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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 15 décembre 1983 - Vol. 27 N° 64

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures deux minutes)

Le Président: À l'ordre!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez prendre vos places.

Affaires courantes.

J'espère que la population qui nous regarde ne vous dérange pas.

Dérisions du Bureau de l'Assemblée nationale

Au dépôt de documents, j'ai le plaisir de déposer les décisions 61 à 63 du Bureau de l'Assemblée nationale.

M. le ministre du Travail.

Rapports annuels du Conseil consultatif

du travail et de la main-d'oeuvre

et du ministère du Travail

M. Fréchette: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1982-1983 du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, de même que le rapport annuel 1982-1983 du ministère du Travail.

Le Président: Rapports déposés.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions élues, ni d'autres rapports de qui que ce soit, ce qui nous mène à la période des questions des députés.

M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable premier ministre. Est-ce qu'on s'attend à sa présence ici ce matin?

Une voix: II est parti récupérer le passeport.

Une voix: II est en transit.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Dans quelques minutes.

Le Président: Entre-temps, M. le député de Laurier.

Le favoritisme dans le réseau de l'aide sociale

M. Sirros: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à la ministre de la Main- d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Hier, elle disait qu'elle allait s'informer en lisant le deuxième rapport d'enquête dont elle a finalement trouvé l'existence. Est-ce qu'elle pourrait aujourd'hui nous expliquer comment il se fait que, jusqu'à maintenant, à la suite de cette lecture du rapport, il n'y a pas eu de mesures disciplinaires contre les autres fonctionnaires impliqués dans ce système de favoritisme?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Le député de Laurier, je pense, confond deux dossiers et j'aimerais bien que cela soit clair pour qu'on ne confonde pas les dossiers dont il s'agit. On a déjà parlé d'un autre dossier, ici, qui référait à du favoritisme. Effectivement, le dossier dont il parle maintenant en est un autre qui concerne une question de gestion.

Cela dit, j'ai pris connaissance du rapport. Je puis même dire qu'il y a eu correction, si on veut, où on a effectivement rendu justice et été équitables à l'endroit du gestionnaire concerné par la plainte. D'autre part, il n'y a effectivement pas eu sanctions. Il y en aura cependant, M. le Président. Merci.

M. Picotte: M. le Président, question additionnelle.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Hier, j'ai demandé à Mme la ministre de vérifier si M. André Roy a fait du tordage de bras auprès du candidat qui s'était classé deuxième sur la liste d'admissibilité pour permettre à M. Claude Labbé d'être nommé directeur régional de la région de Québec. Est-ce que Mme la ministre pourrait me dire, ce matin, s'il est exact que, le 26 mars 1982, André Roy, en compagnie de M. Roland Guérin, a convoqué le candidat de deuxième rang pour lui faire savoir qu'il était préférable pour ce dernier de refuser le poste de directeur régional de la région de Québec?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: M. le Président, la plainte dont on fait état dans le deuxième dossier ne concerne absolument pas et d'aucune façon la région de Québec. Il s'agit d'une

autre région du Québec. Des voix: Ah!

Mme Marois: Deuxièmement, je pense que nous sommes ici pour répondre à des questions d'intérêt public.

Une voix: Ah oui!

Mme Marois: Si on croit qu'il y a matière à ce qu'il y ait intervention à l'endroit des personnes dont on mentionne les noms ici, en cette Chambre, je trouve carrément injuste et inacceptable qu'on se serve de son immunité parlementaire pour mentionner les noms de ces personnes ici, sans qu'elles aient, d'aucune façon, le moyen de pouvoir se défendre. Merci, M. le Président.

M. Picotte: M. le Président, j'ai demandé...

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: ...et je redemande à Mme la ministre s'il est exact que M. André Roy, surnommé le parrain, accompagné de M. Roland Guérin, ont convoqué le candidat qui a passé l'examen, l'entrevue pour tous ces postes - que ce soit à l'intérieur d'un rapport d'enquête ou non - et ont fait du tordage de bras pour dire à ce candidat de deuxième choix: Tassez-vous pour permettre à M. Claude Labbé, dont il a été fait mention dans vos rapports, de prendre le poste qu'il a présentement comme directeur régional de la région de Québec. C'est cela que j'ai demandé à la ministre. Qu'elle me réponde à cette question et j'en aurai une autre additionnelle par la suite.

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu

Mme Marois: M. le Président, je ne répondrai pas à cette question. J'ai déjà dit qu'il s'agissait, dans ce deuxième dossier, d'une autre région du Québec. Je pense que cette réponse était satisfaisante, à mon point de vue.

D'autre part, à partir du moment - le président de la Commission de la fonction publique l'a dit lui-même - où ces rapports d'expertise, d'évaluation sont confidentiels, il est entendu que je ne répondrai pas à ce type de question.

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, la ministre pourrait-elle vérifier ce qui s'est passé dans le bureau de M. Roy, avec M. Roland

Guérin, le 26 mars 1982, d'une part, avec le candidat classé deuxième? En plus, la ministre pourrait-elle s'informer s'il n'y aurait pas eu une conférence téléphonique avec huit directeurs de centres locaux de la région de Québec, les avertissant que le candidat de deuxième rang n'aurait pas le poste, parce que, justement, les autorités préféraient ne pas le voir dans le portrait? Pourrait-elle vérifier cela? Si nécessaire, je donnerai à la ministre les noms des huit personnes qui ont assisté à cet appel-conférence téléphonique.

(10 h 10)

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: M. le Président, je prends avis des commentaires du député de Maskinongé.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Laurier.

M. Sirros: Hier, M. le Président, la ministre nous disait qu'elle voulait répondre honnêtement et franchement. N'est-il pas exact que, même si le deuxième rapport d'enquête concerne une autre région, les personnes, en tant que gestionnaires, mentionnées et impliquées dans les deux rapports se recoupent? En particulier, n'est-il pas exact, si vous voulez, que les personnes qui ont été nommées ici à cette Chambre sont concernées par les deux rapports, même si effectivement il s'agit d'une autre région?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: M. le Président, dans un ministère, il y a un certain nombre de fonctions et de responsabilités bien départagées et bien définies, de façon hiérarchique, de telle sorte qu'on retrouve à la tête du ministère un certain nombre de responsables, des sous-ministres, des directeurs généraux. Si on veut faire des recoupages de noms quand des personnes sont à la tête et ont des responsabilités, il est évident qu'on arrivera toujours à ces noms, qu'on le veuille ou non.

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Est-ce qu'il n'est pas du devoir de la ministre de répondre à cette Chambre et à la population des gestes posés par des fonctionnaires, s'il y a eu du favoritisme, du patronage et du népotisme connus par la ministre en question?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: M. le Président, je pense avoir éclairé le mieux possible cette Chambre. J'ai donné, ce matin, une réponse claire quant au deuxième dossier, en disant qu'il y aurait sanctions. Quant au premier dossier, j'ai déposé à ce jour l'ensemble des étapes franchies, le fait que nous ne pouvions poursuivre ces avis, ces règles du jeu. L'ensemble des étapes franchies, a été déposé. Je pense avoir, jusqu'à maintenant, très bien répondu aux questions qui m'ont été posées.

Le Président: M. le député de Maskinongé, dernière complémentaire? M. le chef de l'Opposition, question principale.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable premier ministre. Je pense bien qu'il s'attend à cette question. Il a dû avoir le temps d'y penser.

Une voix: II aurait dû y penser avant.

La réaction du président de l'Italie aux propos du premier ministre

M. Levesque (Bonaventure): Je pense bien qu'on a compris la remarque à savoir que le premier ministre aurait dû y penser avant. À la suite, de l'entretien du premier ministre du Québec avec le président de l'Italie, Sandro Pertini, on se rappelle qu'au cours des questions que j'ai posées au premier ministre j'ai parlé d'abord d'une protestation de l'ambassade de l'Italie à Ottawa. Le premier ministre a donné ses commentaires là-dessus. Ensuite, il y a eu la protestation du gouvernement italien par la voix du ministre plénipotentiaire,

Michelangelo Iacobucci, et, ce matin, nous apprenons que c'est le président lui-même qui intervient, celui que le premier ministre qualifiait de grand francophile, un ami du Québec, un homme qui a son franc parler, un homme qui faisait l'admiration du premier ministre du Québec, d'après les propos qu'il nous a livrés en cette Chambre. M. Pertini, le président de l'Italie, maintenant émet une note diplomatique à l'ambassadeur du Canada à Rome et dans des termes qui, en langage diplomatique, nous semblent très sévères. Je cite: "Le président est profondément irrité et ulcéré de l'exploitation qu'a cherché à faire le premier ministre, René Levesque, de ses propos et l'interprétation fausse et perverse qu'il leur avait donné."

Dans les circonstances, M. le Président, je me demande si le premier ministre n'a pas pensé à réviser son attitude de cette semaine, particulièrement celle d'hier, lorsqu'il refusait, devant cette Chambre, de songer à des excuses. N'y aurait-il pas lieu, ce matin, que le premier ministre dise à cette Chambre ce qu'il a l'intention de faire pour restaurer l'honneur et la dignité du peuple québécois et pour ramener des relations cordiales avec le gouvernement italien, chose qui était très normale et qui a été traditionnellement respectée par le Québec dans le passé?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Levesque (Taillon): M. le Président, premièrement, je ne crois pas que ce soit tout à fait le chapitre de l'apocalypse qu'essaie d'évoquer le député de Bonaventure. Il semble, par ailleurs - je le dis sous toute réserve et ce sont des choses qui arrivent, mais on est en train de vérifier - que la version transmise par l'ambassade canadienne ne soit peut-être pas tout à fait conforme à la réalité. Encore une fois, je le dis, c'est ce qu'on vient de nous apprendre. Peut-être, y a-t-il des choses qui ne seraient pas tout à fait exactes.

Cela dit et quoi qu'il en soit, inutile de dire que je regrette et très vivement que M. Pertini ait pu se sentir ennuyé par les propos que j'ai tenus, des propos qui - je crois que c'est le mot clef dans les déclarations qu'on cite - ont enfreint les règles de la diplomatie. Autrement dit, tout en étant non seulement exact, mais fort discret, ce que j'ai révélé à la presse d'un entretien éminemment chaleureux, a contribué à le mettre dans l'embarras. Alors, inutile de le dire, cette situation m'attriste vraiment et je ferai savoir mes regrets à M. Pertini dans les plus brefs délais.

M. Rivest: M. le Président, une question additionnelle.

Le Président: M. le député de Jean-Talon, pour une question complémentaire.

M. Rivest: La question du chef de l'Opposition parlait, dans la note du président de l'Italie, de l'interprétation fausse que le premier ministre avait donnée des propos que M. Pertini lui avait tenus. Mais, malgré les mots "regret", "tristesse" et tout ce que vous voudrez, le premier ministre vient de réaffirmer à la Chambre que les propos qu'il a tenus à la presse rapportant le premier ministre d'Italie étaient ce que le premier ministre du Québec...

Une voix: Le président.

M. Rivest: Le président d'Italie - ce que le premier ministre du Québec a dit à la presse, et c'est de cela que le président d'Italie se plaint. Vos regrets sont bien, M. le premier ministre, mais ne croyez-vous pas que vos regrets sont purement de la formalité de quelqu'un qui a fait un impair majeur et qui ne corrige absolument pas cet impair par les quelques phrases qu'il a

prononcées?

Une voix: Ni de près, ni de loin.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je répète ce que j'ai dit. Tout en étant non seulement exact, mais fort discret, ce que j'ai pu dire à Rome enfreignait probablement ce qu'on appelle les règles de la diplomatie. Le mot "interprétation", je pense, est un mot qui, justement dans ce curieux langage diplomatique, ne signifie pas que quelque chose est faux, mais signifie qu'on n'a pas aimé cela. Encore une fois, cela n'enlève en rien la sympathie que j'ai éprouvée pour le président Pertini et que je lui conserve et je suis encore une fois au regret qu'il ait été contraint de se dire ennuyé, bon!

Une voix: Dégueulasse. Des voix: Oh!

M. Rivest: M. le Président: M. le Président...

Le Président: M. le député de Jean-Talon, question complémentaire.

M. Rivest: ...question additionnelle. M. le premier ministre, dans le dernier volet de votre réponse, vous laissez entendre - je pense que vous devez dissiper cela - que le président de l'Italie aurait été contraint, manipulé ou je ne sais trop, de faire cette note-là, alors que c'est vous qui avez créé l'incident en interprétant faussement les propos du président de l'Italie. C'est le premier élément. Deuxième question, le Québec doit avoir une attitude adulte dans le domaine des relations internationales. Mais, dès le moment où vous avez senti, à votre retour d'Italie, qu'il y avait un problème avec le gouvernement italien, comment se fait-il que personne au gouvernement du Québec n'ait demandé que les services réguliers du ministère des Affaires intergouvernementales communiquent avec le bureau du premier ministre d'Italie ou avec le bureau de la présidence pour faire, en adultes et en gens responsables, ce qui devait être fait? Rien n'a été fait et c'est le Québec...

Le Président: M. le député... (10 h 20)

M. Rivest: ...tout entier qui perd, sur le plan international, son prestige.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je me permettrai de faire remarquer que la question supplémentaire était une sorte de discours.

Des voix: Oh!

M. Lévesque (Taillon): Cela étant dit, je n'ajouterai qu'une chose à ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire que je regrettais que le président Pertini se soit senti ennuyé par les propos que j'ai tenus à Rome, qui étaient exacts, discrets, mais qui enfreignaient - je cite le texte - "les règles de la diplomatie".

Comme par hasard, j'ai lu une phrase ce matin, dans le dernier numéro d'un grand hebdomadaire européen qui parle de la voie du salut dans le monde. Je n'essaie pas de gonfler les choses, mais cette phrase est celle-ci, à propos de ce chemin du salut: "Si long que soit ce chemin, il doit viser à combler le retard des relations entre les individus, entre les groupes sociaux et entre les peuples sur les relations diplomatiques."

Des voix: Ce n'est pas fort!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Viger.

M. Maciocia: Le premier ministre peut-il encore affirmer de son siège que le président de la République italienne a été contraint de faire cette affirmation diplomatique par l'entremise de l'ambassade canadienne?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): J'ai bien dit: contraint par les règles de la diplomatie.

Des voix: Oh! Ti-Poil la gaffe!

Le Président: À l'ordre! Question principale, M. le député de Brome-Missisquoi.

Une voix: Chef d'État!

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur un rappel au règlement.

M. Lalonde: J'ai entendu des mots à l'adresse du premier ministre qui ne sont pas conformes au règlement, M. le Président. On l'appelait Ti-Poil la gaffe et on n'a pas le droit d'appeler un député par son nom, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, y aurait-il possibilité, je vous en prie, de demander

au député de Marguerite-Bourgeoys de retirer les propos qu'il vient de tenir? Ils sont tout à fait incorrects, disgracieux et vont à l'encontre du règlement, à l'article 99, paragraphe 9. Je lui demande de retirer ses paroles.

Le Président: La question de règlement soulevée par le leader de l'Opposition n'en était manifestement pas une, elle était formulée en termes qui étaient à tout le moins désobligeants...

M. Chevrette: Cela montre son niveau d'éducation.

Le Président: ...et à la rigueur, antiparlementaires. Je peux bien demander au leader de l'Opposition de les retirer, s'il le veut, ou, alors, on peut tout simplement laisser la population qui nous regarde les juger.

M. le député de Brome-Missisquoi.

L'équipement d'Urgences-santé

M. Paradis: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales dans le dossier Urgences-santé. Dans ce dossier, les médecins réclament de l'équipement apte à sauver des vies et plus spécifiquement dans le dossier des moniteurs défibrillateurs, pour qu'on se comprenne bien, les réanimateurs. Le ministre est intervenu à quelques reprises pour rassurer et les médecins et la population quant à son implication dans le dossier. Le 21 octobre dernier, à Montréal, le ministre déclarait publiquement que les moniteurs défibrillateurs avaient été commandés il y avait déjà quelques semaines et que les médecins le savaient et là, je citais le ministre.

Hier, en cette Chambre, le ministre des Affaires sociales a déclaré concernant les mêmes réanimateurs, les mêmes moniteurs défibrillateurs: Oui, la commande a été passée téléphoniquement le 21 novembre, alors qu'il avait déclaré auparavant, le 21 novembre, que la commande avait été passée quelques semaines avant. Tout cela se veut bien rassurant, M. le Président, mais j'ai ici un affidavit du vendeur de la compagnie qui, lui, déclare que c'est le 25 octobre que la commande a été passée. De plus, il déclare avoir tenté de livrer les appareils le 26 octobre, s'être vu refuser la livraison par le directeur des achats, et que, deux jours plus tard, il est retourné pour tenter de nouveau de livrer les appareils, que le directeur des achats et le directeur d'Urgences-santé ont accepté la livraison, mais en lui disant de rapporter les batteries et, surtout, de ne pas en parler, au Dr Boucher, qui était le directeur, médecin coordonnateur d'Urgences-santé.

M. le Président, depuis le début, le ministre fait des déclarations qui se contredisent. Le ministre ne tente pas de régler le problème en faveur des usagers du service. Ma question au ministre est bien simple. Pourquoi ce petit jeu de cache-cache? Qui cherchez-vous à protéger?

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, le 18 janvier 1983 - il y a donc maintenant presque un an - les premières démarches ont été entreprises par Urgences-santé, il y a eu transmission d'informations par M. Bernard Lefebvre, qui est directeur du service d'Urgences-santé, à M. Raynald Gagnon, du MAS, des objets de cotations et de soumissions préliminaires pour l'achat de moniteurs défibrillateurs. Le 1er juillet, il y a eu une demande faite au médecin coordonnateur, c'est-à-dire l'espèce de coordonnateur des médecins dans le champ, qui n'est pas un employé du conseil, mais qui fait partie des équipes médicales dans le champ, de procéder à une étude et à une évaluation des moniteurs défibrillateurs, ce qui a été fait, y compris les tests sur la route, qui ont été faits par un certain nombre de médecins, semble-t-il, durant l'été. Le 22 août, il y a eu dépôt au comité médical du rapport du médecin coordonnateur par le président du comité médical et recommandation du comité médical au conseil régional à l'effet d'équiper les véhicules des médecins de moniteur défibrillateur dans les meilleurs délais.

En septembre 1983, on a élaboré des critères quant au choix du moniteur défibrillateur au niveau de la direction médicale. Des discussions entre la direction médicale, le médecin coordonnateur et le responsable des services techniques ont eu lieu.

Le 28 septembre, dépôt auprès des services partagés de cette analyse conjointe. Et, au mois d'octobre, on a tenté de tirer au clair ce qui se passait chez les éventuels fournisseurs. Il y a neuf fournisseurs dans ce domaine. Il s'agit d'appareils qui valent 8000 $ chacun. Cela représente donc un contrat extrêmement important pour les vendeurs spécialisés dans ce type d'équipement qui y voient leur profit, d'une façon ou d'une autre, et le lobby de ces groupes est considérable. Le rôle du conseil est de s'assurer qu'on a la meilleure marchandise au meilleur prix possible et qu'elle est adéquate pour les médecins. C'est pour cela que tout le processus a pris tant de semaines, vu que les médecins eux-mêmes l'ont testé. Ils ont arrêté leur choix sur l'appareil de Physio-Control dont le représentant a fourni l'affidavit.

Je pense que dans le cours de ces opérations...

Le Président: M. le ministre, en conclusion s'il vous plaît.

M. Johnson (Anjou): ...il n'y a pas eu de cache-cache. Effectivement, le conseil semble ne pas avoir pris livraison des appareils rapidement parce que, encore une fois, il n'avait pas le personnel entraîné et équipé pour s'assurer que, sur le plan de la distribution de l'équipement, on le faisait d'une façon adéquate.

Il fallait bien que le conseil, en ayant les appareils, puisse les distribuer de telle sorte qu'ils soient utiles pour les médecins. C'est exactement ce qui s'est passé. Il n'y a pas anguille sous roche.

Le Président: M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): II a fallu trois semaines pour mettre cela sur pied à partir du moment...

Le Président: M. le ministre...

M. Johnson (Anjou): Même pas trois semaines à mettre cela sur pied, à partir du moment où...

Le Président: Je vous signale que lorsque je vous invite à conclure, c'est que le temps que vous prenez pour une réponse est déjà long. Ce n'est pas simplement un avis consultatif et j'aimerais bien qu'on y obtempère.

M. le député de Brome-Missisquoi, en complémentaire.

M. Paradis: M. le Président, j'insite. On parle d'équipement médical propre à sauver la vie des gens tous les jours à Montréal et les délais de commande et de livraison doivent faire preuve d'une saine administration.

Encore une fois, je répète la question. Pourquoi, le 21 octobre à Montréal, le ministre a-t-il déclaré que l'équipement était commandé depuis déjà quelques semaines, alors qu'il sait très bien aujourd'hui que ce n'était pas vrai et il ne s'est pas récusé là-dessus depuis ce temps-là dans le dossier?

Pourquoi, lorsque l'équipement a été livré le 26, a-t-on refusé d'en prendre livraison? Pourquoi, lorsqu'il y a eu une deuxième tentative de livraison le 28, a-t-on demandé au vendeur de rapporter les batteries et surtout de ne pas en parler au médecin coordonnateur d'Urgences-santé? Pourquoi?

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales. (10 h 30)

M. Johnson (Anjou): M. le Président, quant à la première question, je pense me souvenir que c'était à la sortie d'une conférence où un journaliste ou une journaliste m'avait demandé ce qui se passait au sujet des moniteurs défibrillateurs. j'ai eu quelques minutes pour réagir, étant donné que c'était la première fois que j'entendais parler de ce problème.

Une voix: ...

M. Johnson (Anjou): Mais oui, effectivement. Il y a 950 établissements dans le réseau des affaires sociales et 6 000 000 de citoyens fréquentent nos établissements. Je ne peux pas tout savoir à toutes les minutes. En l'espace de quelques minutes, les renseignements que j'ai obtenus par un de mes collaborateurs qui a réussi à communiquer avec quelqu'un qui était présent à ce moment-là au CCUS indiquaient que ces choses-là étaient en cours. Je pense que la lecture partielle que je viens de faire des événements depuis le mois de janvier 1983 confirme qu'effectivement le conseil était en voie d'achat de ces équipements, d'évaluation... À savoir si c'était le 21 ou le 25 je vous avoue franchement que, rendu à ce stade-là, le conseil est en train de le faire et de les acheter.

La deuxième question, pourquoi est-ce qu'on a refusé? La réponse que le conseil me donne à cet effet - je ne dois pas présumer qu'on a dit: Surtout n'en parlez pas au Dr Boucher, etc.; je ne le sais pas. C'est ce qu'affirme le député, s'il en a des preuves, tant mieux. Je présume que ceux qui ont fait cela devront s'expliquer. Mais, à ma connaissance, ce que le conseil a fait en refusant la livraison ce jour-là, c'est qu'il n'était pas prêt, sur le plan de la logistique, pour s'assurer qu'il pouvait distribuer ces équipements.

Finalement, dans le cas de Physio-Control, je dois dire qu'on a eu des ennuis subséquents, et c'est probablement un des éléments qui ont déclenché la frustration bien légitime des médecins à cet égard. Des événements à cause de la qualité du produit ont amené Urgences-santé à être obligé de diminuer la distribution sur la route du nombre de moniteurs défibrillateurs puisque la compagnie a livré des appareils dont les chargeurs électroniques mettaient les batteries dans des conditions dangereuses. Le conseil régional a dû retirer les chargeurs électroniques et donc procéder à un chargement électrique régulier de ces batteries, ce qui prenait plus de temps compte tenu du nombre d'appareils disponibles. Ainsi, il y en avait moins de disponibles, à ce moment-là, pour les médecins praticiens.

Je dois dire qu'à cet égard la compagnie n'a pas fait ce qu'elle avait à faire étant donné qu'elle aurait dû aviser. Plutôt que de s'empresser de livrer le 26 plutôt que le 27, elle aurait peut-être dû s'empresser d'avertir les médecins et le conseil régional que son appareil, quant au chargement électronique, était inadéquat.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Question additionnelle. Hier, le ministre m'a répondu qu'à partir du mois d'août cela prenait un certain délai parce qu'il fallait préparer les équipes techniques, etc. Aujourd'hui, il me dit que ce délai, c'est à partir de la livraison. Cela fait deux fois qu'il joue avec le même délai pour expliquer, de la part de l'administration, un délai inexplicable. Ma question...

Le Président: S'il vous plaît! La question.

M. Paradis: Ma question est la suivante, M. le Président. En vertu de quel préjugé ou de quel principe administratif avez-vous le droit de refuser la livraison d'équipement médical apte à sauver des vies que vous avez commandé?

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'espère que le député de Brome-Missisquoi n'est pas en train de dire que les gens au CCUS ne font pas leur boulot à l'égard de la santé des gens. Si c'est ce que prétend le député, qu'il traite celui qui vous parle de ce qu'il voudra, qu'il utilise même un vocabulaire non parlementaire si cela lui sied, comme il l'a démontré dans le passé, mais qu'il ne s'en prenne pas à la qualité des services fournis aux Montréalais et qu'il n'inquiète pas 1 000 000 de citoyens en faisant ce qu'il fait.

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre! Question principale, M. le député de Vachon.

Contrat de camions postaux octroyé à une entreprise américaine

M. Payne: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Finances et ministre responsable...

Des voix: ...

Le Président: Pourrait-on au moins permettre au président d'entendre le député à qui j'ai cédé la parole? M. le député de Vachon.

M. Payne: Ma question s'adresse au ministre des Finances, ministre responsable du Comité sur la relance économique. On sait que la Société canadienne des postes refuse d'octroyer un contrat de 4 000 000 $ à une compagnie québécoise pour la fabrication d'unités de camions. Cela risque de faire fermer une usine de mon comté qui emploie 105 personnes. De ce fait, cela augmente le coût de 1000 $ pour le contribuable canadien. J'ai parlé avec le ministre André Ouellet à ce sujet, et il m'a fait savoir que la Société canadienne des postes ne fait que ce que font les États-Unis à cet égard, savoir que la politique d'achat c'est libre. Doutant de cette information, j'ai appelé à Washington et j'ai parlé avec M. Gene P. Siggins, le directeur des contrats du US Postal Service qui m'a confirmé ce que j'avais pensé. Je cite sa politique: "It is the policy of the postal service to give preference to domestic products in accordance with the Buy America Act and the postal contracting manual."

J'ai continué à lui parler pendant quelques minutes et il m'a dit qu'en pratique: "On a case basis, we deviate usually to a much stricter format." Je pose ma question au ministre responsable de la relance économique à l'égard des commentaires de M. Lumley qui a dit que c'est difficile à vendre, le Québec. Peut-il faire connaître à cette Chambre s'il a eu des pourparlers avec M. Lumley et d'autres ministres fédéraux pour savoir si les Américains sont intéressés à acheter des choses des Québécois et même des Canadiens?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, nous avons en effet été alertés depuis quelques jours et je dois dire singulièrement par le député de Vachon de l'anomalie créée par l'octroi d'un contrat de camions postaux par le service postal du Canada à des entreprises américaines où le contenu canadien sera rigoureusement de 0%, où, en particulier, des affaires, des ventes sont enlevées à une entreprise québécoise, ce faisant. Il est tout à fait clair ici, comme le disait le député de Vachon - j'ai eu l'occasion là encore de regarder les documents qui nous ont été envoyés des États-Unis - que le service postal américain ne procéderait jamais de cette façon, qu'il achète les produits de ce genre rigoureusement aux États-Unis, qu'il est hors de question qu'une entreprise canadienne puisse avoir un contrat aux États-Unis sur ce genre de produit et donc que le contraste est étonnant entre l'espèce de naïveté du gouvernement canadien à cet égard, qui accepte de passer un contrat dans ces conditions et d'enlever donc un contrat à une entreprise canadienne, mais en l'occurrence québécoise, et la pratique américaine correspondante.

Dans ce sens, j'ai l'intention, effectivement, de m'adresser au ministre

Lumley à Ottawa pour d'abord essayer de comprendre le pourquoi de cette naïveté du contraste que je viens de signaler et voir dans quelle mesure il y aurait moyen de corriger ce genre de pratique, d'autant plus, M. le Président, qu'on vient de m'alerter à un autre contrat du même type, là encore par le gouvernement fédéral, là encore à une entreprise étrangère où le contenu québécois est de 0%, alors que, semble-t-il, une entreprise québécoise aurait pu faire l'affaire. Je n'ai pas fini mes vérifications dans ce cas, mais j'ai l'impression que nous en sommes au point maintenant, surtout dans une perspective de relance économique, où il faut s'enquérir un peu plus des pratiques suivies par le gouvernement fédéral à l'égard d'une politique d'achat élémentaire pratiquée un peu partout, mais que le gouvernement canadien, de ce temps-ci, semble oublier. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Vachon, en complémentaire.

M. Payne: Très brièvement, M. le Président. Ma question devrait peut-être s'adresser au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Dans le contexte où particulièrement l'Opposition nous accuse de mal négocier avec le fédéral, a-t-il reçu une réponse à ses télex nombreux qu'il a envoyés à Ottawa sur ce dossier qui concerne 105 travailleurs de Vachon? Est-il prêt à vraiment faire quelque chose dans leur intérêt? Est-il en train de négocier avec le fédéral, de bonne foi, pour essayer d'avoir ces contrats au Québec pour le Canada?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, les seules réponses que j'ai eues des ministres fédéraux avec lesquels j'ai communiqué ont été tout simplement des accusés de réception, et ce qui est plus décevant dans le cas des camions postaux, dans ce contrat-ci, c'est qu'il y a environ un an et demi, exactement la même chose est arrivée. À l'époque, le député de Vachon - on s'en souvient - lui aussi s'était battu. M. Gray était ministre de l'Industrie et du Commerce fédéral, M. Ouellet était responsable de la Société canadienne des postes. On a tout fait pour essayer de leur faire entendre raison et donner la commande à une entreprise québécoise ou canadienne. Quand même, à l'époque, la Société canadienne des postes l'avait donnée à une entreprise américaine, mais on nous avait promis que, pour les prochains contrats, il y aurait plus de responsabilité de la part des fonctionnaires et des ministres fédéraux. Malheureusement, il y a encore irresponsabilité complète. On préfère fermer une entreprise québécoise et donner le contrat aux Américains. (10 h 40)

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Vachon.

M. Payne: Très brièvement, est-ce que le ministre des Finances prendrait en considération ce que j'aimerais déposer pour aujourd'hui, à savoir la politique des États-Unis à cet égard, ce qui s'appelle le US Postal Contracting Service? Est-ce qu'il peut lire cela, étudier cela et montrer aux Canadiens comment cela se passe aux États-Unis?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Oui, M. le Président, je pense que c'est important, effectivement, de tenir compte de cette politique américaine et de faire comprendre en quoi elle consiste, non pas pour blâmer les Américains de procéder de cette façon. Je pense qu'ils s'occupent de leurs intérêts et ils s'en occupent fort bien. Il faut bien comprendre encore une fois que le service postal américain insère sa politique d'achat dans ce qu'on appelle le "Buy American Act", qui s'applique à un très grand nombre de corps publics aux États-Unis, qui doivent acheter de préférence des produits américains et qui sont dispensés de cette politique seulement dans des cas très précis, par exemple, si aucun producteur aux États-Unis n'existe, ou bien, encore, si le produit doit être utilisé exclusivement à l'étranger. Mais, pour le reste, ils ont une politique d'achat remarquablement fermée. Or, cela ne se sait pas au Canada. Très souvent, sous prétexte que cela ne se sait pas, le gouvernement fédéral donne des contrats dont le contenu canadien ou québécois est rigoureusement zéro, si bien que le gouvernement fédéral utilise de l'argent des contribuables pour essentiellement créer des emplois à l'étranger.

Il est important que les Québécois soient conscients de ce contraste entre Ottawa et Washington, à cet égard.

M. Bourbeau: M. le Président, question additionnelle.

M. Scowen: M. le Président...

Le Président: II y en a deux en même temps. Complémentaire, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Question additionnelle au ministre des Finances. Est-ce que le ministre des Finances pourrait confirmer que, malgré la politique d'achat du gouvernement américain dont il vient de parler, c'est bien grâce au gouvernement d'Ottawa, qui a exigé

un contenu canadien de 60%, qu'une compagnie québécoise, Bombardier, a obtenu un contrat de 1 000 000 000 $ pour le métro de New York, et ce contre une entreprise américaine, Budd, qui faisait concurrence à Bombardier?

Le Président: M. le député, c'est une notion très élastique de la complémentarité. C'est davantage une question principale. Votre collègue, lui, avait une question complémentaire. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Ma question complémentaire était...

Le Président: À l'ordre; À l'ordre!

M. Scowen: Je trouve que c'est pertinent, et je vais poser la question au nom de mon collègue et moi-même. Dans la lettre qu'il va adresser à M. Lumley, est-ce que le ministre des Finances va s'assurer de la façon la plus rigoureuse que les démarches que M. Lumley fera auprès des Américains, ne compromettront pas les efforts de Bombardier et des autres compagnies québécoises pour vendre et vendre avec grand succès jusqu'à présent aux autres institutions municipales, gouvernementales américaines? C'est parce qu'on peut peut-être ne pas avoir l'un sans l'autre?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, cela me permettra de répondre aux deux députés de l'Opposition qui viennent d'intervenir sur le même contrat et la même idée. Il ne s'agit pas de faire en sorte que, dans tous les cas et constamment, chaque pays s'enferme sur lui-même et exige que la totalité de la production soit faite chez lui. Regardons justement le contrat de Bombardier. Il est intéressant à cet égard. Est-ce que 100% du contrat de Bombardier à New York vont être fabriqués au Canada ou au Québec? Non. On a insisté aux États-Unis pour qu'une bonne partie de ce contrat donne lieu à un contenu américain. Il va y avoir de la production qui va se faire au Vermont à l'intérieur de ce contrat. Les Américains ont exigé, tout en donnant un contrat à un fabricant québécois, qu'une partie du contenu soit américaine.

Qu'est-ce que c'est le contrat des camions postaux devant lequel nous sommes placés? Contenu canadien, non pas québécois, contenu canadien, zéro, rien du tout. C'est dans ce sens que je parlais de naïveté. Il est tout à fait normal que les gouvernements cherchent les uns à l'égard des autres à entrouvrir et à ouvrir davantage leurs frontières à ce genre de contrats. Seulement, on n'exige pas un contrat canadien zéro. Si c'est cela, c'est vraiment, encore une fois, une naïveté qui, j'allais dire, relève d'une forme autrefois de scoutisme commercial.

M. Scowen: Question principale.

Le Président: Question principale, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Les résultats du PECEC

M. Scowen: Ma question s'adresse à la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Est-elle ici?

La question porte sur le PECEC, programme qui existe maintenant depuis quelques années et qui est publié un peu partout au Québec, sur la création d'emplois permanents. Quand on regarde les listes des projets qui ont été subventionnés par ce programme, on voit très souvent que les subventions ont été accordées non pas pour la création d'emplois permanents, mais pour sauver une entreprise en difficulté financière, et parfois, pour sauver des emplois en danger.

Voilà deux projets tout à fait différents, même si les deux sont très importants. Voici la question que je pose à la ministre. Est-elle satisfaite de la façon dont le comité directeur, qui avait la responsabilité d'accorder ces subventions partout au Québec, a respecté son mandat? Sinon, pourquoi pas?

Je soulève ce point, parce que, dans le domaine de la création d'emplois, qui est l'obsession du premier ministre, il y a quelque chose qui est très clair, vous pouvez l'évaluer assez facilement. L'entreprise n'était pas là, voici qu'elle est créée, c'est l'évidence même que des emplois ont été créés. Mais dans le fait de maintenir des emplois, vous avez la possibilité d'inclure toutes sortes de points dont la question de patronage, la difficulté d'évaluer si les emplois ont été maintenus ou non.

Donc, je répète ma question: La ministre est-elle satisfaite de la façon dont le mandat accordé à ce comité directeur pour le versement des subventions dans le cadre de PECEC a été respecté jusqu'à maintenant?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Oui, je suis satisfaite des résultats qu'a donnés le PECEC. Pour que le député soit bien informé, je dois dire que nous avons développé un deuxième volet à PECEC qui concerne justement le maintien des emplois. Initialement, le PECEC, tel qu'il a été défini son nom lui-même le dit d'ailleurs, Programme expérimental de création d'emplois communautaires, ce dernier mot

pouvant être interprété de façon très large -s'employait tout d'abord à la création de nouveaux emplois. Le second volet que nous avons développé, c'est le maintien d'emplois, en vertu d'un principe que va partager tout le monde: si on perd un certain nombre d'emplois, il va falloir en créer d'autant plus pour remplacer cette perte d'emplois. Je pense qu'on le comprendra. Donc, il y a eu développement de ce deuxième volet et, à ce titre, le comité directeur de PECEC respecte les mandats qui lui ont été donnés.

Une dernière remarque. Je trouve très injuste et très incorrect qu'on parle ici de patronage. Ce comité directeur est formé d'un très grand nombre de personnes -certains diraient même trop grand - venant de différents organismes, venant de différents ministères et fait une analyse très serrée et très sérieuse des dossiers. Je n'imagine pas et je n'accepte pas ce jugement que le député porte sur ce programme.

M. Scowen: M. le Président, une très courte question additionnelle.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. (10 h 50)

M. Scowen: La ministre a parlé d'un deuxième volet spécifiquement pour le maintien des emplois qui ont été créés. Estelle convaincue que ce volet respectait le mandat accordé dans les décrets qui ont été émis pour ce programme?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Oui, M. le Président.

Le Président: Fin de la période des questions, ce qui nous mène, s'il n'y a pas de motions non annoncées et s'il n'y a pas non plus d'enregistrement sur les votes en suspens, aux avis à la Chambre. M. le leader du gouvernement.

Travaux des commissions

M. Bertrand: Au niveau des motions, M. le Président, pour faire siéger les commissions parlementaires. Au salon rouge, ce i matin, de 11 heures à 13 heures, cet après-midi, de 15 heures à 18 heures et, ce soir, de 20 heures à 24 heures, la commission permanente du travail va continuer d'entendre des organismes relativement au dossier de la Commission de la santé et de la sécurité du travail; à la salle 81-A, la commission des affaires municipales se réunit de 11 heures à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures pour poursuivre l'étude article par article du projet de loi 38; à la salle 80-A, de 11 heures à 13 heures, la commission des affaires sociales se réunit pour procéder à l'étude article par article du projet de loi 55. J'aurai besoin de me faire confirmer que la discussion qui a eu lieu, je pense, entre le whip en chef de l'Opposition et Mme la ministre de la Fonction publique tient pour que, ce soir, de 18 heures à 20 heures, au salon rouge, la commission de la fonction publique procéderait à l'étude article par article du projet de loi 51. À la salle 80-A, cet après-midi, de 15 heures à 18 heures et, ce soir, de 20 heures à 24 heures, la commission des communautés culturelles et de l'immigration poursuit l'étude article par article du projet de loi 57.

M. le Président, on aura noté que cette motion indique effectivement qu'il y aurait trois commissions parlementaires qui siégeraient aujourd'hui en même temps. Dans les circonstances, je me dois de demander le consentement de l'Opposition pour que trois commissions parlementaires puissent siéger -et du député de Sainte-Marie et de tous mes collègues - pour que la commission permanente du travail poursuive ses travaux sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail, comme elle les a entamés au début de la semaine, et que les autres commissions puissent siéger en même temps.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, effectivement, au risque de me répéter, mais pour expliquer pourquoi nous donnons notre consentement, la commission parlementaire qui étudie la gestion de la CSST a été demandée par l'Opposition. Nous ne voulons pas que le fait qu'elle siège dans ces derniers jours de la session empêche le gouvernement de faire étudier ses projets de loi. Donc, nous allons donner notre consentement à ce qu'une troisième commission siège, pourvu que ce soit celle qui concerne la CSST.

Le Président: II y a donc consentement. La motion est-elle adoptée y inclus le...

M. Bisaillon: M. le Président...

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: ...seulement une question au leader du gouvernement. Il a mentionné la commission parlementaire de la fonction publique, de 18 heures à 20 heures ce soir. Si les travaux n'étaient pas terminés, la commission parlementaire poursuivrait-elle ses travaux?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Non. Elle ne le pourrait pas, M. le Président, parce qu'à ce moment-là il y aurait quatre commissions parlementaires qui siégeraient en même temps, mais enfin! d'après les informations qu'on m'a données - mais cela relève de la responsabilité des parlementaires à la commission - l'indication que j'avais, c'est que probablement, durant cette période de temps, on pourrait terminer l'étude du projet de loi 51.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: ...je suis obligé de répondre à cette demande. Effectivement, à la suite de l'absence motivée d'un de nos parlementaires, nous avions accepté de siéger entre 18 heures et 20 heures ce soir pour étudier le projet de loi sur la fonction publique. Je n'ai aucune indication à savoir que ces deux heures suffiraient à terminer l'étude du projet de loi.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Motion proposant que l'Assemblée

blâme le gouvernement sur son option indépendantiste

II n'y a pas de questions sur les travaux de la Chambre, ce qui nous mène donc aux affaires du jour et à la motion privilégiée de M. le chef de l'Opposition en vertu de l'article 24 du règlement: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement péquiste qui, en persistant à promouvoir l'option indépendantiste, témoigne de son mépris à l'endroit de la volonté de la grande majorité de la population et nuit à la reprise de l'économie ainsi qu'à la création d'emplois permanents."

Je cède la parole... Le temps que les personnes qui ont à se déplacer le fassent... Les mouvements de personnes étant terminés, je cède la parole à M. le chef de l'Opposition.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, cette motion que vous venez de lire touche évidemment au coeur même du débat politique lorsqu'on sait que nous avons devant nous un gouvernement qui n'a pas et qui ne veut pas respecter le verdict de la population du Québec, un verdict clair qui a été rendu le 20 mai 1980 à la suite d'une préparation par le gouvernement, qui a duré quatre ans, pour essayer de promouvoir son option, l'entourant dans une question la plus diluée possible. On sait les résultats de ce référendum du 20 mai 1980, on sait que la population du Québec ne veut pas voir le Québec séparé du reste du Canada. Il n'y a qu'un groupe qui persiste à vouloir maintenir vivante cette option, qui veut la promouvoir et cela même au risque de nuire à la croissance économique et à la création d'emplois.

En cette fin d'année, l'Opposition voudrait convier les parlementaires, et avec eux la population du Québec en général, à dresser un bilan de l'action ou plutôt de l'inaction gouvernementale au cours des huit ou dix derniers mois. Il ne s'agit pas, bien sûr, de restreindre nos propos au maigre bilan de l'activité parlementaire; en effet, depuis le 23 juin 1983, nous avons siégé exactement 21 jours, y compris les deux journées d'octobre qu'il a fallu au gouvernement pour imposer à l'Opposition sa volonté de fermer le Parlement pour un mois additionnel après les quatre mois de vacances parlementaires prévus en juin. C'est l'équivalent de cinq semaines ouvrables pour le Parlement sur une possibilité de vingt-cinq depuis la fin de juin. À ce compte, il n'y a pas de grands discours à faire sur ce que nous avons fait à l'Assemblée nationale; il faudrait plutôt parler de ce qui n'a pas été fait.

Mais il y a bien davantage à dire sur l'activité extraparlementaire du gouvernement au cours des derniers mois. Revoyons brièvement les faits saillants auxquels le gouvernement a été associé depuis mars 1983. Mars 1983: au tout début du mois, le Conseil des ministres tenait une sorte de conclave au mont Sainte-Anne. Il s'inquiétait, semble-t-il, de la crise économique et de la création d'emplois, du bout des lèvres. Au sortir de cette réunion, il faisait part de ses délibérations en réannonçant, comme c'est son habitude, quelques programmes déjà en place. Et il nous servait une sorte de soupe à l'alphabet de nouvelles trouvailles en matière de création d'emplois; en laissant mijoter cette soupe pendant quelques mois, la reprise serait assurée, croyait-il. (11 heures)

Ensuite, ce fut le message inaugural du 23 mars 1983. À cette occasion, vous vous rappelez, le chef du gouvernement déclarait pompeusement, et je le cite: "Aujourd'hui, nous sommes clairement au début d'un temps nouveau." Et il affirmait une fois de plus que cette session serait celle de l'économie.

Depuis 1977, le gouvernement, par la voix de son chef, n'a jamais manqué d'annoncer que nous allions vivre l'année de l'économie. On promettait des orientations très concrètes, toutes dirigées vers deux objectifs fondamentaux, la croissance de

l'emploi et la croissance des investissements. Mais, et voilà! M. le Président, il concluait, sous les applaudissements nourris de ses députés: "que la voie de la lucidité et du réalisme passe par l'indépendance". Avouons que c'est une drôle de façon de s'occuper de la relance de l'économie, de la création d'emplois, quand on sait l'importance de la stabilité politique pour favoriser la venue des investissements.

Après une session que l'on pourrait qualifier de terne, marquée surtout par la prolifération de nouveaux organismes publics et de sociétés d'État, d'alourdissement du secteur public, le premier ministre entreprenait un long voyage à l'étranger, en France notamment. On se rappellera la fameuse déclaration du 27 juin 1983, lorsque le premier ministre, s'adressant au journal Le Monde, disait: "À l'autre bout..." Parce qu'il avait toujours cette obsession séparatiste, indépendantiste, et on va loin, quand on est obsédé comme ça, on va assez loin pour dire des choses comme celles-ci: "À l'autre bout - il parlait du référendum aussi, chez les gens âgés - il y a beaucoup de gens qui avaient été terrorisés au moment du référendum et qui ont "levé les pieds" -c'est beau, M. le Président - ils sont morts... C'est là que se trouve la clé."

Quand on en est rendu à faire des déclarations comme ça, on est sûrement obsédé...

Une voix: Capoté.

M. Levesque (Bonaventure): ...et on ne peut pas réellement diriger un gouvernement et, en même temps, avoir à l'esprit la préoccupation principale des Québécois et des Québécoises, c'est-à-dire la croissance économique, la création d'emplois, particulièrement pour les jeunes qui sont frappés les plus durement par ce chômage. On ne peut pas évidemment prétendre orienter le Québec et l'amener à des fins, des buts et des objectifs qui correspondent à la volonté de la population québécoise.

Puis, après cette déclaration, ce furent les grandes vacances. Tout le monde est disparu du gouvernement, on ne savait pas où ils étaient. Tout l'été est passé, on arrive en septembre. C'est vrai qu'ils étaient peut-être ulcérés par le résultat des trois élections partielles du mois de juin, qui précédaient justement le départ du premier ministre. La dernière fois, il est évidemment parti un peu avant d'avoir les résultats. À la fin de juin, il était à évaluer le résultat de ces trois élections partielles dans ce que, autrefois, parce que, maintenant, ce n'est plus le vocabulaire politique du Québec, on appelait des forteresses péquistes. Il y avait Saint-Jacques, Charlesbourg et Saguenay. Dans Saint-Jacques, ça faisait 42 ans qu'on n'avait pas eu un député libéral. C'était une vraie forteresse, comme on disait dans le langage du temps. Le Saguenay en était également une, ainsi que Charlesbourg. Et, par des majorités souvent écrasantes... Dans Charlesbourg, je pense que le PQ est devenu une sorte de tiers parti.

M. Lalonde: Définitivement!

M. Levesque (Bonaventure): Cela a été probablement une raison d'être ulcéré, c'est une raison pour laquelle le gouvernement est complètement disparu du 23 juin au mois de septembre. Au mois de septembre, une petite résurrection, un conseil des députés. On s'est retrouvé, on a fait bien des téléphones et on a ramené ces députés à Gatineau. Dans la Gatineau, ce fut un branle-bas de combat, sondages internes à l'appui; les péquistes découvraient que leur navire faisait eau de toutes parts: chute dramatique, M. le Président, dans les intentions de vote à l'endroit du PQ, baisse de popularité de son chef et les libéraux, dont le congrès à la chefferie était imminent, qui regagnaient pouce par pouce, pied par pied, mètre par mètre, tout le terrain évacué par le PQ. On promettait de faire quelque chose de significatif pour l'économie, à ce moment-là, de faire vite et bien.

En octobre, le deuxième conclave du Conseil des ministres, 60 milles plus loin que le précédent, à La Malbaie. Cette fois, le gouvernement annonçait deux mesures. Il créerait, M. le Président, imaginez-vous, deux comités ministériels, un sur l'indépendance (le vrai nom, c'était sur la question nationale) le mardi - ce serait fantastique, un comité sur l'indépendance, le mardi - et un sur l'économie, le jeudi. Voilà un plan magnifique et, évidemment, on ne peut pas avoir un comité sur l'indépendance, le mardi, et un sur l'économie, le jeudi, sans être sûr qu'on ne soit pas interrogé par ces méchants libéraux de l'Opposition. Alors, on ferme le Parlement pour avoir la sainte paix. Voilà, M. le Président, un programme extrêmement important. Ils étaient, disaient-ils, en intense période de réflexion et l'Assemblée nationale, évidemment, risquait de troubler cette réflexion.

Puis, le Conseil des ministres partit en bateau, en promettant bien de livrer la marchandise.

M. Mailloux: II aurait bien dû "capoter", cette fois-là, faire naufrage.

M. Levesque (Bonaventure): En attendant, toutefois, n'appelez pas surtout, n'appelez pas, ne dérangez pas le gouvernement, parce que le gouvernement ne répond plus.

Le 10 novembre, un troisième grand conclave péquiste, cette fois à Compton, dans les Cantons de l'Est. Ses résultats, on

s'en souvient, nous ont été livrés urbi et orbi, le dimanche 13 novembre, à la télévision par le premier ministre lui-même. Qu'est-ce qu'on nous a dit, ce soir-là? On sait qu'on avait préparé cette conférence de presse devant les caméras avec tout l'entourage, un contexte où, réellement, on pouvait utiliser tous les raffinements des communications. D'ailleurs, c'est probablement tout ce dont on se souviendra de positif de ce gouvernement: d'avoir inventé des communications encore plus sophistiquées que l'on ne pouvait l'imaginer dans le passé.

M. Mailloux: C'est cela.

M. Levesque (Bonaventure): Eh bien, on nous a dit que la soupe à l'alphabet du mont Sainte-Anne est un peu trop claire, pas assez riche, pour assurer le rétablissement du malade. Ensuite, on nous a mis sur la table une grosse boîte bien emballée en nous disant qu'elle contenait plus d'une cinquantaine de mesures pour activer la relance et la création d'emplois. Quoi exactement, M. le Président? On avait la réponse: Attendez dans deux jours; le ministre des Finances passera déballer la marchandise dans son budget supplémentaire. On connaît la suite, M. le Président. Deux jours après, le ministre des Finances est venu ouvrir la boîte; elle était vide. Il n'y avait qu'un maigre 30 000 000 $ d'argent frais dans le fond, pas 0,1% du budget annuel, M. le Président. Après avoir créé de grandes attentes, suscité beaucoup d'espoirs, c'est ce qu'on avait à offrir? À ce moment-là, les gens ont dit: Voici la montagne qui accouche d'une souris. Tout cela, bien sûr, c'est le résultat des savantes cogitations, des profondes réflexions du comité ministériel sur l'économie.

Mais qu'est-ce qu'il est advenu de l'autre comité, le comité sur l'indépendance, sur la question nationale? Pour l'ensemble des Québécois, la priorité, je le répète, c'est l'économie, la relance, la création d'emplois, mais, pour le gouvernement, c'est autre chose et c'est clairement autre chose. Même si on fait des déclarations, même si on crée un comité sur l'économie, on a une seule obsession, continuelle, qui transpire partout, dans toutes les décisions, dans tous les gestes du gouvernement, dans toutes les allocutions des ministres. Une seule chose peut réveiller ces députés, les faire applaudir et réellement les faire vibrer, c'est lorsque l'on parle de séparer le Québec du reste du Canada, lorsqu'on s'attaque au gouvernement fédéral. Là, vous voyez le sourire presque revenir sur ces visages déprimés. C'est l'indépendance, la séparation. (11 h 10)

D'ailleurs, M. le Président, vous le savez vous-même. Prenons les journaux les uns après les autres. M. Gilbert Paquette parle simplement de bulletins. Il fait des commentaires sur la façon de préparer l'indépendance. Quant à lui, il rejette toute stratégie qui ne ferait pas avancer l'idée indépendantiste. M. Lévesque compare le Québec à tous les pays du monde, même à ceux qui sont les plus défavorisés et qui ont goûté à l'indépendance, mais cela ne fait rien. Il se compare aux pays où il y a eu la pire exploitation. Marc-André Bédard, le Devoir: "Ne pas liquider la question nationale" Vive l'indépendance1. "Le Parti québécois en quête d'une reprise politique", par Jules-Pascal Vennes, qui est le conseiller au programme et membre de l'exécutif national du Parti québécois. M. Garon menace même de quitter la politique. Il quitterait la politique si l'indépendance ne se réalisait pas.

Une voix: C'est ce qui va lui arriver.

M. Levesque (Bonaventure): C'est cela. Jacques-Yvan Morin, dans le Devoir: "Irresponsable de mettre l'indépendance sous le boisseau." Que dit le ministre de l'Éducation? "L'indépendance est plus nécessaire que jamais." Le premier ministre revient à la charge: "Le gouvernement ne se privera pas de parler d'indépendance." La relance du débat sur la souveraineté. Les journaux en sont pleins, M. le Président. Évidemment, on sait que le ministre des Finances ne se cache même pas, lui. Même dans les périodes où les gens veulent mettre cela de côté, même à la veille des élections, il est encore prêt à courir le risque. Au moins, je lui rendrai le témoignage de sa franchise, parce que souvent les autres ont hâte de mettre cela de côté avant les élections et de ressortir cela après.

Une voix: Tout de suite après.

M. Levesque (Bonaventure): Tout de suite après. M. le Président, voici encore les dernières nouvelles: "Les péquistes veulent une élection sur l'indépendance." À un moment donné, les stratèges péquistes ont commencé à dire: Peut-être que le premier ministre s'est avancé un peu trop lorsqu'il a dit que la prochaine élection se ferait sur l'indépendance. Ils ont dit: C'est suicidaire. Là, il y a un comité du congrès du PQ qui a dit: On va organiser cela d'une telle façon qu'on n'écrira cela nulle part à l'avenir, de façon que cela ne paraisse nulle part dans le programme, parce que c'est réellement suicidaire. Là, on est revenu à la charge. "Le vice-président du Parti québécois, M. Sylvain Simard, a reçu l'appui des 300 délégués réunis pour le conseil national du parti en fin de semaine pour réinscrire - ce que ceux qui avaient préparé le congrès voulaient faire disparaître - l'engagement de

faire porter la prochaine élection générale sur l'option souverainiste." Comme le premier ministre n'était pas là, qu'on ne peut pas avoir de "renérendum" cette fois-ci, j'imagine, on peut s'attendre à faire la prochaine élection sur l'indépendance et pas seulement à cela. Pour faire les élections sur l'indépendance, cela veut dire, pour des politiciens, que le centre des préoccupations de ce gouvernement, d'ici les prochaines élections, sera de préparer l'indépendance. On voit bien que la question de mettre la priorité sur l'économie, pour ce gouvernement, c'est simplement du bout des lèvres que l'on dit cela. On n'y croit pas et on ne veut pas y croire. On a cette obsession. On dit: Pour régler l'économie, il faut d'abord faire l'indépendance. Voyez-vous comment on peut raisonner quand on est obsédé!

M. le Président, on n'a qu'à voir. Il y a eu un comité sur l'économie. Qu'est-ce qui s'est passé depuis qu'on est revenu en Chambre? Regardons le menu législatif pour des gens qui veulent mettre l'accent sur l'économie. Qu'est-ce que vous avez comme projets de loi pour aider l'économie du Québec? Qu'est-ce que vous avez soumis à cette Chambre, cet automne 1983, pour aider les chômeurs, les jeunes chômeurs en particulier, les pères de famille qui ont perdu leur emploi ou qui sont à la recherche d'un emploi? Qu'est-ce que vous avez soumis comme législations ou comme budget?

Cependant, comme nous l'indiquait le ministre de l'Éducation, le comité sur l'indépendance, lui, a travaillé et a produit. Regardez le projet de loi 38, regardez le projet de loi 48.

Une voix: II a été déposé en juin.

M. Levesque (Bonaventure): Je parle du projet de loi 38, étudié M. le Président. Il a été déposé en juin! Je comprends qu'il a été déposé en juin. Vous pouvez en déposer, des projets de loi. Cela ne coûte pas cher. Mais les débattre et les faire accepter, c'est là qu'on touche véritablement au vif du sujet. Qu'est-ce que l'on fait? On dit au comité sur l'indépendance: Regardez-nous, nous n'aurons pas de rapport, on va égrener cela tranquillement avec des lois et vous allez voir que nous allons continuer dans ce sens. Dans le projet de loi 38, qu'est-ce que l'on retrouve? On retrouve une volonté de ne pas s'entendre avec le gouvernement fédéral. Il ne faut pas s'entendre avec le gouvernement fédéral au risque même de créer plus de chômeurs, de ne pas répondre aux aspirations normales des municipalités qui veulent aider leurs gens à avoir des emplois. On refuse des millions parce qu'on ne veut pas s'entendre avec le gouvernement fédéral. On ne veut pas que le gouvernement fédéral ait quelque visibilité que ce soit parce que - on veut préparer quoi? On veut préparer l'indépendance - cela n'aide pas à l'objectif no 1 du gouvernement péquiste.

De la même façon, on présente à cette Chambre le projet de loi 48. Là, c'est simplement encore pour réveiller des conflits avec le gouvernement fédéral. Est-ce que c'est pour aider les pêcheurs? Nous sommes inondés de télégrammes des pêcheurs, des associations de pêcheurs qui s'opposent aux projets de loi 48 et 49. Ce n'est pas pour aider les pêcheurs. Les pêcheurs n'en veulent pas. Les pêcheurs craignent, justement, la perpétuation des conflits stériles de ce gouvernement avec le gouvernement fédéral, conflits que l'on fait perdurer et cela, sur le dos des pêcheurs québécois. Pourquoi cela? Est-ce pour aider l'économie, est-ce pour aider les pêcheurs à augmenter leurs revenus? Est-ce pour leur permettre de faire une vie meilleure? Pas du tout. C'est pour permettre à ce gouvernement de continuer sa lutte avec le gouvernement fédéral.

On va nous faire croire que le projet de loi 38, c'est pour affirmer la juridiction exclusive du Québec en affaires municipales. Pas du tout, M. le Président. Déjà, nous avons toutes les lois dans notre législation québécoise qui l'affirment et nous n'avons absolument pas besoin d'une autre loi pour l'affirmer. Mais on avait besoin de cette loi pour empêcher le gouvernement fédéral d'avoir une visibilité et pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'entente avec le gouvernement fédéral afin que la population se tourne davantage vers l'option qui est l'obsession no 1 de ce gouvernement. C'est la même chose avec le projet de loi 38. Donc, de la législation pour servir l'option indépendantiste du gouvernement, d'accord, mais de la législation ou un budget pour aider l'économie, pour créer des emplois, non, absolument rien.

On est tellement obsédé par cette volonté de séparer le Québec du reste du Canada que même le premier ministre, lorsqu'il va à l'étranger, ne peut pas sortir d'un entretien avec une personnalité comme le président de l'Italie... On s'attendrait que, lorsque le premier ministre arrive d'un tel entretien, il parle des relations cordiales qui existent entre le Québec et l'Italie, il parle de la communauté italienne du Québec qui est un apport extrêmement important pour notre collectivité, il ait des mots qui sont de nature à donner de l'espoir, à resserrer les liens d'amitié qui doivent être ceux qui nous caractérisent dans nos rapports avec le reste du monde.

Mais ce n'est pas cela qui arrive. Encore là, tellement obsédé, il fait en sorte que nous ayons des problèmes au lieu d'avoir des solutions. Partout où ce gouvernement met les pieds, il en ressort avec de la chicane et tout cela sur le dos de qui? Des Québécois et des Québécoises qui aimeraient bien avoir un gouvernement qui réponde à

leurs aspirations quotidiennes, qui réponde à leurs objectifs et qui respecte la volonté clairement exprimée le 20 mai 1980, qui dit à ces gens de ne pas agir de cette façon. (11 h 20)

II va de soi, M. le Président, que, pour les péquistes, l'appartenance du Québec à la fédération canadienne est la source de tous nos malheurs. C'est une vision simpliste, un peu naïve des choses, mais on peut tout de même admettre qu'en ce domaine - là, je vais être gentil pour eux un instant - ils sont probablement sincères et généralement convaincus de leur point de vue. Le problème, c'est que cette logique n'est pas celle de tout le monde et n'est pas celle de la grande majorité des Québécois. Il y a un lien entre l'obsession de l'indépendance et l'économie, mais ce lien fonctionne au sens contraire de celui que présuppose l'argumentation péquiste.

La logique de tout le monde, en dehors du Parti québécois, disons que c'est celle, par exemple, que Marie-Josée Drouin exprimait bien simplement dans la Gazette du samedi, 29 octobre dernier: "Obviously, if the Government really wants to give the economy a full face-lift, the independance option must be dropped. We cannot expect to rejuvenate the economy with this kind of uncertainty hanging over our future."

La logique de tout le monde, c'est celle de Luc Proulx, un chômeur beauceron qui a déjà appuyé le PQ et qui déclarait, dans la Gazette du 26 novembre 1983: Aujourd'hui, je vois ce qu'ils ont fait pour se débarrasser des entreprises anglophones et je me rends compte que l'indépendance serait quelque chose de terrible pour nous. C'est encore celle de Micheline Vallée, consultante en administration, qui déclarait dans le même article: Quand vous étudiez un peu le système bancaire et le système financier, vous découvrez bien vite les difficultés pratiques liées à l'indépendance.

La logique de tout le monde, c'est enfin celle qui permet à la plupart des observateurs objectifs de discerner le prix élevé que nous payons pour le cul-de-sac fédéral-provincial dans lequel nous enfonce l'obsession péquiste. C'est précisément ce que constatait Jean-Louis Roy dans l'éditorial du Devoir du 11 novembre 1983: "L'actuel gouvernement du Québec n'a jamais eu d'autre mandat que celui de préserver et de renouveler l'acquis constitutionnel. Sa performance à cet égard est tout à fait déplorable; le Québec baigne dans une immense ambiguïté et se retrouve, après sept années de règne péquiste, avec un statut diminué dans l'ensemble canadien."

Mais il existe encore des preuves qu'un gouvernement qui s'acharne à promouvoir une option dont les Québécois ne veulent pas méprise la volonté de la majorité de la population. Regardons simplement le sondage

SORECOM - dans le Soleil du 15 octobre dernier - qui établissait que, si le référendum de 1980 avait été tenu en octobre 1983 - qu'est-ce qui serait arrivé? -le non l'aurait emporté 72% à 28%; c'est plus que 60% à 40%, c'est 72% à 28%. Dans ce sondage, seulement 59% de ceux qui avaient voté oui en 1980 se disaient prêts à répéter ce choix. Inversement, il n'y avait pratiquement pas de défections dans le camp du non. De plus, écoutez cela, les 18 à 24 ans - l'avenir du Québec - auraient appuyé le non dans une proportion de deux contre un. Alors, si le premier ministre pense qu'il va attendre et que cela va aller mieux quand les personnes âgées auront disparu, il y a une autre génération qui s'en vient et qui tient encore plus fermement à voir le Québec demeurer dans le Canada et à voir le Québec prendre sa place dans l'ensemble canadien et cela, à l'avantage des jeunes et à l'avantage de l'avenir du Québec.

Le sondage SEGMA du Devoir, le 4 octobre 1983, est encore plus dévastateur en établissant que 76% des Québécois et des Québécoises - c'est énorme dans un sondage d'opinion - ne veulent pas d'élection sur l'indépendance. Pensez-vous que le PQ est en train de correspondre à la volonté populaire? Il est complètement déconnecté de la vie québécoise. Je dis de toute évidence que l'agenda péquiste s'éloigne de plus en plus des préoccupations de la population.

Mais, veut-on une autre preuve? Vous dites: Bah, les sondages... Regardons les choses qui sont des élections. J'ai parlé des élections partielles dans Saint-Jacques, dans Charlesbourg et dans Saguenay, mais on vient d'en avoir encore le 5 décembre 1983, des élections complémentaires, et les seuls Québécois et Québécoises qui avaient le droit de vote, qu'ont-ils dit? Non au PQ, oui au Parti libéral. C'était clair. Dans Mégantic-Compton où nous avions un député libéral, nous avons triplé notre majorité de 1981. Est-ce assez, M. le Président? Dans Jonquière... Et là, vais-je employer les mots "forteresse péquiste"? Non, ce n'est plus dans le vocabulaire. On va dire que ce qui aurait été appelé autrefois une forteresse péquiste, Jonquière - et on sait que Jonquière a été l'endroit où le "oui" a été le plus fort au Québec lors du référendum - qu'avez-vous aujourd'hui comme réponse des gens de Jonquière? C'est non, messieurs et mesdames du PQ. C'est non. Votre option, on n'en veut pas. Ce que l'on veut, c'est que vous vous occupiez, comme gouvernement du Québec, de la promotion des intérêts véritables de la population, que vous vous inquiétiez de la situation économique. Si on peut réussir à ramener la croissance économique, à ce moment-là, on pourra parler du développement social et du développement culturel, mais on ne peut pas parler de développement dans les autres domaines,

social, culturel et autres, si on n'a pas une base économique solide, si les gens ne travaillent pas et si notre jeunesse, en particulier, n'a pas d'occasion de commencer véritablement à vivre.

C'est le message que vous avez reçu et vous allez continuer, vous autres, à parler d'indépendance, de séparation et d'en faire l'article numéro un de votre programme et de votre action? Je dis que vous faites fausse route et que vous trahissez le Québec, les Québécois et les Québécoises. Vous les trahissez parce que vous ne voulez pas accepter le verdict qui a été rendu. Vous ne vous apercevez pas que ce verdict, s'il avait à être rendu aujourd'hui, serait encore plus dévastateur pour votre option.

M. le Président, les résultats de ces élections complémentaires sont, à notre sens, très clairs. Ils indiquent que les considérations économiques qui forment la trame de notre discours politique à nous dominent largement les préoccupations de la population; deuxièmement, que pour l'électorat, le redressement économique et la création d'emplois passent par le Parti libéral du Québec et non par le Parti québécois, et, troisièmement, que le programme de relance annoncé à grands renforts de publicité par le gouvernement n'inspire aucune confiance aux Québécois et aux Québécoises. Autrement dit, les électeurs ont tout simplement jugé qu'en dépit de ces trois conclaves, de ces soi-disant périodes de réflexion, en dépit des vacances forcées de l'Assemblée nationale, en dépit du spectacle à grand déploiement du premier ministre le 13 novembre dernier, le gouvernement n'avait pas livré la marchandise. Profondément déçus, ces électeurs et ces électrices ont placé leurs espoirs dans la seule alternative valable, celle du Parti libéral du Québec et de son nouveau chef, M. Robert Bourassa, qu'on associe tout naturellement, quand on songe à tout ce qu'il a fait du côté économique lorsqu'il dirigeait le Québec, à la création d'emplois et à la prospérité. Un gouvernement qui nuit à la reprise, c'est bien celui que nous avons devant nous. Il est certain que, si le gouvernement n'inspire plus confiance, c'est qu'il a perdu contact avec les véritables préoccupations de la population, celles qui touchent à l'économie et celles qui touchent à la création d'emplois.

Examinons d'abord les signes les plus évidents de nos difficultés économiques actuelles, l'emploi et le chômage. Dans les douze mois compris entre le mois d'août 1981 et le mois d'août 1982, il s'est produit un véritable effondrement de l'emploi au Québec; 224, 000 emplois ont disparu. Sur la base de notre performance dans la création d'emplois de 1977 à 1981, c'est un recul de cinq ans. Autrement dit, on est retourné cinq ans en arrière, alors qu'il y a pourtant des gens qui arrivent toujours sur le marché du travail. En un an, on a reculé de cinq ans. Sur la base de ce recul, on peut dire que c'est sans précédent à la lumière des statistiques disponibles.

(11 h 30)

Si on tient compte des décalages de périodes entre le Québec et le reste du Canada, on constate que le Québec a perdu environ 38% de tous les emplois perdus au Canada durant la crise. A compter de septembre 1982, l'emploi a commencé à rattraper petit à petit le terrain perdu. Après un début de reprise relativement prometteur, principalement au début de 1983, les gains d'emplois ont semblé plafonner durant l'été, au moment où l'Ontario enregistrait ses meilleurs gains. Quelques progrès supplémentaires ont été observés entre septembre et novembre.

Quoi qu'il en soit, au rythme actuel de reprise de l'emploi, soit en moyenne 8000 récupérations - pas création d'emplois - par mois, le Québec en aurait encore pour 13 mois avant de retrouver, autour de janvier 1985, le niveau d'emploi atteint en août 1981. Il est bien important de noter que, d'ici ce temps, il ne faudra pas - et j'insiste là-dessus - parler de création d'emplois au Québec, mais bien de récupération. C'est simplement de la récupération. C'est dans ce contexte qu'il faudra juger de notre performance économique par rapport à l'objectif évoqué par le premier ministre, les 100 000 emplois. Non pas 100 000 emplois créés, 100 000 emplois récupérés entre octobre 1983 et octobre 1984. Si nous le réalisons, nous serons encore à court de 20 000 emplois par rapport au niveau d'avant la crise.

Jusqu'ici, en quinze mois de soi-disant reprise, nous n'avons récupéré guère plus d'un emploi sur deux au Québec. Un emploi sur deux; aucun créé, mais un emploi sur deux de récupéré, soit 120 000, c'est-à-dire environ 54%. Pendant ce temps, l'Ontario récupérait - ils ont subit la crise, eux aussi - neuf emplois sur dix, soit 196 000 emplois. Pour l'ensemble du Canada, les récupérations étaient de l'ordre de deux sur trois. Autrement dit, nous avons eu à peu près notre part de récupération, mais, comme nos pertes étaient passablement plus élevées que notre part de l'emploi au Canada, notre pourcentage de récupération demeure sensiblement inférieur à la moyenne de l'ensemble du pays.

Regardons maintenant l'évolution du chômage et les taux de chômage au Canada depuis quelques années. Cela nous permettra de relever un argument douteux évoqué par les ténors gouvernementaux depuis quelque temps; ils vont sans doute encore l'évoquer lorsqu'ils auront à prendre la parole. Il faut noter que, depuis environ deux ans, le taux de chômage mesuré dans les statistiques

officielles est un bien piètre indicateur de l'état du marché du travail particulièrement au Québec. La raison en est bien simple: le nombre de chômeurs recensés au Québec est présentement artificiellement sous-évalué. Il en va de même pour la population active qui entre également dans le calcul du taux de chômage.

Au hasard de la crise, des centaines de milliers de jeunes, de femmes, d'assistés sociaux aptes au travail se sont accumulés aux portes du marché du travail. Ils attendent présentement que la conjoncture leur permette de venir remplacer, parmi les chômeurs en quête d'un emploi, ceux que la reprise aura enfin récupérés. Chômeurs réels, mais déguisés dans les statistiques officielles, ils sont plus nombreux que jamais du fait, notamment, que le marché du travail est incapable, depuis deux ans, d'accommoder la croissance naturelle dans leur rang.

Il existe, en fait, deux catégories de chômeurs cachés qui sont identifiées dans l'enquête sur la main-d'oeuvre de Statistique Canada: ce sont les sans-travail, qui ont cessé toute recherche faute de débouchés suffisants, et les personnes mises à pied qui attendent un rappel d'employeur sans faire d'autres démarches d'emploi. Ces personnes, statistiquement inactives, sont beaucoup plus nombreuses au Québec qu'ailleurs au Canada. On en comptait plus de 100 000 au Québec, en 1982 et en 1983, soit plus de la moitié du total canadien.

Encore tout récemment, le président du Conseil du trésor faisait grand état en cette Chambre, le 17 novembre, je crois, d'un rétrécissement apparent de l'écart traditionnel entre les indices de chômage canadiens et québécois. Le rapport des taux Québec-Canada serait passé de 1,37 en 1981 à 1,17 en 1983. Si on corrige les statistiques du chômage au Québec pour tenir compte du chômage caché tel qu'identifié, ce n'est plus 424 000 chômeurs que nous avons depuis le début de 1983, mais plus de 528 000. Notre taux de chômage pour 1983 passerait alors de 14,2% - que l'on dit présentement être le chiffre exact, d'après les statistiques - si on tient compte de ce facteur, à 17% comme moyenne dans tout le Québec. Nous nous retrouvons donc à nouveau avec pratiquement le tiers des chômeurs canadiens.

Quant au fameux rapport entre les taux de chômage Québec-Canada il passe de 1,25 à 1,35 en 1982 et de 1,17 à 1,26 en 1983. En pratique, tout cela signifie non seulement que notre situation relative en termes de chômage réel ne s'améliore pas, mais aussi que nous avons un problème additionnel sur les bras, celui du profond découragement de milliers de sans-emploi victimes du chômage prolongé. Voilà pour les conséquences les plus dramatiques de la faiblesse de notre économie.

Regardons vraiment quelle en est vrai- semblablement la cause principale. Un examen, même sommaire, de l'état réel de notre économie fait clairement ressortir sa principale faiblesse structurelle. Depuis 1976 elle est affligée d'un sous-investissement de plus en plus accentué.

Examinons brièvement les faits. En 1970 les investissements représentaient 15,5% du PIB au Québec. C'était nettement insuffisant quand on sait qu'une économie industrialisée devrait comporter normalement 20% à 22% de dépenses en capital. Ce pourcetage a cependant monté graduellement pour atteindre 20,6% en 1974, 22,5% en 1975 et 20,8% en 1976. À partir de 1978 ce fut la dégringolade. 19,1%, puis 18,9%, puis 18,3%, 17,1%, 15,6% et, finalement, un minable 14,7% en 1983.

La même chose concerne les investissements privés. Ils sont passés d'un sommet relatif de 13% à 14% du PIB en 1973 et 1976 à 8,5% seulement en 1983. Si on considère objectivement l'évolution des investissements au Québec depuis 1970, on est forcé d'admettre qu'il s'est produit une véritable cassure autour des années 1976-1977.

Ramenés sur une base per capita, nos investissements réels, c'est-à-dire l'inflation enlevée, sont passés de 975 $ en 1977 à 739 $ en 1983, une diminution de 25% ou de 236 $ par personne au Québec. Avec des résultats pareils il n'est pas nécessaire de chercher plus loin la cause de notre faiblesse économique structurelle. Ces niveaux d'investissement sont tout simplement incompatibles avec l'objectif de plein emploi et celui que le gouvernement prétend poursuivre, soit de prendre un virage technologique.

Dans ces conditions, notre économie ne prendra aucun virage, notre économie est en panne. Le moment où la cassure est survenue, le fait qu'est affectée au premier chef la variable la plus sensible au climat économique et les tendances bien différentes qu'on observe ailleurs au Canada, tout cela supporte l'évidence qui devient chaque jour davantage incontestable: c'est le gouvernement du Parti québécois et singulièrement son obsession séparatiste qui est la cause la plus évidente de nos problèmes économiques structurels.

Il y a un lien indissociable entre notre chômage, notre sous-emploi actuel et le sous-investissement persistant qui nous affecte depuis 1976: c'est le facteur péquiste. Il n'est pas difficile de comprendre comment l'incertitude politique affecte l'investissement dans le secteur privé. Nous ne le répéterons jamais assez.

Il suffit simplement d'établir une distinction entre trois types d'entreprises et de se demander objectivement ce qui motive leur décision d'investir, de créer des emplois, de générer de la recherche et de la richesse, M. le Président. D'abord il y a des

entreprises qui sont liées à un marché local. Ce sont celles qui sont dans le commerce, la fabrication de certains aliments difficilement transportables, la fourniture de certains services liés à un marché restreint. On parle des boulangeries, des centres commerciaux, des marchés d'alimentation, des garages. Ces entreprises-là ne sont pas directement affectées par l'incertitude politique; elles le sont indirectement, cependant, parce que c'est la richesse du milieu qui, en fait, a une influence sur la progression de ces entreprises. (11 h 40)

Deuxièmement, il y a une autre sorte d'entreprises qui, elles, sont reliées aux richesses naturelles. Évidemment, lorsqu'on parle des scieries, des pâtes et papiers, des alumineries, des mines, on parle de choses qui sont ici, qui font la richesse du Québec et qui amènent les industries à se rapprocher de ces ressources. Ces industries-là n'ont pas tellement le choix si elles veulent exploiter ces ressources. Elles sont encore un peu moins affectées par le climat politique. Elles le sont indirectement, mais pas aussi directement que la troisième catégorie.

Il y a les établissements moins liés au facteur géographique ou aux ressources naturelles. Je pense aux centres de recherche, aux sièges sociaux - Dieu sait combien il en est parti du Québec! - aux nombreuses entreprises de fabrication qui peuvent s'installer à un endroit ou à un autre pour servir le marché canadien. Je pense, en particulier, aux sociétés financières, aux entreprises de haute technologie. Toutes ces entreprises peuvent s'établir à peu près n'importe où au Canada et elles sont courtisées par tout le monde. Ce sont, bien sûr, ces entreprises ou établissements qui sont le plus affectés par le climat d'investissements créé par le facteur péquiste.

Jetons un simple regard, d'ailleurs, sur les projets d'investissements dont se vante le ministre des Finances, à tout bout de champ. Il parle de Pechiney, qui va venir ici. Il parle de l'agrandissement de Reynolds. Il parle de Domtar. Mais, justement, il parle d'entreprises qui viennent ici à cause de l'électricité, à cause des forêts, à cause de nos richesses naturelles. Mais quelles sont les entreprises qui préfèrent le Québec péquiste aux autres provinces du Canada, lorsqu'elles ont le choix de s'établir à un endroit ou à un autre? C'est là que le facteur péquiste fait le plus mal. Il n'est pas question de se montrer fine bouche et de refuser quelque investissement intéressant que ce soit. Il s'agit simplement de constater que notre structure industrielle est en train de développer un grave déséquilibre en se vidant progressivement, à cause de l'obsession du gouvernement actuel, des entreprises et des établissements porteurs d'avenir qui sont les plus susceptibles de créer et de maintenir des emplois stables, intéressants et rémunérateurs.

Ce bref survol de l'action du gouvernement au cours des derniers mois nous permet maintenant de dresser son bilan de fin d'année. Par trois fois, le Conseil des ministres s'est réuni en conclave. La première fois, il nous a livré ce qu'il croyait être une cure miracle pour la relance, une soupe à l'alphabet de programmes de création d'emplois temporaires. La deuxième fois, c'était pour constater que la cure miracle ne fonctionnait pas, pour annoncer qu'il ferait beaucoup mieux dans la mesure où on lui ficherait la paix pour quelques semaines de plus. La troisième fois, c'est pour ficeler le paquet en vue du spectacle à grand déploiement du 13 novembre dernier.

Avec ou sans conclave, un gouvernement ne peut donner que ce qu'il a. Il n'avait rien à donner; il n'a rien livré. Malheureusement, le bilan ne peut pas s'arrêter là. Perdu dans ses conclaves, ses comités, ses périodes de soi-disant réflexion profonde, le gouvernement s'est coupé un peu plus de la réalité et des préoccupations de la population. Il s'est créé une logique qui lui est propre, mais qui est bien loin de celle de tout le monde au Québec. À partir de cette logique, il s'est enfoncé davantage dans son obsession de toujours, la séparation du Québec, la guerre avec Ottawa.

M. le Président, aveugle aux conséquences pourtant évidentes de cette obsession, notamment sur les investissements pour la création d'emplois, il est demeuré insensible aux véritables préoccupations de la population. Il lui a témoigné une fois de plus son mépris en réactivant l'option indépendantiste. Or, justement, les Québécois sont de plus en plus hostiles à cette option. C'est cette indifférence, M. le Président - je termine là-dessus - teintée de mépris que les Québécois ont vue, jugée et condamnée le 5 décembre dernier dans Jonquière et dans Mégantic-Compton et qu'ils attendent avec impatience de pouvoir juger et condamner dans une élection générale.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole au ministre des Finances, je tiens à faire remarquer que nous avions 100 minutes à notre disposition. Le chef de l'Opposition vient d'utiliser les 50 minutes mises à la disposition de l'Opposition. Les 50 autres minutes sont à la disposition du parti ministériel. On doit protéger en même temps les 20 minutes de droit de réplique du chef de l'Opposition, ce qui fait au total 120 minutes. Actuellement, 50 minutes ont été prises. M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Je veux simplement

confirmer, M. le Président, pour protéger notre droit de réplique, que je devrais être reconnu vers 12 h 35.

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est cela.

M. Lalonde: Merci!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, à l'occasion du long exposé du chef de l'Opposition, j'ai été un peu surpris par un thème qui revient constamment dans sa bouche et qui semble être le suivant: Parce que des gens ont des convictions, ils trahissent les Québécois chaque fois que ces convictions n'ont par reçu une sorte de sanction électorale. Principe bizarre, M. le Président! Imaginons qu'au référendum de 1980 le oui ait été majoritaire. Le chef de l'Opposition ne serait-il pas encore aujourd'hui fédéraliste? J'imagine qu'il le serait. En tout cas, moi, j'hésiterais beaucoup avant de lui dire, lui fédéraliste aujourd'hui, alors que le oui l'aurait remporté: M. le chef de l'Opposition, vous trahissez des Québécois. Non, je ne dirais pas cela. Je dirais: M. le chef de l'Opposition, vous représentez un mouvement de conviction qui reste dans notre société -et j'imagine que ce serait le cas important.

Il y a, à cet égard, M. le Président, une sorte de tolérance dans les idées qui me semble manquer singulièrement au chef de l'Opposition, aujourd'hui, et je dois dire que cela me surprend. L'idée d'indépendance est apparue dans notre milieu, de façon disons un peu articulée, il y a à peu près 25 ans. Cette idée a abouti à la création d'un parti politique dont c'est, en un certain sens, l'assise centrale. Le Parti québécois est essentiellement destiné à réaliser la souveraineté du Québec. Je ne dis pas que c'est sa seule fonction, mais je dis que c'est sa fonction centrale. Cela l'a été, cela l'est et cela le sera. Ne nous faisons pas d'illusions, une idée qui a gagné la vigueur que l'idée de souveraineté a acquise dans notre milieu ne disparaît pas.

Bien sûr, elle peut subir des vicissitudes, c'est clair. Nous avons perdu le référendum de 1980, c'est vrai. Nous perdons, je dois dire assez fréquemment, M. le Président, beaucoup d'élections partielles. Nous avons cependant gagné deux élections générales. Ce n'est pas banal. Il y aura des hauts et il y aura des bas, mais si on s'imagine un instant que l'idée de souveraineté au Québec est une sorte de mode qui pourrait disparaître, on se trompe. Si on s'imagine un instant que le Parti québécois au pouvoir va faire comme si cette idée ne représente pas une force majeure de notre société et un objectif à atteindre, on se trompe encore.

C'est avec la plus grande sérénité, M. le Président, que ce parti que je représente, que ce gouvernement auquel je suis associé, respire la souveraineté, en vit, considère cet objectif comme un objectif permanent et, je dois le dire, en est très fier, parce que cela représente un long aboutissement dans le développement non pas seulement d'une force politique au Québec, mais d'une force culturelle, d'une force économique, d'une assurance graduelle des Québécois dans leur avenir et, finalement, d'un phénomène de confiance en eux-mêmes. C'est ce dont on parle quand on parle de la souveraineté du Québec, du degré de confiance que les Québécois peuvent avoir en eux-mêmes et en leur avenir. (11 h 50)

Remarquons à quel point ceux qui ne sont pas encore d'accord avec cet objectif de la souveraineté du Québec, très souvent pour lutter contre l'idée de souveraineté et d'indépendance, cherchent à rapetisser le Québec, soulignent les échecs - forcément, il y en a toujours - soulignent les coûts qui n'aboutissent pas, minimisent les choses qui se font, attaquent, en somme, la confiance que les Québécois ont en eux-mêmes. Dans ce sens, ils disent que le gouvernement actuel, comme le dit la motion qui est présentée devant nous, méprise les Québécois. C'est tout le contraire, M. le Président. Ce gouvernement dit et redit aux Québécois que nous sommes enfin en mesure d'avoir confiance en nous-mêmes et dans l'avenir et que l'avenir du Québec sera ce que les Québécois en feront.

Mépris? Jamais. Au contraire, constat d'un peuple qui prend ses destinées en main graduellement depuis fort longtemps et qui commence maintenant à voir un certain nombre d'échéances sérieuses arriver. Dans ce sens, n'espérons pas un instant, dans certains milieux, que l'idée de souveraineté va être atténuée par le gouvernement actuel, va cesser d'être un thème majeur, pas seulement à la prochaine élection, à chaque élection. L'idée de la souveraineté du Québec, elle est inévitable. On ne s'imagine pas qu'on a pu pendant 25 ans pousser une idée comme celle-là et que, à chaque élection, quand un parti destiné à réaliser la souveraineté du Québec se présente, que cette élection soit partielle ou qu'elle soit générale, l'idée de la souveraineté ne soit pas là. Ce sera toujours un thème central. Cela l'a été à l'élection de 1970, cela l'a été à l'élection de 1973, cela l'a été à l'élection de 1976, cela l'a été, bien sûr, au référendum, cela l'a été à l'élection de 1981.

Non. Je vois des rires ironiques de l'autre côté. C'est une donnée permanente de

la situation politique et de toutes les élections qui se feront au Québec. On peut le présenter d'une façon, d'une autre façon, mais est-ce qu'on va persuader les Québécois aujourd'hui que le Parti québécois, par exemple, ne serait pas souverainiste? Voyons. Qui leurrerait-on? Personne. Évidemment, nous nous sommes engagés comme parti politique à faire en sorte que cela se réalise, la souveraineté du Québec, par des moyens essentiellement démocratiques, on en conviendra. On conviendra aussi que nous nous sommes astreints à des règles de la démocratie de façon extraordinairement rigoureuse. Jamais nous n'avons évoqué d'autres possibilités qu'une décision démocratique des Québécois. Mépris des Québécois, alors? Grand Dieu, non! On ne méprise pas des gens à qui l'on dit: Cette décision se prendra par des moyens démocratiques ou elle ne se prendra pas.

Non, M. le Président, je pense que cette partie de la motion que nous avons devant nous à l'heure actuelle non seulement n'est pas valable, mais est profondément incorrecte. Évidemment, un thème apparaît tout de suite dans la foulée de ce que je viens de dire et de ce qu'a dit le chef de l'Opposition tout à l'heure, c'est qu'à partir du moment où un parti politique, à partir du moment où un gouvernement se fixe l'objectif de la souveraineté du Québec, alors, des dommages sérieux apparaissent au niveau du fonctionnement de l'économie. L'incertitude politique aurait, sur le plan du fonctionnement de l'économie, des investissements et de l'emploi, des effets dramatiques sur l'économie du Québec et son fonctionnement. Regardons cela d'un peu plus près. Là, on va quand même retrouver une perspective historique que le chef de l'Opposition voulait bien, lui aussi, pratiquer en s'arrêtant en 1976. Nous allons remonter un peu plus loin en arrière, un tout petit peu plus loin. La faiblesse fondamentale de l'économie du Québec qu'on a pu constater depuis fort longtemps, depuis au-delà d'une vingtaine d'années, elle commence par des glissements tout de suite après la deuxième guerre mondiale, au cours des années cinquante, et toute espèce de gens au Québec disent: Attention, il y a des glissements qui se font au Québec et qui sont dangereux pour l'avenir. Il y a un certain nombre d'événements dont il faut se souvenir: l'ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent et ses conséquences sur l'industrie montréalaise - Ne venons pas dire ici que c'est un thème libéral ou péquiste. Le Parti québécois n'existait pas à cette époque, le Parti libéral existait. Tout ce qu'on peut dire, c'est que beaucoup d'hommes politiques de l'époque n'ont pas compris les conséquences de l'ouverture de la voie maritime sur l'industrie québécoise - le développement extraordinairement rapide des opérations boursières à Toronto, à partir de la fin des années quarante, la découverte des premiers puits de pétrole au Canada, l'inscription de presque tous les titres miniers et pétroliers à la Bourse de Toronto qui, très rapidement, devient cinq fois, six fois, dix fois plus importante qu'à Montréal. Les conséquences de phénomènes comme ceux-là sur l'implantation et sur l'existence des sièges sociaux, en particulier dans le domaine des institutions financières: premier siège social d'institution financière, c'est une compagnie d'assurances, en plein milieu des années cinquante.

M. le Président, quand on se promène à Montréal, du côté de la ville de Saint-Pierre, on voit une immense usine désaffectée, dont une partie a été louée à une compagnie de sucre à un moment donné - je ne sais même pas si elle est encore là. Il y a peu de gens qui se souviennent que cela a été, sous le nom de Canadian Car, un des plus grands employeurs de Montréal. Quand, dans les années cinquante, on perd cette usine, on perd 5000 emplois à Montréal. Le glissement manufacturier, le glissement financier, c'est à ce moment qu'ils commencent.

L'incertitude? Oh! M. le Président, à cette époque, il n'y avait rien de plus certain que la politique au Québec. M. Duplessis était en place, les Québécois étaient calmes, gentils comme des images et aucune idée vraiment un peu subversive ne s'était encore envolée. Le calme était papal, mais les glissements étaient commencés. Ce n'est pas l'incertitude politique qui a commencé le glissement, ce sont des choses bien plus fondamentales que cela: Montréal a cessé d'être la métropole du Canada. On n'a pas voulu le voir, pour des raisons de vanité dans certains cas. Au cours de toutes les années cinquante, toutes les années soixante - évidemment, dans les années soixante, c'est la révolution tranquille - on ne va pas se mettre devant le fait que Montréal est en train de cesser d'être la métropole du Canada. Ah! non. Ce serait une note discordante dans le concert de l'optimisme: Seulement, c'était en train de se faire. C'était en train de se faire par un glissement de centres de décisions qui avaient été presque uniformément extérieurs à la communauté francophone. C'était comme ça. On peut toujours se dire: Au XIXe siècle, cela aurait dû être autrement, mais, enfin, c'était comme cela. Ces centres de décisions glissant vers Toronto - surtout à cette époque - s'appliquaient, bien sûr, à des groupes qui n'étaient pas enracinés dans le milieu francophone.

Nous venons récemment de parler d'un investissement de 773 000 000 $ de Domtar au Québec. Cela s'est fait par une société où deux grands agents du secteur public québécois ont des blocs d'actions relativement importants, où le conseil

d'administration est maintenant composé de gens assez différents - il faut le reconnaître - de ceux qui pouvaient exister à Domtar il y a 20 ou 25 ans. Je rappellerai que, à une époque où je siégeais au Trade and Tariff Committee de la Pulp and Paper Association, dans les années cinquante, je me souviens encore d'une réunion au Granite Club, à Toronto, où la vingtaine de membres de ce comité lunchaient ensemble - j'étais, bien sûr, le seul francophone - et où quelqu'un de Domtar se vantait, devant tout ce monde, que Domtar avait pu exister pendant deux générations au Québec sans jamais avoir un francophone au-delà du niveau de contremaître. Qu'on mesure le chemin parcouru en 25 ans! (12 heures)

Mais, encore une fois, ces glissements extraordinaires dans notre économie se sont faits dans une stabilité politique parfaite. Bien sûr, cela a été masqué par certaines choses. L'exposition universelle a masqué beaucoup de ces changements. La décision de construire le chantier de la Baie James a aussi masqué certaines choses. J'y reviendrai un peu plus tard. Les Jeux olympiques aussi. Montréal a réussi à masquer beaucoup de ses failles et de ses rides pendant un certain nombre d'années. Seulement, le mouvement était là.

Nous arrivons au pouvoir à la fin de 1976. Oh dire que l'arrivée au pouvoir d'un parti souverainiste, M. le Président, a enchanté tous les milieux et, singulièrement, tous les milieux d'affaires, serait grossièrement exagéré. Cela a même été considéré dans certains milieux comme une sorte de catastrophe nationale, "nationale" étant entendu dans le sens canadien du terme. Il y a eu des effets sur le plan financier et économique. Il est clair, par exemple, que, dans les premiers mois de notre arrivée au pouvoir, on a vu les titres du Québec se vendre à un taux de rendement bien plus élevé que les obligations du gouvernement de l'Ontario. Les écarts se sont accrus de façon remarquable. On dira: Incertitude politique. Vous voyez, vous ne pouvez plus vendre vos obligations.

Puis-je rappeler que c'est un peu plus compliqué que cela? Les écarts les plus grands à l'occasion de l'arrivée d'un nouveau parti au pouvoir que nous ayons constatés dans toute l'histoire mesurable du Québec, cela a été au cours des premiers mois de l'arrivée au pouvoir de M. Robert Bourassa, en 1970. Pas après les événements d'octobre, avant les événements d'octobre. On n'avait jamais vu des écarts aussi grands que cela. Je n'aurais jamais cru que l'arrivée de M. Bourassa au pouvoir aurait pu vraiment déclencher dans les milieux financiers parce que cela coïncide avec son élection -des écarts aussi grands.

Une voix: II y avait des bombes.

M. Parizeau: On me dit, de l'autre côté, qu'il y avait des bombes. Oui, il y avait des bombes à Montréal depuis déjà pas mal longtemps. Depuis que nous sommes au pouvoir, il n'y en a plus. Avant cela, il y en avait pas mal, mais il n'y en avait pas trois jours après l'arrivée au pouvoir de M. Bourassa. Oh, non! Je vois, là encore, des sourires ou des rires ironiques. Je rappellerai que nous avons, en arrivant au pouvoir, rétabli, à bien des égards, une sorte de paix sociale dont on conviendra qu'elle est assez remarquable. Les histoires de langue, les bagarres sur la langue que nos amis d'en face ont provoquées pendant qu'ils ont passé six ans au pouvoir, on s'en souvient encore et on s'en souviendra longtemps.

Ceci étant dit, nous arrivons au pouvoir et, bien sûr, sur le plan financier, cela "effervesce" passablement. Les marchés financiers ne sont pas très ouverts à Montréal, à Toronto ou à New York - c'est le cas de le dire - et je vais emprunter pendant quelque temps loin de l'épicentre du séisme, c'est-à-dire en Europe, au Japon ou dans certains marchés qu'on appelle exotiques, jusqu'à ce que les marchés plus conventionnels d'Amérique du Nord, constatant que le seul résultat de notre élection et de leur réaction, c'est qu'ils perdent des commissions, reviennent et prêtent, au fond, finalement, tout l'argent qu'on veut. Je mentionnais notre arrivée au pouvoir.

Veut-on parler d'une période beaucoup plus récente? Récemment, j'ai eu l'occasion de faire des visites auprès de milieux financiers dans six villes américaines en préparation du premier placement d'une émission du gouvernement du Québec depuis six ans aux États-Unis, puisqu'on avait laissé le marché américain à Hydro-Québec. J'ai parlé partout, à des centaines de gens de l'indépendance du Québec, de la souveraineté du Québec, à des milieux financiers à qui j'allais présenter des obligations quelques jours plus tard pour voir s'ils en achèteraient. J'ai vendu 100 000 000 $ - ce que je voulais vendre - à dix ans d'échéance et 100 000 000 $ à 30 ans d'échéance avec des écarts par rapport aux obligations du gouvernement fédéral américain qui étaient, somme toute, très faibles par rapport à ce qui s'était produit dans les mois précédents, en trois heures. Des obligations de 30 ans, c'est un bail. C'est presque un mariage. C'est très long, 30 ans. Cela s'est placé sans difficulté aucune.

Une voix: II y a combien de temps?

M. Parizeau: Un mois et demi. M. le Président, passons maintenant à des choses plus directement économiques.

Lorsque nous arrivons au pouvoir, nous constatons clairement une chose, c'est que le secteur public, presque inexistant au début de la révolution tranquille, existe à ce moment-là au Québec. Il commence à avoir une certaine force, une certaine musculature. Il est capable de faire des choses.

D'autre part, le secteur coopératif a pris une ampleur considérable, surtout du côté des coopératives d'épargne et de crédit. Il y a du muscle dans l'économie québécoise - j'allais dire du muscle indigène, si vous me passez l'expression - bien davantage qu'il y a quinze ans. ■ Du côté des entreprises privées autochtones, un muscle commence aussi à paraître qui est de plus en plus fort. Notre rôle, sur le plan du fonctionnement de l'économie, devient à ce moment-là assez clair: il s'agit de faire en sorte que ces points forts de la société autochtone québécoise puissent travailler ensemble à donner un dynamisme suffisant à notre économie, avec nos moyens, à partir de nos centres de décision. C'est très clair dès le départ, lorsque nous arrivons au pouvoir, que ça doit être la tâche fondamentale sur le plan de l'économie, de façon que nous soyons nettement moins astreints à des décisions prises à l'extérieur et qui ont provoqué ce glissement de l'économie québécoise dont je parlais précédemment. Il fallait trouver, à l'intérieur de l'économie du Québec, des centres de décision un peu musclés. On en avait un bon nombre, il fallait en avoir davantage et il fallait surtout les amener à travailler ensemble.

Cela a été notre tâche. Cela ne se fait pas en un an ou deux. Cela prend un certain temps, il faut le reconnaître. Cela prend un certain temps pour que les Québécois aient, dans une bonne mesure, la maîtrise de leur économie et la maîtrise du dynamisme de leur économie sans être à la merci de décisions qui peuvent être prises un peu partout dans le monde sans vraiment avoir une capacité de réagir.

Cela a fonctionné. Jusqu'en 1980 - il faut être de bonne guerre - le rythme de croissance de l'économie du Québec est tout à fait raisonnable compte tenu de tout ce qui se passe un peu partout au Canada. Il y a même quelques années où il est supérieur à celui de l'Ontario. Je ne dis pas que c'est monumental comme virage, mais on sent très bien que le virage se prend et on sent très bien que le rythme de croissance de l'économie du Québec est comparable à ce qu'il peut y avoir autour de lui, et même un peu meilleur certaines années.

Au point où nous en sommes, en 1980, à cet égard, on voit bien que le chômage augmente un peu partout en Amérique du Nord et, donc, qu'il augmente chez nous, bien sûr. On constate que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais on peut se dire: On a pris le virage pendant trois ou quatre ans et les résultats commencent déjà à être palpables.

Arrive, à partir de septembre 1981, cette catastrophe économique qui va nous frapper de plein fouet, qui est la plus forte récession qu'on ait connue depuis la grande dépression des années trente. Tout à l'heure, le chef de l'Opposition disait: C'est la première fois que ceci ou que cela se produit. Bien oui, bien sûr, c'est la plus forte récession qu'on ait connue en Amérique du Nord depuis la grande dépression des années trente. Forcément, cela a été très dur. Cela a été un peu plus dur au Québec que dans l'ensemble du Canada. Dans l'ensemble du Canada, en 1982, la production recule d'à peu près 5%; au Québec, de 6%. Il y a une province qui va faire pis, la Colombie britannique, où ce sera 7%. Mais, enfin, on n'en est pas à 1% près quand il s'agit d'apprécier les ravages qu'une récession pareille va faire.

Sur les pertes d'emplois, les chiffres que mentionnait le chef de l'Opposition doivent faire réfléchir. C'est effrayant d'avoir perdu au-delà de 200 000 emplois à l'occasion de la récession. C'est un choc bien plus sérieux que ce qu'on peut trouver même aux États-Unis et certainement que ce qu'on peut trouver dans les autres pays industriels. Le Canada a eu la pire performance sur le plan économique en 1982. Il est indiscutable que cela a arrêté un bon nombre de choses que, comme gouvernement, nous étions en train de faire. Cette espèce de concertation des investisseurs - Dieu sait s'ils sont importants - vers une relance fondamentale et à long terme de l'économie du Québec s'est arrêtée brutalement. Les entreprises n'avaient plus les disponibilités financières, elles étaient touchées par la situation monétaire au Canada et par les taux d'intérêt de façon telle qu'on sent très bien qu'en 1982 il y a eu comme une sorte de freinage, de coup d'arrêt complet.

Quand l'économie du Québec a commencé à remonter, on s'est dit: C'est normal qu'elle remonte plus vite qu'ailleurs, elle est descendue plus bas. Comme si l'économie était une sorte de yo-yo. Ce n'est pas parce qu'on descend très bas que cela va remonter très vite. L'économie du Québec aurait bien pu coller en bas et rester là longtemps. Le yo-yo aurait pu être dormant. Cela n'a pas été. Effectivement, comme le disait tout à l'heure le chef de l'Opposition, cela a remonté au Québec plus tôt et plus vite, pendant un bout de temps, qu'ailleurs au Canada. (12 h 10)

Oui, bien sûr, au moment où les ventes d'automobiles augmentent très rapidement, qu'est-ce que cela frappe? Surtout l'économie de l'Ontario. Les chiffres que nous a donnés tout à l'heure le chef de l'Opposition ne sont

pas étonnants du tout. La reprise des ventes d'automobiles a permis à l'économie de l'Ontario, à partir de l'été, de rattraper des emplois perdus plus rapidement que chez nous. C'est bien sûr. Les automobiles, je le rappelle, à part une usine au Québec, sont fabriquées en Ontario. Forcément, cela a un impact.

Là où je ne suis pas d'accord avec lui, c'est que, si on prend le reste du Canada, tout le reste du Canada sans l'Ontario, alors, là, la récupération d'emplois perdus au Québec s'est faite plus rapidement. Le Québec est actuellement quelque part entre l'Ontario et le reste du Canada. Vous me direz que ce n'est pas sensationnel. Mais non, ce n'est pas sensationnel, mais ce n'est pas mal, et surtout les perspectives, mises en place pour une bonne part par ce gouvernement, d'investissement et d'emplois sont franchement favorables dans un bon nombre de cas.

Je vais vous donner des exemples. En l'espace de quelques années, la capacité de production d'aluminium au Québec aura augmenté de 60%. 60%! Cela ne s'est jamais fait autrefois par une politique gouvernementale. C'est la première fois qu'on utilise des rabais sur les tarifs d'électricité pour provoquer de l'industrialisation. J'entendais le chef de l'Opposition dire à cet égard: L'aluminium doit venir ici. Non, l'aluminium ne doit pas venir ici. La preuve, c'est que, quand nos amis d'en face étaient au pouvoir, ils ont couru après une aluminerie qui s'appelait National South Wire pendant des années sans jamais réussir à l'attraper. Cela ne s'est jamais fait. C'est la première fois que, grâce à une politique de tarifs d'électricité, on a des milliards d'investissements. Comprenons-nous bien. Quand on parle d'une augmentation de 60% de la capacité de production d'aluminium au Québec en l'espace de quelques années, puisque les travaux sont commencés, c'est de 3 000 000 000 $ d'investissements qu'on parle.

Autre chose, si on veut: les politiques que nous avons mises en place pour la relance des investissements dans les industries minières fonctionnent de façon remarquable. A l'heure actuelle, il y a une remontée des investissements miniers au Québec tout à fait exceptionnelle par rapport à tout ce qu'on a connu avant.

Le secteur des pâtes et papiers. Puis-je rappeler que le programme de modernisation des pâtes et papiers, qui est en train de provoquer l'apparition de quelques milliards d'investissements au Québec, est le résultat d'une politique du gouvernement du Québec quant à la subvention des opérations de modernisation? On dira: Le gouvernement fédéral en paie une partie. Oui, on a été chercher des subventions fédérales après avoir monté le programme chez nous, ici, avec les instruments qu'on avait.

L'industrie électronique? On sait qu'elle se développe très très rapidement au Québec. C'est un secteur où les sièges sociaux entrent de ce temps-ci. Ils ne sortent pas, ils entrent, et nombreux. Encore un dernier exemple: Hier, Cantel, qui annonce que son siège social s'établit à Montréal. Dans le domaine de l'électronique, il y a, à l'heure actuelle, au Québec, une sorte de floraison d'entreprises extraordinaire. Il y a une activité de ce côté-là, un dynamisme de tout premier ordre auquel le gouvernement s'associe, mais de la façon la plus étroite. On a l'occasion à peu près toutes les semaines de voir de quelle façon le gouvernement de Québec s'associe avec une ou l'autre des entreprises dans les hautes technologies et ce, depuis déjà un certain temps. Oui, en 1982, il n'y a pas de doute que la récession a provoqué un freinage. Il n'y a pas de doute qu'à l'heure actuelle on voit une reprise dans ce domaine qui est tout à fait foudroyante.

Corvée-habitation, c'est le gouvernement de Québec qui a fait ça avec ses partenaires, avec les entrepreneurs en construction, avec les syndicats, avec les municipalités aussi, les institutions financières. Je comprends que c'est un syndicat qui a eu l'idée de Corvée-habitation, mais c'est le gouvernement qui a servi de catalyseur à toute cette opération.

