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(Dix heures deux minutes)
Le Président: À l'ordre!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez prendre vos places.
Affaires courantes.
J'espère que la population qui nous regarde ne vous
dérange pas.
Dérisions du Bureau de l'Assemblée
nationale
Au dépôt de documents, j'ai le plaisir de déposer
les décisions 61 à 63 du Bureau de l'Assemblée
nationale.
M. le ministre du Travail.
Rapports annuels du Conseil consultatif
du travail et de la main-d'oeuvre
et du ministère du Travail
M. Fréchette: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1982-1983 du Conseil consultatif du travail et
de la main-d'oeuvre, de même que le rapport annuel 1982-1983 du
ministère du Travail.
Le Président: Rapports déposés.
Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions
élues, ni d'autres rapports de qui que ce soit, ce qui nous mène
à la période des questions des députés.
M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question
s'adresse à l'honorable premier ministre. Est-ce qu'on s'attend à
sa présence ici ce matin?
Une voix: II est parti récupérer le passeport.
Une voix: II est en transit.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Dans quelques minutes.
Le Président: Entre-temps, M. le député de
Laurier.
Le favoritisme dans le réseau de l'aide
sociale
M. Sirros: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
à la ministre de la Main- d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu. Hier, elle disait qu'elle allait s'informer en lisant le
deuxième rapport d'enquête dont elle a finalement trouvé
l'existence. Est-ce qu'elle pourrait aujourd'hui nous expliquer comment il se
fait que, jusqu'à maintenant, à la suite de cette lecture du
rapport, il n'y a pas eu de mesures disciplinaires contre les autres
fonctionnaires impliqués dans ce système de favoritisme?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Le
député de Laurier, je pense, confond deux dossiers et j'aimerais
bien que cela soit clair pour qu'on ne confonde pas les dossiers dont il
s'agit. On a déjà parlé d'un autre dossier, ici, qui
référait à du favoritisme. Effectivement, le dossier dont
il parle maintenant en est un autre qui concerne une question de gestion.
Cela dit, j'ai pris connaissance du rapport. Je puis même dire
qu'il y a eu correction, si on veut, où on a effectivement rendu justice
et été équitables à l'endroit du gestionnaire
concerné par la plainte. D'autre part, il n'y a effectivement pas eu
sanctions. Il y en aura cependant, M. le Président. Merci.
M. Picotte: M. le Président, question additionnelle.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Hier, j'ai demandé à Mme la ministre de
vérifier si M. André Roy a fait du tordage de bras auprès
du candidat qui s'était classé deuxième sur la liste
d'admissibilité pour permettre à M. Claude Labbé
d'être nommé directeur régional de la région de
Québec. Est-ce que Mme la ministre pourrait me dire, ce matin, s'il est
exact que, le 26 mars 1982, André Roy, en compagnie de M. Roland
Guérin, a convoqué le candidat de deuxième rang pour lui
faire savoir qu'il était préférable pour ce dernier de
refuser le poste de directeur régional de la région de
Québec?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: M. le Président, la plainte dont on fait
état dans le deuxième dossier ne concerne absolument pas et
d'aucune façon la région de Québec. Il s'agit d'une
autre région du Québec. Des voix: Ah!
Mme Marois: Deuxièmement, je pense que nous sommes ici
pour répondre à des questions d'intérêt public.
Une voix: Ah oui!
Mme Marois: Si on croit qu'il y a matière à ce
qu'il y ait intervention à l'endroit des personnes dont on mentionne les
noms ici, en cette Chambre, je trouve carrément injuste et inacceptable
qu'on se serve de son immunité parlementaire pour mentionner les noms de
ces personnes ici, sans qu'elles aient, d'aucune façon, le moyen de
pouvoir se défendre. Merci, M. le Président.
M. Picotte: M. le Président, j'ai demandé...
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: ...et je redemande à Mme la ministre s'il est
exact que M. André Roy, surnommé le parrain, accompagné de
M. Roland Guérin, ont convoqué le candidat qui a passé
l'examen, l'entrevue pour tous ces postes - que ce soit à
l'intérieur d'un rapport d'enquête ou non - et ont fait du tordage
de bras pour dire à ce candidat de deuxième choix: Tassez-vous
pour permettre à M. Claude Labbé, dont il a été
fait mention dans vos rapports, de prendre le poste qu'il a présentement
comme directeur régional de la région de Québec. C'est
cela que j'ai demandé à la ministre. Qu'elle me réponde
à cette question et j'en aurai une autre additionnelle par la suite.
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu
Mme Marois: M. le Président, je ne répondrai pas
à cette question. J'ai déjà dit qu'il s'agissait, dans ce
deuxième dossier, d'une autre région du Québec. Je pense
que cette réponse était satisfaisante, à mon point de
vue.
D'autre part, à partir du moment - le président de la
Commission de la fonction publique l'a dit lui-même - où ces
rapports d'expertise, d'évaluation sont confidentiels, il est entendu
que je ne répondrai pas à ce type de question.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, la ministre pourrait-elle
vérifier ce qui s'est passé dans le bureau de M. Roy, avec M.
Roland
Guérin, le 26 mars 1982, d'une part, avec le candidat
classé deuxième? En plus, la ministre pourrait-elle s'informer
s'il n'y aurait pas eu une conférence téléphonique avec
huit directeurs de centres locaux de la région de Québec, les
avertissant que le candidat de deuxième rang n'aurait pas le poste,
parce que, justement, les autorités préféraient ne pas le
voir dans le portrait? Pourrait-elle vérifier cela? Si
nécessaire, je donnerai à la ministre les noms des huit personnes
qui ont assisté à cet appel-conférence
téléphonique.
(10 h 10)
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: M. le Président, je prends avis des
commentaires du député de Maskinongé.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Laurier.
M. Sirros: Hier, M. le Président, la ministre nous disait
qu'elle voulait répondre honnêtement et franchement. N'est-il pas
exact que, même si le deuxième rapport d'enquête concerne
une autre région, les personnes, en tant que gestionnaires,
mentionnées et impliquées dans les deux rapports se recoupent? En
particulier, n'est-il pas exact, si vous voulez, que les personnes qui ont
été nommées ici à cette Chambre sont
concernées par les deux rapports, même si effectivement il s'agit
d'une autre région?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: M. le Président, dans un ministère, il
y a un certain nombre de fonctions et de responsabilités bien
départagées et bien définies, de façon
hiérarchique, de telle sorte qu'on retrouve à la tête du
ministère un certain nombre de responsables, des sous-ministres, des
directeurs généraux. Si on veut faire des recoupages de noms
quand des personnes sont à la tête et ont des
responsabilités, il est évident qu'on arrivera toujours à
ces noms, qu'on le veuille ou non.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Est-ce qu'il n'est pas du devoir de la ministre de
répondre à cette Chambre et à la population des gestes
posés par des fonctionnaires, s'il y a eu du favoritisme, du patronage
et du népotisme connus par la ministre en question?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: M. le Président, je pense avoir
éclairé le mieux possible cette Chambre. J'ai donné, ce
matin, une réponse claire quant au deuxième dossier, en disant
qu'il y aurait sanctions. Quant au premier dossier, j'ai déposé
à ce jour l'ensemble des étapes franchies, le fait que nous ne
pouvions poursuivre ces avis, ces règles du jeu. L'ensemble des
étapes franchies, a été déposé. Je pense
avoir, jusqu'à maintenant, très bien répondu aux questions
qui m'ont été posées.
Le Président: M. le député de
Maskinongé, dernière complémentaire? M. le chef de
l'Opposition, question principale.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question
s'adresse à l'honorable premier ministre. Je pense bien qu'il s'attend
à cette question. Il a dû avoir le temps d'y penser.
Une voix: II aurait dû y penser avant.
La réaction du président de l'Italie aux
propos du premier ministre
M. Levesque (Bonaventure): Je pense bien qu'on a compris la
remarque à savoir que le premier ministre aurait dû y penser
avant. À la suite, de l'entretien du premier ministre du Québec
avec le président de l'Italie, Sandro Pertini, on se rappelle qu'au
cours des questions que j'ai posées au premier ministre j'ai
parlé d'abord d'une protestation de l'ambassade de l'Italie à
Ottawa. Le premier ministre a donné ses commentaires là-dessus.
Ensuite, il y a eu la protestation du gouvernement italien par la voix du
ministre plénipotentiaire,
Michelangelo Iacobucci, et, ce matin, nous apprenons que c'est le
président lui-même qui intervient, celui que le premier ministre
qualifiait de grand francophile, un ami du Québec, un homme qui a son
franc parler, un homme qui faisait l'admiration du premier ministre du
Québec, d'après les propos qu'il nous a livrés en cette
Chambre. M. Pertini, le président de l'Italie, maintenant émet
une note diplomatique à l'ambassadeur du Canada à Rome et dans
des termes qui, en langage diplomatique, nous semblent très
sévères. Je cite: "Le président est profondément
irrité et ulcéré de l'exploitation qu'a cherché
à faire le premier ministre, René Levesque, de ses propos et
l'interprétation fausse et perverse qu'il leur avait donné."
Dans les circonstances, M. le Président, je me demande si le
premier ministre n'a pas pensé à réviser son attitude de
cette semaine, particulièrement celle d'hier, lorsqu'il refusait, devant
cette Chambre, de songer à des excuses. N'y aurait-il pas lieu, ce
matin, que le premier ministre dise à cette Chambre ce qu'il a
l'intention de faire pour restaurer l'honneur et la dignité du peuple
québécois et pour ramener des relations cordiales avec le
gouvernement italien, chose qui était très normale et qui a
été traditionnellement respectée par le Québec dans
le passé?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Levesque (Taillon): M. le Président,
premièrement, je ne crois pas que ce soit tout à fait le chapitre
de l'apocalypse qu'essaie d'évoquer le député de
Bonaventure. Il semble, par ailleurs - je le dis sous toute réserve et
ce sont des choses qui arrivent, mais on est en train de vérifier - que
la version transmise par l'ambassade canadienne ne soit peut-être pas
tout à fait conforme à la réalité. Encore une fois,
je le dis, c'est ce qu'on vient de nous apprendre. Peut-être, y a-t-il
des choses qui ne seraient pas tout à fait exactes.
Cela dit et quoi qu'il en soit, inutile de dire que je regrette et
très vivement que M. Pertini ait pu se sentir ennuyé par les
propos que j'ai tenus, des propos qui - je crois que c'est le mot clef dans les
déclarations qu'on cite - ont enfreint les règles de la
diplomatie. Autrement dit, tout en étant non seulement exact, mais fort
discret, ce que j'ai révélé à la presse d'un
entretien éminemment chaleureux, a contribué à le mettre
dans l'embarras. Alors, inutile de le dire, cette situation m'attriste vraiment
et je ferai savoir mes regrets à M. Pertini dans les plus brefs
délais.
M. Rivest: M. le Président, une question
additionnelle.
Le Président: M. le député de Jean-Talon,
pour une question complémentaire.
M. Rivest: La question du chef de l'Opposition parlait, dans la
note du président de l'Italie, de l'interprétation fausse que le
premier ministre avait donnée des propos que M. Pertini lui avait tenus.
Mais, malgré les mots "regret", "tristesse" et tout ce que vous voudrez,
le premier ministre vient de réaffirmer à la Chambre que les
propos qu'il a tenus à la presse rapportant le premier ministre d'Italie
étaient ce que le premier ministre du Québec...
Une voix: Le président.
M. Rivest: Le président d'Italie - ce que le premier
ministre du Québec a dit à la presse, et c'est de cela que le
président d'Italie se plaint. Vos regrets sont bien, M. le premier
ministre, mais ne croyez-vous pas que vos regrets sont purement de la
formalité de quelqu'un qui a fait un impair majeur et qui ne corrige
absolument pas cet impair par les quelques phrases qu'il a
prononcées?
Une voix: Ni de près, ni de loin.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je
répète ce que j'ai dit. Tout en étant non seulement exact,
mais fort discret, ce que j'ai pu dire à Rome enfreignait probablement
ce qu'on appelle les règles de la diplomatie. Le mot
"interprétation", je pense, est un mot qui, justement dans ce curieux
langage diplomatique, ne signifie pas que quelque chose est faux, mais signifie
qu'on n'a pas aimé cela. Encore une fois, cela n'enlève en rien
la sympathie que j'ai éprouvée pour le président Pertini
et que je lui conserve et je suis encore une fois au regret qu'il ait
été contraint de se dire ennuyé, bon!
Une voix: Dégueulasse. Des voix: Oh!
M. Rivest: M. le Président: M. le Président...
Le Président: M. le député de Jean-Talon,
question complémentaire.
M. Rivest: ...question additionnelle. M. le premier ministre,
dans le dernier volet de votre réponse, vous laissez entendre - je pense
que vous devez dissiper cela - que le président de l'Italie aurait
été contraint, manipulé ou je ne sais trop, de faire cette
note-là, alors que c'est vous qui avez créé l'incident en
interprétant faussement les propos du président de l'Italie.
C'est le premier élément. Deuxième question, le
Québec doit avoir une attitude adulte dans le domaine des relations
internationales. Mais, dès le moment où vous avez senti, à
votre retour d'Italie, qu'il y avait un problème avec le gouvernement
italien, comment se fait-il que personne au gouvernement du Québec n'ait
demandé que les services réguliers du ministère des
Affaires intergouvernementales communiquent avec le bureau du premier ministre
d'Italie ou avec le bureau de la présidence pour faire, en adultes et en
gens responsables, ce qui devait être fait? Rien n'a été
fait et c'est le Québec...
Le Président: M. le député... (10 h 20)
M. Rivest: ...tout entier qui perd, sur le plan international,
son prestige.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je me
permettrai de faire remarquer que la question supplémentaire
était une sorte de discours.
Des voix: Oh!
M. Lévesque (Taillon): Cela étant dit, je
n'ajouterai qu'une chose à ce que j'ai dit tout à l'heure,
c'est-à-dire que je regrettais que le président Pertini se soit
senti ennuyé par les propos que j'ai tenus à Rome, qui
étaient exacts, discrets, mais qui enfreignaient - je cite le texte -
"les règles de la diplomatie".
Comme par hasard, j'ai lu une phrase ce matin, dans le dernier
numéro d'un grand hebdomadaire européen qui parle de la voie du
salut dans le monde. Je n'essaie pas de gonfler les choses, mais cette phrase
est celle-ci, à propos de ce chemin du salut: "Si long que soit ce
chemin, il doit viser à combler le retard des relations entre les
individus, entre les groupes sociaux et entre les peuples sur les relations
diplomatiques."
Des voix: Ce n'est pas fort!
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Viger.
M. Maciocia: Le premier ministre peut-il encore affirmer de son
siège que le président de la République italienne a
été contraint de faire cette affirmation diplomatique par
l'entremise de l'ambassade canadienne?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): J'ai bien dit: contraint par les
règles de la diplomatie.
Des voix: Oh! Ti-Poil la gaffe!
Le Président: À l'ordre! Question principale, M. le
député de Brome-Missisquoi.
Une voix: Chef d'État!
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur un rappel
au règlement.
M. Lalonde: J'ai entendu des mots à l'adresse du premier
ministre qui ne sont pas conformes au règlement, M. le Président.
On l'appelait Ti-Poil la gaffe et on n'a pas le droit d'appeler un
député par son nom, M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, y aurait-il
possibilité, je vous en prie, de demander
au député de Marguerite-Bourgeoys de retirer les propos
qu'il vient de tenir? Ils sont tout à fait incorrects, disgracieux et
vont à l'encontre du règlement, à l'article 99, paragraphe
9. Je lui demande de retirer ses paroles.
Le Président: La question de règlement
soulevée par le leader de l'Opposition n'en était manifestement
pas une, elle était formulée en termes qui étaient
à tout le moins désobligeants...
M. Chevrette: Cela montre son niveau d'éducation.
Le Président: ...et à la rigueur,
antiparlementaires. Je peux bien demander au leader de l'Opposition de les
retirer, s'il le veut, ou, alors, on peut tout simplement laisser la population
qui nous regarde les juger.
M. le député de Brome-Missisquoi.
L'équipement d'Urgences-santé
M. Paradis: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Affaires sociales dans le dossier Urgences-santé. Dans ce
dossier, les médecins réclament de l'équipement apte
à sauver des vies et plus spécifiquement dans le dossier des
moniteurs défibrillateurs, pour qu'on se comprenne bien, les
réanimateurs. Le ministre est intervenu à quelques reprises pour
rassurer et les médecins et la population quant à son implication
dans le dossier. Le 21 octobre dernier, à Montréal, le ministre
déclarait publiquement que les moniteurs défibrillateurs avaient
été commandés il y avait déjà quelques
semaines et que les médecins le savaient et là, je citais le
ministre.
Hier, en cette Chambre, le ministre des Affaires sociales a
déclaré concernant les mêmes réanimateurs, les
mêmes moniteurs défibrillateurs: Oui, la commande a
été passée téléphoniquement le 21 novembre,
alors qu'il avait déclaré auparavant, le 21 novembre, que la
commande avait été passée quelques semaines avant. Tout
cela se veut bien rassurant, M. le Président, mais j'ai ici un affidavit
du vendeur de la compagnie qui, lui, déclare que c'est le 25 octobre que
la commande a été passée. De plus, il déclare avoir
tenté de livrer les appareils le 26 octobre, s'être vu refuser la
livraison par le directeur des achats, et que, deux jours plus tard, il est
retourné pour tenter de nouveau de livrer les appareils, que le
directeur des achats et le directeur d'Urgences-santé ont accepté
la livraison, mais en lui disant de rapporter les batteries et, surtout, de ne
pas en parler, au Dr Boucher, qui était le directeur, médecin
coordonnateur d'Urgences-santé.
M. le Président, depuis le début, le ministre fait des
déclarations qui se contredisent. Le ministre ne tente pas de
régler le problème en faveur des usagers du service. Ma question
au ministre est bien simple. Pourquoi ce petit jeu de cache-cache? Qui
cherchez-vous à protéger?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le 18 janvier 1983 -
il y a donc maintenant presque un an - les premières démarches
ont été entreprises par Urgences-santé, il y a eu
transmission d'informations par M. Bernard Lefebvre, qui est directeur du
service d'Urgences-santé, à M. Raynald Gagnon, du MAS, des objets
de cotations et de soumissions préliminaires pour l'achat de moniteurs
défibrillateurs. Le 1er juillet, il y a eu une demande faite au
médecin coordonnateur, c'est-à-dire l'espèce de
coordonnateur des médecins dans le champ, qui n'est pas un
employé du conseil, mais qui fait partie des équipes
médicales dans le champ, de procéder à une étude et
à une évaluation des moniteurs défibrillateurs, ce qui a
été fait, y compris les tests sur la route, qui ont
été faits par un certain nombre de médecins, semble-t-il,
durant l'été. Le 22 août, il y a eu dépôt au
comité médical du rapport du médecin coordonnateur par le
président du comité médical et recommandation du
comité médical au conseil régional à l'effet
d'équiper les véhicules des médecins de moniteur
défibrillateur dans les meilleurs délais.
En septembre 1983, on a élaboré des critères quant
au choix du moniteur défibrillateur au niveau de la direction
médicale. Des discussions entre la direction médicale, le
médecin coordonnateur et le responsable des services techniques ont eu
lieu.
Le 28 septembre, dépôt auprès des services
partagés de cette analyse conjointe. Et, au mois d'octobre, on a
tenté de tirer au clair ce qui se passait chez les éventuels
fournisseurs. Il y a neuf fournisseurs dans ce domaine. Il s'agit d'appareils
qui valent 8000 $ chacun. Cela représente donc un contrat
extrêmement important pour les vendeurs spécialisés dans ce
type d'équipement qui y voient leur profit, d'une façon ou d'une
autre, et le lobby de ces groupes est considérable. Le rôle du
conseil est de s'assurer qu'on a la meilleure marchandise au meilleur prix
possible et qu'elle est adéquate pour les médecins. C'est pour
cela que tout le processus a pris tant de semaines, vu que les médecins
eux-mêmes l'ont testé. Ils ont arrêté leur choix sur
l'appareil de Physio-Control dont le représentant a fourni
l'affidavit.
Je pense que dans le cours de ces opérations...
Le Président: M. le ministre, en conclusion s'il vous
plaît.
M. Johnson (Anjou): ...il n'y a pas eu de cache-cache.
Effectivement, le conseil semble ne pas avoir pris livraison des appareils
rapidement parce que, encore une fois, il n'avait pas le personnel
entraîné et équipé pour s'assurer que, sur le plan
de la distribution de l'équipement, on le faisait d'une façon
adéquate.
Il fallait bien que le conseil, en ayant les appareils, puisse les
distribuer de telle sorte qu'ils soient utiles pour les médecins. C'est
exactement ce qui s'est passé. Il n'y a pas anguille sous roche.
Le Président: M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): II a fallu trois semaines pour mettre cela
sur pied à partir du moment...
Le Président: M. le ministre...
M. Johnson (Anjou): Même pas trois semaines à mettre
cela sur pied, à partir du moment où...
Le Président: Je vous signale que lorsque je vous invite
à conclure, c'est que le temps que vous prenez pour une réponse
est déjà long. Ce n'est pas simplement un avis consultatif et
j'aimerais bien qu'on y obtempère.
M. le député de Brome-Missisquoi, en
complémentaire.
M. Paradis: M. le Président, j'insite. On parle
d'équipement médical propre à sauver la vie des gens tous
les jours à Montréal et les délais de commande et de
livraison doivent faire preuve d'une saine administration.
Encore une fois, je répète la question. Pourquoi, le 21
octobre à Montréal, le ministre a-t-il déclaré que
l'équipement était commandé depuis déjà
quelques semaines, alors qu'il sait très bien aujourd'hui que ce
n'était pas vrai et il ne s'est pas récusé
là-dessus depuis ce temps-là dans le dossier?
Pourquoi, lorsque l'équipement a été livré
le 26, a-t-on refusé d'en prendre livraison? Pourquoi, lorsqu'il y a eu
une deuxième tentative de livraison le 28, a-t-on demandé au
vendeur de rapporter les batteries et surtout de ne pas en parler au
médecin coordonnateur d'Urgences-santé? Pourquoi?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales. (10 h
30)
M. Johnson (Anjou): M. le Président, quant à la
première question, je pense me souvenir que c'était à la
sortie d'une conférence où un journaliste ou une journaliste
m'avait demandé ce qui se passait au sujet des moniteurs
défibrillateurs. j'ai eu quelques minutes pour réagir,
étant donné que c'était la première fois que
j'entendais parler de ce problème.
Une voix: ...
M. Johnson (Anjou): Mais oui, effectivement. Il y a 950
établissements dans le réseau des affaires sociales et 6 000 000
de citoyens fréquentent nos établissements. Je ne peux pas tout
savoir à toutes les minutes. En l'espace de quelques minutes, les
renseignements que j'ai obtenus par un de mes collaborateurs qui a
réussi à communiquer avec quelqu'un qui était
présent à ce moment-là au CCUS indiquaient que ces
choses-là étaient en cours. Je pense que la lecture partielle que
je viens de faire des événements depuis le mois de janvier 1983
confirme qu'effectivement le conseil était en voie d'achat de ces
équipements, d'évaluation... À savoir si c'était le
21 ou le 25 je vous avoue franchement que, rendu à ce stade-là,
le conseil est en train de le faire et de les acheter.
La deuxième question, pourquoi est-ce qu'on a refusé? La
réponse que le conseil me donne à cet effet - je ne dois pas
présumer qu'on a dit: Surtout n'en parlez pas au Dr Boucher, etc.; je ne
le sais pas. C'est ce qu'affirme le député, s'il en a des
preuves, tant mieux. Je présume que ceux qui ont fait cela devront
s'expliquer. Mais, à ma connaissance, ce que le conseil a fait en
refusant la livraison ce jour-là, c'est qu'il n'était pas
prêt, sur le plan de la logistique, pour s'assurer qu'il pouvait
distribuer ces équipements.
Finalement, dans le cas de Physio-Control, je dois dire qu'on a eu des
ennuis subséquents, et c'est probablement un des éléments
qui ont déclenché la frustration bien légitime des
médecins à cet égard. Des événements
à cause de la qualité du produit ont amené
Urgences-santé à être obligé de diminuer la
distribution sur la route du nombre de moniteurs défibrillateurs puisque
la compagnie a livré des appareils dont les chargeurs
électroniques mettaient les batteries dans des conditions dangereuses.
Le conseil régional a dû retirer les chargeurs
électroniques et donc procéder à un chargement
électrique régulier de ces batteries, ce qui prenait plus de
temps compte tenu du nombre d'appareils disponibles. Ainsi, il y en avait moins
de disponibles, à ce moment-là, pour les médecins
praticiens.
Je dois dire qu'à cet égard la compagnie n'a pas fait ce
qu'elle avait à faire étant donné qu'elle aurait dû
aviser. Plutôt que de s'empresser de livrer le 26 plutôt que le 27,
elle aurait peut-être dû s'empresser d'avertir les médecins
et le conseil régional que son appareil, quant au chargement
électronique, était inadéquat.
M. Paradis: M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Question additionnelle. Hier, le ministre m'a
répondu qu'à partir du mois d'août cela prenait un certain
délai parce qu'il fallait préparer les équipes techniques,
etc. Aujourd'hui, il me dit que ce délai, c'est à partir de la
livraison. Cela fait deux fois qu'il joue avec le même délai pour
expliquer, de la part de l'administration, un délai inexplicable. Ma
question...
Le Président: S'il vous plaît! La question.
M. Paradis: Ma question est la suivante, M. le Président.
En vertu de quel préjugé ou de quel principe administratif
avez-vous le droit de refuser la livraison d'équipement médical
apte à sauver des vies que vous avez commandé?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'espère que
le député de Brome-Missisquoi n'est pas en train de dire que les
gens au CCUS ne font pas leur boulot à l'égard de la santé
des gens. Si c'est ce que prétend le député, qu'il traite
celui qui vous parle de ce qu'il voudra, qu'il utilise même un
vocabulaire non parlementaire si cela lui sied, comme il l'a
démontré dans le passé, mais qu'il ne s'en prenne pas
à la qualité des services fournis aux Montréalais et qu'il
n'inquiète pas 1 000 000 de citoyens en faisant ce qu'il fait.
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre! Question principale, M. le
député de Vachon.
Contrat de camions postaux octroyé à une
entreprise américaine
M. Payne: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
ministre des Finances et ministre responsable...
Des voix: ...
Le Président: Pourrait-on au moins permettre au
président d'entendre le député à qui j'ai
cédé la parole? M. le député de Vachon.
M. Payne: Ma question s'adresse au ministre des Finances,
ministre responsable du Comité sur la relance économique. On sait
que la Société canadienne des postes refuse d'octroyer un contrat
de 4 000 000 $ à une compagnie québécoise pour la
fabrication d'unités de camions. Cela risque de faire fermer une usine
de mon comté qui emploie 105 personnes. De ce fait, cela augmente le
coût de 1000 $ pour le contribuable canadien. J'ai parlé avec le
ministre André Ouellet à ce sujet, et il m'a fait savoir que la
Société canadienne des postes ne fait que ce que font les
États-Unis à cet égard, savoir que la politique d'achat
c'est libre. Doutant de cette information, j'ai appelé à
Washington et j'ai parlé avec M. Gene P. Siggins, le directeur des
contrats du US Postal Service qui m'a confirmé ce que j'avais
pensé. Je cite sa politique: "It is the policy of the postal service to
give preference to domestic products in accordance with the Buy America Act and
the postal contracting manual."
J'ai continué à lui parler pendant quelques minutes et il
m'a dit qu'en pratique: "On a case basis, we deviate usually to a much stricter
format." Je pose ma question au ministre responsable de la relance
économique à l'égard des commentaires de M. Lumley qui a
dit que c'est difficile à vendre, le Québec. Peut-il faire
connaître à cette Chambre s'il a eu des pourparlers avec M. Lumley
et d'autres ministres fédéraux pour savoir si les
Américains sont intéressés à acheter des choses des
Québécois et même des Canadiens?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, nous avons en effet
été alertés depuis quelques jours et je dois dire
singulièrement par le député de Vachon de l'anomalie
créée par l'octroi d'un contrat de camions postaux par le service
postal du Canada à des entreprises américaines où le
contenu canadien sera rigoureusement de 0%, où, en particulier, des
affaires, des ventes sont enlevées à une entreprise
québécoise, ce faisant. Il est tout à fait clair ici,
comme le disait le député de Vachon - j'ai eu l'occasion
là encore de regarder les documents qui nous ont été
envoyés des États-Unis - que le service postal américain
ne procéderait jamais de cette façon, qu'il achète les
produits de ce genre rigoureusement aux États-Unis, qu'il est hors de
question qu'une entreprise canadienne puisse avoir un contrat aux
États-Unis sur ce genre de produit et donc que le contraste est
étonnant entre l'espèce de naïveté du gouvernement
canadien à cet égard, qui accepte de passer un contrat dans ces
conditions et d'enlever donc un contrat à une entreprise canadienne,
mais en l'occurrence québécoise, et la pratique américaine
correspondante.
Dans ce sens, j'ai l'intention, effectivement, de m'adresser au
ministre
Lumley à Ottawa pour d'abord essayer de comprendre le pourquoi de
cette naïveté du contraste que je viens de signaler et voir dans
quelle mesure il y aurait moyen de corriger ce genre de pratique, d'autant
plus, M. le Président, qu'on vient de m'alerter à un autre
contrat du même type, là encore par le gouvernement
fédéral, là encore à une entreprise
étrangère où le contenu québécois est de 0%,
alors que, semble-t-il, une entreprise québécoise aurait pu faire
l'affaire. Je n'ai pas fini mes vérifications dans ce cas, mais j'ai
l'impression que nous en sommes au point maintenant, surtout dans une
perspective de relance économique, où il faut s'enquérir
un peu plus des pratiques suivies par le gouvernement fédéral
à l'égard d'une politique d'achat élémentaire
pratiquée un peu partout, mais que le gouvernement canadien, de ce
temps-ci, semble oublier. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Vachon, en
complémentaire.
M. Payne: Très brièvement, M. le Président.
Ma question devrait peut-être s'adresser au ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme. Dans le contexte où particulièrement
l'Opposition nous accuse de mal négocier avec le fédéral,
a-t-il reçu une réponse à ses télex nombreux qu'il
a envoyés à Ottawa sur ce dossier qui concerne 105 travailleurs
de Vachon? Est-il prêt à vraiment faire quelque chose dans leur
intérêt? Est-il en train de négocier avec le
fédéral, de bonne foi, pour essayer d'avoir ces contrats au
Québec pour le Canada?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, les seules réponses que
j'ai eues des ministres fédéraux avec lesquels j'ai
communiqué ont été tout simplement des accusés de
réception, et ce qui est plus décevant dans le cas des camions
postaux, dans ce contrat-ci, c'est qu'il y a environ un an et demi, exactement
la même chose est arrivée. À l'époque, le
député de Vachon - on s'en souvient - lui aussi s'était
battu. M. Gray était ministre de l'Industrie et du Commerce
fédéral, M. Ouellet était responsable de la
Société canadienne des postes. On a tout fait pour essayer de
leur faire entendre raison et donner la commande à une entreprise
québécoise ou canadienne. Quand même, à
l'époque, la Société canadienne des postes l'avait
donnée à une entreprise américaine, mais on nous avait
promis que, pour les prochains contrats, il y aurait plus de
responsabilité de la part des fonctionnaires et des ministres
fédéraux. Malheureusement, il y a encore irresponsabilité
complète. On préfère fermer une entreprise
québécoise et donner le contrat aux Américains. (10 h
40)
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Vachon.
M. Payne: Très brièvement, est-ce que le ministre
des Finances prendrait en considération ce que j'aimerais déposer
pour aujourd'hui, à savoir la politique des États-Unis à
cet égard, ce qui s'appelle le US Postal Contracting Service? Est-ce
qu'il peut lire cela, étudier cela et montrer aux Canadiens comment cela
se passe aux États-Unis?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Oui, M. le Président, je pense que c'est
important, effectivement, de tenir compte de cette politique américaine
et de faire comprendre en quoi elle consiste, non pas pour blâmer les
Américains de procéder de cette façon. Je pense qu'ils
s'occupent de leurs intérêts et ils s'en occupent fort bien. Il
faut bien comprendre encore une fois que le service postal américain
insère sa politique d'achat dans ce qu'on appelle le "Buy American Act",
qui s'applique à un très grand nombre de corps publics aux
États-Unis, qui doivent acheter de préférence des produits
américains et qui sont dispensés de cette politique seulement
dans des cas très précis, par exemple, si aucun producteur aux
États-Unis n'existe, ou bien, encore, si le produit doit être
utilisé exclusivement à l'étranger. Mais, pour le reste,
ils ont une politique d'achat remarquablement fermée. Or, cela ne se
sait pas au Canada. Très souvent, sous prétexte que cela ne se
sait pas, le gouvernement fédéral donne des contrats dont le
contenu canadien ou québécois est rigoureusement zéro, si
bien que le gouvernement fédéral utilise de l'argent des
contribuables pour essentiellement créer des emplois à
l'étranger.
Il est important que les Québécois soient conscients de ce
contraste entre Ottawa et Washington, à cet égard.
M. Bourbeau: M. le Président, question additionnelle.
M. Scowen: M. le Président...
Le Président: II y en a deux en même temps.
Complémentaire, M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Question additionnelle au ministre des Finances.
Est-ce que le ministre des Finances pourrait confirmer que, malgré la
politique d'achat du gouvernement américain dont il vient de parler,
c'est bien grâce au gouvernement d'Ottawa, qui a exigé
un contenu canadien de 60%, qu'une compagnie québécoise,
Bombardier, a obtenu un contrat de 1 000 000 000 $ pour le métro de New
York, et ce contre une entreprise américaine, Budd, qui faisait
concurrence à Bombardier?
Le Président: M. le député, c'est une notion
très élastique de la complémentarité. C'est
davantage une question principale. Votre collègue, lui, avait une
question complémentaire. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Ma question complémentaire était...
Le Président: À l'ordre; À l'ordre!
M. Scowen: Je trouve que c'est pertinent, et je vais poser la
question au nom de mon collègue et moi-même. Dans la lettre qu'il
va adresser à M. Lumley, est-ce que le ministre des Finances va
s'assurer de la façon la plus rigoureuse que les démarches que M.
Lumley fera auprès des Américains, ne compromettront pas les
efforts de Bombardier et des autres compagnies québécoises pour
vendre et vendre avec grand succès jusqu'à présent aux
autres institutions municipales, gouvernementales américaines? C'est
parce qu'on peut peut-être ne pas avoir l'un sans l'autre?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, cela me permettra de
répondre aux deux députés de l'Opposition qui viennent
d'intervenir sur le même contrat et la même idée. Il ne
s'agit pas de faire en sorte que, dans tous les cas et constamment, chaque pays
s'enferme sur lui-même et exige que la totalité de la production
soit faite chez lui. Regardons justement le contrat de Bombardier. Il est
intéressant à cet égard. Est-ce que 100% du contrat de
Bombardier à New York vont être fabriqués au Canada ou au
Québec? Non. On a insisté aux États-Unis pour qu'une bonne
partie de ce contrat donne lieu à un contenu américain. Il va y
avoir de la production qui va se faire au Vermont à l'intérieur
de ce contrat. Les Américains ont exigé, tout en donnant un
contrat à un fabricant québécois, qu'une partie du contenu
soit américaine.
Qu'est-ce que c'est le contrat des camions postaux devant lequel nous
sommes placés? Contenu canadien, non pas québécois,
contenu canadien, zéro, rien du tout. C'est dans ce sens que je parlais
de naïveté. Il est tout à fait normal que les gouvernements
cherchent les uns à l'égard des autres à entrouvrir et
à ouvrir davantage leurs frontières à ce genre de
contrats. Seulement, on n'exige pas un contrat canadien zéro. Si c'est
cela, c'est vraiment, encore une fois, une naïveté qui, j'allais
dire, relève d'une forme autrefois de scoutisme commercial.
M. Scowen: Question principale.
Le Président: Question principale, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
Les résultats du PECEC
M. Scowen: Ma question s'adresse à la ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Est-elle ici?
La question porte sur le PECEC, programme qui existe maintenant depuis
quelques années et qui est publié un peu partout au
Québec, sur la création d'emplois permanents. Quand on regarde
les listes des projets qui ont été subventionnés par ce
programme, on voit très souvent que les subventions ont
été accordées non pas pour la création d'emplois
permanents, mais pour sauver une entreprise en difficulté
financière, et parfois, pour sauver des emplois en danger.
Voilà deux projets tout à fait différents,
même si les deux sont très importants. Voici la question que je
pose à la ministre. Est-elle satisfaite de la façon dont le
comité directeur, qui avait la responsabilité d'accorder ces
subventions partout au Québec, a respecté son mandat? Sinon,
pourquoi pas?
Je soulève ce point, parce que, dans le domaine de la
création d'emplois, qui est l'obsession du premier ministre, il y a
quelque chose qui est très clair, vous pouvez l'évaluer assez
facilement. L'entreprise n'était pas là, voici qu'elle est
créée, c'est l'évidence même que des emplois ont
été créés. Mais dans le fait de maintenir des
emplois, vous avez la possibilité d'inclure toutes sortes de points dont
la question de patronage, la difficulté d'évaluer si les emplois
ont été maintenus ou non.
Donc, je répète ma question: La ministre est-elle
satisfaite de la façon dont le mandat accordé à ce
comité directeur pour le versement des subventions dans le cadre de
PECEC a été respecté jusqu'à maintenant?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Oui, je suis
satisfaite des résultats qu'a donnés le PECEC. Pour que le
député soit bien informé, je dois dire que nous avons
développé un deuxième volet à PECEC qui concerne
justement le maintien des emplois. Initialement, le PECEC, tel qu'il a
été défini son nom lui-même le dit d'ailleurs,
Programme expérimental de création d'emplois communautaires, ce
dernier mot
pouvant être interprété de façon très
large -s'employait tout d'abord à la création de nouveaux
emplois. Le second volet que nous avons développé, c'est le
maintien d'emplois, en vertu d'un principe que va partager tout le monde: si on
perd un certain nombre d'emplois, il va falloir en créer d'autant plus
pour remplacer cette perte d'emplois. Je pense qu'on le comprendra. Donc, il y
a eu développement de ce deuxième volet et, à ce titre, le
comité directeur de PECEC respecte les mandats qui lui ont
été donnés.
Une dernière remarque. Je trouve très injuste et
très incorrect qu'on parle ici de patronage. Ce comité directeur
est formé d'un très grand nombre de personnes -certains diraient
même trop grand - venant de différents organismes, venant de
différents ministères et fait une analyse très
serrée et très sérieuse des dossiers. Je n'imagine pas et
je n'accepte pas ce jugement que le député porte sur ce
programme.
M. Scowen: M. le Président, une très courte
question additionnelle.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. (10 h 50)
M. Scowen: La ministre a parlé d'un deuxième volet
spécifiquement pour le maintien des emplois qui ont été
créés. Estelle convaincue que ce volet respectait le mandat
accordé dans les décrets qui ont été émis
pour ce programme?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: Oui, M. le Président.
Le Président: Fin de la période des questions, ce
qui nous mène, s'il n'y a pas de motions non annoncées et s'il
n'y a pas non plus d'enregistrement sur les votes en suspens, aux avis à
la Chambre. M. le leader du gouvernement.
Travaux des commissions
M. Bertrand: Au niveau des motions, M. le Président, pour
faire siéger les commissions parlementaires. Au salon rouge, ce i matin,
de 11 heures à 13 heures, cet après-midi, de 15 heures à
18 heures et, ce soir, de 20 heures à 24 heures, la commission
permanente du travail va continuer d'entendre des organismes relativement au
dossier de la Commission de la santé et de la sécurité du
travail; à la salle 81-A, la commission des affaires municipales se
réunit de 11 heures à 13 heures, de 15 heures à 18 heures
et de 20 heures à 24 heures pour poursuivre l'étude article par
article du projet de loi 38; à la salle 80-A, de 11 heures à 13
heures, la commission des affaires sociales se réunit pour
procéder à l'étude article par article du projet de loi
55. J'aurai besoin de me faire confirmer que la discussion qui a eu lieu, je
pense, entre le whip en chef de l'Opposition et Mme la ministre de la Fonction
publique tient pour que, ce soir, de 18 heures à 20 heures, au salon
rouge, la commission de la fonction publique procéderait à
l'étude article par article du projet de loi 51. À la salle 80-A,
cet après-midi, de 15 heures à 18 heures et, ce soir, de 20
heures à 24 heures, la commission des communautés culturelles et
de l'immigration poursuit l'étude article par article du projet de loi
57.
M. le Président, on aura noté que cette motion indique
effectivement qu'il y aurait trois commissions parlementaires qui
siégeraient aujourd'hui en même temps. Dans les circonstances, je
me dois de demander le consentement de l'Opposition pour que trois commissions
parlementaires puissent siéger -et du député de
Sainte-Marie et de tous mes collègues - pour que la commission
permanente du travail poursuive ses travaux sur la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, comme elle les a
entamés au début de la semaine, et que les autres commissions
puissent siéger en même temps.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, effectivement, au risque de
me répéter, mais pour expliquer pourquoi nous donnons notre
consentement, la commission parlementaire qui étudie la gestion de la
CSST a été demandée par l'Opposition. Nous ne voulons pas
que le fait qu'elle siège dans ces derniers jours de la session
empêche le gouvernement de faire étudier ses projets de loi. Donc,
nous allons donner notre consentement à ce qu'une troisième
commission siège, pourvu que ce soit celle qui concerne la CSST.
Le Président: II y a donc consentement. La motion est-elle
adoptée y inclus le...
M. Bisaillon: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: ...seulement une question au leader du
gouvernement. Il a mentionné la commission parlementaire de la fonction
publique, de 18 heures à 20 heures ce soir. Si les travaux
n'étaient pas terminés, la commission parlementaire
poursuivrait-elle ses travaux?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Non. Elle ne le pourrait pas, M. le
Président, parce qu'à ce moment-là il y aurait quatre
commissions parlementaires qui siégeraient en même temps, mais
enfin! d'après les informations qu'on m'a données - mais cela
relève de la responsabilité des parlementaires à la
commission - l'indication que j'avais, c'est que probablement, durant cette
période de temps, on pourrait terminer l'étude du projet de loi
51.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: ...je suis obligé de répondre à
cette demande. Effectivement, à la suite de l'absence motivée
d'un de nos parlementaires, nous avions accepté de siéger entre
18 heures et 20 heures ce soir pour étudier le projet de loi sur la
fonction publique. Je n'ai aucune indication à savoir que ces deux
heures suffiraient à terminer l'étude du projet de loi.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Motion proposant que l'Assemblée
blâme le gouvernement sur son option
indépendantiste
II n'y a pas de questions sur les travaux de la Chambre, ce qui nous
mène donc aux affaires du jour et à la motion
privilégiée de M. le chef de l'Opposition en vertu de l'article
24 du règlement: "Que cette Assemblée blâme
sévèrement le gouvernement péquiste qui, en persistant
à promouvoir l'option indépendantiste, témoigne de son
mépris à l'endroit de la volonté de la grande
majorité de la population et nuit à la reprise de
l'économie ainsi qu'à la création d'emplois
permanents."
Je cède la parole... Le temps que les personnes qui ont à
se déplacer le fassent... Les mouvements de personnes étant
terminés, je cède la parole à M. le chef de
l'Opposition.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, cette motion
que vous venez de lire touche évidemment au coeur même du
débat politique lorsqu'on sait que nous avons devant nous un
gouvernement qui n'a pas et qui ne veut pas respecter le verdict de la
population du Québec, un verdict clair qui a été rendu le
20 mai 1980 à la suite d'une préparation par le gouvernement, qui
a duré quatre ans, pour essayer de promouvoir son option, l'entourant
dans une question la plus diluée possible. On sait les résultats
de ce référendum du 20 mai 1980, on sait que la population du
Québec ne veut pas voir le Québec séparé du reste
du Canada. Il n'y a qu'un groupe qui persiste à vouloir maintenir
vivante cette option, qui veut la promouvoir et cela même au risque de
nuire à la croissance économique et à la création
d'emplois.
En cette fin d'année, l'Opposition voudrait convier les
parlementaires, et avec eux la population du Québec en
général, à dresser un bilan de l'action ou plutôt de
l'inaction gouvernementale au cours des huit ou dix derniers mois. Il ne s'agit
pas, bien sûr, de restreindre nos propos au maigre bilan de
l'activité parlementaire; en effet, depuis le 23 juin 1983, nous avons
siégé exactement 21 jours, y compris les deux journées
d'octobre qu'il a fallu au gouvernement pour imposer à l'Opposition sa
volonté de fermer le Parlement pour un mois additionnel après les
quatre mois de vacances parlementaires prévus en juin. C'est
l'équivalent de cinq semaines ouvrables pour le Parlement sur une
possibilité de vingt-cinq depuis la fin de juin. À ce compte, il
n'y a pas de grands discours à faire sur ce que nous avons fait à
l'Assemblée nationale; il faudrait plutôt parler de ce qui n'a pas
été fait.
Mais il y a bien davantage à dire sur l'activité
extraparlementaire du gouvernement au cours des derniers mois. Revoyons
brièvement les faits saillants auxquels le gouvernement a
été associé depuis mars 1983. Mars 1983: au tout
début du mois, le Conseil des ministres tenait une sorte de conclave au
mont Sainte-Anne. Il s'inquiétait, semble-t-il, de la crise
économique et de la création d'emplois, du bout des
lèvres. Au sortir de cette réunion, il faisait part de ses
délibérations en réannonçant, comme c'est son
habitude, quelques programmes déjà en place. Et il nous servait
une sorte de soupe à l'alphabet de nouvelles trouvailles en
matière de création d'emplois; en laissant mijoter cette soupe
pendant quelques mois, la reprise serait assurée, croyait-il. (11
heures)
Ensuite, ce fut le message inaugural du 23 mars 1983. À cette
occasion, vous vous rappelez, le chef du gouvernement déclarait
pompeusement, et je le cite: "Aujourd'hui, nous sommes clairement au
début d'un temps nouveau." Et il affirmait une fois de plus que cette
session serait celle de l'économie.
Depuis 1977, le gouvernement, par la voix de son chef, n'a jamais
manqué d'annoncer que nous allions vivre l'année de
l'économie. On promettait des orientations très concrètes,
toutes dirigées vers deux objectifs fondamentaux, la croissance de
l'emploi et la croissance des investissements. Mais, et voilà! M.
le Président, il concluait, sous les applaudissements nourris de ses
députés: "que la voie de la lucidité et du réalisme
passe par l'indépendance". Avouons que c'est une drôle de
façon de s'occuper de la relance de l'économie, de la
création d'emplois, quand on sait l'importance de la stabilité
politique pour favoriser la venue des investissements.
Après une session que l'on pourrait qualifier de terne,
marquée surtout par la prolifération de nouveaux organismes
publics et de sociétés d'État, d'alourdissement du secteur
public, le premier ministre entreprenait un long voyage à
l'étranger, en France notamment. On se rappellera la fameuse
déclaration du 27 juin 1983, lorsque le premier ministre, s'adressant au
journal Le Monde, disait: "À l'autre bout..." Parce qu'il avait toujours
cette obsession séparatiste, indépendantiste, et on va loin,
quand on est obsédé comme ça, on va assez loin pour dire
des choses comme celles-ci: "À l'autre bout - il parlait du
référendum aussi, chez les gens âgés - il y a
beaucoup de gens qui avaient été terrorisés au moment du
référendum et qui ont "levé les pieds" -c'est beau, M. le
Président - ils sont morts... C'est là que se trouve la
clé."
Quand on en est rendu à faire des déclarations comme
ça, on est sûrement obsédé...
Une voix: Capoté.
M. Levesque (Bonaventure): ...et on ne peut pas réellement
diriger un gouvernement et, en même temps, avoir à l'esprit la
préoccupation principale des Québécois et des
Québécoises, c'est-à-dire la croissance économique,
la création d'emplois, particulièrement pour les jeunes qui sont
frappés les plus durement par ce chômage. On ne peut pas
évidemment prétendre orienter le Québec et l'amener
à des fins, des buts et des objectifs qui correspondent à la
volonté de la population québécoise.
Puis, après cette déclaration, ce furent les grandes
vacances. Tout le monde est disparu du gouvernement, on ne savait pas où
ils étaient. Tout l'été est passé, on arrive en
septembre. C'est vrai qu'ils étaient peut-être
ulcérés par le résultat des trois élections
partielles du mois de juin, qui précédaient justement le
départ du premier ministre. La dernière fois, il est
évidemment parti un peu avant d'avoir les résultats. À la
fin de juin, il était à évaluer le résultat de ces
trois élections partielles dans ce que, autrefois, parce que,
maintenant, ce n'est plus le vocabulaire politique du Québec, on
appelait des forteresses péquistes. Il y avait Saint-Jacques,
Charlesbourg et Saguenay. Dans Saint-Jacques, ça faisait 42 ans qu'on
n'avait pas eu un député libéral. C'était une vraie
forteresse, comme on disait dans le langage du temps. Le Saguenay en
était également une, ainsi que Charlesbourg. Et, par des
majorités souvent écrasantes... Dans Charlesbourg, je pense que
le PQ est devenu une sorte de tiers parti.
M. Lalonde: Définitivement!
M. Levesque (Bonaventure): Cela a été probablement
une raison d'être ulcéré, c'est une raison pour laquelle le
gouvernement est complètement disparu du 23 juin au mois de septembre.
Au mois de septembre, une petite résurrection, un conseil des
députés. On s'est retrouvé, on a fait bien des
téléphones et on a ramené ces députés
à Gatineau. Dans la Gatineau, ce fut un branle-bas de combat, sondages
internes à l'appui; les péquistes découvraient que leur
navire faisait eau de toutes parts: chute dramatique, M. le Président,
dans les intentions de vote à l'endroit du PQ, baisse de
popularité de son chef et les libéraux, dont le congrès
à la chefferie était imminent, qui regagnaient pouce par pouce,
pied par pied, mètre par mètre, tout le terrain
évacué par le PQ. On promettait de faire quelque chose de
significatif pour l'économie, à ce moment-là, de faire
vite et bien.
En octobre, le deuxième conclave du Conseil des ministres, 60
milles plus loin que le précédent, à La Malbaie. Cette
fois, le gouvernement annonçait deux mesures. Il créerait, M. le
Président, imaginez-vous, deux comités ministériels, un
sur l'indépendance (le vrai nom, c'était sur la question
nationale) le mardi - ce serait fantastique, un comité sur
l'indépendance, le mardi - et un sur l'économie, le jeudi.
Voilà un plan magnifique et, évidemment, on ne peut pas avoir un
comité sur l'indépendance, le mardi, et un sur l'économie,
le jeudi, sans être sûr qu'on ne soit pas interrogé par ces
méchants libéraux de l'Opposition. Alors, on ferme le Parlement
pour avoir la sainte paix. Voilà, M. le Président, un programme
extrêmement important. Ils étaient, disaient-ils, en intense
période de réflexion et l'Assemblée nationale,
évidemment, risquait de troubler cette réflexion.
Puis, le Conseil des ministres partit en bateau, en promettant bien de
livrer la marchandise.
M. Mailloux: II aurait bien dû "capoter", cette
fois-là, faire naufrage.
M. Levesque (Bonaventure): En attendant, toutefois, n'appelez pas
surtout, n'appelez pas, ne dérangez pas le gouvernement, parce que le
gouvernement ne répond plus.
Le 10 novembre, un troisième grand conclave péquiste,
cette fois à Compton, dans les Cantons de l'Est. Ses résultats,
on
s'en souvient, nous ont été livrés urbi et orbi, le
dimanche 13 novembre, à la télévision par le premier
ministre lui-même. Qu'est-ce qu'on nous a dit, ce soir-là? On sait
qu'on avait préparé cette conférence de presse devant les
caméras avec tout l'entourage, un contexte où, réellement,
on pouvait utiliser tous les raffinements des communications. D'ailleurs, c'est
probablement tout ce dont on se souviendra de positif de ce gouvernement:
d'avoir inventé des communications encore plus sophistiquées que
l'on ne pouvait l'imaginer dans le passé.
M. Mailloux: C'est cela.
M. Levesque (Bonaventure): Eh bien, on nous a dit que la soupe
à l'alphabet du mont Sainte-Anne est un peu trop claire, pas assez
riche, pour assurer le rétablissement du malade. Ensuite, on nous a mis
sur la table une grosse boîte bien emballée en nous disant qu'elle
contenait plus d'une cinquantaine de mesures pour activer la relance et la
création d'emplois. Quoi exactement, M. le Président? On avait la
réponse: Attendez dans deux jours; le ministre des Finances passera
déballer la marchandise dans son budget supplémentaire. On
connaît la suite, M. le Président. Deux jours après, le
ministre des Finances est venu ouvrir la boîte; elle était vide.
Il n'y avait qu'un maigre 30 000 000 $ d'argent frais dans le fond, pas 0,1% du
budget annuel, M. le Président. Après avoir créé de
grandes attentes, suscité beaucoup d'espoirs, c'est ce qu'on avait
à offrir? À ce moment-là, les gens ont dit: Voici la
montagne qui accouche d'une souris. Tout cela, bien sûr, c'est le
résultat des savantes cogitations, des profondes réflexions du
comité ministériel sur l'économie.
Mais qu'est-ce qu'il est advenu de l'autre comité, le
comité sur l'indépendance, sur la question nationale? Pour
l'ensemble des Québécois, la priorité, je le
répète, c'est l'économie, la relance, la création
d'emplois, mais, pour le gouvernement, c'est autre chose et c'est clairement
autre chose. Même si on fait des déclarations, même si on
crée un comité sur l'économie, on a une seule obsession,
continuelle, qui transpire partout, dans toutes les décisions, dans tous
les gestes du gouvernement, dans toutes les allocutions des ministres. Une
seule chose peut réveiller ces députés, les faire
applaudir et réellement les faire vibrer, c'est lorsque l'on parle de
séparer le Québec du reste du Canada, lorsqu'on s'attaque au
gouvernement fédéral. Là, vous voyez le sourire presque
revenir sur ces visages déprimés. C'est l'indépendance, la
séparation. (11 h 10)
D'ailleurs, M. le Président, vous le savez vous-même.
Prenons les journaux les uns après les autres. M. Gilbert Paquette parle
simplement de bulletins. Il fait des commentaires sur la façon de
préparer l'indépendance. Quant à lui, il rejette toute
stratégie qui ne ferait pas avancer l'idée
indépendantiste. M. Lévesque compare le Québec à
tous les pays du monde, même à ceux qui sont les plus
défavorisés et qui ont goûté à
l'indépendance, mais cela ne fait rien. Il se compare aux pays où
il y a eu la pire exploitation. Marc-André Bédard, le Devoir: "Ne
pas liquider la question nationale" Vive l'indépendance1. "Le
Parti québécois en quête d'une reprise politique", par
Jules-Pascal Vennes, qui est le conseiller au programme et membre de
l'exécutif national du Parti québécois. M. Garon menace
même de quitter la politique. Il quitterait la politique si
l'indépendance ne se réalisait pas.
Une voix: C'est ce qui va lui arriver.
M. Levesque (Bonaventure): C'est cela. Jacques-Yvan Morin, dans
le Devoir: "Irresponsable de mettre l'indépendance sous le boisseau."
Que dit le ministre de l'Éducation? "L'indépendance est plus
nécessaire que jamais." Le premier ministre revient à la charge:
"Le gouvernement ne se privera pas de parler d'indépendance." La relance
du débat sur la souveraineté. Les journaux en sont pleins, M. le
Président. Évidemment, on sait que le ministre des Finances ne se
cache même pas, lui. Même dans les périodes où les
gens veulent mettre cela de côté, même à la veille
des élections, il est encore prêt à courir le risque. Au
moins, je lui rendrai le témoignage de sa franchise, parce que souvent
les autres ont hâte de mettre cela de côté avant les
élections et de ressortir cela après.
Une voix: Tout de suite après.
M. Levesque (Bonaventure): Tout de suite après. M. le
Président, voici encore les dernières nouvelles: "Les
péquistes veulent une élection sur l'indépendance."
À un moment donné, les stratèges péquistes ont
commencé à dire: Peut-être que le premier ministre s'est
avancé un peu trop lorsqu'il a dit que la prochaine élection se
ferait sur l'indépendance. Ils ont dit: C'est suicidaire. Là, il
y a un comité du congrès du PQ qui a dit: On va organiser cela
d'une telle façon qu'on n'écrira cela nulle part à
l'avenir, de façon que cela ne paraisse nulle part dans le programme,
parce que c'est réellement suicidaire. Là, on est revenu à
la charge. "Le vice-président du Parti québécois, M.
Sylvain Simard, a reçu l'appui des 300 délégués
réunis pour le conseil national du parti en fin de semaine pour
réinscrire - ce que ceux qui avaient préparé le
congrès voulaient faire disparaître - l'engagement de
faire porter la prochaine élection générale sur
l'option souverainiste." Comme le premier ministre n'était pas
là, qu'on ne peut pas avoir de "renérendum" cette fois-ci,
j'imagine, on peut s'attendre à faire la prochaine élection sur
l'indépendance et pas seulement à cela. Pour faire les
élections sur l'indépendance, cela veut dire, pour des
politiciens, que le centre des préoccupations de ce gouvernement, d'ici
les prochaines élections, sera de préparer l'indépendance.
On voit bien que la question de mettre la priorité sur
l'économie, pour ce gouvernement, c'est simplement du bout des
lèvres que l'on dit cela. On n'y croit pas et on ne veut pas y croire.
On a cette obsession. On dit: Pour régler l'économie, il faut
d'abord faire l'indépendance. Voyez-vous comment on peut raisonner quand
on est obsédé!
M. le Président, on n'a qu'à voir. Il y a eu un
comité sur l'économie. Qu'est-ce qui s'est passé depuis
qu'on est revenu en Chambre? Regardons le menu législatif pour des gens
qui veulent mettre l'accent sur l'économie. Qu'est-ce que vous avez
comme projets de loi pour aider l'économie du Québec? Qu'est-ce
que vous avez soumis à cette Chambre, cet automne 1983, pour aider les
chômeurs, les jeunes chômeurs en particulier, les pères de
famille qui ont perdu leur emploi ou qui sont à la recherche d'un
emploi? Qu'est-ce que vous avez soumis comme législations ou comme
budget?
Cependant, comme nous l'indiquait le ministre de l'Éducation, le
comité sur l'indépendance, lui, a travaillé et a produit.
Regardez le projet de loi 38, regardez le projet de loi 48.
Une voix: II a été déposé en
juin.
M. Levesque (Bonaventure): Je parle du projet de loi 38,
étudié M. le Président. Il a été
déposé en juin! Je comprends qu'il a été
déposé en juin. Vous pouvez en déposer, des projets de
loi. Cela ne coûte pas cher. Mais les débattre et les faire
accepter, c'est là qu'on touche véritablement au vif du sujet.
Qu'est-ce que l'on fait? On dit au comité sur l'indépendance:
Regardez-nous, nous n'aurons pas de rapport, on va égrener cela
tranquillement avec des lois et vous allez voir que nous allons continuer dans
ce sens. Dans le projet de loi 38, qu'est-ce que l'on retrouve? On retrouve une
volonté de ne pas s'entendre avec le gouvernement fédéral.
Il ne faut pas s'entendre avec le gouvernement fédéral au risque
même de créer plus de chômeurs, de ne pas répondre
aux aspirations normales des municipalités qui veulent aider leurs gens
à avoir des emplois. On refuse des millions parce qu'on ne veut pas
s'entendre avec le gouvernement fédéral. On ne veut pas que le
gouvernement fédéral ait quelque visibilité que ce soit
parce que - on veut préparer quoi? On veut préparer
l'indépendance - cela n'aide pas à l'objectif no 1 du
gouvernement péquiste.
De la même façon, on présente à cette Chambre
le projet de loi 48. Là, c'est simplement encore pour réveiller
des conflits avec le gouvernement fédéral. Est-ce que c'est pour
aider les pêcheurs? Nous sommes inondés de
télégrammes des pêcheurs, des associations de
pêcheurs qui s'opposent aux projets de loi 48 et 49. Ce n'est pas pour
aider les pêcheurs. Les pêcheurs n'en veulent pas. Les
pêcheurs craignent, justement, la perpétuation des conflits
stériles de ce gouvernement avec le gouvernement fédéral,
conflits que l'on fait perdurer et cela, sur le dos des pêcheurs
québécois. Pourquoi cela? Est-ce pour aider l'économie,
est-ce pour aider les pêcheurs à augmenter leurs revenus? Est-ce
pour leur permettre de faire une vie meilleure? Pas du tout. C'est pour
permettre à ce gouvernement de continuer sa lutte avec le gouvernement
fédéral.
On va nous faire croire que le projet de loi 38, c'est pour affirmer la
juridiction exclusive du Québec en affaires municipales. Pas du tout, M.
le Président. Déjà, nous avons toutes les lois dans notre
législation québécoise qui l'affirment et nous n'avons
absolument pas besoin d'une autre loi pour l'affirmer. Mais on avait besoin de
cette loi pour empêcher le gouvernement fédéral d'avoir une
visibilité et pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'entente avec le
gouvernement fédéral afin que la population se tourne davantage
vers l'option qui est l'obsession no 1 de ce gouvernement. C'est la même
chose avec le projet de loi 38. Donc, de la législation pour servir
l'option indépendantiste du gouvernement, d'accord, mais de la
législation ou un budget pour aider l'économie, pour créer
des emplois, non, absolument rien.
On est tellement obsédé par cette volonté de
séparer le Québec du reste du Canada que même le premier
ministre, lorsqu'il va à l'étranger, ne peut pas sortir d'un
entretien avec une personnalité comme le président de l'Italie...
On s'attendrait que, lorsque le premier ministre arrive d'un tel entretien, il
parle des relations cordiales qui existent entre le Québec et l'Italie,
il parle de la communauté italienne du Québec qui est un apport
extrêmement important pour notre collectivité, il ait des mots qui
sont de nature à donner de l'espoir, à resserrer les liens
d'amitié qui doivent être ceux qui nous caractérisent dans
nos rapports avec le reste du monde.
Mais ce n'est pas cela qui arrive. Encore là, tellement
obsédé, il fait en sorte que nous ayons des problèmes au
lieu d'avoir des solutions. Partout où ce gouvernement met les pieds, il
en ressort avec de la chicane et tout cela sur le dos de qui? Des
Québécois et des Québécoises qui aimeraient bien
avoir un gouvernement qui réponde à
leurs aspirations quotidiennes, qui réponde à leurs
objectifs et qui respecte la volonté clairement exprimée le 20
mai 1980, qui dit à ces gens de ne pas agir de cette façon. (11 h
20)
II va de soi, M. le Président, que, pour les péquistes,
l'appartenance du Québec à la fédération canadienne
est la source de tous nos malheurs. C'est une vision simpliste, un peu
naïve des choses, mais on peut tout de même admettre qu'en ce
domaine - là, je vais être gentil pour eux un instant - ils sont
probablement sincères et généralement convaincus de leur
point de vue. Le problème, c'est que cette logique n'est pas celle de
tout le monde et n'est pas celle de la grande majorité des
Québécois. Il y a un lien entre l'obsession de
l'indépendance et l'économie, mais ce lien fonctionne au sens
contraire de celui que présuppose l'argumentation péquiste.
La logique de tout le monde, en dehors du Parti québécois,
disons que c'est celle, par exemple, que Marie-Josée Drouin exprimait
bien simplement dans la Gazette du samedi, 29 octobre dernier: "Obviously, if
the Government really wants to give the economy a full face-lift, the
independance option must be dropped. We cannot expect to rejuvenate the economy
with this kind of uncertainty hanging over our future."
La logique de tout le monde, c'est celle de Luc Proulx, un chômeur
beauceron qui a déjà appuyé le PQ et qui déclarait,
dans la Gazette du 26 novembre 1983: Aujourd'hui, je vois ce qu'ils ont fait
pour se débarrasser des entreprises anglophones et je me rends compte
que l'indépendance serait quelque chose de terrible pour nous. C'est
encore celle de Micheline Vallée, consultante en administration, qui
déclarait dans le même article: Quand vous étudiez un peu
le système bancaire et le système financier, vous
découvrez bien vite les difficultés pratiques liées
à l'indépendance.
La logique de tout le monde, c'est enfin celle qui permet à la
plupart des observateurs objectifs de discerner le prix élevé que
nous payons pour le cul-de-sac fédéral-provincial dans lequel
nous enfonce l'obsession péquiste. C'est précisément ce
que constatait Jean-Louis Roy dans l'éditorial du Devoir du 11 novembre
1983: "L'actuel gouvernement du Québec n'a jamais eu d'autre mandat que
celui de préserver et de renouveler l'acquis constitutionnel. Sa
performance à cet égard est tout à fait déplorable;
le Québec baigne dans une immense ambiguïté et se retrouve,
après sept années de règne péquiste, avec un statut
diminué dans l'ensemble canadien."
Mais il existe encore des preuves qu'un gouvernement qui s'acharne
à promouvoir une option dont les Québécois ne veulent pas
méprise la volonté de la majorité de la population.
Regardons simplement le sondage
SORECOM - dans le Soleil du 15 octobre dernier - qui établissait
que, si le référendum de 1980 avait été tenu en
octobre 1983 - qu'est-ce qui serait arrivé? -le non l'aurait
emporté 72% à 28%; c'est plus que 60% à 40%, c'est 72%
à 28%. Dans ce sondage, seulement 59% de ceux qui avaient voté
oui en 1980 se disaient prêts à répéter ce choix.
Inversement, il n'y avait pratiquement pas de défections dans le camp du
non. De plus, écoutez cela, les 18 à 24 ans - l'avenir du
Québec - auraient appuyé le non dans une proportion de deux
contre un. Alors, si le premier ministre pense qu'il va attendre et que cela va
aller mieux quand les personnes âgées auront disparu, il y a une
autre génération qui s'en vient et qui tient encore plus
fermement à voir le Québec demeurer dans le Canada et à
voir le Québec prendre sa place dans l'ensemble canadien et cela,
à l'avantage des jeunes et à l'avantage de l'avenir du
Québec.
Le sondage SEGMA du Devoir, le 4 octobre 1983, est encore plus
dévastateur en établissant que 76% des Québécois et
des Québécoises - c'est énorme dans un sondage d'opinion -
ne veulent pas d'élection sur l'indépendance. Pensez-vous que le
PQ est en train de correspondre à la volonté populaire? Il est
complètement déconnecté de la vie
québécoise. Je dis de toute évidence que l'agenda
péquiste s'éloigne de plus en plus des préoccupations de
la population.
Mais, veut-on une autre preuve? Vous dites: Bah, les sondages...
Regardons les choses qui sont des élections. J'ai parlé des
élections partielles dans Saint-Jacques, dans Charlesbourg et dans
Saguenay, mais on vient d'en avoir encore le 5 décembre 1983, des
élections complémentaires, et les seuls Québécois
et Québécoises qui avaient le droit de vote, qu'ont-ils dit? Non
au PQ, oui au Parti libéral. C'était clair. Dans
Mégantic-Compton où nous avions un député
libéral, nous avons triplé notre majorité de 1981. Est-ce
assez, M. le Président? Dans Jonquière... Et là, vais-je
employer les mots "forteresse péquiste"? Non, ce n'est plus dans le
vocabulaire. On va dire que ce qui aurait été appelé
autrefois une forteresse péquiste, Jonquière - et on sait que
Jonquière a été l'endroit où le "oui" a
été le plus fort au Québec lors du
référendum - qu'avez-vous aujourd'hui comme réponse des
gens de Jonquière? C'est non, messieurs et mesdames du PQ. C'est non.
Votre option, on n'en veut pas. Ce que l'on veut, c'est que vous vous occupiez,
comme gouvernement du Québec, de la promotion des intérêts
véritables de la population, que vous vous inquiétiez de la
situation économique. Si on peut réussir à ramener la
croissance économique, à ce moment-là, on pourra parler du
développement social et du développement culturel, mais on ne
peut pas parler de développement dans les autres domaines,
social, culturel et autres, si on n'a pas une base économique
solide, si les gens ne travaillent pas et si notre jeunesse, en particulier,
n'a pas d'occasion de commencer véritablement à vivre.
C'est le message que vous avez reçu et vous allez continuer, vous
autres, à parler d'indépendance, de séparation et d'en
faire l'article numéro un de votre programme et de votre action? Je dis
que vous faites fausse route et que vous trahissez le Québec, les
Québécois et les Québécoises. Vous les trahissez
parce que vous ne voulez pas accepter le verdict qui a été rendu.
Vous ne vous apercevez pas que ce verdict, s'il avait à être rendu
aujourd'hui, serait encore plus dévastateur pour votre option.
M. le Président, les résultats de ces élections
complémentaires sont, à notre sens, très clairs. Ils
indiquent que les considérations économiques qui forment la trame
de notre discours politique à nous dominent largement les
préoccupations de la population; deuxièmement, que pour
l'électorat, le redressement économique et la création
d'emplois passent par le Parti libéral du Québec et non par le
Parti québécois, et, troisièmement, que le programme de
relance annoncé à grands renforts de publicité par le
gouvernement n'inspire aucune confiance aux Québécois et aux
Québécoises. Autrement dit, les électeurs ont tout
simplement jugé qu'en dépit de ces trois conclaves, de ces
soi-disant périodes de réflexion, en dépit des vacances
forcées de l'Assemblée nationale, en dépit du spectacle
à grand déploiement du premier ministre le 13 novembre dernier,
le gouvernement n'avait pas livré la marchandise. Profondément
déçus, ces électeurs et ces électrices ont
placé leurs espoirs dans la seule alternative valable, celle du Parti
libéral du Québec et de son nouveau chef, M. Robert Bourassa,
qu'on associe tout naturellement, quand on songe à tout ce qu'il a fait
du côté économique lorsqu'il dirigeait le Québec,
à la création d'emplois et à la prospérité.
Un gouvernement qui nuit à la reprise, c'est bien celui que nous avons
devant nous. Il est certain que, si le gouvernement n'inspire plus confiance,
c'est qu'il a perdu contact avec les véritables préoccupations de
la population, celles qui touchent à l'économie et celles qui
touchent à la création d'emplois.
Examinons d'abord les signes les plus évidents de nos
difficultés économiques actuelles, l'emploi et le chômage.
Dans les douze mois compris entre le mois d'août 1981 et le mois
d'août 1982, il s'est produit un véritable effondrement de
l'emploi au Québec; 224, 000 emplois ont disparu. Sur la base de notre
performance dans la création d'emplois de 1977 à 1981, c'est un
recul de cinq ans. Autrement dit, on est retourné cinq ans en
arrière, alors qu'il y a pourtant des gens qui arrivent toujours sur le
marché du travail. En un an, on a reculé de cinq ans. Sur la base
de ce recul, on peut dire que c'est sans précédent à la
lumière des statistiques disponibles.
(11 h 30)
Si on tient compte des décalages de périodes entre le
Québec et le reste du Canada, on constate que le Québec a perdu
environ 38% de tous les emplois perdus au Canada durant la crise. A compter de
septembre 1982, l'emploi a commencé à rattraper petit à
petit le terrain perdu. Après un début de reprise relativement
prometteur, principalement au début de 1983, les gains d'emplois ont
semblé plafonner durant l'été, au moment où
l'Ontario enregistrait ses meilleurs gains. Quelques progrès
supplémentaires ont été observés entre septembre et
novembre.
Quoi qu'il en soit, au rythme actuel de reprise de l'emploi, soit en
moyenne 8000 récupérations - pas création d'emplois - par
mois, le Québec en aurait encore pour 13 mois avant de retrouver, autour
de janvier 1985, le niveau d'emploi atteint en août 1981. Il est bien
important de noter que, d'ici ce temps, il ne faudra pas - et j'insiste
là-dessus - parler de création d'emplois au Québec, mais
bien de récupération. C'est simplement de la
récupération. C'est dans ce contexte qu'il faudra juger de notre
performance économique par rapport à l'objectif
évoqué par le premier ministre, les 100 000 emplois. Non pas 100
000 emplois créés, 100 000 emplois récupérés
entre octobre 1983 et octobre 1984. Si nous le réalisons, nous serons
encore à court de 20 000 emplois par rapport au niveau d'avant la
crise.
Jusqu'ici, en quinze mois de soi-disant reprise, nous n'avons
récupéré guère plus d'un emploi sur deux au
Québec. Un emploi sur deux; aucun créé, mais un emploi sur
deux de récupéré, soit 120 000, c'est-à-dire
environ 54%. Pendant ce temps, l'Ontario récupérait - ils ont
subit la crise, eux aussi - neuf emplois sur dix, soit 196 000 emplois. Pour
l'ensemble du Canada, les récupérations étaient de l'ordre
de deux sur trois. Autrement dit, nous avons eu à peu près notre
part de récupération, mais, comme nos pertes étaient
passablement plus élevées que notre part de l'emploi au Canada,
notre pourcentage de récupération demeure sensiblement
inférieur à la moyenne de l'ensemble du pays.
Regardons maintenant l'évolution du chômage et les taux de
chômage au Canada depuis quelques années. Cela nous permettra de
relever un argument douteux évoqué par les ténors
gouvernementaux depuis quelque temps; ils vont sans doute encore
l'évoquer lorsqu'ils auront à prendre la parole. Il faut noter
que, depuis environ deux ans, le taux de chômage mesuré dans les
statistiques
officielles est un bien piètre indicateur de l'état du
marché du travail particulièrement au Québec. La raison en
est bien simple: le nombre de chômeurs recensés au Québec
est présentement artificiellement sous-évalué. Il en va de
même pour la population active qui entre également dans le calcul
du taux de chômage.
Au hasard de la crise, des centaines de milliers de jeunes, de femmes,
d'assistés sociaux aptes au travail se sont accumulés aux portes
du marché du travail. Ils attendent présentement que la
conjoncture leur permette de venir remplacer, parmi les chômeurs en
quête d'un emploi, ceux que la reprise aura enfin
récupérés. Chômeurs réels, mais
déguisés dans les statistiques officielles, ils sont plus
nombreux que jamais du fait, notamment, que le marché du travail est
incapable, depuis deux ans, d'accommoder la croissance naturelle dans leur
rang.
Il existe, en fait, deux catégories de chômeurs
cachés qui sont identifiées dans l'enquête sur la
main-d'oeuvre de Statistique Canada: ce sont les sans-travail, qui ont
cessé toute recherche faute de débouchés suffisants, et
les personnes mises à pied qui attendent un rappel d'employeur sans
faire d'autres démarches d'emploi. Ces personnes, statistiquement
inactives, sont beaucoup plus nombreuses au Québec qu'ailleurs au
Canada. On en comptait plus de 100 000 au Québec, en 1982 et en 1983,
soit plus de la moitié du total canadien.
Encore tout récemment, le président du Conseil du
trésor faisait grand état en cette Chambre, le 17 novembre, je
crois, d'un rétrécissement apparent de l'écart
traditionnel entre les indices de chômage canadiens et
québécois. Le rapport des taux Québec-Canada serait
passé de 1,37 en 1981 à 1,17 en 1983. Si on corrige les
statistiques du chômage au Québec pour tenir compte du
chômage caché tel qu'identifié, ce n'est plus 424 000
chômeurs que nous avons depuis le début de 1983, mais plus de 528
000. Notre taux de chômage pour 1983 passerait alors de 14,2% - que l'on
dit présentement être le chiffre exact, d'après les
statistiques - si on tient compte de ce facteur, à 17% comme moyenne
dans tout le Québec. Nous nous retrouvons donc à nouveau
avec pratiquement le tiers des chômeurs canadiens.
Quant au fameux rapport entre les taux de chômage
Québec-Canada il passe de 1,25 à 1,35 en 1982 et de 1,17 à
1,26 en 1983. En pratique, tout cela signifie non seulement que notre situation
relative en termes de chômage réel ne s'améliore pas, mais
aussi que nous avons un problème additionnel sur les bras, celui du
profond découragement de milliers de sans-emploi victimes du
chômage prolongé. Voilà pour les conséquences les
plus dramatiques de la faiblesse de notre économie.
Regardons vraiment quelle en est vrai- semblablement la cause
principale. Un examen, même sommaire, de l'état réel de
notre économie fait clairement ressortir sa principale faiblesse
structurelle. Depuis 1976 elle est affligée d'un sous-investissement de
plus en plus accentué.
Examinons brièvement les faits. En 1970 les investissements
représentaient 15,5% du PIB au Québec. C'était nettement
insuffisant quand on sait qu'une économie industrialisée devrait
comporter normalement 20% à 22% de dépenses en capital. Ce
pourcetage a cependant monté graduellement pour atteindre 20,6% en 1974,
22,5% en 1975 et 20,8% en 1976. À partir de 1978 ce fut la
dégringolade. 19,1%, puis 18,9%, puis 18,3%, 17,1%, 15,6% et,
finalement, un minable 14,7% en 1983.
La même chose concerne les investissements privés. Ils sont
passés d'un sommet relatif de 13% à 14% du PIB en 1973 et 1976
à 8,5% seulement en 1983. Si on considère objectivement
l'évolution des investissements au Québec depuis 1970, on est
forcé d'admettre qu'il s'est produit une véritable cassure autour
des années 1976-1977.
Ramenés sur une base per capita, nos investissements
réels, c'est-à-dire l'inflation enlevée, sont
passés de 975 $ en 1977 à 739 $ en 1983, une diminution de 25% ou
de 236 $ par personne au Québec. Avec des résultats pareils il
n'est pas nécessaire de chercher plus loin la cause de notre faiblesse
économique structurelle. Ces niveaux d'investissement sont tout
simplement incompatibles avec l'objectif de plein emploi et celui que le
gouvernement prétend poursuivre, soit de prendre un virage
technologique.
Dans ces conditions, notre économie ne prendra aucun virage,
notre économie est en panne. Le moment où la cassure est
survenue, le fait qu'est affectée au premier chef la variable la plus
sensible au climat économique et les tendances bien différentes
qu'on observe ailleurs au Canada, tout cela supporte l'évidence qui
devient chaque jour davantage incontestable: c'est le gouvernement du Parti
québécois et singulièrement son obsession
séparatiste qui est la cause la plus évidente de nos
problèmes économiques structurels.
Il y a un lien indissociable entre notre chômage, notre
sous-emploi actuel et le sous-investissement persistant qui nous affecte depuis
1976: c'est le facteur péquiste. Il n'est pas difficile de comprendre
comment l'incertitude politique affecte l'investissement dans le secteur
privé. Nous ne le répéterons jamais assez.
Il suffit simplement d'établir une distinction entre trois types
d'entreprises et de se demander objectivement ce qui motive leur
décision d'investir, de créer des emplois, de
générer de la recherche et de la richesse, M. le
Président. D'abord il y a des
entreprises qui sont liées à un marché local. Ce
sont celles qui sont dans le commerce, la fabrication de certains aliments
difficilement transportables, la fourniture de certains services liés
à un marché restreint. On parle des boulangeries, des centres
commerciaux, des marchés d'alimentation, des garages. Ces
entreprises-là ne sont pas directement affectées par
l'incertitude politique; elles le sont indirectement, cependant, parce que
c'est la richesse du milieu qui, en fait, a une influence sur la progression de
ces entreprises. (11 h 40)
Deuxièmement, il y a une autre sorte d'entreprises qui, elles,
sont reliées aux richesses naturelles. Évidemment, lorsqu'on
parle des scieries, des pâtes et papiers, des alumineries, des mines, on
parle de choses qui sont ici, qui font la richesse du Québec et qui
amènent les industries à se rapprocher de ces ressources. Ces
industries-là n'ont pas tellement le choix si elles veulent exploiter
ces ressources. Elles sont encore un peu moins affectées par le climat
politique. Elles le sont indirectement, mais pas aussi directement que la
troisième catégorie.
Il y a les établissements moins liés au facteur
géographique ou aux ressources naturelles. Je pense aux centres de
recherche, aux sièges sociaux - Dieu sait combien il en est parti du
Québec! - aux nombreuses entreprises de fabrication qui peuvent
s'installer à un endroit ou à un autre pour servir le
marché canadien. Je pense, en particulier, aux sociétés
financières, aux entreprises de haute technologie. Toutes ces
entreprises peuvent s'établir à peu près n'importe
où au Canada et elles sont courtisées par tout le monde. Ce sont,
bien sûr, ces entreprises ou établissements qui sont le plus
affectés par le climat d'investissements créé par le
facteur péquiste.
Jetons un simple regard, d'ailleurs, sur les projets d'investissements
dont se vante le ministre des Finances, à tout bout de champ. Il parle
de Pechiney, qui va venir ici. Il parle de l'agrandissement de Reynolds. Il
parle de Domtar. Mais, justement, il parle d'entreprises qui viennent ici
à cause de l'électricité, à cause des forêts,
à cause de nos richesses naturelles. Mais quelles sont les entreprises
qui préfèrent le Québec péquiste aux autres
provinces du Canada, lorsqu'elles ont le choix de s'établir à un
endroit ou à un autre? C'est là que le facteur péquiste
fait le plus mal. Il n'est pas question de se montrer fine bouche et de refuser
quelque investissement intéressant que ce soit. Il s'agit simplement de
constater que notre structure industrielle est en train de développer un
grave déséquilibre en se vidant progressivement, à cause
de l'obsession du gouvernement actuel, des entreprises et des
établissements porteurs d'avenir qui sont les plus susceptibles de
créer et de maintenir des emplois stables, intéressants et
rémunérateurs.
Ce bref survol de l'action du gouvernement au cours des derniers mois
nous permet maintenant de dresser son bilan de fin d'année. Par trois
fois, le Conseil des ministres s'est réuni en conclave. La
première fois, il nous a livré ce qu'il croyait être une
cure miracle pour la relance, une soupe à l'alphabet de programmes de
création d'emplois temporaires. La deuxième fois, c'était
pour constater que la cure miracle ne fonctionnait pas, pour annoncer qu'il
ferait beaucoup mieux dans la mesure où on lui ficherait la paix pour
quelques semaines de plus. La troisième fois, c'est pour ficeler le
paquet en vue du spectacle à grand déploiement du 13 novembre
dernier.
Avec ou sans conclave, un gouvernement ne peut donner que ce qu'il a. Il
n'avait rien à donner; il n'a rien livré. Malheureusement, le
bilan ne peut pas s'arrêter là. Perdu dans ses conclaves, ses
comités, ses périodes de soi-disant réflexion profonde, le
gouvernement s'est coupé un peu plus de la réalité et des
préoccupations de la population. Il s'est créé une logique
qui lui est propre, mais qui est bien loin de celle de tout le monde au
Québec. À partir de cette logique, il s'est enfoncé
davantage dans son obsession de toujours, la séparation du
Québec, la guerre avec Ottawa.
M. le Président, aveugle aux conséquences pourtant
évidentes de cette obsession, notamment sur les investissements pour la
création d'emplois, il est demeuré insensible aux
véritables préoccupations de la population. Il lui a
témoigné une fois de plus son mépris en réactivant
l'option indépendantiste. Or, justement, les Québécois
sont de plus en plus hostiles à cette option. C'est cette
indifférence, M. le Président - je termine là-dessus -
teintée de mépris que les Québécois ont vue,
jugée et condamnée le 5 décembre dernier dans
Jonquière et dans Mégantic-Compton et qu'ils attendent avec
impatience de pouvoir juger et condamner dans une élection
générale.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole
au ministre des Finances, je tiens à faire remarquer que nous avions 100
minutes à notre disposition. Le chef de l'Opposition vient d'utiliser
les 50 minutes mises à la disposition de l'Opposition. Les 50 autres
minutes sont à la disposition du parti ministériel. On doit
protéger en même temps les 20 minutes de droit de réplique
du chef de l'Opposition, ce qui fait au total 120 minutes. Actuellement, 50
minutes ont été prises. M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Je veux simplement
confirmer, M. le Président, pour protéger notre droit de
réplique, que je devrais être reconnu vers 12 h 35.
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est cela.
M. Lalonde: Merci!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, à l'occasion du long
exposé du chef de l'Opposition, j'ai été un peu surpris
par un thème qui revient constamment dans sa bouche et qui semble
être le suivant: Parce que des gens ont des convictions, ils trahissent
les Québécois chaque fois que ces convictions n'ont par
reçu une sorte de sanction électorale. Principe bizarre, M. le
Président! Imaginons qu'au référendum de 1980 le oui ait
été majoritaire. Le chef de l'Opposition ne serait-il pas encore
aujourd'hui fédéraliste? J'imagine qu'il le serait. En tout cas,
moi, j'hésiterais beaucoup avant de lui dire, lui
fédéraliste aujourd'hui, alors que le oui l'aurait
remporté: M. le chef de l'Opposition, vous trahissez des
Québécois. Non, je ne dirais pas cela. Je dirais: M. le chef de
l'Opposition, vous représentez un mouvement de conviction qui reste dans
notre société -et j'imagine que ce serait le cas important.
Il y a, à cet égard, M. le Président, une sorte de
tolérance dans les idées qui me semble manquer
singulièrement au chef de l'Opposition, aujourd'hui, et je dois dire que
cela me surprend. L'idée d'indépendance est apparue dans notre
milieu, de façon disons un peu articulée, il y a à peu
près 25 ans. Cette idée a abouti à la création d'un
parti politique dont c'est, en un certain sens, l'assise centrale. Le Parti
québécois est essentiellement destiné à
réaliser la souveraineté du Québec. Je ne dis pas que
c'est sa seule fonction, mais je dis que c'est sa fonction centrale. Cela l'a
été, cela l'est et cela le sera. Ne nous faisons pas d'illusions,
une idée qui a gagné la vigueur que l'idée de
souveraineté a acquise dans notre milieu ne disparaît pas.
Bien sûr, elle peut subir des vicissitudes, c'est clair. Nous
avons perdu le référendum de 1980, c'est vrai. Nous perdons, je
dois dire assez fréquemment, M. le Président, beaucoup
d'élections partielles. Nous avons cependant gagné deux
élections générales. Ce n'est pas banal. Il y aura des
hauts et il y aura des bas, mais si on s'imagine un instant que l'idée
de souveraineté au Québec est une sorte de mode qui pourrait
disparaître, on se trompe. Si on s'imagine un instant que le Parti
québécois au pouvoir va faire comme si cette idée ne
représente pas une force majeure de notre société et un
objectif à atteindre, on se trompe encore.
C'est avec la plus grande sérénité, M. le
Président, que ce parti que je représente, que ce gouvernement
auquel je suis associé, respire la souveraineté, en vit,
considère cet objectif comme un objectif permanent et, je dois le dire,
en est très fier, parce que cela représente un long aboutissement
dans le développement non pas seulement d'une force politique au
Québec, mais d'une force culturelle, d'une force économique,
d'une assurance graduelle des Québécois dans leur avenir et,
finalement, d'un phénomène de confiance en eux-mêmes. C'est
ce dont on parle quand on parle de la souveraineté du Québec, du
degré de confiance que les Québécois peuvent avoir en
eux-mêmes et en leur avenir. (11 h 50)
Remarquons à quel point ceux qui ne sont pas encore d'accord avec
cet objectif de la souveraineté du Québec, très souvent
pour lutter contre l'idée de souveraineté et
d'indépendance, cherchent à rapetisser le Québec,
soulignent les échecs - forcément, il y en a toujours -
soulignent les coûts qui n'aboutissent pas, minimisent les choses qui se
font, attaquent, en somme, la confiance que les Québécois ont en
eux-mêmes. Dans ce sens, ils disent que le gouvernement actuel, comme le
dit la motion qui est présentée devant nous, méprise les
Québécois. C'est tout le contraire, M. le Président. Ce
gouvernement dit et redit aux Québécois que nous sommes enfin en
mesure d'avoir confiance en nous-mêmes et dans l'avenir et que l'avenir
du Québec sera ce que les Québécois en feront.
Mépris? Jamais. Au contraire, constat d'un peuple qui prend ses
destinées en main graduellement depuis fort longtemps et qui commence
maintenant à voir un certain nombre d'échéances
sérieuses arriver. Dans ce sens, n'espérons pas un instant, dans
certains milieux, que l'idée de souveraineté va être
atténuée par le gouvernement actuel, va cesser d'être un
thème majeur, pas seulement à la prochaine élection,
à chaque élection. L'idée de la souveraineté du
Québec, elle est inévitable. On ne s'imagine pas qu'on a pu
pendant 25 ans pousser une idée comme celle-là et que, à
chaque élection, quand un parti destiné à réaliser
la souveraineté du Québec se présente, que cette
élection soit partielle ou qu'elle soit générale,
l'idée de la souveraineté ne soit pas là. Ce sera toujours
un thème central. Cela l'a été à l'élection
de 1970, cela l'a été à l'élection de 1973, cela
l'a été à l'élection de 1976, cela l'a
été, bien sûr, au référendum, cela l'a
été à l'élection de 1981.
Non. Je vois des rires ironiques de l'autre côté. C'est une
donnée permanente de
la situation politique et de toutes les élections qui se feront
au Québec. On peut le présenter d'une façon, d'une autre
façon, mais est-ce qu'on va persuader les Québécois
aujourd'hui que le Parti québécois, par exemple, ne serait pas
souverainiste? Voyons. Qui leurrerait-on? Personne. Évidemment, nous
nous sommes engagés comme parti politique à faire en sorte que
cela se réalise, la souveraineté du Québec, par des moyens
essentiellement démocratiques, on en conviendra. On conviendra aussi que
nous nous sommes astreints à des règles de la démocratie
de façon extraordinairement rigoureuse. Jamais nous n'avons
évoqué d'autres possibilités qu'une décision
démocratique des Québécois. Mépris des
Québécois, alors? Grand Dieu, non! On ne méprise pas des
gens à qui l'on dit: Cette décision se prendra par des moyens
démocratiques ou elle ne se prendra pas.
Non, M. le Président, je pense que cette partie de la motion que
nous avons devant nous à l'heure actuelle non seulement n'est pas
valable, mais est profondément incorrecte. Évidemment, un
thème apparaît tout de suite dans la foulée de ce que je
viens de dire et de ce qu'a dit le chef de l'Opposition tout à l'heure,
c'est qu'à partir du moment où un parti politique, à
partir du moment où un gouvernement se fixe l'objectif de la
souveraineté du Québec, alors, des dommages sérieux
apparaissent au niveau du fonctionnement de l'économie. L'incertitude
politique aurait, sur le plan du fonctionnement de l'économie, des
investissements et de l'emploi, des effets dramatiques sur l'économie du
Québec et son fonctionnement. Regardons cela d'un peu plus près.
Là, on va quand même retrouver une perspective historique que le
chef de l'Opposition voulait bien, lui aussi, pratiquer en s'arrêtant en
1976. Nous allons remonter un peu plus loin en arrière, un tout petit
peu plus loin. La faiblesse fondamentale de l'économie du Québec
qu'on a pu constater depuis fort longtemps, depuis au-delà d'une
vingtaine d'années, elle commence par des glissements tout de suite
après la deuxième guerre mondiale, au cours des années
cinquante, et toute espèce de gens au Québec disent: Attention,
il y a des glissements qui se font au Québec et qui sont dangereux pour
l'avenir. Il y a un certain nombre d'événements dont il faut se
souvenir: l'ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent et ses
conséquences sur l'industrie montréalaise - Ne venons pas dire
ici que c'est un thème libéral ou péquiste. Le Parti
québécois n'existait pas à cette époque, le Parti
libéral existait. Tout ce qu'on peut dire, c'est que beaucoup d'hommes
politiques de l'époque n'ont pas compris les conséquences de
l'ouverture de la voie maritime sur l'industrie québécoise - le
développement extraordinairement rapide des opérations
boursières à Toronto, à partir de la fin des années
quarante, la découverte des premiers puits de pétrole au Canada,
l'inscription de presque tous les titres miniers et pétroliers à
la Bourse de Toronto qui, très rapidement, devient cinq fois, six fois,
dix fois plus importante qu'à Montréal. Les conséquences
de phénomènes comme ceux-là sur l'implantation et sur
l'existence des sièges sociaux, en particulier dans le domaine des
institutions financières: premier siège social d'institution
financière, c'est une compagnie d'assurances, en plein milieu des
années cinquante.
M. le Président, quand on se promène à
Montréal, du côté de la ville de Saint-Pierre, on voit une
immense usine désaffectée, dont une partie a été
louée à une compagnie de sucre à un moment donné -
je ne sais même pas si elle est encore là. Il y a peu de gens qui
se souviennent que cela a été, sous le nom de Canadian Car, un
des plus grands employeurs de Montréal. Quand, dans les années
cinquante, on perd cette usine, on perd 5000 emplois à Montréal.
Le glissement manufacturier, le glissement financier, c'est à ce moment
qu'ils commencent.
L'incertitude? Oh! M. le Président, à cette époque,
il n'y avait rien de plus certain que la politique au Québec. M.
Duplessis était en place, les Québécois étaient
calmes, gentils comme des images et aucune idée vraiment un peu
subversive ne s'était encore envolée. Le calme était
papal, mais les glissements étaient commencés. Ce n'est pas
l'incertitude politique qui a commencé le glissement, ce sont des choses
bien plus fondamentales que cela: Montréal a cessé d'être
la métropole du Canada. On n'a pas voulu le voir, pour des raisons de
vanité dans certains cas. Au cours de toutes les années
cinquante, toutes les années soixante - évidemment, dans les
années soixante, c'est la révolution tranquille - on ne va pas se
mettre devant le fait que Montréal est en train de cesser d'être
la métropole du Canada. Ah! non. Ce serait une note discordante dans le
concert de l'optimisme: Seulement, c'était en train de se faire.
C'était en train de se faire par un glissement de centres de
décisions qui avaient été presque uniformément
extérieurs à la communauté francophone. C'était
comme ça. On peut toujours se dire: Au XIXe siècle, cela aurait
dû être autrement, mais, enfin, c'était comme cela. Ces
centres de décisions glissant vers Toronto - surtout à cette
époque - s'appliquaient, bien sûr, à des groupes qui
n'étaient pas enracinés dans le milieu francophone.
Nous venons récemment de parler d'un investissement de 773 000
000 $ de Domtar au Québec. Cela s'est fait par une société
où deux grands agents du secteur public québécois ont des
blocs d'actions relativement importants, où le conseil
d'administration est maintenant composé de gens assez
différents - il faut le reconnaître - de ceux qui pouvaient
exister à Domtar il y a 20 ou 25 ans. Je rappellerai que, à une
époque où je siégeais au Trade and Tariff Committee de la
Pulp and Paper Association, dans les années cinquante, je me souviens
encore d'une réunion au Granite Club, à Toronto, où la
vingtaine de membres de ce comité lunchaient ensemble - j'étais,
bien sûr, le seul francophone - et où quelqu'un de Domtar se
vantait, devant tout ce monde, que Domtar avait pu exister pendant deux
générations au Québec sans jamais avoir un francophone
au-delà du niveau de contremaître. Qu'on mesure le chemin parcouru
en 25 ans! (12 heures)
Mais, encore une fois, ces glissements extraordinaires dans notre
économie se sont faits dans une stabilité politique parfaite.
Bien sûr, cela a été masqué par certaines choses.
L'exposition universelle a masqué beaucoup de ces changements. La
décision de construire le chantier de la Baie James a aussi
masqué certaines choses. J'y reviendrai un peu plus tard. Les Jeux
olympiques aussi. Montréal a réussi à masquer beaucoup de
ses failles et de ses rides pendant un certain nombre d'années.
Seulement, le mouvement était là.
Nous arrivons au pouvoir à la fin de 1976. Oh dire que
l'arrivée au pouvoir d'un parti souverainiste, M. le Président, a
enchanté tous les milieux et, singulièrement, tous les milieux
d'affaires, serait grossièrement exagéré. Cela a
même été considéré dans certains milieux
comme une sorte de catastrophe nationale, "nationale" étant entendu dans
le sens canadien du terme. Il y a eu des effets sur le plan financier et
économique. Il est clair, par exemple, que, dans les premiers mois de
notre arrivée au pouvoir, on a vu les titres du Québec se vendre
à un taux de rendement bien plus élevé que les obligations
du gouvernement de l'Ontario. Les écarts se sont accrus de façon
remarquable. On dira: Incertitude politique. Vous voyez, vous ne pouvez plus
vendre vos obligations.
Puis-je rappeler que c'est un peu plus compliqué que cela? Les
écarts les plus grands à l'occasion de l'arrivée d'un
nouveau parti au pouvoir que nous ayons constatés dans toute l'histoire
mesurable du Québec, cela a été au cours des premiers mois
de l'arrivée au pouvoir de M. Robert Bourassa, en 1970. Pas après
les événements d'octobre, avant les événements
d'octobre. On n'avait jamais vu des écarts aussi grands que cela. Je
n'aurais jamais cru que l'arrivée de M. Bourassa au pouvoir aurait pu
vraiment déclencher dans les milieux financiers parce que cela
coïncide avec son élection -des écarts aussi grands.
Une voix: II y avait des bombes.
M. Parizeau: On me dit, de l'autre côté, qu'il y
avait des bombes. Oui, il y avait des bombes à Montréal depuis
déjà pas mal longtemps. Depuis que nous sommes au pouvoir, il n'y
en a plus. Avant cela, il y en avait pas mal, mais il n'y en avait pas trois
jours après l'arrivée au pouvoir de M. Bourassa. Oh, non! Je
vois, là encore, des sourires ou des rires ironiques. Je rappellerai que
nous avons, en arrivant au pouvoir, rétabli, à bien des
égards, une sorte de paix sociale dont on conviendra qu'elle est assez
remarquable. Les histoires de langue, les bagarres sur la langue que nos amis
d'en face ont provoquées pendant qu'ils ont passé six ans au
pouvoir, on s'en souvient encore et on s'en souviendra longtemps.
Ceci étant dit, nous arrivons au pouvoir et, bien sûr, sur
le plan financier, cela "effervesce" passablement. Les marchés
financiers ne sont pas très ouverts à Montréal, à
Toronto ou à New York - c'est le cas de le dire - et je vais emprunter
pendant quelque temps loin de l'épicentre du séisme,
c'est-à-dire en Europe, au Japon ou dans certains marchés qu'on
appelle exotiques, jusqu'à ce que les marchés plus conventionnels
d'Amérique du Nord, constatant que le seul résultat de notre
élection et de leur réaction, c'est qu'ils perdent des
commissions, reviennent et prêtent, au fond, finalement, tout l'argent
qu'on veut. Je mentionnais notre arrivée au pouvoir.
Veut-on parler d'une période beaucoup plus récente?
Récemment, j'ai eu l'occasion de faire des visites auprès de
milieux financiers dans six villes américaines en préparation du
premier placement d'une émission du gouvernement du Québec depuis
six ans aux États-Unis, puisqu'on avait laissé le marché
américain à Hydro-Québec. J'ai parlé partout,
à des centaines de gens de l'indépendance du Québec, de la
souveraineté du Québec, à des milieux financiers à
qui j'allais présenter des obligations quelques jours plus tard pour
voir s'ils en achèteraient. J'ai vendu 100 000 000 $ - ce que je voulais
vendre - à dix ans d'échéance et 100 000 000 $ à 30
ans d'échéance avec des écarts par rapport aux obligations
du gouvernement fédéral américain qui étaient,
somme toute, très faibles par rapport à ce qui s'était
produit dans les mois précédents, en trois heures. Des
obligations de 30 ans, c'est un bail. C'est presque un mariage. C'est
très long, 30 ans. Cela s'est placé sans difficulté
aucune.
Une voix: II y a combien de temps?
M. Parizeau: Un mois et demi. M. le Président, passons
maintenant à des choses plus directement économiques.
Lorsque nous arrivons au pouvoir, nous constatons clairement une chose,
c'est que le secteur public, presque inexistant au début de la
révolution tranquille, existe à ce moment-là au
Québec. Il commence à avoir une certaine force, une certaine
musculature. Il est capable de faire des choses.
D'autre part, le secteur coopératif a pris une ampleur
considérable, surtout du côté des coopératives
d'épargne et de crédit. Il y a du muscle dans l'économie
québécoise - j'allais dire du muscle indigène, si vous me
passez l'expression - bien davantage qu'il y a quinze ans. ■ Du
côté des entreprises privées autochtones, un muscle
commence aussi à paraître qui est de plus en plus fort. Notre
rôle, sur le plan du fonctionnement de l'économie, devient
à ce moment-là assez clair: il s'agit de faire en sorte que ces
points forts de la société autochtone québécoise
puissent travailler ensemble à donner un dynamisme suffisant à
notre économie, avec nos moyens, à partir de nos centres de
décision. C'est très clair dès le départ, lorsque
nous arrivons au pouvoir, que ça doit être la tâche
fondamentale sur le plan de l'économie, de façon que nous soyons
nettement moins astreints à des décisions prises à
l'extérieur et qui ont provoqué ce glissement de
l'économie québécoise dont je parlais
précédemment. Il fallait trouver, à l'intérieur de
l'économie du Québec, des centres de décision un peu
musclés. On en avait un bon nombre, il fallait en avoir davantage et il
fallait surtout les amener à travailler ensemble.
Cela a été notre tâche. Cela ne se fait pas en un an
ou deux. Cela prend un certain temps, il faut le reconnaître. Cela prend
un certain temps pour que les Québécois aient, dans une bonne
mesure, la maîtrise de leur économie et la maîtrise du
dynamisme de leur économie sans être à la merci de
décisions qui peuvent être prises un peu partout dans le monde
sans vraiment avoir une capacité de réagir.
Cela a fonctionné. Jusqu'en 1980 - il faut être de bonne
guerre - le rythme de croissance de l'économie du Québec est tout
à fait raisonnable compte tenu de tout ce qui se passe un peu partout au
Canada. Il y a même quelques années où il est
supérieur à celui de l'Ontario. Je ne dis pas que c'est
monumental comme virage, mais on sent très bien que le virage se prend
et on sent très bien que le rythme de croissance de l'économie du
Québec est comparable à ce qu'il peut y avoir autour de lui, et
même un peu meilleur certaines années.
Au point où nous en sommes, en 1980, à cet égard,
on voit bien que le chômage augmente un peu partout en Amérique du
Nord et, donc, qu'il augmente chez nous, bien sûr. On constate que tout
ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais on peut se dire: On a
pris le virage pendant trois ou quatre ans et les résultats commencent
déjà à être palpables.
Arrive, à partir de septembre 1981, cette catastrophe
économique qui va nous frapper de plein fouet, qui est la plus forte
récession qu'on ait connue depuis la grande dépression des
années trente. Tout à l'heure, le chef de l'Opposition disait:
C'est la première fois que ceci ou que cela se produit. Bien oui, bien
sûr, c'est la plus forte récession qu'on ait connue en
Amérique du Nord depuis la grande dépression des années
trente. Forcément, cela a été très dur. Cela a
été un peu plus dur au Québec que dans l'ensemble du
Canada. Dans l'ensemble du Canada, en 1982, la production recule d'à peu
près 5%; au Québec, de 6%. Il y a une province qui va faire pis,
la Colombie britannique, où ce sera 7%. Mais, enfin, on n'en est pas
à 1% près quand il s'agit d'apprécier les ravages qu'une
récession pareille va faire.
Sur les pertes d'emplois, les chiffres que mentionnait le chef de
l'Opposition doivent faire réfléchir. C'est effrayant d'avoir
perdu au-delà de 200 000 emplois à l'occasion de la
récession. C'est un choc bien plus sérieux que ce qu'on peut
trouver même aux États-Unis et certainement que ce qu'on peut
trouver dans les autres pays industriels. Le Canada a eu la pire performance
sur le plan économique en 1982. Il est indiscutable que cela a
arrêté un bon nombre de choses que, comme gouvernement, nous
étions en train de faire. Cette espèce de concertation des
investisseurs - Dieu sait s'ils sont importants - vers une relance fondamentale
et à long terme de l'économie du Québec s'est
arrêtée brutalement. Les entreprises n'avaient plus les
disponibilités financières, elles étaient touchées
par la situation monétaire au Canada et par les taux
d'intérêt de façon telle qu'on sent très bien qu'en
1982 il y a eu comme une sorte de freinage, de coup d'arrêt complet.
Quand l'économie du Québec a commencé à
remonter, on s'est dit: C'est normal qu'elle remonte plus vite qu'ailleurs,
elle est descendue plus bas. Comme si l'économie était une sorte
de yo-yo. Ce n'est pas parce qu'on descend très bas que cela va remonter
très vite. L'économie du Québec aurait bien pu coller en
bas et rester là longtemps. Le yo-yo aurait pu être dormant. Cela
n'a pas été. Effectivement, comme le disait tout à l'heure
le chef de l'Opposition, cela a remonté au Québec plus tôt
et plus vite, pendant un bout de temps, qu'ailleurs au Canada. (12 h 10)
Oui, bien sûr, au moment où les ventes d'automobiles
augmentent très rapidement, qu'est-ce que cela frappe? Surtout
l'économie de l'Ontario. Les chiffres que nous a donnés tout
à l'heure le chef de l'Opposition ne sont
pas étonnants du tout. La reprise des ventes d'automobiles a
permis à l'économie de l'Ontario, à partir de
l'été, de rattraper des emplois perdus plus rapidement que chez
nous. C'est bien sûr. Les automobiles, je le rappelle, à part une
usine au Québec, sont fabriquées en Ontario. Forcément,
cela a un impact.
Là où je ne suis pas d'accord avec lui, c'est que, si on
prend le reste du Canada, tout le reste du Canada sans l'Ontario, alors,
là, la récupération d'emplois perdus au Québec
s'est faite plus rapidement. Le Québec est actuellement quelque part
entre l'Ontario et le reste du Canada. Vous me direz que ce n'est pas
sensationnel. Mais non, ce n'est pas sensationnel, mais ce n'est pas mal, et
surtout les perspectives, mises en place pour une bonne part par ce
gouvernement, d'investissement et d'emplois sont franchement favorables dans un
bon nombre de cas.
Je vais vous donner des exemples. En l'espace de quelques années,
la capacité de production d'aluminium au Québec aura
augmenté de 60%. 60%! Cela ne s'est jamais fait autrefois par une
politique gouvernementale. C'est la première fois qu'on utilise des
rabais sur les tarifs d'électricité pour provoquer de
l'industrialisation. J'entendais le chef de l'Opposition dire à cet
égard: L'aluminium doit venir ici. Non, l'aluminium ne doit pas venir
ici. La preuve, c'est que, quand nos amis d'en face étaient au pouvoir,
ils ont couru après une aluminerie qui s'appelait National South Wire
pendant des années sans jamais réussir à l'attraper. Cela
ne s'est jamais fait. C'est la première fois que, grâce à
une politique de tarifs d'électricité, on a des milliards
d'investissements. Comprenons-nous bien. Quand on parle d'une augmentation de
60% de la capacité de production d'aluminium au Québec en
l'espace de quelques années, puisque les travaux sont commencés,
c'est de 3 000 000 000 $ d'investissements qu'on parle.
Autre chose, si on veut: les politiques que nous avons mises en place
pour la relance des investissements dans les industries minières
fonctionnent de façon remarquable. A l'heure actuelle, il y a une
remontée des investissements miniers au Québec tout à fait
exceptionnelle par rapport à tout ce qu'on a connu avant.
Le secteur des pâtes et papiers. Puis-je rappeler que le programme
de modernisation des pâtes et papiers, qui est en train de provoquer
l'apparition de quelques milliards d'investissements au Québec, est le
résultat d'une politique du gouvernement du Québec quant à
la subvention des opérations de modernisation? On dira: Le gouvernement
fédéral en paie une partie. Oui, on a été chercher
des subventions fédérales après avoir monté le
programme chez nous, ici, avec les instruments qu'on avait.
L'industrie électronique? On sait qu'elle se développe
très très rapidement au Québec. C'est un secteur où
les sièges sociaux entrent de ce temps-ci. Ils ne sortent pas, ils
entrent, et nombreux. Encore un dernier exemple: Hier, Cantel, qui annonce que
son siège social s'établit à Montréal. Dans le
domaine de l'électronique, il y a, à l'heure actuelle, au
Québec, une sorte de floraison d'entreprises extraordinaire. Il y a une
activité de ce côté-là, un dynamisme de tout premier
ordre auquel le gouvernement s'associe, mais de la façon la plus
étroite. On a l'occasion à peu près toutes les semaines de
voir de quelle façon le gouvernement de Québec s'associe avec une
ou l'autre des entreprises dans les hautes technologies et ce, depuis
déjà un certain temps. Oui, en 1982, il n'y a pas de doute que la
récession a provoqué un freinage. Il n'y a pas de doute
qu'à l'heure actuelle on voit une reprise dans ce domaine qui est tout
à fait foudroyante.
Corvée-habitation, c'est le gouvernement de Québec qui a
fait ça avec ses partenaires, avec les entrepreneurs en construction,
avec les syndicats, avec les municipalités aussi, les institutions
financières. Je comprends que c'est un syndicat qui a eu l'idée
de Corvée-habitation, mais c'est le gouvernement qui a servi de
catalyseur à toute cette opération.
Les exemples que je viens de donner sont des exemples où les
investissements sont en train de remonter rapidement à cause de ces
centres de décision québécois dont je parlais tout
à l'heure où le gouvernement sert à la fois de pôle,
de catalyseur et, bien sûr, à certains moments, de muscle,
lorsque, sur le plan des exigences financières, c'est
nécessaire.
