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(Quatorze heures)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez vous asseoir.
Aux affaires courantes il n'y a pas de déclaration
ministérielle ni de présentation de projets de loi.
Rapport de la commission de l'Assemblée
nationale
Au dépôt de documents, j'ai le plaisir de déposer le
rapport de la commission de l'Assemblée nationale qui a
siégé le 18 octobre dernier afin de discuter de diverses affaires
courantes. Toujours au dépôt de documents, M. le premier
ministre.
Livre vert sur la politique familiale
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, d'abord,
j'ai l'honneur de déposer, au nom du ministre des Affaires sociales, qui
présente de son côté le même document, à
Montréal, cet après-midi, le livre vert sur la politique
familiale.
Décret fixant au 26 novembre la tenue d'une
élection partielle dans Saint-Jacques
M. le Président, deuxièmement, avant que le
communiqué ad hoc ne soit émis, je voudrais déposer en
deux exemplaires le décret qui a été adopté, ce
matin, par le Conseil des ministres et qui fixe l'élection partielle
dans le comté de Saint-Jacques au lundi, 26 novembre.
Des voix: Bravo!
Le Président: Documents déposés. M. le
ministre des Communications.
Rapport de la Commission d'accès à
l'information
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais déposer
le rapport annuel 1983-1984 de la Commission d'accès à
l'information.
Le Président: Document déposé. M. le
ministre des Finances.
Rapport annuel de l'Inspecteur général
des institutions financières
M. Parizeau: M. le Président, conformément à
l'article 21 de la Loi sur l'Inspecteur général des institutions
financières, je dépose en deux copies: le rapport annuel de cet
organisme pour l'exercice financier 1983-1984.
Le Président: Document déposé. M. le leader
du gouvernement, au nom du ministre responsable de l'application des lois des
corporations professionnelles.
Rapports annuels de corporations
professionnelles
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais déposer
des documents relatifs à des corporations professionnelles et à
leur rapport annuel. Je ne sais pas si je dois vous faire la nomenclature de
toute la liste de ces documents et des corporations professionnelles qui nous
ont remis leur rapport annuel, mais comme le tout sera sans doute
consigné au procès-verbal, je dépose la liste ainsi que
les rapports annuels de ces différentes corporations
professionnelles.
Le Président: II y en a 22, si je ne m'abuse. Je pense que
nous allons vous en épargner la lecture. Documents
déposés.
M. le leader du gouvernement, au nom du ministre de
l'Éducation.
Plans quinquennaux d'investissements
universitaires
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais aussi
déposer le plan quinquennal d'investissements universitaires pour les
années 1982 à 1987, le plan quinquennal d'investissements
universitaires pour les années 1983 à 1988 et le cadre de
référence qui a servi à la préparation des plans
quinquennaux d'investissements universitaires pour les mêmes
périodes.
Le Président: Documents déposés. Outre le
rapport de la commission de l'Assemblée nationale que j'ai
déposé tantôt, il n'y a pas d'autres rapports de
commissions, que je sache.
Avant de passer à la période des questions, je voudrais
faire part que le ministre du Revenu aura un complément de
réponse à l'issue de la période de questions.
Période de questions des députés. M. le chef de
l'Opposition.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
L'intention du premier ministre au sujet de l'option
constitutionnelle du PQ
M. Levesque (Bonaventure): M. le Prési-
dent, dans son message inaugural, le premier ministre a effectué
une sorte de pseudo-virage fédéraliste. Pour se donner un minimum
de crédibilité, le premier ministre a-t-il l'intention:
premièrement, de rejeter formellement l'option indépendantiste de
son parti? Deuxièmement, de proposer à la population dans les
meilleurs délais un programme complet et bien articulé en
matière de fédéralisme?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je sais que
cela préoccupe beaucoup l'Opposition, l'évolution possible du
parti ministériel, surtout en ce qui concerne l'élection à
venir. Je peux assurer le chef de l'Opposition et quiconque se pose le
même genre de questions que nous allons définir avec notre parti,
ensemble, comme des grands garçons, l'enjeu tel que nous le voyons de la
prochaine élection et de façon aussi claire, aussi
démocratique et aussi précise que cela a été le cas
auparavant.
Le Président: Question principale, M. le
député de Nelligan.
Les déclarations du premier ministre en Asie et
au Québec
M. Lincoln: Ma question s'adresse au premier ministre. Le premier
ministre a effectué, il y a à peine quelques semaines, un
important voyage en Asie, accompagné d'une délégation
importante d'hommes d'affaires du Québec. L'objectif primordial de cette
mission était économique, ce dont nous nous réjouissons.
Il était à prévoir, cependant, que le premier ministre ne
pourrait éviter de parler d'indépendance.
Les Japonais étant particulièrement soucieux de cette
question, le premier ministre s'est empressé de leur démontrer,
dans son langage le plus convaincant, combien les relations du Québec
étaient pourries avec l'ancien gouvernement fédéral. Il
leur a aussi fait savoir de façon non équivoque qu'il visait
toujours à l'indépendance du Québec, malgré
l'arrivée du gouvernement Mulroney à Ottawa. Ses
déclarations ont évidemment fait la manchette pendant plusieurs
jours dans les journaux japonais.
Ma question au premier ministre est la suivante: Comment peut-il
expliquer qu'à l'extérieur du Québec et devant un
auditoire étranger il affirme aussi catégoriquement qu'il
poursuit toujours l'option d'indépendance du Québec, alors
qu'ici, il essaie de faire croire aux Québécois qu'il est devenu
soudainement fédéraliste?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je suis
content que le député, dans sa préface, dans son
préambule, ait souligné à quel point c'est la dimension
économique qui était au coeur de ce voyage. Je crois que les
résultats sont assez probants pour que personne ne puisse en douter.
En ce qui concerne deux réponses que j'ai faites à des
questions, je soulignerai à nouveau, pour être sûr
d'être bien compris, qu'il s'agissait de deux réponses à
des questions très précises qui ont été
posées au Club de presse de Tokyo par deux journalistes japonais dont
j'ai remarqué qu'ils étaient - l'expression anglaise est assez
courante - remarquablement "briefés" sur l'évolution de la
politique canadienne et sur l'évolution du Québec.
On m'a posé deux questions après une déclaration
liminaire que j'ai d'ailleurs remise aux journalistes ces jours derniers
-ça n'a pas eu beaucoup d'effet dans la presse, parce que, en
général, ce genre de rectification ne fait pas un gros tour de
presse - déclaration que j'avais faite au cercle de presse pour ouvrir
cette conférence de presse. Si l'occasion se présentait,
j'aimerais peut-être la déposer; c'est "verbatim", comme on dit,
c'est-à-dire le mot à mot. Cela montre à quel point il n'y
avait pas de provocation de ma part, mais il n'est pas question non plus de ne
pas répondre à des questions. Entre autres, une qui disait
très simplement: Nous savons que vous avez, comme objectif, quelque
chose qui s'appelle souveraineté-association, voulez-vous nous donner la
définition de cela? Continuez-vous d'en faire l'idéal de votre
action politique? La seule réponse honnête c'était que,
bien sûr, on espère, comme on l'a dit à plusieurs reprises,
surtout récemment, fonctionner le mieux possible à
l'intérieur du régime fédéral, mais que
l'idéal de notre parti...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre!
M. Lévesque (Taillon): ...l'objectif... Le
Président: À l'ordre!
M. Lévesque (Taillon): Je vois des rires qui, pour
certains, sont un peu jaunes, mais cela n'a pas tellement d'importance. Mais
que l'objectif... (14 h 10)
Le Président: Allons! Allons! Allons!
M. Lévesque (Taillon): ...fondamental de notre parti est
qu'un peuple, qui est un peuple réel et minoritaire à
l'intérieur des structures politiques où nous vivons, puisse un
jour accéder démocratiquement au plein
contrôle de ses institutions...
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): ...ce qui n'empêche pas - et
cela a toujours été le programme de notre parti - que lorsque les
circonstances s'y prêtent le moindrement, autrement dit, donnant donnant,
dans le système fédéral, on a toujours été
et d'arrache-pied pour que cela fonctionne le mieux possible dans
l'intérêt de nos concitoyens.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Le premier ministre peut-il me dire s'il a pris
connaissance, avant son voyage au Japon, du rapport de mars-avril 1982, de la
mission japonaise d'enquête sur le climat des investissements au
Canada?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, un
commentaire seulement sur le commentaire de nouveau à la fois rigolard
et un peu risible de nos amis chaque fois qu'on répond sur cette
question. À l'occasion, on a l'impression que derrière ces rires
se cache ceci: qu'on espère que le gouvernement actuel du Québec,
maintenant qu'il est assez prouvé que c'est plutôt l'ancien
gouvernement libéral fédéral qui bloquait tout tant qu'il
pouvait, essaierait au maximum de bloquer le fonctionnement du
fédéralisme pour que cela fasse plaisir à certains
fossoyeurs qui nous font face. Je peux vous dire, messieurs, que vous attendrez
inutilement de ce côté.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Lévesque (Taillon): Cela étant dit, je sais que
le chef de l'Opposition a fait un gros plat l'autre jour - je n'ai pas eu le
temps de reconsulter le document - un plat quelque peu gonflé, comme un
beau soufflé qui lève ou qui ne lève pas - mais enfin
quant à moi cela ne levait pas beaucoup -sur une enquête rapide
qui a été faite au printemps de 1982, si j'ai bonne
mémoire, par une délégation du M1TI, je crois, du Ministry
of International Trade and Industry, du Japon il y a donc deux ans, au pire de
la crise, avec tout ce que cela pouvait impliquer. J'avoue que je ne l'ai pas
apporté avec moi comme aide-mémoire quand je suis passé
par le Japon, mais une chose que je sais c'est que quand j'ai rencontré
ce qui est probablement le groupement le plus puissant du patronat japonais en
plus du ministre du MITI, c'est-à-dire le Keidanren, comme on l'appelle
là-bas, et le ministre lui-même du
MITI et ses principaux collaborateurs, l'impression que j'ai eue, c'est
que depuis deux ans, contrairement au Parti libéral du Québec qui
continue autant que possible à être fossoyeur chaque fois qu'il
s'agit de l'économie du Québec, les Japonais étaient
saprement mieux informés aujourd'hui qu'ils pouvaient l'être au
printemps de 1982.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le premier ministre, est-ce que vous admettez que
ni vous, ni vos acolytes principaux qui ont fait partie de la mission n'ont
pris connaissance de ce rapport de 325 pages qui a été fait
à la suite d'une tournée japonaise faite par le plus grand nombre
des principaux industriels, banquiers, membres du gouvernement japonais? 38 qui
sont venus au Canada, qui ont passé au Québec, qui ont fait une
enquête approfondie sur le Québec et qui soulignent à trois
ou quatre reprises que la chose qui les préoccupe le plus, c'est la
question politique de l'indépendance du Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je suis sûr que le
député comprendra ma traduction un peu gauche d'une très
belle expression proverbiale de la langue anglaise. Quand j'écoute des
questions comme celle-là et les commentaires qui s'y ajoutent, j'ai
l'impression que vraiment c'est le souhait, qui est le père de la
pensée; c'est-à-dire qu'on essaie de penser le plus possible, en
arrangeant les faits comme cela vient ce qu'on souhaite. Et on a l'impression
que l'Opposition libérale au Québec, ce qu'elle souhaite, c'est
que cela fonctionne le plus mal possible parce qu'il y a peut-être des
votes là-dedans. Peu importent les faits, peu importe l'évolution
de la situation, il faut nécessairement toujours dire: Au loup, au loup,
le loup économique, le désastre, etc.
Pour répondre très spécifiquement au
député, on n'a pas jugé - parce que, bien sûr, dans
les ministères économiques on le connaît ce rapport qui est
caduc depuis longtemps - on n'a pas jugé bon de nous en faire quelque
résumé que ce soit pour la simple raison que c'est vrai qu'elle
est fondamentalement changée l'attitude japonaise et un exemple vaut
souvent beaucoup de raisonnements. Dans le projet Pechiney se trouvent trois
partenaires - et c'est plus récent que les enquêtes à la
sauvette - qui sont la grande société multinationale Pechiney en
aluminium, la SGF du Québec et la société Alumax du Japon
qui, comme par hasard, s'est arrangée pour qu'on rencontre certains des
principaux membres du groupe dont fait partie Alumax et qui nous ont
parlé de possibilités
subséquentes, sans qu'on aille plus loin, mais il me semble que
cela suffit pour répondre aux allégations, si on veut, du
député.
Le Président: En complémentaire, M. le leader de
l'Opposition.
M. Gratton: Le premier ministre acceptera-t-il que l'Opposition a
au moins le droit et le devoir d'essayer de savoir ce que pensent le premier
ministre et son gouvernement? Et en l'occurrence, nous permettra-t-il de lui
poser la question suivante: Quand dit-il la vérité? Au Japon,
quand il déclare, selon les dépêches: Avant l'an 2000, je
voudrais rendre le Québec indépendant de la
Confédération canadienne ou, à son retour au Canada, alors
qu'il nous dit: Le fédéralisme, cela nous semble un bon risque?
Qui essaie-t-il de tromper? Les Japonais ou les Québécois?
M. Lévesque (Taillon): Avant d'aborder très
brièvement la question, si on peut appeler cela une question, du leader
de l'Opposition, je voudrais seulement donner un petit complément de
réponse à ce que je disais, il y a un instant. Dans le cas
d'Alumax, partenaire important et substantiel du grand projet Pechiney...
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Un rappel au règlement, M. le leader
de l'Opposition.
Une voix: II est rendu comme Reagan. II...
M. Gratton: M. le Président, je veux bien que le premier
ministre se laisse souffler des réponses par son ministre des Finances,
mais qu'il réponde aux questions quand on les pose, non pas à la
question suivante.
Des voix: C'est cela!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, comme il y
a là un enchaînement de deux questions, le leader de l'Opposition
ne m'empêchera pas de prendre une minute pour préciser un peu ce
que je disais avant. C'est-à-dire que dans Alumax - et dans Alumax,
c'est encore plus éloquent - se trouvent deux partenaires qui sont 50%
Amax aux États-Unis...
M. Gratton: C'est irrégulier, M. le Président. Il a
beau être premier ministre, mais il y a des limites.
Le Président: Les questions principales et
complémentaires depuis le début de la période des
questions, concernent la position du parti ministériel sur
l'indépendance et sur le voyage au Japon. On chevauche les deux sujets
en même temps. Que les réponses chevauchent aussi les deux sujets,
cela me paraît tout à fait dans l'ordre.
M. Lévesque (Taillon): D'ailleurs, si on me laissait
terminer...
Une voix: Pour chevaucher, il est fort là-dessus.
M. Lévesque (Taillon): ...ce serait tellement plus rapide.
Il s'agit simplement d'un complément de réponse qui est encore
plus éloquent, je crois. C'est tout simplement que, dans ce
"partnership" de Alumax avec les deux autres dans le projet Pechiney, se
trouvent impliqués à 50% une grande corporation
américaine, Amax, et à 50% le groupe japonais Mitsui, qui est
assez bien connu, merci, à l'échelle du monde. Ceci souligne
à quel point le développement du Québec, en dépit
des éteignoirs qui sont devant nous, intéresse de plus en plus
les grands cercles économiques à l'échelle
internationale.
Cela étant dit, le leader de l'Opposition pose une question qui
est plutôt une provocation. C'est normal. Il dit: Est-ce que vous dites
la vérité, ici, là et ailleurs? Je dis toujours la
même chose.
Des voix: Ha! Ha! Ha! Le Président: À
l'ordre!
M. Lévesque (Taillon): J'en prends à témoin
le député d'Argenteuil qui rit, mais qui a de bons souvenirs.
Pour l'essentiel et depuis 1977, je me rappelle ma première rencontre
avec mes collègues et homologues des autres provinces dans une rencontre
des premiers ministres. Je leur avais dit une chose. C'était dans
l'Ouest, je pense. Surtout ceux de l'Ouest, à cette époque,
regardaient venir avec un oeil un peu, disons, méfiant ce qui
émanait brusquement du Québec. Je leur avais dit une chose
très simple qui peut servir de réponse au leader de l'Opposition:
Aussi longtemps qu'on sera ici et qu'on sera à l'intérieur du
régime fédéral, vous pouvez compter, et c'est dans le
programme de notre parti, sur la pleine coopération, la pleine bonne foi
du gouvernement actuel du Québec dans certaines limites qui rejoignent
d'ailleurs les limites que tous les gouvernements du Québec qui se
respectaient ont posées. (14 h 20)
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Cela étant dit, il
y a une épreuve qui est engagée et qui va peut-être
durer longtemps entre le maintien du régime fédéral au
Québec qu'il s'agit de faire fonctionner convenablement - on paie pour
cela - et, éventuellement, le plein contrôle de nos institutions
politiques. Cela demeure profondément ce dont je suis convaincu.
Une voix: Bravo!
Le Président: Question principale, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: J'ai une autre question à poser au premier
ministre. Au cours du même voyage officiel de septembre et octobre dans
les pays du Sud-Est asiatique, vous avez donné une entrevue au journal
Asahi Shimbun le 2 octobre.
Une voix: C'est vous qui l'avez traduit?
M. Lincoln: Dans cette entrevue, vous avez repris votre discours
sur le besoin d'indépendance du Québec. Mais vous avez
ajouté un commentaire très particulier, commentaire que vous avez
proposé de votre propre chef, sans y avoir été
invité ou sans qu'on vous ait interrogé à ce sujet. Je
cite la traduction du texte en question. Je voudrais ajouter quelque chose: Le
cas du peuple francophone du Québec ressemble à celui des
Palestiniens. Pour arriver à une coexistence pacifique entre Israël
et la Palestine, il faut que les droits des Palestiniens soient reconnus.
Est-ce que vous pouvez me confirmer que vous avez dit ces choses et ce que vous
voulez dire par là?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je ne
reconnais pas cette addition. Il est possible que, dans le contexte ou hors
contexte, on ait évoqué le cas palestinien. Mais que j'aie fait
le parallèle avec le Québec, cela ne tient pas debout. Je
m'engage, autrement que ne le fait l'Opposition en pigeant ici et là,
à réviser la lecture que j'ai faite rapidement des interviews, y
compris à Asahi Shimbun, et je reviendrai là-dessus si le
député croit que c'est utile. Mais je crois qu'il y a là
une déformation complètement caricaturale de ce que j'ai pu tenir
comme propos.
Deuxièmement, je veux bien que l'Opposition continue à
essayer d'éplucher ici et là, pour essayer de noyer dans la brume
de ses questions l'importance exceptionnelle de la mission fondamentalement
économique que nous avons accompagnée pas en Asie du Sud-Est - on
ne s'est pas rendu jusqu'au Vietnam ou à Singapour - mais en Asie
pacifique, comme on dit maintenant, c'est-à-dire dans trois des plus
importants pays du monde actuellement au point de vue économique: la
Corée du Sud, le Japon, imprimis, et, potentiellement - cela a
été une découverte pour nous tous, y compris pour les
dirigeants de grands secteurs économiques du Québec qui nous
accompagnaient - avec la nouvelle ouverture qu'on y sent, la Chine populaire
elle-même. Je crois que l'Opposition pourra essayer de noyer l'importance
de ce voyage et des premiers résultats dans toutes ces chinoiseries -
c'est le cas de le dire -qu'elle essaie de fabriquer autour du voyage, mais le
fond de la question, c'est...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, d'ailleurs,
auprès de nos interlocuteurs chinois d'avoir employé un terme
occidental caricatural qui colle admirablement bien à la
réalité devant nous et qui dépasse tout ce qu'on a jamais
imaginé comme caricature occidentale.
Cela dit, si on veut continuer à éplucher des papiers qui
ont paru, je vais me procurer mes propres copies et je vais essayer de me
rafraîchir la mémoire.
M. Lincoln: Est-ce que le premier ministre me donnerait la
permission de déposer la revue de presse qui sort, justement, des
offices gouvernementaux, et qui donne la photocopie de l'article en
japonais?
M. Tremblay: M. le Président, question de
privilège.
Le Président: Je m'excuse, un député
soulève une question de privilège.
M. Tremblay: Lors de la dernière session vous aviez
réussi, M. le Président, à "balancer" le son de
façon qu'on puisse entendre et cela s'est
détérioré. Je demanderais aux membres de l'Opposition
d'être calmes aujourd'hui, pour une fois, de façon qu'on puisse
comprendre et les questions et les réponses.
Le Président: M. le député, vous êtes
bien flatteur de me dire que j'avais "balancé" le son. J'avoue que je
n'y connais absolument rien. Je m'engage à faire en sorte que l'on
puisse le "rebalancer" de nouveau pour la présente session.
M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Je vais reposer ma question. Est-ce que le premier
ministre me permettrait de déposer les documents qui sortent des
services gouvernementaux, incluant photocopie de l'article de l'Asahi Shimbun,
incluant la traduction officielle du gouvernement qui est un petit peu
différente
de la mienne et qui dit: "Le cas de la Palestine ressemble à
celui du Québec, bien qu'au Québec on ait choisi la voix
démocratique."
Est-ce que le premier ministre est prêt à dire qu'il a
parlé de la Palestine à ce journal sans y être
invité? Pensez-vous, M. le premier ministre, qu'il a été
sage ou exact de comparer les conditions au Québec et au Canada avec le
cas de la Palestine qui vit dans un des secteurs du monde les plus violents,
les plus volatiles, les plus enflammés? Croyez-vous que de telles
comparaisons sont aptes à rassurer les investisseurs
étrangers?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le
député vient de prouver que j'avais raison de me méfier,
dès le départ. Il avait oublié juste un petit membre de
phrase, dans sa pseudo-citation, qui a une petite importance. Cela étant
dit, je vais regarder de nouveau le contexte, sans la moindre objection bien
sûr, puisqu'il s'agit de documents semi-officiels, à ce qu'il
dépose tout ce qu'il voudra, quant à moi.
Deuxièmement, j'ajouterais une chose qui m'a frappé et qui
illustre admirablement certaines des questions auxquelles se prête
l'Opposition depuis le début de cette séance. On est
arrivé dans un contexte, au Japon surtout, en Chine de plus en plus,
où on avait l'impression un peu gênante que ces gens très
loin, très importants, on l'admettra, au point de vue économique,
dont le Québec a plus besoin qu'eux ont besoin de nous, étaient
plus au courant de la réalité canado-québécoise,
nord-américaine, bien sûr, que nous ne sommes au courant de ce qui
se passe là-bas. Autrement dit, à partir d'une ignorance parfois
insondable ou de pure partisanerie qui déforme n'importe quoi, on
essaie, on dirait, dans certains cas - je vais viser nos amis d'en face -
littéralement de voir s'il n'y a pas moyen de mettre des écrans
de fumée autour de réalités qu'on a absolument besoin de
connaître de façon objective.
Je trouve que c'est du beau travail, encore une fois, de sabotage de
l'intérêt public. Merci, M. le Président.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Est-ce que le premier ministre ne pense pas que la
moindre comparaison entre la situation de la Palestine et celle du
Québec... Ne pense-t-il pas que l'office de premier ministre comporte
des exigences d'élémentaire discrétion et de sagesse qui
demandent d'éviter toute parole et toute action qui pourraient nuire
à l'image et aux intérêts du
Québec? N'avez-vous pas ce contrôle
élémentaire sur vos paroles? Pourquoi persistez-vous ainsi
à toujours diminuer et humilier l'image et les intérêts du
Québec devant les étrangers?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je laisse, avec un certain
sentiment de répugnance, la paternité de toutes ses conclusions
si bien écrites au député. Qu'il couche avec. C'est
tout.
Le Président: M. le député de Jean-Talon,
question complémentaire.
M. Rivest: Une question au premier ministre qui concerne encore
ses voyages et cette clarté transparente qui accompagne ses
déclarations ici au Québec ou à l'étranger. Vous
attaquez l'Opposition, M. le premier ministre, l'Opposition...
Des voix: Question.
Le Président: II n'y a pas que le député de
Chambly qui a de la difficulté à comprendre aujourd'hui. J'en ai
aussi avec tout le brouhaha qui règne dans cette salle. Est-ce une
question principale?
M. Rivest: Oui.
Le Président: Question principale, M. le
député de Jean-Talon. (14 h 30)
La lettre de M. Joe Clark sur l'incident de
Shanghai
M. Rivest: Vous attaquez l'Opposition en cette Chambre, M. le
premier ministre. Je vais vous citer le cas du ministre des Relations
extérieures du Canada, M. Joe Clark, en rapport avec l'incident de
Shanghai. Le ministre dit: "J'ai minutieusement revu tous les faits de ce
dossier et je puis vous assurer qu'aucune démarche n'a été
entreprise par le ministère des Affaires extérieures canadien
afin de restreindre les déplacements du premier ministre Lévesque
lors de son récent voyage en Chine." Or, vous avez dit, en
réponse à une question d'un journaliste, dans le Soleil du 26
septembre: "C'est vrai - ce sont vos paroles - que j'ai été
bloqué. Cela vous donne une idée de ce qui se passe avec le
gouvernement canadien."
Ma question, comme la question de mes collègues
antérieurement, c'est: quand dites-vous la vérité?
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai bien
dit la semaine dernière qu'il s'agissait fondamentalement d'une
tempête
dans un verre d'eau...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Lévesque (Taillon): ...de la part de gens qui, ayant
perdu le pouvoir, essaient de se maintenir sur la carte. Je n'ai rien
contre...
Une voix: ...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre!
M. Lévesque (Taillon): ...les efforts dans ce sens de M.
Chrétien.
Cela dit, ce que j'ai dit découlait de ce qui a
émané de l'entourage personnel de M. Mulroney deux ou trois jours
après l'élection...
Des voix: Oh!
M. Lévesque (Taillon): Oui, où on se posait des
questions - nous, on n'avait pas de réponse - sur la possibilité
d'aller à Shanghai, qui avait d'abord été ouverte, et cela
intéressait puissamment, potentiellement en tout cas, Montréal et
la ville de 5hanghai. Donc, c'était important potentiellement pour nous.
C'était devenu très compliqué, presque impossible pour
toutes sortes de raisons difficiles à démêler.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Lévesque (Taillon): L'ayant mentionné au
téléphone à M. Mulroney lui-même, le matin de
l'assermentation de son gouvernement, alors qu'il faisait le tour des provinces
pour annoncer à chacun des premiers ministres provinciaux qui seraient
dans quelques heures les représentants de leur province, puisqu'on avait
encore deux ou trois minutes, j'ai dit: Puisqu'il y a des choses qui peuvent
rapidement peut-être s'éclaircir, on fait un voyage en Asie. J'ai
dit: On a l'impression qu'il y a quelque chose qui bloque. Est-ce qu'il serait
possible, si vous trouvez le temps, de régler cela? Deux choses
sont...
Une voix: ...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Lévesque (Taillon): ...arrivées. La
première, c'est que le lendemain à 16 h 30 de
l'après-midi, on apprenait tout à coup qu'il n'y avait plus
d'obstacles et, deuxièmement - je pense que c'est le lendemain -
paraissait dans les journaux, émanant de l'entourage de M. Mulroney, une
dépêche qui disait: Le nouveau premier ministre
fédéral a débloqué ou a permis le passage de la
délégation québécoise à Shanghai. Alors, si
vous avez d'autres commentaires à obtenir, appelez donc chez M.
Mulroney.
Le Président: M. le député de Jean-Talon,
question complémentaire.
M. Rivest: Ma question était très simple. Vous avez
déclaré que vous aviez été bloqué par le
gouvernement canadien. J'ai presque envie, d'ailleurs, de demander au premier
ministre de simplement répéter la réponse qu'il vient de
me donner pour voir s'il y aurait des variations. C'était tellement
confus.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: M. le député.
M. Rivest: Vous avez dit que vous aviez été
bloqué par le gouvernement canadien. Vous avez dit que...
Le Président: M. le député.
M. Rivest: ...vous en aviez parlé à M. Mulroney au
lendemain de son élection, c'est-à-dire le 5. Vous aviez...
Le Président: Vous savez aussi bien que moi les
règles concernant la période des questions.
M. Rivest: Vous aviez une lettre du 24 août de M.
Chrétien, ministre des Affaires extérieures du Canada, qui vous
disait...
Le Président: M. le député.
M. Rivest: ...que ce que vous aviez dit était totalement
faux...
Des voix: À l'ordre!
Le Président: Je pensais que vous saviez aussi bien que
moi les règles de la période des questions alors que cela ne
semble pas être le cas.
Une voix: ...
Le Président: M. le député.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: Pas de préambule à une
question complémentaire. Votre question, M. le député.
M. Rivest: Une question brève. Pourquoi, dans ce dossier
précis, avez-vous menti?
Des voix: Bravo!
M. Bertrand: M. le Président, je pense
que le député doit être rappelé à
l'article 35, paragraphe 6, où il est bien dit que le
député qui a la parole ne peut-Une voix: Des ordures.
M. Bertrand: ...imputer des motifs indignes à un
député ou refuser d'accepter sa parole. Le premier ministre a
répondu à la question du député de Jean-Talon.
C'est la même question qui vient d'être posée. Le
député de Jean-Talon impute des motifs au premier ministre et
refuse d'accepter sa parole. Je vous fais valoir, dans les circonstances, qu'il
contrevient à l'article 35, paragraphe 6, et que le député
devrait retirer ses paroles.
M. Gratton: Question de règlement.
Le Président: Oui, M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Gratton: Tout d'abord, avant qu'on puisse imputer des motifs
au premier ministre, faudrait-il qu'on comprenne ses propos. Ce que le
député de Jean-Talon souligne, c'est qu'il n'y a aucune
cohérence dans les propos que tient le premier ministre.
Le Président: Sur le fond de la question.
M. Gratton: M. le Président, sur la question de
règlement. On a le ministre des Affaires extérieures canadien, un
de vos nouveaux bons amis, M. Clark, qui prétend une chose...
Le Président: J'ai déjà eu le plaisir de
faire distribuer en cette Chambre une liste qui sort directement de l'ancien
règlement Geoffrion sur les paroles interdites. Il est très
clairement dit qu'il est interdit à un député de
contredire directement un député et de dire qu'il ment et que sa
déclaration est fausse. M. le député de Jean-Talon, votre
question disait exactement cela. Je vous inviterais à retirer vos
paroles sans le moindre commentaire.
M. Rivest: M. le Président, je vais retirer la
première partie de ma question. Je vais la reformuler autrement.
Pourquoi, cette fois-là comme dans l'autre cas, n'avez-vous pas dit la
vérité purement et simplement?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): La partie la plus drôle... La
chose assez répugnante et aussi très bien calculée que
vient de faire le député de Jean-Talon, c'est de commencer par
souligner que j'attaquais l'Opposition. Quand on voit ce qui peut sortir
d'ordurier, de déformation des faits, sans arrêt...
M. Gratton: Question de règlement.
Le Président: Rappel au règlement, M. le premier
ministre. M. le leader parlementaire de l'Opposition.
M. Gratton: Sur une question de règlement. Voulez-vous
vérifier l'ancien code pour savoir si le terme "ordurier" est
parlementaire et acceptable ici en cette Assemblée?
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, si vous me
permettez, en attendant vérification, je répondrai simplement au
député de Jean-Talon sur ce qu'on peut appeler le fond de sa
question que la lettre qu'évoquait le député de
Jean-Talon, lettre de M. Chrétien en date du mois d'août...
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche, s'il y a un règlement à faire observer, je m'en
charge. Il reste un quart d'heure à la période des questions. Ce
serait agréable de pouvoir la finir dans le calme.
M. Lévesque (Taillon): Je disais simplement ceci: La
lettre qu'évoque le député de Jean-Talon, lettre de M.
Chrétien en date du mois d'août, si j'ai bonne mémoire, qui
était adressée, je crois, à mon collègue des
Relations internationales, ne mentionnait d'aucune façon le sujet en
question. Cela parlait de façon paternaliste du fait que, comme il y
avait déjà trois provinces représentées à
Hong Kong, l'Ontario, l'Alberta et, si j'ai bonne mémoire,
peut-être la Colombie britannique, cela commençait à
être encombrant peut-être qu'une quatrième - comme par
hasard c'était le Québec - se pointe vers Hong Kong. Pour le
reste, c'était simplement un voyage en Chine, de façon
générale. Il n'y a rien à dire là-dessus. On va
vous aider à le préparer, etc. Cela ne répondait pas du
tout à la préoccupation qu'on a eue quelque temps après et
qui était la suivante: comment se fait-il que soit devenue impossible la
principale étape qu'on a prévue en Chine? Le reste s'est
enchaîné, comme je viens de le dire au député de
Jean-Talon.
Cela étant dit, je veux bien qu'on fasse cette espèce de
petite corrida à l'occasion, mais j'aime mieux dire qu'en dépit
de ce dont on essaie d'abreuver votre serviteur, M. le Président, cela
va en prendre plus que ça pour m'empêcher de dire les faits tels
que je les connais, la vérité telle que je la connais, et vous
pouvez vous arranger avec les résultats.
M. Rivest: Question additionnelle.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le premier ministre, ce que je cherche à
comprendre - pas seulement moi, mais beaucoup de gens - c'est que vous avez
affirmé: "C'est vrai que j'ai été bloqué". D'autre
part, le ministre canadien actuel des Relations extérieures dit: "J'ai
minutieusement examiné tous les faits dans ce dossier et je puis vous
assurer qu'aucune démarche n'a été entreprise par le
ministère..." (14 h 40)
Le Président: M. le député, la question.
M. Rivest: C'est pour cela que je vous pose la question de cette
façon, même si vous n'aimez pas ma formulation. Quelle est la
vérité?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): La vérité, ce que
j'en sais, c'est que, premièrement, de façon un peu
mystérieuse, tout à coup, Shanghai était bloquée.
Je me suis dit: Cela ne peut pas venir de l'Union soviétique comme
intervention; cela ne peut pas venir du Mexique ou d'ailleurs, cela doit venir
de quelque part. Cela étant dit, lorsque, tout à coup, cela a
débloqué, c'était le lendemain du jour où j'en
avais parlé à M. Mulroney. J'ai tiré mes conclusions.
Arrangez-vous avec cela.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Pour terminer, la déclaration du premier
ministre n'entrait-elle pas dans ce qu'a été la chicane
stérile et négative à laquelle vous vous êtes
livrés pendant six ans avec les libéraux fédéraux,
ce qui a coûté tellement au développement économique
du Québec, avec votre responsabilité?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense
qu'un enfant d'école pourrait répondre à une question
comme celle-là s'il n'était pas obnubilé comme l'est
nécessairement l'Opposition. Si c'était constamment
bloqué, surtout les deux ou trois dernières années,
n'importe quelle tractation substantielle du côté
fédéral-provincial, avec quelques exceptions, à peu
près sans arrêt et si certaines choses se sont quand même
réglées ponctuellement depuis le début de septembre, il
s'est donc passé quelque chose. Qu'est-ce que c'est? C'est qu'on a
changé de gouvernement fédéral.
Le Président: Question principale, M. le
député de Rousseau.
La station de ski de Mont-Tremblant
M. Blouin: M. le Président, nous allons donc passer de
l'Orient pacifique aux Laurentides québécoises. Ma question
s'adresse au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Elle
concerne le dossier de la station touristique de Mont-Tremblant.
Samedi le 25 août dernier, je rencontrais MM. Gérald
Lafontaine et André Goyer, respectivement président et directeur
général de l'Association touristique des Laurentides. Au cours de
cette rencontre, on insista sur l'importance régionale de la station
touristique de Mont-Tremblant qui constitue un élément essentiel
d'attraction pour les visiteurs et les amateurs de ski du Québec, des
États américains et des provinces canadiennes adjacentes au
Québec. Le ministre pourrait-il me dire quels moyens il a mis de l'avant
pour que les hommes et les femmes oeuvrant dans le secteur touristique de notre
région puissent être assurés que la station touristique de
Mont-Tremblant fonctionnera au cours de l'hiver qui vient? J'aurai quelques
questions complémentaires.
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Chevrette: M. le Président, à la suite de la
saisie des actifs du groupe Promodev de la Banque commerciale du Canada, nous
avons négocié avec la banque et nous avons conclu une entente de
neuf mois nous permettant, bien sûr, de s'assurer que l'hiver qui vient,
la station de ski Mont-Tremblant sera ouverte à l'ensemble du tourisme
que nous avions les années antérieures, ce qui permettra, par le
fait même, à tous les employés, autant ceux dans le domaine
du ski que dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration,
d'oeuvrer conformément aux années antérieures. Cette
entente prévoit une clause de reconduction pour les douze mois
subséquents, si jamais, dans ce délai de neuf mois, la banque n'a
pas trouvé d'acheteur ou si on n'a pas conclu une autre entente pouvant
régler le dilemme comme tel.
