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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 20 mars 1984 - Vol. 27 N° 72

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures sept minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants. Veuillez prendre vos places.

Présentation officielle de M. Gaétan Boucher

J'ai le grand plaisir de présenter à cette Assemblée un jeune Québécois qui, par lui-même, avec la force de la volonté et de la ténacité, s'est acquis une réputation internationale. Il s'agit de M. Gaétan Boucher.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. Boucher est accompagné de ses parents, M. et Mme Cyranus Boucher, et de son amie, Mme Karin Fliege. Il est aussi accompagné de membres de la délégation canadienne aux Jeux olympiques de Sarajevo: Mlle Sylvie Daigle, M. Mario Gosselin, Mlle Nathalie Grenier, MM. Benoît Lamarche, Jean Pichette, Jacques Thibault et Daniel Turcotte.

En quelques semaines, grâce à ses succès aux Jeux olympiques de Sarajevo, où il a gagné deux médailles d'or et une d'argent, puis en Norvège, où il a gagné le championnat du monde de patinage de vitesse sprint, M. Boucher s'est rapidement illustré dans un monde qui était peu connu de la population québécoise.

Gaétan Boucher est devenu un nom prononcé avec fierté et admiration par ses compatriotes. Pourtant, il y a à peine quelques semaines, peu d'entre nous en cette Assemblée comme dans tout le Québec le connaissaient. Ainsi passe la gloire du monde.

Mais avant que nous le connaissions tous, Gaétan Boucher a dû se fixer un défi dont la seule taille aurait fait frémir de moins hardis que lui. Il a dû, pour l'atteindre, s'astreindre à une discipline implacable et même s'imposer l'exil, tant il ne trouvait pas ici les installations nécessaires pour développer ce talent exceptionnel qu'il a en patinage de vitesse. En ce sens, il se situe dans la lignée de toutes celles et de tous ceux qui, depuis 450 ans, ont permis à notre peuple de naître, d'exister et de savoir regarder sans complexe au-delà de nos frontières.

Tant qu'il y aura des Gaétan Boucher chez nous, il se trouvera des gens pour nous rappeler que le succès ne vient qu'avec l'excellence, la gloire avec l'effort et que l'avenir est fait de persévérance. Puissions- nous tous tirer des leçons de son exemple, puisse-t-il continuer à nous inspirer ainsi! M. le premier ministre.

Motion de félicitations

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai bien l'honneur d'enchaîner sur vos propos pour solliciter l'appui de nos collègues - pour une fois, j'en suis sûr, un appui unanime -afin que cette Assemblée adresse ses félicitations les plus sincères, les plus chaleureuses, après tant d'autres qu'il a reçues, à M. Gaétan Boucher à la suite de ce championnat mondial de Trondheim qu'il a ajouté à son inoubliable performance olympique.

Il est ainsi devenu, lui qui n'avait pas cessé de s'entraîner et de se perfectionner depuis la médaille d'argent de Lake Placid -deuxième, ce n'était pas assez - et pour longtemps, je pense, un modèle hors pair de cette ténacité qui, lorsqu'elle rencontre des dons exceptionnels, peut conduire jusqu'à l'excellence et même jusqu'au pinacle dans n'importe quel domaine d'activités.

Je suis sûr que c'est un exemple - on me le disait tout à l'heure à une réception que vous offriez, M. le Président - qui a sûrement contribué à inspirer les autres membres de l'équipe de patinage de vitesse qui, ensemble, nous ont si brillamment représentés, tous et toutes, à Sarajevo et dans les autres compétitions internationales -je répète un peu vos propos, mais je pense qu'ils valent la peine d'être répétés: les Thibault, les Daigle, les Grenier, les Lamarche, les Turcotte, les Gosselin, pour ne nommer que ceux-là. J'ai aussi rencontré tout à l'heure une toute jeune championne de 12 ans qui est de Sherbrooke et qui est déjà championne dans sa catégorie, ce qui donne l'impression que la relève, ce n'est pas cela qui manque.

À tous ceux-là et à toutes celles-là, sans compter d'inombrables jeunes qui sont moins connus mais qui le deviendront à leur tour, parce qu'il faut toujours que s'alimente ce genre d'excellence, l'exemple de Gaétan Boucher va les stimuler comme jamais. Je pense qu'il était indiqué que l'Assemblée nationale ait l'occasion de dire à M. Boucher, au nom de tous les concitoyens québécois que nous représentons, à quel point tout le monde a partagé de loin ses victoires et à quel point nous en avons été fiers, au point même de vivre ici en ce moment un de ces moments de parfaite unanimité qui

sont aussi rares, chacun le sait, que la pluie dans le désert.

Inutile d'ajouter que nous associons d'emblée à ces félicitations ses parents parce que nous savons qu'ils en méritent une large part, et nous saluons chaleureusement la future Mme Gaétan Boucher qui, on l'espère, contribuera avant longtemps à l'excellence renouvelée de notre équipe québécoise de patinage de vitesse.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, c'est avec plaisir et avec fierté que nous allons nous associer à la motion que vient de présenter le premier ministre. Ce dernier n'a pas eu tort de prévoir l'unanimité la plus entière dans un événement comme celui que nous soulignons ensemble aujourd'hui.

Nous nous rappellerons avec plaisir, M. le Président, que Gaétan Boucher a commencé tout près d'ici, à l'ombre du parlement. Né à Charlesbourg, ses premières armes à Sainte-Foy et maintenant à Saint-Hubert, tout le monde voudrait dire qu'il est né dans son patelin mais je suis convaincu que tout le monde a adopté Gaétan Boucher aujourd'hui, tellement cette gloire bien méritée rejaillit sur l'ensemble du Québec et l'ensemble du Canada.

On ne peut trouver tous les mots non seulement parce que tout a été dit mais parce que le vocabulaire semble insuffisant pour exprimer notre fierté et notre joie. C'est Gaétan Boucher qui a, en quelque sorte, relevé le défi de l'excellence. On parle d'excellence, je pense que nous sommes d'accord pour que ce terme incarne véritablement tous les Québécois, l'avenir de nos jeunes. C'est l'excellence qui revient toujours à la surface. Voici un exemple de quelqu'un qui a relevé ce défi de l'excellence. Il avait beaucoup de talent, j'en suis convaincu, mais, à ce talent, il a ajouté le travail, la discipline, la détermination et la persévérance. C'est un exemple pour nos jeunes et non seulement dans la discipline où il excelle, mais dans toutes les disciplines et dans tous les domaines, que ce soit dans le domaine culturel, dans le domaine sportif, oui, mais également dans le domaine économique et même dans le domaine politique, M. le Président. Ce n'est pas parce que nous voulons nous attribuer, comme hommes politiques, le moindre des succès remportés par Gaétan Boucher. On sait plutôt les difficultés qu'il a dû affronter, souvent dans la solitude, avec ces quelques-uns qui croient au sport amateur. Depuis 1975 jusqu'à aujourd'hui en particulier, il a eu beaucoup de mérite, mérite personnel, et il mérite de beaucoup de ceux qui l'ont appuyé.

Je voudrais associer ses parents, comme l'a fait le premier ministre, sa famille, sa fiancée et également tous ceux qui sont ici, de l'équipe, et tous ceux qui ont participé, au cours de la préparation de cette carrière, à aider Gaétan Boucher.

M. le Président, je suis convaincu que M. Gaétan Boucher acceptera nos plus sincères félicitations au nom de toute l'équipe du Parti libéral, notre formation politique, de l'ensemble d'ailleurs des députés, et qu'il continuera d'être un ambassadeur, un ambassadeur du Québec, un ambassadeur du Canada, et quelqu'un dont nous sommes fiers, qui va réellement continuer d'incarner les valeurs qu'il a défendues, les valeurs mêmes d'ordre familial. Je tiens, encore une fois, à le féliciter et à lui dire: Bravo et bon succès!

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je suis très heureux moi aussi et très fier de m'associer à cette motion pour souligner l'exploit unique de Gaétan Boucher dans les annales du sport olympique au Québec. Depuis le triomphe de Gaétan Boucher à Sarajevo, nul sportif amateur n'a été autant célébré chez nous. Les différents témoignages dont il a été l'objet depuis le 10 février nous prouvent que les Québécois savent reconnaître l'importance de l'excellence sportive même s'il est vrai que ce grand athlète a souvent été seul et que ses exploits ont passé longtemps inaperçus.

Aujourd'hui, il faut rendre hommage à un Québécois qui ne doit rien à personne et qui, pourtant, dans tous ses propos jusqu'à maintenant, a rendu un hommage vibrant à ces bénévoles du patinage de vitesse qui, acharnés comme lui, ont travaillé dans l'ombre et ont permis, dans la modeste mesure de chacun, que ses exploits deviennent possibles. Eux aussi méritent une part de ce triomphe et nous les saluons bien haut.

À cause des victoires olympiques de Gaétan Boucher, les choses ne seront plus jamais les mêmes dans le sport amateur chez nous. Les Québécois l'auront compris, sinon ils le comprendront bientôt. L'excellence sportive n'est plus une cause à plaider, mais un droit que nous reconnaissons et affirmons énergiquement. (14 h 20)

La politique québécoise pour le développement de l'excellence sportive, rendue publique il y a quelques semaines, vise justement à former d'autres Gaétan Boucher, à donner à nos jeunes Québécois et

Québécoises, qui aspirent eux aussi à la plus haute marche du podium, l'encadrement supplémentaire nécessaire afin d'y parvenir.

Je reconnais que nos projets sont ambitieux, mais je demeure convaincu, M. le Président, que nous avons au Québec tout le potentiel athlétique nécessaire pour les réaliser. La détermination est sûrement l'une des grandes qualités du peuple québécois. L'excellence sportive a son prix, et Gaétan Boucher nous a prouvé qu'il vaut la peine de le payer.

M. le Président, la politique de l'élite sportive prévoit que nous pourrons honorer un athlète d'un prix annuel de l'excellence sportive. Je vous dis que le premier récipiendaire sera Gaétan Boucher. Merci.

Le Président: M. le député de Charlesbourg.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté: M. le Président, rendre un hommage particulier à Gaétan Boucher, c'est devenu quelque chose d'extrêment difficile depuis les Jeux de Sarajevo tellement tous les qualificatifs ont été employés. C'est d'abord, comme le dit le chef du Parti libéral, à Charlesbourg - il n'y a pas de doute là-dessus, M. le Président - son lieu de naissance, que Gaétan remporta pour la première fois des médailles d'or. Sur le plan international, qu'il suffise de mentionner Innsbruck, en 1976, Lake Placid, en 1980, de même que les nombreuses compétitions internationales où Gaétan fit rayonner le nom du Canada.

Sarajevo a permis à Gaétan d'inscrire plusieurs premières canadiennes: une première médaille d'or en patinage de vitesse, une première médaille d'or olympique depuis 1976, où Kathy Kreiner avait remporté le slalom à Innsbruck, une triple médaille olympique aux mêmes jeux, éclipsant ainsi le record de Nancy Green aux jeux de Grenoble en 1978.

Mais que de sacrifices, que d'abnégation cette réussite a exigés tant au niveau de sa vie d'adolescent qu'au niveau de sa vie de jeune adulte.

Aujourd'hui, tous les Québécois, tous les Canadiens ressentent une immense fierté à la suite de vos exploits, mais ces succès n'appartiennent qu'à l'athlète ainsi qu'au groupuscule d'appuis obtenus au cours des années, et surtout à ses parents. Vous êtes non seulement un exemple de courage, de détermination et d'excellence pour tous les jeunes, mais aussi un exemple pour toute la collectivité canadienne et mondiale, qui tire comme leçon de votre expérience qu'avec du caractère, du travail, de la ténacité, les plus hauts sommets peuvent être atteints.

À monsieur et à madame Boucher, je dis que les parents du Canada entier aimeraient aujourd'hui avoir un fils comme Gaétan. Mais j'imagine aussi que tous les Gaétan en herbe auront besoin du support constant de parents tels que vous. À Gaétan, aux parents et aux supporteurs, félicitations.

Le Président: M. le député de Vachon. M. David Payne

M. Payne: M. le Président, il serait surprenant si le député de Gaétan Boucher ne tenait pas à accueillir notre héros national aujourd'hui à l'Assemblée nationale, exprimer sa fierté, partagée par 6 000 000 de Québécois et 60 000 gens de Saint-Hubert. Chez nous dans Saint-Hubert, nous avons été parmi les premiers à manifester notre confiance, il y a déjà quelques années, dans le talent exceptionnel de notre cher Gaétan. Bien avant ses succès à Sarajevo et plus récemment son championnat du monde du patinage de vitesse, les gens de Vachon connaissaient Gaétan et ses capacités. Nous avons exprimé notre confiance et notre fierté vis-à-vis de l'un des nôtres en donnant même son nom au complexe sportif qui s'appelle maintenant le complexe sportif Gaétan Boucher, il y a de cela déjà 18 mois.

D'ailleurs, j'ai eu le plaisir d'inviter Gaétan à s'associer avec les gens de Saint-Hubert lors de la réalisation de ce projet impressionnant de 4 000 000 $, alors que nous participions ensemble à un "patinthon" dans le cadre de la campagne de financement populaire: quelque chose construit par les gens de Saint-Hubert avec une grande collaboration et une participation financière de la part du gouvernement du Québec. C'est peut-être le plus grand mérite de Gaétan d'apporter à nos jeunes un message de confiance. Par son exemple de ténacité et de courage, Gaétan dit à tous les jeunes du Québec: "Lâchez pas".

I would also like to say very briefly to Gaétan and to all his friends in the English community here and abroad, in other countries, how proud we are today to speak in your name and to celebrate the fame that you brought to Québec.

(S'exprime en allemand).

J'aimerais leur souhaiter tout ce qu'il y a de mieux pour l'avenir avec Gaétan, le grand Québécois, notre héros national et, comme député, je vous salue, M. le Président, pour que la prochaine médaille vienne aussi au Québec, apportée par Gaétan et ses collègues québécois.

Le Président: M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Il est curieux de voir les députés de

l'Assemblée nationale se disputer l'honneur d'être le plus près ou d'avoir le plus d'association possible avec M. Gaétan Boucher. Je dirai qu'aujourd'hui, Gaétan Boucher appartient à tout le monde. En tant que représentant de la circonscription de Louis-Hébert, je suis prêt - et je suis sûr que la population de Sainte-Foy l'est aussi -à le partager avec tout le monde, parce que c'est à Sainte-Foy que M. Gaétan Boucher a commencé à patiner et il l'a fait pour la plus grande gloire du Québec et du Canada.

Sait-on jusqu'à quel point, pour obtenir une médaille d'or, on a besoin de nerfs d'acier, de volonté de fer? L'or ne vient qu'après. Cet or que tout le monde désire, pour lequel tout le monde se bat, est extrêmement difficile à obtenir et il faut la ténacité, la persévérance, l'humilité et la volonté d'un Gaétan Boucher pour réussir. Il a été entouré de personnes extrêmement capables qui l'ont aidé, qui l'ont soutenu et qui vont continuer de lui accorder leur appui. Cette fierté que nous retrouvons, que nous avons tous aujourd'hui à partager avec M. Gaétan Boucher durant ces quelques minutes nous vient des efforts innombrables qu'il a faits pendant nombre d'années en solitaire, un peu partout sur les anneaux de glace.

J'espère que les engagements qui ont été pris en d'autres moments, à savoir qu'il y aurait construction d'anneaux de glace artificiels, entre autres dans le comté de Louis-Hébert où une subvention de 1 125 000 $ a été promise, ne resteront pas lettre morte et que nous pourrons ainsi contribuer à la formation d'autres Gaétan Boucher, parce que c'est nécessaire de fournir aux athlètes des équipements essentiels pour qu'ils puissent atteindre le maximum de leurs capacités.

Pour comprendre jusqu'à quel point M. Gaétan Boucher est devenu populaire, samedi soir dernier, dans une soirée dans mon comté, l'orchestre, M. le Président, jouait la Valse des patineurs. Mon voisin me disait: C'est la valse Gaétan Boucher.

Le Président: La motion de M. le premier ministre est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Vous voyez la chaleur de notre accueil, à laquelle nous avons ajouté la chaleur d'un air climatisé défaillant.

Cela étant, nous passons aux affaires courantes.

Avant de commencer celles-ci, pour éviter tout "quiproquo" nous allons avoir, au cours de la période des affaires courantes, un vote reporté par appel nominal en vertu des nouvelles dispositions de notre règlement. Je voulais simplement faire part à la Chambre de l'article 83, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. "Tout vote reporté à une séance subséquente - ce qui est le cas - a lieu à la période des affaires courantes. Cinq minutes avant la fin de la période des questions, l'annonce de l'appel nominal est fait dans tous les locaux de l'Assemblée."

En d'autres mots, cinq minutes avant la période prévue pour la fin de la période des questions, compte tenu du moment où elle débutera, le sergent d'armes sonnera les cloches. Je lui ai demandé de les sonner de nouveau une minute avant, de sorte que nous ne soyons pas enlisés, comme c'était le cas auparavant. C'est le sens de la nouvelle disposition, dans l'appel des députés, qui, comme, vous le savez, retarde indûment les travaux de l'Assemblée nationale. (14 h 30)

La lettre de démission du député de Sauvé

Avant d'arriver aux affaires courantes, j'aimerais aussi répondre à un rappel au règlement qui a été fait par le leader de l'Opposition, la semaine dernière, concernant la possibilité d'une irrégularité entachant la démission du député de Sauvé, M. Jacques-Yvan Morin. J'aimerais simplement mentionner, sans m'engager sur le fond, que les avis que j'ai reçus ne sont pas catégoriques quant à l'interprétation du deuxième aliéna de l'article 16 de la Loi sur l'Assemblée nationale, c'est-à-dire cet aliéna qui prévoit qu'une démission par écrit doit être contresignée par deux autres députés et adressée au président ou au secrétaire général de l'Assemblée nationale. Puisqu'il y a vice de forme, j'ai reçu de M. Jacques-Yvan Morin, la lettre suivante, datée du 15 mars. "M. le Président, en conformité de la Loi sur l'Assemblée nationale, permettez-moi de vous communiquer les signatures des deux collègues députés destinées à compléter la lettre de démission que je vous ai fait parvenir le 5 mars, laquelle prenait effet le jour même. "Je vous prie d'agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les plus distingués." C'est signé de Jacques-Yvan Morin et contresigné par le député de Verchères, M. Jean-Pierre Charbonneau, et le député de Deux-Montagnes, M. Pierre de Bellefeuille.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je vous remercie de nous avoir communiqué cette nouvelle. Semble-t-il donc que les exigences de la loi ont été comblées sinon rétroactivement tout au moins à compter de

la date du 15 mars. Mais on sait que le député de Sauvé avait démissionné ou avait semblé vouloir démissionner le 5 mars, soit dix jours plus tôt. Peut-être, à un moment ultérieur, pourriez-vous nous dire si le député de Sauvé est demeuré député de Sauvé entre le 5 et le 10 mars, s'il a eu droit ou s'il aura droit à la rémunération de député et de membre du Conseil des ministres, laquelle, on le sait, est de 110% plus élevée que celle d'un simple député? Enfin, pourriez-vous nous dire si c'est dans la pratique courante des choses - je ne suis pas avocat, je n'en sais rien - de faire signer des documents juridiques dix jours après qu'ils auraient dû l'être?

Le Président: Je me permets de vous rappeler que c'est .90% et non pas 110% la rémunération dont vous parlez. De toute façon, le député de Sauvé a démissionné comme membre du Conseil des ministres à un moment que j'ignore, comme président de l'Assemblée, puisque je n'ai pas à me soucier de cette partie de son départ. Il m'a fait parvenir une lettre en date du 5, qu'il complète aujourd'hui pour la rendre conforme à la loi. Je vois mal que l'Assemblée continuerait à rémunérer le député de Sauvé alors que dans son esprit il a démissionné le 5 mars et qu'il a effectivement omis une formalité. Sans porter de jugement sur l'importance de ladite formalité, cela me paraît évident qu'on doit considérer que le député de Sauvé a bel et bien démissionné le 5 mars.

Une voix: Merci beaucoup.

Le Président: Cela étant, à la présentation des projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, je vous demanderais d'appeler les articles d) et f) du feuilleton.

Projet de loi 63

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme présente la Loi sur la Société de développement des coopératives. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, ce projet de loi pourvoit à la constitution et à l'organisation de la Société de développement des coopératives, destinée à remplacer l'actuelle Société de développement coopératif. Cette société aura pour objet de favoriser la création et le développement d'entreprises coopératives. À cette fin, la société pourra administrer les programmes d'aide financière et tout autre programme d'aide établis par le gouvernement. Le projet de loi prévoit les diverses formes d'aide financière que la société pourra accorder. Il précise que la société devra, dans l'octroi d'une aide financière, viser à assurer aux entreprises coopératives une saine capitalisation.

Ce projet de loi précise les rapports entre la société et le gouvernement en prévoyant notamment la nomination par le gouvernement des membres du conseil d'administration et l'approbation par le gouvernement des effectifs et de la rémunération du personnel de la société. Le projet de loi accorde au ministre responsable de l'application de la loi le pouvoir de donner à la société les directives portant sur ses objectifs et son orientation. Ces directives devront être soumises au gouvernement pour approbation et, si elles sont ainsi approuvées, elles lieront la société. Ce projet de loi prévoit enfin que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est responsable de l'application de cette loi.

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir du projet de loi présenté par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme?

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Projet de loi 66

M. le ministre de l'Énergie et des Ressources présente à l'Assemblée le projet de loi 66, Loi modifiant la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, ce projet de loi a pour objet d'augmenter de 66 250 000 $ le fonds social autorisé de REXFOR. L'augmentation du fonds social vise à accorder à REXFOR les ressources financières requises pour la réalisation de ses projets de développement de l'industrie forestière.

Le Président: M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je ne connais pas exactement le numéro de l'article du règlement, mais je l'ai lu hier, pour pouvoir demander au leader si, compte tenu de l'importance de cette augmentation du capital de REXFOR, nous aurons

l'occasion d'entendre les personnes concernées en commission parlementaire avant la discussion de principe à l'Assemblée nationale.

Le Président: Avant de permettre au leader de répondre, puis-je obtenir de l'Assemblée son accord quant à la présentation du projet de loi? L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir du projet de loi 66? Adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Pour ce qui est de la question du député, j'en discuterai avec le ministre de l'Énergie et des Ressources et j'essaierai de lui apporter une réponse le plus rapidement possible.

Le Président: Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.

Rapport concernant le Tribunal de l'expropriation

M. Bédard: Au nom du ministre de la Justice, je voudrais déposer le rapport annuel 1982-1983 concernant le tribunal de l'expropriation.

Le Président: Document déposé. M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Rapport annuel de l'OLF

M. Godin: M. le Président, qu'il me soit permis de vous soumettre le rapport annuel de l'Office de la langue française pour l'année 1982-1983.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Rapport annuel du MLCP

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais déposer le rapport annuel 1982-1983 du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre du Travail.

Rapport de l'OCQ

M. Fréchette: M. le Président, je dépose le rapport d'activités 1981 de l'Office de la construction de Québec.

Le Président: Rapport déposé. Au dépôt de rapports des commissions, M. le vice-président de la commission des...

Une voix: M. le Président. Le Président: Oui.

M. Bourbeau: Un appel au règlement, M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Au dépôt de documents. En vertu de l'article 34, les députés peuvent poser des questions au président sur une question de procédure.

Le Président: Oui.

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais également attirer votre attention sur l'article 171, qui dit que la procédure de l'Assemblée nationale est régie par la loi et sur l'article 58 qui dit qu'au début d'une session le président dépose la liste des documents dont la loi prescrit le dépôt à l'Assemblée.

M. le Président, j'ai ici devant moi le procès-verbal de la première séance de la présente session où il est dit, à la page 56, que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme doit déposer à chaque session le rapport annuel des activités de la compagnie SIDBEC. J'ai ici, M. le Président - je vais vous faire grâce de la lecture - la loi sur SIDBEC qui dit que la société doit déposer son rapport annuel chaque année et que le ministre doit le déposer à l'Assemblée nationale.

Je voudrais vous faire part qu'à trois reprises au cours des derniers mois, soit le 16 novembre 1983 et les 19 et 21 décembre 1983, je me suis levé en cette Chambre pour demander deux fois au leader du gouvernement et une fois au ministre pourquoi le rapport annuel de la Société SIDBEC n'avait pas été déposé pour l'année 1982. Vous comprendrez que l'année 1982 est déjà assez éloignée.

Nous avons vérifié avec le Secrétariat général des commissions et, à notre stupéfaction, non seulement le rapport annuel de SIDBEC pour l'année 1982 n'a-t-il pas été déposé mais il n'y a pas eu non plus dépôt du rapport annuel de l'année 1981 ni de celui de 1980, de sorte qu'il n'y a aucun rapport annuel de SIDBEC qui a été déposé depuis l'année 1979, le dernier rapport ayant été déposé le 3 juin 1980.

La question que je voudrais vous poser est la suivante: Étant donné mes affectations de critique de l'Opposition en matière d'industrie et commerce, j'ai mission d'étudier ce dossier. Je voudrais savoir quels sont les recours qu'a un député pour obliger

le gouvernement à déposer, selon la loi, le rapport annuel d'une société comme SIDBÈC? Deuxièmement, qu'est-ce que le ministre attend et qu'est-ce qu'il a à cacher pour ne pas déposer le rapport de SIDBEC?

Le Président: Vous conviendrez avec moi que la deuxième partie de votre question ne relève pas de ma compétence. Quant à la première partie, je prends en délibéré la question que vous me posez quant à savoir quels sont les moyens qui sont à votre disposition pour obliger une telle disposition à s'appliquer. (14 h 40)

Ce qui nous mène donc au dépôt de rapports de commission. M. le vice-président de la commission des institutions.

Élection du président et du

vice-président de la commission

des institutions

M. Rivest: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le jeudi 15 mars 1984, aux fins d'élire son président et son vice-président - tous deux excellents - en exécution de l'article 131 de nos règles de procédure.

Le Président: Rapport déposé. M. le président de la commission du budget et de l'administration.

Élection du président et du vice-président de la commission du budget et de l'administration

M. Lachance: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a également siégé le 15 mars 1984, aux fins d'élire son président et son vice-président, en exécution de l'article 131 de nos règles de procédure.

Le Président: Rapport déposé. Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Élection de la présidente et du

vice-président de la commission

des affaires sociales

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le jeudi 15 mars 1984, aux fins d'élire sa présidente et son vice-président, en exécution de l'article 131 de nos règles de procédure.

Le Président: Rapport déposé. Mme la présidente de la commission de l'économie et du travail.

Élection de la présidente et du

vice-président de la commission

de l'économie et du travail

Mme Harel: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le jeudi 15 mars 1984, aux fins d'élire sa présidente et son vice-président, en exécution de l'article 131 de nos règles de procédure.

Le Président: Rapport déposé.

M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

Élection du président et du

vice-président de la commission

de l'agriculture, des pêcheries

et de l'alimentation

M. Mathieu: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le jeudi 15 mars 1984, aux fins d'élire son président et son vice-président, en exécution de l'article 131 de nos règles de procédure.

Le Président: Rapport déposé. M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements.

Élection du président et de la

vice-présidente de la commission

de l'aménagement et des équipements

M. Fallu: M. le Président, permettez-moi de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le jeudi 15 mars 1984, aux fins d'élire son président et sa vice-présidente, en exécution de l'article 131 de nos règles de procédure.

Le Président: Rapport déposé. M. le président de la commission de l'éducation.

Élection du président et du

vice-président de la commission

de l'éducation

M. Charbonneau: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation, qui d'ailleurs devrait s'appeler la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre, qui a siégé le jeudi 15 mars 1984 aux fins d'élire son président et son vice-président, le député d'Argenteuil, en exécution de l'article 131 de nos règles de procédure.

Le Président: Rapport déposé. M. le président de la commission de la culture.

Élection du président et du

vice-président de la commission

de la culture

M. French: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de la culture qui a siégé le jeudi 15 mars 1984, aux fins d'élire son président et son vice-président en exécution de l'article 131 de nos règles de procédure.

Questions et réponses orales

Le Président: Rapport déposé. Au dépôt de pétitions, il n'y en a pas. Ce qui nous amène à la période des questions des députés. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Rappel au règlement, M. le Président.

Le Président: Rappel au règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: En vertu de l'article 80 -on pourrait peut-être le relire ensemble - "le ministre à qui une question est posée peut y répondre à l'issue de la période de questions ou au cours d'une séance subséquente. Si le ministre décide d'y répondre au cours d'une séance subséquente, il doit en aviser par écrit le président, au moins une heure avant la période des affaires courantes de cette séance, etc."

M. le Président, le fait que vous ne m'indiquiez pas dès le début de la période des questions qu'un ministre vous a avisé de son intention d'apporter des réponses à des questions posées la semaine dernière, j'aimerais vous adresser une demande de directives, M. le Président. Compte tenu du fait que des collègues ont posé des questions au premier ministre la semaine dernière sur le dossier de la SHQ et que celui-ci en a pris avis, c'est-à-dire a décidé de nous fournir les réponses plus tard, sans devoir poser une question à chaque période de questions au premier ministre, comment pourrais-je m'assurer qu'on aura les réponses aux questions dont le premier ministre a pris avis la semaine dernière?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, j'inviterais tout simplement le leader de l'Opposition à relire l'article qu'il vient de mentionner puisqu'il est spécifié très clairement que le ministre qui veut répondre, y compris le premier ministre, ou qui s'attend de répondre à une question donne l'avis nécessaire à la présidence une heure avant. Si vous n'avez par reçu un tel avis, M. le Président, c'est que le premier ministre... Non, contrairement à ce que j'entends comme remarques, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de réponse mais que le premier ministre n'entend pas répondre aujourd'hui, à cette période-ci, aux questions qui ont été posées. La période de questions, M. le Président, doit continuer comme cela va de soi.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je n'ai pas d'objection, sauf que ce que le leader du gouvernement nous invite à faire est de revenir à chaque période de questions et de poser des questions au premier ministre.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, avant de commencer un débat, l'article est très clair, le ministre qui entend répondre à une période de questions donnée doit donner un préavis d'une heure. N'en n'ayant pas reçu, je n'ai pas à porter de jugement là-dessus. Tout ministre qui a pris une question en délibéré peut y répondre à une séance ultérieure sans qu'on détermine nécessairement à quelle séance ultérieure.

Début de la période de questions des députés. M. le député de Nelligan.

L'orientation des délégations du Québec à l'extérieur

M. Lincoln: M. le Président, j'aurais une question pour le ministre des Relations internationales et ministre du Commerce extérieur. Selon un communiqué de la Presse canadienne, paru dans le Soleil du 13 mars 1984, soit la semaine dernière, le ministre québécois des Relations internationales et du Commerce extérieur estimerait que le Québec n'a plus de raisons économiques pour rester dans la Confédération canadienne. Comme le ministre faisait cette déclaration à titre de ministre des Relations internationales et du Commerce extérieur et non comme membre du Parti québécois -cela prend encore plus d'importance, parce que, depuis, le ministre a annoncé officiellement qu'il sera candidat au trône du chef. Je voudrais lui poser une question à deux volets. Est-ce que cet énoncé à Alma reflète vos objectifs comme nouveau ministre des Relations internationales du Québec? Comptez-vous agir en conséquence dans la direction de votre ministère? Puisque vous n'avez pas répondu très clairement à la question l'autre jour, dans l'entrevue récente avec la Presse canadienne, avez-vous l'intention de réorganiser et d'orienter le travail et les efforts du côté diplomatique des délégations extérieures du Québec pour promouvoir cet objectif?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales et du Commerce extérieur.

M. Landry: Cet objectif, M. le Président, n'est ni un objectif partisan, ni même un objectif gouvernemental. C'est un objectif qui s'adresse à l'ensemble de l'économie et surtout aux entreprises. Le Canada a été fondé sur une théorie qui était peut-être valable à l'époque, qu'on appelait la "National Policy", conçue du temps de John A. Macdonald et qui consistait à élever une muraille de Chine autour du Canada et, par conséquent, du Québec, avec des tarifs douaniers extrêmement élevés qui empêchaient le commerce naturel nord-sud, avec New York et Boston, en particulier.

Cette stratégie était destinée à servir l'impérialisme britannique et le mot était moins critiquable à l'époque qu'il ne l'est aujourd'hui. Je ne veux donc pas ressasser les cendres des morts. Cependant, depuis le Tokyo Round, en particulier, alors que les droits de douane ont fondu entre le Canada, le Québec et les États-Unis comme de la neige au soleil, se retourner vers cette stratégie antique serait suicidaire pour notre économie. Cette analyse n'est nullement partisane; le gouvernement du Québec favorise les échanges économiques les plus naturels: 65% des biens et services que nous vendons à l'étranger sont vendus aux États-Unis d'Amérique; nous recherchons la diversification mais nous collons à la réalité des choses.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, ma question au ministre était très simple. On ne voulait pas parler de John A. Macdonald; on parlait d'une déclaration qu'il a faite à Aima, que, pour des raisons économiques, il n'y a plus de raisons pour que le Québec soit rattaché à la Confédération canadienne. Je vous demande si vous allez poursuivre cet objectif de vous détacher de la Confédération canadienne durant votre stage comme ministre des Relations internationales. Est-ce que vous allez orienter le travail des délégations extérieures pour poursuivre cet objectif? Telle était ma question et non celle à laquelle vous avez répondu.

Le Président: M. le ministre des Relations internationales.

M. Landry: Je conçois que les aspects économiques de la Confédération canadienne soient nuisibles au Québec. Je le sais; les meilleurs économistes et les analystes, même ceux de votre côté, commencent à s'en rendre compte. Cependant, comme nous faisons partie de la Confédération canadienne, que nous respectons les lois, l'esprit et la lettre de ces lois et que nous réglons nos différends soit par les tribunaux soit par le vote populaire, nous allons tenir compte de la loi fondamentale du pays; cependant, tout ce que cette loi permet pour que l'économie fonctionne efficacement, c'est-à-dire commerce avec le monde entier, sera vigoureusement encouragé par le gouvernement du Québec. (14 h 50)

Le Président: En complémentaire, M. le député de Nelligan.

Une voix: On n'applaudit que d'un côté.

M. Lincoln: Comme d'habitude, on esquive la question principale. Ce que je vous demande, M. le ministre, c'est ce que vous proposez pour l'échéance référendaire qui va s'annoncer sur le débat souverainiste. Proposez-vous une zone de libre échange? Proposez-vous une union douanière? Proposez-vous un marché commun avec le Canada, une union monétaire, une union économique? Parlez-vous, encore une fois, du dollar canadien ou de la monnaie québécoise, le fameux écu PQ? Ne pouvez-vous pas nous répondre spécifiquement, à savoir ce que vous feriez advenant une élection, ce que vous proposerez aux Québécois par rapport à l'indépendance?

Le Président: Je vais laisser le ministre répondre à la question, mais j'attire votre attention sur le fait qu'il ne m'apparaît pas qu'il s'agisse là d'une question complémentaire, mais plutôt d'une question principale puisqu'elle ne se rapportait pas du tout à la question principale. M. le ministre des Relations internationales.

M. Landry: Effectivement, M. le Président, je vous remercie. Je doute de la régularité d'une telle question fleuve avec toutes les hypothèses qu'elle comprend. Pour faire gagner du temps à la Chambre, je pense que personne de ce côté-ci ne m'en voudra si, comme membre du Comité des relations internationales du Parti québécois, j'invite le député à venir à notre congrès où toutes ces questions seront abondamment débattues.

Le Président: Question principale, M. le député de Viau... Peut-on laisser au député de Viau le soin de poser sa question?

L'écoute électronique

M. Cusano: M. le Président...

Le Président: M. le député de Charlevoix...

