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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mardi 13 novembre 1984 - Vol. 28 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures et une minute)

Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez prendre vos places.

Visite de M. Aloysio Mares Dias Gomide

J'ai le plaisir de souligner la présence dans la tribune cet après-midi du consul général du Brésil et président de l'Association consulaire de Montréal, M. Aloysio Mares Dias Gomide. M. Gomide, qui était doyen du corps consulaire depuis bientôt trois ans, nous quitte pour une nouvelle affectation à Vancouver.

La Croix de vaillance décernée à M. René Jalbert

Le Président

Vendredi matin dernier, j'ai eu l'occasion de représenter l'Assemblée nationale à une cérémonie d'investiture à Rideau Hall, la résidence du gouverneur général du Canada, à l'occasion de laquelle la Croix de vaillance a été décernée au sergent d'armes de l'Assemblée nationale, M. René Jalbert.

J'ai pensé que les membres de l'Assemblée nationale seraient intéressés à connaître la citation qui a fait en sorte que M. Jalbert s'est mérité cette très haute distinction. Elle se lit comme suit: "Au milieu de la matinée du 8 mai 1984, René Jalbert, le sergent d'armes de l'Assemblée nationale du Québec, fit montre de courage et d'audace hors du commun lorsqu'il subjugua un individu qui venait de tuer trois personnes et d'en blesser treize autres. "L'homme était entré à l'Hôtel du Parlement par une porte latérale et avait commencé à faire feu avec une mitraillette. Quelques instants plus tard, tirant à sa gauche et à sa droite sur son passage, il empruntait l'escalier principal pour se rendre au salon bleu. Alors qu'une rafale de balles criblait le mur, M. Jalbert entra dans la pièce, s'avança calmement vers l'individu et persuada celui-ci de laisser sortir plusieurs employés. M. Jalbert amena ensuite l'homme dans son bureau au sous-sol de l'Assemblée nationale, se donnant en fait en otage à un individu qui était armé jusqu'aux dents. "En dépit du danger et avec beaucoup de sang-froid, M. Jalbert réussit, après quatre heures de négociations, à convaincre l'homme de déposer les armes et de se rendre à la police. "Sans l'intrépidité de cet ancien major du Royal 22e Régiment et vétéran de la deuxième guerre mondiale, le bilan des morts aurait certainement été beaucoup plus lourd."

Je pense que je me fais le porte-parole de l'Assemblée en remerciant le gouverneur général d'avoir bien voulu reconnaître le geste posé par M. Jalbert, notre sergent d'armes, en lui remettant, vendredi dernier, la Croix de vaillance.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle. À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article d) du feuilleton d'aujourd'hui.

Le Président: Peut-on avoir la liste au complet? Cela me simplifierait la tâche.

M. Bertrand: Alors, les articles d), c) et b) dans l'ordre.

Projet de loi 6

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales présente le projet de loi 6, Loi modifiant diverses dispositions législatives pour favoriser la mise en valeur du milieu aquatique. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, ce projet de loi a pour objet de permettre aux municipalités et aux communautés urbaines ou régionales d'exécuter des travaux afin d'améliorer la qualité du milieu aquatique sur leur territoire et de favoriser l'accès à ce milieu. Il confère aussi à la Société québécoise d'assainissement des eaux le pouvoir de financer ces travaux.

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir du projet de loi 6?

Des voix: Oui.

Le Président: II en est donc ainsi décidé.

Projet de loi 9

M. le leader du gouvernement, au nom du ministre de l'Énergie et des Ressources, présente le projet de loi 9, Loi sur la

location de forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc. M. le leader du gouvernement.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, ce projet de loi a pour objet de permettre au gouvernement, conformément à l'article 3 de la Loi sur le régime des eaux, de louer une partie des forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc. Il décrit l'objet du bail ainsi autorisé et en établit la durée. Il détermine également les redevances que devra acquitter la compagnie en fonction de l'électricité produite grâce aux forces hydrauliques.

Ce projet de loi remplace la loi concernant un aménagement hydroélectrique à Mont-Laurier. La nouvelle loi aura un effet rétroactif au 1er janvier 1984.

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir du projet de loi 9? Il en est ainsi décidé.

Projet de loi 14

M. le ministre délégué au Tourisme présente le projet de loi 14, Loi sur le ministère du Tourisme et modifiant d'autres dispositions législatives. M. le ministre délégué au Tourisme.

M. Marcel Léger

M. Léger: M. le Président, ce projet de loi a pour objet la constitution et l'organisation du ministère du Tourisme. Il prévoit, notamment, que le ministre du Tourisme aura le mandat de préparer et de proposer au gouvernement des politiques en matière de tourisme. Le ministre aura la responsabilité de l'application de ces politiques en collaboration avec les ministères et les organismes intéressés, notamment en dirigeant et en coordonnant l'exécution des politiques gouvernementales du tourisme.

Le ministre aura également pour fonction d'aider les entreprises touristiques au moyen de programmes d'aide et de services et sera chargé de diffuser l'information touristique.

Le projet de loi modifie substantiellement la Loi sur le ministère de l'Industrie et du Commerce en remplaçant la section 1 pour la rendre conforme à la Loi sur la fonction publique et en précisant et modernisant le mandat de ce ministère.

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir du projet de loi 14?

Des voix: Oui.

Le Président: Oui. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je voudrais déposer un projet de loi inscrit au feuilleton à l'article m).

Le Président: D'accord, allez-y.

Projet de loi 198

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: II me fait plaisir de déposer un projet qui aura sûrement l'effet d'une bombe à l'Assemblée nationale, le projet de loi 198 interdisant la production, l'entreposage, le commerce et l'utilisation d'armes nucléaires. Ce projet de loi a pour objet d'interdire tout armement nucléaire sur le domaine public québécois et a en outre pour objet d'interdire au gouvernement de participer à la production d'armes nucléaires. Il prévoit également une disposition permettant au gouvernement de demander aux municipalités de procéder à un référendum sur la question du nucléaire ou du désarmement. Enfin, il déclare que certaines dispositions contenues dans ce projet de loi font partie intégrante de la constitution du Québec.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie, sous réserve de vérification, je n'ai pas reçu le projet de loi en question. Le fait que vous me le montriez de votre siège ne remplit pas la condition requise à l'article 225 concernant la présentation de projets de loi dans lequel on parle du préavis qu'il faut inscrire au feuilleton: "Le député en fait parvenir copie au président - il s'agit du projet de loi - avant la période des affaires courantes." À ma connaissance, je n'en ai pas reçu copie.

M. Bisaillon: M. le Président, je me reprendrai demain.

Le Président: À moins que l'Assemblée n'accepte par consentement unanime que votre projet puisse...

Des voix: Oui, oui.

M. Bertrand: Oui, ça va. (14 h 10)

Le Président: Bien. Aux projets de loi privés, M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je pense que vous avez d'abord un rapport à déposer relativement au projet de loi 234.

Le Président: En fait, j'en ai une série, dont celui portant sur le projet de loi 234. Tous ces rapports viennent du directeur de la

législation.

Projet de loi 234

Concernant le projet de loi 234, celui-ci me fait part qu'il a examiné le projet de loi en question intitulé Loi concernant la Corporation des marchands de meubles du Québec et qu'il a constaté que l'avis a été fait et publié conformément aux règles de fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt privé. Ce projet de loi peut donc être présenté pour adoption pendant la présente session. Aussi bien faire le dépôt en même temps.

Par conséquent, M. le député de Groulx présente le projet de loi 234, Loi concernant la Corporation des marchands de meubles du Québec. J'imagine que l'Assemblée accepte de se saisir du projet de loi.

M. Bertrand: Oui.

Le Président: II en est donc ainsi décidé.

M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Bertrand: Je fais motion pour que ce projet de loi 234 soit déféré à la commission du budget et de l'administration et pour que le ministre des Finances soit membre de cette commission.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Projet de loi 244

Vient ensuite le projet de loi 244 au sujet duquel le directeur de la législation m'écrit ceci: "J'ai examiné le projet de loi 244 intitulé Loi modifiant la Loi concernant la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec et j'ai constaté que l'avis a été publié conformément aux règles de fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt privé."

En conséquence, M. le député de Bellechasse présente le projet de loi 244, Loi modifiant la Loi concernant la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec.

L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir de ce projet de loi?

Une voix: Oui.

Le Président: II en est donc ainsi décidé.

M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'éducation

M. Bertrand: Je fais motion pour que ce projet de loi 244 soit déféré à la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre et que le ministre de l'Éducation soit membre de cette commission.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Projet de loi 200

Vient ensuite le projet de loi 200 au sujet duquel le rapport se lit ainsi: "J'ai examiné le projet de loi 200, intitulé Loi concernant la ville de Montréal et j'ai constaté que l'avis a été fait et publié conformément aux règles de fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt privé."

En conséquence, M. le député de Bourassa présente le projet de loi 200, Loi concernant la ville de Montréal.

Est-ce que l'Assemblée accepte de s'en saisir?

Une voix: Oui.

Le Président: II en est donc ainsi décidé.

M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Bertrand: Je fais donc motion pour que ce projet de loi 200 soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et que le ministre des Affaires municipales soit membre de ladite commission.

Projet de loi 247

Le Président: Vient ensuite le projet de loi 247, Loi concernant la municipalité du canton de Kénogami. L'avis a été fait et publié conformément aux règles de fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt privé. Mme la députée de Jonquière présente donc le projet de loi 247, Loi concernant la municipalité du canton de Kénogami.

L'Assemblée accepte-t-elle de s'en saisir?

Il en est ainsi décidé.

M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de

l'aménagement et des

équipements

M. Bertrand: C'est dans le cas d'un autre projet de loi... Cela va très bien. Je fais motion pour déférer ce projet de loi à la commission de l'aménagement et des équipements et que le ministre des Affaires municipales puisse être membre de cette commission.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Gratton: Adopté. Le Président: Adopté.

Projet de loi 223

Le projet de loi 223, Loi concernant la Commission des écoles catholiques de Montréal. Le directeur de la législation a constaté que l'avis a été fait et publié conformément aux règles de fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt privé, mais cet avis n'accompagnait pas le projet de loi lors de son dépôt au bureau du directeur de la législation. Il faudrait donc une dérogation. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Effectivement, M. le Président, je voudrais obtenir le consentement de mes collègues de l'Assemblée pour que nous suspendions l'application des articles 6 et 7, qui, normalement, s'appliquent pour les projets de loi privés, puisque nous n'avons pas reçu la preuve de publication des avis dans les médias d'information. Que je sache, les avis ont tout de même été diffusés dans les médias, mais nous n'en avons pas obtenu la preuve.

Une voix: Quel projet de loi?

M. Bertrand: C'est le projet de loi de Mme...

Le Président: Il s'agit du projet de loi 223 présenté par Mme la députée de L'Acadie, Loi concernant la Commission des écoles catholiques de Montréal. Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais vous faire remarquer que ces avis, qui ont paru dans la Gazette officielle au début d'octobre, ont été envoyés au bureau de la législation, je pense, et qu'ils ont bel et bien été publiés. Ils ont été publiés.

Le Président: Ce n'est pas sur la publication qu'il y avait une dérogation de demandée. C'est sur le fait que l'avis n'accompagnait pas le projet de loi lors de son dépôt, ce qui ne veut pas dire que les avis n'ont pas été publiés. Au contraire, M. le leader du gouvernement indiquait précisément qu'ils ont effectivement été publiés. Fort de cette dérogation à laquelle l'Assemblée consent, Mme la députée de L'Acadie présente le projet de loi 223, Loi concernant la Commission des écoles catholiques de Montréal.

M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'éducation

M. Bertrand: M. le Président, je fais donc motion pour que ce projet de loi 223 soit déféré à la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre et que le ministre de l'Éducation puisse en être membre.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Projet de loi 246

Le Président: Au sujet du projet de loi 246, Loi concernant la cité de Côte-Saint-Luc, le directeur de la législation constate que l'avis a été publié conformément aux règles de fonctionnement, mais que le projet a cependant été déposé en dehors des délais prévus à l'article 4 des règles de fonctionnement et qu'il ne peut, sans le consentement de l'Assemblée, être adopté au cours de la présente partie de la session. Si on veut le faire adopter, il faudrait procéder à une dérogation.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Effectivement, puisque le projet a été déposé après le 15 septembre, il y a lieu de faire motion à ce stade-ci pour que nous suspendions l'application de l'article 4 de nos règles de fonctionnement.

Le Président: Y a-t-il consentement à cette fin? Bien. Dans ces circonstances, M. le député de D'Arcy McGee présente le projet de loi 246, Loi concernant la cité de Côte-Saint-Luc. L'Assemblée accepte de s'en saisir, je présume. Il en est ainsi décidé. M. le leader parlementaire du gouvernement.

Renvoi à la commission de

l'aménagement et des

équipements

M. Bertrand: Je fais motion pour que ce projet de loi 246 soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et que le ministre des Affaires

municipales puisse en être membre.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Ce qui nous mène au dépôt de documents. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Rapport annuel de l'Office

franco-québécois pour la

jeunesse

M. Chevrette: Il me fait plaisir de déposer le rapport annuel 1983 de l'Office franco-québécois pour la jeunesse.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre des Transports.

Rapports de la Société des

traversiers et de l'Office

des autoroutes

M. Léonard: J'ai l'honneur de déposer le rapport d'activités 1983-1984 de la Société des traversiers du Québec ainsi que le rapport d'activités 1983-1984 de l'Office des autoroutes du Québec.

Le Président: Ces rapports sont déposés. Au dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements.

Vérification des engagements financiers

M. Fallu: J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements, qui a siégé le 30 octobre 1984 afin de procéder à la vérification des engagements financiers des mois d'avril, mai et juin du ministère des Affaires municipales, du ministère de l'Environnement, du ministère des Transports et du ministère du Conseil exécutif en ce qui concerne l'aménagement et le développement régional. Cette vérification avait été reportée lors de la séance du 26 septembre 1984.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Le Président: Rapport déposé. Ce qui nous mène à la période de questions des députés. Comme vous l'aurez remarqué, conformément à l'engagement que j'avais pris jeudi dernier je vous ai fait distribuer sur vos bureaux en cette Chambre un extrait de la jurisprudence parlementaire de Beauchesne, 5e édition, au chapitre 9, portant sur les questions de manière générale et les questions posées de vive voix c'est-à-dire les questions orales. Ce sont les règles qui doivent régir la période de questions dans un Parlement comme le nôtre, puisque notre période de questions est régie par les mêmes dispositions que la période de questions à la Chambre des communes à Ottawa. J'invite donc tous les députés de part et d'autre de la Chambre à s'en inspirer. Première question, M. le député de Portneuf.

Solution à l'hôpital de Saint-Ferdinand d'Halifax

M. Pagé: Merci. Comme on le sait, malheureusement, près de 700 travailleurs de l'hôpital Saint-Julien de Saint-Ferdinand d'Halifax sont en grève illégale depuis 33 ou 34 jours maintenant. Sans vouloir engendrer un débat sur le fond, on doit quand même convenir que ces travailleurs et ces travailleuses ne se sont certainement pas placés en situation de grève illégale pour le plaisir de le faire ou pour des questions anodines. Il y a assurément un problème de fond; un problème grave et épineux que le ministère des Affaires sociales devra régler dans les meilleurs délais une fois que la grève sera réglée.

J'aimerais demander au ministre des Affaires sociales s'il est exact que le ministre lui-même, un de ses adjoints ou quelqu'un du ministère a recommandé, en fin de semaine, au conseil d'administration de l'établissement de réintégrer au travail les 25 personnes dont il a approuvé le congédiement et que l'arbitrage, du fait qu'elles soient suspendues et pour une certaine période, soit déterminé après que ces travailleurs et ces travailleuses soient retournés et bel et bien rentrés au travail, malgré la signification d'un congédiement. C'est donc dire que le ministère aurait accepté le principe, qu'il pourrait recommander l'acceptation du principe du statu quo ante plutôt que le congédiement. (14 h 20)

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Laurin: M. le Président, j'ai travaillé intensément au cours des cinq derniers jours à la solution de ce conflit malheureux et injustifié. J'ai le plaisir d'annoncer à la Chambre que ces efforts ont porté fruit et que nous en sommes arrivés à une solution qui a été agréée par les deux parties. Chaque partie a évidemment défendu sa position avec ardeur et conviction. Bien sûr, la solution à laquelle nous sommes parvenus n'agrée pas entièrement aux deux parties, mais elle leur agrée officiellement, et elles l'ont acceptée.

Cette solution repose sur la base que le premier ministre et moi-même avions définie lors de la dernière période des questions,

c'est-à-dire que le gouvernement approuvait les sanctions disciplinaires qui avaient été prises, mais que le gouvernement et le ministre s'engageaient à ce qu'il n'y ait pas de représailles du seul fait de la grève, si les syndiqués retournaient au travail, et deuxièmement, que le ministre des Affaires sociales s'engageait à déléguer un observateur pour la reprise du dialogue en ce qui concerne l'enjeu premier du litige. C'est exactement sur ces bases que la solution a été trouvée. Cette solution, pour la résumer brièvement, pourrait s'exprimer comme suit: Les congédiements sont maintenus, mais leur effet sera suspendu aussi longtemps que le tribunal d'arbitrage, qui aura à se prononcer au cours des 35 ou 40 prochains jours, n'aura pas revu ces cas au mérite. Je pense que c'était là l'objet principal sur lequel pouvaient achopper les discussions mais ce cas a été réglé.

En terminant, évidemment il faut bien dire que cette grève, comme je le disais tout à l'heure, a été malheureuse, injustifiée, hors de proportion avec l'enjeu premier du litige, qu'elle a été aussi stérile, qu'elle a signifié une perte aussi bien pour les bénéficiaires que pour les travailleurs et que ce devrait être le dernier exemple d'une grève pareille dans le monde de la santé.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, lorsque le ministre des Affaires sociales nous indique que le cadre de règlement prévoit que les congédiements sont suspendus, devons-nous comprendre - je voudrais qu'il l'exprime clairement devant cette Chambre - que les travailleurs qui avaient fait l'objet d'un congédiement par la partie patronale, congédiement qui avait d'ailleurs reçu l'aval du Conseil des ministres si on se réfère à la déclaration du premier ministre, le 7 novembre, lorsqu'il disait: Une chose est certaine - c'est le premier ministre qui parlait - c'est que les mesures disciplinaires...

Le Président: Votre question était bien partie mais la citation du texte constitue un préambule qui n'est pas permis.

M. Pagé: ...devons-nous comprendre, M. le Président, de ce que le ministre des Affaires sociales nous répond cet après-midi, que la suspension des congédiements implique que les 25 travailleurs qui avaient été congédiés par l'administration, ce qui avait reçu l'aval et l'acceptation et l'approbation du premier ministre du gouvernement du Québec, vont rentrer au travail avant de recevoir la décision arbitrale à laquelle il se referait premièrement? Deuxièmement, en ce qui concerne le groupe qui aura à juger et à arbitrer est-il exact - la nouvelle a été rendue publique par Télé-Métrépole par la voix du journaliste M. Deblois en ce sens -que Me Jean-Roch Boivin, l'ex-chef de cabinet du premier ministre, M. Lévesque, agirait dans ce groupe qui aura à rendre la sentence arbitrale?

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Laurin: M. le Président, je pense avoir répondu très clairement à la question mais, conformément au vieil adage: bis repetita placent, je vais la répéter: Les congédiements sont maintenus mais leur effet est suspendu jusqu'après audition devant un tribunal d'arbitrage qui aura à rendre ces décisions dans les 30 jours qui suivront sa constitution. Ce tribunal sera présidé par le juge en chef du Tribunal du travail, M. Jean-Paul Geoffroy.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Une question additionnelle au président du Conseil du trésor. Est-ce que le président du Conseil du trésor pourrait nous indiquer si lui ou son groupe, ses fonctionnaires, ses collaborateurs ont eu l'occasion d'évaluer et de mesurer et même de quantifier l'impact d'un tel règlement, c'est-à-dire suspendre le congédiement d'une personne dans la perspective des négociations qui s'ensuivent dans le secteur public, du risque de conflit? Parce que cette approche gouvernementale risque de venir modifier substantiellement l'usage et la coutume en matière de relations du travail.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: M. le Président, je pense qu'il n'y a que le député de Portneuf pour faire un rapport comme celui qu'il fait entre l'effort que nous faisons de réforme du régime de négociations des secteurs public et parapublic et le règlement d'un cas particulier dont il était question.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

Le conflit à la CTCUM

M. Ciaccia: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Travail. Le conflit à la CTCUM dure maintenant depuis 27 jours. On peut tirer certaines conclusions de ce conflit. Premièrement, que la Loi sur les services essentiels a prolongé artificiellement la durée de la grève. Il en est de même des déclarations du premier ministre, des déclarations du ministre. L'inaction du ministre, face aux déclarations des syndicats que nous avons portées à votre

attention, le 1er novembre, en ce sens que les syndicats ne régleraient pas par négociation, l'inaction du ministre a aussi, face à ces déclarations, prolongé la grève. Nous avons porté à l'attention du gouvernement les conséquences pour les Montréalais et depuis le 25 octobre on demande au gouvernement d'agir avec célérité.

M. le Président, je sais que le ministre a parlé de façon informelle avec mon collègue, mais maintenant qu'il a pris connaissance du rapport du comité de médiation, le ministre peut-il nous dire quel geste concret il entend poser et quelle recommandation il va présenter au Conseil des ministres?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, je m'abstiendrai pour le moment de revenir sur les remarques préliminaires du député de Mont-Royal quant à l'impact des services essentiels. Nous aurons très certainement l'occasion d'en rediscuter. Ce que je peux dire à ce stade-ci, c'est que le rapport final du conseil de médiation m'a été soumis hier soir et, à la constatation des conclusions qu'on y retrouve, il nous faut arriver de notre côté à l'autre conclusion qu'il est actuellement impossible d'espérer qu'une convention collective négociée signée par les parties puisse intervenir.

Dans les circonstances, M. le Président, dès demain je soumettrai le dossier au Conseil des ministres, je ferai un état de l'ensemble de la situation et, bien sûr, je recommanderai également un moyen d'arriver à la solution ou à la fin de ce litige. Je ne sais pas si je vais au-devant des questions supplémentaires que le député de Mont-Royal pourrait avoir, mais il est évident qu'à l'intérieur des moyens que nous allons devoir évaluer, il y a bien sûr celui de l'opportunité de déposer et de faire adopter une loi spéciale par l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Si c'est le seul moyen qu'il vous reste maintenant, ne croyez-vous pas que la population a attendu assez longtemps? Quand allez-vous agir, quand allez-vous prendre les mesures nécessaires et quand allez-vous prendre les moyens auxquels vous avez fait référence pour mettre fin à la grève le plus tôt possible?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, voulez-vous me permettre de signaler que depuis que le conflit dure, j'ai toujours cru, de bonne foi, compte tenu des positions respectives des parties, autant dans le dossier de la négociation elle-même que dans le dossier des services essentiels, qu'une entente négociée demeurait possible. Ce n'est qu'hier soir que je suis arrivé à la conclusion ferme, si encore, les positions des parties doivent demeurer ce qu'elles sont au moment où on se parle, qu'une telle entente négociée, quoique souhaitée par celui qui vous parle et par les membres du conseil de médiation, n'est plus possible.

M. le Président, c'est demain que je ferai rapport au Conseil des ministres et on ne va certainement pas me faire le reproche de soumettre l'ensemble du dossier au conseil. C'est à la suite de cette rencontre qu'une décision sera prise et annoncée.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Puisque le ministre savait déjà à la fin d'octobre, par les syndicats, qu'il n'y aurait pas de règlement par négociation, aurait-il, par hasard, laissé traîner le conflit pour le régler le plus près possible de l'échéancier électoral de Saint-Jacques pour tenter d'en retirer un bénéfice partisan sur le dos des Montréalais? Est-ce pour cela que vous n'avez pas agi, que vous avez retardé? (14 h 30)

Le Président: Bien, bien.

M. Ciaccia: ...toutes les mesures que vous auriez dû prendre avant aujourd'hui?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: La raison pour laquelle, M. le Président, le dossier est dans l'état qu'on lui connaît, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer à une question qui m'avait été posée par l'un ou l'autre des collègues d'en face, c'est que je n'ai pas cru utile - je suis, quant à cette évaluation, eh accord avec plusieurs de mes collègues et des membres du conseil de médiation d'utiliser le marteau automatique dont on entend parler souvent en relations du travail depuis un bon moment. J'ai toujours cru, encore une fois, qu'un règlement négocié était possible. Je voulais donner aux parties toute la latitude, toutes les chances et toutes les occasions de pouvoir elles-mêmes régler leur conflit. En aucune espèce de circonstance, le dossier n'a été associé à l'élection partielle du comté de Saint-Jacques.

Le Président: Une question complémentaire, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre du Travail peut nous assurer que les Montréalais et les

Montréalaises ne revivront pas une cinquième fin de semaine sans service de transport en commun et que, en conséquence, au plus tard d'ici quelques jours, ces derniers retrouveront un plein service de transport en commun à toutes les heures de la journée?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, comme je l'ai indiqué il y a un instant, je ferai rapport demain au Conseil des ministres de l'état global et général de la situation. Je ferai également une recommandation. Si cette recommandation était retenue par le Conseil des ministres, l'objectif qui est visé, c'est que le service de transport en commun à Montréal puisse revenir à la normale dès vendredi matin.

Le Président: Question principale, M. le leader de l'Opposition.

Travail présumément partisan d'un fonctionnaire de la CSST

M. Gratton: M. le Président, ma question s'adresse également au ministre du Travail et porte sur le travail partisan d'un fonctionnaire de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Dans le numéro du 9 novembre du journal interne de la commission, le directeur du service des communications, un M. Alain Pontaut, écrit au sujet du projet de loi 42, après avoir résumé le discours de présentation du ministre sur ce projet de loi 42, notamment ce qui suit: "Comme on pouvait s'y attendre, l'exposé du ministre n'a pas impressionné les représentants de l'Opposition, qui ont préféré consacrer une bonne partie de leurs interventions à refaire, généralement sans rapport avec le projet de loi, il faut bien le reconnaître, le procès de la CSST." Plus loin, M. Pontaut écrit: "Le débat continue, dont on peut déplorer qu'il sombre si souvent dans la démagogie au lieu de se maintenir au niveau de l'examen méthodique et élevé où le ministre l'avait placé dans son allocution d'ouverture."

M. le Président, j'entends déjà le ministre me dire qu'il partage le point de vue de M. Pontaut. Je lui accorde volontiers que, dans son rôle de ministre, il est tout à fait normal qu'il tente de justifier le bien-fondé du projet de loi 42. Mais la question que je lui pose, c'est de savoir si un fonctionnaire de la commission peut respecter la Loi sur la fonction publique en écrivant de telles choses, en tenant de tels propos démagogiques, de tels propos partisans. Je veux donc demander au ministre ce qu'il entend faire pour faire en sorte que M. Pontaut freine son enthousiasme à l'égard du ministre et de son projet de loi.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, je me demande si la question m'aurait été posée si l'évaluation de M. Pontaut avait été faite en sens inverse, s'il avait, par exemple, apprécié le travail du ministre dans la discussion de ce projet et l'avait évalué de la même façon qu'il l'a fait, je me demande encore très sérieusement si la question m'aurait été posée.

M. le Président, le député de Gatineau me permettra de prendre connaissance de l'ensemble du document auquel il réfère. S'il me le permettait également, je pourrais, demain, compléter la réponse à la question qu'il me soumet.

Le Président: M. le député de Gatineau, en complémentaire.

M. Gratton: M. le Président, j'accède volontiers à cette demande du ministre. Si on me le permet, j'aimerais déposer, à son intention, de même qu'à celle de l'ensemble des membres, l'original ou, en tout cas, un exemplaire du journal.

Le Président: Y a-t-il consentement au dépôt de ce document? Consentement. Document déposé.

M. Gratton: Question additionnelle, M. le Président. Pourrais-je demander au ministre de nous donner l'assurance que les démarches qu'il entreprendra ne seront aucunement influencées par le fait que le même monsieur Alain Pontaut a joui en 1983 d'un congé de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour rédiger un livre dont le titre est "René Lévesque ou l'idéalisme pratique", une espèce de biographie constituant l'apologie du premier ministre, lequel n'a pas, lui non plus, été jugé comme un chef-d'oeuvre d'objectivité?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, je ne puis, à ce stade-ci, que prendre acte de la question additionnelle et je compléterai la réponse demain.

Le Président: Question principale... Question complémentaire, oui M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je regrette, M. le Président, mais je n'ai pas acheté le livre, je ne peux pas le déposer à l'intention du député.

Le Président: Question principale, M. le député de... J'avais déjà cédé la parole au député de Gaspé. Seul le tintamarre qui régnait dans l'Assemblée l'empêchait de

s'exprimer. M. le député de Gaspé.

Reconstruction du Centre

spécialisé des pêches maritimes de Grande-Rivière

M. Le May: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation. Dans la nuit de dimanche à lundi, le feu détruisait entièrement le Centre spécialisé des pêches maritimes, à Grande-Rivière. 185 étudiants et 35 professeurs essaient actuellement tant bien que mal de chercher une solution temporaire pour leur permettre de terminer l'année. M. le ministre, qu'avez-vous l'intention de faire pour accélérer la reconstruction rapide de ce centre primordial pour la formation de tous les travailleurs et travailleuses de la pêche?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Bérubé: M. le Président, j'ai effectivement appris hier la malheureuse nouvelle concernant cette annexe du collège de Gaspé à Grande-Rivière et la situation très difficile où presque 200 étudiants et professeurs se retrouvent, finalement, sans institution d'enseignement. On m'a dit ce matin qu'il devait y avoir un congé forcé d'une quinzaine de jours pour tenter d'identifier effectivement quels moyens on va prendre pour continuer l'année scolaire et permettre aux étudiants de ne pas perdre leur année.

Cependant, concernant la reconstruction, je peux rassurer le député de Gaspé. J'ai effectivement déjà eu l'occasion de constater que le collège lui-même était assez âgé et qu'il fallait procéder à des réfections d'importance. Déjà, le ministère avait prévu dans sa programmation budgétaire jusque vers 1987 ou 1988 tout près de 4 000 000 $. J'ai demandé qu'on me fasse préparer un décret pour procéder immédiatement à la préparation des devis pour que l'on puisse d'ores et déjà préparer les travaux de réfection ou de reconstruction du collège lui-même. On avait prévu une enveloppe de l'ordre de 4 000 000 $ étalée sur un plus grand nombre d'années. Il va évidemment falloir la comprimer et anticiper ces dépenses. Nous allons également demander aux architectes et aux ingénieurs de procéder à la préparation des plans et devis. J'espère que d'ici peut-être... Il faut quand même compter de 12 à 18 mois avant qu'on puisse avoir effectivement un nouveau collège flambant neuf, prêt à prendre la relève.

Le Président: Question principale, M. le député de Chapleau.

Tenue d'un sommet sur le fer

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. À la fin de la conférence sur les mines de fer qui a eu lieu à Port-Cartier le 29 novembre 1983, le ministre a annoncé pour la troisième fois la tenue d'un sommet sur le fer qui devait avoir lieu au mois d'avril 1984. Lors de l'étude des crédits au printemps, nous apprenions que le sommet était remis à l'automne. Depuis ce temps, la seule action prise par votre gouvernement est la décision concernant SIDBEC-Normines qui a eu pour conséquence la fermeture de la ville de Gagnon. (14 h 40)

Le député de Duplessis, un "backbencher", lui, a fait au moins quelque chose dans le dossier pour la Côte-Nord; il a obtenu une subvention pour le "sex-bar" à Sept-Îles et il était tellement en maudit à cause de l'inaction de votre gouvernement qu'il a menacé de ne plus mettre les pieds à l'Assemblée nationale. Son "boudage" a duré seulement quelques minutes.

Le Président: M. le député, le préambule doit servir à cerner la situation. Si on se fie à Beauchesne, il doit être tout entier contenu dans une seule phrase. Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous avons encore de la difficulté à y arriver dans cette Assemblée. Quoi qu'il en soit, je pense que le temps est venu de poser directement la question au ministre.

M. Kehoe: M. le Président, la question est très facile. Quand allez-vous arrêter de bouder et passer à l'action?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. Excusez.

M. Kehoe: Quand allez-vous annoncer la tenue de la conférence sur les mines de fer, M. le ministre?

Une voix: Une question souillée?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: M. le Président, je me rends compte que notre collègue est parfois inattentif aux travaux de l'Assemblée nationale parce que j'ai répondu en juin dernier qu'il était peu probable que nous réunissions à nouveau la table de fer pour une troisième fois et que, si j'étais à la place du député, je ne gagerais pas fort. Je puis dire aujourd'hui qu'il n'est pas dans nos intentions de réunir la table de fer pour une troisième fois.

Le Président: M. le député d'Outremont, en complémentaire.

M. Fortier: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous confirmer ceci? Dans une entrevue qu'il donnait au Devoir au mois de juin ou juillet, il indiquait qu'une politique sur le fer serait mise de l'avant aussitôt que le problème de SIDBEC serait réglé. Maintenant que ce problème est réglé, pourquoi le ministre nous dit-il que la politique qui pourrait assurer la relance du fer au Québec est remise à plus tard?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: La principale raison, M. le Président, c'est que, lors de la deuxième rencontre de la table de fer, nous avions invité les députés de l'Opposition. Ils étaient présents, bien sûr, et il y avait aussi la règle du huis clos. Je puis vous confirmer que, lorsque l'Opposition était là, l'huis ne fut point clos.

La deuxième chose, c'est que, depuis le règlement de SIDBEC-Normines et même avant ce règlement, nous avons poursuivi nos discussions avec IOC, avec SIDBEC-Normines, avec Québec Cartier, avec IOC sur Wabush et l'utilisation du chemin de fer. Je ne vois pas, pour l'instant, l'utilité de réunir à nouveau cette table. Ce que je dis au député d'Outremont: Bien sûr qu'il y a des éléments d'intervention qui sont à l'étude actuellement, qui engageraient des fonds considérables, si on pense simplement au projet d'électrifier le chemin de fer, mais je ne vois pas, pour l'instant, l'à-propos de réunir à nouveau la table. Je vous donne un exemple: en matière de renégociation de certains contrats avec Hydro-Québec, nous avons pu le faire en dehors de ces rencontres multilatérales autour de cette table. Je pense que nous avons progressé et je crois pouvoir dire aujourd'hui au député d'Outremont que nos stratégies d'intervention sont effectivement à l'étude et il faudra qu'on s'implique davantage, mais je ne suis pas en mesure d'en dire davantage aujourd'hui.

Le Président: Question principale, M. le député de Wesmount.