Le Président: M. le député de Rousseau, en
complémentaire.
M. Blouin: Le ministre pourrait-il me dire si le fait que la
gestion Promodev ait décidé de demander une injonction
interlocutoire à ce sujet peut remettre en cause le fonctionnement de la
station de ski de Mont-Tremblant au cours de l'hiver qui vient?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, c'est vrai
que le groupe Promodev a pris une injonction. À sa demande même,
cette injonction fut ajournée sine die. On ne connaît pas le jour
où cela devra passer devant les tribunaux.
Deuxièmement, je tiens de la banque le fait suivant: Advenant que
la banque perde en première instance, elle irait elle-même en
appel, ce qui nous donne un délai suffisant pour nous assurer que la
saison de ski ne soit pas compromise d'aucune façon.
Le Président: M. le député de Rousseau.
M. Blouin: M. le Président, puisque nous sommes maintenant
assurés que la station fonctionnera au cours de l'hiver, le ministre
pourrait-il me dire quels sont les moyens qu'il envisage pour assurer la survie
de la station touristique de Mont-Tremblant, mais, cette fois, à long
terme?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Chevrette: M. le Président, avant de répondre
à la question, il serait peut-être important, pour l'information
des téléspectateurs et même pour l'information de cette
Chambre, de dire que le dilemme majeur que nous avons à la station
touristique de Mont-Tremblant c'est que le versant sud de cette montagne
appartient moitié à l'État et moitié à
l'entreprise privée, si bien que des équipements des
remontées mécaniques, les pylônes de départ,
appartiennent au domaine privé. Nous avons été
mandatés, trois ministres, pour trouver des solutions à moyen et
à long terme. Je n'ai pas l'intention aujourd'hui d'avancer des
hypothèses très précises, mais je peux vous dire que cela
va de l'achat de gré à gré jusqu'à l'expropriation
comme champ de possibilité. Il est évident, M. le
Président...
M. Lincoln: M. le Président, je m'excuse de vous
interrompre.
Le Président: Vous ne m'interrompez pas, vous interrompez
le ministre qui est en train de répondre.
M. Lincoln: J'ai envie de vous poser une question. Est-ce que le
premier ministre a le droit de me traiter d'enfant de chienne en Chambre?
Est-ce que le premier ministre a le droit, en Chambre, de me traiter, moi,
comme député, d'enfant de chienne?
Le Président: M. le député, s'il fallait, en
plus de chercher à maintenir un certain ordre dans les paroles qui sont
prononcées publiquement dans les microphones de cette Chambre et
enregistrées au Journal des débats, qu'en plus de cela je me
mêle des conversations privées des députés, ce n'est
pas de deux vice-présidents dont j'aurais besoin mais d'une armée
complète.
M. Lincoln: M. le Président, ce n'était pas une
question privée.
Le Président: Un instant, M. le leader de
l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez de vous
demander tout simplement de laisser au député de Nelligan au
moins la chance de vous expliquer ce qui s'est produit. J'ai été
témoin de ce qui s'est produit entre le premier ministre et le
député de Nelligan. Je pense que...
M. Bertrand: À l'ordre! Il n'y a absolument rien qui s'est
produit.
M. Gratton: ...au minimum le député de Nelligan a
le droit de l'expliquer...
M. Bertrand: M. le Président, franchement.
Le Président: Écoutez, vous comprenez comme moi
que, lorsqu'il y a un rappel au règlement, il faut que cela se rapporte
à quelque chose qui s'est produit. Si c'est un échange de
paroles, quelque chose qui a été enregistré par le Journal
des débats, par la radiotélévision des débats...
Que dans une conversation privée, qu'elle ait lieu sur le parquet, en
parallèle, ou dans le fumoir ou dans l'entrée, il ait pu y avoir
des propos comme ceux qui sont évoqués, le président n'a
pas juridiction sur les échanges entre les députés, les
échanges privés.
Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, est-ce que vous n'avez pas vu
le premier ministre croiser devant vous pour se rendre au pupitre du
député de Nelligan? Peut-être ne l'avez vous pas entendu
mais, M. le Président, nous on l'a entendu le...
Le Président: J'ai effectivement vu le premier ministre
traverser; puisqu'il est passé devant moi; c'était difficile de
le manquer. Mais au-delà de cela je n'ai rien entendu de ce que vous
évoquez, et ce n'était pas un propos de nature publique qui
était dans le cadre de la période des questions, puisque nous
sommes à la période des questions.
M. Lincoln: Est-ce que je peux vous demander...
M. Gratton: Est-ce qu'en vertu de notre règlement le
premier ministre peut traiter n'importe qui d'enfant de chienne ici?
Le Président: Je vous réitère, monsieur le
député... À l'ordre! Messieurs, si cela continue je vais
suspendre la séance.
Nous étions en pleine période de questions. Le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche était à terminer sa
réponse. Je lui permets de terminer parce que la période des
questions avec tout cela est terminée.
M. le chef de l'Opposition. (14 h 50)
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: Oui, M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Étant donné les
circonstances et que c'est devenu, je pense bien, une notoriété
publique, devant un tel fait, devons-nous tous garder le silence, accepter les
choses comme elles se sont passées au vu et au su maintenant, non pas
seulement des membres de l'Assemblée, mais du public jusqu'à un
certain point? M. le Président, tenant compte de nos institutions et
tenant compte d'une répétition possible de tel geste, est-ce que
nous allons simplement passer toute cette affaire sous silence?
Le Président: M. le chef de l'Opposition... Oui, M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, il existe un
règlement de l'Assemblée nationale: Si un député
désire se lever pour soulever une question de règlement sur la
base des règlements qui existent, et non pas sur des choses qui
pourraient sortir de l'imagination du député, sur la base du
règlement qui existe, si le député a une question de
règlement à faire, qu'il la fasse et qu'il dise en vertu de quel
article. Si son privilège a été brimé, qu'il le
dise, qu'il dise en vertu de quel article de la loi, mais qu'on ne travaille
pas à cette Assemblée nationale... M. le Président, il y a
des conversations à gauche et à droite qui se déroulent
pendant toute la période des questions. Est-ce que les
députés vont se lever chaque fois pour soulever une question de
règlement parce qu'ils parlent à un de leurs collègues?
Voyons!
Le Président: M. le whip de l'Opposition.
M. Pagé: M. le Président, sans revenir sur les
faits auxquels on a référé et ce que le premier ministre a
fait, pourriez-vous indiquer à cette Chambre si, en vertu de la Loi sur
la Législature et, notamment, les articles portant sur les intimidations
dont un député peut être l'objet à son siège
ici en Chambre, le premier ministre a le droit de venir de l'autre
côté et de traiter tout le monde d'enfant de chienne?
Le Président: Vous avez assez de métier en cette
Chambre, M. le député, pour savoir comment utiliser la question
de privilège, que le privilège émane de la loi ou qu'il
émane du règlement. Si vous voulez le faire, c'est en soulevant
une question de privilège en bonne et due forme, une vraie,
fondée sur un véritable privilège. À ce
moment-là, ce serait à l'Assemblée à statuer. Le
président n'a pas des pouvoirs illimités et, notamment pas qui
s'étendent à ce genre de situation que vous décrivez.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président.
Le Président: Oui, M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je pourrais simplement
expliquer en deux mots ce qui est arrivé? D'une part, on m'a fait
parvenir de mon cabinet le mot à mot de l'interview qu'évoquait
le député. Cette interview, mot à mot, évoque aussi
le cas palestinien, etc., mais dans un contexte qui n'a rien à voir avec
ce dont il s'est servi, parce qu'il avait dit qu'il déposerait, alors
j'ai demandé au député et j'ai demandé à la
Table si cela avait été déposé. Je suis allé
voir le député, puisque cela n'était pas
déposé et je lui ai dit: Est-ce que je pourrais voir? Il me l'a
tendu et je me suis permis de dire ce que je pensais du
procédé.
Voici en deux lignes chacune des petites notes prises à
même l'article du journal Asahi au Japon. Voici la traduction
intégrale. Entre les deux se trouvent la différence entre un
procédé, à mon humble avis, correct qui aurait
été de citer et un procédé répugnant qui est
celui-ci.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, j'espère...
Le Président: À l'ordre!
M. Lincoln: ...comme vous avez donné la chance au premier
ministre de s'expliquer, que vous me donnerez aussi la chance de m'expliquer de
la même façon.
Je veux souligner ceci: Premièrement, j'ai obtenu cette
transcription des services gouvernementaux des Affaires internationales
eux-mêmes. Donc, c'est une version officielle. Deuxièmement, j'ai
pris la photocopie de l'article du journal japonais que j'ai fait traduire par
une personne de descendance japonaise, née au Japon, qui lit le
français, le japonais et l'anglais couramment, une personne
éminente, qui a traduit le texte que j'ai cité ce matin.
Troisièmement, je ne me fais pas appeler enfant de chienne et
personne répugnante par n'importe qui, et je pense que si le premier
ministre ne veut pas s'excuser, c'est lui qui va coucher avec, parce que c'est
indigne de vous comme député, surtout comme premier ministre.
Vous devriez avoir honte de vous.
Des voix: Bravo!...
Le Président: M. le député de
Saint-Louis.
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que j'ai le droit
d'intervenir pour dire simplement ceci? Si le député n'a pas
voulu déposer sa fameuse traduction faite par un descendant japonais et
qu'il a préféré se servir de petits clichés de deux
lignes qui sont très nettement identifiés comme étant des
extraits d'un article paru dans Asahi, il aurait pu moins se forcer puisque
j'ai ici le mot-à-mot de la traduction officielle qu'on nous a fournie.
Aussitôt que j'en aurai une copie, dans quelques instants, s'il n'y a pas
d'objection, je pourrai le déposer, M. le Président.
Une voix: Très bien.
Le Président: J'imagine qu'il n'y a pas d'objection. Un
instant! Si vous me permettez, je veux simplement déterminer s'il y a
objection à ce que ce document soit déposé.
Des voix: Non.
Le Président: II n'y a pas d'objection? Bien. Il sera
déposé dès que disponible. M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Sur la question de règlement.
Le Président: J'avais donné la parole au
député de Saint-Louis tantôt.
M. Blank: Sur la question de règlement. On a maintenant
une situation différente de celle que le président a
décrite il y a quelques minutes. Le premier ministre a admis avoir
utilisé ces mots et vous avez l'obligation de lui demander de les
retirer.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je me
permets de vous référer à votre propre remarque à
savoir que ce qu'échangent entre eux des députés dans
cette Chambre en dehors de la période officielle de questions ou de
débats, c'est du secteur privé. Ce que j'ai dit au
député, je le pense profondément à partir de son
procédé. Quant à moi, ça va rester dit.
M. Gratton: Question de règlement. Vous venez d'entendre
le premier ministre, le premier citoyen du Québec récidiver.
Pourrais-je attirer votre attention, et surtout la sienne, sur l'article 55 de
la Loi sur l'Assemblée nationale? Celui-ci stipule: "Nul ne peut porter
atteinte aux droits de l'Assemblée. Constitue notamment une atteinte aux
droits de l'Assemblée le fait de: "8° diffamer un
député ou proférer des injures à l'encontre de ce
dernier."
Compte tenu de la coutume et de nos règles de pratique, n'est-il
pas de votre devoir, maintenant que le premier ministre a admis avoir
proféré ces injures à l'endroit du député de
Nelligan, d'exiger de lui qu'il les retire ou qu'il subisse les
conséquences prévues dans notre règlement?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, l'échange qu'il y a
eu, de question à réponse et de réponse à question,
entre le député de Nelligan et le premier ministre du
Québec s'est fait ici à l'Assemblée nationale, en public,
chacun occupant son siège et exerçant ses fonctions à
partir de son siège. Le premier ministre est allé rencontrer le
secrétaire général pour obtenir un document qui semblait
avoir été déposé par le député de
Nelligan qui, lui-même, avait demandé que ce document puisse
être déposé. Ce document n'était pas, à ce
moment-là, entre les mains du secrétaire général et
le premier ministre, comme ça arrive fréquemment pour des
députés en cette Chambre, quittant son siège - ce qui nous
arrive fréquemment aussi - est allé demander au
député de Nelligan de lui remettre le document, ce que le
député de Nelligan a fait.
Tout le reste est une affaire strictement privée. Vous avez
vous-même indiqué que, comme président de
l'Assemblée nationale, vous n'avez été d'aucune
façon témoin de quoi que ce soit et que, comme président
de l'Assemblée nationale, vous aviez à statuer sur les
échanges que les députés avaient entre eux à partir
du siège qu'ils occupent à l'Assemblée nationale.
M. Lincoln: M. le Président...
Le Président: Oui, M. le député de Nelligan.
(15 heures)
M. Lincoln: Puisque le premier ministre a
répété ses accusations de façon indirecte, je
voudrais expliquer que, la première fois que j'ai posé ma
question, les paroles que j'ai citées provenaient d'un texte que j'avais
obtenu d'une personne qui a bien voulu traduire le texte japonais que je lui ai
montré en anglais, lequel a ensuite été traduit en
français. De bonne foi, je pensais
que c'était une traduction fidèle du texte japonais. C'est
pourquoi je n'ai pas cité moi-même le texte réduit qui nous
avait été envoyé par les services de presse. Lorsque le
premier ministre m'a questionné sur la véracité de la
chose, c'est alors que je lui ai montré le texte que j'avais obtenu des
services gouvernementaux qui sont un résumé de la chose. Les
premiers textes que j'ai cités étaient une traduction qu'une
personne de très bonne foi m'a donnée, d'une personne d'origine
japonaise, née au Japon, qui parle anglais et japonais couramment.
Quoi qu'il en soit, j'ai toujours eu le plus grand respect pour ces
institutions. Je peux être tout à fait en désaccord avec
les gens de l'autre côté, mais jamais sur leur personnalité
et leur office. J'ai le plus grand respect pour le premier ministre, mais,
quand il me traite d'enfant de chienne ou de personne répugnante,
même s'il ne s'excuse pas, le peuple jugera de son indignité, de
sa disgrâce. C'est le mot "a disgrace". Je m'étonne vraiment
qu'une personne de votre stature et de votre office puisse se servir de mots
pareils. Je ne pense pas que ce...
Le Président: M. le député... Des voix:
Bravo!
Le Président: Dernière intervention, M. le leader
de l'Opposition.
M. Grattton: Je vous remercie, M. le Président. Je
voudrais faire suite aux propos que tenait le leader du gouvernement sur la
question de règlement. Il vous fait valoir que le premier ministre n'a
pas à retirer quoi que ce soit parce que les paroles qu'il a
prononcées sont de nature privée. Je fais remarquer, à ce
point de vue, M. le Président, que le premier ministre a confirmé
de son siège, publiquement, qu'il avait exprimé au
député de Nelligan les paroles qu'on lui prête. La question
de règlement spécifique que je soulève, c'est qu'il ne
s'agit pas, à l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale,
de dire: Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée lorsqu'un
député a la parole, c'est: "Nul ne peut porter atteinte aux
droits de l'Assemblée. Constitue notamment une atteinte aux droits de
l'Assemblée le fait de: 8 Diffamer un député ou
proférer des injures à l'encontre de ce dernier." On ne dit pas:
Publiquement, en sourdine...
Le Président: M. le député, si... Je me
permets d'attirer votre attention sur le fait qu'il y a une distinction
importante entre l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale et
l'article 35 du règlement. L'article 55 de la Loi sur l'Assemblée
nationale dit bien en effet, comme M. le leader de l'Opposition l'a
cité: "Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée.
Constitue notamment une atteinte aux droits de l'Assemblée..." Il y a 13
paragraphes de ce que peuvent être les atteintes aux droits de
l'Assemblée ou des parlementaires. Si un parlementaire est d'avis qu'une
telle atteinte a été portée à son endroit ou
à l'endroit de l'Assemblée, la procédure qui est
prévue dans le règlement est de soulever une question de
privilège, une vraie. Ce que vous me demandez est tout à fait
distinct. Vous me dites: Le premier ministre aurait exprimé une opinion
dans une conversation qui n'était pas dans le cadre du débat. Je
vous réfère à l'article 35 du règlement qui dit:
"Le député qui a la parole ne peut..." Il y a un certain nombre
de choses qu'il ne peut faire. Dans l'ancien Code Geoffrion où on
était beaucoup plus explicite puisqu'il y en avait sur une longueur de
trois pages, l'article 285 disait: "II est interdit à tout
député qui a la parole..." Encore faut-il l'avoir. Que des
députés qui n'ont pas la parole se disent entre eux des choses
peu gentilles ou peu agréables, vous conviendrez avec moi que ma
juridiction ne va pas jusque-là. Ma juridiction, celle de
l'Assemblée, porte sur les paroles prononcées par un
député qui a la parole comme c'était le cas tantôt,
par exemple, de M. le député de Jean-Talon, en pleine
période de questions, au moment où il avait la parole et
où il a posé une question.
Quant à la question de règlement soulevée, ou la
part de la question de règlement soulevée par M. le
député de Saint-Louis où il dit: Parce que M. le premier
ministre a dit qu'il avait été cherché le document et
qu'il avait exprimé une opinion sans pour autant répéter
l'opinion qu'on lui prête, je lui rappelle le printemps 1983, au moment
où M. le député de Gatineau avait prononcé des
paroles en Chambre qui m'avaient amené à lui demander de retirer
ses paroles, ce qu'il avait refusé, et il m'avait par conséquent
obligé à utiliser la sanction prévue au règlement,
c'est-à-dire à lui interdire le droit de parole. Peu de temps
après, le député d'alors de Marguerite-Bourgeoys, le
leader de l'Opposition, dans son discours, avait fait allusion aux propos tenus
par le député de Gatineau en disant: Et je partage l'opinion du
député de Gatineau sans pour autant l'exprimer comme telle, ce
qui aurait été une parole antiparlementaire. M. le
député de Saint-Louis, c'est vous-même à ce moment
qui m'aviez mis sur la bonne piste en m'indiquant que ce que le
député de Marguerite-Bourgeoys avait dit n'était pas
l'équivalent de ce que le député de Gatineau avait dit
à ce moment et que, par conséquent, cela ne justifiait pas que le
député de Marguerite-Bourgeoys retire ses paroles.
Cela étant, nous allons permettre au ministre du Loisir, de la
Chasse et de la
Pêche de terminer sa réponse, commencée il y a de
cela un bon quart d'heure.
M. Chevrette: M. le Président, je rappelais que, pour le
règlement à moyen et à long terme en ce qui a trait...
Le Président: Je m'excuse de vous interrompre. Je profite
de l'occasion pour ajouter que je ferai distribuer de nouveau, si on le veut,
les pages du règlement de Geoffrion sur les paroles antiparlementaires
et on constatera, en lisant ces paroles, que les moeurs ont, hélas,
évolué, mais pas dans le bon sens et qu'il y a beaucoup de choses
qui étaient interdites aux députés à cette
époque parce que il faut croire qu'il y avait plus de retenue verbale
qu'il n'y en a aujourd'hui. J'espère que tous les députés
pourront s'en inspirer de manière que nous revenions à ces saines
habitudes de gentilshommes qui siègent en cette Chambre.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: ...nous promettez-vous d'en envoyer une copie au
premier ministre surtout?
Le Président: À tous les députés, M.
le leader de l'Opposition. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
M. Chevrette: M. le Président, la question qui
m'était posée: Est-ce que nous avons prévu des moyens
concrets pour régler la situation à moyen et à long
terme?
Au moment où on vous parle, il y a trois ministres de
mandatés, à savoir le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, le ministre des Transports et moi-même, pour trouver des
solutions qui peuvent varier de la négociation de gré à
gré jusqu'à l'expropriation partielle ou totale. Et on verra
laquelle des recommandations, à travers cette gamme possible, nous
devrons faire au Conseil des ministres éventuellement.
Cependant, je vous rappellerai qu'un des dilemmes auxquels nous avons
à faire face dans la question de Mont-Tremblant, c'est qu'une partie
importante du versant sud de la montagne appartient au domaine privé.
C'est un problème vieux de plusieurs dizaines d'années et qui
nous empêche d'avoir pleine possession du domaine skiable. Les
pylônes des remontées mécaniques reposent dans le secteur
privé, de sorte qu'une partie peut paralyser l'autre partie,
c'est-à-dire qu'une grève, par exemple, ou encore une saisie ou
un arrêt des opérations du secteur privé a pour effet
d'arrêter le domaine skiable compte tenu que le sol ou la
propriété foncière du domaine skiable n'est pas exclusive
à l'État.
C'est dans ce sens qu'on recherche des hypothèses de solution et
cela me fera plaisir, éventuellement, de répondre à
d'autres questions parce qu'il y a eu des insinuations malveillantes sur le
dossier de Mont-Tremblant. Cela me fera plaisir d'y répondre à un
moment donné pour clarifier et dégonfler certaines "ballounes"
qu'ont tenté de monter certains gars de l'Opposition.
Le Président: II y a un complément de
réponse de M. le ministre du Revenu à une question qui a
été posée par M. le député de D'Arcy McGee,
la semaine dernière. M. le ministre du Revenu.
La publication d'une liste de députés
fédéraux en difficulté avec le fisc
M. Dean: M. le Président, en réponse à une
question du député de D'Arcy McGee jeudi dernier en Chambre, je
dois vous dire que le ministère du Revenu du Québec, dans le
cadre de son mandat de perception des fonds publics, doit parfois
établir des listes de contribuables afin de vérifier
l'application de la loi. C'est une pratique qui existe depuis très
longtemps et ces listes, en plus des dossiers personnels de tout citoyen, sont
strictement confidentielles en fonction de la loi.
Dans son fonctionnement normal, le service de vérification
procède à l'élaboration de listes pour
vérification, mais qui sont élaborées conformément
à certains critères découlant directement de son
obligation de prendre des mesures nécessaires pour que les lois fiscales
en vigueur soient respectées par les contribuables
québécois.
Deuxièmement, des listes peuvent être constituées
pour circonscrire des problèmes particuliers et vérifier l'impact
de nos lois ficales. Les listes donnent alors un tableau de la situation et
nous indiquent l'étendue du problème. D'autres listes sont
parfois soumises au ministère du Revenu par des procureurs ou
fiscalistes représentant des groupes de citoyens ayant un
problème commun ou un litige avec le fisc québécois. Dans
au moins un cas, une telle liste a été soumise au
ministère, à un haut fonctionnaire par un procureur
représentant des artistes. Donc, je touche un des volets de la question
du député. (15 h 10)
Enfin, les employeurs eux-mêmes, agissant à titre de
mandataires du ministère du Revenu aux fins de la perception de
l'impôt, soumettent au ministère la liste de leurs
employés. Dans le cas d'un employeur qui est une équipe sportive
professionnelle, sa liste d'employés contiendrait par le fait même
la liste des vedettes ou des moins
vedettes parmi les athlètes professionnels.
Pour ce qui est de la deuxième partie de la question, qui touche
plutôt les faits relatifs à la malheureuse fuite, je
préfère répondre seulement lorsque les rapports
d'enquêtes administrative et criminelle de la Sûreté du
Québec seront soumis et évalués, parce que, comme vous le
savez, M. le Président, le ministre est aussi tenu ou lié par les
règles de confidentialité. Il faut être très prudent
lorsqu'on répond, ici en Chambre comme ailleurs, sur des questions qui
peuvent toucher les dossiers personnels de certains citoyens ou citoyennes.
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. Est-il vrai que le
personnel politique de votre ministère ou d'un autre ministère a
eu accès à ces listes dites confidentielles dans le cadre de
l'élaboration de la loi 74 ou d'une autre loi et, deuxièmement,
quelles mesures avez-vous prises pour empêcher qu'il y ait des fuites
d'autres listes dont vous avez reconnu l'existence?
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Dean: M. le Président, c'est justement sur la
première question du député de D'Arcy McGee que j'aimerais
réserver ma réponse jusqu'à la production des
enquêtes, de façon à répondre ce que la loi me
permettrait de répondre sur ces questions.
Deuxièmement, quant à savoir quelles mesures ont
été prises, dès que j'ai appris cette fuite - que je
déplore avec toute la force que je peux avoir parce que tout citoyen,
qu'il soit député ou simple citoyen, a droit au respect de la
confidentialité de ses dossiers d'impôt - j'ai
immédiatement commandé deux enquêtes: une enquête
administrative dont j'aurai le rapport d'ici à quelques jours et une
enquête policière de la sûreté dont le ministre de la
Justice aura le rapport d'ici à quelques jours. J'ai aussi formé
un comité spécial de hauts fonctionnaires du ministère
pour examiner les mesures de sécurité particulières qui
touchent les dossiers d'impôt des députés, des
sénateurs, des ministres et des employés du ministère du
Revenu, parce qu'il y a dans ces dossiers particuliers une unité
restreinte, une unité spéciale administrative du ministère
qui s'occupe des dossiers d'impôt des employés du
ministère, du cabinet du ministre, des députés du
Québec et d'Ottawa et des sénateurs d'Ottawa. Donc, parce que
cette fuite semble indiquer des problèmes dans les mesures
particulières prises pour ces dossiers particuliers, j'ai établi
un comité de hauts fonctionnaires du ministère pour
réviser la situation. Ils feront leur possible pour qu'une telle fuite
ne se reproduise jamais.
Le Président: Bien! Aux motions sans préavis.
Une voix: ...
Le Président: À la période des questions de
demain. Aux motions sans préavis, M. le leader de l'Opposition.
M. Guy Pratt, membre de la commission des affaires
sociales
M. Gratton: Oui, M. le Président. Conformément
à l'article 126 de nos règles de procédure, j'aimerais
proposer que le nom de M. Pratt, député de Marie-Victorin, soit
substitué à celui de M. Serge Champagne comme membre permanent de
la commission des affaires sociales.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Avis touchant les travaux des commissions
Le Président: Adopté. Aux avis touchant les travaux
des commissions, il y aura, après la période des affaires
courantes, donc, incessamment, à la salle 80, une séance de
travail de la commission des affaires sociales et, à la salle 81, une
séance de travail de la commission de l'agriculture, des pêcheries
et de l'alimentation.
Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, il n'y en a
pas.
Reprise du débat sur le discours d'ouverture et
sur les deux motions de censure
Ce qui nous mène aux affaires du jour, à la reprise du
débat sur le discours d'ouverture ajourné le 18 octobre 1984 par
M. le député de Gatineau et sur les motions de censure suivantes.
Celle de M. le chef de l'Opposition: "Que cette Assemblée blâme
sévèrement le gouvernement péquiste pour avoir
livré un discours d'ouverture dépourvu de mesures nouvelles,
concrètes et substantielles touchant la croissance économique et
la création d'emplois permanents et qui, par ailleurs, s'inspire
d'électoralisme, voire même d'imposture, en tentant de faire
croire qu'il peut changer d'attitude à l'égard du
fédéralisme canadien sans renier l'objectif d'indépendance
qui demeure la raison d'être du parti dont il est issu." Et celle de M.
Johnson (Vaudreuil-Soulanges): "Que cette Assemblée blâme
sévèrement le gouvernement péquiste pour sa mauvaise
administration des finances publiques, pour l'irréalisme de ses
politiques en matière d'investissements créateurs d'emplois et
pour son incompétence à
répondre aux besoins économiques de la population du
Québec". M. le député de Gatineau.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Merci, M. le Président. Certains observateurs
de la scène politique ont semblé surpris la semaine
dernière lorsqu'ils ont constaté que le discours inaugural du
premier ministre ne faisait aucune mention de l'option constitutionnelle de son
parti, l'indépendance du Québec, et qu'au contraire, les 54 pages
de texte du discours étaient truffées d'une vingtaine
d'affirmations voulant que le gouvernement du Québec soit
dorénavant enclin à collaborer avec le gouvernement
fédéral, à tous les points de vue. On est même
allé jusqu'à se demander dans certains milieux si ce virage, ce
pseudo-virage fédéraliste était permanent.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a des gens naïfs chez
les observateurs. Est-ce que ce n'était pas à prévoir que
le premier ministre, à l'approche d'une élection
générale, ferait exactement ce qu'il a toujours fait depuis 1976,
c'est-à-dire de mettre l'option fondamentale de son parti en veilleuse?
Est-ce qu'il ne l'avait pas fait en 1976, avant l'élection, lorsqu'il a
dit aux électeurs du Québec: Élisez un bon gouvernement.
Oubliez la question de l'indépendance, on réglera cela dans un
référendum? À peine trois jours plus tard devant
l'Economic Club de New York, il proclamait bien haut, après avoir
été élu: "L'indépendance du Québec est un
fait accompli. C'est une question de savoir quand cela va se faire". Est-ce
qu'il n'a pas fait la même chose en 1981? Au moment où le
gouvernement fédéral s'apprêtait à rapatrier la
constitution, qu'a-t-il dit aux Québécois? "L'indépendance
est pour plus tard. On met cela en veilleuse. Pour le moment, il s'agit de
défendre les droits du Québec. Il faut rester fort,
proclamait-il".
Une fois réélu, à peine trois jours après,
il signait, avec sept autres provinces du Canada, un document qui, à
toutes fins utiles, reconnaissait implicitement que le Québec
était simplement une province comme les autres. Quelques mois plus tard,
cela avait comme résultat concret que nous perdions le droit de veto du
Québec.
Même en 1980, au moment même où on nous avait promis
de trancher la question de l'indépendance, qu'est-ce qu'a fait le Parti
québécois? Poser une question claire et limpide aux citoyens? On
se souviendra de l'"emberlificotage", les hypocrisies de leur discours, une
question qui avait trois paragraphes et qui disait aux gens: "Finalement,
l'indépendance, mais non, on veut un simple mandat pour négocier
quelque chose. Faites-nous confiance".
Aujourd'hui, à la veille d'un scrutin qu'on prévoit pour
le printemps prochain, le Parti québécois changerait sa
stratégie. Est-ce parce qu'il y a plusieurs Québécois qui
sont brusquement pour l'indépendance? Les sondages l'indiquent: Il y a
probablement moins de 20% de l'électorat qui est pour
l'indépendance. Il n'en faut pas plus pour que le premier ministre
rajuste son tir, suive la stratégie que lui avaient dictée ses
deux grands conseillers, deux bons comédiens, MM. Doris Lussier et
Claude Morin.
Ce qui m'étonne personnellement, c'est qu'il y a des gens qui se
surprennent que le premier ministre puisse tenir un double discours. Est-ce
qu'il ne nous l'avait pas déjà annoncé dès le
moment où, en juin dernier, le congrès du Parti
québécois adoptait une résolution disant: "Un vote pour le
Parti québécois à la prochaine élection serait un
vote pour l'indépendance"? Il nous avait déjà avertis
qu'il mettrait cela de côté. Ce n'était quand même
pas le respect qu'il a pour ses troupes, le respect qu'il a pour ses
"back-benchers" muets qui l'empêcherait de leur passer sur le corps. Il
l'avait déjà fait avec son "renérendum" en 1982,
pensiez-vous qu'il n'était pas capable de le faire à ce
moment-ci? Sauf qu'il y avait une occasion. Tout ce qui lui manquait
était précisément une occasion. Il l'a eue pendant la
campagne électorale fédérale. (15 h 20)
M. Mulroney a simplement eu à faire un petit clin d'oeil du
côté du premier ministre du Québec pour que celui-ci, tout
égarouillé, se précipite les deux mains bien
attachées pour dire: "Me v'là, je t'aime! Je deviens
fédéraliste tout à coup." Est-ce qu'il importait au
premier ministre que M. Mulroney, durant sa campagne au leadership en mai 1983,
ait dit qu'il serait quasiment impensable de conclure une entente
constitutionnelle avec le Québec tant et aussi longtemps que le
gouvernement Lévesque maintiendrait son option séparatiste?
Est-ce que cela le préoccupait au cours de l'été et mardi
dernier? Pas du tout. Était-il préoccupé par le fait que,
lui-même, au lendemain de l'élection de M. Mulroney comme chef du
Parti conservateur, le 13 juin, ait dit: "Pour le PQ, Mulroney, c'est un
deuxième Trudeau. Chaque fois qu'on a eu un Québécois
à la tête du parti fédéral, cela a
coûté très cher au Québec. Maintenant qu'il y en a
deux, c'est garanti des deux côtés." Ce sont les paroles du
premier ministre du Québec, celui qui est tout à coup en amour
avec M. Mulroney. C'est l'amour fou, fou, fou, comme le dirait Lysiane Gagnon.
Le 13 février 1984, dans son comté, le premier ministre disait:
"Blanc bonnet, bonnet blanc. Même si les conservateurs succèdent
aux libéraux à Ottawa, les Québécois ne peuvent
s'attendre que leurs intérêts soient mieux défendus
dans
la capitale fédérale." C'est le premier ministre du
Québec qui déclarait cela.
On ne s'embarrasse pas de déclarations contradictoires. J'en ai
relevé seulement quelques-unes, mais il y a eu quelques milliers de
déclarations contradictoires du même bonhomme et de ses acolytes -
qui, aujourd'hui, sont pas mal muets, on l'admet, M. le Président -
quelques milliers de déclarations tout aussi contradictoires les unes
que les autres selon qu'elles ont été prononcées avant,
pendant ou après une élection. Avant l'élection, on ne
parle pas de l'indépendance. Après l'élection, cela
devient une chose qui va venir tout de suite.
Est-ce qu'elles sont vraies, cette fois-ci, les déclarations du
premier ministre? Est-ce que c'est vrai qu'il va collaborer avec le
gouvernement fédéral? Vous étiez présent à
la période de questions, cet après-midi. Quand le premier
ministre dit-il la vérité? Au Japon, quand il nous dit qu'il va
continuer à travailler pour faire l'indépendance ou quand il
revient au Québec et nous dit: Messieurs du fédéral, je
suis à votre disposition? Est-ce qu'il prend l'ensemble des
Québécois pour des imbéciles? Est-ce que c'est cela qui le
fait agir d'une façon aussi désinvolte?
J'ai l'impression que, cette fois, la dernière pirouette que fait
le premier ministre, c'en est une de trop; elle est trop grosse. Il va trop
loin, trop vite. Son opportunisme va finalement lui faire perdre le peu de
crédibilité qui lui reste. J'en veux pour preuve les articles de
Lysiane Gagnon; elle en a écrit trois au cours des dernières
semaines. J'en lis des extraits: "Tant mieux, donc, si le gouvernement
Lévesque veut faire volte-face. Mais, ce faisant, il risque de perdre
toute crédibilité. Qu'un premier ministre change d'idée
sur ceci et cela, c'est admissible, mais que, sur une question aussi
fondamentale, il change de carte deux fois par année, c'est plus
difficile à avaler."
L'empressement du premier ministre à se jeter dans les bras du
nouveau premier ministre du Canada, est-ce que c'est acceptable par les membres
de son parti? Il semble bien que oui. On pousse même l'indécence
dans Défi québécois, organe officiel du Parti
québécois, à reproduire en page frontispice la photo du
nouveau premier ministre canadien et, à côté, sur l'autre
page couverture, cet autre grand canadien qu'est devenu René
Lévesque. C'est le duo Lévesque-Mulroney: Vive le Canada, Vive un
Canada fort. En fait, on pourrait peut-être traduire le nouveau slogan du
Parti québécois par: Un Québec séparé dans
un Canada uni. Et tous ces ténors - il y en a trois qui restent; les
autres ont honte, ils sont partis - qu'est-ce qu'ils disent devant cela? Cela
fait 15 ans, sinon 20 ans, que tous ces gens-là répètent
à leurs électeurs, à tous ceux qu'ils rencontrent, que la
seule façon de régler les problèmes économiques,
sociaux et constitutionnels du Québec, c'est de faire
l'indépendance. Y en a-t-il un seul qui dit cela maintenant? Les purs,
M. Paquette, le député de Rosemont, où est-il? Je peux
vous dire que la semaine dernière, il était dans l'Outaouais et
il tenait exactement le même discours que le premier ministre; il parlait
des deux côtés de la bouche en même temps. Je suis pour le
moratoire, qu'on ne parle plus de l'indépendance mais il faut faire
l'indépendance au plus sacrant mais quand je serai à Ottawa
peut-être bien que ça ne se rendra pas à Québec.
Mme la députée de Maisonneuve, vous rappelez-vous par
hasard ce qu'elle disait deux ou trois jours avant d'être nommée
ministre?
Une voix: Deux jours avant.
M. Gratton: "Le plus grand échec à faire subir
à notre option lors de cette élection référendaire,
c'est bien de n'en pas parler." Deux jours plus tard, pour la punir, le premier
ministre la nomme ministre et, depuis ce temps-là, elle n'a pas dit un
maudit mot. En fait, M. le Président, elle est devenue muette comme une
carpe mais quand le premier ministre a fini son discours mardi dernier, elle
était debout comme tous les autres à l'applaudir à tout
rompre. Elle le trouvait donc bon son nouveau fédéraliste de
chef. J'ai hâte de voir si Mme Harel, qui est supposée être
une des personnes les plus crédibles dans ce gouvernement, aura le
courage de se lever - si jamais elle se rend ici en Chambre - et de dire ce
qu'elle pense de cette nouvelle "entourloupette", cette nouvelle pirouette de
son chef.
