L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mardi 23 octobre 1984 - Vol. 28 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir.

Aux affaires courantes il n'y a pas de déclaration ministérielle ni de présentation de projets de loi.

Rapport de la commission de l'Assemblée nationale

Au dépôt de documents, j'ai le plaisir de déposer le rapport de la commission de l'Assemblée nationale qui a siégé le 18 octobre dernier afin de discuter de diverses affaires courantes. Toujours au dépôt de documents, M. le premier ministre.

Livre vert sur la politique familiale

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, d'abord, j'ai l'honneur de déposer, au nom du ministre des Affaires sociales, qui présente de son côté le même document, à Montréal, cet après-midi, le livre vert sur la politique familiale.

Décret fixant au 26 novembre la tenue d'une élection partielle dans Saint-Jacques

M. le Président, deuxièmement, avant que le communiqué ad hoc ne soit émis, je voudrais déposer en deux exemplaires le décret qui a été adopté, ce matin, par le Conseil des ministres et qui fixe l'élection partielle dans le comté de Saint-Jacques au lundi, 26 novembre.

Des voix: Bravo!

Le Président: Documents déposés. M. le ministre des Communications.

Rapport de la Commission d'accès à l'information

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais déposer le rapport annuel 1983-1984 de la Commission d'accès à l'information.

Le Président: Document déposé. M. le ministre des Finances.

Rapport annuel de l'Inspecteur général des institutions financières

M. Parizeau: M. le Président, conformément à l'article 21 de la Loi sur l'Inspecteur général des institutions financières, je dépose en deux copies: le rapport annuel de cet organisme pour l'exercice financier 1983-1984.

Le Président: Document déposé. M. le leader du gouvernement, au nom du ministre responsable de l'application des lois des corporations professionnelles.

Rapports annuels de corporations professionnelles

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais déposer des documents relatifs à des corporations professionnelles et à leur rapport annuel. Je ne sais pas si je dois vous faire la nomenclature de toute la liste de ces documents et des corporations professionnelles qui nous ont remis leur rapport annuel, mais comme le tout sera sans doute consigné au procès-verbal, je dépose la liste ainsi que les rapports annuels de ces différentes corporations professionnelles.

Le Président: II y en a 22, si je ne m'abuse. Je pense que nous allons vous en épargner la lecture. Documents déposés.

M. le leader du gouvernement, au nom du ministre de l'Éducation.

Plans quinquennaux d'investissements universitaires

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais aussi déposer le plan quinquennal d'investissements universitaires pour les années 1982 à 1987, le plan quinquennal d'investissements universitaires pour les années 1983 à 1988 et le cadre de référence qui a servi à la préparation des plans quinquennaux d'investissements universitaires pour les mêmes périodes.

Le Président: Documents déposés. Outre le rapport de la commission de l'Assemblée nationale que j'ai déposé tantôt, il n'y a pas d'autres rapports de commissions, que je sache.

Avant de passer à la période des questions, je voudrais faire part que le ministre du Revenu aura un complément de réponse à l'issue de la période de questions.

Période de questions des députés. M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

L'intention du premier ministre au sujet de l'option constitutionnelle du PQ

M. Levesque (Bonaventure): M. le Prési-

dent, dans son message inaugural, le premier ministre a effectué une sorte de pseudo-virage fédéraliste. Pour se donner un minimum de crédibilité, le premier ministre a-t-il l'intention: premièrement, de rejeter formellement l'option indépendantiste de son parti? Deuxièmement, de proposer à la population dans les meilleurs délais un programme complet et bien articulé en matière de fédéralisme?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je sais que cela préoccupe beaucoup l'Opposition, l'évolution possible du parti ministériel, surtout en ce qui concerne l'élection à venir. Je peux assurer le chef de l'Opposition et quiconque se pose le même genre de questions que nous allons définir avec notre parti, ensemble, comme des grands garçons, l'enjeu tel que nous le voyons de la prochaine élection et de façon aussi claire, aussi démocratique et aussi précise que cela a été le cas auparavant.

Le Président: Question principale, M. le député de Nelligan.

Les déclarations du premier ministre en Asie et au Québec

M. Lincoln: Ma question s'adresse au premier ministre. Le premier ministre a effectué, il y a à peine quelques semaines, un important voyage en Asie, accompagné d'une délégation importante d'hommes d'affaires du Québec. L'objectif primordial de cette mission était économique, ce dont nous nous réjouissons. Il était à prévoir, cependant, que le premier ministre ne pourrait éviter de parler d'indépendance.

Les Japonais étant particulièrement soucieux de cette question, le premier ministre s'est empressé de leur démontrer, dans son langage le plus convaincant, combien les relations du Québec étaient pourries avec l'ancien gouvernement fédéral. Il leur a aussi fait savoir de façon non équivoque qu'il visait toujours à l'indépendance du Québec, malgré l'arrivée du gouvernement Mulroney à Ottawa. Ses déclarations ont évidemment fait la manchette pendant plusieurs jours dans les journaux japonais.

Ma question au premier ministre est la suivante: Comment peut-il expliquer qu'à l'extérieur du Québec et devant un auditoire étranger il affirme aussi catégoriquement qu'il poursuit toujours l'option d'indépendance du Québec, alors qu'ici, il essaie de faire croire aux Québécois qu'il est devenu soudainement fédéraliste?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je suis content que le député, dans sa préface, dans son préambule, ait souligné à quel point c'est la dimension économique qui était au coeur de ce voyage. Je crois que les résultats sont assez probants pour que personne ne puisse en douter.

En ce qui concerne deux réponses que j'ai faites à des questions, je soulignerai à nouveau, pour être sûr d'être bien compris, qu'il s'agissait de deux réponses à des questions très précises qui ont été posées au Club de presse de Tokyo par deux journalistes japonais dont j'ai remarqué qu'ils étaient - l'expression anglaise est assez courante - remarquablement "briefés" sur l'évolution de la politique canadienne et sur l'évolution du Québec.

On m'a posé deux questions après une déclaration liminaire que j'ai d'ailleurs remise aux journalistes ces jours derniers -ça n'a pas eu beaucoup d'effet dans la presse, parce que, en général, ce genre de rectification ne fait pas un gros tour de presse - déclaration que j'avais faite au cercle de presse pour ouvrir cette conférence de presse. Si l'occasion se présentait, j'aimerais peut-être la déposer; c'est "verbatim", comme on dit, c'est-à-dire le mot à mot. Cela montre à quel point il n'y avait pas de provocation de ma part, mais il n'est pas question non plus de ne pas répondre à des questions. Entre autres, une qui disait très simplement: Nous savons que vous avez, comme objectif, quelque chose qui s'appelle souveraineté-association, voulez-vous nous donner la définition de cela? Continuez-vous d'en faire l'idéal de votre action politique? La seule réponse honnête c'était que, bien sûr, on espère, comme on l'a dit à plusieurs reprises, surtout récemment, fonctionner le mieux possible à l'intérieur du régime fédéral, mais que l'idéal de notre parti...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): ...l'objectif... Le Président: À l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): Je vois des rires qui, pour certains, sont un peu jaunes, mais cela n'a pas tellement d'importance. Mais que l'objectif... (14 h 10)

Le Président: Allons! Allons! Allons!

M. Lévesque (Taillon): ...fondamental de notre parti est qu'un peuple, qui est un peuple réel et minoritaire à l'intérieur des structures politiques où nous vivons, puisse un jour accéder démocratiquement au plein

contrôle de ses institutions...

Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): ...ce qui n'empêche pas - et cela a toujours été le programme de notre parti - que lorsque les circonstances s'y prêtent le moindrement, autrement dit, donnant donnant, dans le système fédéral, on a toujours été et d'arrache-pied pour que cela fonctionne le mieux possible dans l'intérêt de nos concitoyens.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Le premier ministre peut-il me dire s'il a pris connaissance, avant son voyage au Japon, du rapport de mars-avril 1982, de la mission japonaise d'enquête sur le climat des investissements au Canada?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, un commentaire seulement sur le commentaire de nouveau à la fois rigolard et un peu risible de nos amis chaque fois qu'on répond sur cette question. À l'occasion, on a l'impression que derrière ces rires se cache ceci: qu'on espère que le gouvernement actuel du Québec, maintenant qu'il est assez prouvé que c'est plutôt l'ancien gouvernement libéral fédéral qui bloquait tout tant qu'il pouvait, essaierait au maximum de bloquer le fonctionnement du fédéralisme pour que cela fasse plaisir à certains fossoyeurs qui nous font face. Je peux vous dire, messieurs, que vous attendrez inutilement de ce côté.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Lévesque (Taillon): Cela étant dit, je sais que le chef de l'Opposition a fait un gros plat l'autre jour - je n'ai pas eu le temps de reconsulter le document - un plat quelque peu gonflé, comme un beau soufflé qui lève ou qui ne lève pas - mais enfin quant à moi cela ne levait pas beaucoup -sur une enquête rapide qui a été faite au printemps de 1982, si j'ai bonne mémoire, par une délégation du M1TI, je crois, du Ministry of International Trade and Industry, du Japon il y a donc deux ans, au pire de la crise, avec tout ce que cela pouvait impliquer. J'avoue que je ne l'ai pas apporté avec moi comme aide-mémoire quand je suis passé par le Japon, mais une chose que je sais c'est que quand j'ai rencontré ce qui est probablement le groupement le plus puissant du patronat japonais en plus du ministre du MITI, c'est-à-dire le Keidanren, comme on l'appelle là-bas, et le ministre lui-même du

MITI et ses principaux collaborateurs, l'impression que j'ai eue, c'est que depuis deux ans, contrairement au Parti libéral du Québec qui continue autant que possible à être fossoyeur chaque fois qu'il s'agit de l'économie du Québec, les Japonais étaient saprement mieux informés aujourd'hui qu'ils pouvaient l'être au printemps de 1982.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le premier ministre, est-ce que vous admettez que ni vous, ni vos acolytes principaux qui ont fait partie de la mission n'ont pris connaissance de ce rapport de 325 pages qui a été fait à la suite d'une tournée japonaise faite par le plus grand nombre des principaux industriels, banquiers, membres du gouvernement japonais? 38 qui sont venus au Canada, qui ont passé au Québec, qui ont fait une enquête approfondie sur le Québec et qui soulignent à trois ou quatre reprises que la chose qui les préoccupe le plus, c'est la question politique de l'indépendance du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je suis sûr que le député comprendra ma traduction un peu gauche d'une très belle expression proverbiale de la langue anglaise. Quand j'écoute des questions comme celle-là et les commentaires qui s'y ajoutent, j'ai l'impression que vraiment c'est le souhait, qui est le père de la pensée; c'est-à-dire qu'on essaie de penser le plus possible, en arrangeant les faits comme cela vient ce qu'on souhaite. Et on a l'impression que l'Opposition libérale au Québec, ce qu'elle souhaite, c'est que cela fonctionne le plus mal possible parce qu'il y a peut-être des votes là-dedans. Peu importent les faits, peu importe l'évolution de la situation, il faut nécessairement toujours dire: Au loup, au loup, le loup économique, le désastre, etc.

Pour répondre très spécifiquement au député, on n'a pas jugé - parce que, bien sûr, dans les ministères économiques on le connaît ce rapport qui est caduc depuis longtemps - on n'a pas jugé bon de nous en faire quelque résumé que ce soit pour la simple raison que c'est vrai qu'elle est fondamentalement changée l'attitude japonaise et un exemple vaut souvent beaucoup de raisonnements. Dans le projet Pechiney se trouvent trois partenaires - et c'est plus récent que les enquêtes à la sauvette - qui sont la grande société multinationale Pechiney en aluminium, la SGF du Québec et la société Alumax du Japon qui, comme par hasard, s'est arrangée pour qu'on rencontre certains des principaux membres du groupe dont fait partie Alumax et qui nous ont parlé de possibilités

subséquentes, sans qu'on aille plus loin, mais il me semble que cela suffit pour répondre aux allégations, si on veut, du député.

Le Président: En complémentaire, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Le premier ministre acceptera-t-il que l'Opposition a au moins le droit et le devoir d'essayer de savoir ce que pensent le premier ministre et son gouvernement? Et en l'occurrence, nous permettra-t-il de lui poser la question suivante: Quand dit-il la vérité? Au Japon, quand il déclare, selon les dépêches: Avant l'an 2000, je voudrais rendre le Québec indépendant de la Confédération canadienne ou, à son retour au Canada, alors qu'il nous dit: Le fédéralisme, cela nous semble un bon risque? Qui essaie-t-il de tromper? Les Japonais ou les Québécois?

M. Lévesque (Taillon): Avant d'aborder très brièvement la question, si on peut appeler cela une question, du leader de l'Opposition, je voudrais seulement donner un petit complément de réponse à ce que je disais, il y a un instant. Dans le cas d'Alumax, partenaire important et substantiel du grand projet Pechiney...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Un rappel au règlement, M. le leader de l'Opposition.

Une voix: II est rendu comme Reagan. II...

M. Gratton: M. le Président, je veux bien que le premier ministre se laisse souffler des réponses par son ministre des Finances, mais qu'il réponde aux questions quand on les pose, non pas à la question suivante.

Des voix: C'est cela!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, comme il y a là un enchaînement de deux questions, le leader de l'Opposition ne m'empêchera pas de prendre une minute pour préciser un peu ce que je disais avant. C'est-à-dire que dans Alumax - et dans Alumax, c'est encore plus éloquent - se trouvent deux partenaires qui sont 50% Amax aux États-Unis...

M. Gratton: C'est irrégulier, M. le Président. Il a beau être premier ministre, mais il y a des limites.

Le Président: Les questions principales et complémentaires depuis le début de la période des questions, concernent la position du parti ministériel sur l'indépendance et sur le voyage au Japon. On chevauche les deux sujets en même temps. Que les réponses chevauchent aussi les deux sujets, cela me paraît tout à fait dans l'ordre.

M. Lévesque (Taillon): D'ailleurs, si on me laissait terminer...

Une voix: Pour chevaucher, il est fort là-dessus.

M. Lévesque (Taillon): ...ce serait tellement plus rapide. Il s'agit simplement d'un complément de réponse qui est encore plus éloquent, je crois. C'est tout simplement que, dans ce "partnership" de Alumax avec les deux autres dans le projet Pechiney, se trouvent impliqués à 50% une grande corporation américaine, Amax, et à 50% le groupe japonais Mitsui, qui est assez bien connu, merci, à l'échelle du monde. Ceci souligne à quel point le développement du Québec, en dépit des éteignoirs qui sont devant nous, intéresse de plus en plus les grands cercles économiques à l'échelle internationale.

Cela étant dit, le leader de l'Opposition pose une question qui est plutôt une provocation. C'est normal. Il dit: Est-ce que vous dites la vérité, ici, là et ailleurs? Je dis toujours la même chose.

Des voix: Ha! Ha! Ha! Le Président: À l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): J'en prends à témoin le député d'Argenteuil qui rit, mais qui a de bons souvenirs. Pour l'essentiel et depuis 1977, je me rappelle ma première rencontre avec mes collègues et homologues des autres provinces dans une rencontre des premiers ministres. Je leur avais dit une chose. C'était dans l'Ouest, je pense. Surtout ceux de l'Ouest, à cette époque, regardaient venir avec un oeil un peu, disons, méfiant ce qui émanait brusquement du Québec. Je leur avais dit une chose très simple qui peut servir de réponse au leader de l'Opposition: Aussi longtemps qu'on sera ici et qu'on sera à l'intérieur du régime fédéral, vous pouvez compter, et c'est dans le programme de notre parti, sur la pleine coopération, la pleine bonne foi du gouvernement actuel du Québec dans certaines limites qui rejoignent d'ailleurs les limites que tous les gouvernements du Québec qui se respectaient ont posées. (14 h 20)

Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Cela étant dit, il

y a une épreuve qui est engagée et qui va peut-être durer longtemps entre le maintien du régime fédéral au Québec qu'il s'agit de faire fonctionner convenablement - on paie pour cela - et, éventuellement, le plein contrôle de nos institutions politiques. Cela demeure profondément ce dont je suis convaincu.

Une voix: Bravo!

Le Président: Question principale, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: J'ai une autre question à poser au premier ministre. Au cours du même voyage officiel de septembre et octobre dans les pays du Sud-Est asiatique, vous avez donné une entrevue au journal Asahi Shimbun le 2 octobre.

Une voix: C'est vous qui l'avez traduit?

M. Lincoln: Dans cette entrevue, vous avez repris votre discours sur le besoin d'indépendance du Québec. Mais vous avez ajouté un commentaire très particulier, commentaire que vous avez proposé de votre propre chef, sans y avoir été invité ou sans qu'on vous ait interrogé à ce sujet. Je cite la traduction du texte en question. Je voudrais ajouter quelque chose: Le cas du peuple francophone du Québec ressemble à celui des Palestiniens. Pour arriver à une coexistence pacifique entre Israël et la Palestine, il faut que les droits des Palestiniens soient reconnus. Est-ce que vous pouvez me confirmer que vous avez dit ces choses et ce que vous voulez dire par là?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je ne reconnais pas cette addition. Il est possible que, dans le contexte ou hors contexte, on ait évoqué le cas palestinien. Mais que j'aie fait le parallèle avec le Québec, cela ne tient pas debout. Je m'engage, autrement que ne le fait l'Opposition en pigeant ici et là, à réviser la lecture que j'ai faite rapidement des interviews, y compris à Asahi Shimbun, et je reviendrai là-dessus si le député croit que c'est utile. Mais je crois qu'il y a là une déformation complètement caricaturale de ce que j'ai pu tenir comme propos.

Deuxièmement, je veux bien que l'Opposition continue à essayer d'éplucher ici et là, pour essayer de noyer dans la brume de ses questions l'importance exceptionnelle de la mission fondamentalement économique que nous avons accompagnée pas en Asie du Sud-Est - on ne s'est pas rendu jusqu'au Vietnam ou à Singapour - mais en Asie pacifique, comme on dit maintenant, c'est-à-dire dans trois des plus importants pays du monde actuellement au point de vue économique: la Corée du Sud, le Japon, imprimis, et, potentiellement - cela a été une découverte pour nous tous, y compris pour les dirigeants de grands secteurs économiques du Québec qui nous accompagnaient - avec la nouvelle ouverture qu'on y sent, la Chine populaire elle-même. Je crois que l'Opposition pourra essayer de noyer l'importance de ce voyage et des premiers résultats dans toutes ces chinoiseries - c'est le cas de le dire -qu'elle essaie de fabriquer autour du voyage, mais le fond de la question, c'est...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, d'ailleurs, auprès de nos interlocuteurs chinois d'avoir employé un terme occidental caricatural qui colle admirablement bien à la réalité devant nous et qui dépasse tout ce qu'on a jamais imaginé comme caricature occidentale.

Cela dit, si on veut continuer à éplucher des papiers qui ont paru, je vais me procurer mes propres copies et je vais essayer de me rafraîchir la mémoire.

M. Lincoln: Est-ce que le premier ministre me donnerait la permission de déposer la revue de presse qui sort, justement, des offices gouvernementaux, et qui donne la photocopie de l'article en japonais?

M. Tremblay: M. le Président, question de privilège.

Le Président: Je m'excuse, un député soulève une question de privilège.

M. Tremblay: Lors de la dernière session vous aviez réussi, M. le Président, à "balancer" le son de façon qu'on puisse entendre et cela s'est détérioré. Je demanderais aux membres de l'Opposition d'être calmes aujourd'hui, pour une fois, de façon qu'on puisse comprendre et les questions et les réponses.

Le Président: M. le député, vous êtes bien flatteur de me dire que j'avais "balancé" le son. J'avoue que je n'y connais absolument rien. Je m'engage à faire en sorte que l'on puisse le "rebalancer" de nouveau pour la présente session.

M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je vais reposer ma question. Est-ce que le premier ministre me permettrait de déposer les documents qui sortent des services gouvernementaux, incluant photocopie de l'article de l'Asahi Shimbun, incluant la traduction officielle du gouvernement qui est un petit peu différente

de la mienne et qui dit: "Le cas de la Palestine ressemble à celui du Québec, bien qu'au Québec on ait choisi la voix démocratique."

Est-ce que le premier ministre est prêt à dire qu'il a parlé de la Palestine à ce journal sans y être invité? Pensez-vous, M. le premier ministre, qu'il a été sage ou exact de comparer les conditions au Québec et au Canada avec le cas de la Palestine qui vit dans un des secteurs du monde les plus violents, les plus volatiles, les plus enflammés? Croyez-vous que de telles comparaisons sont aptes à rassurer les investisseurs étrangers?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le député vient de prouver que j'avais raison de me méfier, dès le départ. Il avait oublié juste un petit membre de phrase, dans sa pseudo-citation, qui a une petite importance. Cela étant dit, je vais regarder de nouveau le contexte, sans la moindre objection bien sûr, puisqu'il s'agit de documents semi-officiels, à ce qu'il dépose tout ce qu'il voudra, quant à moi.

Deuxièmement, j'ajouterais une chose qui m'a frappé et qui illustre admirablement certaines des questions auxquelles se prête l'Opposition depuis le début de cette séance. On est arrivé dans un contexte, au Japon surtout, en Chine de plus en plus, où on avait l'impression un peu gênante que ces gens très loin, très importants, on l'admettra, au point de vue économique, dont le Québec a plus besoin qu'eux ont besoin de nous, étaient plus au courant de la réalité canado-québécoise, nord-américaine, bien sûr, que nous ne sommes au courant de ce qui se passe là-bas. Autrement dit, à partir d'une ignorance parfois insondable ou de pure partisanerie qui déforme n'importe quoi, on essaie, on dirait, dans certains cas - je vais viser nos amis d'en face - littéralement de voir s'il n'y a pas moyen de mettre des écrans de fumée autour de réalités qu'on a absolument besoin de connaître de façon objective.

Je trouve que c'est du beau travail, encore une fois, de sabotage de l'intérêt public. Merci, M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Est-ce que le premier ministre ne pense pas que la moindre comparaison entre la situation de la Palestine et celle du Québec... Ne pense-t-il pas que l'office de premier ministre comporte des exigences d'élémentaire discrétion et de sagesse qui demandent d'éviter toute parole et toute action qui pourraient nuire à l'image et aux intérêts du

Québec? N'avez-vous pas ce contrôle élémentaire sur vos paroles? Pourquoi persistez-vous ainsi à toujours diminuer et humilier l'image et les intérêts du Québec devant les étrangers?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je laisse, avec un certain sentiment de répugnance, la paternité de toutes ses conclusions si bien écrites au député. Qu'il couche avec. C'est tout.

Le Président: M. le député de Jean-Talon, question complémentaire.

M. Rivest: Une question au premier ministre qui concerne encore ses voyages et cette clarté transparente qui accompagne ses déclarations ici au Québec ou à l'étranger. Vous attaquez l'Opposition, M. le premier ministre, l'Opposition...

Des voix: Question.

Le Président: II n'y a pas que le député de Chambly qui a de la difficulté à comprendre aujourd'hui. J'en ai aussi avec tout le brouhaha qui règne dans cette salle. Est-ce une question principale?

M. Rivest: Oui.

Le Président: Question principale, M. le député de Jean-Talon. (14 h 30)

La lettre de M. Joe Clark sur l'incident de Shanghai

M. Rivest: Vous attaquez l'Opposition en cette Chambre, M. le premier ministre. Je vais vous citer le cas du ministre des Relations extérieures du Canada, M. Joe Clark, en rapport avec l'incident de Shanghai. Le ministre dit: "J'ai minutieusement revu tous les faits de ce dossier et je puis vous assurer qu'aucune démarche n'a été entreprise par le ministère des Affaires extérieures canadien afin de restreindre les déplacements du premier ministre Lévesque lors de son récent voyage en Chine." Or, vous avez dit, en réponse à une question d'un journaliste, dans le Soleil du 26 septembre: "C'est vrai - ce sont vos paroles - que j'ai été bloqué. Cela vous donne une idée de ce qui se passe avec le gouvernement canadien."

Ma question, comme la question de mes collègues antérieurement, c'est: quand dites-vous la vérité?

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai bien dit la semaine dernière qu'il s'agissait fondamentalement d'une tempête

dans un verre d'eau...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Lévesque (Taillon): ...de la part de gens qui, ayant perdu le pouvoir, essaient de se maintenir sur la carte. Je n'ai rien contre...

Une voix: ...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): ...les efforts dans ce sens de M. Chrétien.

Cela dit, ce que j'ai dit découlait de ce qui a émané de l'entourage personnel de M. Mulroney deux ou trois jours après l'élection...

Des voix: Oh!

M. Lévesque (Taillon): Oui, où on se posait des questions - nous, on n'avait pas de réponse - sur la possibilité d'aller à Shanghai, qui avait d'abord été ouverte, et cela intéressait puissamment, potentiellement en tout cas, Montréal et la ville de 5hanghai. Donc, c'était important potentiellement pour nous. C'était devenu très compliqué, presque impossible pour toutes sortes de raisons difficiles à démêler.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Lévesque (Taillon): L'ayant mentionné au téléphone à M. Mulroney lui-même, le matin de l'assermentation de son gouvernement, alors qu'il faisait le tour des provinces pour annoncer à chacun des premiers ministres provinciaux qui seraient dans quelques heures les représentants de leur province, puisqu'on avait encore deux ou trois minutes, j'ai dit: Puisqu'il y a des choses qui peuvent rapidement peut-être s'éclaircir, on fait un voyage en Asie. J'ai dit: On a l'impression qu'il y a quelque chose qui bloque. Est-ce qu'il serait possible, si vous trouvez le temps, de régler cela? Deux choses sont...

Une voix: ...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Lévesque (Taillon): ...arrivées. La première, c'est que le lendemain à 16 h 30 de l'après-midi, on apprenait tout à coup qu'il n'y avait plus d'obstacles et, deuxièmement - je pense que c'est le lendemain - paraissait dans les journaux, émanant de l'entourage de M. Mulroney, une dépêche qui disait: Le nouveau premier ministre fédéral a débloqué ou a permis le passage de la délégation québécoise à Shanghai. Alors, si vous avez d'autres commentaires à obtenir, appelez donc chez M. Mulroney.

Le Président: M. le député de Jean-Talon, question complémentaire.

M. Rivest: Ma question était très simple. Vous avez déclaré que vous aviez été bloqué par le gouvernement canadien. J'ai presque envie, d'ailleurs, de demander au premier ministre de simplement répéter la réponse qu'il vient de me donner pour voir s'il y aurait des variations. C'était tellement confus.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: M. le député.

M. Rivest: Vous avez dit que vous aviez été bloqué par le gouvernement canadien. Vous avez dit que...

Le Président: M. le député.

M. Rivest: ...vous en aviez parlé à M. Mulroney au lendemain de son élection, c'est-à-dire le 5. Vous aviez...

Le Président: Vous savez aussi bien que moi les règles concernant la période des questions.

M. Rivest: Vous aviez une lettre du 24 août de M. Chrétien, ministre des Affaires extérieures du Canada, qui vous disait...

Le Président: M. le député.

M. Rivest: ...que ce que vous aviez dit était totalement faux...

Des voix: À l'ordre!

Le Président: Je pensais que vous saviez aussi bien que moi les règles de la période des questions alors que cela ne semble pas être le cas.

Une voix: ...

Le Président: M. le député.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: Pas de préambule à une question complémentaire. Votre question, M. le député.

M. Rivest: Une question brève. Pourquoi, dans ce dossier précis, avez-vous menti?

Des voix: Bravo!

M. Bertrand: M. le Président, je pense

que le député doit être rappelé à l'article 35, paragraphe 6, où il est bien dit que le député qui a la parole ne peut-Une voix: Des ordures.

M. Bertrand: ...imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole. Le premier ministre a répondu à la question du député de Jean-Talon. C'est la même question qui vient d'être posée. Le député de Jean-Talon impute des motifs au premier ministre et refuse d'accepter sa parole. Je vous fais valoir, dans les circonstances, qu'il contrevient à l'article 35, paragraphe 6, et que le député devrait retirer ses paroles.

M. Gratton: Question de règlement.

Le Président: Oui, M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Gratton: Tout d'abord, avant qu'on puisse imputer des motifs au premier ministre, faudrait-il qu'on comprenne ses propos. Ce que le député de Jean-Talon souligne, c'est qu'il n'y a aucune cohérence dans les propos que tient le premier ministre.

Le Président: Sur le fond de la question.

M. Gratton: M. le Président, sur la question de règlement. On a le ministre des Affaires extérieures canadien, un de vos nouveaux bons amis, M. Clark, qui prétend une chose...

Le Président: J'ai déjà eu le plaisir de faire distribuer en cette Chambre une liste qui sort directement de l'ancien règlement Geoffrion sur les paroles interdites. Il est très clairement dit qu'il est interdit à un député de contredire directement un député et de dire qu'il ment et que sa déclaration est fausse. M. le député de Jean-Talon, votre question disait exactement cela. Je vous inviterais à retirer vos paroles sans le moindre commentaire.

M. Rivest: M. le Président, je vais retirer la première partie de ma question. Je vais la reformuler autrement. Pourquoi, cette fois-là comme dans l'autre cas, n'avez-vous pas dit la vérité purement et simplement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): La partie la plus drôle... La chose assez répugnante et aussi très bien calculée que vient de faire le député de Jean-Talon, c'est de commencer par souligner que j'attaquais l'Opposition. Quand on voit ce qui peut sortir d'ordurier, de déformation des faits, sans arrêt...

M. Gratton: Question de règlement.

Le Président: Rappel au règlement, M. le premier ministre. M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Gratton: Sur une question de règlement. Voulez-vous vérifier l'ancien code pour savoir si le terme "ordurier" est parlementaire et acceptable ici en cette Assemblée?

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, si vous me permettez, en attendant vérification, je répondrai simplement au député de Jean-Talon sur ce qu'on peut appeler le fond de sa question que la lettre qu'évoquait le député de Jean-Talon, lettre de M. Chrétien en date du mois d'août...

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, s'il y a un règlement à faire observer, je m'en charge. Il reste un quart d'heure à la période des questions. Ce serait agréable de pouvoir la finir dans le calme.

M. Lévesque (Taillon): Je disais simplement ceci: La lettre qu'évoque le député de Jean-Talon, lettre de M. Chrétien en date du mois d'août, si j'ai bonne mémoire, qui était adressée, je crois, à mon collègue des Relations internationales, ne mentionnait d'aucune façon le sujet en question. Cela parlait de façon paternaliste du fait que, comme il y avait déjà trois provinces représentées à Hong Kong, l'Ontario, l'Alberta et, si j'ai bonne mémoire, peut-être la Colombie britannique, cela commençait à être encombrant peut-être qu'une quatrième - comme par hasard c'était le Québec - se pointe vers Hong Kong. Pour le reste, c'était simplement un voyage en Chine, de façon générale. Il n'y a rien à dire là-dessus. On va vous aider à le préparer, etc. Cela ne répondait pas du tout à la préoccupation qu'on a eue quelque temps après et qui était la suivante: comment se fait-il que soit devenue impossible la principale étape qu'on a prévue en Chine? Le reste s'est enchaîné, comme je viens de le dire au député de Jean-Talon.

Cela étant dit, je veux bien qu'on fasse cette espèce de petite corrida à l'occasion, mais j'aime mieux dire qu'en dépit de ce dont on essaie d'abreuver votre serviteur, M. le Président, cela va en prendre plus que ça pour m'empêcher de dire les faits tels que je les connais, la vérité telle que je la connais, et vous pouvez vous arranger avec les résultats.

M. Rivest: Question additionnelle.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le premier ministre, ce que je cherche à comprendre - pas seulement moi, mais beaucoup de gens - c'est que vous avez affirmé: "C'est vrai que j'ai été bloqué". D'autre part, le ministre canadien actuel des Relations extérieures dit: "J'ai minutieusement examiné tous les faits dans ce dossier et je puis vous assurer qu'aucune démarche n'a été entreprise par le ministère..." (14 h 40)

Le Président: M. le député, la question.

M. Rivest: C'est pour cela que je vous pose la question de cette façon, même si vous n'aimez pas ma formulation. Quelle est la vérité?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): La vérité, ce que j'en sais, c'est que, premièrement, de façon un peu mystérieuse, tout à coup, Shanghai était bloquée. Je me suis dit: Cela ne peut pas venir de l'Union soviétique comme intervention; cela ne peut pas venir du Mexique ou d'ailleurs, cela doit venir de quelque part. Cela étant dit, lorsque, tout à coup, cela a débloqué, c'était le lendemain du jour où j'en avais parlé à M. Mulroney. J'ai tiré mes conclusions. Arrangez-vous avec cela.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Pour terminer, la déclaration du premier ministre n'entrait-elle pas dans ce qu'a été la chicane stérile et négative à laquelle vous vous êtes livrés pendant six ans avec les libéraux fédéraux, ce qui a coûté tellement au développement économique du Québec, avec votre responsabilité?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense qu'un enfant d'école pourrait répondre à une question comme celle-là s'il n'était pas obnubilé comme l'est nécessairement l'Opposition. Si c'était constamment bloqué, surtout les deux ou trois dernières années, n'importe quelle tractation substantielle du côté fédéral-provincial, avec quelques exceptions, à peu près sans arrêt et si certaines choses se sont quand même réglées ponctuellement depuis le début de septembre, il s'est donc passé quelque chose. Qu'est-ce que c'est? C'est qu'on a changé de gouvernement fédéral.

Le Président: Question principale, M. le député de Rousseau.

La station de ski de Mont-Tremblant

M. Blouin: M. le Président, nous allons donc passer de l'Orient pacifique aux Laurentides québécoises. Ma question s'adresse au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Elle concerne le dossier de la station touristique de Mont-Tremblant.

Samedi le 25 août dernier, je rencontrais MM. Gérald Lafontaine et André Goyer, respectivement président et directeur général de l'Association touristique des Laurentides. Au cours de cette rencontre, on insista sur l'importance régionale de la station touristique de Mont-Tremblant qui constitue un élément essentiel d'attraction pour les visiteurs et les amateurs de ski du Québec, des États américains et des provinces canadiennes adjacentes au Québec. Le ministre pourrait-il me dire quels moyens il a mis de l'avant pour que les hommes et les femmes oeuvrant dans le secteur touristique de notre région puissent être assurés que la station touristique de Mont-Tremblant fonctionnera au cours de l'hiver qui vient? J'aurai quelques questions complémentaires.

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: M. le Président, à la suite de la saisie des actifs du groupe Promodev de la Banque commerciale du Canada, nous avons négocié avec la banque et nous avons conclu une entente de neuf mois nous permettant, bien sûr, de s'assurer que l'hiver qui vient, la station de ski Mont-Tremblant sera ouverte à l'ensemble du tourisme que nous avions les années antérieures, ce qui permettra, par le fait même, à tous les employés, autant ceux dans le domaine du ski que dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration, d'oeuvrer conformément aux années antérieures. Cette entente prévoit une clause de reconduction pour les douze mois subséquents, si jamais, dans ce délai de neuf mois, la banque n'a pas trouvé d'acheteur ou si on n'a pas conclu une autre entente pouvant régler le dilemme comme tel.

Le Président: M. le député de Rousseau, en complémentaire.

