense à n'importe quelle circonstance de la vie, qu'on
pense à un achat à faire dans un supermarché, si on ne
trouve pas ce qu'on veut dans un seul supermarché, on va voir dans un
autre. Si on ne trouve pas ce qu'on veut dans un centre commercial quelconque,
on va voir dans un autre. Si on ne trouve pas ce qu'on veut dans un magasin
quelconque, on va dans un autre. Éventuellement, il y a un
équilibre qui se fait, les parties se rencontrent, on trouve ce dont on
a besoin et on réussit à s'entendre d'une façon ou d'une
autre.
Mais ici, entre le gouvernement provincial et le gouvernement
fédéral, se situe une espèce de lutte, une bataille de
coqs, deux parties qui cherchent tout le temps à dire: Moi, je suis le
plus fort; non, c'est moi qui ai raison; non, c'est moi'. Dans cette guerre
inutile, cette guerre stérile, cette guerre négative qui ne cesse
jamais, le seul qui souffre, c'est le citoyen. L'ironie du sort veut que ce
soit ce même citoyen qui, lui, paie des taxes, qui, lui, paie des
impôts, qui, lui, nous a élus ici pour le représenter comme
députés. C'est lui qui vous dit: Comment des gens de bon vouloir,
des gens d'intelligence raisonnable, d'un côté et de l'autre, ne
peuvent-ils pas s'asseoir à une table pour s'entendre et en arriver
à un genre de compromis, une espèce d'entente comme cela se
produit pour toutes les circonstances de la vie et tous les jours?
N'est-ce pas l'ironie de la chose, par rapport à ce projet de loi
38, que, de l'autre côté de la Chambre, on proclame tous les jours
que le gouvernement fédéral se fait de plus en plus
centralisateur, se fait de plus en plus puissant, qu'il repousse toutes les
avances du gouvernement provincial? Pendant qu'on proclame que ce gouvernement
fédéral est tellement puissant, tellement centralisateur, de plus
en plus dominateur, de plus en plus centralisateur, c'est la même chose
qu'on fait avec nos municipalités parce qu'on les traite comme des
enfants d'école à qui on dicte des choses, avec qui on ne veut
même pas s'asseoir et négocier. Les municipalités qu'on
traite comme des gens en tutelle, à qui on dit: Si vous ne faites pas
à ma façon, je vais proclamer une loi et je vais vous faire cela
à ma façon. Pendant ce temps-là on dit que le
fédéral est centralisateur, qu'il est trop puissant, qu'il est
tout à fait dominateur. Peut-être que les gens qui disent cela ont
raison. Mais, en même temps, on fait exactement la même chose avec
les municipalités. Si vraiment vous dites que dans une
fédération il faudrait qu'il y ait des ententes, il faudrait que
les gens s'entendent, est-ce que ce n'est pas vrai aussi avec les gouvernements
locaux qui dépendent de vous? Est-ce que ce n'est pas la même
chose qui se passe dans le cadre de la province par rapport aux
municipalités? Ce que vous reprochez vous-mêmes au gouvernement
fédéral, vous le faites beaucoup plus avec les
municipalités. Par exemple, l'Union des municipalités du
Québec a été très claire lorsqu'elle a
demandé à Montréal, et je cite sa résolution du 25
février 1983: "L'Union des municipalités du Québec prie
les instances fédérales et provinciales de conclure dans les plus
brefs délais une entente afin de ne pas priver les citoyens du
Québec de l'aide financière qui leur permettrait la
réalisation de leurs attentes."
Presque une année après, on est en train de discuter ici
d'un projet de loi qui impose des choses parce que entre-temps, presque dix
mois après, on n'a pas réussi à s'entendre comme des gens
de sens commun et de bon sens. Est-ce ça la réalité
politique qui fait qu'aujourd'hui, les contribuables, les citoyens sont
tannés des politiciens, des mouvements politiques, des gouvernements, et
du gouvernement du Parti québécois de l'autre côté
et du gouvernement libéral à Ottawa parce qu'ils sentent que ces
gouvernements ne répondent plus à leurs attentes? Ils sentent que
ces deux gouvernements ne savent plus les écouter, qu'ils sont
dépassés tout à fait parce qu'ils ne savent plus la
réalité des attentes des citoyens qui demandent tous une
meilleure qualité de vie, qui demandent qu'on écoute leurs
contraintes, qu'on écoute ce dont ils ont besoin eux-mêmes, de
vivre en paix, de pouvoir réaliser leurs attentes les plus simples et
les plus essentielles.
Comme dit l'Union des municipalités, le gouvernement du
Québec et le gouvernement fédéral ne peuvent plus
s'entendre. Ils se font des dialogues de sourds. C'est à qui a raison.
Et pendant ce temps, ce sont les citoyens du Québec qui ont tant besoin
de cette aide financière, surtout à une époque de crise
économique que le premier ministre et le ministre des Finances ont
eux-mêmes qualifiée de crise économique sans pareil depuis
bien longtemps, depuis des années, depuis peut-être 50 ans, qui
écopent. En cette crise économique où on a besoin plus que
jamais d'aide financière, voilà qu'on fait des batailles
constitutionnelles, des batailles de lois à droite et à gauche,
au lieu de penser aux citoyens qui cherchent une aide financière qui les
aidera à se sortir du pétrin pendant une crise économique
qui les touche tous, où le chômage est à son plus fort
partout au Canada.
Ce n'est pas pour rien que les membres du conseil d'administration de
l'Union des municipalités du Québec disaient encore, le 27
août 1983, à Montréal, après le 25 février
1983, date où vous avez adopté une résolution: Rien ne se
passe. Plusieurs mois après, ils vous demandent de les écouter
encore une fois, parce que le ministre des Affaires municipales ne sait pas
écouter. À ce moment-là, ils adoptent une autre
résolution qui est proposée par le maire de la ville de
Québec, M. Jean Pelletier, appuyée par M. Philippe Bonneau: "Que
l'Union des municipalités du Québec réaffirme sa position
du 25 février 1983, à savoir que la règle
constitutionnelle soit respectée et que les deux gouvernements
s'entendent pour que les municipalités ne soient pas privées de
fonds disponibles; que l'Union des municipalités du Québec ne
voit pas pourquoi, au moment où des pourparlers pour éclaircir le
climat sont entrepris, le gouvernement adopterait le projet de loi 38 qui
risque d'assombrir le climat actuel; que l'Union des municipalités du
Québec réaffirme son désir de respecter la loi
constitutionnelle et n'encourage pas les municipalités à
défier la loi; que, pour atteindre ses objectifs, l'UMQ demande au
gouvernement de retirer son projet de loi 38."
En fait, c'est la province de Québec, l'Union des
municipalités, certainement tous les intervenants de notre parti, comme
du vôtre, qui admettent que, d'après la constitution, c'est clair
que la province a juridiction sur les municipalités. Tout le monde dit
que le gouvernement fédéral ne devrait pas s'ingérer dans
les affaires des municipalités sans le consentement du gouvernement du
Québec, mais, en même temps, il faut qu'il y ait un désir,
de part et d'autre, de s'écouter, de s'entendre. Tout ce que les
municipalités demandent, c'est que des gens d'intelligence raisonnable,
des gens de bonne foi, s'assoient et écoutent. Mais comment voulez-vous
aller négocier quand vous-mêmes, tout ce que vous voulez, c'est
déstabiliser tout le régime fédéral? C'est un
paradoxe que d'essayer vous-mêmes de faire des ententes quand tout ce que
vous voulez, c'est que des ententes ne se fassent pas et ne fonctionnent pas.
C'est impossible que vous fassiez des ententes quand tout ce que vous voulez
c'est de déstabiliser le régime même dans lequel on se
trouve maintenant.
Ce n'est pas seulement l'Union des municipalités du
Québec. L'Union des municipalités régionales de
comté et des municipalités locales du Québec elles aussi
disent, le 22 septembre 1983, dans un communiqué de presse: Ottawa et
Québec doivent cesser de se chicaner sur le dos des
municipalités". Cela dit tout: "Le projet de loi 38, a poursuivi le
président de l'Union des MRC, demeure inacceptable tant par son
caractère rétroactif que par la discrétion qu'il accorde
au ministre d'intervenir à son tour dans les budgets municipaux." C'est
cela la question. Ce n'est pas seulement la juridiction qu'on conteste. Tout le
monde est d'accord sur la juridiction.
Tout le monde vous dit: II y a sûrement des façons de
négocier. Il y a sûrement des façons de s'entendre sans
adopter des lois punitives, des lois qui ont un effet rétroactif, qui
donnent des pouvoirs exceptionnels à un ministre de faire ce qu'il veut
par rapport aux municipalités. Lui qui réclame les droits du
Québec, que fait-il des droits des municipalités, de leur droit
d'autonomie, de leur droit de respect à elles-mêmes? Plus
tôt, il y a quelques jours de cela, je pense qu'on a parlé de la
loi 38. Je ne sais pas si c'était au début de la semaine.
J'écoutais un intervenant du côté du gouvernement qui
disait - je pense que c'était le dernier intervenant du
côté du gouvernement parce que j'ai écrit quelques bribes
de son discours: Ce n'est pas nous qui avons commencé la chicane. C'est
de cela dont il se servait pour justifier la loi 38. Cela me faisait rappeler
des jours d'école quand j'étais tout petit. On disait: Non, ce
n'est pas moi qui ai commencé la chicane, c'est toi qui as
commencé la chicane. Alors, personne ne veut admettre que c'est lui qui
a commencé la chicane et on finit par se donner des coups de poing. (20
h 20)
Est-ce que c'est cela qu'on cherche? Qu'est-ce que cela peut faire si
c'est nous qui avons commencé la chicane ou si ce sont eux qui ont
commencé la chicane. Si ce sont eux qui ont commencé la chicane,
est-ce que c'est la raison pour présenter des lois stériles, des
lois négatives, des lois inutiles? Ce n'est pas ma faute, c'est ta
faute. Ce n'est pas ta faute, c'est ma faute. Qu'est-ce que tout cela peut
faire? Est-ce qu'on n'est pas assez intelligent pour passer par-dessus tout
cela? On parle du cadeau du fédéral que les membres du
gouvernement fédéral, les députés passent à
droite et à gauche. Moi je déplore cela autant que vous. Cela se
passe dans mon comté. Cela se passe dans vos comtés. Je
déplore cela tout à fait parce que c'est fait sans planification,
c'est fait d'une manière arbitraire, c'est fait d'une manière
inefficace et sur cela nous sommes tout à fait d'accord. Mais pourquoi
cela est-il arrivé? C'est arrivé parce que vous et eux ne pouvez
réussir à vous entendre. C'est là qu'on vous blâme.
Je ne peux pas croire que des gens de raison, des gens d'une intelligence
normale, des gens d'une intelligence minimale ne puissent pas s'asseoir et
arriver à une entente quelconque dans n'importe quel domaine.
L'autre jour, j'écoutais le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation me dire: on ne peut jamais s'entendre
avec Ottawa; alors il faut adopter la loi 48; il faut faire valoir nos
droits; il faut aller de l'avant; il faut aller faire de la confrontation. Tout
ce qu'on cherche, c'est une querelle constitutionnelle continuelle; tout ce
qu'on cherche, c'est de faire passer avant tout la question d'étapisme
vers l'indépendance.
Le ministre Laurin l'a admis lui-même à la presse dans le
cas de loi 48: c'est la première étape dans la guerre de
l'indépendance. Tout ce qu'on pense, c'est le paradoxe de l'affaire. On
veut déstabiliser un régime dans lequel on ne croit pas du tout.
L'article 1 de votre programme, votre option fondamentale, c'est la
séparation du Québec. Vous allez négocier avec le
préjugé fondamental que cela ne fonctionnera pas. Comment
voulez-vous allez négocier dans un système auquel vous ne croyez
pas du tout? Comment voulez-vous aller négocier, en supposant que vous
êtes des croyants, avec des athées? Vous allez partir au
départ avec une barrière, avec une visière, les yeux
fermés et les oreilles bouchées. C'est cela qui arrive.
Tout ce que nous vous disons, c'est que l'Ontario et l'Alberta sont
actuellement des provinces aussi jalouses de leur autonomie, des provinces dont
les municipalités sont aussi jalouses de leur autonomie. L'autre jour,
il y avait un député du Parti ministériel qui citait le
cas de l'Ontario; c'est un des ministres qui disait: on jalouse autant notre
autonomie municipale. Mais ils ont réussi, quant à eux, à
se débrouiller avec le gouvernement fédéral pour en
arriver à une entente quelconque. L'Alberta est aussi jalouse de ses
juridictions que l'est le Québec. Elle l'a prouvé à
plusieurs reprises. Mais ils ont réussi à s'entendre. Tout ce que
vous cherchez, c'est cette querelle continuelle: vous vous réjouissez de
la loi constitutionnelle, vous vous réjouissez de la loi 48, vous vous
réjouissez encore de la loi 38. C'est ce que nous n'acceptons pas. Car
nous nous disons que, malgré qu'il y ait des fossés
idéologiques, on peut toujours arriver d'une façon ou d'une
autre, si on est des gens raisonnables, si on cherche le bien du citoyen,
à s'entendre, à communiquer ensemble pour s'entendre et arriver
à un consensus quelconque. Nous espérons que les citoyens vont
nous écouter. Il faut savoir ce dont les citoyens ont besoin: on demande
que cessent ces querelles inutiles. Ce qu'ils veulent dire maintenant au
gouvernement fédéral à Ottawa et au gouvernement
provincial à Québec, lors de toutes les élections
partielles, c'est qu'ils en ont assez de vous, qu'ils en ont assez de ces
querelles inutiles. Tout ce qu'ils veulent, c'est que vous reveniez au bon
sens, que vous reveniez sur terre, que vous recommenciez à
négocier. Nous avons assez de lois comme la loi 48 et surtout le projet
de loi 38 et nous nous opposons fondamentalement aux deux.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Roberval, adjoint parlementaire au ministre des
Finances.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: M. le Président, nous sommes au moins
fixés sur une chose. Les députés de ce
côté-ci de la Chambre et les députés de l'Opposition
sont au moins d'accord sur un principe fondamental: l'intrusion du gouvernement
fédéral dans les finances publiques et municipales, ça n'a
pas d'allure. L'invasion fédérale dans les projets
communautaires, dans les municipalités du Québec, que ce soit
directement ou indirectement, nous ne sommes pas d'accord. L'Opposition vient
de le dire clairement, le député de Nelligan l'a dit clairement,
les municipalités du Québec l'ont dit aussi clairement, l'Union
des municipalités régionales de comté l'a dit aussi
clairement, l'intrusion inconstitutionnelle du gouvernement
fédéral dans l'administration municipale au Québec,
personne n'est d'accord.
Là où ça fait un peu curieux, c'est qu'au moment
où le député de Nelligan se dit en désaccord
profond avec cette intrusion du gouvernement fédéral, avec cette
inconstitutionnalité que fait le gouvernement fédéral, au
moment même où il prononce ces paroles à l'Assemblée
nationale, dans la Gazette, on écrit que, dans le West Island, plusieurs
centaines de milliers de dollars sont disponibles en provenance du gouvernement
fédéral et sont distribués pour différentes choses:
500 000 $ ici, 385 000 $ là; Lachine, 100 000 $; Pointe-Claire: 100 000
$; Beaconsfield: 100 000 $ et, dans la Gazette d'aujourd'hui c'est plein
d'exemples dans le comté de ces messieurs où le gouvernement
fédéral outrepasse nettement son mandat.
Le gouvernement fédéral a décidé, dans le
West Island peut-être plus qu'ailleurs, d'investir directement des fonds
publics dans des projets municipaux. Et, pendant que le député de
Nelligan essaie ici, à l'Assemblée nationale, de nous faire la
morale en nous disant qu'ils sont d'accord de l'autre côté pour
condamner cette invasion fédérale, combien de ces gentils
messieurs, combien d'entre eux ont dénoncé vigoureusement,
combien d'entre eux ont utilisé ces médias d'information
largement diffusés pour faire savoir à la population du
Québec que les gestes du fédéral n'ont pas d'allure?
Combien?
De ce côté-ci de la Chambre, le ministre des Affaires
municipales et les députés ont dénoncé
vigoureusement, depuis plusieurs mois, l'intrusion du fédéral.
Combien d'entre eux, eux qui nous font la morale ici, à
l'Assemblée nationale, ont posé
des gestes publics pour étayer ce que vient de dire le
député de Nelligan? Il nous l'a dit clairement, ils sont contre
le principe. Ils ne sont pas seuls à être contre, tout le monde au
Québec trouve que cela n'a pas d'allure, mais combien d'entre eux ont
posé des gestes pour dire à leurs copains fédéraux,
à leurs grands frères fédéraux, au Parti
libéral fédéral qui est leur maison mère, combien
d'entre eux leur ont dit qu'on ne voulait pas d'une intrusion comme
celle-là, qu'elle était anticonstitutionnelle, qu'elle
était antidémocratique, qu'elle était antipolitique et
antiadministrative? Bref, c'est une démarche qui n'a pas de bon sens.
Combien d'entre eux ont eu le culot de démontrer et de dire à
leurs concitoyens qu'ils n'étaient pas d'accord?
M. le Président, les députés de l'Opposition
s'acharnent actuellement, comme certains adversaires politiques du
gouvernement, bien sûr, à attribuer au gouvernement du
Québec toute la responsabilité et tout le tort là-dedans.
Le député de Nelligan tout à l'heure nous disait: Cela
a-t-il de l'importance de savoir qui a commencé la chicane? Est-ce
important de savoir qui s'est mis dans le tort? Je pense que c'est fondamental.
C'est non seulement important, c'est fondamental qu'un gouvernement
démocratiquement élu, le gouvernement fédéral,
décide de passer outre les principes les plus élémentaires
de justice et d'équité, décide d'intervenir directement
dans les municipalités du Québec. Que ce gouvernement-ci
réagisse vigoureusement, le député de Nelligan, qui parle
au nom de son parti, bien sûr, ne trouve pas cela important. Ce n'est pas
grave de savoir qui a commencé la chicane. Quand on nous démontre
à Ottawa même que la constitution canadienne ne peut plus
fonctionner de la façon dont les pouvoirs sont actuellement
partagés, ces gens-là refusent catégoriquement de
dénoncer des gestes du gouvernement fédéral qui n'ont pas
d'allure. (20 h 30)
Ah! si ce gouvernement élève la voix, si ce gouvernement
semble avoir provoqué une divergence de vues, immédiatement, ils
nous condamnent dans tous les médias. Immédiatement, ils nous
fustigent ici à l'Assemblée nationale. Immédiatement, ils
attaquent systématiquement tous les ministres qui sont concernés.
Mais quand c'est le grand frère fédéral, quand c'est la
maison mère, quand c'est le grand patron à Ottawa, ce n'est pas
important de savoir qui a commencé la chicane. Il y a une chicane.
Courbons la tête. Soyons bons princes. Tassons-nous. Laissons les
fédéraux envahir l'administration publique. Laissons-les donc
faire ce qu'ils veulent, les fédéraux. Ils perçoivent des
impôts. Laissons-les se promener dans les municipalités du
Québec. Comme le disait mon collègue, le ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche, laissons-les donc se promener, donner 100 000 $
ici pour une aréna, en donner 250 000 $ à cet endroit, en donner
500 000 $ à tel endroit, en donner 50 000 $ ici. Laissons-les faire. Ce
sont des fédéraux. Ce n'est pas important. On sait que ce n'est
pas important. Là-dessus aussi, on est d'accord, mais de là
à dire qu'il n'est pas important que ces gens-là soient
obligés de dépenser les deniers publics avec un minimum de
sérieux et en respectant les juridictions des autres gouvernements,
là, c'est forti
Les gens de l'Opposition ont réussi ce tour de force de condamner
un geste fédéral, d'éviter de le dire à quiconque,
cependant, de les laisser gaspiller l'argent public de n'importe quelle
façon, mais pas un n'ose lever la voix. Cela prouve une fois de plus -et
très clairement - aux yeux de tout le Québec, que les patrons
sont à Ottawa, les patrons, ceux qui décident pour vous, ceux qui
vous ont sous leur emprise et sous leur joug, ils sont à Ottawa. Quand
les patrons décident de se comporter incorrectement, vous ne pouvez que
les dénoncer à basse voix. Vous n'osez pas et vous n'oserez
jamais. C'est d'ailleurs pour cela que les citoyens du Québec ne vous
ont pas choisis l'avant-dernière fois, c'est pour cela que les citoyens
du Québec ne vous ont pas choisis la dernière fois et c'est pour
cela aussi qu'ils vont vous laisser sur ces banquettes la prochaine fois.
Une voix: Bravo!
M. Gauthier: Pour comprendre le contexte de la loi 38, il faut
bien regarder comment est fait notre système fédéral.
Quand le Québec a décidé de s'associer avec quelques
autres provinces du Canada pour se donner un gouvernement central, on voulait
qu'il fasse deux choses: la première, qu'il s'occupe de grandes
questions nationales, qu'il était plus commode de confier à un
comité de coordination et, la deuxième, était de partager
la richesse parmi les régions du Canada afin de leur permettre de se
développer à leur propre rythme et selon leurs aspirations. Deux
fonctions fondamentales, la base du fédéralisme. Si on regarde la
loi 38 de plus près, on pourrait diviser en deux grandes périodes
l'histoire de notre pays. La première période va du début
jusqu'en 1982 et la deuxième période de 1982 jusqu'à
aujourd'hui.
Fidèle à son mandat, en se faisant tirer de temps à
autre les oreilles, bien sûr, que ce soit par Robert Bourassa, Jean
Lesage, Maurice Duplessis ou par d'autres, le gouvernement
fédéral a toujours signé un certain nombre d'ententes pour
réinvestir dans les municipalités du Québec, selon un
certain nombre de priorités, les impôts qu'il
venait chercher. Comme il ramasse la moitié du portefeuille, il
est juste et raisonnable qu'il paie, qu'il contribue sa juste part à
l'ensemble des investissements publics.
Avant 1982, ce gouvernement, et d'autres aussi, ont réussi
à construire dans les municipalités, tantôt un centre
communautaire, tantôt un hôtel de ville, tantôt une caserne
de pompiers, tantôt un service d'égout ou d'aqueduc, bref, des
travaux utiles, demandés et désirés, des
équipements dont on a besoin dans l'administration quotidienne des
municipalités. Tous les maires du Québec qui sont à
l'écoute le savent ou ont bénéficié un jour ou
l'autre de ces programmes conjoints, administrés par le gouvernement du
Québec, comme il se doit, comme c'est écrit dans la constitution,
mais à frais partagés avec le gouvernement fédéral
qui nous retournait ainsi une partie des impôts qu'il prélevait
chez nous. C'était durant la période avant 1982.
Un jour, notre ami, le premier ministre fédéral, pas
tellement longtemps après le référendum, alors qu'il nous
avait promis des changements majeurs, décide de déclarer
publiquement que c'est fini le fédéralisme coopératif. Le
soir où M. Trudeau a déclaré cela, comme on était
habitué à des déclarations pas toujours très
significatives, la plupart des gens ont pensé que M. Trudeau
s'égarait encore une fois dans l'ensemble du dossier constitutionnel et
des relations avec les provinces. On n'a pas porté d'attention plus
qu'il n'en fallait à ses paroles; sauf que depuis ce temps, les citoyens
du Québec ont le droit de savoir que le gouvernement
fédéral refuse systématiquement de signer des ententes
avec le gouvernement du Québec. La première raison qu'ils ont
donnée: On n'a plus d'argent à mettre là-dedans. Le
ministre des Affaires municipales, pensant que les difficultés
économiques avaient eu raison du gouvernement fédéral, a
essayé de négocier des choses, mais toujours en pensant que la
caisse était peut-être moins bien garnie.
Cette histoire a fonctionné jusqu'au jour où on s'est
aperçu, dans l'ensemble des comtés du Québec, parce que
des médias d'information l'avaient relaté, comme c'est le cas
dans l'article que je citais tout à l'heure, que les
députés fédéraux se promenaient tantôt avec
un million en poche, tantôt avec deux millions, tantôt avec cinq
millions ou tantôt avec sept millions, comme c'était le cas dans
le comté de Roberval où Mme Suzanne Beauchamp-Niquette, la
députée fédérale, se vantait d'avoir 7 000 000 $
à distribuer aux municipalités. Imaginez, M. le Président,
un gouvernement qui refuse sa responsabilité la plus
élémentaire, soit celle de retourner d'une façon juste et
équitable, leurs impôts aux contribuables du Québec, qui se
permet de donner à ses députés des cagnottes de 7 000 000
$. Un rien du tout1. 7 000 000 $ pour donner à gauche et
à droite, pour faire de la politique.
Mon député fédéral, comme celui de
l'ensemble des députés dans cette Chambre, comme celui du
député de Nelligan, s'est promené à gauche et
à droite, offrant tantôt une carotte à une
municipalité, tantôt un fruit à une autre, tantôt un
cadeau à un maire complaisant. Et le système a fonctionné
pendant un certain temps, jusqu'à ce que le gouvernement du
Québec décide de déposer le projet de loi qu'on
étudie présentement et qui n'a pour but que de ramener à
la raison ce gouvernement fédéral qui est en train de perdre les
pédales puisque, les sondages lui accordent une très
piètre performance et nous indiquent que d'ici à quelques mois il
sera probablement l'Opposition officielle, si ce n'est le tiers parti à
Ottawa.
Dans la panique, ces gens-là ont agi comme ils pensaient devoir
agir dans les circonstances. Mais le gouvernement du Québec, en
déposant le projet de loi 38, a voulu mettre un frein à
ça. Le projet de loi 38 n'est pas compliqué. Il dit simplement
aux municipalités: Aidez-nous à faire comprendre au
fédéral - et on le demande aussi à l'Opposition -
aidez-nous donc à faire comprendre au fédéral que ce
qu'ils essaient de faire, ça n'a pas d'allure; aidez-nous donc à
dire au fédéral que son argent, on le prendra quand il sera dans
des programmes normalisés, quand il nous sera accessible de façon
équitable et non pas discrétionnaire, selon la couleur des yeux
du maire ou, mieux encore, selon sa couleur politique.
Après 1982, finies les ententes. Depuis 1982 les
députés fédéraux garrochent les impôts des
Québécois sous toutes sortes de formes. On a
court-circuité littéralement l'administration municipale. Il se
fait dans le Québec un gaspillage de fonds éhonté, des
gens qui fournissent dans des comtés sans que les besoins en aient
été exprimés, selon leur volonté, qui
dépensent des impôts des Québécois de façon
tout à fait discrétionnaire. Cela, c'est condamnable.
Que doit faire le gouvernement du Québec dans une pareille
situation? le gouvernement du Québec, qui a réformé depuis
quelques années la fiscalité municipale pour donner aux
municipalités du Québec, à leur demande même, un peu
plus de pouvoirs, pour leur donner l'autonomie, pour leur donner la
capacité de s'administrer correctement sans avoir à faire les
éternels pèlerinages à Québec, comme à
l'époque où nos amis d'en face occupaient le pouvoir à
Québec? (20 h 40)
M. le Président, après avoir réformé la
fiscalité, après avoir répondu à ce désir
légitime des élus municipaux du Québec qui
veulent s'administrer chez eux, selon leurs priorités, qui
veulent budgétiser et qui veulent réaliser des choses en fonction
de leurs besoins, que devait faire le gouvernement du Québec face
à un partenaire fédéral qui a littéralement perdu
les pédales et qui garroche les impôts des Québécois
selon son bon vouloir politique ou selon les intérêts du moment?
Le gouvernement du Québec a décidé de stopper
l'hémorragie. Il a déposé le projet de loi 38, une loi
à caractère fiscal et qui prend effet, comme toutes les lois
à caractère fiscal, au moment de son dépôt. Depuis
que ce projet de loi a été déposé en juin 1983, les
municipalités du Québec savent qu'elles ne peuvent utiliser les
fonds qui leur sont souvent donnés sous de fausses
représentations. Elles doivent simplement faire entendre raison au
gouvernement fédéral. Je serais heureux que les
municipalités le demandent clairement, que les gens de l'Opposition le
demandent aussi clairement, même si c'est la maison mère,
même si les décisions se prennent là-bas. Ils doivent
probablement être capables d'un dernier regain de fierté. Ils
doivent probablement être capables de dire au gouvernement
fédéral: Cela n'a plus de bon sens. Si les municipalités
du Québec et l'Opposition s'associent au gouvernement dans cette
démarche, on comprendrait vite, à Ottawa, que ce qu'ils font est
inaccepté et inacceptable.
M. le Président, avant de terminer, j'aimerais revenir sur
l'attitude, sur les propos qu'a tenus M. Asselin, le président de
l'Union des municipalités régionales de comté du
Québec, qui fait également consensus avec nous en disant:
D'accord, ce n'est pas de juridiction fédérale. Là-dessus,
on s'entend avec M. Asselin, on s'entend avec M. Dufour, on s'entend avec
l'Opposition. Tout le monde trouve que cela n'a pas d'allure. Cependant, il
réclame qu'il n'y ait pas de rétroactivité, que le projet
de loi ne soit pas rétroactif. Je regrette, mais quand on connaît
la nature d'une loi fiscale, elle prend effet au moment de son
dépôt, et c'est fondamental. Depuis que le projet de loi a
été déposé à l'Assemblée nationale,
qui de l'Opposition ou quelle municipalité du Québec oserait
venir nous dire qu'ils ignoraient qu'ils n'avaient pas le droit d'accepter ces
fonds illégitimes? Qui aurait l'audace de venir nous dire qu'ils ont
administré en toute bonne conscience, qu'ils ont pris ces fonds pensant
qu'ils avaient le droit de le faire? Le projet de loi était
déposé. Le projet de loi était clair. Le projet de loi est
actuellement débattu et le projet de loi sera voté, M. le
Président.
Je pense que ce gouvernement n'a pas le choix d'agir exactement comme
ses prédécesseurs l'ont fait, avec un peu plus de courage
cependant. Ce gouvernement n'avait pas le choix d'accepter une situation aussi
intolérable. Pour répondre au député de
Nelligan qui dit être d'accord avec le principe du projet de loi,
je lui dis: Vous devriez, vous autres, pour une fois, faire montre d'un peu de
fierté; vous devriez vous associer à notre démarche; vous
devriez dire au fédéral que cela n'a pas d'allure; vous devriez
avoir le courage et l'audace de dire à vos concitoyens combien cette
démarche est repréhensible et inacceptable.
Un appui clair et sans équivoque est demandé à
l'Opposition comme à l'Union des municipalités régionales
de comté du Québec et à l'Union des municipalités
du Québec. On demande à l'Opposition de cesser de faire
pitié. On demande à l'Opposition de se tenir debout, de respecter
la constitution, de cesser de jouer à l'enfant perdu, de cesser de jouer
à la vierge offensée et de nous aider, de s'associer à
cette démarche pour replacer les gens du fédéral, qui ont
perdu les pédales, dans le droit chemin constitutionnel. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Berthier.
M. Albert Houde
M. Houde: Merci, M. le Président. D'abord et avant tout je
voudrais répondre au député de Roberval qui disait
tantôt: Le gouvernement fédéral va chercher 50% des taxes
au Québec pour les apporter à Ottawa. J'aurais aimé qu'il
tienne compte des déclarations de son ministre des Finances dans cette
Chambre lorsqu'il a dit qu'il allait chercher en péréquation
à Ottawa des milliards, apportant au Québec plus que ce qu'on
donnait. Encore dernièrement, il a dit: Un cadeau'. Des centaines de
millions, un peu plus d'un milliard. Le ministre des Finances a dit,
voilà quinze jours, ici, qu'il y avait 278 000 000 $ venant du
fédéral auxquels il ne s'attendait pas du tout, un cadeau de plus
encore. Il faudrait peut-être que le député de Roberval
tienne compte de ces choses... M. le député de Bourassa, c'est
moi qui parle. Vous parlerez tantôt.
M. le Président, nous allons parler du projet de loi 38 qui est
devant nous ce soir. Le gouvernement du Québec déposait, le 21
juin dernier, le projet de loi 38. Le but visé par ce projet de loi
était d'arriver à une entente entre le gouvernement du
Québec et celui d'Ottawa vis-à-vis de l'aide financière
accordée aux municipalités par le fédéral.
Le projet de loi 38 qui est déposé devant nous ce soir -
c'est-à-dire qu'on discute ici, ce soir - n'avait pas sa raison
d'être du tout. D'abord, premièrement, si les gens d'en face
étaient honnêtes, pas hypocrites, pouvaient négocier avec
les gens du fédéral pour en venir à une entente, ce serait
certainement mieux que ce qu'ils font actuellement, parce que la plupart des
ministres font le contraire. En face, on
essaie de nous faire miroiter qu'ils travaillent avec eux pour essayer
d'aller chercher le maximum. C'est tout le contraire. On a peut-être eu
un exemple la semaine dernière avec le ministre qui a
démissionné. Probablement qu'il s'est trop bien entendu.
Lorsqu'il est revenu voir ses confrères, ils lui ont probablement dit:
Écoutez, vous ne pouvez pas accepter cela. Vous avez un choix. Soit de
retourner à Ottawa et dire non ou bien de prendre la porte. Probablement
qu'il a préféré prendre la porte. Après cela ils
viendront nous faire croire, le premier ministre en tête, que tout va
bien dans le gouvernement péquiste.
Si on regarde l'article 2 du projet de loi 38, il dit ceci: "Une
municipalité qui, au jugement du gouvernement, a
bénéficié autrement que selon l'article 1 d'une
participation du gouvernement du Canada ou de l'un de ses ministres ou
organismes, directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit,
perd ainsi, conformément à l'article 4, le droit d'exiger du
gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministres ou organismes..." Si
on s'en va plus loin, on lit à l'article 3: "Le gouvernement peut,
à sa discrétion, constater par décret qu'une
municipalité se trouve dans la situation visée à l'article
2." Je pourrais peut-être faire une parenthèse. En parlant de
décret, je reviens du Château Frontenac, du Congrès de
l'UPA, cet après-midi. C'était notre place auprès des
agriculteurs, M. le député de Bourassa. Oui, c'était notre
place en tant que député d'un comté rural. Mais votre
ministre, M. Garon, n'était pas présent cet après-midi.
Ils l'avaient invité mais il n'y était pas.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaîtl
S'il vous plaîtl Question de règlement, M. le député
de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: ...le congrès de l'UPA versus le
député de Houde, qu'est-ce qu'il peut y avoir de
conséquent...
Le Vice-Président (M- Rancourt): S'il vous plaît!
Oui, je comprends très bien ce à quoi vous faites allusion, M. le
député de Saint-Hyacinthe. Vous faites allusion à la
pertinence du débat et je redemanderais, évidemment, au
député de Berthier... S'il vous plaîtl Question de
règlement, M. le député de Saint-Laurent. (20 h 50)
M. Leduc (Saint-Laurent): Je veux demander au
député de Bourassa de se taire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît: M. le député de Saint-Laurent. S'il vous
plaîtl S'il vous plaîtl Je demanderais la collaboration de cette
Chambre, bien sûr, comme à l'ordinaire, pour permettre aux
députés d'exprimer leur opinion. M. le député de
Berthier.
M. Houde: M. le Président, lorsque je parlais de
décret tantôt, je faisais allusion à un décret qui
intéresse le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. Il n'était pas présent cet après-midi.
Deuxièmement, cela m'a permis aussi de rencontrer beaucoup de maires de
municipalités au congrès de l'UPA.
Une voix: On est membre de l'UPA.
M. Houde: On est membre de l'UPA à part cela pour ceux qui
ne le savent pas. Je vais continuer à l'article 16: "Le gouvernement
peut se prévaloir de la présente loi si...
M. Laplante: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît:
Oui, M. le député de Bourassa sur une question de
règlement.
M. Laplante: Oui, M. le Président. Il est interdit lors du
discours en deuxième lecture de lire les articles d'un projet de loi.
Vous savez cela.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Bien sûr, M. le
député de Bourassa ainsi que chacun des membres de cette
Assemblée sait fort bien qu'à l'article 120, le débat sur
toute motion de deuxième lecture doit être restreint à la
portée, aux propos, aux principes fondamentaux et à la valeur
intrinsèque du projet de loi ou à toute autre méthode
d'atteindre ces fins. Donc si vous voulez vous y conformer, M. le
député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. J'ai cité les
articles fondamentaux du projet de loi 38.
Une voix: Oui, oui, il a raison.
M. Houde: Je ne vous ai pas dérangé tantôt
lorsque vous avez parlé des députés d'en face. Si vous
voulez parlez, vous le ferez à votre tour. Si vous ne voulez pas parler,
vous savez ce que vous avez à faire.
Au sujet des subventions distribuées, avant-hier j'entendais un
député d'en face qui en parlait dans les comtés où
il y a des députés libéraux fédéraux. Pour
ceux qui ne le savent pas, je reste voisin du comté de Joliette,
représenté par un député conservateur que je sache.
C'est le député qui s'est présenté candidat comme
chef de l'Union Nationale dans mon comté en 1981 et que j'ai eu
l'honneur et la chance de battre. Il s'est présenté à
nouveau dans le comté de Joliette et il a été élu.