M. le ministre des Finances a réussi la semaine dernière
le tour de force de nous parler pendant 20 minutes pour nous convaincre que
parler de l'indépendance ne nuisait pas à l'économie du
Québec. Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'il n'a jamais pris une seconde
pour nous dire ce qu'il pensait de cette nouvelle trouvaille de son chef.
Tout le monde sait que le ministre des Finances voudrait remplacer son
vieux chef. Il le trouve usé, il le trouve fatigué et je lui
donne raison là-dessus, nous autres aussi, M. le Président. Mais,
M. le ministre des Finances qui, de temps en temps, comme vous le savez, se
trompe de micro dans les congrès péquistes, n'ose pas encore
parce qu'il sait que le vieux chef est encore solide; il a encore ses carpes
derrière lui; il a encore ses gens qui n'ont pas le courage de leurs
convictions.
Une voix: ...
M. Gratton: Qu'est-ce que vous avez fait en fin de semaine, M. le
député? Avez-vous rencontré vos électeurs?
Qu'est-ce que
vous leur avez répondu quand ils vous ont demandé depuis
quand vous étiez fédéraliste? Qu'est-ce que vous avez
répondu? Non, vous n'avez pas rencontré vos électeurs,
vous vous êtes caché chez vous. Mais chez vous, vous avez une
femme et des enfants. Qu'est-ce que vous dites à vos enfants? Quand
votre petit bonhomme - si vous en avez un - vous demande: Ce n'est plus bon
l'indépendance, papa? C'est le Canada qui est bon maintenant? Qu'est-ce
que vous répondez à votre petit gars? Et si vous n'avez pas de
petit gars, comment vous regardez-vous dans le miroir le matin? Hein? Juste
ça!
Pensez-vous pour un instant que si mon chef - quel qu'il soit - me
disait: là, pour gagner une élection, tu vas devenir un petit peu
plus souverainiste, je me tairais, je m'écraserais là devant lui
et je lui dirais: Vas-y mon chef! Tu es mon chef et je vais t'écouter! Y
a-t-il un seul de vous qui pensez ça de moi ou d'un autre membre du
Parti libéral du Québec? Non, il n'y en a pas de gens qui vont se
laisser passer sur le corps, laisser fouler leurs principes juste parce que
leur chef a décidé qu'il aimerait être premier ministre
encore quelques années.
Non! Chez nous, M. le Président, on se tient debout. On n'est
peut-être pas toujours d'accord...
Des voix: Bravo!
M. Gratton: ...mais quand on avait cette bande de
braillards-là devant nous qui nous disaient: Vous autres, vous
êtes les vendus du fédéral. Qui est vendu au
fédéral aujourd'hui? Vous vous êtes vendus les deux mains
attachées et c'est ce que le Parti libéral reproche au Parti
québécois. On peut bien se demander pourquoi les libéraux
sont si déçus que le Parti québécois annonce qu'il
veut collaborer avec le fédéral. On ne serait pas
déçu si on pensait que vous voulez le faire honnêtement. On
ne serait pas déçu surtout si on ne pensait pas que la
façon dont vous le faites, l'empressement que vous y mettez,
l'opportunisme crasse qui caractérise le geste, tout ça va
affaiblir la position du Québec.
Vous en avez déjà des exemples: Mme Lysiane Gagnon en a
donné un dans son article du 27 septembre. On lit: "Cette semaine,
après MM. Lévesque, Parizeau, Johnson, etc, c'était au
tour du ministre Laurin d'y aller de son petit bouquet de fleurs. Le nouveau
ministre fédéral de la Santé et du Bien-Être, M.
Jack Epp, veut rouvrir la loi interdisant notamment la surfacturation dans
l'assurance-santé. Avant même de savoir ce qui, dans cette loi,
sera révisé et dans quel sens exactement, avant même
d'être sûr que cela n'annonce pas l'érosion du
caractère universel et démocratique des soins de santé, M.
Laurin, voyant là la fin des empiétements de juridiction, se
répand en félicitations. Drôle d'attitude pour un parti
social-démocrate" de conclure Mme Gagnon. (15 h 30)
Un autre exemple qu'a soulevé le député d'Outremont
la semaine dernière, celui de Pétromont. Ils sont tellement
empressés de s'entendre avec le gouvernement fédéral,
c'est-à-dire de faire croire à la population qu'ils sont
prêts à s'entendre avec le fédéral jusqu'à la
prochaine élection... Après l'élection on va redevenir
indépendantistes, mais jusqu'à la prochaine élection, il
faut dire comme le fédéral. On ne peut pas critiquer le
fédéral, sans cela les gens ne croiront pas qu'on est devenus
fédéralistes. C'est cela. Alors, qu'est-ce qu'ils font? Ils
s'entendent sur n'importe quoi, n'importe comment. Pétromont, aie!
ont-ils joué dur du poignet; Ils se sont engagés pour quatre ans
et le fédéral pour six mois.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gratton: Belle proportion, égal à
égal.
Une voix: Égal à égal.
M. Gratton: Le fédéral paie 1 $ et le provincial en
paie 8 $. On est-y forts les fédéralistes, les
néo-fédéralistes péquistes!
M. le Président, il y a un autre exemple qui n'a rien à
voir avec le fédéral, la nomination du député de
Lafontaine au cabinet.
Une voix: Ah oui!
M. Gratton: Est-ce que quelqu'un en cette Chambre va
prétendre que cela sert les intérêts d'un seul
Québécois à part M. Léger? Est-ce que les
intérêts du Québec, les intérêts des
Québécois sont bien servis par cette nomination qui n'a pour seul
but, disons-le franchement, M. le Président, que de faire taire les purs
et les pénistes déçus, qui ont malheureusement eu moins
que le parti Rhinocéros à la dernière élection
fédérale? C'est tout ce qu'on a voulu faire. M. Léger, que
le premier ministre avait traité d'incapable d'administrer son
ministère quand il l'a démis...
Une voix: Incompétent.
M. Gratton: D'incompétent, tout à coup il est
devenu compétent. Je l'imagine: on veut lui donner sa limousine, son
personnel et surtout l'avion du gouvernement pour agir comme organisateur en
chef du parti.
Une voix: Une télévision en couleur.
M. Gratton: En même temps, si quelques
députés muets comme des carpes peuvent se poigner une "ride"
jusqu'à Montréal, jusqu'à Dorval, en avion, pourquoi pas,
M. le Président?
On peut peut-être en rire. Je trouve que c'est triste. Je les
trouve très tristes, très décevants les gens d'en face.
Comme le disait mon collègue de Saint-Henri la semaine dernière,
j'avais de l'admiration pour certains d'entre eux. Je me disais: Ils se
trompent en préconisant l'indépendance; en tout cas, je ne suis
pas de cet avis. Mais au moins je me disais: Ils ont l'honneur de
défendre leurs convictions. Ils ont au moins la franchise de nous dire
où ils se logent, certains d'entre eux; pas le premier ministre, lui il
a toujours été des deux bords en même temps. M. le
Président, il y en avait quelques-uns de ce côté-là,
mais est-ce qu'il y en a un seul, est-ce qu'il en reste un seul? Le
député de Deux-Montagnes, celui qui normalement dit ce qu'il
pense, est-ce qu'il va rester muet jusqu'à la fin de ce débat ou
s'il va faire comme le ministre des Finances, juger qu'il a peut-être
encore une chance de rentrer au cabinet, donc se taire, ou faire comme Mme
Harel qui, elle, est rentrée au cabinet et voudrait bien y rester au
moins jusqu'aux prochaines élections, donc, elle se tait?
Est-ce que tout le monde va se taire de ce côté-là
pendant que, sur le plan constitutionnel, sur le plan des négociations
avec le fédéral, le Parti québécois affaiblit la
position du Québec? Cela est manifeste. Vous l'avez fait une fois en
1981 quand, pour des raisons analogues, exactement les mêmes raisons
qu'aujourd'hui, de l'opportunisme crasse, vous vous êtes engagés
dans un processus pour combattre le rapatriement et vous vous êtes fait
avoir. Vous vous êtes fait avoir par ceux qui voulaient rapatrier
honnêtement, sincèrement, la constitution et vous avez perdu le
droit de veto du Québec. Vous avez affaibli le Québec plus que
n'importe quel autre gouvernement avant vous. Est-ce que vous allez encore
faire la même chose? Est-ce que, pour sauver quelques sièges
à la prochaine élection, vous êtes prêts à
vous livrer à M. Mulroney en pensant que... Entre nous, M. Mulroney
n'est pas un imbécile lui non plus. Cela fait longtemps qu'il vous voit
venir et il va vous envoyer promener sachant fort bien que vous ne direz pas un
seul mot.
M. le Président, cela ne m'inquiète pas du tout, parce
qu'il me semble que les Québécois sont assez intelligents pour
voir à travers cet opportunisme du Parti québécois. Je le
dis, cette dernière pirouette du chef du gouvernement va lui
coûter énormément cher, de même qu'à ses
nombreux députés et ministres qui n'ont pas le courage de dire ce
qu'ils pensent. Après la perte du droit de veto pour des raisons
semblables, il me semble que les Québécois ne pardonneront pas au
Parti québécois cette nouvelle humiliation. Ils leur pardonneront
d'autant moins qu'elle est en même temps une insulte à
l'intelligence des Québécois.
Quant à moi, M. le Président, cette fois-ci, le premier
ministre est allé trop loin. En attendant que la population le lui
signifie clairement à la prochaine élection, j'inviterais les
représentants élus, ceux qui ont encore le courage de rencontrer
leurs électeurs, d'écouter ce qu'ils ont à leur dire et de
voter en conséquence ici à l'Assemblée nationale.
Motion de censure
S'il n'y en a pas de l'autre côté, ça c'est votre
problème, mais il y en a encore 48 de ce côté-ci. Le Parti
libéral du Québec, le seul qui est capable réellement de
faire profiter au maximum le Québec et les Québécois du
fédéralisme canadien, le Parti libéral du Québec
invite l'ensemble de l'Assemblée nationale à voter la motion de
censure qui suit: Que cette Assemblée blâme
sévèrement le gouvernement péquiste qui, en persistant
à adopter une ligne de conduite dictée uniquement par ses
intérêts partisans, continue d'affaiblir le leadership du
Québec dans ses relations avec ses partenaires canadiens et le
gouvernement fédéral et risque à nouveau, comme en 1981,
de desservir grandement les intérêts du Québec. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole
à Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, j'aimerais simplement rappeler qu'on doit nommer le
député ou la députée par le titre de son
comté et non pas par son nom. Simplement pour rappeler que le
règlement l'exige. Mme la ministre.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci. J'aurais souhaité que le
député de Gatineau mette la même agressivité, le
même dynamisme, la même verve au moment du discours sur le
rapatriement unilatéral de la constitution pour défendre les
intérêts des Québécois et des
Québécoises. Peut-être que sa position, ajoutée
à celle de certains de ses collègues, aurait aidé à
la défense de l'intérêt, effectivement, du peuple
québécois.
Cela dit, j'aimerais m'attarder sur le débat que nous avons
aujourd'hui, et pendant les quelques jours qui vont venir encore, concernant
les orientations présentées par le premier ministre du
Québec dans son discours inaugural et qui s'adresse essentiellement
à l'emploi des jeunes, en particulier, qui s'adresse à la
croissance économique du Québec. Cependant, avant de
m'engager,
proprement dit, dans ce débat sur les grandes orientations,
j'aimerais, et je pense qu'il est nécessaire de le faire, tenter de
procéder à une mise au point générale en ce qui a
trait aux effets qu'ont eus les différents projets ou plans d'action
gouvernementaux en ce qui a trait à l'emploi et en ce qui a trait
à l'insertion des jeunes en emploi de façon plus
particulière.
Le chef de l'Opposition parlait, en ce qui a trait aux mesures
concernant les jeunes bénéficiaires de l'aide sociale - entre
guillemets - de "trouvailles". Moi, je n'appelle pas cela des trouvailles.
J'appelle cela un virage en profondeur. Une approche profondément
respectueuse des besoins et aussi des attentes que nous ont exprimées
des jeunes dans tout le Québec. Des jeunes qui ont des
difficultés à l'école, qui n'ont pas terminé leur
secondaire V; des jeunes qui souhaitaient être en contact avec le monde
organisé du travail; des jeunes qui souhaitaient vivre des
expériences concrètes en milieu de travail; des jeunes qui
étaient, je dirais, à la limite, qui trouvaient inacceptable de
se retrouver seuls dans une société où il est important de
s'appuyer sur le dialogue, sur l'échange, sur la participation. (15 h
40)
Ce qu'on a fait, ce qu'on a mis en place comme gouvernement, je crois
que ce sont des mesures qui répondent à ces besoins
exprimés, à cette volonté qu'on avait d'aider ces jeunes
à s'en sortir d'abord et avant tout par eux-mêmes. Qu'est-ce qu'on
a fait? On a d'abord remis en question les programmes d'aide à l'emploi
temporaire. Ils étaient bons. Ils ont été utiles. Ils ont
été nécessaires. Ils ont aidé, pendant un moment
profond de crise. Cependant, effectivement, ils étaient à trop
court terme; ils ne s'attaquaient pas aux problèmes de fond. Je pense
qu'on l'a reconnu tous ensemble. On a donc modifié tous les programmes
d'aide à l'emploi pour essentiellement réorienter l'action
gouvernementale vers des mesures misant sur l'emploi durable, sur la croissance
économique, sur la création de nouveaux emplois permettant
à des jeunes de s'inscrire dans un processus de réinsertion en
emploi. Qu'il s'agisse effectivement des trois mesures de réinsertion
sociale, qu'il s'agisse du programme Jeunes volontaires qui a permis à
des jeunes, en comptant sur la collectivité dans chacune de leur
région, dans chacun de leur milieu, de se reprendre en main, de
bâtir des projets, de s'informer, de se former - c'est ce qu'a permis,
entre autres, Jeunes volontaires - qu'il s'agisse des programmes comme l'aide
à l'emploi scientifique pour aider des universitaires, des
collégiens qui avaient toute la formation nécessaire, qui
pouvaient être utiles dans un grand nombre d'entreprises dans tout le
Québec, qu'on a effectivement soutenus dans cette volonté
d'être utiles pour eux-mêmes et pour la société dans
laquelle vivent ces jeunes, qu'il s'agisse de bourses d'affaires, aidant
là encore des jeunes diplômés avec des idées, avec
des projets plein la tête, mais avec souvent aucun capital, sans argent,
pour investir, pour faire démarrer leur entreprise, pour mettre en
fonctionnement, pour "opérationnaliser" ces idées que ces jeunes
avaient, visant là encore, et dans chacun des cas, la création
d'emplois durables, la création d'emplois à long terme.
C'est cela qu'on a fait, M. le Président, par des mesures
directes d'aide à l'emploi dans la dernière année. On a
atteint actuellement plus de 20 000 jeunes par l'ensemble de ces mesures, par
les mesures de réinsertion sociale proprement dites. Le chef de
l'Opposition parlait de 7500 jeunes.
Il aurait peut-être dû faire la même lecture qu'ont
faite l'ensemble des représentants des médias dans tout le
Québec qui ont fort bien compris qu'il ne s'agissait pas de 7500 jeunes
qui avaient été touchés à ce jour, mais de 12 500.
En fait, 12 500 jeunes, c'était au début du mois d'octobre.
Actuellement, autour de 13 500 ou 14 000 jeunes sont présents,
participants à l'une ou l'autre des mesures, qu'il s'agisse du
rattrapage scolaire, des travaux communautaires ou des stages en milieu de
travail.
On a aussi, par l'action gouvernementale, accéléré
l'investissement. On a, je dirais, cheminé avec l'économie du
Québec, en essayant d'accélérer davantage les effets de la
reprise qui se faisait sentir. Cela a été vrai pour l'aide
à l'investissement, pour l'aide à l'accélération
à l'investissement, pour les programmes en ce qui concerne l'aide sur la
tarification dans le domaine énergétique alors que de très
grandes entreprises ont accepté de s'implanter au Québec, de se
développer au Québec. C'est ce que le plan de relance du
gouvernement du Québec a tenté de rendre possible,
c'est-à-dire rendre possible plus d'emplois et, malgré tout cela
- le ministre des Finances en a fait largement état la semaine
dernière au moment de son intervention - malgré tous ces efforts
qu'on a faits, le député de Notre-Dame-de-Grâce ne semble
pas encore convaincu ou, à tout le moins, il analyse les chiffres
à sa façon.
Le ministre des Finances prenait la méthode de M. Bourassa. Il
disait: Avec la méthode de M. Bourassa, la performance du Québec
a été meilleure, en termes de rattrapage, en termes d'impact sur
l'emploi. Si vous permettez, M. le Président, je vais prendre aussi une
autre approche. Peut-être qu'on finira pas se convaincre tous ensemble
qu'au Québec on n'est pas trop mal, on est capable de s'en sortir.
Peut-être qu'on cessera, à ce moment-là, M. le
Président, de cracher dans la soupe, parce que c'est un peu cela qu'on
fait, lorsqu'on dit qu'on n'est
pas capable de se reprendre en main, lorsqu'on dit qu'on n'est pas
capable de créer de nouveaux emplois, d'accélérer
l'investissement.
Essayons de prendre sous un autre angle cet impact quant à
l'emploi et cette croissance réelle de l'emploi au Québec.
Effectivement, le député de Notre-Dame-de-Grâce parle en
chiffres absolus. Évidemment, il ne tient donc pas compte du nombre de
personnes en âge de travailler, il ne tient pas compte de cette
population active, ni de la croissance de cette population active et ce par
région en Ontario, par exemple, et à travers le reste du Canada.
On sait fort bien en termes économiques qu'il est, à la limite,
un peu ridicule d'essayer de comparer en nombres absolus. Essayons donc de voir
relativement ce qui s'est passé et quel est l'état de la
situation, très concrètement.
Par exemple, la population de quinze ans et plus dans le reste du
Canada, en septembre 1984, était trois fois plus élevée
que celle du Québec. Il faut d'abord avoir cela en tête. Elle
progressait à un rythme annuel plus important de l'ordre de 1,4% par
rapport à 0,7% pour ce qui est du Québec. Il est normal, naturel
que l'emploi - et c'est historique, j'y reviendrai - augmente un peu moins vite
qu'ailleurs. La population employable augmente elle-même moins vite
qu'ailleurs. C'est d'ailleurs une donnée historique, faudrait-il se le
rappeler, et c'est un écart qui a toujours existé entre le nombre
d'emplois par 1000 personnes employables, c'est-à-dire actives, par
rapport au reste du Canada. Par exemple, en 1976 -ce n'est pas une date trop
mauvaise pour faire une comparaison, par rapport à un autre
régime que le nôtre - l'écart était de 50 emplois
par 1000 personnes et actuellement il est de 52. À partir de cette
analyse du nombre d'emplois qui ont été, par exemple, perdus par
rapport au nombre d'emplois récupérés par 1000 personnes
en âge de travailler, disons qu'à ce moment on se positionne dans
le sens où on met les chiffres relativement les uns aux autres, tenant
compte de l'ensemble des facteurs: Combien de personnes en âge de
travailler? Combien de personnes aptes à travailler? Combien d'emplois
créés?
Maintenant, appliquons cela aux emplois qu'on a perdus par rapport aux
emplois récupérés entre 1981-1982 ou depuis 1982, le
moment où l'effet de reprise s'est fait sentir, à la fin de 1982
ou au début de 1983. On parlait au Québec effectivement de 50
emplois perdus par 1000 personnes en âge de travailler ou par 1000
personnes actives de quinze ans et plus. En Ontario et dans le reste du Canada,
on parlait de 45 emplois par 1000. Qu'est-ce qui a été
récupéré depuis ce creux profond de la crise? Au
Québec, 28 par 1000, 56%. En Ontario, 24 par 1000, 53%. Dans le reste du
Canada, y compris l'Ontario, 14 par 1000 ou 31%. Ce qui reste donc à
récupérer pour le Québec est de l'ordre de 44%. Pour
l'Ontario, c'est de l'ordre de 47% et, pour le reste du Canada, y compris
l'Ontario, on parle de 69%.
M. le Président, voici une autre méthode, une autre
façon d'aborder la récupération des emplois au
Québec et le fait que cette récupération, toute proportion
gardée, est plus importante que ce qui s'est passé en Ontario de
même que dans le reste du Canada. C'est cela la performance du
Québec, c'est cela, entre autres et d'abord et avant tout, l'effort que
des chefs d'entreprise, que des investisseurs ont fait, le risque qu'ils ont
accepté de prendre en investissant au Québec, en acceptant de
participer au développement économique du Québec. Mais
c'est aussi une conjugaison de l'effort fait par le gouvernement du
Québec, par l'intermédiaire de ses interventions, tant en termes
d'emplois directement qu'en termes de support ou d'aide à
l'investissement, et qui ont eu un effet, un effet sur le taux de chômage
en général et sur le taux de chômage des jeunes, en
particulier. (15 h 50)
Peut-être que les courbes sont aussi intéressantes. Le
premier ministre faisait état de données. Peut-être que la
courbe est intéressante à regarder, à savoir la baisse du
taux de chômage pour les jeunes au Québec. Elle est réelle
en termes même absolus par rapport aux bénéficiaires d'aide
sociale. Juste une donnée, en passant, puisqu'on en a fait largement
état dans certaines interventions des membres de l'Opposition. De juin
à septembre et par rapport à des données
précédentes qu'on avait, on parle actuellement de 151 000 jeunes
bénéficiaires de moins de 30 ans qui sont à l'aide
sociale, aptes et inaptes. On parlait en juin de 158 000 jeunes; effet des
mesures évidemment, mais aussi effet des reprises. Effet quant à
la création d'emplois. C'est cela, M. le Président, l'effort
qu'on a fait, qu'on va continuer à faire et qu'on va même
intensifier dans les mois à venir.
J'aimerais maintenant aborder effectivement l'avenir...
Une voix: L'indépendance du Québec?
Mme Marois: ...l'avenir en ce qui a trait à la croissance
économique, en ce qui a trait à la place qu'on va réussir
à faire aux jeunes en emploi et en ce qui a trait à l'emploi de
façon générale, parce que la meilleure façon
sûrement de résoudre le problème de l'emploi des jeunes,
c'est de résoudre le problème de l'emploi de façon
globale. Évidemment, si, comme Québécois et
Québécoises, nous possédions l'ensemble de nos
instruments, compte tenu des effets des
efforts particuliers que nous avons faits, je pense que nous pourrions
performer encore mieux et davantage. Ceci dit et compte tenu du contexte dans
lequel on vit, on fait de notre mieux avec les outils que nous
possédons.
De quoi a parlé M. Lévesque, le premier ministre, dans son
discours inaugural? Il a parlé de l'avenir, de maintenant et de l'avenir
un peu plus tard. Il a mentionné le fait qu'on ouvrirait de nouveaux
fronts dans certains secteurs industriels. Il a parlé de
l'agro-alimentaire, des ressources naturelles de façon
générale, de l'hydroélectricité, des ressources
forestières, des nouvelles technologies; c'est de cela qu'a parlé
le premier ministre: nouveaux fronts à ouvrir maintenant.
Il a aussi, cependant, fait état - et comme j'y ai
été particulièrement associée, je vais me
permettre, M. le Président, d'en parler un peu plus largement ici - du
fait qu'il allait falloir remettre en question certaines valeurs, qu'il allait
falloir collectivement, tous ensemble, avoir une certaine réflexion de
telle sorte que nous puissions en venir à changer certaines
mentalités, à revoir les règles du jeu de l'organisation
du monde du travail, à revoir comment se partage actuellement le nombre
d'emplois disponibles dans la société québécoise,
par qui sont occupés ces emplois et comment nous pouvons le mieux nous
les répartir. Il a fait état, je dirais, de l'essentielle et de
la nécessaire assise - nous ne pouvons rien faire sans ce constat et
c'est une chose sur laquelle on devrait être capables de s'entendre,
l'ensemble des partenaires et l'ensemble de la société
québécoise - qu'est une forme de solidarité en ce qui a
trait à l'emploi des jeunes en particulier, qui fera que chacun et
chacune d'entre nous, nous serons capables de faire un petit bout de chemin
dans le sens du partage de l'emploi et de la création nette d'emplois.
C'est cela l'effort qu'il faut actuellement faire.
Je vous dirais que l'expérience vécue en ce qui a trait
aux stages en milieu de travail et aux travaux communautaires me dit et me
confirme ce à quoi j'ai toujours cru: qu'elle était possible
cette solidarité, non seulement sur le papier, mais dans les faits.
C'est ce que je constate. Les partenaires se sont actuellement, à tout
le moins, engagés à discuter de possibilités de
création d'emplois, d'aide à l'emploi pour les jeunes et
sûrement, éventuellement, faisant en sorte qu'on puisse
déboucher sur un rêve que, j'imagine, tous les
Québécois et toutes les Québécoises caressent, une
véritable politique de plein emploi. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Westmount.
M. Richard French
M. French: M. le Président, il s'agit aujourd'hui d'une
histoire d'opportunisme et de crédibilité: votre opportunisme et
votre crédibilité. Vous savez, lorsque je regarde le Parti
québécois depuis trois ou quatre semaines, depuis les
élections fédérales, je m'aperçois qu'il commence
à ressembler pas mal à un autre parti politique. Pouvez-vous
imaginer lequel? Lorsque je les vois fonctionner, lorsque je les vois calculer,
je pense inévitablement à l'un des plus importants conseillers du
régime Trudeau des années soixante-dix. Ce bonhomme est
maintenant sénateur. Il avait l'habitude de dire: Dites-moi où se
dirige la foule. Je veux la précéder. Je veux l'accueillir
à son destin idéologique et politique. "I want to be there
first." Cette devise, tout empreinte d'opportunisme, de cynisme et de calcul,
le premier ministre du Québec vient de la faire sienne dans son message
inaugural, et cela de la part de tous et chacun des députés
péquistes.
Bien sûr, il était une fois un parti politique au
Québec qui croyait que les Québécois seraient mieux servis
s'ils étaient indépendants. Il était une fois un parti
politique au Québec qui offrait aux Québécois un projet de
société sociale-démocrate. Je sais que cette chose vous a
beaucoup concerné, M. le Président. D'ailleurs, ce parti
politique a assez bien fait avec ses idées, son personnel, son
idéalisme, sa figure, en gagnant deux fois les élections au
Québec. Ce parti politique a été animateur, catalyseur de
plusieurs développements dans la société
québécoise. Que reste-t-il aujourd'hui de ce parti politique?
Qu'advient-il de cette force? Que reste-t-il de son idéologie, de sa
vision politique? Rien, M. le Président; c'est nul. Que reste-t-il de
son idéalisme? De son énergie? De sa crédibilité?
Rien. Le tout a été troqué contre la mince
possibilité de quelques années de plus sur la banquette
arrière d'une limousine pour une poignée de ministres.
On a l'impression de voir un parti politique qui était, dans son
adolescence, dans sa jeunesse, agressif, créatif, fébrile,
engagé, se dissoudre du jour au lendemain devant nos yeux dans une
sénilité de cynisme et d'opportunisme.
On pouvait bien être en désaccord, M. le Président,
mais il fallait respecter ceux et celles qui croyaient en l'idéal et qui
se battaient pour cet idéal. Jamais, M. le Président n'ai-je
pensé que ces gens n'avaient pas le droit de dire ce qu'ils ont dit!
Jamais n'ai-je pensé que ceux et celles qui, parmi eux, y ont vraiment
cru ne devaient pas avoir un auditoire, n'avaient pas le droit de
s'exprimer!
Mais que se passe-t-il aujourd'hui? Le
rêve indépendantiste s'écroule sous le regard
bienveillant de ses plus ardents défenseurs. Comme disait le
député de Gatineau, M. le Président: Je sais exactement ce
que je ferais si un chef du Parti libéral se convertissait un jour
à la cause de l'indépendance. La crédibilité de
l'individu est plus importante que les intérêts du parti.
Qu'est-ce qu'on observe devant le phénomène inverse, la
nouvelle foi envers les fédéralistes exprimée dans le
message inaugural par le premier ministre? Que font nos amis d'en face? Ils
étaient tous ici. Ils ont tous entendu l'annonce officielle de la
redécouverte du fédéralisme de la semaine dernière.
Qu'est-ce qu'ils ont fait? (16 heures)
Parlons d'abord, M. le Président, du député de
Lac-Saint-Jean, présent en Chambre, whip en chef du Parti
québécois, qui disait le 24 février dernier: "Nous nous
sommes contentés de réaffirmer - à leur conseil des
députés - et ce fut unanime, notre conviction que la
souveraineté doit être un enjeu majeur à la prochaine
élection. Quand on votera pour le PQ, les électeurs se trouveront
à approuver du même coup l'option majeure de notre parti." Fin de
la citation. Est-ce encore vrai, M. le député de Lac-Saint-Jean?
On est prêt à vous écouter. Est-ce encore le cas? Un vote
pour le Parti québécois, est-ce encore un vote pour la
souveraineté du Québec? Il ne le sait pas. Il est silencieux.
Prenons par exemple le député de Lévis, ministre de
l'Agriculture, un indépendantiste de la première heure, luttant
contre le ministre de l'Agriculture du gouvernement fédéral.
Qu'est-ce qu'on entend de lui? Février 1984: "Ce qui est important - et
je cite le ministre de l'Agriculture - c'est de parler de souveraineté
sans arrêt comme jamais on ne l'a fait auparavant." Aujourd'hui, le
silence total, le vide: pas un traître mot. Sauf ce matin, bien
sûr, M. le Président; manchette dans la Presse: "Garon fait
confiance à Fraser". C'est beau, n'est-ce pas? Ce n'est pas très
souverain, mais c'est très beau.
Une voix: ...
M. French: À Fraser, le ministre fédéral des
Pêches et des Océans. L'amour, cela change bien des choses.
La semaine dernière, qu'a fait le député de
Rosemont, ministre de la Science et de la Technologie, un
social-démocrate, un indépendantiste convaincu et un homme qui
s'est toujours affiché sans ambiguïté? Applaudissements,
grand sourire, debout après le discours de son chef. Applaudissements et
grand sourire, pourquoi? Pour un message inaugural qui trahit ses principes
politiques de A à Z. Et c'est le cas de le dire, M. le Président,
parce que le 22 septembre 1984, ce même ministre a
réaffirmé sa foi dans la décision du congrès de
juin dernier. Il soutenait à ce moment-là que personne ne devrait
remettre en question la résolution du neuvième congrès qui
a été adoptée à 85%: "Pour moi, c'est
réglé. Je travaille à l'Exécutif et je peux vous
dire que nous avons préparé un plan d'action en fonction de
l'élection sur la souveraineté." Lui qui a applaudi à un
discours qui n'a même pas mentionné la souveraineté. Mais
il y a peut-être de l'espoir pour le député de Rosemont de
conserver ses principes parce qu'il a dit également, le 13
février 1984, que dans le cas où l'option souverainiste ne serait
pas au coeur de la prochaine élection, il ne serait pas candidat pour le
Parti québécois. Espérons qu'il saura, en temps en lieu,
respecter son engagement. C'est vrai qu'un salaire de ministre, cela peut
changer bien des choses.
Passons à un des plus importants porte-parole dans certains
milieux du Parti québécois, la députée de
Maisonneuve, la nouvelle ministre de l'Immigration et des Communautés
culturelles, une personne respectée qui n'a pas, elle,
ménagé ses opinions et ses mots avant son entrée au
Conseil des ministres. Que disait-elle aussi récemment que le 22
septembre 1984? "Le plus grand échec à faire subir à notre
option lors de cette élection référendaire c'est bien de
ne pas en parler." affirmait Mme Harel. "C'est comme si l'on demandait aux gens
d'avoir la foi sans se préoccuper des oeuvres. La foi, sans les oeuvres,
c'est ce qui a vidé les églises." Et encore: "Au contraire d'un
silence, affirme Mme Harel, il faudrait qu'un compte à rebours soit
déjà officiellement engagé. Il faudrait que l'on parle de
cette élection référendaire en expliquant comment on
entend la réaliser. M. Lévesque devrait arrêter
d'effeuiller la marguerite avec l'indépendance, un peu, beaucoup, pas du
tout." Fin de la citation. Demandez-le lui, M. le Président. Elle est
ici. La ministre était ici tantôt. J'espère qu'elle va
revenir. J'espère qu'elle va intervenir et j'espère qu'à
ce moment-là surtout, la citant, elle va expliquer à la
population comment ils vont faire cette élection sur la
souveraineté. Ou bien que le Parti québécois se donne une
vision du Canada, une politique fédéraliste et qu'il explique
comment il entend faire en sorte, à moyen terme, fonctionnellement et
efficacement, qu'il y ait une collaboration, dans le meilleur
intérêt de tous les Québécois, entre les deux
paliers de gouvernement.
On peut mentionner le ministre des Finances, lui qui a dit souventefois
depuis quatorze ans que jamais il n'a oublié de parler
d'indépendance dans un discours politique. C'est curieux. Il a dit que
la souveraineté ne nuisait pas aux investissements, mais a-t-il
soutenu
l'indépendance? S'est-il fait l'avocat de l'indépendance
la semaine dernière en cette Chambre dans son intervention? Non, pas du
tout. Pas un mot.
Une voix: Pas un mot.
M. French: Question de crédibilité. Quand est-ce
qu'on peut croire le gouvernement? Quand dit-il la vérité?
D'ailleurs, qu'est-ce que c'est être péquiste en octobre 1984?
Être muet. Être silencieux...
Une voix: C'est cela.
M. French: Espérer contre toute espérance qu'une
vague bleue va nous ramener au pouvoir encore une fois. Surtout pas pour le
principe. Surtout pas pour l'idéologie. Surtout pas l'article 1
puisqu'il ne faut pas en parler. D'ailleurs, je peux citer le premier ministre
comme une autorité parce que c'est lui qui a le mieux décrit
l'état actuel du Parti québécois.
Le 26 janvier 1984, M. René Lévesque a
déclaré: "11 faut vraiment être émasculé
-c'est-y assez fort, M. le Président? - pour ne pas comprendre
l'importance que l'indépendance reste dans le paysage et qu'elle
continue d'être poussée par un parti politique".
Émasculé ou transsexuel. C'est l'état actuel du Parti
québécois. C'est un mélange des deux. Les transsexuels
subissent l'intervention chirurgicale aujourd'hui pour pouvoir pratiquer la
promiscuité lors de la prochaine élection provinciale.
Mais, au fond, on ne sait pas comment se répartissent les
émasculés et les transsexuels. C'est impossible à dire,
parce qu'ils ne disent à peu près rien de toute façon.
C'est donc impossible de les distinguer. Peut-être le saura-t-on à
la fin du débat.
Qu'est-ce que le premier ministre a dit à ce sujet, entre autres,
le 27 janvier 1984? Il y a de quoi réjouir les autres candidats au
leadership. Qu'est-ce que disait M. Lévesque? "Lévesque partira
si le parti décide d'escamoter son option". Voilà! Lui qui,
aujourd'hui, est en train d'escamoter de long en large son option. "Le Parti
québécois a été créé en vue d'aider,
selon le premier ministre, au maximum le Québec à
s'émanciper politiquement, à devenir un État souverain.
Cela demeure sa raison d'être. Cela ne doit pas changer. Je ne serai pas
capable de me regarder dans le miroir et je ne serai pas là, si l'on
prétendait escamoter l'essentiel de notre programme".
Une voix: Répétez cela.
M. French: Le premier ministre parlait le 27 janvier 1984: "Je ne
serai pas capable de me regarder dans le miroir et je ne serai pas là,
si l'on prétendait escamoter l'essentiel de notre programme". Eh bien!
C'est très encourageant pour les autres prétendants au leadership
péquiste.
Ce qui est beaucoup plus important que le fait que le Parti
québécois et certains de ses porte-parole manquent de
crédibilité, tracent une voie serpentine - c'est le moins que
l'on puisse dire - vers leur objectif de conserver le pouvoir, c'est de savoir
quelles sont les réelles possibilités de négocier plus
efficacement avec le gouvernement du Canada. Ils me font penser un peu au gars
qui se noie au milieu de l'Atlantique. L'hélicoptère vient pour
lui sauver la vie et le gars commence à négocier avec le pilote.
C'est à peu près la même situation. D'abord, ils envoient
des lettres d'amour, des billets doux à Ottawa. Ensuite, ils vont
être "tough" à la table de négociation. Mais oui.
