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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mercredi 12 décembre 1984 - Vol. 28 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures deux minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants. Veuillez prendre vos places.

Présentation du nouveau député de Saint-Jacques, M. Jean-François Viau

Avant de passer aux affaires courantes, j'ai le plaisir de déposer la lettre du Directeur général des élections au Secrétaire général de l'Assemblée qui se lit ainsi: "Conformément à l'article 134 de la Loi électorale, je vous transmets le nom du candidat proclamé élu à la suite de l'élection partielle du 26 novembre 1984, tenue en vertu d'un décret du gouvernement émis le 23 octobre 1984. L'avis de proclamation d'élection est publié dans l'édition de la Gazette officielle du Québec en date du 8 décembre 1984 dont je dépose copie".

Permettez-moi de vous souligner que le deuxième alinéa de l'article 134 se lit comme suit: "À compter de la publication de cet avis, le député est membre de l'Assemblée nationale."

Le nouveau député de Saint-Jacques est M. Jean-François Viau du Parti libéral.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'Opposition, si vous voulez bien nous présenter votre nouveau collègue.

Souhaits de bienvenue Le Président

J'ai le grand plaisir d'accueillir en votre nom notre nouveau confrère, le député de Saint-Jacques, M. Jean-François Viau. Il arrive en plein mois de décembre, c'est-à-dire à une époque particulièrement fertile des travaux de l'Assemblée nationale et qui, pour quelqu'un qui arrive de l'extérieur, peut même paraître, à certains moments, déroutante. Quoi qu'il en soit, comme immersion totale, c'est sans doute la période la mieux trouvée de l'année. Je veux l'assurer de l'entière collaboration, non seulement des services de l'Assemblée nationale, bien sûr, mais des services qui relèvent directement de la présidence.

Notre nouveau collègue, faute d'espace dans l'immeuble, se trouve en quelque sorte à innover. Jusqu'à maintenant, comme on le sait, les députés ministériels étaient au troisième étage, les députés de l'Opposition au deuxième étage et il y avait un certain partage au premier. Tous les bureaux du sous-sol, du rez-de-chaussée, du premier et du deuxième étage étant occupés à pleine capacité, nous avons dû nous résoudre à loger le nouveau député de Saint-Jacques au troisième étage. Cela contribue à illustrer encore une fois, mais de manière peut-être plus immédiate, le problème qu'a l'Assemblée nationale avec ses locaux en cette époque.

Je lui souhaite à nouveau la bienvenue et je lui souhaite une bonne, peut-être brève pour cette Législature-ci, en tout cas, mais une bonne carrière à l'Assemblée nationale.

M. le chef de l'Opposition.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, simplement pour enchaîner sur ce que vous venez de dire, il n'y a aucun doute que les députés du Parti libéral prennent de plus en plus de place dans l'Assemblée nationale.

Une voix: Ce n'est pas fini.

M. Levesque (Bonaventure): Je pense bien, comme l'indique un de mes collègues, que ce n'est pas fini. Je suis très heureux, particulièrement heureux ce matin, au nom du chef du Parti libéral, au nom de notre formation politique, de souhaiter la plus cordiale et chaleureuse bienvenue à un nouveau député, le député de Saint-Jacques, un jeune député de 26 ans, un jeune député compétent. C'est un gestionnaire, un animateur social. C'est, en plus, un célibataire, M. le Président. Avis aux intéressées. Il a poursuivi des études collégiales au collège de Rosemont, en sciences administratives et en sociologie. Il a poursuivi des études universitaires à l'Université McGill en sciences politiques et en économie, également des études postuniversitaires, des stages en administration aux Hautes Études commerciales de Montréal. Il a été administrateur de quelques compagnies privées, déjà à l'âge de 26 ans. Il a été coordonnateur de Montréal Métropolitain et responsable national de l'animation pour l'organisation du Sommet québécois de la jeunesse en 1983.

Il a été consultant au service d'animation et d'organisation du Parti libéral du Québec, à la commission jeunesse. Il a eu plusieurs autres activités déjà: participation à l'organisation du congrès des jeunes, la commission jeunesse du parti. Il est membre de l'Association canadienne des jeunes leaders politiques, membre de l'Association

canadienne des Nations Unies. Autrement dit, M. le Président, il a toutes les qualités et déjà toute la préparation pour venir s'ajouter à notre équipe et l'enrichir par sa jeunesse, par son dynamisme, par sa compétence. Je suis convaincu qu'il fera un excellent député.

Nous sommes fort heureux, évidemment, de l'accueillir ce matin lorsque l'on songe aussi au fait que, pour la 22e fois depuis 1976, c'est une victoire libérale dans les élections partielles. Jean-François Viau est à l'écoute de la population de Saint-Jacques, la population de Saint-Jacques que nous remercions pour cette confiance qu'elle fait à notre formation politique et à Jean-François Viau. Cette population a reconnu chez lui qu'il avait, justement, l'intention de bien servir la population de Saint-Jacques. Ses préoccupations quant à la qualité de la vie de ses concitoyens et de ses concitoyennes du comté, ses préoccupations sur des questions aussi vitales pour la population de Saint-Jacques que le logement, les questions touchant le bien-être des personnes âgées, les services à domicile, l'allocation des ressources suffisantes dans le domaine des services médicaux et hospitaliers sa préoccupation première dans le domaine de l'économie et, particulièrement, en ce qui concerne le chômage des jeunes qui est particulièrement tragique dans le comté qu'il représente désormais ici à l'Assemblée nationale. Je voudrais simplement, encore une fois, féliciter le nouveau et jeune député de Saint-Jacques, l'assurer de notre plus grande collaboration et lui former des voeux d'une excellente et fructueuse carrière.

Encore une fois, nous sommes heureux de l'accueillir ce matin. Nous sommes anxieux, désireux de l'entendre prononcer son premier discours ici à l'Assemblée nationale qui ne sera certainement pas le dernier. Je suis convaincu que la population de Saint-Jacques a fait un excellent choix. Puis-je ajouter, sans aucune partisanerie, qu'il y a là un autre témoignage de la volonté de la population du Québec chaque fois qu'elle a eu l'occasion de se prononcer depuis 1981 et je le répète, sans partisanerie, je pense bien que je puis dire que c'est une volonté de plus en plus évidente de la population du Québec de voir un changement de vie, un changement d'attitude, un changement véritable, c'est-à-dire un changement de gouvernement. J'espère que l'élection de Saint-Jacques sera le prélude à un véritable changement qui se traduira lors des prochaines élections générales. Je vous remercie.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Jean-François Bertrand M. Bertrand: Une victoire est une victoire, une défaite est une défaite. Je me demandais toujours comment le député de Bonaventure et chef de l'Opposition faisait pour garder l'excellente forme physique qui le caractérise. Je pense que les seuls pas qu'il effectue, c'est la 22e fois aujourd'hui, de sa banquette jusqu'à l'arrière de l'Assemblée nationale pour aller chercher les députés libéraux élus aux élections partielles suffisent probablement à le mettre non seulement d'excellente humeur, mais, bien sûr, à raffermir sa condition physique. Le premier ministre m'a demandé de dire quelques mots ce matin sur l'arrivée d'un nouveau collègue à l'Assemblée nationale. Peut-être est-ce parce qu'il porte le prénom de Jean-François, je n'en sais trop rien. Est-ce parce qu'il est célibataire comme l'est le député de Vanier? Je n'en sais trop rien. Toujours est-il que nous devons tout de même signaler, avant de féliciter M. Viau, qu'il succède à un député qui, pour le comté de Saint-Jacques, pendant trop peu de mois, a fait un excellent travail, notre ex-collègue le député Serge Champagne, décédé rapidement, après avoir servi très convenablement ses concitoyens et concitoyennes du comté de Saint-Jacques. Je suis, comme tous mes collègues, assuré que M. Viau va poursuivre dans le style qu'a tenté d'imprimer M. Champagne au mandat qu'il remplissait depuis cette élection partielle qui lui avait permis de succéder à l'ancien député de Saint-Jacques, M. Claude Charron.

On peut dire de M. Viau qu'à 26 ans, comme le disait le chef de l'Opposition officielle, il a déjà à son palmarès une vaste, une large, une bonne expérience sur le plan de l'engagement social et communautaire. Ce que le chef de l'Opposition décrivait tout à l'heure, qui fait partie de ce qu'on appelle habituellement le C.V. de qui que ce soit dans la société - le curriculum vitae -des gens qui s'impliquent, est un bon témoignage, éloquent, de la capacité de ce jeune de faire en sorte que, maintenant, il puisse au niveau d'une circonscription électorale apporter le meilleur de lui-même.

À l'occasion, quand des femmes sont élues, que ce soit à l'occasion d'élections partielles ou d'élections générales, on se réjouit toujours à l'Assemblée nationale de voir le pourcentage, la progression de la présence des femmes à l'Assemblée nationale. Espérons que cela ira en s'amplifiant au fil des années, mais quand il s'agit aussi de jeunes qui sont en bas de la trentaine, là aussi, il y a lieu, comme Assemblée nationale, de se réjouir de voir entrer ici des jeunes qui vont dans toute la mesure du possible, comme c'est le cas de notre côté et comme c'est le cas maintenant, en face, avec la présence du député de Saint-Jacques, tenter de faire en sorte que nous puissions parler de ces problèmes qui affectent de façon dramatique

la jeunesse d'aujourd'hui, jeunesse qui est confrontée à des problèmes, à des difficultés et qui a aussi des rêves à réaliser. Elle souhaite que cette Assemblée nationale soit réceptive à ces rêves, que ce soit par les lois que nous adoptons, mais surtout par les attitudes et les comportements que nous adoptons face à ces défis. (10 h 20)

En terminant, je voudrais aussi indiquer au député de Saint-Jacques, sans aucune forme de malice outre mesure, que j'ai souvenir, tout juste avant les élections générales de 1981, de deux députés qui avaient été élus à des élections partielles, l'un dans le comté de Maisonneuve, l'autre dans le comté de Johnson. C'était tout juste avant les élections générales. Cela n'a pas duré très longtemps, ce mandat pour ces deux députés puisque, à peine quelques mois après, deux députés du Parti québécois leur succédaient, à savoir Mme la députée de Johnson, Mme Juneau, et Mme la députée de Maisonneuve, Mme Harel. De toute façon, quoi qu'il en soit de ces élections générales qui viendront bien, j'espère, avec tous mes collègues, que le député de Saint-Jacques, M. Viau, connaîtra beaucoup de succès dans ses fonctions et qu'il sera ici, je n'en doute pas, un digne représentant des électeurs et électrices du comté de Saint-Jacques.

Le Président: M. le député de Saint-Jacques.

Des voix: Bravo!

M. Jean-François Viau

M. Viau: M. le Président, M. le leader du gouvernement - qui sera certainement déçu de me voir ici après les élections générales - M. le chef de l'Opposition, chers collègues, mes premiers mots dans cette Assemblée me viennent du coeur. Ils vont à mes concitoyens et concitoyennes de Saint-Jacques. Ces mots sont: Merci et gardez espoir.

Merci, d'abord, pour avoir partagé avec moi, pour avoir échangé si sincèrement et si fraternellement. Merci de m'avoir ouvert vos portes et de m'avoir accueilli avec tant d'amitié. Merci à Saint-Jacques d'avoir fait confiance à un jeune de 26 ans, d'avoir cru en la jeunesse et d'avoir cru en mon parti. Quoi qu'en disent mes collègues d'en face, les électeurs de Saint-Jacques ont comparé les candidats, les programmes, les approches, la sincérité et l'honnêteté des deux partis politiques. Ils ont choisi un jeune. Ils ont choisi le Parti libéral du Québec. Ils ont choisi entre le bluff et la volonté d'un parti qui veut travailler à l'amélioration de leur qualité de vie et qui veut se battre pour leurs droits.

Nous avons triplé la majorité libérale dans Saint-Jacques parce que Saint-Jacques a choisi et a comparé. Le Québec a hâte de comparer et de choisir de nouveau, de choisir le Parti libéral du Québec. Cette victoire, je la dois à Saint-Jacques. Je la dois aussi à mes collaborateurs de tous les instants, aux militants et militantes de mon association de comté qui ont démontré, encore une fois, dans leur travail exemplaire, que la meilleure recette au succès, c'est d'être honnête et d'échanger constamment avec nos concitoyens et nos concitoyennes. Cette victoire est aussi celle de notre regretté ami, Serge Champagne, qui a su, en si peu de temps, marquer profondément sa collectivité. Saint-Jacques lui doit beaucoup. Je tenterai de suivre son exemple et j'espère avoir la sagesse pour suivre ses traces.

Mon deuxième message est: Gens de Saint-Jacques, gardez espoir, gardez espoir dans vos capacités à faire de votre comté un endroit où l'on pourra assurer à tous un logement décent à des coûts décents. Gardez espoir dans l'amélioration nécessaire de la condition de vie des personnes âgées afin qu'on leur assure des services auxquels elles ont droit. Personnes âgées avec qui j'ai pu avoir des liens très serrés et de qui j'ai beaucoup appris durant cette campagne. Personnes âgées à qui nous ne reconnaîtrons jamais assez la contribution à notre société québécoise. Gardez espoir, gens de Saint-Jacques, d'avoir un environnement stimulant, motivant, un environnement que vous méritez. Gardez espoir de voir notre société assurer, pour les plus démunis, les sans emplois, les femmes et les discriminés, non pas le minimum vital, mais bien la qualité de vie à laquelle vous avez droit. Gardez espoir aussi que nous puissions vivre toujours dans la paix et de ne jamais perdre cette volonté du dialogue et de l'échange.

Et nous, jeunes du Québec, qui vivons de cet espoir, de cette vision de l'avenir, ne perdons jamais cette vitalité, cette combativité, ce vouloir qui nous caractérise tous. Nous devons nous battre aujourd'hui pour l'avenir de demain. Prenons notre place, la place qui nous revient.

Les raisons qui m'ont amené en politique sont simples, M. le Président, c'est de me battre avec toutes mes forces pour améliorer la condition de vie des plus démunis. C'est d'assurer à cette génération, qui est la mienne, qu'elle soit considérée comme un partenaire réel dans le développement du Québec. C'est de croire en l'initiative individuelle. C'est aussi de croire à la confiance dans l'imagination. C'est de favoriser l'autonomie de mes concitoyens et concitoyennes.

J'ai choisi le Parti libéral du Québec parce qu'il me permet de croire et d'espérer. J'ai choisi le Parti libéral pour la place réelle qu'il fait aux jeunes et la confiance qu'il a en eux. Les élections dans mon comté

l'ont prouvé. Les jeunes ont leur place en politique et c'est au Parti libéral du Québec qu'on les retrouve.

Lors de ma campagne dans Saint-Jacques, j'ai proposé à mes concitoyens et concitoyennes une nouvelle approche au travail de député. J'ai proposé un député animateur qui stimulera l'autonomie et favorisera la prise en charge par le milieu des outils d'intervention. C'est aux groupes populaires et communautaires que l'on doit confier les responsabilités de la définition de notre cadre de vie. Ce râle d'animateur, j'ai déjà commencé à l'assumer. Je me suis aussi engagé à trouver des moyens pour assurer une plus grande stabilité financière des groupes et des regroupements communautaires et populaires qui oeuvrent dans le milieu.

Il est maintenant révolu le temps où l'on tenait en otages, pour des raisons politiques, des groupes représentatifs. Elle est maintenant finie l'ère où la subvention était conditionnelle à la déclaration d'allégeance. On a vu cela dans Saint-Jacques, lors des dernières élections partielles, et le gouvernement actuel est passé maître dans ces méthodes.

En terminant, j'ai beaucoup d'espoir en entrant dans cette Assemblée. Je tiens à le dire immédiatement, je n'ai pas l'intention de faire de disque ou de vidéorock ou encore de changer d'orientation politique ou d'orientation fédéraliste au premier coup de vent. J'ai l'intention d'être le représentant des aspirations et des attentes de mes concitoyens et concitoyennes de Saint-Jacques. Vous pouvez donc compter, M. le Président, sur mon entière collaboration et sur mon profond respect envers cette Assemblée. Merci.

Nouveau diagramme de l'Assemblée

Le Président: Je dépose donc en deux copies le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale.

Des voix: Encore!

Le Président: Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle ni de présentation de projets de loi. Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.

M. Houde: Et les pétitions?

Le Président: En leur temps. M. le premier ministre.

Rapport de l'Office des services de garde à l'enfance

M. Lévesque (Taillon): Si vous permettez, M. le Président, j'ai l'honneur de dépo- ser, pour l'année 1983-1984, le rapport de l'Office des services de garde à l'enfance.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre de l'Éducation.

Décret relatif à la création

du Centre québécois pour l'informatisation de la production

M. Bérubé: M. le Président, permettez-moi de faire le dépôt en deux exemplaires de la copie du décret autorisant la délivrance des lettres patentes concernant la création du Centre québécois pour l'informatisation de la production, dans le cadre de la Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec.

Le Président: Rapport déposé. M. le leader du gouvernement.

Rapport annuel du ministère de la Fonction publique

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais déposer le rapport annuel 1983-1984 du ministère de la Fonction publique.

Le Président: Rapport déposé. Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Une voix: Non.

Le Président: On m'a signalé... M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Le ministre responsable de la langue française... (10 h 30)

Le Président: Oh! Je m'excuse. En effet, M. le ministre délégué aux Affaires linguistiques.

Rapport du Conseil de la langue française

M. Godin: M. le Président, permettez-moi de déposer le rapport du Conseil de la langue française pour l'année 1983-1984.

Le Président: Rapport déposé. Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions. M. le député de Berthier, vous sembliez m'indiquer que vous vouliez déposer une pétition.

M. Houde: Des pétitions, M. le Président. J'ai deux pétitions...

Le Président: À l'ordre! On ne me signale pas, du secrétariat général, que la pétition a été déposée dans les formes et selon le règlement, ni qu'elle était conforme au règlement. Je vous renvoie aux articles pertinents de nos règles de procédure à ce

sujet.

M. Houde: Elles ont été déposées, les pétitions, M. le Président.

Le Président: Si elles sont déposées, c'est donc qu'on a dû vous dire qu'elles ne sont pas conformes au règlement, à ce moment-là.

M. Houde: Est-ce que je peux lire mon texte?

Le Président: Bien non. M. le député je viens... Nos règles, là-dessus, cherchent à encadrer la manière et le contenu d'une pétition; si votre pétition n'est pas conforme aux règles de procédure, je ne puis vous autoriser à la présenter.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Me permettriez-vous de solliciter le consentement de l'Assemblée pour que le député de Berthier procède au dépôt de ses deux pétitions?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, ce n'est pas la question de donner ou de refuser un consentement, c'est la question de savoir si oui ou non les règles sont respectées et en quoi elles ne le sont pas. Si elles ne le sont pas, s'il y a effectivement des problèmes qui se posent quant à la présentation de la pétition, je pense qu'il est du devoir du président de l'Assemblée nationale de le signaler et de faire en sorte que, s'il y a des correctifs à apporter à la présentation de la pétition, ils soient apportés.

Le Président: II ne semble donc pas y avoir de consentement, M. le député.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): On m'indique que la seule irrégularité est que c'est adressé au gouvernement plutôt qu'à l'Assemblée. Je pense que c'est une erreur technique que l'on pourrait facilement corriger immédiatement.

Une voix: II n'y a plus de gouvernement!

Le Président: M. le leader du gouverne- ment.

M. Bertrand: Dans les circonstances, M. le Président, il n'y a pas de problème.

Une voix: II n'y a plus de gouvernement!

Le Président: Je veux bien, mais je signale à tout hasard, pour tous ceux qui voudraient déposer des pétitions, l'article 62 qui stipule qu'une pétition doit s'adresser à l'Assemblée, au pouvoir législatif et non au gouvernement. Si on veut s'adresser au gouvernement, il y a la poste royale pour ce faire. M. le député de Berthier.

Sauvegarder les emplois menacés par la fermeture de Melchers, à Berthierville

M. Houde: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée par 10 358 pétitionnaires du comté de Berthier invoquant les faits suivants: "Considérant l'annonce officielle de la fermeture de l'usine Melchers de Berthierville; considérant la perte d'une centaine d'emplois reliés directement à la fermeture de Melchers; considérant la perte d'une cinquantaine d'autres emplois indirects; considérant les conséquences désastreuses pour les nombreuses familles affectées par cette situation; considérant le manque à gagner par la perte des taxes municipales; considérant les effets négatifs importants sur l'activité économique de l'ensemble de notre région; considérant le très haut niveau des sans-emplois dans notre région; et concluant: pour toutes ces raisons et bien d'autres, nous, soussignés, demandons aux gouvernements du Canada et du Québec d'intervenir immédiatement pour la sauvegarde des emplois perdus par la fermeture de Melchers à Berthierville".

M. le Président, j'en ai une deuxième.

Le Président: Le consentement vaut pour la deuxième aussi, j'imagine.

Conserver l'intégrité du territoire du CLSC de Brandon

M. Houde: Merci, M. le Président, merci encore une fois. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 4892 pétitionnaires du comté de Berthier: "Considérant que le CLSC Brandon est implanté depuis 1973 et dessert une population rurale de 17 800 personnes; considérant que la MRC de D'Autray, que la très grande majorité des municipalités où vit la population desservie et que l'ensemble des groupes socio-communautaires reconnaissent qu'il est plus avantageux d'être desservi par le CLSC Brandon; considérant que le réaménagement

du territoire des CLSC en fonction des territoires des MRC pose plus d'inconvénients que d'avantages à la population du CLSC Brandon; considérant que ce réaménagement va amener une diminution de services et des coûts supérieurs; considérant que d'autres territoires de CLSC ne correspondent pas à celui de la MRC dans le Québec, par exemple, Mirabel, Jacques-Cartier; considérant qu'aucune consultation n'a été faite auprès des populations touchées, nous demandons que le territoire du CLSC Brandon soit conservé dans son intégrité." Merci.

Une voix: Très bien! QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Le Président: Ce qui nous mène à la période des questions. Je signale qu'il y aura un complément de réponse du ministre des Affaires sociales à l'issue de la période des questions.

M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Est-ce que le leader du gouvernement pourrait m'indiquer si le ministre de la Justice sera ici pour la période des questions?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, étant donné les responsabilités que le ministre assume au niveau des Communautés culturelles et de l'Immigration, il doit être présent aujourd'hui au sommet sur le Québec dans le monde.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

L'enquête sur un complot pour corrompre deux députés

M. Gratton: C'est évidemment ce qui arrive quand un ministre cumule plusieurs postes. Est-ce que le premier ministre me permettrait de lui adresser les questions? Je conviens qu'il devra probablement en prendre avis, mais il nous semble qu'il serait nécessaire que les questions soient posées ce matin de façon qu'on obtienne les informations du ministre de la Justice ou du premier ministre le plus tôt possible.

Hier, le ministre de la Justice confirmait que son sous-ministre était intervenu dans une enquête policière concernant une tentative de corruption de deux députés péquistes. Il a tenté de banaliser la chose en prétendant qu'il arrive très fréquemment que ces dossiers fassent l'objet d'une saisie de leur contenu par le sous-ministre.

Je conviendrai avec le ministre, M. le Président, que tel était effectivement le cas au temps de Maurice Duplessis et semble-t-il que tel est encore le cas sous le gouvernement actuel. Quant à nous, il ne nous apparaît ni normal ni souhaitable que l'administratif et le politique interviennent dans le déroulement des enquêtes policières.

J'aimerais que le ministre réponde à des questions très précises sur l'enquête policière qui nous préoccupe:

Peut-il nous dire, dans un premier temps, qui a agi comme substitut du Procureur général à Montréal dans cette affaire? Ce dernier a-t-il été consulté par la Sûreté du Québec pour savoir si des mandats de perquisition devaient être exécutés dans le cadre de cette enquête? Si oui, quand a-t-il été consulté et quelle a été sa recommandation à la Sûreté du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense que le leader de l'Opposition a très bien prévu ce que pourrait être ma réponse. La seule chose qu'elle peut être, c'est que sur cette question comme sur d'autres, peut-être, qui peuvent se poser, d'abord je ne peux rien ajouter pour le moment à ce qu'a dit hier mon collègue de la Justice.