Il est conservateur, il n'est pas libéral. Il a obtenu une subvention du
gouvernement fédéral de 750 000 $ pour la rénovation d'une
aréna, ce
n'est pas 750 $. L'aréna a été
rénovée que je sache. Le maire de la municipalité de
Joliette était bien content dans le temps. Il s'agissait d'une somme qui
venait du fédéral et c'était un conservateur, pour ceux
qui ne le savent pas, c'est exactement cela.
On peut parler encore de la région de Lanaudière. Vous
disiez que les sommes d'argent venant du fédéral étaient
inacceptables et qu'il ne fallait pas les accepter pour les
municipalités. Lorsqu'il y a eu un sommet économique à
Joliette et dans la région de Lanaudière - qui comprend mon
comté aussi - il y a eu des sommes d'argent qui sont venues du
fédéral. C'est grâce à l'intervention et aux
subventions du fédéral si le sommet économique a eu lieu
parce que sans cela nous n'aurions pas eu de sommet économique à
Joliette. On a eu la collaboration du gouvernement provincial, mais sans l'aide
du fédéral, nous n'aurions pas eu de sommet économique
à Joliette. Plusieurs ont participé à cette rencontre. Il
semblerait que cela a été un succès. Attendons les
résultats, mais en tout cas pour le moment, cela a été un
succès.
Si le gouvernement fédéral a versé des sommes
d'argent et en verse peut-être encore dans la province de Québec
à des organismes ou à des municipalités, cela s'explique,
c'est que le gouvernement péquiste criait au fédéral:
Créez des emplois; créez des emplois! Il en a créé
des emplois en donnant des subventions. Tout de suite après, le
gouvernement péquiste criait: au meurtre! Au meurtre! Cela ne se peut
pas! On ne peut pas accepter cela, c'est inacceptable! L'argent, qu'il vienne
d'un ou de l'autre, je le prends parce qu'il n'a pas d'odeur.
Si on parle maintenant du projet RELAIS, lorsqu'il y a eu une entente de
signée pour les projets RELAIS avec le gouvernement provincial,
qu'est-ce qui est arrivé? On avait signé une entente avec des
représentants du gouvernement du Québec. Par la suite, tout est
tombé à l'eau. Probablement que le projet était trop bon,
tout le monde en aurait bénéficié. Avec les deux paliers
de gouvernement? Non, cela est tombé à l'eau. Il a
représenté un PRIME, qu'est-ce qui est arrivé au PRIME? Je
peux vous en parler un peu des PRIME parce que j'en ai eus quelques-un dans mon
comté. D'autres municipalités n'ont rien voulu savoir de cela.
D'abord, premièrement, lorsqu'il a pris connaissance du projet du
programme PRIME, il y avait tellement de paperasse à remplir, tellement
de lenteur qu'en fin de compte, il n'y avait rien à voir
là-dedans. Il a dit: on laisse tomber tout cela, travaillons sur autre
chose.
On va aussi parler des HLM. Beaucoup de HLM ont été
construits dans mon comté, comme partout ailleurs. Il y a souvent une
guerre de drapeaux, d'abord: c'est une bataille, il n'y a presque jamais de
drapeau du Canada, en tout cas ce que je vois.
M. Dupré: ...
M. Houde: Est-ce que je pourrais demander la paix au
député de Saint-Hyacinthe?
Le Vice-Président (M- Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Berthier, vous avez le droit de parole.
M. Houde: Merci. Lorsqu'on voit 60% venant d'Ottawa, 30% venant
du Québec et 10% venant des municipalités, c'est là qu'on
peut construire des logements pour nos personnes retraitées. Et on ne
voit pas, sur un grand panneau-réclame "60-30-10"; non, bien plus
souvent qu'autrement on ne voit rien.
Peut-être qu'il y en a qui ne le savent pas ici, mais dans
plusieurs municipalités, les autoroutes, les grandes routes et les voies
d'accès sont défrayées à 50% par le gouvernement
fédéral. Vous ne voyez pas un panneau-réclame... les trois
quarts du temps vous ne voyez pas cela. Vous voyez une belle pancarte bleue
écrite en blanc pour dire que c'est une initiative du gouvernement
provincial. De temps en temps on verra une pancarte fédérale, et
plus souvent qu'autrement la pancarte est séparée en deux et on
ne la voit plus. Dans mon comté cela s'est fait. Celle du provincial on
la voit encore.
Quels seront les critères du ministre, advenant le cas qu'il
veuille réellement mettre en application les coupures qu'il voudra faire
dans les municipalités, là où il décidera d'en
enlever parce qu'elles en ont reçu du fédéral? J'aimerais
que le ministre, lorsqu'il répondra, nous donne les critères.
Comment va-t-il s'y prendre? Va-t-il tenir compte des comtés qui ont
élu des députés libéraux? Des comtés
péquistes? D'un maire péquiste ou d'un maire libéral? Dans
mon comté il y a plus de libéraux que de péquistes, alors
je vais peut-être être désavantagé. J'espère
qu'il ne m'oubliera pas sur ce côté et que ce sera réparti
également si jamais il vient à le faire. J'espère qu'il ne
le fera jamais et que tous ceux qui en ont bénéficié les
oublieront.
Tantôt il parlait du maire Asselin: c'est un maire de mon
comté et j'en suis fier parce qu'il est préfet des MRC du
Québec. Il a été vice-président pendant trois ans
et il a été élu président. J'en suis très
fier et je sais qu'il va très bien représenter les
municipalités auprès du gouvernement; je peux vous le dire.
Dans le Soleil du 5 décembre 1983 on peut lire: "Les
municipalités qualifient d'ingérence le projet de loi 38", et
elles disent qu'on ne peut accepter un tel projet
de loi. Plusieurs autres organismes ont dit la même chose. Je ne
sais pas si le ministre va en tenir compte.
J'ai écrit une lettre à chacune des municipalités
de mon comté leur demandant combien d'argent elles avaient investi pour
ériger un édifice municipal, un centre culturel ou des
réparations, peu importe. La plupart ont eu le temps de me
répondre pour me dire qu'elles avaient dépensé
énormément d'argent pour les services d'ingénieurs,
d'architectes; d'autres, qu'elles n'avaient pas commencé; et d'autres
enfin, qu'elles ont fini même de dépenser les sommes reçues
du fédéral depuis le 17 juin 1983.
Je peux vous donner quelques chiffres des municipalités qui sont
concernées et qui n'ont pas osé défier le projet de loi
qui était déposé, car elles craignaient de se faire
reprocher par leurs concitoyens d'avoir mal agi ou de s'être
peut-être trompées. Je vais vous en nommer quelques-unes, entre
autres: Saint-Barthélémy a dépensé 9000 $ en frais
d'architectes et le projet est tombé à l'eau, mais elle a pour 40
000 $ de réparations à effectuer pour rénover son
édifice municipal afin de ménager l'électricité et
que cela coûte moins cher dans les années à venir. La
municipalité de Saint-Alphonse-de-Rodriguez, 45 000 $; elle attend, elle
ne bouge pas. La municipalité de Saint-Félix paroisse - c'est
chez nous - avait une subvention de 150 000 $ offerte par le
fédéral pour bâtir un édifice municipal, parce
qu'elle est à loyer et aurait bien voulu se prévaloir de cet
argent; elle n'a rien fait, mais elle a dépensé 10 500 $ pour des
plans et cela reste là. (21 heures)
Je vais vous en nommer d'autres: la municipalité de
Sainte-Élizabeth, elle a commencé. Quels problèmes elle
aura? Je ne le sais pas. Il y a eu une élection municipale et cela a
joué énormément dans le résultat des
élections. Je peux vous dire cela, M. le ministre. Je vais vous en
nommer une autre: la municipalité de Lavaltrie paroisse qui a
dépensé des sommes d'argent et qui attend encore le
résultat du projet de loi, ce qu'il va donner en fin de compte. Il y a
encore une autre municipalité, la municipalité de
Saint-Félix village parce que nous avons deux municipalités et
j'en passe. Il y en a d'autres qui ne sont pas encore entrées. Donc, je
ne peux pas vous les donner, mais cela a coûté à plusieurs
municipalités des centaines de milliers de dollars qu'elles ont
donnés et elles n'ont encore rien retiré. En plus, elles ont eu
des montants d'argent qui leur ont été offerts par le
gouvernement fédéral, presque 2 000 000 $ dans mon comté.
On ne les a pas encore. Les aura-t-on encore? Le gouvernement
fédéral va-t-il attendre pour nous les donner si le ministre
décide de retirer son projet de loi? Je ne le sais pas. En tout cas, je
laisse cela à votre discrétion.
Vous avez parlé de certaines arénas et de montants
d'argent fabuleux dans des comtés. Dans mon comté, à
Saint-Gabriel-de-Brandon, il y a un projet d'aréna qui leur
coûtera à peu près rien, parce que le gouvernement
fédéral aura mis près de 4 000 000 $ pour l'aréna
de Saint-Gabriel-de-Brandon.
Une voix: Saint-Gabriel-de-Brandon?
M. Houde: Oui, c'est dans mon comté. Deuxièmement,
les 100 000 $; le comité qui a été formé pour
ramasser des sommes d'argent pour payer les fonds de terrain est allé
chercher cette somme auprès des contribuables, auprès des hommes
d'affaires. Après, il a demandé aux municipalités de
signer des contrats avec lui pour être capable de faire fonctionner
l'aréna après, pour qu'elle ne soit pas déficitaire.
L'aréna ne leur coûtera probablement pas grand-chose quand elle
sera terminée. Tout cela pour vous dire que lorsqu'il y a des chicanes
de clochers...
Avant-hier, j'entendais un autre ministre de votre côté qui
disait: II s'agit d'annoncer le projet un avant l'autre, le provincial avant le
fédéral ou le fédéral avant le provincial. Le
musée d'art de Joliette, ils sont en train de le réparer, mais il
aurait fallu qu'il soit réparé il y a déjà deux ans
parce qu'il pleuvait dedans. Il était grandement temps de le
réparer. Qu'ont-ils fait? Le gouvernement fédéral est en
train de donner 125 000 $ et le gouvernement provincial, 125 000 $.
Malheureusement, le gouvernement provincial a mis du temps à
démarrer et c'est le gouvernement fédéral qui a
annoncé les 125 000 $. Ils ont gelé les réparations pour
un an et demi. Durant ce temps, il se détériorait, le
musée d'art de Joliette. Il y a des chicanes, encore là. C'est
à celui qui l'annoncerait le premier. Tout ce temps perdu avec les
différents ministères du provincial auprès du
fédéral. Il me semble que, si vous n'êtes pas des
séparatistes, il y aurait moyen de s'entendre pour ne pas perdre du
temps et même des sommes d'argent qu'on pourrait recevoir, parce que,
quand l'argent est voté, il s'agit de le dépenser. Si on ne le
prend pas, c'est un autre comté qui va le prendre.
Deux minutes, M. le Président? Merci. C'est ce qui arrive avec
vous. Comme je vous le disais tantôt, si vous étiez honnêtes
et moins hypocrites, ce serait beaucoup mieux et on y gagnerait
énormément dans la province de Québec avec vous autres.
Tant et aussi longtemps que vous garderez votre option séparatiste comme
objectif no 1, on aura toujours des problèmes. Ce sera toujours la
même chose. Ce seront toujours les Québécois et les
Québécoises qui en paieront la note.
M. le Président, je voudrais demander,
en terminant, au ministre des Affaires municipales, au nom des
municipalités, de s'asseoir et de discuter sérieusement et
franchement, tout en oubliant l'indépendance, avec le gouvernement
fédéral. On aurait tout à gagner pour le bien des
Québécois et des Québécoises. Aussi, je demanderais
au ministre une commission parlementaire pour que les gens
intéressés, les gens qui représentent bien les
Québécois et les Québécoises se fassent entendre
auprès des autorités gouvernementales afin que nous obtenions ce
qui nous revient dans un esprit de bonne entente. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Trois-Rivières.
Des voix: Bravo! Bravo!
Des voix: M. le maire!
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois: J'espère que le député de
Jean-Talon ne se contentera pas de quelques remarques au départ et qu'il
restera à son siège parce que je me servirai de lui comme d'un
témoin, tout à l'heure.
Des voix: Ah!
M. Rivest: Un bon témoin!
M. Vaugeois: J'ai ici une lettre qu'a reçue le maire de
Trois-Rivières - celui qui a été élu...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Vaugeois: ...M. Gilles Beaudoin - une lettre importante
signée d'un ministre fédéral, le ministre des Finances,
qui essaie de contrôler non seulement l'argent, mais les
municipalités du Québec. Il explique à M. Beaudoin, qui
n'est pas dupe - il n'a pas gagné pour rien, M. Beaudoin, c'est un homme
rusé, un homme astucieux, un homme intelligent, un capable - les
détours pris par le Québec dans cette affaire de la loi 38.
Quel est l'enjeu de la loi 38? Qu'est-ce qui fait qu'on recommence ce
débat ce soir? Qu'est-ce qui fait que les gens d'en face sont nerveux,
agités? Môme le député de Berthier, qui est un
pacifique...
Mme Bacon: Non!
M. Vaugeois: Regardez la députée qui intervient mal
à propos! Je ne perds pas toujours mes campagnes électorales,
j'en ai déjà gagné une contre son frère;
peut-être qu'il y a des réminiscences personnelles dans son
attitude ce soir.
Une voix: C'est visible.
Une voix: II y en a un qui s'en va.
M. Vaugeois: Le député de Berthier, qui nous quitte
et qui, d'habitude, est un homme paisible, en est venu ce soir à nous
traiter d'hypocrites. Si j'ai bien compris, il a osé nous traiter
d'hypocrites.
Des voix: C'est vrai!
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Vaugeois: Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui se passe pour
qu'on soit à ce point nerveux, pour que, soudainement, l'Opposition
décide de faire une résistance de tous les diables sur ce projet
de loi? Est-ce leur initiative propre ou s'ils ont reçu, eux aussi, une
lettre de Marc Lalonde leur disant l'enjeu du débat?
Qu'est-ce que dit M. Lalonde dans sa lettre? Dans sa lettre, il rappelle
qu'en 1979 la province de Québec... Parce que le fédéral
ne sait pas dire "le Québec"; pour lui, c'est "la province de
Québec". La province, c'est une municipalité un peu plus grande
que les autres, comme on a dit à l'origine même de notre
constitution. M. Lalonde parle de "la province" et il ne se gênera
jamais, sur le plan international, pour dire "la province". Quand notre premier
ministre est reçu à l'étranger, on le fait accompagner,
provincial qu'il est, par un ambassadeur du Canada. Sans doute que les gens
d'en face applaudiront à ce geste du gouvernement
fédéral.
M. Rivest: Oh! On ne l'a pas fait.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, je m'excuse.
M. le député de Jean-Talon, s'il vous plaît!
Une voix: Vous êtes nerveux!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je fais un rappel de part
et d'autre, d'ailleurs.
Mme Bacon: Ils sont nerveux!
Le Vice-Président (M. Jolivet): J'aimerais avoir la
possibilité d'entendre paisiblement le discours du député
de Trois-Rivières. M. le député.
M. Vaugeois: Vous avez bien raison, M. le Président, parce
que cela promet d'être correct, je pense bien. Même si ce
débat est long, je pense que je parlerai de choses un peu
différentes étant donné l'expérience que je peux
avoir et les observations que j'ai pu faire.
Dans cette lettre de M. Lalonde, on rappelle qu'en 1979 le Québec
aurait versé
15 000 000 $ aux municipalités en "en lieu" de taxes, alors que
le fédéral en aurait versé 27 000 000 $ la même
année. Donc, en 1979 - ce n'est pas si loin - le fédéral
verse deux fois plus en "en lieu" de taxes que le Québec. Bien entendu,
à ce moment-là, le Québec y va de toutes sortes de petites
subventions à gauche et à droite pour des choses utiles, pour des
choses intéressantes, pour des choses négociées, mais qui
placent les municipalités dans une situation un peu humiliante alors
qu'elles ont à demander un peu d'argent pour faire telle chose, un peu
d'argent pour faire telle autre chose, etc.
Le ministre actuel, avec ses collègues du Conseil des ministres,
a décidé, après une longue réflexion et plusieurs
évaluations, après plusieurs consultations avec le monde
municipal, de mettre un terme à cette situation humiliante pour les
municipalités et d'en venir à un comportement de bon contribuable
qui accepte qu'il y ait une évaluation franche de faite de ses
propriétés et qui accepte de payer ses taxes sur ses
propriétés. (21 h 10)
Le Québec, qui est aussi la couronne dans ce pays, n'a pas
à payer ses taxes. Le fédéral se défend de ne pas
payer ses taxes à certains moments parce que, dit-il, la couronne n'a
pas à payer ses taxes. Le Québec, qui est aussi une partie de la
couronne, a convenu de payer ses taxes sans humilier les municipalités,
sans les obliger à faire chaque fois le petit voyage.
Je prends un raccourci, M. le Président, parce que notre temps
est bien précieux. À partir de 15 000 000 $ au Québec et
de 27 000 000 $ au fédéral, en 1982, le Québec versait,
comme contribuable qui paie ses taxes, 374 000 000 $ alors que le
fédéral en versait 31 000 000 $.
Une voix: II n'y a pas eu d'inflation pour eux.
M. Vaugeois: On est passé, le temps de le dire, d'une
situation où le fédéral payait deux fois plus à une
situation où le Québec paie plus de dix fois plus. C'est un
chèque qui arrive sans discussion. Cela correspond à une
évaluation qui est faite et c'est le montant qu'on doit, compte tenu des
proportions qu'on paie à ce moment-ci.
Que propose le fédéral entre-temps? Le
fédéral a décidé, un peu gêné, quand
même, de voir qu'on met de bons montants sur la table sans discussion,
d'augmenter ses montants. Au-delà des 31 000 000 $ que je viens de
mentionner, honnêtement je dois dire que le fédéral essaie
de donner un peu d'argent à côté. Le député
de Berthier vient d'en évoquer. Il prétend qu'on serait
prêt à donner 4 000 000 $ pour un centre sportif et communautaire
à Saint-Gabriel. C'est beaucoup d'argent. J'ai vu dans des dossiers
concernant également son comté qu'on voulait même financer
la construction d'un hôtel de ville. Imaginez-vous! La constitution du
Canada et même la nouvelle, en fait toutes les constitutions depuis 1867,
malgré les amendements, a toujours convenu d'une chose: les institutions
municipales sont des prolongements du pouvoir provincial, c'est-à-dire
que c'est un pouvoir délégué, finalement. Les
municipalités sont de la responsabilité exclusive, de la
compétence exclusive du gouvernement du Québec. Pour autant, ce
ne sont pas des institutions mises en tutelle parce qu'avec le temps elles ont
acquis leurs pouvoirs propres, pouvoirs délégués, mais
pouvoirs qu'elles gèrent et le gouvernement du Québec actuel a
convenu de leur donner les moyens de se comporter comme des gouvernements
responsables.
Pendant ce temps-là le gouvernement fédéral propose
de mettre un petit peu plus d'argent, mais de façon conditionnelle.
Qu'est-ce que cela veut dire? Il met des conditions de drapeau, des conditions
de gentillesse, des conditions de petits détails, d'invitations,
évidemment. Il faudra que le ministre fédéral puisse venir
couper quelque chose et qu'il soit plus important, même s'il est plus
petit, que le député provincial qui sera au deuxième rang,
si jamais on l'invite. Ça, c'est la bataille, c'est l'enjeu. C'est un
petit peu d'humiliation et en même temps les conditions.
Les conditions, on les connaît, les maires les connaissent. Ils
sont habitués à avoir les conditions du fédéral.
Dans mon comté, par exemple, on fête actuellement le 350e
anniversaire de la fondation de Trois-Rivières. Le Québec a mis
sur la table sa contribution de 350 000 $. Le fédéral est
arrivé en disant: On va vous donner 300 000 $, 80 000 $ pour ça,
20 000 $ pour ça, 100 000 $ pour ça. D'ailleurs, c'est toujours
pour faire venir à Trois-Rivières des groupes de
l'extérieur. Ils font leur patronage avec les groupes de
l'extérieur et ils disent à la ville: On va vous donner 300 000
$, mais voici ce que vous allez faire avec cet argent. Le maire Beaudoin, qui
est un adulte, un homme responsable, un homme compétent, se fait dire
par le fédéral, avec son comité des fêtes, quoi
faire avec la subvention fédérale.
Non seulement la contribution est conditionnelle, mais elle est
basée sur une évaluation extérieure. Ainsi, le
fédéral décide d'évaluer lui-même ses
propriétés; il n'accepte pas l'évaluation des autres.
Imaginez un médecin qui déciderait de payer ses taxes, mais qui
dirait à la ville quoi faire avec ses taxes. Avec les taxes que je vais
vous payer, vous allez faire ça, ça et ça. Je vous signale
que ma maison, contrairement à ce qu'on pense ailleurs, ne vaut pas 80
000 $. mais 50 000 $. En annexe à ma maison, il y a mon bureau et
un endroit où je reçois des gens et où je donne des
premiers soins. Vous comprendrez que c'est un service public et que je n'ai pas
à payer des taxes sur cette partie-là de ma résidence. Le
gouvernement fédéral fait ça au Québec. Il
décide de l'évaluation de ses propriétés et il
décide quand il paie des taxes, quelle est la valeur de ses
propriétés, ainsi de suite. Comment voulez-vous gérer des
villes, administrer des budgets publics avec de telles attitudes? Est-ce que
cette attitude du fédéral est grave? C'est humiliant, c'est
méprisant pour les municipalités. Est-ce que c'est grave?
Une voix: Ce n'est pas vrai.
M. Vaugeois: Si le fédéral était un petit
propriétaire, on dirait: voilà un petit propriétaire qui
ne veut pas payer ses taxes selon l'évaluation normale, qui ne veut pas
les payer comme tout le monde, c'est-à-dire en faisant confiance aux
élus municipaux. Le fédéral possède, au
Québec, des ports, des quais, des aéroports et de grands
aéroports. On connaît l'histoire de Mirabel.
Une voix: Le plus grand au monde!
M. Vaugeois: Le plus grand au monde! On connaît,
d'ailleurs, le succès qu'il a avec Mirabel.
Une voix: Le plus gros éléphant blanc.
M. Vaugeois: II possède des parcs, de grands parcs, de
beaux parcs, d'autant plus beaux que c'est une façon pour lui d'acheter
plus de terrains, d'acquérir plus de terrains, et des sites historiques;
Le fédéral a des stations agricoles. Il possède plus ou
moins certaines réserves indiennes. Plusieurs travaux appartiennent au
fédéral: qu'on pense aux chemins de fer, aux oléoducs, aux
élévateurs à grain. Il y a des bases militaires. Vous en
avez une à Farnham, une à Valcartier, vous avez La Macaza.
Une voix: La Citadelle.
M. Vaugeois: Le fédéral, depuis quelques
années en particulier, cherche par tous les moyens à
acquérir du terrain. Il a besoin d'un terrain pour construire un
aéroport. Il choisit un emplacement et exproprie beaucoup plus grand que
nécessaire. Pourquoi? Tout à l'heure, le député de
Berthier disait: Arrêtez donc de parler d'indépendance. Il y a une
chose qui m'apparaît assez évidente, c'est que le gouvernement
fédéral n'a pas oublié qu'il y avait, dans le coeur de
quelques Québécois, des rêves de liberté et
d'indépendance. Le gouvernement fédéral, surtout celui qui
est actuellement en place et qui a une peur bleue que des
Québécois se tiennent debout et prennent un certain nombre de
décisions qui concernent le développement de leur territoire,
s'est dit: On ne leur donnera pas de chance; on va acquérir le plus
possible de ce territoire.
Une voix: Oh!
M. Vaugeois: À mon avis, c'est assez évident, le
fédéral cherche, par tous les moyens... Il pourrait se contenter
de louer, il pourrait se contenter de bail emphytéotique, il pourrait se
contenter juste de ce qu'il lui faut pour remplir ses fonctions de gouvernement
fédéral. Mais non, il prend beaucoup plus grand. Non seulement il
prend beaucoup plus grand, mais il ne paie pas ses taxes. Quand il paie de
petits montants, c'est de façon humiliante, c'est de façon
conditionnelle, c'est sur la base d'une évaluation qu'il fait
lui-même.
Prenons l'exemple de Québec, la ville de Québec. À
Québec même, en 1982, le gouvernement fédéral payait
2 451 000 $ de taxes ou "en lieu" de taxes. Ce n'est pas si mal, 2 451 000 $.
La même année, le gouvernement du Québec payait, en "en
lieu" de taxes à la ville de Québec, 34 922 000 $.
Des voix: Quoi?
Une voix: Le fédéral?
M. Vaugeois: Un instant. Le fédéral, me dites-vous?
Le fédéral, évidemment, ce n'est pas à
Québec; c'est à Ottawa. Alors, à Québec, il n'a pas
à payer beaucoup; le député de Jean-Talon le sait bien.
Quelle est l'importance du fédéral à Québec?
Une voix: II a juste les plaines d'Abraham.
M. Vaugeois: Écoutez! Allons-y! Faisons le tour. Vous avez
les plaines d'Abraham. Ce n'est pas bien grand, les plaines d'Abraham,
évidemment. Ce n'est pas un grand terrain.
Une voix: Non, c'est petit.
M. Vaugeois: Au pied des plaines, depuis environ Sainte-Foy,
Cap-Rouge jusqu'à l'embouchure de la rivière Saint-Charles et
au-delà...
Une voix: C'est si peu.
M. Vaugeois: ...le port. Mais ce n'est pas beaucoup, le port.
Une voix: C'est rien.
M. Vaugeois: Vous allez me mêler, par exemple! Il ne faut
pas que j'en oublie; il y en a beaucoup.
Une voix: La Citadelle.
M. Vaugeois Ah! Voilà. La Citadelle.
Une voix: La Citadelle, c'est vrai.
M. Vaugeois: Évidemment, ce n'est pas bien grand, la
Citadelle.
Une voix: Non, une petite affaire de rien.
M. Vaugeois: Cela n'a pas servi beaucoup, non plus, mais c'est
là. Écoutezl Reprenons: les plaines, les quais, la Citadelle. Et,
si on allait de l'autre côté, évidemment, vous avez les
aménagements portuaires importants, des élévateurs. Vous
avez la Redoute Dauphine, le parc de l'Artillerie, etc. On n'en finit pas,
finalement.
Une voix: C'est si peu.
M. Vaugeois: J'ai été quelque temps ministre des
Affaires culturelles. J'ai appris des choses, bien sûr. J'ai appris, par
exemple, que le fédéral occupait, possédait les deux
cinquièmes de l'arrondissement historique de Québec.
Une voix: Les deux cinquièmes? (21 h 20)
M. Vaugeois: II est au coeur même de Québec, dans
l'arrondissement historique. Je ne lui fais pas reproche d'être
propriétaire des deux cinquièmes de l'arrondissement historique.
Mais sur le territoire municipal lui-même, la ville de Québec,
quelle est la proportion de terrain que le gouvernement fédéral
possède? 2% ou 3%? 5% peut-être? 10%, 15%, 20%, 30%? Non,
là, écoutez, je suis allé trop loin. En fait, 42%, 43% du
territoire de la ville de Québec - parce que je peux me tromper de 1% ou
2% - serait propriété du gouvernement fédéral.
Écoutez, je dirai même que nous ne sommes pas tout à fait
certains que le parlement où nous siégeons a été
lui-même construit sur du terrain qui n'appartient pas au
fédéral. Ceci pour vous dire l'importance du territoire
occupé dans la capitale même du Québec par le gouvernement
fédéral. Vous me direz que c'est un hasard, vous me direz que le
fédéral fait cela de façon distraite. Je suis prêt
à leur faire beaucoup de reproches au fédéral, mais pas de
telles distractions. Je pense que cela procéda d'une volonté
absolument machiavélique - qu'est-ce que vous voulez -avec des desseins
de bloquer, s'il le faut, par la propriété du territoire, un jour
les aspirations normales du peuple du Québec. Voilà ce qui fait
tellement mal dans le projet de loi 381
Les Québécois qui m'écoutent ce soir, ceux qui sont
ici, doivent transposer ce que je viens de dire pour la ville de Québec.
Évidemment, dans toutes les villes du Québec, le gouvernement
fédéral n'a pas autant de propriétés. Qui n'a pas
son bureau de poste? Qui n'a pas, le long du Saint-Laurent, ses petits bureaux
de douane, etc. Pensez à tous ces édifices fédéraux
qui vous entourent. Vous voulez les reconnaître? Regardez le drapeau qui
flotte dessus. Il n'en manque pas de drapeaux sur leurs édifices. Dans
un village, quand vous voulez trouver un édifice qui appartient au
fédéral, prenez celui qui jure dans le décor, celui qui ne
va pas avec les autres maisons, celui qui ne ressemble pas au type
d'habitations du village, les belles maisons traditionnelles que nos gens ont
su faire construire. Prenez l'affaire qui jure, qui n'est pas tout à
fait dans le décor, c'est le bureau de poste, c'est au
fédéral. C'est vrai.
Est-ce que le fédéral paie ses taxes, M. le
Président? Oh non. Le fédéral évalue ses bureaux de
poste, ses bureaux de ceci, ses bureaux de cela et il décide de temps en
temps de payer un peu ses taxes. À Québec, il a
décidé d'en payer pour 2 500 000 $ avec tout ce qu'il
possède. Nous en payons plus de dix fois plus. Pas plus de dix fois
plus! De 2 500 000 $ à 40 000 000 $, cela fait quoi? 20 fois plus. On a
toujours l'impression d'exagérer, mais non. Je dis aux habitants de la
ville de Québec - que les gens dans leur municipalité fassent le
calcul pour eux-mêmes - que, si le gouvernement fédéral
acceptait de se comporter comme le gouvernement du Québec, avec
l'importance des propriétés qu'il possède, leur compte de
taxes, qui se répercute sur les logements, les loyers, baisserait du
jour au lendemain'. Par exemple, quelqu'un qui paie 2000 $ de taxes à
Québec - et ce n'est pas rare à Québec de payer 2000 $ de
taxes sur une petite maison verrait son compte baisser à 1200 $
probablement d'un coup. Si le fédéral acceptait d'être un
bon contribuable au Québec, leur compte de taxes tomberait, le loyer
également. Comment voulez-vous qu'une ville comme Québec, comme
n'importe quelle ville au Québec, puisse s'aménager normalement
sans peser trop lourdement sur chacun?
Je compare cela - et je termine là-dessus, M. le Président
- à un propriétaire d'immeuble, qui aurait réussi à
construire un immeuble de dix, douze étages. Un bon jour le gouvernement
fédéral se présente pour louer des étages. Au
premier coup d'oeil le propriétaire se dit: Le gouvernement
fédéral, locataire, il n'est pas pire lui, il doit être
capable de payer, il paie tellement de choses. Sauf qu'une fois installé
le fédéral dit au propriétaire de l'immeuble: Je
décide des étages où je paie des loyers. Je vous dirai
quoi faire avec l'argent. Je décide qu'à certains étages
je ne paie pas de loyer. La conclusion, c'est que ceux qui sont dans les
autres étages vont payer un peu plus cher. Dans toutes les villes
du Québec, les contribuables paient un peu plus cher parce que le
fédéral ne paie pas sa part de taxes.
En plus, le ministre fédéral vient dire à nos
maires la générosité qui est la leur, mais qui est en fait
une attitude de manque de respect, d'humiliation vis-à-vis des gens qui
ont été élus par une population pour gérer un
budget à partir de ce que doivent payer tous les contribuables y
compris, à mon avis, le gouvernement fédéral.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: Je vais passer outre, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Dubois: ...à certains propos passablement
dégoûtants qui furent ceux du député de
Trois-Rivières.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je
m'excuse, M. le député de Huntingdon. S'il vous plaît, de
la même façon que j'ai demandé le respect pour le
député de Trois-Rivières, je demande pour le
député de Huntingdon le même respect. M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: J'espère, M. le Président, que les
téléspectateurs du Québec, eux aussi, pourront porter un
jugement sévère sur les propos qu'on vient d'entendre.
M. le Président, en outre des propos tenus par le
député de Trois-Rivières, nous avons eu droit à des
discours de vertueux prédicateurs. Tels qu'on connaît les gens
d'en face, ils sont bien capables d'essayer de souligner la vertu, d'indiquer
aux gens de cette Chambre comment on prêche la vertu, mais ils n'ont
jamais pu nous prouver comment s'exerce la vertu. Jamais, depuis sept ans, dans
l'application des mesures gouvernementales et des lois, ils n'ont pu nous
prouver qu'ils étaient vertueux et qu'ils appliquaient les lois et
toutes les mesures gouvernementales avec une vertu passablement acceptable.
Tout à l'heure, le député de Trois-Rivières
nous parlait de fiscalité municipale. Mais, encore là, ses propos
furent d'une malhonnêteté évidente. Le député
de Trois-Rivières comparait les paiements d"'en lieu" de taxes au
Québec, d'une part, par le gouvernement provincial et, d'autre part, par
le gouvernement fédéral. Je ne pense pas que ce soit par
ignorance, M. le Président, que le député de
Trois-Rivières a expliqué cette différence d'"en lieu" de
taxes. Je pense qu'il a été vraiment malhonnête. À
moins qu'il ne soit - je ne dirai pas le mot que j'ai à l'esprit -
vraiment et totalement ignorant de la fiscalité municipale, il n'aurait
pas parlé comme cela.
Quand il y a eu un réaménagement de la fiscalité
municipale, on se souviendra que le gouvernement provincial payait ou
remboursait 2% des 8% de taxes aux municipalités. En remplacement de ces
2%, le gouvernement provincial, par ses mesures, a voulu procéder d'une
façon différente, c'est-à-dire payer des taxes sur les
immeubles gouvernementaux, ce qu'on appelait "en lieu" de taxes, et ouvrir un
champ de taxation aux municipalités, récupérer les taxes
scolaires. M. le Président, ce fut un réaménagement total
et complet. Il n'y avait pas d'obligation ni pour le provincial ni pour le
fédéral de payer des "en lieu" de taxes. Seulement, le
gouvernement provincial devait le faire, car c'était inclus dans les
modifications de la fiscalité municipale. Cette même mesure
n'était pas imposée au gouvernement fédéral. Il n'y
a aucune obligation pour le fédéral de payer des "en lieu" de
taxes au Québec; ceux qui sont payés le sont d'une façon
libre.
De toute façon, M. le Président, j'espère que le
député de Trois-Rivières voudra bien se reprendre et en
aura l'occasion. Vous savez, être malhonnête et tenir des propos
aussi ignorants dans cette Chambre, c'est inacceptable.
M. le Président, ce soir, nous discutons...
M. Vaugeois: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M.
le député de Huntingdon. S'il vous plaît! Juste une
question de règlement de la part du député de
Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Je voudrais vous demander à quel moment des
propos deviennent antiparlementaires ou manquent de respect envers un
parlementaire.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je
serai peut-être obligé de... S'il vous plaît, Mme la
députée. Je serai peut-être obligé de reprendre ce
que le député de Marguerite-Bourgeoys me faisait... S'il vous
plaît! S'il vous plaît, M. le whip! Ce que j'essaie de dire - je
pense qu'il est important de bien le rappeler - c'est qu'il y a l'article 99.8
qui peut vous servir de guide. Je pense que le député de
Huntingdon pourrait reprendre à sa charge les propos du
député de Marguerite-Bourgeoys hier. M. le député
de Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, quand un
député tient dans cette Chambre des propos volontairement
malhonnêtes, il peut être traité de cette façon.
M. Vaugeois: M. le Président... (21 h 30)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Trois-Rivières, un instant. M. le
député de Huntingdon, je voudrais vous rappeler le
règlement pour la seconde fois. Je voudrais que vous lisiez l'article 99
qui dit, de n'imputer aucun motif à personne. Je vous le rappelle en
vous rappelant aussi l'article 45. Donc, je vous demanderais de retirer vos
paroles à l'endroit du député de
Trois-Rivières.
M. Dubois: M. le Président, vous m'indiquez que les propos
que j'ai tenus sont antiparlementaires?
Le Vice-Président (M. Jolivet): J'indique, M. le
député de Huntingdon, que vous avez imputé au
député de Trois-Rivières des motifs et vous n'en avez pas
le droit en vertu du règlement. Je vous demande de retirer vos
paroles.
M. Dubois: M. le Président, je peux bien les retirer, tout
en croyant que mes propos étaient sincères et
véridiques.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Huntingdon, je dois vous dire aussi que vous devenez impoli envers la
présidence et je vous demande de le retirer aussi. M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: D'accord, M. le Président. Le
Vice-Président (M. Jolivet): Merci.
M. Dubois: Je vais continuer mes propos sur le projet de loi
38.
M. Vaugeois: M. le Président, s'il vous plaît!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Trois-Rivières, en lui demandant de retirer envers moi ce qu'il
venait de dire aussi, c'est envers vous qu'il le retirait.
M. Vaugeois: D'accord, M. le Président, j'ai bien compris.
Mais je voudrais quand même donner l'occasion au député de
Huntingdon de reprendre en dehors de cette Chambre les propos qu'il a
osé tenir dans cette Chambre.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Huntingdon, en revenant maintenant au sujet qui nous préoccupe.