Encore une fois, quel diagnostic le premier ministre faisait-il de ce
genre de situation, aussi récemment qu'en mai 1984? "M. Lévesque:
Le Québec a pu limiter les dégâts du
fédéralisme canadien aussi longtemps qu'Ottawa a su respecter
tant bien que mal les ententes passées. Mais aujourd'hui, le Canada ne
voit sa survie que dans une plus grande centralisation des pouvoirs, ce qui
signifie une régression pour les citoyens du Québec." M.
Lévesque a déclaré que "ce sombre verdict était
valable, que le prochain gouvernement fédéral soit rouge ou
bleu". Là, on apprend que le procès sur le
fédéralisme qu'on a entendu depuis quinze ans était en
fait le procès d'un seul parti politique qui était le
gouvernement fédéral précédent. Comment voulez-vous
être pris au sérieux avec ce genre de discours? C'est très
simple; c'est très clair. Expliquez-nous, messieurs, mesdames, quand
vous dites la vérité et ce que vous croyez réellement. (16
h 10)
Une voix: Très bien.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. J'étais en
train de préparer mes notes sur l'intervention que je voulais faire, en
particulier en regard de la priorité que le premier ministre a
accordée aux jeunes dans son message inaugural. Je ne pouvais
m'empêcher, en écoutant nos collègues d'en face depuis
tantôt, de me demander ce qui les énerve à ce point.
Pourquoi tant d'acharnement à s'occuper des problèmes du Parti
québécois? Qu'est-ce qui vous agace à ce point? Je n'ai pu
trouver d'autre réponse que le tapis semble glisser sous les pas de ces
messieurs. Les gens sentent que, peut-être, la partie ne sera pas aussi
simple qu'elle se dessinait jusqu'à maintenant. Peut-être que la
popularité dont le Parti libéral
du Québec jouissait au cours des derniers mois ne restera pas au
sommet qu'elle a atteint. Déjà, elle a commencé à
dégringoler. Je pense que c'est ce qui inquiète actuellement les
députés du Parti libéral. Cela ne trompe personne de les
entendre se porter à la défense des intérêts du
Québec, entre autres, le député de Gatineau qui a
été un de ceux qui n'ont pas voulu appuyer le Québec
lorsque c'était le temps. Mais, aujourd'hui, parce que le Parti
québécois a une réflexion à faire, qu'il la fait et
qu'il va la faire, d'ailleurs, très publiquement... Le Parti
libéral se trouve actuellement dans un retour vers l'arrière,
dans des problèmes de popularité qui ne sont pas encore
très graves mais, si on regarde les derniers sondages, qui commencent
à exister et qui commencent à inquiéter
sérieusement les députés libéraux.
Une voix: Ça glisse.
M. Charbonneau: C'est quoi, la raison, si ce n'est pas
celle-là? Vous parlez depuis tantôt, non pas du fond des
orientations proposées par le premier ministre, mais d'une question qui
vous préoccupe au plus haut point, c'est-à-dire votre retour au
pouvoir, que vous souhaitiez rapide et qui ne sera peut-être pas aussi
rapide que vous l'espériez.
Vous nous avez reproché nos calculs politiques. Mais par quelle
autre raison explique-t-on l'absence de votre chef en Chambre depuis des mois?
Depuis plus d'un an qu'il a été élu chef, il a eu
plusieurs occasions... De quel calcul politique parle-ton quand on parle de
l'absence de Robert Bourassa à l'Assemblée nationale du
Québec? N'est-ce pas du calcul politique que de voir pendant un an le
chef du parti de l'Opposition se dérober à toutes les occasions
qui lui sont présentées de venir siéger en cette Chambre,
de faire face au premier ministre actuel et donner lui-même la
réplique au message inaugural du premier ministre?
Moi, je suis un indépendantiste et je vais mourir
indépendantiste dans le sens où je considérerai toute ma
vie que le peuple du Québec, s'il le voulait, pourrait se diriger
lui-même. À mon avis, se diriger lui-même serait la
meilleure des options qu'il pourrait choisir. Mais cela ne m'a jamais
empêché et cela ne m'empêchera jamais de penser qu'avant les
systèmes politiques, avant les instruments politiques, il existe quelque
chose de plus important qui s'appelle le peuple lui-même, son existence,
sa nationalité, sa survie. S'il me faut, pour les années qui
viennent, travailler comme indépendantiste pour le peuple
québécois et pour les intérêts de ce peuple dans le
cadre d'un autre système politique que j'aime moins, je vais le faire et
je ne me sentirai pas coupable.
Ce que les députés libéraux ont oublié,
c'est qu'à chaque fois qu'ils ont parlé aujourd'hui ils ont fait
insulte à l'intelligence des Québécois. Les
Québécois savaient très bien qui nous étions en
1976. Les libéraux s'étaient efforcés de leur rappeler que
nous étions des indépendantistes. Ils préféraient
d'ailleurs utiliser l'expression "séparatistes". Les
Québécois ont voté pour des indépendantistes. Ils
leur avaient dit: On ne vous obligera pas à choisir cette
option-là et, quand le moment sera venu, on vous proposera de vous
prononcer. Ils se sont prononcés, ils ont dit: Non.
Les mêmes Québécois qui, quelques mois plus
tôt, avaient dit non ont reporté le Parti québécois
au pouvoir en sachant très bien - parce que vos discours étaient
encore axés sur cela - qu'ils étaient toujours des
indépendantistes, qu'ils considéraient toujours que, comme
formule politique, la souveraineté du Québec était
préférable à n'importe quelle autre formule. Cela n'a pas
empêché les Québécois de voter pour des
indépendantistes, ces gens-là sachant très bien qu'il
valait peut-être mieux mettre les rênes du pouvoir et la
société québécoise entre les mains de gens qui
faisaient d'abord passer les intérêts du peuple avant les
intérêts de leur parti et aussi avant des intérêts de
structures politiques, si belles, si nobles, si justifiables soient-elles, d'un
point de vue ou d'un autre. J'aimerais bien que ces gens-là se
rappellent cela, M. le Président.
Je pense que, chaque fois qu'ils parleront dorénavant, les
Québécois qui suivront ce débat se rappelleront comment
ils ont voté au cours des deux dernières élections,
comment ils ont voté au référendum et que le discours que
tiennent les libéraux actuellement les présentent comme des gens
qui ne sont pas capables de faire les nuances et les différences entre
un indépendantiste et l'indépendance, entre des convictions et
une façon de concevoir le bien-être et l'intérêt
public.
Je me sens très à l'aise dans le virage ou dans la
réflexion qui a été amorcée depuis quelque temps
dans le parti, M. le Président. Je n'ai pas caché mes opinions
politiques au cours des dernières semaines ni même avant le
dernier congrès du parti et, quand le moment sera venu, et à
l'intérieur du parti et à l'extérieur, je contiuerai
à faire valoir mon point de vue.
Des voix: Bravo!
M. Charbonneau: Cela étant dit, pour quelqu'un qui, depuis
des années, s'est intéressé de près à
plusieurs niveaux et de plusieurs façons au dossier de la jeunesse, il y
a quelque chose d'important que le premier ministre a dit dans son message
inaugural et qu'à peu près personne qui s'intéresse
à cette question-là, qui a fait des discours jusqu'à
maintenant, n'a relevé. Pourtant une
petite phrase en dit long sur l'évolution même au sein du
gouvernement, par rapport au dossier de la jeunesse. À la page 15 du
message inaugural, le premier ministre disait, en parlant des instruments
intéressants que l'État avait mis en place au cours des
dernières années et dont nous avons pu tester l'efficacité
et que nous pouvons désormais améliorer et amplifier de
façon à obtenir des résultats encore meileurs: "C'est ce
que nous allons faire au cours de l'année qui commence et ça
dégagera, en fin de compte, une politique d'ensemble dont voici les
trois principaux objectifs."
M. le Président, j'ai moi-même reproché publiquement
au gouvernement et au chef du gouvernement, au cours des dernières
semaines, qu'on n'ait pas encore réussi à acheter l'idée
qu'il fallait maintenant au Québec se doter d'une politique d'ensemble
de la jeunesse. Je ne pouvais pas faire autrement, en entendant le premier
ministre prononcer ces paroles, qu'être satisfait et content. Non pas que
j'aie l'impression que moi seul ai réussi à faire avancer cette
idée parce qu'à l'intérieur du conseil des
députés et dans la société d'autres avaient
véhiculé cette idée, mais que le chef du gouvernement qui
est lui-même le porteur de ce dossier au sein du Conseil des ministres
ait maintenant amené sa réflexion à un point tel qu'il
nous dit: "Ce que maintenant le gouvernement va faire fera en sorte qu'on va
dégager une politique d'ensemble de la jeunesse", je pense que c'est un
pas considérable par rapport à la réalité de
l'efficacité que doivent avoir des mesures dans une
société d'aide à la jeunesse.
Je rappellerais que j'ai présidé, il y a quelques
années, une commission parlementaire spéciale sur la protection
de la jeunesse. Il y avait des députés libéraux qui
siègent actuellement dans cette Chambre avec des collègues
ministériels. Parmi les conclusions du rapport que nous avions
présenté à l'Assemblée nationale, il y en avait une
entre autres qui recommandait au gouvernement de se doter d'une politique
d'ensemble de la jeunesse. Nous disions dans notre rapport, à ce
moment-là, qu"'il est indispensable que l'action gouvernementale et
celle des autres intervenants publics et privés s'appuient sur une
vision d'ensemble de la jeunesse, sur une politique globale et cohérente
basée sur une compréhension adéquate des multiples
facettes de la réalité de la jeunesse. Comment, d'ailleurs,
penser, disions-nous alors, autrement quand on perçoit chez les jeunes
des liens si étroits entre les problématiques de la
délinquance, de la marginalisation, du suicide, de l'intégration
au travail, du loisir, de l'éducation, de l'information," etc? (16 h
20)
Nous ajoutions qu'"il fallait développer une vision globale de ce
que vit et ce que devrait vivre la jeunesse dans notre société,
et c'est à l'intérieur de cette vision globale, qu'il faut
préciser, qu'on pourra formuler une philosophie générale
d'intervention spécialisée auprès des jeunes." C'est ce
que nous disions, M. le Président, au mois de décembre 1982.
Aujourd'hui, je pense que le cheminement qui s'est fait dans les esprits au
sein de l'appareil gouvernemental a amené le premier ministre à
endosser cette recommandation. Je pense que c'est un pas
considérable.
Je parlais, il y a quelques instants, d'efficacité en regard de
cet avancé, de cette mise en avant de cet objectif par le gouvernement.
Comment peut-on penser à une efficacité optimale de l'action
gouvernementale dans n'importe quel domaine si on ne coordonne pas les
énergies, si on ne fait pas en sorte que chacun de son côté
sache ce que l'autre fait, qu'on ait une approche intégrée des
problématiques et aussi des actions qu'on met en place pour les
solutionner? Comment peut-on penser que l'État va être efficace au
Québec pour venir en aide aux jeunes si tous les autres partenaires
sociaux ne sont pas impliqués et si eux non plus ne sont pas
concernés par les problématiques et les solutions qui sont mises
de l'avant et développées?
La première base d'efficacité, quand on veut mettre en
place une politique d'ensemble de la jeunesse, c'est de faire en sorte
qu'à l'intérieur même de l'appareil gouvernemental - nous
le disions aussi dans notre rapport - il y ait une véritable
concertation interministérielle. Elle a failli avoir lieu il y a
quelques mois et, pour toutes sortes de raisons, elle n'a pas eu lieu. Encore
récemment, un journal faisait écho du mémoire que le
premier ministre a présenté récemment au cabinet en regard
de l'Année internationale de la jeunesse. On a voulu ridiculiser,
finalement, les propositions du premier ministre, ne les présentant que
comme un programme de subventions pour donner des bonbons et essayer d'acheter
les jeunes quelque temps avant les élections. On a oublié que,
dans ce mémoire que le premier ministre avait présenté,
qui a fait l'objet d'une fuite, il y avait, à un moment donné, un
passage qui indiquait la volonté du premier ministre de reprendre la
concertation interministérielle qui n'avait pas fonctionné et
qu'il considère maintenant devoir fonctionner.
En regard de ce qu'il a dit peu après dans le message inaugural
dont on débat maintenant, je pense que tous ceux et celles qui, au
Québec, sont concernés par l'aide à la jeunesse, pas
uniquement par les problèmes que les jeunes vivent actuellement en
regard de l'intégration au marché du travail, mais par l'ensemble
des problèmes que vivent les jeunes, vont noter, dans ces deux courtes
phrases, dans ces deux
intentions mises de l'avant maintenant plus clairement par le premier
ministre, les gages d'un succès plus certain pour les actions que,
dorénavant, on va continuer d'intensifier, de polir et de bonifier au
niveau gouvernemental pour les jeunes. Il n'y a pas de recettes magiques pour
aider les jeunes à s'en sortir et faire en sorte que l'État
assume ses responsabilités. Il y a l'ABC et l'ABC, quand on veut
être efficace, c'est, entre autres, une concertation au niveau
gouvernemental. On l'avait compris plus rapidement dans d'autres domaines et
maintenant je pense qu'on en a mieux compris la nécessité
à l'égard des problèmes que les jeunes vivent.
Le message inaugural fait aussi état de la responsabilité
des autres à l'égard des problèmes des jeunes, des
décideurs dans notre société. On ne peut pas penser que
nous obtiendrons des résultats plus importants, plus significatifs que
ce que le gouvernement actuel a pu obtenir au cours des derniers mois si les
partenaires sociaux n'embarquent pas. Encore là, tous ceux et celles qui
s'intéressent au dossier jeunesse d'une façon sincère ne
peuvent que se réjouir de l'annonce que le gouvernement a faite, que le
premier ministre a faite dans son message inaugural, à savoir qu'il y a
des déblocages actuellement au niveau du milieu syndical et du milieu
patronal pour une concertation à l'égard des problèmes
d'insertion des jeunes sur le marché du travail. Comment peut-on penser
qu'on va vraiment régler les problèmes d'insertion des jeunes sur
le marché du travail si, finalement, les grandes centrales syndicales et
le monde patronal ne sont pas impliqués?
On pourra, de ce côté-là de la Chambre, du
côté libéral, continuer d'interpeller le gouvernement et
d'essayer de se faire du capital politique sur le dossier jeunesse, mais on
n'échappera pas à la réalité que ce dossier ne va
progresser, finalement, d'une façon beaucoup plus
accélérée et beaucoup plus efficace que le jour où
des gens vont faire des concessions, que ce soit dans le domaine syndical ou
dans le domaine patronal. Il y a des conceptions qui vont devoir changer.
L'ouverture que veut faire le gouvernement et qu'a déjà obtenue
le gouvernement est importante, capitale quand on regarde ce dossier.
Il y avait aussi une autre raison pour laquelle j'étais satisfait
quand j'ai entendu le premier ministre parler du dossier jeunesse. Il a,
après avoir parlé de ce dossier, parlé de l'importance que
le gouvernement va mettre au cours des prochains mois aux espaces bleus.
Finalement, à la dépollution de nos berges, au nettoyage de nos
berges, de nos cours d'eau, et la mise en valeur de ces cours d'eau.
J'étais très satisfait parce qu'il y a un an à peu
près un groupe de jeunes venait me voir avec une idée. À
l'occasion de l'Année internationale de la jeunesse, ils se sont dits
qu'il serait extraordinaire au Québec que des milliers de jeunes
dépolluent symboliquement les rives de leur fleuve, l'un des plus grands
au monde et qu'ils le fassent avec éclat. Qu'ils adressent par ce geste
symbolique un message à l'ensemble de la société, la
société adulte, en bonne partie responsable des situations que
nous vivons, et la société internationale pour qu'on sache qu'au
Québec il y a une jeunesse qui se préoccupe de ces questions et
qui a décidé de poser un geste significatif et
d'éclat.
J'étais content parce que, pour avoir été un peu
l'avocat de ce groupe au cours des derniers mois dans l'appareil gouvernemental
et avoir dû affronter un certain nombre de résistance, de
méfiance qui était normale jusqu'à un certain point, de la
part de l'appareil gouvernemental, d'entendre le premier ministre faire cette
annonce et en même temps laisser la porte ouverte pour que les jeunes
puissent s'intégrer dans cette action de nettoyage des berges et pour
que cette idée ne soit pas complètement reprise en charge par le
gouvernement et par l'État et les municipalités et que les jeunes
deviennent finalement, dans ce cadre, que des employés, que des
travailleurs... Je pense qu'il y a actuellement un défi qui nous a
été posé d'abord par les jeunes eux-mêmes. Je pense
qu'il faut le reconnaître. Ce n'est pas le gouvernement qui a eu,
d'abord, cette idée. Ce sont des jeunes qui ont eu cette idée. 11
n'y a pas de honte ou de mal à ce que le gouvernement ait repris cette
idée. Au contraire. Et qu'il la pousse plus loin, tant mieux! Je pense
et je sais qu'il y a eu des démarches et il va y en avoir d'autres au
cours des prochains jours, qui vont faire en sorte que les jeunes de ce groupe
qui s'appellent ONET, opération nettoyage de l'environnement
territorial, qui veulent dépolluer un géant, notre géant
national, le Saint-Laurent, je pense qu'il doit y avoir de la place pour qu'on
supporte cette initiative. Est-ce qu'elle va réussir totalement?
Peut-être pas. Est-ce que les adultes ont réussi totalement cet
été avec 1534-1984? Pas particulièrement, doit-on
l'admettre aujourd'hui. Je ne pense pas qu'on doive demander à des
jeunes plus qu'on en a demandé aux adultes. Je pense que du simple fait
que des jeunes se mobilisent par milliers dans tout le Québec, dans les
écoles secondaires, en particulier, et se sensibilisent et se mobilisent
autour de la question de l'écologie, de la protection de notre
environnement, c'est très important que le gouvernement ait compris ce
message et qu'il ait même devancé les attentes de ces jeunes. Tant
mieux! on ne peut certainement pas le lui reprocher.
Finalement, je termine en parlant de l'Année internationale de la
jeunesse. Je vois
le ministre responsable de l'année internationale qui va
intervenir tantôt. L'Année internationale de la jeunesse a trois
thèmes: paix, participation et développement. Cette semaine,
samedi, je participais avec quelques autres collègues de
l'Assemblée et des milliers de citoyens et de citoyennes à la
marche pour la paix à Montréal. On était peut-être
10 000 dans les rues de Montréal, samedi après-midi - il faisait
très beau - à se promener, à manifester pacifiquement pour
la paix et le désarmement. À ce moment, on se rend compte que
cette problématique, cette préoccupation est de plus en plus
présente dans notre société.
La semaine dernière, dans son message inaugural, le premier
ministre a ouvert une porte intéressante pour ceux qui se
préoccupent de la paix et du désarmement. Il a parlé d'un
assouplissement de la Loi sur les référendums, la Loi sur les
consultations populaires. Il a même parlé par la suite dans les
jours qui ont suivi, en réponse à des questions, semble-t-il, de
la possibilité de permettre le droit d'initiatives à des citoyens
et à des citoyennes. (16 h 30)
Pourquoi ne pas penser qu'à l'occasion de l'Année
internationale de la jeunesse le gouvernement du Québec, ayant
modifié sa Loi sur la consultation populaire, puisse permettre à
des groupes dans la société, s'il ne le décrète
lui-même, la tenue d'un référendum québécois
sur le désarmement et la paix? Ce serait une façon originale,
significative, importante pour notre peuple de se prononcer et de faire savoir
à la face de l'humanité qu'il n'est pas encore indépendant
politiquement, mais qu'il est capable de se prononcer avec éclat sur un
certain nombre de sujets. Il y a des hommes politiques qui ont fait le tour du
monde, il y a quelques mois, au nom des Canadiens et des
Québécois, pour parler de la paix et du désarmement. Ce
que je souhaite, c'est que l'ensemble de la population parle et qu'elle parle
notamment par un référendum national sur le désarmement.
Ce serait une façon particulière de souligner comment non
seulement la jeunesse du Québec, mais l'ensemble de la
société québécoise se sent préoccupée
et concernée par l'avenir. Lorsqu'on regarde la réalité
mondiale actuellement, on ne peut pas faire autrement que de constater que
l'avenir passe aussi par cette angoisse qu'on a tous en regard du
problème de la paix, du désarmement et de la course aux
armements. Je pense, M. le Président, que, sur ces mots, le message
inaugural, à plus d'un point de vue, ouvre des avenues fort
encourageantes pour ceux et celles qui se sont préoccupés en
particulier du dossier de la jeunesse au cours des dernières
années. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Hull.
M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: M. le Président, avant de m'attaquer plus
particulièrement au discours inaugural présenté la semaine
dernière par le premier ministre du Québec, M. René
Lévesque, je voudrais commenter certains propos du député
de Verchères lorsqu'il a parlé d'une façon mielleuse de la
jeunesse québécoise. J'aimerais lui poser une question, à
la suite d'une lettre que le premier ministre du Québec vient de
recevoir d'un jeune de mon comté, d'un jeune de 25 ans. Je vous en fais
lecture. J'aimerais entendre les commentaires de la ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sur cette lettre.
"Lettre adressée à M. René Lévesque, premier
ministre du Québec. Je vous écris pour vous demander un conseil
et de comprendre mon désespoir. Depuis deux ans, j'ai travaillé
à plusieurs endroits comme menuisier, mais uniquement en Ontario, parce
que, paraît-il, au Québec, je n'ai pas le droit de travailler.
Présentement, je suis prestataire de l'assurance-chômage. Comble
de stupidité, je suis heureux de vous dire que je peux vous nommer au
moins trois contracteurs québécois qui sont prêts et
disposés à m'engager dès aujourd'hui à titre
d'apprenti menuisier, puisque le gouvernement me considère
incompétent, et je peux en trouver d'autres, mais il y a un hic. Les
contracteurs sont limités dans le nombre d'apprentis menuisiers par je
ne sais quel règlement de l'Office de la construction du Québec.
Si l'un des contracteurs m'avait engagé, il aurait pu passer et il
aurait été passible de milliers de dollars d'amende. Voyez-vous
cela un employeur qui paie une amende pour avoir embauché un jeune
ouvrier de 25 ans en pleine santé? On m'a même dit que je devrais
payer 500 $ d'amende si je travaillais. Mais qu'est-ce que c'est que cette
histoire, M. Lévesque? Est-ce un crime de travailler dans la province de
Québec? "M. le premier ministre, j'ai reçu de vous une copie de
la Charte québécoise des droits et libertés de la
personne. Qu'entendez-vous par les articles 17 et 19 de votre charte? Que
dois-je faire de cette charte? L'accrocher à mon mur ou la jeter
à la poubelle? Il est écrit que la charte aura
préséance sur toutes les lois québécoises. M.
Lévesque, je suis Québécois d'origine et je suis toujours
demeuré au Québec. Je ne comprends pas que la seule façon
de gagner ma vie serait de m'exiler dans une autre province. Dans le cas
où je déciderais de ne pas m'exiler, j'aurais peut-être un
jour à accepter les maigres prestations d'aide sociale et, dans ce cas,
j'aurai le choix: être travailleur et être condamné ou
être criminel
et être condamné. Conséquemment et pour
conséquence, j'irais probablement pour le revenu qui me ferait le mieux
gagner ma vie. Législateurs, ne faites pas de moi un criminel!"
M. le Président, plusieurs jeunes au Québec son inquiets
aujourd'hui. C'est la relève de demain. Ce sont eux qui, demain, vont
nous remplacer. On les empêche, de par les lois et les règlements
que ce gouvernement a adoptés, de travailler. Que réserve-ton
à notre jeuènesse, M. le Président? On pourrait se poser
une question et la poser au gouvernement.
Dans son discours inaugural, le premier ministre se proposait
d'embaucher 100 000 jeunes pour nettoyer les abords du fleuve Saint-Laurent.
Va-t-on modifier les lois qui empêchent aujourd'hui d'engager des
manoeuvres? Va-t-on modifier les règlements de l'OCQ pour permettre
l'emploi de ces jeunes? Vient-on à bout de constater aujourd'hui,
après huit ans de régime péquiste, après huit ans
de règlements de la sorte, qu'on empêche nos gens de gagner leur
vie au Québec et qu'ils doivent s'exiler. Ce sont toutes des questions
que l'ensemble de nos jeunes Québécois et
Québécoises se pose actuellement. Combien on aurait d'exemples
typiques de la sorte qui pourraient être cités en cette
Chambre.
Je veux revenir, M. le Président, à un autre
élément important, soit celui du discours inaugural, un ramassis
de documents empoussiérés, de documents que l'on retrouve sur les
tablettes depuis de nombreuses années. À chaque discours
inaugural ou à chaque discours sur le budget, c'est l'économie,
c'est la relance, mais ou est-elle, M. le Président? Où est-elle?
Parlons un peu de ce que ce gouvernement a détruit au Québec au
cours des dernières années. Parlons un peu du tissu social;
parlons des frères, des soeurs, des amis, des tantes. Parlons un peu de
tout cet ensemble de population québécoise qui a
été perturbé dans sa vie quotidienne par des lois stupides
que ce même gouvernement péquiste a adoptées au cours des
dernières années.
M. le Président, le 12 août dernier, je rendais visite
à des amis de Baie-Comeau. On se souvient, à Baie-Comeau, que ce
gouvernement adoptait en 1982 la loi 37, fusionnant les villes de Baie-Comeau
et de Hauterive, fusion forcée. Je suis allé me faire
photographier, M. le Président, en avant du monument, juste en face de
l'hôtel de ville, un terrain que les citoyens ont acheté et
où on a enterré un cercueil qui contient tous les documents qui
ont traité de cette fusion forcée. Je me permets de lire
l'effigie de ce monument: "Ici gît la démocratie, morte à
Québec le 23 juin 1982, assassinée par le gouvernement du Parti
québécois. L'histoire les jugera." C'est cela qu'on trouve
à Baie-Comeau, le passage du
Parti québécois, du gouvernement, le passage de certaines
de ses lois, qui voulaient améliorer le climat social entre ces deux
voisins.
Parlons un peu du ministre délégué à
l'Aménagement et au Développement régional qui, au cours
de la dernière année, a fait le tour du Québec avec le
document "Le choix des régions", c'est-à-dire les régions
qui devaient normalement composer un Québec indépendant dans
l'option indépendantiste de ce gouvernement. Cela n'a pas
"poigné", M. le Président. Cela a été rejeté
par l'ensemble des maires, l'ensemble des préfets, l'ensemble des
organismes du milieu, incluant les CRD, les chambres de commerce, les
associations qui ont rencontré le ministre dans son périple
provincial.
M. le Président, on a aussi assisté, au cours de
l'année dernière, aux chicanes
fédérales-provinciales, alors que c'étaient les mauvais
rouges à Ottawa qui viennent d'être remplacés par des bons
bleus. Parlons de la loi 38, des subventions aux municipalités, alors
que le gouvernement, pendant pratiquement une année et demie, a
empêché les municipalités de recevoir des subventions
importantes du gouvernement fédéral pour aménager des
équipements à l'intérieur de leur municipalité
respective. On voulait adopter cette loi arbitraire, mais grâce au
travail des libéraux en cette Chambre, nous avons obligé le
gouvernement péquiste à rebrousser chemin. On tentait, M. le
Président, d'habiller tous les maires et tous les conseillers municipaux
du Québec en culottes courtes. Cela n'a pas pris.
Parlons, M. le Président - et cela, on le retrouve à la
page 45 du discours inaugural - du rapport Robidas. Les gens sont au courant du
vol territorial qui s'est fait dans l'Outaouais québécois, il y a
deux ans passés, alors que l'ex-ministre des Affaires municipales,
député du comté de Labelle, c'est-à-dire voisin du
comté de Gatineau, voisin de l'Outaouais, parce qu'il ne veut plus
appartenir à l'Outaouais, nous soustrayait 54% de notre territoire. Il y
eut un tollé de protestations de tous les organismes du milieu, des
associations, des municipalités, des chambres de commerce, du CRD, des
coopératives, de l'université, des cégeps. Tout le monde
dans l'Outaouais protestait énergiquement contre ce vol qualifié
de territoire. Aux dépens de qui? Du député du
comté de Labelle et du député ministre de
l'Aménagement et du Développement régional, responsable de
la région de l'Abitibi. Nous avons demandé d'avoir un arbitre.
Nous, les libéraux, sommes intervenus à combien de reprises. Nous
avons demandé au premier ministre de faire une enquête et
finalement, au mois de février, le premier ministre, parrain de la
commission Robidas, demandait de faire une étude sur le territoire de
l'Outaouais
québécois. Cela comprenait, entre autres - il faut s'y
attendre - le territoire, mais on parlait aussi de la Société
d'aménagement de l'Outaouais. On parlait de la Communauté
régionale de l'Outaouais. On parlait de CRD, d'OPDQ, de la Commission de
la capitale nationale et on a attendu que la commission Robidas produise
finalement son rapport qui a été déposé le 2
octobre dernier.
Nous avions entre-temps, les cinq députés libéraux
de l'Outaouais québécois, déposé un document
contenant 39 recommandations que nous jugeons encore aujourd'hui les plus
importantes, et peut-être plus importantes que quand elles ont
été déposées à la suite des conclusions du
rapport Robidas.
Nous avons maintenant le rapport Robidas qui recommande de remettre
à l'Outaouais québécois le territoire qui lui a
été soustrait. C'est la recommandation prioritaire, la
première des recommandations, que ce gouvernement passe à
l'action immédiatement. Mais noni Par mesure de diversion, on tente d'en
arriver à la conclusion qu'il faudrait une fusion entre les villes
d'Aylmer, de Hull et de Gatineau. Le gouvernement s'approprie ce rapport. Il
veut mettre en pratique immédiatement cette recommandation, qui n'est
peut-être pas la plus importante à traiter pour le moment. On
devrait plutôt revenir au territoire. Que répond à ceci le
ministre des Affaires municipales, M. Marcoux? Il veut un
référendum. À Baie-Comeau-Hauterive, on n'avait pas fait
de référendum. On ne voulait pas consulter la population. On ne
voulait pas savoir ce qu'elle voulait, ce qu'elle aurait souhaité. On
n'a pas osé le faire, mais là, la démocratie est revenue
dans ce gouvernement péquiste et on veut maintenant consulter la
population de l'Outaouais. Le ministre dit: On veut procéder rapidement
car plus le débat s'éternise, plus il devient malsain. On lit
quoi, dans les journaux? "Les maires sont divisés." "La MRC
Antoine-Labelle, des revendications déraisonnables". C'est le ministre
des Transports actuel, M. Léonard, qui est encore député
du comté de Labelle, dont l'ombre flotte encore un peu dans le paysage.
La chambre de commerce a fait un sondage, il y a quelques semaines. La
population s'oppose à la fusion des trois villes, mais le ministre
poursuit quand même, avec son entêtement habituel. Il veut un
référendum et dépenser des centaines de milliers de
dollars pour se faire dire éventuellement que c'est
prématuré et que ce n'est pas ce dont les citoyens de l'Outaouais
ont besoin. Nous y reviendrons éventuellement.
Quand on tient compte du fignolage que fait actuellement ce gouvernement
avec la population du Québec, quand on examine le "renérendum"
qui a été tenu par le premier ministre du Québec, M.
René Lévesque, à l'égard de son propre parti
politique parce qu'il n'était pas satisfait des engagements pris lors de
son congrès, il leur a fait changer d'idée sinon il s'en allait.
Bon!
Une voix: II n'aurait pas été une grosse perte.
M. Rocheleau: Là, dans le discours inaugural, qu'est-ce
qu'on constate? Une volte-face complète. Les péquistes sont
rendus plus fédéralistes que les libéraux. Cela se
peut-il? Je rencontre parfois des indépendantistes dans mon
comté. Il en reste quelques-uns. Il n'en reste pas gros, remarquez bien
mais je sais où ils sont. Parfois, je vais les consulter. Je leur dis:
Est-ce que cela a du bon sens que votre parti politique soit rendu ausi
"bebête" que cela? Qu'est-ce qui se passe? Expliquez-moi donc cela. Ces
quelques péquistes me répondent: On ne sait pas ce qui se passe
là. Ils disent: C'est la bande de pantoufles à l'Assemblée
nationale qui en décident. Ces pantoufles-là font ce que le
premier ministre leur dit de faire. Donc, on se sert d'une pantoufle quand on
en a besoin et quand on n'en a pas besoin, tu fous ça dans le
placard.
C'est un peu ce qui m'a fait réaliser ce que vous étiez
dans cette Chambre. À toutes fins utiles, quand on tire sur la
chaîne, les pattes se lèvent et je le répète, c'est
ce que vous faites habituellement. Surtout quand on tient compte du fait que
les ministres sautillent un peu partout en région. Ils viennent
rencontrer les jeunes dans les cégeps. La semaine dernière, on a
eu l'honneur et le privilège de recevoir le ministre de la Science et de
la Technologie, M. Paquette. Il est venu s'adresser à environ 80
étudiants au cégep de l'Outaouais. Son passage chez nous suivait
le passage de notre chef, M. Robert Bourassa, qui, lui, avait attiré en
passant 450 étudiants. Il avait été bien applaudi et bien
soutenu dans la philosophie qu'il préconise pour le Québec.
Mais, qu'est-ce que disait M. Paquette? "Le virage technologique et
social passe par le virage politique qui doit aller dans le sens d'une pleine
souveraineté et liberté du peuple québécois".
À son avis, "le Québec a besoin plus que jamais de la
souveraineté et si j'étais seul à décider, je la
ferais demain matin". Quelle sorte de crédibilité ce gouvernement
peut-il espérer avoir de la part des citoyens du Québec? On
sautille partout au Québec. Il y en a qui disent des choses ici;
d'autres disent autre chose là. Le premier ministre, lui, est au beau
fixe avec le fédéral. Il s'est couché dans le même
lit avec M. Mulroney et l'équipe d'Ottawa. Nous n'avons rien contre le
fait que le gouvernement s'entende avec le gouvernement fédéral.
C'est ce qu'ils ne font pas depuis huit ans et cela nous a fait perdre des
centaines de millions de dollars. Il est à peu près temps
qu'on s'entende avec quelqu'un. Mais quand on voit la façon dont ces
gens le font, quand on se souvient du référendum, quand on se
souvient, à peine quelques mois avant les élections de 1981,
qu'on a remis la question de l'indépendance en veilleuse parce qu'elle
ne "poignait" pas, là, on se dirige vers une nouvelle élection et
on est encore à refouter cela en arrière du calorifère
parce que cela ne "poigne" pas encore. Et on est devenu subitement des nouveaux
fédéralistes.
Mesdames! Messieurs! Vous devriez avoir honte. On peut en déduire
deux choses: soit que vous êtes des traîtres envers vos militants
du Parti québécois ou alors que vous êtes des hypocrites
envers la société québécoise. C'est à vous
de choisir entre les deux. Parce que, effectivement, on est
indépendantiste ou on ne l'est pas. Vous avez dit: Un vote pour le PQ
est un vote pour l'indépendance. Vous êtes accrochés
à cela. Si vous voulez vous en décrocher, convoquez un
congrès et demandez à l'ensemble des indépendantistes du
Québec - s'il en reste assez pour faire une soupe - s'ils veulent
changer leur orientation, leur philosophie afin que vous puissiez au moins vous
accrocher au pouvoir. Si c'est le pouvoir que vous voulez en cherchant à
tromper la population par tous ces moyens, faites-le. (16 h 50)
Récemment, on vient de nommer deux ministres dont Mme Harel.
Est-ce qu'il y avait plus pure indépendantiste qu'elle? Quand elle est
entrée dans le sacro-saint bureau du premier ministre, maintenant qu'il
l'a nommée ministre, elle ne parle plus. Par solidarité
ministérielle, on ne parle plus. Le chef du parti nationaliste, M.
Marcel Léger, où est-il rendu? Il est ministre du Tourisme.
Pourquoi un petit cadeau? Parce que le premier ministre ne voulait pas qu'il
soit chef du parti "péniste" au temps où il s'est fait battre,
où il s'est classé derrière le Parti rhinocéros. Il
était incompétent dans le temps; il est revenu et il est
compétent. Voyons donc! Est-ce qu'on peut continuer à leurrer la
population du Québec de cette façon? On pourrait
considérer aujourd'hui que c'est de la sauce rebrousse-poil à
"Ti-Poil". C'est comme la chatte que tu flattes à l'envers. On dirait
quasiment qu'il est en train de se "recrochir" les cheveux pour essayer de
prendre un autre pic ailleurs. La population du Québec ne prendra pas
cela.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre...
Excusez-moi, je me suis étouffé.
M. Clair: II n'y a pas de quoi, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le président du
Conseil du trésor.