M. Blouin: Le ministre pourrait-il me dire si le fait que la gestion Promodev ait décidé de demander une injonction interlocutoire à ce sujet peut remettre en cause le fonctionnement de la station de ski de Mont-Tremblant au cours de l'hiver qui vient?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, c'est vrai que le groupe Promodev a pris une injonction. À sa demande même, cette injonction fut ajournée sine die. On ne connaît pas le jour où cela devra passer devant les tribunaux.

Deuxièmement, je tiens de la banque le fait suivant: Advenant que la banque perde en première instance, elle irait elle-même en appel, ce qui nous donne un délai suffisant pour nous assurer que la saison de ski ne soit pas compromise d'aucune façon.

Le Président: M. le député de Rousseau.

M. Blouin: M. le Président, puisque nous sommes maintenant assurés que la station fonctionnera au cours de l'hiver, le ministre pourrait-il me dire quels sont les moyens qu'il envisage pour assurer la survie de la station touristique de Mont-Tremblant, mais, cette fois, à long terme?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: M. le Président, avant de répondre à la question, il serait peut-être important, pour l'information des téléspectateurs et même pour l'information de cette Chambre, de dire que le dilemme majeur que nous avons à la station touristique de Mont-Tremblant c'est que le versant sud de cette montagne appartient moitié à l'État et moitié à l'entreprise privée, si bien que des équipements des remontées mécaniques, les pylônes de départ, appartiennent au domaine privé. Nous avons été mandatés, trois ministres, pour trouver des solutions à moyen et à long terme. Je n'ai pas l'intention aujourd'hui d'avancer des hypothèses très précises, mais je peux vous dire que cela va de l'achat de gré à gré jusqu'à l'expropriation comme champ de possibilité. Il est évident, M. le Président...

M. Lincoln: M. le Président, je m'excuse de vous interrompre.

Le Président: Vous ne m'interrompez pas, vous interrompez le ministre qui est en train de répondre.

M. Lincoln: J'ai envie de vous poser une question. Est-ce que le premier ministre a le droit de me traiter d'enfant de chienne en Chambre? Est-ce que le premier ministre a le droit, en Chambre, de me traiter, moi, comme député, d'enfant de chienne?

Le Président: M. le député, s'il fallait, en plus de chercher à maintenir un certain ordre dans les paroles qui sont prononcées publiquement dans les microphones de cette Chambre et enregistrées au Journal des débats, qu'en plus de cela je me mêle des conversations privées des députés, ce n'est pas de deux vice-présidents dont j'aurais besoin mais d'une armée complète.

M. Lincoln: M. le Président, ce n'était pas une question privée.

Le Président: Un instant, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez de vous demander tout simplement de laisser au député de Nelligan au moins la chance de vous expliquer ce qui s'est produit. J'ai été témoin de ce qui s'est produit entre le premier ministre et le député de Nelligan. Je pense que...

M. Bertrand: À l'ordre! Il n'y a absolument rien qui s'est produit.

M. Gratton: ...au minimum le député de Nelligan a le droit de l'expliquer...

M. Bertrand: M. le Président, franchement.

Le Président: Écoutez, vous comprenez comme moi que, lorsqu'il y a un rappel au règlement, il faut que cela se rapporte à quelque chose qui s'est produit. Si c'est un échange de paroles, quelque chose qui a été enregistré par le Journal des débats, par la radiotélévision des débats... Que dans une conversation privée, qu'elle ait lieu sur le parquet, en parallèle, ou dans le fumoir ou dans l'entrée, il ait pu y avoir des propos comme ceux qui sont évoqués, le président n'a pas juridiction sur les échanges entre les députés, les échanges privés.

Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, est-ce que vous n'avez pas vu le premier ministre croiser devant vous pour se rendre au pupitre du député de Nelligan? Peut-être ne l'avez vous pas entendu mais, M. le Président, nous on l'a entendu le...

Le Président: J'ai effectivement vu le premier ministre traverser; puisqu'il est passé devant moi; c'était difficile de le manquer. Mais au-delà de cela je n'ai rien entendu de ce que vous évoquez, et ce n'était pas un propos de nature publique qui était dans le cadre de la période des questions, puisque nous sommes à la période des questions.

M. Lincoln: Est-ce que je peux vous demander...

M. Gratton: Est-ce qu'en vertu de notre règlement le premier ministre peut traiter n'importe qui d'enfant de chienne ici?

Le Président: Je vous réitère, monsieur le député... À l'ordre! Messieurs, si cela continue je vais suspendre la séance.

Nous étions en pleine période de questions. Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche était à terminer sa réponse. Je lui permets de terminer parce que la période des questions avec tout cela est terminée.

M. le chef de l'Opposition. (14 h 50)

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: Oui, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Étant donné les circonstances et que c'est devenu, je pense bien, une notoriété publique, devant un tel fait, devons-nous tous garder le silence, accepter les choses comme elles se sont passées au vu et au su maintenant, non pas seulement des membres de l'Assemblée, mais du public jusqu'à un certain point? M. le Président, tenant compte de nos institutions et tenant compte d'une répétition possible de tel geste, est-ce que nous allons simplement passer toute cette affaire sous silence?

Le Président: M. le chef de l'Opposition... Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, il existe un règlement de l'Assemblée nationale: Si un député désire se lever pour soulever une question de règlement sur la base des règlements qui existent, et non pas sur des choses qui pourraient sortir de l'imagination du député, sur la base du règlement qui existe, si le député a une question de règlement à faire, qu'il la fasse et qu'il dise en vertu de quel article. Si son privilège a été brimé, qu'il le dise, qu'il dise en vertu de quel article de la loi, mais qu'on ne travaille pas à cette Assemblée nationale... M. le Président, il y a des conversations à gauche et à droite qui se déroulent pendant toute la période des questions. Est-ce que les députés vont se lever chaque fois pour soulever une question de règlement parce qu'ils parlent à un de leurs collègues? Voyons!

Le Président: M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, sans revenir sur les faits auxquels on a référé et ce que le premier ministre a fait, pourriez-vous indiquer à cette Chambre si, en vertu de la Loi sur la Législature et, notamment, les articles portant sur les intimidations dont un député peut être l'objet à son siège ici en Chambre, le premier ministre a le droit de venir de l'autre côté et de traiter tout le monde d'enfant de chienne?

Le Président: Vous avez assez de métier en cette Chambre, M. le député, pour savoir comment utiliser la question de privilège, que le privilège émane de la loi ou qu'il émane du règlement. Si vous voulez le faire, c'est en soulevant une question de privilège en bonne et due forme, une vraie, fondée sur un véritable privilège. À ce moment-là, ce serait à l'Assemblée à statuer. Le président n'a pas des pouvoirs illimités et, notamment pas qui s'étendent à ce genre de situation que vous décrivez.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président.

Le Président: Oui, M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je pourrais simplement expliquer en deux mots ce qui est arrivé? D'une part, on m'a fait parvenir de mon cabinet le mot à mot de l'interview qu'évoquait le député. Cette interview, mot à mot, évoque aussi le cas palestinien, etc., mais dans un contexte qui n'a rien à voir avec ce dont il s'est servi, parce qu'il avait dit qu'il déposerait, alors j'ai demandé au député et j'ai demandé à la Table si cela avait été déposé. Je suis allé voir le député, puisque cela n'était pas déposé et je lui ai dit: Est-ce que je pourrais voir? Il me l'a tendu et je me suis permis de dire ce que je pensais du procédé.

Voici en deux lignes chacune des petites notes prises à même l'article du journal Asahi au Japon. Voici la traduction intégrale. Entre les deux se trouvent la différence entre un procédé, à mon humble avis, correct qui aurait été de citer et un procédé répugnant qui est celui-ci.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, j'espère...

Le Président: À l'ordre!

M. Lincoln: ...comme vous avez donné la chance au premier ministre de s'expliquer, que vous me donnerez aussi la chance de m'expliquer de la même façon.

Je veux souligner ceci: Premièrement, j'ai obtenu cette transcription des services gouvernementaux des Affaires internationales eux-mêmes. Donc, c'est une version officielle. Deuxièmement, j'ai pris la photocopie de l'article du journal japonais que j'ai fait traduire par une personne de descendance japonaise, née au Japon, qui lit le français, le japonais et l'anglais couramment, une personne éminente, qui a traduit le texte que j'ai cité ce matin.

Troisièmement, je ne me fais pas appeler enfant de chienne et personne répugnante par n'importe qui, et je pense que si le premier ministre ne veut pas s'excuser, c'est lui qui va coucher avec, parce que c'est indigne de vous comme député, surtout comme premier ministre. Vous devriez avoir honte de vous.

Des voix: Bravo!...

Le Président: M. le député de Saint-Louis.

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que j'ai le droit d'intervenir pour dire simplement ceci? Si le député n'a pas voulu déposer sa fameuse traduction faite par un descendant japonais et qu'il a préféré se servir de petits clichés de deux lignes qui sont très nettement identifiés comme étant des extraits d'un article paru dans Asahi, il aurait pu moins se forcer puisque j'ai ici le mot-à-mot de la traduction officielle qu'on nous a fournie. Aussitôt que j'en aurai une copie, dans quelques instants, s'il n'y a pas d'objection, je pourrai le déposer, M. le Président.

Une voix: Très bien.

Le Président: J'imagine qu'il n'y a pas d'objection. Un instant! Si vous me permettez, je veux simplement déterminer s'il y a objection à ce que ce document soit déposé.

Des voix: Non.

Le Président: II n'y a pas d'objection? Bien. Il sera déposé dès que disponible. M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Sur la question de règlement.

Le Président: J'avais donné la parole au député de Saint-Louis tantôt.

M. Blank: Sur la question de règlement. On a maintenant une situation différente de celle que le président a décrite il y a quelques minutes. Le premier ministre a admis avoir utilisé ces mots et vous avez l'obligation de lui demander de les retirer.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je me permets de vous référer à votre propre remarque à savoir que ce qu'échangent entre eux des députés dans cette Chambre en dehors de la période officielle de questions ou de débats, c'est du secteur privé. Ce que j'ai dit au député, je le pense profondément à partir de son procédé. Quant à moi, ça va rester dit.

M. Gratton: Question de règlement. Vous venez d'entendre le premier ministre, le premier citoyen du Québec récidiver. Pourrais-je attirer votre attention, et surtout la sienne, sur l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale? Celui-ci stipule: "Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée. Constitue notamment une atteinte aux droits de l'Assemblée le fait de: "8° diffamer un député ou proférer des injures à l'encontre de ce dernier."

Compte tenu de la coutume et de nos règles de pratique, n'est-il pas de votre devoir, maintenant que le premier ministre a admis avoir proféré ces injures à l'endroit du député de Nelligan, d'exiger de lui qu'il les retire ou qu'il subisse les conséquences prévues dans notre règlement?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, l'échange qu'il y a eu, de question à réponse et de réponse à question, entre le député de Nelligan et le premier ministre du Québec s'est fait ici à l'Assemblée nationale, en public, chacun occupant son siège et exerçant ses fonctions à partir de son siège. Le premier ministre est allé rencontrer le secrétaire général pour obtenir un document qui semblait avoir été déposé par le député de Nelligan qui, lui-même, avait demandé que ce document puisse être déposé. Ce document n'était pas, à ce moment-là, entre les mains du secrétaire général et le premier ministre, comme ça arrive fréquemment pour des députés en cette Chambre, quittant son siège - ce qui nous arrive fréquemment aussi - est allé demander au député de Nelligan de lui remettre le document, ce que le député de Nelligan a fait.

Tout le reste est une affaire strictement privée. Vous avez vous-même indiqué que, comme président de l'Assemblée nationale, vous n'avez été d'aucune façon témoin de quoi que ce soit et que, comme président de l'Assemblée nationale, vous aviez à statuer sur les échanges que les députés avaient entre eux à partir du siège qu'ils occupent à l'Assemblée nationale.

M. Lincoln: M. le Président...

Le Président: Oui, M. le député de Nelligan. (15 heures)

M. Lincoln: Puisque le premier ministre a répété ses accusations de façon indirecte, je voudrais expliquer que, la première fois que j'ai posé ma question, les paroles que j'ai citées provenaient d'un texte que j'avais obtenu d'une personne qui a bien voulu traduire le texte japonais que je lui ai montré en anglais, lequel a ensuite été traduit en français. De bonne foi, je pensais

que c'était une traduction fidèle du texte japonais. C'est pourquoi je n'ai pas cité moi-même le texte réduit qui nous avait été envoyé par les services de presse. Lorsque le premier ministre m'a questionné sur la véracité de la chose, c'est alors que je lui ai montré le texte que j'avais obtenu des services gouvernementaux qui sont un résumé de la chose. Les premiers textes que j'ai cités étaient une traduction qu'une personne de très bonne foi m'a donnée, d'une personne d'origine japonaise, née au Japon, qui parle anglais et japonais couramment.

Quoi qu'il en soit, j'ai toujours eu le plus grand respect pour ces institutions. Je peux être tout à fait en désaccord avec les gens de l'autre côté, mais jamais sur leur personnalité et leur office. J'ai le plus grand respect pour le premier ministre, mais, quand il me traite d'enfant de chienne ou de personne répugnante, même s'il ne s'excuse pas, le peuple jugera de son indignité, de sa disgrâce. C'est le mot "a disgrace". Je m'étonne vraiment qu'une personne de votre stature et de votre office puisse se servir de mots pareils. Je ne pense pas que ce...

Le Président: M. le député... Des voix: Bravo!

Le Président: Dernière intervention, M. le leader de l'Opposition.

M. Grattton: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais faire suite aux propos que tenait le leader du gouvernement sur la question de règlement. Il vous fait valoir que le premier ministre n'a pas à retirer quoi que ce soit parce que les paroles qu'il a prononcées sont de nature privée. Je fais remarquer, à ce point de vue, M. le Président, que le premier ministre a confirmé de son siège, publiquement, qu'il avait exprimé au député de Nelligan les paroles qu'on lui prête. La question de règlement spécifique que je soulève, c'est qu'il ne s'agit pas, à l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale, de dire: Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée lorsqu'un député a la parole, c'est: "Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée. Constitue notamment une atteinte aux droits de l'Assemblée le fait de: 8 Diffamer un député ou proférer des injures à l'encontre de ce dernier." On ne dit pas: Publiquement, en sourdine...

Le Président: M. le député, si... Je me permets d'attirer votre attention sur le fait qu'il y a une distinction importante entre l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale et l'article 35 du règlement. L'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale dit bien en effet, comme M. le leader de l'Opposition l'a cité: "Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée. Constitue notamment une atteinte aux droits de l'Assemblée..." Il y a 13 paragraphes de ce que peuvent être les atteintes aux droits de l'Assemblée ou des parlementaires. Si un parlementaire est d'avis qu'une telle atteinte a été portée à son endroit ou à l'endroit de l'Assemblée, la procédure qui est prévue dans le règlement est de soulever une question de privilège, une vraie. Ce que vous me demandez est tout à fait distinct. Vous me dites: Le premier ministre aurait exprimé une opinion dans une conversation qui n'était pas dans le cadre du débat. Je vous réfère à l'article 35 du règlement qui dit: "Le député qui a la parole ne peut..." Il y a un certain nombre de choses qu'il ne peut faire. Dans l'ancien Code Geoffrion où on était beaucoup plus explicite puisqu'il y en avait sur une longueur de trois pages, l'article 285 disait: "II est interdit à tout député qui a la parole..." Encore faut-il l'avoir. Que des députés qui n'ont pas la parole se disent entre eux des choses peu gentilles ou peu agréables, vous conviendrez avec moi que ma juridiction ne va pas jusque-là. Ma juridiction, celle de l'Assemblée, porte sur les paroles prononcées par un député qui a la parole comme c'était le cas tantôt, par exemple, de M. le député de Jean-Talon, en pleine période de questions, au moment où il avait la parole et où il a posé une question.

Quant à la question de règlement soulevée, ou la part de la question de règlement soulevée par M. le député de Saint-Louis où il dit: Parce que M. le premier ministre a dit qu'il avait été cherché le document et qu'il avait exprimé une opinion sans pour autant répéter l'opinion qu'on lui prête, je lui rappelle le printemps 1983, au moment où M. le député de Gatineau avait prononcé des paroles en Chambre qui m'avaient amené à lui demander de retirer ses paroles, ce qu'il avait refusé, et il m'avait par conséquent obligé à utiliser la sanction prévue au règlement, c'est-à-dire à lui interdire le droit de parole. Peu de temps après, le député d'alors de Marguerite-Bourgeoys, le leader de l'Opposition, dans son discours, avait fait allusion aux propos tenus par le député de Gatineau en disant: Et je partage l'opinion du député de Gatineau sans pour autant l'exprimer comme telle, ce qui aurait été une parole antiparlementaire. M. le député de Saint-Louis, c'est vous-même à ce moment qui m'aviez mis sur la bonne piste en m'indiquant que ce que le député de Marguerite-Bourgeoys avait dit n'était pas l'équivalent de ce que le député de Gatineau avait dit à ce moment et que, par conséquent, cela ne justifiait pas que le député de Marguerite-Bourgeoys retire ses paroles.

Cela étant, nous allons permettre au ministre du Loisir, de la Chasse et de la

Pêche de terminer sa réponse, commencée il y a de cela un bon quart d'heure.

M. Chevrette: M. le Président, je rappelais que, pour le règlement à moyen et à long terme en ce qui a trait...

Le Président: Je m'excuse de vous interrompre. Je profite de l'occasion pour ajouter que je ferai distribuer de nouveau, si on le veut, les pages du règlement de Geoffrion sur les paroles antiparlementaires et on constatera, en lisant ces paroles, que les moeurs ont, hélas, évolué, mais pas dans le bon sens et qu'il y a beaucoup de choses qui étaient interdites aux députés à cette époque parce que il faut croire qu'il y avait plus de retenue verbale qu'il n'y en a aujourd'hui. J'espère que tous les députés pourront s'en inspirer de manière que nous revenions à ces saines habitudes de gentilshommes qui siègent en cette Chambre.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: ...nous promettez-vous d'en envoyer une copie au premier ministre surtout?

Le Président: À tous les députés, M. le leader de l'Opposition. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: M. le Président, la question qui m'était posée: Est-ce que nous avons prévu des moyens concrets pour régler la situation à moyen et à long terme?

Au moment où on vous parle, il y a trois ministres de mandatés, à savoir le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le ministre des Transports et moi-même, pour trouver des solutions qui peuvent varier de la négociation de gré à gré jusqu'à l'expropriation partielle ou totale. Et on verra laquelle des recommandations, à travers cette gamme possible, nous devrons faire au Conseil des ministres éventuellement.

Cependant, je vous rappellerai qu'un des dilemmes auxquels nous avons à faire face dans la question de Mont-Tremblant, c'est qu'une partie importante du versant sud de la montagne appartient au domaine privé. C'est un problème vieux de plusieurs dizaines d'années et qui nous empêche d'avoir pleine possession du domaine skiable. Les pylônes des remontées mécaniques reposent dans le secteur privé, de sorte qu'une partie peut paralyser l'autre partie, c'est-à-dire qu'une grève, par exemple, ou encore une saisie ou un arrêt des opérations du secteur privé a pour effet d'arrêter le domaine skiable compte tenu que le sol ou la propriété foncière du domaine skiable n'est pas exclusive à l'État.

C'est dans ce sens qu'on recherche des hypothèses de solution et cela me fera plaisir, éventuellement, de répondre à d'autres questions parce qu'il y a eu des insinuations malveillantes sur le dossier de Mont-Tremblant. Cela me fera plaisir d'y répondre à un moment donné pour clarifier et dégonfler certaines "ballounes" qu'ont tenté de monter certains gars de l'Opposition.

Le Président: II y a un complément de réponse de M. le ministre du Revenu à une question qui a été posée par M. le député de D'Arcy McGee, la semaine dernière. M. le ministre du Revenu.

La publication d'une liste de députés fédéraux en difficulté avec le fisc

M. Dean: M. le Président, en réponse à une question du député de D'Arcy McGee jeudi dernier en Chambre, je dois vous dire que le ministère du Revenu du Québec, dans le cadre de son mandat de perception des fonds publics, doit parfois établir des listes de contribuables afin de vérifier l'application de la loi. C'est une pratique qui existe depuis très longtemps et ces listes, en plus des dossiers personnels de tout citoyen, sont strictement confidentielles en fonction de la loi.

Dans son fonctionnement normal, le service de vérification procède à l'élaboration de listes pour vérification, mais qui sont élaborées conformément à certains critères découlant directement de son obligation de prendre des mesures nécessaires pour que les lois fiscales en vigueur soient respectées par les contribuables québécois.

Deuxièmement, des listes peuvent être constituées pour circonscrire des problèmes particuliers et vérifier l'impact de nos lois ficales. Les listes donnent alors un tableau de la situation et nous indiquent l'étendue du problème. D'autres listes sont parfois soumises au ministère du Revenu par des procureurs ou fiscalistes représentant des groupes de citoyens ayant un problème commun ou un litige avec le fisc québécois. Dans au moins un cas, une telle liste a été soumise au ministère, à un haut fonctionnaire par un procureur représentant des artistes. Donc, je touche un des volets de la question du député. (15 h 10)

Enfin, les employeurs eux-mêmes, agissant à titre de mandataires du ministère du Revenu aux fins de la perception de l'impôt, soumettent au ministère la liste de leurs employés. Dans le cas d'un employeur qui est une équipe sportive professionnelle, sa liste d'employés contiendrait par le fait même la liste des vedettes ou des moins

vedettes parmi les athlètes professionnels.

Pour ce qui est de la deuxième partie de la question, qui touche plutôt les faits relatifs à la malheureuse fuite, je préfère répondre seulement lorsque les rapports d'enquêtes administrative et criminelle de la Sûreté du Québec seront soumis et évalués, parce que, comme vous le savez, M. le Président, le ministre est aussi tenu ou lié par les règles de confidentialité. Il faut être très prudent lorsqu'on répond, ici en Chambre comme ailleurs, sur des questions qui peuvent toucher les dossiers personnels de certains citoyens ou citoyennes.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. Est-il vrai que le personnel politique de votre ministère ou d'un autre ministère a eu accès à ces listes dites confidentielles dans le cadre de l'élaboration de la loi 74 ou d'une autre loi et, deuxièmement, quelles mesures avez-vous prises pour empêcher qu'il y ait des fuites d'autres listes dont vous avez reconnu l'existence?

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Dean: M. le Président, c'est justement sur la première question du député de D'Arcy McGee que j'aimerais réserver ma réponse jusqu'à la production des enquêtes, de façon à répondre ce que la loi me permettrait de répondre sur ces questions.

Deuxièmement, quant à savoir quelles mesures ont été prises, dès que j'ai appris cette fuite - que je déplore avec toute la force que je peux avoir parce que tout citoyen, qu'il soit député ou simple citoyen, a droit au respect de la confidentialité de ses dossiers d'impôt - j'ai immédiatement commandé deux enquêtes: une enquête administrative dont j'aurai le rapport d'ici à quelques jours et une enquête policière de la sûreté dont le ministre de la Justice aura le rapport d'ici à quelques jours. J'ai aussi formé un comité spécial de hauts fonctionnaires du ministère pour examiner les mesures de sécurité particulières qui touchent les dossiers d'impôt des députés, des sénateurs, des ministres et des employés du ministère du Revenu, parce qu'il y a dans ces dossiers particuliers une unité restreinte, une unité spéciale administrative du ministère qui s'occupe des dossiers d'impôt des employés du ministère, du cabinet du ministre, des députés du Québec et d'Ottawa et des sénateurs d'Ottawa. Donc, parce que cette fuite semble indiquer des problèmes dans les mesures particulières prises pour ces dossiers particuliers, j'ai établi un comité de hauts fonctionnaires du ministère pour réviser la situation. Ils feront leur possible pour qu'une telle fuite ne se reproduise jamais.

Le Président: Bien! Aux motions sans préavis.

Une voix: ...

Le Président: À la période des questions de demain. Aux motions sans préavis, M. le leader de l'Opposition.

M. Guy Pratt, membre de la commission des affaires sociales

M. Gratton: Oui, M. le Président. Conformément à l'article 126 de nos règles de procédure, j'aimerais proposer que le nom de M. Pratt, député de Marie-Victorin, soit substitué à celui de M. Serge Champagne comme membre permanent de la commission des affaires sociales.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Adopté. Aux avis touchant les travaux des commissions, il y aura, après la période des affaires courantes, donc, incessamment, à la salle 80, une séance de travail de la commission des affaires sociales et, à la salle 81, une séance de travail de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, il n'y en a pas.

Reprise du débat sur le discours d'ouverture et sur les deux motions de censure

Ce qui nous mène aux affaires du jour, à la reprise du débat sur le discours d'ouverture ajourné le 18 octobre 1984 par M. le député de Gatineau et sur les motions de censure suivantes. Celle de M. le chef de l'Opposition: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement péquiste pour avoir livré un discours d'ouverture dépourvu de mesures nouvelles, concrètes et substantielles touchant la croissance économique et la création d'emplois permanents et qui, par ailleurs, s'inspire d'électoralisme, voire même d'imposture, en tentant de faire croire qu'il peut changer d'attitude à l'égard du fédéralisme canadien sans renier l'objectif d'indépendance qui demeure la raison d'être du parti dont il est issu." Et celle de M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement péquiste pour sa mauvaise administration des finances publiques, pour l'irréalisme de ses politiques en matière d'investissements créateurs d'emplois et pour son incompétence à

répondre aux besoins économiques de la population du Québec". M. le député de Gatineau.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Merci, M. le Président. Certains observateurs de la scène politique ont semblé surpris la semaine dernière lorsqu'ils ont constaté que le discours inaugural du premier ministre ne faisait aucune mention de l'option constitutionnelle de son parti, l'indépendance du Québec, et qu'au contraire, les 54 pages de texte du discours étaient truffées d'une vingtaine d'affirmations voulant que le gouvernement du Québec soit dorénavant enclin à collaborer avec le gouvernement fédéral, à tous les points de vue. On est même allé jusqu'à se demander dans certains milieux si ce virage, ce pseudo-virage fédéraliste était permanent.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a des gens naïfs chez les observateurs. Est-ce que ce n'était pas à prévoir que le premier ministre, à l'approche d'une élection générale, ferait exactement ce qu'il a toujours fait depuis 1976, c'est-à-dire de mettre l'option fondamentale de son parti en veilleuse? Est-ce qu'il ne l'avait pas fait en 1976, avant l'élection, lorsqu'il a dit aux électeurs du Québec: Élisez un bon gouvernement. Oubliez la question de l'indépendance, on réglera cela dans un référendum? À peine trois jours plus tard devant l'Economic Club de New York, il proclamait bien haut, après avoir été élu: "L'indépendance du Québec est un fait accompli. C'est une question de savoir quand cela va se faire". Est-ce qu'il n'a pas fait la même chose en 1981? Au moment où le gouvernement fédéral s'apprêtait à rapatrier la constitution, qu'a-t-il dit aux Québécois? "L'indépendance est pour plus tard. On met cela en veilleuse. Pour le moment, il s'agit de défendre les droits du Québec. Il faut rester fort, proclamait-il".

Une fois réélu, à peine trois jours après, il signait, avec sept autres provinces du Canada, un document qui, à toutes fins utiles, reconnaissait implicitement que le Québec était simplement une province comme les autres. Quelques mois plus tard, cela avait comme résultat concret que nous perdions le droit de veto du Québec.

Même en 1980, au moment même où on nous avait promis de trancher la question de l'indépendance, qu'est-ce qu'a fait le Parti québécois? Poser une question claire et limpide aux citoyens? On se souviendra de l'"emberlificotage", les hypocrisies de leur discours, une question qui avait trois paragraphes et qui disait aux gens: "Finalement, l'indépendance, mais non, on veut un simple mandat pour négocier quelque chose. Faites-nous confiance".

Aujourd'hui, à la veille d'un scrutin qu'on prévoit pour le printemps prochain, le Parti québécois changerait sa stratégie. Est-ce parce qu'il y a plusieurs Québécois qui sont brusquement pour l'indépendance? Les sondages l'indiquent: Il y a probablement moins de 20% de l'électorat qui est pour l'indépendance. Il n'en faut pas plus pour que le premier ministre rajuste son tir, suive la stratégie que lui avaient dictée ses deux grands conseillers, deux bons comédiens, MM. Doris Lussier et Claude Morin.

Ce qui m'étonne personnellement, c'est qu'il y a des gens qui se surprennent que le premier ministre puisse tenir un double discours. Est-ce qu'il ne nous l'avait pas déjà annoncé dès le moment où, en juin dernier, le congrès du Parti québécois adoptait une résolution disant: "Un vote pour le Parti québécois à la prochaine élection serait un vote pour l'indépendance"? Il nous avait déjà avertis qu'il mettrait cela de côté. Ce n'était quand même pas le respect qu'il a pour ses troupes, le respect qu'il a pour ses "back-benchers" muets qui l'empêcherait de leur passer sur le corps. Il l'avait déjà fait avec son "renérendum" en 1982, pensiez-vous qu'il n'était pas capable de le faire à ce moment-ci? Sauf qu'il y avait une occasion. Tout ce qui lui manquait était précisément une occasion. Il l'a eue pendant la campagne électorale fédérale. (15 h 20)

M. Mulroney a simplement eu à faire un petit clin d'oeil du côté du premier ministre du Québec pour que celui-ci, tout égarouillé, se précipite les deux mains bien attachées pour dire: "Me v'là, je t'aime! Je deviens fédéraliste tout à coup." Est-ce qu'il importait au premier ministre que M. Mulroney, durant sa campagne au leadership en mai 1983, ait dit qu'il serait quasiment impensable de conclure une entente constitutionnelle avec le Québec tant et aussi longtemps que le gouvernement Lévesque maintiendrait son option séparatiste? Est-ce que cela le préoccupait au cours de l'été et mardi dernier? Pas du tout. Était-il préoccupé par le fait que, lui-même, au lendemain de l'élection de M. Mulroney comme chef du Parti conservateur, le 13 juin, ait dit: "Pour le PQ, Mulroney, c'est un deuxième Trudeau. Chaque fois qu'on a eu un Québécois à la tête du parti fédéral, cela a coûté très cher au Québec. Maintenant qu'il y en a deux, c'est garanti des deux côtés." Ce sont les paroles du premier ministre du Québec, celui qui est tout à coup en amour avec M. Mulroney. C'est l'amour fou, fou, fou, comme le dirait Lysiane Gagnon. Le 13 février 1984, dans son comté, le premier ministre disait: "Blanc bonnet, bonnet blanc. Même si les conservateurs succèdent aux libéraux à Ottawa, les Québécois ne peuvent s'attendre que leurs intérêts soient mieux défendus dans

la capitale fédérale." C'est le premier ministre du Québec qui déclarait cela.

On ne s'embarrasse pas de déclarations contradictoires. J'en ai relevé seulement quelques-unes, mais il y a eu quelques milliers de déclarations contradictoires du même bonhomme et de ses acolytes - qui, aujourd'hui, sont pas mal muets, on l'admet, M. le Président - quelques milliers de déclarations tout aussi contradictoires les unes que les autres selon qu'elles ont été prononcées avant, pendant ou après une élection. Avant l'élection, on ne parle pas de l'indépendance. Après l'élection, cela devient une chose qui va venir tout de suite.

Est-ce qu'elles sont vraies, cette fois-ci, les déclarations du premier ministre? Est-ce que c'est vrai qu'il va collaborer avec le gouvernement fédéral? Vous étiez présent à la période de questions, cet après-midi. Quand le premier ministre dit-il la vérité? Au Japon, quand il nous dit qu'il va continuer à travailler pour faire l'indépendance ou quand il revient au Québec et nous dit: Messieurs du fédéral, je suis à votre disposition? Est-ce qu'il prend l'ensemble des Québécois pour des imbéciles? Est-ce que c'est cela qui le fait agir d'une façon aussi désinvolte?

J'ai l'impression que, cette fois, la dernière pirouette que fait le premier ministre, c'en est une de trop; elle est trop grosse. Il va trop loin, trop vite. Son opportunisme va finalement lui faire perdre le peu de crédibilité qui lui reste. J'en veux pour preuve les articles de Lysiane Gagnon; elle en a écrit trois au cours des dernières semaines. J'en lis des extraits: "Tant mieux, donc, si le gouvernement Lévesque veut faire volte-face. Mais, ce faisant, il risque de perdre toute crédibilité. Qu'un premier ministre change d'idée sur ceci et cela, c'est admissible, mais que, sur une question aussi fondamentale, il change de carte deux fois par année, c'est plus difficile à avaler."

L'empressement du premier ministre à se jeter dans les bras du nouveau premier ministre du Canada, est-ce que c'est acceptable par les membres de son parti? Il semble bien que oui. On pousse même l'indécence dans Défi québécois, organe officiel du Parti québécois, à reproduire en page frontispice la photo du nouveau premier ministre canadien et, à côté, sur l'autre page couverture, cet autre grand canadien qu'est devenu René Lévesque. C'est le duo Lévesque-Mulroney: Vive le Canada, Vive un Canada fort. En fait, on pourrait peut-être traduire le nouveau slogan du Parti québécois par: Un Québec séparé dans un Canada uni. Et tous ces ténors - il y en a trois qui restent; les autres ont honte, ils sont partis - qu'est-ce qu'ils disent devant cela? Cela fait 15 ans, sinon 20 ans, que tous ces gens-là répètent à leurs électeurs, à tous ceux qu'ils rencontrent, que la seule façon de régler les problèmes économiques, sociaux et constitutionnels du Québec, c'est de faire l'indépendance. Y en a-t-il un seul qui dit cela maintenant? Les purs, M. Paquette, le député de Rosemont, où est-il? Je peux vous dire que la semaine dernière, il était dans l'Outaouais et il tenait exactement le même discours que le premier ministre; il parlait des deux côtés de la bouche en même temps. Je suis pour le moratoire, qu'on ne parle plus de l'indépendance mais il faut faire l'indépendance au plus sacrant mais quand je serai à Ottawa peut-être bien que ça ne se rendra pas à Québec.

Mme la députée de Maisonneuve, vous rappelez-vous par hasard ce qu'elle disait deux ou trois jours avant d'être nommée ministre?

Une voix: Deux jours avant.

M. Gratton: "Le plus grand échec à faire subir à notre option lors de cette élection référendaire, c'est bien de n'en pas parler." Deux jours plus tard, pour la punir, le premier ministre la nomme ministre et, depuis ce temps-là, elle n'a pas dit un maudit mot. En fait, M. le Président, elle est devenue muette comme une carpe mais quand le premier ministre a fini son discours mardi dernier, elle était debout comme tous les autres à l'applaudir à tout rompre. Elle le trouvait donc bon son nouveau fédéraliste de chef. J'ai hâte de voir si Mme Harel, qui est supposée être une des personnes les plus crédibles dans ce gouvernement, aura le courage de se lever - si jamais elle se rend ici en Chambre - et de dire ce qu'elle pense de cette nouvelle "entourloupette", cette nouvelle pirouette de son chef.

M. le ministre des Finances a réussi la semaine dernière le tour de force de nous parler pendant 20 minutes pour nous convaincre que parler de l'indépendance ne nuisait pas à l'économie du Québec. Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'il n'a jamais pris une seconde pour nous dire ce qu'il pensait de cette nouvelle trouvaille de son chef.