Deuxièmement, il est entendu que la grande conférence qui a été préparée depuis un an par à peu près tous les gens les plus éminents qui s'occupent de choses internationales au Québec, doit se terminer cet après-midi. Il est donc évident que le ministre de la Justice, sauf erreur, sera ici demain et, comme les questions additionnelles ont été enregistrées, il se fera un devoir de répondre autant qu'il le pourra.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Gratton: Oui, M. le Président. De façon que le ministre puisse nous fournir le plus d'informations possible, j'ai quelques questions complémentaires:

Qui, à la Sûreté du Québec, a consulté le sous-ministre de la Justice? Quelles ont été les représentations de la Sûreté du Québec au sous-ministre de la Justice? Pourquoi la Sûreté du Québec a-t-elle consulté directement le sous-ministre? A-t-on voulu contourner ou court-circuiter le substitut du procureur de la couronne à Montréal? Quelle a été la recommandation du sous-ministre à la Sûreté du Québec quant aux mandats de perquisition?

J'aimerais que le ministre nous dise s'il ne reconnaît pas qu'il y a eu un délai de huit jours, ce qui est tout à fait anormal dans ce genre de chose, dans l'exécution des mandats de perquisition accordés le 28

novembre 1984 et qui n'ont été exécutés que le 6 décembre, soit huit jours plus tard?

J'aimerais finalement qu'il nous dise s'il est en mesure d'affirmer de façon catégorique que toutes ces consultations entre le sous-ministre et la Sûreté du Québec n'ont pas contribué à retarder l'exécution des mandats de perquisition avec les conséquences qui auraient pu en découler?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Même réponse, M. le Président.

Le Président: Question principale, M. le député de Charlesbourg.

M. Côté: J'espère que le premier ministre est rassuré un peu ce matin, M. le Président.

M. Pagé: Êtes-vous mieux qu'hier?

La Fondation des Québécois pour le oui

M. Côté: On se rappellera qu'au printemps 1983, l'Assemblée nationale apprenait que la poursuite de 30 000 000 $ de la Société d'énergie de la Baie James, à la suite du saccage de la Baie James, s'était réglée pour 200 000 $ à l'occasion d'une négociation entre Jean-Roch Boivin, ex-chef de cabinet du premier ministre, les avocats de Geoffrion & Prud'homme, soit Michel Jetté, Jean-Paul Cardinal et François Aquin, l'avocat Rosaire Beaulé et l'avocat Michel Jasmin. Ce règlement est intervenu le 13 mars 1979. Le 9 octobre 1979, quelque sept mois plus tard, la Fondation des Québécois pour le oui était incorporée. Le premier ministre peut-il nous dire s'il est exact que cette fondation, dont l'objet était de recueillir de l'argent ou tout autre bien pour appuyer le oui, a été incorporée par trois avocats de Geoffrion, Prud'homme, à savoir Michel Jetté, Michel Blouin et René Beaulac, ex-associés de Jean-Roch Boivin? (10 h 40)

Une voix: C'est quoi la question?

Le Président: M. le. premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vous avoue que je vais être obligé de prendre avis une deuxième fois parce que, jusqu'à nouvel ordre, la seule chose que j'en sais, parce qu'il y a pas mal de choses d'entremêlées dans la question du député, c'est qu'il semble possible - je m'excuse de le dire, parce que je ne peux pas aller plus loin - qu'il n'y ait rien là. Alors, on verra.

Le Président: M. le député de Charlesbourg.

M. Côté: Pour faciliter la recherche du premier ministre, question additionnelle. Dans vos recherches, le premier ministre peut-il nous dire s'il est exact que le secrétaire-trésorier de la fondation était Me André J. Bélanger, l'associé de Rosaire Beaulé? Le premier ministre prend avis.

Une autre question additionnelle. Peut-il nous dire s'il est exact que l'un des administrateurs de la fondation était Me Michel Jasmin qui a négocié le règlement hors cour de l'affaire de la Baie James?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le député a peut-être la nostalgie de certaines enquêtes aussi invraisemblables que ridicules, mais quand il aura fini de poser ses questions, peut-être que quelqu'un, un jour, lui répondra, peut-être avant les fêtes.

Une voix: Qu'est-ce que c'est cela?

M. Côté: Certainement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Charlesbourg.

Une voix: Ni de près ni de loin.

M. Côté: Question supplémentaire. Le premier ministre peut-il nous dire, tout en effectuant ses recherches, s'il est exact que l'adresse du siège social de la fondation était le 5835, boulevard Léger, à Montréal-Nord...

Le Président: M. le député, là je me dois d'intervenir sur la nature de vos questions. D'une part, j'ai des doutes sérieux quant à la compatibilité de vos questions et le règlement de l'Assemblée. Les questions qui sont posées aux ministres sont posées aux ministres dans le champ de compétence de leurs activités. Or, on pose des questions sur une fondation qui est distincte du gouvernement. Mais surtout la nature des questions, compte tenu qu'elle remonte loin dans le temps, implique de tels détails que, normalement, c'est le genre de questions qui doivent aller au feuilleton.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Vous conviendrez sûrement que les questions portent sur la Fondation des Québécois pour le oui, une fondation qui a été mise sur pied pour faire campagne ou, en tout cas, faire une campagne préréférendaire...

M. Bertrand: M. le Président...

Le Préaident: II y a une question...

Une voix: Laissez-le terminer.

M. Gratton: ...que ce référendum...

M. Bertrand: ...argumentation.

Une voix: Oui, il faut qu'il explique.

M. Gratton: ...a été tenu en vertu d'une loi et d'une question adoptée ici en vertu de la Loi sur la consultation populaire. Donc, il est de la compétence de l'Assemblée nationale d'en traiter et, évidemment, pour le premier ministre responsable du gouvernement d'y répondre ou d'en prendre avis.

Le Président: En tout cas, sur cette question-là, est-ce que c'est, oui ou non, de la compétence administrative du premier ministre et du gouvernement? Cela me semble douteux, mais si le premier ministre veut y répondre, bien libre à lui de le faire. Par contre, concernant le deuxième aspect de mon intervention, c'est la nature des questions remontant aussi loin dans le temps. Il faut bien se rappeler qu'une question doit être une question d'actualité. Alors, on remonte dans le temps et on pose des questions qui impliquent tellement de détails que, normalement, ce genre de questions doivent apparaître au feuilleton de l'Assemblée et non pas venir à la période des questions.

M. Gratton: M. le Président, j'ajoute un point.

Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: II s'agit du contrôle des dépenses d'une fondation dans le cadre d'une consultation populaire tenue en vertu de nos lois et de l'application d'une Loi sur le financement des partis politiques et sur le financement des campagnes référendaires. Je ne vois réellement pas, M. le Président, comment cela ne pourrait pas être traité ici, à l'Assemblée nationale, sinon où pourrait-on en traiter?

Le Président: Ce que je vous souligne, M. le député, ce n'est pas nécessairement que ce n'est pas à l'Assemblée qu'il faut en traiter, mais c'est sur la manière. Lorsque l'on veut avoir une réponse qui implique des recherches sur une série de détails - par exemple, la dernière question complémentaire du député de Charlesbourg sur l'adresse - il me semble que, normalement, ce genre de question doit apparaître au feuilleton. Mais je ne dis pas pour autant qu'elle ne doit pas être posée. Je dis que l'endroit pour la poser est le feuilleton plutôt que la période des questions.

M. Côté: M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Charlesbourg.

M. Côté: Avec les prochaines questions, vous allez facilement comprendre et faire le lien.

Le premier ministre peut-il nous dire s'il est exact que l'adresse qu'on a mentionnée tantôt à Montréal-Nord est l'adresse d'affaires d'Yvan Guérin, l'ex-trésorier du PQ, l'ex-agent officiel du premier ministre dans le comté de Taillon et l'associé de Luc Cyr dans Transit Construction? Peut-il nous dire aussi s'il est exact que la fondation aurait récolté 1 229 468 $ et que Luc Cyr était l'un des principaux...

Le Président: M. le député. Un rappel au règlement, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, j'invoque, à la suite des propos que vous avez tenus, surtout l'article 75 du règlement à savoir que les questions qui sont posées doivent avoir un caractère d'actualité et que dans la mesure... C'est tout à fait vrai, c'est inscrit à l'article 75. Est-ce que vous riez du règlement que vous avez adopté à l'unanimité? Des questions qui portent sur des aspects très spécifiques doivent être habituellement inscrites au feuilleton. Vous vous rappellerez d'ailleurs très bien qu'une question avait été posée par un député ministériel, qui était bien loin de demander des détails aussi précis que ceux que demande en ce moment le député de Charlesbourg, et vous aviez dit au député ministériel: Inscrivez votre question au feuilleton, c'est la meilleure façon d'obtenir une réponse puisqu'une recherche normale doit être effectuée. Il y a deux questions inscrites au feuilleton, en ce moment. Je pourrais lire les deux. Non, non. Je pourrais lire simplement un paragraphe: "Existe-t-il des études sur la question du lobbying qui auraient été effectuées depuis janvier 1983 par les services de recherche de l'Assemblée?" C'est inscrit au feuilleton. Cela m'apparaît encore plus général au niveau de sa formulation que les questions du député de Charlesbourg, je vous fais valoir que c'est vraiment le genre de question qui devrait aller au feuilleton.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Gratton: Sur la question de règlement. Effectivement l'article 75 dit bien que les questions doivent porter sur des affaires d'intérêt public - je pense qu'il n'y a personne qui va nier qu'il s'agit d'intérêt public dans les questions du député de Charlesbourg - ayant un caractère d'actualité ou d'urgence. Il y avait deux articles dans les journaux, ce matin, qui faisaient état de cela. Si ce n'est pas d'actualité, lisez les journaux, vous allez voir. Le ministre voudrait nous renvoyer au feuilleton pour avoir des réponses quand? En mars ou en avril. On va ajourner la semaine prochaine. Il me semble que le seul endroit pour poser ces questions, c'est ici même à la période des questions.

Le Président: Je réitère que les questions posées peuvent impliquer des recherches. Comme je l'ai indiqué a Mme la députée de Dorion, il y a quelque temps, ce genre de question doit paraître au feuilleton. Si la période de questions est transformée en un moment où tout député peut se lever et faire référence à n'importe quelle époque plus ou moins lointaine et demander des détails très précis du genre de ceux que demande le député de Charlesbourg, la seule réponse qu'on va avoir à la période de questions, cela va forcément être que le gouvernement prend avis de la question parce que ce sont des questions qui demandent des recherches détaillées et relativement poussées... Quand on entend les questions assis où je le suis, cela semble être des questions qui demandent effectivement des recherches; c'est le genre de questions qu'on inscrit normalement au feuilleton.

M. Côté: M. le Président, deux dernières questions additionnelles.

Le Président: M. le député, je viens de vous faire valoir que les questions que vous posez sont de la nature de ces questions qui s'inscrivent normalement au feuilleton. Je pense que vous en conviendrez avec moi. Les questions qui demandent des recherches doivent normalement s'inscrire au feuilleton. Je ne vois pas en quoi celles-ci font exception à la règle.

M. Côté: Ce sont des questions d'ordre général.

Le Président: De quoi?

M. Côté: D'ordre plus général. Dans la même veine, mais d'ordre général au lieu d'être plus spécifiques. Dans le respect de la Loi sur le financement des partis politiques, est-ce que le premier ministre peut nous dire s'il est exact que la fondation a récolté 1 229 000 $ et que M. Luc Cyr était...

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: II y a un rappel au règlement.

M. Côté: ...l'un des principaux... M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: Rappel au règlement. M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: C'est exactement de la même nature. Le leader de l'Opposition disait tout à l'heure que parce que c'est dans le journal, ce matin, cela a un caractère d'actualité. Dans le journal La Presse, il y a une page...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Bertrand: ...qui s'intitule "II y a 100 ans." Il y a une émission à la télévision qui s'intitule "20 ans après." C'est une émission à la télévision. Si c'est ça l'Opposition, 20 ans après...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

M. Bertrand: ...ou il y a 100 ans, ce n'est pas ça la période de questions...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition. (10 h 50)

M. Gratton: Sur la question de règlement. Il me semble que le règlement prévoit exactement comment le gouvernement peut refuser de répondre à des questions s'il considère que ce n'est pas d'intérêt public. L'argumentation que vient de faire le leader du gouvernement... Que je sache Luc Cyr cela ne fait pas 100 ans qu'il est ami du premier ministre, il l'est encore.

Le Président: Vous pouvez considérer que les questions sont inscrites au feuilleton, le moins qu'on puisse dire c'est qu'elles sont en tout cas inscrites au Journal des débats et qu'il y aura réponse en temps opportun. M. le député de Portneuf, question principale.

M. Pagé: M. le Président, une question principale au premier ministre. J'espère qu'il est en bonne forme ce matin, plus qu'hier. Hier, ce n'était pas trop édifiant évidemment.

Le Président: M. le député.

Les responsabilités des membres de la Sûreté du Québec

M. Pagé: Vous comprendrez que la question vous est adressée en l'absence du

ministre de la Justice et elle se rapporte à la position abusive adoptée par votre gouvernement dans le décret adopté le 28 novembre dernier, comme suite de la sentence arbitrale rendue il y a quelques semaines par le juge Claude-René Dumais et relative au renouvellement du contrat de travail des policiers de la Sûreté du Québec.

Le premier ministre pourrait-il confirmer ou infirmer devant cette Chambre les informations qui ont été données par le Syndicat des policiers, à l'effet que le nombre de policiers entre 1977 et 1983 avait augmenté de 30 seulement pour le corps policier de la Sûreté du Québec; que l'indice de la charge de travail pour le nombre d'interventions par 100 policiers était passé de 667 à 1223; que ce corps policier s'est vu attribuer au cours de cette période des responsabilités additionnelles en regard de l'application du Code de la route et du Code de la sécurité routière, entre autres pour les véhicules lourds; qu'il s'est vu confier la responsabilité d'application et de contrôle de la Loi sur les alcools? Comment concilier cette augmentation de charge et de responsabilité à un corps policier comme celui de la Sûreté du Québec avec l'attitude et la position intransigeante adoptée par votre gouvernement?

Le deuxième volet de cette question: Le ministre de la Justice s'est longuement référé au niveau de comparaison du salaire payé aux policiers de la Sûreté du Québec. Est-ce que le premier ministre nie les faits que le policier et l'agent de la Sûreté du Québec, en 1985, gagnera moins que le policier de ville La Baie, de Pincourt, de Chicoutimi, de Saint-Eustache, de Beloeil, de Saint-Bruno, de Châteauguay, de Saint-Hyacinthe et d'Iberville?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le député ne s'attend sûrement pas que je commence à éplucher les chiffres d'augmentation de tâches qu'il a évoqués. Je peux probablement les confirmer tout de suite en rappelant simplement que, jusqu'à récemment et forcément au pire de la crise alors qu'on avait dû prendre l'engagement, et il faut le tenir, que si l'ensemble des secteurs public et parapublic devait faire un effort, il faudrait que tout le monde fasse un effort à peu près équivalent. C'est quand même récent qu'on n'ait pas pu s'entendre. Dieu sait que, tout compris, on s'était entendu ces dernières années jusqu'à tout récemment, au point que la progression méritée des membres de la Sûreté du Québec a été plus rapide que celle d'à peu près tous les autres secteurs du domaine public ou parapublic.

Cela étant dit, il est évident que personne ne regrette autant que nous qu'on n'ait pas pu arriver à une entente, seulement - enfin je peux le dire comme je le pense -je suis heureux que, dans l'ensemble, jusqu'ici, les moyens de pression qu'on peut comprendre n'aient pas entaché de façon trop grave la réputation plus que méritée que, depuis des années et des années et d'année en année, s'est faite un corps de police qui est vraiment un corps d'élite. J'espère que cela tournera éventuellement de la même façon à Montréal. On n'a pas besoin de se faire de dessin.

Maintenant, il est évident qu'il y a eu des espèces de flambées à la suite d'arbitrage dans certaines villes du Québec qui, espérons-le, ne seront plus obligées de créer des patterns terriblement artificiels et surtout aussi douloureux qu'on le sait sur les populations qui doivent payer localement à même leurs impôts ou leurs taxes.

Je veux bien partager ce que dit le député en ce qui concerne la situation. Je ne sais s'il est prêt à partager le voeu que je viens d'exprimer, mais j'espère en tout cas que, aussi bien à Montréal que dans les villes où il y a eu de ces flambées arbitrales, on viendra à une sorte de pattern qui reconnaîtra d'abord et avant tout comme un plafond d'excellence, le corps d'élite par excellence qu'est la Sûreté du Québec, mais cela ne se fait pas en criant ciseaux.

Le Président: M. le député de Portneuf en complémentaire.

M. Pagé: Question additionnelle à double volet: Comment concilier votre déclaration de ce matin se référant à la flambée des coûts et des augmentations en regard des sentences arbitrales rendues pour les municipalités, alors qu'une même sentence arbitrale est rendue et déposée pour les policiers de la Sûreté du Québec et que vous ne la respectez pas? Devons-nous comprendre que, quand ce sont les municipalités qui paient, vous ne vous en occupez pas et que, quand c'est vous qui payez, cela vous préoccupe?

Le deuxième volet de ma question: Si vous aviez un effort à demander à la Sûreté du Québec et à ses membres, pourquoi ne le leur avez-vous pas demandé le 8 juin dernier, alors que les négociations achoppaient, plutôt que de les convier à un arbitrage où, finalement, vous leur avez dit à peu près ceci: On s'en va en arbitrage, on va passer les fêtes de l'été, on va passer la visite du Pape; si cela tombe du côté pile, je gagne et si cela tombe du côté face, tu perds? C'est ce que vous avez fait, M. le premier ministre.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, est-ce que je pourrais vous dire très

simplement que je pense que tout le monde comprenait que, dans une situation où il y avait quand même - on peut le dire - la réputation du Québec et loin au-delà de ses frontières, c'était, je pense, indiqué. Je pense que tout le monde a compris aussi qu'il fallait quand même que le conflit se règle un jour. Mais je pense que le bon sens et ce que j'appelais tout à l'heure l'excellence de ce corps...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): ...policier ont quand même prévalu en grande partie à cause des circonstances que vient d'évoquer le député de Portneuf. Quant à la conciliation entre la flambée que j'évoquais du côté - Dieu sait que c'est connu - de certaines municipalités et l'arbitrage qu'on a cru devoir - et je crois qu'on avait raison de penser qu'on devait le faire - refuser, celui de la Sûreté du Québec, sans entrer dans les détails, à moins qu'on veuille encore passer au feuilleton, je ferai simplement un rappel. Telles que les choses sont jusqu'à nouvel ordre, les arbitrages en ce qui concerne la Sûreté du Québec ne sont pas exécutoires. Ce sont des recommandations...

Une voix: Voilà!

M. Lévesque (Taillon): ...tandis que les municipalités sont aux prises avec des sentences exécutoires. Maintenant, est-ce que l'avenir sera pareil? Cela reste à voir.

Une voix: C'est cela.

Le Président: M. le député de Portneuf, en complémentaire.

M. Pagé: Nous prenons évidemment acte de l'admission du premier ministre qui est grosse ce matin à savoir que...

Le Président: La question, M. le député.

M. Pagé: ...tout cela a été fait par stratégie.

Le Président: M. le député.

M. Pagé: L'arbitrage a été demandé par stratégie.

Le Président: M. le député, la question.

M. Pagé: Additionnelle, à double volet encore. Devons-nous comprendre de la position du gouvernement que vous considérez que le juge Dumais a erré en droit par la sentence et, en quoi a-t-il erré, l'honorable juge?

Le deuxième volet. Est-il exact que le premier ministre, dans une rencontre privée qu'il a eue avec les représentants des policiers provinciaux, le ou vers les 17 ou 18 novembre, leur a dit, avec sa bonhommie habituelle: Vous avez raison. Vous avez raison sur le fond, mais vous savez, les gars...

Une voix: Lâchez pas, les gars.

Une voix: Lâchez pas.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Ce n'était pas si mal à l'époque! M. le Président, je n'ai pas à ajouter... Si on veut feuilletonner les questions de jour en jour, il reste quelques jours. Je crois que je n'ai pas à répondre à la première question. Cela a déjà été -excusez ma faute de français - "répondu" par mon collègue de la Justice, entre autres. Si on veut lui demander une opinion juridique sur le rapport du juge, Bah! Seigneur! il sera là demain.

Quant à la rencontre privée qu'évoque le député, c'est sûr, j'étais très heureux -enfin, heureux... J'ai été heureux de toute façon de pouvoir rencontrer les porte-parole du syndicat des policiers dont M. Richard, le président. Ils nous ont - et c'est normal -répété l'essentiel de ce qui était quand même l'ensemble de leurs réclamations. Là-dessus, j'ai dû admettre - pourquoi pas? -qu'ils avaient raison sauf sur un point, c'est-à-dire qu'on croyait que cela n'était pas correct d'aller jusque là dans les fonds publics. Sur bien des points, comme il arrive toujours dans les conflits de bonne foi, oui, ils pouvaient avoir raison. Dans certains cas, c'est sûr qu'on pouvait avoir au moins en partie tort, mais cela ne change pas la conclusion à laquelle on était tenu quant à nous.

Le Président: Question principale, M. le député de Bellechasse.

La déréglementation dans l'industrie de la coiffure

M. Lachance: M. le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Lundi dernier, le 10 décembre, Mme la ministre a annoncé la décision du Conseil des ministres de déréglementer les régimes d'apprentissage ainsi que les mécanismes de qualification professionnelle dans l'industrie de la coiffure. Si j'ai bien compris, ce projet va faciliter indistinctement l'accès au métier de coiffeur pour hommes et de coiffeur pour dames. J'aimerais savoir de la ministre, premièrement, ce que cette décision va changer concrètement dans le fonctionnement quotidien des salons de coiffure;

deuxièmement, si cette annonce de déréglementation dans le secteur de la coiffure a été précédée d'une consultation auprès des intervenants concernés? (11 heures)

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Merci, M. le Président. D'abord - le député le mentionnait lui-même - cette distinction entre coiffeur pour hommes ou coiffeur pour dames sera éliminée, c'est-à-dire qu'on soit un salon spécialisé pour les hommes ou pour les femmes, on pourra recevoir des gens de l'autre sexe aussi. Je dois dire que c'est une réglementation qui existait depuis près de 35 ans, M. le Président, et qu'elle ne correspondait plus à notre réalité sociale et culturelle.

L'autre élément, c'est, effectivement, une déréglementation dans l'ordre de la qualification et de la formation professionnelles. Ce que cela va changer, très concrètement, dans les salons, c'est que cela remettra en question toutes ces notions de ratios qui, selon les comités paritaires et là où ils existent - parce qu'ils n'existent pas partout et n'existent pas pour les métiers selon l'un ou l'autre sexe dans certaines régions... - Nous retoucherons les ratios, nous ouvrirons la politique d'apprentissage, nous l'élargirons. Notre souhait, c'est de travailler tant avec les comités paritaires qu'avec les associations de coiffeurs ou de coiffeuses là où elles existent pour revaloriser le statut de coiffeur et de coiffeuse et de faire en sorte que l'apprentissage dans les salons soit beaucoup plus ouvert que ce ne l'est maintenant.

Le Président: M. le député de Bellechasse, en complémentaire.

M. Lachance: Comme c'est un sujet de préoccupation actuellement, j'aimerais savoir de la ministre, ce qu'il va advenir des heures d'affaires auxquelles doivent se conformer les travailleurs et les travailleuses dans le domaine de la coiffure?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: II y avait d'abord un deuxième volet à la question auquel je n'avais pas répondu, c'était la consultation. Les heures d'affaires, je vais y revenir. Concernant la consultation, je suis à mon ministère depuis un an. J'ai rencontré, à peine quelques semaines après mon entrée au ministère, tant des représentants des comités paritaires que des propriétaires de salon de coiffure pour hommes ou pour dames ou des associations de coiffeurs ou coiffeuses. Nous avons eu de très longues discussions pendant, je dirais, de longs mois, au moins un an et après ces consultations, dès le moment de ces consultations, j'avais déjà dit aux représentants de ces différents organismes que mon orientation était plutôt que nous proposerions au gouvernement de déréglementer le secteur. Après ces consultations, j'ai pris cette décision et je l'ai recommandée au gouvernement qui l'a retenue.

