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(Quatorze heures huit minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez prendre vos places.
Remise de la médaille d'argent de
l'Assemblée nationale à M. René Jalbert
Au moment où nous nous sommes brièvement réunis
mercredi dernier, nous avons eu l'occasion de souligner la bravoure et le
courage du sergent d'armes de l'Assemblée nationale. Je voudrais saluer
la présence aujourd'hui dans les galeries d'une personne qui a aussi
vécu une longue journée mardi dernier, Mme Jalbert.
Je désire remettre ici même, sur le parquet, en cette
Chambre qu'il a si bien servie jusqu'à maintenant, la médaille
d'argent de l'Assemblée nationale.
À M. René Jalbert, sergent d'armes de l'Assemblée
nationale, pour le courage et la bravoure dont il a fait preuve le 8 mai 1984,
la médaille d'argent de l'Assemblée nationale.
Reconnaissance.
Stages de perfectionnement
Je désire également souligner qu'en vertu d'une entente,
d'une consultation avec les leaders, il y a une nouvelle personne à la
table, comme vous pouvez le voir. Il s'agit d'amorcer ce système en
vertu duquel les fonctionnaires de la Direction du Conseil en droit
parlementaire et les fonctionnaires du Secrétariat des commissions
pourront à tour de rôle venir ici même à la table
parfaire leur formation et leurs connaissances. C'est pourquoi nous
commençons aujourd'hui avec une personne du Conseil en droit
parlementaire, Me Danièle Parent.
Déclaration du président sur la
sécurité à
l'Hôtel du Parlement
Au moment de reprendre nos travaux, le temps me semble venu de faire
à l'Assemblée une déclaration sur la
sécurité dans l'Hôtel du Parlement, l'édifice
Pamphile-Le May et l'édifice Honoré-Mercier. Hormis la
conférence de presse que j'ai donnée il y a une semaine à
l'issue de la journée tragique que nous avons connue, je me suis
volontairement abstenu de faire toute déclaration si ce n'est un
rectificatif dans un journal qui avait erronément affirmé que
j'avais récemment enlevé les armes aux gardiens-constables de
l'Assemblée nationale alors qu'ils n'en ont jamais eu.
Depuis ce temps, j'ai consulté les responsables de la
sécurité à l'Assemblée. J'ai reçu, à
ma demande, les whips des deux groupes parlementaires. J'ai également
rencontré des experts en sécurité oeuvrant dans un domaine
où le fonctionnement de l'entreprise repose sur diverses méthodes
de protection. Enfin, j'ai demandé au ministre de la Justice une
évaluation de la question.
J'ai entendu ou lu les commentaires de tous et chacun, notamment de
certains membres de cette Assemblée. Ces commentaires allaient tous,
bien sûr, dans le même sens. Tous estimaient qu'il fallait
accroître la sécurité au parlement, encore faut-il
déterminer comment?
Mardi dernier, j'ai dit que nous dressions un bilan de la
sécurité à l'Hôtel du Parlement et que le cas
échéant des modifications seraient apportées. Je veux vous
livrer le résultat de cette analyse et les conclusions auxquelles elle
m'amène pour l'instant.
La question de la sécurité à l'Assemblée
nationale est complexe et il n'existe pas de solution évidente qui soit
soudainement miraculeuse. D'autant qu'il faut peser dans la balance, le genre
de parlement que nous voulons. Or, jusqu'à maintenant, le parlement de
Québec a toujours été ouvert et facilement accessible.
Sauf à certains moments bien précis tels que des manifestations
devant l'Hôtel, du Parlement ou les événements d'octobre
1970, la politique suivie en la matière en a toujours été
une d'accès et, par conséquent, de sécurité
minimum. De mémoire, aucun parlementaire n'a jamais remis cette
façon de faire en cause. De fait, des parlementaires ont même,
à l'occasion, contesté la présence de la
Sûreté du Québec dans nos murs lors de manifestations.
Une telle façon de voir les choses n'a d'ailleurs rien de
surprenant. La violence n'a jamais caractérisé la politique
québécoise ou canadienne, contrairement aux États-Unis ou
dans certains pays d'Europe. À cet égard, non seulement
avons-nous hérité des Britanniques un système
parlementaire, mais aussi une certaine conception de la vie politique qui ne
nous a jamais porté à nous méfier ou à craindre
pour notre sécurité. Au surplus, la capitale, Québec est
une ville calme: on ne s'attend pas à y trouver une telle violence.
Quoiqu'il en soit, le seul virage important en matière de
sécurité a suivi les événements d'octobre 1970. Non
pas que la situation ait été inquiétante à
Québec car
l'essentiel se déroulait à Montréal. Dans la
foulée, on a décidé de mettre sur pied un corps de
gardiens-constables propre à l'Assemblée, qui assurerait la
sécurité des biens et des personnes.
Engagés pour des fins de sécurité, ces
gardiens-constables, avec le temps, ont fait plutôt du gardiennage et de
l'accueil. Certes, il y eut un certain contrôle des entrées et des
sorties, mais, encore là, avec le temps, il devint davantage
théorique qu'effectif. Trop nombreux pour des fins de gardiennage et
d'accueil, les gardiens-constables ne l'étaient plus assez dès
lors que la situation se corsait. Il fallait alors faire appel à la
Sûreté du Québec. Au surplus, ils ne possédaient ni
l'équipement ni la connaissance technique de la sûreté.
Corps exclusif à l'Assemblée nationale, la formation de
gardiens-constables, leur entraînement et leur motivation posèrent
rapidement un problème que le temps ne fit qu'accentuer.
Au moment où vous m'avez élu président, il y a un
peu plus d'un an, ce fut un des premiers dossiers dont l'administration de
l'Assemblée m'a saisi.
Des années de frustrations compréhensibles avaient
produit, chez un petit nombre de gardiens-constables, un irrespect de
l'autorité, un manque de discipline et une désobéissance
aux ordres. La réputation de tous s'en trouvait injustement
entachée. Il fallait donc régler ce problème avant
même de songer à une politique de sécurité qui ait
quelque chance d'être appliquée. C'est pourquoi, après
avoir tourné le problème dans tous les sens, j'ai choisi de
fondre le corps de gardiens-constables de l'Assemblée dans celui
beaucoup plus vaste du ministère de la Justice, à la Direction
générale de la sécurité publique, et de conclure
avec le ministère de la Justice une entente de service en vertu de
laquelle, dans le plein respect de l'autorité en la matière du
président de l'Assemblée, le ministère fournirait à
l'Assemblée les gardiens-constables requis pour fins de
sécurité et de gardiennage. De son côté,
l'Assemblée engageait des hôtes ou hôtesses pour que
l'accueil à l'Assemblée se fasse de manière plus
courtoise.
Les gardiens-constables faisant partie d'un plus vaste ensemble, ils
auraient désormais un meilleur encadrement et des possibilités de
formation qui n'existaient pas jusqu'ici. Les mutations et promotions
étant plus accessibles, le moral, la discipline et le professionnalisme
du groupe s'en trouveraient rehaussés. Enfin, on donnait à
l'Assemblée nationale l'accès aux vastes ressources du
ministère de la Justice en matière de sécurité.
Entrée en vigueur le 1er avril dernier, cette entente a impliqué
une certaine réduction d'effectifs, compte tenu que les
gardiens-constables ne feraient plus d'accueil et que le niveau de
sécurité serait le même que celui que nous avions eu depuis
plusieurs années.
Ce ne sont pas des compressions budgétaires qui ont
été à l'origine du geste, contrairement à ce que
certains médias ont affirmé. Libérés des
tâches d'accueil, les gardiens-constables pouvaient désormais se
consacrer à ce pourquoi ils avaient été embauchés,
par une présence constante et de meilleure qualité qu'auparavant.
Cette entente, au cours du premier mois de son application, a aussi permis
d'autres résultats dont une évaluation des besoins du Parlement
au chapitre de la sécurité, notamment de la
sécurité électronique, une étude sur
l'amélioration des communications dans l'Hôtel du Parlement, un
resserrement de la discipline et la préparation d'un plan de
perfectionnement des gardiens-constables dans le maniement d'armes et le
secourisme.
Il est donc contraire à la réalité d'affirmer que
la sécurité a été réduite le 1er avril du
fait que les gardiens-constables ont été placés dans un
système de patrouille plutôt que d'être assis
derrière des bureaux aux portes des immeubles. C'est même tout le
contraire qui s'est produit. Ce fut là un des nombreux changements
effectués depuis que j'assume la fonction de président et rien
jusqu'à maintenant ne me porte à croire qu'il y aurait eu lieu
d'agir autrement dans un parlement qui a toujours été ouvert et
accessible et dont les membres n'ont jamais remis ce principe en cause.
Bien sûr, comme je l'ai dit mardi dernier, la
sécurité à l'Assemblée était conçue
pour une journée normale impliquant des difficultés mineures. Il
est bien évident qu'elle n'a jamais été conçue pour
une situation comme celle que nous avons vécue en moins de trois minutes
mardi dernier.
Certes, le cortège habituel des prophètes
rétroactifs ont fait valoir qu'ils avaient prévu ce drame, se
basant notamment sur un rapport remis à mon prédécesseur.
Je n'ai, pour ma part, jamais été saisi de ce document. On me dit
toutefois qu'il n'a pas été fait par une firme
spécialisée en la matière.
Nous avons pris en parallèle un certain nombre d'initiatives afin
d'accroître la sécurité des biens et des personnes. Ainsi,
un appel d'offres est en cours afin qu'en juin, nous puissions changer toutes
les serrures de l'Hôtel du Parlement, de l'édifice Pamphile-Le May
et éventuellement de l'édifice Honoré-Mercier. Le
problème des clés dans les édifices parlementaires a
toujours posé difficulté. Le nouveau système nous
permettra d'exercer un contrôle très rigoureux de manière
que quiconque ne puisse entrer dans un bureau qui n'est pas le sien sans
autorisation.
Une étude ayant également été
effectuée sur l'implantation de la sécurité
électronique, des décisions ont été prises
quant à sa mise en place au fil des travaux de rénovation des
édifices parlementaires.
J'ai déjà affirmé qu'en cette matière, nous
sommes tributaires du départ du ministère des Finances de
l'édifice Honoré-Mercier. Je ne peux faire effectuer de travaux
si nous ne disposons pas de l'espace-tampon dont nous aurons de toute
manière besoin de façon permanente. On touche d'ailleurs
là, un des problèmes à appliquer l'article 116 de la Loi
sur l'Assemblée nationale qui traite de la sécurité des
personnes et des biens et de la responsabilité qu'il confère au
président. Jusqu'à tout récemment, l'Assemblée
nationale ne disposait pas de son autonomie administrative. C'est maintenant
chose faite, mais nous demeurons locataires dans l'Hôtel du Parlement et
l'édifice Pamphile-Le May, ces deux édifices appartenant
formellement au gouvernement et non à l'Assemblée. Enfin, la
juridiction sur les abords du parlement n'est pas claire.
J'ajoute que jusqu'à tout récemment, il s'était
développé au sujet des travaux de restauration de l'Hôtel
du Parlement un complexe alimenté par une certaine démagogie
facile, si bien que les travaux ont traîné en longueur et que la
sécurité électronique qui doit en faire partie attend
toujours.
Il convient, avant de passer aux mesures plus précises,
intérimaires ou permanentes, de faire état des choix
possibles.
Nous pouvons renforcer considérablement la sécurité
aux accès des édifices parlementaires, mais il y a risque qu'en
le faisant, nous atteindrons les députés, les journalistes et les
employés de l'Assemblée qui seront soumis quotidiennement
à des contrôles très rigoureux qu'ils applaudiront
peut-être aujourd'hui, qu'ils trouveront inutiles dans un mois et qu'ils
contesteront à l'automne. (14 h 20)
L'expérience de mardi dernier nous démontre que,
même avec de tels contrôles, nous n'aurions probablement pas
totalement empêché ce qui s'est passé. Bref, il faut bien
cerner les personnes à l'endroit desquelles nous souhaitons avoir un
contrôle hermétique et ne pas atteindre à la place des
personnes dont nous n'avons pas à nous méfier.
Or, les consultations que j'ai effectuées me portent à
croire qu'il sera beaucoup plus difficile, mais pas nécessairement
impossible de contrôler suffisamment les accès au parlement pour
empêcher quelque répétition du drame de la semaine
dernière. D'ailleurs, tous les parlements au Canada se trouvent dans la
même situation.
Aussi, les mesures que j'annoncerai tantôt sont de nature à
améliorer le contrôle de l'accès aux édifices
parlementaires, même si, ce faisant, elles entraînent des
agacements pour les usagers quotidiens des immeubles. Mais ces mesures, pour
être pleinement efficaces, devront être complétées
par d'autres plus complexes et plus coûteuses qui devront faire l'objet
d'étude dans les meilleurs délais. Cela est essentiellement
dû à la configuration architecturale des édifices qui ont
été conçus pour tout sauf le genre de situation à
laquelle nous avons été confrontés pour la première
fois.
Or, à moins de fermer les édifices au public, ce qui
serait, à mon avis, une grave erreur et l'admission que la
démocratie cède devant la perspective d'un attentat, il faudrait
effectuer des aménagements nouveaux et se procurer de
l'équipement tout aussi nouveau.
Il m'est toutefois difficile d'épiloguer sur le sujet, d'abord
parce que des études devront être menées à terme
avant de conclure définitivement, ensuite parce qu'il n'est pas
d'intérêt public d'entrer plus avant dans le sujet, car certains
aspects de la sécurité pourraient être compromis.
L'attentat de la semaine dernière a permis de faire un certain
nombre de constats dont nous allons tirer les conclusions qui s'imposent.
Premièrement, les corps policiers sont intervenus aussi
rapidement que possible, mais il était déjà trop tard pour
empêcher les pertes de vie qui ont eu lieu. En effet, du moment où
l'agresseur a mis les pieds dans l'Hôtel du Parlement jusqu'au moment
où il a cessé de tirer, il s'est écoulé moins de
trois minutes. Cela illustre l'importance de l'implantation
d'éléments de sécurité électroniques qui
pourraient peut-être être utiles dans de telles circonstances sans
pour autant que cela constitue une réponse globale et certaine à
une situation comme celle que nous avons vécue.
Deuxièmement, les corps policiers qui sont intervenus
n'étaient évidemment pas familiers avec la disposition des lieux
en l'Hôtel du Parlement, ce qui a créé une certaine
confusion au début. Ce genre de situation pourrait être
évité s'il existait un endroit qui deviendrait automatiquement le
poste de commande dans de telles circonstances et où tous,
automatiquement, se rassembleraient. D'ailleurs, une telle mesure était
en voie d'implantation, mais les espaces étant rares, nous
éprouvons à cet égard quelque difficulté. Mais il
faut réfléchir à une certaine présence permanente
dans l'immeuble de policiers familiers avec les lieux.
Troisièmement, la performance des gardiens-constables a
été digne de mention. Toutefois, il ressort que tous n'ont pas
des réflexes automatiques sur lesquels nous devons pouvoir compter dans
de telles circonstances. Le perfectionnement des
gardiens-constables devra tenir compte de ce constat, puisqu'il est
possible de leur fournir un meilleur entraînement depuis leur transfert
au ministère de la Justice.
Quatrièmement, les communications à l'intérieur de
l'Hôtel du Parlement ont été lamentables. Il est
impérieux de poursuivre rapidement les travaux de rénovation de
l'immeuble de manière à y installer en de nombreux endroits des
hauts-parleurs qui permettent de donner des instructions à tel groupe de
personnes qui ne soient pas nécessairement les mêmes que celles
que doivent recevoir d'autres personnes situées ailleurs. Les
édifices modernes comme le complexe G sont ainsi équipés.
En raison de sa nature, l'Hôtel du Parlement aurait dû l'être
il y a longtemps. En fait, cela ne fait que confirmer les réponses que
j'ai données lors de l'étude des crédits de
l'Assemblée au député de Deux-Montagnes.
Il est impérieux que ne se produisent plus les carences
organisationnelles que les événements de mardi ont
révélées dans cet édifice. Cela est vrai dans le
cas d'un attentat, cela peut l'être dans d'autres situations où la
sécurité des biens et des personnes est également mise en
cause.
Ce bilan de la situation de mardi dernier, ce premier bilan devrais-je
dire, m'a conduit à prendre un certain nombre de mesures à court
terme. Certaines sont intérimaires tandis que d'autres viendront sans
doute à moyen terme. Je précise, en quittant le texte, qu'aucune
de ces mesures prises isolément n'est une panacée mais que
l'ensemble de ces mesures peut permettre d'aider à régler la
question. Dans l'immédiat, afin d'exercer un meilleur contrôle sur
la situation, j'ai pris les dispositions suivantes: 1) L'accès
extérieur à l'Hôtel du Parlement pour les fonctionnaires,
députés, et journalistes accrédités, les personnes
ayant affaire à un bureau situé dans les ailes du bâtiment
situées du côté de la Bibliothèque et le long des
rues Saint-Augustin et Grande-Allée se fera par la porte située
à l'arrière du bâtiment rue Saint-Augustin, et celle de la
Bibliothèque, la porte de la Grande-Allée étant
désormais fermée jusqu'à nouvel ordre. 2) La porte
principale de l'Hôtel du Parlement continuera d'être celle par
laquelle les visiteurs auront accès à l'immeuble afin
d'être pris en charge par un guide. 3) Un contrôle
d'identité s'effectuera aux endroits par lesquels on a accès aux
édifices parlementaires. 4) Une protection additionnelle sera
accordée aux abords de la salle de l'Assemblée nationale et
l'accès en sera plus sévèrement contrôlé. 5)
Des agents armés de la Sûreté du Québec continueront
jusqu'à nouvel ordre, en collaboration avec les gardiens-constables de
l'Assemblée nationale, à garder les accès à
l'Hôtel du Parlement et à patrouiller l'intérieur. 6) Afin
de pouvoir exercer un contrôle sur les invités à des
manifestations officielles, le Service du protocole et des relations
parlementaires de l'Assemblée nationale sera désormais le seul
à organiser de telles cérémonies dans l'Hôtel du
Parlement, quelle qu'en soit la nature. Il pourra s'adjoindre, lorsque
nécessaire, des ressources additionnelles de l'extérieur. 7)
Toute personne pénétrant dans les tribunes de la salle de
l'Assemblée devra se soumettre à un contrôle
électronique. 8) Comme je l'ai indiqué
précédemment, les serrures seront toutes changées en juin
afin d'avoir un contrôle rigoureux sur les clés. 9) Des zones de
l'immeuble seront clairement indiquées comme étant inaccessibles.
Cette interdiction devrait être rigoureusement respectée sauf par
les personnes qui auront l'autorisation d'y entrer.
À moyen terme, premièrement, j'ai demandé au
ministre de la Justice de me faire part des recommandations de son
ministère, notamment de la Sûreté du Québec et de la
Direction générale de la sécurité publique,
à la suite d'une analyse de nos besoins à la lueur des
événements de mardi dernier et j'ai reçu l'assurance du
ministre de la Justice que cela se ferait.
Deuxièmement, une politique globale d'accès aux
édifices parlementaires et de contrôle des entrées et
sorties sera ainsi mise au point et remplacera certaines des mesures que j'ai
annoncées, qui sont purement intérimaires.
Troisièmement, le comité conjoint existant entre
l'Assemblée nationale et le ministère de la Justice
réévaluera périodiquement les mesures de
sécurité qui auront été prises.
Quatrièmement, le gouvernement sera pressé de
régler d'ici à quelques semaines le problème de l'espace
à l'Assemblée nationale de façon à pouvoir mettre
en branle les travaux touchant les issues des immeubles, qui sont
étroitement reliés à la sécurité des
personnes, et, dans les meilleurs délais, les travaux de
rénovation à l'intérieur desquels se fera l'implantation
de la sécurité électronique.
Toutes ces mesures permettront une meilleure sécurité des
lieux et des personnes. Elles ne feront pas du parlement un camp
retranché, mais elles permettront de mieux protéger les personnes
qui travaillent dans ses murs. En ce sens, elles s'inscrivent tout à
fait dans la foulée des décisions déjà prises
visant l'intégration des gardiens-constables dans un corps permettant
d'en améliorer le rendement, l'implantation de la sécurité
électronique dans les lieux et le changement du système de
clés et de serrures.
Le délicat équilibre entre un parlement ouvert et la
protection des personnes sera ainsi maintenu, mais ces mesures
nécessiteront la collaboration de chacun, non seulement maintenant, mais
dans les mois qui viennent.
Je demeure à la disposition des caucus des deux groupes
parlementaires afin d'avoir avec chacun d'eux un échange mutuellement
avantageux sur la question.
Aux affaires courantes, aux déclarations ministérielles,
M. le ministre des Transports.
Règlement favorisant le
financement d'un programme de
réduction du nombre de taxis à
Montréal
M. Jacques Léonard
M. Léonard: M. le Président, les détenteurs
de permis de taxi de l'agglomération de Montréal ont eu
l'occasion le 10 avril dernier de se prononcer sur un plan de rachat de permis
de taxi. Ce plan, préparé à l'origine par le Conseil de
promotion économique de Montréal, dit COPEM, a été
endossé par la Ligue de taxi de Montréal qui l'a soumis à
ses membres par référendum. Le résultat du vote, auquel
68% des détenteurs de permis habilités à voter ont
participé, a été le suivant: en faveur du plan de rachat,
1369 personnes, soit 54,7%; opposés au plan de rachat, 1106 personnes,
soit 44,2%; bulletins rejetés, 27, soit 1,1%.
Rappelons que le plan comporte un objectif de réduction d'un
maximum de 2000 permis sur le total d'environ 5300 actuellement en vigueur
à Montréal. Un fonds sera institué pour permettre le
rachat de permis. Ce fonds, géré par un fiduciaire, sera
constitué par un prêt consenti par une institution
financière et ce prêt sera remboursé par un droit annuel
payable par les détenteurs de permis de l'agglomération. Un droit
de transfert sera également imposé pendant toute la
période nécessaire au remboursement du fonds.
Il s'agit donc là d'une initiative qui, bien qu'appuyée
par le ministère des Transports, provient du milieu du taxi. Il s'agit
également d'un programme qui sera financé par les
propriétaires de taxi eux-mêmes. Le conseil d'administration de la
Ligue de taxi de Montréal, à la suite du vote du 10 avril, a
demandé au ministre des Transports de donner suite au projet. La mise en
oeuvre de ce plan de rachat exige en effet, en vertu des dispositions de la Loi
sur le transport par taxi, l'adoption d'un règlement fixant les droits
payables par les titulaires de permis de taxi afin de financer le fonds de
rachat. (14 h 30)
J'annonce donc aujourd'hui, M. le Président, que le gouvernement
a, en date du 2 mai 1984, adopté par décret ce règlement.
Celui-ci fixe à 750 $ le droit annuel qui sera payable en 1984 par
chaque détenteur de permis de l'agglomération de Montréal.
Conformément au plan élaboré par le COPEM et adopté
par les membres de la Ligue de taxi de Montréal, le droit annuel sera
par la suite de 1500 $. De plus, un droit de transfert de 10 000 $ sera payable
par l'acquéreur au moment du transfert d'un permis de taxi.
Ce droit de transfert important est nécessaire au succès
du programme, notamment pour éviter toute spéculation pendant la
période de rachat. Ce règlement dont je dépose maintenant
copie entrera en vigueur, conformément à la loi, quinze jours
après sa publication à la Gazette officielle du
Québec.
Vu l'importance et la nécessité de ce droit de transfert,
il est apparu nécessaire de prendre des mesures additionnelles en vue
d'éviter que soit déstabilisé le marché du permis
de taxi à Montréal pendant la période qui, à
compter de maintenant, s'écoulera jusqu'à l'entrée en
vigueur du règlement. En effet, il faut s'assurer d'empêcher que
l'imposition, d'ici quelques semaines, de ce droit de transfert, ne vienne
créer artificiellement une pression à la hausse sur la valeur du
permis, handicapant ainsi le succès de l'ensemble de
l'opération.
À cet effet, j'annonce aujourd'hui que le gouvernement soumettra
des amendements au projet de loi 76, Loi modifiant diverses dispositions
législatives concernant les transports, que j'ai récemment
déposé devant cette Assemblée en première lecture.
Ces amendements permettront que le droit de transfert en question s'applique
dès maintenant.
J'annonce donc qu'en vertu de cet amendement proposé à la
loi, un droit de transfert de 10 000 $ sera payable par l'acquéreur et
s'appliquera, à compter de minuit ce soir, sur toute demande de
transfert d'un permis de taxi de l'agglomération de Montréal A-11
introduite devant la Commission des transports du Québec. J'ai,
aujourd'hui même, informé le président de la commission de
cette intention du gouvernement et lui ai demandé de prendre toutes les
mesures nécessaires pour informer les détenteurs de permis.
La situation du taxi à Montréal a fait l'objet, depuis
plusieurs années, M. le Président, de nombreux commentaires,
analyses, études de toutes sortes. Une constante dans tous ces
débats: Le trop grand nombre de taxis et de permis en fonction de la
population et de la clientèle au centre de l'île de
Montréal. L'industrie du taxi, les détenteurs de permis de taxi
en majorité, nous demandent d'appuyer par règlement une
initiative qui provient de leur milieu et le gouvernement ne peut leur
refuser cette aide. Nous sommes confiants qu'avec ce programme de
réduction de permis, voulu par les détenteurs de permis
eux-mêmes, et avec l'adoption en décembre dernier d'une nouvelle
Loi sur le transport par taxi qui, notamment, ouvre de nouveaux marchés,
nous aurons réuni les conditions pour assurer aux artisans du taxi la
rentabilité et de meilleures conditions d'exercice de leur profession,
ce qu'ils désirent depuis si longtemps.
Nous souhaitons donc le meilleur succès, au moindre coût
possible, à cette initiative d'un milieu de l'industrie du transport qui
a pris son avenir en main, M. le Président.
Une voix: Très bien! Très bien!
Le Président: M. le député de
Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, en réponse à
la déclaration du ministre ayant trait au plan de rachat du permis de
taxi dans l'agglomération A-11 de Montréal, la ligue de taxi a
organisé, au cours des derniers mois, des assemblées
d'information auprès de tous les membres de la ligue, et ceux-ci
étaient invités à voter par référendum, le
10 avril dernier, sur le programme de rachat du permis de taxi
présenté par la firme SECOR Inc.
Lors de ce référendum, 68% des détenteurs de permis
ont voté, ce qui est un chiffre imposant dans la Ligue de taxi A-11.
1309 membres ont opté pour le plan de rachat et 1106 s'y sont
opposé. Donc, 54% des membres ont voté pour le programme de
rachat tel que soumis par leur ligue de taxi via la firme SECOR.
L'Opposition libérale a souligné à de nombreuses
reprises, notamment lors d'une question avec débat sur l'industrie du
taxi en novembre 1981 et lors de la commission parlementaire sur le taxi,
l'importance de réduire le nombre de permis de taxi dans
l'agglomération A-11.
Un consensus sur le programme de rachat du permis de taxi a
été établi par la Communauté urbaine de
Montréal, la ville de Montréal et la Ligue de taxi A-11 de
Montréal. La firme SECOR a présenté à la ligue A-11
un projet de rachat de permis selon une formule la plus économique
possible et réalisable en faisant assumer le coût par tous les
artisans de l'industrie du taxi eux-mêmes. Ce fonds sera
géré par un fiduciaire et sera constitué par un prêt
consenti par une institution financière, et un droit annuel sera payable
par les détenteurs de permis de l'agglomération. Ce programme de
rachat sera entièrement financé par les propriétaires de
taxi eux-mêmes.
La mise en oeuvre de ce plan de rachat exige qu'on fixe par
règlement les droits payables par les titulaires de permis de taxi pour
financier ledit fonds. Le ministre informe aujourd'hui cette Assemblée
que le droit annuel de 1984 de 750 $ par année serait porté
à 1500 $ par année pour chaque permis. De plus, un droit de
transfert de 10 000 $ serait payable par l'acquéreur au moment du
transfert d'un permis de taxi, et ce dans le but d'éviter toute
spéculation pendant la période de rachat fixée par le
règlement.
De nombreux titulaires de permis de taxi m'ont informé qu'un
droit annuel de 1500 $ était trop élevé, compte tenu des
dépenses qu'ils ont à assumer. Quant au droit de transfert de 10
000 $ qui serait applicable à compter de minuit ce soir en vue d'enrayer
toute spéculation sur le rachat des permis, ils semblent y être
favorables.
Plusieurs intervenants de la Ligue de taxi A-11 auront des modifications
à apporter à ce programme de rachat de permis. À titre
d'exemple, si le programme fonctionne bien, il y aurait une possibilité
de rachat de 2000 permis. Après sept ans, à la fin du programme
de rachat, supposons qu'il serait nécessaire, à la demande de la
ville de Montréal, d'ajouter de nombreux permis à la Ligue de
taxi A-11, il faudrait modifier nos lois pour que ce soit le prix du
marché, non pas le prix de délivrance du permis qui devra
être payé par le nouveau titulaire du permis. Ce sont des
représentations qui sont faites actuellement par la Ligue de taxi
A-11.
On m'informe également qu'il y aura des améliorations
à apporter au fonds de rachat en ce qui a trait à la taxe de
vente pour que tous les titulaires soient traités de la même
façon lorsqu'on permet certaines exemptions à l'intérieur
du projet de loi.
Il est certain que l'industrie du taxi, dans l'agglomération
A-11, est actuellement en très sérieuse difficulté, et
cette réduction du permis de taxi pourra permettre aux artisans de
l'industrie du taxi de pouvoir gagner leur vie normalement, car tous savent
combien d'heures ils doivent travailler pour réussir à joindre
les deux bouts.
Nous recevons donc favorablement ce programme de rachat, mais nous
disons à tous les propriétaires de la Ligue de taxi A-11 que nous
surveillons de très près cette nouvelle politique et que nous
n'hésiterons en aucun moment à intervenir, s'il y a lieu.
En terminant, je souhaite que cette nouvelle mesure améliorera la
situation du taxi à Montréal, qui a besoin d'un nouveau stimulant
pour maintenir un service adéquat, et que les travailleurs et les
travailleuses qui y oeuvrent seront des plus heureux. Merci, M. le
Président.
Le Président: En réplique, M. le
ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, je note l'appui et
l'accord de l'Opposition à ce projet. Je note aussi qu'il s'agit
toujours d'un plan de rachat qui a été pensé par les
détenteurs de permis de taxi eux-mêmes. Donc, nous donnons suite
à une initiative du milieu. Je pense que dans la mise en oeuvre de ce
plan de rachat des permis de taxi, nous sommes ouverts à des
aménagements s'il y a lieu, donc à des représentations
lorsqu'elles se feront jour. Je pense donc qu'il s'agit d'une première
étape et j'entends bien souhaiter bonne chance à tout le monde
dans sa mise en oeuvre.
Le Président: Y a-t-il consentement? Dans sa
déclaration, M. le ministre voulait déposer une copie d'un
règlement. Est-ce qu'il y a consentement au dépôt de ce
texte à ce moment-ci? Document déposé.
À la présentation de projets de loi, M. le leader du
gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article b) du feuilleton.
Projet de loi 79
Le Président: M. le ministre de la
Justice présente le projet de loi 79, loi modifiant la Loi sur
les permis d'alcool. M. le ministre de la Justice.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce projet de loi
modifie la Loi sur les permis d'alcool afin de permettre, du 15 juin au 4
septembre 1984, l'exploitation du permis Québec 1534-1984 sur le site
des fêtes de Québec 1534-1984.
Il prévoit notamment que les dispositions de toute loi ou de tout
règlement applicable au permis Terre des hommes s'appliquent avec les
adaptations nécessaires au permis 1534-1984.
Le Président: Est-ce que la motion du ministre proposant
que l'Assemblée se saisisse de ce projet de loi est adoptée?
Adopté.
M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: Je demanderais d'appeler l'article d) du
feuilleton. (14 h 40)
Projet de loi 69
Le Président: M. le ministre du Revenu présente le
projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur les impôts et la Loi
concernant l'application de la Loi sur les impôts. M. le ministre du
Revenu.
M. Robert Dean
M. Dean: M. le Président, ce projet de loi donne suite
à la déclaration ministérielle du 17 décembre 1982
du ministre des Finances ainsi qu'à l'Annexe 1 du discours sur le budget
du 10 mai 1983, prononcé par ce dernier, concernant l'harmonisation de
certains aspects des régimes fiscaux fédéral et
québécois.
Il modifie la Loi sur les impôts et la Loi concernant
l'application de la Loi sur les impôts en y apportant des modifications
semblables à celles qui ont été apportées à
la Loi de l'impôt sur le revenu et aux Règles de 1971 concernant
l'application de l'impôt sur le revenu par le projet de loi
fédéral C-139, sanctionné le 30 mars 1983 et dont partie
avait fait l'objet de mesures d'harmonisation dans le projet de loi 44
sanctionné le 21 décembre 1983.
De plus, ce projet de loi contient les mesures d'harmonisation
annoncées dans la déclaration ministérielle du 17
décembre 1982 concernant les projets de loi fédéraux
suivants: premièrement, C-95, sanctionné le 29 juin 1983,
concernant le gain ou la perte en capital provenant de l'aliénation soit
d'une chance de gagner un prix ou un pari, soit d'un droit de recevoir un
montant en prix ou à titre de gain sur un pari; deuxièmement,
C-112, sanctionné le 29 juin 1982, concernant l'exclusion du calcul du
revenu de certains montants assujettis à la taxe prélevée
en vertu de la Loi de l'impôt sur les revenus pétroliers;
troisièmement, C-115, sanctionné le 17 juillet 1982, concernant
le remplacement des expressions "allocation de formation professionnelle des
adultes" et "Loi sur la formation professionnelle des adultes" par les
expressions "allocation de formation" et "Loi nationale sur la formation".
Enfin, ce projet de loi apporte certaines modifications de nature
technique ayant pour but de préciser ou de corriger certaines
dispositions actuelles de la Loi sur les impôts qui n'étaient pas
tout à fait conformes aux énoncés de politique fiscale
ayant servi de base à leur introduction, notamment en ce qui concerne le
Régime d'épargne-actions.
Le Président: La motion du ministre du Revenu visant
à ce que l'Assemblée se saisisse du projet de loi 69 est-elle
adoptée?
M. Bédard: Adopté.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: M, le Président, concernant les projets
de loi 82, 83, 84, 85 et 86,
j'aurais une représentation globale à faire. Étant
donné les événements tragiques que nous avons connus la
semaine dernière et l'ajournement des travaux qui a suivi, j'ai
communiqué avec le leader de l'Opposition et le député de
Sainte-Marie. Nous avons convenu que les projets de loi déposés
aujourd'hui et demain seraient réputés avoir été
déposés pour adoption conformément à notre
règlement, notamment à l'article 22. Si l'entente convenue
demeure, je vous demanderais d'appeler ces projets de loi, avec le consentement
de tous les membres de cette Assemblée, afin que les projets de loi 82,
83, 84, 85 et 86 soient réputés présentés pour
adoption conformément à notre règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Qu'il en soit ainsi, M. le Président.
Projet de loi 84
Le Président: Ainsi soit-il. M. le ministre de la Justice
présente le projet de loi 84, Loi modifiant diverses dispositions
législatives. M. le ministre de la Justice.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce projet de loi
modifie plusieurs dispositions législatives. Parmi ces modifications,
certaines sont de nature technique et d'autres n'ont pour but que de faciliter
l'application des lois visées, notamment dans les domaines qui
suivent.
Dans le domaine des communications, les modifications à la Loi
sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection
des renseignements personnels ont pour but de permettre à un organisme
public de communiquer, à l'occasion de la remise d'une cotisation
établie par la loi, un renseignement nominatif à un autre
organisme public pour lui permettre d'imputer au compte de la personne
concernée un montant dont la loi oblige la retenue ou le versement.
Toutefois, l'organisme public appelé à recevoir ce
renseignement devra établir les types de renseignements
nécessaires à l'identification des personnes concernées et
en informer la Commission d'accès à l'information.
Dans le domaine des finances, l'article 40 de la Loi sur
l'administration financière est modifié de manière
à autoriser la restauration des crédits votés lors du
remboursement d'un prêt ou d'une avance consenti à même ces
crédits dans la même année financière.
Dans le domaine des affaires sociales, les modifications à la Loi
sur l'aide sociale visent notamment à étendre le versement de
l'aide sociale aux cas, prévus par règlement, où un enfant
peut constituer une famille avec une autre personne que son père ou sa
mère et à préciser que l'aide conditionnelle vise toute
personne dans l'attente de la réalisation d'un droit autant pour ce qui
concerne un droit personnel qu'un droit non rattaché à la
personne.
Dans le même domaine, des modifications mineures sont
apportées à la Loi sur l'assurance-hospitalisation, à la
Loi sur l'assurance-maladie, à la Loi sur la protection de la
santé publique et à la Loi sur les services de santé et
les services sociaux en vue d'en améliorer l'application.