Dans le cas de l'aéronautique, il n'y a pas de richesse naturelle
qui détermine que l'aéronautique doit venir ici. Or, pourtant,
l'aéronautique va se développer et continue de se
développer rapidement au Québec. On dira: À cause du
gouvernement fédéral. Ah c'est évident que le gouvernement
fédéral, à cet égard, après avoir
transformé l'affaire du F-18 en une sorte d'expression courante et
banale dans la population où on ne dit plus se faire passer un sapin,
mais se faire passer un F-18, devrait faire quelque chose avant que les
élections fédérales arrivent. Dans ce sens-là, il a
beaucoup poussé sur le contrat des hélicoptères, mais une
bonne partie du financement vient du gouvernement de Québec à
partir de programmes de subvention pour ce genre d'industrie, montés au
mont Sainte-Anne dont, justement, le chef de l'Opposition se moquait tout
à l'heure. Ce qui nous a permis de débloquer très
rapidement et de faire aboutir très rapidement aussi toutes les
négociations dans le cas de Bell Helicopter, c'est que ce
programme était en place et il roulait. Il ne faut pas s'imaginer
que cela vient ici pour nos beaux yeux. On va mettre 120 000 000 $ dans ce
projet.
Non, M. le Président, nous avons très bien vu, comme
gouvernement, d'abord, que la récession venait, à l'époque
où un peu tout le monde au Canada croyait que ce pourquoi il a fallu
lutter, c'était contre l'inflation. Nous l'avons vue venir, la
récession. On a cherché à alerter les autres gouvernements
autant que cela a été possible. Nous avons été le
premier gouvernement à bouger pour chercher à lutter contre le
chômage. Nous avons, je pense -tout le monde le reconnaît - la
meilleure performance pour ce qui est de chercher à mettre des filets
en-dessous d'un certain nombre de secteurs pour éviter que tout
dégringole. Dès que cela a été possible, nous
avons, avec les instruments que nous avons, commencé la reprise, la
relance de l'investissement un peu partout et dans un secteur très
étendu.
Vous me direz: On pourrait faire mieux. Oui, bien sûr, on peut
toujours faire mieux. Mais ce qui a été fait jusqu'à
maintenant est assez spectaculaire, spectaculaire au point que ce n'est pas de
1,5% que la production nationale au Québec va augmenter en 1983, comme
je l'avais cru au début de l'année, ce sera de 3%. C'est une des
deux ou trois meilleures performances de toutes les provinces canadiennes.
L'année 1984 s'annonce aussi assez bonne à cause des mesures qui
ont été prises.
Où se trouve, là-dedans, l'impact de
l'insécurité politique? Où se trouve-t-il, dans toutes les
décisions d'investir dont je viens de parler et qui, après tout,
associent des hommes d'affaires un peu partout? Dans le secteur minier, c'est
surtout le secteur privé qui est en cause. Pour un bon nombre de
décisions dans le domaine de l'aluminium, c'est le secteur privé
qui est en cause. Dans l'électronique, dans la majorité des cas,
c'est le secteur privé qui est en cause. Sur le plan de
l'aéronautique, en particulier de cette usine
d'hélicoptères, Bell n'est pas une compagnie nationalisée,
que je sache. Où est l'impact de l'insécurité de ces
affreux séparatistes au pouvoir?
La question mérite qu'on y réponde autrement que par une
boutade. Nous sommes au pouvoir depuis sept ans. Dans les milieux
québécois comme dans les milieux étrangers, on commence
à avoir l'habitude de ce que nous sommes. Nous ne sommes pas un facteur
inconnu pour ces gens-là. Ils savent fort bien, dans ces milieux
d'affaires, ce que nous avons fait depuis sept ans. Bien sûr, on ne peut
pas dire que certaines associations qui représentent les hommes
d'affaires sont toujours, à l'égard du gouvernement, d'une
mansuétude extraordinaire. Je le reconnais, mais je suis obligé
de noter que, depuis sept ans que nous sommes au pouvoir, les entreprises ont
pris l'habitude de travailler avec nous, nous avons pris l'habitude de
travailler avec les entreprises. Nous arrivons maintenant à
débloquer des choses bien plus facilement qu'il y a un certain nombre
d'années et, entre nous, passablement plus facilement que bien des
gouvernements qui nous ont précédés. Nous ne sommes plus
un facteur inconnu. Nous avons réalisé cette espèce de
tour de force d'être à la fois un gouvernement efficace, aussi
efficace qu'on peut l'être, sur le plan économique, sur le plan
financier, mais sans sacrifier ce qui nous apparaît être
fondamental pour l'avenir du Québec, c'est-à-dire sa
souveraineté. (12 h 20)
On dira: Cela a l'air d'un tour de force. Je ne pense pas que
c'était un tour de force. En un certain sens, ce résultat ne me
surprend pas plus qu'il ne le faut. La souveraineté d'un peuple n'est
pas un concept inconnu dans le monde; c'est plutôt nous qui ne sommes pas
exactement prématurés. Les entreprises qui ont l'habitude de
travailler avec plus de 20, 30 ou 40 pays souverains se demandent à
certains moments, si vous me passez l'expression, M. le Président:
Qu'est-ce que nous sommes encore en train de "taponner" au Québec? Cela
va venir, mais n'imaginons pas un instant que cela va venir au milieu d'une
sorte de réaction profondément négative de nos
associés en affaires, des entreprises qui ont pris l'habitude de
travailler avec nous et qui sont en train, avec le secteur public et le secteur
coopératif, de donner au Québec une dynamique économique
non seulement intéressante, mais surtout qui provient de nos propres
moyens, fondamentalement.
Nous sommes le premier gouvernement qui s'est fixé comme objectif
que les Québécois contrôlent leur économie et des
décisions majeures dans leur économie, au moins pour l'essentiel.
Cela ne veut pas dire que nous refusons l'investissement étranger. Cela
veut simplement dire que, comme beaucoup de gouvernements antérieurs
à nous, nous n'attachons pas tout l'avenir du Québec à des
décisions, à des centres de décisions qui sont
extérieurs. Dans ce sens, nous sommes un gouvernement original. Dans ce
sens, il est évident qu'à la fois économiquement et
psychologiquement on prépare le moment où le Québec va
être souverain. Cela ne sert à rien de le cacher, c'est
évident.
On me demande parfois: Est-ce que, dans le cas de telle ou telle
décision, vous aviez la souveraineté en tête? Mais je l'ai
toujours. Je n'arrête pas de l'avoir. Quand je discute un gros contrat
d'investissements ou un gros contrat de financement, mais je ne pense
qu'à cela. Il faut que le Québec ait ce muscle économique
qui donne, évidemment, l'assurance à un pays souverain de sa
propre
force et de ses propres décisions.
À cet égard, M. le Président, je ne vais pas
revenir sur certains des chiffres que mentionnait le chef de l'Opposition, sauf
pour faire quelques mises au point avant de terminer. Je lui dis de se
méfier de certaines des statistiques qu'il a citées. Qu'il
reconnaisse, par exemple, que sur le plan des investissements, depuis la grande
catastrophe de 1982, la reprise des investissements au Québec est en
moyenne plus rapide qu'ailleurs. En 1982, pour l'ensemble des investissements
privés ou publics, le Québec était tombé à
17,3% du total. D'après ce qu'on peut voir, en 1983, ce sera
au-delà de 18%. C'est encore plus remarquable dans l'industrie
manufacturière, quand on compare le Québec au Canada. En 1982, on
ne représentait plus que 18,2% des investissements dans tout le Canada.
À l'heure actuelle, on va finir cette année probablement à
23%. La remontée est en train de se produire et vous n'avez encore rien
vu.
M. le Président, vous êtes en face d'un gouvernement qui
s'est entièrement consacré à la relève de cette
économie du Québec, qui prend les moyens d'y arriver. Les moyens
d'y arriver, soit dit en passant, ce n'est pas de multiplier des lois à
cette Assemblée nationale. Le relèvement économique et le
relèvement des affaires, cela se fait rarement à coup de lois. Je
ne veux pas dire par là que la législation n'est pas utile de
temps à autre, mais on n'a jamais légiféré la
prospérité et encore moins le retour à la
prospérité.
Si vraiment le chef de l'Opposition s'imagine qu'en déposant 42
lois, toutes à caractère plus ou moins économique ici, on
crée des emplois dans l'immédiat, je lui répondrai avec un
certain sourire: Ce n'est pas comme cela que cela se fait. Cela se fait par des
discussions, par des négociations qui aboutissent quant à des
investissements à faire, quant à des contrats à faire
apparaître. Tel contrat donne 150 emplois à tel endroit. Bravo!
Parfait! Au suivant. On lance un très gros programme d'investissements
dans telle ville et, dans la région circonvoisine, le chômage
disparaît petit à petit. Bravo! C'est de l'administration
quotidienne, au jour le jour, avec un sens de l'urgence des choses à
faire, des gestes à poser, des entreprises à rencontrer, des
associations à établir entre le secteur coopératif public
et privé, tous les jours que le bon Dieu amène jusqu'à ce
que le relèvement ait été fait correctement et, encore une
fois, avec un certain sens de l'urgence. La reprise de l'économie, c'est
par là qu'elle passe. Elle passe aussi par la confiance que les
consommateurs ont dans l'avenir. Après tout, il ne faut jamais oublier
que la reprise en 1983, ce sont des consommateurs qui l'ont
commencée.
La reprise, elle se fait par la multiplication des contrats
d'exportation à l'extérieur. On ne va pas légiférer
que l'étranger va acheter nos produits. J'espère que le chef de
l'Opposition ne nous demande pas de poser des gestes ridicules comme
ceux-là. Nous ne pouvons pas, par nos lois, imposer aux Colombiens, aux
Américains ou aux gens du Basutoland un quota d'importations
québécoises. Ce n'est pas vrai. L'expansion des exportations du
Québec se fait comment? En facilitant le financement, en aidant les
hommes d'affaires à présenter leurs produits à
l'étranger, en finançant la présentation des soumissions
à l'étranger, en ouvrant les portes par le truchement des
délégations ou du personnel que le gouvernement peut fournir aux
hommes d'affaires qui veulent exporter, en prenant les moyens
nécessaires pour que les coûts de production soient le plus bas
possible. C'est comme cela qu'on y arrive et cela encore, c'est un travail
quotidien.
C'est de cette façon, M. le Président, que le gouvernement
envisage, par les étapes qu'il a suivies, mont Sainte-Anne, Compton, le
programme de relance, de le faire. Dans ce sens, je reviens à mon propos
initial, la priorité fondamentale de ce gouvernement, c'est la reprise
de l'économie. Jusqu'à ce que, vraiment, un certain dynamisme ait
repris, nous devons affecter l'essentiel de nos priorités de ce
côté, mais sans jamais perdre de vue, d'autre part, que ce que
nous faisons dans ce cadre économique du Québec est
destiné à une chose au bout du compte - et je reviens à
mon propos original - à affirmer toujours davantage la confiance des
Québécois en eux-mêmes, dans leur avenir et, donc, la
possibilité de déterminer cet avenir eux-mêmes,
c'est-à-dire la souveraineté du Québec.
C'est par là, M. le Président, qu'à mon sens il
faut passer. C'est vers cette voie que nous nous dirigeons et je pense qu'au
fur et à mesure que la reprise va se faire, au fur et à mesure
qu'on va commencer à oublier un peu les affres de cette récession
de 1982 qui a été tellement forte par la reprise de la confiance
et par la reprise de la confiance en soi, la souveraineté du
Québec est peut-être un peu plus rapprochée que certains de
nos amis d'en face ne le croient. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Dans le partage du temps,
il y a six minutes de disponibles du côté gouvernemental. M. le
whip du gouvernement, député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, on parle souvent du chapitre
1 de notre programme. J'aimerais commencer mon intervention très
courte...
M. Lalonde: Pour ne pas interrompre le député au
moment où il aura commencé, on nous a dit que le
député de Sainte-Marie demanderait un petit droit de parole. Nous
étions prêts à donner quelques minutes de notre temps
pourvu qu'on lui donne un temps égal de l'autre côté. Si
vous prenez tout votre temps, on ne pourra plus le faire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Au niveau de la
présidence, je n'ai eu aucun avis jusqu'à ce moment-ci sur le
partage du temps qui était inscrit à la feuille. S'il y a
consentement, j'en prendrai acte. M. le leader parlementaire du gouvernement,
est-ce qu'il y a consentement?
M. Bertrand: M. le Président, nous n'avons pas eu de
demande venant du député de Sainte-Marie.
M. Lalonde: C'est parfait.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Lac-Saint-Jean, whip du gouvernement. Cinq minutes.
M. Brassard: Je serai très bref. Je ne peux pas faire
autrement. J'aimerais citer le premier paragraphe du chapitre 1 - on en parle
souvent, du chapitre 1 - du programme du Parti québécois. On y
lit ceci: "La souveraineté nationale est la raison d'être du Parti
québécois. Elle constitue la pierre angulaire de tout le
programme du parti. Le projet collectif qui en découle ne procède
pas d'une quelconque obsession de l'État-nation, mais de la conviction
profonde que, dans la situation où ils se trouvent en Amérique du
Nord, les Québécois et les Québécoises ont besoin
pour s'épanouir pleinement comme individus d'un État doté
de tous les pouvoirs et instruments dont sont pourvus les gouvernements
modernes. Plus que jamais la souveraineté nationale est une condition
essentielle du développement économique et social du
Québec, de sa sécurité culturelle et de son ouverture sur
le monde." (12 h 30)
M. le Président, c'est là notre option fondamentale, c'est
là notre raison d'être comme formation politique, c'est là
aussi notre conviction profonde. Cette option et cette conviction reposent sur
la confiance inébranlable dans la capacité du peuple
québécois de prendre en main ses propres affaires, de
développer lui-même son économie. Cela repose sur la
confiance que le peuple québécois est capable d'assurer
lui-même, comme peuple, son développement et son
épanouissement sur à peu près tous les plans. C'est
là notre option, et je dis que c'est une option parfaitement
légitime, par- faitement valable et qui s'inscrit d'ailleurs, qui
s'enracine, qui prend son origine même dans un vaste mouvement
d'affirmation nationale qui s'est développé au Québec
depuis une vingtaine d'années. On pourrait, évidemment, rattacher
à ce vaste mouvement d'affirmation nationale toute une série
d'actions collectives qui ont été posées, de mises en
place d'instruments et d'outils de développement. On n'a qu'à
penser à la Caisse de dépôt et placement, à
HydroQuébec, aux progrès qu'a connus le Mouvement Desjardins.
Notre option de souveraineté s'inscrit parfaitement dans ce mouvement
d'affirmation nationale que nous avons connu au Québec.
Il faut également dire que cette option est d'autant plus
légitime que nous nous sommes toujours engagés, comme formation
politique, à faire en sorte que sa réalisation résulte
d'une volonté très ferme, très claire, exprimée
majoritairement par les Québécois, c'est-à-dire que sa
réalisation se fasse de façon démocratique, le Parti
québécois étant un parti démocrate. Donc, nous
n'avons pas à rougir, ni à avoir honte de cette option, et nous
n'avons pas, non plus, à la cacher. Comme le disait le ministre des
Finances tout à l'heure, cette option ne témoigne pas du tout
d'un mépris à l'égard de la population. Bien au contraire,
nous avons toujours affiché nos couleurs, nous avons toujours
exprimé publiquement cette option et nous avons toujours
également manifesté un respect scrupuleux de la volonté du
peuple; le respect que nous avons du résultat référendaire
le prouve amplement.
Je trouve extrêmement dangereux les propos tenus tout à
l'heure par le chef de l'Opposition, parce que, quand on l'écoute, il a
l'air de dire ou de prétendre que notre option devrait être en
quelque sorte considérée comme une espèce de délit
d'opinion, comme une espèce de crime, qu'on ne devrait pas avoir le
droit, que cela devrait nous être interdit d'exprimer, de manifester nos
convictions. Si on l'écoutait, on devrait jeter l'interdit sur notre
option. Pourtant, je pense qu'il s'agit là d'une option parfaitement
légitime et qui repose - je le répète - sur la confiance
dans la capacité du peuple québécois de s'affirmer, de se
prendre en main.
Ce n'est pas tout à fait ce qu'on retrouve de l'autre
côté. Je lisais récemment une phrase de Pierre Elliott
Trudeau, qui est un peu le maître à penser du mouvement
libéral, des partis libéraux.
Une voix: C'est le "boss"!
M. Brassard: C'est le grand "boss". Il disait, dès 1961,
dans Cité libre: "Le Québec ne peut être indépendant
parce qu'il n'est pas comme les autres nations modernes. La nation
canadienne-française est trop pauvre
culturellement, économiquement, intellectuellement et
spirituellement pour pouvoir survivre aux difficultés
qu'entraînerait l'indépendance." Cela correspond beaucoup à
la façon de penser qu'on retrouve chez les gens d'en face, une
espèce d'éloge de l'impuissance, qu'on fait constamment. Nous, M.
le Président, c'est le contraire que nous pensons. Nous avons toujours
affirmé - c'est justement ce sur quoi repose notre option fondamentale -
que le peuple québécois n'est pas pauvre culturellement,
économiquement et intellectuellement, mais est suffisamment riche en
ressources à la fois sur les plans culturel, économique et
intellectuel pour pouvoir accéder à la souveraineté et
assumer pleinement les pouvoirs d'un peuple normal.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition, votre droit de réplique.
M. Gérard D. Levesque
(réplique)
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, après
avoir entendu les opinants d'en face, nous n'avons qu'une confirmation
très claire et très éloquente de ce que nous avons
proposé au début de cette motion: ces gens-là sont
obsédés par l'indépendance et par la séparation du
reste du Canada. Même si j'avais passé une heure de plus à
le dire, je n'aurais vraiment pas eu de témoignages plus
éloquents que ceux qu'ont bien voulu nous rendre les deux opinants d'en
face. Je ne pense pas que cette partie de la motion mériterait autre
chose qu'un vote unanime, parce que ce que nous avons entendu de l'autre
côté n'a fait que renchérir, n'a fait qu'augmenter encore
notre conviction et la conviction de la population du Québec que nous
avons un gouvernement qui met la question de l'indépendance en avant des
autres questions, tellement que le ministre des Finances ne peut pas
s'empêcher de dire, quand il parle de quoi que ce soit, qu'il ne pense
qu'à cela. Il ne pense qu'à cela et il vient lui-même de
nous le dire. Je ne pense qu'à cela, dit le ministre des Finances. Cela
veut dire...
Une voix: C'est une obsession.
M. Levesque (Bonaventure): C'est une obsession. Quand on disait
"obsession", les gens pensaient peut-être qu'on caricaturait, mais je
pense bien que cette admission bien franche du ministre des Finances indique
que le gouvernement lui-même, lorsqu'il parle d'économie, n'en
parle que du bout des lèvres. Lorsqu'il parle du sort des
chômeurs, il n'en parle que du bout des lèvres. Lorsqu'il parle du
chômage des jeunes, il n'en parle que du bout des lèvres. Ce qui
compte pour le gouvernement et le chef du gouvernement, encore une fois,
lorsqu'il a parlé du sort des personnes âgées au
Québec... Évidemment, à ce moment-là, il
était encore obsédé par la question de
l'indépendance. Lorsqu'il s'en va en Italie, au lieu de souligner les
liens étroits qui doivent relier le Québec et l'Italie, il ne
peut pas penser aux investissements italiens qui pourraient se faire au
Québec. Il ne peut pas penser aux investissements de la
communauté italienne au Québec, qui est sûrement furieuse
de ce qui est arrivé. Non. Il sort d'un entretien avec le
président de l'Italie et, comme le ministre des Finances, il est
obsédé, comme le ministre du Commerce extérieur
était obsédé de la même manière à
Paris, comme le ministre des Affaires intergouvernementales, lorsqu'il a dit
qu'après l'indépendance, ce ne sera pas une citoyenneté
québécoise et canadienne. La double citoyenneté, pour lui,
c'est la citoyenneté québécoise et française.
Des voix: Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Cela prend des gens réellement
obsédés pour en arriver à parler, d'une part, des
collaborateurs d'Ottawa. Employant un mot semblable en France, il faut
réellement oublier le contexte dans lequel on se trouve pour utiliser un
tel langage et pour se faire dire par le président de l'Italie... Encore
ce matin, nous voyons que le président de l'Italie retourne le passeport
que le premier ministre est allé lui porter pour l'inviter à
venir au Québec. Le président de l'Italie retourne le passeport:
Gardez-le, votre passeport, et il ajoute des mots très durs à
l'endroit du premier ministre du Québec, disant que son
interprétation est fausse et perverse. Ce sont des mots très
durs. Pourquoi ces choses arrivent-elles? C'est parce que, comme l'admettent
les gens de l'autre côté - ils l'admettent, ce n'est pas moi qui
l'invente -Nous ne pensons qu'à cela et c'est le but de notre action
politique. La preuve en est que, lorsque l'on parle d'indépendance et de
séparation, on peut trouver le dénominateur commun de ces
gens-là. Mais parlez-leur d'un autre sujet, il n'y a aucun
dénominateur commun et c'est la source de bien des conflits à
l'intérieur du Conseil des ministres et à l'intérieur du
conseil des députés. La seule façon de les ramener
ensemble, c'est de leur servir la sauce indépendantiste. Là, on
dirait que cela peut ramener un peu -parce qu'il n'y en a pas beaucoup encore
-d'éclairs dans leurs yeux fatigués. (12 h 40)
Le ministre des Finances nous dit: Vous le savez, on l'a toujours dit.
Lorsqu'on a fait des élections - là, j'essaie de traduire dans
mes propres mots ce qu'il a dit - nous ne cachions pas nos couleurs; tout le
monde sait que nous sommes des indépendantistes. Il
faut penser que ces gens n'ont pas de mémoire. Quand ces gens ont
pris le pouvoir, en 1976, quelle était la condition première que
la population a littéralement et implicitement posée?
C'était que ce parti politique mette en veilleuse l'option
indépendantiste. Or, ils se sont conformés à cela et tous
les discours faits avant 1976 mettaient en veilleuse l'option
séparatiste indépendantiste qui n'est pas voulue par la
population.
On avait dit: On la met de côté, ne vous inquiétez
pas, on raie cela du programme et on vous posera la question
démocratiquement, dans un référendum. Or, qu'est-ce qui
s'est passé? Le référendum a eu lieu et ce gouvernement a
perdu quatre ans à préparer le référendum, pour
créer toutes les circonstances possibles qui seraient favorables
à un oui au référendum. Cela a été un non,
un non bien clair d'environ 90 comtés; 95, je crois, sur 110 ont dit non
au gouvernement, des citoyens et des citoyennes. Malgré cela, on revient
encore avec l'élection de 1981; on remet cela en veilleuse. Et le
ministre des Finances dit qu'ils n'ont pas peur de leurs couleurs?
Peut-être que lui, dans son comté, l'a dit, mais il y en a
plusieurs qui l'ont oublié dans leurs discours politiques à la
veille des élections. Cela revient évidemment assez vite
après.
Le ministre des Finances nous dit: On ne peut pas se changer parce qu'on
est au gouvernement; après tout, si je suis indépendantiste et
que je gagne mes élections, je suis encore indépendantiste le
lendemain. Je comprends ce qu'il dit, sauf qu'il oublie un facteur important:
on peut avoir, dans un parti, des idées indépendantistes - chacun
a le droit d'en avoir - mais lorsqu'on est élu avec le mandat de faire
en sorte que le Québec reste fort à l'intérieur du Canada
-c'est le slogan que ce parti a utilisé en 1981: rester fort à
l'intérieur de la fédération canadienne afin que le
Québec prenne sa place, sa véritable place dans l'ensemble des
provinces canadiennes - on devient membre d'un gouvernement. Ce n'est plus
simplement un parti politique. Que le PQ continue à promouvoir
l'idée indépendantiste, c'est son affaire; qu'il se suicide,
c'est son affaire, mais un gouvernement ne peut agir autrement que dans le
cadre du mandat reçu. C'est pour cela que je vous citais, au
début de mes remarques, certains passages de gens qui confirment ce que
je vous dis, c'est-à-dire qu'on n'a pas le droit, comme gouvernement,
d'agir comme si on avait reçu un mandat pour faire la
souveraineté du Québec. C'est exactement le mandat contraire
qu'on a reçu. Quand on fera cette distinction entre le parti et le
gouvernement, on risquera moins de se faire dire que le gouvernement est une
chorale.
On parle de centres de décision. Eh! M. le Président! Le
ministre des Finances dit que c'était son objectif de voir à ce
que les centres de décision soient ici plutôt qu'ailleurs. Mais ce
gouvernement a tout fait justement pour que les centres de décision que
l'on retrouve dans les sièges sociaux s'en aillent ailleurs. Combien de
ces centres de décision... Et j'en connais, j'ai rencontré
beaucoup de chefs d'entreprises qui me disaient: Nous devons partir. J'essayais
de les garder ici parce que nous sommes malheureux quand quelque chose de mal
arrive au Québec. Il ne faudrait pas penser qu'on prend plaisir à
critiquer le gouvernement dans le sens de se réjouir. Au contraire, nous
sommes attristés de ce qui arrive à notre Québec, à
notre population, à nos institutions. Ce qui a fait la force du
Québec, c'est justement parce qu'au Québec il y avait des centres
de décision importants qui, particulièrement depuis trois ou
quatre ans, s'en vont ailleurs. Pensez-vous que, si réellement
l'objectif avait été de maintenir les centres de décision
ici au lieu d'avoir l'objectif de l'indépendance, ces gens-là
seraient partis? Ils auraient fait en sorte de rester. Au contraire, leurs
partisans disaient, lorsque les centres de décision partaient: Bon
débarras! Nous avons été témoins de ces
choses-là, M. le Président.
Lorsque le ministre des Finances parle de ses relations avec le milieu
des affaires... C'est entendu que, si je suis un homme d'affaires et que je
parle avec le ministre des Finances, nous avons une conversation très
agréable. Je n'ai aucun intérêt à me mettre à
dos le ministre des Finances. Je n'ai aucun intérêt à me
mettre à dos le gouvernement. Cependant, lorsque j'ai à me
prononcer, je sais fort bien que ce n'est pas ce gouvernement-là qui va
aider mon industrie. Ce n'est pas ce gouvernement-là qui va nous aider
lorsque l'on sait de quelle façon ce gouvernement nous traite dans le
domaine de la fiscalité. Les Québécois sont les plus
taxés en Amérique du Nord et c'est le ministre des Finances qui
vient de nous parler, qui est responsable de la fiscalité au
Québec.
Une voix: Oui, c'est ça.
M. Levesque (Bonaventure): C'est celui-là qui est
responsable, en pleine crise économique, d'avoir surtaxé les
Québécois...
Une voix: Gros rigolo!
M. Levesque (Bonaventure): ...avec une taxe ascenseur
épouvantable qui a été imposée. Au moment
même où il fallait penser à créer des emplois, ce
ministre des Finances, qui vient nous dire qu'il est préoccupé
par l'économie, a été celui qui a apporté justement
les pires taxes, augmentant la taxe de vente de 8% à 9%, augmentant la
taxe sur l'essence de 20% à 40%.
Une voix: La taxe sur le capital.
M. Levesque (Bonaventure): Une taxe sur le capital, justement,
sur les entreprises...
Une voix: Sur les emplois.
M. Levesque (Bonaventure): ...et surtout une taxe sur la masse
salariale, M. le Président, augmentant...
Une voix: Doublée.
M. Levesque (Bonaventure): ...doublant même dans certains
cas, comme dans le cas des contributions au programme d'assurance-santé,
ce que doivent payer ceux qui sont à l'origine de la création
d'emplois. C'est ce ministre des Finances qui oublie la ponction fiscale de 1
200 000 000 $ qu'il est venu chercher au moment où on se serait attendu
que le gouvernement essaie plutôt d'injecter du capital pour créer
des emplois au Québec.
Une voix: C'est ça.
M. Levesque (Bonaventure): Mais nous avons eu droit à un
régime de taxation. C'est entendu, les milieux d'affaires sont bien
gentils. Certainement, comme toute la population. Nous avons une population
québécoise très aimable, très cordiale, très
polie. Nous n'avons pas l'habitude de voir des Québécois et des
Québécoises aller à l'étranger, par exemple, et ne
pas être polis. C'est bien normal de faire ça. Ici même,
quand nous rencontrons un gouvernement adverse... Je suis le premier, vous ne
pouvez pas trouver tellement plus libéral que je le suis, et, pourtant,
lorsque je rencontre les membres du gouvernement, je suis toujours gentil,
n'est-ce pas, avec vous autres; il n'y a pas de problème. Mais je ne
peux pas accepter vos politiques. Cela ne veut pas dire qu'il faut se chicaner
dans la rue quand on n'est pas d'accord. C'est pour cela que, lorsque le
ministre des Finances dit qu'il rencontre les milieux d'affaires et que cela va
bien, cela va bien ça. Si vous voulez un lunch, M. le ministre des
Finances, pas de problème. Voulez-vous venir prendre un verre? D'accord.
Tout le monde est gentil. Sauf que tous ces gens-là disent: Regardez les
sondages; regardez partout; écoutez ce que les associations de ces
hommes d'affaires vous disent. Ils ne peuvent pas accepter votre option
indépendantiste; ils ne peuvent pas accepter votre fiscalité; ils
ne peuvent pas accepter votre surréglementation; ils ne peuvent pas vous
accepter, point final.
Une voix: Cela ne passe pas.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne voudrais
pas, cependant, terminer ces quelques remarques sans relever deux ou trois
points. Le ministre des Finances a parlé des glissements, par exemple,
qui ont eu lieu dans les années cinquante, de Montréal vers
Toronto ou du Québec vers l'Ouest. À ce moment-là, il y
avait - il a oublié de le dire - des choses qui venaient remplacer ce
qui partait, tandis qu'aujourd'hui cela ne revient pas. Dans ce
temps-là, on a parlé de la voie maritime, on a parlé de
Canadian Car, je pense, mais est-ce qu'on a parlé d'Air Canada, de
Canadair, de Pratt et Whitney, de l'industrie pharmaceutique, des industries de
télécommunications? Est-ce qu'on a parlé du
développement du centre-ville de Montréal, de l'est ou de l'ouest
de Montréal, avec les édifices qui se construisaient partout? On
a vu la rue Dorchester, par exemple, se construire littéralement, les
sièges sociaux s'y établissant en grand nombre. Alors, si cela
partait, cela revenait, mais, aujourd'hui...
Une voix: À sens unique.
M. Levesque (Bonaventure): ...dites-nous ce qui revient quand
cela part. D'ailleurs, les chiffres de la migration sont clairs; nous sommes en
déficit. Lorsqu'on regarde les centres de décision dont on parle,
il en part continuellement. Il nous dit: II y a des choses qui reviennent; il y
a...
Une voix: Michaud. Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Oui, on l'a dit. J'ai des
collègues, évidemment, M. le Président, qui veulent que
j'en dise plus.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): On parle de M. Michaud qui revient,
mais disons que...
Une voix: ...comme un siège social.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
(12 h 50)
M. Levesque (Bonaventure): Revenons sérieusement, M. le
Président, à notre propos. On a parlé, je pense, de
Cantel. Oui, M. le Président, mais pour tout dire, il faudrait dire que
le ministère fédéral des Communications a accordé
à la firme montréalaise Cantel la licence pour la mise en place
d'un réseau téléphonique cellulaire dans 23 grandes villes
canadiennes, etc. On voit que l'influence du gouvernement fédéral
fait que Cantel est là et va être là pour rester, je
l'espère.
On a d'autres exemples. Est-ce qu'on a parlé de Bell Helicopter?
Dans les autres cas, c'était relié aux richesses naturelles.
Mais lorsqu'on a parlé, par exemple, de Bell Helicopter, est-ce
qu'on veut parler des efforts du Québec pour amener Bell Helicopter ou
si on veut se rendre compte et admettre que c'est une initiative et une
volonté politique du gouvernement fédéral qui a fait que
Bell Helicopter est venue ici? Il ne faut pas se le cacher, M. le
Président.
Une voix: Malgré eux.
M. Levesque (Bonaventure): Et malgré eux, parce que,
justement, je peux vous citer, si j'en ai le temps, M. le Président, ce
que disait M. Lumley à ce sujet. Il disait: 'Le Québec n'est pas
facile à vendre. Nous avons des problèmes terribles à
amener des industries dans cette province. Nous ne pouvons même pas
trouver des employés au sein de notre propre ministère qui
acceptent de retourner au Québec - il parle de Québécois.
"Lorsque j'ai amené le président de Bell Helicopter ici pour la
première fois, tous les journaux du Québec annonçaient
à la une l'intention de René Levesque de faire
l'indépendance, s'il obtenait une majorité de 50%. Le
président de Bell qui scrute la une de ces journaux pendant que j'essaie
de le convaincre de venir, ce n'est pas facile."
Il est clair, M. le Président, qu'une industrie pancanadienne qui
veut avoir le marché des 24 000 000 de Canadiens, lorsqu'elle entend
parler d'indépendance, devient inquiète tout de suite et se dit:
Est-ce que je serai encore dans ce pays afin de m'occuper du marché
pancanadien?
Je pense que les intérêts du Québec sont mal servis
par ce gouvernement. Je pense que le gouvernement péquiste, en
persistant à promouvoir l'option indépendantiste, témoigne
de son mépris à l'endroit de la volonté de la grande
majorité de la population et nuit à la reprise de
l'économie ainsi qu'à la création d'emplois permanents.
Cela ne veut pas dire que, de ce côté-ci de la Chambre, nous
n'avons pas de regret de ce qui se passe. Nous avons hâte, comme la
population, d'avoir un autre gouvernement qui sera réellement
voué aux intérêts des Québécois et des
Québécoises, qui va mettre véritablement,
sincèrement et entièrement la priorité sur la croissance
de l'économie. C'est une condition sine qua non de notre
développement social, de notre développement culturel.
Nous allons avoir un gouvernement qui va se tenir debout aussi à
Ottawa, parce que nous avons un gouvernement, présentement, qui a des
slogans comme "Faut rester forts". Jamais un gouvernement n'a été
aussi faible dans le domaine constitutionnel. Il a été faible
dans le domaine économique, dans le domaine social, dans le domaine des
relations du travail, mais il a été essentiellement faible dans
le domaine constitutionnel. Avec ce gouvernement, nous avons perdu le droit de
veto, nous avons perdu la délégation pour l'administration des
pêcheries, nous avons perdu, je ne sais dans combien de domaines, des
acquis et nous n'avons rien gagné dans les relations
fédérales-provinciales.
Nous croyons à une vraie économie du Québec. Nous
voulons un Québec fort à l'intérieur du Canada, un
Québec qui va réellement et fièrement représenter
les aspirations de notre peuple. Nous voulons que le Québec gagne
véritablement sa place et qu'il ne soit pas tassé comme il l'est
présentement, à cause de sa faiblesse, à cause de son
option.
Nous voulons précisément que, dans les prochains mois, ce
gouvernement puisse accepter de revenir devant le peuple et de se faire juger,
de se faire remplacer par un gouvernement qui va réellement correspondre
à la volonté du peuple, et non un gouvernement
déconnecté comme celui que nous avons devant vous et qui s'en va
son chemin comme s'il n'existait pas 6 000 000 de Québécois et de
Québécoises qui n'attendent que des élections
générales pour lui dire ce qu'ils en pensent.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement. Oui.
M. Gratton: Avant d'appeler le vote, pourriez-vous vous assurer
d'appeler les députés, parce que, comme vous le voyez, il y en a
seulement cinq du Parti québécois?
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plalt! Est-ce
que la motion du chef de l'Opposition... S'il vous plaît! Avant d'adopter
quelque chose, il faudrait au moins que je le demande.
Une voix: On pourrait la lire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je ferai tout cela, si on
m'en donne l'occasion. Est-ce que la motion du chef de l'Opposition, le
député de Bonaventure, est adoptée, cette motion
privilégiée en vertu de l'article 24, qui se lit comme suit: "Que
cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement
péquiste qui, en persistant à promouvoir l'option
indépendantiste, témoigne de son mépris à l'endroit
de la volonté de la grande majorité de la population et nuit
à la reprise de l'économie ainsi qu'à la création
d'emplois permanents"? S'il vous plaît!
Des voix: Adopté.
Des voix: Rejeté. M. Bertrand: Vote enregistré.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Vote enregistré,
M. le leader de l'Opposition?
M. Bertrand: M. le Président, me prévalant du
règlement, je demanderais que le vote soit reporté à la
prochaine séance, demain, après la période des
questions.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip de
l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, je me demande si cela est
conforme à l'esprit du règlement parce que, dans le fond, on sait
qu'une motion de blâme peut résulter en la démission du
gouvernement et, si celle-ci devait être adootée demain, à
la suite du débat d'aujourd'hui, est-ce que les gestes posés par
le gouvernement devraient être reconnus comme légitimes? Il me
semble qu'on devrait voter immédiatement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire de l'Opposition.
M. Lalonde: Lorsque nous avons discuté du partage du
temps, etc., il était entendu qu'on terminait à 12 h 55 pour
pouvoir voter immédiatement sur cette motion.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bertrand: M. le Président, en cette Chambre, on doit
prendre la parole de ceux qui, effectivement, l'exercent. Je dois indiquer
qu'en aucun temps, lors de ma rencontre avec le leader de l'Opposition en
présence du président, je n'ai indiqué que nous allions
prendre un vote enregistré à 12 h 55. D'ailleurs, quand nous
avons fait le découpage de l'enveloppe du temps, nous avions une
période de 120 minutes. Il avait été décidé
d'un partage 50-50 avec un droit de réplique pour le chef de
l'Opposition de 20 minutes. M. le Président, je suis convaincu que le
règlement permet effectivement le report du vote à la prochaine
séance.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, je vous rappelle que
l'article 24, qui régit le débat sur une motion de blâme,
est clair. À la dernière phrase, on lit ce qui suit: "Ces motions
ne sont pas susceptibles d'amendement et le débat qu'elles provoquent se
termine un quart d'heure avant l'ajournement de la séance alors que la
motion est mise aux voix." Point à la ligne. C'est tout de suite qu'il
faut voter, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, mise aux voix veut dire que
nous procédons au vote. Procéder au vote, vous l'avez fait
vous-même: Est-ce que cette motion est adoptée? De l'autre
côté, on a dit: Adopté; de ce côté-ci, on a
dit: Rejeté. Cela s'appelle la mise aux voix. Il y a un autre article du
règlement qui dit que, lorsqu'un vote enregistré est
demandé, le leader parlementaire du gouvernement peut, sans débat
aucun, demander que le vote enregistré soit reporté à la
prochaine séance. C'est ce que je fais en me prévalant du
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): II y a aussi l'article
106 qui dit qu'on peut reporter un vote, qu'il n'y a pas d'exception et, en
tant que président, je dois évidemment me conformer à la
demande du leader. Donc, vote reporté à demain... S'il vous
plaît! Vous voulez suspendre...
M. Bertrand: M. le Président, motion pour suspendre nos
travaux jusqu'à 15 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle
adoptée?
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont
suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise de la séance à 15 h 04)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! Vous
pouvez vous asseoir. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 12 de notre feuilleton d'aujourd'hui.
Prise en considération du rapport
de la commission qui a étudié
le projet de loi 47
Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 12 est la prise
en considération du rapport de la commission permanente des transports
qui a étudié le projet de loi 47, Loi sur le transport par taxi.
La parole est au député de Sainte-Anne.
M. Bissonnet: Non, de Jeanne-Mance.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oh,
excusez-moi, de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Seulement un petit mot, M. le Président.
J'ai reçu un appel téléphonique des procureurs de la
compagnie Samson Limousines qui auraient un mémoire à soumettre.
Ils m'ont informé également qu'ils avaient communiqué avec
le bureau du ministre. Donc, j'attendrai demain, lors de l'appel en
troisième lecture, s'il y a des commentaires à faire à ce
sujet. Pour le moment, c'est simplement pour dire au ministre qu'il y a
peut-être des représentations qui nous seront faites dans les
prochaines heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, pas de...
Donc, la prise en considération est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint.
M. Boucher: L'article 11, M. le Président
Prise en considération du rapport
de la commission qui a étudié
le projet de loi 46
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est la prise en
considération du rapport de la commission permanente des transports qui
a étudié le projet de loi 46, Loi sur les conseils
intermunicipaux de transport dans la région de Montréal et
modifiant diverses dispositions législatives. Cette prise en
considération est-elle adoptée?
Une voix: II y a des amendements.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Ah! II y a des
amendements? Les amendements sont présentés par le
député de Mont-Royal.
Il y en a d'abord un à l'article 7. Je vais le lire. Cet article
7 amendé est modifié par l'addition, après le
deuxième alinéa, de l'alinéa suivant: "Une
municipalité peut demander au gouvernement, par une résolution
précisant les raisons de cette demande, de ne pas être
forcée de se joindre à l'entente. Elle doit alors transmettre sa
résolution dans les quinze jours de son adoption aux
municipalités parties à l'entente."
Il y a l'article 20 qui serait amendé en étant
modifié par l'addition, après le premier alinéa, des deux
alinéas suivants: Les résolutions de ces municipalités
doivent être transmises dans les quinze jours de leur adoption à
la municipalité qu'elles veulent joindre à l'entente. "Celle-ci
peut demander au gouvernement, par une résolution précisant les
raisons de cette demande, de ne pas être forcée de se joindre
à l'entente. Elle doit alors transmettre sa résolution dans les
quinze jours de son adoption aux municipalités parties à
l'entente."
Finalement, l'article 71 est modifié par la suppression du
troisième alinéa de l'article 74.
Je demanderais au député de Mont-Royal de prendre la
parole.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Brièvement,
j'aimerais rappeler les raisons pour lesquelles nous avons demandé au
ministre des Transports de faire les amendements que nous lui avons
suggérés au présent projet de loi. Premièrement, si
on se le rappelle bien, la CTRSM, la Commission de transport de la rive sud de
Montréal, a été obligée d'acquérir les biens
de Métropolitain Sud et de fournir un service de transport non seulement
aux municipalités qu'elle desservait en 1978, mais à une
cinquantaine d'autres municipalités desservies par Métropolitain
Sud. On s'est retrouvé avec un transport interurbain en plus d'un
transport urbain et cela a causé certains problèmes.
Deuxièmement, la Commission de transport de la rive sud de
Montréal a été obligée d'envoyer des factures
à toutes les autres municipalités pour défrayer les
coûts de fonctionnement. Malheureusement, ces factures ne sont parvenues
aux autres municipalités que deux ans après l'acquisition de
Métropolitain Sud, deux ans après qu'elle eut commencé
à desservir ces municipalités. Les factures étaient pas
mal élevées, les municipalités se sont plaintes et le
ministre, finalement, étant obligé d'agir parce que les
municipalités ne pouvaient plus assumer le coût de fonctionnement
de la CTRSM, a dû présenter ce projet de loi qui dit aux
municipalités concernées: À partir du 1er janvier et
jusqu'au 31 mars - parce qu'il y a eu un sursis de trois mois - vous aurez le
droit, les municipalités de la rive sud, les municipalités de la
région de Montréal, de vous regrouper en conseils intermunicipaux
de transport, vous aurez le droit d'effectuer le transport par contrat, avec
des transporteurs privés ou, si vous le voulez, par contrat avec la
CTRSM.
Jusque-là, tout va très bien, le principe est acceptable.
Nous avons déjà dit, en deuxième lecture, que nous
acceptions le principe que les municipalités puissent,
elles-mêmes, décider de la façon dont elles vont fournir le
transport dans leurs limites.
Cependant, il y a deux problèmes qui se posent dans le projet de
loi qui est devant nous. Nous les avons soulignés en deuxième
lecture et nous avons même averti le ministre qu'à moins qu'il n'y
ait des changements majeurs, des changements
importants au projet de loi, nous serions dans l'obligation de voter
contre ce projet s'il imposait trop de charges additionnelles ou s'il
pénalisait certains contribuables. (15 h 10)
Qu'est-ce qui arrive avec le présent projet de loi? À
l'article 71 le gouvernement nous dit que la CTRSM ne sera pas
dédommagée à la suite du refus des autres
municipalités d'utiliser par contrat les services de la CTRSM. Autrement
dit, on a obligé la CTRSM à assumer les obligations de
Métropolitain Sud, devenue une filiale de la CTRSM, et aujourd'hui on
dit: Cette filiale n'existera plus. Une fois que la filiale n'existe plus et ne
peut plus fournir les services, qu'arrivera-t-il aux obligations de la
Commission de transport de la rive sud de Montréal? Elle sera
obligée d'assumer les obligations, les frais de fonctionnement, et cela
peut former un montant assez élevé. Par exemple, la filiale de la
CTRSM qui donnait le service à toutes les municipalités
environnantes en plus des municipalités de Longueuil, Boucherville,
etc., a 146 employés avec une masse salariale d'environ 5 000 000 $.
Est-ce que la CTRSM sera obligée d'absorber ces 146 employés?
Est-ce qu'elle sera obligée, à cause de la convention collective
qu'elle a avec ses employés, de continuer à payer cette masse
salariale approximative de 5 000 000 $ par année? Ce sera une
pénalité, une charge déraisonnable imposée aux
contribuables de la rive sud qui seront obligés de payer la note.
Nous suggérons ceci au gouvernement: Puisque c'est vous,
messieurs du gouvernement, qui avez causé le problème au
début, qui avez obligé la CTRSM à acquérir
Métropolitain Sud, le moins qu'on peut vous demander, c'est que,
maintenant que vous dites à la Commission de transport de la rive sud de
Montréal qu'elle ne peut plus emploiter sa filiale, Métropolitain
Sud, qu'elle ne peut plus donner de services, vous soyez en mesure d'absorber
les dommages qui seront causés à la CTRSM. Ce n'est pas
déraisonnable, ce que nous vous demandons; c'est quelque chose d'assez
élémentaire. On a déjà pénalisé les
contribuables par la loi de 1978 quand la CTRSM a acquis les biens de
Métropolitain Sud. La note pour le coût de fonctionnement qui
était assez élevée, devra être payée par les
autres municipalités. C'est vrai que le gouvernement va absorber le
coût de l'expropriation. C'est vrai que le gouvernement sera responsable
pour le paiement des obligations à long terme. Mais le gouvernement
refuse de s'engager à payer les dommages ou les coûts additionnels
qui seront subis par la CTRSM si elles ne signent pas de contrat, si elles ne
sont pas capables de s'entendre avec les autres municipalités pour
fournir le service après le 31 mars 1984. En plus des obligations
concernant la masse salariale, des obligations envers le personnel, il y a des
poursuites qui ont été intentées contre la CTRSM qui
pourraient se chiffrer entre 300 000 $ et 450 000 $. Je crois que le ministre,
en commission parlementaire, s'était engagé... Il pourra
peut-être nous dire, quand il va discuter des amendements, si, vraiment,
il prend l'engagement au nom du gouvernement que, si des jugements sont
portés à la suite des poursuites judiciaires contre la CTRSM, le
gouvernement va en absorber le coût. 300 000 $ à 450 000 $, encore
une fois, M. le Président, ce serait injuste d'obliger les contribuables
de la rive sud à absorber ce coût quand le gouvernement dit
à la CTRSM: Votre filiale n'existera plus à partir du 1er janvier
ou le 31 mars.
Il y a un autre aspect, M. le Président, et nous avions
porté ces questions à l'attention du ministre durant
l'étude article par article du projet de loi. Le ministre nous avait
assurés, à ce moment, qu'il n'y avait pas de problème avec
la CTRSM, qu'il avait discuté avec les dirigeants de la CTRSM et qu'ils
semblaient être satisfaits des arrangements concernant le projet de loi,
que tout semblait en ordre. Cependant, je dois signaler au ministre que,
pendant qu'il nous disait cela, il avait peut-être eu l'occasion de
prendre connaissance d'un télégramme qui lui avait
été adressé le matin. C'est possible, parce que je crois
bien que le ministre ne nous aurait pas induits en erreur de cette
façon. Je présume, pendant que nous étions en commission
parlementaire, que son bureau a reçu un télégramme de la
CTRSM lui faisant part de certaines inquiétudes. Je voudrais lire le
télégramme qui a été envoyé au ministre pour
lui démontrer les inquiétudes de la CTRSM, les obligations
qu'elle sera obligée d'assumer et qui seront un peu trop
onéreuses pour elle et pour les contribuables de la rive sud. Je lis le
télégramme: "M. le ministre, nous désirons vous
réitérer l'inquiétude du Conseil des maires et de la
Commission de transport de la rive sud de Montréal quant à
l'adoption du projet de loi 46 sur les conseils intermunicipaux de transport.
Si ce projet ne devait pas être modifié, il pourra avoir des
conséquences financières importantes pour les sept
municipalités partenaires de la commission. Afin de protéger les
citoyens payeurs de taxes de ces municipalités, le conseil et la
commission demandent que soient envisagés les mécanismes
suivants: le report à 1984 de l'adoption d'une nouvelle
législation ou la sanction, en 1983, de ce projet de loi dont la
promulgation serait cependant reportée au 1er janvier 1985. Nous croyons
- je continue toujours à citer le télégramme - que, dans
l'intérêt de tous, votre ministère ainsi que
l'Assemblée nationale devraient retenir cette demande et
considérer des mesures compensatoires pour
éviter que les municipalités partenaires de la commission
aient à payer les engagements et les frais courus par
Métropolitain Sud à la suite de l'abolition de cette filiale dont
les biens seraient dévolus à la CTRSM. En toute
équité, le projet de loi 46 devrait donc prévoir que le
conseil et la commission reçoivent une indemnité pour compenser
toutes les obligations éventuelles dévolues par
Métropolitain Sud à la CTRSM." Signé par Jean-Guy Parent,
président du Conseil des maires, et Georges Molini,
président-directeur général de la CTRSM.
M. le Président, la commission de transport demanderait de
reporter à la fin de décembre 1984, jusqu'au 1er janvier 1985, la
sanction et la promulgation du projet de loi. Elle demanderait aussi qu'il y
ait des mesures compensatoires, c'est-à-dire que le gouvernement
s'engage à payer les sommes d'argent que la CTRSM sera obligée
d'absorber par suite de l'abolition de la filiale de la CTRSM.
Je peux comprendre que si on retarde à la fin de décembre
1984 l'adoption du projet de loi, cela pourrait causer des dommages aux autres
municipalités, parce qu'il y aurait des frais additionnels. Ce n'est pas
notre but pour résoudre un problème d'en créer un autre.
Ce n'est pas cela qu'on demande au ministre. On ne demande pas au ministre de
reporter à la fin de décembre la mise en vigueur du projet de
loi. On comprend que toutes les autres municipalités, la cinquantaine de
municipalités hors de la juridiction de la CTRSM qui avaient les
services de la filiale de Métropolitain Sud ne veulent pas être en
position d'avoir à payer les coûts de fonctionnement sans avoir
aucun contrôle. On comprend le ministre et on comprend les
municipalités. On ne demande pas cela. On est d'accord avec l'amendement
que le ministre a déjà apporté au projet de loi d'avoir
une période de transition jusqu'au 31 mars 1984; cela va donner une
période de temps pour effectuer certaines négociations et pour
permettre à la CTRSM de prendre certaines mesures d'ici à la fin
de mars. Je ne voudrais pas que le ministre nous dise: Ils vont avoir trois
mois, ils vont pouvoir prendre de mesures, ils sont en négociation avec
d'autres municipalités. Cela est vrai. Ils sont en négociation.
Ils auront trois mois. Mais que va-t-il arriver si les négociations ne
sont pas terminées le 31 mars 1984? Que va-t-il arriver si quelques-unes
de ces municipalités se regroupent en conseils intermunicipaux de
transport et décident de ne pas accorder le contrat à la CTRSM?
(15 h 20)
Je crois qu'il y a un ou deux corridors où l'on négocie
avec des transporteurs privés, et non avec la CTRSM. Peut-être
qu'il y a un corridor, le ministre me signale qu'il y a un corridor. Mais les
autres, même s'ils sont en négociation, d'ici au 31 mars beaucoup
de choses peuvent arriver. Les négociations peuvent échouer et la
CTRSM va être obligée d'assumer toutes ses obligations. Si le
ministre nous dit qu'ils vont négocier, les chauffeurs, au lieu de
travailler, vont continuer d'être employés par la CTRSM et ils
vont fournir le service pour le CIT. Très bien. On souhaite que cela
arrive. Mais si cela n'arrive pas, que va-t-il arriver? C'est cela qu'on vous
suggère. C'est le but de notre amendement. Si cela arrive, le
gouvernement n'aura pas à s'inquiéter. Ils ne seront pas
obligés de payer, de dédommager la CTRSM parce qu'ils auront
conclu des contrats avec les autres municipalités. On veut que certaines
garanties soient données à la CTRSM, que certaines garanties
soient données aux contribuables de la rive sud. Si les
négociations ne sont pas conclues et que la CTRSM est obligée
d'assumer les obligations pour sa filiale, on veut que le gouvernement s'engage
maintenant envers la CTRSM, envers les contribuables de la rive sud, à
payer les sommes additionnelles qui seront encourues, qui devront être
payées par la CTRSM.
Je crois que c'est très simple. Ce n'est pas si compliqué.
Je crois que c'est seulement un élément de justice
élémentaire. M. le ministre, on ne peut pas résoudre un
problème en en créant un autre. Ce n'est pas la façon de
résoudre les problèmes. Si vous voulez résoudre le
problème de la cinquantaine de municipalités qui ne veulent plus
se faire envoyer des notes, des factures à la fin de l'année,
factures qui sont trop élevées et sur lesquelles elles n'ont
aucun contrôle, je vous comprends. Le projet de loi prévoit des
mesures pour s'assurer que ces municipalités puissent prendre les moyens
nécessaires. Mais, une fois que vous avez résolu un
problème de cette façon, si vous créez un autre
problème pour la CTRSM, ce n'est pas de résoudre le
problème; la façon ce serait de vous assurer que, dans ce projet
de loi, tous les problèmes soient résolus. Ce ne serait pas un
montant tellement exagéré. Ce n'est pas comme si la CTRSM
s'était engagée elle-même à fournir ce service.
Là, le ministre pourrait dire: Cela vous montrera... vous devez
être responsables de vos propres actions. Je peux comprendre. Quand on
prend une décision on doit être préparé à
répondre et à être responsable pour les décisions
prises. Si moi, personnellement, je prends une certaine décision, je
vais en subir les conséquences et je dois être prêt à
le faire. Je ne pourrais pas commencer à blâmer un autre, chercher
des solutions ailleurs et dire: Ce n'est pas ma faute, un autre va
résoudre le problème pour moi. Non. De la même
façon, la même règle qui s'applique à moi et aux
individus au Québec, doit s'appliquer au gouvernement. C'est le
gouvernement qui, en 1978, a pris la décision de forcer la CTRSM
d'acquérir la
filiale Métropolitain Sud. La CTRSM n'était pas
intéressée à faire cela; Métropolitain Sud
était au bord de la faillite. Évidemment, le service
n'était pas rentable et la CTRSM a été obligée par
le gouvernement de prendre cette décision. Si le gouvernement a pris
cette décision en 1978, il doit aujourd'hui vivre avec les
conséquences de cette décision. Et si, aujourd'hui, le
gouvernement vient dire à la CTRSM: Votre filiale, on va l'abolir, cela
cause trop de problèmes ailleurs, le gouvernement, en toute justice, va
être obligé de dire à la CTRSM: Très bien, vous
allez abolir la filiale, mais on va vous dédommager si vous êtes
obligés de payer des sommes additionnelles. On ne pénalisera pas
les contribuables de Longueuil, de Boucherville et de toutes les
municipalités qui font partie de la CTRSM maintenant, à la suite
de l'abolition de la filiale.
M. le Président, il ne devrait même pas y avoir de
discussion là-dessus. Car il y un autre aspect du projet de loi - il y a
d'autres changements, et je crois que le ministre a indiqué que
peut-être il était prêt à accepter quelques-uns de
ces amendements - qui donne le droit au ministre, au gouvernement, de dire
à certaines municipalités qui ne veulent pas faire partie d'une
entente: Vous serez obligées de faire partie d'une entente si d'autres
municipalités le font et si le service du transport en commun peut
arriver à ces municipalités ou s'il y a assez de contribuables
qui utilisent le transport en commun. Le but des autres amendements est de
vraiment retourner aux élus municipaux le pouvoir décisionnel. On
a essayé en commission parlementaire de convaincre le ministre que si
ces principes de donner le pouvoir aux élus devaient vraiment être
mis en application, le gouvernement ne devrait jamais être dans la
situation de forcer une municipalité de conclure une entente avec les
autres. Cela dépendrait de la volonté des élus de cette
municipalité. S'ils veulent signer l'entente, très bien. S'ils ne
la signent pas, ils en assument les conséquences.
Le gouvernement a refusé. Le but de nos amendements est de
permettre aux municipalités qui seront obligées de participer au
transport en commun contre leur désir d'aviser au moins le gouvernement
et de se faire entendre par le gouvernement pour donner leurs objections et les
raisons pour lesquelles elles ne devraient pas faire partie de l'entente.
M. le Président, l'amendement que nous voulons apporter a trait
à l'article 71 et ce que nous demandons au gouvernement... Le
troisième alinéa de l'article 71 se lit comme suit: "La
commission - parlant de la Commission de transport de la rive sud de
Montréal - n'a droit à aucune indemnité pour la
dissolution de sa filiale." Nous demandons par notre amendement de biffer cet
alinéa. Nous aurions voulu ajouter une obligation du gouvernement pour
compenser la CTRSM, mais comme vous le savez, ce n'est pas légal. Ce
n'est pas recevable de la part des membres de l'Opposition. C'est seulement le
gouvernement qui a le droit d'inclure dans un projet de loi l'obligation de
payer certaines sommes. C'est une question de fiscalité. C'est une
question de paiement de montants d'argent. Nous n'avons pas le droit d'inclure
une telle obligation dans le projet de loi. Je voulais l'expliquer pour que les
gens de la CTRSM comprennent pourquoi nous demandons seulement au gouvernement
d'enlever son droit de n'accorder aucune indemnité pour la dissolution.
Nous voulons non seulement que le gouvernement enlève cette clause, mais
nous voulons que le gouvernement assume ses responsabilités et paie ou
donne une compensation qui devrait être établie. Ce n'est pas une
compensation pour des profits futurs. C'est cela, la différence qu'il
faut comprendre. On ne demande pas au gouvernement de dire: Voici un service
que la CTRSM vient peut-être de perdre et dont elle aurait pu
bénéficier dans l'avenir. On ne veut pas de
bénéfices pour l'avenir. Ce n'est pas un profit. Ce ne sont pas
des sommes additionnelles. La CTRSM ne veut pas faire de l'argent avec cela,
mais elle ne veut pas non plus être obligée d'assumer les frais et
de payer ces sommes. Pour ces raisons, je crois que c'est important.
C'est important aussi pour d'autres raisons. Il n'y a pas seulement la
question du paiement des montants d'argent. Je pense que c'est une question de
principe. Un gouvernement ne devrait pas causer une injustice par son projet de
loi. C'est le gouvernement qui a forcé la CTRSM a prendre cet engagement
en 1978 et le gouvernement doit, en toute justice, compenser la CTRSM pour les
dommages qu'elle va subir. Mettez-vous à la place des contribuables de
la rive sud. Le gouvernement pose parfois des gestes qui, pourrait-on dire,
enlèvent ou diminuent la confiance de la population envers les
institutions gouvernementales. Il ne faudrait pas encourager ce manque de
confiance, il ne faudrait pas poser des gestes qui fassent que la population
continue à dire: Le gouvernement a fait quelque chose d'injuste, je n'ai
pas confiance au gouvernement, je n'ai pas confiance aux politiciens. On a une
responsabilité, à l'Assemblée nationale, celle d'assurer
le respect de nos institutions. On impose des charges injustes à des
contribuables qui n'ont rien eu à dire, qui n'ont rien eu à voir
là-dedans, des pauvres contribuables qui seront obligés d'assumer
les 5 000 000 $ - je ne sais trop, ce peut être réduit ou non;
mais quelle que soit la somme, c'est le principe - et qui vont recevoir un
compte de taxes plus élevé l'année prochaine. (15 h
30)
Pourquoi cela? Parce que le gouverne-
ment a décidé d'adopter une loi en disant: Vous allez
payer plus cher parce que j'ai décidé que la gaffe que j'ai faite
en 1978, de bonne foi... J'accorde au gouvernement qu'en 1978, de bonne foi, il
a essayé de résoudre un problème. Je vous donne le
bénéfice du doute et je n'ai aucune raison de croire que vous
n'étiez pas de bonne foi, mais c'est vous qui avez pris la
décision, c'est vous qui avez imposé ces charges. Aujourd'hui, le
même contribuable a vu cette charge additionnelle, cette obligation
additionnelle imposée à la CTRSM sans qu'on lui demande son avis.
Il n'a pas voté pour cela; quand il a voté pour le maire ou pour
les conseillers municipaux, il n'a pas voté pour être taxé
un peu plus par la CTRSM parce qu'elle a été obligée
d'acheter Métropolitain Sud, parce qu'elle va avoir des factures
additionnelles et un coût de fonctionnement déficitaire. Il n'a
rien eu à voir là-dedans, n'a rien à voir non plus avec
votre décision. Il ne faudrait pas le pénaliser. Il l'a
peut-être déjà été et il ne faudrait pas
ajouter à cette pénalité.
Pour ces raisons, M. le Président, nous demandons au gouvernement
d'accepter les amendements que nous avons suggérés au projet de
loi 46, et ce au nom de ces contribuables et au nom de la justice et de
l'équité. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Michel Clair
M. Clair: Le député de Mont-Royal est meilleur
quand il fait ses propres discours que quand il reprend les discours du
député de Laporte. Le discours du député de
Mont-Royal a repris un certain nombre de mythes ou de prétentions qui
ont été entretenus par le député de Laporte, en
particulier, sur la question de la CTRSM.
Le premier point que j'aimerais souligner en ce qui concerne le projet
de loi 46, comme le député l'a fait, c'est la petite histoire de
Métropolitain Sud et de Métropolitain Provincial. Le
député a terminé son intervention en disant: C'est le
gouvernement qui est intervenu, en 1978, par une loi faisant de
Métropolitain Sud une compagnie privée, une filiale de la CTRSM,
entreprise publique. Il a dit: Si le gouvernement a pris ces décisions
en 1978, peut-être que c'était la bonne décision mais,
aujourd'hui, qu'il en supporte les conséquences.
Deux choses là-dessus. D'abord, en 1978, lorsque nous sommes
intervenus, lorsque nous avons dû intervenir comme nous l'avons fait,
c'était le résultat d'un grand nombre d'années d'ignorance
des besoins de transport des personnes par les gouvernements qui nous avaient
précédés, et principalement celui qui était
là depuis six ans avant nous.
Deuxièmement, quand il dit qu'on va faire payer la note
aujourd'hui à des contribuables des villes de la CTRSM, c'est faux.
J'aimerais y revenir brièvement. Lorsqu'en 1978 et 1979 le gouvernement
a dû procéder à l'expropriation de Métropolitain Sud
et de Métropolitain Provincial, c'est essentiellement parce que ces deux
entreprises privées étaient acculées à la faillite
et qu'une dizaine de milliers d'usagers par jour risquaient d'être
privés de tout mode de transport en commun vers Montréal à
cause de la faillite de ces deux entreprises.
Or, M. le Président, Métropolitain Sud et
Métropolitain Provincial n'étaient pas deux entreprises
privées qui avaient commencé en affaires deux ou trois ans
auparavant. 11 s'agissait de systèmes de transport de personnes
développés sur une cinquantaine d'années au moins. Si
Métropolitain Sud et Métropolitain Provincial étaient
acculées à la faillite en 1978 et 1979, c'était le
résultat d'une négligence du gouvernement qui nous avait
précédés en matière de transport de personnes,
particulièrement dans la périphérie de Montréal. Ce
phénomène ne s'était pas développé sur une
année ou deux, mais sur une vingtraine d'années, avec la
construction d'autoroutes périurbaines dans la grande région de
Montréal. La facilité avec laquelle l'automobile a pu
pénétrer, cela a progressivement forcé l'autobus à
fonctionner avec un déficit dans cette région-là parce que
non seulement l'automobile lui faisait-il concurrence mais, en plus, le
gouvernement de 1970 à 1976 n'avait aucune politique le moindrement
dynamique pour inciter au transport en commun. Sa politique en matière
de transport des personnes était la construction d'autoroutes.
Le principal argument du député de Mont-Royal est de dire:
II va y avoir des coûts pour les contribuables de la CTRSM, des sept
villes membres de la CTRSM, Boucherville, Longueuil et les autres. C'est
inexact, M. le Président. Ce projet de loi n'entraînera aucune
augmentation de taxes pour les municipalités de la CTRSM,
premièrement. Deuxièmement, dans la plupart des
municipalités, grâce à une réorganisation possible
des réseaux, avec l'adoption de ce projet de loi, il y aura une baisse
des taxes dans les municipalités, une baisse des contributions à
partir de la taxe foncière pour une cinquantaine de municipalités
en périphérie de Montréal.
Je pense que le député le reconnaît. Pour les 50 ou
51 municipalités hors territoire de la CTRSM, comme elles vont
acquérir le droit de négocier des ententes soit avec la CTRSM,
soit avec un transporteur privé, elles le feront dans
l'intérêt de leurs contribuables et, donc,
ceux-ci vont bénéficier, dans la plupart des cas, d'une
baisse de leur contribution. Le seul cas où il pourrait y avoir une
augmentation de la contribution, c'est celui où une municipalité
voudrait, comme c'est son droit, augmenter le niveau de services par rapport
à ce qu'il est présentement. Donc, aucune augmentation de la taxe
foncière pour ces 50 municipalités.
Pour les sept municipalités de la CTRSM, qu'est-ce que c'est
Métropolitain Sud? Je ne le reprendrai pas, le député l'a
dit, c'est quelques millions de masse salariale, des autobus et un certain
nombre d'autres actifs minimaux des garages.
En ce qui concerne les actifs, ils auront été
défrayés à 100% par le gouvernement. C'est donc dire
qu'advenant le cas où la CTRSM ne puisse pas signer autant de contrats
qu'on a de raison de croire qu'elle va signer, elle va se retrouver
propriétaire, elle va être la seule commission de transport au
Québec à se retrouver propriétaire d'autobus qui vont
avoir été payés à 100% par le gouvernement et
qu'elle pourrait revendre à profit pour elle sur le marché,
puisque le gouvernement les aurait défrayés à 100%. Elle
pourrait les vendre, par exemple, dans la région de
Shawinigan-Grand-Mère. Vous le savez, M. le Président, c'est dans
votre circonscription électorale; les gens cherchaient des autobus
usagés à acheter qui pourraient assurer un bon service. On est
loin de pénaliser la CTRSM. On lui paie 100% des autobus et on lui dit:
Si vous ne parvenez pas à les utiliser dans les anciens corridors de
Métropolitain Sud, vous pourrez en disposer comme bon vous semblera. Il
me semble qu'on ne peut pas être plus généreux, M. le
Président. On n'est pas pour dire: On va en payer 110%. On a
accepté d'en payer 100%.
En ce qui concerne les quotes-parts des municipalités pour le
déficit d'exploitation des années où Métropolitain
Sud aura été en opération, d'abord pour les années
1978 à 1982, presque toutes les municipalités ont accepté
de payer. Il ne reste que quelques petites municipalités pour des
montants minimes qui totalisent, au moment où on se parle, environ 50
000 $. Ce ne sont pas les municipalités de la CTRSM qui vont être
prises pour le défrayer puisque c'est à peu près
complètement payé pour les années antérieures et
que la loi va continuer à obliger les municipalités à
défrayer jusqu'au 31 mars 1984, selon les circonstances, pour ce qui est
des mesures transitoires. Encore là, il n'y a rien à payer par
les municipalités.
En ce qui concerne la masse salariale, encore là le
député de Mont-Royal reprend -je le regrette - le discours
pessimiste du député de Laporte. Il y a une douzaine de conseils
intermunicipaux de transport qui sont en voie de formation dans la
région de
Montréal et, sur la douzaine des principaux corridors tant pour
la CTCUM et Métropolitain Provincial que pour la CTRSM avec
Métropolitain Sud, il y en a seulement deux importants qui, semble-t-il,
vont aller vers l'entreprise privée, les autres préférant
négocier avec la CTRSM ou la CTCUM. Pourquoi s'amuser à faire des
hypothèses pessimistes quand, au moment où on se parle, la CTRSM
est encore en train de discuter avec ces municpalités? S'il advenait -
ce que personne, je pense, ne souhaite, ni du côté de
l'Opposition, ni de notre côté -que moins de chauffeurs ou de
personnes préposées à l'entretien soient requis, la loi
prévoit simplement que, sur un avis de trois mois, à toutes fins
utiles, la CTRSM se retire, cesse le service et doit procéder
éventuellement à des licenciements. Ce ne sont donc pas, encore
une fois, les villes de la CTRSM qui vont devoir supporter le coût des
salariés qui n'auraient pas de travail... (15 h 40)
Sans compter que nous aussi avons pensé aux salariés,
avons pensé à ces gens-là. C'est pour cela qu'on a
incité les municipalités à négocier avec la CTRSM
et la CTCUM et c'est pour cela aussi que, toujours au moment où on se
parle, il y a des négociations entre Longueuil, Montréal, la CUM,
la CTRSM et la CTCUM pour le retrait de la CTCUM du Vieux-Longueuil, la CTCUM
pouvant facilement absorber, par simple attrition, une diminution - je ne me
souviens plus combien exactement - d'environ une cinquantaine de chauffeurs, ce
qui créerait donc un espace amplement suffisant pour absorber tous les
anciens chauffeurs de Métropolitain Sud sur le réseau de la CTCUM
dans le Vieux-Longueuil. Il n'y a aucune raison de s'alerter et de s'alarmer
à cause de cela actuellement.
Un dernier point. Le député souligne la question des
poursuites qui auraient été intentées contre
Métropolitain Sud. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec le
président du Conseil des maires de la rive sud, après la
réception du télégramme. Là-dessus, je peux dire au
député qu'au moment où on se parlait à la
commission parlementaire, peut-être nous sommes-nous mal compris, mais
j'avais reçu le télégramme; je le savais, et c'est
justement parce que j'avais reçu le télégramme que j'ai
appelé le soir, vers 18 h 30, avant la reprise de la commission
parlementaire, le maire de Boucherville, M. Parent pour mieux connaître
quelles étaient ses appréhensions, ses inquiétudes. L'un
des points, c'était la question des poursuites éventuelles contre
Métropolitain Sud.
Nous avons convenu ensemble qu'il serait, à mon sens et au sien,
pour le moins inopportun que le gouvernement légifère sur des
causes pendantes ou encore se porte garant dans une loi de toute condamnation
qui pourrait survenir à la suite de poursuites
qui auraient été ou qui seraient intentées contre
Métropolitain Sud. Cela ne se fait pas.
Ce qu'on a plutôt convenu, c'est que je lui adresserais une lettre
dans laquelle je lui dirais qu'on traiterait ces cas ad hoc. Je peux vous faire
part, M. le Président, du paragraphe que va contenir la lettre que je
vais lui adresser au nom du gouvernement sur la question des poursuites. Je dis
simplement: "Sur cette question, vous comprendrez sûrement qu'il serait
difficile et même inopportun que l'on légifère sur des
causes pendantes ou que le gouvernement s'engage par la loi à
défrayer les condamnations résultant de n'importe quelle
poursuite qui aurait été intentée ou pourrait l'être
contre Métropolitain Sud. Dans les circonstances, je conçois
cependant fort bien que, dépendant de la nature des poursuites, jugement
et partage des responsabilités dans les causes concernant
Métropolitain Sud, le gouvernement pourrait être appelé
à défrayer en partie ou en totalité les montants à
payer par la CTRSM pour les municipalités hors territoire et desservies
par Métropolitain Sud. Chaque cas devrait faire l'objet de
considérations ad hoc. En tout état de cause, je comprends que
l'évaluation sommaire de ces causes pendantes contre MSI
Métropolitain Sud - ne dépassent pas 400 000 $ et que la CTRSM
continuera à faire valoir ses droits devant les tribunaux jusqu'à
jugement."
Il me semble, M. le Président, qu'on a fait le tour. On a
payé 100% de l'expropriation. Les municipalités ont payé
le déficit d'exploitation. Nous nous sommes rendus aux demandes de la
CTRSM quant à un délai transitoire de trois mois pour les
salariés, et en ce qui concerne les poursuites, j'indique qu'on serait
prêt à les traiter l'une après l'autre si des jugements
condamnaient Métropolitain Sud dans les circonstances que je viens
d'évoquer.
Que reste-t-il, M. le Président? Que voulez-vous que j'ajoute
à cela? C'est là que je ne comprends absolument pas l'un des
amendements du député de Mont-Royal, quand on veut qu'on biffe
l'article qui dit qu'aucune indemnité ne sera payable à la CTRSM
pour Métropolitain Sud. Une fois que tu as tout payé, tu n'es pas
pour prendre l'engagement de payer encore plus. Ce serait déraisonnable.
Je ne vois pas le sens de cet amendement. On aura payé 100% des actifs.
Nous aurons, en plus d'avoir subventionné les activités,
payé complètement, avec les municipalités, le
déficit d'exploitation. Quant aux poursuites, je dis qu'on est
prêt à les recevoir une par une s'il y en a. Il va rester quoi
comme facture à la CTRSM? Est-ce que le gouvernement, après avoir
payé 100% de tout cela, va ajouter un crémage sur le
gâteau? Non, il n'en est pas question.
Je voudrais maintenant - le député pourra intervenir
à la fin - en terminant, revenir sur les deux autres amendements que le
député a proposés aux articles 7 et 20. Je voudrais lui
dire là-dessus que, comme je l'avais dit en commission parlementaire
d'ailleurs, à mon avis et de l'avis des avocats du ministère des
Transports, l'amendement proposé par le député de
Mont-Royal n'ajoute rien quant aux droits des municipalités de faire des
revendications ou des représentations au gouvernement. Néanmoins,
si cela va sans le dire, comme on dit parfois, cela va encore mieux quand on le
dit.
C'est la raison pour laquelle, en ce qui concerne les amendements aux
articles 7 et 20, du député de Mont-Royal, je n'ai pas
d'objection à les reprendre, à les reformuler. Nous l'avons fait.
En substance, c'est exactement la même chose. Nous donnons par la loi le
droit pour une municipalité qui ne veut pas être jointe à
une entente et pour laquelle toutes les autres municipalités de
l'entente ont demandé qu'elle y soit jointe de force de faire des
représentations. C'est un droit évident pour toutes les
municipalités. Si l'Opposition insiste, j'imagine qu'elle se fait,
à ce moment, l'écho des municipalités qui l'ont
sensibilisée à cela. Je n'ai donc pas d'objection à
inscrire les amendements dans le projet de loi en les reformulant. Il faudra
peut-être, M. le Président, que vous nous conseilliez sur la
façon de procéder. Est-ce que le député doit
retirer les siens et moi présenter les miens? Peu importe la
mécanique. Sur le fond, on est d'accord.
Je voudrais revenir cependant sur cette question. Le
député a dit tantôt que l'Opposition aurait
préféré qu'en aucune circonstance on ne puisse joindre de
force une municipalité à une entente et laisse entendre que ce
serait le gouvernement - il ne le dit pas directement, mais le laisse entendre
- qui voudrait garder la main haute là-dessus pour pouvoir, de force,
introduire une municipalité à sa guise dans une entente
intermunicipale sur le transport. Ce n'est absolument pas cela, M. le
Président. Ce sont les municipalités elles-mêmes qui nous
ont demandé d'avoir dans le projet de loi une telle disposition afin de
s'assurer que lorsque, dans un périmètre donné, dans un
corridor de transport donné, plusieurs municipalités acceptent
d'en faire partie, l'une des municipalités, particulièrement bien
située sur le plan géographique, ne puisse
bénéficier des services sans avoir à défrayer quoi
que ce soit. À ce moment, les municipalités nous ont dit: C'est
inéquitable. C'est la raison pour laquelle nous avons mis des
dispositions très exigeantes pour les municipalités qui veulent
en forcer une autre à se joindre à un conseil intermunicipal de
transport parce que la loi dit ceci: Les municipalités se forment
volontairement en une entente intermunicipale, en conseil intermunicipal de
transport. Si elles veulent en forcer une autre à faire partie
d'un tel conseil intermunicipal, elles doivent d'abord demander à
l'unanimité... dans chacune des municipalités, elles doivent
faire adopter par leur conseil une résolution demandant au gouvernement
de forcer une autre municipalité à faire partie de l'entente.
Première chose. Une résolution dans chacune des
municipalités qui le demande.
Deuxièmement, ces résolutions doivent être
motivées. Il ne s'agit pas simplement d'une petite résolution qui
dirait: M. le ministre, on demande que telle municipalité fasse partie
de l'entente bon gré mal gré; elles doivent être
motivées, avoir des motifs sérieux. Quels sont ces motifs? Il y
en a deux. Le premier, c'est lorsque le refus d'une municipalité de
faire partie de l'entente risque de compromettre l'organisation du transport
dans tout un ensemble de municipalités ou encore de le rendre tellement
onéreux qu'il devient illusoire de penser pouvoir l'organiser. C'est la
première circonstance. La deuxième circonstance, c'est si elles
font la preuve, et cela s'applique particulièrement aux
extrémités, aux bouts de lignes, que des personnes qui demeurent
dans la municipalité voisine sont susceptibles d'utiliser en nombre
important les services de transport en commun, mais que leur
municipalité refuse de faire partie d'un conseil intermunicipal de
transport. C'est seulement alors que le gouvernement pourra, après tout
ce processus, après avoir entendu la municipalité
récalcitrante qui, c'est évident, va se débattre et va
faire connaître son point de vue, forcer une municipalité à
faire partie d'une entente. (15 h 50)
Ce n'est aucunement par goût d'impérialisme du ministre, du
gouvernement ou de qui que ce soit, c'est simplement à cause des
contraintes physiques, financières de l'organisation du transport des
personnes par autobus qu'on doit avoir une telle disposition et ce sont les
municipalités elles-mêmes qui nous ont demandé de les
inclure.
M. le Président, je termine en disant simplement que j'ai la
conviction que, pour la première fois dans l'histoire de la grande
banlieue de Montréal, nous allons doter les municipalités d'un
pouvoir d'intervention et de mécanismes d'organisation du transport en
commun dans toute la périphérie de Montréal, alors que
cela a été négligé pendant 20 ans, jusqu'en 1978.
Nous avons franchi un premier pas. Nous passons aujourd'hui à un autre
stade de développement, d'implication des élus locaux de la
région de Montréal dans l'organisation du transport en commun. Je
suis confiant que cela sera non seulement à la satisfaction des
municipalités de la CTRSM et de la CTCUM, mais également à
la satisfaction des 150 autres municipalités qui s'y ajouteront au cours
des prochaines années et à la satisfaction des usagers.
J'espère qu'en procédant de cette façon les
élus seront plus motivés quant à l'organisation du
transport en commun, qu'ils s'y intéresseront davantage, qu'ils seront
soucieux de la qualité des services offerts aux usagers, à la
population et que, de cette façon, le transport en commun se
développera davantage comme alternative à l'automobile
privée. Non pas, encore une fois, que nous ayons quoi que ce soit contre
l'automobile privée, mais ce n'est pas tout le monde qui a les moyens
d'avoir une automobile et, si on veut vraiment offrir une alternative, je pense
qu'on doit développer le transport en commun C'est le défi qui
est posé tant au ministère des Transports qu'aux
municipalités.
En terminant, je dirai que si, de 1960 à 1976, on s'était
intéressé davantage à la question du transport en commun
et si on n'avait pas eu comme politique de transport des personnes uniquement
une politique de construction d'autoroutes, ça ferait bougrement
longtemps que de tels problèmes seraient réglés. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole
au député de Mont-Royal - sur consentement, puisqu'il n'y a pas
de droit de réplique, mais je pense que le ministre a donné son
consentement pour qu'une question soit posée - je vais essayer de
régler le problème des amendements et peut-être que cela
vous permettra de mieux travailler.
À l'article 7, si le député de Mont-Royal
était d'accord et qu'il y avait consentement unanime, il pourrait
retirer son amendement et accepter la proposition du ministre. Même chose
pour l'article 20.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): II pourra le dire à
ce moment. Quant au dernier article, le 71, on devra voter pour ou contre. Je
vous offre cela parce que les seuls amendements acceptables sont ceux du
député de Mont-Royal, puisqu'ils sont arrivés à
temps. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, j'accepte de retirer mes
amendements aux articles 7 et 20 et d'accepter les amendements proposés
par le ministre. Cependant, à l'article 71, nous allons exiger que cela
demeure tel quel.
Brièvement, je voudrais faire quelques courts commentaires et
vous poser une question. Quant aux décisions des municipalités de
pouvoir ou non faire partie d'une entente. J'ai expliqué pourquoi
c'était
nécessaire qu'elles soient incluses ou non et vous avez
spécifié les conditions essentielles, la question que cela
pouvait compromettre le service, etc. Je voudrais seulement vous rappeler, M.
le ministre, que ces conditions étaient des amendements ou des
changements que vous avez apportés durant la discussion ou
l'étude article par article à la suite de représentations
que nous avions faites. Car, si vous vous rappelez, vous aviez proposé
un amendement. Vous vouliez avoir le droit d'imposer cette obligation dans des
conditions pas mal nébuleuses. C'est à la suite de
représentations que nous vous avons faites que vous avez restreint les
conditions dans lesquelles vous pourriez obliger les municipalités
à faire partie de ces ententes. C'est pourquoi aujourd'hui on exige de
vous - et on l'exige dans le projet de loi - le droit de se faire entendre.
Ce n'est pas assez de dire: c'est un droit reconnu; cela va de soi. Trop
souvent, pour une raison ou une autre, l'entente avec les municipalités
aurait pu être renouvelée ou celles-ci auraient pu être
incluses sans en avoir reçu avis en temps et lieu. C'est pour cette
raison que nous exigeons des procédures assez exactes pour leur donner
le droit de faire des représentations et on spécifie les dates.
Je voudrais seulement porter à votre attention que la position contenue
dans le mémoire de l'Union des municipalités du Québec
rejoignait les représentations qu'on vous avait faites, parce qu'elle
nous a dit: "Donc, pour l'Union des municipalités, le projet de loi 46
ne peut être cautionné dans la mesure où il comporte un
pouvoir ministériel d'arbitrage sur les décisions locales en
matière de transport, une ingérence gouvernementale sur les
finances municipales et un pouvoir ministériel de désaveu sur le
service de transport au sein des conseils intermunicipaux de transport." La
seule chose qu'on fait, c'est de porter à votre attention certains
dangers qui existent dans le projet de loi. Nous vous suggérons des
amendements pour mieux protéger les municipalités.
Mais revenons à l'article 71. Vous dites: On paie le coût
de l'expropriation. On a tout payé. On n'est pas pour payer encore. Si
vous vous rappelez la déclaration que j'ai faite, je ne vous ai pas
demandé de payer deux fois. Je vous ai dit que, s'il n'y avait pas
l'obligation de payer, si les ententes étaient conclues avec les autres
municipalités, il n'y aurait pas de problème. Si, comme vous
dites, vous avez déjà tout payé, vous allez tout payer,
pourquoi insistez-vous pour inclure dans votre projet de loi une stipulation
à savoir que la commission n'a droit à aucune indemnité
pour la dissolution de sa faillite? Si vous l'avez payée, si vous
enlevez cet aspect du projet de loi, la commission ne pourra pas se faire payer
deux fois. Le fait de l'inclure, cela veut dire qu'il peut y avoir des sommes
qui leur sont dues et qu'elles ne pourraient pas recevoir. On ne veut pas
imposer une obligation au gouvernement de payer deux fois. On ne veut
même pas imposer une obligation de payer à la commission des
sommes qui ne lui sont pas dues. La seule chose qu'on dit, cela fait suite aux
représentations que la CTRSM vous a faites dans le
télégramme qu'elle vous a envoyé... Elle vous a
demandé - je vais lire le dernier paragraphe de son
télégramme: "En toute équité, le projet de loi
devrait donc prévoir que le conseil de la commission reçoive une
indemnité pour compenser toutes les obligations éventuelles
dévolues par Métropolitain-Sud à la CTRSM."
En concluant, on ne vous demande pas de payer deux fois. On ne vous
demande pas de leur payer des sommes qui ne leur sont pas dues. Si vous les
avez déjà payées, ils vont être satisfaits. On vous
demande seulement, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, pour qu'on
n'impose pas des charges qui ne seraient pas dues et qui ne devraient pas
être payées par la CTRSM, on vous demande seulement d'enlever
à l'article 71 les mots: "La commission n'a droit à aucune
indemnité pour la dissolution de sa filiale." Seulement pour rendre
l'affaire équitable, pour répondre aux demandes de la CTRSM et
pour s'assurer qu'ils ne seront pas pénalisés de quelque
manière que ce soit.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre. (16
heures)
M. Clair: Brièvement, M. le Président.
Effectivement - il me fait plaisir de le reconnaître - le
député de Mont-Royal, en ce qui concerne les conditions dans
lesquelles on pouvait forcer une municipalité à se joindre
à une entente, veut apporter une collaboration. Je ne pense pas
cependant qu'il en ait le seul crédit, parce que le ministre
était réceptif à cela; j'ai manifesté beaucoup de
compréhension. On a aussi essayé, avec les gens de la CTCUM et de
la CTRSM de formuler un article qui rencontre les attentes d'à peu
près tout le monde. Je ne m'en fais pas une gloire, mais je me
réjouis d'avoir pu bénéficier de la collaboration du
député de Mont-Royal à ce sujet. Cela faisait
différent de l'attitude du député de Laporte qui
n'acceptait absolument pas le fond de ces articles et qui démontrait,
à mon avis, une méconnaissance des problèmes vécus
par les 50 autres municipalités. Il se préoccupait, bien
sûr, des 7 municipalités de la CTRSM, mais il se
désintéressait pas mal du problème des 51 autres
auxquelles on doit penser. J'ai pu bénéficier d'une collaboration
positive de la part du député de Mont-Royal là-dessus.
Aujourd'hui, on a un article beaucoup plus resserré, adéquat
quant aux conditions dans lesquelles on peut forcer une municipalité
à
se joindre à une entente pour former un conseil intermunicipal de
transport. Voilà pour cela.
En ce qui concerne l'autre point, l'article 71, le troisième
alinéa que voudrait biffer le député de Mont-Royal se lit
comme suit: "La commission n'a droit à aucune indemnité pour la
dissolution de sa filiale." La raison pour laquelle on ne peut pas biffer cet
article, même si nous avons la certitude morale et quasi juridique qu'il
n'y aura pas le moindre cent - pas le moindre cent, c'est peut-être
exagéré - qu'il n'y aura pas de frais le moindrement significatif
pour la CTRSM... On est convaincu de cela parce qu'on a payé les actifs
à 100%, il y a des dispositions pour le respect des conventions
collectives, les quotes-parts pour les déficits passés sont
payés et, en ce qui concerne les poursuites, on manifeste une ouverture
d'esprit.
Si on n'inclut pas dans la loi cette disposition, la façon dont
cela fonctionne. Par exemple, l'acquisition de Métropolitain Provincial,
c'est le plus beau cas. Quand on a acquis Métropolitain Provincial, il a
fallu procéder par expropriation de l'entreprise Métropolitain
Provincial. Même si elle était déficitaire, même si
ses actifs étaient dans un état lamentable, à un point tel
que le lendemain matin du jugement d'expropriation, la CTCUM a dû
remplacer à peu près les trois quarts de la flotte de
Métropolitain Provincial, le Tribunal d'expropriation nous a
condamnés - je vous dis cela de mémoire, sous toutes
réserves - à un montant de 2 000 000 $ à 5 000 000 $ pour
avoir exproprié une entreprise déficitaire.
Vous allez me dire: Cela n'a pas de sens! Mais c'est ça. Parce
que les permis, qui avaient été délivrés par la
Commission des transports du Québec sont considérés comme
ayant une valeur en soi pour toute entreprise de transport puisque cela accorde
le privilège exclusif de desservir une telle région, une
région donnée. Quand on exproprie une partie d'entreprise de
transport, le Tribunal de l'expropriation tient compte de l'effet sur le reste
de l'entreprise et il fixe des indemnités telles que c'est aussi bien de
l'acheter en entier que d'en acheter seulement les trois quarts.
Aujourd'hui, aussi surprenant que cela paraisse, il n'y a pas ce
paragraphe 3, la CTRSM pourrait théoriquement, même après
que le gouvernement ait payé 100% de ses actifs, payer les causes, payer
tout, parce qu'elle détient toujours des permis de la Commission des
transports du Québec, se retourner, aller devant le Tribunal de
l'expropriation et dire: Le gouvernement m'exproprie sans indemnité.
Même si elle était en déficit, on pourrait être
condamné et devoir payer une deuxième fois l'expropriation de
Métropolitain Sud et de Métropolitain Provincial. Cela n'a pas de
sens.
Alors, c'est la raison, c'est parce qu'on éteint ainsi les permis
de la CTRSM pour sa filiale Métropolitain Sud qu'on doit inclure une
telle disposition. Je sais bien que ce n'est pas l'intention des maires mais,
théoriquement, ils pourraient, si on n'inclut pas cette disposition et
même si on a déjà payé pour l'expropriation, se
retourner et nous poursuivre une autre fois parce qu'on éteint les
permis de transport de Métropolitain Sud par l'effet de la loi. C'est la
raison pour laquelle on dit qu'on a besoin de l'article 71, du troisième
alinéa. C'est la raison pour laquelle aussi je dis qu'on n'a pas besoin
de toucher à cela puisque nous payons déjà 100% des
coûts d'acquisition des actifs; les quotes-parts seront payées,
les salariés vont travailler soit sur les autres lignes ou
éventuellement vont sortir de la liste de paie de la CTRSM. On croit
qu'il n'y en aura pas, on souhaite qu'il n'y en ait pas, mais cela ne
crée pas de charges additionnelles pour la CTRSM. Quant aux poursuites,
j'ai dit tantôt que j'allais écrire, au nom du gouvernement, au
président du Conseil des maires de la rive sud pour lui dire: On les
recevra une par une comme on l'a déjà fait dans le transport
scolaire et dans d'autres secteurs. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À la suite de
l'entente consentie je vais lire l'amendement à l'article 7 pour qu'il
n'y ait pas de difficultés pour le journal des Débats. Il s'agit
de remplacer le deuxième alinéa par le suivant: "Les
résolutions de ces municipalités doivent être transmises
dans les quinze jours de leur adoption à la municipalité qu'elles
veulent joindre à l'entente. Celle-ci peut demander au gouvernement, par
une résolution précisant les raisons de cette demande, de ne pas
être jointe à l'entente. Elle doit alors transmettre sa
résolution dans les quinze jours de son adoption aux
municipalités parties à l'entente." Cet amendement est-il
adopté, M. le député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
L'amendement à l'article 20 se lirait maintenant comme suit:
"Insérer entre le premier et le deuxième alinéas
l'alinéa suivant: "Les résolutions de ces municipalités
doivent être transmises dans les quinze jours de leur adoption à
la municipalité qu'elles veulent joindre à l'entente. Celle-ci
peut demander au gouvernement, par une résolution précisant les
raisons de cette demande, de ne pas être jointe à l'entente. Elle
doit alors transmettre sa résolution dans les quinze jours de son
adoption aux municipalités parties à l'entente." Cet article
est-il adopté?
M. Ciaccia: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Il reste
l'amendement à l'article 71 qui se lit comme suit: "L'article 71
amendé est modifié par la suppression du troisième
alinéa de l'article 74." J'ai cru comprendre que le ministre avait
refusé de l'adopter.
M. Clair: Sur division.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur division. Ce qui veut
donc dire que le rapport serait adopté tel qu'amendé?
M. Lalonde: Adopté tel qu'amendé.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté tel
qu'amendé.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: S'il y avait consentement, M. le Président,
est-ce qu'on pourrait procéder à la troisième lecture
immédiatement?
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mont-Royal.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: Nous avons été convoqués pour
une prise en considération. Nous n'avions pas eu l'avis qu'on voulait
faire la troisième lecture. Il reste quelques jours à nos
travaux, je pense qu'on peut attendre une prochaine séance ou une
séance subséquente. Il est possible que d'autres orateurs qui ne
sont pas ici actuellement pour la prise en considération soient
intéressés à intervenir en troisième lecture.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, c'est moi qui avais
demandé au leader adjoint... Je veux simplement expliquer la situation
à mon collègue, le leader de l'Opposition et député
de Marguerite-Bourgeoys. Comme vous le savez, ce projet de loi aura une
application à compter du 1er janvier prochain. Au moment où on se
parle des municipalités se réunissent à peu près
tous les soirs et sont en train de se préparer pour former des conseils
intermunicipaux de transport et signer des ententes avec la CTRSM. Inutile de
dire qu'elles ont très hâte d'avoir le texte définitif du
projet de loi. S'il n'y avait pas eu d'autres orateurs j'aurais souhaité
qu'il puisse être adopté en troisième lecture aujourd'hui
afin qu'il puisse être sanctionné le plus rapidement possible -
car il entre en vigueur le jour de sa sanction - et qu'on puisse faire parvenir
des versions définitives aux municipalités.
Si cela crée un problème au leader de l'Opposition ou s'il
y a des gens qui veulent intervenir, on peut attendre à demain. Est-ce
qu'on pourrait le faire demain, cependant?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: Cela dépendra du leader du gouvernement. Je
suis très sensible aux problèmes que les retards du gouvernement
causent aux municipalités. Il n'y a aucun doute que si on avait
siégé entre le 18 octobre et le 15 novembre au lieu de mettre un
lock-out ici à l'Assemblée nationale, cela serait
réglé et adopté depuis longtemps.
Je suggère au ministre de convaincre le leader du gouvernement de
l'appeler demain ou le plus tôt possible et nous ferons la
troisième lecture à ce moment-là.
M. Clair: Je voudrais remercier le leader de l'Opposition pour sa
belle coopération.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais
maintenant d'appeler l'article 6.
Projet de loi 9 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture
du projet de loi 9, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune.
La parole est à M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je suis
particulièrement heureux d'arriver au terme de l'adoption du premier
projet de loi que j'ai eu à parrainer en cette Chambre, d'autant plus
que je pense que c'est également l'aboutissement d'un long processus de
consultation et de participation de tous les intéressés du
secteur de la faune.
Je tiens à rappeler au départ que deux commissions
parlementaires ont été tenues sur ledit projet de loi, en plus
des multiples consultations régionales et d'une consultation encore plus
spécifique des conseils exécutifs des neuf principaux organismes
relatifs à la conservation de la faune. (16 h 10)
Au tout début de mon discours, je tiens à remercier tous
les gens qui ont collaboré à
bonifier ce projet de loi qui a reçu, d'ailleurs, en
deuxième lecture, l'assentiment unanime de cette Chambre et dont
l'étude, également, en commission parlementaire, s'est
soldée par un travail des plus positifs de la part des deux formations
politiques. J'ai toutes les raisons de croire qu'on adoptera unanimement ce
projet de loi.
Je voudrais rappeler les grandes lignes de ce projet de loi. Tout
d'abord, on aura remarqué que nous modifions le titre même du
projet de loi. En plus de se préoccuper de la notion de conservation, on
parle de la mise en valeur de cette faune. Nous avons, au Québec, une
faune fantastique. Nous savons qu'au-delà de 1 200 000 adeptes de la
pêche et de la chasse sont intéressés à la pratique
sportive. On se devait de réglementer d'une façon encore plus
souple certaines pratiques, mais de rendre certaines autres plus rigoureuses
pour permettre, d'abord, de conserver au maximum les différentes
espèces fauniques et, du même souffle, en faire profiter, sur le
plan économique, l'ensemble du Québec. C'est un peu l'objectif ou
ce pourquoi nous avons apporté un amendement au titre même du
projet de loi.
J'ai tenté, en deuxième lecture, de démontrer les
retombées économiques de l'utilisation de la faune au
Québec, et c'est au-delà de 1 000 000 000 $ que rapportent les
activités reliées à la faune. Donc, c'était, pour
nous, l'occasion de mettre en valeur tout le secteur de la faune au niveau
économique et c'est dans ce sens-là que les amendements qui ont
été apportés vont, dans un premier temps, pour la
conservation. On a introduit des mécanismes nouveaux qui
démontrent la volonté politique gouvernementale de
protéger non seulement les espèces, mais également leur
habitat. Cela avait été demandé par l'ensemble des groupes
et je pense que la dernière commission parlementaire et la rencontre des
neuf principaux organismes nous auront permis d'introduire, avant le discours
de deuxième lecture, cette notion fondamentale de la protection de
l'habitat faunique.
Je considère que, pour les adeptes, les scientistes et tous les
intéressés, c'est une victoire que d'avoir inscrit, dans le
projet de loi, ce principe fondamental de la conservation de l'habitat faunique
et également d'avoir introduit, dans ce même projet de loi, cette
notion de consultation obligatoire des organismes avant la publication des
règlements, avant l'entrée en vigueur des règlements. On a
parlé de déréglementation en cette Chambre. On se plaint
que des lois contiennent beaucoup de règlements et j'ai acquiescé
à cette demande de prépublier ces règlements pour
permettre d'avoir précisément les remarques de tous les
intéressés, ce qui permettra sans doute d'enrichir, de bonifier
l'ensemble de notre réglementation dans le secteur de la faune, tout en
reconnaissant, bien sûr, qu'à cause de détails techniques
il nous faut changer, soit annuellement ou semestriellement, les dates ou les
quotas selon la disponibilité de l'espèce. Je pense qu'il fallait
quand même garder une souplesse. C'est dans ce sens-là qu'il y a
eu, dans un premier temps, un effort de concentration des règlements, en
plus d'une prépublication. Par la suite, on procédera, bien
sûr, à la déréglementation comme telle.
À la demande des intéressés qui, depuis un certain
temps, veulent aider le gouvernement dans son effort pour la protection de la
faune en général, nous avons accepté la création
d'une fondation mixte et les fonds pourront venir autant du secteur
privé, d'organismes privés que de l'État, afin de pouvoir
bénéficier justement, comme cela se fait dans certains autres
pays, de cette richesse collective, d'acheter et même de se porter
acquéreur d'habitats mis en péril et que ce ne soit pas toujours
l'État, de procéder à l'aménagement d'habitats
fauniques par des organismes ou par l'entremise du fonds mixte. Je pense que
c'est là une nouveauté, mais qui vise précisément
à dire aux groupes intéressés: Embarquez de pied ferme, de
plein droit; mettez-y non seulement le muscle; mettez-y non seulement l'effort
d'imagination, mais également l'argent. C'est dans ce sens-là
qu'on répondra aux voeux des organismes qui ont sollicité cette
fondation mixte.
Également, nous réglementerons dorénavant
l'importation et l'exportation des animaux à fourrure. Je pense que
c'est un champ qui n'était pas couvert dans la Loi sur la conservation
de la faune et que nous couvrirons maintenant.
Je voudrais également apporter une attention spéciale, M.
le Président, à un dossier qui a peut-être
créé une certaine ambiguïté en cette Chambre. Il y a
eu un transfert de juridiction. L'aquaculture relèvera dorénavant
du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Les étangs de pêche comme tels et l'ensemencement ou la
qualité, les normes pour l'ensemencement demeureront sous la juridiction
du MLCP. Je voudrais bien expliquer ceci afin que les adeptes de la pêche
ou ceux qui s'opposaient à tout transfert comprennent la raison
d'être du ministère comme tel. Dans sa vocation de conservation de
la faune, il a bien gardé sous sa juridiction toute la
responsabilité de la qualité de l'ensemencement du poisson. C'est
clair. Également, en ce qui concerne la commercialisation des
espèces, il y en a qui ont dit: Vous avez perdu la responsabilité
de la commercialisation des espèces dans votre projet de loi. Non. Si on
regarde le projet de loi, tel qu'il a été rédigé,
libellé et même amendé, on conserve essentiellement le
pouvoir de commercialiser, mais c'est par voie de règlement, et
cela doit être soumis au public par une consultation d'ordre public avant
d'officialiser toute commercialisation.
Cependant les normes de commercialisation ne relèvent pas en tant
que telles du MLCP; elles relèvent vraiment du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Cela fait partie de sa
propre juridiction, c'est la qualité même de la viande ou des
espèces que l'on donne aux fins d'alimentation aux consommateurs. Je
pense que, cette explication étant donnée, on comprendra qu'on se
soit départi, en tant que ministère, de notre
responsabilité de conservation fondamentale. Car on sait que les normes
de qualité pour fins d'alimentation ne sont pas nécessairement
les mêmes que celles pour l'ensemencement, et nous tenions à
séparer, à disjoindre les deux.
M. le Président, je voudrais remercier mes collègues qui
ont travaillé à deux reprises à la commission
parlementaire, et même à trois, en comptant celle qui a
étudié le projet de loi article par article. Je voudrais
remercier d'une façon bien spéciale tous les intervenants du
milieu qui, à deux reprises, sont venus s'exprimer devant nous, pour
faire en sorte que le projet de loi sur la conservation et la mise en valeur de
la faune qui, je pense, obtiendra l'unanimité de cette Chambre... Je
voudrais également souligner le travail positif que l'Opposition a fait
en commission parlementaire, lors de l'étude article par article. Je
pense que, dans l'ensemble, les parlementaires seront heureux de soumettre aux
usagers québécois une législation plus souple, une
législation mieux adaptée aux besoins et aux aspirations des
adeptes du Québec.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Charlesbourg.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté: M. le Président, nous en sommes
officiellement à la dernière étape en cette Chambre avant
la sanction du projet de loi 9. Comme l'a indiqué le ministre il y a
quelques instants, c'est l'aboutissement d'un processus qui a duré
près de deux ans, en termes de consultations publiques par l'entremise
de commissions parlementaires auxquelles l'Opposition s'est associée, et
auxquelles je n'ai pas eu le plaisir de participer étant, à ce
moment-là, chef de cabinet du whip de l'Opposition. On a eu les
élections partielles dans Charlesbourg et, par la suite, j'ai pu
m'associer à cette démarche. Il y a donc eu des consultations
publiques et des consultations privées.
Je veux rendre hommage en cette Chambre au ministre qui a eu une
attitude de ministre responsable. Au moment où on a abordé la
deuxième lecture, je faisais état du ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation qui aurait eu avantage à suivre
ce modèle de consultation en ce qui concerne le projet de loi 48, mais
il s'en est abstenu. Un autre membre du Conseil des ministres s'est
ajouté en cours de route: le ministre des Affaires municipales, avec le
projet de loi 38; ce ministre a systématiquement refusé la
consultation. La consultation qu'a faite le ministre du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche a amené du côté de l'Opposition une
collaboration positive dans les démarches qui ont suivi pour l'adoption
du projet de loi 9. Dans l'étude article par article du projet de loi
qui contenait quelque 130 articles, nous avons fait, je pense, un travail
sérieux et consciencieux guidés par le souci de bonifier la loi
puisque le ministre lui-même avait spécifié que
c'était une loi qui avait besoin d'être bonifiée. (16 h
20)
À la lumière des consultations que nous avions faites sur
le plan privé tant d'agents de conservation de la faune que de gens
intéressés du milieu, nous avons proposé des amendements
à différents articles que le ministre avait sur la table et je
pense que cela a été une collaboration de tous les instants et
des échanges fructueux qui ont fait que dans un projet de loi de 130
articles, le ministre a déposé lui-même quelque 51
amendements dont un entre autres à l'article 96 qui a
nécessité 40 paragraphes. Ce qui voudrait dire, globalement,
presque 90, près de 90 amendements au projet de loi qui contenait 130
articles.
Ce qui veut dire que finalement, le projet qui avait été
déposé en cette Chambre n'est plus le même au moment
où on sort de cette commission; c'est un projet neuf qui comprend des
éléments majeurs sur le plan de nouveauté. Ainsi,
l'Opposition a collaboré d'une façon intensive à
l'introduction d'un amendement à l'article 56 pour permettre au
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de
véritablement prendre position, une position très ferme
vis-à-vis du MAPAQ. Nous avons souscrit à cette initiative et
cela a permis au ministre de faire entendre sa voix à son
collègue du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. De même, il faut le dire, par l'article 93 qui a
été amendé et qui contenait un amendement avec 40
paragraphes, la notion d'habitat faunique a été introduite
à l'intérieur de ce projet de loi, ce qui n'était pas le
cas au moment de l'étude de deuxième lecture. C'est, je pense,
l'élément essentiel et majeur au niveau de l'étude article
par article et nous avons concouru à ce niveau, compte tenu de la
complexité finalement et de l'urgence aussi
de résoudre certains problèmes au Québec dans le
domaine de la conservation des habitats fauniques.
Aussi, nous avons souscrit a la création de la Fondation de la
conservation. Ce qui, je pense, est de nature, compte tenu de la rareté
des fonds sur le plan gouvernemental, à aller chercher dans le
privé des sommes d'argent qui pourraient être affectées
à la conservation, entre autres, par exemple, dans le domaine du saumon
où il y a déjà sur le plan des États-Unis de ces
associations et des fonds disponibles qui nous permettraient de conserver cette
richesse tout à fait exceptionnelle et indispensable à des
régions comme la Gaspésie et la Côte-Nord.
Ce qui est aussi très important, c'est que le ministre, sans
prendre un engagement ferme et définitif, s'est montré
très réceptif, compte tenu de l'insertion dans le projet de loi
des amendements à l'article 93, à la tenue d'une commission
parlementaire qui aurait lieu en 1984, possiblement au printemps ou au
début de l'été - même cela pourrait aller à
l'automne - pour analyser, pour entendre les intervenants du milieu afin de
savoir si les buts visés par l'article 96 en termes de conservation
d'habitat faunique, ont véritablement atteint leurs objectifs et, par le
fait même, dans la mesure où ces objectifs sont atteints, dire:
Tant mieux, on a bien vu au moment de l'étude article par article. Dans
le cas contraire, cela permettra au ministre d'amener le plus rapidement
possible à la Chambre les amendements nécessaires à la Loi
sur la conservation ou une loi spécifique comme il en avait
été fait mention à l'automne sur les habitats fauniques
afin de régulariser la situation le plus rapidement possible.
Enfin, M. le Président, devant l'insistance
répétée de l'Opposition tant en deuxième lecture
que lors de l'étude article par article, le ministre a accepté de
réintroduire à l'intérieur du projet de loi 9, parce que
ce sont des éléments qui étaient disparus, les articles de
l'ancienne loi, les articles 50 à 55 touchant les indemnités
reliées au permis de chasse. Je pense qu'il faut rendre hommage au
ministre qui a accepté de protéger tout près de 900 000
chasseurs au Québec qui vont chercher un permis qu'ils paient et qui
vont se voir protégés. C'est à la suite de l'insistance de
l'Opposition et on s'est très rapidement entendu, compte tenu du fait
que pour le gouvernement du Québec, c'était un coût
d'approximativement 150 000 $ pour donner une protection à quelque 800
000 à 900 000 chasseurs au Québec.
M. le Président, c'est avec plaisir que nous nous associons
à la dernière démarche devant cette Chambre, soit à
l'adoption de la troisième lecture du projet de loi 9 qui, finalement,
met en application toutes les améliorations possibles de la Loi sur la
conservation de la faune.
Dans la mesure où, dans l'avenir, le ministre aura la même
condescendance, le même respect des intervenants dans tous les domaines -
parce que c'est sa première loi, ce n'est pas la dernière - je
voudrais qu'il tire comme conclusion de cette étape et qu'il en profite
aux réunions du Conseil des ministres, le mercredi, pour dire à
ses collègues que cela a bien été parce qu'il y a eu
consultation et que l'Opposition, finalement, devant une consultation du
milieu, est toujours très réceptive. Si cela avait
été le cas du projet de loi 38 et du projet de loi 48,
peut-être ne serions-nous pas devant un bâillon aujourd'hui. Je
suis convaincu que le ministre va être capable de passer les messages aux
personnes concernées. Je lui dis, encore une fois, que c'est avec
plaisir que l'Opposition s'associera pour adopter le projet de loi 9 à
l'unanimité de cette Chambre.
Le Vice-Président (M. Rancourt): La troisième
lecture du projet de loi 9, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la
faune est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 9.
Le Vice-Président (M. Rancourt): L'article 9, M. le leader
adjoint?
M. Boucher: L'article 9.
Prise en considération du rapport
de la commission qui a étudié
le projet de loi 18
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. Prise en
considération du rapport de la commission permanente des travaux publics
et de l'approvisionnement qui a étudié le projet de loi 18, Loi
sur la Société immobilière du Québec. Cette prise
en considération est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement,
M. Boucher: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 10.
Prise en considération du rapport
de la commission qui a étudié
le projet de loi 36
Le Vice-Président (M. Rancourt): Arti-
cle 10, prise en considération du rapport de la commission
permanente de la justice qui a étudié le projet de loi 36, Loi
sur la recherche des causes et des circonstances des décès. Cette
considération du rapport est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: Article 5, M. le Président.
