L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 6 juin 1984 - Vol. 27 N° 102

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures quatre minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants. Veuillez vous asseoir.

M. Marx: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Oui, M. le député de d'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, avez-vous reçu un avis du ministre de la Justice disant qu'il donnerait réponse à la question que j'ai...

Le Président: Je ne tolérerai pas de rappel au règlement de ce genre parce que toute séance pourrait commencer par une kyrielle de rappels au règlement. Si je reçois un avis d'un ministre, M. le député, n'ayez crainte, j'en ferai part à la Chambre.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle ni de présentation de projet de loi. Aux dépôts de documents, M. le leader du gouvernement, au nom de M. le ministre des Affaires culturelles.

Avis du Conseil consultatif de la

lecture et du livre concernant

l'agrément des libraires, des

distributeurs et des éditeurs

M. Bédard: M. le Président, au nom du ministre des Affaires culturelles, je voudrais déposer un avis du Conseil consultatif de la lecture et du livre concernant le projet de règlement modifiant le règlement sur l'agrément des libraires et un avis du Conseil consultatif de la lecture et du livre concernant les projets de règlement modifiant les règlements sur l'agrément des distributeurs, des éditeurs et des libraires.

Le Président: Documents déposés. Au dépôt des rapports de commission, M. le Président de la commission du budget et de l'administration.

Étude de la politique budgétaire du gouvernement

M. Lachance: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 5 juin 1984 afin de procéder à l'étude de la politique budgétaire du gouvernement dans le cadre du débat sur le discours sur le budget.

Le Président: Rapport déposé. Il n'y a pas de pétition. Cela nous mène à la période de questions des députés. M. le député de Laporte.

Questions et réponses orales

M. Bourbeau: M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Est-ce qu'on peut nous dire si le ministre sera présent en Chambre ce matin?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Oui. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme devrait normalement être ici pour la période de questions.

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci. J'ai une question pour le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Est-ce qu'il sera présent à la période de questions?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Je viens d'avoir une information disant que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sera peut-être en retard d'une dizaine de minutes au plus.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

L'affaire Sonamar-Desgagnés

M. Ciaccia: Ma question s'adresse au ministre des Transports. Hier, j'ai porté à l'attention du ministre que le gouvernement avait fait un appel d'offres pour le transport dans le Grand-Nord. La société Navigation Sonamar dans laquelle le gouvernement détient 25% d'intérêts et qui regroupe la presque totalité des transporteurs maritimes du Québec a soumissionné. Cependant, un des actionnaires de Sonamar qui détient 44% des actions et à qui on a confié l'administration, la gestion de Sonamar a préparé les deux soumissions: une plus élevée de Sonamar et sa propre soumission plus basse pour obtenir le contrat. Le ministre semble avoir accepté

cet état de choses.

Comment le ministre peut-il accepter que l'administrateur d'une compagnie, soit la compagnie Navigation Sonamar ait faussé le jeu des soumissions publiques en ayant gonflé de 30% la soumission du groupe Sonamar dans laquelle le gouvernement détient 25% des actions pour favoriser indûment sa propre soumission, la soumission du groupe Desgagnés?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: Je n'ai pas dit que j'acceptais cet état de choses tel qu'il était. J'ai dit que nous avions accepté la plus basse des soumissions qui avaient été présentées, en l'occurrence, par le groupe Desgagnés, ce qui est très différent de ce que le député vient de dire. Je dirais aussi, pour rétablir une autre chose qui est parue dans un article de journal de ce matin, que Sonamar n'est pas criblée de dettes au moment où on se parle. Au contraire, il y a 500 000 $ d'actifs nets dans Sonamar à l'heure actuelle et les dettes, comme telles, comptes à payer, etc., tournent autour de 20 000 $ seulement. C'est loin d'être une situation où Sonamar serait criblée de dettes.

Une autre chose: Le gouvernement a tenté, au cours des mois et des années qui ont précédé, mais surtout au cours des mois qui ont précédé, de regrouper les différents caboteurs de Sonamar. Devant la constatation que ce n'était pas possible d'y arriver avant d'octroyer le contrat, nous sommes allés en appel d'offres, ce qui laissait la chance à tout le monde de soumissionner, tant Sonamar que ceux qui étaient actionnaires de Sonamar, les autres caboteurs en particulier. Chacun l'a fait - à ce qu'on raconte aussi dans l'article, cela a été mentionné, d'ailleurs, - sur sa propre base et Sonamar l'aurait fait, d'après ce qu'on m'a dit, sur la base de la soumission de l'an dernier plus un certain pourcentage pour tenir compte de l'inflation. Ce qui a laissé libres les partenaires de soumissionner à leur guise. C'est ce qui s'est passé.

Maintenant, on se retrouve devant une situation où, effectivement, l'administration de Sonamar était confiée depuis quelques mois à M. Desgagnés, du groupe Desgagnés, qui a fait cette soumission, qui a fait effectivement deux soumissions, une comme groupe Desgagnés et l'autre comme représentant de Sonamar. Je pense qu'il y a des discussions qui doivent se tenir au sein du conseil de Sonamar devant cette situation et qu'il y a des correctifs à y apporter, mais cela repose toute la question de l'existence même de Sonamar.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Comment le ministre peut-il affirmer qu'en faussant le jeu des soumissions, parce que c'est ce qui est arrivé... Les autres actionnaires se fiaient sur le fait que la soumission préparée par le groupe Desgagnés serait préparée pour Sonamar. Ils ne savaient pas qu'il en ferait une plus basse pour lui-même et qu'il lèverait un peu plus haut la soumission de Sonamar. Comment le ministre peut-il affirmer qu'en faussant le jeu des soumissions, Yvan Desgagnés, du groupe Desgagnés, a fait économiser de l'argent aux contribuables québécois et comment, en laissant fausser le jeu des soumissions, le ministre protège-t-il les 25% d'actions du gouvernement et des contribuables?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: II semble bien, M. le Président, que l'esprit dans lequel j'ai... Ce que j'en ai dit, c'est que les contribuables ou les consommateurs n'ont pas été pénalisés par le fait que nous ayons accepté la plus basse des soumissions. Nous avons accepté la plus basse des soumissions. Donc, c'est quand même par rapport aux autres qui ont soumissionné, en fait, le groupe Logistec. Le groupe Desgagnés, par rapport à tout cela, a fait la plus basse soumission, que nous avons acceptée. Par conséquent, à ce moment-là, je pense que, pour le gouvernement, il prend le plus bas prix; il accepte la soumission de celui qui a fait la plus basse des offres. Je pense que, là-dessus, on doit admettre que le contribuable, comme le gouvernement, n'a pas été pénalisé, en l'occurrence.

M. Ciaccia: M. le Président, non, non...

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ...il va falloir qu'on clarifie quelque chose ici. Comment le ministre peut-il affirmer qu'il a accepté la plus basse soumission en théorie quand celui qui a préparé les deux soumissions en a préparé une beaucoup plus haute pour faire accepter sa propre soumission et comment le ministre peut-il nous garantir que si le jeu n'avait pas été faussé, les autres actionnaires n'auraient pas pu soumissionner à un prix beaucoup plus bas que le prix d'Yvon Desgagnés? Comment savez-vous cela, vous?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: M. le Président, tous les autres pouvaient soumissionner. C'est

d'ailleurs cela. À la minute où nous allions en appel d'offres, Sonamar pouvait soumissionner comme telle et chacun des actionnaires de Sonamar pouvait aussi soumissionner. D'ailleurs, c'est ce que le groupe Desgagnés a fait. C'est ce que le groupe Logistec a fait et c'est ce que d'autres auraient pu faire aussi, s'ils l'avaient voulu. Je pense qu'on se retrouve finalement dans une situation où nous avons eu à choisir et à décider d'accorder la soumission à celui qui avait fait l'offre la plus basse.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Comment allez-vous justifier cela devant les autres actionnaires qui comptaient là-dessus? Est-ce que vous êtes au courant que les autres actionnaires se fiaient à l'administrateur? L'administrateur était le groupe Desgagnés. Les autres actionnaires ont cru que cet administrateur faisait la soumission au nom de Sonamar. Donc, ils n'ont pas fait de soumission parce qu'ils comptaient sur la responsabilité de ce dernier. Comment pouvez-vous affirmer, aujourd'hui, que c'est la plus basse soumission quand les autres actionnaires, contrairement à ce que vous dites, n'ont pas eu la possibilité de soumissionner? Ils se sont fiés à l'administrateur pour soumissionner pour eux.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: M. le Président, à la minute où nous ne procédions pas par négociation pour accorder le contrat de transport dans le Grand-Nord, cet été, et, à la minute où nous avons décidé d'aller en appel d'offres, il devenait clair pour tout le monde que chacun pouvait soumissionner. Compte tenu de la situation, c'est ce que chacun devait faire. Donc, chacun avait la possibilité de le faire. Cet appel d'offres était public. Tout le monde l'a su très rapidement. Ainsi, ceux qui étaient intéressés l'ont fait.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Une courte question complémentaire. Est-ce que le ministre est en train de nous dire qu'à l'avenir, il va tout simplement laisser M. Desgagnés préparer les soumissions de tout le monde simplement en disant: On demande des soumissions et on va prendre la plus basse. Est-ce ce qu'il va faire à l'avenir?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: Quand il y a un appel d'offres public, je pense que tout le monde peut soumissionner ou doit soumissionner, s'il est intéressé. En ce qui concerne la situation interne de Sonamar, de ceux qui doivent en assumer ou en assurer l'administration, je pense qu'il y a des discussions qui devront se poursuivre pour savoir comment Sonamar doit être administrée, si elle continue à fonctionner.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Dernière question additionnelle. Puisque M. Yvan Desgagnés avait discuté avec vous, le 25 avril, du prix possible d'une soumission de Navigation Sonamar, comment expliquez-vous... Depuis quand un ministre discute-t-il les montants des soumissions avant même d'aller en appel d'offres?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: M. le Président, je n'ai pas discuté des montants des soumissions avec M. Desgagnés avant. Il y a eu une rencontre avec les gens de Sonamar et c'est à ce moment que nous avons dit: nous allons aller en appel d'offres s'il n'y a pas regroupement à l'intérieur de Sonamar.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Si vous n'en avez pas discuté, je vous suggérerais de consulter l'affidavit signé par M. Desgagnés où il affirme qu'il a eu effectivement une réunion avec vous. Dans sa déclaration, il affirme avoir discuté de ce prix. Je vous suggère donc de prendre connaissance des documents signés par M. Desgagnés sous serment.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: II y a eu une rencontre pour discuter de toute la situation de Sonamar par rapport au contrat dans le Nord. Nous avons discuté de la situation parce qu'il était urgent qu'on en arrive à cet appel d'offres. Il était clair, au cours de cette réunion, qu'il y aurait appel d'offres et donc que tout le monde devait, pouvait à ce moment-là soumissionner. S'il n'y avait pas de regroupement, la seule autre possibilité était un appel d'offres et c'est ce qui s'est passé.

On ne peut pas dire qu'on a discuté des prix à ce moment-là parce que s'il n'y avait pas de regroupement, on devait aller en appel d'offres. Je pense que c'est cela, la situation qui a été évoquée.

Le Président: M. le député de Laporte.

La situation de M. Pierre Allard

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. La nuit portant conseil, le ministre a certainement eu le temps de réfléchir sur les agissements passés de M. Pierre Allard, ex-président de l'Association péquiste de Lotbinière et organisateur politique du ministre, nommé par ce dernier à la Société des alcools du Québec, en charge du projet visant à transformer les succursales en coopératives.

Compte tenu des très graves irrégularités constatées dans le rapport d'inspection et de vérification de la Confédération des caisses populaires Desjardins du Québec à l'égard de la Caisse populaire de Manseau, comté de Lotbinière, et des activités illégales attribuées à M. Pierre Allard, ex-président-directeur général de la coopérative de Manseau, tel que du "kiting" ou des jeux de chèques, tel que des chèques à l'ordre de la coopérative déposés dans le compte personnel de M. Allard et tel que s'être approvisionné en numéraire ou en argent liquide en effectuant des dépôts considérés comme fictifs, le ministre peut-il donner à cette Chambre l'assurance que des mesures immédiates seront prises pour que M. Allard soit suspendu de ses fonctions à la Société des alcools du Québec et ce, dans le meilleur intérêt des contribuables du Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je regrette les quelques minutes de retard au début de la période de questions, j'étais en discussion avec le président de la Société des alcools du Québec qui m'a appelé lui-même ce matin pour m'informer qu'il venait de recevoir une lettre de M. Allard. Ce dernier invoque dans sa lettre la démagogie du débat actuel dans le cas des coopératives de travailleurs et le fait qu'à cause de cette démagogie, le débat risque de nuire aux coopératives auxquelles il a consacré les dix dernières années de sa vie. M. Allard dit également dans sa lettre qu'il n'a jamais profité personnellement d'aucune somme d'argent venant de la Coopérative de travailleurs de Manseau et il demande au président de la Société des alcools d'être relevé de ses fonctions à compter de maintenant.

Personnellement, je regrette que l'Opposition se serve de son immunité parlementaire pour faire des campagnes de salissage, faisant en sorte de détruire des objectifs valables et qui pourraient aider les citoyens du Québec à mieux réussir dans leur vie.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, le rapport d'inspection et de vérification de la Confédération des caisses populaires Desjardins du 30 janvier 1984 affirme que l'analyse complète des prêts... Le ministre est-il au courant que, dans le rapport, on dit que la Caisse populaire de Manseau perdra au moins 60 000 $ à cause des agissements dont j'ai parlé tout à l'heure? Le ministre peut-il nous dire si les nombreuses subventions versées à la coopérative de Manseau, soit par le ministère de l'Agriculture, soit par l'intermédiaire des programmes gouvernementaux, tels que PECEC, OSE et autres programmes, subventions totalisant plusieurs centaines de milliers de dollars, ont été précédées des vérifications d'usage quant à la compétence et à la probité des administrateurs de la coopérative et, plus spécialement, de celles de M. Pierre Allard? Le ministre est-il prêt à instituer une enquête afin de déterminer si la faillite virtuelle de la coopérative est reliée directement ou indirectement aux pratiques financières de M. Pierre Allard, son ex-président-directeur général? (10 h 20)

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je n'ai pas l'habitude de faire des enquêtes sur toutes les entreprises en faillite, parce que, si c'était le cas, j'en ferais une, j'en ferais même deux sur des entreprises en faillite qui appartenaient à la famille de votre chef. Ces deux entreprises ont reçu des subventions majeures de la part du gouvernement du Québec. Dans ce cas, lorsqu'on donne des subventions, il y a des analyses, des études qui sont faites par chacun des ministères sectoriels qui donnent des subventions. En l'occurrence, lorsque le ministère de l'Agriculture a accordé des subventions à la coopérative de Manseau, il a dû faire les enquêtes nécessaires de même que pour le programme PECEC où la direction des coopératives a aidé dans ce sens. Mais chaque fois, il y a des études faites par les fonctionnaires des ministères et c'est sur la base de ces études que la décision est prise.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme faisait-il allusion aux malversations financières de M. Pierre Allard, ex-président-directeur général de la coopérative de Manseau, lorsqu'il disait en cette Chambre: "C'est possible d'être indépendant économiquement avant d'être indépendant politiquement, et je pense qu'on va montrer aux travailleurs le chemin avec certaines

expériences pratiques dans tout le Québec." Fin de la citation. C'était l'expérience pratique dont M. Allard était précisément le concepteur en chef à la Société des alcools du Québec.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, encore une fois, je pense que le député de Laporte veut détruire des objectifs valables pour les citoyens du Québec dans ce sens-là. Si vous regardez les plus pures des entreprises privées qui font faillite, qui ont fait faillite à cause de la crise économique - de temps à autre aussi, certaines formes de coopératives vont avoir des difficultés financières - je pense qu'il faut aussi juger, à cause de la crise économique, certaines expériences malheureuses qui peuvent arriver soit au niveau des coopératives, soit au niveau des entreprises privées. M. Allard, dans la lettre au président de la Société des alcools, dont je n'ai pas copie - le président m'en a fait état au téléphone - disait que, personnellement, il n'avait jamais profité des sommes d'argent qui étaient destinées à la Coopérative des travailleurs de Manseau.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, compte tenu des agissements du ministre dans le dossier Biron et Frères, où le ministre avait favorisé scandaleusement les intérêts financiers de son propre frère en renversant...

Des voix: Hé! Hé!

M. Bourbeau: ...les décisions de ses fonctionnaires, et compte tenu des agissements du ministre dans l'affaire Pierre Allard, où le ministre a fait preuve d'un patronage éhonté au détriment de l'intérêt public, le ministre peut-il donner à cette Chambre l'assurance qu'il n'a pas recommandé ou fait nommer à des fonctions officielles d'autres personnages impliqués dans des manipulations financières du genre de celles qui sont reprochées à M. Pierre Allard par le rapport des inspecteurs de la caisse populaire?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, le député de Laporte fait allusion à des discussions qu'on a eues en cette Chambre il y a un an et demi alors qu'à la demande de députés de l'Opposition, je suis intervenu pour aider des entreprises dans des comtés de l'Opposition. Le député de Laporte lui-même m'a demandé d'intervenir dans certains cas d'entreprises de son comté. Il le sait lui-même et, chaque fois, j'ai jugé sur la base du dossier, sur la qualité du dossier et non pas sur les gens qui voulaient intervenir pour ou contre certains dossiers. Dans ce sens-là, j'ai toujours objectivement décidé sur le fond du dossier, sur la qualité du dossier. Quant à M. Allard, il a été engagé par la Société des alcools et non pas par le ministère ou le gouvernement. Il a été engagé par la Société des alcools pour organiser certains projets pilotes dans le domaine des coopératives de travailleurs, et le ministère et le ministre n'ont rien eu à voir dans la décision de la Société des alcools dans ce sens-là.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais poser une dernière question additionnelle au ministre de la justice. Compte tenu des sommes d'argent importantes sollicitées et obtenues de nombreux citoyens de Manseau et de la région lors de la formation de la coopérative de Manseau, qui sont maintenant condamnés à perdre leur investissement, et à la suite du rapport d'inspection de la Fédération des caisses populaires à l'effet qu'il y a eu de graves anomalies et des opérations illégales, dont j'ai parlé tout à l'heure, le ministre de la Justice entend-il instituer dès maintenant une enquête judiciaire sur les tractations financières de M. Pierre Allard, ex-président-directeur général de la coopérative, même si ce dernier est un organisateur politique du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et ex-président de l'Association péquiste de Lotbinière?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, vous me permettrez un commentaire en réponse au préambule du député. De toute évidence, la personne dont il s'agit ici n'a même pas eu droit à son procès, elle a été condamnée par les propos du député.

Deuxièmement, si le député de Laporte croit qu'il est en possession de documents de nature à engendrer une enquête judiciaire ou des poursuites criminelles et des condamnations qui seraient autres que les condamnations verbales qu'il fait devant cette Assemblée en se servant de son immunité parlementaire, il est du devoir du député de Laporte de transmettre les documents au ministère de la Justice.

Des voix: Bravo!

M. Bourbeau: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Dernière question complé-

mentaire, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre de la Justice est-il prêt à reconnaître, d'une part, que le député de Laporte...

Des voix: C'est faux! C'est faux! Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Bourbeau: ...n'a cité qu'un document que je m'engage à faire parvenir, aujourd'hui même, au ministre de la Justice? D'autre part, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est-il prêt à nous dire si M. Pierre Allard a démissionné en partie à cause de son dossier sur les coopératives ou totalement à cause de son dossier sur la Société des alcools du Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Si j'ai bien compris la lettre que m'a lue le président de la Société des alcools, ce matin, M. Allard demandait d'être relevé de ses fonctions à la Société des alcools du Québec pour ne pas nuire au développement du projet des coopératives pour lequel il a donné toute sa vie.

Des voix: Bravo!

M. Bourbeau: Le relever de ses...

Le Président: Non, non.

M. Bourbeau: Une précision, M. le Président.

Le Président: J'ai bien indiqué que c'était la dernière question complémentaire. Il y a eu beaucoup de questions. Votre collègue de Maskinongé souhaite poser une question depuis tantôt. Question principale, M. le député de Maskinongé.

Le zonage agricole aux Îles-de- la-Madeleine

M. Picotte: M. le Président, dernièrement, M. Robert Bourassa, accompagné du chef de l'Opposition et du député de Saguenay, se rendait visiter les gens des Îles-de-la-Madeleine dans le but de discuter de certains problèmes qui ont lieu présentement là-bas. Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Certaines personnes s'inquiètent. La Commission de protection du territoire agricole du Québec veut zoner agricole 50% du territoire des Îles-de-la-Madeleine. Le ministre de l'Agriculture entend-il respecter ou remettre directement en cause la recommandation de la Commis- sion de protection du territoire agricole du Québec à l'effet de déterminer zone agricole 50% du territoire des Îles-de-la-Madeleine?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, aux Îles-de-la-Madeleine, il y a eu des ententes avec la moitié des municipalités concernant la protection du territoire agricole. Dans l'autre moitié, il semble ne pas y avoir d'entente. C'est évident, pour tous ceux qui connaissent un peu les Îles-de-la-Madeleine, qu'elles présentent un caractère particulier. La Commission de protection du territoire agricole a présentement rendu une décision que je n'ai pas encore acheminée au Conseil des ministres parce qu'avant de l'acheminer, il faut faire véritablement le tour de la question pour voir si je ferai une recommandation favorable ou non, parce qu'on est vraiment dans une situation particulière aux Îles-de-la-Madeleine. Tous ceux qui connaissent le territoire l'admettront facilement. C'est là l'étape où on est rendu actuellement.

Il n'est pas impossible aussi qu'après avoir étudié tout le dossier je demande à nouveau à la commission si elle ne doit pas encore rencontrer les gens des Îles-de-la-Madeleine - tout est ouvert actuellement -parce qu'il s'agit vraiment d'un caractère particulier aux Îles-de-la-Madeleine. Au cours des années, le territoire ayant été remis par succession aux familles, des terres se sont morcelées de succession en succession ab intestat.

Ce qui est arrivé aujourd'hui c'est qu'on a beaucoup plus un lotissement de l'ensemble des Îles-de-la-Madeleine par succession qu'un territoire qui est structuré. C'est un territoire déstructuré. Il faut regarder cette problématique particulière des Îles-de-la-Madeleine.

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Vu que la MRC de ce coin ne veut pas accepter les 50% de zonage tel que préconisé par la Commission de protection du territoire agricole et que ceux-là ont fait parvenir au ministre cette décision qu'ils ont prise à la MRC, est-ce que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pourrait me dire quels sont les autres intervenants dans ce dossier que la Commission de protection du territoire agricole a entendus pour tenir mordicus à zoner 50% de ce territoire?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Je pense que le député de

Maskinongé est simpliste comme d'habitude. Ce n'est pas si simple que cela. Ce n'est pas 50% du territoire. Un des points importants aux Îles-de-la-Madeleine c'est que les gens... Je demanderais au député de Berthier de prendre ses nerfs tranquilles et d'écouter ce que je vais lui dire. M. le Président, je dirais qu'une des principales demandes, par exemple, aux Îles-de-la-Madeleine qui, je pense n'est pas meilleure aux Îles-de-la-Madeleine qu'ailleurs dans le territoire québécois, c'est de bâtir le long d'à peu près toutes les routes des Îles-de-la-Madeleine. À ce moment, les routes des Îles-de-la-Madeleine vont devenir des rues, avec ce que cela représente au point de vue danger sur le plan de la circulation. Normalement, on bâtit des agglomérations urbaines et les routes sont des routes pour desservir des agglomérations. Une des principales demandes c'est de pouvoir bâtir le long de toutes les routes. On a retrouvé les mêmes demandes à peu près dans toutes les municipalités qui n'acceptent pas la protection des terres agricoles. (10 h 30)

Est-ce que nos routes doivent devenir des rues dans tout le territoire du Québec ou des Îles-de-la-Madeleine? C'est une question importante qu'il faut se poser. C'est là-dessus actuellement, entre autres, qu'on se pose des questions.

M. Picotte: M. le Président.

Le Président; M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, le ministre est en train de me dire que ce n'est pas 50%. Quelle est la recommandation de la Commission de protection du territoire agricole? Si ce n'est pas 50%, quel pourcentage du territoire des Îles-de-la-Madeleine suggère-t-on?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je dis que le problème fondamental n'est pas que ce soit 50%, 40% ou 45%. C'est que là-dedans il y a des modalités, des façons de zoner ou non. Une des principales revendications des municipalités... Évidemment il y en a qui ne voudraient avoir aucune zone agricole aux Îles-de-la-Madeleine. C'est une possibilité aussi. Cela veut dire: Est-ce que le Québec va continuer à dire qu'on va supporter toute l'alimentation qui va venir aux Îles-de-la-Madeleine en donnant des subventions sur le transport et en disant qu'on va tenir pour acquis qu'à l'avenir toutes les pommes de terre seront importées, alors que les Îles-de-la-Madeleine sont situées dans un territoire très près de l'Île-du-Prince-Édouard, qui est un important producteur de pommes de terre, qui a de bons sols pour les pommes de terre? Est-ce que les pommes de terre doivent être importées? Tout ce qui permet de manger aux Îles-de-la-Madeleine, est-ce qu'on va dire: Dézonons tout cela, à l'avenir, tout ce qui est mangé aux Îles-de-la-Madeleine, à part le poisson, doit être importé? Je pense que c'est une question plus importante qu'on ne le dit et il faut regarder vraiment la question en se disant: Est-ce que les Îles-de-la-Madeleine ne doivent pas subvenir davantage à leur alimentation pour, en le faisant, contribuer à fournir du travail? On a différents types de projets agro-alimentaires aux Îles-de-la-Madeleine qui ne sont pas faciles parce que c'est un territoire qui a été déstructuré au cours des années. Dans le temps des libéraux, en particulier, on considérait l'agriculture comme une activité folklorique.

Aujourd'hui, c'est devenu une activité économique et on pense qu'on devrait faire de l'agriculture aux Îles-de-la-Madeleine et c'est tout cela qui entre dans la problématique de la protection des terres agricoles aux Îles-de-la-Madeleine et le développement économique par l'agriculture également.

Une voix: M. le Président...

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): J'aimerais poser une question additionnelle au ministre. Étant donné que je suis informé que dans le cas de quatre des sept municipalités, c'est beaucoup plus que 50% qui sont prévus, est-ce que le ministre est au courant de cela? Est-ce qu'il est au courant que la MRC et les maires concernés sont extrêmement inquiets vis-à-vis des intentions de la Commission de protection du territoire agricole car les cartes qui nous ont été présentées indiquent qu'il y a beaucoup plus que 50% pour ces quatre municipalités? À quel moment le ministre a-t-il l'intention de rendre sa décision? N'est-il pas vrai qu'en attendant qu'il rende sa décision, ceux qui sont intéressés dans l'agriculture présentement voient leurs avantages suspendus justement parce que cette situation n'est pas réglée.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Je suis content que le député de Bonaventure vienne dire que le pourcentage n'est pas exactement... Il confirme ce que je disais que le député de Maskinongé était dans les pommes de terre

quand il parlait de 50%. Ce n'est pas cela le problème. Dans certaines municipalités, il n'y a pas de zones agricoles. Il y a des municipalités.... M. le Président, pouvez-vous demander au député de Berthier d'aller voir un neurologue, s'il vous plaît?

Je dis tout simplement qu'il y a plusieurs municipalités aux Îles-de-la-Madeleine. Il y a des municipalités qui n'ont pas de zone agricole, d'autres ont une petite zone agricole, d'autres ont une zone agricole plus importante. Il y en a eu avec les municipalités anglophones. On s'est entendu. Il y a une entente pour avoir une zone agricole très importante.

Il y a un secteur, actuellement, où il n'y a pas d'entente et cela ne porte pas seulement sur le fait de zoner tel et tel pourcentage, mais aussi sur la façon dont on ferait le zonage. En particulier, je vous disais le long des chemins. Ce n'est pas le seul problème, mais c'est un des gros problèmes.

C'est évident qu'en attendant qu'il y ait une zone agricole... Dans une zone non agricole les subventions du ministère ne s'appliquent pas. C'est comme cela depuis 1978. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. On n'apprendra rien à personne. Toutes les municipalités le savent. Que voulez-vous? Là, il faut faire des choix. On ne peut pas avoir son gâteau et le manger en même temps. C'est cela qu'on est en train de déterminer avec les gens et les gens veulent qu'on fasse le maximum de consultation avant de prendre une décision définitive. C'est ce qu'on fait actuellement. Vous avez passé la journée d'hier à faire des discours et à dire qu'on ne consultait pas assez. Aujourd'hui, vous voudriez qu'on ne consulte pas. Branchez-vous une fois pour toutes.

Le Président: Complémentaire? Une voix: Principale.

Le Président: Question principale. M. le député de Saint-Hyacinthe s'était levé avant vous.

La nouvelle réglementation sur la protection du territoire agricole

M. Dupré: Merci, M. le Président, ma question s'adressera au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Justement dans la même foulée, la protection du territoire agricole a fait depuis fort longtemps l'objet de lois dans différents pays du monde. Que ce soit par une approche fiscale ou encore par une approche planificative, de nombreuses provinces, l'Ontario, le Manitoba et quelques autres, un bon nombre d'États américains -cela date de 1925, ce n'est pas d'hier - ainsi que plusieurs pays d'Europe, dont la France et la Belgique, sont intervenus bien avant le Québec dans ce domaine.

Des voix: ...

M. Dupré: Je comprends, parce qu'en 1978, M. le député de Maskinongé en tête, vous aviez voté contre cette loi. Maintenant qu'il est le porte-parole officiel de l'Opposition...

Le Président: M. le député!

M. Dupré: ...lui et son chef, qui est hors les murs présentement...

Le Président: M. le député, vous étiez en train de poser une question et de faire le préambule. Puis-je vous inviter à vous en tenir à votre préambule et à éviter toute remarque de ce genre?

M. Dupré: M. le Président, l'article 76 me permet tout de même un court préambule.

Le Président: Je dis très exactement: Tenez-vous-en à votre préambule et laissez faire les arguments de ce type-là.

M. Dupré: Merci, M. le Président. Attendue depuis des dizaines d'années, la Loi sur la protection du territoire agricole a mis fin à l'hémorragie des terres agricoles au profit de la spéculation foncière et du développement anarchique des municipalités. Force nous est de conclure ce matin que la Loi sur la protection du territoire agricole est le pivot de l'agriculture au Québec. Certainement, monsieur. Cependant, à l'usage, et compte tenu de l'expérience de la commission, je voudrais savoir à quel moment le ministre a l'intention de rendre publique la nouvelle réglementation pour alléger certaines procédures entre les municipalités, certains ministères et certains offices, dont les corporations municipales, et la protection du territoire agricole, dans un premier temps?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture. (10 h 40)

M. Garon: M. le Président, au lieu de rire du député de Saint-Hyacinthe, vous devriez l'écouter davantage, parce que, lui, il est au courant. Je vous ferai remarquer que s'il y a une question à point, c'est bien celle-là, parce que c'est aujourd'hui la publication de ce nouveau règlement dans la Gazette officielle...

Des voix: Ah! Bravo!

M. Garon: M. le Président, je vous dirai que si le député de Maskinongé veut

améliorer sa moyenne au bâton, il vaut mieux qu'il imite le député de Saint-Hyacinthe. Il va le suivre beaucoup mieux...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture...

M. Garon: ...et il devrait lui demander comment il fait le suivi de ses dossiers.

Le Président: Puis-je vous rappeler l'article 79 du règlement qui se lit: "La réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche et ne contenir ni expression d'opinion ni argumentation." C'est vrai pour la question, c'est pourquoi j'ai rappelé le député de Saint-Hyacinthe à l'ordre. C'est également vrai pour la réponse. C'est la deuxième réponse que vous donnez. Le moins que l'on puisse dire, c'est que votre réponse contient à la fois une expression d'opinion et une argumentation, mais elle ne se limite pas au point qu'elle touche. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je suis d'accord avec vous, mais il y a aussi un article du règlement qui dit que l'Opposition doit être tranquille quand on répond aux questions. Tranquillité que je n'ai pas. Je dois dire qu'il y a eu une révision de tout le règlement d'application de la loi afin de simplifier ce règlement et de le rendre plus facile de compréhension, si c'est possible. Je vous dis que c'est un règlement qui était déjà assez simple, mais on a amélioré certaines choses. Entre autres, pour l'élargissement des routes, par exemple, qui sont dans une emprise de 20 mètres, c'est-à-dire 65 pieds, à toutes fins utiles, les gens qui élargiront les routes en fonction d'un chemin déjà existant, jusqu'à 65 pieds ou 20 mètres, auront des dépôts de documents à faire auprès de la commission sans être obligés de demander des autorisations. La commission vérifiera si c'est fait régulièrement.

S'il y a également des services municipaux qui sont inclus dans cette emprise de 65 pieds, il sera aussi possible de la faire sans autorisation de la commission. Finalement, cela veut dire qu'un certain nombre de demandes seront simplifiées. À l'usage, on revoit la réglementation pour simplifier des procédures, là où c'est possible. Au lieu d'ouvrir toutes les portes au printemps, comme celles d'une grange, afin de laisser sortir tous les veaux, la queue raide, un peu partout dans le champ, on a décidé de les faire sortir un par un. En même temps, on a un meilleur contrôle et on peut ajuster régulièrement notre procédure pour avoir une administration contrôlée et efficace...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Garon: ...de la protection du territoire agricole. Il y aura, au cours des prochains mois, parce que je suis en train de faire une révision de tout l'ensemble des procédures avec les députés du Parti québécois de même qu'avec les commissaires, sur le plan administratif, de même que pour les remarques que les députés entendent dans leur comté, pour améliorer encore, éventuellement, autant que possible, les différents points de la loi qui peuvent être améliorés, après avoir connu presque six ans d'application...

Le Président: M. le ministre...

M. Garon: ...à part différents points de réglementation pour que cette réforme...

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Merci, M. le Président. Une courte question additionnelle. Je voudrais demander au ministre ce qu'il adviendra des causes qui sont présentement pendantes devant le tribunal administratif et la commission?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: À partir d'aujourd'hui, c'est la nouvelle réglementation qui s'applique. Donc, les municipalités, qui ont des demandes devant la commission, peuvent tout simplement, en vertu du nouveau règlement, faire leur déclaration à la commission et procéder à partir d'aujourd'hui, en vertu du nouveau règlement.

Le Président: Question principale, M. le député de Richmond.

Autres congédiements dans l'industrie de l'amiante

M. Vallières: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Le premier ministre est sûrement informé de l'annonce faite par Johns-Manville Canada, producteur d'amiante au Québec, d'un nouveau congédiement de quelque 220 employés, le 1er septembre prochain. Les effectifs de cette entreprise sont passés de 2700, en 1980, à 970, aujourd'hui.

Le premier ministre déclarait, en 1981, lors d'une rencontre avec les autorités municipales de la ville d'Asbestos, que cette

ville aurait sa part du gâteau au niveau de la transformation de l'amiante. Compte tenu de ses engagements, le premier ministre peut-il informer cette Chambre et la population de la région d'Asbestos des résultats concrets qui ont entouré sa diarrhée verbale préélectorale à Asbestos? À quoi faisait allusion le premier ministre en parlant de la part d'Asbestos? De sa part de chômage? De sa part de création d'emplois? De quelle part parliez-vous, à ce moment-là?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: Nous suivons ce dossier. Nous sommes au courant, bien sûr, des avis et des échanges qui ont eu lieu entre les hauts fonctionnaires de mon ministère et de mon cabinet et la direction de Johns-Manville à Asbestos. Je me permettrai peut-être de rappeler au député que le marché international de l'amiante s'est très nettement détérioré en 1984 par rapport à 1983.

M. Vallières: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Un rappel au règlement, M. le ministre. M. le député de Richmond.

M. Vallières: J'aimerais, M. le Président, que vous nous éclairiez. J'ai adressé ma question au premier ministre sur des déclarations qu'il a lui-même faites. Je veux qu'il commente ses déclarations et non pas son ministre de l'Énergie et des Ressources.

Le Président: II est de tradition que le gouvernement peut répondre soit par la voix du chef du gouvernement soit par la voix d'un membre du gouvernement. C'est la prérogative du gouvernement. M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Duhaime: Je disais que le marché international de l'amiante, qui était de 826 000 tonnes pour notre part de livraison sur le marché mondial, l'ensemble de l'industrie québécoise, a diminué à 734 000 tonnes en 1983. Nous avions prévu, à l'automne 1983, une stabilité des ventes pour l'ensemble de l'industrie québécoise, mais il y a eu de nouveau une chute qu'on évalue à peu près à 15%.

Je dirais, tant chez Johns-Manville que chez Carey que chez Bell qu'à la société Asbestos, on fait l'impossible pour maintenir le maximum de travailleurs en emploi tout en sauvegardant la santé économique de chacune de ces entreprises. Du moins, je parle pour celles qui sont sous le contrôle de la Société nationale de l'amiante.

Pendant que de ce côté-ci, après avoir constaté une détresse sur le marché international, nous faisons des efforts pour maintenir nos emplois au maximum, j'arrive mal à m'expliquer que les activités de la mine de Baie-Verte, qui produit de la fibre d'amiante blanche à l'aide d'une subvention de 13 800 000 $ du gouvernement fédéral, ait mis en production une vingtaine de mille tonnes et ait soumissionné à des prix de dumping pour couper un contrat à la société Asbestos qui fait perdre dix semaines en emploi.

M. Vallières: Question de règlement, à nouveau.

Le Président: Un rappel au règlement, M. le ministre. M. le député de Richmond sur un rappel au règlement.

M. Vallières: Vous avez fait appel au règlement tantôt auprès du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour qu'il réponde aux questions. Le ministre ne répond pas actuellement à la question que j'ai posée; il est en train de noyer le poisson. J'ai posé une question très précise: Quels ont été les résultats concrets des engagements politiques que vous avez pris vis-à-vis les travailleurs d'Asbestos? Je pose déjà ma question additionnelle, M. le Président, parce que le ministre, je pense, a déjà pris suffisamment de temps. Compte tenu...

Le Président: Chaque chose en son temps. Commençons par le rappel au règlement et on verra pour les complémentaires ensuite. M. le ministre, j'en suis convaincu, concluait sa réponse au moment où vous vous êtes levé.

Une voix: Vous êtes très optimiste.

M. Duhaime: J'ai eu une rencontre, la semaine dernière, avec des travailleurs de l'amiante et on était tous un peu perplexes et désespérés devant cette situation. Au cas où le député de Richmond l'aurait oublié, la mine de Baie-Verte est située à Terre-Neuve. Ces subventions fédérales qui ont été versées... L'entreprise Baie-Verte est administrée par des hauts fonctionnaires fédéraux qui coupent les prix sur le marché des Indes, en particulier...

Le Président: M. le ministre.

M. Duhaime: ...et qui ont fait perdre exactement dix semaines de travail à 450 travailleurs de la région de l'amiante.

Une voix: C'est la faute du fédéral.

Le Président: M. le ministre.

En complémentaire, M. le député de

Richmond.

M. Vallières: Le ministre du Commerce extérieur du Québec ayant déclaré en septembre 1982 à Asbestos qu'il s'engageait à compenser la ville d'Asbestos pour les piètres retombées qu'elle a obtenues en vertu de la politique de l'amiante du gouvernement du Québec, et le chef du gouvernement, de passage à Asbestos à la veille des élections, ayant déclaré que son gouvernement s'occuperait plus et mieux des intérêts des électeurs du comté de Richmond si on lui déléguait un député péquiste, est-ce que le premier ministre peut m'indiquer s'il a l'intention de continuer ce chantage ou d'y mettre fin ou encore de pénaliser jusqu'à la défaite de son gouvernement les électeurs du comté de Richmond?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. (10 h 50)

M. Duhaime: Ce que le député de Richmond déplore aujourd'hui comme une mauvaise situation économique dans le secteur de l'amiante, je pense que c'est un fait, tout le monde va le reconnaître. Mais j'ajouterai cependant que vous devriez vous demander qui a retardé d'au mois trois ans l'intervention du gouvernement du Québec dans la formation de la Société nationale de l'amiante en faisant des "filibusters" de fous ici à l'Assemblée nationale. Vous avez, durant des mois et des années, dénigré systématiquement le dossier de l'amiante, presque chaque jour, dans les journaux et à la télévision. Il y a eu des répercussions partout sur le marché international et aujourd'hui, vous venez brailler et verser des larmes de crocodile.

Des voix: Bravo!

Le Président: La période de questions est terminée.

M. Grégoire: M. le Président, question...

Le Président: La période de questions est terminée, M. le député.

M. Grégoire: Ce n'est tout de même pas moi qui ai abusé du temps depuis un an.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président: Aux motions sans préavis...

Je pense là-dessus, M. le député, que, pour une fois, tout le monde peut être d'accord avec vous.

M. le premier ministre, aux motions sans préavis.

Admiration et reconnaissance à ceux qui ont combattu dans les armées alliées

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, comme chacun le sait, c'est aujourd'hui le 40e anniversaire du débarquement en Normandie. Je crois qu'il est approprié d'inviter l'Assemblée nationale à s'associer de loin aux célébrations qui évoquent un peu partout - je devrais dire qui évoquaient puisque, avec le décalage horaire, beaucoup de ces célébrations se sont déjà déroulées, notamment en France, sur le site même de l'événement - qui évoquaient, dis-je, ce moment capital de l'histoire contemporaine afin que nous puissions témoigner à nouveau de notre vive reconnaissance envers ceux qui se sont battus le 6 juin 1944 et aussi pendant toute la durée de la deuxième guerre mondiale pour défendre nos libertés démocratiques.

Si on y consent, je ferai une motion dans quelques instants...

Le Président: Y a-t-il consentement? Des voix: Oui.

Le Président: II y a consentement.

M. Lévesque (Taillon): ...parce que, je pense que tout le monde admettra que cette date du 6 juin retient à juste titre notre attention encore aujourd'hui, 40 ans après, parce qu'elle a été vraiment le point tournant, à l'Ouest en tout cas, de la deuxième guerre.

À la fin de cette journée qui avait commencé dans une incertitude poignante, un peu comme si le temps était suspendu, on peut dire que les nations alliées pour la défense de la démocratie contre le totalitarisme savaient ce soir-là que la victoire était désormais une quasi-certitude, à condition de maintenir la volonté de vaincre, avec, hélas, aussi toutes les pertes qui allaient encore s'accumuler pendant des mois.

Les 160 000 soldats qui étaient mobilisés dans l'opération avaient réussi pendant cette journée à prendre pied sur le flanc nord de ce qu'on appelait la forteresse Europe, édifiée sur le sol de pays occupés, dans des pays où des millions d'hommes et de femmes devaient supporter, depuis plusieurs années dans certains cas, le poids d'un régime qui niait toute liberté, toute dignité humaine, qui se livrait à de véritables hécatombes parmi les populations civiles et qui foulait aux pieds, en un mot, toutes les valeurs fondamentales d'une société civilisée.

À la fin de cette journée du 6 juin, les démocraties alliées avaient réussi à sonner le glas du rêve d'hégémonie de l'empire hitlérien et étaient désormais en mesure

d'amorcer la libération des peuples captifs. Il faut avoir vu cette libération pour comprendre à quel point elle était devenue non seulement urgente, mais vraiment une question de vie ou de mort pour les gens des pays occupés.

Pendant ce jour qu'on a appelé le jour le plus long et ensuite, jusqu'à la victoire finale, des milliers d'hommes sont morts. Pour la plupart, ils étaient jeunes, pleins d'énergie, pleins de l'idéal de leur âge, pleins de projets d'avenir aussi pour eux-mêmes et pour les leurs. Ils sont morts parce que la guerre choisit fatalement la masse de ses victimes chez les jeunes. Ils sont morts pour que la liberté, pour que nos institutions démocratiques, qui tentent le mieux possible - ou, en tout cas, le moins mal possible -d'inscrire cette liberté dans la réalité de tous les jours, puissent continuer à vivre et à s'épanouir.