Dans le domaine des affaires municipales, des modifications à la
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ont pour but d'abolir la Commission
nationale de l'aménagement et de confier ses tâches à la
Commission municipale du Québec. D'autres visent la
rémunération des élus des municipalités
régionales de comté. D'autre part, des modifications à la
Loi sur les cités et villes, au Code municipal, à la charte de la
ville de Montréal ont pour but de prévoir le pouvoir
d'établir des catégories d'immeubles aux fins de subventions pour
revitaliser le domaine foncier et de tenir compte de ces catégories de
différentes façons dans les règles qui régissent
l'octroi de ces subventions.
En ce qui concerne les corporations professionnelles, la Loi sur le
Barreau est modifiée de manière à permettre au
comité administratif de déléguer à un comité
des requêtes, présidé par un membre du comité
administratif et composé en outre de deux membres du Barreau
désignés par le bâtonnier du Québec, les pouvoirs
quasi judiciaires qui lui sont conférés par les articles 70, 71,
73, 121 et 122 de cette loi. De plus, la Loi sur les médecins
vétérinaires est modifiée pour supprimer la
définition du mot "médicament", pour prévoir que l'Office
des professions du Québec doit dresser une liste de médicaments
qui ne peuvent être vendus que sur ordonnance d'un médecin
vétérinaire, que dans certains cas rien n'interdit leur vente en
gros et pour accorder à l'Ordre des médecins
vétérinaires le pouvoir de réglementer la forme et le
contenu d'une ordonnance faite par un médecin
vétérinaire.
Toujours dans le domaine des corporations professionnelles, la Loi sur
les infirmières et les infirmiers et la Loi médicale sont
modifiées pour permettre aux étudiants et étudiantes en
soins infirmiers et en puériculture qui oeuvrent dans un programme de
formation défini de bénéficier de l'immunité
prévue par la loi.
Par ailleurs, une modification est apportée à la Loi sur
la protection du
consommateur afin de permettre que le contrat de prêt d'argent et
le contrat assorti d'un crédit prévoient, sous réserve des
conditions prescrites par règlement, que le taux de crédit est
susceptible de varier.
Enfin, ce projet comporte d'autres modifications qui sont principalement
de nature technique et qui ont pour but de faciliter l'administration des lois
visées.
Le Président: La motion du ministre de la Justice que
l'Assemblée se saisisse du projet de loi 84, est-elle adoptée?
Adopté.
Projet de loi 83
M. le ministre de la Justice présente le projet de loi 83, Loi
modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions
législatives. M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce projet de loi a
pour objet principal de modifier le Code de procédure civile du
Québec afin de réduire les délais préalables
à l'audition des causes notamment en Cour supérieure.
Il modifie d'abord ce code afin de porter la juridiction de la Cour
provinciale du Québec de 10 000 $ à 15 000 $, le seuil de l'appel
de plein droit à la Cour d'appel demeurant toutefois 10 000 $. Il
précise de plus le contenu des règles de pratique concernant la
procédure de mise au rôle des causes et modifie, en fonction des
règles de pratique, le délai de production des documents. Il
introduit ensuite un mode de preuve qui privilégie la preuve
écrite lors de l'audition de certaines demandes de mesures provisoires
en matière familiale. Il prévoit enfin que la conférence
préparatoire à l'instruction pourra être
présidée par un juge à la retraite ou par un avocat ayant
acquis au moins dix années d'expérience juridique pertinente.
Ce projet de loi modifie également le Code de procédure
civile du Québec afin de porter le niveau maximum des petites
créances de 800 $ à 1000 $ et de permettre, de façon
exceptionnelle, la représentation des parties par avocat lorsqu'une
cause devant la division des petites créances de la Cour provinciale
soulève un question complexe sur un point de droit.
Ce projet de loi modifie également le Code civil en
matière de preuve de façon à tenir compte de
l'augmentation de la juridiction de la division des petites créances. Il
modifie de plus la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de porter le nombre
de juges de la Cour supérieure du district judiciaire de Montréal
de 71 à 78. Il modifie enfin la Loi sur les connaissements relativement
aux avis de vente à l'enchère des biens en stock
cédés en garantie et relativement aux heures pendant lesquelles
les avis des droits consentis en vertu de cette loi peuvent être
enregistrés. (14 h 50)
Le Président: La motion de M. le ministre de la Justice
que l'Assemblée soit saisie du projet de loi 83 est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Projet de loi 86
Le Président: Adopté. M. le ministre de
l'Environnement propose le projet de loi no 86, Loi modifiant la Loi sur la
qualité de l'environnement. M. le ministre de l'Environnement.
M. Adrien Ouellette
M. Ouellette: Ce projet de loi a pour objet de modifier la Loi
sur la qualité de l'environnement principalement afin de permettre la
reconnaissance par le gouvernement d'un organisme qui aura pour fonctions,
d'une part, d'administrer les consignes perçues en vertu d'un
règlement ou d'une entente et, d'autre part, de promouvoir, notamment
à l'aide de revenus et de surplus provenant de l'administration de ces
consignes, la conservation des ressources. Certaines modifications accordent
donc au gouvernement le pouvoir d'établir, par voie
réglementaire, un système de consignation de tout contenant ou
emballage et de désigner les catégories de personnes.
Une voix: Le ministère de l'Environnement.
M. Ouellette: Oui, le ministère de l'Environnement.
Une voix: ...
M. Ouellette: Non. Certaines autres modifications sont de nature
technique et ont pour but de faciliter l'administration de cette loi. C'est le
cas, notamment, de la modification permettant au sous-ministre, lors d'une
demande d'approbation de taux pour l'exploitant d'un système d'aqueduc
ou d'égout de modifier ces taux. C'est aussi le cas de la modification
qui oblige celui qui demande un certificat pour l'établissement ou la
modification d'un système de gestion de déchets, à
fournir, désormais au moment de cette demande, un certificat attestant
que son projet ne contrevient à aucun règlement municipal. C'est
enfin le cas d'une autre modification qui fera en sorte qu'à
l'égard des taux exigés par l'exploitant d'un lieu
d'élimination de déchets, le sous-ministre pourra, sur demande,
établir des taux fixes ou des taux minima ou maxima. Il pourra aussi,
pour des motifs d'intérêt public,
refuser de fixer des taux, auquel cas il pourra y avoir appel de ce
refus. En outre, le montant des amendes qui peuvent être imposées
au cas de déversement illégal de déchets a
été augmenté.
Enfin, ce projet de loi fait en sorte que lorsque le ministre fait
exécuter une chose aux frais d'une personne qui refuse ou néglige
de le faire alors qu'elle en a reçu l'ordre en vertu de la loi, toute
somme due au gouvernement à cet égard constituera une
créance privilégiée sur les biens meubles et immeubles de
cette personne, prenant rang immédiatement après les frais de
justice.
Le Président: La motion de M. le ministre de
l'Environnement, que l'Assemblée se saisisse du projet de loi 86,
est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Projet de loi 85
Le Président: Adopté. M. le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme présente le projet de loi no 85,
Loi modifiant la Loi sur les coopératives. M. le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, ce projet de loi modifie les
dispositions de la Loi sur les coopératives qui concernent les
coopératives ouvrières de production et les coopératives
de travail. Désormais, ces coopératives, dont l'objet principal
est de fournir du travail à leurs membres ou à leurs membres
auxiliaires, seront désignées comme étant des
coopératives de travailleurs et la dénomination sociale de celles
qui auront pour activité principale d'acquérir des biens pour les
revendre au public devra comporter l'expression "coopérative de
commerce". Ces coopératives devront soumettre toute personne
acceptée comme membre à un cours de formation technique et
coopérative et à une période d'essai d'au plus six mois
pendant laquelle elle sera un membre auxiliaire.
Ce projet de loi, en plus de prévoir l'enregistrement obligatoire
du nom d'emprunt sous lequel toute coopérative peut s'identifier,
permettra au conseil d'administration de toute coopérative, à
certaines conditions, de s'engager envers une personne qui lui accorde une aide
financière, à ce que ses membres ne s'attribuent pas de
ristourne.
Enfin, ce projet de loi apporte quelques corrections de nature technique
et assure une meilleure concordance entre certaines dispositions de la loi et
l'article qui établit le pouvoir réglementaire du
gouvernement.
Le Président: La motion de M. le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du
Tourisme, que l'Assemblée soit saisie du projet de loi 85,
est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Projet de loi 82
Le Président: Adopté. M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation présente le
projet de loi 82, Loi sur la commercialisation des produits marins. M. le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, le projet de loi no 82 sur la
commercialisation des produits marins a pour objet de favoriser la mise en
commun par les entreprises de transformation de produits marins, les
opérations de commercialisation de leurs produits dans le but de
soutenir et de promouvoir la vente de produits marins standardisés et de
qualité supérieure ainsi qu'un approvisionnement constant du
marché. Il a aussi pour objet d'assurer aux entreprises de
transformation de produits marins une stabilité de revenus.
À la requête d'au moins sept entreprises de transformation
de produits marins, le gouvernement peut établir un office de
commercialisation pour l'application d'un accord intervenu entre eux en vue de
la commercialisation de produits marins dans la catégorie des produits
salés et séchés, dans celle des produits congelés
ou dans celle des produits frais.
Le gouvernement peut approuver un accord de commercialisation, s'il
estime que celui-ci est dans l'intérêt public, compte tenu de la
qualité et du volume des produits marins à écouler, des
débouchés commerciaux, de la concurrence extraprovinciale, des
conditions économiques ainsi que des intérêts
légitimes des pêcheurs, des entreprises de transformation de
produits marins et des consommateurs. Il peut également imposer aux
requérants, s'il le juge dans l'intérêt
général des entreprises de transformation, de négocier,
dans les deux ans de cette approbation, avec toutes les entreprises
engagées dans la transformation des produits marins
désignés dans l'accord pour que celles-ci deviennent parties
à l'accord, à défaut de quoi il pourra, de sa propre
initiative, procéder au prolongement de l'accord conformément
à la présente loi.
Ce projet de loi autorise le gouvernement, par décret, à
étendre l'application d'un accord de commercialisation, pour une
durée qui ne peut excéder dix ans, à l'ensemble des
entreprises engagées dans la transformation de produits marins
désignés
dans cet accord. Un décret de prolongation peut l'être pour
une durée qui ne peut excéder celle du décret initial.
Tout office de commercialisation constitué conformément
à la présente loi est tenu d'établir, par
règlement, des normes en vue de standardiser les produits
désignés dans un accord de commercialisation, y compris
l'emballage, ainsi que des normes de qualité selon la nature de ces
produits. En outre, tout office doit établir un fonds pour assurer la
stabilisation des revenus des entreprises de transformation de produits marins
désignés dans un accord de commercialisation.
Ce projet de loi prévoit des dispositions relatives à
l'organisation d'un office de commercialisation ainsi que les conditions et les
modalités pour mettre fin à un accord de commercialisation et
pour procéder à la liquidation d'un office de
commercialisation.
Le Président: La motion du ministre de l'Agriculture que
l'Assemblée se saisisse du projet de loi 82 est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Dépôt de
documents. Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu.
Rapport annuel de l'Office
de la sécurité du revenu des chasseurs
et piégeurs cris
Mme Marois: Merci, M. le Président. Permettez-moi de
déposer le rapport annuel 1982-1983 de l'Office de la
sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris.
Le Président: Rapport déposé. Il n'y a pas
de dépôt de rapports de commissions. Dépôt de
pétitions. M. le député de Groulx.
Droit réclamé d'ouvrir
un commerce de type artisan
le dimanche
M. Fallu: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer en cette Chambre l'extrait d'une pétition adressée
à l'Assemblée nationale par quelque 62 000 pétitionnaires
du Comité de défense des commerçants artisans du
Québec.
La pétition invoque les faits suivants: "Que le projet de loi 59
n'ait pas comme objet de limiter les heures d'affaires des petits marchands au
profit des grandes chaînes et des grosses compagnies; que le projet de
loi 59 ne restreigne en aucune façon la liberté d'action et la
liberté d'entreprise pour tout marchand artisan qui opère un
commerce avec trois personnes ou moins."
La pétition conclut: "Que la loi 59 reconnaisse le droit à
tout commerce de type artisan d'opérer le dimanche, comme le veut la
pratique depuis quelque vingt ans."
Je certifie que cet extrait de la pétition est conforme à
l'original et aux règlements et j'ai signé.
Le Président: Pétition déposée.
Période de questions des députés. M. le chef de
l'Opposition.
Questions et réponses orales
Motion proposant qu'une commission spéciale
étudie le système de sécurité
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question
s'adresse à l'honorable premier ministre. Les événements
tragiques de la semaine dernière, à l'Assemblée nationale,
ont donné lieu, comme on le sait, à un bilan de trois morts et de
treize blessés. Nous avons, il va sans dire, regretté
profondément ce drame et, comme il se doit, nous avons tous
sympathisé avec les familles des victimes.
Nous devons, cependant, continuer de vivre dans cet édifice, non
pas seulement députés et ministres, mais également membres
du personnel, fonctionnaires, journalistes, visiteurs. Il nous paraît de
notre devoir le plus strict de voir à ce que, dans la mesure du
possible, de telles choses ne se reproduisent pas. (15 heures)
Ceci nous amène évidemment à la question
fondamentale de la sécurité à l'Assemblée
nationale, question que vous avez vous-même, M. le Président,
jugé à propos d'aborder au début de la présente
séance. Notre formation politique - le député de Portneuf
en particulier - a inscrit une motion au feuilleton de ce jour demandant
à l'Assemblée nationale de former une commission parlementaire
spéciale ayant pour mandat "d'examiner en détail
l'évolution et l'administration du système de
sécurité à l'Assemblée nationale et en
évaluer l'efficacité; établir les principes et identifier
les objectifs d'un système de sécurité permettant
notamment que les portes de l'Assemblée demeurent ouvertes au public
tout en étant bien gardées."
Le premier ministre est-il d'accord avec cette démarche? Dans
l'affirmative, serait-il d'avis que l'on puisse disposer de cette motion
dès aujourd'hui?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Non. La réponse est non, on
ne serait pas disposé à disposer de cette motion aujourd'hui. Il
faut d'abord tenir compte du rapport ou de la déclaration, qui est en
quelque sorte un premier bilan, que le président nous a
présentée tout à l'heure et qui évoque d'ailleurs
d'autres rapports qui doivent venir. Dans l'immédiat, puisqu'il s'agit
des parlementaires, sans compter tous les autres citoyens, y compris les
membres du personnel qui sont concernés, il faut quand même
consulter nos collègues; je pense que ce serait une bonne idée,
à moins que ce ne soit déjà fait et que l'Opposition en
fasse autant de son côté. Il y
aura, évidemment, une opinion à demander au Conseil des
ministres qui doit se réunir demain matin.
Je ne ferai qu'une seule remarque générale et je n'en
ferai pas un plat. Il me semble qu'au moment où on est encore si
près, enfin, encore littéralement collé aux
événements et à leurs retombées immédiates,
ce que demande la motion de l'Opposition a quelque chose, pour le moins qu'on
puisse dire, de prématuré. Il me semble qu'on devrait avoir
toutes les pièces, tous les rapports pertinents avant de
prétendre se lancer de façon bipartisane - on sait ce que cela
donne à l'occasion - sur un sujet comme celui-là.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): La réponse du premier ministre
me paraît confuse. Je voudrais préciser en lui posant la question
suivante: Est-il d'accord que les membres de l'Assemblée nationale, d'un
côté comme de l'autre, puissent s'impliquer dans les mesures qui
seront prises pour assurer la sécurité de toutes les personnes
que j'ai mentionnées dans ma question principale?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Évidemment, cela concerne au
premier chef les parlementaires, l'Assemblée elle-même. Ce ne sont
pas les forums qui manquent; l'Assemblée nationale est un forum en soi.
Il y a aussi un Bureau de l'Assemblée nationale où siègent
les représentants des partis en compagnie du président. Il me
semble qu'avant d'improviser - je répète qu'on sait ce que cela a
donné à l'occasion, on connaît les tentations de
partisanerie constantes qu'il peut y avoir -une autre commission ad hoc, comme
celle qu'on a déjà connue, je répète ce que j'ai
dit au début, on va y penser très sérieusement. Il ne
faudrait pas que cette motion ou quelque autre mesure qu'on prétendrait
présenter du côté de l'Opposition soit un peu cousue de fil
blanc pour récupérer des événements tragiques
à des fins partisanes.
Des voix: Oh! Oh! Oh!
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je crois que le premier ministre vient
de nous prêter des motifs absolument indignes et non fondés. La
question a été posée d'une façon directe, polie,
objective. Tenant compte de l'importance de la question, j'espère que le
premier ministre ne se rabaissera pas comme il vient de le faire.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je me sentirais très
coupable de cette émotion contenue du chef de l'Opposition, dont on
connaît la sincérité absolue, si je n'avais pas lu dans les
journaux de ce matin des propos, sauf erreur, du leader de l'Opposition dont le
ton était celui de quelqu'un qui veut ressasser, accuser, trouver des
boucs émissaires et pas du tout vraiment chercher des solutions.
M. Gratton: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Le premier ministre a-t-il, au moins, pris
connaissance du libellé de la motion? Sait-il qu'elle vise que cette
commission spéciale siège pour un maximum d'une semaine à
compter du premier lundi après son adoption jusqu'au plus tard un
mercredi? Dans ces circonstances, n'agréerait-il pas qu'on puisse
l'adopter afin que cette commission soit formée, sans débat -
vous ne voulez pas de partisanerie - mais de façon que le travail et
l'examen des mesures de sécurité qui sont nécessaires
à l'Assemblée nationale - et tous, du côté
ministériel, en conviennent - soient faits avec la participation des
deux côtés de l'Assemblée.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je ferais remarquer à
l'Opposition - M. le Président, vous devez en être conscient
vous-même -que la loi dit que la sécurité de
l'Assemblée est la responsabilité de la présidence de
l'Assemblée. Cela est un fait, c'est dans nos lois.
La deuxième chose, c'est que s'il s'agit de faire très
rapidement, dans les jours qui viennent, cela ne peut pas faire autrement -j'ai
vu le ton des remarques qui ont été faites dans le journal de ce
matin - que d'être pour voir s'il n'y a pas moyen de chercher dans le
passé quelque bouc émissaire que ce soit. Je n'ai pas
remarqué non plus qu'on disait que cela devait être à huis
clos parce que parler et prétendre parler de sécurité dans
le détail, dans n'importe quel Parlement, en étalant cela et tout
le reste sous les caméras de la télévision me
paraîtrait quelque peu contre-indiqué. On a quelques sujets comme
cela qu'on veut examiner, y compris la motion. Je répète ce que
j'ai dit au début, on verra d'ici à demain.
Le Président: Question complémentaire, M. le whip
de l'Opposition.
M. Pagé: Au premier ministre, très
brièvement, M. le Président. Compte tenu du caractère
délicat du sujet de la sécurité, compte tenu que cette
motion propose de siéger pendant une semaine seulement, dans laquelle il
n'y a pas de référence à une retransmission par
télévision, soit dit en passant, est-ce que le premier ministre
pourrait répondre à la question posée par le leader?
C'est, en fait, une proposition qu'on lui formule: Que la motion qui est ainsi
inscrite, soit adoptée sans débat ici à l'Assemblée
nationale. On sait que s'il y a un forum où c'est peut-être
difficile d'être un peu moins partisan, c'est probablement
l'Assemblée nationale - le parquet de la Chambre - tout le monde en
convient.
Êtes-vous prêt à accepter - et on vous le propose -
que la motion soit adoptée sans débat et à convoquer la
commission spéciale à laquelle on s'est
référé, laquelle siégerait une semaine? Je rappelle
que ce serait sans télédiffusion. Notre règlement
prévoit, comme le premier ministre le sait probablement, que si c'est le
voeu de la majorité, on pourrait siéger à huis clos.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je suis
content au moins d'avoir entendu cette assurance parce qu'il n'y avait pas
grand-chose de clair dans les intentions -sauf les propos qui ont
été tenus en public -de l'Opposition, y compris le fait, par
exemple, que sur un sujet qui, normalement, devrait s'élever, Dieu sait,
au-dessus de la partisanerie, on a reçu le texte de la motion ce matin
seulement, sans qu'il n'y ait eu la moindre consultation, la moindre
communication à propos de cela.
Cela étant dit, la réponse est non, pas avant demain, M.
le Président.
M. Gratton: Appel au règlement, M. le
Président.
Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Simplement pour indiquer que nous avons dû
respecter les règles de pratique qui gouvernent les travaux de
l'Assemblée, que le libellé de cette motion a été
déposé auprès du Secrétaire général
de l'Assemblée nationale hier pour qu'on puisse en faire état
aujourd'hui tout simplement.
Le Président: Question principale...
M. Gratton: On n'a pas eu d'avis de la déclaration
officielle.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, vous faites
état que vous n'avez pas eu d'avis de ma déclaration officielle.
Dans tous les Parlements britanniques, c'est la prérogative du
président de saisir l'Assemblée de toute question au moment
où il le juge opportun.
Mme la députée de Jonquière.
M. Gratton: C'est ce qu'on a fait avec notre motion.
Le Président: Ce n'était pas la même
chose.
Mme la députée de Jonquière.
Mme Saint-Amand: M. le Président, samedi dernier, en
compagnie du chef du Parti libéral, M. Robert Bourassa, nous avons tous
les deux rendu visite...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre!
Les correctifs appliqués à
l'hôpital de Dolbeau
Mme Saint-Amand: Nous nous occupions quand même d'un sujet
très sérieux, M. le Président, c'est-à-dire le
conflit qui sévissait à l'hôpital de Dolbeau. Le lendemain,
les médecins tenaient une rencontre au cours de laquelle ils
décidaient de réintégrer le travail. Dès le
lendemain, c'est-à-dire hier matin, les médecins avaient repris
leur poste à l'hôpital de Dolbeau.
Ma question s'adresse donc au ministre des Affaires sociales. Compte
tenu des engagements que le ministre a pris afin de régler la situation
intenable qui sévit actuellement à l'hôpital de Dolbeau,
est-ce qu'il est en mesure aujourd'hui de préciser le calendrier des
mises en application des propositions de règlement qu'il a faites aux
médecins?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, si les médecins sont
rentrés au travail à Dolbeau ce n'est sûrement pas à
cause des assurances que leur a données le chef du Parti libéral
car autrement ils seraient encore dans le champ. (15 h 10)
Effectivement, M. le Président, les médecins sont
rentrés parce que nous avons eu un très grand nombre de
rencontres. Nous avons étudié la situation clairement,
lucidement, objectivement. Le ministère des Affaires sociales, à
la suite de ces nombreuses rencontres de concertation, a pu s'engager à
mettre sur pied des correctifs dont je peux énumérer
brièvement les
suivants: d'abord, l'installation prochaine d'un laboratoire de
physiothérapie étant donné la clientèle
particulière que dessert ce centre hospitalier; l'installation d'un
centre de soins optima dont il faudra déterminer le nombre de lits, les
équipements requis et le local requis; le règlement du
problème des urgences à faible débit qui fait actuellement
l'objet de négociations avec la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec; l'étude du
problème des patients hébergés pour soins prolongés
à l'hôpital de Dolbeau: nous avons promis d'étudier deux
solutions, soit un agrandissement d'un centre d'accueil situé dans le
voisinage ou l'agrandissement de l'hôpital lui-même. Donc, toute
une série de mesures qui sont actuellement en cours et que les
médecins ont jugées suffisamment intéressantes pour cesser
leurs pressions, réintégrer l'hôpital et exercer leurs
responsabilités.
Quant aux affirmations du chef libéral, à savoir que les
problèmes de santé constituent une sous-priorité au
gouvernement du Québec, je pense que vous pourrez constater, M. le
Président, que ce n'est pas la première fois que le chef
libéral parle à travers son chapeau et par pur opportunisme
politique, puisque le gouvernement du Québec, dans le budget de
1984-1985, consacre aux soins de santé 7 100 000 000 $, ce qui constitue
8,5% du budget des dépenses, ce qui est amplement supérieur
à la moyenne canadienne. La santé est une priorité pour le
gouvernement du Québec et elle le demeurera, M. le Président.
Le Président: Mme la députée de
Jonquière.
Mme Saint-Amand: Je peux ajouter un commentaire, à savoir
que la liste des problèmes mentionnés par le ministre
démontre bien qu'il y avait un problème à l'hôpital
de Dolbeau.
Question additionnelle, M. le Président. Le ministre peut-il
maintenant nous préciser la date à laquelle il s'occupera
vraiment de trouver les médecins additionnels qui apporteront les soins
nécessaires à la population de Dolbeau?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: Avant de répondre, M. le Président, je
voudrais encore ajouter que ce n'est sûrement pas en raison des efforts
non plus de Mme la députée de Jonquière que le
problème a été réglé. S'il y avait un
responsable, ce serait plutôt le député de Roberval qui a
pris ses responsabilités très au sérieux et qui a
participé à toutes les discussions.
Des voix: Bravo! Des voix:Debout.
M. Laurin: Quant aux engagements qui ont été pris,
M. le Président, ils sont en cours de réalisation. Nous sommes en
train de mesurer exactement le coût qu'entraîneront les nouvelles
installations du laboratoire de physiothérapie, des soins optima.
Nous sommes à la toute veille, je crois, de nous entendre avec la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
quant au recrutement de médecins afin de régler le
problème des urgences à faible volume. Nous étudions
actuellement tout le problème de la rémunération
différenciée des médecins en zones
désignées, le problème des boursiers, et j'aurai
l'occasion, d'ici quelques jours, d'annoncer une table de concertation
où toutes les fédérations, les intéressés,
pourront mettre ensemble leurs ressources et leur lumière pour apporter
une solution définitive à ce problème de recrutement des
médecins en régions éloignées.
M. Levesque (Bonaventure): Question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que ce
sont les mêmes mesures qui ont été ou seront prises dans le
cas de Gaspé où les médecins ont également
débrayé?
M. Laurin: Je me suis occupé, M. le Président, du
problème de Gaspé avec la même
célérité et la même détermination que le
problème de Dolbeau et j'ai tout lieu de croire que la situation se
réglera au cours des prochains jours, précisément
grâce à notre détermination. Encore une fois, je viens de
dire que le problème de recrutement de médecins
spécialistes en régions est un problème
général qui se pose dans plusieurs régions, donc
susceptible d'une solution à moyen terme ou à long terme que nous
devrons trouver tous ensemble: corporations de médecins, écoles
de médecine, fédérations de médecins, centres
régionaux des services de santé et des services sociaux, ce qui
ne nous empêchera pas, encore une fois, de faire de la santé un
élément prioritaire puisque, encore une fois, il faudrait
peut-être ajouter que c'est depuis sept ans que nous avons construit 7000
places en centres d'accueil, 2000 places pour les lits de soins de courte
durée, sans compter le parachèvement du réseau de CLSC qui
est prévu pour l'année prochaine.
Le Président: M. le chef de l'Opposition
suivi du député de Roberval.
M. Levesque (Bonaventure): Je comprends que le ministre va
probablement me répondre la même chose qu'il a répondu tout
à l'heure, mais est-ce que c'est simplement par coïncidence que son
ministère est intervenu juste quelques moments après qu'on
eût connu l'intention de M. Bourassa de visiter les lieux?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, depuis le premier instant
où nous avons entendu parler d'un malaise à l'hôpital de
Gaspé, je suis intervenu par la voie des officiels de mon
ministère pour m'enquérir de la situation et j'ai posé
tous les gestes le plus rapidement possible pour que les correctifs soient
apportés. Mais la présence du chef libéral dans toutes les
régions du Québec est tellement générale qu'on ne
peut pas parler ici de coïncidence.
Le Président: M. le député de Roberval, en
complémentaire.
M. Gauthier: M. le Président, je voudrais savoir du
ministre, s'il est au courant que les médecins de Dolbeau ne seraient
pas entrés au travail jeudi dernier, n'eût été de
l'intervention de la députée de Jonquière et de M.
Bourassa qui ont essayé de récupérer ce drame social
très grave dans mon comté à des fins partisanes?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, je n'étais pas au
courant, car je ne me préoccupe pas généralement de ces
questions. Je l'apprends et j'en tirerai les conséquences.
Le Président: M. le député de Laporte,
question principale.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Gaspé a
une question complémentaire, je m'excuse.
M. Le May: Merci. M. le Président. En fin de semaine
dernière, à Gaspé, on avait grand peur des bruits qui
circulaient à savoir la mise en tutelle de l'Hôtel-Dieu de
Gaspé... Est-ce que, M. le ministre, vous pouvez confirmer ces rumeurs?
Avez-vous l'intention d'y donner suite?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, je pense que même si les
deux questions étaient coïncidentes, se posaient
simultanément, il n'y avait pas nécessairement un lien de cause
à effet entre le débrayage des médecins et
l'opportunité d'une mise en tutelle du conseil d'administration de
Gaspé. Après un examen de la situation, il s'est
avéré que le conseil d'administration, au contraire, avait tout
mis en oeuvre pour arriver à l'équilibre budgétaire au
cours de l'année qui vient de s'écouler et qu'il faut le
féliciter des efforts qu'il a faits. Donc, je ne vois pas que, pour
cette raison ou pour quelques autres que je pourrais énumérer, il
y ait lieu de mettre en tutelle le conseil d'administration de Gaspé. Au
contraire, je pense qu'il convenait de lui demander de prendre toutes ses
responsabilités pour régler les quelques problèmes qui
restent à régler dans la région, non seulement au sujet du
recrutement des médecins omnipraticiens ou généralistes,
mais également pour la complémentarité des réseaux,
pour la qualité et l'efficacité des services dans toutes les
spécialités. C'est le sens des dispositifs que nous avons mis en
place et qui, je l'espère, contribueront à apporter une solution
définitive à la situation.
Le Président: M. le député de Laporte.
Les propos du ministre sur les coopératives
à la SAQ
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. En réponse
à des questions que je lui posais récemment, le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme déclarait en cette Chambre:
Premièrement, que le président du Mouvement Desjardins, M.
Raymond Blais, était totalement d'accord avec son projet de transformer
les succursales de la Société des alcools en coopératives
de commerce; deuxièmement, que le Conseil de la coopération du
Québec, était divisé sur le sujet. Or, le chef de
l'Opposition soulignait le 3 mai dernier en cette Chambre que, contrairement
à ce qu'avait affirmé le ministre, M. Raymond Blais doutait du
succès des coopératives à la SAQ tel que rapporté
par le journal Le Devoir, et que le Conseil de la coopération du
Québec était unanime à rejeter le projet du ministre tel
que rapporté par le journal Le Soleil du 2 mai 1984. (15 h 20)
En réponse aux questions du chef de l'Opposition, qui accusait le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme d'avoir trompé
l'Assemblée nationale, et qui lui demandait où est la
vérité, le premier ministre a répondu et je cite: "II va
bien falloir attendre que j'aie pu rejoindre le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme pour lui demander plus de précision.
Aussitôt que j'aurai pu vérifier, consulter, il y aura une
réponse." Ma
question au premier ministre est la suivante: Le premier ministre a-t-il
pu vérifier et consulter et peut-il nous dire si son ministre a bien dit
la vérité en cette Chambre?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): J'ai bien dit que quand j'aurais
rejoint le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, il y aurait une
réponse. Je ferai remarquer au député de Laporte que le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est en ce moment en
Chambre. La question, c'est à lui qu'elle doit s'adresser.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Je pourrais peut-être faire une suggestion
très simple au député de Laporte et peut-être aussi
au chef de l'Opposition. C'est de communiquer directement avec les gens du
Conseil de la coopération, en particulier, et les gens des
coopératives, et vous verrez par vous-mêmes. Si vous êtes
trop importants pour vous déranger pour les rencontrer, prenez le
téléphone et téléphonez-leur, vous allez voir un
peu ce qu'ils pensent de la loi telle que déposée, une fois qu'on
a fait de la consultation avec les gens du mouvement coopératif. Vous
allez me dire qu'il y a des changements par rapport au premier document de
travail qu'on a mis de l'avant. Bien sûr, parce que c'est nouveau. On a
fait de la consultation et le projet de loi qui est déposé
aujourd'hui, je pense, reflète assez bien le résultat des
consultations. D'ailleurs, il y a une dizaine de jours, j'ai écrit
personnellement au président du Conseil de la coopération pour
lui demander officiellement son avis sur ce projet de loi.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: La question ne portait pas sur le nouveau projet
amendé que le ministre vient de déposer. Elle portait sur le
projet original à l'égard duquel M. Blais avait
déclaré, tel que cité par le chef de l'Opposition, qu'il
voyait pas mal de problèmes dans le projet. Je repose la question au
ministre. Quand le ministre a dit que M. Blais était totalement
d'accord, il s'agissait de l'ancien projet. Est-ce que le ministre peut nier
que M. Blais ait déclaré qu'il voyait pas mal de
problèmes, et comment peut-il concilier les propos de M. Blais avec le
fait que le ministre a dit que M. Blais était totalement d'accord?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Je pense que je vais suggérer au
député de Laporte de prendre le téléphone et de
téléphoner, cela va être urgent pour lui, afin qu'il puisse
savoir exactement la situation. Je lui rappelle simplement que le
député de Mont-Royal s'est mis les pieds dans les plats quand il
vous a fait voter contre l'aluminerie de Bécancour en disant que ce
n'était pas bon. Aujourd'hui, on prouve que c'est bon. Faites donc
attention dans des projets de loi comme ceux-là. Avant de vous fier
à des rumeurs, vérifiez donc vous-mêmes et vous allez voir
les résultats, ils sont pas mal différents des informations que
vous avez.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme peut nous expliquer comment il se fait qu'à
la suite de sa déclaration ici à l'Assemblée nationale,
à savoir que les membres du Conseil de la coopération
étaient divisés, un porte-parole autorisé de ce conseil,
dès le lendemain, dénonçait le ministre en disant que
c'était à l'unanimité que le Conseil de la
coopération s'était prononcé contre les principales
dispositions du premier projet de loi?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le chef de l'Opposition, cela fait tout près
de huit ans qu'on est ici ensemble et j'ai assez de respect pour vous
habituellement. Voulez-vous, au lieu de vous fier... Au lieu de vous mettre les
pieds dans les plats parce que votre député de Laporte vous donne
des informations qui ne sont pas correctes, vérifiez vous-même et
vous allez arrêter de poser des questions là-dessus parce que vous
allez voir que les gens de la coopération sont d'accord avec notre
projet de loi?
M. Levesque (Bonaventure): Le ministre fait de l'humour...
Une voix: Comme Duhaime à Maniwaki.
M. Levesque (Bonaventure): ... est sur la voie
d'évitement, mais est-ce qu'il peut nous répondre? Il y avait
là un texte, c'est très clair, le ministre dit que sur ce texte
les membres sont divisés au Conseil de la coopération. Or, M.
Maheux, le porte-parole, dit immédiatement: Nous sommes unanimes, nous
sommes contre.
Une voix: Qui est le menteur?
M. Levesque (Bonaventure): Qui dit la vérité?
Une voix: Ce n'est pas compliqué. M. Biron: M. le
Président.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Habituellement, j'aime mieux me fier aux gens qui sont
en place. Pour l'information du chef l'Opposition, le président du
Conseil de la coopération, c'est M. Paul Dolan. Il vaudrait
peut-être la peine que vous communiquiez avec lui au lieu de vous fier
à certains commentaires qui arrivent d'un peu partout de gens qui sont
dans l'échelle quelque part. Là-dessus, si vous vérifiez
vous-même, vous allez arrêter de vous mettre les pieds dans les
plats. Vous allez trouver que notre développement du monde de la
coopération dans le sens d'une participation des travailleurs, c'est
à l'avant-garde et c'est prôné par les gens qui sont
à l'avant-garde dans le monde de la coopération.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le ministre prétend
que M. Maheux n'est pas un porte-parole autorisé du Conseil de la
coopération du Québec? Est-ce cela qu'il dit? Est-ce qu'il dit
aussi que M. Maheux ment lorsqu'il déclare que le conseil est unanime,
ou est-ce le ministre qui a induit la Chambre en erreur?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, quand je présente un
nouveau projet de loi ou un programme quelconque, j'ai l'habitude de consulter.
Le chef de l'Opposition devrait le savoir. J'ai consulté à propos
de ce projet de loi et on l'a amélioré. Si vous voulez plus
d'information concernant la situation et la prise de position du Conseil de la
coopération du Québec, communiquez directement avec M. Paul
Dolan. Encore une fois, si vous êtes trop important pour daigner le
rencontrer, parlez-lui au moins au téléphone. Il va vous dire ce
qu'il en pense.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que le
ministre est d'accord sur le fait qu'avec le téléphone, il peut
poser des gestes qui ne sont pas des gestes normaux pour un ministre
vis-à-vis d'un conseil consultatif? Cela fait plusieurs fois que le
ministre parle ici en cette Chambre de ses coups de téléphone. Il
devrait prendre l'avis de ces conseils qui sont nommés justement pour
donner un avis et ne pas être influencés par un ministre ou par un
membre du gouvernement.