Tout le monde sait que le ministre des Finances voudrait remplacer son vieux chef. Il le trouve usé, il le trouve fatigué et je lui donne raison là-dessus, nous autres aussi, M. le Président. Mais, M. le ministre des Finances qui, de temps en temps, comme vous le savez, se trompe de micro dans les congrès péquistes, n'ose pas encore parce qu'il sait que le vieux chef est encore solide; il a encore ses carpes derrière lui; il a encore ses gens qui n'ont pas le courage de leurs convictions.

Une voix: ...

M. Gratton: Qu'est-ce que vous avez fait en fin de semaine, M. le député? Avez-vous rencontré vos électeurs? Qu'est-ce que

vous leur avez répondu quand ils vous ont demandé depuis quand vous étiez fédéraliste? Qu'est-ce que vous avez répondu? Non, vous n'avez pas rencontré vos électeurs, vous vous êtes caché chez vous. Mais chez vous, vous avez une femme et des enfants. Qu'est-ce que vous dites à vos enfants? Quand votre petit bonhomme - si vous en avez un - vous demande: Ce n'est plus bon l'indépendance, papa? C'est le Canada qui est bon maintenant? Qu'est-ce que vous répondez à votre petit gars? Et si vous n'avez pas de petit gars, comment vous regardez-vous dans le miroir le matin? Hein? Juste ça!

Pensez-vous pour un instant que si mon chef - quel qu'il soit - me disait: là, pour gagner une élection, tu vas devenir un petit peu plus souverainiste, je me tairais, je m'écraserais là devant lui et je lui dirais: Vas-y mon chef! Tu es mon chef et je vais t'écouter! Y a-t-il un seul de vous qui pensez ça de moi ou d'un autre membre du Parti libéral du Québec? Non, il n'y en a pas de gens qui vont se laisser passer sur le corps, laisser fouler leurs principes juste parce que leur chef a décidé qu'il aimerait être premier ministre encore quelques années.

Non! Chez nous, M. le Président, on se tient debout. On n'est peut-être pas toujours d'accord...

Des voix: Bravo!

M. Gratton: ...mais quand on avait cette bande de braillards-là devant nous qui nous disaient: Vous autres, vous êtes les vendus du fédéral. Qui est vendu au fédéral aujourd'hui? Vous vous êtes vendus les deux mains attachées et c'est ce que le Parti libéral reproche au Parti québécois. On peut bien se demander pourquoi les libéraux sont si déçus que le Parti québécois annonce qu'il veut collaborer avec le fédéral. On ne serait pas déçu si on pensait que vous voulez le faire honnêtement. On ne serait pas déçu surtout si on ne pensait pas que la façon dont vous le faites, l'empressement que vous y mettez, l'opportunisme crasse qui caractérise le geste, tout ça va affaiblir la position du Québec.

Vous en avez déjà des exemples: Mme Lysiane Gagnon en a donné un dans son article du 27 septembre. On lit: "Cette semaine, après MM. Lévesque, Parizeau, Johnson, etc, c'était au tour du ministre Laurin d'y aller de son petit bouquet de fleurs. Le nouveau ministre fédéral de la Santé et du Bien-Être, M. Jack Epp, veut rouvrir la loi interdisant notamment la surfacturation dans l'assurance-santé. Avant même de savoir ce qui, dans cette loi, sera révisé et dans quel sens exactement, avant même d'être sûr que cela n'annonce pas l'érosion du caractère universel et démocratique des soins de santé, M. Laurin, voyant là la fin des empiétements de juridiction, se répand en félicitations. Drôle d'attitude pour un parti social-démocrate" de conclure Mme Gagnon. (15 h 30)

Un autre exemple qu'a soulevé le député d'Outremont la semaine dernière, celui de Pétromont. Ils sont tellement empressés de s'entendre avec le gouvernement fédéral, c'est-à-dire de faire croire à la population qu'ils sont prêts à s'entendre avec le fédéral jusqu'à la prochaine élection... Après l'élection on va redevenir indépendantistes, mais jusqu'à la prochaine élection, il faut dire comme le fédéral. On ne peut pas critiquer le fédéral, sans cela les gens ne croiront pas qu'on est devenus fédéralistes. C'est cela. Alors, qu'est-ce qu'ils font? Ils s'entendent sur n'importe quoi, n'importe comment. Pétromont, aie! ont-ils joué dur du poignet; Ils se sont engagés pour quatre ans et le fédéral pour six mois.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Gratton: Belle proportion, égal à égal.

Une voix: Égal à égal.

M. Gratton: Le fédéral paie 1 $ et le provincial en paie 8 $. On est-y forts les fédéralistes, les néo-fédéralistes péquistes!

M. le Président, il y a un autre exemple qui n'a rien à voir avec le fédéral, la nomination du député de Lafontaine au cabinet.

Une voix: Ah oui!

M. Gratton: Est-ce que quelqu'un en cette Chambre va prétendre que cela sert les intérêts d'un seul Québécois à part M. Léger? Est-ce que les intérêts du Québec, les intérêts des Québécois sont bien servis par cette nomination qui n'a pour seul but, disons-le franchement, M. le Président, que de faire taire les purs et les pénistes déçus, qui ont malheureusement eu moins que le parti Rhinocéros à la dernière élection fédérale? C'est tout ce qu'on a voulu faire. M. Léger, que le premier ministre avait traité d'incapable d'administrer son ministère quand il l'a démis...

Une voix: Incompétent.

M. Gratton: D'incompétent, tout à coup il est devenu compétent. Je l'imagine: on veut lui donner sa limousine, son personnel et surtout l'avion du gouvernement pour agir comme organisateur en chef du parti.

Une voix: Une télévision en couleur.

M. Gratton: En même temps, si quelques députés muets comme des carpes peuvent se poigner une "ride" jusqu'à Montréal, jusqu'à Dorval, en avion, pourquoi pas, M. le Président?

On peut peut-être en rire. Je trouve que c'est triste. Je les trouve très tristes, très décevants les gens d'en face. Comme le disait mon collègue de Saint-Henri la semaine dernière, j'avais de l'admiration pour certains d'entre eux. Je me disais: Ils se trompent en préconisant l'indépendance; en tout cas, je ne suis pas de cet avis. Mais au moins je me disais: Ils ont l'honneur de défendre leurs convictions. Ils ont au moins la franchise de nous dire où ils se logent, certains d'entre eux; pas le premier ministre, lui il a toujours été des deux bords en même temps. M. le Président, il y en avait quelques-uns de ce côté-là, mais est-ce qu'il y en a un seul, est-ce qu'il en reste un seul? Le député de Deux-Montagnes, celui qui normalement dit ce qu'il pense, est-ce qu'il va rester muet jusqu'à la fin de ce débat ou s'il va faire comme le ministre des Finances, juger qu'il a peut-être encore une chance de rentrer au cabinet, donc se taire, ou faire comme Mme Harel qui, elle, est rentrée au cabinet et voudrait bien y rester au moins jusqu'aux prochaines élections, donc, elle se tait?

Est-ce que tout le monde va se taire de ce côté-là pendant que, sur le plan constitutionnel, sur le plan des négociations avec le fédéral, le Parti québécois affaiblit la position du Québec? Cela est manifeste. Vous l'avez fait une fois en 1981 quand, pour des raisons analogues, exactement les mêmes raisons qu'aujourd'hui, de l'opportunisme crasse, vous vous êtes engagés dans un processus pour combattre le rapatriement et vous vous êtes fait avoir. Vous vous êtes fait avoir par ceux qui voulaient rapatrier honnêtement, sincèrement, la constitution et vous avez perdu le droit de veto du Québec. Vous avez affaibli le Québec plus que n'importe quel autre gouvernement avant vous. Est-ce que vous allez encore faire la même chose? Est-ce que, pour sauver quelques sièges à la prochaine élection, vous êtes prêts à vous livrer à M. Mulroney en pensant que... Entre nous, M. Mulroney n'est pas un imbécile lui non plus. Cela fait longtemps qu'il vous voit venir et il va vous envoyer promener sachant fort bien que vous ne direz pas un seul mot.

M. le Président, cela ne m'inquiète pas du tout, parce qu'il me semble que les Québécois sont assez intelligents pour voir à travers cet opportunisme du Parti québécois. Je le dis, cette dernière pirouette du chef du gouvernement va lui coûter énormément cher, de même qu'à ses nombreux députés et ministres qui n'ont pas le courage de dire ce qu'ils pensent. Après la perte du droit de veto pour des raisons semblables, il me semble que les Québécois ne pardonneront pas au Parti québécois cette nouvelle humiliation. Ils leur pardonneront d'autant moins qu'elle est en même temps une insulte à l'intelligence des Québécois.

Quant à moi, M. le Président, cette fois-ci, le premier ministre est allé trop loin. En attendant que la population le lui signifie clairement à la prochaine élection, j'inviterais les représentants élus, ceux qui ont encore le courage de rencontrer leurs électeurs, d'écouter ce qu'ils ont à leur dire et de voter en conséquence ici à l'Assemblée nationale.

Motion de censure

S'il n'y en a pas de l'autre côté, ça c'est votre problème, mais il y en a encore 48 de ce côté-ci. Le Parti libéral du Québec, le seul qui est capable réellement de faire profiter au maximum le Québec et les Québécois du fédéralisme canadien, le Parti libéral du Québec invite l'ensemble de l'Assemblée nationale à voter la motion de censure qui suit: Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement péquiste qui, en persistant à adopter une ligne de conduite dictée uniquement par ses intérêts partisans, continue d'affaiblir le leadership du Québec dans ses relations avec ses partenaires canadiens et le gouvernement fédéral et risque à nouveau, comme en 1981, de desservir grandement les intérêts du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole à Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, j'aimerais simplement rappeler qu'on doit nommer le député ou la députée par le titre de son comté et non pas par son nom. Simplement pour rappeler que le règlement l'exige. Mme la ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci. J'aurais souhaité que le député de Gatineau mette la même agressivité, le même dynamisme, la même verve au moment du discours sur le rapatriement unilatéral de la constitution pour défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises. Peut-être que sa position, ajoutée à celle de certains de ses collègues, aurait aidé à la défense de l'intérêt, effectivement, du peuple québécois.

Cela dit, j'aimerais m'attarder sur le débat que nous avons aujourd'hui, et pendant les quelques jours qui vont venir encore, concernant les orientations présentées par le premier ministre du Québec dans son discours inaugural et qui s'adresse essentiellement à l'emploi des jeunes, en particulier, qui s'adresse à la croissance économique du Québec. Cependant, avant de m'engager,

proprement dit, dans ce débat sur les grandes orientations, j'aimerais, et je pense qu'il est nécessaire de le faire, tenter de procéder à une mise au point générale en ce qui a trait aux effets qu'ont eus les différents projets ou plans d'action gouvernementaux en ce qui a trait à l'emploi et en ce qui a trait à l'insertion des jeunes en emploi de façon plus particulière.

Le chef de l'Opposition parlait, en ce qui a trait aux mesures concernant les jeunes bénéficiaires de l'aide sociale - entre guillemets - de "trouvailles". Moi, je n'appelle pas cela des trouvailles. J'appelle cela un virage en profondeur. Une approche profondément respectueuse des besoins et aussi des attentes que nous ont exprimées des jeunes dans tout le Québec. Des jeunes qui ont des difficultés à l'école, qui n'ont pas terminé leur secondaire V; des jeunes qui souhaitaient être en contact avec le monde organisé du travail; des jeunes qui souhaitaient vivre des expériences concrètes en milieu de travail; des jeunes qui étaient, je dirais, à la limite, qui trouvaient inacceptable de se retrouver seuls dans une société où il est important de s'appuyer sur le dialogue, sur l'échange, sur la participation. (15 h 40)

Ce qu'on a fait, ce qu'on a mis en place comme gouvernement, je crois que ce sont des mesures qui répondent à ces besoins exprimés, à cette volonté qu'on avait d'aider ces jeunes à s'en sortir d'abord et avant tout par eux-mêmes. Qu'est-ce qu'on a fait? On a d'abord remis en question les programmes d'aide à l'emploi temporaire. Ils étaient bons. Ils ont été utiles. Ils ont été nécessaires. Ils ont aidé, pendant un moment profond de crise. Cependant, effectivement, ils étaient à trop court terme; ils ne s'attaquaient pas aux problèmes de fond. Je pense qu'on l'a reconnu tous ensemble. On a donc modifié tous les programmes d'aide à l'emploi pour essentiellement réorienter l'action gouvernementale vers des mesures misant sur l'emploi durable, sur la croissance économique, sur la création de nouveaux emplois permettant à des jeunes de s'inscrire dans un processus de réinsertion en emploi. Qu'il s'agisse effectivement des trois mesures de réinsertion sociale, qu'il s'agisse du programme Jeunes volontaires qui a permis à des jeunes, en comptant sur la collectivité dans chacune de leur région, dans chacun de leur milieu, de se reprendre en main, de bâtir des projets, de s'informer, de se former - c'est ce qu'a permis, entre autres, Jeunes volontaires - qu'il s'agisse des programmes comme l'aide à l'emploi scientifique pour aider des universitaires, des collégiens qui avaient toute la formation nécessaire, qui pouvaient être utiles dans un grand nombre d'entreprises dans tout le Québec, qu'on a effectivement soutenus dans cette volonté d'être utiles pour eux-mêmes et pour la société dans laquelle vivent ces jeunes, qu'il s'agisse de bourses d'affaires, aidant là encore des jeunes diplômés avec des idées, avec des projets plein la tête, mais avec souvent aucun capital, sans argent, pour investir, pour faire démarrer leur entreprise, pour mettre en fonctionnement, pour "opérationnaliser" ces idées que ces jeunes avaient, visant là encore, et dans chacun des cas, la création d'emplois durables, la création d'emplois à long terme.

C'est cela qu'on a fait, M. le Président, par des mesures directes d'aide à l'emploi dans la dernière année. On a atteint actuellement plus de 20 000 jeunes par l'ensemble de ces mesures, par les mesures de réinsertion sociale proprement dites. Le chef de l'Opposition parlait de 7500 jeunes.

Il aurait peut-être dû faire la même lecture qu'ont faite l'ensemble des représentants des médias dans tout le Québec qui ont fort bien compris qu'il ne s'agissait pas de 7500 jeunes qui avaient été touchés à ce jour, mais de 12 500. En fait, 12 500 jeunes, c'était au début du mois d'octobre. Actuellement, autour de 13 500 ou 14 000 jeunes sont présents, participants à l'une ou l'autre des mesures, qu'il s'agisse du rattrapage scolaire, des travaux communautaires ou des stages en milieu de travail.

On a aussi, par l'action gouvernementale, accéléré l'investissement. On a, je dirais, cheminé avec l'économie du Québec, en essayant d'accélérer davantage les effets de la reprise qui se faisait sentir. Cela a été vrai pour l'aide à l'investissement, pour l'aide à l'accélération à l'investissement, pour les programmes en ce qui concerne l'aide sur la tarification dans le domaine énergétique alors que de très grandes entreprises ont accepté de s'implanter au Québec, de se développer au Québec. C'est ce que le plan de relance du gouvernement du Québec a tenté de rendre possible, c'est-à-dire rendre possible plus d'emplois et, malgré tout cela - le ministre des Finances en a fait largement état la semaine dernière au moment de son intervention - malgré tous ces efforts qu'on a faits, le député de Notre-Dame-de-Grâce ne semble pas encore convaincu ou, à tout le moins, il analyse les chiffres à sa façon.

Le ministre des Finances prenait la méthode de M. Bourassa. Il disait: Avec la méthode de M. Bourassa, la performance du Québec a été meilleure, en termes de rattrapage, en termes d'impact sur l'emploi. Si vous permettez, M. le Président, je vais prendre aussi une autre approche. Peut-être qu'on finira pas se convaincre tous ensemble qu'au Québec on n'est pas trop mal, on est capable de s'en sortir. Peut-être qu'on cessera, à ce moment-là, M. le Président, de cracher dans la soupe, parce que c'est un peu cela qu'on fait, lorsqu'on dit qu'on n'est

pas capable de se reprendre en main, lorsqu'on dit qu'on n'est pas capable de créer de nouveaux emplois, d'accélérer l'investissement.

Essayons de prendre sous un autre angle cet impact quant à l'emploi et cette croissance réelle de l'emploi au Québec. Effectivement, le député de Notre-Dame-de-Grâce parle en chiffres absolus. Évidemment, il ne tient donc pas compte du nombre de personnes en âge de travailler, il ne tient pas compte de cette population active, ni de la croissance de cette population active et ce par région en Ontario, par exemple, et à travers le reste du Canada. On sait fort bien en termes économiques qu'il est, à la limite, un peu ridicule d'essayer de comparer en nombres absolus. Essayons donc de voir relativement ce qui s'est passé et quel est l'état de la situation, très concrètement.

Par exemple, la population de quinze ans et plus dans le reste du Canada, en septembre 1984, était trois fois plus élevée que celle du Québec. Il faut d'abord avoir cela en tête. Elle progressait à un rythme annuel plus important de l'ordre de 1,4% par rapport à 0,7% pour ce qui est du Québec. Il est normal, naturel que l'emploi - et c'est historique, j'y reviendrai - augmente un peu moins vite qu'ailleurs. La population employable augmente elle-même moins vite qu'ailleurs. C'est d'ailleurs une donnée historique, faudrait-il se le rappeler, et c'est un écart qui a toujours existé entre le nombre d'emplois par 1000 personnes employables, c'est-à-dire actives, par rapport au reste du Canada. Par exemple, en 1976 -ce n'est pas une date trop mauvaise pour faire une comparaison, par rapport à un autre régime que le nôtre - l'écart était de 50 emplois par 1000 personnes et actuellement il est de 52. À partir de cette analyse du nombre d'emplois qui ont été, par exemple, perdus par rapport au nombre d'emplois récupérés par 1000 personnes en âge de travailler, disons qu'à ce moment on se positionne dans le sens où on met les chiffres relativement les uns aux autres, tenant compte de l'ensemble des facteurs: Combien de personnes en âge de travailler? Combien de personnes aptes à travailler? Combien d'emplois créés?

Maintenant, appliquons cela aux emplois qu'on a perdus par rapport aux emplois récupérés entre 1981-1982 ou depuis 1982, le moment où l'effet de reprise s'est fait sentir, à la fin de 1982 ou au début de 1983. On parlait au Québec effectivement de 50 emplois perdus par 1000 personnes en âge de travailler ou par 1000 personnes actives de quinze ans et plus. En Ontario et dans le reste du Canada, on parlait de 45 emplois par 1000. Qu'est-ce qui a été récupéré depuis ce creux profond de la crise? Au Québec, 28 par 1000, 56%. En Ontario, 24 par 1000, 53%. Dans le reste du Canada, y compris l'Ontario, 14 par 1000 ou 31%. Ce qui reste donc à récupérer pour le Québec est de l'ordre de 44%. Pour l'Ontario, c'est de l'ordre de 47% et, pour le reste du Canada, y compris l'Ontario, on parle de 69%.

M. le Président, voici une autre méthode, une autre façon d'aborder la récupération des emplois au Québec et le fait que cette récupération, toute proportion gardée, est plus importante que ce qui s'est passé en Ontario de même que dans le reste du Canada. C'est cela la performance du Québec, c'est cela, entre autres et d'abord et avant tout, l'effort que des chefs d'entreprise, que des investisseurs ont fait, le risque qu'ils ont accepté de prendre en investissant au Québec, en acceptant de participer au développement économique du Québec. Mais c'est aussi une conjugaison de l'effort fait par le gouvernement du Québec, par l'intermédiaire de ses interventions, tant en termes d'emplois directement qu'en termes de support ou d'aide à l'investissement, et qui ont eu un effet, un effet sur le taux de chômage en général et sur le taux de chômage des jeunes, en particulier. (15 h 50)

Peut-être que les courbes sont aussi intéressantes. Le premier ministre faisait état de données. Peut-être que la courbe est intéressante à regarder, à savoir la baisse du taux de chômage pour les jeunes au Québec. Elle est réelle en termes même absolus par rapport aux bénéficiaires d'aide sociale. Juste une donnée, en passant, puisqu'on en a fait largement état dans certaines interventions des membres de l'Opposition. De juin à septembre et par rapport à des données précédentes qu'on avait, on parle actuellement de 151 000 jeunes bénéficiaires de moins de 30 ans qui sont à l'aide sociale, aptes et inaptes. On parlait en juin de 158 000 jeunes; effet des mesures évidemment, mais aussi effet des reprises. Effet quant à la création d'emplois. C'est cela, M. le Président, l'effort qu'on a fait, qu'on va continuer à faire et qu'on va même intensifier dans les mois à venir.

J'aimerais maintenant aborder effectivement l'avenir...

Une voix: L'indépendance du Québec?

Mme Marois: ...l'avenir en ce qui a trait à la croissance économique, en ce qui a trait à la place qu'on va réussir à faire aux jeunes en emploi et en ce qui a trait à l'emploi de façon générale, parce que la meilleure façon sûrement de résoudre le problème de l'emploi des jeunes, c'est de résoudre le problème de l'emploi de façon globale. Évidemment, si, comme Québécois et Québécoises, nous possédions l'ensemble de nos instruments, compte tenu des effets des

efforts particuliers que nous avons faits, je pense que nous pourrions performer encore mieux et davantage. Ceci dit et compte tenu du contexte dans lequel on vit, on fait de notre mieux avec les outils que nous possédons.

De quoi a parlé M. Lévesque, le premier ministre, dans son discours inaugural? Il a parlé de l'avenir, de maintenant et de l'avenir un peu plus tard. Il a mentionné le fait qu'on ouvrirait de nouveaux fronts dans certains secteurs industriels. Il a parlé de l'agro-alimentaire, des ressources naturelles de façon générale, de l'hydroélectricité, des ressources forestières, des nouvelles technologies; c'est de cela qu'a parlé le premier ministre: nouveaux fronts à ouvrir maintenant.

Il a aussi, cependant, fait état - et comme j'y ai été particulièrement associée, je vais me permettre, M. le Président, d'en parler un peu plus largement ici - du fait qu'il allait falloir remettre en question certaines valeurs, qu'il allait falloir collectivement, tous ensemble, avoir une certaine réflexion de telle sorte que nous puissions en venir à changer certaines mentalités, à revoir les règles du jeu de l'organisation du monde du travail, à revoir comment se partage actuellement le nombre d'emplois disponibles dans la société québécoise, par qui sont occupés ces emplois et comment nous pouvons le mieux nous les répartir. Il a fait état, je dirais, de l'essentielle et de la nécessaire assise - nous ne pouvons rien faire sans ce constat et c'est une chose sur laquelle on devrait être capables de s'entendre, l'ensemble des partenaires et l'ensemble de la société québécoise - qu'est une forme de solidarité en ce qui a trait à l'emploi des jeunes en particulier, qui fera que chacun et chacune d'entre nous, nous serons capables de faire un petit bout de chemin dans le sens du partage de l'emploi et de la création nette d'emplois. C'est cela l'effort qu'il faut actuellement faire.

Je vous dirais que l'expérience vécue en ce qui a trait aux stages en milieu de travail et aux travaux communautaires me dit et me confirme ce à quoi j'ai toujours cru: qu'elle était possible cette solidarité, non seulement sur le papier, mais dans les faits. C'est ce que je constate. Les partenaires se sont actuellement, à tout le moins, engagés à discuter de possibilités de création d'emplois, d'aide à l'emploi pour les jeunes et sûrement, éventuellement, faisant en sorte qu'on puisse déboucher sur un rêve que, j'imagine, tous les Québécois et toutes les Québécoises caressent, une véritable politique de plein emploi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Westmount.

M. Richard French

M. French: M. le Président, il s'agit aujourd'hui d'une histoire d'opportunisme et de crédibilité: votre opportunisme et votre crédibilité. Vous savez, lorsque je regarde le Parti québécois depuis trois ou quatre semaines, depuis les élections fédérales, je m'aperçois qu'il commence à ressembler pas mal à un autre parti politique. Pouvez-vous imaginer lequel? Lorsque je les vois fonctionner, lorsque je les vois calculer, je pense inévitablement à l'un des plus importants conseillers du régime Trudeau des années soixante-dix. Ce bonhomme est maintenant sénateur. Il avait l'habitude de dire: Dites-moi où se dirige la foule. Je veux la précéder. Je veux l'accueillir à son destin idéologique et politique. "I want to be there first." Cette devise, tout empreinte d'opportunisme, de cynisme et de calcul, le premier ministre du Québec vient de la faire sienne dans son message inaugural, et cela de la part de tous et chacun des députés péquistes.

Bien sûr, il était une fois un parti politique au Québec qui croyait que les Québécois seraient mieux servis s'ils étaient indépendants. Il était une fois un parti politique au Québec qui offrait aux Québécois un projet de société sociale-démocrate. Je sais que cette chose vous a beaucoup concerné, M. le Président. D'ailleurs, ce parti politique a assez bien fait avec ses idées, son personnel, son idéalisme, sa figure, en gagnant deux fois les élections au Québec. Ce parti politique a été animateur, catalyseur de plusieurs développements dans la société québécoise. Que reste-t-il aujourd'hui de ce parti politique? Qu'advient-il de cette force? Que reste-t-il de son idéologie, de sa vision politique? Rien, M. le Président; c'est nul. Que reste-t-il de son idéalisme? De son énergie? De sa crédibilité? Rien. Le tout a été troqué contre la mince possibilité de quelques années de plus sur la banquette arrière d'une limousine pour une poignée de ministres.

On a l'impression de voir un parti politique qui était, dans son adolescence, dans sa jeunesse, agressif, créatif, fébrile, engagé, se dissoudre du jour au lendemain devant nos yeux dans une sénilité de cynisme et d'opportunisme.

On pouvait bien être en désaccord, M. le Président, mais il fallait respecter ceux et celles qui croyaient en l'idéal et qui se battaient pour cet idéal. Jamais, M. le Président n'ai-je pensé que ces gens n'avaient pas le droit de dire ce qu'ils ont dit! Jamais n'ai-je pensé que ceux et celles qui, parmi eux, y ont vraiment cru ne devaient pas avoir un auditoire, n'avaient pas le droit de s'exprimer!

Mais que se passe-t-il aujourd'hui? Le

rêve indépendantiste s'écroule sous le regard bienveillant de ses plus ardents défenseurs. Comme disait le député de Gatineau, M. le Président: Je sais exactement ce que je ferais si un chef du Parti libéral se convertissait un jour à la cause de l'indépendance. La crédibilité de l'individu est plus importante que les intérêts du parti.

Qu'est-ce qu'on observe devant le phénomène inverse, la nouvelle foi envers les fédéralistes exprimée dans le message inaugural par le premier ministre? Que font nos amis d'en face? Ils étaient tous ici. Ils ont tous entendu l'annonce officielle de la redécouverte du fédéralisme de la semaine dernière. Qu'est-ce qu'ils ont fait? (16 heures)

Parlons d'abord, M. le Président, du député de Lac-Saint-Jean, présent en Chambre, whip en chef du Parti québécois, qui disait le 24 février dernier: "Nous nous sommes contentés de réaffirmer - à leur conseil des députés - et ce fut unanime, notre conviction que la souveraineté doit être un enjeu majeur à la prochaine élection. Quand on votera pour le PQ, les électeurs se trouveront à approuver du même coup l'option majeure de notre parti." Fin de la citation. Est-ce encore vrai, M. le député de Lac-Saint-Jean? On est prêt à vous écouter. Est-ce encore le cas? Un vote pour le Parti québécois, est-ce encore un vote pour la souveraineté du Québec? Il ne le sait pas. Il est silencieux.

Prenons par exemple le député de Lévis, ministre de l'Agriculture, un indépendantiste de la première heure, luttant contre le ministre de l'Agriculture du gouvernement fédéral. Qu'est-ce qu'on entend de lui? Février 1984: "Ce qui est important - et je cite le ministre de l'Agriculture - c'est de parler de souveraineté sans arrêt comme jamais on ne l'a fait auparavant." Aujourd'hui, le silence total, le vide: pas un traître mot. Sauf ce matin, bien sûr, M. le Président; manchette dans la Presse: "Garon fait confiance à Fraser". C'est beau, n'est-ce pas? Ce n'est pas très souverain, mais c'est très beau.

Une voix: ...

M. French: À Fraser, le ministre fédéral des Pêches et des Océans. L'amour, cela change bien des choses.

La semaine dernière, qu'a fait le député de Rosemont, ministre de la Science et de la Technologie, un social-démocrate, un indépendantiste convaincu et un homme qui s'est toujours affiché sans ambiguïté? Applaudissements, grand sourire, debout après le discours de son chef. Applaudissements et grand sourire, pourquoi? Pour un message inaugural qui trahit ses principes politiques de A à Z. Et c'est le cas de le dire, M. le Président, parce que le 22 septembre 1984, ce même ministre a réaffirmé sa foi dans la décision du congrès de juin dernier. Il soutenait à ce moment-là que personne ne devrait remettre en question la résolution du neuvième congrès qui a été adoptée à 85%: "Pour moi, c'est réglé. Je travaille à l'Exécutif et je peux vous dire que nous avons préparé un plan d'action en fonction de l'élection sur la souveraineté." Lui qui a applaudi à un discours qui n'a même pas mentionné la souveraineté. Mais il y a peut-être de l'espoir pour le député de Rosemont de conserver ses principes parce qu'il a dit également, le 13 février 1984, que dans le cas où l'option souverainiste ne serait pas au coeur de la prochaine élection, il ne serait pas candidat pour le Parti québécois. Espérons qu'il saura, en temps en lieu, respecter son engagement. C'est vrai qu'un salaire de ministre, cela peut changer bien des choses.

Passons à un des plus importants porte-parole dans certains milieux du Parti québécois, la députée de Maisonneuve, la nouvelle ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, une personne respectée qui n'a pas, elle, ménagé ses opinions et ses mots avant son entrée au Conseil des ministres. Que disait-elle aussi récemment que le 22 septembre 1984? "Le plus grand échec à faire subir à notre option lors de cette élection référendaire c'est bien de ne pas en parler." affirmait Mme Harel. "C'est comme si l'on demandait aux gens d'avoir la foi sans se préoccuper des oeuvres. La foi, sans les oeuvres, c'est ce qui a vidé les églises." Et encore: "Au contraire d'un silence, affirme Mme Harel, il faudrait qu'un compte à rebours soit déjà officiellement engagé. Il faudrait que l'on parle de cette élection référendaire en expliquant comment on entend la réaliser. M. Lévesque devrait arrêter d'effeuiller la marguerite avec l'indépendance, un peu, beaucoup, pas du tout." Fin de la citation. Demandez-le lui, M. le Président. Elle est ici. La ministre était ici tantôt. J'espère qu'elle va revenir. J'espère qu'elle va intervenir et j'espère qu'à ce moment-là surtout, la citant, elle va expliquer à la population comment ils vont faire cette élection sur la souveraineté. Ou bien que le Parti québécois se donne une vision du Canada, une politique fédéraliste et qu'il explique comment il entend faire en sorte, à moyen terme, fonctionnellement et efficacement, qu'il y ait une collaboration, dans le meilleur intérêt de tous les Québécois, entre les deux paliers de gouvernement.

On peut mentionner le ministre des Finances, lui qui a dit souventefois depuis quatorze ans que jamais il n'a oublié de parler d'indépendance dans un discours politique. C'est curieux. Il a dit que la souveraineté ne nuisait pas aux investissements, mais a-t-il soutenu

l'indépendance? S'est-il fait l'avocat de l'indépendance la semaine dernière en cette Chambre dans son intervention? Non, pas du tout. Pas un mot.

Une voix: Pas un mot.

M. French: Question de crédibilité. Quand est-ce qu'on peut croire le gouvernement? Quand dit-il la vérité? D'ailleurs, qu'est-ce que c'est être péquiste en octobre 1984? Être muet. Être silencieux...

Une voix: C'est cela.

M. French: Espérer contre toute espérance qu'une vague bleue va nous ramener au pouvoir encore une fois. Surtout pas pour le principe. Surtout pas pour l'idéologie. Surtout pas l'article 1 puisqu'il ne faut pas en parler. D'ailleurs, je peux citer le premier ministre comme une autorité parce que c'est lui qui a le mieux décrit l'état actuel du Parti québécois.

Le 26 janvier 1984, M. René Lévesque a déclaré: "11 faut vraiment être émasculé -c'est-y assez fort, M. le Président? - pour ne pas comprendre l'importance que l'indépendance reste dans le paysage et qu'elle continue d'être poussée par un parti politique". Émasculé ou transsexuel. C'est l'état actuel du Parti québécois. C'est un mélange des deux. Les transsexuels subissent l'intervention chirurgicale aujourd'hui pour pouvoir pratiquer la promiscuité lors de la prochaine élection provinciale.

Mais, au fond, on ne sait pas comment se répartissent les émasculés et les transsexuels. C'est impossible à dire, parce qu'ils ne disent à peu près rien de toute façon. C'est donc impossible de les distinguer. Peut-être le saura-t-on à la fin du débat.

Qu'est-ce que le premier ministre a dit à ce sujet, entre autres, le 27 janvier 1984? Il y a de quoi réjouir les autres candidats au leadership. Qu'est-ce que disait M. Lévesque? "Lévesque partira si le parti décide d'escamoter son option". Voilà! Lui qui, aujourd'hui, est en train d'escamoter de long en large son option. "Le Parti québécois a été créé en vue d'aider, selon le premier ministre, au maximum le Québec à s'émanciper politiquement, à devenir un État souverain. Cela demeure sa raison d'être. Cela ne doit pas changer. Je ne serai pas capable de me regarder dans le miroir et je ne serai pas là, si l'on prétendait escamoter l'essentiel de notre programme".

Une voix: Répétez cela.

M. French: Le premier ministre parlait le 27 janvier 1984: "Je ne serai pas capable de me regarder dans le miroir et je ne serai pas là, si l'on prétendait escamoter l'essentiel de notre programme". Eh bien! C'est très encourageant pour les autres prétendants au leadership péquiste.

Ce qui est beaucoup plus important que le fait que le Parti québécois et certains de ses porte-parole manquent de crédibilité, tracent une voie serpentine - c'est le moins que l'on puisse dire - vers leur objectif de conserver le pouvoir, c'est de savoir quelles sont les réelles possibilités de négocier plus efficacement avec le gouvernement du Canada. Ils me font penser un peu au gars qui se noie au milieu de l'Atlantique. L'hélicoptère vient pour lui sauver la vie et le gars commence à négocier avec le pilote. C'est à peu près la même situation. D'abord, ils envoient des lettres d'amour, des billets doux à Ottawa. Ensuite, ils vont être "tough" à la table de négociation. Mais oui.