Nous, de cette Assemblée nationale, comme les gens de tous les Parlements élus du monde, devons notre existence aujourd'hui à ce lourd sacrifice consenti il y a une génération et demie. Les champs de bataille d'Europe étaient vraiment bel et bien devenus les nôtres. D'autant plus qu'on y retrouvait depuis le début une foule de Québécois qui avaient volontairement choisi de mener, eux aussi, le combat qui s'imposait à toute leur génération. Ce combat, ils l'ont mené très souvent et, on pourrait dire plus souvent qu'à leur tour, avec acharnement et avec héroïsme. Comment, par exemple, ne pas se rappeler le premier débarquement à Dieppe en 1942 où ils étaient déjà si nombreux et, hélas, sans le savoir, servaient de cobayes pour les futures opérations, ce projet pilote, si l'on veut, sanglant de Dieppe d'où un grand nombre ne devaient pas revenir?

Le Québec doit se souvenir de ses fils qui se sont portés à la défense de nos libertés démocratiques à un moment où des sociétés entières parmi les plus proches de la nôtre étaient directement menacées ou temporairement asservies.

J'invite donc aujourd'hui, qui est un jour du souvenir particulièrement important dans l'histoire contemporaine, tous nos collègues de l'Assemblée nationale à s'unir pour redire ensemble notre reconnaissance et notre admiration aux Québécois qui ont combattu dans les armées alliées pendant la Seconde Guerre mondiale, en étant assurés de nous exprimer au nom de tous nos concitoyens et toutes nos concitoyennes.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je m'empresse, au nom de ma formation politique, de m'associer à la motion présentée par l'honorable premier ministre et je voudrais exprimer immédiatement nos propres sentiments d'admiration et de reconnaissance envers tous ces Québécois et ces Canadiens qui ont été à la défense de nos libertés fondamentales, de nos libertés démocratiques.

Je n'ai pas eu l'occasion de faire la guerre - j'étais assez jeune dans le temps -mais sans vouloir dire que mon collègue de Saint-Louis est plus âgé, je sais que c'est le seul vétéran élu ici en cette Assemblée. Comme il m'a exprimé le voeu de participer au débat sur cette motion, je demanderai au député de Saint-Louis de parler au nom de notre formation politique. Je sais que le premier ministre lui-même avait des souvenirs personnels de ces moments-là et je m'associe, évidemment, aux sentiments qu'il a très bien exprimés. Alors, M. le Président...

Le Président: M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: M. le Président, je veux me joindre au premier ministre dans la présentation de sa motion. Lui, comme moi, on est peut-être personnellement au courant de ce qui s'est passé en Europe, lui comme journaliste et moi comme soldat, mais je ne veux pas que la population du Québec et du Canada oublie la part des Canadiens et des Québécois dans ce débarquement.

Des 160 000 soldats que le premier ministre a mentionnés, plus de 16 000, plus de 10% étaient des Canadiens. Dans la première vague d'embarquement, il y avait la 8e brigade de la 3e division qui, je pense, à cette époque, était un portrait du Canada. Il y avait un régiment de Toronto à 100% anglophone, le Queen's Own Rifle, de Toronto. De Québec, on avait le régiment de la Chaudière, de la Beauce, presque à 100% francophone, le régiment que des Anglais appelaient "The Buckets". À côté, c'était le régiment de North Shore, New Brunswick; mon régiment. Ce régiment était composé de 50% d'Acadiens francophones et de 50% d'Acadiens anglophones. Cela veut dire qu'on avait un portrait du Canada lors de l'embarquement de ce jour-là. Le jour a été triste. On a perdu 1000 hommes; il y a eu 700 blessés et 300 morts à la fin de cette longue journée, le jour "J".

Ce sont des gens comme le premier ministre et moi-même qui, peut-être, sommes les plus grands pacifistes au monde. Nous avons vu la guerre. Nous ne voulons pas la guerre. Nous sommes chanceux car, depuis cette date, c'est peut-être la période la plus longue de notre histoire où on n'a pas eu de guerre mondiale. Il y a eu des petites

guerres, des "brushfire wars", mais on n'a pas eu de vrai conflit. On a peut-être eu notre leçon et j'espère que ce sera une leçon pour l'avenir. (11 heures)

Le Président: La motion de M. le premier ministre est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: M. le ministre de la Science et de la Technologie.

Appui à la demande d'un moratoire sur

la délivrance de nouvelles licences

pour produits pharmaceutiques

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: Oui, M. le Président. J'aimerais présenter une motion concernant l'industrie pharmaceutique du Québec qui est formulée comme ceci: "Que cette Assemblée exprime son appui aux intervenants québécois du secteur de la recherche et de l'industrie pharmaceutique, le COPEM, l'Office d'expansion de la Communauté urbaine de Montréal, la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, l'Ordre des chimistes, la Fédération des médecins omnipraticiens et la Fédération des médecins spécialistes qui, en accord avec le gouvernement du Québec, demandent au gouvernement fédéral l'établissement d'un moratoire sur l'émission de nouvelles licences jusqu'à ce que le gouvernement fédéral ait décidé des amendements à la Loi canadienne sur les brevets.

Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion de cette motion? Il y a consentement. M. le ministre de la Science et de la Techonologie.

M. Paquette: M. le Président, cette solidarité des agents économiques et des organisations scientifiques ou professionnelles de la région de Montréal et du Québec n'est pas nouvelle, mais elle est extrêmement importante pour notre avenir économique et technologique. En effet, l'industrie pharmaceutique du Québec, malgré les départs récents attribuables à la Loi fédérale sur les brevets constitue la troisième de nos industries de pointe en termes de volume de recherche. 50% de l'industrie canadienne est située au Québec. La presque totalité de l'industrie innovatrice, de l'industrie qui fait de la recherche est concentrée dans la région de Montréal.

Depuis l'été 1982, après un certain nombre d'années d'application de la Loi canadienne sur les brevets qui permet - je pense que c'est important de le souligner -contrairement à ce qui se passe dans tous les autres pays du monde, à n'importe quelle entreprise d'imiter un médicament sans avoir investi dans la recherche, d'imiter un médicament produit par une entreprise qui a payé pour la recherche sans son consentement, il n'y a pas beaucoup d'auteurs ou de chercheurs qui accepteraient ce genre de loi qui existe pourtant ici au Canada depuis 1969.

En 1982, cette loi a amené le départ de la plus grande entreprise pharmaceutique établie au Canada dans la région de Montréal, l'entreprise Ayerst. Nous avons mis sur pied un groupe de travail en concertation avec les divers intervenants, d'une part, pour garder au Québec ses chercheurs et, d'autre part, pour obtenir du gouvernement fédéral que l'on modifie cette Loi sur les brevets qui était en train de détruire l'industrie pharmaceutique, innovatrice, dans la région de Montréal.

À la suite de cette prise de position que j'avais le plaisir de présenter au nom du gouvernement du Québec, en février 1983, nous avons eu cette réaction qui était assez caractéristique de la réaction générale du milieu. Dans un journal qui n'est généralement pas favorable au gouvernement, je veux parler du journal The Gazette, on disait: Together with his federal counterpart, Donald Johnston, Mr. Paquette is trying to save 130 jobs which will otherwise be lost when Ayerst Laboratories move their research facilities from Saint-Laurent to Princetown, at the end of the year. On décrivait le plan de sauvetage des entreprises Ayerst qui devait être une entreprise partagée entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. Plus loin, le même éditorial disait: The federal law forcing drug developers to grant manufacturers' licenses to other firms, thus denying them patent protection on drugs they have developed, has helped to drive many jobs out of Canada. That rule should, as Mr. Paquette says, be changed. En somme, M. le Président, cet éditorial disait: Cette loi est bien responsable de la perte d'emplois parce qu'elle ne protège pas la recherche originale au Canada et cette loi, comme le souligne le gouvernement du Québec, doit être changée.

Sur le premier plan, sur cette entreprise de récupération conjointe des chercheurs d'Ayerst, le gouvernement du Québec a fait sa part puisque 85 d'entre eux à peu près, plus de la moitié des chercheurs, travaillent maintenant pour Bio-Méga, filiale de la Société générale de financement qui s'est engagée dans le développement d'activités pharmaceutiques. Ils travaillent actuellement dans la recherche. Nous avons préservé plus de la moitié des emplois du Québec. Je dois vous dire que le gouvernement fédéral n'a pas encore fait sa part puisque aucun des chercheurs qui devaient être engagés dans l'Institut de biotechnologie à Montréal ne l'a été jusqu'à maintenant.

M. le Président, là on en arrive à ce qui était demandé en échange au gouvernement fédéral, la modification de la Loi sur les brevets. Après de multiples assurances de la part des divers responsables au niveau fédéral, assurances sur lesquelles nous nous sommes fondés pour créer cette nouvelle entreprise au sein de Bio-Méga et pour investir 25 000 000 $ au cours des cinq prochaines années dans la création d'une nouvelle entreprise regroupant les chercheurs d'Ayerst, ces assurances ont été niées et niées de multiples façons. Je pense qu'il est important ici de commenter ce fait.

À la suite de l'intervention que nous avions faite et que les divers intervenants ont faite, le gouvernement fédéral s'est dit prêt à modifer les dispositions de la loi. Le 10 juin 1983, le premier ministre du Québec recevait une lettre de M. André Ouellet, laquelle commençait comme ceci: "Le gouvernement fédéral a décidé de modifier les dispositions de la Loi sur les brevets portant sur l'octroi de licenses obligatoires pour l'importation de produits pharmaceutiques." Et il lançait une consultation à laquelle nous avons participé comme des centaines d'intervenants dans tout le Canada.

Huit mois plus tard, le 7 janvier 1984, un nouveau ministre responsable du dossier, Mme Judy Érola, prévoyait soumettre avant la fin de janvier à ses collègues du cabinet Trudeau les modifications qu'elle désire apporter à la Loi sur les brevets. Dans une lettre, quelques jours plus tard, je lui rappelais la position du Québec indiquant que nous devions modifier cette Loi sur les brevets, tout en assurant la protection des consommateurs et en assurant le réinvestissement dans l'économie du Québec et dans l'économie canadienne des profits générés par les entreprises sous forme d'investissements dans la recherche-développement ou dans la fabrication au Canada et au Québec.

À la suite de ces assurances qui nous ont amenés à investir et à créer de nouvelles entreprises, à la suite de ces assurances que la loi allait être changée, quelle a été la réponse du gouvernement fédéral finalement? Le 18 avril, quelques semaines plus tard, on annonçait la création d'une commission d'étude formée d'une seule personne de l'Université de Toronto, cette commission, la Commission Eastman, devant faire son rapport à la fin de l'année, donc après les élections fédérales.

M. le Président, je pense que les gens du comité de promotion économique de Montréal, les gens des chambres de commerce de Montréal, se sentent à bon droit trahis, puisqu'en décembre 1983 ils avaient l'assurance du Conseil des députés libéraux fédéraux que la loi allait être changée et que maintenant on arrive avec une commission d'enquête qui reporte les choses après les élections. Je vous rappelle que cela signifie que le caucus libéral fédéral a perdu la bataille contre les intérêts de l'Ontario. L'industrie imitatrice est concentrée en Ontario; l'industrie innovatrice est concentrée dans la région de Montréal et toute modification de la Loi sur les brevets favorise le développement industriel du Québec. (11 h 10)

On a choisi de faire une commission d'enquête qui reporte le problème après les élections. À la suite de la création de cette commission d'enquête, M. Frédéric Wagnière, dans la Presse, commentait cette décision du gouvernement fédéral de noyer le poisson. D'ailleurs, c'était le titre de l'éditorial: "Noyer le poisson avant les élections." Je cite quelques extraits très rapidement. "Beaucoup de pays sont aux prises avec le problème du prix des médicaments. Au Canada il est devenu une querelle entre Montréal et Toronto. Montréal est le centre de l'industrie pharmaceutique innovatrice au Canada et Toronto, le centre de l'industrie imitatrice, née d'un assouplissement de la Loi sur les brevets en 1969."

L'éditorial mentionne que l'industrie s'est engagée à mettre sur pied, conformément à la position du gouvernement du Québec, un mécanisme de surveillance des prix pour protéger les consommateurs. L'éditorial se termine ainsi: "L'enjeu pour Montréal n'est pas seulement économique. Si Montréal perd la recherche pharmacologique, c'est le Canada qui perd une partie de sa vie intellectuelle et scientifique. Quant à Toronto, son enjeu est purement économique. On comprend l'indignation de M. Paquette devant les tergiversations trop évidentes d'Ottawa en période préélectorale. L'industrie pharmaceutique de Toronto a tout à gagner si une commission d'enquête repousse aux calendes grecques une décision définitive au sujet de la Loi sur les brevets. Pour l'industrie pharmaceutique de Montréal, en revanche, chaque jour qui passe avec la loi actuelle lui fait perdre du terrain par rapport à ses véritables concurrents à Paris, à Bâle et ailleurs." L'effet des tergiversations fédérales, on l'a aujourd'hui: depuis un an, 80 requêtes des entreprises imitatrices, des entreprises génériques ontariennes en un an. Je vous signale que depuis quinze ans d'application de la Loi sur les brevets, il y en avait eu environ 300. Depuis un an, quatre fois plus de requêtes qu'habituellement.

Ce qui est en train de se passer, c'est que les entreprises imitatrices de l'Ontario lèvent tous les brevets qu'elles peuvent, même si elles n'ont pas l'intention de les utiliser de façon que quand les modifications de la loi seront apportées, elles auront en poche des brevets pour lesquels elles n'auront pas payé en ce qui concerne la recherche et qu'elles pourraient utiliser pour produire du

développement économique dans la région de Toronto. On comprend l'indignation des divers intervenants qui, lundi, demandent au gouvernement fédéral un moratoire sur l'émission de tout nouveau brevet à des entreprises imitatrices de la région de Toronto. S'il est si difficile, après les assurances données pour le gouvernement fédéral, de prendre une décision favorable au Québec à la veille des élections, puisqu'il faut une commission d'enquête au gouvernement fédéral pour passer le cap des élections après des consultations qui ont duré pendant un an, puisque le fédéral reconnaît qu'il doit faire sa part pour corriger les effets désastreux de cette Loi sur les brevets concernant le départ d'Ayerst, puisque le gouvernement fédéral a dit qu'il veut maintenir et développer la recherche au Canada, on jugera de ses bonnes intentions par cette décision qu'il peut prendre dès maintenant en attendant le rapport de sa commission d'enquête de bloquer l'attribution de tout nouveau brevet sur de la recherche développée au Québec à des entreprises de Toronto pour le développement économique de Toronto.

Je pense que nous devons faire preuve de solidarité au Québec. J'attends de l'Opposition cette solidarité qu'elle a exprimée récemment en commission parlementaire. Cette solidarité également avec tous les intervenants du Québec de façon que le gouvernement fédéral prenne ses responsabilités, décrète ce moratoire et protège l'industrie pharmaceutique du Québec. Merci.

Le Président: Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci. Au nom de ma formation politique, c'est avec plaisir que je m'associe à la motion du ministre qui demande au gouvernement fédéral l'établissement d'un moratoire sur l'émission de nouvelles licences jusqu'à ce que le gouvernement fédéral ait décidé d'apporter des amendements à la Loi canadienne sur les brevets. Nous appuyons la motion, M. le Président, parce qu'il est urgent de mettre fin à la dégradation de notre industrie pharmaceutique au Canada et je parle de la situation lamentable du secteur innovateur de l'industrie. La motion vise la Loi canadienne sur les brevets, qui permet à tout fabricant d'importer des substances actives et de produire sous licence un médicament sitôt qu'il est breveté par son inventeur à la condition qu'il paie une redevance de seulement 4% du prix de vente aux inventeurs.

La loi restreint radicalement les bénéfices éventuels qui pourraient justifier un investissement dans la recherche. Par contre, les sociétés qui copient les médicaments peuvent exploiter un riche filon puisqu'elles n'assument aucuns frais de recherche, aucuns frais de mise au point et de l'établissement du produit. L'Association canadienne de l'industrie des médicaments estime que les compagnies innovatrices - cela veut dire celles qui font de la recherche afin de produire de nouveaux médicaments - ont accusé depuis 1969 un manque à gagner d'environ 600 000 000 $. Dans une publication de l'association publiée en octobre 1983, l'association a dit ceci: "L'incidence de chaque nouvelle licence obligatoire mesurée par le manque à gagner de l'inventeur d'origine se manifeste cumulativement d'une année à l'autre. Ces pertes ont une ventilation très inégale et, ironiquement, les entreprises innovatrices les plus gravement touchées sont celles qui ont le plus investi dans l'économie canadienne en termes de recherche, de développement, de fabrication, de promotion pharmacothérapeu-tique et en information auprès des professionnels de la santé. Ce sont surtout l'expansion de la recherche et du développement, l'investissement physique -usines, matériel - et les possibilités d'emploi de personnel scientifique et technique qualifié qui en ont souffert. L'investissement dans la recherche exprimé en pourcentage du chiffre d'affaires ou en termes d'expansion annuelle depuis 1969 est tombé à moins de la moitié de son niveau antérieur. Cette baisse est deux fois plus marquée que dans les autres industries de recherche du Canada ainsi que dans l'industrie pharmaceutique des autres pays occidentaux développés."

I think it is important to understand the very unique Patent Laws that we have here in Canada because there is nowhere else in the world that treats pharmaceutical inventions in the same way as we do here in Canada. Canada's Patent Act provides seventeen years of patent protection as a right for all inventions. However, Canada's patent legislation differs from that of the Western World in that, in many respects, it treats Pharmaceuticals in a unique manner, and I am reading just a few lines again from the same publication of the Canadian Manufacturers Association of pharma-ceuticals. "The finished pharmaceutical products can never be patented, neither can the active ingredients in such products. In fact, only the process or chemical reaction whereby the active ingredient is synthesized or produced can be patented. Furthermore, Canada's Patent Legislation was amended in 1923 in a manner which resulted in further differentiation in treatment between the pharmaceutical and other industries. By virtue of this amendment, the Commissioner of patents is authorized to issue compulsory licenses on pharmaceutical process patents in

cases where the licensee intends to manufacture in Canada the active ingredients of the pharmaceutical product. This provision is called "compulsory licensing to manufacture". (11 h 20)

Some years later, in 1969 - and it is since 1969 that the negative impact of these patent amendments has been particularly felt the Patent Act, as it pertains to Pharmaceuticals, was again amended in a unique manner. Under the impression that the prices of drugs in Canada were higher than they need be, the Federal Government extended the compulsory licensing provision of the Act to permit the issue of such licenses to import the active ingredients for production of the finished dosage formed in Canada or simply to import the finished product for sale in Canada. Application for compulsory license may be made at any time after the patent has been filed and the Commissioner is obliged to grant a compulsory license immediately upon receipt of an application. This provision is outlined in Section 41.4 of the Patent Act. The only compensation that the amendment gives to the patentee is payment of a royalty fee, arbitrarily set at 4% of the licensee's selling price of the product.

The compulsory licensing to import provision is unique to Canada, which is the only country in the world currently using compulsory licenses as a policy instrument. In the USA, the clear protection for pharmaceutical invention is 17 years from the time of the grant of the application. In the United Kingdom, it is 20 years. In West Germany, it is 20 years of clear protection; no compulsory licensing of copying companies during that time. In France, it is 20 years. In Switzerland, it is 20 years. In Belgium, it is 20 years. In Norway, 20 years, and so on.

The result of the Canadian Patent Law has been that the effective period of patent protection is not at all 17 years, it is now effectively about 5 years: the time it takes for the generic or copying companies to produce and to develop their own market. Approximately 300 licenses to copy have been issued to this day. The generic companies are in a position to sell their products at prices below the innovative companies, because they have none of the research cost, none of the cost involved in carrying out the clinical studies required to assure safety and effectiveness and none of the cost required to develop the market for their product.

It is important to note that the drug companies tell us that it takes between 50 000 000 $ and 100 000 000 $ and over 10 years to bring a product to market, with all the research and development process. The result is that research companies have simply stopped investing in research of new drugs and they have, in fact, cut their research by half, since 1969. Since they cannot afford the risk to do otherwise. They simply do not have enough time, under the present Patent Law, to recoup their huge investment.

Now, this whole situation is particularly important for Québec because, in 1976, 61% based on sales - of the Canadian pharmaceutical industry was based in Montreal. In 1983, just 7 years later, Montreal's share of national sales declined to approximately 36%. Some of the companies, which have ceased research operations since the Federal law came into effect, include Homer, Abbott, Pharma Research, Smith, Kline and French, Hoffmann-Laroche and, of course, we are all familiar with Ayerst, who moved their whole research operations to New Jersey. Since then, many of their research staff have been relocated in Montreal, but that does not assure the future of that industry because they are still going to be subjected and their inventions are still going to be subjected to the Patent Law of Canada, which have a very negative effect on the return of research investment.

Ayerst was particularly important because it represented 55% of the scientific potential of Quebec pharmaceutical industry. Ayerst laboratory was the largest research operation in Québec, exceeded only by Pratt & Whitney and Spaar. Compulsory licensing is continuing to reduce the amount of pharmaceutical research and development in Canada. Ontario's pharmaceutical industry employ 7000 people and concentrates on over the counter drugs and those which do not depend as much on research.

In Québec, we have an industry. If you add up the major investments in research, we have 23 237 000 $ on research and development in 1981, and we employ 2739 people in Québec, 450 of them in research and development.

The effect of the legislation, in terms of price savings, which was the original aim of the Federal Governement, is questionable. Consumer savings have not been large enough to offset the detrimental effects of the pharmaceutical manufacturers who hold the product patents. The Canadian pharmaceutical association calculated in 1980 the per capita cost of prescription drugs in Canada was comparable to the figure in United States, where product patents are issued and compulsory licensing does not exist. Our consumers have paid slightly lower prices for drugs as a result of the compulsory licensing and median reimbursement - I will mention that in a minute - because there is a provincial law which also needs to be reexamined because it also has a negative effect on the research investment return in the province.

Theses policies have resulted in a

decrease in investment, an increase in the number of unemployed Canadians, a lower yield in corporate and personal taxes and, in addition, a lost of stimulus for the economy. The effects of the law are intensifying as technological breakthroughs loom in a whole wide spectrum of drugs, treatment for heart ailments, hypertension, ulcers and so on. I think there is another area, that is the new biotechnological area that we talk a lot about. We have tremendous potential here, in Québec, in this field and we have many fine researchers. This field also, although I am not quite sure whether it is totally clarified in the law yet, but the conventional wisdom is that biotechnological products are also going to be subject to the same patent regulations as the pharmaceutical products.

This is very serious. I think the importance of this is - I would like to remind the minister - that, because the biotechnologial industry is also developing in Ontario, we have allies. It is not just a question of we have the research in Pharmaceuticals and they have the generics. I think that we have allies in the rest of Canada because many developments, very important developments, recent developments in Ontario are also concerned by the Patent Laws. So, I think that it is time we work together and just do not make this a case of Ontario bashing or federal bashing. This is a joint problem and it has to be solved jointly.

I would not go into the Québec legislation which involves the substitution of generics by pharmacists and also the pricing, the reimbursement of which is only the median price in Québec insurance for medication, but I think this is also an area which the industry estimates has caused them in one year, since the median pricing legislation came in in Québec in 1982, has caused approximately 7 500 000 $ lost, in addition to the other losses because of the Canadian law - to the Québec based research companies. So, I think we have to look at that too.

Almost two years ago, our caucus - le député d'Outremont, le député de Nelligan and myself - we went to see the minister of Consumer Affairs in Ottawa, Mr. Ouellet, and I think we can take some credit for making the issue of the Patent Act in Canada more public, perhaps, than they were, and this was before the Parti Québécois Government started making noise about this issue. We went because we were deeply concerned about the impact of the Canadian Patent Law and we urged Mr. Ouellet to extend the protection for the research of pharmaceutical companies so that they could get a fair return on their investment. At that time, we had a press conference. It was Mr. Ciaccia, député de Mont-Royal, who also urged that, in addition to the federal legislation, Quebec

Government réexamine its legislation, as far as it touches the price of drugs.

We had hoped, as a result of our discussions with Mr. Ouellet and the result of other people's meeting with him, that there would be amendments to the law deposited last fall. We were very disappointed, as were many others, that this did not happen. We also are disappointed that the dossier is now in the hands of Mrs. Érola, who has given it to a committee to study. It seems to me that there has been a great deal of work done on this issue and that it is time to make a decision.

But the alarming thing which is brought about the motion and the action of COPEM to us for a moratorium is that since the announcement of Mr. Ouellet that he was going to change the law, they have protected themselves by applying for 80 new licenses which have not been granted yet. These licenses, these applications which we are asking that the Federal Government gel -because there is one pharmaceutical company in Montreal who estimates that if, in fact, all those licenses are activated, 68% of their sales would go down the drain. So, this is a very serious thing. The officials at COPEM have told me that they believe that, within the actual law - the Canadian Patent Law -there is the power for the Ministry and or the Commissioner of patents not to issue those patents, in other words, to put a gel on those applications for the time being, until such time as the law is amended to give the companies sufficient protection for return on their investment.

En terminant, M. le Président, tout en appuyant la motion du ministre, j'aimerais souligner qu'il est urgent que le gouvernement du Québec fasse deux choses. Premièrement, il faut travailler en concertation avec d'autres gouvernements provinciaux et avec les représentants de l'industrie dans tout le Canada afin de convaincre la commission Eastman des changements nécessaires. Deuxièmement, il faut examiner et réviser, s'il est jugé nécessaire, la loi québécoise en ce qui concerne le prix des médicaments afin de diminuer l'impact négatif sur notre industrie pharmaceutique québécoise.

Une voix: Bravo!

Le Président: En réplique, M. le ministre de la Science et de la Technologie.

M. Gilbert Paquette (réplique)

M. Paquette: M. le Président, je serai très bref. Je pense qu'essentiellement, l'Opposition et le parti ministériel sont sur la même longueur d'onde concernant cette question.

Je voudrais simplement relever trois

points. Premièrement... Évidemment on peut toujours se disputer à savoir qui a agi le premier sur cette question quand on est d'accord. Je dois vous dire qu'avant qu'on commence à faire du bruit, comme le dit la députée de Jacques-Cartier, cela faisait au moins huit mois qu'on travaillait sur le dossier puisqu'on a commencé, dès le départ de la compagnie Ayerst, à nous en occuper. Je dois lui dire également qu'on n'a pas fait uniquement du bruit puisqu'on a créé une nouvelle entreprise dans le domaine de la biotechnologie, dans le domaine de la santé, qui a permis de récupérer plus de la moitié des chercheurs d'Ayerst. Nous avons exposé à plusieurs reprises nos positions au gouvernement fédéral et nous avons eu plusieurs rencontres avec les gens de l'industrie, avec les milieux scientifiques, de façon à nous assurer que nous représentions bien l'opinion de l'ensemble des Québécois et des Québécoises les plus directement impliqués dans ce dossier.

Mme la députée de Jacques-Cartier nous fait deux recommandations. La première concerne la question des prix médians des médicaments qui aurait un impact également sur l'industrie innovatrice. Je dois vous dire que sans doute il y a un certain impact; je pense qu'il faut le reconnaître. Évidemment, c'est un peu l'histoire de la paille et de la poutre. Je pense que la Loi canadienne sur les brevets, c'est à peu près 90% du problème. Si ce problème était réglé, on n'aurait pas assisté au départ de l'entreprise Ayerst et on n'assisterait pas non plus à l'hésitation d'autres entreprises qui retiennent nos investissements dans la recherche en attendant que cela devienne rentable de faire de la recherche au Canada et au Québec.

Je dois lui dire cependant que mon collègue le ministre des Affaires sociales a mis en route une étude sur cette question et qu'il compte résoudre ce problème en partie pour cette raison et en partie pour d'autres raisons qui concernent cette fois-là les consommateurs québécois de médicaments.

D'autre part, en ce qui concerne sa suggestion de travailler avec d'autres gouvernements, M. le Président, je dois vous dire qu'il ne faudrait quand même pas s'illusionner. L'industrie pharmaceutique est concentrée essentiellement en Ontario et au Québec. C'est à peu près 50-50. Évidemment, les autres provinces ont plus ou moins d'intérêt à s'activer dans ce dossier. D'autre part, dans une lettre qu'elle m'envoyait récemment, Mme la ministre Érola, qui est responsable de ce dossier, me disait: N'oubliez pas que vous avez des entreprises imitatrices aussi au Québec. M. le Président, il y a trois entreprises de générique au Québec, ce qui représente vraiment une partie minime de la production pharmaceutique, et c'est jouer avec les mots. Évidemment, ce n'est pas 100% de l'industrie innovatrice au Québec et 100% de l'industrie générique en Ontario. Il y a aussi des entreprises innovatrices en Ontario. Mais c'est à peu près les trois quarts à un endroit et les trois quarts à l'autre, de sorte que les intérêts des deux provinces, ceux de l'Ontario et du Québec, sont diamétralement opposés. C'est d'ailleurs la seule explication qui nous permet de comprendre pourquoi, après un an de consultations, au moment où la décision allait être prise, une commission d'enquête permet tout à coup au gouvernement fédéral de noyer le poisson avant les élections, comme disait Frédéric Wagnière, éditorialiste dans la Presse. C'est la seule explication. C'est que le gouvernement fédéral ne veut pas choisir entre l'Ontario et le Québec. Dans ce sens-là, je pense que c'est très naïf de la part de Mme la députée de Jacques-Cartier de penser qu'on pourrait trouver des alliés dans les autres provinces canadiennes.

Je suis heureux de l'unanimité de cette Chambre et je pense que, maintenant, le gouvernement fédéral doit faire ce moratoire en attendant les résultats de sa commission d'enquête et qu'il doit agir dès maintenant. Merci.

Le Président: La motion de M. le ministre de la Science et de la Technologie est-elle adoptée?

Des voix: Adopté. Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, à compter de maintenant jusqu'à 13 heures, puis de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle 91, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Je signale, pour l'information des membres de cette commission, que l'étude détaillée du projet de loi 76 se fera demain matin.

D'autre part, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude détaillée du projet de loi 82, Loi sur la commercialisation des produits marins, pour ensuite poursuivre ses travaux avec le projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole.

Le Président: D'autre part, à la salle 90 - ce sont les avis des commissions que j'ai ici - immédiatement après la période des affaires courantes, la commission de la culture tiendra une séance de travail. Il en sera de même à la salle 81 pour la

commission des affaires sociales. Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le leader de l'Opposition. (11 h 40)

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

M. Gratton: Nous avons en quelque sorte le menu des travaux que le gouvernement entend réaliser aujourd'hui. Si je ne m'abuse, il s'agira du projet de loi 82 - il reste seulement deux interventions - des projets de lot 70 et 87, de même que le débat privilégié sur la fin du discours sur le budget.

Est-ce que le leader adjoint du gouvernement peut me confirmer qu'une fois qu'on aura disposé de cela, l'Assemblée s'ajournera et n'abordera pas d'autres articles du feuilleton?

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Je crois, M. le Président, qu'effectivement, ce menu est assez substantiel pour pouvoir occuper le temps qui est dévolu aux travaux de l'Assemblée pour cette journée.

Le Président: Bien. Ce qui nous mène donc aux affaires du jour et à un débat prioritaire qui est celui par lequel on doit terminer le débat sur le discours sur le budget. Je crois comprendre qu'il y aurait eu entente entre les deux groupes parlementaires voulant que ce débat se déroule ultérieurement au début de l'après-midi, à 15 heures. Évidemment, cela nécessite le consentement unanime. Vu le grand nombre de députés en cette Chambre, j'imagine que ce sera facile à acquérir. Donc, la reprise du débat sur le discours sur le budget se fera à 15 heures.

Projet de loi 72

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude

En attendant, nous allons poursuivre avec la prise en considération du rapport de la commission des institutions sur le projet de loi 72, Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants. Il n'y a pas d'intervenants? Le rapport est donc adopté?

Des voix: Adopté.

Projet de loi 82

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: À ce rythme, cela va ajourner vite. Ce qui nous mène à la reprise du débat sur l'adoption de principe du projet de loi 82, Loi sur la commercialisation des produits marins. C'est M. le député de D'Arcy McGee qui a maintenant la parole.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. Le projet de loi 82 porte sur la commercialisation des produits marins. Nous avons étudié ce projet de loi au point de vue de sa validité, surtout de sa validité constitutionnelle et aussi de son efficacité constitutionnelle.

Le projet de loi en question est surtout une loi qui porte sur le commerce. La loi constitutionnelle de 1867 et la jurisprudence qui a interprété notre constitution a déterminé - maintenant c'est bien clair - que le commerce intraprovincial, à l'intérieur d'une province, est de la compétence provinciale exclusive et que le commerce extraprovincial, à l'extérieur d'une province, c'est-à-dire entre le Québec et l'Ontario, entre le Québec et les États-Unis, est de la compétence fédérale exclusive.

J'insiste sur le fait que c'est une compétence exclusive parce que, par exemple, si le Québec ne légifère pas en ce qui concerne le commerce intraprovincial d'un produit, ce sera un champ où il n'y a pas de législation, c'est-à-dire que le fédéral ne peut intervenir et légiférer en ce qui concerne ce commerce intraprovincial. C'est la même chose à l'inverse. Si le gouvernement fédéral décide de ne pas légiférer en ce qui concerne le commerce interprovincial ou international d'un produit qu'on vend au Québec, ce sera un champ qui restera non réglementé.

Le projet de loi 82 est valide "sur sa face". Il y a une présomption de la consti-tutionalité de la loi et il y a aussi une présomption que l'Assemblée nationale a voulu rester dans sa compétence.

Maintenant, si on prend l'objet de la loi en question, j'aimerais lire l'article 1: "La présente loi a pour objet de favoriser la mise en commun par les entreprises de transformation de produits marins des opérations de commercialisation de leurs produits dans le but de soutenir et de promouvoir la vente de produits marins standardisés et de qualité supérieure ainsi qu'un approvisionnement constant du marché. "Elle a aussi pour objet d'assurer aux entreprises de transformation de produits marins une stabilité de revenus". Voilà pour l'article 1 du projet de loi.

Si le gouvernement reste dans sa compétence constitutionnelle, la portée de ce projet de loi sera assez limitée. On m'a dit, par exemple, que Gaspé Cured, une entreprise de commercialisation qui inclut treize producteurs fait l'exportation hors du Québec d'à peu près 100% de sa production, c'est-à-dire l'exportation en Italie, au

Portugal, en Haïti, etc. On peut dire la même chose pour les Pêcheries Cartier qui font à peu près 100% d'exportation. Ces compagnies échappent à l'application de la loi parce que l'exportation en dehors du Québec, le commerce extraprovincial est sous la compétence fédérale exclusive. Il y a beaucoup de compagnies qui font de l'exportation parce qu'on nous a dit hier que 70% de la production totale est exportée en dehors du Québec. Admettons qu'il y ait une compagnie qui fait 80% d'exportation hors du Québec et 20% de commerce au Québec. Cette compagnie peut établir deux compagnies: compagnie À et compagnie B. La compagnie À va faire l'exportation hors du Québec à 100%. La compagnie B fera la vente au Québec seulement.

Donc, on a divisé une compagnie en deux: l'une pour faire l'exportation et l'autre pour faire le commerce au Québec. Si une compagnie décide de se diviser en deux, la compétence du Québec portera seulement sur la compagnie qui fait le commerce au Québec; la compagnie qui fait l'exportation hors du Québec sera sous la compétence fédérale exclusive en ce qui concerne la commercialisation de sa production. J'aimerais souligner que ce ne sera pas possible pour le ministre d'aujourd'hui ou un futur ministre d'essayer de forcer ces compagnies qui sont sous la compétence fédérale en matière de commerce de se soumettre à sa loi, c'est-à-dire que ce ne sera pas légal, si vous voulez, pour le ministre de dire à une compagnie qui fait le commerce en dehors du Québec "si vous ne vous soumettez pas à ma loi, je vais vous refuser un permis de production." Ce n'est pas nécessaire pour qui que ce soit de donner des leçons de droit au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, car le ministre est un ancien professeur de droit à l'Université Laval et il connaît bien son droit.

Je ne vois pas comment cette loi serait efficace, étant donné que nous sommes dans un domaine où il y a un partage des compétences. Le plan de commercialisation dans le projet de loi ressemble beaucoup aux plans conjoints en matière d'agriculture. En matière d'agriculture, pour avoir une loi vraiment efficace il faut avoir la coopération fédérale-provinciale. En fait, dans plusieurs cas, il y a cette coopération pour la mise en marché des produits agricoles. Pour être efficace, il faut avoir une intégration de la loi fédérale, de la réglementation fédérale avec la loi provinciale et avec la réglementation provinciale. (11 h 50)

Voici quelques mécanismes que nous avons déjà utilisés au Canada. Je prends l'exemple de la mise en marché des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est une loi qui est discutée dans l'arrêt "The

Prince Edward Island Potato Marketing Board" contre "H. B. Willis Inc., 1952, volume 2 des rapports de la Cour suprême, à la page 392. L'île-du-Prince-Édouard a établi une Commission de mise en marché des pommes de terre et la commission a adopté des règlements en ce qui concerne la mise en marché des pommes de terre sur l'Île-du-Prince-Êdouard. Par une loi fédérale, le Parlement fédéral a délégué aux membres de la même commission le pouvoir d'adopter des règlements en ce qui concerne la mise en marché des pommes de terre dans le commerce interprovincial et international. Donc, nous avons eu une loi fédérale qui a en quelque sorte fait sienne une commission provinciale et nous avons eu une réglementation adoptée par une seule commission pour réglementer la mise en marché des pommes de terre, soit à l'intérieur de l'Île-du-Prince-Édouard, soit à l'extérieur de l'Île-du-Prince-Édouard. Un autre exemple: par l'arrêt Winner de 1954, le comité judiciaire du Conseil privé a décidé que le Parlement du Canada a la compétence exclusive sur le transport interprovincial et international, soit par autobus, soit par camion. Qu'est-ce que le Parlement canadien a fait tout de suite après cette décision? Le Parlement canadien a adopté une loi et dans cette loi, on a délégué le pouvoir de réglementation aux commissions de transport provinciales. Ce mécanisme est expliqué dans l'arrêt Coughlin contre the Ontario Highway Transport Board, 1968, rapport de la Cour suprême, à la page 569.

Voyons, M. le Président, comment il y eut intégration de la loi fédérale et de la loi provinciale pour avoir un mécanisme efficace et valide. Pour que le projet sur la commercialisation des produits marins se tienne, il faut avoir cette coopération fédérale-provinciale. Il faut qu'il y ait une réglementation du gouvernement fédéral en ce qui concerne les produits qui seront exportés à l'extérieur du Québec vers les autres provinces canadiennes ou vers d'autres pays et une réglementation intraprovinciale pour les produits qu'on va vendre seulement au Québec. Dans le projet de loi, il va de soi que le ministre ou les offices de commercialisation peuvent seulement réglementer le marché interne au Québec. Les offices constitués ou établis en vertu de ce projet de loi ne pourraient pas réglementer le commerce extérieur, c'est-à-dire le commerce de ces produits avec les autres provinces ou avec les autres pays.

Enfin, je me demande sérieusement si le projet de loi tel quel est "workable". Est-ce une loi "workable"? Est-ce que cela se tient? Est-ce que ce sera efficace? Le ministre pourra-t-il atteindre le but recherché dans ce projet de loi? De plus, dans ce projet de loi et dans d'autres projets de loi sur le même sujet que le ministre a

déposés depuis maintenant un ou deux ans, le ministre se donne de grands pouvoirs de réglementation. Il donne beaucoup de pouvoirs de réglementation aux organismes qu'on est en train de créer et même dans ce projet de loi, le ministre se donne des pouvoirs que je qualifierais d'extraordinaires. Cela a été souligné par le député de Saguenay, notre porte-parole dans ce dossier, par le député de Sainte-Anne qui a parlé sur ce sujet, par le député de Nelligan et même par d'autres députés, lors de la discussion de ces projets de loi qui portent sur les pêcheries. Ce sera quasiment impossible pour le citoyen de contester la validité d'un règlement adopté par un office de commercialisation, un règlement adopté par le ministre ou un règlement adopté par le gouvernement, parce que, même si le citoyen gagne, il va perdre. Il va perdre, parce que cela occasionne des coûts énormes quand il s'agit de contester le ministre ou un office de commercialisation. Le ministre a des ressources illimitées. Il a un service du contentieux dans son ministère. Il peut même aller à la Cour suprême du Canada, s'il le décide, dans une affaire, parce que ce n'est pas lui qui paie. Cela ne vient pas de sa poche. Cela vient de la poche du gouvernement, qui a des ressources et des fonds illimités.

J'aimerais vous donner un exemple d'une contestation en vertu d'une action prise par la Commission de protection du territoire agricole, qui est aussi sous l'administration du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. C'est le cas de Wesley Jones. M. Wesley Jones est un homme des Cantons de l'Est qui a décidé de mettre une scie dans sa grange pour couper le bois. La Commission la protection du territoire agricole a émis une ordonnance pour lui interdire de couper du bois dans sa grange parce qu'elle a dit que c'était une activité commerciale sur une terre agricole. M. Wesley Jones a combattu la commission pendant neuf mois. Il a dépensé 30 000 $ avant que la commission lui donne raison. Bien sûr, M. Jones a gagné sa cause. Bien sûr, cela a été une victoire pour lui, mais c'était une victoire à la Pyrrhus, parce que, même en gagnant, il a perdu.

C'est pourquoi j'aimerais proposer au ministre que, dans ce projet de loi et dans d'autres lois qui touchent son ministère, surtout dans ce domaine des pêcheries, l'on ajoute une disposition semblable à celle que je vais proposer. C'est que, dans toute poursuite impliquant l'administration publique, le tribunal puisse, lorsqu'il donne raison au citoyen, ordonner à l'administration publique de payer à ce dernier une somme d'argent qu'il déterminera afin de l'indemniser pour les dépenses encourues lors de sa poursuite contre l'administration publique ou se défendre contre elle; c'est-à-dire que je demande au ministre de prévoir dans son projet de loi que, si le citoyen, ou une compagnie qui est aussi citoyenne, décide de contester un de ses règlements, de contester l'un des offices de commercialisation et si ce citoyen a raison, qu'on lui paie les frais qu'il a encourus pour combattre un règlement ou une décision que les tribunaux ont jugé invalide.

C'est la pratique en France. En France, il y a une loi dans ce sens. Il y a aussi une loi dans ce sens aux États-Unis. J'aimerais que le ministre se réfère à la loi fédérale américaine qui est intitulée "The Equal Access to Justice Act". Le titre de la loi explique bien la portée de ladite loi.

De même, au Canada, le ministre des Finances du gouvernement fédéral a proposé des amendements à la Loi sur l'impôt pour prévoir justement qu'un citoyen qui conteste une ordonnance du ministère du Revenu ou qui conteste un règlement adopté par le ministère du Revenu puisse être dédommagé pour les dépenses qu'il a encourues. Il serait injuste, quand les citoyens ont à combattre l'administration publique et qu'ils gagnent, qu'ils ne puissent même pas être remboursés pour les dépenses qu'ils ont encourues.

En somme, j'ai posé deux questions. La première question est à savoir si le projet de loi sera vraiment efficace. Si le gouvernement reste dans sa compétence, s'il n'y a pas de coopération fédérale-provinciale en matière de commercialisation des produits marins, je ne vois pas comment la loi pourrait être vraiment efficace.

Deuxièmement, il faut permettre aux citoyens de contester la réglementation des organismes d'État, des offices de commercialisation ou même des ministères. On a fait cela ailleurs et, pour faire cela ici, je demande au ministre de modifier son projet de loi pour prévoir que quelqu'un qui gagne une cause contre l'Office de commercialisation, contre le ministère qui a adopté un règlement, soit remboursé de ses frais. Ce sont les deux questions que je pose concernant ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il d'autres intervenants?

