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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 13 juin 1984 - Vol. 27 N° 106

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles. À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement. On me dit qu'il y a des projets ds loi à présenter.

M. Bédard: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article b) du feuilleton.

Projet de loi 88 Présentation

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche présente le projet de loi 88, Loi sur la Société des établissements de plein air du Québec. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, ce projet de loi a pour objet de constituer la Société des établissements de plein air du Québec. La société aura pour objets de participer, en collaboration avec divers organismes, sociétés ou entreprises, ou d'intervenir elle-même dans l'exploitation et le développement d'équipements, d'immeubles ou de territoires à vocation récréative ou touristique. La société pourra aussi se substituer au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ou à tout autre ministère ou organisme pour l'exploitation et le développement de certains équipements, immeubles ou territoires désignés par le gouvernement et, à ce titre, elle en assumera les pouvoirs et obligations, et en acquerra les droits.

Le projet de loi prévoit que la société sera dotée d'un fonds social de 75 000 000 $. Les actions de la société feront partie du domaine public et seront attribuées au ministre des Finances.

Le projet de loi prévoit le transfert en faveur de la société, moyennant considération et autres conditions déterminées par le gouvernement, de certains biens, meubles et immeubles, faisant partie du domaine public à vocation récréative ou touristique.

Par ailleurs, la société ne pourra, sans l'obligation du gouvernement, contracter un emprunt qui porterait au-delà du montant déterminé par le gouvernement le total de ses emprunts en cours non encore remboursés, conclure un contrat pour une durée ou pour un montant supérieur à ceux déterminés par le gouvernement, acquérir ou détenir des actions d'une corporation dans une proportion qui ferait de celle-ci une filiale de la société et céder à bail ou autrement disposer d'un immeuble autrement que par soumissions publiques ou vente à l'enchère.

Le projet de loi accorde au ministre responsable de l'application de la loi le pouvoir de donner à la société des directives portant sur ses objectifs et son orientation. Ces directives devront être soumises au gouvernement pour approbation et, si elles sont ainsi approuvées, elles lieront la société.

Toute directive devra être déposée à l'Assemblée nationale. Le projet de loi contient en outre des dispositions relatives à la protection des droits des fonctionnaires permanents qui accepteront de devenir des employés de la société. Ces employés pourront se présenter comme candidats à la mutation pour un emploi dans la fonction publique et participer aux concours de promotion conformément aux dispositions de la Loi sur la fonction publique. Ils continueront de plus de bénéficier des droits du régime de retraite qui leur est applicable, ce qui, de facto, amende la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.

Le Président: Cette Assemblée accepte-t-elle de se saisir du projet de loi 88? Il en est donc ainsi décidé. M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article d) du feuilleton.

Projet de loi 193 Présentation

Le Président: M. le député de Vimont présente le projet de loi 193, Loi modifiant la charte de la ville de Québec.

M. le député de Vimont.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: M. le Président, il me fait plaisir de présenter le projet de loi 193, Loi modifiant la charte de la ville de Laval.

Le Président: Une déformation, M. le député, je m'excuse d'avoir dit Québec, c'est la ville de Laval.

M. Rodrigue: M. le Président, depuis quelques années, la ville de Laval est la deuxième ville en importance en termes de population au Québec et c'est sans doute une certaine nostalgie qui vous a fait dire le nom de ville de Québec. Notre collègue le leader adjoint étant un digne représentant de la ville de Québec, je vais m'arrêter là dans ces propos de diversion pour vous indiquer que le projet de loi 193 reprend des articles du projet de loi 207, qui avait été présenté en cette Chambre plus tôt cette année et qui porte sur les amendements apportés à la charte de la ville de Laval. Il reprend les articles 2 à 8 inclusivement. C'est à la suite d'une entente avec les représentants de l'Opposition à la commission que nous avons choisi cette forme pour réintroduire ces articles.

Le Président: Sauf pour la première partie, la deuxième partie est constituée des notes explicatives. Je les cherche en vain dans le projet de loi et il y aurait peut-être lieu de les imprimer éventuellement. Je suis très heureux que la ville de Laval soit devenue la deuxième ville en importance au Québec, mais la ville de Québec continue à en être la capitale.

Au dépôt de documents, M. le ministre des Finances.

Crédits supplémentaires pour l'année financière 1984-1985

M. Parizeau: M. le Président, un message de son honneur le lieutenant-gouverneur, signé de sa main.

Le Président: Veuillez vous lever. "L'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec transmet à l'Assemblée nationale les crédits supplémentaires pour l'année financière se terminant le 31 mars 1985, conformément aux dispositions de l'article 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique 1867, et recommande ces crédits à la considération de l'Assemblée." Signé par le lieutenant-gouverneur, M. Lamontagne.

Renvoi à la commission plénière

M. le leader du gouvernement, il faudrait déférer ces crédits à la commission plénière de l'Assemblée nationale.

M. Bédard: C'est exact, M. le Président. J'en fais la motion.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Toujours au dépôt de documents, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Rapport annuel de la Commission de la fonction publique

Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel de la Commission de la fonction publique pour l'année 1983-1984.

Le Président: Rapport déposé. M. le leader du gouvernement.

Rapport du Comité d'implantation du plan d'action

à l'intention des communautés culturelles

M. Bédard: M. le Président, je veux déposer le rapport d'activités pour la période du 1er novembre 1982 au 29 février 1984 du Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles, tout cela au nom du ministre de l'Immigration.

Le Président: Rapport déposé.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Au dépôt de pétitions, M. le député de Laurier.

Arrêter la discrimination envers les jeunes assistés sociaux

M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 15 829 pétitionnaires recueillie par la Communauté pour le développement humain, invoquant les faits suivants: Considérant que le programme d'aide sociale alloue 152 $ par mois aux moins de 30 ans et 418 $ aux plus de 30 ans; considérant que les jeunes Québécois de moins de 30 ans sont des citoyens à part entière; considérant qu'il est impossible dans le contexte actuel de vivre avec 152 $ par mois et concluant à ce que la différence des prestations d'aide sociale perçues par les jeunes de moins de 30 ans est un acte de violence systématique basé sur la discrimination selon l'âge, et demandant à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement pour l'arrêt immédiat de cette discrimination et de procéder à la création d'emplois permanents. Merci beaucoup.

Le Président: Pétition déposée. M. le député de Brome-Missisquoi.

Enquête sur des injustices vécues avant 1960

M. Paradis: M. le Président, suivant les dispositions de l'article 64 des règles de procédure, j'ai l'honneur de déposer l'extrait

d'une pétition adressée par 67 pétitionnaires, orphelins, non adoptés, invoquant les injustices qu'ils ont vécues avant 1960 et concluant que l'Assemblée nationale institue une commission d'enquête.

Le Président: Pétition déposée. Toujours M. le député de Brome-Missisquoi.

Augmenter le nombre de médecins au CH de Rouyn-Noranda

M. Paradis: M. le Président, toujours en vertu de l'article 64, j'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 5000 pétitionnaires, population de Rouyn-Noranda et des environs, invoquant le manque de soins et de services hospitaliers au centre hospitalier de Rouyn-Noranda et concluant à ce que le nombre de médecins attitrés à l'urgence soit augmenté à trois le jour et concluant également à la réouverture du cinquième étage de l'hôpital ainsi qu'à l'affectation du personnel nécessaire pour les soins s'y rapportant.

Le Président: Pétition déposée. Ce qui nous mène à la période de questions des députés. M. le député de Brome-Missisquoi.

Questions et réponses orales

L'administration de l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins

M. Paradis: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Au mois d'octobre dernier, le député d'Anjou, ex-ministre des Affaires sociales s'est engagé formellement à ne plus imposer de nouvelles compressions budgétaires dans le réseau hospitalier parce que ces compressions compromettraient la qualité du système de santé au Québec. Votre gouvernement a quand même imposé de nouvelles compressions budgétaires aux hôpitaux dont une d'environ 800 000 $ à l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins, ce qui obligerait le conseil d'administration de cet hôpital à fermer l'unité de soins prolongés soit environ 29 lits. Il y a trois semaines, le premier ministre a pris avis en cette Chambre d'une question à ce sujet. La semaine dernière, le premier ministre a déclaré à une journaliste de "La Voix de l'Est" que: "l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins est très mal administré -je cite toujours le premier ministre - et que c'est la piètre qualité de son administration qui a précipité l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins dans le gouffre." Comment le premier ministre du Québec peut-il lancer des accusations aussi sévères à l'endroit du conseil d'administration de l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins alors qu'en 1981-1982, le CRSSS de la région ainsi que le ministère des Affaires sociales demandaient au ministère d'augmenter les frais de fonctionnement de l'hôpital d'environ 200 000 $ et que le gouvernement n'ait jamais donné suite à ce rapport. Présentement, le gouvernement ainsi que le CRSSS en sont à préparer un rapport sur la gestion de cet hôpital et le rapport n'est pas complété jusqu'à ce jour. Comment, dans de telles circonstances, le premier ministre peut-il lancer des accusations aussi graves à l'endroit du conseil d'administration de l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, avant de demander à mon collègue le ministre des Affaires sociales de répondre plus spécifiquement sur le cas de l'hôpital de Brome-Missisquoi, je ferai remarquer au député qu'une partie de son préambule ne correspond en rien à ce que j'ai dit. J'ai laissé entendre qu'il y avait des hôpitaux -cela pouvait être le cas de l'hôpital Brome-Missisquoi - où la gestion pouvait être en défaut. Après tout, les hôpitaux sont autonomes, ils ont des conseils d'administration et la gestion est forcément inégale. Je me suis posé la question à savoir si ce n'était pas le cas de Brome-Missisquoi, mais je n'ai pas dit de façon précise - je n'ai pas eu le temps de lire et on ne me l'a pas fait parvenir l'interview à "La Voix de l'Est" - et je vais vérifier. Comme d'habitude, je vais probablement découvrir que le député charrie un peu et qu'il en ajoute. Cela étant dit, en ce qui concerne le cas de cet hôpital puisque - c'est normal - il préoccupe le député, je demanderais au ministre des Affaires sociales, si vous le permettez, M. le Président, de donner les réponses qui lui paraissent les plus indiquées.

Le Président: Brièvement, M. le ministre des Affaires sociales.

M. Laurin: M. le Président, l'établissement prétend qu'il a été lésé dans l'attribution des budgets durant les dernières années, mais les analyses nous démontrent que l'hôpital a terminé son budget d'une façon déficitaire durant les quatre dernières années. Nous savons qu'une partie importante de ces déficits est due à la buanderie, qui a une capacité excédentaire. Il est possible qu'une partie de ce problème soit réglée prochainement, car cette activité pourrait être rentabilisée si l'hôpital obtenait le contrat de buanderie du Centre hospitalier de Granby.

Quant à l'analyse des quatre années, il est évident, d'après les chiffres que nous avons, qu'il y a eu déficit durant les quatre années qui viennent de se terminer. On ne peut donc pas dire que l'hôpital a été pénalisé plus qu'un autre. Les contraintes

additionnelles qu'on lui a imposées résultent précisément de sa non-performance et de son incapacité à atteindre l'équilibre budgétaire.

D'après les contacts que nous avons eus avec cet hôpital, il apparaît que l'administration n'a jamais pris au sérieux les demandes formulées par le ministère depuis quatre ans afin de présenter un budget équilibré. Par exemple, malgré les déficits répétés des dernières années, de 1981-1982 à 1983-1984, il n'y a pas eu de réduction significative dans le nombre des heures rémunérées. On peut donc conclure que l'administration est réticente à apporter des correctifs dans les secteurs où ils sont considérés comme non performants, préférant persister à affirmer qu'il est sous-budgétisé.

Donc, à première vue et tant et aussi longtemps que l'établissement ne démontrera pas un effort sérieux en vue de s'astreindre à respecter le budget alloué, il nous sera difficile de prendre au sérieux et en considération leurs revendications. (10 h 20)

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Le conseil d'administration a fonctionné avec un budget annuel inférieur de quelque 20 000 $ par lit à celui de l'hôpital de Granby, qui est le plus près. C'est dans ce contexte que les administrateurs travaillent.

Je reviens au premier ministre. Comment, M. le premier ministre, pouvez-vous déclarer, sous la plume de Jacqueline de Bruycker, journaliste à "La Voix de l'Est": "L'hôpital BMP est très mal administré et c'est la piètre qualité de son administration qui a précipité l'hôpital BMP dans le gouffre." Comment pouvez-vous accuser les administrateurs, qui sont des gens compétents, qu'il s'agisse de courtiers, d'hommes d'affaires, de notaires, de comptables, de travailleurs et même de personnes qui ont des réputations sur le plan local, sur le plan du comté, sur le plan de la région et même sur le plan provincial, comment pouvez-vous accuser ces personnes d'être de mauvais administrateurs? Comment pouvez-vous accuser la femme de l'ex-premier ministre de la province de Québec, Jean-Jacques Bertrand, comment pouvez-vous accuser la mère de votre ministre des Communications d'être...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ignorais totalement que je pouvais toucher -si peu que ce soit - un tel aréopage régional. Il demeure quand même qu'un conseil d'administration, ce n'est pas nécessairement toujours en groupe... Personne par personne, ce sont tous des gens extrêmement respectables, je suis d'accord avec le député. Mais en groupe, cela ne donne pas nécessairement toujours la meilleure des performances. Le cas de Brome-Missisquoi est un cas absolument typique à ce point de vue-là.

Maintenant, pour ce qui est de la comparaison que fait le député dans sa question, parce que la question était entre Granby et Brome-Missisquoi, je pense que c'est au ministre des Affaires sociales qu'il revient de répondre.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Laurin: M. le Président, la base de comparaison est très fragile, si on compare la performance d'un hôpital à un autre qui est voisin, c'est presque faire tenir le monde sur la pointe d'une pyramide. Heureusement, nous avons des indices de performance plus sérieux et ces indices sont établis d'après une comparaison de la performance de tous les hôpitaux du Québec, indice par indice. Il y en a des centaines auxquels nous pouvons nous référer. Donc, je ne peux pas considérer comme sérieuse la base de comparaison, même si le député veut la prétendre scientifique, pour aboutir à des conclusions.

Les chiffres que j'ai cités tout à l'heure et sur lesquels je pourrais m'allonger, M. le Président, si vous me le permettiez, démontrent, bien au contraire que, sur la base de tous les indices dont il faut tenir compte, le budget de l'hôpital Perkins est véritablement déficitaire et qu'il pourrait être redressé, qu'il pourrait être corrigé en utilisant toutes les techniques, les méthodes que leurs confrères des autres hôpitaux ont pu utiliser au cours des quatre dernières années.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, après avoir pris...

M. Bertrand: M. le Président, en complément de réponse.

Le Président: M. le ministre des Communications, les compléments de réponse viennent normalement des ministres dans le domaine de leurs activités. À moins que le ministère des Communications soit impliqué dans l'administration de l'hôpital...

M. Bédard: M. le Président, question de règlement. Je pense bien que tout le monde a été à même de constater que, dans la question du député de Brome-Missisquoi, une personne très proche du leader adjoint a été mentionnée. Je pense qu'il serait normal que le leader adjoint puisse ajouter quelques mots à moins que l'Opposition ait peur de ce qu'il

a à dire.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

M. Gratton: Non.

Le Président: II n'y a pas consentement. À l'ordrel II n'y a pas consentement. M. le député de Brome-Missisquoi.

Une voix: Article 75.

Le Président: II n'y a pas consentement, M. le leader adjoint.

M. Bertrand: II n'y a pas consentement? Petite politique.

M. Bédard: L'Opposition n'accepte pas, ne... M. le Président, on a encore le droit de parler dans cette Chambre, pas seulement l'Opposition. Est-ce que je dois comprendre qu'après avoir mentionné la mère du leader adjoint du gouvernement comme ayant pu être attaquée de quelque façon que ce soit, dans une question l'Opposition ne permet pas au leader adjoint de dire quelques mots sur ce point? Avez-vous peur de la...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je ferai remarquer au leader du gouvernement qu'on est prêt à consentir que le leader adjoint s'adresse à l'Assemblée. Les explications qu'il a à fournir, ce n'est pas à l'Assemblée qu'il devrait les fournir mais au premier ministre qui a fait des allusions au conseil d'administration de l'hôpital.

M. Bédard: M. le Président...

Le Président: Si vous faites un rappel au règlement, cela ne peut pas être le même que vous faisiez tantôt. C'est un autre rappel au règlement?

M. Bédard: Question de règlement. M. le Président, dans une question qui a été posée, on a...

M. Gratton: Consentement, M. le Président.

M. Bédard: Voilà une attitude responsable. Merci.

Le Président: II y a consentement. M. le député de Vanier et leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Je pense qu'à l'Assemblée nationale il y a deux personnes qui étaient assez bien placées pour savoir que Mme Bertrand occupait et occupe toujours un poste au sein du conseil d'administration de l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins: c'est le député de Brome-Missisquoi et moi-même. Je pense bien qu'on ne peut pas demander au premier ministre, ni même au ministre des Affaires sociales qui est responsable de ces dossiers de connaître tous les membres des conseils d'administration de l'ensemble des établissements de santé et de services sociaux.

Ceci étant dit, je vais dire au député de Brome-Missisquoi qu'effectivement Mme Bertrand m'a indiqué qu'à certaines occasions, des membres du conseil d'administration et de la haute direction de l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins lui ont demandé d'intervenir personnellement auprès de moi pour que je pose un certain nombre de gestes dans ce dossier auprès du ministre des Affaires sociales. Simplement par éthique sur le plan du poste qu'elle occupe au sein du conseil d'administration, elle s'est refusée à ce type de démarche, ne se refusant pas pour autant à d'autres types de démarches normales. Je pense que son attitude est tout à fait correcte. Elle correspond à un code d'éthique qu'on doit avoir au sein d'un conseil d'administration; elle ne veut pas que se fasse quelque forme d'intervention politique de ce côté-ci, mais le député se sert de cette personne pour faire de la politique avec le dossier de Brome-Missisquoi Perkins.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: J'espère que le premier ministre a compris qu'il s'agit d'une administratrice compétente, correcte et qu'il prendra bonne note des recommandations du conseil d'administration de l'hôpital.

Maintenant, M. le premier ministre, il y a trois semaines vous avez pris avis de la question. Avant de donner une conférence de presse à un journal de la région, vous vous êtes préparé sur le dossier. Après avoir analysé tout le dossier, n'êtes-vous pas d'accord que l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins est de loin beaucoup mieux administré que le gouvernement du Québec?

Le Président: M. le premier ministre. Question principale. M. le député D'Arcy McGee.

Les saisies de vin vendu illégalement

M. Marx: J'ai attendu la réponse du premier ministre. Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Je reviens pour la

troisième fois lors de la période des questions sur le problème de la vente illégale des vins sur le marché noir. Le 7 juin le ministre a finalement admis qu'il y avait eu des saisies, il a promis des détails, mais il n'a pas donné d'avis aujourd'hui de donner des explications. Mes questions sont, en trois volets, les suivantes: Combien de saisies ont été effectuées? D'où provenait ces vins? Et quel fabricant avait produit ces vins?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, la question initiale du député portait sur le fait de la saisie de vin ou non et des circonstances qui l'ont amenée. Je me souviens que sa première question portait également sur les accusations, les condamnations, etc. Dans les notes que j'ai fait faire et qui me servent à l'occasion à cette période de questions, je n'ai pas retenu cependant le nom de l'entreprise, mais je l'aurai en complément de réponse dès qu'on le pourra.

Je dirai qu'il y a eu une enquête de la Sûreté du Québec à compter de décembre 1982, à la suite d'une plainte de l'Association des petits détaillants du Québec; en cours d'enquête, les services policiers de la Communauté urbaine de Montréal qui étaient également préoccupés par ce dossier ont joint leurs efforts à ceux de la Sûreté du Québec. L'enquête conjointe s'est déroulée sur une période de plusieurs mois et a permis la saisie de plus de 500 caisses de vin. Cette enquête a permis de porter une série d'accusations en vertu de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, soit la vente sans permis, les achats faits par des personnes non autorisées, le transport de boissons achetées de personnes non autorisées, etc., ou en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec contre une compagnie autorisée. (10 h 30)

Ces accusations ont fait l'objet de procès tant devant la Cour des sessions de la paix que devant la Cour municipale de Montréal. Les résultats de ces poursuites sont les suivants: dans le cas des sessions de la paix, quatorze plaidoyers de culpabilité pour huit personnes accusées; deux plaintes ont été retirées pour des raisons techniques; un acquittement dans le cas d'un fabricant autorisé acquitté faute de preuve sur un élément essentiel de l'infraction reprochée. Cependant, un procès est encore en cours.

Du côté de la Cour municipale, trois chefs d'accusation ont été retirés contre le fabricant autorisé, après son acquittement à la Cour des sessions de la paix et dix-neuf plaidoyers de culpabilité impliquant six personnes ont été enregistrés.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le ministre a dit qu'on avait saisi 500 caisses de vin, mais il n'a pas dit combien de saisies ont été effectuées. Peut-il nous dire maintenant, ou après la période des questions dans une réponse complémentaire, d'où provenaient ces vins et quels fabricants avaient produit ces vins? Je pense que ce n'est pas une question difficile.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, il est possible que j'obtienne, d'ici la fin de la période des questions, des réponses précises. Je dirai cependant qu'à moins que je ne sois sûr quant à la désignation des personnes impliquées, je me permets de faire une réserve ici. Je ne peux pas l'assurer que je pourrai lui donner le nom de ces personnes. Je veux faire une vérification avant, non seulement quant aux noms, mais quant à l'utilité de donner ces noms. Dans la mesure où ce sont des personnes qui ont été trouvées coupables, effectivement, je pense qu'on pourra fournir les noms.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, question additionnelle. Le ministre pourrait-il nous dire s'il est exact qu'une saisie importante de vin a été effectuée par la Sûreté du Québec au début du mois de mars 1984 à un endroit situé à peu près dans Ville des Laurentides - on ne donnera pas l'adresse exacte pour ne pas faire de publicité indue -et pourrait-il nous dire également d'où provenaient les vins qui ont été saisis à cette occasion?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): Bon! M. le Président, quant à la date qui est évoquée, je tenterai de voir si... Vous avez dit le 30 mars?

M. Bourbeau: Au début de mars.

M. Johnson (Anjou): ...au début du mois de mars, s'il y a eu une saisie... Dans la région des Laurentides, dites-vous?

M. Bourbeau: Ville des Laurentides.

M. Johnson (Anjou): On obtiendra la vérification quant à cela. Je peux dire cependant que le 4 juin, c'est-à-dire il y a quelques jours aussi, il y a eu une saisie auprès d'une compagnie d'aliments dont le propriétaire a fait en sorte que 514 caisses

de six bouteilles de vin digestif importé directement d'un pays européen soient saisies, étant donné que ces 514 caisses s'en allaient directement sur le réseau de distribution après l'importation. Je ne sais pas si ce sont les événements auxquels le député fait allusion, événements survenus au mois de juin.

Le Président: M. le député de Laporte. M. Bourbeau: Question principale. Le Président: Question principale?

M. Laurent Vives, président du Comité

interprofessionnel de l'industrie

des boissons alcooliques

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais poser une question au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Au retour d'un voyage en France effectué l'automne dernier en compagnie de quelques membres de l'industrie québécoise des vins, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nommait l'un d'entre eux, M. Laurent Vives, président d'un comité que le ministre forma et nomma le Comité interprofessionnel de l'industrie des boissons alcooliques. Ce comité fut formé dans le but de conseiller le ministre dans le cadre de l'application de la Loi sur la Société des alcools du Québec. Ce comité est, en fait, une cour d'appel chargée d'entendre les récriminations des producteurs dont un ou des produits, du vin par exemple, ont été refusés par la Société des alcools pour des raisons d'ordre chimique, organoleptique ou d'étiquetage. Or, M. Laurent Vives, président de ce comité, est en quelque sorte le juge en chef de cette cour d'appel, mais il est également directeur général, depuis plusieurs années, de la compagnie Les entreprises Verdi, producteurs de vin dont les produits font, à l'occasion, l'objet de litiges entre la compagnie Verdi et la Société des alcools du Québec. Ma question au ministre est la suivante: Dans ces conditions, comment le ministre peut-il justifier la nomination de M. Laurent Vives, directeur général de la maison Verdi, au poste de président de ce tribunal et quelles garanties d'objectivité pouvons-nous avoir lorsque le président du tribunal est à la fois juge et partie?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je pense que si le député de Laporte étudiait ses dossiers plus profondément, cela avancerait la discussion à l'Assemblée nationale. On l'a entendu hier soir parler sur les heures d'affaires et se mettre les pieds dans les plats complètement parce qu'il ne savait pas du tout ce dont il parlait. C'est la même chose ce matin par rapport au comité interprofessionnel. C'est un comité qui a été adopté dans la loi 29, Loi sur la Société des alcools, il y a déjà au-delà d'un an. Cela a été inscrit dans la loi 29 à la suite de demandes de l'entreprise privée, qui se plaignait que la Société des alcools était à la fois juge et partie dans ses décisions vis-à-vis du "listing", comme on l'appelle dans le marché de vins et de spiritueux.

Les entreprises privées, lors d'une rencontre de concertation au mois de février 1982, ont demandé de pouvoir intervenir au moins pour porter un jugement sur le premier jugement de la Société des alcools du Québec. Le comité interprofessionnel a été créé par la loi 29. Lorsque nous avons nommé les gens au comité interprofessionnel, les gens de l'entreprise privée ont demandé que la Société des alcools soit minoritaire à ce comité puisque c'est elle qui prenait la première décision de recevoir ou non le nouveau "listing" qui était demandé par les industriels. Nous avons nommé un représentant des manufacturiers de spiritueux, donc l'IMBACQ. Nous avons nommé un représentant des manufacturiers de vins, donc, SOPROVIN. M. Vives, à ce titre, a été élu président du groupe SOPROVIN, par les onze entreprises privées. C'est à ce titre qu'il a été nommé. Il était président du groupe SOPROVIN, nommé et élu par les entreprises privées dans lesquelles le gouvernement n'a rien eu à faire. En plus, il y a un représentant des agents professionnels. La Société des alcools du Québec est représentée au comité interprofessionnel, mais d'une façon minoritaire, à la demande des entreprises privées, lors de la rencontre de concertation que nous avons eue avec elles.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Le ministre peut-il nous confirmer que la nomination de M. Vives provient directement du ministre et non pas des autres individus, que c'est le ministre qui a procédé à la nomination, et comment peut-il nous expliquer qu'un individu peut être en même temps partie appelante à un procès et président du tribunal chargé d'entendre le procès? Que le ministre nous explique cela un peu.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je répète, pour le député de Laporte, que le comité interprofessionnel a été demandé par l'entreprise privée, qui se plaignait que la SAQ était à la fois juge et partie. On a demandé d'intervenir pour former un comité interprofessionnel qui, au moins, pourra

porter un jugement sur la décision de la Société des alcools, qui était juge et partie. La Société des alcools importe du vin et embouteille aussi du vin. C'est dans ce sens que l'entreprise privée se plaignait. C'est un peu curieux de voir que vous faites de grands discours pour l'entreprise privée et, en même temps, que vous faites de grands discours pour essayer de détruire l'entreprise privée. C'est l'entreprise privée, le monde des affaires, le monde des producteurs de vins et de spiritueux qui nous l'a demandé. C'est à titre de président du groupe SOPROVIN, qui a été élu par les entreprises, que, non pas le ministre, mais le gouvernement, en vertu de la loi 29 - encore une fois, cela a été demandé par les entreprises privées et par l'industrie des boissons alcooliques - a nommé M. Vives. C'est tout.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Comme M. Vives a été élu président de ce groupe de fabricants ou d'importateurs de vins québécois, le ministre nous confirme qu'il a été nommé président de ce tribunal par le ministre. Je pense que c'est encore pire et que le conflit d'intérêts est pire. Le ministre ne réalise-t-il pas qu'il est président du tribunal d'appel et président du groupe dont les membres font appel devant ce même tribunal? Est-ce que ce n'est pas une moquerie administrative?

Des voix: Oui.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Je commence à comprendre quelque chose de la part du député de Laporte. Je pense que vous autres aussi avez des sondages d'opinion comme nous en avons en rapport avec la pauvre performance économique de votre parti à l'Assemblée nationale dans les critiques et dans les interventions économiques. Lorsqu'on ne sait rien et qu'on est incompétent, on essaie de tirer de tous les bords en même temps. Vous êtes complètement incompétents dans ce dossier. Vous devriez au moins faire vos classes, faire votre devoir et lire la loi 29 sur la Société des alcools du Québec. Lorsque vous aurez lu la loi 29 et lorsque vous aurez lu aussi ce qui s'est passé à la table de concertation où toute l'entreprise privée, à la fois les distributeurs, les détaillants, les manufacturiers de vins, les embouteilleurs et les importateurs... Enfin tout le monde était autour d'une table et c'est ce monde-là qui nous a demandé de former un comité interprofessionnel. C'est aussi ce monde-là qui nous a fait des recommandations en nous disant: Nous ne voulons plus que la Société des alcools soit juge et partie. Vous avez vous-même critiqué constamment la Société des alcools du Québec et, pour une fois qu'on dit: Oui, on répond à des demandes de la grande majorité des entreprises, je pense que vous devriez premièrement être d'accord.

Deuxièmement, M. le député de Laporte, vous avez dit: Le ministre a dit: Oui, j'ai nommé M. Vives. J'ai justement dit auparavant que je n'ai pas nommé M. Vives. M. Vives a été nommé en vertu de la loi par le Conseil des ministres. (10 h 40)

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Biron: C'est la loi 29...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Biron: C'est selon la loi 29, M. le député de Laporte, pour laquelle vous avez voté. Vous avez voté contre l'implantation de Pechiney à Bécancour, qui créait 2500 jobs...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, M. le ministre!

M. Biron: ...et vous avez voté pour la loi 29 sur l'industrie des boissons alcooliques, sur la Société des alcools. Faites donc vos classes! Arrêtez de vous mettre les pieds dans les plats; cela fait plusieurs fois que vous vous mettez les pieds dans les plats comme critique de l'Industrie et du Commerce. Allez lire au moins les lois, allez lire les documents et vous reviendrez un peu plus documenté. Vous verrez que c'est l'entreprise privée qui nous a demandé de former ce comité et c'est l'entreprise privée qui nous délègue des gens au sein de ce comité.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Question complémentaire, à double volet. Le ministre peut-il nous dire sous la recommandation de quel ministre le Conseil des ministres a nommé M. Vives? D'autre part, le ministre peut-il, nous dire si la compagnie Verdi se voit refuser un vin par la Société des alcools du Québec, comment il se fait que la compagnie puisse aller en appel devant un tribunal présidé par M. Laurent Vives, directeur général de Verdi? Est-ce équitable? Est-ce que cela a du sens?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Vous avez constamment critiqué la Société des alcools parce qu'elle

était juge et partie; maintenant, nous désirons former un comité interprofessionnel à la demande des entreprises privées et la Société des alcools sera dorénavant minoritaire à ce comité. Face à la SAQ, qui prend la décision d'accepter ou de refuser un vin, l'entrepreneur, lui, peut faire appel sur la qualité du vin. C'est dans la loi 29 et cela a été demandé à l'unanimité par l'entreprise privée, par les embouteilleurs, par les détaillants, par les grossistes en alimentation. Même au comité interprofessionnel, vous avez des représentants, des détaillants et des grossistes en alimentation qui veulent être représentés parce qu'ils sont aussi partie prenante dans l'industrie des boissons alcooliques. Selon la loi 29, que nous avons votée unanimement à l'Assemblée nationale, ce comité a été formé afin que l'on puisse aller en appel d'un jugement, sur une décision rendue par la Société des alcools qui était à la fois juge et partie et dont vous avez critiqué les agissements dans le passé. On essaie de corriger des situations et vous critiquez encore. Savez-vous réellement ce que vous voulez ou si vous ne connaissez rien à l'Industrie et au Commerce?

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme peut-il répondre à la question que vient de lui poser le député de Laporte? Sur la recommandation de quel ministre la nomination s'est-elle faite?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Je comprends qu'à cause de l'incompétence du député de Laporte en Industrie et Commerce, le chef de l'Opposition est obligé de se lever. La loi 29 est très claire.

Des voix: Répondez à la question!

M. Biron: M. le chef de l'Opposition, voulez-vous aller lire la loi 29? Je vais aussi vous faire parvenir des documents sur la session de consultation que l'on a eue avec l'entreprise privée dans ce domaine; vous verrez qui l'a demandé.

Des voix: À l'ordre!

M. Biron: Nous avons nommé le président du groupe d'entreprises privées qui embouteillent du vin en concurrence avec la SAQ; qui a été choisi par les onze entreprises privées. C'est lui que nous avons nommé au comité interprofessionnel en vertu de la loi 29 et vous avez voté pour la loi 29.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, la question est bien simple, elle est directe, elle n'est pas complexe, elle demande une réponse bien simple: Sur la recommandation de quel ministre le Conseil des ministres a-t-il nommé M. Vives?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le chef de l'Opposition, voulez-vous allez voir la loi 29? Vous verrez...

Des voix: Oh!

M. Biron: ...dans la loi 29 qui est le ministre responsable de la Société des alcools à ce point de vue. Nous avons nommé le président d'un groupe d'entreprises privées qui se sont réunies; le président était M. Vives, ce sont les onze entreprises privées qui l'ont élu et c'est lui que nous avons choisi, en vertu des représentations des manufacturiers de vin, de le nommer au comité interprofessionnel.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Ma question est bien simple, il me semble que l'on pourrait répondre oui ou non: Est-ce que le ministre a recommandé au Conseil des ministres la nomination de M. Vives?

Une voix: Regardez la loi!

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Je crois, M. le chef de l'Opposition, que vous ne faites pas votre devoir, vous n'avez même pas parlé aux gens des coopératives pour savoir quel a été le jugement du Conseil de la coopération.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Biron: Si vous faisiez votre devoir quant à la Société des alcools, vous liriez la loi 29, sur la Société des alcools; c'est le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui est responsable de l'application de la loi 29.

Des voix: Ah! Des voix:Bravo!

Le Président: Question complémentaire, M. le député de D'Arcy McGee?

M. Marx: J'ai une question complémentaire pour le ministre de la Justice.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Est-ce qu'il trouve juste et équitable que la même personne soit partie et juge dans sa propre cause, comme on vient de le dire ici?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je trouve remarquable que l'Opposition, à qui le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme s'adresse depuis dix minutes en lui disant: Connaissez-vous la loi 29? Je trouve remarquable qu'une telle question me vienne du député de D'Arcy McGee. Il semble que l'Opposition ait voté pour cette loi qui prévoit le mécanisme décrit par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je pense que vous trouverez la réponse dans le journal des Débats.

Le Président: Question principale, M. le député de Bourassa.

Le prolongement du métro vers Montréal-Nord et l'est de Montréal

M. Laplante: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Transports. Le Parti libéral, en 1976, décrétait un moratoire à l'expansion du métro de Montréal que le gouvernement actuel a levé et aussi la déclaration du député de Laporte, à l'époque où il était le porte-parole de l'Opposition en matière de transport, que s'il formait le gouvernement, il gèlerait toute expansion du métro à Montréal. M. le Président, je voudrais savoir, au nom de mes concitoyens de la ville de Montréal-Nord que je représente à l'Assemblée nationale, où en sont...

Des voix: ...

M. Laplante: Cela n'a pas l'air de vous intéresser. Si on amenait le métro dans ie West Island, cela vous intéresserait peut-être un peu plus, par exemple!

Le Président: À l'ordre! Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Laplante: Où en sont les pourparlers, M. le ministre, actuellement...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre!

M. Laplante: Vous êtes polis pour les gens de l'est de Montréal.

Le Président: II y a un rappel au règlement du leader du gouvernement.

M. Laplante: On s'aperçoit que vous n'avez pas eu beaucoup de représentations...

Le Président: M. le député.

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président.

M. Laplante: ...vous occuper précisément des problèmes...

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur un rappel au règlement.

M. Bédard: M. le Président, je pense que vous avez été à même de constater, de même que ceux et celles qui écoutent nos débats, qu'on en est rendu maintenant que l'Opposition, non seulement ne laisse pas répondre les ministres, comme on lui laisse poser ses questions, dans une atmosphère calme, mais en est rendue à ne plus permettre même...

Des voix: Oh!

M. Bédard: ...aux députés du gouvernement de poser leurs questions dans les mêmes conditions acceptables qu'elle le fait elle-même. Je demanderais, M. le Président, un rappel à l'ordre pour que le député puisse poser sa question comme il a le droit de le faire.

Le Président: Le rappel est bien fondé. M. le député, votre question, s'il vous plaît!

M. Laplante: Merci, M. le Président. J'espère qu'ils voudront s'intéresser aussi au problème du transport dans l'est de Montréal.

Le Président: M. le député, ne provoquez pas.

Une voix: Question.

M. Laplante: Je vais répéter ma question au ministre. Puis-je savoir, au nom des concitoyens de la ville de Montréal-Nord que je représente à l'Assemblée nationale, où en sont les pourparlers entre le gouvernement et la CUM en ce qui concerne le prolongement du métro sur le territoire de Montréal-Nord et de l'est de Montréal?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: M. le Président, je vais faire le point sur cette ligne de métro. Je

dois dire que la Communauté urbaine de Montréal, après avoir fait beaucoup de consultations en son sein, nous a fait parvenir il y a deux semaines les résolutions qui ont fait l'objet d'un consensus parmi les élus de la Communauté urbaine de Montréal. Une de ses propositions concerne effectivement les citoyens de Montréal-Nord. Elle suggère le tracé d'une ligne de métro qui suit un axe sud ou sud-ouest, nord-sud plutôt, longeant le boulevard Pie IX jusqu'à Montréal-Nord et qui bifurquerait par la suite vers Rivière-des-Prairies. Donc, cette orientation en soi, à l'heure actuelle en tout cas, ne cause pas de problème au gouvernement et mon ministère est en train d'en analyser toutes les données, de voir les coûts d'immobilisation et les choix de technologie.

C'est une proposition qui est présentée par le conseil et l'exécutif de la Communauté urbaine de Montréal. Nous avons convenu, lors d'une rencontre vendredi dernier, de nous rencontrer à nouveau, le président de la Communauté urbaine de Montréal et ceux qui président et coprésident la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, au cours des semaines qui suivent, le plus tôt possible, et de voir, avec les fonctionnaires de mon ministère et même avec Bombardier, quelles seraient les possibilités de réaliser cette proposition. (10 h 50)

D'ores et déjà, on peut savoir que le métro serait souterrain, sous la ville de Montréal-Nord, à cause de la densité de l'aménagement qui nous y oblige. Dans tout cela, nos préférences vont évidemment à une technologie fer sur fer, qui a évolué au cours des dernières années et qui va nous permettre de desservir plus de citoyens, plus de territoire. Je pense aussi que le fer sur fer serait une technologie qui permettrait aux wagons ou aux rames de circuler à l'air à l'extérieur, là où l'aménagement le permettrait. Je répète que les décisions là-dessus ne sont pas prises mais ce sont là des orientations que nous entendons pousser et étudier. Nous verrons par la suite ce qui arrivera, surtout à la suite des considérations techniques que nous voulons approfondir présentement.

M. Laplante: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Depuis quatorze ans que la ville de Montréal-Nord attend le métro, est-ce que M. le ministre pourrait me dire combien de temps ces études vont encore durer? Combien de temps encore les gens du nord vont attendre une réponse favorable pour un métro souterrain tel que demandé?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: M. le Président, je pense que ce dossier a pris effectivement du temps. Le gouvernement avait une proposition sur la table au cours des dernières années, des derniers mois, qui a fait l'objet de discussions au sein du conseil de la Communauté urbaine de Montréal. Je pense que ce sont des débats qui se sont enclenchés à l'intérieur de la communauté, qui ont pris du temps. Il faut voir qu'il s'agit là d'investissements majeurs. Je pense que le dossier, à l'heure actuelle, progresse, en tout cas, de la part de la communauté. Maintenant, je trouve qu'il y a des propositions très concrètes et des prises de position sur lesquelles la communauté elle-même s'est commise. À ce moment, maintenant, il s'agit de voir la faisabilité de toute cette proposition.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce qu'on peut prendre la réponse du ministre, est-ce qu'on peut interpréter la position du ministre comme étant celle de renoncer à la recommandation du COTREM, qui avait recommandé la construction de la ligne 6, du bas de la ville jusqu'à Repentigny, par Montréal-Nord, recommandation appuyée par votre prédécesseur? Premièrement, est-ce que vous abandonnez ce projet? Deuxièmement, est-ce que vous allez autoriser la CUM à commencer les travaux sur la ligne 7 durant la présente année fiscale puisque la recommandation de la CUM et de la CTCUM était très claire: elles voulaient la construction de la ligne 7 de Pie IX au boulevard Duplessis en passant par Montréal-Nord? Elles recommandaient la construction immédiate de la ligne 7 du métro. Allez-vous autoriser la construction de cette ligne durant la présente année fiscale?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Léonard: M. le Président, la proposition du gouvernement à l'heure actuelle, dans le contexte, est toujours sur la table présentement concernant la ligne 6. La CUM réagit en quelque sorte à cette proposition par une contre-proposition et c'est celle que nous étudions.

Je rappellerai au député que nous payons toujours 100% de ces travaux. Je pense que nous avons aussi intérêt à ce que cette ligne de métro soit fer sur fer, pour des besoins de démonstration technologique en particulier. Je pense qu'il n'y a pas de décision prise - je l'ai bien dit tout à l'heure - au moment où on se parle et qu'il faut

creuser davantage, sur le plan technique, les choses où elles en sont et la proposition comme elle est. Vous ne pouvez quand même pas autoriser les travaux alors que les plans et devis ne sont pas fait, qu'on est en train de discuter d'une nouvelle ligne, la ligne 7, qui est intéressante et qui mérite qu'on s'y arrête.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Grégoire: Question principale.

