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(Quatorze heures et une minute)
Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez prendre vos places.
Visite de M. Aloysio Mares Dias Gomide
J'ai le plaisir de souligner la présence dans la tribune cet
après-midi du consul général du Brésil et
président de l'Association consulaire de Montréal, M. Aloysio
Mares Dias Gomide. M. Gomide, qui était doyen du corps consulaire depuis
bientôt trois ans, nous quitte pour une nouvelle affectation à
Vancouver.
La Croix de vaillance décernée à
M. René Jalbert
Le Président
Vendredi matin dernier, j'ai eu l'occasion de représenter
l'Assemblée nationale à une cérémonie d'investiture
à Rideau Hall, la résidence du gouverneur général
du Canada, à l'occasion de laquelle la Croix de vaillance a
été décernée au sergent d'armes de
l'Assemblée nationale, M. René Jalbert.
J'ai pensé que les membres de l'Assemblée nationale
seraient intéressés à connaître la citation qui a
fait en sorte que M. Jalbert s'est mérité cette très haute
distinction. Elle se lit comme suit: "Au milieu de la matinée du 8 mai
1984, René Jalbert, le sergent d'armes de l'Assemblée nationale
du Québec, fit montre de courage et d'audace hors du commun lorsqu'il
subjugua un individu qui venait de tuer trois personnes et d'en blesser treize
autres. "L'homme était entré à l'Hôtel du Parlement
par une porte latérale et avait commencé à faire feu avec
une mitraillette. Quelques instants plus tard, tirant à sa gauche et
à sa droite sur son passage, il empruntait l'escalier principal pour se
rendre au salon bleu. Alors qu'une rafale de balles criblait le mur, M. Jalbert
entra dans la pièce, s'avança calmement vers l'individu et
persuada celui-ci de laisser sortir plusieurs employés. M. Jalbert amena
ensuite l'homme dans son bureau au sous-sol de l'Assemblée nationale, se
donnant en fait en otage à un individu qui était armé
jusqu'aux dents. "En dépit du danger et avec beaucoup de sang-froid, M.
Jalbert réussit, après quatre heures de négociations,
à convaincre l'homme de déposer les armes et de se rendre
à la police. "Sans l'intrépidité de cet ancien major du
Royal 22e Régiment et vétéran de la deuxième guerre
mondiale, le bilan des morts aurait certainement été beaucoup
plus lourd."
Je pense que je me fais le porte-parole de l'Assemblée en
remerciant le gouverneur général d'avoir bien voulu
reconnaître le geste posé par M. Jalbert, notre sergent d'armes,
en lui remettant, vendredi dernier, la Croix de vaillance.
Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration
ministérielle. À la présentation de projets de loi, M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article d) du feuilleton d'aujourd'hui.
Le Président: Peut-on avoir la liste au complet? Cela me
simplifierait la tâche.
M. Bertrand: Alors, les articles d), c) et b) dans l'ordre.
Projet de loi 6
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales
présente le projet de loi 6, Loi modifiant diverses dispositions
législatives pour favoriser la mise en valeur du milieu aquatique. M. le
ministre des Affaires municipales.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, ce projet de loi a pour objet
de permettre aux municipalités et aux communautés urbaines ou
régionales d'exécuter des travaux afin d'améliorer la
qualité du milieu aquatique sur leur territoire et de favoriser
l'accès à ce milieu. Il confère aussi à la
Société québécoise d'assainissement des eaux le
pouvoir de financer ces travaux.
Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se
saisir du projet de loi 6?
Des voix: Oui.
Le Président: II en est donc ainsi
décidé.
Projet de loi 9
M. le leader du gouvernement, au nom du ministre de l'Énergie et
des Ressources, présente le projet de loi 9, Loi sur la
location de forces hydrauliques de la rivière du Lièvre
à Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc. M. le leader du
gouvernement.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, ce projet de loi a pour
objet de permettre au gouvernement, conformément à l'article 3 de
la Loi sur le régime des eaux, de louer une partie des forces
hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits
forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc. Il décrit l'objet du bail ainsi
autorisé et en établit la durée. Il détermine
également les redevances que devra acquitter la compagnie en fonction de
l'électricité produite grâce aux forces hydrauliques.
Ce projet de loi remplace la loi concernant un aménagement
hydroélectrique à Mont-Laurier. La nouvelle loi aura un effet
rétroactif au 1er janvier 1984.
Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se
saisir du projet de loi 9? Il en est ainsi décidé.
Projet de loi 14
M. le ministre délégué au Tourisme présente
le projet de loi 14, Loi sur le ministère du Tourisme et modifiant
d'autres dispositions législatives. M. le ministre
délégué au Tourisme.
M. Marcel Léger
M. Léger: M. le Président, ce projet de loi a pour
objet la constitution et l'organisation du ministère du Tourisme. Il
prévoit, notamment, que le ministre du Tourisme aura le mandat de
préparer et de proposer au gouvernement des politiques en matière
de tourisme. Le ministre aura la responsabilité de l'application de ces
politiques en collaboration avec les ministères et les organismes
intéressés, notamment en dirigeant et en coordonnant
l'exécution des politiques gouvernementales du tourisme.
Le ministre aura également pour fonction d'aider les entreprises
touristiques au moyen de programmes d'aide et de services et sera chargé
de diffuser l'information touristique.
Le projet de loi modifie substantiellement la Loi sur le
ministère de l'Industrie et du Commerce en remplaçant la section
1 pour la rendre conforme à la Loi sur la fonction publique et en
précisant et modernisant le mandat de ce ministère.
Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se
saisir du projet de loi 14?
Des voix: Oui.
Le Président: Oui. M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, je voudrais déposer
un projet de loi inscrit au feuilleton à l'article m).
Le Président: D'accord, allez-y.
Projet de loi 198
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: II me fait plaisir de déposer un projet qui
aura sûrement l'effet d'une bombe à l'Assemblée nationale,
le projet de loi 198 interdisant la production, l'entreposage, le commerce et
l'utilisation d'armes nucléaires. Ce projet de loi a pour objet
d'interdire tout armement nucléaire sur le domaine public
québécois et a en outre pour objet d'interdire au gouvernement de
participer à la production d'armes nucléaires. Il prévoit
également une disposition permettant au gouvernement de demander aux
municipalités de procéder à un référendum
sur la question du nucléaire ou du désarmement. Enfin, il
déclare que certaines dispositions contenues dans ce projet de loi font
partie intégrante de la constitution du Québec.
Le Président: M. le député de Sainte-Marie,
sous réserve de vérification, je n'ai pas reçu le projet
de loi en question. Le fait que vous me le montriez de votre siège ne
remplit pas la condition requise à l'article 225 concernant la
présentation de projets de loi dans lequel on parle du préavis
qu'il faut inscrire au feuilleton: "Le député en fait parvenir
copie au président - il s'agit du projet de loi - avant la
période des affaires courantes." À ma connaissance, je n'en ai
pas reçu copie.
M. Bisaillon: M. le Président, je me reprendrai
demain.
Le Président: À moins que l'Assemblée
n'accepte par consentement unanime que votre projet puisse...
Des voix: Oui, oui.
M. Bertrand: Oui, ça va. (14 h 10)
Le Président: Bien. Aux projets de loi privés, M.
le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je pense que vous avez d'abord un rapport à
déposer relativement au projet de loi 234.
Le Président: En fait, j'en ai une série, dont
celui portant sur le projet de loi 234. Tous ces rapports viennent du directeur
de la
législation.
Projet de loi 234
Concernant le projet de loi 234, celui-ci me fait part qu'il a
examiné le projet de loi en question intitulé Loi concernant la
Corporation des marchands de meubles du Québec et qu'il a
constaté que l'avis a été fait et publié
conformément aux règles de fonctionnement concernant les projets
de loi d'intérêt privé. Ce projet de loi peut donc
être présenté pour adoption pendant la présente
session. Aussi bien faire le dépôt en même temps.
Par conséquent, M. le député de Groulx
présente le projet de loi 234, Loi concernant la Corporation des
marchands de meubles du Québec. J'imagine que l'Assemblée accepte
de se saisir du projet de loi.
M. Bertrand: Oui.
Le Président: II en est donc ainsi
décidé.
M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Bertrand: Je fais motion pour que ce projet de loi 234 soit
déféré à la commission du budget et de
l'administration et pour que le ministre des Finances soit membre de cette
commission.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Une voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Projet de loi 244
Vient ensuite le projet de loi 244 au sujet duquel le directeur de la
législation m'écrit ceci: "J'ai examiné le projet de loi
244 intitulé Loi modifiant la Loi concernant la Fédération
des commissions scolaires catholiques du Québec et j'ai constaté
que l'avis a été publié conformément aux
règles de fonctionnement concernant les projets de loi
d'intérêt privé."
En conséquence, M. le député de Bellechasse
présente le projet de loi 244, Loi modifiant la Loi concernant la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec.
L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir de ce projet de loi?
Une voix: Oui.
Le Président: II en est donc ainsi
décidé.
M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de
l'éducation
M. Bertrand: Je fais motion pour que ce projet de loi 244 soit
déféré à la commission de l'éducation et de
la main-d'oeuvre et que le ministre de l'Éducation soit membre de cette
commission.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Une voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Projet de loi 200
Vient ensuite le projet de loi 200 au sujet duquel le rapport se lit
ainsi: "J'ai examiné le projet de loi 200, intitulé Loi
concernant la ville de Montréal et j'ai constaté que l'avis a
été fait et publié conformément aux règles
de fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt
privé."
En conséquence, M. le député de Bourassa
présente le projet de loi 200, Loi concernant la ville de
Montréal.
Est-ce que l'Assemblée accepte de s'en saisir?
Une voix: Oui.
Le Président: II en est donc ainsi
décidé.
M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Bertrand: Je fais donc motion pour que ce projet de loi 200
soit déféré à la commission de l'aménagement
et des équipements et que le ministre des Affaires municipales soit
membre de ladite commission.
Projet de loi 247
Le Président: Vient ensuite le projet de loi 247, Loi
concernant la municipalité du canton de Kénogami. L'avis a
été fait et publié conformément aux règles
de fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt
privé. Mme la députée de Jonquière présente
donc le projet de loi 247, Loi concernant la municipalité du canton de
Kénogami.
L'Assemblée accepte-t-elle de s'en saisir?
Il en est ainsi décidé.
M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de
l'aménagement et des
équipements
M. Bertrand: C'est dans le cas d'un autre projet de loi... Cela
va très bien. Je fais motion pour déférer ce projet de loi
à la commission de l'aménagement et des équipements et que
le ministre des Affaires municipales puisse être membre de cette
commission.
Le Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Gratton: Adopté. Le Président:
Adopté.
Projet de loi 223
Le projet de loi 223, Loi concernant la Commission des écoles
catholiques de Montréal. Le directeur de la législation a
constaté que l'avis a été fait et publié
conformément aux règles de fonctionnement concernant les projets
de loi d'intérêt privé, mais cet avis n'accompagnait pas le
projet de loi lors de son dépôt au bureau du directeur de la
législation. Il faudrait donc une dérogation. M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Effectivement, M. le Président, je voudrais
obtenir le consentement de mes collègues de l'Assemblée pour que
nous suspendions l'application des articles 6 et 7, qui, normalement,
s'appliquent pour les projets de loi privés, puisque nous n'avons pas
reçu la preuve de publication des avis dans les médias
d'information. Que je sache, les avis ont tout de même été
diffusés dans les médias, mais nous n'en avons pas obtenu la
preuve.
Une voix: Quel projet de loi?
M. Bertrand: C'est le projet de loi de Mme...
Le Président: Il s'agit du projet de loi 223
présenté par Mme la députée de L'Acadie, Loi
concernant la Commission des écoles catholiques de Montréal. Mme
la députée.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais vous faire
remarquer que ces avis, qui ont paru dans la Gazette officielle au début
d'octobre, ont été envoyés au bureau de la
législation, je pense, et qu'ils ont bel et bien été
publiés. Ils ont été publiés.
Le Président: Ce n'est pas sur la publication qu'il y
avait une dérogation de demandée. C'est sur le fait que l'avis
n'accompagnait pas le projet de loi lors de son dépôt, ce qui ne
veut pas dire que les avis n'ont pas été publiés. Au
contraire, M. le leader du gouvernement indiquait précisément
qu'ils ont effectivement été publiés. Fort de cette
dérogation à laquelle l'Assemblée consent, Mme la
députée de L'Acadie présente le projet de loi 223, Loi
concernant la Commission des écoles catholiques de Montréal.
M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de
l'éducation
M. Bertrand: M. le Président, je fais donc motion pour que
ce projet de loi 223 soit déféré à la commission de
l'éducation et de la main-d'oeuvre et que le ministre de
l'Éducation puisse en être membre.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Une voix: Adopté.
Projet de loi 246
Le Président: Au sujet du projet de loi 246, Loi
concernant la cité de Côte-Saint-Luc, le directeur de la
législation constate que l'avis a été publié
conformément aux règles de fonctionnement, mais que le projet a
cependant été déposé en dehors des délais
prévus à l'article 4 des règles de fonctionnement et qu'il
ne peut, sans le consentement de l'Assemblée, être adopté
au cours de la présente partie de la session. Si on veut le faire
adopter, il faudrait procéder à une dérogation.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Effectivement, puisque le projet a été
déposé après le 15 septembre, il y a lieu de faire motion
à ce stade-ci pour que nous suspendions l'application de l'article 4 de
nos règles de fonctionnement.
Le Président: Y a-t-il consentement à cette fin?
Bien. Dans ces circonstances, M. le député de D'Arcy McGee
présente le projet de loi 246, Loi concernant la cité de
Côte-Saint-Luc. L'Assemblée accepte de s'en saisir, je
présume. Il en est ainsi décidé. M. le leader
parlementaire du gouvernement.
Renvoi à la commission de
l'aménagement et des
équipements
M. Bertrand: Je fais motion pour que ce projet de loi 246 soit
déféré à la commission de l'aménagement et
des équipements et que le ministre des Affaires
municipales puisse en être membre.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Ce qui nous mène au
dépôt de documents. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
Rapport annuel de l'Office
franco-québécois pour la
jeunesse
M. Chevrette: Il me fait plaisir de déposer le rapport
annuel 1983 de l'Office franco-québécois pour la jeunesse.
Le Président: Rapport déposé. M. le ministre
des Transports.
Rapports de la Société des
traversiers et de l'Office
des autoroutes
M. Léonard: J'ai l'honneur de déposer le rapport
d'activités 1983-1984 de la Société des traversiers du
Québec ainsi que le rapport d'activités 1983-1984 de l'Office des
autoroutes du Québec.
Le Président: Ces rapports sont déposés. Au
dépôt de rapports de commissions. M. le président de la
commission de l'aménagement et des équipements.
Vérification des engagements financiers
M. Fallu: J'ai l'honneur de déposer le rapport de la
commission de l'aménagement et des équipements, qui a
siégé le 30 octobre 1984 afin de procéder à la
vérification des engagements financiers des mois d'avril, mai et juin du
ministère des Affaires municipales, du ministère de
l'Environnement, du ministère des Transports et du ministère du
Conseil exécutif en ce qui concerne l'aménagement et le
développement régional. Cette vérification avait
été reportée lors de la séance du 26 septembre
1984.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Le Président: Rapport déposé. Ce qui nous
mène à la période de questions des députés.
Comme vous l'aurez remarqué, conformément à l'engagement
que j'avais pris jeudi dernier je vous ai fait distribuer sur vos bureaux en
cette Chambre un extrait de la jurisprudence parlementaire de Beauchesne, 5e
édition, au chapitre 9, portant sur les questions de manière
générale et les questions posées de vive voix
c'est-à-dire les questions orales. Ce sont les règles qui doivent
régir la période de questions dans un Parlement comme le
nôtre, puisque notre période de questions est régie par les
mêmes dispositions que la période de questions à la Chambre
des communes à Ottawa. J'invite donc tous les députés de
part et d'autre de la Chambre à s'en inspirer. Première question,
M. le député de Portneuf.
Solution à l'hôpital de Saint-Ferdinand
d'Halifax
M. Pagé: Merci. Comme on le sait, malheureusement,
près de 700 travailleurs de l'hôpital Saint-Julien de
Saint-Ferdinand d'Halifax sont en grève illégale depuis 33 ou 34
jours maintenant. Sans vouloir engendrer un débat sur le fond, on doit
quand même convenir que ces travailleurs et ces travailleuses ne se sont
certainement pas placés en situation de grève illégale
pour le plaisir de le faire ou pour des questions anodines. Il y a
assurément un problème de fond; un problème grave et
épineux que le ministère des Affaires sociales devra
régler dans les meilleurs délais une fois que la grève
sera réglée.
J'aimerais demander au ministre des Affaires sociales s'il est exact que
le ministre lui-même, un de ses adjoints ou quelqu'un du ministère
a recommandé, en fin de semaine, au conseil d'administration de
l'établissement de réintégrer au travail les 25 personnes
dont il a approuvé le congédiement et que l'arbitrage, du fait
qu'elles soient suspendues et pour une certaine période, soit
déterminé après que ces travailleurs et ces travailleuses
soient retournés et bel et bien rentrés au travail, malgré
la signification d'un congédiement. C'est donc dire que le
ministère aurait accepté le principe, qu'il pourrait recommander
l'acceptation du principe du statu quo ante plutôt que le
congédiement. (14 h 20)
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, j'ai travaillé
intensément au cours des cinq derniers jours à la solution de ce
conflit malheureux et injustifié. J'ai le plaisir d'annoncer à la
Chambre que ces efforts ont porté fruit et que nous en sommes
arrivés à une solution qui a été
agréée par les deux parties. Chaque partie a évidemment
défendu sa position avec ardeur et conviction. Bien sûr, la
solution à laquelle nous sommes parvenus n'agrée pas
entièrement aux deux parties, mais elle leur agrée
officiellement, et elles l'ont acceptée.
Cette solution repose sur la base que le premier ministre et
moi-même avions définie lors de la dernière période
des questions,
c'est-à-dire que le gouvernement approuvait les sanctions
disciplinaires qui avaient été prises, mais que le gouvernement
et le ministre s'engageaient à ce qu'il n'y ait pas de
représailles du seul fait de la grève, si les syndiqués
retournaient au travail, et deuxièmement, que le ministre des Affaires
sociales s'engageait à déléguer un observateur pour la
reprise du dialogue en ce qui concerne l'enjeu premier du litige. C'est
exactement sur ces bases que la solution a été trouvée.
Cette solution, pour la résumer brièvement, pourrait s'exprimer
comme suit: Les congédiements sont maintenus, mais leur effet sera
suspendu aussi longtemps que le tribunal d'arbitrage, qui aura à se
prononcer au cours des 35 ou 40 prochains jours, n'aura pas revu ces cas au
mérite. Je pense que c'était là l'objet principal sur
lequel pouvaient achopper les discussions mais ce cas a été
réglé.
En terminant, évidemment il faut bien dire que cette
grève, comme je le disais tout à l'heure, a été
malheureuse, injustifiée, hors de proportion avec l'enjeu premier du
litige, qu'elle a été aussi stérile, qu'elle a
signifié une perte aussi bien pour les bénéficiaires que
pour les travailleurs et que ce devrait être le dernier exemple d'une
grève pareille dans le monde de la santé.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, lorsque le ministre des
Affaires sociales nous indique que le cadre de règlement prévoit
que les congédiements sont suspendus, devons-nous comprendre - je
voudrais qu'il l'exprime clairement devant cette Chambre - que les travailleurs
qui avaient fait l'objet d'un congédiement par la partie patronale,
congédiement qui avait d'ailleurs reçu l'aval du Conseil des
ministres si on se réfère à la déclaration du
premier ministre, le 7 novembre, lorsqu'il disait: Une chose est certaine -
c'est le premier ministre qui parlait - c'est que les mesures
disciplinaires...
Le Président: Votre question était bien partie mais
la citation du texte constitue un préambule qui n'est pas permis.
M. Pagé: ...devons-nous comprendre, M. le
Président, de ce que le ministre des Affaires sociales nous
répond cet après-midi, que la suspension des congédiements
implique que les 25 travailleurs qui avaient été
congédiés par l'administration, ce qui avait reçu l'aval
et l'acceptation et l'approbation du premier ministre du gouvernement du
Québec, vont rentrer au travail avant de recevoir la décision
arbitrale à laquelle il se referait premièrement?
Deuxièmement, en ce qui concerne le groupe qui aura à juger et
à arbitrer est-il exact - la nouvelle a été rendue
publique par Télé-Métrépole par la voix du
journaliste M. Deblois en ce sens -que Me Jean-Roch Boivin, l'ex-chef de
cabinet du premier ministre, M. Lévesque, agirait dans ce groupe qui
aura à rendre la sentence arbitrale?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, je pense avoir répondu
très clairement à la question mais, conformément au vieil
adage: bis repetita placent, je vais la répéter: Les
congédiements sont maintenus mais leur effet est suspendu
jusqu'après audition devant un tribunal d'arbitrage qui aura à
rendre ces décisions dans les 30 jours qui suivront sa constitution. Ce
tribunal sera présidé par le juge en chef du Tribunal du travail,
M. Jean-Paul Geoffroy.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Une question additionnelle au président du
Conseil du trésor. Est-ce que le président du Conseil du
trésor pourrait nous indiquer si lui ou son groupe, ses fonctionnaires,
ses collaborateurs ont eu l'occasion d'évaluer et de mesurer et
même de quantifier l'impact d'un tel règlement,
c'est-à-dire suspendre le congédiement d'une personne dans la
perspective des négociations qui s'ensuivent dans le secteur public, du
risque de conflit? Parce que cette approche gouvernementale risque de venir
modifier substantiellement l'usage et la coutume en matière de relations
du travail.
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Clair: M. le Président, je pense qu'il n'y a que le
député de Portneuf pour faire un rapport comme celui qu'il fait
entre l'effort que nous faisons de réforme du régime de
négociations des secteurs public et parapublic et le règlement
d'un cas particulier dont il était question.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
Le conflit à la CTCUM
M. Ciaccia: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre du Travail. Le conflit à la CTCUM dure maintenant depuis 27
jours. On peut tirer certaines conclusions de ce conflit. Premièrement,
que la Loi sur les services essentiels a prolongé artificiellement la
durée de la grève. Il en est de même des
déclarations du premier ministre, des déclarations du ministre.
L'inaction du ministre, face aux déclarations des syndicats que nous
avons portées à votre
attention, le 1er novembre, en ce sens que les syndicats ne
régleraient pas par négociation, l'inaction du ministre a aussi,
face à ces déclarations, prolongé la grève. Nous
avons porté à l'attention du gouvernement les conséquences
pour les Montréalais et depuis le 25 octobre on demande au gouvernement
d'agir avec célérité.
M. le Président, je sais que le ministre a parlé de
façon informelle avec mon collègue, mais maintenant qu'il a pris
connaissance du rapport du comité de médiation, le ministre
peut-il nous dire quel geste concret il entend poser et quelle recommandation
il va présenter au Conseil des ministres?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, je m'abstiendrai
pour le moment de revenir sur les remarques préliminaires du
député de Mont-Royal quant à l'impact des services
essentiels. Nous aurons très certainement l'occasion d'en rediscuter. Ce
que je peux dire à ce stade-ci, c'est que le rapport final du conseil de
médiation m'a été soumis hier soir et, à la
constatation des conclusions qu'on y retrouve, il nous faut arriver de notre
côté à l'autre conclusion qu'il est actuellement impossible
d'espérer qu'une convention collective négociée
signée par les parties puisse intervenir.
Dans les circonstances, M. le Président, dès demain je
soumettrai le dossier au Conseil des ministres, je ferai un état de
l'ensemble de la situation et, bien sûr, je recommanderai
également un moyen d'arriver à la solution ou à la fin de
ce litige. Je ne sais pas si je vais au-devant des questions
supplémentaires que le député de Mont-Royal pourrait
avoir, mais il est évident qu'à l'intérieur des moyens que
nous allons devoir évaluer, il y a bien sûr celui de
l'opportunité de déposer et de faire adopter une loi
spéciale par l'Assemblée nationale.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Si c'est le seul moyen qu'il vous reste maintenant,
ne croyez-vous pas que la population a attendu assez longtemps? Quand
allez-vous agir, quand allez-vous prendre les mesures nécessaires et
quand allez-vous prendre les moyens auxquels vous avez fait
référence pour mettre fin à la grève le plus
tôt possible?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, voulez-vous me
permettre de signaler que depuis que le conflit dure, j'ai toujours cru, de
bonne foi, compte tenu des positions respectives des parties, autant dans le
dossier de la négociation elle-même que dans le dossier des
services essentiels, qu'une entente négociée demeurait possible.
Ce n'est qu'hier soir que je suis arrivé à la conclusion ferme,
si encore, les positions des parties doivent demeurer ce qu'elles sont au
moment où on se parle, qu'une telle entente négociée,
quoique souhaitée par celui qui vous parle et par les membres du conseil
de médiation, n'est plus possible.
M. le Président, c'est demain que je ferai rapport au Conseil des
ministres et on ne va certainement pas me faire le reproche de soumettre
l'ensemble du dossier au conseil. C'est à la suite de cette rencontre
qu'une décision sera prise et annoncée.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Puisque le ministre savait déjà
à la fin d'octobre, par les syndicats, qu'il n'y aurait pas de
règlement par négociation, aurait-il, par hasard, laissé
traîner le conflit pour le régler le plus près possible de
l'échéancier électoral de Saint-Jacques pour tenter d'en
retirer un bénéfice partisan sur le dos des Montréalais?
Est-ce pour cela que vous n'avez pas agi, que vous avez retardé? (14 h
30)
Le Président: Bien, bien.
M. Ciaccia: ...toutes les mesures que vous auriez dû
prendre avant aujourd'hui?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: La raison pour laquelle, M. le
Président, le dossier est dans l'état qu'on lui connaît,
comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer à une question
qui m'avait été posée par l'un ou l'autre des
collègues d'en face, c'est que je n'ai pas cru utile - je suis, quant
à cette évaluation, eh accord avec plusieurs de mes
collègues et des membres du conseil de médiation d'utiliser le
marteau automatique dont on entend parler souvent en relations du travail
depuis un bon moment. J'ai toujours cru, encore une fois, qu'un
règlement négocié était possible. Je voulais donner
aux parties toute la latitude, toutes les chances et toutes les occasions de
pouvoir elles-mêmes régler leur conflit. En aucune espèce
de circonstance, le dossier n'a été associé à
l'élection partielle du comté de Saint-Jacques.
Le Président: Une question complémentaire, M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Est-ce que le
ministre du Travail peut nous assurer que les Montréalais et les
Montréalaises ne revivront pas une cinquième fin de
semaine sans service de transport en commun et que, en conséquence, au
plus tard d'ici quelques jours, ces derniers retrouveront un plein service de
transport en commun à toutes les heures de la journée?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, comme je l'ai
indiqué il y a un instant, je ferai rapport demain au Conseil des
ministres de l'état global et général de la situation. Je
ferai également une recommandation. Si cette recommandation était
retenue par le Conseil des ministres, l'objectif qui est visé, c'est que
le service de transport en commun à Montréal puisse revenir
à la normale dès vendredi matin.
Le Président: Question principale, M. le leader de
l'Opposition.
Travail présumément partisan d'un
fonctionnaire de la CSST
M. Gratton: M. le Président, ma question s'adresse
également au ministre du Travail et porte sur le travail partisan d'un
fonctionnaire de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Dans le numéro du 9 novembre du journal interne de la commission,
le directeur du service des communications, un M. Alain Pontaut, écrit
au sujet du projet de loi 42, après avoir résumé le
discours de présentation du ministre sur ce projet de loi 42, notamment
ce qui suit: "Comme on pouvait s'y attendre, l'exposé du ministre n'a
pas impressionné les représentants de l'Opposition, qui ont
préféré consacrer une bonne partie de leurs interventions
à refaire, généralement sans rapport avec le projet de
loi, il faut bien le reconnaître, le procès de la CSST." Plus
loin, M. Pontaut écrit: "Le débat continue, dont on peut
déplorer qu'il sombre si souvent dans la démagogie au lieu de se
maintenir au niveau de l'examen méthodique et élevé
où le ministre l'avait placé dans son allocution
d'ouverture."
M. le Président, j'entends déjà le ministre me dire
qu'il partage le point de vue de M. Pontaut. Je lui accorde volontiers que,
dans son rôle de ministre, il est tout à fait normal qu'il tente
de justifier le bien-fondé du projet de loi 42. Mais la question que je
lui pose, c'est de savoir si un fonctionnaire de la commission peut respecter
la Loi sur la fonction publique en écrivant de telles choses, en tenant
de tels propos démagogiques, de tels propos partisans. Je veux donc
demander au ministre ce qu'il entend faire pour faire en sorte que M. Pontaut
freine son enthousiasme à l'égard du ministre et de son projet de
loi.
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, je me demande si la
question m'aurait été posée si l'évaluation de M.
Pontaut avait été faite en sens inverse, s'il avait, par exemple,
apprécié le travail du ministre dans la discussion de ce projet
et l'avait évalué de la même façon qu'il l'a fait,
je me demande encore très sérieusement si la question m'aurait
été posée.
M. le Président, le député de Gatineau me permettra
de prendre connaissance de l'ensemble du document auquel il
réfère. S'il me le permettait également, je pourrais,
demain, compléter la réponse à la question qu'il me
soumet.
Le Président: M. le député de Gatineau, en
complémentaire.
M. Gratton: M. le Président, j'accède volontiers
à cette demande du ministre. Si on me le permet, j'aimerais
déposer, à son intention, de même qu'à celle de
l'ensemble des membres, l'original ou, en tout cas, un exemplaire du
journal.
Le Président: Y a-t-il consentement au dépôt
de ce document? Consentement. Document déposé.
M. Gratton: Question additionnelle, M. le Président.
Pourrais-je demander au ministre de nous donner l'assurance que les
démarches qu'il entreprendra ne seront aucunement influencées par
le fait que le même monsieur Alain Pontaut a joui en 1983 d'un
congé de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail pour rédiger un livre dont le titre
est "René Lévesque ou l'idéalisme pratique", une
espèce de biographie constituant l'apologie du premier ministre, lequel
n'a pas, lui non plus, été jugé comme un chef-d'oeuvre
d'objectivité?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, je ne puis, à
ce stade-ci, que prendre acte de la question additionnelle et je
compléterai la réponse demain.
Le Président: Question principale... Question
complémentaire, oui M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Je regrette, M. le Président, mais je n'ai pas
acheté le livre, je ne peux pas le déposer à l'intention
du député.
Le Président: Question principale, M. le
député de... J'avais déjà cédé la
parole au député de Gaspé. Seul le tintamarre qui
régnait dans l'Assemblée l'empêchait de
s'exprimer. M. le député de Gaspé.
Reconstruction du Centre
spécialisé des pêches maritimes de
Grande-Rivière
M. Le May: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre de l'Éducation. Dans la nuit de dimanche à lundi, le
feu détruisait entièrement le Centre spécialisé des
pêches maritimes, à Grande-Rivière. 185 étudiants et
35 professeurs essaient actuellement tant bien que mal de chercher une solution
temporaire pour leur permettre de terminer l'année. M. le ministre,
qu'avez-vous l'intention de faire pour accélérer la
reconstruction rapide de ce centre primordial pour la formation de tous les
travailleurs et travailleuses de la pêche?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Bérubé: M. le Président, j'ai
effectivement appris hier la malheureuse nouvelle concernant cette annexe du
collège de Gaspé à Grande-Rivière et la situation
très difficile où presque 200 étudiants et professeurs se
retrouvent, finalement, sans institution d'enseignement. On m'a dit ce matin
qu'il devait y avoir un congé forcé d'une quinzaine de jours pour
tenter d'identifier effectivement quels moyens on va prendre pour continuer
l'année scolaire et permettre aux étudiants de ne pas perdre leur
année.
Cependant, concernant la reconstruction, je peux rassurer le
député de Gaspé. J'ai effectivement déjà eu
l'occasion de constater que le collège lui-même était assez
âgé et qu'il fallait procéder à des
réfections d'importance. Déjà, le ministère avait
prévu dans sa programmation budgétaire jusque vers 1987 ou 1988
tout près de 4 000 000 $. J'ai demandé qu'on me fasse
préparer un décret pour procéder immédiatement
à la préparation des devis pour que l'on puisse d'ores et
déjà préparer les travaux de réfection ou de
reconstruction du collège lui-même. On avait prévu une
enveloppe de l'ordre de 4 000 000 $ étalée sur un plus grand
nombre d'années. Il va évidemment falloir la comprimer et
anticiper ces dépenses. Nous allons également demander aux
architectes et aux ingénieurs de procéder à la
préparation des plans et devis. J'espère que d'ici
peut-être... Il faut quand même compter de 12 à 18 mois
avant qu'on puisse avoir effectivement un nouveau collège flambant neuf,
prêt à prendre la relève.
Le Président: Question principale, M. le
député de Chapleau.
Tenue d'un sommet sur le fer
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
ministre de l'Énergie et des Ressources. À la fin de la
conférence sur les mines de fer qui a eu lieu à Port-Cartier le
29 novembre 1983, le ministre a annoncé pour la troisième fois la
tenue d'un sommet sur le fer qui devait avoir lieu au mois d'avril 1984. Lors
de l'étude des crédits au printemps, nous apprenions que le
sommet était remis à l'automne. Depuis ce temps, la seule action
prise par votre gouvernement est la décision concernant SIDBEC-Normines
qui a eu pour conséquence la fermeture de la ville de Gagnon. (14 h
40)
Le député de Duplessis, un "backbencher", lui, a fait au
moins quelque chose dans le dossier pour la Côte-Nord; il a obtenu une
subvention pour le "sex-bar" à Sept-Îles et il était
tellement en maudit à cause de l'inaction de votre gouvernement qu'il a
menacé de ne plus mettre les pieds à l'Assemblée
nationale. Son "boudage" a duré seulement quelques minutes.
Le Président: M. le député, le
préambule doit servir à cerner la situation. Si on se fie
à Beauchesne, il doit être tout entier contenu dans une seule
phrase. Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous avons encore de la
difficulté à y arriver dans cette Assemblée. Quoi qu'il en
soit, je pense que le temps est venu de poser directement la question au
ministre.
M. Kehoe: M. le Président, la question est très
facile. Quand allez-vous arrêter de bouder et passer à
l'action?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources. Excusez.
M. Kehoe: Quand allez-vous annoncer la tenue de la
conférence sur les mines de fer, M. le ministre?
Une voix: Une question souillée?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, je me rends compte que notre
collègue est parfois inattentif aux travaux de l'Assemblée
nationale parce que j'ai répondu en juin dernier qu'il était peu
probable que nous réunissions à nouveau la table de fer pour une
troisième fois et que, si j'étais à la place du
député, je ne gagerais pas fort. Je puis dire aujourd'hui qu'il
n'est pas dans nos intentions de réunir la table de fer pour une
troisième fois.
Le Président: M. le député d'Outremont, en
complémentaire.
M. Fortier: M. le Président, est-ce que le ministre peut
nous confirmer ceci? Dans une entrevue qu'il donnait au Devoir au mois de juin
ou juillet, il indiquait qu'une politique sur le fer serait mise de l'avant
aussitôt que le problème de SIDBEC serait réglé.
Maintenant que ce problème est réglé, pourquoi le ministre
nous dit-il que la politique qui pourrait assurer la relance du fer au
Québec est remise à plus tard?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: La principale raison, M. le Président, c'est
que, lors de la deuxième rencontre de la table de fer, nous avions
invité les députés de l'Opposition. Ils étaient
présents, bien sûr, et il y avait aussi la règle du huis
clos. Je puis vous confirmer que, lorsque l'Opposition était là,
l'huis ne fut point clos.
La deuxième chose, c'est que, depuis le règlement de
SIDBEC-Normines et même avant ce règlement, nous avons poursuivi
nos discussions avec IOC, avec SIDBEC-Normines, avec Québec Cartier,
avec IOC sur Wabush et l'utilisation du chemin de fer. Je ne vois pas, pour
l'instant, l'utilité de réunir à nouveau cette table. Ce
que je dis au député d'Outremont: Bien sûr qu'il y a des
éléments d'intervention qui sont à l'étude
actuellement, qui engageraient des fonds considérables, si on pense
simplement au projet d'électrifier le chemin de fer, mais je ne vois
pas, pour l'instant, l'à-propos de réunir à nouveau la
table. Je vous donne un exemple: en matière de renégociation de
certains contrats avec Hydro-Québec, nous avons pu le faire en dehors de
ces rencontres multilatérales autour de cette table. Je pense que nous
avons progressé et je crois pouvoir dire aujourd'hui au
député d'Outremont que nos stratégies d'intervention sont
effectivement à l'étude et il faudra qu'on s'implique davantage,
mais je ne suis pas en mesure d'en dire davantage aujourd'hui.