Le Président: M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, j'ai l'habitude de rencontrer
les gens. Je rencontre les gens et je vous dis tout simplement que si vous
n'avez pas le temps de les rencontrer, faites autre chose. Ce que je dis au
chef de l'Opposition, c'est que sur un projet pour lequel on a
consulté... On a consulté beaucoup de monde, c'est vrai. On a
amélioré notre projet à la suite de ces consultations;
c'est vrai. J'ai demandé l'avis officiel du Conseil de la
coopération du Québec il y a une dizaine de jours. Communiquez
avec le président du conseil et vous connaîtrez sa position
officielle sur le projet de loi déposé aujourd'hui.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Question additionnelle au premier ministre, M. le
Président. Le premier ministre est-il d'accord pour qu'un de ses
ministres réponde de cette façon à l'Assemblée
nationale? Ne croit-il pas que les propos du ministre sont tellement
équivoques qu'ils sont de nature à tromper les
députés? Est-ce là ce que le premier ministre appelle dire
la vérité?
Une voix: C'est un menteur.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je remarque
simplement que le ministre a dit à l'Opposition de s'informer
auprès du Conseil de la coopération du Québec auquel les
gens de l'Opposition réfèrent tout le temps sans jamais parler
à ses membres. Deuxièmement, il y a devant la Chambre un projet
de loi qu'on jugera au mérite et sur lequel on obtiendra les opinions du
Conseil de la coopération du Québec, de même que,
probablement, d'ailleurs, l'opinion du président de la
Fédération des caisses populaires à qui j'ai eu l'occasion
d'en parler il y a seulement deux jours. Tout cela nous éclairera
davantage.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le premier ministre est
d'accord sur le fait que - je n'ai pas envie de continuer très longtemps
dans cette voie - lorsque le ministre répondait, il répondait
à partir d'un document qui n'est pas le document déposé
aujourd'hui et qui, lui, recueillera possiblement l'adhésion du
mouvement
coopératif après consultation, après amendements,
après changements. Mais la question que nous avons posée a
été posée bien avant ce projet de loi. N'est-il pas vrai
que c'est là que le ministre a induit cette Chambre en erreur? Le
premier ministre va-t-il cesser de le couvrir?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est
vraiment une tempête... J'allais dire dans un verre d'eau, mais c'est
plus important que cela parce qu'il s'agit d'un tournant dans le monde du
développement coopératif. On sait que c'est relativement nouveau,
même très nouveau encore, que dans la coopération
s'inscrivent des coopératives de travailleurs. Il s'agit ici de
coopératives dans le secteur commercial. Cela a été
très discuté. Ce dont je me rappelle avoir entendu le ministre
parler en Chambre, ce n'était pas de tel ou tel article d'un projet.
C'était d'une nouvelle perspective qu'il s'agit peut-être de
développer et sur laquelle les avis sont partagés. Je crois que
c'est vrai, parce que j'ai eu l'occasion de le constater aussi. Il s'agit
maintenant de savoir, sur le fond, si c'est bon. Ce sera jugé au
mérite ici. J'espère que l'Opposition se renseignera un peu mieux
qu'elle ne l'a fait jusqu'ici. Et on verra les résultats en temps et
lieu.
Le Président: Question principale, M. le
député de Charlesbourg.
La loi sur les pourboires
M. Côté: M. le Président, c'est demain la
date limite pour inscrire des projets de loi qui pourront être
adoptés avant la fin de la présente session. Il n'y a aucune
indication que le ministre du Revenu s'apprête à amender la
désormais célèbre loi 43. Quelles raisons le ministre
a-t-il à nous donner et surtout à donner aux employeurs et aux
employés au pourboire alors qu'il se félicite depuis le
début de la bonne marche et des progrès dans les discussions et
qu'il disait, le 12 avril dernier, envisager une solution d'ici deux ou trois
semaines? (15 h 30)
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Dean: M. le Président, lorsque j'ai pris ce dossier en
main, j'ai dit que j'avais l'intention de prendre le temps de consulter les
employeurs et les employés de ce secteur dans le but d'en arriver
à des solutions à ce problème. C'est ce que j'ai fait et
ce que je suis encore en train de faire. J'en suis rendu à ma
dixième rencontre de consultation avec différents groupes. Ces
consultations vont continuer pendant encore une semaine ou deux. Nous
espérons, d'ici une quinzaine de jours, avoir rassemblé les
éléments en vue d'une solution possible. Nous allons les
soumettre aux intervenants et nous leur demanderons leur opinion
là-dessus, après quoi nous allons prendre les mesures
nécessaires et présenter nos solutions à cette Chambre et
à la population.
Le Président: M. le député de
Charlesbourg.
M. Côté: M. le Président, comment le ministre
explique-t-il qu'il vient de donner un mandat à la firme de sondage IQOP
d'enquêter auprès des employeurs et des employés afin de
connaître leur opinion sur la loi 43 et leur réaction au pouboire
obligatoire?
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Dean: M. le Président, nous avons, comme je l'ai dit,
consulté et participé à plusieurs rencontres de
consultation avec les représentants des employeurs et des
employés. Dans certains cas, à leur demande, nous avons attendu
qu'ils nous présentent certaines données, qu'ils nous fassent
connaître leur opinion, qu'ils nous fassent part de certaines
études qu'ils avaient à nous soumettre et, dans le but de
renforcer notre recherche et d'en arriver à une solution, nous avons
choisi, par des moyens qui respectent les exigences des politiques
administratives concernant l'octroi des contrats, une compagnie de
l'extérieur, une compagnie réputée dans le domaine de la
recherche scientifique d'opinion, en vue d'avoir un autre opinion par cette
voie et de chercher une solution au problème. Ces recherches sont
constituées d'abord des groupes. On nous a dit au début qu'on
devait aller en région chercher des solutions. Ces groupes d'employeurs
et d'employés répartis sur le territoire québécois
sont contactés par les recherchistes, par les sondeurs de cette
entreprise.
Il y a un deuxième volet qui est un sondage de l'opinion
publique, des consommateurs, parce que, M. le Président, les
consommateurs aussi sont joueurs dans ce jeu. On parle des employeurs. On parle
aussi des travailleurs du secteur de l'hôtellerie et de la restauration,
mais ce sont les consommateurs qui paient tout cela et nous avons voulu
vérifier certaines hypothèses auprès de la population par
la voie d'un sondage scientifique.
Le Président: M. le député de
Charlesbourg.
M. Côté: Compte tenu du fait que son sous-ministre,
M. D'Amours, a déclaré que l'attribution était
inacceptable et injuste, le
ministre est-il prêt à nous dire aujourd'hui qu'il accepte
de la remettre aux oubliettes?
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Dean: M. le Président, lorsque nous aurons
complété nos consultations avec les employeurs et les
employés, nous allons annoncer en Chambre, en primeur, les solutions que
nous proposerons. Cette attribution, si elle se poursuit ou non, fera partie de
cet ensemble de mesures.
Le Président: M. le député de
Charlesbourg.
M. Côté: M. le Président, quant à moi,
c'est ma dernière question additionnelle. Pour montrer qu'il a un peu de
respect des travailleurs au pourboire, le ministre ne croirait-il pas utile de
songer à donner une consigne à ses collègues du Conseil
des ministres quant au pourboire à verser? On a connu la
désormais célèbre contribution-pourboire du
député de Vanier et celle du parrain du projet de loi 43, M.
Marcoux, ministre. Il a donné un pourboire de 10 $ sur une facture de
302 $.
M. Bertrand: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président: Un rappel au règlement, M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, on voit le
député de Charlesbourg sourire en ce moment. J'espère
qu'il se rend compte qu'il vient de tenir des propos qui vont à
l'encontre de l'article 35 de notre règlement. Il a fait allusion
à un article paru dans le journal Le Soleil il y a un certain nombre de
semaines, et qui faisait état d'un pourboire qui avait
été...
M. Blank: Une question de règlement. Vous avez
déjà rendu une décision en cette Chambre qu'une question
de règlement comme celle que le député de Vanier veut
poser aujourd'hui doit se faire demain avec un avis d'une heure.
Le Président: Je prenais soin de lire l'article 35 qui est
long et qu'avait invoqué le député de Vanier afin de voir
en quoi les propos du député de Charlesbourg pouvaient être
touchés par cet article. J'avoue que j'ai de la difficulté
à voir en quoi l'article 35 s'applique.
M. Bertrand: M. le Président, à l'article 35 on
fait état d'un certain nombre de propos qui ne peuvent être tenus
par un député qui a la parole. M. le Président, il
m'apparaît dans l'ensemble des dix paragraphes contenus dans l'article
35, ou dans l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale, où
on dit par exemple que: On ne peut pas diffamer un député ou
proférer des injures à l'encontre de ce dernier. M. le
Président, je pense qu'à l'article 55, paragraphe 8 de la Loi sur
l'Assemblée nationale ou à l'article 35...
Le Président: M. le député de Vanier,
l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale sur la diffamation en
prend pas mal plus large, si je peux utiliser l'expression, que la remarque
qu'a faite au passage le député de Charlesbourg. Je vois mal en
quoi il s'applique à...
M. Bertrand: M. le Président, la question de
règlement, à défaut de pouvoir utiliser cet article 35 ou
l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale, quelle que soit la
nature ou la qualité de la remarque posée par le
député de Charlesbourg, je ne peux pas accepter que cette Chambre
soit l'occasion de tenir ici des propos mensongers. Demain j'invoquerai une
question de fait personnel.
Une voix: Vous en parlerez à Biron aussi.
Le Président: En complémentaire, M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'aimerais
revenir au ministre du Revenu. En entendant la question et la réponse
quelque chose m'a frappé. Est-ce exact que vous avez, à
même les fonds publics, commandé un sondage à la suite de
la mise en oeuvre de la loi 43 qui vous donne de la difficulté? Comment
se fait-il que vous fassiez des sondages, que vous preniez l'argent du public
quand vous avez des problèmes avec le projet de loi 43? Qu'est-ce que
ces histoires de sondage?
M. Bédard: M. le Président...
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Dean: M. le Président, il est vrai... On m'a
posé la question et j'ai répondu qu'effectivement nous avons
commandé un sondage d'une maison pour connaître et
développer davantage l'opinion et du milieu en région et de la
population entière sur différentes solutions possibles aux
problèmes posés par la question des pourboires et l'imposition
des pourboires.
Le Président: Une dernière question additionnelle,
M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, tout en
reconnaissant que le ministre, lui, dit la vérité et
n'hésite pas à
la dire, je demande au premier ministre s'il est d'accord sur ce genre
de sondage qui peut être commandé par n'importe quel de ses
collègues qui est en difficulté. Est-ce qu'on accepte de
légiférer, d'administrer par sondages? Tous les membres du
cabinet ont-ils accès à ce genre de procédure
auprès du public?
M. Bédard: M. le Président, un question de
règlement.
Le Président: Un rappel au règlement. M. le leader
du gouvernement.
M. Bédard: Une question de règlement. Avec tout le
respect que j'ai pour le chef de l'Opposition, j'ai l'impression qu'il se prend
un peu pour un autre aujourd'hui, alors qu'en question complémentaire il
se permet d'argumenter, de jouer au censeur, de jouer à la vierge
offensée parce qu'il y a des sondages qui ont été faits,
alors qu'il sait très bien que lorsqu'il occupait des
responsabilités ministérielles le gouvernement libéral...
(15 h 40)
Le Président: À l'ordre! La question s'adressait au
premier ministre. Je crois comprendre que M. le leader du gouvernement y a
répondu d'une certaine manière, parce que ce n'était
manifestement pas une question de règlement.
Une dernière question principale, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
Le moratoire fédéral sur
l'industrie du bois de sciage et la scierie de
Belleterre
M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue): M. le
Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre de
l'Énergie et des Ressources et concerne le récent moratoire du
gouvernement fédéral en ce qui concerne l'industrie du bois de
sciage et des pâtes et papiers dans l'ensemble du Canada. Ce moratoire
vient absolument étouffer le développement économique
forestier du Québec et tout particulièrement la mise en place du
dossier de la scierie de Belleterre que vous connaissez, où le
gouvernement du Québec a apporté une contribution au niveau des
approvisionnements et, il y a six mois, par l'entremise du PECEC, une aide
financière d'au-delà de 600 000 $.
M. le Président, concernant le moratoire - je pourrais citer en
exemple que la problématique forestière en Colombie britannique
n'est absolument pas la même que celle du Témiscamingue - M. le
ministre a-t-il fait les pressions requises auprès des intervenants
forestiers d'Ottawa pour qu'on puisse, en fin de compte, faire sauter ce
moratoire qui encarcane et qui étouffe le développement
économique forestier du Témiscamingue et tout
particulièrement le démarrage de la scierie de Belleterre? Le
ministre peut-il nous assurer qu'il fera toutes les pressions
nécessaires auprès des autorités canadiennes pour que la
scierie de Belleterre reçoive l'aide requise du gouvernement
fédéral par l'entremise du PDIR et qu'on puisse se lancer dans la
création d'emplois à Belleterre dans les plus brefs
délais?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, depuis l'automne dernier,
nous avons eu beaucoup d'échanges avec le gouvernement
fédéral, mes hauts fonctionnaires au ministère de
l'Énergie et des Ressources de même que ceux de l'OPDQ, qui est
responsable de la négociation des ententes. On peut dire qu'à
l'heure actuelle c'est dans un cul-de-sac et je pense que cela va durer au
moins jusqu'après les retombées des effervescences de la course
au leadership.
M. le Président, c'est dommage parce que durant les cinq
dernières années nous avons conjointement administré une
entente auxiliaire concernant la forêt, qui a été bien
gérée de part et d'autre et qui a été très
bien reçue par les intervenants forestiers également. À
l'heure actuelle, c'est l'impasse, probablement pour des raisons de
visibilité politique ou autre. Tout ce que l'on sait pour l'instant,
c'est que le dossier est paralysé du côté d'Ottawa alors
que l'on doit dire que nous avons démontré de notre
côté, premièrement, le désir de reconduire ces
ententes et, deuxièmement, une volonté de mener rapidement
à terme les négociations.
Je déplore avec vous qu'un moratoire existe à l'heure
actuelle et qu'il ait même été officialisé pour
toute intervention concernant l'industrie du sciage. Cela touche, bien
sûr, la scierie de Belleterre dans votre comté, mais cela touche
également beaucoup d'autres projets dans d'autres régions du
Québec. Je le déplore vivement, M. le Président, mais on
va connaître, j'imagine au mois de juin, le nom de l'heureux gagnant.
Pour le nombre de mois que cela va durer, j'ai l'impression qu'on est dans un
cul-de-sac, malheureusement pour trop longtemps pour l'industrie.
Le Président: Fin de la période des questions.
Il y a un vote sur le projet de loi 48. Cela va permettre à nos
collègues qui sont à l'extérieur d'entrer en Chambre.
Mise aux voix des amendements et du rapport
de la commission qui a étudié le projet
de loi 48
II s'agit donc de mettre aux voix les amendements et le rapport de la
commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et
de l'alimentation qui a étudié le projet de loi 48, Loi
sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres
dispositions législatives.
Il y a deux amendements sur lesquels nous sommes invités à
nous prononcer. Le premier, celui de M. le député de Nelligan, se
lit ainsi: "Que l'article 68 du projet de loi 48 soit modifié en
ajoutant à la fin les mots suivants, et je cite: "Toutefois, aucune
proclamation du gouvernement ne peut fixer une date antérieure au 31
décembre 1984." Que les députés qui sont favorables
à cet amendement veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Gratton
(Gatineau), O'Galla-gher (Robert Baldwin), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce),
Ciaccia (Mont-Royal), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Vaillancourt (Orford), Mme
Bacon (Chomedey), MM. Middlemiss (Pontiac), Vallières (Richmond),
Mathieu (Beauce-Sud), Caron (Verdun), Blank (Saint-Louis), Hains (Saint-Henri),
Polak (Sainte-Anne), Saintonge (Laprairie), Rocheleau (Hull), Fortier
(Outremont), Rivest (Jean-Talon), Côté (Charlesbourg), Pagé
(Portneuf), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Bourbeau (Laporte), Lincoln
(Nelligan), Dubois (Huntingdon), Maciocia (Viger), French (Westmount),
Bissonnet (Jeanne-Mance), Dauphin (Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde
(Berthier), Leduc (Saint-Laurent), Maltais (Saguenay), Mmes Bélanger
(Mégantic-Compton), Saint-Amand (Jonquière).
Le Président: M. le député de Saint-Laurent.
Je m'excuse, il faut que vous restiez jusqu'à la fin du vote.
Que les députés qui s'opposent à la motion de
l'amendement veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Bédard (Chicoutimi), Mme Marois (La Peltrie), MM. Clair (Drummond),
Laurin (Bourget), Johnson (Anjou), Bérubé (Matane), Marcoux
(Rimouski), Lazure (Bertrand), Gen-dron (Abitibi-Ouest), Biron
(Lotbinière), Dean (Prévost), Ouellette (Beauce-Nord), Martel
(Richelieu), Bordeleau (Abitibi-Est), Tardif (Crémazie), Garon
(Lévis), Léonard (Labelle), Fréchette (Sherbrooke),
Bertrand (Vanier), Brassard (Lac-Saint-Jean), Duhaime (Saint-Maurice),
Chevrette (Joliette), Paquette (Ro-semont), Rancourt (Saint-François),
Leduc (Fabre), Léger (Lafontaine), Proulx (Saint-Jean), Gauthier
(Roberval), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Lachapelle (Dorion), MM.
Blouin (Rousseau), Boucher (Rivière-du-Loup), Rodrigue (Vimont), Gagnon
(Champlain), Beaumier (Nicolet), Dussault (Château-guay), Desbiens
(Dubuc), Fallu (Groulx), Rochefort (Gouin), Marquis (Matapédia),
La-plante (Bourassa), Champagne (Mille-Îles), Lavigne (Beauharnois),
Blais (Terrebonne), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Gravel
(Limoilou), Le May (Gaspé), Beauséjour (Iberville), Paré
(Shefford), Tremblay (Chambly), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue),
Le Secrétaire: Pour: 35
Contre: 52
Abstentions: 0
(15 h 50)
Le Président: L'amendement est rejeté.
Nous avons un autre projet d'amendement proposé par M. le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Cet
amendement vise à supprimer l'article 63.1 du projet de loi 48, lequel
article 63.1... Je peux le lire si vous voulez, mais cela ne nous
éclaire guère, puisque cela dit: "Les articles 2, 5 et 7 de la
Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles sont
modifiés par le remplacement, dans leur dernière ligne, de "1984"
par "1986"." Si je comprends bien, cet article a été
adopté en commission et il s'agirait maintenant, si je saisis bien, de
le retrancher, mais je dis cela sous toutes réserves.
Que les députés qui sont favorables à la motion
veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Bédard (Chicoutimi), Mme Marois (La Peltrie), MM. Clair (Drummond),
Laurin (Bourget), Johnson (Anjou), Bérubé (Matane), Marcoux
(Rimouski), Lazure (Bertrand), Gen-dron (Abitibi-Ouest), Biron
(Lotbinière), Dean (Prévost), Ouellette (Beauce-Nord), Martel
(Richelieu), Bordeleau (Abitibi-Est), Tardif (Crémazie), Garon
(Lévis), Léonard (Labelle), Fréchette (Sherbrooke),
Bertrand (Vanier), Brassard (Lac-Saint-Jean), Duhaime (Saint-Maurice),
Chevrette (Joliette), Paquette (Ro-semont), Rancourt (Saint-François),
Leduc (Fabre), Léger (Lafontaine), Proulx (Saint-Jean), Gauthier
(Roberval), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Lachapelle (Dorion), MM.
Blouin (Rousseau), Boucher (Rivière-du-Loup), Rodrigue (Vimont), Gagnon
(Champlain), Beaumier (Nicolet), Dussault (Châteauguay), Desbiens
(Dubuc), Fallu (Groulx), Rochefort (Gouin), Marquis (Matapédia),
Laplante (Bourassa), Champagne (Mille-Îles), Lavigne (Beauharnois), Blais
(Terrebonne), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Gravel
(Limoilou), Le May (Gaspé), Beauséjour (Iberville), Payne
(Vachon), Paré (Shefford), Tremblay (Chambly), Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue).
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, c'est
peut-être contraire à nos habitudes, mais afin que le vote ait une
certaine signification, s'agit-il simplement de l'amendement qui a
été fait afin de faire en sorte que la disposition pour la
relève agricole, qui avait été transférée
à la loi omnibus... Est-ce que c'est bien là-dessus qu'on vote
présentement? Je pense qu'il est
important que notre vote aie la signification qu'il doit avoir.
Le Président: Je vais devoir consulter, à cet
égard, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation parce que je n'étais pas à la commission. M. le
ministre.
M. Garon: M. le Président, l'article qui prévoyait
un amendement pour la relève agricole a été adopté
au mois de décembre. Cet article devient inutile, c'est pourquoi on en
demande l'abrogation pour ne pas avoir le même article à deux
endroits.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je remercie le ministre. D'ailleurs,
nous allons coopérer en votant avec le gouvernement sur cette
question.
Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Gratton
(Gatineau), O'Galla-gher (Robert Baldwin), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce),
Ciaccia (Mont-Royal), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Vaillancourt (Or-ford),
Mme Bacon (Chomedey), MM. Middlemiss (Pontiac), Vallières (Richmond),
Mathieu (Beauce-Sud), Caron (Verdun), Blank (Saint-Louis), Hains (Saint-Henri),
Polak (Sainte-Anne), Saintonge (Laprairie), Rocheleau (Hull), Fortier
(Outremont), Rivest (Jean-Talon), Côté (Charlesbourg), Pagé
(Portneuf), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Bourbeau (Laporte), Lincoln
(Nelligan), Dubois (Huntingdon), Maciocia (Viger), French (Westmount),
Bissonnet (Jeanne-Mance), Dauphin (Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde
(Berthier), Maltais (Saguenay), Mmes Bélanger (Mégantic-Compton),
Saint-Amand (Jonquière).
Le Secrétaire: Pour: 87
Contre: 0
Abstentions: 0
Le Président: La motion d'amendement du ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est donc
adoptée. Il s'agit maintenant de mettre au voix le rapport de la
commission sur le projet de loi 48 tel qu'amendé.
Que les députés qui sont favorables à l'adoption du
rapport tel qu'amendé veulent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Bédard (Chicoutimi), Mme Marois (La Peltrie), MM. Clair (Drummond),
Laurin (Bourget), Johnson (Anjou), Bérubé (Matane), Marcoux
(Rimouski), Lazure (Bertrand), Gen-dron (Abitibi-Ouest), Biron
(Lotbinière), Dean (Prévost), Ouellette (Beauce-Nord), Martel
(Richelieu), Bordeleau (Abitibi-Est), Tardif (Crémazie), Garon
(Lévis), Léonard (Labelle), Frechette (Sherbrooke), Bertrand
(Vanier), Brassard (Lac-Saint-Jean), Duhaime (Saint-Maurice), Chevrette
(Joliette), Paquette (Ro-semont), Rancourt (Saint-François), Leduc
(Fabre), Léger (Lafontaine), Proulx (Saint-Jean), Gauthier (Roberval),
de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Blouin
(Rousseau), Boucher (Rivière-du-Loup), Rodrigue (Vimont), Gagnon
(Champlain), Beaumier (Nicolet) Dussault (Château-guay), Desbiens
(Dubuc), Fallu (Groulx), Ro-chefort (Gouin), Marquis (Matapédia),
Laplan-te (Bourassa), Champagne (Mille-Îles), Lavi-gne (Beauharnois),
Blais (Terrebonne), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Gravel
(Limoilou), Le May (Gaspé), Beauséjour (Iberville), Payne
(Vachon), Paré (Shefford), Tremblay (Chambly), Baril
(Rouyn-Noranda-Témis-camingue).
Le Président: Que les personnes qui s'opposent à
cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Gratton
(Gatineau), O'Galla-gher (Robert Baldwin), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce),
Ciaccia (Mont-Royal), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Vaillancourt (Or-ford),
Mme Bacon (Chomedey), MM. Middlemiss (Pontiac), Vallières (Richmond),
Mathieu (Beauce-Sud), Caron (Verdun), Blank (Saint-Louis), Hains (Saint-Henri),
Polak (Sainte-Anne), Saintonge (Laprairie), Rocheleau (Hull), Fortier
(Outremont), Rivest (Jean-Talon), Côté (Charlesbourg), Pagé
(Portneuf), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Bourbeau (Laporte), Lincoln
(Nelligan), Dubois (Huntingdon), Maciocia (Viger), French (Westmount),
Bissonnet (Jeanne-Mance), Dauphin (Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde
(Berthier), Maltais (Saguenay), Mmes Bélanger (Mégantic-Compton),
Saint-Amand (Jonquière).
Le Secrétaire: Pour: 53
Contre: 34
Le Président: Le rapport est donc adopté.
Aux motions sans préavis, M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Marcoux: Je voudrais faire motion que l'Assemblée
nationale du Québec reconnaisse l'irremplaçable contribution de
M. Jean-Marie Moreau, s'il y a consentement de la Chambre.
Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion
d'une telle motion?
Une voix: II y a consentement.
Le Président: II y a consentement.
M. le ministre des Affaires municipales.
Hommage posthume à M. Jean-Marie Moreau
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, le monde municipal est en
deuil cette semaine d'un homme qui a été au coeur de toute
l'évolution qu'ont connue les organisations municipales au cours des 25
dernières années. M. Jean-Marie Moreau, ex-président de
l'Union des conseils de comté et ex-président de l'Union des
municipalités régionales de comté est
décédé accidentellement en fin de semaine.
Les Québécois et les Québécoises se
souviendront de cet homme remarquable, profondément attaché aux
institutions québécoises, qui avait l'obsession permanente de
démocratiser et de moderniser les organisations municipales. Son combat
pour l'autonomie municipale a émergé de ses racines rurales mais
a largement débordé les campagnes pour gagner le Québec
tout entier. Vingt-cinq ans plus tard, du plus petit village jusqu'à la
plus grande ville, on se souvient de cette lutte de M. Moreau contre
l'empiétement des gouvernements et des bureaucraties sur le pouvoir
municipal et on en récolte aujourd'hui les fruits.
Dans la frénésie des années soixante et
soixante-dix, où la mode était au nivellement et à la
centralisation, la voix de M. Moreau est venue rappeler avec insistance et
fermeté que les municipalités constituaient, depuis 1855, une
institution politique tout à fait responsable et qu'il serait
néfaste de les dépouiller de leurs pouvoirs. Il a tenu le
même langage énergique pour contrer les intentions du gouvernement
fédéral de grignoter les pouvoirs du Québec et ceux des
municipalités.
Le combat de M. Moreau était un combat d'avant-garde. Tout en
défendant jalousement les institutions politiques locales, M. Moreau
reconnaissait le besoin de moderniser ces institutions, de diversifier leurs
sources de revenus, d'améliorer la représentativité des
élus, de développer la concertation entre les
municipalités et d'assumer de nouvelles responsabilités. Ses
idées ont largement inspiré la formation dans leur forme actuelle
des municipalités régionales de comté et la réforme
de la fiscalité municipale. Nous lui devons beaucoup à ce
titre.
C'est d'ailleurs à l'instigation de M. Moreau que fut
formée la première table Québec-municipalités par
laquelle le gouvernement du Québec a vraiment considéré
ses partenaires municipaux comme des alliés avec qui il s'est entendu
pour partager une gestion plus large de l'assiette fiscale. Cela a dû
être une sorte de couronnement pour M. Moreau qui avait amené le
gouvernement à discuter en concertation avec les représentants
des municipalités.
M. Moreau devait être d'autant plus fier de cette concertation,
enfin acceptée par le gouvernement, que cette table
Québec-municipalités se réunit toujours et que,
malgré les divergences qui peuvent séparer momentanément
les municipalités et le gouvernement du Québec, la concertation
permet de concilier les divers intérêts et de rallier des
consensus autour des meilleurs services à fournir à nos
concitoyens et concitoyennes.
C'est en reconnaissant l'inestimable expérience et les
précieuses qualités de M. Moreau que je proposais, en mars
dernier, au Conseil des ministres qu'il devienne membre de la Commission
municipale du Québec. La commission n'aura malheureusement pu tirer de
la grande expérience et de la sagesse de M. Moreau son profit durant
longtemps. Je m'en voudrais de ne pas souligner à cette occasion
l'engagement de M. Moreau dans les affaires économiques et sociales de
sa région. On se souviendra en particulier du travail de pionnier qu'il
a accompli dans les coopératives agricoles de Verchères, de
Montréal et de la Coopérative fédérée de
Québec, de même qu'au commissariat industriel et économique
de Verchères.
Enfin, sa contribution à la vie de sa communauté l'a
amené à fonder le centre hospitalier Pierre-Boucher.
Je fais donc motion pour que l'Assemblée nationale du
Québec reconnaisse unanimement l'irremplaçable contribution de M.
Jean-Marie Moreau aux réformes des institutions municipales et qu'elle
offre à sa famille et à ses nombreux amis ses condoléances
les plus sincères. (16 heures)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laprairie.
M. Jean-Pierre Saintonge
M. Saintonge: Merci, M. le Président. En mon nom personnel
et au nom de l'Opposition, dont je suis le porte-parole pour les affaires
municipales, vous me permettrez de m'associer à cette motion
présentée par le ministre des Affaires municipales et d'offrir
à la famille de M. Moreau nos plus vives sympathies dans cette terrible
épreuve que constitue le décès accidentel de M. Moreau.
Nous ne pouvons que déplorer que le destin soit aussi tragique et
cruel.
J'ai eu l'occasion de côtoyer, de rencontrer et même, en
quelque sorte, de travailler avec M. Moreau au cours des dernières
années. M. Moreau était un homme au premier plan de
l'actualité municipale et qui demeurera toujours identifié comme
ayant été un ardent défenseur du monde
municipal. Sa carrière dans le domaine en témoigne. Il fut
maire de Verchères pendant 23 ans, directeur de l'Union des conseils de
comté pendant cinq ans. Il fut président de l'Union des conseils
de comté et, éventuellement, de l'Union des municipalités
régionales de comté et des municipalités locales du
Québec pendant treize ans. Il fut membre du comité conjoint
Québec-municipalités sur la fiscalité. Il fut
préfet de la MRC de Lajemmerais et, tout récemment, le
1er avril dernier, il fut membre de la Commission municipale du
Québec. Cette nomination fut d'ailleurs fort heureuse et fort bien
accueillie puisque tous le percevaient comme une voix respectée dans le
domaine municipal. M. Moreau était reconnu comme un homme tout d'une
pièce, au parler franc et direct, qui aimait s'impliquer et se retrouver
au centre de l'action. On pouvait peut-être y voir là une
qualité qu'il avait développée au cours de son passage
dans l'aviation canadienne durant la dernière grande guerre
1939-1945.
M. Moreau était aimé et je dirais même admiré
par ses collaborateurs. Il avait su garder dans l'accomplissement des diverses
responsabilités qu'il avait à assumer, sa simplicité et sa
bonhommie légendaires.
Je voudrais signaler plus particulièrement un trait de sa
personnalité qui le distinguait. C'était un vulgarisateur hors
pair dans le sens qu'il savait exprimer en peu de mots, en quelques phrases,
les problèmes les plus complexes. En cela, il ne démentait
sûrement pas ses origines terriennes. Issu d'une famille d'agriculteurs
du milieu de la ferme, il fut un producteur laitier important et oeuvra fort
activement dans ce milieu puisqu'il fut président de la
Coopérative des producteurs laitiers de Montréal pendant dix ans
jusqu'en 1979. Ses origines et son vécu quoditien nous font comprendre
l'ardeur avec laquelle il travaillait à faire respecter
l'identité du monde municipal rural.
M. Jean-Marie Moreau laissera le souvenir d'un homme fortement
impliqué dans la recherche d'une plus grande valorisation du pouvoir
municipal et de la préservation de l'autonomie municipale, locale, face
au pouvoir gouvernemental.
Je réitère donc, M. le Président, en mon nom et au
nom de l'Opposition, nos plus sincères condoléances aux membres
de la famille Moreau, à ses amis et, également, au monde
municipal qui vient de perdre tragiquement un de ses porte-parole les plus
respectés et un défenseur de premier ordre de leurs droits.
Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens et
député de Bertrand.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. M. Moreau,
jusqu'à récemment, était préfet de la
municipalité régionale de comté de Lajemmerais et cela,
depuis la fondation de la municipalité régionale de comté.
Cette municipalité régionale de comté de Lajemmerais
englobe les quatre municipalités du comté de Bertrand que j'ai
l'honneur de représenter à cette Assemblée et quelques
municipalités du comté de Verchères.
C'est à titre de représentant de la population de
Bertrand, M. le Président, que je voudrais m'associer à cette
motion de condoléances à la famille de M. Moreau et souligner
plus spécialement une des qualités remarquables de M. Moreau,
à savoir celle d'être présent dans tous les mouvements de
bénévolat de sa région. M. Moreau ne pouvait pas dire non
à toute demande de service qui lui était adressée et c'est
ainsi, par exemple, qu'en 1978, lorsque j'étais aux Affaires sociales,
le gouvernement, à ma suggestion, avait demandé à M.
Moreau de servir au conseil d'administration de l'hôpital Pierre-Boucher
à Longueuil et il l'a fait jusqu'à tout récemment en
occupant aussi le poste de président du conseil d'administration de ce
nouvel hôpital.
M. le Président, au nom de la population du comté de
Bertrand, les voisins du comté de Verchères et de la ville de
Verchères, je présente à la famille de M. Moreau, à
tous ses amis et au monde municipal, mes plus sincères sympathies.
Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, je voudrais faire motion pour
que cette Assemblée adresse ses respects à Mme Jeanne
Sauvé qui vient d'accéder au poste de...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Puisque c'est une autre motion -je m'excuse - je vais demander plutôt...
M. le député de Hull, vous voulez intervenir sur la
première motion?
M. Rocheleau: S'il vous plaît, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. M. le
député de Hull.
M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: M. le Président, j'ai été
bouleversé dimanche matin quand j'ai appris la tragédie qui a
fait comme victime Jean-Marie Moreau, ex-maire de la municipalité
de Verchères et ex-président de l'Union des conseils de
comté du Québec durant treize ans. Jean-Marie Moreau était
toute une pièce d'homme. J'ai regretté cet accident parce que
Jean-Marie Moreau, pour le monde municipal et plus particulièrement pour
le monde rural, a été un atout important au cours des quinze
dernières années. C'est un homme qui a bien
représenté le monde rural. C'est un homme qui a défendu
les intérêts des municipalités face à tous les
gouvernements qui ont siégé en cette Chambre et depuis qu'il
occupait ce poste. Il a été un de ceux qui a demandé - et
à combien de reprises - aux gouvernements et plus
particulièrement à ce gouvernement, de respecter l'autonomie
municipale, alors que ce même gouvernement adoptait combien de lois.
Combien de fois a-t-on retrouvé M. Moreau en commission parlementaire
pour venir effectivement demander au gouvernement d'apporter des modifications
importantes aux mesures étudiées. (16 h 10)
M. le Président, j'ai eu l'occasion, alors que nous étions
des collègues, lorsque j'étais maire de Hull de 1974 à
1981, de côtoyer Jean-Marie Moreau, de le côtoyer alors que
j'étais à l'Union des municipalités et de le côtoyer
alors que je faisais partie du comité
Québec-municipalités. Et combien cet homme-là a
apporté au monde municipal et combien de fois on a pu retenir les
interventions de M. Moreau et souvent, les solutions qu'il apportait à
l'ensemble du monde municipal, autant rural qu'urbain!
Je voudrais me rallier à tous en cette Chambre pour offrir
à la famille nos plus sincères condoléances et
sûrement que nous allons manquer, au cours des prochaines années,
un homme avec un tel esprit de combativité. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre
délégué à l'Aménagement.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, très rapidement, je
voudrais également, en mon nom personnel, au nom du gouvernement du
Québec, au nom des municipalités et de toutes les régions,
profiter de l'occasion de cette motion du ministre des Affaires municipales
pour offrir mes plus sincères sympathies à la famille de M.
Moreau. J'ai eu l'occasion moi aussi, assez brièvement quand même,
de côtoyer M. Moreau, de travailler avec lui. Je pense qu'il a toujours
été un intervenant majeur, un intervenant dynamique et
extrêmement dévoué à la cause municipale et à
toutes les causes auxquelles il s'est attaché. Car, comme on l'a
mentionné - malheureusement, on le fait toujours plus lorsque des gens
qui nous sont chers sont disparus que lorsqu'ils sont avec nous - M. Moreau a
toujours été un homme entier, complètement
dévoué et il s'est toujours donné énormément
à toutes sortes de causes auxquelles il croyait.
Au nom des intervenants municipaux de tout le Québec, au nom des
régions du Québec, parce qu'il était un
régionaliste et un rural, je profite de l'occasion pour joindre ma voix
à la motion en offrant mes sympathies les plus sincères à
toute la famille de M. Moreau, à tous ceux qui l'ont aimé,
à tous ceux qui ont eu l'occasion de travailler avec lui. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Habitation.
M. Guy Tardif
M. Tardif: M. le Président, vous permettrez à celui
qui fut ministre des Affaires municipales de 1976 à 1980 d'unir sa voix
à tous ceux et toutes celles qui déplorent aujourd'hui le
décès, dans les circonstances tragiques que l'on sait, de M.
Jean-Marie Moreau.