Recrutement de médecins spécialistes

M. French: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. On sait que les écoles de médecine du Québec font du recrutement à l'échelle mondiale. Mais les contraintes que met le ministère des Affaires sociales, à bon droit, sur l'immigration des médecins afin de contrôler le nombre de médecins, ainsi que les coûts de notre système de santé, viennent empêcher ce recrutement de spécialistes qui sont reconnus pour leur excellence, encore une fois, à l'échelle mondiale. C'est ainsi qu'un certain nombre de recrues potentielles: des Français, des Anglais et des Américains qui ont été recrutés par les écoles de médecine, qui ont accepté ou indiqué leur volonté de venir au Québec, se trouvent devant des délais et des retards qui créent des problèmes et qui nous empêchent d'avoir les meilleurs médecins académiciens ici au Québec, en ce qu'ils doivent avoir un permis de pratique, parce qu'ils ont quand même besoin, malgré leur statut de professeur, de contacts avec les patients. Cependant, le ministère a l'air de traiter tous les médecins immigrés de la même façon. Je voudrais donc demander au ministre, que j'ai sensibilisé à ce problème il y a deux semaines, ce qu'il entend faire pour permettre et faciliter le recrutement de l'excellence pour les écoles de médecine du Québec.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Laurin: M. le Président, je pense qu'il faut dire au départ que le Québec est parmi les provinces ou les pays qui comptent le plus fort ratio médecins-citoyens. Au Canada, nous sommes au premier rang, peut-être au deuxième derrière la Colombie britannique. Les chiffres varient d'une année à l'autre, mais nous sommes quand même parmi les plus élevés au Canada et si on compare la situation du Québec avec les autres pays, le Québec se situe très haut dans le peloton de tête.

La deuxième remarque que j'aimerais faire, c'est qu'il faut penser qu'un médecin, en tant que travailleur professionnel autonome, du fait qu'il est rémunéré à l'acte dans la majorité des cas, génère des coûts très élevés de par le nombre d'actes qu'il peut poser. Il faut sûrement étudier cet angle ou cette dimension autant que les autres dimensions, dont l'une apparaît dans la question du député de Westmount. En tant que gestionnaires responsables, il faut évaluer à son juste mérite cette dimension.

Il y a une troisième remarque que j'aimerais faire, M. le Président. Le Québec est l'un des pays les plus généreux en ce qui concerne l'accueil de médecins immigrants. Au cours des dernières années, c'est le Québec, de toutes les provinces canadiennes, qui a accepté le plus grand nombre de médecins immigrants. Un certain nombre d'entre eux ont été accueillis pour des raisons humanitaires et il leur a été dit, lorsque nous avons accepté leur entrée au Québec, qu'ils étaient acceptés en tant que réfugiés et non pas en tant que médecins susceptibles de pratiquer leur profession dans un avenir rapproché.

Une quatrième remarque, M. le Président. Malgré les trois autres que je

viens de faire, nous avons quand même accepté cette année 30 médecins de plus que ce que le gouvernement avait décidé de faire au cours des années précédentes, justement pour aider à une répartition équitable des médecins, omnipraticiens autant que spécialistes. Je suis bien prêt à considérer avec intérêt et attention la remarque du député de Westmount, mais il faut bien dire que ce sont des cas exceptionnels puisqu'il s'agit de médecins dont la principale fonction serait d'être professeurs dans une faculté. Je ne sache pas, malgré tout, qu'avec l'effort que nous avons fait depuis une cinquantaine d'années dans la production de médecins les plus qualifiés possible, nos facultés de médecine soient à ce point dépourvues qu'elles doivent recourir à une cinquantaine ou une centaine de médecins venant d'autres pays. Chaque cas sera donc examiné au mérite.

Le Président: En complémentaire, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le ministre peut-il nous dire s'il est plus facile, par exemple, pour les médecins qui viennent de certains pays comme la Belgique et la France, de trouver un internat au Québec que pour des médecins qui viennent d'autres pays comme l'Europe de l'Est ou l'Amérique latine? Est-ce qu'il y a une discrimination qui se pratique au niveau de l'acceptation pour l'internat?

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Laurin: M. le Président, le gouvernement se contente de fixer un nombre par année et, une fois ce nombre fixé, il appartient aux organismes du réseau et en particulier aux facultés de médecine, en collaboration avec la Corporation des médecins, de procéder à la sélection ou au triage des médecins. Et c'est juste qu'il en soit ainsi puisque ce sont quand même les facultés de médecine et la corporation également qui sont les plus aptes à mesurer les crédits, les équivalences qu'il faut accorder ou les qualifications de chacun de ces médecins. Je pense qu'il ne serait pas convenable et que cela conduirait à une intervention abusive de l'État si le ministère des Affaires sociales et le gouvernement se mêlaient de cette question qui, de fait, ne relève pas d'eux.

Le Président: En complémentaire, toujours, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le ministre est satisfait, il n'y a pas de discrimination qui se pratique dans ces autres institutions.

Le Président: M. le ministre.

M. Marx: De toute façon, tout cela relève de vous, M. le ministre.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Laurin: On ne me l'a pas signalé, M. le Président, mais le député peut faire son enquête.

Le Président: Question principale, M. le député de Chapleau. (14 h 50)

Recommandations du rapport Robidas

M. Kehoe: Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales. Le 2 octobre, le rapport de la commission Robidas fut rendu public. Parmi les 26 recommandations, il y en a deux qui ont retenu l'attention du ministre, soit la rétrocession à l'Outaouais des territoires qui ont été enlevés et la fusion des villes d'Aylmer, Gatineau et Hull.

À la surprise de tous les intéressés, le ministre a immédiatement annoncé la tenue d'un référendum concernant la fusion. La question de la rétrocession du territoire est encore à l'étude. Nul doute que cette mesure est une diversion pour faire oublier les problèmes créés par le ministre des Transports et le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional. Il est maintenant évident qu'il y a un consensus contre la fusion et même contre la tenue d'un référendum.

Ma question comporte deux volets: Premièrement, quand allez-vous annoncer la décision concernant la rétrocession du territoire? Deuxièmement, allez-vous dépenser des fonds publics pour un référendum qui n'est pas demandé par personne de la région et dont le résultat est déjà connu?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Marcoux: M. le Président, j'avais indiqué dans mes premiers commentaires, à la suite de la publication du rapport Robidas, qu'en ce qui concernait le découpage territorial, je prendrais environ un mois pour examiner ces recommandations. Je considérais que c'était un délai normal étant donné que le rapport Robidas proposait des changements importants dans les décisions prises antérieurement par le Conseil des ministres. Ce qui a ajouté peut-être un délai supplémentaire d'environ quinze jours, c'est le fait qu'à la fois des groupes de la MRC de la Vallée-de-l'Or et des groupes de la MRC d'Antoine-Labelle ont sollicité d'être entendus de ma part pour réagir à la suite

des recommandations du rapport Robidas.

Or, dans les quelques semaines qui viennent, je compte faire une recommandation au Conseil des ministres concernant l'ensemble des recommandations faites par le rapport Robidas et qui impliquent le découpage des municipalités régionales de comté de l'Outaouais, de la Vallée-de-l'Or et d'Antoine-Labelle.

En ce qui concerne le deuxième aspect de votre question, je crois que vous ne pouvez blâmer le ministre des Affaires municipales d'avoir indiqué que nous étions d'accord sur la recommandation du rapport Robidas dans le sens que les villes d'Aylmer, Hull et Gatineau devraient fusionner pour devenir la métropole de l'Outaouais, pourvu que cette décision de fusion se fasse à la suite d'une consultation de l'ensemble des citoyens de ces trois villes qui décideraient, en somme, du bien-fondé de cette recommandation. J'ai indiqué à ce moment-là que le gouvernement était favorable à cette recommandation.

Je crois qu'il était normal d'essayer de donner les meilleures suites possible à l'ensemble du rapport de la commission Robidas.

Le Président: M. le député de Chapleau, sur une question complémentaire.

M. Kehoe: M. le ministre, maintenant que vous savez que les conseils des villes de Gatineau, Hull et Aylmer se sont tous les trois prononcés contre la fusion possible, est-ce que vous insistez encore pour dépenser des fonds publics sur la tenue d'un référendum quand vous savez déjà que, non seulement les élus, mais aussi toute la population de la région est contre la fusion?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Marcoux: Jusqu'à maintenant, je n'ai pas changé d'idée sur l'opportunité de tenir une telle consultation populaire sur le projet de fusion des trois villes de l'Outaouais. Mais il est évident que je vais porter la plus grande attention possible aux recommandations, aux critiques, aux commentaires qui sont faits par tous les groupes du milieu, y compris par la population des villes de Hull, Aylmer et Gatineau, avant de proposer une recommandation finale au Conseil des ministres.

M. Kehoe: Question complémentaire, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Si vous insistez pour procéder par référendum contre le gré des municipalités concernées, est-ce que je comprends bien que ce sera la province qui paiera le coût de ce référendum, lequel devrait s'élever à environ 250 000 $?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Marcoux: M. le Président, c'est une question hypothétique; je répondrai donc lorsque le problème se posera. Mais je peux dire, quant au principe, qu'il est évident que, si c'est le gouvernement qui décide de la tenue d'un référendum pour ces trois villes, qu'il devra assumer une très large part des coûts, à mon sens.

Le Président: Question complémentaire, M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bordeleau: Oui, M. le Président. Concernant le découpage que le ministre des Affaires municipales se propose de déposer au Conseil des ministres pour approbation, est-ce que je peux avoir l'assurance que le ministre tiendra vraiment compte des revendications de la MRC Vallée-de-l'Or qui considère qu'une partie du territoire de la réserve de La Vérendrye fait partie intégrante de son territoire?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Marcoux: Je peux assurer le député d'Abitibi-Est que je vais tenir compte des représentations qui m'ont été faites lors de mon passage à la MRC de la Vallée-de-1'Or, à Val-d'Or, il y a quinze jours, et des représentations faites par la municipalité régionale de comté, les autres groupes, les usines, les comités des autres municipalités régionales de comté de l'Abitibi. Je suis convaincu que le député comprendra que je dois tenir compte de l'ensemble des points de vue qui m'ont été soumis par les gens de la MRC Antoine-Labelle, par les différentes MRC de Papineau, de Gatineau et de Pontiac ainsi que par celle de la Vallée-de-l'Or. J'ai déjà indiqué que j'étais convaincu que la recommandation que je ferais au Conseil des ministres ne pourrait entraîner l'unanimité, mais que j'essaierais de faire une recommandation qui soit la plus juste, la plus équitable et la plus respectable possible.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Est-ce que le ministre peut confirmer qu'il a terminé les consultations, tant auprès des instances locales ou régionales en Abitibi, dans les Laurentides que dans l'Outaouais? Le cas échéant, est-ce que le ministre peut nous assurer que, quelle

que soit la décision à laquelle il en viendra par rapport à la fusion et à la tenue ou non d'un référendum sur la fusion des trois villes d'Aylmer, de Hull et de Gatineau, cela n'aura aucun effet, ne retardera en rien sa décision quant à la rétrocession des terrains ou des territoires à l'Outaouais?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Marcoux: En ce qui me concerne, il n'y a aucun rapport entre les deux recommandations de la commission Robidas dans l'analyse que je peux faire du dossier ou de son évolution. Je peux vous assurer qu'en termes de temps, je consacre actuellement prioritairement mon temps à préparer ma recommandation au Conseil des ministres en ce qui concerne le découpage des municipalités régionales de comté; deuxièmement, à préparer la révision des mandats et des lois concernant la Société d'aménagement de l'Outaouais. Ma troisième priorité sera de compléter ma réflexion concernant le référendum proposé par la commission Robidas.

Le Président: Question principale, M. le député de Richmond.

Les subventions pour l'amélioration des routes municipales

M. Vallières: M. le Président, ma question s'adressera au ministre des Transports. Mardi dernier, en cette Chambre, il déclarait en substance à une question que je lui posais qu'il avait permis au député péquiste d'Arthabaska de distribuer des subventions pour l'amélioration du réseau routier municipal à certaines municipalités situées dans le comté de Richmond. Le ministre a justifié sa position. Est-ce qu'il pourrait nous indiquer s'il considère que son argument tient dans le comté de Richmond alors que la mince enveloppe budgétaire qu'il a mise à ma disposition a été distribuée à quelque 32 municipalités sur un total de 34 et alors que 2 municipalités n'ont pu identifier de besoins particuliers? Quel argument vous reste-t-il pour justifier vos petites "gimmicks" de politicien patroneux...

Le Président: M. le député, je réitère que je ne vois pas l'utilité des remarques désobligeantes à caractère personnel dans l'argumentation des députés en cette Chambre. Je vous prie de retirer les propos antiparlementaires qui ont caractérisé la fin de votre question.

M. Vallières: M. le Président, j'ai tout simplement demandé au ministre... J'ai fait rapport de ses propos, de ce...

Le Président: Veuillez retirer vos paroles, M. le député.

M. Vallières: M. le Président, j'aimerais que vous puissiez les identifier de façon précise parce que je n'en vois pas, personnellement, qui porteraient préjudice...

Le Président: M. le député, je vous rappelle à l'ordre une première fois. Vous savez très bien par quels mots vous avez terminé votre question. J'imagine que vous ne les avez pas utilisés d'une manière légère et, par conséquent, je vous invite à les retirer sans autre commentaire.

M. Vallières: M. le Président, je voudrais savoir s'il s'agit des mots "politicien patroneux" que j'ai employés et que vous voulez que je retire.

Le Président: M. le député, veuillez retirer vos paroles sans le moindre commentaire sinon je vais passer à une autre question principale.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député.

M. Gratton: Je vous avoue, M. le Président, que je comprends mal qu'on exige de mon collègue de Richmond de retirer des paroles qu'on entend presque à longueur de journée ici, à l'Assemblée nationale. Dieu sait que cela s'applique aux gens d'en face en particulier! (15 heures)

Le Président: Je vous renvoie encore une fois - je vais vous laisser trouver l'article - à l'ancien règlement Geoffrion, à la très longue nomenclature qu'il fait de ce genre de propos qui sont carrément interdits et qui, par surcroît, me semble-t-il, ne contribuent absolument pas, mais c'est une autre question, à la bonne tenue des propos de la Chambre.

Il y a cependant un usage en cette Chambre et dans les Parlements quant à ce genre de propos inutilement blessants et ils sont interdits parce que c'est antiparlementaire. Je ne vois pas pourquoi on insiste absolument pour utiliser des termes antiparlementaires alors qu'on sait très bien qu'ils le sont ou, alors, on devrait le savoir.

M. le député de Richmond.

M. Vallières: Si je comprends bien, M. le Président, c'est la dernière partie de ma question que vous voulez que je retire.

Le Président: C'est exact.

M. Vallières: Là où je parlais de...

Le Président: M. le député de Richmond, je vous rappelle à l'ordre une deuxième fois! Et de deux! Ou bien vous obtempérez à l'ordre que je vous donne ou je vous rappellerai à l'ordre une troisième fois et vous perdrez votre droit de parole pour le reste de la journée.

M. Vallières: Afin de garder mon droit de parole, M. le Président, il me fait plaisir de retirer les paroles que vous jugez antiparlementaires.

Le Président: Bien!

M. le ministre des Transports.

M. Vallières: Je compléterai cependant ma question.

Le Président: Votre question était complète.

M. le ministre des Transports.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président: Oui, M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Gratton: Est-ce qu'on pourrait au moins laisser au député de Richmond le soin de juger si sa question était complète ou pas?

Le Président: M. le député de Richmond avait terminé sa question par ces propos.

À l'ordre! À l'ordre! Je suis capable de rendre mes décisions moi-même; merci. Il avait terminé sa question et c'était au ministre à répondre. Je lui ai demandé, et j'ai eu à tout le moins quelques difficultés, ce qui est anormal, de retirer les propos antiparlementaires qui caractérisaient la toute fin de sa question à l'issue de laquelle il s'était assis pour entendre la réponse du ministre des Transports. Je laisse donc au ministre des Transports le soin de répondre à la question.

M. Gratton: Sur la question de règlement, j'aimerais tout simplement vous faire remarquer, M. le Président, que, si on demande au député de retrancher la fin de sa question, il faudrait quand même qu'il la termine d'une autre façon.

Deuxièmement, est-ce que vous pouvez au moins nous assurer que le député de Richmond aura droit à une question additionnelle compte tenu du moment où elle est posée?

Le Président: Non, je ne peux absolument pas vous assurer la deuxième partie vue que j'ai eu de la difficulté à lui faire retirer ses paroles.

M. le ministre des Transports.

M. Léonard: Je suis tout à fait d'accord avec vous que ce genre de langage ne devrait pas être utilisé ici.

J'ai eu l'occasion d'indiquer, la semaine dernière, les critères que nous avions lorsque nous distribuions ce type de subvention, en particulier l'étendue du comté, le nombre de municipalités, l'état des routes dans ce comté, etc. Il est évident, comme je le disais à l'époque, que si des routes ont été faites et entretenues dans un comté depuis 300 ans alors que, dans d'autres comtés, elles ont été faites depuis seulement 50 ans, elles ne sont pas nécessairement dans le même état. Nous en jugeons donc dans cette optique. Je pense que cela a été la façon de faire depuis longtemps de la part des gouvernements du Québec.

Par ailleurs, au début de l'année ou après l'adoption du budget, nous distribuons une certaine enveloppe aux députés qui communiquent eux-mêmes avec leur maire, leur municipalité, pour discuter des budgets, des sommes qui leur sont allouées. En même temps, il y a aussi des demandes qui parviennent directement au ministre des Transports et c'est dans cette optique que nous distribuons ces fonds.

Je sais qu'on peut dire n'importe quoi en face. Toutes sortes de situations se présentent. J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, d'indiquer à l'Assemblée nationale que justement, dans des comtés, des municipalités n'ont jamais de subventions et que c'est le ministre lui-même qui est obligé d'en envoyer dans cesdits comtés. M. le député de Gatineau sait très bien de quoi je parle parce qu'il l'a fait lui-même.

M. Gratton: Question complémentaire.

M. Vallières: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Non, M. le député, la période des questions est terminée.

M. Gratton: M. le Président, vous ne m'avez pas demandé de retirer quelque chose, moi. Question complémentaire.

Le Président: Je me félicite en effet de ne pas avoir eu à vous le demander, mais la période des questions se terminait à 15 h 3 et il est 15 h 5.

Aux motions sans préavis, M. le président du Conseil du trésor.

Semaine d'appréciation de la jeunesse québécoise

M. Michel Clair

M. Clair: Je sollicite le consentement de cette Chambre pour que celle-ci se saisisse de la motion suivante: "De proclamer

dorénavant et tant qu'il y aura des clubs Optimistes au Québec, la deuxième semaine de novembre, semaine d'appréciation de la jeunesse québécoise et ce, dans toutes les villes, villages et localités du Québec.

Est-ce qu'il y a consentement, M. le Président?

Une voix: Consentement.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à la discussion d'une telle motion?

Des voix: Oui.

Le Président: II y a consentement. M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: M. le Président, avant de parler sur la motion, j'aimerais dire qu'elle a été proposée par le président de la Semaine d'appréciation de la jeunesse des clubs Optimistes du Québec qui m'a demandé de la parrainer au nom des députés de l'Assemblée nationale. J'aimerais faire lecture des attendus qui la précèdent, donc du texte lui-même qui a été suggéré par les clubs Optimistes du Québec. "Attendu que la grande majorité des jeunes sont intéressés, intelligents et des citoyens responsables; "Attendu que les efforts et les accomplissements de ces jeunes citoyens et citoyennes méritent la reconnaissance et l'éloge de leurs aînés et de leurs gouvernants; "Attendu que, depuis 1954, l'Optimiste international a développé et encouragé la mise en oeuvre d'un programme intitulé "Semaine d'appréciation de notre jeunesse"; "Attendu que les buts de cette semaine ont caractère permanent et constant et qu'ils correspondent aux intérêts de la jeunesse québécoise ainsi qu'à ceux de l'ensemble de la population; "Attendu que les citoyens et citoyennes du Québec ont décidé de se joindre aux Optimistes du Québec, du Canada et de l'Amérique pour exprimer leur appréciation et leur approbation des contributions de la jeunesse; "Attendu que l'Année internationale de la jeunesse nous fournit l'occasion particulière d'apprécier notre jeunesse; "II est donc proposé que, dorénavant et tant et aussi longtemps qu'il y aura des clubs Optimistes au Québec, la deuxième semaine du mois de novembre soit proclamée Semaine d'appréciation de notre jeunesse sur tout le territoire du Québec."

J'aimerais rappeler simplement, M. le Président, que l'an dernier, mon collègue, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, avait proposé une résolution semblable qui ne faisait pas référence, cependant, au fait que les clubs Optimistes du Québec et de l'Amérique du Nord au complet tiennent depuis 30 ans une telle Semaine d'appréciation de la jeunesse québécoise. C'est la raison pour laquelle cette année nous sommes appelés à adopter à nouveau cette résolution et d'en lier la tenue, à chaque année, à la présence des clubs Optimistes au Québec.

Cette semaine se tient, cette année, du 10 au 17 novembre et il me fait plaisir de souligner que les clubs Optimistes ont choisi en même temps d'en confier le haut patronage à Mme Sylvie Bernier, qui nous a fait honneur aux Jeux olympiques cette année, qui a été un modèle non seulement de courage et de ténacité, mais aussi un modèle de dépassement pour tous les jeunes hommes et jeunes filles du Québec.

Je pense que c'est l'occasion pour nous, cette Semaine d'appréciation de la jeunesse québécoise, de souligner précisément l'excellente contribution de la jeunesse québécoise au développement de toute notre société.

Je termine en disant qu'à l'aube de l'Année internationale de la jeunesse, je souhaite que l'ensemble de la société québécoise ne se contente pas d'apprécier le travail, la contribution et le dévouement de la jeunesse québécoise seulement à l'occasion de cette Semaine d'appréciation, mais que toute l'année 1985 soit une année d'appréciation de la jeunesse québécoise car l'une des difficultés les plus importantes qu'éprouve notre jeunesse, comme la jeunesse de tout le monde occidental, c'est précisément ces préjugés et ce manque d'appréciation du monde adulte à l'égard de la contribution de la jeunesse québécoise au développement de notre société. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. L'initiative que prennent les clubs Optimistes du Québec et de tout le Canada de déclarer la présente semaine Semaine d'appréciation de la jeunesse québécoise emporte l'adhésion de tout le monde, y compris celle des membres de l'Opposition à l'Assemblée nationale. Nous sommes entièrement d'accord sur le fait que nous ne manifestons pas suffisamment le degré d'appréciation que nous devrions manifester à l'égard de la jeunesse pour tout ce qu'elle fait dans des circonstances extrêmement difficiles en ayant à surmonter des obstacles que nous n'avons, très souvent, nous-mêmes1 pas connus. Il est malheureux, il faut le souligner, que nous devions nous rabattre sur une semaine pour souligner ce genre d'appréciation.

(15 h 10)

Les clubs Optimistes regroupent, comme on le sait, 25 000 membres. Il y a 700 clubs Optimistes au Québec. Il y a, depuis 30 ans, une Semaine d'appréciation de la jeunesse québécoise qui est parrainée par les clubs Optimistes. Il y a des concours internationaux qui ont lieu. L'an dernier, à titre d'exemple, le concours international pour un essai littéraire était gagné par une jeune beauceronne, Mlle Caroline Labbé de Saint-Georges-Ouest, qui remportait, au niveau international, le prix du meilleur essai présenté en Amérique au niveau des États-Unis, du Québec et du Canada tout entier. C'est donc dire, M. le Président, que les jeunes ont droit à notre admiration, à nos félicitations pour ce qu'ils réussissent à faire.

Je voudrais souligner ici le travail splendide et le modèle que constitue Mlle Sylvie Bernier, qui a réussi à mettre ce sport magnifique qu'est le plongeon olympique sur la carte en décrochant une médaille d'or aux derniers Jeux olympiques de San Francisco.

Je regrette cependant, M. le Président, que cette semaine d'appréciation de la jeunesse se situe encore dans la ligne à laquelle le gouvernement nous a habitués depuis de nombreuses années, c'est-à-dire de la parlote, des symposiums, des colloques, de l'animation, des sommets, des tables rondes, etc.

En déplorant ce fait, M. le Président, je ne fais que reprendre ce qui a été écrit dernièrement dans le journal Le Soleil. Très souvent, on nous reproche, nous les parlementaires libéraux, d'avoir des idées négatives à l'égard du gouvernement.

Cependant, il arrive que des personnes en position de neutralité aient à faire connaître d'une façon particulièrement percutante leurs idées sur les actions gouvernementales. Vous me permettrez, M. le Président, dans le cadre de cette motion, pour attirer l'attention de la population sur les nombreuses lacunes très sérieuses dont fait preuve le gouvernement en ce qui concerne les gestes et les actions concrètes qu'il devrait poser à l'égard de la jeunesse, de vous lire un paragraphe seulement de ce qu'écrivait le 28 octobre M. Roger Bellefeuille, dans un éditorial du Soleil intitulé: "De l'action par la parlote": "Faute de mieux, les Québécois, dont les jeunes, seront conviés à beaucoup de séances de parlote au cours des prochains mois. Dans une évidente stratégie de visibilité préélectorale et de verbeux camouflage, le gouvernement annonce, en effet, une série de consultations populaires qui devraient toutes, mais cela est moins sûr, déboucher sur des plans d'action concrets dans divers secteurs: famille, habitation, emploi des jeunes, entre autres croisades pour le moment du moins". "Voilà qu'elle apprenait cette semaine qu'il dit ici que c'est par l'entremise de symposiums qui se tiendront de novembre 1984 à mai 1985 que le Secrétariat québécois à la jeunesse entend "favoriser l'accès des jeunes à l'emploi". Il continue en disant: Une farce de mauvais aloi quoi.

C'est M. Roger Bellefeuille qui s'exprime et qui reprend en gros l'argumentation que nous avons eu l'occasion de développer en cette Chambre. C'est qu'il n'est pas assez de prononcer des paroles d'appréciation à l'égard de la jeunesse. Quand on est au gouvernement il faut agir et le moment est venu d'agir. Le temps des tables rondes, le temps des sommets, le temps des colloques, le temps des symposiums est terminé, c'est fini.

Je rencontrais, lundi dernier, au Cégep de Sainte-Foy, l'association étudiante du Cégep de Sainte-Foy et tous les jeunes qui se sont déplacés pour venir me rencontrer au Cégep de Sainte-Foy m'ont dit: "Nous déplorons que le gouvernement tente encore de nous récupérer et de nous utiliser politiquement, qu'on tente de nous embrigader malgré nous dans des parlotes à n'en plus finir, dans de supposées consultations, dans des tables rondes, dans des sommets, dans des symposiums.

Cela dure depuis des années et les jeunes en ont soupé. Le ministre responsable cette année prend la charge de se lever et de proposer ce qu'il ne faisait pas. L'an dernier, c'est drôle, la jeunesse n'était pas assez importante pour que ce soit un ministre qui se lève pour proposer pareille semaine à l'Assemblée nationale; c'était un simple député, un "back-bencher", le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue qui le faisait. Cette année, ce n'est pas drôle! On a décidé de mettre la jeunesse en évidence et de la flatter sur le sens du poil.

Les jeunes ne seront pas dupes, M. le ministre. Les jeunes ne seront pas dupes de vos manoeuvres, parce qu'ils veulent autre chose que cela. Ils veulent autre chose que les 14 000 000 $ que vous allez dépenser comme cela à gogo pour leur faire accroire que la parole suffit pour les jeunes.

Cette histoire a assez duré et il faut qu'on s'aperçoive, M. le Président, que les jeunes ne sont pas d'accord avec cela. Je vois le ministre qui s'énerve et qui tente de se moquer de ce que je dis. En se moquant de ce que je dis, il se moque des jeunes parce que je répète ce que les jeunes m'ont dit. Ils sont habitués, mais ils commencent à en avoir marre de vos moqueries. Vous ne vous moquerez pas indéfiniment de la jeunesse tel que vous le faites. Ce n'est pas demain que, de la part de la jeunesse, vous aurez une motion d'appréciation à votre égard. Vous aurez beau faire toutes les motions d'appréciation que vous voudrez envers la jeunesse, celle-ci n'est pas prête à

faire à votre égard des motions d'appréciation. C'est regrettable d'être obligé de dire des choses aussi dures, aussi sévères, mais la situation est grave et le gouvernement tente d'endormir et d'hypnotiser les jeunes.

C'est notre devoir de dénoncer ses manoeuvres bassement électorales qui ne visent qu'à récupérer, à la veille d'une élection perdue d'avance, si vous voulez mon idée et si vous voulez l'idée des jeunes qui m'ont rencontrés lundi, des jeunes qui veulent travailler, qui veulent gagner leur vie et qui veulent pouvoir s'épanouir comme nous, nous avons eu la chance de le faire beaucoup plus facilement.

Je souhaite que les jeunes nous fassent l'honneur, nous du Parti libéral, de pouvoir leur permettre de se réaliser, de pouvoir leur permettre de s'épanouir, de pouvoir leur permettre de leur donner les outils dont ils ont besoin pour atteindre au degré d'excellence auquel ils sont capables. C'est ce que je souhaite de tout mon coeur et je suis convaincu qu'ensemble nous pouvons le faire.

Le Président: M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci. Quand j'entendais le député de Louis-Hébert accuser le gouvernement finalement de vouloir récupérer la jeunesse, j'avais le goût de dire aux jeunes qui nous écoutent que les femmes et les hommes politiques qui sont ici dans cette Chambre, les deux partis qui sont ici représentés, de part et d'autre et avec, j'ai l'impression, la même vigueur, souhaitent que lors des prochaines élections ces jeunes leur fassent confiance à eux plutôt qu'aux autres. Or, de part et d'autre, parce qu'on est dans un système qui veut cela, on est évidemment coupables, comme personnes politiques, de vouloir que, lors des prochaines élections, les jeunes nous appuient plutôt que d'appuyer le parti adverse. C'est évident. Je pense que les jeunes qui nous écoutent ne sont pas naïfs. Ils vont juger les femmes et les hommes politiques et les deux partis en cause qui, dans les deux cas, ont peut-être des intentions démocratiques de récupération, à la fois sur des idées, sur des actions et sur des engagements. Ne vous inquiétez pas pour les jeunes. Ils sont capables de faire les différences et ce n'est pas un discours comme on vient d'entendre qui va les énerver et les inciter, à un moment donné, à se brancher d'un bord ou de l'autre.

À cet égard, il y a une chose qu'il faut dire clairement à l'ensemble de la population quand on entend ce genre de propos. Il faut le dire aux jeunes, en particulier. C'est simpliste, c'est extrêmement simpliste que de penser que le temps des colloques, le temps des sommets, le temps de la concertation est terminé. C'est, d'une certaine façon, je ne dirais pas malhonnête, mais presque, parce qu'on laisserait entendre de cette façon qu'il y a un certain nombre de solutions qui n'impliquent plus et qui n'impliquent pas actuellement que des syndicats, que des patrons, que des gouvernants, que des dirigeants municipaux, que des dirigeants d'organismes dans notre société acceptent, premièrement, de s'asseoir et de renoncer à certains acquis, de revoir les choses qu'ils ont actuellement en leur possession.

Si on pense qu'on peut apporter des solutions efficaces aux problèmes des jeunes en imposant actuellement des solutions au patronat, au monde syndical, aux dirigeants municipaux et à l'ensemble des gens qui ont des responsabilités dans notre société, il faut vraiment soit n'avoir rien compris, soit s'imaginer que les jeunes ne comprennent rien. Peut-être que, désireux d'avoir plus d'emplois, désireux de voir qu'un certain nombre de problèmes soient résolus plus rapidement parce qu'ils vivent dans une situation difficile, c'est évident que le premier réflexe de n'importe quelle personne dans cette situation va être de dire: écoutez, j'en ai assez des parlotes, je voudrais qu'on passe à l'action. Mais on n'est pas responsables comme politiciens, comme personnes politiques, et on dévalue la chose politique et la fonction politique en laissant croire à des jeunes que des solutions vont pouvoir être imposées sans qu'il y ait de parlote, de discussions et de sommets à cette étape-ci de notre société et devant les problèmes de la jeunesse auxquels on a à faire face. Je pense, M. le Président, que c'est sous-estimer gravement et d'une façon scandalisante le potentiel et la capacité de jugement des jeunes dans notre société. (15 h 20)

On se lève pour faire un discours de cette nature à l'occasion de la présentation d'une motion qui veut faire en sorte qu'au Québec, dorénavant, comme ailleurs en Amérique du Nord, on officialise une semaine d'appréciation de la jeunesse, mais on se comporte dans ce discours comme si les gens n'étaient pas capables d'apprécier les choses, comme s'ils n'étaient pas capables de faire des nuances et des distinctions. À mon avis, ce n'est pas une très bonne façon d'apprécier la jeunesse. Si on apprécie la jeunesse, on la traite comme des personnes responsables qui sont capables de faire des nuances et, autant que les adultes et les politiciens, de voir la complexité des choses. C'est peut-être plus facile que d'utiliser le raccourci de la démagogie, car on est aussi coupable que le gouvernement de vouloir, bien sûr, le vote des jeunes aux prochaines élections. Mais lorsqu'on veut autre chose et non pas uniquement cela, on doit être capable de

regarder les problèmes et d'engager des discussions avec les jeunes et avec des partenaires de notre société qui font appel à la complexité des choses.

M. le Président, je termine en disant que, dans mon comté - je lisais encore hier l'hebdo régional le plus important de mon comté où on parlait de la semaine organisée par les clubs Optimistes de notre région; je me rappelle y avoir participé d'une façon particulière l'an dernier - ce que je constate, c'est qu'année après année, cette semaine, dans nos milieux respectifs, en est une de tremplin, de découvertes. On découvre des potentiels et on permet à des jeunes d'aller plus loin dans leur communauté, de se faire connaître. Mais je voudrais, à l'occasion de la présentation de cette motion qui va faire en sorte que, dorénavant, année après année, de façon officielle, on souligne notre appréciation à la jeunesse, faire appel aux clubs Optimistes qui sont les organisateurs et les animateurs de cette semaine afin qu'ils fassent plus d'efforts qu'ils n'en ont fait jusqu'à maintenant - je sais qu'ils sont capables de les faire - pour aller rejoindre les jeunes qui sont ignorés lors de cette semaine et qui, souvent, s'ignorent eux-mêmes, qui ignorent leur potentiel, leurs capacités, qui ne s'apprécient pas eux-mêmes et qui sont laissés pour compte par les différents organismes. C'est souvent plus facile de faire appel aux leaders naturels dans nos milieux respectifs. C'est souvent plus facile d'organiser des activités qui, évidemment, vont rejoindre les plus dynamiques dans nos écoles et dans nos milieux de jeunes. Je pense que cela va demander plus d'imagination, plus d'efforts, plus d'énergie, mais on doit aussi le faire pour rejoindre les jeunes qui ne se sentent pas concernés par cette semaine, qui ne se sont jamais sentis concernés et qui risquent de ne pas se sentir concernés, parce qu'on ne fera pas ce qu'il faut pour les intéresser et pour faire en sorte qu'ils constatent, face aux adultes, qu'ils ont du potentiel et qu'ils sont capables, comme les plus brillants, comme les plus dynamiques, comme les plus habiles, de trouver leur chemin et d'apporter une contribution dans leur communauté et à l'ensemble de la société québécoise.