Quant aux heures d'affaires, je pense qu'il faut bien clarifier cette question. Les établissements commerciaux, c'est-à-dire de vente, sont réglementés, - on le sait, il y a eu un débat ici à ce sujet, - il y a donc des heures réglementaires et des conditions. Dans le cas des services du type de la coiffure ou d'autres types de services, il n'y a pas de réglementation. Il y a, cependant, une réglementation qui concerne les conditions de travail des personnes qui oeuvrent dans ces services et c'est évidemment la loi sur les normes minimales du travail qui prévoit un nombre d'heures maximales par semaine et qui prévoit un certain nombre de conditions. Cependant, puisque nous n'abolissons pas les comités paritaires, les comités paritaires pourront continuer d'exister et pourront définir, région par région, des règles et s'entendre sur ces règles de relation du travail de même que d'ouverture ou de fermeture en termes d'heures d'affaires.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Orford.

M. Vaillancourt: M. le Président, en complémentaire. Est-ce que la ministre peut nous dire - est-ce qu'elle m'écoute? - si la déréglementation de la coiffure va permettre à une personne qui sort des études, qui a suivi un cours en coiffure pour homme ou pour dame, d'ouvrir un salon sans être obligée de passer trois ans avec une coiffeuse qualifiée?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Si cette personne devait avoir la formation et le talent de façon quasi innée, finalement, elle pourrait le faire immédiatement à sa sortie de l'école. Je lui souhaite cependant une très bonne chance. Peut-être qu'elle aura un certain nombre de problèmes à avoir des clients et des clientes en permanence. Mais elle pourrait le faire. Si, effectivement, elle a le talent pour le faire, il sera possible, j'imagine, qu'elle ait une clientèle qui s'adresse à elle.

Le Président: Question principale, M. le député de Berthier.

Comment remplacer les emplois qui

seront perdus lors de la fermeture

de l'usine Melchers?

M. Houde: Merci, M. le Président. Je voudrais profiter de l'occasion pour vous parler de notre belle usine qui est en train de fermer à Berthier et, en même temps, saluer les gens de Berthier qui sont dans la galerie ce matin.

Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce. Le 30 novembre dernier, la compagnie Seagram annonçait s'être portée acquéreur de Distillateurs Mel-can Limitée, groupe appartenant à la distillerie Melchers de Berthierville. Or, Seagram profita de la même occasion pour annoncer la fermeture de la distillerie Melchers de Berthierville, fermeture qui doit se réaliser sur une période de six mois et qui est imputée à l'escalade des taxes fédérales et provinciales qui sont trop élevées sur les spiritueux.

Cette distillerie qui existe depuis 100 ans est une des plus importantes entreprises de Berthierville. Elle y génère une activité économique importante. Sa fermeture amènerait la perte de 100 emplois directs et d'environ 50 emplois indirects. En plus, la municipalité perdrait 200 000 $ en taxes municipales.

Voici ma question: Quelles mesures concrètes le ministre entend-il prendre afin que soient remplacés les emplois qui seraient perdus lors de la fermeture de l'usine Melchers?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Biron: M. le Président, on est en face d'une décision qui a été prise par deux entreprises privées. Je voudrais que mes collègues, celui de Berthier en particulier, vis-à-vis de leur parti politique, apportent un peu de logique là-dedans lorsqu'on dit qu'on est favorable à l'entreprise privée. Si deux entreprises privées prennent une décision, bien sûr, il faut en accepter les conséquences.

Nous, du côté du gouvernement du Québec, nous avons dit, au début de la longue discussion qu'on a eue avec les entreprises privées dans le secteur des boissons alcooliques et avec la Société des alcools, qu'il fallait conserver un secteur témoin à la Société des alcools pour faire en sorte de conserver le maximum d'entreprises possible.

L'entente entre Melchers et Seagram est une entente entre deux entreprises privées. Ce que nous essayons de faire présentement, puisque nous avons déjà discuté avec les gens de Seagram, c'est chercher d'autres possibilités d'embouteillage ou l'embouteillage d'autres choses. Par exemple, on embouteillait à Berthierville les liqueurs Marie Brizard qui appartiennent à un concurrent de Seagram. Il est certain que ce n'est pas Seagram qui va embouteiller pour lui. On essaie de voir si on ne pourrait pas conserver cette partie, mais en trouvant bien sûr un entrepreneur qui serait prêt à acheter les installations de Melchers ou à bâtir des installations à côté, pour au moins cette partie-là.

Deuxièmement, on vise aussi à embouteiller au maximum le vin et les spiritueux qui seront consommés au Québec et exportés à partir du Québec. Là aussi, il y a des possibilités mais à la condition, encore une fois, de trouver un investisseur ou un entrepreneur qui est prêt à prendre un certain risque en investissant de l'argent dans cette entreprise.

M. Houde: M. le Président, question additionnelle, s'il vous plaît!

Le Président: Oui, M. le député de Berthier, en complémentaire.

M. Houde: Est-ce que le ministre est prêt à organiser une rencontre avec les représentants de Seagram et les représentants du comité pour la survie des employés de Berthier ainsi que moi-même pour tenter de retarder, d'abord, le délai de la fermeture et essayer de trouver une solution?

Une voix: Très bien.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Biron: Oui, M. le Président. Je suis prêt à essayer d'organiser une rencontre entre Seagram et les gens de Berthier, bien sûr...

M. Houde: Dans les plus brefs délais.

M. Biron: ...mais il faut quand même... Vous savez, M. le député, et je pense que tous les députés libéraux, comme les députés du Parti québécois, le savent, lorsque vous soulevez des problèmes particuliers, je respecte toujours le député du comté.

Je dois dire que c'est quand même une décision économique qui a été prise par deux entreprises. Comme objectif, il s'agit de trouver d'autres lignes de production que nous n'avons pas à l'heure actuelle au Québec ou qui s'en iraient à l'extérieur du Québec. Bien sûr, il faut faire un effort énorme pour trouver un ou des entrepreneurs dans la région de Berthier qui seraient prêts à prendre la relève des anciens propriétaires de Melchers.

Le Président: Mme la députée de Mégantic-Compton. (11 h 10)

Le Guide des aînés sera-t-il publié en anglais?

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Communications. Dernièrement, on assistait, par le biais des médias, au lancement du Guide des aînés. Cette publication contient de l'information sur les droits des gens âgés et les services qui leur sont disponibles auprès des diverses agences gouvernementales. Or, il n'existe pas de version anglaise du guide afin de desservir la population âgée anglophone qui compte 79 330 peronnes, soit 14% de toutes les personnes âgées du Québec. Une association anglophone de l'Estrie mentionnait récemment que la grande majorité des personnes âgées de 65 ans et plus de langue anglaise est incapable de lire et de comprendre le français. 9250 personnes sont ainsi concernées dans l'Estrie.

Selon nos informations, aucune version anglaise n'a encore été imprimée et ne semblerait pas l'être dans les semaines qui viennent. Le ministre a-t-il l'intention de publier dans les plus brefs délais la version anglaise du Guide des aînés?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, je remercie beaucoup la députée de Mégantic-Compton de me poser cette question. J'ai effectivement refusé de signer toute lettre de réponse à des organismes représentant des communautés anglophones qui m'ont effectivement fait part de leur désir d'avoir le Guide des atnés traduit en anglais puisque, effectivement, cela semble correspondre à un besoin chez les personnes âgées. J'ai refusé de répondre à ces lettres de la façon dont elles m'étaient préparées au ministère des Communications parce que l'argument qui est invoqué est le suivant.

À l'époque, quand nous avions diffusé le Guide du citoyen, nous avions imprimé 95 000 guides du citoyen en français; ils ont tous été vendus. Nous en avions imprimé 5000 en anglais et il n'y en a pas 1500 qui ont été vendus. Il y a donc un problème réel de commercialisation du guide qui pose au ministère des Communications, sur le plan des coûts budgétaires, un certain nombre de difficultés. Comme je suis sensible aux représentations qui sont faites par les regroupements de personnes âgées, nos atnés, comme il semble y avoir une demande réelle pour que le Guide des atnés soit traduit en anglais, j'essaie d'évaluer en ce moment quelle pourrait être la demande exacte et aussi la réponse exacte, la plus exacte possible des personnes âgées si jamais nous décidions, par exemple, de traduire le guide en anglais et ainsi le rendre accessible aux personnes âgées.

Donc, je peux assurer Mme la députée que je regarde ce dossier de très près en ce moment au ministère des Communications, que je me refuse pour l'instant à transmettre une réponse à ces groupes leur disant que, pour des raisons de commercialisation...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Bertrand: ...il est impossible de procéder à la traduction du guide en anglais. Dès que j'aurai une réponse définitive, il me fera grand plaisir de la communiquer à Mme la députée de Mégantic-Compton.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: Le ministre nous parle de l'échec du Guide des citoyens; le ministre pourrait-il nous dire s'il y a eu autant de publicité pour la version anglaise que pour la version française et est-ce que cette publicité pour la version anglaise a été faite en anglais ou en français?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: D'abord, je remercie Mme la députée de m'encourager à poursuivre nos programmes de publicité, c'est réconfortant. C'est de la bonne, c'est de la publicité informative, comme d'habitude.

Le Président: Allons, allons!

M. Bertrand: Je voudrais dire à Mme la députée qu'évidemment, une bonne politique de marketing, de quelque publication que ce soit, doit évidemment s'adapter à la clientèle qu'on veut desservir. Dans cette perspective, il est évident que lorsque nous avons diffusé le Guide du citoyen, nous nous sommes assurés, dans toute la mesure du possible, bien sûr, qu'il soit connu de la communauté anglophone.

Vous, on vous en envoie un exemplaire gratuit, habituellement.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre!

M. Bertrand: Je suis sûr que si vous me faites la demande, M. le député, on va vous l'envoyer.

Le Président: M. le ministre des Communications, la question ne venait pas...

M. Bertrand: Mme la députée, je puis vous assurer que dans la mesure où j'obtiendrais une demande qui correspondrait à une possibilité réelle de faire en sorte que

nous puissions assumer les coûts que représentent la production, la traduction, la commercialisation du Guide des aînés, bien sûr, si c'est possible, à ce moment-là, la politique de marketing qui sera utilisée fera en sorte qu'on puisse permettre aux personnes âgées de connaître l'existence du Guide des aînés et d'y avoir accès de la meilleure façon possible.

M. Vaillancourt: Question supplémentaire, M. le Président.

Une voix: Question additionnelle.

Le Président: II y en a trois en même temps, on va accorder le droit d'aînesse au député d'Orford.

M. Vaillancourt: Est-ce que l'aîné peut commencer?

Est-ce que le ministre peut nous dire quand il va prendre sa décision pour traduire le Guide des aînés car nous avons beaucoup de correspondance venant de la région des Cantons-de-l'Est, du comté de Brome-Missisquoi et d'un peu partout du Québec nous demandant quand il sera disponible pour les anglophones. Je crois que c'est très important.

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: Alors là, M. le Président, j'avoue que, si on invoque des demandes qui parviendraient du comté de Brome-Missisquoi, je les prendrai peut-être en très sérieuse considération, sans oublier bien sûr, celles qui pourraient originer du comté d'Orford ou du comté de Mégantic-Compton. J'ai reçu aussi des demandes de cette très large partie de la communauté anglophone qui vit davantage dans la région de Montréal et dans la région de l'Outaouais. Je veux dire à madame que jusqu'à maintenant j'ai refusé de répondre à ces groupes en leur donnant une réponse négative. Je veux tenter de trouver une solution qui réponde aux besoins légitimes de ces personnes. Dans la mesure où ce sera possible, espérons que ce ne sera pas à Pâques ou à la Trinité, si possible avant Noël, j'essaierai de donner la réponse aux députés de l'Assemblée nationale.

M. Vallières: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Richmond.

M. Vallières: Est-ce que le ministre pourrait nous indiquer s'il a envisagé la possibilité de récupérer quelques milliers de dollars sur les millions de dollars de publicité propagandiste du gouvernement du Québec et de les affecter aux personnes âgées plutôt que de se donner les délais qu'il prend actuellement?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: II est toujours possible, à l'intérieur du budget d'un ministère, d'effectuer un certain nombre de réaffectations, bien sûr, toujours en transitant par le Conseil du trésor mais je veux de nouveau rappeler au député mon intention formelle, qui d'ailleurs, en ce moment-même, est à l'étude au ministère des Communications, que dans toute la mesure du possible, tout en tenant compte des problèmes que ça peut susciter, et ils sont réels, nous répondions à une demande qui nous est transmise par les personnes âgées et qui m'apparaît tout à fait légitime.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre des Communications pourrait nous expliquer pourquoi l'évaluation qu'il se dit prêt à faire maintenant, n'a pas été faite en temps utile? Le problème qu'on lui soulève maintenant est un problème auquel il devait s'attendre. Pourquoi a-t-il attendu que des demandes affluent de tout bord et de tout côté pour évaluer ce besoin qui existait déjà, s'il a fait son travail convenablement?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: Parce que, m'inspirant de la sagesse et de l'expérience des aînés, justement, je m'en suis remis à une expérience qui a été vécue, il y a quelques années avec le Guide du citoyen. Je dis au député que, malgré le fait que nous ayons traduit le Guide du citoyen en anglais -5000 exemplaires - il n'y en a pas 1500 finalement qui ont été achetés par des citoyens qui voulaient avoir accès à ce guide en langue anglaise. Donc, ça n'a pas été une réussite, ça n'a pas été un succès et cela a posé des problèmes sur le plan de la commercialisation et de la production.

La réponse est satisfaisante? Très bien!

Le Président: M. le député de Saint-Henri souhaite poser une question, j'imagine, au ministre des Affaires culturelles qui souhaite probablement s'en faire poser une.

M. le député de Saint-Henri.

La démolition de la maison Pagé-Quercy

M. Hains: M. le Président, ma question

s'adresse évidemment au ministre des Affaires culturelles. Le samedi 3 novembre dernier, la maison historique Pagé-Quercy tombait sous le pic des démolisseurs. C'est un cruel contraste qu'on détruise le patrimoine pour bâtir le Musée de la civilisation. D'ailleurs étrange, a dit le ministre lui-même, que cette démolition ait eu lieu un samedi après-midi, en catimini. Étrange, a-t-il dit encore lui-même, que la Société immobilière du Québec n'ait pas respecté des directives qu'il lui avait données. Sous le coup, M. le ministre a fait une crise de colère. Il a dit ceci: "Nous avons demandé à notre contentieux de voir à intenter des poursuites contre les responsables. D'ailleurs, le Conseil des monuments et des sites du Québec, en date du 20 novembre dernier, a demandé au ministre de poursuivre les coupables et d'imposer des pénalités. Ma question est celle-ci: M. le ministre peut-il nous dire quel est l'avis de son contentieux sur ce litige et des poursuites ont-elles déjà été intentées contre les responsables? (11 h 20)

Le Président: M. le ministre des Affaires culturelles.

M. Richard: M. le Président, j'ai effectivement demandé au contentieux du ministère de fournir un avis à ce sujet. Je n'ai pas encore pris connaissance de cet avis. Je ne sais pas s'il est prêt. Dès qu'il sera prêt, je pourrai en informer le député de Saint-Henri.

Le Président: M. le député de Saint-Henri, en additionnelle.

M. Hains: M. le Président, il me semble que M. le ministre semble retarder...

Le Président: En complémentaire, M. le député.

M. Hains: ...c'est une grave responsabilité dans ce dossier...

Le Président: M. le député, la période des questions arrive à sa fin. La question complémentaire, s'il vous plaît!

M. Hains: Voilà. M. le ministre ne craint-il pas que son omission d'intervenir dans le scandale du Grand Théâtre de Québec et que ce nouveau retard dans ce nouveau scandale de la maison Pagé-Quercy, eh bien, ne grèvent sérieusement sa réputation de ministre responsable?

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: M. le ministre des Affaires culturelles.

M. Richard: M. le Président, je saisis mal le rapport qui existe entre le Grand Théâtre et la maison Pagé-Quercy. En ce qui a trait à la maison Pagé-Quercy, c'est manifestement... En tout cas, c'est l'opinion de la Société immobilière qui prétend que l'interprétation qu'elle devait donner au permis lui permettait de démolir tout le rez-de-chaussée de cette maison, ce qu'elle a fait un samedi. Mais il faut dire, à la décharge de la Société immobilière, que si elle a dû travailler un samedi, c'est en raison des contraintes qu'impose la ville de Québec, et à bon droit, pour fermer des rues durant la semaine. C'est l'explication fournie par la Société immobilière.

Le Président: II y a un complément de réponse du ministre des Affaires sociales à une question posée par le député de Maskinongé.

Le départ de M. Bernard Barbera du CLSC Sainte-Thérèse

M. Chevrette: M. le Président, hier, le député de Maskinongé m'adressait des questions dont j'ai pris note et je voudrais apporter les éléments de réponse suivants.

Tout d'abord, contrairement à ce que le député de Maskinongé a affirmé, à savoir que le conseil d'administration du CLSC Sainte-Thérèse avait demandé la démission, il y a eu une proposition qui fut rejetée par la majorité des membres, et c'est M. Barbera lui-même qui a démissionné et non pas le conseil d'administration.

Deuxièmement, à l'indeminité grassement payée, le recherchiste du député aurait dû lui souligner qu'à la page 2044 de la Gazette officielle du 18 mai 1983, il est dit ceci: "Un employeur peut verser une indemnité de départ à un directeur général dans le cas de congédiement, de non-réengagement, de résiliation d'engagement. Également, l'indemnité est versée mensuellement par l'employeur. Elle ne peut être de plus de six mois et cesse lorsque le directeur général occupe un autre emploi ou prend sa retraite. Toutefois, elle peut être de dix mois si le directeur général a plus de dix années de service." Dans le cas de M. Barbera, il avait quatorze années de service et c'est tout à fait conforme à la réglementation publiée dans la Gazette officielle du 18 mai 1983.

Maintenant, M. le Président, M. le député de Maskinongé a dit ceci: Le ministre pourrait-il aussi nous dire s'il existe un lien entre cette démission grassement payée et les plaintes pour harcèlement sexuel qui ont été déposées contre M. Barbera à la Commission des droits de la personne? Selon les informations obtenues, il n'y avait aucune plainte de déposée à la Commission des droits de la personne au moment de la

démission de M. Barbera.

L'autre question par le député de Maskinongé: Le ministre peut-il nous dire aussi s'il existe un lien entre cette démission grassement payée et la plainte pour détournement de mineure qui a été déposée auprès du Directeur de la protection de la jeunesse? Après vérification au bureau du Directeur de la protection de la jeunesse, il n'y avait aucune plainte de déposée.

M. le Président, quant à l'autre allégation du député de Maskinongé qui dit ceci: Est-ce le même monsieur qui est président régional du PQ de Ville-Marie? Oui, c'est le même monsieur - après information - qui est président du PQ de Ville-Marie et qui, à mon avis, est absolument blessé dans ses droits, profondément, quand on allègue, sous le couvert de l'immunité parlementaire de si grossières affirmations, et l'immunité parlementaire ne devrait tout au moins pas friser l'irresponsabilité d'un homme public.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Est-ce que le ministre des Affaires sociales pourrait me dire si effectivement il y a déjà eu, au moment de la démission, avant la démission ou après la démission de M. Barbera, des plaintes à la Commission des droits de la personne pour harcèlement sexuel? La même chose du côté de la protection de la jeunesse. Est-ce qu'il y a eu les mêmes plaintes? Le ministre me mentionne qu'il y a des clauses dans la loi pour des indemnités de départ. Or, vous m'avez dit que c'était une démission. Est-ce que dans le cas des démissions c'est prévu? Vous n'en avez pas fait lecture.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Chevrette: Je vais relire: "Un employeur peut verser une indemnité de départ à un directeur général dans le cas de congédiement, de non-réengagement, résiliation d'engagement, entente pour mettre fin à un engagement ou démission, à la condition que le directeur général ait renoncé par écrit à tout recours." C'est tout ça, 1983. Quand on formule les questions, il faut regarder aussi les éléments de réponse qu'on peut trouver à même nos propres documents. Deuxième partie, vous m'avez demandé, hier, s'il était vrai qu'il y avait un lien entre la démission et les plaintes. Je vous ai répondu qu'il n'y avait aucune plainte au moment de la démission.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre!

Des voix: Ah! Ah!

M. Chevrette: II n'y a pas de ah! ah!

Laissez-moi répondre. Vous allez voir que les ah! ah! vont se dégonfler. Il n'y a aucune plainte... Le Directeur de la protection de la jeunesse relève de mon ministère et il n'y a pas de plainte. Quant à la Commission des droits de la personne, cela relève de M. le ministre de la Justice. Il n'y avait pas de plainte au moment de la démission. Le complément de réponse à la question que vous posez aujourd'hui, j'irai le chercher au ministère de la Justice et je vous répondrai. Cela n'empêche pas que lancer des accusations de harcèlement sexuel, cela m'apparaît tout à fait irresponsable, d'autant plus que j'apprenais ce matin même que M. Barbera lui-même a logé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne pour obtenir justice. Si vous voulez lui rendre service, allez le répéter devant les journalistes. Vous allez lui rendre bien service.

Le Président: Aux motions sans préavis.

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader parlementaire du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Bertrand: Aujourd'hui, le mercredi 12 décembre, après les affaires courantes, c'est-à-dire à 11 h 30 jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 21 h 30, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Aux mêmes heures, à la salle 81, la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 3, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. À la salle 91, la commission de l'aménagement et des équipements entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 8, Loi sur la Société de transport de la ville de Laval. Lorsque cette commission aura terminé l'étude du projet de loi 8, elle entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 81, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.

Le Président: De mon côté, j'ai un avis de la commission de la culture à savoir qu'elle souhaite tenir une séance de travail après les affaires courantes. Cela ferait évidemment quatre commissions qui siégeraient en même temps. Est-ce qu'il y a consentement à ce que la commission de la culture tienne cette séance de travail ce matin? Il y a donc consentement. Les quatre commissions pourront siéger. Oui, M. le député d'Argenteuil, sur les travaux de l'Assemblée?

M. Ryan: Une question au leader du gouvernement. Je lisais dans un journal ce matin que le leader aurait déclaré que les représentants de l'Opposition à la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre auraient réclamé hier la tenue d'une deuxième journée de consultation particulière autour du projet de loi 3. Je soutiens que c'est faux. Je demande au ministre s'il voudrait retirer cette affirmation vu que les consultations particulières sont de toute manière terminées depuis hier soir. (11 h 30)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, excusez-moi si j'ai pris information auprès du ministre du l'Éducation, mais je veux être tout à fait correct à l'endroit du député d'Argenteuil. Ce que le député d'Argenteuil a évoqué hier en commission parlementaire, c'est qu'il considérait qu'étant donné le nombre de groupes qu'il y avait, il pourrait être utile de prolonger au-delà d'une journée la tenue... On pourrait peut-être se référer aux galées d'hier, mais il a évoqué la possibilité que cela puisse déboucher sur une deuxième journée. Je crois savoir, par ailleurs, qu'il n'a pas insisté sur la question, mais il a évoqué la possibilité que cela puisse se poursuivre une deuxième journée. De toute façon, nous procéderons aux vérifications. S'il est exact que j'ai erré en évoquant que le député d'Argenteuil avait demandé formellement qu'il y ait une deuxième journée de consultation, il me fera plaisir ici, à l'Assemblée nationale, de retirer mes paroles.