Le Président: Question principale, M. le
député de Wesmount.
Recrutement de médecins
spécialistes
M. French: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Affaires sociales. On sait que les écoles de
médecine du Québec font du recrutement à l'échelle
mondiale. Mais les contraintes que met le ministère des Affaires
sociales, à bon droit, sur l'immigration des médecins afin de
contrôler le nombre de médecins, ainsi que les coûts de
notre système de santé, viennent empêcher ce recrutement de
spécialistes qui sont reconnus pour leur excellence, encore une fois,
à l'échelle mondiale. C'est ainsi qu'un certain nombre de recrues
potentielles: des Français, des Anglais et des Américains qui ont
été recrutés par les écoles de médecine, qui
ont accepté ou indiqué leur volonté de venir au
Québec, se trouvent devant des délais et des retards qui
créent des problèmes et qui nous empêchent d'avoir les
meilleurs médecins académiciens ici au Québec, en ce
qu'ils doivent avoir un permis de pratique, parce qu'ils ont quand même
besoin, malgré leur statut de professeur, de contacts avec les patients.
Cependant, le ministère a l'air de traiter tous les médecins
immigrés de la même façon. Je voudrais donc demander au
ministre, que j'ai sensibilisé à ce problème il y a deux
semaines, ce qu'il entend faire pour permettre et faciliter le recrutement de
l'excellence pour les écoles de médecine du Québec.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, je pense qu'il faut dire au
départ que le Québec est parmi les provinces ou les pays qui
comptent le plus fort ratio médecins-citoyens. Au Canada, nous sommes au
premier rang, peut-être au deuxième derrière la Colombie
britannique. Les chiffres varient d'une année à l'autre, mais
nous sommes quand même parmi les plus élevés au Canada et
si on compare la situation du Québec avec les autres pays, le
Québec se situe très haut dans le peloton de tête.
La deuxième remarque que j'aimerais faire, c'est qu'il faut
penser qu'un médecin, en tant que travailleur professionnel autonome, du
fait qu'il est rémunéré à l'acte dans la
majorité des cas, génère des coûts très
élevés de par le nombre d'actes qu'il peut poser. Il faut
sûrement étudier cet angle ou cette dimension autant que les
autres dimensions, dont l'une apparaît dans la question du
député de Westmount. En tant que gestionnaires responsables, il
faut évaluer à son juste mérite cette dimension.
Il y a une troisième remarque que j'aimerais faire, M. le
Président. Le Québec est l'un des pays les plus
généreux en ce qui concerne l'accueil de médecins
immigrants. Au cours des dernières années, c'est le
Québec, de toutes les provinces canadiennes, qui a accepté le
plus grand nombre de médecins immigrants. Un certain nombre d'entre eux
ont été accueillis pour des raisons humanitaires et il leur a
été dit, lorsque nous avons accepté leur entrée au
Québec, qu'ils étaient acceptés en tant que
réfugiés et non pas en tant que médecins susceptibles de
pratiquer leur profession dans un avenir rapproché.
Une quatrième remarque, M. le Président. Malgré les
trois autres que je
viens de faire, nous avons quand même accepté cette
année 30 médecins de plus que ce que le gouvernement avait
décidé de faire au cours des années
précédentes, justement pour aider à une répartition
équitable des médecins, omnipraticiens autant que
spécialistes. Je suis bien prêt à considérer avec
intérêt et attention la remarque du député de
Westmount, mais il faut bien dire que ce sont des cas exceptionnels puisqu'il
s'agit de médecins dont la principale fonction serait d'être
professeurs dans une faculté. Je ne sache pas, malgré tout,
qu'avec l'effort que nous avons fait depuis une cinquantaine d'années
dans la production de médecins les plus qualifiés possible, nos
facultés de médecine soient à ce point dépourvues
qu'elles doivent recourir à une cinquantaine ou une centaine de
médecins venant d'autres pays. Chaque cas sera donc examiné au
mérite.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Le ministre peut-il nous dire s'il est plus facile, par
exemple, pour les médecins qui viennent de certains pays comme la
Belgique et la France, de trouver un internat au Québec que pour des
médecins qui viennent d'autres pays comme l'Europe de l'Est ou
l'Amérique latine? Est-ce qu'il y a une discrimination qui se pratique
au niveau de l'acceptation pour l'internat?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, le gouvernement se contente de
fixer un nombre par année et, une fois ce nombre fixé, il
appartient aux organismes du réseau et en particulier aux
facultés de médecine, en collaboration avec la Corporation des
médecins, de procéder à la sélection ou au triage
des médecins. Et c'est juste qu'il en soit ainsi puisque ce sont quand
même les facultés de médecine et la corporation
également qui sont les plus aptes à mesurer les crédits,
les équivalences qu'il faut accorder ou les qualifications de chacun de
ces médecins. Je pense qu'il ne serait pas convenable et que cela
conduirait à une intervention abusive de l'État si le
ministère des Affaires sociales et le gouvernement se mêlaient de
cette question qui, de fait, ne relève pas d'eux.
Le Président: En complémentaire, toujours, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Le ministre est satisfait, il n'y a pas de
discrimination qui se pratique dans ces autres institutions.
Le Président: M. le ministre.
M. Marx: De toute façon, tout cela relève de vous,
M. le ministre.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: On ne me l'a pas signalé, M. le
Président, mais le député peut faire son
enquête.
Le Président: Question principale, M. le
député de Chapleau. (14 h 50)
Recommandations du rapport Robidas
M. Kehoe: Ma question s'adresse au ministre des Affaires
municipales. Le 2 octobre, le rapport de la commission Robidas fut rendu
public. Parmi les 26 recommandations, il y en a deux qui ont retenu l'attention
du ministre, soit la rétrocession à l'Outaouais des territoires
qui ont été enlevés et la fusion des villes d'Aylmer,
Gatineau et Hull.
À la surprise de tous les intéressés, le ministre a
immédiatement annoncé la tenue d'un référendum
concernant la fusion. La question de la rétrocession du territoire est
encore à l'étude. Nul doute que cette mesure est une diversion
pour faire oublier les problèmes créés par le ministre des
Transports et le ministre délégué à
l'Aménagement et au Développement régional. Il est
maintenant évident qu'il y a un consensus contre la fusion et même
contre la tenue d'un référendum.
Ma question comporte deux volets: Premièrement, quand allez-vous
annoncer la décision concernant la rétrocession du territoire?
Deuxièmement, allez-vous dépenser des fonds publics pour un
référendum qui n'est pas demandé par personne de la
région et dont le résultat est déjà connu?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Marcoux: M. le Président, j'avais indiqué dans
mes premiers commentaires, à la suite de la publication du rapport
Robidas, qu'en ce qui concernait le découpage territorial, je prendrais
environ un mois pour examiner ces recommandations. Je considérais que
c'était un délai normal étant donné que le rapport
Robidas proposait des changements importants dans les décisions prises
antérieurement par le Conseil des ministres. Ce qui a ajouté
peut-être un délai supplémentaire d'environ quinze jours,
c'est le fait qu'à la fois des groupes de la MRC de la
Vallée-de-l'Or et des groupes de la MRC d'Antoine-Labelle ont
sollicité d'être entendus de ma part pour réagir à
la suite
des recommandations du rapport Robidas.
Or, dans les quelques semaines qui viennent, je compte faire une
recommandation au Conseil des ministres concernant l'ensemble des
recommandations faites par le rapport Robidas et qui impliquent le
découpage des municipalités régionales de comté de
l'Outaouais, de la Vallée-de-l'Or et d'Antoine-Labelle.
En ce qui concerne le deuxième aspect de votre question, je crois
que vous ne pouvez blâmer le ministre des Affaires municipales d'avoir
indiqué que nous étions d'accord sur la recommandation du rapport
Robidas dans le sens que les villes d'Aylmer, Hull et Gatineau devraient
fusionner pour devenir la métropole de l'Outaouais, pourvu que cette
décision de fusion se fasse à la suite d'une consultation de
l'ensemble des citoyens de ces trois villes qui décideraient, en somme,
du bien-fondé de cette recommandation. J'ai indiqué à ce
moment-là que le gouvernement était favorable à cette
recommandation.
Je crois qu'il était normal d'essayer de donner les meilleures
suites possible à l'ensemble du rapport de la commission Robidas.
Le Président: M. le député de Chapleau, sur
une question complémentaire.
M. Kehoe: M. le ministre, maintenant que vous savez que les
conseils des villes de Gatineau, Hull et Aylmer se sont tous les trois
prononcés contre la fusion possible, est-ce que vous insistez encore
pour dépenser des fonds publics sur la tenue d'un
référendum quand vous savez déjà que, non seulement
les élus, mais aussi toute la population de la région est contre
la fusion?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Marcoux: Jusqu'à maintenant, je n'ai pas changé
d'idée sur l'opportunité de tenir une telle consultation
populaire sur le projet de fusion des trois villes de l'Outaouais. Mais il est
évident que je vais porter la plus grande attention possible aux
recommandations, aux critiques, aux commentaires qui sont faits par tous les
groupes du milieu, y compris par la population des villes de Hull, Aylmer et
Gatineau, avant de proposer une recommandation finale au Conseil des
ministres.
M. Kehoe: Question complémentaire, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Chapleau.
M. Kehoe: Si vous insistez pour procéder par
référendum contre le gré des municipalités
concernées, est-ce que je comprends bien que ce sera la province qui
paiera le coût de ce référendum, lequel devrait
s'élever à environ 250 000 $?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Marcoux: M. le Président, c'est une question
hypothétique; je répondrai donc lorsque le problème se
posera. Mais je peux dire, quant au principe, qu'il est évident que, si
c'est le gouvernement qui décide de la tenue d'un
référendum pour ces trois villes, qu'il devra assumer une
très large part des coûts, à mon sens.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député d'Abitibi-Est.
M. Bordeleau: Oui, M. le Président. Concernant le
découpage que le ministre des Affaires municipales se propose de
déposer au Conseil des ministres pour approbation, est-ce que je peux
avoir l'assurance que le ministre tiendra vraiment compte des revendications de
la MRC Vallée-de-l'Or qui considère qu'une partie du territoire
de la réserve de La Vérendrye fait partie intégrante de
son territoire?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Marcoux: Je peux assurer le député d'Abitibi-Est
que je vais tenir compte des représentations qui m'ont été
faites lors de mon passage à la MRC de la Vallée-de-1'Or,
à Val-d'Or, il y a quinze jours, et des représentations faites
par la municipalité régionale de comté, les autres
groupes, les usines, les comités des autres municipalités
régionales de comté de l'Abitibi. Je suis convaincu que le
député comprendra que je dois tenir compte de l'ensemble des
points de vue qui m'ont été soumis par les gens de la MRC
Antoine-Labelle, par les différentes MRC de Papineau, de Gatineau et de
Pontiac ainsi que par celle de la Vallée-de-l'Or. J'ai
déjà indiqué que j'étais convaincu que la
recommandation que je ferais au Conseil des ministres ne pourrait
entraîner l'unanimité, mais que j'essaierais de faire une
recommandation qui soit la plus juste, la plus équitable et la plus
respectable possible.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Est-ce que le ministre peut confirmer qu'il a
terminé les consultations, tant auprès des instances locales ou
régionales en Abitibi, dans les Laurentides que dans l'Outaouais? Le cas
échéant, est-ce que le ministre peut nous assurer que, quelle
que soit la décision à laquelle il en viendra par rapport
à la fusion et à la tenue ou non d'un référendum
sur la fusion des trois villes d'Aylmer, de Hull et de Gatineau, cela n'aura
aucun effet, ne retardera en rien sa décision quant à la
rétrocession des terrains ou des territoires à l'Outaouais?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Marcoux: En ce qui me concerne, il n'y a aucun rapport entre
les deux recommandations de la commission Robidas dans l'analyse que je peux
faire du dossier ou de son évolution. Je peux vous assurer qu'en termes
de temps, je consacre actuellement prioritairement mon temps à
préparer ma recommandation au Conseil des ministres en ce qui concerne
le découpage des municipalités régionales de comté;
deuxièmement, à préparer la révision des mandats et
des lois concernant la Société d'aménagement de
l'Outaouais. Ma troisième priorité sera de compléter ma
réflexion concernant le référendum proposé par la
commission Robidas.
Le Président: Question principale, M. le
député de Richmond.
Les subventions pour l'amélioration des routes
municipales
M. Vallières: M. le Président, ma question
s'adressera au ministre des Transports. Mardi dernier, en cette Chambre, il
déclarait en substance à une question que je lui posais qu'il
avait permis au député péquiste d'Arthabaska de distribuer
des subventions pour l'amélioration du réseau routier municipal
à certaines municipalités situées dans le comté de
Richmond. Le ministre a justifié sa position. Est-ce qu'il pourrait nous
indiquer s'il considère que son argument tient dans le comté de
Richmond alors que la mince enveloppe budgétaire qu'il a mise à
ma disposition a été distribuée à quelque 32
municipalités sur un total de 34 et alors que 2 municipalités
n'ont pu identifier de besoins particuliers? Quel argument vous reste-t-il pour
justifier vos petites "gimmicks" de politicien patroneux...
Le Président: M. le député, je
réitère que je ne vois pas l'utilité des remarques
désobligeantes à caractère personnel dans l'argumentation
des députés en cette Chambre. Je vous prie de retirer les propos
antiparlementaires qui ont caractérisé la fin de votre
question.
M. Vallières: M. le Président, j'ai tout simplement
demandé au ministre... J'ai fait rapport de ses propos, de ce...
Le Président: Veuillez retirer vos paroles, M. le
député.
M. Vallières: M. le Président, j'aimerais que vous
puissiez les identifier de façon précise parce que je n'en vois
pas, personnellement, qui porteraient préjudice...
Le Président: M. le député, je vous rappelle
à l'ordre une première fois. Vous savez très bien par
quels mots vous avez terminé votre question. J'imagine que vous ne les
avez pas utilisés d'une manière légère et, par
conséquent, je vous invite à les retirer sans autre
commentaire.
M. Vallières: M. le Président, je voudrais savoir
s'il s'agit des mots "politicien patroneux" que j'ai employés et que
vous voulez que je retire.
Le Président: M. le député, veuillez retirer
vos paroles sans le moindre commentaire sinon je vais passer à une autre
question principale.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Oui, M. le député.
M. Gratton: Je vous avoue, M. le Président, que je
comprends mal qu'on exige de mon collègue de Richmond de retirer des
paroles qu'on entend presque à longueur de journée ici, à
l'Assemblée nationale. Dieu sait que cela s'applique aux gens d'en face
en particulier! (15 heures)
Le Président: Je vous renvoie encore une fois - je vais
vous laisser trouver l'article - à l'ancien règlement Geoffrion,
à la très longue nomenclature qu'il fait de ce genre de propos
qui sont carrément interdits et qui, par surcroît, me semble-t-il,
ne contribuent absolument pas, mais c'est une autre question, à la bonne
tenue des propos de la Chambre.
Il y a cependant un usage en cette Chambre et dans les Parlements quant
à ce genre de propos inutilement blessants et ils sont interdits parce
que c'est antiparlementaire. Je ne vois pas pourquoi on insiste absolument pour
utiliser des termes antiparlementaires alors qu'on sait très bien qu'ils
le sont ou, alors, on devrait le savoir.
M. le député de Richmond.
M. Vallières: Si je comprends bien, M. le
Président, c'est la dernière partie de ma question que vous
voulez que je retire.
Le Président: C'est exact.
M. Vallières: Là où je parlais de...
Le Président: M. le député de Richmond, je
vous rappelle à l'ordre une deuxième fois! Et de deux! Ou bien
vous obtempérez à l'ordre que je vous donne ou je vous
rappellerai à l'ordre une troisième fois et vous perdrez votre
droit de parole pour le reste de la journée.
M. Vallières: Afin de garder mon droit de parole, M. le
Président, il me fait plaisir de retirer les paroles que vous jugez
antiparlementaires.
Le Président: Bien!
M. le ministre des Transports.
M. Vallières: Je compléterai cependant ma
question.
Le Président: Votre question était
complète.
M. le ministre des Transports.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: Oui, M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Gratton: Est-ce qu'on pourrait au moins laisser au
député de Richmond le soin de juger si sa question était
complète ou pas?
Le Président: M. le député de Richmond avait
terminé sa question par ces propos.
À l'ordre! À l'ordre! Je suis capable de rendre mes
décisions moi-même; merci. Il avait terminé sa question et
c'était au ministre à répondre. Je lui ai demandé,
et j'ai eu à tout le moins quelques difficultés, ce qui est
anormal, de retirer les propos antiparlementaires qui caractérisaient la
toute fin de sa question à l'issue de laquelle il s'était assis
pour entendre la réponse du ministre des Transports. Je laisse donc au
ministre des Transports le soin de répondre à la question.
M. Gratton: Sur la question de règlement, j'aimerais tout
simplement vous faire remarquer, M. le Président, que, si on demande au
député de retrancher la fin de sa question, il faudrait quand
même qu'il la termine d'une autre façon.
Deuxièmement, est-ce que vous pouvez au moins nous assurer que le
député de Richmond aura droit à une question additionnelle
compte tenu du moment où elle est posée?
Le Président: Non, je ne peux absolument pas vous assurer
la deuxième partie vue que j'ai eu de la difficulté à lui
faire retirer ses paroles.
M. le ministre des Transports.
M. Léonard: Je suis tout à fait d'accord avec vous
que ce genre de langage ne devrait pas être utilisé ici.
J'ai eu l'occasion d'indiquer, la semaine dernière, les
critères que nous avions lorsque nous distribuions ce type de
subvention, en particulier l'étendue du comté, le nombre de
municipalités, l'état des routes dans ce comté, etc. Il
est évident, comme je le disais à l'époque, que si des
routes ont été faites et entretenues dans un comté depuis
300 ans alors que, dans d'autres comtés, elles ont été
faites depuis seulement 50 ans, elles ne sont pas nécessairement dans le
même état. Nous en jugeons donc dans cette optique. Je pense que
cela a été la façon de faire depuis longtemps de la part
des gouvernements du Québec.
Par ailleurs, au début de l'année ou après
l'adoption du budget, nous distribuons une certaine enveloppe aux
députés qui communiquent eux-mêmes avec leur maire, leur
municipalité, pour discuter des budgets, des sommes qui leur sont
allouées. En même temps, il y a aussi des demandes qui parviennent
directement au ministre des Transports et c'est dans cette optique que nous
distribuons ces fonds.
Je sais qu'on peut dire n'importe quoi en face. Toutes sortes de
situations se présentent. J'ai eu l'occasion, la semaine
dernière, d'indiquer à l'Assemblée nationale que
justement, dans des comtés, des municipalités n'ont jamais de
subventions et que c'est le ministre lui-même qui est obligé d'en
envoyer dans cesdits comtés. M. le député de Gatineau sait
très bien de quoi je parle parce qu'il l'a fait lui-même.
M. Gratton: Question complémentaire.
M. Vallières: Question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: Non, M. le député, la
période des questions est terminée.
M. Gratton: M. le Président, vous ne m'avez pas
demandé de retirer quelque chose, moi. Question
complémentaire.
Le Président: Je me félicite en effet de ne pas
avoir eu à vous le demander, mais la période des questions se
terminait à 15 h 3 et il est 15 h 5.
Aux motions sans préavis, M. le président du Conseil du
trésor.
Semaine d'appréciation de la jeunesse
québécoise
M. Michel Clair
M. Clair: Je sollicite le consentement de cette Chambre pour que
celle-ci se saisisse de la motion suivante: "De proclamer
dorénavant et tant qu'il y aura des clubs Optimistes au
Québec, la deuxième semaine de novembre, semaine
d'appréciation de la jeunesse québécoise et ce, dans
toutes les villes, villages et localités du Québec.
Est-ce qu'il y a consentement, M. le Président?
Une voix: Consentement.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à la
discussion d'une telle motion?
Des voix: Oui.
Le Président: II y a consentement. M. le président
du Conseil du trésor.
M. Clair: M. le Président, avant de parler sur la motion,
j'aimerais dire qu'elle a été proposée par le
président de la Semaine d'appréciation de la jeunesse des clubs
Optimistes du Québec qui m'a demandé de la parrainer au nom des
députés de l'Assemblée nationale. J'aimerais faire lecture
des attendus qui la précèdent, donc du texte lui-même qui a
été suggéré par les clubs Optimistes du
Québec. "Attendu que la grande majorité des jeunes sont
intéressés, intelligents et des citoyens responsables; "Attendu
que les efforts et les accomplissements de ces jeunes citoyens et citoyennes
méritent la reconnaissance et l'éloge de leurs aînés
et de leurs gouvernants; "Attendu que, depuis 1954, l'Optimiste international a
développé et encouragé la mise en oeuvre d'un programme
intitulé "Semaine d'appréciation de notre jeunesse"; "Attendu que
les buts de cette semaine ont caractère permanent et constant et qu'ils
correspondent aux intérêts de la jeunesse québécoise
ainsi qu'à ceux de l'ensemble de la population; "Attendu que les
citoyens et citoyennes du Québec ont décidé de se joindre
aux Optimistes du Québec, du Canada et de l'Amérique pour
exprimer leur appréciation et leur approbation des contributions de la
jeunesse; "Attendu que l'Année internationale de la jeunesse nous
fournit l'occasion particulière d'apprécier notre jeunesse; "II
est donc proposé que, dorénavant et tant et aussi longtemps qu'il
y aura des clubs Optimistes au Québec, la deuxième semaine du
mois de novembre soit proclamée Semaine d'appréciation de notre
jeunesse sur tout le territoire du Québec."
J'aimerais rappeler simplement, M. le Président, que l'an
dernier, mon collègue, le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, avait proposé une résolution
semblable qui ne faisait pas référence, cependant, au fait que
les clubs Optimistes du Québec et de l'Amérique du Nord au
complet tiennent depuis 30 ans une telle Semaine d'appréciation de la
jeunesse québécoise. C'est la raison pour laquelle cette
année nous sommes appelés à adopter à nouveau cette
résolution et d'en lier la tenue, à chaque année, à
la présence des clubs Optimistes au Québec.
Cette semaine se tient, cette année, du 10 au 17 novembre et il
me fait plaisir de souligner que les clubs Optimistes ont choisi en même
temps d'en confier le haut patronage à Mme Sylvie Bernier, qui nous a
fait honneur aux Jeux olympiques cette année, qui a été un
modèle non seulement de courage et de ténacité, mais aussi
un modèle de dépassement pour tous les jeunes hommes et jeunes
filles du Québec.
Je pense que c'est l'occasion pour nous, cette Semaine
d'appréciation de la jeunesse québécoise, de souligner
précisément l'excellente contribution de la jeunesse
québécoise au développement de toute notre
société.
Je termine en disant qu'à l'aube de l'Année internationale
de la jeunesse, je souhaite que l'ensemble de la société
québécoise ne se contente pas d'apprécier le travail, la
contribution et le dévouement de la jeunesse québécoise
seulement à l'occasion de cette Semaine d'appréciation, mais que
toute l'année 1985 soit une année d'appréciation de la
jeunesse québécoise car l'une des difficultés les plus
importantes qu'éprouve notre jeunesse, comme la jeunesse de tout le
monde occidental, c'est précisément ces préjugés et
ce manque d'appréciation du monde adulte à l'égard de la
contribution de la jeunesse québécoise au développement de
notre société. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. L'initiative que
prennent les clubs Optimistes du Québec et de tout le Canada de
déclarer la présente semaine Semaine d'appréciation de la
jeunesse québécoise emporte l'adhésion de tout le monde, y
compris celle des membres de l'Opposition à l'Assemblée
nationale. Nous sommes entièrement d'accord sur le fait que nous ne
manifestons pas suffisamment le degré d'appréciation que nous
devrions manifester à l'égard de la jeunesse pour tout ce qu'elle
fait dans des circonstances extrêmement difficiles en ayant à
surmonter des obstacles que nous n'avons, très souvent,
nous-mêmes1 pas connus. Il est malheureux, il faut le
souligner, que nous devions nous rabattre sur une semaine pour souligner ce
genre d'appréciation.
(15 h 10)
Les clubs Optimistes regroupent, comme on le sait, 25 000 membres. Il y
a 700 clubs Optimistes au Québec. Il y a, depuis 30 ans, une Semaine
d'appréciation de la jeunesse québécoise qui est
parrainée par les clubs Optimistes. Il y a des concours internationaux
qui ont lieu. L'an dernier, à titre d'exemple, le concours international
pour un essai littéraire était gagné par une jeune
beauceronne, Mlle Caroline Labbé de Saint-Georges-Ouest, qui remportait,
au niveau international, le prix du meilleur essai présenté en
Amérique au niveau des États-Unis, du Québec et du Canada
tout entier. C'est donc dire, M. le Président, que les jeunes ont droit
à notre admiration, à nos félicitations pour ce qu'ils
réussissent à faire.
Je voudrais souligner ici le travail splendide et le modèle que
constitue Mlle Sylvie Bernier, qui a réussi à mettre ce sport
magnifique qu'est le plongeon olympique sur la carte en décrochant une
médaille d'or aux derniers Jeux olympiques de San Francisco.
Je regrette cependant, M. le Président, que cette semaine
d'appréciation de la jeunesse se situe encore dans la ligne à
laquelle le gouvernement nous a habitués depuis de nombreuses
années, c'est-à-dire de la parlote, des symposiums, des
colloques, de l'animation, des sommets, des tables rondes, etc.
En déplorant ce fait, M. le Président, je ne fais que
reprendre ce qui a été écrit dernièrement dans le
journal Le Soleil. Très souvent, on nous reproche, nous les
parlementaires libéraux, d'avoir des idées négatives
à l'égard du gouvernement.
Cependant, il arrive que des personnes en position de neutralité
aient à faire connaître d'une façon particulièrement
percutante leurs idées sur les actions gouvernementales. Vous me
permettrez, M. le Président, dans le cadre de cette motion, pour attirer
l'attention de la population sur les nombreuses lacunes très
sérieuses dont fait preuve le gouvernement en ce qui concerne les gestes
et les actions concrètes qu'il devrait poser à l'égard de
la jeunesse, de vous lire un paragraphe seulement de ce qu'écrivait le
28 octobre M. Roger Bellefeuille, dans un éditorial du Soleil
intitulé: "De l'action par la parlote": "Faute de mieux, les
Québécois, dont les jeunes, seront conviés à
beaucoup de séances de parlote au cours des prochains mois. Dans une
évidente stratégie de visibilité
préélectorale et de verbeux camouflage, le gouvernement annonce,
en effet, une série de consultations populaires qui devraient toutes,
mais cela est moins sûr, déboucher sur des plans d'action concrets
dans divers secteurs: famille, habitation, emploi des jeunes, entre autres
croisades pour le moment du moins". "Voilà qu'elle apprenait cette
semaine qu'il dit ici que c'est par l'entremise de symposiums qui se tiendront
de novembre 1984 à mai 1985 que le Secrétariat
québécois à la jeunesse entend "favoriser l'accès
des jeunes à l'emploi". Il continue en disant: Une farce de mauvais aloi
quoi.
C'est M. Roger Bellefeuille qui s'exprime et qui reprend en gros
l'argumentation que nous avons eu l'occasion de développer en cette
Chambre. C'est qu'il n'est pas assez de prononcer des paroles
d'appréciation à l'égard de la jeunesse. Quand on est au
gouvernement il faut agir et le moment est venu d'agir. Le temps des tables
rondes, le temps des sommets, le temps des colloques, le temps des symposiums
est terminé, c'est fini.
Je rencontrais, lundi dernier, au Cégep de Sainte-Foy,
l'association étudiante du Cégep de Sainte-Foy et tous les jeunes
qui se sont déplacés pour venir me rencontrer au Cégep de
Sainte-Foy m'ont dit: "Nous déplorons que le gouvernement tente encore
de nous récupérer et de nous utiliser politiquement, qu'on tente
de nous embrigader malgré nous dans des parlotes à n'en plus
finir, dans de supposées consultations, dans des tables rondes, dans des
sommets, dans des symposiums.
Cela dure depuis des années et les jeunes en ont soupé. Le
ministre responsable cette année prend la charge de se lever et de
proposer ce qu'il ne faisait pas. L'an dernier, c'est drôle, la jeunesse
n'était pas assez importante pour que ce soit un ministre qui se
lève pour proposer pareille semaine à l'Assemblée
nationale; c'était un simple député, un "back-bencher", le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue qui le faisait.
Cette année, ce n'est pas drôle! On a décidé de
mettre la jeunesse en évidence et de la flatter sur le sens du poil.
Les jeunes ne seront pas dupes, M. le ministre. Les jeunes ne seront pas
dupes de vos manoeuvres, parce qu'ils veulent autre chose que cela. Ils veulent
autre chose que les 14 000 000 $ que vous allez dépenser comme cela
à gogo pour leur faire accroire que la parole suffit pour les
jeunes.
Cette histoire a assez duré et il faut qu'on s'aperçoive,
M. le Président, que les jeunes ne sont pas d'accord avec cela. Je vois
le ministre qui s'énerve et qui tente de se moquer de ce que je dis. En
se moquant de ce que je dis, il se moque des jeunes parce que je
répète ce que les jeunes m'ont dit. Ils sont habitués,
mais ils commencent à en avoir marre de vos moqueries. Vous ne vous
moquerez pas indéfiniment de la jeunesse tel que vous le faites. Ce
n'est pas demain que, de la part de la jeunesse, vous aurez une motion
d'appréciation à votre égard. Vous aurez beau faire toutes
les motions d'appréciation que vous voudrez envers la jeunesse, celle-ci
n'est pas prête à
faire à votre égard des motions d'appréciation.
C'est regrettable d'être obligé de dire des choses aussi dures,
aussi sévères, mais la situation est grave et le gouvernement
tente d'endormir et d'hypnotiser les jeunes.
C'est notre devoir de dénoncer ses manoeuvres bassement
électorales qui ne visent qu'à récupérer, à
la veille d'une élection perdue d'avance, si vous voulez mon idée
et si vous voulez l'idée des jeunes qui m'ont rencontrés lundi,
des jeunes qui veulent travailler, qui veulent gagner leur vie et qui veulent
pouvoir s'épanouir comme nous, nous avons eu la chance de le faire
beaucoup plus facilement.
Je souhaite que les jeunes nous fassent l'honneur, nous du Parti
libéral, de pouvoir leur permettre de se réaliser, de pouvoir
leur permettre de s'épanouir, de pouvoir leur permettre de leur donner
les outils dont ils ont besoin pour atteindre au degré d'excellence
auquel ils sont capables. C'est ce que je souhaite de tout mon coeur et je suis
convaincu qu'ensemble nous pouvons le faire.
Le Président: M. le député de
Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci. Quand j'entendais le député
de Louis-Hébert accuser le gouvernement finalement de vouloir
récupérer la jeunesse, j'avais le goût de dire aux jeunes
qui nous écoutent que les femmes et les hommes politiques qui sont ici
dans cette Chambre, les deux partis qui sont ici représentés, de
part et d'autre et avec, j'ai l'impression, la même vigueur, souhaitent
que lors des prochaines élections ces jeunes leur fassent confiance
à eux plutôt qu'aux autres. Or, de part et d'autre, parce qu'on
est dans un système qui veut cela, on est évidemment coupables,
comme personnes politiques, de vouloir que, lors des prochaines
élections, les jeunes nous appuient plutôt que d'appuyer le parti
adverse. C'est évident. Je pense que les jeunes qui nous écoutent
ne sont pas naïfs. Ils vont juger les femmes et les hommes politiques et
les deux partis en cause qui, dans les deux cas, ont peut-être des
intentions démocratiques de récupération, à la fois
sur des idées, sur des actions et sur des engagements. Ne vous
inquiétez pas pour les jeunes. Ils sont capables de faire les
différences et ce n'est pas un discours comme on vient d'entendre qui va
les énerver et les inciter, à un moment donné, à se
brancher d'un bord ou de l'autre.
À cet égard, il y a une chose qu'il faut dire clairement
à l'ensemble de la population quand on entend ce genre de propos. Il
faut le dire aux jeunes, en particulier. C'est simpliste, c'est
extrêmement simpliste que de penser que le temps des colloques, le temps
des sommets, le temps de la concertation est terminé. C'est, d'une
certaine façon, je ne dirais pas malhonnête, mais presque, parce
qu'on laisserait entendre de cette façon qu'il y a un certain nombre de
solutions qui n'impliquent plus et qui n'impliquent pas actuellement que des
syndicats, que des patrons, que des gouvernants, que des dirigeants municipaux,
que des dirigeants d'organismes dans notre société acceptent,
premièrement, de s'asseoir et de renoncer à certains acquis, de
revoir les choses qu'ils ont actuellement en leur possession.
Si on pense qu'on peut apporter des solutions efficaces aux
problèmes des jeunes en imposant actuellement des solutions au patronat,
au monde syndical, aux dirigeants municipaux et à l'ensemble des gens
qui ont des responsabilités dans notre société, il faut
vraiment soit n'avoir rien compris, soit s'imaginer que les jeunes ne
comprennent rien. Peut-être que, désireux d'avoir plus d'emplois,
désireux de voir qu'un certain nombre de problèmes soient
résolus plus rapidement parce qu'ils vivent dans une situation
difficile, c'est évident que le premier réflexe de n'importe
quelle personne dans cette situation va être de dire: écoutez,
j'en ai assez des parlotes, je voudrais qu'on passe à l'action. Mais on
n'est pas responsables comme politiciens, comme personnes politiques, et on
dévalue la chose politique et la fonction politique en laissant croire
à des jeunes que des solutions vont pouvoir être imposées
sans qu'il y ait de parlote, de discussions et de sommets à cette
étape-ci de notre société et devant les problèmes
de la jeunesse auxquels on a à faire face. Je pense, M. le
Président, que c'est sous-estimer gravement et d'une façon
scandalisante le potentiel et la capacité de jugement des jeunes dans
notre société. (15 h 20)
On se lève pour faire un discours de cette nature à
l'occasion de la présentation d'une motion qui veut faire en sorte qu'au
Québec, dorénavant, comme ailleurs en Amérique du Nord, on
officialise une semaine d'appréciation de la jeunesse, mais on se
comporte dans ce discours comme si les gens n'étaient pas capables
d'apprécier les choses, comme s'ils n'étaient pas capables de
faire des nuances et des distinctions. À mon avis, ce n'est pas une
très bonne façon d'apprécier la jeunesse. Si on
apprécie la jeunesse, on la traite comme des personnes responsables qui
sont capables de faire des nuances et, autant que les adultes et les
politiciens, de voir la complexité des choses. C'est peut-être
plus facile que d'utiliser le raccourci de la démagogie, car on est
aussi coupable que le gouvernement de vouloir, bien sûr, le vote des
jeunes aux prochaines élections. Mais lorsqu'on veut autre chose et non
pas uniquement cela, on doit être capable de
regarder les problèmes et d'engager des discussions avec les
jeunes et avec des partenaires de notre société qui font appel
à la complexité des choses.
M. le Président, je termine en disant que, dans mon comté
- je lisais encore hier l'hebdo régional le plus important de mon
comté où on parlait de la semaine organisée par les clubs
Optimistes de notre région; je me rappelle y avoir participé
d'une façon particulière l'an dernier - ce que je constate, c'est
qu'année après année, cette semaine, dans nos milieux
respectifs, en est une de tremplin, de découvertes. On découvre
des potentiels et on permet à des jeunes d'aller plus loin dans leur
communauté, de se faire connaître. Mais je voudrais, à
l'occasion de la présentation de cette motion qui va faire en sorte que,
dorénavant, année après année, de façon
officielle, on souligne notre appréciation à la jeunesse, faire
appel aux clubs Optimistes qui sont les organisateurs et les animateurs de
cette semaine afin qu'ils fassent plus d'efforts qu'ils n'en ont fait
jusqu'à maintenant - je sais qu'ils sont capables de les faire - pour
aller rejoindre les jeunes qui sont ignorés lors de cette semaine et
qui, souvent, s'ignorent eux-mêmes, qui ignorent leur potentiel, leurs
capacités, qui ne s'apprécient pas eux-mêmes et qui sont
laissés pour compte par les différents organismes. C'est souvent
plus facile de faire appel aux leaders naturels dans nos milieux respectifs.
C'est souvent plus facile d'organiser des activités qui,
évidemment, vont rejoindre les plus dynamiques dans nos écoles et
dans nos milieux de jeunes. Je pense que cela va demander plus d'imagination,
plus d'efforts, plus d'énergie, mais on doit aussi le faire pour
rejoindre les jeunes qui ne se sentent pas concernés par cette semaine,
qui ne se sont jamais sentis concernés et qui risquent de ne pas se
sentir concernés, parce qu'on ne fera pas ce qu'il faut pour les
intéresser et pour faire en sorte qu'ils constatent, face aux adultes,
qu'ils ont du potentiel et qu'ils sont capables, comme les plus brillants,
comme les plus dynamiques, comme les plus habiles, de trouver leur chemin et
d'apporter une contribution dans leur communauté et à l'ensemble
de la société québécoise.