Il m'a, en effet, été donné de travailler pendant
quatre ans en étroite collaboration avec M. Moreau, que ce soit en sa
qualité de maire de Verchères, de préfet de comté,
de président de l'Union des conseils de comté du Québec ou
encore, de président de l'Union des municipalités
régionales de comté. J'en suis vite venu à rechercher les
conseils que ne manquait jamais ou ne refusait jamais de me prodiguer, au
ministre plutôt urbain que j'étais, l'agriculteur au fond de
sagesse toute terrienne qu'était M. Moreau.
J'ai donc été à même d'apprécier
personnellement, outre l'intérêt de M. Moreau pour la chose
municipale, son dévouement, sa loyauté, la connaissance profonde
qu'il avait aussi bien des hommes que des institutions de chez nous et,
surtout, l'intime conviction, que nous partagions d'ailleurs, qu'il ne saurait
y avoir dans le domaine municipal en particulier de compétence autre que
celle de l'État québécois.
À sa famille et à ses amis qui sont privés
tragiquement d'un être cher, à la population de Verchères
en particulier et au monde municipal en général qui voient
disparaître l'un de ses représentants les plus éminents,
à la société québécoise qui perd l'une de
ses figures de proue et l'un des grands défenseurs de nos droits
nationaux, je ne puis qu'exprimer ma plus vive sympathie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
du ministre des Affaires municipales est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
La Semaine nationale de l'entreprise M. Rodrigue
Biron
M. Biron: M. le Président, je sollicite le consentement de
cette Chambre, avec l'appui du député de Laporte, pour que
l'Assemblée nationale du Québec souligne de façon
particulière la Semaine nationale de l'entreprise, qui se déroule
du 13 au 19 mai, sous le thème: Gens d'entreprises, notre force, notre
avenir; et pour qu'un vibrant hommage soit rendu à ces hommes et
à ces femmes du Québec qui consacrent leur énergie et leur
capital au mieux-être collectif et au développement
économique du Québec et à tous ces travailleurs qui, de
plus en plus, prennent conscience que la réussite de la relance passe
par leur dynamisme et leur productivité.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
M. Biron: M. le Président, je voudrais ajouter quelques
mots, car je sais que mon collègue, le député de Laporte,
veut aussi ajouter quelques mots sur ce sujet particulier. Je pense qu'il faut
savoir s'arrêter, de temps à autre, pour rendre hommage aux
entreprises, aux hommes et aux femmes qui les dirigent et y travaillent.
Je me souviens qu'il y a quelques années le premier ministre du
Québec, M. Lévesque, disait, lors d'un discours inaugural, que le
développement économique était d'abord l'affaire des
entreprises, des hommes et des femmes qui y militent, qui y travaillent, et
c'est vrai. De temps à autre, il faut s'arrêter pour rendre
hommage à ces gens, les présenter sur la place publique, les
encourager à raconter ce qui se fait dans l'entreprise, quelle est
l'histoire de l'entreprise, quelles sont les stratégies de gestion,
quelles sont les stratégies de développement, quelle est la mise
en marché des produits d'une entreprise.
Cette semaine, à l'occasion de la Semaine nationale de
l'entreprise, nous avons demandé à des chefs d'entreprise
d'ouvrir leurs usines. Il y a environ 200 usines au Québec qui, cette
semaine, pour une demi-journée ou une journée, ouvriront leurs
portes aux familles de leurs travailleurs et de leurs travailleuses et à
la population en général pour montrer ce qui se passe à
l'intérieur d'une entreprise, pour, en un mot, rapprocher l'entreprise
du monde, pour qu'elle prenne de plus en plus sa place sur la place publique.
Finalement, c'est peut-être pour l'entreprise aussi le meilleur moyen de
se gagner le respect de la population et de susciter l'esprit d'entreprise,
l'entrepreneurship.
On dit que c'est avec des gens d'entreprise, avec des entreprises que
l'on crée des emplois. C'est exact, c'est avec des entrepreneurs que
l'on crée des emplois, et non seulement au Québec. Des
statistiques sur toute l'Amérique du Nord démontrent qu'environ
80% des nouveaux emplois seront créés par de jeunes entreprises,
des entreprises qui ont moins de cinq ans. Pour lancer une entreprise, il faut
des entrepreneurs. Je pense qu'il faut s'arrêter et publiquement rendre
hommage à ces entrepreneurs.
Justement dans le pays de la Beauce, représenté par mes
deux collègues de Beauce-Sud et de Beauce-Nord, les gens sont fiers de
leurs chefs d'entreprise. Un Beauceron me disait même ce matin: Nous
mettons nos chefs d'entreprise sur un piédestal, chez nous. Dans ce
sens, je pense qu'il faut s'arrêter de temps à autre justement
pour reconnaître publiquement la valeur importante - socialement,
économiquement et culturellement - des chefs d'entreprise du
Québec, de ce qu'ils font, de ce qu'est leur vie, et leur dire merci.
D'autant plus qu'au cours des dernières années, nos chefs
d'entreprise sont devenus des gestionnaires professionnels. Il y a 20 ou 25
ans, de tous les étudiants en sciences économiques au Canada, 5%
étaient des Québécois et des Québécoises;
maintenant, il y a 30% ou 35% des étudiants en sciences
économiques qui sont des Québécois et des
Québécoises. On en a de plus en plus, on se dirige de plus en
plus vers ces disciplines. Il faut leur faire de la place et surtout leur
donner le goût de devenir chefs d'entreprise.
On est en train de préparer une nouvelle génération
d'entrepreneurs et de gestionnaires, ceux qui veulent faire avec nous la
révolution économique. Dans ce sens, le gouvernement du
Québec est plus qu'heureux de rendre hommage à de nombreux chefs
d'entreprise du Québec. D'abord, cette semaine, 200 ont consenti
à ouvrir leurs portes durant la Semaine nationale de l'entreprise. Des
portes seront ouvertes un peu partout. Il y a aussi des chambres de commerce,
des groupements québécois d'entreprises, des associations
patronales qui organisent un peu partout des colloques, des séminaires,
des discussions sur la femme dans l'entreprise, sur le travailleur dans
l'entreprise, sur le rôle des chefs d'entreprise, sur le rôle des
PME afin de placer l'entreprise sur la place publique. Je veux remercier tous
ceux et celles qui, de près ou de loin, participent cette semaine
à la Semaine nationale de l'entreprise.
En terminant, tout en rendant hommage à ces gens, on
développe de plus en plus
l'idée, l'image qu'au Québec il se brasse des affaires. De
plus en plus de Québécois sont devenus des chefs d'entreprise,
surtout des Québécois francophones qui ne craignent pas de se
lancer en affaires. Il se brasse beaucoup d'affaires au Québec. Beaucoup
de mes collègues ont participé, au cours des derniers jours,
à des portes ouvertes. Moi aussi, j'en ai fait plusieurs. J'en ferai
encore d'autres pour terminer la semaine et je souhaite à tous les
députés de l'Assemblée nationale de participer, dans leur
comté à des portes ouvertes. Je lance l'invitation à tout
le monde. Si des députés n'ont pas encore été
informés de certaines portes ouvertes dans leur comté, ils n'ont
qu'à communiquer avec les directions régionales du
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Cela nous fera
plaisir de vous informer des endroits où il y a des portes ouvertes
d'ici la fin de semaine afin que, tous ensemble, nous puissions
célébrer la Semaine nationale de l'entreprise.
Hier presque totalement absents des leviers de commande, les
Québécois et les Québécoises francophones en
particulier sont aujourd'hui impliqués dans tous les secteurs de
l'activité économique. Nos gens d'entreprise
génèrent de l'emploi et parachèvent des techniques de
gestion. La Semaine nationale de l'entreprise veut refléter cette
nouvelle réalité, mettant en valeur nos secteurs d'excellence,
nos réalisations et notre énorme potentiel. Elle
célèbre le nouvel esprit qui émerge. Bravo à nos
entreprises et aux chefs d'entreprise du Québec! (16 h 20)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Après un
militant ou un homme politique qui se définit comme libéral,
parler de la libre entreprise, du droit et de la liberté d'entreprendre,
c'est avoir la chance et l'honneur d'exprimer ses convictions les plus
profondes.
La semaine de la petite et moyenne entreprise mérite
effectivement d'être soulignée avec emphase par l'Assemblée
nationale car nos entrepreneurs sont encore parfaitement sous-estimés
dans notre société.
Je ne peux toutefois m'empêcher de souligner à cet
égard l'espèce de contradiction qu'a toujours
véhiculée le Parti québécois face à
l'entreprise privée. Si le discours que vient de nous livrer le ministre
était mis en parallèle avec ceux que l'on entendait il n'y a pas
si longtemps sur l'exploitation des travailleurs et le pillage de nos
ressources naturelles et avec ceux que l'on nous présente encore chaque
fois que l'on renforce les contrôles réglementaires, qu'on leur
impose de nouvelles charges ou que l'on crée de nouvelles
sociétés d'État, on se devrait de conclure que le ministre
sert de façade destinée à donner l'impression que de
socialiste, son parti adoptif est devenu capitaliste, respectueux des
règles du marché et des lois de la concurrence. Encore un peu, il
pourrait faire croire que son parti a perdu sa marotte
hégémonique ou souverainiste et que le sort réel des
entreprises passe maintenant en premier.
Le gouvernement péquiste, en vieillissant, se donne des allures
libérales, découvre tout à coup, à l'approche des
élections générales, des irritants inutiles dans ses
politiques mais se croit justifié de faire des équations absurdes
entre sa quête de souveraineté et l'art d'entreprendre, comme s'il
suffisait d'oser pour empocher sans plus de problème tout ce qui peut
nous tomber du ciel.
Le ministre sait pourtant très bien ce que veut dire le mot
"entreprendre". Il sait très bien ce que cela veut dire pour ces
dizaines de milliers de Québécois et de Québécoises
qui se sont engagés à bâtir, à produire, à
servir la communauté et qui ont décidé de réunir
autour d'eux des travailleurs pour développer un savoir-faire, une
expertise, une qualité de biens ou de services à la hauteur des
attentes de leurs clients.
La semaine de l'entreprise, avant d'être l'occasion, pour le
gouvernement, de faire l'apologie de sa grandeur d'âme, c'est pour les
citoyens le moment privilégié d'une prise de conscience sur la
nature et la vie même de nos entreprises. Certes, on le
répète à bon droit, nos PME sont sources d'emplois et de
revenus pour la collectivité. Face à la révolution
technologique et au décloisonnement des économies, elles doivent
constamment se restructurer, réadapter leur main-d'oeuvre et partir
à la conquête de nouveaux marchés. Cela n'est pas facile.
Les gouvernements leur offrent une gamme de services et de programmes dont
plusieurs s'avèrent précieux. Des associations les regroupent et
les solidarisent. Nous sommes généralement plus conscients de
leur importance mais il y a une dimension que l'on oublie volontiers et qui
fonde de plus en plus leur succès, c'est l'harmonie de leur
intégration dans le milieu dans lequel elles se développent.
Les entreprises ont besoin, pour s'épanouir, d'avoir de bonnes
racines dans la communauté. Cette relation est à double sens.
D'une part les dirigeants d'entreprise sont appelés à contribuer
de multiples façons à la vie communautaire, à respecter et
à améliorer l'environnement, à créer des conditions
de travail propices à l'épanouissement des individus. D'autre
part, le milieu doit être pleinement conscient des contraintes, des
difficultés et des défis que les entreprises qui les entourent
ont à
rencontrer. Nos entreprises, quoi qu'on en pense, sont
généralement vulnérables et on a tort de croire que celles
qui disparaissent sont inévitablement remplacées.
Ces dernières années, on a vécu de tristes exemples
de municipalités et de régions tout entières
survoltées par des fermetures ou par des promesses d'investissements
palliatifs qui, hélas, ne sont pas venus. L'État, tout aussi
puissant qu'il s'imagine, ne peut remplacer au pied levé tous les
entrepreneurs coincés par des marges bénéficiaires trop
minces, par une concurrence féroce, de mauvaises relations du travail ou
encore par le percepteur d'impôt. Nos entrepreneurs sont irnaginatifs,
ingénieux et déterminés à renforcer continuellement
leur entreprise. Chaque jour leur impose de nouvelles remises en question, de
nouveaux choix, exige de nouvelles idées. Ils constituent une
véritable et une formidable source de changement, de renouvellement et
de mieux-être pour la collectivité. Cette richesse nous est aussi
précieuse que vitale pour l'avenir.
Ces hommes et ces femmes méritent notre admiration et notre
hommage. Collectivement, la semaine de l'entreprise nous convie à mieux
supporter l'esprit et le goût d'entreprendre et à ne pas oublier
de les développer chez nos jeunes. La liberté d'entreprendre,
comme nos autres libertés d'ailleurs, M. le Président, fait
partie des valeurs libérales de notre société. Comme nos
autres libertés, nous devons la chérir, la protéger et
créer le climat propice à son épanouissement. Si elle
exige rigueur, discipline, courage et renoncement, elle peut également
être une source d'une grande satisfaction pour celui ou celle qui
l'assume pleinement, je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la motion du
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le député de Jean-Talon.
Respects à Mme Jeanne Sauvé M.
Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, je voudrais que cette
Assemblée adresse ses respects à Mme Jeanne Sauvé qui
vient d'accéder...
Une voix: Consentement.
M. Rivest: ...comme on le sait, au poste de gouverneur
général. Je pense qu'il est inutile en cette Chambre de reprendre
et de souligner les mérites exceptionnels de
Jeanne Sauvé sur le plan de sa famille, de sa carrière
comme journaliste à Radio-Canada, de députée, ministre et
présidente de la Chambre des communes.
Cependant, M. le Président, je tiens à présenter
cette motion en invitant l'ensemble de nos concitoyens à prendre
connaissance du texte de Mme Sauvé, hier, qui m'est apparu, dans le
contexte... Alors que dans divers milieux, on soulève le scepticisme
d'une couche malheureusement trop importante de notre population face à
l'action politique ou à nos institutions, je pense qu'il y avait, dans
le discours de Mme le gouverneur général, une mise en relief
assez extraordinaire des valeurs humaines, des valeurs de rassemblement, bien
sûr, de tous les Canadiens, mais par-delà les frontières
politiques, les valeurs de rassemblement de tous les hommes et de toutes les
femmes qui vivent à l'intérieur d'une société
moderne.
Je veux également souligner les perspectives pour nos jeunes que
Mme Sauvé évoquait dans son allocution et rappeler,
réaffirmer, à l'Assemblée nationale, ce qu'elle disait
elle-même lors de la cérémonie d'hier, à savoir les
valeurs profondes de fraternité, de partage et de paix qui constituent
le coeur même de l'action politique.
Je pense que le témoignage de Mme Sauvé apporte à
l'ensemble de la société québécoise et à la
société canadienne quelque chose d'extrêmement valable qui
mérite d'être souligné en lui adressant, dans
l'accomplissement de ses fonctions, l'estime et le respect de l'ensemble de la
population québécoise.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le premier
ministre.
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): Effectivement, M. le
Président, l'entrée en fonction de Mme Sauvé nous permet
de souligner, brièvement, les grandes étapes d'une
carrière qui a été remarquable. J'ai connu Jeanne
Sauvé quand on était tous les deux journalistes et c'est un
métier dans lequel, pendant plusieurs années, elle s'était
fait une réputation enviable. Ensuite, sa carrière politique lui
a quand même permis d'ouvrir au moins trois portes qu'aucune femme avant
elle n'avait réussi à franchir. Elle a été, sauf
erreur, la première ministre, la première femme
québécoise à siéger dans un Conseil des ministres
fédéral. Elle a été également,
évidemment, la première femme à accéder à la
présidence de la Chambre des communes et, forcément, elle est
aujourd'hui la première femme à qui l'on confie ce poste
symboliquement le plus important du régime actuel dans lequel nous
sommes.
J'ajouterai que je suis parfaitement
d'accord dans l'ensemble avec les remarques du député de
Jean-Talon sur le ton et la qualité de ce qu'on pourrait appeler son
message inaugural d'hier.
C'est avec plaisir qu'on se joint à la présentation de
cette motion.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Outremont. (16 h 30)
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, vous permettrez au
député d'Outremont de s'associer à son collègue de
Jean-Talon, le porte-parole de notre formation politique en matière
d'affaires intergouvernementales. Mme Sauvé habite non seulement la
circonscription d'Outremont, mais elle habite la ville d'Outremont depuis
plusieurs années. Je veux simplement dire que tous les concitoyens
d'Outremont sont très fiers de la voir accéder à ce poste,
le plus important à Ottawa compte tenu de la constitution canadienne.
Tous les observateurs ont souligné jusqu'à quel point Mme
Sauvé s'est imposée hier dans son discours inaugural, comme le
disait si bien le premier ministre. Ce que les observateurs ont souligné
c'est sa dignité, le ton et les objectifs que Mme Sauvé s'est
imposés dans l'accomplissement de sa tâche. Le poste de gouverneur
général en est un qui exige du titulaire qu'il lui donne de la
substance. En lisant son discours - et, comme le député de
Jean-Talon le disait, tous les citoyens du Québec devraient lire ce
discours - on se rend compte jusqu'à quel point Mme Sauvé, en se
mettant au-dessus de la mêlée et en invitant tous les Canadiens,
comme elle le disait elle-même, à l'entreprise de reconstruction
universelle dont l'objectif final est la paix, invitait ainsi tous les citoyens
à rencontrer des objectifs qui dépassent de beaucoup les
discussions au jour le jour dont trop souvent la tribune politique est le
lieu.
Nous n'avons aucune inquiétude. Nous sommes certains que Mme
Sauvé s'est fixé une tâche très noble, une
tâche essentielle au Québec et nous nous associons aux voeux du
député de Jean-Talon ainsi qu'à ceux du premier ministre
pour lui exprimer tout notre respect et les meilleures chances de
réussite dans cette nouvelle tâche qui lui est confiée par
la reine du Canada.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Orford.
Condoléances à la famille de M.
Gérard Déziel
M. Georges Vaillancourt
M. Vaillancourt: J'aimerais présenter une motion pour
offrir mes sympathies à la suite du décès de M.
Gérard Déziel.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a
consentement?
Une voix: Consentement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): II y a consentement.
M. Vaillancourt: J'aimerais, au nom de mes collègues,
offrir mes plus sincères condoléances à la famille de
Gérard Déziel, décédé le 14 mai dernier
à la suite d'une longue maladie, et plus particulièrement
à son épouse Pierrette ainsi qu'à ses filles Francine et
Denise de même qu'à son fils Pierre, qui furent les collaborateurs
précieux et admirateurs d'un homme aussi dévoué tout au
long de sa vie, qu'il s'agisse de sa carrière professionnelle ou de son
rôle de père de famille. Gérard Déziel a vécu
toute sa jeunesse et jusqu'à sa mort dans la région des Cantons
de l'Est. Il a fait ses études à l'école
Saint-Jean-Baptiste et à l'école supérieure du
Collège du Sacré-Coeur à Sherbrooke. Le nom de
Gérard Déziel restera en notre mémoire du fait qu'il fut
le premier député de l'actuel comté de
Saint-François, que vous représentez aujourd'hui, M. le
Président, où il fut élu en 1973.
M. Déziel avait aussi été échevin du
quartier est de la ville de Sherbrooke de novembre 1968 à novembre 1974,
avant d'être élu député à l'Assemblée
nationale. Plusieurs personnes de la région ont souligné, ces
derniers jours, que Gérard Déziel avait donné des
leçons de courage et de détermination. Pour l'avoir connu
personnellement, ayant siégé avec lui de 1973 à 1976, je
puis témoigner de l'honnêteté, du courage et de la
motivation dont a fait preuve Gérard Déziel à
l'égard de la population de son comté. Tous ceux qui l'ont connu
retiendront que le premier député du comté de
Saint-François était préoccupé par les
intérêts de sa région, de son comté à un
point tel que tous ceux et celles qui ont travaillé avec lui
déclarent aujourd'hui sans nuance que ce fut un privilège. Parmi
les activités auxquelles il s'adonnait dans sa région, il ne faut
pas oublier qu'il fut entrepreneur en électricité depuis 1950,
fondateur et copropriétaire de Communication et service Inc., et ses
filiales, et représentant de la Corporation des maîtres
électriciens à la Commission du centre d'apprentissage de
Sherbrooke pendant
onze ans, et au Comité conjoint de la construction pendant quatre
ans. Gérard Déziel fut également membre de l'Association
des constructeurs des Cantons de l'Est et de l'Association des membres de
l'habitation. Enfin, M. Gérard Déziel était aussi membre
des Chevaliers de Colomb.
Parmi les commentaires et témoignages rendus en hommage à
la famille de M. Gérard Déziel, on souligne son courage et sa
force morale. Le fait que sa mort constitue une perte énorme pour le
Parti libéral dans la région de l'Estrie et de toute la province
de Québec se comprend par le fait que M. Gérard Déziel
était un homme public remarquable. Bref, tous sont unanimes à
dire que le départ de M. Gérard Déziel est
prématuré.
M. le Président, je me joins évidemment à tous ces
témoignages de respect à l'égard de Gérard
Déziel et je demande à tous les membres de sa famille de faire
preuve de courage. Qu'ils soient assurés de ma plus profonde
amitié et de mon soutien. Merci.
M. Réal Rancourt
Le Vice-Président (M. Rancourt): Si vous me permettez, M.
le ministre, comme député de comté de
Saint-François, occupant un poste privilégié en cette
Assemblée, j'aimerais m'associer au député d'Orford, comme
député de Saint-François en particulier, pour offrir
à la famille de M. Gérard Déziel toutes mes
condoléances et aussi affirmer, comme vous l'avez fait, son grand
courage vis-à-vis de la maladie et son grand esprit chrétien.
Comme vous l'avez aussi mentionné, M. le député
d'Orford, M. Gérard Déziel était échevin au moment
de son décès. Il a été effectivement le premier
député du comté de Saint-François. J'ai eu
l'occasion de travailler avec lui pendant mon passage dans le monde municipal.
Je veux dire aujourd'hui tous mes respects à la famille et offrir mes
condoléances à Mme Déziel, à ses enfants, à
ses amis et à tous ses collaborateurs ainsi qu'au conseil municipal de
la ville de Sherbrooke.
M. le ministre du Travail et député de Sherbrooke.
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: Merci, M. le Président. C'est
évidemment sans aucune réserve ni hésitation que je
voudrais ajouter quelques commentaires aux propos que vous venez de tenir et
à ceux qui ont été précédemment
énoncés par le député d'Orford.
Nous prenons quelques minutes aujourd'hui, M. le Président, pour
rappeler la mémoire de Gérard Déziel,
décédé prématurément à l'âge de
57 ans. Comme l'un et l'autre des intervenants l'ont rappelé, M.
Gérard Déziel a eu une carrière publique remarquable. Il a
d'abord été échevin de son quartier pendant de nombreuses
années avant de décider de faire le saut en politique provinciale
et d'être élu député du comté de
Saint-François en 1973.
Les aléas de la politique étant ce qu'ils sont, M. le
Président, il est retourné à ses occupations
professionnelles après l'élection de 1976. Très
probablement, son désir de servir la population et son désir
d'être utile à ceux et celles avec qui il vivait dans sa
communauté auront présidé à la décision
qu'il a prise de revenir à la politique municipale et d'être
à nouveau élu échevin du quartier est de la ville de
Sherbrooke, poste qu'il occupait d'ailleurs au moment de son
décès et qu'il a tenu à occuper jusqu'à la limite
de ses possibilités et de ses capacités. D'ailleurs, plusieurs
des membres du conseil municipal de la ville de Sherbrooke ont soulevé
cet aspect en rappelant que, de son lit d'hôpital, sachant le destin qui
était le sien, M. Gérard Déziel a continué de
traiter les dossiers, autant d'individus que de groupes ou d'organismes, qui
lui étaient soumis. (16 h 40)
On l'a signalé également, M. le Président - je
pense qu'il n'est pas inutile de revenir là-dessus - au-delà de
la vie politique qu'il a eue, qu'il a faite, M. Gérard Déziel a
toujours été impliqué de façon très
spécifique dans toutes espèces d'activités de sa
communauté. Il était socialement impliqué. Plusieurs
avaient recours à son expérience, à ses connaissances et
à sa disponibilité qui était presque sans limites. Et
peut-être bien, M. le Président, que nous qui vivions dans son
entourage immédiat et qui le voyions évoluer sur la scène
municipale au cours des dernières semaines et des derniers mois, avons
été particulièrement frappés par le courage dont on
a parlé tout à l'heure, qu'il a manifesté jusqu'à
la dernière minute. Se sachant atteint de la façon dont il
l'était, il a continué, comme je viens de le signaler,
jusqu'à la limite de ses forces d'être au service des siens.
L'autre aspect de ce courage dont on parle, c'est que dès lors
qu'il a connu la situation dans laquelle il se trouvait, il l'a acceptée
avec une espèce de sérénité que je qualifierais de
déconcertante dans le sens qu'il a vécu cette situation sans se
rebeller d'aucune façon contre qui et contre quoi que ce soit et
acceptant jusqu'à la dernière minute le sort qui était le
sien. C'est peut-être un cliché, mais je pense que dans le cas qui
nous occupe, c'est particulièrement vrai de le
répéter. Gérard Déziel, comme tout homme politique,
avait très certainement des adversaires, tant au niveau de la politique
municipale qu'à tout autre palier. Je pense que l'on peut dire de lui,
sans crainte de se
tromper, que s'il avait des adversaires, quant à moi, en tout
cas, je ne lui connaissais pas d'ennemis. C'est comme cela que toujours, il a
oeuvré dans tous les secteurs au service desquels il a mis ses
qualités.
M. le Président, c'est donc sans aucune réserve, encore
une fois, que je me joins à ceux qui se sont exprimés
jusqu'à maintenant pour offrir au conseil municipal de la ville de
Sherbrooke qui perd un collaborateur de chaque instant, un collaborateur
d'expérience et comme je le disais il y a un instant, un collaborateur
disponible, nos sympathies et condoléances ainsi qu'aux électeurs
de son quartier et à toute la population de la ville de Sherbrooke et de
la région de l'Estrie qui, encore une fois, vient de perdre un homme qui
a fait sa marque partout où il est passé. Et évidemment -
je l'ai fait quant à moi hier soir, mais je le réitère ici
- nos sympathies les plus profondes à Mme Déziel, à sa
famille immédiate et à tous les parents et amis de toute la
famille Déziel.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Richmond.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: Merci, M. le Président. Je voudrais
également me joindre à mes collègues qui, comme moi,
constatent avec regret le décès de M. Gérard
Déziel. J'ai eu l'occasion de côtoyer Gérard, en
particulier de 1973 à 1976, au moment où il représentait
le comté de Saint-François à l'Assemblée nationale.
Je dois vous dire que ce que je retenais le plus de Gérard,
c'était jusqu'à quel point il voulait représenter sa
circonscription avec fierté et jusqu'à quel point
également il réussissait à le faire avec beaucoup
d'efficacité. Toute la vie de Gérard aura été, je
pense, le témoignage d'un véritable exemple de dévouement
à la population qu'il voulait servir.
Comme on le mentionnait auparavant, Gérard a également
été conseiller municipal de la ville de Sherbrooke où il a
fait amplement sa marque et même là, nous devons dire - le
ministre y faisait allusion tout à l'heure - que même les
adversaires de Gérard étaient aussi de ses amis. Je pense que
c'est peut-être un genre de leçon ou en tout cas, un message qu'on
devrait tirer du passage de Gérard en ce monde afin que dans
l'adversité, nous conservions aussi l'amitié. C'est un message
très important, je pense, que Gérard a voulu nous laisser
jusqu'à la toute dernière minute de sa vie. Toujours, il aura
été animé par un grand souci de servir sa ville, sa
région, sa province et son pays. Il y a consacré beaucoup
d'énergie et je pense que c'est avec un grand succès qu'il a pu
couronner ses efforts dans le domaine public.
Gérard laisse la trace d'un homme qui s'est distingué par
son grand sens humain, sa générosité très
spontanée, sa détermination et son sens du devoir. Même
tout récemment, affecté qu'il était par la grave maladie
qui l'a terrassé, il fondait ce qu'on a appelé la Fondation
Gérard Déziel, encore une fois pour venir en aide à
d'autres personnes qui pourraient en avoir besoin.
Je veux souhaiter, en ces moments difficiles, le plus fort des courages
possible à la famille et aux proches de Gérard, en particulier
à son épouse Pierrette, à ses enfants Francine, Denise et
Pierre, à tous ses amis, à ses proches, à tous ceux qui
ont eu l'occasion de le côtoyer. C'est avec émotion que nous avons
appris ce décès. Je félicite mon collègue d'Orford
pour la nature de sa motion.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Avis touchant les travaux des commissions
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Avis
touchant les travaux des commissions. Le mardi 15 mai, après la
période des affaires courantes, à la salle 90, commission des
affaires sociales. C'est une séance de travail. Le mercredi 16 mai,
à dix heures, salle 90, commission de la culture. C'est également
pour une séance de travail. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, je vous demande d'appeler
l'article 8 de notre feuilleton, s'il vous plaîtt
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. M. le leader de
l'Opposition.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
M. Gratton: À cette étape de nos travaux, me
serait-il permis, compte tenu des changements qu'il y a eu et du fait qu'on n'a
pas siégé la semaine dernière, d'indiquer à
l'Assemblée que, pour vendredi de cette semaine, l'interpellation serait
celle qui apparaît au feuilleton, soit celle qui est inscrite au nom de
Mme la députée de Chomedey au ministre de l'Environnement, sur le
sujet suivant: La situation de l'environnement au Québec.
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. Nous prenons
avis. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Cela va pour vendredi. Pour le moment, M. le
Président, je vous demanderais d'appeler l'article 8 de notre
feuilleton.
M. Gratton: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): À nouveau, M. le
leader de l'Opposition.
M. Gratton: Je m'excuse auprès du leader adjoint du
gouvernement, mais est-ce qu'il ne serait pas dans l'ordre qu'on indique
immédiatement la motion que l'Opposition souhaitera voir discuter
demain, après la période des questions?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Effectivement, vous
pourriez nous dire quelle est la motion que vous souhaitez justement que
l'Assemblée discute demain, mercredi.
M. Gratton: M. le Président, il s'agirait de la motion qui
est inscrite au nom du député de Portneuf et qui est en avis au
feuilleton d'aujourd'hui. Elle se lit comme suit: "Que soit constituée
une commission spéciale, formée de onze députés
dont quatre de l'Opposition officielle, ayant le mandat suivant: examiner en
détail l'évolution de l'administration du système de
sécurité à l'Assemblée nationale et en
évaluer l'efficacité; établir les principes et identifier
les objectifs d'un système de sécurité permettant
notamment que les portes de l'Assemblée demeurent ouvertes au public
tout en étant bien gardées. Qu'à ces fins, ladite
commission prenne connaissance de tous les dossiers, études et rapports
pertinents, entende le président de l'Assemblée nationale et
toute personne susceptible d'aider la commission dans l'accomplissement de son
mandat; que les députés de Laviolette et de
Saint-François, les deux vice-présidents de l'Assemblée,
agissent respectivement comme président et vice-président des
séances de la commission et que le fonctionnaire désigné
pour agir à titre de secrétaire de la commission de
l'Assemblée nationale en soit le secrétaire; que la commission
entreprenne l'examen de cette affaire au plus tard le lundi suivant l'adoption
de la présente motion et y mette un terme au plus tard le vendredi de la
même semaine, en siégeant de façon continue selon l'horaire
régulier des commissions parlementaires; que les autres membres de la
commission soient désignés immédiatement après
l'adoption de la présente motion sur motion sans préavis et mise
aux voix sans débat du leader du gouvernement, après consultation
avec le leader de l'Opposition officielle et les députés
indépendants."
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, est-ce que le leader de 1
Opposition pourrait nous indiquer s'il a l'intention que nous discutions de
cette motion au cours de deux mercredis successifs?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Gratton: Oui, je pense qu'on avait déjà
indiqué que la motion de ce mercredi ne porterait que sur un seul
mercredi et, donc, compte tenu du caractère d'urgence de la motion que
je viens de lire, nous souhaiterions que les députés puissent
voter dès demain, en supposant qu'elle est débattue.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: Je présume que nous pourrons maintenant aborder
les affaires du jour. Je vous demanderais donc d'appeler l'article 8 de notre
feuilleton.
M. Gratton: M. le Président... M. Blouin: Non?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition. (16 h 50)
M. Gratton: Avec le consentement du leader adjoint, j'aimerais
revenir aux motions sans préavis afin de présenter, en vertu de
l'article 126, une motion pour que le nom de M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce) soit substitué à celui de feu M.
Serge Champagne, ex-député de Saint-Jacques, à titre de
membre de la commission des affaires sociales.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il consentement
pour revenir aux motions sans préavis?
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, et par la suite pour
accepter la modification?
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Consentement. Nous
reprenons maintenant...
M. Gratton: Est-elle adoptée?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, elle est
adoptée.
M. Blouin: Elle est adoptée.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous reprenons maintenant
les affaires inscrites au feuilleton.
M. Blouin: Article 8, M. le Président.
Projet de loi 63 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. Article 8):
projet de loi 63, Loi sur la Société de développement des
coopératives, présenté par M. le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme. Nous allons discuter de l'adoption du principe. M.
le ministre.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance
de ce projet de loi et il en recommande l'étude à
l'Assemblée.
C'est avec plaisir que j'amorce aujourd'hui le débat en
deuxième lecture du projet de loi 63, Loi sur la Société
de développement des coopératives. Ce projet de loi fait suite
à plusieurs mois de consultation avec les agents économiques de
la coopération et plus particulièrement avec ceux du Mouvement
Desjardins et du Conseil de la coopération du Québec. Ces
discussions nous auront permis de faire le point sur l'expérience des
sept premières années de la Société de
développement coopératif et de proposer cette nouvelle loi.
Je tiens tout particulièrement à remercier bien
sincèrement tous ceux et toutes celles qui ont participé à
cette consultation pour leur avis précieux, leur contribution
généreuse et leur travail engagé et efficace. Je tiens
aussi à noter que c'est la première loi à caractère
coopératif que j'ai l'honneur de parrainer depuis que le dossier des
coopératives a rejoint les autres dossiers au ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, depuis que la Direction des
coopératives est rendue au MICT.
La loi sur le développement coopératif est entrée
en vigueur le 12 octobre 1977 avec comme objectif d'apporter aux entreprises
coopératives une aide financière et les services susceptibles de
stimuler leur création et leur développement. Il s'agissait d'une
société mixte, sous le contrôle du mouvement
coopératif dont le Conseil de la coopération du Québec
recommandait majoritairement les membres du conseil d'administration. La
société a été conçue dans la perspective
où le gouvernement et les coopérateurs-souscripteurs devaient
notamment verser des avances annuelles partagées également pour
que la société puisse consentir des prêts, souscrire des
actions ou des parts ou garantir des prêts.
D'autre part, le gouvernement ajoutait des montants annuels pour
l'administration de la société. En 1979, il y a donc cinq ans,
des modifications furent apportées à la loi pour augmenter les
avances du ministre des Finances aux fins d'investissement pour les cinq
années financières subséquentes. De plus, le ministre des
Finances pouvait être autorisé par le gouvernement à verser
12 000 000 $ additionnels pour l'ensemble de ces quatre dernières
années.
Ces nouvelles mesures étaient totalement assumées par le
gouvernement, sans participation additionnelle des
coopérateurs-souscripteurs. En vertu de ces dispositions, la SDC, la
Société de développement coopératif, avait
reçu avant le 31 mars 1983 des avances totales d'au-delà de 23
000 000 $, dont une somme d'au-delà de 20 000 000 $ du ministre des
Finances du gouvernement du Québec et une autre d'un peu moins de 3 000
000 $ des coopérateurs-souscripteurs. Ces avances, consenties à
3% d'intérêt, avaient une cédule de remboursement avec
échéance de 15 ans.
L'ensemble de ces fonds a permis à la SDC d'effectuer des
prêts à 280 coopératives au Québec; ces prêts
étaient consentis à court terme pour des périodes allant
de 12 à 60 mois, remboursables mensuellement avec des taux
d'intérêt variant entre 8% et 11%. Ces prêts avaient un
caractère de risque, compte tenu qu'ils étaient
subordonnés à toutes les formes de dettes, prenant rang avant le
capital social de la coopérative, avec la possibilité
d'être reconduits dans le cas où la coopérative
démontrerait une incapacité de remboursement. D'autres formes
d'intervention financière étaient possibles par la garantie de
prêt; cependant, cette garantie de prêt est demeurée peu
utilisée.
Avec l'objectif de privilégier le développement de
l'habitation coopérative, la SDC a créé, en 1979, deux
filiales pour procéder à la création d'une banque de
logements; ces acquisitions ont nécessité une intervention
financière de la SDC mère dans ses filiales de l'ordre de 6 500
000 $. Il est à noter que ces acquisitions se sont autofinancées
et que leur avenir économique est des plus stables quoique cette forme
de coopération par le haut demande à être
réévaluée.