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation prononcera la réplique, puis nous procéderons à l'adoption.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Votre droit de réplique, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Jean Garon (réplique) M. Garon: M. le Président, le projet de

loi sur la commercialisation des produits marins est un projet de loi nécessaire. Nous avons eu l'occasion de faire le tour de tout ce qui se passe dans le secteur des pêches. Je suis content de voir que, même ce matin, le ministre fédéral des Pêches et des Océans, finalement, a écouté mon conseil. Je lui disais depuis longtemps: Va donc te renseigner avant de parler. Finalement, il a décidé d'aller voir ce qui se passe dans les pays Scandinaves. Je lisais dans Le Soleil de ce matin que le ministre fédéral des Pêches et des Océans, M. De Bané, disait que la compagnie Frionor, en Norvège, avait 125 entreprises, qu'elle faisait la commercialisation de son produit, et que le regroupement de l'offre des produits marins était une bonne chose. Il pensait même forcer tous les gens de l'Est du Canada à faire partie d'un seul office étatique. C'est dans Le Soleil de ce matin.

Vous remarquerez à quel point le projet de loi que j'ai présenté est démocratique. Voyez la différence de philosophie entre les libéraux qui sont devenus impérialistes, à Ottawa, et le gouvernement du Québec; vous avez le parallèle parfait. On demande à sept entreprises de faire une demande au gouvernement, dans notre projet de loi. On aurait pu dire: Le gouvernement va décider d'autorité. Non, on ne l'a pas dit. Cela, c'est le projet fédéral, le gouvernement va décider, bang! Terminé, on a décidé. Nous, nous disons non, on va procéder, comme en matière agricole, avec une demande des gens. Si les gens sont là, on va appuyer leur demande. S'ils ne sont pas là, on va leur donner un délai pour aller convaincre les autres de faire partie d'un office de commercialisation. En leur fournissant un délai donné, ils pourront nous faire rapport par la suite.

M. le Président, vous remarquerez également que dans le projet de loi, les différents mécanismes sont déterminés pour que les gens puissent savoir exactement de quelle façon cela va se passer. Il ne s'agit pas, pour le gouvernement du Québec, de décider à la place des gens. Au contraire, il s'agit de les faire entrer dans le processus. Ceux qui disaient, comme le député de Saguenay, qui a manifesté dans son discours d'hier une totale ignorance du secteur des pêches, qu'on n'a pas consulté les gens, ne savent pas qu'en mars 1982 il y a eu une conférence socio-économique sur la commercialisation des produits marins. Le député disait: Personne ne veut rien savoir à ce sujet. Il devrait savoir qu'il y a le consortium Gaspé Cured qui regroupe treize industriels dans le secteur du poisson salé et séché, qui est formé précisément en Office de commercialisation du poisson salé et séché. Dès l'adoption de la loi, le consortium va s'impliquer, parce que ces gens eux-mêmes ont demandé de procéder le plus rapidement possible avec ce projet de loi. Pourquoi? Parce qu'ils savent à quel point ce projet de loi va leur permettre d'encadrer leur action sur le plan de la commercialisation. Il va leur permettre également d'avoir une meilleure commercialisation au Québec.

Vous aurez remarqué, par exemple, que ce matin, entre les questions qui m'étaient posées à la période de questions, je parlais avec mon voisin, le ministre des Transports et on a convenu de faire une rencontre, lui et moi, avec les gens de Québecair afin que Québecair puisse faire le transport. Quels seraient les coûts de transport pour faire le transport à partir des Îles-de-la-Madeleine, de Blanc-Sablon, du territoire gaspésien vers Montréal, vers les endroits de commercialisation? Il me disait qu'ils ont des projets d'acheter un avion qui pourrait être mi-passagers, mi-cargo et qu'un des cargos importants serait le transport des produits marins. Pourquoi? Parce que toute l'action que nous faisons actuellement, c'est une action qui date de plusieurs années. Nous avons d'abord été voir ce qui faisait ailleurs. Alors que M. De Bané va voir, lui, dans les pays Scandinaves après avoir décidé des mesures, nous y sommes allés avant. Nous sommes allés voir ce qui se passait avant; pas après, avant.

Nous avons également fait des consultations auparavant lors de conférences socio-économiques à Gaspé, à Sept-Îles et à Montréal sur la qualité et la commercialisation des produits marins. Ensuite, une fois qu'on eut consulté tous les gens, on est allé tellement lentement dans les consultations que le consortium s'est formé avant que la loi soit votée. Nous avons actuellement au Québec un consortium depuis le printemps dernier, depuis le début de l'année 1983, qui s'est formé avant la loi. Peut-on avoir un plus bel exemple pour comprendre à quel point cette loi est souhaitée? Avant cela, j'ai aussi rencontré les gens du consortium et je leur ai montré les projets de loi sur lesquels nous travaillions. Je leur ai demandé, et nos avocats les ont aussi rencontrés, dans une longue discussion: Y a-t-il des choses qu'on devrait rajouter dans un tel projet de loi sur lequel nous travaillons actuellement? Pourquoi? Parce que le travail, à ce point de vue, s'est fait dans la consultation.

Nous n'avons pas voulu d'un projet de loi qui imposerait d'autorité la commercialisation, mais d'un projet de loi qui serait tellement bien fait qu'il susciterait l'adhésion. Je suis convaincu que, dans les prochains mois, aussitôt après l'adoption du projet de loi, l'un des premiers groupes qui va s'implanter sera le groupe de commercialisation des produits marins, de la morue séchée de la Gaspésie.

Je souhaite également qu'il y en ait un

autre dans le produit congelé et un autre dans le produit frais pour qu'ensemble les entreprises qui veulent vendre à ces secteurs puissent faire des ententes avec des acheteurs et assurer l'approvisionnement.

C'est pour cela que les discours d'hier de l'Opposition ont révélé une méconnaissance du dossier et une absence de consultation. Je ris un peu quand le député de Nelligan - qu'est-ce que vous voulez, je ne peux pas l'empêcher de parler - me dit qu'il a consulté des gens. Faire un voyage aux Îles-de-la-Madeleine pour manger du homard, ce n'est pas de la consultation! Je veux dire que je suis sans doute l'un des premiers ministres des pêches qui aille aux Îles-de-la-Madeleine surtout l'hiver plutôt que l'été. Si on veut consulter aux Îles-de-la-Madeleine, il faut y aller l'hiver. Pendant l'été, c'est bien difficile de faire des consultations sur les pêches: les gens sont au large et il faudrait les consulter par radio. Ils sont au large à la pêche. Quand j'entends des gens qui me disent: Vous devriez aller consulter les gens aux Îles-de-la-Madeleine, c'est vraiment faire preuve d'une méconnaissance du dossier. L'abc du dossier fait que... Et je veux vous dire une chose: les gens des Îles-de-la-Madeleine m'ont dit à quelques reprises qu'habituellement ils voyaient les ministres l'été, à la saison du homard et maintenant, on a un ministre des pêches qu'on voit l'hiver, pendant qu'il n'y a pas de homards et pendant le temps qu'on peut parler avec lui. C'est cela la différence, M. le Président.

Par ailleurs, j'ai écouté le député de D'Arcy McGee qui a fait des représentations. Le député de D'Arcy McGee a d'abord présenté une question générale concernant les règlements et la contestation des règlements. Je veux dire que ce n'est pas ma façon de procéder. Ma façon de procéder, habituellement, c'est de consulter les gens sur les règlements pour faire un règlement qui fasse un consensus général. Je n'ai pas l'habitude de faire des règlements... D'abord, je ne fais pas les règlements pour moi-même. La plupart de ces règlements, je n'en ai pas besoin personnellement pour vivre. Alors, je fais un règlement, habituellement, pour rendre la vie plus agréable à ceux qui vont en dépendre. Habituellement, je demande aux avocats du ministère, aux gens du ministère qui sont spécialisés, une fois que leurs projets sont complétés, de rencontrer les gens et, habituellement, j'assiste à ces rencontres. La plupart du temps, j'assiste à ces rencontres et je vois les réactions de ceux qui vont vivre avec les règlements et des gens du ministère. Quand je vois qu'il y a trop de dissensions ou qu'il y a des dissensions, je dis: Essayons de faire des aménagements dans les règlements pour que tout le monde soit heureux.

Le but d'un bon politicien, c'est de rendre les gens heureux. Quand on dit le mot "politique", cela veut dire la conduite de la vie en société. Un bon politicien, un bon homme politique, a pour but principal de rendre le maximum de gens heureux. Dans la philosophie qui guide un travail, c'est évident que, parfois, vous êtes obligé de faire des choix, et il y a des gens malheureux et des gens heureux. Je me dis qu'il faut qu'il y ait le maximum de gens heureux par rapport à un minimum de gens malheureux. C'est pour cela que, dans les consultations, il faut tenir compte de l'opinion des gens.

Une voix: ...

M. Garon: Non, je ne sonde jamais, M. le Président. J'entends le député de Maskinongé qui dit que je fais des sondages. J'ai fait faire un sondage une fois en 1977 ou 1978 au point de vue de la protection des terres agricoles pour connaître l'opinion de différents groupes sur une façon de procéder. Je n'ai jamais fait de sondage. J'ai toujours considéré que mon nez valait les sondages. Je peux vous dire que je me promène dans la population le plus souvent possible...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Garon: ...et je parle avec les gens. Je consulte le caucus agricole du Parti québécois; je considère que c'est le meilleur sondage et cela ne coûte pas un cent.

Une voix: Vous rendez pas mal de gens heureux. On voit cela.

M. Garon: Ensuite, le député de D'Arcy McGee a présenté deux questions au point de vue des règlements. C'est onéreux des règlements, s'ils sont contestés par les citoyens. Nous ne faisons pas de règlements pour qu'ils soient contestés. Nous essayons de faire des règlements qui vont tracer une façon de faire, une méthode d'application qui va être la plus opérationnelle possible. Évidemment, les règlements peuvent être contestés. Les citoyens ont le droit de les contester, parce qu'ils n'ont pas toujours la même opinion. Quand on établit des consensus, même si le consensus est très large, que 90% ou 95% de la population est favorable, il arrive rarement que c'est l'unanimité. Je ne pense pas qu'il y a là vraiment matière à... J'ai été surpris même de la question que se posait le député de D'Arcy McGee.

Concernant la deuxième question, qu'une compagnie de production formerait une compagnie de commercialisation pour le marché intérieur et une autre compagnie de commercialisation pour le marché extérieur,

cela prendrait une compagnie... Je n'ai pas vu, jusqu'à présent, beaucoup de compagnies faire cela. Je ne me rappelle pas avoir vu une seule compagnie qui ait fait cela. Évidemment, le député de D'Arcy McGee, étant un ex-professeur d'université, doit envisager toutes les hypothèses. Je le sais, parce que, comme j'étais aussi un professeur d'université, j'essayais d'envisager toutes les hypothèses, mais c'est une hypothèse qui n'est pas réaliste. Elle est plausible, elle est théoriquement possible, mais, dans les faits, les gens ne fonctionnent pas comme cela. À moins qu'on ne cherche absolument à contourner ou à détourner la loi, à rencontrer un avocat qui va essayer de vous faire contourner la loi, je ne pense pas qu'une entreprise de production normale procédera de cette façon.

Je pense que le véritable choix, c'est: Est-ce que nous allons avoir des offices de commercialisation des produits marins québécois ou si, éventuellement, nous devrons faire partie d'offices de commercialisation des produits marins fédéraux? Je dis qu'il faut créer des offices de commercialisation des produits marins québécois parce que la seule province de l'Est du Canada qui a son propre marché, c'est le Québec. Quand on parle d'un office de commercialisation, dont parle M. De Bané, dans Le Soleil de ce matin, où il pense - il vient de penser à cela d'un coup sec, parce qu'il arrive de Scandinavie - pour tout l'Est du Canada et va essayer de nous vendre au Québec des produits qui viendront de Terre-Neuve, de Nouvelle-Écosse et d'ailleurs, tandis qu'un office de commercialisation de produits marins québécois va essayer de vendre des produits québécois aux Québécois, là-dessus, c'est absolument important d'avoir notre propre office de commercialisation parce que nous avons nos propres marchés, et, parce que nous avons nos propres marchés, il faut travailler avec les producteurs du Québec pour faire en sorte que les consommateurs du Québec achètent des produits du Québec, car c'est tous ensemble au Québec que nous deviendrons plus prospères.

On ne peut penser à un moment donné qu'un petit groupe va bien vivre alors qu'un autre groupe sera laissé pour compte. Il faut penser à améliorer le niveau de vie des Québécois dans l'ensemble du Québec. Pour cela, nous sommes solidaires les uns des autres. Si, en Gaspésie, on n'achète pas des produits du Québec, les gens de la Gaspésie pourraient difficilement demander aux gens de Montréal d'acheter des produits de la Gaspésie. Mais comme, dans les différentes politiques qu'on a d'une façon générale, les Québécois en général, les Québécois bien nés, font un effort pour encourager les produits qui sont manufacturés par d'autres Québécois, il est important d'avoir cet office de commercialisation, et, parce que nous avons ces offices qui sont répartis essentiellement dans les produits salés et séchés, dans les produits congelés et dans les produits frais, il est important, dis-je, d'avoir ces offices de commercialisation parce qu'ils vont faire l'organisation matérielle voulue par des compagnies privées qui seront représentées à ces offices. Vous savez, à l'office de commercialisation dans les produits séchés en Gaspésie, il y a treize compagnies, il y a un bureau de direction de treize personnes et chaque entreprise est représentée au bureau de commercialisation. Pour des décision intérimaires ou à courte période, il pourra y avoir un comité exécutif qui prendra les décisions à court terme, mais, dans le grand conseil d'administration, tous les producteurs seront représentés. C'est ce que nous avons prévu dans la loi, pour qu'il existe un climat de confiance.

Dans le passé, c'est un climat de méfiance qui a caractérisé le secteur des pêches. On se méfiait d'un village à l'autre. Ce que nous essayons d'établir, c'est un climat de confiance pour que - c'est pour cela que je parle de l'usine de Newport, par exemple - les gens de Grande-Rivière - ils le veulent - investissent dans l'usine de Newport; les gens de plusieurs municipalités autour de Newport veulent aussi investir dans l'usine de Newport. Quand le député de Saguenay parlait contre l'usine de Newport, contre la société des pêches de Newport, il parlait contre les gens du territoire maritime qui veulent prendre leurs affaires en main.

Dans l'office de commercialisation que nous préconisons par cette loi, toutes les compagnies privées vont être représentées. Il ne s'agira pas d'un office de commercialisation de l'État, il ne s'agira pas d'un office de commercialisation étatique; il s'agira d'un office de commercialisation privé, formé par toutes les entreprises du secteur qui seront touchées, qui auront leur conseil d'administration, leur bureau exécutif, mais qui auront un cadre légal en vertu de la loi que nous proposons aujourd'hui pour fonctionner.

Je vous le dis, c'est à la demande même des gens du territoire que nous proposons ce projet de loi. Demandez à M. Léo Nicolas, demandez à M. Gaston Langlais, demandez à M. Sheehan, demandez à tous ceux du consortium - je ne vais pas les nommer tous ici aujourd'hui - ils sont treize, demandez-le-leur; ils vont vous dire qu'eux-mêmes ont demandé d'adopter une loi comme celle-là pour encadrer leur action, pour faire en sorte que si, à un moment donné, les acheteurs, pour briser leur groupe, entreprenaient une action contre un ou deux membres de leur groupe qui sont plus serrés financièrement, cela ne soit pas possible, pour que la loi vienne consacrer sur le plan juridique ce qu'eux ont voulu dans les faits. Mon travail, comme ministre de l'Agri-

culture, des Pêcheries et de l'Alimentation, a été de travailler avec les gens du territoire, mais cela n'a pas toujours été facile. (12 h 20)

Maintenant, M. De Bané, voyant qu'on est en train de faire cela, dit: Ah! J'aimerais maintenant en faire un qui serait fédéral. Non. Nous n'avons aucun intérêt dans un organisme fédéral de commercialisation parce que, dans les autres provinces, il n'y a pas de marché. Nous avons le devoir et l'intérêt de conserver le marché québécois pour les Québécois. Pourquoi ferions-nous partie d'un office fédéral qui voudrait nous vendre du poisson d'ailleurs quand nous pouvons nous nourrir au Québec avec le poisson d'ici? D'autant plus que nos variétés sont beaucoup plus grandes que ce qu'on peut pêcher ailleurs. Il n'y a pas un endroit sans doute dans le monde où il y a une aussi grande variété de poisson qu'au Québec. Malheureusement, un trop grand nombre n'a pas été commercialisé au Québec. Notre but n'est pas de commercialiser le poisson à l'étranger, mais d'abord de le commercialiser au Québec. Nos offices de commercialisation sont pensés dans la loi 82 et également dans la loi 49 que nous avons adoptée au mois de décembre pour que nos producteurs puissent satisfaire les consommateurs québécois pour, éventuellement, établir des normes de production qui assureront la plus grande qualité possible à nos produits et des normes de commercialisation qui font qu'on ne peut pas commercialiser sur le territoire québécois des produits qui n'ont pas la qualité souhaitée pour les consommateurs québécois.

Tout cela est une action que nous avdns entreprise depuis 1980, un peu même avant 1980, mais surtout depuis que les pêches ont été transférées au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pour qu'on donne enfin au secteur des pêches des instruments que l'agriculture a depuis des dizaines d'années, qu'on donne aux pêches des intruments dont on a besoin pour que les gens soient équipés pour assurer une plus grande prospérité dans les usines, pour les pêcheurs, pour les travailleurs dans les usines, pour les propriétaires d'entreprises, pour tous ceux qui sont parties de la chaîne afin d'assurer une meilleure qualité aux consommateurs du Québec. Je suis convaincu que personne ne peut être contre un tel projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que le principe du projet de loi 82, Loi sur la commercialisation des produits marins, est adopté? Sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Blouin: M. le Président, je propose donc que ce projet de loi soit envoyé à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui procédera à son étude détaillée. Je vous signale que cette commission sera présidée par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Nous allons maintenant parler de deux éléments qui s'associent naturellement, soit l'hydroélectricité et l'aluminium. À cet égard, je vous demande d'appeler l'article 11 de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 70 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est l'adoption du projet de loi 70, Loi sur la location de forces hydrauliques sur la rivière Péribonca à Aluminium du Canada, Limitée. Le ministre de l'Énergie et des Ressources a la parole.

M. Yves Duhaime

M. Duhaime: Je vous remercie. Le projet de loi 70 concernant la location des forces hydrauliques sur la Péribonca est très certainement un des projets de loi les plus importants que nous aurons à discuter d'ici la fin de la présente session. Très souvent, à l'Assemblée nationale, l'Opposition fait des gorges chaudes en disant que le gouvernement n'a pas de projet économique, que l'Assemblée nationale siège sans répit. Je souhaite, cependant, que sur le projet de loi 70 l'Opposition puisse se reprendre et qu'on entende de son côté cinq ou six bons discours sur les baux, sur l'utilisation de l'hydroélectricité dans le développement industriel de nos régions économiques, sur les excellentes relations qu'un gouvernement social-démocrate comme le nôtre entretient avec les grands capitalistes du monde entier. J'espère en même temps qu'on soulignera que c'est grâce à une volonté politique de notre gouvernement que le Québec est devenu, je dirais, la terre d'envie, une terre de refuge presque, des grands patrons des alumineries du monde entier.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet de loi 70. S'il s'agissait simplement de signer un bail de 25 ans ou de 50 ans, mon Dieu-Seigneur, on pourrait aller voir l'excellent notaire en face...

Une voix: Le député de Saint-Laurent.

M. Duhaime: ...ou bien le député de Beauce-Sud, et payer des frais et cela se

terminerait là. Mais il y a une signification qui est beaucoup plus grande derrière ce projet de loi. D'abord, M. le Président, c'est un projet de loi qu'il me fait plaisir de piloter à l'Assemblée nationale. Souvent, contre de grandes entreprises, on lance des accusations, on fait des reproches, on fait des griefs, on fait des plaintes. Mais je dois dire que la compagnie Alcan qui est établie chez nous dans plusieurs de nos régions, entre autres en Mauricie, à Shawinigan même, depuis le début du siècle... C'est d'ailleurs - peut-être l'ignorez-vous - dans la ville de Shawinigan que le premier lingot d'ALCOA a été produit. À l'époque, cela s'appelait la Pittsburg Reduction. On est un peu fier de cela à Shawinigan que, depuis 1901, Alcan est installée, donne du travail à tout près de 900 personnes et produit annuellement 85 000 à 90 000 tonnes de métal, qui part de Shawinigan et qui est acheminé dans le monde entier. C'est la même chose dans la région de Beauharnois, dans la région de l'île Maligne; et c'est surtout vrai pour la grande région du Saguenay-Lac-Saint-Jean où Alcan est installée. Le groupe Alcan, c'est 12 000 emplois au Québec. C'est une compagnie qui parle français. C'est récent, mais cela mérite d'être souligné. C'est une compagnie qui a son siège social international à Montréal et qui a réussi tellement bien à s'implanter à Montréal que, tout récemment, on y a inauguré un immeuble absolument magnifique qui s'appelle la Maison Alcan. Quand on parle d'Alcan au Québec, on parle donc d'une maison de chez nous. C'est une compagnie dans laquelle les Québécois ont confiance également, puisque la Caisse de dépôt et placement y détient 280 000 000 $ ou 300 000 000 $. Je crois que la Caisse de dépôt et placement du Québec est même le plus gros des actionnaires du groupe Alcan.

C'est donc dire que ce projet de loi, qui va nous permettre de signer un bail avec le groupe Alcan, va nous permettre de faire une transaction avec une compagnie, disons une compagnie amie, une compagnie avec qui il nous fait plaisir de transiger, de discuter et de négocier. Autant je peux respecter Alcan dans ses objectifs de développement et d'investissement, autant, tout au cours des pourparlers qu'on a eus, on a senti aussi que cette entreprise respectait non seulement le Québec, mais aussi son gouvernement. Donc, le projet de loi 70 vise à nous permettre de signer un bail de 50 ans avec le groupe Alcan pour lui permettre, moyennant un loyer, bien sûr, d'utiliser les forces hydrauliques de la rivière Péribonca.

La Péribonca, c'est quoi? C'est cette rivière qui coule, je crois, dans le comté de mon collègue à ma droite et qui, au fil de ses altitudes, développe du potentiel hydroélectrique. Il y a donc trois chutes qui sont visées par le bail, Chute-du-Diable,

Chute-à-la-Savane, Chute-des-Passes et la capacité installée du groupe Alcan à cet endroit est très importante. Chute-du-Diable développe 205 mégawatts. Chute-à-la-Savane développe 210 mégawatts et Chute-des-Passes développe 750 mégawatts, pour un total de 1165 mégawatts. C'est donc énorme. Ces installations hydroélectriques sont la propriété d'Alcan. Ces barrages ont été construits depuis le début du siècle et sont la propriété du groupe Alcan. Pour vous donner une idée de ce que cela représente, 1165 mégawatts: avec l'énergie de la Péribonca, on pourrait alimenter, 365 jours par année, 24 heures par jour, trois grandes alumineries qui produiraient 235 000 ou 240 000 tonnes de métal, chaque année. C'est donc énorme. Cela veut dire aussi que, si l'Alcan est sur la Péribonca depuis un certain nombre d'années, c'est que des ententes ont déjà été conclues avec les gouvernements qui nous ont précédés et la compagnie. (12 h 30)

Je vais essayer de résumer cette situation le plus simplement possible pour que l'on puisse comprendre. En 1950, un bail est intervenu concernant Chute-du-Diable et Chute-à-la-Savane. C'est un bail qui prenait fin le 1er décembre 1983 et qui pouvait être renouvelé à la demande du groupe Alcan - je dirais à sa discrétion - pour une période additionnelle de 25 ans, c'est-à-dire jusqu'en 2008. Ensuite, une disposition de ce bail permettait au gouvernement de reconduire cette entente, ce qui nous reporterait à 2033 environ.

Concernant Chute-des-Passes, le plus important des barrages, le bail est intervenu en 1959. La centrale a été construite, je crois, en 1956 et Chute-des-Passes développe 750 mégawatts. Le bail sur l'utilisation des eaux de la rivière courait jusqu'au 9 octobre 1984, pour une première période de 25 ans, le bail prévoyant également qu'Alcan, en octobre 1984, pouvait demander la prolongation de ce bail pour une autre période de 25 ans, de sorte que cela nous reportait à l'année 2009. Dans ce cas également, une troisième période de 25 ans pouvait être accordée, à la discrétion du gouvernement cette fois.

On est donc en présence d'une situation qui fait que, en gros, en 1984, la première phase de deux baux concernant les trois barrages de la Péribonca vienne à expiration. C'est au choix d'Alcan de demander au gouvernement la prolongation pour une autre période de 25 ans.

Par ailleurs, tout le monde sait que, dans ce métier de fabriquer de l'aluminium, il faut consentir des investissements très lourds. En moyenne, en arrondissant les chiffres, on peut dire que, pour chaque emploi créé dans une métallurgie d'aluminium, il faut investir 1 000 000 $.

C'est peut-être même davantage aujourd'hui avec les technologies nouvelles. Pour 1 000 000 000 $, on va construire une aluminerie et on peut employer 750 à 850 personnes, selon les technologies utilisées. C'est donc dire qu'un emploi dans le secteur de la métallurgie de l'aluminium commande au moins 1 000 000 $ et très certainement un peu plus.

Il y a une autre condition: il faut de l'électricité. Il faut de l'électricité qui soit garantie dans son approvisionnement pour longtemps et qui soit aussi à un coût concurrentiel. Il faut donc, dans le cas d'Alcan, que cette entreprise puisse compter utiliser ces barrages et ces installations pour des périodes suffisamment longues pour lui permettre de prendre une décision de faire un investissement de plusieurs centaines de millions de dollars, voire de quelques milliards de dollars, et d'être assurée que, pendant la période requise pour récupérer ses capitaux investis, rembourser ses dettes, payer des dividendes à ses actionnaires, elle puisse compter d'abord sur des relations excellentes, cela va de soi, et, deuxièmement, sur un bon contrat qui soit d'une durée suffisamment longue pour lui permettre de réaliser l'investissement, de prendre la décision d'investir, de pouvoir en faire le financement et d'assurer une production à des prix concurrentiels.

C'est dans ce contexte que les dirigeants de la compagnie Alcan sont venus nous rencontrer au ministère de l'Énergie et des Ressources et nous ont proposé un scénario suivant lequel plutôt que d'attendre 2008 et 2009, nous pourrions tout de suite travailler sur un bail dont la durée serait de 50 ans, renouvelable pour une période de 25 ans, selon des modalités à être discutées et entendues entre les parties. C'est là que notre intérêt a été presque spontané, je dirais même que nous avons été presque emballés par cette proposition. Nous avons dit à la compagnie Alcan: Nous sommes très intéressés à assurer votre groupe que vous pourrez compter, pendant le prochain demi-siècle, sur l'utilisation des ressources hydrauliques de la rivière Péribonca, mais nous voulons être rassurés sur une chose: nous voulons que le Québec reste l'un des principaux centres mondiaux de la production d'aluminium.

Déjà, la Reynolds est installée chez nous, à Baie-Comeau, où elle investit actuellement 500 000 000 $. J'ai eu l'occasion de visiter cet énorme chantier, c'est impressionnant, ce sera une usine toute neuve, non polluante; Reynolds est donc de la famille.

À Bécancour, l'aluminerie de Pechiney commence à sortir de terre. La production prévue pour 1986, ses premiers lingots, devrait atteindre 230 000 tonnes de métal lorsque les deux lignes seront en pleine production; si le marché mondial de l'aluminium tient, peut-être qu'une troisième ligne - avec encore 110 000 tonnes viendrait s'ajouter à Bécancour.

À cette époque, le projet d'aluminerie de La Baie était à peu près en phase terminale. Nous savons tous au gouvernement que les installations du groupe Alcan, dans plusieurs de ses alumineries, quoique encore aujourd'hui très productives, ne pourront très certainement pas résister à la concurrence dans 15, 20 ou 25 ans d'ici à cause du procédé Soderberg, qui est actuellement utilisé, entre autres, à Shawinigan, à l'Île-Maligne, à Arvida, etc.

On a dit à la compagnie: Nous sommes intéressés à vous rendre la vie agréable, vous êtes au Québec depuis trois quarts de siècle, on va fêter un centième anniversaire un de ces bons jours, mais on voudrait que la prolongation du bail de la Péribonca nous donne toutes les assurances que le groupe Alcan va rester à la fine pointe du progrès technologique, que le groupe Alcan va faire des investissements importants au Québec. La réponse a été absolument formidable. Alcan nous a dit: On est prêt à construire une aluminerie. Moi, qui suis de Shawinigan, je me suis demandé si elle ne viendrait pas à Shawinigan, cette première de la série. On m'a dit: Non, nos projets sont arrêtés, nous irons à Laterrière pour construire une aluminerie. Ce projet d'aluminerie a été annoncé en conférence de presse à Montréal. Cela faisait une aluminerie.

On aurait pu dire à la compagnie Alcan: On vous remercie beaucoup, une aluminerie de 1 000 000 000 $ avec une technologie nouvelle, cela se prend, comme on dit. C'est une bonne nouvelle! Cela meuble la semaine! Les technologies nouvelles ont été mises au point dans un centre de recherche à Jonquière, par des cerveaux québécois. On aurait pu se contenter de cela, mais, en poussant un peu plus loin nos discussions avec Alcan, on a dit: Écoutez, vous avez très certainement d'autres plans en tête, un grand groupe industriel comme le vôtre, à l'échelle du monde entier, vous avez très certainement dans vos cartons, sur vos tables à dessin, dans vos carnets, lors de vos discussions avec vos officiers supérieurs, au niveau des conseils d'administration, des projets de modernisation, des projets d'expansion, d'augmentation de capacité pour l'ensemble des installations d'Alcan. (12 h 40)

Ils ont dit: Bien sûr. Alors, on s'est dit: On va faire une chose, et cela a été notre proposition: Nous sommes d'accord pour que le groupe Alcan puisse utiliser contre redevances la puissance hydraulique de la rivière Péribonca, à la condition que votre groupe se commette, qu'il prenne un engagement d'investir au Québec non pas

seulement pour construire une aluminerie, mais pour en construire trois. Donc, un programme d'investissement de 3 000 000 000 $. Cela n'a pas pris une semaine que la réponse de M. Ritchie, directeur général de cette entreprise, est venue en disant: C'est favorable, nous sommes d'accord, nous allons nous engager.

On venait, par ce fait même, de s'assurer d'un certain nombre de choses. Premièrement, que, pour la première fois de son histoire, le groupe Alcan allait atteindre d'ici la fin du siècle une capacité de production supérieure à 1 000 000 de tonnes de métal; c'est énorme. On venait également de s'assurer que, partout où Alcan allait produire un lingot d'aluminium, cela allait se produire dans des métallurgies, dans des centres d'affinage modernes, propres, économiques sur le plan de l'énergie, respectueux de l'environnement et également en utilisant cette nouvelle technologie Alcan qui lui permet de produire en continu en utilisant jusqu'à 270 000 ou 275 000 ampères.

C'est là, M. le Président, toute l'importance de ce projet de loi. Ici, à l'Assemblée nationale, parfois, on va débattre des lois qui vont commander un investissement de 5 000 000 $, de 10 000 000 $, ou de 100 000 000 $. J'écoutais tantôt mon collègue de l'Agriculture. Je ne dis pas cela pour le relancer. Le programme des pêches au Québec est un programme absolument essentiel, vital pour l'économie, mais cela ne représente que quelques millions de dollars, beaucoup d'emplois, cependant, tandis qu'ici, ce dont on parle, ce matin à l'Assemblée nationale, quand on parle d'un programme d'investissement de 3 000 000 000 $, cela veut dire 3000 millions de dollars. C'est exactement ce que cela veut dire: trois grandes alumineries dont la première de la série va être située à Laterrière, près de Chicoutimi. J'espère, M. le Président, que dans quelques années, dans la prochaine décennie...

Une voix: Ce sera à Alma.

M. Duhaime: ... lorsque la direction de l'Alcan prendra sa décision pour la deuxième aluminerie moderne, on aura une bonne pensée pour...

Une voix: Alma.

M. Duhaime: ... le ministre de l'Énergie et des Ressources et sa région. Je le dis un peu à la blague. C'est presque de façon héréditaire que la Mauricie s'attend à recevoir la deuxième des trois alumineries.

C'est là un tout petit projet de loi de dix articles, dont le dixième précise l'entrée en vigueur de la loi, et nous allons faire rétroagir le bail au 1er janvier 1984. Mais dans ces dix articles du projet de loi 70, il y a 3000 millions de dollars d'investissements. J'ajoute, M. le Président, que ce sont 3 000 000 000 $ directement reliés au projet de loi 70, mais Alcan va investir beaucoup plus au Québec.

Je remercie la compagnie de m'avoir fait parvenir le dossier de presse pour la conférence de presse qui a été tenue à Montréal le 10 avril 1984. À la page 3 de la déclaration de M. Douglas Ritchie, que je voudrais citer, on lit: "Aussi, je me permettrai d'ajouter qu'en plus du programme de reconstruction de 3 000 000 000 $, nous continuerons de moderniser nos autres installations au Québec. Depuis 1976 jusqu'à ce jour, le programme d'immobilisations d'Alcan au Québec s'est chiffré à près de 1 000 000 000 $, en incluant l'usine de Grande-Baie construite au coût de 540 000 000 $, le nouveau centre de calcination au coût total de 70 000 000 $ et l'usine de fluorure présentement en construction au coût de 125 000 000 $."

Cela veut dire, M. le Président, qu'à part les 3 000 000 000 $ d'investissements que fera le groupe Alcan au Québec avec l'adoption de ce projet de loi et la signature du bail Alcan va continuer de moderniser ses installations. Ce sera donc, au fil de la décennie quatre-vingt, de la décennie quatre-vingt-dix et après l'an 2000, une compagnie établie chez nous qui sera un des plus gros investisseurs dans un marché qui est en progrès, souhaitons-le, en expansion et qui va surtout avoir comme grande qualité de rester à la fine pointe de la technologie.

Je dis, M. le Président, toute l'importance de ce projet de loi, parce que si on essaie d'imaginer ce que sera la situation, disons dans seize ans - c'est vite passé, seize ans - en l'an 2000, c'est au Québec que nous allons retrouver trois des cinq géants mondiaux de la production d'aluminium: Reynolds, Pechiney et Alcan. Les trois ensemble vont produire entre 1 500 000 et 1 600 000 tonnes de métal. Vous savez, M. le Président, que 1 500 000 tonnes d'aluminium produit au Québec dans des usines ultramodernes, c'est plus que la production totale actuelle du Japon. Cela représente, sur le marché des pays de l'Ouest, le marché du monde libre, environ 15%. C'est donc dire que les alumineries situées chez nous seront dans une situation absolument stratégique, avec 15% de la production des pays de l'Ouest. Il n'y a pas beaucoup de coins du monde qui peuvent se vanter d'en produire autant.

Je dirais que le Québec - je ne parle pas du Canada - devient à ce moment le troisième plus grand producteur d'aluminium du monde. Qui sont ceux en avant de nous? Les Américains et les Russes. Mais être troisième après les Américains et les Russes,

pour des Québécois, c'est quand même quelque chose. C'est sur cette stratégie d'investissement dans le secteur des alumineries que nous avons travaillé au gouvernement depuis quelques années. Nous avons réussi, M. le Président. Ce qui est dommage, c'est que je crois que le Québec aurait pu réussir beaucoup plus tôt, beaucoup plus vite à attirer chez nous les grandes compagnies de production d'aluminium. Nous sommes à un coin géographique du monde absolument unique.

C'est l'année de Jacques Cartier. On peut peut-être en parler un peu. Ce grand fleuve dont on cherchait la tête il y a 450 ans, croyant que c'était le passage vers l'Asie, nous permet aujourd'hui, à nous Québécois, d'avoir des installations portuaires à Baie-Comeau, à Bécancour et d'être capables, à partir de ces installations, d'expédier des lingots d'aluminium partout dans le monde jusqu'en Chine. C'est un avantage énorme que nous utilisons. (12 h 50)

Je dois dire que le fait que les alumineries du Québec sont tournées vers le marché international nous contraint et nous oblige, en quelque sorte, à nous servir au maximum de cet avantage économique incomparable, de cet atout unique que le Québec possède, c'est-à-dire son hydroélectricité. Lorsque nous avons travaillé, il y a quatre ans maintenant, cinq ans même, dans un cas, à mettre au point une structure tarifaire qui ferait en sorte qu'un groupe comme Pechiney qui avait à peu près pris sa décision de construire une aluminerie ailleurs - je crois que c'était au Brésil - et qui avait en chantier une aluminerie en Australie, qu'est-ce qui a fait que Pechiney a décidé de venir au Québec plutôt que de faire un investissement au Brésil ou en Australie, qu'est-ce qui a fait que Reynolds, par exemple, a décidé de moderniser son usine de Baie-Comeau, d'en augmenter la capacité de production plutôt que d'augmenter sa capacité à son aluminerie de l'Alabama ou, encore, de Corpus Christi au Texas? Ce sont essentiellement deux choses: un tarif hydroélectrique à long terme qui tienne compte de la concurrence internationale.

Ces données ne s'appliquent pas comme telles au dossier Alcan. Je le donne comme une illustration de cette volonté politique de notre gouvernement, d'une part, d'offrir une tarification à long terme aux producteurs d'aluminium et, deuxièmement, de maintenir et de nous soucier de l'existence du groupe Alcan. Ce n'est pas aveuglément qu'on a offert des rabais tarifaires et donné des garanties contre l'inflation sauvage des coûts de l'énergie à des concurrents d'Alcan. Ce n'est pas de façon aveugle qu'on l'a fait. Mais la gageure que nous avons prise est exactement la même que celle que les dirigeants d'Alcan, de Pechiney, de Reynolds ou d'autres prennent chaque jour. C'est le risque et c'est la gageure sur l'avenir que le marché de l'aluminium va continuer de grandir. Aujourd'hui, dans les pays de l'Ouest, il y a à peu près pour 12 000 000 de tonnes de capacité installée. Lorsque le marché est en très haute croissance, en très forte demande, parfois les capacités vont augmenter pour aller jusqu'à 14 000 000. Lorsqu'on est rendu à 14 000 000, si vous me passez l'expression, ce sont vraiment les dernières "réguines" de l'aluminium qui produisent des lingots. L'avenir va appartenir aux entreprises qui, sur le marché international, vont être en mesure d'offrir un produit de première qualité au meilleur prix. Les avantages que le Québec offre à l'Alcan en lui fournissant ce que j'appellerais une terre d'accueil, dans une région privilégiée, sont sans aucun doute la clé et la base même de la décision de consentir cet investissement.

Au fil des années, alors que des scénarios de redevances avaient été établis sur le loyer - il est parfaitement normal, si on utilise le potentiel hydraulique d'une rivière, qu'on en paie le loyer aux propriétaires, c'est-à-dire aux Québécois -ces contrats qui existaient, ces baux qui existent encore aujourd'hui et que nous remplacerons par un nouveau bail, impliquaient des redevances, mais aucune formule d'indexation. Autrement dit, peu importe le coût des énergies concurrentielles, peu importe l'inflation, peu importe le prix de l'aluminium, la redevance était à un niveau fixe. J'ai proposé à la compagnie Alcan de prendre essentiellement les mêmes risques que nous sur une formule d'indexation qui est très simple. J'appellerai cela le phénomène des grandes marées ou le phénomène de la marée, si vous voulez. Quand ça monte, tout le monde monte, quand ça descend, tout le monde descend. Qu'est-ce que cela veut dire en réalité? Il y a un prix de base au contrat avec une formule d'indexation qui, elle, est directement reliée à l'évolution du prix de l'aluminium Alcan. C'est donc dire, que si le prix monte, la redevance monte. Si le prix Alcan descend, la redevance descend. Cela me paraît normal que ça se passe de cette façon. Cela a l'air de rien de le dire de cette façon, mais cela représente une cinquantaine de millions de dollars de plus. On va le dire bien amicalement à la compagnie Alcan. Aussi bien l'avoir de notre côté, que de les laisser dans sa poche. C'est une formule d'indexation qui tient compte d'une réalité économique. Lorsque nous avons abordé cette partie de nos discussions, cela s'est fait avec certaines réticences au départ - c'est parfaitement compréhensible - mais je dirais que cela s'est fait avec compréhension et avec acceptation par la suite. Ainsi si on fait un calcul rapide sur

les revenus du Québec sur le bail de la Péribonca durant les 25 premières années, en faisant des scénarios d'indexation sur l'inflation - je crois que c'est 5,5% ou 6% que mes gens au ministère ont retenu comme indice - cela donne autour de 660 000 000 $ de revenus pour le Québec. Avant dîner, cela se prend, comme on dit. 660 000 000 $ en redevances, cela m'apparaît être un loyer raisonnable, qui tient compte de la Loi sur le régime des eaux, qui tient compte également du bail.

Il faut ajouter, non pas pour ajouter à la complexité de l'explication, que la Loi sur le régime des eaux qui existe au Québec est à peu près le prix de base de tout ce bail, parce que l'évolution du prix du kilowattheure à l'intérieur de la Loi sur le régime des eaux, tel que prévu, est directement relié au prix moyen du kilowattheure à Hydro-Québec au tarif industriel. La redevance statutaire prévue dans la loi et la redevance contractuelle prévue dans le bail ont tenu compte de l'ensemble de ces facteurs dans une formule d'indexation que tout le monde comprend très simplement; il y a un prix de base et l'indexation s'ajuste en fonction de l'évolution du prix de l'aluminium.

Je terminerai, M. le Président, en disant ceci: D'abord, je remercie la compagnie Alcan de cette confiance manifeste, tangible et concrète dans l'économie du Québec. Je dirais que j'envie en quelque sorte cette région de chez nous -je le dis toujours un peu avec nostalgie, c'est ma terre natale - d'avoir vu se concentrer au fil des années une pareille force de frappe sur le plan industriel. Bien sûr, le Saguenay est un grand fleuve qui mène à tous les marchés du monde. Laterrière va commencer à sortir de terre dans les prochains mois. C'est une première aluminerie. Il y en aura une deuxième. Il y en aura une troisième.

Je pense aussi, en plus de cette marque de confiance - je tiens à le rappeler parce que, quand nous avons été élus en 1976 pour la première fois, il y a plusieurs grands capitalistes sur ce continent qui écoutaient les bulletins de nouvelles avec une certaine appréhension, je dois dire que le calme est revenu - que ces gens ont appris à nous connaître, à nous respecter et nous avons également appris de notre côté à vivre avec le grand capital. Nous faisons la preuve aujourd'hui, de la même manière que dans d'autres pays du monde - je pense à la Suède, entre autres, à la Finlande - que des gouvernements sociaux-démocrates peuvent très bien cohabiter, coexister, dans l'amitié même, avec des grands détenteurs de capitaux qui prennent chaque jour des décisions importantes sur la vie de nos familles.

Je suis content que cette affaire se soit concrétisée. Je suis absolument certain de mon coup que, autant sur le projet de loi concernant l'augmentation du capital-actions de REXFOR que sur ce projet loi 70, l'Opposition va parler de façon positive et qu'elle va voter pour le projet de loi 70. Cela va faire la démonstration très claire et très nette qu'au Québec on peut très bien faire de la politique et brasser des affaires. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, je vais d'abord dire que nous suspendons ce débat. C'est le député d'Outremont qui aura la parole. Ce débat sera repris après le débat prioritaire d'une heure et trente qui aura lieu, lui, à 15 heures. Donc, nous reprendrons nos travaux à 15 heures, d'abord sur le débat prioritaire sur le budget. Le ministre des Finances aura la parole à ce moment-là. Après cette heure et demie de débat, nous reprendrons le travail.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, c'est plutôt le critique officiel de l'Opposition qui aura la parole et le ministre des Finances répliquera par la suite.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous avez raison. Exactement. Je m'excuse de l'erreur. Je suspends nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise de la séance à 15 h 1)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

Vous pouvez vous asseoir.