M. Cusano: ...le 20 février 1984, à l'occasion du témoignage du président du Syndicat des fonctionnaires du Québec, M. Harguindeguy, devant la commission

parlementaire du travail, nous avons appris qu'il existe à la Commission de la santé et de la sécurité du travail une écoute électronique relativement aux appels téléphoniques entre les bénéficiaires et les fonctionnaires. Dans les jours qui ont suivi, nous avons également appris qu'une pratique semblable existait à la Régie de l'assurance automobile du Québec.

Est-ce que - ma question, M. le Président, s'adresse au premier ministre -celui-ci peut nous dire si cette pratique existe ailleurs dans l'appareil gouvernemental, que ce soit dans un ministère ou dans une société d'État?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, au sens propre de l'expression - parce que c'est bien beau de jouer sur les mots -l'écoute électronique, je crois pouvoir dire de mon siège que cela n'existe nulle part au gouvernement. Pour ce qui est des deux questions spécifiques auxquelles faisait allusion de nouveau le député, je pense que sa question s'adresse normalement au ministre du Travail, M. le Président.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Cusano: M. le Président, question complémentaire.

Le Président: Je m'excuse. M. le député de Viau.

M. Cusano: Le ministre du Travail pourra répondre à ma question complémentaire, mais je l'adresse encore au premier ministre. Si, selon les dires et les déclarations du ministre du Travail, il n'y a rien de répréhensible dans une telle pratique à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, est-ce que le premier ministre pourrait nous expliquer comment il se fait que le lendemain de la déclaration de M. Harguindeguy on ait cessé une telle pratique à la Régie de l'assurance automobile du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, peu importe les insinuations, déjà quelque peu éculées d'ailleurs, du député, parce que cela a été abondamment traité au point de disparaître de la circulation, parce que cela ne méritait pas d'y rester, quelles que soient, dis-je, les insinuations du député, je préférerais écouter les réponses factuelles du ministre du Travail, si on le permet.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, je vais faire miennes les observations que vous avez faites la semaine dernière lorsqu'on abordait un dossier qui était devant une instance judiciaire. Il y a dans ce cas-ci également -vous le savez sans doute, M. le Président -une instance judiciaire qui a été saisie de la question dont on est en train de discuter. Il y a cependant un certain nombre de choses qu'il faut replacer dans leur vrai contexte. Le premier ministre vient de signaler, en réponse à une question du député de Viau, que lorsqu'on référait à l'écoute électronique proprement dite - et si on voulait aussi faire allusion à la définition qu'on retrouve au code pénal ou au Code criminel canadien - il n'y a pas, me semble-t-il, à partir de tout ce qui a été dit en commission parlementaire, l'ombre d'un soupçon qu'il y ait ce qu'on appelle, à proprement parler, de l'écoute électronique au sens légal du terme. Si l'on veut aller plus avant dans le dossier, je suis tout à fait disposé à le faire. Ce dont on a parlé de façon plus stricte et plus précise, c'est d'une ligne de formation qui existe au service financier de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et dont on a discuté de l'implantation avec les syndicats concernés.

En dernière instance, je vous signalerai que le président du Syndicat des fonctionnaires dont on parle a lui aussi fait état d'un avis juridique que son syndicat a requis de ses conseillers juridiques. L'information qui nous a été transmise - sans par ailleurs jamais déposer l'avis juridique écrit - par le même président, c'est qu'effectivement, les conseillers juridiques du syndicat en venaient à la conclusion qu'il n'y avait aucune espèce de possibilité d'associer cette pratique dont on parlait à quelque écoute électronique que ce soit, et je pourrais continuer ainsi pendant toute la période des questions.

Le Président: Question complémentaire, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, pourrait-on demander au premier ministre qu'il nous réponde dans des mots que le monde ordinaire va comprendre? Est-ce qu'à la Régie de l'assurance automobile ou à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il y a des gens qui écoutent au téléphone des conversations téléphoniques de citoyens, dans ce cas ou dans d'autres cas?

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre. Pour ce qui est de la Régie de l'assurance automobile, je...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! À

l'ordre! Je vous rappelle effectivement qu'il existe un litige devant les tribunaux civils à cet effet et qu'on s'approche très dangereusement du coeur même du litige. Il est absolument interdit en Chambre de parler du coeur du litige.

M. Gratton: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Oui, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je suis sûr que vous ne voulez pas inférer par là que le gouvernement n'a qu'à prendre une poursuite devant les tribunaux pour nous empêcher de traiter de ces questions. Je vais poser ma question, je la reformule, M. le Président.

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: II y a un rappel au règlement, M. le député.

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président!

M. Gratton: À la Commission de la santé et de la sécurité du travail...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, M. le député! II y a un rappel au règlement de la part du leader du gouvernement.

M. Bédard: Sauvez-vous vous-mêmes, cela va être assez.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, le leader de l'Opposition devrait quand même être respectueux du règlement qui dit... Oui, un article très spécifique, l'article 82 réfère effectivement à des situations où il y a des sub judice, et où des sujets dont on traite ici en cette Chambre peuvent faire l'objet de contestation devant les tribunaux, que ce soit au civil ou au criminel. Si notre règlement y fait allusion d'une façon tout à fait particulière dans un article, c'est parce que c'est très important, non seulement pour les membres de l'Assemblée nationale, mais très important pour les personnes qui ont à répondre à des accusations, ou encore qui ont à répondre à des contestations qui sont devant les tribunaux. En fonction du respect des droits et libertés de ces personnes, qui peuvent avoir à répondre à des contestations devant les tribunaux, j'invite le leader de l'Opposition à être un peu plus respectueux, sinon de la lettre, du moins de l'esprit du règlement.

Le Président: M. le député de Saint-Louis, sur la question de règlement.

M. Blank: M. le Président, vous avez déjà...

Une voix: ...

(15 heures)

M. Blank: Oui, je vais vous expliquer le règlement. Il semble que des gens ont besoin d'explications. Le président a déjà expliqué la différence entre une poursuite pénale et une poursuite civile. La raison pour laquelle on est plus strict dans les poursuites pénales est qu'il est possible que le procès se passe devant un jury. Un jury et non pas un juge. Quant aux poursuites civiles, cela se passe presque à 100% devant un juge qui peut, lui, décider de la preuve présentée devant lui. La preuve faite de l'extérieur ne l'intéresse pas, lui. Il a le droit de lire les journaux durant un procès tandis qu'un jury n'a pas le droit. C'est complètement différent. Donc, il ne doit s'appliquer que dans les causes civiles.

Une voix: C'est cela.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Sur la question de règlement, le député de Saint-Louis fait allusion à une décision que vous avez rendue concernant le sub judice. Mais l'interprétation qu'il en fait montre manifestement qu'il n'a pas compris et qu'il n'a pas entièrement lu l'opinion que vous avez donnée, M. le Président, puisque votre opinion - je peux m'y référer - indiquait qu'il y a une interdiction formelle de parler d'une affaire qui est sub judice en ce qui a trait à une affaire pénale. Dans le cas d'une affaire civile, on peut s'y référer en termes généraux mais on ne peut entrer dans les faits de la cause. Or, actuellement, M. le Président, on est effectivement en train d'entrer résolument dans les faits de la cause.

Le Président: J'attire votre attention sur l'article 35, paragraphe 3. "Le député qui a la parole ne peut parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit". Encore une fois, effectivement, il y a la distinction que le député de Saint-Louis a établie et que j'ai déjà établie avec raison entre les poursuites pénales et les poursuites civiles. Dans les cas de poursuites pénales, on ne peut s'y référer, point. Dans les cas de poursuites civiles, on peut toujours s'y référer d'une manière générale mais lorsqu'on approche le coeur même du sujet et lorsque, en particulier, les remarques que l'on peut

faire pourraient être de nature, justement, à porter préjudice à qui que ce soit, on s'apprête dangereusement, au fur et à mesure qu'on s'approche du coeur du litige, à aller à l'encontre d'un article du règlement. Cela étant...

M. Doyon: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Ma question s'adresse au ministre des Communications. J'aimerais savoir de sa part, à titre de ministre responsable de l'équipement téléphonique au gouvernement, quelles sont les procédures qui sont prises pour éviter qu'il y ait eu ou qu'il y ait dorénavant ce genre d'écoute, qu'on appelle "écoute électronique"? Comme ministre responsable de l'équipement téléphonique, pourrait-il nous indiquer quel genre de procédure il prend à cette fin?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, les responsabilités du ministère des

Communications, en ce qui a trait à la fourniture d'équipement téléphonique, se résument à faire en sorte que les fonctionnaires qui oeuvrent au sein du gouvernement puissent avoir ces appareils absolument indispensables si on veut que les citoyens puissent communiquer avec l'ensemble des fonctionnaires du gouvernement et les fonctionnaires avec les citoyens du Québec, point à la ligne. Les allusions que peut faire le député de Louis-Hébert lui appartiennent. Quant à nous, au ministère des Communications, on fait notre travail et il s'arrête là.

M. Doyon: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Louis-Hébert, en complémentaire.

M. Doyon: Est-ce que le ministre des Communications est en train de dire que d'aucune façon son ministère n'exerce de contrôle sur le type d'appareils qui sont installés dans les bureaux des fonctionnaires ou dans les organismes gouvernementaux et qu'ils peuvent faire telle ou telle chose. Est-ce cela que le ministre des Communications est en train de nous dire? Et c'est sa conception de la responsabilité ministérielle.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, comme il n'y a aucune écoute électronique qui se pratique au gouvernement du Québec, comme il n'y a aucune forme d'écoute électronique qui se pratique dans quelque ministère ou organisme gouvernemental que ce soit, évidemment, pas besoin de vous dire que c'est loin de faire partie des préoccupations du ministère des Communications de s'occuper d'un problème qui n'existe pas, mais plutôt de s'occuper ou de faire en sorte que les fonctionnaires aient en main les outils requis pour que nous donnions toute l'information aux citoyens, point à la ligne.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Est-ce qu'on peut demander à quelqu'un de l'autre côté, qui voudra bien répondre, si la réponse que vient de donner le ministre des Communications signifie que personne n'écoute sur les lignes téléphoniques du gouvernement, notamment à la commission...

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, je pense que le ministre délégué aux Relations avec les citoyens serait très malheureux si, aujourd'hui, un ministre se levait ici pour dire que, quand un citoyen appelle un fonctionnaire au gouvernement du Québec, le fonctionnaire ne répond pas.

M. le Président, je vous annonce officiellement que, si le député de Gatineau ne le savait pas, les fonctionnaires répondent, quand les citoyens appellent.

Le Président: Question principale, M. le député d'Argenteuil.

Le projet de Bell Helicopter à Mirabel

M. Ryan: Ma question se rattache au projet de Bell Helicopter à Mirabel et s'adresse au premier ministre. La Commission de protection du territoire agricole du Québec vient de rendre une décision qui refuse de soustraire aux contraintes du zonage agricole environ la moitié du terrain que la compagnie Bell Helicopter veut acquérir afin d'implanter à Mirabel une usine de fabrication d'hélicoptères d'une valeur de 500 000 000 $, projet auquel le gouvernement du Québec va d'ailleurs verser une contribution de plus de 100 000 000 $.

Étant donné que la décision de la Commission de protection du territoire agricole menace de remettre en question le choix du site et, deuxièmement, étant donné que le choix du site en question a été l'objet d'un choix libre et délibéré de la part de la compagnie en question; étant donné que des

dépenses considérables ont déjà été engagées par la compagnie Bell et les autorités publiques pour préparer les lieux en vue de l'aménagement projeté; étant donné que les principaux milieux intéressés, en particulier, l'UPA de la région des Laurentides et les autorités municipales de Mirabel ont déjà donné leur accord pour que ce terrain soit soustrait aux contraintes du zonage agricole; étant donné qu'il y a un échéancier très serré que le premier ministre connaît sans doute, et qui prévoyait la levée de la première pelletée de terre et le début des travaux d'aménagement du terrain dès la fonte des neiges; étant donné que le bureau du premier ministre s'est déjà intéressé à un problème semblable qui était survenu à Lachute à propos du projet de Great Lakes Carbon et que le premier ministre était intervenu d'une manière qui a donné d'excellents résultats...

Le Président: Votre question, M. le député.

M. Ryan: ...je voudrais demander au premier ministre aujourd'hui, tout d'abord, s'il est prêt à donner à cette Chambre l'assurance qu'il va s'intéresser personnellement au problème dans les plus brefs délais et, deuxièmement, qu'il sera prêt à recommander, au besoin, que le gouvernement invoque l'article 96 de la Loi sur la protection du territoire agricole pour soustraire au besoin cette décision à la Commission de protection du territoire agricole et la confier au cabinet.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je n'ai pas de difficulté à répondre positivement à la première partie de la question du député d'Argenteuil, qui me demande si je vais m'intéresser, comme mes collègues du Conseil des ministres, personnellement à cette question. Bien sûr, il s'agit d'un des gros projets de technologie avancée qui démarrent actuellement au Québec. Tout récemment, on signait les accords définitifs qui vont déclencher la construction de Pechiney dans le centre du Québec. Je pense que, très bientôt, on aura de bonnes nouvelles dans le même sens du côté du Saguenay-Lac-Saint-Jean, exceptionnellement impressionnantes aussi. Je pense que Bell Helicopter se situe évidemment dans le cadre de cette relance économique et surtout dans le domaine industriel. C'est évident qu'on va s'y intéresser et de façon que cela réussisse.

Le député d'Argenteuil accepterait-il -c'est normal, je n'ai pas eu la chance de consulter ce dossier - que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, parce que c'est quand même lui qui est le ministre de tutelle, si on veut, de la Commission de protection du territoire agricole, donne la version qu'il peut fournir à la Chambre de cette décision de la commission? Moi, je ne suis pas au courant du dossier en ce moment.

M. Ryan: Je suis satisfait de la réponse du premier ministre pour l'instant, si le premier ministre veut donner l'assurance qu'il va consulter tous ses collègues - et ils sont nombreux - intéressés dans ce dossier. Je mentionne, en particulier, le ministre de l'Industrie et du Commerce...

Le Président: Votre question, M. le député.

M. Ryan: ...le ministre du Revenu, M. Dean, qui siège avec moi...

Le Président: M. le député d'Argenteuil, je veux bien faire preuve de l'interprétation la plus large et la plus libérale possible du règlement mais, décidément, vous le violez, à ce moment-ci.

M. le ministre de l'Agriculture...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: La question du député d'Argenteuil était claire, il a demandé au premier ministre s'il s'intéressait personnellement à la question et s'il y verrait. Le premier ministre a répondu oui et le député s'est dit satisfait, je ne vois pas ce que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation viendrait faire là-dedans.

Le Président: M. le leader du gouvernement. (15 h 10)

M. Bédard: Sur la question de règlement, M. le Président, je veux bien croire que l'Opposition a le choix de ses questions, mais on a quand même le choix de ceux et celles qui doivent y répondre. Ce ne sera pas l'Opposition qui, à partir de maintenant, nous dira qui, de ce côté-ci de la Chambre, doit répondre aux questions.

Or, le premier ministre a répondu à une des facettes de la question posée par le député d'Argenteuil. Il a indiqué que le ministre de l'Agriculture aurait peut-être quelque chose à ajouter. Je vous demanderais de reconnaître le ministre de l'Agriculture.

Le Président: M. le leader du gouvernement, vous savez que nous avons comme politique que lorsque quelqu'un veut répondre à une question il y répond, mais il ne peut pas y avoir deux réponses aussi

longues l'une que l'autre à la même question. Par ailleurs il y a des députés que je vois se lever pour soulever une question complémentaire, je présume, et qui pourront peut-être permettre au ministre de l'Agriculture de répondre à la question le cas échéant.

Je vois le député de Groulx en particulier qui est debout.

M. Fallu: Question complémentaire au ministre de l'Agriculture. Peut-on avoir en cette Chambre, de la part du ministre de l'Agriculture, un certain nombre de précisions sur le dossier. Il a été annoncé en fin de semaine que la Commission de protection du territoire agricole ne semblait pas céder à l'ensemble de la demande de Bell Helicopter. Notamment, est-ce que la demande qui est adressée à la commission a trait strictement à l'implantation de l'usine ou au développement d'un immense parc industriel sur du territoire exproprié à de réels propriétaires agricoles?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je pense bien qu'il n'y a pas beaucoup de problèmes dans ce dossier puisque ce qui a été refusé par la commission ce sont deux grands stationnements à l'avant de l'usine sur des terres agricoles alors que si les stationnements étaient placés à l'arrière de l'usine ils ne seraient pas placés sur des terres agricoles. Si on veut le voir, j'ai une très bonne photographie agricole ici qui démontre que la partie arrière a été acceptée par la commission parce qu'elle ne dérange pas les terres agricoles. Si les stationnements étaient à l'arrière de l'usine plutôt qu'en avant... Il est préférable de faire des stationnements sur des terres non agricoles que sur des terres agricoles.

J'espère que le député d'Argenteuil, qui n'a pas défendu beaucoup les cultivateurs de Mirabel là-dessus, sera au moins d'accord qu'il est mieux de mettre de l'asphalte ailleurs que sur les terres agricoles, M. le Président.

Le Président: Question principale, M. le député de Mille-Îles.

Les demandes d'aide technique et financière des PME

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, de nombreuses petites et moyennes entreprises dynamiques et des gens d'affaires pleins d'initiative demandent souvent de l'aide technique et financière dans nos bureaux de comté et les bureaux régionaux du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je pense à deux éléments du plan de relance: les prêts garantis pour un montant protégé de 2 000 000 000 $, ce qui créera de l'emploi, et les bourses d'affaires de 25 000 $ pour les étudiants.

Je voudrais demander au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ce qu'il entend faire pour répondre adéquatement et rapidement aux nombreuses demandes d'aide technique et financière et aux demandes d'information sur les nombreux programmes de son ministère.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, l'an dernier j'avais fait une tournée tout à fait particulière pour rencontrer des chefs d'entreprise pour m'enquérir de ce qui était plus pressant pour eux concernant certains programmes du gouvernement du Québec. C'est ce qui a d'ailleurs amené certains programmes dans le plan de relance.

Deuxièmement, ces gens nous avaient demandé d'avoir du personnel additionnel au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme en région pour les aider à remplir la paperasse nécessaire aux deux niveaux de gouvernement.

J'ai le plaisir d'annoncer que nous avons obtenu 92 postes additionnels pour répondre aux besoins des chefs d'entreprise. Il est intéressant de noter que 55 d'entre eux sont des professionnels, des conseillers en développement industriel qui nous viennent du système de l'éducation. Des professeurs mis en disponibilité ont postulé - il y en a tout près de 500 - pour ces 55 postes de conseillers en développement industriel, et nous en avons choisi 55, par des concours, qui, depuis hier, sont au service du MICT. Il y a un programme de formation de huit semaines, après quoi ces conseillers en développement industriel pourront répondre très efficacement aux demandes des chefs d'entreprise du Québec.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président...

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Je voudrais savoir de la part du ministre comment la décentralisation et la régionalisation des services de son ministère feront en sorte que les petites et moyennes entreprises et les gens d'affaires auront des services accrus dans chacun des bureaux régionaux.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Je note que le personnel

additionnel du MICT, en région, comptait 68 personnes. Il compte maintenant près de 168 personnes. Nous croyons, surtout avec les nouveaux venus, qu'ils acceptent un nouveau défi. Dans le fond, c'est une nouvelle carrière pour eux, c'est une perspective d'avenir différente. Ce qui est intéressant, c'est qu'on a pu récupérer des gens qui étaient mis en disponibilité, qui manquaient de défis autrefois et qui, maintenant, sont prêts à aider au développement économique du Québec en répondant, présents, à la demande des chefs de PME québécoises.

Le Président: Question principale, Mme la députée de Jonquière.

Bureau de l'agriculture déménagé de Jonquière à Chicoutimi

Mme Saint-Amand: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Tout d'abord, j'aimerais mentionner que des protestations s'élèvent de toutes parts dans la circonscription de Jonquière que je représente en cette Chambre à la suite de la rumeur du déménagement à Chicoutimi du bureau de l'agriculture, actuellement situé à Jonquière.

Des voix: Ah!

Le Président: À l'ordre!

Mme Saint-Amand: Lors du passage du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation à Chicoutimi, la semaine dernière, ce dernier a confirmé, en effet, le déménagement du bureau de l'agriculture, qui est situé à Jonquière depuis 45 ans, en direction de Chicoutimi, circonscription de l'ex-ministre de la Justice et de l'actuel leader parlementaire. Le ministre pourrait-il nous informer des raisons qui ont motivé ce déménagement?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Certainement, M. le Président. À Chicoutimi, il y a 410 cultivateurs qui font affaires avec le bureau de Chicoutimi. Il y en a entre 220 à 245 au bureau de Jonquière. Au bureau de Chicoutimi, il y avait dix ou onze employés. À Jonquière, il y en avait trois: un agronome, un technicien et un agent de bureau. Avec le déménagement à Chicoutimi, dans le même bureau, il y aura 117 cultivateurs sur 220 ou 245 qui n'auront plus besoin de faire d'interurbains. Donc, il y aura un service plus concentré dans le même bureau et ce sera plus efficace.

Je dois dire, M. le Président, que c'est une décision... J'ai demandé au nouveau leader du gouvernement s'il voulait avoir le crédit de l'affaire, mais je dois vous dire, entre vous et moi, M. le Président, que la décision a été prise avant les élections partielles alors qu'on ne savait même pas que M. Vaillancourt démissionnerait. C'est simplement au plan de l'efficacité administrative qu'il y a une concentration des bureaux, comme cela se fait dans d'autres régions, pour faire en sorte que dans nos bureaux on offre des services plus diversifiés à une clientèle. Aujourd'hui, il y a des autoroutes, il y a des moyens. Il y a 45 ans, c'est en voiture à cheval qu'on allait au bureau de Jonquière. Maintenant, on y va par l'autoroute.

Des voix: Oh!

Le Président: Mme la députée de Jonquière.

Mme Saint-Amand: II y a 45 ans, il y avait également des voitures dans la circonscription de Jonquière.

Question additionnelle, M. le Président. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a-t-il reçu une recommandation à l'effet de relocaliser le bureau fusionné à l'intérieur des limites mêmes de la circonscription électorale de Jonquière, c'est-à-dire le mail 170 qu'on appelle actuellement Place du commerce?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: II y a eu une étude, M. le Président. Quand la première proposition m'a été soumise des fonctionnaires de fusionner les deux bureaux, j'ai demandé s'il n'était pas mieux de localiser le bureau à un endroit intermédiaire entre le bureau de Chicoutimi et le bureau de Jonquière. Une étude très sophistiquée faite par les fonctionnaires a démontré qu'un meilleur service aux agriculteurs serait fourni par le bureau de Chicoutimi. C'est pour cela que le bureau est à Chicoutimi. Je suis persuadé que les cultivateurs vont être heureux, ce qui va faire qu'aux prochaines élections ils voteront pour le Parti québécois.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Mme Saint-Amand: Question additionnelle, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre! Mme la députée de Jonquière, question complémentaire.

Mme Saint-Amand: J'aimerais d'abord savoir quelle connaissance des lieux le ministre a, ensuite quelles consultations il a faites auprès des agriculteurs touchés par ce déménagement, avant de prendre la décision?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je peux vous dire que, quand on fait des regroupements de bureaux et que c'est avantageux pour les agriculteurs, il n'y a pas de raison que des gens soient mécontents. Le seul mécontentement qui a été exprimé jusqu'à maintenant... Je dois vous dire une chose: après la conférence de presse que j'ai donnée à Chicoutimi, vendredi matin, des gens de la ville étaient là et ont dit: C'est plutôt une question d'honneur pour nous de ne pas perdre un bureau, mais on comprend les raisons administratives du ministre. Alors, cela a été fait uniquement au plan administratif. Le bureau est vraiment plus efficace à Chicoutimi. Comme, au cours de cette année, d'autres bureaux seront fusionnés. Dans ce contexte, quand on va jusqu'à compter les appels téléphoniques avec interurbain ou sans interurbain, c'est évident qu'on prend l'opinion des gens pour savoir ce qui va le mieux faire leur affaire. Dans le cas présent, ce sera mieux à cet endroit qu'ailleurs.

M. Picotte: Dernière question additionnelle. (15 h 20)

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Mise à part la consultation partisane entre le ministre et son collègue, le leader parlementaire, quels sont les organismes du milieu qui ont été consultés pour faire ce déménagement?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, actuellement, on est en train de faire une révision de la localisation de plusieurs bureaux au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation par rapport à leurs clientèles. Depuis 45 ans, on a évolué, les villes ont grandi. La preuve, au bureau de Jonquière, il y avait seulement un agronome, un technicien et un agent de bureau. Le gouvernement actuel favorise une agriculture diversifiée alors qu'autrefois on ne favorisait qu'une seule production, on n'avait qu'un seul service dans un bureau et qu'aujourd'hui, on en a plusieurs. La philosophie du ministère actuellement, c'est d'offrir des services diversifiés dans un même bureau aux agriculteurs, comme ils le souhaitent et, non seulement cela, on consulte régulièrement l'Union des producteurs agricoles pour savoir comment on doit réaménager ces bureaux. Elle me demande de regrouper dans un même bureau la Régie des assurances agricoles, l'Office du crédit agricole et le ministère. C'est ce qu'on est en train de faire. On ne fera pas cela dans des petits bureaux avec deux ou trois personnes par bureau. Il faudra avoir des bureaux où on va tout réunir, tout regrouper, et c'est ce qu'on fait actuellement. D'ailleurs, les plus grandes protestations ne viennent pas des agriculteurs actuellement, elles viennent essentiellement des gens de la ville qui ont perdu un bureau et, comme il y a grande rivalité entre Jonquière et Chicoutimi et que c'est connu depuis quasiment Adam et Ève, je peux vous dire que c'est plutôt une question d'orgueil d'avoir perdu un bureau au profit de Chicoutimi sans trop se préoccuper des cultivateurs. Je peux vous dire que les cultivateurs seront très heureux d'être desservis par Chicoutimi.

Le Président: Un instant! Un instant'. Un instant! Les deux leaders se lèvent au même moment. Sur un rappel au règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, j'ai présumé que le député de Chicoutimi ne se levait pas pour poser une question additionnelle. Je veux simplement souligner que personne n'a posé de question. J'ai l'impression qu'il veut nous donner quand même une réponse.

Le Président: M. le leader du gouvernement, vous vous levez...

M. Bédard: Le leader de l'Opposition présume tout et prévoit tout aujourd'hui, non seulement les questions, mais les réponses. M. le Président, le député de Maskinongé a fait allusion à une consultation partisane concernant ce dossier. Or, il n'y a pas eu de consultation.

Le Président: M. le leader du gouvernement, la question était posée au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il a eu amplement le temps de répondre et tout le loisir de dire ce qu'il y avait à dire sur le dossier.

M. le député de Hull, question principale.

Les municipalités régionales de comté de l'Outaouais

M. Rocheleau: M. le Président, je vous remercie. Ma question concerne le découpage

des municipalités régionales de comté de l'Outaouais. Je la pose au premier ministre du Québec. Elle comprend trois volets. Premièrement, je veux savoir, M. le premier ministre, si vous êtes d'accord avec les énoncés et les affirmations du vice-président national du Parti québécois, M. Sylvain Simard, lorsqu'il décrit le découpage de l'Outaouais comme étant du banditisme de grand chemin. C'est signé Sylvain Simard.

Une voix: II n'a pas dit cela? Il est membre du Parti québécois.

M. Rocheleau: Comme deuxième volet, M. le Président, le premier ministre, face à ce problème créé en Outaouais par son ex-ministre des Affaires municipales, M. Léonard, avec le "rapetissage" de l'Outaouais québécois, a créé une commission d'enquête ayant à sa tête M. Robidas, M. Mattera, ainsi que le président de la Commission de transport de la Communauté régionale de l'Outaouais. Étant donné que M. Antoine Grégoire a maintenant comme nouveau patron le nouveau ministre des Transports, ex-ministre des Affaires municipales, j'aimerais savoir si M. Grégoire aura toute latitude dans le rapport et les recommandations qu'il aura à faire concernant les énoncés sans pour autant que les priorités de l'Outaouais en ce qui concerne le transport ne soient touchées d'une façon particulière par le nouveau ministre des Transports.

Comme troisième question, M. le Président - elle est très courte - dans le but de créer à nouveau l'unité du Parti québécois dans l'Outaouais, une question a été débattue et adoptée à l'unanimité pour recommander que la commission Gendron qui doit être entendue le 5 et le 7 avril soit reportée à plus tard tant et aussi longtemps...

Le Président: M. le député, puis-je vous suggérer de revenir en question complémentaire? Normalement, vous devriez avoir le temps sur cette troisième, parce que, sans cela, ça fait une question-fleuve où les téléspectateurs et les députés ont de la misère à se retrouver?

M. Rocheleau: Si le premier ministre veut répondre à mes deux premières questions, je pourrai revenir en complémentaire, parce que c'est un complément à la réponse qu'il pourrait me donner.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, la première partie de la question, c'était à propos de certains propos qui ont pu être prononcés par le vice-président de notre parti, M. Simard, qui, on le sait, est un citoyen résidant dans la région de l'Outaouais. Chacun peut avoir son opinion sur ses propos. Disons qu'il s'est peut-être inspiré, et il est loin d'arriver à autant de couleur que le député de Hull, d'un certain style dont le député de Hull est devenu un grand spécialiste. Oui, cela a l'air que cela déteint un peu dans la région. Pour ce qui est de M. Grégoire, je pense que le député de Hull devrait quasiment retirer sa question, parce que cela laisse entendre qu'un homme qui, je crois, est d'ailleurs au-delà de tous les partis, sauf erreur, et qui est aussi respecté que M. Grégoire dans la région, pourrait être victime de manipulation, se laisser manipuler par qui que ce soit. Cela me surprendrait beaucoup et cela me surprendrait encore davantage qu'il oublie les intérêts de l'Outaouais pour lesquels il a été nommé à cette commission.

Le Président: M. le député de Hull, en complémentaire.

M. Rocheleau: Ce n'est pas fort! Une voix: C'est juste 50%,

M. Rocheleau: Je voudrais dire au premier ministre que, s'il veut appréhender de nouveau par anticipation ce que je peux me poser comme question, on pourrait y revenir plus tard, M. le premier ministre. La dernière question, c'est que le Parti québécois régional de l'Outaouais, à son congrès de fin de semaine, a demandé de reporter la commission Gendron sur le choix des régions. Est-ce que le premier ministre peut confirmer ou affirmer aujourd'hui que la commission Gendron va siéger, tel que prévu, les 5 et 6 avril prochain ou si, à la demande des militants de son parti, on va retarder à plus tard cette consultation sur le choix des régions?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Tout en tenant compte, comme c'est normal dans une même formation politique, des voeux qui peuvent être exprimés par des militants qui sont nos collègues dans l'action politique, le gouvernement prend ses décisions lui-même. La question devrait plutôt être adressée au ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional.

Le Président: M. le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional.

M. Gendron: M. le Président, je voudrais tout simplement informer cette Chambre que, effectivement, j'ai eu l'occasion de communiquer avec les porte-parole du Parti québécois pour la question

qui est soulevée par le député de Hull. Ce n'est pas aussi simple qu'il l'évoque. Je ne pense pas que ce soit le moment de reprendre tout le contexte de ce débat, mais je voudrais tout simplement informer cette Chambre que le document, Le choix des régions, bien sûr, était une question importante, qui est la nouvelle définition des régions de concertation. Par contre, il traitait d'une multitude d'autres sujets. Il m'apparaîtrait non équitable pour la région de l'Outaouais, qui fait partie du Québec, de ne pas être traitée au même titre que les autres régions du Québec qui ont eu l'occasion de s'exprimer sur tous les autres éléments du document Le choix des régions. Je voudrais juste en évoquer quelques-uns comme la question...

Le Président: Un rappel au règlement, M. le député de Hull. M. le député de Hull.

M. Rocheleau: M. le Président, j'ai tout simplement demandé au premier ministre s'il confirmait la présence du ministre en Outaouais les 5...

Le Président: M. le député! M. le député! En conclusion, M. le ministre.

M. Gendron: La réponse est très claire. Jusqu'à nouvel ordre, les audiences qui sont prévues à Hull auront lieu aux dates indiquées. Par contre, je tiens à informer le député de Hull qui, souvent, n'est pas toujours au courant de ce qui se passe dans son comté, qu'il y a d'autres intervenants qui ont réclamé effectivement que les audiences se tiennent aux dates prévues, pour les mêmes motifs que j'ai évoqués tantôt. L'Outaouais fait partie du Québec et a le droit de s'exprimer sur les autres questions fondamentales qui débordaient la question de découpage. Maintenant, lors des audiences, on aura l'honnêteté de dire aux intervenants le choix qu'on leur a offert d'ailleurs, d'aller devant la commission et qu'ils s'entendent s'ils veulent faire porter leur point de vue davantage sur les questions de découpage que sur la problématique générale du document Le choix des régions. Dans ce sens, jusqu'à nouvel ordre, les audiences auront lieu tel que prévu. (15 h 30)

Le Président: Fin de la période de questions. Cela nous mène aux votes reportés. Nous en avons un à prendre, comme vous le savez, sur la motion de censure.

Visite d'une délégation du groupe

socialiste de l'Assemblée nationale

française

Avant de ce faire, on me signale la présence dans les tribunes - je le fais à mon tour - d'une délégation parlementaire du groupe socialiste de l'Assemblée nationale française.

Mise aux voix de la motion de censure du chef de l'Opposition

Je mets maintenant aux voix la motion de censure de M. Levesque (Bonaventure) proposée le 15 mars 1984: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement péquiste pour son incapacité manifeste à faire face aux besoins économiques et sociaux pressants de la population du Québec."

Si les députés veulent bien prendre leur place. Que celles et ceux qui sont favorables à cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Gratton (Gatineau), O'Gallagher (Robert Baldwin), Ciaccia (Mont-Royal), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Mailloux (Charlevoix), Ryan (Argenteuil), Vaillancourt (Orford), Mme Bacon (Chomedey), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Middlemiss (Pontiac), Assad (Papineau), Mathieu (Beauce-Sud), Caron (Verdun), Blank (Saint-Louis), Hains (Saint-Henri), Polak (Sainte-Anne), Saintonge (Laprairie), Rocheleau (Hull), Fortier (Outremont), Rivest (Jean-Talon), Côté (Charlesbourg), Paradis (Brome-Missisquoi), Bourbeau (Laporte), Lincoln (Nelligan), Cusano (Viau), Doyon (Louis-Hébert), Sirros (Laurier), Maciocia (Viger), Picotte (Maskinongé), French (Westmount), Dauphin (Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde (Berthier), Leduc (Saint-Laurent), Maltais (Saguenay), Mmes Bélanger (Mégantic-Compton), Saint-Amand (Jonquière), et M. Bisaillon (Sainte-Marie).

Le Président: Que ceux et celles qui s'opposent à la motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Bédard (Chicoutimi), Jolivet (Laviolette), Clair (Drummond), Parizeau (L'Assomption), Laurin (Bourget), Johnson (Anjou), Landry (Laval-des-Rapides), Bérubé (Matane), Lazure (Bertrand), Gendron (Abitibi-Ouest), Godin (Mercier), Biron (Lotbinière), Mme Le Blanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), MM. Martel (Richelieu), Bordeleau (Abitibi-Est), Tardif (Crémazie), Garon (Lévis), Léonard (Labelle), Fréchette (Sherbrooke), Bertrand (Vanier), Brassard (Lac-Saint-Jean), Duhaime (Saint-Maurice), Chevrette (Joliette), Richard (Montmorency), Paquette (Rosemont), Rancourt (Saint-François), Léger (Lafontaine), Proulx (Saint-Jean), Gauthier (Roberval), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Blouin (Rousseau), Boucher (Rivière-du-

Loup), Rodrigue (Vimont), Gagnon (Champlain), Beaumier (Nicolet), Dussault (Châteauguay), Desbiens (Dubuc), Mme Juneau (Johnson), MM. Fallu (Groulx), Perron (Duplessis), Rochefort (Gouin), Baril (Arthabaska), Laplante (Bourassa), Charbonneau (Verchères), Champagne (Mille-Îles), Lavigne (Beauharnois), Biais (Ter-rebonne), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Dupré (Saint-Hyacinthe), La-chance (Bellechasse), Gravel (Limoilou), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Brouillet (Chauveau), Beauséjour (Iberville), Payne (Vachon), Paré (Shefford), Tremblay (Chambly), Le Blanc (Montmagny-L'Islet), Lafrenière (Ungava), et Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue).