Les exemples que je viens de donner sont des exemples où les investissements sont en train de remonter rapidement à cause de ces centres de décision québécois dont je parlais tout à l'heure où le gouvernement sert à la fois de pôle, de catalyseur et, bien sûr, à certains moments, de muscle, lorsque, sur le plan des exigences financières, c'est nécessaire.

Dans le cas de l'aéronautique, il n'y a pas de richesse naturelle qui détermine que l'aéronautique doit venir ici. Or, pourtant, l'aéronautique va se développer et continue de se développer rapidement au Québec. On dira: À cause du gouvernement fédéral. Ah c'est évident que le gouvernement fédéral, à cet égard, après avoir transformé l'affaire du F-18 en une sorte d'expression courante et banale dans la population où on ne dit plus se faire passer un sapin, mais se faire passer un F-18, devrait faire quelque chose avant que les élections fédérales arrivent. Dans ce sens-là, il a beaucoup poussé sur le contrat des hélicoptères, mais une bonne partie du financement vient du gouvernement de Québec à partir de programmes de subvention pour ce genre d'industrie, montés au mont Sainte-Anne dont, justement, le chef de l'Opposition se moquait tout à l'heure. Ce qui nous a permis de débloquer très rapidement et de faire aboutir très rapidement aussi toutes les négociations dans le cas de Bell Helicopter, c'est que ce

programme était en place et il roulait. Il ne faut pas s'imaginer que cela vient ici pour nos beaux yeux. On va mettre 120 000 000 $ dans ce projet.

Non, M. le Président, nous avons très bien vu, comme gouvernement, d'abord, que la récession venait, à l'époque où un peu tout le monde au Canada croyait que ce pourquoi il a fallu lutter, c'était contre l'inflation. Nous l'avons vue venir, la récession. On a cherché à alerter les autres gouvernements autant que cela a été possible. Nous avons été le premier gouvernement à bouger pour chercher à lutter contre le chômage. Nous avons, je pense -tout le monde le reconnaît - la meilleure performance pour ce qui est de chercher à mettre des filets en-dessous d'un certain nombre de secteurs pour éviter que tout dégringole. Dès que cela a été possible, nous avons, avec les instruments que nous avons, commencé la reprise, la relance de l'investissement un peu partout et dans un secteur très étendu.

Vous me direz: On pourrait faire mieux. Oui, bien sûr, on peut toujours faire mieux. Mais ce qui a été fait jusqu'à maintenant est assez spectaculaire, spectaculaire au point que ce n'est pas de 1,5% que la production nationale au Québec va augmenter en 1983, comme je l'avais cru au début de l'année, ce sera de 3%. C'est une des deux ou trois meilleures performances de toutes les provinces canadiennes. L'année 1984 s'annonce aussi assez bonne à cause des mesures qui ont été prises.

Où se trouve, là-dedans, l'impact de l'insécurité politique? Où se trouve-t-il, dans toutes les décisions d'investir dont je viens de parler et qui, après tout, associent des hommes d'affaires un peu partout? Dans le secteur minier, c'est surtout le secteur privé qui est en cause. Pour un bon nombre de décisions dans le domaine de l'aluminium, c'est le secteur privé qui est en cause. Dans l'électronique, dans la majorité des cas, c'est le secteur privé qui est en cause. Sur le plan de l'aéronautique, en particulier de cette usine d'hélicoptères, Bell n'est pas une compagnie nationalisée, que je sache. Où est l'impact de l'insécurité de ces affreux séparatistes au pouvoir?

La question mérite qu'on y réponde autrement que par une boutade. Nous sommes au pouvoir depuis sept ans. Dans les milieux québécois comme dans les milieux étrangers, on commence à avoir l'habitude de ce que nous sommes. Nous ne sommes pas un facteur inconnu pour ces gens-là. Ils savent fort bien, dans ces milieux d'affaires, ce que nous avons fait depuis sept ans. Bien sûr, on ne peut pas dire que certaines associations qui représentent les hommes d'affaires sont toujours, à l'égard du gouvernement, d'une mansuétude extraordinaire. Je le reconnais, mais je suis obligé de noter que, depuis sept ans que nous sommes au pouvoir, les entreprises ont pris l'habitude de travailler avec nous, nous avons pris l'habitude de travailler avec les entreprises. Nous arrivons maintenant à débloquer des choses bien plus facilement qu'il y a un certain nombre d'années et, entre nous, passablement plus facilement que bien des gouvernements qui nous ont précédés. Nous ne sommes plus un facteur inconnu. Nous avons réalisé cette espèce de tour de force d'être à la fois un gouvernement efficace, aussi efficace qu'on peut l'être, sur le plan économique, sur le plan financier, mais sans sacrifier ce qui nous apparaît être fondamental pour l'avenir du Québec, c'est-à-dire sa souveraineté. (12 h 20)

On dira: Cela a l'air d'un tour de force. Je ne pense pas que c'était un tour de force. En un certain sens, ce résultat ne me surprend pas plus qu'il ne le faut. La souveraineté d'un peuple n'est pas un concept inconnu dans le monde; c'est plutôt nous qui ne sommes pas exactement prématurés. Les entreprises qui ont l'habitude de travailler avec plus de 20, 30 ou 40 pays souverains se demandent à certains moments, si vous me passez l'expression, M. le Président: Qu'est-ce que nous sommes encore en train de "taponner" au Québec? Cela va venir, mais n'imaginons pas un instant que cela va venir au milieu d'une sorte de réaction profondément négative de nos associés en affaires, des entreprises qui ont pris l'habitude de travailler avec nous et qui sont en train, avec le secteur public et le secteur coopératif, de donner au Québec une dynamique économique non seulement intéressante, mais surtout qui provient de nos propres moyens, fondamentalement.

Nous sommes le premier gouvernement qui s'est fixé comme objectif que les Québécois contrôlent leur économie et des décisions majeures dans leur économie, au moins pour l'essentiel. Cela ne veut pas dire que nous refusons l'investissement étranger. Cela veut simplement dire que, comme beaucoup de gouvernements antérieurs à nous, nous n'attachons pas tout l'avenir du Québec à des décisions, à des centres de décisions qui sont extérieurs. Dans ce sens, nous sommes un gouvernement original. Dans ce sens, il est évident qu'à la fois économiquement et psychologiquement on prépare le moment où le Québec va être souverain. Cela ne sert à rien de le cacher, c'est évident.

On me demande parfois: Est-ce que, dans le cas de telle ou telle décision, vous aviez la souveraineté en tête? Mais je l'ai toujours. Je n'arrête pas de l'avoir. Quand je discute un gros contrat d'investissements ou un gros contrat de financement, mais je ne pense qu'à cela. Il faut que le Québec ait ce muscle économique qui donne, évidemment, l'assurance à un pays souverain de sa propre

force et de ses propres décisions.

À cet égard, M. le Président, je ne vais pas revenir sur certains des chiffres que mentionnait le chef de l'Opposition, sauf pour faire quelques mises au point avant de terminer. Je lui dis de se méfier de certaines des statistiques qu'il a citées. Qu'il reconnaisse, par exemple, que sur le plan des investissements, depuis la grande catastrophe de 1982, la reprise des investissements au Québec est en moyenne plus rapide qu'ailleurs. En 1982, pour l'ensemble des investissements privés ou publics, le Québec était tombé à 17,3% du total. D'après ce qu'on peut voir, en 1983, ce sera au-delà de 18%. C'est encore plus remarquable dans l'industrie manufacturière, quand on compare le Québec au Canada. En 1982, on ne représentait plus que 18,2% des investissements dans tout le Canada. À l'heure actuelle, on va finir cette année probablement à 23%. La remontée est en train de se produire et vous n'avez encore rien vu.

M. le Président, vous êtes en face d'un gouvernement qui s'est entièrement consacré à la relève de cette économie du Québec, qui prend les moyens d'y arriver. Les moyens d'y arriver, soit dit en passant, ce n'est pas de multiplier des lois à cette Assemblée nationale. Le relèvement économique et le relèvement des affaires, cela se fait rarement à coup de lois. Je ne veux pas dire par là que la législation n'est pas utile de temps à autre, mais on n'a jamais légiféré la prospérité et encore moins le retour à la prospérité.

Si vraiment le chef de l'Opposition s'imagine qu'en déposant 42 lois, toutes à caractère plus ou moins économique ici, on crée des emplois dans l'immédiat, je lui répondrai avec un certain sourire: Ce n'est pas comme cela que cela se fait. Cela se fait par des discussions, par des négociations qui aboutissent quant à des investissements à faire, quant à des contrats à faire apparaître. Tel contrat donne 150 emplois à tel endroit. Bravo! Parfait! Au suivant. On lance un très gros programme d'investissements dans telle ville et, dans la région circonvoisine, le chômage disparaît petit à petit. Bravo! C'est de l'administration quotidienne, au jour le jour, avec un sens de l'urgence des choses à faire, des gestes à poser, des entreprises à rencontrer, des associations à établir entre le secteur coopératif public et privé, tous les jours que le bon Dieu amène jusqu'à ce que le relèvement ait été fait correctement et, encore une fois, avec un certain sens de l'urgence. La reprise de l'économie, c'est par là qu'elle passe. Elle passe aussi par la confiance que les consommateurs ont dans l'avenir. Après tout, il ne faut jamais oublier que la reprise en 1983, ce sont des consommateurs qui l'ont commencée.

La reprise, elle se fait par la multiplication des contrats d'exportation à l'extérieur. On ne va pas légiférer que l'étranger va acheter nos produits. J'espère que le chef de l'Opposition ne nous demande pas de poser des gestes ridicules comme ceux-là. Nous ne pouvons pas, par nos lois, imposer aux Colombiens, aux Américains ou aux gens du Basutoland un quota d'importations québécoises. Ce n'est pas vrai. L'expansion des exportations du Québec se fait comment? En facilitant le financement, en aidant les hommes d'affaires à présenter leurs produits à l'étranger, en finançant la présentation des soumissions à l'étranger, en ouvrant les portes par le truchement des délégations ou du personnel que le gouvernement peut fournir aux hommes d'affaires qui veulent exporter, en prenant les moyens nécessaires pour que les coûts de production soient le plus bas possible. C'est comme cela qu'on y arrive et cela encore, c'est un travail quotidien.

C'est de cette façon, M. le Président, que le gouvernement envisage, par les étapes qu'il a suivies, mont Sainte-Anne, Compton, le programme de relance, de le faire. Dans ce sens, je reviens à mon propos initial, la priorité fondamentale de ce gouvernement, c'est la reprise de l'économie. Jusqu'à ce que, vraiment, un certain dynamisme ait repris, nous devons affecter l'essentiel de nos priorités de ce côté, mais sans jamais perdre de vue, d'autre part, que ce que nous faisons dans ce cadre économique du Québec est destiné à une chose au bout du compte - et je reviens à mon propos original - à affirmer toujours davantage la confiance des Québécois en eux-mêmes, dans leur avenir et, donc, la possibilité de déterminer cet avenir eux-mêmes, c'est-à-dire la souveraineté du Québec.

C'est par là, M. le Président, qu'à mon sens il faut passer. C'est vers cette voie que nous nous dirigeons et je pense qu'au fur et à mesure que la reprise va se faire, au fur et à mesure qu'on va commencer à oublier un peu les affres de cette récession de 1982 qui a été tellement forte par la reprise de la confiance et par la reprise de la confiance en soi, la souveraineté du Québec est peut-être un peu plus rapprochée que certains de nos amis d'en face ne le croient. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Dans le partage du temps, il y a six minutes de disponibles du côté gouvernemental. M. le whip du gouvernement, député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, on parle souvent du chapitre 1 de notre programme. J'aimerais commencer mon intervention très

courte...

M. Lalonde: Pour ne pas interrompre le député au moment où il aura commencé, on nous a dit que le député de Sainte-Marie demanderait un petit droit de parole. Nous étions prêts à donner quelques minutes de notre temps pourvu qu'on lui donne un temps égal de l'autre côté. Si vous prenez tout votre temps, on ne pourra plus le faire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Au niveau de la présidence, je n'ai eu aucun avis jusqu'à ce moment-ci sur le partage du temps qui était inscrit à la feuille. S'il y a consentement, j'en prendrai acte. M. le leader parlementaire du gouvernement, est-ce qu'il y a consentement?

M. Bertrand: M. le Président, nous n'avons pas eu de demande venant du député de Sainte-Marie.

M. Lalonde: C'est parfait.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Lac-Saint-Jean, whip du gouvernement. Cinq minutes.

M. Brassard: Je serai très bref. Je ne peux pas faire autrement. J'aimerais citer le premier paragraphe du chapitre 1 - on en parle souvent, du chapitre 1 - du programme du Parti québécois. On y lit ceci: "La souveraineté nationale est la raison d'être du Parti québécois. Elle constitue la pierre angulaire de tout le programme du parti. Le projet collectif qui en découle ne procède pas d'une quelconque obsession de l'État-nation, mais de la conviction profonde que, dans la situation où ils se trouvent en Amérique du Nord, les Québécois et les Québécoises ont besoin pour s'épanouir pleinement comme individus d'un État doté de tous les pouvoirs et instruments dont sont pourvus les gouvernements modernes. Plus que jamais la souveraineté nationale est une condition essentielle du développement économique et social du Québec, de sa sécurité culturelle et de son ouverture sur le monde." (12 h 30)

M. le Président, c'est là notre option fondamentale, c'est là notre raison d'être comme formation politique, c'est là aussi notre conviction profonde. Cette option et cette conviction reposent sur la confiance inébranlable dans la capacité du peuple québécois de prendre en main ses propres affaires, de développer lui-même son économie. Cela repose sur la confiance que le peuple québécois est capable d'assurer lui-même, comme peuple, son développement et son épanouissement sur à peu près tous les plans. C'est là notre option, et je dis que c'est une option parfaitement légitime, par- faitement valable et qui s'inscrit d'ailleurs, qui s'enracine, qui prend son origine même dans un vaste mouvement d'affirmation nationale qui s'est développé au Québec depuis une vingtaine d'années. On pourrait, évidemment, rattacher à ce vaste mouvement d'affirmation nationale toute une série d'actions collectives qui ont été posées, de mises en place d'instruments et d'outils de développement. On n'a qu'à penser à la Caisse de dépôt et placement, à HydroQuébec, aux progrès qu'a connus le Mouvement Desjardins. Notre option de souveraineté s'inscrit parfaitement dans ce mouvement d'affirmation nationale que nous avons connu au Québec.

Il faut également dire que cette option est d'autant plus légitime que nous nous sommes toujours engagés, comme formation politique, à faire en sorte que sa réalisation résulte d'une volonté très ferme, très claire, exprimée majoritairement par les Québécois, c'est-à-dire que sa réalisation se fasse de façon démocratique, le Parti québécois étant un parti démocrate. Donc, nous n'avons pas à rougir, ni à avoir honte de cette option, et nous n'avons pas, non plus, à la cacher. Comme le disait le ministre des Finances tout à l'heure, cette option ne témoigne pas du tout d'un mépris à l'égard de la population. Bien au contraire, nous avons toujours affiché nos couleurs, nous avons toujours exprimé publiquement cette option et nous avons toujours également manifesté un respect scrupuleux de la volonté du peuple; le respect que nous avons du résultat référendaire le prouve amplement.

Je trouve extrêmement dangereux les propos tenus tout à l'heure par le chef de l'Opposition, parce que, quand on l'écoute, il a l'air de dire ou de prétendre que notre option devrait être en quelque sorte considérée comme une espèce de délit d'opinion, comme une espèce de crime, qu'on ne devrait pas avoir le droit, que cela devrait nous être interdit d'exprimer, de manifester nos convictions. Si on l'écoutait, on devrait jeter l'interdit sur notre option. Pourtant, je pense qu'il s'agit là d'une option parfaitement légitime et qui repose - je le répète - sur la confiance dans la capacité du peuple québécois de s'affirmer, de se prendre en main.

Ce n'est pas tout à fait ce qu'on retrouve de l'autre côté. Je lisais récemment une phrase de Pierre Elliott Trudeau, qui est un peu le maître à penser du mouvement libéral, des partis libéraux.

Une voix: C'est le "boss"!

M. Brassard: C'est le grand "boss". Il disait, dès 1961, dans Cité libre: "Le Québec ne peut être indépendant parce qu'il n'est pas comme les autres nations modernes. La nation canadienne-française est trop pauvre

culturellement, économiquement, intellectuellement et spirituellement pour pouvoir survivre aux difficultés qu'entraînerait l'indépendance." Cela correspond beaucoup à la façon de penser qu'on retrouve chez les gens d'en face, une espèce d'éloge de l'impuissance, qu'on fait constamment. Nous, M. le Président, c'est le contraire que nous pensons. Nous avons toujours affirmé - c'est justement ce sur quoi repose notre option fondamentale - que le peuple québécois n'est pas pauvre culturellement, économiquement et intellectuellement, mais est suffisamment riche en ressources à la fois sur les plans culturel, économique et intellectuel pour pouvoir accéder à la souveraineté et assumer pleinement les pouvoirs d'un peuple normal.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition, votre droit de réplique.

M. Gérard D. Levesque (réplique)

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, après avoir entendu les opinants d'en face, nous n'avons qu'une confirmation très claire et très éloquente de ce que nous avons proposé au début de cette motion: ces gens-là sont obsédés par l'indépendance et par la séparation du reste du Canada. Même si j'avais passé une heure de plus à le dire, je n'aurais vraiment pas eu de témoignages plus éloquents que ceux qu'ont bien voulu nous rendre les deux opinants d'en face. Je ne pense pas que cette partie de la motion mériterait autre chose qu'un vote unanime, parce que ce que nous avons entendu de l'autre côté n'a fait que renchérir, n'a fait qu'augmenter encore notre conviction et la conviction de la population du Québec que nous avons un gouvernement qui met la question de l'indépendance en avant des autres questions, tellement que le ministre des Finances ne peut pas s'empêcher de dire, quand il parle de quoi que ce soit, qu'il ne pense qu'à cela. Il ne pense qu'à cela et il vient lui-même de nous le dire. Je ne pense qu'à cela, dit le ministre des Finances. Cela veut dire...

Une voix: C'est une obsession.

M. Levesque (Bonaventure): C'est une obsession. Quand on disait "obsession", les gens pensaient peut-être qu'on caricaturait, mais je pense bien que cette admission bien franche du ministre des Finances indique que le gouvernement lui-même, lorsqu'il parle d'économie, n'en parle que du bout des lèvres. Lorsqu'il parle du sort des chômeurs, il n'en parle que du bout des lèvres. Lorsqu'il parle du chômage des jeunes, il n'en parle que du bout des lèvres. Ce qui compte pour le gouvernement et le chef du gouvernement, encore une fois, lorsqu'il a parlé du sort des personnes âgées au Québec... Évidemment, à ce moment-là, il était encore obsédé par la question de l'indépendance. Lorsqu'il s'en va en Italie, au lieu de souligner les liens étroits qui doivent relier le Québec et l'Italie, il ne peut pas penser aux investissements italiens qui pourraient se faire au Québec. Il ne peut pas penser aux investissements de la communauté italienne au Québec, qui est sûrement furieuse de ce qui est arrivé. Non. Il sort d'un entretien avec le président de l'Italie et, comme le ministre des Finances, il est obsédé, comme le ministre du Commerce extérieur était obsédé de la même manière à Paris, comme le ministre des Affaires intergouvernementales, lorsqu'il a dit qu'après l'indépendance, ce ne sera pas une citoyenneté québécoise et canadienne. La double citoyenneté, pour lui, c'est la citoyenneté québécoise et française.

Des voix: Ah! Ah!

M. Levesque (Bonaventure): Cela prend des gens réellement obsédés pour en arriver à parler, d'une part, des collaborateurs d'Ottawa. Employant un mot semblable en France, il faut réellement oublier le contexte dans lequel on se trouve pour utiliser un tel langage et pour se faire dire par le président de l'Italie... Encore ce matin, nous voyons que le président de l'Italie retourne le passeport que le premier ministre est allé lui porter pour l'inviter à venir au Québec. Le président de l'Italie retourne le passeport: Gardez-le, votre passeport, et il ajoute des mots très durs à l'endroit du premier ministre du Québec, disant que son interprétation est fausse et perverse. Ce sont des mots très durs. Pourquoi ces choses arrivent-elles? C'est parce que, comme l'admettent les gens de l'autre côté - ils l'admettent, ce n'est pas moi qui l'invente -Nous ne pensons qu'à cela et c'est le but de notre action politique. La preuve en est que, lorsque l'on parle d'indépendance et de séparation, on peut trouver le dénominateur commun de ces gens-là. Mais parlez-leur d'un autre sujet, il n'y a aucun dénominateur commun et c'est la source de bien des conflits à l'intérieur du Conseil des ministres et à l'intérieur du conseil des députés. La seule façon de les ramener ensemble, c'est de leur servir la sauce indépendantiste. Là, on dirait que cela peut ramener un peu -parce qu'il n'y en a pas beaucoup encore -d'éclairs dans leurs yeux fatigués. (12 h 40)

Le ministre des Finances nous dit: Vous le savez, on l'a toujours dit. Lorsqu'on a fait des élections - là, j'essaie de traduire dans mes propres mots ce qu'il a dit - nous ne cachions pas nos couleurs; tout le monde sait que nous sommes des indépendantistes. Il

faut penser que ces gens n'ont pas de mémoire. Quand ces gens ont pris le pouvoir, en 1976, quelle était la condition première que la population a littéralement et implicitement posée? C'était que ce parti politique mette en veilleuse l'option indépendantiste. Or, ils se sont conformés à cela et tous les discours faits avant 1976 mettaient en veilleuse l'option séparatiste indépendantiste qui n'est pas voulue par la population.

On avait dit: On la met de côté, ne vous inquiétez pas, on raie cela du programme et on vous posera la question démocratiquement, dans un référendum. Or, qu'est-ce qui s'est passé? Le référendum a eu lieu et ce gouvernement a perdu quatre ans à préparer le référendum, pour créer toutes les circonstances possibles qui seraient favorables à un oui au référendum. Cela a été un non, un non bien clair d'environ 90 comtés; 95, je crois, sur 110 ont dit non au gouvernement, des citoyens et des citoyennes. Malgré cela, on revient encore avec l'élection de 1981; on remet cela en veilleuse. Et le ministre des Finances dit qu'ils n'ont pas peur de leurs couleurs? Peut-être que lui, dans son comté, l'a dit, mais il y en a plusieurs qui l'ont oublié dans leurs discours politiques à la veille des élections. Cela revient évidemment assez vite après.

Le ministre des Finances nous dit: On ne peut pas se changer parce qu'on est au gouvernement; après tout, si je suis indépendantiste et que je gagne mes élections, je suis encore indépendantiste le lendemain. Je comprends ce qu'il dit, sauf qu'il oublie un facteur important: on peut avoir, dans un parti, des idées indépendantistes - chacun a le droit d'en avoir - mais lorsqu'on est élu avec le mandat de faire en sorte que le Québec reste fort à l'intérieur du Canada -c'est le slogan que ce parti a utilisé en 1981: rester fort à l'intérieur de la fédération canadienne afin que le Québec prenne sa place, sa véritable place dans l'ensemble des provinces canadiennes - on devient membre d'un gouvernement. Ce n'est plus simplement un parti politique. Que le PQ continue à promouvoir l'idée indépendantiste, c'est son affaire; qu'il se suicide, c'est son affaire, mais un gouvernement ne peut agir autrement que dans le cadre du mandat reçu. C'est pour cela que je vous citais, au début de mes remarques, certains passages de gens qui confirment ce que je vous dis, c'est-à-dire qu'on n'a pas le droit, comme gouvernement, d'agir comme si on avait reçu un mandat pour faire la souveraineté du Québec. C'est exactement le mandat contraire qu'on a reçu. Quand on fera cette distinction entre le parti et le gouvernement, on risquera moins de se faire dire que le gouvernement est une chorale.

On parle de centres de décision. Eh! M. le Président! Le ministre des Finances dit que c'était son objectif de voir à ce que les centres de décision soient ici plutôt qu'ailleurs. Mais ce gouvernement a tout fait justement pour que les centres de décision que l'on retrouve dans les sièges sociaux s'en aillent ailleurs. Combien de ces centres de décision... Et j'en connais, j'ai rencontré beaucoup de chefs d'entreprises qui me disaient: Nous devons partir. J'essayais de les garder ici parce que nous sommes malheureux quand quelque chose de mal arrive au Québec. Il ne faudrait pas penser qu'on prend plaisir à critiquer le gouvernement dans le sens de se réjouir. Au contraire, nous sommes attristés de ce qui arrive à notre Québec, à notre population, à nos institutions. Ce qui a fait la force du Québec, c'est justement parce qu'au Québec il y avait des centres de décision importants qui, particulièrement depuis trois ou quatre ans, s'en vont ailleurs. Pensez-vous que, si réellement l'objectif avait été de maintenir les centres de décision ici au lieu d'avoir l'objectif de l'indépendance, ces gens-là seraient partis? Ils auraient fait en sorte de rester. Au contraire, leurs partisans disaient, lorsque les centres de décision partaient: Bon débarras! Nous avons été témoins de ces choses-là, M. le Président.

Lorsque le ministre des Finances parle de ses relations avec le milieu des affaires... C'est entendu que, si je suis un homme d'affaires et que je parle avec le ministre des Finances, nous avons une conversation très agréable. Je n'ai aucun intérêt à me mettre à dos le ministre des Finances. Je n'ai aucun intérêt à me mettre à dos le gouvernement. Cependant, lorsque j'ai à me prononcer, je sais fort bien que ce n'est pas ce gouvernement-là qui va aider mon industrie. Ce n'est pas ce gouvernement-là qui va nous aider lorsque l'on sait de quelle façon ce gouvernement nous traite dans le domaine de la fiscalité. Les Québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord et c'est le ministre des Finances qui vient de nous parler, qui est responsable de la fiscalité au Québec.

Une voix: Oui, c'est ça.

M. Levesque (Bonaventure): C'est celui-là qui est responsable, en pleine crise économique, d'avoir surtaxé les Québécois...

Une voix: Gros rigolo!

M. Levesque (Bonaventure): ...avec une taxe ascenseur épouvantable qui a été imposée. Au moment même où il fallait penser à créer des emplois, ce ministre des Finances, qui vient nous dire qu'il est préoccupé par l'économie, a été celui qui a apporté justement les pires taxes, augmentant la taxe de vente de 8% à 9%, augmentant la taxe sur l'essence de 20% à 40%.

Une voix: La taxe sur le capital.

M. Levesque (Bonaventure): Une taxe sur le capital, justement, sur les entreprises...

Une voix: Sur les emplois.

M. Levesque (Bonaventure): ...et surtout une taxe sur la masse salariale, M. le Président, augmentant...

Une voix: Doublée.

M. Levesque (Bonaventure): ...doublant même dans certains cas, comme dans le cas des contributions au programme d'assurance-santé, ce que doivent payer ceux qui sont à l'origine de la création d'emplois. C'est ce ministre des Finances qui oublie la ponction fiscale de 1 200 000 000 $ qu'il est venu chercher au moment où on se serait attendu que le gouvernement essaie plutôt d'injecter du capital pour créer des emplois au Québec.

Une voix: C'est ça.

M. Levesque (Bonaventure): Mais nous avons eu droit à un régime de taxation. C'est entendu, les milieux d'affaires sont bien gentils. Certainement, comme toute la population. Nous avons une population québécoise très aimable, très cordiale, très polie. Nous n'avons pas l'habitude de voir des Québécois et des Québécoises aller à l'étranger, par exemple, et ne pas être polis. C'est bien normal de faire ça. Ici même, quand nous rencontrons un gouvernement adverse... Je suis le premier, vous ne pouvez pas trouver tellement plus libéral que je le suis, et, pourtant, lorsque je rencontre les membres du gouvernement, je suis toujours gentil, n'est-ce pas, avec vous autres; il n'y a pas de problème. Mais je ne peux pas accepter vos politiques. Cela ne veut pas dire qu'il faut se chicaner dans la rue quand on n'est pas d'accord. C'est pour cela que, lorsque le ministre des Finances dit qu'il rencontre les milieux d'affaires et que cela va bien, cela va bien ça. Si vous voulez un lunch, M. le ministre des Finances, pas de problème. Voulez-vous venir prendre un verre? D'accord. Tout le monde est gentil. Sauf que tous ces gens-là disent: Regardez les sondages; regardez partout; écoutez ce que les associations de ces hommes d'affaires vous disent. Ils ne peuvent pas accepter votre option indépendantiste; ils ne peuvent pas accepter votre fiscalité; ils ne peuvent pas accepter votre surréglementation; ils ne peuvent pas vous accepter, point final.

Une voix: Cela ne passe pas.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne voudrais pas, cependant, terminer ces quelques remarques sans relever deux ou trois points. Le ministre des Finances a parlé des glissements, par exemple, qui ont eu lieu dans les années cinquante, de Montréal vers Toronto ou du Québec vers l'Ouest. À ce moment-là, il y avait - il a oublié de le dire - des choses qui venaient remplacer ce qui partait, tandis qu'aujourd'hui cela ne revient pas. Dans ce temps-là, on a parlé de la voie maritime, on a parlé de Canadian Car, je pense, mais est-ce qu'on a parlé d'Air Canada, de Canadair, de Pratt et Whitney, de l'industrie pharmaceutique, des industries de télécommunications? Est-ce qu'on a parlé du développement du centre-ville de Montréal, de l'est ou de l'ouest de Montréal, avec les édifices qui se construisaient partout? On a vu la rue Dorchester, par exemple, se construire littéralement, les sièges sociaux s'y établissant en grand nombre. Alors, si cela partait, cela revenait, mais, aujourd'hui...

Une voix: À sens unique.

M. Levesque (Bonaventure): ...dites-nous ce qui revient quand cela part. D'ailleurs, les chiffres de la migration sont clairs; nous sommes en déficit. Lorsqu'on regarde les centres de décision dont on parle, il en part continuellement. Il nous dit: II y a des choses qui reviennent; il y a...

Une voix: Michaud. Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Levesque (Bonaventure): Oui, on l'a dit. J'ai des collègues, évidemment, M. le Président, qui veulent que j'en dise plus.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Levesque (Bonaventure): On parle de M. Michaud qui revient, mais disons que...

Une voix: ...comme un siège social.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! (12 h 50)

M. Levesque (Bonaventure): Revenons sérieusement, M. le Président, à notre propos. On a parlé, je pense, de Cantel. Oui, M. le Président, mais pour tout dire, il faudrait dire que le ministère fédéral des Communications a accordé à la firme montréalaise Cantel la licence pour la mise en place d'un réseau téléphonique cellulaire dans 23 grandes villes canadiennes, etc. On voit que l'influence du gouvernement fédéral fait que Cantel est là et va être là pour rester, je l'espère.

On a d'autres exemples. Est-ce qu'on a parlé de Bell Helicopter? Dans les autres cas, c'était relié aux richesses naturelles.

Mais lorsqu'on a parlé, par exemple, de Bell Helicopter, est-ce qu'on veut parler des efforts du Québec pour amener Bell Helicopter ou si on veut se rendre compte et admettre que c'est une initiative et une volonté politique du gouvernement fédéral qui a fait que Bell Helicopter est venue ici? Il ne faut pas se le cacher, M. le Président.

Une voix: Malgré eux.

M. Levesque (Bonaventure): Et malgré eux, parce que, justement, je peux vous citer, si j'en ai le temps, M. le Président, ce que disait M. Lumley à ce sujet. Il disait: 'Le Québec n'est pas facile à vendre. Nous avons des problèmes terribles à amener des industries dans cette province. Nous ne pouvons même pas trouver des employés au sein de notre propre ministère qui acceptent de retourner au Québec - il parle de Québécois. "Lorsque j'ai amené le président de Bell Helicopter ici pour la première fois, tous les journaux du Québec annonçaient à la une l'intention de René Levesque de faire l'indépendance, s'il obtenait une majorité de 50%. Le président de Bell qui scrute la une de ces journaux pendant que j'essaie de le convaincre de venir, ce n'est pas facile."

Il est clair, M. le Président, qu'une industrie pancanadienne qui veut avoir le marché des 24 000 000 de Canadiens, lorsqu'elle entend parler d'indépendance, devient inquiète tout de suite et se dit: Est-ce que je serai encore dans ce pays afin de m'occuper du marché pancanadien?

Je pense que les intérêts du Québec sont mal servis par ce gouvernement. Je pense que le gouvernement péquiste, en persistant à promouvoir l'option indépendantiste, témoigne de son mépris à l'endroit de la volonté de la grande majorité de la population et nuit à la reprise de l'économie ainsi qu'à la création d'emplois permanents. Cela ne veut pas dire que, de ce côté-ci de la Chambre, nous n'avons pas de regret de ce qui se passe. Nous avons hâte, comme la population, d'avoir un autre gouvernement qui sera réellement voué aux intérêts des Québécois et des Québécoises, qui va mettre véritablement, sincèrement et entièrement la priorité sur la croissance de l'économie. C'est une condition sine qua non de notre développement social, de notre développement culturel.

Nous allons avoir un gouvernement qui va se tenir debout aussi à Ottawa, parce que nous avons un gouvernement, présentement, qui a des slogans comme "Faut rester forts". Jamais un gouvernement n'a été aussi faible dans le domaine constitutionnel. Il a été faible dans le domaine économique, dans le domaine social, dans le domaine des relations du travail, mais il a été essentiellement faible dans le domaine constitutionnel. Avec ce gouvernement, nous avons perdu le droit de veto, nous avons perdu la délégation pour l'administration des pêcheries, nous avons perdu, je ne sais dans combien de domaines, des acquis et nous n'avons rien gagné dans les relations fédérales-provinciales.

Nous croyons à une vraie économie du Québec. Nous voulons un Québec fort à l'intérieur du Canada, un Québec qui va réellement et fièrement représenter les aspirations de notre peuple. Nous voulons que le Québec gagne véritablement sa place et qu'il ne soit pas tassé comme il l'est présentement, à cause de sa faiblesse, à cause de son option.

Nous voulons précisément que, dans les prochains mois, ce gouvernement puisse accepter de revenir devant le peuple et de se faire juger, de se faire remplacer par un gouvernement qui va réellement correspondre à la volonté du peuple, et non un gouvernement déconnecté comme celui que nous avons devant vous et qui s'en va son chemin comme s'il n'existait pas 6 000 000 de Québécois et de Québécoises qui n'attendent que des élections générales pour lui dire ce qu'ils en pensent.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement. Oui.

M. Gratton: Avant d'appeler le vote, pourriez-vous vous assurer d'appeler les députés, parce que, comme vous le voyez, il y en a seulement cinq du Parti québécois?

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plalt! Est-ce que la motion du chef de l'Opposition... S'il vous plaît! Avant d'adopter quelque chose, il faudrait au moins que je le demande.

Une voix: On pourrait la lire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je ferai tout cela, si on m'en donne l'occasion. Est-ce que la motion du chef de l'Opposition, le député de Bonaventure, est adoptée, cette motion privilégiée en vertu de l'article 24, qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement péquiste qui, en persistant à promouvoir l'option indépendantiste, témoigne de son mépris à l'endroit de la volonté de la grande majorité de la population et nuit à la reprise de l'économie ainsi qu'à la création d'emplois permanents"? S'il vous plaît!

Des voix: Adopté.

Des voix: Rejeté. M. Bertrand: Vote enregistré.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Vote enregistré, M. le leader de l'Opposition?

M. Bertrand: M. le Président, me prévalant du règlement, je demanderais que le vote soit reporté à la prochaine séance, demain, après la période des questions.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je me demande si cela est conforme à l'esprit du règlement parce que, dans le fond, on sait qu'une motion de blâme peut résulter en la démission du gouvernement et, si celle-ci devait être adootée demain, à la suite du débat d'aujourd'hui, est-ce que les gestes posés par le gouvernement devraient être reconnus comme légitimes? Il me semble qu'on devrait voter immédiatement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: Lorsque nous avons discuté du partage du temps, etc., il était entendu qu'on terminait à 12 h 55 pour pouvoir voter immédiatement sur cette motion.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bertrand: M. le Président, en cette Chambre, on doit prendre la parole de ceux qui, effectivement, l'exercent. Je dois indiquer qu'en aucun temps, lors de ma rencontre avec le leader de l'Opposition en présence du président, je n'ai indiqué que nous allions prendre un vote enregistré à 12 h 55. D'ailleurs, quand nous avons fait le découpage de l'enveloppe du temps, nous avions une période de 120 minutes. Il avait été décidé d'un partage 50-50 avec un droit de réplique pour le chef de l'Opposition de 20 minutes. M. le Président, je suis convaincu que le règlement permet effectivement le report du vote à la prochaine séance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je vous rappelle que l'article 24, qui régit le débat sur une motion de blâme, est clair. À la dernière phrase, on lit ce qui suit: "Ces motions ne sont pas susceptibles d'amendement et le débat qu'elles provoquent se termine un quart d'heure avant l'ajournement de la séance alors que la motion est mise aux voix." Point à la ligne. C'est tout de suite qu'il faut voter, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, mise aux voix veut dire que nous procédons au vote. Procéder au vote, vous l'avez fait vous-même: Est-ce que cette motion est adoptée? De l'autre côté, on a dit: Adopté; de ce côté-ci, on a dit: Rejeté. Cela s'appelle la mise aux voix. Il y a un autre article du règlement qui dit que, lorsqu'un vote enregistré est demandé, le leader parlementaire du gouvernement peut, sans débat aucun, demander que le vote enregistré soit reporté à la prochaine séance. C'est ce que je fais en me prévalant du règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): II y a aussi l'article 106 qui dit qu'on peut reporter un vote, qu'il n'y a pas d'exception et, en tant que président, je dois évidemment me conformer à la demande du leader. Donc, vote reporté à demain... S'il vous plaît! Vous voulez suspendre...

M. Bertrand: M. le Président, motion pour suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise de la séance à 15 h 04)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! Vous pouvez vous asseoir. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 12 de notre feuilleton d'aujourd'hui.

Prise en considération du rapport

de la commission qui a étudié

le projet de loi 47

Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 12 est la prise en considération du rapport de la commission permanente des transports qui a étudié le projet de loi 47, Loi sur le transport par taxi. La parole est au député de Sainte-Anne.

M. Bissonnet: Non, de Jeanne-Mance.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oh,

excusez-moi, de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Seulement un petit mot, M. le Président. J'ai reçu un appel téléphonique des procureurs de la compagnie Samson Limousines qui auraient un mémoire à soumettre. Ils m'ont informé également qu'ils avaient communiqué avec le bureau du ministre. Donc, j'attendrai demain, lors de l'appel en troisième lecture, s'il y a des commentaires à faire à ce sujet. Pour le moment, c'est simplement pour dire au ministre qu'il y a peut-être des représentations qui nous seront faites dans les prochaines heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, pas de... Donc, la prise en considération est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint.

M. Boucher: L'article 11, M. le Président

Prise en considération du rapport

de la commission qui a étudié

le projet de loi 46

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est la prise en considération du rapport de la commission permanente des transports qui a étudié le projet de loi 46, Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et modifiant diverses dispositions législatives. Cette prise en considération est-elle adoptée?

Une voix: II y a des amendements.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Ah! II y a des amendements? Les amendements sont présentés par le député de Mont-Royal.

Il y en a d'abord un à l'article 7. Je vais le lire. Cet article 7 amendé est modifié par l'addition, après le deuxième alinéa, de l'alinéa suivant: "Une municipalité peut demander au gouvernement, par une résolution précisant les raisons de cette demande, de ne pas être forcée de se joindre à l'entente. Elle doit alors transmettre sa résolution dans les quinze jours de son adoption aux municipalités parties à l'entente."

Il y a l'article 20 qui serait amendé en étant modifié par l'addition, après le premier alinéa, des deux alinéas suivants: Les résolutions de ces municipalités doivent être transmises dans les quinze jours de leur adoption à la municipalité qu'elles veulent joindre à l'entente. "Celle-ci peut demander au gouvernement, par une résolution précisant les raisons de cette demande, de ne pas être forcée de se joindre à l'entente. Elle doit alors transmettre sa résolution dans les quinze jours de son adoption aux municipalités parties à l'entente."

Finalement, l'article 71 est modifié par la suppression du troisième alinéa de l'article 74.

Je demanderais au député de Mont-Royal de prendre la parole.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Brièvement, j'aimerais rappeler les raisons pour lesquelles nous avons demandé au ministre des Transports de faire les amendements que nous lui avons suggérés au présent projet de loi. Premièrement, si on se le rappelle bien, la CTRSM, la Commission de transport de la rive sud de Montréal, a été obligée d'acquérir les biens de Métropolitain Sud et de fournir un service de transport non seulement aux municipalités qu'elle desservait en 1978, mais à une cinquantaine d'autres municipalités desservies par Métropolitain Sud. On s'est retrouvé avec un transport interurbain en plus d'un transport urbain et cela a causé certains problèmes. Deuxièmement, la Commission de transport de la rive sud de Montréal a été obligée d'envoyer des factures à toutes les autres municipalités pour défrayer les coûts de fonctionnement. Malheureusement, ces factures ne sont parvenues aux autres municipalités que deux ans après l'acquisition de Métropolitain Sud, deux ans après qu'elle eut commencé à desservir ces municipalités. Les factures étaient pas mal élevées, les municipalités se sont plaintes et le ministre, finalement, étant obligé d'agir parce que les municipalités ne pouvaient plus assumer le coût de fonctionnement de la CTRSM, a dû présenter ce projet de loi qui dit aux municipalités concernées: À partir du 1er janvier et jusqu'au 31 mars - parce qu'il y a eu un sursis de trois mois - vous aurez le droit, les municipalités de la rive sud, les municipalités de la région de Montréal, de vous regrouper en conseils intermunicipaux de transport, vous aurez le droit d'effectuer le transport par contrat, avec des transporteurs privés ou, si vous le voulez, par contrat avec la CTRSM.

Jusque-là, tout va très bien, le principe est acceptable. Nous avons déjà dit, en deuxième lecture, que nous acceptions le principe que les municipalités puissent, elles-mêmes, décider de la façon dont elles vont fournir le transport dans leurs limites.

Cependant, il y a deux problèmes qui se posent dans le projet de loi qui est devant nous. Nous les avons soulignés en deuxième lecture et nous avons même averti le ministre qu'à moins qu'il n'y ait des changements majeurs, des changements

importants au projet de loi, nous serions dans l'obligation de voter contre ce projet s'il imposait trop de charges additionnelles ou s'il pénalisait certains contribuables. (15 h 10)

Qu'est-ce qui arrive avec le présent projet de loi? À l'article 71 le gouvernement nous dit que la CTRSM ne sera pas dédommagée à la suite du refus des autres municipalités d'utiliser par contrat les services de la CTRSM. Autrement dit, on a obligé la CTRSM à assumer les obligations de Métropolitain Sud, devenue une filiale de la CTRSM, et aujourd'hui on dit: Cette filiale n'existera plus. Une fois que la filiale n'existe plus et ne peut plus fournir les services, qu'arrivera-t-il aux obligations de la Commission de transport de la rive sud de Montréal? Elle sera obligée d'assumer les obligations, les frais de fonctionnement, et cela peut former un montant assez élevé. Par exemple, la filiale de la CTRSM qui donnait le service à toutes les municipalités environnantes en plus des municipalités de Longueuil, Boucherville, etc., a 146 employés avec une masse salariale d'environ 5 000 000 $. Est-ce que la CTRSM sera obligée d'absorber ces 146 employés? Est-ce qu'elle sera obligée, à cause de la convention collective qu'elle a avec ses employés, de continuer à payer cette masse salariale approximative de 5 000 000 $ par année? Ce sera une pénalité, une charge déraisonnable imposée aux contribuables de la rive sud qui seront obligés de payer la note.

Nous suggérons ceci au gouvernement: Puisque c'est vous, messieurs du gouvernement, qui avez causé le problème au début, qui avez obligé la CTRSM à acquérir Métropolitain Sud, le moins qu'on peut vous demander, c'est que, maintenant que vous dites à la Commission de transport de la rive sud de Montréal qu'elle ne peut plus emploiter sa filiale, Métropolitain Sud, qu'elle ne peut plus donner de services, vous soyez en mesure d'absorber les dommages qui seront causés à la CTRSM. Ce n'est pas déraisonnable, ce que nous vous demandons; c'est quelque chose d'assez élémentaire. On a déjà pénalisé les contribuables par la loi de 1978 quand la CTRSM a acquis les biens de Métropolitain Sud. La note pour le coût de fonctionnement qui était assez élevée, devra être payée par les autres municipalités. C'est vrai que le gouvernement va absorber le coût de l'expropriation. C'est vrai que le gouvernement sera responsable pour le paiement des obligations à long terme. Mais le gouvernement refuse de s'engager à payer les dommages ou les coûts additionnels qui seront subis par la CTRSM si elles ne signent pas de contrat, si elles ne sont pas capables de s'entendre avec les autres municipalités pour fournir le service après le 31 mars 1984. En plus des obligations concernant la masse salariale, des obligations envers le personnel, il y a des poursuites qui ont été intentées contre la CTRSM qui pourraient se chiffrer entre 300 000 $ et 450 000 $. Je crois que le ministre, en commission parlementaire, s'était engagé... Il pourra peut-être nous dire, quand il va discuter des amendements, si, vraiment, il prend l'engagement au nom du gouvernement que, si des jugements sont portés à la suite des poursuites judiciaires contre la CTRSM, le gouvernement va en absorber le coût. 300 000 $ à 450 000 $, encore une fois, M. le Président, ce serait injuste d'obliger les contribuables de la rive sud à absorber ce coût quand le gouvernement dit à la CTRSM: Votre filiale n'existera plus à partir du 1er janvier ou le 31 mars.

Il y a un autre aspect, M. le Président, et nous avions porté ces questions à l'attention du ministre durant l'étude article par article du projet de loi. Le ministre nous avait assurés, à ce moment, qu'il n'y avait pas de problème avec la CTRSM, qu'il avait discuté avec les dirigeants de la CTRSM et qu'ils semblaient être satisfaits des arrangements concernant le projet de loi, que tout semblait en ordre. Cependant, je dois signaler au ministre que, pendant qu'il nous disait cela, il avait peut-être eu l'occasion de prendre connaissance d'un télégramme qui lui avait été adressé le matin. C'est possible, parce que je crois bien que le ministre ne nous aurait pas induits en erreur de cette façon. Je présume, pendant que nous étions en commission parlementaire, que son bureau a reçu un télégramme de la CTRSM lui faisant part de certaines inquiétudes. Je voudrais lire le télégramme qui a été envoyé au ministre pour lui démontrer les inquiétudes de la CTRSM, les obligations qu'elle sera obligée d'assumer et qui seront un peu trop onéreuses pour elle et pour les contribuables de la rive sud. Je lis le télégramme: "M. le ministre, nous désirons vous réitérer l'inquiétude du Conseil des maires et de la Commission de transport de la rive sud de Montréal quant à l'adoption du projet de loi 46 sur les conseils intermunicipaux de transport. Si ce projet ne devait pas être modifié, il pourra avoir des conséquences financières importantes pour les sept municipalités partenaires de la commission. Afin de protéger les citoyens payeurs de taxes de ces municipalités, le conseil et la commission demandent que soient envisagés les mécanismes suivants: le report à 1984 de l'adoption d'une nouvelle législation ou la sanction, en 1983, de ce projet de loi dont la promulgation serait cependant reportée au 1er janvier 1985. Nous croyons - je continue toujours à citer le télégramme - que, dans l'intérêt de tous, votre ministère ainsi que l'Assemblée nationale devraient retenir cette demande et considérer des mesures compensatoires pour

éviter que les municipalités partenaires de la commission aient à payer les engagements et les frais courus par Métropolitain Sud à la suite de l'abolition de cette filiale dont les biens seraient dévolus à la CTRSM. En toute équité, le projet de loi 46 devrait donc prévoir que le conseil et la commission reçoivent une indemnité pour compenser toutes les obligations éventuelles dévolues par Métropolitain Sud à la CTRSM." Signé par Jean-Guy Parent, président du Conseil des maires, et Georges Molini, président-directeur général de la CTRSM.

M. le Président, la commission de transport demanderait de reporter à la fin de décembre 1984, jusqu'au 1er janvier 1985, la sanction et la promulgation du projet de loi. Elle demanderait aussi qu'il y ait des mesures compensatoires, c'est-à-dire que le gouvernement s'engage à payer les sommes d'argent que la CTRSM sera obligée d'absorber par suite de l'abolition de la filiale de la CTRSM.

Je peux comprendre que si on retarde à la fin de décembre 1984 l'adoption du projet de loi, cela pourrait causer des dommages aux autres municipalités, parce qu'il y aurait des frais additionnels. Ce n'est pas notre but pour résoudre un problème d'en créer un autre. Ce n'est pas cela qu'on demande au ministre. On ne demande pas au ministre de reporter à la fin de décembre la mise en vigueur du projet de loi. On comprend que toutes les autres municipalités, la cinquantaine de municipalités hors de la juridiction de la CTRSM qui avaient les services de la filiale de Métropolitain Sud ne veulent pas être en position d'avoir à payer les coûts de fonctionnement sans avoir aucun contrôle. On comprend le ministre et on comprend les municipalités. On ne demande pas cela. On est d'accord avec l'amendement que le ministre a déjà apporté au projet de loi d'avoir une période de transition jusqu'au 31 mars 1984; cela va donner une période de temps pour effectuer certaines négociations et pour permettre à la CTRSM de prendre certaines mesures d'ici à la fin de mars. Je ne voudrais pas que le ministre nous dise: Ils vont avoir trois mois, ils vont pouvoir prendre de mesures, ils sont en négociation avec d'autres municipalités. Cela est vrai. Ils sont en négociation. Ils auront trois mois. Mais que va-t-il arriver si les négociations ne sont pas terminées le 31 mars 1984? Que va-t-il arriver si quelques-unes de ces municipalités se regroupent en conseils intermunicipaux de transport et décident de ne pas accorder le contrat à la CTRSM? (15 h 20)

Je crois qu'il y a un ou deux corridors où l'on négocie avec des transporteurs privés, et non avec la CTRSM. Peut-être qu'il y a un corridor, le ministre me signale qu'il y a un corridor. Mais les autres, même s'ils sont en négociation, d'ici au 31 mars beaucoup de choses peuvent arriver. Les négociations peuvent échouer et la CTRSM va être obligée d'assumer toutes ses obligations. Si le ministre nous dit qu'ils vont négocier, les chauffeurs, au lieu de travailler, vont continuer d'être employés par la CTRSM et ils vont fournir le service pour le CIT. Très bien. On souhaite que cela arrive. Mais si cela n'arrive pas, que va-t-il arriver? C'est cela qu'on vous suggère. C'est le but de notre amendement. Si cela arrive, le gouvernement n'aura pas à s'inquiéter. Ils ne seront pas obligés de payer, de dédommager la CTRSM parce qu'ils auront conclu des contrats avec les autres municipalités. On veut que certaines garanties soient données à la CTRSM, que certaines garanties soient données aux contribuables de la rive sud. Si les négociations ne sont pas conclues et que la CTRSM est obligée d'assumer les obligations pour sa filiale, on veut que le gouvernement s'engage maintenant envers la CTRSM, envers les contribuables de la rive sud, à payer les sommes additionnelles qui seront encourues, qui devront être payées par la CTRSM.

Je crois que c'est très simple. Ce n'est pas si compliqué. Je crois que c'est seulement un élément de justice élémentaire. M. le ministre, on ne peut pas résoudre un problème en en créant un autre. Ce n'est pas la façon de résoudre les problèmes. Si vous voulez résoudre le problème de la cinquantaine de municipalités qui ne veulent plus se faire envoyer des notes, des factures à la fin de l'année, factures qui sont trop élevées et sur lesquelles elles n'ont aucun contrôle, je vous comprends. Le projet de loi prévoit des mesures pour s'assurer que ces municipalités puissent prendre les moyens nécessaires. Mais, une fois que vous avez résolu un problème de cette façon, si vous créez un autre problème pour la CTRSM, ce n'est pas de résoudre le problème; la façon ce serait de vous assurer que, dans ce projet de loi, tous les problèmes soient résolus. Ce ne serait pas un montant tellement exagéré. Ce n'est pas comme si la CTRSM s'était engagée elle-même à fournir ce service. Là, le ministre pourrait dire: Cela vous montrera... vous devez être responsables de vos propres actions. Je peux comprendre. Quand on prend une décision on doit être préparé à répondre et à être responsable pour les décisions prises. Si moi, personnellement, je prends une certaine décision, je vais en subir les conséquences et je dois être prêt à le faire. Je ne pourrais pas commencer à blâmer un autre, chercher des solutions ailleurs et dire: Ce n'est pas ma faute, un autre va résoudre le problème pour moi. Non. De la même façon, la même règle qui s'applique à moi et aux individus au Québec, doit s'appliquer au gouvernement. C'est le gouvernement qui, en 1978, a pris la décision de forcer la CTRSM d'acquérir la

filiale Métropolitain Sud. La CTRSM n'était pas intéressée à faire cela; Métropolitain Sud était au bord de la faillite. Évidemment, le service n'était pas rentable et la CTRSM a été obligée par le gouvernement de prendre cette décision. Si le gouvernement a pris cette décision en 1978, il doit aujourd'hui vivre avec les conséquences de cette décision. Et si, aujourd'hui, le gouvernement vient dire à la CTRSM: Votre filiale, on va l'abolir, cela cause trop de problèmes ailleurs, le gouvernement, en toute justice, va être obligé de dire à la CTRSM: Très bien, vous allez abolir la filiale, mais on va vous dédommager si vous êtes obligés de payer des sommes additionnelles. On ne pénalisera pas les contribuables de Longueuil, de Boucherville et de toutes les municipalités qui font partie de la CTRSM maintenant, à la suite de l'abolition de la filiale.

M. le Président, il ne devrait même pas y avoir de discussion là-dessus. Car il y un autre aspect du projet de loi - il y a d'autres changements, et je crois que le ministre a indiqué que peut-être il était prêt à accepter quelques-uns de ces amendements - qui donne le droit au ministre, au gouvernement, de dire à certaines municipalités qui ne veulent pas faire partie d'une entente: Vous serez obligées de faire partie d'une entente si d'autres municipalités le font et si le service du transport en commun peut arriver à ces municipalités ou s'il y a assez de contribuables qui utilisent le transport en commun. Le but des autres amendements est de vraiment retourner aux élus municipaux le pouvoir décisionnel. On a essayé en commission parlementaire de convaincre le ministre que si ces principes de donner le pouvoir aux élus devaient vraiment être mis en application, le gouvernement ne devrait jamais être dans la situation de forcer une municipalité de conclure une entente avec les autres. Cela dépendrait de la volonté des élus de cette municipalité. S'ils veulent signer l'entente, très bien. S'ils ne la signent pas, ils en assument les conséquences.

Le gouvernement a refusé. Le but de nos amendements est de permettre aux municipalités qui seront obligées de participer au transport en commun contre leur désir d'aviser au moins le gouvernement et de se faire entendre par le gouvernement pour donner leurs objections et les raisons pour lesquelles elles ne devraient pas faire partie de l'entente.

M. le Président, l'amendement que nous voulons apporter a trait à l'article 71 et ce que nous demandons au gouvernement... Le troisième alinéa de l'article 71 se lit comme suit: "La commission - parlant de la Commission de transport de la rive sud de Montréal - n'a droit à aucune indemnité pour la dissolution de sa filiale." Nous demandons par notre amendement de biffer cet alinéa. Nous aurions voulu ajouter une obligation du gouvernement pour compenser la CTRSM, mais comme vous le savez, ce n'est pas légal. Ce n'est pas recevable de la part des membres de l'Opposition. C'est seulement le gouvernement qui a le droit d'inclure dans un projet de loi l'obligation de payer certaines sommes. C'est une question de fiscalité. C'est une question de paiement de montants d'argent. Nous n'avons pas le droit d'inclure une telle obligation dans le projet de loi. Je voulais l'expliquer pour que les gens de la CTRSM comprennent pourquoi nous demandons seulement au gouvernement d'enlever son droit de n'accorder aucune indemnité pour la dissolution. Nous voulons non seulement que le gouvernement enlève cette clause, mais nous voulons que le gouvernement assume ses responsabilités et paie ou donne une compensation qui devrait être établie. Ce n'est pas une compensation pour des profits futurs. C'est cela, la différence qu'il faut comprendre. On ne demande pas au gouvernement de dire: Voici un service que la CTRSM vient peut-être de perdre et dont elle aurait pu bénéficier dans l'avenir. On ne veut pas de bénéfices pour l'avenir. Ce n'est pas un profit. Ce ne sont pas des sommes additionnelles. La CTRSM ne veut pas faire de l'argent avec cela, mais elle ne veut pas non plus être obligée d'assumer les frais et de payer ces sommes. Pour ces raisons, je crois que c'est important.

C'est important aussi pour d'autres raisons. Il n'y a pas seulement la question du paiement des montants d'argent. Je pense que c'est une question de principe. Un gouvernement ne devrait pas causer une injustice par son projet de loi. C'est le gouvernement qui a forcé la CTRSM a prendre cet engagement en 1978 et le gouvernement doit, en toute justice, compenser la CTRSM pour les dommages qu'elle va subir. Mettez-vous à la place des contribuables de la rive sud. Le gouvernement pose parfois des gestes qui, pourrait-on dire, enlèvent ou diminuent la confiance de la population envers les institutions gouvernementales. Il ne faudrait pas encourager ce manque de confiance, il ne faudrait pas poser des gestes qui fassent que la population continue à dire: Le gouvernement a fait quelque chose d'injuste, je n'ai pas confiance au gouvernement, je n'ai pas confiance aux politiciens. On a une responsabilité, à l'Assemblée nationale, celle d'assurer le respect de nos institutions. On impose des charges injustes à des contribuables qui n'ont rien eu à dire, qui n'ont rien eu à voir là-dedans, des pauvres contribuables qui seront obligés d'assumer les 5 000 000 $ - je ne sais trop, ce peut être réduit ou non; mais quelle que soit la somme, c'est le principe - et qui vont recevoir un compte de taxes plus élevé l'année prochaine. (15 h 30)

Pourquoi cela? Parce que le gouverne-

ment a décidé d'adopter une loi en disant: Vous allez payer plus cher parce que j'ai décidé que la gaffe que j'ai faite en 1978, de bonne foi... J'accorde au gouvernement qu'en 1978, de bonne foi, il a essayé de résoudre un problème. Je vous donne le bénéfice du doute et je n'ai aucune raison de croire que vous n'étiez pas de bonne foi, mais c'est vous qui avez pris la décision, c'est vous qui avez imposé ces charges. Aujourd'hui, le même contribuable a vu cette charge additionnelle, cette obligation additionnelle imposée à la CTRSM sans qu'on lui demande son avis. Il n'a pas voté pour cela; quand il a voté pour le maire ou pour les conseillers municipaux, il n'a pas voté pour être taxé un peu plus par la CTRSM parce qu'elle a été obligée d'acheter Métropolitain Sud, parce qu'elle va avoir des factures additionnelles et un coût de fonctionnement déficitaire. Il n'a rien eu à voir là-dedans, n'a rien à voir non plus avec votre décision. Il ne faudrait pas le pénaliser. Il l'a peut-être déjà été et il ne faudrait pas ajouter à cette pénalité.

Pour ces raisons, M. le Président, nous demandons au gouvernement d'accepter les amendements que nous avons suggérés au projet de loi 46, et ce au nom de ces contribuables et au nom de la justice et de l'équité. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Michel Clair

M. Clair: Le député de Mont-Royal est meilleur quand il fait ses propres discours que quand il reprend les discours du député de Laporte. Le discours du député de Mont-Royal a repris un certain nombre de mythes ou de prétentions qui ont été entretenus par le député de Laporte, en particulier, sur la question de la CTRSM.

Le premier point que j'aimerais souligner en ce qui concerne le projet de loi 46, comme le député l'a fait, c'est la petite histoire de Métropolitain Sud et de Métropolitain Provincial. Le député a terminé son intervention en disant: C'est le gouvernement qui est intervenu, en 1978, par une loi faisant de Métropolitain Sud une compagnie privée, une filiale de la CTRSM, entreprise publique. Il a dit: Si le gouvernement a pris ces décisions en 1978, peut-être que c'était la bonne décision mais, aujourd'hui, qu'il en supporte les conséquences.

Deux choses là-dessus. D'abord, en 1978, lorsque nous sommes intervenus, lorsque nous avons dû intervenir comme nous l'avons fait, c'était le résultat d'un grand nombre d'années d'ignorance des besoins de transport des personnes par les gouvernements qui nous avaient précédés, et principalement celui qui était là depuis six ans avant nous.

Deuxièmement, quand il dit qu'on va faire payer la note aujourd'hui à des contribuables des villes de la CTRSM, c'est faux. J'aimerais y revenir brièvement. Lorsqu'en 1978 et 1979 le gouvernement a dû procéder à l'expropriation de Métropolitain Sud et de Métropolitain Provincial, c'est essentiellement parce que ces deux entreprises privées étaient acculées à la faillite et qu'une dizaine de milliers d'usagers par jour risquaient d'être privés de tout mode de transport en commun vers Montréal à cause de la faillite de ces deux entreprises.

Or, M. le Président, Métropolitain Sud et Métropolitain Provincial n'étaient pas deux entreprises privées qui avaient commencé en affaires deux ou trois ans auparavant. 11 s'agissait de systèmes de transport de personnes développés sur une cinquantaine d'années au moins. Si Métropolitain Sud et Métropolitain Provincial étaient acculées à la faillite en 1978 et 1979, c'était le résultat d'une négligence du gouvernement qui nous avait précédés en matière de transport de personnes, particulièrement dans la périphérie de Montréal. Ce phénomène ne s'était pas développé sur une année ou deux, mais sur une vingtraine d'années, avec la construction d'autoroutes périurbaines dans la grande région de Montréal. La facilité avec laquelle l'automobile a pu pénétrer, cela a progressivement forcé l'autobus à fonctionner avec un déficit dans cette région-là parce que non seulement l'automobile lui faisait-il concurrence mais, en plus, le gouvernement de 1970 à 1976 n'avait aucune politique le moindrement dynamique pour inciter au transport en commun. Sa politique en matière de transport des personnes était la construction d'autoroutes.

Le principal argument du député de Mont-Royal est de dire: II va y avoir des coûts pour les contribuables de la CTRSM, des sept villes membres de la CTRSM, Boucherville, Longueuil et les autres. C'est inexact, M. le Président. Ce projet de loi n'entraînera aucune augmentation de taxes pour les municipalités de la CTRSM, premièrement. Deuxièmement, dans la plupart des municipalités, grâce à une réorganisation possible des réseaux, avec l'adoption de ce projet de loi, il y aura une baisse des taxes dans les municipalités, une baisse des contributions à partir de la taxe foncière pour une cinquantaine de municipalités en périphérie de Montréal.

Je pense que le député le reconnaît. Pour les 50 ou 51 municipalités hors territoire de la CTRSM, comme elles vont acquérir le droit de négocier des ententes soit avec la CTRSM, soit avec un transporteur privé, elles le feront dans l'intérêt de leurs contribuables et, donc,

ceux-ci vont bénéficier, dans la plupart des cas, d'une baisse de leur contribution. Le seul cas où il pourrait y avoir une augmentation de la contribution, c'est celui où une municipalité voudrait, comme c'est son droit, augmenter le niveau de services par rapport à ce qu'il est présentement. Donc, aucune augmentation de la taxe foncière pour ces 50 municipalités.

Pour les sept municipalités de la CTRSM, qu'est-ce que c'est Métropolitain Sud? Je ne le reprendrai pas, le député l'a dit, c'est quelques millions de masse salariale, des autobus et un certain nombre d'autres actifs minimaux des garages.

En ce qui concerne les actifs, ils auront été défrayés à 100% par le gouvernement. C'est donc dire qu'advenant le cas où la CTRSM ne puisse pas signer autant de contrats qu'on a de raison de croire qu'elle va signer, elle va se retrouver propriétaire, elle va être la seule commission de transport au Québec à se retrouver propriétaire d'autobus qui vont avoir été payés à 100% par le gouvernement et qu'elle pourrait revendre à profit pour elle sur le marché, puisque le gouvernement les aurait défrayés à 100%. Elle pourrait les vendre, par exemple, dans la région de Shawinigan-Grand-Mère. Vous le savez, M. le Président, c'est dans votre circonscription électorale; les gens cherchaient des autobus usagés à acheter qui pourraient assurer un bon service. On est loin de pénaliser la CTRSM. On lui paie 100% des autobus et on lui dit: Si vous ne parvenez pas à les utiliser dans les anciens corridors de Métropolitain Sud, vous pourrez en disposer comme bon vous semblera. Il me semble qu'on ne peut pas être plus généreux, M. le Président. On n'est pas pour dire: On va en payer 110%. On a accepté d'en payer 100%.

En ce qui concerne les quotes-parts des municipalités pour le déficit d'exploitation des années où Métropolitain Sud aura été en opération, d'abord pour les années 1978 à 1982, presque toutes les municipalités ont accepté de payer. Il ne reste que quelques petites municipalités pour des montants minimes qui totalisent, au moment où on se parle, environ 50 000 $. Ce ne sont pas les municipalités de la CTRSM qui vont être prises pour le défrayer puisque c'est à peu près complètement payé pour les années antérieures et que la loi va continuer à obliger les municipalités à défrayer jusqu'au 31 mars 1984, selon les circonstances, pour ce qui est des mesures transitoires. Encore là, il n'y a rien à payer par les municipalités.

En ce qui concerne la masse salariale, encore là le député de Mont-Royal reprend -je le regrette - le discours pessimiste du député de Laporte. Il y a une douzaine de conseils intermunicipaux de transport qui sont en voie de formation dans la région de

Montréal et, sur la douzaine des principaux corridors tant pour la CTCUM et Métropolitain Provincial que pour la CTRSM avec Métropolitain Sud, il y en a seulement deux importants qui, semble-t-il, vont aller vers l'entreprise privée, les autres préférant négocier avec la CTRSM ou la CTCUM. Pourquoi s'amuser à faire des hypothèses pessimistes quand, au moment où on se parle, la CTRSM est encore en train de discuter avec ces municpalités? S'il advenait - ce que personne, je pense, ne souhaite, ni du côté de l'Opposition, ni de notre côté -que moins de chauffeurs ou de personnes préposées à l'entretien soient requis, la loi prévoit simplement que, sur un avis de trois mois, à toutes fins utiles, la CTRSM se retire, cesse le service et doit procéder éventuellement à des licenciements. Ce ne sont donc pas, encore une fois, les villes de la CTRSM qui vont devoir supporter le coût des salariés qui n'auraient pas de travail... (15 h 40)

Sans compter que nous aussi avons pensé aux salariés, avons pensé à ces gens-là. C'est pour cela qu'on a incité les municipalités à négocier avec la CTRSM et la CTCUM et c'est pour cela aussi que, toujours au moment où on se parle, il y a des négociations entre Longueuil, Montréal, la CUM, la CTRSM et la CTCUM pour le retrait de la CTCUM du Vieux-Longueuil, la CTCUM pouvant facilement absorber, par simple attrition, une diminution - je ne me souviens plus combien exactement - d'environ une cinquantaine de chauffeurs, ce qui créerait donc un espace amplement suffisant pour absorber tous les anciens chauffeurs de Métropolitain Sud sur le réseau de la CTCUM dans le Vieux-Longueuil. Il n'y a aucune raison de s'alerter et de s'alarmer à cause de cela actuellement.

Un dernier point. Le député souligne la question des poursuites qui auraient été intentées contre Métropolitain Sud. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec le président du Conseil des maires de la rive sud, après la réception du télégramme. Là-dessus, je peux dire au député qu'au moment où on se parlait à la commission parlementaire, peut-être nous sommes-nous mal compris, mais j'avais reçu le télégramme; je le savais, et c'est justement parce que j'avais reçu le télégramme que j'ai appelé le soir, vers 18 h 30, avant la reprise de la commission parlementaire, le maire de Boucherville, M. Parent pour mieux connaître quelles étaient ses appréhensions, ses inquiétudes. L'un des points, c'était la question des poursuites éventuelles contre Métropolitain Sud.

Nous avons convenu ensemble qu'il serait, à mon sens et au sien, pour le moins inopportun que le gouvernement légifère sur des causes pendantes ou encore se porte garant dans une loi de toute condamnation qui pourrait survenir à la suite de poursuites

qui auraient été ou qui seraient intentées contre Métropolitain Sud. Cela ne se fait pas.

Ce qu'on a plutôt convenu, c'est que je lui adresserais une lettre dans laquelle je lui dirais qu'on traiterait ces cas ad hoc. Je peux vous faire part, M. le Président, du paragraphe que va contenir la lettre que je vais lui adresser au nom du gouvernement sur la question des poursuites. Je dis simplement: "Sur cette question, vous comprendrez sûrement qu'il serait difficile et même inopportun que l'on légifère sur des causes pendantes ou que le gouvernement s'engage par la loi à défrayer les condamnations résultant de n'importe quelle poursuite qui aurait été intentée ou pourrait l'être contre Métropolitain Sud. Dans les circonstances, je conçois cependant fort bien que, dépendant de la nature des poursuites, jugement et partage des responsabilités dans les causes concernant Métropolitain Sud, le gouvernement pourrait être appelé à défrayer en partie ou en totalité les montants à payer par la CTRSM pour les municipalités hors territoire et desservies par Métropolitain Sud. Chaque cas devrait faire l'objet de considérations ad hoc. En tout état de cause, je comprends que l'évaluation sommaire de ces causes pendantes contre MSI Métropolitain Sud - ne dépassent pas 400 000 $ et que la CTRSM continuera à faire valoir ses droits devant les tribunaux jusqu'à jugement."

Il me semble, M. le Président, qu'on a fait le tour. On a payé 100% de l'expropriation. Les municipalités ont payé le déficit d'exploitation. Nous nous sommes rendus aux demandes de la CTRSM quant à un délai transitoire de trois mois pour les salariés, et en ce qui concerne les poursuites, j'indique qu'on serait prêt à les traiter l'une après l'autre si des jugements condamnaient Métropolitain Sud dans les circonstances que je viens d'évoquer.

Que reste-t-il, M. le Président? Que voulez-vous que j'ajoute à cela? C'est là que je ne comprends absolument pas l'un des amendements du député de Mont-Royal, quand on veut qu'on biffe l'article qui dit qu'aucune indemnité ne sera payable à la CTRSM pour Métropolitain Sud. Une fois que tu as tout payé, tu n'es pas pour prendre l'engagement de payer encore plus. Ce serait déraisonnable. Je ne vois pas le sens de cet amendement. On aura payé 100% des actifs. Nous aurons, en plus d'avoir subventionné les activités, payé complètement, avec les municipalités, le déficit d'exploitation. Quant aux poursuites, je dis qu'on est prêt à les recevoir une par une s'il y en a. Il va rester quoi comme facture à la CTRSM? Est-ce que le gouvernement, après avoir payé 100% de tout cela, va ajouter un crémage sur le gâteau? Non, il n'en est pas question.

Je voudrais maintenant - le député pourra intervenir à la fin - en terminant, revenir sur les deux autres amendements que le député a proposés aux articles 7 et 20. Je voudrais lui dire là-dessus que, comme je l'avais dit en commission parlementaire d'ailleurs, à mon avis et de l'avis des avocats du ministère des Transports, l'amendement proposé par le député de Mont-Royal n'ajoute rien quant aux droits des municipalités de faire des revendications ou des représentations au gouvernement. Néanmoins, si cela va sans le dire, comme on dit parfois, cela va encore mieux quand on le dit.

C'est la raison pour laquelle, en ce qui concerne les amendements aux articles 7 et 20, du député de Mont-Royal, je n'ai pas d'objection à les reprendre, à les reformuler. Nous l'avons fait. En substance, c'est exactement la même chose. Nous donnons par la loi le droit pour une municipalité qui ne veut pas être jointe à une entente et pour laquelle toutes les autres municipalités de l'entente ont demandé qu'elle y soit jointe de force de faire des représentations. C'est un droit évident pour toutes les municipalités. Si l'Opposition insiste, j'imagine qu'elle se fait, à ce moment, l'écho des municipalités qui l'ont sensibilisée à cela. Je n'ai donc pas d'objection à inscrire les amendements dans le projet de loi en les reformulant. Il faudra peut-être, M. le Président, que vous nous conseilliez sur la façon de procéder. Est-ce que le député doit retirer les siens et moi présenter les miens? Peu importe la mécanique. Sur le fond, on est d'accord.

Je voudrais revenir cependant sur cette question. Le député a dit tantôt que l'Opposition aurait préféré qu'en aucune circonstance on ne puisse joindre de force une municipalité à une entente et laisse entendre que ce serait le gouvernement - il ne le dit pas directement, mais le laisse entendre - qui voudrait garder la main haute là-dessus pour pouvoir, de force, introduire une municipalité à sa guise dans une entente intermunicipale sur le transport. Ce n'est absolument pas cela, M. le Président. Ce sont les municipalités elles-mêmes qui nous ont demandé d'avoir dans le projet de loi une telle disposition afin de s'assurer que lorsque, dans un périmètre donné, dans un corridor de transport donné, plusieurs municipalités acceptent d'en faire partie, l'une des municipalités, particulièrement bien située sur le plan géographique, ne puisse bénéficier des services sans avoir à défrayer quoi que ce soit. À ce moment, les municipalités nous ont dit: C'est inéquitable. C'est la raison pour laquelle nous avons mis des dispositions très exigeantes pour les municipalités qui veulent en forcer une autre à se joindre à un conseil intermunicipal de transport parce que la loi dit ceci: Les municipalités se forment volontairement en une entente intermunicipale, en conseil intermunicipal de

transport. Si elles veulent en forcer une autre à faire partie d'un tel conseil intermunicipal, elles doivent d'abord demander à l'unanimité... dans chacune des municipalités, elles doivent faire adopter par leur conseil une résolution demandant au gouvernement de forcer une autre municipalité à faire partie de l'entente. Première chose. Une résolution dans chacune des municipalités qui le demande.

Deuxièmement, ces résolutions doivent être motivées. Il ne s'agit pas simplement d'une petite résolution qui dirait: M. le ministre, on demande que telle municipalité fasse partie de l'entente bon gré mal gré; elles doivent être motivées, avoir des motifs sérieux. Quels sont ces motifs? Il y en a deux. Le premier, c'est lorsque le refus d'une municipalité de faire partie de l'entente risque de compromettre l'organisation du transport dans tout un ensemble de municipalités ou encore de le rendre tellement onéreux qu'il devient illusoire de penser pouvoir l'organiser. C'est la première circonstance. La deuxième circonstance, c'est si elles font la preuve, et cela s'applique particulièrement aux extrémités, aux bouts de lignes, que des personnes qui demeurent dans la municipalité voisine sont susceptibles d'utiliser en nombre important les services de transport en commun, mais que leur municipalité refuse de faire partie d'un conseil intermunicipal de transport. C'est seulement alors que le gouvernement pourra, après tout ce processus, après avoir entendu la municipalité récalcitrante qui, c'est évident, va se débattre et va faire connaître son point de vue, forcer une municipalité à faire partie d'une entente. (15 h 50)

Ce n'est aucunement par goût d'impérialisme du ministre, du gouvernement ou de qui que ce soit, c'est simplement à cause des contraintes physiques, financières de l'organisation du transport des personnes par autobus qu'on doit avoir une telle disposition et ce sont les municipalités elles-mêmes qui nous ont demandé de les inclure.

M. le Président, je termine en disant simplement que j'ai la conviction que, pour la première fois dans l'histoire de la grande banlieue de Montréal, nous allons doter les municipalités d'un pouvoir d'intervention et de mécanismes d'organisation du transport en commun dans toute la périphérie de Montréal, alors que cela a été négligé pendant 20 ans, jusqu'en 1978. Nous avons franchi un premier pas. Nous passons aujourd'hui à un autre stade de développement, d'implication des élus locaux de la région de Montréal dans l'organisation du transport en commun. Je suis confiant que cela sera non seulement à la satisfaction des municipalités de la CTRSM et de la CTCUM, mais également à la satisfaction des 150 autres municipalités qui s'y ajouteront au cours des prochaines années et à la satisfaction des usagers.

J'espère qu'en procédant de cette façon les élus seront plus motivés quant à l'organisation du transport en commun, qu'ils s'y intéresseront davantage, qu'ils seront soucieux de la qualité des services offerts aux usagers, à la population et que, de cette façon, le transport en commun se développera davantage comme alternative à l'automobile privée. Non pas, encore une fois, que nous ayons quoi que ce soit contre l'automobile privée, mais ce n'est pas tout le monde qui a les moyens d'avoir une automobile et, si on veut vraiment offrir une alternative, je pense qu'on doit développer le transport en commun C'est le défi qui est posé tant au ministère des Transports qu'aux municipalités.

En terminant, je dirai que si, de 1960 à 1976, on s'était intéressé davantage à la question du transport en commun et si on n'avait pas eu comme politique de transport des personnes uniquement une politique de construction d'autoroutes, ça ferait bougrement longtemps que de tels problèmes seraient réglés. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au député de Mont-Royal - sur consentement, puisqu'il n'y a pas de droit de réplique, mais je pense que le ministre a donné son consentement pour qu'une question soit posée - je vais essayer de régler le problème des amendements et peut-être que cela vous permettra de mieux travailler.

À l'article 7, si le député de Mont-Royal était d'accord et qu'il y avait consentement unanime, il pourrait retirer son amendement et accepter la proposition du ministre. Même chose pour l'article 20.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Jolivet): II pourra le dire à ce moment. Quant au dernier article, le 71, on devra voter pour ou contre. Je vous offre cela parce que les seuls amendements acceptables sont ceux du député de Mont-Royal, puisqu'ils sont arrivés à temps. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, j'accepte de retirer mes amendements aux articles 7 et 20 et d'accepter les amendements proposés par le ministre. Cependant, à l'article 71, nous allons exiger que cela demeure tel quel.

Brièvement, je voudrais faire quelques courts commentaires et vous poser une question. Quant aux décisions des municipalités de pouvoir ou non faire partie d'une entente. J'ai expliqué pourquoi c'était

nécessaire qu'elles soient incluses ou non et vous avez spécifié les conditions essentielles, la question que cela pouvait compromettre le service, etc. Je voudrais seulement vous rappeler, M. le ministre, que ces conditions étaient des amendements ou des changements que vous avez apportés durant la discussion ou l'étude article par article à la suite de représentations que nous avions faites. Car, si vous vous rappelez, vous aviez proposé un amendement. Vous vouliez avoir le droit d'imposer cette obligation dans des conditions pas mal nébuleuses. C'est à la suite de représentations que nous vous avons faites que vous avez restreint les conditions dans lesquelles vous pourriez obliger les municipalités à faire partie de ces ententes. C'est pourquoi aujourd'hui on exige de vous - et on l'exige dans le projet de loi - le droit de se faire entendre.

Ce n'est pas assez de dire: c'est un droit reconnu; cela va de soi. Trop souvent, pour une raison ou une autre, l'entente avec les municipalités aurait pu être renouvelée ou celles-ci auraient pu être incluses sans en avoir reçu avis en temps et lieu. C'est pour cette raison que nous exigeons des procédures assez exactes pour leur donner le droit de faire des représentations et on spécifie les dates. Je voudrais seulement porter à votre attention que la position contenue dans le mémoire de l'Union des municipalités du Québec rejoignait les représentations qu'on vous avait faites, parce qu'elle nous a dit: "Donc, pour l'Union des municipalités, le projet de loi 46 ne peut être cautionné dans la mesure où il comporte un pouvoir ministériel d'arbitrage sur les décisions locales en matière de transport, une ingérence gouvernementale sur les finances municipales et un pouvoir ministériel de désaveu sur le service de transport au sein des conseils intermunicipaux de transport." La seule chose qu'on fait, c'est de porter à votre attention certains dangers qui existent dans le projet de loi. Nous vous suggérons des amendements pour mieux protéger les municipalités.

Mais revenons à l'article 71. Vous dites: On paie le coût de l'expropriation. On a tout payé. On n'est pas pour payer encore. Si vous vous rappelez la déclaration que j'ai faite, je ne vous ai pas demandé de payer deux fois. Je vous ai dit que, s'il n'y avait pas l'obligation de payer, si les ententes étaient conclues avec les autres municipalités, il n'y aurait pas de problème. Si, comme vous dites, vous avez déjà tout payé, vous allez tout payer, pourquoi insistez-vous pour inclure dans votre projet de loi une stipulation à savoir que la commission n'a droit à aucune indemnité pour la dissolution de sa faillite? Si vous l'avez payée, si vous enlevez cet aspect du projet de loi, la commission ne pourra pas se faire payer deux fois. Le fait de l'inclure, cela veut dire qu'il peut y avoir des sommes qui leur sont dues et qu'elles ne pourraient pas recevoir. On ne veut pas imposer une obligation au gouvernement de payer deux fois. On ne veut même pas imposer une obligation de payer à la commission des sommes qui ne lui sont pas dues. La seule chose qu'on dit, cela fait suite aux représentations que la CTRSM vous a faites dans le télégramme qu'elle vous a envoyé... Elle vous a demandé - je vais lire le dernier paragraphe de son télégramme: "En toute équité, le projet de loi devrait donc prévoir que le conseil de la commission reçoive une indemnité pour compenser toutes les obligations éventuelles dévolues par Métropolitain-Sud à la CTRSM."

En concluant, on ne vous demande pas de payer deux fois. On ne vous demande pas de leur payer des sommes qui ne leur sont pas dues. Si vous les avez déjà payées, ils vont être satisfaits. On vous demande seulement, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, pour qu'on n'impose pas des charges qui ne seraient pas dues et qui ne devraient pas être payées par la CTRSM, on vous demande seulement d'enlever à l'article 71 les mots: "La commission n'a droit à aucune indemnité pour la dissolution de sa filiale." Seulement pour rendre l'affaire équitable, pour répondre aux demandes de la CTRSM et pour s'assurer qu'ils ne seront pas pénalisés de quelque manière que ce soit.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre. (16 heures)

M. Clair: Brièvement, M. le Président. Effectivement - il me fait plaisir de le reconnaître - le député de Mont-Royal, en ce qui concerne les conditions dans lesquelles on pouvait forcer une municipalité à se joindre à une entente, veut apporter une collaboration. Je ne pense pas cependant qu'il en ait le seul crédit, parce que le ministre était réceptif à cela; j'ai manifesté beaucoup de compréhension. On a aussi essayé, avec les gens de la CTCUM et de la CTRSM de formuler un article qui rencontre les attentes d'à peu près tout le monde. Je ne m'en fais pas une gloire, mais je me réjouis d'avoir pu bénéficier de la collaboration du député de Mont-Royal à ce sujet. Cela faisait différent de l'attitude du député de Laporte qui n'acceptait absolument pas le fond de ces articles et qui démontrait, à mon avis, une méconnaissance des problèmes vécus par les 50 autres municipalités. Il se préoccupait, bien sûr, des 7 municipalités de la CTRSM, mais il se désintéressait pas mal du problème des 51 autres auxquelles on doit penser. J'ai pu bénéficier d'une collaboration positive de la part du député de Mont-Royal là-dessus. Aujourd'hui, on a un article beaucoup plus resserré, adéquat quant aux conditions dans lesquelles on peut forcer une municipalité à

se joindre à une entente pour former un conseil intermunicipal de transport. Voilà pour cela.

En ce qui concerne l'autre point, l'article 71, le troisième alinéa que voudrait biffer le député de Mont-Royal se lit comme suit: "La commission n'a droit à aucune indemnité pour la dissolution de sa filiale." La raison pour laquelle on ne peut pas biffer cet article, même si nous avons la certitude morale et quasi juridique qu'il n'y aura pas le moindre cent - pas le moindre cent, c'est peut-être exagéré - qu'il n'y aura pas de frais le moindrement significatif pour la CTRSM... On est convaincu de cela parce qu'on a payé les actifs à 100%, il y a des dispositions pour le respect des conventions collectives, les quotes-parts pour les déficits passés sont payés et, en ce qui concerne les poursuites, on manifeste une ouverture d'esprit.

Si on n'inclut pas dans la loi cette disposition, la façon dont cela fonctionne. Par exemple, l'acquisition de Métropolitain Provincial, c'est le plus beau cas. Quand on a acquis Métropolitain Provincial, il a fallu procéder par expropriation de l'entreprise Métropolitain Provincial. Même si elle était déficitaire, même si ses actifs étaient dans un état lamentable, à un point tel que le lendemain matin du jugement d'expropriation, la CTCUM a dû remplacer à peu près les trois quarts de la flotte de Métropolitain Provincial, le Tribunal d'expropriation nous a condamnés - je vous dis cela de mémoire, sous toutes réserves - à un montant de 2 000 000 $ à 5 000 000 $ pour avoir exproprié une entreprise déficitaire.

Vous allez me dire: Cela n'a pas de sens! Mais c'est ça. Parce que les permis, qui avaient été délivrés par la Commission des transports du Québec sont considérés comme ayant une valeur en soi pour toute entreprise de transport puisque cela accorde le privilège exclusif de desservir une telle région, une région donnée. Quand on exproprie une partie d'entreprise de transport, le Tribunal de l'expropriation tient compte de l'effet sur le reste de l'entreprise et il fixe des indemnités telles que c'est aussi bien de l'acheter en entier que d'en acheter seulement les trois quarts.

Aujourd'hui, aussi surprenant que cela paraisse, il n'y a pas ce paragraphe 3, la CTRSM pourrait théoriquement, même après que le gouvernement ait payé 100% de ses actifs, payer les causes, payer tout, parce qu'elle détient toujours des permis de la Commission des transports du Québec, se retourner, aller devant le Tribunal de l'expropriation et dire: Le gouvernement m'exproprie sans indemnité. Même si elle était en déficit, on pourrait être condamné et devoir payer une deuxième fois l'expropriation de Métropolitain Sud et de Métropolitain Provincial. Cela n'a pas de sens.

Alors, c'est la raison, c'est parce qu'on éteint ainsi les permis de la CTRSM pour sa filiale Métropolitain Sud qu'on doit inclure une telle disposition. Je sais bien que ce n'est pas l'intention des maires mais, théoriquement, ils pourraient, si on n'inclut pas cette disposition et même si on a déjà payé pour l'expropriation, se retourner et nous poursuivre une autre fois parce qu'on éteint les permis de transport de Métropolitain Sud par l'effet de la loi. C'est la raison pour laquelle on dit qu'on a besoin de l'article 71, du troisième alinéa. C'est la raison pour laquelle aussi je dis qu'on n'a pas besoin de toucher à cela puisque nous payons déjà 100% des coûts d'acquisition des actifs; les quotes-parts seront payées, les salariés vont travailler soit sur les autres lignes ou éventuellement vont sortir de la liste de paie de la CTRSM. On croit qu'il n'y en aura pas, on souhaite qu'il n'y en ait pas, mais cela ne crée pas de charges additionnelles pour la CTRSM. Quant aux poursuites, j'ai dit tantôt que j'allais écrire, au nom du gouvernement, au président du Conseil des maires de la rive sud pour lui dire: On les recevra une par une comme on l'a déjà fait dans le transport scolaire et dans d'autres secteurs. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À la suite de l'entente consentie je vais lire l'amendement à l'article 7 pour qu'il n'y ait pas de difficultés pour le journal des Débats. Il s'agit de remplacer le deuxième alinéa par le suivant: "Les résolutions de ces municipalités doivent être transmises dans les quinze jours de leur adoption à la municipalité qu'elles veulent joindre à l'entente. Celle-ci peut demander au gouvernement, par une résolution précisant les raisons de cette demande, de ne pas être jointe à l'entente. Elle doit alors transmettre sa résolution dans les quinze jours de son adoption aux municipalités parties à l'entente." Cet amendement est-il adopté, M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. L'amendement à l'article 20 se lirait maintenant comme suit: "Insérer entre le premier et le deuxième alinéas l'alinéa suivant: "Les résolutions de ces municipalités doivent être transmises dans les quinze jours de leur adoption à la municipalité qu'elles veulent joindre à l'entente. Celle-ci peut demander au gouvernement, par une résolution précisant les raisons de cette demande, de ne pas être jointe à l'entente. Elle doit alors transmettre sa résolution dans les quinze jours de son adoption aux municipalités parties à l'entente." Cet article est-il adopté?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Il reste l'amendement à l'article 71 qui se lit comme suit: "L'article 71 amendé est modifié par la suppression du troisième alinéa de l'article 74." J'ai cru comprendre que le ministre avait refusé de l'adopter.

M. Clair: Sur division.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur division. Ce qui veut donc dire que le rapport serait adopté tel qu'amendé?

M. Lalonde: Adopté tel qu'amendé.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté tel qu'amendé.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: S'il y avait consentement, M. le Président, est-ce qu'on pourrait procéder à la troisième lecture immédiatement?

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Nous avons été convoqués pour une prise en considération. Nous n'avions pas eu l'avis qu'on voulait faire la troisième lecture. Il reste quelques jours à nos travaux, je pense qu'on peut attendre une prochaine séance ou une séance subséquente. Il est possible que d'autres orateurs qui ne sont pas ici actuellement pour la prise en considération soient intéressés à intervenir en troisième lecture.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, c'est moi qui avais demandé au leader adjoint... Je veux simplement expliquer la situation à mon collègue, le leader de l'Opposition et député de Marguerite-Bourgeoys. Comme vous le savez, ce projet de loi aura une application à compter du 1er janvier prochain. Au moment où on se parle des municipalités se réunissent à peu près tous les soirs et sont en train de se préparer pour former des conseils intermunicipaux de transport et signer des ententes avec la CTRSM. Inutile de dire qu'elles ont très hâte d'avoir le texte définitif du projet de loi. S'il n'y avait pas eu d'autres orateurs j'aurais souhaité qu'il puisse être adopté en troisième lecture aujourd'hui afin qu'il puisse être sanctionné le plus rapidement possible - car il entre en vigueur le jour de sa sanction - et qu'on puisse faire parvenir des versions définitives aux municipalités.

Si cela crée un problème au leader de l'Opposition ou s'il y a des gens qui veulent intervenir, on peut attendre à demain. Est-ce qu'on pourrait le faire demain, cependant?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Cela dépendra du leader du gouvernement. Je suis très sensible aux problèmes que les retards du gouvernement causent aux municipalités. Il n'y a aucun doute que si on avait siégé entre le 18 octobre et le 15 novembre au lieu de mettre un lock-out ici à l'Assemblée nationale, cela serait réglé et adopté depuis longtemps.

Je suggère au ministre de convaincre le leader du gouvernement de l'appeler demain ou le plus tôt possible et nous ferons la troisième lecture à ce moment-là.

M. Clair: Je voudrais remercier le leader de l'Opposition pour sa belle coopération.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais maintenant d'appeler l'article 6.

Projet de loi 9 Troisième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture du projet de loi 9, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. La parole est à M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je suis particulièrement heureux d'arriver au terme de l'adoption du premier projet de loi que j'ai eu à parrainer en cette Chambre, d'autant plus que je pense que c'est également l'aboutissement d'un long processus de consultation et de participation de tous les intéressés du secteur de la faune.

Je tiens à rappeler au départ que deux commissions parlementaires ont été tenues sur ledit projet de loi, en plus des multiples consultations régionales et d'une consultation encore plus spécifique des conseils exécutifs des neuf principaux organismes relatifs à la conservation de la faune. (16 h 10)

Au tout début de mon discours, je tiens à remercier tous les gens qui ont collaboré à

bonifier ce projet de loi qui a reçu, d'ailleurs, en deuxième lecture, l'assentiment unanime de cette Chambre et dont l'étude, également, en commission parlementaire, s'est soldée par un travail des plus positifs de la part des deux formations politiques. J'ai toutes les raisons de croire qu'on adoptera unanimement ce projet de loi.

Je voudrais rappeler les grandes lignes de ce projet de loi. Tout d'abord, on aura remarqué que nous modifions le titre même du projet de loi. En plus de se préoccuper de la notion de conservation, on parle de la mise en valeur de cette faune. Nous avons, au Québec, une faune fantastique. Nous savons qu'au-delà de 1 200 000 adeptes de la pêche et de la chasse sont intéressés à la pratique sportive. On se devait de réglementer d'une façon encore plus souple certaines pratiques, mais de rendre certaines autres plus rigoureuses pour permettre, d'abord, de conserver au maximum les différentes espèces fauniques et, du même souffle, en faire profiter, sur le plan économique, l'ensemble du Québec. C'est un peu l'objectif ou ce pourquoi nous avons apporté un amendement au titre même du projet de loi.

J'ai tenté, en deuxième lecture, de démontrer les retombées économiques de l'utilisation de la faune au Québec, et c'est au-delà de 1 000 000 000 $ que rapportent les activités reliées à la faune. Donc, c'était, pour nous, l'occasion de mettre en valeur tout le secteur de la faune au niveau économique et c'est dans ce sens-là que les amendements qui ont été apportés vont, dans un premier temps, pour la conservation. On a introduit des mécanismes nouveaux qui démontrent la volonté politique gouvernementale de protéger non seulement les espèces, mais également leur habitat. Cela avait été demandé par l'ensemble des groupes et je pense que la dernière commission parlementaire et la rencontre des neuf principaux organismes nous auront permis d'introduire, avant le discours de deuxième lecture, cette notion fondamentale de la protection de l'habitat faunique.

Je considère que, pour les adeptes, les scientistes et tous les intéressés, c'est une victoire que d'avoir inscrit, dans le projet de loi, ce principe fondamental de la conservation de l'habitat faunique et également d'avoir introduit, dans ce même projet de loi, cette notion de consultation obligatoire des organismes avant la publication des règlements, avant l'entrée en vigueur des règlements. On a parlé de déréglementation en cette Chambre. On se plaint que des lois contiennent beaucoup de règlements et j'ai acquiescé à cette demande de prépublier ces règlements pour permettre d'avoir précisément les remarques de tous les intéressés, ce qui permettra sans doute d'enrichir, de bonifier l'ensemble de notre réglementation dans le secteur de la faune, tout en reconnaissant, bien sûr, qu'à cause de détails techniques il nous faut changer, soit annuellement ou semestriellement, les dates ou les quotas selon la disponibilité de l'espèce. Je pense qu'il fallait quand même garder une souplesse. C'est dans ce sens-là qu'il y a eu, dans un premier temps, un effort de concentration des règlements, en plus d'une prépublication. Par la suite, on procédera, bien sûr, à la déréglementation comme telle.

À la demande des intéressés qui, depuis un certain temps, veulent aider le gouvernement dans son effort pour la protection de la faune en général, nous avons accepté la création d'une fondation mixte et les fonds pourront venir autant du secteur privé, d'organismes privés que de l'État, afin de pouvoir bénéficier justement, comme cela se fait dans certains autres pays, de cette richesse collective, d'acheter et même de se porter acquéreur d'habitats mis en péril et que ce ne soit pas toujours l'État, de procéder à l'aménagement d'habitats fauniques par des organismes ou par l'entremise du fonds mixte. Je pense que c'est là une nouveauté, mais qui vise précisément à dire aux groupes intéressés: Embarquez de pied ferme, de plein droit; mettez-y non seulement le muscle; mettez-y non seulement l'effort d'imagination, mais également l'argent. C'est dans ce sens-là qu'on répondra aux voeux des organismes qui ont sollicité cette fondation mixte.

Également, nous réglementerons dorénavant l'importation et l'exportation des animaux à fourrure. Je pense que c'est un champ qui n'était pas couvert dans la Loi sur la conservation de la faune et que nous couvrirons maintenant.

Je voudrais également apporter une attention spéciale, M. le Président, à un dossier qui a peut-être créé une certaine ambiguïté en cette Chambre. Il y a eu un transfert de juridiction. L'aquaculture relèvera dorénavant du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Les étangs de pêche comme tels et l'ensemencement ou la qualité, les normes pour l'ensemencement demeureront sous la juridiction du MLCP. Je voudrais bien expliquer ceci afin que les adeptes de la pêche ou ceux qui s'opposaient à tout transfert comprennent la raison d'être du ministère comme tel. Dans sa vocation de conservation de la faune, il a bien gardé sous sa juridiction toute la responsabilité de la qualité de l'ensemencement du poisson. C'est clair. Également, en ce qui concerne la commercialisation des espèces, il y en a qui ont dit: Vous avez perdu la responsabilité de la commercialisation des espèces dans votre projet de loi. Non. Si on regarde le projet de loi, tel qu'il a été rédigé, libellé et même amendé, on conserve essentiellement le

pouvoir de commercialiser, mais c'est par voie de règlement, et cela doit être soumis au public par une consultation d'ordre public avant d'officialiser toute commercialisation.

Cependant les normes de commercialisation ne relèvent pas en tant que telles du MLCP; elles relèvent vraiment du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Cela fait partie de sa propre juridiction, c'est la qualité même de la viande ou des espèces que l'on donne aux fins d'alimentation aux consommateurs. Je pense que, cette explication étant donnée, on comprendra qu'on se soit départi, en tant que ministère, de notre responsabilité de conservation fondamentale. Car on sait que les normes de qualité pour fins d'alimentation ne sont pas nécessairement les mêmes que celles pour l'ensemencement, et nous tenions à séparer, à disjoindre les deux.

M. le Président, je voudrais remercier mes collègues qui ont travaillé à deux reprises à la commission parlementaire, et même à trois, en comptant celle qui a étudié le projet de loi article par article. Je voudrais remercier d'une façon bien spéciale tous les intervenants du milieu qui, à deux reprises, sont venus s'exprimer devant nous, pour faire en sorte que le projet de loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune qui, je pense, obtiendra l'unanimité de cette Chambre... Je voudrais également souligner le travail positif que l'Opposition a fait en commission parlementaire, lors de l'étude article par article. Je pense que, dans l'ensemble, les parlementaires seront heureux de soumettre aux usagers québécois une législation plus souple, une législation mieux adaptée aux besoins et aux aspirations des adeptes du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Charlesbourg.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté: M. le Président, nous en sommes officiellement à la dernière étape en cette Chambre avant la sanction du projet de loi 9. Comme l'a indiqué le ministre il y a quelques instants, c'est l'aboutissement d'un processus qui a duré près de deux ans, en termes de consultations publiques par l'entremise de commissions parlementaires auxquelles l'Opposition s'est associée, et auxquelles je n'ai pas eu le plaisir de participer étant, à ce moment-là, chef de cabinet du whip de l'Opposition. On a eu les élections partielles dans Charlesbourg et, par la suite, j'ai pu m'associer à cette démarche. Il y a donc eu des consultations publiques et des consultations privées.

Je veux rendre hommage en cette Chambre au ministre qui a eu une attitude de ministre responsable. Au moment où on a abordé la deuxième lecture, je faisais état du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui aurait eu avantage à suivre ce modèle de consultation en ce qui concerne le projet de loi 48, mais il s'en est abstenu. Un autre membre du Conseil des ministres s'est ajouté en cours de route: le ministre des Affaires municipales, avec le projet de loi 38; ce ministre a systématiquement refusé la consultation. La consultation qu'a faite le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a amené du côté de l'Opposition une collaboration positive dans les démarches qui ont suivi pour l'adoption du projet de loi 9. Dans l'étude article par article du projet de loi qui contenait quelque 130 articles, nous avons fait, je pense, un travail sérieux et consciencieux guidés par le souci de bonifier la loi puisque le ministre lui-même avait spécifié que c'était une loi qui avait besoin d'être bonifiée. (16 h 20)

À la lumière des consultations que nous avions faites sur le plan privé tant d'agents de conservation de la faune que de gens intéressés du milieu, nous avons proposé des amendements à différents articles que le ministre avait sur la table et je pense que cela a été une collaboration de tous les instants et des échanges fructueux qui ont fait que dans un projet de loi de 130 articles, le ministre a déposé lui-même quelque 51 amendements dont un entre autres à l'article 96 qui a nécessité 40 paragraphes. Ce qui voudrait dire, globalement, presque 90, près de 90 amendements au projet de loi qui contenait 130 articles.

Ce qui veut dire que finalement, le projet qui avait été déposé en cette Chambre n'est plus le même au moment où on sort de cette commission; c'est un projet neuf qui comprend des éléments majeurs sur le plan de nouveauté. Ainsi, l'Opposition a collaboré d'une façon intensive à l'introduction d'un amendement à l'article 56 pour permettre au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de véritablement prendre position, une position très ferme vis-à-vis du MAPAQ. Nous avons souscrit à cette initiative et cela a permis au ministre de faire entendre sa voix à son collègue du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. De même, il faut le dire, par l'article 93 qui a été amendé et qui contenait un amendement avec 40 paragraphes, la notion d'habitat faunique a été introduite à l'intérieur de ce projet de loi, ce qui n'était pas le cas au moment de l'étude de deuxième lecture. C'est, je pense, l'élément essentiel et majeur au niveau de l'étude article par article et nous avons concouru à ce niveau, compte tenu de la complexité finalement et de l'urgence aussi

de résoudre certains problèmes au Québec dans le domaine de la conservation des habitats fauniques.

Aussi, nous avons souscrit a la création de la Fondation de la conservation. Ce qui, je pense, est de nature, compte tenu de la rareté des fonds sur le plan gouvernemental, à aller chercher dans le privé des sommes d'argent qui pourraient être affectées à la conservation, entre autres, par exemple, dans le domaine du saumon où il y a déjà sur le plan des États-Unis de ces associations et des fonds disponibles qui nous permettraient de conserver cette richesse tout à fait exceptionnelle et indispensable à des régions comme la Gaspésie et la Côte-Nord.

Ce qui est aussi très important, c'est que le ministre, sans prendre un engagement ferme et définitif, s'est montré très réceptif, compte tenu de l'insertion dans le projet de loi des amendements à l'article 93, à la tenue d'une commission parlementaire qui aurait lieu en 1984, possiblement au printemps ou au début de l'été - même cela pourrait aller à l'automne - pour analyser, pour entendre les intervenants du milieu afin de savoir si les buts visés par l'article 96 en termes de conservation d'habitat faunique, ont véritablement atteint leurs objectifs et, par le fait même, dans la mesure où ces objectifs sont atteints, dire: Tant mieux, on a bien vu au moment de l'étude article par article. Dans le cas contraire, cela permettra au ministre d'amener le plus rapidement possible à la Chambre les amendements nécessaires à la Loi sur la conservation ou une loi spécifique comme il en avait été fait mention à l'automne sur les habitats fauniques afin de régulariser la situation le plus rapidement possible.

Enfin, M. le Président, devant l'insistance répétée de l'Opposition tant en deuxième lecture que lors de l'étude article par article, le ministre a accepté de réintroduire à l'intérieur du projet de loi 9, parce que ce sont des éléments qui étaient disparus, les articles de l'ancienne loi, les articles 50 à 55 touchant les indemnités reliées au permis de chasse. Je pense qu'il faut rendre hommage au ministre qui a accepté de protéger tout près de 900 000 chasseurs au Québec qui vont chercher un permis qu'ils paient et qui vont se voir protégés. C'est à la suite de l'insistance de l'Opposition et on s'est très rapidement entendu, compte tenu du fait que pour le gouvernement du Québec, c'était un coût d'approximativement 150 000 $ pour donner une protection à quelque 800 000 à 900 000 chasseurs au Québec.

M. le Président, c'est avec plaisir que nous nous associons à la dernière démarche devant cette Chambre, soit à l'adoption de la troisième lecture du projet de loi 9 qui, finalement, met en application toutes les améliorations possibles de la Loi sur la conservation de la faune.

Dans la mesure où, dans l'avenir, le ministre aura la même condescendance, le même respect des intervenants dans tous les domaines - parce que c'est sa première loi, ce n'est pas la dernière - je voudrais qu'il tire comme conclusion de cette étape et qu'il en profite aux réunions du Conseil des ministres, le mercredi, pour dire à ses collègues que cela a bien été parce qu'il y a eu consultation et que l'Opposition, finalement, devant une consultation du milieu, est toujours très réceptive. Si cela avait été le cas du projet de loi 38 et du projet de loi 48, peut-être ne serions-nous pas devant un bâillon aujourd'hui. Je suis convaincu que le ministre va être capable de passer les messages aux personnes concernées. Je lui dis, encore une fois, que c'est avec plaisir que l'Opposition s'associera pour adopter le projet de loi 9 à l'unanimité de cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Rancourt): La troisième lecture du projet de loi 9, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 9.

Le Vice-Président (M. Rancourt): L'article 9, M. le leader adjoint?

M. Boucher: L'article 9.

Prise en considération du rapport

de la commission qui a étudié

le projet de loi 18

Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. Prise en considération du rapport de la commission permanente des travaux publics et de l'approvisionnement qui a étudié le projet de loi 18, Loi sur la Société immobilière du Québec. Cette prise en considération est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement,

M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 10.