M. Dubois: J'inviterais les péquistes à faire de
même, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Dubois: Selon le projet de loi 38, dont nous discutons la
teneur ce soir, il est évident qu'à sa face même le
ministre des Affaires municipales porte de sérieuses accusations contre
le gouvernement canadien. Aussi, selon ce même projet de loi 38, il est
stipulé qu'une municipalité qui, directement ou indirectement,
aurait obtenu une subvention fédérale se verra
pénalisée pour un montant équivalent lors des versements
qui ont trait au financement des municipalités.
Je crois fermement que, pour s'entendre, il faut tout de même
vouloir discuter, il faut vouloir échanger, il faut honnêtement et
sincèrement désirer réussir et négocier des
ententes. Mais ce désir de dialoguer avec, particulièrement, le
gouvernement fédéral ne semble pas exister chez le gouvernement
péquiste. Il est évident - ceci depuis très longtemps -
que les gens d'en face et particulièrement le ministre des Affaires
municipales souhaitent que les relations fédérales-provinciales
soient les plus tendues possible. Je pense que cela va pour tous les ministres
d'en face, ce qui permet à ce gouvernement, à ces ministres de
faire croire à la population que le gouvernement canadien n'est pas un
bon gouvernement, que le gouvernement canadien ne veut pas discuter, que le
gouvernement canadien ne veut pas s'entendre. Mais c'est tout à fait le
contraire, on en a la preuve ce soir. On en a eu la preuve depuis le
début des discours sur le projet de loi 38. On a eu la preuve au
dépôt du projet de loi 38 que ce que le gouvernement
péquiste veut, c'est faire croire à la population qu'eux seuls
sont les bons, sont les vertueux et que les gens du gouvernement
fédéral sont des gens avec qui on ne peut pas s'entendre. Je
crois que c'est beaucoup de mesquinerie et ceci caractérise la plupart
des gens d'en face. Par les propos qu'ils tiennent constamment, on peut
facilement percevoir cette mesquinerie qui ne s'arrête à peu
près jamais.
Les ambitions indépendantistes et les objectifs de
séparation, à n'importe quel coût, sont aussi ce qui
amène le gouvernement à ne pas vouloir s'entendre avec le Canada.
Quoi de plus simple que de charrier sur le gouvernement fédéral,
de blâmer constamment les gens qui administrent le Canada pour tous les
maux de la terre? Aussitôt qu'il y a quelque chose qui va mal au
Québec, on accuse toujours le gouvernement fédéral. Cela
fait sept ans que je suis ici en cette Chambre et ça fait sept ans que
j'entends les mêmes propos, ça fait sept ans qu'on frappe sur le
même clou et ça fait sept ans qu'on s'attaque au
fédéral et qu'on dilapide des fonds ici au Québec.
Après, on nous fait croire que ce sont les fédéraux
qui
ont dépensé cet argent et qui nous ont mis en faillite ou
presque. Quand on voit le Québec avec 20 000 000 000 $ de
déficit, on accuse encore le gouvernement fédéral
d'être responsable.
Cela fait sept ans que j'entends frapper sur le même clou: des
attaques et du torpillage envers le gouvernement fédéral. On peut
constater facilement que les causes profondes sont particulièrement dans
cette Assemblée, en face de nous, parce qu'on a pu y constater un
acharnement à démolir le pays. Nous avons pu le constater au
moment du référendum, durant cette campagne qui a
été très ardue. Nous avons pu constater quel genre de
propos le gouvernement péquiste tenait à l'endroit des gens du
gouvernement fédéral, à l'endroit des
députés et à l'endroit des ministres
fédéraux. Tout ce qu'ils désirent, c'est provoquer des
confrontations. Et je pense que cela commence à tomber sur les nerfs des
Québécois, ce genre de pratique que poursuit constamment le
gouvernement du Parti québécois, étant donné qu'on
accuse toujours les mêmes gens d'être responsables de tous les
maux. Je pense qu'en toute logique il y a deux côtés à une
médaille. C'est bien beau d'avoir des responsabilités; il y a des
responsabilités de la part du gouvernement canadien, mais il y a aussi
des responsabilités de la part du gouvernement
québécois.
Il est évident que ce sont les gens d'en face qui ont
creusé depuis sept ans le fossé qui s'élargit
d'année en année entre le gouvernement fédéral et
le gouvernement provincial. Ils en sont les seuls responsables. Ils croient que
cela peut les aider dans leur petit jeu de séparation et
d'indépendantisme, mais je pense que la population commence à
réagir autrement. D'ailleurs, les preuves, on vient de les avoir
récemment, lors des deux campagnes électorales qu'on a connues.
Si ce n'est pas un avertissement pour le Parti québécois, je
pense qu'il ne voit pas clair.
Le conflit actuel qui existe entre le gouvernement fédéral
et le gouvernement provincial a été créé de toutes
pièces par le ministre des Affaires municipales. Son but ultime est
d'essayer de séparer le Québec. C'était cela il y a sept
ans. C'est cela encore aujourd'hui. Dans le projet de loi 38, le but ultime que
vise le ministre n'est pas de réaffirmer la compétence exclusive
du Québec en matière municipale, particulièrement. Son but
ultime n'est pas cela; c'est plutôt d'agir à titre de tribunal
partial. Il impose des sanctions avant jugement aux villes et aux
municipalités du Québec. Il condamne avant jugement les
municipalités du Québec. Ce n'est pas réaffirmer la
compétence du Québec que de condamner les municipalités.
Il y en a 1600 au Québec. Je pense qu'il serait temps que le ministre
des Affaires municipales ait un peu plus de respect envers les maires, envers
les conseils municipaux du Québec, envers nos élus municipaux.
C'est vraiment les prendre pour des jeunes ignorants, ou presque, que de
vouloir leur imposer une sanction avant jugement. Il n'y a pas un maire du
Québec ni un conseil municipal du Québec qui a pu
présenter sa cause devant le ministre des Affaires municipales. Celui-ci
porte un jugement avant même de les avoir entendus. Je pourrais sans trop
me tromper vous dire que la base fondamentale du problème, c'est la
grande fatuité du ministre des Affaires municipales: fatuité qui
a provoqué et qui continue à provoquer des confrontations
constantes, aussi bien avec le monde municipal qu'avec le gouvernement
fédérai. Je ne me tromperais pas beaucoup en indiquant que la
cote d'amour du ministre des Affaires municipales est à son plus bas,
tellement basse qu'elle est encore plus basse que la cote d'amour du Parti
québécois...
Des voix: Ah non! (21 h 40)
M. Dubois: ...et ce n'est pas peu dire. On a un gouvernement
composé d'experts en propagande, d'experts en publicité
partisane. Ils n'ont jamais voulu accepter que le gouvernement
fédéral puisse participer à des projets, annoncer cette
participation et la publiciser. Chaque fois qu'il y a un programme ou un projet
gouvernemental qui inclut des fonds fédéraux ou dans lequel il y
a une participation fédérale, avez-vous déjà vu ce
gouvernement indiquer qu'il y a eu une participation des deux paliers
gouvernementaux? Jamais! Le crédit, ils le veulent au complet de leur
côté. Même si, parfois, les fonds fédéraux
vont jusqu'à 75% dans un projet, jamais ce gouvernement n'a voulu
l'indiquer; c'est toujours: Le gouvernement du Québec vient de vous
donner. C'est toujours ce qu'on voit, c'est ce qui se passe dans le
comté de Huntingdon et c'est cela aussi ailleurs, partout au
Québec.
On se souviendra du débat référendaire alors que
les péquistes ont essayé de vendre l'idée à la
population du Québec qu'eux seuls avaient les fonds, les
contrôlaient. Rien ne venait du gouvernement fédéral; ce
n'était pas bon, ce qui venait du fédéral. On n'osait
même pas indiquer un simple cent qui pouvait venir du gouvernement
fédéral. Il a fallu que nous rétablissions les faits aux
yeux de la population du Québec; il fallait être juste et
honnête, il fallait indiquer d'où provenaient les fonds.
Je ne dirai pas qu'ils sont malhonnêtes, M. le Président,
vous m'avez empêché de le dire tout à l'heure, mais il
reste que c'est jouer sur les mots et ce n'est pas dire la vérité
que de prétendre que le gouvernement du Québec donne tout et
qu'on ne reçoit rien du gouvernment fédéral. Je ne suis
pas ici pour défendre les intérêts du gouvernement
fédéral, je ne suis pas ici pour défendre des
politiques qui ont permis au gouvernement fédéral de
donner des subventions aux municipalités, mais il faut quand même
donner les raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral a
donné des fonds à des municipalités
québécoises.
Le seul responsable est le ministre des Affaires municipales. Jamais il
n'a voulu s'entendre avec le gouvernement fédéral sur un
programme quelconque. Il nous a présenté le projet de loi 38 qui
constitue un irritant pour les municipalités; il est inacceptable, car
il punit les municipalités. Il les condamne même avant de les
avoir entendues.
Les péquistes s'interrogent sur les raisons particulières
qui amènent le gouvernement fédéral à donner des
subventions aux municipalités, comme si c'était la
première fois qu'un gouvernement défiait quelques aspects de la
constitution canadienne. Si le gouvernement fédéral avait
défié aussi souvent la constitution canadienne que l'a fait ce
gouvernement péquiste, on verrait autre chose que ce qu'on voit
aujourd'hui. Dans plusieurs lois sanctionnées ici, dans cette
Assemblée, on défie souvent la constitution canadienne.
J'aimerais que, de part et d'autre, on s'abstienne de faire cela et qu'on
respecte notre constitution canadienne. Si on veut obtenir le respect du
gouvernement fédéral, on devrait commencer par respecter la
constitution canadienne. On devrait demander au gouvernement péquiste de
s'arrêter un peu à cela avant de poser des gestes, d'essayer
d'être respectueux envers les autres si on veut en être
respecté. Cela va dans les deux sens.
Je disais tout à l'heure que je ne voulais pas essayer d'excuser
l'intrusion fédérale dans le domaine des affaires municipales,
mais je pense que le ministre des Affaires municipales s'est attiré bien
des choses par son comportement. Quand on crache en l'air, on risque fort qu'il
nous tombe quelque chose dans la face. C'est ce qui arrive parfois. Le grand
ministre des Affaires municipales a décidé d'imposer une sanction
aux municipalités. On dit: Tout ce qui vous a été
donné par le fédéral, on va vous l'enlever parce que le
montant que vous devez recevoir est celui qui a été prévu
dans les ententes financières municipales. C'est là qu'on voit
l'arrogance du ministre; il a posé un jugement rapide face aux
municipalités du Québec. On ne les entend même pas et on
les accuse d'avoir pris des fonds du fédéral; on les leur
enlève même automatiquement par la loi 38. Elle est
rétroactive; c'est encore une autre chose inacceptable.
Je sais une chose: les 1600 maires du Québec n'admirent pas le
comportement du ministre, n'admirent pas la mesquinerie du ministre, ni son
despotisme. Si, au moins, ce ministre avait un peu de bonne foi, s'il
était sérieux et s'il procédait avec respect envers les
maires, on pourrait comprendre que ce projet de loi, une fois modifié,
pourrait être acceptable, pour autant qu'on y retrouve un respect
intégral de tous les maires du Québec. Mais comment peut-on
accepter une telle loi? Comment peut-on accepter une loi matraque, une loi
abusive, une loi discriminatoire, une loi absurde? M. le Président, je
demande au ministre de retirer son projet de loi immédiatement.
Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Les propos que vient
de tenir le député de Huntingdon nécessitent que nous
reprenions la présentation du projet de loi 38 afin de rétablir
les faits tels qu'ils sont en réalité.
Dans un premier temps, le projet de loi 38 vise à
réaffirmer clairement et avec force un principe qui est contenu dans la
constitution canadienne et qui a été repris par une loi de cette
Assemblée nationale adoptée en 1974, cette fois-là
à l'unanimité des deux principaux partis que cette
Assemblée comprenait: le Parti libéral du Québec, qui
était au pouvoir, et le Parti québécois, qui assumait la
responsabilité de l'Opposition.
Cette unanimité indiquait donc que cette question ne soulevait
pas de débats, ne soulevait pas d'enjeux partisans, mais était
bien une question qui reflétait, qui représentait un très
large consensus dans la société québécoise. Ce
principe, quel est-il? C'est celui de reconnaître et de confirmer la
compétence exclusive des provinces canadiennes en matière
d'affaires municipales, donc, celle du Québec. Je reprends les termes
mêmes du projet de loi adopté à l'unanimité en 1974
sur une proposition du député de Bonaventure qui était
à l'époque ministre du gouvernement de Robert Bourassa, M.
Gérard D. Levesque: "Ce principe interdit aux municipalités de
négocier ou de conclure des ententes avec le gouvernement
fédéral, ses ministères ou ses organismes, sous peine de
nullité et seule une entente négociée et conclue par une
province avec le gouvernement fédéral peut permettre à des
fonds fédéraux d'être utilisés pour le
développement, pour l'aide aux municipalités."
Ce principe, pourquoi existe-t-il? Parce qu'il faut, dans un pays,
distinguer les responsabilités de chacun des paliers de gouvernement,
parce qu'il faut que nos institutions fonctionnent dans l'ordre, que nous nous
assurions que l'ensemble des paliers de gouvernement puissent utiliser
pleinement les impôts des citoyens, donc éviter tout double emploi
possible dans les services, dans les structures gouvernementales et assurer une
saine gestion à la fois du gouvernement
fédéral et des gouvernements des provinces, mais aussi de
l'ensemble des municipalités. Lorsqu'on pense au Québec, on pense
aux 1600 municipalités du Québec.
Ce principe visait aussi à indiquer qu'il fallait que cette
participation financière du gouvernement fédéral soit
équitable et qu'elle respecte les priorités en aménagement
du territoire et en équipements publics de chacune des provinces. Ce
grand principe contenu dans notre constitution canadienne reçoit un
appui unanime, un consensus partout au niveau des déclarations. On
croirait entendre une très belle, une très grande chorale, sans
fausses notes, à l'unisson, et on sait que c'est très rare sur
des questions où il y a différents paliers de gouvernement qui
sont impliqués. Cela dénote jusqu'à quel point cette
question est claire et qu'on ne devrait pas reprendre de débats à
tout bout de champ là-dessus.
À la fois le Parti libéral du Québec et le Parti
québécois viennent de réaffirmer dans le présent
débat qu'on s'entend sur le principe. Même au niveau
fédéral, M. Trudeau, dans une lettre à M. Lévesque,
a dit: Oui, vous avez raison sur le principe. Le principe est bon et il doit
être maintenu. M. John Roberts, ministre fédéral
responsable de la création d'emplois - lorsqu'ils ont le temps et que
leurs fonds le leur permettent, quand ils ne sont pas consacrés à
augmenter le déficit - reconnaît lui aussi que le principe est
valable et doit être respecté. L'Union des municipalités du
Québec, celle des municipalités régionales comme celle des
municipalités urbaines, l'ensemble des 1600 municipalités, les
dix provinces canadiennes, tous les éditorialistes, donc tout le monde
s'entend sur ce grand principe qui doit être respecté.
Dans un deuxième temps, le projet de loi a pour but de rappeler
que le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti
québécois tient à obtenir ces sommes qui sont disponibles
au fédéral. Que, deuxièmement, on veut indiquer dans quel
cadre ces sommes peuvent être remises aux municipalités du
Québec. Et, finalement, le projet de loi vient compléter la loi
adoptée en 1974 parce que cette loi n'était pas applicable. La
meilleure preuve, c'est qu'elle a été violée par peu de
municipalités du Québec, mais elle a été
violée, et on ne peut se permettre, si nous voulons maintenir notre
dignité, que nos lois soient violées par des municipalités
sous l'influence du gouvernement fédéral. (21 h 50)
C'est là, M. le Président, que, tout à coup, le
grand concert, la grande chorale unanime s'arrête, comme par hasard et
que, du côté du Parti libéral du Québec, les fausses
notes commencent à retentir de toutes parts. On entend alors toutes
sortes d'arguments pour essayer de justifier leur refus d'adopter ce projet de
loi 38 tel que défini dans le document présentement à
l'étude à l'Assemblée nationale. Quels sont les arguments
qu'on entend pour tenter de justifier l'opposition du Parti libéral
à ce projet de loi?
On nous dit, dans un premier temps: Laissez donc tomber votre projet de
loi; négociez donc avec le gouvernement fédéral;
parlez-vous donc franchement; vous n'avez même pas encore commencé
à discuter avec lui. Rien n'est plus faux. Quelques jours après
que le gouvernement du Québec a constaté que des
députés fédéraux commençaient à se
promener sur le territoire pour offrir des subventions directement aux
municipalités, le vice-premier ministre et ministre des Affaires
intergouvernementales ainsi que le ministre des Affaires municipales ont
immédiatement engagé un dialogue avec les ministres
fédéraux pour leur dire que nous tenions à ce que la
constitution soit respectée et que nous leur proposions, dès ce
moment, une façon d'en arriver à une entente leur permettant de
fournir un soutien financier auquel les municipalités du Québec
ont droit.
Dans un premier temps, pour éviter qu'on dise: Oui, mais ce sera
long la négociation, le ministre des Affaires municipales a
proposé qu'on reconduise immédiatement l'entente du programme
d'aide aux équipements communautaires à laquelle le gouvernement
fédéral avait mis fin, prétendait-il, à
l'époque, faute de fonds. Deuxièmement, le ministre des Affaires
municipales a déposé six propositions d'ententes précises
à l'intérieur desquelles l'ensemble des municipalités du
Québec auraient été en mesure et seraient en mesure
d'obtenir des sommes importantes à la fois du gouvernement du
Québec et du gouvernement d'Ottawa. De très nombreuses
démarches ont été entreprises. Des rencontres au niveau
ministériel, au niveau sous-ministériel et au niveau des hauts
fonctionnaires ont été entreprises afin d'en arriver à une
entente. Je dirai, à cet égard, à ceux qui nous disent:
Négociez donc plutôt que de déposer votre projet de loi,
qu'ils devraient peut-être comprendre que la lenteur avec laquelle le
gouvernement fédéral participe à cette négociation
nous force précisément non seulement à déposer ce
projet de loi avec l'intention de l'adopter, mais nous fait obligation
d'utiliser ce projet de loi pour être plus forts à la table de
négociation de façon à montrer le sérieux encore
plus grand du gouvernement du Québec dans cette négociation.
Le deuxième argument qui nous est servi, c'est: Ah! C'est le
Parti québécois qui est au pouvoir; il ne pourra sûrement
pas s'entendre avec le gouvernement fédéral. Nous, M. le
Président, ne pas être capables de nous entendre avec le
gouvernement
fédéral sur la répartition des sommes? Il existe
des ententes auxiliaires au Québec. Le Parti libéral du
Québec, qui les avait signées en l'espace de trois ou quatre
années, en a signé pour environ 400 000 $ avec le gouvernement
fédéral...
M. Laplante: 400 000 000 $.
M. Rochefort: 400 000 000 $. Merci, M. le député de
Bourassa. Le gouvernement du Parti québécois, avec le même
ministre à la tête de ce dossier, le député de
Labelle, aujourd'hui ministre des Affaires municipales, a signé pour
plus de 1 200 000 000 $ d'ententes avec le gouvernement fédéral
en l'espace de trois ans, alors que les libéraux en avaient signé
pour seulement 400 000 000 $. On nous dit qu'on n'est pas capables de
négocier des ententes avec le fédéral.
Relativement aux HLM, les habitations à loyer modique, quand le
Parti québécois a pris le pouvoir, le 15 novembre 1976, il y
avait seulement 19 000 unités de logement HLM au Québec, et cela
avait été négocié en six ans. Aujourd'hui,
après sept ans, le Parti québécois a négocié
34 000 unités additionnelles de logement, ce qui porte le nombre de
logements publics financés par les différents paliers de
gouvernement à 55 000 unités au Québec.
Encore récemment, M. le Président, nous avons
réussi à conclure la première entente avec le gouvernement
fédéral concernant le virage que nous voulons faire prendre
à l'aide sociale en ce qui a trait aux gens qui sont aptes au travail.
Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu en
est arrivé à une entente avec sa collègue
fédérale et les discussions se poursuivent pour compléter
une entente. Qu'on ne vienne pas nous dire que le Parti québécois
n'est pas capable de négocier des ententes avec le
fédéral. Nous avons fait beaucoup mieux qu'un gouvernement
fédéraliste comme celui du Parti libéral n'a réussi
è faire avec le gouvernement fédéral. Autre argument qu'on
entend: le Parti québécois ne veut pas de l'argent d'Ottawa. Il
faut vraiment le faire pour prétendre que le Parti
québécois ne veut pas, pour développer le Québec,
de l'argent d'Ottawa. L'existence même du Parti québécois,
sa raison d'être, c'est d'avoir tous les impôts que les
Québécois paient à Ottawa pour être bien certain que
ces sommes serviront à développer de façon harmonieuse le
Québec.
M. le Président, qu'on vienne nous accuser de ne pas vouloir de
cet argent, rien n'est plus faux. À tout moment, le Parti
québécois, le gouvernement du Québec de M. Lévesque
est obligé de revendiquer sa part des investissements du
fédéral parce qu'on veut avoir au moins la part qui nous revient
dans le système et qui nous revient si peu souvent sur l'ensemble des
dossiers importants au niveau économique. Combien de fois sommes-nous
obligés de dénoncer le fait que les miettes viennent au
Québec alors que les gros investissements structurants sont
concentrés en Ontario? Nous ne voulons pas de l'argent du
fédéral? C'est le gouvernement fédéral qui a mis
fin à l'entente sur les équipements communautaires, les amis du
Parti libéral, la maison mère de la succursale qui est devant
nous, qui a mis fin à ces ententes, faute d'argent, prétendait-il
à l'époque.
Finalement, dernier argument qu'on nous sert pour dire que cette loi ne
doit pas être adoptée, on nous dit: Les sanctions qui sont
prévues seront discrétionnaires. Mais il faut avoir lu le projet
de loi, il faut comprendre de quoi il est question. Pourquoi, actuellement,
est-il prévu qu'on devra y aller d'une façon
discrétionnaire pour appliquer cette loi? Parce qu'on n'aura pas la
liste de toutes les municipalités du Québec qui auront
reçu ces sommes du fédéral.
Que le gouvernement fédéral s'engage à nous
déposer une liste exhaustive, complète, détaillée
et on n'aura pas à appliquer cette loi d'une façon
discrétionnaire; ou mieux, que les députés du Parti
libéral du Québec complètent la liste que nous avons
dressée à l'aide des 80 députés du Parti
québécois. Prenez donc l'engagement de nous rendre compte de
chacune des municipalités de vos comtés qui ont obtenu des
subventions du gouvernement fédéral illégalement et nous
nous engageons à ne pas appliquer notre loi de façon
discrétionnaire. Chacune de ces municipalités automatiquement se
verra appliquer la loi 38 sans aucune discrétion de notre part. Prenez
donc l'engagement de prendre vos responsabilités de membres de
l'Assemblée nationale du Québec. D'ailleurs, qui a mis fin au
discrétionnaire dans le financement des municipalités au
Québec? C'est le gouvernement du Parti québécois qui a mis
fin au discrétionnaire dans le financement des municipalités du
Québec. Pendant 25 ans, l'ensemble des municipalités du
Québec réclamaient qu'on les respecte, qu'on leur accorde la
dignité à laquelle elles avaient droit.
Le Parti libéral, qui a assumé le pouvoir pendant de
très nombreuses années, avait refusé d'éliminer le
discrétionnaire au niveau du financement des municipalités. Nous,
par la réforme de la fiscalité municipale, nous avons
éliminé le discrétionnaire au niveau du financement des
municipalités, de façon à leur accorder une pleine
autonomie et de façon à assurer une santé
financière à l'ensemble des municipalités du Québec
et une stabilité financière, tout en leur accordant les moyens de
se développer de façon harmonieuse et en fonction de leurs
priorités. Non seulement le Parti libéral du Québec n'a
pas voulu mettre fin au
discrétionnaire dans le financement des municipalités
lorsqu'il était au pouvoir, mais il a voté contre la loi qui
voulait mettre fin au discrétionnaire dans le financement des
municipalités. Et aujourd'hui, ces gens viennent nous dire que c'est
nous qui voulons agir d'une façon discrétionnaire avec les
municipalités. Au contraire, ils sont heureux que les
députés fédéraux fonctionnent de façon
discrétionnaire parce qu'ils souhaitent que, si jamais eux, de la
succursale, reviennent au pouvoir, on aura réussi à
défaire la réforme de la fiscalité municipale de
façon qu'ils puissent reprendre leurs bonnes vieilles habitudes d'agir
discrétionnairement avec l'ensemble des municipalités du
Québec.
Des voix: Patroneux! (22 heures)
M. Rochefort: M. le Président, les arguments du Parti
libéral du Québec pour refuser d'appuyer le projet de loi 38 ne
sont pas sérieux. C'est plutôt une tentative de se trouver des
motifs pour s'opposer à un projet de loi qui pourtant, au niveau de son
principe, reçoit l'unanimité. Ce refus, M. le Président,
d'appuyer le projet de loi 38 équivaut à renier la loi que ces
gens ont fait adopter par l'Assemblée nationale en 1974. Car, M. le
Président, une loi qui ne fait que contenir des principes, c'est du
vent; ce sont des voeux pieux. Une loi, lorsqu'on y tient, lorsqu'on est
responsable, lorsqu'on ne veut pas encourager l'illégalité,
lorsqu'on ne veut pas donner l'illusion que les gens sont
protégés par une loi, lorsqu'on fait une loi, on énonce
les principes de cette loi et on y met les façons, les moyens que nous
retenons pour l'appliquer, de façon à être bien certain que
nos principes seront appliqués en tout temps.
D'ailleurs, M. le Président, je me permets de dire aux
députés du Parti libéral du Québec que des
principes, ce n'est pas comme un paquet de cigarettes que l'on achète
lorsqu'on en a besoin et que l'on jette lorsqu'on n'en a plus besoin. Les
principes, M. le Président, lorsqu'on les a, on les a en tout temps et
on voit à être en mesure de les appliquer en tout temps, pas quand
cela fait notre affaire et, quand cela ne fait pas notre affaire, on les met de
côté. C'est là que cela perd son sens et ce ne sont plus
des principes.
M. le Président, il faut se méfier de l'attitude du Parti
libéral de toujours nous dire, à chaque loi que nous
présentons: Oui, sur cette question, nous sommes d'accord avec le
principe. Mais, par contre, nous allons nous opposer à la loi parce que
nous ne sommes pas d'accord quant à la façon que vous
prévoyez pour l'appliquer. Ce vieux truc, M. le Président, nous
le connaissons. Cela a été leur argumentation pour la loi 101,
cela a été leur argumentation pour la protection du territoire
agricole, cela a été leur argumentation sur le financement des
partis politiques, cela a été leur argumentation sur la
réforme de l'assurance automobile. Mais, M. le Président, si nous
nous étions limités à énoncer dans nos lois, dans
nos grandes législations, simplement les principes que nous voulions
mettre de l'avant, le Québec n'aurait pas connu les transformations
qu'il a connues de 1976 à 1981 et dont les Québécois ont
été tellement satisfaits qu'ils ont reporté encore plus
fortement au pouvoir le Parti québécois en 1981.
Le débat que nous avons actuellement ne doit pas nous faire
oublier l'ensemble du débat des taxes municipales. Notre collègue
de Trois-Rivières l'a rappelé tantôt, le gouvernement du
Québec, lui, paie ses taxes municipales, ses taxes foncières,
à l'ensemble des municipalités du Québec, contrairement au
gouvernement fédéral et, plutôt que de se promener au
Québec en saupoudrant quelques centaines de milliers de dollars ici et
là dans chacune des municipalités, que le gouvernement
fédéral commence donc par payer ses taxes foncières. Ce
sera de l'argent qu'on sera certain de récupérer de façon
statutaire à chaque année; de l'argent qui nous permettra de nous
assurer que nous pouvons développer de façon harmonieuse, de
façon cohérente et de façon permanente, l'ensemble du
Québec et l'ensemble des municipalités du Québec.
M. le Président, prenons l'exemple - je termine là-dessus
- de Montréal. Le gouvernement fédéral paie à
Montréal 6 200 000 $ de taxes foncières par année.
Une voix: Combien?
M. Rochefort: Six millions deux cent mille dollars, alors que le
gouvernement du Québec en paie au-delà de 125 000 000 $. M. le
Président, devant une situation semblable, le ministre André
Ouellet vient dire aux commerçants de la plaza Saint-Hubert: J'ai un
petit montant de 1 200 000 $ à vous donner cette année parce que
mes élections s'en viennent. Qu'ils paient donc tous leurs impôts
fonciers et on aura de l'argent non seulement pour développer la plaza
Saint-Hubert, mais pour développer l'ensemble des artères
commerciales de Montréal et l'ensemble des priorités que les
Montréalais se sont définies.
M. le Président, c'est là le contenu de la loi 38. C'est
pour cette raison et pour l'ensemble de ces raisons que nous avons
déposé la loi 38 et c'est pour ces raisons que, malgré
l'attitude négative, rébarbative du Parti libéral du
Québec, nous allons faire adopter cette loi par l'Assemblée
nationale du Québec et, par un souci d'équité pour
l'ensemble des municipalités et des citoyens du Québec, nous
appliquerons la loi 38.
Des voix: Bravol
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Si vous voulez laisser parler votre collègue,
j'aimerais au moins que vous le respectiez. M. le député de
Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. Je suis en communication
assez constante avec les gens de mon comté et ils m'ont demandé:
Allez-vous parler sur le projet de loi 38? Qu'est-ce que ce projet de loi veut
dire? Nous, nous ne comprenons pas cette terminologie péquiste. J'ai
dit: Le projet de loi 38 s'appelle Loi sur la participation gouvernementale au
financement des municipalités. Ils m'ont dit: II n'y a rien là,
c'est le gouvernement provincial qui participe au financement des
municipalités, c'est du domaine provincial. Donc, pourquoi a-t-on besoin
d'une loi? J'ai dit: Non, ce n'est pas son vrai titre, le vrai titre devait
être loi sur la prohibition de la participation gouvernementale
fédérale au financement des municipalités. Ils ont dit:
C'est trop compliqué pour nous, voulez-vous expliquer en termes simples
de quoi il s'agit.
Il s'agit vraiment d'une autre bataille de juridiction, d'une autre
guerre de drapeaux, d'une autre bataille Ottawa-Québec, d'une autre
bataille et, cette fois, personnalisée par deux individus. Il y en a un
qui s'appelle Léonard et l'autre s'appelle Roberts; Léonard au
provincial et Roberts au fédéral. C'est vraiment le but du projet
de loi 38, parce que nous sommes tous d'accord sur le fait que le domaine
municipal est de juridiction provinciale, il n'y a aucun problème
là-dessus. Et de la part des députés ministériels
et de la part des députés de l'Opposition, tout le monde est
d'accord là-dessus, il n'y a pas de problème.
Le seul problème, c'est que, comme toujours, notre province de
Québec, notre gouvernement n'est pas capable de faire un arrangement
avec le gouvernement fédéral. Ces gens ne sont pas capables de
vivre en paix et de trouver une solution acceptable aux deux parties. Comment
se fait-il que, dans les autres provinces du Canada, on a aussi ce programme
d'aide financière fédérale aux municipalités?
N'oubliez pas que cet argent provient de tout le monde, c'est notre argent
à nous tous, les Canadiens. Le ministre Léonard lui-même
contribue à la bourse fédérale, même un peu plus que
moi parce qu'il a un salaire de ministre et, moi, j'ai seulement un salaire de
député. Mais ce qui arrive, comme les gens de mon comté le
disent, c'est bien simple, il y a de l'argent perçu par le gouvernement
fédéral parmi tous les Canadiens, on veut avoir notre part.
Comment se fait-il qu'au Québec ça ne marche pas? Dans toutes les
autres provinces, il n'y a pas de problème. Le gouvernement du
Québec dit aux municipalités: On vous défend d'accepter
cet argent du fédéral, à moins que cela ne soit dans le
cadre d'une entente intervenue selon des conditions qui nous sont acceptables.
C'est exactement le but du projet de loi 38.
L'autre soir, vous avez entendu parler le député de Verdun
qui est en même temps maire de Verdun. Il a donné l'exemple d'une
subvention fédérale de 2 000 000 $ en vertu d'un tel programme,
et il l'a refusée. Pourquoi? Parce qu'il y avait une opinion des
conseillers juridiques de Verdun qui lui avaient dit: N'acceptez pas cet argent
parce que, si vous le faites, vous agissez en contravention avec le projet de
loi 38 et le gouvernement provincial va couper d'autre argent ailleurs pour
compenser le montant de cette subvention. On en est rendu au point où le
gouvernement provincial, en vertu du projet de loi 38, défend aux
municipalités d'accepter cette aide qui vient du gouvernement
fédéral, de l'argent qui appartient à tout le monde, y
inclus les citoyens canadiens du Québec.
Le projet de loi stipule que, selon le bon jugement du gouvernement,
c'est-à-dire selon l'opinion du ministre des Affaires municipales, si on
en arrive à la conclusion qu'une municipalité du Québec a
bénéficié d'une telle participation
fédérale, on a le droit de décréter
immédiatement que les subventions ordinaires à cette
municipalité seront coupées d'un montant équivalant
à l'aide qui lui parvient du gouvernement fédéral. (22 h
10)
Le député qui m'a précédé a
parlé... Il n'y a aucune discrétion là-dedans. Nous ne
sommes pas discrétionnaires. M. le Président, on ne peut pas
avoir un projet de loi plus discrétionnaire que le projet de loi 38,
parce qu'il dit que le ministre - c'est encore le ministre des Affaires
municipales... Il y a des gens qui m'ont parlé du ministre et qui m'ont
dit: II semble être un homme assez gentil. Il a l'air gentil. Il a un
gentil visage. Il était connu comme un gentil comptable avant
d'être en politique. Comment se fait-il qu'il y ait encore cette bataille
entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial?
C'est parce que, quand il s'agit de relations provinciales ou interprovinciales
ou de la province de Québec avec le gouvernement fédéral,
les péquistes, soudainement, commencent à voir rouge
collectivement. Vous n'êtes plus capables de parler normalement, d'agir
normalement, d'être calmes, de regarder faire les autres et d'être
de bonne foi, parce que, vraiment, vous ne voulez pas. Même dans le
projet de loi, vous parlez du Canada. Le projet de loi parle du Canada. On ne
parle pas du gouvernement fédéral. On ne parle pas d'une
entente entre le gouvernement provincial et le gouvernement
fédéral. Mais non! Dans le texte péquiste, on dit: Une
entente entre le gouvernement et celui du Canada. On parle déjà
du Canada comme d'un autre pays, comme d'une entente entre le Québec et
les États-Unis. Vous êtes tellement possédés par
cette obsession que, même dans le texte de votre projet de loi, vous ne
parlez plus du gouvernement fédéral ou du fédéral,
vous parlez du Canada, parce que le Canada c'est pour vous un pays
étranger avec lequel on négocie.
M. le Président, ceux qui sont impliqués dans le monde
municipal ne cherchent aucunement cette chicane. Ils n'en veulent pas. Les
grandes villes et l'Union des municipalités régionales de
comté a déjà clairement dit qu'elle ne veut pas de
bataille de juridiction, encore une fois. Elle l'a dit et le ministre est au
courant. Le ministre Léonard a reçu des lettres. Il a reçu
des télégrammes. Il n'en a pas parlé hier quand il a fait
son discours sur ce projet de loi. J'aimerais bien qu'il nous relate ici
à l'Assemblée tous les télégrammes, toutes les
lettres et tous les appels qu'il a reçus. Il a reçu une lettre de
M. Dufour. J'ai rencontré M. Dufour, parce que je suis allé
à Jonquière en fin de semaine. On a travaillé là
pendant quatre jours. C'est intéressant de travailler là. M.
Dufour est le maire de Jonquière et, en même temps, le
président de l'Union des municipalités. M. Dufour est
lui-même un péquiste bien connu. Il a travaillé pour la
candidate péquiste. Malheureusement pour vous, elle a été
battue. M. Dufour lui-même réclame au nom de l'Union des
municipalités au ministre des Affaires municipales de ne pas adopter
tout de suite ce projet de loi et d'avoir d'abord une discussion avec tous les
représentants du monde municipal. On refuse. On nous présente ici
ce projet de loi parce qu'on voit rouge. On est en face du gouvernement
fédéral, l'ennemi. Ce n'est pas le gouvernement
fédéral pour vous. C'est un pays étranger qui s'appelle le
Canada.
Nous avons tous reçu maintenant une copie d'une lettre ou de la
correspondance entre le ministre fédéral Roberts et M.