Le Secrétaire: Pour: 40 Contre: 62.

Le Président: La motion est rejetée. Aux motions sans préavis. M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: M. le Président, je demanderais le consentement pour présenter une motion sans préavis pour signaler la fête des Irlandais.

Le Président: Y a-t-il consentement? Pour la forme, cette motion se lirait: "Que cette Assemblée offre ses meilleurs voeux à l'occasion de la fête de la Saint-Patrick à toute la population d'origine irlandaise et qu'elle reconnaisse la contribution de cette communauté au développement du Québec et du Canada." Y a-t-il consentement à la présentation de la motion ou à la discussion de la motion? Il y a consentement. M. le député de Robert Baldwin..

Hommage aux Irlandais à l'occasion de la Saint-Patrick

M. John O'Gallagher

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Mr. President, the year 1984 marks two very important milestones in the history of the Québec Irish.

Le Président: Je m'excuse, M. le député, de devoir vous arrêter. L'Assemblée est en délibération. Ceux qui veulent délibérer parallèlement, peuvent-ils le faire à l'extérieur? M. le député.

M. O'Gallagher: Thank you, Mr. President. As I was saying, 1984 marks two very important milestones in the history of the Québec Irish. The first milestone happened last Sunday when United Irish Societies held their 160th Saint. Patrick's Day parade. This parade in which all of the people of Montreal participate is recognized as being the oldest Saint. Patrick's parade in all of America and perhaps the second largest after the city of New York. My sincere congratulations to United Irish Societies of Montreal for this important contribution to Montreal's history and for their efforts on behalf of Irish heritage.

The second important milestone that was marked this weekend was the celebration of the 150th anniversary of the Saint. Patrick Society of Montreal. Mr. President, 150 years of constant social and cultural support of their community also deserve our appreciation. A sad note, however. These two happy events were very much saddened by the sudden death of Henry McKeown, vice-president of the United Irish Society. Henry McKeown, who was a personal friend and a neighbour, died while preparing the ceremonies, Sunday evening. I wish to extend on behalf of the National Assembly of Québec our sincere condolences to his wife Audrey and to his family.

M. le Président, avant de présenter ma motion, je voudrais aussi signaler que nous aurons l'occasion, encore cet été, de nous rappeler la contribution des immigrants irlandais lors de l'arrivée des grands voiliers. This event will remind a very many of us of the thousands of Irish immigrants who were landed from ships in sickness and poverty on the shores of Grosse Île in the Gulf of the Saint. Lawrence.

M. le Président, je voudrais lire la motion: "Que cette Assemblée offre ses meilleurs voeux, à l'occasion de la fête de saint Patrick, à toute la population qui est d'origine irlandaise et pour reconnaître la contribution de cette communauté au développement du Québec et du Canada". Merci M, le Président.

Le Président: M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Gérald Godin

M. Godin: M. le Président, au nom des membres de ce côté-ci de la Chambre, c'est un honneur et un plaisir que de joindre ma voix et celle de tous mes collègues à la motion présentée par le député O'Gallagher. Je tiens à souligner aussi que la communauté irlandaise a apporté au Québec une contribution exceptionnelle. Cette communauté a vu ses membres réussir dans "all walks of life", comme on dit en anglais, et, particulièrement, dans le domaine politique. Je pense que c'est la communauté culturelle au Québec qui a fourni le plus de membres à ce Parlement, et, encore aujourd'hui, des deux côtés de la Chambre, des descendants d'Irlandais et d'Irlandaises sont présents et actifs. (15 h 40)

II y a une citation d'un écrivain irlandais, Samuel Johnson, qui dit: "The Irish

are a fair people; they never speak well of one another". Je pense que, n'étant pas irlandais, je peux me permettre de dire du bien des Irlandais et de souhaiter que le projet auquel a fait écho mon collègue, le député de Robert Baldwin, soit le projet de Grosse-Île, qui consisterait en une opération conjointe de la communauté irlandaise et des deux paliers de gouvernement en vue de faire de cette île un mémorial aux immigrants qui sont venus au Québec et au Canada, un musée de l'immigration au Québec et au Canada, musée administré par la communauté irlandaise du Québec avec l'appui des deux gouvernements, que ce projet se réalise avant la Saint-Patrick, l'an prochain.

Je joins maintenant mes condoléances à la famille McKeown, qui était respectée de tous dans la ville de Montréal, à l'occasion du décès de Eddy McKeown, qui a été si actif au sein des associations irlandaises du Québec.

Pour exprimer le bien que je veux dire de la communauté irlandaise, il y a une coutume irlandaise qui dit de quelqu'un qui a du charme et du talent: "He has touched the blarney stone", je pense que je peux dire de tous les Irlandais du Québec que, en ce qui me concerne et pour les connaître très bien, ils ont tellement de charme et de talent que je crois, sans crainte de me tromper, que tous et chacun d'entre eux ont pu toucher ou embrasser cette fameuse "blarney stone", cette pierre de Blarney un petit village près de Cork, en Irlande, qui leur donne beaucoup de talent et d'imagination. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président: M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: M. le Président, comme député de Sainte-Anne et avec plusieurs citoyens d'origine irlandaise - j'espère que le ministre de la Justice les respecte autant que moi - je voudrais évidemment appuyer cette résolution.

In the riding of Sainte-Anne, we have the parish of Saint Gabriel and we have the Parish of Saint Anthony. I was very proud yesterday or rather Sunday to march in the parade and not as the Minister, who was in the stands with the Irish coffee all hidden. I was marching in the cold weather along with the normal, ordinary citizens. Mr. President, I was very disappointed in the evening. There was the annual dinner and this dinner was attended by everybody of the Irish community. Hundreds and hundred of people were there. There was a head table with a representative of the Federal Government, the Ambassador of Ireland was there the City of Montreal was also represented and there was one empty seat, one empty chair, the chair for the representative of the Government of Québec. I think that is a shame. They were not even able to send this year the MNA for Vachon. I know he is the only one who has not received any mandate when they formed the commissions, but they could not even give him the mandate to go to the annual dinner and that was taken...

M. Godin: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: Pour qu'il y ait matière à privilège, M. le ministre, il faudrait que vous me disiez à quel privilège vous faites référence.

M. Godin: Le fauteuil dont fait état de façon...

Le Président: Le fauteuil auquel vous faites allusion n'est pas une matière à privilège, M. le ministre. Les questions de privilège doivent se référer à un privilège très spécifique de la Chambre ou d'un député de la Chambre.

M. le député de Sainte-Anne,

M. Polak: Mr President, I just want to continue. I was there, there was an empty chair, I have asked if the Government of Québec was invited and, yes, they were invited...

Le Président: M. le député de Sainte-Anne, est-il possible de parler de "luck of the Irish" sans se diviser? M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Mr President, if I could just... Apparently, the minister is very upset, so is the Irish Community...

Le Président: M. le député, s'il vous plaît, veuillez vous en tenir aux propos de circonstances.

M. Polak: I quote from the words of the president of the United Irish Society, Mr D'Arcy Boyle, as follows: "That remarkable quality of the Irish, a combination of hope, confidence and imagination, enables us to cross all ethnic barriers and unite all our fellow citizens for at least one day a year. How wonderful it would be if that unity could prevail the rest of the year?

Mr President, let us hope for the next year the Government of Québec will take this empty seat. Thank you very much.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Pierre-Marc Johnson M. Johnson (Anjou): Brièvement, étant

donné l'absence en cette Chambre, depuis un certain nombre d'années, de mon ex-collègue, Robert Burns, qui parlait toujours au nom de la communauté irlandaise, je me permettrai, compte tenu d'une partie de mes racines, d'évoquer - je vois le député d'Argenteuil qui a des racines de même nature - la présence extrêmement importante de la communauté irlandaise au Québec qui, il faut se le rappeler, s'est répartie sur l'ensemble de notre territoire au cours des siècles et qui a produit, notamment à cause du fait que majoritairement ils étaient catholiques, la première génération de ceux qui, au XIXe siècle, ont choisi dans bien des cas, à travers l'instruction, de s'assimiler à la communauté canadienne-française. C'est une chose qu'on oublie souvent quand on parle du comportement des minorités, du comportement historique des communautés ethniques au Québec.

Je voudrais dire aussi que I know that the Irish people are extremely proud people. They have showed it and they show it every year in Montreal by making one of the most remarkable parades of the Irish Community in North America. Because they are proud, because they have a sense of community, because they have a sense of values, because they want to stay together and progress together, they form for us and for all Quebeckers, I think, an example and an inspiration.

Je leur dirai, M. le Président, comme ils le disent dans leur langue, mille voeux, "Erin go bragh".

Le Président: M. le député de Verdun. M. Lucien Caron

M. Caron: M. le Président, je voudrais me joindre à mes collègues moi aussi pour offrir à toute la communauté irlandaise du Québec et principalement celle du comté de Verdun, mes meilleurs voeux à l'occasion de la Saint-Patrick qu'ils ont célébrée en fin de semaine, parce qu'ils célèbrent cela plusieurs jours, M. le Président.

Le caractère fort et volontaire des Irlandais, leur disponibilité à servir et à s'engager pour leurs semblables et surtout leur attachement au Québec en font des citoyens fort estimés et avec lesquels il fait bon vivre. Je leur souhaite de rester eux-mêmes et de conserver ce tempérament chaleureux qui est le leur.

I wish to extend my best wishes, on the Saint Patrick weekend, to the Irish citizens of my riding Québec, and I am proud to be their Representative and Member.

Je pense, M. le Président, que nous avons beaucoup à apprendre des Irlandais parce que depuis une trentaine d'années la ville de Verdun a eu l'occasion de recevoir la reine et son escorte. C'est agréable de voir ces gens-là arriver, de les voir retourner et voir avec quelle amitié ils se tiennent ensemble.

Je pense que des deux côtés de la Chambre on aurait un exemple à suivre, et même à voir la façon dont la parade s'est déroulée dimanche beaucoup d'entre nous auraient un exemple à suivre d'eux. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Vachon. M. David Payne

M. Payne: Je n'avais pas l'intention de prendre la parole, M. le Président. Mais parce que le député de Sainte-Anne voulait peut-être signaler l'absence du gouvernement du Québec, je voudrais rappeler que j'étais présent toute la journée de dimanche dernier pour représenter le gouvernement du Québec et particulièrement le ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. Il m'a fait plaisir de refaire mes connaissances et mes amitiés avec la communauté irlandaise, venant moi-même d'une grand-mère du comté de Wicklow en Irlande, et d'être présent pour le gouvernement du Québec. (15 h 50)

Malheureusement, je ne pouvais pas être là le soir pour la simple raison que je devais présider la réception officielle en l'honneur de notre héros national Gaétan Boucher dans le comté de Saint-Hubert.

J'ai salué d'ailleurs le député de Sainte-Anne cet après-midi même. Peut-être ne s'en souvient-il pas, mais j'étais présent sur l'estrade, représentant le gouvernement.

En passant je dois dire que je vais continuer l'étude que j'avais commencée il y a trois ans sur l'histoire de Grosse-Île: un document que j'avais distribué à plusieurs collègues de l'Assemblée nationale raconte l'arrivée des Irlandais en 1848. Je suis actuellement au travail avec les United Societies, United Irish, and the Hibernian Society pour continuer cette même étude en hommage à la communauté irlandaise. That is the reason why I would like simply to stand up today to acknowledge and pay homage to my ancestors, the Irish community of Québec, and say that I will continue my work with United Societies and the Hibernian Society, particularly with respect to a study I started on Grosse-Île. Happy Saint Patrick's day to all the Irish community from ourselves on this side of the House and I am sure we will join everybody else in Québec as well. Thank you.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, étant donné qu'on a entendu plusieurs discours sexistes, parce qu'on entend seulement parler ceux dont le père est Irlandais, au nom de ceux dont la mère est Irlandaise et qui sont aussi à moitié irlandais que ceux dont seulement le père est Irlandais, mais dont la mère est Canadienne-française et Québécoise, j'aimerais dire que je me sens aussi un peu partie à la fête, parce que, du côté de ma mère, l'origine était irlandaise. Je dois dire qu'après avoir étudié l'histoire de l'Irlande, j'ai remarqué qu'elle ressemble beaucoup à l'histoire des Québécois. Cela a été essentiellement, pendant 200 ans, tant pour les Irlandais que pour les Québécois, une bataille pour l'existence comme peuple. Finalement, au début du XXe siècle, les Irlandais ont pu retrouver leur autonomie en Irlande malgré toutes les difficultés et les persécutions de toutes sortes qu'ils ont vécues au cours des années pendant lesquelles ils ont été dominés par l'Angleterre.

M. le Président, c'est pourquoi, je pense, il n'y a pas une communauté qui est à même de comprendre autant les aspirations des Québécois puisque les Québécois, au fond, aspirent à la même chose que les Irlandais ont obtenue au début du XXe siècle, la reconnaissance d'une patrie pour leur peuple où ils vont être reconnus à part entière. Je suis persuadé que, par-delà les océans, l'Irlande et le Québec ont beaucoup en commun. Ils ont une histoire commune. Ils ont eu le privilège d'avoir le record des missionnaires dans le monde comme Québécois et comme Irlandais puisque, dans les principaux pays du monde où il y avait des missionnaires catholiques, c'étaient des missionnaires irlandais ou des missionnaires québécois.

L'histoire de ces deux peuples est une histoire qui a été beaucoup associée. Il n'est pas surprenant qu'au Québec, un beaucoup plus grand nombre d'Irlandais et de Québécois se soient mariés quand, dans le fond, on connaît les difficultés qu'il y a eu dans le passé pour être associés par le mariage, puisqu'il fallait être de la même religion; en même temps peut-être que la lutte pour la survie comme peuple a fait en sorte qu'on a connu, au Québec, un grand nombre de mariages entre Québécois et Irlandais. Aujourd'hui, plusieurs d'entre nous qui ne portons pas un nom irlandais, sommes à 50% de sang irlandais. C'est pour cela que, quand on me dit parfois que les Irlandais sont des gens bouillants qui veulent se battre avec amour pour leur patrie, je peux vous dire que je me reconnais fièrement en eux et je souhaite, pour les Québécois, la même arrivée que pour l'Irlande au début du XXe siècle. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Président: La motion du député de Robert Baldwin est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Sainte-Marie.

Soutien à la campagne Caravane et pétitions pour la paix

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, je voudrais solliciter le consentement des membres de cette Chambre pour présenter une motion sans préavis qui se lit comme suit: "II est proposé que l'Assemblée nationale apporte son soutien à la campagne Caravane et pétitions pour la paix, qui vise à recueillir des milliers de signatures en vue d'amener le Parlement fédéral à revoir sa position en matière d'armement nucléaire."

Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion d'une telle motion?

Une voix: Consentement.

Le Président: II y a consentement. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, il est rare qu'on ait la possibilité dans cette Chambre de parler de questions qui se rattachent à la paix et au désarmement nucléaire. Il est, bien sûr, plus évident que ces questions doivent, d'abord et avant tout, se traiter au niveau du Parlement fédéral.

Par ailleurs, il s'agit de causer avec les citoyens du Québec pour se rendre compte que les préoccupations sont de plus en plus constantes et soutenues dans la population en regard de toute cette menace nucléaire qui a cours actuellement et que, plus particulièrement, les récents essais du missile Cruise, que les groupements pacifistes canadiens n'ont pu empêcher, ne sont pas susceptibles d'atténuer les inquiétudes du peuple québécois et du peuple canadien.

Il faut donc souligner, selon moi, M. le Président, chaque fois qu'on en a l'occasion, toutes les initiatives susceptibles de nous faire regarder de plus près cette question du désarmement nucléaire et de la marche vers la paix. Un certain nombre de groupes se sont impliqués l'an dernier par une grande marche pour la paix qui a connu autant de succès au Québec que dans l'ensemble des provinces canadiennes.

La mission de paix entreprise par le premier ministre canadien mérite l'appui de chacun et de chacune des citoyens et citoyennes qui se préoccupent de ces

questions.

De la même façon, M. le Président, le Conseil du travail du Canada, appuyé dans ce sens par un certain nombre de groupes syndicaux, de représentants de groupes religieux, de représentants de groupes de femmes, de représentants de groupes pacifistes, a lancé cette campagne Caravane et pétitions pour la paix la semaine dernière. Ce mouvement pancanadien se déroulera dans tout le Canada. Ici plus particulièrement au Québec, vendredi dernier, un regroupement de mouvements québécois a commencé à suivre cette caravane en faisant signer des pétitions pour la paix.

Je voudrais souligner que ces revendications auxquelles seront appelés à participer chacun et chacune des citoyens et des citoyennes se dérouleront jusqu'au 20 octobre l'an prochain environ et que le texte de la pétition prévoit quatre points que je voudrais vous mentionner rapidement, M. le Président: premièrement, on va demander l'abandon des essais des missiles Cruise au Canada et l'arrêt de la recherche, de la fabrication, des essais et du transport des armes nucléaires ou de leurs composantes; deuxièmement, on va demander que le Canada soit désigné comme zone libre d'armement nucléaire et la participation active du Canada à la désescalade de la course aux armements; troisièmement, on demandera que les sommes d'argent actuellement affectées, gaspillées dans la course aux armements soient affectées à satisfaire les besoins de l'ensemble de nos citoyens et de nos citoyennes, et plus particulièrement des plus démunis d'entre nous; quatrièmement, on va demander - je pense, M. le Président, qu'il s'agit là d'une expression assez cocasse - un vote libre du Parlement d'Ottawa sur ces questions. Chaque fois que j'entends parler de vote libre dans un Parlement - cela s'appliquerait aussi bien au Québec qu'à Ottawa - cela me fait penser que le seul endroit peut-être où le vote n'est pas libre dans notre pays, c'est justement dans les institutions qui sont censées régler et légiférer pour l'ensemble des citoyens. Quatrièmement, on va donc demander un vote libre sur ces questions. (16 heures)

II ne serait pas inutile de rappeler que participeront à l'organisation de ce programme Caravane et pétitions pour la paix des groupes différents, d'horizons différents, d'idéologie différente, mais qui vont se regrouper pour les circonstances autour de cette question importante. La semaine dernière, au lancement pour le Québec, il y avait la vice-présidente de la Conférence mondiale des religions pour la paix, un représentant du Conseil du travail du Canada, de la FTQ, de la CSN, de la

CEQ, des représentants de comités de parents de la région de Montréal, des représentants de regroupements de personnes âgées, des représentants de l'Église unie du Canada, des représentants d'associations d'étudiants universitaires, l'Union des artistes, le Conseil québécois pour la paix, des représentants de Green Peace, enfin, M. le Président, je ne vous ferai pas la liste complète des participants. On voit que c'est un regroupement qui représente des gens d'horizons et d'idéologies différents, mais qui se regroupent sur cette question afin de sensibiliser davantage les citoyens à l'urgence qu'on appuie sous toute forme possible ce qui se fait à tous les niveaux.

Dans ce sens, pensons à la mission de paix entreprise par le premier ministre canadien dans le monde. Cette pétition n'arriverait pas à un meilleur moment pour épauler son action pour autant, évidemment, que le gouvernement canadien, le Parlement canadien endosse chacune des actions et soit cohérent et conséquent avec les actions entreprises. Je terminerai en rappelant que devant cette Chambre, au-delà du soutien qu'aujourd'hui nous pouvons apporter comme parlementaires à cette initiative pancanadienne, il y a un projet de loi qui devrait permettre aux parlementaires québécois de se prononcer sur des questions identiques, un projet de loi qui est le projet de loi 194 que j'ai déposé en novembre et qui est une loi applicable au Québec seulement, interdisant la production, l'entreposage, le commerce et l'utilisation d'armes nucléaires.

Si le Parlement voulait, au-delà du soutien qu'il peut apporter aujourd'hui, voter ce projet de loi, cela pourrait finalement être davantage concret que l'appui moral que l'on peut fournir aujourd'hui. Cela permettrait peut-être aussi aujourd'hui au ministre délégué à la Science et à la Technologie de s'assurer que le virage technologique sera orienté vers la paix.

Le Président: M. le ministre de la Science et de la Technologie.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: II y a des moments, la plupart du temps très rares et très restreints en cette Assemblée nationale, où on peut s'élever au-delà des lignes de parti sur des questions vitales qui nous concernent tous et qui concernent l'avenir de tous les peuples. Au nom de notre groupe parlementaire, j'aimerais m'associer à la motion du député de Sainte-Marie, qui va exactement dans le sens des orientations du programme politique de notre formation, qui est le seul parti politique actuellement à avoir préparé un chapitre qui s'intitule très justement "La promotion de la paix". Cette question fait

actuellement l'objet de débats dans les régions du Québec et au sein d'un certain nombre de comités de notre parti, parce qu'il est temps que les Québécois et que l'ensemble des citoyens de la planète se préoccupent de notre avenir collectif en ce qui concerne la promotion de la paix.

Il me fait plaisir d'appuyer cette caravane et pétitions pour la paix ainsi que l'objectif qu'elles sous-tendent, soit essentiellement contrer l'escalade dans le domaine de la production de l'armement nucléaire. Je pense qu'il est bon de souligner, même si le Canada - puisque ce n'est pas encore une responsabilité du Québec - n'est très certainement pas la principale puissance militariste du monde, qu'à côté des offensives de paix, il a augmenté en trois ans, ces trois dernières années, son budget de défense de 55%, y compris le dernier budget fédéral qui a augmenté le budget de défense de 15%. C'est là le poste de dépenses à Ottawa qui a augmenté le plus rapidement. Je vous signalerai qu'on en paie une partie, qu'on paie 25% de ces dépenses fédérales. Je pense qu'il est important, compte tenu de la tradition pacifiste du peuple québécois, que nous appuyions cette caravane et ces pétitions pour la paix.

Sur le plan mondial, l'ensemble des États dépensaient 750 000 000 000 $ en 1982, soit 1 000 000 $ par minute pour les armements. Et je vous signalerai que c'est exactement le double de ce qu'on dépense dans le domaine de la santé. C'est probablement l'investissement - on devrait plutôt parler de "désinvestissement" - le plus coûteux, à la fois pour les pays producteurs d'armements - parce que plusieurs études démontrent qu'on peut créer en moyenne deux fois plus d'emplois pour la paix que d'emplois dans l'industrie de l'armement -mais en même temps combien coûteux pour les pays du tiers monde qui utilisent ces armes, contribuant ainsi à accroître la distance ou le fossé économique qui sépare de plus en plus les pays développés des pays en voie de développement.

En conclusion, je pense que cette Assemblée nationale, au-delà des partis politiques, au-delà des options politiques, doit apporter son soutien le plus concret possible, non seulement en paroles comme nous le faisons aujourd'hui, mais par des gestes, par les budgets qu'elle vote, de façon à éviter que la science et la technologie soient détournées de leurs fins pacifiques et servent au développement et à l'escalade de l'armement, et à l'escalade nucléaire en particulier. Je pense que cette Assemblée nationale doit témoigner son appui à l'ensemble des groupes, des militants et des militantes qui oeuvrent, non seulement au Québec mais dans d'autres pays et dans le reste du Canada, à la promotion de la paix.

Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de notre groupe parlementaire, de m'associer à la motion du député de Sainte-Marie. Comme citoyenne du monde et peut-être davantage comme citoyenne de ce pays, il m'apparaît important, au moment où les grandes puissances sont engagées dans une course accélérée vers des armements de plus en plus sophistiqués et dont, le plus souvent, ce sont les nations les plus pauvres et les individus les plus faibles qui en font les frais... il nous fait plaisir, dis-je, de nous associer à cette motion en faveur de la promotion de la paix. Je ne voudrais surtout pas ici m'engager dans un débat politique sur tous les mouvements pacifistes qui, on le sait, à maintes occasions sont critiqués dans l'opinion publique. Je pense qu'il est important, le geste que nous posons aujourd'hui ou du moins que je veux poser au nom de ma formation politique, de faire appel à chaque individu afin qu'il se sensibilise aux dangers qui menacent l'ensemble de l'univers et surtout les générations à venir.

M. le Président, souvent, devant ces problèmes d'armement et de production d'armes, on fait valoir l'argument de la création d'emplois. J'aimerais ici simplement rappeler quelques statistiques que j'ai relevées dans le Devoir du 31 mars 1983. Selon ce journal, 604 000 emplois dans la seule région de Montréal dépendent de la production militaire. Ce qui n'apparaît pas dans nos quotidiens, c'est le fait que, dollar pour dollar, l'industrie militaire fait piètre figure par rapport à la plupart des autres industries. D'après les données des États-Unis - le Bureau of Labor Statistics - pour 1 000 000 000 $, on crée 76 000 emplois dans l'armement comparativement à 92 000 dans le secteur du transport, à 100 000 dans la construction et 132 000 dans le secteur de la santé. Je veux attirer l'attention ici de tous ceux qui, dans les différents Parlements, à cause des fonctions qu'ils occupent, doivent prendre des décisions concernant les priorités qu'ils veulent établir, et leur demander de se rappeler que, de plus en plus, les destinées de chacun des citoyens du monde sont intimement reliées et que chacun des gestes qui sont posés individuellement par un pays ont de plus en plus de répercussions sur d'autres pays. Dans ce sens-là, on ne peut se dissocier de tous les mouvements qui, sincèrement et non pas peut-être comme dans certains cas, pour des fins politiques moins avouées, poursuivent vraiment le but

du mieux-être ou veulent travailler vraiment au mieux-être de leurs concitoyens. (16 h 10)

En terminant, je rappellerai simplement que les membres des Parlements, ceux qui gouvernent les différents pays, ont une responsabilité première mais que la paix ou la promotion de la paix doit d'abord se faire par chaque individu, dans la mesure où chacun est conscient, dans sa vie personnelle, de cette nécessité d'être en paix avec lui-même, dans sa famille, avec ses voisins, avec sa communauté en général. Je dirais même que, dans un Parlement comme le nôtre, où nous sommes très pacifiques, finalement, il nous arrive même d'avoir des écarts, compte tenu des formations politiques différentes et des objectifs différents que l'on peut poursuivre. Je pense que toute paix durable doit d'abord être assise sur un désir profond et sincère et sur la conviction de chacun des individus qu'il a un rôle à jouer dans sa vie personnelle et dans la vie communautaire eu égard à cette promotion de la paix.

M. le Président, encore une fois, nous nous associons à cette motion et souhaitons, à l'occasion de cette motion, que chacun s'accorde quelques moments de réflexion et se pose peut-être quelques questions à savoir quels gestes concrets il peut faire dans le sens de la promotion de la paix. Merci, M. le Président.

Le Président: La motion de M. le député de Sainte-Marie est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Adopté. Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, je voudrais donner un avis indiquant que, jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, aujourd'hui, la commission des affaires sociales se réunira à la salle 80, afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 60, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives.

Il y a également un avis indiquant que, mercredi, demain matin, de 10 heures à 13 heures, cette même commission poursuive toujours l'étude détaillée du projet de loi 60.

Le Président: Je voudrais, pour ma part, donner l'avis suivant: Que la commission de l'Assemblée nationale se réunira vers 16 h 30 à la salle 101-B. Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: À ce stade-ci de nos travaux, M. le Président, j'aimerais faire un rappel au règlement qui débouchera sur une demande de directive. Il s'agit des règles de procédure qui touchent les commissions parlementaires qui entendent ou qui invitent des organismes intéressés à s'exprimer sur un projet de loi qui est déféré en commission parlementaire, après la première lecture. On sait que l'article 118a de l'ancien règlement, donc du code Lavoie, se lisait comme suit: "Lorsqu'un projet de loi est envoyé à une commission élue après la première lecture, avis doit être donné par le secrétaire des commissions dans la Gazette officielle du Québec. Après cet avis, les personnes ont un délai de trente jours pour déposer au Secrétariat des commissions 100 exemplaires de leur mémoire, accompagnés d'un bref résumé. Après ce délai, le secrétaire des commissions fait parvenir à chaque membre de la commission un exemplaire des mémoires et des résumés". Je vous fais grâce de la lecture des dispositions de l'article 161 de nos nouvelles règles de procédure. Essentiellement, elles reprennent à peu près les mêmes points.

Je m'arrête à la lecture de cet article 118a de l'ancien règlement parce qu'il s'agit d'un rappel ou d'une publication qui a été publiée dans le journal Le Devoir du 22 février 1984 et qui s'intitule: "Le 16 mars, date limite pour le dépôt des mémoires sur le projet de loi 58". C'est le projet de loi sur le droit des biens. On voit qu'il s'agit d'un rappel qui est signé par M. François Côté, du Secrétariat des commissions, indiquant que le 16 mars est la date limite pour le dépôt des mémoires sur le projet de loi 58. Mais - et c'est là l'objet de ma demande de directive qui portera sur cette partie de la publication - c'est que dans la même page d'annonce, on retrouve une demande signée par le ministre de la Justice d'alors, le leader du gouvernement aujourd'hui, M. Marc-André Bédard, libellé comme suit et je cite: "Tous ceux qui ne peuvent participer à cette commission parlementaire mais qui veulent tout de même émettre une opinion peuvent le faire en écrivant directement au ministre de la Justice à l'adresse suivante." Là, on a inscrit l'adresse du ministère de la Justice. "Cette annonce a été retenue et payée par le gouvernement du Québec, ministère de la Justice, direction des communications."

La demande que je vous fais, M. le Président, est à l'effet de savoir si cette pratique est acceptable en vertu soit de nos anciennes ou de nos nouvelles règles de procédure, car il nous semble qu'il était clair qu'il fallait que ce soit au Secrétariat des commissions, et là seulement, que soient acheminés les mémoires. Justement, quand on pense à la distribution des mémoires aux membres de l'Assemblée nationale, comment

pourrons-nous nous assurer, nous, de l'Opposition - j'imagine que cela s'applique aux députés ministériels d'arrière-ban également - que les mémoires ou les expressions d'opinions qui auraient pu être communiqués directement au ministre de la Justice d'alors et à son successeur maintenant seront à la disposition de l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale?

Donc, M. le Président, j'aimerais que vous statuiez sur cette question de façon que, premièrement, on reconnaisse si cette pratique ou cette façon de procéder a été régulière et, s'il devait arriver que vous décidiez qu'elle ne l'était pas, qu'on ne recommence plus.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Sur la question de règlement de mon collègue de l'Opposition, je voudrais dire que ce qui a effectivement été ajouté au niveau de l'avis réglementaire, ce qui a effectivement été lu par le leader de l'Opposition constituait l'initiative d'un fonctionnaire de bonne foi. Personnellement, je me suis fait un devoir de rappeler à l'instance en question que mon opinion était que les avis devaient continuer de paraître selon la forme usuelle. Il est clair que les représentations faites par le leader de l'Opposition me semblent bien fondées; à ce moment-là, cela créerait beaucoup de difficulté à l'Opposition pour savoir quels sont les avis qui ont été acheminés au ministre plutôt qu'au Secrétariat des commissions. Ce doit être considéré comme étant une initiative qui ne se renouvellera pas.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, j'accepte volontiers les explications de l'ex-ministre de la Justice, mais, dois-je comprendre de votre silence que vous êtes d'accord avec cette belle unanimité voulant qu'à l'avenir cette pratique ne devra pas être utilisée?

Le Président: Mon silence vient du fait que vous ne m'avez pas encore laissé le temps de parler. Puisque vous voulez connaître ma perception des choses, je vous dirai qu'en effet, lorsque j'ai vu cette annonce dans le journal, j'en ai été quelque peu étonné et j'ai transmis cet étonnement au ministre de la Justice en lui soulignant que la direction des communications d'un ministère n'a pas - c'est ce sur quoi nous sommes tous d'accord, d'après ce que je comprends - à se substituer au Secrétariat des commissions de l'Assemblée nationale et à faire paraître soit un avis, soit un rappel concernant les travaux d'une commission parlementaire ou à indiquer à des personnes, des groupes ou des organismes qui auraient été susceptibles de s'intéresser à la commission, une autre voie par laquelle ils pourraient s'adresser directement au gouvernement. En d'autres mots, je pense que, de toute évidence, la direction des communications ou la personne de ce service qui a pris cette initiative l'a fait en méconnaissance de notre système parlementaire qui veut que, lorsqu'il s'agit d'une commission parlementaire, donc une institution de l'Assemblée nationale, qui a à entendre des mémoires, il appartient à l'Assemblée nationale de publier les avis et c'est à la commission et au Secrétariat des commissions que doivent parvenir les mémoires, ce qui n'empêche évidemment pas tout gouvernement de tenir de son côté, indépendamment de tout cela, des auditions s'il le veut par la voie d'un ministre ou de hauts fonctionnaires. Dès lors qu'il s'agit de l'Assemblée nationale, il est bien évident qu'il faut respecter les dispositions du règlement, ce d'ailleurs sur quoi nous sommes, de toute évidence, d'accord. (16 h 20)

M. Gratton: M. le Président, je vous remercie de ces précisions quant à l'avenir. Quant au cas spécifique de cette invitation que faisait le ministre de la Justice, est-ce qu'il peut nous dire à ce moment-ci, en vertu de l'article 86 - si on me le permet -s'il a reçu des mémoires à la suite de cette invitation? Si oui, dans quel délai les députés de l'Opposition pourront-ils en prendre connaissance?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, je vais prendre avis de la question fort à propos du leader de l'Opposition, m'informer auprès du ministre de la Justice et essayer de lui fournir la réponse le plus rapidement possible.

M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Sainte-Marie.

Recours à l'article 86

M. Bisaillon: Une question en vertu de l'article 86 qui s'adresse au leader du gouvernement. Je me référais tantôt, au moment de la discussion sur la motion sans préavis que j'ai faite, au projet de loi 194 -projet de loi au nom des députés - qui est inscrit actuellement au feuilleton. Est-ce que le leader du gouvernement a l'intention d'innover dans ses nouvelles fonctions en faisant en sorte que les projets de loi au

nom des députés soient finalement appelés à la discussion de l'Assemblée nationale un jour? Est-ce qu'il est prêt, par exemple, à faire une discussion "un, deux, trois", comme il nous l'a si bien démontré depuis son entrée en fonction, du projet de loi 194 qui porte, je le répète, sur toute la question de l'armement nucléaire en ce qui concerne le territoire québécois?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président ce n'est pas une question d'innovation mais simplement une question d'ordre dans nos travaux législatifs. J'ai constaté, comme tous mes collègues, qu'il y avait effectivement un projet de loi avec le contenu dont parle le député de Sainte-Marie qui figure à notre feuilleton. Il y a également de nombreux autres projets de loi. Nous verrons quelle est la priorité que nous aurons à accorder comme gouvernement.

Je pense que déjà, aujourd'hui, le fait d'avoir consenti au dépôt de la motion faite par le député de Sainte-Marie, de nous y être associés, montre très clairement notre souci de la promotion de la paix.

Le Président: Ce qui nous mène donc aux affaires du jour.

Il n'y a pas d'affaires prioritaires, de débat d'urgence, de débat sur les rapports des commissions.

Autres affaires inscrites au feuilleton, M. le ministre des Finances.