Au chapitre des avances et des investissements, il faut ajouter le fonds
d'exploitation. Au moment de sa fondation en 1977, il y a maintenant sept ans,
la loi prévoyait une somme de 400 000 $ par année assumée
par le ministère des Finances. En 1979, un amendement à la loi a
porté cette somme à 1 000 000 $ pour chacune des années
financières se terminant le 31 mars des années 1980 à
1984, date d'échéance finale pour les programmes
d'investissement et d'exploitation, échéance qui explique
le dépôt du nouveau projet de loi pour remplacer celui de
1977.
Nous aurions pu, certes, conserver le projet de loi de 1977 et
reconduire de nouveaux programmes financiers d'avances et d'exploitation.
Plusieurs solutions ont été étudiées pour conclure
à la nécessité d'une nouvelle loi. Trois facteurs ont
été déterminants pour faire ce choix. Le premier s'inscrit
dans la volonté du gouvernement de se retirer du domaine des prêts
directs pour adopter la formule de garantie de prêts consentis par les
institutions privées. Cette formule a le double avantage de ne pas
puiser à même les fonds consolidés pour faire des avances -
le gouvernement doit emprunter ou taxer - et de ne plus faire
compétition aux institutions prêteuses, laissant à ces
dernières tous leurs marchés.
Cette formule est déjà en vigueur, entre autres, à
l'Office du crédit agricole, à la Société de
développement industriel, particulièrement pour le plan d'urgence
après le plan de relance et les bourses d'affaires. La
Société de développement des industries culturelles s'en
sert aussi, le Crédit touristique, le Crédit forestier, etc.
Le deuxième facteur c'est la quasi présence unique de
l'État comme pourvoyeur de fonds. À l'origine, il devait y avoir
une participation moitié-moitié de l'État et du mouvement
coopératif. Ce même régime -les chiffres que je vous ai
donnés tout à l'heure de 23 000 000 $ comparativement à 3
000 000 $ - partagé est devenu 90% pour l'État ou le gouvernement
du Québec et 10% pour le mouvement coopératif. Ce constat n'est
cependant pas une critique. Il démontre plutôt que la
générosité du départ n'est pas compatible avec la
rentabilité que doivent connaître toutes les entreprises pour
conserver leur marché. D'ailleurs, il est significatif de constater que
la SDI n'a pas de partenaire financier venant du réseau bancaire.
Pourquoi le réseau financier coopératif devrait-il prendre plus
de risques et diminuer sa rentabilité? D'ailleurs, bon nombre de projets
coopératifs engagent la responsabilité publique et non celle d'un
seul mouvement.
Ce constat pose cependant tout le problème du maintien d'une
société mixte avec contrôle par le mouvement
coopératif alors que c'est l'État qui fournit les capitaux. Comme
responsable de l'administration des taxes des citoyens, il va de soi qu'il
fallait en venir à une société d'État responsable
à l'Assemblée nationale. Ceci dit, le mouvement coopératif
continuera d'être fortement représenté au conseil
d'administration et pourra ainsi participer directement aux orientations de la
société.
Le troisième facteur, c'est la nature des opérations. La
responsabilité de gérer des fonds avancés par
l'État avec un remboursement à quinze ans rendait difficile
l'application d'une politique de capitalisation, ce qui fait que, dans la
pratique, la SDC faisait du prêt de risque à court terme, ce qui
n'est pas l'idéal pour donner un coup de pouce aux entreprises qui ont
surtout besoin de se financer avec un prêteur traditionnel en accordant
des garanties suffisantes.
Que ce soit pour démarrer une nouvelle coopérative, pour
financer un projet d'expansion et de développement ou pour consolider sa
situation financière, ce dont l'entreprise a besoin c'est de la
capitalisation. C'est la même chose aussi pour les entreprises
privées.
Par définition, le capital est stable. Cela ne porte
généralement pas d'intérêt. Cela fait partie du
patrimoine de l'entreprise. Le capital, dans une coopérative, doit
normalement être fourni par les membres de la coopérative.
Cependant, il faut reconnaître que parfois ces derniers n'ont pas
la capacité financière pour répondre aux besoins
financiers requis à court terme. C'est là que l'intervention de
la SDC doit entrer en ligne de compte. Il ne s'agit pas de se substituer aux
membres, mais plutôt de prendre leur place ou de leur donner des
garanties à titre supplétif et temporaire pour leur permettre
d'investir à moyen terme le capital qui servira à rembourser les
prêts de capitalisation garantis aux institutions prêteuses par la
SDC.
L'expression "prêts de capitalisation" peut paraître un
nouveau vocabulaire si l'on se réfère à la nature d'une
action de compagnie ou d'une part sociale de coopérative, qui est
l'apport du propriétaire pour posséder l'entreprise. Comment
concilier la stabilité du capital avec un prêt de capitalisation
qui, comme son nom l'indique, est remboursable? L'expression "prêts de
capitalisation" vient confirmer que, dans les faits, c'est bien du capital,
mais qu'il est fourni par un tiers, à titre temporaire, pour être
remplacé par le membre en fonction de sa capacité de
remboursement. (17 heures)
Le présent projet innove en instaurant un programme de
crédit coopératif visant la capitalisation des
coopératives à long et moyen terme dont les capitaux seront
fournis par les institutions privées habilitées à
consentir des prêts avec la garantie du gouvernement. Vous constaterez
donc, M. le Président, que la façon de procéder
présentement avec les coopératives, c'est à peu
près la même façon de procéder qu'avec les
entreprises privées: des garanties de prêts données par le
gouvernement, mais ce sont les institutions privées qui doivent
intervenir pour financer à la fois les compagnies privées - le
système capitaliste usuel - et les coopératives, que ce soient
les coopératives de travailleurs ou autres genres
de coopératives.
Ce nouveau programme est destiné principalement à
favoriser l'implantation de nouvelles coopératives dans toutes les
régions du Québec, consolider celles en activité,
maintenir ou créer des emplois, stimuler le développement du
secteur coopératif comme composante de l'économie
québécoise. Le moyen privilégié pour atteindre ces
fins est la participation au capital des coopératives.
Ce programme consacre le principe que les coopératives doivent
être capitalisées par leurs membres et que les emprunts normaux
pour payer les investissements et le fonds de roulement susceptibles
d'être garantis par des biens mobiliers et immobiliers soient
assumés par des prêts conventionnels consentis par des
institutions financières.
Lors de l'entrée en vigueur de la loi, les caisses
d'épargne et de crédit, les banques à charte et autres
institutions financières déterminées par règlement
du gouvernement seront habilitées à effectuer des prêts
pour fins de capitalisation ou d'autres natures et, de ce fait, auront la
responsabilité de l'administration normale des prêts. Pour sa
part, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, chargé de
l'administration de la loi, confiera à la Société de
développement des coopératives le travail d'expertise que
requiert la recommandation d'un prêt ou son refus ainsi que certaines
actions à prendre pendant la durée du prêt, notamment de
s'assurer que les coopératives disposent de l'aide technique et de
gestion nécessaire. Il ne s'agit pas de laisser tomber les
coopératives après une garantie de prêt. Il s'agit de
s'assurer qu'elles ont l'aide technique et de gestion nécessaire
d'autres institutions ou même d'autres directions du
ministère.
Advenant le refus des institutions privées de consentir un
prêt à une coopérative, la Société de
développement des coopératives pourra elle-même consentir
un prêt de dernier recours à la coopérative ou en garantir
le remboursement total ou partiel.
Ce projet de loi prévoit également l'adoption d'un
règlement qui déterminera les critères
d'admissibilité, l'étendue des modalités d'une
contribution du gouvernement sur le montant des sommes à prêter,
des garanties de coopératives ayant droit à des privilèges
et à des formes différentes d'aide, selon qu'une
coopérative est à l'étape du démarrage ou du
développement, subvention totale ou partielle de l'intérêt
dû par les coopératives emprunteuses. De plus, le remboursement
des pertes résultant des prêts consentis aux coopératives
qui pourraient avoir des difficultés financières sera garanti aux
prêteurs au moyen de crédits votés annuellement par
l'Assemblée nationale. L'ensemble de ces mesures s'appliqueraient
indépendamment qu'un prêt soit consenti par un prêteur
privé ou directement par la Société de
développement des coopératives.
Le programme prévoit que la durée du prêt de
capitalisation peut atteindre dix ans. Le début du remboursement sera
fixé en fonction des besoins et exigences de démarrage ainsi que
des moyens financiers des membres pour souscrire à leur
coopérative.
Le financement par les prêteurs privés et les conditions
s'y rattachant sont assumés par les prêteurs privés sans
intervention de la SDC sauf dans des cas de refus. En tout dernier recours et
à titre supplétif, la SDC pourra consentir elle-même le
prêt ou le garantir totalement ou partiellement. Dans un tel cas, la
durée du prêt sera la même et devra comporter des garanties
mobilières et immobilières et respecter les normes prévues
dans la réglementation.
Le projet de loi prévoit également que la
Société de développement des coopératives pourra,
à titre de mandataire du gouvernement, administrer des programmes d'aide
aux coopératives; que son conseil d'administration devra être
formé majoritairement de personnes en provenance de coopératives
de diverses catégories; que les employés de la
société seront nommés et rémunérés
d'après les normes et les barèmes établis par
règlement de la société, lequel est approuvé par le
gouvernement; enfin, que l'ampleur de l'aide gouvernementale et le budget des
dépenses d'administration seront arrêtés par le
gouvernement à partir du plan d'aide financière proposé
annuellement par la Société de développement des
coopératives.
La réglementation pour "opé-rationnaliser" l'aide
financière aux coopératives pourrait prendre différentes
formes, selon les besoins et la demande du milieu. Pour commencer, la
réglementation prévoit quatre programmes. Chacun de ces
programmes est assorti de dispositions qui visent à assurer une
capitalisation qui permet aux institutions prêteuses de faire des
prêts avec la sécurité normale que présente une
entreprise qui a une bonne équité. Le prêt de
capitalisation dont le remboursement sera garanti par la SDC variera selon les
entreprises. Le montant garanti couvrira la différence entre un plancher
et un plafond déterminés par la SDC. Par plancher, on entend la
capitalisation exigée des membres pour l'intervention de la SDC. Le
plafond, quant à lui, détermine le montant maximal au-delà
duquel la SDC ne garantit pas le remboursement. La norme pour établir ce
plafond est en fonction du capital par rapport aux actifs et autres facteurs
qui peuvent influencer une mise de fonds plus ou moins importante en capital de
risques, telle que la stabilité du marché, l'ampleur des
immobilisations, etc.
La subvention des intérêts peut être
totale ou partielle et parfois absente, selon les programmes dans
lesquels s'insère le projet. En résumé, l'application
desdits programmes avec l'adoption de la loi est comme suit: pour une nouvelle
coopérative, le capital souscrit exigé des membres sera en
fonction des investissements avec un montant prédéterminé
de paiement comptant. Les intérêts seront subventionnés
pour des périodes allant jusqu'à cinq ans avec
décroissance. Pour un projet d'expansion et de développement, les
mêmes mesures s'appliquent sauf que l'intérêt
subventionné ne peut dépasser 50% avec décroissance et la
participation exigée des membres en paiement comptant sera plus
grande.
Le troisième programme dit de consolidation d'une
coopérative ne comportera pas de subvention d'intérêts mais
conservera les mêmes caractéristiques que les programmes
déjà énoncés.
Enfin, le quatrième programme dit d'aide à l'implantation
de coopérative de travailleurs, est de loin le plus
généreux. Il vise à donner le coup de pouce, à
s'associer au démarrage de nouvelles coopératives dont les
propriétaires sont les travailleurs. C'est un programme qui s'inscrit
dans la relance économique du Québec, avec l'objectif d'aider les
travailleurs à se prendre en main et à créer leurs propres
entreprises. D'une façon générale, on se réjouit de
constater que la relance économique continue de progresser, que la
prospérité revient au Québec. Nous sommes forcés
d'admettre que la vigueur de cette reprise économique est
handicapée, car elle se fait en laissant des travailleurs sans emploi,
dont la majorité est constituée de jeunes.
Comme ministre du MICT et comme citoyen, je ne peux accepter une telle
situation et suis convaincu que c'est la majorité des
Québécois et Québécoises qui partagent mon opinion.
Je serai satisfait seulement lorsque ce problème crucial aura
été réglé. C'est un problème social, c'est
un problème moral, c'est une question de confiance en l'avenir.
Le chômage chez les jeunes touche chacun de nous, c'est un fils,
une fille, un parent, un ami, un concitoyen. Personne n'y échappe et ne
peut rester insensible à ce cancer économique et social. Le
progrès économique pour une bonne part, c'est une question de
confiance et d'optimisme relativement à l'avenir. Il ne peut être
question de créer ce climat en oubliant la jeunesse qui est l'avenir du
Québec.
Les problèmes qui confrontent les pays occidentaux, et je
pourrais ajouter tous les pays de la planète, ne sont pas uniquement
économiques, mais également sociaux. Il faut admettre que nous
sommes entrés dans un monde nouveau, qu'une nouvelle valeur sociale se
façonne rapidement, que les problèmes économiques sont
intimement reliés à ces valeurs nouvelles. Par conséquent,
il faut changer notre approche, se coller à ces nouvelles
réalités. Je ne prétends pas avoir la solution, mais je
fais confiance aux travailleurs et particulièrement aux jeunes pour
qu'ils s'associent et qu'ils trouvent ensemble des moyens nouveaux pour
réformer notre société en mutation.
J'ai eu l'occasion de démontrer souvent ma confiance à
l'égard de la participation des travailleurs dans l'entreprise. J'ai
l'intime conviction que la stabilité de nos PME doit passer par cette
participation. Le programme de la SDC destiné aux coopératives de
travailleurs rejoint cet objectif de participation, le dépasse
même en impliquant les travailleurs à 100% dans la
propriété de leur entreprise. Regroupées par connaissance
technique, répondant à un marché concret, donnant lieu
parfois à de petites entreprises qui grandiront avec le temps, ces
coopératives de travailleurs ont de fortes chances d'occuper des
marchés à proximité, de remettre au travail et de
valoriser les jeunes et ceux qui ont perdu leur emploi dans la crise
économique que nous avons subie.
La formule des coopératives de travailleurs a déjà
donné lieu à des expériences fort intéressantes. Le
succès de coopératives de production dans l'industrie
forestière, dans l'imprimerie, dans la réparation de
véhicules, en particulier, témoigne de la vitalité de ce
type d'initiative. Ce modèle de développement basé souvent
sur des marchés et sur des besoins locaux ou régionaux, ne vise
pas à chambarder notre économie moderne basée sur le
commerce extérieur, bien au contraire, c'est un modèle
complémentaire qui vient remplir le vide laissé dans nos
régions, dans la foulée de la grande concentration
économique qui a marqué le Québec depuis le début
des années 1960. Les coopératives de travailleurs offrent une
alternative originale qui vient ajouter une dimension nouvelle dans le
développement économique et un espoir aux travailleurs sans
emploi pour retrouver une dignité, une qualité de vie qui
s'acquiert en s'affranchissant de la dépendance de l'aide sociale des
gouvernements en se donnant du travail.
Pour soutenir l'initiative des travailleurs, le MICT entend prendre un
train de mesures coordonnées par la Direction générale des
coopératives qui, en plus de ses resssources, peut maintenant compter
sur le soutien technique de la Direction générale de l'aide aux
entreprises du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme avec
ses bureaux régionaux pour conseiller et donner un suivi aux
coopératives de travailleurs. À ces ressources, s'ajoutent les
commissariats industriels qui ont été sensibilisés
à l'émergence de ces nouvelles entreprises et déjà
y accordent leur appui. Il
manquait cependant un outil. Cet outil c'est le programme d'aide
financière à l'implantation de coopératives de
travailleurs. (17 h 10)
L'originalité du programme réside dans l'appui financier
pour le démarrage. En effet, comment demander à des travailleurs
souvent sans emploi de démarrer leur propre entreprise quand on sait que
la très grande majorité d'entre eux n'ont qu'un maigre revenu. Le
programme a prévu cette incapacité d'investissement en
fournissant entièrement, quand c'est nécessaire, l'investissement
requis, à condition que les travailleurs souscrivent le capital social
suffisant pour assurer l'équité nécessaire à leur
entreprise, le paiement de cette souscription devant être effectué
progressivement à même une retenue sur le revenu gagné
comme travailleur. Il va de soi que les surplus annuels devront être
réinvestis dans l'entreprise au cours de cette période. Avec ces
dispositions, la SDC pourra accorder une garantie de prêt de
capitalisation pour une période maximum de dix ans, le tout comportant
une subvention totale ou partielle des intérêts pour les
premières années. C'est un véritable programme de
développement économique qui est proposé. Il mise sur la
vitalité des jeunes et des chômeurs en général
à se prendre en main avec l'assistance des ressources du MICT et l'appui
du mouvement coopératif québécois.
Comme mesure supplémentaire à tous les programmes que j'ai
énumérês, il y a le prêt de financement qui se situe
dans le rôle que jouent normalement les institutions financières
pour financer les entreprises alors que les actionnaires, c'est-à-dire
les propriétaires, ont fourni eux-mêmes suffisamment de capital
pour donner confiance au prêteur. Comme mesure d'exception, la SDC pourra
investir, pourra intervenir pour faire ses prêts et, à ce moment,
elle prendra les mêmes garanties que le prêteur traditionnel:
hypothèque, nantissement, caution, etc.
La nouvelle philosophie de la SDC en est une d'intervention dans l'aide
au capital de risque seulement, aide à caractère temporaire et
supplétif, qui devra être assumé totalement par les membres
à titre de propriétaires dans des délais normaux de
remboursement. Pour ce qui est des prêts de financement, je compte sur
les institutions financières pour assumer ce rôle. Il ne manque
pas de capitaux ni d'institutions habilitées à faire du
financement d'entreprises. L'État propose une nouvelle forme
d'intervention où il assume le risque avec les membres des
coopératives. Avec un tel appui, je n'ai pas à douter de la
collaboration de toute la gamme des institutions financières du
Québec et celle à caractère coopératif en
particulier pour faire les prêts de financement aux coopératives
couvertes par ces programmes.
La nouvelle Société de développement des
coopératives, c'est de l'innovation, c'est de l'espoir en l'avenir et
une étape de plus en vue d'assurer la prospérité des
Québécois et des Québécoises.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci. Le gouvernement péquiste nous revient
avec l'une des pièces législatives qu'il avait fait adopter au
début de son mandat. En effet, c'est en 1977 qu'il avait
présenté la Loi constituant la Société de
développement coopératif. Elle témoignait, selon le
ministre responsable de l'époque, Mme Lise Payette, du désir du
gouvernement d'associer le mouvement coopératif au développement
social et économique du Québec et d'en faire un partenaire
privilégié. Aujourd'hui, le gouvernement péquiste nous
présente un projet de loi par lequel il propose la nationalisation de la
Société de développement coopératif et crée
pour lui succéder une nouvelle société d'État qui
prendra le nom de Société de développement des
coopératives. La nouvelle société sera
délestée de ses partenaires. Les 28 organismes coopératifs
reprendront en effet leur mise.
Une telle image colle mal à l'idée de partenariat dont se
flattait ce gouvernement. On ne peut que se demander jusqu'à quel point
ces organismes ne se sentent pas soulagés de mettre fin à cette
association où manifestement le poids gouvernemental apparaissait
démesuré. Sur un total d'avance de plus de 23 000 000 $, le
gouvernement avait souscrit à lui seul plus de 20 500 000 $.
Ce projet de loi étonne. Il survient moins d'un an après
que le gouvernement péquiste ait procédé à la
nationalisation de Madelipêche et après s'être servi de
cette dernière pour mettre en faillite la coopérative
Pêcheurs unis du Québec dans le cadre de ses chicanes avec Ottawa,
et ce en dépit des démarches faites par le président
même du Mouvement Desjardins. Les Madelinots, pour leur part, attendent
toujours de voir le bout de cette promesse qu'on leur avait faite que leur
entreprise leur serait rendue.
Le gouvernement justifie sa nationalisation en disant que la nouvelle
société privilégiera la formule des garanties de
prêts plutôt que celle des prêts directs, et cela pour des
termes plus longs allant jusqu'à cinq ans. Elle pourra aussi consentir
des prêts pour une période allant jusqu'à dix ans. Certes,
subventionner des prêts n'est pas la vocation d'une institution
financière du
secteur privé, fût-elle coopérative. Par contre, le
gouvernement possède déjà plusieurs véhicules par
lesquels il peut accorder un tel support. On peut penser à la
Société de développement industriel, par exemple, ou SDI,
ou aux entreprises d'État oeuvrant sectoriel-lement. Tenons pour acquis
qu'on veuille préserver l'expertise et la suite des activités de
l'ancienne société. Il demeure que l'approche soulève
néanmoins beaucoup d'inquiétudes.
Péremptoirement, le gouvernement engouffre la mission
éducative et sociale en milieu coopératif que décrivait
l'ancien article 38 que l'on remplace par un vague pouvoir d'établir des
programmes d'aide aux coopératives et de les conseiller sur leur
financement. Ce sont, M. le Président, les articles 15 et 17 de la
nouvelle loi. Tout aussi cavalièrement, le gouvernement écarte du
revers de la main l'implication qu'avaient ses 28 partenaires dans
l'orientation, les activités et le développement de la
société. Désormais seul maître à bord, le
gouvernement abordera la création et le développement des
coopératives selon ses objectifs, ses critères, ses politiques
et, il faut bien le dire, hélas! selon ses intérêts.
Dans un avis qu'il émettait sur le projet de loi en janvier
dernier le Conseil de la coopération du Québec ne cache pas un
certain désarroi. Ce conseil, qui apparaît comme une
confédération d'ordre moral, regroupe 19 institutions membres qui
sont des coopératives ou des sociétés d'appartenance
coopérative à caractère provincial. En premier lieu, le
Conseil de la coopération du Québec ne comprend pas qu'il ait
été totalement ignoré par le gouvernement dans ce projet
de loi et demande que les administrateurs de la nouvelle société
ne puissent être nommés sans que le Conseil de la
coopération du Québec ait pu faire des recommandations formelles
ou qu'il soit consulté au préalable.
Les gens du conseil se méfient, et avec raison, du patronage
gouvernemental. Est-il besoin de rappeler ici le patronage du ministre
responsable à l'égard de son ami, M. Pierre Allard, chargé
de transformer les magasins de la Société des alcools du
Québec en coopératives et dont il refuse encore de
dévoiler le salaire et les termes du mandat? Comment peut-on ne pas
craindre que ce que le ministre a fait à l'endroit de la
Société des alcools du Québec ne se répète
à l'endroit de ce nouvel organisme qu'on appellera la
Société de développement des coopératives? On se
rappelle qu'à l'égard de la Société des alcools du
Québec, le ministre n'avait pas hésité à nommer
à un poste important un individu dont le seul mérite,
semble-t-il, est d'avoir été un organisateur du ministre, le
président de son association péquiste, un collaborateur important
à sa caisse électorale et, également, le président-
directeur général d'une coopérative. Il faut regarder ce
que cet individu a fait avec la Coopérative des travailleurs de Manseau,
autrefois la coopérative de tomates. C'est un Tricofil en pire, parce
que dans Tricofil, on avait perdu encore moins d'argent que dans la
Coopérative des travailleurs de Manseau. Il faut demander aux gens de
Manseau ce qu'ils pensent de la compétence de M. Pierre Allard. Il ne
s'agit que de regarder l'état d'endettement et la façon dont les
fonds ont été dilapidés pour porter un jugement sur
l'individu. (17 h 20)
Je ne veux pas dire au ministre comment faire ses nominations, mais avec
le genre de nominations qu'on fait, qu'arrivera-t-il quand on fera les
nominations en vertu de l'article 4 de la nouvelle Loi sur la
Société de développement des coopératives? Est-ce
qu'on prendra des organisateurs du ministre ou d'autres ministres? Est-ce qu'on
prendra des présidents d'associations péquistes? C'est la crainte
que nous avons et, semble-t-il, c'était la crainte qu'avait le Conseil
de la coopération du Québec lorsqu'il a écrit dans son
avis: Pour permettre un certain droit de regard du mouvement coopératif
face au choix de ses représentants, le Conseil de la coopération
du Québec demande que soit insérée dans la loi la
provision, à savoir que la nomination des administrateurs soit faite sur
recommandation ou après consultation formelle du conseil.
Malheureusement, M. le Président, le gouvernement n'a absolument pas
retenu cet avis et s'est réservé, à l'article 4, le droit
de nommer seul tous les membres, les treize membres du conseil
d'administration, et nous devons le déplorer.
Le Conseil de la coopération s'insurge également contre le
fait que le ministre se donne le privilège d'émettre des
directives portant sur les objectifs et les orientations de la
société sans que le Conseil de la coopération du
Québec ne soit mis à contribution par voie de consultation. M. le
Président, il s'agit là de l'article 22 du projet de loi qui dit:
"Le ministre peut donner à la société des directives
portant sur les objectifs et l'orientation de cette société; ces
directives doivent au préalable être approuvées par le
gouvernement." C'est tout; il n'y a rien d'autre. Pourtant, le Conseil de la
coopération du Québec, à l'égard de ces directives,
avait demandé au gouvernement que la loi indique formellement que le
conseil devra être consulté lorsque le ministre aura à
émettre des directives portant sur les objectifs et les orientations de
la société. M. le Président, je dois constater que le
gouvernement n'en a pas tenu compte.
Pareillement, le Conseil de la coopération du Québec
n'accepte pas d'être évincé du processus
d'élaboration de son plan
d'aide financière et de la définition des secteurs que la
nouvelle Société de développement des coopératives
favorisera. Il s'agit de l'article 31 du projet de loi, M. le Président
qui dit ceci: "La société doit, chaque année, à la
date et selon la forme et le contenu que le ministre détermine, lui
transmettre son plan d'aide financière." Un peu plus loin à ce
même article: "Le plan est soumis à l'approbation du
gouvernement." On ne tient compte nulle part à cet article 31 de la
demande du Conseil de la coopération du Québec qui dit:
"Lorsqu'il s'agira pour la société de soumettre pour approbation
au gouvernement son plan d'aide financière et les secteurs
d'activité qu'elle a l'intention de favoriser particulièrement,
le Conseil de la coopération du Québec, au nom du mouvement
coopératif qu'il représente, demande d'être, en vertu
même de la loi, associé à l'établissement de ses
priorités et à l'élaboration du plan d'aide
financière." Avec un tel esprit qui reflète bien la propension du
gouvernement à tout vouloir contrôler, le développement des
coopératives n'aurait jamais pu naître chez nous.
Le ministre nous dira: Ce projet de loi relève de bonnes
intentions. La preuve? Il y a le mot "coopératives" dans celui-ci.
Lorsque, récemment, le groupe Culinar, qui appartient au Mouvement
Desjardins, a prié la société gouvernementale SOQUIA de
céder sa part d'actions pour que le mouvement coopératif en
prenne les destinées, oh surprise! M. le Président, le
gouvernement a décidé de s'asseoir sur sa part du gâteau.
Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation voulait
pouvoir piger dans les profits. En fait, M. le Président, le
gouvernement se donne par ce projet de loi le pouvoir de contrôler plus
ou moins directement toute coopérative qui aura recours à la
nouvelle société comme bailleur de fonds.
Prenons un exemple récent tiré du numéro de janvier
de la revue gouvernementale Alimentation Québec. Pour empêcher le
gouvernement canadien de consolider efficacement Pêcheurs unis par une
société gouvernementale à laquelle Québec ne
voulait pas participer, le ministre responsable des pêcheries,
l'ineffable ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, a décidé de distraire des actifs de
Pêcheurs unis du Québec, l'une de ses entreprises rentables
à Rivière-au-Tonnerre. Comme le gouvernement canadien permettait
aux entreprises qui voulaient se prendre en main de le faire, Québec a
sauté sur l'occasion pour faire un pied de nez au fédéral
et prouver qu'il avait raison de laisser tomber les Pêcheurs unis du
Québec pour un modèle théorique d'usine de transformation
qui ne tient pas compte de la surcapacité des usines existantes.
Pour un investissement de 1 616 500 $, on y allait avec des subventions
totalisant 1 000 000 $, chiffre de nature à impressionner les 44
pêcheurs concernés. Outre ces subventions, on peut lire, et je
cite: "Le financement du projet doit être assuré par des
prêts consentis auprès d'institutions financières de
même qu'auprès de la Société de développement
coopératif pour 300 000 $, et par une mise de fonds des pêcheurs,
de 25 000 $. Ces derniers se sont, de plus, engagés à souscrire
du capital-actions pour un montant minimum de 40 000 $ par année pendant
cinq ans". Cela veut dire clairement que ces 44 pêcheurs ont
été obligés de se mettre la corde au cou, ou qu'ils sont,
à toutes fins utiles, devenus des fonctionnaires de l'État.
Dans son projet de loi, le gouvernement a fait fi d'une autre
recommandation du Conseil de la coopération du Québec à
savoir que la nouvelle société ne puisse pas disposer des actions
acquises dans des filiales, à d'autres, qu'en faveur d'entreprises
d'ordre coopératif. La réalité est tout autre. La nouvelle
société pourra, avec l'accord du gouvernement, acheter les
actions de n'importe quelle des entreprises et les revendre à qui bon
lui semblera. Il en sera de même pour les biens meubles et immeubles
qu'elle pourra acquérir pour son usage ou par suite de défaut
d'une entreprise coopérative à remplir ses obligations relatives
à une aide financière.
Quand on connaît le chassé-croisé des acquisitions
effectuées par le gouvernement à travers ses
sociétés d'État et à travers la Caisse de
dépôt et placement du Québec, on ne peut que
s'étonner de voir le Conseil de la coopération du Québec
s'alarmer de la trop grande emprise sur les coopératives, que ce projet
de loi confère au gouvernement.
Si on se réfère au rapport 1982-1983 du Conseil de la
coopération du Québec, on peut s'apercevoir que l'attitude
gouvernementale, face au monde coopératif, procède, avec le
projet de loi 63, avec la même arrogance. On peut y lire notamment les
extraits suivants: "Nous pouvons toujours penser que l'une des
responsabilités de l'État était d'établir
l'émergence d'un mouvement coopératif fort. À cet
égard, nous avons actuellement l'impression de vivre une période
de stagnation et, de continuer le Conseil de la coopération, nous nous
interrogeons également sur notre véritable statut de partenaire
quand le gouvernement nous exclut d'une table de concertation comme il l'a fait
lors d'un récent minisommet à huis clos". Et de poursuivre un peu
plus loin: "... Sans avoir consulté ni informé le mouvement
coopératif, le gouvernement a annoncé l'abolition du
ministère des Institutions financières et Coopératives".
C'est le Conseil de la coopération qui parle.
Le Conseil de la coopération y était allé de bonne
foi dans la réévaluation du
rôle de la Société de développement
coopératif. Il était prêt à envisager une certaine
restructuration. Aujourd'hui, on se retrouve avec un projet de loi dont on
saisit mieux la portée. À n'en pas douter, si on veut s'inspirer
du modèle de la Société de développement
industriel, il faudra, pour tenir compte des particularités des
entreprises coopératives, mieux baliser les pouvoirs que se donne le
gouvernement, et également mieux refléter l'esprit de
coopération qui inspire les membres coopérateurs dans leur
entreprise.
Je veux, pour le bénéfice du ministre responsable, lui
lire un extrait du discours de deuxième lecture de Mme Lise Payette,
lors de la présentation du projet de loi original en 1977. Elle disait:
"La Société de développement coopératif ne doit
être, ni la bonne conscience du gouvernement pas plus qu'une superbanque
prête à prendre tous les risques. Nous sommes conscients,
disait-elle, du danger que constituerait une intervention publique mal
orientée, ce qui pourrait provoquer une croissance numérique et
artificielle des coopératives. Notre cimetière coopératif,
disait-elle, est déjà saturé. Nous voulons donc
éviter à tout prix, un développement coopératif par
le haut. Le mouvement coopératif n'a de sens et de force que lorsque ce
dynamisme est déclenché par la base et de l'intérieur.
L'État ne pourrait jamais - disait Mme Payette - se substituer à
l'initiative de la base, qui est le moteur, le coeur même de chaque
coopérative. "Ce que nous proposons, c'est un outil pour encadrer et
pour soutenir. Je ne saurais trop insister, disait-elle, que la
Société de développement coopératif ne se
substituera pas aux initiatives individuelles et collectives des divers
milieux. L'objectif de la Société de développement
coopératif sera donc de favoriser la création et l'expansion
d'entreprises coopératives susceptibles de s'épanouir au
Québec, d'abord en fournissant ou en coordonnant une assurance technique
des services de consultation aux coopératives."
Et Mme Payette de continuer: "Le gouvernement entend respecter le droit
inaliénable du mouvement coopératif d'exercer le leadership dans
la planification du développement. La Société de
développement coopératif ne saurait s'approprier ce droit. Elle
sera donc l'outil d'intervention du mouvement coopératif pour assurer
son développement."
L'Opposition voudrait entendre un tel credo de la part du ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et en retrouver la substance dans son
projet de loi. On aimerait l'entendre nous dire qu'il n'a pas l'intention de se
servir de ce projet de loi et de ses larges pouvoirs discrétionnaires
pour mousser son idée de magasins coopératifs pour la vente
d'alcool, que les employés de la Société des alcools du
Québec rejettent a priori; qu'il nous assure qu'il n'a pas l'intention
de développer ces coopératives par le haut.
Hélas, il ne faut pas trop se leurrer avec le présent
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, les principes de la
coopération, ce n'est pas son fort. J'aimerais, M. le Président,
citer, avec votre permission, un extrait d'un article paru dans le journal Le
Devoir du 27 avril, qui reprend un texte issu du Conseil de la
coopération du Québec. On y dit ceci: "La mise sur pied d'une
coopérative, c'est la réponse d'un groupe d'individus à
des besoins spécifiques communs de nature économique. Les membres
coopérateurs regroupés dans une même organisation se dotent
d'instruments économiques qu'ils peuvent orienter et contrôler.
C'est dire que l'organisation coopérative s'avère fortement
liée aux besoins manifestés par des citoyens, puisqu'elle en est
issue."
Et le Conseil de la coopération du Québec de conclure,
dans cet article: "II va sans dire que dans l'ordre actuel des choses,
l'interventionnisme de l'État a un impact considérable sur le
développement économique et, par conséquent, sur le
développement coopératif. Dans ce contexte, il s'avère
essentiel pour le mouvement coopératif de s'assurer que la contribution
de l'État respecte et tienne largement compte des initiatives et des
volontés de développement exprimées et mises en oeuvre par
les organismes coopératifs."
On est bien loin, M. le Président, du dirigisme du ministre et de
sa notion de coopératisme par le haut, dont il a fait une preuve
éclatante dans son projet de faire des coopératives des
succursales de la Société des alcools du Québec.
Son projet de loi implique également des coûts pour le
gouvernement. Quels sont-ils? Au total, combien d'argent neuf sera accessible
aux coopératives? Quel volume de garanties de prêts vise-t-on? En
somme, que le ministre nous démontre l'avantage de sa formule en regard
d'amendements possibles à la Loi sur la Société de
développement industriel. La coopération chez nous a
été durement ébranlée dans certains secteurs par
les effets pervers de la récente crise. L'intervention gouvernementale
devra se faire avec beaucoup de clairvoyance, sans sacrifier aucun des appuis
que ces entreprises peuvent obtenir du milieu coopératif.
La formule coopérative est exigeante parce qu'elle repose
essentiellement sur ses ressources humaines, dont le renforcement est aussi
essentiel que la question financière. Elle constitue un foyer de
formation pour l'entrepreneurship dont le Québec a un urgent besoin.
L'État n'a pas le droit de prendre le risque de les accabler ni de
les
régenter strictement pour ses fins politiques, sans tenir compte
des véritables occasions de développement, des lois du
marché et des lois de la concurrence. Le gouvernement ne peut assimiler
les coopératives à des entreprises publiques car elles font bel
et bien partie du secteur privé. Leurs initiatives doivent être
respectées et l'État n'a pas à les séduire avec ses
mirages dans une perspective électoraliste. Les succès de nos
coopératives ne peuvent avant tout dépendre de l'État,
mais bel et bien des coopérateurs eux-mêmes. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay, adjoint parlementaire au
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président.
J'ai écouté attentivement les propos du
député de Laporte. Je dois vous dire que je regrette
énormément qu'il ait cherché à faire de la
diversion, comme c'est souvent le cas dans ses discours, et qu'il n'ait pas
vraiment cherché à faire ressortir ce qu'il y a d'avantageux dans
le changement que nous proposons à la loi actuelle par une loi qui
s'appelle Loi sur la Société de développement des
coopératives et qui porte le numéro 63.
De par la loi actuelle adoptée en 1977, à l'instigation du
présent gouvernement, existe donc cette Société de
développement coopératif dont la fonction est d'apporter aux
entreprises coopératives une aide financière et les services
susceptibles de stimuler leur création et leur développement. Les
fonds mis à la disposition de cette société viennent du
mouvement coopératif et de l'État québécois, ce qui
leur donne un caractère mixte.
L'injection de fonds dans cette société, avant le 31 mars
1983, était de l'ordre de plus 23 300 000 $ dont 20 000 000 $ et plus
venaient du gouvernement. L'utilisation de ces fonds a consisté
très largement à faire des prêts à 280
coopératives sous forme de capital de risque.