M. Michel Clair
M. Clair: Merci, M. le Président. Au cours du discours
inaugural du premier ministre, de même qu'au cours du débat qui a
été engagé ensuite, l'un des sujets sur lesquels plusieurs
députés sont intervenus, c'est toute la question de la condition
de la jeunesse québécoise actuellement. Pourquoi les femmes et
les hommes publics s'intéressent-ils actuellement avec autant
d'intensité à toute la question de la condition de la jeunesse?
Serait-ce parce que l'Organisation des Nations Unies a déclaré
l'année 1985 qui s'approche "Année internationale de la
jeunesse"? Serait-ce que, par pur opportunisme, les partis politiques, les
pouvoirs publics, les journalistes veulent traiter de cette question parce
qu'ils seraient en mal de préoccupations ailleurs, en ce qui concerne
les affaires publiques ou la société québécoise? Je
ne pense pas. Je pense que, aujourd'hui comme hier, il y a une première
raison fondamentale pour laquelle les gouvernements se préoccupent des
jeunes - et, à cet égard, tous les gouvernements du monde se sont
toujours préoccupés avec beaucoup d'intensité du sort
réservé à la génération montante - c'est
essentiellement parce que la jeunesse, c'est l'avenir d'une
société tout entière. Aucune femme ou aucun homme public
ne peut se désintéresser du sort de la génération
montante puisque ce serait se désintéresser du sort de toute sa
société.
Mais pourquoi, de manière plus particulière à ce
moment-ci, se préoccuper de la condition des jeunes dans la
société québécoise? Je pense qu'il y a une raison
évidente, qui saute aux yeux pour quiconque s'intéresse à
la condition de la jeunesse actuellement. C'est essentiellement parce que
aujourd'hui, peut-être un peu plus et même beaucoup plus qu'hier,
l'avenir est incertain pour la jeunesse et que, pour une bonne part de la
jeunesse québécoise en particulier, puisque c'est celle qui nous
intéresse au premier chef, le présent, il faut le
reconnaître, est difficile.
Le présent est difficile et l'avenir est incertain pour les
jeunes pour plusieurs raisons. D'abord, c'est un fait - ce sont des
données statistiques et on les connaît sur le plan humain
également, chacun dans sa vie personnelle - une trop grande partie de la
jeunesse québécoise est en chômage. Cela est
inquiétant non seulement pour ceux qui sont aux études, mais
même, jusqu'à un certain point, pour ceux qui sont actuellement au
travail, pour ceux qui fréquentent l'école secondaire et
même pour les parents, pour les adultes que nous sommes.
La deuxième raison pour laquelle le présent est difficile
et l'avenir incertain pour les jeunes, c'est qu'une grande partie des jeunes ne
se reconnaissent pas dans le monde du travail que nous avons
créé, que nous
avons construit, nous les 30 ans et plus, qui avons trop souvent
parsemé d'embûches l'accès au marché du travail dans
quelque secteur d'activité économique que ce soit.
Une autre raison également pour laquelle les jeunes sont
incertains de leur présent et de leur avenir, c'est qu'une grande partie
des jeunes ne se reconnaissent pas et, il faut le reconnaître, ne veulent
même pas se reconnaître dans les modèles que nous leur
offrons comme monde adulte, comme genre de société que nous avons
organisé.
Finalement, un bon nombre de jeunes Québécois et
Québécoises partagent avec les jeunes du monde entier des
préoccupations quant à la paix dans le monde, quant à la
dépollution et, malheureusement, un certain nombre d'entre eux
considèrent que l'avenir de cette planète est en quelque sorte
foutu à cause de la menace nucléaire, à cause de la menace
de la pollution et d'un certain nombre de désordres qu'on voit tous les
soirs en regardant le téléjournal. 11 faut reconnaître que
même les jeunes qui sont au travail sont souvent inquiets. Du
côté du gouvernement du Parti québécois, nous ne
prétendons pas et ne prétendrons pas avoir une réponse
définitive et irrévocable à donner à la jeunesse
québécoise. D'ailleurs, à mon humble avis, il ne saurait
en exister, sous quelque époque que ce soit, de réponse
définitive à la jeunesse de quelque génération que
ce soit puisque l'évolution même des mentalités de la
société fait en sorte que ce qui est valide et valable
aujourd'hui ne le sera peut-être pas et sera désuet dans quelques
années.
Cependant, M. le Président, nous avons la ferme conviction, du
côté du gouvernement du Parti québécois, qu'il faut
maintenant qu'on s'occupe de manière plus intensive que jamais de faire
une place à la jeunesse québécoise, non seulement dans le
marché du travail mais dans toutes les sphères d'activités
humaines et sociales d'une société normalement
constituée.
Deuxièmement, nous pensons qu'il s'agit là d'une
responsabilité qui n'est pas exclusivement gouvernementale mais
collective, qui fait appel à la responsabilité de tous et chacun
des citoyens et citoyennes qui ne se considèrent pas ou ne font pas
partie justement de ce groupe, de cette tranche de la population que nous
appelons la jeunesse. À cet égard, l'Année internationale
de la jeunesse vient à point nommé puisque sous les thèmes
de paix, participation et développement, elle interpelle au fond chacun
des citoyens et des citoyennes sur la place que nous entendons faire à
la génération montante dans l'ensemble du fonctionnement de notre
société.
Le gouvernement pense que cette année doit s'inscrire dans
l'histoire du Québec comme l'une des années à la fois de
consolidation et aussi, jusqu'à un certain point, de
réorientation quant à la place qu'occupent les jeunes dans la
société québécoise, quant aux améliorations
nécessaires à la condition jeunesse.
Le Québec, on le sait, a saisi l'Année internationale de
la femme par exemple et non seulement le gouvernement de l'époque mais
le Québec tout entier a saisi l'Année de la personne
handicapée pour faire de ces années non seulement un
événement à souligner mais comme étant
fondamentalement des années de mobilisation de toute la
société sur l'amélioration de la condition
féminine, sur l'amélioration de la condition des personnes
handicapées lorsque ces années ont été
décrétées.
Je pense que c'est dans cette orientation-là qu'on doit
travailler pour l'Année internationale de la jeunesse, non pas seulement
y voir là un événement à souligner, une
responsabilité gouvernementale mais, au contraire, une
responsabilité collective et individuelle aussi de chacun et chacune des
citoyens à l'égard de l'amélioration de la condition
jeunesse.
Tout n'est pas réglé dans le cas de l'amélioration
de la condition féminine non plus que dans celle des personnes
handicapées mais des pas énormes ont été franchis
parce que le Québec s'était préparé à
l'avance et parce que ces années ont été des années
de mobilisation de toute la société québécoise.
En tout cas, M. le Président, le gouvernement du Québec
est volontaire, quant à lui, pour profiter de cette année pour en
faire une année de mobilisation de toute la société qui
visera la responsabilisation de toute la société
québécoise et non pas seulement une année pour souligner
un événement. 11 me semble que cette mobilisation de la
société québécoise à l'égard de la
condition jeunesse, c'est non seulement une priorité politique au sens
noble du mot, au sens qu'il est souhaitable que les partis politiques s'y
intéressent, travaillent à améliorer leurs programmes,
leurs connaissances de la condition jeunesse des propositions mais que c'est
aussi une priorité sociale et une priorité économique.
C'est une priorité sociale parce qu'il me semble qu'il est inacceptable
de laisser une bonne partie de la société
québécoise en deçà, en dehors des mécanismes
dont la société québécoise s'est dotée
depuis 20 ans et de les laisser ainsi en attente de participer pleinement
à l'épanouissement de notre société. (17
heures)
Sur le plan économique aussi, il faut bien savoir ce que cela
comporte comme coût économique d'avoir une partie de la
société qui est improductive, qui, en trop grand nombre, est
condamnée au chômage, aux prestations d'aide sociale. Cette
contribution de la jeunesse québécoise
pourrait être beaucoup plus importante qu'elle ne l'est
présentement moyennant un certain nombre de préalables sur
lesquels j'aimerais m'arrêter pendant quelques minutes.
Si l'on veut que l'avenir de la jeunesse québécoise soit
plus intéressant qu'il ne l'est présentement, il me semble que
l'une des premières choses qu'on doit faire, c'est de laisser tomber,
nous le monde adulte, un certain nombre de préjugés que nous
avons à l'égard de la jeunesse québécoise. J'en
énumère quelques-uns, M. le Président, que nous
véhiculons dans les milieux dits socio-économiques, beaucoup trop
souvent, et ici même au Parlement, à l'égard de la jeunesse
québécoise. On laisse souvent entendre - cela est de bon ton -
que les jeunes sortent des cégeps et des universités
québécoises mal qualifiés, incompétents, avec une
préparation plus ou moins adéquate pour occuper le marché
du travail. On laisse souvent entendre que le contingent dit de
décrocheurs dans les écoles québécoises, c'est le
grand nombre des étudiants qui fréquentent les écoles
secondaires, collégiales et universitaires du Québec. Les jeunes
ne sont pas tous en chômage, ne sont pas tous en difficulté, ne
sont pas tous des incompétents, ne sont pas tous des décrocheurs.
Bien au contraire. Dans son immense majorité, la jeunesse
québécoise, les jeunes Québécois sont soit aux
études en train de parfaire des études collégiales ou des
études universitaires, soit au travail dans des emplois réguliers
du marché du travail, soit encore qu'ils sont, compte tenu de la
conjoncture économique, retournés aux études pour parfaire
leurs qualifications pour occuper un emploi sur le marché du travail. Il
me semble que, trop souvent, chez les adultes, les 30 ans et plus, nous
véhiculons des préjugés qui nuisent à la jeunesse
québécoise bien plus qu'ils ne lui viennent en aide en laissant
entendre qu'elle serait le fruit d'un réseau scolaire
complètement inadéquat, de diplômes qui ne valent rien, de
gens qui sont incompétents une fois en industrie ou encore dans un
emploi X, Y ou Z.
Tel n'est pas le cas, M. le Président. Si nous voulons que la
jeunesse québécoise ait un avenir plus rose que celui qu'on
laisse voir dans les médias présentement, je pense que c'est une
des premières responsabilités que nous avons de laisser tomber un
certain nombre de préjugés que nous entretenons à
l'égard de la jeunesse québécoise, qui est plus instruite
que la génération précédente, qui est aussi
compétente que la génération précédente, qui
n'est pas composée de seulement une ou deux vedettes qui
réussissent, mais de dizaines, de centaines de milliers de jeunes qui
sont sortis des collèges québécois, des écoles
secondaires québécoises, des universités
québécoises, et qui contribuent activement au
développement de notre société.
Le deuxième préjugé, M. le Président, qu'il
nous faudra laisser tomber, je pense, dans le monde adulte, encore une fois,
c'est à l'égard de ceux qui sont en difficulté, les jeunes
qui ont décroché, ceux qui ont été victimes de la
crise économique de manière plus prononcée que les
adultes, ceux qu'on appelle parfois la génération
sacrifiée. Nous n'avons pas le droit, comme société
adulte, de véhiculer le préjugé qu'il n'y a rien à
faire avec ces gens-là, que c'est une génération
sacrifiée, et de se déculpabiliser un peu en disant: Je propose
d'augmenter les prestations d'aide sociale de quelques dizaines de dollars; le
gouvernement doit les entretenir, acceptons cela comme un fait de la vie qu'il
y a un certain nombre de jeunes Québécois et
Québécoises qu'on va devoir "traîner" indéfiniment
sur les listes de bénéficiaires de l'aide sociale. Je pense que
c'est aussi un préjugé qui nuit à la jeunesse
québécoise, qui vient parfois éteindre la volonté
de cette dernière de participer pleinement, de se sentir capable
d'infléchir les orientations des partis politiques, des pouvoirs
publics, de tous les décideurs, comme on les appelle, dans notre
société.
Donc, M. le Président, premièrement, si l'on veut
faciliter la tâche à la jeunesse québécoise de se
tailler une place, la meilleure façon de l'aider, l'une des bonnes
façons de l'aider, sans nier l'existence de problèmes
réels pour une partie de celle-ci, c'est de cesser de véhiculer
des préjugés à l'égard de la
génération montante.
Deuxième préalable, qui concerne aussi le monde adulte, et
en particulier les hommes et les femmes publics, c'est de cesser de les
décourager par des discours défaitistes. Il suffisait d'entendre
le député de Hull tantôt pour laisser croire que dans
l'industrie de la construction, par exemple, il n'y aurait aucun jeune qui en
vienne à se qualifier. C'est vrai qu'il y a des problèmes dans
l'industrie de la construction. Quel était le message que
véhiculait le député de Hull tantôt? Est-ce que
c'était un message d'espoir dans le sens de dire: Nous du Parti
libéral, nous ferions ceci, nous ferions cela pour les jeunes. Non.
C'était un discours purement défaitiste. Un discours qui
laisserait entendre que la société québécoise
était incapable de faire une place aux jeunes. Que les partis politiques
sont incapables d'avoir des idées, sont incapables de mettre sur pied
des programmes. Je pense que ces discours défaitistes, bourrés de
préjugés, nuisent davantage à l'amélioration de la
condition jeunesse qu'ils ne viennent en aide.
Là-dessus, je laisse aux prophètes de malheur, à
ceux qui n'annoncent que de la misère, que des difficultés pour
des générations à venir à la jeunesse
québécoise,
je leur laisse cette responsabilité parce qu'à mon avis,
elle ne résulte qu'en un découragement d'un certain nombre qui,
trop souvent malheureusement, croit à des discours défaitistes
comme ceux qu'on entend trop souvent de la part d'hommes et de femmes publics
à l'égard de la jeunesse québécoise.
Troisième préalable, si nous voulons que la jeunesse
québécoise ait un meilleur avenir et un meilleur présent.
Je serais porté à dire qu'il faudra que nous acceptions, parlant
encore une fois pas au nom du gouvernement, mais parlant au nom de la
génération des 30 ans et plus, qui avons mis en place plein de
règles, plein de contingentements, de sélections de toutes
espèces, de règles administratives ou autres, qui sont autant
d'embûches pour l'accès au marché du travail des jeunes.
J'appelle cela changer les règles de notre jeu qui les exclut trop
souvent ces jeunes de notre société. Des exemples, on pourrait en
citer à profusion et faire un mea culpa du côté de
l'Opposition, du côté du gouvernement, du côté des
patrons, du côté des syndicats. J'en donne un exemple qui est bien
connu: la sécurité d'emploi dans le secteur public et parapublic.
Vous savez que cette sécurité d'emploi - et je ne parle pas
encore une fois au nom du gouvernement comme ayant quelque arrière
pensée à savoir de remettre cela en cause - vous savez, quand on
parle avec des jeunes, il y en a un nombre de plus en plus grand qui accepte
très mal cette règle du jeu que nous nous sommes donnée
dans le secteur public et parapublic que la sécurité d'emploi
primait la compétence et la capacité des jeunes
diplômés à venir occuper des emplois dans les secteurs
public et parapublic.
Je vais vous dire, il y en a là-dedans pour l'Opposition, il y en
a là-dedans pour les syndicats, il y en a pour le gouvernement actuel,
il y en a pour tout le monde. La règle d'ancienneté, qui
était un sujet tabou dans le secteur privé en ce qui concerne
l'embauche, les mises à pied au moment de difficultés
conjoncturelles. Ce sont des questions qui sont posées par la
génération montante actuellement. Je pense que si l'on veut
vraiment et sincèrement, au-delà de la partisanerie, faire de la
place aux jeunes dans la société québécoise sur le
marché du travail, il existe un certain nombre de règles du jeu
que notre société s'est donnée depuis 20 ans qu'il va
falloir réexaminer. Il n'y a pas de plus bel exemple que celui que
citait le député de Hull tantôt en ce qui concerne les
ratios dans l'industrie de la construction. C'est un procès un peu court
que de laisser entendre que le gouvernement aurait, un bon matin, introduit des
ratios dans l'industrie de la construction en vue d'écarter les jeunes
du marché du travail. C'est un peu court. (17 h 10)
Toutes les personnes qui ont suivi l'évolution des relations du
travail dans l'industrie de la construction savent très bien que ces
règles sont le résultat de négociations entre des patrons,
des syndicats, un gouvernement qui se sont donné des règles, mais
qui, il est vrai, ont aujourd'hui comme principal résultat d'exclure un
grand nombre de jeunes diplômés compétents du marché
du travail dans l'industrie de la construction.
De notre côté, M. le Président, pour essayer de
commencer justement à changer ces règles du jeu, nous avons
assumé une responsabilité certaine, même si cela a
été difficile à certains moments. Par exemple,
aujourd'hui, l'une des grandes difficultés des jeunes inaptes au
marché du travail, c'est la modernisation de nos entreprises, de nos
industries, de nos commerces, de nos services et un grand nombre de jeunes sont
peu qualifiés pour occuper de tels emplois.
Le gouvernement a décidé de travailler à
développer l"'employabilité" de ces jeunes par trois mesures.
Nous allons prochainement inviter nos partenaires socio-économiques
à discuter de façon positive, dans l'esprit d'une plus grande
place aux jeunes, de notions comme le partage du travail, la
préretraite, les congés de formation, toute une série de
mesures qui pourraient favoriser un plus grand accès des jeunes au
marché du travail.
Que dire, finalement, de tout l'effort de développement
économique que le gouvernement du Québec a commencé pour
justement favoriser l'accès au marché du travail à un plus
grand nombre de jeunes Québécois et
Québécoises?
Je termine, M. le Président, en disant que le dernier
prérequis à l'amélioration de la condition de la jeunesse
ou, en tout cas, un des derniers - j'aurais eu autre chose à dire -
c'est, je pense, qu'il faudra accepter le fait que la jeunesse actuelle est
différente de la génération précédente,
qu'elle a des besoins différents. Dans ce sens, si le gouvernement a la
responsabilité d'amorcer un certain nombre de changements, l'ensemble de
la société québécois a également une
responsabilité, qu'il s'agisse des patrons, qu'il s'agisse des
syndicats, qu'il s'agisse des partis politiques de toutes les orientations ou
encore, finalement, de tout le monde adulte. Je pense que si nous voulons
réellement améliorer la condition de la jeunesse, c'est en
plaçant le débat sur l'amélioration de la condition de la
génération montante au-dessus des lignes de parti et en tentant
de faire en sorte que toute la société soit mobilisée,
à l'occasion de l'Année internationale de la jeunesse, pour une
amélioration permanente de la condition jeunesse. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Dans son discours
inaugural, le premier ministre a dit qu'il faut rouvrir le dossier
constitutionnel. J'aimerais examiner aujourd'hui un aspect des démarches
constitutionnelles faites par ce gouvernement en 1981. Trois jours après
les élections d'avril 1981, le gouvernement du Québec a
signé une entente avec sept autres provinces. Les autres provinces
comprenaient toutes les provinces, sauf l'Ontario et le Nouveau-Brunswick.
J'aimerais examiner, M. le Président, le but et les effets de
cette entente. Je pense que le but était différent pour le
gouvernement du Québec que pour les sept autres provinces. Les autres
provinces ont cherché du "bargaining power" pour forcer le gouvernement
fédéral à modifier le projet constitutionnel. Ces autres
provinces ont voulu renouveler le Canada. Elles ont voulu proposer un
amendement, une formule d'amendement, dirais-je, autre que celle
proposée par le fédéral, mais il est important de savoir
que ces autres provinces ont voulu renouveler le Canada.
Le but du gouvernement du Québec était autre. Le premier
ministre du Québec, les ministres du Québec ont toujours
parlé de l'option indépendantiste. Le gouvernement du
Québec n'a pas voulu renouveler le Canada; loin de là, le
gouvernement du Québec a voulu démanteler le Canada. Il
était impossible pour le premier ministre du Québec, pour le
ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, pour le ministre
de la Justice du Québec de retourner à Ottawa en avril 1981 en
disant: On a renouvelé le Canada aujourd'jui et tout ira bien dans
l'avenir.
Le Québec, comme on le sait, était abandonné par
les autres provinces. Cela était prévisible. C'était une
entente circonstantielle, une entente de complaisance.
M. le Président, j'ai dit à l'époque au ministre
des Affaires intergouvernementales que les autres provinces abandonneraient le
Québec et il m'a dit: Je le sais, mais c'est une entente de
complaisance, une entente circonstantielle. Je savais que les autres provinces
avaient l'intention d'abandonner le Québec parce que j'avais des
contacts avec des fonctionnaires dans certaines provinces de l'Ouest du
Canada.
Il est difficile de blâmer les autres provinces d'avoir
abandonné le Québec parce qu'elles poursuivaient un but tout
à fait différent que le but poursuivi par le gouvernement du
Québec. De toute façon, comme je vous l'ai dit, le gouvernement
du Québec était au courant que c'était une entente
circonstantielle, qui devait durer quelques semaines, quelques mois. Cela va de
soi que les autres provinces étaient incapables d'appuyer le
Québec jusqu'au bout dans les négociations parce qu'elles et le
Québec poursuivaient des buts contradictoires.
Quels sont les effets que nous avons aujourd'hui de l'échec de
cette entente? Le Québec a abandonné son veto politique. Depuis
1867, le Québec avait un veto politique. Nous avons exercé ce
veto politique lors des négociations sur la formule d'amendement
Fulton-Favreau dans les années soixante; c'était bloqué
par le gouvernement du Québec. La charte de Victoria de 1971
était bloquée par le Québec parce que celui-ci avait
décidé d'utiliser son veto politique. Aujourd'hui, comme on le
sait, le Québec n'a pas de veto politique, n'a pas de veto légal
en ce qui concerne les modifications à la constitution du Canada. De
plus, le Québec a refusé un veto légal offert par le
gouvernement fédéral lors des négociations
constitutionnelles en 1981.
En 1981, à Ottawa, le premier ministre du Québec aurait
dû dire qu'il était prêt à renouveler le Canada.
C'était cela le sens du référendum de 1980. Il aurait
dû dire: Une de nos conditions pour renouveler le Canada, c'est qu'il
soit essentiel que le Québec ait un veto, non seulement sur le plan
politique, mais sur le plan légal. Le premier ministre n'a pas fait
cela, il a abandonné le veto politique que le Québec a toujours
eu. De ce fait même, il a affaibli la position du Québec dans le
système fédéral canadien.
Cependant, le gouvernement péquiste, le gouvernement actuel a dit
et continue de dire que la compensation financière égale le veto.
Ceci n'est pas exact. J'aimerais décrire la compensation
financière par rapport au pouvoir du veto. La compensation
financière peut être d'ordre administratif ou constitutionnel. Il
ne faut pas confondre ces deux formes ou ces deux régimes de
compensation financière. La compensation financière d'ordre
administratif existe aujourd'hui. Pensons aux programmes d'aide juridique ou
d'aide sociale. Ce sont des programmes québécois, mais il y a une
compensation fédérale pour que nous puissions mettre en oeuvre
ces programmes. C'est-à-dire qu'il y a une contribution
financière du gouvernement fédéral en ce qui concerne
l'aide juridique au Québec, en ce qui concerne l'aide sociale et en ce
qui concerne d'autres programmes. On appelle cela souvent des programmes
à frais partagés. (17 h 20)
La compensation financière d'ordre constitutionnel veut dire tout
autre chose. La compensation financière d'ordre constitutionnel implique
qu'il va y avoir un transfert de juridiction des provinces au profit du
gouvernement fédéral, et les provinces qui ne voudraient pas
transférer ce pouvoir auraient une compensation financière.
II faut souligner que, depuis la Confédération, il y a eu
seulement deux transferts de compétence ou de pouvoir des provinces au
profit du gouvernement fédéral: l'amendement constitutionnel de
1940 en ce qui concerne l'assurance-chômage - le Québec
était d'accord - et l'autre amendement constitutionnel de 1956 en ce qui
concerne la pension de vieillesse, et le Québec était
également d'accord.
Dans un régime de compensation financière, supposons que
le Québec se serait retiré en ce qui concerne le transfert de
pouvoir sur l'assurance-chômage au gouvernement fédéral.
Comme il n'y a pas de dépenses parce que l'assurance est payée
à partir d'une prime ou d'une taxe que tous les employés et les
employeurs paient, il n'y a pas de compensation financière possible, et
ce serait la même chose dans d'autres domaines. C'est-à-dire, M.
le Président, qu'il y a beaucoup de transferts de juridiction possibles
des provinces au profit du gouvernement fédéral où on ne
peut pas parler de compensation financière. J'aimerais vous donner deux
exemples. Supposons que les provinces transfèrent la compétence
sur les valeurs mobilières et les institutions financières autres
que sur les banques au profit du gouvernement fédéral, on ne peut
pas parler d'une compensation financière à une province qui n'est
pas d'accord avec un tel transfert parce qu'il n'y a pas de dépenses ou
très peu de dépenses en ce qui concerne la réglementation
des institutions financières, et ainsi de suite. C'est la même
chose si les provinces décident de transférer au gouvernement
fédéral le pouvoir sur l'adoption des enfants. Il n'y aurait pas
de dépenses en ce qui concerne la réglementation d'un tel
système d'adoption. Donc, pour la province qui n'est pas d'accord avec
un tel transfert, il n'y aura pas de compensation financière.
En somme, la compensation financière est d'une certaine
utilité dans un régime constitutionnel s'il y a un transfert de
pouvoir et s'il y a des dépenses qui s'ensuivent. À la
différence de la compensation financière, l'utilisation du veto a
pour effet d'empêcher toute modification constitutionnelle sans le
consentement du Québec. Si, par exemple, les provinces veulent
transférer leur compétence en ce qui concerne les institutions
financières autres que les banques au profit du gouvernement
fédéral et si le Québec est en désaccord, avec un
pouvoir de veto, le Québec pourrait empêcher une telle
modification constitutionnelle. Il est faux de prétendre, comme le dit
le gouvernement actuel, que la compensation financière d'ordre
constitutionnel égale le droit de veto pour le Québec. C'est
faux. Le gouvernement actuel a induit plusieurs Québécois en
erreur en répétant que c'est la même chose.
J'aimerais souligner que la formule d'amendement constitutionnel
actuelle que nous avons dans la constitution du Canada prévoit, par
exemple, que les deux tiers des provinces, qui contiennent 50% de la population
du Canada, peuvent, sans le consentement du Québec, faire des
modifications à la constitution du Canada concernant: le principe de la
représentation proportionnelle des provinces à la Chambre des
communes; les pouvoirs du Sénat et le mode de sélection des
sénateurs; le nombre des sénateurs par lesquels une province est
habilitée à être représentée et les
conditions de résidence qu'ils doivent remplir; la Cour suprême du
Canada, sauf la composition de cette cour; le rattachement aux provinces
existentes de toutes ou partie des territoires et même la création
de nouvelles provinces. Il me semble qu'il est inacceptable qu'on puisse faire
des modifications constitutionnelles aussi fondamentales sans le consentement
du Québec.
De plus, il n'y a pas de compensation financière possible qui est
rattachée aux modifications constitutionnelles que je viens de nommer.
Mais tout ceci nous intéresse. L'évolution du Canada dans
l'avenir nous intéresse. La place du Québec dans le Canada nous
intéresse. Les Territoires du Nord-Ouest nous intéressent aussi.
Ils nous appartiennent. Les mines; le gaz; le pétrole dans les
Territoires du Nord-Ouest nous appartiennent. Si le gouvernement
fédéral et les autres provinces décident de créer
une nouvelle province dans les Territoires du Nord-Ouest sans le consentement
du Québec, cela va nous affecter. Si le gouvernement
fédéral, avec d'autres provinces, décide de rattacher une
partie des Territoires du Nord-Ouest à la province de l'Alberta ou
à la province de la Colombie britannique, cela va nous affecter aussi.
Donc, cela nous intéresse.
Quelle est maintenant la politique du gouvernement en cette
matière? Est-ce la même politique qu'en 1981? Est-ce que le
gouvernement va poursuivre une politique de compensation financière?
Est-ce que le gouvernement va rechercher, va redemander le droit de veto que le
gouvernement avait abandonné en 1981?
Le premier ministre a parlé de réparer les
dégâts constitutionnels, les dégâts qu'il a
lui-même causés. Soit! Mais on attend de connaître la
politique du gouvernement sur ce sujet. A-t-il l'intention de réclamer
le droit de veto qu'il a abandonné ou est-ce que le gouvernement a une
autre proposition à faire en ce qui concerne une nouvelle formule
d'amendement? Il me semble que le premier ministre devrait compléter son
discours inaugural en nous présentant la nouvelle formule d'amendement
qu'il va proposer au gouvernement fédéral et aux autres
provinces. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Merci, M. le Président. Une fois de plus, je
voudrais apporter ma contribution en réponse au discours inaugural du
premier ministre.
Je n'insisterai pas sur ce que le présent gouvernement a
déjà mis en marche pour la création d'emplois chez les
jeunes. D'autres collègues vont s'en occuper. Je voudrais aujourd'hui
vous entretenir sur l'idée d'un gouvernement proche des gens et de
l'avenir réservé aux jeunes par un projet de
société. (17 h 30)
L'heure est à la discussion, à la réflexion et aux
actions. En effet, le gouvernement a franchi plusieurs étapes, depuis
1976, des périodes difficiles et, comme dans toute vie, des bonnes
périodes. Il est temps de penser à l'avenir, à ce qui s'en
vient et à ce à quoi nous aspirons maintenant à titre de
gouvernement. Il faut, à partir des événements
passés et des indicateurs de l'avenir qui se dessine, voir à
prendre position et à décider ensemble de ce que nous adopterons
pour les années futures.
Notre génération - c'est-à-dire la mienne - a fait
des choses et ce, en fonction des aspirations qu'elle avait à
l'époque. Autrement dit, la génération qui était en
action dans les années soixante a posé des gestes en fonction des
besoins de l'époque. La révolution tranquille a donc
été le moment privilégié où ont mûri
des idées, de grands rêves qui ont abouti à cette
volonté commune de faire les changements appropriés.
On doit donc analyser la nouvelle génération, ses besoins,
ses attentes, son rêve collectif et poursuivre les démarches
déjà amorcées en intégrant ces nouveaux
éléments qui peuvent, en fin de compte, nous permettre de polir
un projet de société dont on parle depuis tant d'années.
En somme, cela équivaut à créer une nouvelle
société et, à partir de ces nouvelles attentes, faire une
société nouvelle. Il faut, en 1984, définir la
société dont nous rêvons et ce, en fonction de tout ce
qu'on a vécu en mettant l'accent sur les tendances qui se dessinent
maintenant, c'est-à-dire celles qui forment le nouveau rêve
collectif de la nouvelle génération. Il faut donc tendre
l'oreille à cette nouvelle génération et, à partir
de ces éléments, construire les bases d'une nouvelle
société.
Je dis à long terme, parce qu'il est très important de
bien asseoir les bases de cette nouvelle société et de comprendre
les différents fonctionnements pour qu'enfin nous puissions parler d'un
rêve avec réalisme. Une réalisation à long terme
n'est pas automatiquement plus solide, mais, par contre, elle permettra une
évolution des mentalités et une compréhension des
intentions de la nouvelle réalité que sera la
société québécoise de demain. Le projet est donc en
fonction du long terme. Ce seront les jeunes qui seront responsables de le
mener à bon port. Ils devront donc parler, discuter et exprimer leurs
désirs.
Ceci, en quelque sorte, est déjà amorcé. Nous
pouvons donc dès maintenant définir quelques-unes de ces
idées et de ces volontés à partir des diverses
consultations qui ont déjà été faites par
différents groupes, organismes et mouvements qui ont tendance à
se former. Pensons, par exemple, à ce qu'on a vu au sommet
québécois de la jeunesse. Les idées, les points actuels
qu'on retrouve dans le débat des jeunes sont les suivants: la paix, la
qualité de vie, les valeurs humaines, l'ouverture sur le monde,
l'écologie, des emplois pour tous, la responsabilisation sociale
individuelle ainsi que la responsabilisation sociale collective. Ce sont tous
des éléments qu'on retrouve dans le discours des jeunes
d'aujourd'hui. Il faut donc se pencher sur ces volontés et en faire les
bases de notre projet gouvernemental, car les jeunes seront l'articulation
concrète de ce projet.
Ce qu'il ne faut pas perdre de vue ici et qu'il est bien important de
saisir, c'est que les jeunes sont la société. Le fait de les
considérer dans nos discours comme un groupe en marge de la
société n'est qu'une illusion ou une abstraction
théorique. Même les cas d'isolement sont à
l'intérieur de notre société. Pour qu'un jeune prenne
position pour ou contre quelque chose, il doit, a priori, être une
composante de cette société, ce qui, de plus, a un très
grand impact sur toutes les nouvelles idées que nous pouvons tenter
d'intégrer au projet de société. C'est la
société actuelle, du point de vue des idéologues, dans le
creux de la vague. Des idées sont donc plus difficilement manipulables.
On distingue les jeunes dans d'autres groupes sociaux pour plusieurs raisons,
dont celle qui fait que ce groupe est probablement celui qui est le plus
porteur de changements, mais totalement dépourvu de moyens pour les
mettre en application. En effet, ce groupe n'a ni pouvoir, ni autorité.
De plus, le fait qu'il soit éphémère rend presque
impossible qu'il s'organise et devienne un groupe de pression efficace dans les
rapports de force existant dans notre société, lorsqu'il est
question de faire passer certaines idées ou d'apporter certains
changements. J'entends ici par "éphémère" que cette
entité que sont les jeunes est constamment en mouvement. Par exemple, si
l'on prend le cégep, le jeune y reste pendant deux ou trois ans, puis
d'autres prennent la place avec d'autres valeurs et d'autres buts.
L'action qui a donc débuté par les autres n'est pas
nécessairement poursuivie par le groupe qui suit.
Cette caractéristique est très importante. Il ne faut pas
la perdre de vue ou diminuer son importance dans notre projet de
société. Nous avons eu tendance à oublier cela. En effet,
on a pensé que lorsqu'on est jeune on a tous ou à peu près
tous les mêmes volontés, qu'on soit de la même
génération A ou B mais juste au niveau du nationalisme par
exemple, on voit qu'il y a eu un glissement et ça, d'une
génération à l'autre.
Il faut donc tenir compte de cette variable déterminante et faire
en sorte qu'un projet de société soit assez flexible pour s'y
ajuster, sinon l'avenir des gouvernements sera toujours incertain. Il faudra
utiliser le réseau des jeunes, même s'il n'est pas vraiment
défini, en les intégrant à un projet de
société. Ce sera, en somme, l'amorce d'un changement. Chaque
idée qui provient de leurs discours devrait être soigneusement
analysée et devrait être considérée dans un nouveau
projet politique de plein emploi. Les idées qui s'imposent alors
à la société permettront d'ajuster les différents
mécanismes sociaux désuets avec lesquels il faut vivre
actuellement.
Ce que nous devons faire, c'est de transformer progressivement les
différents mécanismes sociaux et, par le fait même,
modifier l'environnement social. Il nous faudra travailler à
développer une volonté de penser à nos successeurs, ceux
qui feront le Québec de demain, en venir à connaître
l'impact de l'ensemble des gestes que l'on pose ou être conscients de
l'impact de ces actions et ce, pour avoir une responsabilité sociale
accrue. Autrement dit, il faudra - et les jeunes nous ont sensibilisés
à ça -développer une pensée collective plutôt
qu'individuelle. Cela n'exclut pas évidemment le fait pour un individu
d'avoir certaines ambitions personnelles. Il faut cependant que cet individu ne
perde pas de vue qu'il vit en société et qu'il doit mesurer
l'impact des gestes qu'il pose sur son avenir individuel.
Il faut faire une récupération des valeurs qui
émergent actuellement. Ces valeurs sont celles que j'ai nommées
plus haut et elles sont très légitimes. Les valeurs que les
jeunes défendent sont étroitement liées avec l'avenir du
Québec, dans ce sens qu'un État qui veut assumer ces
différentes valeurs et idées, c'est-à-dire par exemple la
paix, l'écologie et l'emploi, doit posséder certains instruments.
11 faut dont rapatrier l'ensemble des centres de décisions et avoir en
main les leviers économiques sociaux et politiques. L'idée de
paix que prônent les jeunes actuellement est très
séduisante. C'est pourquoi nous devons y arrêter très
sérieusement cette analyse. Nous vivons présentement dans un
climat de guerre froide. Ce phénomène désillusionne
beaucoup de jeunes et même beaucoup de plus âgés. On se
voit, par notre position stratégique internationale, contraints de nous
laisser aller dans ce débat et dans cette course vers les armements.
Cependant, il y a certaines possibilités face à ce piège
inévitable qui pourrait être très désastreux pour
nous tous.
On peut travailler à construire un monde de paix où chacun
des individus pourra vivre en harmonie avec les uns et ce, en orientant notre
avenir en fonction de celui sur la paix.