Crédits pour l'année se terminant le 31 mars 1985

M. Parizeau: M. le Président, un message du lieutenant-gouverneur, signé de sa main.

Le Président: Veuillez vous lever, s'il vous plaît;

L'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec transmet à l'Assemblée nationale les crédits pour l'année financière se terminant le 31 mars 1985, conformément aux dispositions de l'article 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique 1867, et recommande des crédits à la considération de la Chambre.

M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer en deux copies les crédits pour l'année 1984-1985.

Le Président: Document déposé. M. le leader du gouvernement.

Projet de loi 67 Adoption

M. Bédard: M. le Président, je sollicite le consentement de l'Opposition ainsi que du député de Sainte-Marie afin que le ministre des Finances puisse présenter à cette Assemblée le projet de loi 67, Loi no 1 sur les crédits 1984-1985. Je sollicite également le consentement afin que l'on puisse procéder à l'adoption du principe, à l'étude détaillée en commission, à la prise en considération du rapport de la commission et à l'adoption du projet de loi au cours de cette même séance. Autrement dit, la formule "un, deux, trois" dont parlait tout à l'heure le député de Sainte-Marie.

Le Président: Y a-t-il ce double consentement de l'Assemblée? Consentement. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, ce projet de loi a pour objet d'autoriser le gouvernement à payer sur le fonds consolidé du revenu une somme de 173 476 683,33 $, représentant un douzième des crédits du programme Prestations d'aide sociale du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et un quart des crédits du programme Sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris du même ministère. Cette somme apparaît au budget des dépenses du Québec pour l'année financière 1984-1985.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 2 du feuilleton.

Le Président: Si vous n'y voyez pas d'objection, on va quand même adopter le projet de loi. Même s'il y a eu consentement pour franchir les étapes, encore faut-il effectivement les franchir. L'Assemblée accepte donc de se saisir de ce projet de loi et accepte donc, si j'ai bien compris, le consentement de tantôt d'adopter son principe, de consentir à son étude détaillée en commission, à la prise en considération du rapport et à son adoption finale.

Des voix: Consentement.

Le Président: Le projet de loi est adopté.

J'en profite pour signaler qu'il y aura sanction royale, ce soir, à 20 heures, du projet de loi 64 et, vraisemblablement, de ce projet de loi également.

M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 2 du feuilleton.

Projet de loi 48

Reprise du débat sur la prise

en considération du rapport

de la commission

Le Président: Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, sur les amendements proposés. Il s'agit du projet de loi 48. La parole est au leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, j'avais simplement demandé l'ajournement du débat, mais c'est Mme la ministre déléguée à la Condition féminine qui prendra la parole.

Le Président: La parole est effectivement à Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Denise Le Blanc-Bantey

Mme Le Blanc-Bantey: Merci, M. le Président. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps d'être ici la semaine dernière, lors du débat et lors du discours de certains membres de l'Opposition, mais j'ai lu attentivement les remarques que je qualifierai de passionnées du député de Nelligan. Honnêtement, en lisant ses remarques, je n'ai pu que conclure, qu'involontairement sans doute, le député de Nelligan nous demande de suivre l'exemple légendaire de l'empeur Néron. J'ai l'impression qu'il veut qu'on turlutte pendant que les technocrates, à Ottawa, démolissent l'industrie de la pêche que, de peine et de misère, on a réussi à bâtir au Québec depuis quelques années; on a commencé tout au moins.

J'ai l'impression, entre autres, que le député de Nelligan et d'autres députés de l'autre côté nous disent: Occupez-vous des petits poissons des chenaux et, pendant ce temps, à Ottawa, on s'occupera des choses de la ligue majeure. Je me permets très modestement de dire que c'est faire preuve d'une naïveté inqualifiable et c'est ignorer aussi le dossier des pêches.

Pourquoi le gouvernement du Québec veut-il affirmer son autorité en matière de gestion et d'administration des pêches? Pourquoi voulons-nous établir un certain nombre de pouvoirs dans ce domaine? S'agit-il, comme le prétend, entre autres, le député de Nelligan, d'une bataille abstraite et stérile? Je pense qu'il serait peut-être temps qu'on parle de ces choses concrètement. Parlons, comme le souhaite, entre autres, le chef ressuscité du Parti libéral, de l'économie.

Puisque le passé est souvent garant de l'avenir, parlons aussi un peu du passé. Il y a 20 ans, les grands spécialistes à Ottawa, pour lesquels nos amis d'en face ont tant d'admiration, ont autorisé des chalutiers hors golfe à exploiter le sébaste dans nos eaux. Cette exploitation a continué durant dix ans, douze ans, quinze ans, au point où il y a eu surpêche de cette espèce. Je ne suis pas la première à le mentionner en cette Chambre, mais je pense que c'est important de le rappeler. Résultat de tout cela: en 1976, la Gorton Pew a fermé son usine aux Îles-de-la-Madeleine; les politiques d'Ottawa l'avaient rendue non rentable. Alors, on a mis fin à l'exploitation du sébaste dans le golfe par les chalutiers de l'extérieur. On a décidé, après que l'eau eut été coupée, de fermer le robinet.

Mais 1981 arrive et, à peine la situation un peu équilibrée, Ottawa ouvre encore le robinet. Cette année-là, les chalutiers hors golfe ont eu le droit de pêcher 1500 tonnes de sébaste dans nos eaux. L'année passée, c'était 5000 tonnes et, cette année, ils auront le droit de pêcher 10 000 tonnes. Dès 1986, c'est à 15 000 tonnes que ces chalutiers hors golfe auront droit selon -si cela continue - les diktats d'Ottawa et les prises de sébaste par les chalutiers hors golfe atteindront 20 000 tonnes en 1988. Voilà une bonne raison, M. le Président, compte tenu de l'expérience passée que nous avons vécue, entre autres, aux Îles-de-la-Madeleine qui, à elle seule, justifierait notre volonté d'exercer notre autorité en matière de gestion. La vérité, c'est qu'avec la gestion des spécialistes - comme ceux, encore une fois, que l'on admire tant de l'autre côté - notre industrie de la pêche risque à moyen terme de ne plus exister au Québec. (16 h 30)

Pourquoi voulons-nous établir des contrôles dans ce domaine? L'Opposition se souvient sans doute de la bataille qu'elle a menée l'an dernier dans le dossier de Madelipêche. Que le Québec prenne le contrôle de Madelipêche, elle trouvait que c'était encore une fois ridicule, que c'était un geste stérile et, grâce à cette complicité plus ou moins avouée, M. De Bané, a retardé l'émission des permis à nos chalutiers, ce qui a privé une très grande majorité de nos travailleurs et de nos travailleuses dans ces usines de plusieurs semaines de pêche.

Qu'en est-il au juste de la situation aujourd'hui à Madelipêche, M. le Président? Je pense encore là qu'il serait bon d'en parler. Lorsque nos administrateurs ont pris le contrôle de cette usine, par exemple, du côté syndical, il y avait des centaines de griefs qui traînaient dans le décor depuis plusieurs années. Aujourd'hui - je répète

encore une fois que ce sont des griefs provenant en grande majorité de travailleuses - tous ces griefs, sans exception, ont été réglés. Il y a donc un assainissement en ce qui concerne les relations du travail.

À Madelipêche, sous l'ancien régime où les amis de M. De Bané faisaient la pluie et le beau temps, on ne se souciait guère non plus des besoins du marché. Aujourd'hui, on fonctionne selon les normes du marché. On a augmenté l'efficacité. On a maintenu les emplois et on en a créé de nouveaux.

Le bilan de l'année 1983 n'est pas encore complété à Madelipêche, mais j'ose dire ceci: En dépit du retard causé par M. De Bané, en dépit de difficultés de démarrage, cette société terminera son année financière d'une façon très honorable. Nos pêcheurs, nos travailleurs et nos travailleuses ne vivent plus dans l'insécurité depuis que le gouvernement du Québec en a pris le contrôle.

Ceci étant dit, M. le Président, le projet de loi 48, est-ce toujours une vaine bataille constitutionnelle? Quant à moi, je ne réponds pas. Au contraire, c'est un geste de départ et de recommencement, tel que je l'avais évoqué à cette Chambre il y a presque quatre ans lors d'un autre débat concernant le domaine des pêches maritimes.

On peut même se permettre d'être plus clair. J'ai dit cela, mais je vais le répéter. Les pêcheurs québécois sont chez eux dans le golfe. Je sais que la question du golfe préoccupe beaucoup le député de Nelligan. Même les provinces maritimes, faut-il le répéter, lors d'une conférence à Halifax, en 1964, ont accepté un découpage qui nous donnait une compétence à 60% de la superficie du golfe. Ce découpage fut approuvé par les libéraux du temps à Québec, en 1964. Il me semble donc qu'il n'y a rien d'abstrait, qu'il n'y a rien de séparatiste, comme se plaisent à le dire les gens d'en face, dans notre volonté d'assumer nos droits.

Je dois même dire que j'ai constaté que les révolutionnaires tranquilles des années soixante étaient beaucoup moins nerveux que les libéraux qui nous font face aujourd'hui à l'Assemblée nationale.

Il y a quelques instants, je faisais référence à un discours que j'ai déjà prononcé à cette Chambre au printemps 1980. Nous avions demandé aux Québécois d'avoir la volonté et le courage de se prendre en main. Je citerai, en terminant, deux phrases de ce discours qui, encore une fois, me paraissent tout aussi pertinentes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient à l'époque. "Au moment de larguer les amarres, M. le Président, il se trouve naturellement des gens qui sont nerveux, qui ont peur. On peut les comprendre. Mais il serait désastreux, dans le débat que nous vivons aujourd'hui, de nous comporter, comme nous le demandent les gens d'en face, en marins d'eau douce. Les vrais capitaines, les vraies femmes et les vrais hommes de la mer, ceux que je rencontre quotidiennement, ne craignent pas ce geste de départ et de recommencement." Je le répète, ces paroles, encore une fois, s'appliquent parfaitement au projet de loi 48. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: Merci, M. le Président. M. le Président, faut-il rappeler à ceux qui nous écoutent que nous sommes à prendre en considération le rapport de la commission qui a étudié le projet de loi 48. Vous vous rappellerez sans doute que nous avons étudié ce projet de loi immédiatement avant Noël. Devant l'intransigeance du gouvernement et, plus particulièrement, devant celle du ministre responsable de ce dossier, le gouvernement s'est trouvé embarrassé puisque même le ministre, ne voulant pas collaborer avec ses collègues, a dû avouer qu'il ne pouvait faire adopter ce projet de loi avant Noël, d'autant plus, M. le Président, que nous, nous avions proposé de l'adopter avant Noël à une seule condition, soit que le ministre accepte d'entendre en commission parlementaire les gens du milieu, les gens de la Gaspésie, les gens de la Côte-Nord, les gens qui sont concernés par le problème des pêches. Or le ministre, qui a toute la vérité, a refusé ces demandes et nous nous retrouvons ici maintenant, trois mois plus tard, pour recommencer cette étude du projet de loi. Trois mois plus tard, on se retrouve avec le même cabinet, dans son ensemble, avec le même parti au pouvoir, avec le même projet de loi et avec les mêmes arguments fallacieux.

Je viens d'écouter la ministre à la Condition féminine et je dois avouer que je préfère de beaucoup le ton de ses paroles que le ton qu'a adopté le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, mardi dernier, alors que nous avons recommencé à étudier ce projet de loi et lorsque nous avons fait recommencer le débat sur la prise en considération du rapport de la commission. Je me suis posé la question, mais est-ce que le ministre a compris que nous tous ensemble nous venons d'adopter de nouveaux règlements pour favoriser une réforme parlementaire? A-t-il compris que, dorénavant, le public qui, lui, comprend peut-être plus ou moins toutes les subtilités de cette réforme parlementaire, s'attend à avoir des discours plus sérieux à l'Assemblée nationale? De toute évidence, je me suis dit, en écoutant le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qu'il n'avait absolument rien

compris, puisqu'il nous a déballé un tas d'arguments, un tas de bouffonneries, il nous a parlé de radioactivité, il nous a parlé d'obus dans le lac Saint-Pierre, il nous a parlé de pollution des Grands Lacs, enfin, il nous a parlé à peu près de tout excepté des arguments qu'il aurait dû mettre de l'avant pour tenter de nous convaincre et pour tenter de convaincre la population du bien-fondé de son projet de loi.

On se retrouve avec le même projet de loi. On se retrouve avec le même ministre et on se retrouve avec les mêmes arguments fallacieux. On se retrouve également avec la même façon de procéder du ministre, avec des arguments ad hominem, c'est-à-dire pour tenter d'attaquer des individus, qui ne pensent pas comme lui. On sait tous que c'est un procédé utilisé par ceux qui manquent d'arguments, qui ne cherchent pas à convaincre la population et qu'en ce faisant, on essaie de diminuer l'adversaire. Ainsi, le ministre s'en est pris au député de Nelligan en disant ceci: Mais comment un député de Montréal peut-il comprendre toute la dynamique et toute la conjoncture de l'économie de l'industrie du poisson sur la Côte-Nord et en Gaspésie? Ce procédé est petit et mesquin. Il nous faut le dénoncer parce que, s'il y a un député qui est à l'écoute de la population, s'il y a un député qui est allé sur la Côte-Nord et en Gaspésie pour entendre ce que les gens de la Gaspésie et de la Côte-Nord ont à dire, c'est bien le député de Nelligan. S'il fallait conclure que les députés qui habitent Montréal ne comprennent rien à la Gaspésie ou à la Côte-Nord et à toutes les régions du Québec, sachant qu'il y a cinq ou six ministres qui habitent mon comté d'Outremont, le ministre de la Justice, le ministre du Commerce extérieur, le ministre des Affaires sociales, le ministre des Finances, le ministre des Transports et jusqu'à M. Jacques-Yvan Morin, qui était ministre jusqu'à récemment, si le quart du cabinet du Parti québécois qui nous dirige ne comprend rien aux régions, ce n'est certainement pas une conclusion à laquelle j'aimerais arriver.

Je me demande si le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation comprend le genre d'argument qu'il utilise lorsqu'il essaie de dire que le député de Nelligan ne sait pas ce dont il parle. De toute évidence, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est un embarras pour ses collègues. Il les a embarrassés avant Noël et il les embarrasse lorsqu'il parle à l'Assemblée nationale. Il les embarrasse lorsqu'il utilise des arguments comme celui dont je viens de faire état. Les gens du milieu comprennent ce que nous faisons. Les gens du milieu savent que le député de Nelligan, que le député de Bonaventure, notre chef parlementaire ici, et que nous tous, ce que nous voulons, c'est discuter du bien-fondé du projet de loi et ce que nous voulons dénoncer, c'est l'attitude du ministre qui utilise la politique du crois ou meurs. (16 h 40)

M. le Président, nous savons tous que les façons de faire du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sont dénoncées par le public. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à regarder les sondages. Sondage après sondage, le Parti québécois a sombré et voilà que le dernier sondage qui est sorti hier nous dit que plus des deux tiers, ou à peu près, de la population n'acceptent pas cette façon de faire.

Nous savons tous que le ministre essaie de substituer à une discussion honorable, à des arguments... Au lieu d'apporter des arguments qui pourraient nous convaincre et convaincre la population du bien-fondé de ce projet de loi, il essaie d'apporter des arguments fallacieux que la population rejette. Dans ce remaniement ministériel qui a vu le ministre des Affaires municipales changer de poste à cause de la loi 38, le ministre du Revenu changer de poste à cause du projet de loi 43, le ministre de l'Éducation changer de poste à cause du projet de loi 40, on peut se poser la question à savoir si le premier ministre n'aurait pas été mieux avisé de changer le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Mais, de toute évidence, ce n'est pas nous qui prenons les décisions. Les décisions du premier ministre nous apporteront - j'en suis sûr - des sondages qui, à l'avenir, nous convaincront que le Parti libéral du Québec est celui qui prendra la relève aussitôt que ce gouvernement aura le courage de déclencher des élections.

Pourquoi le gouvernement et le ministre tiennent-ils tellement à convaincre la population sans tenir compte du point de vue de ceux qui sont concernés? Parce que ceux d'entre nous qui écoutent les gens concernés par le projet de loi savent tous quels sont les arguments qui font que plusieurs personnes ont des doutes sur la nécessité d'adopter ce projet de loi à ce moment-ci. Les gens remettent en question le double permis qui sera, sans nul doute, une tracasserie administrative tout à fait inutile. Plusieurs s'insurgent contre la réglementation excessive par laquelle le ministre tient absolument à se donner des pouvoirs. Plusieurs ont des doutes énormes sur les problèmes constitutionnels qui seront soulevés et, finalement, la population du Québec est fatiguée des chicanes fédérales-provinciales que veut alimenter le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Face à cette façon de faire du Parti québécois, nous, du Parti libéral, avons dit et

avons redit les trois objectifs dont j'aimerais faire état maintenant. Nous avons dit que nous étions solidaires pour réaffirmer les droits et les devoirs du Québec. Oui, s'il faut défendre nos droits, nous allons être là pour les défendre avec tous ceux qui se tiennent debout dans cette enceinte, mais nous avons dit qu'il était nécessaire d'arrêter les chicanes fédérales-provinciales quand il s'agit de régler des problèmes économiques qui apporteront le pain et le beurre sur la table de ceux qui sont en chômage maintenant. Nous avons dit que l'intérêt des pêcheurs passait avant ces chicanes et que nous devions les écouter si nous voulions arriver à des solutions qui seraient les meilleures pour tout le monde. C'est la raison pour laquelle je dois me rendre solidaire de l'amendement qui est apporté par mon collègue de Nelligan qui demande que la promulgation de cette loi soit reportée à un an, justement pour ne pas permettre que ces chicanes qui viendront dans l'année mettent en péril l'économie de la Gaspésie qui est si sévèrement affectée présentement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Arthabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, j'écoutais parler avant moi le député qui disait que le Parti libéral du Québec prendra la relève. J'ai peine à croire qu'ils le pensent vraiment, parce que, actuellement, ce qu'on voit, par son opposition au projet de loi 48, c'est que l'Opposition libérale s'oppose au développement économique de la Gaspésie, du Bas-du-Fleuve et des Îles-de-la-Madeleine. C'est pour cette raison que je vous dis que j'ai peine à croire que ces personnes pensent qu'elles vont reprendre le pouvoir, malgré les sondages qui viennent de sortir. Il faut comprendre pourquoi la population a voté et pourquoi elle a répondu au dernier sondage. Nous avons vécu, au Québec, la crise économique que tous les pays ont vécue. Chaque Québécois et Québécoise a souffert ou a perdu son emploi. Par contre, ce que ne disent jamais les gens en face de nous, c'est que c'est le Québec qui s'en est sorti le mieux et que c'est au Québec que l'on a récupéré le plus d'emplois perdus.

On nous parle également des problèmes que les pêcheurs auront avec l'obligation d'avoir un double permis. Par contre, les gens d'en face oublient de dire pourquoi les pêcheurs, à partir de 1983, ont été obligés d'avoir ce double permis. C'est parce que le supposé bon gouvernement d'Ottawa a mis fin à une entente qui datait de 1922 en vertu de laquelle les pouvoirs de délivrance des permis étaient délégués aux provinces. Les gens d'en face ne disent pas cela. C'est nous les fauteurs de troubles. C'est nous qui mettons les bois dans les roues de tout le monde. Par contre, ces chers collègues d'en face, qui sont le sosie même du Parti libéral du Canada, suivent sa ligne de pensée et continuent à appuyer le Parti libéral du Canada, car celui-ci pense beaucoup plus au développement économique des autres provinces qu'au développement économique du Québec.

Il faut voir également pourquoi le Parti libéral du Québec s'oppose au projet de loi 48. Si on regarde brièvement les statistiques, on constate ce que le Parti libéral, sous Robert Bourassa - qui en est redevenu le chef - a fait pendant six années dans le domaine des pêches. Quand on regarde les graphiques, cela fait un beau "V"; pas un beau "V" comme cela mais un "V" comme cela. De 1970 à 1976, pendant que Robert Bourassa était au pouvoir, les pêches ont chuté d'une façon dramatique. En 1970, on récoltait 1 167 000 tonnes métriques de poisson et, lorsque Robert Bourassa a perdu le pouvoir en 1976, on récoltait 388 000 tonnes de poisson. En 1977, lorsque le Parti québécois est arrivé au pouvoir, c'est là que nous avons pu constater la remontée des pêches au Québec. En 1982, il s'est récolté au Québec 793 000 tonnes de poisson comparativement à environ 380 000 en 1976.

Vous pouvez donc voir la remontée dans le domaine des pêches. C'est ce qui inquiète les gens d'en face. Ils ont peur que nous continuions à favoriser cette progression des pêches au Québec pour le développement économique de la Gaspésie et de tout le Bas-du-Fleuve. C'est inquiétant pour les libéraux. Mais il me semble qu'ils devraient voir d'abord, s'ils sont aussi québécois qu'ils le disent, les intérêts économiques que le Québec va retirer dans ce domaine.

Je pourrais vous parler également de ce que le gouvernement du Québec a dépensé pour doubler les pêches en-deçà de six ans. Nous avons créé des programmes adéquats dont les pêcheurs ont pu profiter. Non pas des programmes pensés ici à Québec et appliqués là-bas. On nous parle de tournées de consultation, mais les programmes de rénovation de flottes de pêche, de rénovation d'usines n'ont pas été faits seulement par le ministre, qui aurait pensé à cela un bon matin en se levant; ces programmes ont été faits après avoir consulté les pêcheurs. On a demandé aux pêcheurs de nous dire quels besoins ils avaient quelle sorte d'usines ils voulaient. Les pêcheurs se sont formé en coopératives locales pour gérer leurs usines.

Juste en passant, M. le Président, le programme sur le développement des pêches du gouvernement du Québec ne fera pas comme celui du gouvernement fédéral. La semaine dernière, les pêcheurs du village de

Saint-Maurice, qui avaient été payés par le gouvernement fédéral pour démolir leur usine parce qu'on leur avait promis d'en construire une autre, ont appris après sa démolition, par la voix du ministre des Pêches, M. De Bané, que le fédéral n'en construirait pas une autre.

Allez voir les pêcheurs au village de Saint-Maurice! Que les libéraux, s'ils se promènent tant que cela, aillent au village de Saint-Maurice. Ils constateront la colère que les pêcheurs éprouvent actuellement pour avoir été payés pour démolir leur usine tout en leur faisant croire qu'on leur en construirait une nouvelle, alors que maintenant qu'elle est à terre, on leur dit: Non, c'est fini, on n'en construira pas d'autre. (16 h 50)

Dans le domaine des pêches, la loi 48 va permettre la culture de toutes sortes de poissons. Je ne suis pas un spécialiste des pêches, je suis un député de région et chez nous, malheureusement, le poisson de qualité ne sillonne pas tellement les ruisseaux. J'ai quand même pris connaissance du projet de loi, j'ai écouté les explications du ministre en commission parlementaire et même le député de Nelligan n'a pu dénoncer ses propos.

Le ministre disait que cela se passait comme dans le secteur de l'agriculture. Au début du siècle, les agriculteurs couraient les animaux; quand ils se sont fatigués de courir, ils ont fait des enclos et ils les ont engraissés dans des enclos sans avoir à les courir. Dans le secteur des pêches, c'est exactement ce que nous voulons faire: au lieu de construire des bateaux et de courir les poissons en haute mer, puisque les autres pays le font, nous sommes aussi capables d'établir des genres d'enclos dans les fonds marins pour cultiver une multitude de crustacés, une multitude de poissons qu'on pourra élever, comme le ministre le disait la semaine dernière, juste à la porte de chez nous, ce qui veut dire aller à la pêche dans la matinée et revenir dîner à la maison. C'est cela, le développement des pêches, c'est cela que la loi 48 va permettre. Je reviens là-dessus, mais c'est ce qui fait mal aux libéraux.

Je déplore vraiment que l'Opposition ait empêché le gouvernement du Québec d'adopter cette loi avant les fêtes car on aurait déjà pu mettre en place le processus beaucoup plus rapidement que nous pourrons le faire maintenant. On persiste à vouloir empêcher le développement des pêches au Québec en opposant une obstruction systématique à ce projet de loi. Les libéraux trouvent toutes sortes d'excuses, toutes sortes d'arguments, je les entends "mémérer"...

Une voix: Oh! "Mémérer", ce n'est pas beau!

M. Baril (Arthabaska): Je les entends placoter, d'abord, si vous aimez mieux. Ils s'opposent à mes propos à leur façon. Malheureusement, cela va prendre plus de temps avant l'adoption de cette loi, mais la majorité des députés de ce côté-ci de la Chambre n'ont pas uniquement des intérêts politiques, ils ont des intérêts politiques et économiques. Nous verrons, ensemble, à faire voter la loi dans les plus brefs délais, malgré l'obstruction des libéraux.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. J'étais ici, la semaine dernière, quand le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation se moquait de nous. Il s'est moqué du député de Nelligan, du député d'Outremont en disant: Ce n'est pas vous qui connaissez l'agriculture et la pisciculture. Je me le rappelle, j'étais ici. À ce moment-là, j'ai décidé de parler sur ce projet de loi et sur la prise en considération du rapport. Il s'agit d'un projet de loi négatif, stérile, un projet de loi de confrontation: encore une fois, la fameuse guerre avec Ottawa. Ce n'est pas le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui va venir me dire sur quel projet de loi je peux parler. Je ne suis pas le seul à penser ainsi, il y en a d'autres de Montréal et même de certains comtés où on ne vit peut-être pas au jour le jour l'expérience des pêcheries, mais on peut lire un projet de loi, on peut l'étudier et se faire une opinion.

J'ai écouté le ministre et je me suis dit: Je vais intervenir là-dessus, je vais demander la permission à mes collègues pour intervenir justement afin de donner une petite leçon au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il devrait être un peu plus poli et un peu plus respectueux des droits des autres députés.

Le ministre dit qu'on ne connaît rien là-dedans. Quant à moi, je viens d'un pays qui s'appelle la Hollande où on connaît les pêcheries. On a des villes entières et des villages qui ne dépendent que de cela, on connaît les mots "pisciculture" et "aquaculture", on sait ce que cela veut dire.

Quand le ministre a parlé de créer des conditions idéales, qu'on a des chances de réussir, que si cela se fait ailleurs, on peut le faire au Québec; nous sommes d'accord avec cela, ce sont des moyens pour améliorer le sort des pêcheurs. Quand il a parlé de développement des piscicultures fermées, etc., nous sommes d'accord avec cela. Mais quand il a parlé du saumon, de l'indépendance et de la souveraineté en

disant que même le poisson va être plus heureux dans un Québec souverain. M, le Président, cela va un peu trop loin. J'étais ici quand il a parlé comme cela. Il avait presque les larmes aux yeux quand il a parlé de la souveraineté et de la pêche au saumon. Cela ne tient plus debout. C'est une des raisons pour lesquelles on a le droit de parler, d'intervenir et d'aviser la population de quoi il s'agit et d'expliquer pourquoi nous nous opposons.

On nous a demandé ce que voulait dire cette fameuse bataille de juridiction entre le fédéral et le provincial. Pourquoi toujours, qu'est-ce qu'il y a exactement? Je voudrais essayer de le dire dans une terminologie que peut-être les profanes peuvent comprendre mieux. Une étude a été faite par un expert en la matière, quelqu'un qui est un expert beaucoup plus que le ministre de l'Agriculture, M. Marcel Daneau. Elle s'intitule Le Québec et ses pêches maritimes. M. Daneau y analyse les politiques et les programmes. Il y explique à un moment donné - et même le ministre est d'accord avec cela - que le gouvernement fédéral a une autorité exclusive sur les pêcheries des côtes, de la mer et de l'intérieur. En d'autres termes, il y a un domaine de juridiction fédérale. On le sait et tout le monde est d'accord avec cela.

Il y a aussi une juridiction concurrentielle de la part de la province de Québec. Je cite encore l'étude de M. Daneau, quand il dit: "Les gouvernements provinciaux ont une juridiction exclusive sur les ressources naturelles de leur territoire ainsi que sur la propriété qui s'y trouve." Cela a beaucoup de bon sens. Il y a beaucoup d'aspects des pêcheries qui touchent justement le domaine provincial.

Je suis très content que le ministre de l'Agriculture arrive pour qu'il puisse écouter. Il va peut-être bénéficier de quelques paroles de quelqu'un de Montréal pour essayer justement de résoudre le problème, pour ne pas faire toujours la grande bataille Ottawa-Québec et être là, lui, le gros défenseur du Québec. Cela n'avance pas les choses, M. le Président.

Nous sommes là pour protéger les droits des Québécois et des Québécoises autant que vous, mais dans la raison, en cherchant une solution parce qu'on veut coopérer. C'est cela la différence entre vous et nous.

Le pauvre pêcheur qui est pris dans ces "maudits délits", parce qu'ils disent cela, ils appellent cela un conflit entre la province et le fédéral, où est-ce qu'il se trouve? M. Daneau en parle, en de belles paroles qu'un pêcheur comprend très bien et que le ministre devrait comprendre, s'il écoute: "Les pêcheurs s'adressent soit à l'État fédéral, soit à l'État provincial pour tenter d'influencer ou de faire mettre en place des programmes qui leur seraient avantageux. Souvent, ils - les pêcheurs - ne savent pas trop sur quel pied danser, connaissant mal les responsabilités propres à ces deux ordres étatiques." Je l'ai expliqué tout à l'heure. Il y a une compétence fédérale et une compétence provinciale. "Ils - les pêcheurs -se sentent coincés dans les conflits fédéraux-provinciaux qui leur échappent complètement et dont ils craignent de faire les frais."

On ne peut mieux résumer la situation dans laquelle les pêcheurs se trouvent toujours dans cette bataille juridictionnelle, constitutionnelle et de confrontation.

Comme je viens de le dire, M. le Président, on a besoin de coopération. On peut défendre nos droits en coopérant. On voudrait éviter un dédoublement du travail. Il y a des solutions à trouver pour éviter un double permis, une double réglementation, un double service de protection en main et une double inspection. Quand je dis "double", cela veut dire le même champ d'activité et de la part du fédéral et de la part du provincial.

Tout à l'heure, le député d'Outremont a fait allusion au fait qu'il y a eu des changements de ministres. Nous sommes tous au courant de cela. Chacun a le droit d'interpréter cela de la manière qu'il veut. C'est bizarre qu'avant, les ministres qui avaient les dossiers où il y avait le plus de problèmes, où la population a réagi de manière très négative, ont été enlevés de leur ministère et sont ailleurs. On le sait, le ministre de l'Éducation n'est plus là, parce qu'il y avait une grande contestation concernant la loi 40. On sait que le ministre du Revenu, qui était en charge du dossier du pourboire, n'est plus là, il a un autre dossier. Le ministre des Affaires municipales n'est plus là, sans doute à cause de la loi 38. Qui est encore là cependant? Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. (17 heures)

J'ai lu les journaux, je cherchais un commentaire pour savoir pourquoi il est toujours là. Il y en a qui disent que c'est le poids lourd de l'équipe, on veut donc le garder, on ne peut pas le déplacer. Je pense, M. le Président, que c'est très bon pour nous sur le plan de la politique partisane. On est heureux qu'il soit là parce que, aussi longtemps qu'il y restera, notre affaire est encore mieux qu'avant. Mais, M. le Président, si on pense aux intérêts des clients de ce ministère, les pêcheurs, concernant le projet de loi 48, ils vont certainement en bénéficier si le ministre n'est plus là, s'il est changé de ministère comme les autres ministres. C'est une suggestion qu'on fait d'une manière positive au premier ministre.

Relativement au projet de loi, je voudrais simplement vous référer à un article. Nous sommes tout de même à la

troisième lecture. L'article 36 dit: "Tout inspecteur ou agent peut, sans mandat, saisir un bien..." Un inspecteur du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation peut entrer et saisir un bien. Il n'a pas besoin de mandat. Il peut le saisir tout de suite s'il pense que l'individu en question commet une infraction à la présente loi ou aux règlements. M. le Président, quand quelqu'un viole les règlements, on peut donc saisir un bien sans mandat. Mais où sont les règlements? Les règlements ne sont même pas promulgués. Les règlements n'existent pas. L'article 49 énumère douze catégories de ce que le ministre peut faire par règlement. Il a le pouvoir extraordinaire de procéder par règlement. On ne connaît pas les règlements. C'est le député de Nelligan qui a demandé ces règlements. Il a dit: Produisez donc vos règlements, on veut les lire, on veut en prendre connaissance. Ils travaillent encore là-dessus, ce n'est pas connu. Mais le projet de loi mentionne que si quelqu'un viole un des règlements, en vertu de l'article 36, un inspecteur peut saisir un bien sans mandat. Cela va loin, M. le Président. La pénalité existe déjà, celle de saisir un bien sans mandat quand quelqu'un viole un des règlements dont on ne connaît pas encore le contenu. C'est contre cela qu'on proteste quand on dit qu'il s'agit d'un projet de loi stérile, négatif, punitif et qui est fait dans le seul but, non pas de promouvoir les intérêts des pêcheurs, mais de faire une bataille, encore une fois, juridictionnelle.

La semaine dernière, on a parlé de consultations auprès du milieu. On sait très bien que le milieu n'a pas été assez consulté. Les représentants du milieu sont venus la semaine dernière. Les pêcheurs sont venus ici. Une pétition a été signée par 700 personnes - ce qui est beaucoup pour la région d'où ils viennent - dans laquelle elles demandent justement de tenir une commission parlementaire pour se faire entendre, pour étudier la situation plus en détail. Le député de Nelligan a demandé de reporter la promulgation d'une année, d'attendre ou suspendre un an de plus. C'est une motion qui est très raisonnable. Le ministre devrait écouter et l'accepter. C'est une suggestion positive. Au lieu de chercher la querelle éternelle et être le grand défenseur des intérêts du Québec, il devrait agir différemment. Il devrait dire: Je suis le défenseur du Québec, comme nous sommes les défenseurs du même Québec. On va entendre le milieu, on va voir si on peut améliorer le projet de loi, on va voir si on peut procéder pour promouvoir l'aquaculture et la pisciculture. Je suis tout à fait d'accord avec cela, mais pas pour faire encore une bataille, pour dire au fédéral: Vous donnez un permis, moi, je donne un permis; vous faites cela, moi je fais cela; vous avez une petite inspection avec un avion qui est là au-dessus de la flotte, moi je vais en avoir un. C'est une bataille stérile, comme le député de Nelligan l'a appelée. C'est enfantin; c'est puéril. Ce n'est pas une manière de chercher une solution, de trouver une solution pour le problème qui existe, le vrai problème.

Il y a, M. le Président, dans le projet de loi, quelque chose qui va dans la bonne direction. Il s'agit d'améliorer le sort des pêcheurs. Nous sommes d'accord avec cela. Personne n'a critiqué cela; personne de notre formation politique. Mais on voit la manière dont on va traiter ceux qui peuvent aller contre les directives du ministre, parce qu'on donne, dans ce projet de loi, des pouvoirs énormes au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il va devenir le tsar des pêcheries. On n'a pas assez confiance en lui comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et certainement pas comme tsar de l'agriculture et des pêcheries. Il est le poids lourd au cabinet. Il n'a pas perdu sa place. Je l'admets, il est encore là. Mais je dois dire aux pêcheurs qu'il y va de leur intérêt qu'ils lisent le projet de loi. Les pêcheurs ont entendu les propos du député de Nelligan et ceux du député d'Outremont. Ils ne veulent plus qu'on se moque de nous et qu'on nous dise: Vous autres, vous ne connaissez pas cela. Savez-vous qu'il y a quelques années, M. le Président, nous n'avions pas le droit de parler sur toutes sortes de sujets, parce que c'était le domaine du Parti québécois? C'est fini ce temps, cela n'existe plus. On va parler de vos projets de loi. Si on n'aime pas vos projets de loi, on va les attaquer, les analyser, les critiquer d'une façon positive afin que la population le sache. J'en suis très content et très heureux. J'espère que les pêcheurs diront que les libéraux participent de façon positive et veulent trouver une solution à ces querelles éternelles, terminer ces batailles juridictionnelles où on envoie encore d'autres inspecteurs, d'autres officiers. Parce que l'autre gouvernement envoie un inspecteur je dois en envoyer un aussi. Nous ne voulons pas cela, on veut le règlement du conflit dans l'intérêt des pêcheurs eux-mêmes. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, le député... Quel est son comté? De Montréal.