De plus, la loi actuelle fixe un objectif à la
Société de développement coopératif, soit de
privilégier le développement de l'habitation coopérative.
Cela a rendu des services très appréciables du côté
de l'habitation coopérative. Il s'est agi d'une injection 6 500 000
$.
Tout en reconnaissant que la loi actuelle a donné des
résultats très appréciables, il nous est apparu que,
grâce à des ajustements substantiels qui menaient forcément
à une loi nouvelle, il serait possible de faire encore mieux que ce qui
s'est fait jusqu'à maintenant.
Comparons un peu, pour bien comprendre. Les sommes mises à la
disposition de la Société de développement
coopératif faisaient l'objet de prêts directs de la part de cette
société à des coopératives. Nous voulons maintenant
que cela prenne davantage, particulièrement et surtout la forme de
garanties de prêts, exactement comme cela se fait du côté de
la SDI, ce qui a permis et qui permet encore de faire en sorte que les
entreprises soient financées de façon tout à fait moderne.
Ceci en allant chercher l'agent où il se trouve et en faisant en sorte
que l'entreprise puisse avoir de l'argent, du capital, à toutes fins
utiles.
Au départ, M. le Président, dans cette loi actuelle les
contributions étaient prévues pour être de l'ordre de 50%
de la part de l'État et de 50% de la part du mouvement
coopératif. Mais on sait maintenant qu'à toutes fins utiles le
financement a été de l'ordre de 90% de la part de l'État.
On ne sera donc pas surpris que dans la loi que nous allons voter bientôt
en deuxième lecture, sur le principe, nous cherchions maintenant
à reconnaître à l'État toute la
responsabilité qui incombe à celui qui prend véritablement
les risques financiers, donc les risques réels.
À la SDI, c'est le cas. Les personnes qui sont nommées
pour faire fonctionner la société sont choisies par
l'État. Pourquoi? Parce que l'argent vient de l'État. Il sera
normal que dans le cas de la Société de développement des
coopératives, puisque l'argent viendra essentiellement de l'État,
ce soit des gens choisis par l'État qui fassent fonctionner cette
société. (17 h 40)
Je comprends bien que M. le député de Laporte essaie de
nous raconter des histoires et de nous divertir en tentant de mettre des
accents où il ne le faut pas. C'est le jeu de l'Opposition. Ce n'est pas
toujours positif, malheureusement, mais il faudrait quand même
reconnaître que, quand on met de l'argent quelque part, on tient bien
à choisir les personnes qui le géreront.
Je suis certain, M. le Président, que si le député
de Laporte investissait 200 000 $ dans une affaire avec moi et que
j'investissais seulement 20 $, il n'accepterait pas que je choisisse ceux qui
géreront ce fonds d'une façon substantielle. Cela n'aurait pas de
bon sens. Je serais obligé d'admettre que cet argent devra être
géré par ceux que choisira, en général, le
député de Laporte. C'est exactement le même principe qui
joue, M. le Président, dans le cas qui nous occupe.
La loi actuelle ne rend pas facile aux coopératives de se
capitaliser adéquatement. L'obligation de rembourser à
l'État sur quinze ans amenait la société à
prêter à court terme. Dorénavant, l'aide de la SDC sera
accordée à plus long terme tout en gardant un caractère
supplétif, car il est sûr
qu'il n'est pas question que la société prenne la place
des coopérants. Il faudra que les coopérants fassent
eux-mêmes leur travail de capitalisation, qu'ils y mettent de l'argent et
la SDC viendra jouer un rôle supplétif. On sait que, très
souvent, les travailleurs et les coopérants n'ont pas
nécessairement tout l'argent qu'il faut et c'est normal que nous
recherchions une solution pour ces gens.
La partie innovatrice du projet de loi est, sans conteste, M. le
Président, le programme de crédits coopératifs visant la
capitalisation de l'entreprise coopérative à long et moyen terme,
en privilégiant l'utilisation de la formule de garantie de prêt.
La durée du prêt, dans ces conditions, pourrait atteindre dix ans,
ce qui permettrait véritablement aux entreprises d'avoir une vraie
politique de capitalisation et de profiter pleinement des fonds
disponibles.
Comme le ministre le disait, ce programme de crédit
coopératif cherche à implanter de nouvelles coopératives
dans toutes les régions du Québec, à consolider celles en
opération, à maintenir ou à créer des emplois et
à stimuler le développement du secteur coopératif comme
composante de l'économie québécoise. Le ministre ajoutait:
Le moyen privilégié pour atteindre ces fins est la participation
au capital. C'est de cela fondamentalement dont il est question dans ce projet
de loi, M. le Président. Ce n'est pas des bebelles dont nous a
parlé le député de Laporte qui a intentionnellement
passé à côté, car on sait bien qu'il n'est pas
intéressé à parler du fond de la question, à parler
des avantages de cela. Car, il sait très bien à qui cela
profitera. Cela profitera aux travailleurs du Québec, aux simples
coopérants, aux petites gens qui mettent de l'argent pour le faire
fructifier. Ce ne sont pas ces gens qu'il défend habituellement, ce sont
des gens qui ont beaucoup d'argent généralement. Alors, c'est
bien différent comme approche, M. le Président. Je comprends son
discours, mais je pense qu'il est inacceptable pour des gens qui pensent
d'abord au progrès des petites gens.
Dans ce projet de loi, M. le Président, un principe est
consacré: celui de la capitalisation qui sera assurée par les
membres. Les investissements et le fonds de roulement seront payés par
les prêts conventionnels venant des institutions financières
où beaucoup d'argent est disponible et où il s'agit seulement
d'aller le chercher et de l'utiliser positivement. Cependant, comme le ministre
le disait aussi, un prêt de dernier recours sera possible, si c'est
jugé pertinent par la Société de développement des
coopératives dans le cas de refus des institutions prêteuses.
L'ampleur des prêts variera selon les entreprises, mais la
garantie se donnera en fixant un plancher et un plafond. La prudence veut, M.
le Président, qu'il y ait une limite aux risques que prendrait la SDC.
En fait, le projet de loi et sa réglementation prévoient la mise
en application de quatre programmes.
Je voudrais m'attarder brièvement sur le programme visant
à aider l'implantation de coopératives de travailleurs. Ce
programme vise à donner le coup de pouce, à s'associer au
démarrage de nouvelles coopératives dont les propriétaires
sont les travailleurs, parce que ce programme précis d'aide
financière, cherche à rejoindre un type de coopérative qui
existe sous différentes formes et. dont on n'a pas fini d'explorer tout
le potentiel pour le développement économique du Québec.
Je me réjouis que les travailleurs sachent que dans quelque temps, il
existera un moyen financier pour soutenir leur action de prise en main de
l'entreprise qui constitue ou constituera leur gagne-pain si les conditions
sont favorables à cette prise en main.
L'ojectif de la souveraineté économique, est toute aussi
valable pour une petite collectivité de travailleurs que pour un peuple,
en l'occurrence celui du Québec. L'aide financière, ainsi rendue
disponible, non seulement aidera des travailleurs à se prendre en main,
mais contribuera à la recherche des modèles les plus susceptibles
de bien servir l'intérêt des travailleurs et des travailleuses du
Québec.
Quant à la loi 63 dans son ensemble, pour conclure, M. le
Président, je dirais que le secteur des coopératives en est un
qui, sur le plan économique, peut contribuer à
accélérer la reprise économique. Ce secteur a
démontré, dans le passé, tout le potentiel qu'il est en
mesure de mettre au service du développement économique du
Québec.
J'ai la conviction qu'avec cet instrument précieux que sera la
nouvelle Société de développement des coopératives
et qu'avec les programmes d'aide technique et financière plus
adaptés aux besoins des années 1980 et 1990, que le projet de loi
63 rend possible, le secteur des coopératives va donner davantage sa
pleine mesure, particulièrement dans le contexte de la relance. Ce
projet de loi, par les mesures législatives qu'il contient et la
réglementation qu'il prévoit, va être le stimulant que le
monde de la coopération attend. Si M. le député de Laporte
veut bien se donner la peine de rencontrer le monde de la coopération,
s'il veut bien se donner la peine de téléphoner, comme lui
suggérait le ministre, cet après-midi, il apprendra que le monde
de la coopération est fort intéressé par ces changements
à la loi actuelle. Le monde de la coopération sait bien que cela
se fera à l'avantage de l'expansion économique du
Québec.
C'est pourquoi, M. le Président, je voterai pour les principes du
projet de loi 63. J'incite mes collègues de l'Assemblée
nationale à faire de même. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, nous en sommes
à étudier le projet de loi 63, Loi sur la Société
de développement des coopératives. Depuis bientôt dix ans,
tous les gouvernements du monde occidental font face à une impasse
financière qui fait non seulement beaucoup de bruit, mais
également beaucoup de victimes. La capacité de payer de
l'État est fortement réduite en raison d'une conjoncture
économique difficile, dont on s'entend de plus en plus à dire que
les causes ne sont pas que conjoncturelles, mais bien plus structurelles qu'on
ne l'avait imaginé à l'origine. L'État n'a plus les moyens
de procéder ou de soutenir les grandes réformes sociales
d'autrefois, tout au plus s'efforce-t-il de maintenir le statu quo et ce, avec
beaucoup de difficulté d'ailleurs. C'est dans ce contexte qu'on doit
situer la diminution à venir des paiements de transferts
fédéraux, la réduction des primes
d'assurance-chômage, il y a déjà quelques années, et
la moins bonne indexation des programmes fédéraux de
supplément au revenu. C'est dans ce contexte, également, qu'on
doit situer et saluer les réorientations budgétaires trop
tardives, hélas, à notre avis, du gouvernement du Québec.
Le taux de croissance de l'ensemble des dépenses publiques croîtra
en 1984-1985 de 7,7%, alors que les ministères à vocation
économique voient leurs crédits augmenter pour atteindre
13,8%.
Cependant, le gouvernement du Québec a eu, depuis 1976, une
gestion de ses activités si peu serrée et si mal suivie qu'il ne
peut même pas, aujourd'hui, assurer à ses citoyens qu'ils
continueront à bénéficier des programmes que le Parti
libéral avait pris des années à mettre sur pied depuis
1960. Le gouvernement du Parti québécois est aux prises avec une
dette de 21 000 000 000 $, qui atteindra durant l'exercice 1984-1985 24 000 000
000 $, et qui l'a obligé à couper les services de santé
d'un montant de 1 032 000 000 $ entre 1976 et 1983 et les dépenses de
l'éducation pour les universités de 47 000 000 $ pour la
période 1983-1986.
Cette crise financière, qui touche tous les États
industrialisés et qu'on qualifie de crise de l'État-providence,
exige des solutions originales. Celle que nous proposons depuis des
années, nous du Parti libéral, est de permettre aux individus,
aux divers groupes de la société de prouver eux-mêmes leur
dynamisme. Au niveau économique, cela se traduit par la confiance en
l'entreprise privée comme agent de développement
économique et par la confiance dans les coopératives, dont la
formule a fait ses preuves au Québec depuis de nombreuses années.
(17 h 50)
En résumé, si on veut faire face à
l'interventionnisme tant décrié de l'État, on doit, selon
les termes mêmes d'un éminent économiste, Pierre
Rosanvallon, accroître la visibilité sociale. Je le cite: "La
seule façon de réduire de manière non régressive la
demande de l'État consiste à favoriser la multiplication de ses
autoservices collectifs ou services publics ponctuels d'initiative locale." Ce
n'est qu'en 1979, avec Bâtir le Québec, que le gouvernement du
Parti québécois ose reconnaître enfin la
nécessité de créer et de maintenir des conditions
favorables au développement et au dynamisme des initiatives
privées.
On attend depuis, toujours, des mesures spécifiques sur la
fiscalité des entreprises et la déréglementation. Qu'il
suffise de mentionner qu'on attend du ministre des Finances depuis l'automne
dernier le fameux livre blanc sur la fiscalité. Dans le même
document, Bâtir le Québec, le gouvernement du Québec
déclare que le soutien à l'entreprise inclut, bien sûr, les
entreprises coopératives, qu'il entend considérer ces entreprises
coopératives comme un partenaire privilégié. Il ajoutait:
Là comme dans bien d'autres domaines, le gouvernement ne veut et ne peut
pas se substituer à la volonté et aux initiatives qui doivent
provenir des citoyens; il entend, par contre, créer des conditions
favorables à l'intensification et à la diversification de la
présence des coopératives. Nous pouvons donc comprendre, je
pense, que la volonté du gouvernement est d'aider, de soutenir les
coopératives, ces entreprises dites alternatives, en leur offrant des
conditions de développement favorables. Nous souscrivons
entièrement à cet objectif. On recense aujourd'hui plus de 2500
entreprises coopératives, qui regroupent 4 000 000 de membres avec un
actif qui atteint tout près de 20 000 000 000 $. On retrouve ces
coopératives dans tous les secteurs; d'abord, bien sûr, dans les
secteurs de l'épargne et du crédit, de l'agriculture, des
pêches et de la transformation alimentaire. Importantes bien sûr
pour certaines régions. On en retrouve également dans les
secteurs de la forêt et de la distribution alimentaire. Mais, au total,
les entreprises coopératives ne représentent qu'un peu plus de 3%
du PIB, le produit intérieur brut du Québec, la majeure partie
provenant du secteur de l'épargne et du crédit qui rassemble 61%
des entreprises coopératives.
Le fort développement dans ce secteur témoigne de la
vigueur des coopératives. C'est un développement semblable qu'il
faut
favoriser ailleurs, notamment dans les secteurs de la fabrication des
produits. Quand on sait que 100% des emplois au cours des cinq dernières
années ont été créés par les PME qui
comptent moins de 50 employés et qu'une grande partie des
coopératives sont justement des PME, il y a donc lieu de favoriser cet
entrepreneurship.
Par ailleurs, comment favoriser ce développement? Il est
largement reconnu que les problèmes auxquels font face les
coopératives sont d'abord et avant tout ceux auxquels sont
confrontées les PME, soit la sous-capitalisation et la gestion. Bien
entendu, je passe ici sous silence les tracasseries réglementaires,
encore prises à partie récemment devant la commission Saucier, et
la fiscalité qui, selon Statistique Canada, taxe à 44% les
entreprises ayant des actifs de moins de 1 000 000 $ et, par contre, de 30%
seulement les entreprises avec des actifs de plus de 25 000 000 $.
Relativement au problème de la sous-capitalisation, le
gouvernement entend, avec le projet de loi 63, accroître le capital de
risque disponible aux entreprises coopératives, notamment à
l'aide de garanties de prêts, à l'exemple de celles qui furent
annoncées en novembre 1983 par la SDI.
Je tiens simplement à mettre ici le ministre en garde quant
à la discrétion qu'il s'accorde sur la nouvelle
société. En effet, je vous réfère ici aux articles
17, 19 et 26, qui font de la nouvelle société un organisme soumis
aux priorités et directives du gouvernement et qui, en même temps,
ont pour but de subventionner des entreprises coopératives. Bien
sûr, maintenant, les fonds proviennent entièrement de ce
même gouvernement, contrairement à l'ancienne
Société de développement coopératif, qui
était une société mixte. Mais n'y aurait-il pas lieu
d'établir avec le Conseil de la coopération du Québec une
certaine forme de consultatation? Plutôt que d'éliminer
complètement le Conseil de la coopération du Québec, nous
suggérons que soit mis en place un mécanisme de
coopération.
On parle de coopérative, je pense qu'on peut sûrement ici
parler de coopération. Le Conseil de la coopération du
Québec devrait, à mon sens, être consulté
formellement quant à l'établissement des priorités de la
nouvelle société et à l'élaboration du plan d'aide
financière. Déjà, dans d'autres domaines, un rôle de
conseiller est confié à certains organismes. Pour ne prendre que
le plus récent, pensons au Conseil de la science et de la technologie
qui fait des recommandations et émet des avis publics sur les politiques
du ministère de la Science et de la Technologie. Dans le secteur des
coopératives, il nous semble nécessaire que le Conseil de la
coopération du Québec ait ce rôle de façon formelle
et ce, en raison d'abord du principe même des coopératives qui
vise une prise en charge du développement économique par le
milieu humain.
Ceci m'amène à m'interroger sur les intentions du
gouvernement en créant cette nouvelle société et aborder
le deuxième problème des coopératives, à savoir la
gestion. À l'article 14, le gouvernement affirme que la
société a pour but ou pour objet, et je cite: "...de favoriser la
création et le développement d'entreprises coopératives en
vue d'assurer, premièrement, une participation accrue de la population
à l'activité économique et deuxièmement, le
développement économique des régions et la création
d'emplois dans ces régions." Je me demande jusqu'à quel point le
gouvernement ne tente pas ici de récupérer les entreprises
coopératives pour en faire un instrument d'une politique
économique. Les deux sous-objectifs précédents sont, quant
à moi, superflus et ce, dans le sens suivant: En favorisant la
création et le développement d'entreprises coopératives,
les conséquences ne sont-elles pas, en pratique, de favoriser la
participation de la population à l'activité économique, de
développer les régions et d'y favoriser la création
d'emplois? Ces résultats économiques, louables, bien sûr,
sans contredit, mais découlant logiquement du développement des
coopératives et de tout autre développement économique ne
sont-ils pas, comme le note d'ailleurs le Conseil de la coopération du
Québec, un moyen de subordonner la fin première d'une
coopérative à ces effets secondaires? Le gouvernement entend-il
soutenir la création et le développement de coopératives
ou, au contraire, orienter le développement de celles-ci? Ce dont les
coopératives, à mon sens, ont surtout besoin, c'est d'une aide
technique, notamment en matière de gestion. Les cris d'alarme ne
manquent pas depuis cinq ans à cet effet. N'y aurait-il pas lieu de
faire mention plus explicitement de ces programmes d'aide qui constituent un
important besoin parallèlement à l'aide financière du
monde coopératif?
Ces besoins sont plus pressants que de soumettre les entreprises
coopératives, à mon sens, à des objectifs
d'indépendance par le biais de politiques d'autosuffisance ou sur le dos
de querelles fédérales-provinciales comme dans le cas des
pêcheries. Nous demandons au ministre si son objectif est bien de
favoriser, par divers incitatifs et programmes d'aide, la création et le
développement d'entreprises coopératives ou ne serait-ce pas
plutôt de mettre la main sur un mouvement qui, à vrai dire, s'est
développé comme une option à l'intervention
étatique sur la société?
L'impact économique des entreprises coopératives est
évidemment très grand. Ces entreprises coopératives sont
une source d'investissements privés irremplaçable dans
notre économie parce qu'elles favorisent notamment la prise en
charge par le milieu de son développement économique. Elle limite
par le fait même le besoin de recourir à des politiques
coercitives de tamisage de l'investissement étranger. Ensuite, le mode
de fonctionnement démocratique et participatif des coopératives
est, à mon sens, un atout essentiel dans le contexte actuel.
Au moment où l'on sent de plus en plus le besoin que la
société doive s'engager dans un nouveau partenariat
employeur-employés, basé sur la concertation plutôt que sur
la confrontation, les coopératives ont la possibilité de donner
foi à cet idéal. J'en ai à peine pour encore deux minutes,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): II est 18 heures. Est-ce
qu'il y a consentement?
M. Leduc (Saint-Laurent): Enfin, les entreprises
coopératives représentent une solution de rechange politique
à l'interventionnisme gouvernemental et au dirigisme étatique,
tant du point de vue économique, social que politique. Les entreprises
coopératives sont donc à la charnière des solutions
recherchées aujourd'hui dans notre société. C'est donc ce
mouvement qu'il faut stimuler et non étouffer, aider et non tenter de
redéfinir ou réorienter. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, il n'y a aucun
autre intervenant. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Bertrand: Donc, M. le Président, pouvons-nous
considérer que nous avons procédé à l'adoption du
principe du projet de loi?
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. Est-ce que le
principe de ce projet de loi est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, conformément à
l'article 236 de notre règlement et conformément aussi à
l'article 223 de ce règlement, je voudrais faire motion pour que nous
puissions procéder à l'étude détaillée de ce
projet de loi à la commission parlementaire permanente de
l'économie et du travail, à la salle 81, ce soir, à
compter de 20 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Donc, nos
travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise de la séance à 20 h 5)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez prendre place.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Merci, M. le Président. Pour des raisons
d'ordre technique, la commission de l'économie et du travail, qui devait
se réunir à la salle 81 immédiatement, se réunira
plutôt à la salle 91.
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord, l'avis est
donné.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Je vous demande maintenant, M. le Président,
s'il vous plaît, d'appeler l'article 1) du feuilleton et, si vous le
voulez bien, de céder la parole à M. le député de
Fabre.
Projet de loi 62
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président (M. Rancourt): Reprise du débat
ajourné le 2 mai 1984 sur l'adoption du principe du projet de loi 62,
Loi sur la Société de la Maison des sciences et des techniques.
M. le député de Fabre.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je pense utile
de rappeler les quelques principes que suggère ce projet de loi,
extrêmement important, présentement à l'étude devant
nous. Ce projet de loi pourvoit à la constitution et à
l'organisation de la Société de la Maison des sciences et des
techniques. Cette société aura pour objet d'établir,
d'administrer et d'exploiter la Maison des sciences et des techniques,
établissement destiné à promouvoir la culture scientifique
et à faire connaître les sciences et les techniques.
Nous avons, dans cette brève lecture que je viens de faire,
l'essentiel de ce projet de loi qui est présentement à
l'étude. Il serait utile, je pense, de rappeler aussi que
la création d'une maison des sciences et des techniques est une
idée qui germe depuis un certain temps puisqu'on la retrouve en termes
de proposition dans la Politique québécoise du
développement culturel en 1978. On la retrouve également
exprimée au sommet économique de Montréal, en 1979, sous
forme d'idée-clé pour le développement économique
de Montréal mais aussi pour le développement culturel des
Québécois.
Cette Maison des sciences et des techniques, le gouvernement du Parti
québécois en fait un élément de son plan de
relance. Je pense qu'il s'agit d'un élément extrêmement
important puisque l'investissement total que va représenter la Maison
des sciences et des techniques est de l'ordre de 100 000 000 $.
Je reviendrai sur cet aspect important que représente la Maison
des sciences et des techniques. En attendant, je veux parler un peu des
consultations qui ont précédé le projet de loi 62 qui est
devant nous.
Il serait bon de rappeler que le 19 décembre 1983, le ministre de
la Science et de la Technologie, M. Gilbert Paquette, et le président du
conseil exécutif de la ville de Montréal, M. Yvon Lamarre,
rendaient public le rapport sur la Maison des sciences et des techniques
produit par le groupe de travail de la Commission d'initiative et de
développement économique de Montréal, appelé
familièrement CIDEM, et un groupe de travail nommé par le
Secrétariat à la science et à la technologie.
Lors de la conférence de presse qui rendait le rapport public, le
ministre annonçait la création d'un comité de
consultation. Il invitait toute personne ou organisme intéressé
au projet à participer à la consultation. Il est bon de rappeler
que, tant en nombre qu'en qualité, la participation des publics à
la consultation a dépassé toute attente. Le secrétariat a
posté plus de 200 rapports et, en contrepartie, dans les délais
alloués à la consultation, soit du 19 décembre 1983 au 21
février 1984, le comité a reçu 79 mémoires et
autant de personnes et d'organismes, sinon davantage, ont communiqué
leur avis par téléphone. Tous, M. le Président, et ce
à l'unanimité, souhaitaient la création d'une telle
institution à Montréal, allaient même jusqu'à
endosser les recommandations des groupes de travail et, par le fait même,
jugeaient inutile de soumettre un rapport. Dans le rapport final qui a
été remis, on note que tous les mémoires et tous les
participants s'accordent sur la nécessité de doter le
Québec d'un établissement culturel à vocation scientifique
et technique.
Dans ce rapport, il est également question du site de la Maison
des sciences et des techniques. Pour les gens qui ont présenté le
rapport, la question du site ne présentait pas un intérêt
primordial puisqu'il n'y a que quinze mémoires qui ont exprimé
une opinion sur la question du site. Je mentionne, malgré tout, cette
question parce que le site de la Maison des sciences et des techniques a fait
l'objet d'un débat public à savoir, doit-on choisir l'emplacement
de l'île Sainte-Hélène ou l'emplacement du Vieux-Port? J'en
parle également parce que l'Opposition et, en particulier, la principale
porte-parole de l'Opposition qui en a fait une question probablement plus
importante que les gens qui ont présenté les mémoires, a
tout de même présenté cette question comme étant
d'importance. Effectivement, on peut s'interroger à savoir si un site
est préférable à un autre. Je voudrais simplement rappeler
qu'encore une fois il n'y a que quinze intervenants qui se sont
prononcés sur la question, la majorité légèrement,
il est vrai, en faveur du Vieux-Port.
Par contre, il y a eu des intervenants extrêmement importants dont
le RCM qui a rappelé que les deux sites ne devaient pas être vus
en opposition, mais plutôt comme un ensemble complémentaire. Tous
ceux qui se sont exprimés sur le site ont jugé que les deux
finalement étaient un bon choix. Les différences d'opinions
reposaient surtout sur l'évaluation des deux sites proposés quant
à leur contribution au succès de la maison. Je pense qu'il ne
faut donc pas faire de cette question du site une question centrale dans ce
projet de loi ou dans la création de cette société.
L'important, c'est que la décision a été prise et que
cette décision reflète la volonté politique du
gouvernement d'aller de l'avant. À cet égard, le projet de loi
mérite non seulement toute notre attention, mais tout notre appui. Je
suis heureux de voir que l'Opposition partage, en fait ne conteste pas
l'à-propos de la construction de la Maison des sciences et des
techniques. L'Opposition se demande, cependant, si c'est un choix
prioritaire.
Je crois et de ce côté-ci de la Chambre nous croyons qu'il
s'agit d'une question prioritaire non seulement parce qu'il s'agit d'une
pièce importante de la relance économique - encore une fois, il
s'agit d'un investissement de 100 000 000 $ - mais parce que cet investissement
constitue une pièce maîtresse pour le développement
culturel, le développement culturel et scientifique des
Québécois et des Québécoises.
En fait, M. le Président, la tradition scientifique au
Québec n'est pas nouvelle. Il existe au Québec plus de 60 000
amateurs de loisirs scientifiques et plus d'une douzaine de musées
scientifiques régionaux. Une étude du gouvernement
fédéral a même démontré que les
Québécois sont plus intéressés que les Canadiens
aux questions scientifiques et technologiques.
Il est bon de rappeler que le Québec a
vu naître au cours des dernières années une
multitude d'organismes et d'événements qui ont assumé le
mandat d'animation et d'information scientifique auprès de la
population. Je me permets d'en mentionner un certain nombre pour montrer que ce
musée, cette Maison des sciences et des techniques, apparaît dans
un environnement québécois qui est pleinement prêt à
le recevoir. Je voudrais rappeler qu'il existe au Québec 400 groupes qui
s'occupent d'animation scientifique et qui touchent plus de 60 000 personnes.
Je voudrais rappeler que la semaine des sciences tient annuellement plus de 450
activités dans toutes les régions du Québec, que le Salon
des sciences et de la technologie attire plus de 100 000 visiteurs depuis deux
ans, que le service d'information Hebdo-Science fournit des articles aux hebdos
locaux et régionaux du Québec, que les expos-sciences
régionales ont été visitées par plus de 125 000
personnes l'an dernier.
Toutes ces réalisations ont contribué à
développer l'intérêt du public pour les questions
scientifiques et techniques et toutes ces réalisations ont trouvé
leur origine au sein d'organismes d'animation de loisirs scientifiques. Ce
dynamisme à la base développé au Québec doit
être encouragé et développé. En ce sens, la Maison
des sciences et des techniques peut jouer un rôle extrêmement
important pour le rayonnnement de la culture scientifique et technique au
Québec.
Cette maison, j'en dis quelques mots parce qu'elle doit revêtir un
caractère original puisque son objectif est d'attirer le grand public.
En fait, on parle même d'un objectif de 1 000 000 de visiteurs par
année. Il est certain que cette maison des sciences aura
également un rayonnement à l'extérieur du Québec et
que, parmi ce 1 000 000 de visiteurs, des milliers et des milliers viendront de
toutes les parties de l'Amérique. Ce sera là une contribution
importante à l'industrie du tourisme au Québec.
Je disais, M. le Président, que cette maison doit revêtir
un caractère original, un caractère populaire. Elle ne doit pas
prendre la forme d'un musée, d'objets présentés au public.
En fait, il s'agit plutôt d'une maison - appelons-la un musée sans
collection, si on veut - où l'accent est placé sur la
participation des visiteurs et, en particulier, des visiteurs jeunes.
On connaît déjà cette forme de musée, M. le
Président, aux États-Unis, dans plusieurs grandes villes. Il
s'agit d'un endroit qui répondra aux besoins d'information scientifique
et technique du public québécois et, je le répète,
de l'Amérique entière. Elle aura pour mission particulière
un rôle éducatif, un rôle de vulgarisation. On sait que la
science et les techniques sont arides, mais cela peut être
présenté de façon agréable; cela peut être
présenté de façon à attirer la participation du
grand public. C'est précisément l'objectif visé par cette
maison, de vulgariser les sciences et les techniques, de rendre ce qui est
normalement aride à la portée du grand public et,
également, de mettre en valeur - et c'est un élément
important - le patrimoine scientifique et technique du Québec. Nous
avons de grandes réalisations qui se concrétisent depuis de
nombreuses années dans nos universités, dans nos collèges
et dans nos industries. (20 h 20)
Il serait intéressant que le public prenne connaissance de ces
réalisations et qu'elles soient mises et expliquées au grand
public. Il est important - je me situe ici plus dans l'axe de l'avenir - il est
extrêmement important aussi pour nous de préparer la relève
scientifique au Québec. Je pense que j'ai bien démontré
que l'intérêt pour les activités scientifiques existe un
peu partout au Québec dans nos régions, mais une Maison des
sciences et des techniques aura pour effet de décupler toutes ces
réalisations en région dans tout le Québec, et j'insiste
sur l'aspect rayonnement qu'aura cette Maison des sciences et des techniques
sur l'ensemble du Québec dans toutes les régions, là
où existe déjà une infrastructure des activités ou
des réalisations scientifiques et techniques. C'est donc une maison qui
va contribuer au développement économique de la grande
région métropolitaine, mais c'est aussi une maison de culture qui
va contribuer au rayonnement culturel et scientifique pour tous les
Québécois. Beaucoup de groupes qui se sont
présentés devant le comité de consultation ont
insisté sur l'aspect rayonnement que devait avoir cette maison, sur les
liens que devait avoir cette maison avec les centres régionaux, encore
une fois, insistant sur l'aspect rayonnement éducatif et culturel
qu'aura cette maison non seulement sur Montréal, mais sur l'ensemble du
Québec.
Je termine, M. le Président, en insistant encore une fois sur un
des aspects fondamentaux de ce projet de loi, soit la relance
économique. On sait que pour le gouvernement, la relance
économique et les projets qui s'élaborent à partir de
cette volonté gouvernementale sont extrêmement importants. Le
projet de loi qui est devant nous, c'est-à-dire la réalisation
d'une Maison des sciences et des techniques, va représenter pour
l'économie montréalaise un investissement de plus de 100 000 000
$. Cela va représenter également un impact extrêmement
important sur l'industrie touristique puisqu'on compte attirer des milliers de
visiteurs des États-Unis et des autres provinces canadiennes. Cela aura
un impact important sur la création d'emplois, puisqu'on parle d'une
création d'emplois totale pour 5000 personnes qui auront
l'occasion de travailler d'une façon ou d'une autre à la
réalisation de ce projet.
Encore une fois, je pense qu'il s'agit d'un des projets de loi les plus
importants que nous avons à étudier durant cette session. Pour
nous, en tout cas du côté ministériel, il s'agit d'une
grande fierté, non seulement pour Montréal mais pour le
Québec tout entier. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): Nous en sommes à étudier
le projet de loi 62, Loi sur la Société de la Maison des sciences
et des techniques. C'est depuis bientôt dix ans que des politiques
scientifiques sont définies par les gouvernements et
étudiées de façon systématique par les intervenants
sociaux intéressés au développement économique.
En arrière-plan de cet intérêt toujours croissant,
on retrouve l'hypothèse que les États doivent établir des
priorités scientifiques pour stimuler l'innovation technologique et
industrielle afin de demeurer concurrentiels. Demeurer concurrentiel, voici le
véritable problème. C'est d'ailleurs le choix qui s'offre
à notre société: ou bien nous prenons le virage
technologique pour devenir plus concurrentiels, ou bien nous sommes les grands
perdants.
Il n'est pas sûr que l'on soit encore bien conscient de cette
alternative. On n'a qu'à regarder le classement du Canada en termes de
compétitivité en 1983 pour s'en convaincre. Selon la fondation
European Management Forum, qui a fait un classement de douze pays
industrialisés selon leur degré de compétitivité,
le Canada se classe au onzième rang, soit l'avant-dernier. Et nous avons
déjà été en deuxième place.
Les études de l'OCDE vont dans le même sens. La croissance
de notre productivité est en retard par rapport à la plupart de
nos concurrents depuis le milieu des années soixante-dix. S'il est vrai
qu'actuellement notre productivité augmente, nous devons cependant
réaliser malheureusement qu'elle augmente plus rapidement chez nos
concurrents. Les causes de cette situation peu reluisante relèvent,
à mon sens, de deux grandes raisons: D'abord, on accuse les contraintes
législatives multiples qui assaillent l'entreprise. Toute cette question
fait référence à la réglementation gouvernementale.
C'est d'ailleurs la principale limite, selon une firme américaine sur
l'implantation de hautes technologies dans la région de
Montréal.
La deuxième raison de l'absence de compétitivité au
Canada relève, en dernier ressort, de nos politiques industrielles et
technologiques. C'est le manque d'efficacité industrielle, le manque
d'innovation et le peu de recherche et de développement. Qu'il suffise
de rappeler ici qu'en 1980 on a consacré au Québec, à la
recherche et au développement, 640 000 000 $ alors qu'en Ontario on
affectait tout près de 1 600 000 000 $.
Dans une économie aussi ouverte que celle du Canada ou celle du
Québec, où près du tiers, en ce qui concerne le Canada, du
PIB provient des exportations et, au Québec - il faut le mentionner -
40%, soit plus que le ratio qui existe au Canada, on se doit d'être
compétitif pour conserver une position enviable sur le marché
mondial. Il s'agit bien d'un marché mondial et surtout quand on sait que
73% de nos exportations vont vers le pays qu'on dit le plus compétitif
au monde, les États-Unis. D'ailleurs, les entreprises qui semblent se
remettre le mieux de la récente récession économique sont
celles vouées avant tout à l'exportation. En effet, ce sont les
exportations de biens manufacturés qui ont réduit le
déficit de la balance commerciale de 21 000 000 000 $ en 1982 à 8
000 000 000 $ l'année dernière.
Si nous ne voulons pas devoir recourir à des mesures
protectionnistes d'ici à quelques années, nous devons miser
immédiatement sur la stratégie gagnante, soit celle qui nous
permettra d'augmenter notre productivité. Cette stratégie, c'est
celle du virage technologique. Alors qu'on prévoit une augmentation de
la productivité de seulement 1% par année d'ici 1988 et alors que
le Canada a déjà entamé des discussions avec les
États-Unis sur un libre échange sectoriel qui aura pour effet
d'accroître la concurrence, l'urgence est pressante de prendre le virage
technologique.
Face à cet envahissement de nos vies par ce qu'il est convenu
d'appeler la révolution technologique, plusieurs groupes ont pris le
devant pour en dénoncer les ravages. Certains mentionnent les risques
nucléaires, d'autres la pollution environnementale, d'autres le
chômage qui ne sont, dorénavant, plus considérés
comme le prix inévitable qu'il faille payer pour l'avancement
technologique et le progrès. Toujours selon l'OCDE, c'est grâce
à ces groupes d'intervenants et de contestataires divers que lentement
les gouvernements de plusieurs pays se sont mis à considérer les
répercussions sociales des changements technologiques et non plus
seulement ses répercussions économiques.
Mais là comme ailleurs, une idée plutôt navrante, je
dirais même plutôt négative, est demeurée dans
l'esprit de nombreuses personnes face aux nouvelles technologies et à
tous ces "tiques" que nous ne comprenons d'ailleurs pas toujours très
bien. Il nous reste donc à impliquer davantage le citoyen dans ce
débat et à l'informer un peu plus
adéquatement.
La Maison des sciences et des techniques doit relever ce défi et
servir ainsi d'instrument d'éducation populaire face à la
science, aux nouvelles technologies et aux interactions entre les changements
techniques et le développement économique et social. En ce sens,
la Maison des sciences et des techniques ne peut avoir l'unique objectif de
démystifier la science et les techniques mais surtout, elle doit
incarner l'objectif d'informer sur le sens de l'évolution des
changements technologiques passés, présents et à venir.