C'est ce que je voulais dire à l'occasion de la présentation de cette motion que j'appuie sans réserve, M. le Président.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, je veux simplement appuyer mon collègue de Louis-Hébert et l'essentiel de la motion du ministre pour signifier... Je viens d'entendre le député démissionnaire du Secrétariat à la jeunesse. Je ne sais pas s'il vient faire l'apologie de son échec par ses propos, mais de toute façon, M. le Président, c'est assez secondaire. Je pense que ce qu'il faut reconnaître, c'est davantage les mérites du club Optimiste et ceux de Mlle Sylvie Bernier et profiter de cette occasion pour simplement sensibiliser l'ensemble des collègues à cette Assemblée à l'urgence tout à fait prioritaire pour tous les parlementaires de se sensibiliser à l'action que l'on doit entreprendre pour les jeunes.

Indépendamment des affrontements partisans qui peuvent survenir à l'occasion, je pense que mon collègue de Louis-Hébert l'a magnifiquement souligné, au fond, le message qu'il a adressé au ministre et au gouvernement, c'est que la jeunesse du Québec indique au gouvernement son retard à agir dans le domaine de la création d'emplois, l'inefficacité plus que relative des initiatives tardives que le gouvernement a prises. Je pense que c'est un fait, un fait d'ailleurs que la précipation quasi préélectorale que le gouvernement met à s'occuper du dossier de la jeunesse témoigne justement de cet échec antérieur. Sans égard à ces considérations, je pense que l'important c'est qu'on agisse et qu'on agisse par autre chose que simplement des réunions sectorielles. Dans le Soleil - ce n'est pas l'Opposition non plus que le député de Louis-Hébert qui a indiqué cela - il y a un éditorial de la part de M. Bellefeuille qui a qualifié l'action du gouvernement de parlote. L'expression vient d'un éditorial du Soleil, le 28 octobre 1984, c'est tout récent. M. le Président, c'est dans ce sens que j'interviens, en insistant auprès du gouvernement, en l'incitant à agir même s'il est tard - il vaut mieux agir tard que de ne pas agir du tout -et à faire des choses pour la jeunesse parce que cela s'impose actuellement dans la société québécoise.

Le Président: M. le député de Dubuc. M. Hubert Desbiens

M. Desbiens: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de joindre mon accord à la proposition du ministre responsable de l'Année internationale de la jeunesse qui a officialisé la semaine Optimiste qui se répète d'année en année et qui se veut une semaine d'appréciation de la jeunesse québécoise. Évidemment, M. le Président, apprécier la jeunesse québécoise c'est en apprécier les qualités: qualités d'intelligence qu'a d'ailleurs fait ressortir par son envolée le député de Jean-Talon, qualités aussi de vérité et de fraîcheur de la jeunesse québécoise. Que ce soit le club Optimiste qui joigne justement son action à celle de la jeunesse cela me paraît tout à fait adéquat.

M. le Président, par la même occasion,

justement, je profiterai de la présence d'un groupe de jeunes du comté de Dubuc, de la ville de La Baie, qui sont ici présents, pour leur souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale. Je salue Sonia, Marie-Claude, Stéphane, Christine, Caroline, Sylvain, Yannick, Michel et probablement Chantale et Patrice qui sont quelque part au-dessus de ma tête, ici, justement dans le cadre de cette semaine Optimiste, en collaboration avec la Maison des jeunes de la ville de La Baie. M. le ministre, j'appuie entièrement votre proposition. Merci, M. le Président.

Le Président: En réplique, M. le président du Conseil du trésor.

M. Michel Clair (réplique)

M. Clair: M. le Président, en réplique, j'aimerais également, en mon nom personnel et au nom des collègues gouvernementaux, saluer la dizaine de jeunes du comté de Dubuc, les jeunes Saguenéens qui sont présents dans les galeries cet après-midi.

Je dois dire que je regrette beaucoup le comportement et l'attitude très agressive du député de Louis-Hébert, en particulier, et un peu aussi celle du député de Jean-Talon.

Pour moi, aujourd'hui, il s'agissait de parrainer une motion visant à souligner la semaine d'appréciation de notre jeunesse. Je pense que ce thème de l'appréciation de la jeunesse québécoise a malheureusement occupé très peu de place dans les deux interventions que nous avons entendues en face de nous. En effet, en ce qui concerne le député de Louis-Hébert, il s'est plutôt lancé dans une attaque à fond de train, comme lui seul en a le secret, contre le gouvernement, ses politiques en matière de jeunesse, etc. Nous avons souvent l'occasion de discuter de ces questions dans le climat de confrontation qui, malheureusement, marque trop souvent nos travaux. Quant à moi, j'aurais souhaité que cette motion soit adoptée unanimement par l'Assemblée nationale et, je dirais, un peu au-delà de la partisanerie politique. Quand les responsables du club Optimiste ont écrit au whip en chef du gouvernement pour lui demander qu'un ministre ou un député parraine cette motion, j'ai la certitude que ceux-ci souhaitaient que le débat porte principalement sur l'appréciation de notre jeunesse et non pas sur des propos un peu durs du gouvernement à l'égard de l'Opposition ou vice versa. (15 h 30)

M. le Président, il me semble, quant à moi, que s'il est une chose que notre jeunesse souhaite, c'est bel et bien que l'on discute, au-delà des lignes de parti, au-delà de la partisanerie politique, de la place que les jeunes occupent dans notre société; qu'on soit capables, au moins une fois par année, au-delà de la ligne de parti, au-delà des débats contradictoires qui marquent trop souvent nos travaux, de souligner, dis-je, simplement l'appréciation que nous avons pour notre jeunesse.

M. le Président, je regrette quant à moi que cette motion ait été reçue d'une manière partisane par le député de Louis-Hébert. Je ne le souhaitais pas. Je pense que le député de Jean-Talon a eu une attitude un peu plus positive quoique encore, en ce qui le concerne, si on regarde le temps qu'il a pris pour témoigner de son appréciation personnelle et de celle de sa formation politique de ce que fait la jeunesse québécoise, on se rendra compte que c'est, somme toute, assez limité de préférer employer son temps pour essayer de diminuer un peu le député de Verchères en passant, attaquer un peu le gouvernement et sauver un peu les propos déplacés de son collègue, le député de Louis-Hébert.

Quant à nous, M. le Président, je dirai simplement qu'en ce qui concerne l'appréciation de la jeunesse québécoise, je pense qu'au-delà des paroles, nous avons démontré par plusieurs programmes et par plusieurs mesures gouvernementales que nous apprécions le travail qu'elle fait, nous visons à lui offrir la plus grande place possible et nous sommes d'avis, de notre côté, que l'année 1985, l'Année internationale de la jeunesse, fournit justement aux deux principaux partis politiques du Québec l'occasion de discuter des problèmes de la jeunesse, de la condition jeunesse au-delà des lignes partisanes.

M. le Président, l'année 1985 a été déclarée Année internationale de la jeunesse par l'ONU dans tous les pays du monde. Si l'année 1985 ou 1986 est une année électorale, ce sera une année électorale pour les deux côtés de la Chambre. On pourrait de part et d'autre de l'Assemblée nationale s'envoyer des invectives à savoir qu'on veut récupérer la jeunesse. Ce sera une année électorale pour les deux formations politiques. Et il me semble, M. le Président, qu'il y a avantage, qu'il y va de l'intérêt de la jeunesse québécoise de placer la question au-dessus des lignes de parti et de souligner, comme on le fait aujourd'hui, l'appréciation de tous les parlementaires quant à la contribution de la jeunesse québécoise au développement de toute notre société. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: La motion du président du Conseil du trésor est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Chambre

et j'ose espérer, puisqu'il s'agit là d'une motion sans préavis à caractère économique, qu'on y consentira volontiers: Que cette Assemblée exige du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qu'il rembourse personnellement à l'État les 25 000 $ d'intérêt qu'il a fait perdre aux Québécois par sa négligence et son incurie en décidant de conserver sur lui pendant au moins une semaine un chèque de plus de 11 000 000 $ qui appartenait aux Québécois, et ce, dans le seul but de l'exhiber en conférence de presse et de tenter d'en tirer des avantages partisans.

Une voix: Adopté.

Une voix: Bravo!

Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion de la motion?

Des voix: Oui, non.

Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Il semble que non. Ce qui nous mène aux avis touchant les travaux des commissions. Donc, après les affaires courantes, à la salle 91, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude d'engagements financiers. À la salle 81, la commission des affaires sociales fera de même. À la salle 80, la commission de l'économie et du travail tiendra une séance de travail pour le choix de son président. Eh bien, j'en vois trois.

M. Bertrand: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: D'après les informations que j'ai - on pourrait vérifier - il y a la commission de l'agriculture à la salle 91 pour les engagements financiers, la commission des affaires sociales pour ses engagements financiers...

Le Président: C'est juste.

M. Bertrand: ...et la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre pour poursuivre les consultations relativement au projet de loi 3.

Le Président: Je m'excuse, je ne l'avais pas sur ma liste. Donc, l'avis est donné. J'avais reçu une lettre du président de la commission de l'économie et du travail pour tenir une séance de travail, en l'occurrence, cet après-midi. Pour ce faire, il faudrait le consentement de la Chambri pour qu'une quatrième commission siège. Une voix: Consentement.

Une voix: II n'y a pas consentement, M. le Président.

Le Président: II n'y a pas consentement! Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: J'ai reçu copie de l'avis de convocation qui, en vertu de l'article 144, a été signifié par le vice-président, en l'absence ou même en la non-existence d'un président à la commission de l'économie et du travail. Et je comprends mal que le gouvernement ne consente pas à la réunion de cette commission, puisqu'il s'agit d'élire un président à la commission. Vous vous rappellerez sans doute, M. le Président, que c'est vous-même qui avez indiqué au député d'Outremont, vice-président de la commission, qu'il était dans l'ordre des choses qu'il puisse procéder, en tant que vice-président, à convoquer la commission, afin que celle-ci puisse élire un président parmi ses membres et permettre à la commission non seulement de débattre entre ses membres de l'opportunité, par exemple, de se donner des mandats, mais, entre autres choses, d'étudier article par article le projet de loi 42 dont on terminera l'adoption de principe très prochainement, puisque, normalement, c'est là que se ferait l'étude détaillée du projet de loi.

J'aimerais quand même que le leader du gouvernement nous informe des raisons qui l'amènent à refuser le consentement du gouvernement pour qu'une quatrième commission siège cet après-midi, afin qu'on puisse procéder à l'élection du président de la commission de l'économie et du travail et qu'on puisse ainsi permettre à la commission... On dit qu'il y a une obsession de l'autre côté pour l'économie, obsession pour la création d'emplois. Et si ce n'est pas à la commission de l'économie et du travail qu'on peut prendre des initiatives heureuses dans ce domaine, M. le Président, je ne sais réellement pas où cela pourrait être.

J'invite le leader du gouvernement à nous éclairer sur le refus du gouvernement de laisser siéger la commission cet après-midi.

Le Président: Je vais certainement laisser le leader du gouvernement parler, mais je signale que, normalement, le refus de consentement ne fait pas l'objet d'un débat. Donc, il n'est pas question d'avoir de débat là-dessus. Mais puisqu'on sollicite des explications et si le leader du gouvernement veut bien en donner, je n'ai pas d'objection.

M. Bertrand: Par simple honnêteté à

l'endroit des membres de l'Assemblée nationale, je dois d'abord - M. le Président, je viens d'en être informé - indiquer qu'il y a eu entente, semble-t-il, entre les différents porte-parole qui siégeaient à la commission des affaires sociales pour que la commission ne siège pas cet après-midi. Alors, dans ce contexte-là, par simple honnêteté à l'endroit de l'Assemblée, je me dois de lui indiquer que, effectivement, la commission de l'économie et du travail a le droit de siéger en vertu du règlement, sur la base de l'avis qui a été transmis par le vice-président de la commission.

Ceci étant dit, M. le Président, je vous adresse une demande à titre de leader parlementaire du gouvernement. Je voudrais qu'on se penche très sérieusement sur la difficulté qui se présente en ce moment. Je ne veux pas entrer dans le détail, d'aucune façon, des discussions qui ont pu avoir cours ces derniers jours entre le leader de l'Opposition et moi-même, entre les whips et les chefs parlementaires des deux formations politiques, mais il y a un problème, effectivement, au niveau du choix ou de la sélection d'un président à la commission de l'économie et du travail.

Ce qui m'inquiète davantage, M. le Président, au-delà de ce problème réel, que nous devrons résoudre, c'est le problème d'une commission qui, recevant le mandat de procéder à l'étude détaillée d'un projet de loi, ce qui nécessite, pour présider ses travaux, la présence de ce qu'on appelle maintenant un président de séance, pourrait ou ne pourrait pas faire son travail s'il y a ou s'il n'y a pas de président agissant à la commission de l'économie et du travail. Je pense en particulier, dans les circonstances présentes, au projet de loi 42. Et, dans ce contexte-là, M. le Président, j'aimerais vous faire valoir que cela pourrait être, théoriquement, une façon de bloquer les travaux parlementaires que, par exemple, dans un contexte très précis, soit voir un président démissionner d'une commission, ainsi forcer le choix d'un nouveau président, mais dans une situation où on ne voudrait pas voir un projet de loi étudié en détail à la commission parlementaire, se retrouver dans une situation de blocage sur le plan des travaux parlementaires. (15 h 40)

Je pense que cette question est suffisamment sérieuse pour que nous puissions en discuter avec vous et aviser aux meilleurs moyens à prendre puisque, dans le cas présent, il y a une difficulté réelle, M. le Président, au niveau des décisions à prendre.

Dans le cas qui nous occupe, il y a une difficulté réelle au niveau des décisions à prendre quant à l'éventuelle présidence de cette commission de l'économie et du travail. Il y a déjà eu des discussions entre plusieurs personnes, essentiellement les whips des formations politiques, les leaders des formations politiques et des chefs des formations politiques, et je pense qu'il serait, dans ce contexte, assez difficile à la fois de procéder aux travaux de la commission cet après-midi, de la même façon qu'il serait difficile aussi de statuer trop rapidement sur - comment dirais-je? - la possibilité ou l'impossibilité pour une commission de procéder plus avant dans ses travaux, entre autres les mandats gouvernementaux relatifs à l'étude détaillée des projets de loi, si nous n'avons pas réglé un certain nombre de questions.

Le Président: J'aimerais bien comprendre avant qu'on poursuive. On intervient de part et d'autre, ça semble m'impliquer d'une certaine manière puisque je crois comprendre qu'on souhaite, sinon maintenant, éventuellement, soit une réunion ou une décision, je n'ai pas très bien saisi.

Une voix: Ils ne sont pas branchés, ils ne savent pas ce qu'ils veulent.

Le Président: Est-ce qu'il s'agit d'une demande de directive que vous faites ou si c'est simplement un échange entre leaders, auquel cas ça commencerait à avoir l'air d'un débat.

M. le leader de l'Opposition.

Demande de directive sur le

choix d'un président de

commission

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, je vous en formule une demande de directive. Je comprends tout ce que dit le leader du gouvernement. D'ailleurs, à la sous-commission sur la réforme parlementaire, vous le savez, on a déjà commencé à discuter de la façon de suppléer à cette lacune de nos règles de pratique, nos règles de procédure qui font qu'on peut remplacer un président qui n'est plus là, mais on ne peut pas, en l'occurrence, dans le cas de la commission de l'économie et du travail, procéder à autre chose qu'à l'élection d'un président, compte tenu des circonstances qui prévalent.

M. le Président, la directive que je vous demanderais de nous donner est, en fait, de confirmer celle que vous avez déjà donnée en date du 1er novembre dernier, alors qu'on retrouve la citation au Journal des débats, aux pages 431 et 432, je crois, où vous disiez, à l'intention du vice-président de la commission, le député d'Outremont: "Dans un premier temps, il me semble que le sens commun est à l'effet que le vice-président devrait pouvoir agir à la place du président en vertu de l'article 137 et

convoquer la commission parlementaire." C'est de cette affirmation que s'est inspiré le député d'Outremont pour vous faire parvenir copie de l'avis de convocation pour cet après-midi.

Vous ajoutez plus loin: "II m'apparaît évident, par contre, que si vous convoquez la commission, ce n'est pas d'abord pour vous donner un mandat d'initiative - puisque le député avait parlé de cette possibilité - mais pour vous donner un président. Elle doit d'abord élire un président avant de procéder à quelque autre matière." Ce que je vous demanderais de nous confirmer, c'est que dans ce cas - je ne veux pas parler des cas éventuels, on pourra en parler à la sous-commission de la réforme parlementaire -quand la commission se réunira dans quelques instants, ou demain, ou plus tard, elle ne pourra procéder à autre chose qu'à l'élection d'un président avant de pouvoir entamer, par exemple, l'étude détaillée du projet de loi 42.

M. le Président, j'ajouterai que si vous le souhaitez, je serais prêt à intervenir et à plaider que tel est le cas. Mais encore faudrait-il que vous en exprimiez le souhait.

Le Président: Si vous souhaitez le faire maintenant, je n'ai aucune espèce d'objection à vous laisser vous exprimer là-dessus, si c'est le choix des deux leaders. Vous me demandez une directive, je suis tout à fait disposé à l'entendre, à moins que vous souhaitiez intervenir sur la question.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: Cela m'apparaît suffisamment capital en tout cas, sur le fond, pour que nous intervenions. Il m'apparaît évident, sur la base de ce que vous avez dit le 1er novembre, ce que relatait le leader de l'Opposition, qu'une des premières rencontres de la commission devrait avoir pour objectif de tenter de trouver un remplaçant ou une remplaçante à la présidente précédente. Dans ce contexte, il s'agit de savoir si, partant de cette préoccupation qui est tout à fait légitime des membres de la commission de se doter d'un président ou d'une présidente, on s'empêche par ailleurs d'effectuer tout autre travail. Je vous fais valoir très simplement, M. le Président, qu'il me semble que dans une situation où la commission se trouverait placée dans l'impossibilité pratique d'en arriver à trouver un président qui agréerait aux deux formations politiques - parce que vous savez fort bien qu'il faut obtenir une double majorité pour nommer le président ou la présidente - il pourrait y avoir, donc, une possibilité réelle de blocage, c'est-à-dire une commission qui ne pourrait pas, après un certain nombre de séances de travail, malgré toute la bonne volonté du vice-président qui reconvoquerait jour après jour, semaine après semaine, la commission, trouver la personne qui assumerait la fonction de président ou de présidente. Dans ce contexte, cela pose, au niveau des travaux parlementaires - je dirai de tous les travaux parlementaires, mais je parle à titre de leader parlementaire à ce moment-ci - pour l'étude ou l'analyse détaillée d'un projet de loi par exemple, des difficultés très sérieuses. Ce sont des difficultés qui, dans le cas, par exemple, de la commission qui nous concerne en ce moment - la commission de l'économie et du travail - étant donné l'étude du projet de loi 42, peuvent se présenter dans un avenir très rapproché. Mais il peut y avoir des difficultés qui s'ajouteraient à celles de cette commission parlementaire, par exemple, d'une commission où, pour des raisons tactiques ou de stratégie, il y aurait vacance au niveau de la présidence et, donc, blocage sur le plan de l'étude d'un projet de loi. Je pense que ce n'est pas le sens du règlement que nous avons adopté ni le sens de la réforme parlementaire que nous avons adoptée, que de bloquer les travaux parlementaires. Il faut trouver un moyen quelconque pour faire avancer les travaux parlementaires, même dans une situation où, pour toutes sortes de considérations - et là-dessus, je veux bien, quant à moi, indiquer qu'elles peuvent être très nombreuses - nous sommes placés dans la situation réelle de l'impossibilité de les faire avancer.

C'est à cause du caractère suffisamment délicat, qui pourrait être grave au niveau de l'institution elle-même, que je vous demande, M. le Président, de voir s'il n'y aurait pas possibilité de faire en sorte que nous puissions en appeler un peu à vos sages conseils quant à la façon de fonctionner. Par exemple, il y a une commission qui a siégé - la même, celle de l'économie et du travail - au sujet du dossier du sous-emploi dans le cadre d'une interpellation. Elle a siégé les 18 et 25 octobre ici même, à l'Assemblée nationale. Or, il n'y avait pas à ce moment-là, si ma mémoire est bonne, de président de la commission, mais elle a fait son travail en vertu de l'article du règlement qui prévoit que, le vendredi matin, il y a interpellation. A la demande d'un député de l'Opposition, un ministre vient devant l'Assemblée nationale, mais, en fait, devant une commission parlementaire et doit répondre à un certain nombre de questions relativement à un sujet qui a été déterminé. Or, les 18 et 25 octobre, la commission de l'économie et du travail était la commission retenue pour l'interpellation et elle a fonctionné. C'était sur le thème du sous-emploi. Je vous fais donc valoir, M. le Président, qu'il y a déjà un précédent de fonctionnement de la commission en l'absence d'un président et que si cela valait dans le contexte de l'interpellation, cela a donc permis de faire fonctionner le Parlement, de s'assurer que

les travaux parlementaires suivaient leur cours. Je vous fais valoir que dans le cas auquel nous serons confrontés d'ici à quelques jours, le même type de situation va se reproduire.

Peut-être n'y aura-t-il pas de président de la commission de l'économie et du travail, mais si nous nous basons sur le précédent qui doit faire jurisprudence, jusqu'à un certain point, n'y aurait-il pas lieu de considérer que la commission, à ce moment-là, à partir d'un mandat qui est donné par le leader du gouvernement, doit effectuer le travail, c'est-à-dire l'analyse détaillée du projet de loi, article par article? Je crois qu'il y a peut-être là suffisamment matière à réflexion pour que, premièrement, il ne soit pas nécessaire qu'une décision soit rendue dès aujourd'hui. Il y a peut-être suffisamment matière à réflexion aussi pour que la commission de l'économie et du travail s'abstienne possiblement de siéger aujourd'hui étant donné les problèmes réels qui existent, non seulement pour ses fins propres de choix de président, mais aussi pour la suite des choses, à savoir si ces commissions peuvent, oui ou non, fonctionner en l'absence d'un président? Je prétends que oui. Il y a déjà un précédent. Par ailleurs, cela soulève toute une série de questions sur lesquelles la sous-commission se penche en ce moment et il faudrait, à mon avis, que celle-ci se hâte pour trouver une solution à ce problème qui est réel. (15 h 50)

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Deux points: D'abord, quand le leader du gouvernement s'interroge sur la possibilité qu'on ne puisse en arriver, à la commission, à procéder à l'élection d'un président, je lui dirai tout de suite que cette possibilité, quant à nous, n'existe pas. On sait que le règlement spécifie qu'un certain nombre de présidents et de vice-présidents de commissions doivent émaner du côté ministériel comme du côté de l'Opposition.

Or, dans le cas qui nous préoccupe, celui de la commission de l'économie et du travail, il n'y a aucun doute, nous reconnaissons d'emblée que le président doit provenir des banquettes ministérielles. Il y a dix membres ministériels à la commission de l'économie et du travail. J'indique tout de suite que dans la plupart des cas, sinon dans l'ensemble des dix cas, l'Opposition est prête à souscrire à une proposition que fera le gouvernement. Sûrement que, parmi les dix membres ministériels actuels de la commission, nous serons prêts à appuyer une proposition pour l'un des dix.

Donc, la possibilité qu'on ne puisse s'entendre, à moins qu'il y ait entêtement de la part du gouvernement - là, c'est une autre histoire mais je ne prête aucune intention au gouvernement pour le moment -il s'agit pour vous de statuer si la commission peut procéder à autre chose qu'à l'élection d'un président; par exemple, si elle peut procéder - parlons du cas très patent -à l'étude détaillée du projet de loi 42. Nous soutenons que non.

Selon nos règles de procédure, le président d'une commission est élu parmi et par les membres de la commission qui, à cette fin, est présidée par le président de l'Assemblée. Les articles 131, 132 et 133 l'édictent très clairement. Par ailleurs, le premier alinéa de l'article 137 prévoit que le vice-président peut remplacer le président, si ce dernier le demande ou s'il est empêché d'agir. Il se lit comme suit: "En cas d'empêchement du président d'une commission ou à sa demande, le vice-président le remplace et exerce ses fonctions". Mais dans le cas qui nous occupe, où l'ex-président de la commission, Mme Harel, la députée de Maisonneuve, est devenue membre du Conseil des ministres, il ne s'agit pas d'empêchement du président mais bien d'une vacance de poste. Je ne vois pas comment le vice-président pourrait remplacer quelqu'un qui n'existe pas ou comment quelqu'un qui n'existe pas pourrait demander à être remplacé dans ses fonctions. C'est d'ailleurs ce qui nous a amenés, à la sous-commission sur la réforme parlementaire, à constater qu'il y a lacune dans nos règles de procédure et à nous interroger à savoir comment les combler.

Donc, dans les circonstances, je prétends que la commission de l'économie et du travail ne peut pas se réunir et procéder à l'étude détaillée du projet de loi 42, comme le prétend le leader du gouvernement. Le cas de vacance d'un poste de président de commission n'est malheureusement pas prévu comme tel dans nos règles de procédure. D'ici à ce que la modification soit apportée, lors d'une séance de la sous-commission sur la réforme parlementaire, l'Assemblée devra s'en tenir aux règles actuellement en vigueur. Or, l'article 131 prévoit effectivement la possibilité d'avoir à élire un président en cours de session, et ma compréhension est dans le sens que si la première tâche que doit remplir une commission au début d'une session c'est d'élire son président, la même obligation lui est faite en cours de session, lorsque le poste devient vacant.

Pour appuyer ma prétention, je vous réfère aux articles 19, 20 et 21 de la Loi sur l'Assemblée nationale. Je vous cite l'article 22 de la Loi sur l'Assemblée nationale: "Si la charge du président devient vacante, le secrétaire général en informe l'Assemblée qui ne peut expédier aucune affaire avant d'avoir élu un président". Ces articles sont d'ailleurs repris presque textuellement dans nos règles de procédure,

mais je me contenterai de citer l'article 12: "En cas de vacance de la charge de président, le secrétaire général en informe l'Assemblée. Celle-ci ne peut entamer aucune affaire avant d'avoir élu un nouveau président". Il est donc clairement établi dans la loi et dans nos règles de procédure qu'en cas de vacance de la charge de président, l'Assemblée ne peut rien faire avant d'avoir élu un nouveau président. M. le Président, pourquoi en serait-il autrement dans le cas d'une commission? D'autant plus que l'article 150 des règles de procédure spécifie: "Sauf dispositions incompatibles, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions."

Quant à l'article 136 qui prévoit que les travaux d'une commission peuvent être dirigés par un président de séance, on ne peut prétendre qu'il s'agit là d'une disposition incompatible au sens où elle pourrait être utilisée en cas de vacance du poste de président. La règle générale quant à la présidence des travaux d'une commission demeure l'article 135 qui se lit comme suit: "Le président organise et anime les travaux de sa commission, prend part à ses délibérations et a voix prépondérante en cas de partage." Quant à l'article 136, il permet une dérogation à la règle générale, mais ne saurait être utilisé que si le poste de président n'est pas vacant."

Est-il nécessaire de rappeler qu'au cours de la préparation de nos nouvelles règles de procédure, vous étiez vous-même celui qui tenait le plus à ce que tous les travaux d'une commission soient présidés par son président. Ce n'est qu'après de longues discussions qu'un consensus s'est finalement dégagé en faveur de l'exception que l'on retrouve à l'article 136 qui nécessita la constitution de ce qu'on appelle communément une banque de présidents de séances. Vous conviendrez sans doute qu'il serait pour le moins inhabituel qu'une règle d'exception puisse s'appliquer alors que la règle générale ne pourrait l'être.

De plus, cette dérogation à savoir qu'un président de séance dirige les travaux peut être utilisée pour deux raisons: à la demande de son président ou par décision de l'Assemblée. Dans la situation actuelle, cet article ne peut même pas trouver son application dans son entier. Je n'irai pas jusqu'à prétendre que, par interprétation, l'article 186 pourrait être invoqué, mais je soutiens que l'article 136 ne peut s'appliquer tant et aussi longtemps que le poste de président n'aura pas été comblé.

De plus, si la commission devait procéder avec un président de séance sans que le poste de président ne soit comblé, même l'application de l'article 166 ferait problème. Par qui le rapport de la commission pourrait-il être déposé puisque le vice-président ne peut remplacer le président qu'en cas d'empêchement? À la rigueur, la motion du leader peut être considérée comme régulière, mais quant à son application, elle est, sinon prématurée, à tout le moins conditionnelle. Je reconnais que le leader du gouvernement n'a pas vraiment le choix. S'il désire que les travaux d'une commission soient dirigés par un président de séance, il doit, à défaut d'une demande de la part de son président - ce qui n'est pas possible dans le cas présent - le proposer dans la motion d'envoi à la commission. Par contre - et c'est pourquoi je soutiens que cette motion est conditionnelle - un président de séance ne pourra présider les travaux qu'une fois que la commission aura élu un président.

D'autre part, ce qu'on pourrait fort bien... J'accepte le fait qu'une telle situation ne doit pas empêcher le gouvernement de faire étudier ses lois et ce n'est évidemment pas le but de la réforme parlementaire. Je souhaite sincèrement qu'on parvienne à une entente et qu'un président soit élu dans les meilleurs délais. Je l'ai indiqué tantôt, je suis sûr qu'on pourra trouver ensemble l'un des dix membres ministériels de la commission qui répondra à tous les critères; du côté de l'Opposition, en tout cas. Si, au contraire, l'impasse devait persister pendant encore un certain temps, il faudra, si telle est la volonté du leader du gouvernement, qu'il envisage lui-même une façon de procéder sur cette question.

En conclusion et en résumé, je soutiens que l'état actuel de nos règles de procédure en regard de la situation qui nous occupe ne permet pas à un président de séance, non plus qu'au vice-président, de diriger les travaux de la commission de l'économie et du travail. Si le leader devait s'aviser de faire une motion pour déférer l'étude du projet de loi 42 à la commission de l'économie et du travail, même si cette motion pouvait à la rigueur être considérée comme régulière, elle demeurerait certainement conditionnelle, parce que la commission de l'économie et du travail est dans une situation telle qu'elle ne saurait se réunir pour remplir quelque mandat que ce soit sans avoir, au préalable, élu un de ses membres au poste de président, comme vous l'avez vous-même rappelé le 1er novembre dernier.

Le Président: M. le leader du gouvernement. (16 heures)

M. Bertrand: M. le Président, j'aurais une question très précise à poser au leader de l'Opposition. Peut-être me direz-vous que ce n'est pas nécessairement le bon endroit pour le faire mais il a indiqué, au tout début de son intervention, que dix membres représentant le côté ministériel siégeaient à la commission de l'économie et du travail. Je voudrais une précision là-dessus. Il a dit

qu'il n'avait pas ou qu'il ne manifesterait pas d'objection à ce que l'une de ces dix personnes puisse être agréée pour être président de la commission. En d'autres mots qu'on ne ferait pas de difficulté, étant donné, comme il l'a dit, et il a tout à fait raison, que pour cette commission de l'économie et du travail, comme c'était déjà décidé depuis le tout début, c'est un membre du côté ministériel qui doit agir à titre de président.

Est-ce que j'ai bien compris qu'il a indiqué qu'il n'y aurait pas d'empêchement à dégager, selon la règle de la double majorité, la nomination d'un président, quelle que soit la proposition faite par le gouvernement à l'intérieur de la liste des dix membres de la commission?

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Gratton: Si on me demandait, par exemple, si le député de Deux-Montagnes serait agréable à l'Opposition, je lui répondrais oui immédiatement. Je laisse le soin au leader du gouvernement de choisir parmi les dix membres mais je lui ai dit d'avance qu'il y en aurait au moins une bonne demi-douzaine qui nous seraient acceptables. S'il veut que je sois plus précis, je peux l'être, M. le Président.

Le Président: Bon!

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: La réponse du leader de l'Opposition me laisse sur mon appétit, pour une raison majeure. Si on n'a pas de la part de l'Opposition une indication assez claire à savoir qu'il n'y aura pas de difficulté au niveau du choix du président, cela va, mais si ce n'est pas le cas, le problème demeure entier, M. le Président.

Je comprends très bien et je n'en fais pas du tout le reproche au leader de l'Opposition, c'était tout à fait normal qu'il se prépare, avec toute l'argumentation qu'il a développée. Vous le sentez, M. le Président, en tout cas je l'ai bien senti, l'argumentation développée par le leader de l'Opposition avait été préparée en fonction d'une motion que j'aurais présentée à l'Assemblée nationale relativement aux travaux de la commission de l'économie et du travail pour procéder à l'analyse détaillée du projet de loi 42. Je vois qu'il me fait signe que oui.

Donc, il faut bien comprendre la difficulté et le sérieux du problème que pose à l'heure actuelle, le choix du président ou l'absence de choix du président. Cela peut faire bloquer tous les travaux parlementaires, cela peut empêcher l'adoption du projet de loi et cela peut, jusqu'à un certain point - je ne le dis pas d'aucune façon en voulant faire un procès d'intention - bloquer l'esprit même de la réforme parlementaire.

Il faut être conscients que, pour plusieurs de ces éléments, nous fonctionnons en nous entendant de part et d'autre. Nous l'avons fait pour le choix des présidents et des vice-présidents de commissions. Nous avons une proposition très précise pour la présidence de la commission de l'économie et du travail. Nous avons fait des démarches auprès de l'Opposition, nous n'avons pas reçu la réponse que nous souhaitions obtenir. Par ailleurs, les membres de l'Opposition ont reçu de notre part toutes les réponses qu'ils souhaitaient obtenir. Nous n'avons jamais empêché qui que ce soit, qui était le choix de l'Opposition, d'assumer une fonction de président ou de vice-président.

Dans ce contexte-là, M. le Président, la chose est trop délicate et trop sérieuse pour que nous ne fassions pas une analyse très serrée des implications de cette sélection de présidence étant donné qu'il y aura éventuellement une motion pour que le projet de loi 42 soit analysé en détails à la commission de l'économie et du travail.

Je reviens sur l'interpellation qui a eu lieu en l'absence d'un président de commission les 18 et 25 octobre et, dans ce contexte-là, même si nous n'en sommes pas à la motion du leader du gouvernement pour aller en commission parlementaire pour l'analyse détaillée du projet de loi 42, on comprend dès aujourd'hui que c'est un problème qui surviendra d'ici à quelques jours, que si la commission se réunit cet après-midi et qu'il y a blocage, je vous dis très simplement que c'est l'Assemblée nationale qui se trouve bloquée dans son fonctionnement. Je ne pense pas que ce soit le sens de la réforme parlementaire que nous avons adoptée.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition, une dernière intervention.

M. Gratton: Très brièvement, M. le Président. Justement, dans le cadre de la réforme parlementaire, on conviendra tous, sans doute, que ce qu'on a voulu faire en inscrivant cette nécessité d'obtenir la majorité des deux partis pour l'élection d'un président, c'est souligner l'importance que revêt le poste de président de commission et le caractère de compétence et d'objectivité que la personne qui remplit le poste doit avoir. Si on avait voulu faire en sorte que le gouvernement puisse tout simplement nommer ses présidents de commission, comme il le faisait dans le passé en ce qui a trait à la banque des présidents de séance, on n'aurait jamais insisté pour qu'il y ait double majorité au sein de la commission. S'il y a double majorité, c'est certainement parce qu'on s'attendait que le gouvernement, qui,

en l'occurrence, propose un candidat, voie, à l'occasion, l'Opposition - cela pourrait être le cas, à l'inverse, dans le cas des commissions dont le président émane de l'Opposition - refuser une candidature ou une nomination qu'il propose.