Projet de loi 43 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): L'article 5, c'est la
troisième lecture du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs
au pourboire de la restauration et de l'hôtellerie. M. le ministre du
Revenu.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, nous sommes rendus à
l'étape de l'adoption en troisième lecture du projet de loi 43,
Loi concernant les travailleurs au pourboire de la restauration et de
l'hôtellerie.
Ce projet de loi, qui a suscité beaucoup de discussions parmi les
consommateurs du Québec, les travailleurs et les travailleuses au
pourboire et les employeurs, en est rendu à sa dernière
étape.
Je voudrais d'abord indiquer clairement à la population du
Québec, aux travailleurs au pourboire, aux travailleuses au pourboire
ainsi qu'aux employeurs, ce qui va se passer le 1er janvier 1984.
Ce qui va se passer à partir du 1er janvier 1984, c'est que
plutôt que de payer leur impôt sur leurs pourboires une seule fois
par année, au moment où ils font leur rapport d'impôt, en
mars ou avril de l'année suivante, et avoir à payer des montants
considérables, s'ils révèlent la totalité de leur
revenu de pourboire, comme la loi les y oblige depuis toujours, des
employés au pourboire auront tout simplement à déclarer la
totalité de leurs pourboires réellement reçus de la part
de leurs clients à leur employeur, à chaque période de
paie, et l'employeur fera les déductions d'impôt à la
source sur ces pourboires déclarés et sur le salaire de base
versé. L'employeur fera aussi les déductions à la source
de la contribution à la Régie des rentes du Québec,
à la fois sur le salaire de base et sur les pourboires
déclarés et fournira sa propre contribution à la
Régie des rentes du Québec. Il participera aussi aux autres
bénéfices sociaux qu'il doit assumer actuellement pour l'ensemble
de ses travailleurs comme pour les travailleurs au pourboire, sauf qu'à
l'avenir il participera au coût des bénéfices sociaux sur
la base du salaire et sur la base des pourboires déclarés. (16 h
30)
En fait, c'est une formule très simple. Un employé au
pourboire qui, actuellement, gagne 100 $ par semaine en travaillant une
trentaine d'heures, s'il gagne 100 $ de pourboire, va déclarer ces 100 $
pour le pourboire à son employeur et l'employeur va faire les
déductions à la source sur 200 $. Au lieu de faire les
déductions à la source sur les 100 $ de salaire de base tel qu'il
le fait actuellement, il va faire les déductions à la source sur
les 200 $ comprenant le salaire de base et le pourboire déclaré.
Pour aider l'employé à faire cette déclaration, nous avons
préparé un registre des pourboires que l'employeur devra remettre
à chaque employé.
Quant aux obligations de l'employeur à partir du 1er janvier
1984, elles seront de faire les déductions à la source sur la
totalité des revenus de l'employé au pourboire, son salaire de
base plus ses pourboires, et de participer au coût des
bénéfices sociaux comme il le fait pour ses autres
employés, comme il le fait pour les travailleurs au pourboire, mais sur
la base des gains totaux réels de ses employés au pourboire. Cela
signifie qu'en plus d'assurer ainsi l'équité fiscale,
c'est-à-dire le paiement des impôts par ces travailleurs au
pourboire, cette loi va permettre d'assurer l'équité sociale et
faire en sorte que les travailleurs au pourboire au Québec aient les
pleins bénéfices sociaux comme tous les autres travailleurs du
Québec, non seulement sur leur salaire de base qui, ordinairement, se
rapproche du salaire minimum ou est le salaire minimum - un salaire minimum
inférieur, d'ailleurs - mais en plus sur les pourboires
déclarés. Voilà pour les obligations ou pour les
changements qui ont trait aux employés et aux employeurs.
Quant au ministère du Revenu, nous allons diffuser le maximum
d'informations aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire ainsi
qu'à leurs employeurs. Nous allons fournir ce registre des pourboires
pour aider les employés au pourboire à accomplir leurs devoirs
fiscaux et, de plus, nous changerons l'orientation de la vérification
puisque le Conseil des ministres a décidé de ne pas se servir des
informations transmises par les employés au pourboire qui
révéleront à l'avenir la totalité de leurs revenus
de pourboire pour revenir sur les années antérieures. Je pense
que c'est important que les employés au pourboire sachent de
façon très claire que cette décision dont ils seront
informés par écrit dans le registre des pourboires qui leur sera
remis leur assurera qu'à partir du 1er janvier 1984 nous pensons
à l'avenir. Les services de vérification du
ministère seront là pour aider à la fois les
employés et les employeurs à appliquer cette nouvelle formule
pour l'avenir.
Quant aux consommateurs, la situation ne sera aucunement
perturbée puisque, si l'employeur refile aux consommateurs la
totalité du coût des bénéfices sociaux qu'il devra
assumer, c'est d'environ 1,3%, 1,6% ou 1,9% que sera la hausse des coûts
si les pourboires déclarés sont d'environ 8%, 10% ou 12%. En
somme, si la moyenne des pourboires déclarés à partir de
janvier 1984 est de 10%, le coût des bénéfices sociaux pour
l'employeur sera de 1,6% de son chiffre de vente. S'il décidait de le
faire assumer au complet par le consommateur, la hausse des prix à ce
moment-là serait de moins de 2%, à laquelle il faudra
évidemment ajouter l'augmentation de certains coûts
administratifs. Mais, pour arriver à cette formule, il y a eu une
évolution qui s'est passée dans ce dossier depuis quelques
années. Il faut se souvenir qu'en 1979 Revenu Canada a commencé
à cotiser au Québec les travailleurs au pourboire et, comme il
existe un entente à savoir que quand Revenu Canada cotise les
Québécois nous suivons cette cotisation, nous envoyons une
cotisation parallèle et à l'inverse, lorsque le Québec
émet une nouvelle cotisation à un contribuable du Québec,
le gouvernement fédéral en fait autant.
À compter de 1979, Revenu Canada et Revenu Québec ont
commencé à cotiser les travailleurs au pourboire pour les
années antérieures. En fait, les travailleurs au pourboire ont
toujours dû révéler leurs revenus de pourboire. Ce qui
était nouveau à partir de 1979, c'est qu'on a commencé
à les cotiser pour les années antérieures en
vérifiant leur déclaration, situation qui a entraîné
des problèmes importants pour des travailleurs au pourboire. Plusieurs
milliers de travailleurs et de travailleuses au pourboire au Québec ont
commencé à recevoir des cotisations qui pouvaient aller de 2000 $
ou 3000 $ jusqu'à 12 000 $ et 13 000 $, en moyenne, ce qui les mettait
dans des situations financières difficiles, ce qui les mettait dans des
situations familiales très pénibles, bouleversantes,
même.
Je pense que la plupart des députés de cette Chambre ont
été en contact, dans ces récentes années, avec des
travailleurs et des travailleuses au pourboire qui ont été
placés dans des situations financières, des situations sociales,
des situations humaines extrêmement difficiles parce que, en appliquant
la loi et en les cotisant pour les années antérieures, nous leur
avons envoyé de nouvelles cotisations pour des montants allant de 2000 $
à 12 000 $ ou 13 000 $.
Cette méthode de cotisation de certains employés au
pourboire, de quelques milliers de travailleurs au pourboire sur environ 70
000, a créé une insécurité auprès de
l'ensemble des travailleurs au pourboire. C'est pourquoi mon
prédécesseur, le député de Sherbrooke, avait
décidé de publier un livre vert dans lequel il décrivait
cette situation et dans lequel il proposait quatre hypothèses de
solution, dont deux ont particulièrement attiré l'attention de
ceux qui sont venus nous rencontrer en commission parlementaire, soit celle du
pourboire obligatoire ou celle que nous avons retenue et qui est la
déclaration périodique des pourboires à l'employeur
à chaque période de paie et la déduction à la
source des impôts et la participation aux avantages sociaux.
Pourquoi avons-nous retenu cette formule de déclaration
périodique? Parce qu'elle nous semble ressembler à ce que vivent
l'ensemble des travailleurs au Québec, l'ensemble des salariés
qui paient à chaque période leur impôt à la source,
la Régie des rentes du Québec sur leur salaire. Nous avons
considéré qu'il était beaucoup plus humain de faire payer
les impôts des travailleurs au pourboire sur 52 ou 26 périodes de
paie que de les faire payer en un seul montant, d'un seul coup, lors du rapport
d'impôt, trois ou quatre mois après la fin de l'année
d'imposition.
Pourquoi ne pas avoir retenu les pourboires obligatoires? Pour quelques
raisons que, brièvement, je voudrais rappeler. Le problème
touchait et concernait 70 000 travailleurs et travailleuses qui avaient de la
difficulté à payer leur impôt en un seul montant ou qui ne
le payaient pas et 20 000 restaurateurs ou hôteliers, employeurs, qui ne
participaient pas au coût des avantages sociaux sur le revenu réel
du travailleur au pourboire, mais seulement sur son salaire de base.
Pourquoi avoir rejeté le pourboire obligatoire? Nous ne voulions
pas retenir une solution qui touche les 4 000 000 de consommateurs du
Québec, mais plutôt retenir une solution qui touchait les 70 000
travailleurs et travailleuses au pourboire et leurs 20 000 employeurs, puisque
c'était de là que venait le problème.
Deuxièmement, il est évident qu'en ayant retenu un
pourboire obligatoire, de 10% ou de 15% - à 10%, les employés au
pourboire qui sont venus nous voir en commission parlementaire disaient qu'ils
auraient une baisse de revenu, que ce n'était pas acceptable à
moins de 15% - en ajoutant le coût des avantages sociaux, le coût
des prix à la consommation aurait augmenté de 12% ou de 18% selon
que le pourboire devienne obligatoire à 10% ou à 15%. (16 h
40)
Les études économiques que nous avons faites illustrent
que si nous avions fixé un pourboire obligatoire à 10% ou
à 15%, avec cette hausse des prix que cela aurait entraîné,
il y aurait eu une croissance, un accroissement du chômage, une baisse
de
l'emploi dans ce secteur puisque des consommateurs auraient cessé
de consommer dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie ou
auraient moins consommé. Ce qu'ils auraient payé en pourboire
obligatoire, ils ne l'auraient pas payé sur leur consommation globale
dans cette industrie.
Je pense que, dans le climat économique actuel, la
dernière chose que les Québécois et les
Québécoises souhaitent, et les travailleurs et travailleuses au
pourboire en particulier, j'en suis convaincu, aurait été de
mettre en place une solution qui aurait entraîné une baisse de
l'emploi et une hausse automatique très importante des coûts dans
ce secteur.
De plus, le problème aurait pu se poser à nouveau dans
quelques années puisque les pays qui ont instauré un pourboire
obligatoire ont vu se développer un pourboire parallèle qui pose
le même problème d'évasion fiscale.
Voilà pourquoi nous avons retenu la lettre et l'esprit de la
formule américaine, qui s'applique aux États-Unis depuis janvier
1983, qui fait que les employés au pourboire doivent déclarer
à chaque période de paie leur revenus de pourboire à leur
employeur, qui doit en faire des déductions à la source.
Quant aux suites de l'évolution de ce dossier, à la suite
de la commission parlementaire qui a eu lieu l'an dernier et où nous
avons entendu environ 25 mémoires, j'avais pris l'engagement, au
début comme à la fin de cette commission, que la seule situation
qui ne pouvait plus demeurer à partir du 1er janvier 1984,
c'était le statu quo. Pourquoi? Parce que le statu quo était
inéquitable au niveau fiscal pour l'ensemble des contribuables du
Québec, parce qu'on évalue les revenus de pourboire à
environ 230 000 000 $ ou 240 000 000 $ par année. Or, l'an dernier,
c'est 33 000 000 $ qu'ont révélés les employés au
pourboire comme revenus de pourboire. Vous voyez le problème en termes
qu'équité fiscale quand, au lieu de révéler environ
240 000 000 $ de revenus de pourboire, les travailleurs au pourboire ont
révélé 33 000 000 $, c'est-à-dire à peu
près huit fois moins que leurs revenus de pourboire réels l'an
dernier.
Cette situation, qui était inéquitable au niveau fiscal
par rapport à l'ensemble des contribuables qui paient la totalité
de leur impôt à la source ou autrement, ne pouvait plus durer.
L'inéquité sociale faisait également que ces
employés au pourboire ne pouvaient bénéficier pleinement
des bénéfices sociaux que leur consentent les lois du
Québec, que ce soit en ce qui a trait au Régime de rentes du
Québec, à la Commission de la Santé et de la
Sécurité du travail du Québec et aux indemnités
qu'elle est appelée à payer au moment d'un accident du travail,
que ce soit au moment d'un accident d'automobile, car les indemnités que
la Régie de l'assurance-automobile du Québec a à payer
sont basées actuellement sur le salaire de base de l'employé au
pourboire plutôt que sur la totalité de ses revenus réels
qui comprennent le pourboire et le salaire de base.
J'avais indiqué à cette commission parlementaire, au
début et à la fin, que le statu quo représentait
l'inéquité fiscale et l'inéquité sociale et en
plus, entraînait des drames humains graves et importants pour les
quelques milliers de travailleurs à pourboire qui étaient
cotisés pour des années antérieures. J'ai dit que cette
situation ne pouvait plus durer et que tout serait fait pour que, à
partir de janvier 1984, une nouvelle formule soit mise en oeuvre.
Le gouvernement a choisi d'appliquer au Québec une formule qui
s'applique aux États-Unis depuis onze mois environ et qui fait
qu'à chaque période de paie l'employé au pourboire doit
déclarer la totalité de ses revenus de pourboire et payer
à la source ses impôts.
Je dois dire que, depuis la tenue de la commission parlementaire de
l'automne dernier je me suis tenu en contact avec les représentants des
travailleurs au pourboire, avec les représentants de leurs employeurs,
les propriétaires d'établissements hôteliers et de
restauration. Nous avons constamment essayé de trouver une formule qui
ne soit pas parfaite, c'est impossible, mais qui soit acceptable par les
employés au pourboire, par les employeurs, par les consommateurs, parce
qu'il ne faut pas oublier les consommateurs, et acceptable par le
ministère du Revenu du Québec.
Dans tout ce débat que nous avons eu, autant en commission
parlementaire l'an dernier, où nous avons entendu 25 mémoires,
que dans les discours de deuxième lecture en cette Chambre, je pense
qu'il a régné un climat positif et je suis très heureux du
fait que le Parti libéral du Québec ait voté pour ce
projet de loi en deuxième lecture en acceptant les principes et en
reconnaissant que la situation actuelle, qui entraîne des
inéquités sociales et fiscales, ne pouvait plus durer, à
compter de janvier 1984.
Je dois aussi souligner, parce que la population n'en est pas
témoin, que la commission parlementaire et qui a étudié
article par article ce projet de loi s'est déroulée dans un
climat très positif. Je veux remercier les participants à la
commission parlementaire, autant les membres de ma formation politique que ceux
et celles du Parti libéral. Cette commission a accompli un travail
fructueux puisqu'elle nous a permis de clarifier plusieurs choses et donner
suite à des représentations qui nous ont été faites
depuis un mois. À titre d'exemple, j'ai reçu, à la fin de
novembre, une lettre de la Chambre de commerce de la province de Québec
dans laquelle plusieurs représentations m'étaient faites et je
veux en relever
quelques-unes pour indiquer de quelle façon nous y avons
donné suite.
D'abord, la Chambre de commerce de la province de Québec nous a
demandé de clarifier si c'était le chiffre de ventes avant ou
après la taxe sur lequel on se baserait pour établir
l'attribution, s'il devait y avoir attribution de pourboire dans un
établissement. Nous avons indiqué clairement que c'était
le chiffre de ventes avant taxe. Nous avons donc donné raison à
la Chambre de commerce de la province de Québec sur ce point; nous
l'avons clarifié.
La Chambre de commerce de la province de Québec a demandé
que soient exclus les cafétérias et les locaux de restauration
rapide de l'attribution, et qui plus est, ils sont exclus de l'application du
projet de loi.
Elle a également demandé de définir les notions de
cafétérias et de locaux de restauration rapide. Lors de la prise
en considération du rapport de la commission, j'ai déposé
un amendement qui clarifie, qui indique deux critères concrets,
observables aidant à définir, à préciser ce qu'est
un local de restauration rapide ou une cafétéria,
c'est-à-dire un endroit où il n'y a pas de service aux tables et
où, généralement, il n'y a pas de pourboires
donnés. Voilà trois points que nous avons clarifiés
à la demande, à la suggestion de la Chambre de commerce de la
province de Québec.
Un autre point que la Chambre de commerce du Québec nous a
demandé de clarifier, c'est que les livreurs soient exclus du processus
de l'attribution. C'était déjà dans le projet de loi et
les livreurs, ceux qui font la livraison à l'extérieur de
l'établissement, ne sont pas inclus dans le processus d'attribution.
Également, la Chambre de commerce de la province de Québec
a demandé que soit connu le règlement en vertu duquel se ferait
l'attribution s'il devait y avoir attribution. Le projet de loi
précisait déjà que c'était par entente et que, s'il
n'y avait pas entente sur la façon de faire l'attribution, il y avait
là un règlement et ce projet de règlement a
été déposé en commission parlementaire. Il
prévoit que s'il n'y a pas entente entre les employés et
l'employeur sur la façon de faire l'attribution, celle-ci se fera sur la
base du chiffre de ventes de chaque employé.
Un autre point abordé par la Chambre de commerce de la province
de Québec, c'est de retarder d'un an l'entrée en vigueur du
projet de loi. À ce sujet, nous ne lui donnons pas totalement raison
puisqu'il entrera en vigueur le 1er janvier 1984, mais nous avons, je dirais,
donné en partie raison à l'Association des restaurateurs du
Québec et à la Chambre de commerce de la province de
Québec en faisant en sorte que l'attribution, qui est la partie la plus
complexe au plan administratif et au plan de l'information, entre en vigueur
sur proclamation, dans quelques mois, quand nous aurons eu le temps d'informer
l'ensemble des restaurateurs, des hôteliers et des employés sur la
façon d'appliquer la formule d'attribution. Ce qui entre en vigueur
à compter du 1er janvier 1984, c'est la partie la plus facile à
appliquer du projet de loi, c'est la partie qui nous permet d'atteindre
immédiatement les trois objectifs fondamentaux qui sont
l'équité fiscale, l'équité sociale et la protection
de l'industrie de la restauration et de l'industrie touristique.
Donc, à compter du 1er janvier 1984, l'employé est
obligé de déclarer, à chaque période de paie, la
totalité des pourboires qu'il a réellement reçus et les
déductions sont faites par l'employeur sur la base de cette
déclaration. Nous avons donné raison en partie à la
Chambre de commerce de Québec et à l'Association des
restaurateurs du Québec en faisant entrer en vigueur la partie
d'attribution sur proclamation, c'est-à-dire dans quelques mois. (16 h
50)
Nous avons également eu des représentations, lors de la
commission parlementaire, de l'Union des employés d'hôtels,
restaurants et commis de bar, local 31, un syndicat qui regroupe des
employés au pourboire, qui nous a demandé de préciser
plusieurs choses dans le projet de loi. Sur dix points abordés, nous
avons clarifié six points, soit qu'ils étaient déjà
dans le projet ou que nous les ayons précisés. Le premier est
symbolique, mais c'était important pour elle, c'était de changer
le titre de la loi pour indiquer qu'elle s'appliquait aux travailleurs et
travailleuses au pourboire de la restauration et de l'hôtellerie.
Nous avons également indiqué ce que nous entendions par
local à l'intérieur d'un établissement, ce qui
était demandé. Nous avons précisé ce
qu'était la restauration rapide, ce qu'on nous demandait de
définir. On nous a dit: II y a deux critères pour définir
la restauration rapide et la cafétéria, qui sont exclus de
l'application, parce qu'on ne donne pas de pourboire de façon
générale dans la restauration rapide ou les
cafétérias. Lorsqu'il n'y a pas de service aux tables ou
lorsqu'on qu'on ne donne généralement pas de pourboire dans un
établissement, le projet de loi 43 ne s'applique pas à ce
moment-là.
On nous demandait d'exclure de l'attribution la livraison à
l'extérieur de l'établissement. Nous l'avons
précisé; dans le projet de loi, ce n'était peut-être
pas assez clair. Les livreurs, c'est très important de le
préciser - je n'ai pas eu l'occasion de l'indiquer, ni en
deuxième lecture, ni au moment de l'adoption du rapport - à
partir du 1er janvier 1984, ceux qui font la livraison à
l'extérieur de l'établissement
devront, comme tous les autres employés au pourboire,
déclarer à chaque période de paie la totalité de
leurs pourboires réellement reçus. Mais, même lorsque la
formule de l'attribution entrera en vigueur, ils ne seront pas assujettis
à la formule de l'attribution, parce qu'on sait qu'en moyenne les
pourboires donnés aux livreurs sont beaucoup plus variables et beaucoup
moins connus, mais le livreur pourra payer ses impôts à chaque
période de paie et bénéficier des avantages sociaux, comme
les autres travailleurs du secteur de la restauration et de
l'hôtellerie.
On nous demandait également de définir si le pourboire
faisait partie du salaire ou s'il était considéré à
l'avenir comme un salaire. C'est précisé dans le projet de loi.
On nous demandait aussi si l'employé qui a des pourboires
redistribués devra exiger un reçu pour fins d'impôt. On a
dit qu'il n'en serait pas obligé, mais qu'on le suggérerait dans
les éléments d'information. Les employés qui
reçoivent des pourboires d'un autre travailleur au pourboire, s'ils
veulent se faire donner un reçu, ce n'est pas nécessairement une
mauvaise idée, cela pourrait même être une bonne
idée.
On nous a demandé également de protéger les
conventions collectives actuellement en vigueur. Là aussi, il y a un
amendement important pour faire en sorte que les conventions collectives en
vigueur s'appliquent pour les salaires de base, tel qu'actuellement, et que, en
ce qui concerne les pourboires, là où il y a des conventions
collectives en vigueur, c'est la loi sur les conditions minimales de travail
qui s'applique.
Sur les dix points qu'abordait cette Union des employés
d'hôtels, restaurants et commis de bar, local 31, nous lui avons
donné raison sur six.
J'ai indiqué dans quel sens j'ai voulu travailler ce dossier
depuis le dernier mois, depuis le dépôt du projet de loi. J'ai
indiqué aussi dans quel sens j'entends à l'avenir continuer
à demander aux fonctionnaires de mon ministère d'appliquer la
loi.
Dans les récentes semaines, se sont levés des groupes qui
ont manifesté des craintes face à l'application de la loi, qui
ont manifesté leur inquiétude, particulièrement en ce qui
concerne la paperasse ou les complications administratives. Je n'ai jamais
voulu nier qu'il y aurait quelques papiers pour aider à appliquer ce
projet de loi. Je n'ai jamais nié non plus qu'il y aurait un coût
administratif supplémentaire pour les travailleurs, surtout les
employeurs de la restauration et de l'hôtellerie, mais, sans vouloir le
nier, je ne peux accepter certains discours qui ont été faits, en
ce sens que ce serait presque le musée des horreurs de la paperasse
à partir du 1er janvier 1984. C'est complètement faux, M. le
Président, puisque fondamentalement, qu'est-ce qu'il y a de plus
compliqué à faire les déductions à la source sur
200 $, 100 $ de salaire de base et 100 $ de pourboires, au lieu de les faire,
comme cela s'est fait jusqu'à maintenant en ce qui concerne les
employés au pourboire, sur les 100 $ de salaire de base. À partir
de janvier 1984, les déductions à la source se feront sur la
totalité des deux revenus: le salaire de base et le salaire de
pourboire. Aussi, on a l'expérience. J'ai proposé au printemps
cette formule de déclaration périodique, je l'ai proposée
à mes collègues au printemps dernier, au mois d'avril ou mai.
À la suggestion de certains de mes collègues, nous sommes
allés cet été voir aux États-Unis comment
s'appliquait cette formule. Ce que nous avons constaté - autant de la
part de l'IRS qui perçoit les impôts, que des représentants
de l'employeur et des représentants de l'employé - c'est que
l'application de la formule américaine n'était pas une
catastrophe, comme certains l'ont laissé entendre dans des journaux
depuis quinze jours ou trois semaines... que ce serait terrible peut-être
à partir de janvier 1984.
Nous avons vu les résultats de l'expérience aux
États-Unis et nous sommes convaincus qu'il est possible d'appliquer
cette formule au Québec en atteignant les objectifs essentiels que nous
avons visés et en continuant d'écouter les groupes qui nous ont
fait des représentations dans le passé et qui, je suis convaincu,
vont continuer de nous en faire dans l'avenir. D'autant plus qu'un des
principaux amendements que nous avons adoptés en commission
parlementaire, que j'ai proposé, c'est de retarder l'application de la
formule d'attribution. On sait qu'à partir du 1er janvier les
employés au pourboire vont révéler leurs pourboires
réels à chaque période de paie et que les
déductions à la source seront faites en conséquence.
Dans le projet de loi, il y a une autre partie très importante
qui indique que, si la totalité des pourboires
révélés dans un établissement est inférieure
à 8%, à ce moment l'employeur doit attribuer la différence
entre, mettons, les 7% de pourboires déclarés et les 8% qui sont
considérés comme la moyenne du pourboire minimum par
établissement, et non par individu. Ce processus d'attribution deviendra
en vigueur plus tard, dans quelques mois, quand nous aurons eu le temps
d'informer l'ensemble des employeurs et l'ensemble des employés de la
façon dont il peut, et dont il devra s'appliquer. Je pense qu'en
agissant ainsi, en amendant la loi qui devait s'appliquer normalement dans sa
totalité dès le 1er janvier 1984, nous avons indiqué notre
volonté de procéder à la mise en oeuvre de cette
réforme de la façon la plus correcte
possible.
Je veux terminer, M. le Président, en revenant aux trois
objectifs de base de cette réforme qui sont d'assurer
l'équité fiscale entre les travailleurs au pourboire et
l'ensemble des contribuables du Québec, d'assurer l'équité
sociale pour ces employés au pourboire et d'assurer ou ne pas mettre en
danger l'industrie touristique, l'industrie de la restauration au
Québec. Quant à l'équité fiscale,
brièvement, nous évaluons à environ 230 000 000 $, 250 000
000 $ les revenus de pourboire des travailleurs au pourboire au Québec.
Or, l'an dernier, ces employés ont révélé 33 000
000 $ de revenus au lieu de 250 000 000 $. C'est indiqué qu'il y a un
écart fiscal important entre les pourboires réellement
reçus par les employés au pourboire et ce qu'ils déclarent
au moment de faire leur rapport d'impôt. Je les comprends parce que payer
en un seul montant des impôts sur des montants de 7000 $, 8000 $ ou 10
000 $ de pourboires, c'est beaucoup plus considérable, l'effet est
beaucoup plus grand alors que souvent cet argent a été
dépensé, que de payer son impôt à la source,
à chaque période de paie. La formule nous permet d'atteindre
cette équité fiscale.
L'équité sociale. Les travailleurs au pourboire ne
recevaient pas d'indemnité ou de pleins bénéfices de la
Régie des rentes du Québec sur leurs revenus de pourboire,
à moins de cotiser pour la totalité des 3,6%. S'ils
déclaraient leurs revenus de pourboire à l'impôt et
voulaient bénéficier de la Régie des rentes du
Québec, il fallait qu'ils en paient la totalité eux-mêmes,
l'employeur n'y participant pas. C'est la situation actuelle. Ils ne pouvaient
bénéficier pleinement d'une indemnité complète
s'ils avaient un accident du travail, mais seulement sur le salaire de base.
Ils ne pouvaient bénéficier d'une indemnité
complète s'ils avaient un accident d'automobile. Ils ne pouvaient
bénéficier de façon complète des avantages de la
Loi sur les normes du travail, en particulier, concernant les 4% de vacances et
les autres avantages que procure aux travailleurs du Québec la Loi sur
les normes du travail. Cette équité fiscale, en ce qui concerne
les lois du Québec, sera en vigueur dès le 1er janvier 1984. (17
heures)
Quant à la protection de l'industrie touristique, je suis
assuré qu'avec l'autre formule qui nous était proposée,
celle du pourboire obligatoire - nous aurions été la seule
province au Canada et le seul État en Amérique du Nord à
adopter cette formule -nous aurions pu causer des torts probablement pas
irréparables, puisqu'il n'y a probablement jamais rien
d'irréparable, à l'industrie touristique du Québec. C'est
un des motifs importants pour lesquels nous n'avons pas retenu la formule du
pourboire obligatoire. Nous aurions été les seuls en
Amérique du Nord à le faire et dans les pays où on l'a
fait il s'est développé, de toute façon, un pourboire
parallèle.
Je crois que la formule proposée est appropriée au secteur
de la restauration et de l'hôtellerie, qui est un secteur où il y
a une dure concurrence, car il y a un restaurant au Québec par 500
habitants, alors que c'est un par 1000 habitants en Ontario et un par 1200
habitants aux États-Unis. C'est une raison de plus pour choisir la
formule qui soit la moins coûteuse possible. Tout le monde s'entend, le
coût des avantages sociaux, si les pourboires déclarés sont
d'environ 10%, sera de 1,6% du chiffre des ventes. Si les pourboires
déclarés sont de 12%, il sera d'environ 1,9% du chiffre des
ventes. Je pense que dans la solution proposée, le coût direct des
avantages sociaux est inférieur à 2%, si on ajoute les
coûts administratifs qui, j'en suis convaincu, seront beaucoup moins
élevés que plusieurs le craignent, surtout que nous avons
retardé la mise en oeuvre de l'attribution. Je suis convaincu que les
trois objectifs que nous poursuivions et que nous poursuivons toujours pourront
être atteints par l'application de cette formule.
Je veux terminer en disant que je peux assurer les travailleurs et les
travailleuses au pourboire, particulièrement les femmes qui travaillent
dans cette industrie et qui sont souvent les plus bas salariées de cette
industrie, que, par cette formule, ils pourront bénéficier de
l'ensemble des avantages sociaux dont bénéficient les
travailleurs et les travailleuses de l'ensemble du secteur du travail au
Québec. De plus, je peux assurer les représentants de ces
employés au pourboire que nous continuerons d'être à
l'écoute pour que la mise en oeuvre de cette réforme soit la plus
acceptable.
Je peux également assurer l'Association des restaurateurs et des
hôteliers, l'Association des restaurateurs du Québec,
l'Association des hôteliers du Québec, de la région de
Montréal, en particulier, la nouvelle association hellénique des
restaurateurs du Québec, que nous continuerons de maintenir les
contacts, pour faire en sorte que l'application de cette réforme ne
nuise pas à leur industrie, mais rende justice à des
employés au pourboire auxquels nous ne pouvions pas continuer, à
partir de janvier 1984, à envoyer des cotisations entre 2000 $, 3000 $
et 15 000 $ pour les années antérieures et ainsi les placer dans
des situations absolument inacceptables.
Je l'ai dit en deuxième lecture, M. le Président, ce n'est
pas une réforme parfaite, ce n'est pas une solution parfaite ou
idéale, je pense qu'elle était impossible à trouver, cette
solution parfaite, cette solution idéale. Mais je pense que cette
solution est
acceptable pour les consommateurs du Québec qui n'auront pas
à payer un coût énorme. Elle est acceptable pour les
employés au pourboire qui paieront leurs impôts, mais
bénéficieront de tous les avantages sociaux dont
bénéficient les autres travailleurs du Québec. Elle est
acceptable pour les employeurs parce qu'elle n'entraînera pas une
augmentation trop élevée de leurs coûts de ventes et
qu'elle fera contribuer ces employeurs aux avantages sociaux sur la
totalité des revenus de leurs employés comme ils le font pour les
autres employés de leur industrie, de leur établissement. En
somme, M. le Président, j'ai la conviction que si nous continuons
à travailler comme nous l'avons fait depuis un an ou deux dans le
même esprit que nous l'avons fait depuis un an ou deux, la mise en oeuvre
de cette réforme pourra être acceptable aux employés au
pourboire, aux employeurs de la restauration et de l'hôtellerie et
également aux consommateurs du Québec. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: M. le Président, j'ai écouté avec
intérêt le discours du député de Rimouski et
ministre du Revenu. Ce que je trouve intéressant, c'est ce qu'il a
oublié de dire. Ce qu'il a dit, oui, c'est la vérité, mais
il n'a pas dit toute la vérité. Il y a beaucoup de
vérités qui sont oubliées. Il a même commencé
par dire une vérité qui est seulement une
demi-vérité, quand il a dit que le Parti libéral avait
voté en faveur de ce projet de loi en deuxième lecture. C'est
vrai, mais ce qu'il a oublié de dire, c'est que le Parti libéral
a voté sur le principe de ce projet de loi, qui est
l'équité fiscale, l'équité sociale et la protection
de l'industrie de l'hôtellerie et du tourisme. Nous sommes tous en faveur
de ce principe, mais lorsqu'on a regardé les modalités de ce
projet de loi comme on le fait en commission parlementaire, on a
réalisé que c'était un projet de loi odieux. On
était contre ce projet de loi.
En deuxième lecture, ce que j'ai dit comme porte-parole, c'est
que ce projet de loi est acceptable à ce moment-ci en principe, parce
que si on en regarde les modalités, il y a de la place pour des
changements. L'Opposition a suggéré des amendements en commission
parlementaire dans le but d'améliorer ce projet de loi, mais en
commission parlementaire le gouvernement a systématiquement
refusé de le changer de la façon qu'on le voulait. Quand je dis
"on le voulait", le Parti libéral ne veut pas de changements pour
lui-même. C'est à la suite de représentations de groupes
d'employés et de groupes de patrons qu'on a suggéré des
amendements. Chaque amendement a été rejeté. À ce
moment, nous, les libéraux, avons voté contre tous les articles
de ce projet de loi. Notre intention est de voter contre ce projet de loi en
troisième lecture.
Une loi n'est pas en vigueur avant trois lectures et c'est la
troisième lecture qui est la plus importante. Aucune loi n'entre en
vigueur sans la troisième lecture et nous, du Parti libéral du
Québec, sommes absolument et farouchement contre ce projet de loi. C'est
un projet de loi qui va créer des problèmes dans toute
l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration. Dans cette industrie,
les employés, les syndicats et les patrons sont tous contre ce projet de
loi. Ce sont des gens du milieu. Ils savent de quoi il s'agit et ils sont
contre.
Le ministre a essayé de passer des sapins ici en parlant de la
chambre de commerce. La chambre de commerce a demandé des changements.
Elle a demandé cela en commission parlementaire l'année
dernière et tout le monde était d'accord, mais depuis ce temps,
le ministre n'a pas lu le télégramme de la chambre de commerce
qui s'oppose à ce projet de loi. Il a essayé de passer un autre
petit sapin en disant que l'union des employés d'hôtels et de
restaurants et commis de bar lui avait donné raison. En fait, ces gens
ont demandé seize changements et le ministre leur a peut-être
accordé deux changements mineurs. Ce matin, j'ai eu des appels de ces
gens-là qui s'opposent à ce projet de loi. Il n'y a aucun
groupement de cette industrie, d'un côté ou de l'autre, qui veut
avoir cette loi.
Le ministre compare cette loi à la loi américaine. Il dit
être allé à Washington durant l'été avec ses
fonctionnaires et que tout allait bien. Mais j'ai une petite histoire pour lui.
Tout va bien? Le seul groupe qui est satisfait de cette loi aux
États-Unis est le IRS, le ministère du Revenu, parce qu'il
perçoit un peu plus qu'avant, mais ce que le ministre a oublié de
nous dire, c'est que cette loi s'applique aux États-Unis seulement
à des restaurants et à des hôtels qui ont plus de dix
employés. Cela veut dire immédiatement qu'ici à
Québec, si on a le même principe, on a seulement environ 10% ou
15% de l'industrie de la restauration. Les autres 85% ne sont pas couverts aux
États-Unis et ils seront couverts ici. Cela, c'est le problème de
l'administration de la paperasse. Quand on a des établissements de plus
de dix employés, on a un comptable, on a même des ordinateurs et
d'autres façons de faire les calculs. Pour les petits restaurants, pour
les petits casse-croûte qu'on retrouve en quantité à
Québec, qui représentent peut-être 85% de tous les
restaurants, comment pourront-ils appliquer cette loi et en respecter toutes
les conditions? (17 h 10)
Le ministre, au début de son discours, a dit: Il n'y a pas
grand-chose, pas de bouleversement, pas de changement dans cette industrie. Le
1er janvier, ce sera presque le statu quo. Cela veut dire qu'il n'y aura rien
de changé, sauf que tous les employés d'un même patron
devront faire un rapport de leurs pourboires. On ne paiera que les
déductions, rien de plus.
Je ne sais pas si c'est sa conscience qui est revenue à la
surface mais, un peu plus tard dans son discours, il a parlé de
l'attribution de 8% qui représente la section la plus litigieuse de
cette loi. Tout le monde est contre cette partie de la loi. Le ministre a
donné l'impression, au début de son discours et même en
commission parlementaire, qu'on n'appliquerait pas cet article, qu'on
attendrait pour voir comment ça va fonctionner. Aujourd'hui, il a dit la
vérité sur ce point: ce n'est qu'un délai de quelques
mois, on va l'imposer par proclamation d'ici deux ou trois mois. C'est
là, le gros problème, il essaie de vendre à la population
quelque chose qui n'est pas vrai. D'un côté, il dit que cela va
commencer le 1er janvier 1984 et qu'il n'y aura pas grand chose de
changé, que ce sera presque le statu quo mais, d'un autre
côté, il dit aussi que dans deux ou trois mois, on va revoir cette
affaire de l'attribution.
Qu'y a-t-il dans cette attribution? Le ministre ne l'a pas tellement
expliqué. Cela veut dire que dans chaque établissement, on doit
rapporter tous les pourboires; cela, c'est un voeu pieux, mais on va en
reparler. Si les employés, en totalité, ne rapportent pas assez
de pourboires pour arriver à 8% des ventes, le patron, et non pas le
ministre - le ministre a peur de le faire - entrera en conflit avec ses
employés. C'est lui qui va créer des chicanes avec ses
employés; c'est l'employeur qui va créer des chicanes entre
employés.
Que va-t-il se passer dans les restaurants où on n'arrivera pas
à rencontrer les 8%? Il est possible qu'un ou deux employés aient
dit toute la vérité, qu'ils aient déclaré 12%, mais
l'autre groupe qui, pour une raison ou une autre, a déclaré 6% ou
7%, savez-vous que cette part qui manque sera attribuée à chaque
employé et non seulement à ceux qui auront déclaré
6% ou 7%. Ceux qui seront à 100% honnêtes, qui rapporteront 12%,
verront les chiffres augmenter et devront payer des taxes sur de l'argent
qu'ils n'auront pas reçu. Même le ministre sait qu'ils ne
recevront pas cet argent, mais il va taxer ces personnes. Est-ce cela, de
l'équité fiscale, forcer les citoyens à payer de la taxe
sur un montant qu'ils n'ont pas reçu? C'est ce qu'on appelle de
l'équité fiscale. C'est la raison pour laquelle le Parti
libéral votera contre cette loi. Nous voulons voter pour
l'équité fiscale, mais non pas de la façon dont on
interprète l'équité fiscale. Nous, du Parti libéral
du Québec, voterons contre cela.
Le ministre a parlé d'équité sociale. Il trouve
facilement les mots: équité sociale, Régie des rentes,
CSST, Loi sur les normes du travail. La grande promesse qui a été
faite durant la commission parlementaire aux travailleurs, c'était
l'assurance-chômage. C'est là la clé du problème
social des travailleurs au pourboire dans les restaurants. Ils ne sont pas
intéressés aujourd'hui à contribuer à la
Régie des rentes qu'ils ne recevront qu'à 65 ans; oui, ils
veulent pouvoir en bénéficier à 65 ans, mais ce n'est pas
leur problème immédiat.
La CSST et les normes du travail, c'est seulement en cas d'accident ou
s'il survient un problème de ce genre. Mais ces choses n'arrivent pas
chaque jour à chaque employé. Avec la concurrence et le travail
saisonnier dans l'industrie touristique et le secteur des restaurants, on a
beaucoup de chômage dans l'industrie de la restauration et une
très grande mobilité des travailleurs. Une partie des
bénéfices sociaux que ces gens auront, c'est
l'assurance-chômage. C'est ce qui les intéresse, mais il n'y a pas
d'assurance-chômage dans ces bénéfices. On a demandé
au ministre de retarder l'adoption de ce projet de loi au moins jusqu'à
la signature d'une entente avec le fédéral ou jusqu'à ce
que le fédéral adopte un projet de loi pour donner raison
à ces travailleurs au pourboire qui déclareront leurs
impôts maintenant et qui pourraient avoir de l'assurance-chômage.
Non, ils n'auront pas d'assurance-chômage et il semble que cela
n'intéresse pas le ministre. C'est cela l'équité sociale
dont il parle, aucune assurance-chômage.
Le troisième principe dont il a parlé concerne la
protection de l'industrie du tourisme et de la restauration. Avec
l'augmentation mineure de 1,3%, mais avec l'administration que cela
coûtera, avec le problème créé aux employés,
on fait un grand tort à l'industrie du tourisme et de la restauration
comme on ne l'a jamais fait. On chambarde l'industrie avec un problème
qui n'a jamais existé. On a peut-être pensé que le
problème serait retardé longtemps, mais le ministre a dit
aujourd'hui que c'était une question de deux ou trois mois. Je parle de
la fameuse attribution de 8%. Ce n'est pas acceptable que ce soit l'employeur
qui doive le faire.
On a essayé cela aux États-Unis. L'IRS est très
heureux de percevoir les taxes, mais ce que le ministre a oublié de
dire, c'est qu'à la suite des revendications de millions de travailleurs
dans la restauration, il y a actuellement un projet de loi devant le
Congrès des États-Unis pour éliminer cette attribution de
8%. La seule différence est que les gens déclareront leurs
pourboires et les employés auront le droit de payer pour les
bénéfices sociaux. Aux États-Unis, ce
n'est pas comme ici. L'employeur ne paie rien. C'est l'employé
qui paie. C'est là une grande différence. Ils sont
considérés comme des travailleurs autonomes dans le sens qu'ils
déclarent leurs pourboires et les employés paient les
bénéfices sociaux. L'employeur ne paie rien. C'est tellement
différent de ce qu'on a ici.
Comme je l'ai déjà dit, cela s'applique seulement à
des restaurants de dix employés et plus. Cela veut dire qu'il n'y a
aucune comparaison entre la loi américaine et ici. Même là,
les propriétaires de restaurants et d'hôtels, les syndicats, les
employés sont tous contre cette affaire d'attribution et il y a
actuellement un projet de loi devant le Congrès, parrainé par
deux membres importants, un républicain et un démocrate du Ways
and Means Committee. Cela veut dire que ce projet de loi a 100% de chance
d'être adopté à cette session du Congres qui commence au
mois de janvier. Voilà ce que les Américains pensent des 8%.
Ceux qui vont essayer d'imposer cette mesure, pas seulement les gros
restaurants et hôtels où on trouve dix employés ou plus,
mais tous les restaurants de Québec où il n'y a qu'un ou deux
employés, vont se voir imposer tout un paquet de procédures
administratives et de paperasse.
L'Association des restaurateurs du Québec nous dit que seulement
0,5% à 1% des restaurants à Québec sont
équipés pour faire cette administration. Qu'est-ce qui arrive
à tous les autres? Au moins, les États-Unis ont limité
cela à de gros établissements. Ici, c'est tout le monde.
Le ministre a promis une autre chose aux travailleurs. Il leur a dit -
encore là, c'est un exemple où le ministre a dit la
vérité mais pas toute la vérité - qu'un
arrêté en conseil était passé pour qu'on n'utilise
pas les chiffres que les employés donneront après le 1er janvier
1984 pour fins de vérification et de nouvelles cotisations pour les
années précédentes. Cet arrêté en conseil ne
dit pas qu'on ne fait pas de vérification mais seulement qu'on utilisera
des chiffres nouveaux. Il peut toujours utiliser d'autres moyens de
vérification comme les cartes de crédit, les factures
d'hôtel, etc. Il peut toujours utiliser ça, c'est-à-dire
que cet arrêté en conseil dont il parle ne vaut absolument rien.
C'est de la poudre aux yeux. C'est une autre façon d'essayer d'endormir
les gens, parce qu'il a tous les droits de faire des vérifications, de
toute façon. (17 h 20)
Le ministre m'a dit une autre chose, en commission parlementaire. Il m'a
dit qu'il ferait peu de vérifications pour les années
antérieures. J'ai pris sa parole et je lui ai dit: M. le ministre,
inscrivez-le dans le projet de loi. J'ai même proposé un
amendement, à savoir qu'il mette dans le projet de loi qu'il n'y aura
pas de cotisations pour ces gens-là, que le ministre définisse,
dans ce projet de loi, ce qu'il fera - ce qui n'est pas défini - pour
les années antérieures. Mais il a refusé. Pourquoi a-t-il
refusé? Il fait une promesse à ces gens-là, mais il refuse
de le faire par écrit. Il a essayé de passer un petit sapin,
comme je l'ai dit auparavant, en parlant d'arrêté en conseil qui
ne vaut rien.
Aussi, sur cette question de 8%, à la commission parlementaire de
l'an dernier, le ministre a donné l'impression, ou l'illusion -je suis
sur que les gens en sortant de cette commission y ont pensé - que si
cela rapporte 8%, le gouvernement serait satisfait, mais ce n'est pas vrai. Le
ministre lui-même l'a dit ici, en deuxième lecture. Si le ministre
pense que vous avez gagné, vous les employés au pourboire, plus
de 8%, même si vous déclarez 8%, il peut vous poursuivre pour ce
qu'il pense être la différence; même si vous déclarez
12%. Cela veut dire que, pour les vérifications, pour les nouvelles
cotisations, c'est le statu quo. Mais le ministre veut avoir la garantie d'au
moins 8% sans ses poches. C'est le but de ce projet de loi.
L'équité fiscale, c'est sûrement d'un côté, le
côté gouvernemental. Il veut avoir l'argent. Mais cela
n'intéresse pas les gens dans l'industrie de la restauration et de
l'hôtellerie qu'il exige une taxe sur l'argent qu'ils ne reçoivent
pas. Cela ne les intéresse pas. Cela ne le dérange pas de
créer tout un problème dans l'industrie touristique et dans
l'industrie de la restauration. Cela ne le dérange pas que, selon
l'estimation de l'Association des restaurateurs, avec la paperasse
administrative et les problèmes des employés créés
par ce projet de loi, environ 800 à 1000 restaurants fermeraient leurs
portes et mettraient environ 10 000 travailleurs au pourboire en chômage.
Cela ne le dérange pas. Les 40 000 000 $, c'est cela qui
l'intéresse. Si votre gouvernement ne gaspillait pas l'argent comme il
le gaspille partout... Il y a un endroit où on va sauver de l'argent:
pas de voyage en Italie pour l'avenir, c'est certain.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Blank: M. le Président, il n'y a rien dans ce projet de
loi qui permet de croire aux principes que le ministre a énoncés.
Il n'y a pas d'équité fiscale dans ce projet de loi.
Une voix: Pas de passeport.
M. Blank: II n'y a pas d'équité sociale dans ce
projet de loi. Il n'y a pas de protection de l'industrie touristique et de
l'industrie de la restauration dans ce projet de loi. La seule façon
dont le ministre peut faire ici, avec toutes les protestations... Ce soir
même, il y aura une assemblée des
employés, à Québec. Demain, à
Montréal, il y aura une conférence de presse de l'Association des
restaurateurs. Tout le monde est contre. Tout le monde est pour les principes.
Tout le monde veut avoir une équité fiscale, une
équité sociale et une protection de l'industrie, mais pas par ce
projet de loi. Nous, du Parti libéral du Québec, ne serons pas
complices dans ce jeu. Nous sommes contre ce projet de loi. On a voté
contre en commission parlementaire. On a voté contre lors de la prise en
considération du rapport de la commission, hier. On votera contre en
troisième lecture. N'essayez pas de faire croire que nous, les
libéraux, sommes pour ce projet de loi; ce n'est pas vrai. Les
libéraux sont contre ce projet de loi à 100%. Merci.
Le Président suppléant (M. Bordeleau):
M. le député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Ce projet de loi qui est
devant nous, à l'étape de la troisième lecture,
m'apparaît comme le plus bel aveu d'impuissance et d'échec de la
part du gouvernement, plus particulièrement de la part du
ministère du Revenu. Le principe en matière fiscale est bien
connu. Nous sommes dans une société, dans un système
où chacun est obligé de déclarer ses revenus, le
ministère du Revenu étant le gardien de cette obligation et
devant faire appliquer la loi de façon que tous les revenus des citoyens
et des citoyennes soient déclarés et que, sur ces revenus, on
puisse percevoir des impôts.
Que fait le ministre du Revenu actuellement? Unilatéralement,
arbitrairement, il décrète que, dorénavant, les gens qui
ont le malheur de servir quelqu'un ont automatiquement un revenu de 8% sur le
montant de la facture des personnes à qui ils ont servi un repas, une
boisson alcoolique ou autre. C'est là une façon de faire qui est
totalement inacceptable, parce qu'elle est foncièrement vicieuse, M. le
Président. Elle détermine unilatéralement, arbitrairement,
que telle catégorie de citoyens a tel revenu. Pourquoi ont-ils tels
revenus? Les faits n'ont plus d'importance, ce qui a de l'importance; c'est
l'affirmation, le décret, la décision du ministre. Nous vivons
dans une société où la bonne foi se présume,
où les gens sont habitués d'avoir la protection de la loi,
c'est-à-dire que, si on prétend qu'ils n'ont pas respecté
leurs obligations légales, il incombe à la partie qui
prétend cela d'en faire la preuve. Le ministre du Revenu trouve cela
trop difficile, et se sent incapable de s'acquitter de cette tâche. Que
fait-il dans les circonstances? Il renverse le fardeau de la preuve. Il
décide que les gens qui travaillent dans la restauration, dans une
entreprise hôtelière devront automatiquement déclarer des
pourboires d'au moins 8%.
Cela a des conséquences considérables, fondamentales sur
tout le système qui nous régit en matière d'impôt.
Nous ne sommes pas dans un système où nous avons des percepteurs
d'impôt. Nous ne connaissons pas cela dans notre système, des
percepteurs d'impôt, c'est-à-dire des gens qui vont fouiller dans
les affaires personnelles de leurs semblables, de leurs concitoyens pour
décider combien ils doivent à l'État. Ce n'est pas comme
cela qu'on fonctionne ici; on fonctionne sur le principe de la
déclaration volontaire, et c'est important. Le ministère du
Revenu confie l'imposition, dans plusieurs cas, de ses taxes à des
particuliers. Le cas le plus patent est évidemment la taxe de vente,
quand le marchand reçoit des montants de l'ordre de 8% ou 9% au nom du
ministre du Revenu.
Il est aussi notoire que, de plus en plus, avec ce gouvernement - je
profite de l'occasion pour le souligner - les pompistes sont devenus des gens
qui reçoivent les impôts au nom du ministre des Finances. Ils ne
sont plus au premier chef, compte tenu des impôts très
élevés qui sont imposés, des distributeurs d'essence; il
sont maintenant, à toutes fins utiles, des percepteurs d'impôt. On
tente d'aller plus loin que cela actuellement, en imposant aux
propriétaires d'entreprises hôtelières ou de restauration
le rôle de percepteurs d'impôt. Il faut s'élever contre
cette façon de faire, d'autant plus que mon collègue a
mentionné tout à l'heure et a expliqué d'une façon
très claire que l'hôtelier et le restaurateur se voient dans une
situation impossible, dans une situation insupportable quand il doit, à
la place et au nom du ministre du Revenu - c'est important - décider que
telle personne a tel revenu. Il n'a même pas la protection qu'a le
ministre du Revenu.
Je conçois très bien - je me demande si cela a
effleuré l'esprit du ministre du Revenu - qu'une personne, qu'un
employé au pourboire pourrait poursuivre le restaurateur, poursuivre
l'hôtelier qui décidera, parce que le projet de loi l'oblige
à le faire, que telle personne a eu en pourboires 8% des factures de
l'année 1984, disons. Une personne qui, à bon droit, croirait
qu'elle n'a pas reçu ce montant de 8% pourrait être en droit
d'intenter une poursuite devant les tribunaux contre le restaurateur ou
l'hôtelier, qui se verrait complètement démuni,
contrairement aux employés du ministère du Revenu, contrairement
au ministre lui-même qui, quand il applique sa loi, quand il pose des
gestes dans l'exercice de ses fonctions se voit exempté de poursuite
pour une faute de quelque nature que ce soit. Ce sont là des
différences capitales et importantes qui font que, nous de ce
côté-ci de la Chambre, tous les députés
libéraux ici, nous nous opposons à
cette façon de faire. Nous sommes - mon collègue le
député de Saint-Louis l'a dit tout à l'heure - pour
l'équité fiscale, mais nous ne sommes pas, par exemple, pour la
solution de facilité, pour celle qui a comme effet premier tout
simplement de permettre au ministre du Revenu d'enrichir indûment le
ministre des Finances. Ce n'est pas la faute des employés au pourboire
si le gouvernement actuellement est en difficultés financières.
(17 h 30)
Posons-nous la question très simple, actuellement, ensemble, tous
ensemble et pensons-y une demi-seconde: Aurions-nous cette loi devant nous si
les difficultés financières qui sont celles du gouvernement
actuellement n'existaient pas? Le simple fait de poser la question, c'est d'y
répondre. Combien de lois qu'on camoufle sous le vocable
d'équité fiscale dans le moment ont leurs racines, ont leurs
sources dans une réalité beaucoup plus terre à terre qui
est la nécessité dans laquelle se trouve le ministre des Finances
d'obtenir des fonds pour rencontrer les obligations du gouvernement?
La façon de procéder est importante. On peut être
pour l'équité fiscale, mais on n'est pas pour la façon de
le faire. Je pense que c'est important de le souligner. Je pense que c'est une
différence qui est tellement capitale qu'on ne peut pas accepter ce
point de vue. Le ministre, tout à l'heure, nous a fait, pensait-il, la
démonstration que tout le monde était content. Les
employés au pourboire avaient toutes les raisons d'être satifaits.
L'hôtelier avait toutes les raisons d'être satisfait. Le
consommateur avait toutes les raisons du monde d'être satisfait. Or, cela
est complètement à l'opposé de la réalité.
L'hôtelier n'a aucune raison d'être satisfait puisqu'on lui demande
de suppléer au ministre du Revenu, de décréter
arbitrairement que telle personne est présumée avoir reçu
8% des factures pour lesquelles elle a servi des repas dans l'année. Le
restaurateur se voit dans cette situation. Il n'a aucune raison d'être
satisfait puisqu'il fait ce qu'on appelle communément le sale boulot du
ministre du Revenu. Il fait faire son sale boulot par les autres. De quoi
serait-il satisfait? Aucunement. Les gens qui nous ont contactés, avec
qui on a parlé, nous ont dit clairement que tous ceux qui sont
dans l'entreprise hôtelière, dans la restauration sont
totalement insatisfaits de cela. Premier groupe de personnes très
important qui sont insatisfaites.
Deuxième groupe de personnes insatisfaites. Les travailleurs au
pourboire eux-mêmes. Qu'en est-il? Il va se faire une discrimination
automatique entre les gens qui vont honnêtement déclarer leurs
revenus, et d'autres qui, possiblement, tenteront de conserver un
système qui durait depuis très longtemps. Il va se faire une
inéquité dans les faits. On pourra dire que la moyenne est
préservée. On pourra bien me dire qu'en moyenne, on gagne tant,
sauf que si moi j'ai gagné moins, je me fous de la moyenne parce que je
serai d'autant plus pauvre que je serai en bas de la moyenne. Je n'ai aucune
protection dans le cadre de cette loi. Donc, deuxième groupe de
personnes insatisfaites. Je ne parle pas de l'assurance-chômage, M. le
Président, mon collègue le député de Saint-Louis en
a parlé longuement.
Qu'en est-il maintenant du consommateur? Le consommateur va être
la victime quotidienne des chicanes qui vont être engendrées par
l'arbitrage que va devoir faire par la loi, par le rôle qu'on lui confie,
l'hôtelier, le restaurateur. Ne nous surprenons pas si demain les
assiettes sont déposées plus violemment sur nos tables. Ne nous
surprenons pas si cela prend plus de temps pour se faire servir. Ne nous
surprenons pas si le service est détérioré.
Qu'en est-il de la satisfaction présumée dont se targuait
tout à l'heure le ministre du Revenu pour le consommateur? Aucunement.
Il sera plus mal servi, il ne gagnera absolument rien. Il y en a un, par
exemple, qui va être satisfait. Il y a un groupe qui va être
satisfait. Il y a une personne qui va être satisfaite. Le ministre du
Revenu n'en a pas parlé.
Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Le seul
satisfait là-dedans, c'est le ministre du Revenu et c'est le ministre
des Finances. C'est ce qu'une analyse précise de la loi nous enseigne.
Il n'y a pas d'autres personnes qui seront satisfaites de cette loi que le
ministre des Finances par les sommes supplémentaires qu'il mettra dans
sa poche et que le ministre du Revenu par le rôle, le sale boulot, la
sale besogne qu'il fera faire par une tierce personne, c'est-à-dire des
gens qui ne sont pas équipés, dont ce n'est pas le rôle et
qui ne jouissent ni de la formation, ni de la protection de la loi pour agir de
cette façon. C'est la conclusion que je me vois dans l'obligation de
tirer, M. le Président, et c'est pourquoi nous voterons contre cette
loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, mon collègue de
Saint-Louis, avec son accent bien particulier, que j'ai appris à aimer
depuis les trois ans que je siège en cette Chambre, a défendu
avec beaucoup de vigueur et beaucoup de connaissance ce dossier qui nous tient
à coeur. En effet, il a expliqué que nous allons voter contre ce
projet de loi, contre la loi qui est devant nous présentement parce
qu'elle ne répond pas aux objectifs que le gouvernement s'était
fixés et
avec lesquels, quant à nous, nous étions d'accord en
principe.
En effet, les principes qui avaient été
énoncés il y a quelques mois traitaient, d'une part, de
l'équité fiscale et, d'autre part, traitaient d'une protection
sociale des employés. Ce sont deux principes extrêmement
importants avec lesquels nous sommes tout à fait d'accord et nous
l'avons dit par notre vote en deuxième lecture. Comme vous le savez, M.
le Président, le vote en deuxième lecture permet aux
parlementaires d'exprimer leur opinion sur le principe d'une loi et c'est la
raison pour laquelle nous avons dit que nous étions d'accord avec les
deux principes fondamentaux qui étaient poursuivis, soit
l'équité fiscale et la protection sociale des employés au
pourboire qui travaillent dans le domaine de la restauration et dans le domaine
de l'hôtellerie.
J'écoutais le ministre tout à l'heure -le ministre est une
personne qui semble bien intentionnée et qui cherche à
défendre ses dossiers du mieux qu'il peut - qui nous disait: À
partir du 1er janvier, il n'y aura pas de problème puisque les
employés au pourboire, d'une part, devront, à la fin de chaque
mois, déclarer leur revenu, déclarer leurs pourboires et, d'autre
part, les employeurs devront déduire à la source les impôts
et les autres déductions qui permettront à ces mêmes
employés d'être protégés. Mais si ce n'était
que cela, si la loi ne disait - ce que le ministre nous a dit tout à
l'heure - qu'à partir du 1er janvier la loi demanderait et exigerait des
employés de déclarer leur revenu et les pourboires à
chaque fin de mois et exigerait des employés et des employeurs de
déduire les impôts et les déductions sociales qui doivent
être faites pour les protéger, si ce n'était que cela, je
pense bien que plusieurs d'entre nous ne se seraient pas donné la peine
de se lever pour parler en deuxième lecture de ce projet de loi, d'en
parler après que nous ayons reçu le rapport après la
commission parlementaire et d'en parler maintenant en troisième
lecture.
Il y a donc plus que cela, M. le Président, il y a anguille sous
roche et mon collègue de Saint-Louis l'a exprimé d'une
façon très claire. Il y a des dispositions dans cette loi qui
font qu'à peu près tout le monde qui pratique le métier et
qui est touché par cette loi s'y oppose. C'est le principe qui a trait
à l'attribution, le principe qui exigerait de l'employeur, si l'addition
de ce qui a été déclaré par les employés ne
se monte pas à 8%, d'attribuer à chacun des employés la
différence entre les montants qui auraient été
déclarés et le 8% qui est la norme imposée par le ministre
du Revenu.
Le ministre nous disait: II n'y aura pas de problème au mois de
janvier. Bien sûr qu'il n'y aura pas de problème au mois de
janvier, c'est que cette disposition de la loi est reportée à
plus tard. C'est là un vieux truc. Le ministre dit: II n'y aura pas de
problème au mois de janvier, peut-être pas au mois de
février. Si on lui pose la question au mois de janvier ou
février: M. le ministre, est-ce qu'il y a eu des protestations? Il dira:
Non. À ce moment-là, cela lui permettra, au mois de mars, de
déclarer et de faire en sorte que les autres articles de la loi soient
promulgués.
M. le Président, c'est justement là le problème;
c'est que certaines des dispositions qui sont contenues dans la loi, pas celles
qui viendront en vigueur le 1er janvier, mais les autres qui viendront plus
tard, c'est à ces particularités de la loi que nous nous opposons
puisque le ministre n'a pas encore trouvé la formule qui permettrait
d'avoir l'équité sociale et l'équité fiscale qu'il
recherche vraiment. C'est un vieux truc, le vieux truc c'est de reporter
à plus tard ce qui fait problème, le vieux truc c'est
d'éviter de faire face à la musique et d'éviter de prendre
les décisions qui s'imposent. Je croyais qu'il nous avait fait une
promesse en nous disant: Nous ne reviendrons pas en arrière. Non, nous
ne reviendrons pas en arrière si, bien sûr, les travailleurs au
pourboire déclarent à la fin du mois des revenus plus
élevés, s'ils déclarent vraiment leurs pourboires. (17 h
40)
Certains nous disent que, dans le passé, plusieurs n'avaient pas
déclaré tous leurs revenus. Là-dessus, M. le
Président, nous sommes d'accord pour qu'ils le fassent à
l'avenir. Je croyais avoir entendu le ministre nous dire: Non, nous ne
reviendrons pas en arrière, mais ce n'est pas exactement ce que le
ministre a dit. Mon collègue de Saint-Louis l'a corrigé en
disant: Non, il y aura un arrêté en conseil qui dira que les
chiffres ou les revenus déclarés comme tels ne serviront pas de
base aux calculs des cotisations qui pourraient revenir pour les années
antérieures. Mon collègue de Saint-Louis, à juste titre, a
réprouvé cette façon de faire, puisqu'il y a bien d'autres
façons pour le ministre du Revenu et pour ses agents de revenir en
arrière, mais, plus que cela, s'il n'y a pas entente entre le
gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, il est bien
sûr que la promesse que le ministre du Revenu provincial nous fait ne
tiendra pas, ne tiendra absolument pas pour le ministre du Revenu
fédéral. À ce moment-là, le ministre n'aura
qu'à s'asseoir et qu'à attendre que le gouvernement
fédéral envoie des cotisations en se basant sur les nouveaux
revenus déclarés et, sachant qu'il y a une entente tacite entre
les deux ministères du Revenu, à ce moment-là,
indirectement, le ministre du Revenu provincial bénéficiera
justement du fait qu'à partir du 1er janvier, les employés seront
probablement plus
honnêtes et déclareront la totalité de leurs
revenus.
Cette promesse n'a vraiment pas de valeur. Cette promesse ne tient pas.
Elle ne tient pas parce que, d'une part, le ministère du Revenu
n'écrit pas dans la loi qu'il ne reviendra pas sur les années
antérieures et si, d'autre part, il n'y a pas entente avec le
gouvernement fédéral, le ministre pourra obtenir indirectement ce
qu'il promet de ne pas faire directement. C'est un subterfuge qui n'a
échappé à aucune des personnes qui seront
concernées par ce projet de loi.
Encore une fois, le gouvernement, en défendant un bon principe,
se met un peu les pieds dans les plats et ce n'est pas la première fois.
La semaine dernière, nous avons discuté du projet de loi 38
où, encore une fois, pour défendre un principe avec lequel nous
étions tout à fait d'accord, c'est-à-dire la juridiction
provinciale, le gouvernement se donnait des pouvoirs arbitraires que nous avons
dû dénoncer puisque nous trouvions qu'on ne pouvait
défendre un certain arbitraire par un autre arbitraire. Mais les gens
que nous rencontrons dans les taxis et un peu partout nous disent: Comment se
fait-il que ce gouvernement continue à se mettre les pieds dans les
plats? Pourquoi ce gouvernement, d'une loi à l'autre,
n'écoute-t-il pas la population et n'écoute-t-il pas les
députés, surtout les libéraux, qui, je crois, sont plus
près de la population? Ce n'est pas moi qui le dis. Lors de notre
congrès au leadership où, justement, le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration était présent,
il était venu à cette conclusion qui avait été
rapportée aux journalistes.
Le ministre disait: Je suis venu au congrès du Parti
libéral parce que je suis arrivé à la conclusion que le
Parti libéral est plus près de la population. Nous devrions
écouter les députés libéraux, parce que ceux-ci
reflètent davantage l'opinion publique et ce que pensent les
Québécois. Ce que mes collègues ont dit, ce que je dis et
ce que mes autres collègues diront reflète davantage l'opinion
publique, et surtout ceux qui seront touchés par le projet de loi 43
nous disent qu'il s'agit d'un mauvais projet de loi et que la seule chose que
le gouvernement ferait de bon serait de le retirer. Comme il n'a pas
l'intention de le faire, nous voterons contre ce projet de loi, parce qu'il va
à l'encontre de la vraie équité qui devrait diriger
l'opinion du ministre et le jugement du Conseil des ministres dans son
ensemble.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Trois-Rivières.
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois: M. le Président, nous avons laissé
passer un certain nombre d'orateurs du côté de l'Opposition parce
que nous cherchons encore à comprendre pourquoi, après avoir
voté pour ce projet de loi en deuxième lecture, pourquoi,
après avoir, depuis un an, procédé à des
études avec nous sur cette question, après avoir insisté
sur l'importance de la régler, après avoir montré qu'ils
étaient d'accord avec l'hypothèse retenue par le ministre...
Malgré ce que vient de dire le député d'Outremont, il faut
quand même reconnaître que, lors du vote de deuxième
lecture, il y avait devant eux un projet de loi qui offrait une proposition de
solution. Je suis d'accord que, pour eux, il s'agissait d'un vote qui
permettait à la Chambre d'aller plus loin, mais s'ils avaient autant de
doutes sur la solution retenue je pense qu'ils ont assez d'expérience
pour avoir décidé, à ce moment-là, de voter
contre.
Jusqu'à la deuxième lecture, ils ont cru que la mesure
proposée par le ministre était bonne. J'ai même entendu
dire dans les coulisses, que le député de Saint-Louis, à
un certain moment, a déjà préconisé lui-même
cette formule. Il aura peut-être l'occasion de préciser des choses
là-dessus. Après beaucoup d'études, on en vint donc
à retenir cette formule qui dérange, c'est certain; elle
dérange les habitudes, elle oblige des gens à payer de
l'impôt sur un salaire réel qui, autrefois, n'était pas
imposé en totalité. Mais je n'aime pas que l'Opposition, sans
être trop explicite, résiste à ce moment-ci et fasse
même un peu de terrorisme.
Le député qui m'a précédé, le
député d'Outremont, a suggéré que le ministre
pourrait utiliser les déclarations qui viendront à partir de
janvier pour aller chercher des cotisations antérieures, qu'il pourrait
se servir de cette information pour attraper ceux qui auraient pu oublier de
déclarer une partie de leurs revenus. Je ne comprends pas qu'on dise
cela. D'un autre côté, je le comprends parce que, actuellement, on
fait des discours pour retarder les choses et faire plaisir à quelques
personnes qui ont envoyé des télégrammes au cours des
dernières heures. Le ministre, là-dessus, a été
très clair. J'ai pris la peine, cet après-midi, de revoir ses
prises de position à la commission parlementaire. J'ai
vérifié, dans mon comté, avec des gens qui ont eu des
entrevues avec le ministre. Dans les deux cas, le ministre ne pouvait
être plus clair. Il a été très clair. Il n'a pas dit
qu'il ne cotiserait plus, il a dit qu'il ne se servirait pas de ces
déclarations pour envoyer des avis de cotisation. Il a même dit
qu'il ne suivrait pas le fédéral si celui-ci se permettait de
s'en servir pour envoyer des avis de cotisation pour des années
antérieures. Le ministre a dit que le gouvernement du Québec, que
le ministère du Revenu du Québec ne suivrait pas dans ces
cas.
M. Blank: Ce n'est pas dans la loi.
M. Vaugeois: II y a des choses qui ne s'inscrivent pas dans les
lois, il y a des choses qui vont ailleurs. Je comprends, par l'intervention du
député de Saint-Louis, qu'il reconnaît lui-même que
le ministre a pris des engagements publics à cet égard.
Ce que j'ai vécu dans mon comté, c'est le cas de femmes,
en particulier, qui travaillent dans des restaurants et qui, à la suite,
il faut le dire, d'interventions du gouvernement fédéral qui est
revenu en arrière - et le ministère du Revenu du Québec a
suivi - ont vécu des situations extrêmement pénibles. La
plupart des députés dans cette Chambre ont eu, pendant des mois
et des mois, des cas extrêmement pénibles à traiter. La
proposition du ministre veut mettre un terme à ces situations.
J'ai vérifié avec des porte-parole, dans mon comté,
des travailleurs à pourboire. Cela fait un an qu'on est
là-dessus. Il n'y a pas beaucoup de projets de loi, d'ailleurs, qui ont
été aussi longtemps débattus publiquement. Je reviendrai
à cela dans deux minutes.
M. Marcouiller, dans mon comté, qui est un porte-parole
intelligent et représentatif du milieu de la restauration et des
travailleurs dans ce domaine, est souvent venu me voir au bureau de
comté et il est venu en commission parlementaire. Il y a eu beaucoup de
discussions à ce sujet. Quand le projet de loi a été
déposé, il y avait encore des sujets d'inquiétude chez
lui. Il m'a dit: J'aimerais bien voir le ministre avec mon groupe. Je trouvais
que M. Marcouiller était intéressant et avait des choses
intéressantes à dire. J'ai communiqué avec le ministre. Ce
que je trouve admirable chez le ministre du Revenu, c'est que chaque fois qu'on
a eu besoin de lui, chaque fois qu'un groupe a eu quelque chose à dire
et nous a manifesté le désir de rencontrer le ministre, celui-ci
a été disponible. La rencontre a eu lieu et encore chaque fois
j'ai constaté que les gens étaient contents de la rencontre parce
que sur les points obscurs qu'ils voulaient clarifier ils avaient obtenu des
éclaircissements. (17 h 50)
J'ai reçu, comme d'autres députés, beaucoup de
télégrammes au cours des derniers jours et des dernières
heures. Bien sûr, j'ai pris le temps de regarder les
télégrammes et d'en observer la provenance. J'ai même fait
quelques coups de téléphone à partir de ces
télégrammes. Je m'étonnais d'abord de les recevoir. J'ai
vérifié parce que je pensais avoir bien fait le tour de mon
comté. Ceux qui avaient encore quelque chose à dire avaient eu
leur entrevue et des explications. Effectivement, ces télégrammes
viennent de gens qui entourent mon comté mais qui ne sont pas de mon
comté. Ce sont des gens qui, à aucun moment au cours des derniers
mois, ne se sont manifestés, ne m'ont dit leur inquiétude sur
quelque chose en particulier. Soudain, ils se manifestent. Je respecte
ça. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai fait quelques
téléphones.
Les dernières craintes qui se manifestent ne me paraissent pas
fondées. Elles me paraissent avoir reçu à plusieurs
reprises des réponses de la part du ministre. Au fond, ce que le
ministre essaie de régler aujourd'hui c'est un vieux problème.
Les gens ici dans cette Chambre sont d'accord pour chercher une solution au
problème.
L'Opposition à ce moment-ci elle hésite à suivre le
gouvernement, encore que le député de Saint-Louis disait tout
à l'heure: II y a un grand bout qui était vrai mais il manquait
un petit bout. Clarifions ça dans les heures qui viennent, mais il me
semble qu'on est en face d'une solution qui a ses mérites.
Évidemment, il y a des choses auxquelles je suis sensible. Je serais
restaurateur moi-même que je serais d'accord pour reconnaître que
ça va me prendre un peu plus de temps qu'avant. Il y a un petit peu de
problèmes là-dedans. Il faut reconnaître ça et il
faut reconnaître aussi que la masse salariale se trouvera grossie, que
les charges sociales qui s'appliqueront dégageront forcément des
montants plus importants.
Là, il ne faudrait pas se tromper de sujet. À ce moment-ci
on ne discute pas de l'importance de la pression qui existe sur les masses
salariales, on ne discute pas du grand nombre de prélèvements qui
doivent se faire sur une masse salariale. C'est la même pour tout le
monde. Il ne s'agit pas d'en exempter une catégorie de travailleurs ou
une catégorie d'employeurs. Sur ce plan-là les travailleurs y
trouveront largement leurs avantages puisque, payant un peu plus, ils auront
une protection importante qu'ils ont souhaitée, qu'ils ont
demandée et à laquelle ils ont droit.
Pour l'employeur, je le reconnais, il a à cet égard ma
sympathie, c'est vrai que ça va représenter un petit
déboursé additionnel. C'est vrai que, pour lui, cela va
représenter peut-être une paperasse additionnelle. Mais c'est un
problème général que nous avons, qu'a le ministre à
qui on reproche de provoquer, éventuellement, un surplus de paperasse et
qui a annoncé, dans un autre projet de loi, plusieurs mesures qui sont
susceptibles de diminuer cette fameuse paperasse. Entre autres, au moment
où on se parle, une commission parlementaire siège à
côté, celle concernant la CSST, et le ministre a
déjà annoncé que son ministère percevrait
également les cotisations de la CSST. Actuellement, l'employeur est
obligé de faire des chèques à différents endroits.
Le ministre nous a annoncé qu'il s'en allait vers la perception unique,
donc une
simplification à cet égard. C'est l'exemple que je donne
parce qu'il se trouve, dans les propositions avancées par le ministre du
Revenu, une préoccupation évidente de réduire les petits
troubles, les petites tracasseries et la paperasserie qui affectent les
entrepreneurs, les employeurs au Québec. Nous sommes donc en face d'un
ministre qui est conscient de cela.
Mais, pour autant, je pense que ce ministre a reconnu l'importance du
problème de pourboires et les injustices qu'on avait
créées dans le passé en n'y faisant pas face et,
après avoir proposé des solutions à la discussion
publique, il y a environ un an, après avoir tenu des audiences
publiques, il a raffiné les hypothèses possibles, il a
cheminé avec les gens, puis il nous a proposé, dans ce projet de
loi, une solution qui n'est pas idéale, mais qui semble bien être
la meilleure des solutions à ce moment-ci. De toute façon,
l'Opposition n'en a pas annoncé de meilleure, n'en a pas proposé
de meilleure, et, en deuxième lecture, l'Opposition a cru que les
mérites contenus dans le projet de loi 43 étaient suffisants pour
voter dans le sens du projet de loi.
À ce moment-ci, je prends cela comme portrait d'ensemble. Je
constate que ce qu'on reproche au projet de loi pourra être
corrigé autrement, à l'occasion d'autres mesures que le
ministère du Revenu aura à prendre pour l'ensemble des employeurs
au Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, compte tenu de l'heure, vu
que le temps de parole est de dix minutes et qu'il n'en reste que cinq, est-ce
que je pourrais demander la suspension du débat?
Le Vice-Président (M. Jolivet): La motion est-elle
adoptée?
Une voix: Sur division.
M. Boucher: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint.
M. Boucher: Je demande la suspension de nos travaux
jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Nos travaux sont donc
suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 55)
(Reprise de la séance à 20 h 05)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Veuillez prendre vos places. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, voulez-vous rappeler
l'article 5 de notre feuilleton, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. Reprise du
débat de troisième lecture sur le projet de loi 43, Loi
concernant les travailleurs au pourboire. À la suspension de nos
travaux, c'était le député de Beauce-Sud qui avait
demandé la suspension. M. le député de Beauce-Sud.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Nous sommes à
l'étude du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au
pourboire, à l'étape de la troisième lecture. Il n'y avait
que chez les employés au pourboire que le gouvernement n'avait pas mis
le diable. On se souvient que le gouvernement a mis le diable chez les
fonctionnaires, chez les enseignants, chez les employés d'hôpitaux
et chez beaucoup d'autres catégories de la société.
Maintenant, c'est au tour des employés au pourboire. Bien sûr que
nous sommes en faveur du principe que tous les citoyens, tous les contribuables
paient leur impôt. Je crois qu'il faudrait être irréaliste
pour ne pas accepter ce principe. Cependant, je trouve que le moyen
employé dans le projet de loi 43 par le gouvernement est un moyen
purement irréaliste, un moyen qu'il sera très difficile de
contrôler, un moyen qui est tracassier, un moyen qui va imposer encore
énormément de paperasserie à nos petites et moyennes
entreprises.
M. le Président, le gouvernement impose un critère
purement arbitraire en ce qui concerne le montant du pourboire. Ce sera 8%. Or,
dans chaque établissement, il va falloir que quelqu'un contrôle,
il va falloir des papiers, des feuilles. Donc, c'est le propriétaire de
l'établissement qui va être obligé, d'après la loi,
d'exercer ce contrôle au nom du gouvernement.
Je pense que c'est la première fois dans une loi fiscale que l'on
impose une telle pénalité, je dirais, un tel travail aux
propriétaires de restaurant. Le propriétaire de restaurant devra
remettre chaque jour à toutes les serveuses un cahier dans lequel la
serveuse devra inscrire tous les pourboires qu'elle a reçus au cours de
la journée. Donc, si à la fin de la journée les pourboires
ont été moins que 8% pour quelques serveuses... On sait que dans
les restaurants ou les hôtelleries, il arrive pour certaines raisons,
soit avant une heure plus favorable ou des choses semblables, que des serveuses
aient des pourboires plus considérables. Il y en a qui auront plus de 8%
et il y en a qui auront moins de 8%. Il faudra que le patron
répartisse. Il faudra qu'il prenne son rabot et qu'il le passe
pour égaliser, pour enlever à celle qui en a plus et remettre
à celle qui en a moins.
Il y a un problème de justice dans cela. Qu'est-ce qui va assurer
au patron que tous ses employés ont déclaré tous leurs
pourboires. Premièrement, le patron est responsable de cette
déclaration. Supposons que certains employés n'aient pas
déclaré tous leurs pourboires. Ce sont les employés qui
auront déclaré la totalité de leurs pourboires, qui seront
donc au-dessus de 8%, qui seront pénalisés puisqu'ils paieront
l'impôt sur la totalité des pourboires déclarés et
qu'on leur enlèvera une partie pour combler les autres.
C'est un système qui va exiger de nombreux contrôles et,
également, un système qui va provoquer certaines querelles entre
les employés ou entre le patron et ses employés. C'est encore sur
le dos du propriétaire, comme ce gouvernement a tendance à
toujours le faire que sera ramené ce fardeau. (20 h 10)
On nous dit que c'est la solution américaine et que c'est une
solution extraordinaire. Le ministre nous dit avoir été
vérifé à Washington, pendant ses vacances
d'été, avec son personnel et tout cela, mais il faudrait
comprendre qu'aux États-Unis, ce système s'applique pour les
établissements de dix personnes et plus et non pas pour les
établissements de dix personnes ou moins. Ensuite, l'employeur ne paie
rien aux États-Unis, tandis qu'ici l'employeur sera obligé
à même la quote-part qu'il doit payer comme retenue à la
source: la part de l'employeur pour la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, les services de santé, la
Régie des rentes et tout cela. L'employeur devra payer cela en plus de
même que les avantages sociaux, les congés et tout cela. C'est une
chose qui va devenir onéreuse en plus du contrôle de la papeterie.
Je crois qu'il est réaliste de comprendre que le patron devra dans
certains établissements qui ont un peu plus d'ampleur, confier à
une personne, à une secrétaire, le soin de contrôler tous
ces papiers. S'il a 25, 30 ou 40 serveuses, le patron ne pourra contrôler
tout cela, il va falloir encore du personnel additionnel pour effectuer ce
contrôle. Il y a des coûts inhérents à cela. Le
ministre nous parlait de certaines cotisations à la source -dont j'ai
parlé tantôt - mais il y a ensuite des coûts administratifs.
Supposons que les coûts administratifs sont d'environ 3%, je pense que
c'est bas 3%, du chiffre d'affaires de l'établissement, si
l'établissement a fait un chiffre d'affaires de 300 000 $ - je crois que
c'est encore un établissement modeste qui fait un chiffre d'affaires de
300 000 $ dans le domaine de la restauration - on vient encore lui enlever 8000
$, 9000 $ ou 10 000 $ en pure tracasserie inutile.
M. le Président, je voudrais bien que le gouvernement comprenne
que, pour une région comme la mienne, ce système risque
d'être néfaste. II y a plusieurs établissements de
restauration dans ma région où le propriétaire travaille
avec sa femme, avec un ou deux de ses enfants, parfois avec une ou deux
personnes à temps partiel. C'est à peu près le coup de
mort que vous venez de porter à ces petits établissements - il
faudrait que vous vous en rendiez compte -qui vivotent justement parce que les
repas non taxés sont à 3,25 $. Vous savez qu'il y a une
clientèle assez considérable qui surveille pour manger le repas
du jour à 3,25 $. En toute équité, le gouvernement devrait
au moins se rendre à 5,00 $ dans l'exonération de taxe pour les
repas. En la laissant à 3,25 $ comme c'est le cas actuellement, vous
risquez, dans ma région, de causer des ennuis considérables
à ces établissements qui emploient beaucoup de main-d'oeuvre.
Vous faites des efforts du bout des lèvres pour la
création d'emplois et, par toutes sortes de contrôles, toutes
sortes de surveillances, vous venez, à coups de matraque, fermer nos
établissements. Pensons aux contrôles de ce gouvernement:
contrôle des normes du travail, contrôle de la CSST,
ministère du Revenu, contrôle de la langue française. On en
a parlé un peu l'autre soir lors du débat sur la loi 57. Vous
savez que dans la restauration, pour la langue française c'est important
les contrôles. On ne peut plus aller au restaurant acheter des patates
rôties, il faut acheter des pommes de terre rissolées; on ne peut
plus acheter un hamburger, il faut acheter un hambourgeois. Ce sont tous des
contrôles inutiles, stériles, pour ne pas dire ridicules dans bien
des cas.
Je pense que c'est un chambardement inutile, qui sera néfaste et
qui ne réglera pas le problème que vous voulez régler.
Dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie, je pense que cela
aura des répercussions très néfastes.
Le ministre a fait miroiter le fait qu'il y aurait une amnistie des
poursuites de l'impôt sur le revenu pour les années
antérieures concernant les employés au pourboire. Il n'y a pas
d'amnistie, ils vont quand même continuer à payer leur impôt
et le ministère peut très bien reculer un an, deux ans, trois
ans, quatre ans ou plus pour vérifier les revenus des employés au
pourboire. La seule chose que nous a dite le ministre, c'est qu'il ne se
servira pas des nouveaux chiffres pour cotiser pour les années
antérieures. Supposons que pour l'année 1984 la personne
déclare tous ses pourboires et que cela démontre le double de ce
qui a été déclaré l'année
précédente, le ministre nous dit qu'il ne se servira pas de ces
chiffres pour cotiser les années
antérieures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Beauce-Sud, si vous voulez conclure, s'il vous
plaît.
M. Mathieu: Mais il n'aura pas besoin de s'en servir. Je conclus
donc, M. le Président, puisque mon temps est maintenant terminé.
Je puis vous dire que rien ne va empêcher le ministère du Revenu
du Canada, lui, de se servir de ces chiffres pour cotiser les années
antérieures.
Je m'oppose donc catégoriquement à ce projet de loi et
j'espère que le gouvernement entendra raison.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Chapleau.
M. John Kehoe
M. Kehoe: Mr. Speaker, if I might be permitted to say a few words
in English concerning Bill 43. To date, we have heard all the arguments. There
are quite a number of English-speaking restaurant owners, bar owners and so
forth in the Province of Québec who will be affected by this law. I
think it is worthwhile that the Liberal Party states its position and why we
oppose this law.
This law has gone through the various stages. There has been a
parliamentary committee, there has been first reading, second reading and now,
we are at the final stage before it is enacted. But there has been a certain
indecency, in the way they have pushed through the final reading of this Act.
There was ample time to have a larger discussion on it. Last week, in Montreal,
last Sunday, there was a meeting of some 1200 restaurant owners and they
vehemently opposed the law. Yet, in spite of this -many other organisations
were involved in opposing this law - the Minister insists on proceeding with
the law today.
There is no question that the intention of the law is good. There is no
reason why waiters and bartenders should get off without having to pay any
income tax on the tips that they earn. This is elementary, this is something
that we all agree on. There is social justice, there is fiscal justice, and for
various other reasons this is a good law. But the way the Government has gone
to implement this law shows good intention gone awry. For various reasons
therefore, Mr. Speaker, we will vote against this law in third reading. First
of all and mostly it makes the employers the arbitrators between the employees.
This law states that there is a presumption that, on the total sales, the
waiters and bartenders got at least 8% in tips. Now, in some cases, this is
very grossly underestimated and in other cases it is over- estimated depending
on the type of restaurant.
In a very elaborate and in very expensive restaurants, 8% tip is very
small. In other restaurant, 8% tip could be quite high. Therefore there is an
elementary injustice created here immediately by the fact that the employer has
to declare if waiters and bartenders do not state that they have earn 8%, then
this has to be distributed between the various waiters and waitresses in the
establishment. Obviously, Mr. Speaker, you can see the grave injustice and the
potential for conflict that will be involved here.
The second reason that we oppose this law is that there is a tremendous
amount of paperwork that will be forced on the bar owners and the restaurant
owners. The law states that they have to make various reports almost daily. The
tips that the waiters, the barmaids and the waitressess get each day have to be
reported to the employer. The employer has to fill informs. There is a carnet
being given by the Minister of Revenue in order for him to fill in. But this
involves a tremendous amount of paperwork and now it is estimated that there is
only 0,5% of the restaurant owners in the province of Québec that have
the necessary know-how, that have the necessary staff, that make profits
sufficient in order to do this type of work. (20 h 20)
Still another of the important reasons why we are against this law is
that the owners of these bars, of these restaurants will have to state how much
money and how many sales they have made. You can obviously see the problems
there. When the employees in a restaurant, if there is a union that wants to
come in, if there is any bargaining position that the employees want to take,
if they know... If you are playing cards, Mr. Speaker, and you know that the
other party is holding four aces, what bargaining position do you have? It is
obvious, in a case like this, it is grossly unfair to the employer to have to
divulge to the employees the exact figures of sales. If he does this,
obviously, it is ball game over. The employees can ask and obtain whatever they
want in their future negotiations.
The obvious weakness of this law is that the employees will not get
unemployment insurance benefits. This law has been passed without due
consultation with the Federal Government. It is characteristic of the Parti
québécois to go to the Federal Government after they have decided
on a certain matter. We have seen this in many legislations. We have seen Mr.
Marois do this, the Minister who resigned recently. He went to Ottawa with a
fait accompli. He had already decided on his type of plan and he went and asked
Mrs. Bégin to
accept it. To his great surprise, Mrs. Bégin did accept it and he
came back and resigned shortly after.
This is a bit the same situation here. We have a situation in which the
Provincial Government has a plan. The plan is well structured. It is well
organized and it is prepared to go into operation on the 1st of January. They
go to the Federal Government and say: Here is our plan; it is all cooked
beforehand; it is ready to go and we want you to get on. The Minister involved
at the federal level said he is prepared to look at it. He is prepared to
discuss it. He is prepared to sit down and negotiate, but this is not the way
the Provincial Government has proceeded. They have already taken for granted
that the Federal Government will accept their plan and they have already
implemented it.
Mr. Speaker, for various other reasons, the Liberal Party will vote, in
third reading, against this bill. The intentions involved are very good, but
the legislators have to go back to the drawing board. There has to be more
social justice between the two parties. There has to be more discussion. There
has to be more equity. There has to be more fairness in the law. If it is
passed as it exists now and if it goes into operation on the 1st of January
1984, as the Minister said - basically, it is his target A to put it into
operation with certain exceptions. It is our firm belief that there will be a
very very difficult situation in the restaurant business in the province of
Québec. The restaurant business, as you know, is one which is very
marginal. The profits are very low. There has to be a high turn-over for a
relatively small profit, but if the employers have to do this much paper work,
if they have to be the arbitrators, if there has to be a great deal of conflit
between the employees, if this whole law goes into effect as it exists now, it
will be, in our opinion, a complete disaster in the restaurant and the bar
business.
For this and for various other reasons, Mr. Speaker, in the third
reading, the Liberal Party, the Opposition, will vote against bill 43.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: M. le Président, le projet de loi 43 que l'on
étudie en troisième lecture est basé sur un certain nombre
de principes. Tout au long de sa préparation, à partir de la
réflexion du ministre et du premier livre vert qui a été
présenté à la population du Québec et, en
particulier, aux travailleurs au pourboire qui sont concernés par ce
projet de loi, jusqu'au dépôt ici à l'Assemblée
nationale, avec toutes les étapes de travail, les études à
la commission parlementaire et autres, ce projet de loi a toujours
reposé sur trois principes fondamentaux. Il convient, je pense, M. le
Président, avant de dire qu'on votera pour ou contre ce projet de loi,
de rappeler aux citoyens qui nous écoutent que ces trois principes de
base qui sous-tendent le projet de loi sont absolument fondamentaux. On va les
regarder l'un après l'autre, essayant de voir si on peut aller à
l'encontre de l'un de ces trois principes et si les modalités
d'application du projet de loi font en sorte, comme certains de l'autre
côté nous le disent, qu'il ne vaudrait pas la peine ou qu'il
serait inutile ou superflu de l'appliquer.
M. le Président, le premier principe est celui de
l'équité fiscale. Est-ce que, au Québec, tous les
citoyens, qu'ils soient camionneurs, qu'ils soient travailleurs au pourboire,
qu'ils soient médecins, qu'ils soient de n'importe quelle profession, de
n'importe quel métier, est-ce que chacun des travailleurs au
Québec ne devrait pas apporter, par les impôts qu'il a à
payer, sa juste contribution aux frais de l'État? C'est la question
fondamentale. Est-ce que chacun des travailleurs et des travailleuses du
Québec ne devrait pas participer équitablement sans plus ni
moins, au fardeau fiscal que l'État est obligé de leur
imposer?
M. le Président, il faut bien réaliser qu'un certain
nombre de personnes qui travaillent dans le domaine de la restauration et de
l'hôtellerie bénéficiaient à un moment donné,
à cause de la difficulté de regrouper, de déclarer leurs
pourboires, d'une certaine exemption fiscale. À ce moment, il se
crée une forme d'injustice envers les autres travailleurs, le
camionneur, la serveuse, le travailleur de tous les jours, le travailleur en
usine, le travailleur dans le commerce, le vendeur, si un groupe de la
population ne paie pas équitablement ses impôts. On peut bien
penser que ce groupe, qui lui ne bénéficie pas de pourboires ou
de revenus qu'on peut dissimuler ou qu'on peut éviter de comptabiliser
en entier dans son rapport d'impôt.... La justice totale, la justice
complète et l'équité demeurent dans le fait où
chacun des employés de quelque catégorie qu'ils soient, que ce
soient des travailleurs au pourboire ou autre, paie sa quote-part, sa juste
part des services publics qu'il retire.
M. le Président, je me souviens d'avoir discuté avec
certains travailleurs au pourboire et, après avoir débattu
pendant quelques minutes du projet de loi, certains finissaient par nous dire -
ce n'est pas l'immense majorité, bien au contraire - Oui,
écoutez, c'est un métier dur. Ce ne sera pas drôle de payer
des impôts sur nos pourboires parce que, souvent, nos pourboires sont
assez élevés. L'Opposition a servi un certain nombre d'exemples
à cet égard au cours du
débat en deuxième lecture, exemples qui me reviennent en
mémoire. Moi, je leur disais toujours: C'est vrai, ce n'est jamais
drôle pour ceux qui réussissaient à dissimuler des revenus
d'avoir à verser des impôts au gouvernement. Ce n'est jamais
drôle, mais ce n'est pas drôle pour la vendeuse de magasin non plus
et ce n'est pas drôle pour le conducteur de camion ou le
mécanicien.
Vouloir être dans un État où chacun paie sa juste
part du fardeau fiscal, je pense que c'est un principe auquel l'Opposition
adhère, auquel la plupart des travailleurs au pourboire adhèrent,
auquel la plupart des hommes d'affaires, des commerçants et des
restaurateurs adhèrent. Chacun doit payer ses impôts selon le
revenu qu'il gagne. Voilà pour la première partie. Ce projet de
loi 43 répond à ce premier objectif.
Deuxième principe maintenant. Si les travailleurs au pourboire
doivent assumer certaines difficultés supplémentaires,
c'est-à-dire celle de comptabiliser de façon précise leurs
pourboires et celle de payer la totalité des impôts sur ce qu'ils
gagnent, ces inconvénients doivent être contrebalancés par
des avantages d'ordre personnel. Cela va de soi, M. le Président.
L'État tient à donner à ses travailleuses et à ses
travailleurs au pourboire le même système de
sécurité sociale que celui qu'on a développé pour
l'ensemble des travailleurs du Québec. Est-ce qu'il y a quelqu'un en
cette Chambre qui peut ne pas être en accord avec le fait qu'on veuille
donner à chacun des Québécois et à chacune des
Québécoises les mêmes avantages sociaux, la même
protection collective, les avantages de base, les choses qu'on a
considérées comme fondamentales pour l'ensemble des travailleurs
et des travailleuses à revenu fixe. (20 h 30)
II convient de mentionner que dans ce groupe de travailleurs et
travailleuses que constituent les travailleurs au pourboire, comme on les
appelle communément, il y a là-dedans des gens qui ont dû
vivre à certains moments des situations fort pénibles. Qui de ce
groupe de travailleurs n'a pas eu, à un moment ou à un autre,
besoin de recourir à ces avantages sociaux si importants, aux avantages
sociaux de base que le Québec, comme société
évoluée, s'est donné pour l'ensemble de ses travailleurs.
Qui, des travailleurs au pourboire n'a pas eu un accident d'automobile à
la suite duquel il a dû interrompre ses activités et se contenter
d'un revenu absolument réduit, ne correspondant pas à la
réalité des choses et ne correspondant pas non plus aux besoins
monétaires qui sont les siens pour faire face à ses obligations?
Qui, de ce groupe de travailleurs, n'a pas eu à un moment ou à un
autre, des problèmes avec la Régie de l'assurance-maladie ou
encore n'a pas eu à subir une période de chômage, une
période sans travail et sans revenu? Qui, de ces travailleuses et
travailleurs au pourboire échappera inévitablement au fait qu'un
jour on doit tous, sans exception, prendre sa retraite et compter pour vivre
sur les avantages sociaux que l'État nous consent c'est-à-dire la
Régie des rentes du Québec.
Tous et chacun des travailleurs au pourboire qui nous écoutent ce
soir, qui ont suivi le débat et qui s'intéressent au projet de
loi, ont eu ou auront un jour, quel que soit leur statut, quelle que soit la
nature de leurs activités, à bénéficier des
avantages sociaux qu'accorde l'État, des avantages sociaux que se sont
donnés les Québécoises et les Québécois
collectivement.
N'est-il pas infiniment juste de permettre à ce groupe de
travailleurs et de travailleuses, dont la grande majorité d'ailleurs
sont des femmes, peut-être davantage susceptibles de faire appel à
certains de ces avantages sociaux et d'être pénalisées dans
les années ou dans les mois qui vont venir... n'est-il pas infiniment
juste et n'est-ce pas notre devoir de parlementaires de faire en sorte que ces
gens bénéficient de tous ces avantages?
En terminant, puisque vous m'indiquez que mon temps achève, je
pense que ce que l'Opposition aurait dû faire et ce que l'Opposition
devrait faire aujourd'hui, au lieu d'essayer inutilement de détruire
certains principes fondamentaux de ce projet de loi qui sont de qualité
et valables... Quand les avez-vous entendus, en tant qu'Opposition, se lever et
nous dire qu'ils feraient l'impossible et qu'on devrait faire
l'unanimité de cette Chambre pour exiger du gouvernement
fédéral, via l'assurance-chômage, qu'il donne à ces
travailleuses et à ces travailleurs au pourboire les mêmes
avantages auxquels ils ont droit et les mêmes avantages qui sont
consentis à d'autres catégories de travailleurs? Quand se
sont-ils levés? Jamais! Et c'est ce qui est malheureux. Encore
là, on est pour la vertu, mais on est contre les moyens de l'atteindre.
Ce gouvernement a posé un geste éminemment souhaitable. Nous
allons adopter ce projet de loi en troisième lecture et tous les
travailleurs et travailleuses au pourboire du Québec ne s'en trouveront
que mieux. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Papineau.
M. Mark Assad
M. Assad: M. le Président, en écoutant le
député de Roberval, plus il parlait, plus c'était
évident qu'il n'a jamais été dans les affaires et encore
plus qu'il n'a jamais exploité un restaurant, cela paraissait.
Je voudrais corriger une chose que le député de Roberval a
dite, il dit: Ce qu'on veut accorder à ces travailleurs, ce sont les
avantages sociaux. Nous sommes tous d'accord avec cela, on l'a
répété peut-être 100 fois à la commission
parlementaire à laquelle j'ai assisté avec le ministre du Revenu.
11 sait, d'ailleurs, que nous étions tous d'accord. Donc, le
député de Roberval essaie encore, avec ses tactiques, en
lançant des choses à droite et à gauche, de donner
l'impression que nous sommes contre les principes de base. On peut regarder le
journal des Débats et on va se rendre compte que nous sommes tous
d'accord avec les avantages sociaux, mais, comme le ministre le sait, nous ne
sommes pas d'accord avec les modalités.
J'ai eu de l'expérience dans ce domaine, M. le Président,
ce n'est pas facile et cela n'a jamais été facile. Croyez-vous
que lorsque ce projet de loi sera en vigueur, ce sera mieux?
Dans le domaine de la restauration je peux vous dire d'expérience
que c'est un secteur où, selon un terme qu'on emploie -un anglicisme -
il y a un gros "turnover". Il y a beaucoup d'employés qui travaillent
six mois, neuf mois, un an, mais le durée du travail est en moyenne d'un
an ou moins; cela vous donne une idée. Fondamentalement, dans le domaine
de la restauration, il faut être très conscient que la
durée de travail des employés est très
éphémère. C'est important de créer un climat
d'harmonie, parce que c'est un domaine, surtout au Québec, on l'a
répété, où il y a deux fois plus de restaurants per
capita que dans les autres provinces. Et on arrive avec un projet de loi qui
risque, d'après moi, de créer un problème, pour aller
chercher 40 000 000 $, mais quels dommages on va engendrer au niveau des
relations du travail? C'est très délicat dans cette industrie et
on arrive avec un projet de loi. En commission parlementaire, on a
demandé au ministre: Est-ce que ce ne serait pas mieux de convoquer les
différentes associations de restaurateurs du Québec et
d'écouter leurs revendications? Elles aussi sont d'accord pour que les
employés aient des avantages sociaux et elles voudraient même
qu'il y ait des changements au niveau fédéral afin de
bénéficier, si possible, de l'assurance-chômage. Pour le
moment c'est très nouveau; évidemment le gouvernement central ne
veut pas aller à la vapeur et en vitesse comme, ici, le gouvernement et
le ministre du Revenu. Mais il faut que j'avoue, avec toute la sympathie que
j'ai, avec raison, pour le ministre du Revenu, qu'il y a une chose qui m'a
frappé au cours de l'étude article par article. C'est que j'ai
senti, au sein de nos débats, qu'il y a beaucoup
d'éléments qui ne sont pas sûrs. Il faudrait demander, M.
le Président, avec peut-être l'exception d'un député
ministériel, qui a été dans le domaine de la restauration?
Il y en a peut-être un. Ne trouvez-vous pas que ce serait plutôt
normal de faire appel lors d'une commission parlementaire, à ceux qui
ont oeuvré dans le domaine, qui sont propriétaires de restaurants
et qui connaissent les difficultés, afin qu'ils nous éclairent.
Je suis sûr que nous aurions pu retarder alors l'adoption de cette loi de
six mois, afin d'arriver avec des correctifs d'importance. Un exemple, aux
États-Unis -évidemment, on peut regarder pour toutes les
nouveautés aux Etats-Unis - il y a un an ils ont établi un
régime pour taxer les pourboires. Un an plus tard, au Congrès, on
est à faire des amendements parce qu'il y a eu des problèmes
à droite et à gauche et ce fut un échec. Pourquoi nous
exposons-nous à risquer un échec dans un domaine très
important au Québec, quand on pense qu'il y a presque 70 000 personnes
qui travaillent dans le domaine de la restauration? (20 h 40)
La chose fondamentale qui, dans ce projet de loi, d'après moi,
risque de créer des problèmes, c'est que toute l'administration
et toute la paperasse de ce projet de loi est dans les mains des
propriétaires et je peux vous dire d'expérience qu'il y a
déjà une quantité incroyable de paperasse. On arrive avec
un système où le propriétaire, tous les trois mois, devra
faire des calculs. Ceux qui n'auront pas déclaré 8% des ventes
passeront à son bureau. Il devra leur dire: Je suis obligé de
vous cotiser 1% ou 2% de plus parce que la moyenne n'a pas atteint un minimum
de 8%. Imaginez-vous la guerre qu'on va avoir!
J'ai l'impression que pour l'amour de 40 000 000 $... Remarquez bien que
c'est beaucoup d'argent, mais sur un budget de 26 000 000 000 $, 40 000 000 $,
ce n'est pas beaucoup. Je me demande si ce n'est pas un exemple classique du
dicton: La fin justifie les moyens. La raison pour laquelle, nous, de
l'Opposition, nous nous opposions, en commission, c'est finalement parce que
nous n'avions pas le temps de regarder la loi en profondeur. Surtout qu'on est
en train de faire des amendements à ce sujet au Congrès des
États-Unis, cela aurait été intéressant, ils
étaient les premiers à présenter un projet de loi qui
touche les pourboires.
On a constaté aussi que parmi les restaurateurs des
différentes associations au Québec il y a trop
d'inquiétude. On l'a vu, ils l'ont manifesté lors d'une
assemblée publique à laquelle assistaient le député
de Laurier et le député de Saint-Louis. Il y avait
peut-être 1200 propriétaires de restaurant qui se sont
opposés fermement à cette loi. Si vous en vouiez plus que cela,
je ne sais pas ce qu'il vous faut. Quand 1200 personnes s'opposent à
quelque chose, il y a raison de s'inquiéter.
Non seulement y a-t-il de l'inquiétude, mais il y a aussi
beaucoup de critiques. Je prétends que c'est prendre un grand risque
que d'arriver avec un projet de loi qui contient des
éléments d'inquiétude et de critique, surtout quand on
aurait pu prendre le temps de s'asseoir, à la commission parlementaire,
pour étudier des possibilités de solution. Cela aurait
été possible, j'en suis convaincu. D'ailleurs, je vous fais une
prédiction: d'ici un an, nous devrons apporter des amendements à
ce projet de loi, c'est inévitable.
À ce stade, on aurait pu assurer les avantages sociaux. La seule
chose qu'on devrait enlever, c'est le fardeau qui pèse sur le dos des
propriétaires. On risque de créer des conflits de relations du
travail, et s'il y a quelque chose dont on n'a pas besoin au Québec,
c'est bien des conflits de relations du travail. On en a déjà
plus que notre part, on en est devenu les champions.
En terminant, M. le Président, il y a un paragraphe que
j'aimerais vous lire. Quand on voit des propriétaires, des
employés et un syndicat qui parlent le même langage, il est temps
de se réveiller. Écoutez bien ce qu'ils disent: "Le syndicat
"dénonce avec la plus grande énergie l'attitude cavalière
et arbitraire du gouvernement" qui a "brutalement rompu les consultations" afin
de "passer à la vapeur" une loi "dont le principe inique est sans
précédent dans la jurisprudence canadienne" ni "dans celle
d'aucune société démocratique". Je m'excuse, M. le
Président, mais je crois qu'il y a une faute de français.
En d'autres mots, pour la première fois, on voit des
employés, des propriétaires et des membres du syndicat qui
dénoncent un projet de loi. À qui va servir ce projet de loi si
tout le monde le dénonce? Je suis convaincu que, d'ici un an, on va
revenir en Chambre pour adopter des amendements, ce qui aurait pu être
fait avant l'entrée en vigueur de la loi. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: Nous en sommes donc ce soir à l'étape de
troisième lecture du projet de loi très contesté et
rejeté du milieu, le projet de loi 43 du ministre du Revenu. Pour
démontrer l'état de confusion dans lequel se trouve
présentement le ministre, quelques jours après l'étude du
projet de loi article par article en commission parlementaire et
particulièrement lors de la prise en considération du rapport de
la commission qui a siégé sur ce projet de loi, le ministre a
dû nous présenter un amendement pour clarifier la
définition du type de travailleur visé dans le projet de loi.
Imaginez-vous quelle clarté.' Après l'étude en
deuxième lecture, après l'étude article par article, on ne
sait pas encore qui est visé dans le projet de loi et le ministre a
dû revenir devant cette Chambre pour présenter un amendement. Cela
vous donne une petite idée de l'état du dossier sur le projet de
loi 43.
Il y a plusieurs éléments problématiques dans ce
projet de loi. Premièrement, la question des 8% du chiffre d'affaires
d'un restaurant qui doit être appliqué sur les salaires des
employés. 8%, c'est un chiffre arbitraire que le ministre a
décidé d'imposer et, comme mon collègue de Saint-Louis
l'indiquait, il y a des gens plus honnêtes que d'autres dans ce milieu,
comme dans tout autre milieu. Certains pourraient avoir un revenu de 10% en
pourboires et n'en déclarer que 5%. D'autres vont déclarer
peut-être 15% ou 12%. Comment juger de la situation sans que le ministre
nous présente un projet de loi arbitraire? Il n'y a aucune façon
de juger du montant du revenu de pourboires perçus par un travailleur au
pourboire.
Cela indique tout de suite que le ministre impose par son projet de loi
un critère très arbitraire, inacceptable et, en même temps,
non fonctionnel. Il va de soi que les travailleurs au pourboire, le syndicat et
les employeurs se sont soulevés contre ce projet de loi, et avec raison.
Ils continuent même de manifester contre ce projet de loi. D'ailleurs,
j'ai eu depuis deux ou trois jours plus d'appels que depuis le
dépôt du projet de loi, puisque personne dans le milieu n'accepte
les clauses arbitraires de ce projet de loi.
Dans le milieu des affaires du secteur privé, dans un domaine
économique où l'entreprise privée est reconnue, comment
peut-on demander à un propriétaire de restaurant de
dévoiler son chiffre d'affaires à ses employés? Il faut
être dans l'industrie privée pour savoir que peu de
propriétaires sont désireux de dévoiler à leurs
employés le chiffre d'affaires qu'ils ont pu faire durant
l'année. C'est ce que le projet de loi demande, puisque le
propriétaire de restaurant devra dévoiler à ses
employés le chiffre d'affaires pour pouvoir prendre le multiplicateur de
8% et l'ajouter au salaire de chacun des employés et ce, de façon
toujours discriminatoire.
On peut voir d'avance la guerre ouverte qui arrivera dans le domaine de
la restauration et de l'hôtellerie. On peut prévoir qu'il y aura
des guerres entre employés et employeurs. Les relations du travail en
seront certainement affectées, malheureusement, et le climat de travail
en sera affecté aussi. Quand une personne n'est pas heureuse dans un
secteur d'activité, je ne pense pas que cela fonctionne bien et c'est ce
qu'on peut prévoir par ce projet de loi. De plus, cela ne règle
pas le problème des avis de cotisation qui pourraient être
envoyés aux employés du secteur de la restauration et de
l'hôtellerie; on règle peut-être le problème pour
l'avenir, mais pas pour
les années passées. Des avis de cotisation pourraient
être envoyés aux employés de restaurant pour les
années antérieures, ce que ce projet de loi ne règle
pas.
En se fiant aux rapports que nous avons d'un système quelque peu
identique qui fonctionne actuellement aux États-Unis, le ministre a fait
état du système américain en nous disant que cela
fonctionne bien. Je pense qu'on peut mettre en doute la parole du ministre
à ce sujet-là, puisqu'il y a présentement un projet de loi
déposé à Washington pour retirer cette loi qui ne
fonctionne pas aux États-Unis. Seulement 15% à 20% des
restaurants aux États-Unis sont affectés par la loi
américaine, puisque seules les entreprises de dix employés et
plus y sont assujetties; les autres ne le sont pas puisque 80% à 85% des
restaurants américains ont moins de dix employés. (20 h 50)
Je me demande comment le ministre peut se servir du projet de loi
américain pour dire que ce système fonctionne bien là-bas
et qu'on devrait l'amener ici. Je pense que le ministre devrait refaire ses
devoirs, M. le Président, puisque la base de travail dont il s'est servi
pour présenter ce projet de loi ne répond pas à nos
besoins, au Québec.