Prise en considération du rapport

de la commission qui a étudié

le projet de loi 36

Le Vice-Président (M. Rancourt): Arti-

cle 10, prise en considération du rapport de la commission permanente de la justice qui a étudié le projet de loi 36, Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. Cette considération du rapport est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: Article 5, M. le Président.

Projet de loi 43 Troisième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): L'article 5, c'est la troisième lecture du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire de la restauration et de l'hôtellerie. M. le ministre du Revenu.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, nous sommes rendus à l'étape de l'adoption en troisième lecture du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire de la restauration et de l'hôtellerie.

Ce projet de loi, qui a suscité beaucoup de discussions parmi les consommateurs du Québec, les travailleurs et les travailleuses au pourboire et les employeurs, en est rendu à sa dernière étape.

Je voudrais d'abord indiquer clairement à la population du Québec, aux travailleurs au pourboire, aux travailleuses au pourboire ainsi qu'aux employeurs, ce qui va se passer le 1er janvier 1984.

Ce qui va se passer à partir du 1er janvier 1984, c'est que plutôt que de payer leur impôt sur leurs pourboires une seule fois par année, au moment où ils font leur rapport d'impôt, en mars ou avril de l'année suivante, et avoir à payer des montants considérables, s'ils révèlent la totalité de leur revenu de pourboire, comme la loi les y oblige depuis toujours, des employés au pourboire auront tout simplement à déclarer la totalité de leurs pourboires réellement reçus de la part de leurs clients à leur employeur, à chaque période de paie, et l'employeur fera les déductions d'impôt à la source sur ces pourboires déclarés et sur le salaire de base versé. L'employeur fera aussi les déductions à la source de la contribution à la Régie des rentes du Québec, à la fois sur le salaire de base et sur les pourboires déclarés et fournira sa propre contribution à la Régie des rentes du Québec. Il participera aussi aux autres bénéfices sociaux qu'il doit assumer actuellement pour l'ensemble de ses travailleurs comme pour les travailleurs au pourboire, sauf qu'à l'avenir il participera au coût des bénéfices sociaux sur la base du salaire et sur la base des pourboires déclarés. (16 h 30)

En fait, c'est une formule très simple. Un employé au pourboire qui, actuellement, gagne 100 $ par semaine en travaillant une trentaine d'heures, s'il gagne 100 $ de pourboire, va déclarer ces 100 $ pour le pourboire à son employeur et l'employeur va faire les déductions à la source sur 200 $. Au lieu de faire les déductions à la source sur les 100 $ de salaire de base tel qu'il le fait actuellement, il va faire les déductions à la source sur les 200 $ comprenant le salaire de base et le pourboire déclaré. Pour aider l'employé à faire cette déclaration, nous avons préparé un registre des pourboires que l'employeur devra remettre à chaque employé.

Quant aux obligations de l'employeur à partir du 1er janvier 1984, elles seront de faire les déductions à la source sur la totalité des revenus de l'employé au pourboire, son salaire de base plus ses pourboires, et de participer au coût des bénéfices sociaux comme il le fait pour ses autres employés, comme il le fait pour les travailleurs au pourboire, mais sur la base des gains totaux réels de ses employés au pourboire. Cela signifie qu'en plus d'assurer ainsi l'équité fiscale, c'est-à-dire le paiement des impôts par ces travailleurs au pourboire, cette loi va permettre d'assurer l'équité sociale et faire en sorte que les travailleurs au pourboire au Québec aient les pleins bénéfices sociaux comme tous les autres travailleurs du Québec, non seulement sur leur salaire de base qui, ordinairement, se rapproche du salaire minimum ou est le salaire minimum - un salaire minimum inférieur, d'ailleurs - mais en plus sur les pourboires déclarés. Voilà pour les obligations ou pour les changements qui ont trait aux employés et aux employeurs.

Quant au ministère du Revenu, nous allons diffuser le maximum d'informations aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire ainsi qu'à leurs employeurs. Nous allons fournir ce registre des pourboires pour aider les employés au pourboire à accomplir leurs devoirs fiscaux et, de plus, nous changerons l'orientation de la vérification puisque le Conseil des ministres a décidé de ne pas se servir des informations transmises par les employés au pourboire qui révéleront à l'avenir la totalité de leurs revenus de pourboire pour revenir sur les années antérieures. Je pense que c'est important que les employés au pourboire sachent de façon très claire que cette décision dont ils seront informés par écrit dans le registre des pourboires qui leur sera remis leur assurera qu'à partir du 1er janvier 1984 nous pensons à l'avenir. Les services de vérification du

ministère seront là pour aider à la fois les employés et les employeurs à appliquer cette nouvelle formule pour l'avenir.

Quant aux consommateurs, la situation ne sera aucunement perturbée puisque, si l'employeur refile aux consommateurs la totalité du coût des bénéfices sociaux qu'il devra assumer, c'est d'environ 1,3%, 1,6% ou 1,9% que sera la hausse des coûts si les pourboires déclarés sont d'environ 8%, 10% ou 12%. En somme, si la moyenne des pourboires déclarés à partir de janvier 1984 est de 10%, le coût des bénéfices sociaux pour l'employeur sera de 1,6% de son chiffre de vente. S'il décidait de le faire assumer au complet par le consommateur, la hausse des prix à ce moment-là serait de moins de 2%, à laquelle il faudra évidemment ajouter l'augmentation de certains coûts administratifs. Mais, pour arriver à cette formule, il y a eu une évolution qui s'est passée dans ce dossier depuis quelques années. Il faut se souvenir qu'en 1979 Revenu Canada a commencé à cotiser au Québec les travailleurs au pourboire et, comme il existe un entente à savoir que quand Revenu Canada cotise les Québécois nous suivons cette cotisation, nous envoyons une cotisation parallèle et à l'inverse, lorsque le Québec émet une nouvelle cotisation à un contribuable du Québec, le gouvernement fédéral en fait autant.

À compter de 1979, Revenu Canada et Revenu Québec ont commencé à cotiser les travailleurs au pourboire pour les années antérieures. En fait, les travailleurs au pourboire ont toujours dû révéler leurs revenus de pourboire. Ce qui était nouveau à partir de 1979, c'est qu'on a commencé à les cotiser pour les années antérieures en vérifiant leur déclaration, situation qui a entraîné des problèmes importants pour des travailleurs au pourboire. Plusieurs milliers de travailleurs et de travailleuses au pourboire au Québec ont commencé à recevoir des cotisations qui pouvaient aller de 2000 $ ou 3000 $ jusqu'à 12 000 $ et 13 000 $, en moyenne, ce qui les mettait dans des situations financières difficiles, ce qui les mettait dans des situations familiales très pénibles, bouleversantes, même.

Je pense que la plupart des députés de cette Chambre ont été en contact, dans ces récentes années, avec des travailleurs et des travailleuses au pourboire qui ont été placés dans des situations financières, des situations sociales, des situations humaines extrêmement difficiles parce que, en appliquant la loi et en les cotisant pour les années antérieures, nous leur avons envoyé de nouvelles cotisations pour des montants allant de 2000 $ à 12 000 $ ou 13 000 $.

Cette méthode de cotisation de certains employés au pourboire, de quelques milliers de travailleurs au pourboire sur environ 70 000, a créé une insécurité auprès de l'ensemble des travailleurs au pourboire. C'est pourquoi mon prédécesseur, le député de Sherbrooke, avait décidé de publier un livre vert dans lequel il décrivait cette situation et dans lequel il proposait quatre hypothèses de solution, dont deux ont particulièrement attiré l'attention de ceux qui sont venus nous rencontrer en commission parlementaire, soit celle du pourboire obligatoire ou celle que nous avons retenue et qui est la déclaration périodique des pourboires à l'employeur à chaque période de paie et la déduction à la source des impôts et la participation aux avantages sociaux.

Pourquoi avons-nous retenu cette formule de déclaration périodique? Parce qu'elle nous semble ressembler à ce que vivent l'ensemble des travailleurs au Québec, l'ensemble des salariés qui paient à chaque période leur impôt à la source, la Régie des rentes du Québec sur leur salaire. Nous avons considéré qu'il était beaucoup plus humain de faire payer les impôts des travailleurs au pourboire sur 52 ou 26 périodes de paie que de les faire payer en un seul montant, d'un seul coup, lors du rapport d'impôt, trois ou quatre mois après la fin de l'année d'imposition.

Pourquoi ne pas avoir retenu les pourboires obligatoires? Pour quelques raisons que, brièvement, je voudrais rappeler. Le problème touchait et concernait 70 000 travailleurs et travailleuses qui avaient de la difficulté à payer leur impôt en un seul montant ou qui ne le payaient pas et 20 000 restaurateurs ou hôteliers, employeurs, qui ne participaient pas au coût des avantages sociaux sur le revenu réel du travailleur au pourboire, mais seulement sur son salaire de base.

Pourquoi avoir rejeté le pourboire obligatoire? Nous ne voulions pas retenir une solution qui touche les 4 000 000 de consommateurs du Québec, mais plutôt retenir une solution qui touchait les 70 000 travailleurs et travailleuses au pourboire et leurs 20 000 employeurs, puisque c'était de là que venait le problème.

Deuxièmement, il est évident qu'en ayant retenu un pourboire obligatoire, de 10% ou de 15% - à 10%, les employés au pourboire qui sont venus nous voir en commission parlementaire disaient qu'ils auraient une baisse de revenu, que ce n'était pas acceptable à moins de 15% - en ajoutant le coût des avantages sociaux, le coût des prix à la consommation aurait augmenté de 12% ou de 18% selon que le pourboire devienne obligatoire à 10% ou à 15%. (16 h 40)

Les études économiques que nous avons faites illustrent que si nous avions fixé un pourboire obligatoire à 10% ou à 15%, avec cette hausse des prix que cela aurait entraîné, il y aurait eu une croissance, un accroissement du chômage, une baisse de

l'emploi dans ce secteur puisque des consommateurs auraient cessé de consommer dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie ou auraient moins consommé. Ce qu'ils auraient payé en pourboire obligatoire, ils ne l'auraient pas payé sur leur consommation globale dans cette industrie.

Je pense que, dans le climat économique actuel, la dernière chose que les Québécois et les Québécoises souhaitent, et les travailleurs et travailleuses au pourboire en particulier, j'en suis convaincu, aurait été de mettre en place une solution qui aurait entraîné une baisse de l'emploi et une hausse automatique très importante des coûts dans ce secteur.

De plus, le problème aurait pu se poser à nouveau dans quelques années puisque les pays qui ont instauré un pourboire obligatoire ont vu se développer un pourboire parallèle qui pose le même problème d'évasion fiscale.

Voilà pourquoi nous avons retenu la lettre et l'esprit de la formule américaine, qui s'applique aux États-Unis depuis janvier 1983, qui fait que les employés au pourboire doivent déclarer à chaque période de paie leur revenus de pourboire à leur employeur, qui doit en faire des déductions à la source.

Quant aux suites de l'évolution de ce dossier, à la suite de la commission parlementaire qui a eu lieu l'an dernier et où nous avons entendu environ 25 mémoires, j'avais pris l'engagement, au début comme à la fin de cette commission, que la seule situation qui ne pouvait plus demeurer à partir du 1er janvier 1984, c'était le statu quo. Pourquoi? Parce que le statu quo était inéquitable au niveau fiscal pour l'ensemble des contribuables du Québec, parce qu'on évalue les revenus de pourboire à environ 230 000 000 $ ou 240 000 000 $ par année. Or, l'an dernier, c'est 33 000 000 $ qu'ont révélés les employés au pourboire comme revenus de pourboire. Vous voyez le problème en termes qu'équité fiscale quand, au lieu de révéler environ 240 000 000 $ de revenus de pourboire, les travailleurs au pourboire ont révélé 33 000 000 $, c'est-à-dire à peu près huit fois moins que leurs revenus de pourboire réels l'an dernier.

Cette situation, qui était inéquitable au niveau fiscal par rapport à l'ensemble des contribuables qui paient la totalité de leur impôt à la source ou autrement, ne pouvait plus durer. L'inéquité sociale faisait également que ces employés au pourboire ne pouvaient bénéficier pleinement des bénéfices sociaux que leur consentent les lois du Québec, que ce soit en ce qui a trait au Régime de rentes du Québec, à la Commission de la Santé et de la Sécurité du travail du Québec et aux indemnités qu'elle est appelée à payer au moment d'un accident du travail, que ce soit au moment d'un accident d'automobile, car les indemnités que la Régie de l'assurance-automobile du Québec a à payer sont basées actuellement sur le salaire de base de l'employé au pourboire plutôt que sur la totalité de ses revenus réels qui comprennent le pourboire et le salaire de base.

J'avais indiqué à cette commission parlementaire, au début et à la fin, que le statu quo représentait l'inéquité fiscale et l'inéquité sociale et en plus, entraînait des drames humains graves et importants pour les quelques milliers de travailleurs à pourboire qui étaient cotisés pour des années antérieures. J'ai dit que cette situation ne pouvait plus durer et que tout serait fait pour que, à partir de janvier 1984, une nouvelle formule soit mise en oeuvre.

Le gouvernement a choisi d'appliquer au Québec une formule qui s'applique aux États-Unis depuis onze mois environ et qui fait qu'à chaque période de paie l'employé au pourboire doit déclarer la totalité de ses revenus de pourboire et payer à la source ses impôts.

Je dois dire que, depuis la tenue de la commission parlementaire de l'automne dernier je me suis tenu en contact avec les représentants des travailleurs au pourboire, avec les représentants de leurs employeurs, les propriétaires d'établissements hôteliers et de restauration. Nous avons constamment essayé de trouver une formule qui ne soit pas parfaite, c'est impossible, mais qui soit acceptable par les employés au pourboire, par les employeurs, par les consommateurs, parce qu'il ne faut pas oublier les consommateurs, et acceptable par le ministère du Revenu du Québec.

Dans tout ce débat que nous avons eu, autant en commission parlementaire l'an dernier, où nous avons entendu 25 mémoires, que dans les discours de deuxième lecture en cette Chambre, je pense qu'il a régné un climat positif et je suis très heureux du fait que le Parti libéral du Québec ait voté pour ce projet de loi en deuxième lecture en acceptant les principes et en reconnaissant que la situation actuelle, qui entraîne des inéquités sociales et fiscales, ne pouvait plus durer, à compter de janvier 1984.

Je dois aussi souligner, parce que la population n'en est pas témoin, que la commission parlementaire et qui a étudié article par article ce projet de loi s'est déroulée dans un climat très positif. Je veux remercier les participants à la commission parlementaire, autant les membres de ma formation politique que ceux et celles du Parti libéral. Cette commission a accompli un travail fructueux puisqu'elle nous a permis de clarifier plusieurs choses et donner suite à des représentations qui nous ont été faites depuis un mois. À titre d'exemple, j'ai reçu, à la fin de novembre, une lettre de la Chambre de commerce de la province de Québec dans laquelle plusieurs représentations m'étaient faites et je veux en relever

quelques-unes pour indiquer de quelle façon nous y avons donné suite.

D'abord, la Chambre de commerce de la province de Québec nous a demandé de clarifier si c'était le chiffre de ventes avant ou après la taxe sur lequel on se baserait pour établir l'attribution, s'il devait y avoir attribution de pourboire dans un établissement. Nous avons indiqué clairement que c'était le chiffre de ventes avant taxe. Nous avons donc donné raison à la Chambre de commerce de la province de Québec sur ce point; nous l'avons clarifié.

La Chambre de commerce de la province de Québec a demandé que soient exclus les cafétérias et les locaux de restauration rapide de l'attribution, et qui plus est, ils sont exclus de l'application du projet de loi.

Elle a également demandé de définir les notions de cafétérias et de locaux de restauration rapide. Lors de la prise en considération du rapport de la commission, j'ai déposé un amendement qui clarifie, qui indique deux critères concrets, observables aidant à définir, à préciser ce qu'est un local de restauration rapide ou une cafétéria, c'est-à-dire un endroit où il n'y a pas de service aux tables et où, généralement, il n'y a pas de pourboires donnés. Voilà trois points que nous avons clarifiés à la demande, à la suggestion de la Chambre de commerce de la province de Québec.

Un autre point que la Chambre de commerce du Québec nous a demandé de clarifier, c'est que les livreurs soient exclus du processus de l'attribution. C'était déjà dans le projet de loi et les livreurs, ceux qui font la livraison à l'extérieur de l'établissement, ne sont pas inclus dans le processus d'attribution.

Également, la Chambre de commerce de la province de Québec a demandé que soit connu le règlement en vertu duquel se ferait l'attribution s'il devait y avoir attribution. Le projet de loi précisait déjà que c'était par entente et que, s'il n'y avait pas entente sur la façon de faire l'attribution, il y avait là un règlement et ce projet de règlement a été déposé en commission parlementaire. Il prévoit que s'il n'y a pas entente entre les employés et l'employeur sur la façon de faire l'attribution, celle-ci se fera sur la base du chiffre de ventes de chaque employé.

Un autre point abordé par la Chambre de commerce de la province de Québec, c'est de retarder d'un an l'entrée en vigueur du projet de loi. À ce sujet, nous ne lui donnons pas totalement raison puisqu'il entrera en vigueur le 1er janvier 1984, mais nous avons, je dirais, donné en partie raison à l'Association des restaurateurs du Québec et à la Chambre de commerce de la province de Québec en faisant en sorte que l'attribution, qui est la partie la plus complexe au plan administratif et au plan de l'information, entre en vigueur sur proclamation, dans quelques mois, quand nous aurons eu le temps d'informer l'ensemble des restaurateurs, des hôteliers et des employés sur la façon d'appliquer la formule d'attribution. Ce qui entre en vigueur à compter du 1er janvier 1984, c'est la partie la plus facile à appliquer du projet de loi, c'est la partie qui nous permet d'atteindre immédiatement les trois objectifs fondamentaux qui sont l'équité fiscale, l'équité sociale et la protection de l'industrie de la restauration et de l'industrie touristique.

Donc, à compter du 1er janvier 1984, l'employé est obligé de déclarer, à chaque période de paie, la totalité des pourboires qu'il a réellement reçus et les déductions sont faites par l'employeur sur la base de cette déclaration. Nous avons donné raison en partie à la Chambre de commerce de Québec et à l'Association des restaurateurs du Québec en faisant entrer en vigueur la partie d'attribution sur proclamation, c'est-à-dire dans quelques mois. (16 h 50)

Nous avons également eu des représentations, lors de la commission parlementaire, de l'Union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar, local 31, un syndicat qui regroupe des employés au pourboire, qui nous a demandé de préciser plusieurs choses dans le projet de loi. Sur dix points abordés, nous avons clarifié six points, soit qu'ils étaient déjà dans le projet ou que nous les ayons précisés. Le premier est symbolique, mais c'était important pour elle, c'était de changer le titre de la loi pour indiquer qu'elle s'appliquait aux travailleurs et travailleuses au pourboire de la restauration et de l'hôtellerie.

Nous avons également indiqué ce que nous entendions par local à l'intérieur d'un établissement, ce qui était demandé. Nous avons précisé ce qu'était la restauration rapide, ce qu'on nous demandait de définir. On nous a dit: II y a deux critères pour définir la restauration rapide et la cafétéria, qui sont exclus de l'application, parce qu'on ne donne pas de pourboire de façon générale dans la restauration rapide ou les cafétérias. Lorsqu'il n'y a pas de service aux tables ou lorsqu'on qu'on ne donne généralement pas de pourboire dans un établissement, le projet de loi 43 ne s'applique pas à ce moment-là.

On nous demandait d'exclure de l'attribution la livraison à l'extérieur de l'établissement. Nous l'avons précisé; dans le projet de loi, ce n'était peut-être pas assez clair. Les livreurs, c'est très important de le préciser - je n'ai pas eu l'occasion de l'indiquer, ni en deuxième lecture, ni au moment de l'adoption du rapport - à partir du 1er janvier 1984, ceux qui font la livraison à l'extérieur de l'établissement

devront, comme tous les autres employés au pourboire, déclarer à chaque période de paie la totalité de leurs pourboires réellement reçus. Mais, même lorsque la formule de l'attribution entrera en vigueur, ils ne seront pas assujettis à la formule de l'attribution, parce qu'on sait qu'en moyenne les pourboires donnés aux livreurs sont beaucoup plus variables et beaucoup moins connus, mais le livreur pourra payer ses impôts à chaque période de paie et bénéficier des avantages sociaux, comme les autres travailleurs du secteur de la restauration et de l'hôtellerie.

On nous demandait également de définir si le pourboire faisait partie du salaire ou s'il était considéré à l'avenir comme un salaire. C'est précisé dans le projet de loi. On nous demandait aussi si l'employé qui a des pourboires redistribués devra exiger un reçu pour fins d'impôt. On a dit qu'il n'en serait pas obligé, mais qu'on le suggérerait dans les éléments d'information. Les employés qui reçoivent des pourboires d'un autre travailleur au pourboire, s'ils veulent se faire donner un reçu, ce n'est pas nécessairement une mauvaise idée, cela pourrait même être une bonne idée.

On nous a demandé également de protéger les conventions collectives actuellement en vigueur. Là aussi, il y a un amendement important pour faire en sorte que les conventions collectives en vigueur s'appliquent pour les salaires de base, tel qu'actuellement, et que, en ce qui concerne les pourboires, là où il y a des conventions collectives en vigueur, c'est la loi sur les conditions minimales de travail qui s'applique.

Sur les dix points qu'abordait cette Union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar, local 31, nous lui avons donné raison sur six.

J'ai indiqué dans quel sens j'ai voulu travailler ce dossier depuis le dernier mois, depuis le dépôt du projet de loi. J'ai indiqué aussi dans quel sens j'entends à l'avenir continuer à demander aux fonctionnaires de mon ministère d'appliquer la loi.

Dans les récentes semaines, se sont levés des groupes qui ont manifesté des craintes face à l'application de la loi, qui ont manifesté leur inquiétude, particulièrement en ce qui concerne la paperasse ou les complications administratives. Je n'ai jamais voulu nier qu'il y aurait quelques papiers pour aider à appliquer ce projet de loi. Je n'ai jamais nié non plus qu'il y aurait un coût administratif supplémentaire pour les travailleurs, surtout les employeurs de la restauration et de l'hôtellerie, mais, sans vouloir le nier, je ne peux accepter certains discours qui ont été faits, en ce sens que ce serait presque le musée des horreurs de la paperasse à partir du 1er janvier 1984. C'est complètement faux, M. le Président, puisque fondamentalement, qu'est-ce qu'il y a de plus compliqué à faire les déductions à la source sur 200 $, 100 $ de salaire de base et 100 $ de pourboires, au lieu de les faire, comme cela s'est fait jusqu'à maintenant en ce qui concerne les employés au pourboire, sur les 100 $ de salaire de base. À partir de janvier 1984, les déductions à la source se feront sur la totalité des deux revenus: le salaire de base et le salaire de pourboire. Aussi, on a l'expérience. J'ai proposé au printemps cette formule de déclaration périodique, je l'ai proposée à mes collègues au printemps dernier, au mois d'avril ou mai. À la suggestion de certains de mes collègues, nous sommes allés cet été voir aux États-Unis comment s'appliquait cette formule. Ce que nous avons constaté - autant de la part de l'IRS qui perçoit les impôts, que des représentants de l'employeur et des représentants de l'employé - c'est que l'application de la formule américaine n'était pas une catastrophe, comme certains l'ont laissé entendre dans des journaux depuis quinze jours ou trois semaines... que ce serait terrible peut-être à partir de janvier 1984.

Nous avons vu les résultats de l'expérience aux États-Unis et nous sommes convaincus qu'il est possible d'appliquer cette formule au Québec en atteignant les objectifs essentiels que nous avons visés et en continuant d'écouter les groupes qui nous ont fait des représentations dans le passé et qui, je suis convaincu, vont continuer de nous en faire dans l'avenir. D'autant plus qu'un des principaux amendements que nous avons adoptés en commission parlementaire, que j'ai proposé, c'est de retarder l'application de la formule d'attribution. On sait qu'à partir du 1er janvier les employés au pourboire vont révéler leurs pourboires réels à chaque période de paie et que les déductions à la source seront faites en conséquence.

Dans le projet de loi, il y a une autre partie très importante qui indique que, si la totalité des pourboires révélés dans un établissement est inférieure à 8%, à ce moment l'employeur doit attribuer la différence entre, mettons, les 7% de pourboires déclarés et les 8% qui sont considérés comme la moyenne du pourboire minimum par établissement, et non par individu. Ce processus d'attribution deviendra en vigueur plus tard, dans quelques mois, quand nous aurons eu le temps d'informer l'ensemble des employeurs et l'ensemble des employés de la façon dont il peut, et dont il devra s'appliquer. Je pense qu'en agissant ainsi, en amendant la loi qui devait s'appliquer normalement dans sa totalité dès le 1er janvier 1984, nous avons indiqué notre volonté de procéder à la mise en oeuvre de cette réforme de la façon la plus correcte

possible.

Je veux terminer, M. le Président, en revenant aux trois objectifs de base de cette réforme qui sont d'assurer l'équité fiscale entre les travailleurs au pourboire et l'ensemble des contribuables du Québec, d'assurer l'équité sociale pour ces employés au pourboire et d'assurer ou ne pas mettre en danger l'industrie touristique, l'industrie de la restauration au Québec. Quant à l'équité fiscale, brièvement, nous évaluons à environ 230 000 000 $, 250 000 000 $ les revenus de pourboire des travailleurs au pourboire au Québec. Or, l'an dernier, ces employés ont révélé 33 000 000 $ de revenus au lieu de 250 000 000 $. C'est indiqué qu'il y a un écart fiscal important entre les pourboires réellement reçus par les employés au pourboire et ce qu'ils déclarent au moment de faire leur rapport d'impôt. Je les comprends parce que payer en un seul montant des impôts sur des montants de 7000 $, 8000 $ ou 10 000 $ de pourboires, c'est beaucoup plus considérable, l'effet est beaucoup plus grand alors que souvent cet argent a été dépensé, que de payer son impôt à la source, à chaque période de paie. La formule nous permet d'atteindre cette équité fiscale.

L'équité sociale. Les travailleurs au pourboire ne recevaient pas d'indemnité ou de pleins bénéfices de la Régie des rentes du Québec sur leurs revenus de pourboire, à moins de cotiser pour la totalité des 3,6%. S'ils déclaraient leurs revenus de pourboire à l'impôt et voulaient bénéficier de la Régie des rentes du Québec, il fallait qu'ils en paient la totalité eux-mêmes, l'employeur n'y participant pas. C'est la situation actuelle. Ils ne pouvaient bénéficier pleinement d'une indemnité complète s'ils avaient un accident du travail, mais seulement sur le salaire de base. Ils ne pouvaient bénéficier d'une indemnité complète s'ils avaient un accident d'automobile. Ils ne pouvaient bénéficier de façon complète des avantages de la Loi sur les normes du travail, en particulier, concernant les 4% de vacances et les autres avantages que procure aux travailleurs du Québec la Loi sur les normes du travail. Cette équité fiscale, en ce qui concerne les lois du Québec, sera en vigueur dès le 1er janvier 1984. (17 heures)

Quant à la protection de l'industrie touristique, je suis assuré qu'avec l'autre formule qui nous était proposée, celle du pourboire obligatoire - nous aurions été la seule province au Canada et le seul État en Amérique du Nord à adopter cette formule -nous aurions pu causer des torts probablement pas irréparables, puisqu'il n'y a probablement jamais rien d'irréparable, à l'industrie touristique du Québec. C'est un des motifs importants pour lesquels nous n'avons pas retenu la formule du pourboire obligatoire. Nous aurions été les seuls en Amérique du Nord à le faire et dans les pays où on l'a fait il s'est développé, de toute façon, un pourboire parallèle.

Je crois que la formule proposée est appropriée au secteur de la restauration et de l'hôtellerie, qui est un secteur où il y a une dure concurrence, car il y a un restaurant au Québec par 500 habitants, alors que c'est un par 1000 habitants en Ontario et un par 1200 habitants aux États-Unis. C'est une raison de plus pour choisir la formule qui soit la moins coûteuse possible. Tout le monde s'entend, le coût des avantages sociaux, si les pourboires déclarés sont d'environ 10%, sera de 1,6% du chiffre des ventes. Si les pourboires déclarés sont de 12%, il sera d'environ 1,9% du chiffre des ventes. Je pense que dans la solution proposée, le coût direct des avantages sociaux est inférieur à 2%, si on ajoute les coûts administratifs qui, j'en suis convaincu, seront beaucoup moins élevés que plusieurs le craignent, surtout que nous avons retardé la mise en oeuvre de l'attribution. Je suis convaincu que les trois objectifs que nous poursuivions et que nous poursuivons toujours pourront être atteints par l'application de cette formule.

Je veux terminer en disant que je peux assurer les travailleurs et les travailleuses au pourboire, particulièrement les femmes qui travaillent dans cette industrie et qui sont souvent les plus bas salariées de cette industrie, que, par cette formule, ils pourront bénéficier de l'ensemble des avantages sociaux dont bénéficient les travailleurs et les travailleuses de l'ensemble du secteur du travail au Québec. De plus, je peux assurer les représentants de ces employés au pourboire que nous continuerons d'être à l'écoute pour que la mise en oeuvre de cette réforme soit la plus acceptable.

Je peux également assurer l'Association des restaurateurs et des hôteliers, l'Association des restaurateurs du Québec, l'Association des hôteliers du Québec, de la région de Montréal, en particulier, la nouvelle association hellénique des restaurateurs du Québec, que nous continuerons de maintenir les contacts, pour faire en sorte que l'application de cette réforme ne nuise pas à leur industrie, mais rende justice à des employés au pourboire auxquels nous ne pouvions pas continuer, à partir de janvier 1984, à envoyer des cotisations entre 2000 $, 3000 $ et 15 000 $ pour les années antérieures et ainsi les placer dans des situations absolument inacceptables.

Je l'ai dit en deuxième lecture, M. le Président, ce n'est pas une réforme parfaite, ce n'est pas une solution parfaite ou idéale, je pense qu'elle était impossible à trouver, cette solution parfaite, cette solution idéale. Mais je pense que cette solution est

acceptable pour les consommateurs du Québec qui n'auront pas à payer un coût énorme. Elle est acceptable pour les employés au pourboire qui paieront leurs impôts, mais bénéficieront de tous les avantages sociaux dont bénéficient les autres travailleurs du Québec. Elle est acceptable pour les employeurs parce qu'elle n'entraînera pas une augmentation trop élevée de leurs coûts de ventes et qu'elle fera contribuer ces employeurs aux avantages sociaux sur la totalité des revenus de leurs employés comme ils le font pour les autres employés de leur industrie, de leur établissement. En somme, M. le Président, j'ai la conviction que si nous continuons à travailler comme nous l'avons fait depuis un an ou deux dans le même esprit que nous l'avons fait depuis un an ou deux, la mise en oeuvre de cette réforme pourra être acceptable aux employés au pourboire, aux employeurs de la restauration et de l'hôtellerie et également aux consommateurs du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: M. le Président, j'ai écouté avec intérêt le discours du député de Rimouski et ministre du Revenu. Ce que je trouve intéressant, c'est ce qu'il a oublié de dire. Ce qu'il a dit, oui, c'est la vérité, mais il n'a pas dit toute la vérité. Il y a beaucoup de vérités qui sont oubliées. Il a même commencé par dire une vérité qui est seulement une demi-vérité, quand il a dit que le Parti libéral avait voté en faveur de ce projet de loi en deuxième lecture. C'est vrai, mais ce qu'il a oublié de dire, c'est que le Parti libéral a voté sur le principe de ce projet de loi, qui est l'équité fiscale, l'équité sociale et la protection de l'industrie de l'hôtellerie et du tourisme. Nous sommes tous en faveur de ce principe, mais lorsqu'on a regardé les modalités de ce projet de loi comme on le fait en commission parlementaire, on a réalisé que c'était un projet de loi odieux. On était contre ce projet de loi.

En deuxième lecture, ce que j'ai dit comme porte-parole, c'est que ce projet de loi est acceptable à ce moment-ci en principe, parce que si on en regarde les modalités, il y a de la place pour des changements. L'Opposition a suggéré des amendements en commission parlementaire dans le but d'améliorer ce projet de loi, mais en commission parlementaire le gouvernement a systématiquement refusé de le changer de la façon qu'on le voulait. Quand je dis "on le voulait", le Parti libéral ne veut pas de changements pour lui-même. C'est à la suite de représentations de groupes d'employés et de groupes de patrons qu'on a suggéré des amendements. Chaque amendement a été rejeté. À ce moment, nous, les libéraux, avons voté contre tous les articles de ce projet de loi. Notre intention est de voter contre ce projet de loi en troisième lecture.

Une loi n'est pas en vigueur avant trois lectures et c'est la troisième lecture qui est la plus importante. Aucune loi n'entre en vigueur sans la troisième lecture et nous, du Parti libéral du Québec, sommes absolument et farouchement contre ce projet de loi. C'est un projet de loi qui va créer des problèmes dans toute l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration. Dans cette industrie, les employés, les syndicats et les patrons sont tous contre ce projet de loi. Ce sont des gens du milieu. Ils savent de quoi il s'agit et ils sont contre.

Le ministre a essayé de passer des sapins ici en parlant de la chambre de commerce. La chambre de commerce a demandé des changements. Elle a demandé cela en commission parlementaire l'année dernière et tout le monde était d'accord, mais depuis ce temps, le ministre n'a pas lu le télégramme de la chambre de commerce qui s'oppose à ce projet de loi. Il a essayé de passer un autre petit sapin en disant que l'union des employés d'hôtels et de restaurants et commis de bar lui avait donné raison. En fait, ces gens ont demandé seize changements et le ministre leur a peut-être accordé deux changements mineurs. Ce matin, j'ai eu des appels de ces gens-là qui s'opposent à ce projet de loi. Il n'y a aucun groupement de cette industrie, d'un côté ou de l'autre, qui veut avoir cette loi.

Le ministre compare cette loi à la loi américaine. Il dit être allé à Washington durant l'été avec ses fonctionnaires et que tout allait bien. Mais j'ai une petite histoire pour lui. Tout va bien? Le seul groupe qui est satisfait de cette loi aux États-Unis est le IRS, le ministère du Revenu, parce qu'il perçoit un peu plus qu'avant, mais ce que le ministre a oublié de nous dire, c'est que cette loi s'applique aux États-Unis seulement à des restaurants et à des hôtels qui ont plus de dix employés. Cela veut dire immédiatement qu'ici à Québec, si on a le même principe, on a seulement environ 10% ou 15% de l'industrie de la restauration. Les autres 85% ne sont pas couverts aux États-Unis et ils seront couverts ici. Cela, c'est le problème de l'administration de la paperasse. Quand on a des établissements de plus de dix employés, on a un comptable, on a même des ordinateurs et d'autres façons de faire les calculs. Pour les petits restaurants, pour les petits casse-croûte qu'on retrouve en quantité à Québec, qui représentent peut-être 85% de tous les restaurants, comment pourront-ils appliquer cette loi et en respecter toutes les conditions? (17 h 10)

Le ministre, au début de son discours, a dit: Il n'y a pas grand-chose, pas de bouleversement, pas de changement dans cette industrie. Le 1er janvier, ce sera presque le statu quo. Cela veut dire qu'il n'y aura rien de changé, sauf que tous les employés d'un même patron devront faire un rapport de leurs pourboires. On ne paiera que les déductions, rien de plus.

Je ne sais pas si c'est sa conscience qui est revenue à la surface mais, un peu plus tard dans son discours, il a parlé de l'attribution de 8% qui représente la section la plus litigieuse de cette loi. Tout le monde est contre cette partie de la loi. Le ministre a donné l'impression, au début de son discours et même en commission parlementaire, qu'on n'appliquerait pas cet article, qu'on attendrait pour voir comment ça va fonctionner. Aujourd'hui, il a dit la vérité sur ce point: ce n'est qu'un délai de quelques mois, on va l'imposer par proclamation d'ici deux ou trois mois. C'est là, le gros problème, il essaie de vendre à la population quelque chose qui n'est pas vrai. D'un côté, il dit que cela va commencer le 1er janvier 1984 et qu'il n'y aura pas grand chose de changé, que ce sera presque le statu quo mais, d'un autre côté, il dit aussi que dans deux ou trois mois, on va revoir cette affaire de l'attribution.

Qu'y a-t-il dans cette attribution? Le ministre ne l'a pas tellement expliqué. Cela veut dire que dans chaque établissement, on doit rapporter tous les pourboires; cela, c'est un voeu pieux, mais on va en reparler. Si les employés, en totalité, ne rapportent pas assez de pourboires pour arriver à 8% des ventes, le patron, et non pas le ministre - le ministre a peur de le faire - entrera en conflit avec ses employés. C'est lui qui va créer des chicanes avec ses employés; c'est l'employeur qui va créer des chicanes entre employés.

Que va-t-il se passer dans les restaurants où on n'arrivera pas à rencontrer les 8%? Il est possible qu'un ou deux employés aient dit toute la vérité, qu'ils aient déclaré 12%, mais l'autre groupe qui, pour une raison ou une autre, a déclaré 6% ou 7%, savez-vous que cette part qui manque sera attribuée à chaque employé et non seulement à ceux qui auront déclaré 6% ou 7%. Ceux qui seront à 100% honnêtes, qui rapporteront 12%, verront les chiffres augmenter et devront payer des taxes sur de l'argent qu'ils n'auront pas reçu. Même le ministre sait qu'ils ne recevront pas cet argent, mais il va taxer ces personnes. Est-ce cela, de l'équité fiscale, forcer les citoyens à payer de la taxe sur un montant qu'ils n'ont pas reçu? C'est ce qu'on appelle de l'équité fiscale. C'est la raison pour laquelle le Parti libéral votera contre cette loi. Nous voulons voter pour l'équité fiscale, mais non pas de la façon dont on interprète l'équité fiscale. Nous, du Parti libéral du Québec, voterons contre cela.

Le ministre a parlé d'équité sociale. Il trouve facilement les mots: équité sociale, Régie des rentes, CSST, Loi sur les normes du travail. La grande promesse qui a été faite durant la commission parlementaire aux travailleurs, c'était l'assurance-chômage. C'est là la clé du problème social des travailleurs au pourboire dans les restaurants. Ils ne sont pas intéressés aujourd'hui à contribuer à la Régie des rentes qu'ils ne recevront qu'à 65 ans; oui, ils veulent pouvoir en bénéficier à 65 ans, mais ce n'est pas leur problème immédiat.

La CSST et les normes du travail, c'est seulement en cas d'accident ou s'il survient un problème de ce genre. Mais ces choses n'arrivent pas chaque jour à chaque employé. Avec la concurrence et le travail saisonnier dans l'industrie touristique et le secteur des restaurants, on a beaucoup de chômage dans l'industrie de la restauration et une très grande mobilité des travailleurs. Une partie des bénéfices sociaux que ces gens auront, c'est l'assurance-chômage. C'est ce qui les intéresse, mais il n'y a pas d'assurance-chômage dans ces bénéfices. On a demandé au ministre de retarder l'adoption de ce projet de loi au moins jusqu'à la signature d'une entente avec le fédéral ou jusqu'à ce que le fédéral adopte un projet de loi pour donner raison à ces travailleurs au pourboire qui déclareront leurs impôts maintenant et qui pourraient avoir de l'assurance-chômage. Non, ils n'auront pas d'assurance-chômage et il semble que cela n'intéresse pas le ministre. C'est cela l'équité sociale dont il parle, aucune assurance-chômage.

Le troisième principe dont il a parlé concerne la protection de l'industrie du tourisme et de la restauration. Avec l'augmentation mineure de 1,3%, mais avec l'administration que cela coûtera, avec le problème créé aux employés, on fait un grand tort à l'industrie du tourisme et de la restauration comme on ne l'a jamais fait. On chambarde l'industrie avec un problème qui n'a jamais existé. On a peut-être pensé que le problème serait retardé longtemps, mais le ministre a dit aujourd'hui que c'était une question de deux ou trois mois. Je parle de la fameuse attribution de 8%. Ce n'est pas acceptable que ce soit l'employeur qui doive le faire.

On a essayé cela aux États-Unis. L'IRS est très heureux de percevoir les taxes, mais ce que le ministre a oublié de dire, c'est qu'à la suite des revendications de millions de travailleurs dans la restauration, il y a actuellement un projet de loi devant le Congrès des États-Unis pour éliminer cette attribution de 8%. La seule différence est que les gens déclareront leurs pourboires et les employés auront le droit de payer pour les bénéfices sociaux. Aux États-Unis, ce

n'est pas comme ici. L'employeur ne paie rien. C'est l'employé qui paie. C'est là une grande différence. Ils sont considérés comme des travailleurs autonomes dans le sens qu'ils déclarent leurs pourboires et les employés paient les bénéfices sociaux. L'employeur ne paie rien. C'est tellement différent de ce qu'on a ici.

Comme je l'ai déjà dit, cela s'applique seulement à des restaurants de dix employés et plus. Cela veut dire qu'il n'y a aucune comparaison entre la loi américaine et ici. Même là, les propriétaires de restaurants et d'hôtels, les syndicats, les employés sont tous contre cette affaire d'attribution et il y a actuellement un projet de loi devant le Congrès, parrainé par deux membres importants, un républicain et un démocrate du Ways and Means Committee. Cela veut dire que ce projet de loi a 100% de chance d'être adopté à cette session du Congres qui commence au mois de janvier. Voilà ce que les Américains pensent des 8%.

Ceux qui vont essayer d'imposer cette mesure, pas seulement les gros restaurants et hôtels où on trouve dix employés ou plus, mais tous les restaurants de Québec où il n'y a qu'un ou deux employés, vont se voir imposer tout un paquet de procédures administratives et de paperasse.

L'Association des restaurateurs du Québec nous dit que seulement 0,5% à 1% des restaurants à Québec sont équipés pour faire cette administration. Qu'est-ce qui arrive à tous les autres? Au moins, les États-Unis ont limité cela à de gros établissements. Ici, c'est tout le monde.

Le ministre a promis une autre chose aux travailleurs. Il leur a dit - encore là, c'est un exemple où le ministre a dit la vérité mais pas toute la vérité - qu'un arrêté en conseil était passé pour qu'on n'utilise pas les chiffres que les employés donneront après le 1er janvier 1984 pour fins de vérification et de nouvelles cotisations pour les années précédentes. Cet arrêté en conseil ne dit pas qu'on ne fait pas de vérification mais seulement qu'on utilisera des chiffres nouveaux. Il peut toujours utiliser d'autres moyens de vérification comme les cartes de crédit, les factures d'hôtel, etc. Il peut toujours utiliser ça, c'est-à-dire que cet arrêté en conseil dont il parle ne vaut absolument rien. C'est de la poudre aux yeux. C'est une autre façon d'essayer d'endormir les gens, parce qu'il a tous les droits de faire des vérifications, de toute façon. (17 h 20)

Le ministre m'a dit une autre chose, en commission parlementaire. Il m'a dit qu'il ferait peu de vérifications pour les années antérieures. J'ai pris sa parole et je lui ai dit: M. le ministre, inscrivez-le dans le projet de loi. J'ai même proposé un amendement, à savoir qu'il mette dans le projet de loi qu'il n'y aura pas de cotisations pour ces gens-là, que le ministre définisse, dans ce projet de loi, ce qu'il fera - ce qui n'est pas défini - pour les années antérieures. Mais il a refusé. Pourquoi a-t-il refusé? Il fait une promesse à ces gens-là, mais il refuse de le faire par écrit. Il a essayé de passer un petit sapin, comme je l'ai dit auparavant, en parlant d'arrêté en conseil qui ne vaut rien.

Aussi, sur cette question de 8%, à la commission parlementaire de l'an dernier, le ministre a donné l'impression, ou l'illusion -je suis sur que les gens en sortant de cette commission y ont pensé - que si cela rapporte 8%, le gouvernement serait satisfait, mais ce n'est pas vrai. Le ministre lui-même l'a dit ici, en deuxième lecture. Si le ministre pense que vous avez gagné, vous les employés au pourboire, plus de 8%, même si vous déclarez 8%, il peut vous poursuivre pour ce qu'il pense être la différence; même si vous déclarez 12%. Cela veut dire que, pour les vérifications, pour les nouvelles cotisations, c'est le statu quo. Mais le ministre veut avoir la garantie d'au moins 8% sans ses poches. C'est le but de ce projet de loi. L'équité fiscale, c'est sûrement d'un côté, le côté gouvernemental. Il veut avoir l'argent. Mais cela n'intéresse pas les gens dans l'industrie de la restauration et de l'hôtellerie qu'il exige une taxe sur l'argent qu'ils ne reçoivent pas. Cela ne les intéresse pas. Cela ne le dérange pas de créer tout un problème dans l'industrie touristique et dans l'industrie de la restauration. Cela ne le dérange pas que, selon l'estimation de l'Association des restaurateurs, avec la paperasse administrative et les problèmes des employés créés par ce projet de loi, environ 800 à 1000 restaurants fermeraient leurs portes et mettraient environ 10 000 travailleurs au pourboire en chômage. Cela ne le dérange pas. Les 40 000 000 $, c'est cela qui l'intéresse. Si votre gouvernement ne gaspillait pas l'argent comme il le gaspille partout... Il y a un endroit où on va sauver de l'argent: pas de voyage en Italie pour l'avenir, c'est certain.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Blank: M. le Président, il n'y a rien dans ce projet de loi qui permet de croire aux principes que le ministre a énoncés. Il n'y a pas d'équité fiscale dans ce projet de loi.

Une voix: Pas de passeport.

M. Blank: II n'y a pas d'équité sociale dans ce projet de loi. Il n'y a pas de protection de l'industrie touristique et de l'industrie de la restauration dans ce projet de loi. La seule façon dont le ministre peut faire ici, avec toutes les protestations... Ce soir même, il y aura une assemblée des

employés, à Québec. Demain, à Montréal, il y aura une conférence de presse de l'Association des restaurateurs. Tout le monde est contre. Tout le monde est pour les principes. Tout le monde veut avoir une équité fiscale, une équité sociale et une protection de l'industrie, mais pas par ce projet de loi. Nous, du Parti libéral du Québec, ne serons pas complices dans ce jeu. Nous sommes contre ce projet de loi. On a voté contre en commission parlementaire. On a voté contre lors de la prise en considération du rapport de la commission, hier. On votera contre en troisième lecture. N'essayez pas de faire croire que nous, les libéraux, sommes pour ce projet de loi; ce n'est pas vrai. Les libéraux sont contre ce projet de loi à 100%. Merci.

Le Président suppléant (M. Bordeleau):

M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Ce projet de loi qui est devant nous, à l'étape de la troisième lecture, m'apparaît comme le plus bel aveu d'impuissance et d'échec de la part du gouvernement, plus particulièrement de la part du ministère du Revenu. Le principe en matière fiscale est bien connu. Nous sommes dans une société, dans un système où chacun est obligé de déclarer ses revenus, le ministère du Revenu étant le gardien de cette obligation et devant faire appliquer la loi de façon que tous les revenus des citoyens et des citoyennes soient déclarés et que, sur ces revenus, on puisse percevoir des impôts.

Que fait le ministre du Revenu actuellement? Unilatéralement, arbitrairement, il décrète que, dorénavant, les gens qui ont le malheur de servir quelqu'un ont automatiquement un revenu de 8% sur le montant de la facture des personnes à qui ils ont servi un repas, une boisson alcoolique ou autre. C'est là une façon de faire qui est totalement inacceptable, parce qu'elle est foncièrement vicieuse, M. le Président. Elle détermine unilatéralement, arbitrairement, que telle catégorie de citoyens a tel revenu. Pourquoi ont-ils tels revenus? Les faits n'ont plus d'importance, ce qui a de l'importance; c'est l'affirmation, le décret, la décision du ministre. Nous vivons dans une société où la bonne foi se présume, où les gens sont habitués d'avoir la protection de la loi, c'est-à-dire que, si on prétend qu'ils n'ont pas respecté leurs obligations légales, il incombe à la partie qui prétend cela d'en faire la preuve. Le ministre du Revenu trouve cela trop difficile, et se sent incapable de s'acquitter de cette tâche. Que fait-il dans les circonstances? Il renverse le fardeau de la preuve. Il décide que les gens qui travaillent dans la restauration, dans une entreprise hôtelière devront automatiquement déclarer des pourboires d'au moins 8%.

Cela a des conséquences considérables, fondamentales sur tout le système qui nous régit en matière d'impôt. Nous ne sommes pas dans un système où nous avons des percepteurs d'impôt. Nous ne connaissons pas cela dans notre système, des percepteurs d'impôt, c'est-à-dire des gens qui vont fouiller dans les affaires personnelles de leurs semblables, de leurs concitoyens pour décider combien ils doivent à l'État. Ce n'est pas comme cela qu'on fonctionne ici; on fonctionne sur le principe de la déclaration volontaire, et c'est important. Le ministère du Revenu confie l'imposition, dans plusieurs cas, de ses taxes à des particuliers. Le cas le plus patent est évidemment la taxe de vente, quand le marchand reçoit des montants de l'ordre de 8% ou 9% au nom du ministre du Revenu.

Il est aussi notoire que, de plus en plus, avec ce gouvernement - je profite de l'occasion pour le souligner - les pompistes sont devenus des gens qui reçoivent les impôts au nom du ministre des Finances. Ils ne sont plus au premier chef, compte tenu des impôts très élevés qui sont imposés, des distributeurs d'essence; il sont maintenant, à toutes fins utiles, des percepteurs d'impôt. On tente d'aller plus loin que cela actuellement, en imposant aux propriétaires d'entreprises hôtelières ou de restauration le rôle de percepteurs d'impôt. Il faut s'élever contre cette façon de faire, d'autant plus que mon collègue a mentionné tout à l'heure et a expliqué d'une façon très claire que l'hôtelier et le restaurateur se voient dans une situation impossible, dans une situation insupportable quand il doit, à la place et au nom du ministre du Revenu - c'est important - décider que telle personne a tel revenu. Il n'a même pas la protection qu'a le ministre du Revenu.

Je conçois très bien - je me demande si cela a effleuré l'esprit du ministre du Revenu - qu'une personne, qu'un employé au pourboire pourrait poursuivre le restaurateur, poursuivre l'hôtelier qui décidera, parce que le projet de loi l'oblige à le faire, que telle personne a eu en pourboires 8% des factures de l'année 1984, disons. Une personne qui, à bon droit, croirait qu'elle n'a pas reçu ce montant de 8% pourrait être en droit d'intenter une poursuite devant les tribunaux contre le restaurateur ou l'hôtelier, qui se verrait complètement démuni, contrairement aux employés du ministère du Revenu, contrairement au ministre lui-même qui, quand il applique sa loi, quand il pose des gestes dans l'exercice de ses fonctions se voit exempté de poursuite pour une faute de quelque nature que ce soit. Ce sont là des différences capitales et importantes qui font que, nous de ce côté-ci de la Chambre, tous les députés libéraux ici, nous nous opposons à

cette façon de faire. Nous sommes - mon collègue le député de Saint-Louis l'a dit tout à l'heure - pour l'équité fiscale, mais nous ne sommes pas, par exemple, pour la solution de facilité, pour celle qui a comme effet premier tout simplement de permettre au ministre du Revenu d'enrichir indûment le ministre des Finances. Ce n'est pas la faute des employés au pourboire si le gouvernement actuellement est en difficultés financières. (17 h 30)

Posons-nous la question très simple, actuellement, ensemble, tous ensemble et pensons-y une demi-seconde: Aurions-nous cette loi devant nous si les difficultés financières qui sont celles du gouvernement actuellement n'existaient pas? Le simple fait de poser la question, c'est d'y répondre. Combien de lois qu'on camoufle sous le vocable d'équité fiscale dans le moment ont leurs racines, ont leurs sources dans une réalité beaucoup plus terre à terre qui est la nécessité dans laquelle se trouve le ministre des Finances d'obtenir des fonds pour rencontrer les obligations du gouvernement?

La façon de procéder est importante. On peut être pour l'équité fiscale, mais on n'est pas pour la façon de le faire. Je pense que c'est important de le souligner. Je pense que c'est une différence qui est tellement capitale qu'on ne peut pas accepter ce point de vue. Le ministre, tout à l'heure, nous a fait, pensait-il, la démonstration que tout le monde était content. Les employés au pourboire avaient toutes les raisons d'être satifaits. L'hôtelier avait toutes les raisons d'être satisfait. Le consommateur avait toutes les raisons du monde d'être satisfait. Or, cela est complètement à l'opposé de la réalité. L'hôtelier n'a aucune raison d'être satisfait puisqu'on lui demande de suppléer au ministre du Revenu, de décréter arbitrairement que telle personne est présumée avoir reçu 8% des factures pour lesquelles elle a servi des repas dans l'année. Le restaurateur se voit dans cette situation. Il n'a aucune raison d'être satisfait puisqu'il fait ce qu'on appelle communément le sale boulot du ministre du Revenu. Il fait faire son sale boulot par les autres. De quoi serait-il satisfait? Aucunement. Les gens qui nous ont contactés, avec qui on a parlé, nous ont dit clairement que tous ceux qui sont dans l'entreprise hôtelière, dans la restauration sont totalement insatisfaits de cela. Premier groupe de personnes très important qui sont insatisfaites.

Deuxième groupe de personnes insatisfaites. Les travailleurs au pourboire eux-mêmes. Qu'en est-il? Il va se faire une discrimination automatique entre les gens qui vont honnêtement déclarer leurs revenus, et d'autres qui, possiblement, tenteront de conserver un système qui durait depuis très longtemps. Il va se faire une inéquité dans les faits. On pourra dire que la moyenne est préservée. On pourra bien me dire qu'en moyenne, on gagne tant, sauf que si moi j'ai gagné moins, je me fous de la moyenne parce que je serai d'autant plus pauvre que je serai en bas de la moyenne. Je n'ai aucune protection dans le cadre de cette loi. Donc, deuxième groupe de personnes insatisfaites. Je ne parle pas de l'assurance-chômage, M. le Président, mon collègue le député de Saint-Louis en a parlé longuement.

Qu'en est-il maintenant du consommateur? Le consommateur va être la victime quotidienne des chicanes qui vont être engendrées par l'arbitrage que va devoir faire par la loi, par le rôle qu'on lui confie, l'hôtelier, le restaurateur. Ne nous surprenons pas si demain les assiettes sont déposées plus violemment sur nos tables. Ne nous surprenons pas si cela prend plus de temps pour se faire servir. Ne nous surprenons pas si le service est détérioré.

Qu'en est-il de la satisfaction présumée dont se targuait tout à l'heure le ministre du Revenu pour le consommateur? Aucunement. Il sera plus mal servi, il ne gagnera absolument rien. Il y en a un, par exemple, qui va être satisfait. Il y a un groupe qui va être satisfait. Il y a une personne qui va être satisfaite. Le ministre du Revenu n'en a pas parlé.

Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Le seul satisfait là-dedans, c'est le ministre du Revenu et c'est le ministre des Finances. C'est ce qu'une analyse précise de la loi nous enseigne. Il n'y a pas d'autres personnes qui seront satisfaites de cette loi que le ministre des Finances par les sommes supplémentaires qu'il mettra dans sa poche et que le ministre du Revenu par le rôle, le sale boulot, la sale besogne qu'il fera faire par une tierce personne, c'est-à-dire des gens qui ne sont pas équipés, dont ce n'est pas le rôle et qui ne jouissent ni de la formation, ni de la protection de la loi pour agir de cette façon. C'est la conclusion que je me vois dans l'obligation de tirer, M. le Président, et c'est pourquoi nous voterons contre cette loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, mon collègue de Saint-Louis, avec son accent bien particulier, que j'ai appris à aimer depuis les trois ans que je siège en cette Chambre, a défendu avec beaucoup de vigueur et beaucoup de connaissance ce dossier qui nous tient à coeur. En effet, il a expliqué que nous allons voter contre ce projet de loi, contre la loi qui est devant nous présentement parce qu'elle ne répond pas aux objectifs que le gouvernement s'était fixés et

avec lesquels, quant à nous, nous étions d'accord en principe.

En effet, les principes qui avaient été énoncés il y a quelques mois traitaient, d'une part, de l'équité fiscale et, d'autre part, traitaient d'une protection sociale des employés. Ce sont deux principes extrêmement importants avec lesquels nous sommes tout à fait d'accord et nous l'avons dit par notre vote en deuxième lecture. Comme vous le savez, M. le Président, le vote en deuxième lecture permet aux parlementaires d'exprimer leur opinion sur le principe d'une loi et c'est la raison pour laquelle nous avons dit que nous étions d'accord avec les deux principes fondamentaux qui étaient poursuivis, soit l'équité fiscale et la protection sociale des employés au pourboire qui travaillent dans le domaine de la restauration et dans le domaine de l'hôtellerie.

J'écoutais le ministre tout à l'heure -le ministre est une personne qui semble bien intentionnée et qui cherche à défendre ses dossiers du mieux qu'il peut - qui nous disait: À partir du 1er janvier, il n'y aura pas de problème puisque les employés au pourboire, d'une part, devront, à la fin de chaque mois, déclarer leur revenu, déclarer leurs pourboires et, d'autre part, les employeurs devront déduire à la source les impôts et les autres déductions qui permettront à ces mêmes employés d'être protégés. Mais si ce n'était que cela, si la loi ne disait - ce que le ministre nous a dit tout à l'heure - qu'à partir du 1er janvier la loi demanderait et exigerait des employés de déclarer leur revenu et les pourboires à chaque fin de mois et exigerait des employés et des employeurs de déduire les impôts et les déductions sociales qui doivent être faites pour les protéger, si ce n'était que cela, je pense bien que plusieurs d'entre nous ne se seraient pas donné la peine de se lever pour parler en deuxième lecture de ce projet de loi, d'en parler après que nous ayons reçu le rapport après la commission parlementaire et d'en parler maintenant en troisième lecture.

Il y a donc plus que cela, M. le Président, il y a anguille sous roche et mon collègue de Saint-Louis l'a exprimé d'une façon très claire. Il y a des dispositions dans cette loi qui font qu'à peu près tout le monde qui pratique le métier et qui est touché par cette loi s'y oppose. C'est le principe qui a trait à l'attribution, le principe qui exigerait de l'employeur, si l'addition de ce qui a été déclaré par les employés ne se monte pas à 8%, d'attribuer à chacun des employés la différence entre les montants qui auraient été déclarés et le 8% qui est la norme imposée par le ministre du Revenu.

Le ministre nous disait: II n'y aura pas de problème au mois de janvier. Bien sûr qu'il n'y aura pas de problème au mois de janvier, c'est que cette disposition de la loi est reportée à plus tard. C'est là un vieux truc. Le ministre dit: II n'y aura pas de problème au mois de janvier, peut-être pas au mois de février. Si on lui pose la question au mois de janvier ou février: M. le ministre, est-ce qu'il y a eu des protestations? Il dira: Non. À ce moment-là, cela lui permettra, au mois de mars, de déclarer et de faire en sorte que les autres articles de la loi soient promulgués.

M. le Président, c'est justement là le problème; c'est que certaines des dispositions qui sont contenues dans la loi, pas celles qui viendront en vigueur le 1er janvier, mais les autres qui viendront plus tard, c'est à ces particularités de la loi que nous nous opposons puisque le ministre n'a pas encore trouvé la formule qui permettrait d'avoir l'équité sociale et l'équité fiscale qu'il recherche vraiment. C'est un vieux truc, le vieux truc c'est de reporter à plus tard ce qui fait problème, le vieux truc c'est d'éviter de faire face à la musique et d'éviter de prendre les décisions qui s'imposent. Je croyais qu'il nous avait fait une promesse en nous disant: Nous ne reviendrons pas en arrière. Non, nous ne reviendrons pas en arrière si, bien sûr, les travailleurs au pourboire déclarent à la fin du mois des revenus plus élevés, s'ils déclarent vraiment leurs pourboires. (17 h 40)

Certains nous disent que, dans le passé, plusieurs n'avaient pas déclaré tous leurs revenus. Là-dessus, M. le Président, nous sommes d'accord pour qu'ils le fassent à l'avenir. Je croyais avoir entendu le ministre nous dire: Non, nous ne reviendrons pas en arrière, mais ce n'est pas exactement ce que le ministre a dit. Mon collègue de Saint-Louis l'a corrigé en disant: Non, il y aura un arrêté en conseil qui dira que les chiffres ou les revenus déclarés comme tels ne serviront pas de base aux calculs des cotisations qui pourraient revenir pour les années antérieures. Mon collègue de Saint-Louis, à juste titre, a réprouvé cette façon de faire, puisqu'il y a bien d'autres façons pour le ministre du Revenu et pour ses agents de revenir en arrière, mais, plus que cela, s'il n'y a pas entente entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, il est bien sûr que la promesse que le ministre du Revenu provincial nous fait ne tiendra pas, ne tiendra absolument pas pour le ministre du Revenu fédéral. À ce moment-là, le ministre n'aura qu'à s'asseoir et qu'à attendre que le gouvernement fédéral envoie des cotisations en se basant sur les nouveaux revenus déclarés et, sachant qu'il y a une entente tacite entre les deux ministères du Revenu, à ce moment-là, indirectement, le ministre du Revenu provincial bénéficiera justement du fait qu'à partir du 1er janvier, les employés seront probablement plus

honnêtes et déclareront la totalité de leurs revenus.

Cette promesse n'a vraiment pas de valeur. Cette promesse ne tient pas. Elle ne tient pas parce que, d'une part, le ministère du Revenu n'écrit pas dans la loi qu'il ne reviendra pas sur les années antérieures et si, d'autre part, il n'y a pas entente avec le gouvernement fédéral, le ministre pourra obtenir indirectement ce qu'il promet de ne pas faire directement. C'est un subterfuge qui n'a échappé à aucune des personnes qui seront concernées par ce projet de loi.

Encore une fois, le gouvernement, en défendant un bon principe, se met un peu les pieds dans les plats et ce n'est pas la première fois. La semaine dernière, nous avons discuté du projet de loi 38 où, encore une fois, pour défendre un principe avec lequel nous étions tout à fait d'accord, c'est-à-dire la juridiction provinciale, le gouvernement se donnait des pouvoirs arbitraires que nous avons dû dénoncer puisque nous trouvions qu'on ne pouvait défendre un certain arbitraire par un autre arbitraire. Mais les gens que nous rencontrons dans les taxis et un peu partout nous disent: Comment se fait-il que ce gouvernement continue à se mettre les pieds dans les plats? Pourquoi ce gouvernement, d'une loi à l'autre, n'écoute-t-il pas la population et n'écoute-t-il pas les députés, surtout les libéraux, qui, je crois, sont plus près de la population? Ce n'est pas moi qui le dis. Lors de notre congrès au leadership où, justement, le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration était présent, il était venu à cette conclusion qui avait été rapportée aux journalistes.

Le ministre disait: Je suis venu au congrès du Parti libéral parce que je suis arrivé à la conclusion que le Parti libéral est plus près de la population. Nous devrions écouter les députés libéraux, parce que ceux-ci reflètent davantage l'opinion publique et ce que pensent les Québécois. Ce que mes collègues ont dit, ce que je dis et ce que mes autres collègues diront reflète davantage l'opinion publique, et surtout ceux qui seront touchés par le projet de loi 43 nous disent qu'il s'agit d'un mauvais projet de loi et que la seule chose que le gouvernement ferait de bon serait de le retirer. Comme il n'a pas l'intention de le faire, nous voterons contre ce projet de loi, parce qu'il va à l'encontre de la vraie équité qui devrait diriger l'opinion du ministre et le jugement du Conseil des ministres dans son ensemble.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Trois-Rivières.

M. Denis Vaugeois

M. Vaugeois: M. le Président, nous avons laissé passer un certain nombre d'orateurs du côté de l'Opposition parce que nous cherchons encore à comprendre pourquoi, après avoir voté pour ce projet de loi en deuxième lecture, pourquoi, après avoir, depuis un an, procédé à des études avec nous sur cette question, après avoir insisté sur l'importance de la régler, après avoir montré qu'ils étaient d'accord avec l'hypothèse retenue par le ministre... Malgré ce que vient de dire le député d'Outremont, il faut quand même reconnaître que, lors du vote de deuxième lecture, il y avait devant eux un projet de loi qui offrait une proposition de solution. Je suis d'accord que, pour eux, il s'agissait d'un vote qui permettait à la Chambre d'aller plus loin, mais s'ils avaient autant de doutes sur la solution retenue je pense qu'ils ont assez d'expérience pour avoir décidé, à ce moment-là, de voter contre.

Jusqu'à la deuxième lecture, ils ont cru que la mesure proposée par le ministre était bonne. J'ai même entendu dire dans les coulisses, que le député de Saint-Louis, à un certain moment, a déjà préconisé lui-même cette formule. Il aura peut-être l'occasion de préciser des choses là-dessus. Après beaucoup d'études, on en vint donc à retenir cette formule qui dérange, c'est certain; elle dérange les habitudes, elle oblige des gens à payer de l'impôt sur un salaire réel qui, autrefois, n'était pas imposé en totalité. Mais je n'aime pas que l'Opposition, sans être trop explicite, résiste à ce moment-ci et fasse même un peu de terrorisme.

Le député qui m'a précédé, le député d'Outremont, a suggéré que le ministre pourrait utiliser les déclarations qui viendront à partir de janvier pour aller chercher des cotisations antérieures, qu'il pourrait se servir de cette information pour attraper ceux qui auraient pu oublier de déclarer une partie de leurs revenus. Je ne comprends pas qu'on dise cela. D'un autre côté, je le comprends parce que, actuellement, on fait des discours pour retarder les choses et faire plaisir à quelques personnes qui ont envoyé des télégrammes au cours des dernières heures. Le ministre, là-dessus, a été très clair. J'ai pris la peine, cet après-midi, de revoir ses prises de position à la commission parlementaire. J'ai vérifié, dans mon comté, avec des gens qui ont eu des entrevues avec le ministre. Dans les deux cas, le ministre ne pouvait être plus clair. Il a été très clair. Il n'a pas dit qu'il ne cotiserait plus, il a dit qu'il ne se servirait pas de ces déclarations pour envoyer des avis de cotisation. Il a même dit qu'il ne suivrait pas le fédéral si celui-ci se permettait de s'en servir pour envoyer des avis de cotisation pour des années antérieures. Le ministre a dit que le gouvernement du Québec, que le ministère du Revenu du Québec ne suivrait pas dans ces cas.

M. Blank: Ce n'est pas dans la loi.

M. Vaugeois: II y a des choses qui ne s'inscrivent pas dans les lois, il y a des choses qui vont ailleurs. Je comprends, par l'intervention du député de Saint-Louis, qu'il reconnaît lui-même que le ministre a pris des engagements publics à cet égard.

Ce que j'ai vécu dans mon comté, c'est le cas de femmes, en particulier, qui travaillent dans des restaurants et qui, à la suite, il faut le dire, d'interventions du gouvernement fédéral qui est revenu en arrière - et le ministère du Revenu du Québec a suivi - ont vécu des situations extrêmement pénibles. La plupart des députés dans cette Chambre ont eu, pendant des mois et des mois, des cas extrêmement pénibles à traiter. La proposition du ministre veut mettre un terme à ces situations.

J'ai vérifié avec des porte-parole, dans mon comté, des travailleurs à pourboire. Cela fait un an qu'on est là-dessus. Il n'y a pas beaucoup de projets de loi, d'ailleurs, qui ont été aussi longtemps débattus publiquement. Je reviendrai à cela dans deux minutes.

M. Marcouiller, dans mon comté, qui est un porte-parole intelligent et représentatif du milieu de la restauration et des travailleurs dans ce domaine, est souvent venu me voir au bureau de comté et il est venu en commission parlementaire. Il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet. Quand le projet de loi a été déposé, il y avait encore des sujets d'inquiétude chez lui. Il m'a dit: J'aimerais bien voir le ministre avec mon groupe. Je trouvais que M. Marcouiller était intéressant et avait des choses intéressantes à dire. J'ai communiqué avec le ministre. Ce que je trouve admirable chez le ministre du Revenu, c'est que chaque fois qu'on a eu besoin de lui, chaque fois qu'un groupe a eu quelque chose à dire et nous a manifesté le désir de rencontrer le ministre, celui-ci a été disponible. La rencontre a eu lieu et encore chaque fois j'ai constaté que les gens étaient contents de la rencontre parce que sur les points obscurs qu'ils voulaient clarifier ils avaient obtenu des éclaircissements. (17 h 50)

J'ai reçu, comme d'autres députés, beaucoup de télégrammes au cours des derniers jours et des dernières heures. Bien sûr, j'ai pris le temps de regarder les télégrammes et d'en observer la provenance. J'ai même fait quelques coups de téléphone à partir de ces télégrammes. Je m'étonnais d'abord de les recevoir. J'ai vérifié parce que je pensais avoir bien fait le tour de mon comté. Ceux qui avaient encore quelque chose à dire avaient eu leur entrevue et des explications. Effectivement, ces télégrammes viennent de gens qui entourent mon comté mais qui ne sont pas de mon comté. Ce sont des gens qui, à aucun moment au cours des derniers mois, ne se sont manifestés, ne m'ont dit leur inquiétude sur quelque chose en particulier. Soudain, ils se manifestent. Je respecte ça. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai fait quelques téléphones.

Les dernières craintes qui se manifestent ne me paraissent pas fondées. Elles me paraissent avoir reçu à plusieurs reprises des réponses de la part du ministre. Au fond, ce que le ministre essaie de régler aujourd'hui c'est un vieux problème. Les gens ici dans cette Chambre sont d'accord pour chercher une solution au problème.

L'Opposition à ce moment-ci elle hésite à suivre le gouvernement, encore que le député de Saint-Louis disait tout à l'heure: II y a un grand bout qui était vrai mais il manquait un petit bout. Clarifions ça dans les heures qui viennent, mais il me semble qu'on est en face d'une solution qui a ses mérites. Évidemment, il y a des choses auxquelles je suis sensible. Je serais restaurateur moi-même que je serais d'accord pour reconnaître que ça va me prendre un peu plus de temps qu'avant. Il y a un petit peu de problèmes là-dedans. Il faut reconnaître ça et il faut reconnaître aussi que la masse salariale se trouvera grossie, que les charges sociales qui s'appliqueront dégageront forcément des montants plus importants.

Là, il ne faudrait pas se tromper de sujet. À ce moment-ci on ne discute pas de l'importance de la pression qui existe sur les masses salariales, on ne discute pas du grand nombre de prélèvements qui doivent se faire sur une masse salariale. C'est la même pour tout le monde. Il ne s'agit pas d'en exempter une catégorie de travailleurs ou une catégorie d'employeurs. Sur ce plan-là les travailleurs y trouveront largement leurs avantages puisque, payant un peu plus, ils auront une protection importante qu'ils ont souhaitée, qu'ils ont demandée et à laquelle ils ont droit.

Pour l'employeur, je le reconnais, il a à cet égard ma sympathie, c'est vrai que ça va représenter un petit déboursé additionnel. C'est vrai que, pour lui, cela va représenter peut-être une paperasse additionnelle. Mais c'est un problème général que nous avons, qu'a le ministre à qui on reproche de provoquer, éventuellement, un surplus de paperasse et qui a annoncé, dans un autre projet de loi, plusieurs mesures qui sont susceptibles de diminuer cette fameuse paperasse. Entre autres, au moment où on se parle, une commission parlementaire siège à côté, celle concernant la CSST, et le ministre a déjà annoncé que son ministère percevrait également les cotisations de la CSST. Actuellement, l'employeur est obligé de faire des chèques à différents endroits. Le ministre nous a annoncé qu'il s'en allait vers la perception unique, donc une

simplification à cet égard. C'est l'exemple que je donne parce qu'il se trouve, dans les propositions avancées par le ministre du Revenu, une préoccupation évidente de réduire les petits troubles, les petites tracasseries et la paperasserie qui affectent les entrepreneurs, les employeurs au Québec. Nous sommes donc en face d'un ministre qui est conscient de cela.

Mais, pour autant, je pense que ce ministre a reconnu l'importance du problème de pourboires et les injustices qu'on avait créées dans le passé en n'y faisant pas face et, après avoir proposé des solutions à la discussion publique, il y a environ un an, après avoir tenu des audiences publiques, il a raffiné les hypothèses possibles, il a cheminé avec les gens, puis il nous a proposé, dans ce projet de loi, une solution qui n'est pas idéale, mais qui semble bien être la meilleure des solutions à ce moment-ci. De toute façon, l'Opposition n'en a pas annoncé de meilleure, n'en a pas proposé de meilleure, et, en deuxième lecture, l'Opposition a cru que les mérites contenus dans le projet de loi 43 étaient suffisants pour voter dans le sens du projet de loi.

À ce moment-ci, je prends cela comme portrait d'ensemble. Je constate que ce qu'on reproche au projet de loi pourra être corrigé autrement, à l'occasion d'autres mesures que le ministère du Revenu aura à prendre pour l'ensemble des employeurs au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: M. le Président, compte tenu de l'heure, vu que le temps de parole est de dix minutes et qu'il n'en reste que cinq, est-ce que je pourrais demander la suspension du débat?

Le Vice-Président (M. Jolivet): La motion est-elle adoptée?

Une voix: Sur division.

M. Boucher: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint.

M. Boucher: Je demande la suspension de nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Nos travaux sont donc suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise de la séance à 20 h 05)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre vos places. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, voulez-vous rappeler l'article 5 de notre feuilleton, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. Reprise du débat de troisième lecture sur le projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire. À la suspension de nos travaux, c'était le député de Beauce-Sud qui avait demandé la suspension. M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Nous sommes à l'étude du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire, à l'étape de la troisième lecture. Il n'y avait que chez les employés au pourboire que le gouvernement n'avait pas mis le diable. On se souvient que le gouvernement a mis le diable chez les fonctionnaires, chez les enseignants, chez les employés d'hôpitaux et chez beaucoup d'autres catégories de la société. Maintenant, c'est au tour des employés au pourboire. Bien sûr que nous sommes en faveur du principe que tous les citoyens, tous les contribuables paient leur impôt. Je crois qu'il faudrait être irréaliste pour ne pas accepter ce principe. Cependant, je trouve que le moyen employé dans le projet de loi 43 par le gouvernement est un moyen purement irréaliste, un moyen qu'il sera très difficile de contrôler, un moyen qui est tracassier, un moyen qui va imposer encore énormément de paperasserie à nos petites et moyennes entreprises.

M. le Président, le gouvernement impose un critère purement arbitraire en ce qui concerne le montant du pourboire. Ce sera 8%. Or, dans chaque établissement, il va falloir que quelqu'un contrôle, il va falloir des papiers, des feuilles. Donc, c'est le propriétaire de l'établissement qui va être obligé, d'après la loi, d'exercer ce contrôle au nom du gouvernement.

Je pense que c'est la première fois dans une loi fiscale que l'on impose une telle pénalité, je dirais, un tel travail aux propriétaires de restaurant. Le propriétaire de restaurant devra remettre chaque jour à toutes les serveuses un cahier dans lequel la serveuse devra inscrire tous les pourboires qu'elle a reçus au cours de la journée. Donc, si à la fin de la journée les pourboires ont été moins que 8% pour quelques serveuses... On sait que dans les restaurants ou les hôtelleries, il arrive pour certaines raisons, soit avant une heure plus favorable ou des choses semblables, que des serveuses aient des pourboires plus considérables. Il y en a qui auront plus de 8% et il y en a qui auront moins de 8%. Il faudra que le patron

répartisse. Il faudra qu'il prenne son rabot et qu'il le passe pour égaliser, pour enlever à celle qui en a plus et remettre à celle qui en a moins.

Il y a un problème de justice dans cela. Qu'est-ce qui va assurer au patron que tous ses employés ont déclaré tous leurs pourboires. Premièrement, le patron est responsable de cette déclaration. Supposons que certains employés n'aient pas déclaré tous leurs pourboires. Ce sont les employés qui auront déclaré la totalité de leurs pourboires, qui seront donc au-dessus de 8%, qui seront pénalisés puisqu'ils paieront l'impôt sur la totalité des pourboires déclarés et qu'on leur enlèvera une partie pour combler les autres.

C'est un système qui va exiger de nombreux contrôles et, également, un système qui va provoquer certaines querelles entre les employés ou entre le patron et ses employés. C'est encore sur le dos du propriétaire, comme ce gouvernement a tendance à toujours le faire que sera ramené ce fardeau. (20 h 10)

On nous dit que c'est la solution américaine et que c'est une solution extraordinaire. Le ministre nous dit avoir été vérifé à Washington, pendant ses vacances d'été, avec son personnel et tout cela, mais il faudrait comprendre qu'aux États-Unis, ce système s'applique pour les établissements de dix personnes et plus et non pas pour les établissements de dix personnes ou moins. Ensuite, l'employeur ne paie rien aux États-Unis, tandis qu'ici l'employeur sera obligé à même la quote-part qu'il doit payer comme retenue à la source: la part de l'employeur pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail, les services de santé, la Régie des rentes et tout cela. L'employeur devra payer cela en plus de même que les avantages sociaux, les congés et tout cela. C'est une chose qui va devenir onéreuse en plus du contrôle de la papeterie. Je crois qu'il est réaliste de comprendre que le patron devra dans certains établissements qui ont un peu plus d'ampleur, confier à une personne, à une secrétaire, le soin de contrôler tous ces papiers. S'il a 25, 30 ou 40 serveuses, le patron ne pourra contrôler tout cela, il va falloir encore du personnel additionnel pour effectuer ce contrôle. Il y a des coûts inhérents à cela. Le ministre nous parlait de certaines cotisations à la source -dont j'ai parlé tantôt - mais il y a ensuite des coûts administratifs. Supposons que les coûts administratifs sont d'environ 3%, je pense que c'est bas 3%, du chiffre d'affaires de l'établissement, si l'établissement a fait un chiffre d'affaires de 300 000 $ - je crois que c'est encore un établissement modeste qui fait un chiffre d'affaires de 300 000 $ dans le domaine de la restauration - on vient encore lui enlever 8000 $, 9000 $ ou 10 000 $ en pure tracasserie inutile.

M. le Président, je voudrais bien que le gouvernement comprenne que, pour une région comme la mienne, ce système risque d'être néfaste. II y a plusieurs établissements de restauration dans ma région où le propriétaire travaille avec sa femme, avec un ou deux de ses enfants, parfois avec une ou deux personnes à temps partiel. C'est à peu près le coup de mort que vous venez de porter à ces petits établissements - il faudrait que vous vous en rendiez compte -qui vivotent justement parce que les repas non taxés sont à 3,25 $. Vous savez qu'il y a une clientèle assez considérable qui surveille pour manger le repas du jour à 3,25 $. En toute équité, le gouvernement devrait au moins se rendre à 5,00 $ dans l'exonération de taxe pour les repas. En la laissant à 3,25 $ comme c'est le cas actuellement, vous risquez, dans ma région, de causer des ennuis considérables à ces établissements qui emploient beaucoup de main-d'oeuvre.

Vous faites des efforts du bout des lèvres pour la création d'emplois et, par toutes sortes de contrôles, toutes sortes de surveillances, vous venez, à coups de matraque, fermer nos établissements. Pensons aux contrôles de ce gouvernement: contrôle des normes du travail, contrôle de la CSST, ministère du Revenu, contrôle de la langue française. On en a parlé un peu l'autre soir lors du débat sur la loi 57. Vous savez que dans la restauration, pour la langue française c'est important les contrôles. On ne peut plus aller au restaurant acheter des patates rôties, il faut acheter des pommes de terre rissolées; on ne peut plus acheter un hamburger, il faut acheter un hambourgeois. Ce sont tous des contrôles inutiles, stériles, pour ne pas dire ridicules dans bien des cas.

Je pense que c'est un chambardement inutile, qui sera néfaste et qui ne réglera pas le problème que vous voulez régler. Dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie, je pense que cela aura des répercussions très néfastes.

Le ministre a fait miroiter le fait qu'il y aurait une amnistie des poursuites de l'impôt sur le revenu pour les années antérieures concernant les employés au pourboire. Il n'y a pas d'amnistie, ils vont quand même continuer à payer leur impôt et le ministère peut très bien reculer un an, deux ans, trois ans, quatre ans ou plus pour vérifier les revenus des employés au pourboire. La seule chose que nous a dite le ministre, c'est qu'il ne se servira pas des nouveaux chiffres pour cotiser pour les années antérieures. Supposons que pour l'année 1984 la personne déclare tous ses pourboires et que cela démontre le double de ce qui a été déclaré l'année précédente, le ministre nous dit qu'il ne se servira pas de ces chiffres pour cotiser les années

antérieures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Beauce-Sud, si vous voulez conclure, s'il vous plaît.

M. Mathieu: Mais il n'aura pas besoin de s'en servir. Je conclus donc, M. le Président, puisque mon temps est maintenant terminé. Je puis vous dire que rien ne va empêcher le ministère du Revenu du Canada, lui, de se servir de ces chiffres pour cotiser les années antérieures.

Je m'oppose donc catégoriquement à ce projet de loi et j'espère que le gouvernement entendra raison.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Chapleau.

M. John Kehoe

M. Kehoe: Mr. Speaker, if I might be permitted to say a few words in English concerning Bill 43. To date, we have heard all the arguments. There are quite a number of English-speaking restaurant owners, bar owners and so forth in the Province of Québec who will be affected by this law. I think it is worthwhile that the Liberal Party states its position and why we oppose this law.

This law has gone through the various stages. There has been a parliamentary committee, there has been first reading, second reading and now, we are at the final stage before it is enacted. But there has been a certain indecency, in the way they have pushed through the final reading of this Act. There was ample time to have a larger discussion on it. Last week, in Montreal, last Sunday, there was a meeting of some 1200 restaurant owners and they vehemently opposed the law. Yet, in spite of this -many other organisations were involved in opposing this law - the Minister insists on proceeding with the law today.

There is no question that the intention of the law is good. There is no reason why waiters and bartenders should get off without having to pay any income tax on the tips that they earn. This is elementary, this is something that we all agree on. There is social justice, there is fiscal justice, and for various other reasons this is a good law. But the way the Government has gone to implement this law shows good intention gone awry. For various reasons therefore, Mr. Speaker, we will vote against this law in third reading. First of all and mostly it makes the employers the arbitrators between the employees. This law states that there is a presumption that, on the total sales, the waiters and bartenders got at least 8% in tips. Now, in some cases, this is very grossly underestimated and in other cases it is over- estimated depending on the type of restaurant.

In a very elaborate and in very expensive restaurants, 8% tip is very small. In other restaurant, 8% tip could be quite high. Therefore there is an elementary injustice created here immediately by the fact that the employer has to declare if waiters and bartenders do not state that they have earn 8%, then this has to be distributed between the various waiters and waitresses in the establishment. Obviously, Mr. Speaker, you can see the grave injustice and the potential for conflict that will be involved here.

The second reason that we oppose this law is that there is a tremendous amount of paperwork that will be forced on the bar owners and the restaurant owners. The law states that they have to make various reports almost daily. The tips that the waiters, the barmaids and the waitressess get each day have to be reported to the employer. The employer has to fill informs. There is a carnet being given by the Minister of Revenue in order for him to fill in. But this involves a tremendous amount of paperwork and now it is estimated that there is only 0,5% of the restaurant owners in the province of Québec that have the necessary know-how, that have the necessary staff, that make profits sufficient in order to do this type of work. (20 h 20)

Still another of the important reasons why we are against this law is that the owners of these bars, of these restaurants will have to state how much money and how many sales they have made. You can obviously see the problems there. When the employees in a restaurant, if there is a union that wants to come in, if there is any bargaining position that the employees want to take, if they know... If you are playing cards, Mr. Speaker, and you know that the other party is holding four aces, what bargaining position do you have? It is obvious, in a case like this, it is grossly unfair to the employer to have to divulge to the employees the exact figures of sales. If he does this, obviously, it is ball game over. The employees can ask and obtain whatever they want in their future negotiations.

The obvious weakness of this law is that the employees will not get unemployment insurance benefits. This law has been passed without due consultation with the Federal Government. It is characteristic of the Parti québécois to go to the Federal Government after they have decided on a certain matter. We have seen this in many legislations. We have seen Mr. Marois do this, the Minister who resigned recently. He went to Ottawa with a fait accompli. He had already decided on his type of plan and he went and asked Mrs. Bégin to

accept it. To his great surprise, Mrs. Bégin did accept it and he came back and resigned shortly after.

This is a bit the same situation here. We have a situation in which the Provincial Government has a plan. The plan is well structured. It is well organized and it is prepared to go into operation on the 1st of January. They go to the Federal Government and say: Here is our plan; it is all cooked beforehand; it is ready to go and we want you to get on. The Minister involved at the federal level said he is prepared to look at it. He is prepared to discuss it. He is prepared to sit down and negotiate, but this is not the way the Provincial Government has proceeded. They have already taken for granted that the Federal Government will accept their plan and they have already implemented it.

Mr. Speaker, for various other reasons, the Liberal Party will vote, in third reading, against this bill. The intentions involved are very good, but the legislators have to go back to the drawing board. There has to be more social justice between the two parties. There has to be more discussion. There has to be more equity. There has to be more fairness in the law. If it is passed as it exists now and if it goes into operation on the 1st of January 1984, as the Minister said - basically, it is his target A to put it into operation with certain exceptions. It is our firm belief that there will be a very very difficult situation in the restaurant business in the province of Québec. The restaurant business, as you know, is one which is very marginal. The profits are very low. There has to be a high turn-over for a relatively small profit, but if the employers have to do this much paper work, if they have to be the arbitrators, if there has to be a great deal of conflit between the employees, if this whole law goes into effect as it exists now, it will be, in our opinion, a complete disaster in the restaurant and the bar business.

For this and for various other reasons, Mr. Speaker, in the third reading, the Liberal Party, the Opposition, will vote against bill 43.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: M. le Président, le projet de loi 43 que l'on étudie en troisième lecture est basé sur un certain nombre de principes. Tout au long de sa préparation, à partir de la réflexion du ministre et du premier livre vert qui a été présenté à la population du Québec et, en particulier, aux travailleurs au pourboire qui sont concernés par ce projet de loi, jusqu'au dépôt ici à l'Assemblée nationale, avec toutes les étapes de travail, les études à la commission parlementaire et autres, ce projet de loi a toujours reposé sur trois principes fondamentaux. Il convient, je pense, M. le Président, avant de dire qu'on votera pour ou contre ce projet de loi, de rappeler aux citoyens qui nous écoutent que ces trois principes de base qui sous-tendent le projet de loi sont absolument fondamentaux. On va les regarder l'un après l'autre, essayant de voir si on peut aller à l'encontre de l'un de ces trois principes et si les modalités d'application du projet de loi font en sorte, comme certains de l'autre côté nous le disent, qu'il ne vaudrait pas la peine ou qu'il serait inutile ou superflu de l'appliquer.

M. le Président, le premier principe est celui de l'équité fiscale. Est-ce que, au Québec, tous les citoyens, qu'ils soient camionneurs, qu'ils soient travailleurs au pourboire, qu'ils soient médecins, qu'ils soient de n'importe quelle profession, de n'importe quel métier, est-ce que chacun des travailleurs au Québec ne devrait pas apporter, par les impôts qu'il a à payer, sa juste contribution aux frais de l'État? C'est la question fondamentale. Est-ce que chacun des travailleurs et des travailleuses du Québec ne devrait pas participer équitablement sans plus ni moins, au fardeau fiscal que l'État est obligé de leur imposer?

M. le Président, il faut bien réaliser qu'un certain nombre de personnes qui travaillent dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie bénéficiaient à un moment donné, à cause de la difficulté de regrouper, de déclarer leurs pourboires, d'une certaine exemption fiscale. À ce moment, il se crée une forme d'injustice envers les autres travailleurs, le camionneur, la serveuse, le travailleur de tous les jours, le travailleur en usine, le travailleur dans le commerce, le vendeur, si un groupe de la population ne paie pas équitablement ses impôts. On peut bien penser que ce groupe, qui lui ne bénéficie pas de pourboires ou de revenus qu'on peut dissimuler ou qu'on peut éviter de comptabiliser en entier dans son rapport d'impôt.... La justice totale, la justice complète et l'équité demeurent dans le fait où chacun des employés de quelque catégorie qu'ils soient, que ce soient des travailleurs au pourboire ou autre, paie sa quote-part, sa juste part des services publics qu'il retire.

M. le Président, je me souviens d'avoir discuté avec certains travailleurs au pourboire et, après avoir débattu pendant quelques minutes du projet de loi, certains finissaient par nous dire - ce n'est pas l'immense majorité, bien au contraire - Oui, écoutez, c'est un métier dur. Ce ne sera pas drôle de payer des impôts sur nos pourboires parce que, souvent, nos pourboires sont assez élevés. L'Opposition a servi un certain nombre d'exemples à cet égard au cours du

débat en deuxième lecture, exemples qui me reviennent en mémoire. Moi, je leur disais toujours: C'est vrai, ce n'est jamais drôle pour ceux qui réussissaient à dissimuler des revenus d'avoir à verser des impôts au gouvernement. Ce n'est jamais drôle, mais ce n'est pas drôle pour la vendeuse de magasin non plus et ce n'est pas drôle pour le conducteur de camion ou le mécanicien.

Vouloir être dans un État où chacun paie sa juste part du fardeau fiscal, je pense que c'est un principe auquel l'Opposition adhère, auquel la plupart des travailleurs au pourboire adhèrent, auquel la plupart des hommes d'affaires, des commerçants et des restaurateurs adhèrent. Chacun doit payer ses impôts selon le revenu qu'il gagne. Voilà pour la première partie. Ce projet de loi 43 répond à ce premier objectif.

Deuxième principe maintenant. Si les travailleurs au pourboire doivent assumer certaines difficultés supplémentaires, c'est-à-dire celle de comptabiliser de façon précise leurs pourboires et celle de payer la totalité des impôts sur ce qu'ils gagnent, ces inconvénients doivent être contrebalancés par des avantages d'ordre personnel. Cela va de soi, M. le Président. L'État tient à donner à ses travailleuses et à ses travailleurs au pourboire le même système de sécurité sociale que celui qu'on a développé pour l'ensemble des travailleurs du Québec. Est-ce qu'il y a quelqu'un en cette Chambre qui peut ne pas être en accord avec le fait qu'on veuille donner à chacun des Québécois et à chacune des Québécoises les mêmes avantages sociaux, la même protection collective, les avantages de base, les choses qu'on a considérées comme fondamentales pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses à revenu fixe. (20 h 30)

II convient de mentionner que dans ce groupe de travailleurs et travailleuses que constituent les travailleurs au pourboire, comme on les appelle communément, il y a là-dedans des gens qui ont dû vivre à certains moments des situations fort pénibles. Qui de ce groupe de travailleurs n'a pas eu, à un moment ou à un autre, besoin de recourir à ces avantages sociaux si importants, aux avantages sociaux de base que le Québec, comme société évoluée, s'est donné pour l'ensemble de ses travailleurs. Qui, des travailleurs au pourboire n'a pas eu un accident d'automobile à la suite duquel il a dû interrompre ses activités et se contenter d'un revenu absolument réduit, ne correspondant pas à la réalité des choses et ne correspondant pas non plus aux besoins monétaires qui sont les siens pour faire face à ses obligations? Qui, de ce groupe de travailleurs, n'a pas eu à un moment ou à un autre, des problèmes avec la Régie de l'assurance-maladie ou encore n'a pas eu à subir une période de chômage, une période sans travail et sans revenu? Qui, de ces travailleuses et travailleurs au pourboire échappera inévitablement au fait qu'un jour on doit tous, sans exception, prendre sa retraite et compter pour vivre sur les avantages sociaux que l'État nous consent c'est-à-dire la Régie des rentes du Québec.

Tous et chacun des travailleurs au pourboire qui nous écoutent ce soir, qui ont suivi le débat et qui s'intéressent au projet de loi, ont eu ou auront un jour, quel que soit leur statut, quelle que soit la nature de leurs activités, à bénéficier des avantages sociaux qu'accorde l'État, des avantages sociaux que se sont donnés les Québécoises et les Québécois collectivement.

N'est-il pas infiniment juste de permettre à ce groupe de travailleurs et de travailleuses, dont la grande majorité d'ailleurs sont des femmes, peut-être davantage susceptibles de faire appel à certains de ces avantages sociaux et d'être pénalisées dans les années ou dans les mois qui vont venir... n'est-il pas infiniment juste et n'est-ce pas notre devoir de parlementaires de faire en sorte que ces gens bénéficient de tous ces avantages?

En terminant, puisque vous m'indiquez que mon temps achève, je pense que ce que l'Opposition aurait dû faire et ce que l'Opposition devrait faire aujourd'hui, au lieu d'essayer inutilement de détruire certains principes fondamentaux de ce projet de loi qui sont de qualité et valables... Quand les avez-vous entendus, en tant qu'Opposition, se lever et nous dire qu'ils feraient l'impossible et qu'on devrait faire l'unanimité de cette Chambre pour exiger du gouvernement fédéral, via l'assurance-chômage, qu'il donne à ces travailleuses et à ces travailleurs au pourboire les mêmes avantages auxquels ils ont droit et les mêmes avantages qui sont consentis à d'autres catégories de travailleurs? Quand se sont-ils levés? Jamais! Et c'est ce qui est malheureux. Encore là, on est pour la vertu, mais on est contre les moyens de l'atteindre. Ce gouvernement a posé un geste éminemment souhaitable. Nous allons adopter ce projet de loi en troisième lecture et tous les travailleurs et travailleuses au pourboire du Québec ne s'en trouveront que mieux. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Papineau.

M. Mark Assad

M. Assad: M. le Président, en écoutant le député de Roberval, plus il parlait, plus c'était évident qu'il n'a jamais été dans les affaires et encore plus qu'il n'a jamais exploité un restaurant, cela paraissait.

Je voudrais corriger une chose que le député de Roberval a dite, il dit: Ce qu'on veut accorder à ces travailleurs, ce sont les

avantages sociaux. Nous sommes tous d'accord avec cela, on l'a répété peut-être 100 fois à la commission parlementaire à laquelle j'ai assisté avec le ministre du Revenu. 11 sait, d'ailleurs, que nous étions tous d'accord. Donc, le député de Roberval essaie encore, avec ses tactiques, en lançant des choses à droite et à gauche, de donner l'impression que nous sommes contre les principes de base. On peut regarder le journal des Débats et on va se rendre compte que nous sommes tous d'accord avec les avantages sociaux, mais, comme le ministre le sait, nous ne sommes pas d'accord avec les modalités.

J'ai eu de l'expérience dans ce domaine, M. le Président, ce n'est pas facile et cela n'a jamais été facile. Croyez-vous que lorsque ce projet de loi sera en vigueur, ce sera mieux?

Dans le domaine de la restauration je peux vous dire d'expérience que c'est un secteur où, selon un terme qu'on emploie -un anglicisme - il y a un gros "turnover". Il y a beaucoup d'employés qui travaillent six mois, neuf mois, un an, mais le durée du travail est en moyenne d'un an ou moins; cela vous donne une idée. Fondamentalement, dans le domaine de la restauration, il faut être très conscient que la durée de travail des employés est très éphémère. C'est important de créer un climat d'harmonie, parce que c'est un domaine, surtout au Québec, on l'a répété, où il y a deux fois plus de restaurants per capita que dans les autres provinces. Et on arrive avec un projet de loi qui risque, d'après moi, de créer un problème, pour aller chercher 40 000 000 $, mais quels dommages on va engendrer au niveau des relations du travail? C'est très délicat dans cette industrie et on arrive avec un projet de loi. En commission parlementaire, on a demandé au ministre: Est-ce que ce ne serait pas mieux de convoquer les différentes associations de restaurateurs du Québec et d'écouter leurs revendications? Elles aussi sont d'accord pour que les employés aient des avantages sociaux et elles voudraient même qu'il y ait des changements au niveau fédéral afin de bénéficier, si possible, de l'assurance-chômage. Pour le moment c'est très nouveau; évidemment le gouvernement central ne veut pas aller à la vapeur et en vitesse comme, ici, le gouvernement et le ministre du Revenu. Mais il faut que j'avoue, avec toute la sympathie que j'ai, avec raison, pour le ministre du Revenu, qu'il y a une chose qui m'a frappé au cours de l'étude article par article. C'est que j'ai senti, au sein de nos débats, qu'il y a beaucoup d'éléments qui ne sont pas sûrs. Il faudrait demander, M. le Président, avec peut-être l'exception d'un député ministériel, qui a été dans le domaine de la restauration? Il y en a peut-être un. Ne trouvez-vous pas que ce serait plutôt normal de faire appel lors d'une commission parlementaire, à ceux qui ont oeuvré dans le domaine, qui sont propriétaires de restaurants et qui connaissent les difficultés, afin qu'ils nous éclairent. Je suis sûr que nous aurions pu retarder alors l'adoption de cette loi de six mois, afin d'arriver avec des correctifs d'importance. Un exemple, aux États-Unis -évidemment, on peut regarder pour toutes les nouveautés aux Etats-Unis - il y a un an ils ont établi un régime pour taxer les pourboires. Un an plus tard, au Congrès, on est à faire des amendements parce qu'il y a eu des problèmes à droite et à gauche et ce fut un échec. Pourquoi nous exposons-nous à risquer un échec dans un domaine très important au Québec, quand on pense qu'il y a presque 70 000 personnes qui travaillent dans le domaine de la restauration? (20 h 40)

La chose fondamentale qui, dans ce projet de loi, d'après moi, risque de créer des problèmes, c'est que toute l'administration et toute la paperasse de ce projet de loi est dans les mains des propriétaires et je peux vous dire d'expérience qu'il y a déjà une quantité incroyable de paperasse. On arrive avec un système où le propriétaire, tous les trois mois, devra faire des calculs. Ceux qui n'auront pas déclaré 8% des ventes passeront à son bureau. Il devra leur dire: Je suis obligé de vous cotiser 1% ou 2% de plus parce que la moyenne n'a pas atteint un minimum de 8%. Imaginez-vous la guerre qu'on va avoir!

J'ai l'impression que pour l'amour de 40 000 000 $... Remarquez bien que c'est beaucoup d'argent, mais sur un budget de 26 000 000 000 $, 40 000 000 $, ce n'est pas beaucoup. Je me demande si ce n'est pas un exemple classique du dicton: La fin justifie les moyens. La raison pour laquelle, nous, de l'Opposition, nous nous opposions, en commission, c'est finalement parce que nous n'avions pas le temps de regarder la loi en profondeur. Surtout qu'on est en train de faire des amendements à ce sujet au Congrès des États-Unis, cela aurait été intéressant, ils étaient les premiers à présenter un projet de loi qui touche les pourboires.

On a constaté aussi que parmi les restaurateurs des différentes associations au Québec il y a trop d'inquiétude. On l'a vu, ils l'ont manifesté lors d'une assemblée publique à laquelle assistaient le député de Laurier et le député de Saint-Louis. Il y avait peut-être 1200 propriétaires de restaurant qui se sont opposés fermement à cette loi. Si vous en vouiez plus que cela, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Quand 1200 personnes s'opposent à quelque chose, il y a raison de s'inquiéter.

Non seulement y a-t-il de l'inquiétude, mais il y a aussi beaucoup de critiques. Je prétends que c'est prendre un grand risque

que d'arriver avec un projet de loi qui contient des éléments d'inquiétude et de critique, surtout quand on aurait pu prendre le temps de s'asseoir, à la commission parlementaire, pour étudier des possibilités de solution. Cela aurait été possible, j'en suis convaincu. D'ailleurs, je vous fais une prédiction: d'ici un an, nous devrons apporter des amendements à ce projet de loi, c'est inévitable.

À ce stade, on aurait pu assurer les avantages sociaux. La seule chose qu'on devrait enlever, c'est le fardeau qui pèse sur le dos des propriétaires. On risque de créer des conflits de relations du travail, et s'il y a quelque chose dont on n'a pas besoin au Québec, c'est bien des conflits de relations du travail. On en a déjà plus que notre part, on en est devenu les champions.

En terminant, M. le Président, il y a un paragraphe que j'aimerais vous lire. Quand on voit des propriétaires, des employés et un syndicat qui parlent le même langage, il est temps de se réveiller. Écoutez bien ce qu'ils disent: "Le syndicat "dénonce avec la plus grande énergie l'attitude cavalière et arbitraire du gouvernement" qui a "brutalement rompu les consultations" afin de "passer à la vapeur" une loi "dont le principe inique est sans précédent dans la jurisprudence canadienne" ni "dans celle d'aucune société démocratique". Je m'excuse, M. le Président, mais je crois qu'il y a une faute de français.

En d'autres mots, pour la première fois, on voit des employés, des propriétaires et des membres du syndicat qui dénoncent un projet de loi. À qui va servir ce projet de loi si tout le monde le dénonce? Je suis convaincu que, d'ici un an, on va revenir en Chambre pour adopter des amendements, ce qui aurait pu être fait avant l'entrée en vigueur de la loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: Nous en sommes donc ce soir à l'étape de troisième lecture du projet de loi très contesté et rejeté du milieu, le projet de loi 43 du ministre du Revenu. Pour démontrer l'état de confusion dans lequel se trouve présentement le ministre, quelques jours après l'étude du projet de loi article par article en commission parlementaire et particulièrement lors de la prise en considération du rapport de la commission qui a siégé sur ce projet de loi, le ministre a dû nous présenter un amendement pour clarifier la définition du type de travailleur visé dans le projet de loi. Imaginez-vous quelle clarté.' Après l'étude en deuxième lecture, après l'étude article par article, on ne sait pas encore qui est visé dans le projet de loi et le ministre a dû revenir devant cette Chambre pour présenter un amendement. Cela vous donne une petite idée de l'état du dossier sur le projet de loi 43.

Il y a plusieurs éléments problématiques dans ce projet de loi. Premièrement, la question des 8% du chiffre d'affaires d'un restaurant qui doit être appliqué sur les salaires des employés. 8%, c'est un chiffre arbitraire que le ministre a décidé d'imposer et, comme mon collègue de Saint-Louis l'indiquait, il y a des gens plus honnêtes que d'autres dans ce milieu, comme dans tout autre milieu. Certains pourraient avoir un revenu de 10% en pourboires et n'en déclarer que 5%. D'autres vont déclarer peut-être 15% ou 12%. Comment juger de la situation sans que le ministre nous présente un projet de loi arbitraire? Il n'y a aucune façon de juger du montant du revenu de pourboires perçus par un travailleur au pourboire.

Cela indique tout de suite que le ministre impose par son projet de loi un critère très arbitraire, inacceptable et, en même temps, non fonctionnel. Il va de soi que les travailleurs au pourboire, le syndicat et les employeurs se sont soulevés contre ce projet de loi, et avec raison. Ils continuent même de manifester contre ce projet de loi. D'ailleurs, j'ai eu depuis deux ou trois jours plus d'appels que depuis le dépôt du projet de loi, puisque personne dans le milieu n'accepte les clauses arbitraires de ce projet de loi.

Dans le milieu des affaires du secteur privé, dans un domaine économique où l'entreprise privée est reconnue, comment peut-on demander à un propriétaire de restaurant de dévoiler son chiffre d'affaires à ses employés? Il faut être dans l'industrie privée pour savoir que peu de propriétaires sont désireux de dévoiler à leurs employés le chiffre d'affaires qu'ils ont pu faire durant l'année. C'est ce que le projet de loi demande, puisque le propriétaire de restaurant devra dévoiler à ses employés le chiffre d'affaires pour pouvoir prendre le multiplicateur de 8% et l'ajouter au salaire de chacun des employés et ce, de façon toujours discriminatoire.

On peut voir d'avance la guerre ouverte qui arrivera dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie. On peut prévoir qu'il y aura des guerres entre employés et employeurs. Les relations du travail en seront certainement affectées, malheureusement, et le climat de travail en sera affecté aussi. Quand une personne n'est pas heureuse dans un secteur d'activité, je ne pense pas que cela fonctionne bien et c'est ce qu'on peut prévoir par ce projet de loi. De plus, cela ne règle pas le problème des avis de cotisation qui pourraient être envoyés aux employés du secteur de la restauration et de l'hôtellerie; on règle peut-être le problème pour l'avenir, mais pas pour

les années passées. Des avis de cotisation pourraient être envoyés aux employés de restaurant pour les années antérieures, ce que ce projet de loi ne règle pas.