L'industrie de l'armement a toujours été la porte de
sortie idéale aux difficultés économiques des pays
industrialisés. En effet, lorsque tout va mal, on accentue notre
position militaire et une certaine stabilisation voit presque automatiquement
le jour. Cependant, on ne s'est jamais vraiment arrêté à
l'idée que justement cette façon de régler les
problèmes économiques stimule l'apparition d'autres
problèmes beaucoup plus graves comme le non respect de notre
environnement naturel. On produit les armes, éventuellement on les
utilise et on détruit de nouveaux territoires et de nombreuses vies
humaines. (17 h 40)
II faut donc tenter de renverser cette situation très
désastreuse. Cette dernière préoccupation serait donc dans
un même ordre d'idées un agent récupérateur
d'emplois. Ainsi, les emplois perdus en raison de l'abandon de l'industrie de
production aux fins militaires pourraient être
récupérés. Une véritable industrie
québécoise basée sur l'écologie, la qualité
de vie, marquerait d'autant plus l'originalité du Québec dans un
autre domaine. Plusieurs débats sont en cours actuellement en ce qui
concerne ce point, c'est-à-dire l'écologie et l'avenir de la
planète. Le débat en cours sur l'écologie se situe surtout
au niveau social. C'est d'ailleurs un des éléments qui font
partie du rêve de la nouvelle génération. C'est un
élément pour lequel elle serait certainement prête à
aller très loin pour le défendre. Il serait donc
intéressant et très pertinent de reconsidérer ce point au
niveau de l'économie. Récupérer 10 000 emplois liés
directement ou indirectement à l'industrie de guerre serait une
tâche assez difficile, mais quand même hypothétiquement
réalisable à certaines conditions. Un plan devrait être mis
sur pied qui toucherait directement à tous les niveaux de la
société, en rapport avec la protection de l'environnement et la
préservation de nos milieux naturels. Il est temps de penser vert.
Présentement, beaucoup de pays européens se sont
alignés sur ce débat. Différentes positions ont
été adoptées en fonction d'un renouvellement
écologique. La qualité de vie est donc l'élément
qui
permettra la récupération et même la création
d'un certain nombre d'emplois qui, pour un bon nombre, seront perdus par
l'absence d'industries militaires ou qui y sont liés indirectement. On
pourrait donc stimuler la création d'entreprises strictement à
vocation récupératrice.
L'autre niveau auquel il faudra travailler en tant que gouvernement est
celui de l'ouverture économique du Québec vers d'autres
marchés. En d'autres mots, l'attirance et la facilité que nous
accordons aux étrangers pour qu'ils viennent participer au
développement et au renforcement de l'économie de l'État
québécois. Attirer les capitaux étrangers, d'une part, ce
qui est un investissement direct au Québec, et, d'autre part, ouvrir
à nos propres productions de nouveaux débouchés et, par le
fait même, développer au Québec de nouveaux types
d'industries.
Cependant, il faut bien se dire que le contenu des ententes
économiques n'a pas le même impact que de négocier de
ententes militaires politiques. L'implication étant probablement
différente, les enjeux ne se situent pas directement au même
niveau. L'avenir nous réserve plusieurs inconnues. Nous devons en tant
que gouvernement avoir plusieurs cartes dans notre jeu. Nous devons mettre sur
pied un projet qui sera facilement modifiable, c'est-à-dire très
flexible, pour pouvoir s'adapter aux situations que nous ne pouvons pas
prévoir. Même une grande entreprise fait des plans, des projets
à long terme, mais il lui est très difficile de tout
prévoir et une marge de manoeuvre est nécessaire pour que
l'avenir ne soit pas une source constante d'anxiété.
Les jeunes d'aujourd'hui ont une préoccupation majeure. Cette
préoccupation les fait vivre dans leur peur continuelle. On appelle cela
la phobie des emplois. Tous, à un moment ou à un autre, se font
refuser un emploi en raison de leur inexpérience. En somme, c'est un
cercle vicieux: pas d'expérience pas de travail, pas de travail pas
d'expérience. Une de leurs revendications est donc une solution à
brève échéance à ce problème de plus en plus
aigu. Le gouvernement, dans un projet pour une nouvelle société,
prend en considération ce point bien précis et développe
certaines solutions à court ou à long termes pour résoudre
ce problème. Il est, cependant, bien clair que le plein emploi ne peut
se faire du jour au lendemain. Cela prendrait encore quelques
générations et beaucoup de changements en profondeur dans nos
diverses institutions. Mais il est possible de maintenir, de faire la toile de
fond de cet avenir.
En effet, jusqu'à aujourd'hui, un seul modèle fait surface
dans la société québécoise. Celui où tout
est centralisé par l'État. C'est l'État qui intervient
à tous les niveaux de la société par ses propres
institutions, par les personnes qui occupent ces mêmes institutions. Ce
modèle a pris naissance vers les débuts des années
soixante où une série de mesures a été prise pour
faire en sorte que l'État ait le contrôle sur une foule
d'institutions. Que l'on pense à nos écoles, au milieu
hospitalier, etc. C'était, cependant, nécessaire à cette
époque parce que beaucoup des secteurs étaient
déficitaires et l'intervention étatique permettait un
développement plus rapide, plus ordonné. Le fait est que
maintenant cette structure entrave le fonctionnement de la
société et ce à plusieurs niveaux.
Tout est en relation avec l'État centralisateur. Il n'y a plus de
place pour les projets de la communauté. Le développement de
moyens incitatifs pouvant permettre aux individus de s'impliquer plus
activement dans leur communauté, dans leur entreprise, dans leur milieu
de vie devrait se faire dès aujourd'hui. En somme, le modèle de
société politique centralisateur domine totalement, son
émergence étant nécessaire. Mais aujourd'hui, il faudrait
travailler à ce qu'un autre modèle voit le jour. Un modèle
de décentralisation caractérisé par la présence de
nombreux groupes à divers niveaux de la société. Ce
nouveau modèle permettrait, à mesure qu'il verrait le jour,
d'avoir un certain effet sur le taux de chômage.
La communauté prendrait en main une foule de secteurs qui,
actuellement, stagnent pour en faire des secteurs plus productifs et plus
incitatifs à la participation collective. À un autre niveau, on
pourrait accentuer les programmes de formation pour les jeunes
diplômés et ce en termes d'expérience. Ainsi, on casserait
le cercle vicieux qui existe entre la fin des études et le premier
emploi. Les programmes de travail pourraient être communautaires dans ce
sens et ce seraient des groupes qui décideraient du genre de programmes,
de la façon dont ils se poursuivront. Il faudrait, cependant, à
ce niveau voir à respecter les intérêts des jeunes pour
qu'ils ne se sentent pas lésés ou obligés à
participer à de tels programmes. La décentralisation permettrait
l'émergence de tels programmes sans qu'ils soient vus comme un carcan
après de longues années, mais plutôt comme un port vers une
formation encore plus complète.
Ces programmes ne devraient pas provenir de l'appareil gouvernemental,
mais plutôt de la collectivité car les jeunes se verraient
contraints à participer à des programmes dont ils ne voudraient
pas même si ces programmes provenaient de l'État. En terminant, si
cela émerge la communauté ce sera déjà un pas vers
la décentralisation. L'État ne sera pas l'initiateur comme il est
habituellement. De plus, il y aura plus de chances que les programmes collent
mieux à la réalité des jeunes et ce par rapport à
leur volonté qui provient de leur vécu. La volonté
qu'ont les jeunes de changement devra donc être
reflétée dans le gouvernement. C'est ainsi que l'on pourra parler
de l'avenir du Québec, car, sans eux, il n'y a pas beaucoup d'avenir
pour un pays. Ils sont la société d'aujourd'hui et celle de
demain. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Louis-Hébert.
Des voix: Bravo!
M. Réjean Ooyon
M. Doyon: M. le Président, si le discours inaugural de
mardi dernier a été remarquable pour une chose, ce fut pour son
absence totale d'annonces nouvelles de nature à permettre à la
population du Québec de reprendre espoir croyant que, finalement, le
gouvernement péquiste avait compris qu'il était urgent de
proposer des solutions concrètes et véritables aux
problèmes sans nombre qui assaillent toutes les couches de notre
société. Inutile de répéter ici l'immense
déception qui s'est manifestée chez toutes les catégories
de personnes qui avaient fondé quelque espoir sur un discours inaugural
qui, selon les promesses péquistes, devait ouvrir la porte à un
éventail de propositions généreuses et bien
ajustées aux besoins de la situation critique que connaît le
Québec d'aujourd'hui. (17 h 50)
Comme toujours, la déception de tous a été à
la hauteur des attentes péquistes, des attentes provoquées par
toute cette propagande bien connue: Rien pour les jeunes, rien pour les
chômeurs, rien pour les chefs de famille en quête de travail, rien
pour les aînés, mais, par contre, plein de mots, plein de paroles,
plein de promesses, comme toujours. D'un paragraphe à l'autre, d'une
page à l'autre, vide de sens et vide de réalisme, pendant presque
deux heures, le premier ministre nous a imposé l'interminable lecture,
à cette Assemblée nationale de même qu'au reste de la
population, d'un discours qui n'avait finalement ni rime ni raison. Une analyse
extrêmement rigoureuse du vide qui a caractérisé le
discours inaugural a amené la plupart des commentateurs et analystes
politiques à des jugements extrêmement sévères sur
ce discours inaugural.
Point n'est besoin ici, M. le Président, de les reprendre. Si
l'unanimité s'est faite sur un point, c'est bien sur le suivant: le
premier ministre Lévesque s'est livré à un exercice du
plus pur électoralisme. Il l'a fait en abusant encore une fois de la
bonne foi de la population, sans égard aux engagements préalables
qu'il avait pris, en répétant ad nauseam une série de
vagues inepties qui caractérisent l'usure irréversible qui est
celle du Parti québécois et de son chef. Le premier ministre est
au désarroi. Il ne sait plus où donner de la tête et, en
chef d'armée dépassé, il donne des indications contraires
à ses troupes, dirige leur tir à tous azimuts et bat en retraite
d'une façon désordonnée et précipitée.
Quelle meilleure façon de faire voir ce qui lui arrive que cette
tentative ignoble de duper la population, de la tromper et de l'amener à
croire dans l'espace d'une élection, seulement d'une élection,
s'il vous plaît, seulement dans l'espace d'une élection, à
un virage, un virage pro fédéraliste, un virage pour le Canada
comme un pays dans lequel nous pouvons vivre en défendant les
intérêts valables, les intérêts légitimes
avant tout du Québec? Lorsqu'on parle de demi-tour du premier ministre,
M. le Président, et que l'on voit la façon dont le premier
ministre s'exécute en ce qui concerne le fédéralisme
canadien, je crois qu'on devrait à plus juste titre parler de pirouette
pure et simple, de pirouette sans filet, disgracieuse, de pirouette à la
suite de laquelle le premier ministre va atterrir sur la figure et qui va
démontrer à la population que, finalement, ces prétendus
ajustements au réalisme politique étaient tout simplement de
l'électoralisme, de l'opportunisme pur et simple. Jamais la population
n'aura été témoin d'une pirouette qui aura
été, comme je le disais, aussi disgracieuse que celle que vient
d'effectuer le premier ministre.
On prend prétexte de l'élection sur la scène
fédérale d'un gouvernement conservateur pour jouer la
comédie d'un ajustement tardif et sans conviction à la
réalité politique pancanadienne. Cette manoeuvre n'a aucune
crédibilité et sent l'opportunisme à plein nez.
Nous pourrions, M. le Président, épiloguer longuement sur
les louvoiements du PQ, sur son option fondamentale. Quand on parle d'option
fondamentale, il faut bien réaliser, M. le Président, que le
Parti québécois est un parti idéologique,
c'est-à-dire un parti fondé sur une idée, fondé sur
une proposition centrale, fondé sur une option fondamentale,
fondé sur une prémisse qui est celle de la souveraineté du
Québec, d'un Québec indépendant du reste du Canada. C'est
ce qui tient ensemble le Parti québécois. Sans ce mortier, le
Parti québécois n'est tout simplement qu'un éclatement de
tendances diverses et contradictoires. Ce mortier est actuellement en train de
s'effriter. Le PQ pense que la population sera suffisamment naïve pour ne
pas s'apercevoir de cet effritement. Les pirouettes effectuées par le
gouvernement péquiste sont tout simplement des tentatives de garder un
équilibre au bord de la falaise. Ce que le premier ministre tente de
faire prendre pour des demi-tours et des virages est tout simplement le
ballottement de bras
au-dessus du vide. Ce vide qui attend le PQ à la prochaine
élection c'est le vide de sa pensée politique, c'est le vide de
l'absence de ses convictions, c'est le vide qui concerne les durs et les purs
qui n'ont pas le courage aujourd'hui de se lever à l'Assemblée
nationale, de dire ce qu'ils pensent de cette absence totale de courage
politique.
M. le Président, s'il y a une chose qu'on respecte en politique
et dont la population a besoin, c'est bien le courage de ses convictions. Quel
exemple nos dirigeants péquistes actuels donnent-ils à la
population? J'entendais tout à l'heure un député se
gargariser de mots et parler avec des trémolos dans la voix de l'avenir
des jeunes.
Si le premier exemple qui vient de nos dirigeants politiques n'est pas
celui du courage de ses convictions et de la détermination farouche de
ne pas tromper la population et de montrer ses vraies couleurs, le reste n'est
que des mots. Et c'est ce que le Parti québécois est en train de
nous servir pour la dixième fois, des mots, des paroles, des promesses
et de l'hypocrisie à pleine poche, plus qu'on n'en demande. Mais nous
sommes habitués. Le fardage ne tient plus. Le mascara coule et les rides
apparaissent. Ces rides sont des rides de décrépitude, des rides
de fin de régime, des rides qui ne mentent pas et que la population
saura déceler derrière le maquillage, parce que le maquillage, le
soir, il faut l'ôter en mettant son pyjama et, le lendemain matin, on est
obligé de se raser sans maquillage. Le mépris n'aura qu'un temps.
La farce a assez duré. La population du Québec n'accepte pas que
les soi-disant durs, que les soi-disant purs se taisent plus longtemps. Si on a
des purs et des durs dans le Parti québécois, les autres sont-ils
des mous et des malléables? Par voie de conséquence, c'est ce
qu'on doit conclure, une bande de mous, une bande de sans épine dorsale,
une bande de vendus, une bande de gens qui sont prêts à vendre
leurs convictions, ce pourquoi ils ont soi-disant travaillé depuis 1968,
un rêve qu'ils ont caressé et qui, soi-disant, est à la
porte de la réalisation.
Ce rêve, ils sont prêts à le trahir pour un plat de
lentilles électoralistes immédiates. Le premier ministre, quand
je l'entends se trouver des portes de sortie de tous les bords et de tous les
côtés, savez-vous à quoi il me fait penser? Il me fait
penser à une taupe. Une taupe a toujours un trou supplémentaire
pour sortir au cas où on met le pied sur l'un et qu'on arrête sur
l'autre. Il y a une taupe dans le Parti québécois et ceux qui
suivent cette taupe, tôt ou tard, vont réussir à boucher
les trous. On va mettre le boyau d'arrosage dedans et vous allez être
noyés. C'est ce qui vous attend. Ce n'est pas nous qui allons le faire;
c'est la population parce que la population en a soupe de cette hypocrisie
à répétition. Il n'est pas vrai que comme en 1976, on
pourra dire à la population: Nous voulons être purement et
simplement un bon gouvernement. Je vous vois, M. le Président, vous
impatienter. J'ai quelques minutes pour terminer et je...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je ne m'impatiente pas. Je
constate qu'il est 18 heures et je vais suspendre jusqu'à 20 heures.
M. Doyon: Je vais demander la suspension, M. le Président,
et je ferai le reste de mon allocution tout à l'heure. J'invite les
députés ministériels qui sont très peu nombreux en
Chambre à venir écouter ce que j'ai à dire.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, il y a suspension
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise de la séance à 19 h 59)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Nous reprenons donc le débat sur le discours
inaugural. À la suspension de nos travaux à 18 heures, la parole
était au député de Louis-Hébert. M. le
député de Louis-Hébert, il vous reste encore onze minutes
sur le temps qui vous est alloué.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Il est évident
que dans les onze minutes qu'il me reste, il est impossible de démasquer
la supercherie dont nous sommes témoins actuellement. Le PQ est en train
de faire une tentative in extremis de tromper la population en faisant croire
à celle-ci à une conversion subite, sans conviction, au
fédéralisme canadien. Comment peut-on croire que le parti, qui a
fait ses belles et ses mauvaises années à dénoncer le
gouvernement fédéral en disant qu'il avait tous les torts, tous
les défauts, du jour au lendemain, ce gouvernement soit devenu un
gouvernement avec lequel le PQ s'en va main dans la main, bras dessus, bras
dessous, prêt à coucher dans le même lit? Cela s'appelle de
l'opportunisme politique. Le prix à payer pour cela est une perte totale
de crédibilité. C'est finalement le prix le plus
élevé, le plus important qu'un parti politique peut payer.
Dans ma famille, j'ai été élevé en me
faisant dire par mes parents que ce qu'un individu avait de plus
précieux, c'était sa réputation. Quand on n'a plus sa
réputation, comme homme ou comme femme, on ne vaut plus grand-chose.
Quand, comme parti politique, on n'a plus de crédibilité, on ne
vaut plus rien. C'est ce que le PQ est en
train de sacrifier sur l'autel de l'opportunisme tout simplement pour
s'accrocher au pouvoir. Le PQ ne trompe personne. Il cherche à faire
croire que, de cette façon, il peut rendre les services auxquels la
population du Québec est en droit d'attendre. Il n'en est rien. Comment
peut-on croire que ce parti, du jour au lendemain, se serait converti aux
vertus du fédéralisme?
Finalement, ce que le Parti québécois fait, c'est qu'il se
trompe lui-même. Malheur à celui qui se trompe lui-même en
croyant tromper les autres. Il n'y a rien de plus grave parce que son erreur
est permanente. Jamais il ne pourra réaliser sa propre erreur parce
qu'elle vient de l'intérieur. C'est finalement le péché
capital pour lequel, pour un parti politique, il n'y a pas de rémission.
C'est ce que le Parti québécois est en train de commettre. Il est
en train de trahir ses propres troupes. Il est en train de faire cela en
voulant duper la population, en prétendant défendre ainsi les
intérêts véritables et profonds du Québec. Comment
peut-on croire que ce parti puisse le faire? Tout ce que le Parti
québécois va réussir à faire, finalement, ce seront
des ententes, le nez collé sur la vitre, sans aucune perspective, sans
aucune vision d'avenir, tout simplement parce qu'il a décidé que
le jour était venu de jouer la comédie du "bon ententisme" avec
le fédéral. Le prix va être immense et il va être
défrayé par la population du Québec.
Le Parti québécois ne peut pas - et c'est facile à
comprendre - se payer le luxe d'être en désaccord avec le parti au
pouvoir au palier fédéral tout simplement parce que les
ministres, suivant en cela l'exemple du premier ministre, sont tombés en
amour soi-disant subit avec le Parti conservateur, avec le gouvernement
fédéral. À cause de cela, le PQ n'est plus en position de
défendre les intérêts du Québec. Tout ce qu'il peut
faire actuellement, c'est dire un oui niaiseux, un oui sans conviction, un oui
immédiat aux demandes fédérales. Il n'est plus digne de
défendre les intérêts du Québec, parce qu'il s'est
mis dans une position où il ne peut plus le faire.
Pourtant, le premier ministre qui est un joueur de poker, un joueur de
"bluff", devrait savoir que le joueur de poker qui découvre son jeu est
un joueur battu, un joueur qui ne connaît pas les règles du jeu.
C'est tout comme si, à la table des négociations collectives,
l'une des parties, soit patronale, soit syndicale, déclarait à
l'avance qu'elle veut s'entendre immédiatement, sans délai,
à quelque condition que ce soit, avec la partie adverse. Est-ce que les
intérêts de cette partie seraient défendus? Aucunement! Ce
serait absolument ridicule!
Les professions de foi répétées des ministres
péquistes, le premier ministre en tête, sont de cette nature et
nous allons payer longtemps, au Québec, pour cette démission du
Parti québécois. Les pirouettes que le Parti
québécois est en train d'effectuer vont nous coûter cher,
parce qu'on ne peut pas procéder dans un domaine aussi sensible et aussi
important que celui des négociations
fédérales-provinciales, où les enjeux sont immenses, en
disant à l'avance que nous allons tout régler avec le
fédéral, quel qu'en soit le prix.
Notre position, du côté du Parti libéral, a toujours
été claire. Nous allons défendre avant tout et en premier
les intérêts du Québec parce que nous représentons
la population du Québec par laquelle nous sommes élus pour
siéger à l'Assemblée nationale.
À l'intérieur de nos juridictions, nous allons
défendre d'arrache-pied et faire valoir, sans aucune démission,
sans aucune retraite, les intérêts supérieurs qui sont ceux
du Québec. Nous n'allons pas d'avance, pour des intérêts
purement électoralistes immédiats, au risque de perdre la
crédibilité qui est celle du Parti libéral, agir comme le
fait le Parti québécois et, de cette façon, tenter de
duper la population en étant malhonnête, hypocrite et en faisant
accroire à la population que le parti d'en face qui est un parti dont
l'article 1 du programme dit: Moi, péquiste, je crois à la
souveraineté du Québec... Qu'on nie cette évidence si ce
n'est pas dans le Je crois en Dieu péquiste, l'article de foi
premier.
Qu'est-ce qui se passe actuellement? C'est l'apostasie
générale par les gens d'en face. On sait que les apostats sont
finalement les êtres les plus méprisables parce qu'ils se
nourrissent du mensonge et de l'hypocrisie. C'est regrettable mais
j'espère que la population va se rendre compte de cela, j'en suis
même assuré, et que le prix à payer dès la prochaine
élection sera très lourd à payer, aussitôt que le
premier ministre aura le courage d'en appeler une.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
prendre la parole ce soir à l'occasion de la réponse au message
inaugural du premier ministre. Je voudrais me contenter d'aborder quelques
questions qui y sont évoquées en m'attardant principalement sur
celle de la création d'emplois pour les jeunes et celle concernant le
régime de négociations dans les secteurs public et
parapublic.
Avant d'aller plus loin, je voudrais faire un bref commentaire sur la
forme du
message inaugural et les habitudes parlementaires que l'on connaît
à ce sujet. Disons tout d'abord que dans le régime parlementaire
de type britannique, l'Opposition doit s'opposer et s'il n'y a pas d'objet
d'opposition elle doit s'opposer quand même. Si elle ne trouve rien
à redire sur le fond, elle trouvera toujours moyen de critiquer la
forme. Ainsi, si le discours inaugural fait valoir de grandes orientations et
fait ressortir les grands principes qui guideront les actions du gouvernement
lors de la session, ce qui, à mon point de vue, doit être le lot
d'un message inaugural, l'Opposition dira que le discours a le défaut
d'être vague. Si, par contre, le discours donne des précisions
quant aux moyens qu'entend prendre le gouvernement, l'Opposition dira qu'il
s'agit d'un catalogue.
Dans ce régime parlementaire de type britannique, il faut en
prendre son parti, M. le Président, il n'est pas possible de contenter
l'Opposition lors du discours inaugural. Il ne faut donc pas s'étonner
de voir apparaître à la fin du discours du chef de l'Opposition en
réponse au discours inaugural cette fameuse motion traditionnelle. C'est
une forme de rituel. On s'est habitué à cela, mais cela n'a pas
beaucoup plus de signification que cela, en tout cas pour moi.
Venons-en à la question de la jeunesse et à la question de
l'emploi. La question de l'emploi pour les jeunes a été un temps
fort du message inaugural. Le contraire aurait surpris tout le monde, y compris
l'Opposition. D'ailleurs, elle ne trouve pas grand-chose à redire sur
cette question, ce qui me fait croire qu'effectivement on a touché
juste. Pour ma part, cela répond aux attentes des jeunes de ma
circonscription; je peux l'avancer avec assurance. À peine deux semaines
avant le message inaugural, j'ai mené dans ma circonscription
électorale de Châteauguay une action de sensibilisation aux
différents programmes d'aide à la création d'emplois pour
les jeunes, d'abord auprès des gens d'affaire? par l'envoi
d'informations systématiques et, ensuite, par le biais d'une rencontre
à laquelle j'avais convié les jeunes et ces gens d'affaires
à venir exprimer leur attente quant au contenu d'une nouvelle forme
d'aide à la jeunesse ou à l'amélioration de l'aide
identifiée jusqu'à maintenant.
La démarche auprès des gens d'affaires s'est traduite par
une demande d'information accrue de leur part à mon bureau et au bureau
de Travail-Québec, ce qui m'apparaît synonyme
d'intérêt évident. Quant aux jeunes présents
à la rencontre que j'évoquais, il m'est apparu qu'ils
étaient intéressés à connaître le contenu des
différents programmes d'aide tout autant qu'ils souhaitaient exprimer
leur point de vue sur la capacité de ces programmes de leur assurer une
situation meilleure en permanence.
(20 h 10)
Quand j'ai fait cette invitation à ces jeunes à venir
m'alimenter sur le contenu possible d'une nouvelle forme d'aide, j'étais
conscient que c'était un exercice difficile à faire. Si des
idées nouvelles n'ont pas fusé par dizaines, il ressort des
interventions de ces jeunes à cette rencontre une constante. Les jeunes
veulent qu'on leur donne également les moyens de s'assurer une
amélioration de leur sort en permanence. Au fond, il m'a semblé
qu'aucun d'eux ne demande qu'on leur promette un jardin de roses. Ce qu'ils
veulent, c'est qu'on les ramène au niveau de chance qui était la
leur avant la crise tout en continuant, bien sûr, à chercher les
meilleurs moyens de briser le cercle vicieux du "pas d'expérience pas
d'emploi", "pas d'emploi pas d'expérience", ce que notre gouvernement,
en fait, avait commencé à faire avec un succès
appréciable avant la crise. Ces jeunes que j'ai rencontrés m'ont
dit leur appréciation des programmes existants principalement de ceux
qui répondent aux aspirations des jeunes bénéficiaires de
l'aide sociale. Ils m'ont fait part de leur perception quant aux limites qu'ils
y voient, non seulement pour leur avenir personnel, mais aussi pour l'avenir
des programmes d'aide actuels. Je pense entre autres à la
difficulté des jeunes engagés dans des projets Jeunes
volontaires, difficultés dues à une trop grande rotation des
jeunes, c'est dans la nature des choses, rotation, cependant, qui n'est pas
sans créer un impact sur le financement du projet compte tenu de la
nature même du financement de ces projets dits de Jeunes volontaires.
J'ai fait part de tout cela à la ministre concernée parce
que j'en avais pris l'engagement auprès des jeunes de mon comté,
mais aussi parce que je sais que ce sera utile au cheminement du gouvernement
quant aux programmes à venir ou à leur amélioration. Ce
qui m'a étonné, particulièrement, lors de cette rencontre,
c'est la capacité de ces jeunes de comprendre le sens profond de la
phase par laquelle nous passons présentement quant aux programmes d'aide
aux jeunes qui bénéficient de l'aide sociale. Aussi,
acceptent-ils à prime abord qu'un supplément de revenu doive
découler d'une activité de travail et, deuxièmement,
qu'une amélioration de scolarité vaut mieux qu'une attente
béate qui, de toute façon, comporte peu de garanties
d'amélioration pour le jeune quant à son avenir.
J'ai aimé l'esprit avec lequel ils discutaient de ces questions.
Au fond, ils n'étaient pas pessimistes, ces jeunes, et je pense
même qu'ils sont capables, dans les circonstances, de beaucoup
d'idéal. Personnellement, je pense qu'il y a lieu
d'être optimiste quant à leur avenir, comme le disait le
premier ministre, l'amélioration de l'économie a chez cette
couche de la population un bien meilleur effet que sur n'importe quelle autre
portion de notre société. Ainsi, par exemple, de
l'été 1982 à l'été dernier, le pourcentage
du chômage est passé chez ces jeunes de 27% à 19%. La
sensibilisation aux effets de la crise a davantage joué pour eux. Les
appels téléphoniques que je reçois et les personnes qui me
demandent une rencontre à mon bureau en témoignent
régulièrement, d'ailleurs.
Nos programmes d'aide ont rejoint, jusqu'à maintenant, quelque 20
000 jeunes et donnent des résultats plus que satisfaisants. Voyons un
peu, par exemple, pour chacun des programmes, comment cela en retourne. Du
côté des programmes de réinsertion sociale du
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
où on a engagé jusqu'à 150 000 000 $ d'ici à
juillet 1986, il y a le programme rattrapage scolaire où on
connaît 8000 inscriptions. En fait, ces inscriptions dépassent
largement ce qu'on s'était fixé comme objectif pour 1984. Quant
au programme de stage en milieu de travail, c'est plus de 3284 contrats
signés avec les entreprises. C'est plus de 2197 stagiaires qui ont
commencé à toucher leur chèque. Il y a environ 7300
entreprises qui ont adressé une demande pour organiser des stages. On
pense même que l'on atteindra rapidement un rythme de 2000 nouveaux
stagiaires par mois. C'est fort encourageant, M. le Président.
Quant au programme d'aide aux travaux communautaires, c'est un programme
plus lent à démarrer. On en est conscients. Il donne quand
même des résultats. Plus de 1373 jeunes ont cependant
trouvé un emploi temporaire grâce à ce programme.
Pour ce qui est du programme Jeunes volontaires, c'est un programme qui
est en marche depuis décembre 1983. Il y a environ 4000 jeunes inscrits
et 600 projets.
Le dernier programme que je veux évoquer, c'est celui des bourses
d'affaires du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. En
fait, depuis le début de ce programme, jusqu'en octobre 1984 - je n'ai
malheureusement pas de chiffres plus récents - il y a eu 22 candidats
acceptés sur 84 inscrits et 16 projets acceptés sur 55 inscrits.
Je dois dire que nous devons être très sévères parce
que là non plus il ne s'agit pas de promettre un jardin de roses aux
jeunes, il s'agit de les placer en situation de vivre les mêmes exigences
que le monde des affaires régulièrement. Le budget global
alloué à ce programme est de 1 785 000 $, pour 1984-1985; de 5
305 000 $, pour 1985-1986 et de 12 734 000 $, pour 1986-1987, pour un total,
sur trois ans, de 19 824 000 $.
M. le Président, c'est fort encourageant, mais il ne faut pas
s'asseoir sur nos lauriers, bien sûr. Je suis d'accord que nos efforts
doivent s'articuler autour des trois objectifs que le premier ministre a
identifiés dans son discours inaugural. Il parlait, premièrement,
de préparer les jeunes à l'emploi en augmentant au maximum ce
qu'on pourrait appeler leur "employabilité". Deuxièmement, il
parlait de créer de nouveaux emplois qui soient, dans toute la mesure du
possible, des emplois permanents et, troisièmement, d'aider au partage
de l'emploi existant de façon à faire une place plus importante
aux jeunes au sein de la main-d'oeuvre active québécoise.
Je pense qu'il faut maintenant mettre un fort accent sur ce dernier
objectif. Il y a un défi important pour le gouvernement,
particulièrement intéressant à relever, concernant la
notion de partage de l'emploi au profit des jeunes. Beaucoup de
réflexions ont été faites chez les travailleurs
québécois à ce sujet ces derniers mois et ces
dernières années, M. le Président. Beaucoup plus de gens
qu'on ne le croit sont maintenant prêts à s'offrir à
l'atteinte de cet objectif. Beaucoup de couples au travail,
particulièrement, ont fait ce cheminement, mais les règles et les
encadrements de travail constituent présentement une entrave à la
recherche d'une solution de ce côté. Je suis
particulièrement heureux que le gouvernement soit
déterminé à faciliter les choses aux jeunes par ce
biais.
En second lieu, M. le Président, je voudrais aborder
brièvement une question qui, dans le message inaugural, n'a pas
exigé de très nombreuses lignes, mais qui, par le ton que le
premier ministre lui a donné, est apparue comme très importante
en termes d'intentions gouvernementales. Il s'agit du régime de
négociation dans le secteur public. On comprendra que cela me
préoccupe, M. le Président, tenant compte de mes quinze
années dans notre système d'éducation à titre
d'enseignant bibliothécaire, parallèle d'un engagement syndical
de huit ans comme délégué syndical et cinq ans dans un
exécutif syndical dont quatre ans à la vice-présidence, ce
qui me destinait comme candidat éventuel à la présidence
si je n'avais pas choisi de revenir en politique comme candidat à la
convention. Ces années de syndicalisme n'ont pas été sans
m'amener à me poser des questions d'abord sur le type de syndicalisme
qui se pratique dans le secteur public, ensuite sur le résultat auquel
il mène en termes de relations du travail de même que finalement
sur les conséquences pratiques qui en découlent en termes de
service aux clientèles.
J'ai vu de près le genre de dynamique qui existait en temps de
négociation de convention collective où, à la longue, une
convention collective imposée s'est mise à valoir mieux qu'un
arrangement consenti. J'ai
vu de près le climat qui régnait dans les milieux de
travail après les affrontements qui furent de plus en plus
considérés comme inévitables, quasi normaux, M. le
Président. J'ai vu de près aussi la dernière
négociation, cette fois sous un autre angle, celui d'un
député. Cela m'a donné le goût de trouver une
solution permanente à ce type de problèmes, je ne m'en cache
pas.
M. le Président, sur cette question, le premier ministre disait
dans le discours inaugural: "D'ici à la fin de l'année, le
gouvernement établira le bilan de cet effort de renouveau - il parlait
déjà des discussions entamées avec les syndicats à
ce sujet - et de responsabilisation mutuelle dans l'espérance de pouvoir
conclure un accord cadre sur le sujet ou, si par malheur on n'y arrivait pas,
de proposer à l'Assemblée nationale les amendements
nécessaires à l'atteinte de l'objectif que nous nous sommes
fixé de sortir des ornières de l'affrontement
systématique." Ce sont les propos que tenait M. le premier ministre dans
son discours inaugural.
Ce serait évidemment à regret, M. le Président, que
cela devrait se faire en tout dernier ressort si on devait adopter une loi qui
n'est pas nécessairement assumée par le monde syndical.
Une contrainte, M. le Président, si petite soit-elle, dont la
nécessité est bien sentie vaut cent fois mieux qu'une contrainte
dont les modalités sont imposées. En fait, il vaut toujours mieux
consentir à un modus Vivendi que de devoir en vivre les modalités
malgré soi. Toute la différence réside dans la
compréhension de leur nécessité. Cette
compréhension, M. le Président, est à toutes fins utiles
impossible dans la contrainte.
En tout cas, mon expérience syndicale me fait penser que c'est
extrêmement difficile et susceptible de laisser des traces amères.
Dans ce sens, j'apprécie beaucoup l'approche du président du
Conseil du trésor à l'égard d'une éventuelle
réouverture des conventions collectives nationales, approche qu'il
résumait récemment ainsi dans une lettre aux présidents
des centrales syndicales: "II n'est de l'intérêt de personne que
le Québec revive les déchirements sociaux et politiques qu'ont
trop souvent occasionnés les rondes de négociations dans le
secteur public. Le gouvernement n'entend donc pas mener par conséquent
de nouvelles négociations dans la forme traditionnelle." (20 h 20)
Je suis tout à fait d'accord avec cela, M. le Président.
Il est bien évident qu'une réouverture des conventions
collectives sur une base semblable à celle que préconise le
ministre Clair serait un signe d'une détermination de toutes ces parties
à sortir des ornières de l'affrontement qui ont tellement
caractérisé le résultat des négociations et le
climat qui a régné par la suite dans les milieux de travail, cela
depuis une couple de lustres. Si c'est dans ces conditions que nous allons vers
une législation fondamentale dans le domaine des relations du travail
dans les secteurs public et parapublic, je ne crains pas que le premier
ministre en ait fait un objet important de son message inaugural et qu'il l'ait
fait dans la forme que l'on connaît.
En terminant, M. le Président, je voudrais aborder
brièvement la question de la souveraineté et répondre
quelque peu aux invitations faites par nos amis d'en face cet après-midi
sur cette question. À moins qu'ils ne deviennent des lanceurs de couteau
dans le dos du développement économique du Québec, ce ne
sont pas aux hommes et aux femmes qui siègent à Ottawa à
qui il faut s'en prendre. C'est au système, à ce système
qui confine le Québec à un statut de minoritaire avec tout ce que
cela comporte de conséquences, à ce système qui, par la
force du nombre, utilise notre argent pour développer les autres,
particulièrement l'Ontario, et qui nous endette tous individuellement
sans notre consentement explicite, à ce système qui nous oblige
à nous plier à des règles dont on sait intuitivement
d'abord et rationnellement ensuite qu'il étouffe notre propre initiative
et nous condamne à nous contenter d'un petit pain sur le plan
économique, alors que notre potentiel nous promet à des sommets,
et j'en passe.