Le Président: Nous sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le député de Louis-Hébert.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

M. Doyon: Oui, M. le Président. Hier j'avais l'occasion de demander au leader parlementaire du gouvernement quelles étaient les intentions du gouvernement en ce qui concerne le projet de loi d'intérêt privé, Loi concernant le parc industriel technologique Québec-Sainte-Foy, déposé le 23 octobre par le député de Chauveau, M. Brouillet. Le leader parlementaire m'a indiqué à ce moment-là qu'il s'empresserait de consulter le ministre de la Science et de la Technologie - ce qu'il est probablement en train de faire à sa banquette - pour savoir si ce projet de loi ferait l'objet d'une adoption avant la fin de la présente session de façon que les principaux intéressés, la ville de Sainte-Foy et la ville de Québec ainsi que les groupes et les entreprises qui veulent s'implanter dans le parc technologique de

Sainte-Foy-Québec, puissent savoir à quoi s'en tenir. J'attends la réponse du leader et ministre des Communications.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je peux indiquer au député de Louis-Hébert que ce soir même, le ministre responsable de la Science et de la Technologie doit rencontrer son homologue fédéral pour discuter entre autres choses du développement d'un centre de recherche en particulier qui relève plus spécifiquement du gouvernement fédéral, celui sur l'optique laser. Dans cette perspective-là, après la rencontre qu'auront eue les deux ministres, le ministre de la Science et de la Technologie sera en mesure de m'indiquer plus clairement s'il sera possible de procéder à l'adoption de ce projet de loi privé avant la période des fêtes. Au moment où on se parle, le ministre m'indique que ce serait, quant à lui, son souhait que nous puissions procéder à l'adoption du projet de loi avant la période des fêtes.

Le Président: M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Une question au leader. Pourrait-il nous confirmer, peut-être à nouveau ou à tout événement confirmer ce qu'on en a lu dans les journaux, qu'il n'est aucunement encore de l'intention du gouvernement de présenter pour adoption avant Noël le projet de loi 90, Loi sur le Vérificateur général?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: C'est exact, M. le Président. Le ministre des Finances, après en avoir discuté d'ailleurs avec le Vérificateur général, m'a fait part qu'il n'était pas de son intention de demander à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi sur le Vérificateur général avant la période des fêtes. Mais cette décision du ministre des Finances qui a été endossée par le Conseil des ministres a fait l'objet de consultations avec le Vérificateur général. Le ministre des Finances ainsi que le Vérificateur général ont compris qu'il pouvait être possible de reprendre ce projet de loi quelque part au début de l'année 1985, c'est-à-dire à la reprise des travaux parlementaires au mois de mars prochain.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: M. le Président, ma question s'adresse au leader. J'aimerais

savoir si le projet de loi privé inscrit en mon nom en date du 13 novembre 1984, le projet de loi 244 concernant la Fédération des commissions scolaires du Québec, sera appelé avant la fin des travaux le 21 décembre?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je prendrai information et je pourrai donner la réponse au député de Bellechasse dans les meilleurs délais.

Le Président: M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Toujours au leader. Quant à des annonces qui auraient été faites plus tôt, de publication d'un livre blanc sur la fiscalité, la Chambre peut-elle s'attendre que le gouvernement publie ce document avant la période des fêtes?

Le Président: Je veux bien laisser le leader du gouvernement répondre, bien que la question est irrégulière à ce moment-ci.

Une voix: II faut qu'il réponde.

Le Président: Non, la question... Il peut... Je n'ai pas d'objection à ce qu'il réponde, mais ce genre de question devrait être posée à la période de questions car il ne s'agit pas d'un sujet qui est inscrit au feuilleton.

M. Bertrand: Effectivement, malgré... C'est tout à fait normal, d'ailleurs, que vous nous indiquiez chaque fois si, oui ou non, nous respectons le règlement à ce point de vue. Mais je suis disposé à répondre au député de Vaudreuil-Soulanges qu'il est effectivement de l'intention du gouvernement de procéder à la publication du livre blanc sur la fiscalité avant la période des fêtes.

Une voix: Vous n'aurez pas beaucoup de temps.

Le Président: II n'y a pas d'autre question. Cela nous mène aux affaires du jour et au débat sur l'adoption du principe du projet de loi 7. Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Oui. Me permettriez-vous de demander au leader du gouvernement de nous indiquer, dans l'ordre si possible, quels sont les projets de loi qui seront appelés au cours de la séance d'aujourd'hui? Je sais qu'il y a eu des tractations avec les ministres et les députés porte-parole de l'Opposition. Il serait peut-être bon pour l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale de connaître, si possible, quel sera l'ordre de l'appel des projets de loi au cours de la séance d'aujourd'hui.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, nous allons commencer ce matin par le projet de loi 5...

M. Gratton: Le projet de loi 5? M. Bertrand: Oui. M. Gratton: Rapport?

M. Bertrand: Oui. C'est l'adoption. Dans le cas du projet de loi 5, il s'agit de l'adoption du projet de loi au nom du ministre du Revenu. Ensuite, nous enchaînerons avec le projet de loi 9, Loi sur la location de forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive Ka'N'Enda Inc. Par la suite, on m'indique que nous pourrions procéder assez rapidement à la prise en considération des rapports relatifs aux projets de loi 2 et 4 sur les affaires municipales. Ensuite, on m'indique qu'il serait aussi possible, probablement autour de 15 heures cet après-midi, d'aborder l'étude du projet de loi sur les valeurs mobilières. Il semble que, de part et d'autre, on se soit entendu pour discuter de ce projet de loi sur les valeurs mobilières. Ce pourrait être fait vers la reprise des travaux cet après-midi. S'il y avait changement, bien sûr, j'en informerai le leader de l'Opposition officielle.

Ensuite, normalement, nous étudierions le projet de loi 11, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de relations du travail. Enfin, nous procéderions à l'étude du projet de loi 16, Loi sur le transfert de certains fonctionnaires du ministère de l'Éducation à la Société de gestion du réseau informatique des commissions scolaires.

Le Président: Le projet de loi 18, ce n'est pas pour aujourd'hui?

M. Bertrand: Pardon? Le Président: Le projet de loi 18. M. Gratton: M. le Président. M. Bertrand: Non.

Le Président: D'accord. Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Dans le cas du projet de loi 16, par exemple, on sait que le ministre

et les membres de la commission de l'éducation seront en séance pour faire l'étude détaillée du projet de loi 3. Dois-je présumer qu'on suspendra les travaux de la commission pour l'étude de ce projet de loi?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je donne une indication de l'ordre dans lequel les projets de loi seront appelés.

M. Gratton: D'accord. On verra en cours de route.

M. Bertrand: C'est cela. Il pourrait même arriver que le projet de loi 16 ne soit pas discuté aujourd'hui, selon l'avancement des autres projets de loi. On verra en cours de route de quelle façon on organisera les travaux des commissions parlementaires pour tenir compte, bien sûr, des travaux de l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Est-ce que le leader du gouvernement témoigne d'autant de flexibilité et de souplesse en regard du projet de loi 11 qui commande la présence du ministre du Travail ici, lequel est retenu en commission pour l'étude du projet de loi 42 et n'a pas encore le don d'ubiquité?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: C'est exactement la même réponse que je dois fournir au député de Portneuf. Nous verrons à organiser les travaux de telle sorte que, si le ministre doit être présent à l'Assemblée nationale, bien sûr, les travaux en commission parlementaire seront suspendus.

Projet de loi 5 Adoption

Le Président: Bien. Nous reprenons aux affaires du jour, mais cette fois-ci, avec l'adoption du projet de loi 3, Loi modifiant diverses dispositions législatives d'ordre fiscal. Oui, M. le ministre du Revenu. (11 h 40)

M. Robert Dean

M. Dean: M. le Président, très brièvement, le projet de loi 5...

Le Président: Je m'excuse, c'est le projet de loi 5. Allez-y.

M. Dean: ...Loi modifiant diverses dispositions législatives d'ordre fiscal, donne suite à l'énoncé budgétaire du ministre des Finances, le 22 mai dernier. Il vient consacrer les mesures fiscales annoncées dans le discours sur le budget 1984-1985, mesures qui sont d'ores et déjà en vigueur et qui ont déjà fait l'objet d'un débat ici à l'Assemblée nationale.

Le projet de loi 5 est un projet de loi omnibus qui modifie les lois suivantes: la Loi sur les droits successoraux, la Loi concernant l'impôt sur la vente en détail, la Loi concernant l'impôt sur le tabac, la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi concernant la taxe sur les carburants et la Loi concernant la taxe sur les télécommunications.

Lors de l'étude à la commission permanente du budget et de l'administration, cinq amendements ont été introduits dans ce projet de loi. La plupart d'entre eux visent des ajustements d'ordre technique. Cependant, l'un de ces amendements a pour objet de modifier la Loi sur le ministère du Revenu, afin de préciser les personnes et organismes sujets à la règle de confidentialité des dossiers à ce même ministère. Ces amendements ont tous été adoptés lors de la prise en considération du rapport de la commission, comme l'ont d'ailleurs été chacun des articles du présent projet de loi, à la commission permanente du budget et de l'administration.

Je tiens à nouveau à remercier le critique officiel de l'Opposition, le député de Saint-Louis, dont, comme d'habitude, les remarques astucieuses et très à-propos ont contribué à apporter certaines précisions et une bonification utile à ce projet de loi.

Le projet de loi soumis à votre attention contient plusieurs dispositions qui allègent le fardeau fiscal des contribuables de classes diverses et favorise la croissance et le développement de petites et de moyennes entreprises dans maints secteurs d'activité. Des mesures visent à aider le développement de l'agriculture. D'autres viennent en aide aux entreprises de pointe. Certaines favorisent la recherche et le développement ou encore la croissance de notre industrie québécoise du cinéma, sans compter celles concernant le développement du transport et l'accès à la propriété.

Nous ne prétendons pas que ce projet de loi vienne réformer la fiscalité au Québec. Le livre blanc, énonçant les politiques gouvernementales en matière de fiscalité, sera publié sous peu. Notre gouvernement s'attaquera alors à cette tâche complexe. Néanmoins, le projet de loi 5 introduit des mesures fiscales bénéfiques pour nos concitoyens et concitoyennes et contient plusieurs dispositions pour soutenir et relancer nos entreprises et favoriser la reprise économique.

Je demande à cette Assemblée de procéder maintenant à l'adoption du projet de loi 5. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: M. le Président, je suis d'accord avec le ministre du Revenu quand il dit qu'il y a dans ce projet de loi des bénéfices pour les contribuables québécois. C'est vrai, mais ces bénéfices sont minimes, si on considère toute la taxation imposée à la province. Dans le projet de loi, il est vrai qu'on va réduire un peu la taxe sur l'essence, mais on a oublié qu'on l'avait augmentée deux fois auparavant. On prend un montant de 400 000 000 $ et on donne 200 000 000 $ en retour. Cela veut dire que les gens du Québec paient 200 000 000 $ de plus, seulement sur l'essence.

Le ministre des Finances, la semaine dernière ou il y a deux semaines, a mentionné qu'il n'y aurait pas d'indexation. C'est un montant de 250 000 000 $ de plus de la part des Québécois. Il est vrai qu'on nous donne quelque chose dans ce projet de loi, mais ce sont de vrais petits "candies", considérant le fardeau fiscal des contribuables dans cette province.

Nonobstant cela, on va prendre ce qu'on nous donne. A little is better than nothing. On va le prendre. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que le projet de loi 5, Loi modifiant diverses dispositions législatives d'ordre fiscal, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Il n'y a pas de leader. Nous allons passer maintenant au projet de loi 9 - non, je m'excuse - à l'article 9, qui est le projet de loi 11...

M. Blouin: Non, non, non.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Ce n'est pas celui-là?

M. Blouin: Non.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement. J'attends vos ordres.

M. Blouin: Oui, très bien, M. le Président. Tel que le leader du gouvernement l'a annoncé au leader de l'Opposition il y a quelques secondes, c'est maintenant le projet de loi 9 que nous allons étudier, la Loi sur la location des forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive Ka'N'Enda Inc. C'est donc l'article 5 de notre feuilleton, M. le Président.

Projet de loi 9 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Rancourt): Très bien, M. le leader. Nous allons commencer le débat sur le principe du projet de loi 9, Loi sur la location des forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive Ka'N'Enda Inc. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: Merci, M. le Président. L'objet du projet de loi 9, dont nous amorçons l'étude en deuxième lecture, est de louer une partie des forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à la compagnie Les Produits forestiers Bellerive Ka'N'Enda Inc. En fait, il s'agit, par ce projet de loi, de renouveler un bail de location des forces hydrauliques, bail qui avait été consenti à cette compagnie ou à un prédécesseur en 1943 et qui venait à échéance récemment.

Le projet de loi porte sur ce que l'on qualifie de la partie publique des forces hydrauliques qui est exploitée par cette compagnie qui est une filiale de REXFOR, une entreprise d'État qui est exploitée aux rapides de l'Orignal, sur la rivière du Lièvre, à Mont-Laurier.

En fait, la portion concernée par le projet de loi représente environ 90% des forces hydrauliques de cet emplacement qui sont exploitées à la centrale des rapides de l'Orignal; les autres 10% des forces hydrauliques avaient déjà été concédés auparavant en propriété entière à une entreprise qui, par la suite, a cédé ses droits et qui appartient aujourd'hui à la compagnie Bellerive Ka'N'Enda Inc.

Les deux forces hydrauliques, ces deux potentiels sont exploités dans une seule centrale, conjointement, et il serait évidemment impossible de les dissocier si on voulait le faire. 10% appartiennent en propre à l'entreprise et 90% sont concédés par une loi, un bail de 40 ans, pour une centrale déjà en place. Vous comprendrez qu'il serait difficile de procéder autrement que renouveler le bail, d'autant plus qu'il n'y aurait pas intérêt à le faire.

En ce qui concerne l'exploitation de cet ouvrage, des vérifications ont été faites auprès d'Hydro-Québec en décembre 1983 et après consultation auprès de notre entreprise d'État, il est apparu clairement qu'Hydro-Québec n'avait aucun intérêt dans cette petite centrale installée à Mont-Laurier. Même si pour Hydro-Québec cette petite centrale ne présente pas d'intérêt, cependant,

pour l'entreprise concernée, qui gère cette exploitation sur les lieux depuis un bon nombre d'années, évidemment, les immobilisations ont été amorties. Pour elle, cela représente quand même un certain intérêt de pouvoir continuer à l'exploiter.

Cette centrale est profitable à l'entreprise Bellerive-Ka'N'Enda et également, il faut bien le dire, aux gens de Mont-Laurier qui travaillent dans les usines de cette entreprise. Elle permet une production de l'ordre de 16 000 000 de kWh par année pour une puissance installée de 2,36 mégawatts. D'un point de vue énergétique, l'intérêt de cette production est évident et la compagnie qui la dirige actuellement est certainement la mieux placée pour poursuivre cette activité.

En premier lieu, cela lui permet de réduire ses coûts de production et également d'envisager des investissements importants dans une usine de fabrication de panneaux de bois pressé qui est évaluée à environ 70 000 000 $ et de l'envisager dans un contexte où l'énergie qui servirait à cette nouvelle usine proviendrait également de la centrale existante qui fait l'objet du projet de loi qui est devant nous. (11 h 50)

Les usines de cette compagnie emploient actuellement 300 personnes dans la région de Mont-Laurier. Il est évident que la perte d'une production d'électricité à des coûts aussi intéressants que ceux que la compagnie peut avoir avec la production de la centrale actuelle augmenterait d'une façon sensible ses coûts de production et contribuerait possiblement à mettre son avenir en situation précaire face aux concurrences auxquelles elle doit faire face. Il y a donc intérêt là à ce que le bail soit renouvelé pour permettre à cette compagnie de poursuivre ses activités dans la région de Mont-Laurier et de fournir du travail aux gens de Mont-Laurier.

Actuellement, la compagnie a une usine de sciage et également une manufacture de portes dans la région. L'usine de portes est alimentée directement par les installations de la centrale dont nous parlons, tandis que l'usine de sciage est actuellement alimentée par le réseau d'Hydro-Québec. Cependant, Bellerive-Ka'N'Enda prévoit relier prochainement l'usine de sciage à son réseau privé. Tout ce qui lui reste à faire pour réaliser ça, c'est de construire un bout de ligne de transport qui n'est pas très long. Une fois cette opération complétée, les installations de Bellerive, qui vont consommer approximativement la moitié de l'énergie produite par le barrage du rapide de l'Orignal, vont permettre d'alimenter ses deux usines.

Pour ce qui est du surplus de production, il y a une entente entre cette entreprise et Hydro-Québec qui achète tout surplus de production de la centrale du rapide de l'Orignal. Donc, la pleine production de cette usine est utilisée soit dans le réseau public, soit pour le réseau privé de la compagnie.

II est donc possible d'envisager également, et c'est ce que la compagnie nous a indiqué, l'alimentation d'une usine de panneaux MDF qui serait construite dans cette région-là. Il y a un projet pour lequel les études se poursuivent actuellement, qui semble assez prometteur. On pourrait l'alimenter avec l'électricité produite par la compagnie à sa centrale des rapides de l'Orignal, ce qui permettrait d'avoir accès à des sources d'énergie à des coûts fort intéressants. Les informations que j'ai pu prendre auprès du président de REXFOR nous indiquent que le barrage actuel pourrait combler en grande partie les besoins de la nouvelle usine. L'exploitation de cette centrale, tout en étant profitable à l'entreprise, est également profitable au gouvernement du Québec puisqu'elle rapporte actuellement des revenus au Trésor public, pour les droits qui y sont perçus, d'environ 26 000 $. C'est la projection, l'estimation que nous avons faite pour cette année.

Dans la situation où nous sommes, si ce projet de loi n'était pas adopté, comme Hydro-Québec n'est pas intéressée, l'entreprise devrait tout simplement cesser sa production. On ne gagnerait pas grand-chose à refuser une telle demande puisque l'alternative serait qu'on laisserait la centrale à l'abandon et qu'éventuellement ces installations seraient perdues. Cela va un peu à l'encontre du courant que l'on constate, pas tellement au Québec, mais aux États-Unis, dans les États de la Nouvelle-Angleterre et dans l'État de New York. Dans ces États, on a actuellement un programme très intensif de mise en service de petites centrales de cette nature à des emplacements de barrages souvent existants. Tout ce qu'il y a à faire c'est souvent d'installer une turbine à un barrage déjà existant qui sert actuellement à régulariser un cours d'eau et ça permet, dans bien des cas, de développer de l'énergie à même les installations existantes à des coûts qui peuvent finalement se comparer avantageusement pour les Américains - ce ne serait pas notre cas - au coût des autres sources d'énergie électrique dont ils peuvent disposer. On sait que les Américains sont beaucoup alimentés par le pétrole, par le charbon et par l'énergie nucléaire, qui sont des sources d'énergie beaucoup plus coûteuses que l'énergie hydroélectrique que nous produisons et consommons au Québec.

Dans un contexte comme ça, je pense que la logique nous indique qu'il faut accéder à la demande de Bellerive-Ka'N'Enda et renouveler le bail pour les forces hydrauliques sur cette rivière. C'est dans

l'intérêt de l'entreprise et, comme je l'indiquais, c'est dans l'intérêt du gouvernement également qui va toucher des redevances là-dessus.

Si on fait une projection de ces redevances que versera Ka'N'Enda pour les 40 prochaines années, qui serait la durée du bail consenti, sur la base d'une production de 15 000 000 de kilowattheures par année, dans l'hypothèse que le taux d'inflation se maintiendrait autour de 5% en moyenne pour ces 40 prochaines années, nos calculs nous indiquent que les redevances de cette entreprise qui seraient versées au Trésor public atteindraient, pour les 40 ans, la somme de 2 630 000 $ en dollars courants. Si, au contraire, on maintenait un taux d'inflation de 10% pour cette période -évidemment, ce que je ne souhaite pas à cause des conséquences que cela peut avoir sur l'économie autant du Québec que de toute l'Amérique du Nord et de tout le monde industrialisé, mais pour donner un point de comparaison, si, au lieu d'être de 5%, le taux d'inflation était de 10% en moyenne au cours des 40 prochaines années, évidemment ce seraient des revenus de l'ordre de 10 500 000 $ qui seraient versés par cette entreprise au gouvernement du Québec.

M. le Président, on constate donc que, tout en maintenant la production d'une usine qui permet à une entreprise d'avoir accès à des sources d'énergie à faible coût et d'être concurrentielle, donc de maintenir des emplois dans la région de Mont-Laurier et, possiblement, par le projet d'usine de panneaux MDF, d'augmenter le nombre d'emplois dans cette région et, cela fait, en même temps, par le biais des redevances, que les coffres du gouvernement du Québec vont s'enrichir d'une somme d'environ 2 500 000 $ à 2 600 000 $ selon la première hypothèse au cours des 40 prochaines années.

En somme, M. le Président, il s'agit ici d'un projet de loi à caractère essentiellement économique. Il est important pour l'avenir de Bellerive-Ka'N'Enda et également pour l'avenir économique de toute la région de Mont-Laurier. Ce projet de loi, loin d'exiger des investissements massifs pour soutenir la création d'emplois, atteint le même but tout en générant des revenus pour le gouvernement du Québec. Dans ces circonstances, je ne peux que souhaiter que l'Assemblée donne suite rapidement à l'adoption de ce projet de loi pour que nous puissions renouveler le bail concernant les forces hydrauliques des rapides de l'Orignal, renouveler le bail de Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: Merci, M. le Président. Je parlerai au nom de ma formation politique sur le projet de loi 9. Malgré ce qu'en a dit le ministre, je crois que chaque fois que l'État donne un privilège à une société, une société privée ou même une société d'État, il faut se poser certaines questions puisqu'il s'agit justement de privilégier une entreprise en particulier. Dans ce cas-ci, il s'agit de la location de droits hydroélectriques pour une période de 40 ans, qui n'est pas une période très courte, vous l'admettrez avec moi, M. le Président, et qui fera bénéficier cette entreprise d'une marge de manoeuvre très intéressante sur les coûts d'électricité. D'ailleurs, si on fait le calcul du prix que devrait payer cette société et du prix dont elle bénéficiera justement à la suite de la location des droits hydroélectriques, on peut facilement constater que, sur une période de 40 ans, il s'agit d'un bénéfice de 5 000 000 $ à 10 000 000 $. Je crois que ce projet de loi, même s'il n'inclut aucun chiffre, est une subvention de 5 000 000 $ à 10 000 000 $ à Bellerive Ka'N'Enda qui, à toutes fins utiles, est une division de REXFOR.

Je crois que la question que l'on doit se poser ressemble beaucoup aux questions que nous nous sommes posées en juin dernier, je crois, lorsque nous avons adopté la loi 70 alors que le gouvernement nous demandait d'approuver un nouveau bail hydroélectrique pour une période de 50 ans afin de renouveler les droits hydroélectriques de la rivière Péribonka. De fait, si on examine le texte juridique des deux projets de loi, on s'aperçoit qu'il est à peu près identique. (12 heures)

M. le Président, beaucoup de PME au Québec aimeraient avoir un tel bénéfice, être assurées, pendant 40 ans, d'avoir une subvention de l'ordre de 5 000 000 $ à 10 000 000 $. Mais les questions que l'on doit poser sont celles que j'avais posées lorque nous avions voté pour la loi 70 qui faisait bénéficier l'Alcan de pouvoirs hydroélectriques sur une période de 50 ans et qui lui permettait, lui a permis dans le passé et lui permettra dans l'avenir d'assurer le développement économique de la région du Saguenay et du Lac-Saint-Jean. À ce moment, j'avais, avec enthousiasme, endossé le projet de loi 70 parce qu'en faisant une analyse, justement, de la force de l'Alcan au Québec, de son activité, pour employer un anglicisme, de sa présence bénéfique en tant que citoyen corporatif, ce son acharnement à diriger cette entreprise mondiale, à partir du Québec, à faire la recherche et le développement à partir du Québec, à assurer justement pour les 50 prochaines années qu'il y aura au Québec - je crois qu'il y a des engagements à cet effet auprès du

gouvernement - que l'Alcan construirait trois ou quatre usines semblables à celle qui est présentement en construction au Saguenay...