Il ne s'agit pas de parler de blocage et de remettre en cause l'esprit de la réforme parlementaire. Il s'agit, dans le cas qui nous occupe, de constater une espèce d'entêtement de la part du gouvernement. On indique clairement pourquoi, d'abord, la double majorité. Vous en conviendrez, c'est pour s'assurer de la qualité de la personne qui remplit le poste de président. On indique dès maintenant que, pour notre part, plus d'une demi-douzaine des membres actuels de la commission de l'économie et du travail nous seraient acceptables. Si le gouvernement continue à s'entêter à nous proposer la même personne, le seul député qu'on nous a proposé jusqu'à maintenant, il y aura blocage, mais pas de la part de l'Assemblée nationale, pas de la part de la commission, uniquement blocage du côté du gouvernement.

Le Président: Je vais prendre le tout en délibéré. J'ai l'impression que le débat a dévié de ce qui était une demande de directive, à savoir si, oui ou non, une commission peut siéger lorsqu'il n'y a pas de président, c'est-à-dire lorsque la charge est vacante, vers un autre type d'argumentation qui est davantage d'ordinaire le genre d'argumentation qui se déroule derrière et non pas devant le trône, dirait-on, à savoir qui est acceptable aux deux groupes parlementaires.

Pour ce qui est de ce dernier aspect, parce que cela n'entre pas comme tel dans la directive, il doit être très clair et bien compris - c'est le sens même de la réforme - que toute la dynamique de la réforme oblige les deux groupes et, le cas échéant, les trois groupes parlementaires, s'il y en a trois, à s'entendre. Toute la dynamique pousse à cela, s'entendre sur les mandats que se donne la commission, s'entendre aussi sur le choix du président et sur le choix du vice-président. Jamais la rédaction du règlement - d'ailleurs, si on lit le règlement comme il faut, on verra bien qu'il ne dit pas cela - n'a été conçue pour dire: II y a tant de présidents d'un côté et tant de présidents de l'autre; je nomme les miens, tu nommes les tiens et on n'en parle plus. Peut-être que, dans les faits, il y a eu des négociations comme celles-là dans le passé, mais ce qui est certain, c'est que ce n'est pas du tout, pas plus que lors de l'élection du président de l'Assemblée nationale, la dynamique qui est censée jouer. La dynamique qui est censé jouer, c'est que tout le monde est d'accord pour qu'une personne nommée dirige les travaux de la commission et non pas pour qu'un côté désigne et que l'autre accepte sans mot dire.

Il faut donc que ce président, tout comme c'est le cas pour l'Assemblée - bien que ce ne soit pas une règle écrite de l'Assemblée, mais un usage - jouisse de la confiance des deux côtés siégeant en commission parlementaire et non pas qu'il soit imposé par un côté et que l'autre se contente soit d'une réaction passive ou que, de toute façon, son refus ne joue pas. Voilà pour ce qui est de la déviation du débat.

Pour ce qui est du fond de la question qui a été soulevée lors de la demande de directive, je prends la chose en délibéré, espérant vous rendre une décision demain en tenant compte, par contre, que si la commission de l'économie et du travail doit siéger et que je dois présider, je ne peux pas à la fois faire les deux. Je veux bien présider la réunion de la commission de l'économie et du travail qu'on m'annonce. Tout le temps que je vais devoir la présider, c'est autant de temps que je ne vais pas consacrer à me pencher sur le problème épineux que vous m'avez laissé.

M. Fortier: M. le Président.

Le Président: M. le député d'Outremont. (16 h 10)

M. Fortier: Dois-je conclure, par votre décision de prendre en délibéré la question qui a été posée, que, jusqu'à ce que vous statuiez sur la question, la commission ne peut se réunir, donc qu'elle ne se réunit pas cet après-midi? D'autre part, comme vous l'avez indiqué, c'est une demande de directive, j'ai été un peu surpris par ce qu'a dit le leader du gouvernement à savoir qu'une proposition venant du gouvernement... je croyais que même les députés de ce côté-ci de la Chambre avaient le droit de proposer ou de mettre en nomination une personne qui serait du côté ministériel. Il est tout à fait faux à l'intérieur de la nouvelle réforme parlementaire de parler nécessairement d'une proposition qui viendrait du côté ministériel, alors que nous, du côté de l'Opposition, nous avons quelques propositions à faire espérant que ceux qui seraient mis en nomination accepteraient d'être mis en nomination et d'accepter la nomination éventuellement.

Je crois que c'est fausser le débat de ne parler que d'une proposition qui pourrait être faite, lorsque la commission de l'économie et du travail se réunira, et que les membres de la commission statueront en dernière analyse.

Le Président: En effet, quant au deuxième aspect de la question, tout membre d'une commission peut proposer tout autre membre de la commission pour présider les

travaux de la commission, pourvu que l'on respecte la règle qui veut que dans certains cas ce sont des présidents qui émanent de la majorité et que dans d'autres cas ce sont des présidents qui émanent de la minorité et inversement pour les vice-présidents. Cela étant, c'est la commission qui choisit son président et son vice-président et non pas les tractations de coulisses.

Pour ce qui est de siéger, la commission peut tout à fait siéger dans le but de se choisir un président. Ce que j'ai dit le 1er novembre demeure tout entier. On me demande quelles conséquences cela aurait sur le renvoi en commission parlementaire du projet de loi 42, ce qui n'est pas encore fait: c'est cela que j'ai pris en délibéré. Il est bien évident que la commission peut siéger et que, si elle siège, c'est pour se choisir un président, aujourd'hui.

M. Fortier: D'accord.

Le Président: Pour revenir aux avis touchant les travaux des commissions, parce qu'on en était toujours là. À la salle du Conseil législatif, il y a une séance de travail de la commission de l'éducation vers 21 h 30 ce soir. Demain à 10 heures, à la salle 80, la commission de la culture tiendra une séance de travail.

Projet de loi 42

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, pas d'intervention. Ce qui nous mène aux affaires du jour et à la reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. La parole est au député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: C'est avec plaisir que j'interviens aujourd'hui dans ce débat de deuxième lecture sur la loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il s'agit ici d'une brique de 556 articles. Tel que j'ai pu concevoir le débat jusqu'à maintenant, je crois que le ministre lui-même y perd son latin. Cependant, les collègues de ce côté-ci de la Chambre, soit la grande majorité des députés libéraux sont intervenus dans ce débat. Ils ont su qualifier ce projet de loi avec beaucoup de justesse.

J'aimerais, à ce moment-ci, si vous me le permettez, rendre un hommage particulier au porte-parole de l'Opposition en matière de santé et de sécurité du travail - il s'agit, en l'occurrence, du député de Viau - qui a su, avec beaucoup d'habileté, beaucoup de compréhension de la Loi sur la santé et de la sécurité du travail, a su avec beaucoup d'éclat juger ce projet de loi au nom de tous les intervenants, au nom de tout le monde économique, des travailleurs aussi bien que des employeurs.

Il faut constater qu'il y a une division profonde sur ce projet de loi. La majorité des intervenants - et je dois parler de ce côté-ci de la Chambre puisque le gouvernement a été très muet sur ce projet de loi - qui sont les membres de l'Opposition ont soulevé une multitude d'inquiétudes face à ce projet de loi. Il est évident que la division est tellement profonde que personne ne s'entend sur l'opportunité d'adopter maintenant en deuxième lecture le projet de loi 42. Les employeurs, évidemment, en sont les plus pénalisés. Nous avons reçu de nombreux télégrammes, de nombreuses lettres de la part des PME, des agriculteurs, de l'industrie en général, des petits employeurs. Personne n'est heureux et nous avons demandé, par une motion de report, de retarder de deux ou trois semaines l'étude en commission parlementaire de ce projet de loi, afin que tous les intervenants puissent s'entendre sur cette mesure que nous amène le ministre du Travail.

M. le Président, on doit soulever beaucoup de questions concernant ce projet de loi. J'ai indiqué tout à l'heure que les premiers pénalisés seront sans doute les petites et les moyennes entreprises du Québec, les agriculteurs aussi et, particulièrement, tous les petits employeurs et entrepreneurs. Bien sûr, cela touche aussi tous les ministères, toute la fonction publique, mais c'est perçu beaucoup plus par les petites et les moyennes entreprises.

Entre autres, il faut dire que les compagnies de transport ont été aussi la cible du ministre. En vérifiant les données, on s'aperçoit qu'en 1985, les compagnies de transport du Québec auront à assumer une charge additionnelle de 42%. Pourtant, c'est un domaine très concurrentiel. Il faut connaître un peu le transport, le transport des biens et services, pour savoir que la concurrence est très forte dans les provinces voisines et également aux États-Unis. Il est très important que nos compagnies de transport, ici au Québec, continuent d'avoir une position équitable et bien équilibrée à cause de ses concurrents voisins.

M. le Président, du côté des péquistes, le peu de porte-parole que nous avons entendus en cette Chambre - pourtant, ils disent eux-mêmes que ce projet de loi est fondamental - ont encensé le gouvernement pour avoir déposé ce projet de loi. Un de leurs principaux arguments était celui qu'on vient de diminuer de 0,17 $ les 100 $ de salaire la base qui peut être cotisée. Il est tout à fait erronné de prétendre que les employeurs du Québec auront une charge

diminuée de l'ordre de 0,17 $ les 100 $ de paie, puisque la base, le maximum qui peut être cotisé, est passée de 29 000 $ à 33 000 $. Nous pourrions, à ce moment-ci, faire un parallèle entre ce qu'ont voulu souligner les membres du Parti québécois et ce que pourraient être les taxes municipales. Les taxes municipales ont deux valeurs. Il y le taux d'imposition et l'évaluation. C'est facile de dire qu'on a abaissé les taux alors qu'on a augmenté l'évaluation. C'est exactement ce qui se passe dans le projet de loi 42. Le gouvernement, pour lancer de la poudre aux yeux, a abaissé de 0,17 $ les 100 $ la base de cotisation, mais il augmente le maximum qui peut être cotisé en passant de 29 000 $ à 33 000 $. Comme résultat net, c'est encore une charge additionnelle pour les employeurs du Québec, pour les PME, pour les agriculteurs et pour tous ceux qui emploient des gens ici au Québec.

On a pu s'apercevoir que, dans toutes les interventions du côté gouvernemental, il y a eu un manque évident d'objectivité dans ce projet de loi, puisque personne n'a voulu parler ou n'a osé parler de ses nombreuses lacunes. Pourtant, les libéraux ont bien reconnu l'importance de ce projet de loi. Ils ont fait état de nombreuses lacunes au ministre. Nous sommes d'accord qu'il faille bonifier ce projet de loi, ce qui existe actuellement, mais il y aurait matière à ce que le ministre refasse ses devoirs.

À ma grande surprise, l'absentéisme du côté péquiste dans le sens de discuter ici en cette Chambre de ce projet de loi fut très évident. Très peu ont pris la parole, comme je l'indiquais tout à l'heure. Pourtant, quelques-uns ont dit que c'était un projet de loi fondamental, tellement fondamental qu'il coûte près de 1 000 000 000 $... enfin, l'administration et les montants payés aux employés blessés ou à ceux qui ont des maladies professionnelles s'évaluent à tout près de 1 000 000 000 $. Si le projet de loi est fondamental - et je le reconnais -pourquoi les membres du parti ministériel n'ont-ils pas pris la parole, l'un après l'autre? C'est surprenant, M. le Président, de le constater et je me demande jusqu'à quel point les membres du parti ministériel reconnaissent l'importance de ce projet de loi puisqu'ils ont été totalement muets.

(16 h 20)

Ils sont aussi muets sur ce projet de loi qu'ils le sont sur leur option souverainiste ou leur option indépendantiste. Je pense qu'on a devant nous de nouveaux fédéralistes, de nouveaux antisouverainistes ou de nouveaux anti-indépendantistes. Ils sont muets sur leur option. Ils la mettent de côté. Ils ont fait exactement la même chose pour le projet de loi du ministre du Travail. Je pense qu'il serait agréable d'entendre les membres du gouvernement au moins sur ce projet de loi qui est aussi fondamental. Qu'ils apportent des solutions au ministre. Je pense qu'il en a grand besoin puisque son projet de loi ne reçoit pas l'approbation de la majorité des intervenants au Québec.

M. le Président, j'indiquais tout à l'heure qu'on parle ici d'une dépense, en partie, des fonds publics et d'une dépense de fonds qui proviennent des employeurs de tout près de 1 000 000 000 $. Cela touche tous les Québécois. Cela ne touche pas seulement une partie des Québécois, mais cela touche tous les travailleurs québécois. Des critiques sévères nous furent formulées à l'endroit de ce projet de loi. D'ailleurs, le monde syndical a fait valoir ses positions. Un nombre multiple de griefs nous furent formulés. Le monde patronal en a fait évidemment autant et avec justesse. Tous sont insatisfaits et mécontents du projet de loi. Pour me répéter, cette brique de 556 articles, qui décrit les objectifs de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, ne reçoit pas l'approbation de la très grande majorité des Québécois. Je pense que pour un projet de loi d'une telle importance, cela prend absolument un consensus. Dans un secteur aussi vital et aussi fondamental, il est nécessaire d'avoir un consensus. Je regrette que jusqu'à ce moment-ci, le ministre s'obstine à indiquer que sa loi est bonne, qu'elle est complète et qu'elle correspond aux demandes du monde patronal, syndical et ouvrier. C'est surprenant de voir l'arrogance du ministre dans l'examen de ce projet de loi.

Il y a un sujet particulier dont j'aimerais traiter durant les quelques minutes qui me sont dévolues. Il s'agit d'un sujet que je considère extrêmement important, soit l'absentéisme au travail. J'ai pu constater que le ministre et les députés du côté ministériel n'ont pas osé traiter de ce sujet. Je parle toujours de l'absentéiste volontaire, l'absentéiste étudié, rémunéré à 90% du traitement régulier. Je trouve regrettable que l'absentéisme, cette plaie sociale qui coûte aux Québécois immensément cher, n'ait pas été traitée par le ministre responsable de l'application de cette loi. Tous sont restés muets, particulièrement à ce niveau. On laisse proliférer les cas d'absentéisme. Les gens d'en face préfèrent sans doute être muets. Ils préfèrent le laisser aller, c'est évident, mais l'absence de politique particulière au niveau de l'absentéisme coûte énormément cher aux petites entreprises du Québec, en particulier. Elle coûte cher à la société, en général, mais elle coûte particulièrement cher à la petite entreprise. Du côté ministériel, le gouvernement laisse beaucoup... Je peux dire "beaucoup", parce qu'il y a des milliers de travailleurs qui profitent du système. L'absentéisme est une plaie sociale et je pense que le ministre devrait s'attaquer à ce problème et nous

présenter des mesures particulières pour en contrer les effets.

Vous me direz que ce n'est pas un sujet très populaire à discuter, puisqu'il n'est pas facile de quantifier le nombre d'employés qui profitent du système. Il n'est pas très facile non plus de définir les raisons précises qui amènent certains employés à se servir du système pour partir en vacances payées. Mais il reste une chose, c'est que cette plaie dure avec la complicité du gouvernement et du ministre.

Il est certain qu'il n'y a pas de solution facile à ce sujet mais il est évident que le silence et le laisser-aller sont les solutions faciles que le ministre a trouvées pour résoudre ce problème très particulier et très important.

Comme moi, les Québécois constatent la peur du gouvernement à attaquer de front, avec courage, ce problème. J'espère que le ministre en m'écoutant - je le remercie d'être ici - pourra, dans sa réplique, nous indiquer qu'il a formellement l'intention de s'attaquer particulièrement à ce problème vital. L'abus du système est sans doute constaté par la commission. Je suis certain qu'elle est au courant, que c'est bien connu de sa part. C'est certainement bien connu du ministre également. C'est connu des employeurs du Québec. C'est connu dans toutes les sphères d'activité. On peut le constater d'une façon un peu plus précise dans le secteur des affaires sociales. Quoique cela existe dans tous les secteurs d'activité, il est évident et apparent que l'absentéisme est un peu plus répandu dans le monde des affaires sociales.

Peut-être que je m'attaque à un sujet tabou, assez difficile à aborder et politiquement non rentable. Peut-être. Mais le manque de courage, le manque de colonne vertébrale du gouvernement m'amène à discuter de ce problème particulier. Si j'ai demandé à prendre la parole sur ce projet de loi, c'était pour m'attaquer particulièrement à cette difficulté qui existe dans le monde ouvrier québécois. C'est une difficulté qui est apparente, qui est évidente, qui existe. Il faut la contrer. Il faut aussi contrer les effets de l'absentéisme. Cela revient précisément au ministre du Travail de le faire. Je lui demande, avec beaucoup d'insistance, d'apporter des solutions concrètes à ce véritable problème.

Nous avons tous eu l'occasion d'écouter le discours d'ouverture que nous a livré le premier ministre du Québec en cette Chambre, il y a quelques semaines. Nous avons tous entendu les énoncés de principe qu'il formulait. Nous avons entendu les mêmes propos pour la septième fois, en cette Chambre, il n'y a pas longtemps. Ce sont des énoncés indiquant qu'il faut créer des nouvelles "jobs" au Québec. Il faut redonner une certaine vigueur à l'entreprise privée pour créer ces emplois dont on a tant besoin. Il faut être sympathiques aux agents économiques. Il faut avoir une volonté d'alléger le fardeau des taxes qui pèsent sur les entrepreneurs et sur toutes les entreprises du Québec. Il faut alléger leurs charges fiscales. Il faut les rendre compétitifs sur les marchés internationaux, interprovinciaux. Il faut les aider à devenir plus concurrentiels. Ce sont des propos qu'on a entendus de la part du premier ministre, il n'y a pas longtemps.

Mais si ces propos avaient un certain sens - je suis bien d'accord pour qu'on prenne les mesures pour aider nos entreprises, pour alléger leur fardeau fiscal -et si ce n'était pas seulement de la poudre aux yeux, le premier ministre et le ministre du Travail auraient annoncé des mesures concrètes pour freiner la prolifération de l'absentéisme au travail. J'espère que le ministre répondra aux aspirations des employeurs du Québec. (16 h 30)

M. le Président, je disais que ce projet de loi n'a pas suscité de consensus parmi les intervenants, que ce soit au niveau des syndicats, du patronat ou de l'entreprise privée. Ce projet de loi est précipité et confus. Il est rejeté par presque tous les intervenants au Québec. Il cause effectivement d'innombrables préjudices à l'endroit des créateurs d'emplois. Il est totalement contraire aux énoncés du discours d'ouverture. Il impose des déboursés additionnels aux entreprises, aux PME, aux agriculteurs, aux petits commerçants. Je regrette, encore une fois, qu'on fasse retomber sur les épaules des petites entreprises le fardeau d'une charge additionnelle en matière de santé et de sécurité du travail.

Entre autres - et je terminerai là-dessus - les quatorze premiers jours de salaire d'un employé blessé ou en congé de maladie sont payés par l'employeur, clause qui n'existait pas auparavant. Il s'agit d'une charge additionnelle pour les petites entreprises que je dénonce formellement et je demande au ministre de corriger cette situation.

En terminant, j'aimerais indiquer qu'à cause des nombreux abus auxquels ce projet de loi donne lieu et de la négligence du gouvernement à régler des problèmes évidents dans l'administration de cette loi, je vais voter contre.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf et whip de l'Opposition.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi 42, de prendre la parole à titre

de dernier intervenant de notre groupe politique. Il s'agit d'un projet de loi qui constitue une réforme très importante en ce qu'il contient des changements significatifs dans les modes de compensation des accidents du travail et des maladies professionnelles. C'est ce qui explique pourquoi près de 30 députés libéraux sur 48 ici à l'Assemblée nationale - bientôt 49 -sont intervenus dans le cadre de ce débat. Ils sont intervenus pour sensibiliser le gouvernement à différents aspects du projet de loi, pour inviter le ministre du Travail à réfléchir, entre la deuxième lecture et l'étude du projet de loi article par article, afin d'y apporter les correctifs jugés nécessaires de part et d'autre. On sait que quelques députés péquistes, même s'ils n'ont pas été nombreux à se faire entendre, ont soulevé, eux aussi, certaines inquiétudes. C'est ce pourquoi, d'ailleurs, on présentait, la semaine dernière et plus particulièrement jeudi, une motion de report de l'étude de ce projet de loi. On demandait alors au ministre de profiter d'un délai de deux semaines afin de pousser plus avant ses échanges et ses réflexions avec les parties concernées qui ont eu l'occasion de se faire entendre publiquement, privément ou autrement auprès du ministre du Travail, afin aussi de tenir compte des amendements et des requêtes formulés qui nous apparaissent tout à fait légitimes dans les circonstances.

Essentiellement et brièvement, si on veut se référer au contenu du projet de loi, celui-ci vient prévoir principalement de nouveaux types d'indemnités, c'est-à-dire qu'à compter de son adoption et par la suite, le travailleur accidenté aura droit à une indemnité de remplacement du revenu, dans le cas d'une incapacité totale ou partielle, qui lui permettra de recevoir un montant pour une période pouvant aller jusqu'à deux ou trois ans avec, après un tel délai, une évaluation et, s'il y a lieu, une diminution dudit montant - si ce travailleur peut occuper un autre travail qui lui convient -sous forme d'une rente qui pourra aller jusqu'à l'âge de 68 ans et qui prendra fin à ce moment-là.

Le deuxième type d'indemnités de revenu s'appuie sur les indemnités pour dommages corporels. On sait que jusqu'à maintenant - et cela a fait l'objet d'inquiétudes formulées par les milieux syndicaux notamment, et c'était tout à fait légitime qu'ils formulent leurs inquiétudes auprès du gouvernement - le projet de loi prévoit qu'en ce qui concerne le travailleur qui avait droit à une rente, cette rente sera convertie en un montant en capital qui s'établira à partir de l'âge de l'accidenté et du pourcentage d'incapacité. C'est donc dire que si l'homme ou la dame qui nous écoute actuellement, qui a malheureusement vécu un accident du travail il y a quelques années et qui reçoit sa rente, avait à subir le même accident au lendemain de l'adoption du projet de loi 42, cette personne verrait sa rente capitalisée en un seul montant qui lui serait versé.

Le troisième type d'indemnité qui est prévu - et c'est de droit nouveau, il faut en convenir - c'est l'indemnité pour les personnes à charge. C'est donc dire que le chef de famille qui décède à la suite d'un accident du travail verra sa veuve et ses enfants recevoir non pas une rente annuelle qui, dans le droit tel qu'il existe actuellement, lui permettait de recevoir un montant de 90% du revenu net produit et gagné par son mari, son conjoint, ce que cette veuve aura à l'avenir, c'est un montant en capital qui pourra aller jusqu'à trois fois le revenu gagné par son mari avec un minimum de 50 000 $, auquel s'ajoutent des indemnités pour les enfants à charge ou les enfants aux études variant de 6000 $ à 9000 $ et couvrant aussi les frais funéraires.

Il y a les aspects de droit nouveau, en plus des indemnités, qui sont assez intéressants dans ce projet de loi. La notion du médecin en charge ou le médecin traitant. On sait que les travailleurs, depuis bien longtemps, par leurs associations respectives, syndicales ou autres, font des représentations pour que le médecin traitant, le médecin de famille, celui qui est en contact avec l'accidenté, ait davantage d'autorité, en termes décisionnels, dans l'établissement du taux d'incapacité pour un tel accidenté.

Cet aspect du projet de loi vient bonifier la situation actuelle et nous en sommes fort heureux, avec l'ajout cependant évidemment que le gouvernement, le ministre du Travail a pris ses réserves - que l'établissement du taux d'incapacité établi par le médecin de famille ou le médecin traitant ou le médecin en charge pourra être contesté tant par l'employeur que par la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec devant un comité d'arbitrage médical.

Il est intéressant de constater aussi dans ce projet de loi 42 que le ministre du Travail crée une commission d'appel en matière d'accidents du travail et cela répond à un voeu que l'Opposition a formulé depuis un bon bout de temps, c'est-à-dire d'enlever les bureaux de révision et le recours devant la Commission d'appel des affaires sociales.

Il y a, par contre, la révision administrative qui sera maintenant permise. Permettez-nous, M. le ministre, de vous indiquer qu'on peut toujours douter des décisions rendues par un organisme qui est contesté dans la décision qu'il a lui-même rendue.

Il y a le droit à la réadaptation qui est consacré dans le projet de loi, avec une disposition prévoyant qu'à l'avenir, au

lendemain de l'adoption de ce projet de loi, la CSST aura à préparer un plan individualisé de réadaptation sociale pour le travailleur, avec plusieurs autres formes d'aide possible. C'est très beau, c'est très bien, on est d'accord, on est heureux. Bravo! on est satisfait, mais encore faudra-t-il savoir comment la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec à qui, soit dit en passant, en termes de performance de réadaptation, il n'y a pas de quoi lui décerner de diplôme actuellement, sera capable et en mesure d'établir un plan individualisé pour chacun des travailleurs accidentés. Permettez-moi d'en douter.

C'est là le principal du contenu du projet de loi 42. J'ai eu l'occasion, comme député ici à l'Assemblée nationale, depuis onze ans déjà, de suivre de très près l'évolution des lois tant pour la Commission des accidents du travail que la loi de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec en 1978 ou 1979 et tout le débat sur le livre blanc sur la santé et la sécurité du travail qui avait été enclenché par le ministre Marois, en 1977.

Permettez-moi de vous faire part, M. le Président, et je veux évidemment, en vous parlant, m'adresser au ministre du Travail, des inquiétudes que je ressens face à un tel projet de loi: Premièrement, malgré la loi 17, malgré un budget ajouté, additionnel, à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, malgré toute une réforme de structures tant au niveau du conseil d'administration avec la parité qu'au niveau des régions, des entreprises, des comités de santé et de sécurité et des associations sectorielles, malgré tous ces efforts qui ont été déployés, on doit constater aujourd'hui, en 1984, que le nombre de demandes d'indemnisation à la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne fait que continuer d'augmenter. En 1979, malgré la loi 17, malgré les millions de dollars injectés dans le cadre de l'application de cette loi, 326 000 demandes de prestations, entraient à la commission; en 1980, c'étaient 345 000; en 1981, 355 000. La loi 17 aura été une réforme de structures qui aura passé à côté des objectifs que s'était établis le législateur, objectifs que tout le monde avait dégagés. Tout le monde était unanime à le dire en commission parlementaire lorsqu'on avait entendu 60 ou 65 groupes: plus grand nombre d'accidents, budget de 1 000 000 000 $ ou presque à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. C'est de l'argent, M. le Président. Ce sont des sommes faramineuses. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on était en droit de s'attendre qu'avec la loi 17, avec toutes les mesures qui devaient en découler, avec le leadership annoncé à ce moment-là par l'administration de la CSST, particulièrement par son président, nous sommes en droit d'exiger des comptes aujourd'hui et d'exprimer nos inquiétudes en regard de l'application éventuelle de cette loi, compte tenu de la contre-performance dans le cadre de son application et des résultats éloquents qui sont là et qui parlent par eux-mêmes aujourd'hui. (16 h 40)

La deuxième inquiétude que j'ai, c'est que le gouvernement et le ministre du Travail auraient dû profiter d'un projet de loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour exprimer une véritable volonté d'intervenir, d'éliminer, de diminuer tout au moins les accidents du travail au Québec, entre autres dans les secteurs prioritaires, dans des secteurs spécifiques. Je croyais que l'étude de ce projet de loi nous aurait donné la garantie qu'on aurait véritablement fouillé comme gouvernement, comme commission, les véritables causes de ces milliers d'accidents du travail au Québec. On parle de près de 355 000 accidents du travail en 1981. Combien en 1983? Combien, encore, en 1984? Je donne quelques exemples seulement parce que le temps fuit.

Dans le secteur forestier, on a un nombre appréciable d'accidents coûteux en capital humain et, évidemment, en capital financier. C'est un secteur qui devrait être jugé prioritaire. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas profité de l'étude de ce projet de loi pour qu'on débatte ensemble la fameuse question de l'impact du travail à forfait sur le nombre d'accidents du travail au Québec dans le secteur forestier? On n'a pas voulu aborder cette question.

Dans le secteur de la construction, là aussi on a encore un nombre élevé de demandes d'indemnisation à la suite d'accidents. Le juge Sauvé nous répondait en commission parlementaire: Vous savez, M. le député, le nombre de demandes d'indemnisation demeure stable ou presque dans le secteur de la construction. C'est vrai, mais ce que les gens ne savent pas, c'est qu'en 1978, il y avait 123 000 travailleurs qui travaillaient dans le domaine de la construction au Québec. Aujourd'hui, il y en a seulement 78 000, parce que plusieurs ont été éliminés de ce secteur. Que le nombre de demandes d'indemnisation dans le secteur de la construction demeure constant alors que la clientèle est réduite de presque 45%, il y a de quoi s'inquiéter. Je pourrais parler longuement de cas tragiques d'accidents du travail dans le domaine de la construction qu'on a vécus encore tout récemment.

La loi 17 a créé des espoirs qui ont été entretenus par la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans sa réforme de structures et, aujourd'hui, malheureusement, on doit constater une contre-performance à cet égard.

La troisième inquiétude, c'est que le

gouvernement s'apprête, par le projet de loi 42, s'il est adopté par la majorité, s'il n'est pas modifié, à couper dans des droits acquis par les travailleurs et les travailleuses du Québec en regard de leur sécurité du revenu. Je m'explique. Prenons le cas du chef de famille qui gagne 18 000 $ par année actuellement, qui décède lors d'un accident du travail, qui a deux enfants. Selon le régime actuel de la loi, la veuve de cet accidenté pourra recevoir 90% du revenu net de son conjoint sa vie durant. Cela lui permettra finalement d'élever ses enfants convenablement, d'avoir une sécurité de revenu bien à elle. Si la même situation se produit au lendemain du 1er janvier, parce que c'est probablement à cette date que la loi s'appliquera, la jeune dame, placée dans les mêmes circonstances, verra sa sécurité du revenu véritablement agressée par la loi actuelle. La loi prévoit que cette dame pourra recevoir un montant en capital pouvant aller jusqu'à trois fois le revenu de son mari, avec un minimum de 50 000 $.

La petite madame, qu'on a chacun dans son comté, aura à souffrir du décès de son mari; elle aura non seulement le traumatisme de vivre comme famille monoparentale et de prendre la charge du chef de famille, d'élever les enfants et de les amener jusqu'à la majorité, jusqu'à maturité, mais elle aura à vivre dans une période d'insécurité de revenu. Cela est grave. C'est 54 000 $ de capital qu'on donnera à cette dame, ou à peu près, plus 9000 $ pour chacun des enfants. Cela veut dire quoi? Cela veut dire 72 000 $ de capital. Voilà madame, voilà votre chèque, bonjour et bonne chancel Cela veut dire, à 9%, un revenu annuel d'environ 7000 $. Cela veut dire que dans un délai de quelques années après le décès du conjoint, parce qu'elle devra puiser dans le capital pour être capable de vivre, pour être capable d'élever les enfants, cette famille devra aller cogner à la porte de l'aide sociale pour vivre. On pourrait donner une foule d'exemples comme celui-là où le gouvernement du Parti québécois et le ministre du Travail, par une telle mesure, s'attaquent à des droits acquis, en termes de sécurité du revenu, aux travailleurs et aux travailleuses du Québec. Cela n'est pas pardonnable, c'est inexplicable, c'est injustifié. On ne peut pas s'abstenir de le dénoncer et de le porter à l'attention des membres de cette Chambre, à l'attention du ministre et à l'attention de la population en général.

Cette mesure aura pour effet qu'on se retrouvera dans une situation un peu analogue à celle de l'assurance automobile du Québec, la régie qui paie vite, c'est vrai, mais qui serait peut-être mieux de payer moins vite et de payer plus longtemps. J'ai vu un cas dans mon comté, 18 ans, 54% d'incapacité, donc incapacité pratiquement totale, continuelle, permanente, un beau chèque, 12 000 $. Cela voulait dire quoi? Cela voulait dire que dans quelques années, un an, deux ans, trois ans maximum, cette personne vivra de l'aide sociale, aux crochets de l'ensemble de la société, ce qu'elle n'a pas voulu, ce qu'elle n'a pas souhaité alors que même dans l'ancien régime - je fais digression - elle aurait pu aller chercher 35 000 $ du Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile.

Quatrième inquiétude: le ministre veut plaire à tout le monde. Au patronat, il coupe les rentes. Vous aurez constaté que le Conseil du patronat ne s'en est pas plaint, évidemment. Aux travailleurs, il établit la notion de médecin en charge, le recours à un organisme indépendant de la commission. Quelques petits gâteaux comme l'article 157 de la loi qui prévoit que le travailleur qui est incapable, en raison de sa lésion professionnelle, d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile aura droit jusqu'à 1500 $ par année. Je présume que le président de l'Assemblée nationale doit être en train de réfléchir à la possibilité d'augmenter les allocations des députés pour leur donner 1500 $ par année, parce que je ne connais pas beaucoup de députés ici qui ont le temps de tondre leur gazon, de s'occuper de leur toit et de peinturer leurs fenêtres, ou encore lorsqu'ils le font, comme cela a été le cas pour le ministre, ils réussissent à se faire mal.

Article 170, une autre perle. La commission peut octroyer une subvention au travailleur victime d'une lésion professionnelle qui élabore un projet visant à créer et gérer une entreprise qui constitue pour lui un emploi convenable. Cela veut dire quoi? Cela veut dire que la personne qui aurait un accident du travail, au lendemain de l'adoption de cette loi, pourra aller cogner à la porte de la CSST et dire: Écoutez, je projette de créer, de former tel plan ou tel projet, un peu comme les projets d'emplois temporaires, et j'aurais besoin d'une assistance financière. La Commission de la santé et de la sécurité du travail, cela prend tout son petit change pour administrer comme du monde les lois qu'elle a à administrer, ne faites pas en sorte de lui donner des responsabilités additionnelles et surtout pas au chapitre de la création d'emplois. Cela devrait coûter pas mal cher pour chaque emploi créé, M. le Président.

Une cinquième inquiétude. Il n'y a aucune disposition pour réglementer les cas d'abus. Mon collègue, M. le député de Huntingdon a eu l'occasion d'y faire référence tout à l'heure. Ce n'est pas vrai que tous les accidentés du travail veulent ce régime d'indemnisation. Ce n'est pas vrai que tous les accidentés du travail le sont à la suite d'un accident volontaire, cela va de soi. Mais il y a des cas, surtout en faisant référence à 355 000 demandes de prestations

par année... il faut convenir que, là aussi, il y a un chiffre noir qu'on peut difficilement quantifier, mais qui est le résultat d'abus de ce système. (16 h 50)

On pourrait parler des accidents qui arrivent avant les vacances, de ceux qui arrivent dans le domaine de la construction à la fin d'un gros chantier. On pourrait dire que l'interprétation donnée par les médecins, dès le moment où il y a coupure sur un doigt, est de cinq jours de congé automatiquement, etc.