Reprise du débat sur la motion de

M. Parizeau proposant l'adoption de

la politique budgétaire du gouvernement

et sur la motion de censure

Nous allons reprendre le débat ajourné le 30 mai dernier sur la motion du ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement ainsi que la motion de censure du député de Vaudreuil-Soulanges.

En conséquence, en vertu du règlement, la parole est au député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En terminant ces interventions sur le budget, dont une dizaine d'heures, en vertu de notre règlement, ont également eu lieu en commission parlementaire, je voudrais me limiter,

étant donné le temps dont on dispose à ce moment-ci, étant donné aussi les discours qui ont déjà eu lieu, à reprendre trois éléments.

Il en est un qu'il y aurait lieu de qualifier comme étant l'un des éléments de la tenue générale de l'économie, l'une des mesures de la performance économique du Québec. Ceci nous permettra de voir quels gestes le gouvernement pourrait poser, quels gestes le gouvernement actuel a posés et ce, afin de faire partager notre diagnostic avec ceux qui nous écoutent.

Quant à la tenue générale de l'économie du Québec en matière d'investissements, c'est ce que nous entendons isoler de ce côté-ci.

Le deuxième a trait aux mesures fiscales, à la qualité de la fiscalité au Québec, quant au fardeau de l'impôt que les contribuables ont à payer afin de rencontrer les niveaux de services que le gouvernement a donnés aux Québécois.

Il y a un troisième élément, un autre aspect que je toucherai assez brièvement, dans la mesure où un tas de discours ont déjà été faits sur ce sujet spécifique ici, à l'Assemblée, ou en commission, notamment les transferts du gouvernement fédéral vers les provinces et notamment le Québec, afin que nous puissions juger exactement de la crédibilité qu'on peut accorder au ministre des Finances dans ses discours très vociférants et très certainement répétitifs sur ce sujet spécifique.

Donc, quant à la tenue générale de l'économie, la mesure la plus importante, quant à nous - c'est pour cela qu'on en parle souvent, c'est aussi simple que ça - c'est l'investissement au Québec, dont le volume et la qualité sont les facteurs déterminants de la progression économique du Québec. Une prospérité, ça se bâtit dans une société sur la force qu'elle acquiert en consacrant des énergies et des ressources à installer sur place, son son territoire, des actifs fixes. C'est cela, du stock de capital; c'est cela, de l'investissement.

Qu'est-ce qui crée des emplois? Qu'est-ce qui permet de créer des emplois, parce qu'on produit des biens et des services? Ce sont les investissements. Or, quelle est la tendance, non pas des derniers six mois ou de la dernière année, mais la tendance lourde, la tendance à long terme qu'on peut observer en matière d'investissements au Québec à la lumière de la meilleure mesure possible de cette activité? C'est-à-dire quelle part les dollars consacrés à l'investissement représentent-ils par rapport à la production intérieure brute du Québec, par rapport à l'ensemble de l'activité économique du Québec?

Les chiffres disponibles à même les documents budgétaires que le ministre des Finances soumet à cette Assemblée chaque année font ressortir qu'au Québec, alors que nous étions dès le début de la décennie 1970 à 15% ou 16% d'investissements par rapport à la production intérieure brute, par rapport à l'activité économique - 16% en 1970, 17% ou un peu plus en 1971, cela monte toujours; en 1972, 18,4%, en 1974, nous sommes rendus à 20,9% et ainsi de suite jusqu'en 1976 et 1977, où nous atteignons 21,2%, donc des milliards d'investissements, un dollar sur cinq d'activité économique au Québec est consacré à l'investissement. Ce qu'on observe depuis est désolant: 19,1% en 1978, 18,8% -petite baisse - l'année suivante, 18,2% - cela baisse toujours - 17,2%, 15,7%, 15,2%, 14,8% en 1984 - une descente continuelle.

Lorsque nous faisons remarquer au ministre des Finances et à ses collègues que cette tendance est inquiétante, nous sommes extrêmement surpris de voir que le ministre trouve, quant à lui - il l'a dit hier, en commission parlementaire - qu'un niveau d'investissement de l'ordre de 15%, qu'un dollar sur six ou sept soit consacré à l'investissement dans une économie, c'était passable, ma foi! Il justifiait cela, notamment en se comparant avec l'Ontario qui, elle aussi, connaît des problèmes de développement extrêmement sérieux.

J'ajouterais même qu'on pourrait comparer avec certains taux qu'on observe aux États-Unis depuis quelques années. Mais ce n'est pas une raison de se satisfaire et de se péter les bretelles lorsqu'on se compare avec des gens qui ont posé un diagnostic extrêmement sérieux quant à la diminution des investissements chez eux, sauf que leur économie est déjà plus forte, est extrêmement vivace. Les taux d'investissement qu'on observe, lorsqu'on les rétablit sur une base par habitant...

Voyons donc combien de milliers de dollars, de centaines de dollars sont consentis pour l'investissement en Ontario et aux États-Unis. On voit que, ne serait-ce qu'à l'égard de l'Ontario, chaque habitant bénéficie, si on peut employer ce langage, d'investissements supérieurs de 20% à ce dont nous, Québécois, pouvons nous enorgueillir. Les chiffres pour 1984 sont de 2650 $ par habitant en Ontario et de 2260 $ par habitant au Québec, une différence de 20% particulièrement inquiétante.

Mais au-delà de la comparaison qu'on peut faire avec nos voisins, il existe des mesures un peu plus globales qui nous situeraient dans la parade des régions du monde qui sont au stade de développement extrêmement actif, en très haute croissance, et qui nous permettraient de voir, de façon précise, comment cela se produit dans ces pays-là. Comment explique-t-on la croissance de l'emploi, la croissance de la prospérité autrement que par la croissance des investissements? On n'y échappe pas.

Lorsqu'on regarde les chiffres qui sont disponibles pour les pays dits dans un stade

de développement intense, qui ont choisi la priorité de l'investissement et du développement économique, on voit qu'on n'est pas dans les 15%, les 16%, les 18% ou même les 20%. C'est, dans certaines régions du monde, près du tiers de l'économie qui est consacré à l'investissement, donc à cette édification de l'avenir économique d'un pays ou d'une région. À Singapour, en Corée et au Japon, pour ne prendre que ces trois-là, qui sont des exemples frappants de pays en très forte croissance, c'est 39%, 31% et 32%. Là, 1 $ sur 3 $ ou 1 $ sur 2,50 $ d'activité économique va spécifiquement à l'investissement. C'est dans ce sens-là qu'on peut voir qu'il y a des possibilités de croissance dans de telles circonstances, parce que la croissance fondée sur l'investissement, si je peux employer une image, c'est la capacité que cela donne à une région, à une société, à un pays, d'utiliser une masse de biens productifs pour en produire d'autres, pour produire d'autres biens et d'autres services.

C'est comme un lac qui est alimenté par la rivière. L'investissement annuel, c'est la rivière qui constitue le lac. Or, les niveaux d'investissements qu'on retrouve au Québec depuis quelques années, si on regarde la totalité des actifs immobilisés, donc du stock de capital qu'on a au Québec, permettent, c'est évident, le remplacement de l'eau du lac qui s'est évaporée. Des usines deviennent trop vieilles; il faut les remplacer. On ne crée pas d'emplois comme tels. On fait un peu de croissance. Il y a certaines acquisitions qui permettent à une compagnie d'être un peu plus importante, mais on n'a pas vraiment créé quoi que ce soit d'additionnel, ce qui est inquiétant. Lorsqu'on voit les taux de remplacement dans notre économie qui sont d'environ 1,8% du stock de capital et qu'on regarde quel est le stock de capital du Québec - donc ayant fait la soustraction à partir du flot d'investissements annuels, donc la rivière, dont on soustrait cette portion qui doit remplacer l'eau qui s'est évaporée, qui s'est échappée - cela nous ramène à des taux qui ne sont pas vraiment intéressants. C'est le moins qu'on puisse dire. Aller se satisfaire de 15% d'investissements, comme le ministre des Finances l'a fait, cela m'apparaît indéfendable. (15 h 10)

Lorsqu'on regarde derrière les chiffres, qu'on considère que certains des actifs sont purement et simplement remplacés parce qu'ils sont trop vieux et que rien de nouveau n'est donc véritablement créé, on commence, on continue à descendre. La défense de ce taux d'investissements commence à devenir irresponsable, notamment parce qu'on ne peut pas, de façon sérieuse, prétendre que le taux d'investissements qu'on observe au Québec depuis des années est la clé de notre avenir.

Il faut faire quelque chose de spécial, de particulier, afin de nous assurer que nous aurons la capacité, les ressources, la richesse de base, l'investissement, pour bâtir notre avenir et, enfin, surmonter les obstacles qui se dressent devant le développement de la société, l'obstacle que représente le sous-emploi comme tel.

Que fait donc le gouvernement? Il a choisi - c'est l'admission du ministre - de consolider certains secteurs à partir des richesses naturelles. Nous en sommes, nous en avons beaucoup. Mais le ministre des Finances disait qu'on a tellement de richesses naturelles au Québec que c'est même nuisible dans la mesure où cela ne nous a pas forcés, étant donné qu'on a beaucoup de ces richesses naturelles, à développer nos ressources humaines, à regarder plus activement vers des nouvelles activités. Je suis d'accord avec le ministre des Finances mais je ne suis pas d'accord avec les gestes qu'il pose. Il faudrait faire ce qu'il prêche mais certainement pas ce qu'il fait.

De la façon dont le gouvernement privilégie dans ses interventions financières de consolider certains secteurs en ne donnant pas assez d'attention aux secteurs de l'avenir qui expliqueront que nous pourrons faire face aux changements, que notre main-d'oeuvre sera habilitée à rencontrer les défis de l'avenir, le choix que fait le gouvernement n'est pas le bon choix. C'est la moindre des choses qu'on puisse dire à ce moment-ci.

C'est donc extrêmement insatisfaisant comme réponse de la part du ministre de nous dire que 15%, cela va. Non seulement cela mais je consacre cette partie qui est relativement infime quand on regarde nos concurrents sur la scène mondiale, quand on regarde véritablement les objectifs qu'on doit avoir si on veut se développer; 15% qui vont dans le remplacement, qui ne créent donc rien; 15% qui est un pourcentage très bas comme tel et qui va même exacerber la situation en étant consacrés de façon beaucoup trop importante à la consolidation de certaines activités.

Avec l'effet qu'étant donné cet étiolement de la base économique du Québec, on se retrouve presque inévitablement, étant donné les habitudes de dépenses publiques, devant un problème de fiscalité assez particulier: Un fardeau fiscal, un fardeau d'impôt au Québec qui ne nous permet pas d'être concurrentiels et qui laisse très certainement beaucoup de place pour une amélioration à venir. On peut le calculer de deux façons. On peut juger si le ministre des Finances a véritablement baissé les impôts depuis qu'il est en selle depuis 1977. Qu'en est-il? Quelle est la portion de notre revenu personnel par 100 $ de revenu personnel que nous consacrons afin de donner des revenus autonomes au gouvernement du Québec? Si

on regarde sur une longue suite d'années, une quinzaine d'années, on s'aperçoit que le total des revenus autonomes calculé en fonction de notre revenu personnel pour chaque tranche de 100 $ de revenu personnel n'a pas vraiment varié. On est autour de 17%, 17,5%, c'est-à-dire 17 $ à 17,50 $ pour chaque tranche de 100 $ de revenu personnel sur une base très agrégée des revenus personnels des Québécois.

Le gouvernement n'a très certainement pas baissé les impôts. Il s'est même financé à même le haut taux d'inflation que nous avons connu depuis quelques années. C'est vrai d'autant plus que les taxes autres que celles qui frappent directement l'individu quant à l'impôt chez les particuliers ont connu une hausse considérable. Cette décomposition de ces 17 $, 17,50 $ par 100 $ de revenu personnel qui comprend différentes sortes d'impôts, ne permet pas de conclure. Au contraire, l'impôt sur le revenu des particuliers, les charges qui frappent les particuliers ont baissé de façon significative. Les chiffres que j'ai, il me fera plaisir de les communiquer dans les détails lorsqu'on aura plus de temps, font état d'une diminution, je le reconnais, de 0,4% par 100 $ de revenu personnel depuis sept ans. Ce n'est pas le Pérou. Si on regarde ce que cela représente comme diminution de l'impôt payé comme tel par les particuliers, on parle, sur sept ans, de moins de 3%. Je ne vois vraiment pas le pétage de bretelles auquel on est soumis de ce côté-ci lorsqu'on écoute les discours du ministre des Finances.

De la même façon, ce n'est là qu'une facette de la réalité, nous avons dit depuis des années qu'il faut être extrêmement prudent lorsqu'on parle du fardeau fiscal québécois. Il faut surtout être complet, parce que l'accumulation des dettes du Québec depuis quelques années représente de façon extrêmement claire un effort fiscal à venir. Nous devrons rembourser, sinon, après refinancement, nous devrons payer les intérêts sur la dette qui s'accumule au Québec depuis cinq ou six ans. Ainsi, en regardant de façon plus complète et intégrée ce que le fardeau fiscal des Québécois représente une fois qu'on tient compte des déficits et des dettes qui s'accumulent, grâce au ministre des Finances, depuis quelques années, on voit que le fardeau fiscal des Québécois - j'en ai parlé plus longuement dans ma réplique il y a deux semaines -représente une charge additionnelle de 45% supérieure à ce qu'elle est dans l'ensemble du Canada. Lorsqu'on a ajusté toutes les sources de revenus, qu'on a regardé la capacité fiscale des Québécois, qu'on a tenu compte, par ailleurs, de l'effort que les Québécois doivent consentir pour rencontrer les programmes de dépenses que le ministre, dans sa sagesse, a inventés et laissé augmenter, que l'effort des Québécois est le plus élevé au Canada, que les taxes de façon directe représentent une fraction relativement plus petite que ce qu'elle représentait autrefois, parce que le gouvernement a décidé de se financer par emprunts, donc d'endetter les générations à venir et d'imposer de façon complète, quand on regarde cela de façon intégrée, cela représente un fardeau considérable. Considérable au point que nous avons le championnat au Canada du fardeau des impôts.

Un fardeau des impôts qui serait encore plus élevé si ce n'était de la performance qu'on observe dans les transferts fédéraux -c'est le troisième point de ma présentation de cet après-midi, étant donné que les criages au loup, les déchirements de chemises et de linge du ministre des Finances appellent au moins quelque rétablissement de fait.

Lors de la commission que nous avons eue sur le budget - hier notamment - nous avons eu l'occasion de voir certains des sophismes, certaines des incohérences qui ont largement cours l'autre côté de la Chambre, du côté du gouvernement du Parti québécois. Des démonstrations ou des appels qui se voudraient logiques à l'endroit du système du gouvernement fédéral pour, d'une part, diminuer son déficit, diminuer ses impôts, mais augmenter les transferts aux provinces. Un raisonnement circulaire qui ne laisse absolument aucune issue à celui qui le tient. Comment peut-on, dans un même souffle, dénoncer - c'est véritablement le genre d'accusation qui pleut de l'autre côté - le comportement du gouvernement fédéral en matière de finances publiques tout en réclamant que les provinces bénéficient, et notamment le Québec, de transferts additionnels? Déjà la logique m'échappe, M. le Président.

Deuxièmement, dans le système de fonctionnement de ces transferts, qui sont largement destinés à compenser les inégalités dans les degrés de développement économique des provinces, dans les rythmes d'augmentation de la prospérité, il est parfaitement naturel - je répète naturel - et évident que lorsque cela va mieux, comme le prétendait le ministre l'autre jour à l'égard de l'économie du Québec, on ne peut pas en plus s'attendre à recevoir plus d'aide de l'extérieur. C'est ainsi que le système fonctionne. C'est presque la même chose que de prétendre que si un bénéficiaire de l'aide sociale ou un chômeur trouve un travail à temps plein 40 heures par semaine à 6 $ ou 7 $ l'heure, il devrait recevoir un peu plus d'aide sociale et un peu plus d'assurance-chômage que lorsqu'il n'avait aucun travail. C'est l'espèce de drôle de logique dans laquelle le discours du PQ s'enferme, qui lui permet de faire des tours de piste considérables et quelquefois spectaculaires,

compte tenu de la haute voltige qui est impliquée dans tout l'exercice quant à ses dénonciations du système fédéral. Mais les chiffres démentent ce que le ministre a voulu prétendre et, à sa traîne, certains de ses collègues depuis déjà deux ou trois ans. (15 h 20)

Si on regarde quel a été depuis 1977 le total des transferts du gouvernement fédéral au Québec et quelle part, incidemment, ces transferts représentent dans les dépenses publiques du gouvernement du Québec, on voit une augmentation substantielle. Si on recule plus que cela - je vais reculer à plus de sept ans et on va prendre une série de douze ou treize ans - cela nous permet de constater que les augmentations sur une base annuelle des transferts du gouvernement fédéral vers le gouvernement du Québec se sont faites au rythme de 13% ou 14% par année. Ce n'est pas de la tarte, comme se plaît à le dire le ministre dans d'autres circonstances: de 2 500 000 000 $ en 1977 à 3 135 000 000 $ en 1978; 3 300 000 000 $ en 1979. Je continue. Je saute des années. En 1982, 4 500 000 000 $; en 1983, 5 300 000 000 ; 6 400 000 000 $ en 1984 et, en 1985, 6 300 000 000 $. Ce sont des augmentations considérables qui ne permettent pas de conclure qu'il y a un effort concerté de déstabilisation des dépenses publiques de la part du gouvernement fédéral. Il n'y a pas d'étrangleur en la demeure. Ou c'est un étrangleur qui est particulièrement prodigue depuis quelques années et qui permet au ministre des Finances de ficeler ses comptes qui, malgré tout, sont grevés d'un déficit considérable qui le porte à emprunter.

Déjà, la masse des emprunts comme telle est inquiétante et sa composition, quant à nous, est également inquiétante. Nous avons relevé en commission qu'une portion croissante de la dette du Québec était composée de titres à taux variables. Le ministre nous a dit: Nous sommes d'accord. Nous l'avons dit en premier lors de la présentation. Il est évident que dans une conjoncture où les taux d'intérêt montent très rapidement, où les taux d'intérêt à long terme sont assez élevés, il est d'une élémentaire prudence d'essayer de voir si on peut emprunter à court terme, à un taux flottant qui risque de monter, mais qui risque également de descendre afin de refinancer de façon plus stable et pour une plus longue période une portion de la dette lorsque les taux auront baissé.

Le ministre nous a dit: Je ne peux pas y échapper, élémentaire prudence. C'est un peu comme celui à qui on ferait remarquer qu'il est au volant d'un camion trop lourdement chargé dans une côte trop à pic et à qui on ferait remarquer qu'il utilise le frein d'urgence afin de ralentir sa course. Le ministre nous dit: C'est la prudence élémentaire, dans ces circonstances, d'utiliser le frein d'urgence. Nous disons que c'est la prudence élémentaire - c'est notre constat -de s'assurer que le camion n'est pas trop chargé et qu'on ne s'engage pas dans une côte trop à pic. Ce n'est pas de la prudence d'emprunter à court terme sous prétexte qu'à cause de la conjoncture des taux d'intérêt il faut le faire, c'est la preuve que déjà le gouvernement a atteint les limites de son pouvoir d'emprunt à long terme, qu'il n'aurait pas dû atteindre s'il avait géré l'économie du Québec, s'il avait géré les finances publiques d'une façon raisonnable.

Quant à nous, nous sommes convaincus qu'il y a des choses à faire pour améliorer l'économie du Québec, nous en parlons constamment de ce côté-ci de la Chambre, nous exhortons, contre toute attente, le gouvernement à poser des gestes qui vont améliorer le climat de confiance, qui vont améliorer la perception que les investisseurs peuvent avoir de ce qui les attend au Québec, qui va améliorer la position concurrentielle de nos entreprises. Parce que c'est notre constat, nous demandons au gouvernement de poser certains gestes. Il refuse de le faire mais, pourtant, lorsque l'on a comme objectif la prospérité du Québec, on doit se donner comme objectif de tout mettre en oeuvre pour que nous dépassions ce pourcentage que je qualifierais aujourd'hui d'insignifiant compte tenu des défis qui nous attendent, ce pourcentage insignifiant de nos ressources que nous consacrons à l'investissement. 15% que le ministre veut accréditer comme un niveau qui a du bon sens; ce n'est pas suffisant. J'ai déjà dit que c'était insatisfaisant comme réponse; j'ai prétendu que c'est indéfendable et je répète qu'il est irresponsable de dire à la société québécoise que nous pouvons nous contenter de ce taux d'investissement afin d'assurer notre avenir économique.

Il y a des choses que le gouvernement peut faire. Nous lui demandons de les faire et de ne pas se comporter comme s'il était le seul à avoir le pas en matière de fiscalité en Amérique du Nord. Nous l'avons dit déjà, certaines expressions un peu trop partielles de ces nouveaux sentiments du gouvernement viennent ici, en Chambre, se manifester, notamment, lors du discours sur le budget: on parle de l'exemption de l'impôt sur les dons des entreprises agricoles, que l'Union des producteurs agricoles demandait dans un mémoire récent. L'abolition, c'est ce que les agriculteurs ont demandé. Le ministre, en 1980, les a traités de pleurnichards; cette année, il leur a donné quelque chose, une augmentation des exemptions pour la transmission d'une entreprise agricole d'une génération à l'autre. L'UPA continue de prétendre, avec raison - nous sommes d'accord avec elle - que ce système, que le ministre maintient pour des raisons

idéologiques - et cela se retrouve dans toutes sortes d'autres manifestations du régime d'impôt du Québec depuis sept ans -que le maintien de ces éléments fait que le Québec est le seul à avoir le pas dans beaucoup de domaines par rapport au reste de l'Amérique ou au reste du Canada. De toute façon, j'aimerais mieux avoir le pas seul dans des directions qui favorisent les investissements, plutôt que dans des directions qui favorisent la réalisation d'espèces d'idéaux qui n'ont rien à faire avec la réalité nord-américaine. Il y a des choses visibles comme celles-là qui peuvent être faites. Il y a des choses qu'on peut entendre - des choses audibles - qui doivent être faites ou surtout ne pas être faites, des déclarations de certains ministres de l'autre côté qui démontrent leur incompréhension totale de la façon dont les investissements ont lieu.

À titre d'exemple, prenons le cas récent de la compagnie Honda, qui s'installe en Ontario et qui est un producteur japonais dont l'accès au marché canadien est limité par des quotas d'importation, qui décide d'exploiter le marché canadien de 24 000 000 de personnes, assis quelque part à Tokyo ou je ne sais où, qui a à décider où, essentiellement, au centre du Canada, au Québec ou en Ontario, on a le choix de s'implanter et qui regarde les gestes d'un gouvernement qui n'écoute même pas l'Opposition.

Je ne me m'imagine pas un instant que les gens de Honda ou de Toyota écoutent les gens de l'Opposition libérale à l'Assemblée nationale. Ils regardent les gestes du gouvernement du Parti québécois, ils regardent son programme, ils écoutent ses ministres, qui sont contents de voir que les investisseurs s'en vont et ils concluent qu'ils n'ont rien à faire ici, qu'ils ne sont pas les bienvenus. Ils ne sont pas les bienvenus et, de façon objective, regardant les objectifs du gouvernement du Parti québécois, ils se demandent pour combien de temps - si le gouvernement a raison - des gens implantés au Québec pour desservir un marché canadien pourront fonctionner de façon ouverte, sans frontière, sans barrière et avec la même monnaie.

L'ambition du ministre des Finances et de ses collègues est de s'assurer qu'il y aura un pays différent, séparé du reste du Canada, à l'intérieur des frontières du Québec que nous connaissons aujourd'hui. Comment pouvons-nous blâmer le gouvernement fédéral du fait que des gens du Japon s'installent ailleurs qu'au Québec dans des conditions semblables, lorsqu'ils veulent desservir le marché canadien? Il en va autrement si on veut desservir le marché international. Les contraintes, les règles du jeu sont différentes: on passe par-dessus les douanes, les frontières, les monnaies de façon quotidienne. Mais si on parle de desservir le marché canadien de 24 000 000 d'habitants, pourquoi un Japonais, en regardant ce que le gouvernement du Parti québécois veut faire au Québec, s'installerait-il ici? C'est la question qu'on est en droit de se poser.

Il y a une question de crédibilité fondamentale à changer au Québec. Le gouvernement du Québec doit être composé d'hommes et de femmes qui ont déjà démontré leur capacité à entraîner les Québécois non pas vers un paradis terrestre défini dans des congrès régionaux du PQ, mais à amener les Québécois vers l'an 2000 de façon mieux préparée pour affronter l'avenir. Je vous remercie, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances. (15 h 30)

M. Jacques Parizeau (réplique)

M. Parizeau: M. le Président, le discours sur le budget que j'ai eu l'honneur de présenter en cette Chambre le 22 mai dernier en arrivait à la conclusion que les mesures prises par le gouvernement depuis quelque temps pour assurer la relance de l'économie semblaient correspondre aux besoins du moment, semblaient avoir une efficacité assez remarquable et que, dans ces conditions, il n'y avait pas lieu de prendre une sorte de virage dramatique par rapport à toutes les étapes qui ont été franchies par ce gouvernement depuis quelque temps pour assurer le relèvement. Je pense que cette absence, si l'on veut, d'originalité du budget correspondait à quelque chose de nécessaire et représentait bien plus une vertu qu'un défaut. Lorsqu'on pense avoir mis en place les instruments nécessaires pour obtenir un degré de relèvement, pas idéal bien sûr, mais satisfaisant, il est important de ne pas commencer à tout changer tous les six mois.

Sur quoi est-ce que je me base pour dire que les politiques adoptées par le gouvernement depuis quelque temps correspondent aux besoins fondamentaux de l'économie et de la société dans laquelle nous vivons? Essentiellement sur les résultats obtenus jusqu'à maintenant. Je pense que, contrairement à, disons, il y a 18 mois, nous n'avons pas, à l'heure actuelle, à vivre d'espoir ou de promesses, mais de réalisations, de choses faites et de choses qui se font.

Je pense qu'en particulier, le problème des investissements au Québec que soulevait le porte-parole de l'Opposition tout à l'heure est très réel, sauf que cela fait maintenant au-delà d'un an, presque 18 mois, que le gouvernement actuel a posé un certain nombre de gestes avec des résultats. On n'a

pas attendu aujourd'hui ou depuis deux mois pour discuter de la question. Comment se présente effectivement le problème de ces investissements au Québec?

Nous avons connu une phase dans les années soixante-dix, à la fin des années soixante-dix en particulier, où la construction de la Baie James a impliqué d'énormes investissements dans notre société. À remarquer que cela a masqué, en un certain sens, le retard qu'on prenait sur d'autres types d'investissements. Nous avons pris du retard quant au virage technologique qui se produisait un peu partout dans le monde. Nous avions pris dans certains domaines, comme l'agriculture, un retard important. Dans l'industrie manufacturière, les investissements étaient faiblards, c'est le moins qu'on puisse dire, mais tout cela était masqué par le fait qu'à un moment donné, les investissements dans la Baie James ont représenté presque 30% de tous les investissements au Québec. Cela masquait.

Lorsque la Baie James s'est terminée -après tout, l'essentiel des gros travaux est terminé là-bas maintenant, au moins à la phase actuelle - on a vu apparaître un phénomène, comment dire? de chute du volume total des investissements au Québec au moins en termes relatifs qui, inévitablement, devait présenter un sérieux problème en termes d'activité économique, d'emplois, de création d'emplois. C'est la raison fondamentale pour laquelle le gouvernement, d'abord, a mis au point un certain nombre de feuilles de route. Peut-être la plus connue de ces feuilles de route et, en un certain sens, peut-être la plus importante, a-t-elle été ce qu'on a appelé le virage technologique. Il fallait savoir où on allait poser les jalons d'une politique. Dans un deuxième temps, il fallait être en mesure de bouger, de poser des gestes. Nous avons beaucoup bougé, M. le Président, depuis 18 mois, énormément bougé. Il y a quelque chose, je pense, non seulement d'exagéré, mais de dévié dans les remarques du porte-parole financier de l'Opposition à cet égard. On ne demande pas au gouvernement actuel de commencer à bouger dans le domaine des investissements. Enfin, soyons sérieux.

J'ai eu l'occasion, à quelques reprises, de parler du râle qu'a joué, à cet égard, la réunion spéciale du Conseil des ministres en mars 1983, au mont Sainte-Anne, qui a dégagé une série de politiques à l'égard des investissements.

Certaines d'entre elles maintenant sont bien connues. Pour la première fois, nous nous sommes servis des tarifs d'électricité au Québec pour provoquer l'apparition d'entreprises. C'est clair comme le jour dans le cas de l'aluminium. Sans cette politique d'abaissement des tarifs, de rabais temporaires des tarifs d'électricité, l'agrandissement de Reynolds à Baie-Comeau ne se serait jamais fait ou, en tout cas, aurait été reporté à plusieurs années; Pechiney n'aurait jamais abouti. Cela faisait 19 ans que j'entendais parler d'un plan Pechiney au Québec. Cela n'aurait jamais abouti ou, alors, on aurait attendu 19 autres années.

En raison de ces investissements, un concurrent direct de ces deux entreprises, l'Alcan, a finalement annoncé la construction d'une usine à Laterrière. D'autres alumineries sont en discussion avec le gouvernement pour voir dans quelle mesure elles ne devraient pas investir au Québec. L'enjeu est majeur: 2 000 000 de tonnes dans le monde occidental de capacité d'aluminium sont en train de disparaître parce les tarifs d'électricité sont trop élevés. Il y a trois endroits où cela peut aller, où ces 2 000 000 de tonnes peuvent aller: l'Australie, le Brésil ou le Québec. Il y a d'autres endroits où on peut accepter, à la rigueur, une aluminerie de plus mais pas beaucoup. Les trois endroits dans le monde où on peut à l'heure actuelle augmenter considérablement les capacités sont les trois endroits que je viens d'indiquer. De ces 2 000 000 de tonnes, le Québec, en l'espace d'un an et demi, est allé en chercher déjà 500 000, et cela continue.

La même politique ou une politique analogue sur le plan des tarifs d'électricité a amené des investissements importants dans le domaine de l'industrie chimique. Ce sont des investissements dont certains sont complétés, dont d'autres sont en train de se faire ou dont d'autres vont commencer incessamment. Ce ne sont pas des promesses pour l'avenir. Ce n'est pas une incitation à faire davantage d'investissements. Cela se fait.

Nous avons adopté une politique exceptionnelle de subventions à l'investissement en même temps qu'on travaillait les tarifs d'électricité. Cela a eu des effets étonnants dans le domaine minier où, à l'hegre actuelle, plusieurs mines sont en construction au Québec. En fait, 500 000 000 $ d'investissements sont déjà engagés à partir de ces subventions exceptionnelles qui sont sorties de la réunion du mont Sainte-Anne. Et il y a plusieurs centaines de millions de dollars dans les mines qui sont en discussion à l'heure actuelle.

Dans le domaine manufacturier, nous avons aussi vu les résultats de cette politique. Ne nous faisons pas d'illusions, la Bell Helicopter n'est pas venue s'installer au Québec sans qu'à cet égard la contribution du gouvernement québécois, comme on le sait, soit très importante. Dans le domaine de la modernisation de la pâte et du papier, même chose.

Dans le domaine maintenant du virage technologique proprement dit, des hautes technologies, nous avons bougé probablement plus rapidement que n'importe où au Canada

pour faire en sorte que des investissements dans les hautes technologies, que des dépenses des autorités publiques dans ce domaine soient faites. Est-ce qu'on sait qu'à travers aussi bien le ministère de la Science et de la Technologie qu'à travers les autres ministères du gouvernement du Québec, depuis un an et demi, ce sont 290 000 000 $ de fonds publics qui ont été engagés dans le virage technologique?

Dans le domaine de l'entraînement de la main-d'oeuvre, on entend, ces jours-ci, les gens de l'Opposition prendre fait et cause pour ceux qui voudraient simplement augmenter - et largement augmenter - les contributions d'aide sociale aux célibataires aptes au travail de moins de 30 ans. Nous avons déjà engagé un programme où nous sommes disposés à augmenter ces contributions d'aide sociale, mais dans la mesure où ces jeunes acceptent de retourner finir leurs études secondaires. Est-ce qu'on sait que la moitié de ces jeunes célibataires de moins de 30 ans n'ont pas fini leurs études secondaires? Dans la mesure aussi où ils acceptent des stages en entreprises. L'apprentissage est une chose qu'il faut développer dans notre société car il ne l'a jamais été suffisamment.

M. le Président, ces gestes, que je résume brièvement mais que j'ai eu l'occasion de commenter déjà et que je vais continuer de commenter dans l'avenir, donnent des résultats. (15 h 40)

À partir des décisions prises au mont Sainte-Anne en mars 1983, c'est-à-dire il y a quatorze mois, c'est 8 000 000 000 $ -d'investissements additionnels sur quelques années, selon les projets de deux ans, trois ans, quatre ans - de plus d'investissements qui ont été déclenchés au Québec. Quand on pense qu'au début de 1983, on prévoyait qu'on ferait 13 000 000 000 $ d'investissement dans l'année, on se rend compte de l'importance de la somme. Cela est déclenché. Ce n'est pas un espoir. Ce n'est pas un rêve à venir. Ce sont des choses que le gouvernement fait.

Je reconnais très volontiers ici les chiffres que signalait le député de Vaudreuil-Soulanges quant à la proportion de la production intérieure brute du Québec qui est consacrée à l'investissement. Il me faisait dire que je trouvais que 15% c'était satisfaisant. Allons donc! Est-ce qu'il s'imagine un instant qu'on peut considérer, dans une société, que 15%, c'est satisfaisant? Oui, en commission, j'ai essayé d'expliquer pourquoi on était tombé à 15% à la suite de la disparition des travaux à la Baie James. Considérer que 15% c'est satisfaisant, nous avons un très sérieux problème à cet égard, un problème, au fond, que nous voyons nous au gouvernement depuis quelques années. Que l'Opposition découvre ce genre de chose depuis deux mois, je n'en disconviens pas. Cela nous fera une large unanimité en Chambre.

On ne peut tout de même pas dire d'eux qu'ils sont prématurés. Le problème se situe de la façon suivante, au fond. C'est d'ailleurs un problème qui est très sérieux pour le Canada tout entier. Nous avons à peu près 15% de la production intérieure brute au Québec qui sont investis. En Ontario, c'est la même chose. En fait, en 1984, cela va être pire en Ontario qu'au Québec. Le Canada tout entier investissait à peu près, il y a quatre ans, mettons en 1981, à peu près 23% de son produit intérieur brut. Cette année, cela va tomber à 17%. Pourquoi est-ce que c'est un peu plus haut au Québec que le Canada? C'est essentiellement parce que dans certaines provinces de l'Ouest, cela reste beaucoup plus élevé. Cela tombe dans certaines provinces de l'Ouest à cause de l'abolition de certains mégaprojets. C'est un problème canadien. Je soumets que sur la base des résultats obtenus, la performance du Québec par rapport à tout le reste du Canada est à l'heure actuelle de très loin la plus brillante.

Vous en voulez des exemples? J'ai eu aussi l'occasion d'en parler à quelques reprises jusqu'à maintenant. Les projections d'investissements dans l'industrie manufacturière au Québec pour 1984, par rapport à 1983, sont en hausse de 38% en un an. Qu'est-ce que c'est? C'est le résultat des gestes que je posais tout à l'heure. Quelles sont les projections pour le reste du Canada dans ce domaine? Une chute de 15%. Les investissements privés qui tiennent tellement à coeur à certains de nos amis d'en face puisqu'ils dénoncent constamment le climat économique au Québec en disant qu'il est pire que celui qu'on trouve ailleurs en Amérique du Nord, ces projections d'investissements privés en 1984 au Québec sont en hausse de 15% alors qu'ailleurs au Canada, ils étalent ou ils révèlent des hausses de 1%, de 2% ou de 3% à peine. Curieuse condamnation du climat économique au Québec qu'on arrive à des résultats comme celui-là. Je pense que le gouvernement, à l'heure actuelle, sur tous ses plans, peut, premièrement, démontrer ce qu'il a fait. Les résultats obtenus. Est-ce qu'on s'arrête là? Oh non! Il n'y a pas de doute que l'économie du Québec doit, à l'heure actuelle, connaître une phase de modernisation de certains secteurs et de développement accéléré d'autres secteurs.

La politique gouvernementale, à cet égard, est inévitablement multiple. Je ne vois pas l'utilité de la caricaturer comme le faisait tout à l'heure le critique financier de l'Opposition. Nous avons à moderniser certains secteurs. Par exemple, dans le domaine de ce qu'on a appelé les secteurs mous. Il est parfaitement inutile de se dire

qu'un jour ça disparaîtra et que ces secteurs ne sont pas concurrentiels. Il y a dans le textile, il y a dans le vêtement, il y a dans le meuble, il y a dans la chaussure, des entreprises, des secteurs éminemment concurrentiels capables d'exporter, capables d'être modernisés. C'est en train de se faire. Nous avons une industrie des pâtes et papiers, parmi les industries liées aux richesses naturelles, qui avait pris du vieux. C'est très important au Québec. Il est parfaitement inutile de dire que parce que c'est lié aux richesses naturelles, c'est sans importance, et que, si le gouvernement consolide ce secteur, il perd son temps. Il ne perd pas son temps. C'est un secteur central de l'activité économique du Québec et le programme de modernisation de l'industrie de la pâte et du papier - reconnaissons simplement une chose - a aussi été mis au point au Québec, on a réussi à en faire partager le coût avec le gouvernement fédéral lorsque l'Ontario s'est révélée intéressée au même programme. Mais c'est du ministre de l'Énergie et des Ressources de l'époque au Québec que sort ce programme. Si, à l'heure actuelle, on est en train de moderniser cet immense secteur de l'activité économique du Québec, c'est essentiellement grâce aux politiques adoptées par le présent gouvernement. Il est évident que nous ne pouvons pas laisser l'industrie minière - on dira - liée aux richesses naturelles, je veux bien. On ne peut pas laisser l'industrie minière au Québec dans un état où les mines se fermeraient les unes après les autres sans qu'on en ait développé d'autres. La seule caractéristique absolue d'une mine, c'est qu'un jour elle fermera, c'est la seule certitude qu'on a, quand elle sera épuisée. Dans ces conditions, nous devons avoir une politique d'exploration et d'exploitation minière infiniment plus active que celle qu'on a connue dans le passé, et c'est ce que nous avons fait.

L'agriculture a été conçue pendant très longtemps comme un mode de vie. Cela a pris un certain temps à nos amis d'en face, lorsqu'ils étaient au pouvoir, pour comprendre cela. Encore qu'ils ont eu un ministre de l'Agriculture qui était un peu en avance sur son cabinet. Nous avons, dans ce gouvernement, assuré une modernisation de l'agriculture au Québec qui en fait maintenant une industrie éminemment concurrentielle. Il faudra reconnaître que ce sont des politiques gouvernementales du présent gouvernement qui ont assuré cette modernisation.

Nous avons, d'autre part, un certain nombre de secteurs où nous pouvons prendre de l'expansion, même si ce sont des secteurs que nous connaissons bien, et une très forte expansion: le cas de l'aluminium dont je parlais tout à l'heure est remarquable à cet égard. Dans le domaine des produits chimiques, c'est exactement la même chose. D'autre part, nous avons un certain nombre de secteurs nouveaux, flambant neufs, sur le plan des technologies, où on ne s'était peut-être pas grouillé suffisamment au Québec pendant bien des années et où, finalement, c'est par, j'allais dire une certaine spontanéité des créateurs privés, qu'on a été alertés tous ensemble au Québec au fait qu'il y avait là des industries de l'avenir, que nous n'étions pas incompétents du tout dans ces domaines et que nous avions la possibilité de nous implanter dans ces secteurs de façon solide. Tout ce qui concerne les technologies de pointe à l'heure actuelle au Québec est en remarquable effervescence. Comme je le disais tout à l'heure, le gouvernement a pris toutes les dispositions pour renchausser, financer, appuyer, développer ce genre d'initiative.

À cet égard, M. le Président, je pense que le Québec a une longue habitude d'un certain masochisme sur le plan économique. Il faut l'affirmer à l'heure actuelle, le confirmer, j'irais même plus loin, il faut se vanter d'avoir sur le plan économique pris des virages majeurs qui assurent infiniment mieux l'avenir que les politiques que nous avions jusqu'à il y a quelques années.

C'est important de se le dire. L'espèce de désespérance que charrient certains de nos amis d'en face ne débouche sur rien. Ce n'est pas en considérant que l'investissement au Québec est lamentable, restera lamentable et que le Québec ne peut espérer être une terre d'élection de l'investissement qu'on aboutira à quoi que ce soit. Ce n'est pas en niant les progrès qui se font qu'on aboutira à quoi que ce soit. Je dois dire d'ailleurs que la politique adoptée par les libéraux depuis quelque temps sur le plan fiscal, sur le plan financier, sur le plan des finances publiques, me gêne horriblement. (15 h 50)

J'aborde une seconde question que je voulais soulever à l'occasion du débat sur le discours sur le budget. Nous avons hérité du gouvernement qui a précédé le nôtre il y a plusieurs années maintenant d'un fardeau fiscal des particuliers québécois qui était très élevé: 19% de plus que celui de l'Ontario. Aucune indexation quant à l'impôt sur le revenu des particuliers. Le gouvernement de l'époque taxait l'inflation à tour de bras. Il avait agréablement une augmentation de dépenses de 20% ou 21% par année et augmentait largement les effectifs dans le secteur public. Dans les conventions collectives, juste avant de perdre le pouvoir, il lâchait 6000 enseignants de plus dans sa grande générosité, ouvrant les vannes - mais, toutes grandes ouvertes - et les laissant toutes grandes ouvertes. L'avenir paiera. Nous avons dû corriger cela substantiellement. Sur le plan des impôts, on les a réduits pas mal jusqu'en 1980-1981 et

là, compte tenu des circonstances économiques dans lesquelles on vivait, il a fallu les augmenter. Mais encore aujourd'hui, le fardeau fiscal des particuliers québécois, il est de quoi? Il est 11% de plus que ce qui existe en Ontario, mais il n'est pas de 19%. Il n'est plus de 19%. Il faut le souligner.