En plus, la question de l'assurance-chômage n'est pas
réglée. Si le projet de loi nous était parvenu
après une entente ferme avec le gouvernement fédéral,
selon laquelle les employés de l'hôtellerie pourraient
bénéficier de l'assurance-chômage, on aurait pu dire que
c'était un élément majeur apporté au projet de loi.
Mais non, le ministre a décidé d'imposer sa loi à compter
du 1er janvier 1984, sans se préoccuper de l'élément
majeur pour lequel il avait présenté ce projet de loi.
Étant donné que cette loi s'appliquera le 1er janvier
1984, je pense qu'il serait logique et sensé de demander au ministre de
retarder d'un an l'application de cette loi; si le ministre ne veut pas
retarder l'application de cette loi, il pourrait quand même - il serait
encore temps de le faire - tester cette loi. S'il y a 15 000 entreprises au
Québec qui oeuvrent dans la restauration et l'hôtellerie, il
pourrait peut-être en trouver 50 qui, d'une façon volontaire,
accepteraient d'essayer cette loi. Je suis persuadé qu'il y aurait
avantage pour le ministre de l'essayer avec 50 entreprises, allant des plus
petites aux plus grosses, pour voir ce que la loi apporte réellement,
pour voir quels sont les éléments nocifs de cette loi. Il
pourrait ainsi mieux l'adapter dans l'avenir. Je pense que cela se fait dans
certains secteurs d'activité; dans l'industrie on teste avant de vendre.
On nous vend une loi non testée.
Je pense que le ministre pourrait - il en est encore temps - sans
retirer son projet de loi, l'essayer. Il y aurait des entreprises qui le
feraient volontairement; 50 ou 100 entreprises pourraient essayer les clauses
de cette loi afin de voir comment cela fonctionne. Après un an, le
ministre saurait à quoi s'en tenir; il pourrait même la
retirer.
Il y a peut-être d'autres façons; les employés
pourraient volontairement déclarer un revenu provenant des pourboires.
Cela pourrait se faire. Il y a sûrement une majorité
d'employés de la restauration et de l'hôtellerie qui voudraient
avoir plus de sécurité, qui voudraient retirer tous les
bénéfices de nos lois sociales, qui voudraient
bénéficier d'une rente du Québec plus grande quand ils
cesseront de travailler, qui voudraient peut-être
bénéficier dans l'avenir d'une l'assurance-chômage plus
élevée et bénéficier de la Loi sur la santé
et la sécurité du travail. Il y aurait peut-être beaucoup
d'employés au Québec qui seraient prêts à
déclarer volontairement à leur employeur les montants
perçus en pourboires. Une déclaration volontaire des
employés au pourboire ou l'essai de cette loi-là constitueraient
deux façons possibles pour le ministre de s'en sortir. Par la suite il
pourra revenir devant cette Assemblée et dire: J'apporte tel amendement
à la loi. J'espère que le ministre pourra considérer ces
deux éléments. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du
Travail.
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Depuis
quelques jours j'ai une espèce de prédilection, une espèce
de goût d'intervenir sur les lois actuellement parrainées par le
ministre du Revenu. Le hasard fait bien les choses, je le fais à au
moins deux reprises immédiatement à la suite du
député de Huntingdon.
M. le Président, vous comprendrez facilement pourquoi j'ai un
intérêt dans ce genre de dossier et pourquoi c'est
particulièrement vrai dans ce cas-ci. Le ministre des Transports, je
pense, avant-hier, a fait état de l'expérience qu'il a
vécue à la tête de ce ministère, lorsque, pour la
première fois, à la suite des cotisations émises par le
gouvernement du Canada, il a commencé à entendre parler de la
situation qui était en train de se créer chez les travailleurs et
les travailleuses au pourboire. Vous allez comprendre que, lorsque j'y suis
arrivé, à la fin du mois d'avril ou au début du mois de
mai 1981, le phénomène dont a parlé le ministre des
Transports s'était très sérieusement amplifié et il
était devenu essentiellement à l'état de problème,
de problème sérieux. Effectivement aussi, M. le Président,
je crois me souvenir que le premier dossier qu'on m'a soumis, lorsque je
suis arrivé au ministère du Revenu, c'était
précisément le dossier des travailleurs et travailleuses au
pourboire qui, comme on le sait tous, comme je viens de le dire, se
retrouvaient avec ce genre de cotisation qui allait chercher, dans certains
cas, n'importe quoi entre 1000 $ et 10 000 $ pour un seul des deux
gouvernements.
Qu'est-ce qui a été fait, M. le Président? Je parle
plus précisément pour la région de l'Estrie, parce que
c'est de là que le mouvement a commencé. Ce qui a
été fait, c'est que les travailleurs et les travailleuses au
pourboire se sont regroupés en association. Ils ont
intégré dans cette association le plus grand nombre possible de
salariés et ils ont commencé à faire des
représentations aux autorités des deux paliers de
gouvernement.
J'ai personnellement, M. le Président, et à plusieurs
reprises, particulièrement encore une fois dans la région de
l'Estrie, assisté aux réunions que tenaient ces associations qui
étaient en train de se former et dont encore une fois l'initiative a
été prise à la suite de la situation que l'on
connaît.
À l'intérieur de ces discussions, il était
évident de constater qu'à tout le moins, non pas seulement la
majorité d'entre eux et d'entre elles, mais la totalité d'entre
eux et d'entre elles n'étaient plus capable de vivre avec le statu quo,
de continuer de tolérer cette espèce de situation qu'on
était en train de leur faire.
M. le Président, ces consultations se sont tenues sur une base
régulière. Elles se sont étendues dans tout le
Québec. C'est à partir de ces consultations, des
représentations qui ont été faites par l'ensemble des
travailleurs et travailleuses au pourboire que le ministère du Revenu a
commencé à préparer un livre vert sur l'ensemble de la
situation, un livre vert succinct, qui contenait, nous semblait-il en tout cas,
l'essentiel du problème quant à son état de situation. Ce
même livre vert faisait état non pas de positions
gouvernementales, non pas de décisions définitives et
arrêtées, mais de quatre solutions possibles pour arriver
précisément à sortir de ce statu quo à
l'intérieur duquel plus personne n'était capable de vivre. (21
heures)
À la suite de la publication du livre vert, l'actuel ministre du
Revenu a convoqué cette commission parlementaire qui a duré
plusieurs jours, au cours de laquelle les mêmes personnes qui avaient
été vues, qui avaient été consultées sont
venues expliquer leur position, les uns réclamant tel genre de solution,
les autres réclamant tel autre genre de solution. Après la
consultation, le ministre du Revenu a procédé à la
préparation d'une loi qu'il a déposée et dont nous sommes
en train de discuter. Je ne sais pas si jusqu'à maintenant - parce que
je n'ai pas toujours été là, retenu que je suis par les
travaux d'une commission parlementaire - le député de Saint-Louis
qui s'est intéressé de très près au dossier depuis
longtemps... Cela m'étonne même que le dossier n'ait pas
été réglé entre 1970 et 1976 alors que le
député de Saint-Louis était un personnage important du
gouvernement de l'époque, gouvernement au pouvoir. Pourtant, pendant
cette même période de temps, les mêmes problèmes
existaient. Je suis un peu étonné que le député de
Saint-Louis, qui a manifesté autant d'intérêt au dossier,
n'ait pas pris l'initiative, à ce moment, de suggérer à
son gouvernement de prendre les dispositions pour régler le
problème.
Une chose m'étonne davantage, et là le
député de Saint-Louis aura sans doute l'occasion ou bien de me
corriger ou alors d'expliquer la situation que j'arrive quant à moi
difficilement à m'expliquer. Après le dépôt du
projet de loi, il me semble avoir lu quelque part que le député
de Saint-Louis était heureux de la décision gouvernementale parce
que la formule qu'on retenait procédait de sa suggestion. C'est lui qui
avait suggéré au gouvernement de retenir la proposition que l'on
retrouve maintenant dans la loi. C'est dans le journal La Presse, me
semble-til. J'aurais aimé avoir le document devant moi, M. le
Président, mais le député de Saint-Louis est capable de
reconnaître que ce que je dis là est vrai. C'est dans le journal
La Presse qu'on a rapporté que le député de Saint-Louis
avait déclaré qu'il était très satisfait de la
décision gouvernementale parce que, comme dans une autre loi - une loi
électorale de l'Assemblée nationale, je ne sais trop -
c'était sa suggestion qui avait été retenue.
J'arrive, dans ces circonstances, assez difficilement à
m'expliquer comment il se fait que maintenant le député de
Saint-Louis soit devenu le chef de file de ceux qui s'opposent à
l'adoption de la loi. Il est devenu celui qui plaide avec le plus d'acharnement
qu'il ne faudrait pas adopter cette loi. De surcroît, M. le
Président, au-delà de ce dont je viens de vous parler, sous
réserve d'erreur toujours, il me semble que l'Opposition a voté
en deuxième lecture en faveur du principe de la loi. Qu'est-ce qui fait
donc que maintenant qu'on est rendu au stade de la troisième lecture,
cette loi devient inacceptable, cette loi devient invivable, elle va
créer toute espèce de dangers à ceux qui sont
touchés alors que les principes qu'on a discutés en
deuxième lecture se retrouvent intégralement dans le texte de loi
qu'on a devant nous en troisième lecture? M. le Président, ce
sont ces deux seules questions que je souhaiterais voir éclaircir par le
député de Saint-Louis, à moins qu'il ait perdu tout droit
de parole, maintenant. Je ne le sais pas, mais j'espère
que le député de Saint-Louis aura l'occasion de
répondre à ces deux questions.
Finalement, c'est lui ou un autre de sa formation politique qui,
au-delà des deux questions dont je viens de parler, pouvait
suggérer une formule qui serait meilleure que celle-là. Ce qu'on
a fait jusqu'à maintenant, c'est décrier la formule qui est
là, mais je ne crois pas avoir entendu en aucune espèce de
circonstance de suggestion quant à des formules qui auraient
été meilleures, à moins que l'on veuille, du
côté de l'Opposition, demeurer dans le statu quo, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, je suis ce débat sur
la question des employés au pourboire depuis le début. Je dois
vous dire que les objectifs poursuivis par les différents intervenants
dans ce dossier sont sûrement fort nobles; il s'agit d'un projet de loi
qui part, encore une fois, de bons sentiments. Il nous reste à
vérifier si les moyens utilisés dans le projet de loi vont
être conformes aux objectifs qu'on poursuit.
Il ne serait peut-être pas inutile de rappeler les objectifs qui
étaient poursuivis par le ministre du Revenu dans cette question des
employés au pourboire. D'une part, dans les objectifs annoncés,
on retrouve l'équité fiscale, l'équité sociale et
l'essor de l'industrie touristique. Mais on ne s'arrêtait pas là.
Il fallait que tout cela se passe en essayant autant que possible de faire en
sorte que ce ne soit pas le consommateur, en fin de compte, qui en
reçoive tout l'impact. Ce n'est pas seulement trois objectifs qu'on
poursuit, c'est quasiment quatre, au bout de la course.
Il est évident, pour moi, M. le Président, quand j'analyse
le projet de loi, qu'un certain nombre de pas ont été franchis.
Lorsqu'on fait état des protestations qui peuvent être
soulevées à l'égard de ce projet de loi, il faut prendre
garde de ne pas placer l'ensemble des protestations sur un même pied; il
faut éviter de dire que tous ceux qui protestent le font pour les
mêmes raisons. On peut facilement penser, par exemple, qu'un certain
nombre d'employeurs protestent contre une loi qui, par ricochet, va les amener
à dévoiler ou à mieux identifier l'état de leurs
revenus. Je pense, M. le Président, que n'importe quel citoyen, comme
vous d'ailleurs, serait d'accord pour comprendre que, tant et aussi longtemps
qu'on peut échapper à la déclaration de l'ensemble de nos
revenus, un peu tout le monde va essayer de le faire naturellement.
Donc, un certain nombre de protestations - on peut les comprendre
-peuvent être justifiées par cet argument où on dit: C'est
une façon de m'amener à dévoiler l'ensemble de mes
revenus. Par le biais des employés, on pourra peut-être
déterminer de façon plus précise l'ensemble des revenus
d'une entreprise de restauration. Il y a peut-être un pourcentage - je ne
dis pas l'ensemble - des protestations qui sont justifiées par ces
motifs, comme il y a un pourcentage de protestations de la part des
employés qui peuvent être inspirées par les mêmes
motifs. Donc, les protestations ne peuvent pas se placer, à cet
égard, sur un pied d'égalité. Il faut faire un certain
nombre de distinctions et reconnaître que, dans le projet de loi, il y a
un certain nombre de revendications, par exemple des travailleurs, qui trouvent
leur compte, dont la participation à des mesures sociales.
Ce qui n'est pas mesurable dans le projet de loi qui est devant nous,
c'est le coût pour le gouvernement. Il est exact qu'on ne percevait
peut-être pas l'ensemble des impôts qui pouvaient être
attribués aux pourboires reçus par les employés de la
catégorie qu'on vise. Il est aussi exact de dire que, pendant cette
période où on n'a pas nécessairement recueilli toutes les
sommes d'argent en impôt qu'on aurait dû percevoir, on n'a pas
déboursé, comme État, un certain nombre de services
à ces citoyens qui se plaçaient un peu en marge.
Je connais des employés au pourboire qui n'ont jamais
réclamé de bourse d'études pour leurs enfants. Je connais
des employés au pourboire qui se sont volontairement astreints à
ne pas demander des services universels, pourtant fournis à l'ensemble
des citoyens, parce qu'ils jugeaient que, comme ils payaient moins
d'impôt, ils ne devaient pas réclamer ces services. On va
peut-être effectivement recueillir davantage de fonds, mais, en
parallèle, il y a un certain nombre de fonds qu'on sera maintenant
obligé de débourser en mesures sociales nouvelles ou en services
aux citoyens que cette catégorie de citoyens ne réclamait pas
nécessairement auparavant. (21 h 10)
C'est donc, pour moi, un problème important. Dans ce sens, je
pense que la suggestion qui a été faite tantôt par le
député de Huntingdon mériterait peut-être qu'on s'y
attarde davantage. Il y a des pays, soit dit en passant, qui ne
procèdent que de cette façon, c'est-à-dire qu'avant
d'implanter une loi de façon permanente il y a toujours une
période de rodage, pas sur un certain nombre de lois, mais sur
l'ensemble des lois que ces Parlements votent. Alors, peut-être serait-ce
une bonne façon, justement, non seulement de mesurer, à travers
un certain nombre d'entreprises et de catégories d'employés,
l'impact de la mesure choisie, au plan de l'équité fiscale, au
plan de l'équité sociale, au plan des effets ou des
conséquences sur l'entreprise, mais de
vérifier aussi le coût pour le gouvernement de
l'application de ces mesures. Il me semble que c'est quelque chose qui serait
possible et qui ne retarderait pas indéfiniment une solution au
problème. On a trop tendance -c'est ce qui m'amène à
hésiter beaucoup à entrer dans le champ de ce projet de loi -
à laisser traîner les problèmes en longueur et, à
partir du moment où on commence à vouloir les étudier,
à imposer immédiatement une solution.
J'écoutais tantôt la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu qui nous disait: Cela fait deux ans qu'on
consulte. On doit admettre qu'il y a eu une consultation large sur le
sujet, on doit admettre qu'il y a eu des études assez poussées
sur le sujet. Mais on doit reconnaître aussi que cela faisait bien des
années qu'on laissait pourrir la situation. Or, il y a tout un nombre de
mentalités, d'attitudes qui se sont développées dans ce
secteur d'activité, tant du côté des employés que du
côté des employeurs, qu'on ne peut pas briser par une solution
qu'on va imposer sans savoir les effets de cette solution et surtout ses effets
secondaires. Je lisais dans les journaux des commentaires disant qu'un certain
nombre d'employés, syndiqués ceux-là, se sont posé
des questions sur le type de relations du travail qui pourraient se
développer dans ce secteur d'activités en particulier. Il me
semble que c'est aussi quelque chose qui devrait être mesuré. Dans
la suggestion du député de Huntingdon, on trouverait aussi cet
avantage de pouvoir mesurer l'impact d'une mesure non seulement sur les
objectifs visés, mais aussi en regard de l'impact que cela pourrait
avoir éventuellement sur le type de relations du travail qui va se
développer dans ce secteur particulier d'activités.
M. le Président, depuis que l'actuel ministre du Revenu exerce
ses fonctions, il nous a habitués à beaucoup de prudence et je
dois dire aussi à beaucoup de mesures qui visent à aider les
citoyens et à faire en sorte que les citoyens aient une image
différente du ministère du Revenu. On en a un certain nombre qui
sont devant nous, en Chambre, dans un autre projet de loi. Je pense qu'il ne
serait pas exagéré de demander au ministre de continuer dans
cette voie, de suspendre temporairement non pas l'idée qu'il met de
l'avant, mais l'application immédiate de son projet de loi et d'accepter
la suggestion du député de Huntingdon d'aller tester davantage
cette solution mise de l'avant. Cela permettrait peut-être aux gens de
comprendre davantage les objectifs poursuivis et peut-être aussi de
désamorcer un certain nombre d'objections qu'on peut avoir.
Je voudrais, en terminant, souligner que, encore une fois, il y a
peut-être un certain nombre de mesures prévues dans le projet de
loi que je trouve paperassières, bureaucratiques à outrance
jusqu'à un certain point, et c'est aussi une pratique qu'on devrait
mettre de côté le plus possible. Dans ce sens, je pense qu'on
devrait être prudent au moment du vote de troisième lecture. Et,
si le ministre ne nous annonçait pas, par exemple, son intention de
surseoir temporairement pour tester davantage sa solution, il ne nous resterait
plus comme solution, tout en reconnaissant la valeur d'un certain nombre
d'aspects du projet de loi, de voter contre en troisième lecture.
Le Vice-Président (M. Jolivet ): M. le
député d'Orford.
M. Georges Vaillancourt
M. Vaillancourt: M. le Président, le but de ce projet de
loi 43 sur les travailleurs au pourboire est, semble-t-il, d'appliquer une
simple justice qui fera en sorte que les travailleurs du secteur de la
restauration et de l'hôtellerie devront payer leurs impôts comme
n'importe quel autre citoyen. L'Opposition a déjà fait savoir son
approbation pour ce qui est du principe. En effet, en deuxième lecture,
mes collègues ont suffisamment fait savoir au ministre du Revenu qu'une
telle justice devait être appliquée avec souplesse, mais surtout
dans un cadre législatif adéquat. C'est là que le
problème se pose. Tout bien considéré, j'estime que ce
gouvernement a le don de ne rien comprendre. Une loi de cette nature ne doit
pas rendre la situation plus difficile qu'elle ne l'est actuellement.
C'est dans ce sens qu'à titre de représentant, à
l'Assemblée nationale, du comté d'Orford qui fait partie de la
belle région de l'Estrie j'ai reçu de nombreuses
représentations de part et d'autre et principalement un
télégramme d'une association qui m'a fait part, avec raison,
d'une vive inquiétude quant à l'application de la loi sur des
sujets aussi concrets que la paperasse qui sera multipliée inutilement,
l'état des relations du travail entre patrons et employés qui
iront de mal en pis et le coût global de la mise en application.
À ces inquiétudes, j'ajouterai qu'une conversation avec
des propriétaires d'hôtels et de restaurants, aussi bien qu'avec
des employés, m'a convaincu d'une difficulté de taille. En effet,
d'un côté comme de l'autre, un découragement risque fort de
survenir en ce sens que plusieurs employés voudront probablement
orienter leur carrière dans d'autres sphères d'activités
que la restauration vu la perte financière qui s'ensuivra.
De leur côté, les employeurs ont déjà fait
part de leurs difficultés pour ce qui est du recrutement de
professionnels du secteur hôtelier. Quoi de plus normal puisque les
employeurs devront se poser en arbitres dans
le cas de conflits entre employés. En fait, on leur demande de se
transformer en agents du fisc. Cette loi est d'autant moins acceptable dans son
application que le ministre se tirera bien d'affaire. En effet, par cette loi,
le ministre du Revenu percevra 40 000 000 $ qu'il empochera certainement sans
trop bouger. N'importe quel Québécois rêverait d'être
dans une situation semblable.
C'est ainsi que dans l'Estrie les organismes locaux et régionaux
font des pieds et des mains depuis des années pour qu'une des
principales activités de notre région, soit le tourisme
bénéficie d'avantages particuliers eu égard aux
retombées économiques et sociales. Les activités
hôtelières font nécessairement partie de cette importante
activité qui a généré des centaines d'emplois chez
nous. Les salaires se situent à environ 3,25 $ l'heure et on comprendra
que le pourboire constitue bien plus qu'un geste symbolique pour les
travailleurs, c'est la majeure partie de leurs revenus.
D'après les chiffres du ministre, il faut donc parler de 39 904
emplois dans l'hébergement, 19 344 travaillant dans les bars, tavernes
et salons, 3293 dans les clubs de nuit, 56 675 dans les restaurants avec permis
et 55 200 sans permis, enfin, 27 744 dans les autres services de la
restauration. On parle donc de plus de 210 000 travailleurs qui, eux aussi,
seront frappés par l'obsession du gouvernement à improviser une
mesure administrative en vue de combler un déficit gouvernemental qu'ils
ont eux-mêmes créé. (21 h 20)
M. le Président, les travailleurs au pourboire constituent une
autre clientèle sur laquelle le gouvernement n'hésite pas
à frapper, de la même manière que sur les 300 000
employés des secteurs public et parapublic il y a plus d'un an. À
ce train-là, M. le Président, le gouvernement se sera mis
à dos plus de la moitié de la population active au Québec
après trois années de pouvoir.
J'insiste encore une fois pour vous préciser que nous appuyons le
projet de loi dans son principe, mais que nous le rejetons quant à son
application. Il me semble que l'état des relations du travail au
Québec est suffisamment troublant ces années-ci sans qu'un
gouvernement vienne y installer la bisbille. Il me semble également
qu'une justice équitable doit pouvoir s'appliquer de façon
humaine et répondre quand même aux objectifs d'un tel projet de
loi. Il me semble, enfin, qu'un gouvernement qui évoque si souvent la
notion de concertation pourrait faire preuve de meilleure foi en adoptant sous
forme législative les suggestions énoncées en commission
parlementaire. Dans le cas du projet de loi 43, qu'on ne vienne pas dire de
l'autre côté que l'Opposition fait preuve de mauvaise foi. Bien au
contraire, nous nous sommes prêtés de bonne foi aux audiences de
la commission parlementaire et, à l'occasion, nous avons appuyé
certains groupes parce qu'il nous semblait que leurs solutions diminueraient
les impacts négatifs de ce projet de loi.
Non convaincu par les gens du milieu, le gouvernement
préfère appliquer sa solution pourvu que l'objectif de
récupération de 40 000 000 $ soit atteint. C'est là une
attitude mesquine et irresponsable. Pour ma part, je crois avoir assez
d'expérience dans cette Chambre pour vous dire que la population, aussi
bien les 210 000 travailleurs au pourboire que les autres, a déjà
rendu son verdict préélectoral à l'égard de
l'attitude arrogante du présent gouvernement.
M. le Président, au sujet du projet de loi 43 que nous
étudions en ce moment, le Parti libéral adopte une position
réaliste, je crois, convaincu qu'une solution peut être
trouvée sans éveiller quelque amertume de la part des
travailleurs au pourboire. D'ailleurs, ces derniers sont en principe d'accord
pour que justice soit faite, dans la mesure où le gouvernement fera de
même.
Il est bien évident qu'au cours de la commission parlementaire
les gens du milieu étaient divisés sur cette délicate
question, mais n'est-il pas du devoir du gouvernement de faire en sorte de
rapprocher les parties, de la même façon que le fait un
conciliateur? Le problème est que, dans l'état actuel des choses,
ce même gouvernement n'est plus en mesure de le faire. En matière
de pourboire, il semble que le statu quo s'avérait inacceptable de peur
de perdre 40 000 000 $. Alors, pourquoi choisir une solution extrême et
envenimer des relations du travail déjà fragiles?
En somme, nous retenons du gouvernement qu'il refuse d'être
l'arbitre entre l'employé et l'employeur alors que c'est à lui
que revient cette tâche; qu'il ajoute de la paperasse qui alourdira le
fonctionnement des petites entreprises. Comme le député de
Huntingdon, j'accepterais un amendement majeur: Que ce projet de loi s'applique
à une entreprise de dix ou quinze employés et plus et que, pour
celles de moins de dix ou quinze employés, ce soit facultatif, ce qui
empêcherait les petites entreprises d'avoir à faire de la
paperasse, elles qui ne sont pas assez grosses pour maintenir une
comptabilité. En effet, on ne tient aucunement compte des
dépenses additionnelles qu'entraînera une telle mesure pour les
propriétaires qui devront défrayer le coût des avantages
sociaux.
Voilà, M. le Président, les principales objections que je
tenais à formuler sur le projet de loi 43. Je voterai avec mes
collègues contre cette troisième lecture. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Châteauguay.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. Ce n'était pas
mon intention de prendre la parole sur ce projet de loi, mais à entendre
les interventions de l'Opposition je me suis rappelé que, pendant dix
ans de ma vie, j'ai gagné mes études en travaillant dans un
restaurant. Je me suis rappelé que pendant vingt-cinq ans, pour nous
faire vivre, ma mère avait travaillé dans un restaurant. Je peux
vous dire que je connais ce qu'est l'insécurité des gens qui
travaillent dans les restaurants. Ce ne sont sûrement pas les propos du
député qui m'a précédé qui me convaincront
que nous n'avons pas raison d'adopter le projet de loi 43 relatif aux
travailleurs au pourboire.
Les gens qui travaillent dans les restaurants sont obligés de se
soumettre quotidiennement à des réalités qui ne sont pas
toujours agréables. Ils savent que, lorsque l'âge vient, il n'y a
pas, pour eux, la protection qui existe pour la très grande
majorité des citoyens. Ils essaient de faire le maximum chaque jour pour
se mettre de l'argent de côté. Cela encourage
inévitablement des déclarations d'impôt pas tout à
fait conformes aux revenus. C'est tout à fait dans la nature des choses
que ça se passe ainsi. La tentation est grande; je peux vous dire
qu'elle est grande parce que j'ai vu cette réalité de très
près. Il fallait changer cette situation et faire en sorte que nous
ayons maintenant une formule acceptable, un compromis honorable entre la
situation actuelle et la formule du pourboire obligatoire sur la facture qui
n'aurait pas été très intéressante sur le plan
touristique.
Nous avons là une formule qui a fait ses preuves aux
États-Unis, cette formule des 8% rattachée au système de
la déclaration de pourboires avec le registre quotidien. Ce ne sera pas
une affaire épouvantable. On nous disait, tout à l'heure, que
c'était effrayant parce qu'on mettrait sur les épaules du
propriétaire, de l'employeur, le fardeau de faire ce contrôle. M.
le Président, on essaie de faire peur au monde, du côté des
libéraux. Ce ne sera pas une affaire terrible de tenir à jour un
registre très simple pour arriver à ces fins, pour pouvoir, si
les 8% ne sont pas atteints, vérifier s'il n'y a pas lieu de corriger la
situation à la fin de l'année. Savez-vous à combien de
restaurants s'applique cette formule aux États-Unis? Elle s'applique
à 1,5% des restaurants; cela veut dire que 98,5% des restaurants n'ont
pas à l'utiliser parce qu'il s'avère que la formule fonctionne
tellement bien, l'autodiscipline est si grande et les avantages sont si grands
pour les travailleurs de la restauration qu'à toutes fins utiles on n'a
pas à faire appliquer la formule des 8%.
C'est une formule qui n'est pas rigide, contrairement à ce qu'on
tente de nous faire croire de l'autre côté. C'est une formule qui
n'est pas rigide parce qu'un restaurateur qui ferait la démonstration
que les 8% sont trop élevés pour lui, compte tenu des revenus,
compte tenu des difficultés occasionnées, pourrait obtenir du
gouvernement l'application d'un pourcentage moindre.
(21 h 30)
Remarquez que je ne suis pas étonné de l'attitude des gens
d'en face. Ce n'est pas la première fois qu'ils disent non à un
projet de loi après avoir dit oui. Après avoir dit oui pendant
des heures dans leurs discours, finalement, ils viennent dire non au moment du
vote. On a l'habitude de voir cela chez les gens d'en face; c'est devenu leur
marque de commerce. Rappelez-vous les catastrophes qu'on nous annonçait,
par exemple, concernant la Loi sur l'assurance automobile. On nous disait que,
dans les mois suivants, ce serait effrayant au Québec, que la terre
allait chavirer. Régulièrement, on nous annonce que la terre va
chavirer à cause de nos lois. Quand on les vit dans le quotidien, on se
rend compte que c'était le simple bon sens. Je pense qu'ils n'ont pas
encore fini leur période de négativisme, vous savez cette
période où les enfants, pendant un certain temps, disent non tout
le temps. L'Opposition libérale n'est pas encore sortie de sa
période de négativisme. Elle est toujours en train de critiquer,
sans véritablement faire des propositions concrètes.
On était étonné tout à l'heure de voir un
député venir nous dire: Peut-être qu'on pourrait essayer
cela. M. le Président, c'est une formule qui a tellement fait ses
preuves aux États-Unis qu'il n'est pas nécessaire d'en faire une
expérience très circonscrite au Québec pour voir si cela
peut fonctionner. On sait que c'est une formule qui peut fonctionner, que c'est
une formule viable. Pourquoi essaierait-on cela dans un petit coin du
Québec? Dites-moi cela, M. le Président.
Je pense qu'en échange de cet effort que feront les travailleurs
et les travailleuses dans le domaine de la restauration et de
l'hôtellerie, il y aura des avantages. Enfin, ces travailleuses et ces
travailleurs seront couverts comme tous les autres travailleurs et
travailleuses du Québec, et ils auront enfin une sécurité
qui manque à un très grand nombre d'entre eux.
On nous reprochait tout à l'heure d'avoir apporté un
amendement au projet de loi. M. le Président, si on ne consultait pas,
on nous dirait: Vous ne consultez pas. On nous le reprocherait. Et quand on
consulte, qu'on consulte jusqu'à la fin, qu'on se rend compte qu'il y a
une amélioration, une clarification possible au projet de loi et
qu'on apporte cette clarification, on nous dit: Regardez, ils ne savent
pas où ils s'en vont et, à la dernière minute, ils
apportent des clarifications supplémentaires. Qu'ils se branchent, M. le
Président! C'est l'un ou c'est l'autre. Qu'ils arrêtent de nous
reprocher l'un et l'autre à la fois. On fait notre travail correctement.
Je pense que le ministre a fait un excellent travail. Il a fait un travail de
consultation depuis plusieurs mois et il s'est avéré que c'est la
formule la plus viable. C'est à cause de cela que je voterai pour ce
projet de loi en troisième lecture. Merci, M. le Président.
Des voix: Excellent.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: M. le Président, à entendre le
député de Châteauguay qui vient de me
précéder, il devient très clair que le parti
ministériel est rendu au point où il cherche
désespérément à dire n'importe quoi pour appuyer la
démarche qu'il a entreprise. J'ai été étonné
à un moment donné, parce que j'ai constaté tout à
l'heure qu'on avait quelque chose en commun, le député de
Châteauguay et moi, c'est-à-dire que nous avons tous les deux,
semble-t-il, vécu de près dans l'industrie de la restauration ou
le travail dans les restaurants, parce que ma famille, depuis 1949, a
oeuvré dans la restauration. Mais il semble qu'on tire des conclusions
tout à fait différentes quant aux valeurs de ces gens ou à
ce qu'ils vivent dans cette industrie. Nous arrivons a deux points de vue tout
à fait opposés. Le député de Châteauguay nous
dit que c'est une bonne chose pour les travailleurs, d'une part. D'un autre
côté, je dis qu'on ne peut pas adopter ce projet de loi, parce que
c'est un projet de loi qui échoue sur toute la ligne en ce qui concerne
les principes et les buts visés. Il échoue, M. le
Président, parce que, ni en ce qui concerne l'équité
fiscale, ni en ce qui concerne l'équité sociale, ni en ce qui
concerne la protection de l'industrie de la restauration, les affirmations qui
ont été faites selon lesquelles c'est un projet de loi qui
apportera des choses positives ne tiennent debout, M. le Président.
J'aimerais peut-être commencer par ce qui a été la
majeure partie du discours du député de Châteauguay, qui
disait que c'est un projet de loi ou un mécanisme qui a
été testé, qui existe, qui a été
utilisé. Il se basait, M. le Président, sur l'expérience
américaine. Tout au long des interventions ministérielles, on a
fait souvent référence au système américain qui
utilise les 8%. Ce qu'on ne nous dit pas et ce qu'on ne nous a jamais dit de
l'autre côté, c'est que cette comparaison est à peu
près la plus tronquée qui puisse exister. Car il n'y a aucune
base de comparaison entre le projet de loi que nous avons devant nous et le
système américain; à moins de faire toute cette
similarité qu'on réclame de l'autre côté sur la base
d'un même chiffre dans les deux cas, le chiffre 8, avec un signe de
pourcentage par la suite, pour parler de 8% et dans le système
américain et dans le système proposé ici, M. le
Président. C'est à peu près la seule chose qu'il y a en
commun entre ce qui existe aux Etats-Unis et ce qu'on propose ici. Aux
États-Unis on a pris une autre voie pour faire payer les impôts
sur les pourboires. On a décidé, aux États-Unis de traiter
les travailleurs au pourboire comme les travailleurs autonomes,
c'est-à-dire que, pour atteindre l'équité sociale, pour
que les travailleurs soient couverts par les avantages sociaux basés sur
l'ensemble de leurs revenus, ils sont considérés comme des
travailleurs autonomes et dans ce sens contribuent eux-mêmes à
l'atteinte de ces avantages sociaux. Ici, la voie qu'on a cherchée,
c'est d'y aller par l'entremise de l'entreprise et de faire porter le
coût de ces bénéfices sociaux entièrement ou, en
tout cas, en ce qui concerne les pourboires, par l'entreprise.
Déjà, je pense, les similarités commencent à
être très minces.
Deuxième chose, aux États-Unis... Et c'est là ce
que je trouve le plus drôle parce qu'on a vécu la même
expérience, si je peux m'écarter un peu du sujet, M. le
Président, dans un autre domaine. Il y a une époque ici au
Québec où on construisait de grosses écoles polyvalentes.
On le faisait, semble-t-il, aux États-Unis et cela avait marché,
sauf que nous ici on construisait ces écoles polyvalentes immenses au
même moment où, aux États-Unis, on constatait qu'il y avait
un paquet d'autres problèmes avec ces écoles et qu'on
décidait qu'il ne fallait plus aller dans cette voie. Nous ici, quand
eux là-bas avaient trouvé que cela ne marchait pas, on
embarquait. C'est la même chose. Ils viennent de découvrir
là-bas, après onze mois d'application, que tout le système
d'attribution qu'on a aussi traité ici ne marche pas. Il y a un
amendement proposé pour le sortir du projet de loi. Nous ici, on va
aller de l'avant avec le même système.
Il y a un autre point et je ne sais pas combien de temps il me reste, M.
le Président. C'est peut-être le point majeur sur lequel
j'aimerais insister dans cette troisième lecture, qui est à peu
près le dernier effort que nous pouvons faire pour convaincre le
gouvernement d'arrêter, au moins pour le moment, avec ce projet de loi.
Ce que je trouve le plus aberrant dans toute cette démarche, c'est qu'on
veut chambarder une tradition de je ne sais pas combien d'années. Et
tout le monde en était bien conscient et même le sous-ministre,
parlant
au nom du ministre dans une commission parlementaire, nous disait que
c'était bien reconnu par le ministère du Revenu que les gens qui
travaillaient au pourboire gagnaient des pourboires qu'ils ne
déclaraient pas dans leurs revenus et que c'était même - si
ma mémoire est fidèle, je pense qu'on trouvera cela dans le
journal des Débats - toléré depuis des années parce
que, effectivement, il y avait une tradition qui voulait que le client donnait
une gratuité à celui qui le servait et que ce n'est pas un
métier très gratifiant d'être au service, si vous voulez,
des personnes qui viennent pour prendre un repas, etc., et qui sont assez
exigeantes souvent. Pendant des années, on tolérait cette
situation. On savait, c'était en pleine connaissance de cause, que cette
situation existait.
Arrive une décision de la part d'Ottawa, semble-t-il, du
ministère du Revenu, suivie très volontiers par le
ministère du Revenu du Québec parce que, même s'il peut y
avoir des chicanes entre les deux niveaux de gouvernement, semble-t-il que, sur
ce point, les deux ministères du Revenu, quand il s'agit de percevoir
les impôts, une certaine similitude dans la pensée.
Les deux ministères ont décidé d'aller poursuivre
des travailleurs d'un coup, comme cela, pour les années
antérieures. Cela créait le chiard qu'on connaît. Je
soupçonne que c'était comme une toile de fond, si vous voulez,
pour qu'on s'amène avec une solution comme celle-ci en disant: Voyez ce
que cela ferait si on faisait ce qu'on doit faire comme fisc, percevoir
l'impôt qui nous est dû. Cela va créer des problèmes.
Alors, voici, on va proposer autre chose pour adoucir la situation. Sauf qu'en
employant cette tactique, on a essayé de changer toutes ces traditions
qui datent de longtemps. Le gouvernement a été ici pendant sept
ans et il n'a rien fait; d'autres gouvernements avant n'avaient rien fait. Et
à l'intérieur de cinq semaines... C'est une façon de
procéder. On l'a appelée arbitraire, on l'a appelée
totalitaire. La seule façon dont je peux la décrire, M. le
Président, c'est que, parce qu'on a le pouvoir, on va effectivement
écraser, on a décidé d'aller de l'avant peu importent les
conséquences. Il me semble que, si effectivement c'était dans
l'intérêt du contribuable, du travailleur d'avoir ces avantages
sociaux, ce serait également dans l'intérêt du
ministère du Revenu d'avoir un projet de loi qui serait accepté
par les gens qui sont concernés. (21 h 40)
Je ne peux pas voir comment un projet de loi de cette nature pourra
être accepté dans l'espace de cinq semaines, parce qu'on est ici
pour cinq semaines, et cela nous a été présenté
presque au début de la session. En cinq semaines, on va l'appliquer,
même si on se tient un peu sur ses gardes en laissant de
côté, pour l'instant, et en la mettant entre les mains du ministre
du Revenu, la clause concernant l'attribution. En cinq semaines, on va tout
chambarder ce système qui existait depuis des années. Cela
démontre une façon de penser, une façon d'agir de la part
de ce gouvernement qui ne tient compte que d'un facteur. On a un besoin
immense, après sept ans au gouvernement, après sept ans au
pouvoir, de fric. Il s'agit de 40 000 000 $. On a essayé de l'enrober
avec ces principes... J'avais, lors du discours sur la prise en
considération du rapport de la commission parlementaire, expliqué
pourquoi, à mon point de vue, l'équité fiscale,
l'équité sociale et la protection de l'industrie, qui sont les
principes mis de l'avant, ne sont pas contenues dans le projet de loi. Il reste
une chose, c'est une façon d'agir qui sûrement donnera l'occasion
aux citoyens qui sont touchés de s'exprimer, comme ils l'ont fait dans
plusieurs autres situations, lors des élections partielles, une fois
qu'on en aura l'occasion. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: M. le Président, je ne comprends pas comment
il se fait que la loi 43 ait tant de difficulté à passer ses
trois lectures. Je ne comprends vraiment pas, parce que ce n'est
qu'après toutes les consultations que le ministre du Revenu a faites,
après avoir pris les meilleures suggestions du milieu, après
avoir entendu tous les syndiqués, tous les travailleurs, tous les
employeurs, tous les gens du milieu, ce n'est qu'après avoir fait tout
cela que le ministre a décidé de préparer la loi 43.
Les gens d'en face disaient: Oui, c'est cela, cela va; franchement, vous
êtes arrivés à trouver un moyen qui sera le plus
adéquat possible pour tout le monde. Tout le processus allait bien, mais
les gens d'en face, comme ils sont des "vire-capot", ont décidé
qu'ils viraient leur capot de bord. Ils ont dit: II faut faire plaisir à
tout le monde; cela a l'air de chuchoter quelque part. Ils ont viré leur
capot de bord. Ils disent maintenant: Non, cela n'a pas de bon sens, vous
n'écoutez pas les gens du milieu. Voyons donc! Le ministre a même
dit: On va mettre en application, dès janvier, le principal de la loi,
et ce qui inquiète le plus les gens du milieu, soit l'attribution, on va
le reporter à plus tard et on l'installera de façon graduelle
pour que les gens ne disent pas qu'on les écrase avec une nouvelle loi
dont ils pourraient trouver certains aspects difficiles. Si c'est cela que les
gens d'en face disent, c'est-à-dire que le gouvernement n'écoute
pas le public, j'ai fait les mêmes
choses qu'eux, j'ai parlé à des travailleurs au pourboire
et ce n'est pas cela qu'ils m'ont dit. Les travailleurs au pourboire sont
inquiets, c'est bien sûr, comme je vous l'ai dit dans un autre
discours.
J'aimerais vous parler aussi de la chronologie des
événements, de ce qui nous a amenés à faire cette
loi 43. Dans tout le Québec, il y a 70 000 travailleurs au pourboire; de
ces 70 000 travailleurs au pourboire, nous, les femmes, représentons
60%. En 1979, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le
fédéral a envoyé des avis de cotisation. Ces avis
variaient entre 2000 $ et 3000 $, il y en a même qui sont allés de
12 000 $ à 15 000 $.
Vous souvenez-vous que, dans un discours que j'ai fait en
deuxième lecture, je vous parlais d'une mère de famille de sept
enfants de chez nous et qui travaillait dans un restaurant? Cette mère
de famille, quand elle a reçu son avis de cotisation, pensez-vous
qu'elle avait amassé le montant pour le payer? Elle n'avait pas le
montant dans sa poche, elle en avait eu besoin pour nourrir ses enfants ou pour
faire autre chose. Elle n'avait pas cet argent pour payer sa cotisation.
Imaginez-vous comment cette famille a eu de difficultés pour être
capable de régler, avec le Revenu, les montants qu'elle devait. Cela a
provoqué des scènes familiales que je n'ai pas besoin de vous
raconter ici. Vous savez, quand on manque d'argent dans une famille, je pense
que c'est la pire chose qui puisse arriver car, alors, tout le monde est
inquiet, tout le monde se sent dans l'insécurité et tout le monde
a de la difficulté à fonctionner normalement.
Pour éviter cela, M. le Président, je pense - je ne fais
pas seulement le penser, j'en suis convaincue - que la loi 43 va aider pour que
de telles choses ne se produisent plus.
Au mois d'août 1982, nous avons eu un livre vert au sujet des
travailleurs au pourboire. Ce livre vert a été
préparé pour étaler tout le problème des
employés au pourboire. On devait, selon ce livre vert, trouver les
meilleures solutions, trouver la meilleure équité fiscale. Il
faut que ce soit l'ensemble de la population qui paie ses impôts, pas
seulement un groupe de personnes qui sont cotisées à la source.
On devait rétablir l'équité fiscale pour tout le monde et
les employés au pourboire devaient eux aussi faire leur part. On devait
aussi penser à l'équité sociale. Si tout le monde paie ses
impôts, tout le monde a le droit d'avoir des avantages sociaux. Et les
femmes, qui font partie des employés au pourboire et qui sont les moins
bien payées -comme je vous le disais dans un autre discours - ne
pouvaient pas participer de façon ordinaire ou normale et avoir les
avantages sociaux et, en vieillissant, le problème devenait très
grave. Quand le mari est parti, qu'il ne reste que la femme avec les enfants et
qu'elle n'est plus d'âge à travailler, qu'elle n'a pas de compte
en banque, pas d'argent, pas d'avantages sociaux, qu'est-ce que vous pensez
qu'elle fait? C'est la grosse misère.
Je pense que c'est important pour ces deux bonnes raisons, et aussi pour
notre tourisme. Si on augmentait de façon disproportionnée le
prix des repas, cela nous amènerait à ce que le tourisme ne
vienne pas chez nous. On se lamente tout le temps en disant: Les touristes ne
viendront pas au Québec. C'est bien sûr que, si on fait
exprès, ils ne viendront pas, ils iront en Ontario, ils iront aux
États-Unis et nos travailleurs seront obligés d'aller ailleurs.
Que voulez-vous?
En novembre 1982, nous avons eu notre commission parlementaire, nous
avons entendu 25 mémoires, des intervenants de partout sont venus nous
raconter exactement ce qu'ils pensaient, comment eux croyaient que le ministre
du Revenu devait prendre la décision de préparer ce projet de loi
43.
Le ministre, lors de la commission parlementaire, s'était
engagé à changer cela; le statu quo, pour lui, c'était
fini, parce que, dans son idée et dans l'idée de tous ceux qui
étaient là, pour éviter des insécurités, il
devait réagir pour être équitable envers tout le monde.
Un an plus tard, le gouvernement a annoncé que, parmi les quatre
hypothèses de solutions énoncées dans le livre vert qui
étaient les frais de service obligatoires, le pourboire inscrit sur les
factures du client, la déclaration périodique des pourboires par
l'employé et le pourboire revenu du travailleur autonome, il a retenu
celle-ci: la déclaration périodique par l'employé et, pour
lui aider à se souvenir de ses revenus et de ses pourboires, il lui
fournit un petit carnet qu'il pourra utiliser le moment venu pour être
capable de faire ses déclarations. (21 h 50)
Les gens d'en face nous ont dit: Vous auriez dû mettre le
pourboire obligatoire. Non, on n'aurait pas dû mettre le pourboire
obligatoire parce que les prix auraient trop augmenté dans les
restaurants. Ce n'était pas la solution. Je pense que la solution de la
loi 43 est la meilleure. La loi 43 va régler une fois pour toutes, comme
je vous le disais tout à l'heure, l'équité fiscale; elle
va régler une fois pour toutes la question des avantages sociaux pour
nos travailleurs au pourboire et pour les femmes, en particulier.
C'est la raison pour laquelle on doit s'empresser de voter pour la loi
43, afin qu'elle soit graduellement mise en application, tel que proposé
par le ministre, en procédant de la façon la plus
sécuritaire, la moins inquiétante. Je souhaite que, dès ce
soir, on puisse adopter cette loi, M. le Président. Je vous
remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Berthier.
M. Albert Houde
M. Houde: Merci, M. le Président. Ce soir, le gouvernement
du Parti québécois nous présente un projet de loi que nous
étudions en troisième lecture, la loi sur les pourboires, qui
concerne une classe de travailleurs qui n'avaient pas encore été
touchés. Les fonctionnaires, les enseignants et même les
producteurs agricoles ont été touchés par des
décrets.
Le ministre demande, par ce projet de loi, que les employés
déclarent leurs pourboires au patron. Si la moyenne des pourboires dans
un local donné n'arrive pas à 8% des ventes, la différence
entre les 8% et le montant déclaré sera payée par
l'employeur ou tous les employés, même ceux qui auront
déclaré plus de 8%. Toujours dans cette loi, l'employeur devra
payer des vacances, des jours fériés, des congés de
maternité, etc., basés non seulement sur le salaire payé,
mais aussi sur la moyenne des pourboires rapportés, donc des pourboires
hypothétiques.
Les employeurs contestent le projet de loi sur les aspects suivants :a)
ils ne veulent pas servir d'arbitre entre le gouvernement et les
employés quant aux attributions, qui seront une source de conflit; b)
l'administration et la paperasse que comprendra l'article a) qui seront
énormes; c) le patron devra divulguer le total de ses ventes aux
employés pour en justifier l'attribution; d) le coût des
bénéfices sociaux est trop élevé.
Le minimum de 8% et l'attribution ont été copiés
sur la loi américaine; même aux États-Unis, après un
an, cette section ne fonctionne pas. Il y a même un projet de loi, au
Congrès, qui élimine cette partie de la loi.
Aspects politiques du projet de loi 43. Ce projet de loi est une
solution simpliste à un problème complexe. Le gouvernement se
réserve encore le droit de réglementer pour préciser des
situations très vagues et qui peuvent porter préjudice à
certaines catégories de travailleurs et de travailleuses.
L'équité sociale n'est pas atteinte puisqu'on n'a toujours pas la
confirmation que l'assurance-chômage sera incluse dans les
bénéfices sociaux par le nouveau calcul des revenus des
travailleurs au pourboire. Ce projet de loi ne vaut rien sans cela, si ce n'est
permettre au fisc québécois de récupérer des
millions de dollars auprès des travailleurs et des travailleuses.
On ne corrige pas l'injustice qui a été faite aux
travailleurs et aux travailleuses au pourboire dans l'offensive du redressement
des cotisations fiscales. On n'a pas non plus l'assurance, par une disposition
législative, que le ministre du Revenu ne poursuivra pas cette
offensive. Le même ministre, lors de l'étude article par article,
a bel et bien dit qu'il ne le ferait pas, mais sans vouloir s'engager à
l'inscrire dans son projet de loi. C'est à se poser des questions.
Nous sommes contre le principe d'attribution des pourboires par
l'employeur. Cette situation d'employeur arbitre est une source de conflits
importants qu'on ne peut se permettre de créer. Il est bien suffisant
qu'on impose aux employeurs de l'industrie touristique de nouvelles charges
financières et administratives.
M. le Président, cela fait un an, peut-être deux, que le
ministre pense à aller chercher encore de l'argent dans les poches des
contribuables. Il me semble qu'il aurait eu avantage à présenter
un projet de loi plus équitable. Le ministre pourrait peut-être se
pencher sur la suggestion de mon collègue le député de
Huntingdon de tester le projet de loi, de faire un échantillonnage avec
de petits, de moyens et de gros restaurateurs pour une année. Il
pourrait alors avoir une bonne idée de son projet de loi.
Le ministre nous disait, lors de l'étude article par article,
qu'il serait assez généreux pour les employés mais, encore
là, ce sont des promesses. On demande au ministre de retarder ce projet
de loi afin qu'il puisse y avoir une entente avec le gouvernement
fédéral. Nous avons voté pour le projet de loi en
deuxième lecture. D'abord, la deuxième lecture d'un projet de loi
concerne toujours les principes. Nous sommes d'accord avec
l'équité fiscale et, deuxièmement, avec
l'équité sociale.
Quand on voit les organismes concernés, y inclus même les
syndicats, qui ne veulent rien savoir de la façon dont le ministre veut
faire appliquer ce projet de loi sur les pourboires... Lorsqu'on voit dans les
journaux - pas seulement dans un, mais dans plusieurs - les
définitions.... Le journal Le Soleil du samedi 10 décembre 1983
disait: "Signalons par ailleurs que certains termes ne sont pas définis
dans la loi." Comme je le disais tantôt, elle n'est pas claire, elle
reste toujours au bon plaisir du ministre comme dans plusieurs autres projets
de loi. Le ministre peut, le ministre peut. Il peut faire bien des choses.
C'est le cas, par exemple, du mot "pourboire". Un cadeau de Noël, en
argent, qu'un serveur ou une serveuse reçoit d'un client
régulier, est-il un pourboire? Le projet de loi est muet à ce
sujet-là. C'est le cas également d'une catégorie de
restaurateurs auxquels la loi s'appliquera. On précise à
l'article 42.2 du projet de loi que les cafétérias et les
restaurants de restauration rapide - par exemple les "fast food" - sont exclus
de l'application de la loi, mais ces deux types de restaurants ne sont
définis nulle part. Un autre exemple: "Les syndicats des employés
d'hôtels et de
restaurants contestent la loi sur les pourboires." C'est dans le Devoir,
le mercredi 7 décembre 1983. Je vais vous en citer encore d'autres.
"Imposition des pourboires. Les problèmes de gestion seront
énormes sans la collaboration des employés." Le Journal Les
Affaires du samedi 22 octobre cite encore un autre exemple: "Cela aurait
dû être fait bien avant cela." À Québec, le Soleil,
le mercredi 9 novembre dit "Pourboires. Québec et Ottawa en parleront."
Il me semble que le ministre aurait dû penser que, si cela fonctionnait
mieux avec deux paliers de gouvernement, il aurait pu y penser avant
aujourd'hui. Il y a pensé mais dernièrement, il aurait pu y
penser bien avant cela.
Quand on fait un tel projet de loi, il me semble qu'on doit y penser
avant de le mettre en application.
En terminant, M. le Président, nous sommes pour le principe,
comme nous l'avons toujours dit, en tant que membres de l'Opposition, mais nous
sommes contre ce projet de loi et nous voterons contre. Merci beaucoup, M. le
Président. (22 heures)
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: M. le Président, pour aider le ministre dans sa
compréhension de notre opposition à son projet de loi, je veux
lui raconter une histoire. C'est le général de Gaulle, le
président de la France - il semble que ce soit une histoire vraie - qui
était en voyage en Afrique noire, avec sa femme, dans les colonies, il y
a quelques années. C'était une colonie où il
détenait le pouvoir absolu à l'époque. Ils étaient
en train de faire un petit voyage à l'intérieur de ce pays; sur
le côté de la rue, ils ont vu deux éléphants en
train d'avoir des rapports sexuels, de faire l'amour. Mme de Gaulle
était choquée de voir qu'une telle chose pouvait arriver devant
le président de la République et devant tout le monde. Elle a dit
au président de la République, qui détenait tous les
pouvoirs C'est écoeurant. Qu'allez-vous faire? Je veux que vous
écoutiez attentivement la réponse du général de
Gaulle, un homme qui était le responsable de toute la
collectivité française et qui était même
l'incarnation de l'idée de la collectivité française. Il a
dit: Laisser faire.
Je vous raconte l'histoire, parce que c'est une histoire qui est assez
souvent racontée par des gens qui sont des libéraux pour
expliquer aux personnes qui veulent régler tous les problèmes du
monde par des lois qu'il existe des choses qu'on trouve parfois
désagréables dans la vie, qui sont imparfaites, qu'on n'aime pas,
mais qu'on ne doit pas quand même essayer de régler avec des lois.
Je pense que le problème que le projet de loi veut régler est un
genre de problème, selon moi, qu'on ne doit pas régler. Je vais
vous dire pourquoi, M. le ministre.
Vous essayer de régler deux problèmes.
Premièrement, il y a certaines personnes qui ne paient pas d'impôt
sur les sommes reçues en guise de pourboire. On accepte cela, mais ce
n'est pas juste dans un sens, et on doit essayer de le régler.
Deuxièmement, ces personnes, pour les mêmes raisons, ne
bénéficient pas des avantages sociaux sur les sommes qu'ils n'ont
pas déclarées. Voici donc deux problèmes: si, pour
régler ces deux problèmes, vous créez quinze autres
problèmes, il me semble que vous devez accepter de dire ce que le
général a dit en Afrique: Laisser faire. Il y a certaines choses
qu'on ne peut pas régler par des lois.
Je veux simplement citer quelques problèmes que l'effort du
ministre pour régler deux problèmes va susciter.
Premièrement, il est obligé d'établir une
réglementation exceptionnellement lourde pour les employeurs, avec de
nombreux formulaires. Vous savez comment tout le monde reproche au gouvernement
sa surréglementation. C'est une industrie touristique qui est une des
cibles de la relance économique; cette réglementation touchera
non seulement les employeurs mais les employés et le gouvernement
lui-même sera obligé d'ajouter des fonctionnaires pour s'assurer
que les règles soient respectées. Premier problème,
réglementation accrue.
Deuxièmement, un seuil artificiel de 8%. Je ne vais pas parler
plus longtemps de cela, tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'un chiffre
artificiel qui créera de la discrimination d'un côté comme
de l'autre. Troisièmement, il sera obligé d'établir, par
règlement, des exceptions, de définir dans un règlement ce
qu'est une cafétéria, ce qu'est un établissement de
restauration rapide. Il y aura des abus, des excès et des injustices
à cause de cet effort pour définir ce qui ne se définit
pas.
Quatrièmement, il y aura, discrimination, parce que c'est
seulement une partie des personnes qui reçoivent des pourboires qui
seront touchées. Les chasseurs dans les hôtels, les coiffeurs, les
chauffeurs de taxi et tout un groupe de personnes ne seront pas touchées
par le projet de loi. Vous créez une autre sorte de discrimination et
d'injustice avec le projet de loi.
Cinquièmement, l'obligation faite à l'employeur. Je sais
très bien que vous avez un amendement qui va atténuer celui-ci un
peu, mais, en effet, l'employeur devra décider des bons et des mauvais
employés. Cela va créer des problèmes de morale, d'esprit
d'équipe dans les restaurants, les établissements dont nous avons
le plus besoin pour le développement d'une partie de notre
économie, ce qui est très important.
Sixièmement, cela va certainement entraîner une surtaxe
pour les employés qui sont les plus honnêtes.
Septièmement, le ministre garde encore le pouvoir de poursuivre
les personnes qui, d'après lui, reçoivent plus de 8% de
pourboire, même si c'est la règle générale. Il se
garde alors un autre pouvoir pour lequel il devra engager des enquêteurs
et des fonctionnaires additionnels.
Huitièmement, le grand avantage dont il nous assure, c'est que
ces gens pourront bénéficier de l'assurance-chômage. Il
n'est même pas certain qu'ils pourront en bénéficier,
puisqu'il n'y a pas eu d'entente avec le gouvernement fédéral
pour s'assurer que cet avantage sera quelque chose qui va découler du
projet de loi.
Neuvièmement, on crée dans la loi la possibilité
d'une rétroactivité avec toutes les injustices que cela peut
comporter pour les personnes impliquées.
Dixièmement, il faut accepter de changer les règles du jeu
pour les personnes qui en reçoivent les pouvoirs du gouvernement
fédéral. Vous donnez des armes additionnelles au gouvernement
fédéral, qui ne fait rien, mais qui sera obligé d'examiner
les nouvelles déclarations d'impôt.
Onzièmement, vous ouvrez la porte à la fraude et au
travail au noir aux travailleurs de l'industrie touristique et de l'industrie
de la restauration. Ce sont des abus qui surviennent toujours quand il y a une
réglementation abusive.
Douzièmement, c'est possible qu'à la suite de l'adoption
de ce projet de loi, les restaurants haussent leurs prix. Quelques personnes
ont calculé que cela pouvait monter de 2%, 3%, 4% ou 5% de plus sur la
facture pour tout le monde dans une industrie, je le répète
encore, qui est très importante pour notre industrie touristique.
Treizièmement, les employés seront obligés de payer
leurs impôts sur la base des pouvoirs attribués, même s'ils
sont en vacances. C'est un autre exemple d'un problème qui va arriver
par rapport à votre effort de réglementer tout le monde pour
toujours.
Quatorzièmement, vous êtes obligé vous-même de
définir ce qu'est un pourboire. Est-ce qu'un cadeau de Noël est un
pourboire, par exemple? Il y a un tas d'autres exemples, un tas de questions
qu'on peut se poser. Vous serez obligé de définir
artificiellement le mot "pourboire". Si vous ne le faites pas, vous ouvrirez
les portes à toutes sortes de formes de discrimination. Si vous le
faites, ce sera exactement la même chose, ce sera la discrimination dans
un autre sens.
Finalement, vous essayez, M. le ministre, de mettre ce projet de loi en
vigueur dans à peu près deux semaines, le 1er janvier. Comment
pouvez-vous imaginer que, dans une période de deux semaines, non
seulement vous, mais tous les restaurateurs du Québec, vous pourrez
comprendre et mettre en vigueur un projet de loi qui est tellement
compliqué que vous ne le comprenez pas vous-même et auquel vous
êtes en train de proposer des amendements aujourd'hui?
Voilà quinze problèmes, M. le ministre, que vous allez
créer dans votre effort pour régler deux problèmes.
Je propose en terminant, M. le Président, de revenir à la
déclararation du général de Gaulle devant sa femme, en
Afrique, dans l'histoire que je vous ai contée. Il y a quelques
problèmes dans notre vie qu'il vaut mieux ne pas régler par des
lois. Je propose au ministre d'écouter et d'accepter les paroles de M.
Charles de Gaulle: "Laisser faire." Merci.
Une voix: Très bien. (22 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Hull.
M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Disons du projet de
loi 43 comme tel, que la population devrait être très bien
informée sur ses aspects négatifs. Quand on parle du pourboire
dans l'entreprise de la restauration, le pourboire, ce n'est pas
nécessairement un salaire, c'est une forme d'appréciation.
L'appréciation du client dans un restaurant ne se situe pas
nécessairement à 5%, 10%, 15% ou 20% de la facture. Cela
dépend de ce que le client veut laisser comme pourboire, comme
appréciation en fonction du service qu'il a reçu, de la
qualité du service, de la qualité du produit offert. Ce que je
trouve très malheureux dans ce projet de loi 43, c'est encore une fois
la façon arbitraire de ce gouvernement d'adopter une loi qui va à
l'encontre de tous. On l'a vu en commission parlementaire. On l'a vu ici
à l'Assemblée nationale avec les discours que nous avons tenus et
tout le monde est d'accord pour dire que les impôts, les gens doivent en
défrayer la note pour permettre à ce gouvernement de mieux
gaspiller notre argent.
Ce que je trouve malheureux dans le contexte économique actuel,
c'est que l'industrie de la restauration au Québec, et cela depuis la
crise économique, est en perte de vitesse dans le sens que, dans
l'entreprise de la restauration au Québec, ceux qui font aujourd'hui des
profits représentent à peu près à 8% de
l'entreprise de la restauration qui fait des profits. Il y a à peu
près 20% qui "brisent égal" qui viennent à bout
d'équilibrer leur budget, de "casser égal", et vous en avez plus
de 70% dans la restauration aujourd'hui qui ont des pertes
annuelles parce que, quand l'économie ne va pas, la restauration
ne va pas. C'est facile à expliquer, M. le Président. Quand les
gens ne travaillent pas, quand les gens relèvent de l'aide sociale,
quand les enseignants se font couper leurs salaires, quand les gens de la
fonction publique se font couper leur salaire, on ne peut pas leur demander de
sortir, d'aller au restaurant, de dépenser de l'argent. Ils n'ont plus
d'argent.
Quand on examine cette industrie qui, au Québec, rapporte des
centaines de millions, on peut se poser de sérieuses questions sur la
façon de ce gouvernement, encore une fois, de traiter le petit
travailleur et la petite travailleuse. C'est cela qu'il faut regarder. Il y a
au-delà de 70 000 serveurs et serveuses au Québec, 70 000
personnes qui travaillent dans une industrie qui n'est pas facile. Je ne sais
pas si le ministre du Revenu a déjà servi dans un restaurant,
entre minuit le soir et 7 heures le matin, alors que la clientèle est
très différente de celle du jour, que c'est une clientèle
plus difficile, une clientèle en fête, une clientèle qui ne
respecte pas toujours la personne et qu'il y a des abus, M. le
Président. Pensons à cette jeune femme qui est obligée, de
peine et de misère, de gagner sa vie entre minuit et 8 heures le matin
pendant que ses enfants sont gardés à la maison, pendant que le
père est à la maison et qu'il attend que sa femme revienne pour
lui aussi aller faire sa "job", s'il en a une, s'il n'est pas prestataire de
l'assurance chômage, s'il n'est pas déjà un
bénéficiaire de l'aide sociale. On n'a peut-être pas
pensé à cet aspect humain, M. le Président. Quand on parle
du pourboire, on parle d'une appréciation du client pour le service et
la qualité du produit offert. C'est un facteur important.
Dans les neuf autres provinces canadiennes, il n'y a pas de loi comme
cela. Dans les neuf autres provinces canadiennes, on ne tente pas d'aller
chercher encore une fois dans la poche du petit simplement de quoi combler les
trous de ce gouvernement. Non, M. le Président, cela ne se fait pas.
Je viens d'une région qui s'appelle l'Outaouais
québécois. Dans la ville de Hull, actuellement, on a des serveurs
et des serveuses qui quittent leur emploi. Pour aller où? Pour aller
travailler à Ottawa. Pourquoi aller travailler à Ottawa? Parce
qu'il n'y a pas de loi comme cela. Combien d'autres vont partir? Combien de
commerces de la restauration vont être mis en faillite à cause de
ce geste irresponsable que le gouvernement pose par la loi 43? Quand je dis
cela, je le dis en connaissance de cause, parce que je suis dans cette
industrie depuis 20 ans. Au cours des six dernières années, et
plus particulièrement depuis que le Parti québécois est au
pouvoir, on ne fait plus d'argent dans la restauration. Si on vient à
bout d'administrer nos commerces et de joindre les deux bouts, on est
d'excellents gestionnaires. On attend que les beaux jours reviennent avec un
nouveau gouvernement, un gouvernement qui va réellement croire en la
prospérité, un gouvernement qui, au lieu d'abuser des petites
gens, va tenter de mieux administrer le budget du Québec. C'est
cela.
Je trouve cela malheureux, parce que le projet de loi 43 n'est pas
applicable dans sa forme actuelle. Au point de vue de la gestion, avez-vous
pensé aux problèmes que vous allez créer à
l'employeur, de tenir une comptabilité individuelle pour chacun des
employés, de demander à la serveuse, le soir, quand elle quitte
son travail: Combien as-tu vendu? Combien as-tu fait de pourboire? Elle est
automatiquement taxée à 8%, même si elle ne l'a pas fait,
même si un client est parti sans payer sa facture. Est-ce qu'on a
examiné tous ces facteurs? Personne dans la restauration, personne dans
l'hôtellerie, ni chez les employeurs, ni chez les employés, ne
veut cette loi. Encore une fois, le gouvernement, avec son rouleau compresseur,
passe sur le dos de tout le monde.
D'un autre côté, on pourrait, en tant qu'Opposition, se
réjouir parce que ce gouvernement, en adoptant des lois semblables,
court à sa défaite d'une façon absolument incroyable. Mais
non! II faut être plus logique, il faut être plus sérieux
que cela. Aujourd'hui, c'est de l'improvisation, le gouvernement improvise, le
gouvernement décroche des idées de Pierre, Jean et Jacques et
fabrique des lois sans même penser aux conséquences. Je trouve
cela drôlement malheureux.
L'ensemble de la population du Québec qui fréquente
l'industrie de l'hôtellerie au Québec, la restauration
fréquente une des meilleures industries de restauration au Canada et
même du continent nord-américain. Pourquoi? Parce que les gens de
la restauration au Québec sont hospitaliers, reçoivent bien leur
clientèle, donnent un excellent service. Pourquoi? C'est qu'on a une
appréciation sur le service que l'on a donné.
Nous courons le risque, par un projet de loi semblable, de voir diminuer
considérablement la qualité des services dans la restauration au
Québec. Le gouvernement, semble-t-il, s'en fout. Je suis absolument
déçu et je sais que la population du Québec est absolument
déçue de ce gouvernement qui est complètement
décroché de la réalité. Tout ce qu'il a dans la
tête, c'est d'aller fouiller dans la poche du petit contribuable pour
essayer de boucher ses trous à toutes fins utiles.
J'aurais voulu parler beaucoup plus longuement, mais vous m'avisez, M.
le Président, que mon temps est terminé. J'ose souhaiter encore
une fois que le ministre aura une étincelle dans son esprit qui va
lui
permettre de peut-être reconsidérer cette loi.
(22 h 20)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Viger.
M. Cosmo Maciocia
M. Maciocia: Merci, M. le Président. Moi aussi, je me dois
d'intervenir sur ce projet de loi à cause de mon dossier qui est le
tourisme. J'ai participé activement à la commission parlementaire
sur ce projet de loi. J'ai donné mon appréciation et fait part de
mes doléances au ministre du Revenu en lui disant que cette loi
était inapplicable.
Nous ne sommes pas contre le principe. Ce principe est là, tout
le monde doit payer ses impôts, c'est sûr, mais c'est l'application
de cette loi qui est inconcevable. En réalité, quel est le
principe du projet de loi 43? C'est que les employés au pourboire
rapportent toutes leurs recettes à leur employeur et que l'employeur
déduise à la source l'impôt sur le pourboire. Les deux
principaux objectifs de cette loi sont de régler ce problème de
cotisation et de faire en sorte qu'on bénéficie pleinement des
avantages sociaux. Le problème de la cotisation, le ministre veut le
régler par un pourcentage minimal de 8% sur le chiffre de ventes.
Quand on arrive aux avantages sociaux, que sont, par exemple, la
Régie des rentes, la CSST, l'assurance automobile et principalement
l'assurance-chômage, est-ce que le ministre du Revenu peut garantir
à ces employés au pourboire, à ces serveurs et serveuses
que, le lendemain de la perte de leur emploi, ils recevront de
l'assurance-chômage? Non, parce que cela ne dépend pas du ministre
du Revenu du Québec, mais bien du ministère du Revenu d'Ottawa.
On l'a fait remarquer au ministre, on a dit: Si vous voulez cotiser ces gens,
ayez au moins la certitude qu'ils pourront avoir tous les avantages sociaux.
Mais l'assurance-chômage, il ne peut pas la garantir. On a demandé
au ministre du Revenu de faire toutes les démarches nécessaires
auprès du gouvernement canadien pour voir s'il y avait
possibilité d'accord avant de mettre cette loi en application. La seule
garantie qu'on a obtenue de la part de ce gouvernement, c'était
qu'apparemment le ministre du Revenu canadien était d'accord sur cette
loi en principe.
Sur le principe, M. le Président, on l'a dit, on est d'accord,
nous aussi, mais cette loi est complètement inapplicable. C'est
impossible. Au nom de quelle justice sociale peut-on cotiser un employé?
Vous savez ce qui va arriver dans une entreprise, dans un hôtel ou dans
un restaurant où il y a une dizaine d'employés? Il y en a neuf
qui vont déclarer 8% de revenu à la fin du mois et il y en aura
un qui ne déclarera que 4% ou 5%. Savez-vous ce que le projet de loi dit
à ce moment? Le projet de loi dit que, si un employé a
payé moins de 8%, la différence doit être
redistribuée parmi les neuf autres employés qui ont
déclaré 8%, 9% ou 10%. Par quelle justice sociale le ministre du
Revenu se permet-il - je ne sais pas si légalement c'est possible - de
cotiser sur un montant qu'il n'a jamais reçu un employé qui a
déclaré le montant des pourboires qu'il a reçus, seulement
parce que quelqu'un d'autre ne l'a pas déclaré? Comme je l'ai
déjà dit, au nom de quelle justice le ministre peut-il se
permettre de faire cela? Je suis pas mal convaincu que cet aspect de la loi
sera contesté par les différentes associations, par les
propriétaires de restaurants et d'hôtels, par les travailleurs au
pourboire.
Comme je le disais tantôt, c'est complètement inapplicable.
Peut-on avoir une preuve plus concrète? Même le Conseil du statut
de la femme est contre ce projet de loi. Il dit exactement: "Ce projet de loi
est inopérable puisque, lorsque le pourboire déclaré par
l'ensemble des employés sera jugé insuffisant,
c'est-à-dire inférieur à 8% du chiffre d'affaires, il
incombera alors à l'employeur d'attribuer entre ses employés la
différence entre le pourcentage déclaré et ces 8%. Or, de
dire le Conseil du statut de la femme, si l'équité fiscale
commande que tous les revenus touchés soient imposés, elle exige
aussi que tous les revenus qui sont imposés aient été
réellement touchés." Comment le ministre peut-il se permettre de
cotiser quelqu'un sur quelque chose qu'il n'a jamais reçu? Par quelle
justice, par quel moyen?
On sait déjà que ce gouvernement passe complètement
à côté de la réalité québécoise
et de la réalité du monde des affaires. Vous savez
déjà de quelle façon a été
pénalisée l'industrie touristique au Québec par
différentes lois: la loi 39, la taxe sur l'essence, certaines
dispositions de la loi 101, la publicité qui est faite à
l'extérieur de la province. Aujourd'hui, on nous arrive avec le projet
de loi 43; s'il est accepté, il fera augmenter d'une façon
considérable même la cotisation des employeurs. Combien cela
va-t-il coûter encore à l'industrie touristique?
On l'a déjà dit au ministre, en pleine commission
parlementaire. Beaucoup de gens ont voulu se faire entendre sur cet aspect du
projet de loi, mais le ministre n'a pas cédé, n'a pas voulu
convoquer une commission parlementaire pour écouter les intervenants qui
voulaient se faire entendre sur cet aspect. On a déjà vu
l'application de cette loi; un projet de loi similaire est en vigueur depuis
près d'un an aux États-Unis. Aujourd'hui, après un an, des
suggestions ont été faites pour retirer ce projet de loi à
cause de son inapplicabilité. On n'a pas pu convaincre les gens que ce
projet de loi est acceptable.
Je dirai encore une fois au ministre, même s'il nous garantit que
la redistribution ne se fera pas à partir du 1er janvier, mais trois
mois, quatre mois, cinq mois ou six mois après: Quelle est la
différence? Je le répète: Par quelle justice sociale
peut-on imposer un revenu qu'on n'a jamais touché? On ne donne pas
pleinement, non plus, les avantages sociaux qu'on avait promis, parce qu'on n'a
pas la garantie de l'assurance-chômage. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): II n'y a aucun autre
intervenant? M. le ministre du Revenu, votre droit de réplique. (22 h
30)
M. Alain Marcoux (réplique)
M. Marcoux: Je suis heureux que l'ensemble de ce débat sur
les travailleurs et les travailleuses au pourboire se soit
déroulé dans un climat serein depuis un an ou un an et demi. Que
ce soit en commission parlementaire, l'an dernier, au moment de l'audition des
25 mémoires qui nous ont été présentés sur
quatre hypothèses de solution de ce problème fiscal et social,
que ce soit lors du débat en deuxième lecture ici qui nous a
conduits à l'adoption à l'unanimité du projet de loi, que
ce soit en commission parlementaire où nous avons fait un travail dans
un climat positif, dans un climat de dialogue, que ce soit lors du débat
de troisième lecture, je pense que nous devons tous nous
féliciter de la qualité et de la nature du débat que nous
avons eu.
L'Opposition libérale a voté pour le projet de loi en
deuxième lecture, adoptant ainsi le principe, mais, à entendre
quelques intervenants aujourd'hui, je me suis demandé vraiment ce que
signifiait pour eux adopter cette loi en principe. Est-ce que cela signifiait
seulement adopter le principe de l'équité fiscale et de
l'équité sociale? À ce moment-là, j'aurais pu
proposer les frais de service obligatoires, le pourboire obligatoire pour
atteindre cet objectif d'équité sociale et d'équité
fiscale. Je suis convaincu que l'Opposition libérale aurait voté
contre le projet de loi en deuxième lecture, au moment des
principes.
Lorsque l'Opposition libérale a voté pour ce projet de loi
en deuxième lecture, adoptant ainsi un principe, elle a accepté,
à mon sens, les principes suivants, c'est-à-dire qu'il
était normal qu'à l'avenir, à partir de janvier 1984,
chaque employé au pourboire déclare, à chaque
période de paie, la totalité de ses revenus de pourboires, qu'en
conséquence, les déductions à la source soient
perçues et que l'employeur participe au coût des avantages
sociaux, en se basant à la fois sur le salaire de base et sur les
pourboires déclarés par l'employé.
Là où est intervenue notre divergence, et je pense que
c'est normal, à la fois en commission parlementaire comme au moment du
vote en troisième lecture, c'est sur les modalités. En fait, il y
a une modalité qui a fait problème et sur laquelle nos
divergences sont demeurées, c'est la question de l'attribution. Le Parti
libéral a plutôt suggéré que tous les
employés au pourboire qui déclaraient moins de 8% de pourboires
sur leur chiffre de ventes, soient cotisés comme s'ils avaient
déclaré ou perçu 8%. À ce moment-là, c'est
l'ensemble des employés au pourboire, qui ont dans plusieurs cas de
petits pourboires, qui aurait été pénalisé. Nous
avons préféré retenir la formule qui s'applique dans le
projet de loi des États-Unis et qui fait que c'est simplement dans les
établissements où la totalité des pourboires
déclarés est inférieure à 8% que la formule de
l'attribution s'applique. Selon l'expérience américaine, il y a
à peine 1,5% des établissements qui doivent appliquer cette
formule de l'attribution.
Le député de Saint-Louis a dit: C'est un vieux truc, vous
avez décidé de reporter l'attribution. Si je n'avais pas
amendé le projet de loi, on m'aurait dit: Qu'est-ce que cela vous a
donné de rencontrer l'Association des restaurateurs du Québec, de
rencontre l'Association hellénique des restaurateurs, de discuter avec
la chambre de commerce et d'écouter leurs représentations? J'ai
écouté leurs représentations. On ne s'est pas mis d'accord
sur l'ensemble, mais il y a un point dont ils m'ont convaincu, c'était
que l'application immédiate de la formule de l'attribution, qui
était la partie administrative la plus compliquée, leur aurait
causé des problèmes. C'est pourquoi j'ai proposé un
amendement afin que l'application de l'ensemble des articles qui concernent
l'attribution soit suspendue jusqu'à proclamation. En ce sens-là,
je pense qu'on ne peut pas me reprocher à la fois d'écouter ceux
qui nous font des représentations et qui demandent des amendements, et,
d'autre part, d'apporter des amendements.
Un membre de l'Opposition libérale a suggéré de
roder la loi. Est-ce qu'on peut roder une loi fiscale en disant: On va
l'appliquer à un certain nombre de restaurants et d'hôtels sur un
certain nombre de mois pour voir ce que ça va donner? Quant aux autres
employés au pourboire, continuez de ne pas bénéficier des
avantages sociaux et, d'autre part, de ne pas payer d'impôt chaque
semaine, mais seulement une fois par année. Roder une loi peut
être possible et plus facile lorsque c'est un programme qui
nécessite des subventions, lorsque c'est un programme social, lorsque
c'est un programme qui peut s'appliquer à une région en
particulier, mais, dans le cas d'une loi fiscale, je pense qu'on peut
difficilement parler de roder une loi.
Un autre a proposé que ce projet de loi
ne s'applique pas aux établissements de moins de dix
employés, c'est-à-dire là où il y a deux, trois ou
quatre travailleurs ou travailleuses au pourboire. Pourquoi aurait-il fallu que
les travailleurs et travailleuses au pourboire des établissements
où il y a moins de dix employés ne bénéficient pas
des avantages sociaux dont bénéficieraient les autres
travailleurs de la restauration et que, d'autre part, on ne les aide pas, eux
et elles aussi, à payer leurs impôts à chaque
période de paie? Pourquoi condamner les employés des petits
restaurants ou des petits hôtels à payer leurs impôts une
fois par année, donc un gros montant, ce qui nous a amené le
problème fiscal que nous connaissons actuellement? C'est pourquoi je
n'ai pas retenu cette hypothèse d'appliquer le projet de loi à
une partie de l'industrie de la restauration et de l'hôtellerie. J'ai
préféré et choisi de l'appliquer à l'ensemble. Je
pense que c'était plus juste pour l'ensemble de cette industrie que ce
soient les petits restaurants et les petits hôtels, comme les grands
restaurants et les grands hôtels.
Je peux répéter aux travailleurs au pourboire cet
engagment du Conseil des ministres de ne pas se servir des informations que
nous aurons à l'avenir sur les déclarations des travailleurs au
pourboire pour revenir sur les années antérieures. Comme je l'ai
dit en commission parlementaire, nous ne procéderons pas par la porte
arrière et nous ne nous servirons pas des cotisations émises par
Revenu Canada pour cotiser pour les années antérieures. J'en ai
pris l'engagement en commission parlementaire. C'est la volonté du
gouvernement et nous la respecterons.
M. le Président, en terminant, je veux remercier tous les membres
de la commission parlementaire qui ont participé à ce travail,
tant l'an dernier que cette année, et dire à tous les partenaires
de cette industrie, que ce soient les travailleurs et travailleuses au
pourboire, les employeurs ou les consommateurs, que notre volonté a
été de trouver une formule qui, même si elle n'était
pas parfaite, pouvait être acceptable pour l'ensemble de ces partenaires.
Quant à son application, je pense que l'amendement important que j'ai
proposé visant à retarder la mise en oeuvre de la distribution de
quelques mois marque la volonté du ministère du Revenu
d'appliquer ce projet de loi de la façon la plus correcte possible et en
respectant le fait que, lorsqu'on fait une réforme, tout ne peut pas
être parfait du jour au lendemain. Je vous remercie, M. le
Président, et je souhaite que ce projet de loi soit adopté en
troisième lecture.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
troisième lecture du projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs
au pourboire, est adoptée?
M. Dubois Vote enregistré, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Vote
enregistré.
M. Laplante: M. le Président, concernant le vote...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, en l'absence du leader, je
pense qu'avant de décider s'il y a lieu de reporter le vote ou de
procéder immédiatement il serait peut-être bon qu'on
attende quelques instants. Je vois que le leader adjoint arrive.
Une voix: On peut le faire quand même maintenant.
Une voix: Est-ce que la motion de renvoi a été
faite?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint.
Une voix: Fermez les portes.
Des voix: Fermez les portes.
M. Boucher: M. le Président, en vertu de l'article 106 de
notre règlement, je demanderais de reporter le vote à demain,
avant l'appel des affaires du jour.
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est donc
accordé.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 2 du feuilleton d'aujourd'hui.
Motion de clôture sur l'étude du projet
de loi 38
Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 2 est une motion
du leader du gouvernement qui se lit comme suit: "Que, conformément
à l'article 156 du règlement, le rapport de la commission
permanente des affaires municipales sur l'étude après la
deuxième lecture du projet de loi 38, Loi sur la participation
gouvernementale au financement des municipalités, soit
déposé à l'Assemblée nationale avant 13 heures le
vendredi 16 décembre 1983, la commission devant mettre fin à ses
travaux au plus tard à minuit le jeudi 15 décembre 1983."
M. le leader du gouvernement. (22 h 40)
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, me prévalant de
l'article 156 du règlement, j'ai inscrit au feuilleton de
l'Assemblée nationale, mercredi matin, une motion qui me permet,
à ce moment-ci, de demander à l'Assemblée nationale de
faire en sorte que la commission parlementaire qui siège depuis trois
jours concernant le projet de loi 38 qui a été
déposé à l'Assemblée nationale du Québec le
21 juin dernier, c'est-à-dire il y a environ six mois, qui est en ce
moment étudié en commission parlementaire, qui contient 17
articles dont un seul a été adopté, que cette commission
parlementaire, dis-je, mette fin à ses travaux ce soir à minuit
et que le rapport de la commission soit déposé à
l'Assemblée nationale avant la prochaine séance de
l'Assemblée nationale, demain à 13 heures.
M. le Président, il s'agit d'un projet de loi connu depuis
environ six mois, connu de l'Opposition, connu des municipalités du
Québec, connu du gouvernement fédéral. Dans les quelques
heures, les quelques jours qui avaient suivi son dépôt ici
à l'Assemblée nationale, entre autres, dans le journal Le Devoir,
sous la signature de M. Jean-Claude Leclerc, sous le titre Un bon coup de
Léonard, on pouvait lire ceci: "Le ministre des Affaires municipales, M.
Jacques Léonard, semble avoir enfin trouvé une bonne façon
de mettre un terme aux ravages du renard fédéral dans les
poulaillers municipaux. 'Les villes qui ouvrent leurs portes aux subventions
d'Ottawa, aux dépens de celles qui respectent l'ordre constitutionnel,
vont cesser de manger à tous les rateliers. Et les cités qui,
respectant la saine gestion des affaires locales, refusaient de toucher les
chèques fédéraux ne seront plus pénalisées.
"Désormais, si le projet de loi 38 est adopté, une nouvelle
péréquation va remettre un peu d'équité, sinon de
l'ordre, dans cette foire nationale."
Le même jour, le 23 juin, deux jours après le
dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale, dans
le journal Le Soleil, sous la signature de l'éditorialiste Raymond
Giroux, avec comme titre Léonard veut de l'ordre, on pouvait lire ceci:
"Cette réaction ferme du ministre des Affaires municipales ne doit pas
surprendre les élus locaux: dès le mois de mars, le
président de l'Union des municipalités, M. Francis Dufour,
invitait ses collègues à la plus grande prudence et
prévoyait la riposte du ministre Léonard." Il concluait son
éditorial en disant: 'Les lois québécoises n'interdisent
pas la collaboration entre les municipalités et le gouvernement
fédéral: elles obligent simplement les deux parties à
situer ces relations dans le cadre d'une entente globale. Sinon, le monde
municipal reviendra à la belle époque anarchique où les
maires les plus gentils recevaient un chèque annuel de leur
député et où les autres n'avaient qu'à se mordre
les pouces de leur peu de poids partisan."
Le 27 juin, six jours après le dépôt de ce projet de
loi, il y a donc environ six mois, M. le Président, dans le journal La
Presse, avec comme titre Les dons d'Ottawa, parlant du ministre Léonard,
M. Prince disait: "Le ministre a raison. Il est peut-être malheureux
qu'il lui faille recourir à ce moyen, mais il semble que celui-ci
s'impose pour assurer le respect des compétences provinciales. L'attrait
des largesses fédérales qu'Ottawa justifie par l'invocation de
son pouvoir de dépenser est parfois irrésistible. Il faut le
contrer par des moyens du même ordre, c'est-à-dire qui touchent au
portefeuille."
M. le Président, voilà des réactions qui ont suivi,
il y a environ six mois, le dépôt du projet de loi 38, qui est
donc un projet de loi bien connu. L'Opposition nous a déjà
indiqué. Malgré ces déclarations, ces écrits, de
commentateurs, qui, forcément, nous amenaient tous ensemble, ici
à l'Assemblée nationale, à prendre des positions sur les
grands principes qui régissent les relations entre les gouvernements et
les municipalités, le Parti libéral du Québec, avec 28
intervenants sur le débat lui-même de deuxième lecture, sur
les principes du projet de loi, et une trentaine d'intervenants sur une motion
de report, a décidé de ne pas voter en faveur des principes
contenus dans ce projet de loi, principes qui, pourtant, sur l'essentiel,
rejoignent les attitudes que tous les gouvernements du Québec ont
toujours eues dans la discussion de ce dossier. En effet, chacun à sa
façon, chaque fois que le gouvernement fédéral a voulu
s'ingérer dans ces importantes relations harmonieuses qui doivent
exister entre le gouvernement du Québec et les municipalités, ces
gouvernements du Québec ont toujours réagi avec force pour
empêcher qu'effectivement les relations ne tournent à la
foire.
Les libéraux ont donc fait leur lit en deuxième lecture.
Ils ont donc à vivre avec cette position. Aujourd'hui, on sait que le
Parti libéral du Québec favorise la situation qui existe en ce
moment puisqu'il s'empêche de prendre les moyens appropriés pour
que nous mettions de l'ordre dans les relations entre les gouvernements et les
municipalités et que cela se fasse avec des instruments juridiques dont,
bien sûr, le principal est le projet de loi 38.
En commission parlementaire - je le dis sans sourire - ça
travaille depuis le début: une vingtaine d'heures en commission
parlementaire depuis mardi, dont quelques heures au début
consacrées à entendre l'Union des municipalités
régionales de comté du Québec qui a été
invitée, qui a été entendue. L'Union des
municipalités du Québec avait aussi été
invitée; elle a décidé de ne pas venir devant la
commission parlementaire.
Donc, premières heures pour entendre l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec. Or,
après des échanges de bon aloi où l'union a fait sa
présentation, où les parlementaires ont posé leurs
questions - on l'a très bien senti dans les 45 dernières minutes,
dans la dernière demi-heure avant dix-huit heures mardi dernier et on
peut le voir lorsqu'on consulte ce qui s'est dit en commission parlementaire -
les libéraux commençaient à reprendre les mêmes
questions qui étaient posées et se faisaient dire: Dans le fond,
l'essentiel, nous l'avons dit. Quant à nous, nous ne sommes pas ici pour
faire de la politique - c'était là le langage tenu par l'Union
des municipalités régionales de comté du Québec -
si vous voulez, vous autres, les députés, faire de la politique
avec ce projet de loi, faites-en. Quant à nous, nous avons dit ce que
nous avions à dire. De leur propre chef, les libéraux ont
décidé à la même séance, à 20 heures,
deux heures après, de ne pas revenir devant la commission parlementaire
puisque l'essentiel de ce qui devait être dit l'avait été;
les questions qui devaient être posées avaient été
posées et les gens se rendaient bien compte que l'Opposition voulait -
après avoir fait correctement son travail, au début - transformer
cette audition en méthode d'obstruction systématique pour
empêcher l'adoption du projet de loi 38.
Depuis ce moment, la commission a siégé mardi soir,
mercredi matin, mercredi après-midi, mercredi soir, ce matin, cet
après-midi, ce soir; elle siège encore au moment où l'on
se parle. Sur 17 articles que contient ce projet de loi, après une
vingtaine d'heures de débat en commission parlementaire, un seul article
- un seul - a été adopté.
Je ne vous raconterai pas les motions dilatoires qu'on a
utilisées avant même que la commission n'entreprenne
l'étude article par article, motions qu'on retrouve dans toutes ces
commissions où une Opposition a décidé d'empêcher
systématiquement l'adoption d'un projet de loi. Ces motions sont
devenues maintenant monnaie courante. (22 h 50)
Je n'oserai même pas m'étendre longtemps, entre autres, sur
l'attitude qu'a eue le député de Gatineau à l'endroit de
la présidence, indiquant à la présidence, qui avait pris
des décisions relativement à une motion, qu'elle avait agi de
façon irrégulière, que la présidence faisait le
travail de bras du gouvernement. Ce sont des expressions qui ont
été dites en commission parlementaire par des
députés de l'Opposition qui non seulement ne se sont pas
intéressés substantiellement à la discussion qui devait
être sérieuse sur le projet de loi 38, mais qui ont, par des
motions dilatoires, tenter de faire en sorte que la commission ne puisse
véritablement accomplir son mandat.
Dans les circonstances, après trois jours de commission
parlementaire, nous devons, puisque le gouvernement a pris la décision
que ce projet de loi 38 serait adopté avant l'ajournement des
fêtes, utiliser les dispositions qui existent au règlement.
M. Lalonde: Farceur!
M. Bertrand: Le leader de l'Opposition, avec le style très
imagé qu'il a développé au cours des dernières
semaines, des derniers mois, et qui a été bien illustré ce
matin à la période des questions et bien rapporté,
à ce qu'on m'a dit, dans les médias d'information, va tout
à l'heure tenir les propos que, maintenant, on lui connaît. Ce
n'est pas grave, M. le Président. Ce qui est important, c'est que le
gouvernement s'acquitte de ses responsabilités. À ce propos, il
est même allé, cet après-midi, jusqu'à faire en
sorte que nous puissions apporter à ce projet de loi 38 des
modifications importantes, dont une sur laquelle je m'arrêterai en
particulier. Ces modifications ont essentiellement pour objectif de faire en
sorte que les municipalités du Québec soient intimement
associées à l'application du projet de loi 38, lorsqu'il aura
été adopté par l'Assemblée nationale du
Québec. En d'autres mots, M. le Président, deux choses sont
importantes à ce stade-ci. Il faut que les municipalités du
Québec sachent que le gouvernement du Québec a la ferme intention
de mettre de l'ordre dans la foire qu'a créée le gouvernement
fédéral par ses interventions absolument discrétionnaires
et arbitraires dans les municipalités du Québec. C'est clair, la
volonté politique est là et les municipalités attendent du
gouvernement que l'expression de cette volonté politique soit clairement
indiquée par l'adoption du projet de loi, et cela sera fait avant
l'ajournement des fêtes.
Mais, deuxièmement, les municipalités du Québec, et
à bon droit, veulent pouvoir être associées à la
mise en application de la loi 38, une fois adoptée. C'est pourquoi,
après avoir entendu l'Union des municipalités régionales
de comté du Québec, qui est venue à la commission
parlementaire, après avoir eu des rencontres avec le président de
cette union, Me Asselin, après s'être réunis, les membres
du Conseil des ministres ont décidé de proposer à la
commission parlementaire un amendement que je vous lis et qui vient baliser
l'article 2 du projet de loi 38. L'article 2 du projet de loi 38 dit: "Une
municipalité qui, au jugement du gouvernement, a
bénéficié autrement que selon l'article 1 -
c'est-à-dire l'article qui définit que tout cela doit se faire
dans le cadre d'un protocole - d'une participation du gouvernement du Canada ou
de l'un de ses ministres ou organismes, directement ou indi-
rectement et sous quelque forme que ce soit, perd ainsi le droit
d'exiger du gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministres ou
organismes: une taxe municipale ou une compensation en tenant lieu, une
subvention, une autre somme constituant un élément de
participation gouvernementale à son financement, et la partie de sa
quote-part des revenus provenant de l'application de l'article 221 de la Loi
sur la fiscalité municipale."
Cet article donnait et continue de donner un pouvoir au gouvernement
d'imposer un certain nombre de sanctions à des municipalités qui
n'ont pas fonctionné dans le cadre d'une entente existant entre le
gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec.
Or, en nous rendant à une demande qui nous a été
transmise pour que les municipalités du Québec soient
associées à l'application et à l'implantation, jour
après jour, semaine après semaine, de ce projet de loi 38, que le
gouvernement du Québec n'a jamais souhaité présenter
à l'Assemblée nationale parce que, dans le fond, nous voulions
continuer de vivre dans un contexte où on respectait les juridictions du
Québec... Mais comme cela ne se faisait pas, il fallait recourir
à la loi. J'ai cité tantôt des éditorialistes qui
ont éloquemment indiqué à quel point le gouvernement
était effectivement justifié de procéder au
dépôt de ce projet de loi 38.
Pour aller plus loin et pour nous assurer que l'utilisation, par le
gouvernement du Québec, des sanctions prévues à l'article
2 du projet de loi 38 se ferait dans un contexte où les
municipalités pourraient, avec le gouvernement, indiquer quelles sont
les balises à l'intérieur desquelles nous pourrons fonctionner
pour l'application de l'article 2, nous avons décidé de proposer
un amendement qui dit, et je cite: "Le gouvernement précise par
règlement les actes ou les catégories d'actes posés par
une municipalité ou par un tiers qui placent une municipalité
dans la situation visée à l'article 2. Le ministre des Affaires
municipales fait publier un projet de règlement à la Gazette
officielle du Québec avec un avis mentionnant qu'à l'expiration
d'un délai de trente jours, ce projet sera soumis au gouvernement pour
adoption. Le règlement entre en vigueur avec ou sans modification le
jour de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou
à la date ultérieure qui y est fixée."
Voilà donc un amendement qui a été transmis
à la commission parlementaire pour indiquer à nos
collègues que les municipalités allaient savoir, dans le cadre
d'un projet de règlement qui sera préparé par le
gouvernement, quels sont les actes ou les catégories d'actes qui sont
visés et qui peuvent faire l'objet de sanctions en vertu de l'article 2
du projet de loi 38.
Ce qui n'est pas dans cet amendement et qui va devenir un nouvel article
du projet de loi 38, mais qui a été annoncé
officiellement, et que je peux ici indiquer à l'Assemblée
nationale, c'est que le gouvernement ne procédera pas à
l'adoption de ce projet de règlement avant d'avoir consulté les
municipalités du Québec à l'occasion de la tenue d'une
commission parlementaire au début de l'année 1984. Ce que cela
veut dire concrètement, M. le Président, c'est que ce projet de
loi 38 que nous allons adopter avant l'ajournement des fêtes stipule
explicitement que nous devrons adopter un règlement qui définit
de façon précise les balises, les paramètres qui doivent
nous guider pour être en mesure d'appliquer correctement,
raisonnablement, le projet de loi 38. Et cela sera fait après que les
municipalités seront venues en commission parlementaire se faire
entendre par l'entremise de leurs grands organismes représentatifs que
sont l'Union des municipalités du Québec et l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec. (23
heures)
Cela veut dire que le gouvernement du Québec prend ses
responsabilités. La juridiction appartient aux provinces, pour ce qui
est des municipalités. Cela doit être redit, le projet de loi 38
est là pour cela. Deuxièmement, il est normal que, pour faire en
sorte que ce projet soit appliqué de façon correcte, il faut que
les municipalités puissent, avec le gouvernement du Québec et
avec les parlementaires de l'Assemblée nationale, donc avec l'Opposition
qui sera en commission parlementaire, qui pourra discuter le projet de
règlement - les municipalités seront là pour cela - se
faire entendre, pour indiquer que, dans le projet de règlement
proposé par le gouvernement, tel ou tel élément
mériterait d'être modifié, amendé, bonifié.
Mais les municipalités pourront exercer leur droit de parole pour faire
en sorte que le projet de loi 38 soit appliqué dans un contexte de
collaboration et de concertation. Partant de là, je crois que la
réaction de l'Opposition, dont j'ai pris connaissance tout à
l'heure en commission parlementaire, m'apparaît tout à fait
injustifiable. Pourquoi? On nous disait, lors de l'étude en
deuxième lecture: Nous, les principes de juridiction, on ne les remet
pas en cause. D'ailleurs, on était dans un gouvernement qui, en 1974,
avait fait adopter un article dans un projet de loi qui disait que nous avions
effectivement la juridiction.
Ce que nous faisons par le projet de loi 38, dans un contexte où
le gouvernement fédéral est en train de semer le désordre
le plus total, harcelant les municipalités, les mettant dans des
situations extrêmement difficiles, le projet de loi 38 vient
réitérer
ce principe reconnu par tous les gouvernements du Québec et il
vient faire une chose substantielle par l'amendement qu'on vient de soumettre
à la commission parlementaire: il associe les municipalités
à l'application du projet de loi. Savez-vous ce qu'on a dit en
commission parlementaire chez les libéraux? On a dit ce soir,
après avoir suspendu les travaux, après avoir lu l'article: Le
projet de loi 38 est inchangé, il n'y a rien de nouveau sur le plan du
contenu dans le projet de loi 38.
Une voix: C'est vrai.
M. Bertrand: Or, M. le Président, dans le projet de loi
38, déposé le 21 juin dernier à l'Assemblée
nationale du Québec, débattu en deuxième lecture ici
même il y a quelques jours, il n'y avait pas un article qui stipulait de
façon explicite que les municipalités du Québec allaient
participer, à l'occasion de la tenue d'une commission parlementaire,
à la discussion sur un projet de règlement...
Une voix: "Big deal".
M. Bertrand: ...que le gouvernement publiera dans la Gazette
officielle et sur lequel tous les parlementaires qui sont ici pourront avoir
l'occasion de délibérer pour dire si, oui ou non, ce projet est
convenable.
Qu'est-ce qui arrive en pratique, M. le Président? Nous disons
que la volonté politique sera exprimée d'ici au 21
décembre. Les municipalités, à partir de ce
moment-là, savent à quoi s'en tenir. Le geste posé le 21
juin dernier à été qualifié de geste qui s'imposait
par les éditorialistes qui ont écrit - je les ai cités
tantôt - que le gouvernement est sérieux et qu'il affirme la
juridiction. Et le gouvernement est sérieux et il indique aux
municipalités, qui ont respecté l'esprit du projet de loi 38
connu depuis le 21 juin, que l'attitude qu'elles ont eue est une attitude
correcte. Les autres, qui connaissaient l'existence du projet et qui,
probablement, doutaient de la volonté politique du gouvernement du
Québec d'agir comme tous les gouvernements qui l'ont
précédé, savent, sauront le 21 décembre que le
gouvernement était sérieux dans le geste qu'il posait. Mais, en
même temps, ces municipalités, quelles qu'elles soient, celles qui
ont bénéficié des subventions comme celles qui n'en ont
pas bénéficié, ces municipalités pourront dire,
grâce à leurs représentants, de quelle façon, quels
sont, et je reprends le texte de l'amendement, "quels sont les actes ou les
catégories d'actes posés par une municipalité qui sont
visés par l'article 2 du projet de loi 38". C'est substantiel, M. le
Président.
Et le reproche qu'on nous faisait en deuxième lecture,
c'était justement de nous dire: Avec ce projet de loi, c'est la
discrétion la plus totale. Il n'y a aucune balise. On est pour les
principes, mais, si au moins le gouvernement du Québec nous apportait
des garanties, l'assurance que tout cela, sur le plan des modalités
d'application, va être balisé et qu'on va associer les
municipalités à l'application de ce projet de loi... Eh bien,
nous nous rendons aujourd'hui à ces demandes qui ont été
formulées, qui faisaient partie des critiques de l'Opposition
officielle, qui ont fait partie des représentations de l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec et qui
se retrouvent, ce soir, en commission parlementaire, dans un amendement qui
ajoute un élément substantiel au projet de loi 38.
Parce que, dans le fond, M. le Président, sans cet amendement,
cela voulait dire quoi? Cela voulait dire que, dans les jours qui suivaient
l'adoption du projet de loi 38, le gouvernement, seul, procédait.
Maintenant, le gouvernement, seul? Non. Le gouvernement avec un débat
où les parlementaires participeront. Avec un débat en commission,
où les municipalités pourront donner leur point de vue, se faire
entendre.
Là, vous avez la démonstration que nous voulons agir avec
souplesse, flexibilité, enlever tout ce caractère que
l'Opposition pouvait qualifier de discrétionnaire, en précisant,
comme le dit l'amendement, les actes ou les catérogies d'actes
posés par une municipalité et qui sont visés à
l'article 2, celui qui prévoit des sanctions pour les
municipalités qui ont accepté des subventions du gouvernement
fédéral.
M. le Président, il y a un choix à faire pour le
gouvernement, à ce moment-ci. Ou c'est la réaction de
l'Opposition officielle qui compte, ou c'est la réaction, par exemple,
du président de l'Union des municipalités régionales de
comté du Québec. Si vous me demandez ce que je choisis, moi,
comme député ministériel, l'accord de l'Opposition
officielle ou bien la réaction du président de l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec qui a
rencontré le premier ministre du Québec, ce midi, qui l'a
rencontré de nouveau ce soir, et qui a dit, après avoir pris
connaissance des amendements apportés au projet de loi 38, qui ont
été déposés à la commission parlementaire,
qui a pris connaissance, entre autres, de cet amendement dont je viens de vous
parler et qui va associer les municipalités à la
préparation et à la discussion du règlement qui sera
adopté par le gouvernement du Québec: "Je suis très
satisfait...
Ce sont les propos tenus par le président de l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec qui est
venu se faire entendre en commission parlementaire et qui doit, aujourd'hui,
considérer que ce n'était pas effectivement
vain de venir en commission parlementaire, à l'invitation du
gouvernement, exprimer quel était son point de vue quant au projet de
loi 38, puisque ce soir il est en mesure de dire qu'après avoir
effectué des représentations en commission parlementaire,
après avoir discuté avec des membres du Conseil des ministres et
avec le premier ministre, il a en main des amendements qui sont soumis par le
gouvernement du Québec et qui vont faire en sorte que les
municipalités qu'il représente - il y en a 1200, M. le
Président, au Québec - vont pouvoir participer au débat
lorsque le projet de règlement sera soumis à la commission
parlementaire, au début de l'année 1984.
Si j'ai à choisir, M. le Président, entre le discours que
nous tient l'Opposition officielle depuis le début de l'étude de
ce projet de loi, ici à l'Assemblée comme en commission
parlementaire, attitude de l'Opposition officielle qui consiste à dire:
Nous ne sommes pas d'accord avec ce projet de loi, ni sur les principes, ni sur
les modalités, et la réaction du président de l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec qui,
lui, représente des municipalités, qui, lui, parle au nom de 1200
municipalités du Québec et qui dit: Je suis très
satisfait, je dis, M. le Président, que, quand le gouvernement du
Québec réussit, après des discussions qui ont
été, bien sûr, difficiles - ce ne sont pas des choses
faciles, simples; ce sont des choses complexes, ce sont des choses qui doivent
se discuter - à apporter un amendement qui amène la
réaction que j'ai décrite du président de l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec qui
nous dit: Je suis très satisfait, moi, je dis que le gouvernement est
pleinement justifié, à ce moment-là, M. le
Président, de procéder à l'adoption du projet de loi 38,
d'indiquer ainsi sa volonté politique de faire en sorte que les
municipalités, à compter du 21 décembre, sachent à
quoi s'en tenir, et qu'à partir de là elles soient
associées à la préparation, la définition, la
concrétisation du règlement qui va baliser l'implantation et
l'application du projet de loi 38. (23 h 10)
Nous sommes d'accord avec la réaction des municipalités
que nous avons rencontrées, mais pas avec l'attitude de l'Opposition
qui, sur tout, les principes et les modalités, a simplement
indiqué qu'elle prendrait tous les moyens parlementaires pour
empêcher l'adoption du projet de loi 38.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, on a entendu une
piètre justification du projet de loi 38. C'était plutôt un
discours de deuxième lecture et demie ou de troisième lecture. Il
faut dire que, depuis que ce projet de loi a été
étudié en deuxième lecture, le gouvernement, comme le
ministre l'a dit, a tenté de le changer. Ce que nous étudions
actuellement, ce n'est pas l'à-propos du projet de loi, c'est la
question de savoir si l'Assemblée nationale doit mettre fin à
l'étude d'un projet de loi de façon autoritaire, de façon
exceptionnelle, en employant ce qui existe dans le règlement et qui a
été utilisé deux fois en sept ans par l'ancien
gouvernement libéral entre 1970 et 1977 et sept, huit ou neuf fois par
le gouvernement actuel, dont trois ou quatre par le leader, le
député de Vanier.
Je laisserai au député de Laprairie, le porte-parole de
notre formation politique, le soin d'utiliser le temps de parole d'une
demi-heure prévu par le règlement. En ce qui me concerne, je
n'utiliserai que le temps de parole de dix minutes. Pourquoi? Je veux laisser
au député de Laprairie qui a participé à tout le
débat le soin de répondre aux avancés du leader.
Je voudrais ramener le débat à son sens. C'est une motion
de clôture, une motion de guillotine, une motion qui dit aux
députés: Vous allez cesser de travailler à un projet de
loi que le leader du gouvernement a décrit de façon
incomplète. Il a cité certains éditoriaux de juin dernier,
enfin, d'il y a quelques mois. Je vous en citerai de plus frais.
L'éditorialiste, le directeur du Devoir, M. Jean-Louis Roy, le lundi 12
décembre -cela fait trois jours - écrit: "Le projet de loi 38,
c'est non"' II dit - et ce n'est pas un libéral, c'est un observateur
indépendant, d'un journal respectable, je pense que tout le monde en
conviendra - "L'Opposition libérale se dissocie alors du projet de loi
38, et avec raison." Il dit un peu plus loin: "Le caractère odieux du
projet de loi 38 n'a échappé ni au parti d'Opposition ni aux
élus municipaux. Il est en effet intolérable que le pouvoir
arbitraire d'un ministre, le principe de la rétroactivité et la
notion même de discrimination soient conjugués dans un texte de
loi. "Tel qu'il est, le projet de loi 38 ne doit pas franchir les
dernières étapes parlementaires et devenir la législation
du Québec."
Je laisserai le soin au député de Laprairie de vous
expliquer que les derniers amendements ne changent rien aux défauts
principaux du projet de loi.
M. Jean-Guy Dubuc, éditorialiste à la Presse,
écrivait ce matin même: "L'imposture du projet de loi 38" - ce
n'est pas le Parti libéral qui dit cela, c'est un autre
éditorialiste - "...une telle loi permet tous les chantages et abus
d'anciens systèmes
qu'on croyait avoir délogés pour toujours. "Les maires
s'opposent de toutes leurs forces; au moins ceux de l'Union des
municipalités du Québec qui sont assez lucides pour se rendre
compte de la fourberie qu'on leur impose."
On parle de fourberie, M. le Président, on parle d'odieux. Ce
n'est pas une fabrication. L'Opposition ne fabrique pas son opposition sur
rien, ne la fait pas reposer simplement sur des instincts partisans.
On dit aussi: "D'autres, à l'Union des municipalités
régionales de comté - ceux qu'invoquait le leader du gouvernement
- ont déjà démissionné." On parle de
démissions. C'est cela que le leader du gouvernement invoque pour
appuyer sa motion de clôture.
Enfin, M. le Président, je cite encore M. Jean-Guy Dubuc:
"Résultat: à cause d'un conflit avec le gouvernement
fédéral, les municipalités perdent beaucoup plus que des
subventions; elles perdent le respect qu'elles croyaient mériter de
Québec. Il est vraiment incompréhensible que le gouvernement
péquiste cède aussi facilement à la panique et s'accorde
des droits réservés aux régimes totalitaires." Ce n'est
pas un libéral qui le dit: totalitarisme odieux, panique. "Il n'y a que
dans des pays qui renient la démocratie que l'on peut trouver autant de
pouvoirs livrés à l'arbitraire d'une personne tout en
étant protégés par la loi." C'est ce que M. Dubuc dit dans
la Presse, ce matin.
Je laisse à notre porte-parole le soin d'aller plus loin
là-dessus. Je veux m'appliquer strictement à la démarche
actuelle. Il s'agit d'une guillotine. On va demander à la
majorité servile de dire à la commission parlementaire: Mettez
fin à l'étude d'un projet de loi. Ce qu'il y a de plus cynique,
c'est que le leader du gouvernement, qui a quitté son siège - je
le comprends; en deux ans, cela fait quatre fois qu'il fait ce discours que je
ne peux qualifier - ait choisi de partir au moment de la réponse.