Léonard, ministre provincial, des Affaires municipales. On
n'était pas au courant, parce qu'on était ici. On entend les
déclarations du ministre qui dit: Je suis en train de négocier
avec Ottawa et mes fonctionnaires travaillent fort. On se rencontre et je suis
prêt à aller n'importe où de l'autre côté,
à Ottawa, même sur le territoire de la province de l'Ontario,
à Ottawa, mais nous, nous avons reçu la copie d'une lettre du 30
novembre 1983 qui stipule très clairement... J'ai analysé cette
lettre d'une manière objective et je me suis dit: Qu'y a-t-il
là-dedans où je pourrais critiquer le gouvernement
fédéral? Ce que je trouve, c'est que le point de vue du
gouvernement fédéral est pas mal acceptable, parce que, d'abord,
le gouvernement fédéral nous dit - c'est la lettre du ministre
Roberts - et je le cite, c'est bon que la population le sache, parce que,
lorsque le ministre fait ses grandes déclarations, il ne mentionne pas
cela, il ne mentionne pas que le ministre Roberts a écrit le 30
novembre, il y a, quoi? six jours: "Le gouvernement fédéral
reconnaît la compétence exclusive des provinces en matière
d'institutions municipales et nous entendons les respecter." D'abord, s'il y
avait un doute dans votre esprit péquiste, une fois pour toutes, que le
gouvernement fédéral vous attaque ou empiète sur votre
domaine, il le dit clairement dans sa lettre: Non. Nous, le gouvernement
fédéral, nous respectons la juridiction du gouvernement
provincial dans le domaine municipal. C'est clair. C'est entendu. Je le savais.
Je n'avais pas besoin de la lettre de M. Roberts, mais, au cas où vous
la voudriez, elle est là.
Deuxièmement, il dit - je cite la lettre du ministre
fédéral - "Vous comprendrez cependant - c'est le ministre
fédéral qui écrit au ministre provincial - que toute
entente doit aussi tenir compte de l'imputabilité financière du
gouvernement fédéral au Parlement et à ses commettants".
Je trouve cela bien normal. Quand je vais à New York en automobile, on
entre dans l'État de New York et on voit "argent fédéral
au travail", "Federal money at work". On voit de grandes pancartes sur
lesquelles on peut lire: "4 000 000 $, Hyghway construction". Le gouvernement
fédéral paie tant, le gouvernement de New York paie tant, la
municipalité de telle ville paie tant. Tout est inscrit, il n'y a pas de
problème.
Tout ce qu'il demande dans sa lettre, c'est que, s'il y a une
contribution de la part du gouvernement fédéral, elle soit
reconnue. Et pourquoi pas? C'est son argent et c'est notre argent, c'est mon
argent qui travaille. Si je donne 1 $ au fédéral et 1 $ au
provincial en impôts et qu'on met les 2 $ ensemble dans un programme,
qu'on le dise: 1 $ du fédéral et 1 $ du provincial. C'est
parfait, je n'ai rien contre cela. Je trouve cela bien pratique.
Vous, vous n'acceptez pas cela, parce que vous, vous voyez rouge.
Dès que vous voyez le mot "fédéral", vous ne pouvez plus
agir et penser normalement. Sur le plan individuel, vous êtes corrects.
Sur le plan individuel, je n'ai rien contre les péquistes. Vous, M. le
Président, vous êtes péquiste, on le sait; je n'ai rien
contre vous non plus, je vous respecte, je respecte votre fonction, je respecte
le ministre. Mais, en équipe, soudainement, on ne voit plus clair, on
n'est plus raisonnable, on veut la guerre. C'est presque une sorte
d'hystérie collective; c'est malheureux, mais on est rendu à ce
point.
Je conclus, M. le Président, en finissant de citer la lettre du
ministre fédéral
Roberts. Il dit: "Nos propositions - c'est le fédéral qui
parle - prévoient aussi que le ministère des Affaires municipales
du Québec soit saisi de toute demande et qu'il puisse exercer un droit
de veto en ce qui concerne le choix des projets". Le ministre Roberts dit
même au ministre Léonard: Au cas où vous ne seriez pas
d'accord sur la nature des programmes conjoints, je suis prêt à
vous accorder un droit de veto. En d'autres termes, si vous n'aimez pas tel
projet, vous, M. le ministre Léonard, vous avez un droit de veto. Il le
dit dans sa lettre. Mais ça ne fonctionne pas, ça vient du
fédéral et ce n'est pas possible de négocier.
Dernier argument de la part du ministre Roberts et je pense que c'est
important. Il dit: "Si le projet de loi 38 est adopté, ce projet
pénaliserait financièrement les municipalités
québécoises et les placerait dans une situation
défavorable par rapport à celle des autres provinces." C'est vrai
parce que ce même argent fédéral est investi dans d'autres
provinces. Cet argent fonctionne, cet argent travaille en Ontario, en
Saskatchewan, en Alberta et aussi dans toutes les provinces à l'Est du
Canada. Ce même argent, nous ne l'acceptons pas, c'est bloqué.
Nous avons un projet de loi 38, parce qu'il y a une bataille de
juridiction.
C'est rendu à un point tel que les municipalités ne sont
pas folles, elles commencent maintenant à chercher, par d'autres
méthodes, à obtenir cet argent. Vous connaissez la
méthode: les municipalités, au lieu de recevoir cet argent
directement - ce qu'elles n'osent pas faire parce qu'elles savent qu'il y a un
projet de loi 38 qui leur défend de le faire - commencent à
former ce qu'on appelle des associations communautaires, j'en ai vu une en fin
de semaine.
En fin de semaine, j'ai reçu de quelqu'un une plume qui venait du
lac Kénogami, dans le comté de Jonquière. Il y a une
petite municipalité, autour du lac Kénogami, une partie du
comté de Jonquière, où le phénomène s'est
produit. On m'a montré un centre communautaire et sportif en
construction, presque fini. En fait, il y avait des gens qui travaillaient
là-dedans et aussi pour les élections. Il y avait tellement de
volontaires qui voulaient travailler pour le Parti libéral que,
finalement, c'est arrivé: on a gagné le comté de
Jonquière. C'était un comté péquiste et il est
devenu libéral, maintenant.
Il y avait là un centre communautaire sportif. Ce n'est pas la
municipalité qui avait reçu l'argent, elle ne pouvait pas, elle
n'osait pas parce que, à cause du projet de loi, elle ne peut pas
l'accepter. Il y avait donc là une association communautaire de cette
petite municipalité qui avait, par l'entremise de cette association,
reçu de l'argent pour construire une aréna.
(22 h 20)
On est rendu à un point tel qu'il faut maintenant se servir de
subterfuges pour accepter notre propre argent, l'argent que nous payons; que
tous les contribuables du Québec paient au gouvernement
fédéral et celui-ci veut nous redonner une partie de cet argent
pour investir, par exemple en bâtissant des centres communautaires et
sportifs, mais on ne peut pas l'accepter, parce qu'il y a une bataille entre
Léonard et Roberts. Donc, on est obligé de marcher par le biais
d'une association communautaire.
M. le Président, ce qu'on a dit dès le début et
tout le monde de notre équipe l'a répété, c'est que
c'est un problème qui n'aurait pas dû exister. On aurait dû
négocier comme les autres provinces l'ont fait avec le
fédéral. Je comprends, le fédéral n'est pas
toujours élégant, c'est vrai. Il faut être dur, il faut
négocier avec lui de manière qu'il respecte nos droits et il y a
une manière de faire ça, mais pas avec le projet de loi 38 ou
avec les députés qui nous disent: Donnez-nous le projet de loi 38
et ensuite on va mettre le fédéral à genoux et on va avoir
des résultats.
On aura le résultat inverse. Est-ce que mon temps est
expiré, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Non, M. le
député, vous avez jusqu'à 22 h 26.
M. Polak: Merci, M. le Président. Donc, on est encore une
fois de plus en face d'une bataille de juridiction, d'une bataille entre
Québec et Ottawa, d'une bataille entre le Québec et le Canada,
parce qu'on n'ose plus parler maintenant du gouvernement fédéral,
on ne veut pas. On parle même déjà dans nos projets de loi
du Canada, le pays étranger. C'est malheureux, parce que le monde
municipal et ceux qui sont impliqués dans ce dossier ne veulent rien
savoir.
J'étais ici l'autre soir, quand le député de
Beauce-Sud a lu au moins une quinzaine de résolutions de petites
municipalités. Ce ne sont pas toutes des municipalités
administrées par des libéraux, il y a des péquistes aussi
là-dedans. Chaque municipalité, dans sa propre terminologie,
avait conclu en disant: On ne veut rien savoir du projet de loi 36... Encore
une autre bataille stérile, une bataille sur les grands principes,
bataille de drapeaux, bataille de paroles, on ne veut rien savoir de ça
et cela veut dire quelque chose. Après, j'ai demandé au
député de Beauce-Sud de me montrer ces résolutions. Ce qui
m'a frappé, c'est que chaque résolution était
formulée par chaque municipalité à sa manière. Il y
en avait qui étaient très bien formulées, d'autres un peu
moins, avec une technique moins bonne, mais le sens de l'affaire était
là. Il y avait un grand message pour vous autres. Il y avait un message
à Jonquière en fin de semaine,
un message très très clair. J'ai été
là pendant quatre jours et vous n'avez rien compris, vous n'avez pas
écouté, vous continuez sur cette route.
Si on voulait vraiment faire de la politique partisane, on dirait:
Prenez donc votre projet de loi 36 parce que avec ça, vous allez vous
faire encore plus d'ennemis. On ne devrait pas être ici pour parler
contre, pour vous aider à voir clair et vous demander de retirer votre
projet de loi, parce qu'on contribuerait peut-être à
améliorer la situation. Parce que nous sommes une Opposition positive,
on ne veut pas prendre avantage de vos faiblesses, mais vous ne voyez rien,
vous n'apprenez pas, vous n'avez rien compris ni en fin de semaine ni
maintenant, ni pour l'avenir. Vous allez continuer sur cette même route,
la route qui conduira finalement à une faillite totale, pas seulement
pour la province de Québec, mais dans le domaine municipal, dans le
domaine financier et dans tous les domaines.
C'est malheureux qu'on en soit rendu encore à ce point. Nous
sommes encore en face d'une autre bataille de juridiction qui se trouve
maintenant dans le projet de loi. Excusez-moi, tout à l'heure j'ai dit
le projet de loi 36, c'est 38. Quand j'entends les députés
ministériels parler sur ce projet de loi, je réalise de plus en
plus qu'il y a vraiment une différence énorme entre nous, une
différence incroyable. Sur le plan des principes, nous ne sommes
vraiment pas sur la même longueur d'onde. Je ne pense pas que nous soyons
capables de vous convaincre, parce que vous ne voulez rien savoir, vous ne
voulez pas apprendre et, indépendamment de toutes les leçons que
vous recevrez. Vous avez reçu une grosse claque en fin de semaine, mais
vous ne voulez rien savoir, vous continuez même à dire: II n'y a
rien là! Il y a même de l'optimisme là-dedans parce qu'on
monte un peu plus haut qu'on était il y a deux ou trois mois.
C'est malheureux qu'on en soit rendu à ce point-là, mais
je pense que c'est important de renseigner la population sur la vraie nature du
projet de loi 38. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Merci, M. le Président. L'Opposition n'est
pas chanceuse cette semaine. On arrive dans la gloire mardi matin en se
gonflant après avoir gagné deux élections
partielles...
Une voix: Deux pas fortes, fortes, fortes!
M. Laplante: M. le Président, on n'a jamais dit à
ces gens-là, ni de Jonquière, ni de Mégantic-Compton, que,
rendus à l'Assemblée nationale, ils ne savaient plus choisir
entre le bon et le mauvais. Cette semaine, on a débattu le projet de loi
57, qui modifie la loi 101. L'Opposition s'est dite d'accord avec la loi 101
même si elle avait voté contre auparavant. Par les amendements au
projet de loi 57 que ses députés avaient réclamés,
ils ont trouvé le tour de dénigrer la loi 101 et de voter contre
le projet de loi 57.
Aujourd'hui, c'est le projet de loi 38, Loi sur la participation
gouvernementale au financement des municipalités. Sur le principe, les
libéraux sont encore pour ce projet de loi. Ils disent que c'est vrai
que le fédéral brime les droits du Québec, les droits
constitutionnels à part cela. Ils disent que c'est vrai que le
fédéral doit négocier avec le Québec pour
redistribuer de l'argent aux municipalités. Même M. Bourassa, en
1974, adoptait une loi, au Québec, pour faire respecter justement la
juridiction du Québec en matière municipale. Mais il a
adopté une loi comme tout ce qu'il a fait, comme il a gouverné,
ce qu'on appelle une loi "gélatine".
Une voix: Ah!
M. Laplante: Vous savez comment M. Bourassa a gouverné de
1970 à 1976? Dans une indécision complète. La loi de 1974,
c'en est une de ses lois aussi, où il réaffirmait les droits du
Québec en matière municipale. II réclamait qu'Ottawa
respecte la juridiction, par la constitution, des droits du Québec. Mais
la loi se terminait là. Aucune pénalité; rien dans la loi
qui indiquait des pénalités. Cela voulait dire que n'importe
quelle municipalité pouvait faire n'importe quoi. La seule chose qu'on
pouvait leur dire, c'est: Écoutez! On a une loi qui demande de respecter
la juridiction du Québec. Mais tout arrêtait là; aucune
pénalité. Ce qui veut dire qu'une loi dans laquelle on
défend des choses sans pénalité devient une loi caduque.
C'est encore une des lois que M. Bourassa a adoptées en 1974 et
qu'encore aujourd'hui lui le chef, l'ancien nouveau chef du Parti
libéral... Ils ne se tiennent pas encore plus debout. On dit que cela
appartient au Québec. On dit que le fédéral n'a pas
à passer par les municipalités pour donner des subventions,
distribuer des subventions. Par contre, le gouvernement présente le
projet de loi 38 et on va voter contre, justement parce que la loi revendique
les vrais droits constitutionnels du Québec envers les
municipalités. C'est vrai, la pénalité est là, M.
le Président.
Mais on n'était pas seuls. Le maire de Montréal, dans un
article de la Presse du mercredi 26 mars 1974 disait ceci: "Si le gouvernement
fédéral n'est pas satisfait de la façon dont les provinces
s'occupent des
problèmes urbains et qu'il veut contribuer à
l'aménagement urbain, il doit le faire par l'intermédiaire des
provinces. Le maire de Montréal est d'avis que tout flirt du
gouvernement fédéral avec les municipalités ne pourra
jouer qu'au détriment de celles-ci et des provinces parce que le
gouvernement fédéral n'ayant aucune obligation constitutionnelle
à l'égard des villes pourra les laisser tomber quand bon lui
semblera."
Une voix: ...
M. Laplante: On pourrait peut-être être plus polie,
Mme la députée de Chomedey. Vous êtes la première
à critiquer lorsque quelqu'un parle et qu'un des vôtres parle,
madame.
Une voix: Qui d'autre sera insulté ce soir? (22 h 30)
M. Laplante: Vous-même, monsieur.
Si d'aventure des municipalités tentaient de s'affranchir des
provinces en s'acoquinant avec le fédéral, elles ne risquent rien
de moins que de voir le palier provincial réduire leurs pouvoirs, voire
les faire disparaître. Plus loin aussi, il y avait la remarque qui se
lisait comme suit: Ce qui est au fond caractéristique de la philosophie
du maire de Montréal sur ce sujet, c'est la préoccupation
constante d'éviter toute confusion. Les affaires municipales
relèvent des provinces de par la constitution et c'est là un
partage clair qu'il faut éviter d'embrouiller en multipliant les cas de
frontières. Dès 1974, les maires étaient
sensibilisés aux juridictions du Québec. Il est certain que nous
ne refusons pas d'argent du fédéral. Nous voulons avoir notre
part des 32 000 000 000 $ de déficit que le gouvernement
fédéral va avoir cette année. Le Québec paiera donc
sans avoir un mot à dire dans les finances fédérales, il
sera obligé de payer 8 000 000 000 $ de déficit dans l'assiette
du fédéral.
Ce sont des taxes qu'on sera obligé de payer pour payer ces
déficits. Il n'est que juste que, lorsque le fédéral a de
l'argent à donner, on puisse récupérer cet argent et le
distribuer à ceux qui en ont besoin. Les municipalités, le besoin
qu'elles ont actuellement, on a essayé de corriger cela,
nous-mêmes, par la loi 57. On a essayé de corriger les finances
des municipalités si bien qu'aujourd'hui, elles déclarent au
total au Québec des surplus budgétaires de près de 180 000
000 $. Lorsque l'Opposition dit que le Québec ne peut jamais s'entendre
avec Ottawa, on a donné la preuve tout à l'heure que même
le ministre des Affaires municipales a négocié lui-même
pour 1 200 000 000 $. Quelqu'un a dit que c'était une guerre de
drapeaux. C'est faux. Pour n'importe quelle entente qu'on peut avoir avec les
gens du fédéral, en respectant ce qu'ils ont établi
eux-mêmes, la constitution, en respectant les droits du Québec
envers les municipalités, le drapeau pour nous autres n'a pas
d'importance à ce moment.
Si l'on veut, à l'ouverture d'un chantier fait en collaboration
avec le Québec et l'argent du fédéral, négocier
avec le ministre des Affaires municipales, qu'il y ait un drapeau canadien et
qu'il y ait un drapeau du Québec à côté, cela ne
nous fait pas mal, M. le Président. Les raisons ne sont pas là.
C'est de l'enfantillage que j'ai vécu moi-même avec le
député fédéral de mon comté sur les
drapeaux. Le même député fédéral se
plaît à se promener dans mon comté, comme les autres, parce
que les 73 députés québécois du
fédéral se plaisent à se vanter qu'ils ont de 750 000 $
à 7 000 000 $ dans leurs poches pour donner à qui ils veulent.
C'est discrétionnaire.
Imaginez-vous que nous autres, gouvernement du Québec, on retire
la loi 57, on remet cela comme c'était avant, on prend, disons,
seulement les 180 000 000 $ de surplus des municipalités, on se
promène avec cela dans nos poches pour essayer de plaire à M. le
maire ici, M. le maire là et on les fait venir à nos bureaux.
Qu'est-ce que dirait l'Opposition, à ce moment? Ces gens auraient raison
de nous voir distribuer toutes sortes de subventions arbitraires sans
étudier réellement les pouvoirs financiers de cette
municipalité. Qu'est-ce que ces gens vont faire après qu'ils
auront certains équipements? Est-ce qu'ils auront les moyens de les
entretenir? Mon député, le député
fédéral de Bourassa - à un moment donné, j'ouvre le
journal de Montréal-Nord - accuse le gouvernement du Québec et le
député de Sauvé, Jacques-Yvan Morin et votre humble
serviteur, le député de Bourassa, de bloquer l'avancement de la
ville de Montréal-Nord pour une subvention, pas donnée
directement à la ville, mais donnée par le Club Optimiste de
Montréal-Nord. C'est un cercle qui n'est pas censé faire de la
politique, mais il en est membre comme par hasard, par exemple. C'est un club
apolitique et il faut faire attention à cela quand on parle avec eux
autres. Il leur a dit: Construisez un centre communautaire et vous obtiendrez
500 000 $. Mais, connaissant bien mon maire, même si on ne partage pas la
même idéologie, c'est un homme qui se tourne vite de bord, c'est
un homme qui a le respect des lois, il lui a répondu: Ma priorité
pour la ville de Montréal-Nord - je ne la laisserai imposer par personne
- ma priorité n'est pas un centre communautaire, j'ai besoin d'un
service public et c'est un poste de pompier. Même M. le maire m'a dit
que, si on était intéressé à l'aider à
construire son poste de pompier, il va le construire avec l'aide de
Québec. C'est un homme qui a voulu
administrer les affaires d'une ville suivant les lois, suivant la
constitution du Canada. Je suis certain qu'un jour pas très loin, on
pourra s'arranger avec M. le ministre pour essayer d'aider la ville de
Montréal-Nord à accomplir ce qu'elle veut avoir et ce qu'elle me
demande depuis une couple d'années, M. le ministre, son poste de
pompier. Ces gens en bénéficieront. On pourra peut-être le
prendre à ceux qui ne respectent pas la loi, à ceux qui aiment
mieux aller coucher dans le lit du fédéral pour tripoter avec lui
les deniers des municipalités. Ceux-là seront
pénalisés. Cela nous fera des sommes d'argent pour aider
justement les municipalités qui ont des projets sérieux, des
projets dont elles ont besoin et qu'elles pourront assumer après leur
construction, on pourra les aider à accomplir leurs projets.
C'est sûr que j'ai répondu au député
fédéral, mais sur un ton qui voulait dire: Écoute, c'est
hypocrite ce que tu fais là; tu ne respectes même pas la
constitution que tu as adoptée. Oui, je les veux les 500 000 $. Il y a
une condition au bout, c'est d'aller voir mon ministre des Affaires
municipales, de prendre entente avec lui et je vous garantis que les 500 000 $
vont venir suivant les priorités de la ville de Montréal-Nord. Je
pouvais lui garantir cela. N'ayez pas peur, je n'ai eu aucune réponse du
député fédéral. Il se promène encore d'un
organisme à l'autre en disant: Les "boys", j'ai 500 000 $ dans mes
poches. Pourtant, on a un déficit de 32 000 000 000 $. Comment un
gouvernement responsable peut-il distribuer l'argent à coups de millions
comme cela quand on souffre d'un déficit de 32 000 000 000 $? Ce sont
des questions qu'on se pose. Pourtant, s'il allait seulement à
Montréal, à l'édifice de Radio-Canada, si cet
édifice appartenait au gouvernement du Québec, on paierait, nous,
Québécois, nos taxes qui se monteraient à 8 153 888 $.
C'est ce qu'on paierait à la ville de Montréal pour
l'édifice de Radio-Canada. Mais que paie Radio-Canada? 571 000 $, une
différence de 7 800 000 $. Pourtant, on a le Palais des congrès
que le Québec a construit et le Québec paie, seulement pour le
Palais des congrès, 4 412 865 $. (22 h 40)
C'est facile d'avoir des ententes avec le fédéral. S'il
veut créer des ententes, qu'on paie les taxes et l'entente sera facile.
Les municipalités auront alors des surplus d'argent. Peut-être
pourra-t-on diminuer les taux pour les contribuables, peut-être aussi
construire des choses que la municipalité aurait le moyen de garder
ensuite, mais ce serait dans les priorités des municipalités,
elles pourraient administrer leur propre budget. Si, dans la
décentralisation qui va, par la loi 57 et d'autres lois, donner du
pouvoir aux municipalités, accroître leur pouvoir, si on veut
continuer dans cette ligne, je pense que deux interlocuteurs, c'est assez, les
municipalités et le Québec. Tout ce qu'on souhaite, comme
gouvernement, c'est que les sommes que le gouvernement fédéral a
à distribuer dans nos municipalités nous soient remises et on
préparera des programmes avec lui comme on en a déjà
préparé et je suis certain que l'argent sera bien placé,
M. le Président. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, j'écoutais, hier matin,
sur les ondes d'un poste de radio à Québec, le maire de
Québec - dont le député de Trois-Rivières a
parlé indirectement en parlant des problèmes financiers ou de la
fiscalité municipale à Québec - dire le plus simplement du
monde, mais avec énormément de conviction, son opposition comme
maire - puisque vous parlez d'abondance au nom des maires - à ce projet
de loi et il le disait peut-être d'une façon un peu caricaturale,
mais néanmoins très vraie, pour montrer jusqu'à quel point
l'incapacité du gouvernement du Québec de s'entendre avec le
gouvernement fédéral pouvait mener à des situations
absolument saugrenues, dans la mesure où, en vertu de ce projet de loi,
les municipalités du Québec pourraient accepter des sommes de
gouvernements étrangers, comme, par exemple, le gouvernement de la
France, mais ne pourraient pas accepter d'argent qui viendrait du gouvernement
canadien.
Une voix: Ridicule!
M. Rivest: Ce projet de loi illustre à mon avis, de
façon absolument patente, l'incapacité chronique du gouvernement
du Parti québécois à négocier des ententes et
à conclure des ententes avec ses partenaires, que ce soient ses
partenaires au niveau politique, au niveau économique ou au niveau
social. Encore une fois, un ministre du gouvernement du Parti
québécois saisit l'Assemblée nationale d'une projet de loi
qui constitue, dans son essence même, l'échec de ce gouvernement
à conclure une entente, cette fois avec le gouvernement
fédéral. D'une façon analogue, pour illustrer cet
échec de ce gouvernement, son incapacité à négocier
des ententes raisonnables, sans doute à cause de ce sentiment qu'exprime
d'une manière constante le gouvernement du Parti québécois
d'être le seul à avoir la vérité, à avoir le
pas, à avoir l'expression juste des problèmes, d'une façon
analogue, lorsque ce gouvernement n'arrive pas à conclure une entente,
par obstination ou autre chose, on fait le procès de la
personne, de l'institution ou du gouvernement avec lequel on devait
conclure une entente.
M. le Président, en juin 1982, à l'automne et à
l'hiver de 1983, l'Assemblée nationale a été saisie de
trois projets de loi qui étaient encore une fois des constats
d'échec, de l'incapacité du gouvernement du Parti
québécois de s'entendre avec qui que ce soit. Cette fois,
c'était avec les employés des secteurs public et parapublic.
Quelle a été l'essence et toute la substance des discours, de
l'attitude du gouvernement du Parti québécois qui n'avait pas
réussi à s'entendre? Ce fut de faire le procès des
employés des secteurs public et parapublic, c'était la faute des
syndicats des employés du secteur public, de l'exagération dans
leurs demandes, de leur refus d'accepter les propositions du gouvernement.
Cette fois-ci, c'est la faute, bien sûr, du gouvernement
fédéral.
M. le Président, je pense que l'on peut s'interroger. La
population s'interroge très sérieusement sur ce nouvel
échec qu'illustre le projet de loi 38, surtout que ce dont il s'agit
ici, ce sont des sommes d'argent qui seraient dépensées par les
municipalités et qui auraient un impact très significatif sur le
plan de relance économique. Quand le premier ministre a fait, il y a
quinze jours ou trois semaines, son énoncé à
Radio-Québec annonçant le plan de relance du gouvernement, il me
semble qu'une des toutes premières choses... Si ce plan de relance
économique avait été autre chose qu'un plan de relance de
la crédibilité politique du Parti québécois, il me
semble que ce gouvernement se serait employé, d'une façon totale,
aurait mis toutes ses énergies, vu la situation économique que
connaissaient les femmes et les hommes qui vivent sur l'ensemble du territoire
du Québec, à trouver avec le gouvernement fédéral,
dans le contexte économique où nous nous trouvons, un terrain
d'entente pour faire en sorte que les montants d'argent disponibles au niveau
du gouvernement du Québec, comme les montants d'argent disponibles au
niveau du gouvernement canadien, puissent être mis à la
disposition des municipalités pour qu'elles puissent lancer des projets
créateurs d'emplois à l'échelle du territoire de la
province de Québec.
Il me semble que, si le gouvernement avait eu cette conviction et, dans
d'autres domaines, il a essayé - on sait les difficultés et on
imagine les difficultés dans le domaine de la relance économique
que le gouvernement a eues pour négocier une certaine entente avec
Hydro-Québec, c'est-à-dire demander à Hydro-Québec
de revoir son plan d'investissement pour dégager quelques sommes
additionnelles, parce qu'il s'agissait de créer des emplois - il a fait
des efforts; mais là, s'agissant du gouvernement canadien,
immédiatement le dossier s'est politisé comme on l'a vu d'une
façon systématique depuis 1976, la politisation à outrance
des rapports entre le gouvernement du Québec et le gouvernement canadien
amenant de part et d'autre des exagérations, des abus et des
stratégies qui, l'une annulant l'autre, ont eu comme résultat
très net - les Québécois le savent, le réalisent de
plus en plus et l'expriment très clairement, comme on l'a vu tout
récemment lors des élections dans Jonquière et dans
Mégantic-Compton - de faire en sorte qu'il y a des travailleurs et des
travailleuses au Québec qui se sont retrouvés en chômage,
parce qu'il y avait, au niveau de leur gouvernement, du gouvernement du
Québec, cette incapacité chronique d'en arriver à mettre
entre parenthèses les ambitions politiques des uns et des autres pour
faire dominer les intérêts véritables des
Québécois qui commandaient un effort systématique et
sérieux pour en arriver à une entente afin que les
municipalités puissent participer aux efforts de relance
économique et aux efforts qui étaient faits -et qui devaient
être faits - pour essayer de pallier les difficultés de la crise
économique.
On peut faire le procès des attitudes du gouvernement
fédéral dans le domaine municipal, de l'utilisation des pouvoirs
constitutionnels que fait le gouvernement fédéral, mais il reste
une chose absolument fondamentale - et ce projet de loi l'illustre d'une
façon tellement évidente - c'est, encore une fois, que ce projet
de loi est le constat d'un échec du gouvernement du Parti
québécois. Je pense que c'est perçu de cette façon
non seulement par la population, mais par les autorités municipales qui
regrettent, par toutes les communications qu'elles ont fait parvenir au niveau
fédéral, au ministre des Affaires municipales et à
l'ensemble des députés de cette Chambre, pour presser le
gouvernement du Québec d'essayer de négocier une entente qui
aille dans le sens de la mise en oeuvre de projets par les municipalités
afin d'appuyer les efforts de relance que les uns et les autres veulent bien
entreprendre dans le domaine économique...
Bien sûr, il y a cette dimension - et plusieurs en ont
parlé - cette espèce de concurrence entre les hommes politiques
à Québec et ceux qui, à Ottawa, tentent, les uns et les
autres, d'avoir le mérite des projets qui sont annoncés.
Personnellement, je vous avoue que cette dimension de la chose - beaucoup de
gens en ont parlé - me laisse assez indifférent. Je pense que la
population est aussi indifférente de savoir si c'est un
député fédéral ou un député
péquiste qui va aller planter son drapeau sur un projet.
Personnellement, cela me laisse totalement indifférent et la population
s'en fout royalement, je pense, et elle a parfaitement raison. (22 h 50)
Ce que la population veut et exige de la part des niveaux de
gouvernement, c'est que ces niveaux de gouvernement réussissent à
conclure une entente. La question que mes collègues de
l'Assemblée nationale et que la population posent à ce
gouvernement auquel nous faisons face, au gouvernement du Québec, c'est:
Comment se fait-il qu'il soit si difficile pour ce gouvernement d'en arriver
à des ententes? On s'est référé au passé. Je
me rappelle très bien les travaux d'hiver qui ont fait partie d'un
programme fédéral au début des années soixante-dix.
Nous étions conscients à l'époque, comme gouvernement du
Québec... J'écoutais le ministre des Affaires municipales et
d'autres collègues évoquer que l'utilisation du pouvoir de
dépense du gouvernement fédéral dans le domaine municipal
pouvait bousculer les ordres de priorités du gouvernement du
Québec dans le domaine municipal.
Nous en étions conscients, nous avons vécu les
problèmes. Je pourrais vous donner des exemples où sont survenues
des incongruités vraiment regrettables. Au moment des travaux d'hiver de
ce programme fédéral, nous avons négocié une
entente dans laquelle était inscrite et respectée la juridiction
du gouvernement du Québec. Les municipalités ont reçu les
sommes d'argent disponibles au fédéral, cela a été
fait dans le respect mutuel et avec le concours des autorités du
ministère des Affaires municipales. Les municipalités ont pu
ainsi mettre sur pied des programmes. Cela s'est fait dans le passé et
on a négocié. Bien sûr, cela ne s'est pas fait du jour au
lendemain, cela a dû prendre quelques semaines et mêmes quelques
mois pour négocier, pour organiser des rencontres au niveau des hauts
fonctionnaires, des rencontres politiques.
Mais il y avait cette chose essentielle, je pense: dans un régime
fédéral - et jusqu'à nouvel ordre, on fait partie d'un
régime fédéral et la majorité des
Québécois veut que le Québec reste à
l'intérieur du régime fédéral - pour mener une
négociation, et surtout lorsqu'il s'agit de questions économiques
et de questions sociales, il doit y avoir à la base une
crédibilité, un respect réciproque des mandats que
reçoivent les gens qui ont la responsabilité, au niveau
provincial, et les gens au niveau fédéral. Dès lors
qu'à cause d'une option politique fondamentale, les uns et les autres
doivent vivre dans un climat, dans une attitude d'affrontement, de
confrontation parce que les uns et les autres ont quelque chose à gagner
selon qu'une entente est faite ou n'est pas faite, quand on s'inscrit dans une
telle dynamique, c'est sûr qu'on aboutit à des projets de loi
comme ce projet de loi qui est le constat d'un nouvel échec des
rapports. Et qui en fait les frais? Personnellement, je me fous royalement - je
le dis en toute franchise - que ce soit les ministres fédéraux ou
le ministre péquiste qui perde ou qui gagne du prestige. Ce que je veux
- je pense que mes collègues ont suffisamment insisté pour
expliquer les raisons pour lesquelles on s'oppose à cela -c'est que les
perdants véritables, ceux-là qui doivent nous préoccuper,
ce ne soient pas les citoyens du Québec qui, eux, seront
pénalisés à cause de ce nouvel échec du
gouvernement du Parti québécois.
Une voix: C'est ça.
M. Rivest: Les maires, au fond, c'est ce qu'ils expriment. Mon
collègue de Sainte-Anne a signale que le maire de Jonquière, M.
Francis Dufour, qui a lui-même une option politique favorable au Parti
québécois, ce qui mérite d'être respecté,
mais qui est le représentant de l'ensemble des municipalités...
Face à ce problème-là, M. Dufour dit au ministre des
Affaires municipales: Entendez-vous, retardez le projet de loi 38; nous n'avons
pas besoin de cela. Cela va desservir les intérêts des uns et des
autres. Si le ministre ne veut pas entendre les propos tenus ici pour des
raisons politiques et de confrontation parlementaire, fort bien, mais entendez
au moins les représentants des milieux municipaux, que ce soit M. Dufour
ou M. Pelletier, maire de Québec, enfin l'ensemble des maires. Je pense
que mes collègues se sont employés à citer des
communications qu'ils ont eues avec les édiles municipaux qui ont
plaidé de la même façon.
Et, encore une fois, le gouvernement du Parti québécois
saisit l'Assemblée nationale d'un projet de loi qui nous demande, comme
parlementaires, de ratifier un échec, son incapacité de conclure
une entente. On ne peut pas sanctionner les échecs du gouvernement du
Parti québécois, on ne ferait que cela, non seulement dans le
domaine municipal, mais dans tellement d'autres domaines. On ne peut quand
même pas appuyer cela. C'est la première raison.
La deuxième raison, c'est la façon dont ce projet de loi
est conçu. Ce projet de loi, qu'on dit censé défendre et
valoriser l'autonomie municipale, est paternaliste et méprise la
responsabilité des autorités municipales.
Tantôt, j'écoutais le député de Gouin dire
que le gouvernement du Parti québécois va abandonner les
subventions discrétionnaires. Mais ce projet de loi est rempli de
pouvoirs discrétionnaires. Par exemple, à l'article 2, c'est le
ministre lui-même d'autorité qui va décider,
peut-être bien, qu'une municipalité, directement ou indirectement,
aurait accepté de l'argent du gouvernement fédéral. Sans
consultation, sans communiquer avec la municipalité, il
déciderait cela. À l'article 3, le gouverne-
ment peut, à sa discrétion, constater par décret
qu'une municipalité se trouve dans la situation que je viens de
décrire. Plus loin, il peut décider que les sommes payables
à une municipalité, à sa discrétion absolue, le
gouvernement ne les paiera pas ou il va en payer une partie ou il va constituer
un fonds. Quand les municipalités seront pénalisées,
ensuite, il va distribuer ce fonds, à sa discrétion à
l'ensemble des municipalités du Québec.
Quand on regarde la tenue du projet de loi - je termine là-dessus
- ces deux raisons de fond, comment le ministre et les députés du
Parti québécois peuvent-ils être sérieux lorsqu'ils
demandent aux députés de l'Opposition d'endosser un projet de loi
qui s'adresse aux municipalités, alors même que les
municipalités, les administrateurs publics sont contre? Je ne pense pas
qu'il s'en trouve qui soient pour un tel projet de loi qui se
révélera, de toute façon, absolument néfaste, non
seulement à l'élaboration de rapports sereins entre les trois
paliers de gouvernement, mais à l'ensemble des citoyens du Québec
qui souhaitent que leur gouvernement s'entende pour réaliser une chose
capitale, la relance économique et la création d'emplois.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Dubuc.
M. Hubert Desbiens
M. Desbiens: M. le Président, nous nous retrouvons, ce
soir, dans l'obligation d'étudier et d'approuver un projet de loi
portant sur la participation gouvernementale au financement des
municipalités. Contrairement à ce que vient d'exprimer le
député de Jean-Talon, il m'apparaît que, si le projet de
loi 38 est un constat d'échec, c'est plutôt le constat
d'échec d'une loi qui a été adoptée en 1974 par le
gouvernement de M. Bourassa et qui exprimait la volonté du gouvernement
du Québec de l'époque, comme de celui de tous les temps, de voir
respecté l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la loi
fondamentale du pays. L'article de la Loi sur le ministère des Affaires
intergouvernementales dit très clairement ceci: "Sauf dans la mesure
prévue expressément par la loi, aucune commission scolaire,
commission régionale, corporation municipale, communauté urbaine
ou communauté régionale ne peut, sous peine de nullité,
négocier ou conclure des ententes avec le gouvernement du Canada, celui
d'une autre province - gouvernement du Canada, on nous reprochait tantôt
d'utiliser le mot "Canada" dans notre projet de loi - un gouvernement
étranger ou un ministère ou un organisme de l'un de ces
gouvernements." C'est la Loi sur le ministère des Affaires
intergouverne- mentales qui a été votée en 1974 par le
gouvernement de M. Bourassa, édition première. (23 heures)
S'il y a un échec, c'est l'échec de cette loi, d'une loi
que vous avez adoptée vous-mêmes à cette époque. Cet
échec, M. le Président, il est manifeste et il est un exemple de
ce que tous les gouvernements antérieurs à celui qui est en place
actuellement ont toujours défendu au niveau des municipalités du
Québec. Jamais un gouvernement du Québec, depuis M. Duplessis, M.