Encore une fois, quel diagnostic le premier ministre faisait-il de ce genre de situation, aussi récemment qu'en mai 1984? "M. Lévesque: Le Québec a pu limiter les dégâts du fédéralisme canadien aussi longtemps qu'Ottawa a su respecter tant bien que mal les ententes passées. Mais aujourd'hui, le Canada ne voit sa survie que dans une plus grande centralisation des pouvoirs, ce qui signifie une régression pour les citoyens du Québec." M. Lévesque a déclaré que "ce sombre verdict était valable, que le prochain gouvernement fédéral soit rouge ou bleu". Là, on apprend que le procès sur le fédéralisme qu'on a entendu depuis quinze ans était en fait le procès d'un seul parti politique qui était le gouvernement fédéral précédent. Comment voulez-vous être pris au sérieux avec ce genre de discours? C'est très simple; c'est très clair. Expliquez-nous, messieurs, mesdames, quand vous dites la vérité et ce que vous croyez réellement. (16 h 10)

Une voix: Très bien.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. J'étais en train de préparer mes notes sur l'intervention que je voulais faire, en particulier en regard de la priorité que le premier ministre a accordée aux jeunes dans son message inaugural. Je ne pouvais m'empêcher, en écoutant nos collègues d'en face depuis tantôt, de me demander ce qui les énerve à ce point. Pourquoi tant d'acharnement à s'occuper des problèmes du Parti québécois? Qu'est-ce qui vous agace à ce point? Je n'ai pu trouver d'autre réponse que le tapis semble glisser sous les pas de ces messieurs. Les gens sentent que, peut-être, la partie ne sera pas aussi simple qu'elle se dessinait jusqu'à maintenant. Peut-être que la popularité dont le Parti libéral

du Québec jouissait au cours des derniers mois ne restera pas au sommet qu'elle a atteint. Déjà, elle a commencé à dégringoler. Je pense que c'est ce qui inquiète actuellement les députés du Parti libéral. Cela ne trompe personne de les entendre se porter à la défense des intérêts du Québec, entre autres, le député de Gatineau qui a été un de ceux qui n'ont pas voulu appuyer le Québec lorsque c'était le temps. Mais, aujourd'hui, parce que le Parti québécois a une réflexion à faire, qu'il la fait et qu'il va la faire, d'ailleurs, très publiquement... Le Parti libéral se trouve actuellement dans un retour vers l'arrière, dans des problèmes de popularité qui ne sont pas encore très graves mais, si on regarde les derniers sondages, qui commencent à exister et qui commencent à inquiéter sérieusement les députés libéraux.

Une voix: Ça glisse.

M. Charbonneau: C'est quoi, la raison, si ce n'est pas celle-là? Vous parlez depuis tantôt, non pas du fond des orientations proposées par le premier ministre, mais d'une question qui vous préoccupe au plus haut point, c'est-à-dire votre retour au pouvoir, que vous souhaitiez rapide et qui ne sera peut-être pas aussi rapide que vous l'espériez.

Vous nous avez reproché nos calculs politiques. Mais par quelle autre raison explique-t-on l'absence de votre chef en Chambre depuis des mois? Depuis plus d'un an qu'il a été élu chef, il a eu plusieurs occasions... De quel calcul politique parle-ton quand on parle de l'absence de Robert Bourassa à l'Assemblée nationale du Québec? N'est-ce pas du calcul politique que de voir pendant un an le chef du parti de l'Opposition se dérober à toutes les occasions qui lui sont présentées de venir siéger en cette Chambre, de faire face au premier ministre actuel et donner lui-même la réplique au message inaugural du premier ministre?

Moi, je suis un indépendantiste et je vais mourir indépendantiste dans le sens où je considérerai toute ma vie que le peuple du Québec, s'il le voulait, pourrait se diriger lui-même. À mon avis, se diriger lui-même serait la meilleure des options qu'il pourrait choisir. Mais cela ne m'a jamais empêché et cela ne m'empêchera jamais de penser qu'avant les systèmes politiques, avant les instruments politiques, il existe quelque chose de plus important qui s'appelle le peuple lui-même, son existence, sa nationalité, sa survie. S'il me faut, pour les années qui viennent, travailler comme indépendantiste pour le peuple québécois et pour les intérêts de ce peuple dans le cadre d'un autre système politique que j'aime moins, je vais le faire et je ne me sentirai pas coupable.

Ce que les députés libéraux ont oublié, c'est qu'à chaque fois qu'ils ont parlé aujourd'hui ils ont fait insulte à l'intelligence des Québécois. Les Québécois savaient très bien qui nous étions en 1976. Les libéraux s'étaient efforcés de leur rappeler que nous étions des indépendantistes. Ils préféraient d'ailleurs utiliser l'expression "séparatistes". Les Québécois ont voté pour des indépendantistes. Ils leur avaient dit: On ne vous obligera pas à choisir cette option-là et, quand le moment sera venu, on vous proposera de vous prononcer. Ils se sont prononcés, ils ont dit: Non.

Les mêmes Québécois qui, quelques mois plus tôt, avaient dit non ont reporté le Parti québécois au pouvoir en sachant très bien - parce que vos discours étaient encore axés sur cela - qu'ils étaient toujours des indépendantistes, qu'ils considéraient toujours que, comme formule politique, la souveraineté du Québec était préférable à n'importe quelle autre formule. Cela n'a pas empêché les Québécois de voter pour des indépendantistes, ces gens-là sachant très bien qu'il valait peut-être mieux mettre les rênes du pouvoir et la société québécoise entre les mains de gens qui faisaient d'abord passer les intérêts du peuple avant les intérêts de leur parti et aussi avant des intérêts de structures politiques, si belles, si nobles, si justifiables soient-elles, d'un point de vue ou d'un autre. J'aimerais bien que ces gens-là se rappellent cela, M. le Président.

Je pense que, chaque fois qu'ils parleront dorénavant, les Québécois qui suivront ce débat se rappelleront comment ils ont voté au cours des deux dernières élections, comment ils ont voté au référendum et que le discours que tiennent les libéraux actuellement les présentent comme des gens qui ne sont pas capables de faire les nuances et les différences entre un indépendantiste et l'indépendance, entre des convictions et une façon de concevoir le bien-être et l'intérêt public.

Je me sens très à l'aise dans le virage ou dans la réflexion qui a été amorcée depuis quelque temps dans le parti, M. le Président. Je n'ai pas caché mes opinions politiques au cours des dernières semaines ni même avant le dernier congrès du parti et, quand le moment sera venu, et à l'intérieur du parti et à l'extérieur, je contiuerai à faire valoir mon point de vue.

Des voix: Bravo!

M. Charbonneau: Cela étant dit, pour quelqu'un qui, depuis des années, s'est intéressé de près à plusieurs niveaux et de plusieurs façons au dossier de la jeunesse, il y a quelque chose d'important que le premier ministre a dit dans son message inaugural et qu'à peu près personne qui s'intéresse à cette question-là, qui a fait des discours jusqu'à maintenant, n'a relevé. Pourtant une

petite phrase en dit long sur l'évolution même au sein du gouvernement, par rapport au dossier de la jeunesse. À la page 15 du message inaugural, le premier ministre disait, en parlant des instruments intéressants que l'État avait mis en place au cours des dernières années et dont nous avons pu tester l'efficacité et que nous pouvons désormais améliorer et amplifier de façon à obtenir des résultats encore meileurs: "C'est ce que nous allons faire au cours de l'année qui commence et ça dégagera, en fin de compte, une politique d'ensemble dont voici les trois principaux objectifs."

M. le Président, j'ai moi-même reproché publiquement au gouvernement et au chef du gouvernement, au cours des dernières semaines, qu'on n'ait pas encore réussi à acheter l'idée qu'il fallait maintenant au Québec se doter d'une politique d'ensemble de la jeunesse. Je ne pouvais pas faire autrement, en entendant le premier ministre prononcer ces paroles, qu'être satisfait et content. Non pas que j'aie l'impression que moi seul ai réussi à faire avancer cette idée parce qu'à l'intérieur du conseil des députés et dans la société d'autres avaient véhiculé cette idée, mais que le chef du gouvernement qui est lui-même le porteur de ce dossier au sein du Conseil des ministres ait maintenant amené sa réflexion à un point tel qu'il nous dit: "Ce que maintenant le gouvernement va faire fera en sorte qu'on va dégager une politique d'ensemble de la jeunesse", je pense que c'est un pas considérable par rapport à la réalité de l'efficacité que doivent avoir des mesures dans une société d'aide à la jeunesse.

Je rappellerais que j'ai présidé, il y a quelques années, une commission parlementaire spéciale sur la protection de la jeunesse. Il y avait des députés libéraux qui siègent actuellement dans cette Chambre avec des collègues ministériels. Parmi les conclusions du rapport que nous avions présenté à l'Assemblée nationale, il y en avait une entre autres qui recommandait au gouvernement de se doter d'une politique d'ensemble de la jeunesse. Nous disions dans notre rapport, à ce moment-là, qu"'il est indispensable que l'action gouvernementale et celle des autres intervenants publics et privés s'appuient sur une vision d'ensemble de la jeunesse, sur une politique globale et cohérente basée sur une compréhension adéquate des multiples facettes de la réalité de la jeunesse. Comment, d'ailleurs, penser, disions-nous alors, autrement quand on perçoit chez les jeunes des liens si étroits entre les problématiques de la délinquance, de la marginalisation, du suicide, de l'intégration au travail, du loisir, de l'éducation, de l'information," etc? (16 h 20)

Nous ajoutions qu'"il fallait développer une vision globale de ce que vit et ce que devrait vivre la jeunesse dans notre société, et c'est à l'intérieur de cette vision globale, qu'il faut préciser, qu'on pourra formuler une philosophie générale d'intervention spécialisée auprès des jeunes." C'est ce que nous disions, M. le Président, au mois de décembre 1982. Aujourd'hui, je pense que le cheminement qui s'est fait dans les esprits au sein de l'appareil gouvernemental a amené le premier ministre à endosser cette recommandation. Je pense que c'est un pas considérable.

Je parlais, il y a quelques instants, d'efficacité en regard de cet avancé, de cette mise en avant de cet objectif par le gouvernement. Comment peut-on penser à une efficacité optimale de l'action gouvernementale dans n'importe quel domaine si on ne coordonne pas les énergies, si on ne fait pas en sorte que chacun de son côté sache ce que l'autre fait, qu'on ait une approche intégrée des problématiques et aussi des actions qu'on met en place pour les solutionner? Comment peut-on penser que l'État va être efficace au Québec pour venir en aide aux jeunes si tous les autres partenaires sociaux ne sont pas impliqués et si eux non plus ne sont pas concernés par les problématiques et les solutions qui sont mises de l'avant et développées?

La première base d'efficacité, quand on veut mettre en place une politique d'ensemble de la jeunesse, c'est de faire en sorte qu'à l'intérieur même de l'appareil gouvernemental - nous le disions aussi dans notre rapport - il y ait une véritable concertation interministérielle. Elle a failli avoir lieu il y a quelques mois et, pour toutes sortes de raisons, elle n'a pas eu lieu. Encore récemment, un journal faisait écho du mémoire que le premier ministre a présenté récemment au cabinet en regard de l'Année internationale de la jeunesse. On a voulu ridiculiser, finalement, les propositions du premier ministre, ne les présentant que comme un programme de subventions pour donner des bonbons et essayer d'acheter les jeunes quelque temps avant les élections. On a oublié que, dans ce mémoire que le premier ministre avait présenté, qui a fait l'objet d'une fuite, il y avait, à un moment donné, un passage qui indiquait la volonté du premier ministre de reprendre la concertation interministérielle qui n'avait pas fonctionné et qu'il considère maintenant devoir fonctionner.

En regard de ce qu'il a dit peu après dans le message inaugural dont on débat maintenant, je pense que tous ceux et celles qui, au Québec, sont concernés par l'aide à la jeunesse, pas uniquement par les problèmes que les jeunes vivent actuellement en regard de l'intégration au marché du travail, mais par l'ensemble des problèmes que vivent les jeunes, vont noter, dans ces deux courtes phrases, dans ces deux

intentions mises de l'avant maintenant plus clairement par le premier ministre, les gages d'un succès plus certain pour les actions que, dorénavant, on va continuer d'intensifier, de polir et de bonifier au niveau gouvernemental pour les jeunes. Il n'y a pas de recettes magiques pour aider les jeunes à s'en sortir et faire en sorte que l'État assume ses responsabilités. Il y a l'ABC et l'ABC, quand on veut être efficace, c'est, entre autres, une concertation au niveau gouvernemental. On l'avait compris plus rapidement dans d'autres domaines et maintenant je pense qu'on en a mieux compris la nécessité à l'égard des problèmes que les jeunes vivent.

Le message inaugural fait aussi état de la responsabilité des autres à l'égard des problèmes des jeunes, des décideurs dans notre société. On ne peut pas penser que nous obtiendrons des résultats plus importants, plus significatifs que ce que le gouvernement actuel a pu obtenir au cours des derniers mois si les partenaires sociaux n'embarquent pas. Encore là, tous ceux et celles qui s'intéressent au dossier jeunesse d'une façon sincère ne peuvent que se réjouir de l'annonce que le gouvernement a faite, que le premier ministre a faite dans son message inaugural, à savoir qu'il y a des déblocages actuellement au niveau du milieu syndical et du milieu patronal pour une concertation à l'égard des problèmes d'insertion des jeunes sur le marché du travail. Comment peut-on penser qu'on va vraiment régler les problèmes d'insertion des jeunes sur le marché du travail si, finalement, les grandes centrales syndicales et le monde patronal ne sont pas impliqués?

On pourra, de ce côté-là de la Chambre, du côté libéral, continuer d'interpeller le gouvernement et d'essayer de se faire du capital politique sur le dossier jeunesse, mais on n'échappera pas à la réalité que ce dossier ne va progresser, finalement, d'une façon beaucoup plus accélérée et beaucoup plus efficace que le jour où des gens vont faire des concessions, que ce soit dans le domaine syndical ou dans le domaine patronal. Il y a des conceptions qui vont devoir changer. L'ouverture que veut faire le gouvernement et qu'a déjà obtenue le gouvernement est importante, capitale quand on regarde ce dossier.

Il y avait aussi une autre raison pour laquelle j'étais satisfait quand j'ai entendu le premier ministre parler du dossier jeunesse. Il a, après avoir parlé de ce dossier, parlé de l'importance que le gouvernement va mettre au cours des prochains mois aux espaces bleus. Finalement, à la dépollution de nos berges, au nettoyage de nos berges, de nos cours d'eau, et la mise en valeur de ces cours d'eau. J'étais très satisfait parce qu'il y a un an à peu près un groupe de jeunes venait me voir avec une idée. À l'occasion de l'Année internationale de la jeunesse, ils se sont dits qu'il serait extraordinaire au Québec que des milliers de jeunes dépolluent symboliquement les rives de leur fleuve, l'un des plus grands au monde et qu'ils le fassent avec éclat. Qu'ils adressent par ce geste symbolique un message à l'ensemble de la société, la société adulte, en bonne partie responsable des situations que nous vivons, et la société internationale pour qu'on sache qu'au Québec il y a une jeunesse qui se préoccupe de ces questions et qui a décidé de poser un geste significatif et d'éclat.

J'étais content parce que, pour avoir été un peu l'avocat de ce groupe au cours des derniers mois dans l'appareil gouvernemental et avoir dû affronter un certain nombre de résistance, de méfiance qui était normale jusqu'à un certain point, de la part de l'appareil gouvernemental, d'entendre le premier ministre faire cette annonce et en même temps laisser la porte ouverte pour que les jeunes puissent s'intégrer dans cette action de nettoyage des berges et pour que cette idée ne soit pas complètement reprise en charge par le gouvernement et par l'État et les municipalités et que les jeunes deviennent finalement, dans ce cadre, que des employés, que des travailleurs... Je pense qu'il y a actuellement un défi qui nous a été posé d'abord par les jeunes eux-mêmes. Je pense qu'il faut le reconnaître. Ce n'est pas le gouvernement qui a eu, d'abord, cette idée. Ce sont des jeunes qui ont eu cette idée. 11 n'y a pas de honte ou de mal à ce que le gouvernement ait repris cette idée. Au contraire. Et qu'il la pousse plus loin, tant mieux! Je pense et je sais qu'il y a eu des démarches et il va y en avoir d'autres au cours des prochains jours, qui vont faire en sorte que les jeunes de ce groupe qui s'appellent ONET, opération nettoyage de l'environnement territorial, qui veulent dépolluer un géant, notre géant national, le Saint-Laurent, je pense qu'il doit y avoir de la place pour qu'on supporte cette initiative. Est-ce qu'elle va réussir totalement? Peut-être pas. Est-ce que les adultes ont réussi totalement cet été avec 1534-1984? Pas particulièrement, doit-on l'admettre aujourd'hui. Je ne pense pas qu'on doive demander à des jeunes plus qu'on en a demandé aux adultes. Je pense que du simple fait que des jeunes se mobilisent par milliers dans tout le Québec, dans les écoles secondaires, en particulier, et se sensibilisent et se mobilisent autour de la question de l'écologie, de la protection de notre environnement, c'est très important que le gouvernement ait compris ce message et qu'il ait même devancé les attentes de ces jeunes. Tant mieux! on ne peut certainement pas le lui reprocher.

Finalement, je termine en parlant de l'Année internationale de la jeunesse. Je vois

le ministre responsable de l'année internationale qui va intervenir tantôt. L'Année internationale de la jeunesse a trois thèmes: paix, participation et développement. Cette semaine, samedi, je participais avec quelques autres collègues de l'Assemblée et des milliers de citoyens et de citoyennes à la marche pour la paix à Montréal. On était peut-être 10 000 dans les rues de Montréal, samedi après-midi - il faisait très beau - à se promener, à manifester pacifiquement pour la paix et le désarmement. À ce moment, on se rend compte que cette problématique, cette préoccupation est de plus en plus présente dans notre société.

La semaine dernière, dans son message inaugural, le premier ministre a ouvert une porte intéressante pour ceux qui se préoccupent de la paix et du désarmement. Il a parlé d'un assouplissement de la Loi sur les référendums, la Loi sur les consultations populaires. Il a même parlé par la suite dans les jours qui ont suivi, en réponse à des questions, semble-t-il, de la possibilité de permettre le droit d'initiatives à des citoyens et à des citoyennes. (16 h 30)

Pourquoi ne pas penser qu'à l'occasion de l'Année internationale de la jeunesse le gouvernement du Québec, ayant modifié sa Loi sur la consultation populaire, puisse permettre à des groupes dans la société, s'il ne le décrète lui-même, la tenue d'un référendum québécois sur le désarmement et la paix? Ce serait une façon originale, significative, importante pour notre peuple de se prononcer et de faire savoir à la face de l'humanité qu'il n'est pas encore indépendant politiquement, mais qu'il est capable de se prononcer avec éclat sur un certain nombre de sujets. Il y a des hommes politiques qui ont fait le tour du monde, il y a quelques mois, au nom des Canadiens et des Québécois, pour parler de la paix et du désarmement. Ce que je souhaite, c'est que l'ensemble de la population parle et qu'elle parle notamment par un référendum national sur le désarmement. Ce serait une façon particulière de souligner comment non seulement la jeunesse du Québec, mais l'ensemble de la société québécoise se sent préoccupée et concernée par l'avenir. Lorsqu'on regarde la réalité mondiale actuellement, on ne peut pas faire autrement que de constater que l'avenir passe aussi par cette angoisse qu'on a tous en regard du problème de la paix, du désarmement et de la course aux armements. Je pense, M. le Président, que, sur ces mots, le message inaugural, à plus d'un point de vue, ouvre des avenues fort encourageantes pour ceux et celles qui se sont préoccupés en particulier du dossier de la jeunesse au cours des dernières années. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Hull.

M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: M. le Président, avant de m'attaquer plus particulièrement au discours inaugural présenté la semaine dernière par le premier ministre du Québec, M. René Lévesque, je voudrais commenter certains propos du député de Verchères lorsqu'il a parlé d'une façon mielleuse de la jeunesse québécoise. J'aimerais lui poser une question, à la suite d'une lettre que le premier ministre du Québec vient de recevoir d'un jeune de mon comté, d'un jeune de 25 ans. Je vous en fais lecture. J'aimerais entendre les commentaires de la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sur cette lettre. "Lettre adressée à M. René Lévesque, premier ministre du Québec. Je vous écris pour vous demander un conseil et de comprendre mon désespoir. Depuis deux ans, j'ai travaillé à plusieurs endroits comme menuisier, mais uniquement en Ontario, parce que, paraît-il, au Québec, je n'ai pas le droit de travailler. Présentement, je suis prestataire de l'assurance-chômage. Comble de stupidité, je suis heureux de vous dire que je peux vous nommer au moins trois contracteurs québécois qui sont prêts et disposés à m'engager dès aujourd'hui à titre d'apprenti menuisier, puisque le gouvernement me considère incompétent, et je peux en trouver d'autres, mais il y a un hic. Les contracteurs sont limités dans le nombre d'apprentis menuisiers par je ne sais quel règlement de l'Office de la construction du Québec. Si l'un des contracteurs m'avait engagé, il aurait pu passer et il aurait été passible de milliers de dollars d'amende. Voyez-vous cela un employeur qui paie une amende pour avoir embauché un jeune ouvrier de 25 ans en pleine santé? On m'a même dit que je devrais payer 500 $ d'amende si je travaillais. Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire, M. Lévesque? Est-ce un crime de travailler dans la province de Québec? "M. le premier ministre, j'ai reçu de vous une copie de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Qu'entendez-vous par les articles 17 et 19 de votre charte? Que dois-je faire de cette charte? L'accrocher à mon mur ou la jeter à la poubelle? Il est écrit que la charte aura préséance sur toutes les lois québécoises. M. Lévesque, je suis Québécois d'origine et je suis toujours demeuré au Québec. Je ne comprends pas que la seule façon de gagner ma vie serait de m'exiler dans une autre province. Dans le cas où je déciderais de ne pas m'exiler, j'aurais peut-être un jour à accepter les maigres prestations d'aide sociale et, dans ce cas, j'aurai le choix: être travailleur et être condamné ou être criminel

et être condamné. Conséquemment et pour conséquence, j'irais probablement pour le revenu qui me ferait le mieux gagner ma vie. Législateurs, ne faites pas de moi un criminel!"

M. le Président, plusieurs jeunes au Québec son inquiets aujourd'hui. C'est la relève de demain. Ce sont eux qui, demain, vont nous remplacer. On les empêche, de par les lois et les règlements que ce gouvernement a adoptés, de travailler. Que réserve-ton à notre jeuènesse, M. le Président? On pourrait se poser une question et la poser au gouvernement.

Dans son discours inaugural, le premier ministre se proposait d'embaucher 100 000 jeunes pour nettoyer les abords du fleuve Saint-Laurent. Va-t-on modifier les lois qui empêchent aujourd'hui d'engager des manoeuvres? Va-t-on modifier les règlements de l'OCQ pour permettre l'emploi de ces jeunes? Vient-on à bout de constater aujourd'hui, après huit ans de régime péquiste, après huit ans de règlements de la sorte, qu'on empêche nos gens de gagner leur vie au Québec et qu'ils doivent s'exiler. Ce sont toutes des questions que l'ensemble de nos jeunes Québécois et Québécoises se pose actuellement. Combien on aurait d'exemples typiques de la sorte qui pourraient être cités en cette Chambre.

Je veux revenir, M. le Président, à un autre élément important, soit celui du discours inaugural, un ramassis de documents empoussiérés, de documents que l'on retrouve sur les tablettes depuis de nombreuses années. À chaque discours inaugural ou à chaque discours sur le budget, c'est l'économie, c'est la relance, mais ou est-elle, M. le Président? Où est-elle? Parlons un peu de ce que ce gouvernement a détruit au Québec au cours des dernières années. Parlons un peu du tissu social; parlons des frères, des soeurs, des amis, des tantes. Parlons un peu de tout cet ensemble de population québécoise qui a été perturbé dans sa vie quotidienne par des lois stupides que ce même gouvernement péquiste a adoptées au cours des dernières années.

M. le Président, le 12 août dernier, je rendais visite à des amis de Baie-Comeau. On se souvient, à Baie-Comeau, que ce gouvernement adoptait en 1982 la loi 37, fusionnant les villes de Baie-Comeau et de Hauterive, fusion forcée. Je suis allé me faire photographier, M. le Président, en avant du monument, juste en face de l'hôtel de ville, un terrain que les citoyens ont acheté et où on a enterré un cercueil qui contient tous les documents qui ont traité de cette fusion forcée. Je me permets de lire l'effigie de ce monument: "Ici gît la démocratie, morte à Québec le 23 juin 1982, assassinée par le gouvernement du Parti québécois. L'histoire les jugera." C'est cela qu'on trouve à Baie-Comeau, le passage du

Parti québécois, du gouvernement, le passage de certaines de ses lois, qui voulaient améliorer le climat social entre ces deux voisins.

Parlons un peu du ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional qui, au cours de la dernière année, a fait le tour du Québec avec le document "Le choix des régions", c'est-à-dire les régions qui devaient normalement composer un Québec indépendant dans l'option indépendantiste de ce gouvernement. Cela n'a pas "poigné", M. le Président. Cela a été rejeté par l'ensemble des maires, l'ensemble des préfets, l'ensemble des organismes du milieu, incluant les CRD, les chambres de commerce, les associations qui ont rencontré le ministre dans son périple provincial.

M. le Président, on a aussi assisté, au cours de l'année dernière, aux chicanes fédérales-provinciales, alors que c'étaient les mauvais rouges à Ottawa qui viennent d'être remplacés par des bons bleus. Parlons de la loi 38, des subventions aux municipalités, alors que le gouvernement, pendant pratiquement une année et demie, a empêché les municipalités de recevoir des subventions importantes du gouvernement fédéral pour aménager des équipements à l'intérieur de leur municipalité respective. On voulait adopter cette loi arbitraire, mais grâce au travail des libéraux en cette Chambre, nous avons obligé le gouvernement péquiste à rebrousser chemin. On tentait, M. le Président, d'habiller tous les maires et tous les conseillers municipaux du Québec en culottes courtes. Cela n'a pas pris.

Parlons, M. le Président - et cela, on le retrouve à la page 45 du discours inaugural - du rapport Robidas. Les gens sont au courant du vol territorial qui s'est fait dans l'Outaouais québécois, il y a deux ans passés, alors que l'ex-ministre des Affaires municipales, député du comté de Labelle, c'est-à-dire voisin du comté de Gatineau, voisin de l'Outaouais, parce qu'il ne veut plus appartenir à l'Outaouais, nous soustrayait 54% de notre territoire. Il y eut un tollé de protestations de tous les organismes du milieu, des associations, des municipalités, des chambres de commerce, du CRD, des coopératives, de l'université, des cégeps. Tout le monde dans l'Outaouais protestait énergiquement contre ce vol qualifié de territoire. Aux dépens de qui? Du député du comté de Labelle et du député ministre de l'Aménagement et du Développement régional, responsable de la région de l'Abitibi. Nous avons demandé d'avoir un arbitre. Nous, les libéraux, sommes intervenus à combien de reprises. Nous avons demandé au premier ministre de faire une enquête et finalement, au mois de février, le premier ministre, parrain de la commission Robidas, demandait de faire une étude sur le territoire de l'Outaouais

québécois. Cela comprenait, entre autres - il faut s'y attendre - le territoire, mais on parlait aussi de la Société d'aménagement de l'Outaouais. On parlait de la Communauté régionale de l'Outaouais. On parlait de CRD, d'OPDQ, de la Commission de la capitale nationale et on a attendu que la commission Robidas produise finalement son rapport qui a été déposé le 2 octobre dernier.

Nous avions entre-temps, les cinq députés libéraux de l'Outaouais québécois, déposé un document contenant 39 recommandations que nous jugeons encore aujourd'hui les plus importantes, et peut-être plus importantes que quand elles ont été déposées à la suite des conclusions du rapport Robidas.

Nous avons maintenant le rapport Robidas qui recommande de remettre à l'Outaouais québécois le territoire qui lui a été soustrait. C'est la recommandation prioritaire, la première des recommandations, que ce gouvernement passe à l'action immédiatement. Mais noni Par mesure de diversion, on tente d'en arriver à la conclusion qu'il faudrait une fusion entre les villes d'Aylmer, de Hull et de Gatineau. Le gouvernement s'approprie ce rapport. Il veut mettre en pratique immédiatement cette recommandation, qui n'est peut-être pas la plus importante à traiter pour le moment. On devrait plutôt revenir au territoire. Que répond à ceci le ministre des Affaires municipales, M. Marcoux? Il veut un référendum. À Baie-Comeau-Hauterive, on n'avait pas fait de référendum. On ne voulait pas consulter la population. On ne voulait pas savoir ce qu'elle voulait, ce qu'elle aurait souhaité. On n'a pas osé le faire, mais là, la démocratie est revenue dans ce gouvernement péquiste et on veut maintenant consulter la population de l'Outaouais. Le ministre dit: On veut procéder rapidement car plus le débat s'éternise, plus il devient malsain. On lit quoi, dans les journaux? "Les maires sont divisés." "La MRC Antoine-Labelle, des revendications déraisonnables". C'est le ministre des Transports actuel, M. Léonard, qui est encore député du comté de Labelle, dont l'ombre flotte encore un peu dans le paysage. La chambre de commerce a fait un sondage, il y a quelques semaines. La population s'oppose à la fusion des trois villes, mais le ministre poursuit quand même, avec son entêtement habituel. Il veut un référendum et dépenser des centaines de milliers de dollars pour se faire dire éventuellement que c'est prématuré et que ce n'est pas ce dont les citoyens de l'Outaouais ont besoin. Nous y reviendrons éventuellement.

Quand on tient compte du fignolage que fait actuellement ce gouvernement avec la population du Québec, quand on examine le "renérendum" qui a été tenu par le premier ministre du Québec, M. René Lévesque, à l'égard de son propre parti politique parce qu'il n'était pas satisfait des engagements pris lors de son congrès, il leur a fait changer d'idée sinon il s'en allait. Bon!

Une voix: II n'aurait pas été une grosse perte.

M. Rocheleau: Là, dans le discours inaugural, qu'est-ce qu'on constate? Une volte-face complète. Les péquistes sont rendus plus fédéralistes que les libéraux. Cela se peut-il? Je rencontre parfois des indépendantistes dans mon comté. Il en reste quelques-uns. Il n'en reste pas gros, remarquez bien mais je sais où ils sont. Parfois, je vais les consulter. Je leur dis: Est-ce que cela a du bon sens que votre parti politique soit rendu ausi "bebête" que cela? Qu'est-ce qui se passe? Expliquez-moi donc cela. Ces quelques péquistes me répondent: On ne sait pas ce qui se passe là. Ils disent: C'est la bande de pantoufles à l'Assemblée nationale qui en décident. Ces pantoufles-là font ce que le premier ministre leur dit de faire. Donc, on se sert d'une pantoufle quand on en a besoin et quand on n'en a pas besoin, tu fous ça dans le placard.

C'est un peu ce qui m'a fait réaliser ce que vous étiez dans cette Chambre. À toutes fins utiles, quand on tire sur la chaîne, les pattes se lèvent et je le répète, c'est ce que vous faites habituellement. Surtout quand on tient compte du fait que les ministres sautillent un peu partout en région. Ils viennent rencontrer les jeunes dans les cégeps. La semaine dernière, on a eu l'honneur et le privilège de recevoir le ministre de la Science et de la Technologie, M. Paquette. Il est venu s'adresser à environ 80 étudiants au cégep de l'Outaouais. Son passage chez nous suivait le passage de notre chef, M. Robert Bourassa, qui, lui, avait attiré en passant 450 étudiants. Il avait été bien applaudi et bien soutenu dans la philosophie qu'il préconise pour le Québec.

Mais, qu'est-ce que disait M. Paquette? "Le virage technologique et social passe par le virage politique qui doit aller dans le sens d'une pleine souveraineté et liberté du peuple québécois". À son avis, "le Québec a besoin plus que jamais de la souveraineté et si j'étais seul à décider, je la ferais demain matin". Quelle sorte de crédibilité ce gouvernement peut-il espérer avoir de la part des citoyens du Québec? On sautille partout au Québec. Il y en a qui disent des choses ici; d'autres disent autre chose là. Le premier ministre, lui, est au beau fixe avec le fédéral. Il s'est couché dans le même lit avec M. Mulroney et l'équipe d'Ottawa. Nous n'avons rien contre le fait que le gouvernement s'entende avec le gouvernement fédéral. C'est ce qu'ils ne font pas depuis huit ans et cela nous a fait perdre des

centaines de millions de dollars. Il est à peu près temps qu'on s'entende avec quelqu'un. Mais quand on voit la façon dont ces gens le font, quand on se souvient du référendum, quand on se souvient, à peine quelques mois avant les élections de 1981, qu'on a remis la question de l'indépendance en veilleuse parce qu'elle ne "poignait" pas, là, on se dirige vers une nouvelle élection et on est encore à refouter cela en arrière du calorifère parce que cela ne "poigne" pas encore. Et on est devenu subitement des nouveaux fédéralistes.

Mesdames! Messieurs! Vous devriez avoir honte. On peut en déduire deux choses: soit que vous êtes des traîtres envers vos militants du Parti québécois ou alors que vous êtes des hypocrites envers la société québécoise. C'est à vous de choisir entre les deux. Parce que, effectivement, on est indépendantiste ou on ne l'est pas. Vous avez dit: Un vote pour le PQ est un vote pour l'indépendance. Vous êtes accrochés à cela. Si vous voulez vous en décrocher, convoquez un congrès et demandez à l'ensemble des indépendantistes du Québec - s'il en reste assez pour faire une soupe - s'ils veulent changer leur orientation, leur philosophie afin que vous puissiez au moins vous accrocher au pouvoir. Si c'est le pouvoir que vous voulez en cherchant à tromper la population par tous ces moyens, faites-le. (16 h 50)

Récemment, on vient de nommer deux ministres dont Mme Harel. Est-ce qu'il y avait plus pure indépendantiste qu'elle? Quand elle est entrée dans le sacro-saint bureau du premier ministre, maintenant qu'il l'a nommée ministre, elle ne parle plus. Par solidarité ministérielle, on ne parle plus. Le chef du parti nationaliste, M. Marcel Léger, où est-il rendu? Il est ministre du Tourisme. Pourquoi un petit cadeau? Parce que le premier ministre ne voulait pas qu'il soit chef du parti "péniste" au temps où il s'est fait battre, où il s'est classé derrière le Parti rhinocéros. Il était incompétent dans le temps; il est revenu et il est compétent. Voyons donc! Est-ce qu'on peut continuer à leurrer la population du Québec de cette façon? On pourrait considérer aujourd'hui que c'est de la sauce rebrousse-poil à "Ti-Poil". C'est comme la chatte que tu flattes à l'envers. On dirait quasiment qu'il est en train de se "recrochir" les cheveux pour essayer de prendre un autre pic ailleurs. La population du Québec ne prendra pas cela.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre... Excusez-moi, je me suis étouffé.