À peine trois heures après le début de l'étude
article par article, il a annoncé qu'il y aurait une guillotine. C'est
ce qu'il a fait il y a à peine quelques jours. Il dit que cela a
été étudié depuis une vingtaine d'heures; cet
après-midi, à 15 heures, la commission parlementaire devait se
réunir. Elle s'est réunie, le ministre n'était pas
là. Cela a été suspendu jusqu'à 16 h 30. Entre 16 h
30 et 18 heures, on a dit: À 20 heures, il y aura des amendements.
À quelle heure sont arrivés les amendements? À 22 heures,.
Les amendements sont arrivés devant la commission parlementaire à
22 heures, ce soir. Je ne sais pas si le député de Groulx
était là. J'ai participé à une réunion avec
le premier ministre à 19 h 45 où il nous a fait une farce avec
des amendements écrits sur le coin d'une table.
Une voix: Improvisation.
M. Lalonde: L'improvisation, c'est le signe de ce gouvernement
qui est en perte de vitesse, en chute libre.
Une voix: En décomposition.
M. Lalonde: M. le Président, ces amendements n'ont
absolument rien changé. C'est de l'improvisation. Il s'agit d'abus de
pouvoirs, d'un cas de sinistre, de parodie de la démocratie et c'est le
président de l'Union des municipalités du Québec, M.
Francis Dufour, qui l'a écrit dans un télégramme. C'est la
négation de la démocratie. Pourquoi? Parce que le Parti
québécois ne veut pas s'entendre avec Ottawa. Je laisserai le
député de Laprairie commenter cela.
M. le Président, si ce gouvernement nous avait permis de
siéger entre le 18 octobre et le 15 novembre, au lieu de faire un
lock-out avec ce Parlement, on aurait eu le temps de l'étudier, le
projet de loi, il était déposé depuis le mois de juin.
Mais non, on l'a envoyé en commission parlementaire il y a à
peine deux jours. Immédiatement, trois heures après le
début de l'étude article par article, on a mis la guillotine.
Mais ceux et celles - je ne veux pas en nommer, mais j'en vois au moins un ici,
de l'autre côté - qui se préoccupent de ce que veut dire un
Parlement, qui font des rapports, qui font des études et qui font des
voyages, pourquoi ne s'élèvent-ils pas contre ce geste du
gouvernement?
M. le Président, cette motion de clôture est un aveu - un
autre - de l'incompétence du leader du gouvernement, de son
incapacité d'organiser les travaux de la Chambre, un aveu de
l'improvisation, du manque de préparation et de planification du leader
qui n'a jamais été capable d'organiser les travaux de cette
Chambre et de préparer son travail depuis deux ans.
M. le Président, c'est un bien triste chant du cygne. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Groulx. (23 h 20)
M. Élie Fallu
M. Fallu: M. le Président, vous me permettrez de
témoigner en quelque sorte en cette Chambre, puisque c'est vraiment la
seule occasion qui nous est donnée, vous savez, selon notre
règlement, de venir parler en cette Chambre des travaux qui se
déroulent dans une commission. Si je regarde l'heure, ce n'est pas pour
vérifier le temps qui me reste; au contraire, c'est simplement pour vous
indiquer qu'à l'heure présente la commission parlementaire
travaille depuis maintenant quelque quinze heures pour
étudier article par article un projet de loi qui n'en a que 17.
Connaissant la législation, vous savez fort bien que les derniers
articles sont essentiellement des articles d'application, à savoir le
17e: La présente loi entre en vigueur le jour de sa sanction.
Nous avions donc le temps, et amplement, M. le Président. Mais il
était manifeste que dans ce débat, tant en deuxième
lecture en Chambre qu'en commission parlementaire, nous avions droit de la part
de l'Opposition à une opposition systématique. J'ai relevé
les galées de notre première séance, qui a commencé
le 13 décembre à 11 h 56. Qu'est-ce qui s'est dit dans tout cela?
On a discuté de la dimension de la table, du nombre de chaises, de la
température de la pièce, et tout à l'avenant.
Puis, en après-midi, nous avons pu enfin commencer nos travaux
avec les bienvenues, les souhaits et nous avons entendu le président de
l'UMRCQ jusqu'à 18 heures. À la reprise des travaux, à 20
heures, première motion: motion d'ajournement, puis deuxième
motion, qui a duré, celle-là, M. le Président. Vous
connaissez le truc, n'est-ce pas? C'est sorti tout droit du musée des
horreurs de la flibuste. Celle-là portait - elle est très
traditionnelle - sur une demande que tous les membres de l'Assemblée
nationale viennent siéger à la commission parlementaire. Allez
donc! S'il y a des commissions parlementaires dans cette Assemblée
depuis les années soixante, c'est pour faire en sorte...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Fallu: ...que l'Assemblée même se
démultiplie dans des lieux de travaux et non pas pour déplacer
l'ensemble de l'Assemblée nationale dans une petite salle au 80-A.
Cela fait partie de ces motions traditionnelles. On pourrait en
énumérer quelques-unes. J'ai entendu un jour le récit du
calendrier des saints. Un autre jour, la géographie complète du
mois. Une autre fois, on a péroré - c'est toujours eux,
évidemment - sur les dates de naissance des députés. Une
autre fois, ils ont pris les curriculum vitae de tous les députés
de l'Assemblée nationale pendant - vous vous en souvenez - près
d'un mois. Il faut le faire, n'est-ce pas? Nous avons donc assisté
à ces mêmes mesures.
M. le Président, entre-temps, dans le paysage au Québec,
cela continue toujours. Peut-on se le dire? La semaine dernière, une
aréna dans le comté de Champlain - dont Michel Veillette est le
député fédéral -aréna qui, soi-disant,
valait 800 000 $. Savez-vous ce qu'elle vaut aujourd'hui? Selon le journal
d'aujourd'hui, 15 décembre, elle vaut 1 700 000 $. Au moment où
ces gens au fédéral se distraient à négocier des
ententes, où effectivement nous continuons à travailler pour
essayer de signer ces ententes, au moment où, pourtant, dieu de dieu,
nous sommes ici en Chambre en train d'étudier la façon dont les
municipalités peuvent recevoir de l'argent du fédéral,
voilà encore qu'ils se promènent dans le paysage. C'est dans le
journal d'aujourd'hui.
Quant à la loi, ces gens ont refusé de voter l'article 1
qui permet aux municipalités de recevoir de l'argent du gouvernement
fédéral à la suite d'une entente. Vous vous rendez compte?
Ils ont refusé cela. Ils ont refusé de voter l'article 1.
Après avoir longuement débattu, etc., on a fini par passer au
vote et ils l'ont refusé. Ils sont donc contre la constitution, contre
la loi 59 de 1974 des Affaires intergouvernementales et je ne sais trop quoi.
On ne sait plus. Est-ce qu'ils sont donc complices maintenant de ces
députés fédéraux - libéraux
évidemment qui se promènent essentiellement au Québec?
Imaginez-vous que cela ne se passe pas comme cela en Saskatchewan ni en
Colombie britannique où il n'y a pas un seul député
libéral. Comme ils sont 74 au Québec, c'est ici essentiellement
qu'ils font porter leurs efforts à titre individuel avec leur petite
cagnotte, leur petite escarcelle. Ils se promènent dans le paysage pour
distribuer des petits sous, comme si les municipalités étaient
encore des pauvres.
M. le Président, quant au reste de la loi, nous l'avons largement
balisé. Nous avons fait en sorte que... Il semble que les
libéraux refusent, en tout cas au moment où je suis parti de la
commission, il y a quelques instants, ils refusaient de discuter l'article 2.1,
les amendements à l'article 3, les amendements à l'article 3.1,
les amendements à l'article 5.1 et un amendement à l'article 16.
Qu'est-ce que cela dit, M. le Président? Cela dit qu'il y aura
bientôt à la Gazette officielle une proposition de
règlement pour définir les actes et catégories d'actes qui
sont spécifiquement du ressort municipal et donc, pour lesquels les
municipalités ne peuvent pas recevoir de fonds fédéraux en
dehors de l'entente. Elles pourront en recevoir à l'intérieur des
ententes. Savez-vous ce que cela veut dire, M. le Président à
toutes fins utiles? C'est qu'à travers cela, nous allons définir
le pouvoir des municipalités, pouvoir qui n'a jamais été
trop clairement défini au Québec.
Une commission parlementaire se tiendra ici, à cette
Assemblée nationale, pour qu'avec le monde municipal nous
définissions mieux l'ensemble de ces pouvoirs. Puis, selon la demande du
président de l'UMRCQ, qui parlait au nom de l'ensemble du conseil, le
décret d'application pour les quelques municipalités
réfractaires ne prendra cours que pendant l'année qui suivra le
décret pour ne pas déséquilibrer les budgets.
Avant de voter un décret au Conseil des ministres, le ministre
devra avertir la municipalité par un avis écrit qu'il a
l'intention de déposer un décret, et la
municipalité, en contrepartie, pourra, selon toutes le convenances de la
justice la plus élémentaire, faire connaître son point de
vue sur la position éventuelle du gouvernement. Enfin, après que
le décret sera adopté au Conseil des ministres, dans les 30
jours, donc par un droit d'appel, mais en même temps un appel qui soit
relativement expéditif pour donner rapidement justice à la
municipalité, dans les 30 jours, dis-je, de la transmission de la copie
du décret à la municipalité, la municipalité pourra
s'adresser à la Cour supérieure pour faire annuler le
décret sur une question de droit ou de compétence.
M. le Président, la question fondamentale qui est toujours
posée, c'est: Est-ce que les libéraux sont pour une saine gestion
dans le monde municipal? Est-ce qu'ils ont l'espoir de reprendre un jour le
pouvoir et de réinstituer ces escarcelles mobiles à travers le
paysage urbain municipal du Québec pour pouvoir faire recommencer le
patronage qu'on a connu? Souvenons-nous notamment de ce qui s'est passé
lors de la dernière élection de 1976? Le ministre des Affaires
municipales de l'époque avait signé d'une façon
discrétionnaire, sans l'autorisation du Conseil des ministres, sans
l'autorisation du Conseil du trésor, pour quelque 400 000 000 $, en
disant: Je recommanderai au Conseil du trésor une subvention. Je, moi,
le ministre tout seul, comme cela! Est-ce que c'est à ce système
horrible qu'ils veulent revenir? C'est à y croire, puisqu'ils veulent
autoriser à le faire, semble-t-il, leurs petits copains, les
députés fédéraux, à titre individuel, comme
ce M. Michel Veillette, député de Champlain, je crois bien,
à Ottawa, qui tente actuellement de corrompre les municipalités.
M. le Président, il est temps que cela finisse.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laprairie, vous avez 30 minutes.
M. Jean-Pierre Saintonge
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Il n'y a pas si
longtemps, exactement le 6 décembre dernier, je faisais, au nom de
l'Opposition, le discours de deuxième lecture sur le projet de loi 38.
Je me souviens fort bien que, ce soir-là, j'ai commencé mon
discours en disant que les municipalités du Québec étaient
en deuil avec la discussion du projet de loi 38 en deuxième lecture en
cette Chambre. Les municipalités étaient en deuil de quoi? En
deuil justement du respect que le ministre des Affaires municipales et le
gouvernement devraient porter aux municipalités. En deuil justement du
manque de respect de l'autonomie des municipalités. C'est
peut-être pratiquement un coup de pied au derrière qu'on foutait
aux municipalités du Québec.
(23 h 30)
Devons-nous rappeler, M. le Président, quel genre de projet de
loi est le projet de loi 38? Si nous prenons le titre même de la loi, Loi
sur la participation gouvernementale au financement des municipalités,
des le début, par le titre même de ce projet de loi, on se rend
compte de la malhonnêteté des intentions du gouvernement. Il ne
s'agit pas d'un projet de loi sur la participation gouvernementale au
financement des municipalités; au contraire, c'est la
"départicipation" gouvernementale. C'est un projet de loi qui vise
à aller chercher auprès des municipalités de l'argent que
le gouvernement provincial leur doit par le biais de subventions, d'"en lieu"
de taxes et même toute autre somme constituant un élément
de participation gouvernementale à leur financement.
Pourquoi percevoir de l'argent des municipalités? Pourquoi le
gouvernement provincial enlève-t-il de l'argent aux
municipalités? Pour une seule et unique raison: parce que les
municipalités du Québec pourraient avoir reçu une
subvention du fédéral hors d'une entente réalisée
en vertu de l'article 20 de la Loi sur le ministère des Affaires
intergouvernementales ou même de la constitution canadienne.
Ce projet de loi 38 qu'on a tenté de présenter comme
étant une loi à caractère fiscal... À
caractère fiscal, pour quelle raison? Une seule et unique raison. Le
député de Roberval disait que c'est un projet de loi fiscal, non
seulement à caractère fiscal, mais il disait un projet de loi
fiscal. Pour quelle raison? Parce que c'était un projet
rétroactif - beau motif - puisque, après son adoption, ce projet
de loi "rétroagira" au 21 juin dernier, lors de son dépôt.
C'est la raison pour laquelle on parle d'un projet de loi fiscal; il n'y a rien
de fiscal là-dedans. C'est un projet de loi purement et simplement
à caractère pénal qui n'a aucun autre principe de
fondement que la pénalisation des municipalités.
Le gouvernement a tenté de faire valoir que le but de ce projet
de loi était d'affirmer, plutôt de réaffirmer la
compétence exclusive du Québec en matière municipale.
Cette compétence exclusive du Québec en matière municipale
est reconnue depuis toujours par la constitution canadienne à l'article
92.8. Le gouvernement libéral de M. Robert Bourassa, en 1974, a
réaffirmé ce principe à l'article 20 de la loi des
Affaires intergouvernementales. Les dispositions relatives à la
compétence du Québec et à la façon dont le
fédéral peut subventionner ou faire parvenir des sommes d'argent
aux municipalités du Québec se trouvent clairement
exprimées à l'article 20 de la loi des Affaires
intergouvernementales et nul n'est besoin de le répéter dans le
projet de loi 38. On réaffirme ce qui existait déjà. Le
législateur ne doit pas parler pour ne rien
dire, comme je l'ai dit le 6 décembre dernier. Si le
législateur a préparé ce projet de loi, ce n'était
pas pour réaffirmer un principe qui existe déjà dans une
loi du Québec, mais bien pour pénaliser les municipalités
du Québec.
Fait étrange - et cela est apparu lors de l'étude article
par article en commission parlementaire - le ministre a confirmé le fait
que le projet de loi était un projet de loi à caractère
politique, un projet de loi qui vise uniquement les contributions du
gouvernement fédéral. L'article 20 de la loi des Affaires
intergouvernementales vise non seulement les ententes conclues avec le
gouvernement du Québec, mais également avec celui d'une autre
province, un gouvernement étranger, un ministère ou un organisme
d'un de ces gouvernements. Le projet de loi 38, qui doit réaffirmer le
principe de l'article 20 de la loi des Affaires intergouvernementales, ne vise
qu'un palier de gouvernement, pas les autres provinces canadiennes, pas un
gouvernement étranger, mais uniquement le gouvernement
fédéral. C'est la hantise de ce parti et principalement la
hantise démoniaque du ministre des Affaires municipales.
On a beaucoup parlé du débat qui a entouré ce
projet de loi. Je me dois de souligner que, dans le cadre de l'étude de
ce projet de loi, il y avait des télégrammes de personnes
physiques et morales, entre autres de l'Union des municipalités du
Québec et de l'Union des municipalités régionales de
comté et des municipalités locales, télégrammes qui
demandaient au ministre des Affaires municipales d'être entendues en
commission parlementaire avant l'adoption de la loi en deuxième lecture.
Pourquoi une telle demande de l'Union des municipalités du
Québec, de l'Union des municipalités régionales de
comté et, également, de la ville de Québec? Pour une seule
et unique raison. L'adoption d'un projet de loi en deuxième lecture,
c'est la sanction même du principe de la loi.
Donc, avant qu'on sanctionne le principe même du projet de loi, le
monde municipal - représenté par ces deux unions principalement -
voulait démontrer au ministre des Affaires municipales ce qu'il pensait
de ce projet de loi pour que le ministre en vienne à comprendre son
point de vue et, d'une certaine façon, à modifier ou à
retirer ce projet de loi qui ne répondait nullement à une demande
municipale, mais qui, au contraire, était décrié de toute
part et de façon unanime par l'ensemble des municipalités du
Québec.
Le ministre des Affaires municipales a eu beau dire à certains
moments, au cours du débat, certains députés
ministériels ont eu beau répéter que ce projet de loi
avait l'accord des municipalités au point de vue du principe... Au point
de vue du principe, le seul accord que le ministre ait obtenu des
municipalités du Québec, des unions des municipalités du
Québec, c'est l'accord même qu'il a obtenu de l'ensemble des
députés de l'Opposition, l'accord qu'il a obtenu des
éditorialistes. C'est un accord de principe, à savoir que la
compétence dans les affaires municipales est la compétence
exclusive du Québec, ce que tout le monde veut faire reconnaître.
C'est un principe qui est reconnu unanimement. Cela a été repris
par les éditorialistes dans un des articles que citait mon
confrère, le leader de l'Opposition et député de
Marguerite-Bourgeoys.
Ce principe n'est nullement celui qui est dans le projet de loi. Le
principe du projet de loi? Pénaliser les municipalités. Et c'est
là-dessus que les municipalités voulaient se faire entendre pour
infléchir le ministre et lui faire comprendre une chose, et une seule
chose: Si, dans le cadre actuel, le gouvernement péquiste n'est pas
capable, d'aucune façon, d'en venir à une entente avec le
gouvernement fédéral, s'il n'est nullement capable de
négocier de bonne foi et d'une façon positive une entente avec le
gouvernement fédéral concernant la distribution de certaines
subventions ou la participation financière du fédéral aux
municipalités du Québec, il reste une chose, c'est que ce ne sont
pas les municipalités du Québec qui ont à subir l'odieux
du fait qu'une telle entente n'est pas possible, à cause,
principalement, de l'agir du ministre des Affaires municipales et du
gouvernement du Québec.
M. le Président, le premier ministre du Canada, dans une lettre
du mois d'août dernier au premier ministre du Québec, le ministre
John Roberts, d'Emploi et Immigration du Canada, dans une lettre en date du 30
novembre envoyée au ministre des Affaires municipales du Québec,
ont reconnu tous deux, - et dans le cas de M. Roberts, cela avait
été reconnu lors de conversations privées
antérieures, de conversations entre les deux ministres au mois d'octobre
- et admis la compétence exclusive du Québec en matière
municipale. Cela a été reconnu et ils étaient prêts
à la respecter. Le ministre Roberts a même mentionné qu'il
était prêt à considérer un droit de veto sur les
programmes de subvention offerts aux municipalités du Québec par
le fédéral, un droit de veto au gouvernement provincial, un droit
de veto au ministère des Affaires municipales pour empêcher la
réalisation de tout programme qui ne recevrait pas l'accord du
ministère des Affaires municipales.
La compétence exclusive du Québec était donc
respectée, à n'en pas douter. Du moins, de ce
côté-ci, nous en avons la certitude. Et tous ceux qui ont lu la
lettre de M. Roberts se sont aperçus des avances faites par le
fédéral du point de vue de la négociation et qu'il a
reconnu ce principe,
mais ce n'était pas assez pour le ministre des Affaires
municipales. Donc, demande de commission parlementaire par les deux unions pour
être entendues avant l'adoption du projet de loi en deuxième
lecture. Réponse du ministre des Affaires municipales et du leader du
gouvernement - il a fait un discours assez vide, à mon point de vue, sur
cette motion de clôture qu'on vient d'avoir -un non catégorique.
Vous serez entendues, possiblement, en commission parlementaire -finalement, on
en a convenu - après la deuxième lecture, avant l'étude
article par article.
Dans une telle circonstance, M. le Président, l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec a
accepté de jouer le jeu et de venir en commission parlementaire. D'autre
part, l'Union des municipalités du Québec a refusé de
jouer le jeu et a dénoncé avec vigueur le fait qu'aucune
commission parlementaire en bonne et due forme n'ait été
prévue sur le projet de loi 38 que l'ensemble du monde municipal a,
à maintes reprises depuis son dépôt en juin dernier,
qualifié d'excessif, de discrétionnaire et d'arbitraire. (23 h
40)
L'Union des municipalités continuait en disant: Devant une telle
parodie de démocratie, et à moins que le gouvernement ne revienne
sur sa décision, le conseil d'administration de l'Union des
municipalités du Québec tient à vous informer que les
représentants de cette dernière ne participeront à aucune
commission parlementaire d'ici l'ajournement de la session. C'était donc
clair, M. le Président. Ce que l'Union des municipalités du
Québec voulait, c'était d'être entendue avant l'adoption en
deuxième lecture. Et, à la réception de ce
télégramme, il aurait été temps, pour le ministre
des Affaires municipales, de réagir puisque c'était le 9
décembre, quatre jours avant l'adoption du projet de loi en
deuxième lecture. D'aucune façon le ministre n'a voulu reculer et
tenter d'entendre les représentants de l'Union des municipalités
du Québec.
Le leader du gouvernement mentionnait tantôt que le gouvernement a
entendu en commission parlementaire, que nous avons entendu, le
président de l'UMRCQ, l'Union des municipalités régionales
de comté du Québec. Soit, c'est une union très importante
qui représente environ 1200 municipalités au Québec. C'est
un nombre considérable de membres. Mais, sans minimiser l'importance de
cette association, l'UMRCQ, il demeure qu'il y a une autre union des
municipalités du Québec qui existe - l'Union des
municipalités du Québec effectivement - qui, elle,
représente peut-être 300 ou 350 municipalités. Il ne faut
pas oublier que ce sont les municipalités de l'Union des
municipalités du Québec qui représentent environ 80% de la
population du Québec et environ 85% de la richesse du Québec au
niveau des évaluations municipales. Donc, c'est une union qui a une
importance très grande et que le ministre aurait dû accepter
également de consulter. Point n'en fut.
Ce n'étaient pas seulement les unions. À l'appui des deux
unions de municipalités qui demandaient une audition en commission
parlementaire ou même, à certains égards, le retrait pur et
simple du projet de loi - et c'était le cas de l'UMRCQ qui
requérait, dès son dépôt au mois de juillet, le
retrait du projet de loi et l'Union des municipalités du Québec
l'a également demandé au mois d'août... Mais elles
étaient également appuyées par la ville de Québec
qui a requis d'être entendue en commission parlementaire, ainsi que le
Conseil du patronat. Le Conseil du patronat exigeait également le
retrait de ce projet de loi à cause, notamment, de son caractère
excessif. Mais le moins que l'on puisse souhaiter en toute démocratie,
c'est que l'on tienne cette commission parlementaire telle que
réclamée. Point n'en fut.
Également, la Chambre de commerce du district de Montréal
faisait parvenir un télégramme au ministre des Affaires
municipales, en décembre, demandant de retirer le projet de loi 38, de
surseoir à son étude et adoption afin de créer un climat
propice à une négociation raisonnable. C'était le voeu de
la Chambre de commerce du district de Montréal. Également, la
Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain, par
la voix de son président, a requis le retrait du projet de loi. De la
même façon, la Chambre de commerce de la province de Québec
a demandé au gouvernement du Québec de retirer un tel projet de
loi. C'était une demande du monde municipal, appuyée de
façon unanime par l'ensemble des intervenants dans le monde municipal et
l'ensemble des intervenants économiques. Point n'en fut. Aucune
façon d'infléchir le ministre.
Qu'en est-il maintenant, M. le Président? Nous arrivons à
la commission parlementaire. Une seule union s'est présentée,
l'Union des municipalités régionales de comté du
Québec. Cela me faisait fortement sourire d'entendre le leader du
gouvernement dire tantôt que le président de l'UMRCQ était
d'accord, qu'il appuyait la démarche. Je vous montrerai deux titres de
journaux et je pense que la caméra sera juge. Un article du Joliette
journal du mercredi 20 juillet 1983. Le titre ne peut pas être plus
clair: "Le projet de loi 38, une mesure hypocrite qui transpire le
mépris". C'était une parole de Me André Asselin, à
l'époque vice-président de l'Union des municipalités
régionales de comté. Le verdict était clair dès le
mois de juillet. Est-ce que M. Asselin a changé d'idée sur la loi
38 comme telle? Je vous citerai la Presse du jeudi 8 décembre 1983. Que
je sache, nous
sommes aujourd'hui le 15 décembre. Le titre: 'La loi 38, les
mesures de guerre du municipal, dit le président de l'UMRCQ, Me
Asselin". Je cite Me Asselin au texte: "C'est la loi des mesures de guerre du
monde municipal québécois, où l'arbitraire politique
pourra s'exercer quand il le voudra, sans qu'aucun droit d'appel ne puisse
être exercé ou que la moindre explication ne puisse être
fournie".
Donc, M. le Président, c'est assez clair comme verdict ici. Le
président de l'UMRCQ s'explique mal la raison d'être d'une telle
loi en pleine période de relance économique. Le président
de l'UMRCQ a accepté de jouer le jeu. Il est venu en commission
parlementaire et a présenté certaines demandes au ministre des
Affaires municipales pour amender le projet de loi. Il y avait huit demandes
principales présentées par le président de l'UMRCQ. Il a
été bien reçu. Le ministre l'a reçu avec un beau
sourire, un beau bonjour. Il l'a écouté attentivement, disant:
Nous allons prendre cela en considération et je l'examinerai avec mes
fonctionnaires, mes conseillers juridiques et, si possible, nous vous donnerons
satisfaction.
C'est le voeu, M. le Président, que j'ai entendu à toutes
les commissions parlementaires dans le domaine municipal auxquelles j'ai
participé, depuis avril 1981, date ou je suis devenu
député de l'Opposition à cette Assemblée. À
chacune de ces occasions, de tels commentaires du ministre des Affaires
municipales ont toujours été suivis par une absence d'actes
réels répondant aux demandes présentées par les
unions ou par certains intervenants. Très très rarement le
ministre a pu donner suite aux demandes qu'on lui a
présentées.
Donc, M. le Président, nous allons bien voir ce qu'il est advenu
des demandes de l'UMRCQ. Nous verrons, dans un instant, les modifications qu'on
nous a déposées, ce soir, à la commission parlementaire.
Auparavant, je vous citerai non pas ce que l'Opposition dit du
témoignage de M. Asselin devant cette commission parlementaire, mais ce
que, dans un article du Soleil, aujourd'hui, Marcel Collard écrit: 'Le
président de l'Union des municipalités régionales de
comté du Québec, Me André Asselin, refuse d'entrer dans le
jeu politique entre Ottawa et Québec, voulant seulement empêcher
que les municipalités soient prises en otages dans l'affrontement
public. "L'UMRCQ accepte mal que le gouvernement soit à la fois juge et
partie, avec un pouvoir sans appel. 'Devant la commission parlementaire, cette
semaine, Me Asselin a cependant poussé l'analyse plus loin, exprimant le
malaise ressenti par les élus municipaux qui n'ont pas l'impression
d'exercer un véritable pouvoir, assujettis comme ils le sont à
toutes sortes de normes. Il souhaiterait la revalorisation du pouvoir municipal
pour que les élus soient plus à l'aise dans leur rôle de
partenaires de l'État... 'Pour l'instant, l'UMRCQ implore le ministre
d'examiner la situation en fonction des simples citoyens élus pour
gérer les affaires de leur municipalité, pour que la future loi
38 soit plus vivable. Elle exhorte le ministre à poser des balises et
à définir clairement - à définir clairement - le
champ d'application de la loi".
On en est là, M. le Président. De quelle façon
a-t-on voulu définir le champ d'application de la loi? Le projet de loi
38, tel que déposé, est une loi qu'on a qualifiée de
discrétionnaire, de discriminatoire, de déraisonnable et
d'imprécise. D'imprécise, M. le Président, pourquoi? Nous
retrouvons, dans ce projet de loi, les termes suivants, à
différents articles: "au jugement du gouvernement", "directement ou
indirectement ou sous quelque forme que ce soit", "le gouvernement peut,
à sa discrétion", "le gouvernement - encore une fois à
l'article 7 - peut, à sa discrétion". Plus loin, "selon
l'estimation qu'en fait le ministre des Affaires municipales". On retrouve la
même chose deux articles plus loin: "selon l'estimation qu'en fait le
ministre". Et on dit, à un moment donné, "est
réputé avoir négocié ou conclu une entente".
À un moment donné, si une commission, une corporation, une
communauté ou un organisme visé au premier ou au deuxième
alinéa de la Loi sur le ministère des Affaires
intergouvernementales conclut avec une personne ou un organisme une convention
ayant pour effet de le faire bénéficier d'avantages
découlant d'une subvention du fédéral, il est
réputé avoir négocié ou conclu une entente.
On transfère le fardeau de la preuve. Ce n'est plus le ministre
qui doit venir prouver quelque chose, ou qu'on doit prouver, effectivement, le
fait comme tel, mais on dit: Vous êtes réputé avoir fait
cela. Donc, on transfère un fardeau de la preuve, on l'impose aux
municipalités du Québec. Donc, c'est une loi
discrétionnaire, discriminatoire, déraisonnable,
imprécise, abusive, excessive. C'est ce qui a été
dénoncé partout, M. le Président. On a proposé
quoi? Je reviendrai tantôt, si j'en ai le temps, aux citations des
éditorialistes là-dessus. On a présenté quoi, ce
soir, M. le Président, au niveau des amendements à la commission
parlementaire? On a fait grand état de l'article 2.1... (23 h 50)
Je devrais dire avant que, dans tous les amendements
présentés par le ministre des Affaires municipales devant la
Commission municipale, aucun n'a changé une virgule, un point ou un mot
dans le projet de loi 38. Dans tous les cas, ces amendements ont
été des ajouts à la loi. Dans tous les cas, le texte
même de la loi, décrié comme étant une mesure
hypocrite qui transpire le mépris,
d'aucune façon ne modifie la "loi des mesures de guerre du monde
municipal". On a ajouté certains faits, certains articles, à
quelles fins? Je vais vous le mentionner.
Hier, lors de la discussion en commission parlementaire, le ministre
nous disait -on lui posait des questions - qu'on n'a pas avancé. Comment
voulez-vous avancer quand le ministre ne le sait pas? Il a reconnu
expressément, à cette commission, le caractère tout
à fait imprécis de la loi. Il ne pouvait même pas nous
dire, dans un cas donné, si une telle subvention accordée
à tel organisme ou à tel individu, ou à qui que ce soit,
était couverte par ce projet de loi. Ce n'était pas à sa
connaissance; il ne pouvait pas le dire. Peut-on avoir plus imprécis que
cela? Il ne le savait pas. Que nous a-t-il dit? Il n'y a rien là; ne
vous en faites pas, on va émettre des bulletins d'interprétation.
Qu'est-ce que cela veut dire? Je déciderai de ce qui va s'appliquer.
Est-ce qu'il peut le faire? Sûrement puisque, dans le projet de loi,
c'est très clair que le ministre peut, à sa discrétion,
décider. C'est lui qui décide, ou le gouvernement, dans certaines
circonstances. C'est l'un des deux. Je veux être précis au texte
suivant le projet de loi: "soit le gouvernement ou le ministre par
décret au jugement du gouvernement directement, indirectement ou sous
quelque forme que ce soit."
Qu'est-ce qu'on présente pour éclairer la situation? On
dit ce soir: Ne vous en faites pas, messieurs des municipalités, nous
répondons à votre souhait. Nous allons présenter purement
et simplement un amendement où il y aura un règlement qui viendra
préciser, mais quoi? Les actes ou les catégories d'actes
posés par une municipalité ou par un tiers plaçant une
municipalité dans la situation visée à l'article 2. On n'a
rien changé. La seule chose, c'est que le règlement va venir
spécifier carrément quels sont les actes couverts. C'est le
gouvernement qui le décidera avec certaines modalités d'avis dans
les journaux.
Le ministre a été tellement bon prince, ce n'est pas
croyable, M. le Président. Il a proposé aux gens du monde
municipal de les rencontrer au mois de février, de faire une commission
parlementaire; même s'il avait refusé de le faire avant, il veut
en faire une maintenant, avant le règlement. Venez nous voir, venez nous
dire ce que vous voulez, ce que vous pensez du projet de règlement qu'on
proposera et ce qui doit être couvert par la loi. C'est bien beau, je
n'ai rien contre cela, mais ce sera le même exercice qui va faire fi de
la démocratie, comme on l'a vu depuis quelques années au
Québec avec ce gouvernement. Pour quelles raisons? Le projet de loi
demeure dans son entité, selon le bon jugement du gouvernement,
directement ou indirectement, de quelque façon que ce soit. C'est donc
du totalita- risme, de l'arbitraire absolu, même dans le projet de
loi.
Ce qui est encore pire, c'est qu'on le fixe par règlement. C'est
un peu du velours sur le glaive. Pourquoi? De quelle façon le monde
municipal est-il partie à la concertation? Il ne sait pas le
résultat; rien ne lui garantit qu'on va l'écouter. De toute
façon, même après la commission parlementaire qui sera
tenue, le ministre pourra, à n'importe quel moment, selon son bon
jugement, apporter des modifications aux règlements et changer tout
cela, en ajouter tant qu'il voudra sans consulter le monde municipal parce
qu'il n'y a aucune garantie que, dans ces cas, il sera obligé de
convoquer une commission parlementaire. C'est simplement un petit velours qu'il
donne pour faire adopter ses amendements qui sont complètement à
côté de la "track", qui ne concernent nullement le
caractère tellement répressif de ce projet de loi.
M. Rocheleau: C'est effrayant! Cela n'a pas de bon sens!
M. Lalonde: C'est un simulacre de démocratie.
M. Saintonge: À l'article 3, on donne une grosse
possibilité aux municipalités, on dit: 'Le décret a effet
à compter du début de l'exercice financier municipal suivant." On
ne pouvait pas demander moins que cela. Comment voulez-vous pénaliser
une municipalité quand son budget est établi pour une
année en cours. Il est évident qu'en toute décence, c'est
impossible pour une municipalité de prévoir, en cours de budget,
d'être coupée dans ses fonds de tel ou tel montant. C'était
tout simplement la normalité des choses et le moins qu'on pouvait faire
dans un tel cas.
Article 3.1. L'Union des municipalités régionales de
comté avait demandé qu'on puisse donner un avis préalable
que la municipalité est en infraction et qu'elle puisse être
entendue là-dessus. Cela, M. le Président, c'est ce qu'on appelle
des règles de justice élémentaire. Mais l'article 3.1 l'a
prévu, c'est possible d'être entendu. Mais de quelle façon?
J'étais présent en commission parlementaire lorsque le
président de l'UMRCQ a témoigné. Quand il a demandé
d'être entendu, il n'a pas demandé d'être entendu dans une
belle lettre, non, non. Il voulait aller devant le ministre - c'était
lui qui avait la discrétion d'appliquer le projet de loi - ou encore
devant la Commission municipale pour aller expliquer son point de vue en allant
parler publiquement, c'est-à-dire en allant donner son argumentation
verbale. On lui dit quoi? Envoyez-nous vos raisons par écrit. On n'a pas
besoin de vous entendre et de vous voir, on est capable de faire cela comme des
grands. Cela donne
quoi comme résultat? Trente jours après, la
décision du ministre arrivera.
Je vous assure, M. le Président, que je n'ai pas grand espoir que
la décision du ministre tiendra compte des représentations qui
seront faites. Mais ce qui est encore plus vicieux dans cette façon
d'agir, c'est que l'argumentation écrite que la municipalité va
donner, ne devrait pas être soumise au décret; elle sera
écrite. Elle est dans les mains du ministre. Et on donne la
possibilité à l'article suivant d'aller devant les tribunaux par
requête en Cour supérieure. Le ministre et ses avocats vont
arriver là, comme on le dit, la poche bien pleine. Le dossier est bien
complet, l'argumentation de la municipalité va lui avoir
été donnée par écrit une couple de mois avant. Il
n'y a pas de problème là, les faits sont connus. Même
à cela, le recours judiciaire qu'on permet par l'article 5.1 est un
recours normal que les municipalités auraient pu exercer suivant la loi
usuelle, la loi commune. Possiblement que le recours prévu
éliminera certaines discussions au niveau des tribunaux.
C'est-à-dire qu'on prévoit une requête en Cour
supérieure. Au lieu de savoir quel genre de recours s'appliquerait, s'il
n'y en a pas un autre, on procédera plus rapidement par l'amendement
prévu par requête à la Cour supérieure.
Il reste que de toutes les requêtes présentées en
Cour supérieure, quel sera le choix du juge qui devra examiner ce
dossier? Il ne restera pas grand choix. La loi est tellement large et globale
au niveau du pouvoir du ministre que le juge ne fera que constater que le
ministre a agi à l'intérieur de ses pouvoirs: on lui donne tous
les pouvoirs dans le projet de loi. La seule chose qui pourrait faire casser un
jugement, c'est si les règles de justice naturelle n'étaient pas
respectées. Il est obligé par la loi de les suivre. Avant de
faire quoi que ce soit, cela lui prend au minimum un envoi à la
municipalité qui, elle, peut répondre par écrit. Mais
cela, c'est un recours qui m'apparaît absolument déraisonnable et
dérisoire pour les municipalités. Encore une fois, c'est du
velours sur le glaive.
Finalement, M. le Président, une des modifications
proposées confirme le caractère rétroactif de la loi. La
loi s'appliquera à compter de juin dernier. Je vous dirai que j'ai
communiqué personnellement avec le président de l'Union des
municipalités du Québec qui m'a affirmé sans détour
que les amendements proposés ne correspondaient pas à ce qu'il en
attendait et ne le satisfont pas pleinement. Cela, c'est à 22 heures ce
soir. Je n'ai malheureusement pu communiquer ce soir avec le président
de l'UMRCQ pour avoir son opinion là-dessus, mais j'ai examiné
les demandes que l'UMRCQ a présentées en commission parlementaire
et je vous dirai que dans les demandes présentées, ce qui a
été accordé est très minime par rapport à ce
qu'on voulait. Fondamentalement, on voulait s'assurer qu'au niveau de l'UMRCQ
c'était une demande fondamentale et que le geste de la
municipalité qui pouvait être réprimé par le
gouvernement dans ce projet de loi, c'était le seul geste accompli de
façon directe et par une participation directe d'une
municipalité. On demeure, même avec des amendements, avec la
pénalité à toute participation directe ou indirecte ou
sous quelque forme que ce soit. On ne remplit pas le mandat que le
président de l'UMRCQ avait demandé.
Donc, M. le Président, en fait, il m'apparaît clair qu'un
tel projet de loi ne répond nullement à la demande formelle
présentée par les représentants des unions des
municipalités, même avec les amendements. L'Opposition
déplore le fait qu'après un très court débat en
commission parlementaire, la guillotine soit tombée.
Je terminerai, M. le Président, simplement en vous rappelant que
M. Jean-Guy Dubuc dans la Presse du 15 décembre 1983 titrait son
éditorial: "L'imposture du projet de loi 38" et que M. Jean-Louis Roy
dans le Devoir du 12 décembre 1983 disait: "Le projet de loi 38, c'est
non et ce sera non pour l'Opposition." Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Bellechasse. (minuit)
M. Claude Lachance
M. Lachance: Merci, M. le Président. Nous en sommes
à étudier le projet de loi 38 concernant la participation
gouvernementale au financement des équipements municipaux.
M. le Président, pour le bénéfice des personnes qui
nous écoutent à cette heure tardive, je vais brièvement
résumer comment il se fait que nous ayons dû adopter un projet de
loi semblable. D'abord, il faut dire que, dans la constitution canadienne qui
nous régit depuis plus d'un siècle, en fait depuis 1867, il y a
une répartition des pouvoirs entre le fédéral, d'une part,
et les provinces; or, dans les pouvoirs qui sont attribués aux provinces
de façon très bien établie, structurelle, par l'article
92.8, on dit, noir sur blanc, que les municipalités relèvent des
provinces.
Cependant, au cours des années, selon les époques, on a
assisté à des manoeuvres sporadiques, à des manoeuvres
intermittentes et, à certains moments, selon ceux qui étaient au
pouvoir à Ottawa, ceux qui étaient au pouvoir dans les provinces,
on a vu des gestes qui ont été posés par le gouvernement
fédéral pour s'immiscer dans le champ de juridiction provinciale,
c'est-à-dire en venant s'occuper de choses municipales.
M. le Président, il y a une continuité au niveau des
gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis
au moins l'époque de M. Taschereau, en passant par MM. Duplessis,
Lesage, Bourassa et, aujourd'hui, M. Lévesque. C'est que jamais on n'a
accepté que le gouvernement fédéral vienne ici, à
la place du gouvernement du Québec, pour s'immiscer dans les affaires
des municipalités. Nous acceptons que le gouvernement canadien puisse
faire profiter les citoyens du Québec de leurs taxes, de leurs
impôts, dans le cadre d'ententes formelles, d'ententes signées
noir sur blanc, dans le cadre d'ententes établies qui permettent de
savoir où on va. Il y eu effectivement des ententes qui ont
été signées de 1976 à 1980. Il y en a eu pour des
sommes considérables, en fait 1 200 000 000 $. Mais il faut bien se
rappeler que c'était avant le référendum -vous savez, ce
référendum du 20 mai 1980 -et cela n'a pas été
long, malheureusement, une fois le référendum passé, une
fois dissipée la crainte que le fédéral pouvait avoir
devant les résultats appréhendés du
référendum, on a vu que le gouvernement fédéral
avait décidé d'y aller très fortement pour entrer à
pieds joints dans le champ de juridiction des provinces et en particulier du
Québec.
On a vu - premier geste - la fin du programme d'aide aux
équipements communautaires appliquée de façon
unilatérale par le gouvernement canadien. Par la suite, il y a eu le
rapatriement unilatéral de la constitution et il y a eu aussi une phrase
du premier ministre, M. Trudeau, qui ne s'est pas gêné pour dire:
C'est la fin du fédéralisme coopératif. Depuis ce temps,
et surtout dans la perspective d'élections fédérales qui
sont proches, il faut bien le dire, on a assisté à une offensive
tous azimuts de la part des députés fédéraux, en
particulier les 74 que nous avons au Québec, pour aller dans les
municipalités et "garrocher" comme cela des sommes de 100 000 $, 200 000
$, 300 000 $ de façon tout à fait discrétionnaire selon
souvent les beaux yeux ou la couleur politique des conseils municipaux en
place.
M. le Président, la loi 38 qui est devant cette Chambre,
présentement, nous aurions de beaucoup préféré ne
pas avoir à la voter, c'est bien sûr. Nous sommes en commission
parlementaire depuis trois jours et j'ai assisté personnellement au
déroulement de cette commission parlementaire. Dès le
début, il était évident que l'attitude de l'Opposition
serait: On ne veut rien savoir, pour aucune considération. Si on
connaît un petit peu la tradition qui existe en cette Chambre en fin de
session, on sait que l'Opposition nous arrive toujours avec un "filibuster" sur
une loi qui est étudiée. Cette fois-ci, elle a
décidé de choisir la loi 38 et d'adopter toutes sortes de
manoeuvres dilatoires pour manifester qu'elle ne veut rien savoir.
Je vais vous donner une preuve de cela. Nous étions à
étudier le projet de loi 38; à un moment donné, comme
manoeuvre dilatoire, un député de l'Opposition nous arrive avec
un amendement qu'il proposait à l'article 2, parce que nous en sommes
restés à l'article 2 alors qu'il y a 17 articles dans le projet
de loi. J'ai demandé au député qui proposait l'amendement,
en lui posant la question très clairement: Si, par hypothèse, on
acceptait ce que vous proposez, est-ce que vous accepteriez de collaborer,
d'adopter le projet de loi et ne pas faire de "filibuster"? On m'a fait comme
réponse qu'il n'en était pas question. Je pense, M. le
Président, que c'est la preuve manifeste que l'Opposition ne veut rien
savoir et est décidée à faire une contestation
systématique de ce projet de loi.
M. le Président, lors du premier jour de la commission
parlementaire pour l'étude article par article du projet de loi, nous
avons entendu le président de l'Union des municipalités
régionales de comté du Québec, Me André Asselin,
qui était accompagné de M. Georges Filion, un
vice-président, ainsi que du directeur général, Mme
Gaétane Martel. À l'invitation du ministre, Me Asselin est venu
manifester des appréhensions et aussi des interrogations sur
l'application de ce projet de loi. Je pense que c'est tout à fait normal
que le monde municipal, le monde municipal rural en particulier, s'interroge
sur l'application de ce projet de loi. Je dois féliciter l'attitude
quand même positive de l'Union des municipalités régionales
de comté du Québec qui a eu le courage de venir ici manifester
son point de vue et nous faire part de certains amendements qu'elle aimerait
voir apporter au projet de loi.
M. le Président, ce n'est quand même pas tombé dans
les oreilles d'un sourd puisque, à la suite des représentations
qui ont été faites par l'Union des municipalités
régionales de comté du Québec, le ministre des Affaires
municipales a apporté certains amendements, qu'il a
déposés en commission parlementaire, qui vont permettre, à
la demande même des représentants de l'UMRCQ, de baliser
l'intervention du Québec en ce qui touche les subventions
fédérales discrétionnaires destinées aux
municipalités. En fait, le président, Me Asselin, est venu avec
le but de voir à ce qu'on soit capable d'appliquer la loi. M. le
Président, le ministre des Affaires municipales a invité les
unions des municipalités, aussi bien l'UMRCQ que l'UMQ, à venir
participer à une commission parlementaire qui se tiendra au moins de
février. À ce moment-là, cela va permettre
d'étudier le règlement en vue d'adapter l'intervention au projet
de loi 38.
M. le Président, laisser aller les choses
sans adopter cette loi, à mon avis, c'est encourager le
fédéral à violer sa propre constitution. D'autre part,
c'est punir les municipalités très majoritaires, respectueuses du
partage des compétences qui existent actuellement. C'est donc une
question d'équité pour le gouvernement du Québec d'agir
ainsi. D'ailleurs, le fédéral a déjà admis dans le
passé qu'il avait tort de s'occuper des municipalités, puisqu'il
existait un ministère des affaires urbaines et que, quelque temps
après l'avoir mis sur pied, le fédéral a
décidé de le faire disparaître.
M. le Président, on nous fait souvent des reproches, l'Opposition
nous dit: Négociez, entendez-vous, parlez. Je me souviens d'un premier
ministre, ici à Québec, qui n'était pas M. Lévesque
et à qui M. Trudeau a déjà dit que c'était un
"Ti-Pit mangeur de hot dog". Quand on parle de négocier, je pense qu'il
faut aussi voir qui est de l'autre côté pour négocier.
En terminant, M. le Président, je dis qu'il était
nécessaire de mettre de l'ordre et c'est ce qui arrive avec le projet de
loi 38. C'est oui à l'argent du fédéral, mais c'est non au
discrétionnaire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Une voix: Tu vas les avaler tes "hot dog".
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député, s'il vous plaît!
Une voix: 30% du vote.
Une voix: Voyons, c'est l'agressivité dans cette
Chambre.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît;
Une voix: Si cela a été dit, ce n'est pas nous qui
l'avons dit. (0 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;
À l'ordre! J'espère au moins que je serai capable d'entendre le
prochain intervenant. M. le député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, les préfets des
municipalités régionales de comté du Québec se sont
prononcés à la quasi-unanimité contre ce projet de loi
dont ils ont réclamé le retrait immédiat. L'Union des
municipalités régionales de comté du Québec endosse
cette position et voici ce que le président avait à dire, je le
cite: "L'Union des municipalités régionales de comté ne
veut pas savoir qui a tort et qui a raison entre Québec et Ottawa; elle
ne s'attribue pas le rôle d'arbitre entre les deux gouvernements. Elle
dit simplement que les municipalités du Québec n'ont pas à
faire les frais des pots cassés au-dessus de leur tète."
L'Union des municipalités régionales de comté a dit
à Québec qu'il doit retirer son projet de loi 38, qui a pour
effet d'imposer une forme de tutelle aux élus locaux. L'Union des
municipalités du Québec, a avisé que "les membres du
conseil d'administration de l'Union des municipalités du Québec
en réunion aujourd'hui - en parlant du 9 décembre 1983 -
dénoncent avec vigueur le fait qu'aucune commission parlementaire en
bonne et due forme n'ait été prévue sur le projet de loi
38, que l'ensemble du monde municipal, à maintes reprises depuis son
dépôt en juin dernier, qualifie d'excessif, de
discrétionnaire et d'arbitraire." Devant une telle parodie de
démocratie, ils ont dit qu'ils ne voulaient plus assister à une
commission parlementaire du gouvernement jusqu'à l'ajournement de la
session. Finalement, le président de l'Union des municipalités
régionales de comté a dit que le projet de loi 38 est une mesure
hypocrite qui transpire le mépris.
Que fait ce gouvernement devant les représentations qui lui ont
été faites par l'ensemble des représentants de la
population? Il impose le bâillon ici ce soir, afin qu'on ne puisse plus
discuter de ce projet de loi. C'est là la vraie parodie de la
démocratie. On nous accuse d'avoir fait des motions en commission
parlementaire parce qu'il n'y avait pas assez de chaises, parce qu'il faisait
trop chaud; oui, nous les avons faites. Vous nous avez fait siéger dans
une garde-robe; il n'y avait pas de place pour les journalistes; il faisait
tellement chaud dans cette pièce qu'on ne pouvait pas
adéquatement commencer nos travaux. Ne venez pas nous dire que nous
avons fait des motions dilatoires; on tentait de s'assurer qu'on puisse
étudier adéquatement le projet de loi dans une pièce
convenable. C'est le moins que le gouvernement aurait pu nous donner pour
étudier un projet de loi aussi méprisable. C'est pour cela qu'on
a fait ces motions.
Ce soir, à 20 heures, à la suite d'un avis en vertu de
l'article 156 nous informant que nous devions terminer les travaux en
commission parlementaire pour minuit, le ministre des Affaires municipales nous
dépose des amendements...
Une voix: Des amendements à la Jean-Roch.
M. Ciaccia: ...des amendements au projet de loi à 20
heures, quand on nous a dit: Vous allez cesser d'en discuter à
minuit.
Une voix: Jean-Roch lui a dit: Tu feras
des amendements, Léonard.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que c'est la vraie
façon de procéder si le gouvernement veut qu'on étudie un
projet de loi en toute bonne foi? Je vais vous dire ce que dit ce projet de
loi. Je sais pourquoi le gouvernement ne veut pas qu'on l'étudie et
qu'il veut le passer à la vapeur la nuit. Il est minuit et quart. Il
insiste pour qu'on ne l'étudie plus en commission parlementaire pour le
bonifier ou tenter de le changer et de bonifier les termes odieux du projet de
loi. Voulez-vous que je vous lise ce qu'il dit? "Une municipalité qui,
au jugement du gouvernement... a bénéficié directement ou
indirectement et sous quelque forme que ce soit, perd ainsi... le droit
d'exiger du gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministres ou
organismes..." et là, il y a une liste de toutes les sommes que les
municipalités perdent. C'est entièrement à la
discrétion du gouvernement. Plus loin, dans le même projet de loi,
quand on parle des sommes ou des bénéfices directs ou indirects
qu'une municipalité aurait pu recevoir on dit, "selon l'estimation qu'en
fait le ministre". Est-ce que c'est la façon de faire adopter les
termes, les propos d'un projet de loi quand on donne tout le pouvoir au
ministre, quand on met les municipalités sous tutelle? Quel est l'esprit
de ce projet de loi?
M. le Président, tous les intervenants ont raison de s'opposer au
projet de loi, de vouloir que le gouvernement retire ce projet de loi. Et nous
avions raison en commission parlementaire de prendre tous les moyens
nécessaires pour obliger le gouvernement au moins à discuter du
projet de loi et, s'il ne voulait pas en discuter en bonne et due forme, d'y
apporter les changements nécessaires pour répondre aux besoins de
la population. On avait le droit d'obliger le gouvernement à
étudier en commission parlementaire ce projet de loi et à ne pas
le faire adopter à la vapeur, de la façon qu'il le fait
maintenant, nous bâillonnant, nous empêchant de parler et voulant
absolument insister en fin de session pour adopter un projet de loi qui est
odieux et dont personne ne veut.
M. le Président, pourquoi, maintenant, le gouvernement est-il
tellement pressé pour nous faire accepter ce projet de loi? Le 18
octobre, nous sommes venus à l'Assemblée nationale. On est venu
pour siéger et discuter des lois que le gouvernement aurait pu
présenter à l'Assemblée nationale. La même
journée, on a ajourné l'Assemblée nationale, on a fait un
lock-out de l'Assemblée nationale, on nous a renvoyés dans nos
comtés parce que le gouvernement n'avait rien à dire, rien
à faire. Il ne pouvait pas, le 18 octobre, présenter le projet de
loi pour qu'on en discute? On aurait eu un mois, deux mois, on aurait pu avoir
la commission parlementaire. De quoi aviez-vous peur?
Pourquoi ne vouliez-vous pas avoir une commission parlementaire et faire
venir les élus municipaux pour vous dire ce qui ne va pas avec ce projet
de loi? Non! Ce n'est pas la façon dont le gouvernement devrait agir
s'il prétend être démocratique. M. le Président,
c'est un abus de pouvoir. C'est vrai que le règlement de
l'Assemblée nationale lui donne le droit de nous empêcher de
parler du projet de loi, de la même façon qu'en commission
parlementaire, quand on voulait - et on a dit que c'était une motion
dilatoire -que chaque député ait le droit de venir en commission
faire des représentations lors de l'étude article par article.
Pourquoi chaque député? C'est bien simple. Ce projet de loi
affecte toutes les municipalités au Québec. Il n'y a pas un
député qui ne sera pas affecté dans son comté par
le projet de loi. Qu'est-ce qu'il y a de tellement surprenant qu'on ait
demandé au gouvernement de donner le droit - parce que le
règlement ne le donne pas, sauf avec le consentement de la commission -
à tous les députés de venir à la commission
parlementaire faire les représentations nécessaires? Si le
gouvernement avait accepté cette motion, on aurait pu commencer
immédiatement la discussion du projet de loi. Bien non! On nous a
obligés à faire cette motion pour essayer de convaincre le
gouvernement afin que les députés puissent venir devant la
commission parlementaire. Nous voyons l'esprit dans lequel ce gouvernement
agit. Ne soyez pas surpris des Jonquière, des Mégantic-Compton,
des Charlesbourg et des autres châteaux forts des ministres
péquistes où vous perdez les élections.
M. le Président, je vois que mon temps s'écoule. Ce n'est
pas seulement l'Opposition. Je veux vous citer un éditorial de
Jean-Louis Roy paru dans le Devoir du lundi 12 décembre: "Les
parlementaires du groupe ministériel, y compris les perroquets qui ont
fait la parade des principes la semaine dernière à
l'Assemblée nationale, devraient lire le projet de loi. Celui-là
ne compte pas des milliers de pages. Mais on a réussi à inscrire
dans ces trois pages tout ce qu'il y a de plus répugnant en
régime démocratique." Et vous continuez à présenter
à l'Assemblée nationale d'autres mesures répugnantes, la
motion de bâillon qui nous empêche de discuter. Vous devriez avoir
honte et on ne l'acceptera pas. Merci. (0 h 20)
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! Je constate qu'il y a des sons qui sont beaucoup plus
forts parfois que la voix des intervenants. M. le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, on voit les gens d'en face,
ce soir, se lever pour
traiter de répugnants les projets de loi, s'offusquer que le
leader du gouvernement ait déposé une mesure qui signifie la
clôture de la récréation sur le projet de loi 38. Mais je
voudrais leur rappeler l'article 20 de leur fameuse loi de 1974, au
départ. Eux qui avaient leurs grands frères libéraux
à Ottawa ont senti le besoin, eux-mêmes, dans une loi, à
l'article 20, de clarifier la juridiction du Québec.
Eux-mêmes...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Chevrette: ...petits frères et grands frères,
imaginez-vous, ils ne se "trustaient" même pas entre eux; ils ont
été obligés d'indiquer cela dans une loi, noir sur blanc.
Et, aujourd'hui, ils sont surpris que le gouvernement agisse, lui qui est
assailli par une armée de grands frères avec beaucoup d'argent
qui distribuent cela un peu partout, n'importe comment: 250 000 $ dans
Berthier, à Saint-Gabriel-de-Brandon; 500 000 $ à telle autre
place pour le même projet, sans absolument aucun motif, aucun
critère, on ne sait pas pourquoi.
Une voix: Politique, politique.
M. Chevrette: Les élections s'en viennent, la panique est
prise et là il faut parsemer l'argent. Moi, je trouve cela drôle
de vous entendre. Je trouve cela drôle de vous entendre d'abord dire
qu'il y a une semaine, il y a quinze jours, il y a trois semaines, l'Union des
municipalités, l'UMRCQ disaient telle chose. Bien oui. On a parlé
avec ce monde-là depuis ce temps-là, nous. On a parlé avec
eux, on a jasé avec eux. On leur a dit: Mais quelles sont vos
appréhensions? Ils ont dit: On ne voudrait pas que ce soit
discrétionnaire au bout. C'est parfait. Quelles sortes de suggestions
avez-vous à faire? Ils sont venus nous le dire. On vous présente
un amendement qui veut éviter le discrétionnaire, qui veut
permettre précisément qu'on y aille par règlement et cela,
pendant une période de 60 jours nous obligeant à recevoir les
revendications des MRC, de l'Union des municipalités, des
municipalités comme telles. Et plus encore, on permettra à ces
même ténors de venir nous dire que c'est beau, que ce n'est pas
beau, que c'est bon ou que ce n'est pas bon. On vous offre une tribune à
vous aussi, messieurs de l'Opposition, pour venir nous dire cela.
Une voix: Et madame.
M. Chevrette: Et madame également, bien sûr. Et
là, vous nous dites: Non, c'est un règlement. Oui, c'est un
règlement, mais dans lequel on prend la garantie, par exemple, et
l'engagement formel de faire une commission parlementaire où on
permettra non seulement au monde municipal, mais également à
l'Opposition de venir s'exprimer. Eux, qui au cours de tous les débats
en deuxième lecture nous ont dit à tour de bras qu'ils
étaient fondamentalement d'accord sur le principe de la juridiction
exclusive du Québec sur le monde municipal, ils viennent nous traiter
d'hypocrites ce soir. Après nous avoir dit qu'ils étaient
fondamentalement favorables à la juridiction exclusive du Québec
sur les municipalités, après avoir eux-mêmes voté
une loi en 1974 pour cela, ils ont voté contre ce même principe en
deuxième lecture. Qui est hypocrite?
Une voix: Ce sont eux.
M. Chevrette: Qui est hypocrite? Posez-vous des questions. Vos
gestes et vos votes, eux, sont enregistrés et l'hypocrisie est
prouvée noir sur blanc dans votre cas. Nous, on dit aux
municipalités du Québec: Non seulement on prend l'engagement, ce
soir, de ne pas y aller d'une façon discrétionnaire, mais on
prend l'engagement d'une prépublication, on prend l'engagement de vous
recevoir. On prend l'engagement, en plus, de faire faire de la basse politique
à l'Opposition en l'amenant en commission parlementaire, parce qu'elle
n'est pas capable de faire autre chose. C'est cela qu'on prend comme
engagements, à toutes fins utiles. Mais on prend le pari, on
relève le défi de rencontrer ces municipalités et de
s'entendre avec elles. J'ai parlé à des maires aujourd'hui, moi
aussi, j'ai parlé à des préfets et ce n'est pas vrai que
tous les préfets du Québec sont contre cela.
Une voix: Nommez-les!
M. Chevrette: J'en connais qui ont été élus
dans leur propre municipalité du Québec parce qu'ils se sont
opposés à de l'ingérence fédérale.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Chevrette: Le député de Berthier pourrait se
lever pour le dire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Chevrette: Je connais des maires...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M.
le député de Charlesbourg.
M. Chevrette: ...qui se sont fait élire
précisément pour éviter que leur municipalité
n'ait à supporter des dettes perpétuelles par la suite
grâce à des investissements irrationnels, sans critères. M.
le député de Berthier, qui est voisin du comté de
Joliette, devrait savoir ce que je veux dire. S'il ne le sait pas, je le lui
ferai dire par ses propres conseillers municipaux, en particulier, dans deux
municipalités de son comté qui ne sont pas les moindres.
Je pourrais faire le tour de plusieurs circonscriptions
électorales de l'Opposition qui ont connu la manne libérale
fédérale beaucoup plus que celle de ce côté-ci de la
Chambre. Je ne le ferai pas, mais je voudrais au moins attirer l'attention sur
leur incohérence. Ne traitez personne d'hypocrite quand vous, qui avez
vos grands frères à Ottawa, avez senti le besoin de geler dans
une loi des affaires intergouvernementales le droit exclusif du Québec,
alors que nous, assaillis de toutes parts, on ne fait que réaffirmer
votre principe et offrir notre collaboration aux municipalités. On offre
notre collaboration même...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Chevrette: ...à l'Opposition pour établir
conjointement des balises pour éviter le discrétionnaire au
niveau de cette loi. De grâce, n'ayez pas le culot de traiter les autres
d'hypocrites! Regardez-vous plutôt dans le miroir et vous allez aller
vous coucher, toute la "gang".
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Saint-Henri.
Des voix: Bravo! Une voix: En alexandrins. M. Rama
Hains
M. Hains: Ce ne sera pas loin de cela.
M. le Président, c'est vraiment avec conviction que je viens ce
soir ajouter ma voix au tollé de protestation qui monte dans toute la
province contre le projet de loi 38...
Une voix: Dans le monde entier!
M. Hains: ...Loi sur la participation gouvernementale au
financement des municipalités, qu'on aurait vraiment dû intituler
loi sur la participation gouvernementale pour bloquer des subventions
fédérales aux municipalités.
Une fois de plus, nous sommes vraiment encore victimes et témoins
d'un torpillage en règle des relations avec Ottawa.
Ce projet de loi 38, par une drôle de coïncidence de
numérotage, rejoint le projet de loi 37, d'une aussi triste
mémoire, sur la fusion de Hauterive et de Baie-Comeau. Tous les deux
sont issus du même ministre des Affaires municipales. Rarement aura-t-on
vu deux projets de loi, - je les mets dans le même sac - aussi
contestés, aussi décriés, aussi même conspués
par des villes, des organismes et des citoyens. Rarement aura-ton vu deux
projets de loi violer et mépriser le droit sacré de la
démocratie et magnifier, d'un autre côté, le pouvoir
discrétionnaire. Rarement aura-t-on vu deux lois issues du même
ministre être autant porteuses de trouble, de dissension, de
révolte et de répulsion. Je continue. Rarement aura-t-on vu un
ministre aussi entêté lutter seul, comme un héros
étriqué, contre les muncipalités
déchaînées par son attitude de mépris, d'arrogance
et de suffisance.
Une voix: C'est vrai.
M. Hains: L'autre héros, celui de la loi 37, le ministre
Lessard, a dû démissionner et la population a balayé le PQ
en élisant mon collègue, M. Ghislain Maltais, comme
député libéral au Saguenay...
Une voix: Bravo! (0 h 30)
M. Hains: ...le 20 juin dernier. Le ministre des Affaires
municipales, M. Léonard, connaîtra bientôt, s'il continue,
le même sort que M. Lessard. Comme je le disais autrefois: Alea jacta
est, "Lessard" en est jeté, peut-être que bientôt on dira:
Alea jacta est, Léonard a sauté. Bref, ces deux projets de loi
issus du même ministre seront parmi les moins populaires et les plus
coercitifs que la Législature aura connus.
Ce projet de loi 38 rejoint en petite dimension la loi 111 basée
sur la punition, la menace et les poursuites. En plus du caractère
punitif, il y a le jeu dangereux du pouvoir discrétionnaire et le non
moins odieux jeu de la rétroactivité, car il sera en vigueur
depuis la date de son dépôt, le 20 juin dernier. Savez-vous, M. le
Président, que ces deux projets de loi 37 et 38 ont été,
tous deux, victimes du bâillon, de la guillotine, avec le même
maître des hautes oeuvres, le leader actuel, qui nous impose ce soir une
motion de clôture?
Le ministre des Affaires municipales ne semble pas aimer le Père
Noël fédéral qui venait porter des millions dans nos
municipalités. Il voit rouge quand il voit le Père Noël et,
au lieu d'amener ce partenaire à discuter et de profiter de ses
largesses, il aime mieux lui botter le derrière comme la botte de
l'Italie qui vient de botter le postérieur de notre premier ministre,
dans la caricature de l'Argus de ce matin. Il ne faut point se leurrer. Ce
n'est pas une guerre juridique ou constitutionnelle; c'est une guérilla
contre les tuniques rouges à feuille d'érable. Cela fait
longtemps, et tout le monde le sait, c'est depuis 1974, qu'existe la
juridiction exclusive du Québec sur les droits municipaux. Donc,
là n'est pas le problème, car c'est écrit noir sur blanc
dans la constitution canadienne.
Les menaces peuvent être logiques pour les municipalités
qui enfreindraient la loi. Des sanctions peuvent être logiques contre les
municipalités coupables, mais que ces sanctions soient laissées
à la discrétion du ministre ou d'un fonctionnaire, là on
tombe inévitablement dans l'arbitraire, dans le chantage, les abus de
pouvoir. Cela devient odieux dans une démocratie. C'est un droit
réservé aux pays totalitaires, qui répugne à toutes
nos municipalités qui protestent, d'ailleurs, de toutes leurs forces
contre cette directive. Contre les subventions arbitraires d'Ottawa, on veut
répondre par un pouvoir discrétionnaire à base de
sanctions et de menaces. Alors, comme le disait Jean-Guy Dubuc dans la Presse
ce matin, c'est une fourberie que des villes lucides ne sauraient accepter. Et
il titrait son éditorial: L'imposture du projet de loi 38.
M. le Président, on veut poser un sabot de Denver à toutes
les villes qui iraient à Ottawa. Celles qui y sont allées ou qui
ont déjà reçu des subventions seront passibles de se faire
cogner sur les doigts par le magister, Me Léonard. De plus, la loi sera
rétroactive depuis la date de son dépôt en juin dernier.
Alors, voyez les problèmes à régler à la
discrétion du ministre. Les clubs de l'âge d'or ou les
églises, les goupes de scouts ou de guides, les colonies de vacances,
les clubs sociaux et les clubs intermédiaires verront-ils les villes
pénalisées parce qu'ils auront accepté des subventions?
Comme le juge Salomon, le ministre coupera-t-il en deux les tuniques ou les
bonbons ou les bébés aussi? Quel dilemme, quel charabia s'impose
ce ministre!
Tout cela pourquoi? Parce qu'on ne veut pas s'entendre de part et
d'autre. Une entente est possible, proclame l'Union des municipalités du
Québec. On n'a pas besoin d'une nouvelle loi; elle existe depuis 1974.
Ce dont on a besoin, c'est de la concertation, de la discussion et d'un
consensus entre les belligérants. Cette lutte menace notre province. Ce
refus intransigeant nous prive de millions de dollars, fruit de nos taxes, et
prive ainsi nos chômeurs et nos jeunes de la création
d'emplois.
M. le ministre Lessard a bouffé deux villes: Hauterive et
Baie-Comeau. Il en a crevé. M. le ministre, vous vous apprêtez a
bouffer 1200 villes qui regroupent 80% de la population. J'ai peur que vous
n'en fassiez une congestion mortelle. Alors, à table, s'il vous
plaît, M. le ministre, avec votre partenaire canadien! Choisissez donc,
pour une fois, un menu fait de bonne entente et de réciprocité.
Votre santé et votre carrière s'en porteront beaucoup mieux.
Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Berthier.
M. Albert Houde
M. Houde: Merci, M. le Président. Nous voilà ce
soir, c'est-à-dire ce matin plutôt, parce qu'il est minuit et
demi, à étudier un projet de loi, Loi sur la participation
gouvernementale au financement des municipalités. Voyez, en partant,
tout de suite, comme c'est hypocrite, de la façon dont c'est
libellé. Ce projet de loi en est un à caractère punitif,
pas autre chose, pour nos municipalités du Québec, surtout les
municipalités de mon comté. C'est un projet de loi à
caractère politique. C'est le ministre qui nous le disait, d'abord, en
commission parlementaire.
Cette motion de censure est un aveu complet du gouvernement que nous
avons devant nous. Après, je dirais, même pas trois heures pour
étudier la loi article par article, le gouvernement, son leader en
tête, décidait de mettre un bâillon. Imaginez! On dit qu'on
est dans un pays libre! On est dans une dictature avec le gouvernement
péquiste, comme le dirait le député de Rousseau!
Une voix: C'est vrai! C'est vrai! Bravo! M. Houde:
Franchement! Une voix:C'est vrai, Albert!
M. Houde: C'est tout simplement parce qu'on ne porte pas le nom
qu'il y a dans d'autres pays, parce qu'ils nous diraient qu'on est comme eux.
Je ne nommerai aucun pays de crainte de faire de la propagande et pour ne pas
faire comme notre premier ministre fait actuellement, parce que c'est
gênant d'être québécois avec le premier ministre qui
s'appelle René Lévesque.
Des voix: C'est vrai! Ti-Poil la gaffe!
M. Houde: On ne devrait jamais en parler. Ti-Poil la gaffe, oui!
Parce que, lorsqu'on se promène un peu et qu'on parle du
gouvernement...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Berthier, il y a deux choses qui ont été faites.
Premièrement, je pense qu'on doit nommer quelque député
que ce soit par son titre, selon le règlement. Deuxièmement, de
la même façon que le président a fait une demande d'ordre
ce matin, je vous demanderais la même gentillesse, s'il vous plaît!
M. le député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. D'abord, le premier
ministre, à ce que je sache - je ne pense pas enfreindre le
règlement - s'appelle René Lévesque. J'ai le
droit de dire cela? Une voix: Non.
M. Houde: Je n'ai pas le droit de le dire?
Une voix: Non.
M. Houde: Excusez, d'abord. Le premier ministre du Québec,
le gaffeur professionnel aussi, lorsqu'on le voit circuler et qu'on a la chance
d'entendre des commentaires sur les visites qu'il fait un peu partout, c'est
quasiment gênant, parce que ceux qui nous en parlent nous disent: Vous en
avez tout un, premier ministre! On espère qu'il ne durera pas longtemps
parce qu'il fait plutôt déshonneur à la province qu'il nous
fait honneur!
Une voix: II nous fait honte!
Une voix: Motion! (0 h 40)
M. Houde: Oui, motion! M. le Président, les
municipalités du Québec voulaient se faire entendre avant la
deuxième lecture. Le gouvernement et son ministre des Affaires
municipales n'ont jamais voulu accepter cette demande. Où est la
transparence de ce gouvernement? Il était peut-être transparent au
commencement, en 1976 et 1977, nous disait-il, mais je pense qu'on s'est
posé la question immédiatement après le 15 novembre et, le
17 novembre, la transparence, il l'avait perdue.
M. le Président, le projet de loi 38, combien de groupes de
personnes ont demandé de le retirer? D'abord, l'Union des
municipalités régionales de comté, dont le
président est M. André Asselin, quelqu'un de mon comté,
candidat libéral défait dans Joliette en 1981, si vous voulez le
savoir, M. le député de Rousseau. C'est vrai et je n'ai pas honte
de le dire. Cela n'empêche pas que c'est quand même un bon gars. Un
gars peut faire un bon travail même s'il est député
libéral, n'oubliez pas cela. Je pense qu'il va continuer à
être encore libéral. Il n'est pas péquiste.
Une voix: C'est certain.
M. Houde: Deuxièmement, l'Union des municipalités
du Québec. Il s'agit de quelqu'un qui devrait être, selon vos
dires, lorsque je suis allé dans Jonquière, péquiste. On
l'a vu circuler avec la candidate péquiste dans Jonquière. Ce
n'était pas un méchant gars, mais il n'était pas avec
nous. Cela en est un autre qui s'est opposé et qui a voulu faire retirer
le projet de loi 38. Vous devez le savoir. Le Conseil du patronat, qu'est-ce
qu'il a dit? Retirons le projet de loi 38. Les deux chambres de commerce du
Québec, celle de Montréal et celle de Québec, ont elles
aussi demandé de retirer le projet de loi 38. L'Opposition
libérale vous a dit quoi? Retirez le projet de loi 38. Plusieurs
éditoriaux, dont vous avez pris connaissance tantôt, vous ont dit
- pas il y a six ou sept mois, parce qu'il n'était pas
déposé - il y a quelques jours et même quelques heures:
Cela n'a pas de bon sens, ce projet de loi 38. Tous sont en désaccord
avec le mode, d'abord. En plus de vous demander de le retirer... D'abord, le
ministre n'a pas voulu le retirer, le gouvernement non plus. Si, au moins, on
avait essayé d'apporter des modifications. Non. Les modifications qu'on
a pu voir jusqu'à présent sont minimes. Nous avons posé
plusieurs questions au ministre en commission parlementaire, à
l'étude article par article. Il y a eu beaucoup de réponses
imprécises et même, dans quelques cas, pas de réponse du
tout.
Avec les pouvoirs qu'ont le ministre et le gouvernement, que va-t-il
arriver du projet de loi 38? Je peux vous lire un article qui porte le
numéro 2 dans le projet de loi qui a été
déposé le 17 juin 1983: "Une municipalité qui, au jugement
du gouvernement, a bénéficié autrement que selon l'article
1 d'une participation du gouvernement du Canada ou de l'un de ses ministres ou
organismes, directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit,
perd ainsi, conformément à l'article 4, le droit d'exiger du
gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministres ou organismes..." Je
vous assure que cela va loin. On l'a dit au ministre hier: Losqu'on parlera
d'un comté, d'une municipalité qui n'est pas de la couleur du
gouvernement, qu'est-ce qui pourra arriver? La réponse, il peut
peut-être me la donner.
Après un mois de vacances, au mois de novembre, où
était ce gouvernement pendant les quatre semaines qu'il n'a pas
travaillé? On ne l'a pas vu.
Une voix: Il faisait de la chaloupe.
M. Houde: Probablement qu'il faisait de la chaloupe, oui. Il
aurait pu convoquer la Chambre, laisser la Chambre ouverte pour qu'on puisse
discuter. Il ne me reste pas deux minutes, M. le Président? Cela ne se
peut pas. Qu'est-ce qu'il a fait? Il aurait pu convoquer la Chambre pour
pouvoir l'étudier en profondeur et, en même temps, faire
venir les personnes devant nous pour leur faire dire ce qu'elles voulaient
dire. Non, ce n'était pas nécessaire, il n'y avait rien
là.
Je dirais que le gouvernement du Parti québécois
fonctionne à l'envers. On nous fait voter en première,
deuxième et troisième lecture après quoi on impose le
baîllon et ensuite on convoquera une commission parlementaire pour que
les parties puissent se faire entendre. Je ne sais pas quelle sorte de
gouvernement on a, mais je vous dis que cela ne vaut pas cher.
Une voix: Ils mettent la charrue avant les boeufs.
M. Houde: Ils mettent la charrue avant les boeufs. Tout à
l'heure, le député de Joliette a parlé de mon
comté, a parlé des présidents de MRC, a parlé des
maires, des conseillers. Je peux vous dire que les maires et les conseillers de
mon comté ne sont pas tous des libéraux, mais la majorité
sont libéraux. Il y en a peut-être quelques-uns qui ont dit: Non,
on ne veut rien faire, mais la majorité m'ont dit: Albert, fais tout ce
que tu pourras pour bloquer le projet de loi. Bloque-le, cela n'a pas de bon
sens.
Je veux vous dire avant de terminer, M. le Président, que ce
projet de loi a fait perdre plusieurs centaines de milliers de dollars à
mes municipalités et, si le gouvernement ne change rien, il leur fera
perdre plusieurs millions. On votera contre ce projet de loi 38 avec toute
l'énergie possible.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, lorsque nous sommes aux prises
dans cette Chambre avec une motion de clôture, nous ne pouvons
qu'éprouver un sentiment de tristesse et de frustration. Il est de
l'essence même de l'institution parlementaire de se reposer sur la
liberté des débats, sur la plus grande libéralité
possible dans l'octroi du temps accordé aux parlementaires pour faire
valoir leur point de vue. Je reconnais qu'en principe le recours à une
mesure extrême comme celle-ci doit figurer quelque part dans nos statuts
parce qu'un Parlement, en plus d'être démocratique, doit pouvoir
en arriver à des décisions. Un Parlement est élu, non
seulement pour délibérer, mais pour arrêter des
décisions. Chaque fois qu'on recourt à cet instrument
extrême qu'est la clôture, c'est le signe d'un échec
déplorable de l'institution parlementaire elle-même, sur lequel
tous doivent s'interroger.
Dans ce cas-ci, nous étions d'accord sur un principe fondamental,
la compétence exclusive des municipalités dans leur domaine, la
compétence exclusive du Québec dans le champ des affaires
municipales. On aura beau dire ce qu'on voudra du côté
gouvernemental, je pense que c'est une conviction qui a été
affirmée à maintes reprises par les députés de ce
côté-ci de la Chambre. Je ne peux pas comprendre, encore moins
accepter, qu'un député comme le ministre du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche vienne accabler de reproches et d'hypocrisie ceux qui ne
partagent pas son opinion lorsqu'on arrive au chapitre des moyens.
Par conséquent, sur le plan des principes, il y avait un accord
très large dans cette Chambre. Il y a également un accord
très large, peut-être pas unanime mais très large, sur les
dangers que présentent, pour la compétence du Québec dans
le champ municipal, certaines politiques actuelles du gouvernement
fédéral. La situation n'est peut-être pas aussi nette que
certains députés l'affirment au point de vue juridique, mais, de
manière générale, je conviens, sans aucune espèce
d'hésitation, que, si le gouvernement fédéral devait
continuellement s'ingérer dans la conduite des affaires municipales, ce
serait le signe d'un désordre inacceptable dans le fonctionnement de
notre système fédéral. Il y a accord sur ce
point-là également. (0 h 50)
Nous n'étions pas d'accord sur les moyens proposés par le
gouvernement dans le projet de loi 38 pour faire face aux problèmes que
présente la dispensation de subventions fédérales
qu'Ottawa veut verser directement aux municipalités. Nous
n'étions pas d'accord, pour des raisons qui ont été
exposées à maintes reprises au cours du débat.
D'abord, nous ne pouvons pas accepter le caractère punitif de
cette loi. Nous ne pouvons pas comprendre qu'un gouvernement qui
considère des municipalités comme des partenaires et des
associés, qui l'a dit à maintes reprises à l'occasion
d'interventions publiques des porte-parole gouvernementaux, en vienne à
considérer, dans ce cas, que les municipalités doivent être
l'objet de sanctions aussi lourdes, aussi difficiles à accepter à
l'endroit d'un partenaire que celles qui sont contenues dans le projet de
loi.
Nous en avions également contre le caractère
discrétionnaire des pouvoirs conférés au ministre par le
projet de loi 38. Nous trouvions également - c'est le troisième
reproche que nous avons adressé au projet de loi - que le gouvernement
n'avait pas suffisamment exploré les ouvertures qui avaient
été faites dans la lettre que M. John Roberts adressait au
ministre des Affaires municipales le 30 novembre dernier. Dans sa lettre, il
proposait notamment que le gouvernement du Québec soit informé de
toute demande de subvention fédérale en provenance d'une
municipalité, en même temps que le gouvernement
fédéral, avant qu'une décision soit prise
là-dessus. Il proposait, deuxièmement, que le gouvernement du
Québec ait un droit de veto sur toute demande en provenance d'une
municipalité. Il proposait également, je pense, que la
responsabilité de procéder à la vérification des
comptes soit assumée par le gouvernement du Québec, en fin de
compte.
Je l'ai dit en deuxième lecture, ces trois conditions ne sont pas
satisfaisantes pour moi. Je considère qu'elles constituaient un
départ qui vaut beaucoup mieux que l'espèce d'impasse dans
laquelle nous risquons tous de nous trouver plongés si le projet de loi
devait aller jusqu'à son aboutissement ultime, c'est-à-dire
jusqu'à l'adoption et la sanction finale.
Un maire à qui je parlais cet après-midi me signalait un
point qui n'a peut-être pas été l'objet d'attention
suffisante de la part du ministre et de ses collègues du
côté gouvernemental. Il est arrivé bien souvent, au cours
des 25 dernières années, que le gouvernement
fédéral ait versé des subventions à des
municipalités. Cela est arrivé très souvent; les
modalités ont varié d'un régime à l'autre, d'une
période à l'autre; il y a eu des flottements que nous avons
souvent déplorés et il y en aura probablement encore. Mais, ce
maire me disait: Le danger n'est pas toujours aussi étendu que le
signale le gouvernement parce qu'il y a une chose qu'on doit reconnaître,
c'est qu'une fois que la subvention est versée, les tentatives d'exercer
un contrôle sur la manière dont elle a été
utilisée et dépensée ont été réduites
au strict minimum. Ce maire me disait - et lui-même a eu à
administrer des sommes de cette nature -que les contrôles exercés
par Québec en pareille situation sont beaucoup plus lourds, beaucoup
plus directs, beaucoup plus pesants que ceux qui ont pu être subis en
provenance d'Ottawa.
Je ne tire pas argument de ceci pour dire qu'on devrait verser
tête baissée dans l'acceptation des subventions
fédérales; pas du tout. Mais, je dis au ministre qu'étant
donné ce contexte historique réel, il y aurait lieu de faire
preuve de plus de souplesse que n'en manifeste son projet de loi. J'ai pris
connaissance - un peu à la hâte, malheureusement, parce que
j'arrive d'une autre commission - des amendements que le ministre a
déposés à la commission des affaires municipales plus
tôt ce soir.
Je trouvais que le ministre faisait certains pas, mais les objections
fondamentales que nous avons exprimées tout au long du débat de
deuxième lecture demeurent. Les punitions seront administrées
d'une manière un peu plus circonscrite, un peu mieux
contrôlée par des règlements et par des dispositions
d'appel qui prévoient une certaine possibilité de corriger des
décisions arbitraires, voire dans certains cas, de les empêcher.
Je pense que le caractère punitif de la loi demeure au coeur du projet
de loi, même dans la version amendée qu'en propose le
ministre.
Je pense qu'aussi longtemps que le gouvernement conservera cette
philosophie, il est bien difficile de lui faciliter les choses au chapitre de
la démarche législative.
Une chose qui a été très blessante pour tout le
monde dans ce débat fut le refus du ministre d'entendre les porte-parole
officiels des associations regroupant les municipalités ainsi que les
municipalités régionales de comté, avant le débat
de deuxième lecture. Je pense que c'aurait été
éclairant pour tout le monde. Ces porte-parole avaient des points de
vue; ils les avaient soumis en privé au ministre. Ils lui avaient
communiqué certaines opinions, en public, d'une manière
générale, mais les deux grandes associations avaient
exprimé le désir d'être entendues par la commission
parlementaire permanente des affaires municipales.
Le ministre a refusé. Il voulait d'abord poser un geste de force
à l'Assemblée nationale. Je ne sais pas s'il voulait embarrasser
l'Opposition en particulier mais, dans ce débat, le ministre doit
constater - je pense que c'est dans le Soleil de ce matin qu'on pouvait lire un
article là-dessus - qu'il est passablement seul, avec ses quelques
collègues de l'Opposition qui osent continuer de veiller avec lui,
à cette heure tardive.
Le ministre devrait se rendre compte que, quand le directeur du Devoir -
je m'excuse d'invoquer ce journal; vous comprendrez la prédilection
spéciale que je lui porte toujours - écrit successivement deux
articles très intéressants, un pour dénoncer le projet de
loi 38 et l'autre pour dénoncer le comportement du gouvernement dans le
domaine des micro-ordinateurs scolaires, je ne puis qu'être d'accord avec
lui, parce que je pense qu'il défend les mêmes valeurs, les
mêmes positions de fond que nous avons essayé de défendre
dans cette Chambre et que, moi-même, j'ai exposées à
d'autres stades du débat. Je pense que le gouvernement devrait y penser
deux fois.
Vous savez, l'existence d'un certain consensus entre nous, pour la
défense des grands intérêts du Québec, est une
valeur plus importante que le succès que le ministre remportera
peut-être avec sa motion, grâce à l'appui aveugle de la
majorité gouvernementale. Or, un consensus, cela se gère, cela se
protège, cela se cultive et cela se traite avec respect, prudence et
circonspection. Je pense qu'en l'occurrence, une fois de plus, dans une
question de cette nature, le gouvernement choisit une voie raccourcie qui
détruit le consensus, qui l'affaiblit, à tout le moins, et qui,
en même temps, par voie de répercussion, risque d'affaiblir
l'action du Québec. À ce genre de démarche, il m'est
impossible de souscrire.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Affaires municipales.
M. Jacques Léonard M. Léonard: M. le
Président, les gens
d'en face se plaignent de ne pas avoir eu assez de temps, en commission
parlementaire, pour étudier ce projet de loi. Je voudrais simplement
rappeler qu'il y a bientôt dix ans qu'ils sont au dossier
eux-mêmes, au moins dix ans. C'est en 1974 qu'ils ont adopté la
loi des Affaires intergouvernementales, donc on y vient, cela fait dix ans
maintenant. Après des mois et des mois d'étude, je le pense bien
puisqu'ils l'ont sûrement fait très sérieusement, le Parti
libéral qui était alors au pouvoir, à l'instigation, nous
a-t-on dit, du député de Jean-Talon, d'ailleurs, celui qui est
actuellement député de Jean-Talon, qui était alors
attaché au cabinet du premier ministre de l'époque, adoptait la
loi 59 et son fameux article 20 pour, je le pense bien, stopper Ottawa. On nous
a dit que l'article 1 du projet de loi 38 que nous étudions explicitait,
leur propre article, mais eux-mêmes, à l'article 20, explicitaient
l'article 92.8 de la constitution. Alors, pourquoi l'ont-ils adoptée?
Justement parce qu'il se passait des choses inacceptables.
Donc, ils ont adopté une loi. Dix ans après, nous
explicitons encore. Nous allons un peu plus loin, parce qu'il faut aller un peu
plus loin. Notre action, à mon sens, en est une de dignité
profonde par rapport au statut du Québec, par rapport au statut des
différents niveaux institutionnels politiques au Canada à l'heure
actuelle. Je pense que, si cela témoigne une absence de volonté
d'action à l'heure actuelle, cela témoignerait aussi de peu de
fierté, finalement. (1 heure)
II faudrait admettre qu'on n'accepterait pas de voir bafouer et la
constitution et votre loi. Et vous aussi. C'est ce que vous seriez
obligés d'accepter. Quand je le dis, M. le Président, c'est une
évidence, parce que cela se passe encore tous les jours, des
interventions du gouvernement fédéral, même au moment
où nous discutons ce projet de loi, où les élus municipaux
en général dans le Québec sont maintenant très au
fait de ce qui se passe et très au fait que c'est pratiquement dans
l'illégalité. Je vais simplement montrer le Nouvelliste du 15
décembre, d'aujourd'hui: "Aréna dans Champlain" où un
député fédéral, le député de
Champlain, M. Veillette, a révélé, hier, qu'il avait
recommandé le versement d'une subvention de 1 700 000 $ provenant du
fonds de La Prade pour la construction d'une aréna intermunicipale dans
le comté de Champlain.
Une voix: Incroyable!
M. Léonard: Cela se passe encore maintenant. Je pense
qu'on peut être d'accord sur le plan des principes. Tout le monde a dit
qu'on était d'accord sur le plan des principes. On est d'accord aussi
sur le fait qu'il y a des dangers dans les interven- tions
fédérales par rapport à l'administration municipale parce
que au fond, si l'article a été mis dans la constitution, c'est
pour des raisons de bonne administration publique. Ce n'est pas pour rien que
cela a été mis là. Mais cela se passe quand même.
Que faisons-nous? Est-ce qu'on laisse faire? Nous avons posé la question
aux députés de l'Opposition en commission parlementaire, mais je
n'ai pas eu beaucoup de suggestions. Au fond, on peut discuter beaucoup
à partir de la constitution, à partir du pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral, à partir aussi
des articles qui nous donnent...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Léonard: ...des responsabilités, mais les choses
continuent de tourner comme elles tournaient il y a dix ans, lorsque vous avez
adopté la Loi sur les Affaires intergouvernementales. C'est exactement
la même chose. Cela veut dire, à un moment donné, qu'il
faut aller un peu plus loin. Donc, il y a une loi qui existait, avec les
articles que vous connaissez. Je dirai là-dessus, sans aller plus loin
sur le fond, qu'il y a une urgence de procéder parce qu'on ne peut
laisser l'incertitude actuelle continuer de planer alors qu'il y a des gens qui
disent: Le gouvernement n'adoptera pas la loi. Il faut que les gens sachent que
le gouvernement a l'intention d'adopter la loi. Au moment où on se
parle, ils sont à préparer les budgets municipaux. Il y a en a
qui pourraient ne pas en tenir compte; d'autres qui pourraient en tenir compte.
Je pense que cela doit être clair à ce moment-ci: on ne peut pas
retarder l'adoption de la loi au mois de juin ou plus tard, parce qu'il faut
clarifier cette situation, au moins sur le plan de l'adoption de la loi. Il
faut mettre de l'ordre dans le paysage. On l'a dit...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député.
M. Léonard: ...de toutes les façons au cours du
débat de deuxième lecture. Mais il faut, à ce
moment-là, que la loi existe pour qu'on donne suite à une
volonté qui a été unanime de la part de tous les
intervenants, libéraux provinciaux y compris, pour qu'on respecte la
constitution, pour que l'intervention directe et indirecte
fédérale en milieu municipal cesse, M. le Président.
Il y a une urgence aussi à étudier ce projet de loi,
à l'adopter, parce que nous avons déposé des amendements
ce soir et il me semble que ce que nous avons déposé doit
être adopté pour qu'on puisse procéder, lors de cette
commission parlementaire que j'ai annoncée pour l'hiver, à la
confection de cette liste des actes ou des séries d'actes, ou des
catégories d'actes qui seront touchées
et pour que les élus municipaux viennent nous dire, par rapport
à des choses très précises, ce qu'ils en pensent, ce qu'on
doit toucher, ce qu'on doit ne pas toucher. Ils pourront s'exprimer en
commission parlementaire.
On a vu que, lorsque l'Union des municipalités régionales
de comté est venue en commission parlementaire mardi, elle a
été entendue. Elle a eu pratiquement tout ce qu'elle nous
demandait. Lorsqu'on examine ses demandes par rapport aux amendements que nous
avons apportés au projet de loi, elle a eu satisfaction. D'ailleurs,
elle l'a dit. Je pense qu'on a l'occasion, à partir de janvier ou
février, de baliser ce projet de loi par les règlements qu'on va
adopter, qu'on va étudier et adopter par la suite. Je pense que c'est
cela, la façon de procéder avec le monde municipal, et je
souhaite que l'Union des municipalités du Québec se
présente et participe à nos travaux sur cette question.
Il y a de plus une urgence de négocier. Il faut que le
gouvernement fédéral sache que nous voulons négocier, que
les fonds qu'il nous destine viennent au Québec, mais transitent par le
biais d'ententes.
Je voudrais qu'on n'oublie pas toutes les démarches que nous
avons faites depuis 1980, mais surtout depuis l'automne 1982. Nous en avons
fait, j'en ai une liste. Je l'ai signalé à plusieurs reprises.
Rappelons simplement que, le 4 octobre, je rencontrais M. John Roberts, que je
lui ai écrit de nouveau le 28 octobre, que nos fonctionnaires, au niveau
des sous-ministres, se sont rencontrés à cinq reprises depuis ce
temps et qu'aujourd'hui je lui ai demandé de le recontrer le 22
décembre. Il y a des ouvertures de notre part sur toute une série
de volets. Nous sommes ouverts aussi à ajouter des volets, nous sommes
ouverts à discuter et à négocier et on ne peut pas dire
que nous ne voulons pas négocier. C'est absolument faux.
M. Rocheleau: Vous le faites exprès!
Mme Juneau: Ils ne veulent pas en entendre parler.
M. Léonard: M. le Président, j'entends des gens
d'en face qui disent que nous ne voulons pas négocier. Oui, nous voulons
négocier.
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît;
M. le ministre.
À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de
Charlesbourg. S'il vous plaît, M. le député de Gatineau. M.
le ministre des Affaires municipales.
M. Léonard: M. le Président, ce que nous souhaitons
c'est que l'article 1 de la loi s'applique pleinement de sorte qu'on n'ait pas
à appliquer le reste de la loi parce que c'est l'exception. En
réalité, à l'heure actuelle, c'est l'exception que les
maires prennent des fonds du fédéral. Il y en a quelques-uns ici
et là qui en prennent, mais c'est l'exception. La loi ou les sanctions
ne visent pas toutes les municipalités, elles visent seulement les
récalcitrantes. Ce n'est pas un caractère punitif, c'est un
caractère préventif que ces sanctions ont.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laprairie, à l'ordre!
M. Léonard: M. le Président, encore une fois, je
crois qu'il y a eu des balises d'apportées par les amendements que nous
avons apportés ce soir. Nous allons continuer les débats sur
cette question, mais il faut adopter ce projet de loi le plus vite possible. Il
ne faut pas qu'on ne se serve des municipalités; dans toute cette
affaire, il faut, au contraire, s'aider à servir les
municipalités.
En terminant, j'invite nos amis d'en face à dire à leurs
amis d'Ottawa de négocier avec nous et de signer des ententes. Cela est
un geste très positif. Il faut aussi voter cette loi avec nous pour la
rendre plus explicite, plus opérante et faire en sorte que même la
loi de M. Bourassa, la loi de 1974, soit respectée elle aussi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, j'ai écouté
avec beaucoup d'attention le ministre des Affaires municipales. Je me suis dit
que, lui qui se propose comme défenseur des droits du Québec et
qui ne peut même pas obtenir l'appui du député d'Argenteuil
qui, lui, dans le passé, a défendu les droits du Québec
avec beaucoup d'autorité et beaucoup de conviction, même si
certains du caucus n'étaient pas d'accord, je me dis ceci: Si le
ministre des Affaires municipales ne croit pas pouvoir obtenir l'appui du
député d'Argenteuil dans un débat aussi important qu'il le
dit, je me poserais beaucoup de questions. S'il y en a un qui a toujours
défendu les droits du Québec avec toute la
véhémence et la conviction qui s'imposent, c'est bien le
député d'Argenteuil. Ce n'est pas le ministre des Affaires
municipales qui peut nous faire la leçon et qui peut faire la
leçon au député d'Argenteuil, sûrement pas. (1 h
10)
Le ministre se réfère à la loi de 1974, pour
suggérer que nous l'appuyions dans ce débat. C'est vrai que nous
avons été les auteurs de cette loi qui demandait aux
municipalités de ne pas faire d'entente avec
le gouvernement fédéral tant et aussi longtemps que
l'autorité provinciale n'avait pas négocié avec celle du
fédéral.
Il est également vrai, M. le Président, que nous n'avons
jamais eu besoin d'adopter une loi punitive pour faire en sorte que ce principe
soit respecté. Bien plus, notre gouvernement, le gouvernement
libéral du temps, a été amené par une
collaboration, par des négociations, par des ententes
fédérales-provinciales à faire en sorte que nous puissions
aller chercher au fédéral l'argent qui nous revenait, en faisant
respecter le principe que nous voulions jalousement faire respecter.
C'est cela la différence entre le Parti libéral et le
Parti québécois. Nous sommes pour ce principe de la
défense des droits du Québec, mais nous ne sommes pas pour des
lois punitives qui vont tenter d'aller chercher dans les poches des
municipalités certaines sommes qui auraient même pu être
acceptées par des associations qui n'ont aucun lien direct avec ces
mêmes municipalités.
Le ministre dit à peu près n'importe quoi. Il vient de
dire que, dans les amendements qu'il a déposés, il a
déposé un amendement qui promettait une commission parlementaire.
Vous le savez, M. le ministre, c'est complètement faux. Vous dites
n'importe quoi, vous n'avez plus de crédibilité. J'ai ici
l'amendement devant moi. Il n'y a absolument rien ici qui dit dans le texte de
loi qu'il y aura une commission parlementaire l'année prochaine.
Arrêtez donc de dire n'importe quoi et tenez-vous-en au texte de loi qui
est déposé et aux amendements! Vous avez improvisé ces
amendements à la dernière minute et vous ne savez même pas
vous-même ce qu'ils contiennent. Le ministre nous dit également
qu'il veut négocier. Il n'y a plus personne qui vous croit, vous n'avez
plus de crédibilité. Le ministre n'a plus de
crédibilité et le gouvernement, non plus. Il faudrait
peut-être utiliser d'autres arguments.
Cette motion de clôture, que nous discutons présentement
c'est le bâillon de l'Assemblée nationale, le bâillon des
députés. Le leader devrait se souvenir qu'en bâillonnant
l'Assemblée nationale, c'est le bâillon de toute la population du
Québec. Nous sommes les représentants du Québec; les
parlementaires de cette Chambre sont les représentants de la population
du Québec. En imposant le bâillon à l'Assemblée
nationale, il l'impose à la population. Pourtant, la population a
beaucoup à dire. D'ailleurs, chaque fois qu'elle peut vous le dire -
elle vient tout juste de vous le dire aux dernières élections -
c'est un rejet complet de vos politiques. Elle ne veut pas accepter le
bâillon et elle n'acceptera pas plus ce bâillon que vous voulez
nous imposer ce soir.
D'ailleurs, deux députés de plus viendront dans cette
Chambre demain qui témoigneront, plus que tous les discours, du rejet de
ce gouvernement, du rejet de vos politiques autoritaires.
Des voix: Bravo!
M. Fortier: Ce qui est d'autant plus répugnant dans ce
bâillon, M. le Président, comme le leader le fait valoir, c'est
que vous avez fermé l'Assemblée nationale pendant quatre ou cinq
semaines, alors que nous aurions pu discuter de ce projet de loi. Tenter de
nous faire croire que maintenant nous sommes à court de temps pour faire
adopter ces projets de loi avant Noël, c'est de tenter de nous faire
croire au Père Noël, c'est tenter de faire croire à la
population que nous sommes si pressés par les travaux parlementaires
depuis des mois et des mois que nous n'avons pas pu discuter de ce projet de
loi en toute lucidité, en prenant tout le temps qui était requis
pour ce faire.
Ce n'est pas le seul projet de loi que ce gouvernement veut nous imposer
malgré la défaveur du public, malgré le rejet par presque
tous les éditorialistes, malgré toute l'opposition des
commentateurs et des observateurs. En fait, il y a également le projet
de loi 43. Comme tous les gens que nous rencontrons dans la rue, comme les
chauffeurs de taxi, on peut se demander: Mais qu'a donc le gouvernement
à toujours vouloir régler tous les problèmes
d'autorité? Lui qui parle si souvent de consensus, comment se fait-il
qu'il veuille absolument imposer le bâillon, imposer sa
vérité, imposer ses solutions sans écouter la population
qui lui dit d'adopter d'autres façons de faire et d'autres façons
de penser?
Pourquoi le gouvernement s'entête-t-il à croire qu'il est
le seul à avoir raison? Quand on est le seul à avoir raison dans
une démocratie, je crois qu'à cette minute le gouvernement doit
commencer à se demander ce qui ne va pas. Nous ne sommes pas en
régime totalitaire. Même si le gouvernement pensait avoir raison,
il doit prendre en considération le point de vue de ses
administrés. C'est la raison pour laquelle mon collègue
réclamait justement, au nom de tous ces gens qui demandaient la
commission parlementaire, que ceux qui étaient le plus touchés
par ce projet de loi puissent se faire entendre avant l'adoption du projet de
loi.
Mais ce qu'il y a de pire et la raison pour laquelle ce gouvernement est
rejeté, c'est que non seulement il agit avec beaucoup d'autoritarisme et
d'une façon qui est le rejet de toute démocratie, mais c'est
également le fait que ce gouvernement, depuis deux ou trois ans, nous a
appauvris et affaiblis. Il nous a appauvris et affaiblis sur le plan
constitutionnel en nous faisant perdre le droit de veto. Il nous a appauvris et
affaiblis sur le plan économique en nous donnant le taux de
chômage le plus élevé
que nous n'ayons jamais eu avec une difficulté de sortir d'une
crise pire ici qu'à peu près dans toutes les autres provinces,
à l'exception de la Colombie britannique. De ce fait, de nombreux
jeunes, de nombreux chefs de famille et de nombreuses femmes ne peuvent se
trouver d'emploi au moment où ils en cherchent. C'est un gouvernement
qui nous a appauvris sur le plan des relations internationales, comme en fait
foi cette piètre visite du premier ministre de la province de
Québec, qui devait aller en France et en Italie justement pour favoriser
le développement économique.
M. le Président, ce gouvernement est rejeté de la
population et continue à tenter de nous passer sur le corps pour faire
adopter des projets de loi que rejette tout le monde. Je vous le dis: Ce ne
sera pas long, très bientôt, ce gouvernement, on le rejettera
complètement et c'en sera fini de ce gouvernement autoritaire qui
cherche à passer sur le corps de la démocratie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Chapleau.
M. John J. Kehoe
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Il y a une chanson
populaire qui dit: "C'est le mois de Marie, c'est le mois le plus beau". Dans
la chanson des péquistes, on dit: C'est le mois de décembre,
c'est le mois des bâillons. On se souvient très bien que,
l'année passée, à la même époque, au mois de
décembre, le même ministre et le même leader parlementaire
nous ont fait le même geste avec le fameux projet de loi 37. Ce soir,
c'est le projet de loi 38 et, l'année passée, c'était le
projet de loi 37, qui forçait le regroupement de Baie-Comeau et
Hauterive, qui forçait à la fusion, contre leur gré, la
population de ces deux villes. Ces deux villes ont été
consultées et elles ont refusé d'être regroupées. On
se souvient de leurs interventions, on se souvient ici, à
l'Assemblée nationale, qu'il y a eu une protestation. Des gens sont
venus de Baie-Comeau et de Hauterive protester ici à l'Assemblée
nationale. Ils ont "garroché" des feuilles en bas ici dans la salle. Ils
ont tout fait pour empêcher l'annexion de Hauterive et de Baie-Comeau.
Mais, malgré cela, le bulldozer est sorti, le ministre a forcé
l'annexion de ces deux villes. C'est la même chose qui se produit ce
soir.
M. le Président, le bâillon sort de nouveau. La
démocratie municipale, qu'est-ce que cela veut dire pour les ministres
et les députés péquistes? Vous avez tous des
municipalités dans vos comtés. Vous avez des maires et des
conseillers. Vous savez ce qu'est le processus municipal. Depuis le mois de
juin, quand vous avez déposé le projet de loi 38, vous avez
entendu les protestations de toutes les municipalités: les MRC, l'Union
des municipalités du Québec; il y a eu des rencontres et des
assemblées; vous avez eu des télégrammes et des lettres.
Qu'avez-vous fait de cela? (1 h 20)
Au lieu de garder l'Assemblée nationale ouverte à partir
du 18 octobre, qu'avez-vous fait? Un autre mois de vacances, un autre mois pour
discuter et pour penser au comité nationaliste et au comité sur
la relance économique. Entre-temps, qu'est-ce que vous avez fait?
Absolument rien pour relancer l'économie. Les résultats de votre
comité national? On n'a pas eu de rapport et on n'en aura pas avant les
mois de janvier ou février, cherchez quand. Entre-temps, on aurait eu le
temps d'avoir des commissions parlementaires, on aurait eu le temps de discuter
de cette affaire, on aurait eu le temps d'avoir des représentations des
personnes concernées. Mais non, encore une fois, un entêtement du
leader, un entêtement du ministre des Affaires municipales, un
entêtement du gouvernement qui a perdu les pédales.
Le fond de ce conflit, c'est entre le fédéral et le
provincial, mais ce sont les municipalités qui en paient le prix.
Justement, aujourd'hui, M. le Président, nous avons eu une motion
présentée par M. Levesque qui dit: "Que cette Assemblée
blâme sévèrement le gouvernement péquiste qui, en
persistant à promouvoir l'option indépendantiste, témoigne
de son mépris à l'endroit de la volonté de la grande
majorité de la population et nuit à la reprise de
l'économie, ainsi qu'à la création d'emplois permanents."
C'est justement ce qui est le fond de ce débat que nous avons ce
soir.
Est-ce que le gouvernement péquiste est prêt à aller
négocier sérieusement avec Ottawa? C'est là le fond de la
question. M. Gérard D. Levesque, cet après-midi, a prouvé
sans équivoque la mauvaise foi du Parti québécois qui a
une obsession, une option seulement et qui ignore tout le reste. La question de
négocier, de faire une table de concertation avec les intervenants pour
régler des problèmes, cela n'existe pas avec les
péquistes. Ils ont seulement une obsession et, dans ce dossier-ci, c'est
d'empêcher la visibilité du fédéral.
Peut-être que, dans certains cas, le gouvernement
fédéral est allé trop loin. C'est vrai. On l'admet. M.
Ryan l'a dit tantôt et on est d'accord qu'il y a certains principes dans
ce projet de loi qui sont très bons. Par contre, lorsque c'est rendu au
point que vous êtes obligés de punir les municipalités,
d'empêcher des municipalités d'avoir de l'argent... Seulement
à la ville de Gatineau, il y a un montant de 550 000 $ qui a
été offert par le gouvernement fédéral pour qu'elle
fasse certains travaux. Elle ne peut pas le dépenser. Si elle le
dépense, la
pénalité est là. La pénalité est
encore rétroactive. Encore une punition pour la municipalité qui
accepte l'argent.
M. le Président, encore une fois, dans quelques minutes ou dans
quelques heures - il est déjà une heure et demie du matin - dans
une heure, une heure et demie, ils vont sortir la machine à voter, ils
vont aller chercher les députés dans leur chambre d'hôtel,
un peu partout dans la ville de Québec. Ils vont aller les chercher pour
leur dire de venir voter. N'y pensez même pas. Fermez-vous les yeux,
fermez-vous la bouche, fermez-vous les oreilles et votez selon ce que le
ministre des Affaires municipales vous dira de faire.
Pour une fois, pensez donc à la population, pensez donc aux
municipalités, pensez donc au bien-être de la province de
Québec. Oubliez donc pour un moment votre option politique et votez pour
le bien de la province de Québec, MM. les ministres, MM. les
députés.
En terminant, permettez-moi, M. le Président, de lire - je pense
que notre leader parlementaire l'a fait tantôt, mais cela vaut la peine
de le répéter - ce que M. Jean-Louis Roy disait lundi concernant
le projet de loi 38: "Le caractère odieux du projet de loi 38 n'a
échappé ni au parti de l'Opposition, ni aux élus
municipaux. Il est, en effet, intolérable que le pouvoir arbitraire du
ministre, le principe de la rétroactivité et la notion même
de la discrimination soient conjugués dans un texte de loi. Les
élus municipaux avaient absolument raison d'exiger que ce projet de loi
soit étudié en commission parlementaire avant son adoption en
deuxième lecture. Rarement a-t-on vu une législation aussi
contraire aux exigences élémentaires de justice. Rarement a-t-on
vu une législation aussi pesamment punitive à l'endroit des
partenaires majeurs plutôt victimes que coupables." C'est justement cela,
M. le Président: la loi punit des corporations municipales qui sont des
victimes, des victimes innocentes d'une chicane stérile, d'une
confrontation continuelle entre les gouvernements, fédéral et
provincial. Il faut absolument que cela cesse. La seule façon dont cela
peut cesser, c'est de chasser le Parti québécois du pouvoir, ce
que je souhaite de tout mon coeur, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais intervenir
quelques minutes sur la motion qui est devant l'Assemblée nationale pour
essayer de décanter les choses, en quelque sorte, après les
propos, que je qualifierais d'ahurissants, que je viens d'entendre et constater
d'abord une chose, c'est que, des deux côtés de l'Assemblée
nationale, depuis quelques jours que nous discutons le projet de loi 38, il
semble que nous ayons un accord sur le fond. Ce n'est pas un accord qui date de
1983, il remonte à 1974. Il y a une chose sur laquelle nous nous
entendons des deux côtés de l'Assemblée nationale, c'est
que les affaires municipales relèvent de la juridiction exclusive des
provinces. Cela était vrai dans l'ancienne constitution. Cela a
été également reconnu dans le Canada Bill qui tient lieu
de constitution et qu'on n'a pas voulu, ni de ce côté-ci, ni de
l'autre de l'Assemblée nationale, il faut bien s'en souvenir.
J'écoutais tout à l'heure avec beaucoup d'attention le
député d'Argenteuil qui, comme tout le monde le sait, est un
homme de compromis, un homme qui recherche par les voies de consensus. Il me
semblait tout à l'heure l'entendre dire: II faut le cultiver, le
protéger, le conserver. Je pense qu'il a fondamentalement raison.
Justement, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre,
nous sommes prêts à reconnaître cet accord qui existe. De
l'autre côté, une fois qu'on a affirmé que les affaires
municipales relèvent de la juridiction des provinces, donc de
Québec, on refuse de se rendre jusqu'au bout de la logique de
l'argumentation.
À moi aussi, comme à tout le monde, il arrive de lire les
journaux, de lire les éditorialistes. La question que je me pose est
très simple: Qu'est-ce que recherche le projet de loi 38? Qu'est-ce que
le projet de loi 38 veut faire? Essentiellement une seule et unique chose,
empêcher le gouvernement fédéral d'intervenir à
l'encontre de la constitution dans les affaires des municipalités. C'est
un vieux rêve, M. le Président. L'Union des municipalités
du Québec et l'Union des conseils de comté telle qu'elle existait
autrefois se souviennent très bien que le gouvernement
fédéral a déjà mis de l'avant un projet de loi
créant le ministère fédéral des Affaires urbaines.