M. le Président, je conclus en disant -mon temps fuit; il me reste trois minutes; des arrangements ont été pris avec le gouvernement; on était d'accord sur le temps alloué - que le Parti libéral du Québec est contre le projet de loi 42, premièrement, parce qu'il n'y a pas consensus: le ministre du Travail n'a pas été capable d'obtenir un consensus. Tous les intervenants sont contre, pour des motifs qui leur sont propres; tout le monde est contre ce projet. Nous sommes contre le projet de loi 42 parce qu'il amoindrit et diminue des droits acquis par les travailleurs et les travailleuses du Québec, et risque de porter atteinte de façon gravement à la sécurité du revenu de ces travailleuses et de ces travailleurs et, plus particulièrement, à celle du conjoint ou des survivants lors du décès du travailleur ou de la travailleuse.

Troisièmement, le Parti libéral du Québec et l'Opposition sont contre le projet de loi, parce qu'on le considère trop imprécis, entre autres en ce qui concerne les programmes de réadaptation individuelle que la Commission de la santé et de la sécurité du travail aura à préparer pour ce même travailleur. Nous sommes contre en raison du doublement des juridictions, pour ne pas dire le chevauchement. On sait que le projet loi permet à la CSST de s'occuper de recyclage et de formation de main-d'oeuvre ainsi que de la recherche d'emplois, un bel aveu de l'échec ou de l'incapacité du ministère de faire "sa job" dans les centres de main-d'oeuvre du Québec. Le ministre du Travail devrait réfléchir à cet aspect du projet de loi, parce que c'est une motion de blâme à l'égard des organismes et des structures gouvernementales qui ont normalement la responsabilité d'effectuer un tel travail.

Cinquièmement, nous sommes contre, parce que le projet de loi ne nous donne aucune garantie d'intervention dans les secteurs prioritaires comme la foresterie, l'agriculture. En agriculture, on constate que les accidents arrivent toujours en fin de journée. Il y a un problème et la Commission de la santé et de la sécurité du travail devrait se pencher là-dessus.

Il n'y a aucune intervention dans le secteur prioritaire qu'est celui de la construction, notamment. Nous sommes contre, parce qu'il n'y a aucune volonté dans ce projet de loi d'intervenir afin de permettre aux travailleurs accidentés de recourir aux services d'un professionnel qu'est un chiropracticien. Mon collègue de Sauvé a eu l'occasion d'intervenir là-dessus et nous endossons pleinement son intervention.

Enfin nous sommes contre aussi parce que le ministre du Travail ne tient pas compte, dans son projet de loi, d'un aspect qui fait mal à notre société, à ses individus et à l'ensemble de la collectivité. Vous comprendrez que je fais référence, M. le Président, au problème de l'alcoolisme en milieu de travail et à l'effet de l'alcoolisme sur les accidents du travail. J'ai insisté à chacune des reprises pour que la CSST fasse quelque chose là-dessus. Elle n'a jamais rien fait. Il aura fallu une étude décente des dirigeants d'entreprises pour sensibiliser le gouvernement à l'impact. Cela coûte 700 000 000 $ à la société québécoise. Il faut que ce soit traité. Il faut une attention particulière. Il n'y a aucune volonté dans ce sens de la part du gouvernement, en tout cas ce n'est pas dans le projet de loi.

Enfin, nous sommes contre parce que ce projet de loi contribuera encore une fois à alourdir l'administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Cela coûte 1 000 000 000 $. Cela coûte déjà trop cher. Il y a contre-performance de la CSST, de l'argent mal investi. Réforme des structures: vous passez à côté des objectifs. Et aujourd'hui, vous présentez un projet de loi boiteux, qui déplaît à tout le monde, qui agresse les travailleurs et qui vient créer une nouvelle structure. M. le Président, ce sont là les motifs pour lesquel nous voterons contre.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre du Travail, vous avez vingt minutes pour votre réplique.

M. Raynald Fréchette (réplique)

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Avant de vous soumettre mes remarques en réplique, je solliciterais le consentement unanime de la Chambre - j'en ai d'ailleurs parlé au leader - pour procéder au dépôt, en double copie, du rapport actuariel préparé par la maison Blondeau et compagnie et publié en date du 29 octobre dernier, qui concerne le projet de loi réimprimé.

Une voix: D'accord.

Le Vice-Président (M. Jolivet): D'accord. Dépôt.

M. Fréchette: M. le Président, à écouter le député de Portneuf, et plus particulièrement au moment où il soumettait ses remarques préliminaires, j'étais fort

impatient de connaître les conclusions de son intervention, parce qu'il a pris une bonne partie de cette intervention pour indiquer, par exemple, que le gouvernement avait répondu à la demande des parties quant au rôle prioritaire qui doit être accordé à celui qu'on est convenu d'appeler le médecin traitant ou alors, le médecin choisi ou bien par l'accidenté ou par le malade professionnel. Le député de Portneuf nous dit: Voilà une réponse précise à la demande formelle soumise par toutes les parties et voilà une amélioration sensible par rapport à l'état actuel de la loi.

Le deuxième exemple qu'il a choisi est celui de la mise sur pied de cette commission d'appel et non seulement nous a-t-il rappelé que tous les intervenants en commission parlementaire se sont prononcés favorablement quant au principe de la mise sur pied d'une semblable institution, bien que les modalités pouvaient varier d'un groupe à l'autre, mais il a insisté - en tout cas, c'est ce que j'ai compris - pour nous dire que le Parti libéral lui-même réclamait depuis longtemps une semblable institution pour faire en sorte que les accidentés du travail se retrouvent au même endroit, tout le temps et pour tous les problèmes. Mais, M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai compris de la plupart des interventions de nos autres collègues de l'Opposition. La plupart de ceux qui, avant le député de Portneuf, sont intervenus sur le projet de loi et qui ont discuté de cet aspect très particulier ont réclamé avec insistance - et dans bien des cas, presque avec véhémence - que cette partie du projet de loi soit retirée et que l'on conserve le mécanisme actuel qui prévoit que les appels en matière d'indemnisation soient référés à la Commission des affaires sociales. Je vous signale à ce chapitre que je suis un peu embarrassé quant à la position très précise de nos amis d'en face sur la création de ce tribunal; les uns disent non et le député de Portneuf, critique de l'Opposition en matière du travail, nous dit: Bravo! Voilà! C'est ce qu'on réclamait depuis longtemps.

Il nous a également dit un mot du chapitre de la réadaptation. Encore là, il s'est réjoui du fait que maintenant, on retrouve dans la loi les politiques de réadaptation tant physique, professionnelle que sociale et que ces politiques sont maintenant consacrées comme étant un droit. J'attirerai l'attention de la Chambre sur le fait que cette décision procède également d'une demande quasi unanime de tous les groupes qui sont venus en commission parlementaire, qui nous ont indiqué très clairement au chapitre de la réadaptation, deux choses très précises: d'une part, nous devrions retrouver dans la loi la consécration du principe au droit à la réadaptation et deuxièmement, nous devrions également retrouver dans la loi les différents programmes de réadaptation qui peuvent s'appliquer tant au plan professionnel, social, que physique. C'est ce qu'on retrouve dans la loi maintenant. Nous répondons dans ce chapitre de la loi de façon immédiate aux demandes qui nous ont été soumises. Ce que nous avons dit en commission parlementaire à cet égard et ce que nous répétons maintenant, c'est qu'il est évident que ces programmes de réadaptation se retrouvant maintenant dans la loi, le droit à la rédaptation s'y trouvant également, il va y avoir, d'un côté comme de l'autre, tant du côté des travailleuses et des travailleurs accidentés que du côté des employeurs, des gens qui vont vouloir procéder à - passez-moi l'expression, je la mets entre guillemets - "tester" la loi. (17 heures)

On a souligné ce danger au moment de nos travaux en commission parlementaire. Malgré le danger qu'on soulevait, malgré le fait qu'à partir du moment où la loi sera adoptée et que ses mécanismes deviendront la règle pour tout le monde, malgré le fait que cela pourrait se retrouver devant les tribunaux et nous placer dans une situation telle que les délais pour obtenir une interprétation finale d'un article du chapitre sur la réadaptation pourraient être longs, les parties ont insisté pour nous dire que, malgré cette difficulté, de laquelle nous sommes tout à fait conscients, elles insistaient pour que le droit à la réadaptation se retrouve dans la loi et que les politiques ou les programmes de réadaptation s'y retrouvent également. C'est donc à la demande des groupes que l'on retrouve ces dispositions.

Je vous signalerai que l'inquiétude du député de Portneuf quant à la façon d'appliquer un programme de réadaptation ne peut, d'aucune espèce de façon, être retenue et ce, pour deux motifs: d'abord, la loi précise que le programme de réadaptation est individualisé et qu'il est préparé en collaboration immédiate et étroite avec ou bien l'accidenté, ou alors la personne qui est victime d'une maladie professionnelle. À supposer que le requérant ne soit pas satisfait du plan individualisé de réadaptation qu'on a préparé pour lui, il aura dorénavant - ce qui n'existe pas actuellement, soyons-en conscients - le droit de se pourvoir en appel sur la qualité, sur le fond, sur l'essence, sur la substance de son programme de réadaptation. C'est un droit qui n'existait pas auparavant. Non seulement il n'existait pas, mais les programmes de réadaptation étaient bâtis à partir d'une réglementation que la Commission de la santé et de la sécurité du travail elle-même, avec les moyens et avec l'expertise dont elle disposait, tentait, au meilleur de sa connaissance, d'appliquer, avec les conséquences que l'on connaît dans certains cas. On retrouve cela dans la loi

maintenant. Tout cela est greffé à un droit d'appel pour le cas où le requérant, encore une fois, ne serait pas satisfait du programme qui lui a été suggéré.

Mais là où je ne comprends absolument plus l'argumentation du député de Portneuf, c'est lorsqu'il a commencé par faire l'énumération des différents aspects de la loi qui font que l'Opposition a maintenant décidé officiellement de ne pas souscrire à l'adoption du principe. C'est aussi lorsqu'il a entrepris de nous expliquer l'état actuel - je prends son exemple - de la veuve d'un accidenté du travail au chapitre de l'indemnité. Là, il a fait preuve d'une ignorance totale de la loi actuelle. Il nous indiquait que cela fait quatorze ans qu'il surveille tout cela de près, qu'il examine les dispositions des lois, qu'il est sensible à toute la législation. Il nous a aussi indiqué que si la loi devait être adoptée et mise en vigueur le 1er janvier, la veuve d'un accidenté, peu importe son âge, qui, en vertu des dispositions de la loi actuelle, retire, nous dit le député de Portneuf, une rente à vie équivalant à 90% du revenu net de son mari, cette veuve va se retrouver avec un montant forfaitaire équivalant au minimum, au salaire de son mari, et au maximum, à trois fois ce salaire.

Je veux être sûr d'avoir bien compris l'analyse du député de Portneuf. Je veux être sûr que l'analyse qu'il a faite des questions qui ne font pas leur affaire est aussi certaine que l'exemple qu'il a utilisé dans le cas de la veuve. Dans le cas de la veuve, nous dit-il, 90% du revenu net de son mari décédé, et ce pour le reste de ses jours.

Ce que quelqu'un en cette Chambre devait savoir, dans l'état actuel de la loi, c'est que la veuve de l'accidenté retire, en termes de rente, un pourcentage de 55% du revenu net de son mari et non pas de 90%, comme le député de Portneuf l'a indiqué... M. le Président, c'est 55% de 90% du revenu net; ce n'est pas 55% du salaire global du mari décédé, mais 55% de 90% du revenu net. Voilà l'état actuel de la loi. Le député de Portneuf nous dit: Elle va être privée de 90% du revenu net de son mari décédé. Ce n'est pas cela l'état actuel de la loi. Je pense qu'il est impérieux et important de relever des erreurs aussi grossières de la part de quelqu'un qui se dit lui-même spécialiste en cette matière.

Si l'évaluation qu'il a faite des autres aspects négatifs de la loi procède de la même évaluation, de la même connaissance de la loi, il est tout à fait évident que l'appréciation qu'on en a faite de l'autre côté est complètement déviée et qu'on n'a pas compris l'ABC de l'ensemble de cette loi. Cela m'apparaît un motif fort suffisant pour comprendre pourquoi, de l'autre côté, on est contre la loi: on ne la comprend pas.

On ne la comprend strictement pas, et cela, sur des points fondamentaux, pas sur des aspects secondaires, pas sur des questions d'ordre technique, mais sur des questions de fond importantes.

Seulement pour l'information du député de Portneuf, je voudrais lui signaler que, dans le cas de la veuve dont on parle, elle reçoit cette indemnité si elle est seule, si elle n'a pas d'enfant avec elle. Au premier enfant, s'ajoute un montant de 10% aux 55% dont je viens de parler; au deuxième, s'ajoute un montant de 5%; au troisième, un autre montant de 5%, jusqu'à un maximum, peu importe le nombre d'enfants, de 80% du 90% du salaire net dont je parlais tout à l'heure. Je veux bien que l'on argumente avec beaucoup de fermeté, de sérieux, d'expertise, comme on le dit soi-même, mais encore faudrait-il que la preuve nous soit faite qu'on a une connaissance, ne serait-ce qu'élémentaire - parce que c'est une question élémentaire - de la loi actuelle et du projet de loi qu'on étudie actuellement.

Le projet qui est devant nous, le député de Portneuf en a encore escamoté un certain nombre d'aspects importants. Il a dit: La veuve va recevoir ce montant forfaitaire dont on parle et va recevoir, pour chacun de ses enfants dépendants, un montant de 9000 $. Ce n'est pas ce que la loi dit. Il faut prendre le temps de la lire, cette loi. Ce que la loi dit expressément - en tout cas, dans sa forme et sa teneur actuelles -c'est qu'effectivement, cette veuve recevra le montant forfaitaire dont on parle, mais que, pour chaque enfant mineur - et cela, le député de Portneuf ne l'a pas dit, il n'a sans doute pas eu le temps - elle recevra une rente mensuelle de 250 $, peu importe le nombre d'enfants. Quand l'enfant arrivera à sa majorité, il obtiendra le montant forfaitaire dont le député de Portneuf a parlé, soit 9000 $. Ce qu'il a oublié de dire, c'est qu'une veuve d'un accidenté du travail qui se retrouverait, par exemple, et ce sont des cas qui arrivent, avec cinq enfants mineurs, retirerait le forfaitaire dont on parle et quelque 1000 $ pendant tout le temps de la minorité de ses enfants. (17 h 10)

C'est sûr que si on déforme - je ne dis pas que c'est volontaire, c'est sans doute une omission - comme cela toutes les dispositions du projet de loi dont on a parlé, il est évident qu'on ne peut pas arriver, de toute façon, à la même conclusion.

J'ai l'impression que le Parti libéral est en train de brûler ce qu'il a adoré et qu'il adore ce qu'il a brûlé à une certaine époque. Ce à quoi je veux référer, M. le Président, c'est à la loi 52. Le député de Bonaventure se souviendra de la loi 52, qui a été adoptée en 1975 par le gouvernement du temps, à la suite d'un long conflit de travail qui avait sévi dans les mines d'amiante de la région

de Thetford. L'un des enjeux fondamentaux de ce conflit était très précisément le phénomène des maladies professionnelles qui s'appellent l'amiantose et la silicose. Le gouvernement de l'époque avait adopté cette loi 52 à l'intérieur de laquelle on retrouvait, comme principe fondamental au chapitre de l'indemnité, ce que l'on retrouve dans le projet de loi 42, soit une indemnité de remplacement du revenu pour le malade amiantosé, à laquelle indemnité on ajoutait un montant forfaitaire.

Le débat nous permettra de relever certaines interventions du gouvernement libéral de l'époque, qui a plaidé avec beaucoup d'insistance là aussi qu'il fallait introduire ce régime de l'indemnité de remplacement du revenu assorti d'un montant forfaitaire parce que c'était plus juste, plus équitable et plus conforme aux réalités que vivaient les amiantosés des régions de Thetford Mines, d'Asbestos et des autres secteurs de maladies professionnelles de même nature.

Et maintenant, quelque neuf ans plus tard, le gouvernement introduit un projet de loi à partir du principe que contenait un projet de loi adopté par le gouvernement libéral du temps, et on vient nous dire: votre projet est inique, il ne répond pas aux exigences, aux attentes et aux droits des travailleurs accidentés et des gens qui subissent une maladie professionnelle et vous ne devriez pas, au chapitre de l'indemnité en tout cas, modifier le statu quo de la loi.

Quand je vous disais, il y a un instant, M. le Président, qu'on brûle maintenant ce qu'on a adoré et qu'on adore ce qu'on a brûlé, c'est très précisément à cette situation que je voulais référer. J'invite immédiatement le député de Viau, porte-parole de l'Opposition en cette matière, de référer tout de suite aux débats qui se sont tenus en cette Chambre et en commission parlementaire lorsque le gouvernement libéral de 1975 a fait adopter la loi 52. Il va se rendre compte, à l'évidence, que les principes qui étaient, encore une fois, plaidés avec beaucoup de conviction à ce moment-là, sont exactement ceux qu'on veut introduire dans le projet de loi 42. Et on nous dit: Non, c'est de l'iniquité totale, c'est absolument inacceptable sur le plan de la justice naturelle et nous n'allons pas, de toute évidence, souscrire à un principe de cette nature. Et pourtant, et je le dis sans aucune réserve, c'est un principe qui a été consacré par le gouvernement libéral de l'époque et que nous avons retenu sans aucune espèce de réserve, exactement dans la même forme, exactement de la même manière, exactement à partir du même processus. Et là on nous dit maintenant, c'est une question de fond, c'est une question de politique fondamentale: non, ça ne peut plus être accepté comme principe ce que l'on plaidait à cette époque-là.

Une dernière observation quant à moi, M. le Président. Ce que le projet de loi 42 vise, entre autres objectifs, et nous allons très certainement avoir l'occasion d'en rediscuter, c'est d'arriver à une harmonisation qui soit aussi complète et aussi parfaite que possible avec les autres régimes d'indemnité que l'on connaît et plus particulièrement le régime que l'on retrouve en matière d'accidents d'automobile. C'est évident que l'harmonisation ne peut pas être parfaite à tous égards pour le simple motif qu'il s'agit de deux régimes dont les objectifs fondamentaux ne sont pas les mêmes, mais, à plusieurs autres égards, l'harmonisation est possible et c'est ce à quoi vise le projet de loi.

M. le Président, je ne suis pas fermé à des réévaluations du projet de loi lorsque arrivera le temps de la commission parlementaire. Je ne suis pas non plus fermé à toute suggestion dont les conséquences ou les effets pourraient être de nature à bonifier le projet de loi. Je réitère à cet égard que je continuerai d'ailleurs dans les jours qui viennent à rencontrer des intervenants Intéressés au projet de loi avec qui je suis tout à fait disposé à discuter de l'ensemble de la situation et à procéder à la modification d'un certain nombre de choses lorsque nous évaluerons que cela se situe dans les limites de l'intérêt des deux parties qui sont particulièrement touchées par ce projet de loi.

M. le Président, à la toute fin, je voudrais remercier les collègues qui, des deux côtés de la Chambre, ont participé à ce débat important qui a duré un bon moment. Cela nous a permis d'en faire l'évaluation, d'en toucher ou de mettre le doigt sur un certain nombre de choses qui ont peut-être besoin d'être revues. Que d'un côté comme de l'autre, on sache que je veux remercier les collègues qui y ont participé. J'invite maintenant, quand l'autre problème dont on a discuté au début de la séance sera réglé, les collègues à mettre tout autant d'intérêt dans l'autre exercice qui nous attend.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Vote enregistré.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Je suggère donc que ce vote

enregistré soit reporté à demain, après les affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le vote est reporté à demain.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, nous allons maintenant discuter de finances municipales. À cet égard, je vous demande d'appeler l'article 5 de notre feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 2

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous allons reprendre le débat sur le principe du projet de loi 2, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les finances municipales.

M. le député de Laprairie, vous avez la parole.

M. Jean-Pierre Saintonge

M. Saintonge: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole à ce stade-ci du débat, au nom de l'Opposition, en tant que porte-parole en matière d'affaires municipales, sur la discussion relativement à l'adoption du principe du projet de loi 2, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les finances municipales. C'est l'adoption du principe du projet de loi, ce qui est communément appelé la deuxième lecture du projet de loi.

Puisque le ministre a fait son discours la semaine dernière, comment peut-on situer le projet de loi 2? Quels sont les principes ou quels sont les effets principaux du projet de loi 2, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les finances municipales? Tout d'abord, un des premiers principes de ce projet de loi, un des premiers effets, c'est d'éliminer un grand nombre d'approbations administratives. Plus particulièrement, un deuxième effet du projet de loi, dans le cas de l'élimination de ce grand nombre d'approbations administratives, c'est de modifier le rôle de la Commission municipale puisqu'à l'avenir, certaines approbations qui étaient de son ressort lui seront enlevées pour être confiées au ministre ou, dans certains cas, être purement et simplement annulées. Donc, le deuxième effet, c'est de modifier le rôle de la Commission municipale surtout en ce qui regarde les approbations financières dans les questions municipales qu'elle devait donner antérieurement, à plusieurs occasions.

Le troisième effet du projet de loi concerne certaines mesures relatives à la gestion interne des municipalités. On parle ici d'amélioration des règles de gestion des municipalités. En fait, le projet de loi introduit certaines mesures nouvelles concernant la gestion des municipalités qui, je pense, favorisent d'une façon positive l'éclosion du pouvoir municipal, de l'autonomie municipale. (17 h 20)

Ce projet de loi, effectivement, comme le ministre l'a mentionné, est assez important et assez imposant. Il contient 324 articles et environ une vingtaine de pages d'annexe. Le projet de loi modifie - j'ai fait un calcul rapide. Le ministre nous disait 23 lois, j'en ai calculé 38, si je me souviens bien - environ 38 lois municipales et touche à 103 chartes ou lois municipales concernant diverses municipalités.

C'est un travail de moine que les officiers du ministère des Affaires municipales ont dû effectuer. Je vous avouerai que de ce côté-ci, nous avons fait le même travail, mais en beaucoup moins de temps puisque nous avons dû vérifier ce projet de loi et je puis vous assurer que pour en prendre connaissance, faire le pendant avec les diverses lois qui sont modifiées, 38 lois, et analyser toutes ces dispositions, je vous assure que c'est un travail assez fastidieux.

La Loi sur les approbations administratives. Le ministre a qualifié sa loi finalement reconnue dans le milieu comme étant Loi sur les approbations administratives. Là-dessus, sur la question des approbations administratives, le ministre mentionnait que c'était un sujet qui faisait l'unanimité dans le monde municipal, c'est-à-dire qu'il y avait des contrôles excessifs qu'exerce le gouvernement sur l'appareil municipal. Un grand nombre de contrôles qui se répercutent, qu'on rencontre à tout moment, à tel point que les élus municipaux se sentent un peu pris au piège. Le ministre nous a dit dans son discours que son projet de loi était téléguidé par la confiance envers les élus municipaux, la simplification de la loi et l'autonomie. Je reviendrai sur la simplification du texte de loi un peu plus tard.

Je m'attarderai pour le moment à la question de confiance et d'autonomie manifestée envers le monde municipal que ce projet de loi est censé nous dépeindre. Du côté confiance et du côté autonomie, le ministre nous parlait, effectivement, au niveau des acteurs municipaux, d'expertises très diversifiées et d'indiscutable compétence, de souplesse, de débrouillardise. On peut leur laisser une grande lattitude à ce moment. Il nous a parlé d'une large part que les municipalités peuvent prendre dans le pouvoir d'aménagement, dans la revitalisation de la démocratie municipale. Également, la prise en charge de responsabilités fiscales suivant de grandes réformes que nous avons connues antérieurement.

Cela ouvre la porte, ici, à une certaine parenthèse à faire l'examen de l'activité de nature législative dans le domaine du droit municipal au cours des dernières années. Vous me permettrez, ici, de noter que les institutions municipales sont des institutions à caractère subordonné, c'est-à-dire qu'elles n'exercent qu'une législation déléguée, c'est-à-dire qu'elles ne possèdent que les pouvoirs qui leur sont expressément confiés ou accordés par la Législature. Je voudrais ici faire une espèce de bilan du régime modifié que le monde municipal a dû subir au cours des dernières années, un bilan de la réforme législative dans le domaine municipal. Je me servirai simplement de quelques commentaires, quelques extraits, d'une conférence que donnait l'ex-sous-ministre des Affaires municipales, M. Patrick Kenniff, lors d'une conférence qui s'intitulait "Les récents développements en droit municipal québécois." Cette conférence remonte à septembre 1980; pour être précis, au 26 septembre 1980.

Qu'est-ce qu'on disait à ce moment-là là-dessus? Qu'il y avait eu des modifications substantielles dans les lois municipales au cours des dernières années. À ce moment, M. Kenniff faisait référence, effectivement, puisqu'il était en 1980, aux années 1978, 1979, 1980. Mais dans les quinze années précédentes, il y avait eu des modifications importantes et également substantielles aux lois municipales. Ici, il est bon de citer tel qu'il est rapporté dans ce texte, on parlait de la Loi modifiant à nouveau la Loi des cités et villes adoptée en 1968. Une loi qui, effectivement, concernait des procédures d'élection et d'annexion dans les villes. Un point important, une démarche importante dans la législation municipale, cette loi de 1968.

Également, on note, dans le bilan de la législation municipale, la création, en 1969, de trois communautés: la Communauté urbaine de Montréal, la Communauté urbaine de Québec et, également, la Communauté régionale de l'Outaouais.

Vous avez aussi la Loi sur l'évaluation foncière adoptée en 1971. C'était une autre étape importante dans la législation municipale, mais outre la législation, il faut également tenir compte, dans le bilan de l'activité gouvernementale au niveau des affaires municipales, de certaines commissions d'étude qui ont été mises sur pied à cette époque, dans les années soixante et soixante-dix. Dans le bilan que M. Kenniff faisait toujours là-dessus, il faisait référence aux travaux de la Commission provinciale d'urbanisme, la commission La Haye, dont les travaux se sont échelonnés de 1963 à 1968. On disait également qu'à la suite des travaux de la commission La Haye, il y avait eu un avant-projet de loi sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire qui avait été déposé à l'Assemblée nationale, en 1972.

Il y a eu également la Commission de refonte des lois municipales, la commission Hébert, qui, finalement, a oeuvré de 1971 à 1977. La dernière tranche de son rapport a été remise en 1977. Il y a eu finalement le groupe de travail sur l'urbanisation, connu comme le groupe Castonguay, qui a réalisé ses travaux de 1974 à 1976. Ces travaux portaient principalement sur les grandes agglomérations. Ce qu'il est important de noter, c'est que les travaux de la commission prenaient résolument partie en faveur de l'autonomie municipale. On proposait même d'accroître la marge d'autonomie des municipalités, surtout en matière financière.

Finalement, nous pouvons arriver aux plus récents développements dans le domaine municipal, c'est-à-dire aux trois réformes majeures que le ministre des Affaires municipales a mentionnées à plusieurs occasions depuis le printemps dernier: la Loi sur la démocratie municipale, la Loi sur la fiscalité municipale, de même que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Mais également, dans tout ce bilan des lois municipales, ce qu'il faut soutenir, c'est que certaines lois, qu'on peut appeler des lois sectorielles, viennent toucher aux affaires municipales, aux pouvoirs des administrations municipales. On fait réfence à ce moment-ci, par exemple, à la Loi sur la protection du territoire agricole, à la loi qui a modifié la Loi sur la qualité de l'environnement, aux modifications apportées également à la Loi de police. Il y a certaines modifications incidentes dans des lois qu'on pouvait appeler sectorielles et qui affectent le pouvoir municipal.

J'ai fait ce bilan, M. le Président, pour une raison. Le ministre a parlé de confiance, d'autonomie. Son projet de loi a été dicté par la confiance et l'autonomie qu'il voulait accorder au monde municipal. Je vous dirai que j'ai été un peu renversé du bilan que le ministre donnait de l'action gouvernementale jusqu'à ce jour et qu'il amenait avec le projet de loi 2. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu faire un certain bilan des lois qui existaient auparavant, celles des quinze dernières années. On se rend surtout compte que les grandes réformes importantes ont eu lieu en 1978, en 1979 et en 1980. Je m'asseois devant cela aujourd'hui et je me souviens de cette conférence de M. Kenniff, parce que j'y étais également présent, à l'automne 1980. Je n'étais pas encore député, mais je m'occupais de droit municipal en tant qu'avocat. J'étais présent à cette conférence. Le monde municipal a discuté amplement des réformes qui devaient être faites. C'était au moment où le projet de loi 125 était présenté.

J'ai voulu, à ce moment-ci, connaître la perception qu'a le monde municipal aujourd'hui du bilan de ces réformes. Je n'ai

pas fouillé tellement loin, M. le Président. Je vous donnerai une espèce de compte rendu de ce que certaines personnalités municipales nous disent de l'état de la législation actuelle et des actions du présent gouvernement principalement dans le domaine des affaires municipales.

Je cite Me Guy Bélisle, maire de la ville de Saint-Eustache, qui disait ceci lors du congrès de l'UMQ, le 12 avril 1984. Je vois le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur hocher un peu la tête. Je comprends, il y a une citation pas tellement flatteuse à son égard dans l'exposé de Me Bélisle. Je citerai ici Me Bélisle qui, effectivement, vient d'être réélu maire de Saint-Eustache, il y a environ deux semaines. Il dit: "Depuis déjà plus de quinze ans, l'on entendait parler de grandes réformes à venir en matière municipale. Elles se sont produites effectivement au fil des ans, mais à un rythme tel qu'elles ont laissé de grandes blessures au sein du monde municipal. Nous comprenons qu'elles étaient nécessaires, mais il aurait été souhaitable que le dirigisme prépondérant, agressif et provocant émanant du gouvernement du Québec ait été mieux articulé." C'est ici que le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur met le holà. Me Bélisle rappelait évidemment les paroles mêmes du ministre qui disait à ses fonctionnaires qu'il fallait au plus tôt mettre les maires au pas, dès sa nomination en 1976. C'est une parole qui a circulé dans le monde municipal. Le ministre, à l'époque, disait: II faudrait mettre les maires au pas. Me Bélisle disait: "C'était très mal enclencher les réformes envisagées. (17 h 30)

Donc, les réformes municipales, il y a eu antérieurement certaines études, de grandes études, de longues études qui ont été faites par le gouvernement, autant le gouvernement du Parti québécois que, lors des années soixante et soixante-dix, le gouvernement libéral et le gouvernement de l'Union Nationale. Il y a eu une certaine consultation qui s'est effectuée à cette époque, antérieurement, lors de grandes commissions d'enquête - on parle de la commission Castonguay ou de la commission LaHaye - mais également lors de la mise en place de certaines réformes.

Le gouvernement a procédé à certaines études, mais qu'en est-il exactement? La conclusion de Me Bélisle, maire de Saint-Eustache, est la suivante: "Pourquoi a-t-il fallu que, par la suite, dans la plupart des lois adoptées et sanctionnées en rapport avec ces réformes projetées, nous ne retrouvions aucunement ou à peu près le point de vue des municipalités et de leurs représentants?" Il parlait un peu de la consultation sur l'aménagement à ce moment-là, mais c'est encore une fois une aggression contre l'autonomie municipale. C'est la perception du monde municipal là-dessus. Et je continue: "Pourquoi donc faut-il toujours que le contenu des lois adoptées par l'Assemblée nationale soit si différent des conclusions et des résultats obtenus lors des consultations? C'est que le gouvernement du Québec est devenu un gouvernement extrêmement centralisateur grugeant, loi après loi, réforme après réforme, l'autonomie municipale." C'est un premier point, M. le Président, mais je citerai un autre extrait. C'est le maire de Saint-Eustache qui parlait.

Je vous citerai un extrait - ce n'est pas un libéral, celui-là - de l'ancien président de l'UMQ, M. Dufour, à l'ouverture du congrès de l'UMQ à Montréal, le 12 avril 1984. Le ministre des Affaires municipales actuel était présent. Il dit: "Bien sûr, en théorie, cela fait plus de six ans que l'on parle de revaloriser le pouvoir municipal, mais en même temps, ce pouvoir est de plus en plus encerclé, circonscrit, surveillé et étouffé par des lois et des règlements qui témoignent d'un manque de confiance en ia maturité des institutions municipales." C'est M. Dufour qui disait cela, il y a un an.

M. le Président, il n'y en a pas assez. Je vais vous donner un autre extrait d'une personne qui, le 13 avril 1984, nous amenait justement à la perception du monde municipal à l'égard de l'attitude projetée par le ministère des Affaires municipales et le ministre des Affaires municipales. ici, évidemment, si on se reporte à cette époque, au 13 avril 1984... J'ai parlé tantôt de la référence du maire de Saint-Eustache à l'égard de l'ex-ministre des Affaires municipales, maintenant ministre de l'Habitation, mais également, on se situe à l'époque où on venait de changer de ministre des Affaires municipales, où un deuxième ministre des Affaires municipales avait dû être déplacé, à cause justement de conflit majeur qui existait entre le monde municipal et le ministre des Affaires municipales sur des projets de loi précis. Je donnerai à votre souvenir ici le projet de loi 38. Je cite ici un bref extrait de la conférence de M. Roch Bolduc, conseiller en administration et ex-sous-ministre des Affaires municipales, au congrès de l'UMQ: "Pour revenir à l'activité de nature législative, déjà, en 1978, je relevais, outre le Code municipal et la Loi des cités et villes, plus de 75 lois concernant au premier chef les municipalités, soit le quart de toute notre législation d'ordre public de l'époque. De 1976 à 1980 seulement, selon l'étude récente de Berthiaume et Boivin sur la réforme municipale au Québec, le gouvernement a élaboré 72 projets de loi touchant de près ou de loin nos structures municipales. De plus, fait significatif, il ne faut pas oublier de souligner une caractéristique importante de la législation nouvelle. L'on y multiplie dans

des lois d'ordre général les dispositions habilitant le gouvernement ou ses organismes à réglementer tel ou tel aspect. L'environnement est à ce sujet un cas notoire aux multiples facettes auquel vous avez sans doute eu l'occasion d'être confronté. Or, presque chaque intervention -on parle d'interventions de l'État - a pour effet, non seulement d'imposer de nouvelles normes ou de nouvelles règles de jeu, mais aussi de mettre sur pied un organisme gouvernemental ou d'habiliter un organisme administratif existant à réglementer, normaliser, inspecter, contrôler ou approuver d'une façon ou de l'autre certaines de vos activités. Vous êtes surveillés de tous bords et tous côtés, comme si vous étiez des mineurs ou des fonctionnaires, vous, les élus, dont la légitimité est aussi bien assise pourtant que celle de ceux qui siègent à l'Assemblée nationale". Ces paroles étaient celles, je le répète, de M. Bolduc, au congrès de l'Union des municipalités du Québec, le 13 avril dernier. Donc, c'est un peu la perception du monde municipal par rapport aux interventions répétées du gouvernement du Québec, sur ce qu'on veut imposer au monde municipal.

Vous comprendrez mon étonnement à ce moment-ci, qu'en présentant le projet de loi 2, le ministre ait parlé pendant une bonne partie de son allocution de la confiance que le gouvernement accordait aux élus municipaux, de l'autonomie que le gouvernement accordait aux autorités municipales. D'après ce que je comprenais, les lois récentes, les principales lois qui proviennent des trois grandes réformes que le ministre a mentionnées, donnaient l'autonomie aux élus municipaux, démontraient la confiance du gouvernement en eux. Mais la perception est exactement à l'inverse de cela, tel que je vous l'ai fait réaliser par ces citations de gens influents du monde municipal et de gens participant à la gestion municipale.