Sur le plan des dépenses, on sait quel genre de corrections importantes il a fallu apporter au rythme de progression des dépenses du gouvernement du Québec. Cela n'a pas été une opération facile à faire. Cela a demandé un courage politique tout à fait remarquable. Je vous avouerai, M. le Président, qu'à certains moments, j'avais une profonde admiration pour ces hommes et ces femmes politiques de notre côté qui acceptaient de prendre des risques politiques aussi grands que ceux qu'ils ont pris au nom de l'intérêt public. Et nous avons réussi à maintenir pendant maintenant 5 ans de suite le déficit à peu près au même niveau. Et on nous dit en face essentiellement ceci, semaine après semaine: Vous devriez baisser les impôts: nous trouvons que vous avez eu tort de faire les compressions que vous avez faites; et chaque fois que vous nous amènerez un correctif à apporter dans les dépenses, on se lèvera ici en Chambre pour dire: Non, vous avez tort de couper ou d'établir une compression, ou de rationaliser les dépenses. Mais d'autre part, baissez le déficit, il est trop élevé. Je ne caricature pas, sauf que de l'autre côté, ce ne sont jamais tout à fait les mêmes qui lancent ces trois idées en même temps. La première idée apparaît à une heure dans la bouche de quelqu'un. Deux heures plus tard, dans la bouche de quelqu'un d'autre, on voit le deuxième principe apparaître. Et quelque part dans le courant de la soirée, entre 20 heures et 22 heures, c'est la baisse du déficit qui apparaît. Sauf que c'est toujours le même parti politique et j'espère au moins qu'ils se coordonnent. S'ils se coordonnent, j'aimerais qu'ils m'expliquent comment ils vont faire cela: baisser les impôts, augmenter les dépenses et baisser le déficit. Il y a là une sorte de refus de la règle de trois, de l'arithmétique élémentaire sur lequel je dois dire: Le parti d'Opposition ici est remarquablement discret. Nous avons à assumer cet équilibre. Nous avons à assumer les choix que nous avons pris et que nous continuons de prendre. Ce n'est pas facile, mais cela se fait. Le gouvernement, par les gestes qu'il a posés à la fois sur le plan fiscal et sur le plan des dépenses, et qu'il continue de poser cette année dans le cadre du discours sur le budget, dégage des marges de manoeuvre qui lui permettent d'agir sur l'économie et d'avoir l'impact dont je parlais tout à l'heure.

Il y a une dernière question qu'il faut aborder, parce qu'elle a attiré beaucoup l'attention à l'occasion du discours sur le budget et je vais en dire quelques mots. D'ailleurs, le député de Vaudreuil-Soulanges y faisait allusion tout à l'heure. C'est la question des transferts fédéraux. Contrairement à ce que pouvait dire le député de Vaudreuil-Soulanges, je n'interviens pas constamment au sujet des transferts fédéraux. Il faut comprendre que tous les cinq ans, il y a renégociation, si l'on peut dire, des arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. On s'entend ou on ne s'entend pas. Si on s'entend, tant mieux. Si on ne s'entend pas, de toute façon, une loi fédérale détermine ce qui va se passer. En 1977, on s'était assez bien entendu - en tout cas, sur pas mal de choses - et pourtant, c'était le gouvernement du Parti québécois qui était au pouvoir. Ne nous imaginons pas un instant qu'il y ait une sorte de vendetta permanente à travers ces questions. En 1977, on s'était entendu sans trop de difficultés sur un certain nombre de choses fondamentales. En 1982, on ne s'est pas entendu du tout et j'ai eu l'occasion à ce moment-là de protester de façon véhémente à l'égard d'une politique du gouvernement fédéral qui me semblait essentiellement destinée à coincer le Québec sur le plan financier. Il y avait un contentieux extraordinaire. Entre 1977 et 1982, à certains moments, par simple règlement ou par interprétation de la loi on enlevait aux provinces, mais singulièrement au Québec, l'argent par centaines de millions: 73% de toutes les sommes qui, entre 1977 et 1982, ont été enlevées aux provinces l'ont été au Québec seulement. Un livre gris publié par le ministère des Finances à cette occasion, en 1981, donnait la nomenclature de tout ce qu'on appelle le contentieux avec le gouvernement fédéral.

Les propositions faites en 1982 consistaient essentiellement à enlever des centaines de millions au Québec pour les donner aux provinces maritimes. La nouvelle formule de péréquation était telle que nous étions certains de perdre, par rapport à l'ancienne formule, des sommes considérables. Bien sûr, le ministre des Finances a énormément protesté, a proposé d'autres formules à l'occasion des conférences fédérales-provinciales, a trouvé auprès du Manitoba, qui dans cette espèce de désir de coïncer le Québec s'est fait coïncer davantage encore, des appuis suffisamment solides et, au fond, dans l'opinion publique aussi, à travers les journaux, parce que la position que nous défendions à ce moment-là avait une certaine logique, une logique suffisante pour que le gouvernement fédéral accepte de donner une garantie temporaire de recettes.

La garantie temporaire de recettes se termine cette année et la nouvelle formule de péréquation commence ensuite, en 1985-1986. Là, nous allons avoir le nez dessus.

C'est justement parce qu'il n'y a pas moyen de prolonger la garantie temporaire, parce qu'on voit les estimations du gouvernement fédéral comme nous voyons les autres, et nous savons très bien que presque 30% du budget du gouvernement de Québec ne va même pas augmenter au rythme de l'inflation, ne va même pas se stabiliser, mais va baisser dans les deux années qui viennent, que je reprends le combat. Il faut le reprendre en vertu des intérêts du Québec. La nouvelle formule va commencer à s'appliquer et il va devenir clair pour tout le monde... J'avais espéré, au moins, que les gens de l'Opposition liraient l'annexe que j'ai publiée à l'occasion du discours sur le budget où, pour une fois, on arrivait à présenter ces questions de façon relativement simple. J'aurais espéré que l'Opposition lise au moins cela et constate ce qui crève les yeux: À partir du moment où la nouvelle formule va s'appliquer, on perd, au bas mot, 425 000 000 $ par année. 30% ou presque 30% de nos ressources ne vont pas augmenter, ne vont pas se stabiliser, pour les deux années qui viennent, 1984-1985 et 1985-1986, mais vont tomber.

Je reconnais volontiers qu'en 1983-1984 nous avons obtenu plus que nous pensions obtenir. Il y a des gens qui disent que le ministre des Finances s'est trompé depuis deux ou trois ans parce qu'il a obtenu plus qu'il pensait avoir. Je comprends, je me trompe peut-être sur certaines choses, mais il y en a d'autres qu'on obtient de haute lutte. Heureusement qu'on dit que je me suis trompé, alors que dans un bon nombre de cas on a réussi à faire aboutir finalement certains dossiers. C'est quand même assez extraordinaire de penser qu'on ne s'entendait même pas à venir jusqu'à il y a deux ans sur la population du Québec. Nous soutenions auprès du gouvernement fédéral que la population était plus élevée que celle qu'il utilisait pour son calcul; il a fallu que le statisticien du Canada tranche la question. Il a tranché en notre faveur et on a reçu un paquet d'argent. C'est cela, l'erreurl Si c'est cela se tromper, bravo! J'aimerais me tromper tous les jours de cette façon.

On a réussi, oui, sur certains des pronostics que j'avais faits. Je les avais faits avant qu'on arrive à arracher la garantie temporaire de recettes. On a finalement obtenu la garantie de recettes; bravo! que je me trompe comme çal C'est un combat de tous les instants et qui n'est jamais terminé.

Les changements dans les règlements de la péréquation ou dans les règlements des transferts fédéraux, d'une façon générale, nous pendent sur la tête comme une épée de Damoclès. Est-ce qu'on sait que récemment le gouvernement fédéral a décidé que même s'il ne nous reconnaît aucun droit sur le Labrador, aux fins de la détermination de la formule de péréquation, l'électricité de

Churchill Falls allait être considérée comme étant produite au Québec? Nous n'avons pas de droits sur le Labrador en raison de la décision du Conseil privé de 1927 mais, néanmoins, aux fins du calcul de la péréquation, on prend l'électricité de Churchill Falls et on fait comme si elle était produite au Québec. Cela nous enlève 20 000 000 $ et cela en donne 30 000 000 $ à Terre-Neuve. Vous me direz: Qu'est-ce que c'est 20 000 000 $ par année? Bon, on veut continuer? On vient de nous changer par un règlement la façon d'évaluer les taxes foncières dans la formule de péréquation. Nous avons perdu, à cause de cela, quelques dizaines de millions comme une fleur. On est encore en train de préciser le montant, mais ce sera de l'ordre de quelques dizaines de millions. (16 heures)

Je disais tout à l'heure qu'on a reconnu que, sur la population, nous avions raison; que sur le partage du PIB entre les provinces canadiennes, nous avions raison. Le gouvernement fédéral est bien forcé pour le présent et pour l'avenir de payer des montants, mais il nous dit: Écoutez, avant 1981, peut-être que vous avez raison, cela nous est égal, on ne fera pas d'ajustement. Là-dessus, on perd 100 000 000 $ d'une claque. Tous les mois, périodiquement, des changements comme ceux-là changent les données dans lesquelles nous vivons.

Et qu'est-ce que cela donne sur le plan de l'ensemble des transferts fédéraux au Québec? J'ai fait établir les transferts fédéraux en proportion des revenus autonomes, du gouvernement du Québec parce que cela intéressait à ce point nos amis d'en face. Il est vrai qu'en 1983-1984, à cause de toutes sortes d'ajustements temporaires, les transferts fédéraux auront représenté 42% des revenus autonomes et, cette année, 38,6%. En 1985-1986, quand la nouvelle formule de péréquation nous frappe de plein fouet, 34,5%. En 1986-1987, 33%. Cela tombe comme une roche. À 33%, il n'y aura qu'une année depuis seize ans où cela aurait été inférieur.

Qu'on ne s'étonne pas que je proteste comme j'ai protesté depuis quelque temps à ce sujet d'autant plus que les ajustements par règlement dont je parlais tout à l'heure peuvent réduire encore ces montants. À cet égard, je me ferai une responsabilité personnelle et récurrente de protester contre la façon dont les arrangements fiscaux sont établis par Ottawa et sont interprétés par Ottawa chaque fois qu'il me paraîtra que le Québec peut pâtir, peut souffrir financièrement de la façon dont, sur un plan politique à Ottawa, on interprète comme étant une condition de l'unité canadienne j'imagine, le fait d'essayer de coincer financièrement le gouvernement du Québec. Je n'aurai aucune espèce de honte ou

d'hésitation à procéder ainsi.

Il me reste à conclure avec quelques perspectives pour l'année 1984-1985. Tous les observateurs se plaisent à reconnaître à l'heure actuelle que le Québec aurait en 1984-1985 une des meilleures performances des provinces canadiennes, une performance tout à fait exceptionnelle par rapport à ce qu'on va trouver dans les économies occidentales et que, sur le plan de la création d'emplois, ce serait probablement mieux au Québec que partout ailleurs au Canada et, là encore, l'une des meilleures performances qu'on puisse trouver dans le monde occidental. Nous verrons.

Il y a toujours une ombre au tableau, une ombre qui me frappe constamment et qui est celle des répercussions sur la croissance économique du Québec comme, d'ailleurs, de celle de toute l'Amérique du Nord, de l'augmentation des taux d'intérêt qui serait trop rapide. L'ombre au tableau, s'il y en a une, elle est là. Enfin, nous verrons bien au fur et à mesure où l'année se déroulera. Mais j'aimerais simplement souligner que pas seulement par les projections que peut faire le ministère des Finances, mais que la plupart des observateurs chez d'autres gouvernements, dans des fondations privées qui examinent ces choses en arrivent à peu près tous à la même conclusion: que, après avoir connu une année très difficile en 1982, le redressement de l'économie du Québec est spectaculaire. Il est dû, bien sûr, aux entrepreneurs québécois. Je pense que leur capacité de rebondir après ce qu'ils ont connu a été tout à fait remarquable. L'augmentation de productivité dans les entreprises a été très intéressante. La réduction des coûts, l'augmentation du caractère concurrentiel indiquent que les entrepreneurs du Québec ont compris les leçons de 1982 et qu'ils ont pris les moyens pour redresser tout cela.

Je pense aussi qu'il faut reconnaître, en raison de l'ampleur des moyens déployés par le gouvernement, que ce gouvernement, à l'heure actuelle, est indiscutablement au centre même du relèvement de l'économie du Québec et que les leviers qu'il a mis en place se révèlent d'une remarquable efficacité. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à cette Chambre d'approuver les politiques budgétaires du gouvernement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, je propose donc que les votes sur cette motion visant à approuver la politique budgétaire du gouvernement et la motion de l'Opposition soient reportés à demain, à la fin de la période des affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Votes reportés.

M. Blouin: M. le Président, nous allons donc maintenant reprendre le débat sur l'hydroélectricité et l'aluminium. Il s'agit de l'article 11) de notre feuilleton.

Projet de loi 70

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le débat porte sur l'adoption du principe du projet de loi 70, Loi sur la location de forces hydrauliques de la rivière Péribonca à Aluminium du Canada, Limitée.

M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, vous aviez terminé?

M. Fortier: C'est moi le ministre? Des voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai pris les notes qu'on m'avait données. Je reconnais M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, le ministre a fait quelque peu l'historique ce matin de ce qui a amené Alcan à décider d'un programme d'investissements en nous rappelant que, tout récemment, le gouvernement avait enfin conclu une entente avec Alcan sur les droits hydroélectriques pour les quelque 75 prochaines années. Et le ministre de se féliciter de ce coup d'éclat - nous en sommes fiers pour la région, nous en sommes fiers pour le Québec - qui permettra un investissement aussi important non seulement immédiatement, mais dans les prochaines années.

Ce qu'il faut se rappeler, c'est que ce sujet n'est pas nouveau et je pourrais dire: Enfin, un problème de réglé. J'ai devant moi un article de journal Le Devoir du 17 décembre 1976 où le P.-D.G. de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan, M. Roger Phillips, disait que l'entreprise - il parlait de la compagnie Alcan - ne commencerait jamais un programme d'investissements de l'ordre de milliards de dollars sans être assurée de ce que lui réserve l'avenir quant au coût de l'énergie utilisée. C'était un nouveau gouvernement. C'était en 1976. Il aura fallu exactement huit ans pour régler un problème que la compagnie Alcan avait demandé de régler en 1976. D'ailleurs, c'est tellement vrai, M. le Président, qu'ici, en Chambre, à la période des questions, M. Vaillancourt, l'ex-président de l'Assemblée nationale, avait posé une question à M. Joron à ce sujet, le 1er juin 1977; il revenait à la

charge et prenait la défense des gens de sa région. M. Joron avait répondu, et je le cite: "Je peux vous dire que cette question additionnelle n'était pas prévue."

Effectivement, M. le Président, il est exact de dire que la question des redevances des compagnies privées productrices d'électricité, dont l'Alcan est de loin la plus importante au Québec, a sûrement eu une incidence sur les décisions de l'Alcan. Qu'est-ce qui en était, M. le Président? Certains investissements avaient été retardés.

D'ailleurs, M. Joron faisait allusion à la commission parlementaire et, effectivement, l'Alcan s'était présentée en commission parlementaire au début de février pour présenter un mémoire sur les études des politiques énergétiques du Québec; elle y disait très clairement que "le programme de reconstruction et d'amélioration qu'Alcan envisage entreprendre et poursuivre dans ses installations au Québec témoigne de sa ferme volonté de continuer à participer activement au développement socio-économique québécois. Toutefois, l'Alcan désire rappeler aux membres de la commission parlementaire sur l'énergie que la poursuite de ce programme est et demeurera étroitement liée aux garanties d'approvisionnement d'énergie lui permettant de maintenir sa position concurrentielle sur les marchés internationaux." C'était en 1977, M. le Président.

Comme on le voit, avec ce gouvernement, les choses avancent extrêmement rapidement. D'année en année, après six ans, à la veille des élections, on se dit: II y a un problème qui est dans les airs depuis 1976, qui a été discuté en commission parlementaire en 1977; peut-être serait-il temps que nous mettions de côté certaines de nos politiques pour enfin donner suite à ces projets et permettre à Alcan de réaliser les investissements de milliards de dollars qu'elle nous annonçait dès 1976 et 1977.

Quand un gouvernement marche à pas de tortue... c'est peut-être une image, mais c'est une image qui en dit long sur l'efficacité de ce gouvernement qui est devant nous.

M. le Président, il y a des raisons pour lesquelles le gouvernement a pris beaucoup de temps à régler ce dossier. Parce que, comme vous le savez, un peu plus tard en 1980 le gouvernement a sorti un document qui s'appelait "Bâtir le Québec" dans lequel précisément on se posait des questions comme celles-ci: Doit-on ou non favoriser l'Alcan? Doit-on ou non insister pour que l'Alcan fasse des investissements dans le domaine manufacturier, dans le domaine de la transformation, avant de lui octroyer des droits hydroélectriques qui lui permettraient de faire concurrence aux autres producteurs d'aluminium dans le monde?

On voit ce cheminement d'un gouverne- ment favorable aux investissements, qui a pris tout son temps pour préparer sa philosophie de 1976 et 1977. Précisément, dans "Bâtir le Québec", on lisait ceci, et je cite: "L'électricité, facteur de développement industriel au Québec." C'est publié en 1980, parce qu'à ce moment-là, le gouvernement n'avait pas encore pris de décision sur l'Alcan. On écrit: "En exportant une trop forte partie de sa production sous une forme primaire, l'industrie québécoise n'a pas exploité à fond son potentiel de transformation et n'a pas encore produit tous les bénéfices qu'il serait possible d'en attendre pour le développement industriel du Québec. "Dans ce contexte, les conditions d'allocation d'électricité devraient pouvoir jouer un rôle stratégique afin d'obtenir d'une entreprise qu'elle enrichisse son projet en y greffant telle ou telle unité de transformation en retour de la fourniture d'électricité à des conditions avantageuses."

M. le Président, on voit là ce cheminement pénible d'un gouvernement qui se cherche et qui essaie à sa façon de professeur d'assurer le développement économique, qui déjà en 1976 et 1977 était confronté à ces demandes de l'Alcan de lui renouveler ses ressources hydroélectriques à des conditions avantageuses pour lui permettre de réaliser précisément ces projets qu'elle annonçait récemment. On voit que même en 1980 on se posait encore la question au gouvernement à savoir si, lorsqu'on octroierait ces droits hydroélectriques, en même temps on n'insisterait pas pour exiger de l'Alcan et d'autres compagnies qu'il y ait des transformations de l'aluminium au Québec.

Que c'est beau, M. le Président! Mais est-ce que c'est un procédé qui est lent; Pour arriver à quoi, M. le Président? Pour arriver à une entente avec l'Alcan qui renouvelle les baux hydroélectriques pour 50 ou 75 ans sans qu'il n'y ait la moindre condition quant à la transformation de l'aluminium au Québec même. Il faut le faire. Il faut faire une progression de 1976 à 1984 pour essayer de trouver toutes sortes de façons de s'assurer qu'on exercera un contrôle sur les compagnies d'aluminium, pour insister pour qu'elles transforment l'aluminium ici, pour enfin renouveler ses baux pour 75 ans sans imposer aucune des conditions que l'on discutait depuis 1976!

C'est là la rapidité, l'efficacité du gouvernement qui est devant nous. D'autant plus que ces gens, avant 1976, critiquaient l'ancien gouvernement qui, lui, voulait amener une aluminerie ici. Ils s'inquiétaient des tarifs spéciaux qui seraient accordés à des alumineries qui viendraient s'installer au Québec. Comme vous vous en souvenez, il y en avait une qui était proposée dans la région de Québec et M. Parizeau à ce

moment, et je cite, disait le 24 octobre 1975: "M. Parizeau a reproché au gouvernement Bourassa de chercher des investissements étrangers pour réaliser ce grand projet uniquement pour satisfaire son besoin de remplir une autre promesse d'emplois et pour prouver qu'il est capable de le faire." Encore M. Parizeau: "On n'arrive pas à comprendre pourquoi il faudrait faire payer par les citoyens une énorme subvention à des compagnies américaines parce que le gouvernement du Québec se sent incapable"... - j'ai de la difficulté à lire; c'est une copie de presse assez difficile. De toute façon, M. le Président, le sens de la citation était que M. Parizeau, à ce moment, s'en prenait au gouvernement libéral qui cherchait précisément à amener des alumineries ici, quitte à leur accorder des tarifs spéciaux d'électricité.

Quelle différence entre l'Opposition de ce temps, une Opposition irresponsable qui s'opposait à des projets d'aluminerie qui viendraient au Québec, et l'attitude que nous avons eue, nous du Parti libéral, dans ce dossier des alumineries. Je vous rappellerai que, personnellement, comme je le fais assez souvent, j'ai eu le plaisir de faire des recommandations au ministre de l'Énergie et des Ressources et au gouvernement puisque, devant la quantité considérable de surplus d'électricité que nous avions déjà il y a deux ans, j'avais moi-même, dans la Presse du 7 septembre 1982, fait une proposition en disant au gouvernement: Comme vous ne savez pas comment utiliser ces surplus, peut-être que vous pourriez donner des subventions en électricité plutôt que de les donner en argent.

C'était dans la Presse du 7 septembre 1982, bien avant que le gouvernement annonce sa politique des rabais d'électricité. Je disais: Pourquoi ne pas accorder aux entreprises des subventions en électricité plutôt qu'en dollars? Voilà la différence entre, d'une part, une Opposition de 1974-1975 qui cherchait par tous les moyens d'empêcher une aluminerie de venir ici au Québec alors que nous, justement, nous avons suggéré une politique qui profiterait des surplus d'électricité pour attirer ici même au Québec des alumineries, comme on l'a fait pour Pechiney. Nous en sommes très heureux. Il faut bien le signaler parce que le projet de loi 70 qui est devant nous va renouveler les baux hydroélectriques pour plusieurs années et on peut se poser la question: Pourquoi donner un tel bénéfice à Alcan, parce que bien sûr quand on donne des droits hydroélectriques pendant 75 ans à une compagnie privée, il s'agit d'un privilège important et il est bon de le souligner. C'est un privilège qui est donné par l'État pour s'assurer justement du développement économique du Québec.

D'ailleurs, l'Alcan a toujours joué ce rôle depuis de très nombreuses années.

Quelquefois, j'entends des gens et j'entends le gouvernement faire un parallèle entre l'investissement de Pechiney et celui de l'Alcan, suggérant que c'est du pareil au même. Ce n'est pas du pareil au même. Il faut savoir que l'Alcan a son siège social à Montréal. Il faut savoir que la direction de l'Alcan est installée à Montréal. Il faut savoir que la recherche et le développement de l'Alcan se font au Québec. Il faut savoir que le marketing de l'Alcan se fait à Montréal également, y inclus le marketing international. Il faut savoir que les activités mondiales de l'Alcan sont dirigées à partir de Montréal et que les finances sont dirigées de Montréal.

Si l'on compare cela à Pechiney, c'est bien sûr que ce n'est pas du pareil au même. Le siège social de Pechiney est à Paris. La recherche et le développement de Pechiney se font à Paris. Le marketing de Pechiney international se fait à Paris. La direction des activités de Pechiney se fait à Paris. Ce n'est pas du pareil au même. Je crois qu'il y a une distinction extrêmement importante à faire entre l'Alcan, qui est installée ici, qui a toujours assuré notre développement économique, et Pechiney, qui est venue s'installer ici puisque justement on lui offrait des tarifs à bon marché pour lui permettre et pour nous permettre de profiter de cette situation.

Il y a une autre différence très importante. C'est que l'Alcan ne se contente pas de faire l'électrolyse de l'alumine ici même au Québec, mais elle produit, en très grande partie, cette alumine. Il faut savoir, M. le Président - peut-être qu'on vous l'a déjà expliqué - que l'aluminium qui est produit vient, dans un premier temps, d'un minerai qui s'appelle la bauxite. La bauxite est cet oxyde d'aluminium qui nous provient de pays étrangers, que ce soit de l'Amérique du Sud, de l'Afrique ou d'autres pays et qui est amenée ici par bateau. Là, il faut en faire une transformation chimique et c'est ce qui est produit qu'on appelle l'alumine. Une fois que l'alumine est produite, on peut en faire l'électrolyse, il s'agit d'une deuxième phase. Ce qu'il faut savoir, c'est que dans le cas de l'Alcan, ses immenses usines d'alumine sont au Lac Saint-Jean, à Jonquière même, je crois. Je n'ai pas eu le plaisir d'ailleurs, comme le ministre, d'aller visiter ces installations et j'espère que j'aurai l'occasion de le faire prochainement. C'est une distinction importante parce que les autres alumineries qui sont installées au Québec ne produisent pas d'alumine ici même au Québec.

De fait, dans le cas de Pechiney, en particulier, l'alumine nous parviendra, je ne sais pas, des États-Unis, ou d'Australie là où Pechiney a des installations. Ceci est une distinction importante. (16 h 20)

Dans le cas de l'Alcan, c'est une compagnie multinationale installée au Québec. La direction étant au Québec même, la recherche et le développement se faisant au Québec, la direction du marketing au Québec et produisant de l'alumine à partir de la bauxite qui est importée, c'est là ce qui en fait une société tout à fait unique et qui fait l'envie de bien des pays et de bien des provinces et qui fait la joie et l'honneur des Québécois.

C'est donc pour cette raison, M. le Président, que l'Alcan est une compagnie qui joue pleinement son rôle dans le développement économique du Québec. Il est important, pour le gouvernement québécois, de négocier avec elle une entente qui lui permettra de continuer à jouer ce rôle qui est extrêmement important pour l'avenir économique du Québec et pour sa renommée dans le monde.

M. le Président, j'aimerais quand même évoquer d'autres différences essentielles entre ce qui est fait par l'Alcan et même par Reynolds et Pechiney. Il faut savoir que dans les investissements que fera l'Alcan, le gouvernement du Québec n'aura pas à investir. Bien sûr il y a cet invetissement indirect par le fait qu'on donne un privilège à l'Alcan de continuer à exploiter les ressources hydroélectriques pendant 75 ans. Mais il reste que le gouvernement du Québec n'aura pas à investir un sou dans les investissements que fera l'Alcan.

Dans le cas de Reynolds, la situation est à peu près la même. Je crois que Reynolds a pu avoir des subventions, mais le gouvernement du Québec n'a pas eu à intervenir en tant qu'actionnaire. Ce qui n'est pas le cas de Pechiney puisque dans ce cas, comme vous le savez, le gouvernement du Québec, par l'entremise de la Société générale de financement, est intervenu, à titre d'actionnaire ou à titre de partenaire, dans une société en commandite pour un pourcentage d'environ 25% ou 30%.

Compte tenu de ces investissements qui sont très similaires, la question qui se pose: les retombées économiques seront-elles les mêmes pour les Québécois dans un cas comme dans l'autre? Je suis allé aux sources, j'ai pris me renseignements. Il faut savoir que, dans le cas de Reynolds, qui fait un investissement d'environ 500 000 000 $ à Baie-Comeau, le coût de la construction sera d'environ 215 000 000 $. Les équipements coûteront environ 200 000 000 $. Les coûts indirects qui incluent les assurances, les honoraires professionnels des ingénieurs, environ 75 000 000 $.

Dans le domaine des équipements proprement dits, des 200 000 000 $ sur un total d'environ 500 000 000 $, 60% seront achetés au Québec même; 30% dans le reste du Canada. C'est donc dire que dans le cas de Reynolds, 90% de ses équipements ont été achetés au Canada et, dans une très forte proportion, au Québec. Voilà donc, M. le Président, une société qui a compris que non seulement c'était son intérêt d'investir au Québec, mais qui a compris également qu'elle devait engager des ingénieurs-conseils québécois et qui a compris qu'elle devait utiliser la main-d'oeuvre locale à Baie-Comeau, qu'elle devait utiliser des entrepreneurs locaux, mais qu'elle devait également acheter son équipement au Québec ou au Canada. Dans une proportion de 90%, elle a acheté ses équipements au Québec et au Canada.

J'ai vérifié dans le cas de Grande-Baie, l'Alcan a fait à peu près la même chose. Les pourcentages sont très semblables. Ce sont donc deux sociétés: Reynolds et Alcan dans lesquelles le gouvernement qui nous dirige n'est nullement actionnaire à l'exception peut-être d'une participation de la Caisse de dépôt - une participation mineure - mais ce n'est pas un actionnaire actif. Dans ces deux cas, dans le cas de l'Alcan et dans le cas de Reynolds, le contenu canadien ou le contenu québécois sont extrêmement importants.

Qu'en est-il du cas Pechiney dans laquelle le gouvernement est actionnaire? Je crois que vous vous attendiez que je dise que le contenu québécois serait encore plus important étant donné que le gouvernement québécois est actionnaire de Pechiney. Si Reynolds a réussi à avoir le contenu québécois dans le domaine de l'équipement à 60%, vous vous attendriez que je dise que le contenu québécois, dans le cas de Pechiney, sera de 80% ou 90%.

Détrompez-vous, M. le Président! Avec le gouvernement qui nous dirige, il faut s'attendre à tout, puisque, dans les deux sociétés où le gouvernement n'est pas actionnaire, le contenu québécois est très élevé et, dans la seule société où il est actionnaire, le contenu québécois va être de l'ordre d'environ 50% puisque le gouvernement qui nous dirige... J'ai ici une manchette qui dit, et je cite M. Lebel, dans le Devoir du 30 juin: "Entre partenaires, on s'est entendu pour que des achats en matériel soient effectués en France pour un minimum de 180 000 000 $ US." 180 000 000 $ US, c'est environ 250 000 000 $ et 250 000 000 $, c'est environ la moitié de l'équipement. Même dans le domaine de la construction, j'ai appris que même la structure, dans le cas de Reynolds, a été achetée au Canada, je parle de la très grosse structure. Dans le cas de Pechiney, comme de raison, avec les Français, on ne fait jamais cela de la même façon, le contrat a été donné très récemment et ce sont les Français eux-mêmes qui vont nous amener leur structure de France.

Il faut le faire. Un gouvernement qui se dit nationaliste s'arrange pour avoir une

participation dans une société dans laquelle le contenu canadien ou québécois pour l'équipement et pour la construction va être plus faible que dans le cas de Reynolds et va être plus faible que dans le cas des projets de l'Alcan. C'est un monde fou. C'est le monde à l'envers. Je ne comprends absolument plus rien. C'est scandaleux! Comment peut-on penser qu'un gouvernement qui s'implique dans un projet s'arrange pour que le contenu québécois ou canadien soit moindre que dans les projets de l'Alcan et dans les projets de Reynolds? Si vous pouvez me donner une réponse à cette question, je vous donnerai certainement 100 $, parce qu'avec ce gouvernement, il faut s'attendre à tout. Il faut savoir que ce gouvernement, bien sûr - et c'est semblable au projet des ordinateurs - est prêt à tout donner aux Français à condition qu'ils s'associent à nous. Il faudrait bien penser que le gouvernement devrait se préoccuper des Québécois et de la création d'emplois qui peut survenir dans l'achat d'équipement au Québec et au Canada.

M. le Président, j'en ai assez dit sur le sujet. Ce gouvernement a tardé à en arriver à une entente sur les droits hydroélectriques de l'Alcan. C'est un problème qui existait depuis 1976. Il l'a réglé huit ans plus tard et dans un cas à côté - dans le cas de Pechiney - il s'est arrangé pour que les retombées économiques soient les plus faibles possible pour le Québec. Nous allons voter pour le projet de loi 70, mais je peux vous assurer que ceci n'est pas un appui aux politiques économiques du gouvernement qui nous dirige, parce que nous en avons trop sur le coeur.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: Le représentant de l'Opposition peut bien sourire après son intervention. Je pense qu'on a vraiment eu là l'exemple du charriage auquel peut se livrer l'Opposition face à un projet de loi aussi substantiel et aussi important que celui que nous avons à étudier maintenant. Dans les dernières minutes de son intervention, le député d'Outremont en était rendu à dire qu'il ne comprenait plus rien, et cela paraissait, à part cela. Je me demande s'il a bien pris connaissance du projet de loi dont on parle. Dans la même lancée, il parlait de projet scandaleux, etc., tout cela, de situation scandaleuse, mais je pense que c'est plutôt le discours de l'Opposition qui était incohérent dans les circonstances. Ce n'est pas le seul exemple qu'on pourrait signaler de l'incohérence ou du manque de profondeur des interventions de l'Opposition. Il y a quelques jours, l'Opposition essayait de laisser entendre que cette fin de session où il y a de nombreux projets de loi à étudier, projets à caractère économique qui, pour la plupart, ne sont pas contentieux, manquait de substance. Elle essayait de faire croire à la population que ces projets de loi ne contenaient rien de substantiel. Ce n'est pas le but de mon propos, mais j'ai été à même de démontrer à partir de pas moins d'une dizaine de projets de loi à caractère économique jusqu'à quel point la législation économique du gouvernement au cours de cette fin de session était très substantielle. Ce n'est pas parce que les projets de loi ne sont pas contentieux, ne prêtent pas à des débats ou à de l'agressivité qu'il faut en conclure qu'ils ne représentent pas des éléments très importants pour l'ensemble du développement économique du Québec. (16 h 30)

D'ailleurs, quand on assiste à un charriage tel que celui dont on a été témoin par le député d'Outremont et quand on l'entend terminer son intervention en disant qu'il va voter pour le projet de loi, j'ai l'impression que ceux et celles qui nous écoutent ont pu faire l'évaluation du rôle de l'Opposition qui consiste, dans le cas de n'importe quel projet de loi - je ne dis pas que pour certains projets de loi ce n'est pas nécessaire ou opportun de le faire - à critiquer d'abord et ensuite à voter pour.

Un des meilleurs exemples du contenu substantiel des lois à caractère économique que présente le gouvernement à l'occasion de cette fin de session est bien le projet de loi 70 - que nous avons à étudier présentement puisque, comme on le sait, il représente des investissements importants, de l'ordre de 1 000 000 000 $, si on parle de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais encore beaucoup plus si on parle d'engagements en fonction des trente prochaines années, pas moins de 30 000 000 000 $.

C'est un projet de loi qui va permettre de concrétiser le projet de construction d'une usine d'aluminium au Saguenay-Lac-Saint-Jean. La construction, la mise en fonction, etc. vont dégager des retombées très importantes, pas moins, selon les chiffres mêmes de l'Alcan, de 250 000 000 $ de retombées économiques au niveau de la construction seulement pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Si on peut parler d'une loi substantielle, c'est bien celle-là.

Peut-être qu'elle n'est pas contentieuse, peut-être que le projet de loi n'a pas 500 articles, mais c'est un peu normal quand il s'agit d'une loi à caractère économique, parce que ce projet de loi, avant de venir ici, avant d'être devant nous pour étude en deuxième lecture - cela, l'Opposition se garde bien de le dire - a représenté d'énormes efforts déployés par le gouvernement, et d'une façon particulière par le ministre de l'Énergie et des Ressources, pour

entreprendre et mener à terme des négociations qui ont duré de nombreux mois avec les représentants de l'Alcan avant d'aboutir à un heureux résultat.

Il est normal que ces négociations aient duré de nombreux mois, étant donné l'importance de l'entente intervenue, qui représente quand même des éléments importants concernant nos richesses naturelles et des éléments importants au niveau des retombées économiques. Cela, on ne le souligne peut-être pas assez. Ce n'est pas que je veuille rendre un hommage particulier, dithyrambique à mon collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, mais je pense, en toute honnêteté, qu'il faut que ce soit dit: Un projet comme celui-là n'arrive pas comme cela devant les membres de l'Assemblée nationale sans qu'auparavant un membre du gouvernement, de concert avec ses collègues, ait travaillé très fort au niveau des négociations avec la compagnie impliquée, c'est-à-dire l'Alcan. Cela nous permet aujourd'hui d'en arriver à une conclusion heureuse.

J'entendais le représentant de l'Opposition tout à l'heure citer des déclarations faites en 1976 et essayer de conclure que, dans le dossier de l'Alcan, rien n'aurait été fait depuis ce temps. Il n'y a rien de plus faux que cela. Je vous donnerai une vraie preuve d'immobilisme, comme c'était le cas dans le temps du gouvernement Bourassa, concernant ce projet en particulier. En 1977, non seulement le gouvernement a bougé, contrairement à ce que dit l'Opposition, mais lorsqu'il a été question de renégocier le dossier des redevances de l'Alcan et leur renouvellement, en ce qui a trait à l'utilisation de nos richesses naturelles, l'eau, il en a résulté que de 0,15 $ que c'était auparavant, ce montant a été augmenté à 0,50 $ du kilowattheure, plus l'indexation. Si on veut une vraie preuve d'immobilisme, si on veut une vraie preuve d'argent perdu par le gouvernement du Québec au niveau des redevances, c'est bien dans le temps du gouvernement Bourassa, qu'on la trouve, puisque - la vraie preuve d'immobilisme, elle est là - ces taux, ces redevances croyez-le ou non, n'avaient pas fait l'objet de renégociations depuis 30 ans par les gouvernements précédents. Le taux était demeuré à 0,15 $ alors qu'en 1977, ces redevances ont augmenté à 0,77 $ le kilowattheure, plus indexation, ce qui veut dire actuellement autour de 1,35 $. Le gouvernement a bougé sur ce plan. Il a bougé également - on est à même de s'en rendre compte - sur la concrétisation d'un projet extrêmement important pour notre région, à savoir la construction de l'usine de l'Alcan à Chicoutimi.

Ce projet de loi de quelques pages, comme on le sait, a pour objet la location de forces hydrauliques de la rivières

Péribonca à Aluminium du Canada Ltée et permet des retombées économiques majeures tant pour l'économie québécoise que pour toute la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les retombées économiques sont presque inversement proportionnelles à la longueur même du projet de loi.

Tout à l'heure, le critique de l'Opposition essayait de faire croire que, dans le domaine de l'aluminium, le gouvernement n'avait pas bougé depuis 1976. Il n'y a rien de plus faux. La population se rend compte jusqu'à quel point ces propos sont faux, parce que si le gouvernement avait été aussi inactif, je ne vois pas comment il aurait pu être réélu en 1981 avec une majorité accrue. C'est sûrement parce qu'il a eu à ce moment-là, durant ce premier mandat, une activité économique, une action sur l'activité économique qui a été bienfaisante pour l'ensemble de nos concitoyens qui lui ont renouvelé leur confiance.

Le député d'Outremont, en parlant de 1976 jusqu'à maintenant, s'est fait un point d'honneur d'oublier tout le travail du gouvernement dans des projets tels que Pechiney ou Reynolds, où l'action du gouvernement a été déterminante par rapport à la mise en place d'une politique énergétique qui soit de nature - ce qui n'était pas le cas auparavant - à favoriser l'implantation d'usines d'aluminium sur l'ensemble du territoire du Québec.

On parlait des retombées. Quant aux retombées immédiates, on sait que la mise en chantier de l'usine de Laterrière près de Chicoutimi nécessitera de la part de l'Alcan des investissements de 1 000 000 000 $. Au niveau des retombées à moyen et à long terme, l'usine de Laterrière à Chicoutimi constitue le premier jalon d'un programme de modernisation des installations d'électrolyse de l'Alcan au Québec. L'ensemble du programme, il est bon de le redire, parce que cela fait partie des conséquences du projet de loi, couvre une trentaine d'années et va nécessiter et engendrer des engagements fermes de la part de l'Alcan en fonction d'investissements non seulement de 1 000 000 000 $, dont on parle, mais de 3 000 000 000 $ dans l'ensemble au cours des 30 prochaines années.

En plus des investissements reliés au renouvellement des baux de location de forces hydrauliques sur la rivière Péribonca, les redevances - l'Opposition n'en a pas beaucoup parlé, mais le ministre de l'Énergie et des Ressources l'a souligné à bon droit, parce que cela représente des dividendes pour l'ensemble des citoyens du Québec -hydroélectriques payables par l'Alcan pour l'utilisation de l'eau prévoient - c'est inscrit dans le bail attaché au projet de loi - que le taux de base 0,1913 $ par 1000 kilowattheures d'électricité produite par les centrales de Chute-des-Passes, Chute-du-

Diable, et de Chute-à-la-Savane, sera indexé en fonction de l'évolution du prix de l'aluminium. Il est réaliste de penser que le prix payé par Alcan pour un kilowattheure, en incluant les redevances, se compare très avantageusement au prix payé par ses concurrents québécois, ceux qu'on a mentionnés tout à l'heure, Pechiney, Reynolds, etc. (16 h 40)

L'entente intervenue entre le gouvernement du Québec et Alcan, qui prendra effet avec l'adoption de ce projet de loi, permet à la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean de maintenir sa position stratégique dans la production d'aluminium par le biais des conditions consenties à Alcan concernant la location des forces hydrauliques de la rivière Péribonca.

Il s'agit d'un projet de loi avantageux pour le Québec, plus particulièrement pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean. En plus de cette conséquence substantielle pour l'avenir du Saguenay-Lac-Saint-Jean, notre région profitera des retombées de l'investissement de 1 000 000 000 $ nécessaire à la construction de l'usine Laterrière, à Chicoutimi, autrement dit, des retombées -on l'a dit tout à l'heure - de l'ordre de 250 000 000 $ pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Comme l'a signalé - vous me permettrez de le citer, M. le Président - M. Claude Chamberland, de l'Alcan: "En se référant à l'expérience de construction de l'usine de Grande-Baie, on estime que plus de 70% du milliard investi seront injectés dans l'économie québécoise sous forme de salaires et d'acquisitions de biens et services, dont 250 000 000 $ pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean. L'emploi généré - c'est très important, surtout dans une période où on sait que le chômage est à un niveau qu'il faut absolument, en tant que gouvernement, essayer de diminuer par toutes les initiatives possibles du point de vue économique - par la construction de l'usine Laterrière, de Chicoutimi, sera de 2200 personnes-années directes. Cet investissement viendra donc appuyer de façon substantielle la relance de notre économie régionale au cours de l'année 1984-1985." Sans oublier, M. le Président, une chose qui est très importante. C'est que cette construction - je l'ai dit tout à l'heure - permet à la région de garder une place stratégique dans le secteur de l'aluminium. Cette construction va permettre de consolider des emplois dans ce secteur qui auraient pu être perdus et va même pouvoir en créer d'autres dans ce secteur d'activité économique.

Pour les prochaines années, les gens de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont conscients que les efforts doivent être orientés vers l'augmentation des emplois reliés à l'aluminium. Je suis conscient que le plan de modernisation des installations d'électrolyse de l'Alcan permet avant tout de consolider le niveau d'emplois actuel dans ce secteur d'activité. Mais il est clair qu'il faut penser en termes d'augmentation des emplois et non pas seulement en termes de consolidation.

Le porte-parole de l'Opposition, tout à l'heure, a parlé de la transformation comme si cette préoccupation n'existait pas au sein de l'équipe ministérielle de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Plusieurs rencontres ont eu lieu avec les autorités de l'Alcan de manière à sensibiliser cette dernière à cette revendication de l'ensemble de la population de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean de faire en sorte qu'il y ait de la transformation de l'aluminium et non pas seulement de la consolidation d'emplois, de manière à créer de nouveaux emplois, parce que c'est là qu'est la source. On sait très bien qu'à mesure que les usines se modernisent, il est évident qu'en fin de compte, cela représente une conséquence qui est souvent des pertes d'emplois. Donc, si on veut une augmentation des emplois, il faut orienter nos préoccupations vers d'autres secteurs de développement de l'aluminium, entre autres, la transformation. Le député d'Outremont n'a rien inventé en disant cela. Il fait reproche au gouvernement que le contrat n'ait pas prévu des conditions ou des obligations, par Alcan, dans la transformation de l'aluminium au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

M. le Président, j'ai parlé de tous les investissements, de tous les emplois que cela allait créer, de l'activité économique que cela allait générer. Entre vous et moi, ce n'est pas un très grand reproche. S'il fallait comparer cela à l'inactivité ou, encore, à l'immobilisme dont j'ai parlé tout à l'heure, du gouvernement Bourassa dans notre région, du point de vue économique, dans le temps de son régime... Dans ce temps, non seulement il n'y avait pas de conditions attachées concernant la transformation, il n'y en avait pas. Il n'y avait tout simplement pas d'activités ou de contrats tels que celui dont on parle pour produire de l'activité économique et de l'emploi.

Concernant la transformation, ce n'est pas le député d'Outremont qui allume nos lumières dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Cela fait deux ou trois ans qu'on en parle. On a eu des rencontres avec les autorités de l'Alcan. Je le disais tout à l'heure: II y a plus que cela.