C'est le vieux rêve. Si nous ne pouvons faire un consensus ici, à
l'Assemblée nationale, sur une question aussi fondamentale que celle de
reconnaître le fait qu'une cité, une ville du Québec, une
corporation municipale de village ou une corporation municipale de paroisse vit
et existe parce qu'elle a un pouvoir délégué de
l'Assemblée nationale, je pense que le désaccord est là au
départ. (1 h 30)
De l'autre côté de l'Assemblée nationale, depuis une
semaine, on entend: On est d'accord là-dessus; on est parfaitement
d'accord pour dire que le gouvernement fédéral n'a rien à
foutre dans les affaires des municipalités. Mais, quand arrive la danse
des millions et quand se pointent à
l'horizon les organisateurs du Parti libéral
fédéral et les organisateurs du Parti libéral du
Québec qui sont conseillers municipaux et qui sont maires, la danse des
millions joue. Le maire du Cap-de la-Madeleine, par exemple, est un
organisateur libéral connu; il est prêt à se vautrer dans
tout ce qu'il y a de millions et de manne au mépris de tout texte
constitutionnel pour une poignée de dollars.
Une voix: Le bon, la brute et le truand.
M. Duhaime: J'ajouterais, M. le Président, que ce qui est
en train de se produire, si on se bat aujourd'hui et si on se bat cette nuit
comme on se battait hier sur une question de principe...
Une voix: Le maire de Jonquière.
M. Duhaime: ...ce n'est pas le montant des millions qui est
important. Demain, on parlera de 100 000 000 $, de 200 000 000 $, de 500 000
000 $...
Une voix: Le maire de Jonquière.
M. Duhaime: ...et de 1 000 000 000 $. Lorsque tout le monde aura
été attaché, on ressortira le vieux rêve
fédéraliste, le vieux rêve centralisateur de créer
à Ottawa un ministère des Affaires urbaines et ensuite les maires
et les conseillers municipaux, non seulement ceux du Québec mais aussi
ceux des autres provinces canadiennes, devront aller faire leur petite parade,
et on aura modifié dans les faits la constitution. Il faut être
bien naïf pour refuser de se rendre à l'évidence.
Je ne peux pas faire autrement, M. le Président, vous qui
êtes un peu éloigné de ma région, que de vous parler
un peu de l'affaire La Prade.
Une voix: ...à 3 heures du matin...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît:
M. Duhaime: L'affaire La Prade est le grand scandale dans la
région de la Mauricie. Les éditoriaux de quotidiens cotés
accusent mon collègue, le ministre des Affaires municipales, un homme
d'une grande sagesse, un homme sans malice, un homme comme nous, de vouloir
faire de l'arbitraire. Écoutez bien ce que je vais vous dire, M. le
Président - je vois que la présidence vient de rafraîchir
le trône - 200 000 000 $, c'est le compte capital de l'indemnité
de La Prade et il faut bien comprendre que les intérêts ne sont
pas inclus. Êtes-vous capable de me dire comment mon bon ami,
l'inénarrable et l'incomparable Jean Chrétien, a organisé
cela? Il l'a dit à la télévision.
Une voix: Fortier n'avait même pas de
municipalité.
M. Duhaime: II a dit: C'est simple; il y a cinq comtés
fédéraux en Mauricie, 200 000 000 $ divisés par 5
représentent 40 000 000 $ pour chacun. Les députés
fédéraux vont avoir l'arbitraire de distribuer le poignon. Si tu
te mets à genoux, bonhomme, tu va avoir des piastres et, si tu ne te
mets pas à genoux, l'autobus va passer tout droit. Où est
l'arbitraire? C'est exactement de cela qu'il s'agit. Quand on fait la parade
des millions, la tentation est très forte de la part des conseillers
municipaux et des maires de petites municipalités d'accepter.
J'écoutais tantôt un collègue de la Gatineau dire 550 000
$. L'argent que le gouvernement fédéral dépense, ce n'est
pas un don du ciel, M. le Président. D'abord, il nous endette au fur et
à mesure où il dépense et, deuxièmement, les
Québécois paient leurs impôts au gouvernement
fédéral. L'arbitraire n'est pas dans le projet de loi 38;
l'arbitraire est dans la manière de procéder du gouvernement
fédéral, et c'est cela que le projet de loi 38 veut contrer.
À partir du moment où on dit qu'on est d'accord sur le
principe, quelles sont vos suggestions concrètes, positives et
raisonnables? Si, vous autres de l'autre côté, vous êtes
d'accord avec le principe, comment voulez-vous que ce principe soit
appliqué? Mon collègue, le ministre des Affaires municipales, a
introduit un amendement clé qui consiste à dire: Nous sommes
prêts à tenir une commission parlementaire pour entendre les
municipalités, les municipalités régionales de
comté. Nous allons faire une liste; il y aura
prépublication...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Duhaime: ...il y aura discussion. Que voulez-vous avoir de
plus? Que voulez-vous avoir de plus?
Une voix: Trop tard.
M. Duhaime: M. le Président, je vois le
député de Charlesbourg qui, jusqu'à preuve du contraire,
m'apparaît être un homme intelligent, je vois le
député de Beauce-Sud que j'ai écouté hier avec
beaucoup d'attention, si vous êtes d'accord sur le principe que le
gouvernement fédéral n'a pas affaire aux municipalités du
Québec, levez-vous et faites-nous une proposition et dites-nous
jusqu'où vous êtes prêts à aller. Au lieu de faire de
grands discours vous disant d'accord sur le principe et ensuite faire des
"filibusters", des enfantillages, comme si on
était encore, tout le monde, ou a la petite école, ou au
collège. Il est deux heures du matin, M. le Président, et
l'Opposition nous dit: Nous sommes d'accord avec le ministre des Affaires
municipales sur la loi 38, mais on trouve moyen, depuis deux nuits...
Moi, j'avoue, M. le Président, que c'est ma santé qui en
souffre. Prenez-en ma parole. Il est une heure et demie du matin; on va
siéger jusqu'à quatre heures, peut-être cinq heures, six
heures, pour débattre d'une question sur laquelle fondamentalement nous
sommes d'accord. Et je vois Mme la députée de L'Acadie qui a
l'air découragée. Si j'étais à sa place, je le
serais. Cela n'a aucune espèce de bon sens. Si nous sommes d'accord sur
le fond, nous n'aurons pas beaucoup de difficulté à nous entendre
sur la mécanique, sur la tuyauterie. Mais je soupçonne, M. le
Président, le groupe libéral d'être de connivence avec la
maison mère qui tantôt va se lancer en campagne électorale.
J'ai entendu, il y a à peine deux jours, le grand ami de M. Robert
Bourassa, Jean Chrétien. Vous m'excuserez, mais c'est mon
député fédéral. M. Bourassa a dit: Jean
Chrétien va faire un bon premier ministre du Canada. Voyons donc! As-tu
déjà vu une affaire comme cela? Qu'est-ce qui se produit?
Le Vice-Président (M. Jolivet): En terminant, M. le
ministre. En terminant.
M. Duhaime: L'alliance fraternelle des frères ennemis
lorsque la campagne électorale arrive. Vous voulez attacher les maires,
vous voulez attacher les conseillers municipaux.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Duhaime: Vous voulez laisser l'arbitraire suivre son cours. Et
je dis, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, monsieur.
M. Duhaime: ...que l'Assemblée nationale devrait voter une
motion de félicitations et être unanime pour reconnaître la
clairvoyance de mon collègue, le ministre des Affaires rnuncipales, pour
arrêter toutes ces folies.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M.
le député de Laprairie, je pense que j'ai écouté
votre discours avec soin et attention. J'aimerais que vous fassiez la
même chose pour les gens de l'autre côté. S'il vous
plaît! Et, quant à ceux qui veulent faire des caucus, je les
inviterais à les faire à l'extérieur.
Une voix: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laurier.
Une voix: Un autre député... M. Christos
Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. Maintenant que l'ordre
est rétabli, le jeu démocratique veut qu'à deux heures du
matin, on soit en train de discuter...
Une voix: Ma santé est faible.
M. Sirros: ...sur une motion de bâillon. Et on vient de
subir, ni plus ni moins, pendant dix minutes - même plus, parce qu'une
fois parti, il ne voulait plus arrêter -le ministre de l'Énergie
et des Ressources qui a dit à peu près tout et rien. Tout et rien
dans le sens qu'il est complètement passé à
côté de la voie en ce qui concerne le sens de l'opposition que
nous faisons au projet de loi 38. La preuve, c'est qu'il déplorait
l'arbitraire, la manière dont le gouvernement fédéral agit
dans tout ce dossier pour justifier l'arbitraire que le ministre des Affaires
municipales veut pratiquer. Supposons pour un instant qu'il ait raison, que le
gouvernement fédéral agisse de façon arbitraire, que le
gouvernement fédéral agisse de façon incorrecte dans ce
dossier, est-ce là une justification pour que... Québec punit
qui? Il punit ses municipalités en agissant de la même
manière arbitraire...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Ce sont vos
confrères et consoeurs qui vous dérangent.
M. Sirros: Ce n'est pas tellement cela, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, j'ai vu. J'ai vu le
pupitre.
M. Sirros: II y a un pupitre ici... Le Vice-Président
(M. Jolivet): Oui.
M. Sirros: ...d'une de nos collègues qui souffre d'une
incapacité de se tenir debout. Je pense qu'une de mes collègues
faisait la similitude avec le Parti québécois et ce doit
être cela qui nous conduit a des éclats de rire de ce
côté-ci à cette heure tardive.
Une voix: II a raison. (1 h 40)
M. Sirros: M. le Président, pour revenir à la
question. On nous dit: Qu'est-ce que vous proposez de concret? C'est bien
simple de dire ces choses, car au fond ce qu'il faudrait faire dans ce dossier
ce serait de négocier
de bonne foi. Le discours qu'on vient d'entendre est la preuve la plus
éloquente que cette capacité de négocier de bonne foi est
complètement absente. Comment voulez-vous négocier de bonne foi
quand des le départ vous n'acceptez pas l'existence même du
système à l'intérieur duquel il faudrait négocier?
Comment voulez-vous négocier de bonne foi quand des ministres se
promènent à gauche et à droite en disant qu'ils viennent
de retourner de l'étranger quand ils parlent d'Ottawa? Comment
voulez-vous par la suite que ces deux ministres s'assoient ensemble pour
trouver des modalités d'application d'un principe où tous les
deux sont d'accord, quand il n'y a pas ce minimum de bonne foi
nécessaire?
Étant donné l'absence de ce minimum de bonne foi,
qu'est-ce que le gouvernement du Québec a choisi de faire? Le
gouvernement du Québec a choisi, pour régler sa querelle avec
Ottawa, de punir les citoyens du Québec, de mettre les frais de cette
querelle, qui commence par l'inexistence d'un minimum de bonne foi, sur le dos
des citoyens du Québec en adoptant une loi punitive. Une loi qui
s'inspire des principes de la théorie d'apprentissage: taper sur le dos
des amis et taper sur les doigts des gens qui n'agissent pas bien. C'est comme
cela qu'on procède ici. On procède avec arbitraire en donnant des
pouvoirs larges comme on n'en a jamais vus dans des lois au ministre
lui-même, à sa personne ou finalement à un fonctionnaire -
c'est à cela que cela reviendrait - où lui seul peut
déterminer si une ville est une bonne ville ou non.
Le ministre de l'Énergie et des Ressources partait presque
à la chasse aux sorcières en parlant des maires qui seraient
libéraux, comme si ce n'étaient que les maires libéraux
qui s'opposaient à ce projet de loi. C'est l'ensemble du monde
municipal, l'ensemble des gens concernés par ce projet de loi, à
l'exception du ministre Léonard qui, à deux heures du matin, a
bel et bien réussi à amener un de ses collègues pour le
vanter. C'est à peu près le seul qui le vante et à cette
heure tardive.
L'autre élément que j'aimerais aborder c'est le fait qu'on
se retrouve, comme le disait très bien mon collègue de Chapleau,
au mois de décembre et encore une fois on fait face à une autre
motion de clôture, une motion de clôture pour faire adopter une loi
inique, arbitraire, excessive et punitive. On ne se croirait pas du tout en
démocratie parce que le même genre d'agissement et de comportement
en ce qui concerne l'arbitraire d'une loi a été maintes fois
utilisé par d'autres gouvernements dans d'autres pays qui, eux, au moins
n'avaient pas de prétentions démocratiques. On arrive au point
où il faut procéder par une motion de clôture après
avoir à peine entamé un débat en commission parlementaire
pour faire adopter une loi qui vise seulement à punir les
municipalités en donnant le pouvoir au ministre lui-même d'exercer
à sa guise et de façon arbitraire son bon vouloir. Mais à
ce moment - je vois qu'on a un collègue qui est devenu photographe,
peut-être que cela serait une nouvelle carrière pour l'ensemble
des députés péquistes; ils seraient peut-être mieux
conseillés et ils réussiraient mieux dans cette voie - cela
devient honnêtement inacceptable dans un Parlement qui veut se prendre au
sérieux, de permettre ce genre d'humiliation de la démocratie
quand, année après année, on arrive au mois de
décembre et on fait face à ce genre de mesures, surtout
après avoir a siégé seulement quatre ou cinq semaines - on
nous a envoyés en congé pendant un mois afin que le gouvernement
pense - lorsqu'on revient et qu'on est obligé de faire face à des
mesures de cette nature pour justifier des projets de loi, et en particulier le
projet de loi 38 que tout le monde a rejeté. "Il ne faut pas se laisser
tromper par les apparences, disait la Presse aujourd'hui -ou plutôt hier,
parce qu'on a déjà dépassé minuit - le projet de
loi 38 concernant la participation gouvernementale n'a plus rien à voir
avec les traditionnels débats Québec-Ottawa. Il y a
déjà longtemps que tout le monde, du moins au Québec,
s'entend pour reconnaître à Québec la juridiction exclusive
sur les villes." Cela a été maintes fois souligné ici,
telle est la situation en ce qui concerne le Parti libéral du
Québec, M. le Président. C'est effectivement le Parti
libérai qui avait légiféré, de façon claire,
nette et précise, dans cette matière, et, sur cela, sa position
n'a pas changé.
Voici où nous nous opposons, M. le Président, vous allez
peut-être le voir un peu plus tard dans cet editorial de Jean-Guy Dubuc,
dans la Presse. "Le problème est ailleurs. Il est, plus
précisément, dans la formulation même du projet de loi. "Ce
projet de loi prévoit des mesures de représailles de la part du
gouvernement contre toute municipalité qui accepterait une aide d'Ottawa
sans passer par une entente Québec-Ottawa. La menace n'est pas
élégante, cela va de soi; mais elle est pourtant logique. Pour
faire respecter sa juridiction, le gouvernement québécois se voit
obligé d'annoncer des sanctions éventuelles aux
municipalités contrevenantes." M. le Président, je pense que,
quand on est arrivé à un point où il faudrait faire tout
ce qu'on peut pour faire venir de l'argent au Québec sans se mettre
à genoux nulle part, sans abandonner des principes fondamentaux, tels la
juridiction provinciale en la matière, je pense que la réponse
qu'on doit donner à la question: Qu'est-ce que vous auriez fait? ou
Qu'est-ce que vous feriez? est bien simple, M. le Président. Je l'avais
entamée au début de mon discours.
Ce que le gouvernement pourrait faire, à ce stade-ci, M. le
Président, on l'a dit à maintes reprises ailleurs et cela a
toujours été refusé, évidemment, c'est, une fois
pour toutes, de laisser tomber, abandonner son option
séparatiste-indépendantiste, parce que c'est de cela que
découlent tous les problèmes dans ce dossier et combien d'autres.
Dans ce dossier, en particulier, c'est de cela que découlent ces
problèmes, M. le Président, parce que je répète
qu'une fois qu'on commence en disant qu'on ne reconnaît pas, qu'on ne
veut pas reconnaître l'existence d'un ensemble qui s'appelle le Canada ou
dans lequel il y a un gouvernement central qui a un rôle à jouer,
après cela, comment voulez-vous qu'on puisse aboutir quelque part
à une entente qui aurait un certain bon sens, qui permettrait aux
citoyens des municipalités de bénéficier de leurs taxes,
parce qu'il s'agit aussi de leurs taxes à ce niveau-là, M. le
Président?
Ce qu'on voit, ici et dans le projet de loi 38, c'est un effort de la
part du gouvernement du Québec de se donner un pouvoir, entre les mains
du ministre des Affaires municipales, qui lui permettra de décider,
à lui seul, quelles municipalités il va punir, en lui soustrayant
les subventions du Québec. Pour mettre de l'ordre, semble-t-il, on va
procéder avec le gros bâton et on va aliéner l'ensemble de
ces municipalités, de leurs citoyens, parce qu'on est incapable, de
l'autre côté, d'agir de bonne foi dans ce dossier. Merci.
M. Côté: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le
député de Charlesbourg.
M. Côté: Je voudrais vous signaler qu'à ce
moment-ci, à 2 heures du matin, il n'y a que deux députés
péquistes et nous n'avons pas quorum.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous avez effectivement
raison. Qu'on appelle les députés. (1 h 49 - 1 h 51)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vous demanderais de
reprendre vos places et je crois comprendre que c'est M. le
député de Marquette qui a la parole. Nous allons attendre que les
caméras reviennent, ce ne sera pas long. Voilà donc M. le
député de Marquette.
M. Dussault: M. le Président, au nom de l'alternance.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député, je ne vous avais pas vu. Donc, M. le député
de Châteauguay.
M. Roland Dussault M. Dussault: M. le Président, je vous
remercie. Nous avons affaire ce soir à une motion qui tend à
ramener le débat sur le projet de loi 38 à l'Assemblée
nationale. Cela est fondamentalement le sens du débat que nous faisons
présentement. Pourquoi en sommes-nous venus là? C'est parce qu'il
est devenu évident, et très tôt, très vite,
très rapidement, que l'Opposition allait faire tout son possible pour
faire en sorte que le projet de loi 38 ne soit pas voté avant la fin de
nos travaux, le 21 décembre prochain.
Nous sommes habitués à ce genre d'attitude de
l'Opposition. Elle utilise, dans des circonstances analogues, des moyens que
l'on peut dire classiques: utilisation en commission parlementaire de motions
dilatoires, de motions qui n'ont rien à voir avec le fond de la
question, de motions qui visent essentiellement à gagner du temps. Quand
nous avons affaire à ce genre d'attitude, il devient évident pour
le gouvernement qu'il faut faire le nécessaire pour que le débat
puisse se dérouler véritablement à l'Assemblée
nationale à temps pour être adopté pour la fin des
travaux.
Ce qui est triste, cependant, c'est que ce comportement des
libéraux masque une attitude tout à fait irresponsable, car
l'effet de l'opposition systématique des libéraux à la loi
38, c'est que cela encourage, à toute fins utiles,
l'illégalité. C'est irresponsable que l'Opposition, par son
attitude, encourage des gens qui vont à l'encontre d'une loi. On doit le
dire et le crier sur tous les toits. Heureusement, qu'il n'y a pas de jeunes
devant la télévision à cette heure, parce que ce serait un
très mauvais exemple pour eux qui auront un jour à bâtir
une société, qui auront à prendre notre place, car on ne
peut pas accepter que l'Opposition encourage des gens à aller à
l'encontre de la loi.
M. le Président, il y a 116 ans qu'il est reconnu par la
constitution qu'il y a deux domaines qui sont reconnus comme étant de
juridiction strictement provinciale: l'éducation et les affaires
municipales. Cela veut dire que, dans ces deux champs, le Québec est
indépendant politiquement, c'est ce que cela veut dire. Cela veut dire
qu'aucune nation, qu'elle soit à l'intérieur du Canada ou
ailleurs, n'a le droit de venir dicter des lignes de conduite aux intervenants
dans ces deux champs. Ces gens d'en face qui nous disent être d'accord
avec les principes ne sont pas capables d'aller au bout de leur pensée
pour reconnaître que, non seulement il faut être d'accord avec des
principes, mais qu'il faut prendre les moyens d'arrêter
l'hémorragie qui existe présentement, d'autant plus que cette
hémorragie va à l'encontre d'une loi qui a été
votée en 1974 par ces gens d'en face, qui reconnaissaient à ce
moment que nous étions souverains, et indépendants politiquement
dans le domaine des affaires municipales et qu'il ne fallait
pas laisser le gouvernement fédéral intervenir dans les
décisions des municipalités.
Il faut donc mettre fin à cette attitude irresponsable des
libéraux d'en face, il faut mettre fin à la soumission de ces
gens d'en face qui ont un symbole, quand on y pense bien, tout à fait
cohérent par rapport à leur attitude: vous avez remarqué
que leur "L" penche; il penche toujours dans le sens d'Ottawa.
Des voix: Bravo!
M. Dussault: Ce symbole était insuffisant. Ils s'en sont
donné un autre lors de leur congrès récemment. Vous vous
rappelez ce ballon...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, à
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Si on baissait le ton de part
et d'autre, cela aiderait peut-être aux débats. M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, vous vous rappelez ce ballon
qui sautait régulièrement devant les caméras de
télévision à leur congrès, un autre symbole qui les
caractérise énormément bien, ces gens qui lancent des
ballounes continuellement, qu'on est obligé de "dessouffler" à
mesure. Présentement, on est obligé de "dessouffler"
véritablement l'image de ce parti de l'Opposition qui veut donner
l'impression de responsabilité, mais qui est tout à fait
irresponsable.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Dussault: II faut mettre fin à cette situation d'orgies
de dépenses des gens d'Ottawa. Je voudrais vous donner un exemple de ce
qui s'est passé dans mon propre comté, dans une petite
municipalité d'environ 3000 personnes qui a eu le courage de dire non
à ce genre d'orgies. Il est arrivé que l'organisateur du
député fédéral de mon comté s'est
présenté comme candidat à l'élection municipale de
la petite ville de Saint-Mathieu. Il avait lancé dans le décor
cette idée d'une subvention de 125 000 $ pour un centre
récréatif. Les citoyens en ont discuté pendant la campagne
électorale. Ce candidat, organisateur du député
fédéral, a été battu à plate couture avec
toute son équipe. La population a tranché cette question et s'est
dit: On n'embarquera pas dans ce genre de choses irresponsables. Elle a reconnu
qu'il y avait une ligne d'autorité à suivre, à savoir que
les municipalités dépendent du gouvernement provincial et non pas
du gouvernement fédéral.
Une voix: C'est vrai, c'est vrai.
M. Dussault: Les citoyens de cette ville, M. le Président,
n'acceptent pas...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À
l'ordre! À l'ordre!
M. le député de Verdun, s'il vous plaît! Vous aurez
le droit de parole, mais en vertu de l'article 100, vous n'avez pas le droit de
parole actuellement. Non, M. le député, assoyez-vous; M. le
député, assoyez-vous! M. le député, s'il vous
plaît, je suis debout. M. le député, vous n'avez pas le
droit d'utiliser l'article 100. Vous connaissez assez le règlement, M.
le député, pour ne pas déranger la personne qui parle.
C'est le député de Châteauguay qui a la parole et c'est lui
qui l'a encore. M. le député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Cela fait mal, on
s'en rend compte; quand cela leur fait mal, c'est l'attitude qu'ils
développent, on n'en est pas surpris.
Cette situation a permis au député fédéral
de mon comté de jouer même au petit politicien, M. le
Président. Je vous explique pourquoi. Quand le député
fédéral a publicisé tous les projets qu'il allait
subventionner dans le comté de Châteauguay, il l'a fait
grâce au dépliant qu'il envoie régulièrement par la
poste à tous les citoyens et le projet de Saint-Mathieu n'y était
pas. Je rencontre le même député à une
assemblée dans le comté de Huntingdon où je
représentais le gouvernement. Je lui parle un peu de cette question et
il me dit: Je pense qu'à Saint-Mathieu, je me suis trop avancé.
Je me suis dit: II y a quelque chose de louche là-dedans. J'ai
fouillé la chose un peu plus et j'ai découvert que, si le
député fédéral avait tellement tardé
à s'engager et s'il n'avait pas encore réussi à obtenir
l'engagement formel du gouvernement, c'était très simple,
c'était parce que si l'élection fédérale avait lieu
après le 4 novembre prochain, la petite ville de Saint-Mathieu
n'était plus dans le comté du député
fédéral en question, M. le Président. Alors, vous voyez!
Ce sont des gens qui font de la petite politique avec des affaires comme
celle-là. Ce sont les amis des gens d'en face.
M. le Président, nous n'acceptons pas... (2 heures)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député. M. le député de Laprairie! M. le
député de Laprairie! Non, je ne vous en veux pas, mais les
insultes ne doivent pas courir de part et d'autre.
Une voix: Je n'ai rien entendu.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je l'ai entendu. Juste un
instant! Juste avant. Ce n'est pas une question d'avoir peur, M. le
député. C'est simplement qu'il y a un député
qui a la parole en vertu de l'article 100. En vertu de l'article 99, il y a des
gestes et des langages qui sont violents d'une certaine façon et c'est
ce que je veux éviter. Donc, je demande... Non, mais je m'excuse. Je
voudrais d'abord remettre de l'ordre et ensuite je lui donne la parole.
M. le député de Laprairie veut s'exprimer.
M. Saintonge: M. le Président, j'ai dit une seule parole:
deux mots: CLSC Katéri. C'est ce que j'ai dit, M. le Président.
Je n'ai insulté d'aucune façon le député de
Châteauguay. Ce n'est pas mon habitude en cette Chambre de le faire non
plus.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
C'est le geste que je n'ai pas aimé. M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Sans doute que le
député de Laprairie faisait allusion au fait qu'il y aura un
nouveau CLSC Katéri qui sera bâti grâce à une
décision du gouvernement, M. le Président.
Une voix: Bravo!
M. Dussault: M. le Président, j'espère aussi que le
temps que ces gens m'ont fait perdre ne compte pas vraiment dans mon temps.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, prenez votre droit de parole. Je vous ai dit qu'il
restait une minute.
M. Dussault: Alors, M. le Président, il y a
déjà eu en cette Chambre...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M.
le député de Verdun, je vais être obligé d'utiliser
le règlement. Je suis debout. Oui, oui, assoyez-vous pour le moment. M.
le député de Verdun, s'il vous plaît! J'ai l'obligation de
maintenir l'ordre et je n'ai pas l'intention de permettre le
désordre.
M. le député de Verdun, vous avez une question de
directive, je vais l'écouter, mais j'espère que cela en est
une.
M. le député de Verdun.
M. Caron: M. le Président, je vous demande une directive,
s'il vous plaît! Il est 2 h 03, est-ce possible de vous demander au nom
de tous ceux qui ne travaillent pas au Québec une directive? Est-ce
possible?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vous demande de
terminer.
M. Dussault: M. le Président, il n'y a qu'une seule
façon de mettre fin une fois pour toutes à ce désordre qui
existe présentement dans le monde municipal à cause de cette
intrusion du gouvernement fédéral qui dépense n'importe
comment, d'une façon tout à fait discrétionnaire et
même discriminatoire, c'est de faire en sorte qu'il y ait
dorénavant une entente fédérale-provinciale sur ces
questions entre le gouvernement du Québec et le gouvernement
d'Ottawa.
Je voudrais dire, en terminant, M. le Président, qu'il n'est pas
très utile de rappeler les élections partielles dans les
circonstances puisqu'il y a déjà eu récemment dans
Prévost un député libéral en cette Chambre et qu'il
n'y est plus. Il y a eu un député de Maisonneuve récemment
qui n'y est plus et il y a eu un député de Johnson qui n'y est
plus, M. le Président, à l'occasion d'une élection
générale. Merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Gatineau et leader adjoint de l'Opposition.
Motion d'ajournement du débat M. Michel
Gratton
M. Gratton: Merci, M. le Président. J'étais dans
mon bureau, il y a quelques instants, quand mon collègue de Charlesbourg
a souligné que nous n'avions pas quorum, qu'il n'y avait pas
suffisamment de députés péquistes pour étudier ce
si important projet de loi que le gouvernement nous présente. Je
surveillais cela à la télévision et c'est assez curieux
parce que, lorsqu'on suspend pour que les députés
péquistes puissent venir former le quorum, on inscrit à la
télévision la mention suivante: "Les débats de
l'Assemblée nationale reprennent dans quelques instants."
Je me suis dit que les gens qui syntonisent ce poste à cette
heure-ci et qui voient cela doivent se dire: À 2 heures du matin, ils
doivent être complètement fous. Quand les travaux ont repris et
qu'ils ont vu le député de Châteauguay s'exprimer, ils ont
dû dire: Oui, ils le sont, en effet. M. le Président, on vient
d'avoir la démonstration la plus éloquente qu'il n'y a personne
dans le fond, et surtout pas le député de Châteauguay, qui
à 2 heures du matin puisse fonctionner convenablement. Pas, en tout cas,
s'il a commencé sa journée de travail environ 18 ou 19 heures
plus tôt; pas si, depuis deux semaines, il a eu des journées de
travail de 16 heures en moyenne - ce n'est pas en moyenne, mais au minimum,
puisqu'on a siégé tous les soirs, à une ou deux exceptions
près, jusqu'à minuit - et sûrement pas si, en cours de
route, il a effectivement travaillé 19 et 20 heures à au moins
quatre
ou cinq occasions.
Il me semble que la farce a assez duré et j'aimerais, à ce
moment-ci, proposer une motion d'ajournement du débat. Je propose
l'ajournement du débat en vertu de l'article 77.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
d'ajournement est adoptée?
Une voix: Vote enregistré.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Vote enregistré.
Qu'on appelle les députés.
M. Gratton: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît: Question de règlement, M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, vous savez que l'article 77
me donne un droit de parole de dix minutes que j'entends exercer à
l'instant même.
Le Vice-Président (M. Rancourt): C'est exact. Vous avez
donc le droit de parole en vertu de l'article 77.
M. Gratton: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est
débattable.
M. Gratton: M. le Président, la meilleure preuve que
personne ne peut fonctionner convenablement, c'est sûrement l'ineptie,
l'insignifiance des propos que les porte-parole péquistes nous ont tenus
ce soir à la défense d'un projet de loi qui est
indéfendable.
Au cours de ce débat sur la motion de clôture, sur la
guillotine que le leader du gouvernement impose à l'Assemblée, on
essaie et on doit, du côté du gouvernement, prouver l'urgence. On
doit démontrer que c'est à ce point urgent d'adopter le projet de
loi 38 qu'on doive mettre de côté les règles normales de
l'Assemblée nationale. C'est tellement urgent, M. le Président,
qu'unilatéralement on a décidé, du côté du
gouvernement, de fermer le Parlement entre le 18 octobre et le 15 novembre.
Pourtant, le projet de loi avait été déposé au mois
de juin.
S'il était si urgent, on aurait pu l'adopter entre le 18 octobre
et le 15 novembre. Si c'était tellement urgent, la deuxième
lecture de ce projet de loi, une fois la session commencée, le 15
novembre, le leader du gouvernement aurait pu l'appeler. Mais non, ce n'est que
la semaine dernière, trois semaines plus tard, qu'il a choisi de
demander à l'Assemblée nationale d'en entamer l'étude en
deuxième lecture. C'est un projet de loi tellement urgent qu'il y a
à peine quatre heures le gouvernement déposait des amendements
à son projet de loi 38 qui, jusque là, était parfait.
Entre juin et il y a quatre heures, le projet de loi était le projet du
siècle. Le premier ministre l'avait dit à Jonquière et on
a vu quels beaux résultats électoraux cela lui a rapporté.
Le projet de loi 38 passera coûte que coûte dans sa forme actuelle.
(2 h 10)
M. le Président, dans l'Outaouais, on connaît bien le
ministre des Affaires municipales. On sait combien on peut se fier à la
justesse de son jugement, à la franchise de ses propos, à la
transparence de ses arguments quand il nous parle du projet de loi 38.
Finalement, il a fait un si beau travail de découpage des
municipalités régionales de comté dans notre région
que trois présidents d'associations péquistes ont remis leur
démission en guise de protestation.
Une voix: Ah, bon!
M. Gratton: Dans le fond, le ministre des Affaires municipales,
pour nous, dans l'Outaouais, c'est le gars qu'on choie le plus. C'est le gars
qui va réellement nous assurer notre réélection à
nous, les cinq députés libéraux de la région.
Une voix: Bravo!
M. Gratton: Quand on pense que même les présidents
d'associations péquistes ne peuvent plus non seulement sentir le
ministre - il n'est pas le seul dans cette classe-là; vous êtes
passablement nombreux de l'autre côté à ne plus pouvoir
vous faire sentir -mais sentir ses décisions! M. le Président, on
le connaît bien. Quand il vient les deux mains dans ses poches, avec son
petit sourire narquois, nous dire: J'ai apporté un amendement pour
qu'une commission parlementaire siège, on n'a pas le droit de le traiter
de menteur ici à l'Assemblée nationale. Le moins qu'on puisse
dire, c'est qu'il ne dit pas la vérité. Il n'a
déposé aucun amendement ce soir qui garantit la tenue d'une
commission parlementaire. C'est, tout simplement, une de ses promesses. La
promesse du ministre des Affaires municipales, M. le Président, je ne
vous dirai pas ce que j'en pense, mais je vous dirai tout simplement que, quant
a nous, on n'est pas bien impressionnés par cela.
M. le Président, pourquoi nous faire siéger à deux
heures du matin? Il est maintenant deux heures quinze minutes. Est-ce que c'est
pour relancer l'économie? Est-ce qu'il s'agit d'un projet de loi pour
relancer l'économie du Québec, pour nous remettre sur la voie de
la création
d'emplois? Non, c'est un projet de loi qui vise à menacer les
1600 municipalités du Québec de représailles si elles ont
l'audace d'accepter des fonds du gouvernement fédéral pour,
justement, créer des emplois, faire travailler les gens qui vivent de
l'aide sociale - ils sont je ne sais trop combien, 456 000 au dernier compte -
pour faire travailler les gens qui sont en chômage. C'est cela que le
député et maire de Verdun voulait dire tantôt. C'est cela
qu'il voulait dire. On parle des gens qui n'ont rien à manger justement,
des gens qui n'ont comme seule source de subsistance, M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Une voix: Ce n'est pas Verdun, c'est Vers demain.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: ...que les prestations d'aide sociale. Quand on pense
à ceux qui ont moins de 35 ans, c'est 149 $ par mois. On a des
municipalités qui pourraient, si le gouvernement voulait bien s'entendre
avec le gouvernement fédéral, leur trouver des emplois,
peut-être bien seulement des emplois temporaires, mais, au moins, des
emplois pour pouvoir gagner honorablement leur vie. Qu'est-ce que fait le
gouvernement du Parti québécois? Un projet de loi matraque, qui
vise à faire quoi? D'abord, à empêcher les
municipalités d'accepter des fonds fédéraux, mais surtout
à alimenter la querelle stérile, qui est la seule à
pouvoir servir son option séparatiste.
Une voix: C'est vrai, c'est bien vrai.
M. Gratton: Bien oui, vous êtes des séparatistes et
vous ne devriez pas en avoir honte. N'ayez donc pas honte! Depuis 1976 que vous
le cachez. N'ayez pas honte de cela! Quand vous n'aviez pas honte, on a vu ce
que cela a donné comme résultat aux élections de 1970 et
1973: six gros députés et sept gros députés.
À ce moment-là, vous disiez que vous étiez
séparatistes. Depuis ce temps-là, vous nous promettez des
référendums, vous mettez cela sous le boisseau; vous mettez cela
en veilleuse. Mes chers amis d'en face, j'ai l'impression que la prochaine
chose à être mise en veilleuse ne sera pas votre option, mais vous
tous.
Je les entends me parler de la juridiction du Québec sur les
affaires municipales. On a cru un moment à ce discours-là; on y a
cru en 1976. Cela n'a fait qu'un temps. On avait réussi à
convaincre les gens que ce gouvernement en puissance, ces gens transparents
avaient un préjugé favorable à l'endroit des travailleurs.
N'est-ce pas ces gens qui étaient sur les lignes de piquetage avec les
syndicats, au nom de la solidarité des travailleurs? Est-ce que ce n'est
pas beau, Mme la députée de Maisonneuve? Ce sont ces gens qui ont
adopté la loi 111. Ce sont eux qui, aujourd'hui, nous servent le
même vieux refrain. Ils parlent des libéraux et de nos grands
frères d'Ottawa. Et vous, avec votre petit frère, Marcel
Léger! Où allez-vous vous ramasser avec les "pénistes"
à Ottawa? Entre nous, vous ne faites pas très sérieux.
Lorsque le Parti libéral était au pouvoir - vous l'avez
souligné vous-même - on s'est entendu avec le gouvernement
fédéral et on a réussi à faire profiter le
Québec des fonds fédéraux. Nous n'étions pas
obligés de faire des guerres de juridiction pour essayer de faire croire
que le fédéralisme canadien ne peut pas fonctionner. Vous faites
cela depuis sept ans et vous n'avez pas réussi, mes chers amis.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Si vous voulez conclure,
s'il vous plaît! S'il vous plaît!
Une voix: Tu as épuisé ton temps.
M. Gratton: II y a longtemps que le député est
épuisé, lui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Gatineau, si vous voulez conclure
immédiatement.
M. Gratton: Je dirai simplement qu'il n'y a plus personne qui
vous croit, qui vous prend au sérieux. Il y en a 60% qui vous ont dit
non lors du référendum, en mai 1980. Vous allez me parler de
l'élection de 1981, bien sûr avec l'indépendance en
veilleuse...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Gatineau, si vous voulez conclure. C'est la
deuxième fois que je vous le demande.
M. Gratton: Vous n'aimez pas que je parle d'indépendance
en veilleuse, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Gratton: Je dirai que, si on avait besoin d'un autre
témoignage, les résultats des deux élections partielles
dans Mégantic-Compton et Jonquière nous l'ont fourni lundi
dernier. Si le gouvernement veut continuer à siéger cette
nuit...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Gatineau, c'est la troisième fois
que je vous demande de conclure. Un mot pour terminer, s'il vous
plaît!
M. Gratton: Je m'excuse de ne pas vous avoir entendu lorsque vous
m'avez demandé de conclure, mais on criait tellement de l'autre
côté. Je dis donc que, si le gouvernement veut réellement
tester le bien-fondé de son projet de loi 38, qu'il fasse tout
simplement le débat en plein jour.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Gatineau, je considère que vous avez conclu.
Vous aurez un droit de réplique tantôt. M. le leader du
gouvernement.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, le député de
Gatineau veut arrêter de travailler. Le député de Gatineau
nous invite à cesser de donner notre point de vue. Effectivement, il
impose le bâillon à ses collègues, les
députés du Parti libéral...
Une voix: C'est une bonne idée, ils n'ont rien à
dire.
Une voix: Une victoire morale!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M.
le député de Charlesbourg.
M. Caron: M. le Président, les gens qui sont sur le
bien-être social ne sont pas heureux.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Verdun. S'il vous plaît, à l'ordre!
M. Caron: II y en a beaucoup. À 2 heures du matin.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Verdun. À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le leader du gouvernement. (2 h 20)
M. Bertrand: M. le Président, je considère qu'il
est incorrect de la part du député de Gatineau de vouloir ainsi
empêcher ses collègues députés de participer
pleinement au débat que nous avons sur cette motion qui va nous
permettre de prendre connaissance du rapport de la commission, parce qu'on a
tous très hâte de savoir ici quel magnifique travail les
députés libéraux ont accompli en commission parlementaire,
pendant les quelque vingt heures où ils ont siégé, avec
comme performance, je pense, l'adoption d'un article seulement et
l'incapacité d'apporter quelque suggestion nouvelle ou positive que ce
soit. Le gouvernement a dû faire le travail à leur place, encore
une fois, M. le Président. Tout cela dans un contexte où, on le
sent très bien, au cours des dernières heures, le monde municipal
se rend bien compte que le gouvernement a bien pris ses responsabilités
et qu'il va lui donner l'occasion de venir en commission parlementaire se faire
entendre, au début de l'année 1984...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bertrand: ...sur le règlement qui permettra
l'application du projet de loi 38.
Je considère, M. le Président, qu'il nous faut absolument,
ce soir, connaître le point de vue des députés
libéraux sur cette importante législation. Je regarde le
député de Verdun, depuis tout à l'heure, qui intervient
à temps et à contretemps, qui ne respecte pas le droit de parole
des autres collègues...
Une voix: C'est vrai cela. Il y a des choses
substantielles...
M. Bertrand: ...qui ne respecte pas l'article 100 du
règlement, qui ne respecte pas l'article 26 du règlement, mais
qui est maire, M. le Président. C'est un maire. C'est un maire qui est
député. Nous, on a l'ex-maire de Saint-Nazaire qui, lui, est
à l'Assemblée nationale à plein temps pour prendre ses
responsabilités comme député du comté de
Bellechasse, mais on veut entendre le point de vue du député de
Verdun.
Des voix: Oui.
M. Bertrand: On pense que le député de Gatineau n'a
pas le droit d'empêcher de parler son collègue, le
député de Verdun, qui essaie de se faire reconnaître depuis
tout à l'heure, M. le Président. On veut connaître son
point de vue.
Une voix: Vas-y, Lucien!
M. Bertrand: M. le Président, il y a le
député de Hull. Le député de Hull ne s'est pas fait
entendre, M. le Président.
Une voix: Est-ce qu'il a le droit de parole, lui?
Une voix: Vous ne perdez rien pour attendre!
M. Bertrand: Le député carnivore de Hull ne s'est
pas fait entendre. Celui qui s'est vanté...
Une voix: ...le dauphin, là!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Une voix: Un peu plus fort.
M. Rocheleau: S'il nomme mon nom, il va avoir une...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M.
le député de Hull!
Une voix: Jean-François, Jean-François. M. le
Président, vous l'avez remarqué, ce n'est pas un leader du
gouvernement...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît: M.
le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, il y a d'autres
députés qui n'ont pas pris la parole et qui se doivent de le
faire. Il y a un ancien maire, un député, qui s'est vanté
- on a lu cela dans les journaux - d'avoir eu la peau d'un ministre...
Des voix: Ah! Ah;
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît;
M. Bertrand: ...qui veut avoir la peau de deux autres ministres.
Le député Carnivore de Hull, il faut l'écouter; il faut
l'écouter, le député de Hull.
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Bertrand: Mme la députée de Chomedey... Mme la
députée de Chomedey, de l'île de Laval, de la ville de
Laval, il faut qu'elle nous dise quel est son point de vue sur cette importante
législation. Alors, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Je crois qu'il est tout à fait
normal qu'on puisse écouter les discours - en tout cas, moi - il est
tout à fait normal que je puisse, moi, les écouter. À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, vous pouvez
poursuivre.
M. Bertrand: M. le Président, les députés
ont ici des droits et il faut les respecter. Vous savez, on a, de notre
côté, ici à l'Assemblée nationale, des
députés qui ont été maires: le député
de Gaspé qui a assumé des responsabilités, le
député de Saint-Maurice, un ancien conseiller municipal, le
député de Chambly qui a eu des responsabilités, le
député de Beauce-Nord, le député de
Saint-François qui a assumé des responsabilités, le
député de Montmagny-L'Islet.
Alors, M. le Président, à ce stade-ci, au moment où
le débat va bien, au moment où, d'une intervention à
l'autre, des arguments s'ajoutent pour aider les parlementaires à se
faire une idée avant que nous ne procédions au vote, il est
important que chacun puisse faire entendre sa voix. Quand je vois le
député de Gatineau intervenir comme cela à un moment
où l'atmosphère est sereine, les gens sont heureux, joyeux, il
m'apparaît tout à fait anormal qu'on veuille ainsi imposer le
bâillon à des parlementaires qui ont le droit de donner leur point
de vue.
Dans ce contexte-là, M. le Président, que ce soit le jour
ou la nuit, la vérité, quand elle doit éclater, elle doit
éclater. Comme nous avons en face de nous des gens qui appuient, en ce
moment, 74 proxénètes qui veulent convertir les 1500
municipalités du Québec en péripatéticiennes, je
dis qu'il faut savoir de quel côté ils sont. S'il faut, M. le
Président, qu'on passe la nuit ici pour démasquer l'Opposition,
s'il faut que, d'un discours à l'autre, l'Opposition montre à la
population du Québec que l'heure, pour elle, n'est pas à la
défense des droits et des intérêts du Québec en
matière de juridiction sur les municipalités, mais que l'heure
est plutôt à la préparation de la campagne
électorale avec les grands frères d'Ottawa, à ce
moment-là, M. le Président, je pense que la vérité
mérite d'être connue de la population. Chaque fois que quelqu'un
se lèvera chez vous pour poursuivre le débat, chaque fois, chaque
fois, les gens vont se rappeler que c'est vrai qu'on vit peut-être des
séries noires d'élections partielles, mais que, vous autres, vous
vivez des séries noires d'élections générales du 15
novembre 1976 au 13 avril 1981, jusqu'à la prochaine.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement, si vous voulez conclure.
M. Bertrand: Je regarde le député de Charlesbourg,
rouge de colère. A-t-on entendu son point de vue? Il faut l'entendre, M.
le Président. Nous invoquons ici l'exercice du droit de parole des
députés et je vous demande donc de faire en sorte que nous
prenions le vote le plus rapidement possible pour que les députés
de l'autre côté qui n'ont pas fait entendre leur point de vue
puissent le faire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader ajoint de
l'Opposition, avant de vous donner la parole, j'aimerais que cette
Assemblée soit un peu plus disciplinée. On a mentionné
tantôt que j'ai déjà été maire. Oui, mais
j'ai déjà eu beaucoup plus de facilité à
contrôler une assemblée que celle-ci. M. le leader adjoint de
l'Opposition. (2 h 30)
M. Michel Gratton (réplique)
M. Gratton: Merci, M. le Président. Je ne sais si, lorsque
vous étiez maire, le
gouvernement du Québec adoptait des lois 38, mais peu importe. Je
ne sais non plus si la mère du leader du gouvernement surveillait
tantôt, mais j'espère que non parce qu'elle n'aurait pas
été très fière de son rejeton.
On peut se demander si le premier ministre le regardait, à moins
qu'il n'ait été occupé à une partie de poker
quelque part. Chose certaine, son dauphin, le député d'Anjou,
semblait s'en réjouir parce qu'il applaudissait à tout rompre. Je
voudrais simplement que le leader qui traitait les députés
libéraux de proxénètes tantôt, consulte son
dictionnaire pour savoir ce que ça veut dire. Le seul
proxénète que je connais ici, à l'Assemblée
nationale, c'est le cofondateur du Parti québécois qui est
présentement en prison.
Une voix: C'est ça.
M. Gratton: Je pense que le leader du gouvernement aurait
avantage à peser ses mots.
Une voix: Et de un. Les autres vont venir tout à
l'heure.
M. Gratton: Le leader du gouvernement est peut-être
à court d'arguments pour justifier sa motion de clôture. Il a le
droit de la faire, mais, normalement, un leader du gouvernement se sert d'un
certain jugement...
Une voix: II n'en a pas, lui.
M. Gratton: ...sur le moment de l'imposer, sur la façon de
l'imposer. Si le leader du gouvernement est frustré d'avoir encore une
fois mal organisé, mal planifié son travail et en est rendu
à imposer la neuvième motion de clôture en sept ans de ce
gouvernement, ce n'est pas aux libéraux qu'il faut qu'il s'en prenne.
Parce que nous, les libéraux, on a beau nous blâmer de nous
opposer au projet de loi 38, on croit à ce qu'on fait. On croit que le
projet de loi 38 est mauvais pour les municipalités et, si on
était seul, on pourrait accepter, peut-être, les insultes du
leader du gouvernement en se disant: On fait ça pour perdre le temps de
tout le monde. Écoutez, quand les deux unions qui représentent
les 1600 municipalités du Québec, quand l'ensemble des organismes
qui se sont exprimés sur le sujet, quand l'ensemble des observateurs,
des éditorialistes du Québec se sont exprimés dans le
même sens que ce que nous faisons ici, on se dit: On n'est pas tout seul.
Celui qui est tout seul, c'est le gouvernement, c'est le ministre des Affaires
municipales et ses collègues qui l'applaudissent à tout rompre
quand il vient nous dire qu'il défend la juridiction du Québec en
matière d'affaires municipales.
Qu'en pense Jean-Guy Dubuc, M. le Président, dans la Presse de ce
matin? On y lit: "II est vraiment incompréhensible que le gouvernement
péquiste cède aussi facilement à la panique et s'accorde
des droits réservés aux régimes totalitaires." Le mot
n'est pas de moi, il est de Jean-Guy Dubuc. "Il n'y a que dans des pays qui
renient la démocratie que l'on peut trouver autant de pouvoirs
livrés à l'arbitraire d'une personne tout en étant
protégés par la loi. L'an dernier, le Barreau du Québec
avait violemment dénoncé le procédé. Mais le
gouvernement fait la sourde oreille pour n'entendre que sa colère." M.
Dubuc écrivait ça avant que le leader du gouvernement n'impose le
bâillon à l'Opposition. Il pensait ça ce matin avant que le
gouvernement ne décide que assez, c'est assez. On avait quand même
étudié le projet de loi article par article pendant trois longues
heures et donc, on pouvait imposer la clôture, on avait bien
travaillé, surtout au cours du mois pendant lequel le gouvernement a
fermé l'Assemblée nationale. Bref, on parle d'un gouvernement
totalitaire.
M. Rivest: La relance.
M. Gratton: Oui, quand on parle de relance, en passant, Louis
O'Neill, un de vos anciens collègues...
Une voix: Un ancien ministre.
M. Gratton: Un ancien ministre oui, qui, dans le Devoir d'hier,
écrivait un billet qui portait le titre: "Quand la relance passe par
l'alcool".
Une voix: C'est ça que ça sent.
M. Gratton: C'est ça que ça sent ce soir, oui, en
effet. Quand on parle de totalitarisme, bien sûr, on n'a pas besoin de
motion de clôture dans des pays totalitaires parce qu'on n'a pas de
Parlement. Ici, forcément, on en a un. Le gouvernement doit s'en
accommoder. On est ici au Parlement pour faire des débats. Pourquoi? Pas
nécessairement pour parler, pour s'entendre parler ou pour s'injurier
comme vient de le faire le leader du gouvernement. On est là, dans le
fond, pour exprimer chacun son point de vue, et c'est très bon que les
points de vue soient différents d'un côté et de l'autre;
cela permet tout simplement à la population de mieux s'informer. Car la
population, au moment des élections, a un choix à faire. S'il
fallait qu'on dise tous la même chose, on risquerait fort que la
population y perde au change. Alors, on fait les débats qu'on peut.
Mais, entre nous, est-ce qu'on informe, est-ce qu'on prend tous les moyens de
bien informer la population quand on siège à 2 h 35 du
matin? Quand on a un projet de loi aussi important que cela, est-ce qu'on fait
siéger les parlementaires à des heures aussi
indues? J'imagine que oui, quand on a des choses à cacher, quand
on n'est pas trop fier de ce qu'on exhibe. Il y a des personnes, des fois, qui
n'osent pas se faire voir en public, à certaines heures du jour
où il fait clair, pour toutes sortes de raisons. J'imagine que c'est un
peu ce qui inspire le gouvernement de ne pas accepter une motion d'ajournement
du débat à 2 h 35 du matin, alors qu'il n'est pas du tout
question, dans ma motion d'ajournement, d'imposer le bâillon.
Une motion d'ajournement, cela veut simplement dire qu'on recommence,
demain matin, à 11 heures, au moment où il risque d'avoir des
gens...
Une voix: ...
M. Gratton: Vous avez des choses à dire; vous le direz
plus tard.
Une voix: Trois heures...
M. Grattons M. le Président, le leader du gouvernement ne
voudrait pas qu'on blâme le gouvernement. Vous voudriez peut-être
qu'on fasse une motion de félicitations pour votre plan de relance. Vous
l'avez eu, votre vote de félicitations pour votre plan de relance, le 5
décembre dans Mégantic-Compton et Jonquière. Que
voulez-vous!
Une voix: Victoire morale.'
M. Gratton: Quand le leader du gouvernement fait de l'humour et
dit: Le député de Gatineau veut bâillonner ses
collègues, bien, je rappelle tout simplement à la population que
c'est le même bonhomme qui interprétait les deux élections
complémentaires de Mégantic-Compton et Jonquière comme des
victoires morales. Dans le fond, si on le connaissait moins, on en rirait.
Mais, comme on le connaît bien, on va les laisser rire ensemble, tout
seuls.
Le Président: Je mets donc aux voix la motion
d'ajournement de M. le député de Gatineau.
Une voix: Vote demain matin, M. le Président.
Le Président: Que les personnes qui sont favorables
à cette motion veuillent bien l'indiquer en levant la main.
Des voix: Vote enregistré.
Le Président: Vote enregistré. Qu'on appelle les
députés. (2 h 38 - 2 h 41)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Je mets maintenant aux voix la motion d'ajournement de M. le
député de Gatineau. Que les députés qui sont
favorables à cette motion veuillent bien l'indiquer en se levant.
Le Secrétaire adjoint: MM. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys),
Ciaccia (Mont-Royal), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme
Bacon (Chomedey), MM. Mathieu (Beauce-Sud), Caron (Verdun), Blank
(Saint-Louis), Maciocia (Viger), Polak (Sainte-Anne), Mme Dougherty
(Jacques-Cartier), MM. Rocheleau (Hull), Fortier (Outremont), Rivest
(Jean-Talon), Gratton (Gatineau), Pagé (Portneuf), Côté
(Charlesbourg), Lincoln (Nelligan), Cusano (Viau), Sirros (Laurier),
Saintonge (Laprairie), Dauphin (Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde (Berthier),
Middlemiss (Pontiac), Hains (Saint-Henri), Leduc (Saint-Laurent),
Champagne (Saint-Jacques), Maltais
(Saguenay).
Le Président: Que les députés qui s'opposent
à cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Bertrand (Vanier), Jolivet
(Laviolette), Bédard (Chicoutimi), Parizeau (L'Assomption), Laurin
(Bourget), Johnson (Anjou), Bérubé (Matane), Landry
(Laval-des-Rapides), Gendron (Abitibi-Ouest), Godin (Mercier), Marcoux
(Rimouski), Léonard (Labelle), Tardif (Crémazie), Clair
(Drummond), Fréchette (Sherbrooke), Brassard (Lac-Saint-Jean), Duhaime
(Saint-Maurice), Chevrette (Joliette), Paquette (Rosemont), Rancourt
(Saint-François), Leduc (Fabre), Proulx (Saint-Jean), Gauthier
(Roberval), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme
Lachapelle (Dorion), MM. Boucher (Rivière-du-Loup), Dean
(Prévost), Beaumier (Nicolet), Gagnon (Champlain), Dussault
(Châteauguay), Vaugeois (Trois-Rivières), Desbiens (Dubuc), Mme
Juneau (Johnson), MM. Fallu (Groulx), Bordeleau (Abitibi-Est), Rochefort
(Gouin), Marquis (Matapédia), Baril (Arthabaska), Laplante (Bourassa),
Charbonneau (Verchères), Perron (Duplessis), Biais (Terrebonne), Blouin
(Rousseau), Dupré (Saint-Hyacinthe), Lachance (Bellechasse), LeMay
(Gaspé), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Lavigne (Beauharnois), Brouillet
(Chauveau), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Payne (Vachon),
Paré (Shefford), Tremblay (Chambly), LeBlanc (Montmagny-L'Islet),
Lafrenière (Ungava), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue).
Le Secrétaire: Pour: 29
Contre: 56
Abstentions: 0
Des voix: Bravo!
Le Président: La motion est rejetée. Je pense que
nous conviendrons tous, nous serons unanimes au moins sur une chose, c'est de
féliciter Me Proulx pour son premier vote par appel nominal.
Une voix: Cela ne sera pas le dernier!
Une voix: On veut Lucien, on veut Lucien!
Le Président: M. le député de Marquette.
À l'ordre, de part et d'autre.
M. Dauphin: Attendez, ça va être votre tour. Alors,
merci, M. le Président.
Une voix: Demandez une motion d'ajournement. Michel Gratton, une
motion d'ajournement? On va y revenir.
Le Président: Les députés qui ont à
quitter peuvent-ils le faire de manière à permettre au
député de... M. le député de Marquette.
Reprise du débat M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Merci, M. le Président. L'on assiste encore
une fois à une motion de clôture de la part du leader du
gouvernement, motion de clôture que l'on appelle également la
guillotine, le bâillon. C'est devenu la spécialité du
gouvernement du Parti québécois car, depuis deux ans et demi,
depuis que je siège ici même à cette Assemblée
nationale, je pense que nous sommes rendus à dix, à douze ou
à quinze motions de clôture de la sorte.
C'est une motion de clôture pour brimer les droits des
parlementaires car nous n'avons siégé que quelques heures en
commission parlementaire sur l'étude, article par article, du projet de
loi 38 qui fait l'objet du débat actuel. (2 h 50)
M. le Président, le leader du gouvernement a très mal
commencé l'étude article par article du projet de loi 38 en nous
donnant la salle 80, salle trop petite. À titre d'exemple, nous
étions seize députés et il n'y avait que dix sièges
pour asseoir les députés, de telle sorte que quelques-uns de nos
collègues, au début, dont le député de Papineau,
ont dû passer 15 à 20 minutes, debout ou assis en arrière;
le député de Pontiac a aussi passé 15 à 20 minutes
debout, installé en arrière de la table. C'est malheureux que
nous ayons perdu une heure ou deux de nos travaux de telle façon.
Également, M. le Président, le système d'enregistrement de
la salle 80 était défectueux et, toutes les quinze minutes, nous
entendions des bruits de toutes sortes qui dérangeaient
énormément nos travaux. À la suite de tout cela, les
députés ministériels nous reprochaient d'avoir
retardé indûment les travaux de la commission parlementaire sur le
projet de loi 38.
Quel exemple de démocratie que cette motion de clôture!
Quelle belle réforme parlementaire prônée à cor et
à cri par le député de Trois-Rivières, ex-candidat
à la mairie de Trois-Rivières! Quel bel exemple de réforme
parlementaire auquel nous avons assisté!
Quant au projet de loi 38, nous avons eu l'occasion d'en parler
longuement lors du débat de deuxième lecture. Sur le principe
même de la juridiction exclusive des provinces, tout le monde s'entend
des deux côtés de cette Chambre et la plupart des intervenants. Ce
à quoi nous nous opposons, c'est à l'application pratique du
projet de loi 38, ce projet de loi 38 avec son caractère
déraisonnable. Ceci, ce ne sont pas uniquement les députés
de l'Opposition qui le mentionnent, mais également l'Union des
municipalités du Québec qui nous a fait parvenir un
mémoire. Dans ce mémoire, elle dit très clairement que le
projet de loi 38 a un caractère discrétionnaire, que le projet de
loi 38 a un caractère discriminatoire, que le projet de loi 38 a un
caractère déraisonnable, qu'il a également un
caractère abusif, un caractère imprécis et ne respecte pas
les règles de justice élémentaire, naturelle. C'est
l'Union des municipalités du Québec, laquelle représente
80% de la population du Québec. M. le Président, le gouvernement
péquiste a encore réussi à faire l'unanimité contre
lui avec ce projet de loi 38.
L'Union des municipalités du Québec ne demandait pas la
terre promise; elle demandait d'être entendue avant l'adoption en
deuxième lecture. Malheureusement, le gouvernement du Parti
québécois, son ministre des Affaires municipales en tête, a
refusé carrément à l'Union des municipalités de se
faire entendre avant l'adoption en deuxième lecture. Je ne comprends pas
pourquoi le ministre des Affaires municipales a refusé d'entendre ladite
Union des municipalités qui, comme je le disais tantôt,
représente 80% de la population du Québec.
Également, toutes les chambres de commerce du Québec
s'opposent au projet de loi 38, le Conseil du patronat, etc. Plusieurs de nos
collègues ont eu l'occasion de lire quelques passages de
l'éditorial de Jean-Louis Roy, éditorialiste chevronné du
Devoir. Je ne lis que les trois dernières lignes de son éditorial
alors qu'il nous dit, parlant du projet de loi 38: "Celui-là ne compte
pas des milliers de pages. Mais on a réussi à inscrire dans ces
trois pages tout ce qu'il y a de plus répugnant en régime
démocratique."
Je ne lirai également que quelques lignes d'un éditorial
de M. Jean-Guy Dubuc, de la Presse: "II est vraiment incompréhensible
que le gouvernement péquiste cède aussi facilement à la
panique et s'accorde des droits réservés aux régimes
totalitaires. Il n'y a que dans des pays qui renient la démocratie que
l'on peut trouver
autant de pouvoirs livrés à l'arbitraire d'une personne
tout en étant protégés par la loi. L'an dernier, le
Barreau du Québec avait violemment dénoncé le
procédé. Mais le gouvernement fait la sourde oreille pour
n'entendre que sa colère."
M. le Président, comme je le mentionnais tantôt,
l'unanimité se fait contre le gouvernement du Parti
québécois. En me rendant ici, tantôt, j'ai rencontré
un groupe de restaurateurs et, n'eût été ma
déclaration que j'étais une député libéral,
je me serais fait assaillir. Tout le monde est contre le gouvernement du Parti
québécois et, en ce qui nous concerne plus
particulièrement, c'est la même unanimité contre le projet
de loi 38.
Le président de l'Union des municipalités
régionales de comté, Me Asselin, est venu également nous
faire part de ses commentaires sur le projet de loi il y a deux jours,
contrairement à l'Union des municipalités qui n'a pas voulu du
tout s'associer à cela et venir à la commission parlementaire. Il
nous disait, le 20 juillet 1983: "Le projet de loi 38, une mesure hypocrite qui
transpire le mépris". Il disait également dans un autre article:
"La loi 38, les mesures de guerre du municipal". C'était le 8
décembre 1983. Je m'excuse, M. le Président, mes papiers sont un
peu loin. Inutile de vous dire la belle unanimité contre le projet de
loi en question.
Au niveau du projet de loi 38, ce qu'il nous faut, c'est une entente
avec le gouvernement fédéral, parce que nous sommes encore, au
moment où on se parle et, j'espère, pour longtemps, partie
intégrante de l'ensemble canadien. Il y a trois niveaux de gouvernement,
incluant les municipalités, et le gouvernement du Québec doit
s'entendre avec le gouvernement fédéral. On est tous d'accord que
ça prend des ententes, mais, malheureusement, le Parti
québécois ne veut pas s'entendre avec le gouvernement
fédéral. Une raison récemment s'est ajoutée aux
autres. Je suis convaincu que le député de Lafontaine, Marcel
Léger, chef par intérim du parti "péniste", a convaincu
son ministre des Affaires municipales en lui disant: Si tu t'entendais avec le
gouvernement fédéral, ça ne m'aiderait pas dans ma
prochaine campagne électorale fédérale parce que les gens
du Québec diront: Ça ne va pas si mal que ça, le
système fédéral, parce qu'effectivement on s'est entendu,
entre autres, au sujet des subventions provenant du gouvernement
fédéral distribuées aux municipalités.
Un autre bel exemple, M. le Président. On n'entend que des
querelles, on n'est témoin que de chamaille entre les deux
gouvernements, de chicanes de drapeaux. Il n'y a pas tellement longtemps, le
ministre démissionnaire de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu s'entendait en principe avec son homologue
fédéral pour la réforme de l'aide sociale.
Malheureusement, il a démissionné le lendemain et je suis
persuadé que c'est encore une fois son premier ministre qui l'a
grondé parce qu'il s'était entendu avec le gouvernement
fédéral...
Une voix: C'est vrai.
M. Dauphin: ...et que ça va à l'encontre de
l'article 1 du programme politique du Parti québécois, qui est de
faire l'indépendance du Québec.
Ces gens-là sont pris dans un vrai dilemme. D'un
côté, ils doivent défendre les intérêts du
Québec parce qu'ils sont élus pour ça comme gouvernement
provincial. D'un autre côté, l'aile militante, l'aile radicale
doit faire la démonstration que le système n'est pas bon parce
que, si elle fait la démonstration contraire, c'est-à-dire que le
système est bon, cela va à l'encontre même de l'existence
du parti, de l'article 1 de son propre programme.
Vous me donnez l'indication qu'il ne me reste qu'une minute, M. le
Président. J'aimerais conclure en disant que ce dont le Québec a
besoin, ce dont les Québécois et les Québécoises
sont tannés, c'est de la chicane continuelle entre le gouvernement
fédéral et le gouvernement provincial. Ce sont eux les victimes
de cette chicane-là. Tant que nous aurons un gouvernement
séparatiste qui ne croit pas au système, qui ne veut pas jouer
les règles du jeu, tous ces problèmes-là se reproduiront.
La meilleure façon de faire bénéficier les
Québécois et les Québécoises d'un bon
système, de bonnes ententes, c'est de changer le gouvernement. Qu'on
déclenche au plus vite les élections. Nous, de notre
côté, on est prêt. Merci, M. le Président.
Une voix: Très bien, très bien.
Une voix: Est-ce qu'on a quorum, M. le Président?
Le Président: Je compte, en effet, un certain nombre de
députés qui ne sont pas à leur siège. Si les
députés qui ne sont pas à leur siège prennent leur
siège, il y a de fortes chances que oui. Il y a plus de 20
députés en Chambre, mais il y a effectivement des
députés qui déambulent derrière vous. Si je les
compte, on a effectivement quorum.
Mme la députée de L'Acadie. (3 heures)
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. 3 heures du matin
et nous avons à débattre une motion de clôture que le
gouvernement du Parti québécois nous impose
pour la neuvième fois depuis que nous siégeons à
l'Assemblée nationale. Il ne faut pas s'étonner que nous ayons ce
soir à débattre une motion de clôture. C'était ce
qui devait éventuellement arriver après que le gouvernement eut
refusé d'accepter notre motion de report que nous discutions la semaine
dernière pour tenir une commission parlementaire avant la
deuxième lecture, ce qui aurait permis, je pense, de trouver des avenues
différentes de celle que le gouvernement nous propose aujourd'hui.
N'acceptant pas d'entendre une commission parlementaire avant la
deuxième lecture, le gouvernement s'engageait dans un cul-de-sac
puisqu'il faisait accepter par l'Assemblée nationale le principe de la
loi 38 et que, pour pouvoir changer de direction, il ne lui restait que deux
choix, dont celui de le retirer après cette commission parlementaire
qui, on le sait, s'était engagée dans des conditions difficiles
avec des limites de temps imposées. Enfin, elles ont été,
finalement, retirées parce que l'Opposition a fait valoir les droits
démocratiques de l'Assemblée. Alors, le gouvernement ne pouvait
plus, après cette discussion en commission parlementaire que retirer son
projet de loi ou encore continuer jusqu'au bout et imposer la clôture.
C'est ce qu'il fait aujourd'hui.
Sans doute, le gouvernement, pour se donner bonne figure, a
présenté quelques amendements. Mais ces amendements changent-ils
fondamentalement l'esprit de ce projet de loi? Il faut bien s'en rendre compte,
quand un projet de loi est fondamentalement mauvais, ce ne sont pas des
amendements de forme qui vont en modifier l'esprit. Tout ce qu'on a
proposé finalement, dans ces amendements-là, c'est un avis de 60
jours qui serait donné aux municipalités pour pouvoir,
peut-être, contester ou faire des représentations et un droit
d'appel qui, finalement, pourrait être fait devant la Cour
supérieure, mais qui ne pourrait porter que sur des questions de droit
ou de compétence. En d'autres termes, c'est extrêmement
restrictif. Si le gouvernement décidait que, dans le cas d'une
municipalité, c'est 200 000 $ qu'elle ne recevrait pas comme subvention,
son droit de recours devant le tribunal ne porte nullement sur les montants
impliqués ou les punitions qu'on lui imposerait, mais strictement sur la
question de droit, à savoir si le ministre aurait respecté l'avis
à donner et certaines autres dispositions de forme qu'en bout de piste,
pour tenter de sauver les meubles, le ministre des Affaires municipales a
présentées aujourd'hui en commission parlementaire.
J'entendais le ministre de l'Énergie et des Ressources qui,
à part se plaindre de sa santé, disait: Mais vous n'avez aucune
solution à offrir. Vous n'avez offert aucune solution du
côté de l'Opposition. Il y a à peu près quinze
jours, quand nous discutions pour la première fois du projet de loi 38,
nous avons fait allusion dans cette Chambre à une lettre du ministre de
l'Emploi et de l'Immigration à Ottawa, M. Roberts, qui, justement, je
pense, proposait des éléments de solution intéressants, si
le ministre des Affaires municipales et l'ensemble du gouvernement avaient
été prêts à aller discuter de bonne foi. On sait
fort bien que, dans le passé, tous les gouvernements ont reconnu la
compétence du Québec en matière d'affaires municipales.
Mais ceci n'a pas exclu la possibilité, compte tenu des
responsabilités du gouvernement fédéral en matière
économique et en matière de redistribution de la richesse, de
pouvoir accorder des subventions aux municipalités, mais ces subventions
étaient accordées en vertu d'ententes dûment signées
entre le gouvernement du Québec et le gouvernement
fédéral. Cette fois-ci, pour des raisons qui nous
échappent complètement à la suite des questions que nous
avons posées au ministre à cet égard et auxquelles nous
n'avons eu aucune réponse, le gouvernement semble ignorer totalement les
propositions que M. Roberts a faites. Je voudrais les rappeler ici, M. le
Président. Je regrette que le ministre de l'Énergie et des
Ressources nous dise: Vous ne faites pas de propositions. M. Roberts, dans la
lettre qu'il a envoyée, disait: "Nos propositions prévoient donc
un suivi fédéral ou conjoint des projets, ainsi que le versement
direct de la contribution fédérale aux municipalités." Je
pense qu'il y avait là une modalité qui aurait pu faire l'objet
d'une négociation parce que cette modalité, telle qu'elle est
écrite ou proposée dans la lettre de M. Roberts, peut
présenter des difficultés. Mais il ajoutait plus loin -c'est le
ministre fédéral qui parle - c'est ce qui me paraît
important - "Que le ministère des Affaires municipales du Québec
soit saisi de toute demande que des municipalités
québécoises pourraient adresser à la Commission de
l'emploi et de l'immigration en même temps que celle-ci et qu'il puisse
exercer un droit de veto en ce qui concerne les projets de création
d'emplois." C'est une entente qui prévoirait que toutes les demandes
soient soumises à Québec et que Québec puisse exercer un
droit de veto pour permettre une coordination des travaux et une coordination
des projets afin qu'il n'y ait pas de multiplication de projets inutiles comme,
d'un côté et de l'autre de la Chambre, nous l'avons
regretté.
Ces ententes ont existé dans le passé. Le Québec et
les municipalités n'ont eu qu'à s'en féliciter, je pense.
Il y a encore possibilité d'entente. Nos lois dans les affaires
intergouvernementales nous permettent ces ententes depuis 1974. Mais le
gouvernement fait comme s'il n'avait reçu
aucune lettre. Aux questions que nous posions au ministre des Affaires
municipales: Quel suivi entendez-vous donner à la lettre de M. Roberts,
jusqu'à maintenant, c'est le silence le plus complet. C'est comme si on
disait: De toute façon, on ne veut pas s'entendre. Nous avons ce projet
de loi que nous vous soumettons. Même si, de l'avis de tous, il est
discrétionnaire et punitif, même s'il est arbitraire, il n'y a pas
d'autre solution. J'aimerais que le ministre de l'Énergie et des
Ressources demande au ministre des Affaires municipales quel suivi il entend
donner à la lettre de M. Roberts qui propose que nous fonctionnions
à partir d'ententes dûment négociées qui donneraient
au Québec un droit de veto sur tous les projets qui seraient soumis par
les municipalités.
Je pense que nous sommes devant de la mauvaise foi de la part du
gouvernement et du ministre des Affaires municipales. Nous devons ce soir,
même aux petites heures du matin, nous lever en Chambre pour protester
contre la façon dont le gouvernement essaie d'agir dans ce dossier
particulier.
En terminant, M. le Président, je voudrais simplement citer une
partie de l'éditorial de M. Dubuc de la Presse. Mes collègues ont
déjà fait allusion à certaines parties de cet editorial
qui a été publié ce matin. Je vais simplement me
référer à un autre passage: "II est évident, dit M.
Dubuc, qu'on a là un cas type de loi discrétionnaire qu'un
gouvernement aux prétentions démocratiques ne peut accepter: une
telle loi permet tous les chantages et abus d'anciens systèmes qu'on
croyait avoir délogés pour toujours." (3 h 10)
Si nous poursuivons jusqu'au bout notre lutte contre ce projet de loi,
c'est qu'en dépit des amendements de forme que le ministre des Affaires
municipales a présentés cet après-midi le projet demeure
fondamentalement le même dans ses principes et dans son esprit. C'est un
projet de loi revanchard à l'égard des municipalités;
c'est surtout un projet de loi qui va nécessairement engendrer la
confrontation entre les municipalités et le gouvernement du
Québec et perpétuer la confrontation à laquelle le
gouvernement qui est devant nous nous a continuellement exposés depuis
qu'il est au pouvoir, depuis 1976. C'est bientôt qu'il va falloir que la
population lui indique que trop, c'est trop. Merci.
Une voix: Très bien.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Hull.
M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je m'aperçois
que, du côté ministériel, la clientèle diminue. Ils
sont sûrement retournés au bar Zéro. Si on avait un bar
Oasis, ils seraient peut-être là, M. le Président. Il y a
une chose que je ne peux absolument pas comprendre. Il est 3 h 10 du matin.
Nous étudions un projet de loi relativement important. Le ministre des
Affaires municipales est parti. Il est remplacé par le ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement régional.
Une voix: Ils ne s'entendent pas d'habitude.
M. Rocheleau: Et ils ne s'entendent pas, à part cela, M.
le Président. La chicane est poignée dans la cage. Ils ne peuvent
pas s'endurer. Alors, on ne les voit jamais en même temps à
l'Assemblée nationale, surtout à cette heure tardive de la nuit.
On pourrait se poser de sérieuses questions. Par exemple: Qu'est-ce que
le ministre délégué à l'Aménagement et au
Développement régional fait dans le décor, lui qui est
aussi responsable des municipalités, plus particulièrement les
municipalités régionales de comté, et du document
historique, Le choix des régions? Comment allez-vous faire, M. le
ministre délégué à l'Aménagement et au
Développement régional, pour vendre votre salade à ceux
dont vous venez de botter le derrière?
M. le Président, je trouve ce projet de loi aberrant, absolument
inacceptable. Ce qui est pire, c'est que c'est la population qui est en otage.
Quand je dis la population, je sais bien qu'à cette heure-ci de la nuit
les conseillers municipaux, plus particulièrement les maires des
municipalités du Québec...
Une voix: Ils dorment.
M. Rocheleau: ...sont couchés. Des folies, eux autres, ils
ne font pas cela la nuit. Les maires et les conseillers municipaux, ce sont des
gens sérieux, des gens qui travaillent quand c'est le temps de
travailler, qui s'amusent quand c'est le temps de s'amuser et qui dorment quand
c'est le temps de dormir. Mais avec un gouvernement aussi stupide, on tente de
cacher la vérité à la population du Québec en
pensant qu'elle dort et on profite de cette occasion pour nous faire parler sur
un projet de loi aussi important. C'est absolument inacceptable, une attitude
semblable à l'égard des maires et des conseillers des
municipalités du Québec. 1600 municipalités sont
impliquées. L'an passé, on a adopté le projet de loi 37
regroupant, d'une façon forcée, les municipalités de
Baie-Comeau et de Hauterive. On aurait pensé que ce gouvernement aurait
compris la leçon. Pas longtemps après, le ministre Lessard
quittait cette formation politique et retournait chez lui. Pas longtemps
après, nous élisions à
cette Assemblée nationale un depute de notre formation politique
en la personne de Ghislain Maltais, député de Saguenay.
Une voix: Un bon député.
M. Rocheleau: J'aurais pensé que le gouvernement aurait
compris et cesserait de brimer la population dans ses droits pour plutôt
la respecter. Mais non, il continue. Il continue avec les projets de loi 70,
105, 111 et émet des décrets pour punir la fonction publique,
pour punir les enseignants et les enseignantes, avec des réductions de
salaires. Ce n'est pas assez, M. le Président. C'est-y assez fou,
c'est-y assez bête et faut-y être assez creux! On continue dans
cette vague-là. Mais qu'est-ce que vous voulez faire aux gens du
Québec, pour l'amour du bon Dieu? Nous autres, on s'aperçoit que
vous êtes complètement "capotes", mais j'ai hâte que, parmi
votre groupe, quelqu'un vous le dise.
Si on s'arrêtait là. Mais non. On a le ministre du Travail
avec nous ce soir. On lui demande depuis près de deux ans et à
son prédécesseur de nous éliminer la fameuse carte de
placement dans la construction. La gestapo...
Une voix: Demain matin.
M. Rocheleau: ...l'office du crime du Québec comme le
disait mon ami, le député de Beauce-Sud. Bien oui, M. le
Président, encore là on pénalise les gens. Quelqu'un qui
n'a pas sa carte de placement se fait pincer à travailler, il paie
l'amende. Il n'a plus le droit de travailler au Québec, plus le droit
pour nos travailleurs de la construction de se trouver une "job", de gagner
leur salaire pour faire vivre leur famille. Quelle sorte de gouvernement? Cela
touche aussi à nos jeunes qui sont la relève de demain. Vous
faites quoi avec un gouvernement semblable?
On nous présente le projet de loi 38. Mon collègue de
Laprairie en a parlé longuement du projet de loi 38 dans les
détails, en profondeur. Il y a une chose qu'il faudrait peut-être
dire à la population du Québec. Ce sont les propriétaires
de résidences unifamiliales ou multifamiliales, les locataires...
Vous savez que le projet de loi 38 tel que le gouvernement veut le faire
adopter, brimera les municipalités qui, directement ou indirectement,
auront contrevenu à la loi. Quand on dit une municipalité, on
peut aussi penser à un club de l'âge d'or qui recevrait une
subvention du gouvernement fédéral pour des activités
quelconques pour créer des jobs, pour faire travailler nos
chômeurs ou nos assistés sociaux comme enlever de la neige devant
une maison, laver des fenêtres afin d'aider et de favoriser nos personnes
plus âgées du travail qu'elles ne peuvent plus accomplir.
Vous savez que si dans une municipalité, un organisme accepte de
l'argent et que ce gouvernement gestapo fait enquête et découvre
que le gouvernement fédéral, le mauvais gouvernement
fédéral a donné de l'argent à un organisme
quelconque, la municipalité est pénalisée. Le gouvernement
du Québec qui doit annuellement les en lieu de taxes, doit payer des
taxes sur ses équipements dans les municipalités, soutire ces
sommes d'argent et peut les redistribuer à sa discrétion. Quand
il soutire un montant d'argent à une municipalité et que la
municipalité a préparé au début de décembre
son budget, il est adopté pour l'année. On sait qu'une
municipalité ne peut pas avoir un déficit opérationnel
comme le gouvernement. Premièrement, le gouvernement ne sait pas
administrer. Il fait des trous annuellement. Cela semble être normal pour
ces "pelleteux de nuages", ces "brasseux de manèges", des gens qui sont
absolument déconnectés, des "faiseux de mouches". M. le
Président, c'est absolument aberrant. J'ai déjà
été maire d'une municipalité et je pourrais dire au
ministre des Affaires municipales que si j'étais encore maire de Hull
aujourd'hui et qu'un projet de loi semblable me tombait sur la tête, M.
le ministre délégué à l'Aménagement et au
Développement régional, je vous botterais le derrière et
cela ne prendrait pas de temps non plus. Vous ne m'empêcheriez pas de
faire ce que je veux faire. Vous n'empêcheriez pas mes citoyens, les
organismes du milieu de faire ce qu'ils veulent et vous n'empêcheriez pas
l'économie de ma ville de progresser. Je vous le dis et je vous le
garantis.
Je sais pertinemment que parmi les 1600 municipalités du
Québec plusieurs vont vous montrer les dents tantôt et plusieurs
vont vous retourner d'où vous venez. Vous allez le mériter, oui.
Des administrateurs de la sorte, M. le Président, c'est absolument
impensable qu'on ait permis dans les sept dernières années de
pratiquement mettre le Québec en faillite, qu'on ait accepté de
tolérer un gouvernement semblable. La population s'est sûrement
trompée une deuxième fois en 1981, mais elle ne se trompera pas
une troisième fois. Non, parce que vous avez tellement menti lors de vos
campagnes électorales, les promesses à coût de milliards
dans tout le Québec depuis 1981. La réalisation de vos promesses
ne s'est pas vue. (3 h 20)
Je dois quitter là-dessus, M. le Président. J'aurais
d'autres choses à dire, mais je reviendrai sur le rapport de la
commission et je reviendrai en troisième lecture. Tous, de l'Opposition,
nous allons revenir et nous allons dire à la population du Québec
la vraie couleur de ce parti séparatiste, indépendantiste, parti
qui ne voit
absolument rien.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: M. le Président, comme on dit en anglais: It is
a very hard act to follow. C'est une performance très difficile à
suivre pour le bénéfice de notre ministre bilingue de
Sherbrooke.
On a entendu des discours d'un côté et de l'autre, mais je
pense que l'essentiel de cette motion a peut-être été
oublié par certains députés ici. L'essentiel de cette
motion est que c'est une motion de clôture, de guillotine. Cette motion
est une motion qu'on doit utiliser durant des périodes
particulières, pour une loi particulière, pour une loi qu'on a
besoin d'adopter de façon urgente pour toutes sortes de raisons.
Pour commencer, je me demande vraiment si le projet de loi qu'on essaie
d'adopter ici, le projet de loi 38, est tellement visé par l'article
156. Je me demande, si on n'était pas en session ici, si le leader du
gouvernement viendrait convoquer la Chambre et demander de faire une motion
selon l'article 84, suspendant les règles parce que c'est un cas
d'urgence. C'est là la motion de clôture. Une motion de
clôture, c'est un peu comme mettre de côté tous les
règlements de la Chambre sur une question d'urgence.
On utilise normalement l'article 84 dans les cas d'urgence, mais entre
les sessions. Mais une chose qui est intéressante ici, c'est que
seulement trois heures après une commission on commence à
discuter du sujet. Le leader de la Chambre vient devant nous et dit: Demain,
une motion de clôture. On peut le comprendre facilement parce que les
gens d'en face ont un défaut qu'on a vu dès la première
journée qu'on est arrivé ici en Chambre après les
élections de novembre 1976. Je pense que tous les députés
qui étaient ici à ce moment ont pu le constater. Cette formation
politique, qui forme le gouvernement actuel, pense qu'elle n'a pas besoin de
Parlement. Dans l'histoire du Parlement, dans les récentes
années, on n'a jamais siégé si peu de jours qu'on ne le
fait avec ce gouvernement. Cette année, on a siégé 64
jours. Pas 64 jours en cette fin de session, mais 64 jours depuis le 1er
janvier 1983. Jamais on n'a eu des sessions aussi courtes.
On vous demande pourquoi ce gouvernement ne fait pas siéger le
Parlement. Parce que, premièrement, il ne veut pas du Parlement parce
que le Parlement est trop démocratique pour lui. Deuxièmement, il
ne veut pas du Parlement parce que le Parlement est transparent. On a des
télévisions, des caméras. Les gens peuvent voir ce qui se
passe ici. Troisièmement, il aime gouverner par décret. C'est la
marque de commerce de ce gouvernement. Il aime gouverner par décret.
Même quand il adopte des lois, il essaie d'adopter des lois en blanc, des
"chèques en blanc" et il fait fonctionner les lois par
règlements.
Comme vous le savez, par règlement ici, cette Assemblée
nationale n'a aucun mot à dire vis-à-vis des règlements.
Même s'ils sont illégaux, même s'ils sont ultra vires, nous
n'avons aucunement à redire de ces règlements. La seule
façon - Dieu merci, on a des cours - c'est de les contester dans les
cours, devant les tribunaux. C'est là l'attitude de ce gouvernement.
Voilà un exemple parfait de l'attitude totalitaire de ce gouvernement.
Il dépose une loi au mois de juin, il n'y touche pas, il la remet pour
la session qui devait commencer le 18 octobre, il reporte la session jusqu'au
15 novembre, il attend trois semaines, il appelle la loi en deuxième
lecture, elle est votée en deuxième lecture, immédiatement
cela va en commission parlementaire et une heure, deux heures ou trois heures
après, motion de clôture. Ensuite, on s'organise pour avoir le
débat sur cette motion de clôture après que tout le
Québec dort. Cela a commencé après onze heures. Il n'y a
personne qui nous regarde et personne ne voit ce qui se passe ici en Chambre.
C'est une autre marque de commerce de ce gouvernement. Récemment, la
semaine dernière, on avait deux projets de loi du ministre du Revenu,
les projets de loi 44 et 54. Les deux projets de loi sont du même genre,
des projets de loi qu'on appelle omnibus, pour essayer de régler
certains articles dans la loi de l'impôt et d'autres lois de
taxation.
Qu'est-ce qui se passe? On a divisé ces lois: Une donnait des
mauvaises nouvelles et l'autre donnait des bonnes nouvelles. Je vais vous dire
que celle des bonnes nouvelles était très mince. Elle avait
environ six ou sept paragraphes et l'autre avait une soixantaine de
paragraphes. La chose intéressante, c'est qu'on s'est organisé
pour que les mauvaises nouvelles passent ici après minuit. Entre minuit
et trois heures du matin, on a discuté des mauvaises nouvelles. Cela
veut dire que les Québécois et les Québécoises
n'ont pas vu ce que le gouvernement leur impose: des augmentations de taxe, des
changements de taxes temporaires, des taxes permanentes; ce sont toujours des
taxes, toujours des augmentations de taxes. Mais quand est venu le projet de
loi plus mince, celui des bonnes nouvelles, celui de six ou sept paragraphes
avec des petits bonbons, des petits "candies", qui vraiment n'ajoute rien pour
les Québécois et les Québécoises, c'était
durant la journée, à midi, l'heure de pointe de la
télévision quand les Québécois et les
Québécoises sont chez eux pour manger, pour voir la
télévision. Là on expose les bonbons.
Mais quand, vient le temps d'exposer quelque chose qui fait mal aux
Québécois et aux Québécoises, qui fait mal au
système démocratique, qui fait mal au système
parlementaire, cela se passe après minuit. C'est la marque de commerce
de ce gouvernement. Voyons donc, cela est la vérité. Même
s'il y a des objections de certains membres de cette Chambre, cela est la
vérité. Ce n'est pas moi qui ai inventé le mot totalitaire
vis-à-vis de ce gouvernement. C'est un des plus grands juristes de cette
province, l'ancien juge en chef, M. Jules Deschênes, qui dit qu'il y a
une pensée totalitaire dans ce gouvernement.
Qu'est-ce qui se passe quand on met de côté toutes les
règles démocratiques, quand on met de côté le
Parlement? Un de nos députés le disait ce soir: Le Parlement,
c'est le peuple. Nous des deux côtés de la Chambre
représentons le peuple. Si on met de côté le Parlement, on
met de côté le peuple. Quand on met de côté le
peuple, c'est seulement un mot qui peut le décrire, c'est totalitaire.
Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Beauce-Sud.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Nous sommes sur la
motion de clôture relativement au projet de loi 38. Il est 3 h 30 du
matin. Si des gens sont déjà levés et regardent la
télévision, ils doivent croire que cela est un reportage d'hier.
Nous sommes bien ici ce matin, on ne sait plus si c'est le 15 ou le 16
décembre et nous étudions cette motion de clôture. C'est la
neuvième motion de clôture de ce gouvernement depuis 1976 et c'est
l'acte le plus antidémocratique qui puisse exister dans la
procédure parlementaire. C'est une procédure qui est
exercée le plus rarement possible quand un gouvernement est respectueux
des droits de la population. Mais avec ce gouvernement, nous avons connu le
record. (3 h 30)
M. le Président, avant d'aller dans le vif de mon sujet, du
projet de loi 38, je voudrais relever certaines choses qui ont
été dites même par des ministres, par des
députés du Parti québécois. J'ai entendu à
quelques reprises le mot "traître", le mot "vendu", le mot "filiale" ou
les mots "succursale d'Ottawa". Je ne sais pas si les gens qui prononcent ces
mots-là savent ce qu'ils disent. Je ne sais pas si ce sont des
écarts de langage auxquels ils sont habitués, auxquels même
leur chef les habitue en ce qui a trait aux plus grands impairs diplomatiques
comme celui qui s'est passé en Italie la semaine dernière. Je
voudrais leur dire une chose. Chaque fois que je vais entendre les mots
"succursale d'Ottawa", chaque fois que je vais entendre le mot "traître",
chaque fois que je vais entendre le mot "vendu", je vais prendre vos documents
et je vais vous poser des questions. Chaque fois. Si vous ne voulez pas
entendre parler de ce que je vais traiter, vous n'avez qu'à ne pas
employer ces mots-là.
Quand on parle de succursale d'Ottawa, je suis Québécois,
je suis Canadien; je pense que je peux être à la fois bon
Québécois, aussi bon que n'importe qui assis là, et un bon
Canadien. Je pense que je peux aimer à la fois mon père et ma
mère; je pense que je n'ai pas à prouver que j'aime ma
mère dans la mesure que je déteste mon père. Je pense que
je n'ai pas à faire cela. Je vais vous parler de votre filiale. Je
prends le Journal de Québec du 30 mars 1983 - c'est écrit en
petits caractères: "L'Internationale socialiste: le PQ veut toujours en
faire partie. Le Parti québécois n'a pas abandonné son
intention de devenir membre de l'Internationale socialiste. C'est ce qu'a
rappelé hier un porte-parole du ministre Jacques-Yvan Morin. Pour M.
Morin, il s'agit là d'un progrès tout à fait valable."
Parlez-moi de succursale; parlez-m'en. Je vais vous en parler et on verra
quelle succursale la population préfère.
Je pense qu'on a prouvé et que j'ai prouvé personnellement
que quand c'est le temps de dire oui à Ottawa, on est capable de le
faire - on est capable de discerner -et quand c'est le temps de dire non, on a
déjà prouvé qu'on était capable de le faire. On est
capable de négocier, on est capable de se rencontrer, de s'entendre, ce
dont vous n'êtes pas capables parce que vous êtes
emprisonnés dans votre option. Quand on parlera de traître, de
vendu, je vous parlerai de votre congrès du 7 décembre 1981.
Remarquez que je n'aime pas parler de cela; j'en parle et je le ferai chaque
fois que j'entendrai ces mots-là. Le Devoir, 7 décembre 1981: "Le
huitième congrès du PQ: Le congrès appuie et ovationne
Jacques Rose. Jacques Rose, ancien membre du Front de libération du
Québec a obtenu appui et ovation quasiment unanime des congressistes du
Parti québécois en fin d'après-midi, quelques minutes
avant la clôture des deux jours de réunion. M. Rose venait
présenter une résolution d'urgence demandant au gouvernement du
Québec de faire pression sur les autorités
fédérales pour la libération des prisonniers politiques
québécois, ses anciens collègues, toujours derrière
les barreaux. Certains délégués sont venus soutenir sa
position en ne craignant pas de faire un lien entre leur projet politique
d'indépendance pour le Québec et l'ancien Front de
libération du Québec." "Cela fait assez longtemps au Parti
québécois qu'on fait les sépulcres blanchis à
l'égard des
felquistes", de tonitruer un autre. "Ces gars-là sont nos
pionniers. Nous autres, ici, aujourd'hui, pouvons leur dire merci." En
avez-vous assez? J'en ai d'autres.
Le Devoir, 7 décembre 1981: "De nombreux étrangers ont
suivi de près les délibérations du PQ - par Clément
Trudel -M. Michel Leduc, député de Fabre, au nom du comité
des relations internationales de son parti, a rappelé hier que ses
invités, bon nombre d'entre eux viennent d'Amérique latine, ne se
limitent plus au bassin de la francophonie puisque le Québec s'achemine
vers la souveraineté. Il est important que, de plus en plus, le
Québec aille vers les autres dans les rencontres internationales et
invite ces observateurs à se rendre compte de ce que nous sommes.
Ultimement, selon M. Leduc, ces observateurs pourraient compter comme
alliés du Québec advenant une demande d'adhésion à
l'Organisation des Nations unies." M. Leduc, c'est le député de
Fabre dans cette Chambre.
M. le Président, on vient nous parler de succursale, vous avez le
culot de venir nous parler de trahison, vous avez assez de culot pour
ça! Je continue, même si cela ne fait pas votre affaire.
Présents à certaines séances du congrès, on
remarquait: le vice-président de l'Internationale Socialiste, Anselmo
Sule, les porte-parole de l'Organisation de libération de la Palestine,
l'OLP qui met des bombes dans les autobus d'écoliers, qui fait sauter
des bombes dans les centres d'accueil de vieillards - je n'ai pas à
discuter du bien-fondé, M. le Président, je ne m'occupe pas de
ces choses; mais vous tendez la main à ces gens, d'après vos
dires, pour entrer aux Nations Unies - un représentant de la Convergence
démocratique de l'Uruguay et également du Front national
d'Algérie, et il y en a encore d'autres. Le Soleil du 7 décembre
1981: "Le PQ avait invité l'OLP."
Je sais que cela ne fait pas votre affaire, comme cela ne fait pas mon
affaire moi, depuis quatre ans, d'être qualifié de traître
et de vendu par "cette gang" de sépulcres blanchis! Je pense qu'il faut
vous dire ce que vous êtes. Si vous n'aimez pas vous faire dire cela,
pensez-vous qu'on aime se faire traiter de traîtres? Ouvrez votre
dictionnaire, M. le député très savant de Groulx, les
savants regardez ce que "traître" veut dire. Ensuite... Tiens, le
député de Groulx me regarde et dit qu'il en voit un
traître. Je pourrais vous faire ravaler votre vomissure, M. le
député de Groulx, soyez en sûr!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Beauce-Sud. Je demanderais qu'on utilise simplement une
façon normale de discuter ici, à l'Assemblée
nationale.
M. Mathieu: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Très brièvement, je voudrais vous
demander, afin que nos débats puissent être le plus calmes, le
plus sereins possible et guidés évidemment par le respect du
règlement, si vous avez entendu les paroles que le député
de Groulx a prononcées à l'endroit du député de
Beauce-Sud? Et je vous demanderais d'exiger de lui qu'il retire les paroles
disgracieuses qu'il a eues à l'endroit de mon collègue.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je
n'ai pas entendu ce que le député de Groulx...
M. Côté: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M.
le député de Charlesbourg!
Quand je dis que le président n'a pas entendu...
Une voix: Cela paraît qu'il est sourd!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cela paraît que
cette salle est trop bruyante, cela paraît qu'il y a trop de gens qui
parlent quand ils n'ont pas de raison de parler aussi. Simplement, je demande
au député de Beauce-Sud de terminer, dans le contexte du plus
grand calme de cette Assemblée.
M. Pagé: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Très brièvement, j'ai entendu,
comme d'autres de mes collègues ont entendu, de ce côté-ci
de la Chambre...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Pagé: Non, je m'excuse...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vous ai dit
tantôt que personnellement je n'ai pas entendu. Je m'excuse, vous m'avez
posé une question à savoir si j'avais entendu, j'ai dit: Non.
Vous devez prendre ma parole.
M. Pagé: C'est une question de
règlement. Je comprends et j'accepte le fait que vous n'ayez pas
entendu. Nous avons entendu et nous demandons que le député de
Groulx ait un minimum de gentilhommerie, qu'il se lève et qu'il retire
ses paroles à l'endroit d'un de nos collègues.
Une voix: ...
M. Pagé: Ah, oui?
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; M.
le député de Beauce-Sud, nous allons vous permettre, puisqu'il y
a eu interruption, une minute et demie pour terminer votre intervention.
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je n'entends pas
poursuivre cette chose. Si le député de Groulx n'est pas assez
gentilhomme pour retirer ses paroles, on le voit à sa juste mesure. Sa
mesure intellectuelle est à l'image de sa mesure physique. (3 h 40)
Je conclus donc, M. le Président, puisqu'il me reste une
semaine... puisqu'il me reste une minute, pardon. Voulez-vous parler? Le
député de Groulx a quelque chose à dire, M. le
Président, je ne sais pas s'il est saoul.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Il vous reste 30 secondes, M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je vous en prie. Je ne veux pas perdre mon
temps...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! II
vous reste 30 secondes, M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je demande le consentement, M. le Président,
pour me permettre de compléter mon article. Je cite le Soleil du 7
décembre 1981: "Le PQ a invité l'OLP. Pour la première
fois en Amérique du Nord, l'Organisation de libération de la
Palestine, l'OLP, a délégué des représentants
à un congrès d'un grand parti politique. C'est la première
fois qu'un parti politique nord-américain d'importance invite l'OLP
à assister à son congrès. Cette invitation,
adressée aux représentants montréalais de l'OLP, qui n'est
pas officiellement reconnue par le gouvernement fédéral,
s'explique par l'ouverture de certains membres du Parti québécois
sur le monde, précise M. Omran, qui ajoute que, contrairement aux autres
partis politiques canadiens, le PQ n'est pas hostile aux Palestiniens."
Comme mon temps achève, je conclus, M. le Président, en
disant que, chaque fois que j'entendrai le mot "traître", que j'entendrai
le mot "vendu", que j'entendrai le mot "succursale", vous allez vous faire
passer un savonnage!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: À cette heure-ci, à 3 h 40 du matin,
même sur la côte ouest, le "late show" est terminé.
Même Johnny Carson a terminé son "late show" et heureusement pour
les auditeurs qui pourront voir l'Assemblée nationale dans sa
plénitude. Le "late show" de Johnny Carson me fait penser au show qu'on
a vu le 13 novembre dernier quand, soudainement, le premier ministre est
arrivé, exactement comme les grands comédiens, depuis
l'arrière-scène, il s'est présenté avec une grande
fanfare. Il est venu annoncer sa fameuse relance, la relance "comique". C'est
comme cela qu'elle devrait s'appeler: "la relance comique". Il nous a
annoncé toutes sortes de fameux plans.
Pendant un mois, nous n'avons pas siégé, pendant un mois,
la Chambre était fermée. Ensuite, il est arrivé avec son
grand show. Il nous a dit qu'il allait tout relancer, qu'il allait planter des
arbres, qu'il allait se servir de l'aide sociale pour faire l'apprentissage des
jeunes au travail, l'apprentissage des chômeurs au travail. La semaine
suivante, par le budget qui allait être présenté à
l'Assemblée nationale, on allait donner des quantités d'argent et
on aurait la surprise de savoir combien allait être dépensé
dans tous ces fameux programmes.
Quand les questions sont arrivées, on s'est rendu compte que les
arbres, on ne peut pas les planter en hiver, qu'il faut attendre le mois
d'avril. L'aide sociale pour faire l'apprentissage, on ne pouvait pas la donner
parce qu'il fallait faire un petit "deal" avec Ottawa. Quand il s'est agi
d'aller consulter Ottawa, de négocier et d'arranger les choses avec eux,
c'est le ministre de la Main-d'Oeuvre qui l'a fait avec succès. Le jour
suivant, il nous a quittés, il nous a filés entre les doigts et
tout cela est encore en suspens.
On a attendu le ministre des Finances qui devait nous parler de tous les
millions injectés dans la fameuse relance "comique"; c'étaient 30
000 000 $. Quand on lui a demandé: Pourquoi, seulement 30 000 000 $? Il
nous a répondu: II faudra attendre avril. On a d'abord attendu depuis
octobre jusqu'à novembre pour connaître toutes les grandes choses
que nous annonçait le gouvernement. En novembre, on doit attendre
jusqu'en avril.
Entre-temps, qu'est-ce qui s'est passé, depuis un mois de
session? On aurait pu penser pouvoir adopter toutes sortes de projets de loi
ayant trait justement à l'économie; qu'est-ce qu'on a
adopté comme
projets de loi? Le projet de loi 43. Qu'est-ce qu'il fait? Chercher la
bagarre entre les restaurateurs et les serveuses de restaurant. Des centaines,
des centaines et des centaines de propriétaires de restaurant, des
milliers de gens travaillant dans cette industrie, tous ont renié ce
projet de loi. Tous ont dit au gouvernement que c'est de la folie pure.
Ensuite, on a eu le projet de loi 48 que nous a présenté le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Là
aussi, cela a été la bagarre. C'est la bagarre, cette fois, avec
le gouvernement fédéral, avec le gouvernement des autres
provinces, parce que ce n'est pas assez pour nous de nous entendre avec les
autres, de faire la pêche comme les autres sur un territoire où,
historiquement, on s'est échangé les captures de poisson. Non,
là, il fallait aller faire la bagarre. Il faut déclarer que nous
possédons la mer sur un territoire qui reste à
définir.
On a eu le projet de loi 49. L'Union des producteurs agricoles, les
agriculteurs, les pisciculteurs, tous disent: On ne veut pas de ce fameux
projet de loi 49. C'est comme cela qu'on a passé notre temps ici,
à soi-disant refaire l'économie du Québec. Ensuite, il y a
eu le tour du monde du premier ministre, le tour de l'Europe, le tour de la
France et le tour de l'Italie. Cela a duré quelques jours seulement.
Heureusement, parce que déjà en France, les problèmes ont
commencé. On a été faire une annonce en France de quelque
chose qui aurait dû être annoncé ici. C'est en France qu'on
nous annonce qu'une compagnie québécoise va produire 51% des
ordinateurs pour les écoles du Québec. On aurait pu croire - vous
qui vous targuez de défendre les intérêts du Québec
- que votre premier ministre, dont vous êtes tellement fier aurait
annoncé une belle chose comme cela au Québec. Mais non, il
fallait annoncer cela en France et personne d'autre ne le savait, même
les gens de votre gouvernement, même les gens du ministère de
l'Éducation. On annonce ces choses en France. Si, par exemple, le
premier ministre fédéral avait annoncé un grand contrat
canadien ailleurs en Amérique, en Angleterre ou en Chine, on aurait dit:
Mais il est fou! Pourquoi n'annonce-t-il pas cela au Canada? Mais pour notre
premier ministre, lui, le Québec n'est pas assez bon pour annoncer ses
projets. Il fallait le faire en France.
Après, il est allé en Italie, seulement deux jours et en
deux jours, il a semé encore la bagarre. Il est revenu ici au
Québec, humilié. Il a eu à s'excuser ici en Chambre. Le
président de la république d'Italie lui renvoie le passeport dont
il nous avait dit lui-même qu'il avait été accueilli avec
beaucoup de joie par le président de l'Italie. Ce fameux petit tour de
force du premier ministre, on devrait l'appeler "le tour de farce". Dans deux
ou trois jours, en
France et en Italie...
Il est allé en France. Cela a été toute la zizanie
avec l'affaire de Comterm-Matra qui est encore en manchettes aujourd'hui, parce
qu'il y a toutes sortes de dessous de cartes dedans qui sont bien
étranges et bien flous. Il a passé deux jours en Italie.
Heureusement qu'il ne s'est pas querellé avec le pape, mais le
président de l'Italie lui-même nous a maintenant rabroués
publiquement. C'est comme cela qu'on passe notre temps à
l'Assemblée nationale du Québec; des projets de loi de
confrontation, des "tours de farce" du premier ministre qui humilie le
Québec. Et c'est ainsi, d'après vous, qu'on défend les
intérêts du Québec?
Aujourd'hui, que vient-on faire? On fait des motions de clôture
à 3 h 50. C'est le Disney World du Québec. Mais le Disney World
réel, au moins, on va s'amuser là-bas, tandis qu'ici, ce n'est
pas amusant. C'est presque tragique. C'est du tragi-comique. C'est cela, que
vous avez produit ici, une espèce de machine infernale, un "cuckoo's
nest". À 3 h 50, on est en train de débattre des motions de
clôture. Comment voulez-vous? C'est un gouvernement qui s'appelle le
gouvernement de la concertation, mais qui fait la bagarre avec les
travailleurs, qui fait la bagarre avec les universités, qui fait la
bagarre avec les municipalités et qui fait la bagarre avec le
gouvernement fédéral. C'est un gouvernement qui se dit le
gouvernement de la transparence et pendant ce temps, on ne sait même pas
ce qui s'est passé dans la petite affaire d'ordinateurs Comterm-Matra.
Personne ne sait rien de tout cela. Tout cela est caché. On dit que
c'est le gouvernement de l'indépendance.
M. le Président, je voudrais demander le quorum, s'il vous
plaît!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous avons le quorum, M.
le député.
M. Côté: Non, M. le Président, on n'avait pas
le quorum, effectivement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Quand M. le
député de Nelligan m'a demandé le quorum, il y avait trois
députés qui n'étaient pas à l'extérieur de
la Chambre, M. le député de Charlesbourg, plus ceux qui
étaient déjà ici. M. le député de
Nelligan.
Une voix: II ne sait pas compter.
M. Lincoln: M. le...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Charlesbourg, je vous ai entendu, cette fois-ci.
Une voix: Ah! c'est sérieux. Vous entendez d'un
côté, mais vous n'entendez pas de l'autre.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je m'excuse. Vous parlez
tellement fort... M. le député de Nelligan. (3 h 50)
M. Lincoln: M. le Président, c'est le même
gouvernement qui nous dit qu'on serait tellement bon si on était
indépendant. Mais comment prouve-t-on qu'on est indépendant? On
va en France. On traite les autres de collaborateurs, on se dit qu'on va aller
créer un marché commun avec les Etats-Unis et on se fait rabrouer
publiquement, officiellement. Notre ministre du Commerce extérieur est
précisément celui qui a été rabroué
publiquement par le State Department des États-Unis.
Le premier ministre va à Paris, il insulte les
Québécois.
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le whip de l'Opposition.
M. Pagé: Je m'excuse, M. le Président, de
déranger mon collègue au milieu de son intervention, qui est
très intéressante, mais, malheureusement, le règlement
stipule qu'on nombre minimum de députés doit être
présent et on n'a pas quorum. Je vous inviterais à appeler les
députés.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vais constater si nous
avons quorum. Nous avons 21 personnes. Nous avons quorum.
M. Pagé: On ne l'a pas.
Une voix: Le député de Portneuf a des visions.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le secrétaire
général, avons-nous quorum? Nous avons effectivement quorum. M.
le député de Nelligan.
M. Lincoln: Je réalise qu'il n'y a pas beaucoup de gens
qui m'écoutent attentivement à quatre heures - c'est d'accord,
oui, oui, nous sommes tout à fait d'accord. À quatre heures moins
dix, pour demander à n'importe qui d'écouter quelqu'un
attentivement, il faut qu'on soit dans un royaume de déboussolés,
pour que cela se passe à quatre heures moins dix, en décembre, le
15 décembre. Un royaume de déboussolés, c'est bien ce que
c'est.
On a fermé l'Assemblée nationale pendant un mois entier
pour attendre votre fameuse "relance comique" d'arbres qu'on va planter en
hiver, des choses folichonnes, de 30 000 000 $ du ministre des Finances. Vous
devriez être humiliés de votre fameuse "relance comique" de 30 000
000 $ et d'arbres qu'on va planter en avril, vous devriez être
humiliés de votre premier ministre, qui a eu à s'excuser en
Chambre auprès du président de l'Italie, vous devriez être
humiliés de votre ministre du Commerce extérieur, qui s'est fait
rabrouer publiquement par le State Department de Wahington, vous devriez
être humiliés par votre premier ministre, qui va à Paris
insulter les gens âgés pour leur dire: "Mourez vite pour qu'on
fasse l'indépendance au plus vite"! Et vous parlez
d'indépendance! Vous n'avez même pas le courage de nous dire ce
que va être "demain" la monnaie de ce Québec indépendant.
L'indépendance est censée se faire dans deux ans.
J'ai demandé à votre ministre du Commerce
extérieur: "Qu'est-ce que c'est que cette monnaie? Est-ce que ça
va être la monnaie du Québec, le dollar québécois,
le dollar canadien ou le dollar américain?" Vous ne le savez même
pas encore ou vous n'osez pas le dire.
Vous allez faire des conseils nationaux. Vous avez évité
de le mettre dans votre programme. Je vous mets au défi, en incluant
votre ministre des Finances, de nous dire n'importe quand, en Chambre, de
quelle monnaie il va se servir. S'il se sert de la monnaie américaine,
il va être encore plus dépendant que jamais. S'il continue
à se servir de la monnaie canadienne, vous serez dépendants comme
aujourd'hui. Si vous prenez une monnaie québécoise, quel sera le
taux d'échange, et comment allez-vous la défendre, puisque le
ministre du Commerce extérieur m'a annoncé lui-même qu'on a
des problèmes à se défendre avec la monnaie
canadienne?