En se fiant aux rapports que nous avons d'un système quelque peu identique qui fonctionne actuellement aux États-Unis, le ministre a fait état du système américain en nous disant que cela fonctionne bien. Je pense qu'on peut mettre en doute la parole du ministre à ce sujet-là, puisqu'il y a présentement un projet de loi déposé à Washington pour retirer cette loi qui ne fonctionne pas aux États-Unis. Seulement 15% à 20% des restaurants aux États-Unis sont affectés par la loi américaine, puisque seules les entreprises de dix employés et plus y sont assujetties; les autres ne le sont pas puisque 80% à 85% des restaurants américains ont moins de dix employés. (20 h 50)

Je me demande comment le ministre peut se servir du projet de loi américain pour dire que ce système fonctionne bien là-bas et qu'on devrait l'amener ici. Je pense que le ministre devrait refaire ses devoirs, M. le Président, puisque la base de travail dont il s'est servi pour présenter ce projet de loi ne répond pas à nos besoins, au Québec.

En plus, la question de l'assurance-chômage n'est pas réglée. Si le projet de loi nous était parvenu après une entente ferme avec le gouvernement fédéral, selon laquelle les employés de l'hôtellerie pourraient bénéficier de l'assurance-chômage, on aurait pu dire que c'était un élément majeur apporté au projet de loi. Mais non, le ministre a décidé d'imposer sa loi à compter du 1er janvier 1984, sans se préoccuper de l'élément majeur pour lequel il avait présenté ce projet de loi.

Étant donné que cette loi s'appliquera le 1er janvier 1984, je pense qu'il serait logique et sensé de demander au ministre de retarder d'un an l'application de cette loi; si le ministre ne veut pas retarder l'application de cette loi, il pourrait quand même - il serait encore temps de le faire - tester cette loi. S'il y a 15 000 entreprises au Québec qui oeuvrent dans la restauration et l'hôtellerie, il pourrait peut-être en trouver 50 qui, d'une façon volontaire, accepteraient d'essayer cette loi. Je suis persuadé qu'il y aurait avantage pour le ministre de l'essayer avec 50 entreprises, allant des plus petites aux plus grosses, pour voir ce que la loi apporte réellement, pour voir quels sont les éléments nocifs de cette loi. Il pourrait ainsi mieux l'adapter dans l'avenir. Je pense que cela se fait dans certains secteurs d'activité; dans l'industrie on teste avant de vendre. On nous vend une loi non testée.

Je pense que le ministre pourrait - il en est encore temps - sans retirer son projet de loi, l'essayer. Il y aurait des entreprises qui le feraient volontairement; 50 ou 100 entreprises pourraient essayer les clauses de cette loi afin de voir comment cela fonctionne. Après un an, le ministre saurait à quoi s'en tenir; il pourrait même la retirer.

Il y a peut-être d'autres façons; les employés pourraient volontairement déclarer un revenu provenant des pourboires. Cela pourrait se faire. Il y a sûrement une majorité d'employés de la restauration et de l'hôtellerie qui voudraient avoir plus de sécurité, qui voudraient retirer tous les bénéfices de nos lois sociales, qui voudraient bénéficier d'une rente du Québec plus grande quand ils cesseront de travailler, qui voudraient peut-être bénéficier dans l'avenir d'une l'assurance-chômage plus élevée et bénéficier de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Il y aurait peut-être beaucoup d'employés au Québec qui seraient prêts à déclarer volontairement à leur employeur les montants perçus en pourboires. Une déclaration volontaire des employés au pourboire ou l'essai de cette loi-là constitueraient deux façons possibles pour le ministre de s'en sortir. Par la suite il pourra revenir devant cette Assemblée et dire: J'apporte tel amendement à la loi. J'espère que le ministre pourra considérer ces deux éléments. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Depuis quelques jours j'ai une espèce de prédilection, une espèce de goût d'intervenir sur les lois actuellement parrainées par le ministre du Revenu. Le hasard fait bien les choses, je le fais à au moins deux reprises immédiatement à la suite du député de Huntingdon.

M. le Président, vous comprendrez facilement pourquoi j'ai un intérêt dans ce genre de dossier et pourquoi c'est particulièrement vrai dans ce cas-ci. Le ministre des Transports, je pense, avant-hier, a fait état de l'expérience qu'il a vécue à la tête de ce ministère, lorsque, pour la première fois, à la suite des cotisations émises par le gouvernement du Canada, il a commencé à entendre parler de la situation qui était en train de se créer chez les travailleurs et les travailleuses au pourboire. Vous allez comprendre que, lorsque j'y suis arrivé, à la fin du mois d'avril ou au début du mois de mai 1981, le phénomène dont a parlé le ministre des Transports s'était très sérieusement amplifié et il était devenu essentiellement à l'état de problème, de problème sérieux. Effectivement aussi, M. le Président, je crois me souvenir que le premier dossier qu'on m'a soumis, lorsque je

suis arrivé au ministère du Revenu, c'était précisément le dossier des travailleurs et travailleuses au pourboire qui, comme on le sait tous, comme je viens de le dire, se retrouvaient avec ce genre de cotisation qui allait chercher, dans certains cas, n'importe quoi entre 1000 $ et 10 000 $ pour un seul des deux gouvernements.

Qu'est-ce qui a été fait, M. le Président? Je parle plus précisément pour la région de l'Estrie, parce que c'est de là que le mouvement a commencé. Ce qui a été fait, c'est que les travailleurs et les travailleuses au pourboire se sont regroupés en association. Ils ont intégré dans cette association le plus grand nombre possible de salariés et ils ont commencé à faire des représentations aux autorités des deux paliers de gouvernement.

J'ai personnellement, M. le Président, et à plusieurs reprises, particulièrement encore une fois dans la région de l'Estrie, assisté aux réunions que tenaient ces associations qui étaient en train de se former et dont encore une fois l'initiative a été prise à la suite de la situation que l'on connaît.

À l'intérieur de ces discussions, il était évident de constater qu'à tout le moins, non pas seulement la majorité d'entre eux et d'entre elles, mais la totalité d'entre eux et d'entre elles n'étaient plus capable de vivre avec le statu quo, de continuer de tolérer cette espèce de situation qu'on était en train de leur faire.

M. le Président, ces consultations se sont tenues sur une base régulière. Elles se sont étendues dans tout le Québec. C'est à partir de ces consultations, des représentations qui ont été faites par l'ensemble des travailleurs et travailleuses au pourboire que le ministère du Revenu a commencé à préparer un livre vert sur l'ensemble de la situation, un livre vert succinct, qui contenait, nous semblait-il en tout cas, l'essentiel du problème quant à son état de situation. Ce même livre vert faisait état non pas de positions gouvernementales, non pas de décisions définitives et arrêtées, mais de quatre solutions possibles pour arriver précisément à sortir de ce statu quo à l'intérieur duquel plus personne n'était capable de vivre. (21 heures)

À la suite de la publication du livre vert, l'actuel ministre du Revenu a convoqué cette commission parlementaire qui a duré plusieurs jours, au cours de laquelle les mêmes personnes qui avaient été vues, qui avaient été consultées sont venues expliquer leur position, les uns réclamant tel genre de solution, les autres réclamant tel autre genre de solution. Après la consultation, le ministre du Revenu a procédé à la préparation d'une loi qu'il a déposée et dont nous sommes en train de discuter. Je ne sais pas si jusqu'à maintenant - parce que je n'ai pas toujours été là, retenu que je suis par les travaux d'une commission parlementaire - le député de Saint-Louis qui s'est intéressé de très près au dossier depuis longtemps... Cela m'étonne même que le dossier n'ait pas été réglé entre 1970 et 1976 alors que le député de Saint-Louis était un personnage important du gouvernement de l'époque, gouvernement au pouvoir. Pourtant, pendant cette même période de temps, les mêmes problèmes existaient. Je suis un peu étonné que le député de Saint-Louis, qui a manifesté autant d'intérêt au dossier, n'ait pas pris l'initiative, à ce moment, de suggérer à son gouvernement de prendre les dispositions pour régler le problème.

Une chose m'étonne davantage, et là le député de Saint-Louis aura sans doute l'occasion ou bien de me corriger ou alors d'expliquer la situation que j'arrive quant à moi difficilement à m'expliquer. Après le dépôt du projet de loi, il me semble avoir lu quelque part que le député de Saint-Louis était heureux de la décision gouvernementale parce que la formule qu'on retenait procédait de sa suggestion. C'est lui qui avait suggéré au gouvernement de retenir la proposition que l'on retrouve maintenant dans la loi. C'est dans le journal La Presse, me semble-t—il. J'aurais aimé avoir le document devant moi, M. le Président, mais le député de Saint-Louis est capable de reconnaître que ce que je dis là est vrai. C'est dans le journal La Presse qu'on a rapporté que le député de Saint-Louis avait déclaré qu'il était très satisfait de la décision gouvernementale parce que, comme dans une autre loi - une loi électorale de l'Assemblée nationale, je ne sais trop - c'était sa suggestion qui avait été retenue.

J'arrive, dans ces circonstances, assez difficilement à m'expliquer comment il se fait que maintenant le député de Saint-Louis soit devenu le chef de file de ceux qui s'opposent à l'adoption de la loi. Il est devenu celui qui plaide avec le plus d'acharnement qu'il ne faudrait pas adopter cette loi. De surcroît, M. le Président, au-delà de ce dont je viens de vous parler, sous réserve d'erreur toujours, il me semble que l'Opposition a voté en deuxième lecture en faveur du principe de la loi. Qu'est-ce qui fait donc que maintenant qu'on est rendu au stade de la troisième lecture, cette loi devient inacceptable, cette loi devient invivable, elle va créer toute espèce de dangers à ceux qui sont touchés alors que les principes qu'on a discutés en deuxième lecture se retrouvent intégralement dans le texte de loi qu'on a devant nous en troisième lecture? M. le Président, ce sont ces deux seules questions que je souhaiterais voir éclaircir par le député de Saint-Louis, à moins qu'il ait perdu tout droit de parole, maintenant. Je ne le sais pas, mais j'espère

que le député de Saint-Louis aura l'occasion de répondre à ces deux questions.

Finalement, c'est lui ou un autre de sa formation politique qui, au-delà des deux questions dont je viens de parler, pouvait suggérer une formule qui serait meilleure que celle-là. Ce qu'on a fait jusqu'à maintenant, c'est décrier la formule qui est là, mais je ne crois pas avoir entendu en aucune espèce de circonstance de suggestion quant à des formules qui auraient été meilleures, à moins que l'on veuille, du côté de l'Opposition, demeurer dans le statu quo, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, je suis ce débat sur la question des employés au pourboire depuis le début. Je dois vous dire que les objectifs poursuivis par les différents intervenants dans ce dossier sont sûrement fort nobles; il s'agit d'un projet de loi qui part, encore une fois, de bons sentiments. Il nous reste à vérifier si les moyens utilisés dans le projet de loi vont être conformes aux objectifs qu'on poursuit.

Il ne serait peut-être pas inutile de rappeler les objectifs qui étaient poursuivis par le ministre du Revenu dans cette question des employés au pourboire. D'une part, dans les objectifs annoncés, on retrouve l'équité fiscale, l'équité sociale et l'essor de l'industrie touristique. Mais on ne s'arrêtait pas là. Il fallait que tout cela se passe en essayant autant que possible de faire en sorte que ce ne soit pas le consommateur, en fin de compte, qui en reçoive tout l'impact. Ce n'est pas seulement trois objectifs qu'on poursuit, c'est quasiment quatre, au bout de la course.

Il est évident, pour moi, M. le Président, quand j'analyse le projet de loi, qu'un certain nombre de pas ont été franchis. Lorsqu'on fait état des protestations qui peuvent être soulevées à l'égard de ce projet de loi, il faut prendre garde de ne pas placer l'ensemble des protestations sur un même pied; il faut éviter de dire que tous ceux qui protestent le font pour les mêmes raisons. On peut facilement penser, par exemple, qu'un certain nombre d'employeurs protestent contre une loi qui, par ricochet, va les amener à dévoiler ou à mieux identifier l'état de leurs revenus. Je pense, M. le Président, que n'importe quel citoyen, comme vous d'ailleurs, serait d'accord pour comprendre que, tant et aussi longtemps qu'on peut échapper à la déclaration de l'ensemble de nos revenus, un peu tout le monde va essayer de le faire naturellement.

Donc, un certain nombre de protestations - on peut les comprendre -peuvent être justifiées par cet argument où on dit: C'est une façon de m'amener à dévoiler l'ensemble de mes revenus. Par le biais des employés, on pourra peut-être déterminer de façon plus précise l'ensemble des revenus d'une entreprise de restauration. Il y a peut-être un pourcentage - je ne dis pas l'ensemble - des protestations qui sont justifiées par ces motifs, comme il y a un pourcentage de protestations de la part des employés qui peuvent être inspirées par les mêmes motifs. Donc, les protestations ne peuvent pas se placer, à cet égard, sur un pied d'égalité. Il faut faire un certain nombre de distinctions et reconnaître que, dans le projet de loi, il y a un certain nombre de revendications, par exemple des travailleurs, qui trouvent leur compte, dont la participation à des mesures sociales.

Ce qui n'est pas mesurable dans le projet de loi qui est devant nous, c'est le coût pour le gouvernement. Il est exact qu'on ne percevait peut-être pas l'ensemble des impôts qui pouvaient être attribués aux pourboires reçus par les employés de la catégorie qu'on vise. Il est aussi exact de dire que, pendant cette période où on n'a pas nécessairement recueilli toutes les sommes d'argent en impôt qu'on aurait dû percevoir, on n'a pas déboursé, comme État, un certain nombre de services à ces citoyens qui se plaçaient un peu en marge.

Je connais des employés au pourboire qui n'ont jamais réclamé de bourse d'études pour leurs enfants. Je connais des employés au pourboire qui se sont volontairement astreints à ne pas demander des services universels, pourtant fournis à l'ensemble des citoyens, parce qu'ils jugeaient que, comme ils payaient moins d'impôt, ils ne devaient pas réclamer ces services. On va peut-être effectivement recueillir davantage de fonds, mais, en parallèle, il y a un certain nombre de fonds qu'on sera maintenant obligé de débourser en mesures sociales nouvelles ou en services aux citoyens que cette catégorie de citoyens ne réclamait pas nécessairement auparavant. (21 h 10)

C'est donc, pour moi, un problème important. Dans ce sens, je pense que la suggestion qui a été faite tantôt par le député de Huntingdon mériterait peut-être qu'on s'y attarde davantage. Il y a des pays, soit dit en passant, qui ne procèdent que de cette façon, c'est-à-dire qu'avant d'implanter une loi de façon permanente il y a toujours une période de rodage, pas sur un certain nombre de lois, mais sur l'ensemble des lois que ces Parlements votent. Alors, peut-être serait-ce une bonne façon, justement, non seulement de mesurer, à travers un certain nombre d'entreprises et de catégories d'employés, l'impact de la mesure choisie, au plan de l'équité fiscale, au plan de l'équité sociale, au plan des effets ou des conséquences sur l'entreprise, mais de

vérifier aussi le coût pour le gouvernement de l'application de ces mesures. Il me semble que c'est quelque chose qui serait possible et qui ne retarderait pas indéfiniment une solution au problème. On a trop tendance -c'est ce qui m'amène à hésiter beaucoup à entrer dans le champ de ce projet de loi - à laisser traîner les problèmes en longueur et, à partir du moment où on commence à vouloir les étudier, à imposer immédiatement une solution.

J'écoutais tantôt la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui nous disait: Cela fait deux ans qu'on consulte. On doit admettre qu'il y a eu une consultation large sur le sujet, on doit admettre qu'il y a eu des études assez poussées sur le sujet. Mais on doit reconnaître aussi que cela faisait bien des années qu'on laissait pourrir la situation. Or, il y a tout un nombre de mentalités, d'attitudes qui se sont développées dans ce secteur d'activité, tant du côté des employés que du côté des employeurs, qu'on ne peut pas briser par une solution qu'on va imposer sans savoir les effets de cette solution et surtout ses effets secondaires. Je lisais dans les journaux des commentaires disant qu'un certain nombre d'employés, syndiqués ceux-là, se sont posé des questions sur le type de relations du travail qui pourraient se développer dans ce secteur d'activités en particulier. Il me semble que c'est aussi quelque chose qui devrait être mesuré. Dans la suggestion du député de Huntingdon, on trouverait aussi cet avantage de pouvoir mesurer l'impact d'une mesure non seulement sur les objectifs visés, mais aussi en regard de l'impact que cela pourrait avoir éventuellement sur le type de relations du travail qui va se développer dans ce secteur particulier d'activités.

M. le Président, depuis que l'actuel ministre du Revenu exerce ses fonctions, il nous a habitués à beaucoup de prudence et je dois dire aussi à beaucoup de mesures qui visent à aider les citoyens et à faire en sorte que les citoyens aient une image différente du ministère du Revenu. On en a un certain nombre qui sont devant nous, en Chambre, dans un autre projet de loi. Je pense qu'il ne serait pas exagéré de demander au ministre de continuer dans cette voie, de suspendre temporairement non pas l'idée qu'il met de l'avant, mais l'application immédiate de son projet de loi et d'accepter la suggestion du député de Huntingdon d'aller tester davantage cette solution mise de l'avant. Cela permettrait peut-être aux gens de comprendre davantage les objectifs poursuivis et peut-être aussi de désamorcer un certain nombre d'objections qu'on peut avoir.

Je voudrais, en terminant, souligner que, encore une fois, il y a peut-être un certain nombre de mesures prévues dans le projet de loi que je trouve paperassières, bureaucratiques à outrance jusqu'à un certain point, et c'est aussi une pratique qu'on devrait mettre de côté le plus possible. Dans ce sens, je pense qu'on devrait être prudent au moment du vote de troisième lecture. Et, si le ministre ne nous annonçait pas, par exemple, son intention de surseoir temporairement pour tester davantage sa solution, il ne nous resterait plus comme solution, tout en reconnaissant la valeur d'un certain nombre d'aspects du projet de loi, de voter contre en troisième lecture.

Le Vice-Président (M. Jolivet ): M. le député d'Orford.

M. Georges Vaillancourt

M. Vaillancourt: M. le Président, le but de ce projet de loi 43 sur les travailleurs au pourboire est, semble-t-il, d'appliquer une simple justice qui fera en sorte que les travailleurs du secteur de la restauration et de l'hôtellerie devront payer leurs impôts comme n'importe quel autre citoyen. L'Opposition a déjà fait savoir son approbation pour ce qui est du principe. En effet, en deuxième lecture, mes collègues ont suffisamment fait savoir au ministre du Revenu qu'une telle justice devait être appliquée avec souplesse, mais surtout dans un cadre législatif adéquat. C'est là que le problème se pose. Tout bien considéré, j'estime que ce gouvernement a le don de ne rien comprendre. Une loi de cette nature ne doit pas rendre la situation plus difficile qu'elle ne l'est actuellement.

C'est dans ce sens qu'à titre de représentant, à l'Assemblée nationale, du comté d'Orford qui fait partie de la belle région de l'Estrie j'ai reçu de nombreuses représentations de part et d'autre et principalement un télégramme d'une association qui m'a fait part, avec raison, d'une vive inquiétude quant à l'application de la loi sur des sujets aussi concrets que la paperasse qui sera multipliée inutilement, l'état des relations du travail entre patrons et employés qui iront de mal en pis et le coût global de la mise en application.

À ces inquiétudes, j'ajouterai qu'une conversation avec des propriétaires d'hôtels et de restaurants, aussi bien qu'avec des employés, m'a convaincu d'une difficulté de taille. En effet, d'un côté comme de l'autre, un découragement risque fort de survenir en ce sens que plusieurs employés voudront probablement orienter leur carrière dans d'autres sphères d'activités que la restauration vu la perte financière qui s'ensuivra.

De leur côté, les employeurs ont déjà fait part de leurs difficultés pour ce qui est du recrutement de professionnels du secteur hôtelier. Quoi de plus normal puisque les employeurs devront se poser en arbitres dans

le cas de conflits entre employés. En fait, on leur demande de se transformer en agents du fisc. Cette loi est d'autant moins acceptable dans son application que le ministre se tirera bien d'affaire. En effet, par cette loi, le ministre du Revenu percevra 40 000 000 $ qu'il empochera certainement sans trop bouger. N'importe quel Québécois rêverait d'être dans une situation semblable.

C'est ainsi que dans l'Estrie les organismes locaux et régionaux font des pieds et des mains depuis des années pour qu'une des principales activités de notre région, soit le tourisme bénéficie d'avantages particuliers eu égard aux retombées économiques et sociales. Les activités hôtelières font nécessairement partie de cette importante activité qui a généré des centaines d'emplois chez nous. Les salaires se situent à environ 3,25 $ l'heure et on comprendra que le pourboire constitue bien plus qu'un geste symbolique pour les travailleurs, c'est la majeure partie de leurs revenus.

D'après les chiffres du ministre, il faut donc parler de 39 904 emplois dans l'hébergement, 19 344 travaillant dans les bars, tavernes et salons, 3293 dans les clubs de nuit, 56 675 dans les restaurants avec permis et 55 200 sans permis, enfin, 27 744 dans les autres services de la restauration. On parle donc de plus de 210 000 travailleurs qui, eux aussi, seront frappés par l'obsession du gouvernement à improviser une mesure administrative en vue de combler un déficit gouvernemental qu'ils ont eux-mêmes créé. (21 h 20)

M. le Président, les travailleurs au pourboire constituent une autre clientèle sur laquelle le gouvernement n'hésite pas à frapper, de la même manière que sur les 300 000 employés des secteurs public et parapublic il y a plus d'un an. À ce train-là, M. le Président, le gouvernement se sera mis à dos plus de la moitié de la population active au Québec après trois années de pouvoir.

J'insiste encore une fois pour vous préciser que nous appuyons le projet de loi dans son principe, mais que nous le rejetons quant à son application. Il me semble que l'état des relations du travail au Québec est suffisamment troublant ces années-ci sans qu'un gouvernement vienne y installer la bisbille. Il me semble également qu'une justice équitable doit pouvoir s'appliquer de façon humaine et répondre quand même aux objectifs d'un tel projet de loi. Il me semble, enfin, qu'un gouvernement qui évoque si souvent la notion de concertation pourrait faire preuve de meilleure foi en adoptant sous forme législative les suggestions énoncées en commission parlementaire. Dans le cas du projet de loi 43, qu'on ne vienne pas dire de l'autre côté que l'Opposition fait preuve de mauvaise foi. Bien au contraire, nous nous sommes prêtés de bonne foi aux audiences de la commission parlementaire et, à l'occasion, nous avons appuyé certains groupes parce qu'il nous semblait que leurs solutions diminueraient les impacts négatifs de ce projet de loi.

Non convaincu par les gens du milieu, le gouvernement préfère appliquer sa solution pourvu que l'objectif de récupération de 40 000 000 $ soit atteint. C'est là une attitude mesquine et irresponsable. Pour ma part, je crois avoir assez d'expérience dans cette Chambre pour vous dire que la population, aussi bien les 210 000 travailleurs au pourboire que les autres, a déjà rendu son verdict préélectoral à l'égard de l'attitude arrogante du présent gouvernement.

M. le Président, au sujet du projet de loi 43 que nous étudions en ce moment, le Parti libéral adopte une position réaliste, je crois, convaincu qu'une solution peut être trouvée sans éveiller quelque amertume de la part des travailleurs au pourboire. D'ailleurs, ces derniers sont en principe d'accord pour que justice soit faite, dans la mesure où le gouvernement fera de même.

Il est bien évident qu'au cours de la commission parlementaire les gens du milieu étaient divisés sur cette délicate question, mais n'est-il pas du devoir du gouvernement de faire en sorte de rapprocher les parties, de la même façon que le fait un conciliateur? Le problème est que, dans l'état actuel des choses, ce même gouvernement n'est plus en mesure de le faire. En matière de pourboire, il semble que le statu quo s'avérait inacceptable de peur de perdre 40 000 000 $. Alors, pourquoi choisir une solution extrême et envenimer des relations du travail déjà fragiles?

En somme, nous retenons du gouvernement qu'il refuse d'être l'arbitre entre l'employé et l'employeur alors que c'est à lui que revient cette tâche; qu'il ajoute de la paperasse qui alourdira le fonctionnement des petites entreprises. Comme le député de Huntingdon, j'accepterais un amendement majeur: Que ce projet de loi s'applique à une entreprise de dix ou quinze employés et plus et que, pour celles de moins de dix ou quinze employés, ce soit facultatif, ce qui empêcherait les petites entreprises d'avoir à faire de la paperasse, elles qui ne sont pas assez grosses pour maintenir une comptabilité. En effet, on ne tient aucunement compte des dépenses additionnelles qu'entraînera une telle mesure pour les propriétaires qui devront défrayer le coût des avantages sociaux.

Voilà, M. le Président, les principales objections que je tenais à formuler sur le projet de loi 43. Je voterai avec mes collègues contre cette troisième lecture. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, M. le Président. Ce n'était pas mon intention de prendre la parole sur ce projet de loi, mais à entendre les interventions de l'Opposition je me suis rappelé que, pendant dix ans de ma vie, j'ai gagné mes études en travaillant dans un restaurant. Je me suis rappelé que pendant vingt-cinq ans, pour nous faire vivre, ma mère avait travaillé dans un restaurant. Je peux vous dire que je connais ce qu'est l'insécurité des gens qui travaillent dans les restaurants. Ce ne sont sûrement pas les propos du député qui m'a précédé qui me convaincront que nous n'avons pas raison d'adopter le projet de loi 43 relatif aux travailleurs au pourboire.

Les gens qui travaillent dans les restaurants sont obligés de se soumettre quotidiennement à des réalités qui ne sont pas toujours agréables. Ils savent que, lorsque l'âge vient, il n'y a pas, pour eux, la protection qui existe pour la très grande majorité des citoyens. Ils essaient de faire le maximum chaque jour pour se mettre de l'argent de côté. Cela encourage inévitablement des déclarations d'impôt pas tout à fait conformes aux revenus. C'est tout à fait dans la nature des choses que ça se passe ainsi. La tentation est grande; je peux vous dire qu'elle est grande parce que j'ai vu cette réalité de très près. Il fallait changer cette situation et faire en sorte que nous ayons maintenant une formule acceptable, un compromis honorable entre la situation actuelle et la formule du pourboire obligatoire sur la facture qui n'aurait pas été très intéressante sur le plan touristique.

Nous avons là une formule qui a fait ses preuves aux États-Unis, cette formule des 8% rattachée au système de la déclaration de pourboires avec le registre quotidien. Ce ne sera pas une affaire épouvantable. On nous disait, tout à l'heure, que c'était effrayant parce qu'on mettrait sur les épaules du propriétaire, de l'employeur, le fardeau de faire ce contrôle. M. le Président, on essaie de faire peur au monde, du côté des libéraux. Ce ne sera pas une affaire terrible de tenir à jour un registre très simple pour arriver à ces fins, pour pouvoir, si les 8% ne sont pas atteints, vérifier s'il n'y a pas lieu de corriger la situation à la fin de l'année. Savez-vous à combien de restaurants s'applique cette formule aux États-Unis? Elle s'applique à 1,5% des restaurants; cela veut dire que 98,5% des restaurants n'ont pas à l'utiliser parce qu'il s'avère que la formule fonctionne tellement bien, l'autodiscipline est si grande et les avantages sont si grands pour les travailleurs de la restauration qu'à toutes fins utiles on n'a pas à faire appliquer la formule des 8%.

C'est une formule qui n'est pas rigide, contrairement à ce qu'on tente de nous faire croire de l'autre côté. C'est une formule qui n'est pas rigide parce qu'un restaurateur qui ferait la démonstration que les 8% sont trop élevés pour lui, compte tenu des revenus, compte tenu des difficultés occasionnées, pourrait obtenir du gouvernement l'application d'un pourcentage moindre.

(21 h 30)

Remarquez que je ne suis pas étonné de l'attitude des gens d'en face. Ce n'est pas la première fois qu'ils disent non à un projet de loi après avoir dit oui. Après avoir dit oui pendant des heures dans leurs discours, finalement, ils viennent dire non au moment du vote. On a l'habitude de voir cela chez les gens d'en face; c'est devenu leur marque de commerce. Rappelez-vous les catastrophes qu'on nous annonçait, par exemple, concernant la Loi sur l'assurance automobile. On nous disait que, dans les mois suivants, ce serait effrayant au Québec, que la terre allait chavirer. Régulièrement, on nous annonce que la terre va chavirer à cause de nos lois. Quand on les vit dans le quotidien, on se rend compte que c'était le simple bon sens. Je pense qu'ils n'ont pas encore fini leur période de négativisme, vous savez cette période où les enfants, pendant un certain temps, disent non tout le temps. L'Opposition libérale n'est pas encore sortie de sa période de négativisme. Elle est toujours en train de critiquer, sans véritablement faire des propositions concrètes.

On était étonné tout à l'heure de voir un député venir nous dire: Peut-être qu'on pourrait essayer cela. M. le Président, c'est une formule qui a tellement fait ses preuves aux États-Unis qu'il n'est pas nécessaire d'en faire une expérience très circonscrite au Québec pour voir si cela peut fonctionner. On sait que c'est une formule qui peut fonctionner, que c'est une formule viable. Pourquoi essaierait-on cela dans un petit coin du Québec? Dites-moi cela, M. le Président.

Je pense qu'en échange de cet effort que feront les travailleurs et les travailleuses dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie, il y aura des avantages. Enfin, ces travailleuses et ces travailleurs seront couverts comme tous les autres travailleurs et travailleuses du Québec, et ils auront enfin une sécurité qui manque à un très grand nombre d'entre eux.

On nous reprochait tout à l'heure d'avoir apporté un amendement au projet de loi. M. le Président, si on ne consultait pas, on nous dirait: Vous ne consultez pas. On nous le reprocherait. Et quand on consulte, qu'on consulte jusqu'à la fin, qu'on se rend compte qu'il y a une amélioration, une clarification possible au projet de loi et

qu'on apporte cette clarification, on nous dit: Regardez, ils ne savent pas où ils s'en vont et, à la dernière minute, ils apportent des clarifications supplémentaires. Qu'ils se branchent, M. le Président! C'est l'un ou c'est l'autre. Qu'ils arrêtent de nous reprocher l'un et l'autre à la fois. On fait notre travail correctement. Je pense que le ministre a fait un excellent travail. Il a fait un travail de consultation depuis plusieurs mois et il s'est avéré que c'est la formule la plus viable. C'est à cause de cela que je voterai pour ce projet de loi en troisième lecture. Merci, M. le Président.

Des voix: Excellent.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: M. le Président, à entendre le député de Châteauguay qui vient de me précéder, il devient très clair que le parti ministériel est rendu au point où il cherche désespérément à dire n'importe quoi pour appuyer la démarche qu'il a entreprise. J'ai été étonné à un moment donné, parce que j'ai constaté tout à l'heure qu'on avait quelque chose en commun, le député de Châteauguay et moi, c'est-à-dire que nous avons tous les deux, semble-t-il, vécu de près dans l'industrie de la restauration ou le travail dans les restaurants, parce que ma famille, depuis 1949, a oeuvré dans la restauration. Mais il semble qu'on tire des conclusions tout à fait différentes quant aux valeurs de ces gens ou à ce qu'ils vivent dans cette industrie. Nous arrivons a deux points de vue tout à fait opposés. Le député de Châteauguay nous dit que c'est une bonne chose pour les travailleurs, d'une part. D'un autre côté, je dis qu'on ne peut pas adopter ce projet de loi, parce que c'est un projet de loi qui échoue sur toute la ligne en ce qui concerne les principes et les buts visés. Il échoue, M. le Président, parce que, ni en ce qui concerne l'équité fiscale, ni en ce qui concerne l'équité sociale, ni en ce qui concerne la protection de l'industrie de la restauration, les affirmations qui ont été faites selon lesquelles c'est un projet de loi qui apportera des choses positives ne tiennent debout, M. le Président.

J'aimerais peut-être commencer par ce qui a été la majeure partie du discours du député de Châteauguay, qui disait que c'est un projet de loi ou un mécanisme qui a été testé, qui existe, qui a été utilisé. Il se basait, M. le Président, sur l'expérience américaine. Tout au long des interventions ministérielles, on a fait souvent référence au système américain qui utilise les 8%. Ce qu'on ne nous dit pas et ce qu'on ne nous a jamais dit de l'autre côté, c'est que cette comparaison est à peu près la plus tronquée qui puisse exister. Car il n'y a aucune base de comparaison entre le projet de loi que nous avons devant nous et le système américain; à moins de faire toute cette similarité qu'on réclame de l'autre côté sur la base d'un même chiffre dans les deux cas, le chiffre 8, avec un signe de pourcentage par la suite, pour parler de 8% et dans le système américain et dans le système proposé ici, M. le Président. C'est à peu près la seule chose qu'il y a en commun entre ce qui existe aux Etats-Unis et ce qu'on propose ici. Aux États-Unis on a pris une autre voie pour faire payer les impôts sur les pourboires. On a décidé, aux États-Unis de traiter les travailleurs au pourboire comme les travailleurs autonomes, c'est-à-dire que, pour atteindre l'équité sociale, pour que les travailleurs soient couverts par les avantages sociaux basés sur l'ensemble de leurs revenus, ils sont considérés comme des travailleurs autonomes et dans ce sens contribuent eux-mêmes à l'atteinte de ces avantages sociaux. Ici, la voie qu'on a cherchée, c'est d'y aller par l'entremise de l'entreprise et de faire porter le coût de ces bénéfices sociaux entièrement ou, en tout cas, en ce qui concerne les pourboires, par l'entreprise. Déjà, je pense, les similarités commencent à être très minces.

Deuxième chose, aux États-Unis... Et c'est là ce que je trouve le plus drôle parce qu'on a vécu la même expérience, si je peux m'écarter un peu du sujet, M. le Président, dans un autre domaine. Il y a une époque ici au Québec où on construisait de grosses écoles polyvalentes. On le faisait, semble-t-il, aux États-Unis et cela avait marché, sauf que nous ici on construisait ces écoles polyvalentes immenses au même moment où, aux États-Unis, on constatait qu'il y avait un paquet d'autres problèmes avec ces écoles et qu'on décidait qu'il ne fallait plus aller dans cette voie. Nous ici, quand eux là-bas avaient trouvé que cela ne marchait pas, on embarquait. C'est la même chose. Ils viennent de découvrir là-bas, après onze mois d'application, que tout le système d'attribution qu'on a aussi traité ici ne marche pas. Il y a un amendement proposé pour le sortir du projet de loi. Nous ici, on va aller de l'avant avec le même système.

Il y a un autre point et je ne sais pas combien de temps il me reste, M. le Président. C'est peut-être le point majeur sur lequel j'aimerais insister dans cette troisième lecture, qui est à peu près le dernier effort que nous pouvons faire pour convaincre le gouvernement d'arrêter, au moins pour le moment, avec ce projet de loi. Ce que je trouve le plus aberrant dans toute cette démarche, c'est qu'on veut chambarder une tradition de je ne sais pas combien d'années. Et tout le monde en était bien conscient et même le sous-ministre, parlant

au nom du ministre dans une commission parlementaire, nous disait que c'était bien reconnu par le ministère du Revenu que les gens qui travaillaient au pourboire gagnaient des pourboires qu'ils ne déclaraient pas dans leurs revenus et que c'était même - si ma mémoire est fidèle, je pense qu'on trouvera cela dans le journal des Débats - toléré depuis des années parce que, effectivement, il y avait une tradition qui voulait que le client donnait une gratuité à celui qui le servait et que ce n'est pas un métier très gratifiant d'être au service, si vous voulez, des personnes qui viennent pour prendre un repas, etc., et qui sont assez exigeantes souvent. Pendant des années, on tolérait cette situation. On savait, c'était en pleine connaissance de cause, que cette situation existait.

Arrive une décision de la part d'Ottawa, semble-t-il, du ministère du Revenu, suivie très volontiers par le ministère du Revenu du Québec parce que, même s'il peut y avoir des chicanes entre les deux niveaux de gouvernement, semble-t-il que, sur ce point, les deux ministères du Revenu, quand il s'agit de percevoir les impôts, une certaine similitude dans la pensée.

Les deux ministères ont décidé d'aller poursuivre des travailleurs d'un coup, comme cela, pour les années antérieures. Cela créait le chiard qu'on connaît. Je soupçonne que c'était comme une toile de fond, si vous voulez, pour qu'on s'amène avec une solution comme celle-ci en disant: Voyez ce que cela ferait si on faisait ce qu'on doit faire comme fisc, percevoir l'impôt qui nous est dû. Cela va créer des problèmes. Alors, voici, on va proposer autre chose pour adoucir la situation. Sauf qu'en employant cette tactique, on a essayé de changer toutes ces traditions qui datent de longtemps. Le gouvernement a été ici pendant sept ans et il n'a rien fait; d'autres gouvernements avant n'avaient rien fait. Et à l'intérieur de cinq semaines... C'est une façon de procéder. On l'a appelée arbitraire, on l'a appelée totalitaire. La seule façon dont je peux la décrire, M. le Président, c'est que, parce qu'on a le pouvoir, on va effectivement écraser, on a décidé d'aller de l'avant peu importent les conséquences. Il me semble que, si effectivement c'était dans l'intérêt du contribuable, du travailleur d'avoir ces avantages sociaux, ce serait également dans l'intérêt du ministère du Revenu d'avoir un projet de loi qui serait accepté par les gens qui sont concernés. (21 h 40)

Je ne peux pas voir comment un projet de loi de cette nature pourra être accepté dans l'espace de cinq semaines, parce qu'on est ici pour cinq semaines, et cela nous a été présenté presque au début de la session. En cinq semaines, on va l'appliquer, même si on se tient un peu sur ses gardes en laissant de côté, pour l'instant, et en la mettant entre les mains du ministre du Revenu, la clause concernant l'attribution. En cinq semaines, on va tout chambarder ce système qui existait depuis des années. Cela démontre une façon de penser, une façon d'agir de la part de ce gouvernement qui ne tient compte que d'un facteur. On a un besoin immense, après sept ans au gouvernement, après sept ans au pouvoir, de fric. Il s'agit de 40 000 000 $. On a essayé de l'enrober avec ces principes... J'avais, lors du discours sur la prise en considération du rapport de la commission parlementaire, expliqué pourquoi, à mon point de vue, l'équité fiscale, l'équité sociale et la protection de l'industrie, qui sont les principes mis de l'avant, ne sont pas contenues dans le projet de loi. Il reste une chose, c'est une façon d'agir qui sûrement donnera l'occasion aux citoyens qui sont touchés de s'exprimer, comme ils l'ont fait dans plusieurs autres situations, lors des élections partielles, une fois qu'on en aura l'occasion. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: M. le Président, je ne comprends pas comment il se fait que la loi 43 ait tant de difficulté à passer ses trois lectures. Je ne comprends vraiment pas, parce que ce n'est qu'après toutes les consultations que le ministre du Revenu a faites, après avoir pris les meilleures suggestions du milieu, après avoir entendu tous les syndiqués, tous les travailleurs, tous les employeurs, tous les gens du milieu, ce n'est qu'après avoir fait tout cela que le ministre a décidé de préparer la loi 43.

Les gens d'en face disaient: Oui, c'est cela, cela va; franchement, vous êtes arrivés à trouver un moyen qui sera le plus adéquat possible pour tout le monde. Tout le processus allait bien, mais les gens d'en face, comme ils sont des "vire-capot", ont décidé qu'ils viraient leur capot de bord. Ils ont dit: II faut faire plaisir à tout le monde; cela a l'air de chuchoter quelque part. Ils ont viré leur capot de bord. Ils disent maintenant: Non, cela n'a pas de bon sens, vous n'écoutez pas les gens du milieu. Voyons donc! Le ministre a même dit: On va mettre en application, dès janvier, le principal de la loi, et ce qui inquiète le plus les gens du milieu, soit l'attribution, on va le reporter à plus tard et on l'installera de façon graduelle pour que les gens ne disent pas qu'on les écrase avec une nouvelle loi dont ils pourraient trouver certains aspects difficiles. Si c'est cela que les gens d'en face disent, c'est-à-dire que le gouvernement n'écoute pas le public, j'ai fait les mêmes

choses qu'eux, j'ai parlé à des travailleurs au pourboire et ce n'est pas cela qu'ils m'ont dit. Les travailleurs au pourboire sont inquiets, c'est bien sûr, comme je vous l'ai dit dans un autre discours.

J'aimerais vous parler aussi de la chronologie des événements, de ce qui nous a amenés à faire cette loi 43. Dans tout le Québec, il y a 70 000 travailleurs au pourboire; de ces 70 000 travailleurs au pourboire, nous, les femmes, représentons 60%. En 1979, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le fédéral a envoyé des avis de cotisation. Ces avis variaient entre 2000 $ et 3000 $, il y en a même qui sont allés de 12 000 $ à 15 000 $.

Vous souvenez-vous que, dans un discours que j'ai fait en deuxième lecture, je vous parlais d'une mère de famille de sept enfants de chez nous et qui travaillait dans un restaurant? Cette mère de famille, quand elle a reçu son avis de cotisation, pensez-vous qu'elle avait amassé le montant pour le payer? Elle n'avait pas le montant dans sa poche, elle en avait eu besoin pour nourrir ses enfants ou pour faire autre chose. Elle n'avait pas cet argent pour payer sa cotisation. Imaginez-vous comment cette famille a eu de difficultés pour être capable de régler, avec le Revenu, les montants qu'elle devait. Cela a provoqué des scènes familiales que je n'ai pas besoin de vous raconter ici. Vous savez, quand on manque d'argent dans une famille, je pense que c'est la pire chose qui puisse arriver car, alors, tout le monde est inquiet, tout le monde se sent dans l'insécurité et tout le monde a de la difficulté à fonctionner normalement.

Pour éviter cela, M. le Président, je pense - je ne fais pas seulement le penser, j'en suis convaincue - que la loi 43 va aider pour que de telles choses ne se produisent plus.

Au mois d'août 1982, nous avons eu un livre vert au sujet des travailleurs au pourboire. Ce livre vert a été préparé pour étaler tout le problème des employés au pourboire. On devait, selon ce livre vert, trouver les meilleures solutions, trouver la meilleure équité fiscale. Il faut que ce soit l'ensemble de la population qui paie ses impôts, pas seulement un groupe de personnes qui sont cotisées à la source. On devait rétablir l'équité fiscale pour tout le monde et les employés au pourboire devaient eux aussi faire leur part. On devait aussi penser à l'équité sociale. Si tout le monde paie ses impôts, tout le monde a le droit d'avoir des avantages sociaux. Et les femmes, qui font partie des employés au pourboire et qui sont les moins bien payées -comme je vous le disais dans un autre discours - ne pouvaient pas participer de façon ordinaire ou normale et avoir les avantages sociaux et, en vieillissant, le problème devenait très grave. Quand le mari est parti, qu'il ne reste que la femme avec les enfants et qu'elle n'est plus d'âge à travailler, qu'elle n'a pas de compte en banque, pas d'argent, pas d'avantages sociaux, qu'est-ce que vous pensez qu'elle fait? C'est la grosse misère.

Je pense que c'est important pour ces deux bonnes raisons, et aussi pour notre tourisme. Si on augmentait de façon disproportionnée le prix des repas, cela nous amènerait à ce que le tourisme ne vienne pas chez nous. On se lamente tout le temps en disant: Les touristes ne viendront pas au Québec. C'est bien sûr que, si on fait exprès, ils ne viendront pas, ils iront en Ontario, ils iront aux États-Unis et nos travailleurs seront obligés d'aller ailleurs. Que voulez-vous?

En novembre 1982, nous avons eu notre commission parlementaire, nous avons entendu 25 mémoires, des intervenants de partout sont venus nous raconter exactement ce qu'ils pensaient, comment eux croyaient que le ministre du Revenu devait prendre la décision de préparer ce projet de loi 43.

Le ministre, lors de la commission parlementaire, s'était engagé à changer cela; le statu quo, pour lui, c'était fini, parce que, dans son idée et dans l'idée de tous ceux qui étaient là, pour éviter des insécurités, il devait réagir pour être équitable envers tout le monde.

Un an plus tard, le gouvernement a annoncé que, parmi les quatre hypothèses de solutions énoncées dans le livre vert qui étaient les frais de service obligatoires, le pourboire inscrit sur les factures du client, la déclaration périodique des pourboires par l'employé et le pourboire revenu du travailleur autonome, il a retenu celle-ci: la déclaration périodique par l'employé et, pour lui aider à se souvenir de ses revenus et de ses pourboires, il lui fournit un petit carnet qu'il pourra utiliser le moment venu pour être capable de faire ses déclarations. (21 h 50)

Les gens d'en face nous ont dit: Vous auriez dû mettre le pourboire obligatoire. Non, on n'aurait pas dû mettre le pourboire obligatoire parce que les prix auraient trop augmenté dans les restaurants. Ce n'était pas la solution. Je pense que la solution de la loi 43 est la meilleure. La loi 43 va régler une fois pour toutes, comme je vous le disais tout à l'heure, l'équité fiscale; elle va régler une fois pour toutes la question des avantages sociaux pour nos travailleurs au pourboire et pour les femmes, en particulier.

C'est la raison pour laquelle on doit s'empresser de voter pour la loi 43, afin qu'elle soit graduellement mise en application, tel que proposé par le ministre, en procédant de la façon la plus sécuritaire, la moins inquiétante. Je souhaite que, dès ce soir, on puisse adopter cette loi, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Berthier.

M. Albert Houde

M. Houde: Merci, M. le Président. Ce soir, le gouvernement du Parti québécois nous présente un projet de loi que nous étudions en troisième lecture, la loi sur les pourboires, qui concerne une classe de travailleurs qui n'avaient pas encore été touchés. Les fonctionnaires, les enseignants et même les producteurs agricoles ont été touchés par des décrets.

Le ministre demande, par ce projet de loi, que les employés déclarent leurs pourboires au patron. Si la moyenne des pourboires dans un local donné n'arrive pas à 8% des ventes, la différence entre les 8% et le montant déclaré sera payée par l'employeur ou tous les employés, même ceux qui auront déclaré plus de 8%. Toujours dans cette loi, l'employeur devra payer des vacances, des jours fériés, des congés de maternité, etc., basés non seulement sur le salaire payé, mais aussi sur la moyenne des pourboires rapportés, donc des pourboires hypothétiques.

Les employeurs contestent le projet de loi sur les aspects suivants :a) ils ne veulent pas servir d'arbitre entre le gouvernement et les employés quant aux attributions, qui seront une source de conflit; b) l'administration et la paperasse que comprendra l'article a) qui seront énormes; c) le patron devra divulguer le total de ses ventes aux employés pour en justifier l'attribution; d) le coût des bénéfices sociaux est trop élevé.

Le minimum de 8% et l'attribution ont été copiés sur la loi américaine; même aux États-Unis, après un an, cette section ne fonctionne pas. Il y a même un projet de loi, au Congrès, qui élimine cette partie de la loi.

Aspects politiques du projet de loi 43. Ce projet de loi est une solution simpliste à un problème complexe. Le gouvernement se réserve encore le droit de réglementer pour préciser des situations très vagues et qui peuvent porter préjudice à certaines catégories de travailleurs et de travailleuses. L'équité sociale n'est pas atteinte puisqu'on n'a toujours pas la confirmation que l'assurance-chômage sera incluse dans les bénéfices sociaux par le nouveau calcul des revenus des travailleurs au pourboire. Ce projet de loi ne vaut rien sans cela, si ce n'est permettre au fisc québécois de récupérer des millions de dollars auprès des travailleurs et des travailleuses.

On ne corrige pas l'injustice qui a été faite aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire dans l'offensive du redressement des cotisations fiscales. On n'a pas non plus l'assurance, par une disposition législative, que le ministre du Revenu ne poursuivra pas cette offensive. Le même ministre, lors de l'étude article par article, a bel et bien dit qu'il ne le ferait pas, mais sans vouloir s'engager à l'inscrire dans son projet de loi. C'est à se poser des questions.

Nous sommes contre le principe d'attribution des pourboires par l'employeur. Cette situation d'employeur arbitre est une source de conflits importants qu'on ne peut se permettre de créer. Il est bien suffisant qu'on impose aux employeurs de l'industrie touristique de nouvelles charges financières et administratives.

M. le Président, cela fait un an, peut-être deux, que le ministre pense à aller chercher encore de l'argent dans les poches des contribuables. Il me semble qu'il aurait eu avantage à présenter un projet de loi plus équitable. Le ministre pourrait peut-être se pencher sur la suggestion de mon collègue le député de Huntingdon de tester le projet de loi, de faire un échantillonnage avec de petits, de moyens et de gros restaurateurs pour une année. Il pourrait alors avoir une bonne idée de son projet de loi.

Le ministre nous disait, lors de l'étude article par article, qu'il serait assez généreux pour les employés mais, encore là, ce sont des promesses. On demande au ministre de retarder ce projet de loi afin qu'il puisse y avoir une entente avec le gouvernement fédéral. Nous avons voté pour le projet de loi en deuxième lecture. D'abord, la deuxième lecture d'un projet de loi concerne toujours les principes. Nous sommes d'accord avec l'équité fiscale et, deuxièmement, avec l'équité sociale.

Quand on voit les organismes concernés, y inclus même les syndicats, qui ne veulent rien savoir de la façon dont le ministre veut faire appliquer ce projet de loi sur les pourboires... Lorsqu'on voit dans les journaux - pas seulement dans un, mais dans plusieurs - les définitions.... Le journal Le Soleil du samedi 10 décembre 1983 disait: "Signalons par ailleurs que certains termes ne sont pas définis dans la loi." Comme je le disais tantôt, elle n'est pas claire, elle reste toujours au bon plaisir du ministre comme dans plusieurs autres projets de loi. Le ministre peut, le ministre peut. Il peut faire bien des choses. C'est le cas, par exemple, du mot "pourboire". Un cadeau de Noël, en argent, qu'un serveur ou une serveuse reçoit d'un client régulier, est-il un pourboire? Le projet de loi est muet à ce sujet-là. C'est le cas également d'une catégorie de restaurateurs auxquels la loi s'appliquera. On précise à l'article 42.2 du projet de loi que les cafétérias et les restaurants de restauration rapide - par exemple les "fast food" - sont exclus de l'application de la loi, mais ces deux types de restaurants ne sont définis nulle part. Un autre exemple: "Les syndicats des employés d'hôtels et de

restaurants contestent la loi sur les pourboires." C'est dans le Devoir, le mercredi 7 décembre 1983. Je vais vous en citer encore d'autres. "Imposition des pourboires. Les problèmes de gestion seront énormes sans la collaboration des employés." Le Journal Les Affaires du samedi 22 octobre cite encore un autre exemple: "Cela aurait dû être fait bien avant cela." À Québec, le Soleil, le mercredi 9 novembre dit "Pourboires. Québec et Ottawa en parleront." Il me semble que le ministre aurait dû penser que, si cela fonctionnait mieux avec deux paliers de gouvernement, il aurait pu y penser avant aujourd'hui. Il y a pensé mais dernièrement, il aurait pu y penser bien avant cela.

Quand on fait un tel projet de loi, il me semble qu'on doit y penser avant de le mettre en application.

En terminant, M. le Président, nous sommes pour le principe, comme nous l'avons toujours dit, en tant que membres de l'Opposition, mais nous sommes contre ce projet de loi et nous voterons contre. Merci beaucoup, M. le Président. (22 heures)

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: M. le Président, pour aider le ministre dans sa compréhension de notre opposition à son projet de loi, je veux lui raconter une histoire. C'est le général de Gaulle, le président de la France - il semble que ce soit une histoire vraie - qui était en voyage en Afrique noire, avec sa femme, dans les colonies, il y a quelques années. C'était une colonie où il détenait le pouvoir absolu à l'époque. Ils étaient en train de faire un petit voyage à l'intérieur de ce pays; sur le côté de la rue, ils ont vu deux éléphants en train d'avoir des rapports sexuels, de faire l'amour. Mme de Gaulle était choquée de voir qu'une telle chose pouvait arriver devant le président de la République et devant tout le monde. Elle a dit au président de la République, qui détenait tous les pouvoirs C'est écoeurant. Qu'allez-vous faire? Je veux que vous écoutiez attentivement la réponse du général de Gaulle, un homme qui était le responsable de toute la collectivité française et qui était même l'incarnation de l'idée de la collectivité française. Il a dit: Laisser faire.

Je vous raconte l'histoire, parce que c'est une histoire qui est assez souvent racontée par des gens qui sont des libéraux pour expliquer aux personnes qui veulent régler tous les problèmes du monde par des lois qu'il existe des choses qu'on trouve parfois désagréables dans la vie, qui sont imparfaites, qu'on n'aime pas, mais qu'on ne doit pas quand même essayer de régler avec des lois. Je pense que le problème que le projet de loi veut régler est un genre de problème, selon moi, qu'on ne doit pas régler. Je vais vous dire pourquoi, M. le ministre.

Vous essayer de régler deux problèmes. Premièrement, il y a certaines personnes qui ne paient pas d'impôt sur les sommes reçues en guise de pourboire. On accepte cela, mais ce n'est pas juste dans un sens, et on doit essayer de le régler. Deuxièmement, ces personnes, pour les mêmes raisons, ne bénéficient pas des avantages sociaux sur les sommes qu'ils n'ont pas déclarées. Voici donc deux problèmes: si, pour régler ces deux problèmes, vous créez quinze autres problèmes, il me semble que vous devez accepter de dire ce que le général a dit en Afrique: Laisser faire. Il y a certaines choses qu'on ne peut pas régler par des lois.

Je veux simplement citer quelques problèmes que l'effort du ministre pour régler deux problèmes va susciter. Premièrement, il est obligé d'établir une réglementation exceptionnellement lourde pour les employeurs, avec de nombreux formulaires. Vous savez comment tout le monde reproche au gouvernement sa surréglementation. C'est une industrie touristique qui est une des cibles de la relance économique; cette réglementation touchera non seulement les employeurs mais les employés et le gouvernement lui-même sera obligé d'ajouter des fonctionnaires pour s'assurer que les règles soient respectées. Premier problème, réglementation accrue.

Deuxièmement, un seuil artificiel de 8%. Je ne vais pas parler plus longtemps de cela, tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'un chiffre artificiel qui créera de la discrimination d'un côté comme de l'autre. Troisièmement, il sera obligé d'établir, par règlement, des exceptions, de définir dans un règlement ce qu'est une cafétéria, ce qu'est un établissement de restauration rapide. Il y aura des abus, des excès et des injustices à cause de cet effort pour définir ce qui ne se définit pas.

Quatrièmement, il y aura, discrimination, parce que c'est seulement une partie des personnes qui reçoivent des pourboires qui seront touchées. Les chasseurs dans les hôtels, les coiffeurs, les chauffeurs de taxi et tout un groupe de personnes ne seront pas touchées par le projet de loi. Vous créez une autre sorte de discrimination et d'injustice avec le projet de loi.

Cinquièmement, l'obligation faite à l'employeur. Je sais très bien que vous avez un amendement qui va atténuer celui-ci un peu, mais, en effet, l'employeur devra décider des bons et des mauvais employés. Cela va créer des problèmes de morale, d'esprit d'équipe dans les restaurants, les établissements dont nous avons le plus besoin pour le développement d'une partie de notre

économie, ce qui est très important.

Sixièmement, cela va certainement entraîner une surtaxe pour les employés qui sont les plus honnêtes.

Septièmement, le ministre garde encore le pouvoir de poursuivre les personnes qui, d'après lui, reçoivent plus de 8% de pourboire, même si c'est la règle générale. Il se garde alors un autre pouvoir pour lequel il devra engager des enquêteurs et des fonctionnaires additionnels.

Huitièmement, le grand avantage dont il nous assure, c'est que ces gens pourront bénéficier de l'assurance-chômage. Il n'est même pas certain qu'ils pourront en bénéficier, puisqu'il n'y a pas eu d'entente avec le gouvernement fédéral pour s'assurer que cet avantage sera quelque chose qui va découler du projet de loi.

Neuvièmement, on crée dans la loi la possibilité d'une rétroactivité avec toutes les injustices que cela peut comporter pour les personnes impliquées.

Dixièmement, il faut accepter de changer les règles du jeu pour les personnes qui en reçoivent les pouvoirs du gouvernement fédéral. Vous donnez des armes additionnelles au gouvernement fédéral, qui ne fait rien, mais qui sera obligé d'examiner les nouvelles déclarations d'impôt.

Onzièmement, vous ouvrez la porte à la fraude et au travail au noir aux travailleurs de l'industrie touristique et de l'industrie de la restauration. Ce sont des abus qui surviennent toujours quand il y a une réglementation abusive.

Douzièmement, c'est possible qu'à la suite de l'adoption de ce projet de loi, les restaurants haussent leurs prix. Quelques personnes ont calculé que cela pouvait monter de 2%, 3%, 4% ou 5% de plus sur la facture pour tout le monde dans une industrie, je le répète encore, qui est très importante pour notre industrie touristique.

Treizièmement, les employés seront obligés de payer leurs impôts sur la base des pouvoirs attribués, même s'ils sont en vacances. C'est un autre exemple d'un problème qui va arriver par rapport à votre effort de réglementer tout le monde pour toujours.

Quatorzièmement, vous êtes obligé vous-même de définir ce qu'est un pourboire. Est-ce qu'un cadeau de Noël est un pourboire, par exemple? Il y a un tas d'autres exemples, un tas de questions qu'on peut se poser. Vous serez obligé de définir artificiellement le mot "pourboire". Si vous ne le faites pas, vous ouvrirez les portes à toutes sortes de formes de discrimination. Si vous le faites, ce sera exactement la même chose, ce sera la discrimination dans un autre sens.

Finalement, vous essayez, M. le ministre, de mettre ce projet de loi en vigueur dans à peu près deux semaines, le 1er janvier. Comment pouvez-vous imaginer que, dans une période de deux semaines, non seulement vous, mais tous les restaurateurs du Québec, vous pourrez comprendre et mettre en vigueur un projet de loi qui est tellement compliqué que vous ne le comprenez pas vous-même et auquel vous êtes en train de proposer des amendements aujourd'hui?

Voilà quinze problèmes, M. le ministre, que vous allez créer dans votre effort pour régler deux problèmes.

Je propose en terminant, M. le Président, de revenir à la déclararation du général de Gaulle devant sa femme, en Afrique, dans l'histoire que je vous ai contée. Il y a quelques problèmes dans notre vie qu'il vaut mieux ne pas régler par des lois. Je propose au ministre d'écouter et d'accepter les paroles de M. Charles de Gaulle: "Laisser faire." Merci.

Une voix: Très bien. (22 h 10)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Hull.

M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Disons du projet de loi 43 comme tel, que la population devrait être très bien informée sur ses aspects négatifs. Quand on parle du pourboire dans l'entreprise de la restauration, le pourboire, ce n'est pas nécessairement un salaire, c'est une forme d'appréciation. L'appréciation du client dans un restaurant ne se situe pas nécessairement à 5%, 10%, 15% ou 20% de la facture. Cela dépend de ce que le client veut laisser comme pourboire, comme appréciation en fonction du service qu'il a reçu, de la qualité du service, de la qualité du produit offert. Ce que je trouve très malheureux dans ce projet de loi 43, c'est encore une fois la façon arbitraire de ce gouvernement d'adopter une loi qui va à l'encontre de tous. On l'a vu en commission parlementaire. On l'a vu ici à l'Assemblée nationale avec les discours que nous avons tenus et tout le monde est d'accord pour dire que les impôts, les gens doivent en défrayer la note pour permettre à ce gouvernement de mieux gaspiller notre argent.

Ce que je trouve malheureux dans le contexte économique actuel, c'est que l'industrie de la restauration au Québec, et cela depuis la crise économique, est en perte de vitesse dans le sens que, dans l'entreprise de la restauration au Québec, ceux qui font aujourd'hui des profits représentent à peu près à 8% de l'entreprise de la restauration qui fait des profits. Il y a à peu près 20% qui "brisent égal" qui viennent à bout d'équilibrer leur budget, de "casser égal", et vous en avez plus de 70% dans la restauration aujourd'hui qui ont des pertes

annuelles parce que, quand l'économie ne va pas, la restauration ne va pas. C'est facile à expliquer, M. le Président. Quand les gens ne travaillent pas, quand les gens relèvent de l'aide sociale, quand les enseignants se font couper leurs salaires, quand les gens de la fonction publique se font couper leur salaire, on ne peut pas leur demander de sortir, d'aller au restaurant, de dépenser de l'argent. Ils n'ont plus d'argent.

Quand on examine cette industrie qui, au Québec, rapporte des centaines de millions, on peut se poser de sérieuses questions sur la façon de ce gouvernement, encore une fois, de traiter le petit travailleur et la petite travailleuse. C'est cela qu'il faut regarder. Il y a au-delà de 70 000 serveurs et serveuses au Québec, 70 000 personnes qui travaillent dans une industrie qui n'est pas facile. Je ne sais pas si le ministre du Revenu a déjà servi dans un restaurant, entre minuit le soir et 7 heures le matin, alors que la clientèle est très différente de celle du jour, que c'est une clientèle plus difficile, une clientèle en fête, une clientèle qui ne respecte pas toujours la personne et qu'il y a des abus, M. le Président. Pensons à cette jeune femme qui est obligée, de peine et de misère, de gagner sa vie entre minuit et 8 heures le matin pendant que ses enfants sont gardés à la maison, pendant que le père est à la maison et qu'il attend que sa femme revienne pour lui aussi aller faire sa "job", s'il en a une, s'il n'est pas prestataire de l'assurance chômage, s'il n'est pas déjà un bénéficiaire de l'aide sociale. On n'a peut-être pas pensé à cet aspect humain, M. le Président. Quand on parle du pourboire, on parle d'une appréciation du client pour le service et la qualité du produit offert. C'est un facteur important.

Dans les neuf autres provinces canadiennes, il n'y a pas de loi comme cela. Dans les neuf autres provinces canadiennes, on ne tente pas d'aller chercher encore une fois dans la poche du petit simplement de quoi combler les trous de ce gouvernement. Non, M. le Président, cela ne se fait pas.

Je viens d'une région qui s'appelle l'Outaouais québécois. Dans la ville de Hull, actuellement, on a des serveurs et des serveuses qui quittent leur emploi. Pour aller où? Pour aller travailler à Ottawa. Pourquoi aller travailler à Ottawa? Parce qu'il n'y a pas de loi comme cela. Combien d'autres vont partir? Combien de commerces de la restauration vont être mis en faillite à cause de ce geste irresponsable que le gouvernement pose par la loi 43? Quand je dis cela, je le dis en connaissance de cause, parce que je suis dans cette industrie depuis 20 ans. Au cours des six dernières années, et plus particulièrement depuis que le Parti québécois est au pouvoir, on ne fait plus d'argent dans la restauration. Si on vient à bout d'administrer nos commerces et de joindre les deux bouts, on est d'excellents gestionnaires. On attend que les beaux jours reviennent avec un nouveau gouvernement, un gouvernement qui va réellement croire en la prospérité, un gouvernement qui, au lieu d'abuser des petites gens, va tenter de mieux administrer le budget du Québec. C'est cela.

Je trouve cela malheureux, parce que le projet de loi 43 n'est pas applicable dans sa forme actuelle. Au point de vue de la gestion, avez-vous pensé aux problèmes que vous allez créer à l'employeur, de tenir une comptabilité individuelle pour chacun des employés, de demander à la serveuse, le soir, quand elle quitte son travail: Combien as-tu vendu? Combien as-tu fait de pourboire? Elle est automatiquement taxée à 8%, même si elle ne l'a pas fait, même si un client est parti sans payer sa facture. Est-ce qu'on a examiné tous ces facteurs? Personne dans la restauration, personne dans l'hôtellerie, ni chez les employeurs, ni chez les employés, ne veut cette loi. Encore une fois, le gouvernement, avec son rouleau compresseur, passe sur le dos de tout le monde.

D'un autre côté, on pourrait, en tant qu'Opposition, se réjouir parce que ce gouvernement, en adoptant des lois semblables, court à sa défaite d'une façon absolument incroyable. Mais non! II faut être plus logique, il faut être plus sérieux que cela. Aujourd'hui, c'est de l'improvisation, le gouvernement improvise, le gouvernement décroche des idées de Pierre, Jean et Jacques et fabrique des lois sans même penser aux conséquences. Je trouve cela drôlement malheureux.

L'ensemble de la population du Québec qui fréquente l'industrie de l'hôtellerie au Québec, la restauration fréquente une des meilleures industries de restauration au Canada et même du continent nord-américain. Pourquoi? Parce que les gens de la restauration au Québec sont hospitaliers, reçoivent bien leur clientèle, donnent un excellent service. Pourquoi? C'est qu'on a une appréciation sur le service que l'on a donné.

Nous courons le risque, par un projet de loi semblable, de voir diminuer considérablement la qualité des services dans la restauration au Québec. Le gouvernement, semble-t-il, s'en fout. Je suis absolument déçu et je sais que la population du Québec est absolument déçue de ce gouvernement qui est complètement décroché de la réalité. Tout ce qu'il a dans la tête, c'est d'aller fouiller dans la poche du petit contribuable pour essayer de boucher ses trous à toutes fins utiles.

J'aurais voulu parler beaucoup plus longuement, mais vous m'avisez, M. le Président, que mon temps est terminé. J'ose souhaiter encore une fois que le ministre aura une étincelle dans son esprit qui va lui

permettre de peut-être reconsidérer cette loi.

(22 h 20)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Viger.

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Moi aussi, je me dois d'intervenir sur ce projet de loi à cause de mon dossier qui est le tourisme. J'ai participé activement à la commission parlementaire sur ce projet de loi. J'ai donné mon appréciation et fait part de mes doléances au ministre du Revenu en lui disant que cette loi était inapplicable.

Nous ne sommes pas contre le principe. Ce principe est là, tout le monde doit payer ses impôts, c'est sûr, mais c'est l'application de cette loi qui est inconcevable. En réalité, quel est le principe du projet de loi 43? C'est que les employés au pourboire rapportent toutes leurs recettes à leur employeur et que l'employeur déduise à la source l'impôt sur le pourboire. Les deux principaux objectifs de cette loi sont de régler ce problème de cotisation et de faire en sorte qu'on bénéficie pleinement des avantages sociaux. Le problème de la cotisation, le ministre veut le régler par un pourcentage minimal de 8% sur le chiffre de ventes.

Quand on arrive aux avantages sociaux, que sont, par exemple, la Régie des rentes, la CSST, l'assurance automobile et principalement l'assurance-chômage, est-ce que le ministre du Revenu peut garantir à ces employés au pourboire, à ces serveurs et serveuses que, le lendemain de la perte de leur emploi, ils recevront de l'assurance-chômage? Non, parce que cela ne dépend pas du ministre du Revenu du Québec, mais bien du ministère du Revenu d'Ottawa. On l'a fait remarquer au ministre, on a dit: Si vous voulez cotiser ces gens, ayez au moins la certitude qu'ils pourront avoir tous les avantages sociaux. Mais l'assurance-chômage, il ne peut pas la garantir. On a demandé au ministre du Revenu de faire toutes les démarches nécessaires auprès du gouvernement canadien pour voir s'il y avait possibilité d'accord avant de mettre cette loi en application. La seule garantie qu'on a obtenue de la part de ce gouvernement, c'était qu'apparemment le ministre du Revenu canadien était d'accord sur cette loi en principe.

Sur le principe, M. le Président, on l'a dit, on est d'accord, nous aussi, mais cette loi est complètement inapplicable. C'est impossible. Au nom de quelle justice sociale peut-on cotiser un employé? Vous savez ce qui va arriver dans une entreprise, dans un hôtel ou dans un restaurant où il y a une dizaine d'employés? Il y en a neuf qui vont déclarer 8% de revenu à la fin du mois et il y en aura un qui ne déclarera que 4% ou 5%. Savez-vous ce que le projet de loi dit à ce moment? Le projet de loi dit que, si un employé a payé moins de 8%, la différence doit être redistribuée parmi les neuf autres employés qui ont déclaré 8%, 9% ou 10%. Par quelle justice sociale le ministre du Revenu se permet-il - je ne sais pas si légalement c'est possible - de cotiser sur un montant qu'il n'a jamais reçu un employé qui a déclaré le montant des pourboires qu'il a reçus, seulement parce que quelqu'un d'autre ne l'a pas déclaré? Comme je l'ai déjà dit, au nom de quelle justice le ministre peut-il se permettre de faire cela? Je suis pas mal convaincu que cet aspect de la loi sera contesté par les différentes associations, par les propriétaires de restaurants et d'hôtels, par les travailleurs au pourboire.

Comme je le disais tantôt, c'est complètement inapplicable. Peut-on avoir une preuve plus concrète? Même le Conseil du statut de la femme est contre ce projet de loi. Il dit exactement: "Ce projet de loi est inopérable puisque, lorsque le pourboire déclaré par l'ensemble des employés sera jugé insuffisant, c'est-à-dire inférieur à 8% du chiffre d'affaires, il incombera alors à l'employeur d'attribuer entre ses employés la différence entre le pourcentage déclaré et ces 8%. Or, de dire le Conseil du statut de la femme, si l'équité fiscale commande que tous les revenus touchés soient imposés, elle exige aussi que tous les revenus qui sont imposés aient été réellement touchés." Comment le ministre peut-il se permettre de cotiser quelqu'un sur quelque chose qu'il n'a jamais reçu? Par quelle justice, par quel moyen?

On sait déjà que ce gouvernement passe complètement à côté de la réalité québécoise et de la réalité du monde des affaires. Vous savez déjà de quelle façon a été pénalisée l'industrie touristique au Québec par différentes lois: la loi 39, la taxe sur l'essence, certaines dispositions de la loi 101, la publicité qui est faite à l'extérieur de la province. Aujourd'hui, on nous arrive avec le projet de loi 43; s'il est accepté, il fera augmenter d'une façon considérable même la cotisation des employeurs. Combien cela va-t-il coûter encore à l'industrie touristique?

On l'a déjà dit au ministre, en pleine commission parlementaire. Beaucoup de gens ont voulu se faire entendre sur cet aspect du projet de loi, mais le ministre n'a pas cédé, n'a pas voulu convoquer une commission parlementaire pour écouter les intervenants qui voulaient se faire entendre sur cet aspect. On a déjà vu l'application de cette loi; un projet de loi similaire est en vigueur depuis près d'un an aux États-Unis. Aujourd'hui, après un an, des suggestions ont été faites pour retirer ce projet de loi à cause de son inapplicabilité. On n'a pas pu convaincre les gens que ce projet de loi est acceptable.

Je dirai encore une fois au ministre, même s'il nous garantit que la redistribution ne se fera pas à partir du 1er janvier, mais trois mois, quatre mois, cinq mois ou six mois après: Quelle est la différence? Je le répète: Par quelle justice sociale peut-on imposer un revenu qu'on n'a jamais touché? On ne donne pas pleinement, non plus, les avantages sociaux qu'on avait promis, parce qu'on n'a pas la garantie de l'assurance-chômage. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): II n'y a aucun autre intervenant? M. le ministre du Revenu, votre droit de réplique. (22 h 30)

M. Alain Marcoux (réplique)

M. Marcoux: Je suis heureux que l'ensemble de ce débat sur les travailleurs et les travailleuses au pourboire se soit déroulé dans un climat serein depuis un an ou un an et demi. Que ce soit en commission parlementaire, l'an dernier, au moment de l'audition des 25 mémoires qui nous ont été présentés sur quatre hypothèses de solution de ce problème fiscal et social, que ce soit lors du débat en deuxième lecture ici qui nous a conduits à l'adoption à l'unanimité du projet de loi, que ce soit en commission parlementaire où nous avons fait un travail dans un climat positif, dans un climat de dialogue, que ce soit lors du débat de troisième lecture, je pense que nous devons tous nous féliciter de la qualité et de la nature du débat que nous avons eu.

L'Opposition libérale a voté pour le projet de loi en deuxième lecture, adoptant ainsi le principe, mais, à entendre quelques intervenants aujourd'hui, je me suis demandé vraiment ce que signifiait pour eux adopter cette loi en principe. Est-ce que cela signifiait seulement adopter le principe de l'équité fiscale et de l'équité sociale? À ce moment-là, j'aurais pu proposer les frais de service obligatoires, le pourboire obligatoire pour atteindre cet objectif d'équité sociale et d'équité fiscale. Je suis convaincu que l'Opposition libérale aurait voté contre le projet de loi en deuxième lecture, au moment des principes.

Lorsque l'Opposition libérale a voté pour ce projet de loi en deuxième lecture, adoptant ainsi un principe, elle a accepté, à mon sens, les principes suivants, c'est-à-dire qu'il était normal qu'à l'avenir, à partir de janvier 1984, chaque employé au pourboire déclare, à chaque période de paie, la totalité de ses revenus de pourboires, qu'en conséquence, les déductions à la source soient perçues et que l'employeur participe au coût des avantages sociaux, en se basant à la fois sur le salaire de base et sur les pourboires déclarés par l'employé.

Là où est intervenue notre divergence, et je pense que c'est normal, à la fois en commission parlementaire comme au moment du vote en troisième lecture, c'est sur les modalités. En fait, il y a une modalité qui a fait problème et sur laquelle nos divergences sont demeurées, c'est la question de l'attribution. Le Parti libéral a plutôt suggéré que tous les employés au pourboire qui déclaraient moins de 8% de pourboires sur leur chiffre de ventes, soient cotisés comme s'ils avaient déclaré ou perçu 8%. À ce moment-là, c'est l'ensemble des employés au pourboire, qui ont dans plusieurs cas de petits pourboires, qui aurait été pénalisé. Nous avons préféré retenir la formule qui s'applique dans le projet de loi des États-Unis et qui fait que c'est simplement dans les établissements où la totalité des pourboires déclarés est inférieure à 8% que la formule de l'attribution s'applique. Selon l'expérience américaine, il y a à peine 1,5% des établissements qui doivent appliquer cette formule de l'attribution.

Le député de Saint-Louis a dit: C'est un vieux truc, vous avez décidé de reporter l'attribution. Si je n'avais pas amendé le projet de loi, on m'aurait dit: Qu'est-ce que cela vous a donné de rencontrer l'Association des restaurateurs du Québec, de rencontre l'Association hellénique des restaurateurs, de discuter avec la chambre de commerce et d'écouter leurs représentations? J'ai écouté leurs représentations. On ne s'est pas mis d'accord sur l'ensemble, mais il y a un point dont ils m'ont convaincu, c'était que l'application immédiate de la formule de l'attribution, qui était la partie administrative la plus compliquée, leur aurait causé des problèmes. C'est pourquoi j'ai proposé un amendement afin que l'application de l'ensemble des articles qui concernent l'attribution soit suspendue jusqu'à proclamation. En ce sens-là, je pense qu'on ne peut pas me reprocher à la fois d'écouter ceux qui nous font des représentations et qui demandent des amendements, et, d'autre part, d'apporter des amendements.

Un membre de l'Opposition libérale a suggéré de roder la loi. Est-ce qu'on peut roder une loi fiscale en disant: On va l'appliquer à un certain nombre de restaurants et d'hôtels sur un certain nombre de mois pour voir ce que ça va donner? Quant aux autres employés au pourboire, continuez de ne pas bénéficier des avantages sociaux et, d'autre part, de ne pas payer d'impôt chaque semaine, mais seulement une fois par année. Roder une loi peut être possible et plus facile lorsque c'est un programme qui nécessite des subventions, lorsque c'est un programme social, lorsque c'est un programme qui peut s'appliquer à une région en particulier, mais, dans le cas d'une loi fiscale, je pense qu'on peut difficilement parler de roder une loi.

Un autre a proposé que ce projet de loi

ne s'applique pas aux établissements de moins de dix employés, c'est-à-dire là où il y a deux, trois ou quatre travailleurs ou travailleuses au pourboire. Pourquoi aurait-il fallu que les travailleurs et travailleuses au pourboire des établissements où il y a moins de dix employés ne bénéficient pas des avantages sociaux dont bénéficieraient les autres travailleurs de la restauration et que, d'autre part, on ne les aide pas, eux et elles aussi, à payer leurs impôts à chaque période de paie? Pourquoi condamner les employés des petits restaurants ou des petits hôtels à payer leurs impôts une fois par année, donc un gros montant, ce qui nous a amené le problème fiscal que nous connaissons actuellement? C'est pourquoi je n'ai pas retenu cette hypothèse d'appliquer le projet de loi à une partie de l'industrie de la restauration et de l'hôtellerie. J'ai préféré et choisi de l'appliquer à l'ensemble. Je pense que c'était plus juste pour l'ensemble de cette industrie que ce soient les petits restaurants et les petits hôtels, comme les grands restaurants et les grands hôtels.

Je peux répéter aux travailleurs au pourboire cet engagment du Conseil des ministres de ne pas se servir des informations que nous aurons à l'avenir sur les déclarations des travailleurs au pourboire pour revenir sur les années antérieures. Comme je l'ai dit en commission parlementaire, nous ne procéderons pas par la porte arrière et nous ne nous servirons pas des cotisations émises par Revenu Canada pour cotiser pour les années antérieures. J'en ai pris l'engagement en commission parlementaire. C'est la volonté du gouvernement et nous la respecterons.

M. le Président, en terminant, je veux remercier tous les membres de la commission parlementaire qui ont participé à ce travail, tant l'an dernier que cette année, et dire à tous les partenaires de cette industrie, que ce soient les travailleurs et travailleuses au pourboire, les employeurs ou les consommateurs, que notre volonté a été de trouver une formule qui, même si elle n'était pas parfaite, pouvait être acceptable pour l'ensemble de ces partenaires. Quant à son application, je pense que l'amendement important que j'ai proposé visant à retarder la mise en oeuvre de la distribution de quelques mois marque la volonté du ministère du Revenu d'appliquer ce projet de loi de la façon la plus correcte possible et en respectant le fait que, lorsqu'on fait une réforme, tout ne peut pas être parfait du jour au lendemain. Je vous remercie, M. le Président, et je souhaite que ce projet de loi soit adopté en troisième lecture.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la troisième lecture du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire, est adoptée?

M. Dubois Vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Vote enregistré.

M. Laplante: M. le Président, concernant le vote...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, en l'absence du leader, je pense qu'avant de décider s'il y a lieu de reporter le vote ou de procéder immédiatement il serait peut-être bon qu'on attende quelques instants. Je vois que le leader adjoint arrive.

Une voix: On peut le faire quand même maintenant.

Une voix: Est-ce que la motion de renvoi a été faite?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint.

Une voix: Fermez les portes.

Des voix: Fermez les portes.

M. Boucher: M. le Président, en vertu de l'article 106 de notre règlement, je demanderais de reporter le vote à demain, avant l'appel des affaires du jour.

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est donc accordé.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 2 du feuilleton d'aujourd'hui.

Motion de clôture sur l'étude du projet de loi 38

Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 2 est une motion du leader du gouvernement qui se lit comme suit: "Que, conformément à l'article 156 du règlement, le rapport de la commission permanente des affaires municipales sur l'étude après la deuxième lecture du projet de loi 38, Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités, soit déposé à l'Assemblée nationale avant 13 heures le vendredi 16 décembre 1983, la commission devant mettre fin à ses travaux au plus tard à minuit le jeudi 15 décembre 1983."

M. le leader du gouvernement. (22 h 40)

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, me prévalant de l'article 156 du règlement, j'ai inscrit au feuilleton de l'Assemblée nationale, mercredi matin, une motion qui me permet, à ce moment-ci, de demander à l'Assemblée nationale de faire en sorte que la commission parlementaire qui siège depuis trois jours concernant le projet de loi 38 qui a été déposé à l'Assemblée nationale du Québec le 21 juin dernier, c'est-à-dire il y a environ six mois, qui est en ce moment étudié en commission parlementaire, qui contient 17 articles dont un seul a été adopté, que cette commission parlementaire, dis-je, mette fin à ses travaux ce soir à minuit et que le rapport de la commission soit déposé à l'Assemblée nationale avant la prochaine séance de l'Assemblée nationale, demain à 13 heures.

M. le Président, il s'agit d'un projet de loi connu depuis environ six mois, connu de l'Opposition, connu des municipalités du Québec, connu du gouvernement fédéral. Dans les quelques heures, les quelques jours qui avaient suivi son dépôt ici à l'Assemblée nationale, entre autres, dans le journal Le Devoir, sous la signature de M. Jean-Claude Leclerc, sous le titre Un bon coup de Léonard, on pouvait lire ceci: "Le ministre des Affaires municipales, M. Jacques Léonard, semble avoir enfin trouvé une bonne façon de mettre un terme aux ravages du renard fédéral dans les poulaillers municipaux. 'Les villes qui ouvrent leurs portes aux subventions d'Ottawa, aux dépens de celles qui respectent l'ordre constitutionnel, vont cesser de manger à tous les rateliers. Et les cités qui, respectant la saine gestion des affaires locales, refusaient de toucher les chèques fédéraux ne seront plus pénalisées. "Désormais, si le projet de loi 38 est adopté, une nouvelle péréquation va remettre un peu d'équité, sinon de l'ordre, dans cette foire nationale."

Le même jour, le 23 juin, deux jours après le dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale, dans le journal Le Soleil, sous la signature de l'éditorialiste Raymond Giroux, avec comme titre Léonard veut de l'ordre, on pouvait lire ceci: "Cette réaction ferme du ministre des Affaires municipales ne doit pas surprendre les élus locaux: dès le mois de mars, le président de l'Union des municipalités, M. Francis Dufour, invitait ses collègues à la plus grande prudence et prévoyait la riposte du ministre Léonard." Il concluait son éditorial en disant: 'Les lois québécoises n'interdisent pas la collaboration entre les municipalités et le gouvernement fédéral: elles obligent simplement les deux parties à situer ces relations dans le cadre d'une entente globale. Sinon, le monde municipal reviendra à la belle époque anarchique où les maires les plus gentils recevaient un chèque annuel de leur député et où les autres n'avaient qu'à se mordre les pouces de leur peu de poids partisan."

Le 27 juin, six jours après le dépôt de ce projet de loi, il y a donc environ six mois, M. le Président, dans le journal La Presse, avec comme titre Les dons d'Ottawa, parlant du ministre Léonard, M. Prince disait: "Le ministre a raison. Il est peut-être malheureux qu'il lui faille recourir à ce moyen, mais il semble que celui-ci s'impose pour assurer le respect des compétences provinciales. L'attrait des largesses fédérales qu'Ottawa justifie par l'invocation de son pouvoir de dépenser est parfois irrésistible. Il faut le contrer par des moyens du même ordre, c'est-à-dire qui touchent au portefeuille."

M. le Président, voilà des réactions qui ont suivi, il y a environ six mois, le dépôt du projet de loi 38, qui est donc un projet de loi bien connu. L'Opposition nous a déjà indiqué. Malgré ces déclarations, ces écrits, de commentateurs, qui, forcément, nous amenaient tous ensemble, ici à l'Assemblée nationale, à prendre des positions sur les grands principes qui régissent les relations entre les gouvernements et les municipalités, le Parti libéral du Québec, avec 28 intervenants sur le débat lui-même de deuxième lecture, sur les principes du projet de loi, et une trentaine d'intervenants sur une motion de report, a décidé de ne pas voter en faveur des principes contenus dans ce projet de loi, principes qui, pourtant, sur l'essentiel, rejoignent les attitudes que tous les gouvernements du Québec ont toujours eues dans la discussion de ce dossier. En effet, chacun à sa façon, chaque fois que le gouvernement fédéral a voulu s'ingérer dans ces importantes relations harmonieuses qui doivent exister entre le gouvernement du Québec et les municipalités, ces gouvernements du Québec ont toujours réagi avec force pour empêcher qu'effectivement les relations ne tournent à la foire.

Les libéraux ont donc fait leur lit en deuxième lecture. Ils ont donc à vivre avec cette position. Aujourd'hui, on sait que le Parti libéral du Québec favorise la situation qui existe en ce moment puisqu'il s'empêche de prendre les moyens appropriés pour que nous mettions de l'ordre dans les relations entre les gouvernements et les municipalités et que cela se fasse avec des instruments juridiques dont, bien sûr, le principal est le projet de loi 38.

En commission parlementaire - je le dis sans sourire - ça travaille depuis le début: une vingtaine d'heures en commission parlementaire depuis mardi, dont quelques heures au début consacrées à entendre l'Union des municipalités régionales de comté du Québec qui a été invitée, qui a été entendue. L'Union des municipalités du Québec avait aussi été invitée; elle a décidé de ne pas venir devant la commission parlementaire.

Donc, premières heures pour entendre l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Or, après des échanges de bon aloi où l'union a fait sa présentation, où les parlementaires ont posé leurs questions - on l'a très bien senti dans les 45 dernières minutes, dans la dernière demi-heure avant dix-huit heures mardi dernier et on peut le voir lorsqu'on consulte ce qui s'est dit en commission parlementaire - les libéraux commençaient à reprendre les mêmes questions qui étaient posées et se faisaient dire: Dans le fond, l'essentiel, nous l'avons dit. Quant à nous, nous ne sommes pas ici pour faire de la politique - c'était là le langage tenu par l'Union des municipalités régionales de comté du Québec - si vous voulez, vous autres, les députés, faire de la politique avec ce projet de loi, faites-en. Quant à nous, nous avons dit ce que nous avions à dire. De leur propre chef, les libéraux ont décidé à la même séance, à 20 heures, deux heures après, de ne pas revenir devant la commission parlementaire puisque l'essentiel de ce qui devait être dit l'avait été; les questions qui devaient être posées avaient été posées et les gens se rendaient bien compte que l'Opposition voulait - après avoir fait correctement son travail, au début - transformer cette audition en méthode d'obstruction systématique pour empêcher l'adoption du projet de loi 38.

Depuis ce moment, la commission a siégé mardi soir, mercredi matin, mercredi après-midi, mercredi soir, ce matin, cet après-midi, ce soir; elle siège encore au moment où l'on se parle. Sur 17 articles que contient ce projet de loi, après une vingtaine d'heures de débat en commission parlementaire, un seul article - un seul - a été adopté.

Je ne vous raconterai pas les motions dilatoires qu'on a utilisées avant même que la commission n'entreprenne l'étude article par article, motions qu'on retrouve dans toutes ces commissions où une Opposition a décidé d'empêcher systématiquement l'adoption d'un projet de loi. Ces motions sont devenues maintenant monnaie courante. (22 h 50)

Je n'oserai même pas m'étendre longtemps, entre autres, sur l'attitude qu'a eue le député de Gatineau à l'endroit de la présidence, indiquant à la présidence, qui avait pris des décisions relativement à une motion, qu'elle avait agi de façon irrégulière, que la présidence faisait le travail de bras du gouvernement. Ce sont des expressions qui ont été dites en commission parlementaire par des députés de l'Opposition qui non seulement ne se sont pas intéressés substantiellement à la discussion qui devait être sérieuse sur le projet de loi 38, mais qui ont, par des motions dilatoires, tenter de faire en sorte que la commission ne puisse véritablement accomplir son mandat.

Dans les circonstances, après trois jours de commission parlementaire, nous devons, puisque le gouvernement a pris la décision que ce projet de loi 38 serait adopté avant l'ajournement des fêtes, utiliser les dispositions qui existent au règlement.

M. Lalonde: Farceur!

M. Bertrand: Le leader de l'Opposition, avec le style très imagé qu'il a développé au cours des dernières semaines, des derniers mois, et qui a été bien illustré ce matin à la période des questions et bien rapporté, à ce qu'on m'a dit, dans les médias d'information, va tout à l'heure tenir les propos que, maintenant, on lui connaît. Ce n'est pas grave, M. le Président. Ce qui est important, c'est que le gouvernement s'acquitte de ses responsabilités. À ce propos, il est même allé, cet après-midi, jusqu'à faire en sorte que nous puissions apporter à ce projet de loi 38 des modifications importantes, dont une sur laquelle je m'arrêterai en particulier. Ces modifications ont essentiellement pour objectif de faire en sorte que les municipalités du Québec soient intimement associées à l'application du projet de loi 38, lorsqu'il aura été adopté par l'Assemblée nationale du Québec. En d'autres mots, M. le Président, deux choses sont importantes à ce stade-ci. Il faut que les municipalités du Québec sachent que le gouvernement du Québec a la ferme intention de mettre de l'ordre dans la foire qu'a créée le gouvernement fédéral par ses interventions absolument discrétionnaires et arbitraires dans les municipalités du Québec. C'est clair, la volonté politique est là et les municipalités attendent du gouvernement que l'expression de cette volonté politique soit clairement indiquée par l'adoption du projet de loi, et cela sera fait avant l'ajournement des fêtes.

Mais, deuxièmement, les municipalités du Québec, et à bon droit, veulent pouvoir être associées à la mise en application de la loi 38, une fois adoptée. C'est pourquoi, après avoir entendu l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, qui est venue à la commission parlementaire, après avoir eu des rencontres avec le président de cette union, Me Asselin, après s'être réunis, les membres du Conseil des ministres ont décidé de proposer à la commission parlementaire un amendement que je vous lis et qui vient baliser l'article 2 du projet de loi 38. L'article 2 du projet de loi 38 dit: "Une municipalité qui, au jugement du gouvernement, a bénéficié autrement que selon l'article 1 - c'est-à-dire l'article qui définit que tout cela doit se faire dans le cadre d'un protocole - d'une participation du gouvernement du Canada ou de l'un de ses ministres ou organismes, directement ou indi-

rectement et sous quelque forme que ce soit, perd ainsi le droit d'exiger du gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministres ou organismes: une taxe municipale ou une compensation en tenant lieu, une subvention, une autre somme constituant un élément de participation gouvernementale à son financement, et la partie de sa quote-part des revenus provenant de l'application de l'article 221 de la Loi sur la fiscalité municipale."

Cet article donnait et continue de donner un pouvoir au gouvernement d'imposer un certain nombre de sanctions à des municipalités qui n'ont pas fonctionné dans le cadre d'une entente existant entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec.

Or, en nous rendant à une demande qui nous a été transmise pour que les municipalités du Québec soient associées à l'application et à l'implantation, jour après jour, semaine après semaine, de ce projet de loi 38, que le gouvernement du Québec n'a jamais souhaité présenter à l'Assemblée nationale parce que, dans le fond, nous voulions continuer de vivre dans un contexte où on respectait les juridictions du Québec... Mais comme cela ne se faisait pas, il fallait recourir à la loi. J'ai cité tantôt des éditorialistes qui ont éloquemment indiqué à quel point le gouvernement était effectivement justifié de procéder au dépôt de ce projet de loi 38.

Pour aller plus loin et pour nous assurer que l'utilisation, par le gouvernement du Québec, des sanctions prévues à l'article 2 du projet de loi 38 se ferait dans un contexte où les municipalités pourraient, avec le gouvernement, indiquer quelles sont les balises à l'intérieur desquelles nous pourrons fonctionner pour l'application de l'article 2, nous avons décidé de proposer un amendement qui dit, et je cite: "Le gouvernement précise par règlement les actes ou les catégories d'actes posés par une municipalité ou par un tiers qui placent une municipalité dans la situation visée à l'article 2. Le ministre des Affaires municipales fait publier un projet de règlement à la Gazette officielle du Québec avec un avis mentionnant qu'à l'expiration d'un délai de trente jours, ce projet sera soumis au gouvernement pour adoption. Le règlement entre en vigueur avec ou sans modification le jour de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à la date ultérieure qui y est fixée."

Voilà donc un amendement qui a été transmis à la commission parlementaire pour indiquer à nos collègues que les municipalités allaient savoir, dans le cadre d'un projet de règlement qui sera préparé par le gouvernement, quels sont les actes ou les catégories d'actes qui sont visés et qui peuvent faire l'objet de sanctions en vertu de l'article 2 du projet de loi 38.

Ce qui n'est pas dans cet amendement et qui va devenir un nouvel article du projet de loi 38, mais qui a été annoncé officiellement, et que je peux ici indiquer à l'Assemblée nationale, c'est que le gouvernement ne procédera pas à l'adoption de ce projet de règlement avant d'avoir consulté les municipalités du Québec à l'occasion de la tenue d'une commission parlementaire au début de l'année 1984. Ce que cela veut dire concrètement, M. le Président, c'est que ce projet de loi 38 que nous allons adopter avant l'ajournement des fêtes stipule explicitement que nous devrons adopter un règlement qui définit de façon précise les balises, les paramètres qui doivent nous guider pour être en mesure d'appliquer correctement, raisonnablement, le projet de loi 38. Et cela sera fait après que les municipalités seront venues en commission parlementaire se faire entendre par l'entremise de leurs grands organismes représentatifs que sont l'Union des municipalités du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. (23 heures)

Cela veut dire que le gouvernement du Québec prend ses responsabilités. La juridiction appartient aux provinces, pour ce qui est des municipalités. Cela doit être redit, le projet de loi 38 est là pour cela. Deuxièmement, il est normal que, pour faire en sorte que ce projet soit appliqué de façon correcte, il faut que les municipalités puissent, avec le gouvernement du Québec et avec les parlementaires de l'Assemblée nationale, donc avec l'Opposition qui sera en commission parlementaire, qui pourra discuter le projet de règlement - les municipalités seront là pour cela - se faire entendre, pour indiquer que, dans le projet de règlement proposé par le gouvernement, tel ou tel élément mériterait d'être modifié, amendé, bonifié. Mais les municipalités pourront exercer leur droit de parole pour faire en sorte que le projet de loi 38 soit appliqué dans un contexte de collaboration et de concertation. Partant de là, je crois que la réaction de l'Opposition, dont j'ai pris connaissance tout à l'heure en commission parlementaire, m'apparaît tout à fait injustifiable. Pourquoi? On nous disait, lors de l'étude en deuxième lecture: Nous, les principes de juridiction, on ne les remet pas en cause. D'ailleurs, on était dans un gouvernement qui, en 1974, avait fait adopter un article dans un projet de loi qui disait que nous avions effectivement la juridiction.

Ce que nous faisons par le projet de loi 38, dans un contexte où le gouvernement fédéral est en train de semer le désordre le plus total, harcelant les municipalités, les mettant dans des situations extrêmement difficiles, le projet de loi 38 vient réitérer

ce principe reconnu par tous les gouvernements du Québec et il vient faire une chose substantielle par l'amendement qu'on vient de soumettre à la commission parlementaire: il associe les municipalités à l'application du projet de loi. Savez-vous ce qu'on a dit en commission parlementaire chez les libéraux? On a dit ce soir, après avoir suspendu les travaux, après avoir lu l'article: Le projet de loi 38 est inchangé, il n'y a rien de nouveau sur le plan du contenu dans le projet de loi 38.

Une voix: C'est vrai.

M. Bertrand: Or, M. le Président, dans le projet de loi 38, déposé le 21 juin dernier à l'Assemblée nationale du Québec, débattu en deuxième lecture ici même il y a quelques jours, il n'y avait pas un article qui stipulait de façon explicite que les municipalités du Québec allaient participer, à l'occasion de la tenue d'une commission parlementaire, à la discussion sur un projet de règlement...

Une voix: "Big deal".

M. Bertrand: ...que le gouvernement publiera dans la Gazette officielle et sur lequel tous les parlementaires qui sont ici pourront avoir l'occasion de délibérer pour dire si, oui ou non, ce projet est convenable.

Qu'est-ce qui arrive en pratique, M. le Président? Nous disons que la volonté politique sera exprimée d'ici au 21 décembre. Les municipalités, à partir de ce moment-là, savent à quoi s'en tenir. Le geste posé le 21 juin dernier à été qualifié de geste qui s'imposait par les éditorialistes qui ont écrit - je les ai cités tantôt - que le gouvernement est sérieux et qu'il affirme la juridiction. Et le gouvernement est sérieux et il indique aux municipalités, qui ont respecté l'esprit du projet de loi 38 connu depuis le 21 juin, que l'attitude qu'elles ont eue est une attitude correcte. Les autres, qui connaissaient l'existence du projet et qui, probablement, doutaient de la volonté politique du gouvernement du Québec d'agir comme tous les gouvernements qui l'ont précédé, savent, sauront le 21 décembre que le gouvernement était sérieux dans le geste qu'il posait. Mais, en même temps, ces municipalités, quelles qu'elles soient, celles qui ont bénéficié des subventions comme celles qui n'en ont pas bénéficié, ces municipalités pourront dire, grâce à leurs représentants, de quelle façon, quels sont, et je reprends le texte de l'amendement, "quels sont les actes ou les catégories d'actes posés par une municipalité qui sont visés par l'article 2 du projet de loi 38". C'est substantiel, M. le Président.

Et le reproche qu'on nous faisait en deuxième lecture, c'était justement de nous dire: Avec ce projet de loi, c'est la discrétion la plus totale. Il n'y a aucune balise. On est pour les principes, mais, si au moins le gouvernement du Québec nous apportait des garanties, l'assurance que tout cela, sur le plan des modalités d'application, va être balisé et qu'on va associer les municipalités à l'application de ce projet de loi... Eh bien, nous nous rendons aujourd'hui à ces demandes qui ont été formulées, qui faisaient partie des critiques de l'Opposition officielle, qui ont fait partie des représentations de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec et qui se retrouvent, ce soir, en commission parlementaire, dans un amendement qui ajoute un élément substantiel au projet de loi 38.

Parce que, dans le fond, M. le Président, sans cet amendement, cela voulait dire quoi? Cela voulait dire que, dans les jours qui suivaient l'adoption du projet de loi 38, le gouvernement, seul, procédait. Maintenant, le gouvernement, seul? Non. Le gouvernement avec un débat où les parlementaires participeront. Avec un débat en commission, où les municipalités pourront donner leur point de vue, se faire entendre.

Là, vous avez la démonstration que nous voulons agir avec souplesse, flexibilité, enlever tout ce caractère que l'Opposition pouvait qualifier de discrétionnaire, en précisant, comme le dit l'amendement, les actes ou les catérogies d'actes posés par une municipalité et qui sont visés à l'article 2, celui qui prévoit des sanctions pour les municipalités qui ont accepté des subventions du gouvernement fédéral.

M. le Président, il y a un choix à faire pour le gouvernement, à ce moment-ci. Ou c'est la réaction de l'Opposition officielle qui compte, ou c'est la réaction, par exemple, du président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Si vous me demandez ce que je choisis, moi, comme député ministériel, l'accord de l'Opposition officielle ou bien la réaction du président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec qui a rencontré le premier ministre du Québec, ce midi, qui l'a rencontré de nouveau ce soir, et qui a dit, après avoir pris connaissance des amendements apportés au projet de loi 38, qui ont été déposés à la commission parlementaire, qui a pris connaissance, entre autres, de cet amendement dont je viens de vous parler et qui va associer les municipalités à la préparation et à la discussion du règlement qui sera adopté par le gouvernement du Québec: "Je suis très satisfait...

Ce sont les propos tenus par le président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec qui est venu se faire entendre en commission parlementaire et qui doit, aujourd'hui, considérer que ce n'était pas effectivement

vain de venir en commission parlementaire, à l'invitation du gouvernement, exprimer quel était son point de vue quant au projet de loi 38, puisque ce soir il est en mesure de dire qu'après avoir effectué des représentations en commission parlementaire, après avoir discuté avec des membres du Conseil des ministres et avec le premier ministre, il a en main des amendements qui sont soumis par le gouvernement du Québec et qui vont faire en sorte que les municipalités qu'il représente - il y en a 1200, M. le Président, au Québec - vont pouvoir participer au débat lorsque le projet de règlement sera soumis à la commission parlementaire, au début de l'année 1984.

Si j'ai à choisir, M. le Président, entre le discours que nous tient l'Opposition officielle depuis le début de l'étude de ce projet de loi, ici à l'Assemblée comme en commission parlementaire, attitude de l'Opposition officielle qui consiste à dire: Nous ne sommes pas d'accord avec ce projet de loi, ni sur les principes, ni sur les modalités, et la réaction du président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec qui, lui, représente des municipalités, qui, lui, parle au nom de 1200 municipalités du Québec et qui dit: Je suis très satisfait, je dis, M. le Président, que, quand le gouvernement du Québec réussit, après des discussions qui ont été, bien sûr, difficiles - ce ne sont pas des choses faciles, simples; ce sont des choses complexes, ce sont des choses qui doivent se discuter - à apporter un amendement qui amène la réaction que j'ai décrite du président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec qui nous dit: Je suis très satisfait, moi, je dis que le gouvernement est pleinement justifié, à ce moment-là, M. le Président, de procéder à l'adoption du projet de loi 38, d'indiquer ainsi sa volonté politique de faire en sorte que les municipalités, à compter du 21 décembre, sachent à quoi s'en tenir, et qu'à partir de là elles soient associées à la préparation, la définition, la concrétisation du règlement qui va baliser l'implantation et l'application du projet de loi 38. (23 h 10)

Nous sommes d'accord avec la réaction des municipalités que nous avons rencontrées, mais pas avec l'attitude de l'Opposition qui, sur tout, les principes et les modalités, a simplement indiqué qu'elle prendrait tous les moyens parlementaires pour empêcher l'adoption du projet de loi 38.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de l'Opposition.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, on a entendu une piètre justification du projet de loi 38. C'était plutôt un discours de deuxième lecture et demie ou de troisième lecture. Il faut dire que, depuis que ce projet de loi a été étudié en deuxième lecture, le gouvernement, comme le ministre l'a dit, a tenté de le changer. Ce que nous étudions actuellement, ce n'est pas l'à-propos du projet de loi, c'est la question de savoir si l'Assemblée nationale doit mettre fin à l'étude d'un projet de loi de façon autoritaire, de façon exceptionnelle, en employant ce qui existe dans le règlement et qui a été utilisé deux fois en sept ans par l'ancien gouvernement libéral entre 1970 et 1977 et sept, huit ou neuf fois par le gouvernement actuel, dont trois ou quatre par le leader, le député de Vanier.

Je laisserai au député de Laprairie, le porte-parole de notre formation politique, le soin d'utiliser le temps de parole d'une demi-heure prévu par le règlement. En ce qui me concerne, je n'utiliserai que le temps de parole de dix minutes. Pourquoi? Je veux laisser au député de Laprairie qui a participé à tout le débat le soin de répondre aux avancés du leader.

Je voudrais ramener le débat à son sens. C'est une motion de clôture, une motion de guillotine, une motion qui dit aux députés: Vous allez cesser de travailler à un projet de loi que le leader du gouvernement a décrit de façon incomplète. Il a cité certains éditoriaux de juin dernier, enfin, d'il y a quelques mois. Je vous en citerai de plus frais. L'éditorialiste, le directeur du Devoir, M. Jean-Louis Roy, le lundi 12 décembre -cela fait trois jours - écrit: "Le projet de loi 38, c'est non"' II dit - et ce n'est pas un libéral, c'est un observateur indépendant, d'un journal respectable, je pense que tout le monde en conviendra - "L'Opposition libérale se dissocie alors du projet de loi 38, et avec raison." Il dit un peu plus loin: "Le caractère odieux du projet de loi 38 n'a échappé ni au parti d'Opposition ni aux élus municipaux. Il est en effet intolérable que le pouvoir arbitraire d'un ministre, le principe de la rétroactivité et la notion même de discrimination soient conjugués dans un texte de loi. "Tel qu'il est, le projet de loi 38 ne doit pas franchir les dernières étapes parlementaires et devenir la législation du Québec."

Je laisserai le soin au député de Laprairie de vous expliquer que les derniers amendements ne changent rien aux défauts principaux du projet de loi.

M. Jean-Guy Dubuc, éditorialiste à la Presse, écrivait ce matin même: "L'imposture du projet de loi 38" - ce n'est pas le Parti libéral qui dit cela, c'est un autre éditorialiste - "...une telle loi permet tous les chantages et abus d'anciens systèmes

qu'on croyait avoir délogés pour toujours. "Les maires s'opposent de toutes leurs forces; au moins ceux de l'Union des municipalités du Québec qui sont assez lucides pour se rendre compte de la fourberie qu'on leur impose."

On parle de fourberie, M. le Président, on parle d'odieux. Ce n'est pas une fabrication. L'Opposition ne fabrique pas son opposition sur rien, ne la fait pas reposer simplement sur des instincts partisans.

On dit aussi: "D'autres, à l'Union des municipalités régionales de comté - ceux qu'invoquait le leader du gouvernement - ont déjà démissionné." On parle de démissions. C'est cela que le leader du gouvernement invoque pour appuyer sa motion de clôture.

Enfin, M. le Président, je cite encore M. Jean-Guy Dubuc: "Résultat: à cause d'un conflit avec le gouvernement fédéral, les municipalités perdent beaucoup plus que des subventions; elles perdent le respect qu'elles croyaient mériter de Québec. Il est vraiment incompréhensible que le gouvernement péquiste cède aussi facilement à la panique et s'accorde des droits réservés aux régimes totalitaires." Ce n'est pas un libéral qui le dit: totalitarisme odieux, panique. "Il n'y a que dans des pays qui renient la démocratie que l'on peut trouver autant de pouvoirs livrés à l'arbitraire d'une personne tout en étant protégés par la loi." C'est ce que M. Dubuc dit dans la Presse, ce matin.