M. Pagé: Question principale.

Le Président: M. le député de Portneuf.

Le conflit de travail à l'incinérateur de la CUQ

M. Pagé: Vous m'avez reconnu, M. le Président. Merci. Ma question s'adresse au ministre du Travail. Il comprendra que je veux faire référence ce matin au problème qui préoccupe plusieurs villes de la Communauté urbaine de Québec et de la grande région de Québec à la suite d'un conflit entre la compagnie Montenay qui gère l'incinérateur ici à Québec et les employés du local 1754 du Syndicat canadien de la fonction publique.

M. le Président, le ministre du Travail est très probablement au fait de la nature du conflit, il est probablement au fait de la position patronale, qui demande a ses employés de couper de façon draconienne dans leur convention collective. J'aimerais demander très brièvement au ministre du Travail, premièrement, quelles sont les représentations qui lui ont été faites et, s'il y a eu des documents écrits, s'il pourrait les déposer de la part du ministre de l'Environnement dans ce dossier. Deuxièmement, est-ce qu'il pourrait informer cette Chambre de ses intentions, comme ministre du Travail, puisqu'il n'y a eu aucune rencontre de conciliation depuis le 15 mai, et est-ce qu'il entend accélérer ce processus de conciliation? Par ailleurs est-ce qu'il entend nommer un deuxième conciliateur au dossier? Troisièmement, est-ce qu'il entend proposer la médiation dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: II est sans doute utile, à la suite de la question du député de Portneuf, de rappeler un peu l'atmosphère dans laquelle le conflit a été déclenché, les représentants des employeurs, d'une part, déclarant expressément qu'ils étaient en mesure d'assumer les services normalement assumés par les travailleurs qui sont en grève et qu'ils étaient en mesure de tolérer cette situation pendant une période de temps assez longue, ce qui a conduit les parties dans une espèce de cul-de-sac au niveau de la négociation. À ce chapitre très précis de la négociation, le député de Portneuf sait sans doute qu'au moment où on se parle, les parties sont en quelque sorte braquées. C'est un fait qu'il n'y a pas de négociation. C'est un fait que, malgré la disponibilité et les efforts du conciliateur, le conflit lui-même ne débloque pas. Je ne vois pas comment -si les parties sont dans cette position de braquage, parce que c'est comme cela que se trouve la situation - ou bien un nouveau conciliateur ou bien un médiateur spécial pourrait faire en sorte que les parties, qui refusent essentiellement de se parler, puissent recommencer à se parler.

Quant à l'autre problème, qui est évidemment connexe, qui découle directement de cette situation et qui est en relation avec l'environnement, je pense que le ministre de l'Environnement, à ce stade-ci, pourrait donner des renseignements additionnels. Je vous dirai essentiellement que nous faisons tous les jours, tous les deux, l'état de la situation et il semble que chaque jour, jusqu'à maintenant en tout cas, il n'y aurait pas à cet égard de danger particulier. Je ne sais pas si le ministre de l'Environnement a des renseignements additionnels, mais je pense que c'est l'état de la situation.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: On doit comprendre de la réponse du ministre qu'il n'y a pas eu de représentation de la part du ministre de l'Environnement et que lui, comme ministre du Travail, ne voit pas comment cela pourrait se régler. Merci.

Ma question additionnelle au ministre de l'Environnement est la suivante: Comment, comme ministre de l'Environnement, pouvez-vous permettre que, dans les déchets enfouis, il y ait des déchets d'hôpitaux, des déchets de laboratoire de biologie médicale, en fait des déchets dits biomédicaux, qui doivent être brûlés, qui, actuellement, sont transportés dans le comté de Portneuf et sont purement et simplement enfouis avec les risques de contamination que cela comporte? Qu'est-ce que vous avez fait depuis que vous avez été probablement, je l'espère, saisi de cette question? Qu'est-ce que vous entendez faire à compter de maintenant? Quels sont les moyens que vous entendez prendre pour faire en sorte que ce soit respecté et que Portneuf n'ait pas à subir les inconvénients d'une telle situation?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Ouellette: Il y a une loi, il y a des règlements au Québec qui concernent l'enfouissement des déchets domestiques. Dans la Communauté urbaine de Québec, on

dispose d'un incinérateur qui, généralement, reçoit ces déchets. Actuellement, il y a un conflit de travail qui ne concerne pas le ministère de l'Environnement et dans lequel je n'ai nullement l'intention de m'immiscer. Il y a par contre des choix qui sont utilisés par la Communauté urbaine de Québec, dont c'est la responsabilité et, à ma connaissance, le tout a été respecté jusqu'à maintenant.

Le Président: Fin de la période des questions. La période des questions est terminée.

Aux motions sans préavis.

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader parlementaire du gouvernement. (11 heures)

Avis touchant les travaux des commissions

M. Bédard: Je voudrais donner avis que, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission du budget et de l'administration entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts. Également, de 16 à 18 heures, à la salle 91, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée des projets de loi privés 239 et 224.

Conformément à l'article 121 de notre règlement, le ministre des Affaires municipales sera membre de cette commission pour la durée de l'étude de ces projets de loi privés.

De 20 heures à 24 heures, à la salle 81, la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi 83, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. Enfin, après que nous en aurons terminé aujourd'hui avec l'étude du projet de loi 66 concernant REXFOR, nous ferons une demande pour que ce projet de loi soit déféré pour étude en commission dès cet après-midi.

Le Président: Pour être bien conforme à l'article 121 du règlement, à l'étape de la motion d'envoi en commission parlementaire, il doit y avoir une motion de faite pour qu'un ministre devienne membre de la commission. Ce n'est pas par avis qu'un ministre devient membre mais par motion de l'Assemblée à l'étape de l'envoi en commission. Puisqu'à cette étape, cela n'a pas été fait, il y aura peut-être consentement de l'Assemblée pour qu'il y ait une motion de faite pour que le ministre des Affaires municipales devienne membre de la commission de l'aménagement et des équipements pour l'étude des projets de loi privés 239 et 224. C'est par motion au moment de l'envoi en commission qu'elle doit se faire.

M. Bédard: M. le Président, je pense que je pourrai obtenir le consentement.

Le Président: II y a consentement, cette motion est donc adoptée.

Aux autres travaux touchant les commissions...

M. Ryan: M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, sur le programme de la journée...

Le Président: Non, c'est le ...

M. Ryan: ...le leader du gouvernement n'a pas parlé de la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre. Est-ce que c'est un oubli?

Le Président: M. le député d'Argenteuil, si vous me permettez de donner mes propres avis, vous allez voir que cette question sera réglée rapidement. Les autres avis touchant les travaux des autres commissions: immédiatement après les affaires courantes, à la salle 91, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à la vérification des engagements financiers dans le champ de sa compétence. Immédiatement après les affaires courantes également, à la salle 90, la commission de la culture tiendra une séance de travail. De 11 h 30 à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle 80, la commission de l'éducation examinera les orientations des activités et la gestion du fonds FCAC et entendra ses représentants. Enfin à 16 heures, la sous-commission permanente de la réforme parlementaire siégera à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader de l'Opposition.

Oui, M. le le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Cela va.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, le député d'Argenteuil avait commencé à demander au leader du gouvernement si la commission de l'éducation siégerait aujourd'hui tel que la commission elle-même l'avait souhaité.

M. Charbonneau: M. le Président, je pense que notre collègue n'a pas compris l'avis que vous venez de donner.

Le Président: Parmi les avis que j'ai donnés, il y avait celui de...

M. Charbonneau: En fait, cet avis vient d'être donné.

Le Président: De 11 h 30 à 13 heures, de 15 heures à 18 heures, à la salle 80.

Projet de loi 66

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Aux renseignements sur les travaux de l'Assembée, cela va. Ce qui nous mène donc aux affaires du jour et à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 66, donc la reprise du débat sur l'adoption du principe de ce projet de loi, Loi modifiant la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec. La parole était au député de Maskinongé. M. le leader de l'Opposition.

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, vous comprendrez, au moment où l'Assemblée nationale s'apprête à adopter le projet de loi 66 qui vise à augmenter de 66 000 000 $ le fonds social autorisé de REXFOR, qu'il va de soi qu'à titre de député de Gatineau, je porte un intérêt particulier à ce projet de loi. Le fonds social autorisé de REXFOR qu'on veut augmenter servirait, selon le ministre de l'Énergie et des Ressources, à permettre à REXFOR de mener à bien quatre projets précis, celui de la remise en marche de l'industrie du sciage dans le nord de la Gaspésie, le projet de papeterie à Matane, le projet de panneaux gaufrés dans le comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et finalement, une usine de MDF à Mont-Laurier. Ce n'est pas de ce dernier projet de l'usine de MDF à Mont-Laurier dont je voudrais parler ce matin, mais bien - et fort malheureusement - d'un projet d'usine MDF qui aurait dû être réalisé à Maniwaki, si on devait en croire le gouvernement, depuis quelques années et qui, malheureusement, va peut-être maintenant voir le jour à Mont-Laurier.

Le ministre disait, hier, dans ses remarques, et je le cite: "Jamais je ne croirai que l'Opposition libérale va voter contre un projet de loi de développement régional comme celui-là pour 40 milles de distance. Vous allez passer pour des chauvins." avertissait M. Duhaime. "La région de Maniwaki ne sera pas oubliée pour autant. Le gouvernement a en main un projet de développement minier pour cette région en attendant la construction de la route qui sera continuée." de dire M. Duhaime. Évidemment, le ministre se défend comme il peut dans ce dossier où il n'est pas le principal responsable des engagements que le gouvernement a pris envers la population de

Maniwaki dans la région dite de la Haute-Gatineau. Mais à titre de ministre de l'Énergie et des Ressources, il est celui qui doit tenter, tant bien que mal, d'expliquer la volte-face qu'a faite le gouvernement dans le dossier de ce que nous appelons en Haute-Gatineau le CITUF, le complexe intégré de transformation et d'utilisation de la forêt, qui découle de la décision du gouvernement de construire ce qu'on appelle la route Maniwaki-Témiscamingue, une route qui donne accès à des ressources forestières d'un potentiel assez considérable.

Je pense, M. le Président, qu'il est important de faire l'historique de ce qui s'est passé en Haute-Gatineau et qui a débouché tout récemment, tout le monde le sait, sur des manifestations de colère et de frustration de la part de la population là-bas face à cette décision du ministère de l'Énergie et des Ressources d'autoriser REXFOR à procéder à l'implantation d'une usine de panneaux MDF à Mont-Laurier plutôt qu'à Maniwaki. Le tout remonte à 1976, au moment où le ministère des Terres et Forêts d'alors avait conçu le projet de relier le Témiscamingue à la région de la Haute-Gatineau par une route de pénétration en forêt. Ce projet avait commencé surtout dans la partie du Témiscamingue et très longtemps, les gens de la Haute-Gatineau ont prié avec instance le gouvernement d'accorder les moyens financiers nécessaires pour entamer la construction de la route dans sa partie sud, c'est-à-dire dans cette partie qui devait déboucher à Maniwaki.

Si la route avait été baptisée "route Maniwaki-Témiscamingue", c'est évidemment parce qu'elle devait déboucher à Maniwaki. Or, avec l'élection en 1976 du gouvernement du Parti québécois et notamment celle du ministre actuel des Transports, le député de Laurentides-Labelle, le comté voisin, on devait dans un premier temps assister à une guerre entre, d'une part, Mme Jocelyne Ouellette, qui était alors députée de Hull et ministre des Travaux publics et d'autre part, le ministre des Transports actuel et encore député de Laurentides-Labelle, à savoir où la route déboucherait. On a organisé des manifestations. Jusqu'à 1000 personnes sont venues rencontrer Mme Ouellette et le ministre de l'Énergie et des Ressources d'alors - qui est aujourd'hui ministre de l'Éducation - pour faire pression, pour amener le gouvernement à reconnaître finalement, en 1980, que la route Maniwaki-Témiscamingue devait aboutir à Maniwaki. (11 h 10)

Normalement, on peut se demander pourquoi le gouvernement a pris quatre ans à se rendre à cette évidence. Il faut l'attribuer uniquement aux pressions que faisait le ministre des Transports pour amener la route dans son comté ou à proximité de son comté, pour qu'il puisse bénéficier des

retombées économiques qui devaient découler de la construction de cette route.

Le 15 octobre 1980, il faut se resituer dans le contexte. On se rappellera qu'à ce moment-là il y avait rumeur d'élections au Québec. Il y avait possibilité d'élections dès l'automne 1981. Voici ce qu'annonçait Mme Ouellette. Je reprends ses propos dans un article du "Soleil", le mercredi 15 octobre 1980. "Le ministre des Travaux publics, Mme Jocelyne Ouellette, vient d'annoncer un investissement de 120 000 000 $ pour la construction d'un complexe forestier dans la région de Maniwaki. Ce complexe comprendra une usine de déroulage, une unité de fabrication de contreplaqué et une usine thermique fonctionnant avec des résidus forestiers. La construction des usines de déroulage et de contreplaqué doit être terminée avant la fin de 1981".

Je vois le ministre de l'Énergie et des Ressources qui se bidonne. Il a bien raison. On parlait à ce moment-là de la compagnie MacLaren qui avait été mentionnée et que "toutes les compagnies de la région avaient été approchées, avait indiqué au "Soleil" un porte-parole gouvernemental". Dans les journaux de la région, inutile de dire qu'on applaudissait. C'était à grand renfort de photos de Mme la ministre avec le maire de Maniwaki. "Le lieu exact de l'usine sera divulgué prochainement". "Un investissement de 120.000 000 $ pour avril 1981". Vous voyez. Élection prévue pour l'automne 1980, mais on commençait en avril 1981. On reviendra ensuite sur ce qu'on a fait quand l'élection n'a eu lieu qu'en avril 1981. "Des investissements de 120 000 000 $". "Création de 500 emplois consolidation de 500 autres". "Le complexe sera à moins de dix milles de Maniwaki". "La construction des usines commencera en 1981".

Tout est beau. Tout le monde est fin. Tout le monde se réjouit. Le gouvernement va construire une usine à Maniwaki. De plus, non content ou satisfait de cela, on disait: "14 700 000 $ pour la Haute-Gatineau. La route Maniwaki-Témiscamingue, 100 kilomètres à terminer d'ici 1984". Eh bien, là, on est en 1984. Je pourrais citer un document qui émane du cabinet du ministre de l'Énergie et des Ressources lui-même qui indique que jusqu'ici, ce ne sont pas 100 kilomètres de route qui ont été construits sur la route Maniwaki-Témiscamingue, mais 35 kilomètres. Au moment où on se parle, il n'y a toujours pas un cent de prévu pour dépenser sur la route Maniwaki-Témiscamingue cette année. Oui. Comme le ministre des Transports, le ministre de l'Énergie et des Ressources recule plutôt que d'avancer.

On peut se demander ce que REXFOR vient faire dans tout cela. Évidemment, ce n'est pas REXFOR qui avait garanti à la population de la Haute-Gatineau, à la veille des élections de 1981, de construire cette usine. D'ailleurs, on peut se dire: Oui, mais il n'y a pas eu d'élection à l'automne. L'élection n'a eu lieu qu'au printemps 1981. Comment le PQ a-t-il expliqué cela? Très facilement. Le 2 mars 1981 évidemment, on est fort là-dessus au Parti québécois on l'a annoncé de nouveau. J'ai ici un article de presse du journal "La Presse", le 2 mars 1981, avec photos de Mme Ouellette et de M. Bérubé: "Implantation d'un complexe forestier de 100 000 000 $ dans l'Outaouais". On avait perdu 20 000 000 $ quelque part. Mais avec ces gens-là, on n'est pas à quelques millions près dans ces projets. Comme CD. Howe avait déjà dit: "What is a million?" pour eux autres, "What is 20 000 000 $?" Surtout pour un complexe qu'on n'a pas l'intention de construire de toute façon. "Implantation d'un complexe forestier de 100 000 000 $ dans l'Outaouais". "Révocation de concessions forestières". "Création d'une société forestière". C'est là que REXFOR est arrivée dans le portrait. Il faut dire que ce projet du complexe forestier, le CITUF, avait été conçu par la Société d'aménagement de l'Outaouais qui s'en faisait le promoteur. Il y a quelque 750 000 $ qui ont été dépensés en fonds publics pour préparer les études de faisabilité et de rentabilité de cette usine. Le gouvernement, à ce moment-là, ne disait pas: Si l'entreprise privée... S'il n'y a pas de projet concret, on ne le fera pas. Il garantissait: On fait le projet à Maniwaki.

On est allé plus loin que cela. On a même, à la demande de REXFOR - cela, le président de REXFOR l'a confirmé en commission parlementaire, quoiqu'il ait dû admettre qu'il l'avait oublié - gelé deux sites dans la municipalité de Egan-Sud, à dix milles de Maniwaki. On a gelé ces deux sites pour faire quoi? Pour construire l'usine de Mont-Laurier? Mais non! On a gelé les sites pour construire le CITUF à Maniwaki.

On disait, dans cette lettre signée par le vice-président du domaine forestier de REXFOR, M. Jean-Louis Caron, datée du 17 février 1981: "Depuis ce temps, nous avons amorcé des négociations relatives aux autres aspects du projet, notamment l'usine de préparation des bois, l'usine de panneaux MDF et l'usine d'énergie." L'usine de panneaux MDF, REXFOR, le 17 février 1981, ce n'était pas à Mont-Laurier qu'elle la construisait, c'était à Maniwaki. Cette lettre est adressée au président de la Société d'aménagement de l'Outaouais. C'était à Maniwaki qu'on la construisait. Il disait dans le dernier paragraphe et je vous le cite: "Nous demandons donc à la Société d'aménagement de l'Outaouais de mettre sous réserve ces deux sites." On venait de les décrire.

REXFOR s'apprêtait à faire quoi? À

aider la réalisation du projet du CITUF en Haute-Gatineau, à Maniwaki. Il y avait d'ailleurs eu un arrêté en conseil à ce sujet, la décision 81-36 du 18 février 1981, du cabinet des ministres, qui pourvoyait au gel des terrains en question pour la création d'une société d'aménagement forestier qui verrait à l'allocation des ressources à la suite de la révocation des concessions forestières à E.B. Eddy, à CIP et aux autres qui jouissaient de concessions dans ce coin.

À ce moment, REXFOR - elle le disait dans sa lettre à la Société d'aménagement -était extrêmement intéressée, remerciait la Société d'aménagement de l'Outaouais d'avoir été invitée à participer aux études qui devaient mener à la réalisation du projet. Comment expliquer que, tout à coup, on se retrouve devant une décision de REXFOR d'aller implanter à Mont-Laurier l'usine de panneaux MDF qu'elle était intéressée à construire à Maniwaki? C'est qu'entre-temps REXFOR a acquis une compagnie à Mont-Laurier, la compagnie Bellerive-Ka'N'Enda. Le président de REXFOR nous a dit en commission parlementaire la semaine dernière: La raison pour laquelle on n'a pas continué à travailler à Maniwaki est que les entreprises, notamment, MacLaren, ne voulaient pas de nous.

Le gouvernement, quand il faisait des promesses... Vous allez me dire: Un gouvernement fait toujours des promesses avant une élection et ne les respecte pas toujours, surtout ce gouvernement, mais j'irai plus loin. Ce n'est pas seulement avant l'élection qu'on l'a promise, on en a parlé après aussi. Tous les ténors, incluant l'actuel ministre de l'Énergie et des Ressources, à chaque tournée qu'ils faisaient dans le coin, nous répétaient: Le projet de CITUF répond à un besoin (Gérald Godin). C'est toute une sommité en matière de transformation des ressources forestières, mais, quand même, c'est un membre du cabinet. Il faisait son petit tour de piste en nous disant: Le projet répond à un besoin, demeure une priorité du gouvernement.

Celui-là même, le grand et fastueux ministre d'État au Développement économique qu'il était à ce moment-là, M. Bernard Landry, la bouche grande ouverte, nous disait: Le complexe forestier est une priorité pour le Québec. Quand il parlait, ce n'était pas n'importe qui, le ministre du Développement économique - à peu près à la même date, février ou mars 1981 - quand il disait: Le complexe forestier est une priorité pour le Québec.

Le ministre de l'Énergie et des Ressources disait dans "Le Droit" du samedi 3 septembre 1983, ce n'est pas vieux, M. le ministre: "Réunion avec Duhaime à Maniwaki. Le complexe forestier demeure une priorité du gouvernement." Je suis sûr que, quand il va se lever en réplique tantôt, ce sera pour nous dire: Oui, c'est vrai et ça le demeure toujours. Entre nous, M. le ministre, il n'y a plus personne qui vous croit. Plus personne ne vous croit. (11 h 20)

II fallait lire l'éditorial de Johannes Martin-Godbout. Vous vous rappelez, M. le ministre, combien de fois vous me l'avez citée quand elle écrivait des choses à votre goût pendant la commission sur le saccage de la Baie James. Vous ne vous le rappelez peut-être pas, mais moi, je me le rappelle. Voici ce qu'elle dit de votre gouvernement, dans le dossier du complexe forestier, en date du 27 avril 1984: "Les manifestations d'impatience à Maniwaki n'ont rien de surprenant. Les citoyens ont encaissé de promesse en promesse la plus dure leçon. Québec ne les a pas pris au sérieux." C'est cela que le gouvernement a fait. Il s'est foutu des gens de la Haute-Gatineau. Il les a leurrés. Il les a bernés en leur promettant mer et monde pour les amener à voter pour lui.

Je ne me le cache pas, M. le Président, à l'élection de 1981, à Maniwaki, le candidat du Parti québécois a obtenu au moins 400 votes de majorité sur ma candidature, et à partir de quoi, M. le Président? M. André Racine, qui est aujourd'hui au cabinet du ministre de la Justice, s'en fout pas mal du complexe forestier de la Haute-Gatineau, mais il fallait le voir, membre de la commission de la route Maniwaki-Témiscamingue, membre d'à peu près tout ce qu'il y avait de comités de citoyens et de comités d'animation, blâmer le député de Gatineau de ne pas réaliser le projet et dire comment le gouvernement péquiste, dès le lendemain de l'élection, procéderait à la construction.

Je vous lirai un extrait d'un télégramme qu'a envoyé le maire de Maniwaki, M. Gendron, qui, depuis les tout débuts, a travaillé pour une seule cause, avec une seule motivation, celle de voir le projet se réaliser pour créer des emplois pour les gens de chez lui. Il s'est associé au Parti québécois avant l'élection de 1981. Il s'est associé à tous ceux qu'il croyait de bonne foi à vouloir réaliser ce projet. Aujourd'hui, il est amèrement déçu. Il écrivait au ministre de l'Énergie et des Ressources, dans un télégramme, durant les manifestations qu'on a connues il y a quelques semaines, et je cite: "Ces gens - en faisant référence aux gens de la Haute-Gatineau - sont déterminés et ils ont toujours frais à la mémoire les promesses successives des Ouellette, Bérubé, Landry et Duhaime qui, pour des raisons sûrement valables, politiques, économiques ou autres, ont promis aux gens de la Haute-Gatineau que le gouvernement allait faire tout en son possible pour que le complexe forestier devienne une réalité en Haute-Gatineau. Pour

les gens d'ici, Bellerive-Ka'N'Enda ou REXFOR n'est rien de moins qu'une filiale de votre gouvernement." Il enchaînait: "Votre télégramme nous rappelle cette triste réalité que le seul péché qu'a commis notre population est d'avoir eu confiance en votre gouvernement, son gouvernement, en ses porte-parole, au point d'avoir donné au Parti québécois une majorité dans notre région lors des dernières élections."

Hier, à la suite de tout cela, que nous disait le ministre? J'y ai référé tantôt. Il nous a parlé de la continuation des travaux sur la route. Où est l'argent, M. le ministre? Vous nous promettez 2 000 000 $. C'est 5 000 000 $ par année qu'on aurait dû avoir. Tout cela devait être terminé pour 1984 et on en a encore jusqu'en 1995 sinon en l'an 2000 au rythme où les travaux se poursuivent sur cette route. Le complexe forestier, où est la volonté du gouvernement de respecter ses engagements? Hier, le ministre nous parlait d'une mine, de la possibilité d'exploiter une mine. Pensez-vous que vous allez faire du millage politique avec une mine, M. le ministre? Pensez-vous que le comité que vous avez créé... C'est au moins cela, vous avez accepté de créer un comité à la suite des manifestations qui ont duré plus de deux semaines dans la région parce que vous n'acceptiez pas, au préalable, de rencontrer les responsables de la région, le maire de Maniwaki, le préfet de la MRC.

Finalement, je souligne l'apport du député de Pontiac dans ce dossier et je le remercie, d'ailleurs, d'avoir travaillé dans l'intérêt de la région de l'Outaouais en général et de la Haute-Gatineau en particulier. Il le soulignait hier, il semble que ce gouvernement n'entend et ne répond aux aspirations des gens que lorsqu'ils bloquent les routes, quand ils font des manifestations et quand ils prennent les grands moyens. On en est rendu là avec ce gouvernement. Je dis, M. le Président, que si le porte-parole de notre parti en matière d'énergie et de ressources, le député d'Outremont, a indiqué hier que nous voterons pour l'adoption du principe du projet de loi 66, ce n'est pas sur mon insistance. Je peux vous dire franchement, M. le Président, que ce n'est pas moi qui ai tenté de l'influencer pour qu'on vote de cette façon, parce que s'il n'en était que de moi, que de l'expérience qu'on a vécue chez nous, c'est un vote contre que j'enregistrerais à ce projet de loi 66 parce qu'il vise non seulement à ne pas respecter les engagements du gouvernement actuel mais, bien plus, il vient en quelque sorte voler le projet d'usine de panneaux MDF qui devait être construite à Mont-Laurier. On le vole au profit de la région de l'Outaouais, au profit de Mont-Laurier. On n'a rien contre cela mais la présence de REXFOR dans ce dossier, loin de traduire les supposées intentions du gouvernement de réaliser le projet de CITUF à Maniwaki, a fait en sorte que cela a avorté. Maintenant, depuis 1976, huit ans plus tard, on est devant quoi en Haute-Gatineau? D'autres promesses du gouvernement. On va faire quelque chose quelque part, grâce à des travaux d'un comité quelque part.

M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, j'ai confiance que vos intentions sont louables mais je vous dis que vous faites partie d'un gouvernement qu'on ne peut plus prendre au sérieux, qu'on ne peut plus croire chez nous. Je vous avise tout de suite que si les résultats concrets ne viennent pas bientôt par vos interventions dans la région, vous devrez en répondre aux prochaines élections.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. ministre de l'Énergie et des Ressources, votre droit de réplique.

M. Yves Duhaime (réplique)

M. Duhaime: M. le Président, vous allez comprendre facilement que mes premiers mots vont être des paroles de félicitations non pas sur la dernière intervention mais sur la position officielle prise par le Parti libéral sur le projet de loi 66 puisque, selon ce que le député d'Outremont nous apprenait hier, lors de son discours en deuxième lecture, le Parti libéral du Québec votera avec le gouvernement du Parti québécois sur ce projet de loi. J'ai dit hier que j'allais offrir des félicitations si la formation libérale décidait de joindre son vote au nôtre et je le fais M. le Président. Je le fais sans aucune réserve.

J'ajouterais un peu d'admiration pour le député de Gatineau qui vient de nous faire un discours en disant: "S'il n'en était que de moi, je voterais contre." Je pense que c'est un bel exemple de solidarité envers votre formation politique. Je vous en félicite.

Je voudrais également dire que nous avons connu hier, de façon officielle, la position du Parti libéral. Si j'ai fait une intervention dans le sens de celle que j'ai prononcée hier c'est que j'avais des inquiétudes. Le député d'Outremont m'avait complètement désemparé en commission parlementaire parce qu'il est le critique officiel de l'Opposition. Il s'est présenté en commission parlementaire en disant: Excusez-moi mais aujourd'hui je vais parler en mon nom personnel.

Je voudrais ajouter mes félicitations à M. Bourassa; comme il n'est pas en Chambre, on doit donc lui parler à travers la lucarne et le remercier. Merci, Robert. Merci, Robert Bourassa pour avoir indiqué, soit lors d'une rencontre ou soit lors d'une conversation téléphonique, à son parti, à son aile parlementaire, d'aller au-delà de l'aveuglement et de la partisanerie politique et de

reconnaître que le gouvernement, par le projet de loi 66, avait déposé à l'Assemblée nationale un excellent projet de loi. Je comprends que M. Bourassa ait eu le temps de le lire, celui-là, parce qu'il a cinq ans.

Le projet de loi tient dans 200 ou 300 mots. Je pense qu'il faut être assez grand en politique pour être capable de reconnaître les mérites de ses adversaires, non pas ses ennemis, ses adversaires. Je dis à M. Bourassa que lorsque je le verrai personnellement, je vais le remercier à nouveau. Je le fais au nom de la population de Matane, au nom des résidents dans la vallée de la Matapédia, les résidents et les travailleurs du nord de la Gaspésie, au nom de ceux de Mont-Laurier, au nom de ceux du Témiscamingue. J'ajouterais également au nom de ceux de Maniwaki. Je vais revenir sur Maniwaki tantôt. Cela va permettre à M. Bourassa, lorsqu'il va se promener en région, de pouvoir dire à la population: sur chacun de ces projets, nous le Parti libéral du Québec nous appuyons le gouvernement, nous appuyons le ministre de l'Énergie et des Ressources qui veut que REXFOR, une société d'État, intervienne dans le développement économique, aille retrouver et rechercher des partenaires pour investir et créer de l'emploi. (11 h 30)

Je pense que ce projet de loi qui est très court, qui va augmenter le capital-actions autorisé de REXFOR de 66 000 000 $, qui va permettre d'investir... Touchons du bois, M. le Président, pour que chacun de ces quatre projets se réalise le plus rapidement possible, c'est presque 500 000 000 $ dont il s'agit.

J'avoue que je serais peut-être tenté de faire le même genre de discours que le député de Gatineau, parce qu'il n'y a rien dans mon comté, il n'y a aucun dollar d'investissement dans mon comté avec ce projet. Comme député de Saint-Maurice, je me sens un peu frustré. Pourtant, c'est une grande région forestière la Mauricie. Je pourrais dire aussi que, comme ministre responsable des huit comtés de ma région, je pourrais déclarer forfait et dire que cela n'a aucune espèce de bon sens. Le ministre de l'Énergie et des Ressources est responsable de REXFOR et là tu as un projet de loi à l'Assemblée nationale, presque 500 000 000 $ d'investissements, pas un sou pour la Mauricie. C'est vrai. Il y a des gens dans ma région de la Mauricie qui m'ont demandé ce que je faisais à l'Assemblée nationale: Est-ce que vous êtes là seulement pour développer les autres régions? Vous n'avez rien pour nous autres? Je leur réponds ceci: Chacun son tour. Dans notre région, il y a eu une aluminerie à Bécancour, 1 200 000 000 $. Si je déposais un jour à l'Assemblée nationale le nombre de députés des deux côtés de l'Assemblée nationale qui sont venus me rencontrer pour proposer un site industriel pour une aluminerie, vous verriez que la liste est longue.

On ne peut pas tout faire en même temps. Tout le monde sait que j'aurais souhaité, et je le maintiens même si le député de Gatineau ne me croit pas... je parle avec du monde aussi dans sa région. Le malheur, c'est qu'on ait analysé le dossier du côté de l'Opposition - je parle de celui de Maniwaki - à travers la lunette partisane, pour en venir à conclure d'une façon un peu simpliste, à mon point de vue, que, parce que M. Léonard est député de Laurentides-Labelle, ministre des Transports et mon collègue au cabinet, nous aurions décidé un bon matin de déménager de 40 milles un investissement. Voyons donc! Soyons sérieux. Nous disons depuis plusieurs années que dans la région de la Haute-Gatineau, autour de Maniwaki, il y a là un potentiel forestier très important. Nous souhaitons qu'il soit mis en valeur le plus rapidement possible. C'est dans ce sens d'ailleurs que nous avons décidé d'aller de l'avant avec la construction de la route de Maniwaki-Témiscamingue. Il est bien certain que si mon budget était plus gros, j'en dépenserais davantage, mais dans un gouvernement, il faut composer, il faut arbitrer et on a passé une crise économique très difficile.

La route Gagnon, c'est exactement la même chose. On souhaiterait la faire plus rapidement. Je vais dire au député de Gatineau, pour le consoler, que les libéraux ont mis 27 ans à relier le fleuve Saint-Laurent à la rivière Saint-Maurice dans ma région, 27 ans. N'allez pas penser qu'il y a 270 milles. Il y a 27 kilomètres entre les deux points. Cela a pris 27 ans. Qui est-ce qui l'a terminée? C'est notre gouvernement en 1976. Jean Lesage parlait de cela en 1960 dans ma région: On va construire une autoroute entre Trois-Rivières et Grand-Mère. Rendu à 1976, les deux points étaient reliés, mais sur deux voies seulement. Notre gouvernement à nous, l'a réglé le problème: on l'a construite. La route Maniwaki-Témiscamingue, je l'ai dit l'autre jour à M. le maire Gendron en présence de M. Lafrenière, je crois, qui est préfet de la MRC, je leur ai dit: "Je vais faire un réaménagement à l'intérieur de mon propre budget pour faire en sorte que cette année des travaux soient faits sur le terrain pour la route Maniwaki-Témiscamingue et je tiendrai parole, M. le Président.

On a cité beaucoup de déclarations de mes collègues. Je vais les expliquer de la manière suivante. C'est peut-être l'enthousiasme, M. le Président, c'est peut-être la très grande confiance dans le projet. Je le dis à la population de Maniwaki et je le fais très sérieusement, lorsque REXFOR avait ce mandat de mettre en route un complexe intégré de transformation et

d'utilisation de la forêt, il a toujours été dit et j'aurais souhaité que le député de Gatineau le précise tantôt - que REXFOR devait se trouver des partenaires. Le président de REXFOR, M. Duchesneau, l'a dit très clairement: Nous n'avons même pas pu trouver un partenaire pour mettre en route un projet MDF pour Maniwaki. Nous n'écartons pas, nous ne rayons pas le dossier ou le projet du CITUF, au contraire, M. le Président, il est maintenu. J'espère que nous pourrons aller de l'avant le plus rapidement possible.

Je suis content finalement des discours des députés libéraux pour une raison, M. le Président. En dehors de l'Assemblée nationale, M. Robert Bourassa, même le député de Vaudreuil-Soulanges tout récemment - le no 3 - a fait un discours pour dire qu'un gouvernement libéral mettrait la hache dans les sociétés d'État. Je pense que c'est mon collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue qui avait la coupure en main hier et qui en a parlé dans son intervention.

Il faudrait qu'on se branche en face, M. le Président. Est-on en faveur de l'intervention des sociétés d'État dans l'économie et, entre autres, REXFOR? Je dois conclure des discours entendus hier à l'Assemblée nationale que le Parti libéral du Québec est d'accord. Si vous êtes d'accord à l'Assemblée nationale, pourquoi ne tenez-vous pas le même discours à l'extérieur? Vous faites le cheminement inverse de votre ancien nouveau chef qui, lui, est à l'extérieur de l'Assemblée nationale continuellement et qui dit le contraire de vous autres. Finalement, vous êtes certains de rencontrer le point de vue de tout le monde. Je comprends que, stratégiquement, cela peut être un peu idiot, mais sur le plan logique, cela ne se tient pas beaucoup.

C'est à grands cris qu'on réclame l'intervention de REXFOR. Ce n'est pas un édit biblique, l'affaire de REXFOR. REXFOR est une société d'État. On souhaiterait nous, bien sûr, qu'on puisse préciser, attacher, accepter un plan de développement qui soit beaucoup plus précis. Mais il faut bien comprendre l'ambiguïté du mandat de REXFOR que soulignait, à juste titre, le président de REXFOR, le député d'Outremont en a parlé également, cela saute aux yeux que le mandat est ambigu. Pourquoi le mandat est-il ambigu? C'est parce que, dans un premier temps, on demande à REXFOR d'avoir les mêmes règles de gestion, d'administration, les mêmes exigences, quant à la rentabilité, que l'entreprise privée. D'un autre côté, on lui envoie des douzaines des canards boiteux et on lui demande ensuite de prendre des risques très élevés.

Je prends un exemple: dans l'industrie du sciage, dans le nord de la Gaspésie, nous tentons actuellement d'intéresser des partenaires du secteur privé. Si vous saviez,

M. le Président, le nombre de fois que, au cours de ces discussions, ces gens-là avec qui nous parlons se sont dits prêts à investir, mais ils ne veulent pas prendre un capital de risque. Ils vont investir dans du capital-actions et ils demandent ensuite au gouvernement de garantir que ces actions vont garder au moins leur valeur au pair. Deuxièmement, ils demandent qu'elles aient une rentabilité garantie d'avance comme si c'était une obligation et, en plus, l'opportunité au bout d'un certain nombre d'années de prendre le paquet d'actions, de le mettre sur la table et de dire au gouvernement: Remettez-moi mon argent. Si c'est cela que vous appelez du capital de risque pour des partenaires, cela ne fera pas des enfants forts, M. le Président. Il faut bien comprendre que, dans l'industrie du sciage en Gaspésie, là où est l'entreprise privée, les uns après les autres se sont culbutés du premier jusqu'au dernier et la série de faillites pourrait être très longue. Aujourd'hui, la population de ces régions demande à REXFOR d'intervenir. Si REXFOR n'intervient pas, c'est le chômage, M. le Président, dans le nord de la Gaspésie. C'est le chômage! Personne ici ne veut que ces gens restent à ne rien faire, alors que la ressource est là. Alors, qu'est-ce qu'on fait? On donne un mandat à REXFOR. On ne lui demande pas de faire une analyse, strictement parlant. On lui dit: Nous souhaitons que vous interveniez. On fait des chiffres et on en arrive à évaluer les risques comme étant très élevés sur le plan de l'investissement. (11 h 40)

Le retour probable sur l'investissement sera faible. Je suis à peu près certain que nous serons en dessous des seuils de rentabilité pendant quelques années, mais le choix qu'on a, c'est quoi? C'est de ne rien faire et de laisser chômer la population. Lorsque les opérations de cette entreprise se font, c'est entendu que cela a un impact ensuite sur les états financiers de REXFOR. Je n'ai pas encore le nom du savant et brillant recherchiste du Parti libéral qui a refait, hier, les états financiers de REXFOR en essayant de démontrer par la voie du député d'Outremont que REXFOR était une compagnie qui, dans ses opérations forestières, là où elle était majoritaire, faisait des déficits. Ce n'est pas tellement sérieux. Si j'ai des actions dans Bell Canada, est-ce que j'irai voir les projets où se font des pertes? Ou encore, pour évaluer mon investissement ou encore les projets qui sont rentables, les investissements qui sont rentables et les placements, je vais les sortir du bilan? C'est complètement ridicule.

Il n'y a qu'une façon de lire un état financier. Ce qui compte - les Anglais appellent cela le "bottom line" - c'est la ligne d'en bas. Dans REXFOR, sur le bilan

consolidé, vous les avez, ces états financiers, en face. Vous n'avez pas l'air de me croire. Vous les avez en main. Je vais vous poser une question simple: En consolidation, y a-t-il une perte ou un bénéfice à REXFOR? Vous allez être obligés de conclure avec moi que c'est un bénéfice consolidé. II est bien évident que si j'enlève ce qui est payant, j'arriverai avec un déficit. On n'a pas besoin d'être dans le Parti libéral pour faire une opération semblable, mais quand c'est un recherchiste qui la fait, je trouve cela fort.

Le député d'Outremont a l'air d'être scandalisé parce que le capital-actions de REXFOR ou son équité serait plus élevé que son chiffre d'affaires. Ce sont des ratios qui ne tiennent pas debout. Je vous renvoie à Hydro-Québec. Hydro-Québec est rendue à un capital-actions de l'ordre de 6 000 000 000 $ dans l'équité. Quel est le chiffre d'affaires d'Hydro-Québec? 3 500 000 000 $. Conclusion: L'équité, quand vous regardez votre feuille de comptabilité, fait partie du passif. Il est bien évident que c'est la taille de l'entreprise ou le niveau des investissements qui va commander l'équité, pas nécessairement le chiffre d'affaires. Cela ne veut rien dire. Je regardais vos grands tableaux hier après-midi. Franchement, vous avez perdu votre temps là-dedans. Ce dont REXFOR a besoin, c'est de 66 000 000 $ pour augmenter son capital-actions ou son équité. Avec ces 66 000 000 $, REXFOR ira rejoindre, espérons-le, des partenaires dans chacun des projets. Le total du capital-actions que REXFOR irait rejoindre sera de l'ordre de 130 000 000 $ ou 135 000 000 $. Cela voudra dire, au total, 190 000 000 $ ou 200 000 000 $ d'investissements dans du capital de risque qui, à leur tour, vont entraîner un investissement total de 486 000 000 $.

Je pense que le projet de loi 66 qui sera mis aux voix à l'Assemblée nationale répond à d'urgents besoins en Gaspésie, à Matane, dans le Témiscamingue et aussi à Mont-Laurier. Ces quatre projets dont un, celui du sciage en Gaspésie, devrait démarrer dans les semaines qui viennent avec un centre de traitement à Matane et la modernisation dans quatre des six moulins de sciage. Nous espérons achever les discussions avec les créanciers ou les gestionnaires des entreprises de Mont-Logan et de Marsoui pour être capables de se mettre en route et d'intégrer ces deux-là également à l'ensemble du projet.