C'est à ça que vous voudriez vous adresser? Si vous voulez
l'indépendance, faites la vraie indépendance. Dites-nous ce que
ça va être. Vous n'osez pas le dire, parce que vous ne savez pas
vous-mêmes toutes ces réponses. Alors, vous nous racontez des
affaires folichonnes; vous vous servez des lois 38, 48, 49 pour aller chercher
la bagarre. Comme a expliqué mon collègue de Marquette, si
ça marche dans le Québec aujourd'hui, si ça peut marcher
dans le Québec, à ce moment-là, votre option principale
est réprouvée par elle-même. Cela ne peut pas marcher avec
vous, et si ça marche en ce moment, cela prouve que le
fédéralisme peut être rentable. Il faut, avec vous, que
ça ne marche pas et vous agissez de façon que ça ne marche
pas, avec des lois comme la loi 38, la loi 48 et la loi 49...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan, voudriez-vous conclure?
M. Lincoln: Les gens en ont assez de vous. Bientôt, s'il y
a des élections dans Marie-Victorin et les autres, comtés vous
allez avoir votre leçon. Le plus tôt cela arrivera, le mieux ce
sera pour le Québec.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Chomedey.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: C'est avec regret, M. le Président, que j'ai
constaté, au moment où mon collègue de Nelligan
rappelait...
Une voix: Good speech.
Mme Bacon: ...et rappelait avec une certaine tolérance
même, parce qu'on pourrait être beaucoup plus virulents face
à l'attitude du premier ministre qui, lors d'un voyage à
l'extérieur du Québec, à l'étranger, mentionnait
dans une entrevue que, grâce au décès des personnes
âgées d'ici les prochaines élections, il pourrait
réaliser l'indépendance du Québec... Lorsque mon
collègue de Nelligan a rappelé cette entrevue, c'est avec regret
que j'ai vu certains membres d'en face en rire, faire des gorges chaudes. Mais
ces gens-là n'ont-ils pas un père et une mère? Ces
gens-là n'ont-ils pas de respect au moins pour ceux qui leur ont
donné la vie? S'ils n'en ont pas pour les autres, au moins qu'ils en
aient un peu, qu'il leur en reste, j'espère, pour leur père et
leur mère qui leur ont donné la vie, afin de ne pas leur faire
regretter de l'avoir fait.
Ce n'est pas la première année que je siège en
cette Chambre. Ce n'est pas la première année que je siège
face à ce gouvernement. Je l'ai déjà fait comme
responsable de dossiers dans un gouvernement précédent. Mais
c'est la première fois que je constate, avec regret, qu'un tel
gouvernement n'a plus aucun respect pour la population, pour ceux qui la
représentent, pour ceux et celles qui tentent de défendre des
dossiers, de part et d'autre de la Chambre, surtout quand l'Opposition lui fait
voir les faiblesses de certains projets de loi qu'il nous présente. Ces
gens-là n'ont plus aucun respect pour cette institution qu'est
l'Assemblée nationale. Mais, M. le Président, on ne peut pas
laisser passer cela. Quand le député de Groulx traite mon
collègue de traître et qu'il n'est pas rappelé à
l'ordre, on ne peut pas laisser passer cela. Je pense que s'il reste encore
quelques personnes qui nous regardent et si une certaine partie de la
population peut être au courant de ce qui s'est passé en cette
Chambre, c'est notre devoir de lui rappeler ce qu'est devenue
l'Assemblée nationale.
Oh! M. le Président, on sait que le gouvernement, qui a toujours
camouflé ses intentions par de la poudre aux yeux, a parlé de
reprendre un peu certains règlements de la Chambre. Il a parlé de
réforme parlementaire. C'est beau, cela paraît bien, cela remplit
les pages des journaux, cela remplit les pages du journal des Débats.
Mais quand on ne traduit pas dans des attitudes, quand on ne traduit pas dans
des gestes concrets le respect de cette Chambre, quelle que soit la
réforme parlementaire, comment voulez-vous que la population y croie?
Comment voulez-vous que cette population ait du respect même pour ses
élus? Vous le savez, ceux qui sont de l'autre côté de la
Chambre, que, de moins en moins, la population a du respect pour ses
élus. Elle a de moins en moins de respect parce qu'ils ne le
méritent pas, parce que ces gens-là méprisent cette
population qui les a élus. Cette motion de clôture qui a
été faite par le leader de la Chambre, c'est une preuve
éclatante que ce même leader méprise les travaux
mêmes de cette Chambre. Ces écarts de langage, ces injures que
nous devons subir, nous de l'Opposition, nous ne pouvons plus l'accepter sans
le dire en cette Chambre et sans le dire à la population par le
truchement de la télévision. Du moins ceux qui restent, ceux qui
sont encore debout et qui font peut-être de l'insomnie et qui nous
regardent, n'iront sûrement pas dormir après cela, M. le
Président.
Je ne peux pas accepter, comme représentante d'une population,
que cela puisse continuer. Cette hypocrisie, cette... On a parlé de
gangrène à un moment donné - le ministre même des
Affaires municipales a parlé de gangrène - je pense que cela en
est déjà. Cela existe en cette Chambre. (4 heures)
Des mesures de redressement sont nécessaires et, si on y croit,
il faudra les faire non seulement en paroles, mais il faudra poser des gestes
plus importants. Il était de notre devoir de le mentionner, au moment
où on tente de faire corriger des erreurs que commettrait ce
gouvernement s'il adoptait la loi 38 tel qu'elle nous est
présentée. On demande de la corriger au nom d'une population
importante, au nom des maires des municipalités, dans les villes que
vous représentez, de l'autre côté de cette Chambre.
Il est nécessaire que des rencontres se fassent. On a beau - vous
le savez, M. le Président - siéger au Bureau de
l'Assemblée nationale pour améliorer les conditions de vie de nos
députés, quand ceux-là mêmes qui représentent
une partie de la population ne la respectent plus, comment pouvons-nous
améliorer la qualité de vie de ces mêmes personnes?
Comme parti politique, nous avons toujours défendu le principe
même de juridiction des provinces en matière municipale. Nous
l'avons prouvé dans le passé et c'est pour cela que nous nous
battons pour le projet de loi 38. C'est pour cela que nous demandons au
ministre des Affaires municipales de corriger son projet de loi, de ne pas le
soumettre à cette Chambre et à la majorité servile de
cette Chambre pour le faire adopter. C'est pour cela que nous
demandons au ministre des Affaires municipales de respecter ce que nous
tentons de lui faire comprendre. C'est pour cela que nous déplorons la
dégradation même des débats de cette Chambre, ce
mépris que nous avons, ce mépris même des
délibérations de cette Chambre. Tant et aussi longtemps que cela
durera, comme le disait mon collègue tout à l'heure, il nous
faudra le dénoncer. Il y a une partie de la population qui s'attend
à cela de nous. Encore récemment, lors des élections,
j'étais présente dans le comté de Mégantic-Compton,
si vous aviez entendu les remarques que nous faisait cette population
travaillante, qui veut absolument être fière de ses
représentants, qui était fatiguée d'avoir des promesses,
de voir aussi défiler devant elle des ministres qui lui promettaient la
même chose en 1979. Bien, ces gens-là en ont soupé. Si nous
voulons qu'ils soient respectueux des élus, il va falloir cesser de les
mépriser.
Cette motion de clôture, qui n'est pas la première de ce
gouvernement, qui ne sera sûrement pas la dernière quand on
connaît son style, démontre que ce gouvernement est totalement
coupé de la population, totalement décroché de ceux et
celles qu'il représente. Elle démontre aussi que les effets
mêmes de cette possibilité qu'ils ont de bâillonner
l'Opposition sont ressentis dans toute la province. Nous ne pouvons accepter ce
style de gouvernement. Nous avons le devoir de le dénoncer, nous le
ferons tant et aussi longtemps que nous serons en cette Chambre. Qu'on fasse
des commissions parlementaires de réforme électorale, qu'on fasse
des commissions parlementaires pour étudier des projets de loi, qu'on
rejette du revers de la main ces réformes que nous tentons de faire
appliquer, la population le sait et on ne peut pas la berner
indéfiniment. Ce gouvernement qui continue à mépriser
cette même population, ce gouvernement aura ce qu'il mérite
dès qu'il aura Je courage de demander des élections
générales. Nous nous chargerons de continuer à faire
respecter cette institution qu'est l'Assemblée nationale, à la
faire respecter parce que c'est la dernière des institutions qui devrait
être méprisée par nos amis d'en face, c'est l'institution
même qui devrait avoir le plus de respect de ceux et celles qui y
siègent. Si nous voulons que la population accorde une certaine
crédibilité à nos travaux, il faudra la mériter,
cette crédibilité, et mériter ce respect que nous tentons
d'avoir. Cessons de nous plaindre du fait que la population ne croit plus en
son Parlement mais méritons au moins ce respect qu'elle attend et
qu'elle espère donner à ceux et celles qu'elle a élus.
Cette motion de clôture est inacceptable. Ce bâillon que
nous impose le leader de la Chambre est inacceptable. Tant et aussi longtemps
que nous siégerons en cette Chambre, nous continuerons à
dénoncer de telles procédures.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, j'entendais
tantôt le leader du groupe ministériel nous dire, pour justifier
la motion de clôture - lors de son intervention sur la motion
d'ajournement - qu'il fallait accepter cette motion de clôture parce que
les municipalités attendaient cette loi. Ce sont ces
municipalités qui attendent cette loi qui nous signifiaient - entre
autres les présidents, le président de l'Union des
municipalités, le président de l'Union des municipalités
régionales de comté - que le projet de loi no 38 était une
mesure hypocrite qui transpire le mépris. Ces gens-là doivent
être pressés d'avoir la loi, n'est-ce pas? "La loi 38: les mesures
de guerre du municipal", dit le président de l'UMRC. Eux aussi doivent
être pressés d'avoir cette loi. Également - ce sont
toujours les maires qui parlent: "La loi totalitaire, immorale et
démesurée..." Franchement, M. le Président, le ridicule ne
tue pas. Ce sont les municipalités qui sont anxieuses d'avoir cette loi!
Nous, nous disons que nous sommes prêts à étudier cette
loi. On nous a avisés, après trois heures de
délibérations de la commission parlementaire, qu'il y aurait un
bâillon. Nous avons dit: On est prêt à l'étudier, on
est prêt à prendre le temps qu'il faut. Le ministre et le
gouvernement sont allés nettement trop loin avec la loi 38. On appelle
cette loi la Loi sur la participation gouvernementale au financement des
municipalités. Je pense qu'on devrait la qualifier de loi sur le refus
par le gouvernement du financement des municipalités.
Je dirais qu'il est encore temps, M. le Président, de
s'arrêter, de ne pas adopter cette loi inique, de la retirer et de
convoquer les premiers concernés, les municipalités, les gens qui
oeuvrent, qui sont les véritables maîtres d'oeuvre dans le domaine
municipal, les municipalités, les municipalités régionales
de comté ainsi que tous ceux qui ont quelque chose à dire dans le
monde municipal, pour les écouter, bien sûr, pour leur permettre
de s'exprimer sur cette fameuse question des relations
provinciales-fédérales en ce qui concerne le domaine municipal.
Le ministre pourrait peut-être constater que ces gens ont beaucoup de
choses à dire. Je suis certain qu'il pourrait apprendre beaucoup de ces
gens.
Il y a une chose également que le ministre doit comprendre, c'est
qu'il y a des
évidences face à cette loi. Il ne semble pas très
bien comprendre ces réalités. Il est évident - et nous
l'avons dit dès le départ, depuis le début des
débats - que le domaine municipal est de juridiction provinciale. Tous,
d'ailleurs, sont d'accord, tant le milieu que les gens, tous ceux qui
travaillent dans le monde municipal l'ont dit. Le Parti libéral n'est
pas la seule entité à le dire. La Parti libéral l'a
toujours reconnu et a même légiféré dans ce domaine.
Je pense que le Parti libéral n'a pas de leçon à recevoir
du parti ministériel. Nous l'avons dit et nous le
répétons, il suffit de se référer à la Loi
constitutive des Affaires intergouvernementales de 1974. Je vais vous citer un
paragraphe de l'article 20: "Aucune commission scolaire, commission
régionale, corporation municipale, communauté urbaine ou
communauté régionale ne peut, sous peine de nullité,
négocier ou conclure des ententes avec le gouvernement du Canada." C'est
la loi qui a été adoptée par le Parti libéral, par
le gouvernement Bourassa en 1974. Il est évident également que
nous ne pouvons accepter que le gouvernement fédéral - nous
l'avons dit, nous l'avons répété et nous le redisons -
nous n'acceptons pas que le gouvernement fédéral distribue, sans
consultation et sans concertation avec le gouvernement provincial, des deniers
destinés aux municipalités.
Des voix: Bravo! Bravo! (4 h 10)
M. Leduc (Saint-Laurent): Merci. Nous avons reconnu et
appliqué ce principe bien avant vous, messieurs et mesdames les
péquistes. Nous disons que la consultation est absolument
nécessaire. Nous l'avons dit et nous allons le mettre en oeuvre. Nous
disons que nous ne sommes pas d'accord avec le saupoudrage des subventions
faites par le gouvernement fédéral. Il est évident que
dans ce domaine la décision finale appartient au provincial.
Il y a également une autre évidence face à cette
loi, c'est que tout le monde est contre vous. Je ne pense pas que vous puissiez
dire bravo. Tout le monde est contre vous mais surtout le ministre aurait
dû prendre connaissance de toutes les déclarations qui ont
été faites par le monde municipal. C'est une évidence et
il est peut-être temps d'écouter. Il faudrait peut-être que
le ministre écoute, qu'il convoque dans les meilleurs délais les
intéressés pour savoir ce qu'ils pensent de la question des
relations fédérales-provinciales, surtout ce qu'ils pensent de
votre loi 38. Contre vous, vous avez toutes les municipalités. Vous
visiez le fédéral et vous vous êtes trompés car vous
avez visé le municipal. Vous vous êtes trompés
joliment.
Les municipalités, l'Union des municipalités, l'Union des
municipalités régionales de comté sont toutes contre la
loi. Il faudrait peut-être écouter ces gens. Il faudrait
peut-être également écouter les gens des chambres de
commerce, écouter le Conseil du patronat, écouter les
éditorialistes, qui, je pense, ont fait des déclarations
remarquables, très appropriées. Elles étaient
peut-être très dures pour le parti ministériel mais
très appropriées. Également, vous avez contre vous tous
les députés de ce côté-ci de la Chambre. Je dois
vous dire qu'on commence à être plusieurs, soit 47. Faites
confiance à la population, ce ne sera pas long et on va être plus
nombreux. Sept Québécois sur dix vous ont signifié qu'ils
ne veulent plus de vous, que c'est terminé, qu'il est temps de changer
de gouvernement.
Également une autre évidence face à cette loi,
c'est qu'il y a eu des négociations avec le gouvernement
fédéral entre les deux premiers ministres, entre les ministres
concernés, qu'il y a un espoir d'entente. On commence à voir la
lumière au bout du tunnel. Il serait peut-être le temps de
s'asseoir, de discuter avec les gens concernés...
Le Président: M. le député de Saint-Laurent,
votre collègue de Jeanne-Mance semble vouloir m'interpeller. Si c'est le
cas, je veux bien lui céder la parole.
M. le député, je n'ai aucun contrôle
là-dessus, je ne fais que présider la Chambre. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Bissonnet: C'est la faute de vos collègues. Il n'en
tient qu'à vous.
Le Président: M. le député de Jeanne-Mance,
le président a 121 collègues dans cette Chambre. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Imaginez, M. le Président, s'ils
ne s'entendent pas avec le fédéral cela pourrait être la
faute du Parti libéral! Ils cherchent des boucs émissaires. Ils
se sont attaqués au municipal, ils se sont rendu compte qu'ils se sont
trompés. Ils visaient le fédéral. Ils se sont
aperçus qu'ils se sont trompés et ils ont essayé de
trouver un bouc émissaire, le Parti libéral. On vous dit non, le
Parti libéral n'embarquera pas dans vos "gamiques", dans vos trucs. Ce
parti voudrait tellement qu'on soit d'accord avec le fédéral. Je
comprends sa déception. Depuis le début de ce débat, nous
avons dit et répété que le domaine municipal est de
juridiction provinciale, et le Parti libéral a même
légiféré à cet effet. Nous vous le disons et
surtout nous le disons à tous les Québécois, jamais nous
ne dérogerons à cette ligne de conduite. Si pour camoufler votre
incapacité viscérale à vous entendre avec le gouvernement
fédéral vous cherchez des
coupables, mesdames et messieurs les péquistes, cherchez-les
à Ottawa ou ailleurs, cela nous est absolument égal, mais ne les
cherchez pas de ce côté-ci de la Chambre car ils ne sont pas de ce
côté-ci.
Je vous dis que vos patentes, vos trucs à saveur péquiste,
séparatiste, anticanadienne, cela ne fonctionne plus au Québec,
si jamais cela a fonctionné. Trouvez autre chose et cela presse,
mesdames et messieurs, mais je vous avertis que les Québécois
sont drôlement impatients face à l'impossibilité pour eux
d'avoir leur part des richesses du Canada. Je vous suggère de rencontrer
les véritables responsables du monde municipal. Allez écouter les
intervenants du monde municipal. Je suis certain qu'ils vont vous convaincre
d'aller négocier avec le fédéral. À Ottawa, mettez
votre attitude de confrontation de côté et, surtout, mettez de
côté votre obsession séparatiste. N'allez surtout pas leur
dire qu'en avril dernier vous avez proposé aux municipalités, en
retour d'un appui à la cause de l'indépendance, d'accroître
leur pouvoir de taxation. Jouez les règles du jeu du
fédéralisme et vous allez vous entendre. Merci, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Verdun. M.
Lucien Caron
M. Caron: II est exactement 4 h 16, le 16 décembre 1983.
Pensez-y donc, M. le Président. On a parlé de relance et, enfin,
de tout. On est ici ce matin à cause des gens d'en face qui veulent
siéger à une heure si tardive. Où est le sérieux?
Vous-même, qui êtes un homme d'expérience, un homme
sérieux, dans votre for intérieur, je sais que vous n'acceptez
pas cela, mais vous êtes obligé de jouer le jeu du
parlementarisme.
M. le Président, mes collègues d'en face, quelques
ministres sont ici. Bravo pour ceux qui sont ici! Quelques collègues
d'arrière-ban qui se font faire toutes sortes de choses - j'y suis
passé aussi, entre 1970 et 1976. Ce sera moins drôle tout à
l'heure, parce que je pense que la relance est bien plus importante que de
discuter d'un projet de loi. Personnellement, en tant que maire, le seul maire
qui reste à l'Assemblée nationale, je peux parler au nom d'autres
de mes collègues qui dorment, naturellement. C'est tout à fait
normal de dormir à cette heure-ci, surtout après les heures qu'on
a travaillées cette année. C'est disgracieux, c'en est même
gênant de recevoir notre salaire de député!
Oui, vous pouvez rire. Vous rirez peut-être moins dans un an et
demi, dans deux ans. On l'a prouvé dans Jonquière, dans
Saint-Jacques et dans d'autres comtés. Encore ce soir, j'essaie de vous
donner une leçon: Les gens d'arrière-ban, à votre caucus,
parlez aux ministres parce qu'il n'y en a que quelques-uns qui gèrent le
Québec. Il est temps que vous vous réveilliez. Les gens ont
besoin de travailler. Que l'argent vienne du Québec, que l'argent vienne
d'Ottawa, les gens ont besoin de travailler.
Je peux vous dire, ce soir, de mon siège de l'Assemblée
nationale - il est 4 h 20 maintenant, quasiment 4 h 20 - que vous pouvez
appeler à mon bureau; quelqu'un va vous répondre. Il n'y a pas
grand monde ici, à l'Assemblée nationale, mais il est temps qu'on
fasse travailler notre monde. Il est temps que nos jeunes de 18 à 30
ans... Je regarde les ministres... Ne riez pas, ce n'est pas drôle! Vous
rirez des gens quand ils seront dans votre bureau et qu'ils diront qu'ils n'ont
pas de travail. C'est sérieux, dans ce contexte économique.
Si je prends la peine à cette heure-ci, étant membre de
l'Assemblée nationale depuis quatorze ans - je pourrais, moi aussi,
être dans ma chambre d'hôtel et dormir comme d'autres le font. Mais
non. Je pense qu'on a peu de temps pour parler ici, il faut faire travailler
notre monde. J'en ai parlé au ministre des Affaires municipales. Il est
encore temps. Quand on se trompe, on a le droit de revenir en arrière.
En tant que maire, j'en ai fait des erreurs, et je les ai admises.
Actuellement, j'ai demandé au ministre des Affaires municipales de
convoquer une commission parlementaire et qu'on fasse venir les gens d'Ottawa
et les gens de Québec. Je ne le dirai pas, parce qu'on n'a pas le droit
de dire que le ministre a menti et qu'il raconte des menteries. Mais, M. le
Président... On n'a pas le droit de le dire et je ne veux pas le dire.
Mais j'aimerais, si on avait une commission parlementaire, que les gens
d'Ottawa et les gens de Québec puissent voir la vérité,
une fois pour toutes. (4 h 20)
Pour toutes ces raisons, je ne peux pas m'associer actuellement... M. le
Président, de grâce, le premier ministre, qui n'est pas ici,
qu'il arrête de voyager; que tout le monde arrête de voyager
et qu'on reste ici pour trouver du travail à notre monde.
Ce sera Noël dans quelques jours. Combien de gens n'auront pas
à manger, qui manqueront... Oui, riez, messieurs d'en face, mais ce
n'est pas drôle. Je m'excuse, ce n'est pas drôle. Essayons donc
ensemble. On est prêt, nous, du Parti libéral du Québec,
à travailler samedi, dimanche, lundi, pour essayer... Cela presse, la
relance économique. Pas seulement se servir de la publicité pour
faire plaisir à quelques petits amis. Non, je ne regarde pas... Je pense
que les journalistes sont assez intelligents. Ils vous ont prouvé
jusqu'à maintenant qu'ils voient clair actuellement. Oui.
Une voix: La pertinence.
M. Caron: Mes amis, mes amis, les "back-benchers", je l'ai
vécu, je vous rends service encore. Cela presse. Demain, avant la
période des questions, essayez donc de rencontrer vos ministres.
J'espère qu'ils vont être là. Il en manque beaucoup. Au
lieu de s'asseoir en arrière dans leur limousine, qu'ils s'assoient avec
le chauffeur pour discuter de ce qui se passe.
J'ai pris une voiture cet après-midi; j'ai eu à me
déplacer. Le chauffeur de taxi m'a dit: On est tanné de ce
gouvernement. On va un peu partout... On vous le dit, cela a été
prouvé dans Jonquière, dans Mégantic-Compton, dans le
comté de Saint-Jacques, et enfin, dans tout. Il est encore temps que le
ministre des Affaires municipales retarde son projet de loi, qu'on rencontre
les membres du monde municipal et on va voir qui a raison et qui a tort.
Qu'est-ce qui compte? Que l'argent vienne d'Ottawa, qu'il vienne du
Québec, qu'il vienne d'ailleurs. Ce que la population du Québec
veut, je vous le dis, je parle au nom d'un paquet d'assistés sociaux, de
gens qui reçoivent de l'aide sociale, de gens qui sont
bénéficiaires de l'assurance-chômage, ou qui attendent pour
l'être, veulent un gagne-pain. On est ici pour cela. Il est quasiment 4 h
25 du matin. On est le 16 décembre. Cela ne nous fait rien de continuer.
Qu'on suspende, qu'on réveille les ministres une fois pour toutes.
Si les gens d'en face sont réellement sincères, ils vont
nous le prouver. Donnez justice, donnez quelque chose à manger, du
travail aux Québécois et aux Québécoises. Je le
demande pour tous ceux qui - parce que vous savez, il y en a qui sont
difficiles à rejoindre en face. Je peux vous dire une chose, qu'il y a
des gens de d'autres comtés qui ne peuvent pas rejoindre les
collègues d'en face, qui appellent chez nous parce qu'ils savent que je
suis disponible. Et tant et aussi longtemps que je siégerai à
cette Assemblée, j'essaierai de donner le meilleur de moi-même,
parce qu'on a une responsabilité. Et elle est plus que jamais... Il y a
encore quelques ministres ici et ceux qui sont ici, parlez à vos
collègues au Conseil des ministres. Essayez de vous entendre. Je sais
qu'à un certain moment, vous ne vous parlez plus. Il y a seulement
quelques personnes...
Le leader du gouvernement, tout à l'heure, voulait m'entendre
parler. À quelle place est-il? J'espère qu'il va se
présenter. Je suis capable de lui parler à n'importe quel moment.
Victoire morale, imaginez-vous donc! Oui, il me reste deux minutes. J'aimerais
cela avoir une heure, même s'il est tard. Oui, parce que cela sera
rapporté. Oui, même s'il est tard. Plus que jamais et vous le
savez, mes amis, parce que je pense qu'entre nous, on s'arrange bien en dehors
de la Chambre. Je vous passe un message. Il est temps, oui, il est temps que
vous pensiez aux petits, à ceux qui manquent de travail, les jeunes qui
sortent de l'université avec des diplômes. Vous parlez de bons
d'emploi. Ils ont des bons d'emploi, mais ils ne peuvent pas être
engagés, parce qu'il n'y a pas de travail. C'est vous qui devez y voir.
Le premier ministre qui s'est servi du salon rouge. Cela a coûté
combien? La relance. Où va la relance? À ma connaissance, il n'y
a pas grand-chose, parce que dans mon comté de Verdun, M. le
Président, le nombre de chômeurs est resté à peu
près le même. Les gens vous blâment. Commandez une
élection, si vous êtes sûrs de vous. Vous n'êtes pas
sûrs. Vous avez peur, surtout que, chaque fois que le premier ministre du
Québec sort, il nous fait honte. Il a fait honte aux personnes
âgées. Il nous a fait honte en Italie. Il est temps qu'il reste
ici, au Québec, et qu'il trouve des jobs aux autres, non pas pour nous
autres, parce qu'on en a et on est très bien payés. Qu'on
travaille plus souvent ici à l'Assemblée nationale. Il est temps
qu'on se réveille et que le ministre des Affaires municipales, avec tout
le respect que j'ai pour lui, "cale" une commission parlementaire pour voir si
on lui donne raison, mais il a peur de faire venir les gens d'Ottawa. Merci, M.
le Président.
Le Président: M. le député de Viger. M.
Cosmo Maciocia
M. Maciocia: Merci, M. le Président. Nous sommes à
discuter sur une motion de clôture. J'ai remarqué que, depuis 22
heures ou 23 heures, hier soir, de la majorité servile, jusqu'ici, il
n'y en a même pas cinq ou six qui ont participé au débat
concernant le projet de loi 38.
M. le Président, il y a une chose qu'il faut faire remarquer,
parce que les gens doivent être au courant de cela. Il y a eu jusqu'ici
seulement trois ministres qui ont pris la parole en troisième lecture
concernant ce projet de loi 38, depuis la motion de clôture. Vous savez
qu'il y a 26 ou 27 ministres ici au Québec. Ce sont eux qui
préparent les projets de loi et ils n'ont même pas le courage
d'être présents ici, ce soir, et de prendre la parole pour
défendre ce projet de loi. On l'a vue, la majorité servile.
Jean-Louis Roy avait non seulement le courage, mais l'honnêteté de
les appeler les perroquets. Les perroquets serviles, ce sont eux. Ils se font
tout passer. Il se font passer n'importe quoi, n'importe quel projet de loi,
mais ils laissent les autres les défendre, parce que les ministres n'ont
pas le courage de le faire. C'est de l'irresponsabilité complète.
Ces gens d'en face sont irresponsables. C'est pire encore, ils sont une
hypothèque pour la population du
Québec. C'est une hypothèque qui va coûter
très cher tantôt. Plus ils resteront au pouvoir, plus ils seront
là, plus cela va coûter cher. Le jour où ces gens vont
disparaître du pouvoir, cela va prendre au moins dix ans à la
population du Québec pour payer les crimes commis par ces gens.
M. le Président, ce sont des crimes économiques qu'ils ont
commis vis-à-vis de la population du Québec. Ils tiennent la
population du Québec en otage, et ce n'est pas seulement la
population du Québec. Si ce projet de loi 38 est adopté, comme il
le sera sûrement, parce que la majorité servile va voter pour,
comme on le sait déjà depuis longtemps, la question qu'on se
pose, c'est celle-ci. Je l'ai posée en commission parlementaire. Quel
mal ont fait nos personnes âgées pour être
pénalisées par ce gouvernement d'une façon aussi cynique?
Je ne peux que penser à une chose: c'est probablement le premier acte
pour se débarrasser de ces gens, comme l'avait promis le premier
ministre en France. Il a dit qu'il voulait se débarrasser des personnes
âgées et en arriver à une fin aussi mesquine. C'est ce
qu'il a dit, M. le Président. (4 h 30)
Je crois que ces personnes âgées doivent avoir le respect
de l'Assemblée nationale, le respect de la population et le respect des
élus. Elles ont consacré leur vie au Québec. Elles ont
consacré leur vie au Canada. Aujourd'hui, ce gouvernement irresponsable,
ce gouvernement que je ne sais comment définir, un gouvernement
totalitaire, un gouvernement immoral se permet de s'en prendre à nos
personnes âgées et à nos enfants, nos jeunes de six, sept,
huit, neuf, dix ans qui ont besoin de subventions de la part de n'importe quel
gouvernement, que ce soit provincial ou fédéral. Je mets au
défi les gens de l'autre côté, s'ils n'ont jamais
reçu de demande dans leur bureau de comté de jeunes,
d'associations de jeunes afin d'obtenir une subvention pour acheter de
l'équipement pour passer quelques heures de loisir. Au moment où
ce projet de loi 38 sera adopté, ces jeunes n'auront même plus le
droit de demander à des élus du gouvernement canadien de leur
donner une subvention pour s'acheter de l'équipement pour aller s'amuser
un peu.
Et pis encore, ces jeunes ont besoin d'argent parce que ce gouvernement
en face de nous, a mis leurs parents, la mère, le père, au
chômage ou bénéficiaires de l'aide sociale. Ce ne sont pas
les autres qui ont fait qu'ils ont dû demander de l'aide sociale ou du
chômage. Ce sont ces gens-là, des irresponsables. Ils ont le
courage de nous faire siéger ici à l'Assemblée nationale
à 4 h 30 du matin et prendre une responsabilité que je ne sais
pas définir, M. le Président.
J'ai honte de ce gouvernement actuel et je n'ai pas peur de le dire, je
l'ai même dit en commission parlementaire. Quand j'ai demandé au
ministre des Affaires municipales: Est-ce que vous avez le courage, est-ce vrai
que vous pénalisez nos personnes âgées et nos jeunes avec
ce projet de loi? Il a dit: Oui, s'ils tombent sur une loi municipale, ils
tombent aussi sur le projet de loi 38.
Quel courage, quel cynisme, M. le Président. Je ne pourrai jamais
accepter qu'un gouvernement puisse avoir le plaisir le plus cynique de priver
des jeunes et des personnes âgées de s'amuser, de priver nos
ancêtres, nos pères, nos mères, leur père, leur
mère, de l'argent pour pouvoir passer quelques heures de plus dans la
gaieté et en vie, M. le Président. Ces gens font honte à
la population du Québec.
Ce projet de loi a été appelé "totalitaire" et
"immoral" par toute la population du Québec. Ce n'est pas seulement
l'Opposition qui a dit que ce projet de loi devait être retiré.
Absolument pas. Toutes les municipalités, les 1600 municipalités
du Québec, par l'entremise des associations, ont dit à ce
gouvernement: Retirez ce projet de loi qui fait honte même aux pays de
l'Occident. Pourquoi fait-il honte? Parce que c'est un projet de loi
totalitaire, qu'on pourrait voir seulement dans les pays de l'Est et pas en
Amérique et en Europe de l'Ouest. Ces gens-là, comme le disait le
député de Beauce-Sud, voulaient s'inscrire à
l'Internationale socialiste. Mais ils n'ont même plus le droit de
s'inscrire à l'Internationale socialiste. Ils sont allés plus
loin avec ce projet de loi. Je dirai quasiment qu'ils sont allés plus
vers le communisme que vers le socialisme.
Est-ce de ces gens-là dont on a besoin ici? Est-ce de ce
gouvernement dont on a besoin au Québec? Est-ce de ce gouvernement dont
on a besoin en Amérique du Nord?
Vous me faites signe que mon droit de parole est presque terminé,
M. le Président. Je termine seulement en disant à la population
qu'il est temps que ces gens ne soient plus du côté droit de la
Chambre parce que, comme je l'ai dit tantôt, c'est une hypothèque,
pour toute la population du Québec, qui va coûter très cher
tantôt quand un autre parti, plus responsable, plus digne de foi
auprès de la population du Québec, va être en position de
diriger la province. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Jacques.
Une voix: Celui qui a remplacé Charron.
Une voix: Oui, qui a remplacé Charron...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Serge Champagne
M. Champagne (Saint-Jacques): M. le Président, il y a
plusieurs années, j'avais à ce moment-là 19 ans, je
travaillais dans une usine de plastique durant la nuit. Je haïssais
tellement cela, M. le Président, qu'à ce moment-là j'ai
décidé de retourner aux études pour ne plus jamais avoir
à travailler la nuit. Lorsque j'ai été élu
député, je n'aurais jamais pensé qu'il y avait ici une
équipe de nuit. Hélas! me revoilà encore à
travailler la nuit, M. le Président.
Pour ce qui est de la motion de clôture, M. le Président,
je me demande toujours pourquoi le gouvernement n'a pas tout simplement
laissé aller le débat. Pourquoi ne pas prendre le temps
d'entendre, suivant les règles du parlementarisme, ce que tout le monde
impliqué dans ce projet de loi a à dire? Cela aurait
évité, cette nuit, de marquer le temps.
Je vois, M. le Président, dans le Soleil de jeudi - qui se trouve
être hier, si on pense qu'on est déjà rendu à
vendredi - une déclaration qui disait: "Léonard mène une
lutte solitaire." M. le Président, cela peut bien être une lutte
solitaire, parce qu'il la mène la nuit et les gens normaux dorment la
nuit. On disait, dans cette déclaration: "Malgré que tout le
monde souscrive à la compétence exclusive des provinces en
matière municipale, M. Léonard n'a trouvé aucun appui
à son projet de loi. Députés de l'Opposition,
éditorialistes, représentants des municipalités et le
Conseil du patronat se sont ligués contre lui, en dépit de
l'objectif mis de l'avant, soit une saine gestion des fonds publics."
M. le Président, pourquoi empêcher les gens de s'exprimer
librement? Pourquoi ne pas leur laisser le temps de venir dire au gouvernement,
au ministre, les raisons pour lesquelles ils sont contre ce projet de loi? Et,
s'ils ont raison, pourquoi ne pas le changer tout simplement, le projet de loi?
Pourquoi s'entêter à adopter une loi que tout le monde
réprouve? À mon sens, M. le Président, il faut être
complètement détaché de la réalité ou de
mauvaise foi.
Cette déclaration du journal Le Soleil, qui nous disait que tout
le monde, finalement, était contre le projet de loi, j'aimerais la
mettre en corrélation avec une déclaration du ministre. Le
ministre nous disait, au moment du dépôt du projet de loi:
Aujourd'hui, le gouvernement du Québec doit, en toute solidarité,
faire front commun avec l'immense majorité des municipalités de
son territoire qui administrent leurs ressources fiscales en respect des lois.
(4 h 40)
M. le Président, c'est presque rire de la Chambre, quand on voit
- et vous avez été à même de le constater
vous-même -que toutes les municipalités sont contre ce projet de
loi, de venir déclarer en Chambre: "faire front commun avec l'immense
majorité des municipalités". Cela n'a pas de bon sens. C'est un
peu comme l'attitude qu'on prend de mettre le bâillon
présentement. Si l'on va plus loin dans les déclarations, M. le
Président, on voyait dans la Presse de jeudi matin une
déclaration qui nous disait "Le Conseil du patronat, la Chambre de
commerce de Montréal et plusieurs autres organismes ont demandé
le retrait de la loi 38; évidemment, ce ne sont pas des groupes qui
peuvent impressionner le gouvernement. Ce dernier a accepté la tenue
d'une commission parlementaire, mais son leader à l'Assemblée
nationale, M. Jean-François Bertrand, en a fixé la limite
à trois jours, ce qui signifie que le vote pourra être pris avant
la fin de la semaine, envers et contre tous. Résultat: à cause
d'un conflit avec le gouvernement fédéral, les
municipalités perdent beaucoup plus que des subventions; elles perdent
le respect qu'elles croyaient mériter de Québec."
M. le Président, j'attire votre attention sur ce bout de phrase:
Les municipalités perdent le respect qu'elles croient avoir
mérité de Québec. À mon sens, c'est inacceptable
que le gouvernement brime les municipalités au point qu'un journal
puisse écrire qu'elles ont perdu le respect qu'elles devaient
mériter du gouvernement du Québec.
M. le Président, les règles élémentaires du
parlementarisme, c'est de laisser les gens s'exprimer. Je pense qu'une motion
de clôture devrait être présentée avec beaucoup de
parcimonie. On n'est pas présentement dans le contexte d'un projet de
loi qui mérite une motion de clôture. Il s'agit de sauver
l'amour-propre du gouvernement. Le gouvernement ne veut pas entendre toutes ces
municipalités qui parlent contre le projet de loi venir lui dire, en
commission parlementaire, pourquoi elles sont contre et comment le gouvernement
se trompe.
Je trouve absolument inacceptable qu'au lieu...
M. Middlemiss: M. le Président, question de
règlement, s'il vous plaît!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le
député de...
M. Middlemiss: Est-ce qu'on pourrait vérifier le quorum,
s'il vous plaît, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Effectivement, je vais le vérifier, et il n'y en a pas. Il n'y a
pas quorum. Donc, qu'on aille sonner la cloche.
Une voix: II y en a trois, quatre, cinq, six...
Une voix: Bien plus.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous pouvons donc
reprendre, M. le député; nous avons quorum.
Une voix: On appelle chez Lulu et c'est un gogo qui
répond.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député.
M. Champagne (Saint-Jacques): M. le Président.
Une voix: Ce n'est pas son siège. Il s'est
trompé.
Une voix: De son siège...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Allez!
Une voix: Qui a demandé le quorum?
M. Champagne (Saint-Jacques): M. le Président, cela me
fait toujours plaisir de parler devant une salle aussi enthousiaste, aussi
réveillée...
Une voix: C'est temporaire, cela. Des voix: Bravo!
M. Champagne (Saint-Jacques): Je sais que c'est imminemment
temporaire.
Une voix: Bravo pour le député temporaire!
M. Champagne (Saint-Jacques): Voici, M. le Président. En
parlant de temporaire, je pense que le gouvernement est imminemment temporaire
présentement...
Des voix: C'est cela.
M. Champagne (Saint-Jacques): ...et, s'il déclenchait une
élection générale, ce ne serait plus temporaire. Il ne
sera plus là "pantoute". Il sera lavé complètement.
Une voix: II ne sera pas là, à part cela.
M. Champagne (Saint-Jacques): M.
Rocheleau l'a dit, on va en garder seulement un, et vous savez ce qu'il
va faire avec celui-là.
En terminant, M. le Président, pour le bénéfice de
la discussion, je me disais: S'il fallait, uniquement pour le
bénéfice de la discussion, que le Québec soit
séparé et qu'on soit gouverné par une "gang" de clowns
comme cela, de quoi aurait-on l'air, M. le Président, où s'en
irait-on? Pour reprendre les paroles de quelqu'un que vous connaissez bien, ce
n'est pas un gouvernement, ce n'est même plus une chorale, c'est une
"gang" de clowns.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Pontiac.
M. Robert Middlemiss
M. Middlemiss: M. le Président, même avec ma courte
expérience ici à l'Assemblée nationale, il me semble que
c'est une habitude du leader qu'on a présentement, de faire des motions
de clôture. Cette dernière motion a été
présentée seulement trois heures après qu'on a
réellement commencé à étudier le projet de loi 38.
Comme l'ont déjà mentionné certains de mes
collègues, la salle même qu'on avait assignée à
cette commission était une salle où il n'y avait pas suffisamment
de chaises pour que tous les députés puissent s'asseoir. Le
leader croyait-il qu'il n'y aurait pas huit membres de l'Opposition pour
étudier ce projet de loi? Pourtant, le gouvernement avait
été bien avisé par le monde municipal que personne ne
voulait entendre parler du projet de loi 38, tel qu'il était
présenté. Je pense qu'il n'y a aucun doute sur cette loi, tout le
monde l'a dit, que ce soient les libéraux ici, qu'on appelle les valets,
que ce soit le monde municipal, que ce soient des fois même les
ministériels qui disent des choses véridiques eux-aussi, les
municipalités dépendent du gouvernement provincial.
C'est étonnant de voir que la clause qui permet de
démontrer que la responsabilité municipale relève du
gouvernement provincial vient de la constitution canadienne, cette constitution
qu'on veut rejeter et à laquelle on ne croit pas.
M. le Président, on nous a accusés d'avoir fait des
motions dilatoires.
Une voix: C'est vrai.
M. Middlemiss: Non, on s'est aperçu que les quelques
membres du côté ministériel qui siégeaient à
la commission ne semblaient pas être tellement au courant de ce
qu'était le projet de loi 38. Ce qui est le plus malheureux, c'est que
l'un d'entre eux - et peut-être plus - était un ex-conseiller ou
un ex-maire. Je peux vous dire que l'ex-maire de Saint-Nazaire était
l'un de ceux-là. Il est maintenant député de
Bellechasse.
Ce qu'il y a aussi de très étonnant, c'est que cela fait
à peine huit minutes qu'il y a suffisamment de députés du
côté ministériel pour pouvoir continuer ce
débat.
Pourtant, M. le Président, si nous devons ce matin - il est 4 h
50 - être dans cette enceinte, c'est certainement à cause du
leader du gouvernement. C'est lui qui nous oblige de siéger durant la
nuit par sa motion de clôture. Il semblerait que ce soit aussi son
habitude de toujours nous faire siéger, par ses motions de
clôture, durant la nuit. A-t-il peur que, durant la journée, il y
ait plus de gens qui puissent réaliser certaines choses? C'est vrai
qu'il les réalisent déjà. Ils réalisent
déjà que vous êtes usés, qu'il ne reste plus rien,
que c'est fini pour ce gouvernement. Moi aussi, j'ai eu l'occasion d'aller
travailler dans le comté de Mégantic-Compton durant les
élections partielles. Vous avez perdu pour toujours plusieurs personnes
faisant partie de votre "clientèle". La lune de miel est finie. Pour que
vous puissiez le constater, M. le député de Terrebonne, je vous
suggérerais d'aller visiter... Vous, M. le député de
Terrebonne, c'est cela, allez-y. Il semblerait que vous manquez beaucoup
d'intérêt. Si c'est si important, le projet de loi 38, et si
c'était tellement important de faire une motion de clôture,
pourquoi, de l'autre côté de la Chambre, n'a-t-on pas
montré plus d'intérêt? Pourquoi n'est-on pas venu nous dire
pourquoi elle est bonne, pourquoi c'était si bon la loi 38? On ne l'a
pas entendu en commission parlementaire. On ne l'entend pas de l'autre
côté du tout. Mais il y a une chose qui est survenue. Si vous vous
en souvenez bien, au moment de la deuxième lecture de ce projet de loi,
l'Opposition... M. le Président, il y a du chuchotement. (4 h 50)
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est justement parce que
je ne voulais pas vous interrompre que je fais des signes.
M. Middlemiss: Très bien. Merci beaucoup. Pour que tous
les gens du monde municipal puissent venir ici et donner un message très
clair au gouvernement, on avait proposé une motion de report de cinq
jours, dans le but d'entendre tous les gens intéressés, soit
l'Union des municipalités et l'Union des municipalités
régionales de comté. Ces gens voulaient venir ici, et pas
après que la loi aurait été adoptée en
troisième lecture. Ils l'ont demandé. Ils ont demandé de
venir avant. Aujourd'hui, quelques heures avant minuit, alors qu'on avait...
Vous êtes intéressé à savoir l'heure? Regardez
l'horloge, vous pouvez voir. D'accord. En tout cas, M. le Président, ils
ont manqué une occasion en or, s'ils étaient réellement
sincères, de faire une loi pour que les municipalités puissent
procéder à des programmes de création d'emplois... Est-ce
que le ministre de la Science et de la Technologie a des commentaires à
faire? Oui, d'accord. C'est bien. En tout cas, pour revenir...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Middlemiss: Ils ont manqué une occasion en or. La
preuve en a été faite quand le président de l'Union des
municipalités régionales de comté est venu
présenter des amendements à la commission lors de l'étude
article par article de la loi 38 et qu'à la suite de cette
présentation il semblait y avoir une ouverture d'esprit. Il semblerait
que, tout à coup, la lanterne du ministre des Affaires municipales
venait de s'allumer. Comme l'a dit plus tôt mon collègue de
Gatineau, la performance du ministre des Affaires municipales dans l'Outaouais
ne nous porte pas à avoir énormément de confiance en lui.
Si on regarde la loi, c'est une loi qui donnait des pouvoirs
discrétionnaires au ministre des Affaires municipales de juger qui avait
tort et qui avait raison.
Ce ministre est incapable de négociation. S'il négocie et
que cela ne fait pas son affaire, il décide autrement. On l'a
vécu dans le découpage des MRC de l'Outaouais; on l'a vécu
aussi, M. le Président, je ne sais pas si vous vous en souvenez, au
moment de la loi 28 sur la CRO. Il y avait aussi la municipalité de
Pontiac. À deux occasions, la population, les gens qu'on défend,
parce que, lorsqu'on attaque les municipalités, ce sont les
contribuables en fin de compte qui sont obligés de payer... Avec la loi
qu'on a présentement, si une municipalité, à raison ou
à tort, a reçu un bénéfice, on applique la loi 38
telle qu'elle est et les "en lieu" de taxes que le gouvernement est
censé payer sont enlevés, cela veut dire qu'il y a un manque
à gagner pour la municipalité. Qui va payer, M. le
Président? Cela va être les gens de cette municipalité. Ce
seront encore les contribuables. Comme vous le savez, avec le taux de
chômage qu'on connaît aujourd'hui au Québec, le nombre de
personnes bénéficiaires de l'aide sociale, le fardeau devient
très lourd pour ces gens.
Aujourd'hui même, ils n'ont pas suffisamment d'argent pour bien
vivre. Imaginez-vous donc ce que ce sera si leur compte de taxes augmente. Il a
manqué une occasion en or, mais, tout à coup, la vision! Je ne
sais pas si, tout à coup, il a vu l'étoile miraculeuse qui va
arriver en cette saison, mais il a dit: Ah! au mois de février on va
vous laisser avoir une commission parlementaire. Pourquoi ne pas avoir
écouté l'Opposition qui l'a suggéré, sachant fort
bien toutes les objections soulevées par le monde municipal face
à ce projet de loi, voulant lui donner l'occasion de venir ici dire au
ministre ce qu'il ne voulait pas. De plus, le président de l'Union des
municipalités régionales de comté a même
proposé, le 24 novembre, je crois, d'avoir un sommet
Ottawa-Québec-municipalités. Les municipalités ne
voulaient pas jouer le rôle du gouvernement provincial, elles ont dit;
Nous sommes des créatures du gouvernement provincial, nous allons y
aller, nous allons nous asseoir derrière vous et, s'il y a des
possibilités d'échanges entre le fédéral et le
provincial, nous pourrons en discuter pour vous dire: Oui, ce sont des
programmes qui feraient notre affaire. Malheureusement, le ministre n'a pas
accédé à cette demande et nous sommes encore aux prises
avec cette situation.
M. le Président, j'espère que nous n'aurons pas encore une
autre motion de clôture trop tôt ou trop tard. En tout cas, quant
aux efforts qu'a tenté de faire aujourd'hui le ministre des Affaires
municipales, je crois qu'il est au moins neuf mois en retard; il aurait
dû les faire avant de préparer le projet de loi 38. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: Mes chers amis, nous sommes en direct de
l'Assemblée nationale, ce ne sont pas des reprises. M. le
Président, l'émission "Sommeil interdit" est en production.
Nous poserons la première question au ministre des Affaires
municipales qui n'est pas encore arrivé dans nos locaux, mais nous
l'attendons bientôt. M. le Président, quand le ministre sera-t-il
ici afin de poursuivre cet interrogatoire que nous allons commencer?
Je voudrais parler au réalisateur de cette émission...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, M. le
député, vous m'avez posé une question, mais je n'ai pas de
réponse à vous donner.
M. Bissonnet: Vous savez, l'émission "Sommeil interdit",
j'ai déjà réalisé cette émission avec Roger
Drolet, du poste CKVL. C'est une réalisation de la célèbre
victoire morale péquiste du Parti québécois,
Jean-François Bertrand, qui a réalisé... M. Bertrand,
où est le ministre?
M. Bertrand, nous attendons le ministre des Affaires municipales.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant. M. le
député, le problème que j'ai, c'est que vous vous assoyez;
quand vous vous assoyez, c'est que je crois que vous avez terminé.
M. Bissonnet: M. le Président, dans mon émission,
j'ai toujours des interlocuteurs. Des citoyens m'ont appelé ce matin,
à 4 h 10, et ont dit: Le député de Lincoln a parlé,
le député de Viger a parlé, le député de
Saint-Jacques a parlé, le député de Laprairie, mais
où sont les autres? Les autres, où sont-ils? Je leur ai dit: Je
vais intervenir à l'Assemblée nationale. Alors, je suis ici, M.
le Président, et je me pose la question: Où est le sacré
ministre, on ne le voit pas? Où est-il? Peut-être est-il
allé à Ottawa pour nous apporter des bonnes nouvelles.
Le président de l'UMQ nous a dit: Que faites-vous? Nous allons
aller négocier avec vous, nous allons aller à Ottawa avec l'Union
des municipalités régionales de comté, un ami du parti, du
régime, le maire de Jonquière. Mais le maire de Jonquière
est maintenant contre le gouvernement au pouvoir. Il faut se poser la question:
Où est ce sacré ministre des Affaires municipales? Où
est-il? Je regarde directement dans les galeries de l'Assemblée
nationale et je vous dis, mes chers concitoyens que, comme ancien maire, je
suis vexé de ne pas le voir ici. J'avais pensé que, lorsqu'on
étudie un projet de loi très tard la nuit, le ministre devrait
être là pour nous répondre. Mais je ne le vois pas. (5
heures)
Mes chers amis, cette émission est en direct de
l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une reprise. Nous sommes à 5
heures du matin et on attend toujours le sacré ministre. Où
est-il? Il est peut-être dans le comté de Laurentides-Labelle,
mais sa place est à l'Assemblée nationale, péquiste.
Organisez-vous donc pour qu'il nous écoute, votre ministre. Nous n'avons
pas de commerciaux à cette émission. Nous n'avons pas d'annonces,
mais on a un changement de président à l'occasion et maintenant,
nous sommes devant le président que vous ne voyez pas,
évidemment, chez vous, puisque nous sommes en direct de Québec,
à l'Assemblée nationale; c'est maintenant le
député, vice-président du comté de
Saint-François, un comté magnifique, à part cela,
mais...
Des voix: Ah! Ah!
M. Bissonnet: Vous allez m'excuser. Ce sont des choses qui
arrivent. J'ai échappé un petit papier. Mes chers amis, c'est la
rigolade à l'Assemblée nationale. Dans le temps, alors que
j'avais douze ans, je regardais mon ami, Denis Drouin, qui était
fantastique avec M. Beaulu - vous vous le rappelez - et c'est à peu
près ce qui se passe ici. Il est 5 h 02. Il me reste cinq minutes pour
terminer mon émission, non, six minutes, non, cinq minutes. Dans cinq
minutes, j'aurai terminé et je ne vois pas encore le ministre ici.
Fantastique! Fantastique! Il n'est tellement pas ici... Regardez, mes chers
amis, vous qui êtes en direct, parce que vous savez, on n'a pas de
compétiteur ce matin. Les postes de Radio-Canada et de
Radio-Québec sont fermés. On n'a que la télévision
payante. Le ministre des Communications doit peut-être un jour, pour les
faire fonctionner, leur donner une subvention de 3 000 000 $, d'après ce
qu'on a entendu dire. Ce matin, M. le ministre, vous pouvez nous faire cela, M.
Bertrand. La télévision est là, mais en pratique, nos
concitoyens, que font-ils à 5 h 02? Aïe! Ils dorment! Ils dorment,
mais nos concitoyens écoutent quand même l'émission
"Sommeil interdit", au poste CKVL. Le maire de Verdun connaît bien cette
émission. C'est une émission qui est écoutée par
les chauffeurs de taxi.
Bon! Les chauffeurs de taxi, vous savez, le ministre des Finances vous a
promis un petit 500 $, mais dans le projet de loi 44, il n'est pas encore
inclus. Téléphonez à vos députés
péquistes, dites-leur: Parlez au ministre des Finances et
peut-être que l'amendement sera apporté.
M. le Président, je vous pose une question. Pour les auditeurs du
poste de Québec, diffusé directement de Québec, où
est le ministre des Affaires municipales qui veut mettre le bâillon sur
cette Assemblée, qui veut mettre le bâillon sans être
présent? Où est-il? Est-il à la campagne? Est-il en
Europe? Est-il allé parler au président de l'Italie pour dire que
M. Lévesque, ce matin, à l'Assemblée, s'est compromis.
C'est une contrainte. Il a été contraint par toute l'affaire de
la diplomatie nationale. Où est le ministre des Affaires municipales? Il
est 5 h 05. M. le Président, je suis un homme sérieux. J'ai
été élu maire d'une ville et je cherche vos
députés qui ont déjà été élus
maires dans des villes responsables. On a eu le candidat à la mairie de
Trois-Rivières qui a fait un effort et qui riait de l'ancien - pas vous,
M. le Président, mais l'autre, avant vous... Tantôt, avant le
débat, il y a eu quelque chose de très drôle. On a ri. La
réforme parlementaire, la réforme parlementaire.. On est à
5 h 05. M. le Président, combien de minutes me reste-t-il, avant que je
voie le ministre des Affaires municipales?
Des voix: Consentement!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Consentement.
M. Bissonnet: M. le Président, où est le ministre
des Affaires municipales. Pourrais-je demander au leader, le réalisateur
de l'émission "Sommeil interdit", réalisée directement de
l'Assemblée nationale du Québec, où est le ministre des
Affaires municipales? Mes chers concitoyens, ceux qui sont encore debout...
Des voix: Ah! Ah!
M. Bissonnet: Ils ont beaucoup de plaisir, M. le
Président. Ils sont à peu près quatre ministres, huit
députés. Je reconnais le député de
Châteauguay qui dit toujours: M. le Président! Il est là!
Il est là! Il a failli devenir vice-président, mais nous n'avons
pas voulu. Et vous ne le serez jamais.
Où est le ministre des Affaires municipales? L'émission
"Sommeil interdit" vous demande où est le ministre des Affaires
municipales? Je rigole et je fais de l'humour parce que le ministre qui nous
impose le bâillon n'est pas ici. Ceux qui nous écoutent à
cette heure-ci doivent se demander ce que fait ce gouvernement, à 5 h 07
du matin. Les élections partielles de Marie-Victorin seront encore une
conclusion logique à tout cela. Vous nous dites toujours qu'on a
manqué notre coup à l'élection générale,
mais aux élections partielles, on est fort. À l'émission
"Sommeil interdit", on a fait un sondage, et on est en avance.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Nous sommes toujours à l'Assemblée nationale.
M. Bissonnet: M. le Président, question de directive.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Question de directive, M. le député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Pourriez-vous me dire, M. le Président,
où couche et où se trouve le ministre des Affaires
municipales?
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. C'est toujours difficile
de suivre le député de Jeanne-Mance.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Polak: Je suis heureux de noter...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Polak: Je suis heureux de noter...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le député de Sainte-Anne, un
instant.
En revenant au calme normal, M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Comme je le disais, c'est toujours difficile de suivre
le député de Jeanne-Mance, mais je suis content de voir que le
ministre des Affaires municipales est venu m'écouter. Je pense pouvoir
le convaincre de retirer cette motion parce qu'il a fait une grande erreur. Il
est là, il prend des notes car il sait que les grands discours se font
à 5 h 10 le matin.
M. le Président, si les ministériels arrêtaient de
rire et donnaient une chance au ministre de prendre note de ce que je dis,
peut-être qu'on pourrait finalement trouver une solution. Le
problème, avec ce ministre, c'est que lui donner son projet, c'est un
peu comme donner des allumettes à un pyromane. On a peur de lui donner
ces allumettes parce qu'on a déjà eu des expériences avec
ce même ministre. Vous vous rappellerez, M. le Président, qu'on
était ici, encore très tard la nuit, quand on a parlé dans
le temps de la fusion de Baie-Comeau et Hauterive. C'est toujours le même
ministre qui veut faire adopter ses projets de loi, qui veut réussir et
qui fait n'importe quoi pour réussir.
Pour nous, il s'agit d'une question de principe. Il n'est pas toujours
facile de rester debout jusqu'à 5 h 10 le matin pour parier à
l'Assemblée nationale; mais, pour nous, il s'agit d'une question de
principe. Nous allons essayer de bloquer l'adoption de ce projet de loi 38
parce qu'il s'agit d'une tentative de loi punitive. Il aurait été
bien facile pour nous de dire: Donnez-lui son projet de loi parce qu'avec ce
projet de loi les péquistes ne se feront pas d'amis. C'est bien connu
que dans le monde municipal personne ne veut rien savoir du projet de loi 38.
Donc, pourquoi est-ce qu'on ferait la bataille, pourquoi est-ce qu'on ferait
tout notre possible pour le bloquer? Sur le plan politique on se serait
peut-être fait plus de capital politique en lui donnant son projet de
loi. (5 h 10)
Je suis content de noter que le ministre prend encore d'autres notes
parce qu'à la fin de mon discours - c'est malheureux que je n'ai que dix
minutes parce que le ministre est en train de suivre mes arguments - il
changera peut-être d'avis. Il va voir ses confrères qui sont
là. Je pense que le problème ce n'est pas seulement avec ce
ministre-là, c'est avec le leader parlementaire. Je l'ai vu tout
à l'heure. Je lui ai demandé... Il est ici aussi le leader
parlementaire.
M. le Président, je ne veux pas vous demander de directive parce
que vous êtes connu comme un homme honnête, objectif. Vous savez
que le ministre des Affaires municipal est ici, même si la caméra
n'est pas sur lui et vous savez que le leader parlementaire est ici.
J'ai parlé tout à l'heure au leader parlementaire. Je lui
ai dit: Qu'est-ce qui arrive là-dedans? Il m'a répondu: Cela
dépend de vous. C'est vrai, il l'admet. De la manière dont il a
bougé la tête, il a dit: Oui, oui. Donc, c'est vrai. J'ai dit:
Donc, je vais essayer de convaincre... Il a dit: Essayez donc de convaincre mon
ministre. Je suis content qu'il soit sérieux, qu'il me suive. On voit
maintenant que le ministre est là, il prend note et il veut
peut-être vraiment essayer de se faire convaincre.
Ai-je besoin de donner plus d'arguments au ministre? M. le
Président, s'ils veulent mettre le bâillon maintenant... N'oubliez
pas une autre affaire, en troisième lecture on aura deux
députées de plus qui vont parler. Encore deux fois dix minutes.
Donc, au lieu de finir à 5 h 10 ça va continuer à 6 heures
ou 7 heures. Vous ne pourrez pas gagner cette bataille-là.
Pourquoi ne dites-vous pas honnêtement: On a fait une erreur, on
aurait dû donner une occasion à l'Opposition de continuer à
faire leurs amendements. Finalement on aurait adopté ce projet de loi ou
le ministre l'aurait retiré parce qu'il a le temps maintenant de
négocier avec Ottawa et d'essayer de ne pas forcer la situation.
C'est malheureux, je vois que le ministre s'en va. J'espère qu'il
en a assez de ce que j'ai dit. Ses propres camarades lui demandent de rester
mais là il part parce qu'il a pris note de ce que j'ai dit et il va
peut-être réfléchir calmement ailleurs pour quelques
minutes pour ensuite décider qu'il est allé trop loin, qu'imposer
une clôture à l'Assemblée nationale sur ce projet de loi
c'est une grave erreur politique.
Je vois aussi que l'attitude du leader parlementaire change aussi. Il
réalise peut-être que c'est le temps de rectifier les erreurs qui
ont été faites. Il est maintenant 5 h 13 et il est toujours temps
de se parler. On a beaucoup d'énergie, on va continuer, d'autres vont
parler après moi et d'autres vont suivre. Dans quelques heures on aura
deux nouvelles députées qui seront assermentées et on a
encore de l'énergie pour continuer. Nous sommes prêts à
faire la bataille, pour nous c'est une question de principe comme je l'ai dit
et s'il faut se battre avec le gouvernement péquiste et montrer qu'on a
de l'énergie autant que vous.
Je ne voudrais pas continuer parce qu'il y en a beaucoup d'autres qui
attendent. Par exemple il y a le député de D'Arcy McGee. Je ne
pense pas qu'il a déjà parlé là-dessus.
J'espère entre-temps que le ministre reviendra - parce que c'est vrai
qu'il est parti - et qu'il écoutera aussi les arguments d'autres
collègues. J'espère aussi qu'il y a
des députés ministériels qui parleront sur cette
même motion pour essayer peut-être de convaincre le ministre de
changer d'avis. Je vous remercie, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Il me semble que vous
serez d'accord pour dire qu'il y a un certain désordre à
l'Assemblée nationale à 5 h 15 ce matin. Nous avons
commencé nos délibérations hier matin à 10 heures,
ça fait donc plus de 19 heures de délibérations en cette
Chambre. J'aimerais dire - je pense que vous serez d'accord -que c'est un peu
anormal, ce n'est pas naturel pour des parlementaires de débattre une
question pendant 19 heures d'affilée.
Cela me fait penser aux pièces de Shakespeare parce que vous
savez, M. le Président, que dans les théories de l'époque
d'Élizabeth I, au Royaume-Uni, on pensait et on croyait que le
désordre à un niveau de la société engendrait le
désordre à un autre niveau de la société, puis
à un troisième niveau, et partout dans la société.
Par exemple, dans la pièce Macbeth, où Macbeth a tué le
roi et a pris sa place, c'est le désordre à la tête du
gouvernement qui a engendré un désordre à d'autres niveaux
de la société et même dans la nature. On voit qu'il y a un
désordre à l'Assemblée nationale, mais il y a aussi, au
Québec, un désordre à la tête du gouvernement qui,
lui, engendre le désordre à l'Assemblée nationale, au
niveau économique, etc.
Dans un projet de loi, M. le Président, il y a deux questions
fondamentales. Il y a la question de fond et il y a aussi la question de forme.
J'aimerais parler, pendant quelques minutes, de la question de fond. Il s'agit
ici de la compétence de l'Assemblée nationale en ce qui concerne
les municipalités et cela va de soi, M. le Président, que la
compétence en matière municipale est une compétence
exclusive qui relève de l'Assemblée nationale, qui relève
des membres de cette Chambre. Quand l'Assemblée nationale, quand la
province de Québec a une compétence exclusive, cela veut dire
qu'on ne peut pas déléguer cette compétence à un
autre niveau de gouvernement dans le sens qu'on ne peut pas
déléguer ce pouvoir au gouvernement fédéral.
Personne, dans cette Chambre, ne conteste le fait que nous ayons cette
compétence exclusive et il n'est pas question d'essayer de
déléguer ou de donner une partie de cette compétence
à un autre niveau de gouvernement. En effet, le Québec n'a jamais
cédé ce pouvoir à un autre niveau de gouvernement, sauf
une fois, quand le Parti québécois est allé
négocier la nouvelle constitution à Ottawa et quand le premier
ministre du Québec a cédé le droit de veto du
Québec parce qu'il visait à d'autres buts, notamment, la
désintégration du Canada.
Donc, il y a, comment dirais-je, un consensus de ne pas céder
quoi que ce soit en ce qui concerne cette compétence exclusive. Mais il
y a aussi - c'est un des problèmes - le pouvoir de dépenser du
gouvernement fédéral, c'est-à-dire que le gouvernement
fédéral peut engager des dépenses dans des matières
qui ne sont pas nécessairement de sa compétence. Par exemple, le
gouvernement peut donner des subventions aux municipalités, quoique les
municipalités, en tant qu'entités, ne relèvent pas de sa
compétence. La théorie, c'est que le gouvernement du Canada, ou
la reine comme chef du Canada, peut faire des donations ou des cadeaux, soit
aux municipalités, soit aux provinces, soit aux individus, et c'est la
même chose pour les provinces au Canada. Le Québec, ou la reine
comme chef du Québec, peut faire des donations aussi, peut donner des
cadeaux aux Manitobains, peut donner des cadeaux aux gens de la
Nouvelle-Écosse, et c'est déjà arrivé. C'est donc
dire que le Québec a aussi un pouvoir de dépenser qui est
quasiment illimité. Bien qu'on sache qu'aujourd'hui on manque d'argent,
on ne peut pas faire de donations. Nous avons une compétence exclusive
en matière municipale, mais le gouvernement fédéral peut
faire des donations aux municipalités. (5 h 20)
II y a un problème avec ce pouvoir de dépenser du
gouvernement fédéral, et nous sommes tous conscients de ce
problème. En effet, le Parti libéral du Québec a
essayé de proposer des solutions à ce problème dans notre
livre beige. Nous avons essayé de suggérer des solutions, parce
que le pouvoir de dépenser n'affecte pas seulement les
municipalités dans le contexte qu'on connaît, mais aussi les
provinces. Il arrive que le gouvernement fédéral décide de
préparer un programme où il offre, par exemple, aux provinces
0,50 $ sur le dollar pour construire des routes. Pour avoir ces 0,50 $ sur le
dollar, la province est obligée de construire des routes, quoique la
province puisse avoir d'autres priorités. Dans certaines provinces,
c'est difficile d'obtenir ces 0,50 $ pour préparer et pour donner suite
à un programme décidé à Ottawa.
Le projet de loi qui est à la Chambre aujourd'hui me fait penser
à la loi 111. C'est un projet de loi matraque. Je me demande surtout si
les sanctions visées dans ce projet de loi sont proportionnelles au mal
qu'on veut prévenir, parce que je trouve que les sanctions ne sont pas
seulement arbitraires, mais assez exceptionnelles. Je me demande si
ce n'est pas à peu près la même chose qu'on a vu
dans la loi 111 relativement aux employés de l'État. Voilà
pour la question de fond.
On dit souvent que la forme peut rejoindre le fond et je trouve que
c'est cela dans ce projet de loi. Comme je viens de le dire il y a quelques
minutes, il y a une confusion planifiée à l'Assemblée
nationale qu'on retrouve à la fin de presque chaque session.
L'Assemblée nationale a été fermée pendant un mois.
Au moins les députés de ce côté de la Chambre
étaient prêts à venir travailler à
l'Assemblée nationale, mais quelqu'un a barré les portes,
c'est-à-dire que nous avons perdu un mois. Il aurait été
possible de faire le débat concernant ce projet de loi d'une
façon sereine durant le mois d'octobre, durant le mois de septembre,
mais l'Assemblée nationale n'a pas siégé.
Nous avons donc ce que j'appelle le "rush" de la fin de session
où on essaie de comprimer beaucoup de lois dans peu de temps,
c'est-à-dire qu'on nous force de travailler jour et nuit pour adopter
certains projets de loi avant le congé de Noël, et il arrive
souvent à l'Assemblée nationale qu'on adopte des projets de loi
pleins d'erreurs. Je peux vous donner un exemple. M. le Président me
signale que mon temps achève, mais je vais terminer dans une minute.
Il arrive souvent que nous fassions beaucoup d'erreurs dans nos lois et,
après cela, il faut adopter des projets de loi omnibus comme les projets
de loi omnibus qui sont devant la Chambre pour corriger les erreurs que nous
avons faites. C'est évident que, s'il faut travailler 20 heures par
jour, il y a des erreurs qui vont se glisser dans les lois.
En terminant, M. le Président, cela me surprend que le
gouvernement actuel essaie de faire adopter un projet de loi tel que le projet
de loi 38 qui n'a aucun appui dans la population. Cela démontre une
autre fois que ce gouvernement est tout à fait déconnecté
de la population. Merci.
M. Polak: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne, sur une question de règlement.
M. Polak: Je dois comprendre qu'il me reste encore cinq minutes.
Ma montre ne fonctionnait pas tout à l'heure. M. le Président,
voulez-vous me donner une chance pour que j'explique mon point de vue, parce
que cela arrive qu'on fait des erreurs comme cela?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vais vous
écouter.
M. Polak: J'aimerais avoir mes pleines dix minutes selon le
règlement. Je pensais que je les avais prises. Le député
de Jeanne-Mance m'a précédé et j'étais un peu
nerveux. Je regardais cela et là je réalise, en parlant avec
notre leader, qu'il me reste encore cinq minutes. Pourriez-vous vérifier
au point de vue des directives pour voir si j'ai encore le droit de
compléter mes cinq minutes, pour que j'explique à la population
de quoi il s'agit dans cette motion? Je ne voudrais pas prendre cinq minutes
pour essayer de faire le point, mais, si vous pouvez regarder cela et me donner
mes cinq minutes qui me restent, j'aimerais bien me prévaloir de ce
privilège parce que, savez-vous, j'étais vraiment prêt
à faire un discours de dix minutes.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Écoutez!
Effectivement, vous n'avez pas utilisé les dix minutes qui vous
étaient allouées. Suivant le règlement, quelqu'un qui
utilise, qui prend son droit de parole a utilisé son droit de parole.
À moins que cette Assemblée donne son consentement. Il n'y a pas
de consentement? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce... M.
le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, pourrais-je demander au
porte-parole du gouvernement de motiver au moins son refus de consentir
à cela? Est-ce qu'on a peur de perdre du temps ici? Le
député de Sainte-Anne ne demande que cinq minutes. Il est ici
depuis 19 heures pour exercer son droit de parole. On pourrait peut-être
consentir à ce qu'il prenne les dix minutes auxquelles il a droit. Ou
est-ce que la mesquinerie du leader du gouvernement va être
poussée...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
J'ai vérifié le temps que le député de Sainte-Anne
a utilisé. Il a utilisé sept de ses dix minutes. S'il y a
consentement... Question de règlement, M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Est-ce que j'ai eu mes dix minutes, M. le
Président? Je vois que le député qui m'a
précédé...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de D'Arcy McGee, j'ai vérifié avec un
chronomètre et vous avez pris 10 minutes 37 secondes. Donc, il n'y a pas
de consentement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Marx: La prochaine fois, je parlerai 30 secondes de moins.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Polak: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, parce que, vraiment, si
c'était cinq minutes, mais vous dites, selon la petite machine, trois
minutes. J'accepte évidemment les trois minutes. Mais j'ai entendu dire
qu'il n'y avait pas de consentement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;
S'il vous plaît! M. le député de Sainte-Anne... M. le
député de Sainte-Anne... M. le député de
Sainte-Anne, le président étant debout, vous devez vous asseoir.
J'ai demandé s'il y avait consentement, mais vous savez fort bien que,
suivant notre règlement... S'il vous plaît! Comme
président, en suivant le règlement, j'ai demandé s'il y
avait consentement et je n'ai pas eu le consentement de cette Assemblée.
Donc, le droit de parole est au député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci. Avant de commencer mon discours, vous allez me
permettre de saluer ma mère et mon père, ainsi que les membres de
ma famille et tous les milliers de Québécois et
Québécoises qui sont ce matin collés à leur
téléviseur nous regardant faire cette bataille qui promet de
devenir une des batailles du siècle. J'invite ces personnes, hommes et
femmes du Québec, à nous écrire. Si vous êtes
d'accord avec le projet de loi, si vous êtes d'accord avec le
bâillon, la guillotine, je vous propose d'envoyer vos lettres au leader
parlementaire, le député de Vanier, pour saluer la performance de
ses collègues dans ce débat, ce soir. Si vous êtes contre,
vous devez vous adresser à notre leader parlementaire, M. Fernand
Lalonde, député de Marguerite-Bourgeoys, à
l'édifice A de l'Assemblée nationale de Québec; je
m'excuse, je n'ai pas le code postal! (5 h 30)
Ceci étant dit, M. le Président, je vais maintenant passer
au texte intégral de mon discours. Déposé en juin dernier
par le ministre des Affaires municipales, M. Jacques Léonard, le projet
de loi sur la participation gouvernementale au financement des
municipalités, projet débattu à l'Assemblée
nationale la semaine dernière et avant cela, doit être
substantiellement amendé, sinon abandonné.
Que le gouvernement tienne sa compétence exclusive dans le
domaine municipal pour non négociable et cherche à bloquer
l'action directe d'Ottawa ne crée pas de problème, pas du tout.
Au contraire, cette politique fait l'unanimité, mais qu'à la
distribution discrétionnaire de subventions par les
députés fédéraux succède le pouvoir
discrétionnaire du ministre des Affaires municipales du Québec
d'en faire autant, l'unanimité ne tient plus.
L'Opposition libérale se dissocie alors du projet de loi 38 et
avec raison.
Les représentants des municipalités du Québec se
rebiffent et prédisent une détérioration du climat de
leurs relations avec le gouvernement Lévesque.
Il n'était pas nécessaire, pour conduire la guerre des
principes avec le gouvernement fédéral, de miner les rapports
avec les partenaires du monde municipal. En faisant le choix de cette option,
Québec n'a pas renforcé sa cause, même si les
parlementaires péquistes ont pu tirer pendant des heures à
boulets rouges sur Ottawa, leur plaisir était évident. Mais nous
leur demandons d'abord d'administrer les affaires du Québec, avant
d'utiliser les pouvoirs qui sont les leurs pour illustrer leur option, option
que les citoyens québécois ont déjà
rejetée.
Au niveau des principes constitutionnels, le projet de loi 38 est
inattaquable. Personne ne l'a combattu à ce niveau. Ottawa n'a pas
à s'immiscer dans les affaires municipales et à distribuer
directement ou indirectement des subventions de toutes sortes, à
prodiguer des millions sans autre norme que l'intérêt partisan des
députés inquiets à quelques mois d'une élection
générale.
Péquistes, libéraux québécois,
préfets et maires tiennent à ce sujet le même langage. Les
accusations portées à l'Assemblée nationale contre les
libéraux tenaient davantage de la démagogie que de la
vérité. Le PLQ et son groupe parlementaire ne cherchent pas
à sauver les droits du Québec dans le domaine municipal. En
cherchant à faire cette preuve, les orateurs péquistes gaspillent
leurs munitions, leur temps et notre argent. Leur thèse était
sans crédibilité.
Le vrai débat est ailleurs. Le vrai débat porte sur la
qualité de la négociation entre Québec et Ottawa quant
à l'élaboration des programmes visant l'utilisation au
Québec des budgets fédéraux de création d'emplois,
en particulier grâce à des travaux municipaux. Il porte aussi sur
certains articles du projet de loi 38, articles jugés
inéquitables par les deux regroupements d'élus municipaux,
l'Union des municipalités du Québec et l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec.
Sur l'évaluation de la négociation entre Ottawa et
Québec, les avis ne concordent pas. D'une capitale à l'autre, on
pointe la partie adverse, on signale la mauvaise foi et les retards à
livrer la marchandise. Québec soutient, non sans raison, que les
problèmes actuels n'existeraient pas si Ottawa n'avait pas mis fin,
unilatéralement, aux ententes qui, dans le passé, avaient permis
de
conjuguer les politiques québécoises et les budgets
fédéraux. Ottawa réplique en pointant l'utilisation
politique faite par le Québec d'une négociation en cours.
Mais, chez les élus municipaux, qui craignent les
retombées des différends actuels, le jugement ne fait pas le
poids. Affirmant qu'il n'est pas clair que les négociations sont bien
menées, ils réclament un siège aux prochaines rencontres.
Nous serons neutres, disent-ils, mais nous pourrons entendre de
nous-mêmes ce qui se dit et vérifier ce qui se fait. La
frontière est bien ténue entre cette réclamation et l'aveu
qu'on ne se fie pas aux rapports soumis quant à l'évolution de la
négociation.
Mais les exigences des élus municipaux visent aussi le contenu
même du projet de loi 38. L'article 2 du projet de loi prévoit
qu'une municipalité qui, au jugement du gouvernement, a
bénéficié d'une participation fédérale
directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit, perd ainsi le
droit d'exiger du gouvernement du Québec ou de l'un de ses ministres ou
organismes des montants que Québec devait lui verser en vertu de ses
programmes de participation au financement des municipalités.
L'article 3 établit le pouvoir discrétionnaire du
gouvernement à constater la délinquance d'une
municipalité.
L'article 7 élargit ce pouvoir discrétionnaire au point
où certaines municipalités pourraient être
pénalisées et d'autres pas, même si, théoriquement,
elles ont commis la même infraction à la loi. Le même
article prévoit une délégation de pouvoirs au ministre des
Affaires municipales.
Enfin, l'article 4 consacre le caractère rétroactif de la
pénalité à compter de la prise d'effet du décret
gouvernemental.
Le caractère odieux du projet de loi 38 n'a échappé
ni au parti d'Opposition, ni aux élus municipaux. Il est en effet
intolérable que le pouvoir arbitraire d'un ministre, le principe de la
rétroactivité et la notion même de discrimination soient
conjugés dans un texte de loi. Les élus municipaux avaient
absolument raison d'exiger que ce projet de loi soit étudié en
commission parlementaire avant son adoption en deuxième lecture.
Rarement a-t-on vu une législation aussi contraire aux exigences
élémentaires de la justice. Rarement aura-t-on vu une
législation aussi lourdement punitive à l'endroit de partenaires
majeurs, plutôt victimes que coupables.
Tel qu'il est, le projet de loi 38 ne doit pas franchir les
dernières étapes parlementaires et devenir la législation
du Québec. Mais si le gouvernement s'entête, on saura alors que
rien ne l'arrête dans la voie de l'arbitraire. Les parlementaires du
groupe ministériel, y compris les perroquets qui ont fait la parade des
principes la semaine dernière à l'Assemblée nationale,
devraient lire le projet de loi. Celui-là ne compte pas des milliers de
pages mais on a réussi à inscrire dans ces trois pages tout ce
qu'il y a de plus répugnant en régime démocratique.
Il me reste une minute. J'espère que vous êtes
impressionné par ce discours que j'ai tenu, qui est un discours qui
n'est pas démagogique, qui est... Peut-être que vous avez dit: Mon
Dieu! Scowen parle beaucoup mieux ce soir qu'il ne parle normalement pendant la
journée! C'est possible, c'est possible. Parce que, comme vous l'avez
déjà deviné, je pense, les paroles de ce discours
n'étaient pas vraiment les miennes. C'était les paroles d'un
grand quotidien québécois, un journal qui fait partie de
l'histoire de toute notre collectivité, qui est connu dans la tradition
d'Henri Bourassa, André Laurendeau, Claude Ryan et toute une
série d'hommes et femmes qui ont consacré leur vie à la
défense des droits du Québec. Si on peut dire dans une seule
expression ce qu'est le journal Le Devoir, vous allez me répondre
immédiatement: le Devoir, c'est un journal qui consacre son existence
même à la défense des droits du Québec.
Voilà, c'est ce qu'il a dit de votre projet de loi, M. le
député de Bertrand et vos collègues ici ce soir, qui
essayez de nous arrêter de parler, de parler même de ce projet de
loi. Je pense que vous comprenez maintenant, M. le Président, pourquoi
les gens sont collés à leur télévision ce soir et
pourquoi ils vont écrire leur lettre demain matin, à vous et
à vous seulement, parce qu'ils sont en profond désaccord avec
tout ce qui se passe ici à l'Assemblée nationale.
Si vous me permettriez deux, trois ou cinq minutes de plus, je suis
prêt à continuer.
Une voix: Ah non!
Le Président: Le règlement ne vous le permet pas,
M. le député.
M. Scowen: Je peux simplement dire que c'est une loi qui est
défendue par Chevrette, une autre bonne raison de ne pas l'accepter, et
on peut facilement penser aux autres. Mais je termine, M. le Président,
avec mes remerciements à vous pour m'avoir permis de prolonger de dix
minutes la participation que j'ai prise dans ce débat fort
intéressant. (5 h 40)
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Quel spectacle
attristant pour notre démocratie parlementaire de se voir
obligés, après être arrivés au parlement à 8
h 30 hier matin, pour plusieurs d'entre nous, de poursuivre un
débat à 5 h 40, en ce vendredi 16 décembre! Quel
spectacle, pour ceux qui ont assisté, cette nuit, au déroulement
de nos travaux, de voir les députés de la majorité! Si les
caméras de télévision pouvaient filmer le
député de Châteauguay qui dort sur sa banquette,
"écréanché", tout croche, si les caméras de
télévision pouvaient filmer les députés qui sont
entrés ici, l'oeil hagard, et les voir s'étendre sur leur
fauteuil, les cheveux en broussaille, ayant pris peut-être un peu trop de
café ou d'autres liquides de même nature...
Une voix: Oui, quelle haleine!
M. Pagé: ...on aurait constaté que ce
n'était pas édifiant, cette nuit, comme ça ne l'est pas
encore, malheureusement. Pendant qu'on assiste à tout ce spectacle
provoqué littéralement par le petit capitaine de brigade...
M. Gratton: Ti-cul! Ti-cul Bertrand!
M. Pagé: ...celui qui a chevauché le cheval de
l'arrogance, le jeune et inexpérimenté député de
Vanier...
M. Gratton: Ti-cul Bertrand!
M. Pagé: ...tout cela, c'est le résultat...
Le Président: Non. M. le député de Gatineau,
le micro de votre voisin étant ouvert, nous avons clairement entendu
l'expression et vous allez la retirer, je vous en prie.
M. Pagé: Cela ne sera pas pris sur mon temps, M. le
Président?
Le Président: Je m'adresse au député de
Gatineau, M. le député.
M. Pagé: D'accord. M. Gratton: Pardon?
Le Président: J'ai très clairement entendu
l'expression que vous avez employée à l'endroit du
député de Vanier, le micro de votre voisin, le
député de Portneuf, étant forcément ouvert,
puisqu'il avait la parole, je vous prie de bien vouloir la retirer.
M. le député de Gatineau, je vous ai entendu vous adresser
au député de Vanier en utilisant un langage non parlementaire, je
vous prie de retirer vos paroles, sans commentaire.
M. Gratton: Je m'excuse de vous avoir fait répéter,
M. le Président, je ne vous entendais pas. Je retire volontiers les
paroles "Ti-cul Bertrand" que j'ai prononcées à l'endroit du
leader du gouvernement. Je...
Le Président: Sans commentaire. M. le député
de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, ces quelques minutes, ces
sept minutes et demie, effectivement...
M. Gratton: Comment dois-je l'appeler?
M. Pagé: ...ne seront pas prises sur mon temps?
M. Gratton: Est-ce que je suis obligé de l'appeler
monsieur? Non?
M. Pagé: J'avais une minute d'entamée, M. le
Président, ou une minute et demie?
Le Président: Mais enfin, continuez.
M. Pagé: Alors, j'en étais à vous dire que
le leader du gouvernement, le jeune député de Vanier, pas trop
expérimenté comme leader, qui a multiplié gaffes pardessus
gaffes, depuis qu'il a été nommé par le premier ministre,
a décidé d'enfourcher le cheval de l'arrogance, le cheval qui lui
permet, en vertu du règlement, de bousculer tout le monde. C'est ce
même leader du gouvernement qui va venir pérorer comme il le fait
candidement sur la réforme parlementaire. Comment pouvait-il être
motivé par cette réforme qui allait faire du Parlement une
institution efficace, une institution qui allait contribuer à la
participation des députés, celui qui a toujours voulu s'appuyer
sur les discours grandiloquents qu'il nous a servis sur la revalorisation du
rôle du député? Le député allait devenir un
véritable législateur par cette réforme. Ils
étaient beaux à voir, les grands législateurs, cette nuit;
c'était beau de les voir arriver les cheveux en broussaille, ne sachant
pas trop ce qui se passe dans le parlement, pour venir voter, un sourire
béat chez les uns, un air ébahi chez les autres.
Tout cela, c'est le résultat...
M. Gratton: Et quelle haleine!
M. Pagé: ...d'une démarche enclenchée par
celui qui ne fait pas honneur à l'institution de par la fonction qu'il
occupe. Vous aurez compris que je réfère au député
de Vanier. C'est un spectacle triste à voir pour une fin de session, une
session qui a été mal lancée. Qu'on se rappelle la gifle
monumentale que le chef du gouvernement a servie à l'Assemblée
nationale, la gifle de l'exécutif au législatif: la session a
été reportée d'un mois parce que le gouvernement,
après des vacances prolongées, après que tout ce beau
monde, ou à peu près, a eu l'occasion d'aller se promener en
Europe, a oublié de travailler pendant l'été. On
espérait qu'au 15 novembre, on pourrait
avoir un échéancier de travaux raisonnable, un programme
législatif intéressant et de nature à régler les
problèmes qui confrontent les Québécois. Ce n'est pas
cela: "lock-out" pendant un mois, Parlement fermé pendant un mois,
conférence de presse avec tout un scénario - tout un suspense
entourant cette conférence de presse du premier ministre pour nous
livrer un texte qui ne disait pas grand-chose - et le tapis a été
enlevé de dessous les pieds du premier ministre le mardi soir suivant
par le ministre des Finances. Après, ce fut cette session avec des
projets de loi comme le projet de loi 38 pour lequel on se bat fermement et on
va continuer à le faire.
Obligés de siéger la nuit? Où étiez-vous au
mois d'octobre? Où étiez-vous au mois de novembre? Il aurait
peut-être été plus important que vous soyez ici,
plutôt que de vous promener sur le Marie-Clarisse à prendre un
coup et à chanter, "gang" de pas bons que vous êtes! Car c'est ce
que vous êtes, une jolie "gang" de pas bons! Le Québec est en
train de vous juger; vous êtes jugés partout; vous n'êtes
pas capables de sortir; vous êtes haïs; vous êtes honnis.
Dieu, que les gens ont hâte que vous ayez le courage et le coeur - s'il
vous en reste un peu, parce qu'on sait que vous n'en n'avez pas beaucoup - de
déclencher une élection générale pour vous donner
la gifle que vous méritez!
C'est une journée de tristesse pour le Parlement; c'est un
spectacle qui n'est pas beau à voir; c'est un spectacle qui, finalement,
vient s'ajouter à un autre moment de tristesse vécu cette
semaine. Qu'il était donc triste de voir, M. le Président, le
Québec dont la crédibilité a été
affectée sur la scène internationale par les bourdes de ce
Ti-Poil la Gaffe qui est notre premier ministre, celui qui est allé se
barrer les pieds en Europe...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, me prévalant de
l'article 99...
Une voix: C'est lui la gaffe.
M. Bertrand: Deux fois, M. le Président, me
prévalant de l'article 99, je pense que vous avez entendu les propos qui
ont été prononcés par le député de
Portneuf.
Une voix: On sera jugé par la population.
M. Bertrand: "II est interdit à un député
qui a la parole de se servir d'un langage violent ou blessant à
l'endroit de qui que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée."
Une voix: II n'y a rien de violent...
M. Bertrand: Je pense que vous devriez inviter le
député à retirer ses paroles, lui, qui invite tout le
monde au respect du parlementarisme et qui se fait, ce soir, paternaliste dans
le ton moralisateur qu'il utilise. Je pense qu'il devrait l'utiliser pour
lui.
M. Gratton: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: Je veux simplement signaler qu'il n'y a absolument
rien de blessant, qu'il n'y a absolument rien d'antiparlementaire dans les
propos que vient de tenir le député de Portneuf. Si cela ne fait
pas l'affaire du gouvernement, soit. Si le premier ministre se sent
blessé, qu'il vienne nous le dire et qu'il nous l'explique. Quant
à nous, le député de Portneuf n'a absolument rien à
retirer.
Le Président: M. le député. La population
juge tous les députés en cette Chambre, de part et d'autre. Il
doit y avoir un minimum de dignité et un minimum de décorum dans
un Parlement.
M. le député de Gatineau, quoi que vous pensiez des
raisons pour lesquelles nous sommes réunis à cette heure-ci,
c'est quand même l'Assemblée nationale qui est réunie,
c'est quand même le Parlement et il y a un minimum de dignité
à respecter en cette enceinte, quelle que soit l'heure du jour ou de la
nuit où nous nous trouvons.
Une voix: Assieds-toi.
Le Président: Je suis encore debout, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, j'avais des
problèmes.
Le Président: On peut faire toutes les attaques qu'on
voudra quant au fond; je ne vois pas pourquoi on doit utiliser un langage
désobligeant... Je ne vois pas pourquoi qui que ce soit, de quelque
côté que ce soit de la Chambre, doive se sentir obligé
d'utiliser un langage désobligeant à l'endroit de qui que ce soit
d'autre, quelle que soit sa fonction.
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: On va faire d'une longue histoire une histoire
courte: par respect pour l'institution et non pas par respect pour la personne
du premier ministre, je vais retirer les paroles de Ti-Poil la Gaffe que j'ai
utilisées.
(5 h 50)
M. le Président, je vous disais, dans les trois ou quatre minutes
qu'il me reste, que c'était le deuxième spectacle bien triste
cette semaine. On assiste présentement à un spectacle
provoqué, enclenché par l'arrogant et malhabile leader du
gouvernement, celui qui ne connaît pas ses procédures, celui qui
n'est pas capable d'organiser les travaux, celui qui, probablement dans
l'histoire parlementaire de la dernière décennie et probablement
de la prochaine, aura passé pour le leader du gouvernement le plus
faible, le plus incompétent, le plus malhabile, le plus faiblard, le
plus pleurnichard que le Parlement et l'Assemblée nationale du
Québec n'ont jamais connu. On se laisse parfois porter à
rêver, à espérer et à souhaiter que le chef du
gouvernement, dans des délais qu'on espère les plus brefs,
réalisera l'obligation qu'il a, en vue de meilleurs travaux à
l'Assemblée nationale, de le relever de ses fonctions, de l'envoyer
n'importe où, mais ailleurs qu'au bureau du leader du gouvernement. Il
en a trop fait depuis qu'il est ici. Le spectacle qui n'est pas beau à
voir présentement, c'est de voir un ministre des Affaires
"extérieures" qui manque évidemment de sommeil, et cela
paraît, c'est de voir le député de Châteauguay qui...
Je n'ose pas l'imiter; c'est trop disgracieux.
Une voix: C'est épouvantable.
M. Pagé: C'est le spectacle, c'est le résultat du
travail du député de Vanier qui va se promener candidement, au
lendemain de la prochaine session, en conférence de presse, devant les
journalistes, et qui dira: Cela a bien été; le prochain poste,
c'est la réforme parlementaire. Mon oeil! quant à moi. Cela n'a
pas d'allure ce que vous êtes en train de faire. Vous avez
contribué à diminuer l'institution parlementaire, où nous
siégeons, comme cette semaine, le premier ministre du Québec, M.
René Lévesque, a contribué à diminuer la
crédibilité du Québec par les gaffes qu'il est allé
faire à l'extérieur. Ce n'est pas triste à voir, M. le
Président? C'est inacceptable. Je veux vous exprimer le regret que j'ai
de m'associer, cette nuit, à une démarche comme celle-là.
Vu que ce spectacle n'est pas beau à voir, vu qu'après 18 heures
de travail il est parfois normal et explicable que les députés,
sous le coup de la fatigue, se lancent des quolibets, des invectives, vu que
peut-être certains arriveront tantôt, dans quelques minutes,
après avoir été 18 heures et même 20 heures sans
dormir, il serait peut-être opportun qu'on puisse continuer à
délibérer, mais bon Dieu de bon Dieu, qu'on ne montre pas cela
à la population! Cela n'a pas de bon sens.
Une voix: Non.
M. Pagé: C'est gênant. C'est triste. Ce n'est pas
comme cela qu'on peut valoriser notre institution. Je comprends que, si on
avait l'occasion de siéger à huis clos, la population se
sentirait peut-être un peu libérée de ne pas voir, à
son écran de télévision, avec des petits "bye-bye" pendant
toute la journée, le kid kodak de Vanier et l'autre qui, en
arrière, aime se placer dans la caméra de temps en temps. Vous
aurez compris que je me réfère au faiblard, là aussi,
député de Rivière-du-Loup qui ne connaît pas
grand-chose là-dedans, mais que le premier ministre a pris, à qui
il a donné une "jobine" et a dit: Toi, Jules, tu t'assois là, tu
te lèves et tu demandes l'ajournement du débat. M. le
Président, si on avait l'occasion de siéger à huis clos,
comme c'est un droit, comme c'est une possibilité, la population serait
exempte de voir un triste spectacle comme celui-là conduit par un triste
sire comme le député de Vanier.
Motion pour siéger à huis clos
M. le Président, c'est pourquoi, en vertu de la motion qui est
présentée par le leader du gouvernement, je retiens que l'article
47 n'est pas suspendu et c'est pour ce motif que je présente une motion
qui n'est évidemment pas annoncée et que j'ai le droit de
présenter, dans laquelle je demande que l'Assemblée nationale,
à compter de maintenant et jusqu'à la fin de ce débat qui
est trop triste à voir, siège à huis clos. Comme cette
motion est débattable, j'ai l'intention de me prévaloir du temps
requis pour la débattre, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: Vous me permettrez de prendre quelques
secondes pour statuer sur la...
Une voix: Prenez tout le temps, M. le Président.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: Trop aimable, M. le député de
Jean-Talon.
Nous allons suspendre nos travaux pendant quelques minutes.
(Suspension de la séance à 5 h 55)
(Reprise de la séance à 6 h 15)
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Oui, M. le Président. À moins que vous
ne m'indiquiez que vous avez déjà arrêté votre
décision après avoir délibéré, je voudrais -
si vous me le
permettez, dans la mesure où c'est possible -indiquer que nous
jugeons, quant à nous, cette motion présentée par le
député de Portneuf irrecevable.
Il y a un article dans le règlement qui est l'article 65 qui
indique que "le président doit mettre en délibération
toute motion mais dès qu'une motion lui paraît
irrégulière, en elle-même ou par les buts qu'elle veut
atteindre, il doit le signaler à l'Assemblée et il peut,
après avoir motivé sa décision, refuser qu'on en
délibère ou qu'on la mette aux voix."
Reférons-nous à l'article qu'a invoqué le
député de Portneuf et qui se lit de la façon suivante:
"Les séances de l'Assemblée sont publiques, mais le huis clos
peut être décidé par l'Assemblée sur une motion non
annoncée." Il y a un paragraphe deux. "S'il se produit du
désordre dans les galeries, le président peut enjoindre au public
de se retirer." Je vous fais valoir que ce n'est pas par hasard qu'on retrouve
dans le même article 47 le paragraphe deux accompagnant le paragraphe un.
Il y a des situations où l'Assemblée peut juger qu'effectivement
elle doit procéder à ses délibérations dans un
contexte différent de celui qui habituellement prévaut.
Je vous fais valoir que l'intérêt public nous commande que
nos discussions se fassent publiquement. Publiquement, cela veut dire que ces
discussions doivent se faire exactement comme elles se sont
déroulées depuis le début de la séance
d'aujourd'hui, depuis le début de ce débat que nous avons eu. Et
si un parlementaire avait jugé que le sujet en discussion devait faire
en sorte qu'on sollicite le huis clos... Le sens du recours au huis clos, c'est
que le sujet qui peut être débattu... Je suis convaincu que ce
genre d'article a surtout été rédigé dans la
perspective des travaux d'une commission parlementaire qui sentirait à
un moment qu'elle a besoin pour certains aspects de la discussion, sur le fond,
de travailler à huis clos. Je vous fais valoir que c'est le genre de
motion qui, normalement pour les fins que la motion poursuit, doit venir en
tout début de débat sur une motion qui est ou devant
l'Assemblée ou devant une commission parlementaire.
Si, effectivement, il se déroule des choses qui sont anormales,
irrégulières dans le cours du débat, que ce soit du
désordre, etc., le règlement est explicite. Le président
peut demander qu'on expulse des galeries des gens qui causent du
désordre. S'il se passe quelque chose d'anormal, d'irrégulier
dans le cadre d'un débat que nous avons, le président peut
prendre des dispositions. Mais on arrive tout à coup après que
nous ayons discuté environ sept heures d'une motion
présentée en bonne et due forme, une motion tout à fait
régulière, prévue au règlement. À cause
même des responsabilités que nous avons à
l'Assemblée nationale, ce que nous faisons est d'intérêt
public et doit être connu du public, incluant l'ensemble des discours que
nous avons entendus depuis onze heures ce soir. Je ne comprends absolument pas
comment le député de Portneuf peut, à ce stade des
débats que nous avons, intervenir avec une motion qui nous invite
à changer les règles du jeu en plein débat tout à
coup et pour absolument aucune raison valable. S'il y en avait une valable,
quant à moi, cela aurait peut-être été
l'intervention même du député de Portneuf. (6 h 20)
En dehors de cela, aucune raison valable d'un député qui,
pour l'essentiel, a été absent de l'Assemblée pendant
toute la nuit. Il aurait peut-être aimé assister, entre autres,
à l'intervention de son collègue, le député de
Jeanne-Mance; là, il aurait peut-être pu utiliser son petit ton
moralisateur pour nous faire comprendre de quoi ça retournait, ce genre
d'intervention.
M. le Président, au nom de quoi, en plein milieu d'un
débat, alors que des règles du jeu s'appliquent, tout à
coup, interviendrait cette motion? Il n'y a absolument aucun motif valable. Je
vous fais valoir que, vous prévalant de l'article 65 du règlement
dans la mesure où vous considérez qu'une motion vous paraît
irrégulière en elle-même ou dans les buts qu'elle veut
atteindre, vous pouvez d'autorité et vous devez - c'est inscrit - le
signaler à l'Assemblée. Vous pouvez, après avoir
motivé votre décision, refuser qu'on en délibère et
demander qu'on la mette aux voix.
Je vous fais valoir très humblement, M. le Président, tout
en étant respectueux du règlement et sans faire le genre de
discours, auquel on reviendra tantôt, du député de Portneuf
- il y en a quelques-uns qui se permettront de relever certaines des choses
qu'il a dites - qu'il faut rejeter ce genre de motion présentée
à ce stade-ci, en plein milieu d'un débat qui, au nom de
l'intérêt public, doit être connu du public. Il est
important que le public continue d'entendre les discours des
députés de l'Opposition, comme on les a entendus depuis minuit.
Je vous fais valoir, M. le Président, que l'article 65 est tout
indiqué pour faire en sorte qu'effectivement cette motion soit
jugée irrégulière et tout à fait contraire à
l'esprit de notre règlement.
Si le député de Portneuf veut effectivement, par le genre
de motion qu'il vient de présenter, tenter de cacher à la
population les interventions que ses collègues ont faites, c'est sa
"job". C'est sa "job" d'essayer de cacher ses collègues, parce
qu'effectivement le genre d'interventions qu'ils ont faites depuis le
début de la soirée auraient mérité ce genre de
motion.
Le Président: M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gratton: Je ne qualifierai pas, je ne commenterai pas la
valeur des arguments du leader du gouvernement. Je ferai simplement appel
à votre bon jugement coutumier pour interpréter le
règlement. L'article 47 du règlement est très court. Au
premier paragraphe, on dit que "les séances de l'Assemblée sont
publiques, mais le huis clos peut être décidé par
l'Assemblée sur une motion non annoncée." La motion du
député de Portneuf est une motion non annoncée pour
décréter le huis clos; il n'y a rien de plus régulier.
Le leader du gouvernement nous dit: Oui, oui, mais il faut lire le
deuxième paragraphe de l'article 47 qui se lit comme suit: "S'il se
produit du désordre dans les galeries, le président peut
enjoindre au public de se retirer". L'un n'a absolument rien à voir avec
l'autre. Dans le premier cas, c'est un député qui, sur une motion
non annoncée, demande qu'on siège à huis clos quelle que
soit la raison. Je n'aborderai pas la raison parce que ça, c'est le fond
et je parle de la recevabilité. Au deuxième paragraphe, il s'agit
du pouvoir du président proprio motu de faire en sorte qu'on
siège à huis clos, c'est-à-dire de demander au public de
se retirer. Donc, il n'y a absolument aucune liaison entre les deux. La seule
chose que l'on retrouve au même article, c'est que c'est probablement les
deux seules raisons pour lesquelles on peut faire siéger
l'Assemblée à huis clos: dans un premier temps, par une motion
non annoncée en vertu du premier paragraphe - c'est ce que le
député de Portneuf vient de faire - et deuxième
façon, par une décision du président alors qu'il y a
désordre dans les galeries et qu'il enjoint au public de se retirer.
Si on devait retenir l'argumentation du leader du gouvernement, cela
voudrait dire que le seul temps où l'Assemblée nationale peut
siéger à huis clos ou une de ses commissions, par extension, ce
serait quand il y a du désordre dans les galeries.
M. le Président, je n'ai pas le précédent à
l'esprit - je ne peux pas vous dire à quelle date - mais j'ai
moi-même assisté à des réunions de commissions,
entre autres, où on a décrété le huis clos. J'en
arrive à l'argument du leader du gouvernement qui nous dit: Lorsqu'on
veut décréter le huis clos par une motion non annoncée en
vertu du premier paragraphe de l'article 47, il faut le faire au début
de la séance, au début d'un débat. Je dis que ce n'est pas
du tout dans l'ordre.
En fait, le précédent que j'ai à l'esprit; c'est
une commission parlementaire qui étudiait un dossier. Si je ne m'abuse,
c'était le dossier olympique, la construction du chantier olympique.
À un moment donné - je dis bien à un moment donné -
cela faisait deux ou trois jours qu'on siégeait pour examiner tout le
dossier et on a senti qu'il y avait des choses qui pouvaient porter atteinte
à la réputation de personnes dont on parlerait.
Une voix: ...
M. Gratton: Oui, c'est ce que vous avez dit; c'est sur le fond.
Et si vous voulez y aller sur le fond, c'est exactement ce qu'on veut faire.
Vous êtes en train de nuire à la réputation du Parlement du
Québec, de l'Assemblée nationale. C'est ce qu'on veut vous
empêcher de faire en décrétant le huis clos.
Là, on parle de recevabilité, M. le Président.
Donc, l'argument à savoir qu'il faut le décréter
dès le début, sans quoi on ne peut pas y revenir en cours de
route, ne tient pas, bien entendu. Cela nécessiterait qu'on puisse
prévoir l'avenir au moment où on entame un débat. Et on
sait à combien d'occasions, dans combien de circonstances, on peut
être amené à juger - et cela, de façon unanime -
qu'il y a nécessité qu'on siège à huis clos.
Forcément, quand il n'y a pas unanimité, comment
l'Assemblée peut-elle en décider, sinon en débattant une
motion en vertu du premier paragraphe de l'article 47, ce que mon
collègue de Portneuf a fait de façon tout à fait
régulière? Quant à l'argument du droit du public
d'être informé, je pense que cela relève strictement du
fond et, quant à moi, on en débattra au moment où vous
aurez déclaré la motion du député de Portneuf
recevable. On en parlera du droit à l'information du public.
Le député de Vanier a également indiqué que
finalement, pas finalement, mais parmi... Il faisait du
coq-à-l'âne. Il a parlé de toutes sortes de raisons pour
lesquelles on ne devrait pas recevoir la motion. Dans le fond, il n'y en a pas
de raison pour ne pas la recevoir. Il mentionnait, par exemple, que s'il se
produit des choses irrégulières en cours de débat,
là, on peut... Nous, on considère que c'est irrégulier, ce
que le leader du gouvernement nous fait faire à 6 h 30, après 19
heures de session sans arrêt, d'être encore en train de
débattre d'une motion de clôture. Forcément, le
gouvernement n'est pas d'accord avec nous. On peut en débattre comment,
de la nécessité de protéger la population de ce
débat? On en débattra une fois que vous aurez
déclaré la motion recevable. Et le leader du gouvernement, qui
semble avoir des arguments très forts à l'appui de sa position
intenable présentement, pourra les faire valoir. Mais il me semble que
vous avez déjà reconnu qu'il ne s'agit pas pour vous de faire le
travail si mal entamé par le gouvernement.
Le Président: Je souhaitais justement,
en revenant à la Chambre, entendre les deux formations politiques
sur...
Une voix: C'est l'heure.
Le Président: Peut-être. Je disais que je souhaitais
précisément en revenant en Chambre entendre les deux formations
politiques sur cette question. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les
précédents en la matière sont minces à
l'Assemblée nationale. Ce n'est pas beaucoup dans ses usages de
siéger à huis clos et la jurisprudence est aussi mince que la
glace au printemps, pour ne pas dire inexistante.
Mais il y a quelques sous-questions qui ont été
soulevées de part et d'autre qui méritent que je m'y attarde plus
longuement. C'est pourquoi je vais suspendre de nouveau à loisir pour
fouiller davantage la question de manière à pouvoir effectivement
y apporter une décision motivée.
M. Charbonneau: M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Charbonneau: Question de règlement.
Le Président: M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, dans votre intervention,
vous venez de parler de précédents qui sont minces. Je voudrais
vous faire part d'un précédent que j'ai vécu comme
président de commission parlementaire spéciale. La commission
parlementaire spéciale que j'ai eu à présider il y a
quelques mois a eu, à plusieurs reprises, à siéger
à huis clos. Chaque fois qu'on a dû prendre la décision de
siéger à huis clos, on l'a prise en début de
séance. Je m'excuse. M. le Président, c'est l'expérience
dont je vous fais part. Quand vous parlez de précédents, ce sont
les précédents que la commission, à plusieurs reprises, a
inscrits. Il s'agissait d'une commission dûment formée de
l'Assemblée nationale. Chaque fois qu'on a dû siéger
à huis clos, on l'a fait par une décision unanime de la
commission, une décision qui était prise en début de
séance, chaque fois. Merci, M. le Président. (6 h 30)
Le Président: Je ne veux pas qu'on
généralise le débat, mais ça fait
précisément partie des questions que je dois me poser: À
quel moment effectivement peut intervenir une motion de huis clos? Est-ce
à n'importe quel moment pendant nos délibérations ou
effectivement au début d'un débat lorsque la Chambre prend
connaissance ou, enfin, avant qu'elle délibère d'une affaire
particulière? La motion de huis clos, pour le peu que j'ai pu en voir,
étant une motion de fond, on peut également s'interroger à
savoir dans quelle mesure la Chambre qui est déjà saisie d'une
motion de fond peut se saisir d'une deuxième motion de fond. Il y a une
espèce de collision entre les deux motions qui rejoint, en quelque
sorte, l'interrogation du député de Verchères, celle que
je me pose également et que je veux vérifier plus à fond,
à savoir si oui ou non, l'Assemblée peut, à n'importe quel
moment, pendant qu'elle étudie une question, pendant qu'elle est saisie
d'une affaire, donc d'une motion de fond, être saisie d'une autre motion
de fond visant à la faire siéger à huis clos.
M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: Juste sur ce dernier aspect, M. le Président,
en de très nombreux endroits dans le règlement, lorsqu'il y a une
séquence de prévue au niveau des ordres du jour, etc., il y a,
expressément mentionné, l'ordre ou la manière dont on doit
procéder. L'article 47, qui est dans un chapitre bien particulier au
niveau des questions de règlement, le chapitre VI, dit ceci: "Les
séances de l'Assemblée sont publiques, mais le huis clos peut
être décidé par l'Assemblée sur une motion non
annoncée".
Il n'y a aucune espèce de référence au moment
où une motion non annoncée de la nature de celle qu'a
présentée le député de Portneuf doit être
présentée. Nulle part il n'est indiqué que cela doit
être fait au début, au milieu ou, enfin, à quelque endroit
que ce soit des délibérations. Dans ce sens-là, M. le
Président, étant donné que c'est une motion qui est le
privilège et de l'initiative d'un député, je pense que
l'esprit du règlement, c'est de permettre aux députés, aux
membres de l'Assemblée, d'exercer la plus large initiative possible. Je
vois mal, M. le Président, à moins qu'il n'y ait des
précédents au niveau du règlement, que l'on puisse, de
quelque manière, étant donné le libellé même
de l'article 47.1, limiter en quelque sorte un droit qui est accordé aux
députés en le situant dans le temps, alors que ce droit, par la
lettre même du règlement, n'est nullement situé dans le
temps et que c'est un droit des députés.
Le Président: Je ne veux pas que l'on éternise le
débat sur cette question. Je voulais entendre les plaidoyers de part et
d'autre. Je m'estime suffisamment informé, à tout le moins, pour
suspendre. Brièvement, M. le leader adjoint de l'Opposition, mais une
dernière intervention.
M. Gratton: M. le Président, ce n'est pas pour argumenter,
mais je vous ai parlé d'un précédent. Je vous ai dit: Je
pense qu'il s'agissait de la commission parlementaire -parce que j'imagine que
vous allez essayer d'en trouver, des précédents - qui a
étudié
le dossier du chantier olympique. Je dis cela sous toute réserve.
Je sais avoir vécu une telle expérience. Je sais que
c'était dans une circonstance - sinon celle-là en particulier
-analogue. Je ne voudrais pas, si ce n'est pas dans ce dossier-là, que
l'on dise qu'il n'y a pas eu de précédent. J'en ai vécu
effectivement au cours des onze dernières années.
Le Président: Alors, sur ce, je suspends à loisir
en espérant pouvoir vous rendre...
Une voix: Est-ce qu'on va rappeler les députés?