Je laisse à notre porte-parole le soin d'aller plus loin là-dessus. Je veux m'appliquer strictement à la démarche actuelle. Il s'agit d'une guillotine. On va demander à la majorité servile de dire à la commission parlementaire: Mettez fin à l'étude d'un projet de loi. Ce qu'il y a de plus cynique, c'est que le leader du gouvernement, qui a quitté son siège - je le comprends; en deux ans, cela fait quatre fois qu'il fait ce discours que je ne peux qualifier - ait choisi de partir au moment de la réponse. À peine trois heures après le début de l'étude article par article, il a annoncé qu'il y aurait une guillotine. C'est ce qu'il a fait il y a à peine quelques jours. Il dit que cela a été étudié depuis une vingtaine d'heures; cet après-midi, à 15 heures, la commission parlementaire devait se réunir. Elle s'est réunie, le ministre n'était pas là. Cela a été suspendu jusqu'à 16 h 30. Entre 16 h 30 et 18 heures, on a dit: À 20 heures, il y aura des amendements. À quelle heure sont arrivés les amendements? À 22 heures,. Les amendements sont arrivés devant la commission parlementaire à 22 heures, ce soir. Je ne sais pas si le député de Groulx était là. J'ai participé à une réunion avec le premier ministre à 19 h 45 où il nous a fait une farce avec des amendements écrits sur le coin d'une table.

Une voix: Improvisation.

M. Lalonde: L'improvisation, c'est le signe de ce gouvernement qui est en perte de vitesse, en chute libre.

Une voix: En décomposition.

M. Lalonde: M. le Président, ces amendements n'ont absolument rien changé. C'est de l'improvisation. Il s'agit d'abus de pouvoirs, d'un cas de sinistre, de parodie de la démocratie et c'est le président de l'Union des municipalités du Québec, M. Francis Dufour, qui l'a écrit dans un télégramme. C'est la négation de la démocratie. Pourquoi? Parce que le Parti québécois ne veut pas s'entendre avec Ottawa. Je laisserai le député de Laprairie commenter cela.

M. le Président, si ce gouvernement nous avait permis de siéger entre le 18 octobre et le 15 novembre, au lieu de faire un lock-out avec ce Parlement, on aurait eu le temps de l'étudier, le projet de loi, il était déposé depuis le mois de juin. Mais non, on l'a envoyé en commission parlementaire il y a à peine deux jours. Immédiatement, trois heures après le début de l'étude article par article, on a mis la guillotine. Mais ceux et celles - je ne veux pas en nommer, mais j'en vois au moins un ici, de l'autre côté - qui se préoccupent de ce que veut dire un Parlement, qui font des rapports, qui font des études et qui font des voyages, pourquoi ne s'élèvent-ils pas contre ce geste du gouvernement?

M. le Président, cette motion de clôture est un aveu - un autre - de l'incompétence du leader du gouvernement, de son incapacité d'organiser les travaux de la Chambre, un aveu de l'improvisation, du manque de préparation et de planification du leader qui n'a jamais été capable d'organiser les travaux de cette Chambre et de préparer son travail depuis deux ans.

M. le Président, c'est un bien triste chant du cygne. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Groulx. (23 h 20)

M. Élie Fallu

M. Fallu: M. le Président, vous me permettrez de témoigner en quelque sorte en cette Chambre, puisque c'est vraiment la seule occasion qui nous est donnée, vous savez, selon notre règlement, de venir parler en cette Chambre des travaux qui se déroulent dans une commission. Si je regarde l'heure, ce n'est pas pour vérifier le temps qui me reste; au contraire, c'est simplement pour vous indiquer qu'à l'heure présente la commission parlementaire travaille depuis maintenant quelque quinze heures pour

étudier article par article un projet de loi qui n'en a que 17. Connaissant la législation, vous savez fort bien que les derniers articles sont essentiellement des articles d'application, à savoir le 17e: La présente loi entre en vigueur le jour de sa sanction.

Nous avions donc le temps, et amplement, M. le Président. Mais il était manifeste que dans ce débat, tant en deuxième lecture en Chambre qu'en commission parlementaire, nous avions droit de la part de l'Opposition à une opposition systématique. J'ai relevé les galées de notre première séance, qui a commencé le 13 décembre à 11 h 56. Qu'est-ce qui s'est dit dans tout cela? On a discuté de la dimension de la table, du nombre de chaises, de la température de la pièce, et tout à l'avenant.

Puis, en après-midi, nous avons pu enfin commencer nos travaux avec les bienvenues, les souhaits et nous avons entendu le président de l'UMRCQ jusqu'à 18 heures. À la reprise des travaux, à 20 heures, première motion: motion d'ajournement, puis deuxième motion, qui a duré, celle-là, M. le Président. Vous connaissez le truc, n'est-ce pas? C'est sorti tout droit du musée des horreurs de la flibuste. Celle-là portait - elle est très traditionnelle - sur une demande que tous les membres de l'Assemblée nationale viennent siéger à la commission parlementaire. Allez donc! S'il y a des commissions parlementaires dans cette Assemblée depuis les années soixante, c'est pour faire en sorte...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Fallu: ...que l'Assemblée même se démultiplie dans des lieux de travaux et non pas pour déplacer l'ensemble de l'Assemblée nationale dans une petite salle au 80-A.

Cela fait partie de ces motions traditionnelles. On pourrait en énumérer quelques-unes. J'ai entendu un jour le récit du calendrier des saints. Un autre jour, la géographie complète du mois. Une autre fois, on a péroré - c'est toujours eux, évidemment - sur les dates de naissance des députés. Une autre fois, ils ont pris les curriculum vitae de tous les députés de l'Assemblée nationale pendant - vous vous en souvenez - près d'un mois. Il faut le faire, n'est-ce pas? Nous avons donc assisté à ces mêmes mesures.

M. le Président, entre-temps, dans le paysage au Québec, cela continue toujours. Peut-on se le dire? La semaine dernière, une aréna dans le comté de Champlain - dont Michel Veillette est le député fédéral -aréna qui, soi-disant, valait 800 000 $. Savez-vous ce qu'elle vaut aujourd'hui? Selon le journal d'aujourd'hui, 15 décembre, elle vaut 1 700 000 $. Au moment où ces gens au fédéral se distraient à négocier des ententes, où effectivement nous continuons à travailler pour essayer de signer ces ententes, au moment où, pourtant, dieu de dieu, nous sommes ici en Chambre en train d'étudier la façon dont les municipalités peuvent recevoir de l'argent du fédéral, voilà encore qu'ils se promènent dans le paysage. C'est dans le journal d'aujourd'hui.

Quant à la loi, ces gens ont refusé de voter l'article 1 qui permet aux municipalités de recevoir de l'argent du gouvernement fédéral à la suite d'une entente. Vous vous rendez compte? Ils ont refusé cela. Ils ont refusé de voter l'article 1. Après avoir longuement débattu, etc., on a fini par passer au vote et ils l'ont refusé. Ils sont donc contre la constitution, contre la loi 59 de 1974 des Affaires intergouvernementales et je ne sais trop quoi. On ne sait plus. Est-ce qu'ils sont donc complices maintenant de ces députés fédéraux - libéraux évidemment qui se promènent essentiellement au Québec? Imaginez-vous que cela ne se passe pas comme cela en Saskatchewan ni en Colombie britannique où il n'y a pas un seul député libéral. Comme ils sont 74 au Québec, c'est ici essentiellement qu'ils font porter leurs efforts à titre individuel avec leur petite cagnotte, leur petite escarcelle. Ils se promènent dans le paysage pour distribuer des petits sous, comme si les municipalités étaient encore des pauvres.

M. le Président, quant au reste de la loi, nous l'avons largement balisé. Nous avons fait en sorte que... Il semble que les libéraux refusent, en tout cas au moment où je suis parti de la commission, il y a quelques instants, ils refusaient de discuter l'article 2.1, les amendements à l'article 3, les amendements à l'article 3.1, les amendements à l'article 5.1 et un amendement à l'article 16. Qu'est-ce que cela dit, M. le Président? Cela dit qu'il y aura bientôt à la Gazette officielle une proposition de règlement pour définir les actes et catégories d'actes qui sont spécifiquement du ressort municipal et donc, pour lesquels les municipalités ne peuvent pas recevoir de fonds fédéraux en dehors de l'entente. Elles pourront en recevoir à l'intérieur des ententes. Savez-vous ce que cela veut dire, M. le Président à toutes fins utiles? C'est qu'à travers cela, nous allons définir le pouvoir des municipalités, pouvoir qui n'a jamais été trop clairement défini au Québec.

Une commission parlementaire se tiendra ici, à cette Assemblée nationale, pour qu'avec le monde municipal nous définissions mieux l'ensemble de ces pouvoirs. Puis, selon la demande du président de l'UMRCQ, qui parlait au nom de l'ensemble du conseil, le décret d'application pour les quelques municipalités réfractaires ne prendra cours que pendant l'année qui suivra le décret pour ne pas déséquilibrer les budgets.

Avant de voter un décret au Conseil des ministres, le ministre devra avertir la municipalité par un avis écrit qu'il a

l'intention de déposer un décret, et la municipalité, en contrepartie, pourra, selon toutes le convenances de la justice la plus élémentaire, faire connaître son point de vue sur la position éventuelle du gouvernement. Enfin, après que le décret sera adopté au Conseil des ministres, dans les 30 jours, donc par un droit d'appel, mais en même temps un appel qui soit relativement expéditif pour donner rapidement justice à la municipalité, dans les 30 jours, dis-je, de la transmission de la copie du décret à la municipalité, la municipalité pourra s'adresser à la Cour supérieure pour faire annuler le décret sur une question de droit ou de compétence.

M. le Président, la question fondamentale qui est toujours posée, c'est: Est-ce que les libéraux sont pour une saine gestion dans le monde municipal? Est-ce qu'ils ont l'espoir de reprendre un jour le pouvoir et de réinstituer ces escarcelles mobiles à travers le paysage urbain municipal du Québec pour pouvoir faire recommencer le patronage qu'on a connu? Souvenons-nous notamment de ce qui s'est passé lors de la dernière élection de 1976? Le ministre des Affaires municipales de l'époque avait signé d'une façon discrétionnaire, sans l'autorisation du Conseil des ministres, sans l'autorisation du Conseil du trésor, pour quelque 400 000 000 $, en disant: Je recommanderai au Conseil du trésor une subvention. Je, moi, le ministre tout seul, comme cela! Est-ce que c'est à ce système horrible qu'ils veulent revenir? C'est à y croire, puisqu'ils veulent autoriser à le faire, semble-t-il, leurs petits copains, les députés fédéraux, à titre individuel, comme ce M. Michel Veillette, député de Champlain, je crois bien, à Ottawa, qui tente actuellement de corrompre les municipalités. M. le Président, il est temps que cela finisse.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laprairie, vous avez 30 minutes.

M. Jean-Pierre Saintonge

M. Saintonge: Merci, M. le Président. Il n'y a pas si longtemps, exactement le 6 décembre dernier, je faisais, au nom de l'Opposition, le discours de deuxième lecture sur le projet de loi 38. Je me souviens fort bien que, ce soir-là, j'ai commencé mon discours en disant que les municipalités du Québec étaient en deuil avec la discussion du projet de loi 38 en deuxième lecture en cette Chambre. Les municipalités étaient en deuil de quoi? En deuil justement du respect que le ministre des Affaires municipales et le gouvernement devraient porter aux municipalités. En deuil justement du manque de respect de l'autonomie des municipalités. C'est peut-être pratiquement un coup de pied au derrière qu'on foutait aux municipalités du Québec.

(23 h 30)

Devons-nous rappeler, M. le Président, quel genre de projet de loi est le projet de loi 38? Si nous prenons le titre même de la loi, Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités, des le début, par le titre même de ce projet de loi, on se rend compte de la malhonnêteté des intentions du gouvernement. Il ne s'agit pas d'un projet de loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités; au contraire, c'est la "départicipation" gouvernementale. C'est un projet de loi qui vise à aller chercher auprès des municipalités de l'argent que le gouvernement provincial leur doit par le biais de subventions, d'"en lieu" de taxes et même toute autre somme constituant un élément de participation gouvernementale à leur financement.

Pourquoi percevoir de l'argent des municipalités? Pourquoi le gouvernement provincial enlève-t-il de l'argent aux municipalités? Pour une seule et unique raison: parce que les municipalités du Québec pourraient avoir reçu une subvention du fédéral hors d'une entente réalisée en vertu de l'article 20 de la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales ou même de la constitution canadienne.

Ce projet de loi 38 qu'on a tenté de présenter comme étant une loi à caractère fiscal... À caractère fiscal, pour quelle raison? Une seule et unique raison. Le député de Roberval disait que c'est un projet de loi fiscal, non seulement à caractère fiscal, mais il disait un projet de loi fiscal. Pour quelle raison? Parce que c'était un projet rétroactif - beau motif - puisque, après son adoption, ce projet de loi "rétroagira" au 21 juin dernier, lors de son dépôt. C'est la raison pour laquelle on parle d'un projet de loi fiscal; il n'y a rien de fiscal là-dedans. C'est un projet de loi purement et simplement à caractère pénal qui n'a aucun autre principe de fondement que la pénalisation des municipalités.

Le gouvernement a tenté de faire valoir que le but de ce projet de loi était d'affirmer, plutôt de réaffirmer la compétence exclusive du Québec en matière municipale. Cette compétence exclusive du Québec en matière municipale est reconnue depuis toujours par la constitution canadienne à l'article 92.8. Le gouvernement libéral de M. Robert Bourassa, en 1974, a réaffirmé ce principe à l'article 20 de la loi des Affaires intergouvernementales. Les dispositions relatives à la compétence du Québec et à la façon dont le fédéral peut subventionner ou faire parvenir des sommes d'argent aux municipalités du Québec se trouvent clairement exprimées à l'article 20 de la loi des Affaires intergouvernementales et nul n'est besoin de le répéter dans le projet de loi 38. On réaffirme ce qui existait déjà. Le législateur ne doit pas parler pour ne rien

dire, comme je l'ai dit le 6 décembre dernier. Si le législateur a préparé ce projet de loi, ce n'était pas pour réaffirmer un principe qui existe déjà dans une loi du Québec, mais bien pour pénaliser les municipalités du Québec.

Fait étrange - et cela est apparu lors de l'étude article par article en commission parlementaire - le ministre a confirmé le fait que le projet de loi était un projet de loi à caractère politique, un projet de loi qui vise uniquement les contributions du gouvernement fédéral. L'article 20 de la loi des Affaires intergouvernementales vise non seulement les ententes conclues avec le gouvernement du Québec, mais également avec celui d'une autre province, un gouvernement étranger, un ministère ou un organisme d'un de ces gouvernements. Le projet de loi 38, qui doit réaffirmer le principe de l'article 20 de la loi des Affaires intergouvernementales, ne vise qu'un palier de gouvernement, pas les autres provinces canadiennes, pas un gouvernement étranger, mais uniquement le gouvernement fédéral. C'est la hantise de ce parti et principalement la hantise démoniaque du ministre des Affaires municipales.

On a beaucoup parlé du débat qui a entouré ce projet de loi. Je me dois de souligner que, dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, il y avait des télégrammes de personnes physiques et morales, entre autres de l'Union des municipalités du Québec et de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales, télégrammes qui demandaient au ministre des Affaires municipales d'être entendues en commission parlementaire avant l'adoption de la loi en deuxième lecture. Pourquoi une telle demande de l'Union des municipalités du Québec, de l'Union des municipalités régionales de comté et, également, de la ville de Québec? Pour une seule et unique raison. L'adoption d'un projet de loi en deuxième lecture, c'est la sanction même du principe de la loi.

Donc, avant qu'on sanctionne le principe même du projet de loi, le monde municipal - représenté par ces deux unions principalement - voulait démontrer au ministre des Affaires municipales ce qu'il pensait de ce projet de loi pour que le ministre en vienne à comprendre son point de vue et, d'une certaine façon, à modifier ou à retirer ce projet de loi qui ne répondait nullement à une demande municipale, mais qui, au contraire, était décrié de toute part et de façon unanime par l'ensemble des municipalités du Québec.

Le ministre des Affaires municipales a eu beau dire à certains moments, au cours du débat, certains députés ministériels ont eu beau répéter que ce projet de loi avait l'accord des municipalités au point de vue du principe... Au point de vue du principe, le seul accord que le ministre ait obtenu des municipalités du Québec, des unions des municipalités du Québec, c'est l'accord même qu'il a obtenu de l'ensemble des députés de l'Opposition, l'accord qu'il a obtenu des éditorialistes. C'est un accord de principe, à savoir que la compétence dans les affaires municipales est la compétence exclusive du Québec, ce que tout le monde veut faire reconnaître. C'est un principe qui est reconnu unanimement. Cela a été repris par les éditorialistes dans un des articles que citait mon confrère, le leader de l'Opposition et député de Marguerite-Bourgeoys.

Ce principe n'est nullement celui qui est dans le projet de loi. Le principe du projet de loi? Pénaliser les municipalités. Et c'est là-dessus que les municipalités voulaient se faire entendre pour infléchir le ministre et lui faire comprendre une chose, et une seule chose: Si, dans le cadre actuel, le gouvernement péquiste n'est pas capable, d'aucune façon, d'en venir à une entente avec le gouvernement fédéral, s'il n'est nullement capable de négocier de bonne foi et d'une façon positive une entente avec le gouvernement fédéral concernant la distribution de certaines subventions ou la participation financière du fédéral aux municipalités du Québec, il reste une chose, c'est que ce ne sont pas les municipalités du Québec qui ont à subir l'odieux du fait qu'une telle entente n'est pas possible, à cause, principalement, de l'agir du ministre des Affaires municipales et du gouvernement du Québec.

M. le Président, le premier ministre du Canada, dans une lettre du mois d'août dernier au premier ministre du Québec, le ministre John Roberts, d'Emploi et Immigration du Canada, dans une lettre en date du 30 novembre envoyée au ministre des Affaires municipales du Québec, ont reconnu tous deux, - et dans le cas de M. Roberts, cela avait été reconnu lors de conversations privées antérieures, de conversations entre les deux ministres au mois d'octobre - et admis la compétence exclusive du Québec en matière municipale. Cela a été reconnu et ils étaient prêts à la respecter. Le ministre Roberts a même mentionné qu'il était prêt à considérer un droit de veto sur les programmes de subvention offerts aux municipalités du Québec par le fédéral, un droit de veto au gouvernement provincial, un droit de veto au ministère des Affaires municipales pour empêcher la réalisation de tout programme qui ne recevrait pas l'accord du ministère des Affaires municipales.

La compétence exclusive du Québec était donc respectée, à n'en pas douter. Du moins, de ce côté-ci, nous en avons la certitude. Et tous ceux qui ont lu la lettre de M. Roberts se sont aperçus des avances faites par le fédéral du point de vue de la négociation et qu'il a reconnu ce principe,

mais ce n'était pas assez pour le ministre des Affaires municipales. Donc, demande de commission parlementaire par les deux unions pour être entendues avant l'adoption du projet de loi en deuxième lecture. Réponse du ministre des Affaires municipales et du leader du gouvernement - il a fait un discours assez vide, à mon point de vue, sur cette motion de clôture qu'on vient d'avoir -un non catégorique. Vous serez entendues, possiblement, en commission parlementaire -finalement, on en a convenu - après la deuxième lecture, avant l'étude article par article.

Dans une telle circonstance, M. le Président, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec a accepté de jouer le jeu et de venir en commission parlementaire. D'autre part, l'Union des municipalités du Québec a refusé de jouer le jeu et a dénoncé avec vigueur le fait qu'aucune commission parlementaire en bonne et due forme n'ait été prévue sur le projet de loi 38 que l'ensemble du monde municipal a, à maintes reprises depuis son dépôt en juin dernier, qualifié d'excessif, de discrétionnaire et d'arbitraire. (23 h 40)

L'Union des municipalités continuait en disant: Devant une telle parodie de démocratie, et à moins que le gouvernement ne revienne sur sa décision, le conseil d'administration de l'Union des municipalités du Québec tient à vous informer que les représentants de cette dernière ne participeront à aucune commission parlementaire d'ici l'ajournement de la session. C'était donc clair, M. le Président. Ce que l'Union des municipalités du Québec voulait, c'était d'être entendue avant l'adoption en deuxième lecture. Et, à la réception de ce télégramme, il aurait été temps, pour le ministre des Affaires municipales, de réagir puisque c'était le 9 décembre, quatre jours avant l'adoption du projet de loi en deuxième lecture. D'aucune façon le ministre n'a voulu reculer et tenter d'entendre les représentants de l'Union des municipalités du Québec.

Le leader du gouvernement mentionnait tantôt que le gouvernement a entendu en commission parlementaire, que nous avons entendu, le président de l'UMRCQ, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Soit, c'est une union très importante qui représente environ 1200 municipalités au Québec. C'est un nombre considérable de membres. Mais, sans minimiser l'importance de cette association, l'UMRCQ, il demeure qu'il y a une autre union des municipalités du Québec qui existe - l'Union des municipalités du Québec effectivement - qui, elle, représente peut-être 300 ou 350 municipalités. Il ne faut pas oublier que ce sont les municipalités de l'Union des municipalités du Québec qui représentent environ 80% de la population du Québec et environ 85% de la richesse du Québec au niveau des évaluations municipales. Donc, c'est une union qui a une importance très grande et que le ministre aurait dû accepter également de consulter. Point n'en fut.

Ce n'étaient pas seulement les unions. À l'appui des deux unions de municipalités qui demandaient une audition en commission parlementaire ou même, à certains égards, le retrait pur et simple du projet de loi - et c'était le cas de l'UMRCQ qui requérait, dès son dépôt au mois de juillet, le retrait du projet de loi et l'Union des municipalités du Québec l'a également demandé au mois d'août... Mais elles étaient également appuyées par la ville de Québec qui a requis d'être entendue en commission parlementaire, ainsi que le Conseil du patronat. Le Conseil du patronat exigeait également le retrait de ce projet de loi à cause, notamment, de son caractère excessif. Mais le moins que l'on puisse souhaiter en toute démocratie, c'est que l'on tienne cette commission parlementaire telle que réclamée. Point n'en fut.

Également, la Chambre de commerce du district de Montréal faisait parvenir un télégramme au ministre des Affaires municipales, en décembre, demandant de retirer le projet de loi 38, de surseoir à son étude et adoption afin de créer un climat propice à une négociation raisonnable. C'était le voeu de la Chambre de commerce du district de Montréal. Également, la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain, par la voix de son président, a requis le retrait du projet de loi. De la même façon, la Chambre de commerce de la province de Québec a demandé au gouvernement du Québec de retirer un tel projet de loi. C'était une demande du monde municipal, appuyée de façon unanime par l'ensemble des intervenants dans le monde municipal et l'ensemble des intervenants économiques. Point n'en fut. Aucune façon d'infléchir le ministre.

Qu'en est-il maintenant, M. le Président? Nous arrivons à la commission parlementaire. Une seule union s'est présentée, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Cela me faisait fortement sourire d'entendre le leader du gouvernement dire tantôt que le président de l'UMRCQ était d'accord, qu'il appuyait la démarche. Je vous montrerai deux titres de journaux et je pense que la caméra sera juge. Un article du Joliette journal du mercredi 20 juillet 1983. Le titre ne peut pas être plus clair: "Le projet de loi 38, une mesure hypocrite qui transpire le mépris". C'était une parole de Me André Asselin, à l'époque vice-président de l'Union des municipalités régionales de comté. Le verdict était clair dès le mois de juillet. Est-ce que M. Asselin a changé d'idée sur la loi 38 comme telle? Je vous citerai la Presse du jeudi 8 décembre 1983. Que je sache, nous

sommes aujourd'hui le 15 décembre. Le titre: 'La loi 38, les mesures de guerre du municipal, dit le président de l'UMRCQ, Me Asselin". Je cite Me Asselin au texte: "C'est la loi des mesures de guerre du monde municipal québécois, où l'arbitraire politique pourra s'exercer quand il le voudra, sans qu'aucun droit d'appel ne puisse être exercé ou que la moindre explication ne puisse être fournie".

Donc, M. le Président, c'est assez clair comme verdict ici. Le président de l'UMRCQ s'explique mal la raison d'être d'une telle loi en pleine période de relance économique. Le président de l'UMRCQ a accepté de jouer le jeu. Il est venu en commission parlementaire et a présenté certaines demandes au ministre des Affaires municipales pour amender le projet de loi. Il y avait huit demandes principales présentées par le président de l'UMRCQ. Il a été bien reçu. Le ministre l'a reçu avec un beau sourire, un beau bonjour. Il l'a écouté attentivement, disant: Nous allons prendre cela en considération et je l'examinerai avec mes fonctionnaires, mes conseillers juridiques et, si possible, nous vous donnerons satisfaction.

C'est le voeu, M. le Président, que j'ai entendu à toutes les commissions parlementaires dans le domaine municipal auxquelles j'ai participé, depuis avril 1981, date ou je suis devenu député de l'Opposition à cette Assemblée. À chacune de ces occasions, de tels commentaires du ministre des Affaires municipales ont toujours été suivis par une absence d'actes réels répondant aux demandes présentées par les unions ou par certains intervenants. Très très rarement le ministre a pu donner suite aux demandes qu'on lui a présentées.

Donc, M. le Président, nous allons bien voir ce qu'il est advenu des demandes de l'UMRCQ. Nous verrons, dans un instant, les modifications qu'on nous a déposées, ce soir, à la commission parlementaire. Auparavant, je vous citerai non pas ce que l'Opposition dit du témoignage de M. Asselin devant cette commission parlementaire, mais ce que, dans un article du Soleil, aujourd'hui, Marcel Collard écrit: 'Le président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, Me André Asselin, refuse d'entrer dans le jeu politique entre Ottawa et Québec, voulant seulement empêcher que les municipalités soient prises en otages dans l'affrontement public. "L'UMRCQ accepte mal que le gouvernement soit à la fois juge et partie, avec un pouvoir sans appel. 'Devant la commission parlementaire, cette semaine, Me Asselin a cependant poussé l'analyse plus loin, exprimant le malaise ressenti par les élus municipaux qui n'ont pas l'impression d'exercer un véritable pouvoir, assujettis comme ils le sont à toutes sortes de normes. Il souhaiterait la revalorisation du pouvoir municipal pour que les élus soient plus à l'aise dans leur rôle de partenaires de l'État... 'Pour l'instant, l'UMRCQ implore le ministre d'examiner la situation en fonction des simples citoyens élus pour gérer les affaires de leur municipalité, pour que la future loi 38 soit plus vivable. Elle exhorte le ministre à poser des balises et à définir clairement - à définir clairement - le champ d'application de la loi".

On en est là, M. le Président. De quelle façon a-t-on voulu définir le champ d'application de la loi? Le projet de loi 38, tel que déposé, est une loi qu'on a qualifiée de discrétionnaire, de discriminatoire, de déraisonnable et d'imprécise. D'imprécise, M. le Président, pourquoi? Nous retrouvons, dans ce projet de loi, les termes suivants, à différents articles: "au jugement du gouvernement", "directement ou indirectement ou sous quelque forme que ce soit", "le gouvernement peut, à sa discrétion", "le gouvernement - encore une fois à l'article 7 - peut, à sa discrétion". Plus loin, "selon l'estimation qu'en fait le ministre des Affaires municipales". On retrouve la même chose deux articles plus loin: "selon l'estimation qu'en fait le ministre". Et on dit, à un moment donné, "est réputé avoir négocié ou conclu une entente". À un moment donné, si une commission, une corporation, une communauté ou un organisme visé au premier ou au deuxième alinéa de la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales conclut avec une personne ou un organisme une convention ayant pour effet de le faire bénéficier d'avantages découlant d'une subvention du fédéral, il est réputé avoir négocié ou conclu une entente.

On transfère le fardeau de la preuve. Ce n'est plus le ministre qui doit venir prouver quelque chose, ou qu'on doit prouver, effectivement, le fait comme tel, mais on dit: Vous êtes réputé avoir fait cela. Donc, on transfère un fardeau de la preuve, on l'impose aux municipalités du Québec. Donc, c'est une loi discrétionnaire, discriminatoire, déraisonnable, imprécise, abusive, excessive. C'est ce qui a été dénoncé partout, M. le Président. On a proposé quoi? Je reviendrai tantôt, si j'en ai le temps, aux citations des éditorialistes là-dessus. On a présenté quoi, ce soir, M. le Président, au niveau des amendements à la commission parlementaire? On a fait grand état de l'article 2.1... (23 h 50)

Je devrais dire avant que, dans tous les amendements présentés par le ministre des Affaires municipales devant la Commission municipale, aucun n'a changé une virgule, un point ou un mot dans le projet de loi 38. Dans tous les cas, ces amendements ont été des ajouts à la loi. Dans tous les cas, le texte même de la loi, décrié comme étant une mesure hypocrite qui transpire le mépris,

d'aucune façon ne modifie la "loi des mesures de guerre du monde municipal". On a ajouté certains faits, certains articles, à quelles fins? Je vais vous le mentionner.

Hier, lors de la discussion en commission parlementaire, le ministre nous disait -on lui posait des questions - qu'on n'a pas avancé. Comment voulez-vous avancer quand le ministre ne le sait pas? Il a reconnu expressément, à cette commission, le caractère tout à fait imprécis de la loi. Il ne pouvait même pas nous dire, dans un cas donné, si une telle subvention accordée à tel organisme ou à tel individu, ou à qui que ce soit, était couverte par ce projet de loi. Ce n'était pas à sa connaissance; il ne pouvait pas le dire. Peut-on avoir plus imprécis que cela? Il ne le savait pas. Que nous a-t-il dit? Il n'y a rien là; ne vous en faites pas, on va émettre des bulletins d'interprétation. Qu'est-ce que cela veut dire? Je déciderai de ce qui va s'appliquer. Est-ce qu'il peut le faire? Sûrement puisque, dans le projet de loi, c'est très clair que le ministre peut, à sa discrétion, décider. C'est lui qui décide, ou le gouvernement, dans certaines circonstances. C'est l'un des deux. Je veux être précis au texte suivant le projet de loi: "soit le gouvernement ou le ministre par décret au jugement du gouvernement directement, indirectement ou sous quelque forme que ce soit."

Qu'est-ce qu'on présente pour éclairer la situation? On dit ce soir: Ne vous en faites pas, messieurs des municipalités, nous répondons à votre souhait. Nous allons présenter purement et simplement un amendement où il y aura un règlement qui viendra préciser, mais quoi? Les actes ou les catégories d'actes posés par une municipalité ou par un tiers plaçant une municipalité dans la situation visée à l'article 2. On n'a rien changé. La seule chose, c'est que le règlement va venir spécifier carrément quels sont les actes couverts. C'est le gouvernement qui le décidera avec certaines modalités d'avis dans les journaux.

Le ministre a été tellement bon prince, ce n'est pas croyable, M. le Président. Il a proposé aux gens du monde municipal de les rencontrer au mois de février, de faire une commission parlementaire; même s'il avait refusé de le faire avant, il veut en faire une maintenant, avant le règlement. Venez nous voir, venez nous dire ce que vous voulez, ce que vous pensez du projet de règlement qu'on proposera et ce qui doit être couvert par la loi. C'est bien beau, je n'ai rien contre cela, mais ce sera le même exercice qui va faire fi de la démocratie, comme on l'a vu depuis quelques années au Québec avec ce gouvernement. Pour quelles raisons? Le projet de loi demeure dans son entité, selon le bon jugement du gouvernement, directement ou indirectement, de quelque façon que ce soit. C'est donc du totalita- risme, de l'arbitraire absolu, même dans le projet de loi.

Ce qui est encore pire, c'est qu'on le fixe par règlement. C'est un peu du velours sur le glaive. Pourquoi? De quelle façon le monde municipal est-il partie à la concertation? Il ne sait pas le résultat; rien ne lui garantit qu'on va l'écouter. De toute façon, même après la commission parlementaire qui sera tenue, le ministre pourra, à n'importe quel moment, selon son bon jugement, apporter des modifications aux règlements et changer tout cela, en ajouter tant qu'il voudra sans consulter le monde municipal parce qu'il n'y a aucune garantie que, dans ces cas, il sera obligé de convoquer une commission parlementaire. C'est simplement un petit velours qu'il donne pour faire adopter ses amendements qui sont complètement à côté de la "track", qui ne concernent nullement le caractère tellement répressif de ce projet de loi.

M. Rocheleau: C'est effrayant! Cela n'a pas de bon sens!

M. Lalonde: C'est un simulacre de démocratie.

M. Saintonge: À l'article 3, on donne une grosse possibilité aux municipalités, on dit: 'Le décret a effet à compter du début de l'exercice financier municipal suivant." On ne pouvait pas demander moins que cela. Comment voulez-vous pénaliser une municipalité quand son budget est établi pour une année en cours. Il est évident qu'en toute décence, c'est impossible pour une municipalité de prévoir, en cours de budget, d'être coupée dans ses fonds de tel ou tel montant. C'était tout simplement la normalité des choses et le moins qu'on pouvait faire dans un tel cas.

Article 3.1. L'Union des municipalités régionales de comté avait demandé qu'on puisse donner un avis préalable que la municipalité est en infraction et qu'elle puisse être entendue là-dessus. Cela, M. le Président, c'est ce qu'on appelle des règles de justice élémentaire. Mais l'article 3.1 l'a prévu, c'est possible d'être entendu. Mais de quelle façon? J'étais présent en commission parlementaire lorsque le président de l'UMRCQ a témoigné. Quand il a demandé d'être entendu, il n'a pas demandé d'être entendu dans une belle lettre, non, non. Il voulait aller devant le ministre - c'était lui qui avait la discrétion d'appliquer le projet de loi - ou encore devant la Commission municipale pour aller expliquer son point de vue en allant parler publiquement, c'est-à-dire en allant donner son argumentation verbale. On lui dit quoi? Envoyez-nous vos raisons par écrit. On n'a pas besoin de vous entendre et de vous voir, on est capable de faire cela comme des grands. Cela donne

quoi comme résultat? Trente jours après, la décision du ministre arrivera.

Je vous assure, M. le Président, que je n'ai pas grand espoir que la décision du ministre tiendra compte des représentations qui seront faites. Mais ce qui est encore plus vicieux dans cette façon d'agir, c'est que l'argumentation écrite que la municipalité va donner, ne devrait pas être soumise au décret; elle sera écrite. Elle est dans les mains du ministre. Et on donne la possibilité à l'article suivant d'aller devant les tribunaux par requête en Cour supérieure. Le ministre et ses avocats vont arriver là, comme on le dit, la poche bien pleine. Le dossier est bien complet, l'argumentation de la municipalité va lui avoir été donnée par écrit une couple de mois avant. Il n'y a pas de problème là, les faits sont connus. Même à cela, le recours judiciaire qu'on permet par l'article 5.1 est un recours normal que les municipalités auraient pu exercer suivant la loi usuelle, la loi commune. Possiblement que le recours prévu éliminera certaines discussions au niveau des tribunaux. C'est-à-dire qu'on prévoit une requête en Cour supérieure. Au lieu de savoir quel genre de recours s'appliquerait, s'il n'y en a pas un autre, on procédera plus rapidement par l'amendement prévu par requête à la Cour supérieure.

Il reste que de toutes les requêtes présentées en Cour supérieure, quel sera le choix du juge qui devra examiner ce dossier? Il ne restera pas grand choix. La loi est tellement large et globale au niveau du pouvoir du ministre que le juge ne fera que constater que le ministre a agi à l'intérieur de ses pouvoirs: on lui donne tous les pouvoirs dans le projet de loi. La seule chose qui pourrait faire casser un jugement, c'est si les règles de justice naturelle n'étaient pas respectées. Il est obligé par la loi de les suivre. Avant de faire quoi que ce soit, cela lui prend au minimum un envoi à la municipalité qui, elle, peut répondre par écrit. Mais cela, c'est un recours qui m'apparaît absolument déraisonnable et dérisoire pour les municipalités. Encore une fois, c'est du velours sur le glaive.

Finalement, M. le Président, une des modifications proposées confirme le caractère rétroactif de la loi. La loi s'appliquera à compter de juin dernier. Je vous dirai que j'ai communiqué personnellement avec le président de l'Union des municipalités du Québec qui m'a affirmé sans détour que les amendements proposés ne correspondaient pas à ce qu'il en attendait et ne le satisfont pas pleinement. Cela, c'est à 22 heures ce soir. Je n'ai malheureusement pu communiquer ce soir avec le président de l'UMRCQ pour avoir son opinion là-dessus, mais j'ai examiné les demandes que l'UMRCQ a présentées en commission parlementaire et je vous dirai que dans les demandes présentées, ce qui a été accordé est très minime par rapport à ce qu'on voulait. Fondamentalement, on voulait s'assurer qu'au niveau de l'UMRCQ c'était une demande fondamentale et que le geste de la municipalité qui pouvait être réprimé par le gouvernement dans ce projet de loi, c'était le seul geste accompli de façon directe et par une participation directe d'une municipalité. On demeure, même avec des amendements, avec la pénalité à toute participation directe ou indirecte ou sous quelque forme que ce soit. On ne remplit pas le mandat que le président de l'UMRCQ avait demandé.

Donc, M. le Président, en fait, il m'apparaît clair qu'un tel projet de loi ne répond nullement à la demande formelle présentée par les représentants des unions des municipalités, même avec les amendements. L'Opposition déplore le fait qu'après un très court débat en commission parlementaire, la guillotine soit tombée.

Je terminerai, M. le Président, simplement en vous rappelant que M. Jean-Guy Dubuc dans la Presse du 15 décembre 1983 titrait son éditorial: "L'imposture du projet de loi 38" et que M. Jean-Louis Roy dans le Devoir du 12 décembre 1983 disait: "Le projet de loi 38, c'est non et ce sera non pour l'Opposition." Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse. (minuit)

M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Nous en sommes à étudier le projet de loi 38 concernant la participation gouvernementale au financement des équipements municipaux.

M. le Président, pour le bénéfice des personnes qui nous écoutent à cette heure tardive, je vais brièvement résumer comment il se fait que nous ayons dû adopter un projet de loi semblable. D'abord, il faut dire que, dans la constitution canadienne qui nous régit depuis plus d'un siècle, en fait depuis 1867, il y a une répartition des pouvoirs entre le fédéral, d'une part, et les provinces; or, dans les pouvoirs qui sont attribués aux provinces de façon très bien établie, structurelle, par l'article 92.8, on dit, noir sur blanc, que les municipalités relèvent des provinces.

Cependant, au cours des années, selon les époques, on a assisté à des manoeuvres sporadiques, à des manoeuvres intermittentes et, à certains moments, selon ceux qui étaient au pouvoir à Ottawa, ceux qui étaient au pouvoir dans les provinces, on a vu des gestes qui ont été posés par le gouvernement fédéral pour s'immiscer dans le champ de juridiction provinciale, c'est-à-dire en venant s'occuper de choses municipales.

M. le Président, il y a une continuité au niveau des gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis au moins l'époque de M. Taschereau, en passant par MM. Duplessis, Lesage, Bourassa et, aujourd'hui, M. Lévesque. C'est que jamais on n'a accepté que le gouvernement fédéral vienne ici, à la place du gouvernement du Québec, pour s'immiscer dans les affaires des municipalités. Nous acceptons que le gouvernement canadien puisse faire profiter les citoyens du Québec de leurs taxes, de leurs impôts, dans le cadre d'ententes formelles, d'ententes signées noir sur blanc, dans le cadre d'ententes établies qui permettent de savoir où on va. Il y eu effectivement des ententes qui ont été signées de 1976 à 1980. Il y en a eu pour des sommes considérables, en fait 1 200 000 000 $. Mais il faut bien se rappeler que c'était avant le référendum -vous savez, ce référendum du 20 mai 1980 -et cela n'a pas été long, malheureusement, une fois le référendum passé, une fois dissipée la crainte que le fédéral pouvait avoir devant les résultats appréhendés du référendum, on a vu que le gouvernement fédéral avait décidé d'y aller très fortement pour entrer à pieds joints dans le champ de juridiction des provinces et en particulier du Québec.

On a vu - premier geste - la fin du programme d'aide aux équipements communautaires appliquée de façon unilatérale par le gouvernement canadien. Par la suite, il y a eu le rapatriement unilatéral de la constitution et il y a eu aussi une phrase du premier ministre, M. Trudeau, qui ne s'est pas gêné pour dire: C'est la fin du fédéralisme coopératif. Depuis ce temps, et surtout dans la perspective d'élections fédérales qui sont proches, il faut bien le dire, on a assisté à une offensive tous azimuts de la part des députés fédéraux, en particulier les 74 que nous avons au Québec, pour aller dans les municipalités et "garrocher" comme cela des sommes de 100 000 $, 200 000 $, 300 000 $ de façon tout à fait discrétionnaire selon souvent les beaux yeux ou la couleur politique des conseils municipaux en place.

M. le Président, la loi 38 qui est devant cette Chambre, présentement, nous aurions de beaucoup préféré ne pas avoir à la voter, c'est bien sûr. Nous sommes en commission parlementaire depuis trois jours et j'ai assisté personnellement au déroulement de cette commission parlementaire. Dès le début, il était évident que l'attitude de l'Opposition serait: On ne veut rien savoir, pour aucune considération. Si on connaît un petit peu la tradition qui existe en cette Chambre en fin de session, on sait que l'Opposition nous arrive toujours avec un "filibuster" sur une loi qui est étudiée. Cette fois-ci, elle a décidé de choisir la loi 38 et d'adopter toutes sortes de manoeuvres dilatoires pour manifester qu'elle ne veut rien savoir.

Je vais vous donner une preuve de cela. Nous étions à étudier le projet de loi 38; à un moment donné, comme manoeuvre dilatoire, un député de l'Opposition nous arrive avec un amendement qu'il proposait à l'article 2, parce que nous en sommes restés à l'article 2 alors qu'il y a 17 articles dans le projet de loi. J'ai demandé au député qui proposait l'amendement, en lui posant la question très clairement: Si, par hypothèse, on acceptait ce que vous proposez, est-ce que vous accepteriez de collaborer, d'adopter le projet de loi et ne pas faire de "filibuster"? On m'a fait comme réponse qu'il n'en était pas question. Je pense, M. le Président, que c'est la preuve manifeste que l'Opposition ne veut rien savoir et est décidée à faire une contestation systématique de ce projet de loi.

M. le Président, lors du premier jour de la commission parlementaire pour l'étude article par article du projet de loi, nous avons entendu le président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, Me André Asselin, qui était accompagné de M. Georges Filion, un vice-président, ainsi que du directeur général, Mme Gaétane Martel. À l'invitation du ministre, Me Asselin est venu manifester des appréhensions et aussi des interrogations sur l'application de ce projet de loi. Je pense que c'est tout à fait normal que le monde municipal, le monde municipal rural en particulier, s'interroge sur l'application de ce projet de loi. Je dois féliciter l'attitude quand même positive de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec qui a eu le courage de venir ici manifester son point de vue et nous faire part de certains amendements qu'elle aimerait voir apporter au projet de loi.

M. le Président, ce n'est quand même pas tombé dans les oreilles d'un sourd puisque, à la suite des représentations qui ont été faites par l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, le ministre des Affaires municipales a apporté certains amendements, qu'il a déposés en commission parlementaire, qui vont permettre, à la demande même des représentants de l'UMRCQ, de baliser l'intervention du Québec en ce qui touche les subventions fédérales discrétionnaires destinées aux municipalités. En fait, le président, Me Asselin, est venu avec le but de voir à ce qu'on soit capable d'appliquer la loi. M. le Président, le ministre des Affaires municipales a invité les unions des municipalités, aussi bien l'UMRCQ que l'UMQ, à venir participer à une commission parlementaire qui se tiendra au moins de février. À ce moment-là, cela va permettre d'étudier le règlement en vue d'adapter l'intervention au projet de loi 38.

M. le Président, laisser aller les choses

sans adopter cette loi, à mon avis, c'est encourager le fédéral à violer sa propre constitution. D'autre part, c'est punir les municipalités très majoritaires, respectueuses du partage des compétences qui existent actuellement. C'est donc une question d'équité pour le gouvernement du Québec d'agir ainsi. D'ailleurs, le fédéral a déjà admis dans le passé qu'il avait tort de s'occuper des municipalités, puisqu'il existait un ministère des affaires urbaines et que, quelque temps après l'avoir mis sur pied, le fédéral a décidé de le faire disparaître.

M. le Président, on nous fait souvent des reproches, l'Opposition nous dit: Négociez, entendez-vous, parlez. Je me souviens d'un premier ministre, ici à Québec, qui n'était pas M. Lévesque et à qui M. Trudeau a déjà dit que c'était un "Ti-Pit mangeur de hot dog". Quand on parle de négocier, je pense qu'il faut aussi voir qui est de l'autre côté pour négocier.

En terminant, M. le Président, je dis qu'il était nécessaire de mettre de l'ordre et c'est ce qui arrive avec le projet de loi 38. C'est oui à l'argent du fédéral, mais c'est non au discrétionnaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Une voix: Tu vas les avaler tes "hot dog".

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député, s'il vous plaît!

Une voix: 30% du vote.

Une voix: Voyons, c'est l'agressivité dans cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;

Une voix: Si cela a été dit, ce n'est pas nous qui l'avons dit. (0 h 10)

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; À l'ordre! J'espère au moins que je serai capable d'entendre le prochain intervenant. M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, les préfets des municipalités régionales de comté du Québec se sont prononcés à la quasi-unanimité contre ce projet de loi dont ils ont réclamé le retrait immédiat. L'Union des municipalités régionales de comté du Québec endosse cette position et voici ce que le président avait à dire, je le cite: "L'Union des municipalités régionales de comté ne veut pas savoir qui a tort et qui a raison entre Québec et Ottawa; elle ne s'attribue pas le rôle d'arbitre entre les deux gouvernements. Elle dit simplement que les municipalités du Québec n'ont pas à faire les frais des pots cassés au-dessus de leur tète."

L'Union des municipalités régionales de comté a dit à Québec qu'il doit retirer son projet de loi 38, qui a pour effet d'imposer une forme de tutelle aux élus locaux. L'Union des municipalités du Québec, a avisé que "les membres du conseil d'administration de l'Union des municipalités du Québec en réunion aujourd'hui - en parlant du 9 décembre 1983 - dénoncent avec vigueur le fait qu'aucune commission parlementaire en bonne et due forme n'ait été prévue sur le projet de loi 38, que l'ensemble du monde municipal, à maintes reprises depuis son dépôt en juin dernier, qualifie d'excessif, de discrétionnaire et d'arbitraire." Devant une telle parodie de démocratie, ils ont dit qu'ils ne voulaient plus assister à une commission parlementaire du gouvernement jusqu'à l'ajournement de la session. Finalement, le président de l'Union des municipalités régionales de comté a dit que le projet de loi 38 est une mesure hypocrite qui transpire le mépris.

Que fait ce gouvernement devant les représentations qui lui ont été faites par l'ensemble des représentants de la population? Il impose le bâillon ici ce soir, afin qu'on ne puisse plus discuter de ce projet de loi. C'est là la vraie parodie de la démocratie. On nous accuse d'avoir fait des motions en commission parlementaire parce qu'il n'y avait pas assez de chaises, parce qu'il faisait trop chaud; oui, nous les avons faites. Vous nous avez fait siéger dans une garde-robe; il n'y avait pas de place pour les journalistes; il faisait tellement chaud dans cette pièce qu'on ne pouvait pas adéquatement commencer nos travaux. Ne venez pas nous dire que nous avons fait des motions dilatoires; on tentait de s'assurer qu'on puisse étudier adéquatement le projet de loi dans une pièce convenable. C'est le moins que le gouvernement aurait pu nous donner pour étudier un projet de loi aussi méprisable. C'est pour cela qu'on a fait ces motions.

Ce soir, à 20 heures, à la suite d'un avis en vertu de l'article 156 nous informant que nous devions terminer les travaux en commission parlementaire pour minuit, le ministre des Affaires municipales nous dépose des amendements...

Une voix: Des amendements à la Jean-Roch.

M. Ciaccia: ...des amendements au projet de loi à 20 heures, quand on nous a dit: Vous allez cesser d'en discuter à minuit.

Une voix: Jean-Roch lui a dit: Tu feras

des amendements, Léonard.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que c'est la vraie façon de procéder si le gouvernement veut qu'on étudie un projet de loi en toute bonne foi? Je vais vous dire ce que dit ce projet de loi. Je sais pourquoi le gouvernement ne veut pas qu'on l'étudie et qu'il veut le passer à la vapeur la nuit. Il est minuit et quart. Il insiste pour qu'on ne l'étudie plus en commission parlementaire pour le bonifier ou tenter de le changer et de bonifier les termes odieux du projet de loi. Voulez-vous que je vous lise ce qu'il dit? "Une municipalité qui, au jugement du gouvernement... a bénéficié directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit, perd ainsi... le droit d'exiger du gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministres ou organismes..." et là, il y a une liste de toutes les sommes que les municipalités perdent. C'est entièrement à la discrétion du gouvernement. Plus loin, dans le même projet de loi, quand on parle des sommes ou des bénéfices directs ou indirects qu'une municipalité aurait pu recevoir on dit, "selon l'estimation qu'en fait le ministre". Est-ce que c'est la façon de faire adopter les termes, les propos d'un projet de loi quand on donne tout le pouvoir au ministre, quand on met les municipalités sous tutelle? Quel est l'esprit de ce projet de loi?

M. le Président, tous les intervenants ont raison de s'opposer au projet de loi, de vouloir que le gouvernement retire ce projet de loi. Et nous avions raison en commission parlementaire de prendre tous les moyens nécessaires pour obliger le gouvernement au moins à discuter du projet de loi et, s'il ne voulait pas en discuter en bonne et due forme, d'y apporter les changements nécessaires pour répondre aux besoins de la population. On avait le droit d'obliger le gouvernement à étudier en commission parlementaire ce projet de loi et à ne pas le faire adopter à la vapeur, de la façon qu'il le fait maintenant, nous bâillonnant, nous empêchant de parler et voulant absolument insister en fin de session pour adopter un projet de loi qui est odieux et dont personne ne veut.

M. le Président, pourquoi, maintenant, le gouvernement est-il tellement pressé pour nous faire accepter ce projet de loi? Le 18 octobre, nous sommes venus à l'Assemblée nationale. On est venu pour siéger et discuter des lois que le gouvernement aurait pu présenter à l'Assemblée nationale. La même journée, on a ajourné l'Assemblée nationale, on a fait un lock-out de l'Assemblée nationale, on nous a renvoyés dans nos comtés parce que le gouvernement n'avait rien à dire, rien à faire. Il ne pouvait pas, le 18 octobre, présenter le projet de loi pour qu'on en discute? On aurait eu un mois, deux mois, on aurait pu avoir la commission parlementaire. De quoi aviez-vous peur?

Pourquoi ne vouliez-vous pas avoir une commission parlementaire et faire venir les élus municipaux pour vous dire ce qui ne va pas avec ce projet de loi? Non! Ce n'est pas la façon dont le gouvernement devrait agir s'il prétend être démocratique. M. le Président, c'est un abus de pouvoir. C'est vrai que le règlement de l'Assemblée nationale lui donne le droit de nous empêcher de parler du projet de loi, de la même façon qu'en commission parlementaire, quand on voulait - et on a dit que c'était une motion dilatoire -que chaque député ait le droit de venir en commission faire des représentations lors de l'étude article par article. Pourquoi chaque député? C'est bien simple. Ce projet de loi affecte toutes les municipalités au Québec. Il n'y a pas un député qui ne sera pas affecté dans son comté par le projet de loi. Qu'est-ce qu'il y a de tellement surprenant qu'on ait demandé au gouvernement de donner le droit - parce que le règlement ne le donne pas, sauf avec le consentement de la commission - à tous les députés de venir à la commission parlementaire faire les représentations nécessaires? Si le gouvernement avait accepté cette motion, on aurait pu commencer immédiatement la discussion du projet de loi. Bien non! On nous a obligés à faire cette motion pour essayer de convaincre le gouvernement afin que les députés puissent venir devant la commission parlementaire. Nous voyons l'esprit dans lequel ce gouvernement agit. Ne soyez pas surpris des Jonquière, des Mégantic-Compton, des Charlesbourg et des autres châteaux forts des ministres péquistes où vous perdez les élections.

M. le Président, je vois que mon temps s'écoule. Ce n'est pas seulement l'Opposition. Je veux vous citer un éditorial de Jean-Louis Roy paru dans le Devoir du lundi 12 décembre: "Les parlementaires du groupe ministériel, y compris les perroquets qui ont fait la parade des principes la semaine dernière à l'Assemblée nationale, devraient lire le projet de loi. Celui-là ne compte pas des milliers de pages. Mais on a réussi à inscrire dans ces trois pages tout ce qu'il y a de plus répugnant en régime démocratique." Et vous continuez à présenter à l'Assemblée nationale d'autres mesures répugnantes, la motion de bâillon qui nous empêche de discuter. Vous devriez avoir honte et on ne l'acceptera pas. Merci. (0 h 20)

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je constate qu'il y a des sons qui sont beaucoup plus forts parfois que la voix des intervenants. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, on voit les gens d'en face, ce soir, se lever pour

traiter de répugnants les projets de loi, s'offusquer que le leader du gouvernement ait déposé une mesure qui signifie la clôture de la récréation sur le projet de loi 38. Mais je voudrais leur rappeler l'article 20 de leur fameuse loi de 1974, au départ. Eux qui avaient leurs grands frères libéraux à Ottawa ont senti le besoin, eux-mêmes, dans une loi, à l'article 20, de clarifier la juridiction du Québec. Eux-mêmes...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Chevrette: ...petits frères et grands frères, imaginez-vous, ils ne se "trustaient" même pas entre eux; ils ont été obligés d'indiquer cela dans une loi, noir sur blanc. Et, aujourd'hui, ils sont surpris que le gouvernement agisse, lui qui est assailli par une armée de grands frères avec beaucoup d'argent qui distribuent cela un peu partout, n'importe comment: 250 000 $ dans Berthier, à Saint-Gabriel-de-Brandon; 500 000 $ à telle autre place pour le même projet, sans absolument aucun motif, aucun critère, on ne sait pas pourquoi.

Une voix: Politique, politique.

M. Chevrette: Les élections s'en viennent, la panique est prise et là il faut parsemer l'argent. Moi, je trouve cela drôle de vous entendre. Je trouve cela drôle de vous entendre d'abord dire qu'il y a une semaine, il y a quinze jours, il y a trois semaines, l'Union des municipalités, l'UMRCQ disaient telle chose. Bien oui. On a parlé avec ce monde-là depuis ce temps-là, nous. On a parlé avec eux, on a jasé avec eux. On leur a dit: Mais quelles sont vos appréhensions? Ils ont dit: On ne voudrait pas que ce soit discrétionnaire au bout. C'est parfait. Quelles sortes de suggestions avez-vous à faire? Ils sont venus nous le dire. On vous présente un amendement qui veut éviter le discrétionnaire, qui veut permettre précisément qu'on y aille par règlement et cela, pendant une période de 60 jours nous obligeant à recevoir les revendications des MRC, de l'Union des municipalités, des municipalités comme telles. Et plus encore, on permettra à ces même ténors de venir nous dire que c'est beau, que ce n'est pas beau, que c'est bon ou que ce n'est pas bon. On vous offre une tribune à vous aussi, messieurs de l'Opposition, pour venir nous dire cela.

Une voix: Et madame.

M. Chevrette: Et madame également, bien sûr. Et là, vous nous dites: Non, c'est un règlement. Oui, c'est un règlement, mais dans lequel on prend la garantie, par exemple, et l'engagement formel de faire une commission parlementaire où on permettra non seulement au monde municipal, mais également à l'Opposition de venir s'exprimer. Eux, qui au cours de tous les débats en deuxième lecture nous ont dit à tour de bras qu'ils étaient fondamentalement d'accord sur le principe de la juridiction exclusive du Québec sur le monde municipal, ils viennent nous traiter d'hypocrites ce soir. Après nous avoir dit qu'ils étaient fondamentalement favorables à la juridiction exclusive du Québec sur les municipalités, après avoir eux-mêmes voté une loi en 1974 pour cela, ils ont voté contre ce même principe en deuxième lecture. Qui est hypocrite?

Une voix: Ce sont eux.

M. Chevrette: Qui est hypocrite? Posez-vous des questions. Vos gestes et vos votes, eux, sont enregistrés et l'hypocrisie est prouvée noir sur blanc dans votre cas. Nous, on dit aux municipalités du Québec: Non seulement on prend l'engagement, ce soir, de ne pas y aller d'une façon discrétionnaire, mais on prend l'engagement d'une prépublication, on prend l'engagement de vous recevoir. On prend l'engagement, en plus, de faire faire de la basse politique à l'Opposition en l'amenant en commission parlementaire, parce qu'elle n'est pas capable de faire autre chose. C'est cela qu'on prend comme engagements, à toutes fins utiles. Mais on prend le pari, on relève le défi de rencontrer ces municipalités et de s'entendre avec elles. J'ai parlé à des maires aujourd'hui, moi aussi, j'ai parlé à des préfets et ce n'est pas vrai que tous les préfets du Québec sont contre cela.

Une voix: Nommez-les!

M. Chevrette: J'en connais qui ont été élus dans leur propre municipalité du Québec parce qu'ils se sont opposés à de l'ingérence fédérale.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Chevrette: Le député de Berthier pourrait se lever pour le dire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Chevrette: Je connais des maires...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le député de Charlesbourg.

M. Chevrette: ...qui se sont fait élire précisément pour éviter que leur municipalité

n'ait à supporter des dettes perpétuelles par la suite grâce à des investissements irrationnels, sans critères. M. le député de Berthier, qui est voisin du comté de Joliette, devrait savoir ce que je veux dire. S'il ne le sait pas, je le lui ferai dire par ses propres conseillers municipaux, en particulier, dans deux municipalités de son comté qui ne sont pas les moindres.

Je pourrais faire le tour de plusieurs circonscriptions électorales de l'Opposition qui ont connu la manne libérale fédérale beaucoup plus que celle de ce côté-ci de la Chambre. Je ne le ferai pas, mais je voudrais au moins attirer l'attention sur leur incohérence. Ne traitez personne d'hypocrite quand vous, qui avez vos grands frères à Ottawa, avez senti le besoin de geler dans une loi des affaires intergouvernementales le droit exclusif du Québec, alors que nous, assaillis de toutes parts, on ne fait que réaffirmer votre principe et offrir notre collaboration aux municipalités. On offre notre collaboration même...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Chevrette: ...à l'Opposition pour établir conjointement des balises pour éviter le discrétionnaire au niveau de cette loi. De grâce, n'ayez pas le culot de traiter les autres d'hypocrites! Regardez-vous plutôt dans le miroir et vous allez aller vous coucher, toute la "gang".

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Saint-Henri.

Des voix: Bravo! Une voix: En alexandrins. M. Rama Hains

M. Hains: Ce ne sera pas loin de cela.

M. le Président, c'est vraiment avec conviction que je viens ce soir ajouter ma voix au tollé de protestation qui monte dans toute la province contre le projet de loi 38...

Une voix: Dans le monde entier!

M. Hains: ...Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités, qu'on aurait vraiment dû intituler loi sur la participation gouvernementale pour bloquer des subventions fédérales aux municipalités.

Une fois de plus, nous sommes vraiment encore victimes et témoins d'un torpillage en règle des relations avec Ottawa.

Ce projet de loi 38, par une drôle de coïncidence de numérotage, rejoint le projet de loi 37, d'une aussi triste mémoire, sur la fusion de Hauterive et de Baie-Comeau. Tous les deux sont issus du même ministre des Affaires municipales. Rarement aura-t-on vu deux projets de loi, - je les mets dans le même sac - aussi contestés, aussi décriés, aussi même conspués par des villes, des organismes et des citoyens. Rarement aura-ton vu deux projets de loi violer et mépriser le droit sacré de la démocratie et magnifier, d'un autre côté, le pouvoir discrétionnaire. Rarement aura-t-on vu deux lois issues du même ministre être autant porteuses de trouble, de dissension, de révolte et de répulsion. Je continue. Rarement aura-t-on vu un ministre aussi entêté lutter seul, comme un héros étriqué, contre les muncipalités déchaînées par son attitude de mépris, d'arrogance et de suffisance.

Une voix: C'est vrai.

M. Hains: L'autre héros, celui de la loi 37, le ministre Lessard, a dû démissionner et la population a balayé le PQ en élisant mon collègue, M. Ghislain Maltais, comme député libéral au Saguenay...

Une voix: Bravo! (0 h 30)

M. Hains: ...le 20 juin dernier. Le ministre des Affaires municipales, M. Léonard, connaîtra bientôt, s'il continue, le même sort que M. Lessard. Comme je le disais autrefois: Alea jacta est, "Lessard" en est jeté, peut-être que bientôt on dira: Alea jacta est, Léonard a sauté. Bref, ces deux projets de loi issus du même ministre seront parmi les moins populaires et les plus coercitifs que la Législature aura connus.

Ce projet de loi 38 rejoint en petite dimension la loi 111 basée sur la punition, la menace et les poursuites. En plus du caractère punitif, il y a le jeu dangereux du pouvoir discrétionnaire et le non moins odieux jeu de la rétroactivité, car il sera en vigueur depuis la date de son dépôt, le 20 juin dernier. Savez-vous, M. le Président, que ces deux projets de loi 37 et 38 ont été, tous deux, victimes du bâillon, de la guillotine, avec le même maître des hautes oeuvres, le leader actuel, qui nous impose ce soir une motion de clôture?

Le ministre des Affaires municipales ne semble pas aimer le Père Noël fédéral qui venait porter des millions dans nos municipalités. Il voit rouge quand il voit le Père Noël et, au lieu d'amener ce partenaire à discuter et de profiter de ses largesses, il aime mieux lui botter le derrière comme la botte de l'Italie qui vient de botter le postérieur de notre premier ministre, dans la caricature de l'Argus de ce matin. Il ne faut point se leurrer. Ce n'est pas une guerre juridique ou constitutionnelle; c'est une guérilla contre les tuniques rouges à feuille d'érable. Cela fait longtemps, et tout le monde le sait, c'est depuis 1974, qu'existe la

juridiction exclusive du Québec sur les droits municipaux. Donc, là n'est pas le problème, car c'est écrit noir sur blanc dans la constitution canadienne.

Les menaces peuvent être logiques pour les municipalités qui enfreindraient la loi. Des sanctions peuvent être logiques contre les municipalités coupables, mais que ces sanctions soient laissées à la discrétion du ministre ou d'un fonctionnaire, là on tombe inévitablement dans l'arbitraire, dans le chantage, les abus de pouvoir. Cela devient odieux dans une démocratie. C'est un droit réservé aux pays totalitaires, qui répugne à toutes nos municipalités qui protestent, d'ailleurs, de toutes leurs forces contre cette directive. Contre les subventions arbitraires d'Ottawa, on veut répondre par un pouvoir discrétionnaire à base de sanctions et de menaces. Alors, comme le disait Jean-Guy Dubuc dans la Presse ce matin, c'est une fourberie que des villes lucides ne sauraient accepter. Et il titrait son éditorial: L'imposture du projet de loi 38.

M. le Président, on veut poser un sabot de Denver à toutes les villes qui iraient à Ottawa. Celles qui y sont allées ou qui ont déjà reçu des subventions seront passibles de se faire cogner sur les doigts par le magister, Me Léonard. De plus, la loi sera rétroactive depuis la date de son dépôt en juin dernier. Alors, voyez les problèmes à régler à la discrétion du ministre. Les clubs de l'âge d'or ou les églises, les goupes de scouts ou de guides, les colonies de vacances, les clubs sociaux et les clubs intermédiaires verront-ils les villes pénalisées parce qu'ils auront accepté des subventions? Comme le juge Salomon, le ministre coupera-t-il en deux les tuniques ou les bonbons ou les bébés aussi? Quel dilemme, quel charabia s'impose ce ministre!

Tout cela pourquoi? Parce qu'on ne veut pas s'entendre de part et d'autre. Une entente est possible, proclame l'Union des municipalités du Québec. On n'a pas besoin d'une nouvelle loi; elle existe depuis 1974. Ce dont on a besoin, c'est de la concertation, de la discussion et d'un consensus entre les belligérants. Cette lutte menace notre province. Ce refus intransigeant nous prive de millions de dollars, fruit de nos taxes, et prive ainsi nos chômeurs et nos jeunes de la création d'emplois.

M. le ministre Lessard a bouffé deux villes: Hauterive et Baie-Comeau. Il en a crevé. M. le ministre, vous vous apprêtez a bouffer 1200 villes qui regroupent 80% de la population. J'ai peur que vous n'en fassiez une congestion mortelle. Alors, à table, s'il vous plaît, M. le ministre, avec votre partenaire canadien! Choisissez donc, pour une fois, un menu fait de bonne entente et de réciprocité. Votre santé et votre carrière s'en porteront beaucoup mieux. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Berthier.

M. Albert Houde

M. Houde: Merci, M. le Président. Nous voilà ce soir, c'est-à-dire ce matin plutôt, parce qu'il est minuit et demi, à étudier un projet de loi, Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités. Voyez, en partant, tout de suite, comme c'est hypocrite, de la façon dont c'est libellé. Ce projet de loi en est un à caractère punitif, pas autre chose, pour nos municipalités du Québec, surtout les municipalités de mon comté. C'est un projet de loi à caractère politique. C'est le ministre qui nous le disait, d'abord, en commission parlementaire.

Cette motion de censure est un aveu complet du gouvernement que nous avons devant nous. Après, je dirais, même pas trois heures pour étudier la loi article par article, le gouvernement, son leader en tête, décidait de mettre un bâillon. Imaginez! On dit qu'on est dans un pays libre! On est dans une dictature avec le gouvernement péquiste, comme le dirait le député de Rousseau!

Une voix: C'est vrai! C'est vrai! Bravo! M. Houde: Franchement! Une voix:C'est vrai, Albert!

M. Houde: C'est tout simplement parce qu'on ne porte pas le nom qu'il y a dans d'autres pays, parce qu'ils nous diraient qu'on est comme eux. Je ne nommerai aucun pays de crainte de faire de la propagande et pour ne pas faire comme notre premier ministre fait actuellement, parce que c'est gênant d'être québécois avec le premier ministre qui s'appelle René Lévesque.

Des voix: C'est vrai! Ti-Poil la gaffe!

M. Houde: On ne devrait jamais en parler. Ti-Poil la gaffe, oui! Parce que, lorsqu'on se promène un peu et qu'on parle du gouvernement...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Berthier, il y a deux choses qui ont été faites. Premièrement, je pense qu'on doit nommer quelque député que ce soit par son titre, selon le règlement. Deuxièmement, de la même façon que le président a fait une demande d'ordre ce matin, je vous demanderais la même gentillesse, s'il vous plaît! M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. D'abord, le premier ministre, à ce que je sache - je ne pense pas enfreindre le règlement - s'appelle René Lévesque. J'ai le

droit de dire cela? Une voix: Non.

M. Houde: Je n'ai pas le droit de le dire?

Une voix: Non.

M. Houde: Excusez, d'abord. Le premier ministre du Québec, le gaffeur professionnel aussi, lorsqu'on le voit circuler et qu'on a la chance d'entendre des commentaires sur les visites qu'il fait un peu partout, c'est quasiment gênant, parce que ceux qui nous en parlent nous disent: Vous en avez tout un, premier ministre! On espère qu'il ne durera pas longtemps parce qu'il fait plutôt déshonneur à la province qu'il nous fait honneur!

Une voix: II nous fait honte!

Une voix: Motion! (0 h 40)

M. Houde: Oui, motion! M. le Président, les municipalités du Québec voulaient se faire entendre avant la deuxième lecture. Le gouvernement et son ministre des Affaires municipales n'ont jamais voulu accepter cette demande. Où est la transparence de ce gouvernement? Il était peut-être transparent au commencement, en 1976 et 1977, nous disait-il, mais je pense qu'on s'est posé la question immédiatement après le 15 novembre et, le 17 novembre, la transparence, il l'avait perdue.

M. le Président, le projet de loi 38, combien de groupes de personnes ont demandé de le retirer? D'abord, l'Union des municipalités régionales de comté, dont le président est M. André Asselin, quelqu'un de mon comté, candidat libéral défait dans Joliette en 1981, si vous voulez le savoir, M. le député de Rousseau. C'est vrai et je n'ai pas honte de le dire. Cela n'empêche pas que c'est quand même un bon gars. Un gars peut faire un bon travail même s'il est député libéral, n'oubliez pas cela. Je pense qu'il va continuer à être encore libéral. Il n'est pas péquiste.

Une voix: C'est certain.

M. Houde: Deuxièmement, l'Union des municipalités du Québec. Il s'agit de quelqu'un qui devrait être, selon vos dires, lorsque je suis allé dans Jonquière, péquiste. On l'a vu circuler avec la candidate péquiste dans Jonquière. Ce n'était pas un méchant gars, mais il n'était pas avec nous. Cela en est un autre qui s'est opposé et qui a voulu faire retirer le projet de loi 38. Vous devez le savoir. Le Conseil du patronat, qu'est-ce qu'il a dit? Retirons le projet de loi 38. Les deux chambres de commerce du Québec, celle de Montréal et celle de Québec, ont elles aussi demandé de retirer le projet de loi 38. L'Opposition libérale vous a dit quoi? Retirez le projet de loi 38. Plusieurs éditoriaux, dont vous avez pris connaissance tantôt, vous ont dit - pas il y a six ou sept mois, parce qu'il n'était pas déposé - il y a quelques jours et même quelques heures: Cela n'a pas de bon sens, ce projet de loi 38. Tous sont en désaccord avec le mode, d'abord. En plus de vous demander de le retirer... D'abord, le ministre n'a pas voulu le retirer, le gouvernement non plus. Si, au moins, on avait essayé d'apporter des modifications. Non. Les modifications qu'on a pu voir jusqu'à présent sont minimes. Nous avons posé plusieurs questions au ministre en commission parlementaire, à l'étude article par article. Il y a eu beaucoup de réponses imprécises et même, dans quelques cas, pas de réponse du tout.

Avec les pouvoirs qu'ont le ministre et le gouvernement, que va-t-il arriver du projet de loi 38? Je peux vous lire un article qui porte le numéro 2 dans le projet de loi qui a été déposé le 17 juin 1983: "Une municipalité qui, au jugement du gouvernement, a bénéficié autrement que selon l'article 1 d'une participation du gouvernement du Canada ou de l'un de ses ministres ou organismes, directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit, perd ainsi, conformément à l'article 4, le droit d'exiger du gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministres ou organismes..." Je vous assure que cela va loin. On l'a dit au ministre hier: Losqu'on parlera d'un comté, d'une municipalité qui n'est pas de la couleur du gouvernement, qu'est-ce qui pourra arriver? La réponse, il peut peut-être me la donner.

Après un mois de vacances, au mois de novembre, où était ce gouvernement pendant les quatre semaines qu'il n'a pas travaillé? On ne l'a pas vu.

Une voix: Il faisait de la chaloupe.

M. Houde: Probablement qu'il faisait de la chaloupe, oui. Il aurait pu convoquer la Chambre, laisser la Chambre ouverte pour qu'on puisse discuter. Il ne me reste pas deux minutes, M. le Président? Cela ne se peut pas. Qu'est-ce qu'il a fait? Il aurait pu convoquer la Chambre pour pouvoir l'étudier en profondeur et, en même temps, faire venir les personnes devant nous pour leur faire dire ce qu'elles voulaient dire. Non, ce n'était pas nécessaire, il n'y avait rien là.

Je dirais que le gouvernement du Parti québécois fonctionne à l'envers. On nous fait voter en première, deuxième et troisième lecture après quoi on impose le baîllon et ensuite on convoquera une commission parlementaire pour que les parties puissent se faire entendre. Je ne sais pas quelle sorte de

gouvernement on a, mais je vous dis que cela ne vaut pas cher.

Une voix: Ils mettent la charrue avant les boeufs.

M. Houde: Ils mettent la charrue avant les boeufs. Tout à l'heure, le député de Joliette a parlé de mon comté, a parlé des présidents de MRC, a parlé des maires, des conseillers. Je peux vous dire que les maires et les conseillers de mon comté ne sont pas tous des libéraux, mais la majorité sont libéraux. Il y en a peut-être quelques-uns qui ont dit: Non, on ne veut rien faire, mais la majorité m'ont dit: Albert, fais tout ce que tu pourras pour bloquer le projet de loi. Bloque-le, cela n'a pas de bon sens.

Je veux vous dire avant de terminer, M. le Président, que ce projet de loi a fait perdre plusieurs centaines de milliers de dollars à mes municipalités et, si le gouvernement ne change rien, il leur fera perdre plusieurs millions. On votera contre ce projet de loi 38 avec toute l'énergie possible.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, lorsque nous sommes aux prises dans cette Chambre avec une motion de clôture, nous ne pouvons qu'éprouver un sentiment de tristesse et de frustration. Il est de l'essence même de l'institution parlementaire de se reposer sur la liberté des débats, sur la plus grande libéralité possible dans l'octroi du temps accordé aux parlementaires pour faire valoir leur point de vue. Je reconnais qu'en principe le recours à une mesure extrême comme celle-ci doit figurer quelque part dans nos statuts parce qu'un Parlement, en plus d'être démocratique, doit pouvoir en arriver à des décisions. Un Parlement est élu, non seulement pour délibérer, mais pour arrêter des décisions. Chaque fois qu'on recourt à cet instrument extrême qu'est la clôture, c'est le signe d'un échec déplorable de l'institution parlementaire elle-même, sur lequel tous doivent s'interroger.

Dans ce cas-ci, nous étions d'accord sur un principe fondamental, la compétence exclusive des municipalités dans leur domaine, la compétence exclusive du Québec dans le champ des affaires municipales. On aura beau dire ce qu'on voudra du côté gouvernemental, je pense que c'est une conviction qui a été affirmée à maintes reprises par les députés de ce côté-ci de la Chambre. Je ne peux pas comprendre, encore moins accepter, qu'un député comme le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche vienne accabler de reproches et d'hypocrisie ceux qui ne partagent pas son opinion lorsqu'on arrive au chapitre des moyens.

Par conséquent, sur le plan des principes, il y avait un accord très large dans cette Chambre. Il y a également un accord très large, peut-être pas unanime mais très large, sur les dangers que présentent, pour la compétence du Québec dans le champ municipal, certaines politiques actuelles du gouvernement fédéral. La situation n'est peut-être pas aussi nette que certains députés l'affirment au point de vue juridique, mais, de manière générale, je conviens, sans aucune espèce d'hésitation, que, si le gouvernement fédéral devait continuellement s'ingérer dans la conduite des affaires municipales, ce serait le signe d'un désordre inacceptable dans le fonctionnement de notre système fédéral. Il y a accord sur ce point-là également. (0 h 50)

Nous n'étions pas d'accord sur les moyens proposés par le gouvernement dans le projet de loi 38 pour faire face aux problèmes que présente la dispensation de subventions fédérales qu'Ottawa veut verser directement aux municipalités. Nous n'étions pas d'accord, pour des raisons qui ont été exposées à maintes reprises au cours du débat.

D'abord, nous ne pouvons pas accepter le caractère punitif de cette loi. Nous ne pouvons pas comprendre qu'un gouvernement qui considère des municipalités comme des partenaires et des associés, qui l'a dit à maintes reprises à l'occasion d'interventions publiques des porte-parole gouvernementaux, en vienne à considérer, dans ce cas, que les municipalités doivent être l'objet de sanctions aussi lourdes, aussi difficiles à accepter à l'endroit d'un partenaire que celles qui sont contenues dans le projet de loi.

Nous en avions également contre le caractère discrétionnaire des pouvoirs conférés au ministre par le projet de loi 38. Nous trouvions également - c'est le troisième reproche que nous avons adressé au projet de loi - que le gouvernement n'avait pas suffisamment exploré les ouvertures qui avaient été faites dans la lettre que M. John Roberts adressait au ministre des Affaires municipales le 30 novembre dernier. Dans sa lettre, il proposait notamment que le gouvernement du Québec soit informé de toute demande de subvention fédérale en provenance d'une municipalité, en même temps que le gouvernement fédéral, avant qu'une décision soit prise là-dessus. Il proposait, deuxièmement, que le gouvernement du Québec ait un droit de veto sur toute demande en provenance d'une municipalité. Il proposait également, je pense, que la responsabilité de procéder à la vérification des comptes soit assumée par le gouvernement du Québec, en fin de compte.

Je l'ai dit en deuxième lecture, ces trois conditions ne sont pas satisfaisantes pour moi. Je considère qu'elles constituaient un départ qui vaut beaucoup mieux que l'espèce d'impasse dans laquelle nous risquons tous de nous trouver plongés si le projet de loi devait aller jusqu'à son aboutissement ultime, c'est-à-dire jusqu'à l'adoption et la sanction finale.

Un maire à qui je parlais cet après-midi me signalait un point qui n'a peut-être pas été l'objet d'attention suffisante de la part du ministre et de ses collègues du côté gouvernemental. Il est arrivé bien souvent, au cours des 25 dernières années, que le gouvernement fédéral ait versé des subventions à des municipalités. Cela est arrivé très souvent; les modalités ont varié d'un régime à l'autre, d'une période à l'autre; il y a eu des flottements que nous avons souvent déplorés et il y en aura probablement encore. Mais, ce maire me disait: Le danger n'est pas toujours aussi étendu que le signale le gouvernement parce qu'il y a une chose qu'on doit reconnaître, c'est qu'une fois que la subvention est versée, les tentatives d'exercer un contrôle sur la manière dont elle a été utilisée et dépensée ont été réduites au strict minimum. Ce maire me disait - et lui-même a eu à administrer des sommes de cette nature -que les contrôles exercés par Québec en pareille situation sont beaucoup plus lourds, beaucoup plus directs, beaucoup plus pesants que ceux qui ont pu être subis en provenance d'Ottawa.

Je ne tire pas argument de ceci pour dire qu'on devrait verser tête baissée dans l'acceptation des subventions fédérales; pas du tout. Mais, je dis au ministre qu'étant donné ce contexte historique réel, il y aurait lieu de faire preuve de plus de souplesse que n'en manifeste son projet de loi. J'ai pris connaissance - un peu à la hâte, malheureusement, parce que j'arrive d'une autre commission - des amendements que le ministre a déposés à la commission des affaires municipales plus tôt ce soir.

Je trouvais que le ministre faisait certains pas, mais les objections fondamentales que nous avons exprimées tout au long du débat de deuxième lecture demeurent. Les punitions seront administrées d'une manière un peu plus circonscrite, un peu mieux contrôlée par des règlements et par des dispositions d'appel qui prévoient une certaine possibilité de corriger des décisions arbitraires, voire dans certains cas, de les empêcher. Je pense que le caractère punitif de la loi demeure au coeur du projet de loi, même dans la version amendée qu'en propose le ministre.

Je pense qu'aussi longtemps que le gouvernement conservera cette philosophie, il est bien difficile de lui faciliter les choses au chapitre de la démarche législative.

Une chose qui a été très blessante pour tout le monde dans ce débat fut le refus du ministre d'entendre les porte-parole officiels des associations regroupant les municipalités ainsi que les municipalités régionales de comté, avant le débat de deuxième lecture. Je pense que c'aurait été éclairant pour tout le monde. Ces porte-parole avaient des points de vue; ils les avaient soumis en privé au ministre. Ils lui avaient communiqué certaines opinions, en public, d'une manière générale, mais les deux grandes associations avaient exprimé le désir d'être entendues par la commission parlementaire permanente des affaires municipales.

Le ministre a refusé. Il voulait d'abord poser un geste de force à l'Assemblée nationale. Je ne sais pas s'il voulait embarrasser l'Opposition en particulier mais, dans ce débat, le ministre doit constater - je pense que c'est dans le Soleil de ce matin qu'on pouvait lire un article là-dessus - qu'il est passablement seul, avec ses quelques collègues de l'Opposition qui osent continuer de veiller avec lui, à cette heure tardive.

Le ministre devrait se rendre compte que, quand le directeur du Devoir - je m'excuse d'invoquer ce journal; vous comprendrez la prédilection spéciale que je lui porte toujours - écrit successivement deux articles très intéressants, un pour dénoncer le projet de loi 38 et l'autre pour dénoncer le comportement du gouvernement dans le domaine des micro-ordinateurs scolaires, je ne puis qu'être d'accord avec lui, parce que je pense qu'il défend les mêmes valeurs, les mêmes positions de fond que nous avons essayé de défendre dans cette Chambre et que, moi-même, j'ai exposées à d'autres stades du débat. Je pense que le gouvernement devrait y penser deux fois.

Vous savez, l'existence d'un certain consensus entre nous, pour la défense des grands intérêts du Québec, est une valeur plus importante que le succès que le ministre remportera peut-être avec sa motion, grâce à l'appui aveugle de la majorité gouvernementale. Or, un consensus, cela se gère, cela se protège, cela se cultive et cela se traite avec respect, prudence et circonspection. Je pense qu'en l'occurrence, une fois de plus, dans une question de cette nature, le gouvernement choisit une voie raccourcie qui détruit le consensus, qui l'affaiblit, à tout le moins, et qui, en même temps, par voie de répercussion, risque d'affaiblir l'action du Québec. À ce genre de démarche, il m'est impossible de souscrire.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jacques Léonard M. Léonard: M. le Président, les gens

d'en face se plaignent de ne pas avoir eu assez de temps, en commission parlementaire, pour étudier ce projet de loi. Je voudrais simplement rappeler qu'il y a bientôt dix ans qu'ils sont au dossier eux-mêmes, au moins dix ans. C'est en 1974 qu'ils ont adopté la loi des Affaires intergouvernementales, donc on y vient, cela fait dix ans maintenant. Après des mois et des mois d'étude, je le pense bien puisqu'ils l'ont sûrement fait très sérieusement, le Parti libéral qui était alors au pouvoir, à l'instigation, nous a-t-on dit, du député de Jean-Talon, d'ailleurs, celui qui est actuellement député de Jean-Talon, qui était alors attaché au cabinet du premier ministre de l'époque, adoptait la loi 59 et son fameux article 20 pour, je le pense bien, stopper Ottawa. On nous a dit que l'article 1 du projet de loi 38 que nous étudions explicitait, leur propre article, mais eux-mêmes, à l'article 20, explicitaient l'article 92.8 de la constitution. Alors, pourquoi l'ont-ils adoptée? Justement parce qu'il se passait des choses inacceptables.

Donc, ils ont adopté une loi. Dix ans après, nous explicitons encore. Nous allons un peu plus loin, parce qu'il faut aller un peu plus loin. Notre action, à mon sens, en est une de dignité profonde par rapport au statut du Québec, par rapport au statut des différents niveaux institutionnels politiques au Canada à l'heure actuelle. Je pense que, si cela témoigne une absence de volonté d'action à l'heure actuelle, cela témoignerait aussi de peu de fierté, finalement. (1 heure)

II faudrait admettre qu'on n'accepterait pas de voir bafouer et la constitution et votre loi. Et vous aussi. C'est ce que vous seriez obligés d'accepter. Quand je le dis, M. le Président, c'est une évidence, parce que cela se passe encore tous les jours, des interventions du gouvernement fédéral, même au moment où nous discutons ce projet de loi, où les élus municipaux en général dans le Québec sont maintenant très au fait de ce qui se passe et très au fait que c'est pratiquement dans l'illégalité. Je vais simplement montrer le Nouvelliste du 15 décembre, d'aujourd'hui: "Aréna dans Champlain" où un député fédéral, le député de Champlain, M. Veillette, a révélé, hier, qu'il avait recommandé le versement d'une subvention de 1 700 000 $ provenant du fonds de La Prade pour la construction d'une aréna intermunicipale dans le comté de Champlain.

Une voix: Incroyable!

M. Léonard: Cela se passe encore maintenant. Je pense qu'on peut être d'accord sur le plan des principes. Tout le monde a dit qu'on était d'accord sur le plan des principes. On est d'accord aussi sur le fait qu'il y a des dangers dans les interven- tions fédérales par rapport à l'administration municipale parce que au fond, si l'article a été mis dans la constitution, c'est pour des raisons de bonne administration publique. Ce n'est pas pour rien que cela a été mis là. Mais cela se passe quand même. Que faisons-nous? Est-ce qu'on laisse faire? Nous avons posé la question aux députés de l'Opposition en commission parlementaire, mais je n'ai pas eu beaucoup de suggestions. Au fond, on peut discuter beaucoup à partir de la constitution, à partir du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, à partir aussi des articles qui nous donnent...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Léonard: ...des responsabilités, mais les choses continuent de tourner comme elles tournaient il y a dix ans, lorsque vous avez adopté la Loi sur les Affaires intergouvernementales. C'est exactement la même chose. Cela veut dire, à un moment donné, qu'il faut aller un peu plus loin. Donc, il y a une loi qui existait, avec les articles que vous connaissez. Je dirai là-dessus, sans aller plus loin sur le fond, qu'il y a une urgence de procéder parce qu'on ne peut laisser l'incertitude actuelle continuer de planer alors qu'il y a des gens qui disent: Le gouvernement n'adoptera pas la loi. Il faut que les gens sachent que le gouvernement a l'intention d'adopter la loi. Au moment où on se parle, ils sont à préparer les budgets municipaux. Il y a en a qui pourraient ne pas en tenir compte; d'autres qui pourraient en tenir compte. Je pense que cela doit être clair à ce moment-ci: on ne peut pas retarder l'adoption de la loi au mois de juin ou plus tard, parce qu'il faut clarifier cette situation, au moins sur le plan de l'adoption de la loi. Il faut mettre de l'ordre dans le paysage. On l'a dit...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Léonard: ...de toutes les façons au cours du débat de deuxième lecture. Mais il faut, à ce moment-là, que la loi existe pour qu'on donne suite à une volonté qui a été unanime de la part de tous les intervenants, libéraux provinciaux y compris, pour qu'on respecte la constitution, pour que l'intervention directe et indirecte fédérale en milieu municipal cesse, M. le Président.

Il y a une urgence aussi à étudier ce projet de loi, à l'adopter, parce que nous avons déposé des amendements ce soir et il me semble que ce que nous avons déposé doit être adopté pour qu'on puisse procéder, lors de cette commission parlementaire que j'ai annoncée pour l'hiver, à la confection de cette liste des actes ou des séries d'actes, ou des catégories d'actes qui seront touchées

et pour que les élus municipaux viennent nous dire, par rapport à des choses très précises, ce qu'ils en pensent, ce qu'on doit toucher, ce qu'on doit ne pas toucher. Ils pourront s'exprimer en commission parlementaire.

On a vu que, lorsque l'Union des municipalités régionales de comté est venue en commission parlementaire mardi, elle a été entendue. Elle a eu pratiquement tout ce qu'elle nous demandait. Lorsqu'on examine ses demandes par rapport aux amendements que nous avons apportés au projet de loi, elle a eu satisfaction. D'ailleurs, elle l'a dit. Je pense qu'on a l'occasion, à partir de janvier ou février, de baliser ce projet de loi par les règlements qu'on va adopter, qu'on va étudier et adopter par la suite. Je pense que c'est cela, la façon de procéder avec le monde municipal, et je souhaite que l'Union des municipalités du Québec se présente et participe à nos travaux sur cette question.

Il y a de plus une urgence de négocier. Il faut que le gouvernement fédéral sache que nous voulons négocier, que les fonds qu'il nous destine viennent au Québec, mais transitent par le biais d'ententes.

Je voudrais qu'on n'oublie pas toutes les démarches que nous avons faites depuis 1980, mais surtout depuis l'automne 1982. Nous en avons fait, j'en ai une liste. Je l'ai signalé à plusieurs reprises. Rappelons simplement que, le 4 octobre, je rencontrais M. John Roberts, que je lui ai écrit de nouveau le 28 octobre, que nos fonctionnaires, au niveau des sous-ministres, se sont rencontrés à cinq reprises depuis ce temps et qu'aujourd'hui je lui ai demandé de le recontrer le 22 décembre. Il y a des ouvertures de notre part sur toute une série de volets. Nous sommes ouverts aussi à ajouter des volets, nous sommes ouverts à discuter et à négocier et on ne peut pas dire que nous ne voulons pas négocier. C'est absolument faux.

M. Rocheleau: Vous le faites exprès!

Mme Juneau: Ils ne veulent pas en entendre parler.

M. Léonard: M. le Président, j'entends des gens d'en face qui disent que nous ne voulons pas négocier. Oui, nous voulons négocier.

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît;

M. le ministre.

À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Charlesbourg. S'il vous plaît, M. le député de Gatineau. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Léonard: M. le Président, ce que nous souhaitons c'est que l'article 1 de la loi s'applique pleinement de sorte qu'on n'ait pas à appliquer le reste de la loi parce que c'est l'exception. En réalité, à l'heure actuelle, c'est l'exception que les maires prennent des fonds du fédéral. Il y en a quelques-uns ici et là qui en prennent, mais c'est l'exception. La loi ou les sanctions ne visent pas toutes les municipalités, elles visent seulement les récalcitrantes. Ce n'est pas un caractère punitif, c'est un caractère préventif que ces sanctions ont.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laprairie, à l'ordre!

M. Léonard: M. le Président, encore une fois, je crois qu'il y a eu des balises d'apportées par les amendements que nous avons apportés ce soir. Nous allons continuer les débats sur cette question, mais il faut adopter ce projet de loi le plus vite possible. Il ne faut pas qu'on ne se serve des municipalités; dans toute cette affaire, il faut, au contraire, s'aider à servir les municipalités.

En terminant, j'invite nos amis d'en face à dire à leurs amis d'Ottawa de négocier avec nous et de signer des ententes. Cela est un geste très positif. Il faut aussi voter cette loi avec nous pour la rendre plus explicite, plus opérante et faire en sorte que même la loi de M. Bourassa, la loi de 1974, soit respectée elle aussi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le ministre des Affaires municipales. Je me suis dit que, lui qui se propose comme défenseur des droits du Québec et qui ne peut même pas obtenir l'appui du député d'Argenteuil qui, lui, dans le passé, a défendu les droits du Québec avec beaucoup d'autorité et beaucoup de conviction, même si certains du caucus n'étaient pas d'accord, je me dis ceci: Si le ministre des Affaires municipales ne croit pas pouvoir obtenir l'appui du député d'Argenteuil dans un débat aussi important qu'il le dit, je me poserais beaucoup de questions. S'il y en a un qui a toujours défendu les droits du Québec avec toute la véhémence et la conviction qui s'imposent, c'est bien le député d'Argenteuil. Ce n'est pas le ministre des Affaires municipales qui peut nous faire la leçon et qui peut faire la leçon au député d'Argenteuil, sûrement pas. (1 h 10)

Le ministre se réfère à la loi de 1974, pour suggérer que nous l'appuyions dans ce débat. C'est vrai que nous avons été les auteurs de cette loi qui demandait aux municipalités de ne pas faire d'entente avec

le gouvernement fédéral tant et aussi longtemps que l'autorité provinciale n'avait pas négocié avec celle du fédéral.

Il est également vrai, M. le Président, que nous n'avons jamais eu besoin d'adopter une loi punitive pour faire en sorte que ce principe soit respecté. Bien plus, notre gouvernement, le gouvernement libéral du temps, a été amené par une collaboration, par des négociations, par des ententes fédérales-provinciales à faire en sorte que nous puissions aller chercher au fédéral l'argent qui nous revenait, en faisant respecter le principe que nous voulions jalousement faire respecter.

C'est cela la différence entre le Parti libéral et le Parti québécois. Nous sommes pour ce principe de la défense des droits du Québec, mais nous ne sommes pas pour des lois punitives qui vont tenter d'aller chercher dans les poches des municipalités certaines sommes qui auraient même pu être acceptées par des associations qui n'ont aucun lien direct avec ces mêmes municipalités.

Le ministre dit à peu près n'importe quoi. Il vient de dire que, dans les amendements qu'il a déposés, il a déposé un amendement qui promettait une commission parlementaire. Vous le savez, M. le ministre, c'est complètement faux. Vous dites n'importe quoi, vous n'avez plus de crédibilité. J'ai ici l'amendement devant moi. Il n'y a absolument rien ici qui dit dans le texte de loi qu'il y aura une commission parlementaire l'année prochaine. Arrêtez donc de dire n'importe quoi et tenez-vous-en au texte de loi qui est déposé et aux amendements! Vous avez improvisé ces amendements à la dernière minute et vous ne savez même pas vous-même ce qu'ils contiennent. Le ministre nous dit également qu'il veut négocier. Il n'y a plus personne qui vous croit, vous n'avez plus de crédibilité. Le ministre n'a plus de crédibilité et le gouvernement, non plus. Il faudrait peut-être utiliser d'autres arguments.

Cette motion de clôture, que nous discutons présentement c'est le bâillon de l'Assemblée nationale, le bâillon des députés. Le leader devrait se souvenir qu'en bâillonnant l'Assemblée nationale, c'est le bâillon de toute la population du Québec. Nous sommes les représentants du Québec; les parlementaires de cette Chambre sont les représentants de la population du Québec. En imposant le bâillon à l'Assemblée nationale, il l'impose à la population. Pourtant, la population a beaucoup à dire. D'ailleurs, chaque fois qu'elle peut vous le dire - elle vient tout juste de vous le dire aux dernières élections - c'est un rejet complet de vos politiques. Elle ne veut pas accepter le bâillon et elle n'acceptera pas plus ce bâillon que vous voulez nous imposer ce soir.

D'ailleurs, deux députés de plus viendront dans cette Chambre demain qui témoigneront, plus que tous les discours, du rejet de ce gouvernement, du rejet de vos politiques autoritaires.

Des voix: Bravo!

M. Fortier: Ce qui est d'autant plus répugnant dans ce bâillon, M. le Président, comme le leader le fait valoir, c'est que vous avez fermé l'Assemblée nationale pendant quatre ou cinq semaines, alors que nous aurions pu discuter de ce projet de loi. Tenter de nous faire croire que maintenant nous sommes à court de temps pour faire adopter ces projets de loi avant Noël, c'est de tenter de nous faire croire au Père Noël, c'est tenter de faire croire à la population que nous sommes si pressés par les travaux parlementaires depuis des mois et des mois que nous n'avons pas pu discuter de ce projet de loi en toute lucidité, en prenant tout le temps qui était requis pour ce faire.

Ce n'est pas le seul projet de loi que ce gouvernement veut nous imposer malgré la défaveur du public, malgré le rejet par presque tous les éditorialistes, malgré toute l'opposition des commentateurs et des observateurs. En fait, il y a également le projet de loi 43. Comme tous les gens que nous rencontrons dans la rue, comme les chauffeurs de taxi, on peut se demander: Mais qu'a donc le gouvernement à toujours vouloir régler tous les problèmes d'autorité? Lui qui parle si souvent de consensus, comment se fait-il qu'il veuille absolument imposer le bâillon, imposer sa vérité, imposer ses solutions sans écouter la population qui lui dit d'adopter d'autres façons de faire et d'autres façons de penser?

Pourquoi le gouvernement s'entête-t-il à croire qu'il est le seul à avoir raison? Quand on est le seul à avoir raison dans une démocratie, je crois qu'à cette minute le gouvernement doit commencer à se demander ce qui ne va pas. Nous ne sommes pas en régime totalitaire. Même si le gouvernement pensait avoir raison, il doit prendre en considération le point de vue de ses administrés. C'est la raison pour laquelle mon collègue réclamait justement, au nom de tous ces gens qui demandaient la commission parlementaire, que ceux qui étaient le plus touchés par ce projet de loi puissent se faire entendre avant l'adoption du projet de loi.

Mais ce qu'il y a de pire et la raison pour laquelle ce gouvernement est rejeté, c'est que non seulement il agit avec beaucoup d'autoritarisme et d'une façon qui est le rejet de toute démocratie, mais c'est également le fait que ce gouvernement, depuis deux ou trois ans, nous a appauvris et affaiblis. Il nous a appauvris et affaiblis sur le plan constitutionnel en nous faisant perdre le droit de veto. Il nous a appauvris et affaiblis sur le plan économique en nous donnant le taux de chômage le plus élevé

que nous n'ayons jamais eu avec une difficulté de sortir d'une crise pire ici qu'à peu près dans toutes les autres provinces, à l'exception de la Colombie britannique. De ce fait, de nombreux jeunes, de nombreux chefs de famille et de nombreuses femmes ne peuvent se trouver d'emploi au moment où ils en cherchent. C'est un gouvernement qui nous a appauvris sur le plan des relations internationales, comme en fait foi cette piètre visite du premier ministre de la province de Québec, qui devait aller en France et en Italie justement pour favoriser le développement économique.

M. le Président, ce gouvernement est rejeté de la population et continue à tenter de nous passer sur le corps pour faire adopter des projets de loi que rejette tout le monde. Je vous le dis: Ce ne sera pas long, très bientôt, ce gouvernement, on le rejettera complètement et c'en sera fini de ce gouvernement autoritaire qui cherche à passer sur le corps de la démocratie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Chapleau.

M. John J. Kehoe

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Il y a une chanson populaire qui dit: "C'est le mois de Marie, c'est le mois le plus beau". Dans la chanson des péquistes, on dit: C'est le mois de décembre, c'est le mois des bâillons. On se souvient très bien que, l'année passée, à la même époque, au mois de décembre, le même ministre et le même leader parlementaire nous ont fait le même geste avec le fameux projet de loi 37. Ce soir, c'est le projet de loi 38 et, l'année passée, c'était le projet de loi 37, qui forçait le regroupement de Baie-Comeau et Hauterive, qui forçait à la fusion, contre leur gré, la population de ces deux villes. Ces deux villes ont été consultées et elles ont refusé d'être regroupées. On se souvient de leurs interventions, on se souvient ici, à l'Assemblée nationale, qu'il y a eu une protestation. Des gens sont venus de Baie-Comeau et de Hauterive protester ici à l'Assemblée nationale. Ils ont "garroché" des feuilles en bas ici dans la salle. Ils ont tout fait pour empêcher l'annexion de Hauterive et de Baie-Comeau. Mais, malgré cela, le bulldozer est sorti, le ministre a forcé l'annexion de ces deux villes. C'est la même chose qui se produit ce soir.

M. le Président, le bâillon sort de nouveau. La démocratie municipale, qu'est-ce que cela veut dire pour les ministres et les députés péquistes? Vous avez tous des municipalités dans vos comtés. Vous avez des maires et des conseillers. Vous savez ce qu'est le processus municipal. Depuis le mois de juin, quand vous avez déposé le projet de loi 38, vous avez entendu les protestations de toutes les municipalités: les MRC, l'Union des municipalités du Québec; il y a eu des rencontres et des assemblées; vous avez eu des télégrammes et des lettres. Qu'avez-vous fait de cela? (1 h 20)

Au lieu de garder l'Assemblée nationale ouverte à partir du 18 octobre, qu'avez-vous fait? Un autre mois de vacances, un autre mois pour discuter et pour penser au comité nationaliste et au comité sur la relance économique. Entre-temps, qu'est-ce que vous avez fait? Absolument rien pour relancer l'économie. Les résultats de votre comité national? On n'a pas eu de rapport et on n'en aura pas avant les mois de janvier ou février, cherchez quand. Entre-temps, on aurait eu le temps d'avoir des commissions parlementaires, on aurait eu le temps de discuter de cette affaire, on aurait eu le temps d'avoir des représentations des personnes concernées. Mais non, encore une fois, un entêtement du leader, un entêtement du ministre des Affaires municipales, un entêtement du gouvernement qui a perdu les pédales.

Le fond de ce conflit, c'est entre le fédéral et le provincial, mais ce sont les municipalités qui en paient le prix. Justement, aujourd'hui, M. le Président, nous avons eu une motion présentée par M. Levesque qui dit: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement péquiste qui, en persistant à promouvoir l'option indépendantiste, témoigne de son mépris à l'endroit de la volonté de la grande majorité de la population et nuit à la reprise de l'économie, ainsi qu'à la création d'emplois permanents." C'est justement ce qui est le fond de ce débat que nous avons ce soir.

Est-ce que le gouvernement péquiste est prêt à aller négocier sérieusement avec Ottawa? C'est là le fond de la question. M. Gérard D. Levesque, cet après-midi, a prouvé sans équivoque la mauvaise foi du Parti québécois qui a une obsession, une option seulement et qui ignore tout le reste. La question de négocier, de faire une table de concertation avec les intervenants pour régler des problèmes, cela n'existe pas avec les péquistes. Ils ont seulement une obsession et, dans ce dossier-ci, c'est d'empêcher la visibilité du fédéral.

Peut-être que, dans certains cas, le gouvernement fédéral est allé trop loin. C'est vrai. On l'admet. M. Ryan l'a dit tantôt et on est d'accord qu'il y a certains principes dans ce projet de loi qui sont très bons. Par contre, lorsque c'est rendu au point que vous êtes obligés de punir les municipalités, d'empêcher des municipalités d'avoir de l'argent... Seulement à la ville de Gatineau, il y a un montant de 550 000 $ qui a été offert par le gouvernement fédéral pour qu'elle fasse certains travaux. Elle ne peut pas le dépenser. Si elle le dépense, la

pénalité est là. La pénalité est encore rétroactive. Encore une punition pour la municipalité qui accepte l'argent.

M. le Président, encore une fois, dans quelques minutes ou dans quelques heures - il est déjà une heure et demie du matin - dans une heure, une heure et demie, ils vont sortir la machine à voter, ils vont aller chercher les députés dans leur chambre d'hôtel, un peu partout dans la ville de Québec. Ils vont aller les chercher pour leur dire de venir voter. N'y pensez même pas. Fermez-vous les yeux, fermez-vous la bouche, fermez-vous les oreilles et votez selon ce que le ministre des Affaires municipales vous dira de faire.

Pour une fois, pensez donc à la population, pensez donc aux municipalités, pensez donc au bien-être de la province de Québec. Oubliez donc pour un moment votre option politique et votez pour le bien de la province de Québec, MM. les ministres, MM. les députés.

En terminant, permettez-moi, M. le Président, de lire - je pense que notre leader parlementaire l'a fait tantôt, mais cela vaut la peine de le répéter - ce que M. Jean-Louis Roy disait lundi concernant le projet de loi 38: "Le caractère odieux du projet de loi 38 n'a échappé ni au parti de l'Opposition, ni aux élus municipaux. Il est, en effet, intolérable que le pouvoir arbitraire du ministre, le principe de la rétroactivité et la notion même de la discrimination soient conjugués dans un texte de loi. Les élus municipaux avaient absolument raison d'exiger que ce projet de loi soit étudié en commission parlementaire avant son adoption en deuxième lecture. Rarement a-t-on vu une législation aussi contraire aux exigences élémentaires de justice. Rarement a-t-on vu une législation aussi pesamment punitive à l'endroit des partenaires majeurs plutôt victimes que coupables." C'est justement cela, M. le Président: la loi punit des corporations municipales qui sont des victimes, des victimes innocentes d'une chicane stérile, d'une confrontation continuelle entre les gouvernements, fédéral et provincial. Il faut absolument que cela cesse. La seule façon dont cela peut cesser, c'est de chasser le Parti québécois du pouvoir, ce que je souhaite de tout mon coeur, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais intervenir quelques minutes sur la motion qui est devant l'Assemblée nationale pour essayer de décanter les choses, en quelque sorte, après les propos, que je qualifierais d'ahurissants, que je viens d'entendre et constater d'abord une chose, c'est que, des deux côtés de l'Assemblée nationale, depuis quelques jours que nous discutons le projet de loi 38, il semble que nous ayons un accord sur le fond. Ce n'est pas un accord qui date de 1983, il remonte à 1974. Il y a une chose sur laquelle nous nous entendons des deux côtés de l'Assemblée nationale, c'est que les affaires municipales relèvent de la juridiction exclusive des provinces. Cela était vrai dans l'ancienne constitution. Cela a été également reconnu dans le Canada Bill qui tient lieu de constitution et qu'on n'a pas voulu, ni de ce côté-ci, ni de l'autre de l'Assemblée nationale, il faut bien s'en souvenir.

J'écoutais tout à l'heure avec beaucoup d'attention le député d'Argenteuil qui, comme tout le monde le sait, est un homme de compromis, un homme qui recherche par les voies de consensus. Il me semblait tout à l'heure l'entendre dire: II faut le cultiver, le protéger, le conserver. Je pense qu'il a fondamentalement raison. Justement, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes prêts à reconnaître cet accord qui existe. De l'autre côté, une fois qu'on a affirmé que les affaires municipales relèvent de la juridiction des provinces, donc de Québec, on refuse de se rendre jusqu'au bout de la logique de l'argumentation.