Elle doit chercher non pas à influencer, mais à alimenter les
attitudes face aux changements technologiques et à stimuler les
connaissances et la curiosité face aux opportunités nouvelles qui
s'offrent à nos sociétés, et ce en inscrivant les
changements dans leur histoire économique et sociale et non dans le
fatalisme d'un progrès tant remis en cause. (20 h 30)
À côté de cet objectif premier d'éducation
populaire, la Maison des sciences et des techniques possède cet autre
avantage qu'elle sera un attrait touristique supplémentaire pour la
métropole qu'est Montréal. Dans le contexte économique
actuel, avec tous les efforts de revitalisation de Montréal en cours
actuellement et également ceux à venir, cet atout n'est
sûrement pas négligeable.
Cependant, le Québec a-t-il les moyens financiers de se permettre
un tel investissement, un investissement de cette nature et de cette ampleur,
dont les estimations sont de 100 000 000 $ à 120 000 000 $? Depuis 1976,
on s'appauvrit plus au Québec qu'on s'enrichit. Pour une augmentation de
120,5% du produit intérieur brut, on a assisté à une
augmentation de 167,3% des dépenses du gouvernement. Donc, les
dépenses vont nettement plus vite au Québec que les revenus. On
s'appauvrit nettement plus vite qu'on s'enrichit. La marge de manoeuvre du
gouvernement est fortement entravée par une dette connue de 21 000 000
000 $ qui atteindra, bien sûr, 24 000 000 000 $ cette année et par
un déficit annuel, je dirais, institutionnalisé, de plus de 3 000
000 000 $ et dont 80% servent aux seules dépenses courantes. On affecte
au service de la dette 2 300 000 000 $ annuellement, soit près de 10% du
budget annuel du Québec.
En réalité, le gouvernement du Parti
québécois s'est mis dans une situation financière si
précaire depuis huit ans qu'il jette aujourd'hui le doute sur un projet
qui devrait normalement aller de soi. C'est déjà depuis quelques
années que la Maison des sciences et des techniques aurait dû
être dans les priorités du gouvernement. Mais, à
l'époque, on s'intéressait plutôt aux querelles
fédérales-provinciales; tout ce qui était
économique et technologique ne méritait même pas le statut
de priorité gouvernementale, ni même l'attention des
ministères à vocation économique.
De l'autre côté de l'Assemblée nationale, on a
préféré plutôt s'attaquer au gouvernement
fédéral, l'ennemi no 1, l'ennemi à abattre pour le
gouvernement péquiste. Il suffit de rappeler ici les affrontements
stériles auxquels nous avons tous, malheureusement, eu droit depuis
quelques années. Il suffit de mentionner la motion d'octobre 1981, la
motion Duhaime concernant le corridor électrique, la loi 62 concernant
la nouvelle loi constitutionnelle, sans oublier les confrontations actuelles
avec les projets de loi 38 et 48 qui constituent des batailles de drapeaux
absolument inutiles pour le Québec. Pendant ce temps, que fait-on de
l'économie et des politiques industrielles et technologiques? Il a fallu
attendre 1984 pour voir le projet de la Maison des sciences et des techniques,
c'est-à-dire à un moment où l'on doit se demander si nous
avons toujours les moyens financiers de le mener à bien.
C'est le gouvernement du Parti québécois lui-même
qui, mettant de l'avant ce projet de haute culture scientifique et
technologique, se voit obligé de sabrer d'autre part dans les
dépenses d'éducation. Il coupe les budgets des universités
- c'est bien connu - ces institutions qui sont pourtant le véhicule par
excellence de la science. Il a procédé à des coupures
budgétaires de 20 000 000 $ lors du dernier exercice financier et il
s'apprête à couper à l'automne dans le budget des
universités, un autre montant de 27 000 000 $, malgré les
nombreux avis que lui adressent depuis longtemps, depuis fort longtemps, le
Conseil supérieur de l'éducation, plus récemment le FCAC,
le Fonds pour la formation de chercheurs et d'action concertée, et, hier
encore, le Conseil des universités sur des réalités aussi
cruciales que le vieillissement du corps professoral et des chercheurs, la
pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans certaines professions
spécialisées et l'équipement vétuste et insuffisant
dans les salles et laboratoires d'étude et de recherche. Tout cela, M.
le Président, sans oublier la recommandation récente du Conseil
du trésor visant à réduire de 25% l'espace
universitaire.
Nous pourrions donc assister, avec la Maison des sciences et des
techniques, au même scénario, soit un musée qui ne saura
dûment fonctionner faute de ressources adéquates. D'abord,
d'où viendront les 10 000 000 $ ou 15 000 000 $ nécessaires au
fonctionnement annuel de la Maison des sciences et des techniques? Devrons-nous
couper davantage les dépenses de l'éducation ou est-ce que ce
sera la dette qui financera encore le tout en commençant, bien
sûr, par
les 120 000 000 $ nécessaires à la construction de la
Maison des sciences et des techniques? Cela fait énormément de
défis à relever pour ce gouvernement, au point qu'il nous est
permis de douter de leur réalisation.
C'est donc à court de ressources financières que le
gouvernement entreprend ce grand projet qui mérite, effectivement, toute
l'attention et tous les deniers requis si l'on veut éviter le fiasco des
microordinateurs. Comme nous sommes tous désireux de donner suite au
projet de la Maison des sciences et des techniques, mais comme nous sommes tous
également désireux de maximiser l'utilisation des deniers
publics, n'y aurait-il pas lieu d'évaluer toute la question en fonction
de cet aspect financier, entre autres? Si, aux yeux du ministre de la Science
et de la Technologie, aussi bien le Vieux-Port que l'île
Sainte-Hélène sont tous les deux d'excellents sites, nous devons
lui rappeler que la Société du Vieux-Port offre
inconditionnellement l'emplacement de la future Maison des sciences et des
techniques.
Peut-on tout autant dire que le choix du ministre est inconditionnel
alors qu'il nous affirme que si le site n'est pas l'île
Sainte-Hélène, les crédits ne lui seront pas
accordés? De plus, il n'est pas dit que l'offre relative au Vieux-Port
soit fermée. Il suffirait au ministre pour une fois qu'il tente
sérieusement de négocier avec un organisme fédéral
pour finalement obtenir des subventions intéressantes puisque le
Vieux-Port revitalisé et la nouvelle Maison des sciences et des
techniques profiteront bien sûr l'un à l'autre. Cette
négociation aurait d'autant plus de chance de réussir que le
Vieux-Port est en concurrence avec un autre site et que l'Ontario Science
Center a profité, lui, de l'aide fédérale.
Si, comme le prétend le gouvernement péquiste, le
fédéralisme n'est pas rentable, alors, ne laissons pas passer,
qu'il ne laisse pas passer cette occasion admirable d'aller chercher les
deniers publics qui nous sont dus et qui, je pense, jusqu'à maintenant,
nous ont été offerts. Sans pour autant réduire le
coût de la Maison des sciences et des techniques, puisque l'argent
fédéral provient aussi des contribuables québécois,
cette stratégie aurait l'avantage de le partager et, par
conséquent, de réduire la mise de fonds provinciale et le
financement total du projet.
Parallèlement à cette question financière, nous
voudrions que le ministre tienne compte des considérations
économiques de la Maison des sciences et des techniques pour
Montréal. Si le ministre voulait bien prendre soin d'étudier la
question de l'emplacement dans une perspective touristique, bien sûr,
mais également dans une perspective de développement
économique de Montréal, il s'avérerait probablement que le
Vieux-Port recèle des avantages indéniables et non
négligeables.
Premièrement, le Vieux-Port possède une vocation
muséologique et patrimoniale en voie de développement. Cette
vocation risque d'ailleurs d'entraîner un développement
périphérique urbain, résidentiel et commercial - ou
résidentiel ou commercial - dont ne saura que bénéficier
la Maison des sciences et des techniques. À l'opposé, l'île
Sainte-Hélène, avec sa vocation récréologique et de
plein air, se trouve éloignée du milieu de vie urbain essentiel
à la Maison des sciences et des techniques. Jamais ne pourront et ne
voudront venir s'y établir les compléments urbains que recherche
par exemple un touriste. À cet égard, il n'est qu'à
observer la fréquentation de l'Ontario Science Center pour s'apercevoir
que plus on augmente les obstacles à l'accessibilité, plus la
popularité décroît. Sur ce point, on peut noter ici que le
rapport de la CIDEM avançait pour chaque site, et je dis bien pour
chaque site, un avantage, l'île possédant une ligne de
métro, mais le Vieux-Port étant plus accessible. On pourrait
peut-être même envisager la possibilité de faire financer la
station de métro qui desservirait le Vieux Port par le gouvernement
fédéral, étant donné son intérêt
très manifeste et manifesté dans le développement du
Vieux-Port. (20 h 40)
Pourquoi a-t-on ramené vers le centre-ville le Musée d'art
contemporain, sinon pour des raisons d'accessibilité? Si, comme le
prétend l'AMARC, l'île Sainte-Hélène est si
populaire, en quoi a-t-elle besoin de la Maison des sciences et des techniques?
Si on se rend en si grand nombre à l'île
Sainte-Hélène, c'est sûrement pour ce qui s'y trouve
déjà actuellement.
Deuxièmement, le Vieux-Port fait déjà partie d'un
territoire urbain auquel on cherche par tous les moyens à redonner une
vigueur économique. N'a-t-on pas construit tout près le Palais
des congrès ainsi que le complexe Guy-Favreau? Ainsi, ne serait-ce pas
dans la poursuite logique de cette orientation que devrait se construire la
Maison des sciences et des techniques?
En réalité, la question est beaucoup plus complexe que ce
qu'on a bien voulu croire ou laisser croire. Il ne s'agit pas uniquement de se
demander ce que tel ou tel site peut faire pour la Maison des sciences et des
techniques comme plusieurs qui ont présenté des mémoires
l'ont fait, avec des raisons valables, lors des audiences, ni de se demander
uniquement ce que la Maison des sciences et des techniques peut faire pour tel
ou tel site, comme le sous-tend le choix d'emplacement du gouvernement. Une
fois le bien-fondé et la vocation éducative de la Maison des
sciences et des techniques admis, il s'agit de se poser en même temps les
deux questions suivantes: Qu'est-ce que tel ou tel site peut faire pour la
Maison des sciences et des techniques? Qu'est-ce que la
Maison des sciences et des techniques peut en revanche faire pour tel ou
tel site et pour Montréal en général? Le gouvernement ne
peut actuellement répondre à ces deux questions de façon
adéquate.
À la première question: Qu'est-ce que tel ou tel site peut
faire pour la Maison des sciences et des techniques? Il répond sur la
base de considérations indépendantistes inavouées:
L'île est préférée parce que le Vieux-Port est la
propriété du gouvernement fédéral. À la
deuxième question: Qu'est-ce que la Maison des sciences et des
techniques peut faire pour tel ou tel site? Il répond: II s'agit de
rentabiliser Terre des hommes d'abord, sinon, pas de crédit.
À la suite de plusieurs, nous sommes obligés de nous
demander si le ministre veut ériger la Maison des sciences et des
techniques là où la population se trouve, ou là où
il aimerait qu'elle se trouve. Vaut-il la peine de risquer un projet de cette
envergure en liant son avenir au sort espéré de l'île
Sainte-Hélène? Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. Je suis heureux
à mon tour de prendre quelques minutes pour intervenir sur le projet de
loi 62, loi permettant la création de la Maison des sciences et des
techniques de Montréal.
Je dois dire en commençant que je suis assez heureux de voir que
le principe même d'ériger une Maison des sciences et des
techniques au Québec, spécialement à Montréal,
reçoit l'appui presque unanime de tous, même de nos amis
libéraux. C'est encourageant.
Par contre, ce qui est inquiétant, c'est qu'on nous demande, en
disant qu'on est d'accord et que c'est utile... On nous dit même qu'on
est en retard, parce que cela s'est fait ailleurs, à Toronto, à
Philadelphie, à Boston et dans les autres grandes villes. Pendant qu'eux
faisaient cela au début des années soixante-dix, les gens qui
étaient au pouvoir à ce moment-là n'ont rien fait, n'ont
jamais parlé de virage technologique, de sciences ou de technologie.
Pendant que le reste du monde était en train de prendre le virage
technologique, les amis d'en face attendaient que le développement
vienne d'ailleurs.
Aujourd'hui, ayant décidé d'aller de l'avant, on nous dit:
Est-ce le temps? Est-ce qu'on a les moyens? Je vais retourner la question:
Est-ce que la société québécoise a les moyens
d'attendre plus longtemps pour se donner un équipement aussi
indispensable pour l'avenir de tous les Québécois et
spécialement celui des jeunes? C'est complètement impensable
qu'on veuille retarder un projet semblable. On nous demande si on a les moyens
et on nous apporte le chiffre de 120 000 000 $. Ce montant,
échelonné sur plusieurs années -parce que ce n'est pas un
édifice qu'on va pouvoir ériger le mois prochain ou dans
l'année qui vient; c'est un projet à long terme. Plus on retarde
le développement économique du Québec, plus on met en
péril la jeunesse, c'est-à-dire l'avenir du Québec.
C'est incroyable de demander si on a les moyens. Comment peut-on poser
des questions semblables en rapportant toutes sortes de chiffres? On peut
parler de chiffres tant qu'on voudra, mais sur le plan économique, ce
n'est pas du gaspillage que de penser à une Maison des sciences et des
techniques. La preuve, c'est que jamais ils ne reviennent là-dessus.
C'est un investissement. Comment un investissement peut-il être du
gaspillage? Comment peut-on retarder un investissement aussi important? Je ne
comprends pas qu'on se pose des questions semblables et qu'on essaie encore de
toujours chercher des bibites noires. C'est normal pour l'Opposition, sauf
qu'il y a une façon positive qui pourrait être faite.
Malheureusement, ce n'est pas ce qu'on fait.
On ne s'arrêtera pas là-dessus; pour nous, c'est un projet
intéressant; c'est un projet indispensable. Cela fait partie d'un
ensemble vers le développement technologique du Québec. On n'a
pas le choix; il faut prendre le virage technologique sans faute. Si les gens
qui étaient au pouvoir avant nous ne l'ont pas pris et ont
retardé, la seule chose qu'on doive se permettre et je dirais même
qu'on doive s'obliger à faire, c'est d'aller plus vite et ne pas
attendre. Ce n'est pas parce qu'on va construire une Maison des sciences et des
techniques à Montréal qu'on néglige le reste pour autant.
Cela est important. C'est un élément très important dans
le plan de relance économique, qui s'appelle AGIR, dont le premier
ministre faisait l'annonce à l'automne dernier. Oui, c'est un
élément très important, parce que cela vient, en fait,
comme le disait mon collègue de Saint-Laurent tantôt, populariser,
vulgariser l'ensemble du secteur technologique. On n'a pas le choix, il va
falloir que tout le monde s'habitue à vivre avec le virage
technologique.
Comme citoyen, comme société, on peut avoir deux
comportements: l'un où on essaie de l'ignorer et on se fait des peurs
avec, en disant que cela va prendre la place de tout le monde et que ce ne sera
pas vivable, ou on fait comme d'autres sociétés ont fait,
d'autres sociétés qui l'ont pris avant nous le virage
technologique. Elles se sont habituées à l'utiliser pour leur
développement économique, à s'informer, à informer
leur population. Finalement, elles l'utilisent comme un outil de
développement
économique. On peut ou se faire des peurs avec le
développement ou essayer de le maîtriser, l'utiliser pour le
mieux-être de l'ensemble de la population et de tous les citoyens.
Cela fait partie du programme de relance économique, parce que
c'est un investissement important. On parlait tantôt de 120 000 000 $
environ sur plusieurs années, c'est un investissement qui va
générer d'autres investissements, qui va être
multiplicateur et qui va faire en sorte qu'on va être reconnu pour ce
qu'on est. Il ne faudrait pas l'oublier. Ce n'est pas nous, c'est une maison de
spécialistes de New York qui a déclaré, l'automne dernier,
que le meilleur endroit en Amérique du Nord pour implanter des centres
dans la technologie, des usines de transformation reliées à la
technologie, c'est Montréal. Qu'on vienne nous dire que cela n'a pas de
bon sens, que ce n'est pas avantageux d'investir ici, il faudrait regarder ce
qui se dit ailleurs et non pas seulement regarder ce que les gens de
l'Opposition voudraient que tout le monde dise parce que c'est ce qu'eux
essaient de véhiculer. Politiquement, c'est peut-être bon, mais
économiquement, il faudrait arrêter de dire que tout va mal quand
il y a des choses qui nous prouvent que ce n'est pas vrai que tout va mal.
Montréal est reconnue, en Amérique du Nord, comme la ville
où c'est le plus payant de venir investir dans la technologie. On a beau
regarder les autres endroits comme Boston, Chicago, New York, San Francisco,
n'importe quelle autre ville comme des endroits prometteurs, des endroits
payants pour investir, mais ce sont même les Américains, des
firmes de spécialistes qui viennent nous dire que c'est Montréal
le meilleur endroit pour investir. Pourquoi? Précisément parce
que le gouvernement du Québec aide les entreprises à prendre le
virage technologique, aide les gens qui veulent faire de la recherche et du
développement au Québec, et même, le gouvernement
s'implique directement dans des centres de recherche. La Maison des sciences et
des techniques va venir compléter, va venir vulgariser, va venir aider
les gens à mieux comprendre et mieux maîtriser la science, la
technologie, les changements avec lesquels on doit s'habituer à vivre et
va surtout aider nos entreprises, à mon avis, à vivre avec d'une
façon quotidienne à s'ajuster, à adapter leur production
pour nous permettre évidemment de produire davantage pour exporter.
Mon collègue de Saint-Laurent avait tout à fait raison
quand il disait qu'il faut orienter notre développement de plus en plus
vers l'exportation. Évidemment, c'est une réalité. On est
6 500 000 Québécois. On a amplement de richesses naturelles. On
peut produire, sauf qu'il faudra exporter de plus en plus. Actuellement, 40% de
notre production est exportée. C'est bien beau de parler d'exportation,
cela veut dire qu'il faut être productif pour être concurrentiel.
Une façon de le faire, et même la seule façon de le faire,
c'est de prendre le virage technologique. On n'a donc pas le choix de le
retarder. Comme je disais tantôt, cela fait partie de l'ensemble d'aide,
de programmes, de projets, que le gouvernement met à la disposition des
entreprises justement pour que le virage technologique ne soit pas seulement la
Maison des sciences et des techniques, mais que ce soit l'ensemble de la
population et l'ensemble du secteur manufacturier qui puisse en profiter. (20 h
50)
Dès aujourd'hui, le ministre de la Science et de la Technologie
annonçait d'autres programmes d'aide aux entreprises, justement
reliés au virage technologique. C'est bon de le rappeler. Ce sont aussi
des investissements. Ce sont des investissements dans nos entreprises. C'est le
soutien au transfert des ressources scientifiques vers l'entreprise.
Voilà un programme, M. le Président. Le deuxième le
soutien à l'emploi scientifique. Mon collègue disait
tantôt: II ne faudrait pas tout mettre là-dessus; il faudrait en
mettre aussi sur la recherche dans les universités et ailleurs. On le
met maintenant, parce que la maison va commencer dans quelques mois, sinon
l'année prochaine seulement. On n'attend pas, on aide nos entreprises et
nos universités à prendre justement le virage technologique. Un
autre, le renforcement des liaisons universités-industries et de la
recherche dite de transfert. Il faut mettre en liaison tous nos centres de
recherche, qu'ils soient industriels ou qu'ils soient dans nos
universités, pour le mieux-être de l'ensemble de la population,
parce que c'est ainsi qu'on va produire davantage et qu'on va créer des
emplois.
Donc, M. le Président, je n'endosse pas du tout le discours des
gens qui disent qu'on n'a pas les moyens et que ce n'est pas le temps. Je dis
plutôt: On n'a plus les moyens, comme société, d'attendre
plus longtemps. C'est le temps maintenant et cela aurait été le
temps même avant 1976. Mais cela ne s'est pas fait.
Le projet de loi créant la Maison des sciences et des techniques
impliquera un investissement important. Donc, cela va créer directement
des emplois. C'est important que le gouvernement s'immisce là-dedans
aussi et fasse sa part. On l'a fait dans d'autres domaines. Mon collègue
amenait des chiffres tantôt. Je peux bien vous en amener, seulement dans
un autre domaine. Quand est né le programme Corvée-habitation,
sur le fond on nous disait qu'on était d'accord, mais on trouvait toutes
sortes de raisons pour essayer de démontrer que ce n'était pas
trop bon. Pourtant les
chiffres nous prouvent que c'est maintenant un des outils de relance
économique les plus importants au Québec. Dans les premiers mois
de l'année 1984, au Québec, l'augmentation de construction des
maisons résidentielles est de 74% par rapport à l'année
dernière, qui était une bonne année. En Ontario, une
diminution de 20%. Pourquoi? Parce qu'on a mis sur pied un programme qui
s'appelle Corvée-habitation. On nous disait que c'était plus ou
moins bon. C'est quoi, la réalité? Les chiffres le prouvent.
On va faire la même chose. On va aller de l'avant avec ce
programme, parce qu'on est sûr aussi que l'avenir va nous donner raison.
On n'a pas le droit de mettre en péril nos entreprises et de ne pas
donner toutes les chances possibles à nos jeunes qui sont
présentement dans les cégeps et les universités. Le fait
de construire cette Maison des sciences et des techniques va évidemment
créer des milliers d'emplois, lors de la construction. Mais cela va
aussi en créer par la suite, parce qu'on est en train de se donner un
équipement permanent de culture populaire pour que la population puisse
se tenir au fait des développements qui se font dans le monde. Si on
veut que Montréal demeure un centre important, non seulement en
Amérique du Nord, mais dans le monde, il faut lui donner des
équipements modernes, des équipements qu'on retrouve dans toutes
les métropoles et toutes les capitales mondiales. Montréal n'a
plus le droit d'être en retard. Le gouvernement du Québec a
décidé de prendre ses responsabilités et on va y
aller.
Il est certain qu'au niveau technologique, au niveau de
l'éducation populaire, c'est très bon. Au niveau
économique, c'est formidable, au niveau touristique aussi; il ne
faudrait pas l'oublier. C'est probablement 1 000 000 de personnes qui, chaque
année, vont aller visiter la Maison des sciences et des techniques.
C'est important comme retombée économique, et on n'a pas le droit
de se priver de ce genre d'attrait qui a fait ses preuves dans d'autres grandes
villes du monde. On n'a pas le droit de manquer le bateau. On doit faire en
sorte que le plus vite possible, on s'équipe d'un attrait aussi
important qu'une Maison des sciences et des techniques. Il ne faut pas oublier
qu'on s'en va vers l'an 2000. Il faut être, à mon avis, à
l'heure internationale et non pas essayer de retarder le développement,
comme mon collègue de Saint-Laurent tentait de le dire tantôt.
Cela va nous permettre non seulement de vulgariser et de sensibiliser
les citoyens à cela, de s'habituer à vivre avec cela, mais d'en
profiter, comme je le disais tantôt. C'est justement la semaine nationale
de l'entreprise. Je pense que si l'entreprise veut exporter, elle va devoir se
transformer de plus en plus pour être concurrentielle. Évidemment,
on s'en va de plus en plus vers un marché ouvert, vers un marché
international. Allez voir les Japonais et allez constater aussi dans nos
magasins le nombre de produits qui viennent du Japon. Pourquoi? Parce qu'ils
ont des techniques de production très évoluées. Dans
d'autres pays aussi. Aux États-Unis, de plus en plus. On n'a pas le
droit d'être en retard. S'il y a des inconvénients, qu'on
s'ajuste, mais on n'a pas le droit de compromettre quoi que ce soit.
On nous apporte aussi un argument qui est le site. Pour ma part et pour
beaucoup de Montréalais, à mon avis, c'est désolant de
voir à quel point, depuis l'Expo 1967, on n'a pas su utiliser, on n'a
pas su donner aux îles le caractère international qu'on a su leur
donner durant l'Expo 67. C'est un endroit de qualité, qui a une
renommée universelle grâce à l'Expo 67. Ce sont des
îles dont une partie est artificielle et qui relèvent donc de
l'avenir. C'était orienté vers l'avenir, vers le
développement, vers la technologie. On a retrouvé sur les
îles, en 1967, quelque chose de futuriste, quelque chose qui nous
permettait de prouver qu'on était un peuple dynamique et jeune.
Malheureusement, après 1967, les îles ont plutôt
été utilisées d'une façon changeante, annuellement,
mais on n'a pas su réellement les utiliser à leur plein
potentiel. À mon avis, la Maison des sciences et des techniques va
justement faire en sorte de rentabiliser les îles. On n'a pas le droit de
manquer notre coup. Je suis sûr que les Montréalais vont
être contents de cela. Ils vont être contents qu'on redonne cette
popularité universelle et internationale aux îles qui ont fait
leur fierté durant l'année 1967, qui continuent à le faire
et qui continueront à le faire avec la Maison des sciences et des
techniques.
Qu'on vienne nous dire qu'elles peuvent être difficiles
d'accès ou qu'on se demande comment on va s'y rendre? Il ne faudrait pas
charrier. En 1967, on faisait des îles l'endroit, l'attraction
universelle, mondiale, le rendez-vous de l'ensemble des citoyens de la terre
qui voulaient bien venir visiter l'exposition universelle. On a accueilli en
l'espace de quelques mois plus de 50 000 000 de visiteurs et on va mettre en
doute la capacité des îles de recevoir l'ensemble de la population
et des touristes qui voudront venir visiter la Maison des sciences et des
techniques! C'est ce que j'appelle, en des termes peut-être un peu
simples, du charriage. Des propos semblables sont inacceptables.
Je ne suis absolument pas contre le développement du Vieux-Port.
Absolument pas. On a voulu redonner le Vieux-Montréal aux citoyens de
Montréal. On a voulu leur donner une fenêtre, une porte ouverte
sur le fleuve. Ce qui est fait. Ce que les gens vont voir dans le
Vieux-Montréal, c'est
précisément le passé. Ils retournent aux sources et
aux origines. C'est de toute beauté. J'adore cela. Je vais très
souvent dans le Vieux-Montréal et dans le Vieux-Québec
également.
Ce que les Montréalais, comme l'ensemble des
Québécois et des touristes, viennent voir dans le
Vieux-Montréal, c'est le Vieux-Montréal comme tel, qui est en soi
un musée vivant. C'est le rendez-vous de l'histoire, du passé des
Québécois. Y a-t-il quelque chose de plus beau qu'un endroit
où on peut aller voir son passé, mais qui reste quand même
encore vivant, encore présent et encore actif, qui nous donne en plus
une fenêtre sur le fleuve? Ce que veulent les Montréalais, parce
qu'il y a beaucoup de ciment, beaucoup d'asphalte, beaucoup de briques, ce sont
des espaces verts. On est en train de leur redonner cela dans le Vieux-Port.
Les gens d'en face nous demandent de lui donner une autre orientation,
d'implanter l'aspect futuriste au milieu de cela en utilisant les espaces
verts, et ainsi les gens ou les touristes qui viennent visiter
spécialement le Vieux-Montréal pour se retremper dans le
passé seraient confrontés précisément à cet
enchevêtrement, à mon avis, parce que ces deux orientations ou
attractions ne sont absolument pas complémentaires, soit ce que le
Vieux-Montréal offre et. ce que la Maison des sciences et des techniques
offre. Or, les îles ont toujours été conçues selon
une orientation futuriste, pour permettre aux gens de regarder le
développement ou l'ouverture sur le monde. Donc, il ne faudrait pas
mêler deux choses ou chercher seulement des points négatifs,
encore une fois, avec des arguments qui, à mon avis, ne se tiennent
pas.
Je suis tout à fait d'accord pour que cela se fasse maintenant et
rapidement. On ne peut plus se permettre d'attendre. Parce que si on vous
écoutait et que l'on reportait cette décision de quelques mois ou
de quelques années, le retard serait peut-être très
difficilement récupérable pour les jeunes qui espèrent
dans leur avenir être impliqués dans ce courant d'évolution
mondiale. On n'a pas le droit de risquer cela. À mon avis, on est
déjà trop en retard. On se le fait dire. Même le
député de Saint-Laurent nous disait tantôt: On est en
retard. D'autres l'ont déjà dit. On est en retard parce que le
virage a été amorcé bien avant. On le sait. Ce qu'on fait
depuis qu'on est au pouvoir, c'est de prendre les bouchées doubles. Les
gens de l'Opposition, ne venez surtout pas nous reprocher de vouloir aller de
l'avant. Je suis fier de voir que le projet de loi est maintenant à
l'étude et que, sur le principe de base de la réalisation de
cette maison, nous sommes d'accord. Donc, cela va se faire. Je pense que les
retombées seront extraordinaires et que ce n'est absolument pas une
dépense. Comme je le disais tantôt, c'est un investissement dans
la confiance qu'on peut avoir dans l'avenir, dans notre capacité de
produire. C'est la confiance qu'on a en nos jeunes, parce qu'on va leur donner
tous les moyens possibles pour y arriver. (21 heures)
Pour ce qui est de l'endroit, je voudrais y revenir seulement une minute
en terminant. Il faut aussi, quand on se donne de l'équipement,
l'utiliser à la bonne place. Qu'on n'utilise pas un équipement
pour détruire un autre attrait qui, en soi, n'a pas besoin qu'on vienne
y ajouter une maison d'une importance semblable. En soi, le
Vieux-Montréal est un attrait capable d'attirer des milliers de
touristes et de Québécois qui ont le goût d'y aller.
L'île Sainte-Hélène a besoin de renouveler la vocation
qu'elle a un peu perdue au fil des ans. Je suis sûr que les
Montréalais et l'ensemble des Québécois seraient fiers
qu'enfin les îles redeviennent vivantes et, je l'espère, avec la
même ambiance, la même vie qu'on a connue en 1967. Si c'est vrai
que ce sera la Maison des sciences et des techniques de Montréal, ce
sera aussi la Maison des sciences et des techniques de l'ensemble des
Québécois. Les îles vont aussi permettre, par le biais du
métro et des stationnements déjà installés,
à tous les gens de la rive sud, à tous les gens du Sud du
Québec de pouvoir l'atteindre facilement, comme cela se faisait en 1967,
alors qu'à peu près 55 000 000 de touristes et de
Québécois y sont allés. Cela constitue donc une
économie au niveau des infrastructures et cela nous permettra d'utiliser
au maximum des équipements qu'on possède déjà.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: Merci. C'est avec beaucoup de plaisir que j'aborde ce
débat sur le projet de loi 62, une loi constituant une nouvelle
société d'État, peut-être la 351e, et, en même
temps, la Maison des sciences et des techniques. J'écoutais mon
collègue de Shefford parler de la revitalisation de Terre des hommes.
J'ose espérer qu'il sait que de 1970 à 1976, l'ancien
gouvernement a donné chaque année 1 000 000 $ ou 2 000 000 $
à Terre des hommes justement pour la revitaliser. Depuis 1976, toutes
les subventions ont été coupées par le gouvernement qui
nous dirige dans le moment.
Je comprends son ardeur à vouloir réparer les fautes
passées, mais le débat qui se tient se fait sur la
création d'une maison des sciences qui, en soi, est un outil - je dis
bien un outil - qui sera très utile à l'avenir
pour faire l'éducation populaire, pour s'assurer que les jeunes
d'ici comprennent ce qu'est la technologie et pour s'assurer que de plus en
plus de jeunes accèdent à des vocations technologiques dont nous
avons tant besoin.
Cependant, le problème n'est pas de savoir si nous aurons
éventuellement besoin d'une maison des sciences; je crois que tous ici,
dans cette Chambre, nous disons oui. Personne ici ne conteste non plus
l'importance de la technologie. Nous savons que l'an dernier le déficit
des produits manufacturés a été au Canada de 24 000 000
000 $, malgré le fait que nous avions un surplus budgétaire pour
le commerce extérieur. Ceci indique jusqu'à quel point, depuis
plusieurs années, le Canada est dépendant des importations, des
technologies.
Canadiens et Québécois, nous avons négligé
ce développement de nouvelles technologies qui pourraient
résulter en une meilleure production, à meilleur compte et pour
une exportation éventuelle. Nous pourrions augmenter notre production
non seulement pour satisfaire nos propres besoins, mais éventuellement
pour en faire l'exportation et aller chercher des revenus dont nous avons
besoin.
Il y a donc un besoin de prendre le virage technologique, il y a un
besoin d'une meilleure éducation, il y a un besoin de s'assurer que
parmi nos jeunes nous pourrons compter des ingénieurs, des techniciens
dont nous aurons besoin pour réussir ce virage technologique. Personne
ne conteste ces vérités, ce sont ni plus ni moins que des
vérités comme la maternité, des "motherhood
statements".
Nous savons tous que nous devons prendre le virage technologique. Quand
j'entends nos amis d'en face dire que le Québec est à peu
près le seul à prendre le virage technologique, cela me fait un
peu sourire parce qu'on n'a qu'à lire les revues américaines pour
constater que les 48 États américains, les 10 provinces
canadiennes, le Canada dans son ensemble, le Japon, l'Europe, la France,
l'Angleterre, tous ont décidé de prendre le virage technologique
parce que la dernière crise, en particulier, leur a appris qu'à
moins qu'ils ne développent de meilleures technologies, à moins
qu'ils ne produisent à meilleur compte, ils auront de la
difficulté à l'avenir à maintenir l'emploi et à
assurer l'avenir économique de leur nation, à assurer le
bien-être de la population.
Nous savons tous que nous devons former des scientifiques, des
technologues. On parle d'entreprises mais, il faut savoir qu'à
l'intérieur de ces entreprises, cela prend des hommes et des femmes
formés à ces sciences, à ces technologies pour pouvoir
prendre des décisions, faire de la recherche et du développement
et assurer le développement des entreprises à même ces
nouvelles technologies dont nous avons tant besoin.
Concernant les objectifs à long terme, je crois que nous faisons
ici l'unanimité. Nous devons prendre le virage technologique et la
question ne se pose pas là. Toutes les provinces canadiennes, tous les
États américains veulent prendre le virage technologique. La
question qui se pose, M. le Président, c'est: Est-ce que le gouvernement
du Québec qui nous dirige, depuis qu'il est au pouvoir, a pris les
meilleures décisions, a établi les meilleures priorités
qui vont faire en sorte qu'à l'avenir, nous serons à
l'avant-garde du développement technologique? Je crois qu'on doit se
poser la question très sérieusement parce qu'il s'agit
d'établir nos priorités. Le Canada et le Québec en
particulier ont beaucoup à faire. Nous avons des retards à
rattraper. Comme nos ressources ne sont pas illimitées, il est de
première importance d'établir très sérieusement nos
priorités et ne pas tomber dans des gadgets publicitaires, dans des
panacées universelles, qui pourraient faire croire à la
population que le virage technologique est pris parce que nous aurons une
Maison des sciences et des techniques.
J'aimerais citer certaines personnes qui sont très bien
placées pour porter des jugements. La question que je pose, c'est:
Est-ce que le gouvernement du Québec a pris les meilleures
décisions et est-ce que le gouvernement nous a suggéré les
meilleures priorités pour assurer ce virage technologique? Je voudrais
évoquer certaines manchettes de journaux et certaines
déclarations qui ont été faites par des personnes
très bien qualifiées pour en parler.
La première personne qui en a parlé, le 28 mars dernier -
c'est tout récent - c'est le président de Bell Canada, une
boîte qui nous fait honneur, une boîte qui a beaucoup
développé les technologies au Québec et au Canada. Il nous
dit ceci: "La pénurie de compétences menace la
productivité au Canada." Lorsqu'il parle de compétences, il parle
précisément d'ingénieurs, de chercheurs, de gens
spécialisés dans les domaines qui pourraient assurer non pas dans
20 ans, mais maintenant, notre développement technologique. Il ajoute:
"Malgré ce retard, certaines de nos plus grandes écoles sont
dotées d'équipements inadéquats particulièrement
dans les disciplines clés, en science et en génie, où l'on
constate une pénurie des plus brillants jeunes éléments
dans les postes d'enseignants et de chercheurs." Voilà, M. le
Président, une priorité qu'évoque le président de
Bell Canada.
Une autre personne qu'on ne peut pas, je crois, accuser d'être
partisane, c'est le recteur de l'Université de Montréal. Dans
le
dernier rapport de l'Université de Montréal, le rapport de
1982-1983, M. Paul Lacoste, le recteur de l'Université de
Montréal - j'ai d'ailleurs eu le plaisir de servir au sein du conseil
d'administration - dit ceci, et je cite: "Depuis cinq ans, les compressions
budgétaires et la modification des règles de financement des
universités ont privé l'Université de Montréal
d'une somme de 70 000 000 $ environ et l'ont orientée sur la voie du
sous-développement. Le fait que le programme de réductions
budgétaires puisse être prolongé d'un an nous place dans
une situation fort critique et bloque l'avenir pour longtemps." Voilà
une autre priorité qu'évoque le recteur de l'Université de
Montréal et je crois que ces besoins viennent, prioritairement,
sûrement avant la Maison des sciences et des techniques. D'ailleurs,
c'est ce qui faisait dire au Conseil des universités, dans son rapport
de 1982-1983, et je cite: "La situation des universités
québécoises est devenue si précaire que certains des
acquis les plus importants de la révolution tranquille et des
années qui ont suivi sont en train de fondre au soleil de
l'austérité."