Jean Lesage, M. Jean-Jacques Bertrand ou M. Bourassa, comme je viens de le
mentionner, n'a accepté que le gouvernement fédéral vienne
toucher au domaine municipal. C'est d'ailleurs dans un article de la Presse
daté du vendredi 22 septembre 1972 qui titrait: "Bourassa
prévient Ottawa de ne pas toucher au domaine municipal." Le premier
ministre...
Une voix: Montre donc cela, voir.
M. Desbiens: Dans la Presse, monsieur: "Bourassa prévient
Ottawa de ne pas toucher au domaine municipal." Quelle est la politique? Est-ce
que c'est la politique de Bourassa, édition 1970-1976, qui
prévaut dans le Parti libéral ou est-ce que M. Bourassa a une
nouvelle politique maintenant? Le premier ministre du Québec a
déclaré à Montréal que la conférence
tripartite de novembre à Toronto sera le test de la
Confédération. Quelle sorte de test passons-nous aujourd'hui
après l'attaque répétée et qui date d'août
1982? C'est à partir d'août 1982 que le problème a
commencé à se manifester.
Quand on parle de la volonté du ministre des Affaires municipales
et du gouvernement du Québec, et de la capacité du gouvernement
du Québec de signer des ententes avec le gouvernement
fédéral, il faut reprendre le dossier à ses
premières heures. C'est depuis le mois d'août 1982 -cela veut dire
au-delà de 16 mois maintenant - que les députés
fédéraux se promènent à travers le paysage offrant
des subventions, saupoudrant des subventions, comme le disait un de mes
collègues tantôt, quelques municipalités
particulièrement amies ou dans des endroits où l'on croyait
pouvoir faire une percée. Dès le 31 août 1982, M. Francis
Dufour, le président de l'UMQ, écrivait ceci aux membres de
l'Union des municipalités du Québec: "Le conseil d'administration
de l'UMQ soumet donc à ses membres que, dès le moment où
elles reçoivent des offres formelles écrites de leur
député, elles en avisent le ministère des Affaires
municipales pour respecter la tradition et les règles déjà
établies." L'appui de l'Union des municipalités du Québec
date déjà du 31 août...
Une voix: Qui a dit cela?
M. Desbiens: C'est dans une lettre signée par le
président de l'Union des municipalités, M. Francis Dufour, maire
de Jonquière. Le 21 octobre 1982, il y a encore plus d'un an de cela,
lors de l'ouverture du congrès annuel de l'Union des conseils de
comté, son président, M. Moreau, marquait son appui et l'appui de
l'UCCQ à la position du Québec en ces termes: "S'il est un point
sur lequel la constitution canadienne est claire, c'est bien sur la juridiction
exclusive des gouvernements provinciaux envers les municipalités et il
importe - continuait-il -de ne pas s'écarter de cette ligne
directrice."
L'attaque du gouvernement fédéral et des
fédéraux, sans doute, selon ce qu'on constate, pour
préparer une élection fédérale imminente, d'ici
quelques mois, et redorer un peu le blason de ce gouvernement
fédéral, soutenue par la succursale libérale du parti
fédéral, contrevient expressément... Je pourrais continuer
les citations et les appuis apportés par les divers intervenants du
monde municipal. Qu'il me suffise de rappeler encore que les ouvertures et les
intentions d'ententes ont été très manifestement et
très clairement exprimées dans la lettre que, déjà,
le 28 octobre 1982, l'actuel ministre des Affaires municipales faisait parvenir
à Ottawa et dans laquelle il disait que les membres du gouvernement du
Québec sont réceptifs à tout mécanisme qui
permettra aux municipalités du Québec, dans le respect des
juridictions respectives, de profiter des retombées des taxes que nous
payons tous à Ottawa.
On sait que le ministre actuel des Affaires municipales - cela a
déjà été mentionné - a été
dans l'actuel gouvernement l'un de ceux qui ont très clairement et de
façon très nette réussi à conclure des ententes
comme jamais il n'en avait été réalisé avec le
gouvernement fédéral. On a mentionné les chiffres
tantôt. Alors que, sous le régime libéral
précédent - Parti libéral du Québec avec Parti
libéral fédéral de l'époque, entre 1970 et 1976 -
il s'était conclu pour 383 867 000 $ d'ententes avec le gouvernement
fédéral, le ministre des Affaires municipales qui tente depuis
au-delà d'un an maintenant de négocier une entente dans le
domaine municipal avec ce même gouvernement fédéral est le
même ministre -comme ministre des Affaires municipales et ministre
délégué à l'Aménagement
précédemment - qui a conclu des ententes pour 1 345 445 000
$.
Pourtant ministre d'un méchant gouvernement séparatiste,
il a réussi à conclure près de cinq fois plus d'ententes
financières que le précédent gouvernement. Il
m'apparaît donc tout à fait injuste d'accuser le gouvernement
actuel de non-collaboration avec le fédéral dans ce domaine.
Lorsque des ententes équitables ont été proposées -
et elles ont été nombreuses, je viens de le prouver par les
chiffres que j'ai mentionnés -le gouvernement du Québec a
toujours démontré sa bonne volonté. Il n'a jamais
hésité à s'associer au fédéral pour
réaliser des programmes permettant aux Québécois de
profiter des impôts payés aux deux paliers de gouvernement. Qu'il
suffise de se souvenir, par exemple, de tous ces programmes conjoints de
création d'emplois qui ont existé. Entre autres, dans le domaine
municipal, le programme PAEC qui a été en vigueur jusqu'en 1981 -
si ma mémoire est fidèle - un des meilleurs programmes, quant
à moi, à titre de député d'un comté rural,
qui ait pu exister et qui était le fruit d'une entente entre le
gouvernement du Québec et celui d'Ottawa. Le programme PAEC d'aide aux
équipements communautaires a permis de réaliser des
équipements excessivement importants, utiles et nécessaires, dans
certains cas, dans des municipalités de mon comté.
Le programme PAQ, Programme d'amélioration de quartiers, a
également servi de façon très importante. On vient de le
compléter et d'en faire l'inauguration justement dans la ville de La
Baie, dans mon comté, pour l'amélioration d'un quartier complet
de la ville.
Ce sont des programmes de formation professionnelle, des ententes qui
sont conclues pour les cours aux adultes ou en industrie. Il y a
également les projets liés à l'environnement, les projets
liés au tourisme, les projets liés à la chasse et à
la pêche, à l'énergie et aux ressources, à l'OPDQ,
aux affaires sociales, aux transports, et j'en passe. Des ententes avec le
fédéral, le gouvernement actuel en a conclu, est capable d'en
signer encore et désire en signer encore pour le meilleur profit des
Québécois et des Québécoises.
Toutefois, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le Québec ne
doit pas signer n'importe quoi les yeux fermés. Lorsque, sous le couvert
de l'entente, on attaque des compétences ou des juridictions bien
québécoises, on ne peut pas nous reprocher d'être
très vigilants à cet égard. Les Québécois et
les Québécoises seraient certainement, à l'inverse,
justifiés de nous reprocher d'être moins vigilants que les
gouvernements antérieurs de MM. Duplessis, Lesage, Bertrand et Bourassa,
que j'ai mentionnés.
Le gouvernement et le ministre sont prêts à conclure des
ententes. Les efforts dans ce sens se font depuis déjà
au-delà d'un an et ils ont été appuyés - je l'ai
mentionné tantôt - par l'Union des municipalités du
Québec, par l'Union des conseils de comté du Québec, qui
est maintenant l'Union des MRC du Québec.
(23 h 10)
Je rappellerai que, le 1er mars 1983... C'est une des choses qu'on se
fait parfois reprocher par les députés d'en face d'être
arrivés avec ce projet de loi comme un cheveu sur la soupe. Les
nombreuses lettres et déclarations, autant des présidents des
unions de municipalités que du ministre lui-même,
démontrent très clairement qu'au contraire le projet de loi 38
vient confirmer, à la suite de plusieurs dénonciations de
l'attitude fédérale, cette loi qui existait déjà et
qui était celle des Affaires intergouvemementales, interdisant aux
municipalités de conclure des ententes. La Loi sur les Affaires
intergouvernementales n'ayant pas été respectée, il
devenait donc nécessaire de présenter un projet de loi qui soit
plus complet et, comme tout projet de loi, qui soit assorti de certaines
sanctions. Quant aux municipalités de mon comté, j'en ai
discuté avec toutes et chacune d'entre elles cet automne et au cours de
l'été et on m'a demandé justement de les rencontrer pour
discuter et savoir quels étaient les effets directs de cette loi afin de
pouvoir déjà la respecter.
Ce serait inéquitable pour les municipalités qui acceptent
de respecter la constitution même du pays et la Loi
québécoise sur les Affaires intergouvernementales interdisant aux
municipalités de signer directement des ententes avec le gouvernement
fédéral, ce serait inéquitable, je crois, pour les autres
municipalités, celles qui ont décidé en majorité de
respecter la loi, qu'il n'y ait pas de sanction pour celles qui auraient
décidé de passer outre à ce projet de loi annoncé
bien à l'avance et très clairement aux différents
intervenants municipaux.
M. le Président, il a fallu même se rendre jusqu'au 26 mai
1983. Il a fallu que M. Lévesque lui-même écrive au premier
ministre du Canada dans une ultime tentative d'en arriver à une entente
en réaffirmant la position du Québec, en invitant le gouvernement
fédéral à négocier. Il l'a fait dans une lettre
directe à M. Trudeau du 26 mai 1983. Il y a eu le dépôt
à la fin de juin du projet de loi 38. Je pense, qu'il est important de
se rappeler aussi que, le 26 juillet 1983, M. Jean-Marie Moreau, encore
président des MRC du Québec, rappelait une autre fois aux maires
et conseillers des municipalités ou préfets que l'UMRQ appuyait
la position du Québec dans le dossier et qu'on réclamait qu'une
entente soit signée dans le respect de la constitution et la
reconnaissance de la compétence exclusive des provinces en
matière municipale et urbaine. "Il est impossible pour les
municipalités de recevoir des fonds disponibles à Ottawa tout en
respectant les dispositions du pacte constitutionnel. Cela peut et doit se
faire par le biais d'une entente dûment négociée
signée à la fois par Québec et par Ottawa."
Il me semble que cela me paraît assez clair. Le même M.
Moreau s'est également adressé lui-même directement au
premier ministre du Canada pour lui demander de participer à des
ententes. C'est ainsi qu'on en arrive au 11 août où le premier
ministre, M. Trudeau, finit par répondre à la lettre du 26 mai de
M. Lévesque. Or, le 11 août 1983, M. le Président, cela
faisait déjà une année complète que le gouvernement
et que les députés libéraux fédéraux se
promenaient dans le décor et essayaient de pervertir, si on peut dire,
les corps municipaux québécois. M. Trudeau, dans sa
réponse à la lettre du 26 mai de M. Lévesque, disait ceci:
"Je vous confirme, par la présente, que le gouvernement du Canada est
disposé à conclure avec votre gouvernement une entente sur les
modalités de participation des municipalités
québécoises aux programmes fédéraux de
création d'emplois et de stabilisation économique."
Je me demande si cela n'est pas une reconnaissance justement que
finalement le gouvernement fédéral n'avait pas, dans
l'année antérieure, accepté de conclure des ententes.
Depuis ce temps, il y a eu une offre, une ouverture qui a été
faite. Tantôt, le député de Jean-Talon mentionnait qu'il
n'y avait rien dans ce projet de loi 38 qui puisse être rattaché
ou relié à la relance économique. Il s'agit de revoir
quelles sont les offres que le ministre des Affaires municipales du
Québec a faites, le 4 octobre 1983, à son collègue, M.
Roberts. Les propositions qui sont faites concernent les programmes
d'assainissement des eaux, ce qui est justement et très nettement un des
points très importants puisque cela représente des milliards de
dollars d'investissements et de travaux créateurs d'emplois à
travers tout le Québec; des programmes d'assainissement des eaux
où on offre la participation du gouvernement fédéral;
l'aide à l'implantation des réseaux d'aqueduc au Québec;
le programme qui touche également tous les centre-ville qui a
été suggéré par M. Léonard, de même
que tout le traitement des déchets, trois des programmes qui sont
directement liés au programme de relance économique
annoncé par M. Lévesque le 13 novembre dernier.
Enfin - et cela touche particulièrement un comté comme le
mien - l'aide à l'implantation des réseaux d'aqueduc, l'aide
à l'équipement de loisirs également, de même que
l'amélioration de la voirie rurale. Pour tous ces programmes, la
négociation se poursuit, elle traîne et il est donc
extrêmement important que, le plus rapidement possible, à cause de
cette lenteur des négociations en cours, le projet de loi 38 soit
adopté.
Je rappellerai en terminant que, dans la région du Saguenay, la
MRC du Fjord-du-
Saguenay a elle-même envoyé, en date du 23 novembre 1983,
une résolution adoptée par son conseil, dont j'ai un extrait en
main, qui demande l'appui des députés fédéraux et
provinciaux de la région pour insister fortement auprès du
cabinet fédéral pour que celui-ci réponde affirmativement,
dans les plus brefs délais, à la demande du ministre des Affaires
municipales, M. Jacques Léonard, concernant l'aide
fédérale qui pourrait être accordée dans le cadre du
programme d'assainissement des eaux pour soulager le fardeau fiscal des
municipalités moins bien nanties. Cette résolution,
adoptée par la MRC du Fjord-du-Saguenay, touche, évidemment, les
municipalités du comté de Dubuc qui font toutes parties de cette
MRC.
De même, en date du 1er décembre 1983, la
municipalité de ville de La Baie, dans mon comté - je vous fais
grâce des attendus - soumet la résolution suivante: "Qu'un appui
soit accordé au gouvernement du Québec dans les démarches
qu'il a entreprises par l'entremise de M. Jacques Léonard, ministre des
Affaires municipales et M. Adrien Ouellette, ministre de l'Environnement, pour
obtenir de la part du gouvernement fédéral une aide
financière dans le programme d'assainissement des eaux afin de diminuer
le fardeau fiscal des municipalités participantes." Je vous rappelle
à cet égard qu'au Saguenay il y a pour des dizaines de millions
de projets d'assainissement des eaux qui n'attendent qu'un appui financier
supplémentaire à nos municipalités pour qu'elles puissent
mettre leurs projets en branle, créant ainsi de nombreux emplois. "Que
copie de la présente soit envoyée au député..."
M. le Président, il y a de nombreux aspects de cette loi 38 et de
toute la relation qui existe entre le gouvernement du Québec, son
ministre et son ministère des Affaires municipales et les
municipalités du Québec qui ont été
soulevés, d'ailleurs, par mes collègues et qui démontrent
très clairement la volonté du gouvernement du Québec de
remettre entre les mains des municipalités la plus large part
d'autonomie possible. On sait qu'aujourd'hui les municipalités du
Québec sont autonomes à 95% alors qu'elles l'étaient
à peine à 75% en 1977, avant que le gouvernement du Québec
vote la loi 57 sur la fiscalité municipale. Cette loi qui a permis cette
autonomie budgétaire municipale est extrêmement importante.
Il y aurait aussi tout cet aspect qui a été
développé et qui est important, celui des taxes et des
impôts, car, si le gouvernement fédéral a tellement de
moyens financiers à consacrer aux municipalités, il y a un canal
très évident par lequel il pourrait le faire, c'est celui de
payer ses taxes municipales. (23 h 20)
Je ne prendrai, en terminant, qu'un seul exemple, celui de ma
municipalité qui compte 3500 âmes. En 1980, le gouvernement du
Québec a payé à ma municipalité 86 354 $ en taxes
et en "en lieu" de taxes, alors que le gouvernement fédéral a
payé 1225 $ de taxes et d'impôts. En 1981, le gouvernement du
Québec a payé 84 879 $ dans ma municipalité, alors que le
gouvernement fédéral en payait 1453 $. En 1982, le gouvernement
du Québec a payé 133 185 $ en taxes et en "en lieu" de taxes dans
ma municipalité contre 2000 $ pour le gouvernement
fédéral. Je pourrais reprendre chacune des municipalités
de mon comté et vous démontrer que, si le gouvernement
fédéral a autant d'argent à offrir aux
municipalités, il pourrait très largement et très bien,
s'il ne veut pas le faire par des ententes, le faire en payant ses taxes aux
municipalités du Québec.
Des voix: Bravo!
M. Desbiens: M. le Président, mon temps est
terminé. J'aurais aimé ajouter quand même, parce qu'il ne
faut pas l'oublier, que les municipalités du Québec, face au
programme RELAIS, n'ont pas perdu un cent puisque les 50 000 000 $ qui avaient
été prévus à l'entente ont été
entièrement financés par le gouvernement du Québec. Et, en
plus, il y a eu le programme PECEM qui était d'environ 10 000 000 $, ce
qui veut dire qu'il y a eu 60 000 000 $ d'investis par le ministère des
Affaires municipales du Québec pour la création d'emplois au
Québec en 1983. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Hull.
M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Avant de traiter du
projet de loi 38 - et nous en traitons effectivement - il faut apporter
certains correctifs. Le député du comté de Huntingdon, il
y a quelques instants, a mentionné au député de
Trois-Rivières qu'il avait tenu des propos malhonnêtes tenant
compte des taxes payées par le gouvernement fédéral. Par
la suite, par ignorance, sûrement, ne connaissant pas le dossier, on
parle moins, mais quand même il y a des députés du
côté ministériel qui font des affirmations gratuites. Entre
autres, le député de Gouin mentionnait plus tôt que le
gouvernement fédéral payait, à Montréal, en taxes
ou en "en lieu" de taxes 6 200 000 $ par année. On sait, par des
chiffres confirmés, que le gouvernement fédéral paie
à Montréal plus de 14 000 000 $ en "en lieu" de taxes par
année. On sait que les sociétés d'État du
gouvernement fédéral, dont le Canadien
National, paient 16 000 000 $ en taxes foncières. On sait qu'Air
Canada paie plus de 5 500 000 $ de taxes à Montréal par
année. Et le député de Gouin nous mentionne un montant de
6 200 000 $. Ce sont des paroles en l'air ou c'est mentir à
l'Assemblée nationale.
M. le Président, le député de Dubuc, qui vient
à peine de prononcer son discours et de lire les mêmes notes
qu'à peu près tous les députés du côté
ministériel ont lues depuis qu'on a amorcé l'étude du
projet de loi 38, mentionnait, et on a eu des applaudissements, certains
énoncés du président de l'Union des municipalités
du Québec, M. Francis Dufour, maire de Jonquière. Pourtant, c'est
important que la population comprenne bien qu'un projet de loi comme le projet
de loi 38 est un projet de loi matraque. C'est un projet de loi qui est
déposé en cette Chambre par le bourreau des municipalités,
par le ministre des Affaires municipales. Lui qui devrait être
l'interlocuteur privilégié des municipalités auprès
du gouvernement est le matraqueur des municipalités. Cela ressemble un
peu au projet de loi 37 qui a fusionné, d'une façon
forcée, les municipalités de Baie-Comeau et de Hauterive.
M. le Président, l'Union des municipalités du
Québec est un organisme très important au Québec. Il
regroupe l'ensemble des municipalités les plus importantes. Dans son
petit document Urba qui est publié mensuellement, au mois d'août
dernier, on peut lire: "Le projet de loi 38, un dangereux
précédent. Selon l'Union des municipalités, ce projet de
législation crée un dangereux précédent et laisse
la porte ouverte à des décisions ministérielles
discrétionnaires et inéquitables." On peut lire un peu plus loin
que "l'Union des municipalités croit enfin qu'au lieu de brandir la
carotte et le bâton le gouvernement du Québec devrait mettre tout
en oeuvre, de concert avec le gouvernement fédéral, afin que
cesse cette chicane stérile et que l'on établisse au plus vite un
terrain d'entente acceptable pour les toutes les parties
impliquées."
M. le Président, pourtant on a eu des élections
complémentaires lundi dernier. Dans le comté de
Mégantic-Compton, étant donné que nous avions perdu un
collègue à cette Assemblée nationale que c'était un
membre de l'Opposition, un collègue libéral, on pouvait
s'attendre que cela devait être un libéral. Mais, Jonquière
est, à toutes fins utiles, le comté par excellence pour les
péquistes, le comté qui représentait l'option
souverainiste, d'après ce gouvernement. C'était le comté
qui, pour ce gouvernement, était son étoile. Ils l'ont perdu.
Est-ce que ce n'est pas une autre leçon que ce gouvernement a eue?
Est-ce que ce n'est pas une autre leçon qu'a eue le ministre des
Affaires municipales, celui même qui a créé la discorde
dans les municipalités, celui même qui a créé de la
discorde dans les MRC dans tout le Québec, celui qui s'est
approprié une grande partie du territoire de l'Outaouais
québécois à son propre actif, à l'actif de sa
municipalité régionale de comté, en plein conflit
d'intérêts?
Le premier ministre du Québec, lors de l'élection
complémentaire, a pris part à la tournée des ministres
à Jonquière, pour faire pratiquement du porte-à-porte pour
tenter d'aller convaincre les militants de Jonquière de voter
péquiste. Selon le premier ministre - c'est dans le Droit du lundi 21
novembre -Ottawa fait du chantage auprès des municipalités.
Voyons donc! Quand vous tenez compte d'un projet de loi matraque, quand vous
tenez compte d'un projet de loi qui comprend des clauses rétroactives au
21 juin 1983, quand vous tenez compte d'un projet de loi qui est totalement
discriminatoire à l'égard des municipalités, qui est
discrétionnaire à l'égard du ministre des Affaires
municipales, c'est encore lui qui peut brandir la carotte à celles qu'il
n'aime pas parmi les municipalités du Québec!
Pis encore, le gouvernement, par l'entremise de son ministre des
Affaires municipales, peut décréter... On sait que ce
gouvernement a la facilité des décrets, on a connu cela avec la
loi 111. Il est habitué à prendre des mesures agressives envers
les citoyens du Québec, il est habitué à passer sous une
forme dictatoriale tout ce qu'il veut passer. Nous sommes ici pour
étudier un projet de loi qui a privé et qui prive actuellement
les Québécois et les Québécoises de subventions qui
permettraient, justement, à ces Québécois et à ces
Québécoises actuellement en chômage, qui doivent recourir
à l'assistance sociale, de se trouver des "jobs" et de travailler.
On comprend le principe qui veut que la constitution canadienne soit
respectée, que les municipalités sont des créatures du
gouvernement du Québec. Nous sommes d'accord avec tout cela, et
même le gouvernement du temps en 1974, le gouvernement libéral,
avait adopté un projet de loi, la loi 56. Nous retrouvons même
l'article 20 de la loi 56 dans votre projet de loi. Vous auriez pu recourir
à la loi 56, vous auriez pu la prendre au niveau d'une
municipalité qui avait reçu des subventions du gouvernement
fédéral. Vous auriez pu vous imposer, tenant compte de cette loi.
Mais non. Il fallait, encore une fois, que le ministre des Affaires municipales
fasse son petit jars et vienne imposer sa volonté aux
municipalités du Québec. (23 h 30)
M. Doyon: Le petit matamorel
Une voix: Le bourreau matamore!
M. Rocheleau: Le premier ministre du Québec, le 21
novembre 1983, à Jonquière, signalait que son gouvernement jouit
de l'appui de l'Union des municipalités dans ce dossier. Ce n'est pas
vrai; c'est absolument faux, terriblement faux.
M. Lalonde: Ce sont des menteurs.
M. Rocheleau: On est habitué, M. le Président,
grâce à la technologie, à l'information à la
télévision, à ce que les nouvelles circulent en l'espace
de quelques minutes. On n'est plus au temps de Duplessis où on peut dire
quelque chose dans un coin du Québec un soir et qu'il faille deux
semaines pour que ce soit véhiculé dans un autre coin du
Québec. Non, les nouvelles, on les connaît à quelques
minutes près. Il est allé dire aux gens de Jonquière que
l'Union des municipalités appuyait la position du gouvernement.
Une voix: Qui a dit cela?
M. Rocheleau: Le premier ministre, M. René
Lévesque, celui même qui s'est sauvé en Italie au cours de
la semaine pour ne pas faire face à la déconfiture de
Jonquière et de Mégantic-Compton parce qu'il n'avait pas de
raison à donner pour ces deux élections qu'il savait
déjà qu'il allait perdre. Cela a été
expliqué par le leader du gouvernement comme étant une victoire
morale, deux victoires morales. Comme le disait le whip de notre formation
politique, cela faisait penser à la partie de hockey que nous avons vue
pendant quelques minutes l'autre soir, au cours de laquelle Québec avait
flanqué une méchante volée à Calgary. Le whip nous
disait: Bien oui, le club de Calgary est retourné chez lui avec une
victoire morale, il a perdu 8 à 1. C'est un peu à cela que
ressemble votre formation politique. C'est à cela que ressemble un peu
actuellement le côté ministériel par les lois qu'on nous
dépose à cette Assemblée nationale.
Eh oui! L'Union des municipalités régionales de
comté, représentée par son président, M.
André Asselin, dans le Soleil du 5 décembre 1983, mentionne: "Les
municipalités qualifient d'ingéreance le projet de loi 38." Ces
principaux intervenants du monde municipal sont contre le projet de loi 38,
sont contre l'ingérence du gouvernement du Québec au niveau de
l'autonomie municipale. Est-ce que le ministre des Affaires municipales va
comprendre une fois pour toutes, lui qui dit que les municipalités du
Québec sont autonomes, que les municipalités du Québec
sont là pour décider comme gouvernement local, qu'il est en train
d'habiller les maires du Québec en culotte courte? C'est cela qu'il veut
faire des maires et des conseillers municipaux du Québec, comme si ces
gens ne pouvaient pas s'administrer eux- mêmes. Je voudrais dire une
chose au gouvernement: II y a des élections dans les
municipalités tous les quatre ans, les gens choisissent leurs
représentants, comme il y a des élections au gouvernement du
Québec environ tous les quatre ans au cours desquelles les citoyens du
Québec choisissent aussi leurs représentants. Ils l'ont fait aux
dernières élections et ils le feraient très prochainement
si vous aviez le courage de décréter une élection
générale. D'autant plus, M. le Président, que ce
gouvernement représente à peine 20% de la population du
Québec d'après les sondages que nous avons eus au cours des
derniers mois, à peine 20%. C'est une excellente démocratie de
tenter de gérer la province de Québec par des projets de loi
semblables.
Si on allait un peu plus loin, M. le Président, et qu'on
s'adressait à la population du Québec qui est actuellement
témoin d'un chantage de ce gouvernement, témoin d'un chantage
pourquoi? Simplement pour créer un affontement continu avec le
gouvernement fédéral, un affrontement qui prive l'ensemble des
municipalités du Québec de montants substantiels, montants pour
lesquels on pourrait souhaiter un accord entre le gouvernement du Québec
et le gouvernement fédéral.
Mais non, on a des attitudes comme celle que le ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement régional a eue au mois de novembre 1981. Dans un
document confidentiel, ce ministre mentionnait: "Les risques de voir s'abattre
une aide directe à des organismes régionaux ne sont pas à
négliger. Les MRC qui amorcent leur schéma d'aménagement
et qui auront besoin de financement pour le mettre en oeuvre seront des proies
attrayantes. Aussi, devrons-nous rapidement mettre en place des
mécanismes en vue de canaliser ces relations directes."
C'est comme cela que les négociations commencent au Québec
vis-à-vis du gouvernement fédéral. Ce gouvernement, mes
amis, n'est plus capable de négocier pour les citoyens du Québec
et il le prouve tellement bien. Une négociation, c'est s'asseoir et
discuter, C'est l'art du compromis, c'est l'art d'accepter des choses qui font
notre affaire. Les autres provinces canadiennes prennent l'argent et
négocient après. Nous, nous négocions et nous laissons
l'argent là. Puis, nos citoyens, malheureusement, n'en
bénéficient pas.
Une voix: C'est cela.
M. Rocheleau: On peut vraiment dire à la population du
Québec que ce gouvernement n'est plus capable de négocier parce
qu'actuellement nos agents de la paix, nos hommes en bleu, ici, à
l'Assemblée nationale, les agents de conservation, les agents du
transport routier, les agents du milieu
carcéral et les employés du ministère des Travaux
publics ont une convention collective échue depuis trois ans, 36 mois,
et elle n'est pas encore complétée, acceptée et ce
gouvernement reporte, reporte et reporte.
Une voix: Bérubé qui arrive avec sa sacoche.
M. Rocheleau: Sûrement, le président du Conseil du
trésor est ici avec sa sacoche. Je ne sais pas s'il l'a dans sa sacoche,
la convention collective. On vient de leur faire une avance de 2000 $, un petit
bonbon pour Noël. Ce n'est pas cela que ces gens veulent avoir, c'est une
convention signée. Quand on prend comme exemple que cela fait trois ans,
cela démontre que le gouvernement n'est plus capable d'entamer des
négociations avec personne.
On a parlé tantôt de création d'emplois. Oui, la loi
38 empêche effectivement la création d'emplois. La loi 38 a pourri
votre système, comme il a été pourri par d'autres lois que
vous avez adoptées. Elle a empêché les citoyens du
Québec de travailler.
Une voix: Un exemple?
M. Rocheleau: Un exemplel Je pourrais vous en donner tellement.
Mais, dans votre loi 38, M. le ministre des Affaires municipales, qu'allez-vous
faire étant donné qu'elle est rétroactive au 21 juin 1983?
Qu'allez-vous faire si un organisme, un club social, un curé de paroisse
a obtenu une subvention de son député fédéral pour
réparer sa couverture ou améliorer son sous-sol d'église,
afin de permettre aux citoyens, à toutes fins utiles, d'utiliser ces
lieux? Est-ce que la municipalité va être pénalisée?
Le gouvernement du Québec va lui retirer les subventions qu'elle aura
reçues et le ministre des Affaires municipales va pouvoir, à sa
discrétion, remettre le montant pour lequel il aura
pénalisé une municipalité à qui il va vouloir. Il
va aller choisir un petit maire péquiste au Québec, s'il en
reste, et il va lui remettre la subvention qu'il aura enlevée à
telle municipalité parce qu'elle avait reçu effectivement des
subventions.
M. le Président, la ville de Québec a demandé
d'être entendue. Le président de la Chambre de commerce de la
province de Québec, l'Union des municipalités, l'Union des
conseils de comté et combien d'autres municipalités, comme la
ville de Hull, voudraient être entendus en commission parlementaire afin
de pouvoir s'expliquer et demander des informations au gouvernement.
Motion de report
Pour toutes ces raisons, je veux proposer que la motion en discussion
soit amendée en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant à
la fin les mots "dans cinq jours" afin de permettre à ces intervenants
du milieu de venir se faire entendre ici.
M. le Président, en terminant, je suis convaincu que le
gouvernement n'avait pas pensé à inviter les intervenants du
milieu pour qu'ils viennent nous éclairer et éclairer ce
gouvernement avant qu'il fasse cette bêtise. Merci. (23 h 40)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Étant donné
que la motion d'amendement est recevable et qu'elle va être maintenant
débattue, j'aimerais savoir, pour les besoins de l'organisation du
débat, qui va être le porte-parole du côté
gouvernemental. M. le ministre des Affaires municipales. Et du
côté de l'Opposition? M. le député de Laprairie. Je
vous remercie bien gros, mais, comme on m'a déjà fait le signe,
je l'avais pris en conséquence pour les besoins de la cause. Quant
à tous les autres, vous savez que le temps est diminué de
moitié. Je rappelle aux gens qui sont dans les estrades que les sons que
j'entends ne doivent pas être produits.
M. le ministre des Affaires municipales.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: M. le Président, je viens d'entendre le
député de Hull. Je lui dirai d'abord qu'il n'y a pas lieu de
reporter ce débat.
Des voix: Pinochet! Dictateurl
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je
m'excuse; ce ne sera pas compté dans votre temps. S'il vous plaît!
De la même façon qu'on a été respectueux depuis le
début pour tous les intervenants, incluant le député de
Hull qui vient de terminer son intervention, je vous demanderais d'être
respectueux envers le ministre responsable. S'il vous plaîtl M. le
député de Jean-Talon. S'il vous plaît, M. le ministre. M.
le ministre.
M. Léonard: Le leader du gouvernement a déjà
annoncé que nous étions disposés, au début de la
commission parlementaire pour l'étude article par article, à
entendre les représentants de l'Union des municipalités du
Québec et les représentants de l'Union des municipalités
régionales de comté du Québec. Il l'a fait savoir à
deux reprises. Je le répète ce soir.
Maintenant, il n'y a pas lieu de reporter ce débat parce que la
question que nous débattons existe depuis longtemps. Depuis 1980, les
députés fédéraux envahissent sans gêne le
réseau municipal. Depuis longtemps, mais depuis 1980 aussi, le
gouvernement du Québec rappelle ses positions en la matière.
Depuis longtemps aussi, les muni-
cipalités du Québec sont invitées à la
prudence de toutes sortes de façons.
Nous n'avons pas cherché cet affrontement, loin de là. Au
contraire, s'il y a un secteur, un domaine où le gouvernement du
Québec, à mon sens, a toujours pensé qu'il était
à l'abri de l'intrusion du fédéral, c'est bien celui des
affaires municipales.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M.
le député de Gatineau, aidez-moi, aidez-moi.
M. Léonard: M. le Président, la "poulaille" fait du
bruit.
Mais plus récemment, M. le Président, en août 1982,
déjà, les députés fédéraux ont fait
des offres de subventions à certaines municipalités du
Québec et de façon très précise, notamment à
Longueuil et Laval.
Le 31 août 1982, M. Dufour, président de l'UMQ,
écrivait aux membres de l'union, mais je pense qu'on peut
considérer cela comme un appui à la position du Québec. Il
disait ceci: "Le conseil d'administration de l'UMQ soumet donc à ses
membres que, dès le moment où elles reçoivent des offres
formelles écrites de leur député, elles en avisent le
ministère des Affaires municipales pour respecter la tradition et les
règles déjà établies."
Le 14 octobre 1982, nous posons des gestes vis-à-vis du
gouvernement fédéral. Dans une lettre de M. Jacques-Yvan Morin
à M. Gray, président du Conseil du trésor du Canada, au
sujet des offres de subventions, nous lisons ce qui suit: "Ces offres, par leur
caractère discrétionnaire, nous paraissent peu respectueuses des
principes d'une saine gestion des fonds publics. Il est, par ailleurs,
évident que la démarche unilatérale du gouvernement
fédéral ne respecte en rien les compétences et
priorités du Québec dans le domaine municipal."
Le 21 octobre 1982, discours de M. Moreau, président de l'UCCQ:
"S'il est un point sur lequel la constitution canadienne est claire, c'est bien
sur la juridiction exclusive des gouvernements provinciaux envers les
municipalités. Il importe de ne pas s'écarter de cette ligne
directrice."
Le 26 octobre 1982, j'écris à M. Roméo LeBlanc.
Dans cette lettre, je lui propose de chercher ensemble une autre façon
mutuellement acceptable de permettre aux municipalités
québécoises de bénéficier de fonds nouveaux mis
à leur disposition. Nous ne cherchons pas l'affrontement, M. le
Président. Le 28 octobre 1982, j'ai envoyé cette lettre à
toutes les municipalités du Québec pour les informer de ce qui se
passait. Il y a seulement les députés d'en face qui ne savent pas
ce qui s'est passé. Le 23 novembre, M. LeBlanc m'a répondu et
c'est connu. J'en passe parce qu'il y a eu des démarches de toutes
sortes.
Le 17 mars, j'écrivais de nouveau à M. LeBlanc. Je lui ai
rappelé que je n'avais reçu aucune réponse de ses
collègues et que les subventions discrétionnaires se
poursuivaient.
Le 30 mars 1983, M. Dufour à M. Roméo LeBlanc, ministre
fédéral: "Nous déplorons que le ministre Léonard
n'ait obtenu de votre part à ce jour aucune réponse à sa
demande du 17 mars dernier, demande pourtant fort urgente dans le contexte
économique extrêmement difficile que nous connaissons
actuellement."
Discours du 28 avril devant l'UMQ. Discours de M. Lévesque, le
1er mai, devant l'UMQ. Lettre de M. Lévesque à M. Trudeau, le 26
mai 1983, qui rappelle la position du Québec en matière de
subventions aux municipalités et qui fait état des
démarches effectuées par les ministres québécois
qui étaient là. Bref, une lettre qui, elle aussi, a
été rendue publique.
C'est seulement le 21 juin que nous déposons le projet de loi 38,
après toutes ces démarches, après ces rappels aux
municipalités et pendant qu'il y avait des subventions
discrétionnaires dans le paysage, pendant qu'on construisait des
trottoirs grâce à des subventions fédérales.