M. le Président, je voudrais dire un dernier mot, parce que le député d'Outremont semblait trouver que de ce côté-ci, on ne s'impliquait pas beaucoup dans la forêt, qu'on ne faisait pas grand-chose. Je voudrais rappeler qu'hier matin, en conférence de presse, je rendais public un document sur la politique forestière du

Québec. "Problématique d'ensemble". Ce document est daté de juin 1984. Il vient d'être déposé. C'est un document d'environ 150 pages qui va permettre à l'ensemble des intervenants dans le secteur de la forêt de prendre connaissance de la problématique. Tout ce qu'on a fait se résumait à présenter le portrait de la situation. On a essayé de donner le maximum de renseignements. On dit à nos partenaires du secteur de la forêt: Prenez donc trois mois pour faire l'examen de ce document afin de nous donner vos points de vue sur un certain nombre de sujets que vous êtes en mesure d'établir vous-mêmes à loisir.

J'espère qu'en septembre on puisse avoir complété ces séries de consultations et qu'on soit en mesure d'identifier et de décanter des consensus pour être capable d'aller de l'avant. Il y a des choses à modifier, c'est évident. Mais, dans l'ensemble, sur le fond, je crois qu'il n'y aura pas de grandes remises en cause. Je suis un peu inquiété par les positions du Parti libéral qui dit qu'il faudrait que les entreprises privées s'impliquent de nouveau dans la forêt publique. J'espère que le Parti libéral ne se prépare pas à promettre le retour aux concessions forestières. J'espère.

En terminant, je voudrais remercier mes collègues de l'Assemblée nationale et en particulier ceux de l'Opposition - bien sûr, pourquoi pas? - de même que mes collègues de Matapédia, de Montmagny-L'Islet, de Matane et de Labelle, de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, d'Abitibi-Est qui se sont intéressés à ce projet et qui ont fait hier des interventions pour l'appuyer. Cet après-midi, je pense que nous serons en commission parlementaire pour faire l'étude article par article de ce projet de loi. Cela devrait aller rapidement parce qu'il n'y a que cinq articles. Ensuite, nous voterons en troisième lecture. Aussitôt que le vote de troisième lecture sera pris, nous pourrons verser les fonds requis à REXFOR pour être capable de faire démarrer tout de suite son premier projet. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que le principe de ce projet de loi qui se lit comme suit: Loi modifiant la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestier, est adopté? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Blouin: M. le Président, je propose donc que le projet de loi 66 soit déféré à la commission de l'économie et du travail, qui sera présidée par un président de séance. Également, comme le leader du gouvernement l'a précisé au début de cette séance, que cette commission siège à compter de 15

heures, à la salle 81.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette double motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. Gratton: Est-ce que le ministre va être membre de la commission?

M. Blouin: Forcément, puisqu'il s'agit d'une commission qui étudie un projet de loi public et non un projet de loi privé. Sur ce, M. le Président, nous allons parler maintenant des heures d'affaires des établissements... Pardon?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a consentement pour ajouter cette nouvelle commission?

M. Gratton: Oui.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, il y a consentement. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, nous allons maintenant parler des heures d'affaires des établissements commerciaux. Sur ce, je vous demande d'appeler l'article 2) de notre feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 59

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. M. le député de Châteauguay.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Ce projet de loi 59 ne constitue pas une première action législative au Québec sur les heures d'affaires puisqu'il existe une loi datant de 1970. C'est une loi qui a eu son utilité et qui a besoin aujourd'hui d'être retouchée, le temps ayant démontré qu'il y a maintenant une lacune sur le plan des pénalités. Cette lacune est même devenue un encouragement à désobéir à la loi.

De plus, le projet de loi 59 cherche à combler une autre lacune qui, cette fois, concerne la question des heures d'affaires le dimanche. Celle-ci échappe actuellement au contrôle des lois québécoises puisqu'il appartient à une vieille loi fédérale de 1907 de la régir. Cette situation a pour principal inconvénient qu'un très grand nombre d'infractions à la loi fédérale sont commises menant à des amendes ridicules, la plupart du temps 1 $, et créant un déséquilibre de plus en plus grand, de plus en plus gênant dans l'ensemble du champ des activités de la vente au détail. C'est, d'ailleurs, ce jour de la semaine, le dimanche, qui provoque le plus d'infractions. (11 h 50)

Le déséquilibre créé est d'autant plus gênant que depuis 1970 les règles régissant les heures d'affaires se sont substituées aux lois habituelles de la concurrence. Cette réalité a eu surtout l'avantage que les petits marchands n'ont pas été avalés par les gros, comme cela se voit fréquemment aux États-Unis. Cette loi de 1970, très utile à ce point de vue, n'est d'aucune façon trahie dans ses principes par les modifications qu'apporte le projet de loi 59; cela aurait été inconcevable, on le comprend bien. Je pense qu'il faut se réjouir que le projet de loi 59 accentue cette protection des petits marchands selon cette mission qu'on avait donnée à la loi de 1970. Des petits commerçants qui croient le contraire se sont fait raconter des histoires, et je le trouve regrettable.

Si le projet de loi 59 reconduit les principes de la loi actuelle, il cherche, cependant, à en améliorer les modalités d'application. Ainsi, les exceptions, dans les secteurs où le consensus s'est fait, se sont multipliées raisonnablement et il y a resserrement du texte de la loi là où de mauvaises habitudes ont été prises. Nous ferions preuve d'irresponsabilité si nous ne faisions pas le nécessaire aujourd'hui pour que la vague d'illégalité sur les heures d'affaires ne soit pas endiguée.

Je me réjouis que le projet de loi 59 prévoie des modalités qui seront significatives, donc plus susceptibles d'inciter au respect des heures légales. Ainsi, les amendes pourront varier de 200 $ à 5000 $ dans le cas d'une première offense et entre 400 $ et 10 000 $ dans le cas de récidive. Tous les intervenants concernés, sauf, bien sûr, ceux qui sont habitués à la récidive, on le comprendra, ont demandé au gouvernement que les pénalités soient augmentées dans la loi. À mon avis, les modifications prévues dans le projet de loi 59 sont susceptibles de recréer l'équilibre qui existait au moment où la loi a été votée en 1970, mais qui s'est brisé par de trop grandes entorses à la loi, équilibre qu'il a paru normal de rechercher dans le domaine de la vente au Québec depuis 1970.

Cette recherche d'équilibre nouveau ne

peut pas être faite sans avoir à l'esprit que les employés sont un élément important de la question qui nous occupe. On ne pourrait donc pas prendre cela à la légère. Ce n'est pas tout de souhaiter que les consommateurs soient bien servis; il est de notre devoir de faire en sorte que le changement ne se fasse pas sur le dos de ceux qui donnent le service, c'est-à-dire des employés qui ont droit, eux aussi, à une vie normale.

Cette recherche d'équilibre, qui nous a paru si importante dans le processus de correction de la loi actuelle, s'est faite de façon démocratique, par une consultation auprès de tous ceux qui sont concernés. Une première consultation a eu lieu au printemps 1983, ce qui a permis de préparer le projet de loi 59, c'est-à-dire sa première version. 172 mémoires avaient été préparés et destinés à éclairer le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Certains avaient demandé le statu quo, d'autres avaient demandé une certaine libéralisation de la loi. La plupart avaient insisté pour que la loi soit améliorée sur le plan des pénalités et à peu près tout le monde avait demandé que la loi québécoise sur les heures d'affaires couvre dorénavant les heures d'affaires le dimanche.

Dans la première version du projet de loi 59, le ministre avait tenté de tenir compte au maximum des points de vue de tout le monde, ce qui n'a pas été facile, on en conviendra, M. le Président. Cette première version a fait l'objet, après la première lecture à l'Assemblée nationale, d'une autre consultation qui a donné lieu à 40 mémoires qui ont été entendus par une commission parlementaire à laquelle j'ai participé, ce qui m'autorise à en témoigner. Cette audition de mémoires a permis de comprendre qu'il fallait tenter d'apporter d'autres corrections au projet de loi 59 de façon à tenir compte davantage des points de vue exprimés.

Peut-on honnêtement reprocher à un ministre, en l'occurrence le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, d'entendre les intervenants concernés et d'essayer, une seconde fois, de mieux tenir compte de leurs points de vue et surtout de le faire en cherchant le plus possible à répondre aux consensus qui se sont dégagés de plus en plus clairement avec le temps? Non. Faire un tel reproche au ministre, ce serait, en fait, lui reprocher d'avoir été le plus démocratique qu'il puisse être.

Avec cette nouvelle version du projet de loi 59, les modalités de la loi sont, à toutes fins utiles, arrêtées. Nous sommes conscients que cette version comporte encore des contraintes pour certains marchands, certains commerçants. Il arrive parfois que, pour rechercher la justice et l'équité, le législateur doive faire preuve d'une certaine tolérance particulièrement en ce qui concerne les délais d'application de la loi. La commission parlementaire a démontré qu'il fallait donner à certains commerçants le temps de s'ajuster. C'est le cas des pharmacies. C'est le cas des marchés publics d'alimentation et des marchés aux puces. Il ne faut donc pas s'étonner, M. le Président, que le législateur prévoie la nécessité de donner au gouvernement une certaine latitude quant à la façon de vivre la période de transition entre la situation vécue présentement par les pharmacies, les marchés publics d'alimentation, les marchés aux puces et celle que prévoit le projet de loi 59.

Il n'y a rien là de vraiment fâcheux puisque c'est tenir compte de la nature des choses que de permettre au ministre d'intervenir, si nécessaire, dans cette question des délais et modalités prévus pour qu'il y ait conformité aux exigences de la loi en toute équité, en toute justice. Le député de Laporte, le porte-parole officiel du Parti libéral sur les questions d'industrie et de commerce, voyait là hier soir une forme d'arbitraire du ministre. N'ayant pas de critique sérieuse à faire, c'est tout ce qu'il a trouvé à dire de sérieux sur le projet de loi 59.

Voyons, d'abord, le cas des pharmacies. Comme le disait le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, hier, ces pharmacies, à l'origine de la loi, avaient obtenu la permission de vendre des produits alimentaires. Cela s'expliquait par une situation de fait qui existait dans des villes et des villages éloignés des grands centres. Ces pharmacies s'étaient graduellement développées en superdépanneurs, une sorte de magasin général. Ayant, d'une façon circonstancielle, bénéficié d'un certain droit acquis, il est normal que nous cherchions à faire en sorte que l'application de la loi tienne compte de cette réalité particulière. Un droit acquis, c'est un droit acquis et cela doit être respecté quand c'est possible. Le député de Laporte devrait savoir cela. L'arbitraire qui découle d'obligations de fait n'est pas de l'arbitraire sur le plan des personnes. Le ministre ne peut pas être mis en cause. C'est la situation qui exige qu'on prévoie de telles mesures. Afin que tout cela se fasse dans la plus grande clarté, le projet de loi prévoit qu'une demande d'autorisation soit faite au ministre avant le 1er septembre 1984. Cette exception, à toutes fins utiles, n'existera que pour les pharmacies existantes et les nouvelles pharmacies devront se conformer totalement à l'esprit et à la lettre de la loi.

Pour ce qui est des marchés publics d'alimentation, puisqu'une très grande part de ces marchés et des commerces qui y sont inclus se sont développés sur une base d'illégalité, il est normal que le législateur exige de ces commerçants qu'ils se conforment maintenant à la loi telle qu'elle

existe et aux modifications que le projet de loi 59 entend y apporter. Un minimum de réalisme exige que nous tenions compte des difficultés d'adaptation que cela comporte. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit que les marchés publics d'alimentation auront jusqu'au 31 décembre 1986 pour se conformer à la loi. Pourquoi un délai aussi considérable? Il ne faut pas être grand devin pour le comprendre. M. le député de Laporte aurait pu comprendre cela facilement. Je ne sais pas ce qui l'aveugle, sinon la partisanerie. De toute évidence, la conformité à la loi exigera des travaux assez substantiels; il est normal que nous leur donnions le temps de les faire. Mais aussi, M. le Président, cette nouvelle situation exigera des ajustements sur le plan du fonctionnement. Étant donné l'interdépendance des commerces qui existe dans les marchés publics d'alimentation, il est normal que l'on donne à ces marchands le temps de s'ajuster et il est normal aussi que l'on prévoie une marge de manoeuvre du gouvernement en ce sens. Le député de Laporte y voit là des liens électoraux. Je ne lui reprocherai pas d'avoir l'imagination trop fertile.

Pour ce qui est des marchés aux puces qui ont été dénoncés par plusieurs intervenants à la commission parlementaire, je pense pouvoir dire que leur effort de conformité à la loi telle que modifiée ne devrait pas entraîner un très long processus et de très grandes difficultés. Aussi, le législateur prévoit-il que cette conformité devra exister au 31 janvier 1985. Tout cela n'est, en fait, qu'une question de réalisme. (12 heures)

Je me réjouis de ce que tout le processus de consultation ait mené à un large consensus parmi tous les intervenants concernés et qu'il ait mené à un résultat qui satisfait aujourd'hui la quasi-totalité des marchands et des consommateurs concernés. Je m'en réjouis d'autant plus qu'un consensus dans un domaine aussi particulier que celui de la vente au détail n'est pas facile à faire. C'est un champ d'activité où, il faut l'admettre, les intérêts particuliers risquent de conditionner profondément les attitudes et c'est normal. Je ne le dénonce pas, je le constate.

Il semble que le député de Laporte ait beaucoup de difficulté, cependant, à comprendre cela. On l'a vu hier soir quand il a parlé de la réimpression du projet de loi 59 en disant que la première version du projet de loi avait été lancée précipitamment. Très drôle! M. le député de Laporte ne semble pas bien saisir ce que représente la confection d'un consensus dans un secteur aussi particulier que celui-là, comme si la confection d'un consensus relevait de la magie. Nos adversaires, eux, peuvent parler de magie, mais, quand on est au pouvoir, on ne peut pas se permettre de telles fantaisies.

À mon avis, le député de Laporte s'est beaucoup trop embourbé dans la partisanerie et cela l'a non seulement empêché de faire des suggestions constructives au gouvernement quant à des améliorations qui pourraient peut-être encore être apportées au projet de loi, mais, en plus, nous avons été à même de constater qu'il a été hier, pendant son discours sur le projet de loi 59, un peu comme une girouette qui se laisse guider par le vent. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que c'est ce qu'aurait l'air son chef, M. Bourassa, s'il se retrouvait à l'Assemblée nationale. Présentement, M. Bourassa joue à Fantomas, ce fameux personnage qui cherchait à se montrer intelligent en se cachant. Vous avez sans doute vu les films, M. le Président. Je pense que la comparaison est intéressante.

Je voudrais maintenant vous faire part de certains témoignages de gens concernés qui démontrent qu'il existe un très large consensus face à ce projet de loi 59 réimprimé. D'abord, le témoignage de M. Pierre Racicot, coordonnateur de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. M. Racicot disait: "Selon nous, il ne faudrait pas que le gouvernement permette l'ouverture des magasins le dimanche parce que cette mesure ferait augmenter les prix à la consommation, tout en favorisant la surconsommation des ménages. Il nous apparaît que l'étalement sur sept jours d'ouverture aura pour effet d'augmenter les coûts des entreprises qui se répercuteront inévitablement sur les consommateurs et les consommatrices."

Il ajoutait: "Nous sortons à peine d'une période inflationniste qui a entraîné des hausses de prix, du chômage et des mises à pied." M. Racicot ajoutait, dans un communiqué en date du 6 juin 1984: "Une augmentation de la consommation le dimanche aurait pour effet de provoquer une plus grande utilisation des guichets automatiques dans les banques par les consommateurs et cela entraînerait une diminution de l'épargne des ménages et favoriserait leur endettement."

M. Normand Séguin, le président de l'Association des détaillants en alimentation, disait du projet de loi 59: "II s'agit d'une mesure de justice qui empêchera la concurrence déloyale que plusieurs commerçants, en particulier ceux de l'alimentation, ont à subir depuis 1970." Il ajoute: "Nous pouvons facilement dire qu'avoir à payer des employés sur sept jours avec le même volume d'affaires que sur six jours, cela aura pour effet d'augmenter nos coûts d'exploitation." M. Séguin ajoute: "La vaste majorité des propriétaires de commerces appuient le projet de loi 59 modifié, car, cette fois, on traite tout le

monde sur un pied d'égalité."

M. le Président, un front commun favorable au projet de loi 59 tel que modifié s'est formé. Il est composé de 49 associations, SIDAC et autres organismes. Les porte-parole de ce regroupement, de ce front commun, concluent du projet de loi 59: "qu'il permet de maintenir un service approprié aux consommateurs, tout en assurant une concurrence mieux équilibrée entre les petits et les gros détaillants et en respectant la qualité de la vie de celles et de ceux qui travaillent dans ces établissements."

Un autre témoignage: M. Thomas Kukovica, président du Conseil provincial de l'Union des employés de commerce qui représente 30 000 employés syndiqués. Il disait: "Dans notre société contemporaine où les enfants vont à l'école du lundi au vendredi et où les parents sont appelés à travailler du lundi au samedi inclusivement, le dimanche est devenu le seul et unique moment privilégié de la vie familiale." Il ajoute: "Le fait de permettre d'ouvrir le dimanche à un certain nombre de commerces va augmenter le prix des produits et va obliger les corps publics à augmenter leurs taxes en raison des services qu'ils sont obligés de fournir en surplus." Le président de l'union conclut: "À notre avis, le commerce constitue l'industrie où la concurrence demeure la plus féroce et où le moindre avantage consenti à un commerçant par rapport à un autre se transforme inéluctablement en gain pécuniaire appréciable." À mon avis, la réalité que décrit M. Kukovica est très près de la vérité. C'est la raison pour laquelle il fallait éviter une libéralisation sensible des heures d'affaires.

Autre témoignage, celui de M. Louis Laberge, président de la FTQ, qui disait: "La concurrence déloyale faite par les nouveaux marchés publics et les pharmacies aux magasins d'alimentation se solde par des pertes d'emplois et par une détérioration des conditions de travail."

Ces témoignages démontrent bien qu'il n'y avait véritablement qu'une voie à suivre face à l'obligation de rafraîchir l'actuelle Loi sur les heures d'affaires. Ce devait être dans l'équilibre et dans le consensus. C'est ce qui caractérise le projet de loi 59. À peu près toutes les conditions sont réunies pour qu'on soit à l'aise de voter pour ce projet de loi. On ne saurait trouver de raison de s'opposer au principe aussi raisonnable d'un tel projet de loi qui apporte des modifications à une loi existante.

La raison pour laquelle nous avons eu droit hier à l'Assemblée nationale à un discours aussi échevelé de la part du porte-parole officiel du Parti libéral dans le secteur de l'industrie et du commerce réside dans le fait qu'il ne pouvait trouver réellement de défauts majeurs au projet de loi. Aussi, le député de Laporte a dû exceller dans la partisanerie et la recherche de puces, son attitude allant parfois jusqu'à la contradiction, quand ce n'était pas faire preuve d'une complète incompréhension du processus de confection d'une loi, particulièrement d'une loi qui se doit de chercher un équilibre comme c'est le cas de la loi 59. Le député de Laporte aura l'occasion de se reprendre en votant pour le principe du projet de loi 59. J'incite tous mes collègues à l'Assemblée nationale à en faire autant. C'est dans ce sens, je pense, que se trouveraient nos responsabilités de députés. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais parler seulement d'un point en ce qui concerne le projet de loi 59; il s'agit de la liberté de religion et des heures d'affaires des établissements commerciaux. Vous savez bien que la charte québécoise et la charte canadienne des droits garantissent la liberté de religion. Au-delà de ces garanties, il faut permettre l'exercice libre d'une religion. J'aimerais vous donner des exemples. Admettons que quelqu'un est religieux et que son sabbat est le samedi. Admettons que cette personne est bénéficiaire de l'assurance-chômage et qu'on lui offre un emploi qui exige le travail le samedi. Si cette personne refuse le travail, je ne pense pas qu'elle devra perdre son assurance-chômage parce qu'on ne peut pas forcer quelqu'un à faire quelque chose que sa religion l'empêche de faire. (12 h 10)

Un autre exemple: dans nos prisons, il y a des détenus qui sont de religion musulmane ou juive, des personnes qui ne mangent pas de porc. On sait que, dans nos prisons provinciales et dans nos pénitenciers fédéraux, on prend des mesures pour ne pas servir de porc à ces personnes puisqu'elles ne peuvent pas en manger à cause de leurs croyances religieuses.

Le projet de loi 59 prévoit la fermeture des magasins le dimanche. On sait bien que des personnes pratiquent des religions où le sabbat n'est pas le dimanche, mais le samedi, par exemple. Ces personnes ne travaillent pas le samedi. Des gens ne travaillent pas le dimanche parce que c'est leur sabbat, d'autres ne travaillent pas le samedi parce que c'est leur sabbat; il y a aussi des gens qui ne travaillent pas le vendredi parce que c'est leur sabbat. Quand j'ai visité Jérusalem, cela m'a beaucoup frappé qu'il y ait des magasins fermés le vendredi parce que les propriétaires sont musulmans, mais ils sont ouverts le samedi.

Des magasins sont fermés le samedi parce que leurs propriétaires sont des juifs orthodoxes; des magasins sont fermés le dimanche parce que leurs propriétaires sont chrétiens. Il y a toujours des magasins qui sont ouverts sept jours par semaine, mais des gens ferment soit le vendredi, le samedi ou le dimanche.

Quel est le fondement de notre loi, de notre pratique de fermer les magasins le dimanche? Au XIXe siècle, au Canada, il y avait un mouvement en faveur de la tempérance parrainé par les Églises évangéliques, par exemple, l'Église méthodiste; relié à ce mouvement, il y avait celui en faveur de l'observance du dimanche. Au XIXe siècle, en Ontario, la Législature a adopté la Loi sur le dimanche, une loi provinciale. Cela a été contesté devant les tribunaux et jugé inconstitutionnel dans l'arrêt du Procureur général de l'Ontario contre Hamilton Street Railway, 1903, Appeal Cases, page 524. Le comité judiciaire du Conseil privé, qui était la cour de dernière instance pour le Canada à l'époque, a décidé que la religion est de compétence fédérale en vertu de la compétence fédérale sur le droit criminel. Il a relié la religion au droit criminel et il a décidé qu'une loi qui porte sur la religion doit être nécessairement adoptée par le Parlement fédéral. Il a fait l'analogie avec le droit criminel au Royaume-Uni d'où vient notre système de droit criminel. Comme, au Royaume-Uni, la religion faisait partie du droit criminel, on a dit que c'était la même chose ici. Donc, la loi provinciale a été jugée inconstitutionnelle.

Trois ans plus tard, en 1906, le Parlement fédéral a occupé le champ en adoptant la Loi canadienne sur le dimanche. Dans cette loi canadienne encore en vigueur, tout est interdit le dimanche, sauf si quelque chose est permis par une loi provinciale. On se souvient bien que, dans les années quarante et cinquante, par exemple, il était possible d'aller au cinéma à Montréal, mais pas à Toronto. Le dimanche, on jouait au base-bail à Montréal, mais pas à Toronto. C'était parce qu'au Québec on permettait ces événements, mais en Ontario on n'avait pas de loi pour permettre le cinéma ou le base-bail le dimanche.

Cette loi fédérale de 1906 a été contestée en vertu de la Déclaration canadienne des droits qui protège la liberté de religion dans l'arrêt Robertson et Rosetanni contre la reine en 1963, rapport de la Cour suprême à la page 651. Il s'agissait des propriétaires d'une salle de quilles qui avaient gardé leur salle de quilles ouverte le dimanche. Parce qu'il y avait une poursuite contre eux en vertu de cette loi fédérale, ces gens ont contesté la validité de la loi fédérale et sont allés jusqu'en Cour suprême du Canada où les juges ont dit que la loi fédérale en question était valide.

La cour a dit que cette loi fédérale qui réglemente le travail le dimanche avait un caractère séculier. Si c'est vrai, le fondement constitutionnel de la compétence fédérale est disparu parce que le gouvernement fédéral peut légiférer sur le dimanche seulement s'il s'agit de matières qui touchent le droit criminel. Si c'est une matière séculière, le Parlement fédéral ne peut pas légiférer. Donc, on a toujours trouvé très difficile d'expliquer le ratio decidendi, le fondement juridique, plutôt, de cette décision de la Cour suprême du Canada. La décision a même été fort critiquée par le professeur Bora Laskin qui est devenu ensuite juge en chef de la Cour suprême du Canada.

Aujourd'hui, cette loi fédérale sur le dimanche est encore contestée et, cette fois, parce que les gens plaident que cette loi fédérale va à l'encontre de la garantie de la liberté de religion qu'on trouve dans la charte canadienne des droits de la personne. Je pense que la Cour d'appel de l'Alberta a déjà dit que la loi était inconstitutionnelle et invalide et, maintenant, la cause sera bientôt plaidée à la Cour suprême du Canada. Ce sera le dernier mot sur la validité de la loi fédérale sur le dimanche vis-à-vis de la liberté de religion. Si le projet de loi 59 portait seulement sur la fermeture le dimanche, ce serait une loi invalide et inconstitutionnelle, mais le projet de loi 59 porte sur les heures de travail en général et, incidemment, sur le dimanche. Le projet de loi porte sur les jours de repos et, incidemment sur le dimanche. Donc, il est fort probable que le projet de loi soit valide, comme la loi de l'Ontario qui porte sur la même matière.

M. le Président, il y a des propriétaires de commerces qui observent le samedi comme jour de repos. Ces personnes ferment leur commerce le vendredi, avant le coucher du soleil jusqu'au samedi soir. Leur religion leur interdit de commercer le vendredi soir et toute la journée du samedi. Je parle des personnes qui sont, par exemple, des Adventistes du septième jour, des Juifs orthodoxes, de même que les membres de l'Église universelle de Dieu. Les gens qui font partie de ces religions ferment leur magasin le vendredi soir et toute la journée du samedi. Donc, ils perdent une certaine possibilité de faire de l'argent. Ces personnes sont pénalisées si on les force à fermer le dimanche, parce que, à cause de leur religion, elles ferment aussi le vendredi soir et le samedi. Ces commerçants qui ferment le samedi et qui ne peuvent pas ouvrir le dimanche perdent environ un tiers de leurs ventes. Je trouve que cela pourrait causer une atteinte à la liberté de religion, à la libre pratique de la religion. Il faut, à mon avis, permettre à ces personnes qui ferment leurs magasins le samedi de les ouvrir le dimanche.

(12 h 20)

La Commission des droits de la personne a recommandé au gouvernement "que, dans le respect du pluralisme qui caractérise notre société québécoise et dans une optique d'une plus grande tolérance à l'égard de nos différences, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme prévoie les accommodements en termes de journées d'ouverture permettant à chacun d'exercer sa liberté de religion".

Dans le même sens, dans un editorial du Devoir, le 18 février 1984, Mme Lise Bissonnette a écrit: "Quant aux arguments d'ordre religieux, ils ne sauraient tenir dans une société pluraliste. Personne ne sera forcé d'ouvrir son commerce le dimanche. La loi 59, comme l'a fort bien démontré le Congrès juif canadien, est bien plus choquante en ce qu'elle défavorise ceux qui tiennent à observer une pause religieuse un autre jour". Je suis tout à fait d'accord avec la déclaration de la Commission des droits de la personne et avec les observations de Mme Bissonnette.

En Ontario, par exemple, les magasins qui ont une surface de 5000 pieds ou moins et qui ont au plus sept employés et qui sont fermés l'après-midi du vendredi et toute la journée du samedi peuvent rester ouverts le dimanche. C'est dans la loi sur les heures d'affaires des magasins de l'Ontario. La loi est là pour tout le monde qui veut en profiter. En conclusion, il me semble que nous devons adopter ici une disposition dans le même sens que celle que l'on trouve dans la loi sur les heures d'affaires de l'Ontario, c'est-à-dire que quelqu'un qui ferme son magasin avant le coucher du soleil le vendredi et qui garde son magasin fermé toute la journée du samedi devrait avoir le droit d'ouvrir le dimanche.

Hier soir, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a bien dit qu'il prendrait des mesures dans la réglementation pour permettre aux personnes qui, à cause de leur religion, ferment le samedi, de garder leurs magasins ouverts le dimanche. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction, mais, comme je viens de !e dire, je préférerais de beaucoup qu'on procède par une modification de la loi elle-même et qu'on ne procède pas par réglementation. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Groulx.

M. Élie Fallu

M. Fallu: M. le Président, aujourd'hui, nous arrivons presque à la fin d'un très long processus qui, d'ailleurs, n'est pas vraiment terminé, puisque nous assisterons au cours de la semaine prochaine à la commission parlementaire qui étudiera ce projet de loi en détail et où encore certaines représentations pourront se faire. Nous assistons, dis-je, à la fin d'un long processus de consultation et de mise en oeuvre d'une loi.

Au demeurant, c'est la deuxième fois dans l'histoire du Québec que nous assistons à un tel processus. Rappelons qu'en 1965 l'Assemblée nationale était littéralement assaillie par des milliers de marchands qui venaient protester devant nos portes. Cela amena effectivement le gouvernement à établir une commission consultative, la commission Rameau, du nom de son président, qui avait fait le tour du Québec pour voir les consensus. Une commission parlementaire avait siégé en 1968 et, en 1969, une loi fut adoptée. C'est, d'ailleurs, sous l'égide de cette loi que nous vivons toujours depuis le 1er janvier 1970.

Quinze ans plus tard, certaines pressions se font valoir - nous en parlerons tantôt - qui nous ont amenés, comme gouvernement, à réviser cette loi, d'ailleurs, avec un processus de même nature. L'an dernier, publication d'un livre vert, donc d'un document de consultation qui fut largement répandu à travers le Québec et qui a suscité un débat parmi toutes les associations de marchands. À suivi, en février de cette année, une commission parlementaire devant laquelle ont été déposés plus de 170 mémoires, des consultations supplémentaires privées, la réimpression du projet de loi à la suite de cette commission parlementaire et maintenant, aujourd'hui, nous en sommes au débat de deuxième lecture.

J'aimerais rappeler que nous parlons aujourd'hui pour le bénéfice de quelque 350 000 personnes, c'est-à-dire près de 17% de la force ouvrière au Québec, ceux et celles qui travaillent dans le commerce au détail. Il s'agit de plus de 150 000 établissements, d'une masse salariale de quelque 3 000 000 000 $. Le problème touche donc beaucoup de monde: ceux qui y travaillent, certes, mais aussi les consommateurs.

Quant à moi, bien avant de parler aujourd'hui en cette Chambre sur le projet de loi 59, j'ai essayé de savoir ce que les gens chez moi pensaient des changements nécessaires à apporter à l'ancienne loi du commerce au détail. Permettez-moi de faire état ici publiquement, comme je l'ai fait dans les journaux régionaux, des conclusions auxquelles les gens de chez nous sont arrivés. J'avais, il y a maintenant un an, expédié à chaque commerçant et à chaque commerçante un questionnaire portant quatre questions précises pour bien savoir ce que les gens de chez moi pensaient, quels étaient leurs besoins et leur perception, et surtout les amendements à apporter.

Première question: Devrait-on inclure la journée du dimanche dans le texte de la loi québécoise et augmenter les amendes? 76%

ont répondu oui. J'ai donc mandat de défendre une telle position en cette Chambre aujourd'hui de la part des gens de chez nous.

Deuxième question: Y a-t-il lieu de modifier la liste des établissements exemptés et dans quel sens? Je découvre que 73% ne désirent aucun changement ou voudraient retrancher des établissements dont le commerce était prévu auparavant à titre d'exemption.

Troisième question: Dans le cas des petits épiciers, le nombre maximal d'employés devrait-il être porté de trois à quatre par journée de 24 heures? C'était la première hypothèse, à l'époque. On sait que le projet de loi a élargi davantage. Regardons bien. Nombre d'employés porté à quatre: 22%. Conserver trois employés, mais pas les mêmes: 41%. Au départ, j'avais une indication de mes concitoyens et de mes concitoyennes d'un désir d'élargissement et l'expression était déjà de l'ordre de 63%.

Dernière question: Devrait-on relever les amendes prévues par la loi contre un propriétaire ou un locataire? Là, 70% me répondaient oui.

Certes, le ministre, comme le gouvernement, a fait une large consultation à travers le Québec à la suite du livre blanc: la commission parlementaire, des représentations privées. Lorsque je me lève aujourd'hui, en cette Chambre, je suis autorisé à parler au nom de mes concitoyens et de mes concitoyennes largement majoritaires. (12 h 30)

Qui sont-ils? Nous avons au Québec une caractéristique qui nous est encore propre, qui est celle d'une vie en commun, car, qui dit commerce dit service, service à une clientèle, service à une population. Nous avons une tradition qui s'est merveilleusement non seulement conservée, mais amplifiée, celle de la relation entre le propriétaire et le client. Sachons qu'au Québec - les dernières statistiques dont nous disposons datent de 1981 - 68% des commerces au détail appartenaient à des propriétaires privés, à des commerçants indépendants, comme nous les appelons. Cette tendance avait chuté au début des années soixante-dix et c'était plutôt vers les 63% ou 64%. En Ontario, pour bien comparer, il n'y a plus que 50% de propriétaires indépendants. Les chaînes se sont emparées du commerce.

Ici, le regroupement des propriétaires par des services qu'ils se sont donnés en commun, l'appui que l'État a donné aux petits commerçants, notamment aux épiciers, ont fait en sorte qu'ils puissent rester indépendants. Ne mentionnons qu'une des méthodes utilisées, l'autorisation qu'ils ont eue de vendre, au départ, la bière en tout temps et, ensuite, le vin qui s'est ajouté une année plus tard. C'est donc une qualité de vie, une qualité de relations dans une société qu'il nous faut préserver. Pour cela, il faut ajuster la Loi sur les heures d'affaires. La demande est là et nous savons dans quel sens aller.

Les problèmes sont de l'ordre suivant. Il y a une loi fédérale et il y a une loi provinciale. La loi fédérale date de 1907 et est inapplicable à tous égards. Si un marchand de meubles en gros, à Québec -pour ne pas le nommer, tout le monde saura le reconnaître - veut vendre le dimanche, que peut faire l'État pour faire respecter la loi? Après coup, le traduire en justice pour être condamné à payer entre 1 $ et 40 $? Il s'en moque. Avant coup, dans la semaine qui précède, au moment même où il a annoncé son intention d'ouvrir le dimanche, prendre une injonction? Si elle n'est pas traitée devant le tribunal avant le vendredi après-midi, il ouvre donc le dimanche et tout va de l'avant.

Il y a également la loi provinciale, car, de plus en plus, à cause de la faiblesse de la loi fédérale, de son inapplicabilité, les gens s'autorisaient à contrevenir à la loi. C'est ainsi qu'on voyait un boucher ouvrir le dimanche pour vendre de la viande fraîche en respectant, disait-il ou croyait-il - je ne veux pas juger de sa bonne ou de sa mauvaise foi - le nombre de trois employés. Savait-il qu'il était en défaut? C'est aux tribunaux d'en décider et non pas à un parlementaire qui est là pour faire les lois.

Les problèmes étaient donc présents. Il fallait arriver à une solution. Le projet de loi 59, tel que révisé, nous indique précisément le consensus auquel on est arrivé non seulement chez moi, celui que je vous indiquais tantôt, mais très largement dans notre population. On sait qu'à 90% les associations représentant les marchands, les syndicats, les propriétaires, les employés et les consommateurs indiquent que nous sommes dans la bonne voie.

Il faut ajuster la liste des produits à vendre en dehors des heures d'affaires. Il ne faut pas augmenter la plage horaire de la semaine marchande. Il faut ouvrir un peu du côté du nombre des employés sans, toutefois, dépasser une borne de trois. Il faut relever les amendes.

Il reste quelques inconditionnels sur le terrain. Je ne parlerai pas ici du Parti libéral. À entendre le député de Laprairie, enfin, le député de Saint-Lambert, dans ce coin-là, hier...

Une voix: Le député de Laporte.

M. Fallu: ...le député de Laporte, j'avais l'impression qu'il avait oublié de lire la loi. Je n'ai finalement pas su s'il était contre le ministre ou contre la loi. J'ai l'impression que c'était les deux, mais surtout contre le ministre.

Il reste certaines remarques que les

gens nous font. D'abord, à propos des "trois personnes" qui étaient jadis "par jour" et qui sont maintenant "à la fois" dans l'établissement, je voudrais convaincre ces gens qu'il serait contreproductif, contre leurs propres intérêts d'élargir ce nombre, car si on autorise le petit épicier, le vendeur de fruits et légumes à mettre davantage de personnel sur le plancher au même moment, ce sont les "chaînes" qui vont se préparer à ouvrir. Les grandes surfaces ouvrivront et c'est, en conséquence, le décret de mort des petits épiciers à ces moments précis de la semaine.

Quant aux types de marchandises, il nous arrive, surtout à cause de ce que nous appelons maintenant les marchés aux puces, nouvelle tradition dans notre société, de demander l'ouverture des types de marchandises qui pourront être mises en étal. Déjà, la loi ancienne prévoyait qu'en ce qui a trait aux oeuvres d'art, aux antiquités, aux épiceries, on avait toute liberté, sauf qu'on sait que, dans les faits cela s'est élargi de beaucoup, dans une tradition très récente, l'essentiel des marchandises offertes aux clients, jusqu'à aller, d'ailleurs, à la viande fraîche le dimanche notamment du côté du meuble et surtout du côté du vêtement et de certains types de chaussures.

Ces gens savent fort bien à quel point j'ai été un interlocuteur pour eux et comment j'ai plaidé leur cause, non pas pour qu'ils puissent continuer leur négoce sur la base même de ce qu'ils ont fait jusqu'à maintenant. D'abord, il s'agissait d'obtenir pour eux dans la loi des délais pour pouvoir se conformer et ces délais sont acquis. En deuxième lieu, il s'agissait de faire en sorte que la loi prévoie un élargissement des denrées ou des marchandises qu'ils pouvaient offrir. Je crois - et j'aimerais le répéter -qu'ils ont reçu l'assurance du ministre à travers les pouvoirs précisément que la loi lui confère, d'une façon un peu arbitraire, il est vrai, mais précisément cet arbitraire est nécessaire pour que la loi puisse dorénavant s'adapter aux conditions nouvelles, je dirais sociologiques, de la société québécoise.

Entre-temps, ils ont maintenant l'assurance d'être entendus. Permettez-moi de citer la cassette 9099 du journal des Débats d'hier à 21 h 55: "On a convenu, avec des représentants des marchés aux puces, de former un comité auquel participeraient le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et les producteurs, les manufacturiers de vêtements du Québec, de même que les représentants des marchés aux puces de pouvoir définir certaines lignes de produits qui seraient vraiment démodées et qui devraient être vendues dans ces marchés aux puces." Voilà l'ouverture qui est faite à ces marchands, à ces artisans. (12 h 40)

Cette ouverture et les dispositions de la loi permettent d'envisager que, peut-être même au-delà de la spécification qui a été apportée hier à l'Assemblée nationale en ce qui a trait, dans le jargon, aux bouts de ligne dans le vêtement, on puisse arriver à certains autres accommodements pour eux. Toutefois, on doit dire à ces artisans que la loi était là bien avant que les marchés aux puces ouvrent et que la loi, si peu nouvelle soit-elle - et je ne doute pas, d'ailleurs, de leur qualité de bons citoyens dans notre société - va les obliger à réaliser des réaménagements peut-être même considérables dans leurs marchés, à inventer de nouvelles attitudes devant les consommateurs, à provoquer même de nouvelles réactions des consommateurs, compte tenu des ouvertures qui sont faites de pouvoir continuer en grande partie dans les champs d'activités qu'ils avaient eux-mêmes découverts.

Pour le reste, je dois affirmer à nouveau, en terminant, que la loi 59 réimprimée telle que nous l'analysons maintenant en cette Chambre pour en adopter le principe répond maintenant en totalité aux attentes qui m'ont été exprimées par les gens du milieu et aux engagements que j'avais pris moi-même envers certains types de commerçants. En ajoutant, sans doute, aux remarques du député de D'Arcy McGee, que le ministre s'apprête à considérer, je crois que cette loi sera la plus parfaite que nous puissions faire aujourd'hui.

Toutefois, je fais un appel solennel au nom de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire au nom de la légalité dans cette société, pour que, la loi 59 étant sanctionnée, la paix commerciale revienne dans notre société, car on assiste, depuis, notamment, un an, un an et demi, à des pressions qu'on ne saurait -je ne dirais pas tolérer - plus endurer dans notre société. On voit des désobéissances constantes, de grandes surfaces qui ouvrent le dimanche, des centres commerciaux entiers qui se permettent d'ouvrir le dimanche, de nouveaux types de magasins qui se développent en dérogation complète avec la loi et au détriment de l'ensemble du commerce, d'ailleurs. J'espère que cette loi sera un phénomène régulateur dans notre société puisqu'elle fait très largement le consensus à l'heure où on se parle. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: II me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi 59. En examinant ce projet de loi, plusieurs d'entre nous se sont posé la question: Mais quelle est la base, quel est le principe qu'il faut débattre aujourd'hui, puisque nous sommes à

l'adoption du principe même? Dans les notes explicatives, on lit ceci: "Ce projet de loi modifie la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux afin notamment d'inclure le dimanche, jusqu'à présent couvert par la loi fédérale de 1907..." La question que nous nous sommes posée, c'est de savoir si réellement le but, l'objectif de ce projet de loi est de faire respecter le dimanche, si le fondement de la loi est une base religieuse.

J'entendais tout à l'heure mon collègue de D'Arcy McGee, brillant professeur, maintenant député, nous faire une leçon de droit et nous rappeler que la jurisprudence canadienne, s'inspirant de la jurisprudence britannique, autorise uniquement le gouvernement du Canada à adopter des lois en ce qui concerne l'observance du dimanche en particulier. De fait, je vous lirai, si vous le permettez, M. le Président, une citation de la Chambre des communes de 1906 - ce n'est donc pas d'hier - où on lit ceci: "La portée générale en est indiquée dans le texte. Acte concernant l'observance du dimanche. Son but est d'assurer une meilleure observance du dimanche chrétien dans tout le Canada. J'ai à peine besoin de dire que les préceptes chrétiens sont la base des lois du Canada comme celle de l'Empire britannique". C'était en 1906, bien sûr. "Il est arrivé plus d'une fois qu'une loi édictée par le Parlement impérial et ce Parlement fit une offense d'un acte parce qu'il profanait la sainteté du dimanche chrétien."