M. Clair: II n'y a pas de quoi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le président du Conseil du trésor.

M. Michel Clair

M. Clair: Merci, M. le Président. Au cours du discours inaugural du premier ministre, de même qu'au cours du débat qui a été engagé ensuite, l'un des sujets sur lesquels plusieurs députés sont intervenus, c'est toute la question de la condition de la jeunesse québécoise actuellement. Pourquoi les femmes et les hommes publics s'intéressent-ils actuellement avec autant d'intensité à toute la question de la condition de la jeunesse? Serait-ce parce que l'Organisation des Nations Unies a déclaré l'année 1985 qui s'approche "Année internationale de la jeunesse"? Serait-ce que, par pur opportunisme, les partis politiques, les pouvoirs publics, les journalistes veulent traiter de cette question parce qu'ils seraient en mal de préoccupations ailleurs, en ce qui concerne les affaires publiques ou la société québécoise? Je ne pense pas. Je pense que, aujourd'hui comme hier, il y a une première raison fondamentale pour laquelle les gouvernements se préoccupent des jeunes - et, à cet égard, tous les gouvernements du monde se sont toujours préoccupés avec beaucoup d'intensité du sort réservé à la génération montante - c'est essentiellement parce que la jeunesse, c'est l'avenir d'une société tout entière. Aucune femme ou aucun homme public ne peut se désintéresser du sort de la génération montante puisque ce serait se désintéresser du sort de toute sa société.

Mais pourquoi, de manière plus particulière à ce moment-ci, se préoccuper de la condition des jeunes dans la société québécoise? Je pense qu'il y a une raison évidente, qui saute aux yeux pour quiconque s'intéresse à la condition de la jeunesse actuellement. C'est essentiellement parce que aujourd'hui, peut-être un peu plus et même beaucoup plus qu'hier, l'avenir est incertain pour la jeunesse et que, pour une bonne part de la jeunesse québécoise en particulier, puisque c'est celle qui nous intéresse au premier chef, le présent, il faut le reconnaître, est difficile.

Le présent est difficile et l'avenir est incertain pour les jeunes pour plusieurs raisons. D'abord, c'est un fait - ce sont des données statistiques et on les connaît sur le plan humain également, chacun dans sa vie personnelle - une trop grande partie de la jeunesse québécoise est en chômage. Cela est inquiétant non seulement pour ceux qui sont aux études, mais même, jusqu'à un certain point, pour ceux qui sont actuellement au travail, pour ceux qui fréquentent l'école secondaire et même pour les parents, pour les adultes que nous sommes.

La deuxième raison pour laquelle le présent est difficile et l'avenir incertain pour les jeunes, c'est qu'une grande partie des jeunes ne se reconnaissent pas dans le monde du travail que nous avons créé, que nous

avons construit, nous les 30 ans et plus, qui avons trop souvent parsemé d'embûches l'accès au marché du travail dans quelque secteur d'activité économique que ce soit.

Une autre raison également pour laquelle les jeunes sont incertains de leur présent et de leur avenir, c'est qu'une grande partie des jeunes ne se reconnaissent pas et, il faut le reconnaître, ne veulent même pas se reconnaître dans les modèles que nous leur offrons comme monde adulte, comme genre de société que nous avons organisé.

Finalement, un bon nombre de jeunes Québécois et Québécoises partagent avec les jeunes du monde entier des préoccupations quant à la paix dans le monde, quant à la dépollution et, malheureusement, un certain nombre d'entre eux considèrent que l'avenir de cette planète est en quelque sorte foutu à cause de la menace nucléaire, à cause de la menace de la pollution et d'un certain nombre de désordres qu'on voit tous les soirs en regardant le téléjournal. 11 faut reconnaître que même les jeunes qui sont au travail sont souvent inquiets. Du côté du gouvernement du Parti québécois, nous ne prétendons pas et ne prétendrons pas avoir une réponse définitive et irrévocable à donner à la jeunesse québécoise. D'ailleurs, à mon humble avis, il ne saurait en exister, sous quelque époque que ce soit, de réponse définitive à la jeunesse de quelque génération que ce soit puisque l'évolution même des mentalités de la société fait en sorte que ce qui est valide et valable aujourd'hui ne le sera peut-être pas et sera désuet dans quelques années.

Cependant, M. le Président, nous avons la ferme conviction, du côté du gouvernement du Parti québécois, qu'il faut maintenant qu'on s'occupe de manière plus intensive que jamais de faire une place à la jeunesse québécoise, non seulement dans le marché du travail mais dans toutes les sphères d'activités humaines et sociales d'une société normalement constituée.

Deuxièmement, nous pensons qu'il s'agit là d'une responsabilité qui n'est pas exclusivement gouvernementale mais collective, qui fait appel à la responsabilité de tous et chacun des citoyens et citoyennes qui ne se considèrent pas ou ne font pas partie justement de ce groupe, de cette tranche de la population que nous appelons la jeunesse. À cet égard, l'Année internationale de la jeunesse vient à point nommé puisque sous les thèmes de paix, participation et développement, elle interpelle au fond chacun des citoyens et des citoyennes sur la place que nous entendons faire à la génération montante dans l'ensemble du fonctionnement de notre société.

Le gouvernement pense que cette année doit s'inscrire dans l'histoire du Québec comme l'une des années à la fois de consolidation et aussi, jusqu'à un certain point, de réorientation quant à la place qu'occupent les jeunes dans la société québécoise, quant aux améliorations nécessaires à la condition jeunesse.

Le Québec, on le sait, a saisi l'Année internationale de la femme par exemple et non seulement le gouvernement de l'époque mais le Québec tout entier a saisi l'Année de la personne handicapée pour faire de ces années non seulement un événement à souligner mais comme étant fondamentalement des années de mobilisation de toute la société sur l'amélioration de la condition féminine, sur l'amélioration de la condition des personnes handicapées lorsque ces années ont été décrétées.

Je pense que c'est dans cette orientation-là qu'on doit travailler pour l'Année internationale de la jeunesse, non pas seulement y voir là un événement à souligner, une responsabilité gouvernementale mais, au contraire, une responsabilité collective et individuelle aussi de chacun et chacune des citoyens à l'égard de l'amélioration de la condition jeunesse.

Tout n'est pas réglé dans le cas de l'amélioration de la condition féminine non plus que dans celle des personnes handicapées mais des pas énormes ont été franchis parce que le Québec s'était préparé à l'avance et parce que ces années ont été des années de mobilisation de toute la société québécoise.

En tout cas, M. le Président, le gouvernement du Québec est volontaire, quant à lui, pour profiter de cette année pour en faire une année de mobilisation de toute la société qui visera la responsabilisation de toute la société québécoise et non pas seulement une année pour souligner un événement. 11 me semble que cette mobilisation de la société québécoise à l'égard de la condition jeunesse, c'est non seulement une priorité politique au sens noble du mot, au sens qu'il est souhaitable que les partis politiques s'y intéressent, travaillent à améliorer leurs programmes, leurs connaissances de la condition jeunesse des propositions mais que c'est aussi une priorité sociale et une priorité économique. C'est une priorité sociale parce qu'il me semble qu'il est inacceptable de laisser une bonne partie de la société québécoise en deçà, en dehors des mécanismes dont la société québécoise s'est dotée depuis 20 ans et de les laisser ainsi en attente de participer pleinement à l'épanouissement de notre société. (17 heures)

Sur le plan économique aussi, il faut bien savoir ce que cela comporte comme coût économique d'avoir une partie de la société qui est improductive, qui, en trop grand nombre, est condamnée au chômage, aux prestations d'aide sociale. Cette contribution de la jeunesse québécoise

pourrait être beaucoup plus importante qu'elle ne l'est présentement moyennant un certain nombre de préalables sur lesquels j'aimerais m'arrêter pendant quelques minutes.

Si l'on veut que l'avenir de la jeunesse québécoise soit plus intéressant qu'il ne l'est présentement, il me semble que l'une des premières choses qu'on doit faire, c'est de laisser tomber, nous le monde adulte, un certain nombre de préjugés que nous avons à l'égard de la jeunesse québécoise. J'en énumère quelques-uns, M. le Président, que nous véhiculons dans les milieux dits socio-économiques, beaucoup trop souvent, et ici même au Parlement, à l'égard de la jeunesse québécoise. On laisse souvent entendre - cela est de bon ton - que les jeunes sortent des cégeps et des universités québécoises mal qualifiés, incompétents, avec une préparation plus ou moins adéquate pour occuper le marché du travail. On laisse souvent entendre que le contingent dit de décrocheurs dans les écoles québécoises, c'est le grand nombre des étudiants qui fréquentent les écoles secondaires, collégiales et universitaires du Québec. Les jeunes ne sont pas tous en chômage, ne sont pas tous en difficulté, ne sont pas tous des incompétents, ne sont pas tous des décrocheurs. Bien au contraire. Dans son immense majorité, la jeunesse québécoise, les jeunes Québécois sont soit aux études en train de parfaire des études collégiales ou des études universitaires, soit au travail dans des emplois réguliers du marché du travail, soit encore qu'ils sont, compte tenu de la conjoncture économique, retournés aux études pour parfaire leurs qualifications pour occuper un emploi sur le marché du travail. Il me semble que, trop souvent, chez les adultes, les 30 ans et plus, nous véhiculons des préjugés qui nuisent à la jeunesse québécoise bien plus qu'ils ne lui viennent en aide en laissant entendre qu'elle serait le fruit d'un réseau scolaire complètement inadéquat, de diplômes qui ne valent rien, de gens qui sont incompétents une fois en industrie ou encore dans un emploi X, Y ou Z.

Tel n'est pas le cas, M. le Président. Si nous voulons que la jeunesse québécoise ait un avenir plus rose que celui qu'on laisse voir dans les médias présentement, je pense que c'est une des premières responsabilités que nous avons de laisser tomber un certain nombre de préjugés que nous entretenons à l'égard de la jeunesse québécoise, qui est plus instruite que la génération précédente, qui est aussi compétente que la génération précédente, qui n'est pas composée de seulement une ou deux vedettes qui réussissent, mais de dizaines, de centaines de milliers de jeunes qui sont sortis des collèges québécois, des écoles secondaires québécoises, des universités québécoises, et qui contribuent activement au développement de notre société.

Le deuxième préjugé, M. le Président, qu'il nous faudra laisser tomber, je pense, dans le monde adulte, encore une fois, c'est à l'égard de ceux qui sont en difficulté, les jeunes qui ont décroché, ceux qui ont été victimes de la crise économique de manière plus prononcée que les adultes, ceux qu'on appelle parfois la génération sacrifiée. Nous n'avons pas le droit, comme société adulte, de véhiculer le préjugé qu'il n'y a rien à faire avec ces gens-là, que c'est une génération sacrifiée, et de se déculpabiliser un peu en disant: Je propose d'augmenter les prestations d'aide sociale de quelques dizaines de dollars; le gouvernement doit les entretenir, acceptons cela comme un fait de la vie qu'il y a un certain nombre de jeunes Québécois et Québécoises qu'on va devoir "traîner" indéfiniment sur les listes de bénéficiaires de l'aide sociale. Je pense que c'est aussi un préjugé qui nuit à la jeunesse québécoise, qui vient parfois éteindre la volonté de cette dernière de participer pleinement, de se sentir capable d'infléchir les orientations des partis politiques, des pouvoirs publics, de tous les décideurs, comme on les appelle, dans notre société.

Donc, M. le Président, premièrement, si l'on veut faciliter la tâche à la jeunesse québécoise de se tailler une place, la meilleure façon de l'aider, l'une des bonnes façons de l'aider, sans nier l'existence de problèmes réels pour une partie de celle-ci, c'est de cesser de véhiculer des préjugés à l'égard de la génération montante.

Deuxième préalable, qui concerne aussi le monde adulte, et en particulier les hommes et les femmes publics, c'est de cesser de les décourager par des discours défaitistes. Il suffisait d'entendre le député de Hull tantôt pour laisser croire que dans l'industrie de la construction, par exemple, il n'y aurait aucun jeune qui en vienne à se qualifier. C'est vrai qu'il y a des problèmes dans l'industrie de la construction. Quel était le message que véhiculait le député de Hull tantôt? Est-ce que c'était un message d'espoir dans le sens de dire: Nous du Parti libéral, nous ferions ceci, nous ferions cela pour les jeunes. Non. C'était un discours purement défaitiste. Un discours qui laisserait entendre que la société québécoise était incapable de faire une place aux jeunes. Que les partis politiques sont incapables d'avoir des idées, sont incapables de mettre sur pied des programmes. Je pense que ces discours défaitistes, bourrés de préjugés, nuisent davantage à l'amélioration de la condition jeunesse qu'ils ne viennent en aide.

Là-dessus, je laisse aux prophètes de malheur, à ceux qui n'annoncent que de la misère, que des difficultés pour des générations à venir à la jeunesse québécoise,

je leur laisse cette responsabilité parce qu'à mon avis, elle ne résulte qu'en un découragement d'un certain nombre qui, trop souvent malheureusement, croit à des discours défaitistes comme ceux qu'on entend trop souvent de la part d'hommes et de femmes publics à l'égard de la jeunesse québécoise.

Troisième préalable, si nous voulons que la jeunesse québécoise ait un meilleur avenir et un meilleur présent. Je serais porté à dire qu'il faudra que nous acceptions, parlant encore une fois pas au nom du gouvernement, mais parlant au nom de la génération des 30 ans et plus, qui avons mis en place plein de règles, plein de contingentements, de sélections de toutes espèces, de règles administratives ou autres, qui sont autant d'embûches pour l'accès au marché du travail des jeunes. J'appelle cela changer les règles de notre jeu qui les exclut trop souvent ces jeunes de notre société. Des exemples, on pourrait en citer à profusion et faire un mea culpa du côté de l'Opposition, du côté du gouvernement, du côté des patrons, du côté des syndicats. J'en donne un exemple qui est bien connu: la sécurité d'emploi dans le secteur public et parapublic. Vous savez que cette sécurité d'emploi - et je ne parle pas encore une fois au nom du gouvernement comme ayant quelque arrière pensée à savoir de remettre cela en cause - vous savez, quand on parle avec des jeunes, il y en a un nombre de plus en plus grand qui accepte très mal cette règle du jeu que nous nous sommes donnée dans le secteur public et parapublic que la sécurité d'emploi primait la compétence et la capacité des jeunes diplômés à venir occuper des emplois dans les secteurs public et parapublic.

Je vais vous dire, il y en a là-dedans pour l'Opposition, il y en a là-dedans pour les syndicats, il y en a pour le gouvernement actuel, il y en a pour tout le monde. La règle d'ancienneté, qui était un sujet tabou dans le secteur privé en ce qui concerne l'embauche, les mises à pied au moment de difficultés conjoncturelles. Ce sont des questions qui sont posées par la génération montante actuellement. Je pense que si l'on veut vraiment et sincèrement, au-delà de la partisanerie, faire de la place aux jeunes dans la société québécoise sur le marché du travail, il existe un certain nombre de règles du jeu que notre société s'est donnée depuis 20 ans qu'il va falloir réexaminer. Il n'y a pas de plus bel exemple que celui que citait le député de Hull tantôt en ce qui concerne les ratios dans l'industrie de la construction. C'est un procès un peu court que de laisser entendre que le gouvernement aurait, un bon matin, introduit des ratios dans l'industrie de la construction en vue d'écarter les jeunes du marché du travail. C'est un peu court. (17 h 10)

Toutes les personnes qui ont suivi l'évolution des relations du travail dans l'industrie de la construction savent très bien que ces règles sont le résultat de négociations entre des patrons, des syndicats, un gouvernement qui se sont donné des règles, mais qui, il est vrai, ont aujourd'hui comme principal résultat d'exclure un grand nombre de jeunes diplômés compétents du marché du travail dans l'industrie de la construction.

De notre côté, M. le Président, pour essayer de commencer justement à changer ces règles du jeu, nous avons assumé une responsabilité certaine, même si cela a été difficile à certains moments. Par exemple, aujourd'hui, l'une des grandes difficultés des jeunes inaptes au marché du travail, c'est la modernisation de nos entreprises, de nos industries, de nos commerces, de nos services et un grand nombre de jeunes sont peu qualifiés pour occuper de tels emplois.

Le gouvernement a décidé de travailler à développer l"'employabilité" de ces jeunes par trois mesures. Nous allons prochainement inviter nos partenaires socio-économiques à discuter de façon positive, dans l'esprit d'une plus grande place aux jeunes, de notions comme le partage du travail, la préretraite, les congés de formation, toute une série de mesures qui pourraient favoriser un plus grand accès des jeunes au marché du travail.

Que dire, finalement, de tout l'effort de développement économique que le gouvernement du Québec a commencé pour justement favoriser l'accès au marché du travail à un plus grand nombre de jeunes Québécois et Québécoises?

Je termine, M. le Président, en disant que le dernier prérequis à l'amélioration de la condition de la jeunesse ou, en tout cas, un des derniers - j'aurais eu autre chose à dire - c'est, je pense, qu'il faudra accepter le fait que la jeunesse actuelle est différente de la génération précédente, qu'elle a des besoins différents. Dans ce sens, si le gouvernement a la responsabilité d'amorcer un certain nombre de changements, l'ensemble de la société québécois a également une responsabilité, qu'il s'agisse des patrons, qu'il s'agisse des syndicats, qu'il s'agisse des partis politiques de toutes les orientations ou encore, finalement, de tout le monde adulte. Je pense que si nous voulons réellement améliorer la condition de la jeunesse, c'est en plaçant le débat sur l'amélioration de la condition de la génération montante au-dessus des lignes de parti et en tentant de faire en sorte que toute la société soit mobilisée, à l'occasion de l'Année internationale de la jeunesse, pour une amélioration permanente de la condition jeunesse. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. Dans son discours inaugural, le premier ministre a dit qu'il faut rouvrir le dossier constitutionnel. J'aimerais examiner aujourd'hui un aspect des démarches constitutionnelles faites par ce gouvernement en 1981. Trois jours après les élections d'avril 1981, le gouvernement du Québec a signé une entente avec sept autres provinces. Les autres provinces comprenaient toutes les provinces, sauf l'Ontario et le Nouveau-Brunswick.

J'aimerais examiner, M. le Président, le but et les effets de cette entente. Je pense que le but était différent pour le gouvernement du Québec que pour les sept autres provinces. Les autres provinces ont cherché du "bargaining power" pour forcer le gouvernement fédéral à modifier le projet constitutionnel. Ces autres provinces ont voulu renouveler le Canada. Elles ont voulu proposer un amendement, une formule d'amendement, dirais-je, autre que celle proposée par le fédéral, mais il est important de savoir que ces autres provinces ont voulu renouveler le Canada.

Le but du gouvernement du Québec était autre. Le premier ministre du Québec, les ministres du Québec ont toujours parlé de l'option indépendantiste. Le gouvernement du Québec n'a pas voulu renouveler le Canada; loin de là, le gouvernement du Québec a voulu démanteler le Canada. Il était impossible pour le premier ministre du Québec, pour le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, pour le ministre de la Justice du Québec de retourner à Ottawa en avril 1981 en disant: On a renouvelé le Canada aujourd'jui et tout ira bien dans l'avenir.

Le Québec, comme on le sait, était abandonné par les autres provinces. Cela était prévisible. C'était une entente circonstantielle, une entente de complaisance.

M. le Président, j'ai dit à l'époque au ministre des Affaires intergouvernementales que les autres provinces abandonneraient le Québec et il m'a dit: Je le sais, mais c'est une entente de complaisance, une entente circonstantielle. Je savais que les autres provinces avaient l'intention d'abandonner le Québec parce que j'avais des contacts avec des fonctionnaires dans certaines provinces de l'Ouest du Canada.

Il est difficile de blâmer les autres provinces d'avoir abandonné le Québec parce qu'elles poursuivaient un but tout à fait différent que le but poursuivi par le gouvernement du Québec. De toute façon, comme je vous l'ai dit, le gouvernement du Québec était au courant que c'était une entente circonstantielle, qui devait durer quelques semaines, quelques mois. Cela va de soi que les autres provinces étaient incapables d'appuyer le Québec jusqu'au bout dans les négociations parce qu'elles et le Québec poursuivaient des buts contradictoires.

Quels sont les effets que nous avons aujourd'hui de l'échec de cette entente? Le Québec a abandonné son veto politique. Depuis 1867, le Québec avait un veto politique. Nous avons exercé ce veto politique lors des négociations sur la formule d'amendement Fulton-Favreau dans les années soixante; c'était bloqué par le gouvernement du Québec. La charte de Victoria de 1971 était bloquée par le Québec parce que celui-ci avait décidé d'utiliser son veto politique. Aujourd'hui, comme on le sait, le Québec n'a pas de veto politique, n'a pas de veto légal en ce qui concerne les modifications à la constitution du Canada. De plus, le Québec a refusé un veto légal offert par le gouvernement fédéral lors des négociations constitutionnelles en 1981.

En 1981, à Ottawa, le premier ministre du Québec aurait dû dire qu'il était prêt à renouveler le Canada. C'était cela le sens du référendum de 1980. Il aurait dû dire: Une de nos conditions pour renouveler le Canada, c'est qu'il soit essentiel que le Québec ait un veto, non seulement sur le plan politique, mais sur le plan légal. Le premier ministre n'a pas fait cela, il a abandonné le veto politique que le Québec a toujours eu. De ce fait même, il a affaibli la position du Québec dans le système fédéral canadien.

Cependant, le gouvernement péquiste, le gouvernement actuel a dit et continue de dire que la compensation financière égale le veto. Ceci n'est pas exact. J'aimerais décrire la compensation financière par rapport au pouvoir du veto. La compensation financière peut être d'ordre administratif ou constitutionnel. Il ne faut pas confondre ces deux formes ou ces deux régimes de compensation financière. La compensation financière d'ordre administratif existe aujourd'hui. Pensons aux programmes d'aide juridique ou d'aide sociale. Ce sont des programmes québécois, mais il y a une compensation fédérale pour que nous puissions mettre en oeuvre ces programmes. C'est-à-dire qu'il y a une contribution financière du gouvernement fédéral en ce qui concerne l'aide juridique au Québec, en ce qui concerne l'aide sociale et en ce qui concerne d'autres programmes. On appelle cela souvent des programmes à frais partagés. (17 h 20)

La compensation financière d'ordre constitutionnel veut dire tout autre chose. La compensation financière d'ordre constitutionnel implique qu'il va y avoir un transfert de juridiction des provinces au profit du gouvernement fédéral, et les provinces qui ne voudraient pas transférer ce pouvoir auraient une compensation financière.

II faut souligner que, depuis la Confédération, il y a eu seulement deux transferts de compétence ou de pouvoir des provinces au profit du gouvernement fédéral: l'amendement constitutionnel de 1940 en ce qui concerne l'assurance-chômage - le Québec était d'accord - et l'autre amendement constitutionnel de 1956 en ce qui concerne la pension de vieillesse, et le Québec était également d'accord.

Dans un régime de compensation financière, supposons que le Québec se serait retiré en ce qui concerne le transfert de pouvoir sur l'assurance-chômage au gouvernement fédéral. Comme il n'y a pas de dépenses parce que l'assurance est payée à partir d'une prime ou d'une taxe que tous les employés et les employeurs paient, il n'y a pas de compensation financière possible, et ce serait la même chose dans d'autres domaines. C'est-à-dire, M. le Président, qu'il y a beaucoup de transferts de juridiction possibles des provinces au profit du gouvernement fédéral où on ne peut pas parler de compensation financière. J'aimerais vous donner deux exemples. Supposons que les provinces transfèrent la compétence sur les valeurs mobilières et les institutions financières autres que sur les banques au profit du gouvernement fédéral, on ne peut pas parler d'une compensation financière à une province qui n'est pas d'accord avec un tel transfert parce qu'il n'y a pas de dépenses ou très peu de dépenses en ce qui concerne la réglementation des institutions financières, et ainsi de suite. C'est la même chose si les provinces décident de transférer au gouvernement fédéral le pouvoir sur l'adoption des enfants. Il n'y aurait pas de dépenses en ce qui concerne la réglementation d'un tel système d'adoption. Donc, pour la province qui n'est pas d'accord avec un tel transfert, il n'y aura pas de compensation financière.

En somme, la compensation financière est d'une certaine utilité dans un régime constitutionnel s'il y a un transfert de pouvoir et s'il y a des dépenses qui s'ensuivent. À la différence de la compensation financière, l'utilisation du veto a pour effet d'empêcher toute modification constitutionnelle sans le consentement du Québec. Si, par exemple, les provinces veulent transférer leur compétence en ce qui concerne les institutions financières autres que les banques au profit du gouvernement fédéral et si le Québec est en désaccord, avec un pouvoir de veto, le Québec pourrait empêcher une telle modification constitutionnelle. Il est faux de prétendre, comme le dit le gouvernement actuel, que la compensation financière d'ordre constitutionnel égale le droit de veto pour le Québec. C'est faux. Le gouvernement actuel a induit plusieurs Québécois en erreur en répétant que c'est la même chose.

J'aimerais souligner que la formule d'amendement constitutionnel actuelle que nous avons dans la constitution du Canada prévoit, par exemple, que les deux tiers des provinces, qui contiennent 50% de la population du Canada, peuvent, sans le consentement du Québec, faire des modifications à la constitution du Canada concernant: le principe de la représentation proportionnelle des provinces à la Chambre des communes; les pouvoirs du Sénat et le mode de sélection des sénateurs; le nombre des sénateurs par lesquels une province est habilitée à être représentée et les conditions de résidence qu'ils doivent remplir; la Cour suprême du Canada, sauf la composition de cette cour; le rattachement aux provinces existentes de toutes ou partie des territoires et même la création de nouvelles provinces. Il me semble qu'il est inacceptable qu'on puisse faire des modifications constitutionnelles aussi fondamentales sans le consentement du Québec.

De plus, il n'y a pas de compensation financière possible qui est rattachée aux modifications constitutionnelles que je viens de nommer. Mais tout ceci nous intéresse. L'évolution du Canada dans l'avenir nous intéresse. La place du Québec dans le Canada nous intéresse. Les Territoires du Nord-Ouest nous intéressent aussi. Ils nous appartiennent. Les mines; le gaz; le pétrole dans les Territoires du Nord-Ouest nous appartiennent. Si le gouvernement fédéral et les autres provinces décident de créer une nouvelle province dans les Territoires du Nord-Ouest sans le consentement du Québec, cela va nous affecter. Si le gouvernement fédéral, avec d'autres provinces, décide de rattacher une partie des Territoires du Nord-Ouest à la province de l'Alberta ou à la province de la Colombie britannique, cela va nous affecter aussi. Donc, cela nous intéresse.

Quelle est maintenant la politique du gouvernement en cette matière? Est-ce la même politique qu'en 1981? Est-ce que le gouvernement va poursuivre une politique de compensation financière? Est-ce que le gouvernement va rechercher, va redemander le droit de veto que le gouvernement avait abandonné en 1981?

Le premier ministre a parlé de réparer les dégâts constitutionnels, les dégâts qu'il a lui-même causés. Soit! Mais on attend de connaître la politique du gouvernement sur ce sujet. A-t-il l'intention de réclamer le droit de veto qu'il a abandonné ou est-ce que le gouvernement a une autre proposition à faire en ce qui concerne une nouvelle formule d'amendement? Il me semble que le premier ministre devrait compléter son discours inaugural en nous présentant la nouvelle formule d'amendement qu'il va proposer au gouvernement fédéral et aux autres provinces. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président. Une fois de plus, je voudrais apporter ma contribution en réponse au discours inaugural du premier ministre.

Je n'insisterai pas sur ce que le présent gouvernement a déjà mis en marche pour la création d'emplois chez les jeunes. D'autres collègues vont s'en occuper. Je voudrais aujourd'hui vous entretenir sur l'idée d'un gouvernement proche des gens et de l'avenir réservé aux jeunes par un projet de société. (17 h 30)

L'heure est à la discussion, à la réflexion et aux actions. En effet, le gouvernement a franchi plusieurs étapes, depuis 1976, des périodes difficiles et, comme dans toute vie, des bonnes périodes. Il est temps de penser à l'avenir, à ce qui s'en vient et à ce à quoi nous aspirons maintenant à titre de gouvernement. Il faut, à partir des événements passés et des indicateurs de l'avenir qui se dessine, voir à prendre position et à décider ensemble de ce que nous adopterons pour les années futures.

Notre génération - c'est-à-dire la mienne - a fait des choses et ce, en fonction des aspirations qu'elle avait à l'époque. Autrement dit, la génération qui était en action dans les années soixante a posé des gestes en fonction des besoins de l'époque. La révolution tranquille a donc été le moment privilégié où ont mûri des idées, de grands rêves qui ont abouti à cette volonté commune de faire les changements appropriés.

On doit donc analyser la nouvelle génération, ses besoins, ses attentes, son rêve collectif et poursuivre les démarches déjà amorcées en intégrant ces nouveaux éléments qui peuvent, en fin de compte, nous permettre de polir un projet de société dont on parle depuis tant d'années. En somme, cela équivaut à créer une nouvelle société et, à partir de ces nouvelles attentes, faire une société nouvelle. Il faut, en 1984, définir la société dont nous rêvons et ce, en fonction de tout ce qu'on a vécu en mettant l'accent sur les tendances qui se dessinent maintenant, c'est-à-dire celles qui forment le nouveau rêve collectif de la nouvelle génération. Il faut donc tendre l'oreille à cette nouvelle génération et, à partir de ces éléments, construire les bases d'une nouvelle société.

Je dis à long terme, parce qu'il est très important de bien asseoir les bases de cette nouvelle société et de comprendre les différents fonctionnements pour qu'enfin nous puissions parler d'un rêve avec réalisme. Une réalisation à long terme n'est pas automatiquement plus solide, mais, par contre, elle permettra une évolution des mentalités et une compréhension des intentions de la nouvelle réalité que sera la société québécoise de demain. Le projet est donc en fonction du long terme. Ce seront les jeunes qui seront responsables de le mener à bon port. Ils devront donc parler, discuter et exprimer leurs désirs.

Ceci, en quelque sorte, est déjà amorcé. Nous pouvons donc dès maintenant définir quelques-unes de ces idées et de ces volontés à partir des diverses consultations qui ont déjà été faites par différents groupes, organismes et mouvements qui ont tendance à se former. Pensons, par exemple, à ce qu'on a vu au sommet québécois de la jeunesse. Les idées, les points actuels qu'on retrouve dans le débat des jeunes sont les suivants: la paix, la qualité de vie, les valeurs humaines, l'ouverture sur le monde, l'écologie, des emplois pour tous, la responsabilisation sociale individuelle ainsi que la responsabilisation sociale collective. Ce sont tous des éléments qu'on retrouve dans le discours des jeunes d'aujourd'hui. Il faut donc se pencher sur ces volontés et en faire les bases de notre projet gouvernemental, car les jeunes seront l'articulation concrète de ce projet.

Ce qu'il ne faut pas perdre de vue ici et qu'il est bien important de saisir, c'est que les jeunes sont la société. Le fait de les considérer dans nos discours comme un groupe en marge de la société n'est qu'une illusion ou une abstraction théorique. Même les cas d'isolement sont à l'intérieur de notre société. Pour qu'un jeune prenne position pour ou contre quelque chose, il doit, a priori, être une composante de cette société, ce qui, de plus, a un très grand impact sur toutes les nouvelles idées que nous pouvons tenter d'intégrer au projet de société. C'est la société actuelle, du point de vue des idéologues, dans le creux de la vague. Des idées sont donc plus difficilement manipulables. On distingue les jeunes dans d'autres groupes sociaux pour plusieurs raisons, dont celle qui fait que ce groupe est probablement celui qui est le plus porteur de changements, mais totalement dépourvu de moyens pour les mettre en application. En effet, ce groupe n'a ni pouvoir, ni autorité. De plus, le fait qu'il soit éphémère rend presque impossible qu'il s'organise et devienne un groupe de pression efficace dans les rapports de force existant dans notre société, lorsqu'il est question de faire passer certaines idées ou d'apporter certains changements. J'entends ici par "éphémère" que cette entité que sont les jeunes est constamment en mouvement. Par exemple, si l'on prend le cégep, le jeune y reste pendant deux ou trois ans, puis d'autres prennent la place avec d'autres valeurs et d'autres buts.

L'action qui a donc débuté par les autres n'est pas nécessairement poursuivie par le groupe qui suit.

Cette caractéristique est très importante. Il ne faut pas la perdre de vue ou diminuer son importance dans notre projet de société. Nous avons eu tendance à oublier cela. En effet, on a pensé que lorsqu'on est jeune on a tous ou à peu près tous les mêmes volontés, qu'on soit de la même génération A ou B mais juste au niveau du nationalisme par exemple, on voit qu'il y a eu un glissement et ça, d'une génération à l'autre.

Il faut donc tenir compte de cette variable déterminante et faire en sorte qu'un projet de société soit assez flexible pour s'y ajuster, sinon l'avenir des gouvernements sera toujours incertain. Il faudra utiliser le réseau des jeunes, même s'il n'est pas vraiment défini, en les intégrant à un projet de société. Ce sera, en somme, l'amorce d'un changement. Chaque idée qui provient de leurs discours devrait être soigneusement analysée et devrait être considérée dans un nouveau projet politique de plein emploi. Les idées qui s'imposent alors à la société permettront d'ajuster les différents mécanismes sociaux désuets avec lesquels il faut vivre actuellement.

Ce que nous devons faire, c'est de transformer progressivement les différents mécanismes sociaux et, par le fait même, modifier l'environnement social. Il nous faudra travailler à développer une volonté de penser à nos successeurs, ceux qui feront le Québec de demain, en venir à connaître l'impact de l'ensemble des gestes que l'on pose ou être conscients de l'impact de ces actions et ce, pour avoir une responsabilité sociale accrue. Autrement dit, il faudra - et les jeunes nous ont sensibilisés à ça -développer une pensée collective plutôt qu'individuelle. Cela n'exclut pas évidemment le fait pour un individu d'avoir certaines ambitions personnelles. Il faut cependant que cet individu ne perde pas de vue qu'il vit en société et qu'il doit mesurer l'impact des gestes qu'il pose sur son avenir individuel.

Il faut faire une récupération des valeurs qui émergent actuellement. Ces valeurs sont celles que j'ai nommées plus haut et elles sont très légitimes. Les valeurs que les jeunes défendent sont étroitement liées avec l'avenir du Québec, dans ce sens qu'un État qui veut assumer ces différentes valeurs et idées, c'est-à-dire par exemple la paix, l'écologie et l'emploi, doit posséder certains instruments. 11 faut dont rapatrier l'ensemble des centres de décisions et avoir en main les leviers économiques sociaux et politiques. L'idée de paix que prônent les jeunes actuellement est très séduisante. C'est pourquoi nous devons y arrêter très sérieusement cette analyse. Nous vivons présentement dans un climat de guerre froide. Ce phénomène désillusionne beaucoup de jeunes et même beaucoup de plus âgés. On se voit, par notre position stratégique internationale, contraints de nous laisser aller dans ce débat et dans cette course vers les armements. Cependant, il y a certaines possibilités face à ce piège inévitable qui pourrait être très désastreux pour nous tous.

On peut travailler à construire un monde de paix où chacun des individus pourra vivre en harmonie avec les uns et ce, en orientant notre avenir en fonction de celui sur la paix.