Il n'y a pas longtemps, nous avons eu un sommet économique et ce sommet a permis au gouvernement d'illustrer d'une façon très éloquente sa préoccupation pour la transformation de l'aluminium en fonction de la création de nouveaux emplois puisqu'à l'occasion de ce sommet économique, le gouvernement - ce n'était pas à ce moment l'annonce d'un mince projet - a indiqué sa

volonté politique de faire en sorte qu'un centre de recherche de l'aluminium au niveau de l'ensemble du Québec soit instauré dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce centre de recherche, qui sera national et même international, se penchera d'une façon tout à fait particulière précisément sur ce problème de la transformation parce qu'on est tous conscients que c'est une des voies d'avenir si on parle de création d'emplois et de développement à accélérer du point de vue économique.

Je suis convaincu - et je termine là-dessus - que, sur la transformation de l'aluminium, cela fait longtemps que l'Alcan est présente dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Nous sommes là depuis peut-être huit ans mais, avant nous, il y a de nombreux gouvernements qui se sont succédé, entre autres celui de M. Bourassa et on n'a même jamais entendu parler, de l'apport du gouvernement Bourassa dans le temps, on n'a même jamais vu d'efforts de réflexion pour essayer d'aller au fond des choses concernant la transformation de l'aluminium comme source d'emploi et source d'augmentation ou d'intensification de l'activité économique.

Je termine sur une note d'espoir qui nous est permise avec tout ce que comprend ce projet de loi qui a été mené à terme d'une façon brillante par mon collègue le ministre de l'Énergie et des Ressources. Je termine en disant, sur une note d'espoir, que le Saguenay-Lac-Saint-Jean doit devenir le berceau de la transformation de l'aluminium après avoir été le berceau de la production de l'aluminium. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jonquière.

Mme Aline Saint-Amand

Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. En effet, le 10 avril dernier, Alcan annonçait un investissement de 1 000 000 000 $ au Saguenay-Lac-Saint-Jean par l'implantation d'une nouvelle aluminerie qui serait située à Laterrière. Je suis très heureuse de souligner ici la présence d'Alcan dans ma région et, plus particulièrement, dans Jonquière, où l'on retrouve les plus vieilles installations de cette compagnie.

J'imagine qu'il y a diverses raisons qui ont justifié l'installation d'Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je veux m'arrêter à deux points en particulier qui, à mon avis, sont les plus importants. Il y a tout d'abord nos cours d'eau, qui sont une ressource hydroélectrique, et, deuxièmement, ce qui n'est pas à négliger, notre immense bassin de main-d'oeuvre.

Il est bien évident que de telles installations nécessitent une grande consommation d'énergie électrique. Ces coûts doivent être absorbés en partie, soit par une subvention directe ou des tarifs préférentiels comme d'ailleurs Pechiney en bénéficiera de la part du gouvernement péquiste ou, encore, comme l'a fait Alcan de son côté, en implantant et en exploitant au Saguenay-Lac-Saint-Jean son propre réseau hydroélectrique. C'est donc dire qu'Alcan assure intégralement le financement de ses installations sans aucune subvention gouvernementale. En ce qui concerne les travailleurs et travailleuses d'Alcan, et ils sont très nombreux chez nous, ils sont le coeur même de ces alumineries. Ce coeur qui bat maintenant depuis plus de deux générations afin d'assurer la survie du développement économique de notre région. (16 h 50)

Chez nous, on dit que lorsque Alcan tousse, toute la région a la grippe, car toute l'économie régionale et une grande partie de notre population reposent directement ou indirectement sur Alcan. Le projet de loi 70 que le gouvernement vient de déposer a pour objet, selon les notes explicatives, de permettre à l'actuel gouvernement de louer une partie des forces hydrauliques de la rivière Péribonca à Aluminium du Canada Ltée. Par cette loi, le gouvernement est autorisé à signer un bail de 50 ans, qui pourra être prolongé de 25 années additionnelles sur un simple avis en ce sens donné par la compagnie dans les douze mois qui précèdent le 1er janvier de l'an 2033. Elle peut également y mettre fin et dans les mêmes conditions.

Chose étonnante, et je le répète, dans le bail, le gouvernement du Québec n'oblige pas Alcan à faire la transformation et à s'assurer que des emplois ne seront pas perdus. Dans la publication du gouvernement "Bâtir le Québec", le document "L'électricité, facteur de développement au Québec" précise en page 160 que, "malgré des frais de transport plus élevés en raison de sa localisation éloignée des matières premières et des marchés, l'entreprise Alcan profite, néanmoins, d'une vente qui devrait, d'ailleurs, aller en augmentant. Plusieurs sont d'avis qu'en contrepartie, le Québec n'a pas obtenu de cette firme, jusqu'à présent, des retombées suffisantes au niveau des activités de transformation."

Enfin, le document conclut en page 161: "Dans ce contexte, les conditions d'allocation de l'électricité devraient pouvoir jouer un rôle stratégique afin d'obtenir d'une entreprise qu'elle enrichisse son projet en y greffant telle ou telle unité de transformation en retour de la fourniture d'électricité à des conditions avantageuses." Le paradoxe, c'est que toutes ces idées ne sont appliquées ni à Alcan, ni à Pechiney. Aucune condition de transformation n'est émise. Par conséquent, la politique de transformation est tout simplement mise de côté.

En ce qui concerne les emplois, le

projet d'Alcan à Laterrière, malgré son importance, n'occupera que de 700 à 800 personnes, et selon Alain Dubuc de la Presse dans l'édition du 31 mai 1984, les nouvelles installations ne créeront que peu ou pas de nouveaux emplois parce qu'elles serviront à remplacer les installations vétustes de Jonquière.

De plus, le gouvernement du Québec n'a même pas exigé, tout au moins, la consolidation des emplois actuels, comme le rappelait mon collègue député d'Outremont. En 1975, M. Parizeau s'est opposé à la construction d'une aluminerie à Saint-Augustin. Même M. Jacques-Yvan Morin s'est opposé à la possibilité d'accorder un tarif préférentiel à l'entreprise qui voulait construire cette aluminerie à Saint-Augustin. Nous savons tous que ce n'est pas sans raison que plusieurs s'inquiètent du sort réservé tant aux travailleurs et travailleuses actuels d'Alcan qu'aux installations d'Alcan à Jonquière. Quand on sait que l'usine de Laterrière prendra à son compte une partie de la production actuellement fabriquée à Jonquière et, par conséquent, entraînera la partie d'un grand nombre de salles de cuves des installations à Jonquière, on est en droit de demander quelles garanties le gouvernement péquiste a exigé d'Alcan en regard de ces travailleurs qui seront affectés.

Il est bien évident que les seuls emplois créés par cet investissement pourtant important le seront pendant les travaux de construction de l'usine. Sa mise en exploitation signifiera automatiquement une diminution du nombre d'emplois dans les installations désuètes de Jonquière. L'Alcan serait ainsi en mesure d'accroître sa production sans devoir augmenter ou même consolider le nombre d'emplois.

Tout en me réjouissant que le procédé mis de l'avant par l'équipe du Centre de recherche de l'Alcan à Jonquière ait été retenu pour les nouvelles installations de Laterrière et tout en reconnaissant qu'il est essentiel pour l'Alcan de demeurer concurrentielle et de suivre l'évolution de la nouvelle technologie, je me dois d'insister, tant pour l'Alcan qui profite de nos richesses naturelles que pour le gouvernement qui s'apprête à signer ce bail, sur l'importance de protéger au maximum les travailleurs et les travailleuses qui sont affectés par les changements technologiques dans les entreprises.

Le projet de loi 70 confirme à l'Alcan qu'elle pourra continuer de profiter des nombreux avantages énergétiques venant de nos cours d'eau. Aussi, on est en droit de s'interroger au sujet des retombées réelles sur l'économie et sur la création d'emplois nouveaux ou, à la rigueur, sur la consolidation des emplois existants. La politique changeante de l'actuel gouvernement en ce qui a trait au secteur de l'aluminium, le fait de mettre de côté toute la politique de transformation et enfin l'impact incertain du projet de l'Alcan sur l'emploi nouveau sèment des craintes qu'il est permis de croire justifiées.

Il est évident que ce projet de loi confirme la présence de l'Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean. De même, il est évident que l'implantation d'installations dotées de toutes les caractéristiques de la technologie moderne, en remplacement des installations existantes, aura également des répercussions sur la main-d'oeuvre actuelle.

Jusqu'à quel point les travailleurs affectés pourront-ils être recyclés? Dans quelle mesure nos jeunes, qui deviennent dans certains cas des collectionneurs de diplômes, peuvent-ils espérer que les retombées seront suffisantes sur l'économie régionale pour qu'ils puissent eux aussi se trouver un emploi? Seul l'avenir pourra répondre à cette interrogation.

Les négociations entourant la signature de ce bail constituent une occasion rêvée pour le gouvernement péquiste de mettre au point avec l'Alcan une politique de transformation de ses produits et de consolidation des emplois. Si on se rappelle le moindrement les années d'Opposition des députés péquistes, on s'aperçoit que le langage qu'ils tenaient alors lorsqu'il était question des privilèges qui étaient accordés à l'Alcan en regard de nos ressources naturelles était bien loin et bien différent de celui qu'ils nous servent aujourd'hui.

M. le Président, loin de moi l'idée de mettre en doute l'importance de la présence de l'Alcan chez nous en ce qui concerne le développement de notre économie régionale. Bien au contraire, mais il faut également se rappeler que c'est grâce à notre énergie hydroélectrique, grâce aussi et surtout à la qualité de la main-d'oeuvre régionale que ce développement a pu se faire.

Cela, M. le Président, il ne faut pas l'oublier lorsque l'on met dans la balance les avantages comparatifs que notre région peut offrir lorsqu'il s'agit de choisir le site d'implantation d'une entreprise. Si, pour combattre les facteurs climatiques et l'éloignement des marchés, notre seul avantage est de pouvoir fournir de l'énergie en abondance et à moindre coût, notre région doit, au premier chef, en retirer les profits et le gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour implanter chez nous des entreprises à haut niveau de consommation d'électricité et, ainsi, contribuer à combattre le chômage chronique excessif qui accable le Saguenay-Lac-Saint-Jean. (17 heures)

Lorsque le gouvernement reconduira le bail qui cède des privilèges à l'Alcan pour les 50 prochaines années, puisque le ministre de l'Énergie et des Ressources n'a pas caché que les forces énergétiques de la Péribonca

pourraient alimenter en électricité plusieurs autres alumineries, qu'il me soit permis de lui rappeler que l'hydroélectricité, cela se passe au Saguenay-Lac-Saint-Jean et que la main-d'oeuvre spécialisée dans la fabrication de l'aluminium, c'est aussi chez nous qu'elle se trouve. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Lac-Saint-Jean et whip du gouvernement.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je voudrais d'abord, avant d'aborder directement le projet de loi, vous faire part de mes réactions à la suite du discours de la députée de Jonquière. La députée de Jonquière se présente comme étant la défenderesse des travailleurs de l'Alcan dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Elle prend fait et cause pour les travailleurs de l'Alcan. Elle s'inquiète de leur sort. Elle s'inquiète de leur avenir. Elle s'interroge sur les pertes possibles d'emplois à la suite des investissements de l'Alcan. Elle se demande si vraiment, il y aura consolidation des emplois. Cela me fait beaucoup sourire, sinon rire, de l'entendre, parce que je vais vous dire une chose: nous n'avons absolument pas, nous, du gouvernement du Parti québécois et de l'équipe régionale du Parti québécois du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de leçon à recevoir des libéraux en matière de protection et de défense des travailleurs de l'Alcan. Absolument pas.

Je vous rappellerai qu'en 1976, avant l'élection, ce que les libéraux ont donné aux travailleurs de l'Alcan, ce qu'ils ont envoyé aux travailleurs de l'Alcan, c'est un contingent de policiers avec des matraques. C'est ce qu'ils ont donné aux travailleurs de l'Alcan, à la demande du gouvernement et du ministre du Travail qui était Gérald Harvey, à l'époque, le député de Jonquière. C'est ce qu'ils ont donné aux travailleurs de l'Alcan, les libéraux. Et maintenant, cela vient nous faire la leçon pour la défense des travailleurs de l'Alcan? Allons donc, M. le Président! Nous les avons défendus, nous, les travailleurs de l'Alcan, non seulement en 1976, mais en 1979 également, à l'occasion d'un autre conflit qui a eu lieu, alors que nous étions au pouvoir. Et je vais vous citer un simple télégramme signé de Jean Hallé. Ce n'est pas un de nos amis. Il était candidat libéral en 1981, M. Jean Hallé. À l'époque, il était président de la Fédération des syndicats du secteur aluminium. Il écrit à tous les députés du Parti québécois de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il nous envoie un télégramme à la suite de la prise de position ferme que nous avions adoptée et rendue publique dans le cadre du conflit qui sévissait à ce moment-là à l'Alcan: "Monsieur, au nom des 770D syndiqués - c'est la teneur du télégramme - de l'Alcan affiliés à la Fédération des syndicats du secteur aluminium présentement en conflit - on est en juin 1979 - nous tenons à vous manifester notre gratitude face au geste que vous avez posé en reconnaissant les revendications des travailleurs comme étant justes et légitimes." C'est ce qu'on avait fait à l'époque, lors de ce conflit. Nous étions au pouvoir à ce moment-là. "Cette déclaration a été fortappréciée, ajoute M. Hallé, d'autant plus que c'est la première fois que des hommes politiques s'impliquent positivement dans une lutte ouvrière. Nous vous assurons de notre volonté ferme pour en arriver à un règlement le plus rapidement possible." C'est ce qu'on a fait en 1979. On a pris position. On a pris fait et cause pour les travailleurs de l'Alcan qui étaient en conflit à ce moment-là. On les a soutenus. On les a appuyés. Le président de l'époque, Jean Hallé, nous dit dans un télégramme qui est très clair, qui est sans ambiguïté: Vous nous avez appuyés et cela nous a aidés à régler le conflit avec la compagnie Alcan. Alors, je le répète, de la part de la députée de Jonquière comme de la part des libéraux et de l'Opposition libérale, en matière de protection et de défense vigilante des travailleurs de l'Alcan de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous n'avons pas de leçon à recevoir, absolument pas.

Pour ce qui est des emplois et de tout ce débat qui tourne autour des emplois qui vont être créés ou consolidés à la suite de l'investissement de l'Alcan à Laterrière, les déclarations de l'Alcan sont dans le sens qu'il n'y aura pas de pertes d'emplois, mais qu'il y aura consolidation des emplois dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'est vrai qu'on aurait pu souhaiter une augmentation, un accroissement des emplois, c'est tout à fait légitime, on aurait préféré cela, mais quand on parle de technologie nouvelle, d'augmentation de la productivité, il est évident qu'il y a des risques, il y a des chances que les emplois nouveaux ne soient pas nombreux; mais, à tout le moins, l'Alcan déclare qu'il y aura consolidation des emplois. Cela a été sa déclaration lors de son annonce d'investissement; les représentants de l'Alcan ont parlé de consolidation de l'emploi et non pas de perte de 800 emplois, comme l'a mentionné un certain journal à l'époque.

Nous allons faire preuve de vigilance à cet égard comme cela a été le cas en 1979, à l'occasion d'un conflit qui sévissait dans les installations de l'Alcan et comme cela a été le cas en 1976 également. Nous allons continuer d'être vigilants. Comme équipe régionale, nous allons continuer de défendre les intérêts des travailleurs de l'Alcan en collaboration, en concertation, en coopération avec les organisations de ces travailleurs.

J'écoutais tout à l'heure la députée de Jonquière, et c'était comme si les travailleurs de l'Alcan n'avaient pas d'organisation, n'avaient pas de syndicat, comme si c'était elle qui prenait tout sur ses épaules pour la défense des travailleurs de l'Alcan. Ce ne sont pas des enfants d'école, les travailleurs de l'Alcan, ils ont une organisation, ils ont des syndicats, ils sont syndiqués et ils sont capables de se défendre eux-mêmes. Ils sont actuellement en négociation et je peux vous assurer que s'ils ont besoin de notre appui, comme cela a été le cas en 1976 et en 1979, on ne manquera pas de le leur accorder, si leurs revendications, évidemment, sont légitimes et raisonnables, ce qui a, jusqu'à maintenant, toujours été le cas pour eux.

Deuxième remarque des députés de l'Opposition et de la députée de Jonquière en particulier, qui porte sur la transformation. Le député d'Outremont, pour une bonne partie de son discours, en a aussi parlé: Vous avez négligé la transformation, pourtant, c'est important, etc. ont-ils dit. Mais eux, qu'ont-ils fait, lorsqu'ils étaient au pouvoir, en matière de transformation de l'aluminium? Absolument rien. Le gouvernement libéral, le gouvernement Bourassa n'a absolument rien fait pour augmenter le niveau de transformation de l'aluminium dans la région ou au Québec, à l'époque où il était au pouvoir. Là aussi, en cette matière, ma foi, les libéraux sont assez mal placés pour nous faire la leçon, d'autant plus, comme le disait tout à l'heure le leader du gouvernement et député de Chicoutimi, que cela nous préoccupe grandement, la transformation de l'aluminium chez nous.

Donc, ce sont les remarques que m'a inspirées l'intervention de la députée de Jonquière. Nous sommes bien conscients que les travailleurs de l'Alcan se posent des questions, s'interrogent - et c'est parfaitement légitime - sur leur avenir, dans le cadre de ce vaste programme d'investissements annoncé par l'Alcan. C'est parfaitement légitime de se poser des questions et d'essayer d'avoir des réponses et des garanties, mais cela doit se faire normalement, dans le cadre de négociations avec l'employeur, avec la compagnie, et c'est ce qui se fait présentement, à l'occasion du renouvellement de la convention collective.

En matière de transformation, ma foi, cela nous préoccupe beaucoup aussi et des efforts seront faits dans ce sens également.

Le projet de loi que nous avons devant nous est un projet de loi - on l'a maintes fois souligné - d'une grande importance sur le plan économique, sur le plan du développement économique. Vous savez, l'Alcan est ce qu'on peut appeler une multinationale, qui a des installations et des activités sur presque tous les continents; mais c'est chez nous, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, un pilier de l'économie régionale, aussi bien en termes d'emplois qu'en termes d'investissements et de production. (17 h 10)

Pourquoi la région est-elle devenue une terre de prédilection pour l'aluminium et plus particulièrement pour la compagnie Alcan? C'est très simple, on l'a mentionné à plusieurs reprises, ce n'est pas parce que nous avons de beaux yeux, ce n'est pas parce que nous sommes accueillants. C'est vrai que nous sommes accueillants, mais ce n'est pas pour cela qu'ils sont venus. Ce n'est pas parce que nous sommes une population hospitalière. C'est vrai que nous sommes hospitaliers, mais ce n'est pas pour cela qu'ils sont venus. L'Alcan est venue chez nous parce que nous avions des rivières magnifiques comportant plusieurs sites hydroélectriques importants, majeurs.

Dès le début du siècle, on s'est intéressé à ces sites hydroélectriques et on les a même achetés. À l'époque, au début du siècle, le gouvernement vendait les sites hydroélectriques. Il ne les louait pas, comme cela a été le cas sur la rivière Péribonca; il les vendait. Il les vendait pour pas cher, en plus. Les sites hydroélectriques sur la rivière Saguenay et la Grande Décharge qui traverse Alma, la ville où je demeure, ont été vendus 15 000 $. Pour 15 000 $, on a acheté tous les sites hydroélectriques du Saguenay et de la Grande Décharge.

Dans les années vingt, on a commencé à construire des barrages sur ces sites et on a aussi commencé à construire des usines utilisant l'énergie produite par ces barrages. C'est ainsi que Alma est passée du petit village qu'elle était à une ville d'importance à la suite de la construction du barrage d'Isle-Maligne; c'est ainsi que Arvida a littéralement surgi de terre, surgi du sol, à la suite de la construction des usines et des salles de cuve de l'Alcan à Arvida.

Par la suite, dans les années cinquante, il y a eu une nouvelle expansion: on a construit trois barrages sur la Péribonca, à Passes-Dangereuses, à Chute-du-Diable et à Chute-à-la-Savane. C'est très clair, c'est l'évidence même, M. le Président, les succès de l'Alcan, sa solidité financière aussi, sa position hautement concurrentielle dans le secteur de l'aluminium, tout cela repose en très grande partie sur l'utilisation d'une ressource naturelle renouvelable chez nous à des coûts extraordinairement compétitifs. Il était donc normal, il est tout à fait normal qu'en contrepartie nous recevions comme État, comme gouvernement, au nom de la société, des redevances pour l'utilisation de cette ressource naturelle.

Pour ce qui est des redevances, c'est nous, du gouvernement du Parti québécois qui avons touché, en 1978, à ces redevances pour

la première fois depuis 1946. Cela commence déjà à faire quelques années. Comme le mentionnait tantôt le député de Chicoutimi, l'Alcan ne payait à peu près rien en termes de redevances statutaires. Cela lui coûtait 0,15 $ les 1000 kilowattheures. On a, nous, en 1978, exigé 0,50 $ les 1000 kilowattheures. On a plus que triplé la redevance et on a introduit un système d'indexation. On l'a indexée de sorte qu'aujourd'hui, l'Alcan paie 1,25 $ pour 1000 kilowattheures en termes de redevances statutaires en vertu de la Loi sur le régime des eaux. On est passé de 0,15 $ les 1000 kilowattheures en 1978 à 1,25 $ les 1000 kilowattheures en 1984. C'est une évolution considérable.

Donc, pendant tout le régime Bourassa, de 1970 à 1976, le gouvernement n'a pas touché au système de redevances, pas du tout. C'est resté à 0,15 $. Avec nous, c'est maintenant à 1,25 $ les 1000 kilowattheures. L'Alcan investit quand même. Cette augmentation des redevances n'affecte pas du tout la position concurentielle de l'Alcan. Ces redevances statutaires rapportent actuellement un peu plus de 16 000 000 $, soit exactement 16 600 000 $.

Avec la loi actuelle, on renouvelle les baux de location pour les trois sites de la Péribonca, Passes-Dangereuses, Chute-du-Diable, Chute-à-la-Savane pour 50 ans. On augmente également la redevance contractuelle. De 0,15 $ les 1000 kilowattheures qu'elle était, elle va être portée à un plus de 0,19 $ les 1000 kilowattheures avec indexation basée sur le prix de l'aluminium. Une augmentation qui est raisonnable et qui, elle aussi, n'affecte pas du tout la position concurrentielle de l'Alcan.

Il y a un lien direct entre cette loi de quelques articles seulement et des investissements massifs qui vont être faits au Québec, particulièrement dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il y a un lien direct. Ce ne sont pas uniquement les ministres du gouvernement du Parti québécois qui l'affirment. C'est le président de l'Alcan. J'ai le rapport annuel 1983 de l'Alcan. Dans le message du président, on peut lire ce qui suit: "À la suite d'une entente de principe intervenue en décembre 1983, la société et le gouvernement du Québec poursuivent les discussions relativement au renouvellement des baux sur l'utilisation et le contrôle des eaux d'un bassin hydrographique au Québec." Il s'agit de la rivière Péribonca. "Cette entente de principe est intimement liée -c'est le président de l'Alcan qui parle - à la réalisation du programme de modernisation des usines d'électrolyse d'Alcan au Québec dont le premier jalon sera la construction d'une nouvelle usine à Laterrière qui a été annoncée récemment." Donc, il y a un lien direct entre ce projet de loi qui porte sur le renouvellement des baux et l'augmentation des redevances, du loyer en quelque sorte, et un programme majeur, massif d'investissements annoncé par l'Alcan, à commencer par 1 000 000 000 $ pour construire une usine à Laterrière.

Le ministre disait, à juste titre, que ce milliard fait partie d'un plus vaste programme de 3 000 000 000 $ pour en arriver à renouveler précisément toutes les usines qui commencent à devenir désuètes, parce qu'elles datent des années vingt. C'est un investissement de 3 000 000 000 $; c'est énorme. Il faut s'arrêter pour y penser. Comme le disait le ministre de l'Énergie et des Ressources, c'est 3000 millions. On est toujours très fiers quand une entreprise de notre comté annonce, par exemple, 1 000 000 $ d'investissements. On pavoise, on saute de joie quand une entreprise de notre comté, soit nouvelle, soit déjà existante, annonce 1 000 000 $ d'investissements. On fait une conférence de presse. C'est évident qu'il faut faire une conférence de presse. Il faut annoncer cela, 1 000 000 $ d'investissements. Mais là c'est 3000 millions. Il faudrait quasiment 3000 conférences de presse, mais on n'en finirait pas. On pourrait commencer...

Une voix: Dix par jour. M. Brassard: Combien? Une voix:Dix par jour.

M. Brassard: Dix par jour. Cela prendrait un autre mandat pour terminer.

Une voix: C'est le déficit du Québec.

M. Brassard: Cela prendrait un autre mandat pour terminer. C'est un investissement de 3000 millions. C'est évidemment, M. le Président, considérable.

À cela, il faut ajouter et il faut se rappeler - je pense que c'est aussi important l'investissement déjà fait de près de 1 000 000 000 $ dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean depuis 1976. À Grande-Baie, cela a provoqué des investissements de 540 000 000 $. Ils ont construit un centre de calcination pour 70 000 000 $. Ils ont également construit une usine de fluorure pour 125 000 000 $. C'est 835 000 000 $ d'investis déjà, depuis 1976. J'insiste, M. le Président, sur la date: depuis 1976. Cela veut dire presque 1 000 000 000 $, plus 1 000 000 000 $ à Laterrière. C'est donc presque 2 000 000 000 $ qui sont déjà investis ou qui vont être investis dans les mois et les années qui viennent dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

C'est la meilleure réponse à ceux qui, comme M. Bourassa, le chef du Parti libéral,

ont repris la vieille rengaine usée et n'arrêtent pas de radoter le vieux cliché selon lequel le Parti québécois, à cause de son option, ralentit les investissements, freine les investissements. C'est la vieille rengaine qu'a reprise le chef du Parti libéral. Un engagement ferme de 1 000 000 000 $ pour construire une usine à Laterrière, des investissements déjà faits depuis 1976 de 835 000 000 $, ma foi, cela commence à faire beaucoup! Avec le service des relations publiques et des communications de l'Alcan, je peux vous assurer qu'ils connaissent très bien les convictions du député de Lac-Saint-Jean. Ils connaissent très bien les convictions du député de Saint-Maurice et du député de Chicoutimi. Ils savent très bien que nous sommes des souverainistes, qu'on travaille pour la souveraineté du Québec, qu'on la souhaite. Ils le savent très bien. Ils sont fort bien informés à ce sujet et cela ne les dérange pas du tout quand même d'investir des milliards de dollars dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et ailleurs au Québec. (17 h 20)

Cela ne gêne pas beaucoup non plus d'autres investisseurs parce que les investissements manufacturiers, comme on le sait, vont augmenter cette année, en 1984, de 38%. C'est un record dans tout le Canada. Dans certaines provinces, les investissements baissent. Ici, les investissements manufacturiers vont augmenter de 38%.

C'est la preuve qu'une volonté d'affirmation nationale légitime, véhiculée de façon démocratique par un parti, qu'il soit au pouvoir ou non, cela ne gêne pas les investissements, cela ne les dérange pas, cela ne les empêche pas d'augmenter à des vitesses de croisière absolument extraordinaires.

M. le Président, nous sommes évidemment très heureux que ce projet de loi soit devant l'Assemblée nationale. Son adoption va avoir des retombées économiques extraordinairement importantes dans la région. Cela va avoir des retombées importantes pour les PME de la région en matière de contrats, de sous-traitance. J'aurais aimé parler aussi du volet "protection de l'environnement", que ces nouvelles usines... Il y a tout un volet "protection de l'environnement" qui est important puisque ces nouvelles technologies affectent beaucoup moins l'environnement que les anciennes.

M. le Président, je suis très heureux pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et j'espère cependant que les prochains investissements vont être orientés vers le Lac Saint-Jean, Alma en particulier, parce qu'on a l'habitude de dire à Alma qu'on fournit l'électricité puisque les barrages sont situés sur la Péribonca. Il serait peut-être important que l'Alcan songe à orienter les investissements majeurs du côté du Lac-Saint-Jean.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: C'est seulement pour vous rappeler que le député de Notre-Dame-de-Grâce devait prendre la parole. Malheureusement, il est retenu en commission et il ne sera pas présent.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, M. le ministre, dans votre droit de réplique.

M. Yves Duhaime (réplique)

M. Duhaime: M. le Président, nous en sommes à la dernière étape du débat de deuxième lecture. Pour vous dire honnêtement, je me serais attendu que les grands cerveaux économiques du Parti libéral remplissent les banquettes en avant et viennent nous expliquer quelle est leur vision de l'avenir, leur politique tarifaire en matière d'hydroélectricité afin de se servir au maximum de cette ressource pour le développement économique du Québec.

Je me rends compte que mon bon ami, le député d'Outremont, est seul à tenir le fort. On dira à l'Assemblée nationale que le député aura fait son devoir jusqu'au bout puisque, je pense, il est sur le point de laisser son siège à son chef que nous attendons tous ici avec beaucoup d'impatience, avec hâte. Soyez assuré que nous allons l'accueillir chaleureusement.

Je voudrais relever deux des affirmations qui ont été faites par le député d'Outremont, la première disant que le gouvernement s'est traîné les pieds et la deuxième qui a trait au dossier de Pechiney quant au contenu. La première interrogation mérite qu'on s'y arrête. Le député d'Outremont vient de nous affirmer cet après-midi - quand l'Opposition parle en cette Chambre, j'imagine que c'est pour dire des choses sérieuses, du moins, c'est la présomption de départ - qu'on règle en 1984 un problème qui traîne depuis huit ans. C'est bien ce que j'ai entendu.

Une voix: C'est vrai.

M. Duhaime: On vient de répéter que c'est vrai. M. le Président, la question qu'il faudrait retourner au député d'Outremont: À quel moment le groupe Alcan a-t-il demandé au ministère de l'Énergie et des Ressources d'ouvrir une négociation sur les baux de la rivière Péribonca? Nous sommes en 1984. Je lui répondrai ceci: Moins de 18 mois. Que faisions-nous entre 1976 et 1983? Il y a eu, bien sûr, des épisodes un peu rocambolesques où l'Opposition libérale, le gouvernement à l'époque, s'était timidement contenté de

redevances, je dirais, non indexées. Mon collègue, M. Joron, dès notre arrivée au gouvernement a convoqué une commission parlementaire. Les travailleurs ont été entendus, leur syndicat a été entendu, la compagnie Alcan a été entendue. Notre gouvernement, comme cela a été souligné tout à l'heure, a rehaussé à un niveau raisonnable les redevances qu'Alcan paie aujourd'hui et qui servent de rémunération de base pour l'utilisation des eaux de la rivière Péribonca. C'est la première chose que nous avons faite. Est-ce que cela a dérangé Alcan? Cela n'a pas dérangé Alcan. Je dirais que cela l'a encouragée. En 1976, 1977, 1978, 1979, 1980, 1981, 1982 et 1983, pendant toutes ces années, le groupe Alcan construisait l'usine de La Baie. L'usine de La Baie représente quelque 750 000 000 $ d'investissements. Si les relations étaient si mauvaises, si tendues et si nous étions si en retard, est-ce qu'on va s'imaginer que Alcan aurait accéléré son projet?

Une deuxième question se pose. Premièrement, Alcan n'a pas demandé la reprise, la réouverture des négociations. Pour une raison très simple, elle n'en avait pas besoin. Je suis à peu près certain, même si la confirmation ne viendra jamais, que l'aiguillon qui a décidé Alcan à enclencher ce programme de 3 000 000 000 $ a été les négociations fructueuses que nous avons conduites avec le groupe américain Reynolds et avec le groupe français Pechiney pour amener un peu de concurrence sur ce marché international. Le gouvernement n'a pas à être blâmé. Il n'y a eu aucun retard dans ce dossier. Au contraire. Je dirais que l'équipe régionale du Parti québécois, mes collègues de Chicoutimi, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de Roberval, de Desbiens, du comté de Dubuc, m'ont, en quelque sorte, littéralement harcelé pendant des mois pour que nous tenions réunion sur réunion. Il y a eu des discussions avec le maire de Laterrière, avec le maire de Chicoutimi, avec la direction régionale d'Alcan, avec mes collègues réunis dans leur caucus régional pour en arriver à établir une chose sur le plan de l'équité fiscale dans cette région: II fallait, bien sûr, que les retombées économiques d'un pareil projet sur l'aluminerie de Laterrière-Chicoutimi puissent bénéficier à l'ensemble de la population régionale.

Il fut donc décidé, après discussion, après accord entre les mairies et les conseillers municipaux qu'une annexion serait faite. Un projet de loi a été déposé à l'Assemblée nationale et a été adopté. Si c'est cela un retard, il faudra sûrement changer la définition des mots dans le dictionnaire. Si on se posait la question: Que faisaient les libéraux, eux, lorsqu'ils étaient au gouvernement, de 1970 à 1976, dans le dossier de l'aluminium? Vous savez, Bourassa me fait penser à ces revenants qui se promènent et qui disent à peu près n'importe quoi. Le député d'Outremont est en train de prendre son habitude parce que, hier soir, en commission parlementaire sur l'étude d'un projet de loi concernant REXFOR, le critique officiel de l'Opposition en matière d'énergie et ressources nous annonce tout de go qu'il n'engage pas sa formation politique par son discours, mais qu'il parle en son nom personnel. Un jour, un député de l'Opposition fait un discours, le lendemain, un deuxième dit le contraire et, la fin de semaine qui suit, Bourassa fait la synthèse. En 1974, nous étions là. Nous n'étions pas présents ici à l'Assemblée nationale, mais, dans nos régions, nous suivions les affaires politiques.

Je me souviens très bien de la "balloune" de National South Wires pour Saint-Augustin. Nous nous étions opposés avec virulence à cet investissement. Je me rappelle très bien le dossier. La subvention que Bourassa offrait à National South Wires était plus élevée que le budget total du ministère de l'Agriculture en 1974: 185 000 000 $ de subvention. Rien en retour. Nous nous sommes opposés à ce projet. Les gens de la communauté économique de la région de Québec se sont opposés. Le milieu des affaires s'est opposé à un tel point que le gouvernement libéral a retraité. Si cet investissement de National South Wires était si bon, Bourassa, avec 102 députés sur 108 à l'Assemblée nationale aurait très bien pu adopter un projet de loi et faire voter sa majorité. Cela aurait été d'une facilité vraiment navrante. Il ne l'a pas fait parce qu'il s'est rendu compte d'une chose: que le dossier de National South Wires n'était pas la bonne approche. (17 h 30)

M. Bourassa se targue aujourd'hui, se vante en tirant la couverture de son côté, en disant que si Pechiney et Reynolds font des investissements cela dépend de lui. Franchement, il faut aller chercher cela pas mal fort.

M. le Président, de 1970 à 1976, pendant sept ans, combien d'alumineries ont été installées au Québec? La réponse: zéro. Durant les trois dernières années, malgré la crise économique, malgré une conjoncture internationale difficile, notre gouvernement a réussi, d'un, avec Reynolds, de deux, avec Pechiney, de trois, avec l'Alcan. Savez-vous que, comme moyenne au bâton, M. le Président, ce n'est pas si mal? Cela fait une aluminerie par année. J'espère qu'on va maintenir la moyenne au bâton et qu'on pourra s'assurer d'une quatrième aluminerie l'an prochain. Comme Québécois, on doit en être fiers.

On a maintenant dans le secteur de l'aluminium au Québec des Canadiens et des Québécois, des Américains et des Japonais qui viennent d'entrer dans le consortium de l'aluminerie de Bécancour.

Je voudrais en dire un mot de l'aluminerie de Bécancour. C'est peut-être parce que c'est français que le député d'Outremont s'acharne sur ce dossier; peut-être parce que c'est Paris plutôt que Richmond, Virginie ou Montréal, Québec. Vous faites des affirmations très dangereuses. J'ai communiqué tout à l'heure avec la direction de la Société générale de financement pour vérifier le contenu et on va s'en parler.

M. le Président, pour mettre en route le dossier Pechiney, il fallait d'abord avoir une politique tarifaire, une volonté politique d'utiliser l'électricité. Deuxièmement, nous avons annoncé, nous avons dit à nos partenaires... Nous n'avons pas attendu une offre, nous avons exigé une participation dans le capital de risque pour un tiers de la mise. Par la suite, notre placement était tellement bon, tellement bien placé comme on dit... Imaginez-vous que des Américains de New York et des Japonais de Tokyo, ont trouvé que notre placement était tellement bon qu'ils ont dit: Si vous voulez nous en vendre une partie, on serait intéressé à l'acheter. Il n'y a rien comme faire des affaires. On a dit à Pechiney: Voulez-vous vous départir d'une partie de vos intérêts? Elle a dit: oui, nous aussi sommes prêts à diluer notre part. Les Français ont réduit de 66 2/3% à 50,1%. Nous avons réduit notre participation du tiers à 25%. C'est comme cela qu'aujourd'hui l'aluminerie de Bécancour regroupe des Québécois, des Français, des Américains et des Japonais. Mon Dieu! Si cela ne marche pas, il n'y a rien qui va marcher sur cette planète, M. le Président. Je suis très fier de cela. C'est un investissement de 1 200 000 000 $ en dollars américains.

Que nous ont dit les Français? On va se parler clairement, M. le député d'Outremont. Ils ont dit: Nous avons un problème. Nous avons en France huit alumineries. Il faut les moderniser. Nous avons des intérêts aux États-Unis. Nous sommes un peu embarassés de construire une aluminerie au Québec. Les Français ont décidé de céder leurs intérêts américains à d'autres, de rapatrier au Québec ces capitaux et de former la société en commandite avec nous, avec les Américains et les Japonais et de mettre de l'avant cette aluminerie. Ils ont dit: On souhaiterait que ce soit notre technologie. Je comprends: la technologie Pechiney est reconnue dans le monde entier comme l'une des meilleures. Mais les Français nous ont dit: On voudrait cependant avoir la garantie que nous pourrons au moins placer pour 180 000 000 $ US à l'intérieur du projet total de 1 200 000 000 $. On a dit: Parfait! Pour n'importe quelle personne qui compte vite, cela veut dire 200 000 000 $ sur 1 200 000 000 $; cela veut dire un sixième, donc 16%, 17%. Cela m'est confirmé aujourd'hui par M. Lefebvre de la Société générale de financement. Le contenu canadien de l'aluminerie de Bécancour sera de 85% et le contenu québécois sera entre 65% et 70% de l'investissement de l'Alcan dans l'usine de Laterrière, à Chicoutimi, de même que les 70% de Reynolds à Baie-Comeau que me confirmait, il n'y a pas plus tard que trois semaines, le président de Reynolds Metals du Canada, M. de Jong.

M. le député d'Outremont, vous devriez changer vos livres de lecture et au lieu de lire votre ancien nouveau chef, vous devriez peut-être prendre le téléphone et au lieu de calomnier les gens qui viennent au Québec avec des centaines de millions de dollars d'investissements, avec des technologies qui vont créer des emplois structurants - une aluminerie, cela ne tourne pas seulement pendant 30 ou 40 ans... Il y en a une qui tourne à Shawinigan, cela fait 83 ans et elle est en excellente santé. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, c'est la même chose. Les investissements dont on parle vont maintenir des emplois dans nos régions pendant 40, 50 et 60 ans, et voici tout ce que le député d'Outremont trouve à nous redire: Ce sont des mensonges, M. le Président. Ce sont des faussetés.

Je le mets au défi de communiquer, ou bien avec M. Lebel à Montréal, à la SGF, ou avec M. Lefebvre ou encore avec M. Charton à Paris. On va payer son appel téléphonique. Si vous voulez le vérifier avec M. Verret, du cabinet du ministre de l'Industrie de France, M. Fabius, faites-le. J'étais à Paris, il y a deux semaines. Les gens de M. Fabius, en France, m'ont dit: M. le ministre, on est inquiet parce qu'on pense que nos 180 000 000 $, on ne pourra pas les placer; les entreprises du Québec soumissionnent à des prix hautement concurrentiels que nous n'avions pas prévus. Mettez cela dans votre pipe. Avant de faire des affirmations à l'Assemblée nationale, vous devriez vous informer davantage.

M. le Président, je termine en disant ceci. Ce succès que nous avons connu dans le secteur de l'aluminium, nous l'avons étendu au secteur de l'électrométallurgie, de la chimie minérale, de l'électrochimie et nous allons continuer de le faire. Au sujet du petit commercial du député d'Outremont annonçant que le 7 septembre 1982 il avait fait une grande déclaration - qui était une suggestion - si vous relisez votre calendrier, vous allez vous rendre compte qu'il était au moins deux fois 365 jours en retard, que la politique tarifaire de l'aluminium est adoptée au Conseil des ministres depuis - mon Dieu! - 1979. Mes premières conversations avec Pechiney remontent à 1979. Mes premières discussions avec Reynolds remontent à 1981. Mes premières discussions avec l'Alcan - je l'ai indiqué tantôt - remontent à 1983. Les

très savants et laborieux conseils du député d'Outremont, nous pouvons amplement nous en passer. Vous êtes toujours, au minimum, un an, sinon deux, en retard.

Bien sûr, je me souviens du genre de questions tendancieuses qu'on me posait, à moi et à d'autres de mes collègues. On nous disait: Coudon, l'investissement de Reynolds à Baie-Comeau, quand cela commencera-t-il? Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce que le gouvernement exige? Avant de partir pour Paris l'année dernière, on nous disait: Ah! mais qu'est-ce qui va se passer avec les Français? D'après nous, cela ne marchera pas. Ce que l'Opposition aurait souhaité, c'est que Reynolds, à Baie-Comeau, ce soit un échec, que Pechiney ne s'embarque pas et que notre gouvernement se chicane avec l'Alcan. Là, l'Opposition se serait levée en hurlant et en disant: Voyez ce genre de gouvernement! II n'est même pas capable de s'entendre avec les grandes compagnies qui veulent s'installer! Je le disais ce matin: On pourrait faire des reproches à notre gouvernement sur ses options politiques, mais au moins, c'est clair. Quand je discute avec M. Culver ou encore avec M. Reynolds, ils n'essaient jamais de me vendre une carte du Parti libéral, du Parti conservateur ou du NPD ou de me demander si je suis fédéraliste. Ils savent que je suis souverainiste. Reynolds fait affaires dans 52 ou 53 pays du monde. Alcan doit vendre des lingots d'aluminium dans 80 pays, même aux Chinois de Chine. Alcan vend des lingots aux Chinois de Chine...

Une voix: Des communistes.

M. Duhaime: ...des communistes, à de grands pays comme à de petits pays. Ce qui est curieux, c'est que quand ils se font payer, j'imagine qu'ils se font payer en devises américaines ou en livres sterling ou encore par des jeux d'écriture d'une banque à l'autre, mais dans quelque pays que l'on retrouve Reynolds, Pechiney ou Alcan, ce sont des pays souverains. Moi, cela ne me fait pas mal au sein de répéter que je suis souverainiste et que nous avons ici une main-d'oeuvre hautement qualifiée, une technologie très avancée dont nous sommes fiers. (17 h 40)

Quand des bateaux voguent sur le Saguenay et sur le fleuve Saint-Laurent vers toutes les destinations du monde à partir des grandes alumineries du Québec et qu'on peut lire dessus - je l'espère un jour - "made in Quebec", je suis très fier de cela. Cela veut dire que nous pouvons, que nous avons été en mesure, au fil des années, de mettre au point un scénario et une structure tarifaire qui garantissent aux investisseurs non seulement un climat politique stable, mais une économie en progrès, une économie qui avance; mon collègue des Finances en parlait cet après-midi. Je pense que ce sont tous ces éléments qui ont fait que ces compagnies ont préféré venir au Québec plutôt qu'aller à Rio de Janeiro ou en Australie.

Le Parti libéral devrait refaire ses classes de A jusqu'à Z dans le dossier de l'aluminium. J'aurais aimé entendre le député de Notre-Dame-de-Grâce nous faire un savant discours là-dessus; j'espère qu'on aura l'occasion de se reprendre.