Le 14 juillet, j'ai encore écrit aux maires. Le 26 juillet,
lettre de M. Moreau aux préfets, maires et conseillers. L'UMRQ appuie la
position du Québec sur ce dossier, mais ne veut pas faire les frais de
querelles entre Ottawa et Québec. On réclame qu'une entente soit
signée dans le respect de la constitution et la reconnaissance de la
compétence exclusive des provinces en matière municipale et
urbaine. Il est possible pour les municipalités de recevoir les fonds
disponibles à Ottawa, tout en respectant les dispositions du pacte
constitutionnel. Cela peut et doit se faire par le biais d'une entente
dûment négociée et signée à la fois par
Québec et Ottawa.
Le 28 juillet 1983, lettre de M. Moreau à M. Trudeau: "Une telle
situation - l'offre de subventions discrétionnaires - place les
élus municipaux du Québec dans un véritable dilemme. Ils
ont le choix entre enfreindre les dispositions de la loi fondamentale du Canada
et bénéficier des subventions fédérales ou
respecter la constitution et se priver des sommes nécessaires à
la réalisation de projets générateurs de
développement."
Le 8 septembre, lettre de M. Lévesque à M. Trudeau. Le 26
septembre, réponse de M. Trudeau à M. Lévesque. Le 4
octobre, rencontre de M. Roberts avec moi-même. J'ai déposé
la position du Québec, que j'ai déposée il y a quelques
jours en Chambre, avec une demande portant sur quatre volets donnant lieu
à la possibilité d'ententes.
Le 11 octobre, première rencontre de fonctionnaires. Le 28
octobre, j'ai écrit à M. Johnston pour lui demander de me
répondre
sur les quatre premiers volets et pour ajouter deux autres volets.
Deuxième rencontre de fonctionnaires le 14 novembre. Troisième,
le 18 novembre et quatrième, aujourd'hui le 8 décembre.
M. le Président, on dira, de l'autre côté, que nous
ne connaissons pas la position des municipalités. J'ai fait des
tournées dans le Québec. J'ai rencontré, au cours du
printemps dernier et récemment au cours des dernières semaines,
des centaines de maires dans le Québec. Nous n'avons pas cherché
l'affrontement; je pense que s'il y a une chose sur laquelle les gens
s'entendent, c'est que nous ne cherchons pas l'affrontement dans ce secteur.
(23 h 50)
Pourtant, la problématique perdure. Encore aujourd'hui, comme l'a
mentionné tout à l'heure le député de Roberval, le
journal The Gazette nous parle d'investissements dans le West Island de
Montréal. Bien sûr, on dit que l'argent est disponible pour des
groupes privés sans but lucratif, qui créeraient des emplois
communautaires. Bien sûr, on dit cela, mais l'argent tombe toujours, 100
000 $ à chaque municipalité ou 200 000 $. On nous dit: De toute
façon, c'est de notre compétence. Pendant qu'on dit que c'est de
la compétence exclusive du Québec, dans les faits c'est le
contraire. Pendant qu'on dit que les affaires municipales sont de la
responsabilité du Québec et des municipalités, dans le
même temps on donne de l'argent, maintenant surtout à des
corporations parallèles pour faire des choses qui sont du ressort des
municipalités.
On nous a dit, de l'autre côté, que nous étions des
hypocrites, mais ce que je viens de décrire est typiquement de
l'hypocrisie. Je dirais que c'est de la corruption des institutions
municipales. C'est une gangrène qui risque de s'étendre. Je pense
aussi qu'on ne peut pas se fier autant qu'on le dit de l'autre
côté à des gens qui ont joué double jeu assez
souvent. On parle de paix sur le plan international, mais on fait la guerre sur
le plan interne. C'est ce qu'on fait. Il y a urgence, parce qu'il y a du danger
dans ce qui se passe maintenant.
Je voudrais simplement vous citer un fait; je vous donnerai l'origine
tout à l'heure, c'est quelqu'un que tout le monde ici connaît, "je
déjeunais un jour avec un premier ministre du Canada à sa
résidence. Nous étions d'accord pour affirmer que les zones
réservées aux provinces en noir sur blanc dans notre constitution
devaient être tenues pour sacrées. Nous convînmes que jamais
au grand jamais il n'y aurait de ministère des Affaires urbaines au
Canada. Quelques jours avant la session d'été de 1971, j'appris
au travers des branches que le gouvernement fédéral
s'apprêtait à créer un tel ministère. J'appelai au
téléphone le premier ministre (du Canada) pour l'informer de ce
que je venais d'apprendre. Il me dit que cela était impossible, qu'il ne
pouvait y croire. Je vais faire monter les épreuves du discours du
trône pour vérifier. Je vous rappelle. Ce qu'il fit environ une
heure plus tard pour m'expliquer sa surprise et que, malheureusement, il
était trop tard pour y faire des changements. Le département
d'État aux Affaires urbaines est né le 30 juin 1971. Il obtint un
statut de ministère le 28 août 1971." C'est signé M. Lucien
Saulnier dans un extrait d'une analyse du Rapport du groupe de travail sur
l'urbanisation.
Une voix: Qui était le premier ministre du Canada?
Une voix: Qui était le premier ministre du
Québec?
M. Léonard: En 1971, c'est quelqu'un que vous connaissez
bien et que vous défendez présentement.
Une voix: Le grand frère! Alors, relisez ce passage.
Une voix: Vendu.
M. Léonard: Je pense, M. le Président, qu'il y a
lieu de procéder sans délai; les municipalités nous
pressent de le faire. Il faut éviter la surenchère; il faut que
la situation soit claire. Il y a aussi des résolutions de
municipalités qui nous pressent de le faire. J'en ai une ici de
Val-des-Monts: "En conclusion, c'est dans cet esprit que j'appuie votre projet
de loi 38 et vous demande respectueusement de bien vouloir tenir compte de..."
C'est ce qu'il nous disait. J'en ai une autre de Saint-André-Est: "Les
membres du conseil désirent vous aviser qu'ils ne sont pas d'accord avec
cette demande de retrait du projet de loi mis de l'avant par l'Union des
municipalités régionales de comté. Il serait essentiel que
le gouvernement fédéral respecte sa propre constitution et
négocie les ententes spéciales avec les provinces."
Une voix: C'est dans le comté d'Argenteuil.
M. Léonard: Dans le comté d'Argenteuil et le maire
était M. Guy Vaillancourt. À Saint-Luc-de-Matane: "En
conséquence, il est proposé par M. Victor Murray et résolu
unanimement d'aviser le ministre, M. Léonard, qu'il
bénéficie de l'appui de la corporation municipale de Saint-Luc
dans ce dossier."
Nous avons déposé le projet de loi 38 à la fin de
la session et c'est après cela que les fédéraux se sont
assis à table; après
seulement, pas avant. Je pense que c'est déjà une
indication. Avec l'adoption du projet de loi en deuxième lecture, M. le
Président, je crois qu'Ottawa sera obligé de signer une entente.
Et tant que ce projet de loi ne sera pas adopté, compte tenu de son
attitude antérieure, je pense qu'il ne signera jamais.
Quand le projet de loi 38 sera sanctionné, les
municipalités vont travailler avec nous pour nous aider à obliger
le gouvernement fédéral à s'asseoir - il n'y aura pas
d'autre solution - pour nous aider à préciser les
modalités du projet de loi. Je suis d'accord là-dessus. L'horizon
va être clair, net. Je pense que, lorsqu'on fait des discours sur
l'autonomie municipale, c'est en relation avec tout cela qu'il faut y penser.
Si on doit continuer à laisser arriver dans les municipalités des
subventions discrétionnaires comme celles qui arrivent maintenant, ce
sont elles qui en feront les frais les premières parce qu'on va
démolir un système qu'on a bâti de peine et de
misère. Je sais qu'on peut faire des discours sur l'autonomie comme on
en a fait tout à l'heure, mais, au fond, ce qu'on désire, c'est
revenir à l'ancien système. Vous défendez vos amis
d'Ottawa parce que vous voulez revenir au système de la
discrétion. C'est exactement cela.
Des voix: Patroneux!
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Léonard: Vous voudriez qu'on adopte une mesure
dilatoire pour qu'on puisse revenir à ce patronage que vous connaissez
bien. Vous voudriez que...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Léonard: ...vos petits amis d'Ottawa puissent faire du
patronage en attendant l'élection fédérale. C'est cela que
vous cherchez. Vous voudriez prendre quelques mois de plus pour influencer
l'électorat, si c'était possible encore.
Une voix: C'est cela. Ils ne sont plus capables d'en faire; ils
passent par les libéraux d'Ottawa.
M. Léonard: Cette mesure serait l'initiative d'un parti
politique qui se fait le complice d'Ottawa plutôt que de favoriser
l'autonomie véritable des municipalités.
Une voix: C'est vrai. Le jupon dépasse.
M. Léonard: Vous voulez favoriser votre maison mère
au détriment de l'autonomie municipale. Vous voulez vous servir des
municipalités plutôt que les servir. C'est cela que vous voulez
faire. Demandez-leur donc, à vos amis, de signer, puisque vous leur
parlez si souvent.
Une voix: Allez négocier.
M. Léonard: Nous avons négocié.
Demandez-leur donc. Demandez-leur, d'abord, de payer leurs taxes, de
s'astreindre au système d'évaluation foncière au
Québec et d'y mettre toutes leurs propriétés, pas
seulement les bureaux de poste, toutes leurs propriétés.
Je pense qu'il est urgent qu'on adopte cette loi ces jours-ci en
particulier. Cette loi a un caractère fiscal et c'est pour cela qu'elle
s'applique depuis le moment de son dépôt. Ce n'est pas une loi
rétroactive. C'est une loi à caractère fiscal qui
s'applique depuis le moment de son dépôt. Les
municipalités, ces jours-ci, sont en train de préparer leur
budget, sont en train de définir leurs priorités pour 1984. C'est
important que l'horizon soit clair pour elles en faisant leur budget. Tout
délai pourrait prolonger la confusion, va conduire à de la
mauvaise administration et, quant à moi, tout délai signifie
l'irresponsabilité administrative. M. le Président, nous devons
étudier maintenant ce projet de loi, nous devons adopter ce projet de
loi et nous devons appliquer ce projet de loi. Merci.
Des voix: Bravo! (minuit)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laprairie. De la même façon que je l'ai demandé pour le
ministre tout à l'heure, de la même façon, je demande le
respect pour le député de Laprairie. M. le député
de Laprairie.
M. Jean-Pierre Saintonge
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Nous en sommes
à une motion de report et je voudrais ici expliquer le pourquoi d'une
telle motion de report. En fait, il est important, pour les gens qui nous
écoutent, pas nécessairement pour les ministériels qui
devraient déjà savoir cela, de savoir que nous sommes à
discuter d'une motion de M. Léonard, ministre des Affaires municipales,
proposant que le projet de loi 38, Loi sur la participation gouvernementale au
financement des municipalités, soit maintenant lu pour la
deuxième fois. Et nous présentons une motion pour amender ladite
motion pour que, dorénavant, on puisse lire la motion de M.
Léonard proposant que le projet de loi 38, Loi sur la participation
gouvernementale au financement des municipalités, soit lu pour la
deuxième fois dans cinq jours.
M. le Président, cinq jours, c'est le but de la motion. Pourquoi
cinq jours? Le ministre s'est fait, plus tôt, bon prince en nous disant
qu'on voulait être dilatoire dans
cette motion. La motion, c'est vrai, ne demande pas une remise du
débat dans un mois, dans six mois ou dans un an. On demande dans cinq
jours, pour un seul et unique motif. C'est que le ministre des Affaires
municipales puisse reconsidérer la décision qu'il a prise en
accord avec le leader du gouvernement de refuser d'entendre les principaux
acteurs du monde municipal: les unions des municipalités, l'Union des
municipalités du Québec, l'Union des municipalités
régionales de comté et des municipalités locales de
même que tout autre intervenant du monde municipal qui auraient
désiré ardemment se faire entendre sur le projet de loi 38. Mais
pas une consultation à la sauvette comme le ministre propose de faire
aux unions. Il propose une consultation à la sauvette avant
l'étude article par article. Il est important d'entendre les unions des
municipalités; il est important d'entendre les corps
intermédiaires qui doivent, qui veulent se prononcer et donner leur
opinion sur un tel projet de loi; il est important de les entendre et les
entendre avant même que le principe de la loi soit adopté en
deuxième lecture. C'est donc une commission parlementaire avant la
deuxième lecture que nous voulons. En cela, nous rejoignons la demande
pratiquement unanime du monde municipal à cet effet.
Se faire entendre pourquoi? Pour expliquer au ministre leur point de vue
sur la loi 38. En quoi consiste la loi 38? On entend toutes sortes de choses
depuis le début du débat sur le projet de loi 38, Loi sur la
participation gouvernementale au financement des municipalités. J'ai
entendu ce soir, entre autres, le député de Roberval mentionner
que c'était une loi fiscale. Une loi fiscale, beau problème. La
loi 38 n'est nullement une loi fiscale. La loi 38 n'est pas non plus une loi
qui affirme un principe de la constitution canadienne, d'aucune façon.
Le principe établi dans la constitution canadienne, dans l'article 92,
le définit clairement. La Loi sur les Affaires intergouvernementales,
depuis 1974, reconnaît le principe, le principe de la compétence
exclusive du Québec en matière municipale. C'est quelque chose
qui est figé dans le ciment, qui est là dans une loi du
Québec qui n'a pas encore été amendée et qui le
demeurera - je l'espère - longtemps.
Le législateur fait une loi. C'est également un principe
reconnu qu'une loi parle pour dire quelque chose. Une loi parle pour dire
quelque chose, c'est-à-dire qu'une loi nouvellement adoptée ne
vient pas confirmer une loi en vigueur depuis quelque temps. Donc, si c'est le
principe de la loi qu'on recherche, le projet de loi 38 ne vient pas confirmer
le principe. C'est déjà dans une loi du Québec qui a
toujours pleine force et qui a toujours son application.
Le projet de loi 38 est une mesure non pas à caractère
fiscal, mais purement et simplement une mesure pénale contre les
municipalités du Québec. C'est quoi les municipalités du
Québec? Le ministre de la consultation, le ministre de la concertation,
le ministre à l'écoute des citoyens et des administrations
municipales, je trouve extrêmement étrange de la part de ce
ministre de venir proposer un tel projet à caractère pénal
de cette façon. Les municipalités, soit, sont des
créatures, d'une certaine façon, du gouvernement provincial par
charte et elles sont régies par des lois, la Loi sur les cités et
villes, le Code municipal ou une charte spéciale. Mais, en fait, une
municipalité, c'est beaucoup plus qu'une simple créature du
gouvernement. En quelque sorte, c'est un gouvernement local plein d'autonomie.
C'est un partenaire, c'est un associé de l'État. Un
associé de l'État, c'est quoi? Un associé non seulement du
gouvernement du Québec, mais également du gouvernement canadien,
une partie du territoire. C'est comme cela qu'il faut voir une
municipalité et tenter de cette façon de composer avec les
municipalités et non pas jouer avec elles le rôle de bon
père de famille.
Dans le cadre présent, est-ce que le ministre démontre du
respect envers des partenaires, envers des associés? D'aucune
façon. On ne traite pas des associés de cette façon. Il y
a un dicton qui dit: Avec un ami comme cela, je n'ai pas besoin d'ennemis. Mais
je crois que les municipalités du Québec peuvent dire qu'avec un
gouvernement provincial comme cela, on n'a pas besoin d'associés pour
partager des choses avec lui, d'aucune façon.
La loi 38 a été décriée à travers le
Québec, non seulement par l'Opposition, mais par les
municipalités, par les préfets, par des organismes
indépendants, des chambres de commerce, toutes sortes d'institutions
tournant autour du monde municipal et participant avec le monde municipal
à la vie de la collectivité. Cette loi, on a
déploré d'une façon unanime son caractère
discrétionnaire, son caractère discriminatoire, son
caractère déraisonnable, inéquitable, abusif, et
également son caractère imprécis. C'est allé plus
loin que cela. Nous avons même entendu la loi 38 être
traitée par le président de l'Union des municipalités
régionales de comté et des municipalités locales comme
étant la loi des mesures de guerre du monde municipal. C'est comme cela
qu'on perçoit la loi 38 dans le monde municipal.
Le ministre ne comprend pourtant pas. Le ministre n'a pas compris.
Est-ce que le ministre a besoin de voir pour croire? Est-ce que le ministre a
besoin d'entendre personnellement pour comprendre? Si c'est le cas, M. le
Président, c'est justement ce qu'on veut offrir au ministre avec
cette
motion que nous présentons ce soir. Si le ministre a besoin de
voir pour croire et d'entendre pour comprendre, qu'il convoque l'Union des
conseils de comté, l'Union des municipalités du Québec,
l'Union des municipalités régionales de comté et des
municipalités locales. Qu'il les convoque en commission parlementaire
pour les entendre vraiment avant d'adopter le principe d'une telle loi
inique.
Le ministre nous dit avoir l'appui des unions et également des
maires. À mon point de vue, je dois dire que c'est absolument faux. Les
unions des municipalités, les maires des municipalités, les
préfets de comté, c'est unanime au Québec, c'est vrai,
reconnaissent la compétence exclusive du Québec en matière
municipale.
Mais jamais au grand jamais - je défie le ministre de me montrer
une seule résolution qu'il a pu recevoir des municipalités, des
unions des municipalités donnant leur appui fondamental au projet de loi
38 tel qu'il est en discussion devant cette Assemblée nationale - le
ministre n'a reçu au sujet du projet de loi 38 un accord de l'Union des
municipalités du Québec ou de l'Union des MRC. Au grand jamais,
et non plus de quelque municipalité que ce soit, à ma
connaissance.
Si le ministre veut vraiment montrer du respect pour les intervenants
municipaux, il leur donnera le droit d'être entendus sur une loi qui va
les affecter directement, de façon fort impopulaire, et qui va semer
également le désarroi dans les municipalités. Dans notre
régime de droit commun, d'une certaine façon, il y a une
règle de droit qui dit: Audi alteram partem. Nous devons entendre toutes
les parties. Je n'ai jamais vu une négociation entre deux parties se
dérouler sans qu'on puisse entendre vraiment la partie concernée
venir expliquer ce qu'elle a à dire et ce qu'elle pense.
Il ne faut pas se méprendre, tout le problème, en ce qui
concerne la distribution des subventions aux municipalités du
Québec, est véritable. Dans certains cas, le gouvernement
fédéral a fait des offres, nous ne pouvons pas nier cela. Or nous
ne sommes nullement d'accord pour que ces offres soient faites. Nous souhaitons
que le gouvernement fédéral respecte la constitution, respecte la
compétence exclusive du Québec. Depuis ce temps, depuis le temps
où certaines offres ont pu être faites par certains
députés, il y a tout de même eu un rappel à l'ordre
par Ottawa. Le premier ministre du Canada a confirmé qu'il veut le
respect de la constitution, qu'il veut le respect de la compétence du
Québec en ce domaine. Il l'a affirmé dans une lettre au premier
ministre du Québec, M. Lévesque. Celui-ci l'a vraiment reconnu
et, plus que cela, il a même mandaté son ministre pour aller
s'entendre en son nom, au nom du gouverne- ment du Québec, avec le
ministre désigné par le gouvernement fédéral, M.
John Roberts, de l'Emploi et de l'Immigration. (0 h 10)
Les négociations ne vont pas bon train. Pourtant, M. le
Président, c'est dans une lettre que le ministre Roberts a cru bon de le
rendre public, justement pour éclairer un peu le débat. Le
ministre des Affaires municipales lui-même reprochait au ministre Roberts
du fédéral d'avoir envoyé une lettre aux
municipalités pour leur donner l'information appropriée sur le
sujet. Pourtant, il pouvait se promener en disant ce qu'il voulait bien
comprendre des soi-disant négociations et ce qu'il voulait des
négociations. Dans la lettre en date du 30 novembre 1983, le ministre
Roberts reconnaît expressément certaines discussions qui ont eu
lieu. Il reconnaît expressément que le gouvernement
fédéral reconnaît la compétence exclusive des
provinces en matière d'institution municipale et il ajoute: "et nous
entendons la respecter".
Je pense que c'est assez clair. C'est maintenant public, tout le monde
le sait. On continuait plus loin: "Le gouvernement fédéral est
tout à fait disposé à faire droit aux
préoccupations constitutionnelles du Québec en cette
matière. Vous comprendrez cependant que toute entente doit aussi tenir
compte de l'imputabilité financière du gouvernement
fédéral au Parlement et à ses commettants. Nos
propositions prévoient donc un suivi fédéral ou conjoint
des projets ainsi que le versement direct de la contribution
fédérale aux municipalités. Mais nos propositions
prévoient aussi que le ministère des Affaires municipales du
Québec soit saisi de toute demande que des municipalités
québécoises pourraient adresser à la Commission de
l'emploi et de l'immigration en même temps que celui-ci et qu'il puisse
exercer un droit de veto en ce qui concerne le choix des projets de
création d'emplois."
Évidemment, M. le Président, dans un tel cas, je pense que
la compétence exclusive du Québec en cette matière est
reconnue, est établie. Ce sont des questions de modalité à
négocier au niveau des ententes. Mais quand, au niveau des ententes, on
refuse complètement de s'entendre d'un côté, on refuse
toute concertation, toute négociation, mais qu'on recherche uniquement
l'affrontement, on en arrive à une impasse. C'est ce genre d'impasse
qu'on connaît. C'est le genre d'impasse qu'on a connu également
dans un autre cas que je crois bon de rappeler ici ce soir, c'est le programme
RELAIS. On a parlé tantôt du programme RELAIS qui contient 220 000
000 $ d'investissements au Québec pour la création d'emplois: 170
000 000 $ venant du fédéral et 50 000 000 $ venant du provincial;
entente qui a été signée, acceptée et par le
gouvernement fédéral et par le gouvernement
provincial et signée par deux ministres: le ministre des Affaires
intergouvernementales, M. Jacques-Yvan Morin, et le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. Pierre Marois, en
décembre 1981.
Pourtant, M. le Président, cela n'a pas été
tellement long. Nous avons connu, quelques mois plus tard, la véritable
couleur d'un ministre du gouvernement du Québec, le ministre des
Affaires municipales qui, lui, de son côté, a fait avorter le
projet RELAIS par mauvaise volonté, simplement en ne respectant pas
l'entente reconnue par deux des ministres du Québec mandatés par
le Conseil des ministres, par l'Exécutif du Québec pour signer
une telle entente. Pourquoi? Sur des modalités d'opération dans
le cadre d'un tel programme. Mais pourtant, dans le programme RELAIS municipal,
dans le volet municipal, qu'est-ce qu'on trouvait? La volonté du
Québec était parfaitement respectée. En premier lieu, on
décidait si tout projet soumis était acceptable ou non par le
ministère des Affaires municipales. C'était la première
base du programme RELAIS au niveau du volet municipal. Cependant, que le
gouvernement fédéral signe un contrat, donne de l'argent aux
municipalités, même si le gouvernement provincial suit cette chose
et a un suivi conjoint des programmes, ce n'est acceptable d'aucune
façon. Cela ne touche pas la compétence du Québec. Ce sont
des modalités d'opération qui, étant acceptées,
auraient dû être maintenues. Mais on sait ce qu'une signature peut
valoir pour un tel gouvernement. On l'a vu dans le cas des employés du
secteur public, on l'a revu au niveau des ententes avec le gouvernement
fédéral.
Quelle chose ultime a fait que le programme RELAIS n'a pas
fonctionné? Le fait ultime pour lequel le programme RELAIS n'a pas
fonctionné a été de priver, au niveau provincial, la part
du Québec dans la participation à 100 000 000 $ d'investissement,
c'est-à-dire que le fédéral a quand même investi les
170 000 000 $ promis pour la création d'emplois au Québec, mais,
dans ces 170 000 000 $, il y avait une part de 100 000 000 $ par laquelle le
Québec participait avec le gouvernement fédéral au choix
des programmes subventionnés, où il y avait une interaction
directe du gouvernement provincial sur le choix des programmes. Il participait
activement avec le gouvernement fédéral pour choisir les
programmes, suivant ce que le gouvernement du Québec pouvait, à
la lumière de son expertise, envoyer dans les régions qui en
avaient le plus besoin. Dans certains cas, non seulement avec le gouvernement
du Québec, mais également avec les municipalités du
Québec.
On a préféré, pour une guerre de drapeau, se
retirer de ce programme et refuser d'y participer pour le bien-être du
Québec. À 100 000 000 $ d'investissements, on aurait
effectivement pu diriger certains investissements d'une façon
prioritaire. On a préféré laisser faire cela par le
gouvernement fédéral. Qu'est-ce qu'on entend
ultérieurement de ces gens d'en face? On nous dit: Le
fédéral dispense l'argent à droite et à gauche de
façon inconsidérée dans les programmes de création
d'emplois. Quand on refuse soi-même de participer, comment peut-on se
plaindre d'une attitude d'un autre ordre de gouvernement?
Une voix: Bande d'hypocritesl
M. Saintonge: M. le Président, la commission parlementaire
que nous réclamons avant la fin de la deuxième lecture, avant que
la deuxième lecture soit complétée, est
réclamée par les intervenants municipaux. Je vous fais part
dès maintenant de certains télégrammes et de certaines
lettres reçus à ce sujet. L'Union des municipalités du
Québec, en date du 6 décembre envoyait un
télégramme à M. Jacques Léonard, ministre des
Affaires municipales: "M. le ministre, informée que le projet de loi 38,
Loi sur la participation gouvernementale au financement des
municipalités, serait appelé en deuxième lecture
dès ce matin, l'Union des municipalités du Québec demande
à être entendue en commission parlementaire pour faire valoir son
point de vue. Dernièrement et à quelques reprises, nous avons
fait valoir que le projet de loi 38 constituait un moyen excessif pavant la
voie à des actions ministérielles discrétionnaires et
inéquitables. Soucieuse de voir l'ordre constitutionnel et administratif
respecté, l'Union des municipalités du Québec
réitère plutôt sa demande aux gouvernements
fédéral et provincial d'en arriver à une entente dans les
plus brefs délais afin que les municipalités ne soient pas
privées des fonds disponibles." C'était signé par M.
François Dufour, président de l'Union des municipalités du
Québec.
M. le Président, vous avez également une lettre
envoyée en date du 2 décembre à M. Jacques Léonard,
ministre des Affaires municipales: "M. le ministre, le projet de loi 38 sur les
subventions gouvernementales aux municipalités sera étudié
en deuxième lecture avant l'ajournement de la session, le 21
décembre 1983. Étant donné l'importance de ce projet de
loi et l'impact financier qu'il peut entraîner pour nos
municipalités, nous vous demandons d'être entendus lors de la
commission parlementaire qui étudiera le projet de loi afin de faire
valoir le point de vue des municipalités que nous représentons.
Espérant que vous acquiescerez à notre demande, veuillez
agréer, M. le ministre, l'expression de mes sentiments
distingués." C'est signé par le président de l'Union
des
municipalités régionales de comté et des
municipalités locales du Québec Inc., Me André
Asselin.
M. le Président, dans ces deux cas, dans le cas de l'Union des
municipalités du Québec et de l'Union des MRC, en date du 2
décembre, je recevais confirmation ce soir même, vers 20 heures,
qu'aucune réponse n'a été donnée à ce
télégramme. C'est la même chose pour l'UMQ. C'est la
façon dont on traite des partenaires et des associés.
La ville de Québec, en date du 8 décembre 1983, envoyait
également un télégramme à M. Jacques
Léonard: "Devant l'importance pour les municipalités du projet de
loi 38 déposé aujourd'hui en deuxième lecture à
l'Assemblée nationale du Québec, la ville de Québec
souscrit à la demande qui vous a été
présentée par l'Union des municipalités du Québec,
afin que soit tenue une commission parlementaire sur ce projet de loi et que
ladite commission parlementaire accepte d'entendre tous ceux qui en
manifesteront l'intention. Pour sa part, si une telle commission est
accordée, la ville de Québec entend y comparaître."
Ce serait intéressant d'entendre la ville de Québec,
puisque le maire Pelletier avait déjà envoyé un
télégramme à M. Roméo LeBlanc, ministre des Travaux
publics à Ottawa. Dans ce télégramme, M. Jean Pelletier,
maire de Québec et président de la Fédération
canadienne des municipalités, mentionnait avoir rencontré le
ministre Jacques Léonard, des Affaires municipales, et Jacques-Yvan
Morin, des Affaires intergouvernementales du Québec - c'était
avant le 31 mars 1983 - "à qui nous avons fait une suggestion
concrète pour tenter de trouver la façon pratique de
résoudre le problème à l'intérieur du cadre
constitutionnel canadien".
J'aimerais bien qu'on puisse réentendre de telles suggestions que
le maire Pelletier avait faites, lui maire de Québec et président
de la Fédération canadienne des municipalités. Ce serait
doublement intéressant d'entendre le ministre là-dessus. (0 h
20)
II y a également un autre télégramme qui a
été envoyé au ministre des Affaires municipales le 6
décembre. "M. le ministre. Nous avons espéré pendant un
certain temps que vos échanges avec votre collègue
fédéral, M. John Roberts, Emploi et Immigration,
déboucheraient sur une entente Québec-Ottawa permettant aux
municipalités du Québec de bénéficier, comme les
autres municipalités du Canada, des programmes fédéraux
s'adressant à elles. "Malheureusement, comme ces échanges ne
semblent pas aboutir et que le projet de loi 38 visant à
pénaliser les municipalités qui voudraient
bénéficier de tels programmes en dehors d'une entente
fédérale-provinciale revient à l'ordre du jour de
l'Assemblée nationale, je me vois dans l'obligation d'exécuter un
mandat de notre dernière assemblée générale tenue
au début de novembre dernier. Conséquemment, je vous demande de
retirer le projet de loi 38 et cela aussi longtemps que les ententes
appropriées ne seront pas signées avec le gouvernement
fédéral. "Agréez, monsieur le ministre, l'expression de
mes sentiments distingués."
C'est signé par M. P. Earle, président de la Chambre de
commerce de la province de Québec.
Le monde municipal n'est pas seul à considérer que ce
projet de loi est vraiment inique pour les municipalités et
pénalisant pour les municipalités et les citoyens du
Québec. Également, M. le Président, aujourd'hui
même, la Chambre de commerce du district de Montréal a
demandé au gouvernement du Québec de surseoir au présent
projet de loi 38 sur le financement des municipalités et au gouvernement
fédéral d'adopter une attitude plus respectueuse des
compétences du Québec en matière d'affaires municipales.
C'est une déclaration de M. Pierre Goyette, président de la
Chambre de commerce du district de Montréal, dans une communication
qu'il adressait à tous les médias d'information.
Pourquoi? M. Goyette mentionnait que les implications à court,
moyen et long terme de ce projet de loi - au dire de la chambre - sont trop
considérables pour mettre fin abruptement aux discussions. Il demandait
également au gouvernement de retirer le projet de loi ou à tout
le moins de surseoir à son étude et à son adoption afin de
créer un climat propice à une négociation raisonnable
plutôt qu'à un affrontement stérile. Il mentionnait
également des impacts éminemment désastreux sur les
finances municipales, en pertes d'argent, afin d'immédiatement abaisser
le taux de chômage. Le genre de projets qu'on refuse actuellement, ce
sont des projets qui permettraient à des municipalités de
participer à un programme de relance. On souhaite un programme de
relance. On n'attend pas celui du gouvernement, car on attendrait trop
longtemps.
On souligne des impacts désastreux comme, par exemple, le fait
que cela annule de façon incompréhensible les divers programmes
fédéraux de développement industriel et régional.
Cela met en péril certains des programmes reliés aux
économies d'énergie et autres subventions pour les
aéroports municipaux et la Commission de la capitale nationale. Cela
vient de la Chambre de commerce de Montréal.
Je pense que ce sont des gens assez sérieux pour montrer qu'il y
a vraiment un problème et que le ministre devrait prendre le temps
d'écouter les intervenants intéressés au monde municipal,
intéressés vraiment au désir des citoyens du
Québec. Le projet de
loi 38, M. le Président, vise quoi et qui? Le ministre, durant
toute son allocution, et la majorité des intervenants du
côté ministériel ont continuellement décrié
le fédéral. À mon point de vue, dans le projet de loi 38,
d'aucune façon s'en prend-on au gouvernement fédéral. On
s'en prend à qui? On pénalise qui? On frappe qui? On tape sur les
doigts de qui? Sur les municipalités du Québec, qui sont
censées être les partenaires, les associées du gouvernement
au niveau de l'ensemble des citoyens du Québec. Une telle façon
d'agir est répréhensible.
L'Opposition libérale, dans son effort de contrer l'adoption d'un
tel projet de loi, fait front commun avec les municipalités du
Québec, avec les unions des municipalités du Québec, avec
les chambres de commerce, avec d'autres municipalités. La ville de Hull,
semble-t-il, vous enverra un télégramme ou vous a envoyé
un télégramme et d'autres municipalités se joindront au
mouvement de protestation. Le monde municipal, de façon unanime,
décrie un tel projet de loi.
Le ministre a certainement fait allusion à une rencontre,
vendredi dernier, sur la rive sud de Montréal, où il disait qu'il
avait reçu l'appui de plusieurs maires de la Montérégie,
de plus de 50 maires de la Montérégie et même de 70 maires
de la Montérégie. Les commentaires que j'ai reçus de cette
réunion ne concordent pas avec ce que j'ai entendu dire par le ministre
des Affaires municipales.
Évidemment, dans de telles rencontres, l'Opposition n'est pas
invitée; en aucun temps, un représentant de l'Opposition ne
pourrait aller voir ce qui se passe lors de ces rencontres pour vérifier
si, vraiment, les paroles que le ministre mentionne et les rapports qu'il nous
donne de ces réunions sont véridiques. Mon confrère, le
député de Hull...
Une voix: C'est un menteur!
M. Saintonge: ...a bien tenté l'an dernier de se
présenter ici, à Québec, à une réunion de
l'Union des municipalités régionales de comté pour tenter
de voir ce que le ministre avait à dire à l'union, pour tenter de
voir si les paroles qu'il pouvait leur dire étaient dans le respect de
l'autonomie municipale, étaient dans le respect des vues des
municipalités du Québec relativement au schéma
d'aménagement et au règlement de contrôle
intérimaire. Tout ce qu'on a pu gagner, M. le Président, dans une
démocratie ouverte, dans une transparence sans borne du ministre, ce fut
l'expulsion du député de Hull, qui voulait observer ce qui se
passait.
Une voix: Léonard le matamore!
M. Saintonge: Devant une telle façon d'agir, il ne faut
pas se surprendre d'une attitude aussi négative du ministre
vis-à-vis des municipalités, d'une attitude aussi
discrétionnaire et totalitaire envers les municipalités du
Québec.
Je voudrais également mentionner que le ministre dit avoir
l'appui de l'ensemble des municipalités du Québec. À ma
connaissance, selon des renseignements que j'ai obtenus de l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec, c'est
plus de 600 municipalités - on a mentionné entre 600 et 1000
municipalités. J'apprécierais que le ministre des Affaires
municipales convoque la commission parlementaire pour que l'Union des MRC
puisse faire le dépôt de résolutions du genre de celles que
je peux vous lire et qui sont parvenues au ministre et que le ministre feint de
ne pas avoir reçues ou d'ignorer avoir reçues.
Une voix: II n'en accuse pas réception.
M. Saintonge: "Attendu qu'une assemblée des préfets
de la province de Québec s'est tenue le 9 juillet 1983 à
Québec et qu'il y a été question, entre autres, du projet
de loi 38 intitulé Loi sur la participation gouvernementale au
financement des municipalités; "Attendu que les préfets
reconnaissaient le principe du projet de loi, à savoir le respect par
tous les gouvernements, tant fédéral, provinciaux que municipaux,
du partage des pouvoirs tel que reconnu par la loi constitutionnelle de 1982;
"Attendu que les préfets dénonçaient cependant
énergiquement le texte du projet de loi principalement en ses articles
2, 3 et 7, par lesquels l'Assemblée nationale accorde des pouvoirs
purement discrétionnaires, arbitraires et discriminatoires au
gouvernement et à son ministre des Affaires municipales; "Attendu que
les préfets constataient que les municipalités étaient
littéralement prises en otage dans le contentieux
fédéral-provincial et que la rétroactivité du
projet de loi paralyse toute l'action municipale; "Attendu qu'il y a lieu
d'entériner la position prise par les préfets à cette
assemblée; "En conséquence, sur proposition de M. Lucien Daoust,
appuyé par Mme Lise Gourley, il est résolu de demander au
ministre des Affaires municipales, l'honorable Jacques Léonard, qu'il
retire, dès l'ouverture de la session d'automne de l'Assemblée
nationale prévue pour le 18 octobre 1983, son projet de loi no 38
intitulé Loi sur la participation gouvernementale au financement des
municipalités; il est également résolu que le ministre
annonce immédiatement son intention de retirer ce projet de loi et ce,
afin de permettre aux municipalités de poursuivre leurs activités
dans les domaines touchés par le projet de loi 38." C'est une
résolution du village Les Cèdres.
Vous avez le village de Val-Brillant qui a fait la même chose. Je
peux en énumérer quelques-unes: la corporation municipale du
canton de Magog, la corporation municipale de Saint-Godefroi, le village
d'Omerville, la ville de Candiac, la MRC de Roussillon, la MRC de
Memphrémagog et j'en passe; 25 dans le comté de Beauce. Il y en a
plus de 600, pratiquement 1000 résolutions au minimum, envoyées
au ministre des Affaires municipales. Qu'est-ce que le ministre a fait? La
demande a été présentée dès l'ouverture de
la session et le ministre l'a refusée purement et simplement.