Une voix: Sainte-Anne.

M. Garon: ...de Sainte-Anne aurait pu lire les jugements du Conseil privé de Londres qui établit les juridictions dans le secteur des pêches. Il se serait rendu compte que le tribunal suprême, en 1920, déclarait -ce n'était pas un tribunal contrôlé par le gouvernement du Québec - que le gouvernement fédéral avait juridiction dans le secteur des pêches, en vertu de la constitution, mais que cela devait être interprété en fonction des autres juridictions accordées au gouvernement du Québec, notamment de la responsabilité sur le droit et la propriété. Ce qui veut dire qu'en 1922, les deux gouvernements, celui d'Ottawa et celui du Québec, ont eu une entente qui a duré 61 ans. Essentiellement, l'objet du débat, c'est qu'en 1983 le député actuel libéral fédéral de Matane a décidé que l'entente qui avait duré pendant 61 ans ne faisait pas son bonheur. Il trouvait qu'elle avait duré trop longtemps et qu'elle ne pouvait pas fonctionner. Il a décidé de casser l'entente sans aviser personne, sans aucune négociation.

Aujourd'hui, le parti d'en face, le Parti libéral, c'est la succursale du Parti libéral fédéral, est sur la même longueur d'onde. Il dit: Le gouvernement a décidé qu'il n'y avait plus d'entente. Mettez-vous à genoux. C'est terminé. Vous n'avez plus rien à dire.

Nous disons: au contraire, on revient à ce qu'étaient les juridictions avant l'entente de 1922. Les gouvernements antérieurs, pendant 61 ans, ont été assez sages pour penser que l'entente de 1922 était nécessaire et ils l'ont maintenue en vigueur. Aujourd'hui, M. le Président, on n'a pas d'entente parce que le député arrogant de Matane, qui n'a pu s'entendre sur la papeterie, ni sur aucun dossier en Gaspésie, n'a pas voulu...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Garon: M. le Président, j'aimerais déposer quelques télégrammes que j'ai reçus qui m'appuient. Je lis le premier: "Nous de l'Association des capitaines propriétaires de bateaux de 45 pieds et plus de la Gaspésie, après vous avoir accordé notre appui par les médias d'information, nous réaffirmons cet appui par la présente au projet de loi 48 qui permettrait aux pêcheurs québécois de trouver leur juste part et de préserver leurs droits à l'intérieur de la gestion de la ressource du golfe." Signé: Robert Huard, secrétaire de l'Association des pêcheurs hauturiers.

Des voix: Bravo!

M. Garon: M. le Président, je peux vous lire également un autre télégramme qui m'est envoyé par la Société des pêches de Newport, qui regroupe 80% des approvision- nements dans le territoire de Newport, signé par Jules Duguay pour la Société des pêches de Newport. "Nous de la Société des pêches de Newport Inc. appuyons votre projet de loi 48 et pensons que c'est le seul moyen pour le milieu des pêches du Québec de recueillir la part qui nous revient dans le golfe, nécessaire à la rentabilité des pêches du Québec."

J'en ai aussi reçu un autre de l'Association des pêcheurs de Sainte-Thérèse, Cap-d'Espoir, signé par M. Edgard Lelièvre, président. Écoutez bien, M. le Président. "Lundi le 16 janvier 1984. Il fut proposé par M. Alcide Hautecoeur, appuyé par M. Lauréat Lelièvre et unanimement adopté... -ce ne sont pas des assemblées bidons, ce ne sont pas des pétitions bidons; elles sont adoptées par des assemblées - ...que l'Association des pêcheurs de Sainte-Thérèse, Cap-d'Espoir, appuie M. le ministre Garon dans ses démarches pour que le projet de loi 48 soit adopté." Proposé par M. Raymond Lelièvre, appuyé par M. Paul Denis-des-Bois, unanimement adopté que l'Association des pêcheurs de Sainte-Thérèse, Cap-d'Espoir, appuie M. le ministre Garon dans ses démarches entreprises auprès des pêcheurs de Newport et d'ailleurs pour l'implantation de leurs propres usines. Continuez, M. le ministre, votre travail pour la protection de nos pêcheurs du Québec et votre aide pour que les pêcheurs se prennent en main. Félicitations. (17 h 10)

Vous en voulez? Hein! Je lis les télégrammes des pêcheurs, sauf que ce sont de véritables associations, des vrais noms. Pas des pétitions qu'on a peur de déposer. Pas des gens dont on ne connaît pas les noms, mais des gens qui ont des adresses, comme disait le député d'Argenteuil. Il faut fonctionner avec des gens qui ont des adresses.

Voyez-vous, on a des gens qui ont des adresses, qui sont reconnus, qui ont des assemblées. Pas des affaires faites en cachette commandées par le cabinet de quelqu'un, par un employé de cabinet. Ces représentations ont été faites.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, vous devez conclure, s'il vous plaît.

M. Garon: M. le Président, j'aurai cinq autres minutes tout à l'heure. Je pourrai continuer avec d'autres télégrammes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, député de Joliette.

M. Chevrette: Si j'ai bien compris, c'est qu'en vertu des nouveaux règlements, le ministre peut se lever autant après chacun

des intervenants, mais que l'alternance c'est au niveau des dix minutes. Si ce n'est pas cela la règle, je vais m'asseoir. Je ne veux pas briser l'alternance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: En vertu de l'article 246, le ministre peut intervenir cinq minutes après chacune des interventions de tous les députés de cette Chambre. Cependant, l'alternance se poursuit en vertu de notre tradition après chacun des discours et non après les commentaires que le ministre peut émettre après chacun des discours.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche m'a demandé la parole. J'ai reconnu le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Est-ce que vous pourriez me donner l'article du règlement qui permet cela? Est-ce que cela veut dire - une question de directive - qu'il va falloir entendre le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation chaque fois pendant cinq minutes et en plus de cela, entendre les machines à voter de l'autre côté?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Sur cette question de règlement, M. le Président, je tiens à informer le député de Hull et ses collègues, que le règlement a sensiblement amélioré les choses puisque, avant le ministre avait droit à une réplique de 30 minutes après chacune des interventions et que cela a été ramené à cinq minutes.

M. Rocheleau: C'est amélioré.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Question de règlement, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: On a discuté le même sujet la semaine dernière quand vous n'étiez pas ici comme président. C'est vrai que le ministre a le droit de donner une réplique de cinq minutes pour se défendre, j'imagine, parce que j'ai soulevé des points - je comprends cela - mais cela ne veut pas dire qu'on va briser l'alternance. Cela veut dire que la parole est maintenant au député de Hull.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! En vertu, bien sûr, de l'article 246, comme on vient de le mentionner, le ministre peut utiliser un droit de parole de cinq minutes après chacune des interventions. Je suis d'accord avec vous que le règlement pourrait être plus clair à ce niveau là, mais à cette condition et en prenant en considération justement ce manque de clarté, je vais prendre en considération cette demande et je vais reconnaître quand même le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche tout simplement parce qu'il s'est adressé au président. Un député qui veut prendre la parole doit s'adresser au président et j'ai entendu le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche s'adresser au président.

M. Bourbeau: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur une question de règlement, M. le député de Laprairie.

M. Bourbeau: De Laporte.

Le Vice-Président (M. Rancourt): De Laporte.

M. Bourbeau: Les citoyens de Laporte vous remercient, M. le Président. Le leader adjoint du gouvernement vient de dire qu'en vertu de l'ancien règlement, si j'ai bien compris - le leader est déjà levé, il est censé rester assis pendant qu'on parle - on devait ou le ministre avait le droit de prendre la parole 30 minutes après chaque intervention. Cela fait trois ans que je suis ici et je n'ai jamais vu cela. Est-ce que vous pourriez statuer là-dessus?

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Ce que le député de Laporte, le député de Hull et les autres députés devraient savoir, c'est que lorsque les choses ne sont pas parfaitement claires ou qu'elles ne sont pas inscrites au règlement de l'Assemblée, c'est la tradition qui doit s'appliquer et elle est aussi forte que le règlement écrit. Dans les circonstances, nous devons continuer d'appliquer la tradition de l'alternance après chacun des discours, ce qui n'empêche pas ce qui est prévu au règlement 246, au troisième paragraphe, c'est-à-dire que le ministre de l'Agriculture puisse faire de brèves remarques d'au plus cinq minutes, ce qui est un maximum - il était de 30 auparavant, et le nouveau règlement le ramène à cinq -après chacun des discours qui, eux, vont en alternance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la question de règlement, Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Est-ce que le ministre a également l'intention d'intervenir après l'intervention de ses collègues?

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Mme Bacon: Cela veut dire qu'il parlerait chaque fois après l'intervention d'un député de l'Opposition et celle d'un député ministériel?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Chomedey, le règlement dit que le ministre peut intervenir autant de fois qu'il le veut après chaque intervention. Mais la coutume veut aussi que le ministre n'intervienne pas après chacune des interventions. À ce moment-ci, comme j'ai dit que je prenais avis pour avoir vraiment un éclaircissement sur l'article en question, sans préjudice pour qui que ce soit, je maintiens que j'accorde la parole au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Doyon: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur une question de règlement, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Votre décision, si je comprends bien, est fondée sur le fait que vous avez vu le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche se lever et qu'à ce moment-là, comme pour tout autre député, vous lui reconnaissez le droit de parole en vertu de la règle de l'alternance que vous signalez. Je voudrais porter à votre attention, M. le Président, que si on ne connaît pas dès maintenant les intentions du ministre - et ma collègue de Chomedey l'a demandé fort à propos - vous risquez de ne pouvoir regarder des deux côtés de la Chambre en même temps et de ne pas reconnaître des personnes qui ne doivent pas nécessairement être reconnues puisque, ne sachant pas si le ministre de l'Agriculture va intervenir, personne ne saura quand se lever pour demander le droit de parole. Je pense que la suggestion de notre collègue de Chomedey est fort à propos: que le ministre nous fasse savoir dès maintenant s'il a l'intention de parler après chaque intervention. À ce moment-là, nous aurons une idée, et vous-même, M. le Président, cela vous guidera, vous saurez de quel côté regarder de façon à reconnaître la bonne personne au bon moment. Autrement, nous serons dans l'incertitude et nous risquerons de nous lever à propos de tout et de rien. Et vous, M. le Président, cela vous mettra dans la situation de risquer de faire des erreurs, ce que vous ne désirez sûrement pas.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint au gouvernement, sur la même question de règlement.

M. Blouin: M. le Président, je ne veux pas revenir sur les arguments que j'ai soulevés tout à l'heure. J'avais compris que, tout en reconnaissant le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, vous preniez avis de la question et que vous rendriez votre décision un peu plus tard en tenant compte des arguments qui ont été apportés de part et d'autre. Pour que le débat se déroule bien, je vous demande maintenant de reconnaître le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Comme je l'ai dit tantôt, sans préjudice pour personne, il y a ce que dit le député de Louis-Hébert, à savoir que le Président ne peut voir de chaque côté de la Chambre, mais il y a aussi dans l'ancien règlement - il faudrait que je vérifie le numéro de l'article du nouveau règlement - un article qui stipule que celui qui demande la parole doit s'adresser au président. Sans qu'il soit besoin de voir des deux côtés de la Chambre à la fois, l'oreille peut entendre de quel côté est venue au départ la demande. J'ai entendu M. le ministre demander au président, donc à moi-même, l'autorisation de prendre la parole. Donc, je reconnais son droit de parole, sans préjudice pour qui que ce soit et sous réserve d'éclaircissements que je donnerai un peu plus tard. M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, dois-je conclure que vous avez reconnu le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche avant de reconnaître notre député de Hull? Je peux vous dire que le député de Hull s'est levé avant le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Alors, je ne sais pas si à ce moment-là...

Une voix: C'est vrai!

M. Maciocia: ...parce que, selon votre décision...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'ai dit que, sans préjudice, nous éclaircirions l'article 246 pour savoir si, à la suite de la réplique de cinq minutes qui est accordée au ministre après chaque intervention en vertu du troisième paragraphe de l'article 246... Je crois qu'on peut prendre des renseignements, des éclaircissements pendant l'intervention du ministre, puisque c'est une intervention de dix minutes. M. le ministre.

(17 h 20)

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'ai écouté passablement d'interventions jusqu'à maintenant sur la prise en considération du rapport et je vous avoue que je ne comprends pas qu'on ne passe au plus vite à la troisième lecture. Je ne comprends vraiment pas, M. le Président. J'ai écouté les interventions. On parle du ministre, on parle de son attitude mais on ne parle pas du fond de la loi. On ne parle pas du fond du rapport. On n'est pas ici pour parler de la taille physique, du style ou de quoi que ce soit d'une personne. On est là pour juger de la pertinence d'un rapport qui fait suite à une commission parlementaire et à un débat en deuxième lecture d'un projet de loi qui fut fortement contesté.

Cette loi a une importance capitale pour les pêcheurs. Elle a une importance capitale, en particulier, pour les pisciculteurs québécois. Que vous le vouliez ou pas, on n'attendra pas de vivre ce qu'on vit à Terre-Neuve avec des pêcheurs occasionnels non professionalises au sens strict des règlements du Québec. Va-t-on attendre que ce soit bordélique, comme on se plaît à le dire dans certains endroits, ou si on ne passera pas au plus vite à l'adoption d'un règlement permettant, dans certains cas, de contingenter par rapport à la ressource elle-même? Est-ce que l'on ne permettra pas au ministre d'intervenir pour établir des programmes de soutien à des groupes de pêcheurs qui en ont besoin? Est-ce qu'on ne permettra pas au ministre de réglementer et faire en sorte que ce soit de véritables pêcheurs qui aient accès à la ressource et pas n'importe qui, n'importe quand, qui se promène dans quelque sens, dans quelque direction que ce soit, sur nos eaux, qui cueille du poisson au détriment même des pêcheurs dont c'est le principal revenu? C'est cela que sous-tend la loi.

La loi voudrait aussi permettre, une fois pour toutes, de donner aux citoyens du Québec un guichet unique en ce qui regarde la pisciculture. Déjà la loi 9 est adoptée. On sait très bien que c'est moi, jusqu'à maintenant, comme ministre responsable, qui avait à distribuer les permis de pisciculture et que, dorénavant, dès que la loi sera adoptée, ce sera le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation parce que ces groupes de pisciculteurs ont droit et ont accès au crédit agricole et on ne voudrait pas qu'ils passent par deux ou trois ministères. On voudrait qu'il n'y ait qu'un canal unique, un guichet unique. C'est ce que suppose la loi. Mais qu'avez-vous contre cela? Il faudrait le dire. Qu'y a-t-il de mal à ce qu'un pisciculteur puisse aller directement au ministère de l'Agriculture chercher son permis, être conforme aux normes de mise en marché qui sont édictées par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Il me semble que cela va de soi. On a voulu enlever un palier de trop pour simplifier la procédure. Il me semble que ce serait normal que l'on donne ces pouvoirs, et, au plus vite, permettant ainsi aux pisciculteurs d'avoir gain de cause et de procéder immédiatement à la commercialisation de certaines espèces qui ne sont pas commercialisées présentement.

M. le Président, on parlait de droits acquis tantôt. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a parlé d'une ordonnance de 1922. Je pense que le Québec, règle générale, s'est toujours très bien acquitté de sa tâche. On n'a qu'à regarder l'autosuffisance dans laquelle vous nous aviez emmenés en 1976 et celle que nous avons atteint en 1984. Il me semble que ça va bien. Donnons-nous les outils pour que cela aille encore mieux. C'est ce que dit la loi.

Quand le ministre veut introduire dans la loi des sanctions, des moyens de confiscation, je le comprends. On a été obligés de faire un pacte ensemble l'été dernier pour venir à bout de contrôler les prises accidentelles à Gaspé. Si on ne donne pas de pouvoirs réels dans cette loi, on va continuer à avoir des prises accidentelles. Savez-vous que, dans le saumon, pour votre information, il se prend plus de poissons en captures accidentelles par des types de pêcheurs que dans toute la pêche sportive ensemble, en nombre de poissons. Ce ne sont pas des farces. Vous ne donneriez pas le droit d'intervenir d'une façon efficace? Je pense que vous manquez le bateau. Allez voir en Gaspésie les 8 000 000 $, 9 000 000 $, 10 000 000 $ ou 15 000 000 $, si on compte les dépenses indirectes, que cela rapporte aux Gaspésiens. Si on ne sauve pas certaines espèces, certaines ressources, il va arriver quoi? Qu'est-ce que cela vous donne de vous obstiner à ne pas nous donner des pouvoirs réels d'intervention? Qu'est-ce que cela vous donne de vous obstiner à tenir tête au ministre en disant: M. Garon, comme vous dites si bien, a le don de nous répondre avec violence et on va lui montrer qu'on est une Opposition forte. On va réagir. Sa loi ne passera pas. Ce n'est pas M. Garon que vous pénalisez. Ce n'est pas le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation que vous pénalisez à ce moment-là. Ce sont les pêcheurs du Québec.

Tant et aussi longtemps que vous allez vous opposer, niaiser, vous retardez impunément l'adoption d'un projet de loi, impunément l'adoption d'une réglementation qui feraient en sorte que nos pêcheurs sauraient où ils vont, qui ferait en sorte que nos pêcheurs sauraient quel canal utiliser

pour donner suite à leur dossier, qui ferait en sorte que les pisciculteurs pourraient avoir accès à un crédit pour améliorer leur propre pisciculture. Ils pourraient mettre en marché des produits québécois au moment où on importe plus de 300 tonnes de poisson de l'extérieur. C'est cela que dit le projet de loi. On veut se donner les outils pour se développer chez nous, par nous et pour nous. Cela créera des emplois au Québec. Arrêtons donc de parler de l'individu, arrêtons donc de parler des styles. Qui parle le plus de chicanes fédérales-provinciales? Vous! On veut se donner des outils, chez nous, pour chez nous. Arrêtez d'en parler!

Je comprends que, dans votre cas, cela fait votre affaire d'en parler, car chaque fois qu'on parle Québec, il faut que vous y ajoutiez le mot "Canada". C'est votre droit. Ecoutez, de ce côté-ci, on n'est pas encore rendus au point de vouloir changer un petit pouvoir pour conserver des éléments culturels et céder des pouvoirs économiques. Votre nouveau chef a fait cela. Il a été recyclé à je ne sais pas quel cours d'auditeurs libres. Mais cela n'a pas d'allure de réagir de même. Dans notre coin de pays, on veut se développer pour nous, par nous, avec nos richesses naturelles, avec nos ressources. De grâce, on n'échangera toujours pas des bebelles, comme on dit si bien en québécois, pour des pouvoirs fondamentaux. On a le droit de se développer chez nous. C'est cela qu'on vous demande.

Qui protégez-vous quand vous vous obstinez à ne pas adopter le projet de loi? Qui? Pensez-y donc. Qui avez-vous l'intention de défendre en vous opposant au projet de loi? Qui? Les pêcheurs? Ou bien vos petits frères de la maison mère. Qui défendez-vous? Il n'y en a pas un qui se lève si ce n'est pour dire que le ministre cherche la chicane. Donnez donc les pouvoirs au Québec. On va permettre à nos pisciculteurs, à nos pêcheurs de se doter d'outils essentiels pour un développement important. Et, de grâce, passons au vote, cela presse!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je pense que le nouveau règlement donne seulement cinq minutes à celui qui a présenté le projet de loi. On était bien avec 30 minutes, car on pouvait voir les différentes facettes du produit.

On se rend compte, actuellement, que l'Opposition n'est pas trop au courant du dossier. Je vais continuer en disant que, quant à l'article 19 du projet de loi, on dit: "Le ministre peut, de la même manière, suspendre ou annuler le permis de celui qui refuse de prendre une mesure prescrite par un inspecteur ou un agent en application de l'article 47."

Quelques députés de l'Opposition ont soulevé cet article. Ils ont oublié de lire l'article 47. Plusieurs auraient intérêt à le lire. Et un des points que soulevait le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, c'est que, justement pour donner satisfaction au ministre responsable de la faune, il fallait adopter les articles 19 et 47. Et les pisciculteurs, qui veulent voir développer l'élevage de différentes espèces de poissons, savent à quel point cet article va être important pour la protection de la faune.

L'article 47, qu'est-ce qu'il dit, M. le Président? "Tout inspecteur ou agent peut ordonner l'isolement, la mise en quarantaine, le traitement ou, avec l'autorisation du ministre, la destruction, dans le délai qu'il indique, de tout ou partie des produits d'un établissement piscicole: 1° si ces produits sont atteints d'une maladie contagieuse ou parasitaire déterminée par règlement;". Il est normal, M. le Président, que si les poissons sont atteints d'une maladie contagieuse, on fasse en sorte qu'ils ne se promènent pas librement dans les rivières; au contraire, on va les mettre en quarantaine, on va les isoler des autres. C'est le but de cet article, M. le Président: Protéger la santé des poissons du territoire maritime. C'est pourquoi il y a un tel article dans le projet de loi 48.

Maintenant, je comprends que, récemment, le chef du Parti libéral est allé rencontrer l'UPA: il est allé leur dire qu'aucun de ses députés n'avait le droit de parler sur l'agriculture parce que n'étant pas mandatés; le seul qui pouvait en parler était le député de Maskinongé. C'était dans le Richelieu agricole du 6 mars dernier, où le chef du Parti libéral dit: "Quand mes députés parlent, ils parlent en leur nom; ils ne parlent pas au nom du parti, ils n'ont pas le mandat de parler au nom du parti." Au cas où ce ne serait pas dans le Richelieu agricole, c'est dit également dans la Terre de chez nous du 1er mars, où on lit: "Après avoir rappelé que M. Paradis, député de Brome-Missisquoi, n'était pas autorisé à engager le parti en cette matière, M. Bourassa a promis que cette question serait discutée avec les membres du caucus et qu'il ferait, par la suite, une déclaration sur le sujet." (17 h 30)

Le chef du Parti libéral a dit que ses députés étaient incapables de parler en matière agricole. Apparemment, il leur a donné une compensation; il a dit: en matière de pêche, vous pouvez dire n'importe quoi. Il n'y a pas beaucoup de comtés en matière de pêche, vous pourrez dire n'importe quoi.

Mais, en matière agricole, vous ne pourrez pas parler cependant.

M. le Président, Je dis ceci... Il y a peut-être deux journaux qui se trompent, peut-être que les commentaires qu'ont faits les gens de l'UPA après leur rencontre avec M. Bourassa font en sorte qu'ils ont trompé la presse, mais c'est dit dans deux journaux différents, M. le Président, et c'est imprimé. J'en ai des copies et je vais faire en sorte que tous les députés de cette Chambre en reçoivent également.

Vous direz que, dans le secteur des pêches, on dit: allons-y, disons n'importe quoi. Sauf que la loi 48 est appuyée par le milieu. Il a fallu qu'ils aillent retrouver leurs vieux organisateurs, qui vont profiter du système personnellement - des noms reviendront à la surface bientôt - mis en place par le gouvernement fédéral pour essayer de monter une pétition. Oui, le député de Nelligan s'est fait le champion de la pétition. On va revérifier ce qu'il y avait dedans.

Je peux vous dire, M. le Président, que les associations de pêcheurs, les associations municipales, les associations communautaires appuient le projet de loi 48. Je peux vous dire que la Chambre de commerce de Sainte-Thérèse de Gaspé, par son président, M. Lelièvre, m'a fait parvenir un télégramme aussi, en janvier, me disant: "M. le ministre, extraits des minutes de l'assemblée générale annuelle de la Chambre de commerce de Sainte-Thérèse de Gaspé"... pas des affaires bidon, pas des signatures avec des organisateurs politiques, sans adresse, mais avec des adresses, M. le Président, comme le disait le député d'Argenteuil, avec des gens identifiés dans le milieu, avec les leaders locaux. Alors, il dit quoi? Le télégramme dit ceci...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre, ce n'est pas vous qui allez dire s'il a le droit d'arrêter ou pas... Non, non, je m'excuse, c'est moi qui détermine s'il doit terminer ou pas. M. le ministre, il vous reste une minute.

M. Garon: M. le Président, je sais que le Parti libéral, depuis le début de la session, a décidé de m'empêcher de parler le plus possible. Sauf que, M. le Président, les gens avec lesquels je travaille dans les campagnes, dans les milieux ruraux, savent que je défends les petites gens, les gens qui ont de petits emplois, qui n'ont pas beaucoup de défenseurs. Il en reste au moins quelques-uns dans cette Chambre et je suis l'un de ceux-là, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Garon: M. le Président, je n'ai pas peur non plus qu'on fasse appel à qui l'on voudra. On verra dans le territoire maritime, en cas de doute, les gens font confiance au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, parce qu'ils disent: il nous a toujours défendus.

Je vais lire le télégramme. Il dit ceci: "Proposé par M. Aldège Collin, secondé par M. Francis Lachance et adopté à l'unanimité, que la Chambre de commerce de Sainte-Thérèse de Gaspé appuie M. le ministre Garon pour qu'il continue sa démarche pour que le projet de loi 48 soit adopté." Minute 84-58 proposée par M. Paul-Denis Desbois, secondée par M. Laurent Loiselle et unanimement adoptée, que la Chambre de commerce de Sainte-Thérèse de Gaspé appuie M. le ministre Garon pour qu'il continue sa démarche auprès des pêcheurs de Newport, d'ailleurs, pour qu'ils puissent prendre en main, implanter et gérer leur propre usine. La chambre de commerce est formée presque entièrement de pêcheurs, de producteurs et d'employés d'usines de transformation de poisson. Ses membres apprécient et vous félicitent de votre bon travail, M. le ministre québécois, félicitations!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre...

M. Garon: Alors, voyez-vous, M. le Président, il y en a encore des télégrammes.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Hull.

M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: M. le Président, il est malheureux qu'il faille entendre le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, à chaque intervention, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, tenter, par quelques phrases, de justifier son projet de loi qui est absolument inacceptable. Inacceptable, M. le Président, parce qu'il y a tellement de trous dans ce projet de loi, tellement d'articles et tellement de règlements qui vont suivre que nous ne connaissons absolument pas, que le ministre nous demande aujourd'hui un blanc seing, alors que la population du Québec, un sur quatre, supporte encore ce gouvernement. On demande aux trois sur quatre qui ne le supportent plus d'endosser la position du ministre vis-à-vis du projet de loi 48.

M. le Président, vous me permettrez de faire certaines comparaisons importantes pour la population du Québec, parce qu'on parle d'un secteur très important, celui des pêcheries. On parle de régions qui ont des problèmes très particuliers dans le domaine des pêcheries. Par qui ces problèmes sont-ils créés? En grande majorité, par le ministre actuel de l'Agriculture, des Pêcheries et de

l'Alimentation.

M. le Président, je regarde d'autres régions. J'ouvre une parenthèse. Nous de l'Opposition demandions tout simplement qu'une commission parlementaire siège pour entendre les intervenants du milieu, siège pour entendre les différentes interventions. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation se lève occasionnellement pour nous lire un télégramme qu'il a reçu. Je ne sais pas s'il a dû tordre des bras en fin de semaine mais il se lève de temps à autre pour nous citer le contenu d'un télégramme et il nous dit qu'il y a une signature et qu'il y a une adresse. Mes collègues ont cité énormément d'associations, de syndicats, de travailleurs, de chambres de commerce qui sont contre le fait de voir apparaître un projet de loi semblable sans en connaître le contenu et les règlements qui vont découler de cette loi.

Quand on est loin de la population, les citoyens du Québec s'en aperçoivent. Je regarde l'Outaouais québécois où, dernièrement, en vertu du projet de loi 38... C'est quand même une loi-matraque, où il y des dispositions arbitraires du ministre et selon lesquelles le ministre peut trancher, peut décider, peut ordonner lui-même, de son propre chef, ce qu'il fera. Quand on sait que le premier ministre n'a pas eu de place dans sa chaise musicale pour transférer ailleurs le ministre parce qu'il prenait déjà trop de place au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, on peut se poser de sérieuses questions. Si on n'a pas adopté le projet de loi 48, avant les fêtes, c'est que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation s'est "filibusté" lui-même le 22 décembre; il se donnait pratiquement de grands coups de pied. On le revoit maintenant après trois mois nous présenter cela de nouveau.

Dans le Droit, le 5 mars dernier - c'est quand même assez récent - le vice-président national du Parti québécois, le bras droit de René Lévesque, votre deuxième chef en importance dans votre formation politique, accusait l'ex-ministre des Affaires municipales, face au découpage d'une région importante, l'Outaouais québécois, de banditisme de grand chemin...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, c'est une question de règlement en vertu de l'article 39. Permettez-moi de vous référer à l'article 204, qui demande à tous les députés qui interviennent sur un sujet de conserver la pertinence du débat. Or, il n'y a aucune espèce de pertinence entre les propos que tient actuellement le député et le problème des pêches et des pêcheurs au Québec.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Le leader adjoint va venir me dire cela alors que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, l'autre jour, nous parlait des obus dans le lac Saint-Pierre! Qu'est-ce que cela vient faire avec les poissons? Il nous parlait des anguilles qui descendaient du lac Ontario, des Grands Lacs, qui venaient au Québec et il nous disait que c'était pollué! Et cela était pertinent au débat? Je demanderais au leader adjoint de s'occuper de m'écouter dans la pertinence du débat, parce que je continue, M. le Président.

Quand un vice-président national du parti s'interroge...

M. Blouin: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:

M. le leader adjoint.

M. Blouin: M. le Président, le député de Hull est en train de parler du découpage de la région de Hull. Or, il n'y a pas de pêcheries dans la région de Hull. Nous sommes en train de discuter d'un projet de loi. M. le Président, je vous demanderais de faire respecter l'article 204 afin que nous parlions des pêcheries.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Puisque le président doit trancher, une chose est certaine, M. le leader adjoint du gouvernement et M. le député de Hull, c'est que le projet de loi que nous avons devant nous en est un qui parle des pêcheries et qui est à l'étape de la prise en considération. Or, à l'étape de la prise en considération, il n'est pas permis de parler de n'importe quoi. Il est cependant important de parler du projet de loi. Je pense que le député de Hull se rapprochera de la pertinence du débat. M. le député de Hull. (17 h 40)

M. Rocheleau: M. le Président, avec tout le respect que je vous dois, vous allez demander au leader adjoint de me laisser parler, surtout quand le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation fait des déclarations, à savoir que Bourassa rassure l'UPA... déclaration fracassante de Pierre Paradis... qu'il nous ramène cela dans le débat. Allez-vous venir me dire, M. le Président, que c'est la pertinence du débat? Voyons donc! C'est parce que la majorité servile de l'autre côté ne veut pas entendre parler l'Opposition quand on vous brasse un peu les fesses. C'est ce qui arrive. Quand le député de Rousseau,

le leader adjoint, dit qu'il n'y a pas de pêcheries dans l'Outaouais, je veux lui dire qu'il y a au-delà d'une centaine de milliers de lacs dans l'Outaouais où il y a toute sorte de pêche sportive.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre!

M. Rocheleau: Là, c'est rendu que c'est le ministre qui va me roter dans la face.

Des voix: Ah! Ah!

M. Rocheleau: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oh, je m'excuse. M. le député... S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député! M. le ministre, vous aurez l'occasion de parler en temps et lieu. Donc, n'interrompez pas. Quant au député de Hull, j'espère que votre langage va respecter au moins la bonne tenue de l'Assemblée nationale du Québec.

M. Rocheleau: M. le Président, cela vient toujours du même côté, la tenue, mais on a entendu dans la soi-disant pertinence du débat le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation déblatérer contre le gouvernement fédéral, déblatérer en nous traitant de petits frères d'Ottawa. J'aimerais bien entendre là-dessus vos prochains petits frères ou les grands-frères que vous avez à Ottawa, vos pénistes, que vous allez appuyer probablement lors de la prochaine élection fédérale.

Tantôt, on écoutait le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, lui qui doit sûrement se faire tordre le bras par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour adopter son projet de loi 48, parce qu'on sait que l'Association des pisciculteurs du Québec est contre le projet de loi 48. Je me pose de sérieuses questions parce qu'au mois de décembre, on a adopté le projet de loi 9 sur la conservation de la faune. On discutait en commission parlementaire, entre autres, des mandats de saisis, des mandats de perquisition et le ministre nous assurait à ce moment-là que cela prenait un mandat pour faire une perquisition. On ne pouvait pas aller dans un bâtiment, dans une maison, dans une roulotte ni même dans une tente pour aller perquisitionner sans mandat. Ici, dans le projet de loi 48, à l'article 36, on peut lire: "Tout inspecteur ou agent peut, sans mandat, saisir un bien s'il a des motifs raisonnables..." Il peut saisir un bien sans mandat. On lit d'autres articles du projet de loi. À l'article 7, il est dit: "Le ministre choisit les concessionnaires selon des critères et une procédure qu'il détermine". Que lui détermine. Je trouve que c'est absolument... Et on pourrait lire combien d'autres articles.

L'article 29, entre autres: "Le ministre peut, pour l'application de la présente loi et des règlements, et dans les limites autorisées par le Conseil du trésor, nommer des inspecteurs, des analystes et des agents et déterminer leur rémunération ainsi que leurs autres conditions de travail."

Je comprends que du côté ministériel on n'aime pas cela quand on critique le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. On n'aime pas cela quand on attaque la majorité servile, parce que tantôt, vous allez être obligés de faire comme vous avez fait avant les fêtes. Quand le gouvernement, quand le premier tire la chaîne, toutes les pattes se lèvent de votre bord. Vous n'avez même pas le courage, vous n'avez même pas la conviction de ce que vous défendez. Vous êtes obligés de suivre ce qu'il est ordonné de suivre. C'est pour cette raison, à cause de projets de loi comme le projet de loi 48, comme la loi 38 et comme bien d'autres lois, que la population du Québec vous rejette maintenant.

Nous, de l'Opposition officielle, demandions d'avoir une commission parlementaire qui nous permettrait tout simplement d'entendre les intervenants, d'entendre tout le monde impliqué. Mais non! Le premier ministre a pourtant nommé une commission, la commission Robidas dans l'Outaouais, pour étudier le découpage des municipalités régionales de comté. Pourquoi le premier ministre n'accepte-t-il pas de créer une commission parlementaire ou une commission d'enquête pour étudier les erreurs que son ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation commet actuellement? Je vous remercie M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, nous devons, à ce moment-ci, modifier l'avis touchant les travaux des commissions parlementaires qui a été adopté cet après-midi. Puisque la commission des affaires sociales n'a pu se réunir cet après-midi, elle se réunira donc ce soir à partir de 20 heures, au salon rouge, afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 60, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives. Ce sera toujours au salon rouge, demain, de 10 heures à 13 heures, que cette commission se réunira également.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci M. le leader adjoint. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que le leader adjoint du gouvernement a consulté le leader parlementaire de l'Opposition pour l'aviser d'un tel changement?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Cette recommandation a été faite par l'ensemble des membres de la commission parlementaire, puisque l'exiguïté des lieux empêchait les débats de se tenir. Tout à l'heure, j'ai tenté de joindre en Chambre le leader de l'Opposition. J'en ai parlé à quelques membres de l'Opposition qui m'ont semblé sympathiques à ce nouvel avis. Voilà pourquoi je crois que nous pouvons l'adopter sans difficulté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, je pense que c'est la demande même de la présidente et du vice-président de la commission, à laquelle j'ai participé, qu'on puisse déplacer cette commission au salon rouge. Effectivement, la présidente et le vice-président se trouvent actuellement à la commission de l'Assemblée nationale où ils attendent la décision qui devrait être rendue.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, le projet de loi 48 est un projet de loi nouveau au Québec parce que le premier gouvernement qui s'est véritablement préoccupé de pisciculture et d'aquaculture est le gouvernement actuel. En tout et pour tout, lorsque nous avons pris le pouvoir en 1976, il s'élevait, déjà en 1977, avec une progression sur 1976, 86 000 livres de truites. Mais 86 000 livres de truites, c'était l'inexistence du Québec dans le domaine piscicole. Dans l'espace de quelques années, grâce à des mesures adoptées par le gouvernement actuel, par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, par des lois, par le crédit agricole, par un programme de développement des piscicultures de truites arc-en-ciel, le Québec est passé au premier rang de l'élevage au Canada. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît - notamment, à une réunion qui a eu lieu à Saint Andrews, l'an dernier - que le Québec a pris de l'avance. Sous le gouvernement Bourassa, rien ne s'était fait.