L'industrie de l'armement a toujours été la porte de sortie idéale aux difficultés économiques des pays industrialisés. En effet, lorsque tout va mal, on accentue notre position militaire et une certaine stabilisation voit presque automatiquement le jour. Cependant, on ne s'est jamais vraiment arrêté à l'idée que justement cette façon de régler les problèmes économiques stimule l'apparition d'autres problèmes beaucoup plus graves comme le non respect de notre environnement naturel. On produit les armes, éventuellement on les utilise et on détruit de nouveaux territoires et de nombreuses vies humaines. (17 h 40)

II faut donc tenter de renverser cette situation très désastreuse. Cette dernière préoccupation serait donc dans un même ordre d'idées un agent récupérateur d'emplois. Ainsi, les emplois perdus en raison de l'abandon de l'industrie de production aux fins militaires pourraient être récupérés. Une véritable industrie québécoise basée sur l'écologie, la qualité de vie, marquerait d'autant plus l'originalité du Québec dans un autre domaine. Plusieurs débats sont en cours actuellement en ce qui concerne ce point, c'est-à-dire l'écologie et l'avenir de la planète. Le débat en cours sur l'écologie se situe surtout au niveau social. C'est d'ailleurs un des éléments qui font partie du rêve de la nouvelle génération. C'est un élément pour lequel elle serait certainement prête à aller très loin pour le défendre. Il serait donc intéressant et très pertinent de reconsidérer ce point au niveau de l'économie. Récupérer 10 000 emplois liés directement ou indirectement à l'industrie de guerre serait une tâche assez difficile, mais quand même hypothétiquement réalisable à certaines conditions. Un plan devrait être mis sur pied qui toucherait directement à tous les niveaux de la société, en rapport avec la protection de l'environnement et la préservation de nos milieux naturels. Il est temps de penser vert.

Présentement, beaucoup de pays européens se sont alignés sur ce débat. Différentes positions ont été adoptées en fonction d'un renouvellement écologique. La qualité de vie est donc l'élément qui

permettra la récupération et même la création d'un certain nombre d'emplois qui, pour un bon nombre, seront perdus par l'absence d'industries militaires ou qui y sont liés indirectement. On pourrait donc stimuler la création d'entreprises strictement à vocation récupératrice.

L'autre niveau auquel il faudra travailler en tant que gouvernement est celui de l'ouverture économique du Québec vers d'autres marchés. En d'autres mots, l'attirance et la facilité que nous accordons aux étrangers pour qu'ils viennent participer au développement et au renforcement de l'économie de l'État québécois. Attirer les capitaux étrangers, d'une part, ce qui est un investissement direct au Québec, et, d'autre part, ouvrir à nos propres productions de nouveaux débouchés et, par le fait même, développer au Québec de nouveaux types d'industries.

Cependant, il faut bien se dire que le contenu des ententes économiques n'a pas le même impact que de négocier de ententes militaires politiques. L'implication étant probablement différente, les enjeux ne se situent pas directement au même niveau. L'avenir nous réserve plusieurs inconnues. Nous devons en tant que gouvernement avoir plusieurs cartes dans notre jeu. Nous devons mettre sur pied un projet qui sera facilement modifiable, c'est-à-dire très flexible, pour pouvoir s'adapter aux situations que nous ne pouvons pas prévoir. Même une grande entreprise fait des plans, des projets à long terme, mais il lui est très difficile de tout prévoir et une marge de manoeuvre est nécessaire pour que l'avenir ne soit pas une source constante d'anxiété.

Les jeunes d'aujourd'hui ont une préoccupation majeure. Cette préoccupation les fait vivre dans leur peur continuelle. On appelle cela la phobie des emplois. Tous, à un moment ou à un autre, se font refuser un emploi en raison de leur inexpérience. En somme, c'est un cercle vicieux: pas d'expérience pas de travail, pas de travail pas d'expérience. Une de leurs revendications est donc une solution à brève échéance à ce problème de plus en plus aigu. Le gouvernement, dans un projet pour une nouvelle société, prend en considération ce point bien précis et développe certaines solutions à court ou à long termes pour résoudre ce problème. Il est, cependant, bien clair que le plein emploi ne peut se faire du jour au lendemain. Cela prendrait encore quelques générations et beaucoup de changements en profondeur dans nos diverses institutions. Mais il est possible de maintenir, de faire la toile de fond de cet avenir.

En effet, jusqu'à aujourd'hui, un seul modèle fait surface dans la société québécoise. Celui où tout est centralisé par l'État. C'est l'État qui intervient à tous les niveaux de la société par ses propres institutions, par les personnes qui occupent ces mêmes institutions. Ce modèle a pris naissance vers les débuts des années soixante où une série de mesures a été prise pour faire en sorte que l'État ait le contrôle sur une foule d'institutions. Que l'on pense à nos écoles, au milieu hospitalier, etc. C'était, cependant, nécessaire à cette époque parce que beaucoup des secteurs étaient déficitaires et l'intervention étatique permettait un développement plus rapide, plus ordonné. Le fait est que maintenant cette structure entrave le fonctionnement de la société et ce à plusieurs niveaux.

Tout est en relation avec l'État centralisateur. Il n'y a plus de place pour les projets de la communauté. Le développement de moyens incitatifs pouvant permettre aux individus de s'impliquer plus activement dans leur communauté, dans leur entreprise, dans leur milieu de vie devrait se faire dès aujourd'hui. En somme, le modèle de société politique centralisateur domine totalement, son émergence étant nécessaire. Mais aujourd'hui, il faudrait travailler à ce qu'un autre modèle voit le jour. Un modèle de décentralisation caractérisé par la présence de nombreux groupes à divers niveaux de la société. Ce nouveau modèle permettrait, à mesure qu'il verrait le jour, d'avoir un certain effet sur le taux de chômage.

La communauté prendrait en main une foule de secteurs qui, actuellement, stagnent pour en faire des secteurs plus productifs et plus incitatifs à la participation collective. À un autre niveau, on pourrait accentuer les programmes de formation pour les jeunes diplômés et ce en termes d'expérience. Ainsi, on casserait le cercle vicieux qui existe entre la fin des études et le premier emploi. Les programmes de travail pourraient être communautaires dans ce sens et ce seraient des groupes qui décideraient du genre de programmes, de la façon dont ils se poursuivront. Il faudrait, cependant, à ce niveau voir à respecter les intérêts des jeunes pour qu'ils ne se sentent pas lésés ou obligés à participer à de tels programmes. La décentralisation permettrait l'émergence de tels programmes sans qu'ils soient vus comme un carcan après de longues années, mais plutôt comme un port vers une formation encore plus complète.

Ces programmes ne devraient pas provenir de l'appareil gouvernemental, mais plutôt de la collectivité car les jeunes se verraient contraints à participer à des programmes dont ils ne voudraient pas même si ces programmes provenaient de l'État. En terminant, si cela émerge la communauté ce sera déjà un pas vers la décentralisation. L'État ne sera pas l'initiateur comme il est habituellement. De plus, il y aura plus de chances que les programmes collent mieux à la réalité des jeunes et ce par rapport à leur volonté qui provient de leur vécu. La volonté

qu'ont les jeunes de changement devra donc être reflétée dans le gouvernement. C'est ainsi que l'on pourra parler de l'avenir du Québec, car, sans eux, il n'y a pas beaucoup d'avenir pour un pays. Ils sont la société d'aujourd'hui et celle de demain. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

Des voix: Bravo!

M. Réjean Ooyon

M. Doyon: M. le Président, si le discours inaugural de mardi dernier a été remarquable pour une chose, ce fut pour son absence totale d'annonces nouvelles de nature à permettre à la population du Québec de reprendre espoir croyant que, finalement, le gouvernement péquiste avait compris qu'il était urgent de proposer des solutions concrètes et véritables aux problèmes sans nombre qui assaillent toutes les couches de notre société. Inutile de répéter ici l'immense déception qui s'est manifestée chez toutes les catégories de personnes qui avaient fondé quelque espoir sur un discours inaugural qui, selon les promesses péquistes, devait ouvrir la porte à un éventail de propositions généreuses et bien ajustées aux besoins de la situation critique que connaît le Québec d'aujourd'hui. (17 h 50)

Comme toujours, la déception de tous a été à la hauteur des attentes péquistes, des attentes provoquées par toute cette propagande bien connue: Rien pour les jeunes, rien pour les chômeurs, rien pour les chefs de famille en quête de travail, rien pour les aînés, mais, par contre, plein de mots, plein de paroles, plein de promesses, comme toujours. D'un paragraphe à l'autre, d'une page à l'autre, vide de sens et vide de réalisme, pendant presque deux heures, le premier ministre nous a imposé l'interminable lecture, à cette Assemblée nationale de même qu'au reste de la population, d'un discours qui n'avait finalement ni rime ni raison. Une analyse extrêmement rigoureuse du vide qui a caractérisé le discours inaugural a amené la plupart des commentateurs et analystes politiques à des jugements extrêmement sévères sur ce discours inaugural.

Point n'est besoin ici, M. le Président, de les reprendre. Si l'unanimité s'est faite sur un point, c'est bien sur le suivant: le premier ministre Lévesque s'est livré à un exercice du plus pur électoralisme. Il l'a fait en abusant encore une fois de la bonne foi de la population, sans égard aux engagements préalables qu'il avait pris, en répétant ad nauseam une série de vagues inepties qui caractérisent l'usure irréversible qui est celle du Parti québécois et de son chef. Le premier ministre est au désarroi. Il ne sait plus où donner de la tête et, en chef d'armée dépassé, il donne des indications contraires à ses troupes, dirige leur tir à tous azimuts et bat en retraite d'une façon désordonnée et précipitée.

Quelle meilleure façon de faire voir ce qui lui arrive que cette tentative ignoble de duper la population, de la tromper et de l'amener à croire dans l'espace d'une élection, seulement d'une élection, s'il vous plaît, seulement dans l'espace d'une élection, à un virage, un virage pro fédéraliste, un virage pour le Canada comme un pays dans lequel nous pouvons vivre en défendant les intérêts valables, les intérêts légitimes avant tout du Québec? Lorsqu'on parle de demi-tour du premier ministre, M. le Président, et que l'on voit la façon dont le premier ministre s'exécute en ce qui concerne le fédéralisme canadien, je crois qu'on devrait à plus juste titre parler de pirouette pure et simple, de pirouette sans filet, disgracieuse, de pirouette à la suite de laquelle le premier ministre va atterrir sur la figure et qui va démontrer à la population que, finalement, ces prétendus ajustements au réalisme politique étaient tout simplement de l'électoralisme, de l'opportunisme pur et simple. Jamais la population n'aura été témoin d'une pirouette qui aura été, comme je le disais, aussi disgracieuse que celle que vient d'effectuer le premier ministre.

On prend prétexte de l'élection sur la scène fédérale d'un gouvernement conservateur pour jouer la comédie d'un ajustement tardif et sans conviction à la réalité politique pancanadienne. Cette manoeuvre n'a aucune crédibilité et sent l'opportunisme à plein nez.

Nous pourrions, M. le Président, épiloguer longuement sur les louvoiements du PQ, sur son option fondamentale. Quand on parle d'option fondamentale, il faut bien réaliser, M. le Président, que le Parti québécois est un parti idéologique, c'est-à-dire un parti fondé sur une idée, fondé sur une proposition centrale, fondé sur une option fondamentale, fondé sur une prémisse qui est celle de la souveraineté du Québec, d'un Québec indépendant du reste du Canada. C'est ce qui tient ensemble le Parti québécois. Sans ce mortier, le Parti québécois n'est tout simplement qu'un éclatement de tendances diverses et contradictoires. Ce mortier est actuellement en train de s'effriter. Le PQ pense que la population sera suffisamment naïve pour ne pas s'apercevoir de cet effritement. Les pirouettes effectuées par le gouvernement péquiste sont tout simplement des tentatives de garder un équilibre au bord de la falaise. Ce que le premier ministre tente de faire prendre pour des demi-tours et des virages est tout simplement le ballottement de bras

au-dessus du vide. Ce vide qui attend le PQ à la prochaine élection c'est le vide de sa pensée politique, c'est le vide de l'absence de ses convictions, c'est le vide qui concerne les durs et les purs qui n'ont pas le courage aujourd'hui de se lever à l'Assemblée nationale, de dire ce qu'ils pensent de cette absence totale de courage politique.

M. le Président, s'il y a une chose qu'on respecte en politique et dont la population a besoin, c'est bien le courage de ses convictions. Quel exemple nos dirigeants péquistes actuels donnent-ils à la population? J'entendais tout à l'heure un député se gargariser de mots et parler avec des trémolos dans la voix de l'avenir des jeunes.

Si le premier exemple qui vient de nos dirigeants politiques n'est pas celui du courage de ses convictions et de la détermination farouche de ne pas tromper la population et de montrer ses vraies couleurs, le reste n'est que des mots. Et c'est ce que le Parti québécois est en train de nous servir pour la dixième fois, des mots, des paroles, des promesses et de l'hypocrisie à pleine poche, plus qu'on n'en demande. Mais nous sommes habitués. Le fardage ne tient plus. Le mascara coule et les rides apparaissent. Ces rides sont des rides de décrépitude, des rides de fin de régime, des rides qui ne mentent pas et que la population saura déceler derrière le maquillage, parce que le maquillage, le soir, il faut l'ôter en mettant son pyjama et, le lendemain matin, on est obligé de se raser sans maquillage. Le mépris n'aura qu'un temps. La farce a assez duré. La population du Québec n'accepte pas que les soi-disant durs, que les soi-disant purs se taisent plus longtemps. Si on a des purs et des durs dans le Parti québécois, les autres sont-ils des mous et des malléables? Par voie de conséquence, c'est ce qu'on doit conclure, une bande de mous, une bande de sans épine dorsale, une bande de vendus, une bande de gens qui sont prêts à vendre leurs convictions, ce pourquoi ils ont soi-disant travaillé depuis 1968, un rêve qu'ils ont caressé et qui, soi-disant, est à la porte de la réalisation.

Ce rêve, ils sont prêts à le trahir pour un plat de lentilles électoralistes immédiates. Le premier ministre, quand je l'entends se trouver des portes de sortie de tous les bords et de tous les côtés, savez-vous à quoi il me fait penser? Il me fait penser à une taupe. Une taupe a toujours un trou supplémentaire pour sortir au cas où on met le pied sur l'un et qu'on arrête sur l'autre. Il y a une taupe dans le Parti québécois et ceux qui suivent cette taupe, tôt ou tard, vont réussir à boucher les trous. On va mettre le boyau d'arrosage dedans et vous allez être noyés. C'est ce qui vous attend. Ce n'est pas nous qui allons le faire; c'est la population parce que la population en a soupe de cette hypocrisie à répétition. Il n'est pas vrai que comme en 1976, on pourra dire à la population: Nous voulons être purement et simplement un bon gouvernement. Je vous vois, M. le Président, vous impatienter. J'ai quelques minutes pour terminer et je...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je ne m'impatiente pas. Je constate qu'il est 18 heures et je vais suspendre jusqu'à 20 heures.

M. Doyon: Je vais demander la suspension, M. le Président, et je ferai le reste de mon allocution tout à l'heure. J'invite les députés ministériels qui sont très peu nombreux en Chambre à venir écouter ce que j'ai à dire.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, il y a suspension jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise de la séance à 19 h 59)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons donc le débat sur le discours inaugural. À la suspension de nos travaux à 18 heures, la parole était au député de Louis-Hébert. M. le député de Louis-Hébert, il vous reste encore onze minutes sur le temps qui vous est alloué.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Il est évident que dans les onze minutes qu'il me reste, il est impossible de démasquer la supercherie dont nous sommes témoins actuellement. Le PQ est en train de faire une tentative in extremis de tromper la population en faisant croire à celle-ci à une conversion subite, sans conviction, au fédéralisme canadien. Comment peut-on croire que le parti, qui a fait ses belles et ses mauvaises années à dénoncer le gouvernement fédéral en disant qu'il avait tous les torts, tous les défauts, du jour au lendemain, ce gouvernement soit devenu un gouvernement avec lequel le PQ s'en va main dans la main, bras dessus, bras dessous, prêt à coucher dans le même lit? Cela s'appelle de l'opportunisme politique. Le prix à payer pour cela est une perte totale de crédibilité. C'est finalement le prix le plus élevé, le plus important qu'un parti politique peut payer.

Dans ma famille, j'ai été élevé en me faisant dire par mes parents que ce qu'un individu avait de plus précieux, c'était sa réputation. Quand on n'a plus sa réputation, comme homme ou comme femme, on ne vaut plus grand-chose. Quand, comme parti politique, on n'a plus de crédibilité, on ne vaut plus rien. C'est ce que le PQ est en

train de sacrifier sur l'autel de l'opportunisme tout simplement pour s'accrocher au pouvoir. Le PQ ne trompe personne. Il cherche à faire croire que, de cette façon, il peut rendre les services auxquels la population du Québec est en droit d'attendre. Il n'en est rien. Comment peut-on croire que ce parti, du jour au lendemain, se serait converti aux vertus du fédéralisme?

Finalement, ce que le Parti québécois fait, c'est qu'il se trompe lui-même. Malheur à celui qui se trompe lui-même en croyant tromper les autres. Il n'y a rien de plus grave parce que son erreur est permanente. Jamais il ne pourra réaliser sa propre erreur parce qu'elle vient de l'intérieur. C'est finalement le péché capital pour lequel, pour un parti politique, il n'y a pas de rémission. C'est ce que le Parti québécois est en train de commettre. Il est en train de trahir ses propres troupes. Il est en train de faire cela en voulant duper la population, en prétendant défendre ainsi les intérêts véritables et profonds du Québec. Comment peut-on croire que ce parti puisse le faire? Tout ce que le Parti québécois va réussir à faire, finalement, ce seront des ententes, le nez collé sur la vitre, sans aucune perspective, sans aucune vision d'avenir, tout simplement parce qu'il a décidé que le jour était venu de jouer la comédie du "bon ententisme" avec le fédéral. Le prix va être immense et il va être défrayé par la population du Québec.

Le Parti québécois ne peut pas - et c'est facile à comprendre - se payer le luxe d'être en désaccord avec le parti au pouvoir au palier fédéral tout simplement parce que les ministres, suivant en cela l'exemple du premier ministre, sont tombés en amour soi-disant subit avec le Parti conservateur, avec le gouvernement fédéral. À cause de cela, le PQ n'est plus en position de défendre les intérêts du Québec. Tout ce qu'il peut faire actuellement, c'est dire un oui niaiseux, un oui sans conviction, un oui immédiat aux demandes fédérales. Il n'est plus digne de défendre les intérêts du Québec, parce qu'il s'est mis dans une position où il ne peut plus le faire.

Pourtant, le premier ministre qui est un joueur de poker, un joueur de "bluff", devrait savoir que le joueur de poker qui découvre son jeu est un joueur battu, un joueur qui ne connaît pas les règles du jeu. C'est tout comme si, à la table des négociations collectives, l'une des parties, soit patronale, soit syndicale, déclarait à l'avance qu'elle veut s'entendre immédiatement, sans délai, à quelque condition que ce soit, avec la partie adverse. Est-ce que les intérêts de cette partie seraient défendus? Aucunement! Ce serait absolument ridicule!

Les professions de foi répétées des ministres péquistes, le premier ministre en tête, sont de cette nature et nous allons payer longtemps, au Québec, pour cette démission du Parti québécois. Les pirouettes que le Parti québécois est en train d'effectuer vont nous coûter cher, parce qu'on ne peut pas procéder dans un domaine aussi sensible et aussi important que celui des négociations fédérales-provinciales, où les enjeux sont immenses, en disant à l'avance que nous allons tout régler avec le fédéral, quel qu'en soit le prix.

Notre position, du côté du Parti libéral, a toujours été claire. Nous allons défendre avant tout et en premier les intérêts du Québec parce que nous représentons la population du Québec par laquelle nous sommes élus pour siéger à l'Assemblée nationale.

À l'intérieur de nos juridictions, nous allons défendre d'arrache-pied et faire valoir, sans aucune démission, sans aucune retraite, les intérêts supérieurs qui sont ceux du Québec. Nous n'allons pas d'avance, pour des intérêts purement électoralistes immédiats, au risque de perdre la crédibilité qui est celle du Parti libéral, agir comme le fait le Parti québécois et, de cette façon, tenter de duper la population en étant malhonnête, hypocrite et en faisant accroire à la population que le parti d'en face qui est un parti dont l'article 1 du programme dit: Moi, péquiste, je crois à la souveraineté du Québec... Qu'on nie cette évidence si ce n'est pas dans le Je crois en Dieu péquiste, l'article de foi premier.

Qu'est-ce qui se passe actuellement? C'est l'apostasie générale par les gens d'en face. On sait que les apostats sont finalement les êtres les plus méprisables parce qu'ils se nourrissent du mensonge et de l'hypocrisie. C'est regrettable mais j'espère que la population va se rendre compte de cela, j'en suis même assuré, et que le prix à payer dès la prochaine élection sera très lourd à payer, aussitôt que le premier ministre aura le courage d'en appeler une.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole ce soir à l'occasion de la réponse au message inaugural du premier ministre. Je voudrais me contenter d'aborder quelques questions qui y sont évoquées en m'attardant principalement sur celle de la création d'emplois pour les jeunes et celle concernant le régime de négociations dans les secteurs public et parapublic.

Avant d'aller plus loin, je voudrais faire un bref commentaire sur la forme du

message inaugural et les habitudes parlementaires que l'on connaît à ce sujet. Disons tout d'abord que dans le régime parlementaire de type britannique, l'Opposition doit s'opposer et s'il n'y a pas d'objet d'opposition elle doit s'opposer quand même. Si elle ne trouve rien à redire sur le fond, elle trouvera toujours moyen de critiquer la forme. Ainsi, si le discours inaugural fait valoir de grandes orientations et fait ressortir les grands principes qui guideront les actions du gouvernement lors de la session, ce qui, à mon point de vue, doit être le lot d'un message inaugural, l'Opposition dira que le discours a le défaut d'être vague. Si, par contre, le discours donne des précisions quant aux moyens qu'entend prendre le gouvernement, l'Opposition dira qu'il s'agit d'un catalogue.

Dans ce régime parlementaire de type britannique, il faut en prendre son parti, M. le Président, il n'est pas possible de contenter l'Opposition lors du discours inaugural. Il ne faut donc pas s'étonner de voir apparaître à la fin du discours du chef de l'Opposition en réponse au discours inaugural cette fameuse motion traditionnelle. C'est une forme de rituel. On s'est habitué à cela, mais cela n'a pas beaucoup plus de signification que cela, en tout cas pour moi.

Venons-en à la question de la jeunesse et à la question de l'emploi. La question de l'emploi pour les jeunes a été un temps fort du message inaugural. Le contraire aurait surpris tout le monde, y compris l'Opposition. D'ailleurs, elle ne trouve pas grand-chose à redire sur cette question, ce qui me fait croire qu'effectivement on a touché juste. Pour ma part, cela répond aux attentes des jeunes de ma circonscription; je peux l'avancer avec assurance. À peine deux semaines avant le message inaugural, j'ai mené dans ma circonscription électorale de Châteauguay une action de sensibilisation aux différents programmes d'aide à la création d'emplois pour les jeunes, d'abord auprès des gens d'affaire? par l'envoi d'informations systématiques et, ensuite, par le biais d'une rencontre à laquelle j'avais convié les jeunes et ces gens d'affaires à venir exprimer leur attente quant au contenu d'une nouvelle forme d'aide à la jeunesse ou à l'amélioration de l'aide identifiée jusqu'à maintenant.

La démarche auprès des gens d'affaires s'est traduite par une demande d'information accrue de leur part à mon bureau et au bureau de Travail-Québec, ce qui m'apparaît synonyme d'intérêt évident. Quant aux jeunes présents à la rencontre que j'évoquais, il m'est apparu qu'ils étaient intéressés à connaître le contenu des différents programmes d'aide tout autant qu'ils souhaitaient exprimer leur point de vue sur la capacité de ces programmes de leur assurer une situation meilleure en permanence.

(20 h 10)

Quand j'ai fait cette invitation à ces jeunes à venir m'alimenter sur le contenu possible d'une nouvelle forme d'aide, j'étais conscient que c'était un exercice difficile à faire. Si des idées nouvelles n'ont pas fusé par dizaines, il ressort des interventions de ces jeunes à cette rencontre une constante. Les jeunes veulent qu'on leur donne également les moyens de s'assurer une amélioration de leur sort en permanence. Au fond, il m'a semblé qu'aucun d'eux ne demande qu'on leur promette un jardin de roses. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on les ramène au niveau de chance qui était la leur avant la crise tout en continuant, bien sûr, à chercher les meilleurs moyens de briser le cercle vicieux du "pas d'expérience pas d'emploi", "pas d'emploi pas d'expérience", ce que notre gouvernement, en fait, avait commencé à faire avec un succès appréciable avant la crise. Ces jeunes que j'ai rencontrés m'ont dit leur appréciation des programmes existants principalement de ceux qui répondent aux aspirations des jeunes bénéficiaires de l'aide sociale. Ils m'ont fait part de leur perception quant aux limites qu'ils y voient, non seulement pour leur avenir personnel, mais aussi pour l'avenir des programmes d'aide actuels. Je pense entre autres à la difficulté des jeunes engagés dans des projets Jeunes volontaires, difficultés dues à une trop grande rotation des jeunes, c'est dans la nature des choses, rotation, cependant, qui n'est pas sans créer un impact sur le financement du projet compte tenu de la nature même du financement de ces projets dits de Jeunes volontaires.

J'ai fait part de tout cela à la ministre concernée parce que j'en avais pris l'engagement auprès des jeunes de mon comté, mais aussi parce que je sais que ce sera utile au cheminement du gouvernement quant aux programmes à venir ou à leur amélioration. Ce qui m'a étonné, particulièrement, lors de cette rencontre, c'est la capacité de ces jeunes de comprendre le sens profond de la phase par laquelle nous passons présentement quant aux programmes d'aide aux jeunes qui bénéficient de l'aide sociale. Aussi, acceptent-ils à prime abord qu'un supplément de revenu doive découler d'une activité de travail et, deuxièmement, qu'une amélioration de scolarité vaut mieux qu'une attente béate qui, de toute façon, comporte peu de garanties d'amélioration pour le jeune quant à son avenir.

J'ai aimé l'esprit avec lequel ils discutaient de ces questions. Au fond, ils n'étaient pas pessimistes, ces jeunes, et je pense même qu'ils sont capables, dans les circonstances, de beaucoup d'idéal. Personnellement, je pense qu'il y a lieu

d'être optimiste quant à leur avenir, comme le disait le premier ministre, l'amélioration de l'économie a chez cette couche de la population un bien meilleur effet que sur n'importe quelle autre portion de notre société. Ainsi, par exemple, de l'été 1982 à l'été dernier, le pourcentage du chômage est passé chez ces jeunes de 27% à 19%. La sensibilisation aux effets de la crise a davantage joué pour eux. Les appels téléphoniques que je reçois et les personnes qui me demandent une rencontre à mon bureau en témoignent régulièrement, d'ailleurs.

Nos programmes d'aide ont rejoint, jusqu'à maintenant, quelque 20 000 jeunes et donnent des résultats plus que satisfaisants. Voyons un peu, par exemple, pour chacun des programmes, comment cela en retourne. Du côté des programmes de réinsertion sociale du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu où on a engagé jusqu'à 150 000 000 $ d'ici à juillet 1986, il y a le programme rattrapage scolaire où on connaît 8000 inscriptions. En fait, ces inscriptions dépassent largement ce qu'on s'était fixé comme objectif pour 1984. Quant au programme de stage en milieu de travail, c'est plus de 3284 contrats signés avec les entreprises. C'est plus de 2197 stagiaires qui ont commencé à toucher leur chèque. Il y a environ 7300 entreprises qui ont adressé une demande pour organiser des stages. On pense même que l'on atteindra rapidement un rythme de 2000 nouveaux stagiaires par mois. C'est fort encourageant, M. le Président.

Quant au programme d'aide aux travaux communautaires, c'est un programme plus lent à démarrer. On en est conscients. Il donne quand même des résultats. Plus de 1373 jeunes ont cependant trouvé un emploi temporaire grâce à ce programme.

Pour ce qui est du programme Jeunes volontaires, c'est un programme qui est en marche depuis décembre 1983. Il y a environ 4000 jeunes inscrits et 600 projets.

Le dernier programme que je veux évoquer, c'est celui des bourses d'affaires du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. En fait, depuis le début de ce programme, jusqu'en octobre 1984 - je n'ai malheureusement pas de chiffres plus récents - il y a eu 22 candidats acceptés sur 84 inscrits et 16 projets acceptés sur 55 inscrits. Je dois dire que nous devons être très sévères parce que là non plus il ne s'agit pas de promettre un jardin de roses aux jeunes, il s'agit de les placer en situation de vivre les mêmes exigences que le monde des affaires régulièrement. Le budget global alloué à ce programme est de 1 785 000 $, pour 1984-1985; de 5 305 000 $, pour 1985-1986 et de 12 734 000 $, pour 1986-1987, pour un total, sur trois ans, de 19 824 000 $.

M. le Président, c'est fort encourageant, mais il ne faut pas s'asseoir sur nos lauriers, bien sûr. Je suis d'accord que nos efforts doivent s'articuler autour des trois objectifs que le premier ministre a identifiés dans son discours inaugural. Il parlait, premièrement, de préparer les jeunes à l'emploi en augmentant au maximum ce qu'on pourrait appeler leur "employabilité". Deuxièmement, il parlait de créer de nouveaux emplois qui soient, dans toute la mesure du possible, des emplois permanents et, troisièmement, d'aider au partage de l'emploi existant de façon à faire une place plus importante aux jeunes au sein de la main-d'oeuvre active québécoise.

Je pense qu'il faut maintenant mettre un fort accent sur ce dernier objectif. Il y a un défi important pour le gouvernement, particulièrement intéressant à relever, concernant la notion de partage de l'emploi au profit des jeunes. Beaucoup de réflexions ont été faites chez les travailleurs québécois à ce sujet ces derniers mois et ces dernières années, M. le Président. Beaucoup plus de gens qu'on ne le croit sont maintenant prêts à s'offrir à l'atteinte de cet objectif. Beaucoup de couples au travail, particulièrement, ont fait ce cheminement, mais les règles et les encadrements de travail constituent présentement une entrave à la recherche d'une solution de ce côté. Je suis particulièrement heureux que le gouvernement soit déterminé à faciliter les choses aux jeunes par ce biais.

En second lieu, M. le Président, je voudrais aborder brièvement une question qui, dans le message inaugural, n'a pas exigé de très nombreuses lignes, mais qui, par le ton que le premier ministre lui a donné, est apparue comme très importante en termes d'intentions gouvernementales. Il s'agit du régime de négociation dans le secteur public. On comprendra que cela me préoccupe, M. le Président, tenant compte de mes quinze années dans notre système d'éducation à titre d'enseignant bibliothécaire, parallèle d'un engagement syndical de huit ans comme délégué syndical et cinq ans dans un exécutif syndical dont quatre ans à la vice-présidence, ce qui me destinait comme candidat éventuel à la présidence si je n'avais pas choisi de revenir en politique comme candidat à la convention. Ces années de syndicalisme n'ont pas été sans m'amener à me poser des questions d'abord sur le type de syndicalisme qui se pratique dans le secteur public, ensuite sur le résultat auquel il mène en termes de relations du travail de même que finalement sur les conséquences pratiques qui en découlent en termes de service aux clientèles.

J'ai vu de près le genre de dynamique qui existait en temps de négociation de convention collective où, à la longue, une convention collective imposée s'est mise à valoir mieux qu'un arrangement consenti. J'ai

vu de près le climat qui régnait dans les milieux de travail après les affrontements qui furent de plus en plus considérés comme inévitables, quasi normaux, M. le Président. J'ai vu de près aussi la dernière négociation, cette fois sous un autre angle, celui d'un député. Cela m'a donné le goût de trouver une solution permanente à ce type de problèmes, je ne m'en cache pas.

M. le Président, sur cette question, le premier ministre disait dans le discours inaugural: "D'ici à la fin de l'année, le gouvernement établira le bilan de cet effort de renouveau - il parlait déjà des discussions entamées avec les syndicats à ce sujet - et de responsabilisation mutuelle dans l'espérance de pouvoir conclure un accord cadre sur le sujet ou, si par malheur on n'y arrivait pas, de proposer à l'Assemblée nationale les amendements nécessaires à l'atteinte de l'objectif que nous nous sommes fixé de sortir des ornières de l'affrontement systématique." Ce sont les propos que tenait M. le premier ministre dans son discours inaugural.

Ce serait évidemment à regret, M. le Président, que cela devrait se faire en tout dernier ressort si on devait adopter une loi qui n'est pas nécessairement assumée par le monde syndical.

Une contrainte, M. le Président, si petite soit-elle, dont la nécessité est bien sentie vaut cent fois mieux qu'une contrainte dont les modalités sont imposées. En fait, il vaut toujours mieux consentir à un modus Vivendi que de devoir en vivre les modalités malgré soi. Toute la différence réside dans la compréhension de leur nécessité. Cette compréhension, M. le Président, est à toutes fins utiles impossible dans la contrainte.

En tout cas, mon expérience syndicale me fait penser que c'est extrêmement difficile et susceptible de laisser des traces amères. Dans ce sens, j'apprécie beaucoup l'approche du président du Conseil du trésor à l'égard d'une éventuelle réouverture des conventions collectives nationales, approche qu'il résumait récemment ainsi dans une lettre aux présidents des centrales syndicales: "II n'est de l'intérêt de personne que le Québec revive les déchirements sociaux et politiques qu'ont trop souvent occasionnés les rondes de négociations dans le secteur public. Le gouvernement n'entend donc pas mener par conséquent de nouvelles négociations dans la forme traditionnelle." (20 h 20)

Je suis tout à fait d'accord avec cela, M. le Président. Il est bien évident qu'une réouverture des conventions collectives sur une base semblable à celle que préconise le ministre Clair serait un signe d'une détermination de toutes ces parties à sortir des ornières de l'affrontement qui ont tellement caractérisé le résultat des négociations et le climat qui a régné par la suite dans les milieux de travail, cela depuis une couple de lustres. Si c'est dans ces conditions que nous allons vers une législation fondamentale dans le domaine des relations du travail dans les secteurs public et parapublic, je ne crains pas que le premier ministre en ait fait un objet important de son message inaugural et qu'il l'ait fait dans la forme que l'on connaît.

En terminant, M. le Président, je voudrais aborder brièvement la question de la souveraineté et répondre quelque peu aux invitations faites par nos amis d'en face cet après-midi sur cette question. À moins qu'ils ne deviennent des lanceurs de couteau dans le dos du développement économique du Québec, ce ne sont pas aux hommes et aux femmes qui siègent à Ottawa à qui il faut s'en prendre. C'est au système, à ce système qui confine le Québec à un statut de minoritaire avec tout ce que cela comporte de conséquences, à ce système qui, par la force du nombre, utilise notre argent pour développer les autres, particulièrement l'Ontario, et qui nous endette tous individuellement sans notre consentement explicite, à ce système qui nous oblige à nous plier à des règles dont on sait intuitivement d'abord et rationnellement ensuite qu'il étouffe notre propre initiative et nous condamne à nous contenter d'un petit pain sur le plan économique, alors que notre potentiel nous promet à des sommets, et j'en passe.