Pour toutes ces raisons, j'avais fait un parallèle avec Pechiney qui, elle, a son siège social à Paris, qui fait sa recherche et son développement à Paris, qui dirige son marketing international à partir de Paris, j'avais fait un parallèle qui m'amenait à me convaincre moi-même qu'il était dans le meilleur intérêt public d'accorder un privilège à l'Alcan pour qu'elle continue cette présence bénéfique au Québec même et surtout au Saguenay et au Lac-Saint-Jean et dans bien d'autres régions du Québec également. La question qui se pose en ce qui concerne Bellerive-Ka'N'Enda est du même genre. Je suis certain que beaucoup de ceux qui nous écoutent présentement ne savent pas du tout quelle est cette société Bellerive-Ka'N'Enda et dans une certaine mesure, cela n'a pas tellement d'importance puisqu'il s'agit d'une division de REXFOR.

Si vous regardez l'état financier de REXFOR, vous allez vous apercevoir que REXFOR a, dans plusieurs régions du Québec, plusieurs filiales à part entière dont celle-ci à Mont-Laurier qui a été achetée vers 1981 et qui était une acquisition qui n'avait pas été demandée par le gouvernement du Québec et que REXFOR avait achetée pour se développer et se donner un certain "know-how" dans un domaine qu'elle n'avait pas jusque-là. Comme vous le savez, lorque nous avons dû approuver le projet de loi 65 au printemps, nous avons posé de nombreuses questions. À vrai dire, nous avons même demandé d'avoir une commission parlementaire qui nous a permis de recevoir, en commission parlementaire, REXFOR, et c'était la première fois, je crois, en quinze ans que cette société d'État venait devant les élus du peuple pour expliquer sa mission, pour expliquer son plan de développement, pour expliquer quels étaient ses engagements face à l'avenir. Je dois vous avouer que cette commission parlementaire nous a donné quelques réponses, mais pas toutes les réponses, quoique nous ayons appris beaucoup de choses. Nous aurions voulu entendre également les gens du secteur privé qui travaillent dans le secteur du bois, des gens qui sont en concurrence avec REXFOR et qui se plaignent de concurrence déloyale de sa part.

Malheureusement, le gouvernement et le ministre de l'Énergie et des Ressources de l'époque ont refusé d'entendre les gens du secteur privé, les différentes associations patronales de ceux qui regroupent les producteurs de bois, des scieries surtout en région, et qui nous auraient permis de faire une revue totale de la situation. On comprend bien là le genre de transparence que nous fait vivre le gouvernement qui nous dirige. De toute façon, nous en avons assez appris pour savoir ce qui suit: C'est que la mission de REXFOR est tout à fait ambiguë. Dans certains cas, semble-t-il, le président de REXFOR nous dit qu'il recherche le profit, qu'il est en concurrence avec le secteur privé pour s'assurer que le développement économique se fasse de la même façon que le fait le secteur privé qu'il recherche une profitabilité semblable aux industries du secteur privé.

Par ailleurs, M. Duchesneau nous expliquait que très souvent le gouvernement impose des responsabilités à REXFOR qui lui imposent d'assumer des fardeaux, une orientation que la société ne voudrait pas prendre d'elle-même. Bien sûr, lorsqu'on cherche à analyser les états financiers de REXFOR, on s'aperçoit que REXFOR a eu une piètre performance financière depuis quatre ou cinq ans et qu'il est à peu près impossible de s'y retrouver et de déterminer si les sociétés qu'elle a achetées justement pour se rentabiliser fonctionnent bien alors que tous les chiffres sont noyés dans un tout complet qui nous empêche de connaître la réalité véridique.

M. le Président, ceci est d'autant plus curieux, et je l'avais manifesté lors de mon discours en troisième lecture au mois de juin, puisque le président-directeur général, M. Duchesneau, a un contrat qui le lie à REXFOR pour la rentabiliser de façon qu'il puisse obtenir des bonis de meilleure productivité. D'autant plus que ce contrat avait été signé au moment où M. Bérubé était ministre des Terres et Forêts et qu'il avait justement demandé à REXFOR d'être aussi rentable que le secteur privé.

M. le Président, mission ambiguë. J'avais dit au ministre à ce moment-là que j'avais de la misère à comprendre qu'on puisse demander à l'Assemblée nationale d'approuver une capitalisation accrue de 65 000 000 $ alors que la société d'État elle-même ne sait pas où elle s'en va, alors que le gouvernement semble accepter beaucoup trop facilement l'ambiguïté dans laquelle il semble diriger cette société d'État.

On peut faire une analyse de toutes les sociétés d'État. Demain, j'aurai l'occasion de faire une conférence de presse à ce sujet puisque notre parti politique s'est donné une politique sur les sociétés d'État. Nous formons le seul parti politique à ce moment-ci à s'être donné une politique à ce sujet. Dans cette analyse, on retrouve une rétrospective des performances des sociétés d'État, que ce soit SIDBEC, REXFOR ou la SGF au tout début, pour s'apercevoir qu'à chaque fois qu'une société d'État n'a pas une mission très stricte, qu'elle n'a pas une mission très bien définie, à chaque fois cela a mené à des déficits considérables, chaque fois cela a mené à des déboires comme ceux

qu'a connus SIDBEC dernièrement.

M. le Président, en juin dernier j'avais finalement accepté au nom de l'Opposition libérale le fait que le gouvernement augmente le capital-actions de REXFOR uniquement parce que je croyais que la Gaspésie en particulier avait un besoin immédiat d'un effort fait pour financer la construction d'une papeterie à Matane même. Mais dans ma conclusion je vais citer ce que j'avais dit à ce moment-là, à la page 7364 du Journal des débats du 20 juin dernier: "Nous croyons qu'en 1984, il n'est pas décent pour une société d'État de ne pas avoir de plan d'orientation. Nous croyons qu'il n'est pas décent pour le Parlement de voter 65 000 000 $ en capital-actions supplémentaire et de ne pas savoir quel sera le rendement sur l'investissement fait par le gouvernement d'autant plus qu'une très grande partie de ce capital-actions sera injectée dans une papeterie à Matane." Plus loin je disais: "Nous nous résignons malheureusement face à cette déficience du gouvernement gui nous dirige et surtout du ministre de l'Energie et des Ressources, à voter pour le projet de loi parce que nous croyons qu'il y a des besoins immédiats, impératifs en Gaspésie et qu'il n'est pas décent pour l'Opposition libérale de s'opposer à la réalisation d'une papeterie à Matane même." Je disais ceci: "J'ose espérer... Nous supplions le ministre et le gouvernement de faire le travail qui aurait dû être fait avant de venir ici à l'Assemblée nationale pour demander des fonds additionnels et s'assurer que l'orientation de REXFOR soit précisée d'une façon publique, connue et non en catimini sur le plan de développement de REXFOR." Je terminais en disant que j'espérais qu'en juillet, août et septembre, le gouvernement fairait le travail nécessaire pour justement préciser l'orientation de REXFOR, définir son plan de développement et pour nous permettre de pouvoir juger à l'avenir quelle serait la rentabilité de REXFOR. Malheureusement, absolument rien de cela n'a été fait et encore bien plus, le gouvernement qui nous dirige ne sait pas où il va. La situation qui est faite à REXFOR est une situation dont le gouvernement assume une très grande responsabilité.

Pour revenir à la question qui est devant nous, je disais qu'accorder un privilège aussi considérable que de donner des pouvoirs hydroélectriques pour 40 ans exigeait de déterminer si REXFOR était justement le genre de société qui pourrait faire bénéficier le Québec d'une performance accrue dans l'avenir et qu'elle pourrait soutenir le développement économique d'une région de la province de Québec en général. (12 h 10)

REXFOR a soumis un plan de développement au gouvernement il y a trois ans. Ce plan de développement n'était pas approuvé en juin dernier et nous nous retrouvons maintenant ici au mois de décembre 1984 et, autant que je sache, le plan de développement n'a pas été approuvé, la mission de REXFOR n'a pas été précisée et voilà qu'on nous demande de plus, en dépit des déficits de REXFOR et de la mauvaise gestion, de la mauvaise performance financière de cette société d'État, d'accorder une subvention de 5 000 000 $ à 10 000 000 $ pour les 40 prochaines années.

Je vais évoquer avec vous, si vous le permettez, quelques-unes de ces facettes de l'administration de REXFOR pour que nous puissions juger ensemble si, véritablement, la demande qui nous est faite est fondée et si la demande qui est faite à l'Assemblée nationale devrait être acceptée. En ce qui concerne la performance financière de REXFOR, j'avais évoqué au mois de juin dernier ce tableau ici qui indique les ventes, les pertes et les frais de vente et d'administration. Vous verrez ici qu'en 1977-1978, les ventes de REXFOR étaient de 27 000 000 $ pour une perte brute, c'est-à-dire la perte brute avant quelques revenus qui peuvent venir de certains placements comme dans la compagnie Soucy ou la compagnie Tembec. De fait, il s'agit ici de juger de la performance de REXFOR sur la gestion de filiales comme celle de Bellerive-Ka'N'Enda où la société REXFOR a la totalité - je dis bien la totalité - de la responsabilité et en excluant les autres sociétés où REXFOR n'a pas la gestion de l'entreprise. En toute honnêteté, je crois qu'en faisant l'analyse financière de REXFOR, on doit mettre de côté les sociétés où elle n'assume pas la gestion proprement dite et on doit juger de la performance financière de REXFOR en fonction, justement, des sociétés où elle a le contrôle effectif et où elle a la responsabilité totale.

Donc, en 1977-1978, des ventes de 27 000 000 $ et une perte de 1 600 000 $. En 1982-1983, des ventes de 50 000 000 $ et une perte de 11 000 000 $. Depuis, à la fin de juin, nous avons reçu les états financiers de l'année 1983-1984 qui nous disent que le chiffre d'affaires a augmenté à 85 000 000 $ pour une perte de 7 000 000 $.

Ce qui est troublant là-dedans, c'est que depuis sept ans, REXFOR a eu une performance déficitaire sur une base cumulative. Si on additionne ces pertes brutes - on peut le faire facilement avec moi ici - on s'aperçoit que REXFOR, depuis 1977, a eu une performance financière déficitaire de l'ordre de 33 000 000 $. Ce qui est plus grave, c'est que les frais de vente et d'administration ne sont pas sous contrôle. Pour un chiffre d'affaires de

27 000 000 $ en 1977, les frais de vente et d'administration étaient de 2 175 000 $. En 1983-1984, les ventes étaient de 85 000 000 $ et les frais de vente et d'administration étaient de 10 000 562 $. On voit qu'en gros, les ventes de REXFOR depuis 1977-1978 ont augmenté par un facteur de 3 alors que les frais de vente et d'administration ont augmenté par un facteur de 5.

C'étaient là les questions que nous avions soulevées lors des discussions que nous avons eues au mois de juin quand le gouvernement nous a demandé d'approuver un montant de 65 000 000 $. Avec beaucoup de réticence et malgré cette performance financière désastreuse... Encore là, je le dis, la responsabilité n'est pas uniquement celle des dirigeants de REXFOR; c'est également la responsabilité du gouvernement qui est en face, du ministre qui n'a pas assumé ses responsabilités et du gouvernement qui ne sait pas où il s'en va. Je l'avais évoqué au mois de juin, je disais ceci: Si le gouvernement ne sait pas ce qu'il veut faire de REXFOR, comment voulez-vous qu'elle-même puisse se donner une mission qui soit en accord avec les priorités du gouvernement? Si REXFOR a soumis son plan de développement il y a trois ans et que ce plan de développement n'est pas encore approuvé, comment voulez-vous que REXFOR oriente son action pour aligner son action sur les priorités du gouvernement et ce qu'elle doit faire exactement?

Depuis juin - cela fait donc six mois -nous sommes exactement dans la même position. C'est désolant. Comment ce gouvernement peut-il, en toute crédibilité, penser se faire réélire à la prochaine élection? Les faits étaient patents. Nous avons pris le temps en commission parlementaire de scruter la performance financière de REXFOR, d'étudier sa mission et de poser des questions à son président-directeur général sur ce qu'il entrevoyait lui-même pour son action prochaine. L'ambiguïté de REXFOR provient de l'ambiguïté du gouvernement. Le manque d'orientation de REXFOR provient du manque d'orientation du gouvernement qui ne sait pas où il va. J'avais évoqué à ce moment-là le proverbe chinois qui dit ceci: "Quand on ne sait pas où on va, tous les chemins y mènent".

Ce gouvernement maintenant nous demande d'approuver un autre projet de loi donnant un autre bénéfice à REXFOR, alors que tous les concurrents de REXFOR se posent des questions sur sa raison d'être même. Je dois vous dire que, de plus en plus, nous-mêmes, du Parti libéral du Québec, nous posons des questions sur l'existence même de REXFOR et, très bientôt, nous saurons conclure à ce sujet-là.

Donc, REXFOR n'a aucun plan de développement. Elle n'en a pas plus maintenant qu'elle en avait à ce moment-là. Au mois de juin dernier, juste pour vous dire jusqu'à quel point le gouvernement sait où il va, je vais vous dire les réponses qu'on nous a données et les contradictions que nous avons vécues depuis cette date.

Lorsque le ministre nous a dit qu'il désirait obtenir 65 000 000 $ de l'Assemblée nationale et qu'on lui demandait à quoi servirait ce nouveau capital-actions, il nous a donné les chiffres suivants: En Gaspésie, pour la rénovation des scieries, il nous disait que REXFOR avait besoin de 8 000 000 $ en capital-actions; pour l'usine de panneaux MDF à Mont-Laurier, que REXFOR avait besoin de 10 900 000 $ avec une participation à 55% de REXFOR; au Témiscamingue, pour une usine de panneaux gaufrés, 4 000 000 $. Dans ce cas-ci, je crois que ce projet se fait avec la participation de Tembec, qui a été un succès décisif parce que, justement, REXFOR n'était pas la gestionnaire de l'entreprise. Pour la papeterie de Matane, on nous demandait 35 000 000 $ de capital-actions avec une participation de REXFOR de 24%.

On peut se poser la question, étant donné que nous avions voté l'argent au mois de juin, où en est rendu maintenant le projet de la papeterie de Matane? Étant donné qu'au mois de juin, le gouvernement nous demandait de voter 65 000 000 $, dont la plus grande partie allait à la papeterie de Matane, où en sommes-nous maintenant?

Je vais vous donner les dernières nouvelles. Dans la Presse, le 18 septembre, on nous disait: "Le projet de la papeterie de Matane est mis en veilleuse jusqu'à la fin de l'année". Un drôle de progrèsl Le 17 septembre, on nous disait ceci: "Le projet est à l'étude et le gouvernement a demandé à la Société générale de financement de faire une étude avec Consolidated Bathurst pour une usine de pâte blanchie, à Matane". Mais comment se fait-il qu'au mois de juin on nous demande de voter 65 000 000 $ pour que REXFOR ouvre une papeterie à Matane et qu'au mois d'août, on donne un mandat à la SGF pour qu'elle s'intéresse à une autre étude de pâte blanchie, à Matane?

Je vous l'ai dit tout à l'heure, ce gouvernement ne sait pas où il va. Au mois de juin, il dit que c'est REXFOR qui va réaliser le projet de papeterie à Matane et, aux mois d'août et septembre, c'est la Société générale de financement. Encore plus curieux, c'est que même les ministres du gouvernement ne semblent pas connaître les vraies décisions de ce gouvernement. J'oserais penser que le député de Matane aurait été celui qui aurait suivi de plus près ce mandat qui avait été donné à la Société générale de financement, pour qu'il sache, au moins lui, à quoi s'en tenir si la population de Matane ne peut le savoir et si les parlementaires dans cette Chambre ne

peuvent le savoir non plus.

Justement, dans la Voix gaspésienne du 19 septembre, sous le titre "Une autre avenue à explorer pour implanter une usine à Matane", interrogé à ce sujet - je cite le journal - il dit: "Cette étude - la nouvelle étude de la Société générale de financement - ne met pas nécessairement un terme au projet d'usine de papier journal dont il avait lui-même annoncé la réalisation, il y a plus de quatre ans. Cependant, d'ajouter le ministre, il est clair qu'on ne pourra pas réaliser deux projets de cette taille". Là, ils sont rendus avec deux projets. C'était le 19 septembre. Juste pour vous dire à quel point le député de Matane et ministre de l'Éducation était bien renseigné, le 31 octobre suivant, il y avait un décret du gouvernement concernant le remboursement des coûts des études et des travaux exécutés par REXFOR pour la réalisation d'un projet de papeterie à Matane. À toutes fins utiles, cela voulait dire que le gouvernement remboursait les frais encourus par REXFOR et qu'il demandait à REXFOR de mettre ce dossier de côté complètement. (12 h 20)

Est-ce que le gouvernement sait où il va? Est-ce que le ministre de l'Énergie et des Ressources a menti à l'Assemblée nationale lorsqu'il nous a dit, au mois de juin dernier, qu'il avait besoin de 40 000 000 $ pour la papeterie de Matane, quand il nous a demandé de voter pour le projet de loi 65 et que deux mois plus tard, avec le cabinet des ministres, il décidait que c'était la Société générale de financement, une autre société d'État, qui prenait la relève?

Ces gens-là ne savent pas où ils vont. Ils nous demandent d'approuver des budgets et, ensuite, ils changent de société d'Etat comme si c'était la chose la plus facile à faire. J'avais justement évoqué, au mois de juin, le fait qu'une société d'État qui demande un accroissement de capital-actions devrait le faire de la même façon qu'une société privée qui, selon les exigences de la Commission des valeurs mobilières, doit préparer un prospectus afin de dire aux gens qui souscriront au capital-actions sollicité, quelle en sera l'utilisation.

Je dirais qu'il est heureux que REXFOR ne soit pas une société publique parce que ses actions en bourse auraient chuté d'une façon dramatique. S'il fallait qu'une société comme Tembec ou Papier Cascades, au mois de juin, dise à la population du Québec: nous allons être impliqués dans une papeterie à Matane, et qu'au mois de juillet elle décide de mettre ce projet de côté alors qu'elle a obtenu 40 000 000 $ pour un tel projet, vous pouvez vous imaginer quelle serait la valeur d'une telle société si elle était cotée en Bourse.

Mais, avec le gouvernement qui nous dirige, nous ne sommes pas à une contradiction près. Ce sont de mauvais gestionnaires qui ne savent pas où ils vont, de mauvais gestionnaires qui obligent malheureusement les dirigeants de REXFOR à poser des gestes qui ne favorisent pas la rentabilité de l'entreprise.

Comme je le disais, j'ai nettement l'impression que le gouvernement a menti à l'Assemblée nationale lorsqu'on nous a demandé d'approuver les 65 000 000 $ de capital-actions. Mais ce qui est encore plus grave, c'est que le gouvernement, depuis sept ans, depuis huit ans, a menti à la population de Matane. Quand le député de Matane est arrivé, en 1976, et qu'il est devenu le titulaire du ministère des Terres et Forêts, il a dit à la Société générale de financement qui, justement, tentait de présenter un projet comme celui dont nous parlons présentement: "Ne vous bâdrez pas de cela, je veux que ce soit ma société d'État, REXFOR, qui réalise ce projet."

Huit ans plus tard, REXFOR est mise de côté. C'est justement la Société générale de financement avec la Consolidated Bathurst qui va probablement, je l'espère, réaliser ce projet. Je dis à la population de Matane que le gouvernement et le député de Matane lui ont fait perdre huit ans. Ils vous ont menti et il vous ont fait perdre huit ans en vous promettant que REXFOR réaliserait cette entreprise.

Dans la même veine, puisque nous sommes toujours à nous demander si nous devons accorder ce privilège qu'on peut évaluer à 5 000 000 $ ou 10 000 000 $, de donner à REXFOR ou à la filiale de REXFOR un privilège hydroélectrique sur une période de 40 ans, puisque justement nous nous questionnons sur la pertinence de donner un tel privilège à une société d'État qui a eu une performance si douteuse dans le projet de la papeterie de Matane. Je vous parlerai maintenant, très rapidement, de la Société des Monts.

Ah! oui, avant cela, j'ai une citation assez extraordinaire ici du ministre Duhaime qui, le 8 décembre 1982, avait dit: "Je voudrais vous dire que nous avons la ferme intention de commencer les travaux de la papeterie de Matane dans les premiers jours de 1983". C'était la ferme intention du député de Saint-Maurice, alors ministre de l'Énergie et des Ressources...

Une voix: C'est le ministre des Finances.

M. Fortier: Maintenant ministre des Finances, mais autrefois ministre de l'Énergie et des Ressources.

Parlons maintenant de la Société des Monts, cette société qui a obtenu un contrat, au mois de mai dernier, de 3 200 000 $ justement pour la société d'État REXFOR. Je l'ai évoqué en Chambre la semaine

dernière, j'ai posé une question au ministre qui m'a dit qu'il s'informerait. Je ne sais pas si, après une semaine, il a les informations qu'il aurait dû obtenir. S'il ne les a pas, je suis bien à même de les lui donner parce que je suis allé à Matane il y a une dizaine de jours, à la demande même des producteurs de bois de Matane, justement. C'est rendu que lorsque des gens ont des problèmes en régions ils appellent l'Opposition libérale. Ils disent: Au moins, eux, on sait qu'ils sont là. Au moins on sait que c'était Pierre Fortier qui était porte-parole dans le domaine de la forêt la semaine dernière et il est encore porte-parole pour la forêt cette semaine. Quelqu'un m'a dit qu'il avait appelé au cabinet du nouveau ministre de l'Énergie et des Ressources et, comme, semble-t-il, le ministre n'a pas encore engagé ses attachés politiques, toute demande est transmise ou refilée au sous-ministre. Ceux qui veulent obtenir des explications sur l'orientation du gouvernement ne peuvent les obtenir parce que, avec tous ces changements ministériels, les nouveaux ministres n'ont pas encore eu le temps de comprendre leur dossier et de nommer les attachés politiques qui leur permettraient de savoir ce qu'ils ont à faire, par exemple, à l'intérieur d'un ministère aussi important que celui de l'Énergie et des Ressources.

Dans le cas de la Société des Monts, c'est REXFOR qui a accordé un contrat de 3 200 000 $. Au mois d'avril, les nouveaux administrateurs de la Société des Monts avaient demandé de n'être pas obligés de réaliser ce contrat, puisque la soumission avait été trop basse, ou d'être exonérés de l'obligation de remplir ce contrat, j'ai donc demandé au ministre: "Ne croyez-vous pas qu'une société d'État comme REXFOR a une obligation de s'assurer que les contrats qu'elle donne seront remplis par des sociétés responsables qui ne mettront pas en faillite des sous-traitants qui pourraient travailler pour elles?"

Ce qui arrive maintenant, c'est qu'à la suite de cette mauvaise performance de la Société des Monts, qui est quasiment en faillite après avoir réalisé 80% de ce contrat, à peu près 200 travailleurs seront touchés par une faillite éventuelle, des producteurs de bois vont être touchés, des camionneurs pourront subir des pertes de 60 000 $ à 80 000 $ chacun, tout ça à cause d'une mauvaise gestion de la Société des Monts et d'une mauvaise gestion, j'en suis convaincu moi-même, de la part de REXFOR.

Je demandais justement au ministre: "Ne croyez-vous pas qu'une société d'État comme REXFOR a la responsabilité de s'assurer que, lorsqu'elle donne un contrat, la société qui accepte le contrat a la compétence pour le faire, a l'organisation pour le faire, qu'elle a une comptabilité et des contrôles de coûts et qu'elle ne mettra pas en péril des travailleurs de la région et des petites et des moyennes entreprises qui pourraient travailler pour qui obtient un contrat?"

Le nouveau ministre, qui est très renseigné, m'a dit: M. le député d'Outremont - je cite la Presse - "une société d'État comme REXFOR ne peut exclure de ses appels d'offres les compagnies en difficultés financières."

Le nouveau ministre de l'Énergie et des Ressources devrait en savoir un peu plus que cela. Je sais fort bien que pendant les nombreuses années qu'il était à HydroQuébec il a passé plusieurs années comme délégué auprès du syndicat mais dans les quelques années qu'il a pratiqué comme ingénieur à Hydro-Québec il aurait dû savoir qu'Hydro-Québec elle-même, lorsqu'elle va en-appel d'offres, pose les questions pertinentes et que, de fait, elle s'arrange pour exclure les entrepreneurs qui ne pourraient satisfaire aux exigences d'Hydro-Québec.