Qu'il n'y ait pas eu de loi de cette nature auparavant, c'est normal, il n'y avait rien de fait. On ne s'était pas préoccupé des piscicultures. Mais si on veut vraiment faire le développement de l'élevage du poisson, des crustacées ou des différentes espèces marines qui peuvent procurer un gagne-pain à nos populations, il est nécessaire d'adopter un tel projet de loi.

Évidemment, l'attitude de l'Opposition ne me surprend pas. L'attitude de l'Opposition a été de mettre des bâtons dans les roues de tout projet de développement économique. Le territoire maritime est un territoire qui ne l'a jamais véritablement préoccupée. C'est pourquoi aujourd'hui les députés d'ailleurs, loin du territoire maritime, loin de la Côte-Nord, loin de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, loin des Îles-de-la-Madeleine, ne sont pas préoccupés par les emplois que peut générer le projet de loi de sorte qu'on peut s'amuser, à partir de l'extrême ouest du Québec, à faire des gorges chaudes d'un projet de loi qui n'aura pas les mêmes impacts surtout dans un secteur où les pluies acides touchent davantage le territoire. Le Parti libéral aurait beaucoup plus avantage à se faire valoir d'une autre façon auprès du gouvernement fédéral qui, par les pluies acides, qui contaminent nos lacs...

M. Rocheleau: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre, il y a une question de règlement du député de Hull.

M. Rocheleau: M. le Président, j'aimerais savoir ce que les pluies acides viennent faire là-dedans, je voudrais que le ministre s'en tienne à la pertinence du débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Garon: Le député de Hull est tellement inconscient qu'il ne se rend pas compte qu'à la porte de chez lui, dans le lac Ontario, à cause des produits chimiques, 60% des saumons ont le cancer.

Une voix: Ah! Ah! Ah!

(17 h 50)

M. Garon: 60% des saumons ont le cancer, d'après une étude qui a été faite dans le lac Ontario. Ce sont des poissons qui ont été ensemencés. Dans des rivières aux États-Unis, où il y a des pluies acides, 60% des poissons - même pourcentage - sont cancéreux. J'ai vu le député de Vaudreuil-Soulanges et le député de Laprairie faire des gorges chaudes; évidemment, cela démontre leur degré d'inconscience. Mme la députée de Chomedey, qui n'est pas ici présente, pourrait se faire valoir d'une façon concrète au lieu de parler d'environnement d'une façon théorique. Les pluies acides ont pour première conséquence de faire mourir les lacs où on va faire la pêche commerciale ou la pêche sportive du poisson. Il y a une relation de cause à effet tellement directe qu'on ne doit pas être obligé de faire la preuve que les pluies acides sont dommageables pour nos cours d'eau.

Les députés du Parti libéral font preuve d'un degré d'inconscience tel qu'ils ne sont même pas conscients que la pollution

chimique de notre territoire par les pluies acides affecte les pêches commerciales. Je vous dirai que le gouvernement fédéral en est rendu à interdire de ramasser les foies de morue - le foie, comme dans n'importe quel être humain, est le premier organe qui sert à nettoyer le système - parce qu'ils sont déjà contaminés. Vous pouvez vous rendre compte à quel point le problème est crucial.

Je suis étonné de l'attitude de ce parti qui a dit s'être donné une charte de l'environnement, je suis surpris de voir un tel nombre de députés inconscients des questions environnementales dans les eaux du Québec.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Bellefeuille

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Pour comprendre l'importance de cette loi, le projet de loi 48 sur les pêches, il faut la situer dans son contexte complet. L'importance de la loi, il faut la voir en relation avec la situation alimentaire dans le monde; c'est l'enjeu de cette loi. Il y a, dans le monde, une situation alimentaire extrêmement difficile et qui le sera de plus en plus, à tel point qu'on peut prétendre que la prochaine grande crise dans le monde sera, après la crise de l'énergie dont nous cherchons à nous tirer vaille que vaille, la crise de l'alimentation.

Il y a déjà des pays en Amérique du Sud, en Afrique et malheureusement dans d'autres parties du monde aussi, où le problème de la faim a déjà atteint des proportions extrêmement graves. Il y a des millions de personnes qui sont menacées de mourir de faim, par exemple dans le Nord-Est du Brésil, qui est évidemment une des régions dans le monde où les pêches peuvent jouer un rôle important. Pour le Brésil, pour le Québec et pour un grand nombre de pays, en fonction du problème de l'alimentation dans le monde, il est extrêmement important, M. le Président, de développer les pêches, de permettre aux pêches de donner le maximum de leur rendement, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Les pêches et l'aquaculture, à l'échelle mondiale, ne donnent qu'une petite fraction de leur rendement possible. Si on veut que les pays en général soient capables de faire face à cette crise de l'alimentation, il faudra développer énormément la production des pêches et de l'aquaculture. C'est dans ce contexte-là que le Québec a absolument besoin d'un instrument comme la loi 48. Comme cela a été signalé par le ministre et par plusieurs autres intervenants, la loi 48 vient combler un vide juridique à la suite de l'annulation unilatérale par le gouvernement fédéral de l'entente de 1922 par laquelle il avait délégué des responsabilités au gouvernement du Québec.

C'est bien plus que de combler un vide juridique, c'est de donner au Québec des instruments pour assurer le développement des pêches.

Il y a aussi d'autres aspects de la loi: clarifier les responsabilités, non seulement de l'ensemble du gouvernement du Québec mais aussi à l'intérieur du gouvernement du Québec, voir comment se départagent les responsabilités par rapport à l'environnement, par rapport à la pêche sportive. La loi permet de bien répartir les responsabilités, de sorte que chaque ministère sache quels sont ses domaines d'intervention.

Il y a beaucoup à faire pour augmenter notre production de poisson et des autres produits aquatiques. Il y a beaucoup de ressources inutilisées ou mal utilisées. Il y a beaucoup de cas où il est absolument impérieux d'améliorer la qualité. J'entendais le ministre parler il y a quelques instants des 60% de poisson cancéreux. On pourrait parler aussi des anguilles empoisonnées qui sont rejetées dans d'autres pays justement parce qu'elles sont chargées de poissons pleins de plomb. Le plomb est un poison extrêmement dangereux parce que l'organisme ne l'élimine pas, il s'accumule et cela produit des formes d'empoisonnement extrêmement graves.

Déjà, cependant, au Québec, nous avons commencé à agir. La loi 48 est une étape, ce n'est pas la première loi que nous adoptons dans ce domaine. Nous avons commencé à agir. L'action du gouvernement a aidé considérablement, mais il y a aussi l'esprit d'entreprise des pêcheurs qui se manifeste un peu partout au Québec, en Gaspésie et dans d'autres régions du Québec. Nous mettons au point, nous adoptons des méthodes beaucoup plus modernes, beaucoup plus productives: l'éviscération à bord, le tri à l'usine dès le déchargement du poisson, le recours à des cahiers de normes. Tout cela permet d'améliorer et de garantir la qualité. De cette façon, les pêches au Québec ont déjà commencé à progresser à pas de géant.

Ce qu'il faut aussi savoir, M. le Président, c'est que le Québec a des rivaux, des concurrents. On n'est pas les seuls à tirer du poisson, par exemple, du golfe. Il y en a d'autres. Il y a les provinces atlantiques du Canada en particulier qui convoitent ces richesses-là et qui, d'ailleurs, traditionnellement, ont occupé une meilleure place que le Québec. Le Québec a été, pendant longtemps, le parent pauvre dans le golfe du Saint-Laurent, mais il se réveille. Les pêcheurs du Québec se réveillent. C'est fini la léthargie. Nous voulons prendre notre place dans le golfe et dans les autres territoires maritimes.

Ce réveil de nos pêcheurs, évidemment, ennuie, inquiète nos concurrents. Qu'est-ce

qu'ils ont fait? Qu'est-ce que les provinces atlantiques ont fait? Elles se sont tournées -ce n'est pas la première fois que cela arrive - vers le gouvernement fédéral pour qu'il intervienne en leur faveur et contre le Québec. On nous accuse de faire de la querelle fédérale-provinciale, de chercher la chicane avec Ottawa. Mais nous n'avons pas cherché la chicane. Nous réagissons contre une nouvelle action du fédéral qui tend à la fois à agir en faveur d'autres provinces que le Québec et à centraliser des pouvoirs, à ramener des pouvoirs à Ottawa. Ce gouvernement central n'a pas d'autre remède. C'est le remède qu'il applique partout. C'est le remède de la centralisation. Il cherche à étendre ses pouvoirs. Il est bien normal qu'au Québec nous cherchions à défendre et à conserver nos pouvoirs pour aider les pêcheurs québécois, pour aider tous ceux qui vivent de cette industrie, pour protéger et développer le potentiel futur.

Pour les raisons que j'ai indiquées, il est absolument vital que le Québec améliore sa capacité de production alimentaire et c'est un des principaux secteurs où nous pourrons le faire. Ce n'est pas une question de querelle fédérale-provinciale, M. le Président. C'est une question de défendre nos intérêts, de défendre notre patrimoine, de défendre notre potentiel.

M. le Président, je le dis en toute sincérité, cela fait sept ans et quelques mois que je siège avec vous en cette Chambre et que j'observe le député de Lévis. Je vous dis que je suis très heureux que le député de Lévis soit là pour défendre les intérêts des pêches et des pêcheurs québécois. Je pense que la population du Québec a pu, au cours des années, apprécier la qualité du travail du député de Lévis, sa persévérance et son dévouement pour la défense de nos intérêts dans les secteurs qui lui ont été confiés.

Je pense que, lorsque des députés de l'Opposition cherchent à attaquer le député de Lévis, ils agissent en notre faveur, parce qu'ils donnent d'autres occasions au député de Lévis de prendre la parole et de faire, de façon magistrale, la démonstration de sa compétence dans ces domaines et de sa détermination à protéger les meilleurs intérêts non seulement des pêcheurs et des agriculteurs, mais ceux aussi de l'ensemble de la société québécoise. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte, je vous donnerai la parole après la suspension de 18 heures. Ce n'est pas concernant cela? Ah! je croyais que vous demandiez la parole. Non. Il n'y a pas d'autres personnes? Oui, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas demandé la parole. Je ne sais pas pourquoi vous voulez me la donner. Mais, si vous voulez me la donner tout de suite, je vais la prendre cependant.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Comme vous étiez debout, j'ai cru que vous demandiez la parole. M. le ministre l'a demandée? Il y a suspension jusqu'à 20 heures. Alors vous reprendrez là-dessus à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 1)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Merci. Le ministre cède la parole à M. le député de Berthier.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la reprise du débat, pour nos téléspectateurs, je mentionne que M. le député de Berthier reprend le débat sur la prise en considération du rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et sur les amendements proposés au projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres dispositions législatives. M. le député de Berthier.

M. Albert Houde

M. Houde: Merci. Le projet de loi 48, connu sous le titre de Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales, est en voie d'être adopté sans que le gouvernement ne prenne la peine de s'enquérir des conséquences néfastes et des préoccupations sérieuses qu'il engendre auprès des gens du milieu, soit des pêcheurs côtiers et leurs aides-pêcheurs, la plupart des associations de pêcheurs et différentes associations ou organismes qui visent la protection des intérêts des gens qui vivent de la pêche. Aujourd'hui, plusieurs centaines de ces intervenants font savoir au gouvernement du Québec et à son ministre Jean Garon, responsable du projet de loi 48, qu'il est incapable d'adopter une loi et de l'imposer sans qu'ils ne puissent se faire entendre à l'occasion d'une commission parlementaire et sans que soient rendus publics les règlements qui seraient applicables à ce projet de loi confus.

Déjà, des centaines de pêcheurs, aides-pêcheurs et le reste dénoncent ce projet de loi 48 qui oblige le pêcheur à se soumettre à un double régime de permis créant ainsi un fardeau administratif additionnel que devra

défrayer autant le pêcheur que le contribuable. En deuxième lieu, il oblige le pêcheur à respecter une double réglementation, ce qui entraînera des conflits inévitables au niveau de l'application des règlements de pêche tout en affligeant la population des pêcheurs du double service de protection et d'inspection.

M. le Président, lorsque j'étais employé par une coopérative de ma paroisse, il y a plusieurs années, nous avions à classifier des oeufs. Lorsqu'un inspecteur passait derrière nous pour surveiller notre travail, c'était pénible. Mais lorsque les pêcheurs auront à faire face à deux inspecteurs, comment envisagez-vous leur situation? Les pêcheurs vont travailler de peine et de misère, jour et nuit bien souvent, en ayant toujours à l'esprit que des inspecteurs de deux paliers de gouvernement peuvent se présenter. Le gouvernement va obliger le pêcheur et le contribuable à financer une double administration relativement à un même secteur d'activités. Or, j'entendais les gens d'en face - et souvent même, le ministre de l'Agriculture, que nous devons encore subir et endurer - nous dire qu'il ne faut pas multiplier les règlements. Cela coûte de l'argent, cela tanne les gens et on peut s'en passer. Qu'est-ce que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation va faire encore une fois?

Les pêcheurs s'inquiètent de la détérioration de leurs relations avec les pêcheurs des autres provinces et ils voient dans le projet de loi 48 une autre occasion de conflit entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, conflit dont ils feront à nouveau les frais.

Le gouvernement ne peut ignorer la requête comportant près de 700 noms de pêcheurs que mon collègue de Nelligan a présentée la semaine dernière. Vous avez tous pu constater, comme moi, qu'encore une fois, le ministre doutait de la requête déposée en cette Chambre et des noms qui apparaissaient sur la liste. Il voulait les voir, parce qu'il pensait que ce n'était pas vrai. On n'a pas douté des télégrammes qu'il nous a lus cet après-midi. Peut-être qu'il va nous en lire encore ce soir. Je prends la parole du ministre, moi et j'imagine qu'il devrait prendre la nôtre, qui vaut autant que la sienne.

Le gouvernement ne peut ignorer que cette requête est endossée par différents organismes du milieu aussi intéressés que les syndicats de travailleurs d'usine, les chambres de commerce, les producteurs, etc. Le ministre Garon doit démontrer à la population qu'il n'a rien à cacher dans ce projet de loi et répondre franchement aux producteurs, aux préoccupations des gens du milieu en permettant qu'une commission parlementaire, que nous avons demandée à maintes reprises, se tienne et que la réglementation soit rendue publique.

M. le Président, quand vient le temps de traiter du projet de loi lui-même, M. Garon insiste curieusement beaucoup plus sur l'aspect constitutionnel que sur l'avancement des pêches. Je veux vous donner quelques arguments du Parti libéral, l'Opposition qui siège dans cette Chambre. Je n'ai pas l'intention de reprendre ici en entier le contenu de nos discours mais d'en rappeler les éléments les plus importants.

On peut les résumer ainsi. Le dialogue de sourds De Bané-Garon dans le domaine des pêches est néfaste pour l'industrie et nous ne voulons pas en être partie. Deuxièmement, l'intérêt des pêcheurs doit primer et la seule façon d'y arriver est d'établir une politique d'ensemble à court et à long terme... Ne soyez pas inquiet, M. le député de Bourassa, je ne saute pas de lignes. Je sais ce que je dis; je l'ai écrit et je suis capable de le lire facilement. Ne soyez pas inquiet pour moi. Tout à l'heure le ministre parlait des députés urbains; il parlait de mon collègue de Nelligan. Je ne sais pas d'où vous venez mais il me semble que vous ne venez pas d'un comté rural.

S'il a là des intérêts, le gouvernement se cache bien de le démontrer. En effet, rien dans le programme de relance n'était prévu pour le milieu des pêches. Où est le ministre? Que pense-t-il des pêcheurs? Pas plus des pêcheurs que des agriculteurs dans le champ. Les seules solutions du ministre sont des motions, des déclarations dans les journaux, des projets de loi. On ne trouve rien pour dynamiser le milieu. L'accent des actions du gouvernement n'est pas mis sur la pêche, les pêcheurs et leur famille.

Le Parti libéral réitère son option selon laquelle le Québec doit occuper tout le champ de juridiction qui lui revient. On ne doit pas aller au-delà et chercher ainsi l'affrontement.

Une voix: T'as raison, Albert.

M. Houde: Nous reconnaissons la juridiction du Québec sur certains aspects des pêcheries mais le projet de loi semble aller plus loin. Si le ministre déposait ses règlements, nous verrions plus clair dans l'intention du gouvernement. Si le projet de loi est contesté et que le Québec perd, nous perdons notre pouvoir actuel de négociation. Toujours sur ce plan, l'enjeu dépasse l'aspect des pêcheries. Des conséquences graves peuvent en découler sur des points aussi importants que les droits miniers, pétroliers et autres. (20 h 10)

M. le Président, le ministre a dit ce soir, avant le souper, qu'il était toujours présent et qu'il n'avait pas peur de se présenter partout. Mais je ne sais pas où était le ministre en 1983, au mois de

décembre. Le ministre a été invité au congrès de l'UPA au Château Frontenac - j'y participais - pour défendre sa politique et renseigner les cultivateurs, les agriculteurs, leur parler et peut-être se faire parler aussi. Où était le ministre? Il ne s'est pas présenté au Château Frontenac. Pourtant, il y avait beaucoup de personnes qui l'attendaient. La salle était bien remplie. Il y avait quelques agriculteurs péquistes qui disaient: II va venir. Il va venir. Cela ne se peut pas qu'il ne vienne pas. Le ministre n'a jamais eu peur. Mais ils se sont rendus à l'évidence: le ministre ne s'est pas présenté. Pourquoi ne s'est-il pas présenté? Cela s'explique aisément. C'est parce qu'il n'est plus à la hauteur de la situation. Lorsque vient le temps pour lui de prendre ses responsabilités et d'apporter quelque chose de sérieux à l'agriculture, M. le ministre n'est pas là. M. le ministre se promène, mais pas avec les agriculteurs. Il se promène ailleurs. Et c'est la classe agricole qui en souffre. C'est pour vous dire que nous, du Parti libéral, allons prendre nos responsabilités en tant que députés de l'Opposition. Et aussi, lorsque viendra le temps pour nous de prendre nos responsabilités de l'autre bord, soyez sûrs d'une chose: nous allons les prendre pour le bien des agriculteurs du Québec.

M. le Président, en terminant, que...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député, s'il vous plaît! M. le député de Chambly, une question de règlement en vertu de quel article?

M. Tremblay: La pertinence du débat, M. le Président, c'est quel article?

Une voix: L'article 204.

M. Tremblay: En vertu de l'article 204, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Berthier, votre temps est écoulé. Enfin... Trente secondes pour vous, sur le...

M. Houde: Merci, M. le Président. Merci de m'avoir rappelé. Cela va me permettre de le répéter une deuxième fois. Tout ceci pour vous dire qu'en tant que député de l'Opposition, on peut vous assurer d'une chose, à savoir que nous allons prendre nos responsabilités auprès des agriculteurs du Québec. Cela regarde, je pense, les gens de la province de Québec et les pêcheurs de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Tout ceci pour vous dire que, quand ce sera le temps pour nous de prendre nos responsabilités, nous allons les prendre. Et c'est pour cette raison que j'endosse l'amendement de mon collègue de Nelligan pour que le projet de loi soit reporté d'une année pour qu'on puisse enfin faire entendre les personnes intéressées et les écouter bien religieusement. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Comme il n'y a aucun autre intervenant, M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Nous avons eu droit tout à l'heure, avant de prendre le repas, à la réplique de cinq minutes du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Ce n'est pas que nous nous plaignons de ne pas l'avoir ici ce soir mais je pense que la situation est suffisamment sérieuse et importante pour que le ministre nous fasse l'honneur d'entendre les arguments que nous allons porter à son attention.

Le gouvernement, selon son habitude, est en train de tenter d'imposer à la population un projet de loi qui n'est pas nécessaire, qui est nuisible et qui va avoir des conséquences qui dépasseront le règne de ce gouvernement. Nous allons nous retrouver, nous du Parti libéral, au pouvoir, à traîner les séquelles d'un projet de loi totalement nuisible, désastreux et qui est refusé par les pêcheurs auxquels il s'adresse.

Le ministre prétend que son projet de loi est nécessaire pour affirmer l'autorité du Québec dans le domaine des pêcheries. Ce que le ministre est en train de faire, c'est de procéder, comme c'est l'habitude du gouvernement, par décret en refusant la négociation avec le partenaire, dans le domaine des pêcheries, qu'est le gouvernement fédéral. Il fait cela au détriment même des pêcheurs qui gagnent durement leur vie en tentant de nourrir la population du Québec et la population d'une partie du monde, en pratiquant un métier qui est extrêmement difficile et qui est parfois dangereux. Ce n'est pas la façon technocratique ni la façon bureaucratique, que le ministre est en train d'imposer dans le domaine des pêcheries au Québec, qui améliorera la situation. En quoi, finalement, le fait d'imposer une double juridiction aux pêcheurs du Québec améliorera-t-il la cause ou la situation des pêcheries au Québec?

Il est facile de comprendre que, pour sa gloriole personnelle, le gouvernement, par la bouche de son ministre des Pêcheries, désire pouvoir agir, comme il le fait habituellement, en empereur, en décrétant que, dorénavant, ceux qui veulent exercer telle activité doivent passer par le hache-viande gouvernemental qui s'appelle la réglementation, qui s'appelle la double inspection, qui s'appelle le double permis. Tout cela est totalement inutile et pourrait être évité facilement avec un peu de bonne foi.

On nous reproche de blâmer l'attitude du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pourtant, c'est là une grande partie du problème auquel nous avons à faire face. Si le ministre voulait, d'une façon sérieuse, d'une façon pondérée, en tenant compte de tous les éléments et en faisant une consultation valable, s'asseoir à une table de négociation pour en venir à des arrangements, à des compromis à la suite de discussions honnêtes, tout le monde serait gagnant, les pêcheurs les premiers.

L'attitude du ministre est cousue de fil blanc, il commence par mettre en doute les pétitions, les télégrammes qui sont présentés devant cette Assemblée par des gens qui divergent d'opinion avec lui. Cette technique est usée jusqu'à la corde. Il pousse l'outrecuidance jusqu'à dire que les gens qui ne sont pas d'accord avec lui sont tout simplement des organisateurs libéraux et qu'ainsi tout s'explique, qu'en fait, il a trouvé la clé qui va lui permettre de comprendre l'opposition des gens qui n'acceptent pas son projet de loi. C'est enfantin et puéril de raisonner ainsi.

Le ministre doit bien savoir et le gouvernement devrait savoir qu'on n'a pas besoin d'être organisateur libéral, qu'on n'a pas besoin de militer dans le Parti libéral du Québec pour s'opposer au projet de loi 48. De toute façon, M. le Président, les sondages dont vous avez pu vous-même prendre connaissance sont extrêmement éloquents. Parmi les personnes sondées, il y a des pêcheurs, il y a des gens qui gagnent leur vie sur l'océan, sur la mer, et seulement 26% parmi eux, comme parmi le reste de la population, appuient le gouvernement.

Il est ridicule de la part du ministre d'affirmer, pour détruire l'argumentation des gens qui s'opposent à son projet de loi, que ceux qui ne sont pas d'accord sont simplement des organisateurs libéraux. Il essaie de remonter la filière et de mettre en doute la bonne foi des gens qui, avec des arguments sérieux, lui font valoir que son projet de loi est inopportun, nuisible et mal à propos. Quand la population s'adresse à un ministre de cette façon, le ministre a un devoir d'écouter. Nous avons eu, il y a peu longtemps, des élections dans le comté de Saguenay, où vivent de très nombreux pêcheurs. Vous n'avez qu'à examiner le résultat des élections pour vous rendre compte que, là comme ailleurs, la population a refusé la politique générale du gouvernement, en particulier la politique qui la touche de plus près, en l'occurrence, pour ce qui est des pêcheurs dans le comté de Saguenay, la politique des pêches du gouvernement du Québec. (20 h 20)

Le ministre prend toutes sortes de moyens pour tenter de faire avaler son projet de loi. Tous les moyens sont bons pour faire accepter par cette Assemblée un projet de loi qui est refusé par la population. J'aurais simplement à donner lecture des télégrammes que j'ai ici en main. J'aurais tout simplement à me référer aux pétitions qui ont été déposées devant cette Assemblée et j'en aurais jusqu'à l'ajournement des débats, ce soir, simplement pour donner une brève lecture des télégrammes que j'ai en main. Le ministre nous arrive avec un ou deux télégrammes. Si je lui retournais l'argument, M. le Président, vous me le reprocheriez, à savoir que les télégrammes qui arrivent par son intermédiaire sont des télégrammes bidons qu'il est allé chercher chez des organisateurs péquistes. Je ne descendrai pas à ce niveau-là, mais je ne voudrais pas non plus qu'on nous fasse ce genre de blâme, ce genre de reproche. Le ministre a tenté, par toutes sortes de moyens, de faire accepter par cette Chambre le projet de loi 48. Il a tenté de le faire aux petites heures du matin, le 22 décembre. Il a tenté de le faire au moyen de ce que j'appellerais - je pèse mes mots - du chantage envers les jeunes agriculteurs. Ce qu'il a proposé en cette Chambre pour obtenir l'adoption de son projet de loi 48, cela a été que nous l'acceptions pour y retrouver une disposition qui était absolument nécessaire pour venir en aide aux jeunes agriculteurs, à la relève agricole. Heureusement, nous avons refusé de nous plier à ce chantage. Nous avons refusé d'adopter un projet de loi sous la menace. Nous n'avons pas accepté que les jeunes agriculteurs, que toute la relève agricole soit prise en otage pour faire accepter ce projet de loi qui est refusé presque unanimement dans la population. Mais le ministre n'a pas eu peur d'utiliser ce moyen et cela me fait craindre le pis, M. le Président. Je veux vous assurer que nous de ce côté-ci, de l'Opposition, nous allons faire tout en notre pouvoir pour que le ministre pèse avec justesse les gestes qu'il va poser. Qu'il ne s'aventure pas dans un domaine piégé, miné et où les véritables victimes seront les pêcheurs du Québec. C'est totalement inadmissible que le ministre nous refuse ce qui me semble aller de soi: une commission parlementaire qui va permettre aux principaux intéressés, à ceux qui auront à vivre avec le projet de loi, à ceux qui auront littéralement à gagner leur vie, en la perdant parfois, en la risquant en tout cas, avec une réglementation ministérielle qui est inconnue, avec un projet de loi qui confie au ministre des pouvoirs exagérés des pouvoirs dont nous ne connaissons pas les limites, des pouvoirs qui, entre les mains de ce ministre en particulier, sont dangereux... Nous ne pouvons pas regarder cette situation d'une façon oisive.

Notre devoir est d'insister pour que le ministre prenne les mesures nécessaires dès

maintenant. Il a été obligé de plier le 22 décembre, en retirant un article dans un projet de loi pour le faire adopter dans le bill omnibus, parce qu'il a été obligé de se rendre compte que, unanimement, cette Chambre refusait cette façon de faire. Ce que nous demandons, c'est que le ministre qui a commencé à s'apercevoir qu'il n'avait pas raison dans tous les cas continue en ce qui concerne le projet de loi 48 et informe dès maintenant cette Chambre que nous aurons une commission parlementaire où nous de l'Opposition - je termine, M. le Président - nous pourrons faire valoir notre point de vue et en même temps être éclairés par le point de vue des nombreux intéressés, des nombreux intervenants qui communiquent avec nous de toutes sortes de manières et qui insistent pour être entendus. Le ministre doit donner une réponse là-dessus. Il doit accepter que le jeu de la démocratie s'exerce. Autrement, nous serons dans le doute constant sur le bien-fondé de ce projet de loi. Le ministre a un devoir, ce soir, c'est d'accepter la commission parlementaire que nous exigeons. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Champlain.

M. Marcel Gagnon

M. Gagnon: Merci. Nous nous retrouvons encore une fois devant l'Assemblée nationale à discuter d'un projet de loi qui aurait dû être adopté beaucoup plus vite, n'eût été de la mesquinerie de l'Opposition, de la mesquinerie politique. L'Opposition se gargarise à tout moment en disant que, selon elle, le gouvernement du Québec ne s'occupe pas assez d'économie. Chaque fois qu'on a une loi qui parle de développement, une loi qui parle d'économie, on fait en sorte de retarder les agissements du gouvernement du Québec qui pourraient permettre à un secteur aussi vulnérable que le domaine des pêcheries de se développer, de se diversifier comme on a fait, entre autres, dans le domaine de l'agriculture. Ce qui est assez drôle dans ce débat, c'est que finalement, depuis sept ans que je suis à l'Assemblée nationale, on entende toujours les arguments de la part de l'Opposition. Lorsque dans une loi, les gens de l'Opposition voient la possibilité pour les Québécois de se prendre un tant soit peu en main, de se diriger eux-mêmes, de diriger leur économie, c'est devenu un scandale pour l'Opposition libérale. Il faudrait avoir des lois pour rapetisser les Québécois pour leur faire plaisir.

Les arguments qui sont apportés, on les a entendus au mois de décembre et ils reviennent encore: on dit que le Québec va imposer un double permis. Pas un seul n'a eu le courage de dire que si le Québec est obligé d'en arriver là pour faire respecter ses juridictions, c'est parce que le ministre fédéral, encore une fois, unilatéralement, a coupé, a rompu des ententes qui existaient depuis 1922. Pas un seul du côté de l'Opposition n'a dit clairement aux Québécois qu'il y avait là une entente qui fonctionnait, qu'on devait respecter, qu'on devait renégocier si on le voulait, mais qu'on n'avait pas le droit unilatéralement, encore une fois, de venir couper des ponts et de venir saboter, à toutes fins utiles, un secteur économique sans doute assez vulnérable et qui demande à être aidé.

S'il y a double permis, c'est d'abord, c'est surtout et avant tout parce que le gouvernement fédéral ne respecte pas ses ententes, ne respecte pas les juridictions du Québec. On a eu le même débat avec la loi 38. L'Opposition applaudissait devant le fait que le gouvernement fédéral ne respectait pas les juridictions du Québec, ne respectait même pas sa propre constitution qu'il a passée, qu'il a taponnée, qu'il a tripotée unilatéralement. On est obligé de leur dire: Écoutez, dans la constitution, les municipalités relèvent du Québec. Et l'Opposition applaudit à cela. Moi, je prends part à ce genre de débat et je dois vous dire que, personnellement, cela commence - et pour plusieurs Québécois aussi, j'en suis persuadé -à être un peu déprimant de voir les gens d'en face qui ne se sont jamais, à mon point de vue, posé la question à savoir pourquoi ils sont ici à l'Assemblée nationale. Si vous voulez travailler pour le gouvernement fédéral, pour votre maison mère, pour le Parti libéral fédéral, il faudrait choisir de vous présenter aux prochaines élections qui s'en viennent au gouvernement fédéral. Mais ici on est ici.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Gagnon: M. le Président, est-ce que j'ai le droit de m'exprimer ici à l'Assemblée nationale? Oui.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;

M. Gagnon: Alors, si vous voulez les faire taire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; S'il vous plaît!

M. Gagnon: Comme député de la circonscription de Champlain, de la Mauricie, comme n'importe quel député ici à l'Assemblée nationale, mon premier devoir est de défendre les Québécois, de faire respecter les juridictions du Québec. Ce n'est pas être de méchants séparatistes que de jouer notre rôle et nous allons le jouer. La seule bonne nouvelle que j'ai entendue ce soir et depuis

le début de ce débat, c'est le député de Berthier qui a dit qu'il va prendre ses responsabilités. J'ai hâte. J'ai bien hâte de voir le Parti libéral du Québec prendre ses responsabilités et défendre les Québécois. Si, effectivement, le député de Berthier a la possibilité de réveiller son caucus et de réveiller le Parti libéral du Québec pour qu'enfin, les Québécois sentent que ces gens-là travaillent pour les Québécois et non pas contre les Québécois, je pense, M. le député de Berthier, que vous aurez fait un très bon bout de chemin en politique. (20 h 30)

M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche disait qu'il ne comprenait pas les libéraux. Je dois vous dire que, personnellement, je commence à trop les comprendre. Je suis persuadé que la population du Québec commence à les comprendre sérieusement aussi. Je suis persuadé qu'un jour ces gens devront ressentir le devoir de défendre les Québécois, de défendre les juridictions du Québec. Une loi comme celle-là, qui permet de développer un secteur vulnérable, mais un secteur qui est très intéressant et qui pourrait l'être davantage pour aider à l'économie du Québec, pour aider des régions qui en ont grandement besoin, je pense que vous n'avez pas le droit de la retarder. Pour ma part, je sais qu'on l'adoptera; même s'il faut encore passer des nuits, on l'adoptera. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il y a des principes très fondamentaux que nous défendons en nous opposant au projet de loi 48. Ces principes n'ont rien à faire pour le moment avec la question de juridiction fédérale-provinciale. Laissons cela de côté. Si le ministre disait à un individu qui veut avoir un permis de conduire: Oui, je vais te le donner, quand cela me plaira, de la façon qui me plaira, aux conditions qui me plairont, que dirait la population? Si un contribuable se faisait dire par le ministre du Revenu: Tu vas payer le montant que je vais t'imposer, de la façon que je te le dirai, aux conditions que je t'imposerai et, si tu t'y opposes, tu n'auras qu'à présenter tes observations au ministre avant que je ne prenne ma décision, qu'est-ce que la population dirait?

C'est exactement ce que ce projet de loi fait: il s'applique aux pêcheurs et non à l'ensemble de la population. N'oublions pas les principes pour les 25 000 permis, les 25 000 personnes qui les reçoivent et qui dépendent du ministre de l'Agriculture, qui dépendent du gouvernement. Avec ce projet de loi, qui est une loi-matraque, on veut donner une discrétion totale au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, sans établir de critères, sans que celui qui gagne sa vie de cette activité connaisse les règles du jeu. C'est ce à quoi nous nous opposons. Oublions pour le moment la question de juridiction fédérale-provinciale. Tenons-nous en à l'aspect humain de ceux qui sont affectés par le projet de loi et qui seront obligés d'être à la merci du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. C'est cela votre conception d'un gouvernement? C'est ainsi que vous voulez rédiger vos projets de loi?