Avec une telle perception des choses, on comprendra que l'incitation sans voile du chef de l'Opposition de nous départir de façon définitive de notre projet d'un Québec souverain m'apparaît une farce monumentale. Face à l'expérience historique - pour ne pas dire l'expertise historique - des Québécois face à ce système dans lequel les Québécois se perçoivent, à mon avis, comme empruntant une démarche périlleuse, la demande du chef de l'Opposition équivaut, à toutes fins utiles, à nous demander de jeter à la mer ce qui, dans ce système, constitue notre meilleure ceinture de sauvetage. Bien imprudents serions-nous si nous allions poser un geste pareil. Même si les Québécois nous disaient leur incapacité pour le moment d'adhérer à notre projet collectif de patrie et de pays bien à eux, ils savent bien quelle grave erreur ce serait de nous départir d'un instrument dont, au minimum, la seule présence dans le décor canadien peut assurer aux Québécois le minimum d'attention à laquelle l'équité leur donne droit. Tenir compte du rythme d'évolution des Québécois, oui, je le veux bien. Tenir compte du goût des Québécois de donner à ce système étouffant une autre chance, je le veux bien, mais renoncer à faire vivre dans le coeur des Québécois un espoir légitime qui s'avérera un jour sûrement - pas trop tard, je l'espère - la seule solution pour une

collectivité qui se retrouve dans notre condition, non, jamaisl

Pour terminer, M. le Président, satisfait du contenu du discours inaugural du premier ministre, je vous dis immédiatement que je voterai donc contre la motion qui a été présentée par l'Opposition à l'occasion de ce discours inaugural. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, dans son discours inaugural, le premier ministre parle de rétablir un nouveau climat dans les relations fédérales-provinciales et de collaborer avec Ottawa. Le premier ministre essaierait de nous faire croire qu'il veut être conciliant envers Ottawa. Il veut donner l'impression de renouveler sa foi dans le fédéralisme. Selon une expression anglaise, il veut donner l'impression qu'il est un "born again federalist".

Si nous examinons les déclarations du premier ministre, cela va permettre à la population de juger non seulement de la sincérité du premier ministre mais aussi des objectifs qu'il s'est donnés dans son discours inaugural. Quand on entend certains députés de l'Opposition parler de la souveraineté, confirmer que leur objectif de la souveraineté...

Une voix: Les députés de l'Opposition?

M. Ciaccia: Les députés de l'Opposition éventuelle. Les députés du gouvernement actuel mais de l'Opposition éventuelle. Vous avez raison de me corriger. C'est un jeu qu'on essaie de faire. Le premier ministre veut donner l'impression d'être conciliant et il laisse à quelques-uns de ses "back benchers", qui veulent le faire, l'obligation, le devoir de parler un peu et d'essayer d'apaiser les militants péquistes.

Sans entrer dans toutes les contradictions des différents ministres, je voudrais seulement examiner les déclarations assez récentes du premier ministre. Premièrement, au niveau international, nous avons entendu aujourd'hui les déclarations qu'il a faites au Japon. Mais devant les représentants du corps consulaire au Québec, au mois de février par exemple, le premier ministre leur a dit que "tous les membres de son parti sont inébranlablement d'accord sur l'objectif de la souveraineté politique". Il n'est donc pas question de renouveler le fédéralisme dans cette situation.

Devant l'American Newspaper Publishers Association, aussi récemment qu'au mois de mai dernier, le premier ministre a déclaré que "le Canada et le Québec seraient plus forts si le peuple québécois accédait à l'indépendance". Le premier ministre a tenu ces propos devant 2500 propriétaires, éditeurs et rédacteurs en chef de journaux américains réunis en congrès à Montréal. Souvenons-nous que ce sont ces gens qui vont répandre l'image du Québec à l'étranger. Ce sont ces gens qui vont donner l'information sur le Québec et sur le climat qui y existe aux investisseurs éventuels qui doivent venir chez nous. Que le premier ministre ou le gouvernement ne vienne pas nous dire que Pechiney est venue investir au Québec. Je ne parle pas des investissements que le gouvernement attire au prix de centaines de millions de dollars venant de sa propre poche. Je parle des investisseurs privés qui doivent venir ici sans la participation du gouvernement, les investisseurs qui sont vraiment la force motrice de notre entreprise privée. Ce sont les propos que le premier ministre a tenus devant eux.

Dans une entrevue qu'il accordait au journaliste, M. Michel David, du Soleil, il était clair. Le premier ministre a dit qu'il fallait choisir le Québec ou le Canada. Selon l'article du journal Le Soleil, le 17 mars, "M. Lévesque ne croit plus à un réaménagement du fédéralisme canadien ou à un nouveau partage des pouvoirs qui pourrait satisfaire les besoins du Québec. Quelqu'un qui n'est pas capable d'accepter cette perspective souverainiste pour le Québec, de la penser convenablement bonne, souhaitable, un peu, beaucoup ou passionnément, devrait voter ailleur, c'est sûr, c'est évident."

Le premier ministre est allé encore plus loin aussi récemment qu'en mai. Au mois de mai, il a dit que le Québec pouvait être indépendant sans même s'associer avec le reste du Canada. On ne parle plus, comme en 1980, de la souveraineté-association; on va encore plus loin: on peut devenir politiquement indépendant sans s'associer avec le reste du Canada. On dit que cette optique doit prévaloir, quel que soit le gouvernement d'Ottawa, qu'il soit rouge ou bleu. Cela a été dit pendant que M. Mulroney était chef du Parti conservateur, dans l'Opposition. Au mois de juin, le premier ministre a annoncé à ses congressistes du Parti québécois - et je le cite - "II faut sortir d'un régime désuet, ruineux et dont l'incurie économique et administrative en fait la risée du monde industriel." Nous voyons, par toutes les déclarations du premier ministre, qu'il n'est pas question d'abandonner le séparatisme, la souveraineté du Québec, contrairement à ce qu'il a laissé entendre dans son discours inaugural. (20 h 30)

Au mois de septembre - et c'est très intéressant de voir l'approche, les déclarations, les affirmations du premier ministre dans lesquelles il a dévoilé les vrais objectifs de son discours inaugural - presque

à la veille du discours inaugural, le premier ministre, M. Lévesque, a invité les militants et les élus du Parti québécois à faire preuve de plus de discrétion dans leurs discussions au sujet du prochain thème électoral qui doit porter sur la souveraineté. Il ne cache pas que la souveraineté est encore l'objectif et le thème électoral, mais il dit qu'il faut faire preuve de plus de discrétion. Autrement dit, il ne faut pas parler honnêtement à la population; il ne faut pas lui dire exactement ce qu'on veut faire. C'est le premier ministre qui parle: "Nous avons commencé à remonter la côte dans les sondages..." On commence à parler des sondages et de ce que la population veut; on ne parle pas de nos principes, des principes du premier ministre; on ne parle pas de nos croyances; on ne parle pas de dire la vérité; on parle des sondages. Je continue en citant le premier ministre: "... mais il y a une condition, c'est que, sur le plan politique, on sache garder nos nerfs et nos facultés verbomotrices." Cela veut dire: Ne parlez pas trop, les gars; faites attention à ce que vous dites; ne dites pas la vérité.

Pourquoi leur a-t-il dit cela? C'est très intéressant d'examiner les raisons pour lesquelles il en est venu à cette conclusion et celles pour lesquelles il nous a livré un discours inaugural comme il l'a fait la semaine dernière. Il a demandé à ses troupes un sursis de trois mois avant de rétablir ce qu'il appelle la posture électorale du parti.

Une voix: La facture?

M. Ciaccia: La posture électorale du parti. Cela va être une facture éventuelle, parce que la population ne sera pas dupe. Mais, à ce moment-là, il parlait de la posture électorale du parti. Il disait: "Je suis sûr que, d'ici à quelques mois, le parti va trouver la réponse et la meilleure stratégie qui fasse avancer la cause." Ce sont les mots clés de l'explication du discours inaugural: il faut faire avancer la cause de la souveraineté. Comment le faire? En ne parlant pas de la souveraineté; en donnant l'impression que nous sommes fédéralistes.

On l'a vu en 1980, on l'a vu en 1981, purement pour des fins de stratégie politique, on met de côté les principes, nos croyances et la vérité pour dire: il faut faire passer la cause. Même s'il faut tromper la population, on va le faire. C'est ça la vraie signification du discours inaugural.

Dans les mots du premier ministre, le discours inaugural est une stratégie. Il faut le répéter, on ne pourra jamais le répéter assez parce que la population doit comprendre et réaliser encore une fois ce que ce gouvernement essaie de faire avec une stratégie pour faire avancer la cause. Ce n'est pas pour être fédéraliste, ce n'est pas pour collaborer avec le gouvernement fédéral mais strictement à des fins électorales et politiques.

Quelles sont les conséquences de ce discours inaugural, de cette stratégie du Parti québécois et du premier ministre? Il y a deux conséquences: premièrement dans les méthodes et deuxièmement dans les conséquences pour la population du Québec, pour l'économie et même dans les relations fédérales-provinciales.

Au niveau des méthodes, la stratégie du premier ministre a été confirmée quand M. Claude Morin, dans une entrevue qu'il a accordée au Devoir et au Soleil, disait ceci: "Le congrès du Parti québécois s'est habillé pour la pluie et il fait beau. Il faut que tu adaptes tes vêtements pour les circonstances sinon le Parti québécois risque de disparaître de la carte électorale. Il doit faire une volte-face et sauver les meubles. La souveraineté demeure au programme. Ce n'est pas parce qu'un travailleur syndiqué n'utilise pas son droit de grève qu'il l'abandonne" conclut le père de l'étapisme. Autrement dit, le PQ doit devenir un loup dans la peau d'un mouton. Il doit donner l'apparence à la population qu'il est un mouton, qu'il est conciliant, qu'il ne veut pas faire de vagues avec le gouvernement fédéral, qu'il ne cherche plus la souveraineté. C'est ça l'habit qu'il faut porter aujourd'hui pour essayer de tromper la population.

Quelles en sont les conséquences? Premièrement, cela crée un climat de méfiance parce que encore une fois on continue les chicanes séparatistes-fédéralistes, séparatistes-indépendantistes, Ottawa-Québec. Cela crée un climat d'instabilité politique. Tous les hommes d'affaires, les organismes qui oeuvrent dans le domaine commercial ont averti le gouvernement de ne pas créer cette instabilité politique parce que cela nuit à l'économie. Cela a un effet sur l'économie parce que le temps que le gouvernement prendra pour tous ces stratèges, les efforts qui devraient être donnés pour ramener l'économie, pour travailler pour le bien-être des Québécois seront remplacés par ce débat stérile dont la population ne veut plus. La population a pris sa décision en 1980 lors du référendum en donnant sa réponse.

Cela nous amène à se poser une question qui me fait réfléchir. Je me demande pourquoi nous sommes en politique. Il y a ceux parmi nous qui ont certaines idées qu'ils voudraient expliquer, faire prévaloir. On voudrait travailler pour le bien-être de nos concitoyens. On veut représenter les gens qui nous ont élus. On voudrait travailler pour une meilleure société québécoise. Il y en a parmi nous qui réalisent qu'il faut de la tolérance chez toutes les différentes communautés culturelles au Québec. Pour ma part, je suis un fédéraliste. Je défends les droits

individuels et je peux dire que c'est vrai que, parfois, c'est très difficile d'expliquer les droits individuels, la perspective des communautés culturelles au Québec, leur orientation qui est un peu différente des autres. Je n'avais peut-être pas toujours raison concernant les positions que j'ai prises, mais j'étais sincère. Je me suis tenu debout pour défendre les droits auxquels je croyais. Jamais, M. le Président, une personne, un politicien, encore moins un premier ministre ne devrait abandonner ses convictions, trahir ses convictions, ses croyances. Il peut évoluer dans le développement de ses idées, mais il ne devrait jamais tourner le dos à ceux qu'il représente. Il ne devrait jamais essayer de tromper la population en lui disant que c'est blanc quand c'est noir, et vice versa, dans le but de promouvoir une certaine conviction, un certain objectif, et donner l'impression à la population qu'il veut vraiment la tromper. Et cela, M. le Président, dans un domaine aussi fondamental que l'avenir du Québec. Si cela doit être fédéraliste ou si cela doit être indépendantiste, on n'a pas le droit de tromper la population. Il faut se tenir debout dans les croyances que nous avons.

De ce côté-ci de la Chambre, même quand ce n'est pas populaire, pensez-vous que pour augmenter notre popularité on va aller dire à nos commettants: Je ne crois plus aux droits individuels, je ne crois plus au fédéralisme? Ce serait plus facile, mais est-ce que je serais plus populaire si je faisais cela? Jamais de la vie on ne pourrait se permettre cela. On a une épine dorsale. On se tient debout. Même si, parfois, ce n'est pas trop populaire et que c'est difficile, on le fait quand même et le moins qu'on devrait attendre d'un premier ministre et d'un parti dont la raison d'être, c'est la séparation, la souveraineté, c'est de faire la même chose et ne pas essayer de jouer à cache-cache et de tromper la population. La qualité la plus précieuse d'un gouvernement, c'est sa crédibilité. Par ses manoeuvres, le premier ministre détruit non seulement la crédibilité de son parti, mais il affecte la crédibilité d'un gouvernement et des institutions publiques. Quelle sorte d'exemple cela donne-t-il aux jeunes? Quelle sorte d'exemple cela donne-t-il à la population? On va miner toute la crédibilité et toute la confiance que la population devrait avoir dans le processus politique, parce que, quand les gens voient des pirouettes comme celle-là de la part du premier ministre, quelle sorte de confiance auront-ils dans les institutions politiques de notre pays? C'est une responsabilité que le premier ministre a sur le dos et il n'assume pas cette responsabilité. Il donne un très mauvais exemple qui mine toutes nos institutions et tout notre système politique. (20 h 40)

M. le Président, en conclusion, il faut que la population reconnaisse que le discours inaugural du premier ministre n'est pas sincère. Il faut reconnaître que c'est une manoeuvre politique, une stratégie politique pour essayer de confondre la population dans un domaine où, vraiment, cette dernière doit savoir toute la vérité. Le premier ministre a le devoir, s'il est souverainiste, de le dire. Qu'il se tienne la tête haute et qu'il le dise: Moi je suis souverainiste et voici mes croyances et je vous présente mon programme. S'il n'est pas souverainiste, si vraiment il a changé ses objectifs et ses convictions, qu'il le dise et qu'il commence par abroger le premier article du programme politique du Parti québécois. La pire chose qu'un premier ministre puisse faire, que tout homme politique, pas seulement un premier ministre, c'est de perdre le respect de la population. C'est important de maintenir le respect.

Je voudrais conclure avec les paroles d'un politicien américain qui a été très honoré aux États-Unis, qui n'a pas toujours réussi dans ses démarches pour se faire élire, mais qui a laissé sa marque dans la politique nord-américaine, Adlai Stevenson. Il a dit durant une campagne électorale où il se présentait à la présidence des États-Unis contre Dwight Eisenhower: Disons la vérité. Mieux vaut perdre une élection que de tromper la population. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: Dans son discours inaugural, M. Lévesque a indiqué que le gouvernement présenterait différents projets de loi touchant le domaine municipal et qu'il les soumettrait à l'étude de cette Assemblée. Je voudrais indiquer à cette Assemblée qu'au cours des mois d'avril, mai et juin, je me suis employé à rencontrer plusieurs maires membres de différentes MRC, municipalités régionales de comté du Québec, à rencontrer le conseil d'administration de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, l'Union des municipalités du Québec, ainsi que l'ensemble de mes collègues ministériels par petits groupes pour connaître, d'après eux, quelles devraient être les priorités du ministère des Affaires municipales pour les deux prochaines années. Je leur posais très simplement la question: "Qu'est-ce que vous feriez, à ma place, si vous étiez ministre des Affaires municipales durant l'année et demie ou les deux années qui viennent?" Les messages que le milieu municipal m'a transmis se résume à cinq idées essentielles.

La première c'est: écoutez-nous. Ce qu'on vous demande, c'est de porter la plus grande attention possible à nos

revendications, à notre vision de l'évolution du monde municipal. Le deuxième message était: faites-nous confiance. Nous aussi nous sommes des élus. Nous avons à rendre des comptes à la population. Nous avons à percevoir des taxes et à les administrer. Faites-nous confiance. Un autre message, un troisième message que le monde municipal m'a transmis était qu'ils souhaitaient que le ministère des Affaires municipales, dans l'avenir, perçoive davantage son rôle comme étant un rôle d'aide et de soutien au monde municipal, qu'un rôle de contrôle du monde municipal. Un quatrième message touchait la consolidation des réformes. Vous savez que le monde municipal a connu de grandes réformes dans les récentes années. Comme les années soixante ont été le moment de la réforme scolaire, les années soixante-dix, le moment des réformes dans le domaine des structures de la santé et du monde social, le début des années quatre-vingt, nous le savons tous pour y avoir participé, a été le moment et le lieu de grandes réformes dans le domaine municipal que ce soit par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, celle réformant la fiscalité municipale, ainsi que celle sur la réforme de la démocratie municipale.

Le message du monde municipal est, à ce titre: laissez-nous digérer ces réformes et consolidez-les plutôt qu'entreprendre de nouvelles réformes, par exemple, une réforme qui pourrait être celle de la décentralisation. Un autre message du monde municipal, celui-là à l'endroit du ministère des Affaires municipales, est de dire: Votre rôle, fondamentalement, est de coordonner l'action des autres ministères par rapport aux municipalités. Le ministère des Transports a des responsabilités face au monde municipal, ainsi que le ministère de l'Environnement, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, l'Office de planification et de développement du Québec, mais, souvent, on a l'impression qu'il y a un manque de coordination dans l'action de chacun de ces ministères par rapport au monde municipal. Le monde municipal voit notre rôle au sein du ministère comme un rôle de coordination afin d'assurer une meilleure cohérence dans l'action du gouvernement dans son ensemble face au monde municipal.

Je me suis engagé à faire en sorte que le ministère des Affaires municipales et l'action du gouvernement respectent ces cinq messages du monde municipal. Une des priorités qu'on m'a suggérées, c'est la refonte des lois municipales. La table Québec-municipalités qui réunit, chaque trois semaines ou chaque mois environ, maintenant, depuis le mois de mars, l'exécutif de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec ainsi que celui de l'Union des municipalités du Québec, en présence du ministère et d'autres ministères qui viennent à cette table, a clairement choisi comme priorité du ministère des Affaires municipales, durant l'année qui vient ou les années qui viennent, la refonte de l'ensemble de ces lois.

Avant de vous parler de la refonte des lois du monde municipal, je veux vous donner quelques exemples qui illustrent que cette refonte ou cette révision des lois municipales n'est pas un luxe. Actuellement, il y a le Code municipal, qui s'applique davantage aux municipalités du monde rural; il y a la Loi sur les cités et villes qui s'applique davantage aux villes. Je dis davantage, mais j'apporterai des nuances tantôt. Il y a 40 lois, dont le ministère des Affaires municipales a la responsabilité, qui touchent le monde municipal, qui ont été faites au cours des années, ainsi que 267 chartes privées de villes et une soixantaine de chartes privées touchant le monde rural.

En somme, il y a 300 ou 325 lois pour régir le monde municipal, quelque chose de compliqué qui ressemble beaucoup plus à une jungle qu'à quelque chose de compréhensible qui peut être administré facilement. Je veux vous donner quelques exemples. Actuellement, si nous voulons changer quelque chose, faire un petit changement, voici ce qu'il faut faire. Par exemple, si une municipalité veut faire un emprunt temporaire ou un emprunt à court terme, avant que son règlement d'emprunt lui permette d'aller sur le marché des obligations à long terme et faire un emprunt temporaire sans qu'elle ait l'approbation du ministre des Affaires municipales ou de la Commission municipale, nous devons amender 15 lois pour ce seul petit changement. Lorsque le ministre des Affaires municipales veut proposer un petit changement de ce genre, à l'Assemblée nationale, il doit amender 15 lois, ce qui fait qu'on ne se retrouve plus. Pour ce type de changement, afin que la municipalité n'ait plus à faire approuver un règlement d'emprunt temporaire par le ministre des Affaires municipales, il faut amender la Loi sur les cités et villes, le Code municipal, la Loi sur la Commission municipale du Québec, les lois sur la Communauté régionale de l'Outaouais, celle de Québec et celle de Montréal, la Loi sur les corporations municipales et intermunicipales de transport, la Loi sur l'aménagement eét l'urbanisme... Je pourrais continuer cette énumération, M. le Président, et nommer les 15 lois qu'il faut amender.

Un autre exemple de cette complexité que nous voulons simplifier concerne le régime électoral municipal. La confection des listes électorales, dans le Code municipal, se fait entre le 15 août et le 15 septembre. Dans la Loi sur les cités et villes, c'est à partir de l'avis d'élection jusqu'au 1er octobre. Ce ne sont pas les mêmes dates. Pour Montréal, c'est une autre date, du 77e

jour au 58e jour précédant l'élection. Pour la ville de Québec, c'est du mardi au vendredi précédant la 6e semaine du scrutin. Alors que ce sont des élections et que tous les citoyens auraient avantage à s'y retrouver, si on faisait en sorte que le recensement électoral municipal se déroule au même moment dans tout le Québec, afin que les citoyens pensent à s'enregistrer et, ainsi, à obtenir leur droit de vote.

La révision des listes électorales. Encore là, dans chacun des cas, le Code municipal, la Loi sur les cités et villes, la charte de Montréal et celle de Québec, vous avez des dates différentes prévues dans les lois.

Quelque chose de plus fondamental encore: le droit de vote lors d'un référendum. Pour les emprunts, ce sont les propriétaires, les personnes physiques et morales qui ont droit de vote; pour les fusions et les annexions, ce sont les propriétaires, les locataires, les domiciliés. Ce ne sont pas les mêmes personnes morales pour un référendum qui ont le droit de vote; pour les règlements de zonage et ce sont les propriétaires et locataires, les domiciliés n'ayant pas le droit de vote. Pour Montréal et Québec, il n'y a aucune possibilité de référendum, sauf à Montréal où on peut tenir un référendum d'opinion. C'est le genre d'exemple auquel le monde municipal est confronté et qui montre la confusion actuelle des lois dans le domaine municipal. (20 h 50)

Au niveau de l'organisation territoriale, il y a huit statuts différents. Il vaut la peine de les énumérer; vous comprendrez tout de suite que, encore là, c'est la confusion: le statut de village, le statut de ville, le statut de cité, qui sont trois statuts différents; le statut de municipalité de paroisse, de municipalité de canton, de municipalité de cantons unis, de municipalité de partie de canton et de municipalité sans désignation. Huit statuts différents pour dire que vous êtes une municipalité où que vous ne l'êtes pas.

Encore plus troublant parce que cela peut avoir des conséquences sur la démocratie municipale, lorsqu'on veut faire des annexions, il y en a cinq types. De plus, il y a cinq façons de demander l'annexion d'une municipalité ou d'un territoire à une autre municipalité. Une requête d'annexion peut venir de la municipalité directement au ministre; il peut y avoir une requête de la municipalité appuyée par la MRC; cela peut être un règlement adopté par la municipalité annexante; cela peut être un règlement du conseil de ville; cela peut être une requête au ministre de toute personne intéressée par l'annexion.

Vous voyez que les lois municipales sont complexes. Pourquoi sont-elles complexes? Il n'y a pas eu de véritable révision des lois municipales depuis 1916 dans le cas du Code municipal et depuis 1922 dans le cas du code des cités et villes. Nous nous retrouvons aujourd'hui avec un Code municipal, un code des cités et villes, une charte de la ville de Montréal qui n'est pas assujettie aux lois générales du monde municipal, une charte de la ville de Québec - une charte privée - qui n'est pas assujettie aux lois générales du monde municipal; 267 chartes spéciales qui touchent les villes du Québec et plus de 60 chartes privées qui concernent les municipalités rurales du Québec. C'est ce genre de situation qui fait que l'administration municipale est extrêmement complexe, que la vie des fonctionnaires municipaux, des secrétaires-trésoriers des municipalités comme de l'ensemble des fonctionnaires municipaux des villes est aujourd'hui beaucoup trop complexe.

Face à cette complexité, le monde municipal a retenu comme priorité de faire une vaste refonte, une vaste révision de l'ensemble des lois municipales pour diminuer cette complexité, pour diminuer l'abondance de ces lois et pour diminuer la lourdeur administrative et réglementaire de l'ensemble de ce corps législatif.

Quels sont les objectifs que poursuivra cette réforme? C'est un objectif de déréglementation - j'en donnerai quelques exemples tantôt - et un objectif de meilleure gestion des ressources humaines. Plus nos lois sont compliquées, plus l'administration de ces lois est complexe. Pour vous donner des exemples, je dirais, d'absurdité, vous avez actuellement des municipalités de 100 habitants et moins qui sont régies par le code des cités et villes. Par exemple Estérel, De Grasse, Lac Saint-Joseph. Par opposition, des villes de 7000 habitants et plus sont régies par le Code municipal, comme Fleurimont, Saint-Charles-Borromée, Saint-Raphaël-de-l'Île-Bizard. C'est cette situation de jungle à laquelle nous voulons mettre fin.

Comment y mettre fin? Par l'analyse autant de l'Union des municipalités régionales de comté que de l'Union des municipalités du Québec, nous pourrons passer à travers ce travail. La première façon cohérente était de s'entendre sur les principes de cette réforme des lois municipales. La première chose dont nous avons convenu avait comme objectif de faire disparaître les 40 lois qui régissent le monde municipal actuellement, de faire disparaître le Code des municipalités et le code des cités et villes pour aboutir à un Code des municipalités et profiter de cette révision pour rajeunir tout cela, pour simplifier l'ensemble de ces lois. J'aimerais vous indiquer, M. le Président, les neuf principes dont nous avons convenu à la table Québec-municipalités et qui guideront ce travail qui se déroulera sur plusieurs années.

Le premier principe, c'est d'arriver à

une uniformisation des lois. Quand on parle de cinq procédures d'annexion, n'est-il pas possible d'imaginer ensemble une procédure d'annexion municipale d'une partie d'un territoire à une autre municipalité pour que tout le monde s'y retrouve et aboutir à des délais qui soient concrétisables, qui soient respectables? Le premier objectif de cette réforme, en somme, le premier principe directeur de cette réforme, c'est l'uniformisation des lois.

Un deuxième principe, c'est la simplification des lois. C'est de faire en sorte que le simple citoyen, le secrétaire ou le conseiller municipal d'une municipalité qui veut connaître une loi dans le monde municipal n'ait pas à fouiller dans dix ou quinze lois différentes, mais puisse trouver du premier coup d'oeil les articles ou le contenu d'une loi qui s'appliquent au problème qu'il veut régler.

Nous sommes convaincus que simplifier les lois du monde municipal, cela nous permettra d'atteindre ou de respecter un troisième principe qui est la simplification administrative, parce que si les lois sont complexes, si on n'arrive pas à s'y retrouver, l'administration de ces lois devient complexe. Si nous arrivons à simplifier les lois dans le monde municipal, nous arriverons à simplifier l'administration municipale.

Un autre principe - le quatrième - dont nous avons convenu à la table Québec-municipalités, c'est d'arriver à une meilleure définition du rôle du gouvernement vis-à-vis du monde municipal. Le changement majeur que nous souhaitons à ce titre, c'est véritablement que le rôle du ministère des Affaires municipales soit d'abord un rôle de soutien et d'aide technique au monde municipal, bien davantage qu'un rôle de contrôleur ou de surveillant. Dans cette perspective, nous voulons entreprendre une réduction importante des contrôles gouvernementaux.

Ici, je veux donner un exemple précis. La semaine prochaine, j'aurai le plaisir de déposer dans cette Chambre un projet de loi qui concernera ce qu'on appelle les approbations administratives que chaque municipalité doit obtenir du ministre des Affaires municipales ou de la Commission municipale du Québec pour pouvoir prendre certaines décisions. Actuellement, chaque année, ce sont 13 000 approbations que le ministre des Affaires municipales et la Commission municipale du Québec doivent donner aux municipalités. Le projet de loi que je déposerai la semaine prochaine va réduire de 13 000 à 4000 le nombre d'approbations administratives que les municipalités devront obtenir du ministre des Affaires municipales. De 13 000 à 4000, c'est véritablement une réduction des contrôles gouvernementaux qui va dans l'objectif de ce gouvernement de diminuer la réglementation et de diminuer les contrôles.

Il y a un autre exemple qui illustre cette nécessité de réduire les contrôles par cette loi que je déposerai la semaine prochaine. Nous allons supprimer 42 sortes d'approbations dont ont besoin les municipalités actuellement pour travailler; 42 sortes d'approbations qu'exigent actuellement les lois de la Commission municipale du Québec ou des Affaires municipales ou les 40 lois dont je parlais tantôt. Nous allons supprimer, au moyen de la loi que je déposerai la semaine prochaine, 42 cas où les municipalités n'auront plus l'exigence de faire approuver leurs décisions, ce qui entre dans l'esprit de la confiance que nous devons accorder à chacune des municipalités du Québec.

Le sixième principe sur lequel nous nous sommes entendus à la table Québec-municipalités pour orienter cette réforme sera d'impliquer davantage les citoyens dans la municipalité. Dans la mesure où le ministère contrôlera moins les gestes des élus municipaux, il est normal que ce soient les citoyens qui aient une plus grande marge de manoeuvre pour contrôler les gestes des élus. (21 heures)

Un septième principe dont nous avons convenu, c'est de tenir compte de la capacité administrative des municipalités. C'est dire que lorsque nous allons uniformiser les lois, nous allons tenir compte du fait qu'il y a des municipalités de 500 habitants, de 1000 habitants, de 20 000 et de 50 000 habitants et faire les adaptations nécessaires selon la taille de la municipalité, selon la population de la municipalité. Dans cette même perspective, le principe qui va nous guider en sera un d'économie budgétaire. En simplifiant les lois, en diminuant le nombre de réglementations, la complexité de ces réglementations, nous allons aboutir à des économies budgétaires pour les municipalités et ainsi assurer une meilleure cohérence de l'action du gouvernement face au monde municipal, par rapport aux politiques des autres ministères.

Cette refonte et cette révision de l'ensemble des lois municipales, qui était souhaitée depuis plusieurs années, se déroulera sur quatre ou cinq ans environ. Nous adopterons six lois séparément. La première concernera l'organisation électorale des municipalités. Cela se fera d'ici à Noël. La deuxième concernera l'organisation territoriale des municipalités. Comment constituer une municipalité? Comment faire des annexions, des fusions de municipalités? La troisième concernera l'organisation administrative des municipalités et l'organisation financière ensuite. Les fonctions administratives des municipalités seront la cinquième loi. Enfin, ce sera une loi concernant le recours des citoyens face à

la municipalité et les procédures judiciaires concernant le BREF, le Bureau de l'évaluation foncière et la Commission municipale du Québec. L'ensemble de ces six lois formeront, d'ici à quatre ou cinq ans, le Code des municipalités du Québec.

Je souhaite et je demande la collaboration des membres de cette Assemblée pour l'étude et l'adoption de ces projets de loi qui sont souhaités par le monde municipal. Ce ne sera pas une grande réforme. J'ai bien utilisé les mots de "refonte" et de "révision" parce que le monde municipal ne veut pas de grande réforme actuellement. Ce qu'il souhaite, c'est la consolidation des réformes existantes et que nous fassions le ménage dans les lois existantes. Ce que nous entreprenons avec eux maintenant, c'est précisément une révision des lois actuelles pour diminuer le nombre de lois qui s'appliquent au monde municipal, en diminuer la complexité pour que les citoyens comme les élus du monde municipal puissent s'y retrouver. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci, M. le Président. Dans le débat sur le discours inaugural de la présente session, on doit d'abord s'interroger sérieusement sur le discours que le premier ministre a livré à l'Assemblée nationale.

Après avoir lu attentivement ce qu'on pourrait appeler "ce catalogue d'impuissances" de la part d'un gouvernement qui, après huit ans d'administration publique, en est rendu à se présenter pour son enterrement de première classe, si on examine, étape par étape, le discours inaugural, on s'aperçoit que le gouvernement actuel est rendu à bout de souffle. Pour aller plus loin, nous allons laisser les membres du gouvernement, c'est-à-dire les ministériels, critiquer eux-mêmes leur propre gouvernement. Je pense que même l'Opposition a rallié à elle certains membres du parti ministériel. Je fais référence à un article du Soleil du 18 octobre 1984. C'est quand même assez récent. Dans cet article, un député ministériel, le député de Duplessis, faisait une autocritique beaucoup plus sévère que celle faite par l'Opposition du gouvernement actuel.

D'abord, le député de Duplessis dénonce les promesses sans lendemain du premier ministre. Je le comprends. Alors qu'on avait promis mer et monde - et c'est le cas de le dire parce que "Mer et Monde" a été un déficit extraordinaire - je pense que les promesses des discours inauguraux précédents ont aussi été, il faut bien le dire, un désastre. Lorsque le député de Duplessis blâme son propre gouvernement, d'abord le premier ministre, deuxièmement, le ministre des Transports, troisièmement, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ce n'est pas l'Opposition qui le fait. Sans doute que le député de Duplessis voudrait bien faire notre travail... Le député de Duplessis avait aussi quelque chose à dire au ministre de l'Industrie et du Commerce.

Voilà un gouvernement qui n'accepte plus la critique de l'Opposition et qui est critiqué de plus en plus sévèrement par les membres de son propre parti.

Lorsqu'on regarde attentivement la situation économique du Québec, on s'aperçoit qu'il existe 1 000 000 de chômeurs et d'assistés sociaux au Québec. Lorsqu'on regarde la panoplie de promesses répétées à chaque discours inaugural, particulièrement dans celui que le premier ministre a livré à la population du Québec mardi dernier, on doit s'interroger à savoir si le gouvernement actuel a encore une certaine crédibilité. Après la démonstration que le premier ministre a faite aujourd'hui, je pense qu'il n'en a plus du tout.

Jamais, depuis la crise de 1929, les citoyens du Québec n'avaient été placés devant une situation économique aussi peu enviable que celle des années 1981, 1982, 1983, 1984. Lorsqu'on puise dans le discours inaugural, qu'est-ce qu'on retrouve pour ces personnes tellement désespérées de ne pas trouver d'emploi qu'elles n'en cherchent même plus parce qu'elles sont sûres à l'avance de ne pas en trouver? Pourtant, à l'Assemblée nationale, chaque fois que l'Opposition interroge les membres du parti ministériel, on nous sort une panoplie de statistiques; des chiffres, toujours des chiffres, mais jamais de jobs, par exemple.

Cette semaine, en retournant dans mon comté, je trouvais curieux de voir une pancarte publicitaire le long de la route 138 qui disait: "Revêtement bitumineux, création de 32 emplois". Lorsqu'on regarde cela, on s'interroge sur le sérieux du gouvernement actuel: 32 emplois pour une couche de revêtement bitumineux qui est de l'entretien de route; ce n'est pas une nouvelle construction. Cela crée 32 emplois. Quelqu'un avait ajouté: "Pour 15 jours." Donc, 32 emplois pour 15 jours, dans un comté comme le Saguenay où l'on retrouve 27% de chômeurs, cela ne règle pas la situation. Ce n'est pas sérieux, un gouvernement qui agit de cette façon. C'est un exemple qu'on pourrait répéter dans les 122 comtés du Québec. Quand on est rendu à faire de la publicité... J'ai l'impression que les pancartes ont coûté plus cher que les contrats accordés par le gouvernement.