C'est ce que je voulais dire à l'occasion de la
présentation de cette motion que j'appuie sans réserve, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, je veux simplement appuyer mon
collègue de Louis-Hébert et l'essentiel de la motion du ministre
pour signifier... Je viens d'entendre le député
démissionnaire du Secrétariat à la jeunesse. Je ne sais
pas s'il vient faire l'apologie de son échec par ses propos, mais de
toute façon, M. le Président, c'est assez secondaire. Je pense
que ce qu'il faut reconnaître, c'est davantage les mérites du club
Optimiste et ceux de Mlle Sylvie Bernier et profiter de cette occasion pour
simplement sensibiliser l'ensemble des collègues à cette
Assemblée à l'urgence tout à fait prioritaire pour tous
les parlementaires de se sensibiliser à l'action que l'on doit
entreprendre pour les jeunes.
Indépendamment des affrontements partisans qui peuvent survenir
à l'occasion, je pense que mon collègue de Louis-Hébert
l'a magnifiquement souligné, au fond, le message qu'il a adressé
au ministre et au gouvernement, c'est que la jeunesse du Québec indique
au gouvernement son retard à agir dans le domaine de la création
d'emplois, l'inefficacité plus que relative des initiatives tardives que
le gouvernement a prises. Je pense que c'est un fait, un fait d'ailleurs que la
précipation quasi préélectorale que le gouvernement met
à s'occuper du dossier de la jeunesse témoigne justement de cet
échec antérieur. Sans égard à ces
considérations, je pense que l'important c'est qu'on agisse et qu'on
agisse par autre chose que simplement des réunions sectorielles. Dans le
Soleil - ce n'est pas l'Opposition non plus que le député de
Louis-Hébert qui a indiqué cela - il y a un éditorial de
la part de M. Bellefeuille qui a qualifié l'action du gouvernement de
parlote. L'expression vient d'un éditorial du Soleil, le 28 octobre
1984, c'est tout récent. M. le Président, c'est dans ce sens que
j'interviens, en insistant auprès du gouvernement, en l'incitant
à agir même s'il est tard - il vaut mieux agir tard que de ne pas
agir du tout -et à faire des choses pour la jeunesse parce que cela
s'impose actuellement dans la société
québécoise.
Le Président: M. le député de Dubuc. M.
Hubert Desbiens
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de
joindre mon accord à la proposition du ministre responsable de
l'Année internationale de la jeunesse qui a officialisé la
semaine Optimiste qui se répète d'année en année et
qui se veut une semaine d'appréciation de la jeunesse
québécoise. Évidemment, M. le Président,
apprécier la jeunesse québécoise c'est en apprécier
les qualités: qualités d'intelligence qu'a d'ailleurs fait
ressortir par son envolée le député de Jean-Talon,
qualités aussi de vérité et de fraîcheur de la
jeunesse québécoise. Que ce soit le club Optimiste qui joigne
justement son action à celle de la jeunesse cela me paraît tout
à fait adéquat.
M. le Président, par la même occasion,
justement, je profiterai de la présence d'un groupe de jeunes du
comté de Dubuc, de la ville de La Baie, qui sont ici présents,
pour leur souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale. Je
salue Sonia, Marie-Claude, Stéphane, Christine, Caroline, Sylvain,
Yannick, Michel et probablement Chantale et Patrice qui sont quelque part
au-dessus de ma tête, ici, justement dans le cadre de cette semaine
Optimiste, en collaboration avec la Maison des jeunes de la ville de La Baie.
M. le ministre, j'appuie entièrement votre proposition. Merci, M. le
Président.
Le Président: En réplique, M. le président
du Conseil du trésor.
M. Michel Clair (réplique)
M. Clair: M. le Président, en réplique, j'aimerais
également, en mon nom personnel et au nom des collègues
gouvernementaux, saluer la dizaine de jeunes du comté de Dubuc, les
jeunes Saguenéens qui sont présents dans les galeries cet
après-midi.
Je dois dire que je regrette beaucoup le comportement et l'attitude
très agressive du député de Louis-Hébert, en
particulier, et un peu aussi celle du député de Jean-Talon.
Pour moi, aujourd'hui, il s'agissait de parrainer une motion visant
à souligner la semaine d'appréciation de notre jeunesse. Je pense
que ce thème de l'appréciation de la jeunesse
québécoise a malheureusement occupé très peu de
place dans les deux interventions que nous avons entendues en face de nous. En
effet, en ce qui concerne le député de Louis-Hébert, il
s'est plutôt lancé dans une attaque à fond de train, comme
lui seul en a le secret, contre le gouvernement, ses politiques en
matière de jeunesse, etc. Nous avons souvent l'occasion de discuter de
ces questions dans le climat de confrontation qui, malheureusement, marque trop
souvent nos travaux. Quant à moi, j'aurais souhaité que cette
motion soit adoptée unanimement par l'Assemblée nationale et, je
dirais, un peu au-delà de la partisanerie politique. Quand les
responsables du club Optimiste ont écrit au whip en chef du gouvernement
pour lui demander qu'un ministre ou un député parraine cette
motion, j'ai la certitude que ceux-ci souhaitaient que le débat porte
principalement sur l'appréciation de notre jeunesse et non pas sur des
propos un peu durs du gouvernement à l'égard de l'Opposition ou
vice versa. (15 h 30)
M. le Président, il me semble, quant à moi, que s'il est
une chose que notre jeunesse souhaite, c'est bel et bien que l'on discute,
au-delà des lignes de parti, au-delà de la partisanerie
politique, de la place que les jeunes occupent dans notre
société; qu'on soit capables, au moins une fois par année,
au-delà de la ligne de parti, au-delà des débats
contradictoires qui marquent trop souvent nos travaux, de souligner, dis-je,
simplement l'appréciation que nous avons pour notre jeunesse.
M. le Président, je regrette quant à moi que cette motion
ait été reçue d'une manière partisane par le
député de Louis-Hébert. Je ne le souhaitais pas. Je pense
que le député de Jean-Talon a eu une attitude un peu plus
positive quoique encore, en ce qui le concerne, si on regarde le temps qu'il a
pris pour témoigner de son appréciation personnelle et de celle
de sa formation politique de ce que fait la jeunesse québécoise,
on se rendra compte que c'est, somme toute, assez limité de
préférer employer son temps pour essayer de diminuer un peu le
député de Verchères en passant, attaquer un peu le
gouvernement et sauver un peu les propos déplacés de son
collègue, le député de Louis-Hébert.
Quant à nous, M. le Président, je dirai simplement qu'en
ce qui concerne l'appréciation de la jeunesse québécoise,
je pense qu'au-delà des paroles, nous avons démontré par
plusieurs programmes et par plusieurs mesures gouvernementales que nous
apprécions le travail qu'elle fait, nous visons à lui offrir la
plus grande place possible et nous sommes d'avis, de notre côté,
que l'année 1985, l'Année internationale de la jeunesse, fournit
justement aux deux principaux partis politiques du Québec l'occasion de
discuter des problèmes de la jeunesse, de la condition jeunesse
au-delà des lignes partisanes.
M. le Président, l'année 1985 a été
déclarée Année internationale de la jeunesse par l'ONU
dans tous les pays du monde. Si l'année 1985 ou 1986 est une
année électorale, ce sera une année électorale pour
les deux côtés de la Chambre. On pourrait de part et d'autre de
l'Assemblée nationale s'envoyer des invectives à savoir qu'on
veut récupérer la jeunesse. Ce sera une année
électorale pour les deux formations politiques. Et il me semble, M. le
Président, qu'il y a avantage, qu'il y va de l'intérêt de
la jeunesse québécoise de placer la question au-dessus des lignes
de parti et de souligner, comme on le fait aujourd'hui, l'appréciation
de tous les parlementaires quant à la contribution de la jeunesse
québécoise au développement de toute notre
société. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président: La motion du président du Conseil du
trésor est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je sollicite le
consentement de cette Chambre
et j'ose espérer, puisqu'il s'agit là d'une motion sans
préavis à caractère économique, qu'on y consentira
volontiers: Que cette Assemblée exige du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation qu'il rembourse personnellement à
l'État les 25 000 $ d'intérêt qu'il a fait perdre aux
Québécois par sa négligence et son incurie en
décidant de conserver sur lui pendant au moins une semaine un
chèque de plus de 11 000 000 $ qui appartenait aux
Québécois, et ce, dans le seul but de l'exhiber en
conférence de presse et de tenter d'en tirer des avantages
partisans.
Une voix: Adopté.
Une voix: Bravo!
Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion
de la motion?
Des voix: Oui, non.
Avis touchant les travaux des commissions
Le Président: Il semble que non. Ce qui nous mène
aux avis touchant les travaux des commissions. Donc, après les affaires
courantes, à la salle 91, la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude
d'engagements financiers. À la salle 81, la commission des affaires
sociales fera de même. À la salle 80, la commission de
l'économie et du travail tiendra une séance de travail pour le
choix de son président. Eh bien, j'en vois trois.
M. Bertrand: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: D'après les informations que j'ai - on
pourrait vérifier - il y a la commission de l'agriculture à la
salle 91 pour les engagements financiers, la commission des affaires sociales
pour ses engagements financiers...
Le Président: C'est juste.
M. Bertrand: ...et la commission de l'éducation et de la
main-d'oeuvre pour poursuivre les consultations relativement au projet de loi
3.
Le Président: Je m'excuse, je ne l'avais pas sur ma liste.
Donc, l'avis est donné. J'avais reçu une lettre du
président de la commission de l'économie et du travail pour tenir
une séance de travail, en l'occurrence, cet après-midi. Pour ce
faire, il faudrait le consentement de la Chambri pour qu'une quatrième
commission siège. Une voix: Consentement.
Une voix: II n'y a pas consentement, M. le Président.
Le Président: II n'y a pas consentement! Oui, M. le leader
de l'Opposition.
M. Gratton: J'ai reçu copie de l'avis de convocation qui,
en vertu de l'article 144, a été signifié par le
vice-président, en l'absence ou même en la non-existence d'un
président à la commission de l'économie et du travail. Et
je comprends mal que le gouvernement ne consente pas à la réunion
de cette commission, puisqu'il s'agit d'élire un président
à la commission. Vous vous rappellerez sans doute, M. le
Président, que c'est vous-même qui avez indiqué au
député d'Outremont, vice-président de la commission, qu'il
était dans l'ordre des choses qu'il puisse procéder, en tant que
vice-président, à convoquer la commission, afin que celle-ci
puisse élire un président parmi ses membres et permettre à
la commission non seulement de débattre entre ses membres de
l'opportunité, par exemple, de se donner des mandats, mais, entre autres
choses, d'étudier article par article le projet de loi 42 dont on
terminera l'adoption de principe très prochainement, puisque,
normalement, c'est là que se ferait l'étude
détaillée du projet de loi.
J'aimerais quand même que le leader du gouvernement nous informe
des raisons qui l'amènent à refuser le consentement du
gouvernement pour qu'une quatrième commission siège cet
après-midi, afin qu'on puisse procéder à l'élection
du président de la commission de l'économie et du travail et
qu'on puisse ainsi permettre à la commission... On dit qu'il y a une
obsession de l'autre côté pour l'économie, obsession pour
la création d'emplois. Et si ce n'est pas à la commission de
l'économie et du travail qu'on peut prendre des initiatives heureuses
dans ce domaine, M. le Président, je ne sais réellement pas
où cela pourrait être.
J'invite le leader du gouvernement à nous éclairer sur le
refus du gouvernement de laisser siéger la commission cet
après-midi.
Le Président: Je vais certainement laisser le leader du
gouvernement parler, mais je signale que, normalement, le refus de consentement
ne fait pas l'objet d'un débat. Donc, il n'est pas question d'avoir de
débat là-dessus. Mais puisqu'on sollicite des explications et si
le leader du gouvernement veut bien en donner, je n'ai pas d'objection.
M. Bertrand: Par simple honnêteté à
l'endroit des membres de l'Assemblée nationale, je dois d'abord -
M. le Président, je viens d'en être informé - indiquer
qu'il y a eu entente, semble-t-il, entre les différents porte-parole qui
siégeaient à la commission des affaires sociales pour que la
commission ne siège pas cet après-midi. Alors, dans ce
contexte-là, par simple honnêteté à l'endroit de
l'Assemblée, je me dois de lui indiquer que, effectivement, la
commission de l'économie et du travail a le droit de siéger en
vertu du règlement, sur la base de l'avis qui a été
transmis par le vice-président de la commission.
Ceci étant dit, M. le Président, je vous adresse une
demande à titre de leader parlementaire du gouvernement. Je voudrais
qu'on se penche très sérieusement sur la difficulté qui se
présente en ce moment. Je ne veux pas entrer dans le détail,
d'aucune façon, des discussions qui ont pu avoir cours ces derniers
jours entre le leader de l'Opposition et moi-même, entre les whips et les
chefs parlementaires des deux formations politiques, mais il y a un
problème, effectivement, au niveau du choix ou de la sélection
d'un président à la commission de l'économie et du
travail.
Ce qui m'inquiète davantage, M. le Président,
au-delà de ce problème réel, que nous devrons
résoudre, c'est le problème d'une commission qui, recevant le
mandat de procéder à l'étude détaillée d'un
projet de loi, ce qui nécessite, pour présider ses travaux, la
présence de ce qu'on appelle maintenant un président de
séance, pourrait ou ne pourrait pas faire son travail s'il y a ou s'il
n'y a pas de président agissant à la commission de
l'économie et du travail. Je pense en particulier, dans les
circonstances présentes, au projet de loi 42. Et, dans ce
contexte-là, M. le Président, j'aimerais vous faire valoir que
cela pourrait être, théoriquement, une façon de bloquer les
travaux parlementaires que, par exemple, dans un contexte très
précis, soit voir un président démissionner d'une
commission, ainsi forcer le choix d'un nouveau président, mais dans une
situation où on ne voudrait pas voir un projet de loi
étudié en détail à la commission parlementaire, se
retrouver dans une situation de blocage sur le plan des travaux parlementaires.
(15 h 40)
Je pense que cette question est suffisamment sérieuse pour que
nous puissions en discuter avec vous et aviser aux meilleurs moyens à
prendre puisque, dans le cas présent, il y a une difficulté
réelle, M. le Président, au niveau des décisions à
prendre.
Dans le cas qui nous occupe, il y a une difficulté réelle
au niveau des décisions à prendre quant à
l'éventuelle présidence de cette commission de l'économie
et du travail. Il y a déjà eu des discussions entre plusieurs
personnes, essentiellement les whips des formations politiques, les leaders des
formations politiques et des chefs des formations politiques, et je pense qu'il
serait, dans ce contexte, assez difficile à la fois de procéder
aux travaux de la commission cet après-midi, de la même
façon qu'il serait difficile aussi de statuer trop rapidement sur -
comment dirais-je? - la possibilité ou l'impossibilité pour une
commission de procéder plus avant dans ses travaux, entre autres les
mandats gouvernementaux relatifs à l'étude
détaillée des projets de loi, si nous n'avons pas
réglé un certain nombre de questions.
Le Président: J'aimerais bien comprendre avant qu'on
poursuive. On intervient de part et d'autre, ça semble m'impliquer d'une
certaine manière puisque je crois comprendre qu'on souhaite, sinon
maintenant, éventuellement, soit une réunion ou une
décision, je n'ai pas très bien saisi.
Une voix: Ils ne sont pas branchés, ils ne savent pas ce
qu'ils veulent.
Le Président: Est-ce qu'il s'agit d'une demande de
directive que vous faites ou si c'est simplement un échange entre
leaders, auquel cas ça commencerait à avoir l'air d'un
débat.
M. le leader de l'Opposition.
Demande de directive sur le
choix d'un président de
commission
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, je vous en formule une
demande de directive. Je comprends tout ce que dit le leader du gouvernement.
D'ailleurs, à la sous-commission sur la réforme parlementaire,
vous le savez, on a déjà commencé à discuter de la
façon de suppléer à cette lacune de nos règles de
pratique, nos règles de procédure qui font qu'on peut remplacer
un président qui n'est plus là, mais on ne peut pas, en
l'occurrence, dans le cas de la commission de l'économie et du travail,
procéder à autre chose qu'à l'élection d'un
président, compte tenu des circonstances qui prévalent.
M. le Président, la directive que je vous demanderais de nous
donner est, en fait, de confirmer celle que vous avez déjà
donnée en date du 1er novembre dernier, alors qu'on retrouve la citation
au Journal des débats, aux pages 431 et 432, je crois, où vous
disiez, à l'intention du vice-président de la commission, le
député d'Outremont: "Dans un premier temps, il me semble que le
sens commun est à l'effet que le vice-président devrait pouvoir
agir à la place du président en vertu de l'article 137 et
convoquer la commission parlementaire." C'est de cette affirmation que
s'est inspiré le député d'Outremont pour vous faire
parvenir copie de l'avis de convocation pour cet après-midi.
Vous ajoutez plus loin: "II m'apparaît évident, par contre,
que si vous convoquez la commission, ce n'est pas d'abord pour vous donner un
mandat d'initiative - puisque le député avait parlé de
cette possibilité - mais pour vous donner un président. Elle doit
d'abord élire un président avant de procéder à
quelque autre matière." Ce que je vous demanderais de nous confirmer,
c'est que dans ce cas - je ne veux pas parler des cas éventuels, on
pourra en parler à la sous-commission de la réforme parlementaire
-quand la commission se réunira dans quelques instants, ou demain, ou
plus tard, elle ne pourra procéder à autre chose qu'à
l'élection d'un président avant de pouvoir entamer, par exemple,
l'étude détaillée du projet de loi 42.
M. le Président, j'ajouterai que si vous le souhaitez, je serais
prêt à intervenir et à plaider que tel est le cas. Mais
encore faudrait-il que vous en exprimiez le souhait.
Le Président: Si vous souhaitez le faire maintenant, je
n'ai aucune espèce d'objection à vous laisser vous exprimer
là-dessus, si c'est le choix des deux leaders. Vous me demandez une
directive, je suis tout à fait disposé à l'entendre,
à moins que vous souhaitiez intervenir sur la question.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: Cela m'apparaît suffisamment capital en tout
cas, sur le fond, pour que nous intervenions. Il m'apparaît
évident, sur la base de ce que vous avez dit le 1er novembre, ce que
relatait le leader de l'Opposition, qu'une des premières rencontres de
la commission devrait avoir pour objectif de tenter de trouver un
remplaçant ou une remplaçante à la présidente
précédente. Dans ce contexte, il s'agit de savoir si, partant de
cette préoccupation qui est tout à fait légitime des
membres de la commission de se doter d'un président ou d'une
présidente, on s'empêche par ailleurs d'effectuer tout autre
travail. Je vous fais valoir très simplement, M. le Président,
qu'il me semble que dans une situation où la commission se trouverait
placée dans l'impossibilité pratique d'en arriver à
trouver un président qui agréerait aux deux formations politiques
- parce que vous savez fort bien qu'il faut obtenir une double majorité
pour nommer le président ou la présidente - il pourrait y avoir,
donc, une possibilité réelle de blocage, c'est-à-dire une
commission qui ne pourrait pas, après un certain nombre de
séances de travail, malgré toute la bonne volonté du
vice-président qui reconvoquerait jour après jour, semaine
après semaine, la commission, trouver la personne qui assumerait la
fonction de président ou de présidente. Dans ce contexte, cela
pose, au niveau des travaux parlementaires - je dirai de tous les travaux
parlementaires, mais je parle à titre de leader parlementaire à
ce moment-ci - pour l'étude ou l'analyse détaillée d'un
projet de loi par exemple, des difficultés très sérieuses.
Ce sont des difficultés qui, dans le cas, par exemple, de la commission
qui nous concerne en ce moment - la commission de l'économie et du
travail - étant donné l'étude du projet de loi 42, peuvent
se présenter dans un avenir très rapproché. Mais il peut y
avoir des difficultés qui s'ajouteraient à celles de cette
commission parlementaire, par exemple, d'une commission où, pour des
raisons tactiques ou de stratégie, il y aurait vacance au niveau de la
présidence et, donc, blocage sur le plan de l'étude d'un projet
de loi. Je pense que ce n'est pas le sens du règlement que nous avons
adopté ni le sens de la réforme parlementaire que nous avons
adoptée, que de bloquer les travaux parlementaires. Il faut trouver un
moyen quelconque pour faire avancer les travaux parlementaires, même dans
une situation où, pour toutes sortes de considérations - et
là-dessus, je veux bien, quant à moi, indiquer qu'elles peuvent
être très nombreuses - nous sommes placés dans la situation
réelle de l'impossibilité de les faire avancer.
C'est à cause du caractère suffisamment délicat,
qui pourrait être grave au niveau de l'institution elle-même, que
je vous demande, M. le Président, de voir s'il n'y aurait pas
possibilité de faire en sorte que nous puissions en appeler un peu
à vos sages conseils quant à la façon de fonctionner. Par
exemple, il y a une commission qui a siégé - la même, celle
de l'économie et du travail - au sujet du dossier du sous-emploi dans le
cadre d'une interpellation. Elle a siégé les 18 et 25 octobre ici
même, à l'Assemblée nationale. Or, il n'y avait pas
à ce moment-là, si ma mémoire est bonne, de
président de la commission, mais elle a fait son travail en vertu de
l'article du règlement qui prévoit que, le vendredi matin, il y a
interpellation. A la demande d'un député de l'Opposition, un
ministre vient devant l'Assemblée nationale, mais, en fait, devant une
commission parlementaire et doit répondre à un certain nombre de
questions relativement à un sujet qui a été
déterminé. Or, les 18 et 25 octobre, la commission de
l'économie et du travail était la commission retenue pour
l'interpellation et elle a fonctionné. C'était sur le
thème du sous-emploi. Je vous fais donc valoir, M. le Président,
qu'il y a déjà un précédent de fonctionnement de la
commission en l'absence d'un président et que si cela valait dans le
contexte de l'interpellation, cela a donc permis de faire fonctionner le
Parlement, de s'assurer que
les travaux parlementaires suivaient leur cours. Je vous fais valoir que
dans le cas auquel nous serons confrontés d'ici à quelques jours,
le même type de situation va se reproduire.
Peut-être n'y aura-t-il pas de président de la commission
de l'économie et du travail, mais si nous nous basons sur le
précédent qui doit faire jurisprudence, jusqu'à un certain
point, n'y aurait-il pas lieu de considérer que la commission, à
ce moment-là, à partir d'un mandat qui est donné par le
leader du gouvernement, doit effectuer le travail, c'est-à-dire
l'analyse détaillée du projet de loi, article par article? Je
crois qu'il y a peut-être là suffisamment matière à
réflexion pour que, premièrement, il ne soit pas
nécessaire qu'une décision soit rendue dès aujourd'hui. Il
y a peut-être suffisamment matière à réflexion aussi
pour que la commission de l'économie et du travail s'abstienne
possiblement de siéger aujourd'hui étant donné les
problèmes réels qui existent, non seulement pour ses fins propres
de choix de président, mais aussi pour la suite des choses, à
savoir si ces commissions peuvent, oui ou non, fonctionner en l'absence d'un
président? Je prétends que oui. Il y a déjà un
précédent. Par ailleurs, cela soulève toute une
série de questions sur lesquelles la sous-commission se penche en ce
moment et il faudrait, à mon avis, que celle-ci se hâte pour
trouver une solution à ce problème qui est réel. (15 h
50)
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Deux points: D'abord, quand le leader du gouvernement
s'interroge sur la possibilité qu'on ne puisse en arriver, à la
commission, à procéder à l'élection d'un
président, je lui dirai tout de suite que cette possibilité,
quant à nous, n'existe pas. On sait que le règlement
spécifie qu'un certain nombre de présidents et de
vice-présidents de commissions doivent émaner du
côté ministériel comme du côté de
l'Opposition.
Or, dans le cas qui nous préoccupe, celui de la commission de
l'économie et du travail, il n'y a aucun doute, nous reconnaissons
d'emblée que le président doit provenir des banquettes
ministérielles. Il y a dix membres ministériels à la
commission de l'économie et du travail. J'indique tout de suite que dans
la plupart des cas, sinon dans l'ensemble des dix cas, l'Opposition est
prête à souscrire à une proposition que fera le
gouvernement. Sûrement que, parmi les dix membres ministériels
actuels de la commission, nous serons prêts à appuyer une
proposition pour l'un des dix.
Donc, la possibilité qu'on ne puisse s'entendre, à moins
qu'il y ait entêtement de la part du gouvernement - là, c'est une
autre histoire mais je ne prête aucune intention au gouvernement pour le
moment -il s'agit pour vous de statuer si la commission peut procéder
à autre chose qu'à l'élection d'un président; par
exemple, si elle peut procéder - parlons du cas très patent
-à l'étude détaillée du projet de loi 42. Nous
soutenons que non.
Selon nos règles de procédure, le président d'une
commission est élu parmi et par les membres de la commission qui,
à cette fin, est présidée par le président de
l'Assemblée. Les articles 131, 132 et 133 l'édictent très
clairement. Par ailleurs, le premier alinéa de l'article 137
prévoit que le vice-président peut remplacer le président,
si ce dernier le demande ou s'il est empêché d'agir. Il se lit
comme suit: "En cas d'empêchement du président d'une commission ou
à sa demande, le vice-président le remplace et exerce ses
fonctions". Mais dans le cas qui nous occupe, où l'ex-président
de la commission, Mme Harel, la députée de Maisonneuve, est
devenue membre du Conseil des ministres, il ne s'agit pas d'empêchement
du président mais bien d'une vacance de poste. Je ne vois pas comment le
vice-président pourrait remplacer quelqu'un qui n'existe pas ou comment
quelqu'un qui n'existe pas pourrait demander à être
remplacé dans ses fonctions. C'est d'ailleurs ce qui nous a
amenés, à la sous-commission sur la réforme parlementaire,
à constater qu'il y a lacune dans nos règles de procédure
et à nous interroger à savoir comment les combler.
Donc, dans les circonstances, je prétends que la commission de
l'économie et du travail ne peut pas se réunir et procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 42, comme le
prétend le leader du gouvernement. Le cas de vacance d'un poste de
président de commission n'est malheureusement pas prévu comme tel
dans nos règles de procédure. D'ici à ce que la
modification soit apportée, lors d'une séance de la
sous-commission sur la réforme parlementaire, l'Assemblée devra
s'en tenir aux règles actuellement en vigueur. Or, l'article 131
prévoit effectivement la possibilité d'avoir à
élire un président en cours de session, et ma
compréhension est dans le sens que si la première tâche que
doit remplir une commission au début d'une session c'est d'élire
son président, la même obligation lui est faite en cours de
session, lorsque le poste devient vacant.
Pour appuyer ma prétention, je vous réfère aux
articles 19, 20 et 21 de la Loi sur l'Assemblée nationale. Je vous cite
l'article 22 de la Loi sur l'Assemblée nationale: "Si la charge du
président devient vacante, le secrétaire général en
informe l'Assemblée qui ne peut expédier aucune affaire avant
d'avoir élu un président". Ces articles sont d'ailleurs repris
presque textuellement dans nos règles de procédure,
mais je me contenterai de citer l'article 12: "En cas de vacance de la
charge de président, le secrétaire général en
informe l'Assemblée. Celle-ci ne peut entamer aucune affaire avant
d'avoir élu un nouveau président". Il est donc clairement
établi dans la loi et dans nos règles de procédure qu'en
cas de vacance de la charge de président, l'Assemblée ne peut
rien faire avant d'avoir élu un nouveau président. M. le
Président, pourquoi en serait-il autrement dans le cas d'une commission?
D'autant plus que l'article 150 des règles de procédure
spécifie: "Sauf dispositions incompatibles, les règles relatives
à l'Assemblée s'appliquent aux commissions."
Quant à l'article 136 qui prévoit que les travaux d'une
commission peuvent être dirigés par un président de
séance, on ne peut prétendre qu'il s'agit là d'une
disposition incompatible au sens où elle pourrait être
utilisée en cas de vacance du poste de président. La règle
générale quant à la présidence des travaux d'une
commission demeure l'article 135 qui se lit comme suit: "Le président
organise et anime les travaux de sa commission, prend part à ses
délibérations et a voix prépondérante en cas de
partage." Quant à l'article 136, il permet une dérogation
à la règle générale, mais ne saurait être
utilisé que si le poste de président n'est pas vacant."
Est-il nécessaire de rappeler qu'au cours de la
préparation de nos nouvelles règles de procédure, vous
étiez vous-même celui qui tenait le plus à ce que tous les
travaux d'une commission soient présidés par son
président. Ce n'est qu'après de longues discussions qu'un
consensus s'est finalement dégagé en faveur de l'exception que
l'on retrouve à l'article 136 qui nécessita la constitution de ce
qu'on appelle communément une banque de présidents de
séances. Vous conviendrez sans doute qu'il serait pour le moins
inhabituel qu'une règle d'exception puisse s'appliquer alors que la
règle générale ne pourrait l'être.
De plus, cette dérogation à savoir qu'un président
de séance dirige les travaux peut être utilisée pour deux
raisons: à la demande de son président ou par décision de
l'Assemblée. Dans la situation actuelle, cet article ne peut même
pas trouver son application dans son entier. Je n'irai pas jusqu'à
prétendre que, par interprétation, l'article 186 pourrait
être invoqué, mais je soutiens que l'article 136 ne peut
s'appliquer tant et aussi longtemps que le poste de président n'aura pas
été comblé.
De plus, si la commission devait procéder avec un
président de séance sans que le poste de président ne soit
comblé, même l'application de l'article 166 ferait
problème. Par qui le rapport de la commission pourrait-il être
déposé puisque le vice-président ne peut remplacer le
président qu'en cas d'empêchement? À la rigueur, la motion
du leader peut être considérée comme
régulière, mais quant à son application, elle est, sinon
prématurée, à tout le moins conditionnelle. Je reconnais
que le leader du gouvernement n'a pas vraiment le choix. S'il désire que
les travaux d'une commission soient dirigés par un président de
séance, il doit, à défaut d'une demande de la part de son
président - ce qui n'est pas possible dans le cas présent - le
proposer dans la motion d'envoi à la commission. Par contre - et c'est
pourquoi je soutiens que cette motion est conditionnelle - un président
de séance ne pourra présider les travaux qu'une fois que la
commission aura élu un président.
D'autre part, ce qu'on pourrait fort bien... J'accepte le fait qu'une
telle situation ne doit pas empêcher le gouvernement de faire
étudier ses lois et ce n'est évidemment pas le but de la
réforme parlementaire. Je souhaite sincèrement qu'on parvienne
à une entente et qu'un président soit élu dans les
meilleurs délais. Je l'ai indiqué tantôt, je suis sûr
qu'on pourra trouver ensemble l'un des dix membres ministériels de la
commission qui répondra à tous les critères; du
côté de l'Opposition, en tout cas. Si, au contraire, l'impasse
devait persister pendant encore un certain temps, il faudra, si telle est la
volonté du leader du gouvernement, qu'il envisage lui-même une
façon de procéder sur cette question.
En conclusion et en résumé, je soutiens que l'état
actuel de nos règles de procédure en regard de la situation qui
nous occupe ne permet pas à un président de séance, non
plus qu'au vice-président, de diriger les travaux de la commission de
l'économie et du travail. Si le leader devait s'aviser de faire une
motion pour déférer l'étude du projet de loi 42 à
la commission de l'économie et du travail, même si cette motion
pouvait à la rigueur être considérée comme
régulière, elle demeurerait certainement conditionnelle, parce
que la commission de l'économie et du travail est dans une situation
telle qu'elle ne saurait se réunir pour remplir quelque mandat que ce
soit sans avoir, au préalable, élu un de ses membres au poste de
président, comme vous l'avez vous-même rappelé le 1er
novembre dernier.
Le Président: M. le leader du gouvernement. (16
heures)
M. Bertrand: M. le Président, j'aurais une question
très précise à poser au leader de l'Opposition.
Peut-être me direz-vous que ce n'est pas nécessairement le bon
endroit pour le faire mais il a indiqué, au tout début de son
intervention, que dix membres représentant le côté
ministériel siégeaient à la commission de
l'économie et du travail. Je voudrais une précision
là-dessus. Il a dit
qu'il n'avait pas ou qu'il ne manifesterait pas d'objection à ce
que l'une de ces dix personnes puisse être agréée pour
être président de la commission. En d'autres mots qu'on ne ferait
pas de difficulté, étant donné, comme il l'a dit, et il a
tout à fait raison, que pour cette commission de l'économie et du
travail, comme c'était déjà décidé depuis le
tout début, c'est un membre du côté ministériel qui
doit agir à titre de président.
Est-ce que j'ai bien compris qu'il a indiqué qu'il n'y aurait pas
d'empêchement à dégager, selon la règle de la double
majorité, la nomination d'un président, quelle que soit la
proposition faite par le gouvernement à l'intérieur de la liste
des dix membres de la commission?
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Gratton: Si on me demandait, par exemple, si le
député de Deux-Montagnes serait agréable à
l'Opposition, je lui répondrais oui immédiatement. Je laisse le
soin au leader du gouvernement de choisir parmi les dix membres mais je lui ai
dit d'avance qu'il y en aurait au moins une bonne demi-douzaine qui nous
seraient acceptables. S'il veut que je sois plus précis, je peux
l'être, M. le Président.
Le Président: Bon!
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: La réponse du leader de l'Opposition me
laisse sur mon appétit, pour une raison majeure. Si on n'a pas de la
part de l'Opposition une indication assez claire à savoir qu'il n'y aura
pas de difficulté au niveau du choix du président, cela va, mais
si ce n'est pas le cas, le problème demeure entier, M. le
Président.
Je comprends très bien et je n'en fais pas du tout le reproche au
leader de l'Opposition, c'était tout à fait normal qu'il se
prépare, avec toute l'argumentation qu'il a développée.
Vous le sentez, M. le Président, en tout cas je l'ai bien senti,
l'argumentation développée par le leader de l'Opposition avait
été préparée en fonction d'une motion que j'aurais
présentée à l'Assemblée nationale relativement aux
travaux de la commission de l'économie et du travail pour
procéder à l'analyse détaillée du projet de loi 42.
Je vois qu'il me fait signe que oui.
Donc, il faut bien comprendre la difficulté et le sérieux
du problème que pose à l'heure actuelle, le choix du
président ou l'absence de choix du président. Cela peut faire
bloquer tous les travaux parlementaires, cela peut empêcher l'adoption du
projet de loi et cela peut, jusqu'à un certain point - je ne le dis pas
d'aucune façon en voulant faire un procès d'intention - bloquer
l'esprit même de la réforme parlementaire.
Il faut être conscients que, pour plusieurs de ces
éléments, nous fonctionnons en nous entendant de part et d'autre.
Nous l'avons fait pour le choix des présidents et des
vice-présidents de commissions. Nous avons une proposition très
précise pour la présidence de la commission de l'économie
et du travail. Nous avons fait des démarches auprès de
l'Opposition, nous n'avons pas reçu la réponse que nous
souhaitions obtenir. Par ailleurs, les membres de l'Opposition ont reçu
de notre part toutes les réponses qu'ils souhaitaient obtenir. Nous
n'avons jamais empêché qui que ce soit, qui était le choix
de l'Opposition, d'assumer une fonction de président ou de
vice-président.
Dans ce contexte-là, M. le Président, la chose est trop
délicate et trop sérieuse pour que nous ne fassions pas une
analyse très serrée des implications de cette sélection de
présidence étant donné qu'il y aura éventuellement
une motion pour que le projet de loi 42 soit analysé en détails
à la commission de l'économie et du travail.
Je reviens sur l'interpellation qui a eu lieu en l'absence d'un
président de commission les 18 et 25 octobre et, dans ce
contexte-là, même si nous n'en sommes pas à la motion du
leader du gouvernement pour aller en commission parlementaire pour l'analyse
détaillée du projet de loi 42, on comprend dès aujourd'hui
que c'est un problème qui surviendra d'ici à quelques jours, que
si la commission se réunit cet après-midi et qu'il y a blocage,
je vous dis très simplement que c'est l'Assemblée nationale qui
se trouve bloquée dans son fonctionnement. Je ne pense pas que ce soit
le sens de la réforme parlementaire que nous avons adoptée.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition,
une dernière intervention.
M. Gratton: Très brièvement, M. le
Président. Justement, dans le cadre de la réforme parlementaire,
on conviendra tous, sans doute, que ce qu'on a voulu faire en inscrivant cette
nécessité d'obtenir la majorité des deux partis pour
l'élection d'un président, c'est souligner l'importance que
revêt le poste de président de commission et le caractère
de compétence et d'objectivité que la personne qui remplit le
poste doit avoir. Si on avait voulu faire en sorte que le gouvernement puisse
tout simplement nommer ses présidents de commission, comme il le faisait
dans le passé en ce qui a trait à la banque des présidents
de séance, on n'aurait jamais insisté pour qu'il y ait double
majorité au sein de la commission. S'il y a double majorité,
c'est certainement parce qu'on s'attendait que le gouvernement, qui,
en l'occurrence, propose un candidat, voie, à l'occasion,
l'Opposition - cela pourrait être le cas, à l'inverse, dans le cas
des commissions dont le président émane de l'Opposition - refuser
une candidature ou une nomination qu'il propose.