M. le Président, le fondement, les raisons et motifs pour lesquels l'Assemblée nationale s'apprête à voter ce projet de loi sont-ils, justement, pour renforcer cette loi de 1906 qui cherchait à préserver l'observance du dimanche pour des motifs religieux? Je crois que la plupart des discours que nous avons entendus à ce jour et la plupart des représentations que tous et chacun d'entre nous avons eues à nos bureaux de députés nous convaincront qu'il s'agit très peu de cela, qu'il s'agit très peu de l'observance du dimanche comme étant réservée au Seigneur.

Ce qui m'a frappé dans tout ce que nous avons entendu et dans les représentations qui nous ont été faites, c'est, justement, qu'il s'agit d'intérêts économiques. Bien sûr, tous et chacun apportent plusieurs arguments, à savoir que, pour des motifs familiaux, pour des motifs peut-être religieux et pour d'autres motifs, il faut faire respecter le dimanche. Quand même, il faut être très franc et le dire en toute candeur: tous ces arguments valent très peu et, en fait, ce que les gens cherchent à préserver, c'est leur intérêt économique, leur intérêt propre.

Ce qui me surprend le plus, c'est que, de fait, il est vrai - et le député de Groulx le disait - que nous avons eu beaucoup de représentations du milieu des affaires qui nous incitaient à adopter cette loi, qui nous incitaient à avoir une plus grande réglementation, qui nous incitaient même à avoir plus d'inspecteurs, plus de fonctionnaires et qui nous incitaient à avoir de plus grandes pénalités au cas où la loi ne serait pas observée, plus d'amendes. Ceci m'a surpris venant du monde des affaires, qui nous dit continuellement qu'il y a trop de réglementation, que l'État s'ingère trop dans nos affaires. C'est ce même milieu des affaires qui, aujourd'hui, cherchant à défendre ses intérêts économiques, cherche à nous convaincre que ceci est dans le meilleur intérêt de tous et chacun.

En fait, je rappellerai que nous avons déjà 19 000 pages de réglementation et qu'en adoptant ce projet de loi nous ajouterons sûrement quelques pages additionnelles. Comme l'observance de la réglementation existante n'était pas suffisante avec les quelque quatre ou dix inspecteurs qui existaient jusqu'à maintenant, il faudra bien, j'imagine, que le gouvernement engage beaucoup d'autres inspecteurs si l'on veut que la réglementation soit observée dans toute sa dimension.

M. le Président, sans aller nécessairement au fond du problème, parce que ce projet de loi soulève un problème de fond qui est très intéressant et qui va au-delà, bien sûr, de l'intérêt économique de certaines personnes qui est en jeu, il reste que, si on s'aperçoit qu'il y a de la difficulté - le député de Groulx vient d'en faire mention - s'il y a des "chaînes" de magasins, des magasins, des commerçants qui cherchent à ouvrir le dimanche et qui ont réussi, c'est que jusqu'à ce jour, il faut bien le dire, il y a eu beaucoup de tolérance. Il y a eu de la tolérance, bien sûr, due à la négligence gouvernementale. Je l'évoquais et, alors qu'en commission parlementaire on se surprenait que très peu de magasins ou très peu de commerçants avaient été poursuivis pour la non-observance de la réglementation qui existe présentement, le ministre nous disait qu'il n'y avait que quatre ou dix fonctionnaires - je ne m'en souviens pas - et que, comme ces fonctionnaires, de toute façon, ne travaillaient pas le dimanche, c'était, bien sûr, assez difficile de faire observer la réglementation existante, d'autant plus que, par la suite, il n'y a pas uniquement le dimanche qui n'était pas observé, il y avait également des jours de semaine, des heures d'ouverture qui n'étaient pas observées. Plusieurs personnes nous ont fait des représentations en commission parlementaire à cet effet. (12 h 50)

Donc, il y a eu certainement de la part du gouvernement qui nous dirige une certaine tolérance qui a permis qu'un état de fait se développe au cours des ans, depuis les

dernières années surtout. II y a même eu un encouragement de la part de certains ministres. On nous a dit - et je vais le redire - que des marchés publics ont été inaugurés avec la bénédiction de ministres du gouvernement québécois. Il faut le faire, M. le Président. Maintenant, le gouvernement cherche peut-être à défaire ce qu'il a fait. Comment le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme peut-il m'expliquer qu'un certain marché public a été inauguré avec la bénédiction du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Il faut le faire. Le gouvernement cherche à défaire d'une main ce qu'il a fait de l'autre.

En plus, depuis 1977, il y a eu d'autres tolérances. J'entendais hier le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nous dire: Oui, dans le cas des Juifs ou dans le cas de ceux qui pratiquent la religion juive, nous allons chercher à régler le problème. Ce problème avait été évoqué en commission parlementaire, M. le ministre, mais plus que cela, depuis le 30 novembre 1977, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a été alerté par celui qui était le ministre de la Justice, Marc-André Bédard, à savoir qu'il y avait un problème à cet effet. Je trouve que cela a pris pas mal de temps, depuis 1977, depuis sept ans, pour saisir qu'il y avait un problème là et qu'il devait être réglé. Bien sûr, le problème a été réglé, encore une fois, par une certaine tolérance. Cette lettre du 30 novembre 1977 qui était adressée à Rodrigue Tremblay, ministre de l'Industrie et du Commerce, et dans laquelle on évoquait, justement, une loi qui existe en Ontario sur le même sujet se terminait comme ceci: "Quant à moi je n'ai pas l'intention d'intenter des poursuites contre les petits commerçants qui répondent aux critères édictés par la loi ontarienne. Des instructions en ce sens seront données à nos procureurs". Donc, tolérance envers certains commerçants de religion juive. D'ailleurs, je l'ai dit en commission parlementaire, je crois que le Congrès juif canadien avait tout à fait raison de faire des représentations. Par contre, je déplore que ce problème ait traîné depuis sept ans et qu'il ait été réglé par une certaine tolérance.

Donc, tolérance à cause du manque d'inspecteurs; tolérance due au fait que des ministres ont fait l'inauguration de certains marchés publics; tolérance de la part du ministre responsable de l'application de la loi, le ministre de la Justice en l'occurrence, alors que, par la loi, l'inspection est sous la responsabilité du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il ne faut donc pas s'étonner s'il y a maintenant une certaine confusion chez les commerçants.

Encore une fois, le député de Groulx lançait un appel en disant qu'il faudrait que tout le monde se rallie maintenant et que tout le monde observe la loi. Mais, quand une loi n'a pas été respectée pendant un certain nombre d'années, il ne faut pas s'étonner si, de fait, les gens ont pris certaines habitudes de ne pas respecter la loi. Il faut plutôt ne demander s'il y a eu un encouragement implicite de la part du gouvernement à ce que la loi ne soit pas observée.

Il y a eu d'autres types de tolérance. Je pourrais évoquer - je l'ai fait en commission parlementaire - le cas des petits dépanneurs qui avaient le droit d'ouvrir leurs portes le dimanche à la condition qu'ils n'aient pas plus de trois employés. La loi existante disait: "Elle ne s'applique pas, non plus, aux établissements commerciaux dont l'activité principale est la vente au détail de denrées et dont le fonctionnement est assuré, du début à la fin d'une journée de 24 heures, par un effectif total d'au plus trois personnes comprenant patron et employés; toutefois, ce commerce ne devra pas faire partie d'un plus grand nombre d'établissements commerciaux liés les uns aux autres en association".

Nous savons tous qu'il y a des Provibec, des Maisonnée, des Provisoir qui sont organisés en association. Ces gens qui veulent maintenant défendre leurs intérêts -je ne leur en tient pas rigueur - à mon avis, et je ne suis pas juriste, n'ont pas respecté la loi existante qui disait très spécifiquement que les dépanneurs avaient le droit d'ouvrir le dimanche à la condition de ne pas être regroupés en association. La loi adoptée, je crois, en 1970 voulait protéger le petit dépanneur du coin de la rue qui était isolé, qui ne faisait pas partie d'une association et qui vivait de ses propres moyens.

Devant une situation de fait aussi difficile, je me suis demandé: Comment le ministre va-t-il s'en sortir? Il y a, d'une part, les pharmacies à grande surface, qui n'ont pas de surface plus grande pour vendre des produits pharmaceutiques, mais pour vendre des denrées alimentaires; d'autre part, il y a les marchés publics qui existent et qui ont, dans certains cas, été inaugurés par des ministres du gouvernement et il y a ces dépanneurs auxquels je viens de faire allusion. Alors, je me suis demandé: Comment le ministre va-t-il s'en sortir?

Il y avait auparavant un arbitraire de fait, une tolérance de fait, pour permettre, lorsque cela faisait l'affaire du ministre, de ne pas intenter de poursuites ou de s'arranger pour qu'il n'y ait pas de poursuites. Maintenant, il y aura des tolérances et un arbitraire légalisés.

Mon collègue de Laporte y a fait allusion hier: on retrouve dans le projet de loi cet arbitraire du commencement à la fin. Ceux qui pourraient croire que le projet de loi sera beaucoup plus précis, beaucoup plus

exigeant n'ont certainement pas lu plusieurs des articles du projet de loi qui reportent à plus tard les problèmes qui existent présentement. On peut se poser la question à l'égard des pharmacies à grande surface: Mais, pourquoi avoir accepté que des demandes d'autorisation puissent être faites jusqu'au 1er septembre 1984? Pourquoi ne pas avoir promulgué dans le projet de loi, que dès le dépôt du projet de loi, la référence serait faite à ce qui existe présentement et qu'une inspection serait faite à cette même date?

Il est bien évident que cet article que le ministre inscrit dans le projet de loi qui sera voté va permettre le plus grand arbitraire puisque je suis sûr que les propriétaires de pharmacies à grande surface doivent s'employer présentement à louer de plus grandes surfaces, à agrandir leurs magasins dans toutes les régions du Québec pour, le 1er septembre 1984, demander une certaine autorisation au ministre. Cela ouvre la porte à un patronage éhonté que nous ne pouvons pas accepter.

Si on continue, à l'article 9.4, qui modifie l'article 6, je crois, on dit: "Le ministre peut, aux conditions qu'il détermine, accorder à un établissement commercial un délai pour se conformer aux dispositions de la présente loi. En aucun cas, ce délai ne peut excéder le 31 décembre 1986? Encore une fois, c'est l'arbitraire. Nous ne connaissons pas les règlements; il y a un délai jusqu'après les élections et ceci permettra, bien sûr, au ministre de décider, à l'intérieur de son bureau, par lui-même, sans aucune référence, qui aura droit à une certaine tolérance jusqu'au 31 décembre 1986. Il y a aussi la réglementation qui permettra au ministre de faire des règlements selon le bon vouloir du gouvernement et qui multipliera encore l'arbitraire.

M. le Président, je crois que ce projet de loi ne règle absolument rien. Il y avait une certaine tolérance dans le passé. Il y a eu une non-observance de la loi. Ces tolérances ont été permises par le gouvernement. Ces tolérances ont été de facto accréditées par un grand nombre de décisions depuis un très grand nombre d'années. Maintenant, avec ce projet de loi, même si, à certains articles, on pourrait croire que le ministre a réglé le problème, on s'aperçoit que l'arbitraire qui régnera ne réglera absolument rien puisque le ministre pourra en décider autrement selon les articles qui lui permettent, justement, de prendre des décisions selon son bon vouloir.

En conclusion, M. le Président, je crois que le Parti libéral du Québec ne peut s'associer à l'arbitraire qui régnera, un arbitraire légalisé, alors que, dans le passé, c'était un arbitraire de fait. Qu'il soit de fait ou légalisé, c'est du pareil au même et nous ne pouvons pas nous associer à une telle démarche.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Compte tenu qu'il est 13 heures, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures. Le député de Gouin aura la parole.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise de la séance à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, nous poursuivons donc le débat sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Il s'agit de l'article 2 de notre feuilleton que je vous demande d'appeler, s'il vous plaît!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous allons donc reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. La parole est au député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Le projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, peut paraître à première vue un projet de loi de peu d'importance. Il comprend huit articles, tient sur trois ou quatre pages. Sauf que lorsque nous nous penchons sur la question, on s'aperçoit jusqu'à quel point il s'agit là d'un projet de loi qui concerne au premier chef, directement, tous les Québécois et toutes les Québécoises sans exception puisqu'il touche tous les consommateurs, toutes les consommatrices. De plus, évidemment, il concerne directement les propriétaires de commerces au détail et aussi les travailleurs et travailleuses qui évoluent dans ces milieux.

Si aujourd'hui le gouvernement doit présenter une loi sur les heures d'affaires, c'est que nous avons vécu depuis quelque temps, particulièrement depuis un an ou deux, une situation problématique qui découle d'une loi qui n'est pas suffisamment précise, d'une loi qui ne couvre pas de façon convenable le dimanche, d'une loi qui possède finalement peu de mesures pour être certain qu'elle soit appliquée, donc d'une loi comportant des sanctions à peu près ridicules, des amendes allant de 1 $ à 40 $ dans plusieurs cas et d'une loi aussi qui est difficile d'application à cause des dispositions qui rendent difficile le travail des inspecteurs qui doivent circuler pour s'assurer de son application. À un point tel finalement qu'on se retrouve avec une loi qui était un

recueil de voeux pieux et de souhaits exprimés par les membres de l'Assemblée nationale de l'époque.

Cette situation problématique nous a amenés à des abus importants qui ont amené un nombre important de marchands, de commerçants, à se mettre totalement dans une position d'illégalité, d'ouvrir le dimanche, de ne pas respecter la règle des trois employés. On a connu aussi l'expansion des marchés aux puces qui vendent des marchandises neuves, l'expansion des marchés publics, tout cela. Donc, toute une série de situations qui, finalement, sont au-delà de ce que permet la loi, même si elle ne renferme pas les sanctions nécessaires pour en permettre une application efficace. Ces illégalités, ces abus, ont pris des proportions telles que le gouvernement ne peut laisser aller plus longtemps une telle situation.

De plus, ces abus ont suscité un certain débat dans la société québécoise depuis un an, un an et demi, et les gens qui abusaient de la loi, qui se mettaient dans une position d'illégalité ont tenté de convaincre l'ensemble de la société québécoise qu'au fond c'est que la loi n'est plus adaptée au monde dans lequel nous vivons et que nous devons ouvrir un débat sur des heures d'affaires des établissements commerciaux qui iraient dans le sens d'élargir considérablement les heures de fréquentation de ces établissements commerciaux.

On dit que le consommateur aurait besoin d'un plus grand nombre d'heures pour faire ses achats. Surtout, on affirme que plus le consommateur aurait d'heures pour magasiner, pour acheter, plus il dépenserait au niveau de la consommation. À première vue, tout le monde devrait être d'accord avec cela, parce que l'activité économique s'en ressentirait, on aurait connu plus d'activité économique et, donc, l'argent roulerait d'une façon plus importante qu'il ne roulait jusqu'à maintenant. On s'aperçoit rapidement, à l'analyse, qu'il s'agit d'une affirmation fausse et fondée sur rien de solide, puisque tous les consommateurs et les consommatrices sont bien conscients finalement que le frein à la consommation des individus n'est pas du tout un nombre limité d'heures pour les établissements commerciaux, mais bien plus les sommes disponibles pour chacun des consommateurs pour faire l'ensemble des achats qu'ils souhaiteraient faire.

On s'aperçoit que ce n'est pas parce qu'on aurait plus d'heures d'affaires que le consommateur serait amené à dépenser plus, mais que c'est bien parce que finalement nous avons des limites, chacun d'entre nous, aux budgets que nous pouvons consacrer à la consommation. D'ailleurs, c'est vrai à un point tel que les commerçants que nous avons eu l'occasion de rencontrer ou d'entendre au cours de ce débat nous disaient: Évidemment, moi, si mon commerce est seul ou avec quelques-uns du même secteur d'activité à ouvrir le dimanche, à ouvrir en dehors des heures permises par la loi, cela va faire mon affaire, mes profits vont augmenter. Il est clair, nous affirmaient-ils et avec raison, qu'à partir du moment où tous les commerces de même secteur d'activité peuvent être ouverts le dimanche ou en dehors de certaines heures le soir ou la fin de semaine, le profit de chaque commerçant ne se verra pas augmenté d'autant, mais que, bien au contraire, la consommation sera stable et que la situation qui se produira, c'est que les coûts de fonctionnement de l'ensemble des commerces augmenteront et se répercuteront sur la facture au consommateur.

D'ailleurs, les consommateurs ont reconnu récemment qu'ils n'avaient pas avantage à voir les heures d'affaires prolongées puisque les coûts se répercuteraient sur la facture des biens de consommation que le consommateur se verrait obligé de payer. Donc, on s'aperçoit rapidement que le consommateur ne serait pas avantagé par la prolongation des heures d'affaires et que, bien au contraire, il serait le premier à en faire les frais d'une façon telle qu'en soi, cela réduirait sa possibilité de consommation. Il s'agit donc là d'un premier obstacle ou d'une première objection importante à la tendance qu'on a connue depuis un certain temps visant à prolonger les heures d'affaires des établissements commerciaux.

La deuxième objection que nous devons considérer est celle de la qualité de vie des petits propriétaires et des travailleurs et des travailleuses qui évoluent dans les commerces au détail ou dans les établissements commerciaux. On sait que ces gens ont des problèmes importants au niveau de la vie familiale et au niveau de la civilisation des loisirs, comme on l'appelle, parce qu'ils ont des heures de travail beaucoup plus longues qu'un citoyen normal. Cela réduit d'autant la possibilité pour eux de vivre avec leur famille et de profiter de moments de loisir adéquats ou, dans certains cas, de profiter de moments de loisir en même temps que l'ensemble de la population. C'est un problème considérable, à un point tel que les commerçants ont de plus en plus de problèmes à recruter des employés, des travailleurs et des travailleuses. Plusieurs de ceux-là quittent pour aller exercer des emplois où ils pourront travailler de 9 heures à 17 heures, cinq jours par semaine, comme la très grande majorité des citoyens. Il est compréhensible qu'ils veuillent s'orienter en ce sens, de façon qu'ils puissent vivre une vie plus normale, une vie plus conforme aux années quatre-vingt, une vie plus semblable à celle des autres citoyens du Québec. Il me semble que c'est une considération très

importante avec celle de s'assurer que le consommateur ne verra pas augmenter le prix de ses produits de consommation. (15 h 10)

II me semble qu'il s'agit là des deux considérations de base ou des deux considérations majeures qu'on doit retenir quand vient le temps d'étudier l'ensemble de la question des heures d'affaires dans les établissements commerciaux. Par conséquent, M. le Président, je dis oui è une loi qui est plus précise. Je dis oui à une loi qui sera plus facilement applicable. Je dis oui à une loi qui sera plus claire, qui donnera plus de moyens d'inspection et de vérification pour s'assurer qu'elle est respectée, qui appliquera aussi des sanctions plus importantes, des sanctions proportionnelles aux profits que donnerait la situation illégale dans laquelle se placeraient des gens qui ne respecteraient pas cette loi. Sur ce point, j'encourage le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à être très ferme parce que nous avons besoin d'une bonne loi, d'une loi avec des sanctions précises, avec des moyens pour la faire appliquer de façon que nous puissions bien régir les heures d'affaires des établissements commerciaux au Québec pour qu'on ne se retrouve pas dans quelques semaines, dans quelques mois ou dans quelques années, dans la même situation d'abus importants, considérables que nous avons connus depuis quelques années au Québec.

Cela étant, je dis non à un élargissement des heures d'affaires. Il ne faut pas aller dans le sens d'élargir ou d'augmenter les heures d'affaires des établissements commerciaux. II faut même, quant à moi, reconnaître tous ensemble que l'orientation de l'avenir dans ce sens devrait être plutôt dans le sens de réduire d'une certaine façon les heures d'affaires pour l'ensemble des employés afin de s'assurer qu'ils ont, eux aussi, comme les propriétaires et les commerçants, des conditions de vie convenables qui leur permettent d'avoir, en même temps un travail grâce auquel ils peuvent apporter des revenus à la maison, jouir un peu de la vie et une vie familiale comme l'ensemble des citoyens.

En conséquence, je suis extrêmement déçu de retrouver dans le projet de loi réimprimé, que le ministre a déposé hier, un certain nombre de dispositions. Par exemple, nous savons tous que le lendemain de Noël, le 26 décembre, la seule activité commerciale qui peut régner dans les établissements commerciaux du Québec est ce qu'on appelle la "journée des échanges de cadeaux", cadeaux qui ne conviennent pas, qui sont trop petits ou trop grands ou qui ne sont pas à notre goût. Mais dans les faits, pour le commerçant, il ne s'agit pas d'une consommation additionnelle mais bien d'une activité indirectement reliée à son activité principale qui est celle de vendre des biens de consommation.

Pourquoi ne pas nous entendre pour permettre à tous les propriétaires de ces commerces, à tous les travailleurs et à toutes les travailleuses d'avoir eux aussi une journée complète de congé le lendemain de Noël? Ceux qui ont des échanges à faire pourront le faire le 27 décembre, plutôt que le 26 à 13 heures. Deuxième disposition avec laquelle je ne puis être d'accord, c'est la demi-heure d'activité commerciale que nous ajoutons le jeudi soir et le vendredi soir. D'abord, parce que, comme je le disais tantôt, il s'agit là d'un élargissement qui empiète encore plus sur la qualité de vie des propriétaires et des travailleurs et des travailleuses de ces établissements commerciaux, mais aussi parce que cela aura un effet direct sur les petites artères commerciales des centres-villes.

Quand je dis "petites", c'est parce que je les compare souvent à de superbes et de très vastes centres commerciaux. Mais ce ne sont pas des "petites" au sens strict du terme. On parle, par exemple, à Montréal, de la Plaza Saint-Hubert, de la rue Masson, de la rue Mont-Royal, de l'ensemble de ces artères commerciales qui font de Montréal et de l'ensemble des centres-villes du Québec une différence notoire par rapport à ce que l'on retrouve en termes d'activités commerciales dans les centres commerciaux.

On sait que le gouvernement du Québec, que les principales villes du Québec ont posé des gestes importants depuis trois ou quatre ans pour revitaliser les centres urbains, pour s'assurer que la population y revienne, que les industries y reviennent et, maintenant, pour que les activités que les artères commerciales avaient perdues au profit des centres commerciaux reviennent dans les centres-villes.

Je crois que si nous élargissons d'une demi-heure l'activité commerciale sur ces artères, le risque que nous courons est que les gens, ayant maintenant deux heures et même trois heures pour aller faire leurs achats, risquent d'avoir le réflexe d'aller dans un grand centre commercial plutôt que d'aller sur l'artère commerciale qui est à dix, quinze ou vingt rues de chez eux, ce qui irait à l'encontre des politiques gouvernementales et des politiques municipales qui nous ont coûté très cher et auxquelles nous avons dû consacrer beaucoup d'énergie pour revitaliser nos artères commerciales, pour assurer un retour en ville d'une activité commerciale importante et nécessaire à la qualité de vie en milieu urbanisé.

Comme je le disais tantôt, je m'oppose à ces deux dispositions parce que, à mon avis, nous ne devons pas augmenter les heures d'affaires. Comme je le disais, je pense que les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix devront nous orienter vers une

réduction des heures d'affaires. Par exemple, les commerçants nous disent déjà, à l'heure où nous nous parlons, que le jeudi soir et le vendredi soir, à 20 h 30 il n'y a plus beaucoup d'activité dans les établissements commerciaux. On nous dit que le samedi, à partir de 16 heures, l'activité est considérablement réduite et que même l'été, le samedi, à partir de 14 heures ou 15 heures, il n'y a à peu près plus d'activité dans les établissements commerciaux. Même à 9 heures, c'est tôt; l'activité commence plutôt vers 9 h 30 ou 10 heures.

Il semble que ce sont là des heures que nous pourrions réduire de façon à donner une meilleure qualité de vie, de façon à donner plus de temps de loisir, plus de périodes pour jouir de la vie familiale à l'ensemble de ceux et de celles qui évoluent dans le milieu des établissements commerciaux.

Un autre sujet, une autre disposition du présent projet de loi avec laquelle je ne suis pas d'accord et que je veux souligner ici, c'est la question de la clause des trois employés. On sait qu'à l'heure actuelle, un établissement commercial qui veut ouvrir en dehors des heures normales d'ouverture ne peut avoir sur sa liste de paie plus de trois personnes en tout temps. Cela nous permet de protéger les petits commerçants et, particulièrement dans les milieux fortement urbanisés, les petits dépanneurs qui sont souvent l'affaire de deux conjoints qui ont aussi un employé avec eux, ce qui fait trois employés, et ces petits dépanneurs, dont c'est la principale et la seule source de revenus, rendent de très grands services à la population. On peut aller y chercher des boissons gazeuses, du lait, du pain, du beurre, des biens de consommation alimentaire courante, dont on a besoin rapidement et qui sont souvent ceux qu'on oublie lorsque nous faisons nos achats de la semaine.

En faisant passer la clause qui est celle que j'ai décrite tantôt non plus à trois employés sur la liste de paie, mais à trois employés travaillant à la fois sur le plancher, nous risquons, par cet élargissement de l'activité commerciale des heures d'affaires, de faire mourir ces petits dépanneurs dont on a besoin en milieu fortement urbanisé et qui sont le gagne-pain d'un nombre considérable de familles du Québec.

Je prends l'exemple de mon comté, qui est le deuxième comté le plus fortement urbanisé au Québec. On y retrouve de 100 à 150 petits dépanneurs qui ont une place au soleil et à qui nous devons maintenir des conditions de travail, d'exploitation et d'activité commerciale telles qu'ils puissent continuer à être en affaires et à avoir un gagne-pain comme celui qu'ils se sont donné au fil des années et qui doivent permettre aussi aux consommateurs de pouvoir encore compter sur leur disponibilité, sur leur activité. 3e souhaite que, pour cette clause des trois employés, le ministre apporte un amendement qui tiendrait compte de la décision que rendait récemment la Régie des permis d'alcool qui, tout en accordant un permis de vente de vin et de bière à Steinberg et aux épiciers de grande surface qui ne sont pas la propriété d'indépendants, refusait que cette permission leur soit accordée dans les milieux fortement urbanisés, par exemple, dans mon comté et dans un certain nombre d'autres comtés du centre de Montréal. Je n'aurais pas accepté à l'époque que Steinberg et les épiciers à grande superficie qui ne sont pas la propriété d'indépendants aient le droit de vendre de la bière et du vin dans les milieux fortement urbanisés. Je crois que la solution retenue par la Régie des permis d'alcool peut être intéressante. Il me semble que nous devrions retenir le même modèle pour la clause des trois employés. Ceci permettrait d'élargir effectivement cette clause et, donc, l'activité commerciale qui en découle dans l'ensemble du Québec, mais la restreindrait dans un certain nombre de milieux fortement urbanisés comme ceux qu'on rencontre dans le centre de Montréal et peut-être aussi dans le centre de la ville de Québec. C'est une suggestion, une recommandation que je fais au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sur cette question. (15 h 20)

Quelques autres éléments du projet de loi mériteraient, quant à moi, d'être précisés ou corrigés au cours de l'étude article par article en commission parlementaire. Par exemple, la situation des pharmacies. On maintient dans la loi la notion de "menus articles". Qu'est-ce que c'est, des menus articles? On sait qu'il y a des pharmacies qui ont le droit d'ouvrir le dimanche, qui vendent des tondeuses, des souffleuses, des motoneiges. Je crois qu'il faut être plus précis lorsqu'on parle de menus articles; sinon, cela amène des transgressions au principe, à l'esprit de la loi que nous connaissons actuellement.

La deuxième remarque que je ferais porte sur un autre sujet; c'est la question de permettre à la Société des alcools du Québec et à ses succursales de ne pas être régies par la présente loi. Déjà, quand on pense à l'orientation que le ministre veut donner aux futures succursales de la Société des alcools, en leur permettant de vendre de l'eau minérale, des fromages, de la charcuterie. Il me semble que, là aussi, la même loi, les mêmes dispositions doivent s'appliquer à ces activités et que la clause des trois employés devra s'appliquer aux succursales de la Société des alcools comme à l'ensemble des autres établissements commerciaux.

M. le Président, je conclus en disant

que je dis oui à plus de fermeté, à des sanctions plus fortes et à plus d'assurance que ce projet de loi sera respecté et aussi au fait qu'il couvre le dimanche et tous les abus qui ont été faits jusqu'à maintenant. Mais je dis non à un projet de loi qui élargit les heures d'affaires, qui détériore, qui pourrait détériorer la qualité de vie au travail des employés. En conséquence, au moment de l'étude du projet de loi en deuxième lecture, quand le vote sera appelé, je m'abstiendrai de voter de façon à exprimer mon accord au principe qui vise à mieux régir les heures d'affaires au Québec, mais à indiquer mon désaccord à l'orientation qu'on veut donner quant à l'élargissement des heures d'affaires dans les établissements commerciaux. Je souhaite qu'en commission parlementaire, au cours de l'étude article par article de ce projet de loi, des amendements soient apportés concernant la clause des trois employés, l'élargissement des heures d'affaires du jeudi et du vendredi soir et du jour de Noël, que des précisions soient apportées quant aux activités commerciales dans les pharmacies, que les succursales de la Société des alcools soient également régies par une telle loi.

Si des amendements intéressants, des amendements conformes à ce que j'exprime comme préoccupations aujourd'hui sont apportés au projet de loi au cours de l'étude article par article, je serai heureux de me rallier et de voter pour le projet de loi en troisième lecture. Mais, jusqu'à ce que ces amendements aient été apportés, je m'abstiendrai au moment du vote en deuxième lecture de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi 59 présenté par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le projet de loi 59 a pour effet de modifier la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Après avoir écouté l'orateur qui m'a précédé, je suis très heureux de constater que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ne fait pas l'unanimité dans son propre parti avec le projet de loi 59. Je pense que notre porte-parole, le député de Laporte, était très justifié, hier soir, de mentionner aussi que nous, de l'Opposition, ne sommes pas d'accord avec le projet de loi du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. le Président, vous conviendrez sans doute avec moi que, si on se fie sur le titre du projet de loi, il semble tout à fait inoffensif, mais, quand nous en vérifions le contenu, c'est tout autre chose. Premièrement, ce projet de loi est rempli d'éléments arbitraires et discriminatoires. Il est aussi abusif sur le plan des dispositions discrétionnaires qu'il contient. On n'a qu'à vérifier les pouvoirs que le ministre se donne ou se confère dans ce projet de loi pour voir toute la discrétion que le ministre s'est conservée à l'intérieur de ce projet de loi.

En plus, ce projet de loi ne sous-tend aucun principe clair et bien fondé. Cela me surprend passablement qu'un tel projet de loi puisse être présenté par un ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, un ministre qui émane du monde des affaires, du moins avant qu'il soit en politique, un ministre qui, avant d'être en politique, était dans l'industrie privée. Je me souviens très bien quand le député de Lotbinière, l'actuel ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, émettait des opinions tout à fait contraires sur le plan des idées tout comme sur le plan des principes.

À un certain moment de sa carrière politique, l'actuel ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et ancien chef d'une formation politique presque totalement disparue décriait la réglementation abusive du gouvernement et des gouvernements antérieurs. Il souhaitait la déréglementation. Il demandait aussi que les droits et libertés individuels soient mieux respectés, mieux défendus. Il était même, à un certain moment, pour le "freedom of choice". Je peux vous dire que le ministre, à ce moment, reconnaissait les droits et libertés individuels.

Cela fera bientôt huit ans que je suis en politique, membre de cette Assemblée nationale. Pourtant, les principes qui m'animaient dans le temps, au tout début, en 1976, n'ont jamais disparu. J'étais et je suis toujours défenseur de la libre entreprise. J'étais et je suis toujours pour une certaine déréglementation sélective. J'étais et je suis toujours pour un plus grand respect des droits et libertés des individus non seulement dans les secteurs qui touchent le commerce, l'industrie ou le développement économique, mais dans tous les secteurs autres que ceux qui ont trait à la vie, à la santé, au bien-être des personnes et à leur sécurité. Dans tous les autres secteurs, je crois qu'il y a lieu et place pour la déréglementation.

Dans ce projet de loi, ni la vie, ni la santé, ni le bien-être, ni la sécurité des individus ne sont mis en cause. Par conséquent, je ne peux souscrire aux raisons évoquées par le ministre pour défendre son projet de loi. Le rôle d'un gouvernement le moindrement respectueux de ses administrés ne va pas dans le sens du projet de loi présenté par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Ce n'est pas avec des restrictions, des limitations inopportunes que l'on pourra développer au

maximum la capacité d'innover de nos citoyens. Ce n'est pas, non plus, dans un cadre étroit de réglementation que l'on permettra et suscitera l'émergence et le développement d'idées nouvelles.

L'État a certainement un rôle important à jouer, mais ce rôle doit surtout en être un de chien de garde beaucoup plus que le rôle étouffant et arbitraire que veut lui conférer ce projet de loi. Si je suis intervenu dans ce débat sur ce projet de loi, c'est particulièrement pour des raisons de démocratie, pour des raisons de respect des individus; également, afin que le législateur prenne conscience qu'il est, et de loin, beaucoup trop interventionniste et dirigiste.

Je reconnais un élément positif dans ce projet de loi, vraiment un seul, là où on augmente les catégories d'établissements exclus de l'application de cette loi. À mon sens, c'est le seul élément positif que je peux retenir et pour lequel j'ai du respect. Le reste du contenu est surtout négatif. Si on regarde tous les éléments contenus dans ce projet de loi, on peut distinguer quatre endroits dans le projet de loi où le ministre se donne des pouvoirs discrétionnaires, des pouvoirs que je qualifierais d'abusifs. On doit, à quatre endroits, demander au ministre la permission de faire ci ou la permission de faire ça. Sur un projet de loi qui contient huit articles, il y a quatre endroits où le ministre se conserve des droits abusifs, des droits discrétionnaires et c'est très difficile à accepter puisque de plus en plus ce Parlement sanctionne des lois qui accordent des abus de pouvoir au ministre. (15 h 30)

On a pu le constater dans des lois du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation la semaine dernière: droit de sanction, droit de perquisition, enfin, des droits qu'antérieurement on ne retrouvait pas dans nos lois. C'est un projet de loi restrictif qui confine encore une fois les petits à demeurer petits. À mon sens, cela constitue une injustice envers la libre entreprise, envers des gens qui pourraient et qui devraient avoir le droit de grossir leur commerce, de prendre une plus grande part du marché dans leur localité, dans leur ville. Pour l'homme d'affaires qu'il était avant d'être ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, je comprends mal que le ministre n'ait pas laissé agir et se concurrencer les forces du marché. Je pense que, dans un monde démocratique, dans un monde libre, c'est un des éléments majeurs de la démocratie que de laisser la libre entreprise faire son chemin sans embuscades et sans réglementation abusive. En toute démocratie, je pense que le ministre n'a pas de connaissances particulières dans ce domaine, parce qu'il aurait apporté quelques changements à son projet de loi.

M. le Président, le projet de loi 59 n'a pas tenu compte, non plus, de l'opinion du consommateur, quoi qu'en disent les gens d'en face. J'aimerais bien qu'on me donne le pourcentage de consommateurs québécois à qui on a posé la question sur la teneur de ce projet de loi, à qui on a demandé s'ils désiraient avoir une plus grande largesse dans les heures d'ouverture des commerces. Je pense que le ministre nous a indiqué hier soir avoir obtenu un très grand consensus. Celui qui m'a immédiatement précédé indiquait qu'il n'était pas d'accord avec la majorité des articles. Le consensus n'existe pas. Le consommateur n'a pas été consulté adéquatement. Je pense que c'est un élément dont on aurait dû tenir compte avant d'arriver à la deuxième lecture de ce projet de loi. On peut constater également, sur le plan des interventions qui ont été faites au niveau des journaux et par les lettres qu'on a reçues, qu'il y a presque autant de personnes qui sont contre le projet de loi que de personnes qui sont pour le projet de loi. Les allégations du ministre à savoir que le consensus est très large ne sont même pas fondées.

En plus, j'indiquerais que ce projet de loi va totalement à l'encontre des tendances nord-américaines. On sait que, dans toute l'Amérique du Nord, il y a un vent de libéralisme économique, il y a un vent de libre échange. Il y a un vent de déréglementation. Il y a aussi un vent de libre cours aux marchés, à la force des marchés. Dans ce sens, je constate que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme recule au lieu d'avancer. Il va à contre-courant. Il n'est pas progressiste du tout. Il fait bande à part dans tout le domaine économique. Plutôt que d'être progressiste et de marcher dans le sens où l'Amérique du Nord se dirige, il préfère l'abus du contrôle étatique. Il ferme les portes sur l'avenir et sur nos possibilités de développement économique.

Il y a un élément que je pourrais reconnaître, M. le Président. Certains groupes de pression ou certaines associations veulent se voir mis à l'abri par un projet de loi. Je comprends que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a reçu certaines pressions de la part de groupes ou d'associations. Beaucoup de gens veulent se voir protégés par le projet de loi. C'est humain. C'est, jusqu'à un certain point, très compréhensible, mais était-ce nécessaire pour le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de répondre par ce projet de loi à ceux qui veulent se voir protégés ou mis à l'abri? Le résultat et les effets qu'aura le projet de loi présenté aujourd'hui ne seront certainement pas productifs. On entraîne par cette nouvelle loi une nouvelle lourdeur bureaucratique par laquelle on va certainement freiner le progrès. Nous allons aussi freiner le dynamisme d'un secteur

d'activité qui emploie environ 350 000 personnes.

Que dire de l'abus de réglementation? On en connaît les effets. La réglementation crée généralement des injustices. Elle brime des droits acquis. Elle discrimine quelqu'un quelque part. Elle ajoute à la bureaucratie. Pourtant, elle est tellement lourde au Québec, qu'on aurait pu se passer d'en ajouter. Finalement, le résultat net est que de la naissance à la mort et de plus en plus l'État nous mène par le bout du nez et en plus se met le nez où il n'a pas d'affaire.

Il faudrait se poser des questions sur la logique économique que comporte ce projet de loi. J'imagine que le ministre aurait eu une occasion de démontrer une plus grande ouverture d'esprit, de démontrer qu'il croit à l'entreprise privée. Non pas seulement dire qu'il croit à l'entreprise privée, mais qu'il croit à la liberté de nos droits, qu'il croit aux forces du marché. Mais il a manqué son coup; soit qu'il n'était pas sincère quand il émettait des opinions contraires à celle du projet de loi ou alors qu'on le voit sous son vrai jour aujourd'hui.

De toute façon, il y a d'autres éléments dans le projet de loi dont je voudrais discuter avant de terminer. Par exemple, le statut particulier que l'on veut conférer aux grandes pharmacies. On sait que le ministre les reconnaît et reconnaît aussi l'étendue de la surface de plancher qu'elles avaient à des fins de vente de produits alimentaires. En plus, il n'y a rien qui empêchera ces pharmacies de se cloisonner, d'avoir des sections cloisonnées où elles pourront vendre une multitude de produits. Il n'y a rien qui empêchera une pharmacie d'avoir douze ou quinze cloisons, de vendre douze ou quinze produits additionnels. Cela n'est pas écrit dans le projet de loi qu'elles n'ont pas le droit de le faire, en plus de conserver l'espace qu'elles ont actuellement.

Si on parle d'équité, en partant, il y a discrimination envers des groupes et il y a aussi des droits acquis qu'on veut peut-être protéger mais on confère quand même des droits presque abusifs à ces grandes pharmacies. Si le ministre avait voulu être équitable, il aurait libéré le système plutôt que d'apporter la confusion.

Pour les marchés publics, la règle de trois s'applique. Mais c'est presque une farce. Je sais pertinemment que si j'étais propriétaire d'un magasin d'alimentation dans un marché public, je n'aurais pas de problème à cloisonner en deux, en trois ou en quatre. Je pourrais avoir de trois à douze employés, si je voulais. Les propriétaires de magasins dans les marchés publics pourront faire à peu près ce qu'ils veulent. Je pense que c'est une farce monumentale d'avoir inscrit cela dans la loi parce que cela ne règle pas du tout le problème.

En plus, les coûts de mise en place de cette loi. Cela va augmenter le nombre de gendarmes. On peut les appeler les enquêteurs mais on peut aussi les appeler les gendarmes. Il y aura possiblement du harcèlement qui sera rattaché à cela. Quels seront les coûts de cette loi en rapport avec les gendarmes ou les enquêteurs? Cela devient un irritant de plus, par-dessus tous ceux qu'on a au Québec. La dépense sera sans doute très importante. Si le ministre veut appliquer ce projet de loi avec fermeté, cela va prendre des centaines et des centaines d'inspecteurs ou d'enquêteurs ou de gendarmes qui vont voir à l'application de cette loi. Qui paiera? Encore les contribuables du Québec qui sont pourtant extrêmement taxés, surtaxés. Ils sont surtaxés à 30% de plus que la moyenne canadienne. On arrive encore avec des projets de loi qui coûteront très cher dans leur mise en application.