Donc, sur la question de confiance et d'autonomie par rapport aux lois existantes, vous comprendrez que je ne partage pas les paroles que le ministre a prononcées. Je dirais même plus: On est loin de la confiance et de l'autonomie que le ministre dit manifester à l'égard du monde municipal ou, à tout le moins, que ses prédécesseurs ont fait preuve.

Je pourrais vous donner un autre petit exemple, là-dessus. On parle de confiance. On parle de l'autonomie du pouvoir local, du pouvoir que des gens exercent dans les municipalités du Québec. Est-il besoin de rappeler à cette Assemblée tout le débat qui a entouré la question de la loi 38 sur la participation gouvernementale au financement des municipalités? C'est un projet de loi que le gouvernement a tenté de faire adopter sous le nez des municipalités mais qu'il n'a pas réussi grâce au travail incessant de l'Opposition et grâce également au fait que les élus municipaux se sont levés debout et ont fait valoir leur mécontentement à l'égard du gouvernement sur un tel projet de loi.

Sur la question de la confiance envers les élus municipaux, comment le ministre peut-il venir nous dire aujourd'hui qu'il a confiance en eux? Qu'on s'en souvienne, la loi 38 a été bloquée en troisième lecture, en décembre. Au printemps, on a proposé un amendement à l'article 20 de la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales, par un projet de loi présenté par le ministre de la Justice, soit le projet de loi 84. À cette époque, les discussions étaient en cours avec le monde municipal. Un nouveau ministre des Affaires municipales était arrivé dans le portrait. On a parlé d'un pari de la confiance exigée de la part des municipalités. C'était un pari de la confiance en disant: Faites confiance au gouvernement. Soyez d'accord avec nous pour repousser les subventions fédérales qu'on veut donner aux municipalités pour faire respecter le principe de la compétence constitutionnelle du Québec, en affaires municipales. Les municipalités étaient d'accord là-dessus. On a discuté avec le gouvernement pour en arriver à un concordat qui devait être signé incessamment. Mais le concordat a dû être signé et, malgré tout cela, malgré l'entente avec les municipalités, le ministre a toujours refusé de retirer le projet de loi 38 et a manifesté effectivement son manque de confiance envers les élus municipaux parce qu'ils n'ont pas voulu le suivre dans son raisonnement là-dessus et partager avec lui son opinion sur la compétence constitutionnelle du Québec en affaires municipales.

Je reviens sur le projet de loi 2 qui est devant nous pour parler des finances municipales, c'est-à-dire les approbations financières. Il faut quand même noter que ce n'est pas un projet de loi qui est arrivé sur le tapis comme cela, à cette session. C'est un projet de loi qui est déjà préparé depuis quatre ans. J'ai parlé tantôt de la conférence de l'ex-sous-ministre des Affaires municipales, M. Kenniff, en 1980. On parlait déjà de la modification éventuelle du rôle de la Commission municipale. On parlait déjà de la modification éventuelle du rôle du ministère des Affaires municipales. Dans cette conférence de septembre 1980, M. Kenniff a précisément mentionné qu'il y avait effectivement lieu de modifier tout cela pour en arriver éventuellement à minimiser la question des diverses approbations auxquelles le monde municipal devrait se soumettre. C'était en 1980. Cela fait maintenant quatre ans. Le projet de loi a donc été préparé de longue date pour être déposé aujourd'hui devant cette Chambre. (17 h 40)

Mais est-ce que ce projet de loi, dont

on étudie présentement le contenu, apporte effectivement quelque chose de valable aux municipalités? Même avec l'incidence dont je viens de parler sur la perception actuelle du monde municipal des réformes antérieures, que ce projet de loi - effectivement, je le reconnais - apportera une simplification des contrôles au niveau municipal. Il apportera également une autonomie plus grande aux municipalités dans certains cas. C'est donc un souhait qu'on peut réaliser. Mais je veux mentionner que, si c'est le début de la vertu pour le gouvernement dans ce sens, c'est tant mieux. Antérieurement, on ne peut pas dire que le gouvernement a fait preuve de confiance aux élus locaux ni qu'il a agi de façon à accroître l'autonomie des municipalités du Québec.

Le projet de loi 2 a pour but d'éliminer un certain nombre d'approbations municipales. Le ministre a mentionné que le projet de loi 2 - je ne les ai pas toutes relevées, je me fie à la parole du ministre et à celle des officiers du ministère - élimine 42 sortes d'approbations d'actes administratifs que le gouvernement ou que la Commission municipale devait donner. Ce sont 42 types d'approbations qui ne sont plus requis.

Le ministre mentionnait, par exemple, qu'au niveau statistique, par rapport aux approbations de la dernière année, cela signifierait une réduction des approbations que le ministère ou la Commission municipale devait donner de 13 000 à 4000. C'est donc, finalement, 9000 approbations qui ne seront plus nécessaires pour certains actes administratifs des élus municipaux. Dans ces circonstances, cela va apporter une simplification des choses, c'est évident. Tout le monde peut reconnaître cela.

Comme le ministre l'a également mentionné, l'Union des municipalités du Québec et les représentants du monde municipal ont reconnu que cette diminution des approbations va, évidemment, simplifier toute l'administration municipale et, d'une certaine façon, accorder une autonomie plus grande aux municipalités du Québec et que ce geste fera preuve d'un peu plus de confiance de la part du gouvernement à l'égard des municipalités du Québec. Cette confiance est, faut-il le rappeler, d'une certaine façon, mitigée, puisque le ministre, tout en accordant une autonomie plus grande aux municipalités, introduit de nouvelles dispositions pour faire en sorte d'accentuer les contrôles des citoyens sur l'administration municipale. En soi, c'est quand même une bonne chose d'ouvrir l'administration municipale aux citoyens, de faire en sorte que les citoyens se retrouvent au niveau de l'administration municipale et qu'ils puissent y participer, suivre l'évolution des finances municipales et les actions de leurs conseillers municipaux. Il faudrait aussi éviter d'arriver éventuellement à transposer complètement les contrôles gouvernementaux du côté des citoyens sans, dans certains cas, donner les moyens potentiels d'exercer de tels contrôles.

Le ministre a rappelé dans son allocution plusieurs effets découlant de l'absence de nécessité de soumettre au contrôle gouvernemental les actes des administrateurs municipaux. Je relèverai quelques-uns de ces actes: par exemple, les emprunts temporaires, les contrats d'une durée inférieure à 36 mois, la possibilité de modifier un règlement d'emprunt lorsque cela ne change pas l'objet du règlement et la charge des contribuables quoique sur ce cas -je l'ai cité à dessein - je reviendrai un peu plus tard dans mon exposé pour exprimer une réticence sur un point fondamental qui devrait être examiné plus attentivement lors des discussions en commission parlementaire.

Il y a également toute la question de la constitution d'un fonds de roulement et de l'augmentation du fonds de roulement qui ne seront plus soumises à l'approbation du ministre ou à celle de la Commission municipale et j'en passe.

Le projet de loi élimine donc un grand nombre d'approbations municipales. Suivant le décompte du ministre, on a parlé de 9000. Cela simplifiera évidemment l'administration municipale.

Le deuxième objet du projet de loi 2. Il diminue les approbations, mais ce que ce projet de loi vient faire principalement, c'est modifier le rôle de la Commission municipale. Je m'explique. On dit dans le projet de loi que la section V de la Loi sur la Commission municipale est maintenant abrogée. Donc, tout ce qui a trait à l'approbation des emprunts et des engagements par la commission est maintenant abrogé. Toute la question de la vérification des comptes de la municipalité est abrogée également quant à l'approbation de la Commission municipale.

De même, les conventions avec les créanciers n'ont plus besoin de l'approbation de la Commission municipale. Dans certains cas, ces approbations de la Commission municipale sont purement et simplement arrêtées, annulées. Dans d'autres cas, elles sont transférées au ministre des Affaires municipales. C'est donc l'élimination d'une double approbation. C'étaient des cas particuliers où la Commission municipale avait à donner une approbation en même temps que le ministre des Affaires municipales. Devant une question de double approbation on avait un choix à faire. On a dit: S'il y a double approbation, pourquoi continuer à maintenir une telle duplication? La logique voudrait bien qu'on arrête d'avoir une telle duplication et qu'on en reste à une seule approbation. C'est effectivement ce que le gouvernement a décidé, mais l'approbation qui a été maintenue est celle du ministre. Seule l'approbation du ministre

demeure à ce moment-ci. C'était un choix du gouvernement, le choix du ministre.

Le ministre nous a expliqué, selon le système antérieur, comment fonctionnait l'approbation de la Commission municipale et l'approbation du ministre des Affaires municipales. Il nous a expliqué d'une certaine façon qu'un contrôle s'exerçait au niveau de la gestion administrative du ministère et également au niveau juridique des règlements d'emprunt. Ces deux vérifications sont faites par des fonctionnaires du ministère des Affaires municipales. Quand ces deux vérifications sont faites et que les conclusions sont données, le règlement - à supposer que nous ayons affaire à un règlement d'emprunt - d'emprunt est acheminé au bureau du ministre et également à la Commission municipale du Québec. On arrivait donc à deux approbations suivant les analyses semblables.

On nous a dit. Il y en a une de trop, on abolit celle de la Commission municipale. Sur cette question j'avais déjà annoncé, lors de l'étude du projet de loi 61 sur les immeubles industriels, que notre opinion, du côté de l'Opposition, était plutôt que l'approbation qui devrait demeurer n'est pas celle du ministre mais plutôt celle de la Commission municipale. Je fondais mon point principalement sur un fait: la création de la Commission municipale qui remonte à 1932, avait effectivement pour objet d'exercer justement un contrôle financier sur les pouvoirs administratifs des municipalités. C'était le but de ladite commission qui s'est retrouvé non seulement au Québec mais également dans d'autres provinces canadiennes où les approbations du ministre des Affaires municipales étaient également doublées d'une approbation d'une commission, la Commission municipale au Québec dans le cas présent et, dans d'autres Législatures provinciales, des commissions portant d'autres noms ayant le même effet que la Commission municipale.

Jusqu'en 1962, la compétence de la Commission municipale portait sur des pouvoirs d'ordre administratif par rapport aux municipalités. Depuis 1962 on a élargi ses pouvoirs administratifs. On a confié à la Commission municipale de nombreux pouvoirs quasi judiciaires; on a donc modifié le rôle de la Commission municipale.

Aujourd'hui, je me pose une question à cet égard: Si la Commission municipale a fait un travail qui a été reconnu comme étant valable, qui donnait satisfaction non seulement aux élus municipaux, mais également aux compagnies qui devaient émettre les obligations et voir que ces obligations municipales aient un bon marché, pourquoi, aujourd'hui, nous trouvons-nous devant une situation où l'approbation de la Commission municipale n'est plus nécessaire, alors que le rôle essentiel de la Commission municipale était précisément d'exercer les contrôles administratifs sur les municipalités? À mon point de vue, si la seule approbation qui demeurait et qui devait demeurer - je suis d'accord et tout le monde municipal est d'accord qu'une seule approbation est suffisante - avait été celle de la Commission municipale, pourquoi donc une telle approbation devrait être celle de la Commission municipale au lieu de celle du ministre des Affaires municipales? C'est une question de dépolitiser un peu le débat. C'est également d'assurer qu'il n'y ait pas de pression politique, de limiter une certaine pression politique qui pourrait s'exercer, de faire en sorte que l'approbation ou la désapprobation d'un règlement d'emprunt ne se fasse pas en fonction de certains intérêts partisans ou de certaines questions politiques. (17 h 50)

La Commission municipale est un organisme indépendant et n'étant pas, évidemment, le ministre même des Affaires municipales, on voit que les questions politiques auraient été exclues de toute la question des approbations administratives et cela aurait été, à mon point de vue, fort souhaitable pour le monde municipal. Si je me souviens bien, les réactions du monde municipal au départ étaient bien - en tout cas celles de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, si mon souvenir est exact - qu'on aurait dû conserver les approbations de la Commission municipale et non celles du ministre des Affaires municipales. Est-ce que le dossier a évolué aujourd'hui au point que même l'UMRCQ accepte que la seule approbation qui demeure soit celle du ministre? C'est fort possible. Mais du côté de l'Opposition, nous émettons notre opinion là-dessus, à savoir qu'il eut mieux valu que l'approbation qui aurait garanti la meilleure neutralité dans l'analyse de ces données quant aux approbations administratives demeure uniquement l'apanage de la Commission municipale du Québec.

Un des dangers, évidemment, en accordant au ministre et au ministère le pouvoir de faire de telles approbations, de faire de telles analyses, c'est la mise sur pied d'un pouvoir technocratique de plus en plus important et de plus en plus grandissant. C'est un danger qui, je pense, guette un peu cette situation où le ministre devra lui-même donner les approbations sur les différentes autorisations administratives que les municipalités doivent requérir. Un tel pouvoir technocratique n'aurait quand même pas existé; on n'aurait pas été en danger d'être soumis à un tel pouvoir technocratique si la Commission municipale avait gardé son mandat clair et précis. Le ministre a mentionné certains inconvénients pour lesquels il serait préférable qu'il ait précisément ces approbations. Je pense que

ces inconvénients sont mineurs par rapport à l'ensemble du débat et par rapport à la neutralité que la Commission municipale aurait continué d'exercer sur ces approbations administratives.

Il y a un avantage que je voudrais souligner et qui aurait pu permettre à la Commission municipale de continuer à jouer un certain rôle qui, actuellement, est un rôle extrêmement important qu'elle joue dans le cas d'approbations, dans certains cas, à donner aux municipalités concernant des actes administratifs et qu'on lui a retirées. Ayant retiré le pouvoir à la Commission municipale de donner toutes les approbations dans ces cas-là, le pouvoir étant entre les mains du ministre, une telle approbation de la Commission municipale n'est plus possible.

Il faudra, je pense, à ce point-ci, souligner au ministre qu'il sera nécessaire d'examiner attentivement s'il n'y aurait pas lieu de modifier la loi actuellement pour rétablir certains contrôles particulièrement dans deux cas particuliers que je vais vous soulever. Il faut rappeler qu'en soi il y a des contrôles qui ne sont pas nécessaires, qui sont des duplications de ce qui existe ou dans certains cas, qui sont des contrôles qui ne changent en rien l'action éventuelle de la municipalité et qu'il faut faire confiance au monde municipal dans la gestion municipale, au conseil municipal dans son activité en conformité au texte de la loi.

Par exemple, si je prends l'article 5 du projet de loi où on parle de la possibilité pour les corporations municipales d'acquérir pour des fins de sa compétence des biens meubles et immeubles par achat, donation, legs ou autrement. On dit: Lorsqu'elle n'en a plus besoin, la corporation municipale pourra aliéner ces biens à titre onéreux, sous peine de nullité; si cette aliénation ne se fait pas à l'enchère ni par soumissions publiques, le greffier doit publier chaque mois, s'il y a lieu, un avis public mentionnant tout bien que la corporation a autrement aliéné le mois précédent, en faveur de qui elle l'a fait et à quel prix, et doit transmettre copie de cet avis au ministre des Affaires municipales. Cette disposition, qui est nouvelle, remplace une disposition précédente où la corporation municipale, lorsqu'elle devait aliéner des biens, si elle ne procédait pas à l'enchère ou par soumissions publiques, devait le faire de toute autre façon approuvée par la Commission municipale du Québec. Aujourd'hui, on enlève cette façon de procéder, cette approbation nécessaire de la Commission municipale pour dire à la municipalité: Vous pouvez les aliéner. La seule restriction, vous devrez, à ce moment, donner un avis public à la fin du mois suivant, relativement au fait que vous avez aliéné tel immeuble, par exemple, dans la municipalité à titre onéreux et mentionner effectivement, comme le texte de loi le mentionne, en faveur de qui l'aliénation a eu lieu et à quel prix?

Cette approbation de la Commission municipale, dans le cas particulier concerné dans des cas de ce genre, permettait à mon point de vue une stabilité aux transactions financières que la Commission municipale autorisait. Autrement dit, la transaction en question passait un test d'objectivité d'un corps indépendant à la Commission municipale par rapport à la municipalité sur la validité de la transaction. Le titre, à ce moment, devenait, d'une façon, inattaquable. C'est-à-dire qu'on avait foi en l'expertise de la Commission municipale. On disait: Cette transaction a été bonifiée par la Commission municipale et, de cette façon, l'intégrité du titre pouvait être assurée. Lorsque le titre était fait, il n'y avait pas de problème, de discussion, pour savoir si oui ou non cela avait été adjugé à titre onéreux, à un prix suffisant et si cette vente pouvait être contestée ou non par quelqu'un.

Voilà un exemple de contrôle que la Commission municipale exerçait qui, à mon point de vue, était valable et qui rendait un service immense aux administrations municipales. C'est un contrôle qui, à mon point de vue, aurait dû être gardé. Cela a été bénéfique dans ce cas, puisque cela stabilisait la transaction, cela bonifiait la transaction, cela objectivait la transaction que le conseil municipal avait réalisée en cours d'une activité administrative régulière.

Il y a un autre cas qui, dans le cadre d'une autorisation que la municipalité devait obtenir, effectivement était valable à mon point de vue pour la municipalité et apportait quelque chose de positif au niveau de la municipalité dans certains cas. En enlevant cette autorisation, on pourrait avoir certaines difficultés. Je fais particulièrement référence à l'article 36, M. le Président, où on parle du règlement d'emprunt. "Malgré toute disposition inconciliable, le conseil peut modifier un règlement d'emprunt par résolution qui ne requiert aucune approbation lorsque la modification ne change pas l'objet de l'emprunt et que: 1° elle n'augmente pas la charge des contribuables, ou 2° elle n'augmente la charge des contribuables que par une majoration du taux de l'intérêt ou par la réduction de la période de remboursement." Il n'y a plus d'approbation, mais on en transmet une copie au ministre des Affaires municipales. L'ancienne disposition exigeait une approbation de la Commission municipale, mais, dans ce cas précis, l'approbation de la Commission municipale pouvait avoir lieu dans deux cas, avant que les obligations soient émises.

C'était sensiblement le même texte qu'actuellement, mais c'est surtout dans le deuxième cas, dans le cas où des billets ou des obligations avaient été émis. On exigeait, à ce moment-là, une approbation de la

Commission municipale et le conseil municipal, en modifiant son règlement d'emprunt, devait mentionner que toute personne qui veut s'opposer doit en informer la Commission municipale par écrit dans les 30 jours. À ce moment-là, la Commission municipale enquêtait sur le bien-fondé du règlement et, si elle avait reçu des oppositions, elle devait donner aux opposants l'occasion de se faire entendre. Cela supposait donc, dans un tel cas, que même si, effectivement, les charges des contribuables étaient modifiées, il y avait une possibilité pour le conseil municipal de modifier un règlement d'emprunt. On pouvait le faire pour autant qu'on avait l'approbation de la Commission municipale qui pouvait enquêter si des citoyens s'y opposaient et prendre une décision.

Avec le projet de loi, ce n'est plus possible. C'est possible de modifier le règlement d'emprunt. Cependant, de quelle façon? À mon point de vue, selon ce que j'ai compris du projet de loi, la seule façon, ce serait de faire un nouveau règlement d'emprunt et d'aller de nouveau, à ce moment-là, devant les électeurs, afin d'avoir leur approbation, de se soumettre au processus des gens habiles à voter sur le règlement.

Mais il y a un danger qui survient dans un tel cas. Si la municipalité voulait modifier un règlement d'emprunt, par exemple, qui pourrait être à l'avantage des contribuables - c'est-à-dire qui serait nécessaire parce qu'elle ne rend pas compte d'une situation qui pourrait être négative à l'égard de certains contribuables - il suffirait que ceux qui seraient défavorisés par le nouveau règlement d'emprunt par rapport à l'ancien s'opposent et le bloquent. La municipalité ne pourrait alors d'aucune façon arriver à modifier son règlement d'emprunt.

Un exemple particulier. On a vu, récemment, qu'il est possible pour une municipalité d'empêcher de construire dans des zones inondables. Que fait-on dans des cas, par exemple, où des services ont été amenés dans des zones inondables, dans ces territoires, et que les contribuables payent pour les structures amenées? Si, aujourd'hui, on ne peut plus construire, ces structures ont été amenées pour ces propriétaires mais ils ne peuvent pas les utiliser. S'ils ne peuvent pas les utiliser, le conseil municipal pourrait reconnaître effectivement que, dans un tel cas, il y aurait lieu de modifier le règlement d'emprunt pour l'imposer peut-être à l'ensemble de la municipalité, puisque les travaux ne servent plus à ces gens-là pour les fins auxquelles ils avaient été faits.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laprairie, il est 18 heures. Est-ce que vous demandez la suspension du débat?

M. Saintonge: Suspension du débat, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Jusqu'à 20 heures?

M. Saintonge: ...jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

D'accord. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 3)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Vous pouvez vous asseoir.

Nous en sommes toujours au projet de loi no 2 et c'est le député de Laprairie. Il lui restait 18 minutes, je pense. M. le député.

M. Saintonge: Merci, M. le Président. Je comprends. On me dit que je n'ai plus rien à dire, mais il y aurait peut-être été utile que le ministre soit là et certains membres ministériels pour entendre ce que j'ai à dire.

M. le Président, j'étais donc à énumérer certains cas où le projet de loi no 2 faisait en sorte que les approbations nécessaires en vertu de la Loi sur le ministère des Affaires municipales ou la loi sur la Commission municipale du Québec auraient pu être conservées, c'est-à-dire des approbations qui étaient exigées antérieurement et qui ont finalement été mises de côté par le projet de loi 2. Dans certains cas précis, il aurait peut-être été utile que ces approbations demeurent, vu justement leur utilité primordiale, car ce ne sont pas toutes les approbations que le ministre doit donner ou que la Commission municipale devait donner. Ce ne sont pas toutes des approbations qui sont contraignantes ou qui sont source de souci, de lourdeur ou de paperasserie.

J'ai mentionné avant l'ajournement à 18 heures certains cas, par exemple le cas d'aliénation de biens meubles ou immeubles, où justement l'approbation de la Commission municipale avait pour but de faire passer un test d'objectivité, si on veut, à la transaction que la municipalité voulait effectuer et faisait en sorte d'assurer une stabilité ou une intégrité à tout le moins à la transaction financière.

Lors de l'ajournement, j'en étais à un deuxième cas où le genre d'approbation qui était donnée à la Commission municipale avait une utilité importante. C'était le cas des règlements d'emprunt, et je faisais plus spécifiquement allusion à l'article 36 du

projet de loi où, par les nouvelles dispositions de la loi, on dit que le conseil peut modifier un règlement d'emprunt par une résolution qui ne requiert aucune approbation lorsque la modification ne change pas l'objet de l'emprunt et qu'elle n'augmente pas la charge des contribuables ou n'augmente la charge des contribuables que par une modification du taux de l'intérêt ou la réduction de la période de remboursement. Antérieurement à cette disposition, il y avait une possibilité de modifier un règlement d'emprunt dans un premier cas avant la vente des biens ou obligations. On a fait disparaître cette approbation par le nouvel article 564, par la modification apportée. Cela ne change pas à ce moment-là, à mon point de vue, le problème dans le cas présent. Cette approbation, qui n'est plus nécessaire, cela va de soi, je pense qu'on pourrait déterminer que cela ne causera pas de préjudice sérieux. Mais dans le cas suivant où les biens, par exemple, les obligations sont émises, il y avait une possibilité pour la municipalité de faire une modification à son règlement d'emprunt, même si cela venait changer l'impact sur les contribuables. La possibilité pour la municipalité de modifier son règlement d'emprunt existait pour autant qu'elle donnait un avis public de modification de son règlement d'emprunt et avisait les personnes que, dans les 30 jours, elles pouvaient aviser la Commission municipale de leur opposition. La Commission municipale devait alors tenir une enquête publique et entendre les gens qui voulaient faire valoir leurs objections. Dans un tel cas, l'approbation de la Commission municipale était utile parce que cela donnait la possibilité, si la municipalité justifiait à la Commission municipale la modification du règlement d'emprunt dans un sens précis, de faire une telle modification.

Aujourd'hui, avec la loi telle qu'elle existe, d'après la compréhension que j'ai pu en avoir à la suite de la brève analyse que j'ai faite de ces articles, si la municipalité veut modifier un règlement d'emprunt en modifiant la charge des contribuables, elle devra obligatoirement adopter un nouveau règlement d'emprunt. Dans un tel cas, le danger qui peut exister, c'est que les contribuables qui, actuellement, sont favorisés parce qu'ils ne paient pas ou qu'ils paient une partie moindre du règlement d'emprunt, pourront s'opposer à ce que le règlement en question soit modifié pour augmenter leur charge. Dans un tel cas, la municipalité ne pourra le modifier, puisque le règlement d'emprunt n'est pas approuvé par les contribuables.

Je donnais un exemple, qui pourrait être hypothétique, où je parlais justement de régions qui seraient déclarées "inondables". Actuellement, si un règlement d'emprunt de municipalité existait pour des services offerts à des propriétaires de terrains qui pourraient être potentiellement desservis, si on se rend compte dans un tel cas, en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, avec les nouvelles dispositions qui s'appliquent par un règlement de contrôle intérimaire ou, éventuellement, par le nouveau règlement qui s'ensuivra. Si, effectivement, on décrète ces terrains comme zones inondables où on ne peut plus construire, qu'arrivera-t-il des coûts des services qui sont à la charge des propriétaires des terrains qui pourraient être potentiellement desservis?

Ces propriétaires, effectivement, ne pouvant plus avoir le bénéfice de ces services, vont demander à la municipalité de modifier le règlement d'emprunt. Les services ont été donnés. S'ils sont imposés sur une période plus longue, de 20 ans par exemple, qu'arrivera-t-il? La municipalité, voulant modifier son règlement d'emprunt, pourrait enlever une charge à ces contribuables puisqu'ils ne peuvent pas bénéficier des services, pour les transférer à d'autres contribuables de la municipalité ou à l'ensemble des contribuables d'un bassin par exemple. Elle pourra faire face à une opposition, pour ce nouveau règlement d'emprunt, des électeurs de la ville qui pourront exiger de voter sur ce règlement et le bloquer.

Qu'est-ce que la municipalité fera dans ces circonstances? Elle devra continuer avec l'ancien règlement. Mais l'ancien règlement pourrait, à mon point de vue, être annulé par les contribuables puisqu'ils ne bénéficient d'aucun des services pour lesquels ils sont imposés. Finalement, la municipalité aurait un règlement d'emprunt qui pourrait être déclaré invalide pour des contribuables, non payable par ces contribuables, et être prise, à un moment donné, avec une facture à donner à qui? À ce moment-là, cela reviendra évidemment au fonds général probablement, si un tel règlement est annulé. Mais c'est un problème, je pense, qui peut avoir son application et qui, antérieurement, donnait une possibilité à la municipalité de se sortir d'une situation difficile. Mais dans le cas présent, il semble bien qu'en enlevant cette possibilité de procéder avec approbation de la Commission municipale, on enlève la possibilité à une municipalité de se sortir de l'impasse créée par un tel cas.

Pour continuer l'analyse du projet de loi no 2, nous avons mentionné que, dans un premier temps, il y a la question de diminution des approbations. Le deuxième objet du règlement est la modification du rôle de la Commission municipale qui ne donnera plus d'approbations. Le troisième objet du projet de loi no 2 est d'amener des mesures relatives à la gestion interne de la municipalité. Ces mesures auront pour but de donner aux contribuables un certain droit de

regard sur la gestion des finances municipales. C'est une amélioration de l'information à l'endroit des citoyens par des mesures législatives. Je vous ai donné certains exemples: le ministre a, à bon droit, souligné dans son intervention qu'une des mesures consistera à ce que le trésorier de la municipalité devra déposer devant le conseil, tous les trois mois, un état des revenus et des dépenses par rapport aux prévisions budgétaires. Cela va clarifier la situation et informer les citoyens.

Le ministre mentionnait cependant que cela va permettre aux citoyens d'exercer les pressions nécessaires. Dans ce cadre précis, comme dans d'autres cadres de modifications qu'on apporte à la loi, on donne la possibilité aux citoyens de s'informer et d'obtenir des renseignements sur l'administration municipale. Je soulignerai que, dans des cas précis comme celui-là, on dit aux citoyens de prendre des moyens de pression pour tenter de faire corriger le tir de l'administration municipale. C'est bien beau, mais je pense que... Je ne veux pas dire que je suis pour le fait d'avoir des contrôles supplémentaires, mais il y aurait lieu de s'interroger quant à cette loi-ci et, peut-être, éventuellement, quant au projet de loi 4, la Loi sur le ministère des Affaires municipales, de faire en sorte que les citoyens aient un droit de parole, qu'ils soient écoutés quelque part pour démontrer que si la municipalité, dans le cadre de son administration, ne satisfait pas aux exigences que la loi lui impose, le citoyen peut avoir un certain recours, peut s'adresser à quelqu'un pour faire en sorte qu'on contraigne la municipalité à se conformer à la loi.

Actuellement, dans la plupart des cas, il n'y a pas de telle mesure. Les citoyens doivent s'adresser aux tribunaux. Pour dénoncer une situation, ils doivent prendre un recours et payer eux-mêmes ce recours, parfois à grands frais, en déboursant 4000 $ ou 5000 $ comme c'est arrivé récemment dans certaines municipalités. Qu'arrive-t-il? Est-ce que tous les citoyens peuvent se permettre d'investir 4000 $ ou 5000 $ pour démontrer que l'administration municipale n'agit pas conformément à la loi? Je pense qu'il est bon qu'on donne des mesures d'information et de renseignements sur l'administration municipale aux citoyens, mais qu'on donne également, d'une certaine façon, un droit de regard réel aux citoyens. C'est-à-dire que le citoyen pourra faire valoir une objection quelconque auprès d'un organisme ou du ministère mais avec l'assurance que le ministère donnera suite à sa demande, ce qui n'est pas le cas présentement.

D'autres mesures relatives à la gestion interne des municipalités que le projet de loi 2 apporte sont bénéfiques pour l'ensemble des citoyens. On dit qu'un rapport financier annuel des municipalités sera uniformisé et devra comprendre les états financiers et le calcul du taux de taxation. Donc, c'est un point important puisque, le rapport financier annuel étant uniformisé et comprenant les états financiers, ceux-ci deviendront publics et les citoyens pourront les examiner et suivre l'évolution de la situation financière de la municipalité. Un vérificateur doit aussi être nommé. Il déposera son rapport au conseil, ce qui permettra aux citoyens de suivre l'administration municipale.

Le projet de loi 2 apporte d'autres possibilités pour les municipalités et d'autres nouvelles dimensions dans l'administration municipale qui font en sorte que cela favorise, si l'on veut, l'administration municipale dans son autonomie comme telle. Je pense par exemple au budget supplémentaire. Le projet de loi donne la possibilité de présenter un budget supplémentaire. On parle aussi de la possibilité de disposer des crédits lorsque des circonstances exceptionnelles empêchent l'adoption du budget. Si, par exemple, le budget peut être reporté, dans certains cas, au-delà du mois de décembre, on se retrouve en janvier et le conseil doit disposer de crédits pour continuer son administration courante. Si le budget était reporté et que la municipalité continuait son administration, on pouvait peut-être avoir certains crédits bancaires, mais ce n'était quand même pas tout à fait dans la légalité. Maintenant, par des dispositions ou par la possibilité de renouveler un douzième des crédits à chaque mois, on légalise la situation qui pouvait exister de fait dans certaines municipalités. Un autre exemple de mesures qui pourraient être bénéfiques à l'administration municipale, c'est la délégation du pouvoir de dépenser. Ce sont donc, à mon point de vue, des mesures positives.

Il y a aussi certains points qui nécessiteraient des éclaircissements et qui pourront être sujets à discussion. J'ai bien l'intention de les soulever en commission parlementaire. Je voudrais, par exemple, soulever ici un des problèmes qu'apporte l'article 24 où il y aura une possibilité, pour la municipalité, de poursuivre des travaux même lorsque les dépenses excèdent le montant du règlement d'emprunt dont l'objet était spécifiquement ces travaux particuliers.

Si on veut poursuivre les travaux même lorsque les dépenses excèdent le montant du règlement d'emprunt, la municipalité pourra elle-même combler le manque à dépenser en puisant dans son fonds général, mais avec des dispositions particulières dans certains cas pour rembourser ce même fonds. Dans le cas où ce sont uniquement certains contribuables de la municipalité qui ont la charge de ces travaux, la municipalité dépasse son règlement d'emprunt à même son fonds général, paie les travaux et récupère

le montant ultérieurement. Mais il y a un danger que j'entrevois immédiatement ici dans un tel cas. C'est qu'il n'y a pas de limite à l'excédent que la municipalité peut dépenser. Donc, cela pourrait favoriser dans certains cas, à la limite, un danger d'abus, c'est-à-dire que les municipalités pourraient budgétiser certains travaux à un montant moindre et, finalement, arriver à ce que, les travaux coûtant plus cher, on puise à même le fonds général et on alloue ce montant directement pour ces travaux. Mais si ce sont des contribuables en particulier qui doivent payer, c'est là que l'abus peut se produire, puisque ces contribuables seront redevables de la partie des travaux qui les affecte directement. Donc, on vote sur un règlement d'emprunt d'un certain montant pour certains travaux. Si on dépasse le montant, sans qu'on ait un mot à dire, le conseil pourra payer les travaux et réclamer le montant à ses citoyens. Il y a un danger d'abus que j'entrevois et qu'il faudra certainement éclaircir lors du débat en commission parlementaire afin de, possiblement, mettre un frein à un abus possible.

Également, M. le Président, je voudrais souligner, puisque mon temps achève, certaines modifications apportées par le projet de loi, qui m'apparaissent imprécises et sur lesquelles j'ai de sérieuses réserves. Cela concerne évidemment les MRC. J'ai examiné certains articles du projet de loi qui modifient le Code municipal. Par exemple, à l'article 67 - ce n'est rien de bien grave; c'est un changement de terme - auparavant, on parlait d'estimation des dépenses et des revenus pour les municipalités régionales de comté. Maintenant, on va parler de budget. C'est une petite encoche; ce n'est peut-être pas trop grave. Mais à l'article 70, antérieurement, il y avait une limite de 50 000 $. La municipalité ne pouvait faire des emprunts à long terme pour une valeur supérieure à 50 000 $. Il y avait donc une limite de 50 000 $ avec capacité d'emprunter des MRC. Cela existait auparavant à l'article 1061 du Code municipal. Cette disposition a été enlevée et les municipalités peuvent maintenant emprunter, mais sans limite, avec la seule approbation du ministre. C'est un danger que je vois poindre du coin de l'oeil et je m'interroge sérieusement sur la possibilité pour la MRC d'emprunter avec la seule approbation du ministre et sans aller voir les contribuables qui devront assumer cette charge. Pour chacune des municipalités à qui on référera une quote-part éventuellement, on augmente ici la possibilité pour les MRC de faire des emprunts. On augmente la capacité de dépenser des MRC. Je crains un peu dans ce cas qu'on tente d'étendre les pouvoirs des MRC et qu'on tente d'aller par en arrière faire évidemment ce que le monde municipal a grande crainte: que les MRC deviennent des gouvernements régionaux. Il y a une grande crainte dans ce cas précis qu'on puisse éventuellement arriver à cela avec un tel pouvoir.