Il ne s'agit pas de parler de blocage et de remettre en cause l'esprit
de la réforme parlementaire. Il s'agit, dans le cas qui nous occupe, de
constater une espèce d'entêtement de la part du gouvernement. On
indique clairement pourquoi, d'abord, la double majorité. Vous en
conviendrez, c'est pour s'assurer de la qualité de la personne qui
remplit le poste de président. On indique dès maintenant que,
pour notre part, plus d'une demi-douzaine des membres actuels de la commission
de l'économie et du travail nous seraient acceptables. Si le
gouvernement continue à s'entêter à nous proposer la
même personne, le seul député qu'on nous a proposé
jusqu'à maintenant, il y aura blocage, mais pas de la part de
l'Assemblée nationale, pas de la part de la commission, uniquement
blocage du côté du gouvernement.
Le Président: Je vais prendre le tout en
délibéré. J'ai l'impression que le débat a
dévié de ce qui était une demande de directive, à
savoir si, oui ou non, une commission peut siéger lorsqu'il n'y a pas de
président, c'est-à-dire lorsque la charge est vacante, vers un
autre type d'argumentation qui est davantage d'ordinaire le genre
d'argumentation qui se déroule derrière et non pas devant le
trône, dirait-on, à savoir qui est acceptable aux deux groupes
parlementaires.
Pour ce qui est de ce dernier aspect, parce que cela n'entre pas comme
tel dans la directive, il doit être très clair et bien compris -
c'est le sens même de la réforme - que toute la dynamique de la
réforme oblige les deux groupes et, le cas échéant, les
trois groupes parlementaires, s'il y en a trois, à s'entendre. Toute la
dynamique pousse à cela, s'entendre sur les mandats que se donne la
commission, s'entendre aussi sur le choix du président et sur le choix
du vice-président. Jamais la rédaction du règlement -
d'ailleurs, si on lit le règlement comme il faut, on verra bien qu'il ne
dit pas cela - n'a été conçue pour dire: II y a tant de
présidents d'un côté et tant de présidents de
l'autre; je nomme les miens, tu nommes les tiens et on n'en parle plus.
Peut-être que, dans les faits, il y a eu des négociations comme
celles-là dans le passé, mais ce qui est certain, c'est que ce
n'est pas du tout, pas plus que lors de l'élection du président
de l'Assemblée nationale, la dynamique qui est censée jouer. La
dynamique qui est censé jouer, c'est que tout le monde est d'accord pour
qu'une personne nommée dirige les travaux de la commission et non pas
pour qu'un côté désigne et que l'autre accepte sans mot
dire.
Il faut donc que ce président, tout comme c'est le cas pour
l'Assemblée - bien que ce ne soit pas une règle écrite de
l'Assemblée, mais un usage - jouisse de la confiance des deux
côtés siégeant en commission parlementaire et non pas qu'il
soit imposé par un côté et que l'autre se contente soit
d'une réaction passive ou que, de toute façon, son refus ne joue
pas. Voilà pour ce qui est de la déviation du débat.
Pour ce qui est du fond de la question qui a été
soulevée lors de la demande de directive, je prends la chose en
délibéré, espérant vous rendre une décision
demain en tenant compte, par contre, que si la commission de l'économie
et du travail doit siéger et que je dois présider, je ne peux pas
à la fois faire les deux. Je veux bien présider la réunion
de la commission de l'économie et du travail qu'on m'annonce. Tout le
temps que je vais devoir la présider, c'est autant de temps que je ne
vais pas consacrer à me pencher sur le problème épineux
que vous m'avez laissé.
M. Fortier: M. le Président.
Le Président: M. le député d'Outremont. (16
h 10)
M. Fortier: Dois-je conclure, par votre décision de
prendre en délibéré la question qui a été
posée, que, jusqu'à ce que vous statuiez sur la question, la
commission ne peut se réunir, donc qu'elle ne se réunit pas cet
après-midi? D'autre part, comme vous l'avez indiqué, c'est une
demande de directive, j'ai été un peu surpris par ce qu'a dit le
leader du gouvernement à savoir qu'une proposition venant du
gouvernement... je croyais que même les députés de ce
côté-ci de la Chambre avaient le droit de proposer ou de mettre en
nomination une personne qui serait du côté ministériel. Il
est tout à fait faux à l'intérieur de la nouvelle
réforme parlementaire de parler nécessairement d'une proposition
qui viendrait du côté ministériel, alors que nous, du
côté de l'Opposition, nous avons quelques propositions à
faire espérant que ceux qui seraient mis en nomination accepteraient
d'être mis en nomination et d'accepter la nomination
éventuellement.
Je crois que c'est fausser le débat de ne parler que d'une
proposition qui pourrait être faite, lorsque la commission de
l'économie et du travail se réunira, et que les membres de la
commission statueront en dernière analyse.
Le Président: En effet, quant au deuxième aspect de
la question, tout membre d'une commission peut proposer tout autre membre de la
commission pour présider les
travaux de la commission, pourvu que l'on respecte la règle qui
veut que dans certains cas ce sont des présidents qui émanent de
la majorité et que dans d'autres cas ce sont des présidents qui
émanent de la minorité et inversement pour les
vice-présidents. Cela étant, c'est la commission qui choisit son
président et son vice-président et non pas les tractations de
coulisses.
Pour ce qui est de siéger, la commission peut tout à fait
siéger dans le but de se choisir un président. Ce que j'ai dit le
1er novembre demeure tout entier. On me demande quelles conséquences
cela aurait sur le renvoi en commission parlementaire du projet de loi 42, ce
qui n'est pas encore fait: c'est cela que j'ai pris en
délibéré. Il est bien évident que la commission
peut siéger et que, si elle siège, c'est pour se choisir un
président, aujourd'hui.
M. Fortier: D'accord.
Le Président: Pour revenir aux avis touchant les travaux
des commissions, parce qu'on en était toujours là. À la
salle du Conseil législatif, il y a une séance de travail de la
commission de l'éducation vers 21 h 30 ce soir. Demain à 10
heures, à la salle 80, la commission de la culture tiendra une
séance de travail.
Projet de loi 42
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, pas
d'intervention. Ce qui nous mène aux affaires du jour et à la
reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 42, Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles. La parole est au
député de Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: C'est avec plaisir que j'interviens aujourd'hui dans
ce débat de deuxième lecture sur la loi 42, Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles. Il s'agit ici d'une brique de 556
articles. Tel que j'ai pu concevoir le débat jusqu'à maintenant,
je crois que le ministre lui-même y perd son latin. Cependant, les
collègues de ce côté-ci de la Chambre, soit la grande
majorité des députés libéraux sont intervenus dans
ce débat. Ils ont su qualifier ce projet de loi avec beaucoup de
justesse.
J'aimerais, à ce moment-ci, si vous me le permettez, rendre un
hommage particulier au porte-parole de l'Opposition en matière de
santé et de sécurité du travail - il s'agit, en
l'occurrence, du député de Viau - qui a su, avec beaucoup
d'habileté, beaucoup de compréhension de la Loi sur la
santé et de la sécurité du travail, a su avec beaucoup
d'éclat juger ce projet de loi au nom de tous les intervenants, au nom
de tout le monde économique, des travailleurs aussi bien que des
employeurs.
Il faut constater qu'il y a une division profonde sur ce projet de loi.
La majorité des intervenants - et je dois parler de ce
côté-ci de la Chambre puisque le gouvernement a été
très muet sur ce projet de loi - qui sont les membres de l'Opposition
ont soulevé une multitude d'inquiétudes face à ce projet
de loi. Il est évident que la division est tellement profonde que
personne ne s'entend sur l'opportunité d'adopter maintenant en
deuxième lecture le projet de loi 42. Les employeurs, évidemment,
en sont les plus pénalisés. Nous avons reçu de nombreux
télégrammes, de nombreuses lettres de la part des PME, des
agriculteurs, de l'industrie en général, des petits employeurs.
Personne n'est heureux et nous avons demandé, par une motion de report,
de retarder de deux ou trois semaines l'étude en commission
parlementaire de ce projet de loi, afin que tous les intervenants puissent
s'entendre sur cette mesure que nous amène le ministre du Travail.
M. le Président, on doit soulever beaucoup de questions
concernant ce projet de loi. J'ai indiqué tout à l'heure que les
premiers pénalisés seront sans doute les petites et les moyennes
entreprises du Québec, les agriculteurs aussi et,
particulièrement, tous les petits employeurs et entrepreneurs. Bien
sûr, cela touche aussi tous les ministères, toute la fonction
publique, mais c'est perçu beaucoup plus par les petites et les moyennes
entreprises.
Entre autres, il faut dire que les compagnies de transport ont
été aussi la cible du ministre. En vérifiant les
données, on s'aperçoit qu'en 1985, les compagnies de transport du
Québec auront à assumer une charge additionnelle de 42%.
Pourtant, c'est un domaine très concurrentiel. Il faut connaître
un peu le transport, le transport des biens et services, pour savoir que la
concurrence est très forte dans les provinces voisines et
également aux États-Unis. Il est très important que nos
compagnies de transport, ici au Québec, continuent d'avoir une position
équitable et bien équilibrée à cause de ses
concurrents voisins.
M. le Président, du côté des péquistes, le
peu de porte-parole que nous avons entendus en cette Chambre - pourtant, ils
disent eux-mêmes que ce projet de loi est fondamental - ont
encensé le gouvernement pour avoir déposé ce projet de
loi. Un de leurs principaux arguments était celui qu'on vient de
diminuer de 0,17 $ les 100 $ de salaire la base qui peut être
cotisée. Il est tout à fait erronné de prétendre
que les employeurs du Québec auront une charge
diminuée de l'ordre de 0,17 $ les 100 $ de paie, puisque la base,
le maximum qui peut être cotisé, est passée de 29 000 $
à 33 000 $. Nous pourrions, à ce moment-ci, faire un
parallèle entre ce qu'ont voulu souligner les membres du Parti
québécois et ce que pourraient être les taxes municipales.
Les taxes municipales ont deux valeurs. Il y le taux d'imposition et
l'évaluation. C'est facile de dire qu'on a abaissé les taux alors
qu'on a augmenté l'évaluation. C'est exactement ce qui se passe
dans le projet de loi 42. Le gouvernement, pour lancer de la poudre aux yeux, a
abaissé de 0,17 $ les 100 $ la base de cotisation, mais il augmente le
maximum qui peut être cotisé en passant de 29 000 $ à 33
000 $. Comme résultat net, c'est encore une charge additionnelle pour
les employeurs du Québec, pour les PME, pour les agriculteurs et pour
tous ceux qui emploient des gens ici au Québec.
On a pu s'apercevoir que, dans toutes les interventions du
côté gouvernemental, il y a eu un manque évident
d'objectivité dans ce projet de loi, puisque personne n'a voulu parler
ou n'a osé parler de ses nombreuses lacunes. Pourtant, les
libéraux ont bien reconnu l'importance de ce projet de loi. Ils ont fait
état de nombreuses lacunes au ministre. Nous sommes d'accord qu'il
faille bonifier ce projet de loi, ce qui existe actuellement, mais il y aurait
matière à ce que le ministre refasse ses devoirs.
À ma grande surprise, l'absentéisme du côté
péquiste dans le sens de discuter ici en cette Chambre de ce projet de
loi fut très évident. Très peu ont pris la parole, comme
je l'indiquais tout à l'heure. Pourtant, quelques-uns ont dit que
c'était un projet de loi fondamental, tellement fondamental qu'il
coûte près de 1 000 000 000 $... enfin, l'administration et les
montants payés aux employés blessés ou à ceux qui
ont des maladies professionnelles s'évaluent à tout près
de 1 000 000 000 $. Si le projet de loi est fondamental - et je le reconnais
-pourquoi les membres du parti ministériel n'ont-ils pas pris la parole,
l'un après l'autre? C'est surprenant, M. le Président, de le
constater et je me demande jusqu'à quel point les membres du parti
ministériel reconnaissent l'importance de ce projet de loi puisqu'ils
ont été totalement muets.
(16 h 20)
Ils sont aussi muets sur ce projet de loi qu'ils le sont sur leur option
souverainiste ou leur option indépendantiste. Je pense qu'on a devant
nous de nouveaux fédéralistes, de nouveaux antisouverainistes ou
de nouveaux anti-indépendantistes. Ils sont muets sur leur option. Ils
la mettent de côté. Ils ont fait exactement la même chose
pour le projet de loi du ministre du Travail. Je pense qu'il serait
agréable d'entendre les membres du gouvernement au moins sur ce projet
de loi qui est aussi fondamental. Qu'ils apportent des solutions au ministre.
Je pense qu'il en a grand besoin puisque son projet de loi ne reçoit pas
l'approbation de la majorité des intervenants au Québec.
M. le Président, j'indiquais tout à l'heure qu'on parle
ici d'une dépense, en partie, des fonds publics et d'une dépense
de fonds qui proviennent des employeurs de tout près de 1 000 000 000 $.
Cela touche tous les Québécois. Cela ne touche pas seulement une
partie des Québécois, mais cela touche tous les travailleurs
québécois. Des critiques sévères nous furent
formulées à l'endroit de ce projet de loi. D'ailleurs, le monde
syndical a fait valoir ses positions. Un nombre multiple de griefs nous furent
formulés. Le monde patronal en a fait évidemment autant et avec
justesse. Tous sont insatisfaits et mécontents du projet de loi. Pour me
répéter, cette brique de 556 articles, qui décrit les
objectifs de la Commission de la santé et de la sécurité
du travail, ne reçoit pas l'approbation de la très grande
majorité des Québécois. Je pense que pour un projet de loi
d'une telle importance, cela prend absolument un consensus. Dans un secteur
aussi vital et aussi fondamental, il est nécessaire d'avoir un
consensus. Je regrette que jusqu'à ce moment-ci, le ministre s'obstine
à indiquer que sa loi est bonne, qu'elle est complète et qu'elle
correspond aux demandes du monde patronal, syndical et ouvrier. C'est
surprenant de voir l'arrogance du ministre dans l'examen de ce projet de
loi.
Il y a un sujet particulier dont j'aimerais traiter durant les quelques
minutes qui me sont dévolues. Il s'agit d'un sujet que je
considère extrêmement important, soit l'absentéisme au
travail. J'ai pu constater que le ministre et les députés du
côté ministériel n'ont pas osé traiter de ce sujet.
Je parle toujours de l'absentéiste volontaire, l'absentéiste
étudié, rémunéré à 90% du traitement
régulier. Je trouve regrettable que l'absentéisme, cette plaie
sociale qui coûte aux Québécois immensément cher,
n'ait pas été traitée par le ministre responsable de
l'application de cette loi. Tous sont restés muets,
particulièrement à ce niveau. On laisse proliférer les cas
d'absentéisme. Les gens d'en face préfèrent sans doute
être muets. Ils préfèrent le laisser aller, c'est
évident, mais l'absence de politique particulière au niveau de
l'absentéisme coûte énormément cher aux petites
entreprises du Québec, en particulier. Elle coûte cher à la
société, en général, mais elle coûte
particulièrement cher à la petite entreprise. Du
côté ministériel, le gouvernement laisse beaucoup... Je
peux dire "beaucoup", parce qu'il y a des milliers de travailleurs qui
profitent du système. L'absentéisme est une plaie sociale et je
pense que le ministre devrait s'attaquer à ce problème et
nous
présenter des mesures particulières pour en contrer les
effets.
Vous me direz que ce n'est pas un sujet très populaire à
discuter, puisqu'il n'est pas facile de quantifier le nombre d'employés
qui profitent du système. Il n'est pas très facile non plus de
définir les raisons précises qui amènent certains
employés à se servir du système pour partir en vacances
payées. Mais il reste une chose, c'est que cette plaie dure avec la
complicité du gouvernement et du ministre.
Il est certain qu'il n'y a pas de solution facile à ce sujet mais
il est évident que le silence et le laisser-aller sont les solutions
faciles que le ministre a trouvées pour résoudre ce
problème très particulier et très important.
Comme moi, les Québécois constatent la peur du
gouvernement à attaquer de front, avec courage, ce problème.
J'espère que le ministre en m'écoutant - je le remercie
d'être ici - pourra, dans sa réplique, nous indiquer qu'il a
formellement l'intention de s'attaquer particulièrement à ce
problème vital. L'abus du système est sans doute constaté
par la commission. Je suis certain qu'elle est au courant, que c'est bien connu
de sa part. C'est certainement bien connu du ministre également. C'est
connu des employeurs du Québec. C'est connu dans toutes les
sphères d'activité. On peut le constater d'une façon un
peu plus précise dans le secteur des affaires sociales. Quoique cela
existe dans tous les secteurs d'activité, il est évident et
apparent que l'absentéisme est un peu plus répandu dans le monde
des affaires sociales.
Peut-être que je m'attaque à un sujet tabou, assez
difficile à aborder et politiquement non rentable. Peut-être. Mais
le manque de courage, le manque de colonne vertébrale du gouvernement
m'amène à discuter de ce problème particulier. Si j'ai
demandé à prendre la parole sur ce projet de loi, c'était
pour m'attaquer particulièrement à cette difficulté qui
existe dans le monde ouvrier québécois. C'est une
difficulté qui est apparente, qui est évidente, qui existe. Il
faut la contrer. Il faut aussi contrer les effets de l'absentéisme. Cela
revient précisément au ministre du Travail de le faire. Je lui
demande, avec beaucoup d'insistance, d'apporter des solutions concrètes
à ce véritable problème.
Nous avons tous eu l'occasion d'écouter le discours d'ouverture
que nous a livré le premier ministre du Québec en cette Chambre,
il y a quelques semaines. Nous avons tous entendu les énoncés de
principe qu'il formulait. Nous avons entendu les mêmes propos pour la
septième fois, en cette Chambre, il n'y a pas longtemps. Ce sont des
énoncés indiquant qu'il faut créer des nouvelles "jobs" au
Québec. Il faut redonner une certaine vigueur à l'entreprise
privée pour créer ces emplois dont on a tant besoin. Il faut
être sympathiques aux agents économiques. Il faut avoir une
volonté d'alléger le fardeau des taxes qui pèsent sur les
entrepreneurs et sur toutes les entreprises du Québec. Il faut
alléger leurs charges fiscales. Il faut les rendre compétitifs
sur les marchés internationaux, interprovinciaux. Il faut les aider
à devenir plus concurrentiels. Ce sont des propos qu'on a entendus de la
part du premier ministre, il n'y a pas longtemps.
Mais si ces propos avaient un certain sens - je suis bien d'accord pour
qu'on prenne les mesures pour aider nos entreprises, pour alléger leur
fardeau fiscal -et si ce n'était pas seulement de la poudre aux yeux, le
premier ministre et le ministre du Travail auraient annoncé des mesures
concrètes pour freiner la prolifération de l'absentéisme
au travail. J'espère que le ministre répondra aux aspirations des
employeurs du Québec. (16 h 30)
M. le Président, je disais que ce projet de loi n'a pas
suscité de consensus parmi les intervenants, que ce soit au niveau des
syndicats, du patronat ou de l'entreprise privée. Ce projet de loi est
précipité et confus. Il est rejeté par presque tous les
intervenants au Québec. Il cause effectivement d'innombrables
préjudices à l'endroit des créateurs d'emplois. Il est
totalement contraire aux énoncés du discours d'ouverture. Il
impose des déboursés additionnels aux entreprises, aux PME, aux
agriculteurs, aux petits commerçants. Je regrette, encore une fois,
qu'on fasse retomber sur les épaules des petites entreprises le fardeau
d'une charge additionnelle en matière de santé et de
sécurité du travail.
Entre autres - et je terminerai là-dessus - les quatorze premiers
jours de salaire d'un employé blessé ou en congé de
maladie sont payés par l'employeur, clause qui n'existait pas
auparavant. Il s'agit d'une charge additionnelle pour les petites entreprises
que je dénonce formellement et je demande au ministre de corriger cette
situation.
En terminant, j'aimerais indiquer qu'à cause des nombreux abus
auxquels ce projet de loi donne lieu et de la négligence du gouvernement
à régler des problèmes évidents dans
l'administration de cette loi, je vais voter contre.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Portneuf et whip de l'Opposition.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir, aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi 42, de prendre la parole
à titre
de dernier intervenant de notre groupe politique. Il s'agit d'un projet
de loi qui constitue une réforme très importante en ce qu'il
contient des changements significatifs dans les modes de compensation des
accidents du travail et des maladies professionnelles. C'est ce qui explique
pourquoi près de 30 députés libéraux sur 48 ici
à l'Assemblée nationale - bientôt 49 -sont intervenus dans
le cadre de ce débat. Ils sont intervenus pour sensibiliser le
gouvernement à différents aspects du projet de loi, pour inviter
le ministre du Travail à réfléchir, entre la
deuxième lecture et l'étude du projet de loi article par article,
afin d'y apporter les correctifs jugés nécessaires de part et
d'autre. On sait que quelques députés péquistes,
même s'ils n'ont pas été nombreux à se faire
entendre, ont soulevé, eux aussi, certaines inquiétudes. C'est ce
pourquoi, d'ailleurs, on présentait, la semaine dernière et plus
particulièrement jeudi, une motion de report de l'étude de ce
projet de loi. On demandait alors au ministre de profiter d'un délai de
deux semaines afin de pousser plus avant ses échanges et ses
réflexions avec les parties concernées qui ont eu l'occasion de
se faire entendre publiquement, privément ou autrement auprès du
ministre du Travail, afin aussi de tenir compte des amendements et des
requêtes formulés qui nous apparaissent tout à fait
légitimes dans les circonstances.
Essentiellement et brièvement, si on veut se
référer au contenu du projet de loi, celui-ci vient
prévoir principalement de nouveaux types d'indemnités,
c'est-à-dire qu'à compter de son adoption et par la suite, le
travailleur accidenté aura droit à une indemnité de
remplacement du revenu, dans le cas d'une incapacité totale ou
partielle, qui lui permettra de recevoir un montant pour une période
pouvant aller jusqu'à deux ou trois ans avec, après un tel
délai, une évaluation et, s'il y a lieu, une diminution dudit
montant - si ce travailleur peut occuper un autre travail qui lui convient
-sous forme d'une rente qui pourra aller jusqu'à l'âge de 68 ans
et qui prendra fin à ce moment-là.
Le deuxième type d'indemnités de revenu s'appuie sur les
indemnités pour dommages corporels. On sait que jusqu'à
maintenant - et cela a fait l'objet d'inquiétudes formulées par
les milieux syndicaux notamment, et c'était tout à fait
légitime qu'ils formulent leurs inquiétudes auprès du
gouvernement - le projet de loi prévoit qu'en ce qui concerne le
travailleur qui avait droit à une rente, cette rente sera convertie en
un montant en capital qui s'établira à partir de l'âge de
l'accidenté et du pourcentage d'incapacité. C'est donc dire que
si l'homme ou la dame qui nous écoute actuellement, qui a
malheureusement vécu un accident du travail il y a quelques
années et qui reçoit sa rente, avait à subir le même
accident au lendemain de l'adoption du projet de loi 42, cette personne verrait
sa rente capitalisée en un seul montant qui lui serait versé.
Le troisième type d'indemnité qui est prévu - et
c'est de droit nouveau, il faut en convenir - c'est l'indemnité pour les
personnes à charge. C'est donc dire que le chef de famille qui
décède à la suite d'un accident du travail verra sa veuve
et ses enfants recevoir non pas une rente annuelle qui, dans le droit tel qu'il
existe actuellement, lui permettait de recevoir un montant de 90% du revenu net
produit et gagné par son mari, son conjoint, ce que cette veuve aura
à l'avenir, c'est un montant en capital qui pourra aller jusqu'à
trois fois le revenu gagné par son mari avec un minimum de 50 000 $,
auquel s'ajoutent des indemnités pour les enfants à charge ou les
enfants aux études variant de 6000 $ à 9000 $ et couvrant aussi
les frais funéraires.
Il y a les aspects de droit nouveau, en plus des indemnités, qui
sont assez intéressants dans ce projet de loi. La notion du
médecin en charge ou le médecin traitant. On sait que les
travailleurs, depuis bien longtemps, par leurs associations respectives,
syndicales ou autres, font des représentations pour que le
médecin traitant, le médecin de famille, celui qui est en contact
avec l'accidenté, ait davantage d'autorité, en termes
décisionnels, dans l'établissement du taux d'incapacité
pour un tel accidenté.
Cet aspect du projet de loi vient bonifier la situation actuelle et nous
en sommes fort heureux, avec l'ajout cependant évidemment que le
gouvernement, le ministre du Travail a pris ses réserves - que
l'établissement du taux d'incapacité établi par le
médecin de famille ou le médecin traitant ou le médecin en
charge pourra être contesté tant par l'employeur que par la
Commission de la santé et de la sécurité du travail du
Québec devant un comité d'arbitrage médical.
Il est intéressant de constater aussi dans ce projet de loi 42
que le ministre du Travail crée une commission d'appel en matière
d'accidents du travail et cela répond à un voeu que l'Opposition
a formulé depuis un bon bout de temps, c'est-à-dire d'enlever les
bureaux de révision et le recours devant la Commission d'appel des
affaires sociales.
Il y a, par contre, la révision administrative qui sera
maintenant permise. Permettez-nous, M. le ministre, de vous indiquer qu'on peut
toujours douter des décisions rendues par un organisme qui est
contesté dans la décision qu'il a lui-même rendue.
Il y a le droit à la réadaptation qui est consacré
dans le projet de loi, avec une disposition prévoyant qu'à
l'avenir, au
lendemain de l'adoption de ce projet de loi, la CSST aura à
préparer un plan individualisé de réadaptation sociale
pour le travailleur, avec plusieurs autres formes d'aide possible. C'est
très beau, c'est très bien, on est d'accord, on est heureux.
Bravo! on est satisfait, mais encore faudra-t-il savoir comment la Commission
de la santé et de la sécurité du travail du Québec
à qui, soit dit en passant, en termes de performance de
réadaptation, il n'y a pas de quoi lui décerner de diplôme
actuellement, sera capable et en mesure d'établir un plan
individualisé pour chacun des travailleurs accidentés.
Permettez-moi d'en douter.
C'est là le principal du contenu du projet de loi 42. J'ai eu
l'occasion, comme député ici à l'Assemblée
nationale, depuis onze ans déjà, de suivre de très
près l'évolution des lois tant pour la Commission des accidents
du travail que la loi de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail du Québec en 1978 ou 1979 et tout le
débat sur le livre blanc sur la santé et la
sécurité du travail qui avait été enclenché
par le ministre Marois, en 1977.
Permettez-moi de vous faire part, M. le Président, et je veux
évidemment, en vous parlant, m'adresser au ministre du Travail, des
inquiétudes que je ressens face à un tel projet de loi:
Premièrement, malgré la loi 17, malgré un budget
ajouté, additionnel, à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, malgré toute une réforme de
structures tant au niveau du conseil d'administration avec la parité
qu'au niveau des régions, des entreprises, des comités de
santé et de sécurité et des associations sectorielles,
malgré tous ces efforts qui ont été
déployés, on doit constater aujourd'hui, en 1984, que le nombre
de demandes d'indemnisation à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail ne fait que continuer d'augmenter. En 1979,
malgré la loi 17, malgré les millions de dollars injectés
dans le cadre de l'application de cette loi, 326 000 demandes de prestations,
entraient à la commission; en 1980, c'étaient 345 000; en 1981,
355 000. La loi 17 aura été une réforme de structures qui
aura passé à côté des objectifs que s'était
établis le législateur, objectifs que tout le monde avait
dégagés. Tout le monde était unanime à le dire en
commission parlementaire lorsqu'on avait entendu 60 ou 65 groupes: plus grand
nombre d'accidents, budget de 1 000 000 000 $ ou presque à la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. C'est de
l'argent, M. le Président. Ce sont des sommes faramineuses. Le moins
qu'on puisse dire, c'est qu'on était en droit de s'attendre qu'avec la
loi 17, avec toutes les mesures qui devaient en découler, avec le
leadership annoncé à ce moment-là par l'administration de
la CSST, particulièrement par son président, nous sommes en droit
d'exiger des comptes aujourd'hui et d'exprimer nos inquiétudes en regard
de l'application éventuelle de cette loi, compte tenu de la
contre-performance dans le cadre de son application et des résultats
éloquents qui sont là et qui parlent par eux-mêmes
aujourd'hui. (16 h 40)
La deuxième inquiétude que j'ai, c'est que le gouvernement
et le ministre du Travail auraient dû profiter d'un projet de loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles pour exprimer une
véritable volonté d'intervenir, d'éliminer, de diminuer
tout au moins les accidents du travail au Québec, entre autres dans les
secteurs prioritaires, dans des secteurs spécifiques. Je croyais que
l'étude de ce projet de loi nous aurait donné la garantie qu'on
aurait véritablement fouillé comme gouvernement, comme
commission, les véritables causes de ces milliers d'accidents du travail
au Québec. On parle de près de 355 000 accidents du travail en
1981. Combien en 1983? Combien, encore, en 1984? Je donne quelques exemples
seulement parce que le temps fuit.
Dans le secteur forestier, on a un nombre appréciable d'accidents
coûteux en capital humain et, évidemment, en capital financier.
C'est un secteur qui devrait être jugé prioritaire. Pourquoi le
gouvernement n'a-t-il pas profité de l'étude de ce projet de loi
pour qu'on débatte ensemble la fameuse question de l'impact du travail
à forfait sur le nombre d'accidents du travail au Québec dans le
secteur forestier? On n'a pas voulu aborder cette question.
Dans le secteur de la construction, là aussi on a encore un
nombre élevé de demandes d'indemnisation à la suite
d'accidents. Le juge Sauvé nous répondait en commission
parlementaire: Vous savez, M. le député, le nombre de demandes
d'indemnisation demeure stable ou presque dans le secteur de la construction.
C'est vrai, mais ce que les gens ne savent pas, c'est qu'en 1978, il y avait
123 000 travailleurs qui travaillaient dans le domaine de la construction au
Québec. Aujourd'hui, il y en a seulement 78 000, parce que plusieurs ont
été éliminés de ce secteur. Que le nombre de
demandes d'indemnisation dans le secteur de la construction demeure constant
alors que la clientèle est réduite de presque 45%, il y a de quoi
s'inquiéter. Je pourrais parler longuement de cas tragiques d'accidents
du travail dans le domaine de la construction qu'on a vécus encore tout
récemment.
La loi 17 a créé des espoirs qui ont été
entretenus par la Commission de la santé et de la sécurité
du travail dans sa réforme de structures et, aujourd'hui,
malheureusement, on doit constater une contre-performance à cet
égard.
La troisième inquiétude, c'est que le
gouvernement s'apprête, par le projet de loi 42, s'il est
adopté par la majorité, s'il n'est pas modifié, à
couper dans des droits acquis par les travailleurs et les travailleuses du
Québec en regard de leur sécurité du revenu. Je
m'explique. Prenons le cas du chef de famille qui gagne 18 000 $ par
année actuellement, qui décède lors d'un accident du
travail, qui a deux enfants. Selon le régime actuel de la loi, la veuve
de cet accidenté pourra recevoir 90% du revenu net de son conjoint sa
vie durant. Cela lui permettra finalement d'élever ses enfants
convenablement, d'avoir une sécurité de revenu bien à
elle. Si la même situation se produit au lendemain du 1er janvier, parce
que c'est probablement à cette date que la loi s'appliquera, la jeune
dame, placée dans les mêmes circonstances, verra sa
sécurité du revenu véritablement agressée par la
loi actuelle. La loi prévoit que cette dame pourra recevoir un montant
en capital pouvant aller jusqu'à trois fois le revenu de son mari, avec
un minimum de 50 000 $.
La petite madame, qu'on a chacun dans son comté, aura à
souffrir du décès de son mari; elle aura non seulement le
traumatisme de vivre comme famille monoparentale et de prendre la charge du
chef de famille, d'élever les enfants et de les amener jusqu'à la
majorité, jusqu'à maturité, mais elle aura à vivre
dans une période d'insécurité de revenu. Cela est grave.
C'est 54 000 $ de capital qu'on donnera à cette dame, ou à peu
près, plus 9000 $ pour chacun des enfants. Cela veut dire quoi? Cela
veut dire 72 000 $ de capital. Voilà madame, voilà votre
chèque, bonjour et bonne chancel Cela veut dire, à 9%, un revenu
annuel d'environ 7000 $. Cela veut dire que dans un délai de quelques
années après le décès du conjoint, parce qu'elle
devra puiser dans le capital pour être capable de vivre, pour être
capable d'élever les enfants, cette famille devra aller cogner à
la porte de l'aide sociale pour vivre. On pourrait donner une foule d'exemples
comme celui-là où le gouvernement du Parti
québécois et le ministre du Travail, par une telle mesure,
s'attaquent à des droits acquis, en termes de sécurité du
revenu, aux travailleurs et aux travailleuses du Québec. Cela n'est pas
pardonnable, c'est inexplicable, c'est injustifié. On ne peut pas
s'abstenir de le dénoncer et de le porter à l'attention des
membres de cette Chambre, à l'attention du ministre et à
l'attention de la population en général.
Cette mesure aura pour effet qu'on se retrouvera dans une situation un
peu analogue à celle de l'assurance automobile du Québec, la
régie qui paie vite, c'est vrai, mais qui serait peut-être mieux
de payer moins vite et de payer plus longtemps. J'ai vu un cas dans mon
comté, 18 ans, 54% d'incapacité, donc incapacité
pratiquement totale, continuelle, permanente, un beau chèque, 12 000 $.
Cela voulait dire quoi? Cela voulait dire que dans quelques années, un
an, deux ans, trois ans maximum, cette personne vivra de l'aide sociale, aux
crochets de l'ensemble de la société, ce qu'elle n'a pas voulu,
ce qu'elle n'a pas souhaité alors que même dans l'ancien
régime - je fais digression - elle aurait pu aller chercher 35 000 $ du
Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile.
Quatrième inquiétude: le ministre veut plaire à
tout le monde. Au patronat, il coupe les rentes. Vous aurez constaté que
le Conseil du patronat ne s'en est pas plaint, évidemment. Aux
travailleurs, il établit la notion de médecin en charge, le
recours à un organisme indépendant de la commission. Quelques
petits gâteaux comme l'article 157 de la loi qui prévoit que le
travailleur qui est incapable, en raison de sa lésion professionnelle,
d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile aura droit
jusqu'à 1500 $ par année. Je présume que le
président de l'Assemblée nationale doit être en train de
réfléchir à la possibilité d'augmenter les
allocations des députés pour leur donner 1500 $ par année,
parce que je ne connais pas beaucoup de députés ici qui ont le
temps de tondre leur gazon, de s'occuper de leur toit et de peinturer leurs
fenêtres, ou encore lorsqu'ils le font, comme cela a été le
cas pour le ministre, ils réussissent à se faire mal.
Article 170, une autre perle. La commission peut octroyer une subvention
au travailleur victime d'une lésion professionnelle qui élabore
un projet visant à créer et gérer une entreprise qui
constitue pour lui un emploi convenable. Cela veut dire quoi? Cela veut dire
que la personne qui aurait un accident du travail, au lendemain de l'adoption
de cette loi, pourra aller cogner à la porte de la CSST et dire:
Écoutez, je projette de créer, de former tel plan ou tel projet,
un peu comme les projets d'emplois temporaires, et j'aurais besoin d'une
assistance financière. La Commission de la santé et de la
sécurité du travail, cela prend tout son petit change pour
administrer comme du monde les lois qu'elle a à administrer, ne faites
pas en sorte de lui donner des responsabilités additionnelles et surtout
pas au chapitre de la création d'emplois. Cela devrait coûter pas
mal cher pour chaque emploi créé, M. le Président.
Une cinquième inquiétude. Il n'y a aucune disposition pour
réglementer les cas d'abus. Mon collègue, M. le
député de Huntingdon a eu l'occasion d'y faire
référence tout à l'heure. Ce n'est pas vrai que tous les
accidentés du travail veulent ce régime d'indemnisation. Ce n'est
pas vrai que tous les accidentés du travail le sont à la suite
d'un accident volontaire, cela va de soi. Mais il y a des cas, surtout en
faisant référence à 355 000 demandes de prestations
par année... il faut convenir que, là aussi, il y a un
chiffre noir qu'on peut difficilement quantifier, mais qui est le
résultat d'abus de ce système. (16 h 50)
On pourrait parler des accidents qui arrivent avant les vacances, de
ceux qui arrivent dans le domaine de la construction à la fin d'un gros
chantier. On pourrait dire que l'interprétation donnée par les
médecins, dès le moment où il y a coupure sur un doigt,
est de cinq jours de congé automatiquement, etc.