À moi aussi, comme à tout le monde, il arrive de lire les journaux, de lire les éditorialistes. La question que je me pose est très simple: Qu'est-ce que recherche le projet de loi 38? Qu'est-ce que le projet de loi 38 veut faire? Essentiellement une seule et unique chose, empêcher le gouvernement fédéral d'intervenir à l'encontre de la constitution dans les affaires des municipalités. C'est un vieux rêve, M. le Président. L'Union des municipalités du Québec et l'Union des conseils de comté telle qu'elle existait autrefois se souviennent très bien que le gouvernement fédéral a déjà mis de l'avant un projet de loi créant le ministère fédéral des Affaires urbaines. C'est le vieux rêve. Si nous ne pouvons faire un consensus ici, à l'Assemblée nationale, sur une question aussi fondamentale que celle de reconnaître le fait qu'une cité, une ville du Québec, une corporation municipale de village ou une corporation municipale de paroisse vit et existe parce qu'elle a un pouvoir délégué de l'Assemblée nationale, je pense que le désaccord est là au départ. (1 h 30)

De l'autre côté de l'Assemblée nationale, depuis une semaine, on entend: On est d'accord là-dessus; on est parfaitement d'accord pour dire que le gouvernement fédéral n'a rien à foutre dans les affaires des municipalités. Mais, quand arrive la danse des millions et quand se pointent à

l'horizon les organisateurs du Parti libéral fédéral et les organisateurs du Parti libéral du Québec qui sont conseillers municipaux et qui sont maires, la danse des millions joue. Le maire du Cap-de la-Madeleine, par exemple, est un organisateur libéral connu; il est prêt à se vautrer dans tout ce qu'il y a de millions et de manne au mépris de tout texte constitutionnel pour une poignée de dollars.

Une voix: Le bon, la brute et le truand.

M. Duhaime: J'ajouterais, M. le Président, que ce qui est en train de se produire, si on se bat aujourd'hui et si on se bat cette nuit comme on se battait hier sur une question de principe...

Une voix: Le maire de Jonquière.

M. Duhaime: ...ce n'est pas le montant des millions qui est important. Demain, on parlera de 100 000 000 $, de 200 000 000 $, de 500 000 000 $...

Une voix: Le maire de Jonquière.

M. Duhaime: ...et de 1 000 000 000 $. Lorsque tout le monde aura été attaché, on ressortira le vieux rêve fédéraliste, le vieux rêve centralisateur de créer à Ottawa un ministère des Affaires urbaines et ensuite les maires et les conseillers municipaux, non seulement ceux du Québec mais aussi ceux des autres provinces canadiennes, devront aller faire leur petite parade, et on aura modifié dans les faits la constitution. Il faut être bien naïf pour refuser de se rendre à l'évidence.

Je ne peux pas faire autrement, M. le Président, vous qui êtes un peu éloigné de ma région, que de vous parler un peu de l'affaire La Prade.

Une voix: ...à 3 heures du matin...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît:

M. Duhaime: L'affaire La Prade est le grand scandale dans la région de la Mauricie. Les éditoriaux de quotidiens cotés accusent mon collègue, le ministre des Affaires municipales, un homme d'une grande sagesse, un homme sans malice, un homme comme nous, de vouloir faire de l'arbitraire. Écoutez bien ce que je vais vous dire, M. le Président - je vois que la présidence vient de rafraîchir le trône - 200 000 000 $, c'est le compte capital de l'indemnité de La Prade et il faut bien comprendre que les intérêts ne sont pas inclus. Êtes-vous capable de me dire comment mon bon ami, l'inénarrable et l'incomparable Jean Chrétien, a organisé cela? Il l'a dit à la télévision.

Une voix: Fortier n'avait même pas de municipalité.

M. Duhaime: II a dit: C'est simple; il y a cinq comtés fédéraux en Mauricie, 200 000 000 $ divisés par 5 représentent 40 000 000 $ pour chacun. Les députés fédéraux vont avoir l'arbitraire de distribuer le poignon. Si tu te mets à genoux, bonhomme, tu va avoir des piastres et, si tu ne te mets pas à genoux, l'autobus va passer tout droit. Où est l'arbitraire? C'est exactement de cela qu'il s'agit. Quand on fait la parade des millions, la tentation est très forte de la part des conseillers municipaux et des maires de petites municipalités d'accepter. J'écoutais tantôt un collègue de la Gatineau dire 550 000 $. L'argent que le gouvernement fédéral dépense, ce n'est pas un don du ciel, M. le Président. D'abord, il nous endette au fur et à mesure où il dépense et, deuxièmement, les Québécois paient leurs impôts au gouvernement fédéral. L'arbitraire n'est pas dans le projet de loi 38; l'arbitraire est dans la manière de procéder du gouvernement fédéral, et c'est cela que le projet de loi 38 veut contrer.

À partir du moment où on dit qu'on est d'accord sur le principe, quelles sont vos suggestions concrètes, positives et raisonnables? Si, vous autres de l'autre côté, vous êtes d'accord avec le principe, comment voulez-vous que ce principe soit appliqué? Mon collègue, le ministre des Affaires municipales, a introduit un amendement clé qui consiste à dire: Nous sommes prêts à tenir une commission parlementaire pour entendre les municipalités, les municipalités régionales de comté. Nous allons faire une liste; il y aura prépublication...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Duhaime: ...il y aura discussion. Que voulez-vous avoir de plus? Que voulez-vous avoir de plus?

Une voix: Trop tard.

M. Duhaime: M. le Président, je vois le député de Charlesbourg qui, jusqu'à preuve du contraire, m'apparaît être un homme intelligent, je vois le député de Beauce-Sud que j'ai écouté hier avec beaucoup d'attention, si vous êtes d'accord sur le principe que le gouvernement fédéral n'a pas affaire aux municipalités du Québec, levez-vous et faites-nous une proposition et dites-nous jusqu'où vous êtes prêts à aller. Au lieu de faire de grands discours vous disant d'accord sur le principe et ensuite faire des "filibusters", des enfantillages, comme si on

était encore, tout le monde, ou a la petite école, ou au collège. Il est deux heures du matin, M. le Président, et l'Opposition nous dit: Nous sommes d'accord avec le ministre des Affaires municipales sur la loi 38, mais on trouve moyen, depuis deux nuits...

Moi, j'avoue, M. le Président, que c'est ma santé qui en souffre. Prenez-en ma parole. Il est une heure et demie du matin; on va siéger jusqu'à quatre heures, peut-être cinq heures, six heures, pour débattre d'une question sur laquelle fondamentalement nous sommes d'accord. Et je vois Mme la députée de L'Acadie qui a l'air découragée. Si j'étais à sa place, je le serais. Cela n'a aucune espèce de bon sens. Si nous sommes d'accord sur le fond, nous n'aurons pas beaucoup de difficulté à nous entendre sur la mécanique, sur la tuyauterie. Mais je soupçonne, M. le Président, le groupe libéral d'être de connivence avec la maison mère qui tantôt va se lancer en campagne électorale. J'ai entendu, il y a à peine deux jours, le grand ami de M. Robert Bourassa, Jean Chrétien. Vous m'excuserez, mais c'est mon député fédéral. M. Bourassa a dit: Jean Chrétien va faire un bon premier ministre du Canada. Voyons donc! As-tu déjà vu une affaire comme cela? Qu'est-ce qui se produit?

Le Vice-Président (M. Jolivet): En terminant, M. le ministre. En terminant.

M. Duhaime: L'alliance fraternelle des frères ennemis lorsque la campagne électorale arrive. Vous voulez attacher les maires, vous voulez attacher les conseillers municipaux.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Duhaime: Vous voulez laisser l'arbitraire suivre son cours. Et je dis, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, monsieur.

M. Duhaime: ...que l'Assemblée nationale devrait voter une motion de félicitations et être unanime pour reconnaître la clairvoyance de mon collègue, le ministre des Affaires rnuncipales, pour arrêter toutes ces folies.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Laprairie, je pense que j'ai écouté votre discours avec soin et attention. J'aimerais que vous fassiez la même chose pour les gens de l'autre côté. S'il vous plaît! Et, quant à ceux qui veulent faire des caucus, je les inviterais à les faire à l'extérieur.

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laurier.

Une voix: Un autre député... M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Maintenant que l'ordre est rétabli, le jeu démocratique veut qu'à deux heures du matin, on soit en train de discuter...

Une voix: Ma santé est faible.

M. Sirros: ...sur une motion de bâillon. Et on vient de subir, ni plus ni moins, pendant dix minutes - même plus, parce qu'une fois parti, il ne voulait plus arrêter -le ministre de l'Énergie et des Ressources qui a dit à peu près tout et rien. Tout et rien dans le sens qu'il est complètement passé à côté de la voie en ce qui concerne le sens de l'opposition que nous faisons au projet de loi 38. La preuve, c'est qu'il déplorait l'arbitraire, la manière dont le gouvernement fédéral agit dans tout ce dossier pour justifier l'arbitraire que le ministre des Affaires municipales veut pratiquer. Supposons pour un instant qu'il ait raison, que le gouvernement fédéral agisse de façon arbitraire, que le gouvernement fédéral agisse de façon incorrecte dans ce dossier, est-ce là une justification pour que... Québec punit qui? Il punit ses municipalités en agissant de la même manière arbitraire...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Ce sont vos confrères et consoeurs qui vous dérangent.

M. Sirros: Ce n'est pas tellement cela, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, j'ai vu. J'ai vu le pupitre.

M. Sirros: II y a un pupitre ici... Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui.

M. Sirros: ...d'une de nos collègues qui souffre d'une incapacité de se tenir debout. Je pense qu'une de mes collègues faisait la similitude avec le Parti québécois et ce doit être cela qui nous conduit a des éclats de rire de ce côté-ci à cette heure tardive.

Une voix: II a raison. (1 h 40)

M. Sirros: M. le Président, pour revenir à la question. On nous dit: Qu'est-ce que vous proposez de concret? C'est bien simple de dire ces choses, car au fond ce qu'il faudrait faire dans ce dossier ce serait de négocier

de bonne foi. Le discours qu'on vient d'entendre est la preuve la plus éloquente que cette capacité de négocier de bonne foi est complètement absente. Comment voulez-vous négocier de bonne foi quand des le départ vous n'acceptez pas l'existence même du système à l'intérieur duquel il faudrait négocier? Comment voulez-vous négocier de bonne foi quand des ministres se promènent à gauche et à droite en disant qu'ils viennent de retourner de l'étranger quand ils parlent d'Ottawa? Comment voulez-vous par la suite que ces deux ministres s'assoient ensemble pour trouver des modalités d'application d'un principe où tous les deux sont d'accord, quand il n'y a pas ce minimum de bonne foi nécessaire?

Étant donné l'absence de ce minimum de bonne foi, qu'est-ce que le gouvernement du Québec a choisi de faire? Le gouvernement du Québec a choisi, pour régler sa querelle avec Ottawa, de punir les citoyens du Québec, de mettre les frais de cette querelle, qui commence par l'inexistence d'un minimum de bonne foi, sur le dos des citoyens du Québec en adoptant une loi punitive. Une loi qui s'inspire des principes de la théorie d'apprentissage: taper sur le dos des amis et taper sur les doigts des gens qui n'agissent pas bien. C'est comme cela qu'on procède ici. On procède avec arbitraire en donnant des pouvoirs larges comme on n'en a jamais vus dans des lois au ministre lui-même, à sa personne ou finalement à un fonctionnaire - c'est à cela que cela reviendrait - où lui seul peut déterminer si une ville est une bonne ville ou non.

Le ministre de l'Énergie et des Ressources partait presque à la chasse aux sorcières en parlant des maires qui seraient libéraux, comme si ce n'étaient que les maires libéraux qui s'opposaient à ce projet de loi. C'est l'ensemble du monde municipal, l'ensemble des gens concernés par ce projet de loi, à l'exception du ministre Léonard qui, à deux heures du matin, a bel et bien réussi à amener un de ses collègues pour le vanter. C'est à peu près le seul qui le vante et à cette heure tardive.

L'autre élément que j'aimerais aborder c'est le fait qu'on se retrouve, comme le disait très bien mon collègue de Chapleau, au mois de décembre et encore une fois on fait face à une autre motion de clôture, une motion de clôture pour faire adopter une loi inique, arbitraire, excessive et punitive. On ne se croirait pas du tout en démocratie parce que le même genre d'agissement et de comportement en ce qui concerne l'arbitraire d'une loi a été maintes fois utilisé par d'autres gouvernements dans d'autres pays qui, eux, au moins n'avaient pas de prétentions démocratiques. On arrive au point où il faut procéder par une motion de clôture après avoir à peine entamé un débat en commission parlementaire pour faire adopter une loi qui vise seulement à punir les municipalités en donnant le pouvoir au ministre lui-même d'exercer à sa guise et de façon arbitraire son bon vouloir. Mais à ce moment - je vois qu'on a un collègue qui est devenu photographe, peut-être que cela serait une nouvelle carrière pour l'ensemble des députés péquistes; ils seraient peut-être mieux conseillés et ils réussiraient mieux dans cette voie - cela devient honnêtement inacceptable dans un Parlement qui veut se prendre au sérieux, de permettre ce genre d'humiliation de la démocratie quand, année après année, on arrive au mois de décembre et on fait face à ce genre de mesures, surtout après avoir a siégé seulement quatre ou cinq semaines - on nous a envoyés en congé pendant un mois afin que le gouvernement pense - lorsqu'on revient et qu'on est obligé de faire face à des mesures de cette nature pour justifier des projets de loi, et en particulier le projet de loi 38 que tout le monde a rejeté. "Il ne faut pas se laisser tromper par les apparences, disait la Presse aujourd'hui -ou plutôt hier, parce qu'on a déjà dépassé minuit - le projet de loi 38 concernant la participation gouvernementale n'a plus rien à voir avec les traditionnels débats Québec-Ottawa. Il y a déjà longtemps que tout le monde, du moins au Québec, s'entend pour reconnaître à Québec la juridiction exclusive sur les villes." Cela a été maintes fois souligné ici, telle est la situation en ce qui concerne le Parti libéral du Québec, M. le Président. C'est effectivement le Parti libérai qui avait légiféré, de façon claire, nette et précise, dans cette matière, et, sur cela, sa position n'a pas changé.

Voici où nous nous opposons, M. le Président, vous allez peut-être le voir un peu plus tard dans cet editorial de Jean-Guy Dubuc, dans la Presse. "Le problème est ailleurs. Il est, plus précisément, dans la formulation même du projet de loi. "Ce projet de loi prévoit des mesures de représailles de la part du gouvernement contre toute municipalité qui accepterait une aide d'Ottawa sans passer par une entente Québec-Ottawa. La menace n'est pas élégante, cela va de soi; mais elle est pourtant logique. Pour faire respecter sa juridiction, le gouvernement québécois se voit obligé d'annoncer des sanctions éventuelles aux municipalités contrevenantes." M. le Président, je pense que, quand on est arrivé à un point où il faudrait faire tout ce qu'on peut pour faire venir de l'argent au Québec sans se mettre à genoux nulle part, sans abandonner des principes fondamentaux, tels la juridiction provinciale en la matière, je pense que la réponse qu'on doit donner à la question: Qu'est-ce que vous auriez fait? ou Qu'est-ce que vous feriez? est bien simple, M. le Président. Je l'avais entamée au début de mon discours.

Ce que le gouvernement pourrait faire, à ce stade-ci, M. le Président, on l'a dit à maintes reprises ailleurs et cela a toujours été refusé, évidemment, c'est, une fois pour toutes, de laisser tomber, abandonner son option séparatiste-indépendantiste, parce que c'est de cela que découlent tous les problèmes dans ce dossier et combien d'autres. Dans ce dossier, en particulier, c'est de cela que découlent ces problèmes, M. le Président, parce que je répète qu'une fois qu'on commence en disant qu'on ne reconnaît pas, qu'on ne veut pas reconnaître l'existence d'un ensemble qui s'appelle le Canada ou dans lequel il y a un gouvernement central qui a un rôle à jouer, après cela, comment voulez-vous qu'on puisse aboutir quelque part à une entente qui aurait un certain bon sens, qui permettrait aux citoyens des municipalités de bénéficier de leurs taxes, parce qu'il s'agit aussi de leurs taxes à ce niveau-là, M. le Président?

Ce qu'on voit, ici et dans le projet de loi 38, c'est un effort de la part du gouvernement du Québec de se donner un pouvoir, entre les mains du ministre des Affaires municipales, qui lui permettra de décider, à lui seul, quelles municipalités il va punir, en lui soustrayant les subventions du Québec. Pour mettre de l'ordre, semble-t-il, on va procéder avec le gros bâton et on va aliéner l'ensemble de ces municipalités, de leurs citoyens, parce qu'on est incapable, de l'autre côté, d'agir de bonne foi dans ce dossier. Merci.

M. Côté: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Charlesbourg.

M. Côté: Je voudrais vous signaler qu'à ce moment-ci, à 2 heures du matin, il n'y a que deux députés péquistes et nous n'avons pas quorum.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous avez effectivement raison. Qu'on appelle les députés. (1 h 49 - 1 h 51)

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vous demanderais de reprendre vos places et je crois comprendre que c'est M. le député de Marquette qui a la parole. Nous allons attendre que les caméras reviennent, ce ne sera pas long. Voilà donc M. le député de Marquette.

M. Dussault: M. le Président, au nom de l'alternance.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député, je ne vous avais pas vu. Donc, M. le député de Châteauguay.

M. Roland Dussault M. Dussault: M. le Président, je vous remercie. Nous avons affaire ce soir à une motion qui tend à ramener le débat sur le projet de loi 38 à l'Assemblée nationale. Cela est fondamentalement le sens du débat que nous faisons présentement. Pourquoi en sommes-nous venus là? C'est parce qu'il est devenu évident, et très tôt, très vite, très rapidement, que l'Opposition allait faire tout son possible pour faire en sorte que le projet de loi 38 ne soit pas voté avant la fin de nos travaux, le 21 décembre prochain.

Nous sommes habitués à ce genre d'attitude de l'Opposition. Elle utilise, dans des circonstances analogues, des moyens que l'on peut dire classiques: utilisation en commission parlementaire de motions dilatoires, de motions qui n'ont rien à voir avec le fond de la question, de motions qui visent essentiellement à gagner du temps. Quand nous avons affaire à ce genre d'attitude, il devient évident pour le gouvernement qu'il faut faire le nécessaire pour que le débat puisse se dérouler véritablement à l'Assemblée nationale à temps pour être adopté pour la fin des travaux.

Ce qui est triste, cependant, c'est que ce comportement des libéraux masque une attitude tout à fait irresponsable, car l'effet de l'opposition systématique des libéraux à la loi 38, c'est que cela encourage, à toute fins utiles, l'illégalité. C'est irresponsable que l'Opposition, par son attitude, encourage des gens qui vont à l'encontre d'une loi. On doit le dire et le crier sur tous les toits. Heureusement, qu'il n'y a pas de jeunes devant la télévision à cette heure, parce que ce serait un très mauvais exemple pour eux qui auront un jour à bâtir une société, qui auront à prendre notre place, car on ne peut pas accepter que l'Opposition encourage des gens à aller à l'encontre de la loi.

M. le Président, il y a 116 ans qu'il est reconnu par la constitution qu'il y a deux domaines qui sont reconnus comme étant de juridiction strictement provinciale: l'éducation et les affaires municipales. Cela veut dire que, dans ces deux champs, le Québec est indépendant politiquement, c'est ce que cela veut dire. Cela veut dire qu'aucune nation, qu'elle soit à l'intérieur du Canada ou ailleurs, n'a le droit de venir dicter des lignes de conduite aux intervenants dans ces deux champs. Ces gens d'en face qui nous disent être d'accord avec les principes ne sont pas capables d'aller au bout de leur pensée pour reconnaître que, non seulement il faut être d'accord avec des principes, mais qu'il faut prendre les moyens d'arrêter l'hémorragie qui existe présentement, d'autant plus que cette hémorragie va à l'encontre d'une loi qui a été votée en 1974 par ces gens d'en face, qui reconnaissaient à ce moment que nous étions souverains, et indépendants politiquement dans le domaine des affaires municipales et qu'il ne fallait

pas laisser le gouvernement fédéral intervenir dans les décisions des municipalités.

Il faut donc mettre fin à cette attitude irresponsable des libéraux d'en face, il faut mettre fin à la soumission de ces gens d'en face qui ont un symbole, quand on y pense bien, tout à fait cohérent par rapport à leur attitude: vous avez remarqué que leur "L" penche; il penche toujours dans le sens d'Ottawa.

Des voix: Bravo!

M. Dussault: Ce symbole était insuffisant. Ils s'en sont donné un autre lors de leur congrès récemment. Vous vous rappelez ce ballon...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Si on baissait le ton de part et d'autre, cela aiderait peut-être aux débats. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, vous vous rappelez ce ballon qui sautait régulièrement devant les caméras de télévision à leur congrès, un autre symbole qui les caractérise énormément bien, ces gens qui lancent des ballounes continuellement, qu'on est obligé de "dessouffler" à mesure. Présentement, on est obligé de "dessouffler" véritablement l'image de ce parti de l'Opposition qui veut donner l'impression de responsabilité, mais qui est tout à fait irresponsable.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Dussault: II faut mettre fin à cette situation d'orgies de dépenses des gens d'Ottawa. Je voudrais vous donner un exemple de ce qui s'est passé dans mon propre comté, dans une petite municipalité d'environ 3000 personnes qui a eu le courage de dire non à ce genre d'orgies. Il est arrivé que l'organisateur du député fédéral de mon comté s'est présenté comme candidat à l'élection municipale de la petite ville de Saint-Mathieu. Il avait lancé dans le décor cette idée d'une subvention de 125 000 $ pour un centre récréatif. Les citoyens en ont discuté pendant la campagne électorale. Ce candidat, organisateur du député fédéral, a été battu à plate couture avec toute son équipe. La population a tranché cette question et s'est dit: On n'embarquera pas dans ce genre de choses irresponsables. Elle a reconnu qu'il y avait une ligne d'autorité à suivre, à savoir que les municipalités dépendent du gouvernement provincial et non pas du gouvernement fédéral.

Une voix: C'est vrai, c'est vrai.

M. Dussault: Les citoyens de cette ville, M. le Président, n'acceptent pas...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre!

M. le député de Verdun, s'il vous plaît! Vous aurez le droit de parole, mais en vertu de l'article 100, vous n'avez pas le droit de parole actuellement. Non, M. le député, assoyez-vous; M. le député, assoyez-vous! M. le député, s'il vous plaît, je suis debout. M. le député, vous n'avez pas le droit d'utiliser l'article 100. Vous connaissez assez le règlement, M. le député, pour ne pas déranger la personne qui parle. C'est le député de Châteauguay qui a la parole et c'est lui qui l'a encore. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Cela fait mal, on s'en rend compte; quand cela leur fait mal, c'est l'attitude qu'ils développent, on n'en est pas surpris.

Cette situation a permis au député fédéral de mon comté de jouer même au petit politicien, M. le Président. Je vous explique pourquoi. Quand le député fédéral a publicisé tous les projets qu'il allait subventionner dans le comté de Châteauguay, il l'a fait grâce au dépliant qu'il envoie régulièrement par la poste à tous les citoyens et le projet de Saint-Mathieu n'y était pas. Je rencontre le même député à une assemblée dans le comté de Huntingdon où je représentais le gouvernement. Je lui parle un peu de cette question et il me dit: Je pense qu'à Saint-Mathieu, je me suis trop avancé. Je me suis dit: II y a quelque chose de louche là-dedans. J'ai fouillé la chose un peu plus et j'ai découvert que, si le député fédéral avait tellement tardé à s'engager et s'il n'avait pas encore réussi à obtenir l'engagement formel du gouvernement, c'était très simple, c'était parce que si l'élection fédérale avait lieu après le 4 novembre prochain, la petite ville de Saint-Mathieu n'était plus dans le comté du député fédéral en question, M. le Président. Alors, vous voyez! Ce sont des gens qui font de la petite politique avec des affaires comme celle-là. Ce sont les amis des gens d'en face.

M. le Président, nous n'acceptons pas... (2 heures)

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député. M. le député de Laprairie! M. le député de Laprairie! Non, je ne vous en veux pas, mais les insultes ne doivent pas courir de part et d'autre.

Une voix: Je n'ai rien entendu.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je l'ai entendu. Juste un instant! Juste avant. Ce n'est pas une question d'avoir peur, M. le

député. C'est simplement qu'il y a un député qui a la parole en vertu de l'article 100. En vertu de l'article 99, il y a des gestes et des langages qui sont violents d'une certaine façon et c'est ce que je veux éviter. Donc, je demande... Non, mais je m'excuse. Je voudrais d'abord remettre de l'ordre et ensuite je lui donne la parole.

M. le député de Laprairie veut s'exprimer.

M. Saintonge: M. le Président, j'ai dit une seule parole: deux mots: CLSC Katéri. C'est ce que j'ai dit, M. le Président. Je n'ai insulté d'aucune façon le député de Châteauguay. Ce n'est pas mon habitude en cette Chambre de le faire non plus.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! C'est le geste que je n'ai pas aimé. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Sans doute que le député de Laprairie faisait allusion au fait qu'il y aura un nouveau CLSC Katéri qui sera bâti grâce à une décision du gouvernement, M. le Président.

Une voix: Bravo!

M. Dussault: M. le Président, j'espère aussi que le temps que ces gens m'ont fait perdre ne compte pas vraiment dans mon temps.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, prenez votre droit de parole. Je vous ai dit qu'il restait une minute.

M. Dussault: Alors, M. le Président, il y a déjà eu en cette Chambre...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Verdun, je vais être obligé d'utiliser le règlement. Je suis debout. Oui, oui, assoyez-vous pour le moment. M. le député de Verdun, s'il vous plaît! J'ai l'obligation de maintenir l'ordre et je n'ai pas l'intention de permettre le désordre.

M. le député de Verdun, vous avez une question de directive, je vais l'écouter, mais j'espère que cela en est une.

M. le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, je vous demande une directive, s'il vous plaît! Il est 2 h 03, est-ce possible de vous demander au nom de tous ceux qui ne travaillent pas au Québec une directive? Est-ce possible?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vous demande de terminer.

M. Dussault: M. le Président, il n'y a qu'une seule façon de mettre fin une fois pour toutes à ce désordre qui existe présentement dans le monde municipal à cause de cette intrusion du gouvernement fédéral qui dépense n'importe comment, d'une façon tout à fait discrétionnaire et même discriminatoire, c'est de faire en sorte qu'il y ait dorénavant une entente fédérale-provinciale sur ces questions entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa.

Je voudrais dire, en terminant, M. le Président, qu'il n'est pas très utile de rappeler les élections partielles dans les circonstances puisqu'il y a déjà eu récemment dans Prévost un député libéral en cette Chambre et qu'il n'y est plus. Il y a eu un député de Maisonneuve récemment qui n'y est plus et il y a eu un député de Johnson qui n'y est plus, M. le Président, à l'occasion d'une élection générale. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau et leader adjoint de l'Opposition.

Motion d'ajournement du débat M. Michel Gratton

M. Gratton: Merci, M. le Président. J'étais dans mon bureau, il y a quelques instants, quand mon collègue de Charlesbourg a souligné que nous n'avions pas quorum, qu'il n'y avait pas suffisamment de députés péquistes pour étudier ce si important projet de loi que le gouvernement nous présente. Je surveillais cela à la télévision et c'est assez curieux parce que, lorsqu'on suspend pour que les députés péquistes puissent venir former le quorum, on inscrit à la télévision la mention suivante: "Les débats de l'Assemblée nationale reprennent dans quelques instants."

Je me suis dit que les gens qui syntonisent ce poste à cette heure-ci et qui voient cela doivent se dire: À 2 heures du matin, ils doivent être complètement fous. Quand les travaux ont repris et qu'ils ont vu le député de Châteauguay s'exprimer, ils ont dû dire: Oui, ils le sont, en effet. M. le Président, on vient d'avoir la démonstration la plus éloquente qu'il n'y a personne dans le fond, et surtout pas le député de Châteauguay, qui à 2 heures du matin puisse fonctionner convenablement. Pas, en tout cas, s'il a commencé sa journée de travail environ 18 ou 19 heures plus tôt; pas si, depuis deux semaines, il a eu des journées de travail de 16 heures en moyenne - ce n'est pas en moyenne, mais au minimum, puisqu'on a siégé tous les soirs, à une ou deux exceptions près, jusqu'à minuit - et sûrement pas si, en cours de route, il a effectivement travaillé 19 et 20 heures à au moins quatre

ou cinq occasions.

Il me semble que la farce a assez duré et j'aimerais, à ce moment-ci, proposer une motion d'ajournement du débat. Je propose l'ajournement du débat en vertu de l'article 77.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Une voix: Vote enregistré.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Vote enregistré. Qu'on appelle les députés.

M. Gratton: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît: Question de règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, vous savez que l'article 77 me donne un droit de parole de dix minutes que j'entends exercer à l'instant même.

Le Vice-Président (M. Rancourt): C'est exact. Vous avez donc le droit de parole en vertu de l'article 77.

M. Gratton: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est débattable.

M. Gratton: M. le Président, la meilleure preuve que personne ne peut fonctionner convenablement, c'est sûrement l'ineptie, l'insignifiance des propos que les porte-parole péquistes nous ont tenus ce soir à la défense d'un projet de loi qui est indéfendable.

Au cours de ce débat sur la motion de clôture, sur la guillotine que le leader du gouvernement impose à l'Assemblée, on essaie et on doit, du côté du gouvernement, prouver l'urgence. On doit démontrer que c'est à ce point urgent d'adopter le projet de loi 38 qu'on doive mettre de côté les règles normales de l'Assemblée nationale. C'est tellement urgent, M. le Président, qu'unilatéralement on a décidé, du côté du gouvernement, de fermer le Parlement entre le 18 octobre et le 15 novembre. Pourtant, le projet de loi avait été déposé au mois de juin.

S'il était si urgent, on aurait pu l'adopter entre le 18 octobre et le 15 novembre. Si c'était tellement urgent, la deuxième lecture de ce projet de loi, une fois la session commencée, le 15 novembre, le leader du gouvernement aurait pu l'appeler. Mais non, ce n'est que la semaine dernière, trois semaines plus tard, qu'il a choisi de demander à l'Assemblée nationale d'en entamer l'étude en deuxième lecture. C'est un projet de loi tellement urgent qu'il y a à peine quatre heures le gouvernement déposait des amendements à son projet de loi 38 qui, jusque là, était parfait. Entre juin et il y a quatre heures, le projet de loi était le projet du siècle. Le premier ministre l'avait dit à Jonquière et on a vu quels beaux résultats électoraux cela lui a rapporté. Le projet de loi 38 passera coûte que coûte dans sa forme actuelle. (2 h 10)

M. le Président, dans l'Outaouais, on connaît bien le ministre des Affaires municipales. On sait combien on peut se fier à la justesse de son jugement, à la franchise de ses propos, à la transparence de ses arguments quand il nous parle du projet de loi 38. Finalement, il a fait un si beau travail de découpage des municipalités régionales de comté dans notre région que trois présidents d'associations péquistes ont remis leur démission en guise de protestation.

Une voix: Ah, bon!

M. Gratton: Dans le fond, le ministre des Affaires municipales, pour nous, dans l'Outaouais, c'est le gars qu'on choie le plus. C'est le gars qui va réellement nous assurer notre réélection à nous, les cinq députés libéraux de la région.

Une voix: Bravo!

M. Gratton: Quand on pense que même les présidents d'associations péquistes ne peuvent plus non seulement sentir le ministre - il n'est pas le seul dans cette classe-là; vous êtes passablement nombreux de l'autre côté à ne plus pouvoir vous faire sentir -mais sentir ses décisions! M. le Président, on le connaît bien. Quand il vient les deux mains dans ses poches, avec son petit sourire narquois, nous dire: J'ai apporté un amendement pour qu'une commission parlementaire siège, on n'a pas le droit de le traiter de menteur ici à l'Assemblée nationale. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne dit pas la vérité. Il n'a déposé aucun amendement ce soir qui garantit la tenue d'une commission parlementaire. C'est, tout simplement, une de ses promesses. La promesse du ministre des Affaires municipales, M. le Président, je ne vous dirai pas ce que j'en pense, mais je vous dirai tout simplement que, quant a nous, on n'est pas bien impressionnés par cela.

M. le Président, pourquoi nous faire siéger à deux heures du matin? Il est maintenant deux heures quinze minutes. Est-ce que c'est pour relancer l'économie? Est-ce qu'il s'agit d'un projet de loi pour relancer l'économie du Québec, pour nous remettre sur la voie de la création

d'emplois? Non, c'est un projet de loi qui vise à menacer les 1600 municipalités du Québec de représailles si elles ont l'audace d'accepter des fonds du gouvernement fédéral pour, justement, créer des emplois, faire travailler les gens qui vivent de l'aide sociale - ils sont je ne sais trop combien, 456 000 au dernier compte - pour faire travailler les gens qui sont en chômage. C'est cela que le député et maire de Verdun voulait dire tantôt. C'est cela qu'il voulait dire. On parle des gens qui n'ont rien à manger justement, des gens qui n'ont comme seule source de subsistance, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Ce n'est pas Verdun, c'est Vers demain.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: ...que les prestations d'aide sociale. Quand on pense à ceux qui ont moins de 35 ans, c'est 149 $ par mois. On a des municipalités qui pourraient, si le gouvernement voulait bien s'entendre avec le gouvernement fédéral, leur trouver des emplois, peut-être bien seulement des emplois temporaires, mais, au moins, des emplois pour pouvoir gagner honorablement leur vie. Qu'est-ce que fait le gouvernement du Parti québécois? Un projet de loi matraque, qui vise à faire quoi? D'abord, à empêcher les municipalités d'accepter des fonds fédéraux, mais surtout à alimenter la querelle stérile, qui est la seule à pouvoir servir son option séparatiste.

Une voix: C'est vrai, c'est bien vrai.

M. Gratton: Bien oui, vous êtes des séparatistes et vous ne devriez pas en avoir honte. N'ayez donc pas honte! Depuis 1976 que vous le cachez. N'ayez pas honte de cela! Quand vous n'aviez pas honte, on a vu ce que cela a donné comme résultat aux élections de 1970 et 1973: six gros députés et sept gros députés. À ce moment-là, vous disiez que vous étiez séparatistes. Depuis ce temps-là, vous nous promettez des référendums, vous mettez cela sous le boisseau; vous mettez cela en veilleuse. Mes chers amis d'en face, j'ai l'impression que la prochaine chose à être mise en veilleuse ne sera pas votre option, mais vous tous.

Je les entends me parler de la juridiction du Québec sur les affaires municipales. On a cru un moment à ce discours-là; on y a cru en 1976. Cela n'a fait qu'un temps. On avait réussi à convaincre les gens que ce gouvernement en puissance, ces gens transparents avaient un préjugé favorable à l'endroit des travailleurs. N'est-ce pas ces gens qui étaient sur les lignes de piquetage avec les syndicats, au nom de la solidarité des travailleurs? Est-ce que ce n'est pas beau, Mme la députée de Maisonneuve? Ce sont ces gens qui ont adopté la loi 111. Ce sont eux qui, aujourd'hui, nous servent le même vieux refrain. Ils parlent des libéraux et de nos grands frères d'Ottawa. Et vous, avec votre petit frère, Marcel Léger! Où allez-vous vous ramasser avec les "pénistes" à Ottawa? Entre nous, vous ne faites pas très sérieux. Lorsque le Parti libéral était au pouvoir - vous l'avez souligné vous-même - on s'est entendu avec le gouvernement fédéral et on a réussi à faire profiter le Québec des fonds fédéraux. Nous n'étions pas obligés de faire des guerres de juridiction pour essayer de faire croire que le fédéralisme canadien ne peut pas fonctionner. Vous faites cela depuis sept ans et vous n'avez pas réussi, mes chers amis.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Si vous voulez conclure, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

Une voix: Tu as épuisé ton temps.

M. Gratton: II y a longtemps que le député est épuisé, lui.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Gatineau, si vous voulez conclure immédiatement.

M. Gratton: Je dirai simplement qu'il n'y a plus personne qui vous croit, qui vous prend au sérieux. Il y en a 60% qui vous ont dit non lors du référendum, en mai 1980. Vous allez me parler de l'élection de 1981, bien sûr avec l'indépendance en veilleuse...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Gatineau, si vous voulez conclure. C'est la deuxième fois que je vous le demande.

M. Gratton: Vous n'aimez pas que je parle d'indépendance en veilleuse, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Gratton: Je dirai que, si on avait besoin d'un autre témoignage, les résultats des deux élections partielles dans Mégantic-Compton et Jonquière nous l'ont fourni lundi dernier. Si le gouvernement veut continuer à siéger cette nuit...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Gatineau, c'est la troisième fois

que je vous demande de conclure. Un mot pour terminer, s'il vous plaît!

M. Gratton: Je m'excuse de ne pas vous avoir entendu lorsque vous m'avez demandé de conclure, mais on criait tellement de l'autre côté. Je dis donc que, si le gouvernement veut réellement tester le bien-fondé de son projet de loi 38, qu'il fasse tout simplement le débat en plein jour.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Gatineau, je considère que vous avez conclu. Vous aurez un droit de réplique tantôt. M. le leader du gouvernement.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, le député de Gatineau veut arrêter de travailler. Le député de Gatineau nous invite à cesser de donner notre point de vue. Effectivement, il impose le bâillon à ses collègues, les députés du Parti libéral...

Une voix: C'est une bonne idée, ils n'ont rien à dire.

Une voix: Une victoire morale!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le député de Charlesbourg.

M. Caron: M. le Président, les gens qui sont sur le bien-être social ne sont pas heureux.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verdun. S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Caron: II y en a beaucoup. À 2 heures du matin.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verdun. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le leader du gouvernement. (2 h 20)

M. Bertrand: M. le Président, je considère qu'il est incorrect de la part du député de Gatineau de vouloir ainsi empêcher ses collègues députés de participer pleinement au débat que nous avons sur cette motion qui va nous permettre de prendre connaissance du rapport de la commission, parce qu'on a tous très hâte de savoir ici quel magnifique travail les députés libéraux ont accompli en commission parlementaire, pendant les quelque vingt heures où ils ont siégé, avec comme performance, je pense, l'adoption d'un article seulement et l'incapacité d'apporter quelque suggestion nouvelle ou positive que ce soit. Le gouvernement a dû faire le travail à leur place, encore une fois, M. le Président. Tout cela dans un contexte où, on le sent très bien, au cours des dernières heures, le monde municipal se rend bien compte que le gouvernement a bien pris ses responsabilités et qu'il va lui donner l'occasion de venir en commission parlementaire se faire entendre, au début de l'année 1984...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bertrand: ...sur le règlement qui permettra l'application du projet de loi 38.

Je considère, M. le Président, qu'il nous faut absolument, ce soir, connaître le point de vue des députés libéraux sur cette importante législation. Je regarde le député de Verdun, depuis tout à l'heure, qui intervient à temps et à contretemps, qui ne respecte pas le droit de parole des autres collègues...

Une voix: C'est vrai cela. Il y a des choses substantielles...

M. Bertrand: ...qui ne respecte pas l'article 100 du règlement, qui ne respecte pas l'article 26 du règlement, mais qui est maire, M. le Président. C'est un maire. C'est un maire qui est député. Nous, on a l'ex-maire de Saint-Nazaire qui, lui, est à l'Assemblée nationale à plein temps pour prendre ses responsabilités comme député du comté de Bellechasse, mais on veut entendre le point de vue du député de Verdun.

Des voix: Oui.

M. Bertrand: On pense que le député de Gatineau n'a pas le droit d'empêcher de parler son collègue, le député de Verdun, qui essaie de se faire reconnaître depuis tout à l'heure, M. le Président. On veut connaître son point de vue.

Une voix: Vas-y, Lucien!

M. Bertrand: M. le Président, il y a le député de Hull. Le député de Hull ne s'est pas fait entendre, M. le Président.

Une voix: Est-ce qu'il a le droit de parole, lui?

Une voix: Vous ne perdez rien pour attendre!

M. Bertrand: Le député carnivore de Hull ne s'est pas fait entendre. Celui qui s'est vanté...

Une voix: ...le dauphin, là!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Une voix: Un peu plus fort.

M. Rocheleau: S'il nomme mon nom, il va avoir une...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le député de Hull!

Une voix: Jean-François, Jean-François. M. le Président, vous l'avez remarqué, ce n'est pas un leader du gouvernement...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, il y a d'autres députés qui n'ont pas pris la parole et qui se doivent de le faire. Il y a un ancien maire, un député, qui s'est vanté - on a lu cela dans les journaux - d'avoir eu la peau d'un ministre...

Des voix: Ah! Ah;

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;

M. Bertrand: ...qui veut avoir la peau de deux autres ministres. Le député Carnivore de Hull, il faut l'écouter; il faut l'écouter, le député de Hull.

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bertrand: Mme la députée de Chomedey... Mme la députée de Chomedey, de l'île de Laval, de la ville de Laval, il faut qu'elle nous dise quel est son point de vue sur cette importante législation. Alors, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je crois qu'il est tout à fait normal qu'on puisse écouter les discours - en tout cas, moi - il est tout à fait normal que je puisse, moi, les écouter. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, vous pouvez poursuivre.

M. Bertrand: M. le Président, les députés ont ici des droits et il faut les respecter. Vous savez, on a, de notre côté, ici à l'Assemblée nationale, des députés qui ont été maires: le député de Gaspé qui a assumé des responsabilités, le député de Saint-Maurice, un ancien conseiller municipal, le député de Chambly qui a eu des responsabilités, le député de Beauce-Nord, le député de Saint-François qui a assumé des responsabilités, le député de Montmagny-L'Islet.

Alors, M. le Président, à ce stade-ci, au moment où le débat va bien, au moment où, d'une intervention à l'autre, des arguments s'ajoutent pour aider les parlementaires à se faire une idée avant que nous ne procédions au vote, il est important que chacun puisse faire entendre sa voix. Quand je vois le député de Gatineau intervenir comme cela à un moment où l'atmosphère est sereine, les gens sont heureux, joyeux, il m'apparaît tout à fait anormal qu'on veuille ainsi imposer le bâillon à des parlementaires qui ont le droit de donner leur point de vue.

Dans ce contexte-là, M. le Président, que ce soit le jour ou la nuit, la vérité, quand elle doit éclater, elle doit éclater. Comme nous avons en face de nous des gens qui appuient, en ce moment, 74 proxénètes qui veulent convertir les 1500 municipalités du Québec en péripatéticiennes, je dis qu'il faut savoir de quel côté ils sont. S'il faut, M. le Président, qu'on passe la nuit ici pour démasquer l'Opposition, s'il faut que, d'un discours à l'autre, l'Opposition montre à la population du Québec que l'heure, pour elle, n'est pas à la défense des droits et des intérêts du Québec en matière de juridiction sur les municipalités, mais que l'heure est plutôt à la préparation de la campagne électorale avec les grands frères d'Ottawa, à ce moment-là, M. le Président, je pense que la vérité mérite d'être connue de la population. Chaque fois que quelqu'un se lèvera chez vous pour poursuivre le débat, chaque fois, chaque fois, les gens vont se rappeler que c'est vrai qu'on vit peut-être des séries noires d'élections partielles, mais que, vous autres, vous vivez des séries noires d'élections générales du 15 novembre 1976 au 13 avril 1981, jusqu'à la prochaine.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement, si vous voulez conclure.

M. Bertrand: Je regarde le député de Charlesbourg, rouge de colère. A-t-on entendu son point de vue? Il faut l'entendre, M. le Président. Nous invoquons ici l'exercice du droit de parole des députés et je vous demande donc de faire en sorte que nous prenions le vote le plus rapidement possible pour que les députés de l'autre côté qui n'ont pas fait entendre leur point de vue puissent le faire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader ajoint de l'Opposition, avant de vous donner la parole, j'aimerais que cette Assemblée soit un peu plus disciplinée. On a mentionné tantôt que j'ai déjà été maire. Oui, mais j'ai déjà eu beaucoup plus de facilité à contrôler une assemblée que celle-ci. M. le leader adjoint de l'Opposition. (2 h 30)

M. Michel Gratton (réplique)

M. Gratton: Merci, M. le Président. Je ne sais si, lorsque vous étiez maire, le

gouvernement du Québec adoptait des lois 38, mais peu importe. Je ne sais non plus si la mère du leader du gouvernement surveillait tantôt, mais j'espère que non parce qu'elle n'aurait pas été très fière de son rejeton.

On peut se demander si le premier ministre le regardait, à moins qu'il n'ait été occupé à une partie de poker quelque part. Chose certaine, son dauphin, le député d'Anjou, semblait s'en réjouir parce qu'il applaudissait à tout rompre. Je voudrais simplement que le leader qui traitait les députés libéraux de proxénètes tantôt, consulte son dictionnaire pour savoir ce que ça veut dire. Le seul proxénète que je connais ici, à l'Assemblée nationale, c'est le cofondateur du Parti québécois qui est présentement en prison.

Une voix: C'est ça.

M. Gratton: Je pense que le leader du gouvernement aurait avantage à peser ses mots.

Une voix: Et de un. Les autres vont venir tout à l'heure.

M. Gratton: Le leader du gouvernement est peut-être à court d'arguments pour justifier sa motion de clôture. Il a le droit de la faire, mais, normalement, un leader du gouvernement se sert d'un certain jugement...

Une voix: II n'en a pas, lui.

M. Gratton: ...sur le moment de l'imposer, sur la façon de l'imposer. Si le leader du gouvernement est frustré d'avoir encore une fois mal organisé, mal planifié son travail et en est rendu à imposer la neuvième motion de clôture en sept ans de ce gouvernement, ce n'est pas aux libéraux qu'il faut qu'il s'en prenne. Parce que nous, les libéraux, on a beau nous blâmer de nous opposer au projet de loi 38, on croit à ce qu'on fait. On croit que le projet de loi 38 est mauvais pour les municipalités et, si on était seul, on pourrait accepter, peut-être, les insultes du leader du gouvernement en se disant: On fait ça pour perdre le temps de tout le monde. Écoutez, quand les deux unions qui représentent les 1600 municipalités du Québec, quand l'ensemble des organismes qui se sont exprimés sur le sujet, quand l'ensemble des observateurs, des éditorialistes du Québec se sont exprimés dans le même sens que ce que nous faisons ici, on se dit: On n'est pas tout seul. Celui qui est tout seul, c'est le gouvernement, c'est le ministre des Affaires municipales et ses collègues qui l'applaudissent à tout rompre quand il vient nous dire qu'il défend la juridiction du Québec en matière d'affaires municipales.

Qu'en pense Jean-Guy Dubuc, M. le Président, dans la Presse de ce matin? On y lit: "II est vraiment incompréhensible que le gouvernement péquiste cède aussi facilement à la panique et s'accorde des droits réservés aux régimes totalitaires." Le mot n'est pas de moi, il est de Jean-Guy Dubuc. "Il n'y a que dans des pays qui renient la démocratie que l'on peut trouver autant de pouvoirs livrés à l'arbitraire d'une personne tout en étant protégés par la loi. L'an dernier, le Barreau du Québec avait violemment dénoncé le procédé. Mais le gouvernement fait la sourde oreille pour n'entendre que sa colère." M. Dubuc écrivait ça avant que le leader du gouvernement n'impose le bâillon à l'Opposition. Il pensait ça ce matin avant que le gouvernement ne décide que assez, c'est assez. On avait quand même étudié le projet de loi article par article pendant trois longues heures et donc, on pouvait imposer la clôture, on avait bien travaillé, surtout au cours du mois pendant lequel le gouvernement a fermé l'Assemblée nationale. Bref, on parle d'un gouvernement totalitaire.

M. Rivest: La relance.

M. Gratton: Oui, quand on parle de relance, en passant, Louis O'Neill, un de vos anciens collègues...

Une voix: Un ancien ministre.

M. Gratton: Un ancien ministre oui, qui, dans le Devoir d'hier, écrivait un billet qui portait le titre: "Quand la relance passe par l'alcool".

Une voix: C'est ça que ça sent.

M. Gratton: C'est ça que ça sent ce soir, oui, en effet. Quand on parle de totalitarisme, bien sûr, on n'a pas besoin de motion de clôture dans des pays totalitaires parce qu'on n'a pas de Parlement. Ici, forcément, on en a un. Le gouvernement doit s'en accommoder. On est ici au Parlement pour faire des débats. Pourquoi? Pas nécessairement pour parler, pour s'entendre parler ou pour s'injurier comme vient de le faire le leader du gouvernement. On est là, dans le fond, pour exprimer chacun son point de vue, et c'est très bon que les points de vue soient différents d'un côté et de l'autre; cela permet tout simplement à la population de mieux s'informer. Car la population, au moment des élections, a un choix à faire. S'il fallait qu'on dise tous la même chose, on risquerait fort que la population y perde au change. Alors, on fait les débats qu'on peut. Mais, entre nous, est-ce qu'on informe, est-ce qu'on prend tous les moyens de bien informer la population quand on siège à 2 h 35 du matin? Quand on a un projet de loi aussi important que cela, est-ce qu'on fait siéger les parlementaires à des heures aussi

indues? J'imagine que oui, quand on a des choses à cacher, quand on n'est pas trop fier de ce qu'on exhibe. Il y a des personnes, des fois, qui n'osent pas se faire voir en public, à certaines heures du jour où il fait clair, pour toutes sortes de raisons. J'imagine que c'est un peu ce qui inspire le gouvernement de ne pas accepter une motion d'ajournement du débat à 2 h 35 du matin, alors qu'il n'est pas du tout question, dans ma motion d'ajournement, d'imposer le bâillon.

Une motion d'ajournement, cela veut simplement dire qu'on recommence, demain matin, à 11 heures, au moment où il risque d'avoir des gens...

Une voix: ...

M. Gratton: Vous avez des choses à dire; vous le direz plus tard.

Une voix: Trois heures...

M. Grattons M. le Président, le leader du gouvernement ne voudrait pas qu'on blâme le gouvernement. Vous voudriez peut-être qu'on fasse une motion de félicitations pour votre plan de relance. Vous l'avez eu, votre vote de félicitations pour votre plan de relance, le 5 décembre dans Mégantic-Compton et Jonquière. Que voulez-vous!

Une voix: Victoire morale.'

M. Gratton: Quand le leader du gouvernement fait de l'humour et dit: Le député de Gatineau veut bâillonner ses collègues, bien, je rappelle tout simplement à la population que c'est le même bonhomme qui interprétait les deux élections complémentaires de Mégantic-Compton et Jonquière comme des victoires morales. Dans le fond, si on le connaissait moins, on en rirait. Mais, comme on le connaît bien, on va les laisser rire ensemble, tout seuls.

Le Président: Je mets donc aux voix la motion d'ajournement de M. le député de Gatineau.

Une voix: Vote demain matin, M. le Président.

Le Président: Que les personnes qui sont favorables à cette motion veuillent bien l'indiquer en levant la main.

Des voix: Vote enregistré.

Le Président: Vote enregistré. Qu'on appelle les députés. (2 h 38 - 2 h 41)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Je mets maintenant aux voix la motion d'ajournement de M. le député de Gatineau. Que les députés qui sont favorables à cette motion veuillent bien l'indiquer en se levant.

Le Secrétaire adjoint: MM. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Ciaccia (Mont-Royal), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme Bacon (Chomedey), MM. Mathieu (Beauce-Sud), Caron (Verdun), Blank (Saint-Louis), Maciocia (Viger), Polak (Sainte-Anne), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Rocheleau (Hull), Fortier (Outremont), Rivest (Jean-Talon), Gratton (Gatineau), Pagé (Portneuf), Côté

(Charlesbourg), Lincoln (Nelligan), Cusano (Viau), Sirros (Laurier), Saintonge (Laprairie), Dauphin (Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde (Berthier), Middlemiss (Pontiac), Hains (Saint-Henri), Leduc (Saint-Laurent),

Champagne (Saint-Jacques), Maltais

(Saguenay).

Le Président: Que les députés qui s'opposent à cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Bertrand (Vanier), Jolivet (Laviolette), Bédard (Chicoutimi), Parizeau (L'Assomption), Laurin (Bourget), Johnson (Anjou), Bérubé (Matane), Landry (Laval-des-Rapides), Gendron (Abitibi-Ouest), Godin (Mercier), Marcoux (Rimouski), Léonard (Labelle), Tardif (Crémazie), Clair (Drummond), Fréchette (Sherbrooke), Brassard (Lac-Saint-Jean), Duhaime (Saint-Maurice), Chevrette (Joliette), Paquette (Rosemont), Rancourt (Saint-François), Leduc (Fabre), Proulx (Saint-Jean), Gauthier (Roberval), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme

Lachapelle (Dorion), MM. Boucher (Rivière-du-Loup), Dean (Prévost), Beaumier (Nicolet), Gagnon (Champlain), Dussault (Châteauguay), Vaugeois (Trois-Rivières), Desbiens (Dubuc), Mme Juneau (Johnson), MM. Fallu (Groulx), Bordeleau (Abitibi-Est), Rochefort (Gouin), Marquis (Matapédia), Baril (Arthabaska), Laplante (Bourassa), Charbonneau (Verchères), Perron (Duplessis), Biais (Terrebonne), Blouin (Rousseau), Dupré (Saint-Hyacinthe), Lachance (Bellechasse), LeMay (Gaspé), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Lavigne (Beauharnois), Brouillet (Chauveau), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Payne (Vachon), Paré (Shefford), Tremblay (Chambly), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lafrenière (Ungava), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue).

Le Secrétaire: Pour: 29

Contre: 56

Abstentions: 0

Des voix: Bravo!

Le Président: La motion est rejetée. Je pense que nous conviendrons tous, nous serons unanimes au moins sur une chose, c'est de féliciter Me Proulx pour son premier vote par appel nominal.

Une voix: Cela ne sera pas le dernier!

Une voix: On veut Lucien, on veut Lucien!

Le Président: M. le député de Marquette. À l'ordre, de part et d'autre.

M. Dauphin: Attendez, ça va être votre tour. Alors, merci, M. le Président.

Une voix: Demandez une motion d'ajournement. Michel Gratton, une motion d'ajournement? On va y revenir.

Le Président: Les députés qui ont à quitter peuvent-ils le faire de manière à permettre au député de... M. le député de Marquette.

Reprise du débat M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci, M. le Président. L'on assiste encore une fois à une motion de clôture de la part du leader du gouvernement, motion de clôture que l'on appelle également la guillotine, le bâillon. C'est devenu la spécialité du gouvernement du Parti québécois car, depuis deux ans et demi, depuis que je siège ici même à cette Assemblée nationale, je pense que nous sommes rendus à dix, à douze ou à quinze motions de clôture de la sorte.

C'est une motion de clôture pour brimer les droits des parlementaires car nous n'avons siégé que quelques heures en commission parlementaire sur l'étude, article par article, du projet de loi 38 qui fait l'objet du débat actuel. (2 h 50)

M. le Président, le leader du gouvernement a très mal commencé l'étude article par article du projet de loi 38 en nous donnant la salle 80, salle trop petite. À titre d'exemple, nous étions seize députés et il n'y avait que dix sièges pour asseoir les députés, de telle sorte que quelques-uns de nos collègues, au début, dont le député de Papineau, ont dû passer 15 à 20 minutes, debout ou assis en arrière; le député de Pontiac a aussi passé 15 à 20 minutes debout, installé en arrière de la table. C'est malheureux que nous ayons perdu une heure ou deux de nos travaux de telle façon. Également, M. le Président, le système d'enregistrement de la salle 80 était défectueux et, toutes les quinze minutes, nous entendions des bruits de toutes sortes qui dérangeaient énormément nos travaux. À la suite de tout cela, les députés ministériels nous reprochaient d'avoir retardé indûment les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi 38.

Quel exemple de démocratie que cette motion de clôture! Quelle belle réforme parlementaire prônée à cor et à cri par le député de Trois-Rivières, ex-candidat à la mairie de Trois-Rivières! Quel bel exemple de réforme parlementaire auquel nous avons assisté!

Quant au projet de loi 38, nous avons eu l'occasion d'en parler longuement lors du débat de deuxième lecture. Sur le principe même de la juridiction exclusive des provinces, tout le monde s'entend des deux côtés de cette Chambre et la plupart des intervenants. Ce à quoi nous nous opposons, c'est à l'application pratique du projet de loi 38, ce projet de loi 38 avec son caractère déraisonnable. Ceci, ce ne sont pas uniquement les députés de l'Opposition qui le mentionnent, mais également l'Union des municipalités du Québec qui nous a fait parvenir un mémoire. Dans ce mémoire, elle dit très clairement que le projet de loi 38 a un caractère discrétionnaire, que le projet de loi 38 a un caractère discriminatoire, que le projet de loi 38 a un caractère déraisonnable, qu'il a également un caractère abusif, un caractère imprécis et ne respecte pas les règles de justice élémentaire, naturelle. C'est l'Union des municipalités du Québec, laquelle représente 80% de la population du Québec. M. le Président, le gouvernement péquiste a encore réussi à faire l'unanimité contre lui avec ce projet de loi 38.

L'Union des municipalités du Québec ne demandait pas la terre promise; elle demandait d'être entendue avant l'adoption en deuxième lecture. Malheureusement, le gouvernement du Parti québécois, son ministre des Affaires municipales en tête, a refusé carrément à l'Union des municipalités de se faire entendre avant l'adoption en deuxième lecture. Je ne comprends pas pourquoi le ministre des Affaires municipales a refusé d'entendre ladite Union des municipalités qui, comme je le disais tantôt, représente 80% de la population du Québec.

Également, toutes les chambres de commerce du Québec s'opposent au projet de loi 38, le Conseil du patronat, etc. Plusieurs de nos collègues ont eu l'occasion de lire quelques passages de l'éditorial de Jean-Louis Roy, éditorialiste chevronné du Devoir. Je ne lis que les trois dernières lignes de son éditorial alors qu'il nous dit, parlant du projet de loi 38: "Celui-là ne compte pas des milliers de pages. Mais on a réussi à inscrire dans ces trois pages tout ce qu'il y a de plus répugnant en régime démocratique."

Je ne lirai également que quelques lignes d'un éditorial de M. Jean-Guy Dubuc, de la Presse: "II est vraiment incompréhensible que le gouvernement péquiste cède aussi facilement à la panique et s'accorde des droits réservés aux régimes totalitaires. Il n'y a que dans des pays qui renient la démocratie que l'on peut trouver

autant de pouvoirs livrés à l'arbitraire d'une personne tout en étant protégés par la loi. L'an dernier, le Barreau du Québec avait violemment dénoncé le procédé. Mais le gouvernement fait la sourde oreille pour n'entendre que sa colère."

M. le Président, comme je le mentionnais tantôt, l'unanimité se fait contre le gouvernement du Parti québécois. En me rendant ici, tantôt, j'ai rencontré un groupe de restaurateurs et, n'eût été ma déclaration que j'étais une député libéral, je me serais fait assaillir. Tout le monde est contre le gouvernement du Parti québécois et, en ce qui nous concerne plus particulièrement, c'est la même unanimité contre le projet de loi 38.

Le président de l'Union des municipalités régionales de comté, Me Asselin, est venu également nous faire part de ses commentaires sur le projet de loi il y a deux jours, contrairement à l'Union des municipalités qui n'a pas voulu du tout s'associer à cela et venir à la commission parlementaire. Il nous disait, le 20 juillet 1983: "Le projet de loi 38, une mesure hypocrite qui transpire le mépris". Il disait également dans un autre article: "La loi 38, les mesures de guerre du municipal". C'était le 8 décembre 1983. Je m'excuse, M. le Président, mes papiers sont un peu loin. Inutile de vous dire la belle unanimité contre le projet de loi en question.

Au niveau du projet de loi 38, ce qu'il nous faut, c'est une entente avec le gouvernement fédéral, parce que nous sommes encore, au moment où on se parle et, j'espère, pour longtemps, partie intégrante de l'ensemble canadien. Il y a trois niveaux de gouvernement, incluant les municipalités, et le gouvernement du Québec doit s'entendre avec le gouvernement fédéral. On est tous d'accord que ça prend des ententes, mais, malheureusement, le Parti québécois ne veut pas s'entendre avec le gouvernement fédéral. Une raison récemment s'est ajoutée aux autres. Je suis convaincu que le député de Lafontaine, Marcel Léger, chef par intérim du parti "péniste", a convaincu son ministre des Affaires municipales en lui disant: Si tu t'entendais avec le gouvernement fédéral, ça ne m'aiderait pas dans ma prochaine campagne électorale fédérale parce que les gens du Québec diront: Ça ne va pas si mal que ça, le système fédéral, parce qu'effectivement on s'est entendu, entre autres, au sujet des subventions provenant du gouvernement fédéral distribuées aux municipalités.

Un autre bel exemple, M. le Président. On n'entend que des querelles, on n'est témoin que de chamaille entre les deux gouvernements, de chicanes de drapeaux. Il n'y a pas tellement longtemps, le ministre démissionnaire de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu s'entendait en principe avec son homologue fédéral pour la réforme de l'aide sociale. Malheureusement, il a démissionné le lendemain et je suis persuadé que c'est encore une fois son premier ministre qui l'a grondé parce qu'il s'était entendu avec le gouvernement fédéral...

Une voix: C'est vrai.

M. Dauphin: ...et que ça va à l'encontre de l'article 1 du programme politique du Parti québécois, qui est de faire l'indépendance du Québec.

Ces gens-là sont pris dans un vrai dilemme. D'un côté, ils doivent défendre les intérêts du Québec parce qu'ils sont élus pour ça comme gouvernement provincial. D'un autre côté, l'aile militante, l'aile radicale doit faire la démonstration que le système n'est pas bon parce que, si elle fait la démonstration contraire, c'est-à-dire que le système est bon, cela va à l'encontre même de l'existence du parti, de l'article 1 de son propre programme.

Vous me donnez l'indication qu'il ne me reste qu'une minute, M. le Président. J'aimerais conclure en disant que ce dont le Québec a besoin, ce dont les Québécois et les Québécoises sont tannés, c'est de la chicane continuelle entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Ce sont eux les victimes de cette chicane-là. Tant que nous aurons un gouvernement séparatiste qui ne croit pas au système, qui ne veut pas jouer les règles du jeu, tous ces problèmes-là se reproduiront. La meilleure façon de faire bénéficier les Québécois et les Québécoises d'un bon système, de bonnes ententes, c'est de changer le gouvernement. Qu'on déclenche au plus vite les élections. Nous, de notre côté, on est prêt. Merci, M. le Président.

Une voix: Très bien, très bien.

Une voix: Est-ce qu'on a quorum, M. le Président?

Le Président: Je compte, en effet, un certain nombre de députés qui ne sont pas à leur siège. Si les députés qui ne sont pas à leur siège prennent leur siège, il y a de fortes chances que oui. Il y a plus de 20 députés en Chambre, mais il y a effectivement des députés qui déambulent derrière vous. Si je les compte, on a effectivement quorum.

Mme la députée de L'Acadie. (3 heures)

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. 3 heures du matin et nous avons à débattre une motion de clôture que le gouvernement du Parti québécois nous impose

pour la neuvième fois depuis que nous siégeons à l'Assemblée nationale. Il ne faut pas s'étonner que nous ayons ce soir à débattre une motion de clôture. C'était ce qui devait éventuellement arriver après que le gouvernement eut refusé d'accepter notre motion de report que nous discutions la semaine dernière pour tenir une commission parlementaire avant la deuxième lecture, ce qui aurait permis, je pense, de trouver des avenues différentes de celle que le gouvernement nous propose aujourd'hui.

N'acceptant pas d'entendre une commission parlementaire avant la deuxième lecture, le gouvernement s'engageait dans un cul-de-sac puisqu'il faisait accepter par l'Assemblée nationale le principe de la loi 38 et que, pour pouvoir changer de direction, il ne lui restait que deux choix, dont celui de le retirer après cette commission parlementaire qui, on le sait, s'était engagée dans des conditions difficiles avec des limites de temps imposées. Enfin, elles ont été, finalement, retirées parce que l'Opposition a fait valoir les droits démocratiques de l'Assemblée. Alors, le gouvernement ne pouvait plus, après cette discussion en commission parlementaire que retirer son projet de loi ou encore continuer jusqu'au bout et imposer la clôture. C'est ce qu'il fait aujourd'hui.

Sans doute, le gouvernement, pour se donner bonne figure, a présenté quelques amendements. Mais ces amendements changent-ils fondamentalement l'esprit de ce projet de loi? Il faut bien s'en rendre compte, quand un projet de loi est fondamentalement mauvais, ce ne sont pas des amendements de forme qui vont en modifier l'esprit. Tout ce qu'on a proposé finalement, dans ces amendements-là, c'est un avis de 60 jours qui serait donné aux municipalités pour pouvoir, peut-être, contester ou faire des représentations et un droit d'appel qui, finalement, pourrait être fait devant la Cour supérieure, mais qui ne pourrait porter que sur des questions de droit ou de compétence. En d'autres termes, c'est extrêmement restrictif. Si le gouvernement décidait que, dans le cas d'une municipalité, c'est 200 000 $ qu'elle ne recevrait pas comme subvention, son droit de recours devant le tribunal ne porte nullement sur les montants impliqués ou les punitions qu'on lui imposerait, mais strictement sur la question de droit, à savoir si le ministre aurait respecté l'avis à donner et certaines autres dispositions de forme qu'en bout de piste, pour tenter de sauver les meubles, le ministre des Affaires municipales a présentées aujourd'hui en commission parlementaire.

J'entendais le ministre de l'Énergie et des Ressources qui, à part se plaindre de sa santé, disait: Mais vous n'avez aucune solution à offrir. Vous n'avez offert aucune solution du côté de l'Opposition. Il y a à peu près quinze jours, quand nous discutions pour la première fois du projet de loi 38, nous avons fait allusion dans cette Chambre à une lettre du ministre de l'Emploi et de l'Immigration à Ottawa, M. Roberts, qui, justement, je pense, proposait des éléments de solution intéressants, si le ministre des Affaires municipales et l'ensemble du gouvernement avaient été prêts à aller discuter de bonne foi. On sait fort bien que, dans le passé, tous les gouvernements ont reconnu la compétence du Québec en matière d'affaires municipales. Mais ceci n'a pas exclu la possibilité, compte tenu des responsabilités du gouvernement fédéral en matière économique et en matière de redistribution de la richesse, de pouvoir accorder des subventions aux municipalités, mais ces subventions étaient accordées en vertu d'ententes dûment signées entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. Cette fois-ci, pour des raisons qui nous échappent complètement à la suite des questions que nous avons posées au ministre à cet égard et auxquelles nous n'avons eu aucune réponse, le gouvernement semble ignorer totalement les propositions que M. Roberts a faites. Je voudrais les rappeler ici, M. le Président. Je regrette que le ministre de l'Énergie et des Ressources nous dise: Vous ne faites pas de propositions. M. Roberts, dans la lettre qu'il a envoyée, disait: "Nos propositions prévoient donc un suivi fédéral ou conjoint des projets, ainsi que le versement direct de la contribution fédérale aux municipalités." Je pense qu'il y avait là une modalité qui aurait pu faire l'objet d'une négociation parce que cette modalité, telle qu'elle est écrite ou proposée dans la lettre de M. Roberts, peut présenter des difficultés. Mais il ajoutait plus loin -c'est le ministre fédéral qui parle - c'est ce qui me paraît important - "Que le ministère des Affaires municipales du Québec soit saisi de toute demande que des municipalités québécoises pourraient adresser à la Commission de l'emploi et de l'immigration en même temps que celle-ci et qu'il puisse exercer un droit de veto en ce qui concerne les projets de création d'emplois." C'est une entente qui prévoirait que toutes les demandes soient soumises à Québec et que Québec puisse exercer un droit de veto pour permettre une coordination des travaux et une coordination des projets afin qu'il n'y ait pas de multiplication de projets inutiles comme, d'un côté et de l'autre de la Chambre, nous l'avons regretté.

Ces ententes ont existé dans le passé. Le Québec et les municipalités n'ont eu qu'à s'en féliciter, je pense. Il y a encore possibilité d'entente. Nos lois dans les affaires intergouvernementales nous permettent ces ententes depuis 1974. Mais le gouvernement fait comme s'il n'avait reçu

aucune lettre. Aux questions que nous posions au ministre des Affaires municipales: Quel suivi entendez-vous donner à la lettre de M. Roberts, jusqu'à maintenant, c'est le silence le plus complet. C'est comme si on disait: De toute façon, on ne veut pas s'entendre. Nous avons ce projet de loi que nous vous soumettons. Même si, de l'avis de tous, il est discrétionnaire et punitif, même s'il est arbitraire, il n'y a pas d'autre solution. J'aimerais que le ministre de l'Énergie et des Ressources demande au ministre des Affaires municipales quel suivi il entend donner à la lettre de M. Roberts qui propose que nous fonctionnions à partir d'ententes dûment négociées qui donneraient au Québec un droit de veto sur tous les projets qui seraient soumis par les municipalités.

Je pense que nous sommes devant de la mauvaise foi de la part du gouvernement et du ministre des Affaires municipales. Nous devons ce soir, même aux petites heures du matin, nous lever en Chambre pour protester contre la façon dont le gouvernement essaie d'agir dans ce dossier particulier.

En terminant, M. le Président, je voudrais simplement citer une partie de l'éditorial de M. Dubuc de la Presse. Mes collègues ont déjà fait allusion à certaines parties de cet editorial qui a été publié ce matin. Je vais simplement me référer à un autre passage: "II est évident, dit M. Dubuc, qu'on a là un cas type de loi discrétionnaire qu'un gouvernement aux prétentions démocratiques ne peut accepter: une telle loi permet tous les chantages et abus d'anciens systèmes qu'on croyait avoir délogés pour toujours." (3 h 10)

Si nous poursuivons jusqu'au bout notre lutte contre ce projet de loi, c'est qu'en dépit des amendements de forme que le ministre des Affaires municipales a présentés cet après-midi le projet demeure fondamentalement le même dans ses principes et dans son esprit. C'est un projet de loi revanchard à l'égard des municipalités; c'est surtout un projet de loi qui va nécessairement engendrer la confrontation entre les municipalités et le gouvernement du Québec et perpétuer la confrontation à laquelle le gouvernement qui est devant nous nous a continuellement exposés depuis qu'il est au pouvoir, depuis 1976. C'est bientôt qu'il va falloir que la population lui indique que trop, c'est trop. Merci.

Une voix: Très bien.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Hull.

M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je m'aperçois que, du côté ministériel, la clientèle diminue. Ils sont sûrement retournés au bar Zéro. Si on avait un bar Oasis, ils seraient peut-être là, M. le Président. Il y a une chose que je ne peux absolument pas comprendre. Il est 3 h 10 du matin. Nous étudions un projet de loi relativement important. Le ministre des Affaires municipales est parti. Il est remplacé par le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional.

Une voix: Ils ne s'entendent pas d'habitude.

M. Rocheleau: Et ils ne s'entendent pas, à part cela, M. le Président. La chicane est poignée dans la cage. Ils ne peuvent pas s'endurer. Alors, on ne les voit jamais en même temps à l'Assemblée nationale, surtout à cette heure tardive de la nuit. On pourrait se poser de sérieuses questions. Par exemple: Qu'est-ce que le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional fait dans le décor, lui qui est aussi responsable des municipalités, plus particulièrement les municipalités régionales de comté, et du document historique, Le choix des régions? Comment allez-vous faire, M. le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional, pour vendre votre salade à ceux dont vous venez de botter le derrière?

M. le Président, je trouve ce projet de loi aberrant, absolument inacceptable. Ce qui est pire, c'est que c'est la population qui est en otage. Quand je dis la population, je sais bien qu'à cette heure-ci de la nuit les conseillers municipaux, plus particulièrement les maires des municipalités du Québec...

Une voix: Ils dorment.

M. Rocheleau: ...sont couchés. Des folies, eux autres, ils ne font pas cela la nuit. Les maires et les conseillers municipaux, ce sont des gens sérieux, des gens qui travaillent quand c'est le temps de travailler, qui s'amusent quand c'est le temps de s'amuser et qui dorment quand c'est le temps de dormir. Mais avec un gouvernement aussi stupide, on tente de cacher la vérité à la population du Québec en pensant qu'elle dort et on profite de cette occasion pour nous faire parler sur un projet de loi aussi important. C'est absolument inacceptable, une attitude semblable à l'égard des maires et des conseillers des municipalités du Québec. 1600 municipalités sont impliquées. L'an passé, on a adopté le projet de loi 37 regroupant, d'une façon forcée, les municipalités de Baie-Comeau et de Hauterive. On aurait pensé que ce gouvernement aurait compris la leçon. Pas longtemps après, le ministre Lessard quittait cette formation politique et retournait chez lui. Pas longtemps après, nous élisions à

cette Assemblée nationale un depute de notre formation politique en la personne de Ghislain Maltais, député de Saguenay.

Une voix: Un bon député.

M. Rocheleau: J'aurais pensé que le gouvernement aurait compris et cesserait de brimer la population dans ses droits pour plutôt la respecter. Mais non, il continue. Il continue avec les projets de loi 70, 105, 111 et émet des décrets pour punir la fonction publique, pour punir les enseignants et les enseignantes, avec des réductions de salaires. Ce n'est pas assez, M. le Président. C'est-y assez fou, c'est-y assez bête et faut-y être assez creux! On continue dans cette vague-là. Mais qu'est-ce que vous voulez faire aux gens du Québec, pour l'amour du bon Dieu? Nous autres, on s'aperçoit que vous êtes complètement "capotes", mais j'ai hâte que, parmi votre groupe, quelqu'un vous le dise.

Si on s'arrêtait là. Mais non. On a le ministre du Travail avec nous ce soir. On lui demande depuis près de deux ans et à son prédécesseur de nous éliminer la fameuse carte de placement dans la construction. La gestapo...

Une voix: Demain matin.

M. Rocheleau: ...l'office du crime du Québec comme le disait mon ami, le député de Beauce-Sud. Bien oui, M. le Président, encore là on pénalise les gens. Quelqu'un qui n'a pas sa carte de placement se fait pincer à travailler, il paie l'amende. Il n'a plus le droit de travailler au Québec, plus le droit pour nos travailleurs de la construction de se trouver une "job", de gagner leur salaire pour faire vivre leur famille. Quelle sorte de gouvernement? Cela touche aussi à nos jeunes qui sont la relève de demain. Vous faites quoi avec un gouvernement semblable?

On nous présente le projet de loi 38. Mon collègue de Laprairie en a parlé longuement du projet de loi 38 dans les détails, en profondeur. Il y a une chose qu'il faudrait peut-être dire à la population du Québec. Ce sont les propriétaires de résidences unifamiliales ou multifamiliales, les locataires...

Vous savez que le projet de loi 38 tel que le gouvernement veut le faire adopter, brimera les municipalités qui, directement ou indirectement, auront contrevenu à la loi. Quand on dit une municipalité, on peut aussi penser à un club de l'âge d'or qui recevrait une subvention du gouvernement fédéral pour des activités quelconques pour créer des jobs, pour faire travailler nos chômeurs ou nos assistés sociaux comme enlever de la neige devant une maison, laver des fenêtres afin d'aider et de favoriser nos personnes plus âgées du travail qu'elles ne peuvent plus accomplir.

Vous savez que si dans une municipalité, un organisme accepte de l'argent et que ce gouvernement gestapo fait enquête et découvre que le gouvernement fédéral, le mauvais gouvernement fédéral a donné de l'argent à un organisme quelconque, la municipalité est pénalisée. Le gouvernement du Québec qui doit annuellement les en lieu de taxes, doit payer des taxes sur ses équipements dans les municipalités, soutire ces sommes d'argent et peut les redistribuer à sa discrétion. Quand il soutire un montant d'argent à une municipalité et que la municipalité a préparé au début de décembre son budget, il est adopté pour l'année. On sait qu'une municipalité ne peut pas avoir un déficit opérationnel comme le gouvernement. Premièrement, le gouvernement ne sait pas administrer. Il fait des trous annuellement. Cela semble être normal pour ces "pelleteux de nuages", ces "brasseux de manèges", des gens qui sont absolument déconnectés, des "faiseux de mouches". M. le Président, c'est absolument aberrant. J'ai déjà été maire d'une municipalité et je pourrais dire au ministre des Affaires municipales que si j'étais encore maire de Hull aujourd'hui et qu'un projet de loi semblable me tombait sur la tête, M. le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional, je vous botterais le derrière et cela ne prendrait pas de temps non plus. Vous ne m'empêcheriez pas de faire ce que je veux faire. Vous n'empêcheriez pas mes citoyens, les organismes du milieu de faire ce qu'ils veulent et vous n'empêcheriez pas l'économie de ma ville de progresser. Je vous le dis et je vous le garantis.

Je sais pertinemment que parmi les 1600 municipalités du Québec plusieurs vont vous montrer les dents tantôt et plusieurs vont vous retourner d'où vous venez. Vous allez le mériter, oui. Des administrateurs de la sorte, M. le Président, c'est absolument impensable qu'on ait permis dans les sept dernières années de pratiquement mettre le Québec en faillite, qu'on ait accepté de tolérer un gouvernement semblable. La population s'est sûrement trompée une deuxième fois en 1981, mais elle ne se trompera pas une troisième fois. Non, parce que vous avez tellement menti lors de vos campagnes électorales, les promesses à coût de milliards dans tout le Québec depuis 1981. La réalisation de vos promesses ne s'est pas vue. (3 h 20)

Je dois quitter là-dessus, M. le Président. J'aurais d'autres choses à dire, mais je reviendrai sur le rapport de la commission et je reviendrai en troisième lecture. Tous, de l'Opposition, nous allons revenir et nous allons dire à la population du Québec la vraie couleur de ce parti séparatiste, indépendantiste, parti qui ne voit

absolument rien.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: M. le Président, comme on dit en anglais: It is a very hard act to follow. C'est une performance très difficile à suivre pour le bénéfice de notre ministre bilingue de Sherbrooke.

On a entendu des discours d'un côté et de l'autre, mais je pense que l'essentiel de cette motion a peut-être été oublié par certains députés ici. L'essentiel de cette motion est que c'est une motion de clôture, de guillotine. Cette motion est une motion qu'on doit utiliser durant des périodes particulières, pour une loi particulière, pour une loi qu'on a besoin d'adopter de façon urgente pour toutes sortes de raisons.

Pour commencer, je me demande vraiment si le projet de loi qu'on essaie d'adopter ici, le projet de loi 38, est tellement visé par l'article 156. Je me demande, si on n'était pas en session ici, si le leader du gouvernement viendrait convoquer la Chambre et demander de faire une motion selon l'article 84, suspendant les règles parce que c'est un cas d'urgence. C'est là la motion de clôture. Une motion de clôture, c'est un peu comme mettre de côté tous les règlements de la Chambre sur une question d'urgence.

On utilise normalement l'article 84 dans les cas d'urgence, mais entre les sessions. Mais une chose qui est intéressante ici, c'est que seulement trois heures après une commission on commence à discuter du sujet. Le leader de la Chambre vient devant nous et dit: Demain, une motion de clôture. On peut le comprendre facilement parce que les gens d'en face ont un défaut qu'on a vu dès la première journée qu'on est arrivé ici en Chambre après les élections de novembre 1976. Je pense que tous les députés qui étaient ici à ce moment ont pu le constater. Cette formation politique, qui forme le gouvernement actuel, pense qu'elle n'a pas besoin de Parlement. Dans l'histoire du Parlement, dans les récentes années, on n'a jamais siégé si peu de jours qu'on ne le fait avec ce gouvernement. Cette année, on a siégé 64 jours. Pas 64 jours en cette fin de session, mais 64 jours depuis le 1er janvier 1983. Jamais on n'a eu des sessions aussi courtes.

On vous demande pourquoi ce gouvernement ne fait pas siéger le Parlement. Parce que, premièrement, il ne veut pas du Parlement parce que le Parlement est trop démocratique pour lui. Deuxièmement, il ne veut pas du Parlement parce que le Parlement est transparent. On a des télévisions, des caméras. Les gens peuvent voir ce qui se passe ici. Troisièmement, il aime gouverner par décret. C'est la marque de commerce de ce gouvernement. Il aime gouverner par décret. Même quand il adopte des lois, il essaie d'adopter des lois en blanc, des "chèques en blanc" et il fait fonctionner les lois par règlements.

Comme vous le savez, par règlement ici, cette Assemblée nationale n'a aucun mot à dire vis-à-vis des règlements. Même s'ils sont illégaux, même s'ils sont ultra vires, nous n'avons aucunement à redire de ces règlements. La seule façon - Dieu merci, on a des cours - c'est de les contester dans les cours, devant les tribunaux. C'est là l'attitude de ce gouvernement. Voilà un exemple parfait de l'attitude totalitaire de ce gouvernement. Il dépose une loi au mois de juin, il n'y touche pas, il la remet pour la session qui devait commencer le 18 octobre, il reporte la session jusqu'au 15 novembre, il attend trois semaines, il appelle la loi en deuxième lecture, elle est votée en deuxième lecture, immédiatement cela va en commission parlementaire et une heure, deux heures ou trois heures après, motion de clôture. Ensuite, on s'organise pour avoir le débat sur cette motion de clôture après que tout le Québec dort. Cela a commencé après onze heures. Il n'y a personne qui nous regarde et personne ne voit ce qui se passe ici en Chambre. C'est une autre marque de commerce de ce gouvernement. Récemment, la semaine dernière, on avait deux projets de loi du ministre du Revenu, les projets de loi 44 et 54. Les deux projets de loi sont du même genre, des projets de loi qu'on appelle omnibus, pour essayer de régler certains articles dans la loi de l'impôt et d'autres lois de taxation.

Qu'est-ce qui se passe? On a divisé ces lois: Une donnait des mauvaises nouvelles et l'autre donnait des bonnes nouvelles. Je vais vous dire que celle des bonnes nouvelles était très mince. Elle avait environ six ou sept paragraphes et l'autre avait une soixantaine de paragraphes. La chose intéressante, c'est qu'on s'est organisé pour que les mauvaises nouvelles passent ici après minuit. Entre minuit et trois heures du matin, on a discuté des mauvaises nouvelles. Cela veut dire que les Québécois et les Québécoises n'ont pas vu ce que le gouvernement leur impose: des augmentations de taxe, des changements de taxes temporaires, des taxes permanentes; ce sont toujours des taxes, toujours des augmentations de taxes. Mais quand est venu le projet de loi plus mince, celui des bonnes nouvelles, celui de six ou sept paragraphes avec des petits bonbons, des petits "candies", qui vraiment n'ajoute rien pour les Québécois et les Québécoises, c'était durant la journée, à midi, l'heure de pointe de la télévision quand les Québécois et les Québécoises sont chez eux pour manger, pour voir la

télévision. Là on expose les bonbons.

Mais quand, vient le temps d'exposer quelque chose qui fait mal aux Québécois et aux Québécoises, qui fait mal au système démocratique, qui fait mal au système parlementaire, cela se passe après minuit. C'est la marque de commerce de ce gouvernement. Voyons donc, cela est la vérité. Même s'il y a des objections de certains membres de cette Chambre, cela est la vérité. Ce n'est pas moi qui ai inventé le mot totalitaire vis-à-vis de ce gouvernement. C'est un des plus grands juristes de cette province, l'ancien juge en chef, M. Jules Deschênes, qui dit qu'il y a une pensée totalitaire dans ce gouvernement.

Qu'est-ce qui se passe quand on met de côté toutes les règles démocratiques, quand on met de côté le Parlement? Un de nos députés le disait ce soir: Le Parlement, c'est le peuple. Nous des deux côtés de la Chambre représentons le peuple. Si on met de côté le Parlement, on met de côté le peuple. Quand on met de côté le peuple, c'est seulement un mot qui peut le décrire, c'est totalitaire. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Nous sommes sur la motion de clôture relativement au projet de loi 38. Il est 3 h 30 du matin. Si des gens sont déjà levés et regardent la télévision, ils doivent croire que cela est un reportage d'hier. Nous sommes bien ici ce matin, on ne sait plus si c'est le 15 ou le 16 décembre et nous étudions cette motion de clôture. C'est la neuvième motion de clôture de ce gouvernement depuis 1976 et c'est l'acte le plus antidémocratique qui puisse exister dans la procédure parlementaire. C'est une procédure qui est exercée le plus rarement possible quand un gouvernement est respectueux des droits de la population. Mais avec ce gouvernement, nous avons connu le record. (3 h 30)

M. le Président, avant d'aller dans le vif de mon sujet, du projet de loi 38, je voudrais relever certaines choses qui ont été dites même par des ministres, par des députés du Parti québécois. J'ai entendu à quelques reprises le mot "traître", le mot "vendu", le mot "filiale" ou les mots "succursale d'Ottawa". Je ne sais pas si les gens qui prononcent ces mots-là savent ce qu'ils disent. Je ne sais pas si ce sont des écarts de langage auxquels ils sont habitués, auxquels même leur chef les habitue en ce qui a trait aux plus grands impairs diplomatiques comme celui qui s'est passé en Italie la semaine dernière. Je voudrais leur dire une chose. Chaque fois que je vais entendre les mots "succursale d'Ottawa", chaque fois que je vais entendre le mot "traître", chaque fois que je vais entendre le mot "vendu", je vais prendre vos documents et je vais vous poser des questions. Chaque fois. Si vous ne voulez pas entendre parler de ce que je vais traiter, vous n'avez qu'à ne pas employer ces mots-là.

Quand on parle de succursale d'Ottawa, je suis Québécois, je suis Canadien; je pense que je peux être à la fois bon Québécois, aussi bon que n'importe qui assis là, et un bon Canadien. Je pense que je peux aimer à la fois mon père et ma mère; je pense que je n'ai pas à prouver que j'aime ma mère dans la mesure que je déteste mon père. Je pense que je n'ai pas à faire cela. Je vais vous parler de votre filiale. Je prends le Journal de Québec du 30 mars 1983 - c'est écrit en petits caractères: "L'Internationale socialiste: le PQ veut toujours en faire partie. Le Parti québécois n'a pas abandonné son intention de devenir membre de l'Internationale socialiste. C'est ce qu'a rappelé hier un porte-parole du ministre Jacques-Yvan Morin. Pour M. Morin, il s'agit là d'un progrès tout à fait valable." Parlez-moi de succursale; parlez-m'en. Je vais vous en parler et on verra quelle succursale la population préfère.

Je pense qu'on a prouvé et que j'ai prouvé personnellement que quand c'est le temps de dire oui à Ottawa, on est capable de le faire - on est capable de discerner -et quand c'est le temps de dire non, on a déjà prouvé qu'on était capable de le faire. On est capable de négocier, on est capable de se rencontrer, de s'entendre, ce dont vous n'êtes pas capables parce que vous êtes emprisonnés dans votre option. Quand on parlera de traître, de vendu, je vous parlerai de votre congrès du 7 décembre 1981. Remarquez que je n'aime pas parler de cela; j'en parle et je le ferai chaque fois que j'entendrai ces mots-là. Le Devoir, 7 décembre 1981: "Le huitième congrès du PQ: Le congrès appuie et ovationne Jacques Rose. Jacques Rose, ancien membre du Front de libération du Québec a obtenu appui et ovation quasiment unanime des congressistes du Parti québécois en fin d'après-midi, quelques minutes avant la clôture des deux jours de réunion. M. Rose venait présenter une résolution d'urgence demandant au gouvernement du Québec de faire pression sur les autorités fédérales pour la libération des prisonniers politiques québécois, ses anciens collègues, toujours derrière les barreaux. Certains délégués sont venus soutenir sa position en ne craignant pas de faire un lien entre leur projet politique d'indépendance pour le Québec et l'ancien Front de libération du Québec." "Cela fait assez longtemps au Parti québécois qu'on fait les sépulcres blanchis à l'égard des

felquistes", de tonitruer un autre. "Ces gars-là sont nos pionniers. Nous autres, ici, aujourd'hui, pouvons leur dire merci." En avez-vous assez? J'en ai d'autres.

Le Devoir, 7 décembre 1981: "De nombreux étrangers ont suivi de près les délibérations du PQ - par Clément Trudel -M. Michel Leduc, député de Fabre, au nom du comité des relations internationales de son parti, a rappelé hier que ses invités, bon nombre d'entre eux viennent d'Amérique latine, ne se limitent plus au bassin de la francophonie puisque le Québec s'achemine vers la souveraineté. Il est important que, de plus en plus, le Québec aille vers les autres dans les rencontres internationales et invite ces observateurs à se rendre compte de ce que nous sommes. Ultimement, selon M. Leduc, ces observateurs pourraient compter comme alliés du Québec advenant une demande d'adhésion à l'Organisation des Nations unies." M. Leduc, c'est le député de Fabre dans cette Chambre.

M. le Président, on vient nous parler de succursale, vous avez le culot de venir nous parler de trahison, vous avez assez de culot pour ça! Je continue, même si cela ne fait pas votre affaire.

Présents à certaines séances du congrès, on remarquait: le vice-président de l'Internationale Socialiste, Anselmo Sule, les porte-parole de l'Organisation de libération de la Palestine, l'OLP qui met des bombes dans les autobus d'écoliers, qui fait sauter des bombes dans les centres d'accueil de vieillards - je n'ai pas à discuter du bien-fondé, M. le Président, je ne m'occupe pas de ces choses; mais vous tendez la main à ces gens, d'après vos dires, pour entrer aux Nations Unies - un représentant de la Convergence démocratique de l'Uruguay et également du Front national d'Algérie, et il y en a encore d'autres. Le Soleil du 7 décembre 1981: "Le PQ avait invité l'OLP."

Je sais que cela ne fait pas votre affaire, comme cela ne fait pas mon affaire moi, depuis quatre ans, d'être qualifié de traître et de vendu par "cette gang" de sépulcres blanchis! Je pense qu'il faut vous dire ce que vous êtes. Si vous n'aimez pas vous faire dire cela, pensez-vous qu'on aime se faire traiter de traîtres? Ouvrez votre dictionnaire, M. le député très savant de Groulx, les savants regardez ce que "traître" veut dire. Ensuite... Tiens, le député de Groulx me regarde et dit qu'il en voit un traître. Je pourrais vous faire ravaler votre vomissure, M. le député de Groulx, soyez en sûr!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Beauce-Sud. Je demanderais qu'on utilise simplement une façon normale de discuter ici, à l'Assemblée nationale.

M. Mathieu: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Pagé: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Très brièvement, je voudrais vous demander, afin que nos débats puissent être le plus calmes, le plus sereins possible et guidés évidemment par le respect du règlement, si vous avez entendu les paroles que le député de Groulx a prononcées à l'endroit du député de Beauce-Sud? Et je vous demanderais d'exiger de lui qu'il retire les paroles disgracieuses qu'il a eues à l'endroit de mon collègue.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je n'ai pas entendu ce que le député de Groulx...

M. Côté: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le député de Charlesbourg!

Quand je dis que le président n'a pas entendu...

Une voix: Cela paraît qu'il est sourd!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cela paraît que cette salle est trop bruyante, cela paraît qu'il y a trop de gens qui parlent quand ils n'ont pas de raison de parler aussi. Simplement, je demande au député de Beauce-Sud de terminer, dans le contexte du plus grand calme de cette Assemblée.

M. Pagé: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Très brièvement, j'ai entendu, comme d'autres de mes collègues ont entendu, de ce côté-ci de la Chambre...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Pagé: Non, je m'excuse...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vous ai dit tantôt que personnellement je n'ai pas entendu. Je m'excuse, vous m'avez posé une question à savoir si j'avais entendu, j'ai dit: Non. Vous devez prendre ma parole.

M. Pagé: C'est une question de

règlement. Je comprends et j'accepte le fait que vous n'ayez pas entendu. Nous avons entendu et nous demandons que le député de Groulx ait un minimum de gentilhommerie, qu'il se lève et qu'il retire ses paroles à l'endroit d'un de nos collègues.

Une voix: ...

M. Pagé: Ah, oui?

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; M. le député de Beauce-Sud, nous allons vous permettre, puisqu'il y a eu interruption, une minute et demie pour terminer votre intervention.

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je n'entends pas poursuivre cette chose. Si le député de Groulx n'est pas assez gentilhomme pour retirer ses paroles, on le voit à sa juste mesure. Sa mesure intellectuelle est à l'image de sa mesure physique. (3 h 40)

Je conclus donc, M. le Président, puisqu'il me reste une semaine... puisqu'il me reste une minute, pardon. Voulez-vous parler? Le député de Groulx a quelque chose à dire, M. le Président, je ne sais pas s'il est saoul.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Il vous reste 30 secondes, M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Je vous en prie. Je ne veux pas perdre mon temps...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! II vous reste 30 secondes, M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Je demande le consentement, M. le Président, pour me permettre de compléter mon article. Je cite le Soleil du 7 décembre 1981: "Le PQ a invité l'OLP. Pour la première fois en Amérique du Nord, l'Organisation de libération de la Palestine, l'OLP, a délégué des représentants à un congrès d'un grand parti politique. C'est la première fois qu'un parti politique nord-américain d'importance invite l'OLP à assister à son congrès. Cette invitation, adressée aux représentants montréalais de l'OLP, qui n'est pas officiellement reconnue par le gouvernement fédéral, s'explique par l'ouverture de certains membres du Parti québécois sur le monde, précise M. Omran, qui ajoute que, contrairement aux autres partis politiques canadiens, le PQ n'est pas hostile aux Palestiniens."

Comme mon temps achève, je conclus, M. le Président, en disant que, chaque fois que j'entendrai le mot "traître", que j'entendrai le mot "vendu", que j'entendrai le mot "succursale", vous allez vous faire passer un savonnage!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: À cette heure-ci, à 3 h 40 du matin, même sur la côte ouest, le "late show" est terminé. Même Johnny Carson a terminé son "late show" et heureusement pour les auditeurs qui pourront voir l'Assemblée nationale dans sa plénitude. Le "late show" de Johnny Carson me fait penser au show qu'on a vu le 13 novembre dernier quand, soudainement, le premier ministre est arrivé, exactement comme les grands comédiens, depuis l'arrière-scène, il s'est présenté avec une grande fanfare. Il est venu annoncer sa fameuse relance, la relance "comique". C'est comme cela qu'elle devrait s'appeler: "la relance comique". Il nous a annoncé toutes sortes de fameux plans.

Pendant un mois, nous n'avons pas siégé, pendant un mois, la Chambre était fermée. Ensuite, il est arrivé avec son grand show. Il nous a dit qu'il allait tout relancer, qu'il allait planter des arbres, qu'il allait se servir de l'aide sociale pour faire l'apprentissage des jeunes au travail, l'apprentissage des chômeurs au travail. La semaine suivante, par le budget qui allait être présenté à l'Assemblée nationale, on allait donner des quantités d'argent et on aurait la surprise de savoir combien allait être dépensé dans tous ces fameux programmes.

Quand les questions sont arrivées, on s'est rendu compte que les arbres, on ne peut pas les planter en hiver, qu'il faut attendre le mois d'avril. L'aide sociale pour faire l'apprentissage, on ne pouvait pas la donner parce qu'il fallait faire un petit "deal" avec Ottawa. Quand il s'est agi d'aller consulter Ottawa, de négocier et d'arranger les choses avec eux, c'est le ministre de la Main-d'Oeuvre qui l'a fait avec succès. Le jour suivant, il nous a quittés, il nous a filés entre les doigts et tout cela est encore en suspens.

On a attendu le ministre des Finances qui devait nous parler de tous les millions injectés dans la fameuse relance "comique"; c'étaient 30 000 000 $. Quand on lui a demandé: Pourquoi, seulement 30 000 000 $? Il nous a répondu: II faudra attendre avril. On a d'abord attendu depuis octobre jusqu'à novembre pour connaître toutes les grandes choses que nous annonçait le gouvernement. En novembre, on doit attendre jusqu'en avril.

Entre-temps, qu'est-ce qui s'est passé, depuis un mois de session? On aurait pu penser pouvoir adopter toutes sortes de projets de loi ayant trait justement à l'économie; qu'est-ce qu'on a adopté comme

projets de loi? Le projet de loi 43. Qu'est-ce qu'il fait? Chercher la bagarre entre les restaurateurs et les serveuses de restaurant. Des centaines, des centaines et des centaines de propriétaires de restaurant, des milliers de gens travaillant dans cette industrie, tous ont renié ce projet de loi. Tous ont dit au gouvernement que c'est de la folie pure. Ensuite, on a eu le projet de loi 48 que nous a présenté le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Là aussi, cela a été la bagarre. C'est la bagarre, cette fois, avec le gouvernement fédéral, avec le gouvernement des autres provinces, parce que ce n'est pas assez pour nous de nous entendre avec les autres, de faire la pêche comme les autres sur un territoire où, historiquement, on s'est échangé les captures de poisson. Non, là, il fallait aller faire la bagarre. Il faut déclarer que nous possédons la mer sur un territoire qui reste à définir.

On a eu le projet de loi 49. L'Union des producteurs agricoles, les agriculteurs, les pisciculteurs, tous disent: On ne veut pas de ce fameux projet de loi 49. C'est comme cela qu'on a passé notre temps ici, à soi-disant refaire l'économie du Québec. Ensuite, il y a eu le tour du monde du premier ministre, le tour de l'Europe, le tour de la France et le tour de l'Italie. Cela a duré quelques jours seulement. Heureusement, parce que déjà en France, les problèmes ont commencé. On a été faire une annonce en France de quelque chose qui aurait dû être annoncé ici. C'est en France qu'on nous annonce qu'une compagnie québécoise va produire 51% des ordinateurs pour les écoles du Québec. On aurait pu croire - vous qui vous targuez de défendre les intérêts du Québec - que votre premier ministre, dont vous êtes tellement fier aurait annoncé une belle chose comme cela au Québec. Mais non, il fallait annoncer cela en France et personne d'autre ne le savait, même les gens de votre gouvernement, même les gens du ministère de l'Éducation. On annonce ces choses en France. Si, par exemple, le premier ministre fédéral avait annoncé un grand contrat canadien ailleurs en Amérique, en Angleterre ou en Chine, on aurait dit: Mais il est fou! Pourquoi n'annonce-t-il pas cela au Canada? Mais pour notre premier ministre, lui, le Québec n'est pas assez bon pour annoncer ses projets. Il fallait le faire en France.

Après, il est allé en Italie, seulement deux jours et en deux jours, il a semé encore la bagarre. Il est revenu ici au Québec, humilié. Il a eu à s'excuser ici en Chambre. Le président de la république d'Italie lui renvoie le passeport dont il nous avait dit lui-même qu'il avait été accueilli avec beaucoup de joie par le président de l'Italie. Ce fameux petit tour de force du premier ministre, on devrait l'appeler "le tour de farce". Dans deux ou trois jours, en

France et en Italie...

Il est allé en France. Cela a été toute la zizanie avec l'affaire de Comterm-Matra qui est encore en manchettes aujourd'hui, parce qu'il y a toutes sortes de dessous de cartes dedans qui sont bien étranges et bien flous. Il a passé deux jours en Italie. Heureusement qu'il ne s'est pas querellé avec le pape, mais le président de l'Italie lui-même nous a maintenant rabroués publiquement. C'est comme cela qu'on passe notre temps à l'Assemblée nationale du Québec; des projets de loi de confrontation, des "tours de farce" du premier ministre qui humilie le Québec. Et c'est ainsi, d'après vous, qu'on défend les intérêts du Québec?

Aujourd'hui, que vient-on faire? On fait des motions de clôture à 3 h 50. C'est le Disney World du Québec. Mais le Disney World réel, au moins, on va s'amuser là-bas, tandis qu'ici, ce n'est pas amusant. C'est presque tragique. C'est du tragi-comique. C'est cela, que vous avez produit ici, une espèce de machine infernale, un "cuckoo's nest". À 3 h 50, on est en train de débattre des motions de clôture. Comment voulez-vous? C'est un gouvernement qui s'appelle le gouvernement de la concertation, mais qui fait la bagarre avec les travailleurs, qui fait la bagarre avec les universités, qui fait la bagarre avec les municipalités et qui fait la bagarre avec le gouvernement fédéral. C'est un gouvernement qui se dit le gouvernement de la transparence et pendant ce temps, on ne sait même pas ce qui s'est passé dans la petite affaire d'ordinateurs Comterm-Matra. Personne ne sait rien de tout cela. Tout cela est caché. On dit que c'est le gouvernement de l'indépendance.

M. le Président, je voudrais demander le quorum, s'il vous plaît!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous avons le quorum, M. le député.

M. Côté: Non, M. le Président, on n'avait pas le quorum, effectivement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Quand M. le député de Nelligan m'a demandé le quorum, il y avait trois députés qui n'étaient pas à l'extérieur de la Chambre, M. le député de Charlesbourg, plus ceux qui étaient déjà ici. M. le député de Nelligan.

Une voix: II ne sait pas compter.

M. Lincoln: M. le...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Charlesbourg, je vous ai entendu, cette fois-ci.

Une voix: Ah! c'est sérieux. Vous entendez d'un côté, mais vous n'entendez pas de l'autre.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je m'excuse. Vous parlez tellement fort... M. le député de Nelligan. (3 h 50)

M. Lincoln: M. le Président, c'est le même gouvernement qui nous dit qu'on serait tellement bon si on était indépendant. Mais comment prouve-t-on qu'on est indépendant? On va en France. On traite les autres de collaborateurs, on se dit qu'on va aller créer un marché commun avec les Etats-Unis et on se fait rabrouer publiquement, officiellement. Notre ministre du Commerce extérieur est précisément celui qui a été rabroué publiquement par le State Department des États-Unis.

Le premier ministre va à Paris, il insulte les Québécois.

M. Pagé: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Je m'excuse, M. le Président, de déranger mon collègue au milieu de son intervention, qui est très intéressante, mais, malheureusement, le règlement stipule qu'on nombre minimum de députés doit être présent et on n'a pas quorum. Je vous inviterais à appeler les députés.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vais constater si nous avons quorum. Nous avons 21 personnes. Nous avons quorum.

M. Pagé: On ne l'a pas.

Une voix: Le député de Portneuf a des visions.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le secrétaire général, avons-nous quorum? Nous avons effectivement quorum. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je réalise qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui m'écoutent attentivement à quatre heures - c'est d'accord, oui, oui, nous sommes tout à fait d'accord. À quatre heures moins dix, pour demander à n'importe qui d'écouter quelqu'un attentivement, il faut qu'on soit dans un royaume de déboussolés, pour que cela se passe à quatre heures moins dix, en décembre, le 15 décembre. Un royaume de déboussolés, c'est bien ce que c'est.

On a fermé l'Assemblée nationale pendant un mois entier pour attendre votre fameuse "relance comique" d'arbres qu'on va planter en hiver, des choses folichonnes, de 30 000 000 $ du ministre des Finances. Vous devriez être humiliés de votre fameuse "relance comique" de 30 000 000 $ et d'arbres qu'on va planter en avril, vous devriez être humiliés de votre premier ministre, qui a eu à s'excuser en Chambre auprès du président de l'Italie, vous devriez être humiliés de votre ministre du Commerce extérieur, qui s'est fait rabrouer publiquement par le State Department de Wahington, vous devriez être humiliés par votre premier ministre, qui va à Paris insulter les gens âgés pour leur dire: "Mourez vite pour qu'on fasse l'indépendance au plus vite"! Et vous parlez d'indépendance! Vous n'avez même pas le courage de nous dire ce que va être "demain" la monnaie de ce Québec indépendant. L'indépendance est censée se faire dans deux ans.

J'ai demandé à votre ministre du Commerce extérieur: "Qu'est-ce que c'est que cette monnaie? Est-ce que ça va être la monnaie du Québec, le dollar québécois, le dollar canadien ou le dollar américain?" Vous ne le savez même pas encore ou vous n'osez pas le dire.

Vous allez faire des conseils nationaux. Vous avez évité de le mettre dans votre programme. Je vous mets au défi, en incluant votre ministre des Finances, de nous dire n'importe quand, en Chambre, de quelle monnaie il va se servir. S'il se sert de la monnaie américaine, il va être encore plus dépendant que jamais. S'il continue à se servir de la monnaie canadienne, vous serez dépendants comme aujourd'hui. Si vous prenez une monnaie québécoise, quel sera le taux d'échange, et comment allez-vous la défendre, puisque le ministre du Commerce extérieur m'a annoncé lui-même qu'on a des problèmes à se défendre avec la monnaie canadienne?

C'est à ça que vous voudriez vous adresser? Si vous voulez l'indépendance, faites la vraie indépendance. Dites-nous ce que ça va être. Vous n'osez pas le dire, parce que vous ne savez pas vous-mêmes toutes ces réponses. Alors, vous nous racontez des affaires folichonnes; vous vous servez des lois 38, 48, 49 pour aller chercher la bagarre. Comme a expliqué mon collègue de Marquette, si ça marche dans le Québec aujourd'hui, si ça peut marcher dans le Québec, à ce moment-là, votre option principale est réprouvée par elle-même. Cela ne peut pas marcher avec vous, et si ça marche en ce moment, cela prouve que le fédéralisme peut être rentable. Il faut, avec vous, que ça ne marche pas et vous agissez de façon que ça ne marche pas, avec des lois comme la loi 38, la loi 48 et la loi 49...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan, voudriez-vous conclure?