Je vais vous donner quelques exemples. On nous a accusés de ne pas attaquer le fond du projet de loi. Je vais vous lire quelques articles, M. le Président, pour démontrer l'arbitraire du ministre, pour démontrer la discrétion et les pouvoirs absolument inacceptables que ce ministre se donne et pour démontrer les raisons pour lesquelles nous demandons que le projet de loi soit reporté. Cela n'a pas de bon sens qu'on accepte ici, à l'Assemblée nationale, une Assemblée parlementaire démocratique, de donner des pouvoirs de dictature à un ministre. On veut un ministre des pêcheries, mais on ne veut pas un tsar des pêcheries. C'est cela le problème. Je vais vous donner quelques exemples. Le ministre, selon le projet de loi qu'il désire voir adopter par cette Assemblée, peut octroyer le nombre de concessions qu'il fixe et déterminer pour chaque concession les espèces, les quantités de produits qui peuvent être pêchées. C'est strictement à la discrétion du ministre; c'est le ministre qui choisit les concessionnaires, selon les critères qu'il établit lui-même. Vous voyez la possibilité d'abus, de patronage politique, les problèmes que cela peut causer à ceux qui, de bonne foi, veulent obtenir des concessions et qui ne veulent pas nécessairement se plier au bon vouloir du ministre.

Le concessionnaire est assujetti à toute condition, restriction ou interdiction que le gouvernement peut fixer par règlement et on demande au gouvernement... C'est vrai qu'il peut y avoir une réglementation, mais pourquoi ne déposez-vous pas ici à l'Assemblée nationale vos règlements avant l'adoption du projet de loi? Ce n'est pas la première fois qu'un projet de loi donne le droit au ministre de fixer les règlements, mais dans plusieurs autres projets de loi, après que nous ayons posé des objections, des ministres - d'autres ministres, pas celui-ci -ont déposé la réglementation. Nous l'avons examinée et nous avons procédé à l'acceptation ou à l'adoption du projet de loi.

D'autres pouvoirs discrétionnaires du ministre? Je vous en ai déjà mentionné. Premièrement, on peut interjeter appel de la décision du ministre sur une question de

droit ou de compétence. C'est évident que le ministre a compétence dans les pêcheries. Ce n'est pas le ministre du Loisir, de la Chasse ou de la Pêche, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ou le ministre de l'Éducation qui aura autorité sur les pêcheries, mais on ne peut pas s'opposer si le ministre prend une décision sur des faits qu'on n'accepte pas. On ne donne pas ce droit ici. On donne le droit à tout inspecteur de pénétrer à toute heure convenable dans les établissements d'un titulaire de permis et de faire des perquisitions sans mandat. On donne le droit au ministre d'exproprier et d'acquérir de gré à gré, de louer à l'exproprié tout bien ou tout droit immobilier nécessaire à l'exercice de ses fonctions.

M. le Président, j'ai siégé à la commission parlementaire qui a fait l'étude détaillée du projet de loi 48. J'ai demandé au ministre: Est-ce que ce pouvoir, c'est pour vous donner le droit d'exproprier Pêcheurs unis, qui est maintenant connue comme les Pêcheurs Cartier, pour vous débarrasser de quelqu'un que vous ne voulez pas avoir? Ces gens-là ont des droits, mais le ministre ne veut pas les reconnaître. Le ministre ne l'a pas nié. Oui, c'est pour lui donner ce droit et il veut qu'aujourd'hui on lui donne la permission. On veut qu'on adopte ce projet de loi. Jamais!

Et pourquoi craint-on tellement les pouvoirs du ministre? Il y a un article qui a paru le 3 mars 1984: "Les agriculteurs de Mirabel pénalisés par le ministre Garon." C'est très intéressant, le pouvoir que le ministre accapare et la façon avec laquelle il exerce son pouvoir discrétionnaire. On accuse ici le ministre d'avoir coupé les prêts et subventions parce que les gens ne s'entendaient pas avec le ministre. Voyons ce que ces agriculteurs reprochent au "smiling minister". Ceux-ci - et je cite l'article -accusent Me... C'est un avocat, à part cela. Un avocat devrait savoir que les libertés individuelles des pêcheurs, on ne peut pas les bafouer par un projet de loi dont il accapare tous les pouvoirs. Il aurait dû savoir cela dans son cours de droit et quand il enseignait le droit à l'université, il a dû défendre les libertés fondamentales, les libertés individuelles, la discrétion et les abus du pouvoir. Il a dû savoir cela. Il a dû lire certains textes là-dessus, mais cela n'a pas l'air de l'avoir beaucoup impressionné. On dit: Ceux-ci accusent Me Jean Garon d'avoir ordonné aux fonctionnaires de l'Office du crédit agricole du Québec de n'octroyer aucun prêt et subvention aux agriculteurs de Mirabel, ce qui a été confirmé par le ministre Garon lui-même lors d'une entrevue donnée à l'émission de Télé-Métropole le 6 janvier, ceci sous prétexte qu'une action en nullité d'expropriation est devant les tribunaux. Le ministre décide ce qu'il veut avoir. Il ne s'occupe pas des droits des individus. Il ne s'occupe pas des droits de la population et il agit d'une façon discrétionnaire. On continue en disant: On a eu la preuve ces derniers jours qu'un ancien propriétaire, lequel a acheté et payé comptant sa ferme et a voulu la revendre à un jeune parent intéressé à l'agriculture n'a pu le faire, car ce jeune s'est vu refuser son crédit agricole dû à la discrétion et aux pouvoirs abusifs du ministre. Je voudrais souligner le fait que dans le projet de loi 48 que nous avons bloqué au mois de décembre dernier, il prévoyait des subventions aux jeunes agriculteurs. Nous avons pu convaincre et obliger le gouvernement à enlever cette disposition du projet de loi 48 et à l'inclure dans une autre loi afin que les jeunes agriculteurs puissent obtenir leur subvention, parce que le ministre avait essayé d'inclure cette clause pour nous faire avaler un projet de loi inacceptable sous prétexte que cela aurait affecté les jeunes agriculteurs.

Il est absolument impensable qu'un gouvernement, qu'un ministre nous demande d'accepter un projet de loi avec de tels pouvoirs discrétionnaires. C'est un projet de loi qui a fait l'objet des objections de tellement de gens du milieu. Le ministre demande au député de Nelligan de déposer la pétition de tous ceux qui l'ont signée. Après avoir lu des articles comme celui-ci: "Les agriculteurs de Mirabel sont pénalisés par le ministre", parce qu'ils ne s'entendent pas avec le ministre, on peut comprendre, pour la protection de deux qui ont signé la pétition, qu'on ne veuille pas dévoiler tous ces noms-là. Il faut empêcher une autre forme d'abus d'influence ou de représailles du ministre.

On nous dit qu'on est contre les Québécois parce qu'on est contre le projet de loi 48. Étions-nous contre les travailleurs au pourboire lors de l'étude du projet de loi sur les pourboires? C'étaient des Québécois. Étions-nous contre les citoyens des municipalités lors de l'étude du projet de loi no 38? Eux aussi, ce sont des Québécois. Étions-nous contre le monde de l'éducation au sujet du projet de loi 40? Eux aussi, ce sont des Québécois. On dirait que c'est un gouvernement qui a des intérêts tout à fait à part et pour lui-même, des intérêts distincts des intérêts des Québécois. Voilà pourquoi nous avons eu les projets de loi 38, 40 et 43.

On nous accuse de nous opposer au projet de loi 48. Oui, nous nous sommes opposés aux projets de loi 38, 40, 43 et nous avons fait changer les ministres. Nous disons ceci au gouvernement: Nous allons nous opposer au projet de loi 48 jusqu'à ce que vous changiez la loi ou le ministre. C'est aussi simple que cela. Nous n'accepterons pas cette loi, au nom de ceux qui sont affectés par les abus du gouvernement et les abus de ce ministre. Merci M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci M. le Président. Nous sommes à étudier le rapport sur l'étude détaillée du projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres dispositions législatives. Vous me permettrez, M. le Président, au début de mon propos, de féliciter le porte-parole de l'Opposition en la matière, le député de Nelligan, pour l'excellent travail qu'il a fait dans l'étude de ce projet de loi jusqu'ici, de féliciter également le député de Bonaventure et chef de l'Opposition pour toute l'attention qu'il a apportée à l'étude de ce projet de loi. Je veux souligner aussi toutes les suggestions constructives et tous les amendements qui ont été apportés par les représentants de l'Opposition mais qui ont malheureusement été rejetés arbitrairement, du revers de la main, probablement par petite partisanerie ou par incompréhension totale de la part du gouvernement.

Le ministre nous disait, cet après-midi, que les députés libéraux nuisaient aux intérêts des pisciculteurs en retardant indûment ce projet de loi. Eh bien, si on veut savoir si nous nuisons vraiment aux intérêts des pisciculteurs, demandons le aux pisciculteurs. Est-ce qu'ils veulent de ce projet de loi 48? Vous me permettrez de citer le journal La Terre de chez nous, du 1er mars 1984, où l'on peut lire la manchette: "Poissons en procès". Cela commence bien. Je cite: "Le règlement relatif à la vente de certains poissons selon la Loi sur la conservation de la faune ne devrait pas s'appliquer à un produit reconnu agricole en vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles". Il s'agit d'un procès qui a eu lieu le 20 février dernier à la Malbaie et dont M. Joseph-E. Beaudet et le magasin Cooprix faisaient l'objet de poursuites de la part du gouvernement. Pourquoi? Parce que les deux étaient accusés d'avoir vendu à l'état mort de la truite mouchetée, contrevenant ainsi à un règlement relatif à la vente de certains poissons.

Voilà le comble de l'incongruité! Nous avons un ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui a choisi comme vocation d'augmenter la production de la truite mouchetée au Québec. Il a organisé des programmes, il a fait investir par des pisciculteurs des centaines de milliers de dollars, il a fait consentir des prêts par l'Office du crédit agricole du Québec et une fois que la truite est prête à mettre sur le marché, un règlement du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche en interdit la vente. Comme comble de confusion, on n'a jamais rien vu de semblable!

Qu'est-ce qui préoccupe les pisciculteurs? C'est justement de voir que le produit dans lequel on leur a fait investir des centaines de milliers de dollars, lorsque celui-ci arrive à terme, est prêt à la consommation, ils n'ont pas droit de le vendre. La preuve en est que le 20 février, M. Joseph-E. Beaudet était poursuivi à la Malbaie par le gouvernement pour avoir mis sur le marché la truite mouchetée qu'il avait élevée et pour laquelle il avait eu des subventions. Il avait un permis de pisciculteur délivré par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Le procureur de la défense a déposé le texte d'un arrêté en conseil adopté en 1979 faisant des produits de la pisciculture destinés à la consommation un produit agricole. M. Beaudet a souligné qu'il est reconnu producteur agricole selon la loi, que son entreprise bénéficie de prêts de l'Office du crédit agricole du Québec, qu'il est membre de l'UPA et du Syndicat des pisciculteurs. Plus loin, on lit: Le secrétaire du syndicat, M. Jacques Bonneau, a par la suite expliqué que les pisciculteurs se sont donnés un plan conjoint, un outil légal qui permet la mise en marché des produits piscicoles. M. Pierre-Louis Landry a témoigné, à titre d'expert du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Il a d'abord tracé à l'intention du juge les principales étapes de développement de l'industrie piscicole; il a aussi fait état des investissements et des subventions gouvernementales. Finalement, il a insisté sur le fait qu'il est facile de distinguer la truite d'élevage de la truite indigène. Donc, le problème des pisciculteurs est qu'on les a incités à investir; maintenant que leur produit est prêt à mettre sur le marché, une autre loi le leur interdit.

Maintenant, que dit le journal La Terre de chez nous, du 15 mars 1984? Je cite. "Garon freine les pisciculteurs." Ce ne sont pas les méchants libéraux qui disent cela. Sur quoi se base-t-on? Je cite: "Comment peut-on reprocher au conducteur d'une automobile de ne pas faire fonctionner son véhicule si on ne lui permet pas de s'approvisionner en essence. Cette situation de notre plan conjoint, a écrit le président du Syndicat des pisciculteurs du Québec au ministre Jean Garon dans une ultime tentative de sensibiliser le ministre aux difficultés financières de ce groupe, a fait que les pisciculteurs sont en graves difficultés financières." Est-ce que le projet de loi 48 vient remédier à cette situation?

Je cite encore: "Ce que veulent justement les pisciculteurs, c'est qu'on les autorise à commercialiser leurs produits, en l'occurrence, la truite mouchetée d'élevage. Et il semble que le ministre Garon est la

seule roue de l'engrenage qui refuse de tourner pour que les pisciculteurs puissent actuellement en toute légalité vendre leur production pour des fins de consommation. Pour que la commercialisation de la truite mouchetée d'élevage soit légalisée, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, M. Guy Chevrette, doit déposer un décret au Conseil des ministres, ce qu'il est prêt à faire, mais, simultanément, une autre démarche doit être faite: il faut que le ministre, M. Garon, dépose également devant le Conseil des ministres un projet de règlement élaboré en vertu de la loi 49." Plus loin, on dit: "De l'avis du syndicat, l'adoption de cette loi 48 n'a rien à voir avec la commercialisation de la truite et, compte tenu de ces faits, une question se pose: Le ministre Garon se sert-il du Syndicat des pisciculteurs comme otage pour faire pression sur le Parti libéral pour que soit adopté rapidement le projet de loi 48 lors de l'ouverture de la session?" Eh bien, c'est ici le noeud du problème, M. le Président.

Le ministre avait d'abord - on l'a rappelé tout à l'heure - inclus l'amendement favorisant l'établissement des jeunes agriculteurs dans le projet de loi 48, en disant: Si les libéraux, en décembre, refusent d'adopter le projet de loi 48, ils auront l'odieux de refuser une aide aux jeunes agriculteurs. Le chef de l'Opposition et les députés libéraux étaient parvenus à faire entendre raison au gouvernement et à mettre cet amendement dans le projet de loi 50, qui était le bill omnibus et qui était la loi appropriée. Concernant le projet de loi 48, le ministre nous disait: Les libéraux pénalisent les pisciculteurs en refusant d'adopter rapidement cette loi. Or, ce n'est pas ce que les pisciculteurs nous donnent par la voix de leur journal officiel La Terre de chez nous, comme je vais vous le démontrer.

Quelle est donc la nature de la crise financière qui secoue l'industrie piscicole? Elle serait de trois ordres, M. le Président. On peut d'abord l'imputer à un manque de planification dans le développement de la pisciculture, c'est-à-dire que le ministre a mis des programmes avec sa baguette magique sans aucune planification et nous avons aujourd'hui le résultat. Nous avons le résultat: de la truite mouchetée en abondance que les pisciculteurs ne peuvent mettre en marché. Or, je soupçonne que le ministre ne règle pas ce contentieux, mais qu'il veuille plutôt favoriser maintenant le développement et l'élevage d'une espèce de saumon en pisciculture, parce qu'il semble que c'est un produit que nous importons en grande quantité de la Colombie britannique.

La deuxième cause, ce seraient les problèmes de surproduction reliés en partie au fait que la commercialisation de la truite mouchetée d'élevage n'est pas légalisée.

Comment peut-on penser faire investir des pisciculteurs dans une entreprise agricole et, une fois que leurs produits sont prêts à mettre sur le marché, le leur refuser? C'est absolument inadmissible.

La troisième raison, c'est une absence de politique à long terme d'ensemencement des eaux publiques et aussi privées, dans certains cas. Je citais M. Louis-Philippe Filion, le président de la Fédération des pisciculteurs du Québec.

Je conclus, M. le Président. Donc, le problème des pisciculteurs, ce n'est pas le projet de loi 48, mais c'est l'autorisation de commercialiser leurs produits. Je dis au ministre: De grâce, réglez ce problème; assoyez-vous avec le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche; il semble qu'il soit prêt à régler le problème; réglez ce contentieux qui pénalise fortement les pisciculteurs et cessez de blâmer le Parti libéral, s'il fait son travail en vous refusant l'adoption du projet de loi 48. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Jacques Le Blanc

M. Le Blanc: Merci, M. le Président. À la fin du mois de décembre, nous avions à discuter du projet de loi 48. Nous avions, à ce moment-là, réglé un sujet dans le domaine des pêches, la loi 49, relative à la classification d'un produit qu'on peut produire au Québec, notre industrie de la pêche. Nous assurions par ce moyen la qualité, mais on assure la qualité d'un produit que l'on produit et que l'on veut produire en plus grande quantité et de meilleure façon.

Le projet de loi 48 a pour objet principal de favoriser le développement des pêcheries et de l'aquaculture commerciales.

Une voix: C'est faux.

M. Le Blanc: Ce développement aura des conséquences bénéfiques pour tout le Québec. Il affirme d'abord la volonté du Québec d'assumer sa juridiction complète et entière sur son territoire immergé, par le moyen d'émission de permis, sur le fonds marin près de ses rives. L'exploitation des pêches, l'industrie de la pêche, à cause de sa dimension saisonnière, entre autres raisons, requiert une attention toute particulière qui se manifeste dans le projet de loi 48. Investir dans la modernisation des usines de pêche, la recherche des marchés, les bateaux, la flotte de pêche, investir dans une garantie de qualité, investir dans Madelipêche, tous ces investissements du gouvernement du Québec doivent s'inscrire dans une politique de développement des pêches, et le projet de loi 48 est peut-être le premier pas, le plus important, dans cette

voie.

On a fait allusion tantôt, dans ce débat sur le projet de loi 48, au comportement du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. On l'a même accusé d'être dictateur, on était rendu peut-être un peu trop loin du vrai domaine des pêches puisqu'on était rendu à Mirabel avec des refus de crédit agricole. Je dois dire, pour l'information des gens qui ont soulevé cette question, que les vrais agriculteurs expropriés de Mirabel qui contestent les expropriations appuient le ministre Jean Garon dans sa décision. Il en est de même de Bell Helicopter qui vient de demander de négocier avec les anciens propriétaires parce que les titres sont contestés. Ce n'est pas le ministre qui impose sa dictature. Ce sont les gens qui sont inquiets de ces manoeuvres, de ces procédures qui se sont développées dans l'expropriation de Mirabel.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;

M. Le Blanc: II y a dans tous les investissements qui sont consentis, je pense, une volonté de la part du gouvernement de rationaliser cette industrie et cette exploitation des pêches au Québec. On a traité tantôt de l'aquaculture. Ne pourrait-on pas, ici au Québec, tout en contribuant à une plus grande autosuffisance dans le domaine alimentaire, développer ce domaine d'aquaculture commerciale? Cela aurait comme conséquence tout simplement de diminuer nos importations et d'augmenter, si possible, la consommation ici au Québec de poisson de très haute qualité. Et pourquoi ne pas aller chercher aussi des marchés d'exportation dans ce domaine comme dans d'autres domaines où on a réussi à le faire? Pour faire cela, il faut se prendre en main. On travaille à moderniser notre équipement, notre flotte de pêche. J'ai une preuve assez évidente dans mon comté, où j'ai une industrie absolument extraordinaire qui s'appelle les bateaux Lachance. Je suis très fier de participer de temps à autre au lancement de nouveaux bateaux de pêche qui sont destinés aux pêcheurs de la Gaspésie.

Ce sont des emplois pour les Québécois. C'est la modernisation de notre flotte de pêche et cela contribue à assumer dans ce domaine aussi la mise en valeur de nos connaissances, de notre savoir-faire.

C'était quelques mots pour vous dire que le projet de loi 48 est d'une entière nécessité pour assurer le développement rationnel des pêcheries au Québec. Dans ce domaine comme dans d'autres, je pense qu'on doit tout simplement assumer cette tâche parce que, on l'a prouvé dans le domaine agricole, si l'on veut contribuer à cette tâche emballante de faire avancer le Québec, ce n'est pas une tâche qu'on doit confier aux autres. Nous, Québécois, nous devons l'assumer.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

(21 heures)

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je constate que l'Opposition fait flèche de tout bois. Même le champion collectionneur de dictionnaires de Louis-Hébert a décidé de monter sa monture et de parler d'un problème qu'il ne connaît pas. M. le Président, on me dit même que le député de Beauce-Sud a parlé de la truite mouchetée. Je vous dirai qu'en aucun temps, le ministère de l'Agriculture n'a financé la production de la truite mouchetée pour la table puisque la commercialisation en est interdite. Nous avons financé des entreprises, des étangs de ferme de truite mouchetée pour ceux qui allaient pêcher sur place, mais, pour la commercialisation, seule la truite arc-en-ciel est permise.

Un des objectifs du projet de loi 49 et du projet de loi 48 est justement de permettre le développement de l'élevage de la truite mouchetée et sa commercialisation. Évidemment, ceux qui arrivent dans le dossier, qui ne connaissent pas le dossier ou qui le connaissent mal - et cela peut inclure le président du syndicat, qui n'est pas lui-même un pisciculteur mais qui devrait l'être - peuvent penser que le projet de loi 48 n'est pas relié... Je vous invite tout simplement à lire les articles des spécialistes de la faune - M. Bellemare du Soleil, M. Pagé - des différents chroniqueurs de la faune qui vous diront à quel point, pour qu'on permette la commercialisation de la truite mouchetée au Québec, il va falloir faire en sorte que sa production soit réglementée, que le braconnage ne soit pas possible, que la commercialisation en soit précisée pour faire en sorte que ceux qui auraient le goût de braconner ne puissent pas mettre en marché la truite mouchetée qui viendrait de lacs où on aurait tendu des filets. Il faut pour cela qu'il y ait un contrôle dans un circuit, dans un réseau fermé d'éleveurs de truite mouchetée.

Je peux bien comprendre ceux qui ne peuvent pas voir le problème. Qu'est-ce que vous voulez? Les libéraux ont fait en sorte qu'on élève seulement 80 000 livres de truite pendant qu'ils étaient au pouvoir. En 1977, c'étaient 86 000 livres de truite. Pour 86 000 livres de truite, cela ne prend pas un grand lac. Vous savez qu'aujourd'hui il y a des villégiateurs qui ont des grands lacs et qui élèvent environ 86 000 livres de truite. La ferme de truites Saint-Mathieu dans l'Abitibi doit produire à elle seule

seulement une ferme de truites - le double de cela. J'aurai l'occasion d'inaugurer bientôt la pisciculture des Alleghanys, à Saint-Philémon de Bellechasse. À elle seule, elle produit plus que la production totale du gouvernement Bourassa en 1976. Ces gens-là vont venir dire que le ministre actuel a des leçons à prendre de l'Opposition! Évidemment, quand on ne fait pas la distinction et qu'on dit, comme l'a dit tantôt le député de Hull, que la pluie acide n'a rien à voir avec les pêches et les lacs, il faudrait peut-être qu'il sache que le poisson, cela vit dans l'eau. Quand il y a des pluies acides dans les lacs, comme le disent tous les chroniqueurs... Je suis content de voir que la députée de Chomedey écrit de belles chartes théoriques, mais elle devrait d'abord commencer à faire l'éducation de ses collègues pour leur apprendre que les pluies acides sont dommageables pour les lacs du Québec.

Une voix: Voyons donc!

M. Garon: Voyons! Quand le ministère de la Défense du Canada tire des obus dans le lac Saint-Pierre, ce n'est pas bon pour la santé des poissons. Quand des obus éclatent dans le lac...

Des voix: Voyons! Voyons!

M. Garon: ...ou dans les frayères...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon: Le Parti libéral préfère se voiler la face, parce que autrement il serait obligé d'appuyer le projet de loi 48. Aux prochaines élections...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon: ...je peux vous dire que le projet de loi 48 aura été appliqué, les règlements auront été appliqués, d'autres projets de loi auront été adoptés avant l'ajournement de la session pour permettre un crédit encore plus grand aux pisciculteurs pour faire la commercialisation du poisson. Qu'on regarde un peu ce qui se passe sur les marchés: on va voir de la truite de l'Idaho, de la truite du Danemark. Ne pensez-vous pas qu'on devrait avoir cela ici? C'est ce que va permettre la loi 48.

Mais les responsables de la faune, où qu'ils soient, ne permettront pas un grand développement des piscicultures si d'abord le ministère responsable de l'élevage du poisson au Québec ne fait pas en sorte que le poisson indigène soit protégé à 100% pour qu'on fasse le développement de l'élevage du poisson au Québec. C'est cela, le but du projet de loi 48.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Viger.

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. En écoutant le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, cela me rappelait le 22 décembre lorsque nous étions en commission parlementaire. Le porte-parole officiel de l'Opposition lui a demandé, à plusieurs reprises: pourquoi le projet de loi 48? Il n'a jamais eu le courage de nous dire ouvertement ce que tout le monde sait, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une querelle entre lui et le ministre fédéral, M. De Bané. C'est une querelle sur le dos des pêcheurs. C'est une querelle qu'ils ne sont pas capables de résoudre à l'extérieur de l'Assemblée nationale, à l'extérieur du Parlement, entre hommes adultes, entre gens qui savent parler. La preuve est là; la même semaine, on avait divers projets de loi. Entre autres, on avait le projet de loi 38 sur lequel le gouvernement a dû reculer. Étant donné que le poids du ministre de l'Agriculture n'est pas le même que celui du ministre des Affaires municipales, vous comprenez la raison pour laquelle le projet de loi 48 est encore là pour être adopté et que le projet de loi 38 n'y est plus. Je ne parle pas de façon métaphorique mais je parle du poids du ministre à l'intérieur du Conseil des ministres.

On a clairement dit à ce moment-là que le projet de loi 48 se faisait sur le dos des pêcheurs. Pourquoi le double permis? Les pêcheurs sont les gens les plus démunis, les gens de la Gaspésie qui ne peuvent même pas venir à Québec pour défendre leurs intérêts. Quand, tout à l'heure, j'écoutais le ministre qui nous montrait les télégrammes qu'il avait reçus pour appuyer son projet de loi, je peux lui montrer des dizaines de télégrammes que les pêcheurs de la Gaspésie nous ont envoyés pour nous dire qu'ils étaient contre ce projet de loi.

Il y a un télégramme qui a été envoyé à M. René Lévesque, premier ministre: "Après avoir pris connaissance du projet de loi 48 et de ses implications considérables pour l'avenir des pêcheurs du Québec, notre association de pêcheurs demande respecteusement à votre gouvernement de tenir, dans les meilleurs délais, une commission parlementaire et d'y inviter tous les divers groupes d'intervenants du milieu des pêches de la Gaspésie." C'est un télégramme qu'on a reçu. Jamais le ministre ne s'est rendu à la demande des pêcheurs et à la demande de l'Opposition qui demandaient une commission parlementaire relative à ce projet de loi, pour écouter les gens du milieu, pour écouter les intervenants qui sont

pénalisés par ce projet de loi. Jamais le ministre n'a voulu accéder à cette demande parce qu'il disait avoir l'appui des intervenants, des pêcheurs.

Je continue; c'est M. Jacques Proulx, président général de l'Union des producteurs agricoles qui envoyait un télégramme disant: "L'Union des producteurs agricoles et le Syndicat des pisciculteurs du Québec désirent vous faire part de leur inquiétude à la suite de l'étude des projets de loi 48 et 49, que l'Assemblée nationale s'apprête à adopter rapidement. Le projet de loi 48 prévoit entre autres que le gouvernement peut, par règlement, édicter des normes relatives à la production, à l'élevage d'un établissement piscicole de poissons de même que des normes relatives au transport à l'état vivant de ceux destinés à la consommation." M. le Président, c'est un autre télégramme.

Un autre télégramme vient des gens des syndicats; c'est un télégramme signé par Christophe Auger, vice-président de la CSN et Marcel Chalifoux, vice-président de la Fédération du commerce Inc. dans lequel ils disent: "Nous tenons à vous informer que nous nous opposons au projet de loi 48 et nous vous demandons de reporter le dépôt de ce projet de trois mois pour que nous puissions nous faire entendre en commission parlementaire lors de ce dépôt." C'est encore un autre télégramme.

Un autre télégramme est signé par M. Martin Castilloux; "Nous exigeons que le projet de loi 48 soit retardé d'au moins trois mois." Il y a un autre télégramme; l'Association coopérative des pêcheurs de l'île Ltée: "Nous avons appris que votre gouvernement s'apprête à adopter le projet de loi 48. D'après les informations que nous avons, cette loi affecte directement les pêcheurs acadiens du Nouveau-Brunswick et aussi l'exercice de leur métier." (21 h 10)

M. le Président, tantôt, le ministre nous a lu deux ou trois télégrammes pour nous dire qu'il avait l'appui des gens du milieu, qu'il avait l'appui des gens et des pêcheurs de la Gaspésie. On a reçu encore un autre télégramme. Je ne le lis pas. Je vous dis seulement qui l'a signé. C'est l'Association des pêcheurs côtiers de Forillon, l'Association des pêcheurs côtiers de l'Anse-au-Griffon, l'Association des pêcheurs côtiers de Saint-Yvon, l'Association des pêcheurs côtiers de l'Anse-à-Valleau, l'Association Nouvelle Vague, l'Association des pêcheurs côtiers de Saint-Godefroi, l'Association des pêcheurs côtiers de Port-Daniel et l'Association des pêcheurs côtiers de Grande-Rivière. Et je pourrais continuer indéfiniment.

Ce qu'on a dit encore au ministre à ce moment-là, c'est d'avoir une commission parlementaire et de déposer les règlements, parce que cela prenait les règlements. Il fallait savoir exactement ce qu'il y a dans les règlements de ce projet de loi. Le ministre n'a jamais voulu les déposer. Jamais. On lui a demandé à ce moment-là d'écouter au moins et d'avoir une commission parlementaire pour quelques jours, pour que ces gens-là puissent au moins se déplacer de la Gaspésie pour venir à Québec et faire leurs revendications. Ces gens-là - je le disais tantôt - sont les gens les plus démunis, parce qu'ils gagnent entre 5000 $, 6000 $ et 7000 $ par année. Aujourd'hui, je voudrais savoir si le ministre d'en face est capable de vivre avec 5000 $ ou 6000 $ par année. C'est ce même ministre qui se donne, à l'intérieur du projet de loi 48, des droits et des privilèges vraiment incroyables dans un pays démocratique, dans un pays de l'Amérique du Nord. On se croirait quasiment dans un pays socialiste quand on voit dans le projet de loi que tout inspecteur ou agent prévu dans ce projet de loi peut entrer et, sans mandat, perquisitionner tout véhicule, embarcation, bateau de pêche, aéronef ou dans tout lieu autre qu'une maison d'habitation et ouvrir ou faire ouvrir tout réceptacle, s'il y a des motifs raisonnables et probables de croire qu'il s'y trouve des produits aquatiques obtenus ou détenus en infraction à la présente loi. Le ministre se donne quasiment le pouvoir de défaire n'importe quoi sans avoir aucun mandat de le faire. C'est incroyable!

On lui a dit que les pêcheurs de la Gaspésie attendaient de bonnes nouvelles de la part du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. On s'attendait qu'à l'intérieur de la relance économique qui a été présentée par le premier ministre, il y ait de l'argent pour ces gens-là. Il n'y a rien dans cette relance, absolument rien. On pourrait même dire et je suis convaincu que notre porte-parole dans le domaine nous avait très bien dit qu'il y avait même eu des montants périmés dans ce ministère pour les pêcheries. Je citerai quasiment en terminant qu'il y a même eu un député péquiste - et je le nomme, M. Le May, de Gaspé - qui a aussi déjà émis le voeu que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation perde la responsabilité des pêcheries. C'est lui-même, le député de Gaspé, qui avait formulé ce voeu, que ce ministère perde la responsabilité des pêcheries, parce que c'est à cause du ministre, et de ce ministre-là, qui n'a aucun sens des responsabilités. Il n'y a vraiment aucun bon sens que des gens démunis, qui ne gagnent même pas 5000 $ par année, fassent les frais des politiques de ce ministre irresponsable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, j'ai écouté le député. Il devrait communiquer avec M. Proulx, de l'UPA, parce que, dès la semaine dernière, jeudi et vendredi, j'ai rencontré l'Union des producteurs agricoles. M. Proulx me disait qu'il était d'accord pour qu'on adopte le plus rapidement possible le projet de loi 48. Ce télégramme a été envoyé au mois de décembre, mais, ce que n'a pas dit le député, c'est qu'il y a eu un amendement apporté à la loi 49, parce que essentiellement...

Une voix: ...

M. Garon: Vérifiez, si vous ne me croyez pas, auprès de M. Proulx. Quand même, je dis cela publiquement, M. Proulx m'a dit cela devant à peu près 25 personnes lors de la réunion tenue à mon bureau. M. Proulx a dit qu'il n'avait aucune objection à ce qu'on adopte le projet de loi 48. Il avait une objection sur la loi 49 car il craignait que la loi 49 permette de contrôler la mise en marché au détriment de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Ce n'est pas ce qu'on visait du tout, mais comme cela pouvait donner plus d'assurance, on a fait l'amendement lors de l'adoption du projet de loi au mois de décembre dernier.

Lorsqu'il s'agit d'arrêter quelqu'un sans mandat, il faut être un enfant d'école pour dire que cela prend toujours un mandat. Si un surveillant de la chasse arrête un braconnier, il n'ira pas au tribunal voir le juge pour chercher un mandat et revenir ensuite pour arrêter le braconnier. Si vous êtes sur l'eau et que vous êtes en train d'arrêter quelqu'un qui est en infraction, vous allez partir pour chercher un mandat et revenir? Vous devez bien savoir que la personne sera partie. 11 faut vraiment être enfant pour faire de telles critiques. Dans un ensemble de lois où il faut pouvoir arrêter les gens sur le fait, il n'est pas besoin d'avoir de mandat. Mais il s'agit de cas précis pour lesquels les règlements précisent ce genre d'infractions.

Quand on me parle des associations -j'ai lu des télégrammes - cela prouve un peu que le député n'est pas au courant de ce que représente la réalité dans le secteur des pêches. Tantôt, je parlais d'un télégramme de l'Association des pêcheurs hauturiers, qui est l'association véritablement représentative du secteur des pêches. On me parle de l'Association des pêcheurs de Forillon, où vous savez qu'il y a eu une expropriation par le gouvernement fédéral pour le parc de Forilion, et il n'y a plus beaucoup de pêcheurs à Forillon. Quand on parle d'associations, trouvez-moi, par exemple, dans tous vos télégrammes, un endroit où on a eu des assemblées générales des membres pour faire un télégramme. Tout ce qu'on a réussi à faire, sur 11 000 pêcheurs, c'est de présenter une pétition de 646 noms d'organisateurs libéraux dont une bonne partie n'étaient même pas des pêcheurs, et on n'a jamais voulu déposer la pétition parce qu'on a eu peur qu'on se rende compte que c'était une pétition qui n'était pas faite par les pêcheurs. Sur 11 000 pêcheurs et aide-pêcheurs, imaginez-vous, et sur des milliers d'employés d'usines, on réunit quelques noms et on ne veut qu'on voie la pétition. Même s'il y a 646 noms, ils ont dit qu'on n'avait pas le droit de la regarder et qu'on n'avait même pas le droit de compter les noms et de vérifier si c'étaient des gens du secteur des pêches. Après cela, on dit... Voyons donc, M. le Président!

Je vais vous dire une chose. Que le député de Gaspé dorme en paix parce qu'il sait qu'il y a actuellement un projet d'usine à Newport. La bâtisse, la cabane de construction est rendue...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Garon: On est actuellement en train de préparer les documents pour déblayer le terrain et la construction va commencer au cours du mois d'avril. C'est une construction qui coûtera plus de 10 000 000 $.

Actuellement, aux Îles-de-la-Madeleine, il y a des millions de dollars qui sont investis. Si vous avez regardé dans un journal de ce matin, on y disait que la Gaspésie dépasse actuellement les autres régions du Québec en taux de croissance. Pourquoi? Parce que, actuellement, il est en train de se faire là-bas toute la modernisation du secteur des pêches, grâce à la loi qui a été adoptée par le gouvernement actuel sur la modernisation du secteur des pêches en décembre 1981 et, aujourd'hui, parce qu'il faut être modernisé pour le 1er janvier 1985. Ce sont des constructions qui sont en train de se faire sur tout le territoire maritime. Jamais il n'y a eu autant de constructions sur le territoire maritime.