Je reviens à la critique que faisait le député de Duplessis à l'endroit de son gouvernement, dans laquelle il disait une

chose profondément vraie: "Lorsque le premier ministre antérieur, Robert Bourassa, faisait des déclarations et des promesses de telle sorte, ses ministres étaient responsables et respectaient sa décision." Je pense que cette phrase ne doit pas laisser les gens de l'autre côté sans une certaine inquiétude. Qu'est-ce qu'on doit penser, nous, des députés ministériels, alors qu'ils ne réalisent même pas leurs promesses vis-à-vis de leurs propres députés? Cette critique, dans son ensemble, on comprend que beaucoup de gens l'ont prise pour une boutade, particulièrement du côté ministériel, mais je pense que le député de Duplessis avait raison. Il avait raison de dire que le gouvernement, particulièrement sur la Côte-Nord, n'a jamais tenu ses promesses et que les ministres qui se sont succédé ne les ont jamais tenues non plus. On voit le résultat: lorsqu'on n'est même pas capable de planifier la fermeture d'une ville comme celle de Gagnon, on est encore bien moins capable d'en ouvrir une nouvelle. Ce ne sont certainement pas, depuis 1976, les annonces d'ouverture de villes sur la Côte-Nord qui ont étouffé le gouvernement péquiste. Au contraire, si on dressait la liste des villes fermées Schefferville, Gagnon et presque Port-Cartier - je pense qu'au plan économique nul n'est besoin de faire un procès d'intention, la population s'en chargera à la prochaine élection.

Des voix: Bravo!

M. Maltais: M. le Président, lors de ce discours inaugural, le premier ministre a annoncé ce qu'on pourrait appeler la farce du siècle: le virement fédéraliste du parti séparatiste. Je me souviens qu'un de nos ex-collègues, l'ancien député de Marguerite-Bourgeoys, avait dit en quittant une phrase qui a marqué plusieurs personnes, autant de notre côté que de l'autre. Il avait dit: "Lorsqu'un gouvernement n'est plus cru, il est cuit." Si le gouvernement actuel veut se perdre dans la marmite aux légumes, il peut s'assurer d'une chose, c'est que le Parti libéral va le trouver. (21 h 10)

Lorsqu'on a regardé le discours politique du Parti québécois depuis les quinze dernières années au Québec et lorsqu'on le regarde aujourd'hui, de deux choses l'une: le gouvernement a perdu toute sa crédibilité et se lance dans une opération d'opportunisme électoraliste comme on n'a jamais vu au Québec. Je pense que les Québécois et les Québécoises en particulier ne peuvent pas l'accepter.

On est rendu à un stade de la session où je pense qu'il serait important que les ministres du gouvernement du Parti québécois qui, depuis nombre d'années, ont présenté des projets de loi comme si le Québec était un

État indépendant et qui font aujourd'hui une profession de foi comme on n'a jamais vue envers le fédéralisme, se fassent entendre ici. Je parle en particulier du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui, depuis 1976, a légiféré dans le domaine des pêcheries comme si le Québec était un État indépendant. Qu'on se rappelle la loi 48; qu'on se rappelle la loi 85 et aujourd'hui ils vont nous faire croire... J'aimerais bien entendre ledit ministre nous dire de son siège dans quel contexte il voit le Québec dans l'État fédéraliste. Comment le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et député de Lévis qui a fait campagne pour le Parti nationaliste dans son comté, qui n'a même pas ramassé autant de votes que le Parti rhinocéros peut-il venir défendre ici les intérêts des pêcheurs de Vancouver, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick? Comment peut-il avoir le front de se représenter en Chambre pour défendre ici les intérêts des gens qu'il a calés, qu'il a ruinés depuis de nombreuses années? La loi 48 avec laquelle on lui demande d'émettre des passeports pour les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve! S'il lui reste un peu de dignité politique, qu'il vienne défendre ici les intérêts canadiens comme le Parti libéral l'a fait dans le dernier débat sur les projets de loi 48 et 85. Jamais on n'a vu personne du côté ministériel venir défendre les intérêts des pêcheurs canadiens.

Je me demande comment le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et député de Lévis va défendre les intérêts des pêcheurs de Vancouver dans le contexte canadien. Après avoir eu une rencontre avec le ministre des Pêcheries canadiennes, John Fraser, il est déjà très ouvert alors qu'il y a à peine six mois ici à l'Assemblée nationale, il disait que le fédéral était la peste noire pour lui. On voit aujourd'hui des articles dans les journaux. "Le ministre se comporte bien avec son homologue fédéral."

Une voix: Des relations harmonieuses.

M. Maltais: Des relations harmonieuses. Je pense, M. le Président, que c'est rire de la population. Je pense aussi que ces ministres qui ont tant argumenté dans ces projets de loi devraient avoir la décence de venir nous expliquer comment ils conçoivent l'État du Québec à l'intérieur du contexte fédéraliste parce qu'il n'y a plus rien à comprendre, M. le Président, à moins que ce ne soit une manoeuvre électoraliste, que ce ne soit de l'hypocrisie pure et simple.

Il ne faut pas retourner longtemps en arrière. L'année dernière, lorsqu'on disait: "Unanimes, les députés du PQ décident de parler de souveraineté comme jamais auparavant." Je cite le ministre de

l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation." Prenant ses distances vis-à-vis du séparatisme... Il parlait des militants, de certains ministériels qu'il appelait "des tièdes" - ils se reconnaîtront sans doute -des gens qui, par peur de perdre le pouvoir, sont prêts à sacrifier leur option. Pourtant, le ministre de l'Agriculture était considéré comme un pur, un chaste dans l'idéologie séparatiste. Il disait, dans cet article de la Presse du vendredi 14 février: "II faut continuer à parler plus que jamais d'indépendance. C'est la seule façon pour le Québec de s'épanouir". À peine six mois après, il change complètement son fusil d'épaule. M. le Président, de deux choses l'une: ou on prend le Québec, on prend les Québécois et les Québécoises pour des cruches ou encore on ne sait pas ce qu'on dit de l'autre côté. Il est grand temps que la population ait l'occasion de passer son message. À compter du 15 novembre, le mandat légal du Parti québécois prendra fin et la population du Québec a hâte de passer son message pour dire ce qu'elle pense véritablement de cette dernière entourloupette qu'on appellera un "virage fédéraliste."

M. le Président, il y avait quand même des personnes dans le Parti québécois qui étaient reconnues pour leur franc parler. Je cite une interview qu'accordait Jacques-Yvan Morin, l'ex-vice-premier ministre et député de Sauvé. M. Morin, vice-premier ministre et ministre des Affaires intergouvemementales, nous disait: "Je n'entends pas mettre sous le boisseau - rappelez-vous bien ce qu'il vous disait - lors de la prochaine campagne électorale, l'idée de l'indépendance, jugeant que cela serait irresponsable." C'est à vous qu'il parle. Selon lui, le gouvernement du Parti québécois ne saurait échapper à sa responsabilité et à sa conviction politique, vraiment s'il en a une. Par cette déclaration, M. Morin semble rappeler à l'ordre les tièdes, les gens de pouvoir, les "abandonneux", comme on dit chez nous.

Une voix: Biron.

M. Maltais: "Au-delà des sondages et de leur caractère cyclique, il y a des convictions", dit-il en concluant.

M. le Président, j'ai l'honneur de faire partie du même comté que le premier ministre du Canada, Brian Mulroney, un petit gars de la Côte-Nord....

Une voix: Comme vous.

M. Maltais: ...comme moi d'ailleurs. Je n'ai pas la conviction que le très honorable premier ministre du Canada va tomber dans la petite entourloupette séparatiste à l'eau de rose que le gouvernement actuel est en train de livrer à la population du Québec. Je suis convaincu, connaissant le caractère authentique du premier ministre actuel, que ce n'est pas ce petit achalandage, cet amour nouveau, comme disait le député de Gatineau cet après-midi, cet amour enflammé qui faisait dire, cet après-midi, au premier ministre des paroles indécentes...

Une voix: À genoux.

M. Maltais: ...à l'endroit de mon collègue de Nelligan, que ce n'est ce genre d'amour, dis-je, dans lequel l'honorable premier ministre du Canada va se laisser emberlificoter.

M. le Président, si chacun des députés ministériels et des ministres qui sont en place veut sauver le peu de dignité publique et de crédibilité publique qui leur reste, un bon conseil d'ami: Déclenchez des élections, cela presse, les gens du Québec ont hâte de vous faire connaître leur verdict. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Mille-Îles.

M. Jean-Paul Champagne

M. Champagne: Merci, M. le Président. Depuis le début de la réponse au discours inaugural, on entend, de la part de l'Opposition, tant de références au programme du Parti québécois! À entendre les libéraux, ils connaissent par coeur le programme de notre parti. Il y a deux semaines, j'assistais à la commission parlementaire de l'éducation et encore là on faisait référence au programme de notre parti. Bravo! Si tous les libéraux connaissent notre programme par coeur, je me suis demandé, il y a deux semaines: Est-ce que les libéraux ont un programme? Enfin! Je me suis posé la question. J'ai même posé la question à quelques députés de l'Opposition que je ne nommerai pas. Ils ont dit: Nous autres, on pense qu'on en a un programme. C'est dans le livre beige. Tout curieux que j'étais, j'ai demandé à la bibliothèque de l'Assemblée nationale le livre beige et on m'a sorti le livre beige.

Une voix: Vous ne l'avez pas lu avant? (21 h 20)

M. Champagne: Mais, enfin, le livre beige... Un député libéral me disait: Cela a été quand même approuvé, c'est notre philosophie, c'est notre programme. Cela avait été quand même approuvé dans une fin de semaine, très rapidement d'ailleurs. Même le député libéral qui était un responsable du dossier de l'énergie, entre autres, me disait d'une façon gênée qu'eux autres mêmes faisaient référence au livre beige, ce qu'on appelait le livre beige, et qui était aussi conçu par M. Claude Ryan, le député, chef

du parti à ce moment. On sait ce que le Parti libéral a fait du chef Claude Ryan en ce temps là, par exemple. On fait référence, actuellement, au livre beige. Or, le livre beige que j'ai lu c'est tellement vague et général que ce soir je ne peux pas vous attaquer messieurs les libéraux.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Champagne: Lorsqu'on parle d'ambiguïté, lorsqu'on parle enfin de clairvoyance, et vous parlez aussi de clarté, je demande où elle est de votre côté. Lorsqu'on parle constamment du programme de notre parti, je pense que vous le prenez au sérieux et vous savez comment il a été bâti ce programme depuis 1968, de congrès en congrès et cela a été fait avec la participation de tous les militants. C'est cela qui vous fait mal.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, je m'excuse de vous déranger. S'il vous plaît, on n'a pas dérangé aucun des députés qui ont parlé ce soir. J'aimerais que le député de Mille-Îles ait son droit de parole. M. le député de Mille-Îles, vous avez droit de parole.

M. Champagne: Merci. Je veux revenir au discours prononcé par M. le premier ministre et je veux prendre, entre autres, une partie, soit la qualité de l'environnement. Dans le discours inaugural, on a parlé du Québec, pays de l'eau. Au Québec, il y a des lacs, il y a des rivières. On prend sur nous de conserver la pureté de ces lacs et de ces rivières. Une preuve de cela, notre gouvernement, notre parti a été celui qui a créé le ministère de l'Environnement. Vous n'avez pas eu l'audace de le créer ce ministère. Vous n'avez pas eu l'audace de faire "comme on a fait en Ontario au début des années soixante-dix, de faire un plan d'épuration des eaux. Il a fallu que nous prenions le pouvoir en 1976 pour créer le ministère de l'Environnement et avoir aussi un programme d'assainissement des eaux.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député.

M. Champagne: M. le Président, je ne sais pas qui est le leader de cette formation politique de l'autre côté. Enfin, c'est ma réflexion. Si on m'interpelle continuellement de l'autre côté, je me demande s'il y a quand même un chef de parti pour rétablir l'ordre. Moi, j'ai écouté très attentivement le député de Saguenay et j'ai écouté les autres. Enfin, M. le Président, j'espère que j'aurai aussi les mêmes attentions de l'Opposition.

Je disais donc que nous avons mis en oeuvre un programme d'assainissement des eaux. Actuellement, les municipalités ont signé des engagements pour une valeur de 3 500 000 000 $ pour assainir les eaux. Nous avions prévu 4 500 000 000 $. Je pense que les municipalités ont cru au programme de notre gouvernement. Elles y ont adhéré et on va faire en sorte qu'on va épurer davantage les eaux du Québec. Nous avons de plus adopté une réglementation pour l'eau potable. De plus, considérant que notre parti a comme priorité aussi la qualité de l'environnement, nous avons aussi construit une usine de traitement pour les déchets dangereux.

Un autre élément de notre programme, c'est l'adoption d'une politique sur la question des précipitations acides. On voit que notre parti, que notre gouvernement fait en sorte d'aider à l'amélioration de notre environnement.

M. le Président, au début de mon mandat, en 1981, j'ai rencontré, entre autres, une association de mon comté qui s'appelait l'Association pour l'aménagement de la rivière des Prairies. Après de nombreuses discussions, nous avions décidé, d'un commun accord, de dépolluer, entre autres, la rivière des Prairies afin de faire en sorte que cette rivière puisse servir à la population. Depuis ce temps, je peux vous dire que, d'après certaines consultations que j'ai eues, même en fin de semaine, la rivière des Prairies est comparable actuellement au lac des Deux-Montagnes. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction. Actuellement, les déchets organiques qui étaient amenés dans la rivière des Prairies par les grands canaux de Montréal sont jetés directement dans le fleuve, dans le bout de Boucherville. Cela fait en sorte qu'actuellement les eaux de la rivière des Prairies deviennent de plus en plus utilisées.

M. le Président, je pense que notre but, c'est de redonner l'utilisation des eaux aux Montréalais, de redonner l'utilisation des eaux aux Lavallois. Actuellement, 40% de la population de Montréal doit y passer l'été. Qu'est-ce qu'ils peuvent faire en vacances chez eux à Montréal et à Laval, entre autres? Ils sont limités. Je me souviens, M. le Président, qu'il y a une quarantaine d'années - je ne veux pas me vieillir pour rien - mes parents et moi allions à l'île Sainte-Hélène. Nous prenions le tramway et l'autobus et nous allions nous baigner à l'île Sainte-Hélène. Ensuite, nous pouvions aussi aller à la plage Bissonnette dans le bout de Pointe-aux-Trembles. Actuellement, on ne peut pas le faire, parce que la population a peut-être été imprévoyante, parce que des dirigeants d'entreprise ou des dirigeants municipaux provinciaux ont peut-être été imprévoyants. Pourquoi ai-je eu droit à cela? Mes voisins pouvaient aller à la plage Idéale

et à celle de Jacques-Cartier à la ville de Laval. Il y avait des gens qui pouvaient aller au cap Saint-Jacques. Autour de Montréal, l'eau était pure; on pouvait aller à la plage. Je pense que notre défi comme gouvernement, c'est de donner à la population des eaux dont ils puissent se servir. Nous avons le défi, avec notre projet du parc régional Archipel, de faire en sorte que les Montréalais, les Lavallois puissent se servir de ces eaux.

Je pense qu'actuellement nous allons dans la bonne direction avec notre programme d'épuration des eaux. À Laval, dans le domaine de la pêche, nous construisons, au barrage de la rivière des Prairies, une passe à poisson, une passe migratoire et nous allons avoir un poste d'observation pour pouvoir regarder la migration de l'alose savoureuse qui émigrait autrefois au début du barrage de la rivière des Prairies. Avec cette passe à poisson, comme autrefois, ces poissons vont aller dans le lac des Deux-Montagnes. Nous avons prévu, à cet égard, des plates-formes de pêche pour faire en sorte que la rivière des Mille-Îles, entre autres, puisse servir à la pêche sportive.

Dans un autre domaine, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, vous allez me trouver déplaisant, mais je vais l'être. J'essaie de suivre votre discours, mais j'entends des bruits déplaisants à ma gauche. S'il vous plaît; M. le député.

M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président, pour votre condescendance. Je pensais que nos amis d'en face voulaient savoir ce qui ce passait en ce qui concerne l'épuration des eaux dans la région métropolitaine. Je pensais que l'environnement, c'était une priorité pour eux en face. Considérant qu'on n'écoute pas du tout ce qui se dit, je me demande où est la priorité au point de vue de la qualité de la vie de l'autre côté. (21 h 30)

M. le Président, je veux revenir aussi à un secteur très important. Même le maire de Verdun, c'est-à-dire le député, me parle souvent des plaisanciers, parce que M. le député de Verdun a lui-même un bateau. Je travaille à un dossier sur le nautisme dans toute la région métropolitaine. J'ai été surpris de voir que 90 000 000 $ sont dépensés simplement dans le nautisme. Le nautisme est très important dans la région métropolitaine. Des groupes ont fait pression et nous ont demandé de faire en sorte qu'on ouvre entre autres la rivière des Prairies aux plaisanciers. Depuis 1929, on a brutalement barré la rivière. Aujourd'hui, si on pouvait ouvrir cette rivière avec une passe à bateaux, ce qu'on appelle une écluse, les gens de Montréal, ceux de Laval pourraient faire en sorte de créer de l'emploi pendant les vacances. La valeur locative ou la valeur des terrains prendrait un essor important. Je puis assurer les gens de Laval que j'ai actuellement l'appui à la fois d'Hydro-Québec, de Montréal-Nord, de plusieurs ministères; et les députés du gouvernement fédéral ont donné leur appui à un projet parce qu'une passe à bateaux sur la rivière des Prairies ferait en sorte qu'on retiendrait ici, au Québec, dans la région métropolitaine, nos vacanciers qui ont peut-être l'intention de s'expatrier durant la saison estivale.

M. le Président, le Québec est un pays d'eau. Nous allons mettre en valeur les eaux qui seront dépolluées. C'est beau de dépolluer les eaux. Actuellement, Laval dépense 105 000 000 $ pour la canalisation des égouts; on y prévoit aussi une usine d'épuration des eaux. Mais encore faut-il que ces eaux dépolluées servent à la population. Nous allons annoncer dans quelques semaines certaines modalités pour qu'on puisse utiliser ces eaux dépolluées. L'une des prérogatives ou l'un des plans qu'on mettra en oeuvre sera le nettoyage des rives et des cours d'eau de nos lacs et de nos rivières. Le cours d'eau comme tel est important mais il faut penser aux rives. Dans le passé, actuellement et à l'avenir nous avons fait en sorte d'avoir des programmes d'épuration de nos rives, de nettoyage de nos rives et de nos cours d'eau.

Dans un deuxième temps, nous allons faire le reboisement en bordure des eaux pour limiter l'érosion. Ce sera un autre élément du programme du gouvernement pour aider ou mettre en valeur les eaux dépolluées. Un autre élément aussi pour nos rives: on mettra en place des pistes de randonnée. L'un des autres éléments: on essaiera éventuellement d'aménager des plages. Dans tout cela, M. le Président, nous allons demander la collaboration de toutes les cités et villes pour faire en sorte, avec le gouvernement, de mettre en place des infrastructures pour bâtir des quais, faire des descentes de bateaux pour qu'enfin, dans la région métropolitaine et ailleurs, l'eau redevienne enfin la propriété de tous les résidents des alentours. Québec est un pays d'eau; il faut respecter cette prérogative afin que tous les Québécois et Québécoises puissent dans un avenir prochain se baigner chez eux, pêcher chez eux, plutôt que de s'expatrier.

M. le Président, dans le discours inaugural, nous avons aussi parlé d'un autre élément à savoir la serriculture ou la production en serre - la production en serre s'appelle la serriculture. L'agriculture est une priorité pour le gouvernement du Québec. On l'a vu, on a institué le zonage agricole.

Votre gouvernement n'a pas eu ce courage autrefois. Nous, on a eu le courage de respecter le zonage agricole. Nos terres étaient cultivables. Nos terres étaient bonnes et on a fait en sorte qu'on les protège. On a mis une barrière aux spéculateurs. C'est nous qui avons fait le zonage agricole et je suis fier de cela.

Un autre élément aussi, c'est qu'on veut obtenir l'autosuffisance agro-alimentaire. Au moment où on se parle, nous sommes rendus à 66% d'autosuffisance agro-alimentaire. Je dis: Bravo pour notre gouvernement et notre parti!

M. le Président, en parlant de serriculture, nous voulons allonger les saisons. On doit combattre les rigueurs de l'hiver. Nous avons actuellement 1 000 000 de mètres carrés de plantes en serre, mais c'est insuffisant. À Laval, entre autres, il y a 125 producteurs en serre et la valeur économique de tout ce potentiel est de 8 600 000 $. On veut continuer à aller de l'avant dans ce domaine. C'est pour cette raison que nous allons voir dans les prochains mois à obtenir des tarifs préférentiels d'électricité pour étirer la saison et créer davantage d'emplois, parce que la serriculture crée de l'emploi. Au lieu d'importer les concombres, les tomates ou les fines herbes de l'étranger, nous les produirons. Dans notre politique de serriculture qui s'en vient, je pense qu'au lieu d'importer nous exporterons éventuellement, comme on le fait en Hollande, entre autres.

M. le Président, on me dit que je dois terminer, hélas! Ma conclusion va s'adresser aux jeunes. Je vous dirai ce que le conseil des députés de Laval a fait. Nous avons réuni une quinzaine d'organismes qu'on a appelés Solidarité jeunesse. Il y a 1500 assistés sociaux aptes au travail à Laval. Ils ont de 15-18 ans à 30 ans. Notre objectif est de les mettre tous au travail. C'est pour cette raison que nous nous sommes assis avec une quinzaine d'organismes lavallois, que ce soit la ville de Laval, la chambre de commerce, les CLSC, le cégep ou les associations de jeunes. Je m'engage à faire en sorte que les entreprises engagent ces jeunes assistés sociaux. On va espérer aussi que, dans la province, tous les jeunes trouvent leur place au soleil en adhérant aux programmes gouvernementaux qui sont en place, soit l'intégration scolaire, le stage en entreprise, les travaux communautaires ou les bourses d'affaires. J'espère que les jeunes vont voir en notre gouvernement l'espoir qui va leur donner de l'emploi, pour que tous ces Québécois et toutes ces Québécoises, jeunes et moins jeunes, se trouvent une place au soleil du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: M. le Président, dans les quelques minutes qui me sont allouées par notre règlement, je vais tenter de faire un rapide survol des politiques péquistes énoncées par le premier ministre lors de son discours inaugural de mardi dernier. Nous avons eu droit à un discours boiteux, encadré par une crédibilité presque inexistante, une crédibilité tellement basse qu'il n'y a plus personne au Québec qui peut croire en la sincérité de ce gouvernement et de ce parti politique.

Le PQ est à son plus bas niveau depuis huit ans. Il tente de s'accrocher à tout ce qui bouge. Il fait des virages aussi spectaculaires que celui de se dire fédéraliste et de renier le but fondamental de son existence même. Actuellement, les péquistes voguent selon l'air du temps. Ils sont prêts à se prostituer pour sauver leur peau. Le désespoir s'est emparé des péquistes et cela crève les yeux. On n'a qu'à les voir aller. (21 h 40)

J'ai aussi le goût de parler de leur programme, le peu annoncé par le premier ministre lors de son discours inaugural. Mais avant d'aborder le maigre programme du Parti québécois, j'aimerais simplement ajouter quelques commentaires sur le récent voyage du premier ministre, René Lévesque, en Asie et plus particulièrement au Japon où il a comparé le peuple québécois au peuple palestinien. C'est un peu ahurissant d'entendre de telles comparaisons, mais ces paroles dites par le premier ministre ne sont pas surprenantes. Je pourrais aussi parler des propos qu'a tenus le premier ministre, cet après-midi, à l'endroit de mon collègue de Nelligan. J'aime autant ne pas répéter les propos qu'il a tenus, des propos inacceptables de la part d'un premier ministre.

Il est évident que ce parti n'a plus aucune crédibilité. Nous avons actuellement devant nous un gouvernement opportuniste, sans âme, sans honneur, sans idée, sans programme, sans pensée profonde, un parti qui n'a aucune volonté et qui est incapable de relever le défi des années quatre-vingt-dix.

J'aimerais maintenant évaluer les maigres politiques annoncées dans le discours inaugural par le premier ministre, mardi dernier. Étant donné que le domaine le plus crucial actuellement est l'emploi chez les jeunes, je vais tout particulièrement aborder ce sujet pour ensuite parler de l'agriculture.

Il est évident que le premier ministre n'a pas eu le courage de s'attaquer aux vrais problèmes en ce qui a trait aux jeunes. Nous savons tous que le premier ministre aurait dû aborder en premier lieu la carte de classification requise dans la construction. Je pense que nous recevons tous à nos bureaux

de comté un nombre incalculable de jeunes diplômés dans certains métiers de la construction qui ne trouvent aucun emploi parce qu'on les empêche de travailler. On ne leur donne pas de permis de travail. Je pense qu'il ne sert à rien de tourner autour du pot, le premier ministre aurait dû annoncer dans son discours inaugural qu'il casserait le système de la carte de classification. Je pense que cela aurait été un point de départ concret pour prouver que ce gouvernement est réaliste, pour prouver que leurs propos sont cohérents, pour prouver qu'ils ont un honneur quelconque, pour prouver aussi que les jeunes comptent pour eux. Je pense que cela aurait été le point crucial auquel il aurait dû s'attaquer.

De plus, le premier ministre aurait pu parler du protectionnisme exagéré qui existe chez les syndicats. Je pense qu'il ne faut pas se le cacher, les clauses protectionnistes d'ancienneté, la sécurité d'emploi empêchent régulièrement, dans la plupart des compagnies où les employés sont syndiqués, les jeunes d'accéder à un poste. Encore là, le premier ministre n'a eu aucune colonne vertébrale. Il a eu peur de s'attaquer à ce problème, le véritable problème. Il ne faut pas accuser René Lévesque de ne pas avoir de courage. Il y a 26 ministres autour de lui qui n'en ont pas plus.

Je voudrais maintenant aborder la question agricole. J'ai pris connaissance des quelques très maigres modalités annoncées par le premier ministre. Il a commencé par parler de la production céréalière et de l'élevage de boeuf. Tout d'abord, il faudrait indiquer que, pour avoir une production de boeuf au Québec, il faudrait absolument avoir des politiques beaucoup plus généreuses que celles actuellement offertes par l'assurance-stabilisation.

J'ai ici un document que le ministre de l'Agriculture n'a certainement pas désiré publier ni déposer et qui date d'octobre 1983. C'est le modèle péquiste d'un parc d'engraissement modèle de 400 têtes. J'aimerais donner le numéro de référence: AGDEX 420-821. Pour ceux qui veulent se procurer le document, c'est intéressant. J'avais dit au ministre de l'Agriculture que cela prenait un millionnaire pour faire l'élevage d'animaux à boeuf; je pense que ce document le prouve hors de tout doute. Ici, on indique qu'il faut avoir, pour le modèle de 400 têtes, 821 000 $ en poche pour partir, sans emprunt. Ensuite, on peut emprunter à court terme 300 000 $ pour nourrir ces animaux pendant 250 jours. Résultat net - parce que ce serait trop long d'énumérer tous les postes - il resterait 14 798 $ net sans que le propriétaire se paie un salaire, après un placement, en liquide de 821 000 $. Alors, cela prend vraiment un millionnaire pour posséder un parc d'engraissement et produire du boeuf au

Québec. Tant et aussi longtemps que le ministère de l'Agriculture ou le gouvernement ne se réveillera pas et ne dira pas aux producteurs qu'il va leur donner une assurance-stabilisation plus généreuse, il n'y aura pas de production de boeuf au Québec. C'est simple, c'est clair. Je pense que cela peut se prouver. Les chiffres sont là. C'est un modèle péquiste que je vous donne; ce n'est pas un modèle libéral. j'ai été très heureux de constater, le premier ministre nous a parlé, en plus, d'un programme de production en serre. Cela m'a beaucoup intéressé parce que c'était une suggestion que je faisais en 1979 qui a été retenue dans le discours inaugural. Cela me fait plaisir.

Une voix: Cinq ans après.

M. Dubois: Oui, monsieur. Il a dit: "Les Québécois ont développé au cours des dernières années une expertise originale dans le domaine de la production en serre, une production, faut-il le rappeler, qui apporte une réponse adéquate aux limites que nous impose notre climat. Pour connaître sa pleine expansion, ce secteur a maintenant besoin d'un accès privilégié à une source d'énergie économique, fiable et dont les coûts sont stables sur une longue période: l'électricité." En 1979 - c'est consigné au journal des Débats - lors de l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture, aux pages B-3524 et B-3525, il y a plusieurs questions et réponses entre le ministre, M. Garon, et moi-même. J'indiquais clairement que la seule solution pour produire au Québec des légumes ou des fruits en serre, c'était de mettre à la disposition des propriétaires de serres de l'électricité à bon marché.

Je pense que les péquistes peuvent se servir de ces pages, ils peuvent vérifier; s'ils croient que je suis un menteur, je les invite à relire ces pages. Je sais qu'ils accusent tout le monde d'être menteur. Il n'y a qu'eux qui sont intelligents, brillants, etc. Je ne continuerai pas; je veux plutôt m'attaquer à mon dossier.

J'ai indiqué clairement que la seule possibilité, c'était d'offrir de l'électricité à bon marché. Après presque cinq ans, je suis heureux de constater que le premier ministre a accédé à mes propositions.

Il y a aussi un élément que j'aimerais soulever après celui des serres, c'est la constatation d'oublis du Parti québécois. Par exemple, on a oublié les jeunes agriculteurs, la relève agricole. On a oublié d'augmenter le maximum subventionné par le Crédit agricole pour la relève agricole. C'est ce que cela prend.

On a aussi oublié d'indiquer qu'on aurait des taux d'intérêt privilégiés pour les jeunes, pour la jeune relève agricole. C'est

encore un oubli. Le premier ministre a également oublié de plafonner les taux d'intérêt pour la relève agricole, ce qui est une nécessité. Il a aussi oublié de faciliter le transfert des fermes pour la relève. Encore un autre oubli!

Quand le premier ministre dit qu'il pense aux jeunes, la preuve est loin d'être concluante. Il a totalement ignoré les choses les plus importantes dont la relève agricole a besoin au Québec. Il s'agit de côtoyer de jeunes producteurs agricoles qui désirent acheter la ferme de leur père pour constater qu'il y a quatre ou cinq points très importants au niveau du financement dont ils ont besoin actuellement. Le premier ministre n'a absolument pas répondu à leur demande.

Il y a d'autres dossiers que j'aimerais traiter. Par exemple un qui concerne mon comté - un comté de l'Opposition, évidemment - de Huntingdon que je représente ici et j'en suis très fier. Il y a le plus gros dossier de creusage de cours d'eau au Québec dans le comté de Huntingdon. Cela s'appelle le Northern Creek. Je pense que le ministre de l'Agriculture est bien au courant de ce dossier. Cela prendrait 8 000 000 $ à 10 000 000 $ pour le régler. Je suis certain que si Huntingdon était un comté représenté par un péquiste, ce serait fait. J'en suis sûr. Cependant, étant donné que ce comté est représenté par un membre du Parti libéral, c'est une autre chose. Jamais le ministre de l'Agriculture n'a voulu investir un sou dans la région la plus productrice de biens horticoles au Québec puisque 60% des légumes du Québec, sortent de la région de Huntingdon. Je dois dénoncer cette attitude du Parti québécois.

Je me rappelle le premier discours inaugural en cette Chambre quand le premier ministre disait, en 1977, qu'il serait équitable envers tous les membres de cette Chambre, péquistes, libéraux ou - dans le temps -unionistes. Je me souviens de ces propos. On disait: Les services seront les mêmes aux comtés au pouvoir ou à l'Opposition. Ce n'étaient que des propos, ce n'étaient pas des convictions que livrait à ce moment-là le premier ministre du Québec, c'est sûr. On le constate aujourd'hui. Huntingdon a besoin de fonds particuliers pour régler ses problèmes d'égouttement du sol. C'est la plus grosse région productrice de légumes au Québec. C'est la seule région ou à peu près qui exporte des légumes aux États-Unis. Je peux vous donner des chiffres si vous voulez. C'est aussi la région la plus oubliée au Québec et pourtant c'est la région qui fournit le plus de taxes et d'impôts à ce gouvernement. C'est vrai que ce gouvernement est un gouffre, cela prend beaucoup de taxes et d'impôts mais je pense que les gens de Huntingdon méritent d'avoir un peu de retour sur les taxes qu'on paie.

Une voix: Très bien!

M. Dubois: J'invite encore une fois le ministre de l'Agriculture et le premier ministre à réfléchir aux besoins d'un comté très productif. Je pense que si on veut être objectif et avoir un peu de décence dans l'attribution des crédits, Huntingdon en mérite et je vais continuer à me battre à ce sujet-là.

J'aurais aimé parler de plusieurs autres choses, par exemple le mode de scrutin auquel ce parti veut apporter des modifications. Ma position à ce sujet-là est très personnelle. Je l'émets pour la première fois et je me dis qu'à titre de Canadien, pourquoi le système actuel qui est bon pour les neuf autres provinces canadiennes, qui est bon pour le gouvernement fédéral, qui est bon pour pour l'Angleterre, pour l'Australie et pour tout l'empire britannique, n'est-il pas bon pour les Québécois? Est-ce que le Canada n'est pas aussi le plus démocratique des pays du monde? Est-ce que les neuf autres provinces canadiennes ne sont pas aussi démocratiques que n'importe quel autre pays du monde? Alors, je me demande pourquoi le Québec a besoin absolument, pour fins de démocratie, un amendement au mode de scrutin. Je me pose la question, M. le Président. Je n'ai pas de réponse nécessairement, mais je me dis que ce qui est bon pour les Canadiens et ce qui est bon pour les neuf autres provinces devrait être bon également pour les Québécois. S'il y avait un consensus canadien - les neuf autres provinces et le Canada - sur lequel toutes les provinces et le Canada voulaient travailler, apporter des modifications, je dirais que cela aurait peut-être du sens. Que le Québec veuille agir seul dans ce domaine-là, personnellement je ne l'approuve pas.

Enfin, il y a beaucoup d'autres domaines que j'aurais aimé soulever ici. Par exemple, les déficits effarants, les taxes déguisées de plus en plus énormes, nos impôts qui dépassent tous ceux qu'on connaît au Canada et ailleurs, les plus élevés en Amérique du Nord, un contexte politique énormément nuisible à l'établissement d'usines, à l'établissement de compagnies qui veulent produire des biens ici au Québec, des lois linguistiques qui ne nous aident pas, ce qui a entraîné le plus haut taux de chômage que l'on puisse connaître et le plus grand nombre d'assistés sociaux que le Québec ait jamais connu.

M. le Président, la situation est loin d'être rose et je pense que le seul correctif - je termine là-dessus - ce serait de mettre les péquistes dehors dans les plus brefs délais et qu'un gouvernement libéral puisse conduire les destinées du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, étant donné l'heure, je propose donc que nous ajournions ce débat et que nous reprenions nos travaux demain matin, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 54)

Document(s) associé(s) à la séance