Un dernier mot pour remercier à nouveau mes collègues du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui ont suivi ce dossier de très près et qui ont fait les ponts avec les gouvernements municipaux, avec la direction régionale de l'Alcan, avec les travailleurs également pour que ce projet, en phase I, de l'expansion et de la modernisation de l'Alcan se concrétise. Nous parlons de 3 000 000 000 $: un premier milliard va, de façon concrète et tangible, sortir de terre d'ici quelques semaines. À la prochaine décennie, il y aura une seconde aluminerie et, ensuite, une troisième. À la fin du siècle, le Québec sera le troisième plus grand producteur mondial d'aluminium grâce à notre gouvernement.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Le principe du projet de loi...

M. Fortier: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je crois que le règlement me permet d'adresser une question au ministre afin d'éclairer ma lanterne.

Une voix: Non.

M. Fortier: J'aimerais savoir pourquoi...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, il n'y a pas de consentement. S'il vous plaît, M. le député d'Outremont.

Est-ce que le principe du projet de loi 70, Loi sur la location de forces hydrauliques de la rivière Péribonca à Aluminium du Canada, Limitée est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

Des voix: Non.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Non?

M. Blouin: Je m'excuse.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse.

M. Blouin: Conformément à l'article 216 de notre règlement, je propose que nous reportions ce vote à demain, à la fin de la période des affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Jolivet): II sera donc reporté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Sur ce, devant l'attitude de l'Opposition, à la fois silencieuse et approbatrice face à tous ces projets de loi économiques, je suggère que nous suspendions nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Suspension de nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 44)

(Reprise de la séance à 20 h 1)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre place. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Bonsoir, M. le Président. Nous parlons ce soir de distribution de boissons gazeuses et de bière. À cet effet, je vous demande d'appeler l'article 18) de notre feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 87 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Rancourt): Ce soir, nous allons parler sur le principe du projet de loi 87, Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, je suis heureux ce soir de présenter ce projet de loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses. Le projet de loi 87 est relié directement au projet de loi 86 présenté il y a quelques jours par mon collègue le ministre de l'Environnement. Ces deux projets de loi permettront de mettre en circulation au Québec des contenants de boissons gazeuses et de bière fabriqués entièrement d'aluminium avec une technologie nouvelle.

Je dois dire qu'à l'heure actuelle, il y a déjà deux usines, l'une en production et une autre tout près de la production, construites au Québec à la fin de l'an dernier 1983. Une première a commencé sa production il y a quelques mois en période de rodage et une deuxième devrait commencer sa production au cours des prochains mois. Ces deux usines ont suscité respectivement des investissements de 22 000 000 $ et de 20 000 000 $ et nous nous attendons qu'un troisième investissement à peu près du même ordre soit fait au cours des prochains mois, sans compter les investissements requis pour les compagnies d'embouteillage de boissons gazeuses ou de bière qui représenteront au total, vis-à-vis de tous ceux et celles intéressés dans ce domaine, quelques autres dizaines de millions de dollars. Cela veut dire que la fabrication au Québec de canettes faites entièrement d'aluminium avec une technologie nouvelle représente tout près de 100 000 000 $ d'investissements et la création de plusieurs centaines de nouveaux emplois.

Ce qui est intéressant, c'est que le Québec, avec la fabrication de canettes d'aluminium, est véritablement à l'avant-garde des autres provinces canadiennes, puisqu'il est la première province canadienne à fabriquer, à l'aide de cette technologie nouvelle, des contenants entièrement faits d'aluminium. Nous remplaçons donc de plus en plus au Canada les canettes d'acier, faites avec l'acier de l'Ontario, par des canettes d'aluminium fabriquées avec l'aluminium du Québec. On sait que le Québec est reconnu comme le pays de l'aluminium. Dans ce sens, je pense que tous les produits qui peuvent être faits en aluminium feront en sorte que nous développions davantage notre industrie québécoise.

C'est pour moi un plaisir, M. le Président, de présenter ce projet de loi puisque non seulement nous développons une industrie québécoise avec une technologie nouvelle, mais, en plus, nous faisons en sorte que les entreprises du Québec et les consommateurs, les citoyens, soient encore plus responsables vis-à-vis de la protection de l'environnement. Je suis d'autant plus heureux que le projet de loi 86 de mon collègue, le ministre de l'Environnement, et le projet de loi 87 du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme font en sorte que nous joignons au développement économique la protection harmonieuse de l'environnement québécois. Dans ce sens-là, je pense qu'on a un signe de ce qui se passe dans un gouvernement responsable, dans les différents ministères - qui, habituellement, font quelque peu chemin à part - qui travaillent ensemble, qui collaborent pour réaliser des projets pour le mieux-être des citoyens et des citoyennes du Québec.

Le projet de loi 87 s'inscrit dans cette perspective, particulièrement dans une triple perspective; il tient compte de la popularité grandissante du contenant uniservice, de l'objectif du ministère de l'Environnement de ne pas laisser les déchets se multiplier et de

la volonté du gouvernement de trouver de nouveaux débouchés pour les produits des alumineries. Depuis quelques mois, des investissements se multiplient dans le secteur des alumineries. Qu'il suffise de mentionner Reynolds Aluminium, 500 000 000 $ d'investissements au Québec; Pechiney, 1 500 000 000 $ d'investissements au Québec - c'est l'aluminerie de Bécancour -et Alcan qui a annoncé tout récemment 1 000 000 000 $ d'investissements au Québec.

Ces alumineries se sont bâties parce que la volonté du gouvernement du Québec, ce n'était pas d'exporter notre électricité vers les États-Unis, tel que préconisé par le Parti libéral ou par son chef, mais de se servir de la richesse naturelle du Québec, l'électricité, pour faire travailler des hommes et des femmes du Québec, pour faire travailler du monde au Québec. C'est là qu'on voit le sérieux d'un gouvernement qui veut exploiter les richesses naturelles pour faire travailler les gens, pour enrichir les Québécois et les Québécoises. Pendant que nos amis d'en face ne font que de la démagogie et du salissage, salissent des citoyens québécois et profitent de leur immunité parlementaire pour le faire, nous travaillons au mieux-être des citoyens du Québec. Nous travaillons à créer des emplois, à enrichir les citoyens et non pas à exporter à vil prix nos richesses naturelles, mais bien à les transformer sur la terre québécoise.

Le député de Laporte, en face, a l'air de rire, de trouver cela drôle l'attitude de l'Opposition, mais je vous rappelle, M. le Président, qu'il y a environ un an, à ce temps-ci de l'année, nous adoptions la loi 10 sur l'aluminerie de Bécancour pour permettre à la Société générale de financement d'intervenir comme partenaire dans l'aluminerie de Bécancour pour transformer l'électricité au Québec en aluminium.

Les gens d'en face ont voté contre. Les gens d'en face ont tout fait pour faire battre ce projet de loi. Ils ne l'ont pas battu; ils ne sont pas assez nombreux à l'Assemblée nationale. Mais ils ont voté contre. Ils ont voté contre l'aluminerie de Bécancour, contre la création de 2500 emplois dans la région de la Mauricie: 800 emplois directs à l'aluminerie et, le restant, des emplois indirects dans des PME de la région de Bécancour, dans la région de la Mauricie.

Les gens de la Mauricie, les gens de Bécancour, les gens de tous les comtés autour se souviennent de l'attitude de l'Opposition qui a voté contre l'aluminerie de Bécancour en disant: Ce n'est pas crédible, cela ne fonctionnera jamais, c'est un projet politique. Pourtant, quelques mois plus tard, la vision du gouvernement du Parti québécois s'est révélée juste puisqu'une des plus grandes sociétés mondiales, la société

Alumax, des États-Unis, qui est composée à 50% de la société Amax, société américaine, et à 50% de deux société multinationales japonaises. Mitsui et Nippon Steel, s'est unie à la Société générale de financement et à Pechiney dans l'aluminerie de Bécancour, à tel point qu'aujourd'hui nous avons déjà assisté à la signature de quelques centaines de millions de dollars de contrats qui sont déjà donnés. Déjà les gens travaillent sur le terrain pour commencer la construction de l'aluminerie de Bécancour qui sera en production vers le milieu de 1986. Il s'agit d'un montant de 1 500 000 000 $, ou tout près, d'investissements faits au Québec à cause de la vision du Parti québécois de développer l'électricité et de produire de l'aluminium avec cette richesse naturelle du Québec.

Les gens d'en face ont voté contre la transformation au Québec de notre richesse naturelle. J'espère que devant ce projet de loi, ils vont voter pour la création de quelques centaines d'emplois et, surtout, pour permettre à des entreprises installées au Québec de produire des canettes d'aluminium pour les expédier non seulement au Québec mais partout ailleurs dans les autres provinces canadiennes. C'est un projet économique que nous présentons ce soir, et je suis très fier et très heureux de le faire.

D'autres projets concernant des alumineries sont également à l'étude. Encore une fois, l'Opposition sourit mais il y a quand même d'autres projets. Il y a quelques semaines, j'ai annoncé que nous avions signé une entente de principe, une entente de collaboration pour une étude de préfaisabilité sur une aluminerie avec la société Kaiser Aluminum des États-Unis. L'objectif du gouvernement c'est de faire en sorte que si c'était faisable - l'étude de faisabilité va nous le dire; c'est dû surtout aux tarifs de l'électricité - nous puissions installer une aluminerie sur la Côte-Nord. Et l'objectif, c'est aussi d'en avoir une ou deux autres au cours des prochaines années. Le gouvernement du Parti québécois veut faire du Québec le pays de l'aluminium et nous avons les richesses naturelles pour le faire.

La semaine dernière j'étais en mission en Chine et au Japon; au Japon, j'en ai profité pour voir des alumineries. Des gens qui avaient de grandes alumineries de taille mondiale les ont fermées il y a quelques années. Pourquoi? À cause des tarifs de l'électricité trop élevés là-bas. Au Québec, on peut leur garantir des tarifs d'électricité sur une période de 25 ans avec les tarifs les meilleurs au monde. Finalement, on va, je pense bien, en venir à d'autres ententes avec d'autres sociétés mondiales dans le domaine de l'aluminium pour éventuellement investir au Québec et créer davantage d'emplois chez nous.

D'autres projets sont à l'étude

présentement pour des alumineries possibles. Les alumineries trouvent, au Québec, une énergie disponible et peu coûteuse: l'électricité. Nous profitons donc d'un avantage concurrentiel de première importance et il n'en tient qu'à nous d'en profiter.

Depuis trois ans maintenant je multiplie les démarches pour ajouter la canette d'aluminium aux nombreux produits de cette industrie. Le seul remplacement de la canette actuelle qui n'est pas recyclable économiquement peut amener des investissements d'environ 100 000 000 $, susciter un marché pouvant aller jusqu'à un chiffre d'affaires annuel de 80 000 000 $ et amener la création de plusieurs centaines de nouveaux emplois. 80 000 000 $ au Québec par année, ça commence à faire une entreprise ou des entreprises avec un chiffre d'affaires appréciable. Si nous y ajoutons le marché d'exportation, le marché que nous pourrions avoir à l'extérieur du Québec dans les autres provinces canadiennes et possiblement en Nouvelle-Angleterre, nous allons assez facilement doubler ce chiffre d'affaires annuellement.

Les seules canettes d'aluminium utilisées par des compagnies de bière sont actuellement fabriquées aux États-Unis. Nous avons tout un marché à conquérir puisque nous envisageons que la production de canettes sera d'environ, pour la première année, 400 000 000 à 500 000 000 pour éventuellement, au cours des prochaines années, augmenter jusqu'à possiblement 1 000 000 000 de canettes par année comme production. L'avantage de la canette d'aluminium c'est qu'elle peut être recyclée de façon économique. C'est pourquoi nous poursuivons, avec le ministère de l'Environnement, l'Association des fabricants de boissons gazeuses, l'Association des embouteilleurs du Québec et les brasseurs, d'intenses négociations pour mettre au point un système de récupération qui permettra de maximiser les retombées économiques de ce produit tout en minimisant ses effets négatifs en termes de multiplication de déchets.

Le projet de loi 87 doit être considéré comme un complément en quelque sorte du projet de loi 86 de mon collègue le ministre de l'Environnement, qui vise à la mise en place d'un système cohérent et économique de récupération et de recyclage des contenants uniservice de bière et d'eaux gazeuses.

Le projet de loi 87 obligera toute l'industrie à se conformer à ce qui fait déjà un large consensus parmi les membres de l'Association des fabricants d'eaux gazeuses. Pour obtenir un permis de mon ministère, les utilisateurs des contenants uniservice devront avoir signé un protocole d'entente avec le ministère de l'Environnement. Il s'agit ici d'aider ceux qui veulent participer à la mise en place d'une industrie construite à partir de produits fabriqués au Québec et, en même temps, de contribuer au renforcement de l'industrie du recyclage, qui protège les ressources, diminue les déchets et provoque là encore de nouveaux investissements et la création d'emplois nouveaux.

Nos partenaires de l'industrie sont impliqués depuis le début dans la progression du dossier des canettes d'aluminium. Nous avons convenu au gouvernement que l'introduction de ce nouveau produit doit se faire de façon graduelle et ordonnée. La canette d'aluminium est destinée à occuper une part de plus en plus importante du marché, dans la mesure où l'expérience de la récupération et du recyclage sera réussie. Il n'est pas question d'introduire la canette d'aluminium et de la laisser aller partout dans le décor. C'est en ce sens que mon collègue, le ministre de l'Environnement, a proposé le projet de loi 86, qui met en place le système de récupération et le projet de loi 87, qui prévoit la délivrance des permis aux gens qui vont pouvoir vendre et, après cela, récupérer les canettes d'aluminium.

Déjà les tendances du marché indiquent ici, comme dans les autres pays de même niveau économique, la faveur grandissante auprès des consommateurs du contenant uniservice. Grâce à la collaboration de tous les intervenants, nous voulons tirer le maximum d'avantages de cette nouvelle exploitation tant sur le plan économique que sur le plan de l'environnement.

La fabrication au Québec de la canette d'aluminium peut commencer dans un très court délai, puisqu'une entreprise est déjà en période de rodage et qu'une autre devrait ouvrir ses portes au cours des prochains mois, en attendant un troisième investissement majeur.

Le projet de loi 87 constitue un moyen d'assurer à ce produit des chances de réussite. Nous travaillons, depuis déjà plusieurs mois, à la mise au point de ce dossier. Malgré les étapes importantes que représentent les projets de loi 86 et 87, nous aurons à attendre quelques années avant que le système soit véritablement au point. Je pense que personne ne s'attendra qu'on puisse récupérer 90% des canettes après six mois ou un an. Il faudra que les gens s'habituent à rapporter les canettes et que tout le système de récupération soit véritablement au point. Nous prétendons, comme l'ont fait d'autres pays ou d'autres États américains, que nous pourrions le faire dans un espace de temps qui sera de quelques années. Il ne faut pas s'en étonner si l'on considère les efforts déployés aux États-Unis en particulier pour trouver une ou des solutions aux milliards de contenants qui s'additionnent chaque année dans l'environnement. On peut également penser à l'Ontario qui discute de

cette question depuis aussi longtemps que nous et qui n'est pas encore prêt à présenter des solutions. Le marché potentiel de la canette d'aluminium qui, dix ans après son introduction sur le marché américain, a complètement ou à peu près remplacé la canette que nous connaissons ici, c'est-à-dire la canette d'acier, sera à qui peut le prendre etreprésente un débouché important pour nos alumineries, en plus d'être un débouché important pour les entreprises qui sont déjà dans la fabrication de telles canettes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, étant donné que le Québec est à l'avant-garde de cette technologie de fabrication et que, déjà, deux usines sont quasi en production, nous pensons que nous sommes en excellente position pour conquérir à peu près complètement le marché canadien.

Aux États-Unis, plus de 22% de l'aluminium produit va à l'emballage. Au Canada, le secteur n'est pas entamé. On estime les besoins à 15 000 tonnes d'aluminium pour le Québec et 50 000 tonnes pour le Canada. Du côté de l'industrie du recyclage, soulignons que les prix offerts sont, chez nos voisins américains, de 900 $ la tonne pour l'aluminium récupéré, alors qu'ici, à l'heure actuelle - parce que le système n'est pas encore en marche, mais il le sera dans quelques mois - les prix ne sont que de 50 $ la tonne pour les canettes récupérées. Cela veut dire qu'il y a de l'argent dans la récupération, beaucoup d'argent. La récupération devrait avoir chaque année au Québec, bon an, mal an, d'ici à deux ou trois ans, à peu près 10 000 000 $ de métal de rebut disponible par la vente de canettes déjà employées, ce qui pourra créer beaucoup d'emplois chez des récupérateurs régionaux qui pourraient, s'ils ne sont pas déjà installés et s'ils ne sont pas déjà formés, se lancer en affaires et récupérer, au niveau de chacune des régions du Québec, les canettes disponibles chez les marchands, dans les quelque 20 000 points de distribution. Et à peu près 10 000 000 $ exclusivement de main-d'oeuvre, c'est encore beaucoup d'emplois seulement dans la récupération du métal de rebut. Ce seront des expériences extraordinaires pour certaines formes de coopératives de travailleurs, des gens qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas eu la chance de se valoriser, parce que le système ne le leurpermettait pas. Nous avons maintenant un peu partout au Québec des groupes de gestion qui aident les coopératives de travailleurs à se lancer en affaires.

Encore cet après-midi, j'avais une réunion avec le Conseil de la coopération, avec certains groupes de gestion de coopératives de travailleurs qui font la promotion des coopératives. Dans ce sens, la récupération, particulièrement, est un autre secteur intéressant où des hommes et des femmes pourraient se regrouper en coopératives, devenir propriétaires de leur propre entreprise, maîtres chez eux, indépendants dans leur propre commerce et ainsi participer à la récupération de ces canettes d'aluminium disponibles au Québec. Donc, tout en protégeant l'environnement, ils pourraient toucher un salaire raisonnable en travaillant à leur propre compte.

On s'aperçoit que le fait de mettre en marché des canettes d'aluminium non seulement encourage la production, fait travailler des gens dans des grandes villes comme Montréal, avec les industries productrices, ou des gens dans les alumineries, mais fait en sorte aussi que dans toutes les régions du Québec des citoyens et des citoyennes qui veulent participer à la récupération puissent en profiter. (20 h 20)

C'est le 6 janvier 1982 que le Conseil des ministres décidait que le gouvernement allait permettre l'utilisation de la canette d'aluminium si, d'une part, il y avait une consigne et si, d'autre part, il y avait un système de récupération. Cette décision du 6 janvier 1982 me confiait aussi le soin de préparer un rapport pour que l'entente entre le gouvernement et le secteur des boissons gazeuses soit modifiée afin de permettre l'utilisation d'un nouveau contenant.

Deux autres décisions furent prises par le Conseil des ministres après un travail conjoint entre les fonctionnaires de mon ministère et ceux de l'Environnement durant le printemps 1982. En plus des idées de consigne pour chaque contenant et ce service de récupération, les principaux points de ces nouvelles décisions furent d'abord que le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme travaille conjointement avec le ministère de l'Environnement pour procéder par entente dans le secteur des boissons gazeuses de même que dans le secteur de la bière; qu'un quota de production et de mise en marché total soit établi; que la récupération vise un objectif de 90% après trois ans; que les emplois en dehors de Montréal, chez les embouteilleurs en particulier, soient conservés et que la publicité et la promotion soient permises, mais pas à la télévision.

L'imposition d'une consigne sur un contenant et l'obligation de la récupération est un problème très complexe. Il est vrai qu'au Québec on s'est habitué à des contenants qui peuvent être utilisés plusieurs fois. Les fabricants de bière et de boissons gazeuses ont imposé une consigne sur leurs contenants et ont habitué les consommateurs à les retourner. Cela se fait toutefois à des coûts de plus en plus élevés, coûts qui doivent non seulement tenir compte des étapes de nettoyage des contenants chez les fabricants et du tri chez les détaillants qui

récupèrent les contenants, mais aussi des pertes de productivité que permettraient les nouveaux contenants quant au remplissage et à la distribution.

Ces coûts et le désir des consommateurs ont exercé une pression si forte que tôt ou tard il fallait ouvrir le marché aux contenants à remplissage unique: bouteilles de plastique, bouteilles de verre enrobées de plastique, canettes d'aluminium, etc. Le malheur, c'est que ces contenants ne sont pas biodégradables. Il n'est pas possible de les enfouir durant de nombreuses années. On va manquer d'espace pour le faire. Le ministère de l'Environnement soutient avec justesse que ces contenants doivent être recyclables.

Par ce projet de loi, le gouvernement exprime sa volonté de mettre sur pied une politique de récupération et de recyclage des contenants et emballages que l'industrie des boissons gazeuses et les brasseurs ne seront plus les seuls à partager et permet l'atteinte des objectifs environnementaux reliés à l'introduction des canettes d'aluminium.

Ce projet de loi accélère également le processus de conclusion d'entente, parce que lesdits permis ne seront délivrés qu'après la conclusion d'une entente avec le ministère de l'Environnement. Une telle entente est d'ailleurs l'objet de discussions au moment même où je vous parle. Mes fonctionnaires et ceux du ministère de l'Environnement et les représentants de l'industrie des boissons gazeuses et des embouteilleurs travaillent à la conclusion d'une entente afin que la canette d'aluminium consignée puisse être utilisée à compter, si possible, du 15 juillet 1984. Nous sommes donc sur le point de trouver un dénouement à ce dossier qui démontrera la possiblité d'allier le développement économique à la protection de l'environnement.

Voilà, M. le Président, un résumé rapide d'un dossier qui a nécessité, tant de la part des représentants du gouvernement que de la part des représentants de l'industrie, des heures et des heures de travail, de multiples réunions et même à plusieurs reprises, des discussions au Conseil des ministres. L'enjeu, pensions-nous, en valait le coup, tant du point de vue économique de l'utilisation de l'aluminium -un produit bien québécois - et le développement d'une industrie de recyclage, que du point de vue de l'environnement pour protéger celui-ci et éliminer le gaspillage.

Le projet de loi que nous présentons est l'aboutissement de discussions entre les membres d'une industrie qui comprennent leur rôle social face à l'environnement et qui se disent prêts à faire pleinement ce qu'ils ont à faire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous en sommes ce soir à l'étude du projet de loi 87, Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses. Ce projet de loi, ainsi que nous l'apprennent les notes explicatives, introduit un régime de permis applicable à la mise en marché de la bière et des boissons gazeuses distribuées en contenants à remplissage unique.

Nous avons fait une étude exhaustive des articles de ce projet de loi - il y en a 12, ce n'est pas un projet de loi très volumineux - et, essentiellement, il contient deux séries de mesures. On établit tout d'abord un régime de permis au terme duquel le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme émettra des permis à ceux qui voudront utiliser les canettes, mais uniquement à la condition qu'une entente préalable ait été signée avec le ministre de l'Environnement, entente qui, nous le présumons, traitera des questions d'écologie et de recyclage, bien que ce ne soit pas inclus ou déclaré dans le projet de loi.

Il y a également un autre volet dans ce projet de loi et c'est l'article 5 qui traite de la réglementation. Nous y reviendrons tout à l'heure.

Ce qui nous frappe dans ce projet de loi en ce qui concerne l'article 3, c'est qu'il semble y avoir - et il y a effectivement -une contradiction. Je ne sais pas si le ministre est au courant, mais il y a une contradiction entre le texte de l'article 3 du projet de loi et les notes explicatives. En effet, le texte de l'article 3 dit qu'un permis ne peut être délivré que si le requérant est partie à une entente conforme aux règlements adoptés en vertu de la présente loi et conclue avec le ministre de l'Environnement. Il semble donc, selon l'article 3, que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ne peut délivrer un permis que si le requérant est partie à une entente, mais on ne dit pas que le ministre doit émettre un permis si le requérant a conclu une entente avec le ministre de l'Environnement. On dit qu'un permis ne peut pas être délivré sans qu'il y ait eu entente. Donc, on ne sait pas si le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme se réserve un droit de refuser un permis même s'il y a eu entente avec le ministre de l'Environnement. Cela nous apparaît assez discrétionnaire comme formulation.

Or, dans les notes explicatives, ce n'est pas cela qu'on dit. Dans les notes explicatives, on dit: Ce permis est délivré par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à tout requérant qui a conclu une entente. Donc, selon les notes explicatives, il n'y a aucune latitude

d'accordée au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme pour refuser ou non un permis. On dit que le permis est accordé à tout requérant qui a conclu une entente. Cela semble automatique. Hélas, ce n'est pas ce que le projet de loi dit. On sait fort bien que, dans un projet de loi, ce ne sont pas les notes explicatives qui prévalent, mais c'est le texte lui-même du projet de loi. Je pense qu'il y aurait lieu...

Je vois que les deux ministres sont présentement en train de se consulter, le ministre de l'Environnement et le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. J'espère qu'on va clarifier cette situation, parce que je ne voudrais pas qu'on se retrouve encore devant une situation de fait où le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme décidera d'accorder un permis à certains individus et refusera d'en accorder un à d'autres pour des raisons qui différeraient de celles prévues au projet de loi. Connaissant le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, on peut s'attendre à tout. Il pourrait y avoir des conditions additionnelles d'imposées qui n'auraient absolument rien à voir avec l'environnement. Il faudra jeter un coup d'oeil là-dessus et tenter d'y amener un peu plus de cohérence.

Il y a également l'article 5 du projet de loi qui nous laisse très perplexes. Cet article prévoit que le gouvernement peut adopter des règlements. Évidemment, cela n'aurait pas été un bon projet de loi péquiste s'il n'y avait pas eu la ribambelle normale des règlements. Qu'est-ce qu'on dit pour les règlements? On dit que les règlements pourront prescrire la durée ainsi que les modalités de délivrance et de renouvellement des permis. On dit également, à l'article 5, paragraphe 39 que ces règlements pourront fixer - je pense qu'il est intéressant ici de lire le texte - "les principes et les limitations qui devront être appliqués dans le cadre d'une entente visée à l'article 3 -c'est l'entente avec le ministère de l'Environnement - à l'égard des canaux de distribution, de la vente, du transport et de la livraison de bière ou de boissons gazeuses en contenants à remplissage unique et de l'utilisation de tels contenants."

M. le Président, je ne sais pas si vous avez compris ce que cela veut dire. J'ai de la difficulté à comprendre. J'en ai parlé à des intervenants du milieu et eux non plus ne comprenaient pas ce que signifie l'article. Je pense que cela vaut la peine de recommencer et je vous saurais gré d'être très attentif. Le gouvernement peut adopter des règlements pour fixer les principes et les limitations qui devront être appliqués dans le cadre d'une entente à l'égard des canaux de distribution, de la vente, du transport et de la livraison de bière ou de boissons gazeuses. (20 h 30)

M. le Président, vous avouerez avec moi que c'est assez hermétique comme phrase et que cela veut dire à peu près n'importe quoi et aussi à peu près rien du tout. C'est le genre de formulation qu'on ne nous explique pas. Le ministre n'a pas dit un mot d'explication tout à l'heure sur le sens de cet article. Nous aimerions bien savoir de ce côté-ci ce que le gouvernement entend faire avec ces règlements qu'on ne connaît pas, qui ne sont pas promulgués et qui vont fixer les principes et les limitations à l'égard des canaux de distribution.

Je ne sais pas si quelqu'un ici pourrait me donner une explication logique de ce que cela signifie.

M. Biron: Tout à l'heure.

M. Bourbeau: M. le ministre me dit qu'il va nous le dire tantôt. Si le ministre sait ce que cela veut dire, pourquoi ne le dit-il pas en langage ordinaire de façon que tout le monde puisse comprendre? Actuellement, il y a à peu près seulement le ministre qui peut comprendre ce que cela veut dire, ou peut-être ses fonctionnaires qui ont écrit l'article pour lui. M. le Président, ce projet de loi n'est donc pas très clair. Je dirais même qu'à l'égard de l'article dont je viens de parler, il est assez confus.

On sait que le projet de loi mettait en conflit les deux ministères représentés par les deux honorables ministres que nous avons l'honneur d'avoir avec nous ce soir. D'une part, il y a le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui voudrait bien faire la promotion des produits d'aluminium et faire en sorte que les usines de chez nous puissent tourner et produire des canettes d'aluminium, et nous l'appuyons entièrement dans cet objectif. D'autre part, il y a le ministre de l'Environnement qui, lui, ne veut pas que les canettes viennent polluer le décor. Étant donné que les canettes d'aluminium... D'ailleurs, les canettes d'acier ne sont pas biodégradables; c'est bien évident que si on les laisse dans la nature, si les gens les déposent comme cela dans les bois un peu partout, cela va polluer et cela va continuer à polluer pendant des siècles et des siècles. C'est évident qu'on ne peut permettre la prolifération des canettes d'aluminium dans la nature comme cela. Donc, il y a évidemment un conflit entre les deux ministères.

La solution qui est proposée, c'est de fabriquer des canettes de façon à promouvoir l'emploi et le développement des produits de l'aluminium, mais de mettre sur pied un système de récupération de façon que les canettes ne polluent pas. Le système qu'on a adopté et qui est proposé par le projet de loi veut qu'on établisse ce qu'on appelle une consigne. C'est donc dire que, lorsque les épiciers vendront des canettes à l'avenir, ils

devront exiger une somme additionnelle de cinq sous par canette, somme qui sera ajoutée à ce que cela coûte déjà et qui sera remboursée...

Une voix: ...

M. Bourbeau: Qui ne sera pas ajoutée... Vous allez baisser le prix de la canette de cinq sous, je présume. Que nous sachions, et j'espère que le ministre va me corriger si je n'ai pas raison, le montant de cinq sous va être ajouté au prix normal de vente de la canette et va être perçu par les épiciers. Lorsque l'utilisateur ou le consommateur viendra éventuellement retourner sa canette, on lui remettra ses cinq sous.

Cela a l'air très facile, mais il se pose de sérieux problèmes parce que l'épicier ne conservera pas les cinq sous. Quand il aura vendu sa canette, il devra envoyer les cinq sous à un centre, un fonds central qui, lui, percevra les sommes d'argent. Quand le consommateur se présentera pour avoir le remboursement de ses cinq sous en retournant sa canette, l'épicier lui remettra ses cinq sous et fera une réclamation au fonds central pour se faire rembourser ses cinq sous, et cela commencera à se compliquer. Cela se compliquera parce que les détaillants ne sont pas particulièrement intéressés à devenir des gestionnaires de poubelles. Les épiciers ont déjà pas mal de réglementations et de travail à faire dans leur commerce et ne sont pas intéressés à devenir des recycleurs de déchets en plus de tout le travail qu'ils ont déjà à accomplir.

M. le Président, on n'a qu'à lire les journaux pour voir comme c'est mal reçu par le milieu. Nous avons eu l'occasion de parler personnellement avec plusieurs épiciers. Il ne semble pas y avoir unanimité - loin de là -dans le désir des épiciers de participer au système. Voyons ce que disent certains d'entre eux. Je voudrais citer ici le journal Le Soleil du 18 février 1984 qui traite précisément de ce sujet. L'article de M. Raymond Gagné dit: "Le commerce de détail n'est pas disposé à participer au système s'il ne reçoit pas au préalable l'assurance qu'il sera rémunéré et n'aura pas à se charger du tri." Ce qu'il faut bien savoir, c'est que dans le projet de loi on demande aux épiciers de recevoir les canettes, de faire payer la consignation, de rembourser les 0,05 $ et on ne prévoit aucune compensation financière pour les épiciers qui sont chargés de faire le tri et de faire le service. On demande aux épiciers de faire tout ce travail pour l'État sans être rémunérés. Ce serait bien les seuls dans la société qui auraient à travailler sans être rémunérés. De continuer l'article, "M. Guy Poirier, du Conseil québécois du commerce au détail, est explicite. Idéalement, déclare-t-il, les détaillants préféreraient ne pas avoir à reprendre les contenants en aluminium. S'ils le font, ce sera après avoir acquis la conviction qu'ils seront rémunérés." Un peu plus loin, on dit que M. Jean-Paul Pellerin de l'Accommodation Careau, 1041 avenue Royale à Beauport, "déclare pour sa part avoir peu entendu parler de la consigne sur la canette et du rôle qu'il pourrait avoir à jouer dans sa récupération. Ce qu'il en sait lui vient de la lecture des informations parues dans le Soleil (...) M. Pellerin ne pose pas d'objection de principe quant à la protection de l'environnement qui représente l'un des objectifs poursuivis par les autorités gouvernementales. Il en aurait toutefois en ce qui touche la participation qu'on attend de lui. Il est assuré, dit-il, que j'exigerais d'être payé pour le travail que le système ne manquerait pas de m'occasionner". On ne saurait pas lui en vouloir.

Un autre commerçant, M. Jean Bouchard de l'Accommodation Concordia, à Québec, "rejette toute participation au système de la consigne et de la récupération. Jamais, rétorque-t-il immédiatement!

Jamaisl Si on m'y oblige, je mets tout dehors. M. Bouchard n'est pas content du tout d'avoir été tenu dans l'ignorance du projet. Ils ne nous disent rien, reprend-il, puis ils nous amènent ça sans s'interroger sur la capacité du petit détaillant à le prendre. Les entrepôts de nos magasins sont saturés de bouteilles, de canettes, de caisses de toutes sortes! D'autant plus que cela nous occasionne un surplus de dépenses. Je ne marche pas."

Voilà la réaction de certains des épiciers à qui on demande un travail, mais qu'on ne voudrait pas rémunérer. Qu'est-ce qui arrivera avec ce fameux fonds? On estime, au Québec, qu'il y a actuellement 400 000 000 de canettes utilisées, de sorte que si on doit faire payer 0,05 $ par canette, on pourra parler d'un fonds qui se chiffrerait aux alentours de 20 000 000 $ par année d'après nos informations. Si on réussissait à obtenir un pourcentage de récupération de 60%, ce qui serait, je pense, extrêmement intéressant et qui se rapprocherait de ce qui se fait en Ontario ou aux États-Unis, cela veut dire qu'il y aurait des réclamations contre le fonds d'environ 60% de 20 000 000 $, soit 12 000 000 $. Il resterait donc dans le fonds 8 000 000 $ par année non réclamés. Cette somme s'accumulerait d'année en année. Si la quantité de canettes consommées augmente, le fonds sera encore plus important, plus les intérêts qui s'accumuleront. Qu'arrivera-t-il de ce fonds? Est-ce qu'on le sait? Qui gérera le fonds? Est-ce que dans le projet de loi on en parle? On n'en parle absolument pas. On ne dit pas qui va gérer le fonds. On ne dit pas ce qui va arriver avec les fonds excédentaires. Si c'est dans la réglementation, elle n'est pas connue. Si

c'est dans l'entente que le ministre de l'Environnement veut signer avec les requérants, l'entente, M. le Président, l'Opposition n'a pas eu le droit de la voir.

Aucun de mes collègues ne l'a eue. Nous n'en avons pas pris connaissance, on ne nous l'a pas fournie. Comment pouvons-nous juger de la pertinence de la mesure si le gouvernement ne nous informe pas? Qu'on ne soit pas surpris après cela que l'Opposition ait des réticences sur le sujet. On constate dans l'industrie que l'utilisation de la canette diminue. Prenons, par exemple, le cas de la bière. Actuellement, au Québec, une proportion de 4,7% de la bière est vendue en canette, le reste étant vendu en bouteille. La proportion des canettes utilisées, il y a six ans, était de 7,6%, en 1977, il y a sept ans plutôt, et cela a décliné d'année en année régulièrement jusqu'en 1983 où on avait 4,7% seulement de la bière vendue en canette. (20 h 40)

Pourquoi l'usage de la canette diminue-t-il pour celui de la bière? La raison est simple, c'est qu'on doit vendre la canette plus cher que la bouteille, étant donné que la bouteille peut être réutilisée à de nombreuses reprises. On estime que les bouteilles en général sont réutilisées jusqu'à 20 fois en moyenne, que chaque bouteille de bière est utilisée 20 fois, après avoir été évidemment lavée chaque fois. La canette n'est utilisée qu'une seule fois, après quoi elle est détruite ou elle sera recyclée. Sa proportion a diminué, parce qu'on doit la vendre plus cher. Actuellement, on vend 24 canettes de bière 3,65 $ plus cher que 24 bouteilles. C'est la raison pour laquelle, surtout en période de crise, les gens boivent de moins en moins de bière en canette et de plus de plus de bière en bouteille.

Or, si on doit ajouter un montant additionnel à la canette pour la consigne, si l'utilisateur doit débourser 0,05 $ de plus ou un montant de plus, même si c'est moins que 0,05 $, on doit prévoir que le consommateur va se comporter comme un consommateur normal. Il va choisir ce qui lui coûte moins cher. Donc, la glissade de la canette va continuer à se maintenir et va s'accentuer. On risque donc, avec ce projet de loi, de se retrouver avec la situation inverse de celle qu'on recherche, celle où la canette sera de moins en moins utilisée, parce qu'elle coûtera de plus en plus cher. Dans ce sens, le ministre risque de ne pas atteindre les objectifs prévus. On veut faire la promotion de l'aluminium au Québec, mais si la canette est moins utilisée parce qu'elle coûte plus cher, on va atteindre exactement l'objectif opposé. Je pense qu'il y a de sérieuses questions à se poser à ce point de vue.

M. le Président, j'ai parlé tantôt de la réglementation. Or, la réglementation n'est pas connue. Le projet de loi contient un article important sur la réglementation. On demande à l'Opposition encore une fois d'adopter un projet de loi sans connaître l'essence même de ce que sera la réglementation. On voudrait qu'on donne encore au gouvernement un autre chèque en blanc afin de mettre sur pied une réglementation dont le gouvernement a le secret, qui sera probablement tatillonne et qui imposera des contraintes additionnelles à une industrie qui est déjà gavée de réglementations. On n'a qu'à prendre note que cette industrie est déjà surréglementée. J'ai ici des notes en ce sens que l'industrie est déjà affectée par une très grande quantité de lois et de réglementations, et on ajoute encore à cette charge.

M. le Président, en ce qui concerne le recyclage, bien sûr, c'est intéressant de recycler des canettes d'aluminium. Si, par exemple, on réussit, par une méthode quelconque, à faire en sorte que les canettes soient retournées, il semble que, sur le marché, une compagnie comme l'Alcan est intéressée à payer jusqu'à 900 $ la tonne pour des canettes d'aluminium. Cela prend environ 50 000 canettes pour une tonne. Évidemment, une fois que l'Alcan aura une tonne d'aluminium de canettes... On nous dit que cela prend à peu près 5% d'électricité pour refaire des canettes avec du recyclage alors que pour faire des canettes à partir de la bauxite, cela prend 100% d'électricité. Il a donc une économie importante d'électricité en faisant du recyclage. Nous sommes entièrement d'accord avec le principe du recyclage des canettes.

Je reviens à l'entente de tout à l'heure et je ne comprends par la raison pour laquelle le ministre n'a pas rendu publique l'entente ou le projet de l'entente qu'il entend signer avec les requérants, avec les gens de l'industrie. Comment se fait-il que le ministre fait circuler sous la table des ententes ou des projets d'entente alors que l'Opposition n'en a pas encore été mise au courant? Pourquoi le ministre souhaite-t-il la collaboration de l'Opposition s'il la tient dans l'ignorance? Qu'on ne se surprenne pas, M. le Président, que nous soyons réticents.

Nous pensons que ce projet de loi est prématuré. L'industrie n'a pas été consultée. Nous avons discuté avec un grand nombre de gens de l'industrie et ils prétendent qu'on n'a pas suffisamment consulté les intervenants du milieu. Une commission parlementaire avait été réclamée. Le ministre n'a pas voulu convoquer une commission parlementaire pour entendre ce que ces gens avaient à dire.

L'Opposition est pour le développement des produits de l'aluminium et l'Opposition est contre la pollution. Ma collègue la députée de Chomedey en a fait assez état dans ses discours pour qu'on en soit convaincu, mais nous sommes pour des solutions logiques et des solutions cohérentes

et nous nous posons de sérieuses questions sur la façon de procéder qui est envisagée présentement par le ministre. Ce qu'on nous propose, c'est une solution technocratique, une solution de fonctionnaires où on va mettre au travail quelque chose comme une vingtaine de milliers de commerces québécois qu'on ne rémunérerait même pas pour le travail qui devrait être effectué.

Le ministre sait sans doute que d'autres solutions ont été proposées, entre autres la solution qu'on a appelée la solution SACS, suggérée par l'industrie privée. Justement, elle avait le tort d'être proposée non pas par le gouvernement, mais par l'industrie privée. Quand on connaît le préjugé défavorable de ce gouvernement à l'égard de la libre entreprise, on n'est pas surpris que cette solution ait été mise de côté. Or, c'était une solution qui avait de grands avantages, parce qu'elle ne mettait pas l'obligation sur le dos de tous les épiciers qui, de toute façon, ne sont pas intéressés. Elle se basait sur d'autres critères et j'aimerais lire un extrait du Devoir du 24 février 1984 qui traite justement de cette solution. L'article a été signé par M. Gilles Gamache, qui a été conseiller pour la société Alcan dans la préparation du programme de recyclage des déchets triés à la source. Ce document a été rendu public le 20 septembre 1983.

Une voix: Quel journal?

M. Bourbeau: C'est dans le journal Le Devoir. On y lit que, le 13 septembre 1983, des représentants de la Société d'aide à la collecte sélective multiproduits... C'est un projet qui visait à faire la collecte, non seulement des canettes d'aluminium, mais de toute une foule d'autres produits qui sont de nature à causer de la pollution. C'est donc un projet qui allait beaucoup plus loin que la récupération des canettes, mais également du papier, du verre et de toues sortes d'autres objets polluants. Ce projet, d'après l'article ici, a été présenté aux fonctionnaires du ministère de l'Environnement, "un projet de collecte sélective multiproduits, fruit de la concertation d'intervenants très diversifiés qui s'étaient tous mis d'accord sur la nécessité de passer à l'action. Sous le leadership de la compagnie Alcan - qui n'est quand même pas la plus petite compagnie du Québec - le programme SACS regroupait la majorité des intervenants de l'industrie productrice de boissons gazeuses et de bière, de contenants en verre, en métal, en plastique, en carton, etc., et plusieurs groupes communautaires déjà impliqués dans la récupération résidentielle. "La proposition demandait au gouvernement de jouer un rôle au sein du conseil d'administration et de reporter après la tenue du sommet économique la décision d'imposer la consigne sur la canette d'aluminium nouvellement produite au Québec et de plus en plus utilisée par les compagnies de bière et de boissons gazeuses." Un peu plus loin, on disait: "Lors du lancement de la SACS - qui est la Société d'aide à la collecte sélective - à l'hôtel Reine Elizabeth, M. Pierre Laurin invitait le gouvernement à ne pas manquer ce rendez-vous historique où l'industrie privée, les groupes communautaires et plusieurs municipalités avaient exprimé leur intention de s'unir au gouvernement pour mettre en place sur l'ensemble du territoire québécois des entreprises de récupération rentables grâce à la quantité des produits récupérés par une collecte sélective multiproduits. À cause de sa grande valeur de rachat sur le marché du recyclage, la canette d'aluminium non consignée assurerait la rentabilité de l'ensemble de l'opération." (20 h 50)

Ce qu'il y avait d'avantageux dans ce système, c'est qu'à cause de la rentabilité de la canette d'aluminium en termes de recyclage, on pouvait effectuer, sans coût pour la société, le recyclage des autres produits qui ne seront pas recyclés par le projet du gouvernement. "Jamais, continue l'article, nous n'avions rencontré un tel consensus sur la démarche proposée. Le grand public réagissait très positivement après la conférence de presse du 21 septembre. Pourtant, les opposants au tri à la source et à la collecte sélective font encore souvent remarquer que les Québécois sont indisciplinés et que c'est là une raison qui fait que la collecte sélective ne peut s'implanter ici. Pourtant, en Wallonie, la même remarque circulait, mais la différence, c'est que, là, on a expérimenté la collecte sélective et la population répond très bien." C'est extrait du rapport d'une mission en Belgique, en septembre 1982, rédigé par MM. Jean-Louis Chamard et Michel Lesage.