M. le Président, je conclus en disant -mon temps fuit; il me
reste trois minutes; des arrangements ont été pris avec le
gouvernement; on était d'accord sur le temps alloué - que le
Parti libéral du Québec est contre le projet de loi 42,
premièrement, parce qu'il n'y a pas consensus: le ministre du Travail
n'a pas été capable d'obtenir un consensus. Tous les intervenants
sont contre, pour des motifs qui leur sont propres; tout le monde est contre ce
projet. Nous sommes contre le projet de loi 42 parce qu'il amoindrit et diminue
des droits acquis par les travailleurs et les travailleuses du Québec,
et risque de porter atteinte de façon gravement à la
sécurité du revenu de ces travailleuses et de ces travailleurs
et, plus particulièrement, à celle du conjoint ou des survivants
lors du décès du travailleur ou de la travailleuse.
Troisièmement, le Parti libéral du Québec et
l'Opposition sont contre le projet de loi, parce qu'on le considère trop
imprécis, entre autres en ce qui concerne les programmes de
réadaptation individuelle que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail aura à préparer pour ce
même travailleur. Nous sommes contre en raison du doublement des
juridictions, pour ne pas dire le chevauchement. On sait que le projet loi
permet à la CSST de s'occuper de recyclage et de formation de
main-d'oeuvre ainsi que de la recherche d'emplois, un bel aveu de
l'échec ou de l'incapacité du ministère de faire "sa job"
dans les centres de main-d'oeuvre du Québec. Le ministre du Travail
devrait réfléchir à cet aspect du projet de loi, parce que
c'est une motion de blâme à l'égard des organismes et des
structures gouvernementales qui ont normalement la responsabilité
d'effectuer un tel travail.
Cinquièmement, nous sommes contre, parce que le projet de loi ne
nous donne aucune garantie d'intervention dans les secteurs prioritaires comme
la foresterie, l'agriculture. En agriculture, on constate que les accidents
arrivent toujours en fin de journée. Il y a un problème et la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
devrait se pencher là-dessus.
Il n'y a aucune intervention dans le secteur prioritaire qu'est celui de
la construction, notamment. Nous sommes contre, parce qu'il n'y a aucune
volonté dans ce projet de loi d'intervenir afin de permettre aux
travailleurs accidentés de recourir aux services d'un professionnel
qu'est un chiropracticien. Mon collègue de Sauvé a eu l'occasion
d'intervenir là-dessus et nous endossons pleinement son
intervention.
Enfin nous sommes contre aussi parce que le ministre du Travail ne tient
pas compte, dans son projet de loi, d'un aspect qui fait mal à notre
société, à ses individus et à l'ensemble de la
collectivité. Vous comprendrez que je fais référence, M.
le Président, au problème de l'alcoolisme en milieu de travail et
à l'effet de l'alcoolisme sur les accidents du travail. J'ai
insisté à chacune des reprises pour que la CSST fasse quelque
chose là-dessus. Elle n'a jamais rien fait. Il aura fallu une
étude décente des dirigeants d'entreprises pour sensibiliser le
gouvernement à l'impact. Cela coûte 700 000 000 $ à la
société québécoise. Il faut que ce soit
traité. Il faut une attention particulière. Il n'y a aucune
volonté dans ce sens de la part du gouvernement, en tout cas ce n'est
pas dans le projet de loi.
Enfin, nous sommes contre parce que ce projet de loi contribuera encore
une fois à alourdir l'administration de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail. Cela coûte 1 000 000 000 $.
Cela coûte déjà trop cher. Il y a contre-performance de la
CSST, de l'argent mal investi. Réforme des structures: vous passez
à côté des objectifs. Et aujourd'hui, vous présentez
un projet de loi boiteux, qui déplaît à tout le monde, qui
agresse les travailleurs et qui vient créer une nouvelle structure. M.
le Président, ce sont là les motifs pour lesquel nous voterons
contre.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre du Travail,
vous avez vingt minutes pour votre réplique.
M. Raynald Fréchette (réplique)
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Avant de vous
soumettre mes remarques en réplique, je solliciterais le consentement
unanime de la Chambre - j'en ai d'ailleurs parlé au leader - pour
procéder au dépôt, en double copie, du rapport actuariel
préparé par la maison Blondeau et compagnie et publié en
date du 29 octobre dernier, qui concerne le projet de loi
réimprimé.
Une voix: D'accord.
Le Vice-Président (M. Jolivet): D'accord.
Dépôt.
M. Fréchette: M. le Président, à
écouter le député de Portneuf, et plus
particulièrement au moment où il soumettait ses remarques
préliminaires, j'étais fort
impatient de connaître les conclusions de son intervention, parce
qu'il a pris une bonne partie de cette intervention pour indiquer, par exemple,
que le gouvernement avait répondu à la demande des parties quant
au rôle prioritaire qui doit être accordé à celui
qu'on est convenu d'appeler le médecin traitant ou alors, le
médecin choisi ou bien par l'accidenté ou par le malade
professionnel. Le député de Portneuf nous dit: Voilà une
réponse précise à la demande formelle soumise par toutes
les parties et voilà une amélioration sensible par rapport
à l'état actuel de la loi.
Le deuxième exemple qu'il a choisi est celui de la mise sur pied
de cette commission d'appel et non seulement nous a-t-il rappelé que
tous les intervenants en commission parlementaire se sont prononcés
favorablement quant au principe de la mise sur pied d'une semblable
institution, bien que les modalités pouvaient varier d'un groupe
à l'autre, mais il a insisté - en tout cas, c'est ce que j'ai
compris - pour nous dire que le Parti libéral lui-même
réclamait depuis longtemps une semblable institution pour faire en sorte
que les accidentés du travail se retrouvent au même endroit, tout
le temps et pour tous les problèmes. Mais, M. le Président, ce
n'est pas ce que j'ai compris de la plupart des interventions de nos autres
collègues de l'Opposition. La plupart de ceux qui, avant le
député de Portneuf, sont intervenus sur le projet de loi et qui
ont discuté de cet aspect très particulier ont
réclamé avec insistance - et dans bien des cas, presque avec
véhémence - que cette partie du projet de loi soit retirée
et que l'on conserve le mécanisme actuel qui prévoit que les
appels en matière d'indemnisation soient référés
à la Commission des affaires sociales. Je vous signale à ce
chapitre que je suis un peu embarrassé quant à la position
très précise de nos amis d'en face sur la création de ce
tribunal; les uns disent non et le député de Portneuf, critique
de l'Opposition en matière du travail, nous dit: Bravo! Voilà!
C'est ce qu'on réclamait depuis longtemps.
Il nous a également dit un mot du chapitre de la
réadaptation. Encore là, il s'est réjoui du fait que
maintenant, on retrouve dans la loi les politiques de réadaptation tant
physique, professionnelle que sociale et que ces politiques sont maintenant
consacrées comme étant un droit. J'attirerai l'attention de la
Chambre sur le fait que cette décision procède également
d'une demande quasi unanime de tous les groupes qui sont venus en commission
parlementaire, qui nous ont indiqué très clairement au chapitre
de la réadaptation, deux choses très précises: d'une part,
nous devrions retrouver dans la loi la consécration du principe au droit
à la réadaptation et deuxièmement, nous devrions
également retrouver dans la loi les différents programmes de
réadaptation qui peuvent s'appliquer tant au plan professionnel, social,
que physique. C'est ce qu'on retrouve dans la loi maintenant. Nous
répondons dans ce chapitre de la loi de façon immédiate
aux demandes qui nous ont été soumises. Ce que nous avons dit en
commission parlementaire à cet égard et ce que nous
répétons maintenant, c'est qu'il est évident que ces
programmes de réadaptation se retrouvant maintenant dans la loi, le
droit à la rédaptation s'y trouvant également, il va y
avoir, d'un côté comme de l'autre, tant du côté des
travailleuses et des travailleurs accidentés que du côté
des employeurs, des gens qui vont vouloir procéder à - passez-moi
l'expression, je la mets entre guillemets - "tester" la loi. (17 heures)
On a souligné ce danger au moment de nos travaux en commission
parlementaire. Malgré le danger qu'on soulevait, malgré le fait
qu'à partir du moment où la loi sera adoptée et que ses
mécanismes deviendront la règle pour tout le monde, malgré
le fait que cela pourrait se retrouver devant les tribunaux et nous placer dans
une situation telle que les délais pour obtenir une
interprétation finale d'un article du chapitre sur la
réadaptation pourraient être longs, les parties ont insisté
pour nous dire que, malgré cette difficulté, de laquelle nous
sommes tout à fait conscients, elles insistaient pour que le droit
à la réadaptation se retrouve dans la loi et que les politiques
ou les programmes de réadaptation s'y retrouvent également. C'est
donc à la demande des groupes que l'on retrouve ces dispositions.
Je vous signalerai que l'inquiétude du député de
Portneuf quant à la façon d'appliquer un programme de
réadaptation ne peut, d'aucune espèce de façon, être
retenue et ce, pour deux motifs: d'abord, la loi précise que le
programme de réadaptation est individualisé et qu'il est
préparé en collaboration immédiate et étroite avec
ou bien l'accidenté, ou alors la personne qui est victime d'une maladie
professionnelle. À supposer que le requérant ne soit pas
satisfait du plan individualisé de réadaptation qu'on a
préparé pour lui, il aura dorénavant - ce qui n'existe pas
actuellement, soyons-en conscients - le droit de se pourvoir en appel sur la
qualité, sur le fond, sur l'essence, sur la substance de son programme
de réadaptation. C'est un droit qui n'existait pas auparavant. Non
seulement il n'existait pas, mais les programmes de réadaptation
étaient bâtis à partir d'une réglementation que la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
elle-même, avec les moyens et avec l'expertise dont elle disposait,
tentait, au meilleur de sa connaissance, d'appliquer, avec les
conséquences que l'on connaît dans certains cas. On retrouve cela
dans la loi
maintenant. Tout cela est greffé à un droit d'appel pour
le cas où le requérant, encore une fois, ne serait pas satisfait
du programme qui lui a été suggéré.
Mais là où je ne comprends absolument plus l'argumentation
du député de Portneuf, c'est lorsqu'il a commencé par
faire l'énumération des différents aspects de la loi qui
font que l'Opposition a maintenant décidé officiellement de ne
pas souscrire à l'adoption du principe. C'est aussi lorsqu'il a
entrepris de nous expliquer l'état actuel - je prends son exemple - de
la veuve d'un accidenté du travail au chapitre de l'indemnité.
Là, il a fait preuve d'une ignorance totale de la loi actuelle. Il nous
indiquait que cela fait quatorze ans qu'il surveille tout cela de près,
qu'il examine les dispositions des lois, qu'il est sensible à toute la
législation. Il nous a aussi indiqué que si la loi devait
être adoptée et mise en vigueur le 1er janvier, la veuve d'un
accidenté, peu importe son âge, qui, en vertu des dispositions de
la loi actuelle, retire, nous dit le député de Portneuf, une
rente à vie équivalant à 90% du revenu net de son mari,
cette veuve va se retrouver avec un montant forfaitaire équivalant au
minimum, au salaire de son mari, et au maximum, à trois fois ce
salaire.
Je veux être sûr d'avoir bien compris l'analyse du
député de Portneuf. Je veux être sûr que l'analyse
qu'il a faite des questions qui ne font pas leur affaire est aussi certaine que
l'exemple qu'il a utilisé dans le cas de la veuve. Dans le cas de la
veuve, nous dit-il, 90% du revenu net de son mari décédé,
et ce pour le reste de ses jours.
Ce que quelqu'un en cette Chambre devait savoir, dans l'état
actuel de la loi, c'est que la veuve de l'accidenté retire, en termes de
rente, un pourcentage de 55% du revenu net de son mari et non pas de 90%, comme
le député de Portneuf l'a indiqué... M. le
Président, c'est 55% de 90% du revenu net; ce n'est pas 55% du salaire
global du mari décédé, mais 55% de 90% du revenu net.
Voilà l'état actuel de la loi. Le député de
Portneuf nous dit: Elle va être privée de 90% du revenu net de son
mari décédé. Ce n'est pas cela l'état actuel de la
loi. Je pense qu'il est impérieux et important de relever des erreurs
aussi grossières de la part de quelqu'un qui se dit lui-même
spécialiste en cette matière.
Si l'évaluation qu'il a faite des autres aspects négatifs
de la loi procède de la même évaluation, de la même
connaissance de la loi, il est tout à fait évident que
l'appréciation qu'on en a faite de l'autre côté est
complètement déviée et qu'on n'a pas compris l'ABC de
l'ensemble de cette loi. Cela m'apparaît un motif fort suffisant pour
comprendre pourquoi, de l'autre côté, on est contre la loi: on ne
la comprend pas.
On ne la comprend strictement pas, et cela, sur des points fondamentaux,
pas sur des aspects secondaires, pas sur des questions d'ordre technique, mais
sur des questions de fond importantes.
Seulement pour l'information du député de Portneuf, je
voudrais lui signaler que, dans le cas de la veuve dont on parle, elle
reçoit cette indemnité si elle est seule, si elle n'a pas
d'enfant avec elle. Au premier enfant, s'ajoute un montant de 10% aux 55% dont
je viens de parler; au deuxième, s'ajoute un montant de 5%; au
troisième, un autre montant de 5%, jusqu'à un maximum, peu
importe le nombre d'enfants, de 80% du 90% du salaire net dont je parlais tout
à l'heure. Je veux bien que l'on argumente avec beaucoup de
fermeté, de sérieux, d'expertise, comme on le dit soi-même,
mais encore faudrait-il que la preuve nous soit faite qu'on a une connaissance,
ne serait-ce qu'élémentaire - parce que c'est une question
élémentaire - de la loi actuelle et du projet de loi qu'on
étudie actuellement.
Le projet qui est devant nous, le député de Portneuf en a
encore escamoté un certain nombre d'aspects importants. Il a dit: La
veuve va recevoir ce montant forfaitaire dont on parle et va recevoir, pour
chacun de ses enfants dépendants, un montant de 9000 $. Ce n'est pas ce
que la loi dit. Il faut prendre le temps de la lire, cette loi. Ce que la loi
dit expressément - en tout cas, dans sa forme et sa teneur actuelles
-c'est qu'effectivement, cette veuve recevra le montant forfaitaire dont on
parle, mais que, pour chaque enfant mineur - et cela, le député
de Portneuf ne l'a pas dit, il n'a sans doute pas eu le temps - elle recevra
une rente mensuelle de 250 $, peu importe le nombre d'enfants. Quand l'enfant
arrivera à sa majorité, il obtiendra le montant forfaitaire dont
le député de Portneuf a parlé, soit 9000 $. Ce qu'il a
oublié de dire, c'est qu'une veuve d'un accidenté du travail qui
se retrouverait, par exemple, et ce sont des cas qui arrivent, avec cinq
enfants mineurs, retirerait le forfaitaire dont on parle et quelque 1000 $
pendant tout le temps de la minorité de ses enfants. (17 h 10)
C'est sûr que si on déforme - je ne dis pas que c'est
volontaire, c'est sans doute une omission - comme cela toutes les dispositions
du projet de loi dont on a parlé, il est évident qu'on ne peut
pas arriver, de toute façon, à la même conclusion.
J'ai l'impression que le Parti libéral est en train de
brûler ce qu'il a adoré et qu'il adore ce qu'il a
brûlé à une certaine époque. Ce à quoi je
veux référer, M. le Président, c'est à la loi 52.
Le député de Bonaventure se souviendra de la loi 52, qui a
été adoptée en 1975 par le gouvernement du temps, à
la suite d'un long conflit de travail qui avait sévi dans les mines
d'amiante de la région
de Thetford. L'un des enjeux fondamentaux de ce conflit était
très précisément le phénomène des maladies
professionnelles qui s'appellent l'amiantose et la silicose. Le gouvernement de
l'époque avait adopté cette loi 52 à l'intérieur de
laquelle on retrouvait, comme principe fondamental au chapitre de
l'indemnité, ce que l'on retrouve dans le projet de loi 42, soit une
indemnité de remplacement du revenu pour le malade amiantosé,
à laquelle indemnité on ajoutait un montant forfaitaire.
Le débat nous permettra de relever certaines interventions du
gouvernement libéral de l'époque, qui a plaidé avec
beaucoup d'insistance là aussi qu'il fallait introduire ce régime
de l'indemnité de remplacement du revenu assorti d'un montant
forfaitaire parce que c'était plus juste, plus équitable et plus
conforme aux réalités que vivaient les amiantosés des
régions de Thetford Mines, d'Asbestos et des autres secteurs de maladies
professionnelles de même nature.
Et maintenant, quelque neuf ans plus tard, le gouvernement introduit un
projet de loi à partir du principe que contenait un projet de loi
adopté par le gouvernement libéral du temps, et on vient nous
dire: votre projet est inique, il ne répond pas aux exigences, aux
attentes et aux droits des travailleurs accidentés et des gens qui
subissent une maladie professionnelle et vous ne devriez pas, au chapitre de
l'indemnité en tout cas, modifier le statu quo de la loi.
Quand je vous disais, il y a un instant, M. le Président, qu'on
brûle maintenant ce qu'on a adoré et qu'on adore ce qu'on a
brûlé, c'est très précisément à cette
situation que je voulais référer. J'invite immédiatement
le député de Viau, porte-parole de l'Opposition en cette
matière, de référer tout de suite aux débats qui se
sont tenus en cette Chambre et en commission parlementaire lorsque le
gouvernement libéral de 1975 a fait adopter la loi 52. Il va se rendre
compte, à l'évidence, que les principes qui étaient,
encore une fois, plaidés avec beaucoup de conviction à ce
moment-là, sont exactement ceux qu'on veut introduire dans le projet de
loi 42. Et on nous dit: Non, c'est de l'iniquité totale, c'est
absolument inacceptable sur le plan de la justice naturelle et nous n'allons
pas, de toute évidence, souscrire à un principe de cette nature.
Et pourtant, et je le dis sans aucune réserve, c'est un principe qui a
été consacré par le gouvernement libéral de
l'époque et que nous avons retenu sans aucune espèce de
réserve, exactement dans la même forme, exactement de la
même manière, exactement à partir du même processus.
Et là on nous dit maintenant, c'est une question de fond, c'est une
question de politique fondamentale: non, ça ne peut plus être
accepté comme principe ce que l'on plaidait à cette
époque-là.
Une dernière observation quant à moi, M. le
Président. Ce que le projet de loi 42 vise, entre autres objectifs, et
nous allons très certainement avoir l'occasion d'en rediscuter, c'est
d'arriver à une harmonisation qui soit aussi complète et aussi
parfaite que possible avec les autres régimes d'indemnité que
l'on connaît et plus particulièrement le régime que l'on
retrouve en matière d'accidents d'automobile. C'est évident que
l'harmonisation ne peut pas être parfaite à tous égards
pour le simple motif qu'il s'agit de deux régimes dont les objectifs
fondamentaux ne sont pas les mêmes, mais, à plusieurs autres
égards, l'harmonisation est possible et c'est ce à quoi vise le
projet de loi.
M. le Président, je ne suis pas fermé à des
réévaluations du projet de loi lorsque arrivera le temps de la
commission parlementaire. Je ne suis pas non plus fermé à toute
suggestion dont les conséquences ou les effets pourraient être de
nature à bonifier le projet de loi. Je réitère à
cet égard que je continuerai d'ailleurs dans les jours qui viennent
à rencontrer des intervenants Intéressés au projet de loi
avec qui je suis tout à fait disposé à discuter de
l'ensemble de la situation et à procéder à la modification
d'un certain nombre de choses lorsque nous évaluerons que cela se situe
dans les limites de l'intérêt des deux parties qui sont
particulièrement touchées par ce projet de loi.
M. le Président, à la toute fin, je voudrais remercier les
collègues qui, des deux côtés de la Chambre, ont
participé à ce débat important qui a duré un bon
moment. Cela nous a permis d'en faire l'évaluation, d'en toucher ou de
mettre le doigt sur un certain nombre de choses qui ont peut-être besoin
d'être revues. Que d'un côté comme de l'autre, on sache que
je veux remercier les collègues qui y ont participé. J'invite
maintenant, quand l'autre problème dont on a discuté au
début de la séance sera réglé, les collègues
à mettre tout autant d'intérêt dans l'autre exercice qui
nous attend.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de
loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,
est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Une voix: Vote enregistré, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Vote
enregistré.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Je suggère donc que ce vote
enregistré soit reporté à demain, après les
affaires courantes.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le vote est
reporté à demain.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, nous allons maintenant
discuter de finances municipales. À cet égard, je vous demande
d'appeler l'article 5 de notre feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 2
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous allons reprendre le
débat sur le principe du projet de loi 2, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant les finances municipales.
M. le député de Laprairie, vous avez la parole.
M. Jean-Pierre Saintonge
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
de prendre la parole à ce stade-ci du débat, au nom de
l'Opposition, en tant que porte-parole en matière d'affaires
municipales, sur la discussion relativement à l'adoption du principe du
projet de loi 2, Loi modifiant diverses dispositions législatives
concernant les finances municipales. C'est l'adoption du principe du projet de
loi, ce qui est communément appelé la deuxième lecture du
projet de loi.
Puisque le ministre a fait son discours la semaine dernière,
comment peut-on situer le projet de loi 2? Quels sont les principes ou quels
sont les effets principaux du projet de loi 2, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant les finances municipales? Tout
d'abord, un des premiers principes de ce projet de loi, un des premiers effets,
c'est d'éliminer un grand nombre d'approbations administratives. Plus
particulièrement, un deuxième effet du projet de loi, dans le cas
de l'élimination de ce grand nombre d'approbations administratives,
c'est de modifier le rôle de la Commission municipale puisqu'à
l'avenir, certaines approbations qui étaient de son ressort lui seront
enlevées pour être confiées au ministre ou, dans certains
cas, être purement et simplement annulées. Donc, le
deuxième effet, c'est de modifier le rôle de la Commission
municipale surtout en ce qui regarde les approbations financières dans
les questions municipales qu'elle devait donner antérieurement, à
plusieurs occasions.
Le troisième effet du projet de loi concerne certaines mesures
relatives à la gestion interne des municipalités. On parle ici
d'amélioration des règles de gestion des municipalités. En
fait, le projet de loi introduit certaines mesures nouvelles concernant la
gestion des municipalités qui, je pense, favorisent d'une façon
positive l'éclosion du pouvoir municipal, de l'autonomie municipale. (17
h 20)
Ce projet de loi, effectivement, comme le ministre l'a mentionné,
est assez important et assez imposant. Il contient 324 articles et environ une
vingtaine de pages d'annexe. Le projet de loi modifie - j'ai fait un calcul
rapide. Le ministre nous disait 23 lois, j'en ai calculé 38, si je me
souviens bien - environ 38 lois municipales et touche à 103 chartes ou
lois municipales concernant diverses municipalités.
C'est un travail de moine que les officiers du ministère des
Affaires municipales ont dû effectuer. Je vous avouerai que de ce
côté-ci, nous avons fait le même travail, mais en beaucoup
moins de temps puisque nous avons dû vérifier ce projet de loi et
je puis vous assurer que pour en prendre connaissance, faire le pendant avec
les diverses lois qui sont modifiées, 38 lois, et analyser toutes ces
dispositions, je vous assure que c'est un travail assez fastidieux.
La Loi sur les approbations administratives. Le ministre a
qualifié sa loi finalement reconnue dans le milieu comme étant
Loi sur les approbations administratives. Là-dessus, sur la question des
approbations administratives, le ministre mentionnait que c'était un
sujet qui faisait l'unanimité dans le monde municipal,
c'est-à-dire qu'il y avait des contrôles excessifs qu'exerce le
gouvernement sur l'appareil municipal. Un grand nombre de contrôles qui
se répercutent, qu'on rencontre à tout moment, à tel point
que les élus municipaux se sentent un peu pris au piège. Le
ministre nous a dit dans son discours que son projet de loi était
téléguidé par la confiance envers les élus
municipaux, la simplification de la loi et l'autonomie. Je reviendrai sur la
simplification du texte de loi un peu plus tard.
Je m'attarderai pour le moment à la question de confiance et
d'autonomie manifestée envers le monde municipal que ce projet de loi
est censé nous dépeindre. Du côté confiance et du
côté autonomie, le ministre nous parlait, effectivement, au niveau
des acteurs municipaux, d'expertises très diversifiées et
d'indiscutable compétence, de souplesse, de débrouillardise. On
peut leur laisser une grande lattitude à ce moment. Il nous a
parlé d'une large part que les municipalités peuvent prendre dans
le pouvoir d'aménagement, dans la revitalisation de la démocratie
municipale. Également, la prise en charge de responsabilités
fiscales suivant de grandes réformes que nous avons connues
antérieurement.
Cela ouvre la porte, ici, à une certaine parenthèse
à faire l'examen de l'activité de nature législative dans
le domaine du droit municipal au cours des dernières années. Vous
me permettrez, ici, de noter que les institutions municipales sont des
institutions à caractère subordonné, c'est-à-dire
qu'elles n'exercent qu'une législation déléguée,
c'est-à-dire qu'elles ne possèdent que les pouvoirs qui leur sont
expressément confiés ou accordés par la
Législature. Je voudrais ici faire une espèce de bilan du
régime modifié que le monde municipal a dû subir au cours
des dernières années, un bilan de la réforme
législative dans le domaine municipal. Je me servirai simplement de
quelques commentaires, quelques extraits, d'une conférence que donnait
l'ex-sous-ministre des Affaires municipales, M. Patrick Kenniff, lors d'une
conférence qui s'intitulait "Les récents développements en
droit municipal québécois." Cette conférence remonte
à septembre 1980; pour être précis, au 26 septembre
1980.
Qu'est-ce qu'on disait à ce moment-là là-dessus?
Qu'il y avait eu des modifications substantielles dans les lois municipales au
cours des dernières années. À ce moment, M. Kenniff
faisait référence, effectivement, puisqu'il était en 1980,
aux années 1978, 1979, 1980. Mais dans les quinze années
précédentes, il y avait eu des modifications importantes et
également substantielles aux lois municipales. Ici, il est bon de citer
tel qu'il est rapporté dans ce texte, on parlait de la Loi modifiant
à nouveau la Loi des cités et villes adoptée en 1968. Une
loi qui, effectivement, concernait des procédures d'élection et
d'annexion dans les villes. Un point important, une démarche importante
dans la législation municipale, cette loi de 1968.
Également, on note, dans le bilan de la législation
municipale, la création, en 1969, de trois communautés: la
Communauté urbaine de Montréal, la Communauté urbaine de
Québec et, également, la Communauté régionale de
l'Outaouais.
Vous avez aussi la Loi sur l'évaluation foncière
adoptée en 1971. C'était une autre étape importante dans
la législation municipale, mais outre la législation, il faut
également tenir compte, dans le bilan de l'activité
gouvernementale au niveau des affaires municipales, de certaines commissions
d'étude qui ont été mises sur pied à cette
époque, dans les années soixante et soixante-dix. Dans le bilan
que M. Kenniff faisait toujours là-dessus, il faisait
référence aux travaux de la Commission provinciale d'urbanisme,
la commission La Haye, dont les travaux se sont échelonnés de
1963 à 1968. On disait également qu'à la suite des travaux
de la commission La Haye, il y avait eu un avant-projet de loi sur l'urbanisme
et l'aménagement du territoire qui avait été
déposé à l'Assemblée nationale, en 1972.
Il y a eu également la Commission de refonte des lois
municipales, la commission Hébert, qui, finalement, a oeuvré de
1971 à 1977. La dernière tranche de son rapport a
été remise en 1977. Il y a eu finalement le groupe de travail sur
l'urbanisation, connu comme le groupe Castonguay, qui a réalisé
ses travaux de 1974 à 1976. Ces travaux portaient principalement sur les
grandes agglomérations. Ce qu'il est important de noter, c'est que les
travaux de la commission prenaient résolument partie en faveur de
l'autonomie municipale. On proposait même d'accroître la marge
d'autonomie des municipalités, surtout en matière
financière.
Finalement, nous pouvons arriver aux plus récents
développements dans le domaine municipal, c'est-à-dire aux trois
réformes majeures que le ministre des Affaires municipales a
mentionnées à plusieurs occasions depuis le printemps dernier: la
Loi sur la démocratie municipale, la Loi sur la fiscalité
municipale, de même que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
Mais également, dans tout ce bilan des lois municipales, ce qu'il faut
soutenir, c'est que certaines lois, qu'on peut appeler des lois sectorielles,
viennent toucher aux affaires municipales, aux pouvoirs des administrations
municipales. On fait réfence à ce moment-ci, par exemple,
à la Loi sur la protection du territoire agricole, à la loi qui a
modifié la Loi sur la qualité de l'environnement, aux
modifications apportées également à la Loi de police. Il y
a certaines modifications incidentes dans des lois qu'on pouvait appeler
sectorielles et qui affectent le pouvoir municipal.
J'ai fait ce bilan, M. le Président, pour une raison. Le ministre
a parlé de confiance, d'autonomie. Son projet de loi a été
dicté par la confiance et l'autonomie qu'il voulait accorder au monde
municipal. Je vous dirai que j'ai été un peu renversé du
bilan que le ministre donnait de l'action gouvernementale jusqu'à ce
jour et qu'il amenait avec le projet de loi 2. C'est la raison pour laquelle
j'ai voulu faire un certain bilan des lois qui existaient auparavant, celles
des quinze dernières années. On se rend surtout compte que les
grandes réformes importantes ont eu lieu en 1978, en 1979 et en 1980. Je
m'asseois devant cela aujourd'hui et je me souviens de cette conférence
de M. Kenniff, parce que j'y étais également présent,
à l'automne 1980. Je n'étais pas encore député,
mais je m'occupais de droit municipal en tant qu'avocat. J'étais
présent à cette conférence. Le monde municipal a
discuté amplement des réformes qui devaient être faites.
C'était au moment où le projet de loi 125 était
présenté.
J'ai voulu, à ce moment-ci, connaître la perception qu'a le
monde municipal aujourd'hui du bilan de ces réformes. Je n'ai
pas fouillé tellement loin, M. le Président. Je vous
donnerai une espèce de compte rendu de ce que certaines
personnalités municipales nous disent de l'état de la
législation actuelle et des actions du présent gouvernement
principalement dans le domaine des affaires municipales.
Je cite Me Guy Bélisle, maire de la ville de Saint-Eustache, qui
disait ceci lors du congrès de l'UMQ, le 12 avril 1984. Je vois le
ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur hocher un peu la
tête. Je comprends, il y a une citation pas tellement flatteuse à
son égard dans l'exposé de Me Bélisle. Je citerai ici Me
Bélisle qui, effectivement, vient d'être réélu maire
de Saint-Eustache, il y a environ deux semaines. Il dit: "Depuis
déjà plus de quinze ans, l'on entendait parler de grandes
réformes à venir en matière municipale. Elles se sont
produites effectivement au fil des ans, mais à un rythme tel qu'elles
ont laissé de grandes blessures au sein du monde municipal. Nous
comprenons qu'elles étaient nécessaires, mais il aurait
été souhaitable que le dirigisme prépondérant,
agressif et provocant émanant du gouvernement du Québec ait
été mieux articulé." C'est ici que le ministre de
l'Habitation et de la Protection du consommateur met le holà. Me
Bélisle rappelait évidemment les paroles mêmes du ministre
qui disait à ses fonctionnaires qu'il fallait au plus tôt mettre
les maires au pas, dès sa nomination en 1976. C'est une parole qui a
circulé dans le monde municipal. Le ministre, à l'époque,
disait: II faudrait mettre les maires au pas. Me Bélisle disait:
"C'était très mal enclencher les réformes
envisagées. (17 h 30)
Donc, les réformes municipales, il y a eu antérieurement
certaines études, de grandes études, de longues études qui
ont été faites par le gouvernement, autant le gouvernement du
Parti québécois que, lors des années soixante et
soixante-dix, le gouvernement libéral et le gouvernement de l'Union
Nationale. Il y a eu une certaine consultation qui s'est effectuée
à cette époque, antérieurement, lors de grandes
commissions d'enquête - on parle de la commission Castonguay ou de la
commission LaHaye - mais également lors de la mise en place de certaines
réformes.
Le gouvernement a procédé à certaines
études, mais qu'en est-il exactement? La conclusion de Me
Bélisle, maire de Saint-Eustache, est la suivante: "Pourquoi a-t-il
fallu que, par la suite, dans la plupart des lois adoptées et
sanctionnées en rapport avec ces réformes projetées, nous
ne retrouvions aucunement ou à peu près le point de vue des
municipalités et de leurs représentants?" Il parlait un peu de la
consultation sur l'aménagement à ce moment-là, mais c'est
encore une fois une aggression contre l'autonomie municipale. C'est la
perception du monde municipal là-dessus. Et je continue: "Pourquoi donc
faut-il toujours que le contenu des lois adoptées par l'Assemblée
nationale soit si différent des conclusions et des résultats
obtenus lors des consultations? C'est que le gouvernement du Québec est
devenu un gouvernement extrêmement centralisateur grugeant, loi
après loi, réforme après réforme, l'autonomie
municipale." C'est un premier point, M. le Président, mais je citerai un
autre extrait. C'est le maire de Saint-Eustache qui parlait.
Je vous citerai un extrait - ce n'est pas un libéral,
celui-là - de l'ancien président de l'UMQ, M. Dufour, à
l'ouverture du congrès de l'UMQ à Montréal, le 12 avril
1984. Le ministre des Affaires municipales actuel était présent.
Il dit: "Bien sûr, en théorie, cela fait plus de six ans que l'on
parle de revaloriser le pouvoir municipal, mais en même temps, ce pouvoir
est de plus en plus encerclé, circonscrit, surveillé et
étouffé par des lois et des règlements qui
témoignent d'un manque de confiance en ia maturité des
institutions municipales." C'est M. Dufour qui disait cela, il y a un an.
M. le Président, il n'y en a pas assez. Je vais vous donner un
autre extrait d'une personne qui, le 13 avril 1984, nous amenait justement
à la perception du monde municipal à l'égard de l'attitude
projetée par le ministère des Affaires municipales et le ministre
des Affaires municipales. ici, évidemment, si on se reporte à
cette époque, au 13 avril 1984... J'ai parlé tantôt de la
référence du maire de Saint-Eustache à l'égard de
l'ex-ministre des Affaires municipales, maintenant ministre de l'Habitation,
mais également, on se situe à l'époque où on venait
de changer de ministre des Affaires municipales, où un deuxième
ministre des Affaires municipales avait dû être
déplacé, à cause justement de conflit majeur qui existait
entre le monde municipal et le ministre des Affaires municipales sur des
projets de loi précis. Je donnerai à votre souvenir ici le projet
de loi 38. Je cite ici un bref extrait de la conférence de M. Roch
Bolduc, conseiller en administration et ex-sous-ministre des Affaires
municipales, au congrès de l'UMQ: "Pour revenir à
l'activité de nature législative, déjà, en 1978, je
relevais, outre le Code municipal et la Loi des cités et villes, plus de
75 lois concernant au premier chef les municipalités, soit le quart de
toute notre législation d'ordre public de l'époque. De 1976
à 1980 seulement, selon l'étude récente de Berthiaume et
Boivin sur la réforme municipale au Québec, le gouvernement a
élaboré 72 projets de loi touchant de près ou de loin nos
structures municipales. De plus, fait significatif, il ne faut pas oublier de
souligner une caractéristique importante de la législation
nouvelle. L'on y multiplie dans
des lois d'ordre général les dispositions habilitant le
gouvernement ou ses organismes à réglementer tel ou tel aspect.
L'environnement est à ce sujet un cas notoire aux multiples facettes
auquel vous avez sans doute eu l'occasion d'être confronté. Or,
presque chaque intervention -on parle d'interventions de l'État - a pour
effet, non seulement d'imposer de nouvelles normes ou de nouvelles
règles de jeu, mais aussi de mettre sur pied un organisme gouvernemental
ou d'habiliter un organisme administratif existant à réglementer,
normaliser, inspecter, contrôler ou approuver d'une façon ou de
l'autre certaines de vos activités. Vous êtes surveillés de
tous bords et tous côtés, comme si vous étiez des mineurs
ou des fonctionnaires, vous, les élus, dont la légitimité
est aussi bien assise pourtant que celle de ceux qui siègent à
l'Assemblée nationale". Ces paroles étaient celles, je le
répète, de M. Bolduc, au congrès de l'Union des
municipalités du Québec, le 13 avril dernier. Donc, c'est un peu
la perception du monde municipal par rapport aux interventions
répétées du gouvernement du Québec, sur ce qu'on
veut imposer au monde municipal.