En fait, un élément aurait réglé tous les problèmes, si le ministre avait eu le courage de le soumettre; cela aurait été la libéralisation des heures d'affaires pour tout le domaine agro-alimentaire. Pour commencer, cela aurait réglé les cas spéciaux que le ministre veut se réserver. Cela aurait réglé le problème des régions frontalières où le ministre peut, à la suite d'une demande, donner des permis d'exploitation à des heures différentes dans les régions frontalières. En plus, si on avait libéralisé davantage les heures, cela aurait pu être un élément créateur d'emplois. Je pense que c'est un point à considérer quand on regarde le nombre de chômeurs que nous avons ici au Québec. (15 h 40)

Enfin, M. le Président, et je termine là-dessus, je ne peux appuyer le projet de loi 59. Je ne peux appuyer les interventions du ministre qui peuvent être arbitraires ou pourraient l'être, je ne peux cautionner non plus les pouvoirs abusifs que se confère le ministre, je ne peux cautionner la bureaucratie additionnelle incluse dans ce projet de loi et les coûts inhérents à son application, je ne peux non plus cautionner les injustices que ce projet de loi peut créer parce qu'il signifie le non-respect des droits et des libertés individuels, libertés et droits que nous avons perdus depuis quelques années. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai pensé intervenir très brièvement sur le projet de loi 59 qui modifie la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. L'objectif de la loi, comme son titre le dit, est de modifier

les heures d'affaires des établissements commerciaux; le projet n'a pas pour effet de régler les problèmes que l'on veut régler mais peut-être de les augmenter.

Il est évident que la raison première pour laquelle le gouvernement a décidé d'intervenir dans ce domaine est le fait que depuis plusieurs années, durant les quatre ou cinq dernières années, on a vu une prolifération de commerces qui se sont ouverts et qui fonctionnent même le dimanche, sans que jamais aucune loi ne soit venue clarifier les heures de fonctionnement de ces commerces. Si bien que l'on se retrouve, d'un côté, avec des commerces -on va peut-être s'arrêter davantage pour le moment aux commerces d'alimentation - qui obéissent à la loi, qui respectent les dispositions de la loi, en restant fermés le dimanche, alors que d'autres, à partir d'un laisser-faire ou d'une négligence, qui provient probablement de la façon dont le petit nombre d'inspecteurs se sont acquittés de leur tâche, à partir surtout du laisser-faire du gouvernement, ont commis des abus.

Comme quelques-uns de mes collègues le signalaient ce matin, on a même, certaines fois, vu des ministres du gouvernement aller sanctionner, par leur présence, des ouvertures de marchés publics ou autres en dehors des heures prévues par la loi. Si bien que, agissant sous la pression, des commerçants en alimentation, qui, eux, respectent la loi ou inscrivent leur fonctionnement dans le cadre de la loi, se sont dit: Les conditions du marché ou les conditions du commerce ne sont plus équitables. D'une part, vous avez des gens qui contournent la loi, ouvrent leur porte quand ils pensent que c'est plus rentable pour eux et, d'autre part, vous avez ceux qui obéissent à la loi.

Ceci étant dit, il était important que le gouvernement se penche sur ce problème et se demande comment nous pouvons le résoudre dans un esprit d'équité. Comment pouvons-nous clarifier une situation qui devient de plus en plus ambiguë et confuse, si bien que les gens ne s'y retrouvent plus? D'une part, vous entendez les protestations pour obtenir la fermeture des commerces le dimanche et, d'autre part, des représentations sont faites pour libéraliser les heures d'ouverture des commerces le dimanche.

Que le gouvernement veuille intervenir à ce moment-ci pour essayer d'apporter un peu plus de clarté dans cette situation, je pense que c'est légitime. Ce qui m'étonne, en lisant le projet de loi actuellement à l'étude devant nous, c'est la façon par laquelle le gouvernement se propose d'intervenir, je dirais surtout le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Probablement qu'aucun autre ministre que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du

Tourisme, n'aurait pu présenter un projet de loi aussi confus et aussi ambigu, ménageant à la fois la chèvre et le chou, ou du moins tentant de le faire. Je pense que c'est parfaitement à l'image du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui jamais en cette Chambre n'est capable de donner une réponse claire à quoi que ce soit, répond toujours à côté des questions et, finalement, se comporte de la même façon dans la présentation de ce projet de loi.

Je pense qu'on pourrait aborder la discussion de ce projet de loi du point de vue d'un modèle de vie ou du fonctionnement de notre société. Vous trouveriez d'un côté ceux qui voudraient libéraliser la loi, aller dans le sens d'une libéralisation et, de l'autre côté, les tenants du statu quo. Je m'étonne... À moins que le ministre ait entre les mains de tels sondages; je ne les ai pas; il se peut que ce soit parce que je ne les ai pas obtenus, mais s'ils existent, j'aimerais que le ministre les dépose. Les consommateurs sont quand même les premiers touchés; il ne faut pas oublier que les commerces sont au service des consommateurs. Ceci ne veut pas dire qu'on doive exploiter ceux qui travaillent à l'intérieur des commerces ni qu'on doive exploiter les propriétaires de commerces, mais il reste qu'ils sont d'abord au service des consommateurs. Et, à ma connaissance -encore une fois, c'est peut-être parce que je n'ai pas en main les documents qui seraient disponibles - je ne sache pas qu'on ait fait auprès des consommateurs un sondage sérieux sur ce qu'ils voudraient.

On sait qu'il existe à l'échelle nationale un sondage qui remonte, j'imagine, à plusieurs mois, dans lequel on voyait une tendance favorable, au-delà de 50%, dans les autres provinces, à la libéralisation des heures d'ouverture des commerces. Du côté du Québec, on observe, selon ce sondage, un comportement plus réservé ou plus conservateur vis-à-vis de la libéralisation des heures d'ouverture. Le sondage donne à peu près ceci: 48% - si je ne m'abuse - seraient favorables au statu quo alors que 38% seraient favorables à une libéralisation, avec évidemment un certain nombre d'indécis ou de personnes qui ne se sont pas prononcées.

Une chose est certaine: je pense que, compte tenu des conditions de vie dans lesquelles nous vivons, compte tenu de l'organisation de notre société, compte tenu de l'arrivée sur le marché du travail d'un nombre de plus en plus considérable de femmes et également de familles où les deux conjoints travaillent dans des conditions qui font que les heures habituelles d'ouverture de magasins que nous avons connues - en tout cas, pour ma part, dans mon enfance - ne sont plus adaptées aux besoins d'aujourd'hui, il faut savoir les difficultés occasionnées parfois pour arriver à organiser un horaire

qui satisfasse les familles d'aujourd'hui.

Cela dit, je n'ai pas, moi non plus, la réponse à savoir si on doit aller dans le sens d'une libéralisation ou dans le sens du statu quo. Si je me fie à l'esprit du projet de loi, ou du moins à ce que le ministre prétend vouloir faire dans ce projet de loi, c'est-à-dire clarifier la situation pour tout le monde, que les règles du jeu soient bien connues et qu'on fonctionne dans un système plus équitable, je regrette de dire que tel n'est pas le cas de ce projet de loi. D'une part, on ajoute, par exemple, à la liste des commerces exclus de la loi deux dispositions, la première permettant aux commerces d'antiquité ou de marchandises usagées d'être exclus de la loi. En d'autres termes, j'imagine qu'ils pourraient fonctionner le dimanche; ils ne sont pas soumis aux dispositions de la loi. Dans le cas des antiquités, c'est quelque chose de très aléatoire que de définir ce que sont des antiquités, parce que aujourd'hui, à peu près tout ce qui date de dix ans est considéré comme une antiquité. Et encore, on pourrait toujours penser que c'est usagé dans ce sens-là, peut-être qu'on pourrait à la limite parler d'antiquités, mais on ajoute "et de marchandises usagées". (15 h 50)

M. le Président, je suis convaincue que, quand vous vous promenez dans la belle région des Cantons de l'Est, où j'ai parfois l'occasion de me balader, il y a un peu partout de ces antiquités ou magasins d'antiquaires; vous entrez là et vous n'en retrouvez pas une seule. Ce que vous retrouvez, ce ne sont même pas, non plus, des meubles usagés. C'est du mobilier qu'on est allé acheter chez des commerçants, qui n'est pas usagé, mais qu'on revend à des conditions probablement plus raisonnables que si on en faisait l'acquisition dans un magasin conventionnel. D'une part, on sent que, dans le projet de loi, le ministre dit: II faut rétablir les règles du jeu; il faut qu'on permette des conditions équitables. Par contre, dans un autre geste, il élargit ce qui, à première vue, pourrait paraître inéquitable si l'on tient compte de ce qu'il prétend vouloir mettre de l'avant.

Vous avez également au paragraphe 19; dans l'énumération des commerces qui seront exclus de la loi, "de tout autre produit déterminé par règlement du gouvernement". On revient encore à la vieille méthode qu'on a tellement dénoncée de ce côté-ci de la Chambre, à savoir que le gouvernement se garde un pouvoir discrétionnaire. Il va vous dire qu'il n'interviendra dans ce sens-là que lorsque tous les intervenants concernés seront d'accord. Vous savez qu'avant que tous les intervenants concernés soient d'accord pour exclure quelque chose c'est une démarche assez périlleuse. On le voit au moment même de la discussion de ce projet de loi puisque, même du côté du gouvernement, c'est loin d'être sûr que le consensus ait été fait; on l'a vu à la suite du discours du député de Gouin. C'est surtout, à ce moment-là, un pouvoir discrétionnaire que le gouvernement se donne, qu'il pourra exercer sous la pression d'un groupe qui pourra être fort restreint et qui, fort souvent, n'aura pas fait l'objet de ce consensus général dont parle le ministre. Compte tenu du nombre d'exclusions importantes déjà contenues dans le projet de loi, on se demande pourquoi, si on devait en faire une autre, le gouvernement ou le ministre ne reviendrait pas devant l'Assemblée nationale justifier une ou des exclusions additionnelles à son projet de loi.

D'une part, on veut rassurer les marchands en alimentation en disant qu'on va agir de telle façon qu'il y aura moins de concurrence déloyale qui s'exercera à leur endroit. C'est ce que j'ai cru déceler dans ce projet de loi. La raison principale, c'est que l'Association des détaillants en alimentation a dit: Nous sommes mal protégés. Le ministre a dit: On va intervenir. Évidemment, ils sont exposés à la concurrence des pharmacies qui, maintenant, ont de vastes services d'alimentation. Vous avez les marchés publics, etc. Le ministre semble dire: Rassurez-vous; on vous règle cela maintenant; il faudra qu'il y ait seulement trois personnes dans un marché d'alimentation pour que ce dernier puisse ouvrir le dimanche.

Qu'est-ce que vous retrouvez à deux articles? Dans un premier article, à l'article 5.2, probablement qu'on a en tête les établissements commerciaux opérant avec plus de trois personnes, qui vendent des produits visés au paragraphe 7° de l'article 5, c'est-à-dire les produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires. On parle des grandes pharmacies qui ont souvent des rayons importants d'alimentation. On leur dit: Vous aurez jusqu'au 1er septembre 1984 pour faire une demande d'autorisation afin de pouvoir continuer de fonctionner. En ce sens, on leur dit: Vous avez des droits acquis et on vous donne jusqu'au 1er septembre 1984 pour obtenir une autorisation du ministre qui pourra vous permettre de continuer de fonctionner. Mais qu'arrive-t-il, M. le Président, entre le moment où nous nous parlons aujourd'hui, le 13 juin jusqu'au 1er septembre? Est-ce que cela voudrait dire qu'entre-temps des pharmacies pourront développer ou agrandir la superficie de leur magasin pour précisément se prévaloir de cette demande d'autorisation dont le ministre parle à l'article 5.2?

Ce qui est encore plus étonnant, c'est qu'on dit à l'Association des détaillants en alimentation: II ne faut pas vous énerver. Vous savez, maintenant, trois personnes sont requises sinon les gens ne peuvent

fonctionner. Mais vous retrouvez à l'article 6: "Le ministre peut, aux conditions qu'il détermine, accorder à un établissement commercial un délai pour se conformer aux dispositions de la présente loi." C'est-à-dire qu'à tous ceux qui précisément ont semblé ou dans les faits présentent une concurrence pour les petits détaillants, on leur dit: En aucun cas, vous ne pourrez aller au-delà du 31 décembre 1986 pour vous conformer à ce projet de loi. En d'autres termes, on leur donne presque deux ans pour se conformer à ce projet de loi et ceci, avec l'autorisation du ministre qui s'accorde un pouvoir discrétionnaire et qui s'accorde, je n'hésite pas à le dire, un pouvoir arbitraire, un pouvoir de patronage pour lequel il a une que propension fort reconnue dans tout le Québec, qu'il pourra - mon Dieu! qu'il sera heureux, n'est-ce pas? - à ce moment exercer dans toute sa plénitude.

Je veux bien qu'on présente un projet de loi pour rendre les règles de jeu plus claires, plus équitables. Mais qu'on le fasse dans un sens ou dans l'autre. Qu'on ne reste pas à cheval sur la clôture en rassurant les gens. Vous savez désormais qu'il ne faudra pas qu'il y ait plus de trois personnes dans un magasin d'alimentation pour qu'il puisse fonctionner le dimanche.

D'autre part, le gouvernement et le ministre se donnent une marge de manoeuvre telle que s'il l'exerce et selon son bon plaisir, selon les représentations qui vous seront faites et peut-être selon - est-ce que je devrais oser le dire - l'allégeance politique de celui qui se présentera à son bureau, il pourra à ce moment être très généreux et accorder des permissions qui précisément viendront contredire ce qu'il prétend vouloir faire dans ce projet de loi: Clarifier les règles du jeu, permettre aux gens de fonctionner dans un contexte qui est clair, qui est équitable pour tout le monde.

J'ai rarement vu un projet de loi qui prétend faire une chose et qui, de par ses dispositions, contredit ce qu'il veut faire. À ce titre, je dois dire qu'il m'est impossible d'appuyer le projet de loi tel qu'il est. D'ailleurs - on connaît bien le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme - je voudrais ajouter un détail qui a peut-être moins d'importance mais qui montre l'esprit dans lequel le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme fonctionne et peut-être aussi le gouvernement du Québec.

À un autre article, on donne les modifications qui seront apportées aux heures d'ouverture. On énumère ce que seront les jours de congé ou les journées où les commerces devront être fermés. Seulement pour vous indiquer l'esprit dans lequel c'est fait, on prévoit que le 24 juin, jour de la fête nationale, sera un jour où les commerces devront être fermés et jour qui pourra être reporté au 25 juin si, par hasard, la Saint-Jean-Baptiste tombe un dimanche. Mais qu'arrive-t-il du 1er juillet qui n'est plus la fête nationale mais qui est la fête du Canada? Je ne sais pas à qui la fête du Canada mais, pour moi, c'est encore la fête de mon pays.

Pour le 1er juillet, on ne prévoit pas cette même disposition que si le 1er juillet tombait un dimanche, on pourrait le reporter au lundi. Il faut être du Parti québécois et, probablement qu'il faut être ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme actuel pour penser à ces subtilités à moins que ce ne soit quelque fonctionnaire borné et étroit d'esprit qui ait pensé à faire cette différence entre deux congés que tous les Québécois veulent fêter, que ce soit la fête nationale ou que ce soit la fête du Canada.

Je pense que j'ai donné ici assez d'indices pour montrer dans quel esprit ce projet de loi a été préparé. Ceux qui pensent obtenir une certaine clarification de leurs droits, un certain respect de ce qu'ils considèrent être leurs intérêts, sont trompés par ce projet de loi parce qu'il est vraiment rempli de failles. Il laisse vraiment au ministre tellement de latitude quant aux possibilités d'intervenir selon son bon plaisir que si, d'une part, on veut corriger une chose, d'autre part, les dispositions laissées au ministre peuvent facilement contredire les objectifs que l'on dit vouloir mettre de l'avant. Ce projet de loi, tel qu'il est, sans amendement, ne viendra pas clarifier une situation, ne viendra pas rendre les conditions de fonctionnement des commerces plus équitables mais, au contraire, viendra créer une multitude de situations où l'inéquité continuera d'exister et surtout provoquera entre les différents types de commerçants des querelles qui, en fin de compte, ne serviront ni les consommateurs ni les commerçants eux-mêmes. Merci. (16 heures)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci. Je trouve regrettable un tel discours de la part de Mme la députée de L'Acadie. Aller jusqu'à prévoir, juger même des actions futures du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme avec la loi 59. Elle a eu une bonne éducation parmi les libéraux d'antan sur les modes de patronage qui pouvaient s'exercer dans ces gouvernements antérieurs. Elle a encore un bel exemple aujourd'hui de ce qui se passe parmi ces libéraux. On a juste à regarder ce qui se passe à Loto-Canada où le nid de patronage est justement dans le même sens que Mme la députée de L'Acadie l'a décrit tout à l'heure.

Pour moi, la loi 59 est une loi qui s'imposait depuis nombre d'années. Une

révision d'une vieille loi où à un moment donné on ne savait plus qui était dans l'illégalité et qui était dans la légalité. On s'apercevait que les magasins de meubles ouvraient le dimanche avec des amendes qui étaient payantes pour eux, parce que vu le chiffre d'affaires qu'on pouvait faire à ce moment, c'était payant de payer une amende parce qu'elle était toute petite. Il y avait aussi toutes sortes de commerces. On voit même jusqu'à des ventes sur le trottoir qui se sont faites par certains magasins, le dimanche aussi. C'était une concurrence déloyale envers ceux qui veulent observer les lois. La loi 59 ne fait que rétablir les faits. C'est vrai qu'il n'y a pas une loi que je puisse proposer moi-même à l'Assemblée nationale qui puisse satisfaire à tous les genres de commerces existant au Québec.

Tout de même, il faut essayer d'encadrer différents commerces au détail pour qu'ils puissent au moins atteindre la grande majorité de ceux qui font commerce au Québec. La loi 59 est présentée et elle a déjà l'approbation de près de 90% des marchands du Québec et même un peu plus; on me dit 95%, il reste qu'il y en a 5% qui sont mécontents. Ces 5% si on compare avec d'autres lois générales qui peuvent être adoptées, je pense qu'ils sont minimes. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas avoir une attention toute spéciale envers ces gens. Lorsque le "Devoir" titre le jeudi 7 juin 1984: "Un front commun presse Québec d'adopter au plus tôt la Loi sur les heures d'ouverture", pour que le journal "Le Devoir" puisse dire ouvertement qu'il y a un consensus qui s'est fait autour de la loi 59, bravo. Il faut en tenir compte aussi.

C'est sûr, comme je le disais tout à l'heure, que la loi n'est pas parfaite. C'est sûr qu'il y a une grande partie des consommateurs - on me dit près de 48% -qui seraient pour la libéralisation des heures d'ouverture couvrant même le dimanche. C'est certain que ces 48% de gens ne doivent pas ignorer non plus que si on en venait à une libéralisation complète du commerce au détail, cela amènerait, contrairement à ce que les gens pensent, une augmentation du coût des denrées. C'est simple. Il y a plus d'employés, il faut payer pour l'électricité, le chauffage additionnel, le nettoyage de ces magasins; ce sont toutes des dépenses additionnelles qui seraient imputées aux consommateurs.

Par contre, il y a un danger réel aussi qui se pose là-dedans pour les employés, les travailleurs. Le travailleur qui est habitué à faire 38 heures ou 44 heures par semaine pour le commerce se verrait réduit, à ce moment, à cause de l'affluence des clients, à des heures qui seraient l'équivalent du temps partiel. C'est un danger qui guette les travailleurs du commerce et il faut en être réaliste parce qu'on sait bien que les travailleurs dans le secteur commercial ne sont pas les mieux payés au Québec. Il faut préserver ces jobs et préserver aussi le niveau de vie de ces travailleurs. Là-dessus, il est sûr qu'il restera toujours des petites recommandations qu'on pourra faire au ministre en ce qui a trait à ce projet de loi.

Actuellement, on propose d'ajouter une demi-heure le jeudi soir et une demi-heure le vendredi soir pour porter la fermeture de 21 heures à 21 h 30. Pour avoir eu des commerces moi-même, je trouve que 21 heures, c'est une heure de fermeture raisonnable, parce qu'on sait qu'avec les employés, surtout dans le genre de commerce qu'on avait là - des étals de viande - il faut que le ménage se fasse à la fermeture du magasin. Si on fermait le magasin à 21 h 30, l'employé ne quitterait pas le commerce avant 10 h 30, après avoir fait le lavage de circonstance qu'exigent de tels commerces et qui a pour but de respecter l'hygiène.

Le samedi, c'est la même chose, à 17 heures. Je suis certain que les auditeurs qui m'écoutent actuellement comprendront. Avez-vous déjà été vous faire servir dans un magasin d'alimentation vers 16 heures ou 16 h 15? Vous êtes servi en quelque sorte au bout de la fourche, comme on dit. Les employés sont moins intéressés parce qu'ils pensent à tout le travail qu'il y aura dès la fermeture. Ils ont le droit, eux aussi, de se préparer pour une soirée sociale, le samedi soir, qu'ils ont bien méritée après avoir travaillé près de six jours par semaine dans ce genre de commerce. Personne ne veut ouvrir de nouvelles boîtes ou faire de nouvelles coupes de viande à ces heures-là. Les employés savent que la perte qu'il peut y avoir le lundi matin entraîne souvent des augmentations de prix, car le fait d'entamer de nouveaux quartiers de viande occasionne une perte substantielle due au séchage. Pour cette raison, je demanderais au ministre que la demi-heure qui est proposée dans le projet de loi, de 21 heures à 21 h 30, le jeudi et le vendredi soir... Je ne vois pas l'importance de cette demi-heure. J'aimerais bien que ce soit exclu du projet de loi et qu'on garde les heures normales d'ouverture.

On donne aussi dans le projet de loi -ce qui me préoccupait un peu aussi, à cause des magasins de meubles qui sont des magasins spécialisés - la permission aux vendeurs de piscines de pouvoir en vendre le dimanche. Là-dessus, cela ne me fait rien, mais ce que je ne voudrais pas, par exemple - et le ministre nous en a donné l'assurance - c'est que ces mêmes vendeurs de piscines vendent des chaises de patio ou des tables, tout ce qui est accessoire au jardin. J'ai l'assurance du ministre là-dessus, à savoir que ce commerce ne se fera pas par ceux qui auront à vendre des piscines. Cela a pour but de protéger les magasins de meubles qui

observent actuellement la loi du dimanche, qui observent les heures de fermeture.

On parle beaucoup du marché aux puces. Le marché aux puces, c'est un des endroits qui soulèvent le plus de contestation dans le projet de loi. Je dis bravo aux marchés aux puces. C'est un événement nouveau au Québec. C'est un développement de commerce attrayant et divertissant. Lorsque j'ai la chance de le faire, je les visite. Souvent, je n'achète rien, mais c'est seulement pour voir ce que je pourrais y trouver, soit des antiquités ou autre chose. Cependant, il faut arriver à l'évidence qu'actuellement, le marché aux puces est devenu un élément concurrentiel à ceux qui paient de grosses taxes d'affaires. Les marchés aux puces en sont maintenant rendus à vendre des meubles neufs. Ils en sont rendus à vendre n'importe quelle sorte de lingerie à l'état de neuf. Ce n'est pas l'objectif que le marché aux puces s'était donné dès le départ. Si on regarde seulement au point de vue de la taxe de vente, quel montant de taxe de vente est perdu, je pense qu'avec l'ampleur qu'ont prise les marchés aux puces aujourd'hui, on peut estimer à quelques millions de dollars la taxe de vente qui est perdue actuellement. Uniquement dans le domaine de la bijouterie, vous savez fort bien qu'on retrouve à chaque marché aux puces un grand nombre de bijoux neufs d'une valeur appréciable. Je ne crois pas que ce soit le rôle des marchés aux puces aujourd'hui. Si ce sont des articles usagés, je suis d'accord pour qu'ils les vendent, mais qu'ils respectent eux aussi celui dont le commerce a pignon sur rue et qui n'a pas le droit de faire de telles ventes le dimanche. Si les gens des marchés aux puces veulent se conscientiser entre eux par leur association, je crois qu'ils trouveront le moyen, par le délai que leur accorde le projet de loi, de s'en tenir à leur première tâche, soit celle de vendre des objets usagés et des antiquités. (16 h 10)

Quant aux dépanneurs, ils sont présentement couverts d'une façon correcte par le projet de loi, je crois, en ayant trois employés présents sur le plancher pour exploiter leurs commerces. Il est difficile d'aller plus loin que cela, parce qu'on irait en contradiction avec les grands magasins à rayons. Ils pourraient peut-être trouver un moyen, si on allait plus loin, pour nuire justement à ces petits dépanneurs qui travaillent, pour la plupart d'entre eux, de douze à seize heures par jour. Cela provoquerait une réelle contrainte sur leurs commerces. Avec trois employés, je crois qu'ils peuvent très bien faire fonctionner leur commerce sept jours par semaine.

Il y a aussi tout le problème des marchés publics. J'ai peut-être une autre conception du rôle que doit jouer un marché public, à partir de la définition réelle du mot. Actuellement, il y a une expansion dans ce domaine. L'ouverture des marchés publics est à la mode. Il est vrai que cela a coûté plusieurs millions de dollars. Dans sa définition réelle, le marché public sert surtout aux maraîchers. C'est ma définition personnelle. Si le maraîcher s'en va vendre ses fruits et ses légumes à ce marché public, il n'est pas atteint par cette loi. Il peut continuer à vendre ses produits. Mais le malheur, c'est qu'il y a des supermarchés qui s'établissent dans ces marchés publics pour vendre des produits importés, de l'épicerie et de la quincaillerie. Là, on n'est pas d'accord. Là-dessus, je voudrais une justice équitable envers tous ces grands commerces.

Ce n'est pas parce que j'irais m'installer dans un marché public que j'aurais le droit d'exploiter une lingerie. Il y en a dans certains marchés publics, mais qu'on ne joue pas sur les mots et qu'on appelle cela alors un centre commercial. Que l'on réserve les marchés publics aux maraîchers, parce qu'ils vendent tous des produits facilement périssables, qui ne se conservent pas à moins d'une bonne réfrigération et encore. On sait qu'un légume ou un fruit réfrigéré pendant deux ou trois jours n'a plus la même qualité que le premier jour, lorsqu'on le place sur les étalages.

Pour les marchés publics, il s'agirait d'amender la loi pour protéger une catégorie de gens qui se sont spécialisés dans l'exploitation de ces grands marchés, après tous les investissements qu'ils y ont faits. La preuve, c'est qu'on demande même une égalité pour les cinq autres marchés publics qui devraient ouvrir afin d'essayer de décréter le type de commerce qui serait admis dans ces marchés publics. Je ne suis pas d'accord là-dessus. Je suis sensibilisé à d'autres problèmes, par exemple à celui de la charcuterie et non pas à la boucherie, aux coupes de viandes fraîches. Il y a une habitude là-dedans. Les boucheries doivent administrer leur commerce. S'il y a trois employés pour vendre de la viande, d'accord. Ils seront considérés comme les dépanneurs. Actuellement, il y a les charcuteries, les marchés de viande qui emploient dix, douze, quinze personnes le dimanche pour vendre leur marchandise. Il faut avoir une espèce d'équité dans tout cela.

Il est certain, lorsqu'on parle de grandes pharmacies qui oeuvrent actuellement au Québec, qu'il n'y a pas seulement le gouvernement qui a une responsabilité là-dedans. Il y a aussi la profession des pharmaciens, il y a les pharmaciens qui auraient dû voir à exercer leur profession dans des pharmacies et non pas dans des quincailleries. Ils se sont conformés, pour la plupart, à la loi existante en ne faisant travailler que trois personnes mais ils

devront, à l'avenir, respecter la nouvelle loi 59. Bien sûr, ils ont acquis des droits, ils vendent autant d'épicerie qu'ils peuvent vendre de produits pharmaceutiques; je ne suis pas d'accord sur ce principe, j'aimerais plutôt un commerce spécialisé car, souvent, ces commerces causent du tort aux petits commerçants du coin.

Si on regarde le côté touristique, plusieurs ont dit qu'on allait massacrer le commerce ou la vie du milieu touristique. On a nommé certaines villes du Québec où les commerces sont habitués d'ouvrir de façon continue, le soir et le dimanche. Il n'y a rien d'interdit dans la loi partout où il y a du développement touristique; on sait que les populations de ces endroits doublent ou triplent les fins de semaine. Le tout est régi par un pouvoir ministériel mais sur recommandation des municipalités concernées.

Cela me paraît une solution logique. Il n'y a rien de mieux que le maire puisse dire: À cause de l'aspect touristique, je recommande au ministre d'accorder la permission d'ouvrir à tel type de commerces. Il est certain qu'il sera difficile au ministre de refuser la recommandation d'une municipalité qui tient à ce que certains de ses établissements soient exempts de la loi. Le ministre pourra accorder à ce moment-là une exemption.

Si on parle du Vieux-Québec, par exemple, on sait que les mois d'affluence vont de la fin de juin jusqu'à la fin d'août. Comme des lignes naturelles limitent ce quartier, on sait qu'à l'intérieur des portes, cela fait partie du milieu touristique. Le ministre se fera un plaisir d'accorder des permissions demandées par des commerçants oeuvrant dans cette partie de la ville, toujours selon la loi 59.

Pour toutes ces raisons, je voterai pour la loi 59, tout en demandant au ministre d'oublier les deux demi-heures du jeudi soir et du vendredi soir. Je pense que les travailleurs dans les magasins de détail seraient contents. Cela peut nous paraître minime, mais pour eux, cette demi-heure signifie beaucoup. C'est une suggestion que je fais au ministre, mais cela ne m'empêchera pas de voter pour la loi 59. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Hull.

M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Nous traitons aujourd'hui plus particulièrement de la loi 59, loi modifiant les heures d'ouverture des commerces au Québec. Cette loi a été déposée au mois de décembre; nous avons tenu des audiences publiques, nous avons rencontré les différentes associations de détaillants en alimentation, associations de détaillants du meuble, en somme, des regroupements d'associations afin de bonifier davantage ce qui était présenté comme projet de loi. (16 h 20)

Pourquoi modifier la loi existante? Parce que, effectivement, cela ne semble plus fonctionner ou ça fonctionnait trop bien. La loi qui existe encore aujourd'hui a été adoptée en 1970. On sait que cette loi avait été adoptée, initialement, dans le but de favoriser une certaine expansion du petit commerçant, du propriétaire d'un dépanneur. Par contre, la loi existante et, plus particulièrement au cours des sept ou huit dernières années, n'a absolument pas été retenue par personne. Tout le monde a dérogé à cette loi. Le plus bel exemple - et la population en est très consciente - c'est la venue des marchés publics, des marchés aux puces, des pharmacies d'escomptes qui n'étaient pas permis à l'intérieur de la loi, telle qu'elle était constituée. Nous avons vu s'amorcer une certaine forme de libéralisation dans le commerce au Québec. On constate, et je pense que c'est au bénéfice des consommateurs également, parce qu'on parle des heures d'ouverture, des interdictions... En somme, on traite d'une loi qui, à toutes fins utiles, à l'exemple de toutes les lois, est restrictive. On a parlé aussi du consommateur. Je pense que le consommateur a un apport très important à présenter dans l'adoption d'une telle loi.

Pour revenir à la loi existante, vous êtes sûrement au courant qu'au Québec actuellement, pour l'application de la loi, on a à peine quatre inspecteurs pour couvrir la totalité du territoire du Québec. Quatre inspecteurs qui ne travaillent pas les jours fériés, ni le samedi, ni le dimanche, ni le soir. Comment peut-on faire respecter une loi si nos inspecteurs ne travaillent pas durant les heures où les commerces enfreignent ladite loi? C'est absolument ridicule!

Quand on parle de libéralisation, je pense qu'il faut tenir compte du contexte économique d'aujourd'hui, du contexte des coutumes nouvelles qui se sont établies en fonction des changements de la société actuelle. On sait qu'aujourd'hui, autant l'homme que la femme, chacun et chacune sont accaparés par leur travail quotidien, soit dans les bureaux, les industries, les usines ou ailleurs, que plusieurs de ceux-là se réservent la fin de semaine pour faire leurs emplettes sans pour autant toujours examiner la loi pour savoir qui est ouvert, qui peut ouvrir et qui doit être ouvert. Nous aurions pensé davantage qu'après avoir entendu tous les mémoires, les compromis qui se sont faits de part et d'autre... On nous dit que l'ensemble des associations semblent appuyer cette loi. Elles l'appuient par compromis. Elles l'appuient parce qu'elles ne peuvent avoir

mieux, parce qu'elles ne peuvent avoir plus à l'intérieur de l'une ou l'autre association. Mais cela ne corrige pas pour autant une situation existante qui va sûrement perdurer.

Quand on examine - et je trouve assez curieux; je m'adresse d'une façon toute particulière à l'ensemble des dépanneurs, parce qu'on appelle cela des dépanneurs au Québec - des petits magasins de coin de rue, de paroisse, qui desservent leur collectivité au cours de la journée ou de la soirée et, plus particulièrement en fin de semaine, on dit que le petit dépanneur ne doit pas employer plus de trois personnes en tout temps. Ce que je me pose comme sérieuse question: est-ce qu'on veut garder nos petits dépanneurs petits? Est-ce qu'on ne veut pas avec le temps les rapetisser davantage? Un de ces petits dépanneurs me disait, il y a à peine quelques mois, à la suite du dépôt du projet de loi 59, que cela faisait sept ans qu'il avait acheté un petit commerce dépanneur et qu'il avait travaillé 70, 75 heures par semaine, et même plus, pour enfin connaître un certain succès. Ce succès lui a permis d'agrandir son commerce, d'ouvrir ses murs, de s'étendre à gauche et de s'étendre à droite pour, finalement, voir apparaître un projet de loi limitatif dans le nombre. Cela lui demande aujourd'hui, cela va l'obliger à restreindre ses activités, à diminuer le nombre de ses employés parce que ce petit dépanneur a poursuivi, premièrement, un défi personnel et, ensuite, l'objectif d'être plus grand et plus fort.

Il y a environ 8000 de ces petits dépanneurs au Québec et je les comprends, parce qu'ils cherchent une certaine protection, une protection dans le sens qu'ils ne veulent pas voir les grands, les multinationales, profiter de l'ensemble du marché et restreindre pour autant leurs activités afin de se maintenir à l'intérieur d'un cadre d'heures ouvrables. Je comprends ce point-là. Je comprends aussi qu'il y a à peine quelques mois, ces mêmes petits dépanneurs avaient demandé au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de ne pas accorder l'émission de permis de vente de bière dans les magasins à succursales, pour ne pas les nommer, les Steinberg. On sait que les Steinberg et tous les autres, s'ils ne l'ont pas, vont drôlement l'avoir vite, ainsi que ceux qui n'en ont pas fait la demande encore. C'était un des éléments, un des points que le petit dépanneur gardait comme exclusivité, ce qu'il n'aura plus.

Quand on parle de libéraliser et quand j'examine davantage ce gouvernement qui fait fréquemment des voyages en Europe, dans notre mère-patrie, la France, et qui nous revient toujours avec des idées d'Europe et qui les implante chez nous... Effectivement en Europe, on a libéralisé drôlement les heures d'ouverture. Aux États-Unis, on a libéralisé drôlement les heures d'ouverture. On sait que quand les États-Unis toussent, on attrape le rhume au Québec, sinon au Canada. C'est une tendance qui demande la libéralisation dans le commerce. C'est une tendance qui veut que l'on subisse l'offre et la demande. C'est bien évident, M. le Président, que s'il n'y a pas de consommateur qui se présente dans un établissement commercial en dehors des heures normales d'ouverture, ces mêmes détaillants de différents produits n'ouvriraient pas leur commerce en dehors des heures de pointe ou des heures durant lesquelles ils peuvent rentabiliser davantage leur commerce. C'est cela l'offre et la demande. (16 h 30)

On a connu dans plusieurs domaines une expansion assez rapide. Tantôt, on parlait des marchés publics. C'est devenu une habitude au Québec de fréquenter, le dimanche, en fin de semaine, les marchés publics. Les gens s'y rendent. Ils font un petit tour d'automobile avec les jeunes, avec les enfants, et ils s'arrêtent dans un marché public pour faire des emplettes. Les marchés aux puces, c'est un peu la même chose. Cet une espèce de rencontre dominicale où les gens vont. Ils partent d'un coin à l'autre de leur petite région et s'y retrouvent. Cela n'aurait pas pu exister si ces mêmes gens n'avaient pas enfreint la loi qui existait déjà. Par le fait même, ils ont libéralisé la loi existante. Ce qui m'inquiète un peu, c'est que le ministre se réserve plusieurs aspects discrétionnaires. L'idée, c'est qu'on va adopter une loi. De toute façon, même si l'Opposition était contre, M. le ministre, vous savez que c'est le gouvernement qui a le dernier mot. Il est bien évident que le gouvernement décidera au moment opportun d'adopter la loi.

Ce contre quoi nous nous mettons en garde, c'est à propos de l'ensemble des propriétaires de petits, de moyens ou de gros magasins d'alimentation ou autres; cette loi ne les sert pas nécessairement et cette même loi ne sert pas non plus le consommateur. Il y a quand même des expertises qui ont été soulignées au cours des interventions de ceux qui nous ont précédés et qui ont démontré que la population du Québec, dans une proportion qui dépasse les 50%, souhaiterait plus de libéralisation dans le domaine du commerce et, plus particulièrement, des heures d'ouverture.

D'autre part, on parle de relance économique et on restreint par le fait même la création de nouveaux emplois, parce que en limitant les heures d'ouverture, on limite les emplois. On peut nous dire que les syndicats ont souhaité l'adoption de la loi telle quelle. Mais dans combien de cas retrouve-t-on des étudiants et des étudiantes qui vont se gagner des sous dans des emplois de fin de semaine, au service de la collectivité, à l'emploi d'un patron, pour une courte

période d'heures? Cela paie leurs petites dépenses. Combien de ces emplois cela crée-t-il au Québec? Combien d'autres cela peut-il éviter de créer?

Je pense qu'on n'a pas regardé l'ensemble du problème que va créer cette nouvelle loi. Quand les gens de l'Association des détaillants en alimentation demandent au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, au niveau des pénalités, de faire respecter davantage la loi dans ce domaine, M. le ministre, on ne peut dire que le passé est garant de l'avenir. On pourrait reprocher au gouvernement antérieur, au vôtre, de ne pas avoir mis plus d'accent qu'il n'en fallait sur l'application de cette loi, parce qu'on laissait quand même suivre les tendances.

Votre gouvernement ne peut quand même pas se vanter non plus d'avoir fait respecter intrégralement la loi qui existe actuellement. La loi que vous allez voter sera aussi difficile d'application, sinon plus, parce que, lorsqu'on dit "pas plus de trois employés en tout temps dans une certaine classification de commerce" est-ce qu'on va mettre un inspecteur à chaque porte pour surveiller si le commerçant n'outrepasse pas le règlement qui existe?

Est-ce que le gouvernement du Québec va être obligé d'engager une armée d'inspecteurs pour faire appliquer la loi? Entre ceux qui vont la respecter et d'autres qui vont l'enfreindre, de quelle façon va-t-on faire le décompte?

Ce sont toutes des questions qu'on peut se poser. Je sais qu'il y a des modifications relativement importantes apportées au projet de loi original déposé au mois de décembre. Mais, encore là, on détecte que c'est ménager le chou et la chèvre. Cela dépend de qui rencontre le ministre, à quelle heure il rencontre le ministre, si le ministre est de bonne humeur ou si le ministre est de mauvaise humeur. Cela dépend combien de gens le rencontrent et combien d'associations, de particuliers ou de propriétaires ces gens représentent. C'est un élément drôlement important parce que dans cette même loi, autant pour le consommateur... Une loi c'est quelque chose, mais les règlements qui suivent, c'est bien pire. Dans ces règlements on réserve à la discrétion du ministre son application. Je vais vous donner un exemple. On parle à l'article 5.3 des endroits touristiques et on a ajouté de l'ancienne loi "ou frontaliers". Cela concerne une région comme la mienne, la région de l'Outaouais où on pourrait vivre des problèmes tout à fait particuliers, dans le sens que si des établissements commerciaux de la ville d'Ottawa et des villes périphériques, du côté ontarien, décidaient au mois d'août d'exercer leurs activités sept jours par semaine et en soirée, nous nous verrions dans l'obligation d'ouvrir les portes du côté québécois, sinon on assisterait à un exode important de nos consommateurs vers Ottawa. Cela serait la chose la plus naturelle possible. C'est fermé sur un bord et c'est ouvert de l'autre bord.

À l'article 5.3, le ministre se réserve, en somme, il peut autoriser des établissements... Je sais pertinemment que dans le cas de l'Outaouais, la Communauté régionale de l'Outaouais qui regroupe un ensemble de municipalités qui sont plus particulièrement à caractère urbain, a déjà demandé que si c'était le cas, si Ottawa ouvrait éventuellement, elle souhaiterait qu'on lui accorde la permission, l'autorisation. Le ministre l'a confirmé en commission parlementaire. On sait que des ministres, c'est comme des députés, ça passe alors que les fonctionnaires restent. C'est différent d'examiner de cette façon. J'aurais souhaité que l'on puisse aller plus loin, c'est-à-dire permettre aux municipalités des régions périphériques à des frontières, de par leur régionale ou leur MRC à qui on pourrait confier des pouvoirs, de leur donner justement ce pouvoir parce qu'il y a toutes sortes de fêtes dans l'année aussi.

Le ministre peut être parti, il peut être en Chine à un moment donné et il n'est pas possible de le rejoindre. Donc il faut appeler un haut fonctionnaire, un sous-ministre ou son adjoint et parfois la réponse se fait attendre trop longtemps. Je pourrais et nous pourrions apporter tellement d'arguments parce que nous aurions souhaité avoir une loi plus cohérente, une loi plus précise, une loi peut-être moins limitative afin de favoriser l'essor économique que nous souhaitons au Québec. Pour toutes ces raisons - notre formation politique l'a déjà indiqué - nous allons voter contre dans le but de permettre au ministre de nous apporter des réponses à l'ensemble des questions que nous avons posées et aussi de se retrouver en commission parlementaire lors de l'étude article par article afin de de bonifier, s'il y a lieu. S'il n'y a pas lieu, malheureusement le gouvernement en supportera les conséquences. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly.