Finalement, dans cet article très bien documenté, on conclut en parlant de la solution de l'avenir: "Cette proposition, sérieusement discutée, amendée et prise en charge par les intervenants sous le leadership du ministère de l'Environnement, pourrait devenir la voie privilégiée pour atteindre efficacement leurs objectifs. Ainsi, le Québec se doterait de la meilleure solution d'avenir comme étape essentielle à une gestion globale des déchets domestiques. "Nos poubelles sont pleines de ressources. En période de crise, donnons-nous la peine de les ramasser. Mis en place, ce projet est susceptible de créer 1400 emplois régionaux et permanents. L'impact de cette solution, dans les trois à cinq prochaines années, donnerait au ministère de l'Environnement le temps, en prolongeant la vie des sites d'enfouissement, d'implanter des usines complémentaires et intégrées soit de

compostage, si souhaitable pour notre agriculture, soit de recouvrement d'énergie; nous en avons un immense besoin (voir les réflexions des gens de la Communauté urbaine de Montréal). "Ces usines pourraient être munies d'un système de tri mécanique moins sophistiqué et moins coûteux (voir l'expérience de l'Essex County of New Jersey). La conjugaison des efforts des citoyens par la participation massive à la collecte sélective et des efforts des autorités municipales, selon les compétences, par l'implantation d'industries de transformation des déchets non recyclables renversera totalement la situation." Et de conclure: "Les coûts d'aujourd'hui seront transformés en profits financiers et nous aurons protégé notre environnement."

C'était une solution intéressante, qui n'était peut-être pas parfaite, je l'avoue, mais qui aurait pu être améliorée avec la collaboration du ministère de l'Environnement. Or, le ministère de l'Environnement, plutôt que de tenter d'améliorer une solution proposée par l'industrie privée et qui aurait eu des effets intéressants puisqu'elle n'aurait pas mis sur pied le fameux système de la consigne, avec les dangers que cela comporte pour l'usage de la canette, comme je le disais tout à l'heure, parce que les utilisateurs les utiliseraient moins à cause des coûts additionnels, ce projet n'aurait pas eu à imposer une surtaxe de 0,05 $ sur les canettes et aurait eu l'avantage de mettre à profit l'industrie privée, l'entreprise privée. Cela n'aurait pas donné lieu à toute cette nouvelle réglementation, ces nouveaux permis que nous impose encore une autre fois le gouvernement.

Malheureusement, comme je l'ai dit tout à l'heure, le désavantage de la solution est qu'elle ne venait pas des fonctionnaires, elle venait de l'industrie privée et de l'Alcan. Cela ne correspondait évidemment pas à la philosophie de ce gouvernement.

Une voix: Gouvernement socialiste!

M. Bourbeau: On se pose de sérieuses questions de ce côté-ci de la Chambre. Le projet de loi que nous avons devant nous va-t-il promouvoir ou plutôt tuer le marché de la canette? Je ne sais pas si le ministre s'est posé la question. Les commerçants vont-ils accepter de devenir des gestionnaires de déchets sans être indemnisés? Qui va contrôler? Est-ce que ce sera le ministère de l'Environnement ou le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme avec les permis qu'il pourra accorder ou non, selon l'article 3 qui vient en conflit avec les notes explicatives, comme je l'ai dit tout à l'heure, notes explicatives qui disent que le ministre doit émettre un permis et projet de loi qui dit que le ministre peut émettre un permis?

Une voix: C'est de la propagande.

M. Bourbeau: On se pose de sérieuses questions également à savoir si l'arbitraire va s'installer. Est-ce que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme va encore émettre les permis selon des normes mieux connues dans le monde du patronage ou selon des normes objectives? Il y a lieu de se poser la question.

Nous pensons que la meilleure façon de procéder serait de convoquer une commission parlementaire, même après la deuxième lecture, si le ministre veut bien le faire, de façon à entendre tous les gens, à entendre l'Alcan, les gens du milieu, les épiciers, pour savoir si vraiment ils sont intéressés à participer au projet. Qu'est-ce que cela vous donnera de mettre un projet sur pied si les épiciers n'y participent pas?

Une voix: Ils sont contre le monde.

M. Bourbeau: Nous aimerions voir étudier davantage le principe de la collecte sélective multiproduits qui permettrait de recycler non seulement la canette d'aluminium, mais également d'autres produits...

Une voix: Oui.

M. Bourbeau: ...tels que les canettes de carton, les canettes d'acier, toutes les autres canettes. Nous aimerions voir le gouvernement porter plus d'attention à ces solutions.

Le système qu'on nous propose est un système technocratique qui ajoute encore de la réglementation. Nous aimerions que le système fasse plutôt confiance à l'entreprise privée. Si le gouvernement décide de convoquer une commission parlementaire et d'entendre les intervenants, les Québécois seront en mesure de porter un jugement sur le projet de loi et sur ce que veut faire le gouvernement. Mais tant que le gouvernement va décider de nous tenir dans l'ignorance, de ne pas nous mettre au courant de la réglementation, de ne pas nous donner copie des ententes qu'il entend signer avec l'industrie, comment pouvons-nous porter un jugement sur un projet de loi qui n'est que confusion en ce qui nous concerne, parce qu'il n'y a rien à comprendre?

Dans les circonstances, nous aimerions entendre le ministre nous dire qu'il va se rendre à cette demande, qu'il va consulter davantage le milieu. Après que le milieu aura été consulté, là seulement pourrons-nous savoir si le projet de l'entreprise privée était préférable au projet technocratique que nous propose le gouvernement. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Environnement.

M. Adrien Ouellette

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Le député de Laporte vient de terminer son allocution sur une grande vérité. Il vient d'admettre candidement qu'il ne comprenait rien. S'il ne l'avait pas fait, je lui aurais posé la question, parce que je dois vous dire qu'on pilote depuis quelques jours deux projets de loi jumeaux. L'un, conduit par le ministre de l'Environnement, porte le numéro 86 et touche en partie au problème de la récupération des canettes d'aluminium et l'autre, dont on parle ce soir, porte le numéro 87 et est piloté par mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Le député de Laporte semble un peu étonné de voir que deux ministères - à vocation parfois contradictoire, dit-il puissent s'entendre sur un sujet donné. Mais au fur et à mesure qu'il expliquait sa compréhension du document ou du projet de loi en question, il me démontrait clairement qu'il n'avait littéralement rien compris. Il n'y a aucun étonnement de ma part, remarquez bien, puisque cela fait deux jours que je suis en présence de l'Opposition sur le projet de loi jumeau, le mien, et que je constate exactement la même chose.

Par exemple, le député de Laporte dit que ce que mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme préconise par ce projet, c'est une espèce de fin de non-recevoir à l'endroit de l'industrie privée, ce qui démontre que le gouvernement actuel est un gouvernement socialiste qui honnit l'industrie privée et qu'il préconise plutôt une solution technocratique. Il n'a rien compris, absolument rien compris, puisque le projet de loi vise exactement à l'instauration d'un système complètement à l'extérieur du gouvernement et entièrement entre les mains de l'entreprise privée. (21 heures)

Je voudrais que vous m'écoutiez parce que je souhaiterais que vous compreniez quelque chose lorsque j'aurai terminé. Je vais vous expliquer cela de long en large. La problématique est fort simple: un nouveau produit fait son apparition sur le marché québécois, c'est la canette d'aluminium. Elle présente, cette canette, des choses très intéressantes, des intérêts économiques. Ah tiens! cela doit être dans les goûts de l'Opposition. Mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a donné, tout à l'heure, un certain nombre d'explications allant dans ce sens. Il a dit, par exemple, que cela avait suscité l'investissement de plus de 50 000 000 $, que cela avait créé quelques centaines d'emplois dans la région de Montréal, que cela allait faire en sorte que nos alumineries allaient pouvoir écouler plus facilement une partie de leur production dans ce secteur. Tout cela, c'est très économique, c'est très industriel et c'est très privé. Exactement le contraire de ce que soutenait, tout à l'heure, le député de Laporte. Mais cela présente aussi certains dangers: dangers économiques et dangers environnementaux. Je pense qu'il était du devoir du ministre de l'Environnement de prévenir les coups et de mettre en place une structure qui sauvegarderait l'environnement tout en permettant à l'aspect économique de se faire valoir.

C'est pourquoi nous avons conçu conjointement ces deux projets de loi. L'un vise à permettre la répétition d'une structure existant depuis plusieurs années au Québec à partir de la consigne qui a favorisé depuis toujours le retour et la réutilisation des contenants de bière et de boissons gazeuses en verre pour atteindre un sommet - qui est sans doute un record mondial au Québec - de 98% de réutilisation. Je ne sais pas si le député de Laporte prétend que le procédé SACS aurait pu atteindre un tel niveau de succès, mais il a lui-même donné des chiffres trop hauts, à mon avis, de 60% et 40%. Donc, il nous reproche de ne pas avoir utilisé le procédé SACS qui aurait eu un taux de rendement se situant entre 40% et 60% alors qu'on met en place un système qui devrait se rapprocher des 98% d'efficacité.

Il reproche à ce système d'être gouvernemental. C'est faux. Il ne sera précisément pas gouvernemental. C'est pourquoi, dans le projet de loi 87, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme s'apprête à délivrer des permis à des organismes qui en font la demande après s'être entendus entre eux et avec le ministère de l'Environnement. C'est exactement la formule qui est utilisée depuis peut-être 50 ans au Québec, formule de la consignation des contenants de bière et de boissons gazeuses en verre. Ce système n'a jamais été pensé par le gouvernement. Il s'est instauré de lui-même lorsque les intervenants dans le secteur ont vu des intérêts économiques dans cette façon de procéder.

Comment est-il né? C'est fort simple. Les embouteilleurs régionaux de boissons gazeuses ont jugé qu'il leur était préférable économiquement de voir revenir la bouteille, de la laver et de la réutiliser, et, - on le disait tout à l'heure - cela fonctionne tellement bien que la même bouteille de boissons gazeuses ou de bière au Québec est réutilisée 20 fois. L'environnement est protégé et l'économie des intervenants aussi.

Pourquoi alors ne pas traiter la canette d'aluminium sur la même base, c'est-à-dire de la consigner pour s'assurer que le consommateur la rapporte à l'épicerie, que de là elle est acheminée vers le recyclage et que, finalement, elle est réutilisée sous forme de contenant neuf créé à partir du

même matériau? C'est ce qu'est le projet de loi 87.

Pourquoi avons-nous choisi cette méthode? Il y a plusieurs raisons. Il y a des raisons écologiques; je viens d'expliquer pourquoi. Imaginez-vous qu'au cours de l'an prochain, il se pourrait qu'on retrouve sur le territoire québécois environ 1 200 000 000 de canettes. Tout à l'heure, il nous parlait de 400 000 000. C'est plus que cela. C'est 1 200 000 000 de canettes. Jamais le ministre de l'Environnement ne se serait permis de laisser flotter cette quantité terrible de canettes sans s'être préalablement assuré qu'elles reviendraient à bon port et qu'elles seraient réutilisées plutôt que de traîner dans le paysage, dans nos lacs, dans nos rivières, en bordure de nos chemins ou même enfouies dans nos lieux d'enfouissement sanitaire. Cela aurait été un gaspillage inqualifiable et l'Opposition nous aurait reproché de ne pas avoir prévu les coups et de ne pas avoir mis en place les structures pour protéger l'environnement. C'est exactement ce que nous faisons en passant par l'entreprise privée.

Le député de Laporte nous dit: Ah! les... Je pense qu'il utilisait le mot "sapré", en tout cas en voulant dénigrer la réglementation, en disant qu'un projet de loi péquiste ne pouvait jamais se passer sans réglementation. Pourtant, depuis trois jours, l'Opposition réclame le dépôt des règlements. Depuis trois jours, je lui dis qu'il n'y aura pas de règlements. Cela la surprend mais elle insiste pour qu'on lui donne des règlements. Où sont les règlements? C'est fort simple. C'est simplement le résultat des ententes qui interviendront entre les différents intervenants, à partir des franchiseurs, des embouteilleurs régionaux et des détaillants. C'est là que va être la réglementation. Elle ne sera pas gouvernementale. C'est le résultat d'ententes entre différents intervenants du secteur privé. Pourquoi s'entêter à demander la réglementation? Il n'y en aura pas. C'est clair. Depuis trois jours qu'on nous demande la réglementation et qu'on répond qu'il n'y en aura pas. Donc, ne l'attendez pas. Il n'y en aura vraiment pas.

Il nous dit aussi que le fait de consigner une canette d'aluminium peut avoir pour effet d'augmenter le coût auprès du consommateur. Il oublie qu'au mois de novembre dernier le ministre des Finances a annoncé que dès qu'un contenant uniservice ferait l'objet d'une consigne, la taxe disparaîtrait, taxe qui était à deux cents et qui allait croître jusqu'à cinq cents. On l'élimine complètement alors que la consigne, elle, a un mérite fondamental, c'est qu'elle est remboursée au consommateur qui se donne la peine de rapporter son contenant après usage. Il n'y a donc pas d'augmentation de coût là-dedans.

La seule augmentation de coût prévisible serait sur le coût d'une canette par rapport au coût d'une bouteille. C'est là la responsabilité non pas des détaillants mais des fournisseurs: Coca-Cola, les différentes compagnies de bière, Seven-Up, etc. Si ces compagnies choisissent la canette d'aluminium, c'est leur décision. Si elle leur coûte plus cher qu'une bouteille de verre retournable, c'est leur décision, et si elles demandent un coût supérieur au consommateur, c'est encore leur décision. Cela n'a rien à voir avec l'État puisque tout le système est un système privé.

Maintenant, pourquoi n'avons-nous pas choisi le procédé SACS dont le député de Laporte s'est fait l'ardent défenseur tout à l'heure? Là encore, c'est fort simple. C'est parce que le procédé SACS disait ceci: En ce qui a trait à la canette d'aluminium, ne la consignez pas. Faites en sorte que les citoyens la jettent à la poubelle et nous, l'Alcan entre autres, allons mettre en place un système de récupération-recyclage dans les 1550 municipalités du Québec et nous vous garantissons que, dans les 50 ou 60 prochaines années - je ne le sais pas, ils n'ont jamais avancé de chiffres - on pourrait récupérer un certain pourcentage de la canette d'aluminium. Jamais, on n'aurait accepté cela à l'Environnement, alors qu'il était si facile de s'assurer que, par une consigne qui a fait ses preuves, il était possible d'aller chercher au moins 90% de récupération au cours des trois prochaines années.

Le député de Laporte nous pose aussi des questions sur le fonds et sur la méthode de gestion. C'est clair et net. C'est clair, on l'a expliqué combien de fois, et à l'Opposition, et dans les journaux, et dans les différents médias. Il s'agit là d'une structure privée qui va regrouper des représentants des franchiseurs, des embouteilleurs régionaux, des brasseurs et aussi des détaillants. À ce comité se trouveront également des représentants du ministère de l'Environnement. Le rôle de ce comité sera de percevoir la consigne, de l'accumuler dans son fonds, de rembourser la consigne lorsque les canettes reviendront et de gérer le résidu, parce qu'on sait très bien qu'en première année, si on atteint un taux de récupération de 50%, sur 1 200 000 000 de canettes, il y aura un résidu de 30 000 000 $. Ce résidu de 30 000 000 $ sera géré par ce groupe d'individus dont je viens de parler et il servira exclusivement à des fins environnementales. Cela signifie que des groupes qui s'intéressent à la protection de l'environnement pourront adresser des demandes à ce groupe responsable du fonds et obtiendront des subventions ou de l'aide pour les aider précisément à aller de l'avant dans leurs projets à caractère environnemental. On pourra profiter aussi de ces sommes d'argent

pour faire de l'éducation populaire, pour multiplier l'information et pour faire avancer la cause de l'environnement.

Donc, j'espère que ces quelques explications permettront non seulement au député de Laporte mais à l'ensemble des gens de l'Opposition de comprendre que le projet de loi 86 est un système gouvernemental et que le projet de loi 87 est un système privé. J'espère qu'ils comprendront que nous favorisons le projet de loi 87 parce qu'il établit précisément un système privé comparable à celui qui existe déjà depuis plusieurs années dans le domaine des contenants de verre pour la bière et les boissons gazeuses et que le projet de loi 86 n'est qu'une marge de sécurité que se donne le ministre de l'Environnement pour s'assurer que dans le cas où des ententes n'interviendraient pas nous puissions pallier les difficultés que créerait la venue de cette canette d'aluminium dans l'environnement québécois. (21 h 10)

J'espère qu'ils ont compris quelque chose. J'espère qu'au lieu de dénigrer ce que fait le gouvernement dans ce dossier, ils essaieront de comprendre notre point de vue, qu'ils essaieront de voir clairement que nos intentions sont à la fois économiques et environnementales et qu'ils verront là la preuve qu'il est possible, dans un même dossier, de défendre ces deux valeurs et de démontrer que l'environnement, contrairement à ce que pensent les libéraux, ce n'est pas uniquement une source de dépenses pour protéger l'environnement, mais que cela peut être également une source de développement économique.

Lorsque les différents intervenants, les franchiseurs, par exemple, les détaillants, les distributeurs régionaux se seront entendus, nous déposerons ces ententes. Ne demandez pas au gouvernement de déposer des documents du secteur privé puisqu'ils ne lui appartiennent pas. Ils prendront un caractère gouvernemental le jour où le ministre de l'Environnement les aura, lui aussi, signés, ce qui permettra à mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme d'émettre les fameux permis. Tant et aussi longtemps que ces ententes ne seront pas terminées entre les intervenants du secteur privé, ce sont des documents qui ne nous appartiennent pas. Aussitôt qu'on les aura vus, qu'on les aura entérinés et qu'on y aura ajouté nos signatures, là, ça deviendra des documents publics et nous nous ferons un plaisir de les déposer publiquement pour que vous puissiez réaliser à quel point vous étiez dans les pommes de terre tout au long des discussions qui auront eu lieu autour des projets de loi 86 et 87. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Groulx.

M. Élie Fallu

M. Fallu: Merci. Vous me permettrez, en commençant, de prendre une liberté d'abord avec la langue française. En entendant tout à l'heure le ministre de l'Environnement, après le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, parler de la loi 86 que nous débattions récemment en cette Chambre et ce soir de la loi 87, l'une portant sur l'écologie et l'autre sur l'économie, vous me permettrez de créer un nouveau mot qui serait "l'éconologie", c'est-à-dire cette jonction entre l'économie et l'écologie: "l'éconologie". Je crois que ce mot, à lui seul, regroupant ces deux fonctions sociales, représente exactement ce que le gouvernement désire faire en cette Chambre. Rappelons-nous que le Club de Rome, en 1970, a sonné une très grave alerte à l'univers entier à propos des richesses renouvelables et non renouvelables de la planète. Ce fut l'alerte à l'eau potable. Ce fut l'alerte à l'énergie, notamment aux énergies non renouvelables. Ce fut l'alerte générale également aux matières premières non réutilisées. Les mentalités se sont ajustées. Les courants d'idées ont fait place à cette société qui dépensait sans limite pour aller vers une société plus économique, plus écologique, plus "éconologique".

Quant à nous, nous avons, il y a à peine quelques semaines, très précisément les 28, 29 février et 1er mars derniers, réuni ce que l'on a appelé un sommet sur la récupération et le recyclage. Il semble que le Parti libéral ignore complètement cet événement qui s'est passé au Québec. Pourtant, ce sommet a été télévisé en direct. De nombreux reportages journalistiques ont été faits. Au lendemain, de nombreux chroniqueurs et éditorialistes en ont parlé. Bref, tout le monde dans le milieu semble le connaître, sauf le Parti libéral dans cette Chambre. Un certain nombre de décisions ont été prises dans notre société à propos de la récupération et du recyclage. J'entendais tout à l'heure le député de Laporte dire qu'il n'y avait pas de consensus dans notre société ou qu'il y avait des consensus à sa façon. Il aurait dû assister à ce sommet ou il pourrait lire les reportages ou les conclusions qui ont été tirées de ce sommet économique sur la récupération et le recyclage. Il aurait appris qu'il y a des consensus dans la société, mais ce ne sont certainement pas ceux qu'il a constatés.

Le premier consensus qui s'est dégagé, c'est que les vidanges, pour les appeler par leur nom, appartenaient aux municipalités, mais qu'en contrepartie, il fallait rapidement arriver à la récupération et au recyclage du papier et du verre, puisque le sommet portait précisément sur ces deux matières, et tout le monde donnait son accord pour la

récupération des canettes d'aluminium.

Or, il est précisément question de ce volet ici ce soir dans le projet de loi 87 préconisant l'obtention d'un permis pour vendre ou livrer de la bière ou des boissons gazeuses en contenants à remplissage unique. C'est l'esprit du projet de loi.

Regardons, M. le Président, ce qui se passe concrètement sur le terrain. Deux choses. La première, c'est qu'il y a deux usines au Québec prêtes à passer à la fabrication de canettes d'aluminium alors qu'on sait que les canettes d'aluminium vendues actuellement au Québec sont importées des États-Unis. Il y a deux usines qui sont prêtes à fonctionner. C'est la Continental, comme on l'appelle dans l'Est de la ville, la Continental Can, et l'American Can, connue sous son nom officiel de CANCO. On voit s'ouvrir un marché, d'une part. Il y a des emplois; il y a du métal à utiliser que nous transformons par le biais de notre électricité. Il y a un recyclage à faire de ce produit qui peut être indéfiniment réutilisé par la refonte, dans un système "éconologique", c'est-à-dire en économisant non seulement la matière première et l'énergie, mais aussi en réutilisant la matière par le recyclage pour permettre à la canette de retourner canette ou moteur d'aluminium, peu importe.

D'autre part, il y a le marché, celui des brasseurs, celui des franchiseurs ou des embouteilleurs franchisés ou des embouteilleurs locaux. Les brasseurs, on les connaît, ce sont les grands de la bière. Les franchiseurs, on les connaît, ce sont les grandes compagnies de boissons gazeuses. Permettez-moi sans faire de publicité d'en nommer quelques-uns, afin qu'on se comprenne bien, que ce soit Coke, Cott, Pepsi, Crush, Kik ou n'importe quel.

Quant aux embouteilleurs, ce sont nos embouteilleurs régionaux qui sont des franchisés de ces franchiseurs. Comment cela se passe-t-il de leur côté? Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1976, 85%... Je le dis autrement, 15% de ces boissons gazeuses étaient en canette ou dans des contenants non recyclables. Maintenant, il n'y en plus que 12%. Il y a une diminution, alors qu'aux États-Unis 75% sont en canette et, en Ontario, chez nos voisins, 50%. On voit un phénomène de société. Dans le secteur de la bière, il y en avait 3% en 1976, il n'y en a plus que 2% maintenant, mais une pression est exercée - je vais la décrire rapidement -pour utiliser des contenants non recyclables. Il y a, disons-le, d'abord la canette d'aluminium qui, du fait qu'elle soit uniquement en aluminium, peut être facilement recyclée, à condition d'être consignée. Il y a la canette d'acier qui n'est pas recyclable, puisque le pourtour est en acier, mais les deux bouchons, les deux bouts, le fond et le dessus sont en aluminium. Un tel mélange de métaux ne peut pas être recyclé. Il a communément ce qu'on appelle le "pet" - l'expression est là, M. le Président, je n'y peux rien - c'est-à-dire cette bouteille non consignable entourée d'un isolant, mais je dis bien non consignable. Elle doit dont prendre le côté de vidanges. Il y a le "plastishield", c'est-à-dire tous ces contenants en plastique moulé, en plastique fait d'intrusion de plastique, qui ne sont pas biodégradables, qui ne sont pas recyclables et qui prennent eux aussi le côté des vidanges, donc de l'enfouissement sanitaire ou encore des incinérateurs. (21 h 20)

On sait que, du côté des franchiseurs, des embouteilleurs et des brasseurs, il y a unanimité, ce que semble ignorer encore une fois l'Opposition. Il y a unanimité parce que c'est à leur demande que ce projet de loi 86 et, ce soir, ce projet de loi 87 sont étudiés. Ils ont des problèmes entre eux, ils veulent régler et ils sont en train de régler. Les projets de loi 86 et 87 ne font que régulariser les consensus qui se sont déjà établis entre eux. C'est le problème de la régularisation du marché. On sait qu'historiquement, ils l'ont fait d'une façon extraordinaire dans le domaine des bouteilles. La preuve est - je l'ai dit tantôt - que les bouteilles de boissons gazeuses sont réutilisées à 87% et les bouteilles de bière, à 98%. Ce n'est pas parce que le gouvernement fait des lois. C'est parce qu'ils se sont entendus. Actuellement, ces industries nous demandent de faire un mouvement dans le même sens pour leur permettre de nouvelles ententes. Voilà donc: d'un côté, il y a les fabricants avec un marché à prendre, à condition qu'il soit "éconologique" et de l'autre, il y a les brasseurs, les franchiseurs et les embouteilleurs qui sont prêts à faire un effort conjoint pour amener également cette société à être plus "éconologique".

Pourquoi, actuellement? Souvenons-nous des discours sur le budget qui ont précédé et de la pression que le gouvernement exerçait pour empêcher la prolifération des canettes. Il avait été dit à l'époque que cette surtaxe disparaîtrait dès que les ententes seraient conclues pour faire en sorte qu'on ne laisse pas dans le paysage du Québec des millions de canettes à la traîne, mais qu'on vive vraiment d'une façon différente ou d'une façon plus moderne. Les ententes sont faites et maintenant, on régularise par des lois. Il faut le permettre. Il faut vraiment les libérer de la taxe et leur permettre de faire vraiment le recyclage, en l'occurrence, car il y a un marché qui peut être considérable et ce sont les lois du marché pour le reste qui diront si la canette fera ou non fortune. Si la canette est plus chère, les boissons gazeuses en bouteille se vendront davantage et si c'est l'inverse, les lois du marché agiront, mais néanmoins, un objectif précis,

un objectif d'une société moderne sera respecté; il y aura dans les deux cas, dans l'un, récupération et dans l'autre recyclage, c'est-à-dire cette société - vous me permettrez de répéter l'expression ou mon néologisme de tout à l'heure - "éconolo-gique".

On nous demande de déposer des règlements. Bon! D'abord, j'en ai marre d'entendre l'Opposition faire de telles demandes puisque jamais, lorsqu'ils ont été au pouvoir, ils n'ont déposé une seule fois des règlements au moment de débats de deuxième lecture ou encore au moment de l'étude en détail en commission parlementaire, jamais, alors que comme gouvernement, nous avons toujours énoncé les principes généraux à l'appui des règlements, voire même déposé les projets de règlement quand ils avaient à exister, mais comme on leur a dit tantôt, de règlements, "niet" pour le projet de loi 86 et ici, de simples règlements de balisage pour l'émission de permis, c'est-à-dire des choses qu'on transporte d'une loi à l'autre ou d'un règlement à l'autre. Qu'ils ne viennent pas nous chanter des chansons ici ce soir.

Pour le reste, c'est inquiétant comme société d'entendre les libéraux parce que c'est la contradiction la plus parfaite dans ce parti. D'une part, on entend la députée de Chomedey nous parler d'un projet de société, d'un projet de qualité de vie dans lequel il faudrait inclure l'ensemble des ministères, mais dès que nous parlons de faire la moindre chose qui va dans le sens d'une société écologique, ils s'insurgent. Mais ce n'est pas madame. Ah non! C'est quelqu'un d'autre. C'est leur cohérence. L'un dit blanc et l'autre dit noir. C'est quelqu'un qui vient nous dire: Attention, vous risquez de faire des choses. On ne sait trop quoi, d'ailleurs. Parce qu'il faudrait parler d'économie, justement, nous parlons d'économie et ils nous parlent d'environnement. J'aimerais qu'ils se branchent, un de ces jours.

Aujourd'hui même, en commission, nous avons débattu et finalement accepté un projet de loi contre lequel ces députés ont voté; ils s'apprêtent, encore ici ce soir, nous annoncent-ils, à voter contre le projet de loi 87. J'aimerais qu'une fois pour toutes ils finissent par établir une certaine cohérence entre deux discours. Quant à nous - et je répète mon expression pour la dernière fois en m'assoyant - par la loi 86, cet après-midi, en commission parlementaire, et par la loi 87, ce soir, à l'Assemblée nationale, nous bâtissons vraiment cette société "éconologique". Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay, votre droit de réplique, je crois?

M. Dussault: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Vous m'aviserez de ce que vous ferez, d'une façon ou d'une autre.

M. Roland Dussault (réplique)

M. Dussault: Je vais exercer mon droit de parole, mais cela constituera aussi le droit de réplique.

C'est avec un grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui sur le projet de loi 87, Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses, un projet de loi de portée économique. Depuis que je suis député et que je représente la circonscription électorale de Châteauguay à l'Assemblée nationale, il m'est arrivé souvent de prendre la parole en cette Assemblée. Il m'est arrivé cependant rarement de prendre la parole dans des conditions aussi intéressantes. Je ne fais pas allusion à la présence de nos collègues d'en face; on s'est évertué, depuis quelques minutes, à essayer de leur faire comprendre le vrai sens du projet de loi, ils n'ont pas écouté et ils sont maintenant partis.

Comme député, évidemment, certaines choses me tiennent à coeur, certaines plus que d'autres. Parfois, l'intérêt est plus grand parce qu'il est possible de concilier des choses qui, au premier abord, paraissent inconciliables. Beaucoup de gens disent qu'il est difficile, sinon impossible de concilier les préoccupations économiques et les préoccupations environnementales. Par exemple, aujourd'hui, nous avons affaire à un projet de loi qui concilie des préoccupations de type environnemental avec d'autres préoccupations de type économique. C'est vrai qu'il n'est pas facile de concilier des préoccupations environnementales avec des préoccupations économiques, mais qui veut faire l'effort de chercher peut arriver à des résultats en ce sens.

En fait, que vise ce projet de loi 87? Comme le disent les notes explicatives du projet de loi, il vise à introduire un régime de permis applicable à la mise en marché de la bière et des boissons gazeuses distribuées en contenants à remplissage unique. C'est une préoccupation économique. Ensuite, les notes explicatives disent que le permis est délivré par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à tout requérant qui a conclu une entente avec le ministre de l'Environnement concernant la consignation, la récupération et le recyclage de ces contenants. La base même de ce propos est effectivement environnementale.

Pour que ces deux objectifs se retrouvent dans le projet de loi 87, il a fallu beaucoup de travail, beaucoup de concertation, beaucoup de volonté de s'entendre de la part de tous les intervenants

de l'industrie de l'embouteillage. Il en fut de même pour les autorités gouvernementales dans les différents ministères concernés, c'est-à-dire au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et au ministère de l'Environnement.

Pour que les objectifs puissent être atteints du côté de l'environnement, il a d'abord fallu faire des changements à la loi sur l'environnement et c'est le but du projet de loi 86, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, dont l'un des objets est la reconnaissance par le gouvernement d'un organisme qui aura pour fonction, d'une part, d'administrer des consignes perçues en vertu d'un règlement ou d'une entente - ce dont on a parlé tout à l'heure et ce que les gens d'en face ont de la difficulté à comprendre -et, d'autre part, de promouvoir, notamment à l'aide des revenus et des surplus provenant de l'administration de ces consignes, la conservation des ressources. On a donc des préoccupations complémentaires et nous avons là une politique vraiment complète. (21 h 30)

Cette voie à préoccupation environnementale étant ouverte, il devenait possible d'envisager la mise sur pied d'un régime de permis applicable à la mise en marché de la bière et des boissons gazeuses distribuées en contenants à remplissage unique. Le débat est déjà commencé à l'Assemblée nationale relativement à ce préalable environnemental. Un des grands avantages d'une entente de principe entre les différents intervenants concernés, c'est qu'il sera possible maintenant de mettre à profit pour le Québec le développement fort prometteur au Québec du secteur de l'aluminium. Évidemment, nos amis d'en face ont bien pris garde de parler de cette question puisque, autant que possible, il faudrait ramener cette question qu'on discute aujourd'hui à des proportions très peu considérables, en faire des questions de peu de perspective, alors que, pour nous, le développement du secteur de l'aluminium au Québec, c'est important.

L'avenir de l'aluminium, comme celui d'autres secteurs, est prometteur au Québec. Le gouvernement a raison de tabler sur le développement de celui-ci. L'une des fonctions importantes d'un gouvernement est de planifier, de faire en sorte que soient utilisées harmonieusement les ressources que nous avons, de faire en sorte que ces ressources soient mises à la disposition des secteurs qui peuvent être développés de façon pertinente. L'aluminium est un secteur où le présent gouvernement est en train de démontrer que des résultats extraordinaires peuvent être atteints en utilisant la ressource hydroélectrique comme levier important de développement de certains secteurs, en l'occurrence celui de l'aluminium.

Non seulement le gouvernement aura-t-il mis à des coûts moins considérables la ressource hydroélectrique au service d'entreprises productrices d'aluminium, mais il aura en plus fait en sorte qu'une partie de la production d'aluminium s'écoule sur le marché québécois. Si nous avions affaire à un gouvernement à courte vue, peut-être que nous ferions ce que nous recommande le chef du Parti libéral, M. Bourassa, qui se cache, qui n'a pas le courage de se présenter à l'Assemblée nationale, et, à ce moment-là, nous irions vendre nos surplus d'électricité à n'importe quel prix aux États-Unis. Nous avons fait le choix d'abord et avant tout d'utiliser nos surplus d'électricité pour le développement du Québec, pour permettre aux Québécois de travailler grâce à leurs ressources et non pas de faire travailler les autres à l'extérieur du Québec avec nos ressources, ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas intéressant de vendre nos surplus d'électricité, mais il est surtout intéressant de les vendre à un prix qui soit avantageux pour le Québec. Cela veut donc dire qu'il ne faut pas s'effaroucher, qu'il ne faut pas se mettre à courir. Il s'agit de faire les choses au rythme convenable pour que notre électricité se vende à un prix qui soit convenable pour les Québécois.

La politique d'intervention que l'on retrouve dans le projet de loi 87 et qui a été demandée par les intervenants de l'industrie aura cet effet certain - et on ne peut que s'en réjouir - de permettre le développement de l'aluminium au Québec. Pour bien se comprendre, il faut d'abord dire qu'il y a présentement au Québec un usage répandu de la canette de métal, canette qui se prête présentement à la récupération, mais qui ne se prête pas au recyclage. Il est bien important de saisir cette différence. En effet, ces canettes sont partiellement faites d'aluminium. Depuis quelques années seulement, il existe au Québec un système de récupération de ces canettes avec consigne qui permet à ceux qui les retournent de récupérer un certain montant d'argent. Le volet manquant de cette politique déjà fort intéressante est celui du recyclage, et c'est ce que nous visons maintenant. Si les canettes étaient entièrement fabriquées d'aluminium, ce volet pourrait enfin être exploité avec profit.

À la suite des longs mais fructueux échanges entre le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et l'ensemble de l'industrie de l'embouteillage, il est maintenant possible d'assurer ce volet du recyclage. Puisque 80% de l'industrie de l'embouteillage s'est montrée fort sympathique à la mise en marché de la bière et des boissons gazeuses distribuées en contenants à remplissage unique, il faut maintenant faire en sorte que les 20% qui ne

se sont pas mis d'accord avec les autres se rallient. C'est l'industrie concernée qui a demandé que le gouvernement fasse en sorte que ce régime soit possible et applicable à l'ensemble de l'industrie. Que 80% des gens concernés dans cette industrie de l'embouteillage en soient venus à demander au gouvernement de mettre en place un régime qui deviendrait la règle générale dans l'industrie démontre bien qu'une grande évolution s'est faite au Québec à ce sujet.

Puisque c'est en se comparant qu'on réalise le mieux notre degré d'avancement, il sera peut-être utile de rappeler que notre province voisine, l'Ontario, est loin d'être arrivée au point où le Québec est rendu maintenant. En Ontario, on discute de cette question depuis plusieurs années, mais, au moment où on se parle, il n'y a pas encore de solution d'arrêtée. Au Québec, non seulement la solution a été identifiée, mais encore les compagnies fabriquant des canettes ont commencé à investir d'une façon fort significative dans l'équipement nécessaire à la production de canettes d'aluminium. Au printemps 1983, la compagnie Continental était la première à annoncer un investissement de plus de 20 000 000 $. La compagnie American Can n'a pas tardé à suivre la même voie avec un investissement de 22 000 000 $. Le ministre disait tout à l'heure qu'une troisième compagnie s'apprête à investir de façon substantielle dans la même voie.

Bien sûr, la solution identifiée n'est pas l'idéal sur le plan de la fonctionnalité de la récupération. Cette solution idéale ne serait possible, de toute façon, que dans cinq et peut-être même dix ans. Il s'agirait de la cueillette sélective. Cette solution fonctionnelle idéale de récupérer les canettes d'aluminium sans devoir passer par un système de consigne, c'est une solution intéressante, mais la preuve est faite qu'on n'est pas prêt pour une telle solution. Cela impliquerait qu'au moment où le consommateur se débarrasse de ses déchets, il mette à part ses canettes d'aluminium et tous autres contenants d'aluminium utilisés sur le marché. Cette solution exigerait une articulation sur le plan de la cueillette des déchets pour laquelle le monde municipal et les éboueurs ne sont pas prêts présentement. Mais, sur le plan environnemental, la solution que nous préconisons est la meilleure. C'est celle qui a fait ses preuves. Pour plusieurs années, c'est celle qui va assurer le maximum de retour des canettes, donc celle qui va donner le maximum de sens à la récupération.

Le système actuel de consigne et de récupération voit apparaître ses limites; on en est conscient. Quand ce système a été instauré, le nombre de contenants retournables n'était pas aussi considérable qu'il l'est devenu aujourd'hui, et les coûts de manutention pour cette activité ont maintenant atteint des proportions importantes. Il en coûte maintenant de 0,06 $ à 0,08 $ par bouteille pour la récupération et la manutention.

Il est évident qu'il faudra trouver une solution plus complète aux problèmes que pose l'obligation de la manutention et de la récupération. C'est dans l'esprit de l'entente intervenue entre les différentes parties impliquées, les représentants de l'industrie de l'embouteillage et les deux ministères du gouvernement, que les trois prochaines années soient utilisées à rechercher une solution plus satisfaisante. Mais, pour le moment, il y a tout lieu d'être fier du résultat des pourparlers entre les différentes parties concernées, le gouvernement et les représentants de l'industrie.

Il est maintenant acquis que tous les contenants à remplissage unique seront consignés, qu'ils devront être recyclables, qu'un système de cueillette des contenants utilisés sera prévu, que la publicité ou la promotion des contenants à remplissage unique ne se fera pas à la télévision, qu'un quota de production devra être accepté et, finalement, qu'un seul organisme administrera toutes les consignes. Sur le dernier point, les intervenants sont particulièrement formels. Comme le disait le ministre tout à l'heure, les quatre cinquièmes de l'industrie des boissons gazeuses sont prêts à signer de telles ententes portant sur ces principes fondamentaux.

Les franchiseurs de marque nationale comme Coca-Cola - on me permettra d'en nommer - Pepsi-Cola et Seven-Up ont donné leur consentement. C'est une très grande partie de l'industrie qui est concernée. Il y a tout lieu de croire que les franchiseurs de marque nationale moins importants quant à leur part de marché se rallieront à cette position.

Au-delà de ces objets qui ont fait consensus, il est important d'ajouter que la collaboration entre les intervenants a permis de faire en sorte que les emplois existants en région dans le secteur de l'embouteillage soient au maximum protégés. C'était un des aspects qui rendaient difficile de concilier la préoccupation non seulement économique, mais socio-économique, et la préoccupation environnementale.

Grâce à ces ententes prévues entre le ministère de l'Environnement et ces grands franchiseurs, le Québec fera un grand pas dans la direction d'un effort concerté pour débarrasser l'environnement des fruits non souhaités du développement moderne. Le présent gouvernement du Québec a souvent répété qu'il est possible de tirer d'énormes avantages d'une concertation entre les différents intervenants dans un secteur donné. La preuve est en train de se faire encore que cet objectif gouvernemental

s'appuie sur un sain réalisme dans ce secteur comme dans tous les autres secteurs où il y a eu travail de concertation. (21 h 40)

Tout à l'heure, le député de Laporte a parlé de réglementation. Il est maintenant devenu automatique chez nos amis d'en face qu'à chaque projet de loi on parle de réglementation en disant qu'il y a encore de la réglementation, il ne devrait pas y avoir de réglementation, la réglementation est de trop. M. le Président, c'est un automatisme qui n'a aucun bon sens. Parfois la réglementation s'impose, parfois on n'en a pas besoin. Dans ce cas-ci, nous sommes sûrs que la réglementation sera pertinente puisque cette réglementation sera le fruit d'un travail avec nos partenaires. Cela sera le reflet de ce que veut l'industrie à ce sujet. Or, je ne vois vraiment pas en quoi, lors de ce projet de loi, on vienne nous dire encore: Encore de la réglementation. Je ne suis pas inquiet. Nous allons vraiment avoir une réglementation qui soit très pertinente.

Pour conclure, le projet de loi 87, Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses, complément parfait du projet de loi 86, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et, particulièrement, son aspect concernant la reconnaissance par le gouvernement d'un organisme qui aura pour fonction d'administrer les consignes, ne nous offre, à toutes fins utiles, que des raisons de nous réjouir. Il est l'occasion de constater qu'avec de la bonne volonté tout est possible.

Ces deux projets de loi, plus particulièrement les aspects concernant la récupération, la consigne et le recyclage, sont le gage d'un avenir prometteur pour tous les dossiers qui exigent que le joint se fasse entre les personnes qui se préoccupent de la protection de l'environnement et toutes celles qui se préoccupent du développement économique dont nous sommes. Parce que le projet de loi 87 ouvre la porte à une entente souhaitée par la très grande majorité des parties concernées, je demande à mes collègues de l'Assemblée nationale de voter pour le principe de ce projet de loi 87. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le droit de parole de l'adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme constituant la réplique, l'adoption du principe de ce projet de loi est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté, sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Blouin: M. le Président, je propose donc que nous envoyions ce projet de loi à la commission de l'aménagement et des équipements qui sera, dans les circonstances, présidée par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette double motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Blouin: M. le Président, vu que 22 heures approchent, je propose donc que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Avant que nous n'ajournions, est-ce que leader adjoint du gouvernement pourrait nous confirmer que demain nous étudierons les projets de loi 75, Loi sur les assurances et d'autres dispositions législatives; ensuite, le projet de loi 83, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. Cela étant que...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Très probablement, M. le Président. Également, aurons-nous l'occasion, le temps, je crois bien, d'aborder le projet de loi 80, Loi sur l'Ordre national du Québec.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Oui. M. le Président, en supposant qu'on disposerait de ces trois projets de loi, on sait que concernant le projet de loi 80, les indications étaient que ce serait étudié vendredi. Est-ce que cela voudrait dire, vu le début du congrès du Parti québécois cette journée-là, que l'Assemblée ne siégerait pas? Quelles sont les indications que le gouvernement peut nous donner quant à la journée de vendredi pour le moment?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Comme convenu, nous allons effectivement siéger vendredi jusqu'à 13 heures. Nous pourrons communiquer le menu législatif dès demain au leader de l'Opposition.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Dois-je comprendre, M. le Président, qu'effectivement, vendredi, l'Assemblée s'ajournera au plus tard à 13 heures?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: J'espère que je n'erre pas mais je pense que oui.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, votre motion, M. le leader.

M. Blouin: Sur ce, M. le Président, je propose à nouveau que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos travaux sont ajournés à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 45)

Document(s) associé(s) à la séance