Vous comprendrez mon étonnement à ce moment-ci, qu'en
présentant le projet de loi 2, le ministre ait parlé pendant une
bonne partie de son allocution de la confiance que le gouvernement accordait
aux élus municipaux, de l'autonomie que le gouvernement accordait aux
autorités municipales. D'après ce que je comprenais, les lois
récentes, les principales lois qui proviennent des trois grandes
réformes que le ministre a mentionnées, donnaient l'autonomie aux
élus municipaux, démontraient la confiance du gouvernement en
eux. Mais la perception est exactement à l'inverse de cela, tel que je
vous l'ai fait réaliser par ces citations de gens influents du monde
municipal et de gens participant à la gestion municipale.
Donc, sur la question de confiance et d'autonomie par rapport aux lois
existantes, vous comprendrez que je ne partage pas les paroles que le ministre
a prononcées. Je dirais même plus: On est loin de la confiance et
de l'autonomie que le ministre dit manifester à l'égard du monde
municipal ou, à tout le moins, que ses prédécesseurs ont
fait preuve.
Je pourrais vous donner un autre petit exemple, là-dessus. On
parle de confiance. On parle de l'autonomie du pouvoir local, du pouvoir que
des gens exercent dans les municipalités du Québec. Est-il besoin
de rappeler à cette Assemblée tout le débat qui a
entouré la question de la loi 38 sur la participation gouvernementale au
financement des municipalités? C'est un projet de loi que le
gouvernement a tenté de faire adopter sous le nez des
municipalités mais qu'il n'a pas réussi grâce au travail
incessant de l'Opposition et grâce également au fait que les
élus municipaux se sont levés debout et ont fait valoir leur
mécontentement à l'égard du gouvernement sur un tel projet
de loi.
Sur la question de la confiance envers les élus municipaux,
comment le ministre peut-il venir nous dire aujourd'hui qu'il a confiance en
eux? Qu'on s'en souvienne, la loi 38 a été bloquée en
troisième lecture, en décembre. Au printemps, on a proposé
un amendement à l'article 20 de la Loi sur le ministère des
Affaires intergouvernementales, par un projet de loi présenté par
le ministre de la Justice, soit le projet de loi 84. À cette
époque, les discussions étaient en cours avec le monde municipal.
Un nouveau ministre des Affaires municipales était arrivé dans le
portrait. On a parlé d'un pari de la confiance exigée de la part
des municipalités. C'était un pari de la confiance en disant:
Faites confiance au gouvernement. Soyez d'accord avec nous pour repousser les
subventions fédérales qu'on veut donner aux municipalités
pour faire respecter le principe de la compétence constitutionnelle du
Québec, en affaires municipales. Les municipalités étaient
d'accord là-dessus. On a discuté avec le gouvernement pour en
arriver à un concordat qui devait être signé incessamment.
Mais le concordat a dû être signé et, malgré tout
cela, malgré l'entente avec les municipalités, le ministre a
toujours refusé de retirer le projet de loi 38 et a manifesté
effectivement son manque de confiance envers les élus municipaux parce
qu'ils n'ont pas voulu le suivre dans son raisonnement là-dessus et
partager avec lui son opinion sur la compétence constitutionnelle du
Québec en affaires municipales.
Je reviens sur le projet de loi 2 qui est devant nous pour parler des
finances municipales, c'est-à-dire les approbations financières.
Il faut quand même noter que ce n'est pas un projet de loi qui est
arrivé sur le tapis comme cela, à cette session. C'est un projet
de loi qui est déjà préparé depuis quatre ans. J'ai
parlé tantôt de la conférence de l'ex-sous-ministre des
Affaires municipales, M. Kenniff, en 1980. On parlait déjà de la
modification éventuelle du rôle de la Commission municipale. On
parlait déjà de la modification éventuelle du rôle
du ministère des Affaires municipales. Dans cette conférence de
septembre 1980, M. Kenniff a précisément mentionné qu'il y
avait effectivement lieu de modifier tout cela pour en arriver
éventuellement à minimiser la question des diverses approbations
auxquelles le monde municipal devrait se soumettre. C'était en 1980.
Cela fait maintenant quatre ans. Le projet de loi a donc été
préparé de longue date pour être déposé
aujourd'hui devant cette Chambre. (17 h 40)
Mais est-ce que ce projet de loi, dont
on étudie présentement le contenu, apporte effectivement
quelque chose de valable aux municipalités? Même avec l'incidence
dont je viens de parler sur la perception actuelle du monde municipal des
réformes antérieures, que ce projet de loi - effectivement, je le
reconnais - apportera une simplification des contrôles au niveau
municipal. Il apportera également une autonomie plus grande aux
municipalités dans certains cas. C'est donc un souhait qu'on peut
réaliser. Mais je veux mentionner que, si c'est le début de la
vertu pour le gouvernement dans ce sens, c'est tant mieux.
Antérieurement, on ne peut pas dire que le gouvernement a fait preuve de
confiance aux élus locaux ni qu'il a agi de façon à
accroître l'autonomie des municipalités du Québec.
Le projet de loi 2 a pour but d'éliminer un certain nombre
d'approbations municipales. Le ministre a mentionné que le projet de loi
2 - je ne les ai pas toutes relevées, je me fie à la parole du
ministre et à celle des officiers du ministère - élimine
42 sortes d'approbations d'actes administratifs que le gouvernement ou que la
Commission municipale devait donner. Ce sont 42 types d'approbations qui ne
sont plus requis.
Le ministre mentionnait, par exemple, qu'au niveau statistique, par
rapport aux approbations de la dernière année, cela signifierait
une réduction des approbations que le ministère ou la Commission
municipale devait donner de 13 000 à 4000. C'est donc, finalement, 9000
approbations qui ne seront plus nécessaires pour certains actes
administratifs des élus municipaux. Dans ces circonstances, cela va
apporter une simplification des choses, c'est évident. Tout le monde
peut reconnaître cela.
Comme le ministre l'a également mentionné, l'Union des
municipalités du Québec et les représentants du monde
municipal ont reconnu que cette diminution des approbations va,
évidemment, simplifier toute l'administration municipale et, d'une
certaine façon, accorder une autonomie plus grande aux
municipalités du Québec et que ce geste fera preuve d'un peu plus
de confiance de la part du gouvernement à l'égard des
municipalités du Québec. Cette confiance est, faut-il le
rappeler, d'une certaine façon, mitigée, puisque le ministre,
tout en accordant une autonomie plus grande aux municipalités, introduit
de nouvelles dispositions pour faire en sorte d'accentuer les contrôles
des citoyens sur l'administration municipale. En soi, c'est quand même
une bonne chose d'ouvrir l'administration municipale aux citoyens, de faire en
sorte que les citoyens se retrouvent au niveau de l'administration municipale
et qu'ils puissent y participer, suivre l'évolution des finances
municipales et les actions de leurs conseillers municipaux. Il faudrait aussi
éviter d'arriver éventuellement à transposer
complètement les contrôles gouvernementaux du côté
des citoyens sans, dans certains cas, donner les moyens potentiels d'exercer de
tels contrôles.
Le ministre a rappelé dans son allocution plusieurs effets
découlant de l'absence de nécessité de soumettre au
contrôle gouvernemental les actes des administrateurs municipaux. Je
relèverai quelques-uns de ces actes: par exemple, les emprunts
temporaires, les contrats d'une durée inférieure à 36
mois, la possibilité de modifier un règlement d'emprunt lorsque
cela ne change pas l'objet du règlement et la charge des contribuables
quoique sur ce cas -je l'ai cité à dessein - je reviendrai un peu
plus tard dans mon exposé pour exprimer une réticence sur un
point fondamental qui devrait être examiné plus attentivement lors
des discussions en commission parlementaire.
Il y a également toute la question de la constitution d'un fonds
de roulement et de l'augmentation du fonds de roulement qui ne seront plus
soumises à l'approbation du ministre ou à celle de la Commission
municipale et j'en passe.
Le projet de loi élimine donc un grand nombre d'approbations
municipales. Suivant le décompte du ministre, on a parlé de 9000.
Cela simplifiera évidemment l'administration municipale.
Le deuxième objet du projet de loi 2. Il diminue les
approbations, mais ce que ce projet de loi vient faire principalement, c'est
modifier le rôle de la Commission municipale. Je m'explique. On dit dans
le projet de loi que la section V de la Loi sur la Commission municipale est
maintenant abrogée. Donc, tout ce qui a trait à l'approbation des
emprunts et des engagements par la commission est maintenant abrogé.
Toute la question de la vérification des comptes de la
municipalité est abrogée également quant à
l'approbation de la Commission municipale.
De même, les conventions avec les créanciers n'ont plus
besoin de l'approbation de la Commission municipale. Dans certains cas, ces
approbations de la Commission municipale sont purement et simplement
arrêtées, annulées. Dans d'autres cas, elles sont
transférées au ministre des Affaires municipales. C'est donc
l'élimination d'une double approbation. C'étaient des cas
particuliers où la Commission municipale avait à donner une
approbation en même temps que le ministre des Affaires municipales.
Devant une question de double approbation on avait un choix à faire. On
a dit: S'il y a double approbation, pourquoi continuer à maintenir une
telle duplication? La logique voudrait bien qu'on arrête d'avoir une
telle duplication et qu'on en reste à une seule approbation. C'est
effectivement ce que le gouvernement a décidé, mais l'approbation
qui a été maintenue est celle du ministre. Seule l'approbation du
ministre
demeure à ce moment-ci. C'était un choix du gouvernement,
le choix du ministre.
Le ministre nous a expliqué, selon le système
antérieur, comment fonctionnait l'approbation de la Commission
municipale et l'approbation du ministre des Affaires municipales. Il nous a
expliqué d'une certaine façon qu'un contrôle
s'exerçait au niveau de la gestion administrative du ministère et
également au niveau juridique des règlements d'emprunt. Ces deux
vérifications sont faites par des fonctionnaires du ministère des
Affaires municipales. Quand ces deux vérifications sont faites et que
les conclusions sont données, le règlement - à supposer
que nous ayons affaire à un règlement d'emprunt - d'emprunt est
acheminé au bureau du ministre et également à la
Commission municipale du Québec. On arrivait donc à deux
approbations suivant les analyses semblables.
On nous a dit. Il y en a une de trop, on abolit celle de la Commission
municipale. Sur cette question j'avais déjà annoncé, lors
de l'étude du projet de loi 61 sur les immeubles industriels, que notre
opinion, du côté de l'Opposition, était plutôt que
l'approbation qui devrait demeurer n'est pas celle du ministre mais
plutôt celle de la Commission municipale. Je fondais mon point
principalement sur un fait: la création de la Commission municipale qui
remonte à 1932, avait effectivement pour objet d'exercer justement un
contrôle financier sur les pouvoirs administratifs des
municipalités. C'était le but de ladite commission qui s'est
retrouvé non seulement au Québec mais également dans
d'autres provinces canadiennes où les approbations du ministre des
Affaires municipales étaient également doublées d'une
approbation d'une commission, la Commission municipale au Québec dans le
cas présent et, dans d'autres Législatures provinciales, des
commissions portant d'autres noms ayant le même effet que la Commission
municipale.
Jusqu'en 1962, la compétence de la Commission municipale portait
sur des pouvoirs d'ordre administratif par rapport aux municipalités.
Depuis 1962 on a élargi ses pouvoirs administratifs. On a confié
à la Commission municipale de nombreux pouvoirs quasi judiciaires; on a
donc modifié le rôle de la Commission municipale.
Aujourd'hui, je me pose une question à cet égard: Si la
Commission municipale a fait un travail qui a été reconnu comme
étant valable, qui donnait satisfaction non seulement aux élus
municipaux, mais également aux compagnies qui devaient émettre
les obligations et voir que ces obligations municipales aient un bon
marché, pourquoi, aujourd'hui, nous trouvons-nous devant une situation
où l'approbation de la Commission municipale n'est plus
nécessaire, alors que le rôle essentiel de la Commission
municipale était précisément d'exercer les contrôles
administratifs sur les municipalités? À mon point de vue, si la
seule approbation qui demeurait et qui devait demeurer - je suis d'accord et
tout le monde municipal est d'accord qu'une seule approbation est suffisante -
avait été celle de la Commission municipale, pourquoi donc une
telle approbation devrait être celle de la Commission municipale au lieu
de celle du ministre des Affaires municipales? C'est une question de
dépolitiser un peu le débat. C'est également d'assurer
qu'il n'y ait pas de pression politique, de limiter une certaine pression
politique qui pourrait s'exercer, de faire en sorte que l'approbation ou la
désapprobation d'un règlement d'emprunt ne se fasse pas en
fonction de certains intérêts partisans ou de certaines questions
politiques. (17 h 50)
La Commission municipale est un organisme indépendant et
n'étant pas, évidemment, le ministre même des Affaires
municipales, on voit que les questions politiques auraient été
exclues de toute la question des approbations administratives et cela aurait
été, à mon point de vue, fort souhaitable pour le monde
municipal. Si je me souviens bien, les réactions du monde municipal au
départ étaient bien - en tout cas celles de l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec, si mon
souvenir est exact - qu'on aurait dû conserver les approbations de la
Commission municipale et non celles du ministre des Affaires municipales.
Est-ce que le dossier a évolué aujourd'hui au point que
même l'UMRCQ accepte que la seule approbation qui demeure soit celle du
ministre? C'est fort possible. Mais du côté de l'Opposition, nous
émettons notre opinion là-dessus, à savoir qu'il eut mieux
valu que l'approbation qui aurait garanti la meilleure neutralité dans
l'analyse de ces données quant aux approbations administratives demeure
uniquement l'apanage de la Commission municipale du Québec.
Un des dangers, évidemment, en accordant au ministre et au
ministère le pouvoir de faire de telles approbations, de faire de telles
analyses, c'est la mise sur pied d'un pouvoir technocratique de plus en plus
important et de plus en plus grandissant. C'est un danger qui, je pense, guette
un peu cette situation où le ministre devra lui-même donner les
approbations sur les différentes autorisations administratives que les
municipalités doivent requérir. Un tel pouvoir technocratique
n'aurait quand même pas existé; on n'aurait pas été
en danger d'être soumis à un tel pouvoir technocratique si la
Commission municipale avait gardé son mandat clair et précis. Le
ministre a mentionné certains inconvénients pour lesquels il
serait préférable qu'il ait précisément ces
approbations. Je pense que
ces inconvénients sont mineurs par rapport à l'ensemble du
débat et par rapport à la neutralité que la Commission
municipale aurait continué d'exercer sur ces approbations
administratives.
Il y a un avantage que je voudrais souligner et qui aurait pu permettre
à la Commission municipale de continuer à jouer un certain
rôle qui, actuellement, est un rôle extrêmement important
qu'elle joue dans le cas d'approbations, dans certains cas, à donner aux
municipalités concernant des actes administratifs et qu'on lui a
retirées. Ayant retiré le pouvoir à la Commission
municipale de donner toutes les approbations dans ces cas-là, le pouvoir
étant entre les mains du ministre, une telle approbation de la
Commission municipale n'est plus possible.
Il faudra, je pense, à ce point-ci, souligner au ministre qu'il
sera nécessaire d'examiner attentivement s'il n'y aurait pas lieu de
modifier la loi actuellement pour rétablir certains contrôles
particulièrement dans deux cas particuliers que je vais vous soulever.
Il faut rappeler qu'en soi il y a des contrôles qui ne sont pas
nécessaires, qui sont des duplications de ce qui existe ou dans certains
cas, qui sont des contrôles qui ne changent en rien l'action
éventuelle de la municipalité et qu'il faut faire confiance au
monde municipal dans la gestion municipale, au conseil municipal dans son
activité en conformité au texte de la loi.
Par exemple, si je prends l'article 5 du projet de loi où on
parle de la possibilité pour les corporations municipales
d'acquérir pour des fins de sa compétence des biens meubles et
immeubles par achat, donation, legs ou autrement. On dit: Lorsqu'elle n'en a
plus besoin, la corporation municipale pourra aliéner ces biens à
titre onéreux, sous peine de nullité; si cette aliénation
ne se fait pas à l'enchère ni par soumissions publiques, le
greffier doit publier chaque mois, s'il y a lieu, un avis public mentionnant
tout bien que la corporation a autrement aliéné le mois
précédent, en faveur de qui elle l'a fait et à quel prix,
et doit transmettre copie de cet avis au ministre des Affaires municipales.
Cette disposition, qui est nouvelle, remplace une disposition
précédente où la corporation municipale, lorsqu'elle
devait aliéner des biens, si elle ne procédait pas à
l'enchère ou par soumissions publiques, devait le faire de toute autre
façon approuvée par la Commission municipale du Québec.
Aujourd'hui, on enlève cette façon de procéder, cette
approbation nécessaire de la Commission municipale pour dire à la
municipalité: Vous pouvez les aliéner. La seule restriction, vous
devrez, à ce moment, donner un avis public à la fin du mois
suivant, relativement au fait que vous avez aliéné tel immeuble,
par exemple, dans la municipalité à titre onéreux et
mentionner effectivement, comme le texte de loi le mentionne, en faveur de qui
l'aliénation a eu lieu et à quel prix?
Cette approbation de la Commission municipale, dans le cas particulier
concerné dans des cas de ce genre, permettait à mon point de vue
une stabilité aux transactions financières que la Commission
municipale autorisait. Autrement dit, la transaction en question passait un
test d'objectivité d'un corps indépendant à la Commission
municipale par rapport à la municipalité sur la validité
de la transaction. Le titre, à ce moment, devenait, d'une façon,
inattaquable. C'est-à-dire qu'on avait foi en l'expertise de la
Commission municipale. On disait: Cette transaction a été
bonifiée par la Commission municipale et, de cette façon,
l'intégrité du titre pouvait être assurée. Lorsque
le titre était fait, il n'y avait pas de problème, de discussion,
pour savoir si oui ou non cela avait été adjugé à
titre onéreux, à un prix suffisant et si cette vente pouvait
être contestée ou non par quelqu'un.
Voilà un exemple de contrôle que la Commission municipale
exerçait qui, à mon point de vue, était valable et qui
rendait un service immense aux administrations municipales. C'est un
contrôle qui, à mon point de vue, aurait dû être
gardé. Cela a été bénéfique dans ce cas,
puisque cela stabilisait la transaction, cela bonifiait la transaction, cela
objectivait la transaction que le conseil municipal avait
réalisée en cours d'une activité administrative
régulière.
Il y a un autre cas qui, dans le cadre d'une autorisation que la
municipalité devait obtenir, effectivement était valable à
mon point de vue pour la municipalité et apportait quelque chose de
positif au niveau de la municipalité dans certains cas. En enlevant
cette autorisation, on pourrait avoir certaines difficultés. Je fais
particulièrement référence à l'article 36, M. le
Président, où on parle du règlement d'emprunt.
"Malgré toute disposition inconciliable, le conseil peut modifier un
règlement d'emprunt par résolution qui ne requiert aucune
approbation lorsque la modification ne change pas l'objet de l'emprunt et que:
1° elle n'augmente pas la charge des contribuables, ou 2° elle
n'augmente la charge des contribuables que par une majoration du taux de
l'intérêt ou par la réduction de la période de
remboursement." Il n'y a plus d'approbation, mais on en transmet une copie au
ministre des Affaires municipales. L'ancienne disposition exigeait une
approbation de la Commission municipale, mais, dans ce cas précis,
l'approbation de la Commission municipale pouvait avoir lieu dans deux cas,
avant que les obligations soient émises.
C'était sensiblement le même texte qu'actuellement, mais
c'est surtout dans le deuxième cas, dans le cas où des billets ou
des obligations avaient été émis. On exigeait, à ce
moment-là, une approbation de la
Commission municipale et le conseil municipal, en modifiant son
règlement d'emprunt, devait mentionner que toute personne qui veut
s'opposer doit en informer la Commission municipale par écrit dans les
30 jours. À ce moment-là, la Commission municipale
enquêtait sur le bien-fondé du règlement et, si elle avait
reçu des oppositions, elle devait donner aux opposants l'occasion de se
faire entendre. Cela supposait donc, dans un tel cas, que même si,
effectivement, les charges des contribuables étaient modifiées,
il y avait une possibilité pour le conseil municipal de modifier un
règlement d'emprunt. On pouvait le faire pour autant qu'on avait
l'approbation de la Commission municipale qui pouvait enquêter si des
citoyens s'y opposaient et prendre une décision.
Avec le projet de loi, ce n'est plus possible. C'est possible de
modifier le règlement d'emprunt. Cependant, de quelle façon?
À mon point de vue, selon ce que j'ai compris du projet de loi, la seule
façon, ce serait de faire un nouveau règlement d'emprunt et
d'aller de nouveau, à ce moment-là, devant les électeurs,
afin d'avoir leur approbation, de se soumettre au processus des gens habiles
à voter sur le règlement.
Mais il y a un danger qui survient dans un tel cas. Si la
municipalité voulait modifier un règlement d'emprunt, par
exemple, qui pourrait être à l'avantage des contribuables -
c'est-à-dire qui serait nécessaire parce qu'elle ne rend pas
compte d'une situation qui pourrait être négative à
l'égard de certains contribuables - il suffirait que ceux qui seraient
défavorisés par le nouveau règlement d'emprunt par rapport
à l'ancien s'opposent et le bloquent. La municipalité ne pourrait
alors d'aucune façon arriver à modifier son règlement
d'emprunt.
Un exemple particulier. On a vu, récemment, qu'il est possible
pour une municipalité d'empêcher de construire dans des zones
inondables. Que fait-on dans des cas, par exemple, où des services ont
été amenés dans des zones inondables, dans ces
territoires, et que les contribuables payent pour les structures
amenées? Si, aujourd'hui, on ne peut plus construire, ces structures ont
été amenées pour ces propriétaires mais ils ne
peuvent pas les utiliser. S'ils ne peuvent pas les utiliser, le conseil
municipal pourrait reconnaître effectivement que, dans un tel cas, il y
aurait lieu de modifier le règlement d'emprunt pour l'imposer
peut-être à l'ensemble de la municipalité, puisque les
travaux ne servent plus à ces gens-là pour les fins auxquelles
ils avaient été faits.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laprairie, il est 18 heures. Est-ce que vous demandez
la suspension du débat?
M. Saintonge: Suspension du débat, M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Jusqu'à 20 heures?
M. Saintonge: ...jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
D'accord. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 3)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Vous pouvez vous asseoir.
Nous en sommes toujours au projet de loi no 2 et c'est le
député de Laprairie. Il lui restait 18 minutes, je pense. M. le
député.
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Je comprends. On me
dit que je n'ai plus rien à dire, mais il y aurait peut-être
été utile que le ministre soit là et certains membres
ministériels pour entendre ce que j'ai à dire.
M. le Président, j'étais donc à
énumérer certains cas où le projet de loi no 2 faisait en
sorte que les approbations nécessaires en vertu de la Loi sur le
ministère des Affaires municipales ou la loi sur la Commission
municipale du Québec auraient pu être conservées,
c'est-à-dire des approbations qui étaient exigées
antérieurement et qui ont finalement été mises de
côté par le projet de loi 2. Dans certains cas précis, il
aurait peut-être été utile que ces approbations demeurent,
vu justement leur utilité primordiale, car ce ne sont pas toutes les
approbations que le ministre doit donner ou que la Commission municipale devait
donner. Ce ne sont pas toutes des approbations qui sont contraignantes ou qui
sont source de souci, de lourdeur ou de paperasserie.
J'ai mentionné avant l'ajournement à 18 heures certains
cas, par exemple le cas d'aliénation de biens meubles ou immeubles,
où justement l'approbation de la Commission municipale avait pour but de
faire passer un test d'objectivité, si on veut, à la transaction
que la municipalité voulait effectuer et faisait en sorte d'assurer une
stabilité ou une intégrité à tout le moins à
la transaction financière.
Lors de l'ajournement, j'en étais à un deuxième cas
où le genre d'approbation qui était donnée à la
Commission municipale avait une utilité importante. C'était le
cas des règlements d'emprunt, et je faisais plus spécifiquement
allusion à l'article 36 du
projet de loi où, par les nouvelles dispositions de la loi, on
dit que le conseil peut modifier un règlement d'emprunt par une
résolution qui ne requiert aucune approbation lorsque la modification ne
change pas l'objet de l'emprunt et qu'elle n'augmente pas la charge des
contribuables ou n'augmente la charge des contribuables que par une
modification du taux de l'intérêt ou la réduction de la
période de remboursement. Antérieurement à cette
disposition, il y avait une possibilité de modifier un règlement
d'emprunt dans un premier cas avant la vente des biens ou obligations. On a
fait disparaître cette approbation par le nouvel article 564, par la
modification apportée. Cela ne change pas à ce moment-là,
à mon point de vue, le problème dans le cas présent. Cette
approbation, qui n'est plus nécessaire, cela va de soi, je pense qu'on
pourrait déterminer que cela ne causera pas de préjudice
sérieux. Mais dans le cas suivant où les biens, par exemple, les
obligations sont émises, il y avait une possibilité pour la
municipalité de faire une modification à son règlement
d'emprunt, même si cela venait changer l'impact sur les contribuables. La
possibilité pour la municipalité de modifier son règlement
d'emprunt existait pour autant qu'elle donnait un avis public de modification
de son règlement d'emprunt et avisait les personnes que, dans les 30
jours, elles pouvaient aviser la Commission municipale de leur opposition. La
Commission municipale devait alors tenir une enquête publique et entendre
les gens qui voulaient faire valoir leurs objections. Dans un tel cas,
l'approbation de la Commission municipale était utile parce que cela
donnait la possibilité, si la municipalité justifiait à la
Commission municipale la modification du règlement d'emprunt dans un
sens précis, de faire une telle modification.
Aujourd'hui, avec la loi telle qu'elle existe, d'après la
compréhension que j'ai pu en avoir à la suite de la brève
analyse que j'ai faite de ces articles, si la municipalité veut modifier
un règlement d'emprunt en modifiant la charge des contribuables, elle
devra obligatoirement adopter un nouveau règlement d'emprunt. Dans un
tel cas, le danger qui peut exister, c'est que les contribuables qui,
actuellement, sont favorisés parce qu'ils ne paient pas ou qu'ils paient
une partie moindre du règlement d'emprunt, pourront s'opposer à
ce que le règlement en question soit modifié pour augmenter leur
charge. Dans un tel cas, la municipalité ne pourra le modifier, puisque
le règlement d'emprunt n'est pas approuvé par les
contribuables.
Je donnais un exemple, qui pourrait être hypothétique,
où je parlais justement de régions qui seraient
déclarées "inondables". Actuellement, si un règlement
d'emprunt de municipalité existait pour des services offerts à
des propriétaires de terrains qui pourraient être potentiellement
desservis, si on se rend compte dans un tel cas, en vertu de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, avec les nouvelles dispositions qui
s'appliquent par un règlement de contrôle intérimaire ou,
éventuellement, par le nouveau règlement qui s'ensuivra. Si,
effectivement, on décrète ces terrains comme zones inondables
où on ne peut plus construire, qu'arrivera-t-il des coûts des
services qui sont à la charge des propriétaires des terrains qui
pourraient être potentiellement desservis?
Ces propriétaires, effectivement, ne pouvant plus avoir le
bénéfice de ces services, vont demander à la
municipalité de modifier le règlement d'emprunt. Les services ont
été donnés. S'ils sont imposés sur une
période plus longue, de 20 ans par exemple, qu'arrivera-t-il? La
municipalité, voulant modifier son règlement d'emprunt, pourrait
enlever une charge à ces contribuables puisqu'ils ne peuvent pas
bénéficier des services, pour les transférer à
d'autres contribuables de la municipalité ou à l'ensemble des
contribuables d'un bassin par exemple. Elle pourra faire face à une
opposition, pour ce nouveau règlement d'emprunt, des électeurs de
la ville qui pourront exiger de voter sur ce règlement et le
bloquer.
Qu'est-ce que la municipalité fera dans ces circonstances? Elle
devra continuer avec l'ancien règlement. Mais l'ancien règlement
pourrait, à mon point de vue, être annulé par les
contribuables puisqu'ils ne bénéficient d'aucun des services pour
lesquels ils sont imposés. Finalement, la municipalité aurait un
règlement d'emprunt qui pourrait être déclaré
invalide pour des contribuables, non payable par ces contribuables, et
être prise, à un moment donné, avec une facture à
donner à qui? À ce moment-là, cela reviendra
évidemment au fonds général probablement, si un tel
règlement est annulé. Mais c'est un problème, je pense,
qui peut avoir son application et qui, antérieurement, donnait une
possibilité à la municipalité de se sortir d'une situation
difficile. Mais dans le cas présent, il semble bien qu'en enlevant cette
possibilité de procéder avec approbation de la Commission
municipale, on enlève la possibilité à une
municipalité de se sortir de l'impasse créée par un tel
cas.
Pour continuer l'analyse du projet de loi no 2, nous avons
mentionné que, dans un premier temps, il y a la question de diminution
des approbations. Le deuxième objet du règlement est la
modification du rôle de la Commission municipale qui ne donnera plus
d'approbations. Le troisième objet du projet de loi no 2 est d'amener
des mesures relatives à la gestion interne de la municipalité.
Ces mesures auront pour but de donner aux contribuables un certain droit de
regard sur la gestion des finances municipales. C'est une
amélioration de l'information à l'endroit des citoyens par des
mesures législatives. Je vous ai donné certains exemples: le
ministre a, à bon droit, souligné dans son intervention qu'une
des mesures consistera à ce que le trésorier de la
municipalité devra déposer devant le conseil, tous les trois
mois, un état des revenus et des dépenses par rapport aux
prévisions budgétaires. Cela va clarifier la situation et
informer les citoyens.
Le ministre mentionnait cependant que cela va permettre aux citoyens
d'exercer les pressions nécessaires. Dans ce cadre précis, comme
dans d'autres cadres de modifications qu'on apporte à la loi, on donne
la possibilité aux citoyens de s'informer et d'obtenir des
renseignements sur l'administration municipale. Je soulignerai que, dans des
cas précis comme celui-là, on dit aux citoyens de prendre des
moyens de pression pour tenter de faire corriger le tir de l'administration
municipale. C'est bien beau, mais je pense que... Je ne veux pas dire que je
suis pour le fait d'avoir des contrôles supplémentaires, mais il y
aurait lieu de s'interroger quant à cette loi-ci et, peut-être,
éventuellement, quant au projet de loi 4, la Loi sur le ministère
des Affaires municipales, de faire en sorte que les citoyens aient un droit de
parole, qu'ils soient écoutés quelque part pour démontrer
que si la municipalité, dans le cadre de son administration, ne
satisfait pas aux exigences que la loi lui impose, le citoyen peut avoir un
certain recours, peut s'adresser à quelqu'un pour faire en sorte qu'on
contraigne la municipalité à se conformer à la loi.
Actuellement, dans la plupart des cas, il n'y a pas de telle mesure. Les
citoyens doivent s'adresser aux tribunaux. Pour dénoncer une situation,
ils doivent prendre un recours et payer eux-mêmes ce recours, parfois
à grands frais, en déboursant 4000 $ ou 5000 $ comme c'est
arrivé récemment dans certaines municipalités.
Qu'arrive-t-il? Est-ce que tous les citoyens peuvent se permettre d'investir
4000 $ ou 5000 $ pour démontrer que l'administration municipale n'agit
pas conformément à la loi? Je pense qu'il est bon qu'on donne des
mesures d'information et de renseignements sur l'administration municipale aux
citoyens, mais qu'on donne également, d'une certaine façon, un
droit de regard réel aux citoyens. C'est-à-dire que le citoyen
pourra faire valoir une objection quelconque auprès d'un organisme ou du
ministère mais avec l'assurance que le ministère donnera suite
à sa demande, ce qui n'est pas le cas présentement.
D'autres mesures relatives à la gestion interne des
municipalités que le projet de loi 2 apporte sont
bénéfiques pour l'ensemble des citoyens. On dit qu'un rapport
financier annuel des municipalités sera uniformisé et devra
comprendre les états financiers et le calcul du taux de taxation. Donc,
c'est un point important puisque, le rapport financier annuel étant
uniformisé et comprenant les états financiers, ceux-ci
deviendront publics et les citoyens pourront les examiner et suivre
l'évolution de la situation financière de la municipalité.
Un vérificateur doit aussi être nommé. Il déposera
son rapport au conseil, ce qui permettra aux citoyens de suivre
l'administration municipale.
Le projet de loi 2 apporte d'autres possibilités pour les
municipalités et d'autres nouvelles dimensions dans l'administration
municipale qui font en sorte que cela favorise, si l'on veut, l'administration
municipale dans son autonomie comme telle. Je pense par exemple au budget
supplémentaire. Le projet de loi donne la possibilité de
présenter un budget supplémentaire. On parle aussi de la
possibilité de disposer des crédits lorsque des circonstances
exceptionnelles empêchent l'adoption du budget. Si, par exemple, le
budget peut être reporté, dans certains cas, au-delà du
mois de décembre, on se retrouve en janvier et le conseil doit disposer
de crédits pour continuer son administration courante. Si le budget
était reporté et que la municipalité continuait son
administration, on pouvait peut-être avoir certains crédits
bancaires, mais ce n'était quand même pas tout à fait dans
la légalité. Maintenant, par des dispositions ou par la
possibilité de renouveler un douzième des crédits à
chaque mois, on légalise la situation qui pouvait exister de fait dans
certaines municipalités. Un autre exemple de mesures qui pourraient
être bénéfiques à l'administration municipale, c'est
la délégation du pouvoir de dépenser. Ce sont donc,
à mon point de vue, des mesures positives.
Il y a aussi certains points qui nécessiteraient des
éclaircissements et qui pourront être sujets à discussion.
J'ai bien l'intention de les soulever en commission parlementaire. Je voudrais,
par exemple, soulever ici un des problèmes qu'apporte l'article 24
où il y aura une possibilité, pour la municipalité, de
poursuivre des travaux même lorsque les dépenses excèdent
le montant du règlement d'emprunt dont l'objet était
spécifiquement ces travaux particuliers.
Si on veut poursuivre les travaux même lorsque les dépenses
excèdent le montant du règlement d'emprunt, la
municipalité pourra elle-même combler le manque à
dépenser en puisant dans son fonds général, mais avec des
dispositions particulières dans certains cas pour rembourser ce
même fonds. Dans le cas où ce sont uniquement certains
contribuables de la municipalité qui ont la charge de ces travaux, la
municipalité dépasse son règlement d'emprunt à
même son fonds général, paie les travaux et
récupère
le montant ultérieurement. Mais il y a un danger que j'entrevois
immédiatement ici dans un tel cas. C'est qu'il n'y a pas de limite
à l'excédent que la municipalité peut dépenser.
Donc, cela pourrait favoriser dans certains cas, à la limite, un danger
d'abus, c'est-à-dire que les municipalités pourraient
budgétiser certains travaux à un montant moindre et, finalement,
arriver à ce que, les travaux coûtant plus cher, on puise à
même le fonds général et on alloue ce montant directement
pour ces travaux. Mais si ce sont des contribuables en particulier qui doivent
payer, c'est là que l'abus peut se produire, puisque ces contribuables
seront redevables de la partie des travaux qui les affecte directement. Donc,
on vote sur un règlement d'emprunt d'un certain montant pour certains
travaux. Si on dépasse le montant, sans qu'on ait un mot à dire,
le conseil pourra payer les travaux et réclamer le montant à ses
citoyens. Il y a un danger d'abus que j'entrevois et qu'il faudra certainement
éclaircir lors du débat en commission parlementaire afin de,
possiblement, mettre un frein à un abus possible.
Également, M. le Président, je voudrais souligner, puisque
mon temps achève, certaines modifications apportées par le projet
de loi, qui m'apparaissent imprécises et sur lesquelles j'ai de
sérieuses réserves. Cela concerne évidemment les MRC. J'ai
examiné certains articles du projet de loi qui modifient le Code
municipal. Par exemple, à l'article 67 - ce n'est rien de bien grave;
c'est un changement de terme - auparavant, on parlait d'estimation des
dépenses et des revenus pour les municipalités régionales
de comté. Maintenant, on va parler de budget. C'est une petite encoche;
ce n'est peut-être pas trop grave. Mais à l'article 70,
antérieurement, il y avait une limite de 50 000 $. La
municipalité ne pouvait faire des emprunts à long terme pour une
valeur supérieure à 50 000 $. Il y avait donc une limite de 50
000 $ avec capacité d'emprunter des MRC. Cela existait auparavant
à l'article 1061 du Code municipal. Cette disposition a
été enlevée et les municipalités peuvent maintenant
emprunter, mais sans limite, avec la seule approbation du ministre. C'est un
danger que je vois poindre du coin de l'oeil et je m'interroge
sérieusement sur la possibilité pour la MRC d'emprunter avec la
seule approbation du ministre et sans aller voir les contribuables qui devront
assumer cette charge. Pour chacune des municipalités à qui on
référera une quote-part éventuellement, on augmente ici la
possibilité pour les MRC de faire des emprunts. On augmente la
capacité de dépenser des MRC. Je crains un peu dans ce cas qu'on
tente d'étendre les pouvoirs des MRC et qu'on tente d'aller par en
arrière faire évidemment ce que le monde municipal a grande
crainte: que les MRC deviennent des gouvernements régionaux. Il y a une
grande crainte dans ce cas précis qu'on puisse éventuellement
arriver à cela avec un tel pouvoir.