Si le ministre de l'Énergie et des Ressources n'a pas fait la vérification que j'ai faite, puisque j'ai obtenu un document -voyez l'épaisseur de ce document - d'appel d'offres d'Hydro-Québec... Je vais vous lire certains passages qui sont tout à fait pertinents. À la page B-9, sur le rejet des soumissions, on dit ceci: "Toute soumission qu'Hydro-Québec juge non équilibrée ou qui ne contient pas tous les renseignements permettant l'analyse et la comparaison des soumissions pourra être rejetée."

À la page B-12, on dit ceci, sous le thème de "Compétence, expérience et responsabilité": "Pour l'adjudication du contrat, Hydro-Québec tiendra compte de la compétence, de l'expérience et de la responsabilité du soumissionnaire. Le soumissionnaire doit joindre à sa soumission une brève description des travaux similaires qu'il a exécutés. Il doit donc être prêt à produire les documents nécessaires établissant ses titres et ses qualités s'il est requis de le faire."

À la page C-8, on demande justement la liste des contrats en cours de réalisation par l'entreprise et la liste des contrats que l'entreprise a réalisés au cours des cinq dernières années. (12 h 30)

De plus, à la page C-9, on demande la liste du personnel de commande que la société entend affecter à l'exécution des travaux de chantier, une description sommaire des dispositions que l'entreprise entend prendre afin de garantir la sécurité, l'hygiène et le bien-être des travailleurs, enfin les références bancaires.

M. le Président, j'ai pris la peine d'obtenir ce document et de parler à des administrateurs de contrats d'Hydro-Québec

pour m'assurer que, dans les faits et contrairement à ce qu'a dit le ministre de l'Énergie et des Ressources, Hydro-Québec s'arrange pour obtenir les informations nécessaires et pour écarter, lorsque les contrats sont trop importants, un soumissionnaire qui ne satisferait pas aux exigences d'Hydro-Québec. Si la société d'État REXFOR ou sa filiale, Matabois, à Matane, avait pris la peine de s'informer, d'exiger, dans les documents d'appel d'offres, le même genre d'information qu'Hydro-Québec exige lorsqu'elle fait des appels d'offres publics, je vous dis que REXFOR n'aurait pas accordé ce contrat à la Société des Monts puisque tout le monde dans la région sait pertinemment que, depuis un an ou deux, l'administration est précaire, que la Société des Monts n'a jamais eu de système de comptabilité qui mérite ce nom, qu'elle n'a jamais eu de contrôle de coûts et qu'effectivement en acceptant un contrat de 3 200 000 $, on a mis en péril une bonne partie des petits artisans et des producteurs de bois de cette région.

D'ailleurs, je dois dire que c'était tout à fait amusant parce qu'à la suite de cette question que j'avais posée au nouveau ministre de l'Énergie et des Ressources, le Devoir, je crois, qui s'est trompé, a titré, en date du 6 décembre: "Rodrigue juge irresponsable l'attitude de REXFOR". Je dois vous dire que, pour ma part, je suis tout à fait d'accord avec ce journal où on dit que le nouveau ministre de l'Énergie et des Ressources juge irresponsable l'attitude de REXFOR.

La décision de REXFOR de donner ce contrat à la Société des Monts a mis en péril la performance financière du contrat, a mis en péril 200 artisans de la région, va mettre en péril d'autres artisans camionneurs qui perdront chacun 60 000 $, 80 000 $, 90 000 $. Je crois que si REXFOR avait fait son "homework", son travail, elle aurait pu éviter ce problème.

Mais ce qui est encore pire, M. le Président, c'est que REXFOR, qui a obtenu des coupes de bois du ministère de l'Énergie et des Ressources, n'a pas su faire respecter la réglementation du ministère en ce qui concerne la coupe en forêt. Alors qu'on se plaint en Gaspésie et que le ministre nous dit, dans son document sur la réflexion qu'il veut faire sur la nouvelle politique forestière, qu'on manquera de bois en Gaspésie, qu'il faut voter des subventions pour faire des plantations, qu'il faut s'assurer qu'aucun bois n'est perdu, voilà que REXFOR n'a pas su exercer la supervision qu'elle aurait dû pour s'assurer que la Société des Monts ou elle-même ne fasse pas une coupe à blanc pour laisser en forêt des bouleaux, des cèdres, des arbres de toute dimension, même de dimension extrêmement importante, ce qui est, en fait, un gaspillage éhonté de la matière ligneuse de la Gaspésie.

J'ai ici, M. le Président, quelques photos qui ont été prises il y a quelque trois semaines justement dans les forêts domaniales de la Gaspésie où on montre des arbres couchés par terre, des bouleaux, des merisiers, des cèdres, de toute dimension, qui ont été laissés là pour l'hiver et qui vont pourrir sur place. C'est une honte d'avoir un gouvernement et une société d'État qui ne respectent pas les obligations qui sont imposées aux petites scieries, qui ne respectent pas les obligations qui sont imposées à tous ceux qui obtiennent des droits de coupe du gouvernement.

J'étais à Cabano en fin de semaine, puisque je vais assez souvent de ce temps-ci en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent. Les propriétaires de petites scieries me disaient que, lorqu'ils ne respectent pas les règlements du ministère de l'Énergie et des Ressources, ils ont à payer des pénalités très sévères. Un propriétaire de scierie me disait que, lorsqu'il ne respecte pas les règlements - il a déjà été pénalisé - ses droits de coupe, qui sont normalement de l'ordre de 0,66 $ le mètre cube, étaient augmentés à 7 $ le mètre cube. C'est donc dire que les droits de coupe, lorsqu'il y a pénalité aux petites scieries qui ne respectent pas les règlements du ministère de l'Énergie et des Ressources, sont multipliés par un facteur de dix. Savez-vous, M. le Président, quel est le volume de bois qui a été coupé en Gaspésie? C'est de l'ordre de 140 000 mètres cubes. S'il fallait que les droits de coupe soient augmentés comme ce propriétaire de petite scierie dans le Bas-Saint-Laurent me l'a confié, cela voudrait dire que le ministère de l'Énergie et des Ressources devrait pénaliser REXFOR et la Société des Monts, et REXFOR en particulier pour un montant d'environ de 600 000 $ à 700 000 $. Je pose la question. Comment se fait-il que le ministère de l'Énergie et des Ressources et son représentant qui doit veiller aux règlements du ministère lors de la coupe en forêt, comment se fait-il que ce représentant n'a pas su faire respecter le règlement du ministère, même s'il s'agissait d'une société d'État? Comment se fait-il qu'il y a deux poids deux mesures avec ce gouvernement? Une façon d'appliquer le règlement pour les petites scieries et une autre façon lorsqu'il s'agit d'une société d'État.

C'est aberrant qu'une société d'État et la Société des Monts agissent de cette façon, parce que c'est bien REXFOR qui avait les droits de coupe, et c'est REXFOR qui avait obtenu les droits de coupe du gouvernement de façon à alimenter ces usines. On doit se demander si, alors même où on croit qu'il y aura des ruptures de stocks en Gaspésie, alors même que tout le monde s'inquiète de la possibilité d'avoir une matière ligneuse pour dix ans, pour quinze ans, qu'une société

d'État comme REXFOR se rende responsable d'un abus aussi éhonté qu'elle abuse de la responsabilité qu'on lui a confiée, je crois que c'est une performance désolante et qui mérite d'être traitée comme elle se doit. Ce qui est encore pire, c'est qu'alors qu'il y a pénurie de bois et que le gouvernement met en branle des programmes de sylviculture et de reforestation, c'est que ce gouvernement ne se donne même pas la peine de vérifier où va son argent. Si le ministre prend la peine de vérifier, comme je l'ai fait, il se rendra compte que récemment la Société des Monts a obtenu 100 000 $ pour faire de la sylviculture. Mais seulement 50 000 $ ont servi...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, je m'excuse. J'ai une question de règlement du leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Je ne veux pas être désagréable à l'égard du député d'Outremont, mais je pense qu'il s'écarte sensiblement du débat que nous sommes en train de tenir. Je lui rappelle la teneur de l'article 232 qui dit que "le débat porte exclusivement sur l'opportunité du projet de loi, sur sa valeur intrinsèque ou sur tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins" que celui que propose le projet de loi que nous sommes en train de discuter. Le projet de loi porte spécifiquement sur la location par le gouvernement de forces hydroélectriques et nous ne devons pas, dans les circonstances, faire porter le débat sur un tout autre sujet qui serait celui de l'approvisionnement en bois de sciage, par exemple. Le projet de loi qui est devant nous ne porte pas sur ce sujet. Je vous demande de faire respecter l'article 232 de notre règlement. D'autant plus qu'un député peut aborder toute espèce de sujet lorsque nous sommes en train de débattre du discours d'ouverture. Ce n'est pas le cas.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. J'ai fait moi-même une demande de m'apporter le projet de loi 9 et jusqu'à maintenant j'avais cru comprendre que le député d'Outremont disait qu'il y avait un lien entre la société REXFOR et le sujet qui était discuté, sauf que, effectivement, comme vous j'ai remarqué qu'on ne parlait pas du projet de loi. Je pense qu'il vous reste, M. le député, quelque 20 minutes, il serait bon de revenir au projet de loi.

M. Fortier: Sur la question de règlement. Comme je l'ai dit au tout début, il s'agit du projet de loi qui est devant nous de donner un privilège à une société. Le genre de discours que je fais présentement est exactement de la même teneur que celui que j'ai fait lorsqu'on a parlé de l'Alcan sur le projet de loi 70. Il s'agit, lorsqu'on donne un privilège à une société, de juger si cette société est responsable, de juger si un bénéfice public qui va être donné à une société doit l'être compte tenu du fait que le gouvernement s'engage pour une période de 40 ans et avant de donner un privilège comme celui-là, je voulais évoquer en cette Chambre la responsabilité de REXFOR dans ses actions quotidiennes dans tout le Québec et de déterminer justement si le gouvernement du Québec devrait lui accorder ce même privilège?

Je crois que je suis tout à fait pertinent. Vous avez tout à fait compris là où je voulais en venir et je n'ai pas encore terminé de faire l'évaluation de REXFOR et je veux le faire avant de conclure. J'oserais croire qu'avec votre assentiment, je puisse continuer à évoquer quelques faits que je veux évoquer puisqu'il est de première importance, avant de donner un privilège pour 40 ans, de déterminer si la société le mérite. (12 h 40)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, je tiens compte aussi du temps. Je suis très large, compte tenu de ce que vous avez dit au départ, mais je tiens à vous faire remaquer qu'il vous reste environ 20 minutes même pas et qu'il serait bon qu'on entende de votre part ce que vous croyez du projet de loi qui est devant nous. C'est le projet de loi qui est en discussion actuellement. Je comprends que vous ayez utilisé une partie de votre temps pour faire une démonstration, mais j'aimerais, comme tout le monde, entendre parler du projet de loi 9.

M. Fortier: M. le Président, le projet de loi n'a que quelques lignes. Tout ce que le projet de loi dit, c'est qu'on désire donner un bénéfice hydroélectrique à cette société pour une période de 40 ans. Je conclurai lorsque je serai rendu aux conclusions, je ne suis pas encore rendu là. Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais continuer le débat et vous allez vous apercevoir, si vous me permettez d'explorer plus à fond, que je suis tout à fait pertinent.

J'avais d'ailleurs terminé avec la Société des Monts. J'ai évoqué ces faits justement pour démontrer que, dans ce cas très particulier, il m'a semblé que REXFOR n'avait pas assumé ses responsabilités. Si le leader adjoint du gouvernement a de la difficulté à me suivre, je vais lui dire ceci: Il s'agit d'un bénéfice, par le projet de loi 9 qui est devant nous, provenant du ministère de l'Énergie et des Ressources à une société qui est une filiale de REXFOR. Par ailleurs, j'évoquais le fait que REXFOR avait obtenu justement un autre bénéfice. Obtenir un droit de coupe du ministère de l'Énergie et des Ressources est un bénéfice puisque le bois est coupé en forêt publique et, pour ma part, je crois qu'avant de donner un

deuxième ou un troisième bénéfice à une compagnie qui en a déjà eu plusieurs, on doit s'interroger sur la responsabilité qu'elle a eue envers les premier et deuxième bénéfices qu'elle a eus. Selon l'argumentation que je suivais, lorsque le gouvernement donne des droits de coupe à REXFOR, on a le droit de s'interroger sur la responsabilité qu'elle a eue face à un bénéfice comme celui-là et, avant de lui donner des droits hydroélectriques pour 40 ans, on doit se poser des questions sur la responsabilité avec laquelle elle dirige ses activités.

M. le Président, bien sûr, je reconnais que, éventuellement, il se pourrait que Bellerive-Ka'N'Enda puisse développer un projet, celui des panneaux MDF. Encore là, j'aimerais évoquer avec vous... et je vais laisser à mes amis de la Gatineau qui siègent en cette Chambre l'occasion d'en parler d'une façon plus précise, parce que vous allez vous apercevoir que, de la même façon que REXFOR a laissé croire aux gens de Matane qu'ils auraient droit à une papeterie, pendant huit ans qu'on leur a promis une telle chose, voilà qu'on a fait la même chose dans la région de la Gatineau, on a fait les mêmes promesses. À la veille des élections de 1981, on leur a même dit: Si vous votez pour le Parti libéral, le projet de Maniwaki sera en danger. Les gens ont voté pour le Parti libéral, c'est vrai qu'il n'y a pas eu de projet à Maniwaki, mais cela n'a rien à faire avec notre formation politique, parce que c'est dû justement aux décisions du ministre et de REXFOR qui ont été autrement. Je vais laisser aux gens de la Gatineau le soin d'en parler. On peut parler de Grande-Vallée. On peut parler de bien d'autres sujets, mais chaque fois, on se rend compte que le ministre qui dirige REXFOR et REXFOR ont été complices l'un et l'autre pour faire des promesses alléchantes à différentes parties de la population du Québec. Chaque fois, ces gens n'ont pas respecté leurs promesses.

Une voix: Hypocrites! Mensonges!

M. Fortier: Bien sûr, lorsque REXFOR a décidé de s'implanter à Mont-Laurier, cela a été un vent d'espoir. Ici, j'ai une coupure de journal de 1978 où on dit: "REXFOR soulève plein d'espoir". Une autre coupure de 1981 dit: "REXFOR achète une entreprise à Mont-Laurier." Je citerai le député du coin, le député de Labelle: "L'acquisition des deux usines de Mont-Laurier constituera une première implication pour REXFOR dans l'industrie de transformation du bois feuillu au Québec, a dit le député de Labelle, tout en soulignant que cette société d'État était l'une des mieux organisées et des plus rentables du gouvernement."

M. le Président, si ce n'était pas dramatique, il faudrait en rire. Qu'un ministre du gouvernement juge que REXFOR est la meilleure société d'État du gouvernement, voilà qui en dit long sur les compétences économiques du ministre et, surtout, sur la compétence économique du gouvernement qui nous dirige.

J'entendais le ministre nous dire, tout à l'heure, que cela permettrait aux 300 employés de Mont-Laurier de continuer à travailler dans les usines de Bellerive-Ka'N'Enda. Le ministre devrait savoir que 50% de ces travailleurs sont présentement en chômage, qu'il y a eu des mises à pied récemment et que, de fait, présentement, Bellerive-Ka'N'Enda a eu beaucoup de difficultés à s'en sortir.

Puisque vous voulez que je sois plus pertinent, plus près du sujet de Mont-Laurier, parlons de la performance de Bellerive-Ka'N'Enda. Il faut savoir que cette société, avant qu'elle soit achetée par REXFOR, était une société très rentable. Si les propriétaires du temps ont vendu, comme ils l'ont indiqué eux-mêmes, c'était parce qu'ils n'avaient pas de successeurs, qu'ils n'avaient pas de fils ou de descendants qui pouvaient assumer la responsabilité de la direction de la compagnie. Ils ont été très heureux de vendre à REXFOR pour un prix mirobolant. Cela a certainement fait leur affaire. Mais on peut se demander comment il se fait qu'une compagnie qui était très performante, très rentable avant 1981, devienne soudainement non rentable une fois achetée par REXFOR.

Si vous regardez les états financiers de Bellerive-Ka'N'Enda, vous allez voir que la perte de Bellerive-Ka'N'Enda en 1982 a été de 1 300 000 $; elle a été de 3 200 000 $ en 1983 et - tenez-vous bien - en 1984, elle a réussi à faire un profit. Mais je vais vous expliquer comment. Elle a réussi à faire un profit parce qu'elle avait une perte de 690 000 $. Ce qu'elle a fait, c'est qu'elle a vendu une de ses filiales, Grand-Remous, à REXFOR. On appelle cela du fligne-flagne en comptabilité. Quand vous avez une perte dans vos livres, vous vous arrangez pour vous vendre à vous-même, à une autre compagnie du même groupe, une autre société et, tout à coup, vous montrez un profit dans vos livres. C'est du beau fligne-flagne, mais cela ne change pas la situation. C'est une société qui était rentable et qui, depuis trois ans, fait des pertes alors qu'elle bénéficie de pouvoir hydroélectrique à bon marché.

On peut se poser la question suivante: Comment se fait-il qu'une société qui faisait des profits avant que REXFOR l'achète et qui bénéficie, comme le ministre de l'Énergie et des Ressources le dit, de ressources hydroélectriques à bon marché, puisque le ministre nous a dit qu'à toutes fins utiles les barrages hydroélectriques étaient complètement amortis... Si c'est complètement amorti, cela veut dire que

tout ce que la société a à payer, ce sont les dépenses d'entretien et de réparation. Cela veut dire qu'une industrie qui est à côté de Bellerive-Ka'N'Enda doit payer à Hydro-Québec quelque deux cents le kilowattheure et que Bellerive-Ka'N'Enda doit payer quelque deux dixièmes de cent. Autrement dit, c'est un bénéfice énorme, ce qui veut dire que Bellerive-Ka'N'Enda paie dix fois moins qu'une autre société qui exploite dans la même région ou dans une région similaire.

Performance financière désastreuse. Promesses alléchantes, encore une fois, depuis qu'ils sont là: promesse d'une usine MDF qui, peut-être, ne viendra jamais -c'est la même usine qu'on a promise à Maniwaki - promesse à Matane, promesse au Saguenay. Mais quand est-ce qu'on va arrêter de promettre?

Nous avons un projet de loi devant nous, nous demandant de reconduire des droits hydroélectriques pour une période de 40 ans. J'ai évoqué au début qu'il s'agit là d'un bénéfice, d'une subvention cachée de l'ordre de 5 000 000 $ à 10 000 000 $ pour une période de 40 ans. J'ai évoqué avec vous le fait que REXFOR n'a pas de mission connue ou qu'elle a une mission ambiguë, qu'elle n'a pas de plan de développement. Le gouvernement n'a pas encore approuvé son plan de développement. REXFOR ne sait pas où elle va. REXFOR ne sait pas où elle va parce que le gouvernement ne sait pas où il va. Le gouvernement nous a demandé de voter 65 000 000 $ et, deux mois plus tard, il demande à une autre société d'État de prendre la relève. Maintenant, on nous demande de donner un bénéfice à REXFOR ou à Bellerive-Ka'N'Enda pour une période de 40 ans. Mais c'est complètement ridicule! Si le ridicule tuait, cela ferait longtemps qu'on n'aurait plus de gouvernement. (12 h 50)

Je dois vous dire dès maintenant qu'à moins que le ministre nous propose un amendement pour modifier la clause des 40 ans en la réduisant à deux ans, pour permettre justement au gouvernement et à REXFOR de se donner une mission, de se donner un plan de développement pour que nous sachions ce que Bellerive-Ka'N'Enda et ce que REXFOR vont faire avec ce bénéfice de 40 ans... Si nous ne le savons pas, comment voulez-vous qu'on accorde un bénéfice de 40 ans? Pour préserver les emplois dans la région, bien sûr, nous serions d'accord pour reconduire l'entente sur une période d'un an ou de deux ans au maximum pour, justement, permettre à la société d'État de faire approuver un plan de développement, de nous dire ce qu'elle fera exactement, ce qu'elle fera dans la région de Mont-Laurier et ce qu'elle fera également dans les autres régions du Québec. Nous l'avons demandé au mois de juin et nous ne l'avons pas su. Nous le demandons maintenant.

À moins que le gouvernement ne nous donne des assurances sur le fait que cette mission sera définie, qu'un plan de développement sera préparé, nous allons voter contre le projet de loi, à moins qu'il n'y ait un amendement pour réduire la période de 40 ans à deux ans.

Le temps est fini où cette Assemblée et où le Parti libéral du Québec étaient complices du gouvernement pour donner des bénéfices indus aux sociétés d'État qui ne savent pas où elles vont, qui prennent l'argent des contribuables pour le gérer d'une façon qui n'est pas conforme aux règles de l'art et qui abusent de la situation. Le temps des folies est fini. Nous allons voter contre le projet de loi tel qu'il est, à moins qu'un amendement n'abrège la durée du bénéfice à deux ans.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Pontiac.

M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, à ce stade-ci, de prendre la parole en deuxième lecture sur le principe du projet de loi 9. À regarder le projet de loi, il semble que ce soit seulement le renouvellement d'un contrat qui existait déjà. Mais ce contrat est pour Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda qui est totalement la propriété de la société REXFOR. Cela ne me surprendrait pas que, durant mon discours, le leader adjoint du gouvernement se lève encore sur la question de pertinence. Je pense qu'il est bien important d'y penser avant de donner un consentement à une chose qui semble bien innocente et qui, d'après les discussions ou les arguments du ministre, va préserver 300 emplois à Mont-Laurier. Si j'étais devant un bateau qui fait naufrage, j'hésiterais énormément avant d'y embarquer. Je pense que comme gouvernement, avant de donner des privilèges à Bellerive-Ka'N'Enda, il faudrait certainement s'assurer que sa performance future ne ressemble pas à la feuille de route du passé.

Cela, il faut le dire lorsqu'on regarde la papeterie de Matane. Pendant six ans, on a promis aux gens de Matane qu'ils auraient une papeterie. Ensuite, on a eu les événements de Grande-Vallée. Pour tenter d'apaiser les gens, au lieu d'essayer d'éviter de tels événements, on a attendu les moments difficiles pour faire des promesses. On a fait des promesses et je crois que même les promesses sur des scieries en Gaspésie ne sont pas respectées quant à la cédule prévue. Une partie des justifications concernant les scieries de la Gaspésie, c'était que l'un des produits des scieries, soit les copeaux, serait utilisé à la papeterie de

Matane. Comme il n'y a pas de papeterie à Matane, du moins dans l'avenir immédiat, qu'est-ce qu'on va faire? Comment va-t-on justifier les sommes d'argent investies dans les scieries de la Gaspésie? Cela faisait partie d'un tout.

On parle de la papeterie de Matane. Avant qu'on en parle à Matane, c'était censé être la papeterie de la vallée. Pour la remplacer et satisfaire les gens de la vallée de la Matapédia, on leur a donné l'usine de panneaux de Sayabec. Les gens de REXFOR même ont admis qu'au moment où on avait décidé de construire l'usine de panneaux à Sayabec, on prévoyait un marché outre-mer et l'endroit choisi pour l'implantation de cette usine avait du sens. Pas longtemps après, on s'aperçoit que l'étude de marché n'était réellement pas très bonne, que le marché outre-mer n'existe pas.

Le pire, c'est que le ministre lui-même a dit que le transfert à Bellerive-Ka'N'Enda c'était alimenter ses usines. On va ajouter aussi dans le futur une usine MDF. J'espère que la région de l'Outaouais ne sera pas obligée de vivre les mêmes promesses qui ont été faites en Gaspésie. Cette usine qu'on promet aujourd'hui à Mont-Laurier on la promet depuis dix ans à Maniwaki. Cela faisait partie du complexe forestier. On l'a promis: Mme Ouellette défendra le dossier de la Haute-Gatineau; implantation du complexe forestier; un projet approuvé par le Comité des priorités du gouvernement. C'était approuvé pour Maniwaki.