Le Président: Oui. (Suspension de la séance
à 6 h 34)
(Reprise de la séance à 7 h 18)
Le Président: Vous me permettrez de vous faire part de la
conclusion à laquelle je suis arrivé en ce qui a trait à
la motion visant à faire siéger la Chambre à huis clos.
J'ai de sérieux doutes, d'abord, quant au moment où l'on peut
présenter une motion sur le huis clos. En effet, l'article 47 dit: "Les
séances de l'Assemblée sont publiques, mais le huis clos peut
être décidé par l'Assemblée sur une motion non
annoncée". Le libellé de l'article laisse subsister un doute
quant au moment. Est-ce qu'on peut amplifier le son? Il me semble qu'on a de la
difficulté à entendre?
Une voix: On pourrait faire cela à huis clos. Vous seriez
correct.
Le Président: On a présumé de ma
décision. Bien. L'article 47 dit bien: "Les séances sont
publiques". On peut soutenir que, s'il y a lieu d'invoquer le huis clos, il
faut l'invoquer au moment où commence la séance. À titre
d'exemple - il faut dire que les références sont rares à
cet égard - dans l'ancien règlement, où l'on invoque le
huis clos, en passant, c'est au tout début, à l'ouverture de la
séance, après la lecture de la prière. Il faut bien
expliquer comment cela fonctionnait auparavant et comment cela fonctionne
encore à la Chambre des communes à Ottawa: la prière est
faite à huis clos et, ensuite, le public est admis, contrairement
à ce qui se fait ici où le public est admis dès
l'ouverture de la séance.
On dit donc, puisque c'était comme cela que cela fonctionnait
avant et que c'est comme cela que cela fonctionne à Ottawa: "La
prière terminée", l'orateur procède à compter les
députés présents. S'il y a quorum, il prend place au
fauteuil, réclame l'ordre et les députés s'assoient. Puis,
à moins qu'il ne soit proposé, sans avis préalable, de
discuter quelque question à huis clos, l'orateur ordonne d'ouvrir les
portes des tribunes". Il semblerait - il n'y a aucune interprétation qui
a été faite de cet article - que c'est au moment de l'ouverture
de la séance que l'on devrait invoquer le huis clos, sachant que le
sujet dont on va délibérer est d'une nature telle qu'il justifie
une motion à huis clos. (7 h 20)
Enfin, je conviens qu'ils subsiste à cet égard une
certaine ambiguïté parce que, si on se fie aux usages de cette
Chambre et d'autres Parlements de type analogue, le huis clos n'a jamais, de
mémoire en tout cas, été invoqué pour la Chambre
ici. Il a pu l'être pour des commissions, mais, de mémoire, le
huis clos n'a jamais été proposé, invoqué, lors
d'une séance de l'Assemblée nationale ou de l'Assemblée
législative auparavant. Je ne dis pas, puisque je n'ai pas pu remonter
jusqu'en 1867 et au-delà dans un si court laps de temps, que cela ne
s'est jamais fait, mais, en tout cas, on n'a pu retrouver aucune
référence à cet égard dans le laps de temps que
nous avons eu pour fouiller la question. Je précise, encore une fois,
que c'est une question qui s'est posée tellement peu souvent ou jamais
qu'il n'y a, en effet, aucune jurisprudence, aucune référence. La
doctrine à cet égard est d'une pauvreté qui
témoigne du fait que c'est une procédure tellement exceptionnelle
qu'elle n'a probablement jamais été utilisée ici.
Poussant plus loin, on doit s'interroger sur la nature de la motion
visant à faire siéger la Chambre à huis clos. C'est une
chose extrêmement sérieuse parce que le principe - qui est,
d'ailleurs, énoncé dans le règlement - veut que
l'Assemblée nationale siège en public, tellement en public que
nous avons ouvert nos débats à la population par la
radiotélévision des débats.
Donc, la fermer implique qu'il y a un motif majeur. Le motif que l'on
invoque pour le huis clos, dans de nombreux Parlements, lorsque la question se
pose, par exemple, est la sécurité de l'État. Je pense par
exemple...
Non, M. le député, je ne discute pas du fond; j'invoque,
tout simplement, la nature de la motion de huis clos. Un huis clos a une raison
d'être. Le plaidoyer que faisait tantôt le député de
Gatineau au soutien de la motion référait à un
épisode d'une commission où la commission a accepté de
siéger à huis clos parce que la nature des renseignements qu'elle
allait entendre pouvait compromettre, si je comprends bien, la
réputation de personnes. C'est ainsi que j'ai cru percevoir ce que vous
m'avez dit, M. le député, et cela illustre bien la nature du huis
clos.
Le huis clos n'est pas une motion que l'on invoque ex nihilo en quelque
sorte. Pour qu'un Parlement décide de siéger à huis clos,
il faut, au départ, qu'il y ait un motif très
sérieux de le faire et ce motif très sérieux est
généralement, dans bon nombre de Parlements, la
sécurité de l'État. Ainsi, aux États-Unis,
certaines commissions de la Chambre des représentants ou du Sénat
siègent à huis clos lorsque, par exemple, elles entendent le
directeur de l'Agence de contre-espionnage ou ainsi de suite. Enfin, on voit
tout de suite la nature des renseignements qui sont ainsi
dévoilés à une commission parlementaire ou à un
Parlement qui siège à huis clos et la raison pour laquelle -
j'espère que je ne vous dérange pas - le huis clos est
invoqué.
Si on devait avoir du huis clos une notion qui fait qu'il peut
être invoqué en tout moment pour toute question, cela donnerait
lieu, possiblement, à des abus dont l'Opposition pourrait être la
première à se plaindre puisqu'en effet, la majorité
jouant, si un bon jour la majorité n'aime pas le débat qui risque
de se produire, elle pourrait toujours invoquer le huis clos et faire accepter
ce huis clos à cause de sa force numérique.
C'est précisément pour cette raison qu'à mon avis
le huis clos n'existe que lorsqu'il y a un motif extrêmement
sérieux, du genre atteinte à la sécurité de
l'État, du genre protection de renseignements personnels qui pourraient
compromettre des individus s'ils étaient dévoilés au grand
jour. C'est à cette occasion qu'une motion de huis clos peut être
recevable. En tout autre temps, cela risquerait de devenir un abus -si vous
permettez, je vais terminer, j'achève - si on l'admettait pour n'importe
quelle raison. Les raisons qu'on a invoquées tantôt étaient
qu'il se faisait tard, que la qualité du débat laissait
possiblement à désirer. Ce n'est pas à moi de porter un
jugement sur cela. Si on devait admettre la motion de huis clos pour ce genre
de raisons, c'est-à-dire pour une raison qui n'est pas du genre de
celles qui sont normalement reliées à la raison pour laquelle une
Chambre ou une commission parlementaire va accepter de siéger à
huis clos, je soumets alors aux députés de cette Chambre que nous
aurions très souvent des motions pour siéger à huis clos
et que, la majorité l'emportant, c'est souvent l'Opposition qui en
ferait les frais. Pour cette raison, j'estime que la motion n'est pas
recevable.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président: M. le leader adjoint.
M. Gratton: ...je vous avais indiqué mon désir
d'intervenir - ce n'est pas une question d'intervenir très longuement -
avant que vous rendiez votre décision parce que...
Une voix: Le président a rendu sa décision.
M. Gratton: C'est lui qui rend la décision, M. le
Président?
Le Président: Non, non.
M. Gratton: En fait, M. le Président, vous nous indiquez
que vous êtes porté à déclarer la motion du
député de Portneuf...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre!
M. Gratton: ...irrecevable. Vous, M. le député de
Saint-Maurice, avez-vous été nommé leader du
gouvernement?
M. Duhaime: Pas encore.
M. Gratton: Je pense que c'est à venir, n'est-ce pas?
Le Président: Pourrions-nous terminer les échanges
sur cette question de manière aussi sereine que possible? Après
cela, si on veut se livrer à un débat plus passionné, on
le fera.
M. Gratton: M. le Président, vous avez indiqué dans
votre présentation que ce sont seulement des motifs très
sérieux, du genre sécurité nationale ou possibilité
de compromettre la réputation de quelqu'un, qui pourraient amener
à accepter le huis clos. C'est seulement au moment où on peut
débattre d'une motion pour faire siéger l'Assemblée
à huis clos qu'on peut faire valoir qu'il y a possibilité de
problèmes de sécurité nationale ou d'atteinte à la
réputation.
M. Bertrand: Question de règlement.
Le Président: On va entendre le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Bertrand: II argumente sur la décision.
Le Président: Permettez!
M. Pagé: Ah! C'est la démocratie,
Jean-François!
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition,
brièvement.
M. Gratton: Cela ne devrait pas indigner le leader du
gouvernement qu'on puisse encore s'exprimer pendant quelques minutes ici sans
qu'il s'énerve trop. S'il devait être nécessaire qu'il y
ait danger pour la sécurité nationale ou quelqu'autre raison
majeure pour invoquer la possibilité de siéger à huis
clos, je vous soumets respectueusement que le règlement en ferait
état. Or, le règlement est très clair, il n'y a aucune
condition, il n'y a aucune
qualification. On dit: "Les séances de l'Assemblée sont
publiques." Si on avait voulu qu'elles soient toujours publiques, sauf pour des
questions de sécurité nationale, on n'aurait pas inscrit: "mais
le huis clos peut être décidé par l'Assemblée
nationale sur une motion non annoncée", on aurait ajouté: pour
des raisons de sécurité ou dans l'intérêt public
etc.
Je dis simplement, avec toute cette argumentation, qu'on peut le faire.
Vous dites qu'il n'y a pas de précédents ou, en tout cas, que le
temps que vous avez eu à votre disposition ne vous a pas permis
d'établir s'il y avait des précédents à
l'Assemblée nationale. Il y a eu des précédents - je
l'affirme pour les avoir vécus moi-même - en commission
parlementaire. De la même façon que les us et coutumes de
l'Assemblée nationale s'appliquent aux commissions parlementaires, il me
semble que, en contrepartie, les us, coutumes et précédents dans
les commissions parlementaires devraient pouvoir vous inspirer quant à
la décision sur la recevabilité de cette motion.
Je vous soumets respectueusement, M. le Président, que votre
rôle à titre de président, s'il y a quelqu'un à
protéger dans tout cela - c'est le parlementarisme, bien sûr,
c'est le droit du public à l'information -quant à nous, ce
devrait être bien plus... Le dauphin s'énerve.
M. Pagé: C'est Pierre-Marc.
M. Gratton: Le dauphin devrait aller se coucher, M. le
Président.
M. Pagé: Quand vous parlez du dauphin, de qui
parlez-vous?
Le Président: M. le député, en
terminant...
M. Gratton: Je parle du député d'Anjou.
Le Président: S'il vous plaît, en terminant.
Une voix: C'est pour cela qu'on veut avoir le huis clos. (7 h
30)
M. Gratton: Je vous dis simplement, M. le Président, que
je vous demanderais d'au moins aller voir les précédents qu'il y
a eu en commission parlementaire, au cours des onze dernières
années. Cela pourrait peut-être vous inspirer une décision
différente.
Le Président: Non, je ne vois pas en quoi cela pourrait
m'inspirer une décision différente. 11 tombe sous le sens commun
que le huis clos est une chose tellement exceptionnelle qu'on n'en trouve
à peu près aucune trace dans l'histoire de l'Assemblée
nationale. On trouve, à l'occasion, effectivement, des commissions
parlementaires qui ont pu siéger à huis clos. Vous m'en avez
indiqué un cas. Le député de Verchères m'en a
indiqué un cas. Dans chaque cas, c'était au moment où on
allait entendre des renseignements dont la nature était telle qu'il
était d'intérêt public en quelque sorte qu'ils ne soient
pas dévoilés publiquement. Toute la motion de huis clos n'aurait
aucun sens si elle devait être invoquée n'importe quand. Elle peut
tellement ne pas être invoquée tout le temps qu'elle n'est
à peu près jamais invoquée tellement elle est de
portée restreinte et que ses assises sont étroites. Il faut donc
une raison majeure, très forte et tout à fait exceptionnelle pour
que l'Assemblée ou une commission décide de siéger
à huis clos. Cela me semble tomber sous le sens commun. Je vous soumets
respectueusement que le fait de ne pas trouver que le débat est
édifiant ne m'apparaît pas être du genre de raison que l'on
invoque généralement à l'appui du huis clos. Le huis clos,
je le répète, est une chose dont l'assise, dont le fondement et
le caractère sont tout à fait exceptionnels. On l'invoque pour
des raisons d'État bref pour des raisons très rares et
très exceptionnelles. Ce n'est pas une motion courante. La meilleure
preuve, c'est qu'il n'a jamais été invoqué.
M. Gratton: M. le Président, très
brièvement, est-ce que je peux...
Le Président: J'ai rendu ma décision, M. le leader
adjoint.
Une voix: Parfait.
Le Président: J'ai rendu ma décision. Je l'ai
expliquée du mieux que j'ai pu et il est évident que je la
maintiens. Pour ces raisons, je pense que nous pouvons donc poursuivre le
débat sur la motion dont était saisie la Chambre au moment
où j'ai suspendu.
M. Gratton: Sur une question de règlement, M. le
Président. Compte tenu de votre décision qui, vous l'admettez
vous-même, n'est pas facile et n'a pas été prise tous les
jours puisqu'on n'en retrouve aucun précédent pendant une heure,
consentiriez-vous à suspendre pour une dizaine de minutes pour qu'on
ait, au moins, le temps d'en étudier les implications?
Le Président: M. le leader adjoint, autant je veux bien
être agréable à tous les groupes parlementaires et à
tous les députés, autant le Parlement était en train de
débattre depuis plusieurs heures d'une question qui était
à la connaissance de tous. J'avoue que je ne vois
particulièrement pas de
raisons de suspendre la Chambre à ce moment-ci.
M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: Si vous me permettez d'insister, je pense que la
demande du leader adjoint... M. le Président, est-ce que vous allez...
On va suspendre et on va s'en aller pour une demi-heure.
Le Président: Peut-on...
Une voix: Qu'est-ce qu'ils veulent? Une suspension ou pas?
Le Président: Pourrait-on me laisser régler ce
genre de question? M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, étant donné le
caractère très particulier de la décision que vous avez
été appelé à rendre...
M. Bertrand: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je vous fais valoir que depuis le début,
depuis que le député de Portneuf est entré dans cette
Assemblée, on est en pleine situation d'une Opposition qui a eu recours
à une motion dilatoire, ce à quoi on assiste. Personne n'est
dupe, les députés de l'Opposition...
M. Rivest: Question de règlement, M. le
Président.
M. Bertrand: ...sont en train...
Le Président: Nous n'allons pas partir un débat
parallèle et marginal. La Chambre est saisie d'une motion en vertu de
l'article 84, si ma mémoire est bonne. Je suis prêt à
reconnaître le prochain orateur qui veut intervenir sur cette
question.
M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président.
Une voix: On va attendre la réforme parlementaire.
Une voix: II n'y aura pas de réforme parlementaire.
Reprise du débat M. Ghislain Maltais
M. Maltais: À l'ordre!... M. le Président, il est 7
h 35, ça fait longtemps qu'on est debout, je pense. Le débat qui
a été entrepris hier nous a permis, pour des
députés qui viennent d'arriver à l'Assemblée
nationale, d'apprendre beaucoup. Particu- lièrement, j'ai eu la patience
d'écouter l'honorable député de Châteauguay et j'ai
beaucoup appris.
On comprend maintenant pourquoi ce gouvernement, ce qu'il en reste,
refuse et a refusé, tout au long de ces discussions, d'engager ce
débat vis-à-vis les véritables intervenants du monde des
affaires municipales. Depuis la semaine dernière on a eu l'occasion
d'assister aux commissions parlementaires sur l'éducation, sur la CSST
aujourd'hui et depuis quatre jours, et on comprend très bien pourquoi le
ministre des Affaires municipales ne veut pas rencontrer les véritables
intervenants municipaux.
Lors de la commission parlementaire de l'éducation, le ministre
de l'Éducation, M. Camille Laurin, s'est fait passer quelques savons par
des intervenants. Pourtant, c'étaient des groupes d'étudiants,
des groupes d'enseignants et ils n'ont pas été très
tendres envers le ministre de l'Éducation.
Depuis quatre jours nous avons écouté, à la
commission parlementaire sur la CSST, différents intervenants, et ils
n'ont pas été très tendres non plus. Il y a même eu
des expulsions. Je comprends que l'honorable député d'Anjou et
ministre des Affaires sociales n'est pas très en forme et je pense qu'il
ne serait pas en mesure de relever le défi de Pepsi ce matin.
M. Johnson (Anjou): En parlant de Pepsi...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Maltais: On comprend maintenant les véritables raisons
du gouvernement lorsqu'il a apporté sa guillotine. Dans les journaux de
ce matin on rapportait: "L'imposture du projet de loi 38. Ce projet de loi
prévoit des mesures de représailles de la part du gouvernement
contre toute municipalité qui accepterait une aide d'Ottawa sans passer
par une entente Québec-Ottawa. La menace n'est pas
élégante, cela va de soi... Pour faire respecter sa juridiction,
le gouvernement québécois se voit obligé d'annoncer des
sanctions éventuelles aux municipalités contrevenantes." (7 h
40)
Le pouvoir discriminatoire du ministre dans son projet de loi
représente, aux yeux de l'ensemble des citoyens du Québec, un
fait tout à fait inacceptable. Lorsqu'on regarde les véritables
buts de la loi 38 et lorsqu'on regarde aussi quels sont les alliés du
gouvernement dans ce projet, on s'aperçoit que c'est un entêtement
du ministre des Affaires municipales. C'est un entêtement et il se donne
tous les pouvoirs nécessaires pour prendre le contrôle des
élus municipaux.
D'ailleurs, le ministre disait lui-même dans cette
Assemblée que c'est pour le bien des municipalités. Il y avait
une parole de l'Évangile qui nous disait: Dans cette ville, trouvez-moi
un juste et je vais l'épargner. Si le ministre se trouvait un
allié dans le monde municipal, je pense qu'on pourrait s'asseoir avec
lui et en discuter. Malheureusement, le ministre n'a pas trouvé un
allié. Il n'a trouvé personne dans le monde des affaires
municipales pour l'approuver. Je comprends très bien que le leader du
gouvernement apporte le bâillon pour que cette loi soit adoptée le
plus rapidement possible.
Je pense qu'en toute saine démocratie il aurait été
beaucoup plus convenable à ce gouvernement de démontrer qu'il a
le respect de la démocratie. Tout au long de ce débat et des
précédents, on a parlé d'irritants dans le monde des
affaires municipales. Nous n'avons qu'à lire les journaux et à
écouter ce que les gens du monde municipal nous disent. C'est que le
véritable irritant dans le projet de loi c'est le ministre
lui-même. L'Union des municipalités l'a mentionné à
quelques reprises et je pense qu'on ne peut comprendre l'entêtement du
ministre sans regarder une chose: Dans tout projet de loi, on doit rechercher
un but, et celui qu'on retrouve dans le projet de loi 38 je pense que c'est un
but qui désavoue d'abord et avant tout nos édiles municipaux et,
avant toutes choses aussi, s'assure le contrôle parfait des
municipalités.
Un projet de loi comme celui qu'on a présentement se voulait-il,
dans une réforme municipale, la suite logique de la loi 57? Je pense que
le ministre des Affaires municipales qu'on a qualifié ici - il me semble
très bien - d'empereur des affaires municipales, son excellence se venge
très bien des municipalités. Si on regarde l'ensemble du projet
de loi et qu'on regarde aussi, dans l'ensemble, la façon dont le
gouvernement l'a piloté, je pense et je suis convaincu que tout ce qui
s'est dit sur ce projet de loi de la part de la partie gouvernementale a
démontré clairement à l'ensemble de la population du
Québec que ce gouvernement continuait, d'une façon
illégitime, à assurer le pouvoir ici à l'Assemblée
nationale.
M. le Président, l'Opposition libérale a fait son devoir
jusqu'au bout. Qu'est-ce qui se passe, M. le Président? Est-ce que
j'ai..
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est la même
question que je me pose, M. le député. S'il vous plaît,
à l'arrière de moi, j'aimerais être tranquille.
M. Maltais: M. le Président, on est des adultes et on va
se comprendre très bien tous les deux.
Je disais donc que l'Opposition a fait son devoir jusqu'au bout et va
continuer à le faire parce que l'Opposition est sensible, est à
l'écoute de la population du Québec. Le gouvernement actuel a
démontré, au cours de cette présente session, qu'il se
foutait entièrement de la population malgré les messages
importants que celle-ci lui a transmis. Il y a eu des élections
partielles et il y en aura d'autres. D'autres messages viendront. C'est tout
à fait incompréhensible, de la part d'un gouvernement qui se veut
le véritable représentant de la population, qu'il ne
l'écoute pas plus que cela.
Le projet de loi 38 sera, une fois adopté, un irritant
irréparable pour les municipalités. Ceux qui adopteront le projet
de loi l'auront peut-être des années sur la conscience car jamais
dans ce Parlement une loi n'a été adoptée qui
empêchait les Québécois de récupérer l'argent
qu'ils versent par leurs impôts au fédéral. Ceux qui
adopteront le projet de loi l'auront longtemps dans la figure et les
Québécois ne leur pardonneront jamais cela. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Papineau.
M. Mark Assad
M. Assad: Merci, M. le Président. Ce n'est pas la
première fois qu'ici en Chambre on est obligé de combattre un
projet de loi, surtout dans le domaine des affaires municipales. On n'a
qu'à penser à la loi qui a créé les MRC. Venant
d'une région comme l'Outaouais, avec mes collègues ici, j'ai
tenté de la combattre avec des télégrammes, le
regroupement des maires de nos régions, l'incitation faite à nos
concitoyens d'envoyer des lettres et des télégrammes au premier
ministre, et j'ai fait face à un mur. Aujourd'hui, on présente le
projet de loi 38 et, ce qui est surprenant au sujet de ce projet de loi 38,
c'est que les éditorialistes, tous ceux qui sont à
l'écoute de la scène provinciale disent qu'ils ne sont pas
d'accord avec ce projet de loi.
M. le Président, ce débat à la Chambre me fait
penser à l'époque entre 1970 et 1976 où l'Opposition du
temps était celle de nos amis d'en face, celle du Parti
québécois. Ils se prenaient pour les parangons de la
démocratie. On a entendu ici à la Chambre, non seulement des
attaques personnelles, mais plutôt des assassins de...
M. le Président, j'ai un article d'un journal ici qui dit que le
projet de loi 38 est une mesure hypocrite qui transpire le mépris. Je
vais vous citer l'article: "Le président des MRC, M. André
Asselin, a qualifié d'immoral et de méprisant le projet de loi 38
en vertu duquel des représailles pourraient être exercées
contre les municipalités qui accepteraient des subventions du
gouvernement fédéral. M. Asselin a dit que le projet de
loi était pire encore que la fameuse loi du cadenas qui avait
été adoptée sous le gouvernement Duplessis."
Imaginez-vous, on est rendu au point où le gouvernement d'en face est
comparé au gouvernement des années noires de Duplessis. Cela vous
donne une idée comment les gens de la province voient maintenant le
gouvernement.
M. le Président, dans un éditorial qui a paru dans le
Devoir du lundi 12 décembre, il y a une partie que j'ai trouvée
fort intéressante où il est dit: "II n'était pas
nécessaire, pour conduire la guerre des principes avec le gouvernement
fédéral, de miner les rapports avec les partenaires du monde
municipal. En faisant le choix de cette option, Québec n'a pas
renforcé sa cause même si les parlementaires péquistes ont
pu tirer à boulets rouges pendant des heures sur Ottawa. Leur plaisir
était évident. Mais on leur demande d'abord de gérer les
affaires du Québec avant d'utiliser les pouvoirs qui sont les leurs pour
illustrer leur option, option que les citoyens Québécois ont
déjà rejetée."
Je me demande, M. le Président, avec toute l'opposition qui vient
non seulement du monde municipal qui a essayé de faire valoir ses
idées, non seulement les éditorialistes qui étudient la
scène politique au Québec, mais aussi tous les
députés qui ont eu des contacts avec leurs maires... C'est
inexplicable la situation qui existe au Québec, quand on voit autant
d'opposition et que le gouvernement persiste à faire adopter un projet
de loi qui va nuire au bon fonctionnement de nos municipalités. (7 h
50)
Dans le comté de Papineau que j'ai l'honneur de
représenter, M. le Président, il y a 35 municipalités et
je connais leurs préoccupations. Cela a toujours été une
préoccupation de rendre les services à nos concitoyens.
Évidemment, le budget est une chose qu'on avait de plus en plus de
difficulté à boucler. Dans toutes les municipalités, sans
exception, non seulement dans le comté que je représente, mais
dans tous les autres comtés, il arrive souvent que dans nos bureaux de
comté, on rencontre des maires et des conseils de municipalité
qui nous demandent de l'aide pour le bon fonctionnement de leur
municipalité. Ils ont besoin de subventions pour des centres culturels,
de subventions pour les loisirs, et, là, on pourrait
énumérer...
M. Côté: Je m'excuse auprès de mon
collègue, mais nous n'avons pas quorum.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vais vérifier.
Vous avez raison, M. le député. Donc, qu'on les appelle.
M. Assad: Est-ce que vous avez constaté, M. le
Président, que vous avez quorum dans le moment?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je l'ai constaté.
J'espère que cela va demeurer ainsi.
M. Assad: Avant d'être interrompu, M. le Président -
par le manque de quorum, remarquez bien - j'expliquais les
préoccupations de budget des comtés qui comptent plusieurs
municipalités, comme celui que je représente. Donc, il y a eu, au
cours des années, nécessité d'avoir non seulement des
subventions du gouvernement provincial, mais de l'aide du gouvernement
fédéral.
Dans la région de l'Outaouais, spécialement dans mon coin,
dans le comté de Papineau, l'année passée, on a pu
trouver, par l'entremise de fonds fédéraux du gouvernement
central, au-delà de 2 000 000 000 $ pour différents projets. Cela
a créé beaucoup d'emplois, vous le savez, M. le Président,
et je sais que tous ceux qui représentent des comtés qui ont
plusieurs municipalités ne voudraient pas être privés de
ces sommes aussi importantes.
Or, j'ai communiqué avec les maires qui font partie de la MRC de
Papineau pour ce qui concerne le projet de loi 38. Évidemment, ils sont
carrément contre cette procédure parce que, dans les quelques
années à venir, ils vont avoir de grandes difficultés
à réaliser les projets qu'ils avaient préconisés
auprès de leurs concitoyens. Je pourrais énumérer
plusieurs de ces projets mais, évidemment, avec ce projet de loi 38, on
est à la merci du ministre des Affaires municipales à savoir si
telle municipalité ou telle autre va avoir droit aux sommes d'argent
nécessaires pour réaliser son projet.
Donc, durant la commission parlementaire - je ne peux pas dire "durant"
car elle a duré peu de temps - le président, M. André
Asselin, s'est présenté pour expliquer le point de vue des
municipalités. J'aimerais plutôt expliquer le point de vue des
maires de municipalités, du comté de Papineau en particulier.
J'ai communiqué avec ceux-ci à plusieurs reprises, depuis
quelques jours, et la question qu'on se pose est la suivante. Ces
dernières années, les municipalités ont été
privées de la ristourne sur la taxe de vente; c'est donc une diminution.
Par la suite, on leur avait promis que, vu que les commissions scolaires
allaient évacuer le secteur des taxes foncières, elles pourraient
prendre la différence pour boucler leur budget. On réalise que la
marge de manoeuvre qui leur restait était d'à peine 60% et ce
n'était pas suffisant pour satisfaire à leurs besoins.
Donc, ce projet de loi 38 arrive au
moment où la situation économique est très
difficile, surtout au niveau municipal.
Si on regarde les dernières élections municipales du mois
de novembre, on se rend compte que plusieurs maires ont connu la
défaite. Évidemment, c'était parce qu'ils n'ont pas pu
répondre aux exigences de leurs concitoyens.
Je me demande, à ce moment, si ce ne sont pas les manoeuvres du
ministre des Affaires municipales qui auraient contribué à leur
défaite, pour la simple raison que leurs concitoyens ont jugé
qu'ils n'ont pas eu suffisamment d'améliorations dans leur
municipalité, et vu que les maires avaient des budgets à boucler,
c'était assez difficile d'y arriver.
Comme nous le savons, les municipalités ne peuvent pas
fonctionner avec un budget déficitaire comme le fait notre gouvernement.
Dans les circonstances, il faudrait dire que le projet 38 arrive pour
créer des problèmes à ceux qui n'ont pas connu la
défaite.
En conclusion, M. le Président, est-ce que vous avez
remarqué que j'ai... Combien de temps encore?
Le Vice-Président (M. Jolivet): II ne vous reste plus de
temps, M. le député. Vous avez écoulé votre temps,
ayant inclus, d'ailleurs, l'interruption.
M. Assad: En conclusion, M. le Président, comme cela avait
été demandé par les maires des différentes
municipalités, il serait important pour tous, non seulement pour le
ministre des Affaires municipales, de regarder de nouveau le projet de loi, de
constater que les critiques sont tellement répandues à travers le
Québec que ça vaudrait la peine probablement de mettre de
côté ce projet de loi pour le moment, de reconvoquer les maires
des différentes municipalités qui représentent les MRC ici
et ensemble de suggérer ou présenter des amendements pour la
simple raison...
Une voix: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît. M.
le député, je suis quand même très large envers
vous. On a commencé à 7 h 47 et on est rendu à 7 h 59
à l'horloge en face de moi. Je vous ai laissé terminer. Si vous
voulez finir votre phrase, je vais vous laisser finir, mais finissez-la.
M. Assad: Je voudrais, M. le Président, remercier
l'auditoire ici...
M. Gratton: M. le Président, question de
règlement.
M. Assad: ...qui a été bien...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
règlement. Je crois que le député a terminé, par
exemple.
M. Gratton: Je m'excuse auprès du député de
Papineau qui, j'en suis sûr, voudrait terminer d'une façon un peu
plus adéquate. Je vous rappellerai, M. le Président, qu'à
un moment donné, on a dû appeler le quorum, constater le
défaut de quorum au cours de l'intervention du député de
Papineau. Ce n'est sûrement pas à lui d'en être puni puisque
ce sont les députés du Parti québécois qui
n'étaient pas en nombre suffisant.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Et vous avez raison, M. le
député. Cependant - un instant, je vais régler une
question à la fois je dois vous dire que le député a
commencé à 7 h 47 et qu'on est presque rendu à 8 heures
à l'horloge. Je lui ai permis de terminer et il a finalement
terminé. Je pense que la parole est maintenant à Mme la
député de Jacques-Cartier. D'accord? M. le député
de Viger. (8 heures)
M. Maciocia: Si vous le permettez, j'ai une demande de directive,
M. le Président. Tantôt, quand vous avez vérifié le
quorum et que vous avez constaté qu'il n'y avait pas quorum, une
personne à l'intérieur de la Chambre, qui n'était pas un
député, disait qu'il y avait des députés en
arrière du trône. Est-ce régulier ou irrégulier?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Bon! D'une façon ou
d'une autre, je ne l'ai pas entendue. Si cela a été fait, c'est
irrégulier. Je ne veux pas que cela se reproduise. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Joan Daugherty
Mme Dougherty: M. le Président, j'appuie
entièrement les protestations de notre formation politique contre
l'intention du gouvernement d'imposer le bâillon sur le débat du
projet de loi 38. Le but visé par ce projet de loi, déposé
le 21 juin dernier, était d'en arriver à une entente entre le
gouvernement du Québec et celui d'Ottawa sur l'aide financière
accordée aux municipalités par le gouvernement
fédéral. Le projet de loi 38 ne réglera en aucune
façon le problème qui se pose. C'est un projet de loi inutile.
C'est un projet de loi de provocation. C'est un projet de loi de confrontation.
C'est une loi qui n'aura guère de succès, sauf en ce qui concerne
les buts cyniques du gouvernement du Québec, parce que cette loi va
inévitablement institutionnaliser la guerre permanente entre
Québec et Ottawa. C'est une loi qui va perpétuer les querelles
stériles. Elle va même alimenter le programme Ottawa-Crash,
poursuivi par le gouvernement du Québec depuis des années
afin de justifier son option indépendantiste. C'est une loi qui va
empoisonner d'une façon systématique les relations
intergouvernementales.
Donc, c'est une loi qui va paralyser tout effort de négocier une
entente saine et raisonnable à l'avenir, mais ce qui est pire, c'est que
ce sont les citoyens du Québec qui seront les perdants. C'est une loi
qui fera de tous les citoyens de toutes les municipalités du
Québec des otages dans une guerre sans issue, ces citoyens qui sont des
contribuables aux trois niveaux de gouvernement, qui ont le droit de recevoir
leur juste part des richesses de chaque palier de gouvernement et qui ont le
droit de s'attendre que tous les gouvernements mettent à l'écart
leur minijeux politiques afin de se préoccuper du bien-être des
citoyens.
M. le Président, je crois que les Québécois et les
Québécoises en ont assez de ces jeux stériles et enfantins
du gouvernement du Québec. Pour être juste, je crois qu'ils
n'apprécient pas non plus le comportement du gouvernement
fédéral qui distribue des subventions partout, souvent sans
consultation avec les autres paliers de gouvernement, pour des fins qui ne
reflètent pas toujours les priorités exprimées localement.
Donc, comme on dit en anglais, "played on both your houses".
Il est important de reconnaître que les principes de base sont
longuement établis. Il semble que tout le monde s'entende
là-dessus. Il est tout à fait normal que le gouvernement du
Québec ait un certain contrôle des subventions offertes par le
gouvernement fédéral aux municipalités puisque, selon la
constitution canadienne, la compétence touchant les affaires municipales
relève exclusivement de la province. Ce n'est pas ce principe qui est en
question. Ce qui est remis en question, c'est la façon dont le
gouvernement a choisi de contrôler les subventions
fédérales aux municipalités.
The law gives unlimited discretionary power to the Minister of Municipal
Affairs to penalize the municipalities whom he judges guilty of benefiting
directly or indirectly from federal participation without a Quebec-Ottawa
entente. This means that not only are our direct grants in question, but grants
to a community association which might result in improvement of services to a
community. These also could result in municipalities having provincial grants
cut by an amount judged equivalent, by the Minister, to the federal municipal
grants.
M. le Président, j'aimerais lire quelques lignes du
mémoire de l'Union des municipalités du Québec
présenté à la commission parlementaire des affaires
municipales sur le projet de loi 38. "L'union des municipalités du
Québec considère inacceptable la rédaction du projet de
loi. Si l'État est souverain, ses lois se doivent, dans un état
démocratique, de respecter un minimum de règles afin de
préserver les éléments d'une saine justice. La
rédaction du projet de loi invite au discrétionnaire, au
discriminatoire, au déraisonnable et à l'abusif.
L'imprécision qui s'en dégage laisse toute municipalité
dans le doute quant à ses droits et ses obligations. Devant le
caractère exorbitant de cette rédaction, les règles les
plus élémentaires de la justice naturelle sont absentes."
Le mémoire parle d'abord de ce caractère
discrétionnaire. "La rédaction du projet de loi crée un
dangereux précédent laissant la porte ouverte à des
décisions ministérielles discrétionnaires et
inéquitables. Les termes "au jugement du gouvernement", à
l'article 2, "à sa discrétion", aux articles 3 et 7, "selon
l'estimation qu'en fait le ministre", aux articles 8 et 9 et "le gouvernement
peut se prévaloir de la présente loi", à l'article 16,
confèrent une discrétion des plus absolues au ministre et au
gouvernement."
Le mémoire parle du caractère discriminatoire. "Un texte
discriminatoire est celui qui ne s'applique pas également à tous.
Cette discrimination est particulièrement dénoncée
lorsqu'elle fait place à l'arbitraire, à des injustices
flagrantes, à l'abusif et au favoritisme. L'ensemble des termes que nous
avons dénoncés ci-haut comme invitant au discrétionnaire
des plus absolus, ainsi que la teneur de l'article 7 qui permet au
gouvernement, selon son bon vouloir, de ne pas sévir contre certaines
municipalités en contravention de la loi, incite au favoritisme,
à l'arbitraire, au discrétionnaire et peut mener à des
injustices des plus flagrantes."
Le mémoire parle du caractère déraisonnable, du
caractère abusif, du caractère imprécis, de l'absence des
règles élémentaires de justice naturelle, du devoir du
gouvernement d'agir avec équité.
M. le Président, je conclus comme l'Union des
municipalités. Nos commentaires sur le projet de loi 38 de même
que notre position sur l'ensemble du dossier se fondent sur le même
objectif, soit que le gouvernement fédéral et le gouvernement
provincial prennent les moyens favorables à une entente conjointe sur
les subventions fédérales aux municipalités et ce dans le
respect de la constitution canadienne. (8 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée...
Mme Dougherty: En ce sens, comme le projet de loi 38 est
contraire à l'objectif recherché, nous demandons le retrait du
projet, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez demandé
la parole.
Des voix: Oui, oui! Bravo! Une voix: Enfin!
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: Enfin, M. le Président, à 8 h 12 ou 8 h
13, c'est à mon tour de vous donner mon point de vue, comme
représentant de ma circonscription électorale, sur le projet de
loi 38 qui vise à empêcher les municipalités de l'ensemble
de nos comtés de recevoir des subventions du gouvernement
fédéral. Elles pourraient en recevoir de la France ou d'autres
pays, mais pas du gouvernement fédéral. Pour bien comprendre le
dossier, il faudrait peut-être en faire un petit historique pour voir de
quelle façon cela fonctionnait avant 1976, avant le PQ et de quelle
façon cela fonctionne depuis le PQ.
Avant le PQ, le gouvernement provincial signait des ententes avec le
gouvernement fédéral en vertu desquelles le fédéral
versait à la province des sommes d'argent que la province
dépensait dans nos communautés, dans nos localités, dans
le cadre de programmes d'équipement commuanutaire, dans le cadre de
programmes pour les agriculteurs comme les silos à la ferme qui
étaient subventionnés à 110% par le fédéral,
comme le drainage agricole, à 60%.
Mais qu'est-il arrivé avec le Parti québécois, avec
la venue du Parti québécois et de sa thèse
indépendantiste? Le gouvernement du Québec, le gouvernement
péquiste du Québec a utilisé, dans chacun des projets,
l'argent du fédéral à ses propres fins. Il s'agissait de
voir l'ouverture d'une usine d'épuration pour se rendre compte que le
provincial avait installé sa grande pancarte bleue sur laquelle on
pouvait lire: Une initiative au profit des Québécois. Comme si
tout l'argent venait de la province de Québec.
Là, les députés d'en face, les ministres prenaient
le micro et tapaient sur la tête du fédéral qui ne donnait
rien au Québec alors que le fédéral finançait
à 60%, 75% et 90% des cas. Cela s'est passé de cette façon
jusqu'au référendum. Après le référendum, on
aurait pensé que les gens d'en face auraient compris le message de la
population, mais non, ils n'ont rien compris. Ils ont continué à
utiliser l'argent que le fédéral versait à la province en
vertu de ces ententes à des fins séparatistes.
Au bout de six ou sept ans, le gouvernement fédéral s'est
tanné, il a réagi et a dit aux messieurs d'en face: Vous ne vous
servirez plus de notre argent à vos fins séparatistes. C'est
à ce moment que le gouvernement fédéral a mis sur pied des
programmes de création d'emplois dans nos communautés et qu'il a
commencé à verser des sommes d'argent directement ou
indirectement aux municipalités. Qu'est-ce qu'a fait le gouvernement du
Québec à ce moment-là? Il a réagi bêtement.
C'est peut-être facile pour un député de l'Opposition de
qualifier la stratégie des gens d'en face dans ce dossier, comme dans de
nombreux autres dossiers, de stratégie bête,
irréfléchie, à la hauteur et à l'image des gens
qu'on a en face de nous.
Mais ce n'est pas seulement le député de Brome-Missisquoi,
ce n'est pas seulement l'Opposition, ce n'est pas seulement l'ensemble des
maires et des intervenants municipaux, ce n'est pas seulement l'ensemble de la
population qui vous dénonce. Ce sont également les
éditorialistes dans les plus grands journaux de la province: dans la
Presse, le 15 décembre 1983, Jean-Guy Dubuc nous dit ce qui suit - ce
n'est pas un député de l'Opposition qui vous parle, c'est
l'éditorialiste Dubuc de la Presse: "Il ne faut pas se laisser tromper
par les apparences. Le projet de loi 38 concernant la participation
gouvernementale n'a plus rien à voir avec les traditionnels
débats Québec-Ottawa. Cela n'a plus rien à voir avec cela.
Il y a déjà longtemps que tout le monde - au moins, au
Québec, sauf vous autres, les députés marionnettes
péquistes d'en face - s'entend pour reconnaître la juridiction
exclusive du Québec sur les villes. Le problème est ailleurs; il
est plus précisément dans la formulation du projet de loi."
Je suis content que le ministre soit ici. La formulation dépend
du ministre; elle dépend du Conseil des ministres et de vous, les
députés, qui l'appuyez. Que dit-on de cette formulation? "Il est
évident qu'on a là un cas type de loi discrétionnaire
qu'un gouvernement aux prétentions démocratiques - si vous en
avez encore des prétentions démocratiques - ne peut accepter..."
Ceux et celles qui ont des prétentions démocratiques, vous ne
pouvez pas accepter cela, vous ne pouvez pas appuyer votre ministre. "Une telle
loi permet tous les chantages et abus d'anciens systèmes qu'on croyait
avoir délogés pour toujours."
M. le Président, ces chantages et ces abus, c'est dans cela que
le ministre des Affaires municipales se complaît; c'est dans ce petit
pouvoir qu'il peut exercer sur les élus municipaux. Allez-vous
l'appuyer? Est-ce que vous allez choisir, les députés d'en face,
d'appuyer le ministre contre vos maires, contre vos municipalités,
contre la population de vos comtés? Jean-Guy Dubuc poursuit en ces
termes: "À cause d'un conflit avec le gouvernement
fédéral, les municipalités perdent beaucoup plus que des
subventions.
Elles perdent le respect qu'elles croyaient mériter de
Québec." Lorsqu'on veut être respecté comme gouvernement,
on commence par respecter les autres niveaux de gouvernement: les commissions
scolaires, les municipalités. On commence par respecter la population
qui nous a élus. Lorsqu'on tombe dans le non-respect, comme vous y
tombez présentement, vous êtes appelés à être
jugés sévèrement.
Jean-Guy Dubuc poursuit: " II est vraiment incompréhensible que
le gouvernement péquiste cède aussi facilement à la
panique - vous êtes dans un état de panique - et s'accorde des
droits réservés à des régimes totalitaires - le
genre des droits pour lequel vous allez voter s'apparente à un
régime totalitaire; est-ce que vous comprenez ce que cela veut dire? je
sais que cela ne vous dérange pas, pour autant qu'il est exercé
par vous - "II n'y a que dans les pays qui renient la démocratie - vous
voulez faire du Québec un pays et vous commencez par y renier la
démocratie - que l'on peut retrouver autant de pouvoirs livrés
à l'arbitraire d'une personne tout en étant
protégés par la loi."
M. le Président, Jean-Guy Dubuc ne fut pas le seul
éditorialiste à se prononcer sur ce projet de loi. Jean-Louis Roy
dans le Devoir nous parle, parle au ministre - qui fait semblant de ne pas
écouter et de lire -parle aux députés qui seront
appelés à voter, parle à l'Assemblée nationale du
Québec. Il nous dit: "Le caractère odieux - c'est le terme
utilisé par l'éditorialiste du Devoir -du projet de loi 38 n'a
échappé ni aux partis d'Opposition, ni aux élus
municipaux." Il est en train de vous échapper. "Il est en effet
intolérable que le pouvoir arbitraire d'un ministre - il parle du
ministre des Affaires municipales avec son petit pouvoir arbitraire - le
principe de la rétroactivité et la notion même de la
discrimination soient conjugués dans un même texte de loi." Le
principe de la rétroactivité, la notion de discrimination et le
pouvoir arbitraire, voilà un projet de loi à l'image du ministre,
voilà un projet de loi à l'image des péquistes, M. le
Président. (8 h 20) "Rarement aura-t-on vu une législation aussi
contraire aux exigences élémentaires de justice." Je fais appel
au ministre de la Justice pour qu'il intervienne au cabinet, pour qu'il
intervienne auprès de ceux et de celles qui font la sourde oreille de
l'autre côté, pour qu'on ne crée pas une telle injustice.
"Rarement aura-t-on vu une législation aussi pesamment punitive à
l'endroit de partenaires majeurs, plutôt victimes que coupables." Mais
les coupables, ceux qui vont être appelés à payer, en temps
et lieu, vont être ceux et celles qui commettront l'odieux geste de voter
pour ce projet de loi.
M. le Président, l'éditorialiste Jean-
Louis Roy conclut en ces termes... Je conclus en même temps que
l'éditorialiste, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Paradis: "Tel qu'il est, le projet de loi 38 ne doit pas
franchir les dernières étapes parlementaires et devenir la
législation du Québec. Mais si le gouvernement s'entêtait -
et Dieu sait que le ministre est têtu - on saura alors que rien ne
l'arrête dans la voie de l'arbitraire". Les parlementaires du groupe
ministériel, y compris les perroquets qui ont fait la parade des
principes la semaine dernière à l'Assemblée nationale -
s'il y en a qui se reconnaissent, vous pouvez vous lever ou restez assis si
vous vous reconnaissez aussi; ça fait pareil...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Si
vous voulez conclure.
M. Paradis: ...devraient lire le projet de loi.
M. le Président, en concluant, je dirai que cela ne prend pas de
temps à lire. Cela ne prend pas de temps pour s'apercevoir que ce projet
de loi qui ne contient que trois pages répugne...
Une voix: Cinq pages.
M. Paradis: M. le député de Saint-Hyacinthe, avant
de voter, lisez-le - répugne aux principes de justice naturelle, qu'il
contient les éléments les plus totalitaires qui sont à
l'image de ce gouvernement. M. le Président, le leader du gouvernement,
en présentant sa motion de clôture, a ajouté du
mépris sur du mépris et il n'obtiendra pas...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M.
le député!
M. Paradis: ...le concours de l'Opposition dans ce qu'il tente de
faire, lorsqu'il tente de nous bâillonner, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: M. le Président, il est 8 h 25 du matin, le 16
décembre. Nous en sommes à débattre une motion...
Une voix: La vingt-troisième heure.
M. Dubois: ...présentée par le leader du
gouvernement pour mettre fin à la commission qui étudiait
le projet de loi 38, loi présentée par le ministre des Affaires
municipales et qui est décrite comme étant une mesure hypocrite
et qui transpire même le mépris.
M. le Président, j'aimerais, pour la bonne compréhension,
lire le texte de la motion que nous a présentée le leader du
gouvernement. Cette motion est inscrite au feuilleton de l'Assemblée
nationale du jeudi 15 décembre 1983, et elle se lit comme suit: "Que,
conformément à l'article 156 du règlement, le rapport de
la commission permanente des affaires municipales sur l'étude
après la deuxième lecture du projet de. loi 38, Loi sur la
participation gouvernementale au financement des municipalités, soit
déposé à l'Assemblée nationale avant 13 heures le
vendredi 16 décembre 1983, la commission devant mettre fin à ses
travaux au plus tard à minuit le jeudi 15 décembre 1983." Ce qui
veut dire que le ministre, par la voix du leader parlementaire du gouvernement,
nous amène la guillotine sur le projet de loi 38. On veut "bulldozer"
cette loi, le bâillon. On veut empêcher les membres de cette
Assemblée, les membres de l'Opposition libérale de discuter
à fond du projet de loi 38, de faire part aux élus municipaux du
contenu du projet de loi 38. Même s'il y a eu quelques heures de
débat en commission parlementaire, même s'il y a eu la
deuxième lecture, ici, en Chambre, il y a encore beaucoup de choses qui
n'ont pas été dites sur cette loi.
M. le Président, c'est tout à fait inacceptable de voir le
leader du gouvernement nous empêcher de discuter d'un projet de loi qui
touche 1600 municipalités, 1600 maires - si on multiplie cela par sept,
cela fait quelque 8000 ou 9000 conseillers, en plus - et qui touche toute la
population du Québec.
Le ministre des Affaires municipales, par son cynique projet de loi 38,
veut faire retomber son arrogance dictatoriale sur les maires, sur les
contribuables du Québec, enfin, sur les 1600 municipalités
québécoises. C'est un mépris envers les élus
municipaux.
Le projet de loi 38 s'attaque également au gouvernement
fédéral. On rejette une autre fois le blâme sur le
fédéral du fait que des municipalités auraient reçu
de l'aide financière par l'intermédiaire d'organismes à
but non lucratif.
M. le Président, nous, libéraux, reconnaissons la
juridiction exclusive du Québec en matière d'affaires
municipales, et ce n'est pas nouveau cette reconnaissance puisque, en 1974,
l'actuel chef parlementaire du Parti libéral présentait le projet
de loi 56 qui témoignait de la reconnaissance du Parti libéral du
Québec de la juridiction exclusive du Québec en matière
d'affaires municipales. Nous avons toujours été respectueux de la
juridiction québécoise dans le cadre canadien. Nous n'avons
certainement pas de leçon à recevoir du Parti
québécois dans ce sens. Mais la différence qu'il y a
aujourd'hui, c'est que nous avons un ministre des Affaires municipales qui est
de mauvaise foi, un ministre des Affaires municipales qui ne veut
négocier aucune entente avec le gouvernement fédéral. Ce
ministre n'a jamais eu le courage, la volonté de s'asseoir avec ses
partenaires du gouvernement fédéral pour dialoguer, pour apporter
au Québec ce qu'on attend d'un ministre responsable, c'est-à-dire
les subventions fédérales qui doivent revenir au Québec.
Le ministre aime mieux la confrontation que la négociation. C'est
vraiment malheureux pour les 1600 municipalités du Québec, en
fait, pour tous les contribuables du Québec.
Il y a environ 100 000 000 $ qui auraient dû être
négociés par le ministre des Affaires municipales avec ses
partenaires fédéraux pour le bien de tous les
Québécois. La situation actuelle fut sans doute voulue par le
ministre des Affaires municipales. Tout ce que ces gens d'en face veulent,
c'est la confrontation. Ils veulent que le blâme soit toujours
jeté sur les libéraux fédéraux. Cela existe depuis
1976. Je suis arrivé ici le 15 novembre 1976 et c'était la
situation, c'était le comportement de ce gouvernement. Cela n'a pas
changé depuis ce temps, nous sommes dans la même situation. On ne
veut pas négocier avec le fédéral, on veut faire croire
à la population du Québec qu'il n'y a rien à faire avec le
gouvernement fédéral et, d'après le comportement du
ministre, il est évident que c'est la situation qui existe.
M. Paradis: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Alors qu'on est en train d'écouter un ex-maire
se prononcer sur une loi municipale, il y a très peu de
députés en Chambre. Auriez-vous l'obligeance de vérifier
s'il y a effectivement quorum?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Non, effectivement, il
nous manque trois députés.
Des voix: ...
(8 h 30)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Ils étaient
là quand j'ai compté. Appelez les députés.
C'est vingt, le quorum, M. le député. Je m'excuse, M. le
député de Charlesbourg, sachez que le quorum est de vingt.
M. Côté: Oui. D'accord.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Faites le
décompte. M. le député de Huntingdon.
M. Rochefort: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, est-ce qu'il est permis
à un député de demander s'il y a quorum et de se retirer
de cette salle pour empêcher qu'il y ait quorum?
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;
S'il vous plaît! J'ai reconnu le député de Huntingdon.
M. Paradis: M. le Président, sur la question de
règlement...
Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai reconnu le
député de Huntingdon.
M. Paradis: ...on m'a imputé des motifs tout à
fait...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît.
Vous aviez le droit de sortir...
M. Paradis: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je n'ai jamais
imputé de motifs et, personnellement, je recompte le quorum des
personnes qui sont ici présentes à l'intérieur de cette
assemblée. Donc, M. le député de Huntingdon, vous avez la
parole.
M. Dubois: M. le Président, j'étais à
indiquer aux Québécois les centaines de millions qui furent
perdus par l'attitude péquiste, l'attitude des séparatistes que
nous avons en face de nous. Chaque fois qu'il y a eu des possibilités
d'obtenir des fonds provenant du gouvernement fédéral, des fonds
auxquels nous participons sur le plan de la taxation, sur le plan des
impôts, les gens d'en face n'ont jamais voulu négocier aucun
dossier et cela touche, M. le Président, tous les domaines
d'activité. Que ce soit le ministre de l'Industrie et du Commerce, le
ministre des Affaires municipales ou n'importe quel ministre, l'attitude de
tous ces gens d'en face est toujours la même. On veut faire percevoir
à la population qu'il n'y a rien à faire avec le gouvernement
fédéral.
Malheureusement, M. le Président, pour les
Québécois, il y a des pertes énormes subies ici, au
Québec, à cause de cette attitude inacceptable. Je termine en
vous faisant part de ce que croit et de ce que pense le préfet de la MRC
de Matawinie, M. André Asselin.
Une voix: Ah, il est bon, lui!
M. Dubois: M. Asselin a qualifié d'immoral et de
méprisant le projet de loi 38, en vertu duquel des représailles
pourront être exercées contre les municipalités qui
accepteraient des subventions du gouvernement fédéral. M. le
Président, il y en a eu, dans le comté de Huntingdon, des
subventions. Elles ont participé à créer ou à
bâtir des choses nécessaires, des choses qu'on attendait depuis
très longtemps. Il y a eu une aréna qui a reçu une aide
financière. Il y a eu une salle communautaire qui a reçu une aide
financière, et elle n'est pas parvenue directement au conseil municipal.
Ce sont des compagnies à but non lucratif qui ont fait la demande. Ces
compagnies à but non lucratif existaient bien avant le
dépôt du projet de loi 38, mais quand même, ces montants ont
participé énormément à ce que l'aréna et la
salle municipale ou communautaire puissent être bâties. Je remercie
les maires de ces deux municipalités d'avoir su demander les fonds
nécessaires pour pouvoir offrir à leurs concitoyens les outils
nécessaires. Je voterai contre cette motion du gouvernement, à
savoir de bâillonner la commission parlementaire qui étudie le
projet de loi 38.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Robert Baldwin.
M. John O'Gallagher
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Nous sommes rendus
à 8 h 36 du matin, le vendredi 16 décembre. Cela fait
déjà quasiment 23 heures qu'on siège sans arrêt
à l'Assemblée nationale et on a vu que ce gouvernement, tellement
mal pris pour trouver des solutions aux problèmes économiques du
Québec, se lance seulement sur la question nationale. D'ailleurs, c'est
la seule priorité de ce gouvernement, la question nationale; il essaie
de faire seulement des manoeuves de diversion. En effet, au lieu de nous
préoccuper des problèmes économiques, nous sommes en train
de gaspiller nos efforts et nos énergies à débattre
à l'Assemblée nationale de problèmes tout simplement
stériles, de batailles inutiles avec Ottawa. C'est dommage que nous ne
soyons pas assez matures pour gérer nos affaires comme des gens
d'affaires car dans toute société nationale comme on l'appelle au
Québec ou internationale, il faut avoir une approche d'affaires dans
toutes nos relations ou dans la gérance de nos affaires. Car on sait
bien qu'il faut partager la gérance de toutes nos affaires. Il est
facile de reconnaître que pour le commerce extérieur ou le
commerce intérieur du Québec, notre commerce avec les autres
provinces et notre commerce avec
le reste du monde, il faut avoir des lois et des règlements.
C'est un partage à concevoir. C'est un partage de pouvoirs. Il faut
avoir des relations avec le gouvernement fédéral et avec le monde
international dans le domaine du commerce extérieur. Il en est ainsi
dans le domaine de l'immigration où il faut partager des pouvoirs avec
le gouvernement fédéral et avec les autres pays car le monde est
de plus en plus petit. Il en est ainsi pour les services sociaux. Tous ces
domaines sont partagés, de même que celui des pêches et de
l'agriculture; ce sont des domaines où il faut une coopération
étroite, une politique partagée entre le fédéral et
le provincial. (8 h 40)
II est assez difficile de concevoir que nous, les 122
députés de cette Assemblée, sommes présentement,
après plus de 23 heures de débat continu, depuis 10 heures hier
matin, à discuter sur le projet de loi 38 sur lequel le gouvernement
veut mettre le bâillon. Ce projet de loi 38 vise à empêcher
le gouvernement fédéral et ses députés de
travailler et de prendre crédit pour le travail qu'ils font dans leur
comté, pour leurs électeurs. C'est cela justement, c'est une
bataille de drapeaux, c'est un résultat du comité de la question
nationale. C'est un peu difficile à croire que nous, au Québec,
peut-être la seule province de tout le Canada, passons des heures
inutiles dans des batailles stériles avec le gouvernement
fédéral sur ces questions. Surtout quand le pouvoir au
gouvernement fédéral est détenu majoritairement par des
confrères francophones à Ottawa.
Je prends l'exemple de l'agriculture. Comment se fait-il, M. le
Président, qu'au Québec l'agriculture ne soit pas une question
fondamentale d'économie, de survie d'une industrie, peut-être
notre plus grande richesse, mais un outil politique? Comment se fait-il qu'on
traite toutes nos questions de survie de l'industrie, comme l'agriculture ou
toutes les autres industries, comme étant une question politique et non
pas touchant vraiment l'économie du pays? On utilise les pêcheurs,
on utilise les cultivateurs comme pour des jeux extrêmement... Ce n'est
pas acceptable de nos jours. Surtout quand ce partage des juridictions est
tellement critique. On prend le commerce extérieur, l'immigration, les
services sociaux. Combien de fois nous, de l'Opposition, avons-nous
été à des ouvertures de centres d'accueil auxquelles le
député fédéral n'avait même pas
été invité quand le gouvernement fédéral
paie peut-être 50% des frais de ces centres d'accueil pour la
construction, l'entretien et l'utilisation?
On parle du virage technologique. Je vois le ministre qui est assis en
face. Comment peut-on le faire ce virage si on n'a pas le concours du
gouvernement fédéral?
Parlez-nous, M. le ministre, des subventions fédérales et
des efforts du fédéral dans le domaine du transport? Le contrat
avec Bombardier pour le métro de New York, est-ce que c'est l'affaire de
notre ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme? Non, c'est le
fédéral qui a négocié et qui a facilité ce
contrat. Bell Helicopter...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
votre temps est terminé.
M. O'Gallagher: Oui, M. le Président, en terminant je
voudrais tout simplement mentionner qu'il y a Bell Helicopter qui va
s'établir prochainement ici à Mirabel. C'est une oeuvre du
gouvernement fédéral. Pratt et Whitney qui vont faire les moteurs
de cette...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, s'il vous plaît!
M. O'Gallagher: À par cela, je voudrais bien vous annoncer
que Pratt et Whitney a décroché le contrat pour d'autres moteurs
pour une autre usine d'hélicoptères qui va s'établir en
Ontario.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, votre temps est terminé. M. le
député de Charlesbourg.
M. Rivest: M. le Président, une question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Non, je sais ce que vous
voulez dire, mais je suis... S'il vous plaît! Non, mais il m'a fait signe
par exemple. S'il vous plaît! On ne niaisera pas la présidence. Ce
n'est pas ce que vous m'avez fait comme signe. Allez-y donc pour voir.
M. Rivest: Si vous comprenez par signe, M. le Président,
je vous le dirai une autre fois.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Charlesbourg.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté: M. le Président, on est en
droit.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Côté: On est en droit de se demander, au moment
où il est presque neuf heures, le 16 décembre, et que cette
Chambre siège depuis maintenant 23 heures, ce qui a pu inciter le
mini-leader du gouvernement, député de Vanier, à poser le
geste odieux d'imposer à l'Opposition un
bâillon, la clôture, la guillotine. Oui, le ministre de la
Science et de la Technologie, qui a passé une partie de la nuit avec
nous, dit que c'est terrible. Au lieu d'avoir des énoncés aussi
cons que ceux-là, vous auriez dû vous lever pour nous dire le fond
de votre pensée. Continuez à rester assis sur votre siège,
continuez.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît;
M. Côté: Un homme du Conseil des ministres qui est
resté toute la nuit assis sur son derrière, pas capable de venir
porter secours à son ministre! Belle solidarité
ministérielle! Il n'est pas surprenant que le Québec soit rendu
sur le derrière avec des ministres de ce genre-là.
M. le Président, qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui nous sommes
confrontés à un bâillon de la part de ce gouvernement, de
la part du petit leader du gouvernement? Quinze heures seulement de
débat en commission parlementaire pour étudier un projet de loi
qui est condamné par l'ensemble de Québécois. Qu'est-ce
qui fait, M. le Président, que ce leader, ce petit leader appuyé
par les perroquets, impose la clôture, donne avis à la Chambre
trois heures après le début des travaux de cette commission,
vient annoncer à cette Chambre en pleine noirceur, soit à 23 h
30, qu'il va imposer la clôture quelque trois heures après? Quelle
logique? Celui-là même qui travaillait à la réforme
des règles parlementaires, des règles qui nous régissent.
Combien il faut être petit pour imposer à l'Opposition un geste de
cette nature! (8 h 50)
M. le Président, neuf fois en sept ans ce gouvernement de
sociaux-démocrates a imposé à l'Opposition la
clôture. Quatre fois, M. le Président - vous avez dû passer
des heures sur ce siège - dans les deux dernières années;
cela empire au fil des ans. Cela empire parce qu'on a changé de leader.
On en a pris un petit dans les deux sens du terme. J'imagine, M. le
Président, que les maires de la région de Québec... Le
maire de Beauport, dignement représenté à
l'Assemblée nationale par le député de Montmorency,
celui-là même qu'il a amené sur le plan municipal, doit
être extrêmement fier de l'attitude de son député
aujourd'hui. J'imagine que le maire de Cap-Rouge doit être
extrêmement fier aussi de Mme la députée de La Peltrie et
également ministre. J'imagine que le maire nouvellement élu de
Vanier doit déborder d'enthousiasme devant le député de
Vanier. Que penser, M. le Président, d'un des maires les plus influents
de la région de Québec, du maire de Québec, qui
disait...
M. Maciocia: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le
député.
M. Maciocia: Voulez-vous m'indiquer s'il y a quorum, M. le
Président?
M. Rivest: M. le Président, est-ce que le
député péquiste qui dort est compté dans le
quorum?
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous avons quorum.
M. le député, vous pouvez continuer.
Une voix: Ceux qui dorment...
M. Côté: M. le Président.
Une voix: On compte les têtes.
M. Côté: Pour la dixième fois, vous avez
demandé le quorum.
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Simplement pour les fins du journal des Débats, il y avait quorum
au moment où le député l'a demandé. Je n'ai donc
pas demandé le quorum.
M. Côté: M. le Président, cela a
été appelé neuf fois par vous ou par celui qui vous
remplace au fauteuil. Neuf fois dans une nuit, il faut le faire.
Donc, le maire de Québec s'étonnait qu'avec le projet de
loi 38 il ne pourrait pas recevoir de subventions du fédéral
alors que, facilement, les gens d'en face trouvent acceptable qu'on puisse
recevoir une subvention de la France.
Une voix: De la France.
M. Côté: Voyons donc! C'est cela, M. le
Président. Ce sont les propos du maire de la ville de Québec.
Ces gens qui s'égosillent, qui demeurent assis sur les banquettes
arrière et qu'on n'entend plus depuis minuit, hier soir, ces gens qui se
taisent devant une situation comme celle-là, puisons dans le
passé pour savoir ce qu'ils ont fait lorsqu'ils étaient ici.
Puisons dans le passé, allons voir celui qu'on regrette aujourd'hui
comme leader du gouvernement. Qu'est-ce qu'il disait alors...
Une voix: Barrez les portes!
M. Côté: ...l'ex-député de
Saint-Jacques, dans une motion similaire, le 26 juillet 1974?
Une voix: Montez sa cage! M. Côté: II
disait... Une voix:C'est Charron. Une voix:Montez sa cage: Une voix:M. Charron.
M. Côté: M. Charron, en effet. "Il n'y a pas un
Parlement au monde, surtout pas dans un régime britannique comme celui
dans lequel nous vivons, où cette procédure exceptionnelle est
utilisée avec autant de fréquence et présentée avec
autant de nonchalance et de manque d'intérêt, comme vient de le
faire le leader du gouvernement, et cela qualifie déjà par le
simple ton le respect que ce gouvernement a eu à l'égard de
l'Opposition." N'est-ce pas merveilleux? Il disait: "Où est l'urgence de
faire adopter une loi que les Québécois ont manifestement
refusée jusqu'à la table de la commission?" M. le
Président, prenez le projet de loi 38; c'est exactement ce qui s'est
passé. Évidemment, ils ne respecteront pas
l'ex-député de Saint-Jacques, M. Charron, puisqu'il n'est pas
ici, mais on pourrait leur parler assez aisément de celui qui
s'apprête maintenant à tenter sa chance sur la scène
fédérale, le député de Lafontaine.
Une voix: Qui?
M. Côté: M. Léger, le
pénépiste. Voici ce qu'il disait.
Une voix: Le péniste.
M. Côté: Le péniste. M. Léger nous
disait: "Le gouvernement Bourassa est en train de lancer le Québec dans
l'aventure de l'irréalité."
Une voix: C'est beau cela.
M. Côté: Vous en avez vécu de belles cette
nuit, messieurs. Nous vivons...
Une voix: ...
M. Côté: Est-ce que le député de
Terrebonne a la parole?
Une voix: Silence!
Une voix: Député de Groulx.
M. Côté: Groulx.
Une voix: ...
M. Côté: Le député de Champlain vient
de se réveiller, M. le Président.
Une voix: Ah!
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Côté: II devrait être à son
siège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Côté: M. le Président, il disait: "Le
gouvernement Bourassa nous pousse dans l'irréel parce que son projet est
odieux, odieux pour deux raisons: odieux dans le contenu du projet de loi et
odieux dans le contexte et la façon dont ils veulent voter." M. le
Président, n'est-ce pas la situation dans laquelle nous ont
poussés le leader du gouvernement et le ministre des Affaires
municipales? M. Burns, un autre de cette gang-là qui est parti, un autre
qui avait du fond et qui est disparu maintenant de la carte
électorale.
Une voix: II a été nommé juge.
M. Côté: On l'a nommé juge. Il nous disait:
"M. le Président, le 26 juillet 1974, à mon avis, passera
à l'histoire comme une journée noire du parlementarisme
québécois, comme une journée noire pour la nation
québécoise, comme une journée noire pour le respect de nos
institutions et pour le respect des Québécois." N'est-ce pas
qu'ils sont beaux ces beaux principes qui étaient
véhiculés par les gens d'en face en 1974? Merveilleux! On a le
reliquat, le reste du Parti québécois devant nous qui foule aux
pieds les principes que leurs amis défendaient
antérieurement.
Allons voir ce que nous disait celui qui était alors chef
parlementaire et vous aurez sans doute reconnu celui qui a guidé la
gaffe du premier ministre en Italie, le député de Sauvé,
M. Morin: "Ainsi, M. le Président, le gouvernement est acculé au
mur par l'Opposition, selon l'expression même utilisée par le
leader du gouvernement ce matin." Écoutez-moi ça!
"L'énorme diplodocus...
Une voix: Quoi?
M. Côté: ...des 100 députés se voit
contraint de réduire au silence l'Opposition comme s'il fallait
justifier cette attitude, cette façon de procéder si peu conforme
aux traditions parlementaires, si peu conforme à l'esprit
démocratique." Et, M. le Président, la belle est un petit peu
plus loin. Il s'offusquait, comme lui seul est capable de le faire, avec le
petit nez en l'air, la petite barbiche, il disait: "Car après à
peine 52 heures de débat en commission..." Vous avez bien compris, M. le
Président. Il était offusqué le pauvre d'avoir eu
seulement 52 heures alors qu'ici, sur le projet de loi 38,
un projet de loi à l'image du gouvernement, odieux pour
l'ensemble des Québécois qui pourraient bénéficier,
si ce gouvernement avait le courage de mettre de côté
l'idée qu'il caresse depuis longtemps et concrétisée en
Chambre hier par le ministre des Finances, soit d'avoir l'obsession de
l'indépendance dans tout ce qu'ils font. Ce que cache le projet de loi
38, M. le Président, il faut se le dire, c'est cette idée
derrière votre tête à vous tous...
M. Gauthier: On en a une en tout cas.
M. Côté: Le député de Roberval se
lèvera et parlera s'il veut parler, lui qui a détonné
toute la nuit. L'adjoint du ministre des Finances, le commissionnaire du
ministre des Finances.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Côté: C'est l'idée de
l'indépendance qu'ils caressent et qu'ils veulent faire passer aux
Québécois. En terminant, le Parlement a été
fermé par ce gouvernement pendant un mois. On aurait pu facilement
siéger pour adopter ces projets de loi. L'imprévoyance du leader
et du gouvernement nous mène aujourd'hui où nous en sommes
rendus.
J'ai remarqué une chose du discours du leader du gouvernement, et
je veux conclure là-dessus. Il nous disait: On a un choix à faire
pour le gouvernement et nous avons choisi de bâillonner. C'est ça.
Ce que je veux dire au leader du gouvernement ainsi qu'à ses valets de
pied qui sont sur les banquettes ici à l'arrière, c'est qu'une
élection générale, messieurs, permettrait aux
Québécois de choisir entre le Parti libéral et de vous
sacrer une bonne volée comme vous en avez connue dans Jonquière
et dans Mégantic-Compton.
Des voix: Bravo! Bravo! (9 heures)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Viau.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci, M. le Président. Encore une fois nous
avons devant nous des réactions ou des résultats d'un individu
qu'on pourrait très bien appeler le Dr. Jekyll and Mr. Hyde de
l'Assemblée nationale. Pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire de
Dr. Jekyll and Mr. Hyde, c'est le gars qui, durant la journée,
prêchait, mais le soir, la nuit venue, faisait des mauvais coups. Notre
cher leader parlementaire, à mon avis et de l'avis de la population,
c'est le Dr. Jekyll et le Mr. Hyde du Québec et de l'Assemblée
nationale.
On a souvent entendu les ténors de l'autre côté
prêcher les grands principes de la démocratie. La réforme
parlementaire, on va en parler. La réforme parlementaire, c'est
respecter les droits des parlementaires et faciliter les choses pour aider au
bon fonctionnement de nos travaux. Maintenant, juste avant cette réforme
parlementaire, qu'est-ce qu'on fait? La Chambre, si je ne me trompe pas, a
commencé à siéger hier matin, à 10 heures, et il
est maintenant 9 heures; cela fait maintenant 23 heures qu'on est ici. On est
ici pourquoi? Parce qu'un projet de loi a été
déposé. Il ne l'a pas été dernièrement, il a
été déposé le 21 juin dernier.
Le gouvernement s'est permis de belles vacances. Même à la
reprise, on s'est donné comme excuse que cela prenait un autre mois pour
mettre les points sur les "i" et s'assurer que les virgules soient à la
bonne place. Je me demande où sont les points et où sont les
virgules. On prétend être très respectueux de la
démocratie, mais ce bâillon qui est imposé par le
gouvernement, ce n'est pas la première fois. Cela fait neuf fois depuis
qu'il est au pouvoir. Cela ressemble beaucoup à une république de
bananes où les gens n'ont rien à dire; ce sont des dictatures,
ces fameuses républiques de bananes. Mais, vous, messieurs, par vos
actions, par vos bâillons, par vos motions de clôture, vous avez
réduit ce Parlement, qui a pris des années à se
développer et qui a toujours été très respectueux,
vous l'avez abaissé au niveau d'une république de bananes. Cela,
non seulement les députés de l'Opposition, mais la population ne
l'accepte pas. Elle vous a passé le message dans le comté de
Mégantic-Compton, elle vous a passé le message aussi dans la
grande forteresse de Jonquière. Qu'est-ce qu'elle vous a dit? On ne veut
pas de lois qui ne reflètent pas les besoins de la population.
Depuis que ce débat est commencé, je n'ai pas entendu dire
ici que cette loi reflétait les désirs de la population. Une
chose est vraie, cependant, dans vos discours: Cela reflète vos
désirs, MM. les députés ministériels. Avons-nous
besoin de rappeler que des gens élus, un parti au pouvoir doit s'assurer
que les désirs de la population sont respectés? On n'adopte pas
des lois pour s'assurer de la visibilité dans les comtés.
Une voix: La transparence!
M. Cusano: Oui, une belle transparence! On est inquiet parce que
le député fédéral, lui, se promène
peut-être dans les comtés. Mais, vous, je suis sûr que vous
vous promenez dans les comtés. Cela fait longtemps qu'on le dit. Il y en
a, parmi vous à qui on a dit: On ne veut plus vous voir. Puis vous venez
avec un projet de loi et dites: Si la population ne veut pas de moi, on va
empêcher les députés fédéraux d'y
être.
M. le Président, les grands ténors invoquent les grands
principes d'une saine gestion, d'une saine administration. Au
fédéral, les gens ne sont pas capables de faire cela. Messieurs
les ministériels, êtes-vous capables d'une saine gestion?
Êtes-vous capables d'administrer pour que cette province ne se trouve pas
dans les déficits où elle se trouve? Non. Vous n'êtes pas
capables. Les pouvoirs que se donne le ministre, est-ce que cela veut dire
qu'on va avoir d'autres subventions pour des "sex bars"? C'est beau, la saine
administration, la grande bureaucratie québécoise. On veut avoir
plus d'argent pour subventionner selon des critères qui vont être
établis par le ministre, par le député de Duplessis
peut-être, pour donner des subventions à des "sex bars".
C'est vrai que les "sex bars", d'habitude ceux qui les
fréquentent y vont la nuit et non le jour. C'est ce qui se passe ici. On
essaie de nous faire voter un projet de loi dans la nuit.
Une voix: Le matin.
M. Cusano: Le matin, oui. Il est 9 h 07 du matin, M. le
Président, et il y a beaucoup de mes collègues. Je
félicite mes collègues qui ont veillé pour protéger
les droits de nos élus municipaux et les droits de l'ensemble de la
population. Si vous aviez voulu consulter, le projet de loi a été
présenté le 21 juin dernier. Mais non, on attend au mois de
décembre, en fin de session. Les libéraux vont être
fatigués, ils ne voudront pas débattre. Mais vous avez
été surpris. On va se débattre jusqu'au bout.
Lorsque vous parlez des pouvoirs discrétionnaires et des
déclarations qui sont faites à droite et à gauche,
l'exemple parfait qu'on a vu de ces conneries, c'est lorsque le premier
ministre s'est rendu en Italie...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Viau, si vous voulez conclure, s'il vous
plaît.
M. Cusano: Je conclus, M. le Président. Il s'est rendu en
Italie; il a eu une grande conversation avec l'honorable Pertini. J'aurais
compris si le dialogue avait été en italien, dans ma
reconnaissance à un homme d'État comme M. Pertini qui parle le
français aussi bien que René Lévesque, M. le premier
ministre.
Une voix: Même mieux.
M. Cusano: Même mieux. Peut-être un peu avec l'accent
d'un Jacques-Yvan Morin. Je ne peux pas dire qu'ils ne se sont pas compris.
S'il y avait eu un interprète, on aurait compris cela.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Viau.
M. Cusano: Je termine, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Cusano: On cause des problèmes au niveau international
et... Oui, M. le député de Roberval. Vous pensez que c'est beau
tout cela, de faire la manchette le lendemain matin. Mais qui en souffre dans
tout cela? C'est la population québécoise et le fait que le
Québec perd son respect sur la scène internationale.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. M.
le député de Viau, pour la troisième fois, je vous demande
de conclure.
Des voix: Bravo! (9 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderai aux
députés qui ne sont pas à leur fauteuil de bien vouloir
regagner leur place. Vous, M. le député de Portneuf, vous avez
déjà parlé.
M. Pagé: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, une question
de...?
M. Pagé: ...c'est une demande de directive que j'ai
à vous formuler à deux égards. D'abord, en l'absence du
leader du gouvernement, en l'absence du leader adjoint, le député
de Sherbrooke, en l'absence du leader adjoint, le député de
Rivière-du-Loup, en l'absence du whip en chef du gouvernement et en
l'absence de tout membre du Conseil des ministres, j'aimerais connaître
les intentions gouvernementales en ce qui concerne, évidemment, la fin
de la séance, parce qu'il nous reste encore une douzaine
d'interventions, je crois. À 9 h 15, tous les matins - parce qu'on est
habitué chez nous à travailler dans un cadre très
discipliné, un cadre d'unité - on se réunit au conseil des
députés. J'aimerais bien que vous puissiez, à moins que ce
ne soit fait par un membre du gouvernement, nous faire vos commentaires
à l'égard de la situation de fait dans laquelle on se retrouve.
Malheureusement, on n'a pas le don d'ubiquité et on se doit d'être
ici et à la fois à notre conseil des députés. De
plus -cette demande de directive s'adresse à vous, M. le
Président - au cas où une décision quelconque pourrait
survenir à la fin de la journée du jeudi, 15 décembre,
peut-être vers 12 h 30 ou 13 heures, j'aimerais savoir ce qui arrivera.
Est-ce qu'on siégera si...? Peut-on siéger? Qu'est-ce qui
arrivera du plan des
banquettes, sachant que deux nouvelles députées, Mme la
députée de Jonquière et Mme la députée de
Mégantic-Compton, seront invitées à venir occuper leur
fauteuil ici? Comment allez-vous procéder pour la nouvelle
redistribution des banquettes? Je présume que ce sera difficile pour
vous. Une demande de directive vous est donc adressée et une autre
à mon bon ami, le député de Vanier.
Une voix: II n'a pas compris. Il n'était pas
là.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Premièrement, je
reconnaîtrai le député qui voudra intervenir puisque la
séance n'est pas terminée. Personne n'a demandé
l'ajournement du débat.
Une voix: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je regrette. J'ai compris
votre question, mais jusqu'à présent, comme président, je
reconnaîtrai la personne qui voudra intervenir. Donc, M. le
député de Jean-Talon, je vous donne la parole.
M. Pagé: M. le Président, avant l'intervention de
mon collègue de Jean-Talon, j'aimerais connaître la position que
vous adoptez. Vous êtes le vice-président de l'Assemblée
nationale. Vous occupez le fauteuil du président. Qu'arrivera-t-il
à la fin de la séance par rapport à une éventuelle
autre séance s'il faut modifier complètement l'ordre des
banquettes ici? La question au leader du gouvernement, parce qu'il
n'était pas là...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Pour la première partie de la question, j'ai dit que je
reconnaîtrais le député de Jean-Talon qui s'est
effectivement levé. Pour la deuxième partie, je le prends en
délibéré et on vous avisera. Donc, M. le
député de Jean-Talon.
M. Gratton: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gratton: Le leader du gouvernement est venu nous rejoindre. Je
pense que c'est une question tout à fait justifiée que pose le
député de Portneuf. À 10 heures, on a la période
des questions. On a une nouvelle séance et normalement, quant à
nous de l'Opposition, à 9 h 15, on a un conseil des
députés. Il est maintenant 9 h 15. J'aimerais demander au leader
du gouvernement s'il a l'intention d'ajourner avant 10 heures, que ce soit
à 9 h 20, 9 h 30 ou 9 h 45. Le parti ministériel aussi bien que
l'Opposition auront-ils la possibilité de tenir un conseil des
députés ou si le leader du gouvernement a l'intention d'ajourner
la séance d'aujourd'hui ou d'hier - je ne sais plus trop - en même
temps que la séance de ce matin commencera?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, la séance qui a
commencé hier à 10 heures en vertu du règlement qui
prévaut dans ces fins de session peut durer jusqu'au lendemain matin, 10
heures, c'est-à-dire au moment où on commence une nouvelle
séance avec la période des affaires courantes. Notre intention ce
matin est de faire en sorte qu'effectivement nous poursuivions le débat
sur la motion que j'ai présentée. C'est la présidence qui
doit statuer là-dessus. Quand 9 h 59 arrive, la présidence -
comme elle le fait pour les fins de séance, par exemple, lorsqu'il est
22 heures durant les sessions régulières - constatant que nous
sommes arrivés à la fin de la séance, ajourne les travaux.
Nous reprenons une nouvelle séance avec les affaires courantes.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, je veux simplement demander
au leader du gouvernement - je sais qu'il n'est pas de bonne humeur - s'il ne
trouverait pas convenable... Je lui demande de considérer la
possibilité de nous donner quinze minutes pour aller nous faire la
barbe, nous raser avant le début de la session.
Une voix: C'est qu'on change de cravate, nous.
M. Bertrand: Je constate...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je peux dire au député de Gratton que,
vu d'ici...
Une voix: Ce n'est pas le député de Gratton.
M. Bertrand: ...au député de Gatineau que, vu
d'ici, il paraît encore imberbe. Il n'a donc pas un problème
majeur à ce point de vue là.
Par ailleurs, nous n'aurons pas objection à terminer les travaux
pour donner la chance au personnel de l'Assemblée nationale de se
préparer à la nouvelle séance qui commencera à 10
heures. Nous n'aurons pas
d'objection à terminer nos travaux pour 9 h 45.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gratton: Je voudrais dire au leader du gouvernement: Merci
beaucoup.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jean-Talon, vous vous êtes levé
tantôt pour demander d'intervenir. Je vous reconnaîtrai donc.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, l'Assemblée nationale
connaît, comme on l'a souligné précédemment, sa
neuvième ou dixième motion de suspension des règles qui,
dans la pratique parlementaire, a essentiellement pour effet d'empêcher
les députés de l'Opposition d'exprimer au nom de tous ceux, en
l'occurrence ceux du domaine municipal, qui ont manifesté leur
très vive opposition au projet de loi 38 du ministre des Affaires
municipales.
Je pense qu'il n'est pas injuste de souligner que sur plus de 1000
municipalités, 1000 maires, combien de conseillers et d'échevins
municipaux s'opposent à l'adoption de ce projet de loi du gouvernement
du Parti québécois. Le Parti québécois, comme il
l'a fait surtout depuis 1981, s'entête, s'obstine et se refuse à
entendre de nos concitoyens et cherche par tous les moyens, dont celui du
baîllon imposé à l'Opposition à l'Assemblée
nationale, à faire adopter, à faire primer et à imposer sa
volonté, cette volonté de gouvernement péquiste, qui a
été dans tellement de domaines combien néfaste pour
l'ensemble des citoyens du Québec.
On a fait grand état de la relance économique. Cette
Assemblée a été fermée au-delà d'un mois
pour soi-disant donner le temps au gouvernement de préparer un plan de
relance conforme aux aspirations des Québécois. Or, M. le
Président, dans ce plan de relance qui a été - ce n'est
pas injuste de le dire - accueilli avec beaucoup de scepticisme et, dans
certains cas, avec beaucoup de déception par l'ensemble de nos
concitoyens du Québec, dans ce plan de relance, si le gouvernement du
Parti québécois avait vraiment eu à coeur de poser des
gestes significatifs pour relancer la création d'emplois, en particulier
d'emplois permanents pour nos jeunes, pour les travailleurs et les
travailleuses du Québec, il me semble qu'il aurait dû penser tout
d'abord, à s'assurer que les sommes disponibles à cette fin, au
niveau du gouvernement canadien comme au niveau du gouvernement
québécois, puissent s'additionner, puissent être mises
ensemble de façon à donner à la relance économique
le souffle dont elle avait absolument besoin et qu'elle tarde tellement
à recevoir. (9 h 20)
Le gouvernement du Parti québécois n'a pas su, dans la
préparation de son plan de relance, inclure ce volet extrêmement
important de mettre l'argent du gouvernement canadien ainsi que l'argent du
gouvernement québécois. Le ministre des Affaires municipales, qui
était le responsable de ce projet, de cette réalisation qui
aurait été combien significative dans le plan de relance que le
premier ministre a annoncé à Radio-Québec, n'a pas su
s'entendre avec son collègue du gouvernement canadien pour que les
municipalités puissent au niveau de leur territoire, auprès des
populations qu'elles sont appelées à desservir, présenter
des projets, faire des réalisations, en somme créer de l'emploi,
créer la relance économique.
M. le Président, cet échec de la négociation entre
le gouvernement canadien et le ministre des Affaires municipales du
gouvernement péquiste est sans doute l'un des aspects les plus
décevants, l'une des lacunes les plus frappantes de ce plan de relance
qui, comme on le sait maintenant, tarde et, malheureusement, tardera à
l'avenir à répondre aux espoirs de la population du Québec
en matière économique.
M. le Président, même si ce projet de loi 38 concerne un
domaine bien particulier, celui de l'administration municipale, c'est
peut-être au titre même de la relance économique, au titre
même de la création d'emplois, au titre même de la
sécurité de leurs revenus pour combien de familles
québécoises que ce nouvel échec des négociations du
gouvernement péquiste est le plus frappant. C'est à ce titre, je
pense, que, d'abord et avant tout, l'opposition devrait se manifester contre ce
projet de loi 38.
Ce projet de loi 38, en second lieu, cet échec... C'est une
caractéristique du Parti québécois. Dès lors qu'il
ne réussit pas à s'entendre avec les gens avec lesquels il
mène une négociation, immédiatement, c'est le
procès de l'autre. On l'a vu avec celle des employés des secteurs
public et parapublic l'hiver dernier. Qu'est-ce que cela a donné?
C'était la faute des syndicats. C'était la faute des
employés des secteurs public et parapublic. Cette fois, il s'agit d'une
négociation avec le gouvernement fédéral pour des
programmes d'aide et de soutien aux activités municipales. Il y a
échec, pas d'entente. On fait donc le procès des intentions du
gouvernement canadien.
M. le Président, cette façon de faire du Parti
québécois est constante. On signalait encore tantôt la
visite du premier ministre. C'est typique de la réaction
péquiste. Le premier ministre se met royalement les pieds dans les
plats. Il
commet un impair qui causera sans doute au Québec une perte de
prestige sur le plan international non seulement coûteuse sur le plan
politique, mais également sur le plan économique, parce que cela
risque d'être perçu par nombre d'interlocuteurs sur le plan
international comme étant un manque de maturité de notre
société. Qu'est-ce que le premier ministre du Québec ose
venir répondre à cette Chambre? Ce n'est pas sa faute, alors que
c'est lui-même seul qui a commis cet impair, c'est la faute du
gouvernement fédéral et c'est même presque la faute,
d'après sa réponse - et ce n'est presque pas extrapoler que
d'affirmer cela -du président de la république italienne qui
aurait été contraint de lui renvoyer le passeport que le premier
ministre du Québec lui avait donné.
Quand le gouvernement du Parti québécois va-t-il apprendre
à prendre ses responsabilités? Dans cette motion, dans cette
lutte obstinée que le Parti libéral du Québec mène
en cette Chambre sans aucune interruption, depuis, je pense, 17 heures ou 18
heures hier - nous avons siégé toute la nuit - quelle a
été l'attitude du gouvernement du Parti québécois?
D'accuser l'Opposition de bloquer le fonctionnement du parlementarisme? Le
parlementarisme est précisément là, l'Opposition est
là, surtout quand les premiers intéressés d'une loi se
sont prononcés à 90% et à 95% contre les intentions du
gouvernement, c'est précisément le rôle et la fonction
première des membres d'une opposition de dire au gouvernement: Vous
n'adopterez pas ce projet de loi parce qu'il est discrétionnaire, parce
que ce projet de loi 38 est arbitraire et parce qu'il va conduire à des
situations injustes.
Cette situation qui est tellement caractéristique du gouvernement
du Parti québécois, nous ne l'admettons pas et nous ne
l'admettrons pas parce que tous mes collègues du Parti libéral
entendent sur cette question, comme sur d'autres projets de loi qui
s'annoncent, mener au gouvernement péquiste une lutte
systématique qui traduit dans notre esprit la volonté et
peut-être l'opinion la plus sentie de la population du Québec qui
en a assez de ce gouvernement et qui trouve que ce gouvernement a trop
duré, beaucoup trop duré. Dans quelques minutes, je pense que les
gens auront peut-être la meilleure illustration, la meilleure preuve de
ce que je viens de dire lorsque, dans cette Chambre, deux femmes
libérales, deux femmes remarquables de dévouement, de
compétence et d'abnégation, viendront ici dans cette Chambre
occuper le fauteuil de Mégantic-Compton et celui de Jonquière.
Ces deux nouvelles députées que nous accueillerons ici
exprimeront, par leur présence, et par l'entrée qu'elles feront
dans cette enceinte de l'Assemblée nationale, tout le mépris que
la population du Québec porte à un gouvernement autoritaire, un
gouvernement coupé du réel et un gouvernement qui n'écoute
absolument plus la population et qui a reçu tout récemment et qui
recevra dans l'avenir la sanction qu'il mérite: une défaite
électorale cuisante qui marquera, pour le Québec, l'amorce d'un
nouveau départ, d'un départ où une société
se bâtira sur le respect mutuel des uns et des autres, une
société qui n'acceptera plus que son Assemblée nationale
soit bafouée, comme l'a fait le leader du gouvernement.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le député de Louis-Hébert.
Des voix: Bravo!
M. Picotte: Avec autant d'applaudissements, ne serait-il pas
possible d'avoir un rappel du député de Jean-Talon pour dix
autres minutes, M. le Président?
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. le député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: M. le Président, les applaudissements sont
réconfortants parce que l'occasion de faire cette intervention n'est pas
elle-même une occasion agréable. Le devoir qui m'incombe
aujourd'hui, c'est de dénoncer avec la dernière vigueur le geste
absolument ignoble, le geste inqualifiable dont nous sommes témoins
aujourd'hui. Ce que le gouvernement est en train d'imposer à ce
Parlement, ce n'est rien d'autre que la loi martiale. (9 h 30)
Des voix: Bravo!
M. Doyon: Même la loi martiale permet un certain nombre
d'activités, permet aux gens de débattre de questions, permet aux
gens de se rencontrer. Ce que le gouvernement défend, c'est de
débattre ici au Parlement de questions qui tiennent à coeur la
population. Ce que le gouvernement est en train de nous empêcher de
faire, c'est de représenter les premiers intérêts des
élus municipaux qui, unanimement, demandent au gouvernement de surseoir
à sa loi inique, de permettre à la négociation d'avoir une
chance, de permettre au dialogue de débuter, de montrer que des humains,
qui partagent
un territoire depuis des centaines d'années, sont capables de
s'entendre sans qu'il y ait des interdictions, des défenses de...
J'aurais aimé que ce gouvernement ait été au
pouvoir ou ait eu connaissance de ce qui se passait, en mai 1968, en France
où le slogan était: "Défense de défendre". Ce
gouvernement n'a qu'une spécialité actuellement, c'est:
"Défendu de", "verboten". C'est ça son motto: "verboten". On a vu
cela souvent dans des endroits que je ne voudrais pas rappeler ici: "verboten",
"défendu de". Eh bien, ici, nous sommes dans un pays libre et le
gouvernement ne se permettra pas impunément de défendre ceci, de
défendre cela. On ne défendra surtout pas aux élus
municipaux de faire valoir leurs droits, on ne défendra surtout pas aux
chômeurs et aux chômeuses, aux gens qui veulent travailler et qui
sont capables de travailler d'avoir la chance de le faire. Parce que
l'interdiction qu'on fait aujourd'hui, c'est une interdiction, à
l'égard de ces gens, de travailler, de gagner leur vie, de
préserver leur honneur, de préserver leur respect personnel. On
leur dit: Vous ne travaillerez pas, quand on dit aux municipalités: Vous
ne pourrez pas recevoir d'aide du gouvernement fédéral, d'aucune
façon. Autrement, vous serez lourdement pénalisés par
nous, le gouvernement, qui allons décider de quelle façon, quand
et comment. Quand le gouvernement fait ça, ce ne sont pas les
municipalités qui sont touchées, franchement!
Véritablement, les municipalités sont tout simplement des
intermédiaires, ce sont simplement des personnes qui
représentent, de la meilleure façon possible - Dieu sait que
c'est mieux que ce que fait le gouvernement actuellement; - les contribuables
qui les ont élus à ces postes de maires et de conseillers. Ce que
les gens qui les ont élus ont confié comme mandat à leurs
élus municipaux, c'est de leur donner des conditions de vie acceptables.
Et quand le gouvernement menotte les élus municipaux, il condamne
à l'inaction, à l'oisiveté, au découragement et au
désespoir des milliers et des milliers de personnes, et surtout des
jeunes.
Il faut, M. le Président, avoir eu l'occasion - peut-être
les gens d'en face ont-ils oublié cela - de recevoir des gens dans nos
bureaux de comté et de les entendre dire: M. le député,
j'ai tout essayé, je veux travailler, je viens vous voir parce que je ne
sais plus où me jeter, vous êtes mon dernier recours. Et moi
j'irais leur dire: Vous ne travaillerez pas parce que les municipalités
n'ont pas le droit de, parce que le gouvernement a décidé de? Je
regrette beaucoup, ce n'est pas ce que je vais faire, je vais leur dire:
Adressez-vous au gouvernement, parce que c'est le gouvernement qui
défend qu'actuellement vous ayez au moins une chance, si minime
soit-elle, d'utiliser vos capacités, d'utiliser votre compétence
et d'utiliser votre désir de travailler. C'est le gouvernement qui a
décidé que vous n'auriez pas le droit de faire cela, car il l'a
défendu. Le gouvernement est en train de nous faire la preuve qu'il ne
peut s'entendre avec personne. Il a de la misère à s'entendre
avec lui-même, ça se comprend. Le gouvernement ne s'entend avec
personne, il n'est pas capable d'envoyer quelqu'un en dehors du pays sans que
cela devienne une pomme de discorde, sans qu'on revienne au pays avec une autre
chicane sur les bras. C'est la spécialité du gouvernement, la
chicane partout, tant et plus, autant qu'on peut. Chicanons-nous, pendant ce
temps, les gens ont moins de temps pour nous juger, les gens ont moins de temps
pour regarder nos bévues. Là, vous vous trompez, parce que les
gens commencent à savoir de quel bois vous vous chauffez et la
colère populaire est extrêmement vive. On l'a vu aux deux
élections partielles de Jonquière et de Mégantic-Compton.
Donnez demain la chance à la population de vous dire sur un bulletin de
vote ce qu'elle pense de vous et les banquettes qui sont vides ici ce matin
vont être vides en permanence de péquistes. Il n'y en aura pas un
qui va revenir siéger ici. Cela va être ce qui se passera. Ce ne
sera pas simplement comme ce matin où je compte sur les doigts de ma
main des gens qui ont le courage de venir ici. Il y en a très peu. C'est
absolument épouvantable parce que ce qu'on est en train de faire, c'est
de défendre au Parlement ce pourquoi il existe. Le Parlement n'existe
que pour une chose, c'est pour débattre des sujets entre nous, pour
s'informer mutuellement et faire valoir nos points de vue. Autrement, le
Parlement ne sert absolument à rien.
Et, le gouvernement est en train de nous imposer le bâillon, est
en train de dire au Parlement: Vous n'existez plus, vous n'êtes plus
utile. C'est une autre forme du mépris que le gouvernement a
montré envers le Parlement entre le 15 octobre et le 15 novembre. C'est
une autre facette pour empêcher le gouvernement de faire son travail.
Tout cela se tient, tout cela est dans la même lancée. Le
gouvernement avait décidé de ne pas siéger pendant un
mois; maintenant que, pris à la dernière minute, on se voit dans
l'obligation de le faire siéger, on l'empêche de débattre,
on le bâillonne, on lui impose la clôture. Cela est
extrêmement important. J'espère que la population va juger ce
gouvernement sur des actes semblables, va le juger extrêmement
sévèrement.
Cette façon de conduire les affaires de l'État ne peut
être acceptée. Le danger, avec la fréquence avec laquelle
ce gouvernement présente des motions de clôture, des
bâillons - cela est arrivé neuf
fois - est extrêmement grave et c'est là que nous avons un
rôle très important, nous de l'Opposition; le danger c'est que,
finalement, on s'habitue à l'inacceptable, c'est que, de guerre lasse,
on accepte l'inacceptable, on se dise: C'est comme cela, on n'y peut rien.
Jamais, de ce côté-ci de la Chambre, nous n'accepterons
l'inacceptable. Aussi souvent qu'il veuille présenter - le leader du
gouvernement qui vient d'arriver - ses motions de clôture, ses motions de
bâillon, jamais de ce côté-ci de la Chambre nous
n'accepterons que cette façon de faire passe comme une lettre à
la poste, comme si cela était une façon de gouverner qui,
finalement, convient à nos traditions parlementaires. Il n'en est
absolument rien.
Chaque fois que nous le pourrons et chaque fois que nous le devrons,
notre opposition à ce genre de manoeuvres qui sont basses et viles,
odieuses, ignobles... Jamais nous n'accepterons que cela puisse passer tout
simplement comme une lettre à la poste. Le gouvernement
préfère agir comme cela plutôt que de proposer des mesures
concrètes qui seraient de nature à enclencher ce qu'il appelle
pompeusement "notre plan de relance".
S'il y a plan de relance quelque part, c'est un plan de relance de la
cote de popularité du Parti québécois, ce n'est rien
d'autre que cela. C'est de la simple poudre aux yeux. La preuve en est qu'en
présentant ce projet de loi, en l'imposant et en refusant même
qu'il soit débattu normalement selon les règles parlementaires,
le gouvernement fait tout en son pouvoir pour bousiller, torpiller, saboter ce
qui pourrait s'annoncer comme une relance économique. Le gouvernement
fait tout en son pouvoir pour appliquer des mesures totalement contradictoires
à son discours. Cela s'appelle de l'hypocrisie, cela s'appelle dire des
choses et faire le contraire. Ce gouvernement est devenu spécialiste
là-dedans.
Ce qu'il y a d'extrêmement sérieux, c'est que les effets
néfastes de cette action vont se faire sentir parmi la population, parmi
les jeunes, parmi les plus démunis qui réprouvent, comme nous le
faisons ici dans cette Assemblée, votre façon d'agir, votre
façon de gouverner, votre façon de bâillonner, votre
façon de dire "Défendu de", 'Verboten". (9 h 40)
Des voix: Bravo!
Une voix: Le leader du gouvernement est...
Le Président: M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
Des voix: Bravo!
Une voix: On n'est pas fort.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Dans les dernières minutes de 24 heures de séance...
Une voix: Les 24 heures du Mans.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vingt-quatre heures, c'est long
dans la vie d'un homme, mais c'est très court dans la vie d'un
gouvernement comme le vôtre.
Des voix: Oui.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Nos concitoyens qui se
lèvent et qui sont en train de faire réchauffer l'appareil de
télévision pour voir la période de questions sont en train
de se demander comment il se fait qu'on a commencé à
siéger plus tôt que d'habitude. Il faut leur rappeler qu'à
ce moment-ci, nous sommes à la fin d'un séance qui dure depuis 10
heures hier matin, essentiellement, pour la bonne et simple raison que le
gouvernement a choisi, par un moyen parlementaire - ce n'est pas la
première fois qu'il le fait - de bâillonner l'Opposition, a choisi
de tenter d'imposer ses vues, a choisi d'imposer un projet de loi envers et
contre toutes les formes d'oppositions d'où qu'elles viennent, qui se
sont manifestées depuis le mois de juin dernier alors que le projet de
loi 38 était déposé. Le gouvernement est encore en train
de nous prouver qu'il est facile, à force d'artifices, de dissiper ses
énergies, qu'il est facile de ne pas gouverner, qu'il est plus facile de
ne pas gouverner que de gouverner. Ce qu'on peut voir comme spectacle
désolant de la part du gouvernement, depuis le début de cette
longue histoire déjà, la loi 38, c'est que le gouvernement a
privilégié la querelle et la chicane pour des raisons fort
simples. La querelle, cela ne demande pas de fonds publics. Quand on n'a pas
d'argent, quand on est pauvre parce qu'on a mal administré, parce que
l'économie du Québec s'en va là où elle est
rendue...
Une voix: C'est cela.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...le gouvernement n'a pas les
moyens de véritablement s'adresser aux problèmes de relance
économique, de création d'emplois. Qu'est-ce qu'il fait...
Une voix: II part la chicane.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...afin de s'assurer que la
télévision va parler, va transmettre les discours ronflants qui
viennent de l'autre côté? On se lance dans une industrie en
croissance depuis que le PQ est au pouvoir, l'industrie de la chicane et
de la querelle. Pas seulement sur le plan du Québec, mais on
trouve le moyen d'exporter la querelle et la chicane. On nomme des ministres au
commerce extérieur alors que ce sont plutôt des ministres à
la querelle extérieure...
Une voix: Ah, c'est pas pire!
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...qu'il faudrait
étiqueter de l'autre côté. On a réussi à
exporter jusqu'en Italie l'absence totale de volonté politique du
gouvernement de faire des choses concrètes, constructives, positives
pour l'ensemble du Québec. Mais non. Non seulement on est en train de
s'assurer que les Québécois regrettent les gestes que le
gouvernement pose ici même au Québec, à l'intérieur
de ses attributions, mais les Québécois commencent à avoir
honte d'un gouvernement qui se comporte comme le premier ministre l'a fait
lui-même lorsqu'il voyage et qu'il prétend représenter le
Québec à l'étranger. Personnellement, je ne me sentais pas
représenté par quelqu'un qui s'est comporté comme le
premier ministre l'a fait en Italie il y a quelques jours. Chose certaine, dans
des querelles, dans des chicanes, il est inévitable qu'il y ait des
victimes. Les victimes ne sont pas vraiment le gouvernement et les membres du
gouvernement. Cela ne lui coûte rien de se lancer dans des chicanes, dans
des querelles: il est encore installé sur les banquettes
ministérielles. Cela ne coûte rien au ministre des Finances, la
querelle comme telle. Qui paie là-dedans? La crédibilité
même du gouvernement est en cause, la façon de gouverner,
l'exemple qu'on donne à tous ceux qui nous regardent. Première
victime, la crédibilité du gouvernement du Québec, quel
qu'il soit, comme institution. Deuxième victime, les partenaires majeurs
du gouvernement du Québec dans l'exercice de ses attributions, les
municipalités et, de façon encore plus directe, les citoyens de
ces municipalités qui, comme tout le monde ici, en Chambre, paient des
impôts au Québec et au gouvernement fédéral.
L'historique du supposé conflit qui existerait, et qui explique
la loi 38 maintenant, voudrait que ce soit le gouvernement
fédéral qui ne se soit pas mêlé de ses affaires, qui
aurait empiété sur les compétences du Québec en
matières d'affaires municipales. Quant au deuxième volet, la
compétence des provinces, du Québec en matière d'affaires
municipales, ne fait pas l'objet de débats, ne fait pas l'objet de
conflits, ne fait pas l'objet de divisions dans l'ensemble du Québec et
certainement pas en cette Chambre, tout le monde se rejoint. Tout le monde a
constaté que tous les partis politiques, tous les porte-parole
politiques au Québec se rejoignent quant à la conservation par
les provinces, par le Québec de leur juridiction en matière
d'affaires municipales.
C'est donc autre chose qui se passe, c'est quelque chose qui tient aux
différences fondamentales qui existent entre les modes de comportement
manifestés par les péquistes, d'une part, et par le Parti
libéral du Québec, d'autre part. Il suffit de voir qu'à
chaque occasion, d'une façon directe ou indirecte, de près ou de
loin, comme le disait le premier ministre, dans d'autres circonstances, le PQ
choisit de braquer les autres intervenants à l'encontre des positions
qu'il prend. Il choisit la confrontation, plutôt que la concertation, la
discussion et la négociation; il choisit le mode le plus destructeur du
consensus social qui peut exister au Québec, qu'il s'agisse de divisions
sur les opinions politiques, qu'il s'agisse d'une façon de faire les
choses, par exemple, une négociation quant à l'emploi de deniers
qui émanent du gouvernement fédéral, donc, des taxes de
tous les citoyens canadiens afin de réaliser des projets de relance
économique dans les municipalités, qu'il s'agisse de quoi que ce
soit de cette nature, où il y a d'autres intervenants que le
gouvernement péquiste du Québec, tout de suite, on entre dans une
ère de confrontation. C'est bien évident que c'est un talent
naturel chez les péquistes, de privilégier cette façon de
faire et cela tient à l'autre différence qui existe entre le PQ
et le Parti libéral du Québec.
Le PQ est un gouvernement de la parole, avec un p minuscule, très
minuscule. Ce sont des gens qui choisissent, plutôt que de poser des
gestes, de dire des choses parce que cela aussi, cela ne coûte rien.
Quand on n'a pas d'argent, parce qu'on a administré tout de travers,
c'est bien plus facile de faire des discours que de poser des gestes concrets
qui laissent des suites concrètes, qui créent quelque chose pour
les citoyens du Québec. On ne remplit même pas les fondations
nécessaires aux infrastructures de nos municipalités, on ne
rencontre pas les besoins des différentes municipalités et des
citoyens, on décide de remplir l'air de paroles.
On exhorte, de ce côté-ci de la Chambre, le Parti
québécois à poser des gestes qui vont laisser quelque
chose pour l'avenir, qui vont assurer que la jeunesse va pouvoir travailler
à bâtir quelque chose. Mais non, bâtir le Québec,
pour le PQ, cela ne fait allusion qu'à une seule chose: un document de
travail commis par celui qui est aujourd'hui ministre au Commerce
extérieur. Bâtir le Québec ne signifie rien de concret,
sinon des discours pour le gouvernement du Parti québécois. La
différence entre le discours et le geste concret, c'est cela la
différence entre le gouvernement actuel et les membres de l'Opposition.
Un gouvernement qui prililégie la zizanie plutôt que
l'unité, un gouvernement qui privilégie,
comme dans ce projet de loi, des lois à caractère
pénal plutôt qu'à caractère fiscal, malgré
les étiquettes que le ministre a accolées au projet de loi 38. (9
h 50)
II ne s'agit pas d'un projet de loi où le gouvernement du
Québec, dans l'exercice de ses pouvoirs, contribuerait et participerait
financièrement à des dépenses que les municipalités
pourraient faire ou à des dépenses qui se feraient dans les
municipalités. Au contraire. Qu'on le lise à l'envers, à
l'endroit, de gauche à droite ou de droite à gauche, le projet de
loi 38 est à caractère pénal. Il impose des punitions. Il
impose, en un sens, des amendes aux municipalités qui ne pensent pas
comme le PQ. Cela fait une grosse différence dans le genre de respect
qu'on doit donner à des gens qui ont été élus par
les mêmes citoyens qui nous ont envoyés ici dans cette Chambre
pour exercer au meilleur de leurs connaissances, avec les pouvoirs qu'ils ont,
leurs attributions dans l'intérêt de leurs concitoyens.
Or, le PQ a choisi de mettre un frein au développement
d'équipements communautaires. On pourrait tous faire une longue liste
dans chacun de nos comtés de projets qui ne peuvent pas voir le jour
à cause de la façon dont le gouvernement a choisi de se comporter
à l'endroit des municipalités, qu'il s'agisse de garages
municipaux, d'agrandissement d'un hôtel de ville, de centres
communautaires, d'améliorations d'une petite bibliothèque
municipale; autant de projets qui ne verront pas le jour tant et aussi
longtemps que le gouvernement du Parti québécois sera en place.
M. le Président, c'est la raison toute simple pour laquelle, de bonne
foi et avec toute la vigueur dont nous sommes capables pour vraiment
représenter les citoyens du Québec qui sont tannés d'avoir
honte de leur gouvernement, nous parlons à ce moment-ci pendant toute la
nuit pour nous opposer à la motion du leader du gouvernement. Je vous
remercie.
Des voix: Bravo!
M. Bertrand; M. le Président...
Le Président: Sur une question de règlement...
M. Bertrand: Non, M. le Président. Le Président:
...ou sur le fond?
M. Bertrand: Sur le fond, M. le Président. Je demande
l'ajournement du débat.
Le Président: II y a encore un orateur, M. le leader du
gouvernement, qui veut s'exprimer.
M. Bertrand: Pardon?
Le Président: M. le député de
Maskinongé a demandé la même...
M. Bertrand: Je m'excuse, M. le Président. J'étais
debout depuis certainement une minute. Je me suis adressé à
vous.
Des voix: Voyons! Voyons!
Le Président: Je n'en doute pas, M. le leader du
gouvernement, mais le fait qu'un député qui ne s'est pas
exprimé demande la parole lui donne priorité. Cela semble
évident. M. le député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président.
Le Président: Avant que nous procédions à
l'enterrement, il est 9 h 55 et il y avait déjà un accord
à savoir que dès 9 h 45, nous pourrions ajourner nos travaux,
histoire de permettre au moins un rafraîchissement de la salle puisque,
à 10 heures, une nouvelle séance commence et qu'à 9 h 59,
à coup sur, j'ajourne les travaux d'office. Je vous signale la chose,
parce que cela vous donne peu de temps pour parler.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Compte tenu du temps
qu'il nous reste et que je n'aurai pas tout mon temps, je vous demande
l'ajournement du débat.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
M. Bertrand: Si je comprends bien, c'est un privilège.
Le Président: Non, M. le leader du gouvernement. Ce n'est
pas un privilège de l'Opposition de demander l'ajournement du
débat. C'est un privilège d'un orateur qui ne s'est pas encore
exprimé. Cela me semble assez naturel.
M. Bertrand: M. le Président, je fais motion pour que nous
ajournions nos travaux à 10 heures ce matin.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.
(Fin de la séance à 9 h 55)