Également, à l'article 78 de la loi antérieure, on
supprime les limites relativement au taux d'endettement. Antérieurement,
pour les MRC, le taux maximum d'endettement était à 5% de
l'évaluation totale des biens-fonds imposables. On a supprimé
cette limite et on ne l'a pas remplacée. On a supprimé la limite
de 15% de l'évaluation foncière pour les corporations locales.
Ces 15% comprenaient à ce moment ce qu'une municipalité doit
à la MRC. On a supprimé ces 15%. D'un côté, il y a
une possibilité ici de faire un règlement d'emprunt quand
même et d'avoir certaines... Antérieurement, il y avait une
possibilité de dépasser les 15%, mais avec certaines approbations
précises, avec un certain pourcentage d'approbation de personnes
habilitées à voter sur le règlement. C'est enlevé
purement et simplement aujourd'hui. Ce serait un règlement d'emprunt.
Cette disposition, cette limite de 15% est disparue et cela m'apparaît
aussi suspect que les 5%.
En conclusion, je voudrais simplement annoncer que l'Opposition votera
pour le projet de loi 2. Ce projet de loi 2, je l'ai mentionné, apporte
des simplifications actuellement. Il enlève des approbations qui
constituaient peut-être un double emploi: Commission municipale et
ministre des Affaires municipales. On déplore, cependant, je le
répète ici, que l'approbation qu'on enlève soit celle de
la Commission municipale pour conserver celle du ministre. Il nous aurait paru
beaucoup plus logique et beaucoup plus neutre de garder l'approbation de la
Commission municipale et de conserver la vocation réelle de la
Commission municipale qui existe depuis 1932 à ce but précis du
contrôle financier de l'administration municipale. (20 h 20)
Nonobstant ce fait, il reste que le projet de loi 2, comme je l'ai
mentionné, apporte une simplification au niveau municipal, apporte aussi
une simplification en diminuant les approbations, mais apporte également
de nouveaux pouvoirs, de nouvelles possibilités aux administrations
municipales et aux citoyens de s'informer des gestes de l'administration
municipale. De ce côté, c'est un élément positif
même si nous ne sommes pas d'accord fondamentalement avec certaines
dispositions de la loi, même si nous ne sommes pas d'accord avec les
paroles du ministre concernant justement la question d'autonomie beaucoup plus
grande et, également, de confiance aux élus qui m'apparaissent
plutôt une question de partisanerie politique que de soulever un tel
élément ici, si on a regardé ce que je mentionnais
à propos des rapports, soit que
les gens du milieu municipal donnaient par rapport à toute la
législation qui entoure le monde municipal. Même malgré ces
inconvénients, M. le Président, nous demeurons d'accord sur le
principe fondamental du projet de loi même si, dans certains cas, on peut
diverger d'opinion sur les mesures que le projet de loi apporte. Si,
fondamentalement, nous donnons notre aval au ministre sur le principe, nous
sommes convaincus qu'un tel projet de loi pourra bénéficier au
monde municipal. Dans un tel cas, nous donnerons sûrement notre
approbation au projet de loi tout en souhaitant que, lors des discussions en
commission parlementaire, on pourra le faire d'une façon sérieuse
et tenter, dans certains cas précis que j'ai soulevés et dans
d'autres cas qu'on pourra discuter... Le projet de loi étant assez
volumineux et renfermant de nombreuses dispositions visant diverses lois, il
serait trop long de l'analyser ici, en Chambre, dans un court laps de temps,
mais nous l'analyserons fondamentalement et à fond à la
commission parlementaire. Je souhaite que le ministre puisse, s'il y a lieu,
corriger son tir pour une meilleure disposition au niveau de l'administration
municipale et pour l'ensemble des citoyens qui sont gérés par les
conseils municipaux et les administrations municipales dans tout le
Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Groulx et président de la commission de l'aménagement et de
l'équipement.
M. Élie Fallu
M. Fallu: M. le Président, permettez-moi, au
départ, de me réjouir que nos collègues libéraux
votent en faveur de ce projet de loi. Essentiellement, le débat qui
reste entre nous a déjà été entrepris en cette
Chambre le 3 mai dernier, au moment du débat sur le projet de loi 61, et
porte essentiellement sur le rôle de la Commission municipale. Nous avons
engagé ce débat ici en Chambre le 3 mai et, par la suite, nous
l'avons poursuivi en commission parlementaire au moment de l'étude
détaillée du projet de loi. J'ai l'impression que ce qui a
été dit alors devra être redit une seconde fois, en
créant volontiers un pléonasme parce qu'il faut vraiment le
répéter. Il semble que des choses n'aient pas été
bien saisies.
M. le Président, la Commission municipale doit devenir une
véritable commission, c'est-à-dire un organisme quasi judiciaire
ce qui a toujours été son rôle, et non pas un organisme
d'approbation administrative. Elle ne doit plus avoir à donner
d'approbation administrative, elle doit garder uniquement ses pouvoirs
d'enquête car il lui arrive d'être, dans certains cas - on pourrait
en étaler de très nombreux et de très précis -
à la fois juge et partie, d'avoir à approuver une semaine l'achat
d'un terrain par une municipalité pour des fins X, Y, Z en dehors du
territoire municipal et, la municipalité en question ayant changé
la vocation de ce terrain, la Commission municipale doit faire enquête
sur le même terrain situé à l'extérieur de la
municipalité. La Commission municipale ne peut plus être ainsi
juge et partie. Il faut donc préciser ce cadre administratif, d'une
part, comme étant un cadre réglementaire et, d'autre part, comme
étant un cadre quasi judiciaire. Il semble bien que nous devions
reprendre la conversation à ce propos. Nous la reprendrons en commission
parlementaire, semble-t-il.
M. le Président, je voudrais, à la lecture suggestive de
deux ou trois articles de la loi, pris dans les articles 30 à 33, vous
indiquer par le libellé de ces quelques articles l'essence même de
la loi. Permettez que je lise. À l'article 30: "L'article 553 de cette
loi est modifié par la suppression des troisième et
quatrième alinéas." Retenons le mot "suppression". À
l'article 31: "L'article 554 de cette loi est modifié par la suppression
du cinquième alinéa." Et alors, mes yeux tombent sur l'article 33
tout à côté: "Les articles 558, 559 et 560 de cette loi
sont abrogés." Voilà les thèmes majeurs de ce projet de
loi, suppression et abrogation. C'est dire que c'est un projet de loi qui
s'effeuille de lui-même car c'est le Code municipal, la Loi sur les
cités et villes et les quelque 30 lois qu'il modifie qui sont mis en
cause par la diminution considérable de volume de papier. Mais arrivons
précisément à ce volume de papier.
On a souligné tantôt à très juste raison que
près du quart de l'ensemble des lois du Québec touche d'une
façon ou d'une autre le monde municipal. Il ne faut pas s'en
scandaliser, pour deux raisons. La première est fondamentale et il
semble qu'il faille revenir assez souvent en cette Chambre sur ce qu'on
pourrait appeler les principes du droit municipal ou la philosophie du droit
municipal. C'est simple. Le pouvoir municipal n'ayant qu'un gouvernement dans
cette province... Il y a un autre problème, c'est qu'on en a deux, mais
c'est autre chose. Il y en a très certainement un de trop, mais on y
reviendra en temps et lieu. Il n'y a qu'un gouvernement et le pouvoir municipal
est un pouvoir délégué depuis le pouvoir qui appartient
à l'Assemblée nationale. En conséquence, pour qu'un
pouvoir soit délégué, il faut qu'il soit nommément
délégué. Il faut, en conséquence, que toutes les
lois municipales indiquent clairement, précisément, quels gestes
une municipalité peut poser. S'il n'est pas énuméré
dans la loi le ou les gestes que la municipalité peut poser, elle ne
peut poser aucun de ceux qui
ne sont pas énumérés. C'est donc un pouvoir
délégué. Et cette délégation doit être
précise. Il y a des avocats ici en cette Chambre qui pourraient,
beaucoup mieux que moi, parler de ces pouvoirs de délégation.
En conséquence, les lois municipales doivent être longues,
d'autant plus longues -j'arrive au deuxième principe que je veux
souligner ce soir, au début de mon intervention - qu'elles donnent des
pouvoirs. Car plus une loi municipale est explicite, non pas en principe mais
en pratique, plus elle donne des pouvoirs à la municipalité.
Voilà ce que sont les lois municipales.
Ces lois municipales que nous avons adoptées en cette Chambre
depuis quelques années, par exemple la Loi sur la fiscalité
municipale, une loi considérable, vous vous en souvenez, de plus de 450
articles, avait pour but de rendre les municipalités autonomes sur le
plan de leur fiscalité. Elles le sont actuellement pour 94% à 98%
d'entre elles.
Le mot "autonomie" est important à partir de là, car
voilà une véritable autonomie, celle de la fiscalité.
Peut-on dire de ce point de vue que notre Assemblée nationale et notre
ministre des Finances, notre province de Québec ne sont autonomes
qu'à environ 75%? Car 25% de son budget lui viennent de transferts d'un
autre budget d'un autre gouvernement, alors que dans le monde municipal, il n'y
a que 2% à 4% de transferts au maximum. Voilà l'autonomie. Mais
il a fallu pour cela créer une loi extrêmement complexe et
volumineuse. (20 h 30)
De la même façon, lorsque nous avons parlé
d'aménagement, lorsque nous avons transféré au monde
municipal un pouvoir déterminé d'aménagement, en
créant de nouvelles relations et interrelations entre la
municipalité maître d'oeuvre de l'aménagement, la MRC
coordonnatrice intermunicipale, avec le gouvernement qui s'obligeait par cette
loi à respecter l'aménagement décrété par
les élus municipaux, nous avons dû décrire longuement le
pouvoir municipal. Ce pouvoir municipal, décrit dans des lois
épaisses, était d'autant plus une source d'autonomie municipale,
de pouvoir municipal que la loi était épaisse.
Une voix: Si les lois étaient épaisses, ce devait
être des lois libérales.
M. Fallu: Je vois notre collègue de Crémazie qui
vient d'entrer. Il se rappellera cette loi sur la fiscalité. Il se
rappellera également cette importante loi sur la démocratie
municipale puisqu'il était titulaire du ministère. Cette loi sur
la démocratie municipale était une source d'autonomie municipale.
Cette loi toute récente, la dernière d'ailleurs que nous ayons
étudiée en cette Chambre, sur les immeubles industriels
municipaux, était aussi une source d'autonomie. Elle permettait aux
municipalités d'acheter des terrains à des fins industrielles de
la même façon qu'elles achètent des crayons, des plumes ou
des objets d'utilité courante à même leur budget
régulier. Voilà une loi qui était source d'autonomie.
Aujourd'hui, par la simplification administrative, en enlevant des
pouvoirs de contrôle inscrits, d'ailleurs, dans les lois municipales
depuis trop longtemps, nous donnons davantage d'autonomie municipale. Je suis
heureux de voir que cette loi est encore volumineuse.
Décrivons quelle était la condition du monde municipal
avant cette loi et nous dirons tantôt ce qu'elle sera après. En
fouillant dans mes archives personnelles, j'ai trouvé un document
daté du 7 mars 1975. Pour le reste, je tairai les noms de la
municipalité, du ministre et du sous-ministre de l'époque, etc.,
mais, très certainement, plusieurs sauront traduire cette date en
événement précis.
Voilà qu'une municipalité doit faire un emprunt pour
réparer la toiture du garage municipal. Il faut donc suivre la "liturgie
municipale" qui veut qu'on fasse avis de motion et qu'on adopte un
règlement. Dès que le règlement est déposé
en avis de motion - vous savez qu'on court-circuite un peu les choses, on ne
fait que le déposer -on s'enquiert donc de l'approbation. Le
règlement est transmis à Québec. Le
secrétaire-trésorier de la municipalité écrit
à M. le ministre et voilà que cela commence. M. le
Président, rappelons-nous toujours que c'est pour réparer la
toiture du garage municipal qui est défectueuse et que nous sommes au
mois de février. Il faut donc faire vite, parce que le printemps arrive
et qu'il va pleuvoir. Déjà, la neige commence à fondre. La
lettre du secrétaire-trésorier arrive au ministère.
Voilà que quelqu'un la reçoit et en fait la distribution. Elle
arrive sur un bureau; quelqu'un doit ouvrir l'enveloppe, estampiller le jour,
la date, l'heure de l'arrivée, inscrire sa griffe, préparer un
petit dossier, l'arranger, l'expédier à quelqu'un - voilà
un messager qui pousse son petit chariot; vous voyez le paysage - à un
professionnel qui va en faire une lecture attentive, qui va vérifier si
la municipalité a bien les sous - comme elle ne les a pas, elle devra
les emprunter sur billet - qui va vérifier si la municipalité a
la valeur foncière et, enfin, qui va vérifier son taux
d'endettement.
Voilà qu'on cherche dans les livres et qu'on vérifie. Le
professionnel, très compétent - le pauvre, c'est la tâche
qu'on lui a assignée - doit rédiger de sa main un avis qu'il
donne à une secrétaire qui tape fidèlement ce rapport.
À nouveau, c'est
classé dans une chemise et ça repart sur le petit chariot
pour s'en aller du côté du contentieux, c'est-à-dire chez
messieurs et mesdames les avocats. Ce sera reçu, estampillé
à nouveau, griffé à nouveau, classé et, un bon
jour, selon l'ordre du dossier, un avocat viendra en prendre connaissance pour
voir si l'écriture du règlement est conforme à la liturgie
juridique. Il écrira un petit papier de sa main, le fera
dactylographier, l'inscrira au dossier et à nouveau, petit chariot pour
la Commission municipale. Alors un commissaire viendra prendre conscience, un
jour, lorsque ce sera au tour de ce dossier, selon l'ordre chronologique, de
l'examen du premier fonctionnaire qui aura vérifié la pertinence
des sous et du second qui aura vérifié la pertinence juridique
pour faire lui aussi un petit papier qui sera à nouveau
dactylographié et collé toujours au même projet de
règlement.
Et là, la Commission municipale ou je ne sais trop qui, parce que
sans doute cette secrétaire - il y a des initiales mais je ne sais la
reconnaître - quelqu'un, bref, lui dicte une lettre. Cette personne est
sans doute du cabinet du sous-ministre. Donc, petit chariot à nouveau de
la Commission municipale chez M. le sous-ministre. Petite lettre à
nouveau, dactylographiée à nouveau sur papier en-tête et M.
le sous-ministre, au nom du ministre - grande délégation de
pouvoirs - signe une lettre confirmant à la municipalité qu'elle
peut emprunter 75 000 $ sur billet pour réparer sa toiture. Sauf que
cela fait au-delà d'un mois que c'est arrivé au ministère.
Et la liturgie municipale n'est pas terminée car cette approbation
arrivant chez M. le secrétaire trésorier sera soumise à la
prochaine réunion du conseil, c'est-à-dire peut-être dans
26, 27 ou 28 jours, à moins qu'on ne tienne une réunion
spéciale d'urgence pour faire l'approbation.
Mais ce n'est pas terminé car il faudra soumettre aux
électeurs. Je simplifie, M. le Président, je ne caricature pas,
c'est deux mois et demi. Évidemment il y a toujours les petits malins
qui - j'imagine que le maire et député de Verdun à la fois
le sait bien - ont l'art de faire les étages et de promener les petits
chariots et faire en sorte qu'en dedans de 24 heures, on puisse avoir les
approbations requises. Le truc est connu. Bref, c'est quelqu'un d'autre qui
attend entre-temps. (20 h 40)
M. le Président, je n'ai pas voulu être caricatural ce
soir. Vous excuserez le ton. C'était la réalité un peu
kafkaïenne. C'est cette réalité que nous sommes en train de
changer ici comme Assemblée nationale. Par ailleurs, la seconde partie
de ce geste municipal doit rester. L'avis de motion, la résolution au
conseil, l'ouverture du livre pour que les électeurs puissent approuver,
c'est essentiel. Davantage, M. le Président, parce qu'il en va de la
démocratie, la loi permet à cette municipalité non pas
d'avoir recours à des obligations pour son emprunt, mais, à des
emprunts sur billet, rapidement. Je dis bien: La municipalité de ville
peut avoir recours au billet. De cette façon, elle va, d'une part,
trouver rapidement le crédit auprès de la caisse populaire et,
d'autre part, elle va économiser, mais à tous les niveaux. Vous
n'avez pas idée à quel point elle va économiser, parce que
ce sont des intérêts, ce sont des frais d'impression, ce sont des
frais d'émission, etc., qu'elle va économiser.
M. le Président, j'ai voulu, d'une façon imagée,
devrais-je dire, plutôt que caricaturale, présenter ce
qu'était la gestion interne du ministère du seul fait que ce
règlement d'emprunt devait être approuvé par le ministre et
la Commission municipale. Après l'adoption du projet de loi 2, ni la
Commission municipale ni le ministre n'auront à donner une telle
approbation. Les élus municipaux, en relation avec les citoyens et les
citoyennes, prendront seuls la responsabilité. Dois-je rappeler ici
qu'en 42 occasions, ce projet de loi a des dispositions de même nature
pour réduire en conséquence de 13 000 à 4000 seulement le
nombre d'approbations demandées aux municipalités? Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Verdun.
M. Lucien Caron
M. Caron: M. le Président, mes premières paroles
seront en tant que député-maire de Verdun parce que je pense
que...
Une voix: Le dernier des Mohicans.
M. Caron: ...c'est tout à fait normal. J'ai eu l'honneur
et le privilège, hier, de recevoir dans ma municipalité l'adjoint
parlementaire au ministre des Affaires municipales, M. Rochefort - le ministre
étant occupé ailleurs - qui s'est déplacé pour
venir dans la municipalité de Verdun et annoncer une subvention de 1 000
000 $. Mon collègue de Sainte-Anne, qui représente une partie de
la population de Verdun, et moi-même sommes les porte-parole de tous les
contribuables de Verdun pour dire merci. C'est dommage que le ministre ne soit
pas en Chambre; je pense qu'il est occupé à d'autres fonctions.
C'est tout à fait normal. Je ne le dis pas d'une façon
désagréable. Je sais que le Conseil des ministres doit se pencher
sur des problèmes très importants. Alors, j'espère que ses
collègues d'en face lui feront le message.
Cela dit, M. le Président, il me fait grand plaisir d'avoir
l'occasion de dire
quelques mots sur le projet de loi 2, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant les finances municipales.
Personnellement, en tant que député-maire de la
municipalité et du comté de Verdun, je pense que je suis en
mesure de dire que ce projet de loi a des avantages. Je suis bien heureux, ce
soir, d'avoir l'occasion de dire quelques mots sur ce projet de loi. C'est
vrai, mon collègue de Groulx, qui a parlé avant moi, sait
à quel point le fait qu'on ait à passer à la Commission
municipale... J'y reviendrai tout à l'heure parce que je pense que
jusqu'à maintenant on n'a pas souligné le travail exactement que
les gens de la Commission municipale ont fait et pour lequel on doit être
reconnaissant. Je peux vous dire aussi que souvent une municipalité
arrive à des moments où on a des problèmes: des
problèmes d'égout, on a souligné tout à l'heure des
problèmes de couverture, je pourrais souligner des problèmes
aussi de châssis dans un poste de pompier, de police, qui traînent
sur le bureau de la Communauté urbaine de Montréal depuis un an
et demi.
Depuis un an et demi, la ville de Verdun a un dossier qui traîne
là. On nous donne l'accord par téléphone, mais je pense
que cela ne suffit pas pour faire un emprunt et pour aller en soumissions
publiques afin d'avoir un prix pour refaire la couverture. Je pense que refaire
une couverture c'est très important. Mon collègue de Groulx le
soulignait avant moi. Je vais ajouter en plus que les châssis ont besoin
d'être refaits. Avec tout le "red tape" comme on peut appeler, dans un
langage qu'on utilisait dans des années précédentes, cela
prend du temps. Actuellement, le ministre des Affaires municipales a
décidé de donner une chance aux municipalités de sauver le
"red tape", d'essayer de couper le temps pour en venir à ce qu'on veut
faire actuellement. Personnellement, je suis bien heureux pour plusieurs
raisons.
Par contre, il ne faut pas oublier aussi que la Commission municipale,
qui date de l'année 1932, a fait énormément.
Jusqu'à maintenant, personne n'a souligné l'importance et la
beauté de son travail. Je peux vous dire qu'à certains moments la
Commission municipale a rendu service à bien des conseils municipaux ici
au Québec. Le fait qu'ils soient dotés de conseillers juridiques,
le fait d'être organisés en conséquence pour pouvoir guider
les élus municipaux... Vous savez, les gens qui sont élus dans
les conseils municipaux ce ne sont pas tous des avocats et ce ne sont pas tous
des comptables. À un certain moment, nous nous fions à certains
fonctionnaires et ce n'est pas méchant qu'on envoie le dossier à
la Commission municipale. Quand le dossier nous revient à la
municipalité, positif ou négatif ou même avant qu'il soit
négatif, on nous dit qu'il y a des erreurs dans le dossier, et on nous
indique comment procéder. Je pense qu'à un certain moment cela
sera regrettable d'avoir perdu ces gens. Car jusqu'à maintenant, depuis
que je suis dans cette Chambre, et je vois l'ex-ministre qui est le ministre de
l'Habitation aujourd'hui, je pense qu'on est tous fiers de la Commission
municipale.
Ici, dans cette Chambre, on a toujours eu la fierté du travail
qui s'est fait à la Commission municipale. J'espère qu'on pourra
trouver un mécanisme pour aider les municipalités à un
certain moment à ne pas faire des erreurs. (20 h 50)
Le projet de loi que nous avons devant nous comporte des objectifs. J'ai
écouté le discours du ministre; il a fait un très beau
discours et, franchement, j'endosse le geste que le ministre des Affaires
municipales a posé. Mais certaines choses m'inquiètent. Nous en
parlerons en commission parlementaire.
Parlons de budget municipal, M. le Président. À la
Communauté urbaine de Montréal, à la Communauté
urbaine de Québec et à celle de l'Outaouais, si on ne s'entend
pas au 1er janvier, automatiquement 1/12 du budget est adopté.
Après avoir feuilleté ce projet de loi assez épais en peu
de temps, c'est ce que je peux reprocher aux gens d'en face, M. le
Président, on n'a pas eu beaucoup de temps pour tout regarder,
même les amendements qui touchent les municipalités. Seulement
pour Verdun, je peux vous dire que la Loi modifiant la charte de la cité
de Verdun en 1924, ce n'est pas d'aujourd'hui, c'est plus vieux que moi; la Loi
modifiant la charte de la cité de Verdun en 1935, M. le
Président, j'étais au monde; la Loi modifiant la charte de la
cité de Verdun en 1954-1955; la Loi modifiant la charte de la
cité de Verdun en 1957-1958; la Loi modifiant la charte de la
cité de Verdun en 1971.
M. le Président, ce que je déplore dans ce projet de loi,
c'est qu'on soit limité dans le temps. On est d'accord, comme mon
collègue, le député de Laprairie vous l'a dit tout
à l'heure, que le projet de loi puisse comporter un certain nombre de
handicaps. Nous n'avons pas eu le temps d'aller en profondeur. J'espère
qu'en commission parlementaire, on aura l'occasion de ce côté-ci
de la Chambre d'apporter quelques amendements, s'il y a lieu. Comme je vous le
disais tout à l'heure, c'est bien beau que le budget puisse être
adopté à 1/12 mais, M. le Président, c'est plus que cela.
Quels que soient les conseils municipaux au Québec, vous savez que cela
ne tourne par toujours rond dans les conseils municipaux, aussi bien qu'ici. On
a un exemple flagrant en face de nous. On fait des réunions un peu ici
et un peu là, on ne m'invite pas, j'aimerais cela. Mais, naturellement,
n'étant pas de ce côté
de la Chambre, on ne m'invite pas. Dans les conseils municipaux, c'est
pareil.
On tient des réunions chez certains conseillers ou ailleurs. Mes
collègues d'en face aussi bien que l'ex-ministre des Affaires
municipales le savent. Mon inquiétude, quand je regarde le projet de
loi, c'est que si, pour une raison ou une autre, dans une municipalité,
on n'adopte pas le budget à temps et qu'on demande un délai de un
ou deux mois, M. le Président... Quand on feuillette le projet de loi,
cela ne nous dit pas exactement comment on pourra faire notre taxation.
Enverra-t-on un, deux ou trois comptes de taxes? J'espère que non parce
que plus on va en envoyer, plus cela va coûter cher aux contribuables. Le
rôle des gens d'en face autant que de notre côté, c'est
d'essayer de garder les taxes les plus basses possible. J'espère que le
ministre des Affaires municipales, quand on aura l'occasion d'étudier le
projet de loi article par article, en commission parlementaire, sera en mesure,
avec ses fonctionnaires, de nous guider et de nous apporter des amendements qui
pourront nous donner la chance de savoir exactement... Quand on étudie
le projet de loi - naturellement, je n'aime pas parler des ententes ou des
discussions qui peuvent se faire en dehors de la Chambre -ce n'est pas clair.
C'est même un avocat, mon collègue de droite, le
député de Saint-Louis, qui l'a étudié avec moi. Le
projet de loi n'est pas clair. J'espère que le ministre des Affaires
municipales, avec sa batterie de hauts fonctionnaires, pourra nous
éclairer et nous dire exactement ce que le projet de loi contient pour
que les municipalités... M. le Président, étant
moi-même maire d'une municipalité, je voudrais bien, le premier,
être capable de le comprendre. Quand on le regarde, qu'on
l'étudie, on constate qu'il est volumineux. On l'a eu, il n'y a pas
longtemps, une dizaine de jours, deux semaines au plus. On n'a pas la
réponse. C'est important que je l'aie. L'Union des municipalités
et les autres doivent le savoir aussi.
M. le Président, il faudrait souligner tout le travail qui a
été fait par la Commission municipale, parce que nous enlevons
énormément de pouvoirs à cette commission pour
économiser du temps, comme mon collègue du comté de Groulx
l'a mentionné tout à l'heure. Je suis d'accord avec le projet de
loi, mais en enlevant les pouvoirs de la Commission municipale, il faudrait
aussi penser qu'il y a 1600 municipalités au Québec. Il faudrait
aussi trouver le mécanisme nécessaire, quand on regarde les
règlements d'emprunt temporaires ou permanents, et trouver
également un moyen pour qu'il puisse y avoir une certaine surveillance.
C'est beau de parler de démocratie. On a toujours dit en face: Pas de
problème, c'est démocratique. Les conseils municipaux, c'est
ouvert, mais à certains moments, il faut aussi que les conseils
municipaux aient une certaine surveillance comme dans d'autres domaines aussi.
Je l'ai déjà souligné à l'ancien ministre des
Affaires municipales qui est aujourd'hui ministre de l'Habitation et de la
Protection du consommateur. Il faut aussi trouver un moyen d'exercer une
certaine surveillance. Je pense que le ministre n'était pas contre ma
suggestion. Je n'avais peut-être pas trouvé exactement le
mécanisme nécessaire alors que je lui en parlais, mais nous
sommes tous des humains et même en face, à certains moments, sans
le vouloir, on dépense.
Dépenser l'argent des autres, c'est une chose bien facile. On a
dépensé quelque 400 000 $ pour un spectacle à
Montréal. Si cela se fait par un ministre du gouvernement actuel, cela
peut se faire par quelques conseillers dans une municipalité. C'est
là, dans tout ce domaine, qu'il faudrait aussi trouver le
mécanisme nécessaire pour être sûr, tout en donnant
une grande liberté aux municipalités - parce que ce ne sont pas
tous les contribuables qui vont se déplacer pour assister aux
réunions de leur conseil municipal. On a eu une réunion hier soir
où il y avait douze ou treize personnes. C'est une ville d'environ 65
000 habitants. Il y a un certain danger. Même avec toute la
démocratie, il y a une limite dans la démocratie. Je pense qu'on
ne sait pas tout ce qui se dit au Conseil des ministres. Beaucoup de choses
sont limitées. On ne les a pas. (21 heures)
Je pense qu'il y a un certain danger. Sans vouloir faire d'affirmations
gratuites contre quelque conseil municipal que ce soit au Québec, je dis
qu'une certaine surveillance doit être faite. C'est la
responsabilité du gouvernement.
De notre côté de la Chambre et quant à moi, comme
maire, je voudrais, à l'étude article par article du projet de
loi, pouvoir présenter quelques amendements. Comme je l'ai dit au
début, ce projet de loi est un projet pour faire gagner du temps aux
conseils municipaux du Québec. Je considère que c'est un projet
de loi qui a une certaine valeur, une valeur importante. Malgré tout
cela, je pense qu'il faudra certains amendements pour s'assurer que les gens
qui ne se déplacent pas pour se rendre aux réunions du conseil
municipal soient protégés.
En terminant, je ne voudrais pas passer sous silence le temps
alloué à l'Opposition pour analyser ce projet de loi de 324
articles. Il modifie 38 lois publiques et privées. Il contient quand
même de très grands principes. À peine une semaine ou dix
jours au plus pour examiner tout cela. J'espère qu'on nous donnera le
temps d'aller en commission parlementaire la semaine prochaine. Je vois
l'ex-ministre des Affaires
municipales qui dit oui. J'espère qu'il fera le message à
son collègue, l'actuel ministre des Affaires municipales, afin de nous
donner la chance de rendre le projet de loi le plus satisfaisant possible pour
tous les contribuables du Québec. Je vous remercie, M. le
Président.
Des voix: Très bien! Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen
Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président. J'ai
écouté très attentivement le discours du
député de Verdun. Je me disais qu'il serait souhaitable que tous
les députés de l'autre côté soient élus
maires, parce que tout ce qu'il a trouvé à dire, c'est que le
projet de loi 2 était un bon projet de loi. Il a félicité
le gouvernement, le ministre, mon collègue, le député de
Groulx. En fait, je pense qu'il serait avantageux que tous les
députés de l'Opposition puissent être maires eux aussi.
Cela les aiderait peut-être à comprendre que certains projets de
loi que nous déposons à l'Assemblée nationale tendent au
mieux-être de la collectivité.
Le projet de loi 2, déposé ici à l'Assemblée
nationale, se veut une preuve supplémentaire de confiance du
gouvernement du Québec envers ses partenaires, les quelque 1600
municipalités formant le monde municipal. Comment cette confiance
a-t-elle franchi une étape supplémentaire? Tout simplement parce
que notre gouvernement s'est assis encore une fois autour d'une table de
concertation avec les principaux intervenants du milieu, soit l'Union des
municipalités régionales de comté et des
municipalités locales du Québec ainsi que l'Union des
municipalités du Québec. À cette table
Québec-municipalités, c'est avec enthousiasme que nos partenaires
ont accueilli le projet de loi 2.
Si c'est une marque de confiance que le gouvernement donne à ses
partenaires, qu'est-ce que ce fameux projet de loi va changer dans le monde
municipal? Premièrement, il rationalisera les contrôles
gouvernementaux en matière de finances municipales. Deuxièmement,
on éliminera les contrôles superflus et, troisièmement, on
améliorera les moyens de gestion des municipalités. Voilà
le changement. Voilà cet acquis de confiance: quand on a confiance en
quelqu'un, on a moins besoin de contrôler, on peut se permettre de donner
davantage de latitude.
À part cela, qu'est-ce que la loi 2 fera au niveau des
municipalités? Elle supprimera 42 sortes d'approbations. Je ne vous les
énumérerai pas toutes puisque cette décision a
été prise sur recommandation de notre monde municipal avec
l'acceptation du ministre. Donc, un geste de confiance encore une fois. La loi
2 aura aussi pour effet de diminuer le nombre d'approbations administratives
annuelles de 13 000 qu'il était à 4000. C'est le ministre des
Affaires municipales qui approuvera dorénavant les règlements
essentiels. Quels sont-ils, ces règlements essentiels? Je vous donnerai
comme exemple les règlements d'emprunt qui continueront d'être
soumis au ministre des Affaires municipales, ce qui demeure une
nécessité parce que le gouvernement est l'endosseur des
obligations municipales et que le milieu financier prend cette caution comme
garantie.
En acquérant plus de pouvoirs, le monde municipal acquerra aussi
plus d'autonomie, plus de latitude dans l'administration de ses budgets. Je
vous donnerai quelques exemples d'initiatives dont pourra se prévaloir
le monde municipal après l'adoption de la loi 2. S'il le désire,
le monde municipal pourra contracter des emprunts temporaires. S'il le
désire, le monde municipal augmentera son fonds de roulement. S'il le
désire, il pourra fixer le pourcentage du budget affecté aux fins
socioculturelles et communautaires et il pourra aussi aliéner des
immeubles et combien d'autres initiatives que je ne mentionnerai pas mais dont
le monde municipal jouira.
Le monde municipal n'aura plus non plus à faire valider des
ententes conclues entre les municipalités et la Société
québécoise d'assainissement des eaux. Il n'aura pas à
faire valider les contrats de travail avec les municipalités ni à
faire valider le paiement d'honoraires professionnels, les baux de location ou
de cession d'un immeuble à des fins de services sociaux. Ce ne sont que
quelques-unes des initiatives remises entre les mains du monde municipal.
L'autre jour, le ministre des Affaires municipales nous faisait
remarquer que cette loi était devenue une nécessité,
compte tenu, disait-il, de la qualité grandissante des administrations
municipales, compte tenu du niveau de compétence et de maturité
atteint. Comment le monde municipal a-t-il atteint cette maturité? Cette
démarche s'est effectuée au cours des années et elle a eu
un départ significatif en 1979. Au cours de la période de 1979
à 1984, les municipalités ont connu une réforme de
fiscalité qui avait pour objectif de renforcer leur autonomie et
d'effectuer un important transfert net de ressources en leur faveur.
Voilà une marque de confiance.
À la lumière des résultats de cette réforme,
qu'est-il arrivé au monde municipal? Tout à coup, de 1979
à 1984, les revenus des taxes, à l'exclusion de la taxe
d'affaires et des surtaxes, se sont accrus de 36,4%.
(21 h 10)
Qu'est-il arrivé à la taxe d'affaires et des surtaxes de
1979 à 1984? Les revenus des surtaxes se sont accrus de 271 000 000 $
qu'ils étaient à 380 000 000 $, soit 40,2% d'augmentation. Les
compensations tenant lieu de taxes. Ces revenus ont augmenté de 119,9% -
écoutez bien! - 529 200 000 $ de 1979 à 1984, ce qui
représente un taux de croissance de 341,5%. N'était-ce pas
là une marque de confiance importante qui s'est faite entre le
gouvernement et le monde municipal?
Par contre, les dépenses municipales sont passées de 2 712
000 000 $ en 1979 à 4 420 000 000 $ en 1984, ce qui représente un
taux de croissance de 63%. Pourtant, l'évolution de l'endettement des
municipalités indique que la dette nette à long terme des
municipalités a très peu augmenté, soit une hausse de 4%
seulement.
Tout ceci a été un ensemble de projets et de situations
qui nous permet aujourd'hui de dire que le gouvernement du Québec est
fier des gens qui représentent les municipalités, est en
confiance avec le monde municipal.
En conclusion, M. le Président, je vous dirai que la situation
financière des municipalités du Québec depuis 1979
démontre que les municipalités ont assaini leur situation
à plus d'un point de vue; que le résultat est positif en soi; que
le gouvernement du Québec est conscient de cette évolution et met
tout en oeuvre pour que la confiance mutuelle acquise soit très positive
de part et d'autre. Je vous dis ceci au nom des 1600 municipalités qui
sont heureuses du projet de loi 2 mais je vous le dis surtout au nom des 35
municipalités formant le beau et grand comté de Johnson, que tous
les maires sont très heureux du projet de loi 2. C'est avec grand
plaisir que je voterai pour l'adoption de ce projet de loi. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Le projet de loi 2 qui
est devant l'Assemblée nationale pour que nous puissions discuter du
principe et des objectifs qui le sous-tendent était attendu avec
beaucoup d'espoir et c'est un moyen pour les municipalités de
réussir à faire comprendre au ministre qu'elles ont droit
à une autonomie normale et que cette autonomie est
nécessaire.
Les objectifs qui sont poursuivis sont éminemment valables. Nous
avons un certain nombre d'objectifs qui sont présents dans les 327
articles de ce projet de loi et à ce sujet il n'y a, finalement, que peu
de problèmes.
Tout le monde s'entend que l'autonomie municipale doit être
respectée; tout le monde s'entend qu'il est désirable que les
élus municipaux puissent disposer des moyens qui sont à leur
disposition pour permettre une administration efficace, qui se fasse d'une
façon honnête et ouverte.