Également, à l'article 78 de la loi antérieure, on supprime les limites relativement au taux d'endettement. Antérieurement, pour les MRC, le taux maximum d'endettement était à 5% de l'évaluation totale des biens-fonds imposables. On a supprimé cette limite et on ne l'a pas remplacée. On a supprimé la limite de 15% de l'évaluation foncière pour les corporations locales. Ces 15% comprenaient à ce moment ce qu'une municipalité doit à la MRC. On a supprimé ces 15%. D'un côté, il y a une possibilité ici de faire un règlement d'emprunt quand même et d'avoir certaines... Antérieurement, il y avait une possibilité de dépasser les 15%, mais avec certaines approbations précises, avec un certain pourcentage d'approbation de personnes habilitées à voter sur le règlement. C'est enlevé purement et simplement aujourd'hui. Ce serait un règlement d'emprunt. Cette disposition, cette limite de 15% est disparue et cela m'apparaît aussi suspect que les 5%.

En conclusion, je voudrais simplement annoncer que l'Opposition votera pour le projet de loi 2. Ce projet de loi 2, je l'ai mentionné, apporte des simplifications actuellement. Il enlève des approbations qui constituaient peut-être un double emploi: Commission municipale et ministre des Affaires municipales. On déplore, cependant, je le répète ici, que l'approbation qu'on enlève soit celle de la Commission municipale pour conserver celle du ministre. Il nous aurait paru beaucoup plus logique et beaucoup plus neutre de garder l'approbation de la Commission municipale et de conserver la vocation réelle de la Commission municipale qui existe depuis 1932 à ce but précis du contrôle financier de l'administration municipale. (20 h 20)

Nonobstant ce fait, il reste que le projet de loi 2, comme je l'ai mentionné, apporte une simplification au niveau municipal, apporte aussi une simplification en diminuant les approbations, mais apporte également de nouveaux pouvoirs, de nouvelles possibilités aux administrations municipales et aux citoyens de s'informer des gestes de l'administration municipale. De ce côté, c'est un élément positif même si nous ne sommes pas d'accord fondamentalement avec certaines dispositions de la loi, même si nous ne sommes pas d'accord avec les paroles du ministre concernant justement la question d'autonomie beaucoup plus grande et, également, de confiance aux élus qui m'apparaissent plutôt une question de partisanerie politique que de soulever un tel élément ici, si on a regardé ce que je mentionnais à propos des rapports, soit que

les gens du milieu municipal donnaient par rapport à toute la législation qui entoure le monde municipal. Même malgré ces inconvénients, M. le Président, nous demeurons d'accord sur le principe fondamental du projet de loi même si, dans certains cas, on peut diverger d'opinion sur les mesures que le projet de loi apporte. Si, fondamentalement, nous donnons notre aval au ministre sur le principe, nous sommes convaincus qu'un tel projet de loi pourra bénéficier au monde municipal. Dans un tel cas, nous donnerons sûrement notre approbation au projet de loi tout en souhaitant que, lors des discussions en commission parlementaire, on pourra le faire d'une façon sérieuse et tenter, dans certains cas précis que j'ai soulevés et dans d'autres cas qu'on pourra discuter... Le projet de loi étant assez volumineux et renfermant de nombreuses dispositions visant diverses lois, il serait trop long de l'analyser ici, en Chambre, dans un court laps de temps, mais nous l'analyserons fondamentalement et à fond à la commission parlementaire. Je souhaite que le ministre puisse, s'il y a lieu, corriger son tir pour une meilleure disposition au niveau de l'administration municipale et pour l'ensemble des citoyens qui sont gérés par les conseils municipaux et les administrations municipales dans tout le Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Groulx et président de la commission de l'aménagement et de l'équipement.

M. Élie Fallu

M. Fallu: M. le Président, permettez-moi, au départ, de me réjouir que nos collègues libéraux votent en faveur de ce projet de loi. Essentiellement, le débat qui reste entre nous a déjà été entrepris en cette Chambre le 3 mai dernier, au moment du débat sur le projet de loi 61, et porte essentiellement sur le rôle de la Commission municipale. Nous avons engagé ce débat ici en Chambre le 3 mai et, par la suite, nous l'avons poursuivi en commission parlementaire au moment de l'étude détaillée du projet de loi. J'ai l'impression que ce qui a été dit alors devra être redit une seconde fois, en créant volontiers un pléonasme parce qu'il faut vraiment le répéter. Il semble que des choses n'aient pas été bien saisies.

M. le Président, la Commission municipale doit devenir une véritable commission, c'est-à-dire un organisme quasi judiciaire ce qui a toujours été son rôle, et non pas un organisme d'approbation administrative. Elle ne doit plus avoir à donner d'approbation administrative, elle doit garder uniquement ses pouvoirs d'enquête car il lui arrive d'être, dans certains cas - on pourrait en étaler de très nombreux et de très précis - à la fois juge et partie, d'avoir à approuver une semaine l'achat d'un terrain par une municipalité pour des fins X, Y, Z en dehors du territoire municipal et, la municipalité en question ayant changé la vocation de ce terrain, la Commission municipale doit faire enquête sur le même terrain situé à l'extérieur de la municipalité. La Commission municipale ne peut plus être ainsi juge et partie. Il faut donc préciser ce cadre administratif, d'une part, comme étant un cadre réglementaire et, d'autre part, comme étant un cadre quasi judiciaire. Il semble bien que nous devions reprendre la conversation à ce propos. Nous la reprendrons en commission parlementaire, semble-t-il.

M. le Président, je voudrais, à la lecture suggestive de deux ou trois articles de la loi, pris dans les articles 30 à 33, vous indiquer par le libellé de ces quelques articles l'essence même de la loi. Permettez que je lise. À l'article 30: "L'article 553 de cette loi est modifié par la suppression des troisième et quatrième alinéas." Retenons le mot "suppression". À l'article 31: "L'article 554 de cette loi est modifié par la suppression du cinquième alinéa." Et alors, mes yeux tombent sur l'article 33 tout à côté: "Les articles 558, 559 et 560 de cette loi sont abrogés." Voilà les thèmes majeurs de ce projet de loi, suppression et abrogation. C'est dire que c'est un projet de loi qui s'effeuille de lui-même car c'est le Code municipal, la Loi sur les cités et villes et les quelque 30 lois qu'il modifie qui sont mis en cause par la diminution considérable de volume de papier. Mais arrivons précisément à ce volume de papier.

On a souligné tantôt à très juste raison que près du quart de l'ensemble des lois du Québec touche d'une façon ou d'une autre le monde municipal. Il ne faut pas s'en scandaliser, pour deux raisons. La première est fondamentale et il semble qu'il faille revenir assez souvent en cette Chambre sur ce qu'on pourrait appeler les principes du droit municipal ou la philosophie du droit municipal. C'est simple. Le pouvoir municipal n'ayant qu'un gouvernement dans cette province... Il y a un autre problème, c'est qu'on en a deux, mais c'est autre chose. Il y en a très certainement un de trop, mais on y reviendra en temps et lieu. Il n'y a qu'un gouvernement et le pouvoir municipal est un pouvoir délégué depuis le pouvoir qui appartient à l'Assemblée nationale. En conséquence, pour qu'un pouvoir soit délégué, il faut qu'il soit nommément délégué. Il faut, en conséquence, que toutes les lois municipales indiquent clairement, précisément, quels gestes une municipalité peut poser. S'il n'est pas énuméré dans la loi le ou les gestes que la municipalité peut poser, elle ne peut poser aucun de ceux qui

ne sont pas énumérés. C'est donc un pouvoir délégué. Et cette délégation doit être précise. Il y a des avocats ici en cette Chambre qui pourraient, beaucoup mieux que moi, parler de ces pouvoirs de délégation.

En conséquence, les lois municipales doivent être longues, d'autant plus longues -j'arrive au deuxième principe que je veux souligner ce soir, au début de mon intervention - qu'elles donnent des pouvoirs. Car plus une loi municipale est explicite, non pas en principe mais en pratique, plus elle donne des pouvoirs à la municipalité. Voilà ce que sont les lois municipales.

Ces lois municipales que nous avons adoptées en cette Chambre depuis quelques années, par exemple la Loi sur la fiscalité municipale, une loi considérable, vous vous en souvenez, de plus de 450 articles, avait pour but de rendre les municipalités autonomes sur le plan de leur fiscalité. Elles le sont actuellement pour 94% à 98% d'entre elles.

Le mot "autonomie" est important à partir de là, car voilà une véritable autonomie, celle de la fiscalité. Peut-on dire de ce point de vue que notre Assemblée nationale et notre ministre des Finances, notre province de Québec ne sont autonomes qu'à environ 75%? Car 25% de son budget lui viennent de transferts d'un autre budget d'un autre gouvernement, alors que dans le monde municipal, il n'y a que 2% à 4% de transferts au maximum. Voilà l'autonomie. Mais il a fallu pour cela créer une loi extrêmement complexe et volumineuse. (20 h 30)

De la même façon, lorsque nous avons parlé d'aménagement, lorsque nous avons transféré au monde municipal un pouvoir déterminé d'aménagement, en créant de nouvelles relations et interrelations entre la municipalité maître d'oeuvre de l'aménagement, la MRC coordonnatrice intermunicipale, avec le gouvernement qui s'obligeait par cette loi à respecter l'aménagement décrété par les élus municipaux, nous avons dû décrire longuement le pouvoir municipal. Ce pouvoir municipal, décrit dans des lois épaisses, était d'autant plus une source d'autonomie municipale, de pouvoir municipal que la loi était épaisse.

Une voix: Si les lois étaient épaisses, ce devait être des lois libérales.

M. Fallu: Je vois notre collègue de Crémazie qui vient d'entrer. Il se rappellera cette loi sur la fiscalité. Il se rappellera également cette importante loi sur la démocratie municipale puisqu'il était titulaire du ministère. Cette loi sur la démocratie municipale était une source d'autonomie municipale. Cette loi toute récente, la dernière d'ailleurs que nous ayons étudiée en cette Chambre, sur les immeubles industriels municipaux, était aussi une source d'autonomie. Elle permettait aux municipalités d'acheter des terrains à des fins industrielles de la même façon qu'elles achètent des crayons, des plumes ou des objets d'utilité courante à même leur budget régulier. Voilà une loi qui était source d'autonomie.

Aujourd'hui, par la simplification administrative, en enlevant des pouvoirs de contrôle inscrits, d'ailleurs, dans les lois municipales depuis trop longtemps, nous donnons davantage d'autonomie municipale. Je suis heureux de voir que cette loi est encore volumineuse.

Décrivons quelle était la condition du monde municipal avant cette loi et nous dirons tantôt ce qu'elle sera après. En fouillant dans mes archives personnelles, j'ai trouvé un document daté du 7 mars 1975. Pour le reste, je tairai les noms de la municipalité, du ministre et du sous-ministre de l'époque, etc., mais, très certainement, plusieurs sauront traduire cette date en événement précis.

Voilà qu'une municipalité doit faire un emprunt pour réparer la toiture du garage municipal. Il faut donc suivre la "liturgie municipale" qui veut qu'on fasse avis de motion et qu'on adopte un règlement. Dès que le règlement est déposé en avis de motion - vous savez qu'on court-circuite un peu les choses, on ne fait que le déposer -on s'enquiert donc de l'approbation. Le règlement est transmis à Québec. Le secrétaire-trésorier de la municipalité écrit à M. le ministre et voilà que cela commence. M. le Président, rappelons-nous toujours que c'est pour réparer la toiture du garage municipal qui est défectueuse et que nous sommes au mois de février. Il faut donc faire vite, parce que le printemps arrive et qu'il va pleuvoir. Déjà, la neige commence à fondre. La lettre du secrétaire-trésorier arrive au ministère. Voilà que quelqu'un la reçoit et en fait la distribution. Elle arrive sur un bureau; quelqu'un doit ouvrir l'enveloppe, estampiller le jour, la date, l'heure de l'arrivée, inscrire sa griffe, préparer un petit dossier, l'arranger, l'expédier à quelqu'un - voilà un messager qui pousse son petit chariot; vous voyez le paysage - à un professionnel qui va en faire une lecture attentive, qui va vérifier si la municipalité a bien les sous - comme elle ne les a pas, elle devra les emprunter sur billet - qui va vérifier si la municipalité a la valeur foncière et, enfin, qui va vérifier son taux d'endettement.

Voilà qu'on cherche dans les livres et qu'on vérifie. Le professionnel, très compétent - le pauvre, c'est la tâche qu'on lui a assignée - doit rédiger de sa main un avis qu'il donne à une secrétaire qui tape fidèlement ce rapport. À nouveau, c'est

classé dans une chemise et ça repart sur le petit chariot pour s'en aller du côté du contentieux, c'est-à-dire chez messieurs et mesdames les avocats. Ce sera reçu, estampillé à nouveau, griffé à nouveau, classé et, un bon jour, selon l'ordre du dossier, un avocat viendra en prendre connaissance pour voir si l'écriture du règlement est conforme à la liturgie juridique. Il écrira un petit papier de sa main, le fera dactylographier, l'inscrira au dossier et à nouveau, petit chariot pour la Commission municipale. Alors un commissaire viendra prendre conscience, un jour, lorsque ce sera au tour de ce dossier, selon l'ordre chronologique, de l'examen du premier fonctionnaire qui aura vérifié la pertinence des sous et du second qui aura vérifié la pertinence juridique pour faire lui aussi un petit papier qui sera à nouveau dactylographié et collé toujours au même projet de règlement.

Et là, la Commission municipale ou je ne sais trop qui, parce que sans doute cette secrétaire - il y a des initiales mais je ne sais la reconnaître - quelqu'un, bref, lui dicte une lettre. Cette personne est sans doute du cabinet du sous-ministre. Donc, petit chariot à nouveau de la Commission municipale chez M. le sous-ministre. Petite lettre à nouveau, dactylographiée à nouveau sur papier en-tête et M. le sous-ministre, au nom du ministre - grande délégation de pouvoirs - signe une lettre confirmant à la municipalité qu'elle peut emprunter 75 000 $ sur billet pour réparer sa toiture. Sauf que cela fait au-delà d'un mois que c'est arrivé au ministère. Et la liturgie municipale n'est pas terminée car cette approbation arrivant chez M. le secrétaire trésorier sera soumise à la prochaine réunion du conseil, c'est-à-dire peut-être dans 26, 27 ou 28 jours, à moins qu'on ne tienne une réunion spéciale d'urgence pour faire l'approbation.

Mais ce n'est pas terminé car il faudra soumettre aux électeurs. Je simplifie, M. le Président, je ne caricature pas, c'est deux mois et demi. Évidemment il y a toujours les petits malins qui - j'imagine que le maire et député de Verdun à la fois le sait bien - ont l'art de faire les étages et de promener les petits chariots et faire en sorte qu'en dedans de 24 heures, on puisse avoir les approbations requises. Le truc est connu. Bref, c'est quelqu'un d'autre qui attend entre-temps. (20 h 40)

M. le Président, je n'ai pas voulu être caricatural ce soir. Vous excuserez le ton. C'était la réalité un peu kafkaïenne. C'est cette réalité que nous sommes en train de changer ici comme Assemblée nationale. Par ailleurs, la seconde partie de ce geste municipal doit rester. L'avis de motion, la résolution au conseil, l'ouverture du livre pour que les électeurs puissent approuver, c'est essentiel. Davantage, M. le Président, parce qu'il en va de la démocratie, la loi permet à cette municipalité non pas d'avoir recours à des obligations pour son emprunt, mais, à des emprunts sur billet, rapidement. Je dis bien: La municipalité de ville peut avoir recours au billet. De cette façon, elle va, d'une part, trouver rapidement le crédit auprès de la caisse populaire et, d'autre part, elle va économiser, mais à tous les niveaux. Vous n'avez pas idée à quel point elle va économiser, parce que ce sont des intérêts, ce sont des frais d'impression, ce sont des frais d'émission, etc., qu'elle va économiser.

M. le Président, j'ai voulu, d'une façon imagée, devrais-je dire, plutôt que caricaturale, présenter ce qu'était la gestion interne du ministère du seul fait que ce règlement d'emprunt devait être approuvé par le ministre et la Commission municipale. Après l'adoption du projet de loi 2, ni la Commission municipale ni le ministre n'auront à donner une telle approbation. Les élus municipaux, en relation avec les citoyens et les citoyennes, prendront seuls la responsabilité. Dois-je rappeler ici qu'en 42 occasions, ce projet de loi a des dispositions de même nature pour réduire en conséquence de 13 000 à 4000 seulement le nombre d'approbations demandées aux municipalités? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Verdun.

M. Lucien Caron

M. Caron: M. le Président, mes premières paroles seront en tant que député-maire de Verdun parce que je pense que...

Une voix: Le dernier des Mohicans.

M. Caron: ...c'est tout à fait normal. J'ai eu l'honneur et le privilège, hier, de recevoir dans ma municipalité l'adjoint parlementaire au ministre des Affaires municipales, M. Rochefort - le ministre étant occupé ailleurs - qui s'est déplacé pour venir dans la municipalité de Verdun et annoncer une subvention de 1 000 000 $. Mon collègue de Sainte-Anne, qui représente une partie de la population de Verdun, et moi-même sommes les porte-parole de tous les contribuables de Verdun pour dire merci. C'est dommage que le ministre ne soit pas en Chambre; je pense qu'il est occupé à d'autres fonctions. C'est tout à fait normal. Je ne le dis pas d'une façon désagréable. Je sais que le Conseil des ministres doit se pencher sur des problèmes très importants. Alors, j'espère que ses collègues d'en face lui feront le message.

Cela dit, M. le Président, il me fait grand plaisir d'avoir l'occasion de dire

quelques mots sur le projet de loi 2, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les finances municipales. Personnellement, en tant que député-maire de la municipalité et du comté de Verdun, je pense que je suis en mesure de dire que ce projet de loi a des avantages. Je suis bien heureux, ce soir, d'avoir l'occasion de dire quelques mots sur ce projet de loi. C'est vrai, mon collègue de Groulx, qui a parlé avant moi, sait à quel point le fait qu'on ait à passer à la Commission municipale... J'y reviendrai tout à l'heure parce que je pense que jusqu'à maintenant on n'a pas souligné le travail exactement que les gens de la Commission municipale ont fait et pour lequel on doit être reconnaissant. Je peux vous dire aussi que souvent une municipalité arrive à des moments où on a des problèmes: des problèmes d'égout, on a souligné tout à l'heure des problèmes de couverture, je pourrais souligner des problèmes aussi de châssis dans un poste de pompier, de police, qui traînent sur le bureau de la Communauté urbaine de Montréal depuis un an et demi.

Depuis un an et demi, la ville de Verdun a un dossier qui traîne là. On nous donne l'accord par téléphone, mais je pense que cela ne suffit pas pour faire un emprunt et pour aller en soumissions publiques afin d'avoir un prix pour refaire la couverture. Je pense que refaire une couverture c'est très important. Mon collègue de Groulx le soulignait avant moi. Je vais ajouter en plus que les châssis ont besoin d'être refaits. Avec tout le "red tape" comme on peut appeler, dans un langage qu'on utilisait dans des années précédentes, cela prend du temps. Actuellement, le ministre des Affaires municipales a décidé de donner une chance aux municipalités de sauver le "red tape", d'essayer de couper le temps pour en venir à ce qu'on veut faire actuellement. Personnellement, je suis bien heureux pour plusieurs raisons.

Par contre, il ne faut pas oublier aussi que la Commission municipale, qui date de l'année 1932, a fait énormément. Jusqu'à maintenant, personne n'a souligné l'importance et la beauté de son travail. Je peux vous dire qu'à certains moments la Commission municipale a rendu service à bien des conseils municipaux ici au Québec. Le fait qu'ils soient dotés de conseillers juridiques, le fait d'être organisés en conséquence pour pouvoir guider les élus municipaux... Vous savez, les gens qui sont élus dans les conseils municipaux ce ne sont pas tous des avocats et ce ne sont pas tous des comptables. À un certain moment, nous nous fions à certains fonctionnaires et ce n'est pas méchant qu'on envoie le dossier à la Commission municipale. Quand le dossier nous revient à la municipalité, positif ou négatif ou même avant qu'il soit négatif, on nous dit qu'il y a des erreurs dans le dossier, et on nous indique comment procéder. Je pense qu'à un certain moment cela sera regrettable d'avoir perdu ces gens. Car jusqu'à maintenant, depuis que je suis dans cette Chambre, et je vois l'ex-ministre qui est le ministre de l'Habitation aujourd'hui, je pense qu'on est tous fiers de la Commission municipale.

Ici, dans cette Chambre, on a toujours eu la fierté du travail qui s'est fait à la Commission municipale. J'espère qu'on pourra trouver un mécanisme pour aider les municipalités à un certain moment à ne pas faire des erreurs. (20 h 50)

Le projet de loi que nous avons devant nous comporte des objectifs. J'ai écouté le discours du ministre; il a fait un très beau discours et, franchement, j'endosse le geste que le ministre des Affaires municipales a posé. Mais certaines choses m'inquiètent. Nous en parlerons en commission parlementaire.

Parlons de budget municipal, M. le Président. À la Communauté urbaine de Montréal, à la Communauté urbaine de Québec et à celle de l'Outaouais, si on ne s'entend pas au 1er janvier, automatiquement 1/12 du budget est adopté. Après avoir feuilleté ce projet de loi assez épais en peu de temps, c'est ce que je peux reprocher aux gens d'en face, M. le Président, on n'a pas eu beaucoup de temps pour tout regarder, même les amendements qui touchent les municipalités. Seulement pour Verdun, je peux vous dire que la Loi modifiant la charte de la cité de Verdun en 1924, ce n'est pas d'aujourd'hui, c'est plus vieux que moi; la Loi modifiant la charte de la cité de Verdun en 1935, M. le Président, j'étais au monde; la Loi modifiant la charte de la cité de Verdun en 1954-1955; la Loi modifiant la charte de la cité de Verdun en 1957-1958; la Loi modifiant la charte de la cité de Verdun en 1971.

M. le Président, ce que je déplore dans ce projet de loi, c'est qu'on soit limité dans le temps. On est d'accord, comme mon collègue, le député de Laprairie vous l'a dit tout à l'heure, que le projet de loi puisse comporter un certain nombre de handicaps. Nous n'avons pas eu le temps d'aller en profondeur. J'espère qu'en commission parlementaire, on aura l'occasion de ce côté-ci de la Chambre d'apporter quelques amendements, s'il y a lieu. Comme je vous le disais tout à l'heure, c'est bien beau que le budget puisse être adopté à 1/12 mais, M. le Président, c'est plus que cela. Quels que soient les conseils municipaux au Québec, vous savez que cela ne tourne par toujours rond dans les conseils municipaux, aussi bien qu'ici. On a un exemple flagrant en face de nous. On fait des réunions un peu ici et un peu là, on ne m'invite pas, j'aimerais cela. Mais, naturellement, n'étant pas de ce côté

de la Chambre, on ne m'invite pas. Dans les conseils municipaux, c'est pareil.

On tient des réunions chez certains conseillers ou ailleurs. Mes collègues d'en face aussi bien que l'ex-ministre des Affaires municipales le savent. Mon inquiétude, quand je regarde le projet de loi, c'est que si, pour une raison ou une autre, dans une municipalité, on n'adopte pas le budget à temps et qu'on demande un délai de un ou deux mois, M. le Président... Quand on feuillette le projet de loi, cela ne nous dit pas exactement comment on pourra faire notre taxation. Enverra-t-on un, deux ou trois comptes de taxes? J'espère que non parce que plus on va en envoyer, plus cela va coûter cher aux contribuables. Le rôle des gens d'en face autant que de notre côté, c'est d'essayer de garder les taxes les plus basses possible. J'espère que le ministre des Affaires municipales, quand on aura l'occasion d'étudier le projet de loi article par article, en commission parlementaire, sera en mesure, avec ses fonctionnaires, de nous guider et de nous apporter des amendements qui pourront nous donner la chance de savoir exactement... Quand on étudie le projet de loi - naturellement, je n'aime pas parler des ententes ou des discussions qui peuvent se faire en dehors de la Chambre -ce n'est pas clair. C'est même un avocat, mon collègue de droite, le député de Saint-Louis, qui l'a étudié avec moi. Le projet de loi n'est pas clair. J'espère que le ministre des Affaires municipales, avec sa batterie de hauts fonctionnaires, pourra nous éclairer et nous dire exactement ce que le projet de loi contient pour que les municipalités... M. le Président, étant moi-même maire d'une municipalité, je voudrais bien, le premier, être capable de le comprendre. Quand on le regarde, qu'on l'étudie, on constate qu'il est volumineux. On l'a eu, il n'y a pas longtemps, une dizaine de jours, deux semaines au plus. On n'a pas la réponse. C'est important que je l'aie. L'Union des municipalités et les autres doivent le savoir aussi.

M. le Président, il faudrait souligner tout le travail qui a été fait par la Commission municipale, parce que nous enlevons énormément de pouvoirs à cette commission pour économiser du temps, comme mon collègue du comté de Groulx l'a mentionné tout à l'heure. Je suis d'accord avec le projet de loi, mais en enlevant les pouvoirs de la Commission municipale, il faudrait aussi penser qu'il y a 1600 municipalités au Québec. Il faudrait aussi trouver le mécanisme nécessaire, quand on regarde les règlements d'emprunt temporaires ou permanents, et trouver également un moyen pour qu'il puisse y avoir une certaine surveillance. C'est beau de parler de démocratie. On a toujours dit en face: Pas de problème, c'est démocratique. Les conseils municipaux, c'est ouvert, mais à certains moments, il faut aussi que les conseils municipaux aient une certaine surveillance comme dans d'autres domaines aussi. Je l'ai déjà souligné à l'ancien ministre des Affaires municipales qui est aujourd'hui ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur. Il faut aussi trouver un moyen d'exercer une certaine surveillance. Je pense que le ministre n'était pas contre ma suggestion. Je n'avais peut-être pas trouvé exactement le mécanisme nécessaire alors que je lui en parlais, mais nous sommes tous des humains et même en face, à certains moments, sans le vouloir, on dépense.

Dépenser l'argent des autres, c'est une chose bien facile. On a dépensé quelque 400 000 $ pour un spectacle à Montréal. Si cela se fait par un ministre du gouvernement actuel, cela peut se faire par quelques conseillers dans une municipalité. C'est là, dans tout ce domaine, qu'il faudrait aussi trouver le mécanisme nécessaire pour être sûr, tout en donnant une grande liberté aux municipalités - parce que ce ne sont pas tous les contribuables qui vont se déplacer pour assister aux réunions de leur conseil municipal. On a eu une réunion hier soir où il y avait douze ou treize personnes. C'est une ville d'environ 65 000 habitants. Il y a un certain danger. Même avec toute la démocratie, il y a une limite dans la démocratie. Je pense qu'on ne sait pas tout ce qui se dit au Conseil des ministres. Beaucoup de choses sont limitées. On ne les a pas. (21 heures)

Je pense qu'il y a un certain danger. Sans vouloir faire d'affirmations gratuites contre quelque conseil municipal que ce soit au Québec, je dis qu'une certaine surveillance doit être faite. C'est la responsabilité du gouvernement.

De notre côté de la Chambre et quant à moi, comme maire, je voudrais, à l'étude article par article du projet de loi, pouvoir présenter quelques amendements. Comme je l'ai dit au début, ce projet de loi est un projet pour faire gagner du temps aux conseils municipaux du Québec. Je considère que c'est un projet de loi qui a une certaine valeur, une valeur importante. Malgré tout cela, je pense qu'il faudra certains amendements pour s'assurer que les gens qui ne se déplacent pas pour se rendre aux réunions du conseil municipal soient protégés.

En terminant, je ne voudrais pas passer sous silence le temps alloué à l'Opposition pour analyser ce projet de loi de 324 articles. Il modifie 38 lois publiques et privées. Il contient quand même de très grands principes. À peine une semaine ou dix jours au plus pour examiner tout cela. J'espère qu'on nous donnera le temps d'aller en commission parlementaire la semaine prochaine. Je vois l'ex-ministre des Affaires

municipales qui dit oui. J'espère qu'il fera le message à son collègue, l'actuel ministre des Affaires municipales, afin de nous donner la chance de rendre le projet de loi le plus satisfaisant possible pour tous les contribuables du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Des voix: Très bien! Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci, M. le Président. J'ai écouté très attentivement le discours du député de Verdun. Je me disais qu'il serait souhaitable que tous les députés de l'autre côté soient élus maires, parce que tout ce qu'il a trouvé à dire, c'est que le projet de loi 2 était un bon projet de loi. Il a félicité le gouvernement, le ministre, mon collègue, le député de Groulx. En fait, je pense qu'il serait avantageux que tous les députés de l'Opposition puissent être maires eux aussi. Cela les aiderait peut-être à comprendre que certains projets de loi que nous déposons à l'Assemblée nationale tendent au mieux-être de la collectivité.

Le projet de loi 2, déposé ici à l'Assemblée nationale, se veut une preuve supplémentaire de confiance du gouvernement du Québec envers ses partenaires, les quelque 1600 municipalités formant le monde municipal. Comment cette confiance a-t-elle franchi une étape supplémentaire? Tout simplement parce que notre gouvernement s'est assis encore une fois autour d'une table de concertation avec les principaux intervenants du milieu, soit l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec ainsi que l'Union des municipalités du Québec. À cette table Québec-municipalités, c'est avec enthousiasme que nos partenaires ont accueilli le projet de loi 2.

Si c'est une marque de confiance que le gouvernement donne à ses partenaires, qu'est-ce que ce fameux projet de loi va changer dans le monde municipal? Premièrement, il rationalisera les contrôles gouvernementaux en matière de finances municipales. Deuxièmement, on éliminera les contrôles superflus et, troisièmement, on améliorera les moyens de gestion des municipalités. Voilà le changement. Voilà cet acquis de confiance: quand on a confiance en quelqu'un, on a moins besoin de contrôler, on peut se permettre de donner davantage de latitude.

À part cela, qu'est-ce que la loi 2 fera au niveau des municipalités? Elle supprimera 42 sortes d'approbations. Je ne vous les énumérerai pas toutes puisque cette décision a été prise sur recommandation de notre monde municipal avec l'acceptation du ministre. Donc, un geste de confiance encore une fois. La loi 2 aura aussi pour effet de diminuer le nombre d'approbations administratives annuelles de 13 000 qu'il était à 4000. C'est le ministre des Affaires municipales qui approuvera dorénavant les règlements essentiels. Quels sont-ils, ces règlements essentiels? Je vous donnerai comme exemple les règlements d'emprunt qui continueront d'être soumis au ministre des Affaires municipales, ce qui demeure une nécessité parce que le gouvernement est l'endosseur des obligations municipales et que le milieu financier prend cette caution comme garantie.

En acquérant plus de pouvoirs, le monde municipal acquerra aussi plus d'autonomie, plus de latitude dans l'administration de ses budgets. Je vous donnerai quelques exemples d'initiatives dont pourra se prévaloir le monde municipal après l'adoption de la loi 2. S'il le désire, le monde municipal pourra contracter des emprunts temporaires. S'il le désire, le monde municipal augmentera son fonds de roulement. S'il le désire, il pourra fixer le pourcentage du budget affecté aux fins socioculturelles et communautaires et il pourra aussi aliéner des immeubles et combien d'autres initiatives que je ne mentionnerai pas mais dont le monde municipal jouira.

Le monde municipal n'aura plus non plus à faire valider des ententes conclues entre les municipalités et la Société québécoise d'assainissement des eaux. Il n'aura pas à faire valider les contrats de travail avec les municipalités ni à faire valider le paiement d'honoraires professionnels, les baux de location ou de cession d'un immeuble à des fins de services sociaux. Ce ne sont que quelques-unes des initiatives remises entre les mains du monde municipal.

L'autre jour, le ministre des Affaires municipales nous faisait remarquer que cette loi était devenue une nécessité, compte tenu, disait-il, de la qualité grandissante des administrations municipales, compte tenu du niveau de compétence et de maturité atteint. Comment le monde municipal a-t-il atteint cette maturité? Cette démarche s'est effectuée au cours des années et elle a eu un départ significatif en 1979. Au cours de la période de 1979 à 1984, les municipalités ont connu une réforme de fiscalité qui avait pour objectif de renforcer leur autonomie et d'effectuer un important transfert net de ressources en leur faveur. Voilà une marque de confiance.

À la lumière des résultats de cette réforme, qu'est-il arrivé au monde municipal? Tout à coup, de 1979 à 1984, les revenus des taxes, à l'exclusion de la taxe d'affaires et des surtaxes, se sont accrus de 36,4%.

(21 h 10)

Qu'est-il arrivé à la taxe d'affaires et des surtaxes de 1979 à 1984? Les revenus des surtaxes se sont accrus de 271 000 000 $ qu'ils étaient à 380 000 000 $, soit 40,2% d'augmentation. Les compensations tenant lieu de taxes. Ces revenus ont augmenté de 119,9% - écoutez bien! - 529 200 000 $ de 1979 à 1984, ce qui représente un taux de croissance de 341,5%. N'était-ce pas là une marque de confiance importante qui s'est faite entre le gouvernement et le monde municipal?

Par contre, les dépenses municipales sont passées de 2 712 000 000 $ en 1979 à 4 420 000 000 $ en 1984, ce qui représente un taux de croissance de 63%. Pourtant, l'évolution de l'endettement des municipalités indique que la dette nette à long terme des municipalités a très peu augmenté, soit une hausse de 4% seulement.

Tout ceci a été un ensemble de projets et de situations qui nous permet aujourd'hui de dire que le gouvernement du Québec est fier des gens qui représentent les municipalités, est en confiance avec le monde municipal.

En conclusion, M. le Président, je vous dirai que la situation financière des municipalités du Québec depuis 1979 démontre que les municipalités ont assaini leur situation à plus d'un point de vue; que le résultat est positif en soi; que le gouvernement du Québec est conscient de cette évolution et met tout en oeuvre pour que la confiance mutuelle acquise soit très positive de part et d'autre. Je vous dis ceci au nom des 1600 municipalités qui sont heureuses du projet de loi 2 mais je vous le dis surtout au nom des 35 municipalités formant le beau et grand comté de Johnson, que tous les maires sont très heureux du projet de loi 2. C'est avec grand plaisir que je voterai pour l'adoption de ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Le projet de loi 2 qui est devant l'Assemblée nationale pour que nous puissions discuter du principe et des objectifs qui le sous-tendent était attendu avec beaucoup d'espoir et c'est un moyen pour les municipalités de réussir à faire comprendre au ministre qu'elles ont droit à une autonomie normale et que cette autonomie est nécessaire.

Les objectifs qui sont poursuivis sont éminemment valables. Nous avons un certain nombre d'objectifs qui sont présents dans les 327 articles de ce projet de loi et à ce sujet il n'y a, finalement, que peu de problèmes.

Tout le monde s'entend que l'autonomie municipale doit être respectée; tout le monde s'entend qu'il est désirable que les élus municipaux puissent disposer des moyens qui sont à leur disposition pour permettre une administration efficace, qui se fasse d'une façon honnête et ouverte.