Aujourd'hui le ministre veut faire une chose, pousser l'adoption de son projet
de loi à la limite, pousser l'adoption de son projet de loi contre les
voeux unanimes du monde municipal, contre les partenaires du monde municipal.
L'Opposition se battra jusqu'au bout, défendra les municipalités
du Québec entre un tel régime totalitaire qu'on veut leur
imposer. (0 h 30)
S'il y a un problème à régler au niveau du
gouvernement du Québec, avec le gouvernement central, avec le
gouvernement fédéral, il faudrait que le ministre agisse comme
une personne de bonne foi, comme une personne capable de faire preuve de
maturité et capable de faire preuve aussi, d'ouverture d'esprit et tente
de régler, pour le bien-être et des municipalités et de
l'ensemble des citoyens, tout ce contentieux pour permettre d'une façon
positive, que les fonds fédéraux pour la relance de l'emploi au
Québec, pour l'investissement dans certaines structures puissent venir
au Québec d'une façon régulière. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Verchères, avant de vous donner la parole,
j'avise chacun des membres de cette Assemblée que maintenant, vos
interventions sont de dix minutes.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. On vient
d'entendre le critique de l'Opposition en matière municipale appuyer la
motion de report qui a été présentée par son
collègue avec une série d'arguments, en particulier, nous disant:
Nous demandons une motion de report pour entendre les intervenants du monde
municipal.
M. le Président, on pourrait être incité à
accepter ce genre de motion parce que, effectivement, on ne nous demande pas
pour une fois de reporter à six mois, de reporter à douze mois,
de reporter à huit mois l'adoption du projet de loi.
M. le Président, cette motion suppose que le gouvernement, que le
ministre des Affaires municipales n'a d'aucune façon eu des
conversations avec le monde municipal, n'a d'aucune façon eu des
rencontres avec les porte-parole du monde municipal, n'a d'aucune façon
eu des échanges directs importants avec le monde municipal et que, en
conséquence, il faille adopter une motion de report pour permettre que
ces discussions, que ces échanges de points de vue se fassent. En
réalité, elle est tout autre.
On a beaucoup entendu, du côté gouvernemental, le monde
municipal. On a beaucoup entendu, depuis plusieurs mois, les élus
municipaux, les porte-parole du monde municipal. On les a longuement entendus
avant la présentation du projet de loi 38 à l'Assemblée
nationale au mois de juin. Et on les a, depuis la présentation de ce
projet de loi au mois de juin dernier, longuement entendus. De nombreuses
rencontres ont eu lieu, probablement entre tous les députés du
parti ministériel et les maires de leur comté. De nombreuses
rencontres ont eu lieu entre le ministre des Affaires municipales et les
dirigeants du monde municipal. Encore récemment, M. le Président,
pas plus tard que le 26 novembre dernier, le ministre des Affaires municipales
passait cinq heures en compagnie des dirigeants des deux principales
associations représentatives du monde municipal. Et, il l'avait fait
quelques jours plus tôt, le 17 novembre, à Québec, encore
une fois durant cinq heures. Et, on voudrait aujourd'hui, qu'on adopte une
motion dilatoire qui viserait finalement à reporter la discussion
publique et on a invoqué l'argument suivant: il est important que ces
représentations se fassent publiquement avant l'adoption du principe du
projet de loi.
M. le Président, au point où on en est rendu dans ce
dossier, ce qui est important, c'est qu'avant que d'autres discussions aient
lieu maintenant, il faut que l'Assemblée nationale du Québec
adopte le principe du projet de loi 38. On a cherché par tous les moyens
à s'entendre avec le gouvernement fédéral, par tous les
moyens. On lui a offert ce qu'il désire le plus par les temps qui
courent, c'est-à-dire la visibilité nécessaire, ce
à quoi il tient le plus en cette période
pré-électorale. On a dit: Si cela est un problème de
visibilité, on va s'asseoir et on va s'entendre. Mais ce n'est pas cela
qu'ils veulent. On a cherché par tous les moyens...
Qu'est-ce qui arrive pendant que nous, de bonne foi, à de
nombreuses reprises - et le ministre des Affaires municipales a
mentionné une liste considérable de moments où lui et ses
fonctionnaires ont eu des rencontres avec le gouvernement fédéral
-qu'est-ce qui arrive et qui continue d'arriver, au moment où on se
parle, au moment où on discute de ce projet de loi? On continue de voir
des députés fédéraux dire à nos
médias, dire à nos maires qu'ils sont prêts à
négocier avec le gouvernement du Québec, qu'ils respectent la
constitution canadienne, mais
en même temps, violer cette constitution, en même temps
faire du racolage auprès des municipalités, auprès des
élus municipaux et essayer par tous les moyens finalement d'amener le
monde municipal à contrevenir à la constitution canadienne et
à rétablir le système discrétionnaire qui existait
avant que le gouvernement du Parti québécois mette en place des
mécanismes qui font en sorte qu'aujourd'hui, toutes les
municipalités du Québec sont sur le même pied qu'elles
soient dirigées par un maire et un conseil municipal péquistes ou
libéraux. Et on voudrait, de l'autre côté de la Chambre,
défendre une attitude de leurs collègues libéraux
fédéraux qui, elle, consiste à institutionnaliser encore
plus que jamais l'approche discrétionnaire, l'approche de patronage.
C'est la raison pour laquelle on a tellement combattu cette approche et c'est
la raison pour laquelle le moment est venu maintenant d'adopter le principe du
projet de loi 38.
M. le Président, la réalité, c'est aussi que ce
racolage, certains y résistent et d'autres n'arrivent pas, pour toutes
sortes de raisons, à y résister. Et on place ainsi les
municipalités qui ont résisté, face à des
municipalités qui ne sont pas capables de dire non à ce racolage,
dans des situations intenables. Si on n'adoptait pas le projet de loi 38 et si
on acceptait de reporter ce projet de loi, qu'arriverait-il? Il arriverait
qu'on continuerait de faire rire de nous. Il arriverait qu'on continuerait de
ne pas nous prendre au sérieux. Il arriverait que, finalement, les
négociations que l'on prétend de l'autre côté
vouloir voir aboutir, comme le gouvernement veut qu'elles aboutissent,
continueraient de tourner en rond.
Il y a une réalité dans des négociations, c'est
qu'à un moment donné, il faut que cela aboutisse. Et dans les
négociations où il y a des partenaires - et vous le savez, en
tant qu'ancien syndicaliste - il y a des rapports de force qui
s'établissent. Ce qu'on sait maintenant, c'est que le rapport de force,
il va falloir qu'il s'établisse d'une telle façon que les gens se
rendent compte, que les élus municipaux, les conseils municipaux, les
associations dans le domaine municipal au Québec et les corps
intermédiaires au Québec se rendent compte, que le gouvernement
du Québec, cette fois-ci, est sérieux. Il a le gros bout du
bâton et il n'entend pas le laisser pour permettre au gouvernement
fédéral de continuer à ridiculiser la constitution,
à ridiculiser les élus municipaux, à ridiculiser le
gouvernement du Québec, un gouvernement qui adopte en cela des positions
de l'ensemble des gouvernements du Québec qui nous ont
précédés. C'est pour cela qu'il faut maintenant adopter le
principe.
Le ministre, je tiens à le rappeler, a indiqué dans son
intervention tantôt que, même s'il avait rencontré à
plusieurs reprises les représentants du monde municipal, nous
étions prêts et il était prêt à les rencontrer
à nouveau en commission parlementaire, mais après que le principe
du projet de loi 38 aura été adopté, certainement pas
avant.
Le principe du projet de loi 38 - il faut qu'une fois pour toutes ce
soit clair, clair pour les libéraux, clair pour les conseils municipaux
- le principe du projet de loi 38 n'est pas négociable. Et cela ne sert
à rien d'assister à des discussions pour négocier un
principe qui n'est pas négociable. Nous sommes prêts à
parler des modalités; nous sommes prêts à continuer de
faire en sorte, avec l'appui de l'Opposition, avec l'appui du monde municipal,
d'obtenir une entente avec le gouvernement fédéral. Mais une
chose est certaine, on a fini de faire rire de nous. On a fini de faire rire de
nous par un gouvernement qui essaie de nous faire passer pour des
imbéciles, de nous faire passer pour des gens qui, finalement, veulent
couper les vivres aux citoyens, ne veulent pas que des emplois soient
créés, en essayant de camoufler que la réalité dans
tout cela, c'est qu'on veut simplement se montrer un peu partout, avec beaucoup
de visibilité, à un moment où l'on est à la baisse
dans les sondages et à un moment où l'on s'en va en
élections. C'est cela la réalité. Il ne faut pas
être dupe. (0 h 40)
M. le Président, le principe de la loi 38 je termine avec cela -
n'est pas négociable. Il n'est pas question de reporter l'adoption du
projet de loi 38. C'est la raison pour laquelle nous allons battre cette
motion.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, j'entendais plus tôt le
ministre des Affaires municipales citer certaines autorités municipales
à l'appui de la position qu'il défend dans cette Chambre. Il a
cité un maire du comté d'Argenteuil, le maire de
Saint-André-Est, si j'ai bien compris. Si le ministre suivait son
affaire, il saurait qu'il y a eu un changement de maire à
Saint-André-Est il y a au-delà d'un mois. Cela n'enlève
pas la valeur de ce maire, mais je pense qu'il aurait mieux fait de citer des
messages qu'il a reçus récemment de personnes qui sont
habilitées pour parler au nom de l'ensemble des maires du Québec
et au nom de l'ensemble des municipalités régionales de
comté, qui sont ses deux principaux interlocuteurs. S'il est
obligé d'aller cueillir dans des souvenirs déjà lointains
pour justifier sa position, cela ne donne pas beaucoup de solidité
à son message.
J'examine la position du ministre. Je me disais une chose plus
tôt. Si le ministre
négocie avec le gouvernement fédéral comme il a
transigé avec l'Opposition dans ce débat-ci, je ne suis pas
étonné qu'il n'arrive pas à de gros résultats.
La proposition que nous vous avons faite est bien simple. Nous l'avons
répétée à maintes reprises pendant le débat
de deuxième lecture. Nous vous avons dit: Vos principaux interlocuteurs
du milieu municipal - le député de Laprairie les a
énumérés abondamment plus tôt, je n'entends pas
recommencer cette énumération - vous demandent de se faire
entendre par la commission parlementaire des affaires municipales avant
l'adoption de ce projet de loi. Il me semble que si on les respecte un peu, si
on les considère comme des partenaires, comme des associés, comme
des gouvernements autonomes responsables, souverains dans leur ordre, dans une
très large mesure, on va les consulter et les écouter avant
d'avoir pris la décision et non pas après. Si vous prenez la
décision de les punir pour commencer, que vous l'inscrivez dans votre
loi et qu'ensuite vous leur dites: Bien, je suis prêt à
négocier avec vous, ce n'est pas sérieux. Ce n'est pas une
attitude de gouvernement respectueux de ses partenaires. C'est au stade actuel,
si on veut être sérieux, qu'il faudrait non seulement accepter,
mais solliciter l'opinion des interlocuteurs municipaux. Une fois que le
principe de la loi aura été accepté, si le gouvernement
est sérieux, il ne pourra pas reculer beaucoup. C'est tout ce que nous
lui demandons.
Le député de Laprairie a fait voir très clairement
qu'il n'est pas question d'une remise aux calendes grecques. On demande un
délai de cinq jours pour les entendre en commission parlementaire. De
plus en plus, dans cette Chambre, lorsqu'il est question d'un projet de loi qui
a des implications politiques sérieuses, le gouvernement accepte de le
soumettre à la discussion publique avant l'adoption en deuxième
lecture pour qu'au cas où le gouvernement ferait fausse route, il lui
soit plus facile de redresser son orientation. On a eu des exemples encore
récemment de cela. Voici un cas où le gouvernement devrait agir
de cette manière. Cela serait beaucoup plus respectueux pour les
municipalités et beaucoup plus susceptible de le conduire à des
résultats véritables. Si le gouvernement pouvait sortir de ces
rencontres, que favoriserait une commission parlementaire avec les
interlocuteurs municipaux, muni d'un consensus, d'un accord qui regrouperait
les municipalités, l'Union des municipalités régionales de
comté, l'Union des municipalités du Québec, les grandes
municipalités et les grandes villes comme Québec,
Montréal, Hull, Trois-Rivières, Sherbrooke et les autres, et
l'Opposition peut-être aussi, je vous donne la garantie -c'est
évidemment une garantie morale - que s'il réussit à
s'entendre avec les deux grandes unions qui parlent au nom des
municipalités sur cette question-ci, il y a 99,9% de chance qu'il
réussisse également à s'entendre avec l'Opposition.
Pourquoi refuse-t-il? J'ai l'impression qu'on joue une partie politique.
Je ne veux pas imputer de motif à personne mais je ne peux pas
comprendre, autrement que par des raisons politiques - malheureusement des
raisons de politique partisane - l'attitude obstinée du ministre dans ce
débat. Si le ministre pouvait invoquer des autorités
sérieuses autres que les préjugés de son propre parti
à l'appui du projet de loi, je le comprendrais. Mais tout ce qu'il y a
de sérieux dans le monde municipal... J'entendais tantôt lecture
du télégramme de l'Union des municipalités du
Québec, signé par le maire Francis Dufour, de Jonquière,
dont les allégeances péquistes sont bien connues. Je vois le
ministre de l'Énergie et des Ressources qui commence à douter de
la loyauté de M. Dufour. Jusqu'à maintenant, c'est un homme qui
n'a pas hésité à se ranger plutôt du
côté du gouvernement mais, dans ce cas, en sa qualité de
président de l'Union des municipalités du Québec, il vous
dit: Faites attention à ce que vous faites. Écoutez donc la voix
du bon sens et du réalisme.
M. le Président, je demande au ministre de
réfléchir une dernière fois. Je l'invitais l'autre jour
à faire preuve d'une recherche sincère d'un consensus. Je
l'entendais faire des allusions partisanes tantôt. Je l'entendais traiter
tous les gens de ce côté de la Chambre de valets du gouvernement
fédéral, du Parti libéral fédéral. C'est un
mensonge. Je ne suivrai pas le ministre des Affaires municipales, ni le
président du Conseil du trésor sur cette voie que je
méprise profondément. On doit être capable d'exprimer des
opinions librement et de manière responsable sans toujours encourir des
épithètes comme celles-là. On pourrait vous en accoler
facilement, je ne descendrai pas sur ce terrain. Je vous invite, encore une
fois, à faire preuve de sincérité, de réalisme, de
bon sens, à mettre l'intérêt véritable du
Québec et des municipalités avant l'intérêt partisan
de votre formation politique. Si vous acceptez cette voie, vous comprendrez
facilement qu'un délai de cinq jours pour entendre les
municipalités du Québec n'est pas une perte de temps, c'est au
contraire un geste politique sage et responsable.
Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de
l'Immigration et des Communautés culturelles.
M. Gérald Godin M. Godin: M. le Président, je
m'étonne
de voir le député d'Argenteuil proposer au gouvernement du
Québec de barguiner la constitution canadienne. Je sais les textes qu'il
a écrits, qui défendent les juridictions et les
compétences des provinces. Toute sa vie a été
consacrée à respecter la constitution canadienne telle qu'elle
est ou telle qu'elle sera changée éventuellement. D'ailleurs, mon
discours aujourd'hui consistera à citer un professeur de droit
constitutionnel, M. Pierre Elliott Trudeau, dont les thèses, en 1954 et
1957, vont totalement à l'appui de la thèse aujourd'hui
défendue par notre ministre des Affaires municipales. En 1957, dans
Cité libre, Pierre Elliott Trudeau...
M. Bérubé: Ce n'est pas le même?
M. Godin: le même.
M. Bérubé: Ce n'est pas possible!
M. Godin: ...aujourd'hui premier ministre du Canada,
écrivait ce qui suit: "Par contre, il est des cas où la
présomption d'ingérence d'un niveau de gouvernement dans les
affaires d'un autre se résout en certitude. Ainsi - dit-il - si une
province entreprenait de taxer ses contribuables dans le but de doter
l'armée canadienne de meilleurs fonds, sous prétexte qu'Ottawa
est trop pauvre pour nous protéger adéquatement contre le
péril russe - il est déjà obsédé par le
péril russe, mais écoutez bien - ou si Ottawa - c'est là
l'exemple utile pour la cause de mon collègue des Affaires municipales -
affectait régulièrement des impôts à la construction
d'écoles dans toutes les provinces sous prétexte que celles-ci ne
se soucient pas suffisamment de l'éducation, ce gouvernement
enfreindrait les bases mêmes du fédéralisme qui, je l'ai
dit, ne reconnaît pas ce droit de regard d'un gouvernement sur les
affaires des autres gouvernements." C'était Pierre Elliott Trudeau en
1957.
Je continue. M. Trudeau dit: "II ressort de la volonté de Louis
Stephen Saint-Laurent de donner des fonds aux universités qui sont
reconnues comme étant de compétence provinciale tout comme
d'ailleurs les municipalités le sont en vertu de l'article 92 de la
constitution canadienne. Il ressort de ceci que le fait de créer par
voie de taxation un fonds fédéral pour fins de donation - ce que
veulent faire les députés fédéraux avec les
municipalités - n'est pas en soi ultra vires. L'illégalité
apparaît cependant quand le fédéral dispose de ces fonds
par une loi qui empiète dans le domaine provincial." C'est clair, je
pense. "Les individus et les industries, poursuit le professeur de droit Pierre
Elliott Trudeau, qui est aujourd'hui le père des dons, des cadeaux, que
le gouvernement fédéral veut faire aux municipalités. (0 h
50)
Qu'est-ce qu'il a écrit, M. Trudeau, en 1957? "Les individus et
les industries ne peuvent faire des dons que dans les limites de la loi - et il
souligne "que dans les limites de la loi" -. Par exemple, le Code civil,
article 12.65, interdit certaines donations entre époux. De même,
nos gouvernements ne peuvent faire des dons que dans les limites de la
constitution. Ce sont précisément ces limites qu'il s'agit de
respecter. Les différents gouvernements, dit encore M. Trudeau, ne
doivent donc exercer leur prérogative de donner l'argent provenant des
impôts qu'à l'intérieur de leur juridiction propre."
La théorie de M. Saint-Laurent, qui est maintenant celle de M.
Trudeau, est donc la négation même du fédéralisme et
aboutit à l'anarchie. C'est une citation de M. Pierre Elliott Trudeau,
aujourd'hui le père des cadeaux distribués directement aux
municipalités par le gouvernement fédéral. "De la sorte,
poursuit Pierre Trudeau, le parti de M. Saint-Laurent aurait réussi
à abolir les deux principes les plus fondamentaux de notre constitution:
No provincial Legislature could use its special powers as an indirect means of
destroying powers given by the Parliament of Canada." En même temps: "The
Parliament of Canada could not exercise its power of taxation so as to destroy
the capacity of officers lawfully appointed by the provinces."
M. Trudeau conclut en disant ceci: "C'est insultant pour les
provinces de se voir offrir des cadeaux avec ce que M. Saint-Laurent leur dit
être l'argent de leurs propres contribuables. Cela est néfaste
pour les principes de la démocratie." Je répète M. Pierre
Trudeau en 1957. "C'est insultant pour les provinces de se voir offrir des
cadeaux avec ce que M. Saint-Laurent leur dit être l'argent de leurs
propres contribuables." Qui suggère M. Pierre Trudeau, en 1957, au
gouvernement provincial de l'époque? "Alors, M. Duplessis aurait pu
passer une loi qui ne ressemble pas à celle de mon collègue, une
loi pour rendre les universités inhabiles à être les
récipiendaires des dons du fédéral. La discussion -
écoutez bien cela, M. le Président, c'est prophétique - de
pareilles lois à la Législature aurait empêché
l'Opposition libérale de reprendre ses faux-fuyants habituels. Ainsi,
c'est important ce qu'il dit, les électeurs
québécois...
Une voix: Ils vous connaissaient.
M. Godin: ...auraient fait un pas de plus vers la maturation,
c'est-à-dire la connaissance de la constitution de ce pays." Ce sont les
effets pédagogiques de la loi présentée par mon
collègue, la maturation de la connaissance par les citoyens du
Québec,
les maires du Québec de la propre constitution de leur propre
pays.
Des voix: Bravo!
M. Godin: Quatre ans plus tôt, dans le journal Vrai, sur la
même question, je citerai brièvement sa lettre à son ami
Jacques Hébert, maintenant sénateur. "Mon vieux Jacques, dit-il,
il faudrait publier une lettre ouverte à l'honorable Maurice Duplessis,
le félicitant en principe de son opposition à l'ingérence
fédérale dans le domaine de l'éducation - nous pourrions
dire que c'est ce qui se passe, aujourd'hui, dans le domaine municipal - mais
en lui proposant, en pratique, de donner à son opposition une tournure
plus inventive en même temps que plus utile aux Canadiens
français." Qu'est-ce qu'il propose dans son article humoristique? Il dit
que si le fédéral donne aux universités 2 000 000 $, le
Québec devrait prélever ces 2 000 000 $ à même
l'argent qu'il donne aux universités elles-mêmes et ouvrir
à Ottawa, avec ces 2 000 000 $, un bureau dans lequel le Québec
donnerait une prime à tout fonctionnaire fédéral qui
parlerait le français. C'est ce qu'il a écrit en 1954. Il dit que
cette somme prélevée à même les dons normalement
donnés aux universités par le Québec devraient servir
à verser des subventions aux écoles séparées de
l'Ouest et aux écoles françaises. Il dit que cette somme devrait
servir à mettre à la disposition du fédéral un
service de fabrication et d'apposition de plaques et d'affiches
françaises sur les édifices fédéraux, les
véhicules publics fédéraux, les chemins de fer nationaux,
etc., et nos ambassades étrangères. Il termine en disant ceci -
"Mon cher Jacques, je t'assure que mon plan est très réalisable
et au fond très sérieux. Ces aspects fantaisistes sont
eux-mêmes une arme contre la centralisation, car ils feraient -
écoutez bien cela, je pense que c'est le bout le plus contemporain -
vite perdre la face à nos braves ministres fédéraux - dont
il est maintenant - et les feraient réfléchir un peu sur leur
ridicule prétention de cultiver le jardin du voisin après avoir
pris soin de voler sa bêche."
En conclusion, oui, M. le député d'Argenteuil, c'est un
texte de Pierre Elliott Trudeau et je suis sûr que vous partagez
fondamentalement cette option. La loi, c'est la loi, M. le Président. La
constitution, c'est la constitution. Alors, qu'est-ce que les libéraux
feraient si, par malheur, ils réussissaient à mettre un terme
à leur série noire de défaites aux élections
générales? Je le répète: Qu'est-ce que les
libéraux feraient s'ils réussissaient à mettre un terme
à leur série noire de défaites aux élections
générales? Qu'est-ce qu'ils feraient? Est-ce qu'ils renieraient
les principes de la constitution? Renieraient-ils les propos de leur nouveau
renouveau rené chef Robert Bourassa? Le mot "rené" né pour
une deuxième fois.
Écoutez bien cela, Mme la députée de Chomedey, cela
vous intéressera. M. Bourassa, citant l'article 92 de la constitution
canadienne, a dit que les institutions municipales sont de juridiction
strictement provinciale et qu'il ne saurait être question de
tolérer le moindre écart à ce sujet: la position de M.
Léonard aujourd'hui. Quelle conformité avec les principes de fond
et de base! M. Bourassa renie ses propres principes. M. Bourassa trahit la
constitution canadienne. Il la trahit. Mais M. Bourassa dit: "Nous n'avons
aucune objection qu'Ottawa nous fournisse des fonds - nous non plus - mais
à la condition, dit-il - et on croirait entendre M. Léonard -
à la condition que ces fonds soient dépensés en respectant
la juridiction garantie par la constitution." Merci, M. le
Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Si le ministre des Affaires municipales veut
comprendre pourquoi sa formation politique a perdu les élections dans
Louis-Hébert, Saguenay, Saint-Jacques, Jonquière,
Mégantic-Compton et Charlesbourg, je lui propose...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! Je m'excuse, M. le député.
M. Scowen: Oui. Je pense que...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! M. le ministre, s'il vous plaît!
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Si le ministre veut comprendre pourquoi ils ont perdu
ces élections, je lui propose demain matin de regarder attentivement la
cassette de son discours de ce soir, parce qu'il a lancé des attaques
contre le Parti libéral du Québec et contre le gouvernement du
Canada, le Parti libéral du Canada que la population du Québec
trouve dépassées, terminées, abusées et abusives.
Ce qui est arrivé et qu'ils ne comprennent pas, c'est que depuis 1980,
quand ils ont sorti toutes les attaques possibles contre le gouvernement
fédérai, pendant le référendum, et qu'ils ont perdu
ce référendum après avoir sorti toutes ces attaques, ils
n'ont jamais compris qu'ils auraient dû arrêter ce genre d'attaques
et passer à un esprit de collaboration et de coopération dans le
système fédéral. Mais
non! Ils ont continué sans cesse les attaques contre le
gouvernement fédéral, nous traitant de valets du gouvernement
fédéral. Aujourd'hui, M. le ministre, la population est
écoeurée de ce genre de vocabulaire politique. Je ne parle pas
des gens du coin qui blâment le gouvernement fédéral pour
les tempêtes de neige à Québec et les grèves
d'autobus à Montréal. Cela, c'est amusant. Il n'y a rien
là. Mais je parle de ce système d'attaque systématique
contre tout ce qui est fédéral, qui peu à peu permet
à la population du Québec de réaliser que le gouvernement
péquiste, séparatiste ultranationaliste a même perdu la
force que le gouvernement du Québec doit normalement avoir dans les
négociations avec le gouvernement fédéral. (1 heure)
Souvenez-vous, M. le Président, du débat sur la papeterie
de Matane. Ils ont blâmé le fédéral pour sa
non-réalisation, et c'est encore une non-réalisation. C'est vrai,
voyez-vous? Souvenez-vous récemment de l'affaire des pêcheries
dans la Gaspésie. Une loi pour blâmer le fédéral de
nos problèmes. Souvenez-vous de la loi 82, la loi qui a
été adoptée en pleine nuit pour corriger un
élément de la loi 101 qui était clairement
anticonstitutionnel, quand on a été obligé
d'écouter toutes sortes d'attaques contre le fédéral. Vous
souvenez-vous du ministre des Transports avec son affaire de Quebecair quand il
a blâmé le fédéral pour tous les maux et les
problèmes de Quebecair? Vous souvenez-vous du Nid-de-Corbeau? Vous
souvenez-vous de l'"Ottawa-Crash" du ministre Landry? Vous souvenez-vous de la
question de la péréquation du ministre des Finances, quand il a
continuellement dit que la péréquation allait diminuer, que
n'avions pas notre juste part, pour arriver l'an prochain avec des transferts
du fédéral qui augmentent plutôt que de diminuer? Vous
souvenez-vous des attaques contre le fédéral concernant les
contingentements sur la chaussure, sur les vêtements? Vous souvenez-vous
des attaques contre le gouvernement fédéral dans le domaine de la
pharmacie, de l'automobile, du projet de loi S-31? Ce n'est jamais
terminé.
Ce que le gouvernement n'a jamais compris, M. le Président, c'est
pourquoi il est maintenant à un taux d'insatisfaction dans la population
- je parle directement au président du Conseil du trésor car il
fait partie de cette équipe - de 75%. Le plus vite on pourra se
débarrasser de vous, mieux ce sera pour le Québec. Ce n'est pas
moi qui le dis, mais les sondages que vous aimez tant. Les raisons sont en
grande partie cette attitude dépassée. Les gens veulent vivre
dans un système fédéral.
Dans un système fédéral - pour votre information,
les gens du gouvernement - il y a les accommodations et les compromis qu'il
faut faire des deux côtés. Je vous donne juste un exemple. Le
domaine des affaires internationales est un domaine dans la constitution qui
est fédéral, central. Nous avons insisté et nous insistons
encore, avec raison, je pense, même si en principe dans la constitution
c'est quelque chose qui est de juridiction du gouvernement central, sur le fait
que, quand même, les gouvernements provinciaux, au moins le gouvernement
du Québec, doivent avoir un rôle à jouer là-dedans.
Alors, il faut négocier, nuancer parce que c'est un système
fédéral. Dans ce cas-ci, qui est un peu la contrepartie de la
même idée, dans le domaine municipal qui est très
clairement défini comme une juridiction provinciale - on s'entend tous
là-dessus - il faut aussi accepter que dans le domaine du
développement économique vous avez un domaine qui est
partagé. Ce domaine est fortement lié, bien sûr, avec les
entités qu'on appelle les municipalités.
Quel est le rôle que le gouvernement central doit jouer dans le
développement économique par l'entremise des
municipalités? Zéro, car personne ne le dit. Certainement pas les
municipalités. Il faut nuancer. Les gens du Québec veulent -
messieurs du gouvernement - que vous fassiez des compromis, des
négociations, que vous essayiez de vous entendre, que vous acceptiez le
système fédéral comme un système qui peut marcher.
Ils ne veulent pas que vous continuiez, comme vous le faites ce soir et comme
vous le faites maintenant depuis cinq ou six ans, d'essayer chaque soir ici,
à l'Assemblée nationale, de prouver avec vos discours fleuves
exagérés que le sytème ne peut pas marcher. Je le
répète, c'est une des raisons principales du taux de satisfaction
de votre gouvernement - 25% -de la part de la population du Québec. Vous
êtes incapables de comprendre ce qui se passe.
En terminant, je veux simplement vous expliquer que ce que nous
proposons ce soir, c'est que le gouvernement remette l'adoption en
deuxième lecture de ce projet de loi, pas à l'année
prochaine, pas aux calendes grecques, pas pour six mois, mais pour cinq jours.
On est prêt, si les municipalités sont d'accord et si vous
démontrez que vous êtes capables de négocier à
l'intérieur de ce système fédéral, à adopter
ce projet de loi avant Noël. Que ce soit adopté ce soir, que ce
soit adopté jeudi prochain, cela ne changera pas grand-chose. Tout ce
qu'on demande c'est que, d'ici là, immédiatement, dans les cinq
prochains jours - si vous pouvez le faire en trois jours, tant mieux -on
convoque une commission parlementaire à laquelle on va inviter les
institutions impliquées, affectées, obligées de vivre avec
le projet de loi que vous voulez adopter ce soir.
Je pense que la population du Québec,
abusée et désabusée par vos politiques depuis
longtemps, ne sera pas très gentille envers vous si, encore une fois,
vous n'acceptez pas d'être raisonnables, si vous n'acceptez pas une
suggestion raisonnable, un délai de deux, trois ou quatre jours pour
écouter les personnes qui seront obligées de vivre avec ce projet
de loi en commission parlementaire. Si vous refusez, je suis persuadé
que les gens vont dire: C'est la preuve, ils l'ont encore faite, c'est le
même groupe duquel nous avons notre voyage; c'est fini, merci beaucoup.
Vous avez une occasion, ce soir, je pense, de renverser un peu, de changer un
peu l'opinion publique quant au comportement et à l'orientation de votre
parti politique. Je sais que vous êtes indépendantistes et je vous
propose ce soir de nuancer ce vocabulaire, ce discours politique abusif et
totalement dépassé. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vachon.
M. David Payne
M. Payne: II arrive souvent, M. le Président, que lorsque
le vrai débat est déclenché en Chambre sur un projet de
loi important comme ce soir, l'Opposition décide vite, avec une motion
dilatoire, de faire une proposition pour retarder nos débats, juste au
moment où la lumière commence à se faire, au moment
où on commence à comprendre ce qu'est le véritable enjeu.
Nous voyons -et c'est devenu vraiment typique de nos débats ici à
l'Assemblée nationale, depuis quelques années, avec l'Opposition
que nous connaissons - qu'ils deviennent timides, peureux, peut-être
fatigués à ce temps-ci de la soirée, parce que nous avons
vu depuis quelques heures, depuis deux jours, qu'en réalité le
Québec, encore une fois, s'est trouvé dépourvu à
cause du gouvernement d'Ottawa. Lorsqu'ils parlent - je ne veux pas donner les
noms - de la confrontation avec Ottawa et lorsqu'ils parlent des
séparatistes, lorsqu'ils parlent de l'agression de la part du
Québec, je me demande d'où cela vient. Qu'est-ce qui fait en
sorte qu'on est tellement aggressif? Je ne peux que faire
référence à une seule chose: si je me souviens de la date,
c'était le 12 novembre 1980. C'est ce jour-là, à cette
date-là que le gouvernement d'Ottawa a décidé sans
négociation, sans consultation, sans préavis, de retirer la
troisième phase d'un programme conjoint entre le gouvernement d'Ottawa
et celui du Québec, le PAEC, c'est-à-dire le programme
d'assistance aux équipements communautaires. Il a été
retiré. Où est l'agression là-dedans? Où le
gouvernement du Québec a-t-il montré sa mauvaise foi? Je peux
vous illustrer en deux secondes l'urgence du débat. Je vais faire
abstraction des grands principes pour deux secondes. Je reviendrai tout
à l'heure aux grands principes.
(1 h 10)
Je feuilletais le journal - pas le journal de Montréal,
c'était le Dimanche-Matin - le 7 août 1983. C'est bien
écrit ici dans l'article en question et il y a une photo d'une
église: Faute de pouvoir, dit la manchette, aider les villes, Ottawa
s'occupe des églises.
Nous savons très bien dans le contexte économique que tous
nos organismes ont besoin de toute l'aide dont on peut disposer. C'est
nécessaire. Mais un instant! Je suis député à
l'Assemblée nationale, nous fréquentons nos églises mais,
mon Dieu, que le gouvernement... C'est bien dit: Que le Dieu... On a
décidé ici - l'histoire est bien décrite dans l'article -
que le fédéral a décidé de donner à
l'église de la paroisse Saint-Zotique de Saint-Henri 225 000 $.
Une voix: Qu'est-ce que vous avez contre la...
M. Payne: Qu'est-ce qu'il y a d'écoeurant
là-dedans? Il n'y a rien d'écoeurant là-dedans sauf qu'il
y a beaucoup d'autres églises au Québec qui voudraient avoir
exactement les mêmes possibilités d'avoir les subventions
discrétionnaires gratuitement avec des chèques donnés par
le député fédéral. Je ne sais pas s'il se
présente le dimanche matin pour donner son chèque mais je trouve
cela absolument aberrant, M. le Président. Il n'y a pas une
Assemblée nationale qui puisse accepter cela.
Mais revenons à l'histoire. Retournons un petit peu. Pouvoirs.
Celui qui voudrait devenir bientôt le premier ministre du Québec,
M. Bourassa, qu'était-il il y a à peine quelques années?
Qu'a-t-il dit? Je parle sur le principe. Il a dit: Sur ce point, il ne peut y
avoir aucune équivoque. Mais ce soir peut-être qu'il ne serait pas
trop fier de voir ses troupes en action, cherchant l'équivoque,
cherchant précisément à poser un geste qui aurait comme
effet de soustraire les pouvoirs du Québec. On peut aussi retourner en
arrière dans l'histoire. Je peux regarder les déclarations du
premier ministre Jean Lesage en Colombie britannique dans un discours qu'il a
donné lorsqu'il était premier ministre. Je le cite: -bien
sûr, c'est en anglais - "We wish to assert here that by vertue of the
British North America Act..." En vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord,
on voudrait affirmer que l'autorité, en ce qui concerne les
municipalités, relève exclusivement des provinces. "I know here,
in British Columbia - ce n'est pas le Québec, c'est le British Columbia
- I know also that during a recent meeting of minister of Municipal Affairs in
Québec, it was decided to firmly reiterate the will to see the Federal
Government scrupulously
respect the autonomy of the provinces in this particular field."
Ce n'est pas le premier ministre actuel du Québec, M. le
Président. Ce n'est pas M. Lévesque. C'est Jean Lesage qui
prononce un discours en anglais en Colombie britannique. Il disait: Je veux que
ce soit très clair que le gouvernement fédéral respecte
scrupuleusement l'autonomie des provinces dans ce domaine. C'est là le
principe en question. Je ne veux pas citer tous les autres premiers ministres
qui ont parlé sur ce sujet.
J'avais aussi... Mais vous me prenez de court, M. le Président,
avec cette motion improvisée et dilatoire de la part de l'Opposition
mais je voudrais rappeler aux députés de l'Opposition que la
semaine dernière on est allé à Longueuil avec le ministre
des Affaires municipales. Nous avons décidé... Les élus,
les conseillers, les maires, ont décidé de convoquer une
réunion avec le ministre des Affaires municipales. Vers la fin de la
réunion, il y avait à peu près 160 maires élus qui
étaient présents. Il y a eu une discussion...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
M. Payne: Vous pouvez vous moquer des élus, des
conseillers, vous pouvez vous moquer de leurs gestes, mais ils ont
décidé d'inviter le ministre responsable à venir les
rencontrer. Ils étaient à peu près 160. Il n'y avait pas
de financement à faire parce que, depuis 1979, je crois, depuis que le
gouvernement du Parti québécois a adopté le projet de loi
concernant la fiscalité municipale, les pèlerinages à
Québec sont terminés et ils le savent. Si vous leur parlez
honnêtement, face à face, ils vont vous dire qu'ils sont fiers et
contents que l'histoire des pèlerinages, du patronage pour venir
chercher des subventions discrétionnaires soit finie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Payne: Vous pouvez être très gênés,
lors de cette discussion, de ne pas vouloir vous associer au gouvernement,
parce que vous montrez que vous êtes dans le même "bag", complices
de vos confrères d'Ottawa, et vous avez peur que le gouvernement du
Québec pose un geste et dise à Ottawa: On est contre ces pouvoirs
discrétionnaires. Je reviens à mon histoire.