On sait que l'an dernier le gouvernement a décidé que ce n'était plus Maniwaki mais Mont-Laurier... Qu'est-ce qui nous dit qu'on va la construire éventuellement? Peut-être que les chances des gens de Mont-Laurier sont moindres aujourd'hui: leur représentant n'est plus ministre, il ne fait même plus partie de ce gouvernement, il siège ici comme indépendant. Est-ce qu'il va être capable de défendre aussi bien ce dossier dans l'intérêt des gens de Mont-Laurier? Le temps le dira.

On est pleinement d'accord pour tenter de préserver les emplois à Bellerive-Ka'N'Enda, mais je pense que la feuille de route de cette compagnie démontre qu'elle n'a pas réussi à avoir une année complète de production jusqu'à maintenant dans aucune des opérations. Donc, on dit que la raison principale de donner ce droit à Bellerive-Ka'N'Enda c'est d'assurer et de maintenir 300 emplois ou, si on ne fait pas ça, ça va fermer.

J'ai bien l'impression qu'en assumant que ce barrage n'avait pas été donné à Bellerive-Ka'N'Enda... On a Hydro-Québec qui produit de l'électricité, qui, à ma connaissance, a énormément de surplus. Dans le discours d'ouverture le premier ministre indiquait: On va utiliser nos surplus pour tenter d'aider les entreprises à produire à un coût moindre. Est-ce que le fait que le ministre nous dise que si ça ne fonctionne pas il y a 300 emplois qui vont être perdus...

Je pense que le porte-parole de l'Opposition l'a bien dit: Pourquoi donner un privilège pendant 40 ans sans savoir dans quelle direction s'en va REXFOR? On sait, d'après sa feuille de route, que sa performance laisse énormément à désirer. Il faudrait bien arrêter toutes les promesses qui ont été faites un peu partout dans tout le Québec. Il faudrait bien que REXFOR et le gouvernement, REXFOR par l'entremise du gouvernement, fassent miroiter à la population dans les régions qu'ils ont des solutions magiques aux problèmes. Ils vont attendre pendant sept et huit ans pour s'apercevoir qu'il y a rien là. Il n'y a rien de concret qui se fait. Comme le disait notre porte-parole, de ce côté-ci, on n'est certainement pas prêt à donner carte blanche à ce projet de loi. On donne notre approbation sur une période jugée raisonnable, soit une couple d'années, pour permettre à REXFOR de faire un plan d'ensemble et de savoir où on se dirige.

M. le Président, comme le disait notre porte-parole, j'espère que le ministre va comprendre et qu'au moment de l'étude article par article en commission, on pourra certainement réduire la période de temps, revoir tout l'ensemble et empêcher que ce gouvernement, à tout bout de champ, fasse des promesses et ne livre jamais la marchandise. Ses discours sont très bons, mais jamais il ne passe à l'action pour réellement répondre et livrer la marchandise. Ce que les gens veulent, c'est la livraison de la marchandise. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Je pense que le prochain intervenant sur le débat sera... Vous voulez continuer?

M. Middlemiss: M. le Président, j'ai encore du temps...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, exactement, c'est ce que je voulais savoir. Donc, il vous restera douze minutes pour votre intervention quand on reprendra le débat, puisque j'ai l'impression que le leader adjoint veut demander l'ajournement.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, effectivement, à compter de 15 heures, nous allons plutôt procéder à la prise en considération des projets de loi 2 et 4 relatifs aux affaires municipales et, par la suite, nous allons étudier le projet de loi 7, Loi sur les valeurs mobilières. Ce n'est que par la suite que nous étudierons le projet de loi 11 sur les relations du travail. Ensuite, nous reviendrons à ce débat et c'est

évidemment M. le député de...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Pontiac. M. Blouin: ...Pontiac qui aura la parole.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Le député de Pontiac devrait donc me demander l'ajournement du débat.

M. Middlemiss: Oui, M. le Président. Est-ce qu'on pourrait demander au leader adjoint quand - est-ce que c'est ce soir ou demain - on va reprendre ce débat?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous avez raison. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: En termes d'heure, évidemment, selon le nombre d'intervenants, nous prévoyons que nous pourrions réaborder ce projet de loi vers la fin de l'après-midi ou au début de la soirée.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, il y a motion pour qu'on ajourne le débat sur le projet de loi en cours.

M. Middlemiss: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci.

M. le leader, à ce moment-là, je propose la suspension de nos travaux pour que nous puissions les reprendre vers 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 8)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, je vous demande d'appeler les articles 21 et 22 de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 2

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Rancourt): Prise en considération du rapport de la commission qui a étudié le projet de loi 2, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les finances municipales. Est-ce que quelqu'un intervient? Est-ce que cette prise en considération est adoptée?

Des voix: Adopté.

Projet de loi 4

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Adopté. Nous passons maintenant au projet de loi 4, M. le leader adjoint? Donc, la prise en considération du projet de loi 4, Loi sur le ministère des Affaires municipales. Est-ce que cette prise en considération est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Nous allons maintenant discuter du projet de loi 11, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de relations du travail. Puisque nous allons discuter de ce projet de loi, la commission de l'économie et du travail, qui poursuit normalement, à compter de 15 heures, l'étude détaillée du projet de loi 42, suspendra donc ses travaux le temps que durera ce débat, soit environ une demi-heure. Puisque le ministre, m'a-t-on dit, est en train de se rendre à l'Assemblée, nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Frontenac, sur une question de...

M. Grégoire: De directive.

Le Vice-Président (M. Rancourt): ... directive.

M. Grégoire: Ce matin, l'Assemblée a émis un ordre à savoir que la commission de l'économie et du travail siège au salon rouge, pour étudier le projet de loi 42, de 11 h 30 à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 21 h 30 ce soir. Or voilà qu'on nous dit que c'est ici que va avoir lieu la présentation d'un autre projet de loi. Ma demande de directive est la suivante: Est-ce qu'à ce moment, cela ne prendrait pas le consentement unanime de tous pour rescinder un ordre de l'Assemblée nationale? Alors qu'il y a des membres de la commission sur l'économie et du travail qui sont de l'autre côté et qui attendent, est-ce que ça ne prendrait pas un consentement unanime pour rescinder un ordre qui a été donné ce matin à l'Assemblée nationale?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Sur cette question, peut-être pour éclairer un peu le député de Frontenac, je lui signale que ce matin, au moment où nous avons donné le menu législatif de la journée, nous avons expliqué que pendant l'étude des projets de loi 11 et

16 du ministère de l'Éducation il y aurait suspension des travaux de la commission pour que les membres intéressés puissent assister au bref débat qui se tiendra ici à l'Assemblée nationale pendant cette période.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Frontenac, comme vous venez de l'entendre de la part du leader adjoint du gouvernement, ce matin il y avait eu, effectivement, avis que pourrait se produire durant le cours de nos travaux, des suspensions de commissions, afin de permettre aux ministres concernés de venir défendre un projet de loi ici à l'Assemblée nationale. M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, j'ai compris que, si on cessait d'étudier le projet de loi 42 à la commission parlementaire à 21 h 30, c'était pour permettre, à ce moment-là, au ministre de débattre en Chambre le projet de loi 11, mais je n'ai jamais compris, dans l'avis de motion, qu'en ce qui concerne les convocations de commissions, on cesserait de siéger à 3 heures ou aux heures approuvées. C'est pourquoi je me demande si le leader adjoint a compris la même chose que moi ce matin.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, je dois en conclure que le député de Frontenac n'a pas effectivement compris ce que j'avais dit.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, est-ce que cette motion... M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je pense que la demande de directive du député de Frontenac est pertinente à savoir qu'on requiert le consentement unanime de l'Assemblée pour changer l'ordre de l'Assemblée qui a été donné ce matin. Il me semble que oui, quant à moi. Je suis prêt à donner ce consentement, mais il serait peut-être bon que vous statuiez sur la question.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Frontenac, la commission est maîtresse de ses travaux. Elle peut juger elle-même de suspendre ses travaux en premier lieu ici. C'est une chose.

Ici, le leader du gouvernement peut faire, premièrement, cette demande de collaboration de chacun d'entre vous ici afin de suspendre justement nos travaux à ce moment-ci. M. le député de Sainte-Marie. Évidemment, M. le ministre du Travail arrive. Cela réglera le problème.

M. Bisaillon: Cela aura au moins permis, M. le Président, au ministre de se rendre en Chambre. Vous avez fait remarquer, très judicieusement, que la commission est maîtresse de ses travaux, mais, premièrement, elle a suspendu ses travaux sans que la question ne lui soit posée. Deuxièmement, elle a suspendu ses travaux à 15 heures, cet après-midi. Je dois vous indiquer, M. le Président, qu'on arrive en fin de session et qu'on a besoin de la collaboration de tout le monde et que, pour l'obtenir, il faut au moins qu'on soit informés de la planification du leader du gouvernement, si elle existe, un peu plus longtemps à l'avance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Enfin, M. le Président, je comprends très bien le problème du député de Sainte-Marie et celui du député de Frontenac. J'en conviens qu'ils ne peuvent pas être partout à la fois.

Cependant, j'avais formellement indiqué ce matin que ces événements se dérouleraient de cette façon. Si, à ce moment-là, il y avait eu quelques commentaires, quelque opposition ou quelque discussion que nous aurions pu avoir, nous aurions pu le faire à ce moment-là, mais je conviens avec le député de Sainte-Marie et avec le député de Frontenac qu'il faudrait peut-être jeter un petit coup d'oeil pour voir si ceux qui ne peuvent pas être partout à la fois soient informés justement. J'en conviens.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, je vous demande donc d'appeler maintenant l'article 9 de notre feuilleton.

Projet de loi 11 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nous allons discuter du principe du projet de loi 11, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de relations du travail. M. le ministre du Travail.

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: M. le Président, j'ai manqué un bout de la discussion qui vient de se faire, mais j'ai compris que quelques-uns en perdaient un peu leur latin. Je vous signale que c'était un peu mon cas aussi. On va quand même vous soumettre quelques considérations à l'appui de ce projet de loi 11 dont les objectifs essentiels sont de procéder à des amendements au Code du travail, plus spécifiquement au chapitre des services essentiels, et également de procéder

à des changements que je qualifierai d'ordre technique à la Loi sur les décrets de convention collective. Dans l'un et l'autre cas, ces changements sont proposés à la Chambre à la suite de demandes, de recommandations très spécifiques faites par les intervenants de l'un et l'autre secteur dont je viens de parler. Dans le premier cas - on va s'en souvenir - il s'agit du Conseil des services essentiels et dans l'autre cas, ce sont des suggestions qui nous ont été faites par les personnes qui, en vertu de la loi, ont le mandat d'administrer, en quelque sorte, les conventions collectives qui découlent de la Loi sur les décrets de convention collective.

Les amendements au Code du travail contribueront à améliorer le fonctionnement du Conseil des services essentiels. Le projet de loi 11 prévoit, notamment, la création d'un poste de vice-président ou de vice-présidente et l'argument fondamental militant en faveur de la création de ce poste réside dans le fait qu'actuellement, le président du conseil fait partie du quorum de toutes les séances et en conséquence de cette disposition, son absence empêche le conseil de fonctionner et advenant son décès, par exemple, le conseil serait paralysé jusqu'à ce qu'une nouvelle nomination soit effectuée par le Conseil des ministres. On comprendra facilement ici les conséquences que pourrait occasionner une semblable éventualité.

Retenons ici que la ou le vice-président sera nommé de la même façon que le président et que le nombre de membres du conseil ne sera pas augmenté, c'est-à-dire qu'il demeurera à huit personnes. La nomination d'une ou d'un vice-président permettra également au Conseil des services essentiels d'agir en division, c'est-à-dire de fonctionner à partir de deux bancs distincts.

Depuis l'expérience vécue, à partir du moment de la création du Conseil des services essentiels, le 1er décembre 1982, il nous a paru que la nature des dossiers débattus devant le Conseil des services essentiels ne requéraient pas nécessairement la présence des huit membres du conseil en même temps. Mentionnons, par exemple, lorsqu'il s'agit d'examiner une entente conclue entre les parties ou encore selon le nombre de salariés visés par une accréditation ou encore selon la nature des services essentiels à être assurés.

Les dispositions actuelles de la loi oblige le président à convoquer tous les membres chaque fois qu'il y a lieu, pour le conseil, d'exercer son mandat. L'amendement proposé permettra ainsi au conseil de siéger à deux endroits différents en même temps, lorsqu'il y a urgence, assurant de ce fait une action plus rapide et plus efficace tant pour le conseil que pour les parties elles-mêmes. Le projet prévoit également qu'à défaut d'unanimité dans une division du conseil, le dossier devra être déféré au conseil complet.

Une autre des modifications suggérées devrait permettre au Conseil des services essentiels de réaliser des économies appréciables par le remplacement de l'obligation de publication des décrets dans la Gazette officielle par un avis aux parties. Notons simplement que ces publications ont représenté, au 1er décembre 1984, des déboursés de plus de 136 000 $. (15 h 20)

La loi actuelle ne prévoit aucune disposition forçant les parties à se présenter devant le conseil dans le but d'examiner si la liste des services essentiels est suffisante. Par ailleurs, une telle obligation existe, notamment en ce qui concerne les convocations du conciliateur en vertu du Code du travail. Il nous est apparu qu'une telle obligation créée par la loi permettrait un meilleur fonctionnement du conseil.

Pour conclure sur la section relative aux services essentiels, notons que le projet de loi 11 spécifie que dorénavant le délai de sept jours requis pour l'avis au ministre sera "computé" en jours juridiques, de sorte que le délai d'intervention du conseil en sera allongé d'autant.

Enfin, il y sera spécifié que l'employeur ne pourra modifier les conditions de travail des salariés à moins d'une entente entre les parties. Cet amendement devrait permettre de mettre fin à l'ambiguïté qui persistait sur cette question.

Le projet de loi 11 apporte également des modifications à la Loi sur les décrets de convention collective. Je voudrais faire ici un bref historique de cette loi et expliquer en quoi les amendements proposés aujourd'hui ont été rendus nécessaires.

Comme on le sait, la Loi sur les décrets de convention collective a été adoptée en 1934, dans une période de crise économique et sociale. Il s'agissait, à l'époque, de mettre fin à la concurrence déloyale qui s'exerçait entre les employeurs au détriment des salariés. D'une part, certains employeurs refusaient purement et simplement de négocier, ce qui n'était pas, à l'époque, illégal. D'autre part, la crise économique sévissant, il n'y avait aucun intérêt pour les employeurs à prendre le risque de se placer dans une position concurrentielle intenable en s'engageant par convention collective à verser des salaires plus élevés que ceux payés par leurs concurrents.

La Loi sur les décrets de convention collective fut donc adoptée avec pour objectifs fondamentaux d'assurer aux travailleurs des conditions de travail décentes en empêchant que la concurrence se fasse au détriment des salaires et des autres conditions de travail. Ces objectifs me paraissent tout à fait valables aujourd'hui, en 1984. Bien sûr, d'autres lois adoptées par les

différentes législatures ont eu pour effet de remettre en question la pertinence même de la loi. De nombreuses discussions ont eu lieu à cet égard. J'ai eu l'occasion, à maintes reprises, de me prononcer pour le maintien du régime des décrets.

Ainsi, depuis 1934, la Loi sur l'extension juridique des conventions collectives n'a subi que de très légères modifications et il m'est donc apparu essentiel de procéder à une réforme en profondeur de cette loi. C'est l'un des mandats qui ont été confiés à la commission consultative sur le travail chargée de procéder à l'évaluation des lois qui régissent le travail.

Sans vouloir préjuger des conclusions de la commission Beaudry, le gouvernement a donc opté pour le maintien de ce régime tout en y apportant certaines modifications de nature à améliorer son fonctionnement et à l'adapter au contexte actuel.

Les amendements proposés proviennent, dans l'ensemble, de souhaits exprimés par les représentants des comités paritaires, ceux-là même qui administrent quotidiennement la Loi sur les décrets qui en découle.

Je reprendrai ici rapidement, certaines des modifications les plus substantielles. Le projet de loi 11 prévoit une exemption de la Loi sur les décrets de convention collective pour les personnes bénévoles. Cette exemption fait suite au souhait de certains organismes tels l'Office des personnes handicapées et de la Régie de l'assurance automobile du Québec de pouvoir organiser, dans un but de réadaptation, des stages non rémunérés pour certaines personnes dans des secteurs couverts par décrets.

Les comités paritaires pourront dorénavant exercer un recours en faveur des salariés non seulement selon les termes du décret mais aussi à partir de la loi elle-même. Cette modification nous est apparue nécessaire à la suite d'une interprétation stricte des tribunaux qui limite les recours aux seules dispositions du décret. Une clarification du principe de responsabilité solidaire entre employeurs et sous-traitants et lors d'une aliénation d'entreprise en ce qui concerne le salaire impayé est également suggérée.

Dans le but d'accroître l'efficacité des comités paritaires en ce qui a trait au recours en faveur des salariés, nous souhaitons une harmonisation des périodes de prescriptions pour les recours civils et pénaux avec celles prévues dans la Loi sur les normes du travail. La prescription sera donc portée de six mois à un an et un avis d'enquête du comité paritaire pourra interrompre la prescription civile pour six mois.

En vertu de la Loi sur les décrets de convention collective, il est interdit aux employeurs de suspendre ou de déplacer un salarié parce qu'il a porté plainte à son comité paritaire ou parce qu'il a témoigné ou fourni certaines informations au comité paritaire. La réclamation à titre de dommages et intérêts sera portée d'un mois à trois mois de l'équivalent du salaire.

Depuis l'adoption de la loi en 1934, le montant des amendes et des pénalités n'a pas été modifié. Il nous est donc apparu que ces amendes devraient être augmentées afin que celles prévues à la loi conservent un caractère dissuasif.

Enfin, il sera désormais interdit aux comités paritaires de retenir un pourcentage de ce qui est dû aux salariés. Dans la loi actuelle, il est permis aux comités paritaires, lorsqu'ils exercent les recours de salariés qui ont accepté de travailler à un salaire moindre que celui prescrit par le décret, de garder 20% de la différence entre ce salaire et celui du décret, et on croit que le salarié peut difficilement refuser le taux offert dans ce cas.

Pour ce qui est des modifications fondamentales à cette même loi, un groupe de travail du ministère a remis, l'été dernier, un mémoire à la Commission consultative sur le travail. Ce mémoire fait état des problèmes qui nous préoccupent. Comme je l'ai déjà dit précédemment, M. le Président, nous ne voulons pas présumer des conclusions et des recommandations de la commmission. Toutefois, si la commission opte pour le maintien du système des décrets, il faudra apporter à la loi des modifications de fond pour arrimer ce système mixte de détermination des conditions de travail aux autres systèmes en vigueur au Québec.

Voilà, M. le Président, pour l'essentiel, les amendements proposés par le projet de loi 11. Je sollicite donc la collaboration des membres de cette Assemblée pour que l'on puisse procéder à l'adoption du principe du projet de loi modifiant certaines dispositions législatives en matière de relations du travail.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Portneuf et whip de l'Opposition.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci. C'est avec beaucoup d'intérêt que nous prenons acte de l'intervention du ministre. Je m'attendais -compte tenu des circonstances et je pourrai y revenir tout à l'heure - que le ministre soit un peu plus éloquent en regard de certains décrets, notamment de celui de l'industrie de la coiffure. J'espérais, avant qu'il arrive, que son retard était dû à sa préparation en rapport avec ce dossier ou encore je présumais qu'il était en train de rappeler à l'ordre Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu

pour les gestes administratifs qu'elle venait de poser. Tel ne semble pas être le cas. Je profiterai de ces quelques minutes qui me sont allouées pour tenter de sensibiliser le ministre à cet égard. (15 h 30)

Le projet de loi 11 est davantage un projet de loi de la surtechnique qu'une loi portant sur des principes fondamentaux ou des principes importants en matière de relations du travail. Comme l'a indiqué le ministre, ce projet de loi prévoit des modifications au Code du travail en regard des services essentiels et du Conseil des services essentiels. Comme on le sait, ce conseil est formé d'un certain nombre de membres. Le projet de loi prévoit qu'à compter de son adoption, un président, un des membres actuels pourrait être désigné comme vice-président, qui pourra agir d'office pour prendre fait et cause et remplacer, au besoin, le président actuel, compte tenu des dispositions de la loi qui risquaient, dans le cas de l'incapacité d'agir du président à cause de maladie ou autrement, de mettre en péril finalement l'objectif pour lequel un tel conseil a été créé et le paralyser de façon indue.

Cette disposition aura aussi l'avantage de prévoir et de permettre, comme le disait le ministre, que le conseil puisse siéger à deux endroits en même temps, auquel cas le président et le vice-président pourront agir simultanément. Pas de problème, nous sommes d'accord avec ces dispositions qui ne sont, de toute façon, que de nature technique.

Le projet de loi mentionne aussi des modifications aux avis et au dépôt de tels avis ou encore à la publication des avis donnés par le conseil, ce qui viendra faire en sorte qu'une économie appréciable de quelque 130 000 $ soit réalisée. Par contre, cet avis étant déposé seulement auprès des parties, cela nous amène à la question suivante: Comment de tels avis seront-ils rendus publics? Comment les députés, comment ceux ou celles qui sont concernés ou intéressés par la publication, ou le contenu de tels avis plutôt, seront-ils informés de leur contenu et de leur impact, etc., et dans quel délai? Le ministre devrait y revenir, d'une part.

D'autre part, la publication de tels avis ne devrait pas se limiter au dépôt du rapport annuel ou du rapport que le conseil a à déposer. Les autres dispositions portent essentiellement sur la Loi sur les décrets de convention collective. Je dois vous exprimer ma surprise qu'à ce moment-ci, le ministre du Travail profite de ce projet de loi pour apporter des modifications qui apparaissent de prime abord assez mineures, mais ce sont quand même des modifications qui risquent de devenir substantielles, d'avoir un impact pour les entreprises, pour les travailleurs et travailleuses dont l'entreprise est régie par un décret tenant lieu de convention collective. Surpris pourquoi? Parce qu'on sait pertinemment que les décrets de convention collective, que cette situation de droit a évolué. On sait que la loi a été adoptée il y a 50 ans. D'ailleurs, le 50e anniversaire était fêté à Montréal il y a quelques semaines. On sait que les objectifs pour lesquels cette loi a été adoptée en 1984 ne sont plus nécessairement les mêmes aujourd'hui. La conjoncture n'est pas la même, la conjoncture économique, la conjoncture de représentation. Le droit pour un travailleur de négocier ses propres conditions, d'être représenté par un syndicat, cela a beaucoup évolué depuis plusieurs années. Le gouvernement avait d'ailleurs annoncé en 1983, si ma mémoire est fidèle, qu'il entreprenait un processus de consultation et de réflexion qui devait conduire à une réforme significative, mais nécessaire aussi de cette loi.

La commission Beaudry a reçu comme mandat de se pencher sur cet aspect de l'établissement de nos conditions de travail au Québec. On sait que la commission terminera ses consultations d'ici à quelques semaines. Nous sommes donc en droit de présumer et de croire que le gouvernement prendra connaissance de recommandations formelles dûment écrites et motivées en regard de l'application de cette loi. Le gouvernement aurait donc pu facilement attendre la réforme globale avant d'arriver avec des modifications comme celles-là. Quoi qu'il en soit, c'est le choix du gouvernement, il faut vivre avec; il a encore la majorité.

Les dispositions de la présente loi viennent donc permettre qu'un travailleur qui évolue dans le cadre d'un stage en milieu de travail, dans le cadre d'un stage professionnel puisse être couvert par une telle loi, malgré qu'il ne soit pas rémunéré. Pour cela, aucune objection! Le principe est tout à fait défendable.

Des dispositions particulières s'appliquent dans le cas de cession d'une entreprise, à savoir que le nouvel employeur sera soumis aux mêmes conditions, aux mêmes règles et aux mêmes exigences que l'ancien. C'est tout à fait légitime, c'est intéressant. On aura l'occasion d'y revenir plus spécifiquement en commission parlementaire.