On peut continuer. J'ai ici une communication de M. Walter Light,
président du conseil et chef de la direction de Northern Telecom -
peut-être la boîte la plus technologique au Canada qui a des
établissements au Québec et en Ontario - qui dit que le manque de
personnel formé bien plus que la concurrence dans le commerce où
les déficits nationaux menacent de compromettre l'économie
nord-américaine... Il dit: "En particulier, l'École polytechnique
et des Hautes Études commerciales subissent le résultat de dix
ans de négligence, surpopulation et vacances aux chaires
d'enseignement." Voilà, M. le Président, des jugements fort
sévères, je crois, du président de Bell Canada, du recteur
de l'Université de Montréal et du président du conseil de
Northern Telecom. Ils portent des jugements sur des mauvaises priorités
qui ont été déterminées par le gouvernement qui
nous dirige.
Mais ce n'est pas suffisant. Il faut, de plus, faire état de
demandes répétées qui ont été faites par les
écoles de génie du Québec. Dans une communication
datée du 8 juin 1983, au Dr Camille Laurin, alors ministre de
l'Éducation, M. Michel Lecours, responsable au nom du CODIQ,
c'est-à-dire le comité qui réunit toutes les écoles
de génie du Québec et des facultés de sciences
appliquées, faisaient écho justement à cette
pénurie de ressources qui font que le gouvernement, depuis qu'il est au
pouvoir, a pénalisé fortement les écoles de génie,
les empêchant de faire toutes les recherches et de former le personnel
nécessaire pour faire le virage technologique. (21 h 10)
Sans vouloir faire écho à toutes les statistiques de
chacune des écoles de génie, j'aimerais vous donner le tableau
d'ensemble. Le tableau d'ensemble, lorsqu'on l'évalue sur la base de
dollars constants 1977, c'est-à-dire en reportant tous les montants qui
ont été donnés par le gouvernement du Québec aux
écoles de génie et en les établissant en dollars de 1977,
pour pouvoir faire une comparaison un peu intelligente, on s'aperçoit
qu'en 1977-1978 les budgets d'investissement pour les équipements
scientifiques, c'est-à-dire ces équipements dont les chercheurs,
dont les professeurs, dont les enseignants ont besoin dans les écoles de
génie, ce budget était en 1977-1978 de 1 155 000 $.
Il a chuté année après année; il a
baissé d'environ 20% par année, en 1978-1979, 1979-1980,
1980-1981, 1981-1982 pour arriver en 1983 à un montant de 729 000 $.
C'est donc dire qu'en dollars constants de 1977, les budgets qui ont
été accordés par ce gouvernement aux écoles de
génie pour acheter les équipements nécessaires dont parle
le président du conseil de Northern Telecom, dont parle le
président de Bell Canada, ces équipements nécessaires pour
former des chercheurs, pour former des scientifiques, pour former des
ingénieurs, ces budgets ont chuté de moitié depuis que ce
gouvernement exerce le pouvoir à Québec. On ne doit pas se
surprendre, devant les mauvaises priorités établies par ce
gouvernement, si maintenant nous avons des retards immenses à rattraper
pour nous assurer que le rattrapage économique et technologique se fasse
au Québec et que nous puissions relever ces défis auxquels nous
devons faire face pour assurer le virage économique et technologique du
Québec.
C'est bien de cela qu'il s'agit. Ce qu'on appelle le
développement technologique, le virage technologique, c'est le virage
économique. Dans la mesure où nous serons capables dans l'avenir
de développer de nouvelles technologies, de nous assurer que nos
industries, que nos laboratoires, que nos centres de recherche et de
développement auront les chercheurs dont ils ont besoin et que les
universités qui les forment, que les cégeps, que les
collèges qui les forment auront les ressources nécessaires pour
former ces mêmes personnes, dans cette même mesure nous serons
à même de rencontrer les défis qui s'annoncent à
l'horizon et que déjà nous devons évoquer avec beaucoup de
sérieux.
Est-ce que la Maison des sciences et des techniques est une
priorité? Bien sûr, je suis complètement d'accord,
étant moi-même ingénieur, ayant moi-même
oeuvré dans le domaine de la haute technologie dans le passé, je
suis à même de juger de la situation. Je sais fort bien que trop
de nos compatriotes, trop de Québécois ont peut-être
négligé les sciences et la technologie
dans le passé. Bien sûr, le peu d'aide que l'État du
Québec a donné aux écoles de génie a
peut-être grandement contribué aux déficiences auxquelles
nous devons faire allusion maintenant.
Il reste qu'il faut dès maintenant voir la situation en face. Il
ne s'agit pas pour nous de dire: Est-ce que Boston a fait telle chose? Est-ce
que Toronto a fait telle chose? Est-ce que Londres a fait telle chose? Bien
sûr, je me souviens que lorsque j'étais étudiant à
Londres j'allais justement au Musée des sciences. Cela fait je ne sais
pas combien d'années que le Musée des sciences existe à
Londres; mais, bien sûr, il y a un Musée des sciences à
Londres.
La question qui se pose pour nous ici au Québec c'est: quelles
sont les vraies priorités qui vont faire que nous,
Québécois, nous serons en mesure de prendre le virage
technologique qui s'annonce à l'horizon? Quand on voit non seulement que
les universités manquent de fonds, mais que l'enseignement des sciences
aux niveaux primaire et secondaire est très déficient, je crois
que cette priorité qui est donnée à la Maison des sciences
et des techniques se révèle une fausse priorité. Car je
dois évoquer ce rapport ou cet avis du Conseil des sciences du Canada,
qui a paru dans les journaux le 3 mai dernier, et dans lequel on dit ceci: "Par
exemple, on y apprend que partout au pays, malgré l'évolution
accélérée que vit le domaine scientifique, la
majorité des 98 404 professeurs de sciences n'ont pas suivi de cours
dans ces matières depuis les dix dernières années." Cela
est déplorable pour l'ensemble canadien. Je continue: "On compte, par
ailleurs, deux fois plus de professeurs de sciences en Ontario qu'au
Québec. La majorité de ceux qui enseignent dans les écoles
primaires canadiennes sont mal préparés pour enseigner ces
matières." Il est vrai que dans l'ensemble canadien, il n'y a pas de
quoi se péter les bretelles. Mais nous devons constater - et c'est le
Conseil des sciences qui nous le dit - que nous avons deux fois moins de
professeurs de sciences dans les collèges québécois qu'ils
en ont dans les collèges ontariens.
Si on avait à porter un jugement sur l'enseignement des sciences
au niveau primaire, la situation est tout aussi déplorable. Je voudrais
citer M. Jacques Desautels qui, dans Québec Science, traitait
précisément de la qualité des sciences au niveau primaire
et disait: D'une façon très régulières, 50% des
élèves n'obtiennent pas 50% des points alloués à un
examen. Les résultats des recherches montrent que les
élèves n'ont pas acquis l'esprit scientifique.
L'intérêt pour les sciences, au lieu d'augmenter,
régresse.
Je crois que le tableau que je viens de brosser est trop néfaste
pour permettre au Québec de prendre le virage technologique.
On constate qu'au niveau primaire l'enseignement des sciences est
extrêmement déficient, que 50% des étudiants qui
choisissent ces matières ne passent pas les examens. Au secondaire, on
nous dit que nous avons deux fois moins de professeurs au niveau
collégial qu'en Ontario, malgré le fait que dans l'ensemble
canadien la situation ne soit pas très rose. Au niveau universitaire,
les écoles de génie depuis cinq ans n'ont pas eu les ressources
nécessaires pour acheter l'équipement dont elles avaient besoin
pour former les ingénieurs et les scientifiques dont nous avions besoin
dans le passé, dont nous avions besoin il y a un an, dont nous avons
besoin cette année, dont nous aurons besoin dans trois ou quatre ans.
Cette situation est déplorable.
Je conviens qu'une Maison des sciences et des techniques pourrait
permettre à des jeunes qui iraient la visiter de décider un jour
d'accéder à une carrière scientifique. Mais s'il fallait
en ce faisant amener encore plus de jeunes dans un régime scolaire qui,
aux niveaux primaire, secondaire et universitaire sont déficients, je
dis que là n'est pas la priorité. De toute évidence, la
priorité pour le gouvernement du Québec et pour le ministre de
l'Éducation - comme nous avons maintenant un ingénieur comme
ministre de l'Éducation, j'oserais espérer qu'il comprenne le
message - serait de changer la façon d'enseigner les sciences au niveau
primaire, d'ajouter des ressources afin que les professeurs du niveau
secondaire puissent se recycler pour donner un meilleur enseignement et qu'au
niveau universitaire, enfin, le gouvernement se décide à voter
des budgets supplémentaires pour que les écoles de génie
et les facultés de sciences dans les différentes
universités du Québec puissent se doter des équipements
dont elles ont besoin pour permettre, précisément, la formation
des scientifiques et des technologues dont nous avons besoin.
En terminant, j'ai bien peur et je suis convaincu qu'un jour ou l'autre,
nous aurons besoin d'une Maison des sciences et des techniques. Mais je dis
ceci: Tant et aussi longtemps que la situation ne sera pas corrigée au
niveau primaire, qu'elle ne sera pas corrigée au niveau des cours
secondaires, tant que les universités n'auront pas les ressources
financières dont elles ont grand besoin, cette détermination du
gouvernement de procéder avec la Maison des sciences et des techniques
est un mirage. Voici la question qu'il faut se poser: Est-ce que nous allons
réaliser un mirage technologique ou un virage technologique? C'est
là toute la question.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de la
Science et de la Technologie, vous avez le droit de réplique.
M. Gilbert Paquette (réplique)
M. Paquette: Merci, M. le Président. Je pense que la
question qu'il faut se poser après avoir entendu le député
d'Outremont, c'est: Est-ce que son discours était un virage politique ou
un mirage politique? En ce sens qu'il est étonnant de voir ces
députés de l'Opposition se faire les avocats de la recherche et
du développement, se faire les avocats du virage technologique alors
que, depuis 1976, nous n'avons pas eu une seule suggestion de leur part quant
aux mesures à mettre en branle. C'est, en effet, le gouvernement du
Parti québécois qui a donné au Québec sa
première politique scientifique en 1980. C'est le gouvernement du Parti
québécois qui a inventé jusqu'à l'expression
"virage technologique" et qui a contribué à favoriser cette
extraordinaire prise de conscience dans la société qui fait en
sorte que, dans tous les secteurs, on est maintenant conscient de l'importance
de la formation des jeunes sur le plan scientifique, de l'importance d'investir
dans la recherche et le développement, de l'importance d'aider nos
entreprises à innover, à devenir compétitives par
l'innovation et par la fabrication de nouveaux produits et qu'on a pris
également conscience de l'importance d'assurer ce qui est l'objectif de
ce projet de loi, soit la plus large diffusion possible à la culture
scientifique et technologique de façon que les hommes et les femmes du
Québec, les jeunes du Québec, se motivent et s'intéressent
à la science, qu'un certain nombre d'entre eux décident d'en
faire une carrière et que la majorité des autres apprennent
à l'utiliser pour améliorer leur rendement sur le plan du travail
ou pour améliorer tout simplement leur qualité de vie.
M. le Président, les objectifs de ce projet de loi sont triples:
d'abord, rendre le virage technologique accessible à la majorité
de la population. En effet, ce projet, en constituant une Maison des sciences
et des techniques sur l'île Sainte-Hélène, permettra
à au-delà de 1 000 000 de visiteurs, de Québécois
et de Québécoises, par année, de prendre contact avec
l'univers des sciences et des techniques, de les démystifier,
d'apprendre à s'en servir et, également, aux jeunes de
s'intéresser aux carrières scientifiques.
De plus, M. le Président, cette Maison des sciences et des
techniques, tout comme son projet jumeau sur l'île Notre-Dame,
c'est-à-dire un centre de la nature et de l'alimentation, fournira, du
Québec, une vitrine pour la technologie québécoise puisque
cette Maison des sciences et des techniques sera accessible à des
milliers de visiteurs étrangers qui pourront chaque année se
rendre compte des réalisations du Québec, aux
Québécois également qui pourront se rendre compte avec
fierté de tout ce qu'on a réussi à développer au
Québec, en termes d'innovations, en termes de recherche et en termes de
développement technologique et de développement
économique.
Deuxièmement, M. le Président, ce projet de loi a pour but
de contribuer à la relance économique, non pas seulement à
moyen terme avec des objectifs de culture scientifique comme ceux que je viens
d'évoquer, mais également à très court terme
puisqu'il s'agit d'un investissement - je vais revenir là-dessus
tantôt - et non pas d'une dépense qu'il faut opposer à des
dépenses budgétaires dans la recherche ou dans la formation
scientifique ou même, comme l'ont fait certains députés
libéraux, en faisant un peu de démagogie face aux soins de
santé. Ce n'est pas une dépense, c'est un investissement qui
donnera des milliers d'emplois, entre 4000 et 5000 emplois, dans
l'économie du Québec, directement au sein de la Maison des
sciences et des techniques ou par l'effet de stimulation qu'elle aura sur notre
industrie touristique. Si l'on veut que le tourisme se développe au
Québec, il faut des équipements touristiques majeurs. On ne peut
se permettre de laisser aller un site exceptionnel comme celui de Terre des
hommes. Il faut, au contraire, le revitaliser avec un projet moteur qui
amènera des retombées économiques bien au-delà des
investissements que nous y ferons.
Troisièmement, M. le Président, si nous voulons que le
Québec se développe sur le plan technologique et sur le plan
économique, il faut consolider le rôle moteur de la région
métropolitaine; cette région dont l'avenir se situe beaucoup
moins dans le domaine financier et beaucoup plus, de plus en plus dans le
domaine scientifique et technologique.
On apprenait récemment que, pour une entreprise de haute
technologie, s'établir dans la région de Montréal amenait
des économies de fonctionnement de l'ordre de 5 000 000 $ à 6 000
000 $ par année par rapport aux grandes villes d'Amérique du
Nord. C'est donc un atout dont pourraient se servir tous ceux qui parlent de
climat. Au climat, on peut opposer la valeur des politiques gouvernementales,
des institutions de recherche, des centres de recherche, de la qualité
de vie, de tout ce qui fait de Montréal un lieu attrayant, un lieu
économique, un lieu qui doit acquérir une réputation
internationale sur le plan scientifique et technologique.
M. le Président, évidemment, si le seul projet que nous
avions pour la région de Montréal était la Maison des
sciences et des techniques, ce serait déjà bien. Je pense que la
maison des sciences et des techniques vient consolider la vocation
internationale de Montréal comme pôle de développement
scientifique et technologique puisque, de plus en plus, nous multiplions
les activités de recherche dans nos universités, nous multiplions
les centres de recherche appliquée qui s'établissent dans la
grande région métropolitaine; nous multiplions les formes d'aide
à l'entreprise qui veut innover, qui veut se développer sur le
plan technologique dans la région métropolitaine. Le
troisième objectif est donc de consolider la vocation internationale de
Montréal sur le plan scientifique et technologique, ce qui constitue une
condition de développement de toutes les régions du
Québec.
M. le Président, les arguments de l'Opposition tiennent en deux
questions, tout d'abord, parce qu'ils n'avaient pas beaucoup d'idées.
C'était sur la question du site qui est une question relativement
secondaire. Je vais la traiter en dernier, mais la députée de
Jacques-Cartier a passé la moitié de son temps là-dessus.
Toutes ses interventions publiques ont porté sur le site, parce que,
évidemment, on ne pouvait pas être contre le principe d'un projet
de loi aussi novateur et aussi intéressant sur le plan scientifique et
sur le plan économique. Et maintenant, ils ont découvert le moyen
d'essayer de relier cela à l'ensemble des politiques gouvernementales
comme s'il n'y avait pas eu de crise économique et comme s'il n'y avait
pas eu, depuis la crise économique, une série de gestes du
gouvernement qui a eu le courage de réorienter ses priorités
budgétaires, de couper dans des dépenses de fonctionnement, des
dépenses d'épicerie, pour s'orienter vers des dépenses de
soutien à l'emploi et de développement économique qui ont
donné des résultats en 1983. Si on ne faisait pas autre chose, si
on n'avait pas des priorités, un parti pris pour le développement
de l'emploi et le développement économique, on n'aurait pas
créé en 1983, au Québec, 60% de tous les emplois qui ont
été créés au Canada. On n'aurait pas pour 1984 des
prévisions d'augmentation d'investissements au Québec de 38%,
alors qu'en Ontario et la moyenne canadienne, c'était 2% ou 3%. On
n'aurait pas eu également une augmentation considérable des
activités scientifiques et technologiques.
Le premier argument de l'Opposition, c'est de dire: On est d'accord avec
le principe du projet de loi. Donc, on s'attend qu'ils votent favorablement
demain pour ce projet de loi et qu'ils en appuient l'étude article par
article. Mais ils nous disent: Est-ce bien une priorité? L'argent est-il
investi au bon endroit? N'y a-t-il pas d'autres priorités? Cela va de
soi que c'est une question que nous nous sommes posé avant d'appuyer un
tel projet de loi. C'est cependant un très curieux reproche venant du
Parti libéral du Québec qui, il n'y a pas si longtemps, sous
Robert Bourassa, sous le chef qui les dirige et qui est toujours absent de
l'Assemblée nationale, semble-t-il parce qu'il n'aimerait pas avoir trop
tôt des débats qui seraient forts intéressants et où
on pourrait comparer le bilan des deux administrations... Quel était le
bilan du gouvernement Bourassa? Justement ce que les députés
libéraux nous reprochent à tort - et je vais le démontrer
- à savoir, de mettre les priorités à la mauvaise place,
de mettre les priorités dans des projets coûteux, ronflants, qui
ne sont pas prioritaires et de délaisser le travail de base et le
travail de fond pour construire une économie du Québec
solide.
De 1973 à 1977, quel est le bilan du gouvernement Bourassa sur le
plan du développement scientifique et technologique? Aucun nouveau
centre de recherche. Les grands centres de recherche du Québec avant
ceux que nous sommes en train de créer datent de la fin des
années soixante. Le Centre de recherche industrielle du Québec,
l'IREQ, les programmes d'aide à la recherche comme le fonds FCAC, tout
cela a été créé en 1968 et en 1969. Aucun grand
programme d'aide à l'entreprise, aucun nouveau centre de recherche
pendant les années Bourassa et aucun nouveau programme d'aide à
la recherche dans les entreprises. De 1973 à 1977, on était en
pleine croissance économique - et non pas en période de crise
économique comme celle à laquelle on a eu à faire face en
1981-1982 - à un rythme de 10% ou 12%. L'économie croissait
très rapidement. Donc, la richesse qu'on pouvait se partager augmentait
chaque année et on pouvait avoir plusieurs priorités à la
fois. Quel a été le résultat des actes, pas des paroles,
du gouvernement Bourassa de 1973 à 1977? L'effort total de recherche et
de développement du Québec diminue, en pleine période de
croissance économique, de 0,92% de la richesse globale à 0,88%.
Et parallèlement à cela, où le gouvernement Bourassa
mettait-il l'argent? Il mettait l'argent, notamment, dans un stade olympique
qui nous a coûté 1 000 000 000 $, alors que tous les stades -
couverts, par dessus le marché - partout en Amérique du Nord ont
coûté au maximum 300 000 000 $, trois fois moins. Trois fois plus
d'argent gaspillé dans un stade olympique dont nous payons encore les
intérêts aujourd'hui. Et on voudrait nous faire des leçons
en disant: Vous ne mettez pas assez d'argent dans la
recherche-développement et vous en mettez dans un projet comme celui de
la Maison des sciences et des techniques. (21 h 30)
Qu'est-ce qui s'est passé depuis le régime Bourassa, en
termes d'effort global de recherche-développement? De 1977 à
1981, après l'adoption de la loi 101, en plein débat
référendaire - ces gens disent que cela a nui au climat
économique - dans les chiffres de Statistique Canada, ce n'est pas
une baisse de la recherche qu'on a eue au Québec, comme sous le
gouvernement Bourassa, c'est une augmentation de la recherche de 0,88%,
où elle était tombée à la fin du régime
Bourassa, à 1,6% en 1981. Ce qui est encore insuffisant, bien sûr.
Mais ce qui est un bilan autrement plus productif. C'est un bilan dans les
actes et non dans les paroles, pour le développement scientifique et
technologique du Québec.
Et on a retardé la mise en place du toit olympique! Le toit
olympique, que l'administration précédente nous a laissé
incomplet, inachevé, alors qu'on a trouvé le moyen de gaspiller 1
000 000 000 $ dans un stade! Seulement le coût pour couvrir le stade est
exactement l'équivalent du coût de la Maison des sciences et des
techniques. Seulement pour couvrir un stade de baseball et de football, cela
représente le même coût que pour une maison des sciences et
des techniques. Mais cela a coûté dix fois plus. Ces gens ont
gaspillé dix fois plus pour un stade olympique, alors qu'ils
réduisaient l'effort de recherche-développement du
Québec.
Le député d'Outremont parlait de Recherche Bell-Northern.
Savez-vous en quelle année Recherche Bell-Northern a
déménagé son centre de recherche dans la région
d'Ottawa? C'était en 1972, sous le gouvernement de M. Bourassa. Et ce M.
Bourassa regardait, impuissant, passer les activités dans un secteur
prometteur et d'avenir comme l'électronique et l'informatique, sans rien
faire, les bras croisés. Ce sont ces gens aujourd'hui qui voudraient
nous faire le reproche de mettre nos priorités à la mauvaise
place.
On a aussi eu droit à une comparaison loufoque du
député de Vaudreuil-Soulanges, auquel le ministre des Finances
avait déjà conseillé d'ailleurs de prendre des cours
d'éducation des adultes, parce qu'il avait mentionné une fois que
la Caisse de dépôt et de placement n'était pas
plafonnée dans sa participation au capital-actions des entreprises,
alors que tout le monde sait cela. Le député de
Vaudreuil-Soulanges est venu nous dire en pleine face, à
l'Assemblée nationale, que, puisque nous ne mettions que 26 000 000 $
dans l'aide fiscale à la recherche-développement dans les
entreprises et que le projet de maison des sciences et des techniques allait
nous coûter 26 000 000 $ dans les immobilisations, l'on mettait nos
priorités à la mauvaise place.
Premièrement, tout le monde va comprendre que des mesures de 26
000 000 $, sous forme de crédits d'impôts à la recherche
dans les entreprises - ce ne sont pas les libéraux qui ont pensé
à cela, c'est ce gouvernement-ci, dans le dernier budget - c'est
récurrent. Ce sont des dépenses et des revenus de moins du
gouvernement, à chaque année, qui sont récurrents.
Aller comparer cela avec des immobilisations de 26 000 000 $, ou
même de 50 000 000 $, dans une maison des sciences et des techniques, qui
sont une dépense en une fois qu'on amortit sur 20 ou 25 ans, comparer
cela avec une mesure fiscale qui donne 26 000 000 $ de plus dans la
recherche-développement, c'est comparer des pommes et des oranges.
N'importe qui sait cela.
D'autre part, je dois vous dire que l'aide fiscale est beaucoup plus
importante que cela. L'aide fiscale accordée par le gouvernement du
Québec, comme d'ailleurs l'aide fiscale accordée par les autres
gouvernements, dépasse de beaucoup ce chiffre de 26 000 000 $, puisqu'il
y a d'autres mesures que celles mentionnées par le député
de Vaudreuil-Soulanges.
Je pense qu'il est bon de retenir que, contrairement à ce qu'a
affirmé le député de Vaudreuil-Soulanges, la Maison des
sciences et des techniques n'est pas une dépense. C'est un
investissement. En effet, dépendant des hypothèses qui seront
retenues, les coûts d'immobilisation se situent entre 65 000 000 $ et 117
000 000 $. C'est considérable, mais encore une fois, c'est un
dixième du stade olympique. Ces coûts d'immobilisation sont
à frais partagés. La ville de Montréal fournira une
certaine portion, le gouvernement fédéral fournira une certaine
portion et l'entreprise privée également. Supposons, pour
être de bon compte, si on se fie à l'expérience des autres
maisons des sciences et des techniques dans d'autres villes, que nous ayons
à payer la moitié de la facture environ, soit 50 000 000 $, ce
sont des dépenses d'immobilisation que l'on amortit sur 20 ou 30 ans.
Bien sûr, il y a des frais d'intérêt, mais si vous faites le
calcul rapidement, vous arrivez à un chiffre de dépenses
réelles de 3 000 000 $ par année, environ, 3 000 000 $ ou 4 000
000 $ par année pendant une vingtaine d'années. Voilà la
façon dont le gouvernement du Québec va probablement choisir de
payer sa part de ce projet à l'étude actuellement.
Il y a aussi des frais de fonctionnement. Mais ces frais de
fonctionnement se situent entre 6 000 000 $ et 10 000 000 $ par année et
il y a des revenus. Ce projet, si on en croit l'expérience d'autres
villes, va s'autofinancer largement. On aura peut-être 1 000 000 $ ou 2
000 000 $ en subventions de fonctionnement à accorder durant les
premières années, pour laisser le temps à la
Société de la Maison des sciences et des techniques de prendre
son envol. Cela va donc coûter aux contribuables québécois
5 000 000 $ par année. Déjà, les salaires des emplois
créés par ce projet dépassent largement cette somme. Si on
tient compte de l'impact des retombées touristiques, de
l'impact sur l'industrie de la construction, on constate un gain pour
l'économie du Québec. Ce n'est pas une dépense, c'est un
investissement. À partir de là, tout le reste, à savoir
que l'on couperait dans le secteur de la santé pour investir dans des
projets comme celui de la Maison des sciences et des techniques, que l'on
couperait dans les budgets de recherche des universités pour instaurer
la Maison des sciences et des techniques ou que l'on ne mettrait pas nos
priorités à la bonne place, c'est de la pure démagogie.
Quand une dépense est un investissement, on n'a pas à la comparer
avec des frais de fonctionnement récurrents, que ce soit dans le domaine
de l'aide fiscale aux entreprises, dans le domaine de la santé ou dans
le domaine de la recherche.
En plus, c'est totalement aberrant et injuste quand on voit que ces gens
ont fait décroître les budgets de recherche pendant qu'ils
gouvernaient le Québec, en pleine période de croissance
économique. On voudrait comparer un investissement de 5 000 000 $ avec
l'effort qu'a fait le gouvernement du Québec depuis la parution du
virage technologique. Les divers ministères du gouvernement ont investi
290 0Q0 000 $ dans le virage technologique depuis un an et demi; 5 290 000 $
dans le développement scientifique et technologique seulement pour les
mesures qui découlent du virage technologique.
Quand on regarde l'ensemble des dépenses scientifiques et
techniques du gouvernement, on est passé de 660 000 000 $,
l'année dernière, à 800 000 000 $ de dépenses des
divers ministères, et le député de Vaudreuil-Soulanges a
le culot de dire que le ministre de la Science et de la Technologie est seul,
que ses collègues ne l'appuient pas. C'est l'effort de tout un
gouvernement qui fait paraître comme une goutte d'eau les 5 000 000 $ par
année que va nous coûter effectivement ce projet d'une Maison des
sciences et des techniques.
Finalement, je pense qu'il faut que cette Assemblée refuse
d'embarquer dans la vision à court terme du Parti libéral qui dit
qu'investir dans la culture scientifique, c'est de l'argent qu'il n'est pas
nécessaire d'investir. Quant à y être, pourquoi ne pas
retarder les investissements dans la recherche, comme vous l'avez fait de 1970
à 1976, parce que ce n'est pas payant immédiatement? Il faut voir
à long terme, il faut préparer l'avenir du Québec autant
dans les universités, autant dans les entreprises, autant dans les
centres de recherche que dans le développement de la culture
scientifique ou dans la préparation de nos jeunes à un monde de
plus en plus technologique dans lequel ils auront à vivre et pour lequel
ils vont devoir épouser des carrières scientifiques ou se donner
une formation scientifique. (21 h 40)
J'en arrive à la question du site. Encore là, une
série d'énoncés sans aucun fondement. La
députée de Jacques-Cartier nous a dit: La majorité des
intervenants sont contre le site de l'île Sainte-Hélène. La
réalité est qu'il y a eu 79 mémoires
présentés aux audiences publiques. Alors que le site de
l'île Sainte-Hélène avait été annoncé,
59 des mémoires ne nous parlent pas du site; ils nous parlent d'autres
aspects beaucoup plus importants du projet. Il y en a neuf qui favorisent, qui
réitèrent leur appui à l'île
Sainte-Hélène. Il y en a quinze qui appuient le site du
Vieux-Port. Il y en a quatre qui appuient d'autres sites. On est très
loin d'une majorité d'intervenants qui sont contre le site de
l'île Sainte-Hélène.
Quand on considère les intervenants qui sont pour le Vieux-Port,
il y a essentiellement deux groupes: la Société du Vieux-Port,
les marchands du Vieux-Port qui ont un intérêt, comme c'est
légitime, au développement de ce coin de Montréal qui est
très important, et des gens qui travaillent dans le secteur de
l'urbanisme, à Héritage Montréal, qui disent: Pour ce qui
est du Vieux-Port, on voudrait être certains qu'il y ait des projets
valables qui se réalisent. Il y a certaines personnes qui ont
présenté deux ou trois mémoires à divers titres et
on voudrait en faire la majorité des intervenants!
Au contraire, M. le Président, nous avons fait une tournée
des maisons des sciences et des techniques et, partout où on parle du
site de l'île Sainte-Hélène, on dit: Vous avez là un
site extraordinaire. C'est un site qui a été étudié
depuis un an et demi par un comité conjoint du ministère et de la
CIDEM. Ce n'est pas une décision qu'on a sortie du chapeau à la
dernière minute. Quand on compare, point par point, les avantages des
deux sites, l'accusation de Mme la députée de Jacques-Cartier,
à savoir qu'on aurait mis de côté le meilleur choix pour
faire un "deal" politique avec la ville de Montréal, comme elle a dit,
je vais vous dire, M. le Président, qu'il n'y a pas de "deal" politique
là-dedans, en ce sens que nous étions arrivés à la
conclusion que le meilleur site était celui de l'île
Sainte-Hélène. Lors de la réunion à Compton, la
ville de Montréal nous a dit: Nous sommes également de cet avis.
On s'est dit: D'accord; on a un accord et on va l'annoncer.
M. le Président, il n'y a pas de "deal" politique. Je n'accuserai
pas l'Opposition d'avoir fait un "deal" politique avec la Société
du Vieux-Port ou le gouvernement fédéral qui la finance. Pas du
tout. Il n'y a pas de "deal" politique là-dedans. C'est en examinant
simplement les divers critères, les caractéristiques propres du
site. D'abord, la
disponibilité du terrain. Le terrain de l'île
Sainte-Hélène est disponible immédiatement. Le terrain du
Vieux-Port devrait l'être après négociation. Quant à
la nature du sol, on nous offre un site sur un quai où le remplissage
est de faible cohérence mécanique, qui s'est fait par
périodes successives sur 150 ans. On n'a pas ces
problèmes-là sur l'île Sainte-Hélène. On a
plus de liberté architecturale. Il n'y a pas de service d'égouts,
d'adduction d'eau; il n'y a presque pas de réseau électrique sur
le site du Vieux-Port. Tout cela existe depuis l'Expo sur le site de
l'île Sainte-Hélène. Il y a peut-être certaines
rénovations et certaines adaptations à faire. Concernant le
stationnement, il n'y a pas un seul espace de stationnement sur le site du
Vieux-Port. Il y a un stationnement de 800 places sur l'île
Sainte-Hélène. Sur le plan de l'accès, il n'y a pas de
métro sur le Vieux-Port. Il y a une station de métro sur
l'île Sainte-Hélène. En ce qui concerne l'accès en
voiture, quand on est dans l'est de Montréal ou sur la rive sud, cela
prend moins de temps aller sur l'île Sainte-Hélène que de
passer dans le centre-ville et se rendre au Vieux-Port; j'en ai moi-même
fait l'expérience.
Je pense que le seul avantage qui existe pour le Vieux-Port, c'est
l'accès piétonnier, mais le site lui-même est très
loin des lieux où les touristes vont actuellement, et c'est une marche
assez longue. Il y a également la présence de restaurants dans le
centre-ville. Cependant, l'expérience qu'on a, c'est que les gens qui
vont dans les musées scientifiques bénéficient des
services de restauration sur place parce que ce n'est pas une visite qu'on fait
dans une demi-heure, c'est une visite qu'on fait en deux ou trois heures. Il y
a déjà des services de restauration sur l'île
Sainte-Hélène qui peuvent être augmentés et
complétés. Sur le plan strictement muséologique, pour les
fréquentations scolaires qui constituent presque la moitié de la
clientèle, de mai à juin, les autobus scolaires qui arrivent et
qui se déversent dans une maison des sciences et des techniques,
voyez-vous cela passer par le Vieux-Montréal et se rendre au Vieux-Port.
Je pense que le site de l'île Sainte-Hélène est autrement
préférable puisqu'on pourra y combiner des activités
culturelles, scientifiques à l'intérieur d'une maison des
sciences et des activités plein air, que ce soit l'hiver ou
l'été sur ce magnifique parc naturel qui demeurera sur
l'île Sainte-Hélène en autant que la partie occupée
actuellement par certains pavillons désuets.
Sur le plan du concept architectural, on a d'énormes contraintes
sur le Vieux-Port. On a une liberté absolue à l'île
Sainte-Hélène et l'utilisation de certains pavillons, notamment,
la biosphère qui est un pavillon extrêmement intéressant
qui pourrait être utilisé pour la Maison des sciences et des
techniques. Sur le plan de l'environnement, quand on regarde la qualité
de l'environnement naturel, il n'y a pas de comparaison. Pour les autres
dimensions, les retombées économiques, là c'est à
peu près équivalent. C'est donc sur des données objectives
comme celles-là que nous avons fait le choix. Je conseille à tous
les membres de cette Assemblée, à tous ceux qui nous
écoutent à la maison, à tous les journalistes aussi,
lorsqu'ils passeront sur le pont Jacques-Cartier la prochaine fois,
évidemment, en auto on ne peut pas arrêter à mi-chemin,
mais qu'ils jettent un coup d'oeil. On voit très bien les deux sites qui
sont l'un en face de l'autre. Cela devient évident que les
critères objectifs que je viens de donner sautent aux yeux, quand on
regarde les deux sites à vol d'oiseau du pont Jacques-Cartier.
Il n'y a pas de vile politique. Il y a des critères objectifs. On
a choisi le meilleur site et les audiences publiques ne nous ont pas permis de
nous donner des arguments permettant de le remettre en question. C'est pourquoi
j'ai affirmé qu'on n'allait pas reprendre le processus de
décision. Pourquoi retarder un projet aussi nécessaire? Un
excellent investissement dans l'économie du Québec et dans
l'avenir du Québec simplement pour faire un débat sur le site,
débat qui a largement été fait. Ce projet est trop
important, trop urgent comme le disait l'Association canadienne
française pour l'avancement des sciences. Il recueille l'appui de tous
les intervenants qui se sont prononcés sur le dossier et le site
recueille l'appui de la plupart des organismes qui oeuvrent dans le domaine de
la culture scientifique et des loisirs scientifiques. Par conséquent, je
pense que c'est un excellent investissement qui va compléter le plan de
relance où nous allons investir sur trois ans 250 000 000 $ d'argent
nouveau dans des centres de recherche, dans des équipes universitaires,
dans les équipements de laboratoires. 5 000 000 $ contre 225 000 000 $,
sans compter les mesures fiscales, sans compter les ressources qui sont mises
dans le virage technologique. Il n'y a pas de comparaison. Les priorités
sont à la bonne place. Le site est bien choisi et ce projet doit
être mis en route. C'est l'autorisation que nous demandons à
l'Assemblée nationale. Il doit être mis en route parce qu'il peut
contribuer puissamment à l'intégration par l'ensemble des
citoyens du virage technologique. Il peut contribuer à faire de
Montréal, avec les autres projets que nous avons, un centre d'excellence
reconnu sur le plan international en matière de science et de
technologie, et c'est un excellent investissement qui contribuera à la
relance de l'industrie touristique et à la relance de la grande
région métropolitaine de Montréal. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que le principe du
projet de loi 62, Loi sur la Société de la Maison des sciences et
des techniques est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Blouin: M. le Président, je propose donc que nous
déférions le projet de loi 62 que nous venons d'étudier
à la commission de l'économie et du travail qui procédera
à son étude détaillée, à compter de 10
heures demain matin, à la salle du Conseil législatif, au salon
rouge.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. Blouin: Alors, demain matin, pour le bénéfice de
ceux et celles qui suivent nos travaux et surtout, évidemment, des
membres de l'Assemblée, à compter de 10 heures, ici même
à la salle de l'Assemblée nationale nous étudierons le
projet de loi 61, Loi sur les immeubles industriels municipaux. S'il reste
quelque temps à la fin de l'avant-midi, nous enchaînerons avec le
projet de loi 78 sur l'hôpital de Kahnawake.
Sur ce, je propose que nous ajournions nos travaux à demain
matin, 10 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
d'ajournement est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos
travaux sont ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 48)