Une voix: C'est une histoire!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Payne: Je cite: "II est résolu - ce sont les maires qui
parlent, vous voudrez bien les écouter, 160 maires élus,
conseillers, responsables, sur la rive sud de Montréal, le 1er
décembre - de soumettre une demande ferme - à qui? - au
gouvernement fédéral de conclure dans les plus brefs
délais une entente-cadre avec les gouvernements provinciaux afin de
permettre l'attribution de fonds fédéraux aux
municipalités". L'accent est très important. C'est une demande
ferme au gouvernement fédéral par 160 élus. Vous savez ce
qui est arrivé de cette proposition, de cette résolution venant
du plancher? Cela a été mis au voix spontanément, il n'y a
personne qui a été contre, cela a été adopté
à l'unanimité.
L'urgence de la situation, c'est lorsque nous voyons que, depuis le mois
d'août 1982, les députés fédéraux sont en
train d'offrir des subventions à certaines municipalités du
Québec, parmi lesquelles la ville de Longueuil, vous pouvez voir,
maintenant, que les citoyens et les élus de cette région sont en
train de se rendre compte de ce geste improvisé du gouvernement
fédéral, de ce geste électoraliste du gouvernement
fédéral. Ils sont en train de se rendre compte que les gestes
posés par le gouvernement du Québec et par le ministre des
Affaires municipales depuis ce moment sont des gestes de bonne foi pour que le
gouvernement d'Ottawa continue ces ententes qu'il a signées en bonne et
due forme et ce qu'il a fait avec les ententes auxiliaires. J'achève
ici. Le ministre a dit au Conseil des ministres, le 27 août 1982 -
c'était au Conseil des ministres, il n'y a pas là de
préjugé - que le gouvernement manifestait son ouverture à
la négociation d'ententes entre les deux gouvernements. Je pourrais me
référer au 31 août et à une centaine d'autres
exemples de rencontres. Il me suffit de dire qu'à ce moment-ci de
l'histoire, c'est important que le débat continue. (1 h 20)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il me fait plaisir
d'intervenir pour appuyer la motion de report de mon collègue du
comté de Hull pour que le projet de loi 38 ne soit pas adopté en
deuxième lecture avant que les principaux intéressés,
c'est-à-dire toutes les municipalités du Québec, par
l'entremise de leur association officielle, soient entendus en commission
parlementaire.
M. le Président, il ne s'agit pas là d'un caprice de
l'Opposition. J'entendais les députés du côté
ministériel parler de motion dilatoire. Peut-on parler de motion
dilatoire quand on demande au gouvernement de retarder de cinq jours l'adoption
de la loi en deuxième lecture afin que les intéressés
soient entendus? Ce n'est pas un caprice de
l'Opposition parce que c'est simplement se rendre à une demande
raisonnable des municipalités régionales de comté et de
l'ensemble des municipalités locales du Québec qui, fort
inquiètes des répercussions que la loi 38 aura sur leur
financement, disent: Écoutez, nous avons des représentations
à faire; nous croyons que vous ne posez pas le bon geste; nous voulons,
au moins, que vous entendiez nos arguments. C'est se rendre à la demande
de l'ensemble des municipalités, qui sont des gouvernements locaux qui
ont été élus démocratiquement et qui, par la voix
de leurs présidents d'associations respectives, demandent d'être
entendues.
Je voudrais simplement demander ceci au gouvernement: Peut-il nous
donner un seul exemple où l'Opposition, depuis sept ans, a fait des
pressions pour que des commissions parlementaires soient tenues pour entendre
les représentations de la population dans différents domaines
sans que ceci ait rendu service et au gouvernement et aux citoyens? J'en veux
comme exemple - et, à ce moment-là, il semble qu'on ait eu
affaire à des ministres qui ont été plus ouverts ou qui
ont réalisé que l'intérêt général en
bénéficierait - le fait que, justement, aujourd'hui, nous tenons
une commission parlementaire spéciale, qui a été
demandée par notre collègue d'Argenteuil, pour examiner le
régime pédagogique qui doit éventuellement s'appliquer aux
collèges. Je pense que ce soir le ministre de l'Éducation serait
assez honnête pour dire que c'était une étape
nécessaire. Nous avons entendu plusieurs organismes, sept ou huit
aujourd'hui; nous continuerons demain. Ce sont trois journées
d'étude très intensives - et je ne crois pas que, dans le cas qui
nous occupe, cela nécessitera trois jours - mais je suis certaine que le
ministre de l'Éducation se félicite de s'être rendu
à la demande de l'Opposition.
Un autre exemple: la commission parlementaire qui a été
tenue pour étudier les règlements de la loi 27. La loi 27 touche
les services de santé et les services sociaux. Là encore, au
point de départ, le ministre en titre s'était fait un peu tirer
l'oreille, mais, finalement, il s'est rendu à nos demandes
répétées. Et même s'il n'y avait pas eu de
représentations officielles des principaux intéressés, je
puis vous dire, qu'au moment où j'en parle le ministre est fort heureux
d'avoir tenu cette commission. Je dois dire que, dans ce cas-là,
peut-être qu'on n'a pas dû utiliser autant de persuasion qu'on
semble être obligé de le faire ce soir, mais je pense que tout le
monde en a bénéficié. On a apporté de nombreuses
modifications au projet de règlement de la loi 27. Je vois le
député de Gouin qui, je pense, pourrait se lever et confirmer ce
que je viens de de dire.
M. le Président, quand on demande une commission parlementaire,
qu'on la demande dans un délai aussi restreint que celui que nous
proposons, je pense que ce n'est pas parce que l'Opposition veut en retirer des
bénéfices politiques ou partisans ou tout ce que vous voudrez.
L'Opposition, c'est son rôle, doit se faire la voix de la population et
cette voix doit être plus pressante quand, selon notre évaluation
- elle peut être bonne ou moins bonne - juste et honnête, nous
croyons que ceci rendra service, comme je le disais tout à l'heure, au
gouvernement et à l'ensemble des citoyens.
M. le Président, j'ai entendu les représentations qu'on a
faites, de l'autre côté de la Chambre. Il ne s'agit pas, ce soir,
de trancher si c'est le gouvernement du Québec qui est le bon
garçon et le gouvernment d'Ottawa qui est le mauvais garçon ou
l'inverse. Ce n'est pas l'objet de la motion de report. La motion de report a
uniquement pour objet de convaincre le gouvernement et de faire les
représentations qui nous semblent justes pour que les principaux
intéressés soient entendus.
Je voudrais, en terminant, rappeler au gouvernement qui nous a dit... Je
vois le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration qui, il
y a peine deux jours, a reçu les résultats de l'élection
de Jonquière comme un coup de masse sur la tête. Il a dit: On a vu
des étoiles ou...
Une voix: "A slap in the face".
Mme Lavoie-Roux: ...ou sur la joue. Peu importe dans le visage.
Et tout le monde, du côté du Parti québécois, dans
les coulisses, s'est dit: II nous faut réfléchir. Moi, M. le
Président, je leur ai dit privément, et je pense que c'est
peut-être le temps que je le leur dise publiquement, que le
problème du gouvernement qui est en face de nous, entre autres, celui
qui leur a peut-être fait le plus de tort, c'est leur arrogance, la
croyance qu'ils ont toujours la vérité absolue, que seuls, la
plupart du temps, ils ont raison envers et contre tous, même quand les
représentations qui leur sont faites le sont de bonne foi. C'est cela,
entre autres choses, que la population ne veut plus accepter. Je pense que cela
devrait vous faire réfléchir et que le ministre des Affaires
municipales, ce soir, devrait voir la demande de l'Opposition non pas comme un
désir de retarder les choses, mais comme une demande au gouvernement, au
côté ministériel de réaliser qu'il n'y a rien
là à gagner pour l'Opposition - je le répète -mais
qu'il y a peut-être là quelque chose d'important à gagner
pour le gouvernement, pour les municipalités et, en fin de compte, pour
l'ensemble de la population. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que chacun et
chacune d'entre nous, qui sommes ici ce soir à l'Assemblée
nationale, nous y sommes
uniquement pour que les intérêts généraux de
la population soient le mieux servis. C'est là l'unique raison pour
laquelle nous devrions être à l'Assemblée nationale.
Si j'ai accepté de me lever, ce soir, sur cette motion, c'est que
je crois fermement qu'il ne pourrait résulter de cette commission
parlementaire que des résultats positifs. Si, après coup, le
gouvernement décidait d'aller de l'avant après avoir entendu les
arguments, au moins il sera certain qu'il s'en va dans une direction qui lui
semble dictée à partir des arguments, bons ou mauvais, qui lui
seront apportés à cette commission parlementaire.
M. le Président, encore une fois, je sollicite le gouvernement,
et particulièrement le ministre des Affaires municipales, de ne pas
s'entêter dans une démarche que je ne veux même pas juger
mais qui, je pense, ne sera utile à personne. J'ose espérer que
mes collègues n'auront pas à continuer, pendant des heures,
à convaincre le gouvernement du bien-fondé de la motion que nous
avons proposée, mais... Hélas, oui! C'est ce que me dit le
président du Conseil du trésor. Écoutez...
Le Président: En conclusion, madame.
Mme Lavoie-Roux: ...M. le Président, si l'on veut
s'entêter, si l'on veut continuer d'avoir raison envers et contre tous,
vous en recueillerez les fruits, et plus rapidement que vous ne le croyez.
Merci, M. le Président.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources. (1 h 30)
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, quand j'ai entendu tout
à l'heure la motion de report qui a été formulée
par un député de l'Opposition, j'avais presque le goût de
donner mon consentement parce que, en effet, c'est une très grande
amélioration. On se retrouve à 1 h 30 du matin avec une
Opposition qui, depuis 7 ans, systématiquement fait des motions de
report. Celle que nous avons devant nous, c'est: au lieu de "maintenant", "dans
cinq jours".
M. le Président, vous allez me permettre, dans un premier temps,
de féliciter l'Opposition parce qu'elle s'est beaucoup
améliorée. Autrefois, nous parlions de six mois. Nous avons
passé des heures et des nuits à l'Assemblée nationale
à entendre des discours à répétition sur des
motions de report à six mois. Ensuite, ce furent des motions de report
à trois mois. Ensuite, ce furent des motions de report à un mois.
Je ne crois pas me souvenir qu'on ait jamais parlé de cinq jours.
M. le Président, êtes-vous capable de me dire ce que
l'Opposition apprendra d'ici les cinq fois 24 heures à venir? D'ici cinq
jours, qu'est-ce que vous saurez de plus? Nous sommes sur un débat de
deuxième lecture. Il me semble que c'est une question de principe. De
tous les discours que j'ai entendus ce soir, celui qui m'a
éclairé le plus a été, je dois le dire, le discours
du député d'Argenteuil, votre ancien chef, qui, dans sa grande
sagesse et dans sa grande lucidité - probablement qu'on lira des
articles sur cela dans les prochains jours - a dit: II y a une chose qui est
claire et sur laquelle tout le monde s'entend: les affaires municipales
relèvent du gouvernement des provinces, dans l'ancienne constitution,
dont personne d'entre nous n'avait jamais entendu parler, on en a
hérité. Mais dans la nouvelle constitution, le "Canada Bill"...
Sauf erreur, l'Opposition, le Parti libéral du Québec, ne l'a
jamais acceptée, cette nouvelle constitution. Mais, la force de la loi
étant ce qu'elle est, on est obligé de vivre dans cet ordre
constitutionnel qui reprend presque mot à mot le fait, dans l'ancien
article 92 du "British North America Act", comme on l'a dit tout à
l'heure, que les affaires municipales relèvent très clairement -
"very clear" a déjà dit M. Lesage en Colombie britannique - du
pouvoir des provinces. Je me demande si l'Opposition libérale à
Québec a besoin d'attendre cinq jours pour comprendre cela. Cela me
semble très clair.
Il y a une chose aussi qui me frappe, c'est que tout le monde veut
s'entendre. J'entendais tantôt mon bon ami, le député de
Hull. D'abord, il veut avoir la peau de mon collègue des Affaires
municipales. Il fait partie de l'équipe des nouveaux bagarreurs. Il dit:
Le grand ministre des Affaires municipales ne veut pas négocier, ne
s'entendra jamais avec le gouvernement fédéral. Erreur, ne
dérangez pas vos cartes en cas d'erreur. Mon collègue, le
ministre des Affaires municipales - c'est peut-être cela qu'Ottawa lui
reproche le plus - c'est le ministre des Affaires municipales qui a
négocié le plus grand nombre d'ententes
fédérales-Québec. Il y en a eu un pour un montant de 1 200
000 000 $ depuis que nous sommes élus. Cela fait mal à M.
Chrétien, cela fait mal à M. Lalonde. Si mon souvenir est bon,
beaucoup de ces ententes ont étés signées sous le
gouvernement de M. Clark, entre autres, dans le domaine des infrastructures
municipales. J'ai comme l'impression que le discours que nous entendons ce
soir, c'est l'écho fidèle d'une intention et d'une volonté
machiavéliques et directement orchestrées à partir de la
maison mère qui a son "head office" à Ottawa.
Je vois l'ancien député d'Outremont qui est à la
veille de donner son siège parce qu'il a des ambitions à
Hydro-Québec. Vous
êtes en train de faire une erreur, vous aussi. Souvenez-vous de
ceci, mesdames et messieurs du Parti libéral du Québec: M.
Lalonde, qui est aujourd'hui ministre fédéral des Finances, a
dit: "II faut se comporter au Québec - et il a donné ordre
à sa police en conséquence - comme si nous étions en
territoire occupé." Cela ne fait pas un siècle, c'est dans les
années récentes. L'attitude que l'on peut entendre ce soir,
à Québec, est le reflet fidèle, le soutien à cette
démarche et à cette entreprise systématique de vouloir
déstabiliser nos institutions municipales au Québec.
Je puis vous dire, M. le Président, que ce n'est pas le maire de
Cap-de-la-Madeleine, ce n'est pas le maire de La Tuque, ce n'est pas le maire
de Québec qui va me faire changer d'idée sur le principe du
projet de loi, ni maintenant, ni dans cinq jours. Ce que nous voulons, c'est
que les choses soient claires dans l'ordre constitutionnel qu'on nous a
priés de bien vouloir encaisser malgré que, des deux
côtés de la Chambre, sauf 9 ou 10 voix, si je me souviens bien,
personne n'en voulait. Maintenant qu'on est pris avec, suivons, mais
respectons-le au moins. Sauvons au moins notre dignité dans ce
régime.
De quoi s'agit-il dans le projet de loi 38? On dit, de ce
côté-ci de l'Assemblée nationale: II y a peut-être
des millions qui se baladent et on ne veut pas que le gouvernement
fédéral subventionne les zouaves pontificaux pour construire des
trottoirs à la place des municipalités. On ne veut pas que le
club Optimiste construise un garage municipal. On ne veut pas que le maire de
Cap-de-la-Madeleine bâtisse un parc industriel dont sa ville n'a pas
besoin, alors qu'il existe un comité directeur sur les ententes
auxiliaires régissant les infrastructures industrielles. C'est aussi
simple que cela. On est prêt à s'entendre. Celui qui va venir me
faire croire que mon collègue, le ministre des Affaires municipales, est
un mauvais garçon, qu'il est malin, le connaît très mal.
C'est le plus gentil des garçons, il est prêt à s'entendre.
Il est même allé négocier avec Ottawa. Il est allé
chercher 1 200 000 000 $. M. Chrétien a déjà dit, un jour:
Notre argent, on va le dépenser nous-mêmes.
Vous, M. le député, même si vous n'êtes pas
à votre siège, je vais vous dire quelque chose. Je vais vous
parler un peu de ma région. Je vais vous rappeler le dossier La Prade.
Cela vous rappelle quelque chose? Voilà un beau cas! Notre région
a perdu 640 000 000 $.
Une voix: C'est de l'argent cela.
M. Duhaime: Le gouvernement conservateur a dit: Nous allons,
nous, accepter le principe d'indemniser Québec: 200 000 000 $. On
réclamait 400 000 000 $. On a dit: On va régler pour 200 000 000
$. On a dit: 80 000 000 $, 60 000 000 $, d'accord. On est même prêt
à renoncer aux intérêts. Quand vos amis à Ottawa ont
repris le pouvoir, les 200 000 000 $ sont partis dans la brume, sauf que,
pendant qu'on parle d'élections -un peu plus de ce temps-là -
finalement, M. Lalonde et M. Chrétien ont fini par dire: Bien sûr,
vous allez avoir 200 000 000 $, bien sûr! Mais qui va décider
cela? On ne s'entendra pas avec le gouvernement du Québec, même
s'il y a eu, premièrement, un ultimatum, deuxièmement, un
ultimatum, troisièmement, une entente entre Énergie atomique du
Canada et Hydro-Québec, entre le gouvernement d'Ottawa et le
gouvernement du Québec, à savoir que l'indemnité serait
versée.
Qu'est-ce qui s'est produit? Quelquefois, M. Chrétien est de
mauvaise humeur. Il a décidé un bon jour que c'est lui qui
administrait cela tout seul. Il a dit: J'ai six ou sept députés
dans la région, vous aurez chacun de 25 000 000 $ à 30 000 000 $,
faites votre "shopping list". On a promis une aréna à
Saint-Gabriel-de-Brandon pour 4 000 000 $. On a promis au maire de La Tuque un
petit montant; on a promis au maire de Cap-de-la-Madeleine 4 000 000 $. Il a
même dit ceci: Le port de mer de Trois-Rivières est le dernier de
tous les ports de mer de tout le Canada à être modernisé.
Les gens de ma région demandaient 16 000 000 $. Le gouvernement
fédéral a décidé dans sa sagesse que ce serait 8
000 000 $. Il a dit: Ce sera l'indemnité du dossier La Prade. Une salle
de quilles, une subvention à l'âge d'or, une subvention à
l'AFEAS. C'est comme cela, on tire cela au vent.
Qu'est-ce qui arrive sur le plan de la fiscalité des
municipalités, M. le Président? Je regrette beaucoup que mon
temps s'épuise, je vois que cela vous intéresse beaucoup.
Qu'est-ce qui se produit? On veut annuler complètement les bienfaits et
les effets de la loi 57 sur la réforme de la fiscalité
municipale. J'aurais même le goût de proposer un sous-amendement,
de proposer cinq mois. Si l'Opposition ne peut se faire une idée claire
et nette sur un projet de loi comme celui-là en cinq jours, je ne vois
pas comment elle pourrait le faire en cinq mois ou même en cinq ans. (1 h
40)
Je voterai contre cette motion de report. Je suis prêt à
voter pour ce projet de loi en deuxième lecture et à le faire
maintenant. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de
Sainte-Marie.
Une voix: Mêle-toi pas de cela.
Le Président: De quoi voulez-vous que M. le
député de Saguenay ne se mêle pas? J'ai cédé
la parole à M. le député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, que mon collègue se
rassure, je serai plus bref que le temps m'y autorise. Vous allez
peut-être y perdre au change. Cependant, je voudrais vous signaler, en
début d'intervention, que je suis déjà intervenu sur le
débat de deuxième lecture quant au projet de loi qui est devant
nous. Je me suis prononcé pour l'adoption du projet de loi 38 en
deuxième lecture parce que je jugeais, dans les circonstances, que
c'était la seule solution qui demeurait possible, compte tenu du
dossier.
Tantôt, le député de Saint-Maurice disait qu'il
avait écouté attentivement l'intervention du député
d'Argenteuil, ce que j'ai fait, moi aussi. Que nous a dit, finalement, le
député d'Argenteuil? Il nous a dit que, dans l'ensemble du
dossier, il était obligé de reconnaître que le gouvernement
avait raison, sauf qu'il précisait que, selon lui, le gouvernement
n'avait pas exploité à fond tous les aspects de la
négociation. C'est un argument qui m'a frappé et je pense qu'on
doit le regarder de plus près. Dans le fond, la motion qui vise à
retarder l'adoption en deuxième lecture du projet de loi 38 serait
inacceptable si elle avait comme effet d'empêcher le Parlement de se
prononcer de façon rapide sur le projet de loi 38. Par exemple, si on
visait à empêcher de voter ce projet de loi 38 avant la fin des
travaux de l'Assemblée nationale, on serait obligé de repousser
une motion de report, sauf qu'on est placé devant une motion de report
qui demande cinq jours de délai. Pourquoi demande-t-on ces cinq jours de
délai? C'est pour que les groupes qui se prononcent contre le projet de
loi 38 puissent venir rencontrer les parlementaires, pas pendant cinq jours,
mais à un moment donné, pendant cette période.
Le député de Saint-Maurice disait: Qu'est-ce qu'on va
apprendre de neuf? Je pourrais peut-être souligner au
député de Saint-Maurice qu'une commission parlementaire, ce n'est
pas juste pour que les parlementaires apprennent quelque chose. Cela peut aussi
servir à faire expliquer davantage la position gouvernementale. Il ne
serait pas inutile de rencontrer les groupes qui se sont prononcés
contre le projet de loi 38 pour, au moins, leur expliquer plus longuement et
avec un échange de vues leur faire comprendre les objectifs poursuivis
par le gouvernement du Québec.
Les députés de l'Opposition, qui sont intervenus sur le
projet de loi 38, ont tous été d'accord pour dire que les
questions municipales étaient de juridiction provinciale. Ils ont tous
été d'accord pour dire qu'il fallait faire respecter cette
juridiction. Il ne s'agit pas de remettre en cause la juridiction même.
Il s'agira, cependant, à un moment donné, de prendre les moyens
pour la faire respecter, ce qui, selon moi, est l'objet du projet de loi 38.
Comment peut-on, à partir du moment où on a l'assurance qu'avant
l'ajournement de la session on pourra voter cette loi, refuser un délai
aussi court? L'expérience dans cette Chambre nous apprend que, des fois,
on gagne du temps en en perdant un peu Si, pour certaines personnes, c'est de
perdre du temps de recevoir des gens pendant une journée, ils pourraient
peut-être regarder cela sous un autre angle. Peut-être que cela
leur en ferait gagner doublement. D'abord, au niveau du déroulement de
nos travaux et, deuxièmement, au niveau de la sensibilisation des
groupes qui actuellement ne comprennent pas de façon évidente les
orientations et les objectifs poursuivis par le gouvernement dans son
projet.
Compte tenu de ce que je viens de dire, M. le Président,
même si je suis favorable à l'adoption du projet de loi 38 en
deuxième lecture, même si je pense qu'effectivement il faut voter
cette motion de deuxième lecture et procéder à l'adoption
finale de la loi avant l'ajournement de nos travaux, je dis que cette motion ne
vise pas à empêcher la législation. C'est une motion qui ne
ferait que permettre à des groupes de venir se faire entendre. Cette
motion, tout en atteignant l'objectif de permettre à des groupes de
s'exprimer et au gouvernement de mieux leur expliquer sa position, n'aurait pas
comme effet de bloquer les travaux législatifs. Dans ce sens, je ne
comprends pas l'entêtement du gouvernement à ne pas accepter cette
motion qui est présentée par l'Opposition.
En conséquence, je me déclarerai favorable à la
motion de report parce que je n'ai pas l'impression qu'elle retarde
indûment les travaux de la Chambre quant à l'adoption du projet de
loi 38. Je maintiens, cependant, qu'il va falloir adopter ce projet de loi 38
avant l'ajournement de Noël.
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, je pense que le
député de Sainte-Marie vient, par une mauvaise argumentation, de
plaider pour l'acceptation de la motion de report. En effet, beaucoup de nos
concitoyens qui sont moins familiers avec les procédures parlementaires
pourront se demander ce que cinq jours représentent. Cependant, il faut
bien se
rendre compte qu'en fait les cinq jours représentent toute la
semaine prochaine et qu'il ne restera, à ce moment, que trois jours de
session pour tenter d'adopter un projet de loi où l'Opposition se fait
fort de défendre les intérêts de ses amis à Ottawa
et se fait donc fort de bloquer, finalement, le processus parlementaire.
Ce que le député de Sainte-Marie suggère donc, avec
une certaine candeur que je ne lui connais pas naturellement, c'est de
s'imaginer qu'effectivement nous pourrons, dans les trois derniers jours de la
session, avoir un débat de fond et même nous permettre
d'étudier plus en détail, article par article, le présent
projet de loi. Comme on sait que le ministre responsable a déjà
reconnu l'importance d'apporter peut-être certains changements à
des modalités du projet de loi, il est peut-être important
qu'à ce moment on ait un véritable débat article par
article du présent projet de loi autrement que dans la hâte des
dernières heures avant Noël.
Or, cette motion de report remet en fait en cause le principe même
du projet de loi, parce que la question qu'il faut se poser est bien simple:
Peut-on accepter que des municipalités reçoivent directement des
subventions du gouvernement fédéral à des fins proprement
municipales? C'est là la question. Même s'il y avait une entente
fédérale-provinciale comme nous avons pu en signer, par exemple,
le cas des ententes PAEC qui permettaient de canaliser des fonds
fédéraux avec des fonds du Québec vers les
municipalités, cela n'enlèverait rien au problème
fondamental: peut-on accepter que le gouvernement fédéral verse
des sommes à des municipalités?
Or, nous le reconnaissons tous à l'Assemblée nationale -
l'Opposition l'a reconnu -les questions municipales sont essentiellement de
compétence provinciale. Mon collègue, le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration, a déniché un
article fort intéressant de Pierre Elliott Trudeau où il traite,
justement, de ces questions de l'intervention d'un gouvernement comme le
gouvernement fédéral dans ce domaine qui est de juridiction
proprement provinciale. D'ailleurs, il n'y va pas avec le dos de la
cuillère, ce M. Pierre Elliott Trudeau, lorsqu'il traite de la question.
Je reprends quelques citations, parce que je crois qu'il vaut la peine de se
souvenir de ce qu'il pensait sur la question. Parlant des subventions aux
universités qui sont de juridiction provinciale, il dit: "En effet, il
reste du devoir de chaque gouvernement de s'assurer qu'il ne perçoit pas
d'impôts pour cette partie du bien commun qui ne dépend pas de
lui." Principe simple. (1 h 50) "Si le gouvernement fédéral a un
surplus de deniers tel qu'il peut en donner dans un domaine qui ne le concerne
pas - à l'époque, c'était le système universitaire
- ce qu'il a fait, c'est qu'il a perçu pour l'enseignement, qui ne
relève pas de lui, "des argents" qui, s'il les avait laissés aux
provinces, auraient servi aux fins voulues par l'électorat de cette
province." Principe simple qui dit que le gouvernement fédéral ne
peut pas prélever d'impôts au Québec pour accorder des
subventions dans un secteur qui n'est pas de sa juridiction.
M. Trudeau poursuivait même en disant: "C'est insultant
pour les provinces de se voir offrir des cadeaux avec ce que le premier
ministre du Canada leur dit être de l'argent de leurs propres
contribuables."
Le gouvernement accepte qu'il y ait, lors de la commission
parlementaire, auditions des représentants des municipalités, des
municipalités régionales de comté pour discuter des
modalités du projet de loi. Ce que nous disons, par contre, c'est sur le
principe même, à savoir: Est-ce que le gouvernement
fédéral peut verser des sommes dans un domaine qui n'est pas de
sa juridiction? Là-dessus, nous ne pouvons pas faire de compromis. Ce ne
serait pas, d'ailleurs, un compromis; ce serait de la compromission.
Il faut aussi comprendre la situation délicate où se
trouvent les maires de nos municipalités. Comment ceux-ci peuvent-ils
défendre devant leur électorat le fait qu'ils refuseront des
subventions fédérales qui permettraient certainement d'apporter
tel ou tel avantage à la municipalité? Ils sont très mal
placés. Ils sont en conflit d'intérêts. De la même
façon qu'à l'époque de ce célèbre conflit
impliquant les universités et le gouvernement fédéral,
sous le régime de M. Saint-Laurent, les universitaires avaient
"traficoté" pour tenter d'accepter les offres du gouvernement
fédéral. M. Trudeau à l'époque n'était pas
tendre pour ce "traficotage" qu'il n'acceptait pas. Il disait: "Les
universitaires sont aussi des électeurs et des électeurs
influents. S'ils avaient un peu mieux compris, ils auraient pu faire accepter
par le fédéral des théories plus saines sur la
fiscalité fédéraliste."
De fait, personne ne peut décemment refuser de l'argent, surtout
lorsqu'on doit répondre à un électorat, comme c'est le cas
pour nos maires et nos conseillers municipaux. Au départ, de tels
cadeaux nous apparaissent gratuits. Ils sont le résultat d'une
générosité du prince. Le gouvernement, notre
député fédéral nous offre une subvention. Il n'y a
pas de conditions. Donc, quel risque y a-t-il à courir? Une fois
l'habitude prise, une fois des besoins récurrents satisfaits par le
biais de ces subventions, on a donc dégagé des sommes qu'on
aurait dû consacrer à cette fin et on les alloue ailleurs. Donc,
on a développé certaines habitudes de dépenses et le recul
n'est plus possible. À un moment donné, on
ne peut plus se passer de cette subvention.
Entre-temps, l'administration qui verse les subventions va rapidement
prétendre que les sommes ne sont pas toujours utilisées de la
façon la plus correcte, qu'il faut exercer un contrôle normatif un
peu plus suivi. Par conséquent, on verra tranquillement se
développer une deuxième administration parallèle à
l'administration du Québec qui doit s'occuper de ces
municipalités, une deuxième administration, celle-là
fédérale, qui poursuivra exactement les mêmes objectifs.
Elle s'intéressa aux problèmes de la santé
financière des municipalités, aux priorités que doivent se
donner les municipalités et voudra éventuellement régir
les dépenses mêmes des municipalités.
Cette double bureaucratie, comme on l'a vu au Québec dans
énormément de domaines, va faire en sorte que nos concitoyens
devront continuer de payer deux fois des taxes pour s'offrir deux fois les
mêmes services. Non pas que l'administration publique
fédérale soit moins honnête que l'administration publique
québécoise. J'ai vécu un dossier, par exemple le dossier
des pâtes et papiers, où notre administration avait conçu
un programme où on mettait l'accent sur l'universalité. On
disait, tout simplement, qu'il faudrait que ce programme soit offert à
tous puisque ces entreprises sont en concurrence. On voulait jouer sur la
concurrence entre les entreprises pour stimuler leur désir de se joindre
au programme et, éventuellement, de moderniser leurs usines.
C'était notre point de vue.
D'autre part, il y avait aussi le point de vue des fonctionnaires
fédéraux qui, eux, disaient: II y a sans doute un bon nombre de
projets que nous n'aurions pas à subventionner; allons-y essentiellement
sur une base ad hoc, individuelle et non pas universelle. Nous avions un point
de vue; ils avaient leur point de vue. Ce n'était pas
nécessairement un point de vue mauvais, mais ils partaient d'une analyse
différente de la problématique et nous pensions que notre
approche était valable. Du côté fédéral, je
présume qu'on pensait de même.
La conséquence, c'est que, pendant une année et demie,
nous avons bloqué les investissements au Québec simplement parce
que nous n'arrivions pas à nous entendre. Lequel céderait? De
fait, l'élection fédérale étant survenue à
l'époque, le gouvernement fédéral avait finalement
accepté de se rallier à notre position; c'est ainsi qu'on avait
pu régler ce programme des pâtes et papiers. Nous avions
reporté d'un an et demi les investissements essentiels. C'est ce type de
conséquence: des doubles bureaucraties, des doubles administrations, qui
occasionne des coûts élevés et auquel il faut prendre
garde.
Qu'il y ait entente entre Québec et Ottawa n'a rien à voir
avec le principe selon lequel on peut accepter qu'un gouvernement qui n'a pas
juridiction dans un domaine prélève des impôts au
Québec pour le dépenser dans des domaines où il n'a pas
juridiction. À cela nous disons non et, par conséquent, il n'y a
pas lieu de remettre en cause le principe de cette loi. Nous pouvons entendre
les parties intéressées à témoigner sur les
modalités d'application du présent projet de loi, mais je pense
que le principe du projet de loi, il nous faut prendre les moyens
nécessaires pour l'adopter le plus rapidement possible. Merci.
Le Président: M. le député de Papineau.
M. Mark Assad
M. Assad: Merci, M. le Président. Je remercie la
municipalité régionale de comté de Papineau qui, il y a
quelques semaines, s'est prononcée sur le projet de loi 38. J'ai pris la
peine de communiquer avec quelques maires qui font partie de cette MRC et je
leur ai demandé les raisons pour lesquelles ils s'y opposaient ou ne
partageaient pas les mêmes idées que le gouvernement sur le projet
de loi 38.
Évidemment, le préfet de la MRC de Papineau, qui
était candidat du Parti québécois aux dernières
élections, s'est abstenu de voter. J'ai vérifier cela et je l'ai
remarqué. Les maires m'ont donné les raisons pour lesquelles ils
se sont abstenus. D'abord, ils disent que, depuis que le Parti
québécois forme le gouvernement du Québec, il a
enlevé la ristourne sur la taxe de vente; cela a ajouté un
fardeau sur leur dos puisqu'ils ont dû taxer davantage leurs concitoyens
pour boucler leur budget et c'est de plus en plus difficile à mesure que
le temps passe. Deuxièmement, en enlevant cette ristourne sur la taxe de
vente, le gouvernement avait promis de libérer le champ de taxation au
chapitre de la taxe scolaire. Après quelques années, on
s'aperçoit que, malgré cette promesse, 60% du champ de taxation
reste toujours au niveau scolaire.
Les propos des maires de ma région ne sont pas
antigouvernementaux. Ils veulent -et ils me l'ont expliqué - garder une
marge de manoeuvre pour aider leurs concitoyens à progresser et,
surtout, améliorer le sort de leurs concitoyens dans leurs
municipalités respectives. Ils sont obligés de taxer davantage
pour boucler leur budget et, comme ils me l'ont dit, ils manquent de
l'oxygène nécessaire. La motion de mon collègue, le
député de Hull, vise à remettre à plus tard
l'étude de ce projet de loi pour qu'on entende les maires. Ils m'ont dit
que, si cette occasion se présentait, ils viendraient certainement
à Québec pour faire valoir leurs arguments.
Il faut dire, M. le Président, que le projet de loi tel qu'il
est, sans compromis avec le gouvernement fédéral, est un
obstacle pour les municipalités. Il faut dire que les conflits
habituels que ce gouvernement a avec le gouvernement fédéral
touchent maintenant les municipalités; celles-ci ne sont pas en mesure
d'administrer avec des déficits chaque année, comme le fait le
gouvernement provincial. Comme vous le savez, les municipalités sont
obligées de trouver, année après année, les moyens
de boucler leur budget; elles ne peuvent pas administrer comme le gouvernement
avec des déficits et des emprunts à long terme.
Quand je vois la série de défaites des conseils municipaux
et des maires des différentes municipalités, je me demande si le
gouvernement d'en face n'en est pas en partie responsable. Parce qu'ils ont
été obligés de taxer davantage leurs concitoyens lors des
élections municipales, ils ont subi la défaite. Les pressions
étaient peut-être trop fortes et les gens ont trouvé qu'ils
n'avaient pas bien administré. Mais quand on constate que ce
gouvernement, année après année, leur enlève la
marge de manoeuvre nécessaire pour fonctionner, on comprend le sort des
municipalités et celui de ceux qui ont essayé d'administrer au
niveau municipal.
Je crois qu'il serait à l'avantage du gouvernement d'avoir une
commission parlementaire pour écouter ce que les municipalités,
les maires et les administrateurs au niveau municipal ont à lui
communiquer. Ils vont lui dire que le champ de taxation municipale est rendu
quasiment insupportable. Ils savent que c'est leur argent et ils ont le droit
de donner leur opinion concernant les sommes d'argent qu'ils versent au
gouvernement central. Ils ne comprennent pas pourquoi leur gouvernement, qui se
dit leur défenseur, ne leur donne pas la chance d'exprimer leur point de
vue et surtout peut-être d'en arriver à un compromis
nécessaire afin de leur venir en aide.
La motion de report du député de Hull arrive à
point. Comme certains de nos amis d'en face l'ont mentionné, c'est
seulement cinq jours. Je prétends qu'à une commission
parlementaire les maires des différentes municipalités pourraient
apporter une contribution qui aiderait non seulement leurs concitoyens au
niveau municipal, mais aussi le gouvernement à se rendre compte de ses
gestes. Ces conflits, qui sont devenus habituels avec le gouvernement
fédéral, nuisent surtout à ceux qui sont, comme le veut
l'expression, sur la première ligne de feu, c'est-à-dire le
palier municipal.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je demande
l'ajournement du débat.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, en espérant que la
nuit va porter conseil à l'Opposition, je demande que nous ajournions
nos travaux à aujourd'hui, dix heures.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: L'Assemblée nationale ajourne donc
ses travaux à ce matin, dix heures.
(Fin de la séance à 2 h 04)