M. Luc Tremblay

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de parler sur la Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux parce que c'est une loi qui m'a amené avec plusieurs de mes collègues à passer de longues heures, d'abord en commission parlementaire et en discussion afin d'apporter des solutions aux problèmes qui nous étaient soumis. (16 h 40)

Tout d'abord, je voudrais corriger deux

erreurs que le député de Hull - j'en suis certain - a glissées dans son allocution et qui sont explicables, sans doute, parce qu'il n'avait pas lu l'ancienne loi ou qu'il n'a pas lu correctement ou même s'il l'a lue, peut-être qu'il n'a pas retenu. Je suis certain que c'est involontaire de sa part, le connaissant. Il s'agit d'une affirmation dans le sens qu'on donnait de nouveaux droits aux pharmacies en ce qui concerne la vente d'aliments. Les pharmacies étaient habilitées depuis fort longtemps - je ne saurais dire depuis quand -à vendre des aliments. On sait qu'elles ont commencé... Certaines pharmacies dans les villages vendaient du "Pablum" et certains produits diététiques. La loi leur avait permis de vendre des aliments, ce qui leur permettait de s'étendre plus largement. Aujourd'hui, le problème se pose différemment. C'est pour cette raison que dans le projet de loi - et surtout, j'imagine, dans les règlements - il sera prévu de faire en sorte que les pharmaciens n'exercent pas une concurrence indue face au réseau de dépanneurs qui sont nécessaires, qui nous servent bien et que nous voulons aussi conserver. Ces gens-là méritent aussi de pouvoir exploiter leur commerce sans avoir une concurrence indue.

Justement, le député de Hull faisait des commentaires au sujet des dépanneurs. Il disait: II y a un article de la loi qui limite à trois personnes le nombre de travailleurs dans chaque dépanneur. S'il avait lu le projet de loi, il saurait que ce n'est pas trois personnes. L'ancienne loi prévoyait que trois personnes, en tout temps, pouvaient être embauchées dans l'entreprise, c'est-à-dire le patron, le ou la propriétaire ainsi que deux autres personnes, ce qui avait pour résultat que le travailleur ou le petit entrepreneur qui était propriétaire de ce dépanneur travaillait de longues heures et ne pouvait pas vraiment prendre une fin de semaine de congé à l'occasion pour se reposer, comme tout le monde a le droit de le faire. Cette loi ouvre la possibilité aux dépanneurs d'avoir trois employés ou trois personnes en tout temps dans le magasin pour servir les clients adéquatement sans permettre que ce soient de véritables supermarchés.

M. le Président, vous me comprendrez si je vous dis que le projet de loi 59 n'est pas le genre de projet de loi qu'un gouvernement aime faire adopter par les députés. On a vu les gens de l'Opposition - c'est ainsi que je le qualifierais - "limoner" autour de ce projet de loi, parce qu'ils savent très bien qu'il n'y a pas de votes à gagner avec cela. Il y aura toujours des gens qui seront insatisfaits au moment où on passera la loi. Si on libéralise - et je vous parlerai un peu plus longuement tout à l'heure des conséquences économiques globales d'une telle possibilité - il y a des gens qui seront touchés économiquement, qui seront dérangés et si on resserre la loi, il y a d'autres personnes qui seront aussi gênées par ce changement. On a constaté que l'Opposition, selon son programme normal et naturel -celui qu'on connaît depuis toujours - est le genre: Je ne suis ni pour, ni contre, M. le Président. Bien au contraire. Cela pourrait lui tenir lieu de programme électoral. Ils ne sont jamais pour ni contre. Bien au contraire. Ils ne se mouillent jamais. On ne les a pas vus venir dire ici: Voilà ce que nous ferions. Nous donnerions plus d'heures. Nous ouvririons le dimanche. Nous libéraliserions complètement. Ils ne disent pas cela. Ils ne disent rien. Ce qu'on a fait, nous, une fois que le problème s'est posé - il faut bien le reconnaître, le problème était là... Il y avait des gens qui ouvraient le dimanche et à toutes sortes d'heures dans toutes sortes de commerces.

Vous allez me dire: Bah! Pourquoi voulez-vous empêcher cela s'il y a des gens qui veulent ouvrir leur magasin et d'autres qui veulent acheter? C'est le bonheur. C'est parfait. Hélas, non, ce n'est pas parfait. On peut regarder cela de différents points de vue. Premièrement, du point de vue du consommateur. C'est cela qu'on tente de faire. C'est d'essayer de concilier les besoins et les intérêts de tout le monde. On ne réussira pas cela, c'est évident. On ne réussira jamais à concilier les intérêts des consommateurs, des travailleurs et des commerçants là-dessus. Mais on va tenter de faire en sorte que chacun ait son compte et que les consommateurs soient bien servis d'une part et que cela ne leur coûte pas plus cher, d'autre part.

Si nous libéralisions, quelles en seraient les conséquences? Premièrement, pour le consommateur, a priori: très commode. Je sors du théâtre à deux heures du matin, le samedi. J'ai besoin d'une pinte de lait ou de faire mes courses, mon épicerie. Je m'y rends et je fais mon épicerie. C'est merveilleux, me direz-vous. Par contre, l'épicier lui, vous le voyez bien, est encore ouvert. Il y a moins de clients dans son magasin parce qu'on se présente à toute heure. Il est obligé de faire fonctionner tout son appareil parce qu'il doit quand même y avoir une surveillance suffisante dans ce magasin pour faire en sorte que des gens qui veulent magasiner mais ne veulent pas payer, ne puissent pas accaparer des produits. Donc augmentation des frais. Le consommateur sera donc directement touché par la suite.

Pour les travailleurs, les conséquences feraient que nous serions dans une situation où les travailleurs seraient obligés de faire la nuit le travail qu'ils font présentement le jour. Le député de Hull disait tout à l'heure: Ah oui! Mais cela va créer des emplois, l'argument qu'on a entendu ad nauseam. Cela ne crée aucun emploi. Le problème qui se pose pour les consommateurs n'est pas de

savoir à quelle heure ils vont dépenser. Le problème qui se pose aux consommateurs est de savoir combien d'argent ils ont à dépenser. Mon problème personnel n'a jamais été les heures pour dépenser. Mon problème a toujours été, et le restera, d'avoir suffisamment d'argent à dépenser pour acheter tout ce que je voudrais. Nous vivons dans une société de consommation. Chacun d'entre nous ici peut faire une liste longue comme le bras d'articles qu'il désirerait acheter mais ce qui l'arrête, c'est le manque d'argent. Je prétends que, présentement, tous les consommateurs réussissent fort bien à dépenser tout l'argent qui leur est alloué et qu'ils peuvent dépenser.

Quelles seraient les conséquences pour les petits commerçants si on libéralisait les heures, si on disait: Tout le monde ouvre quand il veut. Ceux qui veulent acheter à ces heures le font. Cela voudrait dire que la plupart des dépanneurs, tels que nous les connaissons présentement, surtout dans le domaine de l'alimentation... car ce sont ceux qui sont les plus touchés, jusqu'à récemment. Pour les autres, c'était assez bien respecté; dans le domaine du meuble, dans le domaine du vêtement, c'était assez bien respecté le dimanche. Mais, après les heures d'ouverture normale que nous connaissions, les dépanneurs prenaient le marché et suppléaient, quand on avait oublié d'acheter des choses à certains moments. De même, des gens qui vivent seuls, qui ne font pas leurs courses ou leur commande complète, allaient chercher une pinte de lait, du jus de pomme et quoi encorel chez le dépanneur, puisque le prix n'est pas un facteur important pour ces gens-là, car c'est le service qu'ils recherchent.

Ce qui se produirait si on libéralisait, les grandes chaînes d'alimentation s'organiseraient pour rester ouvertes plus longtemps et, par le fait même, les ventes des dépanneurs diminueraient considérablement avec le résultat que plusieurs d'entre eux non seulement devraient réduire leur personnel mais devraient fermer leurs portes à brève échéance. Voilà les problèmes que pourrait causer la libéralisation des heures d'ouverture des commerces, leur ouverture le dimanche. (16 h 50)

Que fait la loi? Elle récupère le dimanche, qui n'était pas couvert par la loi provinciale; il l'était par la loi fédérale. C'est là une autre manifestation de la cacophonie du régime fédéral que nous connaissons. Nous avions une juridiction sur six jours de la semaine et le dimanche était réservé au fédéral. C'est un peu comme le droit sur les rivières; le Québec a la rive et le fond, le fédéral a l'eaul C'est plein de choses ridicules comme cela. Cela en est une que nous récupérons afin de globaliser. Le gouvernement du Québec aura maintenant une juridiction complète et verra à ce que la loi soit respectée.

Elle n'était pas respectée, cette loi régissant les heures d'affaires le dimanche, parce que les amendes, à toutes fins utiles, étaient inexistantes. Pour vous donner une idée, il en coûtait de 1 $ à 40 $ par jour d'amende à un commerce, à un magasin, s'il était pris à ouvrir le dimanche. Il semblerait que les juges trouvaient que c'était ridicule et, systématiquement, chargeaient 1 $ d'amende à chaque magasin qui était pris en délit avec le résultat que, très rapidement, les inspecteurs et les policiers ont cessé de faire des causes puisque cela n'empêchait d'aucune manière ces magasins délinquants d'ouvrir leurs portes le dimanche et en dehors des heures normales d'affaires.

Face à cette problématique, qu'a-t-on fait? On a d'abord consulté le milieu directement. Le ministre et ses fonctionnaires ont tenté, avec l'aide de chacune des associations, de trouver une solution au problème qui se posait en leur demandant: Comment pourrait-on régler ce problème? Il y a eu une commission parlementaire, nous sommes présentement en deuxième lecture et nous allons soumettre des amendements au ministre lors de l'étude du projet de loi article par article. Jamais une loi ne réussira à satisfaire tout le monde à 100%, on l'a dit tout à l'heure, mais je pense que des modifications mineures peuvent être apportées à cette loi, modifications qui contribueront cependant à la bonifier afin que plus de gens soient satisfaits.

Trois points me viennent à l'esprit. J'en ferai mention rapidement, M. le Président, car mon temps avance. Premièrement, les magasins de la SAQ devraient être soumis comme les autres à la loi; non pas qu'ils soient délinquants présentement, ils pourraient ouvrir le dimanche. Il est inacceptable, à mon avis, qu'un gouvernement, demande à tous les commerçants du Québec de fermer après certaines heures alors que les magasins de la SAQ, propriété du gouvernement, pourraient ouvrir à leur gré. Il y a des dispositions dans la loi, si jamais besoin est, qui permettent au ministre d'agir en conséquence. Déjà, les dépanneurs peuvent vendre du vin - c'est ce que les gens vont chercher en fin de semaine. Ils vont généralement acheter en semaine les spiritueux - à l'exception du vin - qui servent à une plus longue consommation. Mais le vin est consommé aux repas ou lors d'une occasion et on peut l'obtenir chez le dépanneur.

Mon collègue de Bourassa a parlé tout à l'heure des deux demi-heures additionnelles qui m'apparaissent inutiles, qui n'ajouteront rien puisque j'ai déjà dit que prolonger les heures d'ouverture ne crée pas de richesse, n'augmente pas la masse à dépenser, ne fait que créer des frais additionnels et des

désavantages pour les travailleurs de ces commerces. Dans le même ordre d'idées, on a parlé de la fermeture le 26 décembre. Moi, je suis d'accord pour dire que les travailleurs ont assez travaillé avant les fêtes; ils ont travaillé bien souvent jusqu'à neuf heures tous les soirs pendant tout le mois de décembre, laissons-leur au moins le 26 décembre.

En terminant, je parlerai des fruiteries où on trouve des fruits, des légumes et des agrumes. Ce sont des magasins qui sont ouverts, en général, l'été seulement et qui donnent un service presque du type d'un marché de fruits et légumes tels les kiosques du coin de la rue, mais qui se sont développés avec le temps.

Ce sont les trois choses sur lesquelles je vais faire des recommandations au ministre pour qu'on puisse modifier et amender la loi. Il est prévu qu'on le fasse lorsqu'on étudiera la loi article par article après l'adoption du principe. Il n'y a pas de problème. Je vais sûrement voter pour le principe. Je trouve que cette loi est nécessaire; elle est obligatoire, mais il y a de petites améliorations à y apporter, à mon point de vue, ce qui ne veut pas dire que c'est le point de vue de tous, mais je pense que personne ne m'en voudra de faire en sorte que le ministre écoute mon argumentation à ce sujet. Je vais donc voter avec plaisir pour cette loi.

Je vais demander à mes collègues de l'Opposition de nous dire ce qu'ils feraient, eux, face à semblable situation s'ils étaient au pouvoir, ce à quoi ils aspirent. On aimerait connaître leurs solutions et non seulement leur analyse de la situation. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre droit de réplique.

M. Rodrigue Biron (réplique)

M. Biron: M. le Président, je serai très bref dans mon droit de réplique puisque je pense... On a entendu les discours de l'Opposition. Elle a dit que cela a pris un peu de temps pour présenter ce projet de loi parce qu'on a été à l'écoute des entreprises, des employés et des consommateurs... C'est exact. Cela a pris environ un an et demi de consultations de tous genres auprès de 50 000 propriétaires de commerces du Québec, auprès des 350 000 employés de ces commerces ou de leurs représentants et, bien sûr, auprès des associations de consommateurs et de consommatrices, et auprès des consommateurs et consommatrices eux-mêmes.

Le député de Laporte disait que le ministre assurait maintenant une plus grande efficacité de la loi en maintenant un contrôle sur le respect des heures d'affaires.

Cela dit, en dehors de cette bonne parole à l'endroit du gouvernement et du ministre de la part de l'Opposition, cela a été très difficile de savoir où elle se branche. Le député de Huntingdon, lui, s'est branché carrément pour l'ouverture complète, pour enlever les heures d'affaires de tous les commerces, c'est-à-dire la destruction de toutes les PME québécoises dans le domaine du commerce et tout simplement des grandes. Si on ouvre, c'est cela qui va arriver, puisqu'en Ontario, c'est beaucoup plus ouvert. Il y a seulement 51% des commerces au détail et d'alimentation qui appartiennent aux indépendants. Le reste appartient aux grandes chaînes alors qu'au Québec, il y a 68% du commerce de détail dans l'alimentation et dans le commerce de détail qui appartiennent aux indépendants, aux PME québécoises. À cause de notre loi, adoptée il y a déjà une quinzaine d'années, on a protégé beaucoup plus les PME et les entreprises québécoises et les travailleurs et travailleuses du Québec. (17 heures)

Quant aux autres, de l'Opposition, ils ont été à la fois pour les marchés publics et contre les marchés publics. Ils l'ont été pour les marchés aux puces et contre les marchés aux puces. Ils ont été pour les dépanneurs et contre les dépanneurs. On ne savait pas trop où ils allaient. Même le député de Hull nous a dit que la loi permet la présence de seulement trois employés au total, incluant le patron. Ce n'est pas vrai. La nouvelle loi va permettre la présence de trois employés en même temps sur le plancher. S'il y a un autre quart le soir, il y en aura trois autres et, bien sûr, le patron y est en plus. Autrefois, il n'y avait que le patron et ses deux employés. Le petit commerce, comme il l'a mentionné tout à l'heure, qui se développait à Hull, on le protège. La loi répond exactement à un bonhomme qui a voulu prendre un petit peu d'expansion et, au lieu d'être tout seul dans son commerce avec deux employés, il aura maintenant le droit d'engager un ou deux employés additionnels à temps partiel ou autrement. Finalement, le projet de loi va permettre au petit de devenir un peu plus grand, mais va empêcher le grand de manger le petit. C'est dans ce sens-là que l'Association des détaillants en alimentation du Québec et l'Association des dépanneurs en alimentation du Québec ont appuyé sans réserve le projet de loi que nous avons proposé.

En résumé, il y a des amendes dont les montants ont été changés en cas d'ouverture le dimanche; c'est exact. Des députés de l'Opposition disaient: Pourquoi ne poursuivait-on pas avant? On poursuivait avant, mais lorsque les représentants des entreprises, qui étaient coupables, venaient en cour, ils disaient, devant le juge: Oui, M. le juge, on est coupables d'avoir ouvert le dimanche;

donc, d'avoir transgressé la loi fédérale, et le juge disait: Vous êtes coupables; maximum de l'amende, 40 $. Alors, IKEA est allée en cour à plusieurs reprises et a payé 40 $ d'amende. La grande entreprise multinationale IKEA ouvrait le dimanche et, pendant ce temps, elle faisait fermer des PME qui vendaient des meubles. On a été obligé d'émettre des injonctions contre de telles entreprises pour les empêcher d'ouvrir le dimanche. Dans la nouvelle loi, les amendes étant augmentées d'une façon considérable, je pense qu'on aura des causes contre ces gens-là et si le juge impose le maximum d'amende, s'il impose 10 000 $ d'amende, il n'y a pas beaucoup de commerçants qui vont ouvrir le dimanche. Le seul fait d'augmenter les amendes, je pense que cela va faire en sorte que la loi soit respectée.

Les pharmacies actuelles, on en a parlé, celles qui ont fonctionné légalement en vertu de la présente loi, celle qui est présentement en application. Les pharmacies ont le droit de vendre des produits alimentaires. Les pharmacies qui vendaient un peu de produits alimentaires autrefois, en vertu de cette loi qui leur permettait d'en vendre, sont devenues des superdépanneurs. Est-ce qu'on va dire à ces gens-là, maintenant qu'ils ont investi au Québec en vertu d'une loi qui leur permettait d'investir: À présent, on vous enlève tous ces droits acquis? On a dit aux pharmacies: À compter d'aujourd'hui - d'ailleurs, j'ai envoyé des fonctionnaires mesurer les espaces des pharmacies qui vendaient des produits alimentaires - date de l'adoption de la loi, vous n'avez pas le droit de prendre de l'expansion; vous qui êtes là, on va vous reconnaître parce que vous étiez là légalement; quant aux autres pharmacies, à l'avenir, ce sera pas plus de trois employés en même temps sur le plancher. Pour celles qui ont exploité légalement autrefois - il y en a une centaine au Québec - je pense que tout le monde va reconnaître qu'on est logique de reconnaître les droits acquis de ces établissements.

Des marchés publics ont fait affaires illégalement depuis quelques années; tout le monde sait cela. Par contre, il y a beaucoup d'investissements. Il y a des millions de dollars d'investissements, et l'Opposition a charrié en disant que le ministre va donner toutes sortes de permissions. Il y a dix marchés publics qui sont déjà identifiés. On a déjà mesuré les espaces de ces marchés publics. On a tous ces chiffres en main. On s'est entendu avec ces dix marchés publics qui ont investi des dizaines de millions de dollars dans des supermarchés publics. On leur a dit: On va vous donner le temps de vous placer selon la nouvelle loi. Si on fait fermer 100 commerces dans les 10 marchés publics, il y en a environ 800 ou 900 qui sont légaux et il y en 100 qui sont illégaux.

Si on fait fermer les grands illégaux, c'est sûr qu'on peut nuire aux 800 petits légaux dans ces marchés publics. C'est précisément parce qu'on veut montrer aux gens à mieux vivre ensemble qu'on a dit: Les 100 qu'il y a là, l'an prochain il en restera 50 et, dans un an et demi ou dans deux ans, il n'en restera plus. On va leur donner le temps de rapetisser leur commerce ou de revendre une partie de leur commerce. Finalement, l'objectif, c'est de poursuivre avec des marchés publics, mais à l'intérieur des marchés publics, c'est d'avoir des gens qui vendent des produits alimentaires sur une base légale, comme n'importe où ailleurs au Québec, c'est-à-dire avec trois employés ou plus.

Les zones ou les régions touristiques, je pense qu'on en a parlé tout à l'heure. Le ministre peut intervenir et permettre à certaines zones frontalières en particulier, comme la région de l'Outaouais, d'ouvrir le dimanche si les magasins d'Ottawa ouvrent le dimanche. J'ai dit en commission parlementaire, et je le redis à l'occasion de la deuxième lecture de ce projet de loi, que si j'ai des demandes des municipalités, des municipalités régionales de cette région, de la Communauté régionale de l'Outaouais ou d'ailleurs au Québec, qui ont des problèmes à cause des régions frontalières avec d'autres provinces ou un autre pays, notamment les États-Unis, en tant que ministre je suis prêt à intervenir très rapidement et à donner les permissions nécessaires et requises par les conseils municipaux. Dans ce sens-là, que ce soit le gouvernement ou le ministre, je pense que c'est un peu plus rapide si c'est le ministre parce qu'en recevant la demande, on peut immédiatement faire l'étude et la retourner. Si l'Opposition insiste pour que ce soit le gouvernement, c'est trois ou quatre semaines de plus, le temps de passer à travers les différents comités et de faire accepter le tout par le Conseil des ministres.

Mais, encore une fois, je ne ferai pas une bataille de principe là-dessus. Ce que je veux, c'est répondre "présent" aux demandes des municipalités et aux demandes des intervenants touristiques qui nous demandent d'intervenir rapidement lorsqu'ils font la demande. Souvent les municipalités attendent à la dernière minute aussi puis, ensuite, elles nous demandent la permission. Alors, je veux répondre rapidement et je pense que c'est dans ce sens qu'on a essayé d'avoir une loi aussi efficace que possible.

Finalement, les heures d'ouverture le dimanche. Je pense que la grande majorité des gens nous ont demandé de fermer le dimanche. Tout à l'heure, je ne sais pas trop où Mme la députée de L'Acadie s'est branchée, car elle a vraiment fait le tour du pot et on n'a jamais su si elle était pour ou contre l'ouverture ou la fermeture le dimanche. Elle nous a parlé des femmes, des

travailleuses et des consommatrices. C'est sûr que la femme qui travaille dans le magasin le dimanche n'aime pas tellement cela parce qu'elle voudrait bien avoir une vie de famille un peu plus normale. C'est peut-être fort possible que la consommatrice veuille pouvoir acheter le dimanche quand elle ne peut faire certaines emplettes le samedi mais, comme mère de famille et femme travailleuse, cela lui tente souvent beaucoup moins de travailler le dimanche. Alors, on a voulu essayer de concilier tout cela.

On a parlé avec des groupes de femmes, des groupes de travailleuses, des groupes de consommatrices et, finalement, elles nous ont dit: Écoutez, si on peut se procurer de l'alimentation dans des petits dépanneurs le dimanche... Quant au reste, on pense que ces 62 heures de magasinage par semaine, ce sont des heures raisonnables et on est capable d'avoir une vie de famille un peu respectable le dimanche. Essayez au moins de respecter les 350 000 travailleurs et travailleuses du Québec qui sont dans le commerce au détail. C'est du monde, 350 000. Si on les force à travailler le dimanche, cela fait tout un chambardement dans la vie des familles le dimanche.

Dans ce sens, je pense qu'on a voulu écouter tous les intervenants. En grande majorité, à peu près 90% ou 92% des intervenants nous ont dit qu'il fallait fermer le dimanche et qu'il fallait avoir des amendes assez élevées pour que la loi soit respectée. C'est dans ce sens que je pense qu'on a réussi à faire un quasi-consensus. Dans le fond, on a eu un front commun. C'est très rare qu'on a des fronts communs aussi importants. Une cinquantaine d'associations se sont groupées ensemble pour dire: Nous acceptons telle quelle la Loi sur les heures d'affaires, la loi 59. Bien sûr, en commission parlementaire... Je demeure ouvert, comme je l'ai été depuis le début, je suis prêt à recevoir des suggestions et des améliorations qui se tiendraient et qui ont du bon sens, mais dans une logique ordonnée et crédible.

Je pense que l'Opposition, jusqu'à maintenant, a prouvé son incompétence en matière économique parce que si elle avait tout simplement consulté les différents intervenants, les 50 associations qui sont venues devant nous, si elle avait parlé avec eux, si l'Opposition avait eu une vision du développement économique, une vision des heures d'affaires, c'est sûr qu'on aurait su un peu où ces gens se branchent, mais on ne l'a vraiment pas su. Tout le monde a patiné autour du pot, de l'autre côté, et personne n'a voulu prendre une décision dans ce domaine particulier des heures d'affaires.

Quant au gouvernement, nous avons pris le temps nécessaire de consulter nos partenaires, les principaux intervenants, les travailleurs et les travailleuses, les 50 000 propriétaires de commerce ou leurs associations et les consommateurs, les consommatrices qui font en sorte qu'aujourd'hui nous avons la loi, je pense, la plus acceptable possible pour le mieux-être économique et social des citoyens du Québec.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que le principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. Vallières: Sur division.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Blouin: M. le Président, je propose donc que ce projet de loi soit envoyé à la commission de l'économie et du travail qui l'étudiera de façon détaillée.

Je vous signale aussi dans cette même motion que cette commission sera présidée par un président de séance et que les travaux de cette commission se dérouleront au cours de la journée de demain.

Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. Est-ce que cette motion de déférence ainsi que l'avis sont adoptés.

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint.

M. Blouin: M. le Président, nous parlerons maintenant de la Loi sur les coopératives. À cet égard, je vous demande d'appeler l'article 9 de notre feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 85 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nous allons étudier le principe du projet de loi 85, la Loi modifiant la Loi sur les coopératives. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, c'est une loi qui est assez simple. Je serai donc bref dans la présentation de ce projet de loi puisqu'il

est appuyé sans réserve par le Conseil de la coopération du Québec. C'est un projet de loi qui vise à permettre la création de coopératives de commerce. Je pense bien que je ne prendrai pas tout le temps qui m'est accordé, au contraire, car jusqu'à maintenant les gens qui oeuvrent dans les coopératives de commerce, dans les coopératives ouvrières, nous ont demandé d'élargir la loi.

À l'heure actuelle, la loi permet de former des coopératives ouvrières de production mais ne permet pas de former des coopératives ouvrières de commerce. C'est tout simplement pour permettre d'ouvrir cette place dans la loi aux coopératives de commerce que nous avons proposé le projet de loi 85. C'est un projet de loi très court et qui devrait recevoir l'approbation unanime de tous les membres de cette Assemblée nationale. (17 h 10)

Il existe au Québec plus de 1700 coopératives régies par la Loi sur les coopératives. Ces coopératives oeuvrent dans une multitude de secteurs de l'activité économique québécoise. Cette forme d'entreprise se caractérise principalement par le fait que les utilisateurs des services dispensés par l'entreprise doivent aussi en être les propriétaires. Cette notion de propriétaire usager est fondamentale à l'entreprise coopérative et nous permet de les classer sous trois grands titres. Il y a premièrement la coopérative propriété des consommateurs. Cette entreprise regroupe des consommateurs afin de leur permettre de se procurer des biens et services au meilleur coût. À titre d'exemple, mentionnons les magasins coopératifs, les magasins Coop, les Cooprix, les coopératives d'habitation et les caisses d'épargne et de crédit.

Le deuxième groupe, ce sont les coopératives propriété de producteurs. Celles-ci transforment et vendent la production de leurs membres au meilleur prix. D'autre part, ce type d'entreprise approvisionne ses membres en biens d'utilité professionnelle. Les plus connues sont assurément les coopératives agricoles - qu'on songe à la Coopérative agricole de Granby ou Agrinove, en particulier, qui est l'une des plus grandes coopératives au monde - qui représentent une force économique importante au Québec.

Le troisième groupe, ce sont les coopératives propriété de travailleurs. Elles visent à procurer du travail à leurs membres par l'exploitation d'une entreprise qui permet le développement d'un entrepreneurship collectif. Les plus anciennes sont les coopératives forestières. Historiquement, au Québec, le développement coopératif a eu tendance à s'articuler autour des coopératives propriété des consommateurs et des coopératives propriété des producteurs. Il n'est donc pas étonnant de se retrouver aujourd'hui avec un développement coopératif très important dans le domaine de l'agriculture et dans celui de l'épargne et du crédit.

Le projet de loi modifiant la Loi sur les coopératives concerne principalement les coopératives propriété des travailleurs. Il contient également quelques dispositions pour des fins de concordance ou de correction technique. Les premières coopératives propriété des travailleurs au Québec ont vu le jour au début des années 1940. À l'exception de l'imprimerie coopérative Harpell, elles oeuvraient dans le secteur de la forêt et elles étaient connues sous l'appellation de coopérative forestière. Cependant, jusqu'à l'adoption de la Loi sur les coopératives en juin 1982, il n'existait aucune disposition particulière pour ce type de coopérative. En effet, c'est en juin 1982 qu'un chapitre spécifique était introduit, le chapitre V intitulé: "Coopératives ouvrières de production, coopératives de travail". Cette mesure a été rendue nécessaire à cause de l'accroissement rapide de ces coopératives et de la diversité des secteurs d'activité qu'elles touchaient. Après un premier développement au début des années quarante, il a fallu attendre après 1975, 35 ans plus tard, pour constater l'émergence de nouvelles coopératives propriété des travailleurs. En 1977, on en dénombrait près de 80. Ce nombre passait à près de 160 en 1983 et à la fin de mars 1984, il atteignait plus de 180 coopératives de travailleurs.

Avant cette croissance rapide des coopératives propriété des travailleurs, celles-ci avaient tendance à se concentrer dans la production et la transformation de biens, ce qui pouvait expliquer l'appellation de coopérative ouvrière de production et de commerce. Les projets préparés présentement par les coopérateurs ont tendance à déborder ce cadre et à pénétrer les secteurs des services. Ces coopératives rejoignent toutefois l'objectif essentiel des coopératives propriété des travailleurs qui est de procurer du travail aux membres par l'organisation et l'exploitation d'entreprises dont ils sont collectivement les propriétaires. De plus, l'appellation de coopérative ouvrière de production entraînait une confusion avec les coopératives propriété des producteurs. Afin de mieux cerner cette réalité et de dissiper toute confusion, nous proposons de remplacer l'appellation de coopérative ouvrière de production et de coopérative de travail par celle de coopérative de travailleurs. En vue de bien identifier le caractère d'appartenance de ce type de coopératives, nous proposons qu'elles incluent dans leur dénomination sociale l'expression "coopératives de travailleurs". L'article 223 de la Loi sur les coopératives interdit aux coopératives de travailleurs d'acquérir des biens pour les revendre au public. C'est toute l'activité commerciale qui est interdite aux

coopératives. Cette disposition entrave actuellement la réalisation de projets de coopératives dans le domaine des services et met en danger la viabilité des coopératives existantes.

Ainsi, un exemple: Les coopératives de réparateurs de camions diésel - on en a à Québec, Rimouski et dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean - se voient interdire la vente de pièces alors qu'il est bien connu que cette activité est essentielle à la rentabilité des entreprises de ce secteur de l'activité économique. Entreprise de réparation de camions, elle a le droit de réparer des camions, mais elle n'a pas le droit de vendre de pièces parce qu'elle va faire un profit sur la vente de ses pièces. Je pense surtout qu'il est grand temps d'ouvrir cette partie de la loi à la possibilité de coopératives de travailleurs, compte tenu qu'autrefois l'activité commerciale n'était pas la plus importante dans l'activité économique.

Aujourd'hui, les deux tiers des activités économiques sont des activités de commerce. C'est un peu ridicule de dire aux travailleurs: Vous avez le droit d'avoir une coopérative dans le domaine de la production, de l'industrie, mais vous n'avez pas le droit d'avoir une coopérative de travailleurs dans le domaine du commerce. On vient d'étudier la loi sur les heures d'affaires. On a réalisé que 50 000 PME québécoises existent dans le domaine du commerce avec 350 000 travailleurs et travailleuses. Cela veut dire qu'en moyenne, il y a sept employés par commerce. Ce serait facile pour des travailleurs de devenir propriétaires de leur commerce sous la forme d'une entreprise coopérative et devenir de véritables coopérateurs. Justement par cette loi que nous proposons aujourd'hui, il sera permis dorénavant à beaucoup de travailleurs et de travailleuses d'aspirer à devenir propriétaires de leur propre commerce.

Pourquoi n'y aurait-il pas cinq ou six travailleurs et travailleuses qui se réuniraient pour avoir un commerce d'alimentation? Pourquoi n'y en aurait-il pas sept, huit ou dix qui se réuniraient pour avoir un commerce de lingerie et former une coopérative de travailleurs et de travailleuses? Ensemble, dans la nouvelle loi, avec l'aide de la Société de développement des coopératives pour laquelle nous avons voté une loi, il y a environ un mois et demi, pourquoi ces travailleurs et ces travailleuses ne deviendraient-ils pas propriétaires de leur propre commerce? C'est dans ce sens que le gouvernement du Québec, ayant toujours confiance au bon jugement et à la formation des travailleurs et des travailleuses du Québec, veut leur donner une chance de s'épanouir pleinement et de devenir propriétaires ou patrons de leur propre entreprise. Sous la forme d'une entreprise coopérative, nous pourrions facilement aider ces travailleurs et ces travailleuses à devenir propriétaires, bien sûr, en ayant du financement de la part d'autres entreprises coopératives comme les caisses populaires ou comme les caisses d'établissement ou d'autres établissements de ce genre. Il est grand temps de mettre fin à la discrimination qui empêchait les travailleurs et les travailleuses d'avoir une coopérative de commerce et de permettre aux Québécois et aux Québécoises qui désirent lancer des entreprises sous la forme de coopératives, de pouvoir s'exécuter dans des conditions équitables tout en ayant accès au secteur économique tertiaire.

Pour favoriser davantage l'accès à la formule coopérative pour les travailleurs, il y aurait lieu d'autoriser la formation d'une coopérative de travailleurs par trois personnes ou plus. Jusqu'à maintenant, la loi nous permettait cinq personnes. Lorsque j'ai rencontré les représentants du Conseil de la coopération du Québec la semaine dernière, ils m'ont recommandé ou m'ont demandé de faire en sorte de pouvoir insérer dans la loi un amendement qui permettrait à trois travailleurs ou travailleuses d'être capables de former leur propre coopérative de travailleurs. Cet élargissement de la loi amènerait une modification de concordance en relation avec le nombre minimum d'administrateurs. Après consultation et en accord avec le Conseil de la coopération du Québec, nous proposons d'ajouter au présent projet de loi un article à cet effet.

Après une expérience d'une année vécue avec les dispositions contenues au chapitre 5 de la Loi sur les coopératives et compte tenu de la réduction du nombre de membres minimum requis pour former une coopérative de travailleurs, il s'avère nécessaire, pour en assurer le bon fonctionnement, d'obliger tous les travailleurs de la coopérative à en être membres tout en permettant l'embauche d'employés occasionnels pour des périodes de courte durée. C'est six mois dans la loi. Le Conseil de la coopération du Québec avec qui j'ai discuté hier matin m'a demandé s'il était possible d'aller jusqu'à un an dans la loi pour la période maximale d'essai, à constituer, si elle compte plus de 25 membres, des comités et à établir par règlement de régie interne les critères et modalités d'appel au travail. On veut la vraie participation des travailleurs et des travailleuses à la gestion de leur coopérative.

Enfin, il est prévu que la fonction de directeur général ou de gérant pourra être compatible avec la qualité d'administrateur. Le projet de loi propose également certaines modifications plus techniques: premièrement, prévoir l'enregistrement d'une coopérative qui s'identifie sous un nom autre que sa dénomination sociale; deuxièmement, corriger le texte anglais du paragraphe 5 de l'article 27; troisièmement, faire la concordance entre

les articles 135, 141 et le pouvoir de réglementation prévu au paragraphe 8 de l'article 244 relativement aux qualifications requises pour être vérificateur et aux exigences particulières concernant le rapport du vérificateur; quatrièmement, modifier les modalités d'attribution des ristournes par les membres afin de répondre adéquatement à certaines exigences des prêteurs, telle la Société de développement des coopératives, lorsque l'octroi d'une aide financière est lié au non-versement de ristournes avant le remboursement des prêts et cinquièmement, faire une correction technique du texte de l'article 265.

M. le Président, c'est donc une loi très simple qui ouvre quand même tout un secteur économique important aux travailleurs et aux travailleuses qui veulent former une coopérative. Je voudrais ici tout simplement dire que nous avons eu des consultations très nombreuses avec les membres du Conseil de la coopération du Québec, avec les principaux dirigeants du monde de la coopération avec lesquels je me suis entretenu depuis déjà tout près de six mois à propos de ces coopératives de travailleurs dans le domaine du commerce, mais je voudrais en profiter ici pour remercier de cette ouverture d'esprit et surtout de ce dynamisme que les gens du Conseil de la coopération du Québec, que les grands dirigeants du monde de la coopération, que ce soit M. Saint-Pierre, le président de la Coopérative fédérée, M. Blais, des Caisses populaires Desjardins, que ce soit M. Dolan, du Conseil de la coopération ou tous les autres membres des grandes coopératives du Québec qui m'ont fourni leur appui et surtout qui ont voulu prendre le temps nécessaire pour discuter avec moi et avec mes officiers à propos de l'évolution du monde de la coopération. (17 h 20)

J'ai été très heureux de constater, surtout il y a environ un mois alors que je participais à un sommet économique au Saguenay-Lac-Saint-Jean, que l'effort se fait dans ce coin de notre pays, soit la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour le développement des coopératives sous toutes ses formes; coopératives de travailleurs, coopératives de consommateurs et coopératives de produits agricoles. Je dois dire que j'ai été, à l'occasion de ce sommet économique, vraiment enthousiasmé de voir avec quelle préparation et quel sérieux les gens du monde de la coopération étaient prêts et ont participé au sommet économique. Ils ont voulu fournir leur apport, leurs idées et leur concours au développement économique de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Jusqu'à maintenant, j'ai aussi rencontré, dans d'autres régions du Québec, les différents représentants du monde de la coopération. Nous sommes à mettre sur pied d'autres groupes de gestion de coopératives, là aussi par ce qu'on appelle communément dans le monde de la coopération, les GGCC, les groupes de gestion consultatifs des coopératives. On a pu créer plusieurs petites coopératives.

Il est incroyable de voir ce que des coopératives de quatre, cinq, huit, dix, douze membres peuvent réaliser. C'est extraordinaire de voir le potentiel à peu près illimité des Québécois et des Québécoises, lorsque ces gens-là se prennent en main. On a vu naître partout au Québec des petites entreprises de transformation au cours des derniers mois, grâce aux GGCC. Pour la plupart, c'étaient des gens qui étaient en chômage ou sur l'aide sociale ou qui n'avaient pas de travail. Ils se sont réunis et ils ont formé des coopératives de production. Ils réussissent à produire des chaises ou à réparer des camions ou autres choses. Finalement, probablement que c'est à cause du contexte économique difficile, de la crise économique que les gens ont décidé de plus en plus de se prendre en main.

Dans ce sens, je veux rendre hommage aux gens des coopératives qui, dans tout le Québec, ont vraiment décidé d'occuper leur place au soleil et de faire en sorte que les coopérateurs du Québec puissent parvenir, avec le gouvernement du Québec, avec les autres entreprises privées, à développer l'économie québécoise. Ici, il n'est pas question de remplacer le système traditionnel capitaliste, comme on l'appelle, complètement par le système de coopératives ou le système d'intervention de l'État.

Je pense que ma philosophie du développement économique va dans le sens que cela prend des grandes entreprises d'État, comme Hydro-Québec, comme la Société générale de financement, comme SOQUIP, SOQUEM et les autres grandes sociétés d'État, mais cela prend aussi des grandes sociétés privées, telles que l'Alcan ou d'autres grandes sociétés qui ont leur place au Québec et dont nous apprécions la présence, par exemple, General Motors et autres, de même que cela prend aussi beaucoup de PME, de petites et de moyennes entreprises privées. Cela prend aussi des entreprises coopératives pour donner le choix aux gens d'intervenir sous différentes formes dans le développement économique.

Dans le domaine des entreprises coopératives, nous avons de grandes entreprises, comme les caisses populaires, les caisses d'établissement ou les coopératives fédérées. Nous avons aussi une foule de petites entreprises coopératives. On en a dénombré, je l'ai dit tout à l'heure, à peu près 1700 dans tout le Québec, dont 200 sont des entreprises coopératives de travailleurs. Ces coopératives de travailleurs oeuvrent jusqu'à maintenant à peu près exclusivement dans le domaine de la transformation et dans

des coopératives de travailleurs de production. Avec le projet de loi 85, nous ouvrons maintenant la loi à la possibilité d'avoir des coopératives de commerce. Si l'on songe qu'il y a 50 000 commerces au Québec alors qu'il y a 10 000 entreprises de production, on peut penser qu'au cours des prochaines années, il y aura peut-être 1000, 2000, 3000 ou quelques milliers d'entreprises coopératives. Plusieurs milliers de Québécois et de Québécoises seront propriétaires de leur propre entreprise.

Dans ce sens, encore une fois, avant de terminer, je veux tout simplement dire que je pense que cette loi sur l'amélioration de la Loi sur les coopératives est appuyée pleinement par le Conseil de la coopération. La semaine dernière, j'ai rencontré personnellement des gens, car j'ai eu l'honneur et le privilège d'être invité à une réunion du Conseil de la coopération - M. Dolan, le président, m'avait invité - pour me faire part de leur décision, de leur analyse de la Loi sur les coopératives. Je leur avais déjà fait parvenir une copie de la loi, une fois qu'elle a été écrite, après avoir eu beaucoup de consultations avec les gens des coopératives. Le Conseil de la coopération me disait qu'il appuyait sans réserve le projet de loi que nous présentons aujourd'hui, que le Conseil de la coopération voulait aider le gouvernement du Québec à développer cette forme de coopératives de travailleurs dans le domaine du commerce et surtout que le Conseil de la coopération offrait tout son soutien et tout son appui dans ce sens-là.