Il est entendu que ces objectifs et ces principes n'ont pas
été improvisés. Depuis longtemps, il est question, au
ministère des Affaires municipales, de diminuer les approbations, de
permettre au ministre de donner un certain nombre de feux verts qui sont
nécessaires dans l'administration municipale, que la Commission
municipale ait un rôle qui lui soit mieux défini et qu'on puisse
ainsi savoir qui loge où. Cependant, M. le Président, le
problème se pose quand on arrive à décider qui doit
prendre la décision et qui doit donner les approbations. Que les
approbations soient trop nombreuses pour que les municipalités puissent
fonctionner efficacement, je pense qu'il n'y a aucune dissension à ce
sujet. C'est quand on doit décider qui doit donner ces approbations.
Est-ce que cela doit relever du ministre des Affaires municipales ou si c'est
la Commission municipale qui doit se prononcer?
Il faut, à ce moment-là, se poser la question
fondamentale: qui est le mieux placé pour que cette approbation ait le
sens qu'elle doit avoir? Qui, du ministre ou de la Commission municipale,
dispose des moyens les plus efficaces pour analyser les demandes qui sont
faites par les municipalités au niveau financier de façon que les
contribuables aient l'assurance que les fonds publics des municipalités
sont gérés d'une façon honnête, d'une façon
efficace, et qu'en même temps - c'est extrêmement important dans un
projet de loi comme celui-là - les prêteurs puissent avoir
l'assurance que leurs fonds sont bien utilisés et qu'ils ont les
garanties nécessaires de remboursement en temps et lieu?
Il est sûr que le nombre de contrôles qui sont
exercés par l'État sur les municipalités a pris, au cours
des ans, des proportions inimaginables. On ne peut accepter que les
municipalités se trouvent toujours en train de quêter à
l'État des approbations, qu'elles soient d'une nature ou d'une autre.
Quand j'étais secrétaire de la Commission de refonte des lois
municipales qui a préparé un certain nombre de rapports qui ont
été soumis au ministre d'alors, l'actuel ministre de l'Habitation
et de la Protection du consommateur, on avait fait ce qu'on avait
baptisé un code des municipalités. Nous avions travaillé,
une équipe de juristes présidée par Me Gilles
Hébert, ainsi que des commissaires, Me Louis Rémillard et Me
Bernard Dorais. Nous avions préparé une série de rapports
dans ce que nous avons appelé un code des municipalités qui
visait à regrouper sous un même titre
l'ensemble des dispositions législatives qui régissent les
municipalités, c'est-à-dire le Code municipal, la Loi sur les
cités et villes et toutes les chartes dérogatoires des
différentes villes.
Nous avions fait un tout avec cela et nous avions publié un
certain nombre de volumes, dont celui-ci qui en était la première
tranche. Nous en avons publié un autre qui portait sur la
municipalité de comté et également un autre qui portait
sur l'administration financière de la municipalité. Nous en avons
publié un qui portait sur les élections municipales et un autre
qui portait sur les champs de compétence des municipalités. Tous
ces volumes, toutes ces tranches d'un même rapport constituaient un tout
qui visait à faciliter l'administration municipale. Dans ce code des
municipalités, nous proposions que la Loi sur les cités et
villes, le Code municipal et les différentes lois qui régissent
les municipalités du Québec, elles sont nombreuses... Nous en
avons fait un répertoire qui représente un volume d'au moins un
pouce et demi d'épaisseur. Nous avons proposé que tout cela
puisse faire l'objet d'une consolidation, d'une refonte dans le cadre d'un code
des municipalités. Nous l'avons fait au prix de nombreux efforts et
également de fonds importants qui ont dû y être
consacrés parce que cela a duré des années.
Malheureusement, M. le Président, nous sommes encore - je le
déplore - à patienter que le gouvernement nous présente
une telle refonte. Je me souviens que le porte-parole d'alors en matière
d'affaires municipales, le député de Chicoutimi, M.
Marc-André Bédard, avait fait quelques interventions en Chambre
déplorant et regrettant le temps que nous mettions à
préparer ces rapports. Cependant, le dernier rapport a été
déposé auprès du ministre des Affaires municipales de
l'époque en avril 1977. Ce qui était urgent dans les discours du
critique de l'Opposition de l'époque, M. Marc-André
Bédard, a dormi sur les tablettes depuis ce temps. (21 h 20)
Nous devons reconnaître qu'il y a des amorces
d'amélioration et de consolidation des lois municipales. Le projet qui
nous est présenté fait diminuer les contrôles, qui sont
beaucoup trop nombreux. Nous avions préparé un inventaire des
contrôles de l'État sur les actes des municipalités qui,
dans un volume de quelques centaines de pages, 586 pages, reprenait les
différents contrôles de l'État et les identifiait. Il y
avait 43 contrôles qui allaient du contrôle du
lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire du cabinet, qui passait
par le contrôle du ministre des Affaires municipales, de la Commission
municipale, du Bureau des inspecteurs et vérificateurs, du directeur
général de la prévention des incendies, de la
Société de l'aménagement de l'Outaouais, de la
Société d'habitation du Québec, du ministre de la Justice.
Je pourrais en énumérer comme cela pendant 43 lignes. Il y avait
le Tribunal du travail qui intervenait, le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
Tout cela pour vous dire que les contrôles étaient
tellement nombreux et sont encore tellement nombreux que les
municipalités se trouvent empêchées de fonctionner
normalement. Elles sont considérées comme des mineures dans le
monde de la politique. Il est sûr qu'il est nécessaire que
l'État s'assure du respect des lois, que l'État s'assure de la
capacité financière des municipalités, que l'État
s'assure que les fonds publics soient dépensés à bon
escient. Cependant, le contrôle tatillon ne doit pas empêcher les
administrateurs élus par la population, choisis à la suite
d'élections démocratiques, de fonctionner librement.
Le projet de loi que nous avons devant nous vise donc à
alléger les contrôles de la part des autorités
gouvernementales sur l'administration financière des
municipalités en enlevant, entre autres, à la Commission
municipale son pouvoir d'approbation concernant les actes financiers. Nous ne
pouvons pas faire autrement qu'être d'accord avec cela. Il y a aussi dans
ce projet de loi un certain nombre d'articles qui portent sur les
améliorations à apporter aux règles de gestion
administrative, dont celle de donner à la municipalité la
possibilité d'adopter, dans le cours d'un exercice financier, un budget
supplémentaire, de même que de pouvoir déléguer
à une personne qu'elle désigne le pouvoir de dépenser,
mais selon des modalités très précises.
Ce qui nous inquiète, c'est que le contrôle qui reste, qui
est unifié, soit transféré de la Commission municipale au
ministère des Affaires municipales. De cette façon, on risque de
bureaucratiser les vérifications des fonctionnaires, on risque de mettre
le ministère avec ses gros sabots dans les affaires des
municipalités et on risque de donner aux fonctionnaires des pouvoirs
exorbitants. Je ne sache pas qu'en aucun moment les municipalités aient
eu l'occasion de se plaindre des interventions, des vérifications, des
contrôles ou des approbations de la Commission municipale.
La Commission municipale a réussi à s'établir au
cours des ans, depuis 1932, une réputation vraiment au-dessus de tout
soupçon. La Commission municipale a fait preuve jusqu'à
maintenant d'un professionnalisme à toute épreuve. Aucun doute
n'a été émis sur sa compétence. Rappelons-nous
qu'en 1932, le but principal de la formation de la Commission municipale
était de s'assurer de la capacité financière de la part
des municipalités de respecter les obligations qu'elles contractaient
par voie
d'emprunt. Rappelons-nous qu'en 1932, c'était la crise. Qu'en
1932, le pouvoir d'emprunt des municipalités était limité
en même temps que les besoins étaient extrêmement grands. Il
y allait de l'intérêt public de s'organiser, de voir à ce
que la capacité de remboursement des municipalités soit à
la hauteur des obligations qu'elles contractaient. À partir de 1960, la
vocation de la Commission municipale s'est cependant élargie, M. le
Président. Elle a, au cours des ans, acquis de nouveaux pouvoirs, des
pouvoirs quasi judiciaires qui ont consisté, par exemple, en des appels
de la part des hauts fonctionnaires insatisfaits de certaines décisions
de la part des autorités municipales. Ces pouvoirs quasi judiciaires de
la commission municipale ont consisté en des pouvoirs concernant
l'environnement, quant aux ordonnances et aux refus de s'y soumettre de la part
des municipalités. Ils ont consisté en certains arbitrages de la
part de la Commission municipale et en des demandes d'exemptions de la taxe
foncière, en des fixations de prix de vente d'eau etc. Le coeur des
activités de la Commission municipale a été de nature
administrative. Actuellement, ces pouvoirs, avec le projet de loi 2, sont
enlevés à la Commission municipale pour être
transférés aux mains du ministre des Affaires municipales qui
agit par ses fonctionnaires.
Je ne pense pas que la Commission municipale ait eu l'occasion de se
plaindre d'avoir exercé ces pouvoirs. La Commission municipale est
équipée, le fait depuis de nombreuses années, a
l'expertise nécessaire, a le personnel nécessaire et fait appel,
quand c'est nécessaire aussi, au personnel du ministère pour les
experts.
Quelle est la raison pour laquelle on se trouve dans une situation avec
ce projet de loi où ce sera dorénavant le ministère
uniquement qui sera le juge sur l'à-propos, le bien-fondé, des
emprunts ou des engagements financiers de la part des municipalités? Les
municipalités vont se réjouir, bien sûr, de ne plus avoir
à obtenir deux approbations en ce qui concerne les emprunts à
long terme, en ce qui concerne les emprunts temporaires, en ce qui concerne les
emprunts pour fonds de roulement, en ce qui concerne les emprunts pour fins
industrielles, les engagements de crédit etc. Cependant, M. le
Président, il faut bien réaliser qu'il ne s'agit pas là
d'une réforme qui va solutionner tous les problèmes des
municipalités.
Il faut qu'on sache, M. le Président, et je le sais par
expérience pour avoir eu l'occasion de traiter avec le ministère
des Affaires municipales de même qu'avec la Commission municipale, que
les approbations qui nous étaient transmises, quand elles étaient
nécessaires des deux, c'est-à-dire de la Commission municipale et
du ministre des Affaires municipales, en même temps, il n'y avait pas de
délai supplémentaire impliqué là-dedans. Il
était un peu ennuyeux évidemment d'avoir à mettre dans les
dossiers deux approbations. Il était un peu ennuyeux de voir que la
demande devait s'adresser aussi bien à la Commission municipale qu'au
ministre des Affaires municipales. Cependant, il n'y avait pas de délai
supplémentaire d'impliqué à ce sujet-là. Tout ce
qu'on fait actuellement, c'est qu'on supprime une feuille de papier. C'est tant
mieux et je m'en réjouis, M. le Président. Est-ce qu'on supprime
la bonne feuille de papier? Est-ce qu'on supprime l'approbation de la bonne
personne ou du bon organisme? Ce n'est pas sûr. La tradition qu'avait
développée la Commission municipale en était une qui
méritait d'être respectée. On ne nous a pas apporté
d'argument qui puisse nous convaincre que la nécessité existait
d'enlever à la Commission municipale la responsabilité
première de cette vérification financière des engagments
des municipalités, de ce qui était sa raison d'être, de ce
qui avait été la raison de sa mise en place.
Je n'ai rien entendu qui puisse avoir remis en question la
capacité de la Commission municipale d'agir à ce sujet-là.
Il faut se demander, M. le Président, fort sérieusement s'il ne
s'agit pas tout simplement, finalement, d'une lutte de pouvoirs entre le groupe
de fonctionnaires du ministère des Affaires municipales et celui de la
Commission municipale, et qu'un des deux groupes a gagné. Si
c'était le cas, il faudrait le déplorer parce que ce n'est pas
une façon de régler les choses. Ce n'est pas une façon
d'administrer et de décider comment une loi doit donner des pouvoirs
à un organisme plutôt qu'à un autre, que de se ranger du
côté du plus fort ou de celui qui a momentanément l'oreille
du ministre. (21 h 30)
Je sais de fort bonne part que des ministres précédents
ont déjà été pressentis dont, je pense, le ministre
de l'Habitation à l'époque, avec des projets dans ce sens. Il a
préféré - et à mon avis, avec raison - faire la
sourde oreille aux pressions qui étaient faites dans ce sens. Il y a eu
le ministre des Transports actuel qui était ministre des Affaires
municipales. Il a eu aussi l'occasion d'avoir des représentations dans
le sens de la concentration des pouvoirs entre les mains, finalement, des
fonctionnaires du ministère des Affaires municipales. Il a
préféré, lui aussi, faire la sourde oreille. Avec
l'arrivée du nouveau ministre des Affaires municipales, il a
décidé de donner suite à ces représentations qui
datent de nombreuses années. Est-ce tout simplement l'aboutissement
d'une lutte de pouvoir ou d'une lutte d'influence? Si c'était le cas, il
faudrait le déplorer vivement.
La situation que nous connaissons maintenant et que nous connaissons
depuis
1932, finalement, est la même qui existe en Ontario depuis 1905,
depuis la fondation de ce qu'est le ministère des Affaires municipales
et la Commission municipale en Ontario. En Ontario, on continue d'avoir deux
approbations. On continue de fonctionner avec ce qui est traditionnellement la
vocation première de la Commission municipale, le ministre concourant
à ces décisions. L'Ontario est-elle plus mal administrée
au niveau municipal que ne l'est le Québec? A-t-on des preuves que c'est
une amélioration sensible vis-à-vis de ce qui se fait en Ontario?
A-t-on l'assurance que les fonctionnaires vont se comporter d'une façon
totalement respectueuse vis-à-vis des municipalités? N'a-t-on pas
raison de s'inquiéter devant les tentatives gouvernementales qui ont
été faites jusqu'à maintenant pour mettre en veilleuse
l'autonomie municipale, pour l'entourer et l'encercler de toutes sortes de
manières? N'est-il pas raisonnable de notre part de nous poser des
questions?
M. le Président, nous allons, comme nous l'avons dit, voter
favorablement pour ce projet de loi. Nous sommes heureux de l'amorce de
solutions aux problèmes que connaissent ces municipalités.
Cependant, nous avons un certain nombre d'inquiétudes. Ces
inquiétudes sont dues au fait que nous connaissons d'autres exemples de
contrôles ministériels qui n'ont pas donné des
résultats absolument faramineux et extraordinaires. Je pense, par
exemple, au contrôle ministériel qui s'exerce au ministère
des Affaires sociales sur les institutions hospitalières, etc. - ce
n'est pas un énorme succès, je termine là-dessus - et en
même temps, dans le domaine de l'éducation où on a un
contrôle ministériel direct. Ces inquiétudes sont donc
fondées. Nous ne voulons qu'être rassurés. Nous
espérons sincèrement que les propos du ministre en commission
parlementaire seront de nature à améliorer les choses de
façon que les municipalités aient l'assurance que leur autonomie
sera véritablement respectée et que ce sera dans le sens d'une
véritable responsabilisation des municipalités. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Jacques Le Blanc
M. Le Blanc: Merci, M. le Président. C'est avec un
sentiment de satisfaction que je partage avec le ministre des Affaires
municipales, avec mes collègues et avec certains membres de l'Opposition
également, de même qu'avec le monde municipal, que je prends la
parole sur le projet de loi 2. Sans aucun doute, si j'interviens sur ce projet
de loi, c'est que son objet porte sur une révision majeure des
contrôles sur la gestion des finances municipales.
Depuis 1978, les élus municipaux ont vécu des
réformes majeures dans l'administration municipale. Je n'en mentionne
qu'une seule, soit celle de la fiscalité, parce qu'elle a un rapport
direct avec le titre du projet de loi que nous étudions
présentement, Loi modifiant diverses dispositions législatives
concernant les finances municipales.
Cette réforme se voulait à l'époque
révolutionnaire dans le sens qu'elle confiait aux municipalités
une autonomie financière accrue. Au mois de juin 1978, la
première conférence Québec-municipalités se tenait
à Québec et j'étais de ces participants maires d'une
municipalité qui, pour la première fois, prenaient part à
un événement aussi important où des modifications majeures
au financement des municipalités étaient annoncées.
À ce moment, il y avait de l'inquiétude et des interrogations
quant à l'application pratique du nouveau mode de financement des
municipalités. C'était la première réunion de cette
importance entre le gouvernement du Québec, les principaux
ministères impliqués, dont celui des Affaires municipales, et les
élus municipaux du Québec. Parmi les élus municipaux,
certains craignaient que cette réforme ne serve qu'à restreindre
l'apport financier du Québec dans le budget des municipalités.
L'application de la réforme sur la fiscalité municipale a fait la
preuve du contraire car plus de 300 000 000 $, dès la première
année, ont été transférés en surplus aux
municipalités du Québec.
Si je rappelle ces faits, c'est que, depuis ce moment-là,
l'objectif d'une plus grande autonomie de l'administration municipale
était déjà fixé. La libération du champ
d'impôt foncier scolaire, jusqu'alors en partage entre les
municipalités et les commissions scolaires, dans sa presque
totalité revenait aux municipalités. Les 100 $ du taux
d'imposition de la taxe foncière par 100 $ d'évaluation
permettaient aux municipalités de compenser les sommes disparaissant
auparavant versées en compensation aux municipalités au titre de
remboursement d'une partie de la taxe de vente. Cette redistribution,
d'ailleurs, était loin d'être la solution parfaite. Je me souviens
très bien des interrogations qui surgissaient au moment de la
préparation des budgets dans nos municipalités. L'interrogation
la plus marquante était celle de savoir quel serait le montant l'an
prochain du retour de la taxe de vente dans la colonne des revenus de la
municipalité, dans la préparation du budget municipal.
Par la suite, plusieurs lois concernant le fonctionnement des
municipalités ont été adoptées. La loi 125 est une
de celles-là. Elle aussi s'inscrivait dans la politique du gouvernement
de donner aux municipalités
une plus grande autonomie en leur faisant exercer, dans le secteur de
l'aménagement, un pouvoir qui, depuis longtemps, leur revenait et qui,
par cette loi, leur était légalement dévolu. Cet exercice
était en accord avec le pouvoir qui était dévolu à
ce palier administratif et politique dans le sens que les décisions qui
seraient prises le seraient par des hommes et des femmes politiques, des
élus dans chacune des municipalités composant une
municipalité régionale de comté.
Toutes ces réformes, si elles contribuaient à divers
degrés à donner au monde municipal de plus en plus d'autonomie
administrative et financière, n'éliminaient pas pour autant
l'obligation de recourir aux nombreuses autorisations des différents
ministères et, en particulier, du ministère des Affaires
municipales et de la Commission municipale du Québec. Autorisations le
plus souvent routinières, automatiques et, dans plusieurs cas,
désuètes. Ces autorisations sont cause de retards souvent
dénoncés, occasionnant des délais inutiles, assez
caractéristiques, malheureusement, d'une bureaucratie trop
omniprésente dans les rapports entre les municipalités et le
gouvernement.
Si ce projet de loi s'inscrit dans la poursuite d'une plus grande
autonomie municipale, on peut, en ce sens, y reconnaître deux objectifs
principaux: premièrement, diminuer les contrôles que le
gouvernement du Québec exerce sur l'administration financière
municipale; deuxièmement, améliorer les règles qui
régissent l'administration municipale. Pour répondre au premier
objectif de diminution des contrôles exercés par le
ministère des Affaires municipales, il faut bien constater que le nombre
de ces contrôles était devenu trop grand. Si l'on veut
reconnaître véritablement la compétence des élus
municipaux, il faut faire disparaître cette disproportion entre l'abus
des contrôles et la compétence sans cesse croissante de nos
élus municipaux. Cette compétence évolue et croît
constamment, en particulier depuis 1978. (21 h 40)
Je peux, aujourd'hui, rendre un témoignage à la suite de
ma propre expérience. Ayant vécu, au cours du travail que j'ai eu
à accomplir auprès de 100 maires de municipalités du
Québec à titre de président de l'un des 19 comités
de consultation qui couvraient tout le territoire du Québec pour la mise
en place des municipalités régionales de comté, à
l'exception, bien sûr, du territoire déjà couvert par les
communautés urbaines de Montréal et de Québec et la
Communauté régionale de l'Outaouais, j'ai été
à même d'apprécier l'esprit positif et la collaboration
sans cesse grandissante qui animaient les maires dans l'exercice de la mise en
place de cette structure municipale territoriale, initiative très
heureuse dans le découpage du territoire comme dans la
préparation du contenu des lettres patentes dans les conseils de maires,
contenu qui consacrait les particularités propres à chacune des
municipalités régionales de comté du Québec.
Cet exercice comportait aussi un volet extrêmement
intéressant qui a peut-être consacré de façon
très pertinente et très significative la démocratie
municipale et la liberté pour les maires de choisir de quelle
façon ils seraient représentés en nombre de votes à
l'intérieur de leur municipalité régionale de
comté.
Si quelques maires se sont sentis, à un certain moment,
bousculés et même un peu dépassés, dans certains
cas, pendant cette période de grand dérangement, il faut
reconnaître que la très grande majorité, sinon la
totalité des élus municipaux, se sont mis résolument
à la tâche. Ils ont été vigilants comme doivent
l'être des gardiens de l'autonomie des municipalités. Dans le cas
de l'aménagement du territoire, dont le pouvoir leur était
confié par la loi 125, ils ont vite compris qu'il valait mieux qu'ils
assument eux-mêmes cette tâche, ainsi que les
responsabilités et les orientations régionales propres à
leur municipalité régionale de comté; sinon, ils auraient
eu mauvaise grâce à empêcher que les décisions
relatives à la confection d'un plan d'aménagement soient prises
au niveau des fonctionnaires à partir des différents
ministères. Les municipalités, dans ce cas, se seraient
défilées devant leurs responsabilités. D'ailleurs, la
crainte ressentie devant l'ampleur apparente de la tâche à
accomplir n'a pas duré tellement longtemps. Les maires se sont sentis
capables d'accomplir cette besogne et je pense que l'exercice qu'ils font
depuis plusieurs mois fait la preuve de cette capacité.
Dans ce projet de loi, comme dans plusieurs autres qui l'ont
précédé, on fait confiance au monde municipal, et avec
raison, puisque les décisions, pour la plupart politiques, que les
membres des conseils municipaux ont à prendre, ils doivent les prendre
avec les contribuables. Ils doivent vivre avec ces décisions qu'ils
prennent et vivre aussi avec les conséquences de leurs
décisions.
Quand on constate certaines erreurs commises à la suite de
décisions administratives prises dans le passé sans consultation
et encore moins sans l'assentiment des élus municipaux, entre autres
dans certaines municipalités, que ce soit par la localisation erratique
de certaines sorties d'autoroutes, de même que par l'implantation de
certains services régionaux aux mauvais endroits, je suis tout à
fait prêt et disposé à laisser aux maires et aux
conseils municipaux cette possibilité de pouvoir, eux aussi, se
tromper de temps en temps parce qu'ils vivent avec les conséquences de
leurs décisions.
J'essaie de conclure pour laisser au député de
Crémazie, ancien ministre des Affaires municipales, la
possibilité d'exprimer son point de vue sur ce projet de loi très
important dont il a aussi eu à préparer, par le passé, le
cheminement jusqu'aux décisions d'aujourd'hui.
Pour souligner toutefois de façon plus concrète les effets
prévus de l'application du projet de loi 2, qu'il suffise de mentionner
l'élimination de la duplication qui existe par l'obligation de faire
approuver les actes de gestion financière des municipalités par
deux intervenants, soit le ministre des Affaires municipales et la Commission
municipale du Québec. En tenant compte de la situation actuelle qui,
justement, commande les modifications proposées par le projet de loi 2,
on constate que plus de 13 000 interventions de contrôle, autorisations
ou approbations sont exercées annuellement par le ministère des
Affaires municipales et par la Commission municipale du Québec. Ce
nombre passera, suivant les prévisions les plus réalistes,
à environ 4000.
Cela veut dire que plusieurs décisions locales n'auront pas
à recevoir, avec les retards d'usage, les approbations jusqu'ici
nécessaires. Les municipalités pourront donc, de leur seule
initiative, aliéner des immeubles, décider du pourcentage de leur
budget à affecter à des fins socioculturelles et communautaires,
augmenter suivant leurs besoins propres le fonds de roulement de la
municipalité, contracter des emprunts temporaires; c'est peut-être
le besoin le plus fréquent d'autorisations. Dans la poursuite des
programmes d'assainissement des eaux, programmes extrêmement
d'actualité, les municipalités profiteront également de
l'abolition des contrôles qu'apporte le projet de loi 2, en ce sens que
les ententes qui seront conclues avec la Société
québécoise d'assainissement des eaux ne nécessiteront plus
les approbations antérieurement requises.
Je conclus en disant que plus de 42 catégories d'approbations
disparaîtront. Je dirais que cette réforme est une marque de
confiance bien méritée de la part des administrations
municipales. C'est une décentralisation au plan des décisions
administratives qui sont en réalité celles d'un pouvoir local.
C'est aussi la reconnaissance de la compétence des
Québécois et des Québécoises qui dirigent, dans nos
conseils municipaux, les destinées de chacune des municipalités
du Québec et des municipalités régionales de comté
du Québec. Merci, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Habitation, responsable de la Protection du consommateur.
M. Guy Tardif
M. Tardif: Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce
débat, sauf qu'après avoir entendu le député de
Laprairie et certaines remarques du député de Louis-Hébert
il m'apparaissait important de situer un certain nombre de choses.
D'abord, je dois dire que je conserve de mon passage aux Affaires
municipales pendant quatre ans, de 1976 à 1980, le souvenir d'une
période des plus riches, des plus enrichissantes, en tout cas, pour
celui qui vous parle et, je l'espère également, pour tous ceux
qui ont été mes interlocuteurs dans le monde municipal.
J'ai trop de respect pour ceux que j'ai connus à ce
moment-là pour avoir dit les paroles que le député de
Laprairie, sous prétexte qu'il citait le maire de Saint-Eustache, me
prêtait. Il disait que je me serais vanté à l'époque
de mettre les municipalités au pas. M. le Président, si j'ai pu,
au cours de ce mandat, faire passer les municipalités de l'ère de
la mendicité à celle de la prospérité, si cela peut
être appelé les mettre au pas, je suis fier de ce que j'ai fait.
En 1983, les municipalités du Québec affichaient un surplus de
389 000 000 $. En 1976, lorsque je suis arrivé aux Affaires municipales,
on faisait antichambre dans mon bureau pour venir me quémander une
subvention. C'était cela, la différence, M. le Président,
la véritable autonomie.
Le député de Louis-Hébert a dit: Mais il y a eu une
commission de refonte du droit municipal qui a travaillé de nombreuses
années et qui a produit beaucoup de documents, très volumineux.
C'est vrai, ce qu'il a dit. Mais je lui répéterai aujourd'hui ce
que je lui ai dit lorsqu'il m'a remis ces documents quand j'étais
ministre des Affaires municipales: Une commission de refonte ne réforme
rien; elle ne fait que réunir dans un seul document des documents
épars. À ce moment-là, sa contribution peut être
fort utile pour les juristes; en fait, elle apporte peu de neuf pour le monde
municipal. (21 h 50)
II m'apparaissait important, lorsque je suis arrivé au
ministère, de donner la seule véritable autonomie aux
municipalités, qui leur permettait de ne plus être à la
solde des gouvernements, c'est-à-dire d'avoir des revenus autonomes, de
leur donner le nerf de la guerre. Et cela a été la réforme
de la fiscalité municipale. Toutes les municipalités vous le
diront. Qu'ils sortent le moindrement du Québec et qu'ils s'en aillent
dans d'autres provinces et vous les verrez revenir, n'est-ce pas, en disant:
Mais les autres maires des autres villes des autres provinces et des
États américains n'en croient pas leurs yeux lorsqu'on
leur dit qu'on a, nous, ces sources de revenus au Québec. Dès
lors qu'on contrôle 99% de ses revenus, je pense qu'on peut être
dit autonome. Cela veut donc dire que nos municipalités, en disposant de
l'assiette foncière en quasi-totalité...
D'ailleurs, on me permettra d'invoquer mon livre vert sur l'habitation
que je viens de rendre public et qui indique que l'assiette foncière
totale des municipalités au Québec est de 94 000 000 000 $ dont
à peu près 58 000 000 000 $ dans le domaine résidentiel.
C'est donc dire que cette assiette foncière qui constitue l'essentiel
des revenus des municipalités, il est important de s'assurer qu'on ne
vienne pas la diminuer. Et c'est ce qu'a fait, entre autres, la réforme
de la fiscalité qui l'a élargie, au contraire, de tous les
immeubles gouvernementaux.
Lorsque je suis arrivé au Affaires municipales, j'avais donc le
choix: utiliser le matériel pondu par la commission de refonte du droit
municipal et faire, j'allais dire, une mise à jour, une mise en ordre
qu'aurait donnée l'utilisation de ces documents. Cependant, au lieu de
procéder à cette espèce de mise en ordre à
l'interne qui était véritablement, si vous voulez, une refonte
-les Anglais disent "inner oriented" - de façon à mieux faire
fonctionner la machine, il m'apparaissait plus important de faire une
réforme qui soit "outer oriented", orientée vers le monde, vers
la population.
Cette réforme de la fiscalité, c'est non seulement en
termes de surplus pour les municipalités qu'elle se produit, mais c'est,
par exemple, en termes de plafonnement dans l'augmentation du niveau de taxes
foncières et cela est important. Dans le livre vert sur l'habitation "Se
loger au Québec" qu'on a rendu public la semaine dernière, on
montre l'évolution des taxes foncières du coût du logement
et on constate que les taxes foncières sont le point qui a le moins
augmenté au cours des dernières années. Évidemment,
le loyer de l'argent étant au premier rang, les coûts des
matériaux de construction et les assurances étant bien
supérieurs, le niveau de taxes foncières reste le point qui a le
moins augmenté.
Cela aussi, c'est un des effets de la réforme de la
fiscalité. Lorsque je suis arrivé, j'ai concentré mes
efforts sur la réforme de la fiscalité municipale, d'une part.
Avec mon collègue de l'Aménagement qui a travaillé sur le
projet de loi de l'urbanisme et de l'aménagement, nous avions deux
choix. On aurait pu adopter ce que l'ancien gouvernement qui nous avait
précédés, les autres avant aussi, avaient adopté
dans le domaine de la santé et de l'éducation,
c'est-à-dire des administrations, tout en étant des
réseaux, quand même fortement dirigées depuis Québec
et financées entièrement par lui, en quelque sorte de faire des
municipalités des succursales gouvernementales. Nous avons opté
pour le contraire, c'est-à-dire faire des municipalités de
véritables administrations autonomes et disposant de sources de revenus
à cet effet. Ceci comportait que nous éliminions un tas de
contrôles. Nous avons commencé à le faire
déjà à l'époque avec la réforme de la
fiscalité et nous sommes allés plus loin en remplaçant les
contrôles de l'État, les contrôles du gouvernement par des
contrôles du citoyen. Est-ce que vous savez qu'en 1978 encore, quand un
poste de conseiller devenait vacant, il suffisait que le maire et les membres
du conseil nomment un citoyen pour qu'il devienne conseiller? On a aboli ce
procédé de "inbreeding", cette façon qu'on avait de se
nommer entre soi. Des élections sont obligatoires. Un discours du budget
est obligatoire. Des renseignements plus complets doivent être sur le
compte de taxes. La taille des conseils municipaux a été
élargie. Les règlements de zonage, les changements aux
règlements de zonage doivent faire l'objet d'un croquis qu'on voit dans
les journaux parce que cela ne dit rien aux gens de voir que tel
règlement de zonage a été amendé en faisant passer
de la cote une telle à la cote une telle. Dorénavant, le citoyen
peut visualiser dans les journaux ce qui en est. Donc, on a remplacé les
contrôles de l'État par les contrôles des citoyens.
Mais le député de Louis-Hébert tantôt -et je
voudrais terminer là-dessus puisque le temps court - et d'autres avec
lui dans l'Opposition, comme le député de Laprairie et le
député-maire de Verdun, ont dit: On est d'accord avec la
suppression des approbations et la diminution des contrôles. Nous ne
comprenons pas cependant la raison pour laquelle, parmi les deux
contrôles, celui du ministre des Affaires municipales et celui de la
commission, on fait sauter surtout celui de la commission en matière de
règlement d'emprunt.
M. le Président, le député de Louis-Hébert
n'était pas très sérieux lorsqu'il posait cette question
en disant ne pas savoir la réponse. Il a quand même gratté
assez longtemps le droit municipal pour savoir que la Commission municipale est
devenue, par toutes sortes de décisions du législateur dans cette
Chambre, sous différents gouvernements, un organisme judiciaire qui, de
plus en plus, est appelé à faire des enquêtes et, donc,
dans ce rôle d'enquête, d'organisme judiciaire, est appelée
à se prononcer sur des règlements d'emprunt qu'elle aura pu
approuver à un moment donné comme organisme administratif.
Comment la commission d'enquête municipale pourrait-elle blâmer un
conseil municipal d'avoir fait, six mois, un an, deux ans auparavant, des
emprunts qu'elle aurait elle-même, par ailleurs, approuvés quant
à la somme, quant
aux modalités, quant à la légalité des
emprunts, mais portant sur des objets sur lesquels elle n'aura peut-être
pas porté toute l'attention voulue? Le résultat, c'est que, deux
ans plus tard, faisant une enquête elle découvre que, finalement,
ces emprunts n'auraient pas dû être autorisés. Il y a
là strictement une possibilité pour la commission de se trouver
dans une situation de juge et partie, c'est-à-dire de faire
enquête sur des faits et gestes qu'elle aura elle-même à
avalisés comme organisme administratif. C'est essentiellement la raison,
M. le Président. Son rôle d'organisme judiciaire est celui qui lui
sied le mieux.
De toute façon, les enquêtes pour des règlements
d'emprunt doivent être faites par des analystes financiers, M. le
Président, et non par des commissaires, ces analystes financiers
disposant d'ordinateurs, de programmes, de contacts avec les institutions
financières quant au taux de crédit. Ces analystes financiers,
c'est tout le personnel du ministère des Affaires municipales. Ce n'est
pas la commission qui a tous ces analystes, qui a tout le dossier de chacune
des villes au Québec avec son taux d'endettement et tous ses
règlements d'emprunt, à moins de vouloir faire double emploi et,
comme on le fait présentement en réalité, de faire faire
toute l'analyse par le ministère et de ne faire donner que le
"rubber-stamp" par la commission. Je pense que ce n'est pas cela qui est
souhaité.
La Commission municipale a un rôle: elle est devenue, par les
pouvoirs ou les fonctions qui lui ont été dévolus avec le
temps, un organisme judiciaire. Elle doit rester dans l'accomplissement de
cette mission et c'est véritablement au ministère, qui est
équipé pour ce faire, de procéder à toutes les
analyses de nature économique, technique et autre permettant d'autoriser
un règlement d'emprunt.
M. le Président, le projet de loi 2 s'inscrit tout à fait
dans cette problématique d'une responsabilisation du monde municipal
vers un désengagement de l'État qui s'est manifesté de
diverses manières. Je prends le domaine de l'habitation. On me permettra
d'en dire un mot comme ministre de l'Habitation. Toute l'économie de
notre droit municipal - le Code municipal, la Loi sur les cités et
villes - ne fait pas de l'habitation une fin municipale, sauf exception par la
Loi de la Société d'habitation du Québec pour les HLM,
sauf par projet de loi privé, par charte privée où j'ai
accordé, quand j'étais ministre des Affaires municipales,
à 25 municipalités ou à peu près des pouvoirs
d'intervention dans le domaine et, évidemment, dans la loi de
Corvée-habitation. La question que je pose aujourd'hui et que nous
posons dans le livre vert sur l'habitation est la suivante: L'habitation ne
devrait-elle pas être précisément une fin municipale et la
municipalité ne pourrait-elle pas acquérir des terrains ou des
immeubles pour des fins d'habitation exactement comme elle le fait pour
construire une caserne d'incendie ou un parc?
Je dis que le rôle des municipalités doit être aussi
large que celles-ci veulent bien qu'il le soit. Quant à moi, je serais
tout à fait ouvert à ce que non seulement on vienne ajouter ici
une marge de latitude au monde municipal, mais encore que cette marge soit,
encore une fois, élargie à d'autres secteurs si tant est que les
municipalités voulaient effectivement s'impliquer dans le domaine de
l'habitation, notamment. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, considérant l'heure
tardive, je demanderais l'ajournement du débat, s'il vous
plaît;
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion
d'ajournement du débat est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Elle est adoptée.
M. le leader adjoint du gouvernement, il est 22 heures.
M. Blouin: M. le Président, cette motion étant
adoptée, nous ajournons maintenant nos travaux à demain matin, 10
heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, à demain
matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 1)