M. Lincoln: Les gens en ont assez de vous. Bientôt, s'il y a des élections dans Marie-Victorin et les autres, comtés vous allez avoir votre leçon. Le plus tôt cela arrivera, le mieux ce sera pour le Québec.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Chomedey.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: C'est avec regret, M. le Président, que j'ai constaté, au moment où mon collègue de Nelligan rappelait...

Une voix: Good speech.

Mme Bacon: ...et rappelait avec une certaine tolérance même, parce qu'on pourrait être beaucoup plus virulents face à l'attitude du premier ministre qui, lors d'un voyage à l'extérieur du Québec, à l'étranger, mentionnait dans une entrevue que, grâce au décès des personnes âgées d'ici les prochaines élections, il pourrait réaliser l'indépendance du Québec... Lorsque mon collègue de Nelligan a rappelé cette entrevue, c'est avec regret que j'ai vu certains membres d'en face en rire, faire des gorges chaudes. Mais ces gens-là n'ont-ils pas un père et une mère? Ces gens-là n'ont-ils pas de respect au moins pour ceux qui leur ont donné la vie? S'ils n'en ont pas pour les autres, au moins qu'ils en aient un peu, qu'il leur en reste, j'espère, pour leur père et leur mère qui leur ont donné la vie, afin de ne pas leur faire regretter de l'avoir fait.

Ce n'est pas la première année que je siège en cette Chambre. Ce n'est pas la première année que je siège face à ce gouvernement. Je l'ai déjà fait comme responsable de dossiers dans un gouvernement précédent. Mais c'est la première fois que je constate, avec regret, qu'un tel gouvernement n'a plus aucun respect pour la population, pour ceux qui la représentent, pour ceux et celles qui tentent de défendre des dossiers, de part et d'autre de la Chambre, surtout quand l'Opposition lui fait voir les faiblesses de certains projets de loi qu'il nous présente. Ces gens-là n'ont plus aucun respect pour cette institution qu'est l'Assemblée nationale. Mais, M. le Président, on ne peut pas laisser passer cela. Quand le député de Groulx traite mon collègue de traître et qu'il n'est pas rappelé à l'ordre, on ne peut pas laisser passer cela. Je pense que s'il reste encore quelques personnes qui nous regardent et si une certaine partie de la population peut être au courant de ce qui s'est passé en cette Chambre, c'est notre devoir de lui rappeler ce qu'est devenue l'Assemblée nationale.

Oh! M. le Président, on sait que le gouvernement, qui a toujours camouflé ses intentions par de la poudre aux yeux, a parlé de reprendre un peu certains règlements de la Chambre. Il a parlé de réforme parlementaire. C'est beau, cela paraît bien, cela remplit les pages des journaux, cela remplit les pages du journal des Débats. Mais quand on ne traduit pas dans des attitudes, quand on ne traduit pas dans des gestes concrets le respect de cette Chambre, quelle que soit la réforme parlementaire, comment voulez-vous que la population y croie? Comment voulez-vous que cette population ait du respect même pour ses élus? Vous le savez, ceux qui sont de l'autre côté de la Chambre, que, de moins en moins, la population a du respect pour ses élus. Elle a de moins en moins de respect parce qu'ils ne le méritent pas, parce que ces gens-là méprisent cette population qui les a élus. Cette motion de clôture qui a été faite par le leader de la Chambre, c'est une preuve éclatante que ce même leader méprise les travaux mêmes de cette Chambre. Ces écarts de langage, ces injures que nous devons subir, nous de l'Opposition, nous ne pouvons plus l'accepter sans le dire en cette Chambre et sans le dire à la population par le truchement de la télévision. Du moins ceux qui restent, ceux qui sont encore debout et qui font peut-être de l'insomnie et qui nous regardent, n'iront sûrement pas dormir après cela, M. le Président.

Je ne peux pas accepter, comme représentante d'une population, que cela puisse continuer. Cette hypocrisie, cette... On a parlé de gangrène à un moment donné - le ministre même des Affaires municipales a parlé de gangrène - je pense que cela en est déjà. Cela existe en cette Chambre. (4 heures)

Des mesures de redressement sont nécessaires et, si on y croit, il faudra les faire non seulement en paroles, mais il faudra poser des gestes plus importants. Il était de notre devoir de le mentionner, au moment où on tente de faire corriger des erreurs que commettrait ce gouvernement s'il adoptait la loi 38 tel qu'elle nous est présentée. On demande de la corriger au nom d'une population importante, au nom des maires des municipalités, dans les villes que vous représentez, de l'autre côté de cette Chambre.

Il est nécessaire que des rencontres se fassent. On a beau - vous le savez, M. le Président - siéger au Bureau de l'Assemblée nationale pour améliorer les conditions de vie de nos députés, quand ceux-là mêmes qui représentent une partie de la population ne la respectent plus, comment pouvons-nous améliorer la qualité de vie de ces mêmes personnes?

Comme parti politique, nous avons toujours défendu le principe même de juridiction des provinces en matière municipale. Nous l'avons prouvé dans le passé et c'est pour cela que nous nous battons pour le projet de loi 38. C'est pour cela que nous demandons au ministre des Affaires municipales de corriger son projet de loi, de ne pas le soumettre à cette Chambre et à la majorité servile de cette Chambre pour le faire adopter. C'est pour cela que nous

demandons au ministre des Affaires municipales de respecter ce que nous tentons de lui faire comprendre. C'est pour cela que nous déplorons la dégradation même des débats de cette Chambre, ce mépris que nous avons, ce mépris même des délibérations de cette Chambre. Tant et aussi longtemps que cela durera, comme le disait mon collègue tout à l'heure, il nous faudra le dénoncer. Il y a une partie de la population qui s'attend à cela de nous. Encore récemment, lors des élections, j'étais présente dans le comté de Mégantic-Compton, si vous aviez entendu les remarques que nous faisait cette population travaillante, qui veut absolument être fière de ses représentants, qui était fatiguée d'avoir des promesses, de voir aussi défiler devant elle des ministres qui lui promettaient la même chose en 1979. Bien, ces gens-là en ont soupé. Si nous voulons qu'ils soient respectueux des élus, il va falloir cesser de les mépriser.

Cette motion de clôture, qui n'est pas la première de ce gouvernement, qui ne sera sûrement pas la dernière quand on connaît son style, démontre que ce gouvernement est totalement coupé de la population, totalement décroché de ceux et celles qu'il représente. Elle démontre aussi que les effets mêmes de cette possibilité qu'ils ont de bâillonner l'Opposition sont ressentis dans toute la province. Nous ne pouvons accepter ce style de gouvernement. Nous avons le devoir de le dénoncer, nous le ferons tant et aussi longtemps que nous serons en cette Chambre. Qu'on fasse des commissions parlementaires de réforme électorale, qu'on fasse des commissions parlementaires pour étudier des projets de loi, qu'on rejette du revers de la main ces réformes que nous tentons de faire appliquer, la population le sait et on ne peut pas la berner indéfiniment. Ce gouvernement qui continue à mépriser cette même population, ce gouvernement aura ce qu'il mérite dès qu'il aura Je courage de demander des élections générales. Nous nous chargerons de continuer à faire respecter cette institution qu'est l'Assemblée nationale, à la faire respecter parce que c'est la dernière des institutions qui devrait être méprisée par nos amis d'en face, c'est l'institution même qui devrait avoir le plus de respect de ceux et celles qui y siègent. Si nous voulons que la population accorde une certaine crédibilité à nos travaux, il faudra la mériter, cette crédibilité, et mériter ce respect que nous tentons d'avoir. Cessons de nous plaindre du fait que la population ne croit plus en son Parlement mais méritons au moins ce respect qu'elle attend et qu'elle espère donner à ceux et celles qu'elle a élus.

Cette motion de clôture est inacceptable. Ce bâillon que nous impose le leader de la Chambre est inacceptable. Tant et aussi longtemps que nous siégerons en cette Chambre, nous continuerons à dénoncer de telles procédures.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Germain Leduc

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, j'entendais tantôt le leader du groupe ministériel nous dire, pour justifier la motion de clôture - lors de son intervention sur la motion d'ajournement - qu'il fallait accepter cette motion de clôture parce que les municipalités attendaient cette loi. Ce sont ces municipalités qui attendent cette loi qui nous signifiaient - entre autres les présidents, le président de l'Union des municipalités, le président de l'Union des municipalités régionales de comté - que le projet de loi no 38 était une mesure hypocrite qui transpire le mépris. Ces gens-là doivent être pressés d'avoir la loi, n'est-ce pas? "La loi 38: les mesures de guerre du municipal", dit le président de l'UMRC. Eux aussi doivent être pressés d'avoir cette loi. Également - ce sont toujours les maires qui parlent: "La loi totalitaire, immorale et démesurée..." Franchement, M. le Président, le ridicule ne tue pas. Ce sont les municipalités qui sont anxieuses d'avoir cette loi! Nous, nous disons que nous sommes prêts à étudier cette loi. On nous a avisés, après trois heures de délibérations de la commission parlementaire, qu'il y aurait un bâillon. Nous avons dit: On est prêt à l'étudier, on est prêt à prendre le temps qu'il faut. Le ministre et le gouvernement sont allés nettement trop loin avec la loi 38. On appelle cette loi la Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités. Je pense qu'on devrait la qualifier de loi sur le refus par le gouvernement du financement des municipalités.

Je dirais qu'il est encore temps, M. le Président, de s'arrêter, de ne pas adopter cette loi inique, de la retirer et de convoquer les premiers concernés, les municipalités, les gens qui oeuvrent, qui sont les véritables maîtres d'oeuvre dans le domaine municipal, les municipalités, les municipalités régionales de comté ainsi que tous ceux qui ont quelque chose à dire dans le monde municipal, pour les écouter, bien sûr, pour leur permettre de s'exprimer sur cette fameuse question des relations provinciales-fédérales en ce qui concerne le domaine municipal. Le ministre pourrait peut-être constater que ces gens ont beaucoup de choses à dire. Je suis certain qu'il pourrait apprendre beaucoup de ces gens.

Il y a une chose également que le ministre doit comprendre, c'est qu'il y a des

évidences face à cette loi. Il ne semble pas très bien comprendre ces réalités. Il est évident - et nous l'avons dit dès le départ, depuis le début des débats - que le domaine municipal est de juridiction provinciale. Tous, d'ailleurs, sont d'accord, tant le milieu que les gens, tous ceux qui travaillent dans le monde municipal l'ont dit. Le Parti libéral n'est pas la seule entité à le dire. La Parti libéral l'a toujours reconnu et a même légiféré dans ce domaine. Je pense que le Parti libéral n'a pas de leçon à recevoir du parti ministériel. Nous l'avons dit et nous le répétons, il suffit de se référer à la Loi constitutive des Affaires intergouvernementales de 1974. Je vais vous citer un paragraphe de l'article 20: "Aucune commission scolaire, commission régionale, corporation municipale, communauté urbaine ou communauté régionale ne peut, sous peine de nullité, négocier ou conclure des ententes avec le gouvernement du Canada." C'est la loi qui a été adoptée par le Parti libéral, par le gouvernement Bourassa en 1974. Il est évident également que nous ne pouvons accepter que le gouvernement fédéral - nous l'avons dit, nous l'avons répété et nous le redisons - nous n'acceptons pas que le gouvernement fédéral distribue, sans consultation et sans concertation avec le gouvernement provincial, des deniers destinés aux municipalités.

Des voix: Bravo! Bravo! (4 h 10)

M. Leduc (Saint-Laurent): Merci. Nous avons reconnu et appliqué ce principe bien avant vous, messieurs et mesdames les péquistes. Nous disons que la consultation est absolument nécessaire. Nous l'avons dit et nous allons le mettre en oeuvre. Nous disons que nous ne sommes pas d'accord avec le saupoudrage des subventions faites par le gouvernement fédéral. Il est évident que dans ce domaine la décision finale appartient au provincial.

Il y a également une autre évidence face à cette loi, c'est que tout le monde est contre vous. Je ne pense pas que vous puissiez dire bravo. Tout le monde est contre vous mais surtout le ministre aurait dû prendre connaissance de toutes les déclarations qui ont été faites par le monde municipal. C'est une évidence et il est peut-être temps d'écouter. Il faudrait peut-être que le ministre écoute, qu'il convoque dans les meilleurs délais les intéressés pour savoir ce qu'ils pensent de la question des relations fédérales-provinciales, surtout ce qu'ils pensent de votre loi 38. Contre vous, vous avez toutes les municipalités. Vous visiez le fédéral et vous vous êtes trompés car vous avez visé le municipal. Vous vous êtes trompés joliment.

Les municipalités, l'Union des municipalités, l'Union des municipalités régionales de comté sont toutes contre la loi. Il faudrait peut-être écouter ces gens. Il faudrait peut-être également écouter les gens des chambres de commerce, écouter le Conseil du patronat, écouter les éditorialistes, qui, je pense, ont fait des déclarations remarquables, très appropriées. Elles étaient peut-être très dures pour le parti ministériel mais très appropriées. Également, vous avez contre vous tous les députés de ce côté-ci de la Chambre. Je dois vous dire qu'on commence à être plusieurs, soit 47. Faites confiance à la population, ce ne sera pas long et on va être plus nombreux. Sept Québécois sur dix vous ont signifié qu'ils ne veulent plus de vous, que c'est terminé, qu'il est temps de changer de gouvernement.

Également une autre évidence face à cette loi, c'est qu'il y a eu des négociations avec le gouvernement fédéral entre les deux premiers ministres, entre les ministres concernés, qu'il y a un espoir d'entente. On commence à voir la lumière au bout du tunnel. Il serait peut-être le temps de s'asseoir, de discuter avec les gens concernés...

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, votre collègue de Jeanne-Mance semble vouloir m'interpeller. Si c'est le cas, je veux bien lui céder la parole.

M. le député, je n'ai aucun contrôle là-dessus, je ne fais que présider la Chambre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Bissonnet: C'est la faute de vos collègues. Il n'en tient qu'à vous.

Le Président: M. le député de Jeanne-Mance, le président a 121 collègues dans cette Chambre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Imaginez, M. le Président, s'ils ne s'entendent pas avec le fédéral cela pourrait être la faute du Parti libéral! Ils cherchent des boucs émissaires. Ils se sont attaqués au municipal, ils se sont rendu compte qu'ils se sont trompés. Ils visaient le fédéral. Ils se sont aperçus qu'ils se sont trompés et ils ont essayé de trouver un bouc émissaire, le Parti libéral. On vous dit non, le Parti libéral n'embarquera pas dans vos "gamiques", dans vos trucs. Ce parti voudrait tellement qu'on soit d'accord avec le fédéral. Je comprends sa déception. Depuis le début de ce débat, nous avons dit et répété que le domaine municipal est de juridiction provinciale, et le Parti libéral a même légiféré à cet effet. Nous vous le disons et surtout nous le disons à tous les Québécois, jamais nous ne dérogerons à cette ligne de conduite. Si pour camoufler votre incapacité viscérale à vous entendre avec le gouvernement fédéral vous cherchez des

coupables, mesdames et messieurs les péquistes, cherchez-les à Ottawa ou ailleurs, cela nous est absolument égal, mais ne les cherchez pas de ce côté-ci de la Chambre car ils ne sont pas de ce côté-ci.

Je vous dis que vos patentes, vos trucs à saveur péquiste, séparatiste, anticanadienne, cela ne fonctionne plus au Québec, si jamais cela a fonctionné. Trouvez autre chose et cela presse, mesdames et messieurs, mais je vous avertis que les Québécois sont drôlement impatients face à l'impossibilité pour eux d'avoir leur part des richesses du Canada. Je vous suggère de rencontrer les véritables responsables du monde municipal. Allez écouter les intervenants du monde municipal. Je suis certain qu'ils vont vous convaincre d'aller négocier avec le fédéral. À Ottawa, mettez votre attitude de confrontation de côté et, surtout, mettez de côté votre obsession séparatiste. N'allez surtout pas leur dire qu'en avril dernier vous avez proposé aux municipalités, en retour d'un appui à la cause de l'indépendance, d'accroître leur pouvoir de taxation. Jouez les règles du jeu du fédéralisme et vous allez vous entendre. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Verdun. M. Lucien Caron

M. Caron: II est exactement 4 h 16, le 16 décembre 1983. Pensez-y donc, M. le Président. On a parlé de relance et, enfin, de tout. On est ici ce matin à cause des gens d'en face qui veulent siéger à une heure si tardive. Où est le sérieux? Vous-même, qui êtes un homme d'expérience, un homme sérieux, dans votre for intérieur, je sais que vous n'acceptez pas cela, mais vous êtes obligé de jouer le jeu du parlementarisme.

M. le Président, mes collègues d'en face, quelques ministres sont ici. Bravo pour ceux qui sont ici! Quelques collègues d'arrière-ban qui se font faire toutes sortes de choses - j'y suis passé aussi, entre 1970 et 1976. Ce sera moins drôle tout à l'heure, parce que je pense que la relance est bien plus importante que de discuter d'un projet de loi. Personnellement, en tant que maire, le seul maire qui reste à l'Assemblée nationale, je peux parler au nom d'autres de mes collègues qui dorment, naturellement. C'est tout à fait normal de dormir à cette heure-ci, surtout après les heures qu'on a travaillées cette année. C'est disgracieux, c'en est même gênant de recevoir notre salaire de député!

Oui, vous pouvez rire. Vous rirez peut-être moins dans un an et demi, dans deux ans. On l'a prouvé dans Jonquière, dans Saint-Jacques et dans d'autres comtés. Encore ce soir, j'essaie de vous donner une leçon: Les gens d'arrière-ban, à votre caucus, parlez aux ministres parce qu'il n'y en a que quelques-uns qui gèrent le Québec. Il est temps que vous vous réveilliez. Les gens ont besoin de travailler. Que l'argent vienne du Québec, que l'argent vienne d'Ottawa, les gens ont besoin de travailler.

Je peux vous dire, ce soir, de mon siège de l'Assemblée nationale - il est 4 h 20 maintenant, quasiment 4 h 20 - que vous pouvez appeler à mon bureau; quelqu'un va vous répondre. Il n'y a pas grand monde ici, à l'Assemblée nationale, mais il est temps qu'on fasse travailler notre monde. Il est temps que nos jeunes de 18 à 30 ans... Je regarde les ministres... Ne riez pas, ce n'est pas drôle! Vous rirez des gens quand ils seront dans votre bureau et qu'ils diront qu'ils n'ont pas de travail. C'est sérieux, dans ce contexte économique.

Si je prends la peine à cette heure-ci, étant membre de l'Assemblée nationale depuis quatorze ans - je pourrais, moi aussi, être dans ma chambre d'hôtel et dormir comme d'autres le font. Mais non. Je pense qu'on a peu de temps pour parler ici, il faut faire travailler notre monde. J'en ai parlé au ministre des Affaires municipales. Il est encore temps. Quand on se trompe, on a le droit de revenir en arrière. En tant que maire, j'en ai fait des erreurs, et je les ai admises. Actuellement, j'ai demandé au ministre des Affaires municipales de convoquer une commission parlementaire et qu'on fasse venir les gens d'Ottawa et les gens de Québec. Je ne le dirai pas, parce qu'on n'a pas le droit de dire que le ministre a menti et qu'il raconte des menteries. Mais, M. le Président... On n'a pas le droit de le dire et je ne veux pas le dire. Mais j'aimerais, si on avait une commission parlementaire, que les gens d'Ottawa et les gens de Québec puissent voir la vérité, une fois pour toutes. (4 h 20)

Pour toutes ces raisons, je ne peux pas m'associer actuellement... M. le Président, de grâce, le premier ministre, qui n'est pas ici, qu'il arrête de voyager; que tout le monde arrête de voyager et qu'on reste ici pour trouver du travail à notre monde.

Ce sera Noël dans quelques jours. Combien de gens n'auront pas à manger, qui manqueront... Oui, riez, messieurs d'en face, mais ce n'est pas drôle. Je m'excuse, ce n'est pas drôle. Essayons donc ensemble. On est prêt, nous, du Parti libéral du Québec, à travailler samedi, dimanche, lundi, pour essayer... Cela presse, la relance économique. Pas seulement se servir de la publicité pour faire plaisir à quelques petits amis. Non, je ne regarde pas... Je pense que les journalistes sont assez intelligents. Ils vous ont prouvé jusqu'à maintenant qu'ils voient clair actuellement. Oui.

Une voix: La pertinence.

M. Caron: Mes amis, mes amis, les "back-benchers", je l'ai vécu, je vous rends service encore. Cela presse. Demain, avant la période des questions, essayez donc de rencontrer vos ministres. J'espère qu'ils vont être là. Il en manque beaucoup. Au lieu de s'asseoir en arrière dans leur limousine, qu'ils s'assoient avec le chauffeur pour discuter de ce qui se passe.

J'ai pris une voiture cet après-midi; j'ai eu à me déplacer. Le chauffeur de taxi m'a dit: On est tanné de ce gouvernement. On va un peu partout... On vous le dit, cela a été prouvé dans Jonquière, dans Mégantic-Compton, dans le comté de Saint-Jacques, et enfin, dans tout. Il est encore temps que le ministre des Affaires municipales retarde son projet de loi, qu'on rencontre les membres du monde municipal et on va voir qui a raison et qui a tort. Qu'est-ce qui compte? Que l'argent vienne d'Ottawa, qu'il vienne du Québec, qu'il vienne d'ailleurs. Ce que la population du Québec veut, je vous le dis, je parle au nom d'un paquet d'assistés sociaux, de gens qui reçoivent de l'aide sociale, de gens qui sont bénéficiaires de l'assurance-chômage, ou qui attendent pour l'être, veulent un gagne-pain. On est ici pour cela. Il est quasiment 4 h 25 du matin. On est le 16 décembre. Cela ne nous fait rien de continuer. Qu'on suspende, qu'on réveille les ministres une fois pour toutes.

Si les gens d'en face sont réellement sincères, ils vont nous le prouver. Donnez justice, donnez quelque chose à manger, du travail aux Québécois et aux Québécoises. Je le demande pour tous ceux qui - parce que vous savez, il y en a qui sont difficiles à rejoindre en face. Je peux vous dire une chose, qu'il y a des gens de d'autres comtés qui ne peuvent pas rejoindre les collègues d'en face, qui appellent chez nous parce qu'ils savent que je suis disponible. Et tant et aussi longtemps que je siégerai à cette Assemblée, j'essaierai de donner le meilleur de moi-même, parce qu'on a une responsabilité. Et elle est plus que jamais... Il y a encore quelques ministres ici et ceux qui sont ici, parlez à vos collègues au Conseil des ministres. Essayez de vous entendre. Je sais qu'à un certain moment, vous ne vous parlez plus. Il y a seulement quelques personnes...

Le leader du gouvernement, tout à l'heure, voulait m'entendre parler. À quelle place est-il? J'espère qu'il va se présenter. Je suis capable de lui parler à n'importe quel moment. Victoire morale, imaginez-vous donc! Oui, il me reste deux minutes. J'aimerais cela avoir une heure, même s'il est tard. Oui, parce que cela sera rapporté. Oui, même s'il est tard. Plus que jamais et vous le savez, mes amis, parce que je pense qu'entre nous, on s'arrange bien en dehors de la Chambre. Je vous passe un message. Il est temps, oui, il est temps que vous pensiez aux petits, à ceux qui manquent de travail, les jeunes qui sortent de l'université avec des diplômes. Vous parlez de bons d'emploi. Ils ont des bons d'emploi, mais ils ne peuvent pas être engagés, parce qu'il n'y a pas de travail. C'est vous qui devez y voir. Le premier ministre qui s'est servi du salon rouge. Cela a coûté combien? La relance. Où va la relance? À ma connaissance, il n'y a pas grand-chose, parce que dans mon comté de Verdun, M. le Président, le nombre de chômeurs est resté à peu près le même. Les gens vous blâment. Commandez une élection, si vous êtes sûrs de vous. Vous n'êtes pas sûrs. Vous avez peur, surtout que, chaque fois que le premier ministre du Québec sort, il nous fait honte. Il a fait honte aux personnes âgées. Il nous a fait honte en Italie. Il est temps qu'il reste ici, au Québec, et qu'il trouve des jobs aux autres, non pas pour nous autres, parce qu'on en a et on est très bien payés. Qu'on travaille plus souvent ici à l'Assemblée nationale. Il est temps qu'on se réveille et que le ministre des Affaires municipales, avec tout le respect que j'ai pour lui, "cale" une commission parlementaire pour voir si on lui donne raison, mais il a peur de faire venir les gens d'Ottawa. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Viger. M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Nous sommes à discuter sur une motion de clôture. J'ai remarqué que, depuis 22 heures ou 23 heures, hier soir, de la majorité servile, jusqu'ici, il n'y en a même pas cinq ou six qui ont participé au débat concernant le projet de loi 38.

M. le Président, il y a une chose qu'il faut faire remarquer, parce que les gens doivent être au courant de cela. Il y a eu jusqu'ici seulement trois ministres qui ont pris la parole en troisième lecture concernant ce projet de loi 38, depuis la motion de clôture. Vous savez qu'il y a 26 ou 27 ministres ici au Québec. Ce sont eux qui préparent les projets de loi et ils n'ont même pas le courage d'être présents ici, ce soir, et de prendre la parole pour défendre ce projet de loi. On l'a vue, la majorité servile. Jean-Louis Roy avait non seulement le courage, mais l'honnêteté de les appeler les perroquets. Les perroquets serviles, ce sont eux. Ils se font tout passer. Il se font passer n'importe quoi, n'importe quel projet de loi, mais ils laissent les autres les défendre, parce que les ministres n'ont pas le courage de le faire. C'est de l'irresponsabilité complète. Ces gens d'en face sont irresponsables. C'est pire encore, ils sont une hypothèque pour la population du

Québec. C'est une hypothèque qui va coûter très cher tantôt. Plus ils resteront au pouvoir, plus ils seront là, plus cela va coûter cher. Le jour où ces gens vont disparaître du pouvoir, cela va prendre au moins dix ans à la population du Québec pour payer les crimes commis par ces gens.

M. le Président, ce sont des crimes économiques qu'ils ont commis vis-à-vis de la population du Québec. Ils tiennent la population du Québec en otage, et ce n'est pas seulement la population du Québec. Si ce projet de loi 38 est adopté, comme il le sera sûrement, parce que la majorité servile va voter pour, comme on le sait déjà depuis longtemps, la question qu'on se pose, c'est celle-ci. Je l'ai posée en commission parlementaire. Quel mal ont fait nos personnes âgées pour être pénalisées par ce gouvernement d'une façon aussi cynique? Je ne peux que penser à une chose: c'est probablement le premier acte pour se débarrasser de ces gens, comme l'avait promis le premier ministre en France. Il a dit qu'il voulait se débarrasser des personnes âgées et en arriver à une fin aussi mesquine. C'est ce qu'il a dit, M. le Président. (4 h 30)

Je crois que ces personnes âgées doivent avoir le respect de l'Assemblée nationale, le respect de la population et le respect des élus. Elles ont consacré leur vie au Québec. Elles ont consacré leur vie au Canada. Aujourd'hui, ce gouvernement irresponsable, ce gouvernement que je ne sais comment définir, un gouvernement totalitaire, un gouvernement immoral se permet de s'en prendre à nos personnes âgées et à nos enfants, nos jeunes de six, sept, huit, neuf, dix ans qui ont besoin de subventions de la part de n'importe quel gouvernement, que ce soit provincial ou fédéral. Je mets au défi les gens de l'autre côté, s'ils n'ont jamais reçu de demande dans leur bureau de comté de jeunes, d'associations de jeunes afin d'obtenir une subvention pour acheter de l'équipement pour passer quelques heures de loisir. Au moment où ce projet de loi 38 sera adopté, ces jeunes n'auront même plus le droit de demander à des élus du gouvernement canadien de leur donner une subvention pour s'acheter de l'équipement pour aller s'amuser un peu.

Et pis encore, ces jeunes ont besoin d'argent parce que ce gouvernement en face de nous, a mis leurs parents, la mère, le père, au chômage ou bénéficiaires de l'aide sociale. Ce ne sont pas les autres qui ont fait qu'ils ont dû demander de l'aide sociale ou du chômage. Ce sont ces gens-là, des irresponsables. Ils ont le courage de nous faire siéger ici à l'Assemblée nationale à 4 h 30 du matin et prendre une responsabilité que je ne sais pas définir, M. le Président.

J'ai honte de ce gouvernement actuel et je n'ai pas peur de le dire, je l'ai même dit en commission parlementaire. Quand j'ai demandé au ministre des Affaires municipales: Est-ce que vous avez le courage, est-ce vrai que vous pénalisez nos personnes âgées et nos jeunes avec ce projet de loi? Il a dit: Oui, s'ils tombent sur une loi municipale, ils tombent aussi sur le projet de loi 38.

Quel courage, quel cynisme, M. le Président. Je ne pourrai jamais accepter qu'un gouvernement puisse avoir le plaisir le plus cynique de priver des jeunes et des personnes âgées de s'amuser, de priver nos ancêtres, nos pères, nos mères, leur père, leur mère, de l'argent pour pouvoir passer quelques heures de plus dans la gaieté et en vie, M. le Président. Ces gens font honte à la population du Québec.

Ce projet de loi a été appelé "totalitaire" et "immoral" par toute la population du Québec. Ce n'est pas seulement l'Opposition qui a dit que ce projet de loi devait être retiré. Absolument pas. Toutes les municipalités, les 1600 municipalités du Québec, par l'entremise des associations, ont dit à ce gouvernement: Retirez ce projet de loi qui fait honte même aux pays de l'Occident. Pourquoi fait-il honte? Parce que c'est un projet de loi totalitaire, qu'on pourrait voir seulement dans les pays de l'Est et pas en Amérique et en Europe de l'Ouest. Ces gens-là, comme le disait le député de Beauce-Sud, voulaient s'inscrire à l'Internationale socialiste. Mais ils n'ont même plus le droit de s'inscrire à l'Internationale socialiste. Ils sont allés plus loin avec ce projet de loi. Je dirai quasiment qu'ils sont allés plus vers le communisme que vers le socialisme.

Est-ce de ces gens-là dont on a besoin ici? Est-ce de ce gouvernement dont on a besoin au Québec? Est-ce de ce gouvernement dont on a besoin en Amérique du Nord?

Vous me faites signe que mon droit de parole est presque terminé, M. le Président. Je termine seulement en disant à la population qu'il est temps que ces gens ne soient plus du côté droit de la Chambre parce que, comme je l'ai dit tantôt, c'est une hypothèque, pour toute la population du Québec, qui va coûter très cher tantôt quand un autre parti, plus responsable, plus digne de foi auprès de la population du Québec, va être en position de diriger la province. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Jacques.

Une voix: Celui qui a remplacé Charron.

Une voix: Oui, qui a remplacé Charron...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Serge Champagne

M. Champagne (Saint-Jacques): M. le Président, il y a plusieurs années, j'avais à ce moment-là 19 ans, je travaillais dans une usine de plastique durant la nuit. Je haïssais tellement cela, M. le Président, qu'à ce moment-là j'ai décidé de retourner aux études pour ne plus jamais avoir à travailler la nuit. Lorsque j'ai été élu député, je n'aurais jamais pensé qu'il y avait ici une équipe de nuit. Hélas! me revoilà encore à travailler la nuit, M. le Président.

Pour ce qui est de la motion de clôture, M. le Président, je me demande toujours pourquoi le gouvernement n'a pas tout simplement laissé aller le débat. Pourquoi ne pas prendre le temps d'entendre, suivant les règles du parlementarisme, ce que tout le monde impliqué dans ce projet de loi a à dire? Cela aurait évité, cette nuit, de marquer le temps.

Je vois, M. le Président, dans le Soleil de jeudi - qui se trouve être hier, si on pense qu'on est déjà rendu à vendredi - une déclaration qui disait: "Léonard mène une lutte solitaire." M. le Président, cela peut bien être une lutte solitaire, parce qu'il la mène la nuit et les gens normaux dorment la nuit. On disait, dans cette déclaration: "Malgré que tout le monde souscrive à la compétence exclusive des provinces en matière municipale, M. Léonard n'a trouvé aucun appui à son projet de loi. Députés de l'Opposition, éditorialistes, représentants des municipalités et le Conseil du patronat se sont ligués contre lui, en dépit de l'objectif mis de l'avant, soit une saine gestion des fonds publics."

M. le Président, pourquoi empêcher les gens de s'exprimer librement? Pourquoi ne pas leur laisser le temps de venir dire au gouvernement, au ministre, les raisons pour lesquelles ils sont contre ce projet de loi? Et, s'ils ont raison, pourquoi ne pas le changer tout simplement, le projet de loi? Pourquoi s'entêter à adopter une loi que tout le monde réprouve? À mon sens, M. le Président, il faut être complètement détaché de la réalité ou de mauvaise foi.

Cette déclaration du journal Le Soleil, qui nous disait que tout le monde, finalement, était contre le projet de loi, j'aimerais la mettre en corrélation avec une déclaration du ministre. Le ministre nous disait, au moment du dépôt du projet de loi: Aujourd'hui, le gouvernement du Québec doit, en toute solidarité, faire front commun avec l'immense majorité des municipalités de son territoire qui administrent leurs ressources fiscales en respect des lois. (4 h 40)

M. le Président, c'est presque rire de la Chambre, quand on voit - et vous avez été à même de le constater vous-même -que toutes les municipalités sont contre ce projet de loi, de venir déclarer en Chambre: "faire front commun avec l'immense majorité des municipalités". Cela n'a pas de bon sens. C'est un peu comme l'attitude qu'on prend de mettre le bâillon présentement. Si l'on va plus loin dans les déclarations, M. le Président, on voyait dans la Presse de jeudi matin une déclaration qui nous disait "Le Conseil du patronat, la Chambre de commerce de Montréal et plusieurs autres organismes ont demandé le retrait de la loi 38; évidemment, ce ne sont pas des groupes qui peuvent impressionner le gouvernement. Ce dernier a accepté la tenue d'une commission parlementaire, mais son leader à l'Assemblée nationale, M. Jean-François Bertrand, en a fixé la limite à trois jours, ce qui signifie que le vote pourra être pris avant la fin de la semaine, envers et contre tous. Résultat: à cause d'un conflit avec le gouvernement fédéral, les municipalités perdent beaucoup plus que des subventions; elles perdent le respect qu'elles croyaient mériter de Québec."

M. le Président, j'attire votre attention sur ce bout de phrase: Les municipalités perdent le respect qu'elles croient avoir mérité de Québec. À mon sens, c'est inacceptable que le gouvernement brime les municipalités au point qu'un journal puisse écrire qu'elles ont perdu le respect qu'elles devaient mériter du gouvernement du Québec.

M. le Président, les règles élémentaires du parlementarisme, c'est de laisser les gens s'exprimer. Je pense qu'une motion de clôture devrait être présentée avec beaucoup de parcimonie. On n'est pas présentement dans le contexte d'un projet de loi qui mérite une motion de clôture. Il s'agit de sauver l'amour-propre du gouvernement. Le gouvernement ne veut pas entendre toutes ces municipalités qui parlent contre le projet de loi venir lui dire, en commission parlementaire, pourquoi elles sont contre et comment le gouvernement se trompe.

Je trouve absolument inacceptable qu'au lieu...

M. Middlemiss: M. le Président, question de règlement, s'il vous plaît!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de...

M. Middlemiss: Est-ce qu'on pourrait vérifier le quorum, s'il vous plaît, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Jolivet):

Effectivement, je vais le vérifier, et il n'y en a pas. Il n'y a pas quorum. Donc, qu'on aille sonner la cloche.

Une voix: II y en a trois, quatre, cinq, six...

Une voix: Bien plus.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous pouvons donc reprendre, M. le député; nous avons quorum.

Une voix: On appelle chez Lulu et c'est un gogo qui répond.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Champagne (Saint-Jacques): M. le Président.

Une voix: Ce n'est pas son siège. Il s'est trompé.

Une voix: De son siège...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Allez!

Une voix: Qui a demandé le quorum?

M. Champagne (Saint-Jacques): M. le Président, cela me fait toujours plaisir de parler devant une salle aussi enthousiaste, aussi réveillée...

Une voix: C'est temporaire, cela. Des voix: Bravo!

M. Champagne (Saint-Jacques): Je sais que c'est imminemment temporaire.

Une voix: Bravo pour le député temporaire!

M. Champagne (Saint-Jacques): Voici, M. le Président. En parlant de temporaire, je pense que le gouvernement est imminemment temporaire présentement...

Des voix: C'est cela.

M. Champagne (Saint-Jacques): ...et, s'il déclenchait une élection générale, ce ne serait plus temporaire. Il ne sera plus là "pantoute". Il sera lavé complètement.

Une voix: II ne sera pas là, à part cela.

M. Champagne (Saint-Jacques): M.

Rocheleau l'a dit, on va en garder seulement un, et vous savez ce qu'il va faire avec celui-là.

En terminant, M. le Président, pour le bénéfice de la discussion, je me disais: S'il fallait, uniquement pour le bénéfice de la discussion, que le Québec soit séparé et qu'on soit gouverné par une "gang" de clowns comme cela, de quoi aurait-on l'air, M. le Président, où s'en irait-on? Pour reprendre les paroles de quelqu'un que vous connaissez bien, ce n'est pas un gouvernement, ce n'est même plus une chorale, c'est une "gang" de clowns.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Pontiac.

M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: M. le Président, même avec ma courte expérience ici à l'Assemblée nationale, il me semble que c'est une habitude du leader qu'on a présentement, de faire des motions de clôture. Cette dernière motion a été présentée seulement trois heures après qu'on a réellement commencé à étudier le projet de loi 38. Comme l'ont déjà mentionné certains de mes collègues, la salle même qu'on avait assignée à cette commission était une salle où il n'y avait pas suffisamment de chaises pour que tous les députés puissent s'asseoir. Le leader croyait-il qu'il n'y aurait pas huit membres de l'Opposition pour étudier ce projet de loi? Pourtant, le gouvernement avait été bien avisé par le monde municipal que personne ne voulait entendre parler du projet de loi 38, tel qu'il était présenté. Je pense qu'il n'y a aucun doute sur cette loi, tout le monde l'a dit, que ce soient les libéraux ici, qu'on appelle les valets, que ce soit le monde municipal, que ce soient des fois même les ministériels qui disent des choses véridiques eux-aussi, les municipalités dépendent du gouvernement provincial.

C'est étonnant de voir que la clause qui permet de démontrer que la responsabilité municipale relève du gouvernement provincial vient de la constitution canadienne, cette constitution qu'on veut rejeter et à laquelle on ne croit pas.

M. le Président, on nous a accusés d'avoir fait des motions dilatoires.

Une voix: C'est vrai.

M. Middlemiss: Non, on s'est aperçu que les quelques membres du côté ministériel qui siégeaient à la commission ne semblaient pas être tellement au courant de ce qu'était le projet de loi 38. Ce qui est le plus malheureux, c'est que l'un d'entre eux - et peut-être plus - était un ex-conseiller ou un ex-maire. Je peux vous dire que l'ex-maire de Saint-Nazaire était l'un de ceux-là. Il est maintenant député de Bellechasse.

Ce qu'il y a aussi de très étonnant, c'est que cela fait à peine huit minutes qu'il y a suffisamment de députés du côté ministériel pour pouvoir continuer ce débat.

Pourtant, M. le Président, si nous devons ce matin - il est 4 h 50 - être dans cette enceinte, c'est certainement à cause du leader du gouvernement. C'est lui qui nous oblige de siéger durant la nuit par sa motion de clôture. Il semblerait que ce soit aussi son habitude de toujours nous faire siéger, par ses motions de clôture, durant la nuit. A-t-il peur que, durant la journée, il y ait plus de gens qui puissent réaliser certaines choses? C'est vrai qu'il les réalisent déjà. Ils réalisent déjà que vous êtes usés, qu'il ne reste plus rien, que c'est fini pour ce gouvernement. Moi aussi, j'ai eu l'occasion d'aller travailler dans le comté de Mégantic-Compton durant les élections partielles. Vous avez perdu pour toujours plusieurs personnes faisant partie de votre "clientèle". La lune de miel est finie. Pour que vous puissiez le constater, M. le député de Terrebonne, je vous suggérerais d'aller visiter... Vous, M. le député de Terrebonne, c'est cela, allez-y. Il semblerait que vous manquez beaucoup d'intérêt. Si c'est si important, le projet de loi 38, et si c'était tellement important de faire une motion de clôture, pourquoi, de l'autre côté de la Chambre, n'a-t-on pas montré plus d'intérêt? Pourquoi n'est-on pas venu nous dire pourquoi elle est bonne, pourquoi c'était si bon la loi 38? On ne l'a pas entendu en commission parlementaire. On ne l'entend pas de l'autre côté du tout. Mais il y a une chose qui est survenue. Si vous vous en souvenez bien, au moment de la deuxième lecture de ce projet de loi, l'Opposition... M. le Président, il y a du chuchotement. (4 h 50)

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est justement parce que je ne voulais pas vous interrompre que je fais des signes.

M. Middlemiss: Très bien. Merci beaucoup. Pour que tous les gens du monde municipal puissent venir ici et donner un message très clair au gouvernement, on avait proposé une motion de report de cinq jours, dans le but d'entendre tous les gens intéressés, soit l'Union des municipalités et l'Union des municipalités régionales de comté. Ces gens voulaient venir ici, et pas après que la loi aurait été adoptée en troisième lecture. Ils l'ont demandé. Ils ont demandé de venir avant. Aujourd'hui, quelques heures avant minuit, alors qu'on avait... Vous êtes intéressé à savoir l'heure? Regardez l'horloge, vous pouvez voir. D'accord. En tout cas, M. le Président, ils ont manqué une occasion en or, s'ils étaient réellement sincères, de faire une loi pour que les municipalités puissent procéder à des programmes de création d'emplois... Est-ce que le ministre de la Science et de la Technologie a des commentaires à faire? Oui, d'accord. C'est bien. En tout cas, pour revenir...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Middlemiss: Ils ont manqué une occasion en or. La preuve en a été faite quand le président de l'Union des municipalités régionales de comté est venu présenter des amendements à la commission lors de l'étude article par article de la loi 38 et qu'à la suite de cette présentation il semblait y avoir une ouverture d'esprit. Il semblerait que, tout à coup, la lanterne du ministre des Affaires municipales venait de s'allumer. Comme l'a dit plus tôt mon collègue de Gatineau, la performance du ministre des Affaires municipales dans l'Outaouais ne nous porte pas à avoir énormément de confiance en lui. Si on regarde la loi, c'est une loi qui donnait des pouvoirs discrétionnaires au ministre des Affaires municipales de juger qui avait tort et qui avait raison.

Ce ministre est incapable de négociation. S'il négocie et que cela ne fait pas son affaire, il décide autrement. On l'a vécu dans le découpage des MRC de l'Outaouais; on l'a vécu aussi, M. le Président, je ne sais pas si vous vous en souvenez, au moment de la loi 28 sur la CRO. Il y avait aussi la municipalité de Pontiac. À deux occasions, la population, les gens qu'on défend, parce que, lorsqu'on attaque les municipalités, ce sont les contribuables en fin de compte qui sont obligés de payer... Avec la loi qu'on a présentement, si une municipalité, à raison ou à tort, a reçu un bénéfice, on applique la loi 38 telle qu'elle est et les "en lieu" de taxes que le gouvernement est censé payer sont enlevés, cela veut dire qu'il y a un manque à gagner pour la municipalité. Qui va payer, M. le Président? Cela va être les gens de cette municipalité. Ce seront encore les contribuables. Comme vous le savez, avec le taux de chômage qu'on connaît aujourd'hui au Québec, le nombre de personnes bénéficiaires de l'aide sociale, le fardeau devient très lourd pour ces gens.

Aujourd'hui même, ils n'ont pas suffisamment d'argent pour bien vivre. Imaginez-vous donc ce que ce sera si leur compte de taxes augmente. Il a manqué une occasion en or, mais, tout à coup, la vision! Je ne sais pas si, tout à coup, il a vu l'étoile miraculeuse qui va arriver en cette saison, mais il a dit: Ah! au mois de février on va vous laisser avoir une commission parlementaire. Pourquoi ne pas avoir écouté l'Opposition qui l'a suggéré, sachant fort bien toutes les objections soulevées par le monde municipal face à ce projet de loi, voulant lui donner l'occasion de venir ici dire au ministre ce qu'il ne voulait pas. De plus, le président de l'Union des municipalités régionales de comté a même proposé, le 24 novembre, je crois, d'avoir un sommet

Ottawa-Québec-municipalités. Les municipalités ne voulaient pas jouer le rôle du gouvernement provincial, elles ont dit; Nous sommes des créatures du gouvernement provincial, nous allons y aller, nous allons nous asseoir derrière vous et, s'il y a des possibilités d'échanges entre le fédéral et le provincial, nous pourrons en discuter pour vous dire: Oui, ce sont des programmes qui feraient notre affaire. Malheureusement, le ministre n'a pas accédé à cette demande et nous sommes encore aux prises avec cette situation.

M. le Président, j'espère que nous n'aurons pas encore une autre motion de clôture trop tôt ou trop tard. En tout cas, quant aux efforts qu'a tenté de faire aujourd'hui le ministre des Affaires municipales, je crois qu'il est au moins neuf mois en retard; il aurait dû les faire avant de préparer le projet de loi 38. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: Mes chers amis, nous sommes en direct de l'Assemblée nationale, ce ne sont pas des reprises. M. le Président, l'émission "Sommeil interdit" est en production.

Nous poserons la première question au ministre des Affaires municipales qui n'est pas encore arrivé dans nos locaux, mais nous l'attendons bientôt. M. le Président, quand le ministre sera-t-il ici afin de poursuivre cet interrogatoire que nous allons commencer?

Je voudrais parler au réalisateur de cette émission...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, M. le député, vous m'avez posé une question, mais je n'ai pas de réponse à vous donner.

M. Bissonnet: Vous savez, l'émission "Sommeil interdit", j'ai déjà réalisé cette émission avec Roger Drolet, du poste CKVL. C'est une réalisation de la célèbre victoire morale péquiste du Parti québécois, Jean-François Bertrand, qui a réalisé... M. Bertrand, où est le ministre?

M. Bertrand, nous attendons le ministre des Affaires municipales.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant. M. le député, le problème que j'ai, c'est que vous vous assoyez; quand vous vous assoyez, c'est que je crois que vous avez terminé.

M. Bissonnet: M. le Président, dans mon émission, j'ai toujours des interlocuteurs. Des citoyens m'ont appelé ce matin, à 4 h 10, et ont dit: Le député de Lincoln a parlé, le député de Viger a parlé, le député de Saint-Jacques a parlé, le député de Laprairie, mais où sont les autres? Les autres, où sont-ils? Je leur ai dit: Je vais intervenir à l'Assemblée nationale. Alors, je suis ici, M. le Président, et je me pose la question: Où est le sacré ministre, on ne le voit pas? Où est-il? Peut-être est-il allé à Ottawa pour nous apporter des bonnes nouvelles.

Le président de l'UMQ nous a dit: Que faites-vous? Nous allons aller négocier avec vous, nous allons aller à Ottawa avec l'Union des municipalités régionales de comté, un ami du parti, du régime, le maire de Jonquière. Mais le maire de Jonquière est maintenant contre le gouvernement au pouvoir. Il faut se poser la question: Où est ce sacré ministre des Affaires municipales? Où est-il? Je regarde directement dans les galeries de l'Assemblée nationale et je vous dis, mes chers concitoyens que, comme ancien maire, je suis vexé de ne pas le voir ici. J'avais pensé que, lorsqu'on étudie un projet de loi très tard la nuit, le ministre devrait être là pour nous répondre. Mais je ne le vois pas. (5 heures)

Mes chers amis, cette émission est en direct de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une reprise. Nous sommes à 5 heures du matin et on attend toujours le sacré ministre. Où est-il? Il est peut-être dans le comté de Laurentides-Labelle, mais sa place est à l'Assemblée nationale, péquiste. Organisez-vous donc pour qu'il nous écoute, votre ministre. Nous n'avons pas de commerciaux à cette émission. Nous n'avons pas d'annonces, mais on a un changement de président à l'occasion et maintenant, nous sommes devant le président que vous ne voyez pas, évidemment, chez vous, puisque nous sommes en direct de Québec, à l'Assemblée nationale; c'est maintenant le député, vice-président du comté de Saint-François, un comté magnifique, à part cela, mais...

Des voix: Ah! Ah!

M. Bissonnet: Vous allez m'excuser. Ce sont des choses qui arrivent. J'ai échappé un petit papier. Mes chers amis, c'est la rigolade à l'Assemblée nationale. Dans le temps, alors que j'avais douze ans, je regardais mon ami, Denis Drouin, qui était fantastique avec M. Beaulu - vous vous le rappelez - et c'est à peu près ce qui se passe ici. Il est 5 h 02. Il me reste cinq minutes pour terminer mon émission, non, six minutes, non, cinq minutes. Dans cinq minutes, j'aurai terminé et je ne vois pas encore le ministre ici. Fantastique! Fantastique! Il n'est tellement pas ici... Regardez, mes chers amis, vous qui êtes en direct, parce que vous savez, on n'a pas de

compétiteur ce matin. Les postes de Radio-Canada et de Radio-Québec sont fermés. On n'a que la télévision payante. Le ministre des Communications doit peut-être un jour, pour les faire fonctionner, leur donner une subvention de 3 000 000 $, d'après ce qu'on a entendu dire. Ce matin, M. le ministre, vous pouvez nous faire cela, M. Bertrand. La télévision est là, mais en pratique, nos concitoyens, que font-ils à 5 h 02? Aïe! Ils dorment! Ils dorment, mais nos concitoyens écoutent quand même l'émission "Sommeil interdit", au poste CKVL. Le maire de Verdun connaît bien cette émission. C'est une émission qui est écoutée par les chauffeurs de taxi.

Bon! Les chauffeurs de taxi, vous savez, le ministre des Finances vous a promis un petit 500 $, mais dans le projet de loi 44, il n'est pas encore inclus. Téléphonez à vos députés péquistes, dites-leur: Parlez au ministre des Finances et peut-être que l'amendement sera apporté.

M. le Président, je vous pose une question. Pour les auditeurs du poste de Québec, diffusé directement de Québec, où est le ministre des Affaires municipales qui veut mettre le bâillon sur cette Assemblée, qui veut mettre le bâillon sans être présent? Où est-il? Est-il à la campagne? Est-il en Europe? Est-il allé parler au président de l'Italie pour dire que M. Lévesque, ce matin, à l'Assemblée, s'est compromis. C'est une contrainte. Il a été contraint par toute l'affaire de la diplomatie nationale. Où est le ministre des Affaires municipales? Il est 5 h 05. M. le Président, je suis un homme sérieux. J'ai été élu maire d'une ville et je cherche vos députés qui ont déjà été élus maires dans des villes responsables. On a eu le candidat à la mairie de Trois-Rivières qui a fait un effort et qui riait de l'ancien - pas vous, M. le Président, mais l'autre, avant vous... Tantôt, avant le débat, il y a eu quelque chose de très drôle. On a ri. La réforme parlementaire, la réforme parlementaire.. On est à 5 h 05. M. le Président, combien de minutes me reste-t-il, avant que je voie le ministre des Affaires municipales?

Des voix: Consentement!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Consentement.

M. Bissonnet: M. le Président, où est le ministre des Affaires municipales. Pourrais-je demander au leader, le réalisateur de l'émission "Sommeil interdit", réalisée directement de l'Assemblée nationale du Québec, où est le ministre des Affaires municipales? Mes chers concitoyens, ceux qui sont encore debout...

Des voix: Ah! Ah!

M. Bissonnet: Ils ont beaucoup de plaisir, M. le Président. Ils sont à peu près quatre ministres, huit députés. Je reconnais le député de Châteauguay qui dit toujours: M. le Président! Il est là! Il est là! Il a failli devenir vice-président, mais nous n'avons pas voulu. Et vous ne le serez jamais.

Où est le ministre des Affaires municipales? L'émission "Sommeil interdit" vous demande où est le ministre des Affaires municipales? Je rigole et je fais de l'humour parce que le ministre qui nous impose le bâillon n'est pas ici. Ceux qui nous écoutent à cette heure-ci doivent se demander ce que fait ce gouvernement, à 5 h 07 du matin. Les élections partielles de Marie-Victorin seront encore une conclusion logique à tout cela. Vous nous dites toujours qu'on a manqué notre coup à l'élection générale, mais aux élections partielles, on est fort. À l'émission "Sommeil interdit", on a fait un sondage, et on est en avance.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Nous sommes toujours à l'Assemblée nationale.

M. Bissonnet: M. le Président, question de directive.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Question de directive, M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Pourriez-vous me dire, M. le Président, où couche et où se trouve le ministre des Affaires municipales?

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. C'est toujours difficile de suivre le député de Jeanne-Mance.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Polak: Je suis heureux de noter...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Polak: Je suis heureux de noter...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le député de Sainte-Anne, un

instant.

En revenant au calme normal, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Comme je le disais, c'est toujours difficile de suivre le député de Jeanne-Mance, mais je suis content de voir que le ministre des Affaires municipales est venu m'écouter. Je pense pouvoir le convaincre de retirer cette motion parce qu'il a fait une grande erreur. Il est là, il prend des notes car il sait que les grands discours se font à 5 h 10 le matin.

M. le Président, si les ministériels arrêtaient de rire et donnaient une chance au ministre de prendre note de ce que je dis, peut-être qu'on pourrait finalement trouver une solution. Le problème, avec ce ministre, c'est que lui donner son projet, c'est un peu comme donner des allumettes à un pyromane. On a peur de lui donner ces allumettes parce qu'on a déjà eu des expériences avec ce même ministre. Vous vous rappellerez, M. le Président, qu'on était ici, encore très tard la nuit, quand on a parlé dans le temps de la fusion de Baie-Comeau et Hauterive. C'est toujours le même ministre qui veut faire adopter ses projets de loi, qui veut réussir et qui fait n'importe quoi pour réussir.

Pour nous, il s'agit d'une question de principe. Il n'est pas toujours facile de rester debout jusqu'à 5 h 10 le matin pour parier à l'Assemblée nationale; mais, pour nous, il s'agit d'une question de principe. Nous allons essayer de bloquer l'adoption de ce projet de loi 38 parce qu'il s'agit d'une tentative de loi punitive. Il aurait été bien facile pour nous de dire: Donnez-lui son projet de loi parce qu'avec ce projet de loi les péquistes ne se feront pas d'amis. C'est bien connu que dans le monde municipal personne ne veut rien savoir du projet de loi 38. Donc, pourquoi est-ce qu'on ferait la bataille, pourquoi est-ce qu'on ferait tout notre possible pour le bloquer? Sur le plan politique on se serait peut-être fait plus de capital politique en lui donnant son projet de loi. (5 h 10)

Je suis content de noter que le ministre prend encore d'autres notes parce qu'à la fin de mon discours - c'est malheureux que je n'ai que dix minutes parce que le ministre est en train de suivre mes arguments - il changera peut-être d'avis. Il va voir ses confrères qui sont là. Je pense que le problème ce n'est pas seulement avec ce ministre-là, c'est avec le leader parlementaire. Je l'ai vu tout à l'heure. Je lui ai demandé... Il est ici aussi le leader parlementaire.

M. le Président, je ne veux pas vous demander de directive parce que vous êtes connu comme un homme honnête, objectif. Vous savez que le ministre des Affaires municipal est ici, même si la caméra n'est pas sur lui et vous savez que le leader parlementaire est ici.

J'ai parlé tout à l'heure au leader parlementaire. Je lui ai dit: Qu'est-ce qui arrive là-dedans? Il m'a répondu: Cela dépend de vous. C'est vrai, il l'admet. De la manière dont il a bougé la tête, il a dit: Oui, oui. Donc, c'est vrai. J'ai dit: Donc, je vais essayer de convaincre... Il a dit: Essayez donc de convaincre mon ministre. Je suis content qu'il soit sérieux, qu'il me suive. On voit maintenant que le ministre est là, il prend note et il veut peut-être vraiment essayer de se faire convaincre.

Ai-je besoin de donner plus d'arguments au ministre? M. le Président, s'ils veulent mettre le bâillon maintenant... N'oubliez pas une autre affaire, en troisième lecture on aura deux députées de plus qui vont parler. Encore deux fois dix minutes. Donc, au lieu de finir à 5 h 10 ça va continuer à 6 heures ou 7 heures. Vous ne pourrez pas gagner cette bataille-là.

Pourquoi ne dites-vous pas honnêtement: On a fait une erreur, on aurait dû donner une occasion à l'Opposition de continuer à faire leurs amendements. Finalement on aurait adopté ce projet de loi ou le ministre l'aurait retiré parce qu'il a le temps maintenant de négocier avec Ottawa et d'essayer de ne pas forcer la situation.

C'est malheureux, je vois que le ministre s'en va. J'espère qu'il en a assez de ce que j'ai dit. Ses propres camarades lui demandent de rester mais là il part parce qu'il a pris note de ce que j'ai dit et il va peut-être réfléchir calmement ailleurs pour quelques minutes pour ensuite décider qu'il est allé trop loin, qu'imposer une clôture à l'Assemblée nationale sur ce projet de loi c'est une grave erreur politique.

Je vois aussi que l'attitude du leader parlementaire change aussi. Il réalise peut-être que c'est le temps de rectifier les erreurs qui ont été faites. Il est maintenant 5 h 13 et il est toujours temps de se parler. On a beaucoup d'énergie, on va continuer, d'autres vont parler après moi et d'autres vont suivre. Dans quelques heures on aura deux nouvelles députées qui seront assermentées et on a encore de l'énergie pour continuer. Nous sommes prêts à faire la bataille, pour nous c'est une question de principe comme je l'ai dit et s'il faut se battre avec le gouvernement péquiste et montrer qu'on a de l'énergie autant que vous.

Je ne voudrais pas continuer parce qu'il y en a beaucoup d'autres qui attendent. Par exemple il y a le député de D'Arcy McGee. Je ne pense pas qu'il a déjà parlé là-dessus. J'espère entre-temps que le ministre reviendra - parce que c'est vrai qu'il est parti - et qu'il écoutera aussi les arguments d'autres collègues. J'espère aussi qu'il y a

des députés ministériels qui parleront sur cette même motion pour essayer peut-être de convaincre le ministre de changer d'avis. Je vous remercie, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. Il me semble que vous serez d'accord pour dire qu'il y a un certain désordre à l'Assemblée nationale à 5 h 15 ce matin. Nous avons commencé nos délibérations hier matin à 10 heures, ça fait donc plus de 19 heures de délibérations en cette Chambre. J'aimerais dire - je pense que vous serez d'accord -que c'est un peu anormal, ce n'est pas naturel pour des parlementaires de débattre une question pendant 19 heures d'affilée.

Cela me fait penser aux pièces de Shakespeare parce que vous savez, M. le Président, que dans les théories de l'époque d'Élizabeth I, au Royaume-Uni, on pensait et on croyait que le désordre à un niveau de la société engendrait le désordre à un autre niveau de la société, puis à un troisième niveau, et partout dans la société. Par exemple, dans la pièce Macbeth, où Macbeth a tué le roi et a pris sa place, c'est le désordre à la tête du gouvernement qui a engendré un désordre à d'autres niveaux de la société et même dans la nature. On voit qu'il y a un désordre à l'Assemblée nationale, mais il y a aussi, au Québec, un désordre à la tête du gouvernement qui, lui, engendre le désordre à l'Assemblée nationale, au niveau économique, etc.

Dans un projet de loi, M. le Président, il y a deux questions fondamentales. Il y a la question de fond et il y a aussi la question de forme. J'aimerais parler, pendant quelques minutes, de la question de fond. Il s'agit ici de la compétence de l'Assemblée nationale en ce qui concerne les municipalités et cela va de soi, M. le Président, que la compétence en matière municipale est une compétence exclusive qui relève de l'Assemblée nationale, qui relève des membres de cette Chambre. Quand l'Assemblée nationale, quand la province de Québec a une compétence exclusive, cela veut dire qu'on ne peut pas déléguer cette compétence à un autre niveau de gouvernement dans le sens qu'on ne peut pas déléguer ce pouvoir au gouvernement fédéral. Personne, dans cette Chambre, ne conteste le fait que nous ayons cette compétence exclusive et il n'est pas question d'essayer de déléguer ou de donner une partie de cette compétence à un autre niveau de gouvernement. En effet, le Québec n'a jamais cédé ce pouvoir à un autre niveau de gouvernement, sauf une fois, quand le Parti québécois est allé négocier la nouvelle constitution à Ottawa et quand le premier ministre du Québec a cédé le droit de veto du Québec parce qu'il visait à d'autres buts, notamment, la désintégration du Canada.

Donc, il y a, comment dirais-je, un consensus de ne pas céder quoi que ce soit en ce qui concerne cette compétence exclusive. Mais il y a aussi - c'est un des problèmes - le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral peut engager des dépenses dans des matières qui ne sont pas nécessairement de sa compétence. Par exemple, le gouvernement peut donner des subventions aux municipalités, quoique les municipalités, en tant qu'entités, ne relèvent pas de sa compétence. La théorie, c'est que le gouvernement du Canada, ou la reine comme chef du Canada, peut faire des donations ou des cadeaux, soit aux municipalités, soit aux provinces, soit aux individus, et c'est la même chose pour les provinces au Canada. Le Québec, ou la reine comme chef du Québec, peut faire des donations aussi, peut donner des cadeaux aux Manitobains, peut donner des cadeaux aux gens de la Nouvelle-Écosse, et c'est déjà arrivé. C'est donc dire que le Québec a aussi un pouvoir de dépenser qui est quasiment illimité. Bien qu'on sache qu'aujourd'hui on manque d'argent, on ne peut pas faire de donations. Nous avons une compétence exclusive en matière municipale, mais le gouvernement fédéral peut faire des donations aux municipalités. (5 h 20)

II y a un problème avec ce pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, et nous sommes tous conscients de ce problème. En effet, le Parti libéral du Québec a essayé de proposer des solutions à ce problème dans notre livre beige. Nous avons essayé de suggérer des solutions, parce que le pouvoir de dépenser n'affecte pas seulement les municipalités dans le contexte qu'on connaît, mais aussi les provinces. Il arrive que le gouvernement fédéral décide de préparer un programme où il offre, par exemple, aux provinces 0,50 $ sur le dollar pour construire des routes. Pour avoir ces 0,50 $ sur le dollar, la province est obligée de construire des routes, quoique la province puisse avoir d'autres priorités. Dans certaines provinces, c'est difficile d'obtenir ces 0,50 $ pour préparer et pour donner suite à un programme décidé à Ottawa.

Le projet de loi qui est à la Chambre aujourd'hui me fait penser à la loi 111. C'est un projet de loi matraque. Je me demande surtout si les sanctions visées dans ce projet de loi sont proportionnelles au mal qu'on veut prévenir, parce que je trouve que les sanctions ne sont pas seulement arbitraires, mais assez exceptionnelles. Je me demande si

ce n'est pas à peu près la même chose qu'on a vu dans la loi 111 relativement aux employés de l'État. Voilà pour la question de fond.

On dit souvent que la forme peut rejoindre le fond et je trouve que c'est cela dans ce projet de loi. Comme je viens de le dire il y a quelques minutes, il y a une confusion planifiée à l'Assemblée nationale qu'on retrouve à la fin de presque chaque session. L'Assemblée nationale a été fermée pendant un mois. Au moins les députés de ce côté de la Chambre étaient prêts à venir travailler à l'Assemblée nationale, mais quelqu'un a barré les portes, c'est-à-dire que nous avons perdu un mois. Il aurait été possible de faire le débat concernant ce projet de loi d'une façon sereine durant le mois d'octobre, durant le mois de septembre, mais l'Assemblée nationale n'a pas siégé.

Nous avons donc ce que j'appelle le "rush" de la fin de session où on essaie de comprimer beaucoup de lois dans peu de temps, c'est-à-dire qu'on nous force de travailler jour et nuit pour adopter certains projets de loi avant le congé de Noël, et il arrive souvent à l'Assemblée nationale qu'on adopte des projets de loi pleins d'erreurs. Je peux vous donner un exemple. M. le Président me signale que mon temps achève, mais je vais terminer dans une minute.

Il arrive souvent que nous fassions beaucoup d'erreurs dans nos lois et, après cela, il faut adopter des projets de loi omnibus comme les projets de loi omnibus qui sont devant la Chambre pour corriger les erreurs que nous avons faites. C'est évident que, s'il faut travailler 20 heures par jour, il y a des erreurs qui vont se glisser dans les lois.

En terminant, M. le Président, cela me surprend que le gouvernement actuel essaie de faire adopter un projet de loi tel que le projet de loi 38 qui n'a aucun appui dans la population. Cela démontre une autre fois que ce gouvernement est tout à fait déconnecté de la population. Merci.

M. Polak: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne, sur une question de règlement.

M. Polak: Je dois comprendre qu'il me reste encore cinq minutes. Ma montre ne fonctionnait pas tout à l'heure. M. le Président, voulez-vous me donner une chance pour que j'explique mon point de vue, parce que cela arrive qu'on fait des erreurs comme cela?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vais vous écouter.

M. Polak: J'aimerais avoir mes pleines dix minutes selon le règlement. Je pensais que je les avais prises. Le député de Jeanne-Mance m'a précédé et j'étais un peu nerveux. Je regardais cela et là je réalise, en parlant avec notre leader, qu'il me reste encore cinq minutes. Pourriez-vous vérifier au point de vue des directives pour voir si j'ai encore le droit de compléter mes cinq minutes, pour que j'explique à la population de quoi il s'agit dans cette motion? Je ne voudrais pas prendre cinq minutes pour essayer de faire le point, mais, si vous pouvez regarder cela et me donner mes cinq minutes qui me restent, j'aimerais bien me prévaloir de ce privilège parce que, savez-vous, j'étais vraiment prêt à faire un discours de dix minutes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Écoutez! Effectivement, vous n'avez pas utilisé les dix minutes qui vous étaient allouées. Suivant le règlement, quelqu'un qui utilise, qui prend son droit de parole a utilisé son droit de parole. À moins que cette Assemblée donne son consentement. Il n'y a pas de consentement? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce... M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, pourrais-je demander au porte-parole du gouvernement de motiver au moins son refus de consentir à cela? Est-ce qu'on a peur de perdre du temps ici? Le député de Sainte-Anne ne demande que cinq minutes. Il est ici depuis 19 heures pour exercer son droit de parole. On pourrait peut-être consentir à ce qu'il prenne les dix minutes auxquelles il a droit. Ou est-ce que la mesquinerie du leader du gouvernement va être poussée...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! J'ai vérifié le temps que le député de Sainte-Anne a utilisé. Il a utilisé sept de ses dix minutes. S'il y a consentement... Question de règlement, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Est-ce que j'ai eu mes dix minutes, M. le Président? Je vois que le député qui m'a précédé...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de D'Arcy McGee, j'ai vérifié avec un chronomètre et vous avez pris 10 minutes 37 secondes. Donc, il n'y a pas de consentement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Marx: La prochaine fois, je parlerai 30 secondes de moins.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Polak: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, parce que, vraiment, si c'était cinq minutes, mais vous dites, selon la petite machine, trois minutes. J'accepte évidemment les trois minutes. Mais j'ai entendu dire qu'il n'y avait pas de consentement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; S'il vous plaît! M. le député de Sainte-Anne... M. le député de Sainte-Anne... M. le député de Sainte-Anne, le président étant debout, vous devez vous asseoir. J'ai demandé s'il y avait consentement, mais vous savez fort bien que, suivant notre règlement... S'il vous plaît! Comme président, en suivant le règlement, j'ai demandé s'il y avait consentement et je n'ai pas eu le consentement de cette Assemblée. Donc, le droit de parole est au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci. Avant de commencer mon discours, vous allez me permettre de saluer ma mère et mon père, ainsi que les membres de ma famille et tous les milliers de Québécois et Québécoises qui sont ce matin collés à leur téléviseur nous regardant faire cette bataille qui promet de devenir une des batailles du siècle. J'invite ces personnes, hommes et femmes du Québec, à nous écrire. Si vous êtes d'accord avec le projet de loi, si vous êtes d'accord avec le bâillon, la guillotine, je vous propose d'envoyer vos lettres au leader parlementaire, le député de Vanier, pour saluer la performance de ses collègues dans ce débat, ce soir. Si vous êtes contre, vous devez vous adresser à notre leader parlementaire, M. Fernand Lalonde, député de Marguerite-Bourgeoys, à l'édifice A de l'Assemblée nationale de Québec; je m'excuse, je n'ai pas le code postal! (5 h 30)

Ceci étant dit, M. le Président, je vais maintenant passer au texte intégral de mon discours. Déposé en juin dernier par le ministre des Affaires municipales, M. Jacques Léonard, le projet de loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités, projet débattu à l'Assemblée nationale la semaine dernière et avant cela, doit être substantiellement amendé, sinon abandonné.

Que le gouvernement tienne sa compétence exclusive dans le domaine municipal pour non négociable et cherche à bloquer l'action directe d'Ottawa ne crée pas de problème, pas du tout. Au contraire, cette politique fait l'unanimité, mais qu'à la distribution discrétionnaire de subventions par les députés fédéraux succède le pouvoir discrétionnaire du ministre des Affaires municipales du Québec d'en faire autant, l'unanimité ne tient plus.

L'Opposition libérale se dissocie alors du projet de loi 38 et avec raison.

Les représentants des municipalités du Québec se rebiffent et prédisent une détérioration du climat de leurs relations avec le gouvernement Lévesque.

Il n'était pas nécessaire, pour conduire la guerre des principes avec le gouvernement fédéral, de miner les rapports avec les partenaires du monde municipal. En faisant le choix de cette option, Québec n'a pas renforcé sa cause, même si les parlementaires péquistes ont pu tirer pendant des heures à boulets rouges sur Ottawa, leur plaisir était évident. Mais nous leur demandons d'abord d'administrer les affaires du Québec, avant d'utiliser les pouvoirs qui sont les leurs pour illustrer leur option, option que les citoyens québécois ont déjà rejetée.

Au niveau des principes constitutionnels, le projet de loi 38 est inattaquable. Personne ne l'a combattu à ce niveau. Ottawa n'a pas à s'immiscer dans les affaires municipales et à distribuer directement ou indirectement des subventions de toutes sortes, à prodiguer des millions sans autre norme que l'intérêt partisan des députés inquiets à quelques mois d'une élection générale.

Péquistes, libéraux québécois, préfets et maires tiennent à ce sujet le même langage. Les accusations portées à l'Assemblée nationale contre les libéraux tenaient davantage de la démagogie que de la vérité. Le PLQ et son groupe parlementaire ne cherchent pas à sauver les droits du Québec dans le domaine municipal. En cherchant à faire cette preuve, les orateurs péquistes gaspillent leurs munitions, leur temps et notre argent. Leur thèse était sans crédibilité.

Le vrai débat est ailleurs. Le vrai débat porte sur la qualité de la négociation entre Québec et Ottawa quant à l'élaboration des programmes visant l'utilisation au Québec des budgets fédéraux de création d'emplois, en particulier grâce à des travaux municipaux. Il porte aussi sur certains articles du projet de loi 38, articles jugés inéquitables par les deux regroupements d'élus municipaux, l'Union des municipalités du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté du Québec.

Sur l'évaluation de la négociation entre Ottawa et Québec, les avis ne concordent pas. D'une capitale à l'autre, on pointe la partie adverse, on signale la mauvaise foi et les retards à livrer la marchandise. Québec soutient, non sans raison, que les problèmes actuels n'existeraient pas si Ottawa n'avait pas mis fin, unilatéralement, aux ententes qui, dans le passé, avaient permis de

conjuguer les politiques québécoises et les budgets fédéraux. Ottawa réplique en pointant l'utilisation politique faite par le Québec d'une négociation en cours.

Mais, chez les élus municipaux, qui craignent les retombées des différends actuels, le jugement ne fait pas le poids. Affirmant qu'il n'est pas clair que les négociations sont bien menées, ils réclament un siège aux prochaines rencontres. Nous serons neutres, disent-ils, mais nous pourrons entendre de nous-mêmes ce qui se dit et vérifier ce qui se fait. La frontière est bien ténue entre cette réclamation et l'aveu qu'on ne se fie pas aux rapports soumis quant à l'évolution de la négociation.

Mais les exigences des élus municipaux visent aussi le contenu même du projet de loi 38. L'article 2 du projet de loi prévoit qu'une municipalité qui, au jugement du gouvernement, a bénéficié d'une participation fédérale directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit, perd ainsi le droit d'exiger du gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministres ou organismes des montants que Québec devait lui verser en vertu de ses programmes de participation au financement des municipalités.

L'article 3 établit le pouvoir discrétionnaire du gouvernement à constater la délinquance d'une municipalité.

L'article 7 élargit ce pouvoir discrétionnaire au point où certaines municipalités pourraient être pénalisées et d'autres pas, même si, théoriquement, elles ont commis la même infraction à la loi. Le même article prévoit une délégation de pouvoirs au ministre des Affaires municipales.

Enfin, l'article 4 consacre le caractère rétroactif de la pénalité à compter de la prise d'effet du décret gouvernemental.

Le caractère odieux du projet de loi 38 n'a échappé ni au parti d'Opposition, ni aux élus municipaux. Il est en effet intolérable que le pouvoir arbitraire d'un ministre, le principe de la rétroactivité et la notion même de discrimination soient conjugés dans un texte de loi. Les élus municipaux avaient absolument raison d'exiger que ce projet de loi soit étudié en commission parlementaire avant son adoption en deuxième lecture. Rarement a-t-on vu une législation aussi contraire aux exigences élémentaires de la justice. Rarement aura-t-on vu une législation aussi lourdement punitive à l'endroit de partenaires majeurs, plutôt victimes que coupables.

Tel qu'il est, le projet de loi 38 ne doit pas franchir les dernières étapes parlementaires et devenir la législation du Québec. Mais si le gouvernement s'entête, on saura alors que rien ne l'arrête dans la voie de l'arbitraire. Les parlementaires du groupe ministériel, y compris les perroquets qui ont fait la parade des principes la semaine dernière à l'Assemblée nationale, devraient lire le projet de loi. Celui-là ne compte pas des milliers de pages mais on a réussi à inscrire dans ces trois pages tout ce qu'il y a de plus répugnant en régime démocratique.

Il me reste une minute. J'espère que vous êtes impressionné par ce discours que j'ai tenu, qui est un discours qui n'est pas démagogique, qui est... Peut-être que vous avez dit: Mon Dieu! Scowen parle beaucoup mieux ce soir qu'il ne parle normalement pendant la journée! C'est possible, c'est possible. Parce que, comme vous l'avez déjà deviné, je pense, les paroles de ce discours n'étaient pas vraiment les miennes. C'était les paroles d'un grand quotidien québécois, un journal qui fait partie de l'histoire de toute notre collectivité, qui est connu dans la tradition d'Henri Bourassa, André Laurendeau, Claude Ryan et toute une série d'hommes et femmes qui ont consacré leur vie à la défense des droits du Québec. Si on peut dire dans une seule expression ce qu'est le journal Le Devoir, vous allez me répondre immédiatement: le Devoir, c'est un journal qui consacre son existence même à la défense des droits du Québec.

Voilà, c'est ce qu'il a dit de votre projet de loi, M. le député de Bertrand et vos collègues ici ce soir, qui essayez de nous arrêter de parler, de parler même de ce projet de loi. Je pense que vous comprenez maintenant, M. le Président, pourquoi les gens sont collés à leur télévision ce soir et pourquoi ils vont écrire leur lettre demain matin, à vous et à vous seulement, parce qu'ils sont en profond désaccord avec tout ce qui se passe ici à l'Assemblée nationale.

Si vous me permettriez deux, trois ou cinq minutes de plus, je suis prêt à continuer.

Une voix: Ah non!

Le Président: Le règlement ne vous le permet pas, M. le député.

M. Scowen: Je peux simplement dire que c'est une loi qui est défendue par Chevrette, une autre bonne raison de ne pas l'accepter, et on peut facilement penser aux autres. Mais je termine, M. le Président, avec mes remerciements à vous pour m'avoir permis de prolonger de dix minutes la participation que j'ai prise dans ce débat fort intéressant. (5 h 40)

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Quel spectacle attristant pour notre démocratie parlementaire de se voir obligés, après être arrivés au parlement à 8 h 30 hier matin, pour plusieurs d'entre nous, de poursuivre un

débat à 5 h 40, en ce vendredi 16 décembre! Quel spectacle, pour ceux qui ont assisté, cette nuit, au déroulement de nos travaux, de voir les députés de la majorité! Si les caméras de télévision pouvaient filmer le député de Châteauguay qui dort sur sa banquette, "écréanché", tout croche, si les caméras de télévision pouvaient filmer les députés qui sont entrés ici, l'oeil hagard, et les voir s'étendre sur leur fauteuil, les cheveux en broussaille, ayant pris peut-être un peu trop de café ou d'autres liquides de même nature...

Une voix: Oui, quelle haleine!

M. Pagé: ...on aurait constaté que ce n'était pas édifiant, cette nuit, comme ça ne l'est pas encore, malheureusement. Pendant qu'on assiste à tout ce spectacle provoqué littéralement par le petit capitaine de brigade...

M. Gratton: Ti-cul! Ti-cul Bertrand!

M. Pagé: ...celui qui a chevauché le cheval de l'arrogance, le jeune et inexpérimenté député de Vanier...

M. Gratton: Ti-cul Bertrand!

M. Pagé: ...tout cela, c'est le résultat...

Le Président: Non. M. le député de Gatineau, le micro de votre voisin étant ouvert, nous avons clairement entendu l'expression et vous allez la retirer, je vous en prie.

M. Pagé: Cela ne sera pas pris sur mon temps, M. le Président?

Le Président: Je m'adresse au député de Gatineau, M. le député.

M. Pagé: D'accord. M. Gratton: Pardon?

Le Président: J'ai très clairement entendu l'expression que vous avez employée à l'endroit du député de Vanier, le micro de votre voisin, le député de Portneuf, étant forcément ouvert, puisqu'il avait la parole, je vous prie de bien vouloir la retirer.

M. le député de Gatineau, je vous ai entendu vous adresser au député de Vanier en utilisant un langage non parlementaire, je vous prie de retirer vos paroles, sans commentaire.

M. Gratton: Je m'excuse de vous avoir fait répéter, M. le Président, je ne vous entendais pas. Je retire volontiers les paroles "Ti-cul Bertrand" que j'ai prononcées à l'endroit du leader du gouvernement. Je...

Le Président: Sans commentaire. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, ces quelques minutes, ces sept minutes et demie, effectivement...

M. Gratton: Comment dois-je l'appeler?

M. Pagé: ...ne seront pas prises sur mon temps?

M. Gratton: Est-ce que je suis obligé de l'appeler monsieur? Non?

M. Pagé: J'avais une minute d'entamée, M. le Président, ou une minute et demie?

Le Président: Mais enfin, continuez.

M. Pagé: Alors, j'en étais à vous dire que le leader du gouvernement, le jeune député de Vanier, pas trop expérimenté comme leader, qui a multiplié gaffes pardessus gaffes, depuis qu'il a été nommé par le premier ministre, a décidé d'enfourcher le cheval de l'arrogance, le cheval qui lui permet, en vertu du règlement, de bousculer tout le monde. C'est ce même leader du gouvernement qui va venir pérorer comme il le fait candidement sur la réforme parlementaire. Comment pouvait-il être motivé par cette réforme qui allait faire du Parlement une institution efficace, une institution qui allait contribuer à la participation des députés, celui qui a toujours voulu s'appuyer sur les discours grandiloquents qu'il nous a servis sur la revalorisation du rôle du député? Le député allait devenir un véritable législateur par cette réforme. Ils étaient beaux à voir, les grands législateurs, cette nuit; c'était beau de les voir arriver les cheveux en broussaille, ne sachant pas trop ce qui se passe dans le parlement, pour venir voter, un sourire béat chez les uns, un air ébahi chez les autres.

Tout cela, c'est le résultat...

M. Gratton: Et quelle haleine!

M. Pagé: ...d'une démarche enclenchée par celui qui ne fait pas honneur à l'institution de par la fonction qu'il occupe. Vous aurez compris que je réfère au député de Vanier. C'est un spectacle triste à voir pour une fin de session, une session qui a été mal lancée. Qu'on se rappelle la gifle monumentale que le chef du gouvernement a servie à l'Assemblée nationale, la gifle de l'exécutif au législatif: la session a été reportée d'un mois parce que le gouvernement, après des vacances prolongées, après que tout ce beau monde, ou à peu près, a eu l'occasion d'aller se promener en Europe, a oublié de travailler pendant l'été. On espérait qu'au 15 novembre, on pourrait

avoir un échéancier de travaux raisonnable, un programme législatif intéressant et de nature à régler les problèmes qui confrontent les Québécois. Ce n'est pas cela: "lock-out" pendant un mois, Parlement fermé pendant un mois, conférence de presse avec tout un scénario - tout un suspense entourant cette conférence de presse du premier ministre pour nous livrer un texte qui ne disait pas grand-chose - et le tapis a été enlevé de dessous les pieds du premier ministre le mardi soir suivant par le ministre des Finances. Après, ce fut cette session avec des projets de loi comme le projet de loi 38 pour lequel on se bat fermement et on va continuer à le faire.

Obligés de siéger la nuit? Où étiez-vous au mois d'octobre? Où étiez-vous au mois de novembre? Il aurait peut-être été plus important que vous soyez ici, plutôt que de vous promener sur le Marie-Clarisse à prendre un coup et à chanter, "gang" de pas bons que vous êtes! Car c'est ce que vous êtes, une jolie "gang" de pas bons! Le Québec est en train de vous juger; vous êtes jugés partout; vous n'êtes pas capables de sortir; vous êtes haïs; vous êtes honnis. Dieu, que les gens ont hâte que vous ayez le courage et le coeur - s'il vous en reste un peu, parce qu'on sait que vous n'en n'avez pas beaucoup - de déclencher une élection générale pour vous donner la gifle que vous méritez!

C'est une journée de tristesse pour le Parlement; c'est un spectacle qui n'est pas beau à voir; c'est un spectacle qui, finalement, vient s'ajouter à un autre moment de tristesse vécu cette semaine. Qu'il était donc triste de voir, M. le Président, le Québec dont la crédibilité a été affectée sur la scène internationale par les bourdes de ce Ti-Poil la Gaffe qui est notre premier ministre, celui qui est allé se barrer les pieds en Europe...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, me prévalant de l'article 99...

Une voix: C'est lui la gaffe.

M. Bertrand: Deux fois, M. le Président, me prévalant de l'article 99, je pense que vous avez entendu les propos qui ont été prononcés par le député de Portneuf.

Une voix: On sera jugé par la population.

M. Bertrand: "II est interdit à un député qui a la parole de se servir d'un langage violent ou blessant à l'endroit de qui que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée."

Une voix: II n'y a rien de violent...

M. Bertrand: Je pense que vous devriez inviter le député à retirer ses paroles, lui, qui invite tout le monde au respect du parlementarisme et qui se fait, ce soir, paternaliste dans le ton moralisateur qu'il utilise. Je pense qu'il devrait l'utiliser pour lui.

M. Gratton: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: Je veux simplement signaler qu'il n'y a absolument rien de blessant, qu'il n'y a absolument rien d'antiparlementaire dans les propos que vient de tenir le député de Portneuf. Si cela ne fait pas l'affaire du gouvernement, soit. Si le premier ministre se sent blessé, qu'il vienne nous le dire et qu'il nous l'explique. Quant à nous, le député de Portneuf n'a absolument rien à retirer.

Le Président: M. le député. La population juge tous les députés en cette Chambre, de part et d'autre. Il doit y avoir un minimum de dignité et un minimum de décorum dans un Parlement.

M. le député de Gatineau, quoi que vous pensiez des raisons pour lesquelles nous sommes réunis à cette heure-ci, c'est quand même l'Assemblée nationale qui est réunie, c'est quand même le Parlement et il y a un minimum de dignité à respecter en cette enceinte, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit où nous nous trouvons.

Une voix: Assieds-toi.

Le Président: Je suis encore debout, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, j'avais des problèmes.

Le Président: On peut faire toutes les attaques qu'on voudra quant au fond; je ne vois pas pourquoi on doit utiliser un langage désobligeant... Je ne vois pas pourquoi qui que ce soit, de quelque côté que ce soit de la Chambre, doive se sentir obligé d'utiliser un langage désobligeant à l'endroit de qui que ce soit d'autre, quelle que soit sa fonction.

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: On va faire d'une longue histoire une histoire courte: par respect pour l'institution et non pas par respect pour la personne du premier ministre, je vais retirer les paroles de Ti-Poil la Gaffe que j'ai utilisées.

(5 h 50)

M. le Président, je vous disais, dans les trois ou quatre minutes qu'il me reste, que c'était le deuxième spectacle bien triste cette semaine. On assiste présentement à un spectacle provoqué, enclenché par l'arrogant et malhabile leader du gouvernement, celui qui ne connaît pas ses procédures, celui qui n'est pas capable d'organiser les travaux, celui qui, probablement dans l'histoire parlementaire de la dernière décennie et probablement de la prochaine, aura passé pour le leader du gouvernement le plus faible, le plus incompétent, le plus malhabile, le plus faiblard, le plus pleurnichard que le Parlement et l'Assemblée nationale du Québec n'ont jamais connu. On se laisse parfois porter à rêver, à espérer et à souhaiter que le chef du gouvernement, dans des délais qu'on espère les plus brefs, réalisera l'obligation qu'il a, en vue de meilleurs travaux à l'Assemblée nationale, de le relever de ses fonctions, de l'envoyer n'importe où, mais ailleurs qu'au bureau du leader du gouvernement. Il en a trop fait depuis qu'il est ici. Le spectacle qui n'est pas beau à voir présentement, c'est de voir un ministre des Affaires "extérieures" qui manque évidemment de sommeil, et cela paraît, c'est de voir le député de Châteauguay qui... Je n'ose pas l'imiter; c'est trop disgracieux.

Une voix: C'est épouvantable.

M. Pagé: C'est le spectacle, c'est le résultat du travail du député de Vanier qui va se promener candidement, au lendemain de la prochaine session, en conférence de presse, devant les journalistes, et qui dira: Cela a bien été; le prochain poste, c'est la réforme parlementaire. Mon oeil! quant à moi. Cela n'a pas d'allure ce que vous êtes en train de faire. Vous avez contribué à diminuer l'institution parlementaire, où nous siégeons, comme cette semaine, le premier ministre du Québec, M. René Lévesque, a contribué à diminuer la crédibilité du Québec par les gaffes qu'il est allé faire à l'extérieur. Ce n'est pas triste à voir, M. le Président? C'est inacceptable. Je veux vous exprimer le regret que j'ai de m'associer, cette nuit, à une démarche comme celle-là. Vu que ce spectacle n'est pas beau à voir, vu qu'après 18 heures de travail il est parfois normal et explicable que les députés, sous le coup de la fatigue, se lancent des quolibets, des invectives, vu que peut-être certains arriveront tantôt, dans quelques minutes, après avoir été 18 heures et même 20 heures sans dormir, il serait peut-être opportun qu'on puisse continuer à délibérer, mais bon Dieu de bon Dieu, qu'on ne montre pas cela à la population! Cela n'a pas de bon sens.

Une voix: Non.

M. Pagé: C'est gênant. C'est triste. Ce n'est pas comme cela qu'on peut valoriser notre institution. Je comprends que, si on avait l'occasion de siéger à huis clos, la population se sentirait peut-être un peu libérée de ne pas voir, à son écran de télévision, avec des petits "bye-bye" pendant toute la journée, le kid kodak de Vanier et l'autre qui, en arrière, aime se placer dans la caméra de temps en temps. Vous aurez compris que je me réfère au faiblard, là aussi, député de Rivière-du-Loup qui ne connaît pas grand-chose là-dedans, mais que le premier ministre a pris, à qui il a donné une "jobine" et a dit: Toi, Jules, tu t'assois là, tu te lèves et tu demandes l'ajournement du débat. M. le Président, si on avait l'occasion de siéger à huis clos, comme c'est un droit, comme c'est une possibilité, la population serait exempte de voir un triste spectacle comme celui-là conduit par un triste sire comme le député de Vanier.

Motion pour siéger à huis clos

M. le Président, c'est pourquoi, en vertu de la motion qui est présentée par le leader du gouvernement, je retiens que l'article 47 n'est pas suspendu et c'est pour ce motif que je présente une motion qui n'est évidemment pas annoncée et que j'ai le droit de présenter, dans laquelle je demande que l'Assemblée nationale, à compter de maintenant et jusqu'à la fin de ce débat qui est trop triste à voir, siège à huis clos. Comme cette motion est débattable, j'ai l'intention de me prévaloir du temps requis pour la débattre, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Vous me permettrez de prendre quelques secondes pour statuer sur la...

Une voix: Prenez tout le temps, M. le Président.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: Trop aimable, M. le député de Jean-Talon.

Nous allons suspendre nos travaux pendant quelques minutes.

(Suspension de la séance à 5 h 55)

(Reprise de la séance à 6 h 15)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Oui, M. le Président. À moins que vous ne m'indiquiez que vous avez déjà arrêté votre décision après avoir délibéré, je voudrais - si vous me le

permettez, dans la mesure où c'est possible -indiquer que nous jugeons, quant à nous, cette motion présentée par le député de Portneuf irrecevable.

Il y a un article dans le règlement qui est l'article 65 qui indique que "le président doit mettre en délibération toute motion mais dès qu'une motion lui paraît irrégulière, en elle-même ou par les buts qu'elle veut atteindre, il doit le signaler à l'Assemblée et il peut, après avoir motivé sa décision, refuser qu'on en délibère ou qu'on la mette aux voix."

Reférons-nous à l'article qu'a invoqué le député de Portneuf et qui se lit de la façon suivante: "Les séances de l'Assemblée sont publiques, mais le huis clos peut être décidé par l'Assemblée sur une motion non annoncée." Il y a un paragraphe deux. "S'il se produit du désordre dans les galeries, le président peut enjoindre au public de se retirer." Je vous fais valoir que ce n'est pas par hasard qu'on retrouve dans le même article 47 le paragraphe deux accompagnant le paragraphe un. Il y a des situations où l'Assemblée peut juger qu'effectivement elle doit procéder à ses délibérations dans un contexte différent de celui qui habituellement prévaut.

Je vous fais valoir que l'intérêt public nous commande que nos discussions se fassent publiquement. Publiquement, cela veut dire que ces discussions doivent se faire exactement comme elles se sont déroulées depuis le début de la séance d'aujourd'hui, depuis le début de ce débat que nous avons eu. Et si un parlementaire avait jugé que le sujet en discussion devait faire en sorte qu'on sollicite le huis clos... Le sens du recours au huis clos, c'est que le sujet qui peut être débattu... Je suis convaincu que ce genre d'article a surtout été rédigé dans la perspective des travaux d'une commission parlementaire qui sentirait à un moment qu'elle a besoin pour certains aspects de la discussion, sur le fond, de travailler à huis clos. Je vous fais valoir que c'est le genre de motion qui, normalement pour les fins que la motion poursuit, doit venir en tout début de débat sur une motion qui est ou devant l'Assemblée ou devant une commission parlementaire.

Si, effectivement, il se déroule des choses qui sont anormales, irrégulières dans le cours du débat, que ce soit du désordre, etc., le règlement est explicite. Le président peut demander qu'on expulse des galeries des gens qui causent du désordre. S'il se passe quelque chose d'anormal, d'irrégulier dans le cadre d'un débat que nous avons, le président peut prendre des dispositions. Mais on arrive tout à coup après que nous ayons discuté environ sept heures d'une motion présentée en bonne et due forme, une motion tout à fait régulière, prévue au règlement. À cause même des responsabilités que nous avons à l'Assemblée nationale, ce que nous faisons est d'intérêt public et doit être connu du public, incluant l'ensemble des discours que nous avons entendus depuis onze heures ce soir. Je ne comprends absolument pas comment le député de Portneuf peut, à ce stade des débats que nous avons, intervenir avec une motion qui nous invite à changer les règles du jeu en plein débat tout à coup et pour absolument aucune raison valable. S'il y en avait une valable, quant à moi, cela aurait peut-être été l'intervention même du député de Portneuf. (6 h 20)

En dehors de cela, aucune raison valable d'un député qui, pour l'essentiel, a été absent de l'Assemblée pendant toute la nuit. Il aurait peut-être aimé assister, entre autres, à l'intervention de son collègue, le député de Jeanne-Mance; là, il aurait peut-être pu utiliser son petit ton moralisateur pour nous faire comprendre de quoi ça retournait, ce genre d'intervention.

M. le Président, au nom de quoi, en plein milieu d'un débat, alors que des règles du jeu s'appliquent, tout à coup, interviendrait cette motion? Il n'y a absolument aucun motif valable. Je vous fais valoir que, vous prévalant de l'article 65 du règlement dans la mesure où vous considérez qu'une motion vous paraît irrégulière en elle-même ou dans les buts qu'elle veut atteindre, vous pouvez d'autorité et vous devez - c'est inscrit - le signaler à l'Assemblée. Vous pouvez, après avoir motivé votre décision, refuser qu'on en délibère et demander qu'on la mette aux voix.

Je vous fais valoir très humblement, M. le Président, tout en étant respectueux du règlement et sans faire le genre de discours, auquel on reviendra tantôt, du député de Portneuf - il y en a quelques-uns qui se permettront de relever certaines des choses qu'il a dites - qu'il faut rejeter ce genre de motion présentée à ce stade-ci, en plein milieu d'un débat qui, au nom de l'intérêt public, doit être connu du public. Il est important que le public continue d'entendre les discours des députés de l'Opposition, comme on les a entendus depuis minuit. Je vous fais valoir, M. le Président, que l'article 65 est tout indiqué pour faire en sorte qu'effectivement cette motion soit jugée irrégulière et tout à fait contraire à l'esprit de notre règlement.

Si le député de Portneuf veut effectivement, par le genre de motion qu'il vient de présenter, tenter de cacher à la population les interventions que ses collègues ont faites, c'est sa "job". C'est sa "job" d'essayer de cacher ses collègues, parce qu'effectivement le genre d'interventions qu'ils ont faites depuis le début de la soirée auraient mérité ce genre de motion.

Le Président: M. le leader adjoint de

l'Opposition.

M. Gratton: Je ne qualifierai pas, je ne commenterai pas la valeur des arguments du leader du gouvernement. Je ferai simplement appel à votre bon jugement coutumier pour interpréter le règlement. L'article 47 du règlement est très court. Au premier paragraphe, on dit que "les séances de l'Assemblée sont publiques, mais le huis clos peut être décidé par l'Assemblée sur une motion non annoncée." La motion du député de Portneuf est une motion non annoncée pour décréter le huis clos; il n'y a rien de plus régulier.

Le leader du gouvernement nous dit: Oui, oui, mais il faut lire le deuxième paragraphe de l'article 47 qui se lit comme suit: "S'il se produit du désordre dans les galeries, le président peut enjoindre au public de se retirer". L'un n'a absolument rien à voir avec l'autre. Dans le premier cas, c'est un député qui, sur une motion non annoncée, demande qu'on siège à huis clos quelle que soit la raison. Je n'aborderai pas la raison parce que ça, c'est le fond et je parle de la recevabilité. Au deuxième paragraphe, il s'agit du pouvoir du président proprio motu de faire en sorte qu'on siège à huis clos, c'est-à-dire de demander au public de se retirer. Donc, il n'y a absolument aucune liaison entre les deux. La seule chose que l'on retrouve au même article, c'est que c'est probablement les deux seules raisons pour lesquelles on peut faire siéger l'Assemblée à huis clos: dans un premier temps, par une motion non annoncée en vertu du premier paragraphe - c'est ce que le député de Portneuf vient de faire - et deuxième façon, par une décision du président alors qu'il y a désordre dans les galeries et qu'il enjoint au public de se retirer.

Si on devait retenir l'argumentation du leader du gouvernement, cela voudrait dire que le seul temps où l'Assemblée nationale peut siéger à huis clos ou une de ses commissions, par extension, ce serait quand il y a du désordre dans les galeries.

M. le Président, je n'ai pas le précédent à l'esprit - je ne peux pas vous dire à quelle date - mais j'ai moi-même assisté à des réunions de commissions, entre autres, où on a décrété le huis clos. J'en arrive à l'argument du leader du gouvernement qui nous dit: Lorsqu'on veut décréter le huis clos par une motion non annoncée en vertu du premier paragraphe de l'article 47, il faut le faire au début de la séance, au début d'un débat. Je dis que ce n'est pas du tout dans l'ordre.

En fait, le précédent que j'ai à l'esprit; c'est une commission parlementaire qui étudiait un dossier. Si je ne m'abuse, c'était le dossier olympique, la construction du chantier olympique. À un moment donné - je dis bien à un moment donné - cela faisait deux ou trois jours qu'on siégeait pour examiner tout le dossier et on a senti qu'il y avait des choses qui pouvaient porter atteinte à la réputation de personnes dont on parlerait.

Une voix: ...

M. Gratton: Oui, c'est ce que vous avez dit; c'est sur le fond. Et si vous voulez y aller sur le fond, c'est exactement ce qu'on veut faire. Vous êtes en train de nuire à la réputation du Parlement du Québec, de l'Assemblée nationale. C'est ce qu'on veut vous empêcher de faire en décrétant le huis clos.

Là, on parle de recevabilité, M. le Président. Donc, l'argument à savoir qu'il faut le décréter dès le début, sans quoi on ne peut pas y revenir en cours de route, ne tient pas, bien entendu. Cela nécessiterait qu'on puisse prévoir l'avenir au moment où on entame un débat. Et on sait à combien d'occasions, dans combien de circonstances, on peut être amené à juger - et cela, de façon unanime - qu'il y a nécessité qu'on siège à huis clos. Forcément, quand il n'y a pas unanimité, comment l'Assemblée peut-elle en décider, sinon en débattant une motion en vertu du premier paragraphe de l'article 47, ce que mon collègue de Portneuf a fait de façon tout à fait régulière? Quant à l'argument du droit du public d'être informé, je pense que cela relève strictement du fond et, quant à moi, on en débattra au moment où vous aurez déclaré la motion du député de Portneuf recevable. On en parlera du droit à l'information du public.

Le député de Vanier a également indiqué que finalement, pas finalement, mais parmi... Il faisait du coq-à-l'âne. Il a parlé de toutes sortes de raisons pour lesquelles on ne devrait pas recevoir la motion. Dans le fond, il n'y en a pas de raison pour ne pas la recevoir. Il mentionnait, par exemple, que s'il se produit des choses irrégulières en cours de débat, là, on peut... Nous, on considère que c'est irrégulier, ce que le leader du gouvernement nous fait faire à 6 h 30, après 19 heures de session sans arrêt, d'être encore en train de débattre d'une motion de clôture. Forcément, le gouvernement n'est pas d'accord avec nous. On peut en débattre comment, de la nécessité de protéger la population de ce débat? On en débattra une fois que vous aurez déclaré la motion recevable. Et le leader du gouvernement, qui semble avoir des arguments très forts à l'appui de sa position intenable présentement, pourra les faire valoir. Mais il me semble que vous avez déjà reconnu qu'il ne s'agit pas pour vous de faire le travail si mal entamé par le gouvernement.

Le Président: Je souhaitais justement,

en revenant à la Chambre, entendre les deux formations politiques sur...

Une voix: C'est l'heure.

Le Président: Peut-être. Je disais que je souhaitais précisément en revenant en Chambre entendre les deux formations politiques sur cette question. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les précédents en la matière sont minces à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas beaucoup dans ses usages de siéger à huis clos et la jurisprudence est aussi mince que la glace au printemps, pour ne pas dire inexistante.

Mais il y a quelques sous-questions qui ont été soulevées de part et d'autre qui méritent que je m'y attarde plus longuement. C'est pourquoi je vais suspendre de nouveau à loisir pour fouiller davantage la question de manière à pouvoir effectivement y apporter une décision motivée.

M. Charbonneau: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Charbonneau: Question de règlement.

Le Président: M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, dans votre intervention, vous venez de parler de précédents qui sont minces. Je voudrais vous faire part d'un précédent que j'ai vécu comme président de commission parlementaire spéciale. La commission parlementaire spéciale que j'ai eu à présider il y a quelques mois a eu, à plusieurs reprises, à siéger à huis clos. Chaque fois qu'on a dû prendre la décision de siéger à huis clos, on l'a prise en début de séance. Je m'excuse. M. le Président, c'est l'expérience dont je vous fais part. Quand vous parlez de précédents, ce sont les précédents que la commission, à plusieurs reprises, a inscrits. Il s'agissait d'une commission dûment formée de l'Assemblée nationale. Chaque fois qu'on a dû siéger à huis clos, on l'a fait par une décision unanime de la commission, une décision qui était prise en début de séance, chaque fois. Merci, M. le Président. (6 h 30)

Le Président: Je ne veux pas qu'on généralise le débat, mais ça fait précisément partie des questions que je dois me poser: À quel moment effectivement peut intervenir une motion de huis clos? Est-ce à n'importe quel moment pendant nos délibérations ou effectivement au début d'un débat lorsque la Chambre prend connaissance ou, enfin, avant qu'elle délibère d'une affaire particulière? La motion de huis clos, pour le peu que j'ai pu en voir, étant une motion de fond, on peut également s'interroger à savoir dans quelle mesure la Chambre qui est déjà saisie d'une motion de fond peut se saisir d'une deuxième motion de fond. Il y a une espèce de collision entre les deux motions qui rejoint, en quelque sorte, l'interrogation du député de Verchères, celle que je me pose également et que je veux vérifier plus à fond, à savoir si oui ou non, l'Assemblée peut, à n'importe quel moment, pendant qu'elle étudie une question, pendant qu'elle est saisie d'une affaire, donc d'une motion de fond, être saisie d'une autre motion de fond visant à la faire siéger à huis clos.

M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Juste sur ce dernier aspect, M. le Président, en de très nombreux endroits dans le règlement, lorsqu'il y a une séquence de prévue au niveau des ordres du jour, etc., il y a, expressément mentionné, l'ordre ou la manière dont on doit procéder. L'article 47, qui est dans un chapitre bien particulier au niveau des questions de règlement, le chapitre VI, dit ceci: "Les séances de l'Assemblée sont publiques, mais le huis clos peut être décidé par l'Assemblée sur une motion non annoncée".

Il n'y a aucune espèce de référence au moment où une motion non annoncée de la nature de celle qu'a présentée le député de Portneuf doit être présentée. Nulle part il n'est indiqué que cela doit être fait au début, au milieu ou, enfin, à quelque endroit que ce soit des délibérations. Dans ce sens-là, M. le Président, étant donné que c'est une motion qui est le privilège et de l'initiative d'un député, je pense que l'esprit du règlement, c'est de permettre aux députés, aux membres de l'Assemblée, d'exercer la plus large initiative possible. Je vois mal, M. le Président, à moins qu'il n'y ait des précédents au niveau du règlement, que l'on puisse, de quelque manière, étant donné le libellé même de l'article 47.1, limiter en quelque sorte un droit qui est accordé aux députés en le situant dans le temps, alors que ce droit, par la lettre même du règlement, n'est nullement situé dans le temps et que c'est un droit des députés.

Le Président: Je ne veux pas que l'on éternise le débat sur cette question. Je voulais entendre les plaidoyers de part et d'autre. Je m'estime suffisamment informé, à tout le moins, pour suspendre. Brièvement, M. le leader adjoint de l'Opposition, mais une dernière intervention.

M. Gratton: M. le Président, ce n'est pas pour argumenter, mais je vous ai parlé d'un précédent. Je vous ai dit: Je pense qu'il s'agissait de la commission parlementaire -parce que j'imagine que vous allez essayer d'en trouver, des précédents - qui a étudié

le dossier du chantier olympique. Je dis cela sous toute réserve. Je sais avoir vécu une telle expérience. Je sais que c'était dans une circonstance - sinon celle-là en particulier -analogue. Je ne voudrais pas, si ce n'est pas dans ce dossier-là, que l'on dise qu'il n'y a pas eu de précédent. J'en ai vécu effectivement au cours des onze dernières années.

Le Président: Alors, sur ce, je suspends à loisir en espérant pouvoir vous rendre...

Une voix: Est-ce qu'on va rappeler les députés?