Avec une telle perception des choses, on comprendra que l'incitation
sans voile du chef de l'Opposition de nous départir de façon
définitive de notre projet d'un Québec souverain m'apparaît
une farce monumentale. Face à l'expérience historique - pour ne
pas dire l'expertise historique - des Québécois face à ce
système dans lequel les Québécois se perçoivent,
à mon avis, comme empruntant une démarche périlleuse, la
demande du chef de l'Opposition équivaut, à toutes fins utiles,
à nous demander de jeter à la mer ce qui, dans ce système,
constitue notre meilleure ceinture de sauvetage. Bien imprudents serions-nous
si nous allions poser un geste pareil. Même si les
Québécois nous disaient leur incapacité pour le moment
d'adhérer à notre projet collectif de patrie et de pays bien
à eux, ils savent bien quelle grave erreur ce serait de nous
départir d'un instrument dont, au minimum, la seule présence dans
le décor canadien peut assurer aux Québécois le minimum
d'attention à laquelle l'équité leur donne droit. Tenir
compte du rythme d'évolution des Québécois, oui, je le
veux bien. Tenir compte du goût des Québécois de donner
à ce système étouffant une autre chance, je le veux bien,
mais renoncer à faire vivre dans le coeur des Québécois un
espoir légitime qui s'avérera un jour sûrement - pas trop
tard, je l'espère - la seule solution pour une
collectivité qui se retrouve dans notre condition, non,
jamaisl
Pour terminer, M. le Président, satisfait du contenu du discours
inaugural du premier ministre, je vous dis immédiatement que je voterai
donc contre la motion qui a été présentée par
l'Opposition à l'occasion de ce discours inaugural. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, dans son discours inaugural,
le premier ministre parle de rétablir un nouveau climat dans les
relations fédérales-provinciales et de collaborer avec Ottawa. Le
premier ministre essaierait de nous faire croire qu'il veut être
conciliant envers Ottawa. Il veut donner l'impression de renouveler sa foi dans
le fédéralisme. Selon une expression anglaise, il veut donner
l'impression qu'il est un "born again federalist".
Si nous examinons les déclarations du premier ministre, cela va
permettre à la population de juger non seulement de la
sincérité du premier ministre mais aussi des objectifs qu'il
s'est donnés dans son discours inaugural. Quand on entend certains
députés de l'Opposition parler de la souveraineté,
confirmer que leur objectif de la souveraineté...
Une voix: Les députés de l'Opposition?
M. Ciaccia: Les députés de l'Opposition
éventuelle. Les députés du gouvernement actuel mais de
l'Opposition éventuelle. Vous avez raison de me corriger. C'est un jeu
qu'on essaie de faire. Le premier ministre veut donner l'impression
d'être conciliant et il laisse à quelques-uns de ses "back
benchers", qui veulent le faire, l'obligation, le devoir de parler un peu et
d'essayer d'apaiser les militants péquistes.
Sans entrer dans toutes les contradictions des différents
ministres, je voudrais seulement examiner les déclarations assez
récentes du premier ministre. Premièrement, au niveau
international, nous avons entendu aujourd'hui les déclarations qu'il a
faites au Japon. Mais devant les représentants du corps consulaire au
Québec, au mois de février par exemple, le premier ministre leur
a dit que "tous les membres de son parti sont inébranlablement d'accord
sur l'objectif de la souveraineté politique". Il n'est donc pas question
de renouveler le fédéralisme dans cette situation.
Devant l'American Newspaper Publishers Association, aussi
récemment qu'au mois de mai dernier, le premier ministre a
déclaré que "le Canada et le Québec seraient plus forts si
le peuple québécois accédait à
l'indépendance". Le premier ministre a tenu ces propos devant 2500
propriétaires, éditeurs et rédacteurs en chef de journaux
américains réunis en congrès à Montréal.
Souvenons-nous que ce sont ces gens qui vont répandre l'image du
Québec à l'étranger. Ce sont ces gens qui vont donner
l'information sur le Québec et sur le climat qui y existe aux
investisseurs éventuels qui doivent venir chez nous. Que le premier
ministre ou le gouvernement ne vienne pas nous dire que Pechiney est venue
investir au Québec. Je ne parle pas des investissements que le
gouvernement attire au prix de centaines de millions de dollars venant de sa
propre poche. Je parle des investisseurs privés qui doivent venir ici
sans la participation du gouvernement, les investisseurs qui sont vraiment la
force motrice de notre entreprise privée. Ce sont les propos que le
premier ministre a tenus devant eux.
Dans une entrevue qu'il accordait au journaliste, M. Michel David, du
Soleil, il était clair. Le premier ministre a dit qu'il fallait choisir
le Québec ou le Canada. Selon l'article du journal Le Soleil, le 17
mars, "M. Lévesque ne croit plus à un réaménagement
du fédéralisme canadien ou à un nouveau partage des
pouvoirs qui pourrait satisfaire les besoins du Québec. Quelqu'un qui
n'est pas capable d'accepter cette perspective souverainiste pour le
Québec, de la penser convenablement bonne, souhaitable, un peu, beaucoup
ou passionnément, devrait voter ailleur, c'est sûr, c'est
évident."
Le premier ministre est allé encore plus loin aussi
récemment qu'en mai. Au mois de mai, il a dit que le Québec
pouvait être indépendant sans même s'associer avec le reste
du Canada. On ne parle plus, comme en 1980, de la
souveraineté-association; on va encore plus loin: on peut devenir
politiquement indépendant sans s'associer avec le reste du Canada. On
dit que cette optique doit prévaloir, quel que soit le gouvernement
d'Ottawa, qu'il soit rouge ou bleu. Cela a été dit pendant que M.
Mulroney était chef du Parti conservateur, dans l'Opposition. Au mois de
juin, le premier ministre a annoncé à ses congressistes du Parti
québécois - et je le cite - "II faut sortir d'un régime
désuet, ruineux et dont l'incurie économique et administrative en
fait la risée du monde industriel." Nous voyons, par toutes les
déclarations du premier ministre, qu'il n'est pas question d'abandonner
le séparatisme, la souveraineté du Québec, contrairement
à ce qu'il a laissé entendre dans son discours inaugural. (20 h
30)
Au mois de septembre - et c'est très intéressant de voir
l'approche, les déclarations, les affirmations du premier ministre dans
lesquelles il a dévoilé les vrais objectifs de son discours
inaugural - presque
à la veille du discours inaugural, le premier ministre, M.
Lévesque, a invité les militants et les élus du Parti
québécois à faire preuve de plus de discrétion dans
leurs discussions au sujet du prochain thème électoral qui doit
porter sur la souveraineté. Il ne cache pas que la souveraineté
est encore l'objectif et le thème électoral, mais il dit qu'il
faut faire preuve de plus de discrétion. Autrement dit, il ne faut pas
parler honnêtement à la population; il ne faut pas lui dire
exactement ce qu'on veut faire. C'est le premier ministre qui parle: "Nous
avons commencé à remonter la côte dans les sondages..." On
commence à parler des sondages et de ce que la population veut; on ne
parle pas de nos principes, des principes du premier ministre; on ne parle pas
de nos croyances; on ne parle pas de dire la vérité; on parle des
sondages. Je continue en citant le premier ministre: "... mais il y a une
condition, c'est que, sur le plan politique, on sache garder nos nerfs et nos
facultés verbomotrices." Cela veut dire: Ne parlez pas trop, les gars;
faites attention à ce que vous dites; ne dites pas la
vérité.
Pourquoi leur a-t-il dit cela? C'est très intéressant
d'examiner les raisons pour lesquelles il en est venu à cette conclusion
et celles pour lesquelles il nous a livré un discours inaugural comme il
l'a fait la semaine dernière. Il a demandé à ses troupes
un sursis de trois mois avant de rétablir ce qu'il appelle la posture
électorale du parti.
Une voix: La facture?
M. Ciaccia: La posture électorale du parti. Cela va
être une facture éventuelle, parce que la population ne sera pas
dupe. Mais, à ce moment-là, il parlait de la posture
électorale du parti. Il disait: "Je suis sûr que, d'ici à
quelques mois, le parti va trouver la réponse et la meilleure
stratégie qui fasse avancer la cause." Ce sont les mots clés de
l'explication du discours inaugural: il faut faire avancer la cause de la
souveraineté. Comment le faire? En ne parlant pas de la
souveraineté; en donnant l'impression que nous sommes
fédéralistes.
On l'a vu en 1980, on l'a vu en 1981, purement pour des fins de
stratégie politique, on met de côté les principes, nos
croyances et la vérité pour dire: il faut faire passer la cause.
Même s'il faut tromper la population, on va le faire. C'est ça la
vraie signification du discours inaugural.
Dans les mots du premier ministre, le discours inaugural est une
stratégie. Il faut le répéter, on ne pourra jamais le
répéter assez parce que la population doit comprendre et
réaliser encore une fois ce que ce gouvernement essaie de faire avec une
stratégie pour faire avancer la cause. Ce n'est pas pour être
fédéraliste, ce n'est pas pour collaborer avec le gouvernement
fédéral mais strictement à des fins électorales et
politiques.
Quelles sont les conséquences de ce discours inaugural, de cette
stratégie du Parti québécois et du premier ministre? Il y
a deux conséquences: premièrement dans les méthodes et
deuxièmement dans les conséquences pour la population du
Québec, pour l'économie et même dans les relations
fédérales-provinciales.
Au niveau des méthodes, la stratégie du premier ministre a
été confirmée quand M. Claude Morin, dans une entrevue
qu'il a accordée au Devoir et au Soleil, disait ceci: "Le congrès
du Parti québécois s'est habillé pour la pluie et il fait
beau. Il faut que tu adaptes tes vêtements pour les circonstances sinon
le Parti québécois risque de disparaître de la carte
électorale. Il doit faire une volte-face et sauver les meubles. La
souveraineté demeure au programme. Ce n'est pas parce qu'un travailleur
syndiqué n'utilise pas son droit de grève qu'il l'abandonne"
conclut le père de l'étapisme. Autrement dit, le PQ doit devenir
un loup dans la peau d'un mouton. Il doit donner l'apparence à la
population qu'il est un mouton, qu'il est conciliant, qu'il ne veut pas faire
de vagues avec le gouvernement fédéral, qu'il ne cherche plus la
souveraineté. C'est ça l'habit qu'il faut porter aujourd'hui pour
essayer de tromper la population.
Quelles en sont les conséquences? Premièrement, cela
crée un climat de méfiance parce que encore une fois on continue
les chicanes séparatistes-fédéralistes,
séparatistes-indépendantistes, Ottawa-Québec. Cela
crée un climat d'instabilité politique. Tous les hommes
d'affaires, les organismes qui oeuvrent dans le domaine commercial ont averti
le gouvernement de ne pas créer cette instabilité politique parce
que cela nuit à l'économie. Cela a un effet sur l'économie
parce que le temps que le gouvernement prendra pour tous ces stratèges,
les efforts qui devraient être donnés pour ramener
l'économie, pour travailler pour le bien-être des
Québécois seront remplacés par ce débat
stérile dont la population ne veut plus. La population a pris sa
décision en 1980 lors du référendum en donnant sa
réponse.
Cela nous amène à se poser une question qui me fait
réfléchir. Je me demande pourquoi nous sommes en politique. Il y
a ceux parmi nous qui ont certaines idées qu'ils voudraient expliquer,
faire prévaloir. On voudrait travailler pour le bien-être de nos
concitoyens. On veut représenter les gens qui nous ont élus. On
voudrait travailler pour une meilleure société
québécoise. Il y en a parmi nous qui réalisent qu'il faut
de la tolérance chez toutes les différentes communautés
culturelles au Québec. Pour ma part, je suis un
fédéraliste. Je défends les droits
individuels et je peux dire que c'est vrai que, parfois, c'est
très difficile d'expliquer les droits individuels, la perspective des
communautés culturelles au Québec, leur orientation qui est un
peu différente des autres. Je n'avais peut-être pas toujours
raison concernant les positions que j'ai prises, mais j'étais
sincère. Je me suis tenu debout pour défendre les droits auxquels
je croyais. Jamais, M. le Président, une personne, un politicien, encore
moins un premier ministre ne devrait abandonner ses convictions, trahir ses
convictions, ses croyances. Il peut évoluer dans le développement
de ses idées, mais il ne devrait jamais tourner le dos à ceux
qu'il représente. Il ne devrait jamais essayer de tromper la population
en lui disant que c'est blanc quand c'est noir, et vice versa, dans le but de
promouvoir une certaine conviction, un certain objectif, et donner l'impression
à la population qu'il veut vraiment la tromper. Et cela, M. le
Président, dans un domaine aussi fondamental que l'avenir du
Québec. Si cela doit être fédéraliste ou si cela
doit être indépendantiste, on n'a pas le droit de tromper la
population. Il faut se tenir debout dans les croyances que nous avons.
De ce côté-ci de la Chambre, même quand ce n'est pas
populaire, pensez-vous que pour augmenter notre popularité on va aller
dire à nos commettants: Je ne crois plus aux droits individuels, je ne
crois plus au fédéralisme? Ce serait plus facile, mais est-ce que
je serais plus populaire si je faisais cela? Jamais de la vie on ne pourrait se
permettre cela. On a une épine dorsale. On se tient debout. Même
si, parfois, ce n'est pas trop populaire et que c'est difficile, on le fait
quand même et le moins qu'on devrait attendre d'un premier ministre et
d'un parti dont la raison d'être, c'est la séparation, la
souveraineté, c'est de faire la même chose et ne pas essayer de
jouer à cache-cache et de tromper la population. La qualité la
plus précieuse d'un gouvernement, c'est sa crédibilité.
Par ses manoeuvres, le premier ministre détruit non seulement la
crédibilité de son parti, mais il affecte la
crédibilité d'un gouvernement et des institutions publiques.
Quelle sorte d'exemple cela donne-t-il aux jeunes? Quelle sorte d'exemple cela
donne-t-il à la population? On va miner toute la
crédibilité et toute la confiance que la population devrait avoir
dans le processus politique, parce que, quand les gens voient des pirouettes
comme celle-là de la part du premier ministre, quelle sorte de confiance
auront-ils dans les institutions politiques de notre pays? C'est une
responsabilité que le premier ministre a sur le dos et il n'assume pas
cette responsabilité. Il donne un très mauvais exemple qui mine
toutes nos institutions et tout notre système politique. (20 h 40)
M. le Président, en conclusion, il faut que la population
reconnaisse que le discours inaugural du premier ministre n'est pas
sincère. Il faut reconnaître que c'est une manoeuvre politique,
une stratégie politique pour essayer de confondre la population dans un
domaine où, vraiment, cette dernière doit savoir toute la
vérité. Le premier ministre a le devoir, s'il est souverainiste,
de le dire. Qu'il se tienne la tête haute et qu'il le dise: Moi je suis
souverainiste et voici mes croyances et je vous présente mon programme.
S'il n'est pas souverainiste, si vraiment il a changé ses objectifs et
ses convictions, qu'il le dise et qu'il commence par abroger le premier article
du programme politique du Parti québécois. La pire chose qu'un
premier ministre puisse faire, que tout homme politique, pas seulement un
premier ministre, c'est de perdre le respect de la population. C'est important
de maintenir le respect.
Je voudrais conclure avec les paroles d'un politicien américain
qui a été très honoré aux États-Unis, qui
n'a pas toujours réussi dans ses démarches pour se faire
élire, mais qui a laissé sa marque dans la politique
nord-américaine, Adlai Stevenson. Il a dit durant une campagne
électorale où il se présentait à la
présidence des États-Unis contre Dwight Eisenhower: Disons la
vérité. Mieux vaut perdre une élection que de tromper la
population. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Affaires municipales.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: Dans son discours inaugural, M. Lévesque a
indiqué que le gouvernement présenterait différents
projets de loi touchant le domaine municipal et qu'il les soumettrait à
l'étude de cette Assemblée. Je voudrais indiquer à cette
Assemblée qu'au cours des mois d'avril, mai et juin, je me suis
employé à rencontrer plusieurs maires membres de
différentes MRC, municipalités régionales de comté
du Québec, à rencontrer le conseil d'administration de l'Union
des municipalités régionales de comté du Québec,
l'Union des municipalités du Québec, ainsi que l'ensemble de mes
collègues ministériels par petits groupes pour connaître,
d'après eux, quelles devraient être les priorités du
ministère des Affaires municipales pour les deux prochaines
années. Je leur posais très simplement la question: "Qu'est-ce
que vous feriez, à ma place, si vous étiez ministre des Affaires
municipales durant l'année et demie ou les deux années qui
viennent?" Les messages que le milieu municipal m'a transmis se résume
à cinq idées essentielles.
La première c'est: écoutez-nous. Ce qu'on vous demande,
c'est de porter la plus grande attention possible à nos
revendications, à notre vision de l'évolution du monde
municipal. Le deuxième message était: faites-nous confiance. Nous
aussi nous sommes des élus. Nous avons à rendre des comptes
à la population. Nous avons à percevoir des taxes et à les
administrer. Faites-nous confiance. Un autre message, un troisième
message que le monde municipal m'a transmis était qu'ils souhaitaient
que le ministère des Affaires municipales, dans l'avenir,
perçoive davantage son rôle comme étant un rôle
d'aide et de soutien au monde municipal, qu'un rôle de contrôle du
monde municipal. Un quatrième message touchait la consolidation des
réformes. Vous savez que le monde municipal a connu de grandes
réformes dans les récentes années. Comme les années
soixante ont été le moment de la réforme scolaire, les
années soixante-dix, le moment des réformes dans le domaine des
structures de la santé et du monde social, le début des
années quatre-vingt, nous le savons tous pour y avoir participé,
a été le moment et le lieu de grandes réformes dans le
domaine municipal que ce soit par la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme, celle réformant la fiscalité municipale, ainsi que
celle sur la réforme de la démocratie municipale.
Le message du monde municipal est, à ce titre: laissez-nous
digérer ces réformes et consolidez-les plutôt
qu'entreprendre de nouvelles réformes, par exemple, une réforme
qui pourrait être celle de la décentralisation. Un autre message
du monde municipal, celui-là à l'endroit du ministère des
Affaires municipales, est de dire: Votre rôle, fondamentalement, est de
coordonner l'action des autres ministères par rapport aux
municipalités. Le ministère des Transports a des
responsabilités face au monde municipal, ainsi que le ministère
de l'Environnement, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, l'Office de planification et de développement du
Québec, mais, souvent, on a l'impression qu'il y a un manque de
coordination dans l'action de chacun de ces ministères par rapport au
monde municipal. Le monde municipal voit notre rôle au sein du
ministère comme un rôle de coordination afin d'assurer une
meilleure cohérence dans l'action du gouvernement dans son ensemble face
au monde municipal.
Je me suis engagé à faire en sorte que le ministère
des Affaires municipales et l'action du gouvernement respectent ces cinq
messages du monde municipal. Une des priorités qu'on m'a
suggérées, c'est la refonte des lois municipales. La table
Québec-municipalités qui réunit, chaque trois semaines ou
chaque mois environ, maintenant, depuis le mois de mars, l'exécutif de
l'Union des municipalités régionales de comté du
Québec ainsi que celui de l'Union des municipalités du
Québec, en présence du ministère et d'autres
ministères qui viennent à cette table, a clairement choisi comme
priorité du ministère des Affaires municipales, durant
l'année qui vient ou les années qui viennent, la refonte de
l'ensemble de ces lois.
Avant de vous parler de la refonte des lois du monde municipal, je veux
vous donner quelques exemples qui illustrent que cette refonte ou cette
révision des lois municipales n'est pas un luxe. Actuellement, il y a le
Code municipal, qui s'applique davantage aux municipalités du monde
rural; il y a la Loi sur les cités et villes qui s'applique davantage
aux villes. Je dis davantage, mais j'apporterai des nuances tantôt. Il y
a 40 lois, dont le ministère des Affaires municipales a la
responsabilité, qui touchent le monde municipal, qui ont
été faites au cours des années, ainsi que 267 chartes
privées de villes et une soixantaine de chartes privées touchant
le monde rural.
En somme, il y a 300 ou 325 lois pour régir le monde municipal,
quelque chose de compliqué qui ressemble beaucoup plus à une
jungle qu'à quelque chose de compréhensible qui peut être
administré facilement. Je veux vous donner quelques exemples.
Actuellement, si nous voulons changer quelque chose, faire un petit changement,
voici ce qu'il faut faire. Par exemple, si une municipalité veut faire
un emprunt temporaire ou un emprunt à court terme, avant que son
règlement d'emprunt lui permette d'aller sur le marché des
obligations à long terme et faire un emprunt temporaire sans qu'elle ait
l'approbation du ministre des Affaires municipales ou de la Commission
municipale, nous devons amender 15 lois pour ce seul petit changement. Lorsque
le ministre des Affaires municipales veut proposer un petit changement de ce
genre, à l'Assemblée nationale, il doit amender 15 lois, ce qui
fait qu'on ne se retrouve plus. Pour ce type de changement, afin que la
municipalité n'ait plus à faire approuver un règlement
d'emprunt temporaire par le ministre des Affaires municipales, il faut amender
la Loi sur les cités et villes, le Code municipal, la Loi sur la
Commission municipale du Québec, les lois sur la Communauté
régionale de l'Outaouais, celle de Québec et celle de
Montréal, la Loi sur les corporations municipales et intermunicipales de
transport, la Loi sur l'aménagement eét l'urbanisme... Je
pourrais continuer cette énumération, M. le Président, et
nommer les 15 lois qu'il faut amender.
Un autre exemple de cette complexité que nous voulons simplifier
concerne le régime électoral municipal. La confection des listes
électorales, dans le Code municipal, se fait entre le 15 août et
le 15 septembre. Dans la Loi sur les cités et villes, c'est à
partir de l'avis d'élection jusqu'au 1er octobre. Ce ne sont pas les
mêmes dates. Pour Montréal, c'est une autre date, du 77e
jour au 58e jour précédant l'élection. Pour la
ville de Québec, c'est du mardi au vendredi précédant la
6e semaine du scrutin. Alors que ce sont des élections et que tous les
citoyens auraient avantage à s'y retrouver, si on faisait en sorte que
le recensement électoral municipal se déroule au même
moment dans tout le Québec, afin que les citoyens pensent à
s'enregistrer et, ainsi, à obtenir leur droit de vote.
La révision des listes électorales. Encore là, dans
chacun des cas, le Code municipal, la Loi sur les cités et villes, la
charte de Montréal et celle de Québec, vous avez des dates
différentes prévues dans les lois.
Quelque chose de plus fondamental encore: le droit de vote lors d'un
référendum. Pour les emprunts, ce sont les propriétaires,
les personnes physiques et morales qui ont droit de vote; pour les fusions et
les annexions, ce sont les propriétaires, les locataires, les
domiciliés. Ce ne sont pas les mêmes personnes morales pour un
référendum qui ont le droit de vote; pour les règlements
de zonage et ce sont les propriétaires et locataires, les
domiciliés n'ayant pas le droit de vote. Pour Montréal et
Québec, il n'y a aucune possibilité de référendum,
sauf à Montréal où on peut tenir un
référendum d'opinion. C'est le genre d'exemple auquel le monde
municipal est confronté et qui montre la confusion actuelle des lois
dans le domaine municipal. (20 h 50)
Au niveau de l'organisation territoriale, il y a huit statuts
différents. Il vaut la peine de les énumérer; vous
comprendrez tout de suite que, encore là, c'est la confusion: le statut
de village, le statut de ville, le statut de cité, qui sont trois
statuts différents; le statut de municipalité de paroisse, de
municipalité de canton, de municipalité de cantons unis, de
municipalité de partie de canton et de municipalité sans
désignation. Huit statuts différents pour dire que vous
êtes une municipalité où que vous ne l'êtes pas.
Encore plus troublant parce que cela peut avoir des conséquences
sur la démocratie municipale, lorsqu'on veut faire des annexions, il y
en a cinq types. De plus, il y a cinq façons de demander l'annexion
d'une municipalité ou d'un territoire à une autre
municipalité. Une requête d'annexion peut venir de la
municipalité directement au ministre; il peut y avoir une requête
de la municipalité appuyée par la MRC; cela peut être un
règlement adopté par la municipalité annexante; cela peut
être un règlement du conseil de ville; cela peut être une
requête au ministre de toute personne intéressée par
l'annexion.
Vous voyez que les lois municipales sont complexes. Pourquoi sont-elles
complexes? Il n'y a pas eu de véritable révision des lois
municipales depuis 1916 dans le cas du Code municipal et depuis 1922 dans le
cas du code des cités et villes. Nous nous retrouvons aujourd'hui avec
un Code municipal, un code des cités et villes, une charte de la ville
de Montréal qui n'est pas assujettie aux lois générales du
monde municipal, une charte de la ville de Québec - une charte
privée - qui n'est pas assujettie aux lois générales du
monde municipal; 267 chartes spéciales qui touchent les villes du
Québec et plus de 60 chartes privées qui concernent les
municipalités rurales du Québec. C'est ce genre de situation qui
fait que l'administration municipale est extrêmement complexe, que la vie
des fonctionnaires municipaux, des secrétaires-trésoriers des
municipalités comme de l'ensemble des fonctionnaires municipaux des
villes est aujourd'hui beaucoup trop complexe.
Face à cette complexité, le monde municipal a retenu comme
priorité de faire une vaste refonte, une vaste révision de
l'ensemble des lois municipales pour diminuer cette complexité, pour
diminuer l'abondance de ces lois et pour diminuer la lourdeur administrative et
réglementaire de l'ensemble de ce corps législatif.
Quels sont les objectifs que poursuivra cette réforme? C'est un
objectif de déréglementation - j'en donnerai quelques exemples
tantôt - et un objectif de meilleure gestion des ressources humaines.
Plus nos lois sont compliquées, plus l'administration de ces lois est
complexe. Pour vous donner des exemples, je dirais, d'absurdité, vous
avez actuellement des municipalités de 100 habitants et moins qui sont
régies par le code des cités et villes. Par exemple
Estérel, De Grasse, Lac Saint-Joseph. Par opposition, des villes de 7000
habitants et plus sont régies par le Code municipal, comme Fleurimont,
Saint-Charles-Borromée, Saint-Raphaël-de-l'Île-Bizard. C'est
cette situation de jungle à laquelle nous voulons mettre fin.
Comment y mettre fin? Par l'analyse autant de l'Union des
municipalités régionales de comté que de l'Union des
municipalités du Québec, nous pourrons passer à travers ce
travail. La première façon cohérente était de
s'entendre sur les principes de cette réforme des lois municipales. La
première chose dont nous avons convenu avait comme objectif de faire
disparaître les 40 lois qui régissent le monde municipal
actuellement, de faire disparaître le Code des municipalités et le
code des cités et villes pour aboutir à un Code des
municipalités et profiter de cette révision pour rajeunir tout
cela, pour simplifier l'ensemble de ces lois. J'aimerais vous indiquer, M. le
Président, les neuf principes dont nous avons convenu à la table
Québec-municipalités et qui guideront ce travail qui se
déroulera sur plusieurs années.
Le premier principe, c'est d'arriver à
une uniformisation des lois. Quand on parle de cinq procédures
d'annexion, n'est-il pas possible d'imaginer ensemble une procédure
d'annexion municipale d'une partie d'un territoire à une autre
municipalité pour que tout le monde s'y retrouve et aboutir à des
délais qui soient concrétisables, qui soient respectables? Le
premier objectif de cette réforme, en somme, le premier principe
directeur de cette réforme, c'est l'uniformisation des lois.
Un deuxième principe, c'est la simplification des lois. C'est de
faire en sorte que le simple citoyen, le secrétaire ou le conseiller
municipal d'une municipalité qui veut connaître une loi dans le
monde municipal n'ait pas à fouiller dans dix ou quinze lois
différentes, mais puisse trouver du premier coup d'oeil les articles ou
le contenu d'une loi qui s'appliquent au problème qu'il veut
régler.
Nous sommes convaincus que simplifier les lois du monde municipal, cela
nous permettra d'atteindre ou de respecter un troisième principe qui est
la simplification administrative, parce que si les lois sont complexes, si on
n'arrive pas à s'y retrouver, l'administration de ces lois devient
complexe. Si nous arrivons à simplifier les lois dans le monde
municipal, nous arriverons à simplifier l'administration municipale.
Un autre principe - le quatrième - dont nous avons convenu
à la table Québec-municipalités, c'est d'arriver à
une meilleure définition du rôle du gouvernement vis-à-vis
du monde municipal. Le changement majeur que nous souhaitons à ce titre,
c'est véritablement que le rôle du ministère des Affaires
municipales soit d'abord un rôle de soutien et d'aide technique au monde
municipal, bien davantage qu'un rôle de contrôleur ou de
surveillant. Dans cette perspective, nous voulons entreprendre une
réduction importante des contrôles gouvernementaux.
Ici, je veux donner un exemple précis. La semaine prochaine,
j'aurai le plaisir de déposer dans cette Chambre un projet de loi qui
concernera ce qu'on appelle les approbations administratives que chaque
municipalité doit obtenir du ministre des Affaires municipales ou de la
Commission municipale du Québec pour pouvoir prendre certaines
décisions. Actuellement, chaque année, ce sont 13 000
approbations que le ministre des Affaires municipales et la Commission
municipale du Québec doivent donner aux municipalités. Le projet
de loi que je déposerai la semaine prochaine va réduire de 13 000
à 4000 le nombre d'approbations administratives que les
municipalités devront obtenir du ministre des Affaires municipales. De
13 000 à 4000, c'est véritablement une réduction des
contrôles gouvernementaux qui va dans l'objectif de ce gouvernement de
diminuer la réglementation et de diminuer les contrôles.
Il y a un autre exemple qui illustre cette nécessité de
réduire les contrôles par cette loi que je déposerai la
semaine prochaine. Nous allons supprimer 42 sortes d'approbations dont ont
besoin les municipalités actuellement pour travailler; 42 sortes
d'approbations qu'exigent actuellement les lois de la Commission municipale du
Québec ou des Affaires municipales ou les 40 lois dont je parlais
tantôt. Nous allons supprimer, au moyen de la loi que je déposerai
la semaine prochaine, 42 cas où les municipalités n'auront plus
l'exigence de faire approuver leurs décisions, ce qui entre dans
l'esprit de la confiance que nous devons accorder à chacune des
municipalités du Québec.
Le sixième principe sur lequel nous nous sommes entendus à
la table Québec-municipalités pour orienter cette réforme
sera d'impliquer davantage les citoyens dans la municipalité. Dans la
mesure où le ministère contrôlera moins les gestes des
élus municipaux, il est normal que ce soient les citoyens qui aient une
plus grande marge de manoeuvre pour contrôler les gestes des élus.
(21 heures)
Un septième principe dont nous avons convenu, c'est de tenir
compte de la capacité administrative des municipalités. C'est
dire que lorsque nous allons uniformiser les lois, nous allons tenir compte du
fait qu'il y a des municipalités de 500 habitants, de 1000 habitants, de
20 000 et de 50 000 habitants et faire les adaptations nécessaires selon
la taille de la municipalité, selon la population de la
municipalité. Dans cette même perspective, le principe qui va nous
guider en sera un d'économie budgétaire. En simplifiant les lois,
en diminuant le nombre de réglementations, la complexité de ces
réglementations, nous allons aboutir à des économies
budgétaires pour les municipalités et ainsi assurer une meilleure
cohérence de l'action du gouvernement face au monde municipal, par
rapport aux politiques des autres ministères.
Cette refonte et cette révision de l'ensemble des lois
municipales, qui était souhaitée depuis plusieurs années,
se déroulera sur quatre ou cinq ans environ. Nous adopterons six lois
séparément. La première concernera l'organisation
électorale des municipalités. Cela se fera d'ici à
Noël. La deuxième concernera l'organisation territoriale des
municipalités. Comment constituer une municipalité? Comment faire
des annexions, des fusions de municipalités? La troisième
concernera l'organisation administrative des municipalités et
l'organisation financière ensuite. Les fonctions administratives des
municipalités seront la cinquième loi. Enfin, ce sera une loi
concernant le recours des citoyens face à
la municipalité et les procédures judiciaires concernant
le BREF, le Bureau de l'évaluation foncière et la Commission
municipale du Québec. L'ensemble de ces six lois formeront, d'ici
à quatre ou cinq ans, le Code des municipalités du
Québec.
Je souhaite et je demande la collaboration des membres de cette
Assemblée pour l'étude et l'adoption de ces projets de loi qui
sont souhaités par le monde municipal. Ce ne sera pas une grande
réforme. J'ai bien utilisé les mots de "refonte" et de
"révision" parce que le monde municipal ne veut pas de grande
réforme actuellement. Ce qu'il souhaite, c'est la consolidation des
réformes existantes et que nous fassions le ménage dans les lois
existantes. Ce que nous entreprenons avec eux maintenant, c'est
précisément une révision des lois actuelles pour diminuer
le nombre de lois qui s'appliquent au monde municipal, en diminuer la
complexité pour que les citoyens comme les élus du monde
municipal puissent s'y retrouver. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saguenay.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: Merci, M. le Président. Dans le débat
sur le discours inaugural de la présente session, on doit d'abord
s'interroger sérieusement sur le discours que le premier ministre a
livré à l'Assemblée nationale.
Après avoir lu attentivement ce qu'on pourrait appeler "ce
catalogue d'impuissances" de la part d'un gouvernement qui, après huit
ans d'administration publique, en est rendu à se présenter pour
son enterrement de première classe, si on examine, étape par
étape, le discours inaugural, on s'aperçoit que le gouvernement
actuel est rendu à bout de souffle. Pour aller plus loin, nous allons
laisser les membres du gouvernement, c'est-à-dire les
ministériels, critiquer eux-mêmes leur propre gouvernement. Je
pense que même l'Opposition a rallié à elle certains
membres du parti ministériel. Je fais référence à
un article du Soleil du 18 octobre 1984. C'est quand même assez
récent. Dans cet article, un député ministériel, le
député de Duplessis, faisait une autocritique beaucoup plus
sévère que celle faite par l'Opposition du gouvernement
actuel.
D'abord, le député de Duplessis dénonce les
promesses sans lendemain du premier ministre. Je le comprends. Alors qu'on
avait promis mer et monde - et c'est le cas de le dire parce que "Mer et Monde"
a été un déficit extraordinaire - je pense que les
promesses des discours inauguraux précédents ont aussi
été, il faut bien le dire, un désastre. Lorsque le
député de Duplessis blâme son propre gouvernement, d'abord
le premier ministre, deuxièmement, le ministre des Transports,
troisièmement, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, ce n'est pas l'Opposition qui le fait. Sans doute que le
député de Duplessis voudrait bien faire notre travail... Le
député de Duplessis avait aussi quelque chose à dire au
ministre de l'Industrie et du Commerce.
Voilà un gouvernement qui n'accepte plus la critique de
l'Opposition et qui est critiqué de plus en plus
sévèrement par les membres de son propre parti.
Lorsqu'on regarde attentivement la situation économique du
Québec, on s'aperçoit qu'il existe 1 000 000 de chômeurs et
d'assistés sociaux au Québec. Lorsqu'on regarde la panoplie de
promesses répétées à chaque discours inaugural,
particulièrement dans celui que le premier ministre a livré
à la population du Québec mardi dernier, on doit s'interroger
à savoir si le gouvernement actuel a encore une certaine
crédibilité. Après la démonstration que le premier
ministre a faite aujourd'hui, je pense qu'il n'en a plus du tout.
Jamais, depuis la crise de 1929, les citoyens du Québec n'avaient
été placés devant une situation économique aussi
peu enviable que celle des années 1981, 1982, 1983, 1984. Lorsqu'on
puise dans le discours inaugural, qu'est-ce qu'on retrouve pour ces personnes
tellement désespérées de ne pas trouver d'emploi qu'elles
n'en cherchent même plus parce qu'elles sont sûres à
l'avance de ne pas en trouver? Pourtant, à l'Assemblée nationale,
chaque fois que l'Opposition interroge les membres du parti ministériel,
on nous sort une panoplie de statistiques; des chiffres, toujours des chiffres,
mais jamais de jobs, par exemple.
Cette semaine, en retournant dans mon comté, je trouvais curieux
de voir une pancarte publicitaire le long de la route 138 qui disait:
"Revêtement bitumineux, création de 32 emplois". Lorsqu'on regarde
cela, on s'interroge sur le sérieux du gouvernement actuel: 32 emplois
pour une couche de revêtement bitumineux qui est de l'entretien de route;
ce n'est pas une nouvelle construction. Cela crée 32 emplois. Quelqu'un
avait ajouté: "Pour 15 jours." Donc, 32 emplois pour 15 jours, dans un
comté comme le Saguenay où l'on retrouve 27% de chômeurs,
cela ne règle pas la situation. Ce n'est pas sérieux, un
gouvernement qui agit de cette façon. C'est un exemple qu'on pourrait
répéter dans les 122 comtés du Québec. Quand on est
rendu à faire de la publicité... J'ai l'impression que les
pancartes ont coûté plus cher que les contrats accordés par
le gouvernement.