Il est entendu que ces objectifs et ces principes n'ont pas été improvisés. Depuis longtemps, il est question, au ministère des Affaires municipales, de diminuer les approbations, de permettre au ministre de donner un certain nombre de feux verts qui sont nécessaires dans l'administration municipale, que la Commission municipale ait un rôle qui lui soit mieux défini et qu'on puisse ainsi savoir qui loge où. Cependant, M. le Président, le problème se pose quand on arrive à décider qui doit prendre la décision et qui doit donner les approbations. Que les approbations soient trop nombreuses pour que les municipalités puissent fonctionner efficacement, je pense qu'il n'y a aucune dissension à ce sujet. C'est quand on doit décider qui doit donner ces approbations. Est-ce que cela doit relever du ministre des Affaires municipales ou si c'est la Commission municipale qui doit se prononcer?

Il faut, à ce moment-là, se poser la question fondamentale: qui est le mieux placé pour que cette approbation ait le sens qu'elle doit avoir? Qui, du ministre ou de la Commission municipale, dispose des moyens les plus efficaces pour analyser les demandes qui sont faites par les municipalités au niveau financier de façon que les contribuables aient l'assurance que les fonds publics des municipalités sont gérés d'une façon honnête, d'une façon efficace, et qu'en même temps - c'est extrêmement important dans un projet de loi comme celui-là - les prêteurs puissent avoir l'assurance que leurs fonds sont bien utilisés et qu'ils ont les garanties nécessaires de remboursement en temps et lieu?

Il est sûr que le nombre de contrôles qui sont exercés par l'État sur les municipalités a pris, au cours des ans, des proportions inimaginables. On ne peut accepter que les municipalités se trouvent toujours en train de quêter à l'État des approbations, qu'elles soient d'une nature ou d'une autre. Quand j'étais secrétaire de la Commission de refonte des lois municipales qui a préparé un certain nombre de rapports qui ont été soumis au ministre d'alors, l'actuel ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur, on avait fait ce qu'on avait baptisé un code des municipalités. Nous avions travaillé, une équipe de juristes présidée par Me Gilles Hébert, ainsi que des commissaires, Me Louis Rémillard et Me Bernard Dorais. Nous avions préparé une série de rapports dans ce que nous avons appelé un code des municipalités qui visait à regrouper sous un même titre

l'ensemble des dispositions législatives qui régissent les municipalités, c'est-à-dire le Code municipal, la Loi sur les cités et villes et toutes les chartes dérogatoires des différentes villes.

Nous avions fait un tout avec cela et nous avions publié un certain nombre de volumes, dont celui-ci qui en était la première tranche. Nous en avons publié un autre qui portait sur la municipalité de comté et également un autre qui portait sur l'administration financière de la municipalité. Nous en avons publié un qui portait sur les élections municipales et un autre qui portait sur les champs de compétence des municipalités. Tous ces volumes, toutes ces tranches d'un même rapport constituaient un tout qui visait à faciliter l'administration municipale. Dans ce code des municipalités, nous proposions que la Loi sur les cités et villes, le Code municipal et les différentes lois qui régissent les municipalités du Québec, elles sont nombreuses... Nous en avons fait un répertoire qui représente un volume d'au moins un pouce et demi d'épaisseur. Nous avons proposé que tout cela puisse faire l'objet d'une consolidation, d'une refonte dans le cadre d'un code des municipalités. Nous l'avons fait au prix de nombreux efforts et également de fonds importants qui ont dû y être consacrés parce que cela a duré des années.

Malheureusement, M. le Président, nous sommes encore - je le déplore - à patienter que le gouvernement nous présente une telle refonte. Je me souviens que le porte-parole d'alors en matière d'affaires municipales, le député de Chicoutimi, M. Marc-André Bédard, avait fait quelques interventions en Chambre déplorant et regrettant le temps que nous mettions à préparer ces rapports. Cependant, le dernier rapport a été déposé auprès du ministre des Affaires municipales de l'époque en avril 1977. Ce qui était urgent dans les discours du critique de l'Opposition de l'époque, M. Marc-André Bédard, a dormi sur les tablettes depuis ce temps. (21 h 20)

Nous devons reconnaître qu'il y a des amorces d'amélioration et de consolidation des lois municipales. Le projet qui nous est présenté fait diminuer les contrôles, qui sont beaucoup trop nombreux. Nous avions préparé un inventaire des contrôles de l'État sur les actes des municipalités qui, dans un volume de quelques centaines de pages, 586 pages, reprenait les différents contrôles de l'État et les identifiait. Il y avait 43 contrôles qui allaient du contrôle du lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire du cabinet, qui passait par le contrôle du ministre des Affaires municipales, de la Commission municipale, du Bureau des inspecteurs et vérificateurs, du directeur général de la prévention des incendies, de la Société de l'aménagement de l'Outaouais, de la Société d'habitation du Québec, du ministre de la Justice. Je pourrais en énumérer comme cela pendant 43 lignes. Il y avait le Tribunal du travail qui intervenait, le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Tout cela pour vous dire que les contrôles étaient tellement nombreux et sont encore tellement nombreux que les municipalités se trouvent empêchées de fonctionner normalement. Elles sont considérées comme des mineures dans le monde de la politique. Il est sûr qu'il est nécessaire que l'État s'assure du respect des lois, que l'État s'assure de la capacité financière des municipalités, que l'État s'assure que les fonds publics soient dépensés à bon escient. Cependant, le contrôle tatillon ne doit pas empêcher les administrateurs élus par la population, choisis à la suite d'élections démocratiques, de fonctionner librement.

Le projet de loi que nous avons devant nous vise donc à alléger les contrôles de la part des autorités gouvernementales sur l'administration financière des municipalités en enlevant, entre autres, à la Commission municipale son pouvoir d'approbation concernant les actes financiers. Nous ne pouvons pas faire autrement qu'être d'accord avec cela. Il y a aussi dans ce projet de loi un certain nombre d'articles qui portent sur les améliorations à apporter aux règles de gestion administrative, dont celle de donner à la municipalité la possibilité d'adopter, dans le cours d'un exercice financier, un budget supplémentaire, de même que de pouvoir déléguer à une personne qu'elle désigne le pouvoir de dépenser, mais selon des modalités très précises.

Ce qui nous inquiète, c'est que le contrôle qui reste, qui est unifié, soit transféré de la Commission municipale au ministère des Affaires municipales. De cette façon, on risque de bureaucratiser les vérifications des fonctionnaires, on risque de mettre le ministère avec ses gros sabots dans les affaires des municipalités et on risque de donner aux fonctionnaires des pouvoirs exorbitants. Je ne sache pas qu'en aucun moment les municipalités aient eu l'occasion de se plaindre des interventions, des vérifications, des contrôles ou des approbations de la Commission municipale.

La Commission municipale a réussi à s'établir au cours des ans, depuis 1932, une réputation vraiment au-dessus de tout soupçon. La Commission municipale a fait preuve jusqu'à maintenant d'un professionnalisme à toute épreuve. Aucun doute n'a été émis sur sa compétence. Rappelons-nous qu'en 1932, le but principal de la formation de la Commission municipale était de s'assurer de la capacité financière de la part des municipalités de respecter les obligations qu'elles contractaient par voie

d'emprunt. Rappelons-nous qu'en 1932, c'était la crise. Qu'en 1932, le pouvoir d'emprunt des municipalités était limité en même temps que les besoins étaient extrêmement grands. Il y allait de l'intérêt public de s'organiser, de voir à ce que la capacité de remboursement des municipalités soit à la hauteur des obligations qu'elles contractaient. À partir de 1960, la vocation de la Commission municipale s'est cependant élargie, M. le Président. Elle a, au cours des ans, acquis de nouveaux pouvoirs, des pouvoirs quasi judiciaires qui ont consisté, par exemple, en des appels de la part des hauts fonctionnaires insatisfaits de certaines décisions de la part des autorités municipales. Ces pouvoirs quasi judiciaires de la commission municipale ont consisté en des pouvoirs concernant l'environnement, quant aux ordonnances et aux refus de s'y soumettre de la part des municipalités. Ils ont consisté en certains arbitrages de la part de la Commission municipale et en des demandes d'exemptions de la taxe foncière, en des fixations de prix de vente d'eau etc. Le coeur des activités de la Commission municipale a été de nature administrative. Actuellement, ces pouvoirs, avec le projet de loi 2, sont enlevés à la Commission municipale pour être transférés aux mains du ministre des Affaires municipales qui agit par ses fonctionnaires.

Je ne pense pas que la Commission municipale ait eu l'occasion de se plaindre d'avoir exercé ces pouvoirs. La Commission municipale est équipée, le fait depuis de nombreuses années, a l'expertise nécessaire, a le personnel nécessaire et fait appel, quand c'est nécessaire aussi, au personnel du ministère pour les experts.

Quelle est la raison pour laquelle on se trouve dans une situation avec ce projet de loi où ce sera dorénavant le ministère uniquement qui sera le juge sur l'à-propos, le bien-fondé, des emprunts ou des engagements financiers de la part des municipalités? Les municipalités vont se réjouir, bien sûr, de ne plus avoir à obtenir deux approbations en ce qui concerne les emprunts à long terme, en ce qui concerne les emprunts temporaires, en ce qui concerne les emprunts pour fonds de roulement, en ce qui concerne les emprunts pour fins industrielles, les engagements de crédit etc. Cependant, M. le Président, il faut bien réaliser qu'il ne s'agit pas là d'une réforme qui va solutionner tous les problèmes des municipalités.

Il faut qu'on sache, M. le Président, et je le sais par expérience pour avoir eu l'occasion de traiter avec le ministère des Affaires municipales de même qu'avec la Commission municipale, que les approbations qui nous étaient transmises, quand elles étaient nécessaires des deux, c'est-à-dire de la Commission municipale et du ministre des Affaires municipales, en même temps, il n'y avait pas de délai supplémentaire impliqué là-dedans. Il était un peu ennuyeux évidemment d'avoir à mettre dans les dossiers deux approbations. Il était un peu ennuyeux de voir que la demande devait s'adresser aussi bien à la Commission municipale qu'au ministre des Affaires municipales. Cependant, il n'y avait pas de délai supplémentaire d'impliqué à ce sujet-là. Tout ce qu'on fait actuellement, c'est qu'on supprime une feuille de papier. C'est tant mieux et je m'en réjouis, M. le Président. Est-ce qu'on supprime la bonne feuille de papier? Est-ce qu'on supprime l'approbation de la bonne personne ou du bon organisme? Ce n'est pas sûr. La tradition qu'avait développée la Commission municipale en était une qui méritait d'être respectée. On ne nous a pas apporté d'argument qui puisse nous convaincre que la nécessité existait d'enlever à la Commission municipale la responsabilité première de cette vérification financière des engagments des municipalités, de ce qui était sa raison d'être, de ce qui avait été la raison de sa mise en place.

Je n'ai rien entendu qui puisse avoir remis en question la capacité de la Commission municipale d'agir à ce sujet-là. Il faut se demander, M. le Président, fort sérieusement s'il ne s'agit pas tout simplement, finalement, d'une lutte de pouvoirs entre le groupe de fonctionnaires du ministère des Affaires municipales et celui de la Commission municipale, et qu'un des deux groupes a gagné. Si c'était le cas, il faudrait le déplorer parce que ce n'est pas une façon de régler les choses. Ce n'est pas une façon d'administrer et de décider comment une loi doit donner des pouvoirs à un organisme plutôt qu'à un autre, que de se ranger du côté du plus fort ou de celui qui a momentanément l'oreille du ministre. (21 h 30)

Je sais de fort bonne part que des ministres précédents ont déjà été pressentis dont, je pense, le ministre de l'Habitation à l'époque, avec des projets dans ce sens. Il a préféré - et à mon avis, avec raison - faire la sourde oreille aux pressions qui étaient faites dans ce sens. Il y a eu le ministre des Transports actuel qui était ministre des Affaires municipales. Il a eu aussi l'occasion d'avoir des représentations dans le sens de la concentration des pouvoirs entre les mains, finalement, des fonctionnaires du ministère des Affaires municipales. Il a préféré, lui aussi, faire la sourde oreille. Avec l'arrivée du nouveau ministre des Affaires municipales, il a décidé de donner suite à ces représentations qui datent de nombreuses années. Est-ce tout simplement l'aboutissement d'une lutte de pouvoir ou d'une lutte d'influence? Si c'était le cas, il faudrait le déplorer vivement.

La situation que nous connaissons maintenant et que nous connaissons depuis

1932, finalement, est la même qui existe en Ontario depuis 1905, depuis la fondation de ce qu'est le ministère des Affaires municipales et la Commission municipale en Ontario. En Ontario, on continue d'avoir deux approbations. On continue de fonctionner avec ce qui est traditionnellement la vocation première de la Commission municipale, le ministre concourant à ces décisions. L'Ontario est-elle plus mal administrée au niveau municipal que ne l'est le Québec? A-t-on des preuves que c'est une amélioration sensible vis-à-vis de ce qui se fait en Ontario? A-t-on l'assurance que les fonctionnaires vont se comporter d'une façon totalement respectueuse vis-à-vis des municipalités? N'a-t-on pas raison de s'inquiéter devant les tentatives gouvernementales qui ont été faites jusqu'à maintenant pour mettre en veilleuse l'autonomie municipale, pour l'entourer et l'encercler de toutes sortes de manières? N'est-il pas raisonnable de notre part de nous poser des questions?

M. le Président, nous allons, comme nous l'avons dit, voter favorablement pour ce projet de loi. Nous sommes heureux de l'amorce de solutions aux problèmes que connaissent ces municipalités. Cependant, nous avons un certain nombre d'inquiétudes. Ces inquiétudes sont dues au fait que nous connaissons d'autres exemples de contrôles ministériels qui n'ont pas donné des résultats absolument faramineux et extraordinaires. Je pense, par exemple, au contrôle ministériel qui s'exerce au ministère des Affaires sociales sur les institutions hospitalières, etc. - ce n'est pas un énorme succès, je termine là-dessus - et en même temps, dans le domaine de l'éducation où on a un contrôle ministériel direct. Ces inquiétudes sont donc fondées. Nous ne voulons qu'être rassurés. Nous espérons sincèrement que les propos du ministre en commission parlementaire seront de nature à améliorer les choses de façon que les municipalités aient l'assurance que leur autonomie sera véritablement respectée et que ce sera dans le sens d'une véritable responsabilisation des municipalités. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Jacques Le Blanc

M. Le Blanc: Merci, M. le Président. C'est avec un sentiment de satisfaction que je partage avec le ministre des Affaires municipales, avec mes collègues et avec certains membres de l'Opposition également, de même qu'avec le monde municipal, que je prends la parole sur le projet de loi 2. Sans aucun doute, si j'interviens sur ce projet de loi, c'est que son objet porte sur une révision majeure des contrôles sur la gestion des finances municipales.

Depuis 1978, les élus municipaux ont vécu des réformes majeures dans l'administration municipale. Je n'en mentionne qu'une seule, soit celle de la fiscalité, parce qu'elle a un rapport direct avec le titre du projet de loi que nous étudions présentement, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les finances municipales.

Cette réforme se voulait à l'époque révolutionnaire dans le sens qu'elle confiait aux municipalités une autonomie financière accrue. Au mois de juin 1978, la première conférence Québec-municipalités se tenait à Québec et j'étais de ces participants maires d'une municipalité qui, pour la première fois, prenaient part à un événement aussi important où des modifications majeures au financement des municipalités étaient annoncées. À ce moment, il y avait de l'inquiétude et des interrogations quant à l'application pratique du nouveau mode de financement des municipalités. C'était la première réunion de cette importance entre le gouvernement du Québec, les principaux ministères impliqués, dont celui des Affaires municipales, et les élus municipaux du Québec. Parmi les élus municipaux, certains craignaient que cette réforme ne serve qu'à restreindre l'apport financier du Québec dans le budget des municipalités. L'application de la réforme sur la fiscalité municipale a fait la preuve du contraire car plus de 300 000 000 $, dès la première année, ont été transférés en surplus aux municipalités du Québec.

Si je rappelle ces faits, c'est que, depuis ce moment-là, l'objectif d'une plus grande autonomie de l'administration municipale était déjà fixé. La libération du champ d'impôt foncier scolaire, jusqu'alors en partage entre les municipalités et les commissions scolaires, dans sa presque totalité revenait aux municipalités. Les 100 $ du taux d'imposition de la taxe foncière par 100 $ d'évaluation permettaient aux municipalités de compenser les sommes disparaissant auparavant versées en compensation aux municipalités au titre de remboursement d'une partie de la taxe de vente. Cette redistribution, d'ailleurs, était loin d'être la solution parfaite. Je me souviens très bien des interrogations qui surgissaient au moment de la préparation des budgets dans nos municipalités. L'interrogation la plus marquante était celle de savoir quel serait le montant l'an prochain du retour de la taxe de vente dans la colonne des revenus de la municipalité, dans la préparation du budget municipal.

Par la suite, plusieurs lois concernant le fonctionnement des municipalités ont été adoptées. La loi 125 est une de celles-là. Elle aussi s'inscrivait dans la politique du gouvernement de donner aux municipalités

une plus grande autonomie en leur faisant exercer, dans le secteur de l'aménagement, un pouvoir qui, depuis longtemps, leur revenait et qui, par cette loi, leur était légalement dévolu. Cet exercice était en accord avec le pouvoir qui était dévolu à ce palier administratif et politique dans le sens que les décisions qui seraient prises le seraient par des hommes et des femmes politiques, des élus dans chacune des municipalités composant une municipalité régionale de comté.

Toutes ces réformes, si elles contribuaient à divers degrés à donner au monde municipal de plus en plus d'autonomie administrative et financière, n'éliminaient pas pour autant l'obligation de recourir aux nombreuses autorisations des différents ministères et, en particulier, du ministère des Affaires municipales et de la Commission municipale du Québec. Autorisations le plus souvent routinières, automatiques et, dans plusieurs cas, désuètes. Ces autorisations sont cause de retards souvent dénoncés, occasionnant des délais inutiles, assez caractéristiques, malheureusement, d'une bureaucratie trop omniprésente dans les rapports entre les municipalités et le gouvernement.

Si ce projet de loi s'inscrit dans la poursuite d'une plus grande autonomie municipale, on peut, en ce sens, y reconnaître deux objectifs principaux: premièrement, diminuer les contrôles que le gouvernement du Québec exerce sur l'administration financière municipale; deuxièmement, améliorer les règles qui régissent l'administration municipale. Pour répondre au premier objectif de diminution des contrôles exercés par le ministère des Affaires municipales, il faut bien constater que le nombre de ces contrôles était devenu trop grand. Si l'on veut reconnaître véritablement la compétence des élus municipaux, il faut faire disparaître cette disproportion entre l'abus des contrôles et la compétence sans cesse croissante de nos élus municipaux. Cette compétence évolue et croît constamment, en particulier depuis 1978. (21 h 40)

Je peux, aujourd'hui, rendre un témoignage à la suite de ma propre expérience. Ayant vécu, au cours du travail que j'ai eu à accomplir auprès de 100 maires de municipalités du Québec à titre de président de l'un des 19 comités de consultation qui couvraient tout le territoire du Québec pour la mise en place des municipalités régionales de comté, à l'exception, bien sûr, du territoire déjà couvert par les communautés urbaines de Montréal et de Québec et la Communauté régionale de l'Outaouais, j'ai été à même d'apprécier l'esprit positif et la collaboration sans cesse grandissante qui animaient les maires dans l'exercice de la mise en place de cette structure municipale territoriale, initiative très heureuse dans le découpage du territoire comme dans la préparation du contenu des lettres patentes dans les conseils de maires, contenu qui consacrait les particularités propres à chacune des municipalités régionales de comté du Québec.

Cet exercice comportait aussi un volet extrêmement intéressant qui a peut-être consacré de façon très pertinente et très significative la démocratie municipale et la liberté pour les maires de choisir de quelle façon ils seraient représentés en nombre de votes à l'intérieur de leur municipalité régionale de comté.

Si quelques maires se sont sentis, à un certain moment, bousculés et même un peu dépassés, dans certains cas, pendant cette période de grand dérangement, il faut reconnaître que la très grande majorité, sinon la totalité des élus municipaux, se sont mis résolument à la tâche. Ils ont été vigilants comme doivent l'être des gardiens de l'autonomie des municipalités. Dans le cas de l'aménagement du territoire, dont le pouvoir leur était confié par la loi 125, ils ont vite compris qu'il valait mieux qu'ils assument eux-mêmes cette tâche, ainsi que les responsabilités et les orientations régionales propres à leur municipalité régionale de comté; sinon, ils auraient eu mauvaise grâce à empêcher que les décisions relatives à la confection d'un plan d'aménagement soient prises au niveau des fonctionnaires à partir des différents ministères. Les municipalités, dans ce cas, se seraient défilées devant leurs responsabilités. D'ailleurs, la crainte ressentie devant l'ampleur apparente de la tâche à accomplir n'a pas duré tellement longtemps. Les maires se sont sentis capables d'accomplir cette besogne et je pense que l'exercice qu'ils font depuis plusieurs mois fait la preuve de cette capacité.

Dans ce projet de loi, comme dans plusieurs autres qui l'ont précédé, on fait confiance au monde municipal, et avec raison, puisque les décisions, pour la plupart politiques, que les membres des conseils municipaux ont à prendre, ils doivent les prendre avec les contribuables. Ils doivent vivre avec ces décisions qu'ils prennent et vivre aussi avec les conséquences de leurs décisions.

Quand on constate certaines erreurs commises à la suite de décisions administratives prises dans le passé sans consultation et encore moins sans l'assentiment des élus municipaux, entre autres dans certaines municipalités, que ce soit par la localisation erratique de certaines sorties d'autoroutes, de même que par l'implantation de certains services régionaux aux mauvais endroits, je suis tout à fait prêt et disposé à laisser aux maires et aux

conseils municipaux cette possibilité de pouvoir, eux aussi, se tromper de temps en temps parce qu'ils vivent avec les conséquences de leurs décisions.

J'essaie de conclure pour laisser au député de Crémazie, ancien ministre des Affaires municipales, la possibilité d'exprimer son point de vue sur ce projet de loi très important dont il a aussi eu à préparer, par le passé, le cheminement jusqu'aux décisions d'aujourd'hui.

Pour souligner toutefois de façon plus concrète les effets prévus de l'application du projet de loi 2, qu'il suffise de mentionner l'élimination de la duplication qui existe par l'obligation de faire approuver les actes de gestion financière des municipalités par deux intervenants, soit le ministre des Affaires municipales et la Commission municipale du Québec. En tenant compte de la situation actuelle qui, justement, commande les modifications proposées par le projet de loi 2, on constate que plus de 13 000 interventions de contrôle, autorisations ou approbations sont exercées annuellement par le ministère des Affaires municipales et par la Commission municipale du Québec. Ce nombre passera, suivant les prévisions les plus réalistes, à environ 4000.

Cela veut dire que plusieurs décisions locales n'auront pas à recevoir, avec les retards d'usage, les approbations jusqu'ici nécessaires. Les municipalités pourront donc, de leur seule initiative, aliéner des immeubles, décider du pourcentage de leur budget à affecter à des fins socioculturelles et communautaires, augmenter suivant leurs besoins propres le fonds de roulement de la municipalité, contracter des emprunts temporaires; c'est peut-être le besoin le plus fréquent d'autorisations. Dans la poursuite des programmes d'assainissement des eaux, programmes extrêmement d'actualité, les municipalités profiteront également de l'abolition des contrôles qu'apporte le projet de loi 2, en ce sens que les ententes qui seront conclues avec la Société québécoise d'assainissement des eaux ne nécessiteront plus les approbations antérieurement requises.

Je conclus en disant que plus de 42 catégories d'approbations disparaîtront. Je dirais que cette réforme est une marque de confiance bien méritée de la part des administrations municipales. C'est une décentralisation au plan des décisions administratives qui sont en réalité celles d'un pouvoir local. C'est aussi la reconnaissance de la compétence des Québécois et des Québécoises qui dirigent, dans nos conseils municipaux, les destinées de chacune des municipalités du Québec et des municipalités régionales de comté du Québec. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Habitation, responsable de la Protection du consommateur.

M. Guy Tardif

M. Tardif: Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat, sauf qu'après avoir entendu le député de Laprairie et certaines remarques du député de Louis-Hébert il m'apparaissait important de situer un certain nombre de choses.

D'abord, je dois dire que je conserve de mon passage aux Affaires municipales pendant quatre ans, de 1976 à 1980, le souvenir d'une période des plus riches, des plus enrichissantes, en tout cas, pour celui qui vous parle et, je l'espère également, pour tous ceux qui ont été mes interlocuteurs dans le monde municipal.

J'ai trop de respect pour ceux que j'ai connus à ce moment-là pour avoir dit les paroles que le député de Laprairie, sous prétexte qu'il citait le maire de Saint-Eustache, me prêtait. Il disait que je me serais vanté à l'époque de mettre les municipalités au pas. M. le Président, si j'ai pu, au cours de ce mandat, faire passer les municipalités de l'ère de la mendicité à celle de la prospérité, si cela peut être appelé les mettre au pas, je suis fier de ce que j'ai fait. En 1983, les municipalités du Québec affichaient un surplus de 389 000 000 $. En 1976, lorsque je suis arrivé aux Affaires municipales, on faisait antichambre dans mon bureau pour venir me quémander une subvention. C'était cela, la différence, M. le Président, la véritable autonomie.

Le député de Louis-Hébert a dit: Mais il y a eu une commission de refonte du droit municipal qui a travaillé de nombreuses années et qui a produit beaucoup de documents, très volumineux. C'est vrai, ce qu'il a dit. Mais je lui répéterai aujourd'hui ce que je lui ai dit lorsqu'il m'a remis ces documents quand j'étais ministre des Affaires municipales: Une commission de refonte ne réforme rien; elle ne fait que réunir dans un seul document des documents épars. À ce moment-là, sa contribution peut être fort utile pour les juristes; en fait, elle apporte peu de neuf pour le monde municipal. (21 h 50)

II m'apparaissait important, lorsque je suis arrivé au ministère, de donner la seule véritable autonomie aux municipalités, qui leur permettait de ne plus être à la solde des gouvernements, c'est-à-dire d'avoir des revenus autonomes, de leur donner le nerf de la guerre. Et cela a été la réforme de la fiscalité municipale. Toutes les municipalités vous le diront. Qu'ils sortent le moindrement du Québec et qu'ils s'en aillent dans d'autres provinces et vous les verrez revenir, n'est-ce pas, en disant: Mais les autres maires des autres villes des autres provinces et des

États américains n'en croient pas leurs yeux lorsqu'on leur dit qu'on a, nous, ces sources de revenus au Québec. Dès lors qu'on contrôle 99% de ses revenus, je pense qu'on peut être dit autonome. Cela veut donc dire que nos municipalités, en disposant de l'assiette foncière en quasi-totalité...

D'ailleurs, on me permettra d'invoquer mon livre vert sur l'habitation que je viens de rendre public et qui indique que l'assiette foncière totale des municipalités au Québec est de 94 000 000 000 $ dont à peu près 58 000 000 000 $ dans le domaine résidentiel. C'est donc dire que cette assiette foncière qui constitue l'essentiel des revenus des municipalités, il est important de s'assurer qu'on ne vienne pas la diminuer. Et c'est ce qu'a fait, entre autres, la réforme de la fiscalité qui l'a élargie, au contraire, de tous les immeubles gouvernementaux.

Lorsque je suis arrivé au Affaires municipales, j'avais donc le choix: utiliser le matériel pondu par la commission de refonte du droit municipal et faire, j'allais dire, une mise à jour, une mise en ordre qu'aurait donnée l'utilisation de ces documents. Cependant, au lieu de procéder à cette espèce de mise en ordre à l'interne qui était véritablement, si vous voulez, une refonte -les Anglais disent "inner oriented" - de façon à mieux faire fonctionner la machine, il m'apparaissait plus important de faire une réforme qui soit "outer oriented", orientée vers le monde, vers la population.

Cette réforme de la fiscalité, c'est non seulement en termes de surplus pour les municipalités qu'elle se produit, mais c'est, par exemple, en termes de plafonnement dans l'augmentation du niveau de taxes foncières et cela est important. Dans le livre vert sur l'habitation "Se loger au Québec" qu'on a rendu public la semaine dernière, on montre l'évolution des taxes foncières du coût du logement et on constate que les taxes foncières sont le point qui a le moins augmenté au cours des dernières années. Évidemment, le loyer de l'argent étant au premier rang, les coûts des matériaux de construction et les assurances étant bien supérieurs, le niveau de taxes foncières reste le point qui a le moins augmenté.

Cela aussi, c'est un des effets de la réforme de la fiscalité. Lorsque je suis arrivé, j'ai concentré mes efforts sur la réforme de la fiscalité municipale, d'une part. Avec mon collègue de l'Aménagement qui a travaillé sur le projet de loi de l'urbanisme et de l'aménagement, nous avions deux choix. On aurait pu adopter ce que l'ancien gouvernement qui nous avait précédés, les autres avant aussi, avaient adopté dans le domaine de la santé et de l'éducation, c'est-à-dire des administrations, tout en étant des réseaux, quand même fortement dirigées depuis Québec et financées entièrement par lui, en quelque sorte de faire des municipalités des succursales gouvernementales. Nous avons opté pour le contraire, c'est-à-dire faire des municipalités de véritables administrations autonomes et disposant de sources de revenus à cet effet. Ceci comportait que nous éliminions un tas de contrôles. Nous avons commencé à le faire déjà à l'époque avec la réforme de la fiscalité et nous sommes allés plus loin en remplaçant les contrôles de l'État, les contrôles du gouvernement par des contrôles du citoyen. Est-ce que vous savez qu'en 1978 encore, quand un poste de conseiller devenait vacant, il suffisait que le maire et les membres du conseil nomment un citoyen pour qu'il devienne conseiller? On a aboli ce procédé de "inbreeding", cette façon qu'on avait de se nommer entre soi. Des élections sont obligatoires. Un discours du budget est obligatoire. Des renseignements plus complets doivent être sur le compte de taxes. La taille des conseils municipaux a été élargie. Les règlements de zonage, les changements aux règlements de zonage doivent faire l'objet d'un croquis qu'on voit dans les journaux parce que cela ne dit rien aux gens de voir que tel règlement de zonage a été amendé en faisant passer de la cote une telle à la cote une telle. Dorénavant, le citoyen peut visualiser dans les journaux ce qui en est. Donc, on a remplacé les contrôles de l'État par les contrôles des citoyens.

Mais le député de Louis-Hébert tantôt -et je voudrais terminer là-dessus puisque le temps court - et d'autres avec lui dans l'Opposition, comme le député de Laprairie et le député-maire de Verdun, ont dit: On est d'accord avec la suppression des approbations et la diminution des contrôles. Nous ne comprenons pas cependant la raison pour laquelle, parmi les deux contrôles, celui du ministre des Affaires municipales et celui de la commission, on fait sauter surtout celui de la commission en matière de règlement d'emprunt.

M. le Président, le député de Louis-Hébert n'était pas très sérieux lorsqu'il posait cette question en disant ne pas savoir la réponse. Il a quand même gratté assez longtemps le droit municipal pour savoir que la Commission municipale est devenue, par toutes sortes de décisions du législateur dans cette Chambre, sous différents gouvernements, un organisme judiciaire qui, de plus en plus, est appelé à faire des enquêtes et, donc, dans ce rôle d'enquête, d'organisme judiciaire, est appelée à se prononcer sur des règlements d'emprunt qu'elle aura pu approuver à un moment donné comme organisme administratif. Comment la commission d'enquête municipale pourrait-elle blâmer un conseil municipal d'avoir fait, six mois, un an, deux ans auparavant, des emprunts qu'elle aurait elle-même, par ailleurs, approuvés quant à la somme, quant

aux modalités, quant à la légalité des emprunts, mais portant sur des objets sur lesquels elle n'aura peut-être pas porté toute l'attention voulue? Le résultat, c'est que, deux ans plus tard, faisant une enquête elle découvre que, finalement, ces emprunts n'auraient pas dû être autorisés. Il y a là strictement une possibilité pour la commission de se trouver dans une situation de juge et partie, c'est-à-dire de faire enquête sur des faits et gestes qu'elle aura elle-même à avalisés comme organisme administratif. C'est essentiellement la raison, M. le Président. Son rôle d'organisme judiciaire est celui qui lui sied le mieux.

De toute façon, les enquêtes pour des règlements d'emprunt doivent être faites par des analystes financiers, M. le Président, et non par des commissaires, ces analystes financiers disposant d'ordinateurs, de programmes, de contacts avec les institutions financières quant au taux de crédit. Ces analystes financiers, c'est tout le personnel du ministère des Affaires municipales. Ce n'est pas la commission qui a tous ces analystes, qui a tout le dossier de chacune des villes au Québec avec son taux d'endettement et tous ses règlements d'emprunt, à moins de vouloir faire double emploi et, comme on le fait présentement en réalité, de faire faire toute l'analyse par le ministère et de ne faire donner que le "rubber-stamp" par la commission. Je pense que ce n'est pas cela qui est souhaité.

La Commission municipale a un rôle: elle est devenue, par les pouvoirs ou les fonctions qui lui ont été dévolus avec le temps, un organisme judiciaire. Elle doit rester dans l'accomplissement de cette mission et c'est véritablement au ministère, qui est équipé pour ce faire, de procéder à toutes les analyses de nature économique, technique et autre permettant d'autoriser un règlement d'emprunt.

M. le Président, le projet de loi 2 s'inscrit tout à fait dans cette problématique d'une responsabilisation du monde municipal vers un désengagement de l'État qui s'est manifesté de diverses manières. Je prends le domaine de l'habitation. On me permettra d'en dire un mot comme ministre de l'Habitation. Toute l'économie de notre droit municipal - le Code municipal, la Loi sur les cités et villes - ne fait pas de l'habitation une fin municipale, sauf exception par la Loi de la Société d'habitation du Québec pour les HLM, sauf par projet de loi privé, par charte privée où j'ai accordé, quand j'étais ministre des Affaires municipales, à 25 municipalités ou à peu près des pouvoirs d'intervention dans le domaine et, évidemment, dans la loi de Corvée-habitation. La question que je pose aujourd'hui et que nous posons dans le livre vert sur l'habitation est la suivante: L'habitation ne devrait-elle pas être précisément une fin municipale et la municipalité ne pourrait-elle pas acquérir des terrains ou des immeubles pour des fins d'habitation exactement comme elle le fait pour construire une caserne d'incendie ou un parc?

Je dis que le rôle des municipalités doit être aussi large que celles-ci veulent bien qu'il le soit. Quant à moi, je serais tout à fait ouvert à ce que non seulement on vienne ajouter ici une marge de latitude au monde municipal, mais encore que cette marge soit, encore une fois, élargie à d'autres secteurs si tant est que les municipalités voulaient effectivement s'impliquer dans le domaine de l'habitation, notamment. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, considérant l'heure tardive, je demanderais l'ajournement du débat, s'il vous plaît;

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion d'ajournement du débat est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Elle est adoptée. M. le leader adjoint du gouvernement, il est 22 heures.

M. Blouin: M. le Président, cette motion étant adoptée, nous ajournons maintenant nos travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 1)

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