Le Président: Oui. (Suspension de la séance à 6 h 34)

(Reprise de la séance à 7 h 18)

Le Président: Vous me permettrez de vous faire part de la conclusion à laquelle je suis arrivé en ce qui a trait à la motion visant à faire siéger la Chambre à huis clos. J'ai de sérieux doutes, d'abord, quant au moment où l'on peut présenter une motion sur le huis clos. En effet, l'article 47 dit: "Les séances de l'Assemblée sont publiques, mais le huis clos peut être décidé par l'Assemblée sur une motion non annoncée". Le libellé de l'article laisse subsister un doute quant au moment. Est-ce qu'on peut amplifier le son? Il me semble qu'on a de la difficulté à entendre?

Une voix: On pourrait faire cela à huis clos. Vous seriez correct.

Le Président: On a présumé de ma décision. Bien. L'article 47 dit bien: "Les séances sont publiques". On peut soutenir que, s'il y a lieu d'invoquer le huis clos, il faut l'invoquer au moment où commence la séance. À titre d'exemple - il faut dire que les références sont rares à cet égard - dans l'ancien règlement, où l'on invoque le huis clos, en passant, c'est au tout début, à l'ouverture de la séance, après la lecture de la prière. Il faut bien expliquer comment cela fonctionnait auparavant et comment cela fonctionne encore à la Chambre des communes à Ottawa: la prière est faite à huis clos et, ensuite, le public est admis, contrairement à ce qui se fait ici où le public est admis dès l'ouverture de la séance.

On dit donc, puisque c'était comme cela que cela fonctionnait avant et que c'est comme cela que cela fonctionne à Ottawa: "La prière terminée", l'orateur procède à compter les députés présents. S'il y a quorum, il prend place au fauteuil, réclame l'ordre et les députés s'assoient. Puis, à moins qu'il ne soit proposé, sans avis préalable, de discuter quelque question à huis clos, l'orateur ordonne d'ouvrir les portes des tribunes". Il semblerait - il n'y a aucune interprétation qui a été faite de cet article - que c'est au moment de l'ouverture de la séance que l'on devrait invoquer le huis clos, sachant que le sujet dont on va délibérer est d'une nature telle qu'il justifie une motion à huis clos. (7 h 20)

Enfin, je conviens qu'ils subsiste à cet égard une certaine ambiguïté parce que, si on se fie aux usages de cette Chambre et d'autres Parlements de type analogue, le huis clos n'a jamais, de mémoire en tout cas, été invoqué pour la Chambre ici. Il a pu l'être pour des commissions, mais, de mémoire, le huis clos n'a jamais été proposé, invoqué, lors d'une séance de l'Assemblée nationale ou de l'Assemblée législative auparavant. Je ne dis pas, puisque je n'ai pas pu remonter jusqu'en 1867 et au-delà dans un si court laps de temps, que cela ne s'est jamais fait, mais, en tout cas, on n'a pu retrouver aucune référence à cet égard dans le laps de temps que nous avons eu pour fouiller la question. Je précise, encore une fois, que c'est une question qui s'est posée tellement peu souvent ou jamais qu'il n'y a, en effet, aucune jurisprudence, aucune référence. La doctrine à cet égard est d'une pauvreté qui témoigne du fait que c'est une procédure tellement exceptionnelle qu'elle n'a probablement jamais été utilisée ici.

Poussant plus loin, on doit s'interroger sur la nature de la motion visant à faire siéger la Chambre à huis clos. C'est une chose extrêmement sérieuse parce que le principe - qui est, d'ailleurs, énoncé dans le règlement - veut que l'Assemblée nationale siège en public, tellement en public que nous avons ouvert nos débats à la population par la radiotélévision des débats.

Donc, la fermer implique qu'il y a un motif majeur. Le motif que l'on invoque pour le huis clos, dans de nombreux Parlements, lorsque la question se pose, par exemple, est la sécurité de l'État. Je pense par exemple...

Non, M. le député, je ne discute pas du fond; j'invoque, tout simplement, la nature de la motion de huis clos. Un huis clos a une raison d'être. Le plaidoyer que faisait tantôt le député de Gatineau au soutien de la motion référait à un épisode d'une commission où la commission a accepté de siéger à huis clos parce que la nature des renseignements qu'elle allait entendre pouvait compromettre, si je comprends bien, la réputation de personnes. C'est ainsi que j'ai cru percevoir ce que vous m'avez dit, M. le député, et cela illustre bien la nature du huis clos.

Le huis clos n'est pas une motion que l'on invoque ex nihilo en quelque sorte. Pour qu'un Parlement décide de siéger à huis clos, il faut, au départ, qu'il y ait un motif très

sérieux de le faire et ce motif très sérieux est généralement, dans bon nombre de Parlements, la sécurité de l'État. Ainsi, aux États-Unis, certaines commissions de la Chambre des représentants ou du Sénat siègent à huis clos lorsque, par exemple, elles entendent le directeur de l'Agence de contre-espionnage ou ainsi de suite. Enfin, on voit tout de suite la nature des renseignements qui sont ainsi dévoilés à une commission parlementaire ou à un Parlement qui siège à huis clos et la raison pour laquelle - j'espère que je ne vous dérange pas - le huis clos est invoqué.

Si on devait avoir du huis clos une notion qui fait qu'il peut être invoqué en tout moment pour toute question, cela donnerait lieu, possiblement, à des abus dont l'Opposition pourrait être la première à se plaindre puisqu'en effet, la majorité jouant, si un bon jour la majorité n'aime pas le débat qui risque de se produire, elle pourrait toujours invoquer le huis clos et faire accepter ce huis clos à cause de sa force numérique.

C'est précisément pour cette raison qu'à mon avis le huis clos n'existe que lorsqu'il y a un motif extrêmement sérieux, du genre atteinte à la sécurité de l'État, du genre protection de renseignements personnels qui pourraient compromettre des individus s'ils étaient dévoilés au grand jour. C'est à cette occasion qu'une motion de huis clos peut être recevable. En tout autre temps, cela risquerait de devenir un abus -si vous permettez, je vais terminer, j'achève - si on l'admettait pour n'importe quelle raison. Les raisons qu'on a invoquées tantôt étaient qu'il se faisait tard, que la qualité du débat laissait possiblement à désirer. Ce n'est pas à moi de porter un jugement sur cela. Si on devait admettre la motion de huis clos pour ce genre de raisons, c'est-à-dire pour une raison qui n'est pas du genre de celles qui sont normalement reliées à la raison pour laquelle une Chambre ou une commission parlementaire va accepter de siéger à huis clos, je soumets alors aux députés de cette Chambre que nous aurions très souvent des motions pour siéger à huis clos et que, la majorité l'emportant, c'est souvent l'Opposition qui en ferait les frais. Pour cette raison, j'estime que la motion n'est pas recevable.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président: M. le leader adjoint.

M. Gratton: ...je vous avais indiqué mon désir d'intervenir - ce n'est pas une question d'intervenir très longuement - avant que vous rendiez votre décision parce que...

Une voix: Le président a rendu sa décision.

M. Gratton: C'est lui qui rend la décision, M. le Président?

Le Président: Non, non.

M. Gratton: En fait, M. le Président, vous nous indiquez que vous êtes porté à déclarer la motion du député de Portneuf...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Gratton: ...irrecevable. Vous, M. le député de Saint-Maurice, avez-vous été nommé leader du gouvernement?

M. Duhaime: Pas encore.

M. Gratton: Je pense que c'est à venir, n'est-ce pas?

Le Président: Pourrions-nous terminer les échanges sur cette question de manière aussi sereine que possible? Après cela, si on veut se livrer à un débat plus passionné, on le fera.

M. Gratton: M. le Président, vous avez indiqué dans votre présentation que ce sont seulement des motifs très sérieux, du genre sécurité nationale ou possibilité de compromettre la réputation de quelqu'un, qui pourraient amener à accepter le huis clos. C'est seulement au moment où on peut débattre d'une motion pour faire siéger l'Assemblée à huis clos qu'on peut faire valoir qu'il y a possibilité de problèmes de sécurité nationale ou d'atteinte à la réputation.

M. Bertrand: Question de règlement.

Le Président: On va entendre le leader adjoint de l'Opposition.

M. Bertrand: II argumente sur la décision.

Le Président: Permettez!

M. Pagé: Ah! C'est la démocratie, Jean-François!

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, brièvement.

M. Gratton: Cela ne devrait pas indigner le leader du gouvernement qu'on puisse encore s'exprimer pendant quelques minutes ici sans qu'il s'énerve trop. S'il devait être nécessaire qu'il y ait danger pour la sécurité nationale ou quelqu'autre raison majeure pour invoquer la possibilité de siéger à huis clos, je vous soumets respectueusement que le règlement en ferait état. Or, le règlement est très clair, il n'y a aucune condition, il n'y a aucune

qualification. On dit: "Les séances de l'Assemblée sont publiques." Si on avait voulu qu'elles soient toujours publiques, sauf pour des questions de sécurité nationale, on n'aurait pas inscrit: "mais le huis clos peut être décidé par l'Assemblée nationale sur une motion non annoncée", on aurait ajouté: pour des raisons de sécurité ou dans l'intérêt public etc.

Je dis simplement, avec toute cette argumentation, qu'on peut le faire. Vous dites qu'il n'y a pas de précédents ou, en tout cas, que le temps que vous avez eu à votre disposition ne vous a pas permis d'établir s'il y avait des précédents à l'Assemblée nationale. Il y a eu des précédents - je l'affirme pour les avoir vécus moi-même - en commission parlementaire. De la même façon que les us et coutumes de l'Assemblée nationale s'appliquent aux commissions parlementaires, il me semble que, en contrepartie, les us, coutumes et précédents dans les commissions parlementaires devraient pouvoir vous inspirer quant à la décision sur la recevabilité de cette motion.

Je vous soumets respectueusement, M. le Président, que votre rôle à titre de président, s'il y a quelqu'un à protéger dans tout cela - c'est le parlementarisme, bien sûr, c'est le droit du public à l'information -quant à nous, ce devrait être bien plus... Le dauphin s'énerve.

M. Pagé: C'est Pierre-Marc.

M. Gratton: Le dauphin devrait aller se coucher, M. le Président.

M. Pagé: Quand vous parlez du dauphin, de qui parlez-vous?

Le Président: M. le député, en terminant...

M. Gratton: Je parle du député d'Anjou.

Le Président: S'il vous plaît, en terminant.

Une voix: C'est pour cela qu'on veut avoir le huis clos. (7 h 30)

M. Gratton: Je vous dis simplement, M. le Président, que je vous demanderais d'au moins aller voir les précédents qu'il y a eu en commission parlementaire, au cours des onze dernières années. Cela pourrait peut-être vous inspirer une décision différente.

Le Président: Non, je ne vois pas en quoi cela pourrait m'inspirer une décision différente. 11 tombe sous le sens commun que le huis clos est une chose tellement exceptionnelle qu'on n'en trouve à peu près aucune trace dans l'histoire de l'Assemblée nationale. On trouve, à l'occasion, effectivement, des commissions parlementaires qui ont pu siéger à huis clos. Vous m'en avez indiqué un cas. Le député de Verchères m'en a indiqué un cas. Dans chaque cas, c'était au moment où on allait entendre des renseignements dont la nature était telle qu'il était d'intérêt public en quelque sorte qu'ils ne soient pas dévoilés publiquement. Toute la motion de huis clos n'aurait aucun sens si elle devait être invoquée n'importe quand. Elle peut tellement ne pas être invoquée tout le temps qu'elle n'est à peu près jamais invoquée tellement elle est de portée restreinte et que ses assises sont étroites. Il faut donc une raison majeure, très forte et tout à fait exceptionnelle pour que l'Assemblée ou une commission décide de siéger à huis clos. Cela me semble tomber sous le sens commun. Je vous soumets respectueusement que le fait de ne pas trouver que le débat est édifiant ne m'apparaît pas être du genre de raison que l'on invoque généralement à l'appui du huis clos. Le huis clos, je le répète, est une chose dont l'assise, dont le fondement et le caractère sont tout à fait exceptionnels. On l'invoque pour des raisons d'État bref pour des raisons très rares et très exceptionnelles. Ce n'est pas une motion courante. La meilleure preuve, c'est qu'il n'a jamais été invoqué.

M. Gratton: M. le Président, très brièvement, est-ce que je peux...

Le Président: J'ai rendu ma décision, M. le leader adjoint.

Une voix: Parfait.

Le Président: J'ai rendu ma décision. Je l'ai expliquée du mieux que j'ai pu et il est évident que je la maintiens. Pour ces raisons, je pense que nous pouvons donc poursuivre le débat sur la motion dont était saisie la Chambre au moment où j'ai suspendu.

M. Gratton: Sur une question de règlement, M. le Président. Compte tenu de votre décision qui, vous l'admettez vous-même, n'est pas facile et n'a pas été prise tous les jours puisqu'on n'en retrouve aucun précédent pendant une heure, consentiriez-vous à suspendre pour une dizaine de minutes pour qu'on ait, au moins, le temps d'en étudier les implications?

Le Président: M. le leader adjoint, autant je veux bien être agréable à tous les groupes parlementaires et à tous les députés, autant le Parlement était en train de débattre depuis plusieurs heures d'une question qui était à la connaissance de tous. J'avoue que je ne vois particulièrement pas de

raisons de suspendre la Chambre à ce moment-ci.

M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Si vous me permettez d'insister, je pense que la demande du leader adjoint... M. le Président, est-ce que vous allez... On va suspendre et on va s'en aller pour une demi-heure.

Le Président: Peut-on...

Une voix: Qu'est-ce qu'ils veulent? Une suspension ou pas?

Le Président: Pourrait-on me laisser régler ce genre de question? M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, étant donné le caractère très particulier de la décision que vous avez été appelé à rendre...

M. Bertrand: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je vous fais valoir que depuis le début, depuis que le député de Portneuf est entré dans cette Assemblée, on est en pleine situation d'une Opposition qui a eu recours à une motion dilatoire, ce à quoi on assiste. Personne n'est dupe, les députés de l'Opposition...

M. Rivest: Question de règlement, M. le Président.

M. Bertrand: ...sont en train...

Le Président: Nous n'allons pas partir un débat parallèle et marginal. La Chambre est saisie d'une motion en vertu de l'article 84, si ma mémoire est bonne. Je suis prêt à reconnaître le prochain orateur qui veut intervenir sur cette question.

M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président.

Une voix: On va attendre la réforme parlementaire.

Une voix: II n'y aura pas de réforme parlementaire.

Reprise du débat M. Ghislain Maltais

M. Maltais: À l'ordre!... M. le Président, il est 7 h 35, ça fait longtemps qu'on est debout, je pense. Le débat qui a été entrepris hier nous a permis, pour des députés qui viennent d'arriver à l'Assemblée nationale, d'apprendre beaucoup. Particu- lièrement, j'ai eu la patience d'écouter l'honorable député de Châteauguay et j'ai beaucoup appris.

On comprend maintenant pourquoi ce gouvernement, ce qu'il en reste, refuse et a refusé, tout au long de ces discussions, d'engager ce débat vis-à-vis les véritables intervenants du monde des affaires municipales. Depuis la semaine dernière on a eu l'occasion d'assister aux commissions parlementaires sur l'éducation, sur la CSST aujourd'hui et depuis quatre jours, et on comprend très bien pourquoi le ministre des Affaires municipales ne veut pas rencontrer les véritables intervenants municipaux.

Lors de la commission parlementaire de l'éducation, le ministre de l'Éducation, M. Camille Laurin, s'est fait passer quelques savons par des intervenants. Pourtant, c'étaient des groupes d'étudiants, des groupes d'enseignants et ils n'ont pas été très tendres envers le ministre de l'Éducation.

Depuis quatre jours nous avons écouté, à la commission parlementaire sur la CSST, différents intervenants, et ils n'ont pas été très tendres non plus. Il y a même eu des expulsions. Je comprends que l'honorable député d'Anjou et ministre des Affaires sociales n'est pas très en forme et je pense qu'il ne serait pas en mesure de relever le défi de Pepsi ce matin.

M. Johnson (Anjou): En parlant de Pepsi...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Maltais: On comprend maintenant les véritables raisons du gouvernement lorsqu'il a apporté sa guillotine. Dans les journaux de ce matin on rapportait: "L'imposture du projet de loi 38. Ce projet de loi prévoit des mesures de représailles de la part du gouvernement contre toute municipalité qui accepterait une aide d'Ottawa sans passer par une entente Québec-Ottawa. La menace n'est pas élégante, cela va de soi... Pour faire respecter sa juridiction, le gouvernement québécois se voit obligé d'annoncer des sanctions éventuelles aux municipalités contrevenantes." (7 h 40)

Le pouvoir discriminatoire du ministre dans son projet de loi représente, aux yeux de l'ensemble des citoyens du Québec, un fait tout à fait inacceptable. Lorsqu'on regarde les véritables buts de la loi 38 et lorsqu'on regarde aussi quels sont les alliés du gouvernement dans ce projet, on s'aperçoit que c'est un entêtement du ministre des Affaires municipales. C'est un entêtement et il se donne tous les pouvoirs nécessaires pour prendre le contrôle des élus municipaux.

D'ailleurs, le ministre disait lui-même dans cette Assemblée que c'est pour le bien des municipalités. Il y avait une parole de l'Évangile qui nous disait: Dans cette ville, trouvez-moi un juste et je vais l'épargner. Si le ministre se trouvait un allié dans le monde municipal, je pense qu'on pourrait s'asseoir avec lui et en discuter. Malheureusement, le ministre n'a pas trouvé un allié. Il n'a trouvé personne dans le monde des affaires municipales pour l'approuver. Je comprends très bien que le leader du gouvernement apporte le bâillon pour que cette loi soit adoptée le plus rapidement possible.

Je pense qu'en toute saine démocratie il aurait été beaucoup plus convenable à ce gouvernement de démontrer qu'il a le respect de la démocratie. Tout au long de ce débat et des précédents, on a parlé d'irritants dans le monde des affaires municipales. Nous n'avons qu'à lire les journaux et à écouter ce que les gens du monde municipal nous disent. C'est que le véritable irritant dans le projet de loi c'est le ministre lui-même. L'Union des municipalités l'a mentionné à quelques reprises et je pense qu'on ne peut comprendre l'entêtement du ministre sans regarder une chose: Dans tout projet de loi, on doit rechercher un but, et celui qu'on retrouve dans le projet de loi 38 je pense que c'est un but qui désavoue d'abord et avant tout nos édiles municipaux et, avant toutes choses aussi, s'assure le contrôle parfait des municipalités.

Un projet de loi comme celui qu'on a présentement se voulait-il, dans une réforme municipale, la suite logique de la loi 57? Je pense que le ministre des Affaires municipales qu'on a qualifié ici - il me semble très bien - d'empereur des affaires municipales, son excellence se venge très bien des municipalités. Si on regarde l'ensemble du projet de loi et qu'on regarde aussi, dans l'ensemble, la façon dont le gouvernement l'a piloté, je pense et je suis convaincu que tout ce qui s'est dit sur ce projet de loi de la part de la partie gouvernementale a démontré clairement à l'ensemble de la population du Québec que ce gouvernement continuait, d'une façon illégitime, à assurer le pouvoir ici à l'Assemblée nationale.

M. le Président, l'Opposition libérale a fait son devoir jusqu'au bout. Qu'est-ce qui se passe, M. le Président? Est-ce que j'ai..

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est la même question que je me pose, M. le député. S'il vous plaît, à l'arrière de moi, j'aimerais être tranquille.

M. Maltais: M. le Président, on est des adultes et on va se comprendre très bien tous les deux.

Je disais donc que l'Opposition a fait son devoir jusqu'au bout et va continuer à le faire parce que l'Opposition est sensible, est à l'écoute de la population du Québec. Le gouvernement actuel a démontré, au cours de cette présente session, qu'il se foutait entièrement de la population malgré les messages importants que celle-ci lui a transmis. Il y a eu des élections partielles et il y en aura d'autres. D'autres messages viendront. C'est tout à fait incompréhensible, de la part d'un gouvernement qui se veut le véritable représentant de la population, qu'il ne l'écoute pas plus que cela.

Le projet de loi 38 sera, une fois adopté, un irritant irréparable pour les municipalités. Ceux qui adopteront le projet de loi l'auront peut-être des années sur la conscience car jamais dans ce Parlement une loi n'a été adoptée qui empêchait les Québécois de récupérer l'argent qu'ils versent par leurs impôts au fédéral. Ceux qui adopteront le projet de loi l'auront longtemps dans la figure et les Québécois ne leur pardonneront jamais cela. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Mark Assad

M. Assad: Merci, M. le Président. Ce n'est pas la première fois qu'ici en Chambre on est obligé de combattre un projet de loi, surtout dans le domaine des affaires municipales. On n'a qu'à penser à la loi qui a créé les MRC. Venant d'une région comme l'Outaouais, avec mes collègues ici, j'ai tenté de la combattre avec des télégrammes, le regroupement des maires de nos régions, l'incitation faite à nos concitoyens d'envoyer des lettres et des télégrammes au premier ministre, et j'ai fait face à un mur. Aujourd'hui, on présente le projet de loi 38 et, ce qui est surprenant au sujet de ce projet de loi 38, c'est que les éditorialistes, tous ceux qui sont à l'écoute de la scène provinciale disent qu'ils ne sont pas d'accord avec ce projet de loi.

M. le Président, ce débat à la Chambre me fait penser à l'époque entre 1970 et 1976 où l'Opposition du temps était celle de nos amis d'en face, celle du Parti québécois. Ils se prenaient pour les parangons de la démocratie. On a entendu ici à la Chambre, non seulement des attaques personnelles, mais plutôt des assassins de...

M. le Président, j'ai un article d'un journal ici qui dit que le projet de loi 38 est une mesure hypocrite qui transpire le mépris. Je vais vous citer l'article: "Le président des MRC, M. André Asselin, a qualifié d'immoral et de méprisant le projet de loi 38 en vertu duquel des représailles pourraient être exercées contre les municipalités qui accepteraient des subventions du

gouvernement fédéral. M. Asselin a dit que le projet de loi était pire encore que la fameuse loi du cadenas qui avait été adoptée sous le gouvernement Duplessis." Imaginez-vous, on est rendu au point où le gouvernement d'en face est comparé au gouvernement des années noires de Duplessis. Cela vous donne une idée comment les gens de la province voient maintenant le gouvernement.

M. le Président, dans un éditorial qui a paru dans le Devoir du lundi 12 décembre, il y a une partie que j'ai trouvée fort intéressante où il est dit: "II n'était pas nécessaire, pour conduire la guerre des principes avec le gouvernement fédéral, de miner les rapports avec les partenaires du monde municipal. En faisant le choix de cette option, Québec n'a pas renforcé sa cause même si les parlementaires péquistes ont pu tirer à boulets rouges pendant des heures sur Ottawa. Leur plaisir était évident. Mais on leur demande d'abord de gérer les affaires du Québec avant d'utiliser les pouvoirs qui sont les leurs pour illustrer leur option, option que les citoyens Québécois ont déjà rejetée."

Je me demande, M. le Président, avec toute l'opposition qui vient non seulement du monde municipal qui a essayé de faire valoir ses idées, non seulement les éditorialistes qui étudient la scène politique au Québec, mais aussi tous les députés qui ont eu des contacts avec leurs maires... C'est inexplicable la situation qui existe au Québec, quand on voit autant d'opposition et que le gouvernement persiste à faire adopter un projet de loi qui va nuire au bon fonctionnement de nos municipalités. (7 h 50)

Dans le comté de Papineau que j'ai l'honneur de représenter, M. le Président, il y a 35 municipalités et je connais leurs préoccupations. Cela a toujours été une préoccupation de rendre les services à nos concitoyens. Évidemment, le budget est une chose qu'on avait de plus en plus de difficulté à boucler. Dans toutes les municipalités, sans exception, non seulement dans le comté que je représente, mais dans tous les autres comtés, il arrive souvent que dans nos bureaux de comté, on rencontre des maires et des conseils de municipalité qui nous demandent de l'aide pour le bon fonctionnement de leur municipalité. Ils ont besoin de subventions pour des centres culturels, de subventions pour les loisirs, et, là, on pourrait énumérer...

M. Côté: Je m'excuse auprès de mon collègue, mais nous n'avons pas quorum.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vais vérifier. Vous avez raison, M. le député. Donc, qu'on les appelle.

M. Assad: Est-ce que vous avez constaté, M. le Président, que vous avez quorum dans le moment?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je l'ai constaté. J'espère que cela va demeurer ainsi.

M. Assad: Avant d'être interrompu, M. le Président - par le manque de quorum, remarquez bien - j'expliquais les préoccupations de budget des comtés qui comptent plusieurs municipalités, comme celui que je représente. Donc, il y a eu, au cours des années, nécessité d'avoir non seulement des subventions du gouvernement provincial, mais de l'aide du gouvernement fédéral.

Dans la région de l'Outaouais, spécialement dans mon coin, dans le comté de Papineau, l'année passée, on a pu trouver, par l'entremise de fonds fédéraux du gouvernement central, au-delà de 2 000 000 000 $ pour différents projets. Cela a créé beaucoup d'emplois, vous le savez, M. le Président, et je sais que tous ceux qui représentent des comtés qui ont plusieurs municipalités ne voudraient pas être privés de ces sommes aussi importantes.

Or, j'ai communiqué avec les maires qui font partie de la MRC de Papineau pour ce qui concerne le projet de loi 38. Évidemment, ils sont carrément contre cette procédure parce que, dans les quelques années à venir, ils vont avoir de grandes difficultés à réaliser les projets qu'ils avaient préconisés auprès de leurs concitoyens. Je pourrais énumérer plusieurs de ces projets mais, évidemment, avec ce projet de loi 38, on est à la merci du ministre des Affaires municipales à savoir si telle municipalité ou telle autre va avoir droit aux sommes d'argent nécessaires pour réaliser son projet.

Donc, durant la commission parlementaire - je ne peux pas dire "durant" car elle a duré peu de temps - le président, M. André Asselin, s'est présenté pour expliquer le point de vue des municipalités. J'aimerais plutôt expliquer le point de vue des maires de municipalités, du comté de Papineau en particulier.

J'ai communiqué avec ceux-ci à plusieurs reprises, depuis quelques jours, et la question qu'on se pose est la suivante. Ces dernières années, les municipalités ont été privées de la ristourne sur la taxe de vente; c'est donc une diminution. Par la suite, on leur avait promis que, vu que les commissions scolaires allaient évacuer le secteur des taxes foncières, elles pourraient prendre la différence pour boucler leur budget. On réalise que la marge de manoeuvre qui leur restait était d'à peine 60% et ce n'était pas suffisant pour satisfaire à leurs besoins.

Donc, ce projet de loi 38 arrive au

moment où la situation économique est très difficile, surtout au niveau municipal.

Si on regarde les dernières élections municipales du mois de novembre, on se rend compte que plusieurs maires ont connu la défaite. Évidemment, c'était parce qu'ils n'ont pas pu répondre aux exigences de leurs concitoyens.

Je me demande, à ce moment, si ce ne sont pas les manoeuvres du ministre des Affaires municipales qui auraient contribué à leur défaite, pour la simple raison que leurs concitoyens ont jugé qu'ils n'ont pas eu suffisamment d'améliorations dans leur municipalité, et vu que les maires avaient des budgets à boucler, c'était assez difficile d'y arriver.

Comme nous le savons, les municipalités ne peuvent pas fonctionner avec un budget déficitaire comme le fait notre gouvernement. Dans les circonstances, il faudrait dire que le projet 38 arrive pour créer des problèmes à ceux qui n'ont pas connu la défaite.

En conclusion, M. le Président, est-ce que vous avez remarqué que j'ai... Combien de temps encore?

Le Vice-Président (M. Jolivet): II ne vous reste plus de temps, M. le député. Vous avez écoulé votre temps, ayant inclus, d'ailleurs, l'interruption.

M. Assad: En conclusion, M. le Président, comme cela avait été demandé par les maires des différentes municipalités, il serait important pour tous, non seulement pour le ministre des Affaires municipales, de regarder de nouveau le projet de loi, de constater que les critiques sont tellement répandues à travers le Québec que ça vaudrait la peine probablement de mettre de côté ce projet de loi pour le moment, de reconvoquer les maires des différentes municipalités qui représentent les MRC ici et ensemble de suggérer ou présenter des amendements pour la simple raison...

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît. M. le député, je suis quand même très large envers vous. On a commencé à 7 h 47 et on est rendu à 7 h 59 à l'horloge en face de moi. Je vous ai laissé terminer. Si vous voulez finir votre phrase, je vais vous laisser finir, mais finissez-la.

M. Assad: Je voudrais, M. le Président, remercier l'auditoire ici...

M. Gratton: M. le Président, question de règlement.

M. Assad: ...qui a été bien...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de règlement. Je crois que le député a terminé, par exemple.

M. Gratton: Je m'excuse auprès du député de Papineau qui, j'en suis sûr, voudrait terminer d'une façon un peu plus adéquate. Je vous rappellerai, M. le Président, qu'à un moment donné, on a dû appeler le quorum, constater le défaut de quorum au cours de l'intervention du député de Papineau. Ce n'est sûrement pas à lui d'en être puni puisque ce sont les députés du Parti québécois qui n'étaient pas en nombre suffisant.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Et vous avez raison, M. le député. Cependant - un instant, je vais régler une question à la fois je dois vous dire que le député a commencé à 7 h 47 et qu'on est presque rendu à 8 heures à l'horloge. Je lui ai permis de terminer et il a finalement terminé. Je pense que la parole est maintenant à Mme la député de Jacques-Cartier. D'accord? M. le député de Viger. (8 heures)

M. Maciocia: Si vous le permettez, j'ai une demande de directive, M. le Président. Tantôt, quand vous avez vérifié le quorum et que vous avez constaté qu'il n'y avait pas quorum, une personne à l'intérieur de la Chambre, qui n'était pas un député, disait qu'il y avait des députés en arrière du trône. Est-ce régulier ou irrégulier?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Bon! D'une façon ou d'une autre, je ne l'ai pas entendue. Si cela a été fait, c'est irrégulier. Je ne veux pas que cela se reproduise. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Daugherty

Mme Dougherty: M. le Président, j'appuie entièrement les protestations de notre formation politique contre l'intention du gouvernement d'imposer le bâillon sur le débat du projet de loi 38. Le but visé par ce projet de loi, déposé le 21 juin dernier, était d'en arriver à une entente entre le gouvernement du Québec et celui d'Ottawa sur l'aide financière accordée aux municipalités par le gouvernement fédéral. Le projet de loi 38 ne réglera en aucune façon le problème qui se pose. C'est un projet de loi inutile. C'est un projet de loi de provocation. C'est un projet de loi de confrontation. C'est une loi qui n'aura guère de succès, sauf en ce qui concerne les buts cyniques du gouvernement du Québec, parce que cette loi va inévitablement institutionnaliser la guerre permanente entre Québec et Ottawa. C'est une loi qui va perpétuer les querelles stériles. Elle va même alimenter le programme Ottawa-Crash,

poursuivi par le gouvernement du Québec depuis des années afin de justifier son option indépendantiste. C'est une loi qui va empoisonner d'une façon systématique les relations intergouvernementales.

Donc, c'est une loi qui va paralyser tout effort de négocier une entente saine et raisonnable à l'avenir, mais ce qui est pire, c'est que ce sont les citoyens du Québec qui seront les perdants. C'est une loi qui fera de tous les citoyens de toutes les municipalités du Québec des otages dans une guerre sans issue, ces citoyens qui sont des contribuables aux trois niveaux de gouvernement, qui ont le droit de recevoir leur juste part des richesses de chaque palier de gouvernement et qui ont le droit de s'attendre que tous les gouvernements mettent à l'écart leur minijeux politiques afin de se préoccuper du bien-être des citoyens.

M. le Président, je crois que les Québécois et les Québécoises en ont assez de ces jeux stériles et enfantins du gouvernement du Québec. Pour être juste, je crois qu'ils n'apprécient pas non plus le comportement du gouvernement fédéral qui distribue des subventions partout, souvent sans consultation avec les autres paliers de gouvernement, pour des fins qui ne reflètent pas toujours les priorités exprimées localement. Donc, comme on dit en anglais, "played on both your houses".

Il est important de reconnaître que les principes de base sont longuement établis. Il semble que tout le monde s'entende là-dessus. Il est tout à fait normal que le gouvernement du Québec ait un certain contrôle des subventions offertes par le gouvernement fédéral aux municipalités puisque, selon la constitution canadienne, la compétence touchant les affaires municipales relève exclusivement de la province. Ce n'est pas ce principe qui est en question. Ce qui est remis en question, c'est la façon dont le gouvernement a choisi de contrôler les subventions fédérales aux municipalités.

The law gives unlimited discretionary power to the Minister of Municipal Affairs to penalize the municipalities whom he judges guilty of benefiting directly or indirectly from federal participation without a Quebec-Ottawa entente. This means that not only are our direct grants in question, but grants to a community association which might result in improvement of services to a community. These also could result in municipalities having provincial grants cut by an amount judged equivalent, by the Minister, to the federal municipal grants.

M. le Président, j'aimerais lire quelques lignes du mémoire de l'Union des municipalités du Québec présenté à la commission parlementaire des affaires municipales sur le projet de loi 38. "L'union des municipalités du Québec considère inacceptable la rédaction du projet de loi. Si l'État est souverain, ses lois se doivent, dans un état démocratique, de respecter un minimum de règles afin de préserver les éléments d'une saine justice. La rédaction du projet de loi invite au discrétionnaire, au discriminatoire, au déraisonnable et à l'abusif. L'imprécision qui s'en dégage laisse toute municipalité dans le doute quant à ses droits et ses obligations. Devant le caractère exorbitant de cette rédaction, les règles les plus élémentaires de la justice naturelle sont absentes."

Le mémoire parle d'abord de ce caractère discrétionnaire. "La rédaction du projet de loi crée un dangereux précédent laissant la porte ouverte à des décisions ministérielles discrétionnaires et inéquitables. Les termes "au jugement du gouvernement", à l'article 2, "à sa discrétion", aux articles 3 et 7, "selon l'estimation qu'en fait le ministre", aux articles 8 et 9 et "le gouvernement peut se prévaloir de la présente loi", à l'article 16, confèrent une discrétion des plus absolues au ministre et au gouvernement."

Le mémoire parle du caractère discriminatoire. "Un texte discriminatoire est celui qui ne s'applique pas également à tous. Cette discrimination est particulièrement dénoncée lorsqu'elle fait place à l'arbitraire, à des injustices flagrantes, à l'abusif et au favoritisme. L'ensemble des termes que nous avons dénoncés ci-haut comme invitant au discrétionnaire des plus absolus, ainsi que la teneur de l'article 7 qui permet au gouvernement, selon son bon vouloir, de ne pas sévir contre certaines municipalités en contravention de la loi, incite au favoritisme, à l'arbitraire, au discrétionnaire et peut mener à des injustices des plus flagrantes."

Le mémoire parle du caractère déraisonnable, du caractère abusif, du caractère imprécis, de l'absence des règles élémentaires de justice naturelle, du devoir du gouvernement d'agir avec équité.

M. le Président, je conclus comme l'Union des municipalités. Nos commentaires sur le projet de loi 38 de même que notre position sur l'ensemble du dossier se fondent sur le même objectif, soit que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial prennent les moyens favorables à une entente conjointe sur les subventions fédérales aux municipalités et ce dans le respect de la constitution canadienne. (8 h 10)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée...

Mme Dougherty: En ce sens, comme le projet de loi 38 est contraire à l'objectif recherché, nous demandons le retrait du projet, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez demandé la parole.

Des voix: Oui, oui! Bravo! Une voix: Enfin!

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: Enfin, M. le Président, à 8 h 12 ou 8 h 13, c'est à mon tour de vous donner mon point de vue, comme représentant de ma circonscription électorale, sur le projet de loi 38 qui vise à empêcher les municipalités de l'ensemble de nos comtés de recevoir des subventions du gouvernement fédéral. Elles pourraient en recevoir de la France ou d'autres pays, mais pas du gouvernement fédéral. Pour bien comprendre le dossier, il faudrait peut-être en faire un petit historique pour voir de quelle façon cela fonctionnait avant 1976, avant le PQ et de quelle façon cela fonctionne depuis le PQ.

Avant le PQ, le gouvernement provincial signait des ententes avec le gouvernement fédéral en vertu desquelles le fédéral versait à la province des sommes d'argent que la province dépensait dans nos communautés, dans nos localités, dans le cadre de programmes d'équipement commuanutaire, dans le cadre de programmes pour les agriculteurs comme les silos à la ferme qui étaient subventionnés à 110% par le fédéral, comme le drainage agricole, à 60%.

Mais qu'est-il arrivé avec le Parti québécois, avec la venue du Parti québécois et de sa thèse indépendantiste? Le gouvernement du Québec, le gouvernement péquiste du Québec a utilisé, dans chacun des projets, l'argent du fédéral à ses propres fins. Il s'agissait de voir l'ouverture d'une usine d'épuration pour se rendre compte que le provincial avait installé sa grande pancarte bleue sur laquelle on pouvait lire: Une initiative au profit des Québécois. Comme si tout l'argent venait de la province de Québec.

Là, les députés d'en face, les ministres prenaient le micro et tapaient sur la tête du fédéral qui ne donnait rien au Québec alors que le fédéral finançait à 60%, 75% et 90% des cas. Cela s'est passé de cette façon jusqu'au référendum. Après le référendum, on aurait pensé que les gens d'en face auraient compris le message de la population, mais non, ils n'ont rien compris. Ils ont continué à utiliser l'argent que le fédéral versait à la province en vertu de ces ententes à des fins séparatistes.

Au bout de six ou sept ans, le gouvernement fédéral s'est tanné, il a réagi et a dit aux messieurs d'en face: Vous ne vous servirez plus de notre argent à vos fins séparatistes. C'est à ce moment que le gouvernement fédéral a mis sur pied des programmes de création d'emplois dans nos communautés et qu'il a commencé à verser des sommes d'argent directement ou indirectement aux municipalités. Qu'est-ce qu'a fait le gouvernement du Québec à ce moment-là? Il a réagi bêtement. C'est peut-être facile pour un député de l'Opposition de qualifier la stratégie des gens d'en face dans ce dossier, comme dans de nombreux autres dossiers, de stratégie bête, irréfléchie, à la hauteur et à l'image des gens qu'on a en face de nous.

Mais ce n'est pas seulement le député de Brome-Missisquoi, ce n'est pas seulement l'Opposition, ce n'est pas seulement l'ensemble des maires et des intervenants municipaux, ce n'est pas seulement l'ensemble de la population qui vous dénonce. Ce sont également les éditorialistes dans les plus grands journaux de la province: dans la Presse, le 15 décembre 1983, Jean-Guy Dubuc nous dit ce qui suit - ce n'est pas un député de l'Opposition qui vous parle, c'est l'éditorialiste Dubuc de la Presse: "Il ne faut pas se laisser tromper par les apparences. Le projet de loi 38 concernant la participation gouvernementale n'a plus rien à voir avec les traditionnels débats Québec-Ottawa. Cela n'a plus rien à voir avec cela. Il y a déjà longtemps que tout le monde - au moins, au Québec, sauf vous autres, les députés marionnettes péquistes d'en face - s'entend pour reconnaître la juridiction exclusive du Québec sur les villes. Le problème est ailleurs; il est plus précisément dans la formulation du projet de loi."

Je suis content que le ministre soit ici. La formulation dépend du ministre; elle dépend du Conseil des ministres et de vous, les députés, qui l'appuyez. Que dit-on de cette formulation? "Il est évident qu'on a là un cas type de loi discrétionnaire qu'un gouvernement aux prétentions démocratiques - si vous en avez encore des prétentions démocratiques - ne peut accepter..." Ceux et celles qui ont des prétentions démocratiques, vous ne pouvez pas accepter cela, vous ne pouvez pas appuyer votre ministre. "Une telle loi permet tous les chantages et abus d'anciens systèmes qu'on croyait avoir délogés pour toujours."

M. le Président, ces chantages et ces abus, c'est dans cela que le ministre des Affaires municipales se complaît; c'est dans ce petit pouvoir qu'il peut exercer sur les élus municipaux. Allez-vous l'appuyer? Est-ce que vous allez choisir, les députés d'en face, d'appuyer le ministre contre vos maires, contre vos municipalités, contre la population de vos comtés? Jean-Guy Dubuc poursuit en ces termes: "À cause d'un conflit avec le gouvernement fédéral, les municipalités perdent beaucoup plus que des subventions.

Elles perdent le respect qu'elles croyaient mériter de Québec." Lorsqu'on veut être respecté comme gouvernement, on commence par respecter les autres niveaux de gouvernement: les commissions scolaires, les municipalités. On commence par respecter la population qui nous a élus. Lorsqu'on tombe dans le non-respect, comme vous y tombez présentement, vous êtes appelés à être jugés sévèrement.

Jean-Guy Dubuc poursuit: " II est vraiment incompréhensible que le gouvernement péquiste cède aussi facilement à la panique - vous êtes dans un état de panique - et s'accorde des droits réservés à des régimes totalitaires - le genre des droits pour lequel vous allez voter s'apparente à un régime totalitaire; est-ce que vous comprenez ce que cela veut dire? je sais que cela ne vous dérange pas, pour autant qu'il est exercé par vous - "II n'y a que dans les pays qui renient la démocratie - vous voulez faire du Québec un pays et vous commencez par y renier la démocratie - que l'on peut retrouver autant de pouvoirs livrés à l'arbitraire d'une personne tout en étant protégés par la loi."

M. le Président, Jean-Guy Dubuc ne fut pas le seul éditorialiste à se prononcer sur ce projet de loi. Jean-Louis Roy dans le Devoir nous parle, parle au ministre - qui fait semblant de ne pas écouter et de lire -parle aux députés qui seront appelés à voter, parle à l'Assemblée nationale du Québec. Il nous dit: "Le caractère odieux - c'est le terme utilisé par l'éditorialiste du Devoir -du projet de loi 38 n'a échappé ni aux partis d'Opposition, ni aux élus municipaux." Il est en train de vous échapper. "Il est en effet intolérable que le pouvoir arbitraire d'un ministre - il parle du ministre des Affaires municipales avec son petit pouvoir arbitraire - le principe de la rétroactivité et la notion même de la discrimination soient conjugués dans un même texte de loi." Le principe de la rétroactivité, la notion de discrimination et le pouvoir arbitraire, voilà un projet de loi à l'image du ministre, voilà un projet de loi à l'image des péquistes, M. le Président. (8 h 20) "Rarement aura-t-on vu une législation aussi contraire aux exigences élémentaires de justice." Je fais appel au ministre de la Justice pour qu'il intervienne au cabinet, pour qu'il intervienne auprès de ceux et de celles qui font la sourde oreille de l'autre côté, pour qu'on ne crée pas une telle injustice. "Rarement aura-t-on vu une législation aussi pesamment punitive à l'endroit de partenaires majeurs, plutôt victimes que coupables." Mais les coupables, ceux qui vont être appelés à payer, en temps et lieu, vont être ceux et celles qui commettront l'odieux geste de voter pour ce projet de loi.

M. le Président, l'éditorialiste Jean-

Louis Roy conclut en ces termes... Je conclus en même temps que l'éditorialiste, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Paradis: "Tel qu'il est, le projet de loi 38 ne doit pas franchir les dernières étapes parlementaires et devenir la législation du Québec. Mais si le gouvernement s'entêtait - et Dieu sait que le ministre est têtu - on saura alors que rien ne l'arrête dans la voie de l'arbitraire". Les parlementaires du groupe ministériel, y compris les perroquets qui ont fait la parade des principes la semaine dernière à l'Assemblée nationale - s'il y en a qui se reconnaissent, vous pouvez vous lever ou restez assis si vous vous reconnaissez aussi; ça fait pareil...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Si vous voulez conclure.

M. Paradis: ...devraient lire le projet de loi.

M. le Président, en concluant, je dirai que cela ne prend pas de temps à lire. Cela ne prend pas de temps pour s'apercevoir que ce projet de loi qui ne contient que trois pages répugne...

Une voix: Cinq pages.

M. Paradis: M. le député de Saint-Hyacinthe, avant de voter, lisez-le - répugne aux principes de justice naturelle, qu'il contient les éléments les plus totalitaires qui sont à l'image de ce gouvernement. M. le Président, le leader du gouvernement, en présentant sa motion de clôture, a ajouté du mépris sur du mépris et il n'obtiendra pas...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le député!

M. Paradis: ...le concours de l'Opposition dans ce qu'il tente de faire, lorsqu'il tente de nous bâillonner, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: M. le Président, il est 8 h 25 du matin, le 16 décembre. Nous en sommes à débattre une motion...

Une voix: La vingt-troisième heure.

M. Dubois: ...présentée par le leader du

gouvernement pour mettre fin à la commission qui étudiait le projet de loi 38, loi présentée par le ministre des Affaires municipales et qui est décrite comme étant une mesure hypocrite et qui transpire même le mépris.

M. le Président, j'aimerais, pour la bonne compréhension, lire le texte de la motion que nous a présentée le leader du gouvernement. Cette motion est inscrite au feuilleton de l'Assemblée nationale du jeudi 15 décembre 1983, et elle se lit comme suit: "Que, conformément à l'article 156 du règlement, le rapport de la commission permanente des affaires municipales sur l'étude après la deuxième lecture du projet de. loi 38, Loi sur la participation gouvernementale au financement des municipalités, soit déposé à l'Assemblée nationale avant 13 heures le vendredi 16 décembre 1983, la commission devant mettre fin à ses travaux au plus tard à minuit le jeudi 15 décembre 1983." Ce qui veut dire que le ministre, par la voix du leader parlementaire du gouvernement, nous amène la guillotine sur le projet de loi 38. On veut "bulldozer" cette loi, le bâillon. On veut empêcher les membres de cette Assemblée, les membres de l'Opposition libérale de discuter à fond du projet de loi 38, de faire part aux élus municipaux du contenu du projet de loi 38. Même s'il y a eu quelques heures de débat en commission parlementaire, même s'il y a eu la deuxième lecture, ici, en Chambre, il y a encore beaucoup de choses qui n'ont pas été dites sur cette loi.

M. le Président, c'est tout à fait inacceptable de voir le leader du gouvernement nous empêcher de discuter d'un projet de loi qui touche 1600 municipalités, 1600 maires - si on multiplie cela par sept, cela fait quelque 8000 ou 9000 conseillers, en plus - et qui touche toute la population du Québec.

Le ministre des Affaires municipales, par son cynique projet de loi 38, veut faire retomber son arrogance dictatoriale sur les maires, sur les contribuables du Québec, enfin, sur les 1600 municipalités québécoises. C'est un mépris envers les élus municipaux.

Le projet de loi 38 s'attaque également au gouvernement fédéral. On rejette une autre fois le blâme sur le fédéral du fait que des municipalités auraient reçu de l'aide financière par l'intermédiaire d'organismes à but non lucratif.

M. le Président, nous, libéraux, reconnaissons la juridiction exclusive du Québec en matière d'affaires municipales, et ce n'est pas nouveau cette reconnaissance puisque, en 1974, l'actuel chef parlementaire du Parti libéral présentait le projet de loi 56 qui témoignait de la reconnaissance du Parti libéral du Québec de la juridiction exclusive du Québec en matière d'affaires municipales. Nous avons toujours été respectueux de la juridiction québécoise dans le cadre canadien. Nous n'avons certainement pas de leçon à recevoir du Parti québécois dans ce sens. Mais la différence qu'il y a aujourd'hui, c'est que nous avons un ministre des Affaires municipales qui est de mauvaise foi, un ministre des Affaires municipales qui ne veut négocier aucune entente avec le gouvernement fédéral. Ce ministre n'a jamais eu le courage, la volonté de s'asseoir avec ses partenaires du gouvernement fédéral pour dialoguer, pour apporter au Québec ce qu'on attend d'un ministre responsable, c'est-à-dire les subventions fédérales qui doivent revenir au Québec. Le ministre aime mieux la confrontation que la négociation. C'est vraiment malheureux pour les 1600 municipalités du Québec, en fait, pour tous les contribuables du Québec.

Il y a environ 100 000 000 $ qui auraient dû être négociés par le ministre des Affaires municipales avec ses partenaires fédéraux pour le bien de tous les Québécois. La situation actuelle fut sans doute voulue par le ministre des Affaires municipales. Tout ce que ces gens d'en face veulent, c'est la confrontation. Ils veulent que le blâme soit toujours jeté sur les libéraux fédéraux. Cela existe depuis 1976. Je suis arrivé ici le 15 novembre 1976 et c'était la situation, c'était le comportement de ce gouvernement. Cela n'a pas changé depuis ce temps, nous sommes dans la même situation. On ne veut pas négocier avec le fédéral, on veut faire croire à la population du Québec qu'il n'y a rien à faire avec le gouvernement fédéral et, d'après le comportement du ministre, il est évident que c'est la situation qui existe.

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Alors qu'on est en train d'écouter un ex-maire se prononcer sur une loi municipale, il y a très peu de députés en Chambre. Auriez-vous l'obligeance de vérifier s'il y a effectivement quorum?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Non, effectivement, il nous manque trois députés.

Des voix: ...

(8 h 30)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Ils étaient là quand j'ai compté. Appelez les députés.

C'est vingt, le quorum, M. le député. Je m'excuse, M. le député de Charlesbourg, sachez que le quorum est de vingt.

M. Côté: Oui. D'accord.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Faites le décompte. M. le député de Huntingdon.

M. Rochefort: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, est-ce qu'il est permis à un député de demander s'il y a quorum et de se retirer de cette salle pour empêcher qu'il y ait quorum?

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; S'il vous plaît! J'ai reconnu le député de Huntingdon.

M. Paradis: M. le Président, sur la question de règlement...

Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai reconnu le député de Huntingdon.

M. Paradis: ...on m'a imputé des motifs tout à fait...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. Vous aviez le droit de sortir...

M. Paradis: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je n'ai jamais imputé de motifs et, personnellement, je recompte le quorum des personnes qui sont ici présentes à l'intérieur de cette assemblée. Donc, M. le député de Huntingdon, vous avez la parole.

M. Dubois: M. le Président, j'étais à indiquer aux Québécois les centaines de millions qui furent perdus par l'attitude péquiste, l'attitude des séparatistes que nous avons en face de nous. Chaque fois qu'il y a eu des possibilités d'obtenir des fonds provenant du gouvernement fédéral, des fonds auxquels nous participons sur le plan de la taxation, sur le plan des impôts, les gens d'en face n'ont jamais voulu négocier aucun dossier et cela touche, M. le Président, tous les domaines d'activité. Que ce soit le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre des Affaires municipales ou n'importe quel ministre, l'attitude de tous ces gens d'en face est toujours la même. On veut faire percevoir à la population qu'il n'y a rien à faire avec le gouvernement fédéral.

Malheureusement, M. le Président, pour les Québécois, il y a des pertes énormes subies ici, au Québec, à cause de cette attitude inacceptable. Je termine en vous faisant part de ce que croit et de ce que pense le préfet de la MRC de Matawinie, M. André Asselin.

Une voix: Ah, il est bon, lui!

M. Dubois: M. Asselin a qualifié d'immoral et de méprisant le projet de loi 38, en vertu duquel des représailles pourront être exercées contre les municipalités qui accepteraient des subventions du gouvernement fédéral. M. le Président, il y en a eu, dans le comté de Huntingdon, des subventions. Elles ont participé à créer ou à bâtir des choses nécessaires, des choses qu'on attendait depuis très longtemps. Il y a eu une aréna qui a reçu une aide financière. Il y a eu une salle communautaire qui a reçu une aide financière, et elle n'est pas parvenue directement au conseil municipal. Ce sont des compagnies à but non lucratif qui ont fait la demande. Ces compagnies à but non lucratif existaient bien avant le dépôt du projet de loi 38, mais quand même, ces montants ont participé énormément à ce que l'aréna et la salle municipale ou communautaire puissent être bâties. Je remercie les maires de ces deux municipalités d'avoir su demander les fonds nécessaires pour pouvoir offrir à leurs concitoyens les outils nécessaires. Je voterai contre cette motion du gouvernement, à savoir de bâillonner la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 38.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Robert Baldwin.

M. John O'Gallagher

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Nous sommes rendus à 8 h 36 du matin, le vendredi 16 décembre. Cela fait déjà quasiment 23 heures qu'on siège sans arrêt à l'Assemblée nationale et on a vu que ce gouvernement, tellement mal pris pour trouver des solutions aux problèmes économiques du Québec, se lance seulement sur la question nationale. D'ailleurs, c'est la seule priorité de ce gouvernement, la question nationale; il essaie de faire seulement des manoeuves de diversion. En effet, au lieu de nous préoccuper des problèmes économiques, nous sommes en train de gaspiller nos efforts et nos énergies à débattre à l'Assemblée nationale de problèmes tout simplement stériles, de batailles inutiles avec Ottawa. C'est dommage que nous ne soyons pas assez matures pour gérer nos affaires comme des gens d'affaires car dans toute société nationale comme on l'appelle au Québec ou internationale, il faut avoir une approche d'affaires dans toutes nos relations ou dans la gérance de nos affaires. Car on sait bien qu'il faut partager la gérance de toutes nos affaires. Il est facile de reconnaître que pour le commerce extérieur ou le commerce intérieur du Québec, notre commerce avec les autres provinces et notre commerce avec

le reste du monde, il faut avoir des lois et des règlements. C'est un partage à concevoir. C'est un partage de pouvoirs. Il faut avoir des relations avec le gouvernement fédéral et avec le monde international dans le domaine du commerce extérieur. Il en est ainsi dans le domaine de l'immigration où il faut partager des pouvoirs avec le gouvernement fédéral et avec les autres pays car le monde est de plus en plus petit. Il en est ainsi pour les services sociaux. Tous ces domaines sont partagés, de même que celui des pêches et de l'agriculture; ce sont des domaines où il faut une coopération étroite, une politique partagée entre le fédéral et le provincial. (8 h 40)

II est assez difficile de concevoir que nous, les 122 députés de cette Assemblée, sommes présentement, après plus de 23 heures de débat continu, depuis 10 heures hier matin, à discuter sur le projet de loi 38 sur lequel le gouvernement veut mettre le bâillon. Ce projet de loi 38 vise à empêcher le gouvernement fédéral et ses députés de travailler et de prendre crédit pour le travail qu'ils font dans leur comté, pour leurs électeurs. C'est cela justement, c'est une bataille de drapeaux, c'est un résultat du comité de la question nationale. C'est un peu difficile à croire que nous, au Québec, peut-être la seule province de tout le Canada, passons des heures inutiles dans des batailles stériles avec le gouvernement fédéral sur ces questions. Surtout quand le pouvoir au gouvernement fédéral est détenu majoritairement par des confrères francophones à Ottawa.

Je prends l'exemple de l'agriculture. Comment se fait-il, M. le Président, qu'au Québec l'agriculture ne soit pas une question fondamentale d'économie, de survie d'une industrie, peut-être notre plus grande richesse, mais un outil politique? Comment se fait-il qu'on traite toutes nos questions de survie de l'industrie, comme l'agriculture ou toutes les autres industries, comme étant une question politique et non pas touchant vraiment l'économie du pays? On utilise les pêcheurs, on utilise les cultivateurs comme pour des jeux extrêmement... Ce n'est pas acceptable de nos jours. Surtout quand ce partage des juridictions est tellement critique. On prend le commerce extérieur, l'immigration, les services sociaux. Combien de fois nous, de l'Opposition, avons-nous été à des ouvertures de centres d'accueil auxquelles le député fédéral n'avait même pas été invité quand le gouvernement fédéral paie peut-être 50% des frais de ces centres d'accueil pour la construction, l'entretien et l'utilisation?

On parle du virage technologique. Je vois le ministre qui est assis en face. Comment peut-on le faire ce virage si on n'a pas le concours du gouvernement fédéral?

Parlez-nous, M. le ministre, des subventions fédérales et des efforts du fédéral dans le domaine du transport? Le contrat avec Bombardier pour le métro de New York, est-ce que c'est l'affaire de notre ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme? Non, c'est le fédéral qui a négocié et qui a facilité ce contrat. Bell Helicopter...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député votre temps est terminé.

M. O'Gallagher: Oui, M. le Président, en terminant je voudrais tout simplement mentionner qu'il y a Bell Helicopter qui va s'établir prochainement ici à Mirabel. C'est une oeuvre du gouvernement fédéral. Pratt et Whitney qui vont faire les moteurs de cette...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît!

M. O'Gallagher: À par cela, je voudrais bien vous annoncer que Pratt et Whitney a décroché le contrat pour d'autres moteurs pour une autre usine d'hélicoptères qui va s'établir en Ontario.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, votre temps est terminé. M. le député de Charlesbourg.

M. Rivest: M. le Président, une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Non, je sais ce que vous voulez dire, mais je suis... S'il vous plaît! Non, mais il m'a fait signe par exemple. S'il vous plaît! On ne niaisera pas la présidence. Ce n'est pas ce que vous m'avez fait comme signe. Allez-y donc pour voir.

M. Rivest: Si vous comprenez par signe, M. le Président, je vous le dirai une autre fois.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Charlesbourg.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté: M. le Président, on est en droit.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Côté: On est en droit de se demander, au moment où il est presque neuf heures, le 16 décembre, et que cette Chambre siège depuis maintenant 23 heures, ce qui a pu inciter le mini-leader du gouvernement, député de Vanier, à poser le geste odieux d'imposer à l'Opposition un

bâillon, la clôture, la guillotine. Oui, le ministre de la Science et de la Technologie, qui a passé une partie de la nuit avec nous, dit que c'est terrible. Au lieu d'avoir des énoncés aussi cons que ceux-là, vous auriez dû vous lever pour nous dire le fond de votre pensée. Continuez à rester assis sur votre siège, continuez.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît;

M. Côté: Un homme du Conseil des ministres qui est resté toute la nuit assis sur son derrière, pas capable de venir porter secours à son ministre! Belle solidarité ministérielle! Il n'est pas surprenant que le Québec soit rendu sur le derrière avec des ministres de ce genre-là.

M. le Président, qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui nous sommes confrontés à un bâillon de la part de ce gouvernement, de la part du petit leader du gouvernement? Quinze heures seulement de débat en commission parlementaire pour étudier un projet de loi qui est condamné par l'ensemble de Québécois. Qu'est-ce qui fait, M. le Président, que ce leader, ce petit leader appuyé par les perroquets, impose la clôture, donne avis à la Chambre trois heures après le début des travaux de cette commission, vient annoncer à cette Chambre en pleine noirceur, soit à 23 h 30, qu'il va imposer la clôture quelque trois heures après? Quelle logique? Celui-là même qui travaillait à la réforme des règles parlementaires, des règles qui nous régissent. Combien il faut être petit pour imposer à l'Opposition un geste de cette nature! (8 h 50)

M. le Président, neuf fois en sept ans ce gouvernement de sociaux-démocrates a imposé à l'Opposition la clôture. Quatre fois, M. le Président - vous avez dû passer des heures sur ce siège - dans les deux dernières années; cela empire au fil des ans. Cela empire parce qu'on a changé de leader. On en a pris un petit dans les deux sens du terme. J'imagine, M. le Président, que les maires de la région de Québec... Le maire de Beauport, dignement représenté à l'Assemblée nationale par le député de Montmorency, celui-là même qu'il a amené sur le plan municipal, doit être extrêmement fier de l'attitude de son député aujourd'hui. J'imagine que le maire de Cap-Rouge doit être extrêmement fier aussi de Mme la députée de La Peltrie et également ministre. J'imagine que le maire nouvellement élu de Vanier doit déborder d'enthousiasme devant le député de Vanier. Que penser, M. le Président, d'un des maires les plus influents de la région de Québec, du maire de Québec, qui disait...

M. Maciocia: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le député.

M. Maciocia: Voulez-vous m'indiquer s'il y a quorum, M. le Président?

M. Rivest: M. le Président, est-ce que le député péquiste qui dort est compté dans le quorum?

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous avons quorum.

M. le député, vous pouvez continuer.

Une voix: Ceux qui dorment...

M. Côté: M. le Président.

Une voix: On compte les têtes.

M. Côté: Pour la dixième fois, vous avez demandé le quorum.

Le Vice-Président (M. Jolivet):

Simplement pour les fins du journal des Débats, il y avait quorum au moment où le député l'a demandé. Je n'ai donc pas demandé le quorum.

M. Côté: M. le Président, cela a été appelé neuf fois par vous ou par celui qui vous remplace au fauteuil. Neuf fois dans une nuit, il faut le faire.

Donc, le maire de Québec s'étonnait qu'avec le projet de loi 38 il ne pourrait pas recevoir de subventions du fédéral alors que, facilement, les gens d'en face trouvent acceptable qu'on puisse recevoir une subvention de la France.

Une voix: De la France.

M. Côté: Voyons donc! C'est cela, M. le Président. Ce sont les propos du maire de la ville de Québec.

Ces gens qui s'égosillent, qui demeurent assis sur les banquettes arrière et qu'on n'entend plus depuis minuit, hier soir, ces gens qui se taisent devant une situation comme celle-là, puisons dans le passé pour savoir ce qu'ils ont fait lorsqu'ils étaient ici. Puisons dans le passé, allons voir celui qu'on regrette aujourd'hui comme leader du gouvernement. Qu'est-ce qu'il disait alors...

Une voix: Barrez les portes!

M. Côté: ...l'ex-député de Saint-Jacques, dans une motion similaire, le 26 juillet 1974?

Une voix: Montez sa cage! M. Côté: II disait... Une voix:C'est Charron. Une voix:Montez sa cage: Une voix:M. Charron.

M. Côté: M. Charron, en effet. "Il n'y a pas un Parlement au monde, surtout pas dans un régime britannique comme celui dans lequel nous vivons, où cette procédure exceptionnelle est utilisée avec autant de fréquence et présentée avec autant de nonchalance et de manque d'intérêt, comme vient de le faire le leader du gouvernement, et cela qualifie déjà par le simple ton le respect que ce gouvernement a eu à l'égard de l'Opposition." N'est-ce pas merveilleux? Il disait: "Où est l'urgence de faire adopter une loi que les Québécois ont manifestement refusée jusqu'à la table de la commission?" M. le Président, prenez le projet de loi 38; c'est exactement ce qui s'est passé. Évidemment, ils ne respecteront pas l'ex-député de Saint-Jacques, M. Charron, puisqu'il n'est pas ici, mais on pourrait leur parler assez aisément de celui qui s'apprête maintenant à tenter sa chance sur la scène fédérale, le député de Lafontaine.

Une voix: Qui?

M. Côté: M. Léger, le pénépiste. Voici ce qu'il disait.

Une voix: Le péniste.

M. Côté: Le péniste. M. Léger nous disait: "Le gouvernement Bourassa est en train de lancer le Québec dans l'aventure de l'irréalité."

Une voix: C'est beau cela.

M. Côté: Vous en avez vécu de belles cette nuit, messieurs. Nous vivons...

Une voix: ...

M. Côté: Est-ce que le député de Terrebonne a la parole?

Une voix: Silence!

Une voix: Député de Groulx.

M. Côté: Groulx.

Une voix: ...

M. Côté: Le député de Champlain vient de se réveiller, M. le Président.

Une voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Côté: II devrait être à son siège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Côté: M. le Président, il disait: "Le gouvernement Bourassa nous pousse dans l'irréel parce que son projet est odieux, odieux pour deux raisons: odieux dans le contenu du projet de loi et odieux dans le contexte et la façon dont ils veulent voter." M. le Président, n'est-ce pas la situation dans laquelle nous ont poussés le leader du gouvernement et le ministre des Affaires municipales? M. Burns, un autre de cette gang-là qui est parti, un autre qui avait du fond et qui est disparu maintenant de la carte électorale.

Une voix: II a été nommé juge.

M. Côté: On l'a nommé juge. Il nous disait: "M. le Président, le 26 juillet 1974, à mon avis, passera à l'histoire comme une journée noire du parlementarisme québécois, comme une journée noire pour la nation québécoise, comme une journée noire pour le respect de nos institutions et pour le respect des Québécois." N'est-ce pas qu'ils sont beaux ces beaux principes qui étaient véhiculés par les gens d'en face en 1974? Merveilleux! On a le reliquat, le reste du Parti québécois devant nous qui foule aux pieds les principes que leurs amis défendaient antérieurement.

Allons voir ce que nous disait celui qui était alors chef parlementaire et vous aurez sans doute reconnu celui qui a guidé la gaffe du premier ministre en Italie, le député de Sauvé, M. Morin: "Ainsi, M. le Président, le gouvernement est acculé au mur par l'Opposition, selon l'expression même utilisée par le leader du gouvernement ce matin." Écoutez-moi ça! "L'énorme diplodocus...

Une voix: Quoi?

M. Côté: ...des 100 députés se voit contraint de réduire au silence l'Opposition comme s'il fallait justifier cette attitude, cette façon de procéder si peu conforme aux traditions parlementaires, si peu conforme à l'esprit démocratique." Et, M. le Président, la belle est un petit peu plus loin. Il s'offusquait, comme lui seul est capable de le faire, avec le petit nez en l'air, la petite barbiche, il disait: "Car après à peine 52 heures de débat en commission..." Vous avez bien compris, M. le Président. Il était offusqué le pauvre d'avoir eu seulement 52 heures alors qu'ici, sur le projet de loi 38,

un projet de loi à l'image du gouvernement, odieux pour l'ensemble des Québécois qui pourraient bénéficier, si ce gouvernement avait le courage de mettre de côté l'idée qu'il caresse depuis longtemps et concrétisée en Chambre hier par le ministre des Finances, soit d'avoir l'obsession de l'indépendance dans tout ce qu'ils font. Ce que cache le projet de loi 38, M. le Président, il faut se le dire, c'est cette idée derrière votre tête à vous tous...

M. Gauthier: On en a une en tout cas.

M. Côté: Le député de Roberval se lèvera et parlera s'il veut parler, lui qui a détonné toute la nuit. L'adjoint du ministre des Finances, le commissionnaire du ministre des Finances.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Côté: C'est l'idée de l'indépendance qu'ils caressent et qu'ils veulent faire passer aux Québécois. En terminant, le Parlement a été fermé par ce gouvernement pendant un mois. On aurait pu facilement siéger pour adopter ces projets de loi. L'imprévoyance du leader et du gouvernement nous mène aujourd'hui où nous en sommes rendus.

J'ai remarqué une chose du discours du leader du gouvernement, et je veux conclure là-dessus. Il nous disait: On a un choix à faire pour le gouvernement et nous avons choisi de bâillonner. C'est ça. Ce que je veux dire au leader du gouvernement ainsi qu'à ses valets de pied qui sont sur les banquettes ici à l'arrière, c'est qu'une élection générale, messieurs, permettrait aux Québécois de choisir entre le Parti libéral et de vous sacrer une bonne volée comme vous en avez connue dans Jonquière et dans Mégantic-Compton.

Des voix: Bravo! Bravo! (9 heures)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Viau.

M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Encore une fois nous avons devant nous des réactions ou des résultats d'un individu qu'on pourrait très bien appeler le Dr. Jekyll and Mr. Hyde de l'Assemblée nationale. Pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire de Dr. Jekyll and Mr. Hyde, c'est le gars qui, durant la journée, prêchait, mais le soir, la nuit venue, faisait des mauvais coups. Notre cher leader parlementaire, à mon avis et de l'avis de la population, c'est le Dr. Jekyll et le Mr. Hyde du Québec et de l'Assemblée nationale.

On a souvent entendu les ténors de l'autre côté prêcher les grands principes de la démocratie. La réforme parlementaire, on va en parler. La réforme parlementaire, c'est respecter les droits des parlementaires et faciliter les choses pour aider au bon fonctionnement de nos travaux. Maintenant, juste avant cette réforme parlementaire, qu'est-ce qu'on fait? La Chambre, si je ne me trompe pas, a commencé à siéger hier matin, à 10 heures, et il est maintenant 9 heures; cela fait maintenant 23 heures qu'on est ici. On est ici pourquoi? Parce qu'un projet de loi a été déposé. Il ne l'a pas été dernièrement, il a été déposé le 21 juin dernier.

Le gouvernement s'est permis de belles vacances. Même à la reprise, on s'est donné comme excuse que cela prenait un autre mois pour mettre les points sur les "i" et s'assurer que les virgules soient à la bonne place. Je me demande où sont les points et où sont les virgules. On prétend être très respectueux de la démocratie, mais ce bâillon qui est imposé par le gouvernement, ce n'est pas la première fois. Cela fait neuf fois depuis qu'il est au pouvoir. Cela ressemble beaucoup à une république de bananes où les gens n'ont rien à dire; ce sont des dictatures, ces fameuses républiques de bananes. Mais, vous, messieurs, par vos actions, par vos bâillons, par vos motions de clôture, vous avez réduit ce Parlement, qui a pris des années à se développer et qui a toujours été très respectueux, vous l'avez abaissé au niveau d'une république de bananes. Cela, non seulement les députés de l'Opposition, mais la population ne l'accepte pas. Elle vous a passé le message dans le comté de Mégantic-Compton, elle vous a passé le message aussi dans la grande forteresse de Jonquière. Qu'est-ce qu'elle vous a dit? On ne veut pas de lois qui ne reflètent pas les besoins de la population.

Depuis que ce débat est commencé, je n'ai pas entendu dire ici que cette loi reflétait les désirs de la population. Une chose est vraie, cependant, dans vos discours: Cela reflète vos désirs, MM. les députés ministériels. Avons-nous besoin de rappeler que des gens élus, un parti au pouvoir doit s'assurer que les désirs de la population sont respectés? On n'adopte pas des lois pour s'assurer de la visibilité dans les comtés.

Une voix: La transparence!

M. Cusano: Oui, une belle transparence! On est inquiet parce que le député fédéral, lui, se promène peut-être dans les comtés. Mais, vous, je suis sûr que vous vous promenez dans les comtés. Cela fait longtemps qu'on le dit. Il y en a, parmi vous à qui on a dit: On ne veut plus vous voir. Puis vous venez avec un projet de loi et dites: Si la population ne veut pas de moi, on va empêcher les députés fédéraux d'y

être.

M. le Président, les grands ténors invoquent les grands principes d'une saine gestion, d'une saine administration. Au fédéral, les gens ne sont pas capables de faire cela. Messieurs les ministériels, êtes-vous capables d'une saine gestion? Êtes-vous capables d'administrer pour que cette province ne se trouve pas dans les déficits où elle se trouve? Non. Vous n'êtes pas capables. Les pouvoirs que se donne le ministre, est-ce que cela veut dire qu'on va avoir d'autres subventions pour des "sex bars"? C'est beau, la saine administration, la grande bureaucratie québécoise. On veut avoir plus d'argent pour subventionner selon des critères qui vont être établis par le ministre, par le député de Duplessis peut-être, pour donner des subventions à des "sex bars".

C'est vrai que les "sex bars", d'habitude ceux qui les fréquentent y vont la nuit et non le jour. C'est ce qui se passe ici. On essaie de nous faire voter un projet de loi dans la nuit.

Une voix: Le matin.

M. Cusano: Le matin, oui. Il est 9 h 07 du matin, M. le Président, et il y a beaucoup de mes collègues. Je félicite mes collègues qui ont veillé pour protéger les droits de nos élus municipaux et les droits de l'ensemble de la population. Si vous aviez voulu consulter, le projet de loi a été présenté le 21 juin dernier. Mais non, on attend au mois de décembre, en fin de session. Les libéraux vont être fatigués, ils ne voudront pas débattre. Mais vous avez été surpris. On va se débattre jusqu'au bout.

Lorsque vous parlez des pouvoirs discrétionnaires et des déclarations qui sont faites à droite et à gauche, l'exemple parfait qu'on a vu de ces conneries, c'est lorsque le premier ministre s'est rendu en Italie...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Viau, si vous voulez conclure, s'il vous plaît.

M. Cusano: Je conclus, M. le Président. Il s'est rendu en Italie; il a eu une grande conversation avec l'honorable Pertini. J'aurais compris si le dialogue avait été en italien, dans ma reconnaissance à un homme d'État comme M. Pertini qui parle le français aussi bien que René Lévesque, M. le premier ministre.

Une voix: Même mieux.

M. Cusano: Même mieux. Peut-être un peu avec l'accent d'un Jacques-Yvan Morin. Je ne peux pas dire qu'ils ne se sont pas compris. S'il y avait eu un interprète, on aurait compris cela.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je termine, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Cusano: On cause des problèmes au niveau international et... Oui, M. le député de Roberval. Vous pensez que c'est beau tout cela, de faire la manchette le lendemain matin. Mais qui en souffre dans tout cela? C'est la population québécoise et le fait que le Québec perd son respect sur la scène internationale.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. M. le député de Viau, pour la troisième fois, je vous demande de conclure.

Des voix: Bravo! (9 h 10)

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderai aux députés qui ne sont pas à leur fauteuil de bien vouloir regagner leur place. Vous, M. le député de Portneuf, vous avez déjà parlé.

M. Pagé: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, une question de...?

M. Pagé: ...c'est une demande de directive que j'ai à vous formuler à deux égards. D'abord, en l'absence du leader du gouvernement, en l'absence du leader adjoint, le député de Sherbrooke, en l'absence du leader adjoint, le député de Rivière-du-Loup, en l'absence du whip en chef du gouvernement et en l'absence de tout membre du Conseil des ministres, j'aimerais connaître les intentions gouvernementales en ce qui concerne, évidemment, la fin de la séance, parce qu'il nous reste encore une douzaine d'interventions, je crois. À 9 h 15, tous les matins - parce qu'on est habitué chez nous à travailler dans un cadre très discipliné, un cadre d'unité - on se réunit au conseil des députés. J'aimerais bien que vous puissiez, à moins que ce ne soit fait par un membre du gouvernement, nous faire vos commentaires à l'égard de la situation de fait dans laquelle on se retrouve. Malheureusement, on n'a pas le don d'ubiquité et on se doit d'être ici et à la fois à notre conseil des députés. De plus -cette demande de directive s'adresse à vous, M. le Président - au cas où une décision quelconque pourrait survenir à la fin de la journée du jeudi, 15 décembre, peut-être vers 12 h 30 ou 13 heures, j'aimerais savoir ce qui arrivera. Est-ce qu'on siégera si...? Peut-on siéger? Qu'est-ce qui arrivera du plan des

banquettes, sachant que deux nouvelles députées, Mme la députée de Jonquière et Mme la députée de Mégantic-Compton, seront invitées à venir occuper leur fauteuil ici? Comment allez-vous procéder pour la nouvelle redistribution des banquettes? Je présume que ce sera difficile pour vous. Une demande de directive vous est donc adressée et une autre à mon bon ami, le député de Vanier.

Une voix: II n'a pas compris. Il n'était pas là.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Premièrement, je reconnaîtrai le député qui voudra intervenir puisque la séance n'est pas terminée. Personne n'a demandé l'ajournement du débat.

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je regrette. J'ai compris votre question, mais jusqu'à présent, comme président, je reconnaîtrai la personne qui voudra intervenir. Donc, M. le député de Jean-Talon, je vous donne la parole.

M. Pagé: M. le Président, avant l'intervention de mon collègue de Jean-Talon, j'aimerais connaître la position que vous adoptez. Vous êtes le vice-président de l'Assemblée nationale. Vous occupez le fauteuil du président. Qu'arrivera-t-il à la fin de la séance par rapport à une éventuelle autre séance s'il faut modifier complètement l'ordre des banquettes ici? La question au leader du gouvernement, parce qu'il n'était pas là...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Pour la première partie de la question, j'ai dit que je reconnaîtrais le député de Jean-Talon qui s'est effectivement levé. Pour la deuxième partie, je le prends en délibéré et on vous avisera. Donc, M. le député de Jean-Talon.

M. Gratton: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: Le leader du gouvernement est venu nous rejoindre. Je pense que c'est une question tout à fait justifiée que pose le député de Portneuf. À 10 heures, on a la période des questions. On a une nouvelle séance et normalement, quant à nous de l'Opposition, à 9 h 15, on a un conseil des députés. Il est maintenant 9 h 15. J'aimerais demander au leader du gouvernement s'il a l'intention d'ajourner avant 10 heures, que ce soit à 9 h 20, 9 h 30 ou 9 h 45. Le parti ministériel aussi bien que l'Opposition auront-ils la possibilité de tenir un conseil des députés ou si le leader du gouvernement a l'intention d'ajourner la séance d'aujourd'hui ou d'hier - je ne sais plus trop - en même temps que la séance de ce matin commencera?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, la séance qui a commencé hier à 10 heures en vertu du règlement qui prévaut dans ces fins de session peut durer jusqu'au lendemain matin, 10 heures, c'est-à-dire au moment où on commence une nouvelle séance avec la période des affaires courantes. Notre intention ce matin est de faire en sorte qu'effectivement nous poursuivions le débat sur la motion que j'ai présentée. C'est la présidence qui doit statuer là-dessus. Quand 9 h 59 arrive, la présidence - comme elle le fait pour les fins de séance, par exemple, lorsqu'il est 22 heures durant les sessions régulières - constatant que nous sommes arrivés à la fin de la séance, ajourne les travaux. Nous reprenons une nouvelle séance avec les affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je veux simplement demander au leader du gouvernement - je sais qu'il n'est pas de bonne humeur - s'il ne trouverait pas convenable... Je lui demande de considérer la possibilité de nous donner quinze minutes pour aller nous faire la barbe, nous raser avant le début de la session.

Une voix: C'est qu'on change de cravate, nous.

M. Bertrand: Je constate...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je peux dire au député de Gratton que, vu d'ici...

Une voix: Ce n'est pas le député de Gratton.

M. Bertrand: ...au député de Gatineau que, vu d'ici, il paraît encore imberbe. Il n'a donc pas un problème majeur à ce point de vue là.

Par ailleurs, nous n'aurons pas objection à terminer les travaux pour donner la chance au personnel de l'Assemblée nationale de se préparer à la nouvelle séance qui commencera à 10 heures. Nous n'aurons pas

d'objection à terminer nos travaux pour 9 h 45.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gratton: Je voudrais dire au leader du gouvernement: Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Jean-Talon, vous vous êtes levé tantôt pour demander d'intervenir. Je vous reconnaîtrai donc.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, l'Assemblée nationale connaît, comme on l'a souligné précédemment, sa neuvième ou dixième motion de suspension des règles qui, dans la pratique parlementaire, a essentiellement pour effet d'empêcher les députés de l'Opposition d'exprimer au nom de tous ceux, en l'occurrence ceux du domaine municipal, qui ont manifesté leur très vive opposition au projet de loi 38 du ministre des Affaires municipales.

Je pense qu'il n'est pas injuste de souligner que sur plus de 1000 municipalités, 1000 maires, combien de conseillers et d'échevins municipaux s'opposent à l'adoption de ce projet de loi du gouvernement du Parti québécois. Le Parti québécois, comme il l'a fait surtout depuis 1981, s'entête, s'obstine et se refuse à entendre de nos concitoyens et cherche par tous les moyens, dont celui du baîllon imposé à l'Opposition à l'Assemblée nationale, à faire adopter, à faire primer et à imposer sa volonté, cette volonté de gouvernement péquiste, qui a été dans tellement de domaines combien néfaste pour l'ensemble des citoyens du Québec.

On a fait grand état de la relance économique. Cette Assemblée a été fermée au-delà d'un mois pour soi-disant donner le temps au gouvernement de préparer un plan de relance conforme aux aspirations des Québécois. Or, M. le Président, dans ce plan de relance qui a été - ce n'est pas injuste de le dire - accueilli avec beaucoup de scepticisme et, dans certains cas, avec beaucoup de déception par l'ensemble de nos concitoyens du Québec, dans ce plan de relance, si le gouvernement du Parti québécois avait vraiment eu à coeur de poser des gestes significatifs pour relancer la création d'emplois, en particulier d'emplois permanents pour nos jeunes, pour les travailleurs et les travailleuses du Québec, il me semble qu'il aurait dû penser tout d'abord, à s'assurer que les sommes disponibles à cette fin, au niveau du gouvernement canadien comme au niveau du gouvernement québécois, puissent s'additionner, puissent être mises ensemble de façon à donner à la relance économique le souffle dont elle avait absolument besoin et qu'elle tarde tellement à recevoir. (9 h 20)

Le gouvernement du Parti québécois n'a pas su, dans la préparation de son plan de relance, inclure ce volet extrêmement important de mettre l'argent du gouvernement canadien ainsi que l'argent du gouvernement québécois. Le ministre des Affaires municipales, qui était le responsable de ce projet, de cette réalisation qui aurait été combien significative dans le plan de relance que le premier ministre a annoncé à Radio-Québec, n'a pas su s'entendre avec son collègue du gouvernement canadien pour que les municipalités puissent au niveau de leur territoire, auprès des populations qu'elles sont appelées à desservir, présenter des projets, faire des réalisations, en somme créer de l'emploi, créer la relance économique.

M. le Président, cet échec de la négociation entre le gouvernement canadien et le ministre des Affaires municipales du gouvernement péquiste est sans doute l'un des aspects les plus décevants, l'une des lacunes les plus frappantes de ce plan de relance qui, comme on le sait maintenant, tarde et, malheureusement, tardera à l'avenir à répondre aux espoirs de la population du Québec en matière économique.

M. le Président, même si ce projet de loi 38 concerne un domaine bien particulier, celui de l'administration municipale, c'est peut-être au titre même de la relance économique, au titre même de la création d'emplois, au titre même de la sécurité de leurs revenus pour combien de familles québécoises que ce nouvel échec des négociations du gouvernement péquiste est le plus frappant. C'est à ce titre, je pense, que, d'abord et avant tout, l'opposition devrait se manifester contre ce projet de loi 38.

Ce projet de loi 38, en second lieu, cet échec... C'est une caractéristique du Parti québécois. Dès lors qu'il ne réussit pas à s'entendre avec les gens avec lesquels il mène une négociation, immédiatement, c'est le procès de l'autre. On l'a vu avec celle des employés des secteurs public et parapublic l'hiver dernier. Qu'est-ce que cela a donné? C'était la faute des syndicats. C'était la faute des employés des secteurs public et parapublic. Cette fois, il s'agit d'une négociation avec le gouvernement fédéral pour des programmes d'aide et de soutien aux activités municipales. Il y a échec, pas d'entente. On fait donc le procès des intentions du gouvernement canadien.

M. le Président, cette façon de faire du Parti québécois est constante. On signalait encore tantôt la visite du premier ministre. C'est typique de la réaction péquiste. Le premier ministre se met royalement les pieds dans les plats. Il

commet un impair qui causera sans doute au Québec une perte de prestige sur le plan international non seulement coûteuse sur le plan politique, mais également sur le plan économique, parce que cela risque d'être perçu par nombre d'interlocuteurs sur le plan international comme étant un manque de maturité de notre société. Qu'est-ce que le premier ministre du Québec ose venir répondre à cette Chambre? Ce n'est pas sa faute, alors que c'est lui-même seul qui a commis cet impair, c'est la faute du gouvernement fédéral et c'est même presque la faute, d'après sa réponse - et ce n'est presque pas extrapoler que d'affirmer cela -du président de la république italienne qui aurait été contraint de lui renvoyer le passeport que le premier ministre du Québec lui avait donné.

Quand le gouvernement du Parti québécois va-t-il apprendre à prendre ses responsabilités? Dans cette motion, dans cette lutte obstinée que le Parti libéral du Québec mène en cette Chambre sans aucune interruption, depuis, je pense, 17 heures ou 18 heures hier - nous avons siégé toute la nuit - quelle a été l'attitude du gouvernement du Parti québécois? D'accuser l'Opposition de bloquer le fonctionnement du parlementarisme? Le parlementarisme est précisément là, l'Opposition est là, surtout quand les premiers intéressés d'une loi se sont prononcés à 90% et à 95% contre les intentions du gouvernement, c'est précisément le rôle et la fonction première des membres d'une opposition de dire au gouvernement: Vous n'adopterez pas ce projet de loi parce qu'il est discrétionnaire, parce que ce projet de loi 38 est arbitraire et parce qu'il va conduire à des situations injustes.

Cette situation qui est tellement caractéristique du gouvernement du Parti québécois, nous ne l'admettons pas et nous ne l'admettrons pas parce que tous mes collègues du Parti libéral entendent sur cette question, comme sur d'autres projets de loi qui s'annoncent, mener au gouvernement péquiste une lutte systématique qui traduit dans notre esprit la volonté et peut-être l'opinion la plus sentie de la population du Québec qui en a assez de ce gouvernement et qui trouve que ce gouvernement a trop duré, beaucoup trop duré. Dans quelques minutes, je pense que les gens auront peut-être la meilleure illustration, la meilleure preuve de ce que je viens de dire lorsque, dans cette Chambre, deux femmes libérales, deux femmes remarquables de dévouement, de compétence et d'abnégation, viendront ici dans cette Chambre occuper le fauteuil de Mégantic-Compton et celui de Jonquière. Ces deux nouvelles députées que nous accueillerons ici exprimeront, par leur présence, et par l'entrée qu'elles feront dans cette enceinte de l'Assemblée nationale, tout le mépris que la population du Québec porte à un gouvernement autoritaire, un gouvernement coupé du réel et un gouvernement qui n'écoute absolument plus la population et qui a reçu tout récemment et qui recevra dans l'avenir la sanction qu'il mérite: une défaite électorale cuisante qui marquera, pour le Québec, l'amorce d'un nouveau départ, d'un départ où une société se bâtira sur le respect mutuel des uns et des autres, une société qui n'acceptera plus que son Assemblée nationale soit bafouée, comme l'a fait le leader du gouvernement.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Louis-Hébert.

Des voix: Bravo!

M. Picotte: Avec autant d'applaudissements, ne serait-il pas possible d'avoir un rappel du député de Jean-Talon pour dix autres minutes, M. le Président?

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: M. le Président, les applaudissements sont réconfortants parce que l'occasion de faire cette intervention n'est pas elle-même une occasion agréable. Le devoir qui m'incombe aujourd'hui, c'est de dénoncer avec la dernière vigueur le geste absolument ignoble, le geste inqualifiable dont nous sommes témoins aujourd'hui. Ce que le gouvernement est en train d'imposer à ce Parlement, ce n'est rien d'autre que la loi martiale. (9 h 30)

Des voix: Bravo!

M. Doyon: Même la loi martiale permet un certain nombre d'activités, permet aux gens de débattre de questions, permet aux gens de se rencontrer. Ce que le gouvernement défend, c'est de débattre ici au Parlement de questions qui tiennent à coeur la population. Ce que le gouvernement est en train de nous empêcher de faire, c'est de représenter les premiers intérêts des élus municipaux qui, unanimement, demandent au gouvernement de surseoir à sa loi inique, de permettre à la négociation d'avoir une chance, de permettre au dialogue de débuter, de montrer que des humains, qui partagent

un territoire depuis des centaines d'années, sont capables de s'entendre sans qu'il y ait des interdictions, des défenses de...

J'aurais aimé que ce gouvernement ait été au pouvoir ou ait eu connaissance de ce qui se passait, en mai 1968, en France où le slogan était: "Défense de défendre". Ce gouvernement n'a qu'une spécialité actuellement, c'est: "Défendu de", "verboten". C'est ça son motto: "verboten". On a vu cela souvent dans des endroits que je ne voudrais pas rappeler ici: "verboten", "défendu de". Eh bien, ici, nous sommes dans un pays libre et le gouvernement ne se permettra pas impunément de défendre ceci, de défendre cela. On ne défendra surtout pas aux élus municipaux de faire valoir leurs droits, on ne défendra surtout pas aux chômeurs et aux chômeuses, aux gens qui veulent travailler et qui sont capables de travailler d'avoir la chance de le faire. Parce que l'interdiction qu'on fait aujourd'hui, c'est une interdiction, à l'égard de ces gens, de travailler, de gagner leur vie, de préserver leur honneur, de préserver leur respect personnel. On leur dit: Vous ne travaillerez pas, quand on dit aux municipalités: Vous ne pourrez pas recevoir d'aide du gouvernement fédéral, d'aucune façon. Autrement, vous serez lourdement pénalisés par nous, le gouvernement, qui allons décider de quelle façon, quand et comment. Quand le gouvernement fait ça, ce ne sont pas les municipalités qui sont touchées, franchement! Véritablement, les municipalités sont tout simplement des intermédiaires, ce sont simplement des personnes qui représentent, de la meilleure façon possible - Dieu sait que c'est mieux que ce que fait le gouvernement actuellement; - les contribuables qui les ont élus à ces postes de maires et de conseillers. Ce que les gens qui les ont élus ont confié comme mandat à leurs élus municipaux, c'est de leur donner des conditions de vie acceptables. Et quand le gouvernement menotte les élus municipaux, il condamne à l'inaction, à l'oisiveté, au découragement et au désespoir des milliers et des milliers de personnes, et surtout des jeunes.

Il faut, M. le Président, avoir eu l'occasion - peut-être les gens d'en face ont-ils oublié cela - de recevoir des gens dans nos bureaux de comté et de les entendre dire: M. le député, j'ai tout essayé, je veux travailler, je viens vous voir parce que je ne sais plus où me jeter, vous êtes mon dernier recours. Et moi j'irais leur dire: Vous ne travaillerez pas parce que les municipalités n'ont pas le droit de, parce que le gouvernement a décidé de? Je regrette beaucoup, ce n'est pas ce que je vais faire, je vais leur dire: Adressez-vous au gouvernement, parce que c'est le gouvernement qui défend qu'actuellement vous ayez au moins une chance, si minime soit-elle, d'utiliser vos capacités, d'utiliser votre compétence et d'utiliser votre désir de travailler. C'est le gouvernement qui a décidé que vous n'auriez pas le droit de faire cela, car il l'a défendu. Le gouvernement est en train de nous faire la preuve qu'il ne peut s'entendre avec personne. Il a de la misère à s'entendre avec lui-même, ça se comprend. Le gouvernement ne s'entend avec personne, il n'est pas capable d'envoyer quelqu'un en dehors du pays sans que cela devienne une pomme de discorde, sans qu'on revienne au pays avec une autre chicane sur les bras. C'est la spécialité du gouvernement, la chicane partout, tant et plus, autant qu'on peut. Chicanons-nous, pendant ce temps, les gens ont moins de temps pour nous juger, les gens ont moins de temps pour regarder nos bévues. Là, vous vous trompez, parce que les gens commencent à savoir de quel bois vous vous chauffez et la colère populaire est extrêmement vive. On l'a vu aux deux élections partielles de Jonquière et de Mégantic-Compton. Donnez demain la chance à la population de vous dire sur un bulletin de vote ce qu'elle pense de vous et les banquettes qui sont vides ici ce matin vont être vides en permanence de péquistes. Il n'y en aura pas un qui va revenir siéger ici. Cela va être ce qui se passera. Ce ne sera pas simplement comme ce matin où je compte sur les doigts de ma main des gens qui ont le courage de venir ici. Il y en a très peu. C'est absolument épouvantable parce que ce qu'on est en train de faire, c'est de défendre au Parlement ce pourquoi il existe. Le Parlement n'existe que pour une chose, c'est pour débattre des sujets entre nous, pour s'informer mutuellement et faire valoir nos points de vue. Autrement, le Parlement ne sert absolument à rien.

Et, le gouvernement est en train de nous imposer le bâillon, est en train de dire au Parlement: Vous n'existez plus, vous n'êtes plus utile. C'est une autre forme du mépris que le gouvernement a montré envers le Parlement entre le 15 octobre et le 15 novembre. C'est une autre facette pour empêcher le gouvernement de faire son travail. Tout cela se tient, tout cela est dans la même lancée. Le gouvernement avait décidé de ne pas siéger pendant un mois; maintenant que, pris à la dernière minute, on se voit dans l'obligation de le faire siéger, on l'empêche de débattre, on le bâillonne, on lui impose la clôture. Cela est extrêmement important. J'espère que la population va juger ce gouvernement sur des actes semblables, va le juger extrêmement sévèrement.

Cette façon de conduire les affaires de l'État ne peut être acceptée. Le danger, avec la fréquence avec laquelle ce gouvernement présente des motions de clôture, des bâillons - cela est arrivé neuf

fois - est extrêmement grave et c'est là que nous avons un rôle très important, nous de l'Opposition; le danger c'est que, finalement, on s'habitue à l'inacceptable, c'est que, de guerre lasse, on accepte l'inacceptable, on se dise: C'est comme cela, on n'y peut rien.

Jamais, de ce côté-ci de la Chambre, nous n'accepterons l'inacceptable. Aussi souvent qu'il veuille présenter - le leader du gouvernement qui vient d'arriver - ses motions de clôture, ses motions de bâillon, jamais de ce côté-ci de la Chambre nous n'accepterons que cette façon de faire passe comme une lettre à la poste, comme si cela était une façon de gouverner qui, finalement, convient à nos traditions parlementaires. Il n'en est absolument rien.

Chaque fois que nous le pourrons et chaque fois que nous le devrons, notre opposition à ce genre de manoeuvres qui sont basses et viles, odieuses, ignobles... Jamais nous n'accepterons que cela puisse passer tout simplement comme une lettre à la poste. Le gouvernement préfère agir comme cela plutôt que de proposer des mesures concrètes qui seraient de nature à enclencher ce qu'il appelle pompeusement "notre plan de relance".

S'il y a plan de relance quelque part, c'est un plan de relance de la cote de popularité du Parti québécois, ce n'est rien d'autre que cela. C'est de la simple poudre aux yeux. La preuve en est qu'en présentant ce projet de loi, en l'imposant et en refusant même qu'il soit débattu normalement selon les règles parlementaires, le gouvernement fait tout en son pouvoir pour bousiller, torpiller, saboter ce qui pourrait s'annoncer comme une relance économique. Le gouvernement fait tout en son pouvoir pour appliquer des mesures totalement contradictoires à son discours. Cela s'appelle de l'hypocrisie, cela s'appelle dire des choses et faire le contraire. Ce gouvernement est devenu spécialiste là-dedans.

Ce qu'il y a d'extrêmement sérieux, c'est que les effets néfastes de cette action vont se faire sentir parmi la population, parmi les jeunes, parmi les plus démunis qui réprouvent, comme nous le faisons ici dans cette Assemblée, votre façon d'agir, votre façon de gouverner, votre façon de bâillonner, votre façon de dire "Défendu de", 'Verboten". (9 h 40)

Des voix: Bravo!

Une voix: Le leader du gouvernement est...

Le Président: M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

Des voix: Bravo!

Une voix: On n'est pas fort.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Dans les dernières minutes de 24 heures de séance...

Une voix: Les 24 heures du Mans.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vingt-quatre heures, c'est long dans la vie d'un homme, mais c'est très court dans la vie d'un gouvernement comme le vôtre.

Des voix: Oui.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Nos concitoyens qui se lèvent et qui sont en train de faire réchauffer l'appareil de télévision pour voir la période de questions sont en train de se demander comment il se fait qu'on a commencé à siéger plus tôt que d'habitude. Il faut leur rappeler qu'à ce moment-ci, nous sommes à la fin d'un séance qui dure depuis 10 heures hier matin, essentiellement, pour la bonne et simple raison que le gouvernement a choisi, par un moyen parlementaire - ce n'est pas la première fois qu'il le fait - de bâillonner l'Opposition, a choisi de tenter d'imposer ses vues, a choisi d'imposer un projet de loi envers et contre toutes les formes d'oppositions d'où qu'elles viennent, qui se sont manifestées depuis le mois de juin dernier alors que le projet de loi 38 était déposé. Le gouvernement est encore en train de nous prouver qu'il est facile, à force d'artifices, de dissiper ses énergies, qu'il est facile de ne pas gouverner, qu'il est plus facile de ne pas gouverner que de gouverner. Ce qu'on peut voir comme spectacle désolant de la part du gouvernement, depuis le début de cette longue histoire déjà, la loi 38, c'est que le gouvernement a privilégié la querelle et la chicane pour des raisons fort simples. La querelle, cela ne demande pas de fonds publics. Quand on n'a pas d'argent, quand on est pauvre parce qu'on a mal administré, parce que l'économie du Québec s'en va là où elle est rendue...

Une voix: C'est cela.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...le gouvernement n'a pas les moyens de véritablement s'adresser aux problèmes de relance économique, de création d'emplois. Qu'est-ce qu'il fait...

Une voix: II part la chicane.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...afin de s'assurer que la télévision va parler, va transmettre les discours ronflants qui viennent de l'autre côté? On se lance dans une industrie en croissance depuis que le PQ est au pouvoir, l'industrie de la chicane et

de la querelle. Pas seulement sur le plan du Québec, mais on trouve le moyen d'exporter la querelle et la chicane. On nomme des ministres au commerce extérieur alors que ce sont plutôt des ministres à la querelle extérieure...

Une voix: Ah, c'est pas pire!

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...qu'il faudrait étiqueter de l'autre côté. On a réussi à exporter jusqu'en Italie l'absence totale de volonté politique du gouvernement de faire des choses concrètes, constructives, positives pour l'ensemble du Québec. Mais non. Non seulement on est en train de s'assurer que les Québécois regrettent les gestes que le gouvernement pose ici même au Québec, à l'intérieur de ses attributions, mais les Québécois commencent à avoir honte d'un gouvernement qui se comporte comme le premier ministre l'a fait lui-même lorsqu'il voyage et qu'il prétend représenter le Québec à l'étranger. Personnellement, je ne me sentais pas représenté par quelqu'un qui s'est comporté comme le premier ministre l'a fait en Italie il y a quelques jours. Chose certaine, dans des querelles, dans des chicanes, il est inévitable qu'il y ait des victimes. Les victimes ne sont pas vraiment le gouvernement et les membres du gouvernement. Cela ne lui coûte rien de se lancer dans des chicanes, dans des querelles: il est encore installé sur les banquettes ministérielles. Cela ne coûte rien au ministre des Finances, la querelle comme telle. Qui paie là-dedans? La crédibilité même du gouvernement est en cause, la façon de gouverner, l'exemple qu'on donne à tous ceux qui nous regardent. Première victime, la crédibilité du gouvernement du Québec, quel qu'il soit, comme institution. Deuxième victime, les partenaires majeurs du gouvernement du Québec dans l'exercice de ses attributions, les municipalités et, de façon encore plus directe, les citoyens de ces municipalités qui, comme tout le monde ici, en Chambre, paient des impôts au Québec et au gouvernement fédéral.

L'historique du supposé conflit qui existerait, et qui explique la loi 38 maintenant, voudrait que ce soit le gouvernement fédéral qui ne se soit pas mêlé de ses affaires, qui aurait empiété sur les compétences du Québec en matières d'affaires municipales. Quant au deuxième volet, la compétence des provinces, du Québec en matière d'affaires municipales, ne fait pas l'objet de débats, ne fait pas l'objet de conflits, ne fait pas l'objet de divisions dans l'ensemble du Québec et certainement pas en cette Chambre, tout le monde se rejoint. Tout le monde a constaté que tous les partis politiques, tous les porte-parole politiques au Québec se rejoignent quant à la conservation par les provinces, par le Québec de leur juridiction en matière d'affaires municipales.

C'est donc autre chose qui se passe, c'est quelque chose qui tient aux différences fondamentales qui existent entre les modes de comportement manifestés par les péquistes, d'une part, et par le Parti libéral du Québec, d'autre part. Il suffit de voir qu'à chaque occasion, d'une façon directe ou indirecte, de près ou de loin, comme le disait le premier ministre, dans d'autres circonstances, le PQ choisit de braquer les autres intervenants à l'encontre des positions qu'il prend. Il choisit la confrontation, plutôt que la concertation, la discussion et la négociation; il choisit le mode le plus destructeur du consensus social qui peut exister au Québec, qu'il s'agisse de divisions sur les opinions politiques, qu'il s'agisse d'une façon de faire les choses, par exemple, une négociation quant à l'emploi de deniers qui émanent du gouvernement fédéral, donc, des taxes de tous les citoyens canadiens afin de réaliser des projets de relance économique dans les municipalités, qu'il s'agisse de quoi que ce soit de cette nature, où il y a d'autres intervenants que le gouvernement péquiste du Québec, tout de suite, on entre dans une ère de confrontation. C'est bien évident que c'est un talent naturel chez les péquistes, de privilégier cette façon de faire et cela tient à l'autre différence qui existe entre le PQ et le Parti libéral du Québec.

Le PQ est un gouvernement de la parole, avec un p minuscule, très minuscule. Ce sont des gens qui choisissent, plutôt que de poser des gestes, de dire des choses parce que cela aussi, cela ne coûte rien. Quand on n'a pas d'argent, parce qu'on a administré tout de travers, c'est bien plus facile de faire des discours que de poser des gestes concrets qui laissent des suites concrètes, qui créent quelque chose pour les citoyens du Québec. On ne remplit même pas les fondations nécessaires aux infrastructures de nos municipalités, on ne rencontre pas les besoins des différentes municipalités et des citoyens, on décide de remplir l'air de paroles.

On exhorte, de ce côté-ci de la Chambre, le Parti québécois à poser des gestes qui vont laisser quelque chose pour l'avenir, qui vont assurer que la jeunesse va pouvoir travailler à bâtir quelque chose. Mais non, bâtir le Québec, pour le PQ, cela ne fait allusion qu'à une seule chose: un document de travail commis par celui qui est aujourd'hui ministre au Commerce extérieur. Bâtir le Québec ne signifie rien de concret, sinon des discours pour le gouvernement du Parti québécois. La différence entre le discours et le geste concret, c'est cela la différence entre le gouvernement actuel et les membres de l'Opposition. Un gouvernement qui prililégie la zizanie plutôt que l'unité, un gouvernement qui privilégie,

comme dans ce projet de loi, des lois à caractère pénal plutôt qu'à caractère fiscal, malgré les étiquettes que le ministre a accolées au projet de loi 38. (9 h 50)

II ne s'agit pas d'un projet de loi où le gouvernement du Québec, dans l'exercice de ses pouvoirs, contribuerait et participerait financièrement à des dépenses que les municipalités pourraient faire ou à des dépenses qui se feraient dans les municipalités. Au contraire. Qu'on le lise à l'envers, à l'endroit, de gauche à droite ou de droite à gauche, le projet de loi 38 est à caractère pénal. Il impose des punitions. Il impose, en un sens, des amendes aux municipalités qui ne pensent pas comme le PQ. Cela fait une grosse différence dans le genre de respect qu'on doit donner à des gens qui ont été élus par les mêmes citoyens qui nous ont envoyés ici dans cette Chambre pour exercer au meilleur de leurs connaissances, avec les pouvoirs qu'ils ont, leurs attributions dans l'intérêt de leurs concitoyens.

Or, le PQ a choisi de mettre un frein au développement d'équipements communautaires. On pourrait tous faire une longue liste dans chacun de nos comtés de projets qui ne peuvent pas voir le jour à cause de la façon dont le gouvernement a choisi de se comporter à l'endroit des municipalités, qu'il s'agisse de garages municipaux, d'agrandissement d'un hôtel de ville, de centres communautaires, d'améliorations d'une petite bibliothèque municipale; autant de projets qui ne verront pas le jour tant et aussi longtemps que le gouvernement du Parti québécois sera en place. M. le Président, c'est la raison toute simple pour laquelle, de bonne foi et avec toute la vigueur dont nous sommes capables pour vraiment représenter les citoyens du Québec qui sont tannés d'avoir honte de leur gouvernement, nous parlons à ce moment-ci pendant toute la nuit pour nous opposer à la motion du leader du gouvernement. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

M. Bertrand; M. le Président...

Le Président: Sur une question de règlement...

M. Bertrand: Non, M. le Président. Le Président: ...ou sur le fond?

M. Bertrand: Sur le fond, M. le Président. Je demande l'ajournement du débat.

Le Président: II y a encore un orateur, M. le leader du gouvernement, qui veut s'exprimer.

M. Bertrand: Pardon?

Le Président: M. le député de Maskinongé a demandé la même...

M. Bertrand: Je m'excuse, M. le Président. J'étais debout depuis certainement une minute. Je me suis adressé à vous.

Des voix: Voyons! Voyons!

Le Président: Je n'en doute pas, M. le leader du gouvernement, mais le fait qu'un député qui ne s'est pas exprimé demande la parole lui donne priorité. Cela semble évident. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président.

Le Président: Avant que nous procédions à l'enterrement, il est 9 h 55 et il y avait déjà un accord à savoir que dès 9 h 45, nous pourrions ajourner nos travaux, histoire de permettre au moins un rafraîchissement de la salle puisque, à 10 heures, une nouvelle séance commence et qu'à 9 h 59, à coup sur, j'ajourne les travaux d'office. Je vous signale la chose, parce que cela vous donne peu de temps pour parler.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Compte tenu du temps qu'il nous reste et que je n'aurai pas tout mon temps, je vous demande l'ajournement du débat.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

M. Bertrand: Si je comprends bien, c'est un privilège.

Le Président: Non, M. le leader du gouvernement. Ce n'est pas un privilège de l'Opposition de demander l'ajournement du débat. C'est un privilège d'un orateur qui ne s'est pas encore exprimé. Cela me semble assez naturel.

M. Bertrand: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à 10 heures ce matin.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

(Fin de la séance à 9 h 55)

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