Je reviens à la critique que faisait le député de
Duplessis à l'endroit de son gouvernement, dans laquelle il disait
une
chose profondément vraie: "Lorsque le premier ministre
antérieur, Robert Bourassa, faisait des déclarations et des
promesses de telle sorte, ses ministres étaient responsables et
respectaient sa décision." Je pense que cette phrase ne doit pas laisser
les gens de l'autre côté sans une certaine inquiétude.
Qu'est-ce qu'on doit penser, nous, des députés
ministériels, alors qu'ils ne réalisent même pas leurs
promesses vis-à-vis de leurs propres députés? Cette
critique, dans son ensemble, on comprend que beaucoup de gens l'ont prise pour
une boutade, particulièrement du côté ministériel,
mais je pense que le député de Duplessis avait raison. Il avait
raison de dire que le gouvernement, particulièrement sur la
Côte-Nord, n'a jamais tenu ses promesses et que les ministres qui se sont
succédé ne les ont jamais tenues non plus. On voit le
résultat: lorsqu'on n'est même pas capable de planifier la
fermeture d'une ville comme celle de Gagnon, on est encore bien moins capable
d'en ouvrir une nouvelle. Ce ne sont certainement pas, depuis 1976, les
annonces d'ouverture de villes sur la Côte-Nord qui ont
étouffé le gouvernement péquiste. Au contraire, si on
dressait la liste des villes fermées Schefferville, Gagnon et presque
Port-Cartier - je pense qu'au plan économique nul n'est besoin de faire
un procès d'intention, la population s'en chargera à la prochaine
élection.
Des voix: Bravo!
M. Maltais: M. le Président, lors de ce discours
inaugural, le premier ministre a annoncé ce qu'on pourrait appeler la
farce du siècle: le virement fédéraliste du parti
séparatiste. Je me souviens qu'un de nos ex-collègues, l'ancien
député de Marguerite-Bourgeoys, avait dit en quittant une phrase
qui a marqué plusieurs personnes, autant de notre côté que
de l'autre. Il avait dit: "Lorsqu'un gouvernement n'est plus cru, il est cuit."
Si le gouvernement actuel veut se perdre dans la marmite aux légumes, il
peut s'assurer d'une chose, c'est que le Parti libéral va le trouver.
(21 h 10)
Lorsqu'on a regardé le discours politique du Parti
québécois depuis les quinze dernières années au
Québec et lorsqu'on le regarde aujourd'hui, de deux choses l'une: le
gouvernement a perdu toute sa crédibilité et se lance dans une
opération d'opportunisme électoraliste comme on n'a jamais vu au
Québec. Je pense que les Québécois et les
Québécoises en particulier ne peuvent pas l'accepter.
On est rendu à un stade de la session où je pense qu'il
serait important que les ministres du gouvernement du Parti
québécois qui, depuis nombre d'années, ont
présenté des projets de loi comme si le Québec
était un
État indépendant et qui font aujourd'hui une profession de
foi comme on n'a jamais vue envers le fédéralisme, se fassent
entendre ici. Je parle en particulier du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation qui, depuis 1976, a
légiféré dans le domaine des pêcheries comme si le
Québec était un État indépendant. Qu'on se rappelle
la loi 48; qu'on se rappelle la loi 85 et aujourd'hui ils vont nous faire
croire... J'aimerais bien entendre ledit ministre nous dire de son siège
dans quel contexte il voit le Québec dans l'État
fédéraliste. Comment le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation et député de Lévis
qui a fait campagne pour le Parti nationaliste dans son comté, qui n'a
même pas ramassé autant de votes que le Parti rhinocéros
peut-il venir défendre ici les intérêts des pêcheurs
de Vancouver, de la Nouvelle-Écosse, de
l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick? Comment peut-il
avoir le front de se représenter en Chambre pour défendre ici les
intérêts des gens qu'il a calés, qu'il a ruinés
depuis de nombreuses années? La loi 48 avec laquelle on lui demande
d'émettre des passeports pour les pêcheurs de la
Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve! S'il lui reste un peu de dignité
politique, qu'il vienne défendre ici les intérêts canadiens
comme le Parti libéral l'a fait dans le dernier débat sur les
projets de loi 48 et 85. Jamais on n'a vu personne du côté
ministériel venir défendre les intérêts des
pêcheurs canadiens.
Je me demande comment le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation et député de Lévis va défendre
les intérêts des pêcheurs de Vancouver dans le contexte
canadien. Après avoir eu une rencontre avec le ministre des
Pêcheries canadiennes, John Fraser, il est déjà très
ouvert alors qu'il y a à peine six mois ici à l'Assemblée
nationale, il disait que le fédéral était la peste noire
pour lui. On voit aujourd'hui des articles dans les journaux. "Le ministre se
comporte bien avec son homologue fédéral."
Une voix: Des relations harmonieuses.
M. Maltais: Des relations harmonieuses. Je pense, M. le
Président, que c'est rire de la population. Je pense aussi que ces
ministres qui ont tant argumenté dans ces projets de loi devraient avoir
la décence de venir nous expliquer comment ils conçoivent
l'État du Québec à l'intérieur du contexte
fédéraliste parce qu'il n'y a plus rien à comprendre, M.
le Président, à moins que ce ne soit une manoeuvre
électoraliste, que ce ne soit de l'hypocrisie pure et simple.
Il ne faut pas retourner longtemps en arrière. L'année
dernière, lorsqu'on disait: "Unanimes, les députés du PQ
décident de parler de souveraineté comme jamais auparavant." Je
cite le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation." Prenant ses
distances vis-à-vis du séparatisme... Il parlait des militants,
de certains ministériels qu'il appelait "des tièdes" - ils se
reconnaîtront sans doute -des gens qui, par peur de perdre le pouvoir,
sont prêts à sacrifier leur option. Pourtant, le ministre de
l'Agriculture était considéré comme un pur, un chaste dans
l'idéologie séparatiste. Il disait, dans cet article de la Presse
du vendredi 14 février: "II faut continuer à parler plus que
jamais d'indépendance. C'est la seule façon pour le Québec
de s'épanouir". À peine six mois après, il change
complètement son fusil d'épaule. M. le Président, de deux
choses l'une: ou on prend le Québec, on prend les
Québécois et les Québécoises pour des cruches ou
encore on ne sait pas ce qu'on dit de l'autre côté. Il est grand
temps que la population ait l'occasion de passer son message. À compter
du 15 novembre, le mandat légal du Parti québécois prendra
fin et la population du Québec a hâte de passer son message pour
dire ce qu'elle pense véritablement de cette dernière
entourloupette qu'on appellera un "virage fédéraliste."
M. le Président, il y avait quand même des personnes dans
le Parti québécois qui étaient reconnues pour leur franc
parler. Je cite une interview qu'accordait Jacques-Yvan Morin,
l'ex-vice-premier ministre et député de Sauvé. M. Morin,
vice-premier ministre et ministre des Affaires intergouvemementales, nous
disait: "Je n'entends pas mettre sous le boisseau - rappelez-vous bien ce qu'il
vous disait - lors de la prochaine campagne électorale, l'idée de
l'indépendance, jugeant que cela serait irresponsable." C'est à
vous qu'il parle. Selon lui, le gouvernement du Parti québécois
ne saurait échapper à sa responsabilité et à sa
conviction politique, vraiment s'il en a une. Par cette déclaration, M.
Morin semble rappeler à l'ordre les tièdes, les gens de pouvoir,
les "abandonneux", comme on dit chez nous.
Une voix: Biron.
M. Maltais: "Au-delà des sondages et de leur
caractère cyclique, il y a des convictions", dit-il en concluant.
M. le Président, j'ai l'honneur de faire partie du même
comté que le premier ministre du Canada, Brian Mulroney, un petit gars
de la Côte-Nord....
Une voix: Comme vous.
M. Maltais: ...comme moi d'ailleurs. Je n'ai pas la conviction
que le très honorable premier ministre du Canada va tomber dans la
petite entourloupette séparatiste à l'eau de rose que le
gouvernement actuel est en train de livrer à la population du
Québec. Je suis convaincu, connaissant le caractère authentique
du premier ministre actuel, que ce n'est pas ce petit achalandage, cet amour
nouveau, comme disait le député de Gatineau cet
après-midi, cet amour enflammé qui faisait dire, cet
après-midi, au premier ministre des paroles indécentes...
Une voix: À genoux.
M. Maltais: ...à l'endroit de mon collègue de
Nelligan, que ce n'est ce genre d'amour, dis-je, dans lequel l'honorable
premier ministre du Canada va se laisser emberlificoter.
M. le Président, si chacun des députés
ministériels et des ministres qui sont en place veut sauver le peu de
dignité publique et de crédibilité publique qui leur
reste, un bon conseil d'ami: Déclenchez des élections, cela
presse, les gens du Québec ont hâte de vous faire connaître
leur verdict. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mille-Îles.
M. Jean-Paul Champagne
M. Champagne: Merci, M. le Président. Depuis le
début de la réponse au discours inaugural, on entend, de la part
de l'Opposition, tant de références au programme du Parti
québécois! À entendre les libéraux, ils connaissent
par coeur le programme de notre parti. Il y a deux semaines, j'assistais
à la commission parlementaire de l'éducation et encore là
on faisait référence au programme de notre parti. Bravo! Si tous
les libéraux connaissent notre programme par coeur, je me suis
demandé, il y a deux semaines: Est-ce que les libéraux ont un
programme? Enfin! Je me suis posé la question. J'ai même
posé la question à quelques députés de l'Opposition
que je ne nommerai pas. Ils ont dit: Nous autres, on pense qu'on en a un
programme. C'est dans le livre beige. Tout curieux que j'étais, j'ai
demandé à la bibliothèque de l'Assemblée nationale
le livre beige et on m'a sorti le livre beige.
Une voix: Vous ne l'avez pas lu avant? (21 h 20)
M. Champagne: Mais, enfin, le livre beige... Un
député libéral me disait: Cela a été quand
même approuvé, c'est notre philosophie, c'est notre programme.
Cela avait été quand même approuvé dans une fin de
semaine, très rapidement d'ailleurs. Même le député
libéral qui était un responsable du dossier de l'énergie,
entre autres, me disait d'une façon gênée qu'eux autres
mêmes faisaient référence au livre beige, ce qu'on appelait
le livre beige, et qui était aussi conçu par M. Claude Ryan, le
député, chef
du parti à ce moment. On sait ce que le Parti libéral a
fait du chef Claude Ryan en ce temps là, par exemple. On fait
référence, actuellement, au livre beige. Or, le livre beige que
j'ai lu c'est tellement vague et général que ce soir je ne peux
pas vous attaquer messieurs les libéraux.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Champagne: Lorsqu'on parle d'ambiguïté, lorsqu'on
parle enfin de clairvoyance, et vous parlez aussi de clarté, je demande
où elle est de votre côté. Lorsqu'on parle constamment du
programme de notre parti, je pense que vous le prenez au sérieux et vous
savez comment il a été bâti ce programme depuis 1968, de
congrès en congrès et cela a été fait avec la
participation de tous les militants. C'est cela qui vous fait mal.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, je m'excuse de vous déranger. S'il vous
plaît, on n'a pas dérangé aucun des députés
qui ont parlé ce soir. J'aimerais que le député de
Mille-Îles ait son droit de parole. M. le député de
Mille-Îles, vous avez droit de parole.
M. Champagne: Merci. Je veux revenir au discours prononcé
par M. le premier ministre et je veux prendre, entre autres, une partie, soit
la qualité de l'environnement. Dans le discours inaugural, on a
parlé du Québec, pays de l'eau. Au Québec, il y a des
lacs, il y a des rivières. On prend sur nous de conserver la
pureté de ces lacs et de ces rivières. Une preuve de cela, notre
gouvernement, notre parti a été celui qui a créé le
ministère de l'Environnement. Vous n'avez pas eu l'audace de le
créer ce ministère. Vous n'avez pas eu l'audace de faire "comme
on a fait en Ontario au début des années soixante-dix, de faire
un plan d'épuration des eaux. Il a fallu que nous prenions le pouvoir en
1976 pour créer le ministère de l'Environnement et avoir aussi un
programme d'assainissement des eaux.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M.
le député.
M. Champagne: M. le Président, je ne sais pas qui est le
leader de cette formation politique de l'autre côté. Enfin, c'est
ma réflexion. Si on m'interpelle continuellement de l'autre
côté, je me demande s'il y a quand même un chef de parti
pour rétablir l'ordre. Moi, j'ai écouté très
attentivement le député de Saguenay et j'ai écouté
les autres. Enfin, M. le Président, j'espère que j'aurai aussi
les mêmes attentions de l'Opposition.
Je disais donc que nous avons mis en oeuvre un programme
d'assainissement des eaux. Actuellement, les municipalités ont
signé des engagements pour une valeur de 3 500 000 000 $ pour assainir
les eaux. Nous avions prévu 4 500 000 000 $. Je pense que les
municipalités ont cru au programme de notre gouvernement. Elles y ont
adhéré et on va faire en sorte qu'on va épurer davantage
les eaux du Québec. Nous avons de plus adopté une
réglementation pour l'eau potable. De plus, considérant que notre
parti a comme priorité aussi la qualité de l'environnement, nous
avons aussi construit une usine de traitement pour les déchets
dangereux.
Un autre élément de notre programme, c'est l'adoption
d'une politique sur la question des précipitations acides. On voit que
notre parti, que notre gouvernement fait en sorte d'aider à
l'amélioration de notre environnement.
M. le Président, au début de mon mandat, en 1981, j'ai
rencontré, entre autres, une association de mon comté qui
s'appelait l'Association pour l'aménagement de la rivière des
Prairies. Après de nombreuses discussions, nous avions
décidé, d'un commun accord, de dépolluer, entre autres, la
rivière des Prairies afin de faire en sorte que cette rivière
puisse servir à la population. Depuis ce temps, je peux vous dire que,
d'après certaines consultations que j'ai eues, même en fin de
semaine, la rivière des Prairies est comparable actuellement au lac des
Deux-Montagnes. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction.
Actuellement, les déchets organiques qui étaient amenés
dans la rivière des Prairies par les grands canaux de Montréal
sont jetés directement dans le fleuve, dans le bout de Boucherville.
Cela fait en sorte qu'actuellement les eaux de la rivière des Prairies
deviennent de plus en plus utilisées.
M. le Président, je pense que notre but, c'est de redonner
l'utilisation des eaux aux Montréalais, de redonner l'utilisation des
eaux aux Lavallois. Actuellement, 40% de la population de Montréal doit
y passer l'été. Qu'est-ce qu'ils peuvent faire en vacances chez
eux à Montréal et à Laval, entre autres? Ils sont
limités. Je me souviens, M. le Président, qu'il y a une
quarantaine d'années - je ne veux pas me vieillir pour rien - mes
parents et moi allions à l'île Sainte-Hélène. Nous
prenions le tramway et l'autobus et nous allions nous baigner à
l'île Sainte-Hélène. Ensuite, nous pouvions aussi aller
à la plage Bissonnette dans le bout de Pointe-aux-Trembles.
Actuellement, on ne peut pas le faire, parce que la population a
peut-être été imprévoyante, parce que des dirigeants
d'entreprise ou des dirigeants municipaux provinciaux ont peut-être
été imprévoyants. Pourquoi ai-je eu droit à cela?
Mes voisins pouvaient aller à la plage Idéale
et à celle de Jacques-Cartier à la ville de Laval. Il y
avait des gens qui pouvaient aller au cap Saint-Jacques. Autour de
Montréal, l'eau était pure; on pouvait aller à la plage.
Je pense que notre défi comme gouvernement, c'est de donner à la
population des eaux dont ils puissent se servir. Nous avons le défi,
avec notre projet du parc régional Archipel, de faire en sorte que les
Montréalais, les Lavallois puissent se servir de ces eaux.
Je pense qu'actuellement nous allons dans la bonne direction avec notre
programme d'épuration des eaux. À Laval, dans le domaine de la
pêche, nous construisons, au barrage de la rivière des Prairies,
une passe à poisson, une passe migratoire et nous allons avoir un poste
d'observation pour pouvoir regarder la migration de l'alose savoureuse qui
émigrait autrefois au début du barrage de la rivière des
Prairies. Avec cette passe à poisson, comme autrefois, ces poissons vont
aller dans le lac des Deux-Montagnes. Nous avons prévu, à cet
égard, des plates-formes de pêche pour faire en sorte que la
rivière des Mille-Îles, entre autres, puisse servir à la
pêche sportive.
Dans un autre domaine, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, vous allez me trouver déplaisant, mais je vais
l'être. J'essaie de suivre votre discours, mais j'entends des bruits
déplaisants à ma gauche. S'il vous plaît; M. le
député.
M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président, pour votre
condescendance. Je pensais que nos amis d'en face voulaient savoir ce qui ce
passait en ce qui concerne l'épuration des eaux dans la région
métropolitaine. Je pensais que l'environnement, c'était une
priorité pour eux en face. Considérant qu'on n'écoute pas
du tout ce qui se dit, je me demande où est la priorité au point
de vue de la qualité de la vie de l'autre côté. (21 h
30)
M. le Président, je veux revenir aussi à un secteur
très important. Même le maire de Verdun, c'est-à-dire le
député, me parle souvent des plaisanciers, parce que M. le
député de Verdun a lui-même un bateau. Je travaille
à un dossier sur le nautisme dans toute la région
métropolitaine. J'ai été surpris de voir que 90 000 000 $
sont dépensés simplement dans le nautisme. Le nautisme est
très important dans la région métropolitaine. Des groupes
ont fait pression et nous ont demandé de faire en sorte qu'on ouvre
entre autres la rivière des Prairies aux plaisanciers. Depuis 1929, on a
brutalement barré la rivière. Aujourd'hui, si on pouvait ouvrir
cette rivière avec une passe à bateaux, ce qu'on appelle une
écluse, les gens de Montréal, ceux de Laval pourraient faire en
sorte de créer de l'emploi pendant les vacances. La valeur locative ou
la valeur des terrains prendrait un essor important. Je puis assurer les gens
de Laval que j'ai actuellement l'appui à la fois d'Hydro-Québec,
de Montréal-Nord, de plusieurs ministères; et les
députés du gouvernement fédéral ont donné
leur appui à un projet parce qu'une passe à bateaux sur la
rivière des Prairies ferait en sorte qu'on retiendrait ici, au
Québec, dans la région métropolitaine, nos vacanciers qui
ont peut-être l'intention de s'expatrier durant la saison estivale.
M. le Président, le Québec est un pays d'eau. Nous allons
mettre en valeur les eaux qui seront dépolluées. C'est beau de
dépolluer les eaux. Actuellement, Laval dépense 105 000 000 $
pour la canalisation des égouts; on y prévoit aussi une usine
d'épuration des eaux. Mais encore faut-il que ces eaux
dépolluées servent à la population. Nous allons annoncer
dans quelques semaines certaines modalités pour qu'on puisse utiliser
ces eaux dépolluées. L'une des prérogatives ou l'un des
plans qu'on mettra en oeuvre sera le nettoyage des rives et des cours d'eau de
nos lacs et de nos rivières. Le cours d'eau comme tel est important mais
il faut penser aux rives. Dans le passé, actuellement et à
l'avenir nous avons fait en sorte d'avoir des programmes d'épuration de
nos rives, de nettoyage de nos rives et de nos cours d'eau.
Dans un deuxième temps, nous allons faire le reboisement en
bordure des eaux pour limiter l'érosion. Ce sera un autre
élément du programme du gouvernement pour aider ou mettre en
valeur les eaux dépolluées. Un autre élément aussi
pour nos rives: on mettra en place des pistes de randonnée. L'un des
autres éléments: on essaiera éventuellement
d'aménager des plages. Dans tout cela, M. le Président, nous
allons demander la collaboration de toutes les cités et villes pour
faire en sorte, avec le gouvernement, de mettre en place des infrastructures
pour bâtir des quais, faire des descentes de bateaux pour qu'enfin, dans
la région métropolitaine et ailleurs, l'eau redevienne enfin la
propriété de tous les résidents des alentours.
Québec est un pays d'eau; il faut respecter cette prérogative
afin que tous les Québécois et Québécoises puissent
dans un avenir prochain se baigner chez eux, pêcher chez eux,
plutôt que de s'expatrier.
M. le Président, dans le discours inaugural, nous avons aussi
parlé d'un autre élément à savoir la serriculture
ou la production en serre - la production en serre s'appelle la serriculture.
L'agriculture est une priorité pour le gouvernement du Québec. On
l'a vu, on a institué le zonage agricole.
Votre gouvernement n'a pas eu ce courage autrefois. Nous, on a eu le
courage de respecter le zonage agricole. Nos terres étaient cultivables.
Nos terres étaient bonnes et on a fait en sorte qu'on les
protège. On a mis une barrière aux spéculateurs. C'est
nous qui avons fait le zonage agricole et je suis fier de cela.
Un autre élément aussi, c'est qu'on veut obtenir
l'autosuffisance agro-alimentaire. Au moment où on se parle, nous sommes
rendus à 66% d'autosuffisance agro-alimentaire. Je dis: Bravo pour notre
gouvernement et notre parti!
M. le Président, en parlant de serriculture, nous voulons
allonger les saisons. On doit combattre les rigueurs de l'hiver. Nous avons
actuellement 1 000 000 de mètres carrés de plantes en serre, mais
c'est insuffisant. À Laval, entre autres, il y a 125 producteurs en
serre et la valeur économique de tout ce potentiel est de 8 600 000 $.
On veut continuer à aller de l'avant dans ce domaine. C'est pour cette
raison que nous allons voir dans les prochains mois à obtenir des tarifs
préférentiels d'électricité pour étirer la
saison et créer davantage d'emplois, parce que la serriculture
crée de l'emploi. Au lieu d'importer les concombres, les tomates ou les
fines herbes de l'étranger, nous les produirons. Dans notre politique de
serriculture qui s'en vient, je pense qu'au lieu d'importer nous exporterons
éventuellement, comme on le fait en Hollande, entre autres.
M. le Président, on me dit que je dois terminer, hélas! Ma
conclusion va s'adresser aux jeunes. Je vous dirai ce que le conseil des
députés de Laval a fait. Nous avons réuni une quinzaine
d'organismes qu'on a appelés Solidarité jeunesse. Il y a 1500
assistés sociaux aptes au travail à Laval. Ils ont de 15-18 ans
à 30 ans. Notre objectif est de les mettre tous au travail. C'est pour
cette raison que nous nous sommes assis avec une quinzaine d'organismes
lavallois, que ce soit la ville de Laval, la chambre de commerce, les CLSC, le
cégep ou les associations de jeunes. Je m'engage à faire en sorte
que les entreprises engagent ces jeunes assistés sociaux. On va
espérer aussi que, dans la province, tous les jeunes trouvent leur place
au soleil en adhérant aux programmes gouvernementaux qui sont en place,
soit l'intégration scolaire, le stage en entreprise, les travaux
communautaires ou les bourses d'affaires. J'espère que les jeunes vont
voir en notre gouvernement l'espoir qui va leur donner de l'emploi, pour que
tous ces Québécois et toutes ces Québécoises,
jeunes et moins jeunes, se trouvent une place au soleil du Québec.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: M. le Président, dans les quelques minutes qui
me sont allouées par notre règlement, je vais tenter de faire un
rapide survol des politiques péquistes énoncées par le
premier ministre lors de son discours inaugural de mardi dernier. Nous avons eu
droit à un discours boiteux, encadré par une
crédibilité presque inexistante, une crédibilité
tellement basse qu'il n'y a plus personne au Québec qui peut croire en
la sincérité de ce gouvernement et de ce parti politique.
Le PQ est à son plus bas niveau depuis huit ans. Il tente de
s'accrocher à tout ce qui bouge. Il fait des virages aussi
spectaculaires que celui de se dire fédéraliste et de renier le
but fondamental de son existence même. Actuellement, les péquistes
voguent selon l'air du temps. Ils sont prêts à se prostituer pour
sauver leur peau. Le désespoir s'est emparé des péquistes
et cela crève les yeux. On n'a qu'à les voir aller. (21 h 40)
J'ai aussi le goût de parler de leur programme, le peu
annoncé par le premier ministre lors de son discours inaugural. Mais
avant d'aborder le maigre programme du Parti québécois,
j'aimerais simplement ajouter quelques commentaires sur le récent voyage
du premier ministre, René Lévesque, en Asie et plus
particulièrement au Japon où il a comparé le peuple
québécois au peuple palestinien. C'est un peu ahurissant
d'entendre de telles comparaisons, mais ces paroles dites par le premier
ministre ne sont pas surprenantes. Je pourrais aussi parler des propos qu'a
tenus le premier ministre, cet après-midi, à l'endroit de mon
collègue de Nelligan. J'aime autant ne pas répéter les
propos qu'il a tenus, des propos inacceptables de la part d'un premier
ministre.
Il est évident que ce parti n'a plus aucune
crédibilité. Nous avons actuellement devant nous un gouvernement
opportuniste, sans âme, sans honneur, sans idée, sans programme,
sans pensée profonde, un parti qui n'a aucune volonté et qui est
incapable de relever le défi des années quatre-vingt-dix.
J'aimerais maintenant évaluer les maigres politiques
annoncées dans le discours inaugural par le premier ministre, mardi
dernier. Étant donné que le domaine le plus crucial actuellement
est l'emploi chez les jeunes, je vais tout particulièrement aborder ce
sujet pour ensuite parler de l'agriculture.
Il est évident que le premier ministre n'a pas eu le courage de
s'attaquer aux vrais problèmes en ce qui a trait aux jeunes. Nous savons
tous que le premier ministre aurait dû aborder en premier lieu la carte
de classification requise dans la construction. Je pense que nous recevons tous
à nos bureaux
de comté un nombre incalculable de jeunes diplômés
dans certains métiers de la construction qui ne trouvent aucun emploi
parce qu'on les empêche de travailler. On ne leur donne pas de permis de
travail. Je pense qu'il ne sert à rien de tourner autour du pot, le
premier ministre aurait dû annoncer dans son discours inaugural qu'il
casserait le système de la carte de classification. Je pense que cela
aurait été un point de départ concret pour prouver que ce
gouvernement est réaliste, pour prouver que leurs propos sont
cohérents, pour prouver qu'ils ont un honneur quelconque, pour prouver
aussi que les jeunes comptent pour eux. Je pense que cela aurait
été le point crucial auquel il aurait dû s'attaquer.
De plus, le premier ministre aurait pu parler du protectionnisme
exagéré qui existe chez les syndicats. Je pense qu'il ne faut pas
se le cacher, les clauses protectionnistes d'ancienneté, la
sécurité d'emploi empêchent régulièrement,
dans la plupart des compagnies où les employés sont
syndiqués, les jeunes d'accéder à un poste. Encore
là, le premier ministre n'a eu aucune colonne vertébrale. Il a eu
peur de s'attaquer à ce problème, le véritable
problème. Il ne faut pas accuser René Lévesque de ne pas
avoir de courage. Il y a 26 ministres autour de lui qui n'en ont pas plus.
Je voudrais maintenant aborder la question agricole. J'ai pris
connaissance des quelques très maigres modalités annoncées
par le premier ministre. Il a commencé par parler de la production
céréalière et de l'élevage de boeuf. Tout d'abord,
il faudrait indiquer que, pour avoir une production de boeuf au Québec,
il faudrait absolument avoir des politiques beaucoup plus
généreuses que celles actuellement offertes par
l'assurance-stabilisation.
J'ai ici un document que le ministre de l'Agriculture n'a certainement
pas désiré publier ni déposer et qui date d'octobre 1983.
C'est le modèle péquiste d'un parc d'engraissement modèle
de 400 têtes. J'aimerais donner le numéro de
référence: AGDEX 420-821. Pour ceux qui veulent se procurer le
document, c'est intéressant. J'avais dit au ministre de l'Agriculture
que cela prenait un millionnaire pour faire l'élevage d'animaux à
boeuf; je pense que ce document le prouve hors de tout doute. Ici, on indique
qu'il faut avoir, pour le modèle de 400 têtes, 821 000 $ en poche
pour partir, sans emprunt. Ensuite, on peut emprunter à court terme 300
000 $ pour nourrir ces animaux pendant 250 jours. Résultat net - parce
que ce serait trop long d'énumérer tous les postes - il resterait
14 798 $ net sans que le propriétaire se paie un salaire, après
un placement, en liquide de 821 000 $. Alors, cela prend vraiment un
millionnaire pour posséder un parc d'engraissement et produire du boeuf
au
Québec. Tant et aussi longtemps que le ministère de
l'Agriculture ou le gouvernement ne se réveillera pas et ne dira pas aux
producteurs qu'il va leur donner une assurance-stabilisation plus
généreuse, il n'y aura pas de production de boeuf au
Québec. C'est simple, c'est clair. Je pense que cela peut se prouver.
Les chiffres sont là. C'est un modèle péquiste que je vous
donne; ce n'est pas un modèle libéral. j'ai été
très heureux de constater, le premier ministre nous a parlé, en
plus, d'un programme de production en serre. Cela m'a beaucoup
intéressé parce que c'était une suggestion que je faisais
en 1979 qui a été retenue dans le discours inaugural. Cela me
fait plaisir.
Une voix: Cinq ans après.
M. Dubois: Oui, monsieur. Il a dit: "Les Québécois
ont développé au cours des dernières années une
expertise originale dans le domaine de la production en serre, une production,
faut-il le rappeler, qui apporte une réponse adéquate aux limites
que nous impose notre climat. Pour connaître sa pleine expansion, ce
secteur a maintenant besoin d'un accès privilégié à
une source d'énergie économique, fiable et dont les coûts
sont stables sur une longue période: l'électricité." En
1979 - c'est consigné au journal des Débats - lors de
l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture, aux
pages B-3524 et B-3525, il y a plusieurs questions et réponses entre le
ministre, M. Garon, et moi-même. J'indiquais clairement que la seule
solution pour produire au Québec des légumes ou des fruits en
serre, c'était de mettre à la disposition des
propriétaires de serres de l'électricité à bon
marché.
Je pense que les péquistes peuvent se servir de ces pages, ils
peuvent vérifier; s'ils croient que je suis un menteur, je les invite
à relire ces pages. Je sais qu'ils accusent tout le monde d'être
menteur. Il n'y a qu'eux qui sont intelligents, brillants, etc. Je ne
continuerai pas; je veux plutôt m'attaquer à mon dossier.
J'ai indiqué clairement que la seule possibilité,
c'était d'offrir de l'électricité à bon
marché. Après presque cinq ans, je suis heureux de constater que
le premier ministre a accédé à mes propositions.
Il y a aussi un élément que j'aimerais soulever
après celui des serres, c'est la constatation d'oublis du Parti
québécois. Par exemple, on a oublié les jeunes
agriculteurs, la relève agricole. On a oublié d'augmenter le
maximum subventionné par le Crédit agricole pour la relève
agricole. C'est ce que cela prend.
On a aussi oublié d'indiquer qu'on aurait des taux
d'intérêt privilégiés pour les jeunes, pour la jeune
relève agricole. C'est
encore un oubli. Le premier ministre a également oublié de
plafonner les taux d'intérêt pour la relève agricole, ce
qui est une nécessité. Il a aussi oublié de faciliter le
transfert des fermes pour la relève. Encore un autre oubli!
Quand le premier ministre dit qu'il pense aux jeunes, la preuve est loin
d'être concluante. Il a totalement ignoré les choses les plus
importantes dont la relève agricole a besoin au Québec. Il s'agit
de côtoyer de jeunes producteurs agricoles qui désirent acheter la
ferme de leur père pour constater qu'il y a quatre ou cinq points
très importants au niveau du financement dont ils ont besoin
actuellement. Le premier ministre n'a absolument pas répondu à
leur demande.
Il y a d'autres dossiers que j'aimerais traiter. Par exemple un qui
concerne mon comté - un comté de l'Opposition, évidemment
- de Huntingdon que je représente ici et j'en suis très fier. Il
y a le plus gros dossier de creusage de cours d'eau au Québec dans le
comté de Huntingdon. Cela s'appelle le Northern Creek. Je pense que le
ministre de l'Agriculture est bien au courant de ce dossier. Cela prendrait 8
000 000 $ à 10 000 000 $ pour le régler. Je suis certain que si
Huntingdon était un comté représenté par un
péquiste, ce serait fait. J'en suis sûr. Cependant, étant
donné que ce comté est représenté par un membre du
Parti libéral, c'est une autre chose. Jamais le ministre de
l'Agriculture n'a voulu investir un sou dans la région la plus
productrice de biens horticoles au Québec puisque 60% des légumes
du Québec, sortent de la région de Huntingdon. Je dois
dénoncer cette attitude du Parti québécois.
Je me rappelle le premier discours inaugural en cette Chambre quand le
premier ministre disait, en 1977, qu'il serait équitable envers tous les
membres de cette Chambre, péquistes, libéraux ou - dans le temps
-unionistes. Je me souviens de ces propos. On disait: Les services seront les
mêmes aux comtés au pouvoir ou à l'Opposition. Ce
n'étaient que des propos, ce n'étaient pas des convictions que
livrait à ce moment-là le premier ministre du Québec,
c'est sûr. On le constate aujourd'hui. Huntingdon a besoin de fonds
particuliers pour régler ses problèmes d'égouttement du
sol. C'est la plus grosse région productrice de légumes au
Québec. C'est la seule région ou à peu près qui
exporte des légumes aux États-Unis. Je peux vous donner des
chiffres si vous voulez. C'est aussi la région la plus oubliée au
Québec et pourtant c'est la région qui fournit le plus de taxes
et d'impôts à ce gouvernement. C'est vrai que ce gouvernement est
un gouffre, cela prend beaucoup de taxes et d'impôts mais je pense que
les gens de Huntingdon méritent d'avoir un peu de retour sur les taxes
qu'on paie.
Une voix: Très bien!
M. Dubois: J'invite encore une fois le ministre de l'Agriculture
et le premier ministre à réfléchir aux besoins d'un
comté très productif. Je pense que si on veut être objectif
et avoir un peu de décence dans l'attribution des crédits,
Huntingdon en mérite et je vais continuer à me battre à ce
sujet-là.
J'aurais aimé parler de plusieurs autres choses, par exemple le
mode de scrutin auquel ce parti veut apporter des modifications. Ma position
à ce sujet-là est très personnelle. Je l'émets pour
la première fois et je me dis qu'à titre de Canadien, pourquoi le
système actuel qui est bon pour les neuf autres provinces canadiennes,
qui est bon pour le gouvernement fédéral, qui est bon pour pour
l'Angleterre, pour l'Australie et pour tout l'empire britannique, n'est-il pas
bon pour les Québécois? Est-ce que le Canada n'est pas aussi le
plus démocratique des pays du monde? Est-ce que les neuf autres
provinces canadiennes ne sont pas aussi démocratiques que n'importe quel
autre pays du monde? Alors, je me demande pourquoi le Québec a besoin
absolument, pour fins de démocratie, un amendement au mode de scrutin.
Je me pose la question, M. le Président. Je n'ai pas de réponse
nécessairement, mais je me dis que ce qui est bon pour les Canadiens et
ce qui est bon pour les neuf autres provinces devrait être bon
également pour les Québécois. S'il y avait un consensus
canadien - les neuf autres provinces et le Canada - sur lequel toutes les
provinces et le Canada voulaient travailler, apporter des modifications, je
dirais que cela aurait peut-être du sens. Que le Québec veuille
agir seul dans ce domaine-là, personnellement je ne l'approuve pas.
Enfin, il y a beaucoup d'autres domaines que j'aurais aimé
soulever ici. Par exemple, les déficits effarants, les taxes
déguisées de plus en plus énormes, nos impôts qui
dépassent tous ceux qu'on connaît au Canada et ailleurs, les plus
élevés en Amérique du Nord, un contexte politique
énormément nuisible à l'établissement d'usines,
à l'établissement de compagnies qui veulent produire des biens
ici au Québec, des lois linguistiques qui ne nous aident pas, ce qui a
entraîné le plus haut taux de chômage que l'on puisse
connaître et le plus grand nombre d'assistés sociaux que le
Québec ait jamais connu.
M. le Président, la situation est loin d'être rose et je
pense que le seul correctif - je termine là-dessus - ce serait de mettre
les péquistes dehors dans les plus brefs délais et qu'un
gouvernement libéral puisse conduire les destinées du
Québec. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, étant donné
l'heure, je propose donc que nous ajournions ce débat et que nous
reprenions nos travaux demain matin, à 10 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Nous
ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 54)