Je suis très heureux de constater l'appui à la fois des membres du Conseil de la coopération et des membres du conseil d'administration du Conseil de la coopération et aussi du soutien technique de la part des permanents du Conseil de la coopération. Je pense que ce projet de loi sur les coopératives sera accepté à peu près unanimement à travers le Québec. Dans ce sens, je suis heureux et fier et je souhaite que des centaines et des milliers de Québécois et de Québécoises profiteront de cette ouverture du gouvernement du Québec, par le biais de la loi sur les coopératives, pour devenir propriétaires de leur propre entreprise sous forme de coopérative de travailleurs. Finalement, tous ensemble, nous pourrons ainsi participer au développement économique du Québec et à la création d'emplois pour les hommes et les femmes du Québec.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous en sommes maintenant rendus à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur les coopératives.

Ce projet de loi, bien que relativement court dans sa présentation, puisqu'il ne contient que 13 articles, demeure néanmoins très important quant à son contenu. La raison d'être de ce projet de loi est de modifier la présente Loi sur les coopératives de façon à permettre la création d'un nouveau type de coopératives appelées coopératives de commerce. Une coopérative de commerce aura comme activité principale d'acquérir des biens pour les revendre au public.

Il est à noter que, dans la loi actuelle, cette activité est formellement interdite par l'article 223 de la Loi sur les coopératives et je cite: "La coopérative peut avoir tout objet permis par l'article 1, sauf celui qui consiste principalement à acquérir des biens pour les revendre au public." Or, cet article 223 de la Loi sur les coopératives est venu en vigueur le 21 décembre 1983, à la suite de l'adoption de la Loi sur les coopératives. On peut donc s'étonner d'un revirement aussi subit. Ce qui était formellement interdit en vertu d'une loi récente devient tout à coup permis et encouragé par la nouvelle loi.

En vertu du projet de loi dont nous avons à faire l'étude, on abolit l'ancienne désignation de coopérative ouvrière de production et de coopérative de travail; désormais, on ne parlera plus que de coopératives de travailleurs. Parmi celles-ci, celles qui auront pour activité principale d'acquérir des biens pour les revendre au public devront comporter l'expression "coopérative de commerce". Je chercherai donc, au cours des prochaines minutes, à comprendre pourquoi le gouvernement tient tellement à modifier la loi actuelle de façon aussi subite que spectaculaire. Comment se fait-il que le Conseil de la coopération du Québec qui, il y a à peine deux mois, exprimait par écrit ses craintes et ses réserves au sujet de ce concept, ait finalement décidé de donner son aval à cette nouvelle loi.

Pour comprendre un peu ce qui se passe, il faut retourner quelques mois en arrière. Au retour d'un voyage qu'il effectuait en France en octobre 1983, avec certains dirigeants de l'industrie québécoise des vins, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nommait l'un d'entre eux, M. Jean-Guy Lord, à la présidence de la Société des alcools du Québec. Sitôt nommé, le nouveau président annonçait, dans une conférence de presse, son intention de privatiser les succursales de la Société des alcools du Québec. Dans les jours qui suivirent, il dut toutefois modifier son refrain car, entre-temps, les ministres Biron et Parizeau étaient intervenus pour corriger les propos du président nouvellement nommé.

Le ministre de l'Industrie, du Commer-

ce et du Tourisme annonçait peu après que ce démantèlement des succursales de la Société des alcools du Québec se ferait au profit de coopératives de travailleurs qu'on appellerait des coopératives de commerce. Et le ministre de préciser sa pensée en nous expliquant la nouvelle problématique du Parti québécois à l'effet que ce qui peut faire évoluer l'objectif des travailleurs et des travailleuses de devenir un jour leur propre patron c'est de devenir souverains dans leur propre entreprise avant de devenir souverains dans leur propre pays. Voilà l'objectif du ministre, objectif qu'il nous a répété à plusieurs reprises en cette Chambre parlant de son projet de transformer en coopératives des succursales de la Société des alcools du Québec. (17 h 30)

II s'agirait donc dans les faits de créer des coopératives de commerce où les travailleurs qui auront été choisis acquerront des biens, principalement des spiritueux et des vins, pour les revendre avec profit aux consommateurs. Dans l'optique du gouvernement du Parti québécois, si l'opération se révèle profitable, c'est donc que les travailleurs devenus indépendants dans leur milieu de travail auront amélioré leur situation économique et la preuve aura été faite dans l'esprit du gouvernement du Parti québécois qu'un Québec indépendant pourrait devenir également économiquement plus fort. Ce raisonnement est d'une logique implacable et on réussira probablement à trouver quelques naïfs pour y croire. En somme, il ne suffisait que d'y penser.

D'autre part, comme la faisabilité de l'idée de l'indépendance est liée à ce projet, on peut être d'ores et déjà convaincu que le bon ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et tout le gouvernement du Parti québécois feront tous les efforts nécessaires pour assurer la rentabilité du projet. Les travailleurs qui ont été choisis pour cette expérience n'ont pas à s'en faire. Tel qu'on le leur a déjà dit, ils ne courent aucun risque sinon celui de faire des profits intéressants sur le dos des consommateurs et sur le dos de tous les contribuables du Québec. Car, en somme, les profits que feront ces travailleurs triés sur le volet seront pris à même ceux qu'aurait faits normalement la Société des alcools du Québec, qui sera la grande perdante dans toute cette opération.

Le gouvernement fera tout ce qu'il faut pour assurer la rentabilité de ces coopératives de commerce dans les succursales de la Société des alcools du Québec en limitant les charges qui seront imposées aux coopératives et en maximisant leur marge de revenu. On les abreuvera de subventions, d'aide indirecte et d'autres bonbons pour finalement clamer que l'opération est un grand succès et qu'en conséquence, l'indépendance du Québec peut maintenant être réalisée en toute sécurité et en toute prospérité.

Le problème qui se pose, c'est que les Québécois ne sont pas dupes de ce petit jeu. La simplicité de la démarche est telle qu'elle constitue en fait une insulte à l'intelligence et on comprend pourquoi les syndicats s'opposent tellement à cette parodie qu'on ose appeler une expérimentation.

Le Parti libéral du Québec n'est pas opposé en principe à ce qu'on privatise les succursales de la Société des alcools du Québec. Il n'est pas nécessaire que l'État soit commerçant de vin ou d'alcool. Les revenus que retire le gouvernement en imposant des droits ou des taxes sur la vente des boissons alcooliques pourraient être perçus de la même façon dans des magasins gérés et possédés par la libre entreprise.

Ce que nous comprenons mal cependant, c'est que le gouvernement fasse cadeau à des individus de biens qui appartiennent à tous et à chacun d'entre nous. Une succursale de la Société des alcools du Québec est un bien collectif qui appartient à tous les Québécois. Elle a une valeur marchande comme tout autre commerce. Cette valeur a été constituée par des investissements payés à même les taxes de tous les Québécois. Dans ce contexte, pourquoi le gouvernement ne met-il pas en vente purement et simplement ses succursales sur un marché libre et n'en retire-t-il pas des milliers et même des millions de dollars qui pourraient être utilisés soit à réduire la dette énorme du gouvernement, soit à réduire le chômage, en particulier chez les jeunes, soit à tenter de minimiser les carences importantes de notre système d'hospitalisation? Le gouvernement a plutôt choisi de privilégier certains travailleurs, c'est-à-dire quelques-uns qui oeuvrent à l'intérieur de certaines succursales.

Pourquoi, en effet, le gouvernement voudrait-il donner des succursales de la Société des alcools du Québec à des individus, fussent-ils d'excellents travailleurs à l'intérieur des succursales, alors que la Société des alcools constitue un patrimoine national, formé et pris à même les taxes de tous les Québécois? Combien vaut une succursale de la Société des alcools du Québec? Les autres travailleurs québécois qui paient des taxes à longueur d'année n'ont-ils pas également autant droit aux faveurs du gouvernement qu'un petit groupe dont le seul mérite consiste à avoir eu l'occasion de travailler dans les succursales de la Société des alcools du Québec?

Le ministre nous annonçait triomphalement en Chambre que le Conseil de la coopération du Québec venait de donner son appui total au projet de loi 85.

Cette annonce a, en effet, de quoi surprendre puisque le même Conseil de la coopération du Québec avait émis, au cours des semaines précédentes, de sérieuses réserves sur ce projet de loi. Le Conseil de la coopération du Québec est un organisme qui chapeaute le mouvement coopératif au Québec et qui regroupe la plupart des éléments dynamiques du monde de la coopération au Québec.

Dans un document qu'il rendait public le 27 mars 1984, il y a environ deux mois et demi, le Conseil de la coopération du Québec affirmait qu'il considérait que "l'origine, les objectifs et la teneur du projet actuel apparaissent peu compatibles avec les exigences du mode coopératif d'organisation." Fin de la citation. Il s'agissait, évidemment, du projet de "coopérativation" des points de vente de la Société des alcools du Québec. D'après le Conseil de la coopération du Québec, une coopérative formée de travailleurs doit, pour être viable, répondre à un certain nombre de conditions. Mentionnons, entre autres - je cite le communiqué du Conseil de la coopération du Québec en date du 27 mars 1984: "Premièrement, la mise sur pied d'une coopérative doit émerger de l'initiative des travailleurs. Dans le cas de la Société des alcools du Québec, la place prépondérante qu'occupe la direction et la non-implication des travailleurs dans l'élaboration du projet semblent à tout le moins paradoxales lorsqu'il est question de la création de coopératives formées par et pour les travailleurs. "Deuxièmement, la création d'une coopérative constitue une réponse des travailleurs à leurs besoins réels et communs. Dans les conditions actuelles, l'existence manifeste de ce besoin de regroupement aux fins d'exercer une activité de nature économique semble aussi peu évidente que celle du besoin, pour les travailleur!, de créer les emplois qu'ils occupent présentement. "Troisièmement, la mise sur pied d'une coopérative nécessite la participation et l'engagement formel des membres dans la conduite des activités de la coopérative. Le projet dévoilé par la Société des alccols du Québec propose que chaque coopérative formée par les travailleurs soit liée par un contrat de franchise à la SAQ. En clair, cela signifierait que le contrôle sur la gamme des produits, les activités commerciales et la fixation des prix seraient du ressort de la Société des alcools du Québec. Dans ce contexte - poursuit le Conseil de la coopération du Québec - le fonctionnement autonome et démocratique de l'unité coopérative aurait peu de signification, puisque le contrôle effectif de l'organisation coopérative serait entre les mains de la Société des alcools du Québec. "Quatrièmement, la liberté d'adhésion à une coopérative doit exister pour tous ses membres. Si les travailleurs doivent obligatoirement adhérer à la coopérative pour continuer d'exercer leurs fonctions dans leur lieu de travail actuel, il y a pour le moins distorsion du principe de libre adhésion..." Le Conseil de la coopération du Québec concluait, et je cite: "Dans sa forme actuelle, le projet de "coopérativation" des points de vente de la Société des alcools du Québec soulève beaucoup trop d'interrogations pour se mériter l'appui du mouvement coopératif québécois." (17 h 40)

Voilà, M. le Président, ce que déclarait publiquement le Conseil de la coopération du Québec le 27 mars dernier. Dans le même document, le Conseil de la coopération du Québec faisait également référence au fait que, dans un projet de loi qui circulait à ce moment, il était question de réduire à deux le nombre de membres requis pour former une coopérative. On sait qu'en vertu de la loi actuelle le nombre minimal de membres requis est de douze personnes, nombre qui peut être réduit jusqu'à cinq si le ministre, le bon ministre le juge opportun.

Le Conseil de la coopération du Québec déclarait, le 27 mars dernier, et je cite: "Ce débat est d'autant plus nécessaire lorsqu'il est question d'abaisser à deux le nombre de membres requis pour former une coopérative, ce à quoi s'oppose d'ailleurs formellement le Conseil de la coopération du Québec." En résumé, le projet de loi actuel vise à créer des coopératives de travailleurs, dites coopératives de commerce, qui détiendront les franchises de la Société des alcools du Québec pour la vente de ses produits.

Cette activité qui consiste à acquérir des biens pour les revendre avec profit aux consommateurs est interdite dans la loi actuelle. En effet, la loi actuelle ne reconnaît pas ce genre de coopérative et leur reconnaissance juridique requiert un amendement à la Loi sur les coopératives. De plus, nous avons toute raison de croire que le ministre - je pense même que le ministre en a fait état tout à l'heure dans son discours - se propose d'introduire un amendement qui visera à réduire à un minimum de trois personnes le nombre de membres requis pour former une coopérative de commerce. Il y a lieu de se demander, comme le Conseil de la coopération du Québec se l'est longuement demandé, si la formule de coopératives de commerce est acceptable, et dans l'intérêt des travailleurs du mouvement coopératif et de la population en général.

En somme, l'activité commerciale des coopératives de commerce telle que préconisée par le projet de loi 85 est-elle compatible avec l'essence même de la coopération? En effet, les coopératives de commerce auront pour mission exclusive

d'acquérir des biens pour les revendre avec profit aux consommateurs. Elles n'effectueront aucune transformation des biens ainsi acquis et revendus.

Or, en ce faisant, les coopératives de commerce deviennent des intermédiaires commerciaux, intermédiaires que le système coopératif a traditionnellement toujours voulu éliminer. Les activités prévues par les coopératives de commerce sont, à toutes fins utiles, interdites dans la loi actuelle. On sait en effet que dans la coopération, les membres tentent de se donner des moyens et des services pour répondre à leurs besoins économiques, moyens dont la mise en commun génère une force économique collective, autonome et démocratique qui atténue leur dépendance envers les monopoles et les intérêts privés des entreprises à capital-actions.

En conséquence, le mode d'organisation coopératif contribue à éliminer les intermédiaires, les membres assumant collectivement les responsabilités de se donner à eux-mêmes les biens ou les services dont ils ont besoin collectivement. Dans ces conditions, comment ne pas se poser la question que se posait lui-même le Conseil de la coopération du Québec? Je cite: "Prenant pour acquis que l'activité d'une coopérative ne constitue pas l'exploitation d'un commerce ou d'un moyen de profit, quelle compatibilité y a-t-il entre l'activité commerciale et l'essence de la coopération"? Ou encore: "Par l'émergence de coopératives de commerce, les règles de la coopération peuvent-elles admettre la création d'intermédiaires commerciaux puisque la coopérative de commerce crée l'intermédiaire que le mode d'organisation coopérative a historiquement voulu faire disparaître". On comprendra donc que c'est avec une certaine surprise que nous avons pris connaissance du communiqué du 8 juin 1984 du Conseil de la coopération du Québec qui déclare: "Que le Conseil de la coopération du Québec est favorable au projet de loi 85 modifiant la Loi sur les coopératives et plus particulièrement au principe de vivre l'expérience de coopératives de travailleurs dont la fonction principale sera d'acquérir des biens pour les revendre au public."

Un autre point important et sur lequel il convient de s'arrêter est le nombre de personnes minimum requis pour former une coopérative. Nous croyons comprendre que le ministre s'apprête à déposer les amendements qui viseraient à réduire à trois personnes le nombre de membres requis pour former une coopérative de travailleurs et évidemment une coopérative de commerce. Ici encore il convient de se poser la même question que se posait le Conseil de la coopération du Québec il y a à peine quelques semaines lorsqu'il était question de réduire à deux personnes le nombre de membres requis pour former une coopérative de travailleurs ou une coopérative de commerce. Le collectif coopératif réduit à deux personnes, disait le Conseil de la coopération du Québec, asservira-t-il l'organisation coopérative à des objectifs de profits personnels? Les contributions à capital social de deux personnes, de deux individus peuvent-elles être assez substantielles pour fonder une coopérative solide? Quel sens peuvent prendre l'éducation et la formation coopérative nécessaires au fonctionnement de nos organisations dans un collectif coopératif de deux personnes?" Voilà des questions pertinentes que se posait le Conseil de la coopération du Québec. Il avait raison de soulever ces questions il y a quelques semaines. C'est pourquoi, le Conseil de la coopération du Québec concluait dans son communiqué du 27 mars 1984 qu'il s'opposait formellement à ce que le nombre de membres requis pour former une coopérative soit abaissé à deux.

C'est pourquoi également on comprend difficilement la logique du même organisme lorsque, dans son communiqué du 8 juin 1984, il déclarait qu'"en regard du projet de loi 85 le Conseil de la coopération du Québec recommande que le nombre de travailleurs soit de trois au minimum, les autres articles relatifs à la constitution d'une coopérative s'appliquant mutatis mutandis". Où sont donc passées les préoccupations relatives à l'organisation coopérative, qui pourrait être asservie à des objectifs de profit personnel? Où sont donc passées les préoccupations relatives aux contributions du capital social de trois individus, dont on disait qu'elles ne pourraient pas être assez substantielles pour fonder une entreprise solide si le nombre de fondateurs était réduit à deux? Où sont donc passées les préoccupations relatives au sens que pourrait prendre l'éducation et la formation coopératives nécessaires au fonctionnement des organisations coopératives dans un collectif coopératif de deux personnes. Le fait de passer de deux à trois personnes est-il suffisant pour faire disparaître toutes ces préoccupations? Nous ne pouvons que rester perplexes devant un tel retournement des choses. En effet, la proposition de réduire à trois le nombre de membres, le nombre de personnes requis pour fonder une coopérative est-elle réaliste? Trois individus agissant collectivement peuvent-ils, d'une façon réaliste, contribuer, par leur apport en capital social, à fonder une coopérative financièrement viable sans tomber dans les normes du système capitaliste? Est-ce que, dans ce cas, la notion de profit personnel ne prendra pas préséance sur les notions traditionnelles d'éducation et de formation coopératives? Ne s'agit-il pas, en fait, d'un détournement subtil de la notion traditionnelle de coopérative et d'une menace sérieuse à la

crédibilité éventuelle de tout le mouvement coopératif?

En ce qui concerne le concept même de la coopérative de commerce, il faudrait se demander, à l'instar du Conseil de la coopération du Québec, si les valeurs et les principes qui encadrent l'organisation coopérative peuvent s'appliquer à toutes les catégories d'activités économiques, y compris les activités exclusivement commerciales. L'entraide, la justice sociale et la solidarité coopérative conservent-elles leur signification dans le cadre de coopératives de commerce? Il semble y avoir un grave danger que l'établissement de coopératives de commerce risque de susciter des tensions importantes entre ces nouvelles coopératives et l'ensemble des organisations coopératives qui ne poursuivent pas les mêmes objectifs et ne répondent pas aux mêmes critères. (17 h 50)

II faut, en effet, se souvenir que l'activité coopérative n'a jamais été compatible, jusqu'à ce jour, avec une activité de commerce. En effet, le but premier d'une coopérative de commerce sera de permettre à ses membres de faire le plus de profits possible afin de leur permettre un meilleur salaire. C'est bien sûr. Or, il ne faut pas oublier que ces profits seront réalisés à même les ventes de biens acquis et refilés aux consommateurs.

Un test intéressant serait celui qui consisterait à permettre à un groupe de consommateurs de se constituer en coopérative de consommateurs pour se procurer des boissons alcooliques et des vins au meilleur prix possible. Le gouvernement permettrait-il à une coopérative de consommateurs de venir concurrencer une coopérative de commerce exploitant une succursale de la Société des alcools du Québec? La réponse serait bien évidemment négative, puisque le gouvernement n'a pas l'intention d'abandonner son monopole et il privilégiera toujours la coopérative de commerce sur la coopérative de consommateurs dans ce domaine.

Un aspect troublant du projet gouvernemental est le fait qu'il a été conçu non pas par les travailleurs mais par le gouvernement lui-même. C'est le ministre, le bon ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui s'est fait le porte-parole du gouvernement pour lancer cette initiative qui doit devenir le fer de lance de l'indépendance au Québec, selon ses dires. Or, l'organisation coopérative a toujours émergé, tantôt de l'initiative des consommateurs, tantôt de celle des producteurs du secteur primaire et tantôt, des producteurs de biens et services. En somme, une coopérative se forme toujours à partir des travailleurs, à partir de la base. Ce n'est évidemment pas le cas ici puisque l'initiative vient du sommet et qu'il n'y a pas au départ cet aspect essentiel à la formation d'une coopérative, à savoir qu'elle doit provenir des travailleurs eux-mêmes et non pas des patrons.

Dans le communiqué qu'il émettait le 8 juin dernier, le Conseil de la coopération du Québec précise: "Que son appui au projet de loi gouvernemental n'est pas absolu". Le ministre s'est bien gardé de nous le dire. "Le Conseil de la coopération du Québec accepte de vivre une période d'expérimentation qui durera trois ans et ce, en très étroite collaboration avec le ministère, en étant impliqué tant lors de la formation que lors du vécu quotidien de ce nouveau type de coopérative".

Afin de mieux participer à cette expérience, le Conseil de la coopération du Québec croit essentiel d'être impliqué de façon à, premièrement, lui permettre de vérifier, lors de chacune de ces étapes, si ce type de coopérative exploite bien une entreprise conformément aux règles d'actions déterminées à l'article 4 de la loi; deuxièmement, lui permettre de fournir un avis sur l'ensemble de la réglementation que le gouvernement sera appelé à adopter concernant ce nouveau type de coopérative et ce, conformément aux dispositions de l'article 244 de la loi; troisièmement, de façon à lui permettre de fournir un avis relatif à l'élaboration du règlement de régie interne de ce type de coopérative. Le Conseil de la coopération de poursuivre, dans son communiqué: "Que les deux partenaires, le Conseil de la coopération du Québec et le ministère, en cours d'expérience et plus particulièrement à la fin de la période d'expérimentation de trois ans, feront une évaluation pour déterminer si ce type de coopérative constitue un véhicule approprié au développement d'un nouveau vécu corporatif au Québec".

On ne peut que s'étonner devant une telle prise de position du Conseil de la coopération du Québec. À la lecture de ce communiqué, il est bien évident que le Conseil de la coopération n'a consenti à approuver le projet gouvernemental que dans une optique d'expérimentation de trois ans. Il s'agit, en somme, d'un projet pilote qui permettra au Conseil de la coopération du Québec de tirer les conclusions qui s'imposent à la fin de la période des trois années, au terme desquelles il pourra ou non donner le feu vert au nouveau concept de coopérative de commerce.

Dans ce contexte, il est important de s'assurer que l'expérience qui sera tentée le sera dans les meilleures conditions possible et en s'assurant que tous les éléments seront en place pour permettre une évaluation objective du projet. On devra s'assurer au départ que rien ne pourra fausser les données du problème et que les dés ne seront pas pipés d'avance en faveur de l'une ou l'autre des solutions.

En effet, on ne peut présumer au départ du résultat de l'expérience qui pourra, au terme de trois années, se révéler un succès ou un échec. C'est faire bien peu de cas de la crédibilité qu'on doit donner au gouvernement péquiste et à notre bon ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Celui-ci a déjà lié le projet de "coopérativation" des succursales de la SAQ à l'idée d'indépendance du Québec. Ne déclarait-il pas à l'Assemblée nationale, il y a quelque temps: "On va leur démontrer que si on peut être indépendant économiquement, on peut être indépendant politiquement et on va leur montrer le chemin avec le projet de transformation des succursales de la SAQ." Et de dire le ministre: "Si vous me dites que vous voulez parler de la souveraineté politique des mouvements des coopératives, bien sûr, éventuellement, le monde va voir qu'ils sont mieux lorsqu'ils sont indépendants économiquement. Ils vont dire: Si, indépendant économiquement, on est mieux, on va devenir indépendant politiquement." Fin de la citation. Vous pouvez applaudir encore, M. le ministre, si vous le voulez. Voilà ce que déclarait le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ici même, en cette Chambre; c'est cité du journal des Débats.

Comment, dans ces conditions, ne parler d'autres choses que d'une expérience-bidon? Les Québécois sont-ils assez naïfs pour croire que le gouvernement va laisser l'expérience se dérouler normalement, sans intervenir? Y a-t-il un seul Québécois qui doute que le gouvernement va supporter à bout de bras ces coopératives de commerce dans les succursales de la Société des alcools du Québec afin de s'assurer qu'elles remportent un succès éclatant? On pourra, dans un an ou deux, clamer que les coopératives de commerce, dans les succursales de la SAQ, sont des entreprises très profitables et qu'en conséquence le Québec peut maintenant se diriger allègrement vers l'indépendance politique puisque la preuve est faite, dans les succursales de la SAQ, que l'indépendance signifie la prospérité.

Le Parti libéral du Québec ne s'oppose pas à une vision évolutive de la coopération qui permettrait d'expérimenter le concept d'une coopérative de commerce. Il s'agit là, comme nous l'avons dit précédemment, d'un concept nouveau, jusqu'à un certain point révolutionnaire même, et qui mériterait d'être éventuellement testé dans des conditions normales. Or, le projet de "coopérativation" des succursales de la SAQ n'offre pas les garanties nécessaires d'impartialité et d'honnêteté qui puissent nous permettre de considérer les résultats de l'expérience comme valables. On comprend difficilement que d'autres, encore plus impliqués dans le domaine de la coopération, en viennent à des conclusions différentes. N'oublions pas que le gouvernement du Parti québécois a lié le projet de "coopérativation" des succursales de la SAQ à son projet d'indépendance politique. Dans ces conditions, ceux qui appuient l'expérience bidon de coopératives de commerce que s'apprête à faire le gouvernement du Québec en "coopérativant" certaines succursales de la SAQ ne risquent-ils pas de cautionner également de leur crédibilité le projet d'indépendance politique du Parti québécois et du gouvernement qui en est issu? Voilà, je crois, une question très pertinente et qu'on ne peut pas éviter.

Un autre aspect de la question qu'on a pu éviter, c'est celui de l'opposition des syndicats. Il est, en effet, de notoriété publique que la totalité des syndicats impliqués s'oppose farouchement au projet de privatisation de la Société des alcools du Québec.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte, il est 18 heures. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, effectivement, si le député de Laporte s'en tient au fond du débat, nous consentons à ce qu'il poursuive pendant quelques minutes afin de terminer son intervention.

Le Vice-Président (M. Rancourt): II y a consentement, M. le député de Laporte. (18 heures)

M. Bourbeau: Je disais, M. le Président, qu'il est de notoriété publique que la totalité des syndicats impliqués s'oppose farouchement au projet de privatisation de la Société des alcools du Québec. Les syndicats prétendent que le but ultime recherché par le gouvernement est, en fait, de se débarrasser des syndicats puisque ces derniers possèdent le pouvoir de paralyser sérieusement le gouvernement en cas de grève en le touchant dans ce qu'il a de plus précieux, ses rentrées fiscales.

On ne peut évidemment pas parler de services essentiels dans ce genre d'activité. À la suite de ce constat, il convient de se demander s'il est réaliste de créer des coopératives de commerce lorsque les syndicats s'y opposent farouchement et qu'en conséquence, tout le leadership vient non pas de la base, mais de la direction. Comme nous l'avons mentionné précédemment, il est essentiel que les individus s'engagent volontairement et collectivement et de leur propre initiative à former des coopératives. Ces préoccupations, le Conseil de la coopération du Québec les avait aussi en mars dernier lorsqu'il se demandait, et je cite: "Est-il possible de former des coopératives lorsque le syndicat doute du réalisme du projet et qu'en conséquence, le

leadership provient principalement de la direction?" Dans son communiqué du 8 juin 1984, le Conseil de la coopération du Québec ne fait aucune mention de l'opposition des syndicats.

D'autre part, les syndicats prétendent que la Société des alcools du Québec conservera la propriété des succursales, puisque les coopératives de commerce ne fonctionneront qu'en franchise, et en conservant le contrôle sur les produits, sur les prix et sur les activités commerciales, la SAQ ne laissera en définitive aux travailleurs ou aux coopérateurs que le choix de fournir du "cheap labour" tout en n'étant propriétaires que de la clé de l'établissement. En vérité, il faut se demander quelles seront les réelles prérogatives de ces coopératives en franchise qui, somme toute, n'auront que très peu d'autonomie.

C'était également la préoccupation du Conseil de la coopération du Québec en mars dernier lorsqu'il se demandait: "Lorsqu'une coopérative est liée par un contrat de franchise, peut-on encore parler d'une propriété coopérative autonome, ou encore, le contrôle sur la gamme des produits, des activités commerciales et la fixation des prix étant conservés par la SAQ, la Société des alcools du Québec, quelles responsabilités reste-t-il au conseil d'administration?"

Ces questions, hélas, sont demeurées sans réponse dans le communiqué du 8 juin émis par le Conseil de la coopération du Québec. Seul le syndicat des travailleurs de la SAQ a fait entendre sa voix à ce sujet. "Nous ne pouvons accepter, dit-il, que le gouvernement veuille privatiser les profits et socialiser les pertes. Pour le syndicat, il n'est pas question d'accepter le démantèlement d'un système qui, en plus de fournir à la population des services de qualité, assure au Trésor québécois de substantielles rentrées d'argent. Mises à part les pressions - toujours selon le syndicat - de l'entreprise privée, du commerce au détail et de la fabrication du vin, il est difficile de trouver d'autres raisons qui justifient actuellement la décision du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de procéder au morcellement de ce levier économique parmi les plus prospères de l'État du Québec", exprime-t-on dans le document.

Refusant de voir le gouvernement s'engager plus avant dans cette entreprise de démolition d'un acquis collectif, la CSN et le Syndicat des employés de bureau et de magasin de la Société des alcools du Québec ont exigé d'être entendus par une commission parlementaire chargée d'étudier à fond le dossier. Pourtant, le point de vue des syndicats ne semble pas avoir retenu l'attention de ce gouvernement qui, on s'en souvient, disait avoir un préjugé favorable à leur endroit. Dans le projet de loi actuel, on constate que le préjugé favorable du gouvernement privilégie davantage le projet d'indépendance politique que l'intérêt des travailleurs.

Dans un contexte économique comme celui que nous vivons présentement, il y a lieu de se demander combien d'emplois seront créés par l'initiative gouvernementale, quel montant important sera perdu par le trésor public. Il y a tout lieu de croire que le projet se soldera par des pertes d'emploi et des pertes de revenu pour la Société des alcools du Québec et ce, au détriment d'un petit nombre de privilégiés triés sur le volet.

Dans ces conditions, comment peut-on ne pas se poser de sérieuses questions à l'égard du projet de loi 85 dont nous faisons présentement l'étude? Le gouvernement veut-il faire avancer le concept de la coopération en favorisant l'essai d'une nouvelle formule, dite coopérative de commerce et en faisant un essai loyal et une expérience honnête qui permettra d'en tirer des conclusions objectives? Nous sommes dans l'obligation de répondre négativement à cette question.

L'ensemble des faits et les déclarations nombreuses du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et les applaudissements que nous avons entendus tout à l'heure nous démontrent clairement le contraire. Il ne s'agit là que d'un écran de fumée qui masquera une expérience -bidon dont les résultats sont connus à l'avance puisque le gouvernement n'hésitera pas â prendre toutes les mesures nécessaires pour prouver la rentatilité des nouvelles coopératives de commerce dans les succursales de la Société des alcools du Québec et ainsi prétendre à la rentabilité éventuelle de l'indépendance du Québec selon le raisonnement boiteux que nous a déjà servi à plusieurs reprises le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Dans ces conditions, comment expliquer l'appui apporté à ce projet de loi par ceux qui ont la mission de protéger les destinées du monde coopératif au Québec? À ce sujet, ne sommes-nous pas en droit de nous poser la même question que se posait le Conseil de la coopération du Québec en mars dernier, à savoir: "Le Mouvement coopératif québécois est-il prêt à appuyer de sa crédibilité le projet de coopérativation de la Société des alcools du Québec?"

Le Parti libéral du Québec déplore que le gouvernement utilise la bonne foi des travailleurs québécois pour tenter de les embarquer dans son projet suicidaire d'indépendance politique. Nous ne le suivrons pas dans cette voie et nous sommes convaincus que l'ensemble des Québécois refuseront de s'associer à une démarche qui n'est pas dans le meilleur intérêt de la collectivité et qui ne peut que mener à i l'impasse. Une opération de camouflage du

genre de celle qui nous est présentée par le projet de "coopérativation" des succursales de la SAQ ne peut être considéré comme un test valable du concept de la coopérative de commerce et nous ne pouvons pas y souscrire en toute conscience.

Les résultats d'une telle expérience-bidon ne pourraient être que tronqués. Dans ces conditions, nous ne pouvons pas cautionner une telle démarche ni la conclusion inexorable que le gouvernement ne manquera pas d'en tirer. Nous ne sommes pas dupes à ce point, pas plus que ne l'est la très grande majorité des Québécois. En conséquence, nous n'entendons pas voter pour ce projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je demande la suspension du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de suspension du débat est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 9)

(Reprise de la séance à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, nous poursuivons donc cette discussion sur le projet de loi concernant les coopératives. Je vous demande donc d'appeler l'article 9) de notre feuilleton, s'il vous plaît!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur les coopératives. M. le député de Châteauguay a la parole.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de prendre la parole pour une deuxième fois durant la journée, cette fois-ci sur le projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur les coopératives et permettant principalement la création de coopératives de commerce.

Je ne reprendrai pas immédiatement tous les propos du député de Laporte qui m'a précédé. J'y reviendrai plus tard si le temps me le permet, afin de ne pas jouer le jeu de la diversion. Mais je me contenterai de dire pour le moment que tout ce discours du député de Laporte sent vraiment la non-confiance à l'égard du monde de la coopération, à l'égard des syndicats, à l'égard du Conseil de la coopération et surtout à l'égard des travailleurs et des travailleuses du Québec, ce que je trouve déplorable.

Il est difficile de parler du projet de loi 85 sans devenir quelque peu didactique aussi. M. le Président, j'espère qu'on me pardonnera de peut-être le trop devenir. Pour bien comprendre la portée de ce projet de loi, il faut bien situer la nouvelle mesure que cela comporte par rapport à ce qui existe présentement. Présentement, il existe au Québec trois types de coopératives, les coopératives appartenant aux consommateurs, les coopératives appartenant à des producteurs et, en dernier lieu, celles qui appartiennent aux travailleurs. On connaît davantage les deux premiers types de coopératives, car ce sont les plus répandues. Les coopératives de travailleurs ont été couvertes par la Loi sur les coopératives en 1982. On comprend donc pourquoi elles sont moins nombreuses, mais ce n'est qu'une question de temps pour qu'elles rattrapent les autres.

Il ne faut pas confondre une coopérative de travailleurs avec les coopératives d'autres types avec lesquelles on est généralement plus familiers. Cela pourrait conduire notamment à une certaine confusion ou à une certaine méprise quant à l'intermédiaire qui est éliminé ou dont la fonction est assumée par les membres.

Dans une coopérative de consommation, par exemple, il est bien entendu que l'objectif recherché est de réduire, au profit des membres et par leur effort commun, le prix de certains produits ou services en assumant les fonctions des entrepreneurs ou intermédiaires dont la rémunération grèverait ce prix de revient.

D'un autre côté, dans une coopérative de mise en marché de produits agricoles, l'objectif visé est de permettre aux membres d'accroître leurs revenus en assumant les fonctions et en récupérant la rémunération des intermédiaires placés aux premières étapes de l'aval des fermes.

Dans le cas d'une coopérative de travailleurs, c'est une autre catégorie d'intermédiaires dont on veut assumer les fonctions et recouvrer la rémunération, soit les intermédiaires placés entre les travailleurs eux-mêmes et leur accès aux sources du travail comme les sous-entrepreneurs ou éventuellement aussi les entrepreneurs.

Cependant, quel que soit le type de la coopérative, il est indiscutable que sa raison

d'être est de procurer des avantages économiques à ses membres selon une formule qui, par son mode d'organisation et de fonctionnement, rejoint et stimule leurs préoccupations sociales. Ainsi, une coopérative de consommation existe d'abord pour servir les intérêts de ses membres en tant que consommateurs. Une coopérative agricole existe d'abord pour servir les intérêts de ses membres en tant que producteurs. De la même façon, une coopérative de travailleurs existe spécifiquement pour servir les intérêts de ses membres en tant que fournisseurs de travail, c'est-à-dire sous l'angle de l'obtention et de l'exécution des tâches rémunérées d'où ils doivent tirer leurs moyens de subsistance.

M. le Président, la recherche d'avantages économiques se traduisant finalement en dollars et en cents pour les membres, non seulement elle n'est pas incompatible avec la coopération authentique mais elle est sa principale raison d'être. Ces avantages économiques se manifestent évidemment sous des aspects différents selon la fonction assignée à telle ou telle coopérative par ses membres ou, selon la nature du service qu'ils ont voulu se donner en organisant ladite coopérative. Mais ces avantages économiques ont toujours ceci de commun: dans n'importe quel type de coopérative, ils sont définis et recherchés dans le cadre d'une relation services à usagers. Ils se distinguent ainsi des avantages économiques visés par les actionnaires d'une entreprise à but lucratif où la relation établie en est une de profit à capital privé.

Tous ces types de coopératives existent actuellement selon une notion de base qu'on appelle notion de propriétaires usagers. Jusqu'à maintenant les coopératives ont existé exclusivement à partir de cette notion de base qui veut que les utilisateurs des services dispensés par l'entreprise coopérative doivent en être les propriétaires.

La nature du service réclamé par les membres usagers d'une coopérative de travailleurs, c'est que celle-ci leur procure un emploi, soit en négociant des contrats ou des sous-contrats, soit en exerçant elle-même la fonction d'entrepreneur. Dans un cas comme dans l'autre, la coopérative assume la responsabilité de l'exécution du projet, organise et détermine la répartition des tâches, reçoit la rémunération qui s'y rattache, puis distribue celle-ci entre les membres employés conformément aux normes sur lesquelles ils se sont tous ensemble mis d'accord. Compte tenu de la nature même d'une coopérative de travailleurs, compte tenu aussi des qualifications, des possibilités et, le cas échéant, des limitations de ses membres, une telle coopérative doit nécessairement s'adapter à leurs besoins et à leurs moyens. Elle doit leur trouver un emploi pour lequel ils soient vraiment aptes à des conditions de travail auxquelles ils puissent normalement se prêter.

Une des mesures importantes du projet d'amendement à la loi actuelle sur les coopératives consiste à enlever le caractère absolu de la notion d'usagers propriétaires afin d'introduire la possibilité que les utilisateurs des services de la coopérative ne soient pas nécessairement les propriétaires de la coopérative. Ce nouveau type de coopérative pourrait, avec la loi amendée, avoir le pouvoir de vendre des biens à d'autres personnes que les propriétaires de coopératives. Ainsi, une coopérative qui en ferait sa principale activité et sa raison d'être deviendrait une coopérative de commerce. La nature des activités vers lesquelles une coopérative de travailleurs dirigerait ses membres pour leur procurer collectivement un emploi ne changerait pas la nature d'une coopérative. Une opération commerciale reste bel et bien une activité admissible à une coopérative de travailleurs. (20 h 10)

Il ne faut pas confondre la fin avec les moyens et conclure que les tâches particulières exercées par les membres dans le cadre de l'emploi que leur fournit une coopérative modifie la destination ou la vocation de ladite coopérative. À partir du moment où l'on admet que des salariés peuvent se grouper en coopérative et devenir ainsi leur propre employeur pour l'exécution de tâches déterminées - et de nombreuses coopératives de ce genre existent dans le monde, nous ne serions pas les premiers -nous voyons mal comment le caractère authentiquement coopératif d'une telle association entreprise pourrait disparaître pour la seule et unique raison qu'elle procure du travail à ses membres dans tel domaine plutôt que dans tel autre. C'est l'objectif principal du projet de loi 85 que de permettre la création de ce type de coopérative dite coopérative de commerce. En somme, c'est l'objet de la coopérative dite ouvrière de production ou de travail qui est appelé à être modifié pour lui ajouter, soit l'autorisation de faire du commerce, soit celle d'acquérir des biens pour les revendre aux consommateurs, c'est-à-dire au public. Ce principe étant acquis, M. le Président, concernant l'existence de coopératives de commerce, il est nécessaire de prévoir que ces nouvelles coopératives pourront ou devront établir des règles de régie interne visant, par exemple, l'admission ou l'exclusion des membres, la période d'essai des membres auxiliaires, la procédure concernant le partage du travail et établissant des critères et des modalités d'appel au travail lorsqu'il n'y a pas suffisamment de travail pour tous les membres. Le projet de loi 85 prévoit ces mesures.

Personnellement, je suis pour cette

mesure progressiste car je souhaite que l'activité économique au Québec profite au plus grand nombre possible de Québécois et de Québécoises, plus, en tout cas, que ce qui se fait présentement. Je me permets de rappeler que les deux tiers de l'activité économique au Québec sont de nature commerciale alors que le tiers relève de la production. Pourtant, le commerce est une composante importante de l'économie qui emploie plus de 400 000 travailleurs au Québec. La possibilité que le projet de loi 85 offre aux travailleurs de se regrouper en coopératives pour acquérir des biens et les vendre au public va permettre la création de nouveaux réseaux de distribution et la création de nouveaux emplois contrairement aux propos pessimistes qu'a tenus le député de Laporte en fin d'après-midi.

Quand le député de Laporte a mis en doute la viabilité des coopératives de commerce, il n'avait sûrement pas à l'esprit qu'il existe au Québec 50 000 entreprises qui ont en moyenne moins de sept employés et qui pourraient, pour la plupart de ces entreprises, devenir des coopératives de commerce. Je pense aussi que le temps est venu, que le temps est mûr pour favoriser la participation des travailleurs. Les expériences de participation des travailleurs sont très marginales au Québec, nous le savons; à venir jusqu'à maintenant, elles n'ont pas réussi à faire le pont entre le capital et le travail.

Du côté patronal, la très grande majorité n'y croit pas; du côté syndical, il y a une ambiguïté entre le discours et la pratique. Tout en ne rejetant pas la formule, on ne la favorise pas en considérant que les formes de participation proposées sont une récupération des travailleurs par les patrons pour les bâillonner et diminuer la force de frappe des syndicats, tout cela étant dit le plus objectivement possible.