Mais que les esthètes de Louis-Hébert, spécialistes des chevaux, que les esthètes d'Outremont, spécialistes de la vie en société au "Five O'clock Tea" ne soient pas au courant exactement de la façon dont cela se passe sur la Basse-Côte-Nord... Le revenu moyen sur la Basse-Côte-Nord, en 1976, sous le gouvernement Bourassa, était de 2500 $. Il a quadruplé sous le gouvernement actuel. Aujourd'hui, la moyenne de revenu sur la Basse-Côte-Nord est de plus de 10 000 $ par année. Pourquoi? Parce qu'on s'est occupé de la Basse-Côte-Nord. Même des villages à 100% anglophones votent à 60% et à 70% pour le Parti québécois. Voici le résultat d'une politique des pêches sérieuse.

Les députés de Montréal peuvent bien

faire des discours. Les gens du secteur des pêches en ont vu d'autres. Ils ont vu, dans le temps, des gens de Montréal qui venaient prendre une photo de famille qui valait 5 $ mais le cadre, lui, valait 100 $. Ils ont déjà vu cela des démarcheurs de bazars, des chanteurs de chansons, des conteurs de rêves. Mais il savent une chose. Ils savent que c'est le ministre actuel des Pêcheries du Québec qui fait bâtir les usines, qui a fait une réglementation, que c'est lui qui fait bâtir les parcs d'hivernement. Ils savent cela. Vous pouvez faire tous les discours que vous voudrez, mais dans le territoire des pêches, les gens savent que c'est sous le gouvernement actuel que la modernisation du secteur des pêches se fait et que c'est sous le gouvernement actuel qu'il y aura une plus grande prospérité dans le secteur des pêches. (21 h 20)

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! 3e m'excuse, M. le député de Saint-Laurent, mais je vais simplement, pour les besoins de la cause, vous lire deux articles du règlement et vous demander de les respecter, s'il vous plaît! Le premier est l'article 32, paragraphe 3: "Les députés doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui et au bon fonctionnement de l'Assemblée".

S'il vous plaît, M. le député de Louis-Hébert: "Aucun député ne peut interrompre celui qui a la parole, sauf pour faire un rappel au règlement, signaler le défaut de quorum ou attirer l'attention sur une violation de droit ou de privilège."

J'aimerais, autant pour le bénéfice des gens de votre côté que pour celui des gens de l'autre côté, que l'on puisse terminer cette séance convenablement. M. le député de Saint-Laurent.

M. Germain Leduc

M. Leduc (Saint-Laurent): Merci, M. le Président. J'écoutais tantôt le ministre insinuer que les députés urbains ne connaîtraient pas les pêches. Il y a tout de même une chose: il s'aperçoit que de ce côté-ci on est mauditement intéressé aux pêches. Il faut regarder ceux qui sont ici, de ce côté-ci, il faut regarder le nombre de députés présents comparativement à ceux de l'autre côté de la Chambre. Cela ne semble pas tellement vous intéresser, messieurs, de l'autre côté.

Une voix: C'est vrai, c'est vrai!

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, cela nous intéresse, les pêches. Regardons ce qui se passe actuellement au Québec dans ce secteur. Ce sont peut-être de futurs chômeurs, avec ce gouvernement; ce qu'il fait, c'est créer des chômeurs.

J'ai pris connaissance du projet de loi 48 et des notes explicatives de ce projet de loi. À première vue, rien de reprehensible, je dois le dire au ministre, sauf certains articles qui donnent des pouvoirs discrétionnaires énormes au ministre et qui pourraient être amplifiés par des règlements à venir. On y retrouve également des pouvoirs discrétionnaires énormes accordés aux inspecteurs. Qu'il suffise de lire les articles 35 et 36: L'article 35 indique que tout inspecteur ou agent peut entrer, et sans mandat, pour perquisitionner dans tout véhicule, embarcation, bateau de pêche et aéronef. L'article 36 décrète que tout inspecteur ou agent peut, sans mandat, saisir un bien s'il a des motifs raisonnables et probables... On emploie les mots "raisonnables et probables". On travaille sur des probabilités.

Si on regarde l'article 43, des pouvoirs sont donnés à un juge de paix. Je ne savais pas qu'un juge de paix pouvait avoir autant de pouvoirs, autant d'importance. On dit, à l'article 43, que, sur demande du saisissant -on suppose que c'est le ministre qui saisit -un juge de paix peut ordonner que la période de rétention du bien saisi soit prolongée pour un maximum de 90 jours. Ce sont des pouvoirs, à mon sens, absolument inacceptables pour un juge de paix.

A part ces pouvoirs exorbitants, le projet de loi, à première vue, semble valable, je le concède également au ministre. Si on regarde les notes explicatives, au premier paragraphe, on dit: "Ce projet de loi a pour objet de favoriser le développement des pêcheries et de l'aquaculture commerciales. Il vise, en outre, à promouvoir le commerce des produits aquatiques péchés dans les eaux du domaine public québécois." Bien sûr, le projet de loi indique également -je pense que c'est avantageux - qui pêche quoi, où, quand et en quelle quantité. Je pense que ce sont des normes acceptables. Le projet de loi semble aussi vouloir réglementer nos ressources provenant des pêches.

Donc, à part ces pouvoirs discrétionnaires exorbitants, nous pourrions être d'accord avec le gouvernement sur le projet de loi, si nous avions la juridiction exclusive en matière de pêcheries. Toute la question est là. Jusqu'à présent, le ministre n'a pas répondu à la question de la juridiction. Qui va établir s'il y a juridiction exclusive d'une des deux parties, le provincial ou le fédéral, ou s'il y a juridiction conjointe, des deux paliers de gouvernement?

Le ministre a préparé un projet de loi exactement comme si le Québec était un pays souverain, avec pleine juridiction sur le domaine des pêcheries. Il ne nous parle nullement de juridiction conjointe avec le fédéral. Pourtant, si nous regardons l'article

91, paragraphe 12, nous constatons que le fédéral a le droit de légiférer en ce qui concerne les pêcheries au large sur les côtes. On reconnaît, à l'article 92.13, qu'il y a juridiction conjointe et qu'en vertu de cet article, la province aurait la propriété du fond, du lit des eaux. C'est, à mon sens, une juridiction conjointe. Il nous a dit, par ailleurs, en commission parlementaire, qu'il entend légiférer par le projet de loi 48 sur toute la baie des Chaleurs et peut-être sur la moitié du golfe. Il nous dit peut-être; il n'est pas sûr si ce sera sur la moitié. Par ailleurs, en ce qui concerne la baie des Chaleurs, cela semble être au complet. II entend légiférer exactement comme si le fédéral n'avait aucune juridiction, mais également comme si les provinces de Terre-Neuve, Nouvelle-Ecosse, Nouveau-Brunswick et Île-du-Prince-Édouard n'existaient pas et ne pouvaient pas également revendiquer les mêmes droits sur le golfe et sur la baie des Chaleurs.

Je pense qu'au départ, il met des bois dans les roues s'il veut réaliser la souveraineté-association tantôt. Il ne reconnaît même pas l'existence des quatre provinces. C'est avec ces provinces que le ministre entend négocier la souveraineté-association. Imaginez, M. le Président, si c'est sérieux. Le PQ devrait peut-être réaliser qu'il pourrait être plus facile, surtout le ministre, de régler tous ses problèmes de juridiction et en même temps régler les problèmes de la pêche, surtout des pêcheurs, en négociant avec le fédéral plutôt que d'adopter une loi, le projet de 48, qui va amener une réaction du fédéral qui va s'adresser aux tribunaux qui pourront, dans un jugement qui sera rendu éventuellement, clarifier la situation, mais peut-être au détriment du Québec. Pensons ici au jugement rendu par la Cour suprême qui a reconnu la juridiction fédérale quant aux droits miniers sous-marins au large de la Colombie britannique et le jugement plus récent reconnaissant au fédéral le droit de propriété sur les ressources pétrolières sous-marines au large de Terre-Neuve. Ce sont deux jugements absolument capitaux.

Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation aime bien l'affrontement avec le fédéral. Je dirais que c'est un spécialiste dans l'affrontement avec le fédéral. Il aime sûrement beaucoup trop cet affrontement. On a l'impression qu'en ce faisant, il protège beaucoup plus les intérêts du PQ, à prouver que le fédéralisme ne peut fonctionner, que les intérêts des Québécois et les intérêts des pêcheurs.

Le projet de loi 48 est exactement dans la même ligne de pensée, la même direction que la motion d'octobre 1981, que la motion Duhaime sur le corridor électrique, que la loi 62 concernant la Loi constitutionnelle de 1982, que le projet de loi 38 sur le financement des municipalités. Lois et motions de confrontation; motions et lois de diversion pour masquer une administration déficitaire. Il suffit de regarder les chiffres et de constater que le taux de chômage, si on le vérifie, au Québec, est de 13,5% alors qu'en Ontario, il est de 9,1%. C'est un écart de 4,5%. À mon sens, c'est un écart absolument inacceptable. Il suffit de regarder la situation de nos jeunes. 40% de nos jeunes sont sans travail. 40% de nos jeunes sont en chômage. On est en train de sacrifier cette génération de jeunes. Ce sont, à mon sens, toutes ces lois et ces motions qui sont des lois et des motions inutiles, des lois et des motions de confrontation stériles avec le fédéral, qui ne peuvent que servir les intérêts d'un gouvernement séparatiste, mais nullement les intérêts des Québécois.

Je vous demande d'écouter, M. le ministre, non pas le peuple québécois de qui vous êtes complètement coupé. Il suffit de le constater par les élections partielles, par les sondages. Vous obtenez un pourcentage de 26% à comparer à 66% pour nous autres. Écoutez vos propres militants qui vous disent que les lois comme la loi 111, la loi 38, la loi 43 et le projet de loi 48, ils n'en veulent plus. Je vous demande d'écouter le président régional du Parti québécois de la région de Ville-Marie, M. Bernard Barbera, qui vous dit: "Beaucoup plus que des slogans, le parti a besoin de se recoller avec le peuple et d'une bonne dose de réalisme. Si le gouvernement n'est plus capable de convaincre la majorité de la population du bien-fondé d'un projet de loi, il n'a pas le droit de décider qu'il va le faire envers, malgré et contre tous." Ce que vous faites avec votre projet de loi 48, c'est envers, malgré et contre tous. (21 h 30)

II y aurait sûrement moyen, je pense, d'arriver à une entente avec le fédéral. Le nouveau ministre des Affaires municipales est arrivé à une entente. Le nouveau ministre de la Sécurité du revenu est arrivé à une entente. Je pense qu'il est temps que vous alliez à Ottawa pour négocier une entente et que vous retiriez la loi 48. La loi 48 n'a pas plus sa raison d'être que la loi 38. Vous êtes en train de retirer la loi 38. Retirez donc la loi 48 également.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, j'ai écouté le discours du député de Montréal et je dois dire...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Garon: C'est quoi son comté? Le député de Saint-Laurent? Je peux vous dire que les droits des provinces maritimes, ce n'est pas à nous à les reconnaître, c'est à elles-mêmes de reconnaître et d'occuper leurs droits. Ce n'est pas au gouvernement du Québec de dire aux provinces maritimes de quelle façon occuper leurs droits. Sauf que j'ai dit à plusieurs reprises que si les provinces maritimes occupent chacune leurs droits... Deux de ces provinces ont déjà indiqué que, si la loi 48 était adoptée au Québec, elles aussi adopteraient une loi au même effet pour pouvoir occuper leurs droits. C'est de cette façon, sans doute, que le secteur des pêches sera le mieux défendu dans l'Est du Canada.

Quand chacune des provinces aura décidé d'occuper ses droits dans le secteur des pêches, à ce moment, il y aura une table de concertation où on trouvera chacune des provinces maritimes, le Québec et le gouvernement fédéral, pour déterminer comment on doit fonctionner dans le secteur des pêches. Bien sûr, jusqu'à maintenant, ce n'est pas à nous de le faire. Je vais aller prochainement donner mon opinion à Moncton, parce que les gens sont intéressés, les gens commencent à trouver que cela peut être intéressant dans les provinces maritimes, la loi 48, une loi où les gens vont pouvoir, dans les provinces maritimes, s'occuper davantage des juridictions dans le secteur des pêches. Il ne s'agit pas de réglementer les pêches comme telles, mais l'utilisation des fonds marins. Or, il se prend une grande partie du poisson avec des agrès de pêche qui sont fixés au sol sur des fonds marins, sur lesquels le gouvernement du Québec a juridiction. La juridiction n'est pas la même d'une province à l'autre. On ne voit pas cela dans la loi 48. Chacune des provinces a des droits différents. Terre-Neuve est entrée dans la Confédération en 1949. Elle a des droits différents. La Nouvelle-Ecosse est entrée dans la Confédération d'une autre manière. L'Île-du-Prince-Édouard est entrée dans la Confédération d'une autre manière. Le Québec, lui, avait déjà des droits antérieurs par le Traité de Paris. Aujourd'hui, cela fait un ensemble de droits qui sont de nature différente. Pensez-vous que le gouvernement du Québec aurait présenté un projet de loi pour occuper un champ juridictionnel qu'il n'a pas? Le Conseil privé de Londres a rendu son jugement en 1920, et je remarque que le député n'a pas pris la peine d'étudier la jurisprudence. C'est très imprudent de ne pas étudier la jurisprudence, parce qu'on sait que les articles en ont été interprétés au cours des années et, je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises, c'est à la suite des décisions des tribunaux supérieurs, notamment, la décision en 1920 du Conseil privé, qu'il y a eu l'entente de 1922.

Le Parti libéral aime beaucoup dire que le Québec se comporte de telle et telle façon. Mais est-ce qu'il était contre l'entente de 1922 qui a été brisée de façon unilatérale par le gouvernement fédéral libéral? Est-ce que, pour lui, cela veut dire que, face à cette situation, il ne défendrait pas les droits du Québec? Cela, M. le Président, il aura le droit de le faire en votant contre la loi 48, parce qu'il aura le droit de voter contre la loi 48. Il aura tous les droits qu'il veut de voter contre la loi 48. Il aura le droit de promettre aux prochaines élections qu'il abrogera la loi 48, s'il est élu. Les électeurs auront le choix de voter entre un gouvernement qui occupe les droits du Québec, qui défend les droits du Québec et un gouvernement qui refuse de les défendre; entre un gouvernement qui laissera pénétrer les permis de pêche pour aller pêcher dans le banc d'Anticosti, ou dans le banc d'Esquiman, au détriment des pêcheurs du Québec, puisque ces bancs de pêche sont sur les territoires marins du Québec... Il aura le droit de dire que les bancs de Sept-Îles sont réservés aux pêcheurs québécois ou qu'ils ne le sont pas. Le crabe du golfe sera réservé aux pêcheurs québécois ou ne sera pas réservé aux pêcheurs québécois. C'est cela, le droit. C'est cela, M. le Président. Et le Parti libéral, au lieu d'essayer de faire des personnalités, de dire que le député de Lévis est gros... Cela ne prend pas une grosse vue pour voir que le député de Lévis est plus gros que certains députés dans cette Chambre. C'est peut-être mieux un député plus gros qu'un député feluet; c'est moins changeant avec le vent. Quand on est rendu à cette forme d'argument, c'est parce qu'on n'en a pas beaucoup. Mais je peux vous dire que dans le secteur des pêches...

Demandez aux gens de Newport qui voient bâtir leur parc d'hivernement, qui verront bientôt bâtir une usine de 10 000 000 $, aux gens des Îles-de-la-Madeleine qui voient une dizaine de millions qui sont investis, aux gens de Rivière-au-Tonnerre qui voient leur usine se moderniser, aux gens de Blanc-Sablon qui voient leur parc d'hivernement de 3 250 000 $ se bâtir, et bientôt une usine polyvalente, aux gens de Natashquan qui bientôt verront s'ériger une nouvelle usine moderne, aux gens de la Basse-Côte-Nord qui verront la modernisation de leur saline de poisson salé, aux gens de tout le territoire maritime qui savent actuellement que les industriels de tout le tour de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine sont en train de faire leurs plans de modernisation pour obtenir un secteur des pêches qui se comparera avantageusement au secteur des pêches de tous les pays du monde. C'est cela que nous sommes en train de bâtir, malgré le Parti libéral.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le

député de Brome-Mississisquoi.

M- Pierre-J. Paradis

M. Paradis: M. le Président, on vient d'entendre le ministre de l'Agriculture défendre malgré tout son projet de loi, un projet de loi qui, selon lui, a pour objet de favoriser le développement des pêcheries et de l'aquaculture commerciales au Québec. On a entendu depuis le début de ce débat des députés libéraux spécialisés en la matière dénoncer des pratiques, dénoncer ce projet de loi qui, à notre avis, va nuire aux pêcheries et à l'aquaculture québécoises. Dans tout cela, ce qui m'intéresse davantage, c'est ce qu'on va faire des pêcheurs.

Le ministre prétend qu'il veut le bien des pêcheurs. De ce côté-ci, on est inquiet. On est inquiet parce qu'à la lecture du projet de loi lui-même, on se rend compte des pouvoirs que veut s'accorder le ministre, des pouvoirs qui ne sont pas comparables à tout ce qu'on peut trouver dans nos lois fédérales ou provinciales, des pouvoirs qui vont permettre au ministre, ou à un de ses inspecteurs qui a des motifs raisonnables, de perquisitionner dans le bateau de pêche, dans le véhicule, dans l'embarcation, dans l'aéronef du pêcheur, sans mandat. Et le ministre a pris le soin d'indiquer "sans mandat", surtout pas. Des pouvoirs qui vont permettre au ministre, ou à son inspecteur qui a des motifs raisonnables de saisir un bien. Et le ministre ajoute "sans mandat". Est-ce parce qu'on veut le bien des pêcheurs qu'on veut inclure dans un projet de loi des pouvoirs de perquisition de la propriété privée, des pouvoirs de saisie de la propriété privée, sans mandat? Est-ce parce qu'on aime vraiment les pêcheurs du Québec qu'on veut, comme ministre, détenir de tels pouvoirs ou qu'on veut que ses agents ou inspecteurs les détiennent?

J'ai reçu, comme tous les membres de cette Assemblée, comme beaucoup de citoyens du Québec, au mois de novembre dernier, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, qui m'a été adressée par l'ex-ministre de la Justice et actuel leader du gouvernement, signée par M. René Lévesque, et qui dit à l'article 6: "Toute personne - et j'imagine que les pêcheurs sont des personnes dans cette province - a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi." Il y a toujours cette petite phrase péquiste qu'on retrouve dans des documents aussi importants qu'une charte de droits et libertés: "sauf dans la mesure prévue par la loi." Sauf dans ce qui est prévu dans la loi du ministre de l'Agriculture qui veut se donner le pouvoir de perquisitionner et de saisir sans mandat les pêcheurs du Québec. (21 h 40)

Le ministre dira que telle n'était pas son intention. Vous retouverez ce genre de pouvoir dans d'autres lois comme dans la loi 116. Le ministre va sans doute plaider cela. Il dira: je veux respecter les droits des pêcheurs. S'il veut vraiment respecter les droits des pêcheurs, s'il veut vraiment qu'une charte, qui n'est pas une loi comme une autre de laquelle on peut dévier et qui est formulée dans un langage péquiste, s'il veut vraiment que ces droits-là soient respectés, j'ai une suggestion pour mon bon ami le ministre de l'Agriculture. Il n'a qu'à biffer l'article 67 du projet de loi 48 et peut-être que ces droits fondamentaux des pêcheurs de ne pas être soumis à des perquisitions et à des saisies sans mandat seront respectés. Le ministre a pris une double sécurité; il passe dans le langage "flâseux" de la charte québécoise et il s'assure que la Charte canadienne des droits et libertés de la personne ne s'appliquera pas. A l'article 67 de son projet de loi, il est indiqué ce qui suit: "La présente loi a effet indépendamment des dispositions des articles 2 et 7 à 15 de la Loi constitutionnelle de 1982." La Loi consitutionnelle de 1982 c'est la loi qui contient la Charte canadienne des droits et libertés de la personne; c'est la charte canadienne qui dit: "Tout citoyen canadien et toute personne ayant le statut de résident permanent au Canada ont le droit de gagner leur vie dans toute province." Cela, M. le ministre, inclut les pêcheurs qui n'ont pas besoin d'être victimes de vos saisies ou de vos perquisitions, surtout sans mandat comme vous les aimez bien.

L'article 8 de la charte canadienne dit ce qui suit: "Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives." C'est la charte canadienne que le ministre tente, par son projet de loi, de rendre inapplicable aux pêcheurs du Québec, qui sont aussi des Canadiens et qui ont droit à la garantie de ces droits fondamentaux, qui ont droit à la propriété privée sans que le ministre de l'Agriculture ou un de ses agents fonctionnaires ou inspecteurs les perquisisionne ou les saisisse sans mandat, comme cela est écrit dans le projet de loi 48.

Les députés péquistes de l'autre côté se lèvent - se levaient plutôt parce que là, ils ont les genoux faibles; il en manque plusieurs - et répétaient des discours qui leur avaient été distribués en fin de semaine par le ministre; d'une banquette à l'autre, on le voyait se promener en perroquet. Je veux inviter ces députés péquistes à lire le projet de loi - pas à lire les discours que le ministre vous a distribués pour que vous les lisiez en Chambre - à lire les articles qui traitent de perquisition sans mandat et de saisie sans mandat, et de tenter de vous placer dans la peau des pêcheurs du Québec qui seront les victimes du ministre, les victimes des inspecteurs, les victimes de la

loi que vous êtes sur le point d'adopter.

Je vais vous demander comme députés péquistes d'arrière-ban de penser à ce que veulent dire des droits et des libertés fondamentales, dont le droit à la propriété privée. Je vais vous demander, lorsque arrivera le temps de voter, non pas d'avoir en tête le discours que le ministre de l'Agriculture vous a distribué pour que vous le lisiez, mais d'avoir en tête les articles de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Je vais vous demander également de penser au sens, si vous voulez lui en donner un, que vous devez donner à cette charte. Le ministre s'amuse pendant qu'on parle des droits et des libertés des pêcheurs. Je vais vous demander de penser sérieusement si vous pouvez adopter, comme député péquiste, d'avant-ban ou d'arrière-ban, un projet de loi qui permettra au député de Lévis, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de nommer des inspecteurs qui pourront perquisitionner et saisir sans mandat les pêcheurs de votre comté, M. le député de Gaspé. Je vais vous demander de réfléchir avant de voter.

Quand le ministre de la Justice m'a adressé cette charte, je me suis attardé sur le dernier paragraphe de sa missive, parce qu'ils parlent bien, les péquistes, pour ne pas dire: Ils "perlent" bien, les péquistes: "Une loi fondamentale, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. C'est l'énoncé de vos droits que vous avez en main afin que vous puissiez en prendre connaissance et les intégrer à votre vie quotidienne, une loi qui a besoin des Québécois pour vivre. Cette charte, il appartient à chacun de nous de lui donner vie. En faisant valoir nos droits, en respectant ceux d'autrui et en dénonçant toute forme de discrimination dont nous sommes témoins. La promotion des droits et des libertés dans une société libre et démocratique, c'est l'affaire de tous et de toutes."

Ce que je souhaite, en conclusion, M. le Président, c'est que cette promotion des droits et des libertés fondamentales, pour prendre la défense des pêcheurs contre les pouvoirs de perquisition et de saisie sans mandat, ce ne soit pas comme d'habitude l'affaire strictement des députés libéraux de ce côté-ci de la Chambre qui vont se lever pour protéger ces droits et libertés fondamentales, pendant que de l'autre côté, on violera ces droits et libertés fondamentales. Je fais appel à tous mes collègues de l'Assemblée nationale pour demander au ministre, soit de retirer ces articles de perquisition et de saisie sans mandat, soit de retirer l'article qui n'accorde pas la protection de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne aux pêcheurs du Québec. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci, M. le Président. À entendre les libéraux parler dans cette Chambre ce soir, en particulier sur le projet de loi 48 et non sur la motion de report, je puis vous assurer qu'on peut réaliser que ces gens ne connaissent rien dans le domaine des pêches, parce que d'abord, ils n'ont jamais réalisé ce que le gouvernement du Québec a fait depuis 1977 dans ce même domaine. Effectivement, c'est extraordinaire, comme vient de le dire un membre du Parti libéral et à titre d'information pour le député de Saint-Laurent qui a mentionné à peu près n'importe quoi à l'extérieur de la pêche, je voudrais lui souligner les chiffres suivants: En ce qui concerne la valeur marchande des produits de la pêche au Québec, en 1979, les valeurs vendues ont été de l'ordre de 75 000 000 $ pendant que sous l'ancien gouvernement, en 1976, ces valeurs étaient de l'ordre de 29 000 000 $. C'est seulement trois fois plus.

En ce qui a trait aux emplois que mentionnait le député de Saint-Laurent, seulement dans le domaine des pêches, en 1976, il y a eu 1242 emplois directs dans le domaine des pêches, pendant qu'en 1979, il y a eu 1800 emplois, ce qui représente plus de 3000 emplois saisonniers. De plus, en ce qui a trait à la masse salariale payée dans le domaine des pêches en 1979, c'est-à-dire sous le gouvernement qui est actuellement en place, un montant de 45 000 000 $ a été payé en salaires en 1979 pendant qu'en 1976, il était de l'ordre de 25 000 000 $.

Tout cela pour vous dire que, lorsque le gouvernement du Parti québécois a été élu, en 1976, il a réalisé que l'ancien gouvernement en particulier n'avait pas réagi du tout au niveau de la flotte de pêche. Pour avoir des prises qui sont normales pour permettre des revenus normaux à des pêcheurs, qu'ils soient en Basse-Côte-Nord, en Moyenne-Côte-Nord, en Haute-Côte-Nord, en Gaspésie ou encore aux Îles-de-la-Madeleine, parce que ce sont surtout ces secteurs de pêche, il faut d'abord et avant tout que les pêcheurs soient bien équipés avec une flotte "qui se tienne debout" et qui flotte justement sur le fleuve Saint-Laurent et, en particulier, dans le golfe.

J'ajoute que, pendant que le gouvernement libéral de M. Bourassa, en 1976, construisait pour l'ensemble du Québec, c'est-à-dire pour les cinq secteurs que je viens de mentionner, trois bateaux de pêche...

Une voix: Trois?

M. Perron: ...trois bateaux de pêche, en 1976; le gouvernement du Québec, en 1977, en a subventionné 19; en 1978, 24; en 1979, 35; en 1980, 39; en 1981, 17; en 1982, 14; en 1983, 13. Ce...

Une voix: Ouais, cela baisse! Cela baisse!

M. Perron: Oui, exactement. Cela baisse et on va vous parler de la baisse. La raison fondamentale pour laquelle cela a baissé durant les trois dernières années, c'est que le gouvernement fédéral, unilatéralement, a décidé un de ces quatre matins, comme il l'a fait dans d'autres domaines, d'enlever la subvention de 35% qui allait à la construction des bateaux pour les pêcheurs du Québec. Mais on n'a jamais entendu aucune dénonciation là-dessus de la part des libéraux qui sont en face de nous en cette Assemblée. (21 h 50)

Parlant des libéraux qui ont dénoncé la loi 48, je n'ai jamais entendu un libéral dans cette Chambre, pas un seul libéral, dénoncer l'attitude prise par De Bané, lorsqu'il a décidé d'enlever les droits que nous avions depuis 1922, ici même au gouvernement du Québec...

Des voix: M. De Bané. M. De Bané.

M. Perron: ...c'est-à-dire les droits que nous avions d'administrer les pêches. Lorsque, le 11 juillet, ces droits nous ont été enlevés, jamais en aucun temps les libéraux ne se sont levés pour justement contester l'attitude du gouvernement fédéral par le biais de M. De Bané et protester.

Je poursuis, M. le Président. On parlait tout à l'heure de chiffres de l'autre côté. En 1976, au total, les prises en tonnes métriques, au Québec, étaient de l'ordre de 38 000 tonnes métriques et, en 1983, de 86 000 tonnes métriques.

Une voix: Combien en nature?

M. Perron: Vous ferez vos chiffres vous-mêmes.

Quant à la Côte-Nord, c'est encore dû au fait qu'une grande majorité de la flotte de pêche a été renouvelée. En 1976, c'était, sous l'ancien gouvernement libéral de Bourassa, 3700 tonnes métriques...

Des voix: M. Bourassa. M. Bourassa.

M. Perron: ...pendant qu'en 1983, on est actuellement, seulement pour la Côte-Nord, à 27 000 tonnes métriques.

Des voix: Bravo!

M. Perron: Comme disait le ministre de l'Agriculture, c'est seulement neuf fois plus. S'il y a des choses qui ont été faites par l'ancien gouvernement, je veux bien admettre que les anciens gouvernements, depuis 1922, ont fonctionné tant bien que mal dans le domaine des pêches. D'ailleurs, on remarque ce qui s'est passé en particulier dans le temps de M. Duplessis, avec les entrepôts frigorifiques dans le secteur des pêches. Seulement M. Duplessis, dans le temps qu'il s'est occupé des pêches en particulier, en a fait plus que le Parti libéral de 1970 à 1976. Quant à la motion de report, compte tenu de l'attitude du gouvernement fédéral en ce qui a trait au rapatriement unilatéral des droits que nous avions depuis 1922, compte tenu de l'attitude des libéraux d'en face qui, depuis le 11 juillet 1983, n'ont jamais dit un mot sauf pour déconner contre la loi 48 et contre la loi 49...

Des voix: Oh! M. le Président!

M. Perron: À part de faire ce que je viens de mentionner, ils ont réussi à faire comprendre à un paquet de Québécois - je dis bien à un paquet de Québécois - que dans le domaine des pêches il n'y a qu'un gouvernement qui a vraiment travaillé pour permettre d'abord que la flotte puisse se renouveler, pour permettre que nos usines soient transformées pour avoir une meilleure production et une meilleure qualité des produits de la pêche, pour permettre aussi aux pêcheurs d'avoir un meilleur revenu. J'aime beaucoup mieux faire partie du gouvernement péquiste actuel que de faire partie de ce que nous avons en face de nous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

Des voix: Ah!

M. Jean Garon

M. Garon: J'ai entendu avec beaucoup de plaisir le discours du député de Duplessis.

Une voix: Oh, oui! Est-ce qu'il l'a bien lu?

M. Garon: Le député de Duplessis, lui, est autorisé à parler au nom de son gouvernement tandis que tantôt, le député de Brome-Missisquoi parlait, et je vous ferai remarquer qu'il a été désavoué par son chef. On voit, dans le journal Le Richelieu agricole, que même si c'est le no 2 du Parti libéral, seulement deux personnes sont autorisées à faire des déclarations officielles en matière agricole au nom du Parti libéral. Il s'agit du chef du parti, M. Robert Bourassa, et du député de Maskinongé, M. Yvon Picotte. Tout commentaire provenant

des autres membres du Parti libéral doit être interprété comme étant une déclaration personnelle.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Garon: Alors, M. le Président, vous avez entendu plusieurs déclarations personnelles ce soir, mais nous ne savons pas ce qu'est la politique du Parti libéral. Vous comprendrez que quand le député de Brome-Missisquoi parle, c'est important, puisque son chef prend la peine d'aller voir le président de l'UPA pour le rassurer en lui disant: Cet homme qui défend les libertés, je le crains tellement que ce qu'il dit, cela ne compte pas pour nous autres.

Des voix: Voyons donc! Des voix:Ah! Ah! Ah!

M. Garon: Voyons donc! Cela a été dit dans deux journaux différents: dans le Richelieu agricole, à la page 5, le numéro du 6 mars 1984, et dans le journal La Terre de chez nous - Échos de la direction; c'est la direction de l'UPA qui dit cela - du 1er mars 1984.

Une voix: De quelle année?

M. Garon: 1984. Qu'est-ce qu'il dit? À la suite d'une prise de position récente du député Pierre Paradis, il fut également question de l'attitude de ce parti vis-à-vis du syndicalisme agricole et de la formule des plans conjoints.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

M. Garon: Après avoir rappelé que...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, j'ai une question de règlement et je pense qu'elle semble bien fondée. M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, vous avez deviné que je veux invoquer la pertinence ou la non-pertinence des propos du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Ce dont il nous parle touchait nécessairement une question toute autre que celle qui nous occupe ce soir, c'est-à-dire le domaine des pêcheries, le projet de loi 48. Je vous demanderais d'inviter le ministre à revenir à la pertinence du débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Garon: Ce que je veux dire, M. le Président, c'est très pertinent: quand le chef du Parti libéral se sent obligé de dénoncer un de ses députés qui était le no 2 au congrès! Quand il parle dans le secteur des pêches, je me dis: Est-ce que nous sommes en danger également? Il n'a pas eu d'autorisation. On ne sait pas s'il a l'imprimatur ou le nihil obstat, mais on n'a entendu parler de rien.

M. le Président, vous comprendrez que c'est quelque chose de très important puisque le chef du Parti libéral a rencontré le président de l'UPA. C'est dans le journal La Terre de chez nous et dans le Richelieu agricole. Ce ne sont pas des propos à peu près. Aujourd'hui, dans le secteur des pêches, tout le monde peut... Il s'agit d'agriculture, de pêcheries et d'alimentation. Quand on parle d'aquaculture, on est dans l'élevage du poisson, un secteur qui est à mi-chemin entre l'agriculture et les pêcheries, puisqu'on élève des poissons. À ce moment-là, vous comprendrez, M. le Président, qu'il faut des personnes autorisées. À moins que le chef du Parti libéral dise ceci: Dans le domaine de l'agriculture, il n'y a que le député de Maskinongé et lui qui peuvent parler, le reste ne compte pas; mais dans le secteur des pêches - il ne considère pas cela important - ils peuvent tous pérorer.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Garon: M. le Président, il faut que le chef du Parti libéral se branche. Dans le domaine agricole, ils sont tous pas bons. Aucun d'entre eux ne peut parler. Mais dans le domaine des pêches, ils peuvent tous dire quelque chose. Il est temps que le Parti libéral se prononce...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Garon: ...et le chef surtout qui n'est pas en cette Chambre.

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: C'est le ministre qui a la parole.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le whip de l'Opposition. À l'ordre! M. le leader du gouvernement a entièrement raison. Je vous demanderais, en vertu de l'article 32, de laisser le ministre parler dans des conditions convenables. M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, quand j'étais jeune...

M. Gratton: Sur la question de

règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre. Il n'y a pas de question de règlement, M. le leader de l'Opposition. Non, il n'y pas de question de règlement. C'est moi-même qui ai demandé qu'on permette au ministre de parler dans des conditions convenables. Si c'est simplement pour répéter ce que j'ai dit, ce n'est pas nécessaire. M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: C'est précisément pour aller plus loin et abonder dans le sens du leader du gouvernement. Vous me permettrez de lire le premier paragraphe de l'article 32 qu'il a cité.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Effectivement, il n'a rien cité puisque j'étais debout et que j'ai pris sur moi de faire en sorte que le règlement soit respecté. M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, une demande de directive...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Garon: Voilà ce qui arrive dans un parti quand le chef n'est pas en Chambre.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je suis le règlement et les directives. M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je voudrais savoir si le ministre ne doit pas respecter la pertinence, ce qui éviterait... L'article 32 est clair: "Les députés doivent observer le règlement et contribuer au maintien du décorum de l'Assemblée."

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président.

M. Gratton: ...et le ministre...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je ne pense pas que... S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, la question de règlement du leader de l'Opposition est vraiment oiseuse; c'est le moins qu'on puisse dire. Il sait très bien que le ministre, comme n'importe quel député de cette Assemblée, doit respecter le règlement. On voit très bien que c'est une tentative de la part du leader de l'Opposition pour empêcher le ministre de l'Agriculture de continuer un discours qui fait mal à l'Opposition.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, le ministre aura toujours la parole demain à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 heures)

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