Malgré le peu d'efficacité des expériences vécues jusqu'à présent, il demeure que la participation des travailleurs aux entreprises est l'un des moyens de combler le fossé qui sépare présentement les employeurs des employés, c'est peut-être même le seul moyen. N'est-ce pas là un défi nouveau et fort intéressant que le monde de la coopération pourrait se donner à profit sans pour autant se mettre à chercher le profit à tout prix? Nous savons que ce n'est pas le lot du monde coopératif, ce n'est pas non plus son objectif.

Pour le moment, la Loi sur les coopératives ne permet de profiter du potentiel immense des activités commerciales que sur le plan de meilleurs prix aux consommateurs si, bien sûr, ces consommateurs font partie des coopératives de consommation. De toute évidence, il y a moyen de faire mieux avec notre potentiel commercial.

Le député libéral de Laporte ne devrait pas être obnubilé par un dossier particulier comme celui de la SAQ, au point qu'il soit devenu incapable de concevoir autre chose que ce qu'il connaît et au point où il se substitue trop naturellement au monde de la coopération pour définir à sa place sa capacité d'évolution et les avenues que ce monde de la coopération pourrait être disposé à explorer. C'est devenu symptomatique, cette attitude du député de Laporte et celle de ses collègues, chaque fois qu'il est question de faire profiter du développement et du potentiel économique au plus grand nombre de Québécois possible, de vouloir toujours ramener la question au plus petit nombre possible, de toujours ramener la question à un petit nombre de personnes qui pourraient en profiter, en excluant toujours les travailleurs.

Nous, nous voulons que le mode coopératif profite aux travailleurs du Québec. Eux, les libéraux, ces gens d'en face, ils s'y opposent car ils veulent que cela profite à un petit nombre de gens d'affaires et probablement à beaucoup de leurs amis. Le député de Laporte nous a dit qu'il n'était pas contre la privatisation de la Société des alcools du Québec. Mais il nous a dit qu'il était contre la "coopérativation" de la Société des alcools du Québec. Il n'y a pas beaucoup de conclusions à tirer. S'il veut la privatisation et qu'il est contre la "coopérativation", on est bien obligé de penser qu'il veut que cela profite à l'entreprise privée, mais pas aux travailleurs du Québec. Il me semble que c'est la seule conclusion logique qu'on puisse tirer: que cela profite au petit nombre. Pour nous en convaincre, il a tenté de récupérer le Conseil de la coopération et cela me paraît plus grave encore. Le député de Laporte a beaucoup parlé d'avis en fin d'après-midi, mais il a bien pris garde de nous dire qu'il y a un avis du Conseil de la coopération qui, lui, se prononce sur le projet de loi qui va modifier la Loi sur les coopératives. C'est important. Il nous a donné des avis qui sont venus avant que le Conseil de la coopération se fasse une idée définitive sur le projet de loi maintenant soumis à l'Assemblée nationale.

Nous avons fait beaucoup de consultations auprès du monde de la coopération. Nous avons consulté 116... Le Conseil de la coopération... Il est normal que maintenant, nous ayons un projet de loi qui satisfasse le Conseil de la coopération. Dans son dernier avis, le conseil nous l'a dit. Il trouve maintenant souhaitable que nous mettions maintenant en place des coopératives de commerce.

Nous, du Parti québécois, du gouvernement du Parti québécois, écoutons le monde des affaires et nous sommes capables de nous adapter à ce qu'il nous dit. Nous

nous faisons une idée, nous la soumettons à ces gens-là et, ensuite, nous nous adaptons en fonction de ce qu'ils nous demandent. C'est le contraire qui se passe chez les gens d'en face. Ils se font une idée. Cela devient une idée fixe. Vous l'avez vu, M. le Président, avec la question des coopératives à la SAQ; c'est devenu une idée fixe. On a beau leur dire des choses. On a beau leur parler, leur expliquer. Ils ne veulent rien entendre. Je ne suis pas étonné que de plus en plus de gens d'affaires - ils nous le disent en privé, bien sûr, parce que ce serait plutôt délicat de le dire en public - nous disent: Ces gens-là, on leur explique notre point de vue; ils ont des idées arrêtées et ils ne veulent rien entendre. C'est exactement la même attitude qu'ils ont ici à l'Assemblée nationale, sur ce projet de loi comme sur d'autres projets de loi.

Le projet de loi 85 offre donc aux Québécois de nouvelles perspectives de développement économique et permet de partager les avantages financiers qui peuvent en découler entre un plus grand nombre de personnes au Québec. C'est cela que nous voulons, M. le Président. Nous voulons faire profiter un maximum de Québécois de la coopération et de ses avantages. Ce type de coopérative est souhaité maintenant par le monde de la coopération, par les différents intervenants dans le monde de la coopération. Ce type de coopérative est souhaité maintenant par le Conseil de la coopération qui considère que cette évolution est devenue nécessaire et souhaitable pour les Québécois.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je vous dis que je voterai pour le principe du projet de loi 85 et j'incite, bien sûr, mes collègues du Parti québécois et mes collègues libéraux, les gens d'en face, à faire de même. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Papineau.

M. Marck Assad

M. Assad: Merci, M. le Président. Contrairement à ce que j'avais l'intention de dire ce soir, je vais être obligé de me limiter à quelques notes. De toute façon, j'ai écouté le député de Châteauguay mentionner que le Conseil de la coopération du Québec est derrière ces changements que le ministre propose pour les coopératives au Québec. Je crois que le député de Châteauguay devrait regarder les différentes coupures de presse, où on dit que le Conseil de la coopération du Québec avait l'intention de mener une bataille contre ce projet de loi dès le début. Après que le ministre soit intervenu - je ne sais pas par quels moyens ou quel tour de force - le Conseil de la coopération du Québec a décidé de tenter une expérience avec les changements que le ministre propose. Il n'a pas dit qu'il était convaincu des changements, mais simplement qu'il tenterait une expérience. (20 h 20)

Évidemment, je prétends que pour un changement aussi important dans le domaine des coopératives, le plus important qu'on ait connu au Québec depuis des années, il me semble que le ministre aurait pu convoquer tous les mouvements coopératifs qui existent au Québec, pour avoir leur idée sur les changements qu'il propose.

On n'a entendu parler que du Conseil de la coopération du Québec. Je ne crois pas que les mouvements aient eu l'occasion, de vraiment donner leur point de vue, ils ont demandé la tenue d'une commission parlementaire. De toute façon, les propositions que le ministre a faites concernant la Société des alcools du Québec, c'est que nous allons prendre les succursales dans tout le Québec et celles qui veulent former des coopératives vont être encouragées. J'aurais une question à poser au ministre à laquelle il pourra répondre plus tard. Est-ce exact que vous avez l'intention, d'ici un an ou deux, d'accorder aux épiceries, aux dépanneurs 60 à 70 marques de vins additionnelles qu'ils pourront vendre dans leurs magasins? Si c'est le cas, je me demande de quelle façon les nouvelles coopératives de la Société des alcools vont pouvoir fonctionner. Les seules fois où les gens vont vouloir aller à la Société des alcools, M. le ministre, c'est quand ils vont avoir besoin de spiritueux. Autrement, dans les dépanneurs, dans les chaînes d'alimentation, ils vont pouvoir se procurer du vin parce que vous allez mettre dans ces magasins la quasi-totalité des marques de vins qu'on connaît actuellement à la Société des alcools.

Cette expérience que le Conseil de la coopération du Québec a dit que vous voulez qu'il accepte, on se demande pourquoi dans l'espace de deux semaines ces gens qui étaient très inquiets de votre projet de loi, ont changé d'idée. Quelle inspiration avez-vous eue ou quels arguments avez-vous apportés? Le mot clé là-dedans, c'est qu'ils ont dit qu'ils sont prêts à faire une partie du chemin avec vous et à tenter une expérience.

Évidemment, j'ai trouvé à la bibliothèque - je crois que le ministre sera intéressé par cela - un document de votre formation politique, du Parti québécois, concernant les coopératives et considérant certaines solutions. On y donne l'historique des coopératives au Québec. J'ai lu l'historique. Je suis d'accord avec l'historique. Évidemment; cela fait partie de notre histoire et il ne faut pas oublier que les coopératives du Québec sont peut-être les organismes qui ont connu la plus grande

renommée dans le monde entier. C'est une chose dont on peut être fier, mais je demanderais au ministre de lire le programme du Parti québécois, s'il en a le temps. Je peux lui donner l'année. Cela fait un bon bout de temps, c'est en 1973. Je ne pense pas que ce parti ait changé d'idée.

Une voix: C'était l'Union Nationale à l'époque.

M. Assad: Après avoir lu l'historique, M. le ministre, c'est assez difficile de comprendre comment vous en êtes venu avec des changements aussi importants qui vont à l'encontre de l'histoire des coopératives du Québec. Essentiellement, M. le ministre, j'aurais voulu expliciter davantage. Je pense que les quelques députés en cette Chambre comprendront pourquoi j'ai été obligé de limiter mes remarques sur ce sujet. La chose importante dans le moment, c'est que l'expérience que vous voulez tenter risque de désorganiser le système ou le mouvement coopératif qu'on connaît au Québec. Je voudrais, en troisième lecture, avoir la possibilité de réviser ou de présenter un amendement qui pourra nous assurer qu'après un an de fonctionnement dans cette expérience, il y ait possibilité de revenir à l'esprit de la coopérative qu'on a connue au Québec au lieu de tenter une expérience qui risque de décourager les mouvements coopératifs qu'on a connus au Québec depuis la dernière décennie. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. À mon tour, je suis heureux d'intervenir pendant quelques minutes sur le projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur les coopératives, pour plusieurs raisons. Premièrement, parce que les coopératives m'ont permis, comme citoyen, de vivre durant plusieurs années. Donc, je connais l'importance des coopératives. Je pense qu'il serait bon de faire rapidement un tableau sur l'importance du mouvement coopératif au Québec. On n'a qu'à faire le tour des grandes institutions contrôlées par les Québécois et on va s'apercevoir que le mouvement coopératif est un genre d'entreprise qui a permis effectivement à l'ensemble des Québécois de contrôler une partie très importante de leur économie.

Regardons rapidement les coopératives de consommateurs. Dans ce groupe de coopératives, on retrouve les coopératives d'épargne et de crédit. Grâce aux institutions du Mouvement coopératif Desjardins qui relèvent de la Loi sur les coopératives, on permet aux Québécois de contrôler l'institution financière la plus importante pour l'épargne des Québécois et des Québécoises. C'est très important; il ne faudra jamais l'oublier. Grâce au mouvement coopératif, les caisses d'épargne et de crédit au Québec font partie de la principale institution d'épargne des Québécois. Elles sont répandues sur tout le territoire québécois et cela nous permet de pouvoir faire fructifier notre argent et d'avoir des services dans toutes les municipalités du Québec. C'est la seule institution financière qui est aussi décentralisée, aussi près de la population et qui permet à chacun des Québécois, qui veut librement en devenir membre, d'avoir chez lui une institution financière qui lui offre des services mais sur laquelle il a un contrôle comme membre.

C'est très important le mouvement coopératif au Québec. Je vous ai donné l'exemple des institutions d'épargne et de crédit. On le retrouve aussi au niveau des coopératives d'habitation qui permettent au Québécois, en devenant membre d'une coopérative, de devenir propriétaire de son logement. On le retrouve dans la consommation au niveau des magasins Coop; on le retrouve aussi dans d'autres secteurs très importants. Les coopératives de producteurs nous touchent peut-être le plus. Le plus bel exemple qu'on retrouve au Québec ce sont les coopératives agro-alimentaires, ce sont les coopératives de producteurs de lait qui se sont donné des outils de développement. Les producteurs laitiers, en commun, se sont donné des outils extrêmement puissants de développement économique qui leur permettent de développer le produit envoyé à la coopérative mais aussi de retirer des services complémentaires de leur coopérative. C'est très important pour le développement de leur ferme, de leur entreprise parce qu'on sait à quel point le domaine agricole est important au Québec.

J'ai eu le plaisir, M. le Président -c'est pour cela que je vous dis que je trouvais très important d'intervenir sur le projet de loi 85 - de travailler chez Agropur pendant quinze ans. Agropur est une coopérative agro-alimentaire d'une extrême importance pour le développement économique du Québec, qui possède des dizaines d'usines de transformation réparties un peu partout sur le territoire québécois, qui permet à des milliers de Québécois de se trouver un emploi et qui permet spécialement aux producteurs qui en sont les sociétaires, donc les propriétaires, d'écouler leur produit, de le transformer, d'obtenir des services de leur coopérative et d'en retirer des ristournes.

Cela c'est grâce aux lois qui permettent aux citoyens québécois de se former en coopératives et ensemble de se donner des outils de développement économique très

importants. On le retrouve dans deux secteurs, comme je viens de vous le dire, mais il fallait aller plus loin. Aujourd'hui, il fallait aller plus loin pour donner à plus de Québécois la chance de fonder des coopératives. Si c'est important aujourd'hui parce qu'il y a plus de 1700 coopératives au Québec, si c'est important parce que même le Conseil de la coopération du Québec est d'accord avec le projet de loi, unanimement, les membres du Conseil de la coopération du Québec adhèrent au principe du projet de loi 85 qui permet au mouvement coopératif d'être de plus en plus un instrument de développement économique au service des Québécois et des Québécoises. (10 h 30)

Ce n'est pas nouveau de parler de coopératives de travailleurs ou de coopératives de commerce. Je me rappelle -je pense que c'était au début des années soixante-dix - que je faisais déjà partie d'une délégation qui allait voir en France comment fonctionnaient les coopératives ouvrières de production. À ce moment, c'était nouveau pour nous d'en parler. Il y a de cela une quinzaine d'années. C'était nouveau d'en parler au Québec. Ce qu'on allait voir en Europe c'était ce qui était déjà réalisé à ce moment-là, à quel point cette philosophie de développement par les membres des coopératives était avancée. On a visité de petites usines, de petites entreprises de travailleurs, de moyennes et de très grandes. Je me rappelle avoir visité en Bretagne une coopérative de travailleurs qui fabriquait des fils électriques et qui était, dans son secteur, la plus grande entreprise française de production de fils électriques. C'étaient, dans le domaine technologique des coopératives de travailleurs qui fonctionnaient déjà très bien et qui, comme le projet de loi le permettra, étaient disponibles à l'ensemble des travailleurs pour leur permettre de se prendre en main, de se développer et de devenir propriétaires de leur entreprise.

Ce que permet ce projet de loi, c'est de donner encore plus de chances au mouvement coopératif. C'est important, parce que, quand on veut se développer, on n'a pas le droit de limiter les chances de qui que ce soit. On sait très bien qu'au Québec, à l'heure actuelle, il y a beaucoup d'emplois. C'est évident. Le tiers des emplois sont dans l'industrie, mais il ne faut pas oublier que s'il y en a le tiers dans l'industrie, cela veut dire que les deux tiers des travailleurs au Québec sont dans le commerce de gros, entre parenthèses, le commerce en général. Comment peut-on faire en sorte que le mouvement coopératif, qui a fait ses preuves au Québec et qui est si dynamique, ne puisse être capable de développer ce secteur aussi important économiquement, à savoir le secteur du commerce? Il y a 50 000 entreprises dans le secteur commercial, au Québec, avec 350 000 travailleurs. On n'a pas le droit, à mon avis, si on croit vraiment au secteur coopératif, si on croit vraiment dans la capacité des travailleurs de se prendre en main et de se développer et d'aider l'ensemble de la société à se développer, de limiter les possibilités du secteur coopératif. Au contraire. Il faut absolument leur donner - et rapidement - le plus de chances possible. C'est exactement ce que le projet de loi 85 est en train de permettre.

Cela veut dire quoi, le projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur les coopératives? Cela veut dire qu'on permet maintenant un nouveau genre de coopérative. Comme je l'ai dit tantôt, on a des coopératives qui sont la propriété des consommateurs. On a aussi des coopératives qui sont la propriété de producteurs et ce qu'on veut maintenant, c'est de permettre qu'il y ait des coopératives qui soient la propriété des travailleurs. Ce que ces gens vont mettre en commun, ce dont ils vont s'assurer, c'est un emploi. Ce que les membres des coopératives vont créer, ce qu'ils vont sa créer, c'est leur propre emploi. C'est important et c'est faisable. Comme je vous le disais tantôt, on l'a vérifié, il y a quinzaine d'années, en Bretagne, un coin de la France et de l'Europe où c'est spécialement développé, où les gens ont compris l'importance du secteur coopératif. Les preuves étaient déjà là en 1972. Donc, qu'on ne vienne pas nous dire que c'est trop rapide. Qu'on ne vienne pas nous dire que cela ne répond pas à un besoin. Qu'on ne vienne pas nous dire qu'on devrait attendre.

Je dis qu'on a peut-être trop attendu et qu'il faut le faire maintenant. Il faut le faire, parce que, déjà, on a vécu des expériences qui étaient limitées par la loi et on n'a pas le droit, nous, comme législateurs, de ne pas permettre toutes les chances possibles de développement économique, là où les Québécois ont spécialement fait leurs preuves. Je ne ramènerai pas les exemples que je vous ai donnés tantôt, mais je dois vous dire que si c'est vrai que le passé est garant de l'avenir, les Québécois sont capables de se prendre en main quand on leur donne les moyens de le faire, quand les lois leur permettent de monter leur propre entreprise. On sera surtout capable de le faire parce que s'il y a une place où on peut retrouver cet esprit de concertation, de collaboration ou de coopération, c'est bien dans le secteur coopératif.

Le fait que le projet de loi 85 ait reçu l'accord unanime du Conseil de la coopération du Québec nous permet d'espérer que les autres secteurs du mouvement coopératif pourront participer à ce nouveau secteur coopératif qu'est le secteur commercial qui regroupe les coopératives de

travailleurs. Donc, les travailleurs pourront à l'avenir, grâce a cette loi, s'assurer un emploi. Les nouvelles coopératives permettront aux gens de se créer de l'emploi afin de vendre des services à la population à l'intérieur des commerces, tout à fait normalement.

Comme je le disais tantôt, on n'a pas le droit de limiter ce secteur si important au Québec. Quand on dit que les deux tiers des travailleurs au Québec, soit 350 000 personnes, travaillent dans le secteur tertiaire et non pas industriel, comment pourrait-on se permettre de limiter ce secteur et ne pas permettre par le fait même aux Québécois d'être propriétaires de leur entreprise? C'est effectivement une bonne façon, par le biais des coopératives de travailleurs.

Cela permet aussi aux gens plus spécialisés d'utiliser leur spécialisation pour créer leur emploi pour autant qu'ils se trouveront deux associés. Ce que la loi permet, c'est de lancer dès maintenant une coopérative avec trois sociétaires. Cela a été reconnu et approuvé par les gens qui oeuvrent dans le milieu coopératif; c'est important. Si on veut faciliter la constitution de coopératives de travailleurs, ce n'est pas en présentant des lois compliquées, c'est, à partir d'expériences vécues, en élargissant les possibilités et c'est exactement ce qu'on est en train de faire. Élargir les possibilités, cela veut dire changer les règlements qui ont probablement stoppé le développement parce qu'ils étaient trop restrictifs. Ce sera maintenant beaucoup plus facile, parce qu'on va se baser sur l'expérience passée et on va le faire avec des règlements souples. Trois personnes pour lancer une coopérative, c'est déjà une amélioration sur la loi existante sur les coopératives.

Je pense donc que tout le milieu coopératif peut se réjouir de voir jusqu'à quel point le gouvernement actuel est intéressé au développement du mouvement coopératif dans tout son ensemble. Beaucoup d'autres lois ont été adoptées, bien des améliorations ont été apportées aux lois existantes parce qu'on sait à quel point le développement économique est important pour le Québec. On sait que s'il y a un secteur où les Québécois peuvent se prendre en main, c'est dans le secteur où ils peuvent contrôler des entreprises. On en a eu la preuve avec les sociétés d'État, Hydro-Québec et nombre d'autres qui sont de plus en plus rentables et qui ont réussi à traverser la crise économique.

Les autres exemples que l'on peut retrouver dans la société, ce sont les industries et toutes les entreprises du domaine coopératif qui ont réussi, probablement grâce à la participation de tous les sociétaires qui étaient conscients des moments difficiles pour leur entreprise, qui ont pris leurs responsabilités, qui se sont ajustés et qui n'ont pas hésité à prendre des décisions lors de la crise économique, ce qui leur a permis de la traverser. On a même vu des coopératives, en pleine crise économique, présenter des plans de développement. Pourquoi? Parce qu'elles étaient administrées par des gens qui possèdent l'entreprise.

Par exemple - et je suis tout à fait content de le rappeler de temps à autre et même très souvent - Agropur, la principale entreprise agro-alimentaire du pays, avec plus d'un demi milliard de chiffres d'affaires par année, appartient à ses sociétaires, des coopérateurs qui, non seulement en profitent au niveau des services, mais en profitent au niveau des ristournes.

Si on a prouvé, par les lois existantes, que nos grandes entreprises coopératives pouvaient concurrencer les multinationales, on peut aussi prouver que les Québécois et les Québécoises qui ont l'esprit coopérateur et qui veulent se lancer dans des entreprises coopératives, mais de petites entreprises de services - qui est, en fait, le secteur de l'avenir - pourront maintenant le faire, grâce au projet de loi 85. Ils pourront le faire et s'assurer en même temps un emploi, la gestion et le développement de leur entreprise. Le projet de loi n'apporte pas beaucoup de complications. Si on lit les articles, on s'aperçoit finalement que c'est tout à fait reconnu au niveau international et au niveau québécois, que c'est tout à fait compatible avec l'esprit coopératif, sauf qu'on l'ajuste, on ajuste nos lois à ce qui se passe dans le monde, on ajuste nos lois afin de permettre que ces coopératives de travailleurs puissent effectivement être lancées le plus rapidement possible, avec l'aide du gouvernement, si nécessaire.

On a créé, il y a quelques années, la Société de développement coopératif afin de permettre la mise sur pied, le plus rapidement possible, des entreprises à caractère coopératif. Ce n'était pas assez; aujourd'hui, on fait des changements, des modifications aux lois existantes sur les coopératives pour permettre de simplifier la mise sur pied de ces coopératives. (20 h 40)

En conclusion, j'aimerais dire que ce projet de loi, à mon avis, est une formule d'avenir, une formule qui va permettre de plus en plus à des Québécois de se lancer en affaires, de ne pas toujours attendre des emplois des autres, mais d'être capables de créer leur propre emploi dans une coopérative. Ils en deviendront les gestionnaires et pourront faire le développement à leur rythme; de plus, ils aideront à créer des emplois pour d'autres Québécois qui seront autour d'eux et qui voudront devenir sociétaires avec le temps. En plus de leur salaire, parce qu'ils auront créé leur emploi rémunéré, ils pourront

bénéficier des profits de leur entreprise coopérative. Je crois que pour le mouvement coopératif en général, le projet de loi 85 est un avancement et permet, encore une fois, d'apporter durant cette session un projet de loi à saveur économique pour le développement économique du Québec et pour la création d'emplois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nicolet.

M. Yves Beaumier

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Je trouve de plus en plus curieux et bizarre qu'on retrouve du côté de l'Opposition et, finalement, seulement du côté de l'Opposition, autant de réticences en ce qui concerne ce projet de loi 85. Cela m'a permis de me rappeler une expérience que j'ai vécue lorsque j'avais onze ou douze ans.

Notre famille venait de s'installer dans un nouveau développement et il n'y avait qu'un certain nombre de services. Il n'y avait aucune institution financière. C'est à ce moment-là qu'un certain nombre de concitoyens, dont mon père, ont décidé, après plusieurs rencontres, après consultations, après information, après volonté, bien sûr, de mettre sur pied dans ce quartier une coopérative d'épargne, c'est-à-dire une caisse populaire. Je me souviens qu'un certain nombre de ces réunions avaient eu lieu chez nous. On voyait effectivement un peu de réticence, un peu d'inquiétude, mais aussi beaucoup d'espoir et de confiance. Finalement, le projet s'est Concrétisé, la caisse populaire s'est installée et aujourd'hui, elle est l'une des plus florissantes de la région d'où je viens.

C'est à peu près ce même dynamisme, cette même confiance et, cette fois-ci, encore plus précisément au niveau des travailleurs comme tels dans le secteur du commerce, c'est le même défi qui est devant nous et c'est le même défi qui sera offert et permis par l'adoption du projet de loi 85.

Certains des députés de l'Opposition se sont inquiétés à savoir comment il se faisait qu'à un certain moment, le Conseil de la coopération du Québec semblait aussi avoir un certain nombre d'interrogations, un certain nombre de questions à poser. Les membres du conseil ont tout simplement pris connaissance du projet de loi 85, ils l'ont étudié, ils se sont informés et ils en ont conclu qu'effectivement, le projet de loi 85 permettrait, par l'autorisation de coopératives de commerce, d'ouvrir un autre volet, un autre secteur du domaine coopératif. Cette réflexion qu'ils ont faite les a conduits à conclure que c'était excellent et que c'était à encourager.

Si je lie ensemble cette expérience de jeunesse qui était basée sur le défi, le goût de faire quelque chose, je le redis, nous sommes assurés, si on considère que ce sont des concitoyens, que ce sont des travailleurs qui vont s'impliquer, nous avons toutes les raisons du monde de croire que les coopératives de commerce, qui seront dorénavant possibles en vertu du projet de loi 85, auront toutes les chances, comme dans le temps, d'être un succès et d'appartenir à leurs travailleurs ou à leurs travailleuses. C'est un effort de tout le monde et aussi c'est l'opinion du Conseil de la coopération du Québec.

Je demanderais tout simplement à l'Opposition, une dernière fois peut-être, de reprendre le projet de loi, de le relire, de s'informer et, très possiblement, ils en viendront aux conclusions auxquelles nous sommes tous arrivés, y compris le Conseil de la coopération du Québec: Ce projet de loi 85 doit être adopté parce que nous devons encourager et permettre la mise sur pied de coopératives de consommation. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: M. le Président, nous discutons aujourd'hui d'un projet de loi d'une importance capitale pour les travailleurs et les travailleuses québécois. Je trouve un peu curieux que plusieurs députés du même côté de la Chambre se lèvent à la file pour défendre un projet de loi, pour parler en faveur d'un projet de loi qui aide la population québécoise. Je ne sais pas pourquoi personne de l'autre côté ne veut défendre le projet de loi 59 ou le projet de loi 85 que nous étudions actuellement.

C'est tout de même d'une importance capitale, les coopératives au Québec. Qu'on se rappelle simplement la marche des 0,10 $ du Mouvement Desjardins. Qui d'entre nous n'a pas connu les débuts du premier mouvement coopératif au Québec, la marche des 0,10 $ du Mouvement Desjardins? Après très peu d'années, nous marchons vers la marche des 10 000 000 000 $ et des 20 000 000 000 $ du Mouvement Desjardins. C'est donc dire que lorsque les travailleurs et travailleuses québécois se regroupent, les résultats se font sentir de façon tangible.

Je compare une coopérative à un syndicat. Un syndicat, ce sont des travailleurs qui se réunissent devant un patron pour demander des avantages sociaux, de meilleurs salaires. La coopération, ce sont de petits financiers qui se regroupent dans une sorte de syndicat de la finance pour devenir des travailleurs propriétaires, ce qu'on appelle un coopérant. Le simple fait de se regrouper, de se donner un capital pour

mieux faire profiter l'argent et le talent des travailleurs, cela donne sa valeur à la coopérative. Tout d'abord, quelqu'un qui travaille dans un simple commerce ou qui est un simple ouvrier dans une industrie ou une manufacture, peut, à l'intérieur de l'endroit où il travaille, donner le plein de lui-même. Cependant, le fait d'être travailleur propriétaire, c'est-à-dire un coopérant, un coopérateur, double le goût du travail, le goût de la productivité. Pourquoi? Parce que nous travaillons tous main dans la main, les uns collés sur les autres, pour un rendement collectif. La coopérative, c'est le meilleur moyen pour les travailleurs et les travailleuses du Québec de se prendre en main pour assurer une richesse distributive dans la productivité.

Ce projet de loi nous devons le défendre pour tous ceux et toutes celles qui désirent mettre ensemble un capital pour qu'il puisse se développer. Il faut absolument que nous le défendions parce que ce projet de loi permet à trois personnes et plus de se regrouper dans ce que j'appellerais le syndicalisme des travailleurs de façon libre dans le domaine de l'argent, c'est-à-dire les coopérants. (20 h 50)

Dans les notes explicatives de la loi, on n'a qu'à lire cette petite feuille ici, nous voyons toute l'essence de ce projet de loi. Je vais en citer quelques paragraphes pour le bien des auditeurs. "Désormais, ces coopératives, dont l'objet principal est de fournir du travail à leurs membres ou à leurs membres auxiliaires, seront désignées comme étant des coopératives de travailleurs et la dénomination sociale de celles qui auront pour activité principale d'acquérir des biens pour les revendre au public devra comporter l'expression "coopérative de commerce". Cela peut s'appliquer dans n'importe quel domaine du commerce. Cela peut être quelques personnes qui s'unissent, cinq personnes qui disent: Nous allons ouvrir un dépanneur.

Nous ouvrons, par ce projet de loi, la coopération sous tous ses angles au Québec. Dans le passé, cela prenait un groupe beaucoup plus nombreux de travailleurs qui s'unissaient pour faire produire leurs économies. Avec ce projet de loi, quelques travailleurs peuvent se grouper et rendre productives les économies qu'ils ont faites dans les années de labeur qu'ils ont subies avant d'ouvrir cette coopérative. Je suis très heureux que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme apporte cette loi 85 parce que ça ouvre la porte à tous ceux qui veulent se grouper pour faire fructifier leurs économies. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci. C'est aussi sans réserve que j'appuierai ce projet de loi 85. Je le fais d'autant plus facilement que j'avais été sensibilisée à cette question des coopératives de commerce ayant le Comité provincial des coopératives de production du Québec dans le comté de Maisonneuve.

J'ai eu, à quelques reprises, l'occasion de rencontrer les dirigeants du Comité provincial des coopératives de production de même que des représentants du Centre de gestion des coopératives, qui se trouve logé aux Hautes Études commerciales, à l'Université de Montréal. Avec eux, j'avais eu l'occasion d'examiner la particularité qui, maintenant, va être inscrite dans notre législation, celle d'une coopérative de commerce, dans ce sens où nous avons connu et où nous connaissons bien au Québec, pour en être ou avoir été presque tous membres, soit d'une coopérative d'épargne qu'on appelle communément les caisses populaires, soit de coopératives agricoles. Si nous ne l'avons pas été nous-mêmes, nous savons combien elles ont rendu des services dans la société québécoise.

C'est encore le domaine des coopératives de consommation, et le secteur des coopératives, où j'ai oeuvré, particulièrement dans le domaine des coopératives de consommation, ayant été pendant plusieurs années administratrice de Cooprix à Montréal et ayant travaillé de très près aussi pendant des années avec les Comptoirs alimentaires, qui sont de petites coopératives de consommation dans le Québec. Je sais combien de services ces coopératives ont pu rendre aux consommateurs québécois, particulièrement en termes de protection des consommateurs, puisque les objectifs poursuivis par ces coopératives de consommation sont essentiellement des objectifs non pas de profits, mais de protection; ce sont donc des personnes qui viennent dans ce magasin pour obtenir des biens sans être harcelées par un marketing ou une publicité qui maintenant sont de plus en plus connus malgré que ce ne soit pas tellement visible.

Par exemple, je fais référence à ces bouts de ligne. On ne sait pas habituellement que, dans les bouts de ligne, lorsqu'on présente des marchandises, ce ne sont pas nécessairement des marchandises qui sont en vente, mais qui attirent plutôt le regard, et on sait très bien que les coopératives de consommation ont joué un rôle majeur et jouent toujours un rôle majeur en termes de protection des consommateurs. Je reviens à cette nouvelle réalité que sera celle des coopératives de commerce. Vous savez, il s'est tenu un sommet économique au Québec sur la coopération en 1980. C'est à cette occasion que le Comité provincial des

coopératives de production a pu faire valoir son point de vue sur la nécessité d'ajuster ici au Québec, comme c'est le cas dans des lois de l'ensemble des pays occidentaux... Que l'on pense à l'Italie, à la France, à l'Angleterre, aux États-Unis, il y a, dans ces pays, des lois qui permettent les coopératives de commerce, donc des coopératives où les travailleurs qui en sont les propriétaires s'organisent pour créer leurs propres emplois et pour dispenser des biens et des services et donc pour faire le commerce avec la population. Il y aura d'ailleurs un très important colloque international sur les coopératives des travailleurs qui se tiendra à Montréal cet été, du 26 au 30 août. Ce colloque aura l'occasion de réunir des représentants de délégations de pays tels que l'Angleterre, les États-Unis, la France, l'Italie. Je pense qu'à l'occasion de ce colloque international, nous pourrons plus prendre conscience au Québec de l'importance dans l'avenir immédiat de ces coopératives de commerce.

Il y aura également... Je pense que toute la population sera invitée à visiter une exposition commerciale qui se tiendra à la Place Desjardins durant justement la tenue de ce colloque international, donc à la fin du mois d'août, où seront présentés les produits et les technologies réalisés par des coopératives de travailleurs. Je me rappelle -il y a plusieurs années, presque douze ans de cela - avoir participé avec des concitoyens québécois d'un peu toutes les régions du Québec à un stage. C'était une délégation qui s'était rendue en France pour examiner de plus près cette question des coopératives ouvrières de production. C'est encore récent au Québec. C'est encore à l'état de gestation, malgré qu'il y ait justement ces regroupements qui permettent de plus en plus l'accès à cette forme de gestion collective qu'est la coopérative de commerce. Je sais, par exemple, que des cours se donnent au cégep de Rosemont, actuellement, à Montréal. Des cours sont donc offerts aux personnes désireuses soit d'envisager de créer ces coopératives de commerce, soit de transformer leur entreprise ou de la racheter à la suite de sa fermeture. Jusqu'à maintenant les employés n'avaient pas la possibilité de racheter collectivement l'entreprise qui devait fermer ses portes. Dorénavant, avec cette nouvelle loi, ce sera possible. En plus, ils auront à leur disposition des outils de gestion tant au niveau des cégeps qu'au niveau universitaire, puisque l'Université de Montréal offre ces cours aux personnes désireuses d'acquérir une formation pour justement administrer ces coopératives.

Vous savez, M. le Président, il y a une réalité québécoise qui va certainement grandement bénéficier de cette nouvelle loi. Si on pense, par exemple, qu'en 1981, sur 10 000 entreprises manufacturières, il y en avait 3100 qui comptaient moins de quatre employés et il y en avait 5200 qui avaient moins de neuf employés. Sur l'ensemble des 500 000 entreprises que compte le Québec à peu près, il y en a plus de 80 000 qui ont moins de neuf employés. C'est donc ce type d'entreprises qui seraient susceptibles d'être transformées en coopératives si tant est que c'est la volonté des gens du milieu. Ajoutons à cela que plus de 40% des entreprises qui ont pu bénéficier d'une subvention de programmes gouvernementaux - je pense à PECEC, le programme expérimental de création d'emplois communautaires - avaient cinq employés ou moins. C'est donc pour ajuster la loi à la réalité que nous avons présenté ce projet de loi. Cela avait déjà été fait dans les pays industrialisés, dans les pays occidentaux. Par exemple, en France, l'ancienne Loi sur les coopératives a été modifiée de façon que le nombre minimal de coopérateurs requis pour fonder la coopérative passe de sept à quatre. En Italie, il y a présentement un projet de loi justement pour diminuer à trois le nombre minimal requis qui était jusqu'à maintenant de neuf. Donc, dans la plupart des pays occidentaux, des lois sont ajustées afin d'être plus conformes à la cette nouvelle réalité des coopératives de travailleurs. (21 heures)

Vous savez, M. le Président, dans le contexte du développement technologique tel qu'on le connaît présentement, il reste que le défi qui va se présenter dans les années à venir sera essentiellement de créer son propre emploi. La technologie va permettre de produire des biens et des services de plus en plus nombreux avec moins de travailleurs. C'est à peu près l'équivalent de ce qu'on a connu avec la révolution industrielle il y a 100 ans lorsque la machine a remplacé l'artisan. Maintenant, on sait très bien que les bandes perforées remplacent les machinistes ou les travailleurs. Il va falloir de plus en plus penser en termes d'amélioration de la qualité de la vie, en termes de rapports, de relations avec la population dans le cadre de toutes petites entreprises qui seront sans doute florissantes dans la mesure où elles recevront l'appui gouvernemental et social qu'elles méritent.

C'est donc dire que ce projet de loi vient reconnaître cette réalité nouvelle qui s'est développée et qui va certainement trouver un nouveau souffle qui est celui des coopératives ouvrières de production. Vous savez que jusqu'à maintenant, c'était un peu dédaigneusement qu'on regardait ces coopératives de production comme si faire commerce n'était pas tout à fait légitime pour une coopérative. Il demeure que les coopératives de consommation vont être les seules à pouvoir se faire réserver le nom de Coop et Cooprix. Ces coopératives de commerce vont pouvoir également, sur nos

artères commerciales, dans nos centres-villes offrir à la population un nouveau type de rapports qui va assurer une permanence.

Je pense que, pour tous ceux et celles qui jusqu'à maintenant ont souhaité ce projet de loi, je dois remercier le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme d'avoir fait diligence. Je sais que cela sera très bien reçu dans les milieux coopératifs.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, vous avez le droit de réplique.

M. Rodrigue Biron (réplique)

M. Biron: M. le Président, je serai relativement bref dans mon droit de réplique puisque la plupart des intervenants se sont déclarés d'accord avec le principe, quitte à revoir certaines modalités d'application. Je pense qu'à peu près tout le monde, incluant le député de Laporte, a dit que c'était sain, que c'était bon que nous puissions vivre l'expérience de coopératives de commerce, de travailleurs, dans d'autres domaines que les entreprises de production. Je vous rappelle que ce n'est pas d'aujourd'hui que le système coopératif essaie de se développer au Québec; cela existe depuis déjà une centaine d'années. Cela a vraiment pris son essor au début du siècle avec les caisses populaires. Mon ami et collègue, le député de Papineau, m'a remis tout à l'heure une brochure intitulée "Les coopératives: la solution" qui est imprimée par Les éditions du Parti québécois et qui rappelle que le Parti québécois déclarait en 1971 que la formule coopérative était, avec l'intervention accrue du gouvernement, la clé de voûte du nouveau système économique que le Parti québécois proposait d'instaurer dans un Québec indépendant.

Les gens du mouvement coopératif qui ont participé à un colloque sur le développement des coopératives, colloque organisé par le Parti québécois en 1971, disaient aussi que les coopératives existaient dans le secteur financier, dans le secteur agricole mais les gens se plaignaient que les coopératives n'existaient pas assez dans les secteurs secondaire et tertiaire. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on voit une certaine préoccupation de ce côté-là. On n'a peut-être pas pu arriver à développer davantage le système des coopératives mais si on veut retourner un peu en arrière, on s'aperçoit que les coopératives se sont développées lors de crises économiques. On a forcé des gens, à cause de la crise économique, à essayer de se sortir du trou, de se sortir du marasme ensemble. La formule des coopératives est excellente dans ce sens-là. La formule des coopératives ouvrières de production ou des coopératives ouvrières de commerce qu'on va connaître, dorénavant, sous le nom de coopératives de travailleurs, je pense que c'est une excellente formule.

Je peux assurer à l'avance les députés des deux côtés de la Chambre, les députés du Parti québécois et les députés du Parti libéral, que je suis très réceptif aux suggestions positives qui feront en sorte d'améliorer encore le projet de loi qu'on a devant nous. Je pense bien, d'ailleurs, que le Conseil de la coopération du Québec a lui-même prouvé toute sa bonne foi dans ce domaine, car au départ, avec des documents de travail qui datent d'au-delà de six mois... Bien sûr, on a travaillé avec ces documents. Bien sûr, il y a eu des échanges entre les gens du Conseil de la coopération du Québec et les gens du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme vis-à-vis des améliorations à apporter aux documents de travail. Il ne faut pas se surprendre que les premières lettres du Conseil de la coopération du Québec disaient: II faut améliorer les choses. Finalement, on en est venu avec eux à un consensus sur la meilleure méthode possible pour développer des coopératives de travailleurs et je pense que là-dessus, tout le monde des deux côtés de la Chambre, est à peu près unanime à développer ce genre de coopérative de travailleurs, pourvu qu'on le fasse d'une façon ordonnée et d'une façon qui respecte aussi les individus, les citoyens et les citoyennes de même que les entreprises dans le système existant.

M. le Président, c'est avec toute l'ouverture d'esprit nécessaire que nous irons en commission parlementaire pour écouter les différents intervenants du Parti québécois de même que ceux du Parti libéral et pour essayer d'améliorer, si possible, le projet de loi qui a été grandement amélioré, encore une fois, grâce à la coopération et à l'aide qui ont été données par le Conseil de la coopération du Québec.

Je suis fier et heureux de terminer la discussion en deuxième lecture sur ce projet de loi et de souhaiter bonne chance à tous les hommes et toutes les femmes du Québec qui voudront profiter de la formule de coopérative de travailleurs pour se développer et s'émanciper et faire en sorte, finalement, qu'ils puissent contrôler un peu mieux leur destinée à la fois économique et politique.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Le principe du projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur les coopératives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

M. Gratton: Sur division.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté

sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Blouin: M. le Président, je propose donc que nous déférions ce projet de loi à la commission parlementaire de l'économie et du travail qui procédera à son étude détaillée, cette commission étant présidée, bien sûr, par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, devant cette efficacité législative face aux projets de loi économiques du gouvernement, je propose donc que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Ajournement de nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 8)

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