Là où je m'interroge, c'est sur la raison de prolonger la période de prescription de six mois à un an. Le ministre nous dit que c'est pour être conforme à la Loi sur les normes du travail. Encore une fois, on aura l'occasion d'y revenir en commission parlementaire. Â ma connaissance, il faudrait voir jusqu'où cette prescription limitée à six mois a pu avoir des impacts sur l'application des décrets et en quoi les comités paritaires ont été brimés ou ont été affectés dans le droit qu'ils ont d'entreprendre des procédures pour représenter et défendre les intérêts d'un

travailleur.

Le projet de loi prévoit de plus la procédure en vertu de laquelle le ministre pourra nommer un liquidateur ou un administrateur à la place d'un comité paritaire dans une région et dans un domaine donné. Le ministre nous annonce des dispositions particulières visant les cas de congédiement d'un travailleur ou d'une travailleuse pour avoir eu recours, s'être prévalu des conditions ou des droits qui lui appartenaient en vertu du décret. On regardera cela en commission parlementaire. De prime abord, c'est intéressant.

Enfin, vous augmentez les montants des amendes, qui étaient devenus véritablement désuets. La question que je poserai au ministre, c'est: dans combien de cas les amendes sont-elles versées au comité paritaire et a-t-il eu l'occasion d'analyser l'effet que cela aurait que de telles amendes ne soient pas versées au comité paritaire comme tel?

Voilà l'essentiel des commentaires que j'avais à faire. C'est un projet de loi de nature surtout technique. Nous aurons l'occasion de revenir en commission parlementaire, mais là où je suis vraiment surpris, c'est que le ministre du Travail n'aborde pas, à ce moment-ci, la question de la coiffure, très probablement parce qu'il n'a pas eu l'occasion de contacter son bureau de comté ou encore son cabinet, depuis quelques heures. Chacun des bureaux de député reçoit actuellement à tous les dix minutes, ou à peu près, des télégrammes, des communications de gens qui oeuvrent dans le monde de la coiffure et qui sont franchement inquiets des dispositions qui ont été annoncées par Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Pour faire d'une longue histoire une histoire courte, on va aborder, si vous voulez, dans les dernières minutes que j'ai, la question du décret dans l'industrie de la coiffure et du statut du coiffeur. On sait qu'à plusieurs reprises, depuis déjà un an, le ministre a été sensibilisé à ces problèmes et cela, c'est dans le sujet. C'est un décret. Mes collègues et moi-même avons eu l'occasion de sensibiliser le ministre du Travail aux problèmes de cette industrie, aux problèmes vécus par les travailleurs, par les entreprises, par les régions. Essentiellement, la Loi de l'industrie de la coiffure est normalement régie par un règlement qui s'appelle le statut du coiffeur. Ce statut du coiffeur constitue une application générale universelle et constitue la partie première des décrets qui s'appliquent dans certaines régions du Québec. Les problèmes dans l'industrie de la coiffure jusqu'à maintenant étaient le résultat d'une loi ou d'une réglementation qui était devenue vieillotte, caduque et inutile dans plusieurs des cas. Qu'il me suffise de vous référer à toute l'ambiguïté entourant le statut du coiffeur pour hommes par rapport au statut du coiffeur pour dames, les limites et les juridictions de chacun de ces métiers. (15 h 40)

À cet égard, on se rappellera, avec l'évolution des temps, de la mode et des moeurs, que depuis quelques années, des problèmes juridiques ont été soulevés comme suite du voeu ou du désir de personnes de se faire coiffer, soit dans un salon de coiffure pour hommes, soit dans un salon de coiffure pour dames. Des poursuites ont été entreprises et cela a amené la problématique du caractère sexuel de la coiffure au Québec, le fameux problème du sexe des têtes. Il s'ensuivit d'autres problèmes à la suite d'un statut de la coiffure qui est mal défini, des problèmes en regard de la formation, de l'apprentissage. Un des problèmes particuliers de cette industrie, c'est qu'on doit constater que trop souvent, les gens ont choisi ce métier pour ne pas choisir d'autre chose, sans plus d'intérêt, sans plus de motivation et c'est, entre autres, ce qui explique que trop souvent, malheureusement, des gens qui accèdent à cette industrie y demeurent très peu de temps. C'est un aspect important en regard de la formation et de l'apprentissage.

Il y a toute la question des heures d'affaires. J'ai eu l'occasion dans une procédure de récente date de demander au ministre de s'assurer que les heures d'affaires soient modifiées pour permettre que cette industrie observe les mêmes heures que les établissements commerciaux au Québec, soit du lundi au samedi. Or, nous avons inscrit une procédure qui devait être débattue ici, soit à l'interpellation du ministre, à la mi-novembre, le 23 novembre, si ma mémoire est fidèle. Le ministre du Travail a été dans l'incapacité d'agir. C'était explicable et on a accepté que cette interpellation soit reportée au 7 décembre, vendredi dernier.

Vendredi dernier, ce que notre groupe politique a demandé au ministre du Travail, c'est de modifier le statut de la coiffure pour créer, permettre et légaliser les salons dits unisexes, c'est-à-dire qu'un homme puisse se faire coiffer ou se faire couper les cheveux dans le salon de son choix et la même chose pour une femme. Sur ce, nous étions d'accord. La ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu l'a annoncé lundi. Parfait. C'est réglé. Nous sommes d'accord.

Par contre, il y a un élément qu'on a demandé et vous avez fait exactement le contraire. C'est qu'on a demandé au gouvernement, par l'interpellation qu'on a faite, de s'assurer que le contrôle de la profession ou le contrôle du métier s'appuie davantage sur la qualification que sur une réglementation. Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de

la Sécurité du revenu a annoncé lundi qu'elle venait d'ouvrir les portes, qu'elle modifiait substantiellement les conditions permettant à une personne de parfaire son apprentissage, qu'elle permettait aux jeunes finissants d'ouvrir leur salon de coiffure, etc. Qu'est-ce que le gouvernement du Québec s'apprête à faire concernant la formation de ces gens, concernant le contrôle de leur apprentissage, concernant la qualification, concernant le professionnalisme qu'ils doivent démontrer et prouver dans l'exercice de leur métier? Il y a beaucoup d'inquiétude actuellement vécue et durement ressentie. Il serait urgent, premièrement, que le ministre du Travail et Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu se parlent. Deuxièmement, qu'ils échangent entre eux. Troisièmement, qu'ils se comprennent pour avoir une attitude claire, nette et précise de façon à sécuriser tout le monde et de façon à ne pas mettre de côté toute la notion de formation et d'apprentissage.

Voilà l'essentiel des commentaires et des propos que j'avais à tenir. Je comprends que j'aborde un aspect particulier, un décret particulier. Le moment était bien choisi pour le faire, compte tenu des nombreux contacts et des inquiétudes qu'on a dans le milieu.

J'aurais aimé parler, évidemment, de la juridiction concernant certains décrets parce qu'on sait qu'un des aspects de la problématique de la mise en vigueur de cette loi, c'est qu'on a des décrets qui s'appliquent dans certaines régions seulement, la primauté d'un décret par rapport à une convention collective à l'intérieur d'une entreprise. Là-dessus, on a des cas patents, des cas aigus et des cas criants, devrais-je dire, qui doivent être réglés en rapport avec la réforme globale que le ministre nous annonce.

Une chose est certaine. Aujourd'hui, le propos est peut-être bref, mais dans les délais qu'on espère les plus immédiats, nous aurons l'occasion d'avoir un véritable débat de fond où plus de députés pourront être mis à contribution sur cette fameuse Loi sur les décrets de convention collective.

C'était l'essentiel du propos que j'avais à tenir. On attend la réplique du ministre. On sera en commission parlementaire avec des questions beaucoup plus spécifiques et beaucoup plus précises. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, comme on l'a souligné, le projet de loi 11 est un projet de loi technique qui apporte des amendements relativement mineurs aux lois du Code du travail et à la Loi sur les décrets de convention collective. Je ne pense pas qu'on puisse avoir d'objections aux amendements qui nous sont apportés par le projet de loi 11 puisque c'est, toutes proportions gardées, relativement mineur par rapport à l'importance des lois en cause.

Je voudrais, cependant, profiter de l'occasion pour passer un commentaire sur ce type de lois et la forme qu'elles prennent lorsqu'elles sont déposées devant les parlementaires, des lois qui corrigent des lois déjà existantes. Je dois vous indiquer, M. le Président, que la lecture de ce type de projets de loi pour des parlementaires est assez compliquée et qu'il faudrait probablement songer, dans un avenir prochain, à nous présenter ce type de projets de loi, des projets d'amendement, de façon différente - ce à quoi on fait référence, c'est aux articles des lois existantes - en nous indiquant les modifications qu'on veut y apporter sous forme d'amendements, comme on le fait en commission parlementaire. En commission parlementaire, la différence essentielle est qu'on a le projet de loi initial devant nous.

Comment voulez-vous qu'un parlementaire puisse décemment étudier un projet de loi ou voir la portée ou les conséquences de l'ensemble des amendements qui lui sont proposés quand ces projets de loi sont présentés sous cette forme? Je pense qu'il y aurait avantage à ce qu'à l'avenir - je le dis au moment de ce projet de loi, mais j'aurais pu le dire pour à peu près l'essentiel des projets de loi qui ont été déposés devant nous pour le mois de décembre et qui sont, pour la plupart, tous des projets d'amendement aux lois actuelles. Cela aurait pu nous être présenté avec le texte qu'on veut modifier, la proposition d'amendement, de sorte qu'on puisse savoir exactement, sans avoir besoin d'aller fouiller l'ensemble des lois, qu'on puisse avoir devant les yeux le portrait complet de la situation.

Je n'entends pas revenir sur toutes les questions qu'a soulevées le député de Portneuf, le sexe des cheveux a été abondamment traité par le député de Portneuf. Je vois d'ailleurs que le secrétaire de la commission s'intéresse peu à la question de ce décret de la coiffure et pour des raisons qu'on connaît. Le député de Portneuf a souligné, en ce qui a trait à la Loi sur les décrets, au moins un aspect qui me semble important: la prépondérance des décrets par rapport aux conventions collectives. On sait que plusieurs mesures ont été prises dans le Code du travail pour empêcher les associations de gré à gré, ce qu'on appelle les syndicats de boutique, ce type d'associations convenant souvent avec l'employeur de conventions collectives inférieures aux décrets. Il n'est pas clair que la portée des décrets dans ces conditions prévale sur des conventions collectives qui peuvent exister. Je pense que c'est une

question qu'on pourrait régler. Je ne sais pas si on doit profiter du projet de loi 11 pour le faire, mais il me semble que c'est quelque chose sur lequel il faudrait légiférer le plus rapidement possible.

En tout état de cause, je voudrais apporter mon appui au projet de loi 11 tel quel, souligner cependant que je suis fort étonné que le ministre n'ait pas profité de l'occasion qu'on avait d'apporter des amendements au Code du travail pour en apporter un qui me semblait indiqué dans les circonstances. On se souviendra qu'au moment où nous avons adopté dans cette Chambre le projet de loi 45, qui modifiait le Code du travail aussi, qui apportait des correctifs au Code du travail, une des mesures de la loi 45 avait pour effet d'imposer aux organisations syndicales, à la fois pour l'adoption d'une convention collective comme pour le vote de grève, de leur imposer un scrutin secret, de leur imposer le vote à scrutin secret.

On se souviendra qu'à l'époque où ces amendements au Code du travail nous avaient été présentés, le ministre du Travail du temps, l'actuel dauphin du gouvernement, nous présentait cette mesure comme étant une mesure de démocratie ultime, une condition essentielle qu'il nous fallait respecter si on voulait que la démocratie s'exerce en milieu syndical. J'aurais pensé, compte tenu des circonstances, compte tenu du fait surtout qu'on apprend aujourd'hui que le gouvernement du Parti québécois, qui s'en va en congrès le 19 janvier prochain sur une question fondamentale, va amener ses membres à voter à main levée. J'aurais pensé que le ministre du Travail aurait modifié le Code du travail pour au moins donner aux organisations syndicales, en toute équité, le même traitement qu'il va appliquer dans ses propres instances. (15 h 50)

Est-ce que la démocratie est différente en milieu syndical et dans un mouvement politique? Est-ce que les conditions qui existaient pour obliger les organisations syndicales à tenir un vote à scrutin secret, au moment de l'adoption d'une convention collective ou d'un vote de grève, ne sont pas aussi valables lorsqu'on se présente au congrès du Parti québécois?

On sait que l'attaché politique du ministre de l'époque, qui est maintenant un employé du parti, nous a dit que cette procédure qu'on allait utiliser était tout à fait conforme aux statuts et règlements du Parti québécois. Je veux bien que ça soit conforme aux statuts et règlements, mais je me dis: Comment se fait-il qu'un parti si hautement démocratique, si visible, si transparent, n'applique pas aux autres, dans les projets de loi qu'il nous présente, ce qu'il considère valable et bon pour lui? À moins -je terminerai là-dessus - que ce que l'on veuille faire, le 19 janvier prochain, c'est d'imposer un vote obligatoire parce qu'on va les faire voter à main levée. Souvenons-nous de tous les arguments qu'on a utilisés pour imposer le vote à scrutin secret dans les organisations syndicales.

M. le Président, je dis que c'est un ou l'autre. Ou bien on profite du projet de loi 11 pour modifier à nouveau le Code du travail et laisser les organisations syndicales décider de la façon dont elles voteront l'adoption de leurs conventions collectives et les votes de grève selon leurs règlements et leurs statuts, ou encore on amène le gouvernement, par décence, par obligation morale, à procéder de la même façon lorsqu'il se présentera à son congrès.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail, votre droit de réplique.

M. Raynald Fréchette (réplique)

M. Fréchette: M. le Président, ce n'est pas, à proprement parler, un droit de réplique que j'exercerai parce que je ne veux vous donner que deux ou trois commentaires à la suite des interventions que nous avons entendues.

Un premier commentaire pour, peut-être, me permettre de dissiper une ambiguïté qui aurait pu se glisser dans mes remarques principales, lorsque j'ai fait référence à l'obligation qu'a le Conseil des services essentiels de donner un avis à des parties qui ont été assujetties par décret gouvernemental à la loi sur les services essentiels.

J'ai indiqué que le projet de loi 11 prévoyait qu'il ne serait plus nécessaire de procéder par avis dans les journaux régionaux du domicile ou des endroits où se trouvent les associations patronales ou syndicales.

Je voudrais être clair là-dessus. Je n'ai pas indiqué que la loi prévoyait que nous allions abandonner la publication de l'avis à la Gazette officielle, qui va continuer d'être obligatoire. Quant aux parties elles-mêmes elles seront convoquées par le Conseil des services essentiels de la façon qu'il l'a fait, d'ailleurs, depuis qu'il existe.

Un mot seulement sur les observations du député de Portneuf quant au dossier de la coiffure. Je voudrais essentiellement lui dire que l'occasion était peut-être choisie pour discuter du dossier, mais le député de Portneuf va aussi convenir que ce n'est pas à l'intérieur d'un projet de loi comme celui que nous sommes en train d'étudier que nous pouvons procéder à des modifications aux différentes réglementations ou lois auxquelles il se réfère. Qu'on en parle, ça peut aller, mais convenons encore une fois que le projet de loi 11, ce n'est pas le moyen qui devrait être utilisé pour atteindre les objectifs dont il nous parle. D'ailleurs, il s'est lui-même

référé à cet exercice de l'interpellation que nous avons tenu ensemble vendredi matin, au cours duquel le député de Portneuf a, d'une façon très claire, très précise, fait part de ses préoccupations autant en rapport avec le statut du coiffeur qu'en rapport avec certaines autres préoccupations qui procèdent des mêmes mécanismes réglementaires ou législatifs.

Ce que j'ai dit, vendredi, au député de Portneuf et ce qui demeure vrai, c'est que le mandat avait été donné, dès après cette interpellation de vendredi matin, pour que chacun des points soulevés par le député de Portneuf soit examiné par les personnes responsables du service des décrets et que d'ici à l'ajournement des fêtes, nous puissions arriver à évaluer s'il y a lieu de faire un certain bout de chemin quant à l'un ou l'autre des aspects qu'a soulevés le député de Portneuf.

En terminant, M. le Président, permettez-moi de signaler mon étonnement quant à une des observations du député de Portneuf à la suite de l'annonce faite par Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui rendait publique cette décision en vertu de laquelle la réglementation, à certains égards, disparaîtrait. Ce dont je m'étonne, c'est de constater que le député de Portneuf n'a pas l'air d'être satisfait de cet aspect de la décision qui a été annoncée. Il nous met en garde contre le goût, la tentation ou le désir de trop déréglementer en cette matière alors que, lorsqu'on parle du règlement de placement, par exemple, il nous dit: Vous devriez, à toutes fins utiles, faire sauter le règlement de placement et qu'on ne soit plus d'aucune espèce de façon soumis ou contraints à respecter les dispositions qu'on retrouve à l'intérieur de cette réglementation. Je ne fais que constater, encore une fois, mon étonnement devant des positions qui, à première vue en tout cas, m'apparaissent tout à fait et fondamentalement contradictoires.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de loi 11, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de relations du travail, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Blouin: M. le Président, je propose donc que ce projet de loi soit envoyé à la commission de l'économie et du travail qui procédera à son étude détaillée. Je signale également que cette commission sera présidée par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de renvoi est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais de suspendre les travaux pendant deux minutes le temps que mon collègue, le leader de l'Opposition officielle, puisse venir à l'Assemblée nationale.

M. Gratton: Le voilà.

Convocation d'une conférence des leaders

M. Bertrand: D'accord. Alors, nous ne suspendrons pas nos travaux, M. le Président.

M. le Président, conformément à l'article 242 de notre règlement qui se lit de la façon suivante: "Le leader du gouvernement peut demander au Président de convoquer les leaders des groupes parlementaires pour qu'ils s'entendent sur le moment où le rapport de la commission devrait être déposé à l'Assemblée. Le Président fait part à l'Assemblée s'il y a eu ou non accord des leaders." Sur la base de cet article de notre règlement, je vous demanderais de convoquer une conférence des leaders pour 16 heures.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je veux bien qu'on se réunisse à votre invitation, mais encore faudrait-il qu'on me donne au moins cinq minutes pour consulter le porte-parole en matière d'éducation - puisque je présume que c'est de cela qu'on discutera à la réunion - pour savoir au moins ce qui s'est passé en commission parlementaire.

Le Président: 16 h 5, est-ce une heure convenable?

M. Gratton: On pourrait dire 16 h 15. Le Président: 16 h 15, à mon bureau. M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Sur une question de règlement, M. le Président. Peu de temps avant l'arrivée du leader du gouvernement, le leader adjoint a donné avis que le projet de loi 11 qui venait d'être adopté en deuxième lecture soit déféré à la commission parle-

mentaire de l'économie et du travail et que cette étude en commission parlementaire puisse se faire avec un président de séance. Jusqu'à nouvel ordre, j'avais compris que la commission de l'économie et du travail pouvait siéger à partir d'un consentement unanime des membres de la Chambre sur le projet de loi 42, mais je n'avais pas compris qu'il y avait eu de consentement qui dépassait le projet de loi 42. Vous savez à quoi je fais référence. La commission de l'économie et du travail, pour siéger doit procéder à l'élection d'un président, lequel fait la demande pour un président de séance. (16 heures)

Comme on voulait étudier la loi 42, on avait consenti à ce que la loi 42 soit quand même traitée en commission parlementaire avec la participation d'un président de séance. Je n'avais pas compris que, de ce fait, on autorisait la commission de l'économie et du travail à étudier l'ensemble des projets de loi. Je me demande si cela ne prendrait pas un consentement unanime des membres de la Chambre à chacune des occasions qu'on aura de faire siéger la commission de l'économie et du travail?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Effectivement, les propos que vient de tenir le député de Sainte-Marie reflètent la réalité. Il y avait entente à l'Assemblée nationale pour qu'en l'absence d'une procédure d'élection du nouveau ou de la nouvelle présidente de la commission de l'économie et du travail, nous puissions tout de même procéder à l'étude détaillée, à l'analyse détaillée du projet de loi 42. Il est clair que dans les circonstances, indépendamment de la motion de déférence qui vient d'être faite par le leader adjoint du gouvernement, je devrai, à la fois, consulter le leader de l'Opposition et les députés indépendants pour m'assurer que nous puissions, dans toute la mesure du possible, recréer les mêmes conditions pour l'adoption de ces projets de loi.

Le Président: J'attire l'attention des députés sur le procès-verbal de la séance du 14 novembre. Il est bien dit: Du consentement unanime de l'Assemblée et sur la motion de M. Bertrand, le projet de loi 42 est envoyé pour étude détaillée à la commission permanente de l'économie et du travail. La charge de président de la commission devant être assumée par le vice-président, malgré l'article 131 des règles de procédure, et ce uniquement pour la durée de l'étude de ce projet de loi. En effet, pour que la commission puisse siéger de nouveau... On m'avait demandé, si ma mémoire est bonne, une directive à ce sujet que je n'ai jamais rendue pour l'excellente raison qu'il y a eu un consentement pour faire siéger la commission sur le projet de loi 42.

Le problème se pose à nouveau pour tout autre projet de loi. Je laisse le soin au leader et aux députés indépendants de s'entendre entre eux. À défaut de quoi, il faudra bien que je statue sur la demande de directive qui m'avait été faite. Cela étant dit... 16 h 15 à mon bureau? Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Nous allons parler de valeurs mobilières. À cet égard, je vous demande d'appeler l'article 6 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 7 Adoption du principe

Le Président: Nous commençons donc le débat sur le principe du projet de loi 7, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières. Je cède la parole au ministre des Finances.

M. Yves Duhaime

M. Duhaime: Nous entreprenons aujourd'hui le débat pour l'adoption du principe du projet de loi 7, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières. La première chose que je voudrais mentionner devant l'Assemblée est que je ne m'attendais pas à devoir piloter cette loi au cours du mois de décembre et que c'est dans des circonstances où le facteur temps doit être pris en considération que je m'adresse aujourd'hui à l'Assemblée nationale.

Depuis les derniers jours, j'ai eu l'occasion de prendre connaissance de ce projet de loi, de discuter avec le président de la Commission des valeurs mobilières, de même qu'avec le président de la Bourse de Montréal et, par ailleurs, les hauts fonctionnaires de mon ministère sont en contact presque quotidien avec l'Association des banquiers canadiens de même qu'avec l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières.

Je voudrais également remercier mes collègues de l'Opposition qui, je crois, mettent très franchement l'épaule à la roue pour que l'on puisse - et c'est mon intention - avancer nos travaux aujourd'hui et procéder ensuite à l'étude article par article et, dans la mesure où on pourra concilier ce qui nous apparaît aujourd'hui comme étant encore certains points de divergence, faire adopter cette loi en troisième lecture avant l'ajournement des fêtes. C'est peut-être un défi de taille, mais je pense que ce n'est pas impossible. On peut d'ores et déjà cerner là où se retrouvent les points de divergence, mais cette loi m'apparaît... Elle est importante, bien sûr. Ce n'est pas. une pièce législative de second ordre. Au contraire,

c'est une loi majeure. Notre milieu financier au Québec et, en particulier celui de Montréal, a besoin de cette loi.

Vous me permettrez, M. le Président, de souligner quelques données de fond ou encore la trame de fond sur laquelle doivent s'inscrire ces modifications qu'on apporterait à la Loi sur les valeurs mobilières. Pendant de très longues années, on parlait d'espace économique restreint et, par voie de conséquence, d'espace commercial restreint. Aujourd'hui, avec les ententes internationales signées lors des dernières négociations du GATT, en particulier à Genève, qui suivaient le Kennedy Round et le Tokyo Round, il faut reconnaître une chose, que l'économie continentale nord-américaine est en train de s'intégrer de plus en plus. S'il est une donnée fondamentale, c'est de le reconnaître. Ces accords internationaux qui lient le Canada et les États-Unis sont signés et, par voie de conséquence, le Québec en fait partie.

Au 1er janvier 1988, les biens et les services produits en Amérique du Nord pourront circuler sans droit de douane, sans contingentement, sans barrière douanière. Environ 10% des biens et des services seront affectés d'un droit quelconque. C'est dans ce sens que nos entreprises, nos compagnies, nos maisons d'affaires qui ont besoin des marchés financiers et qui ont accès quotidiennement à des marchés financiers, doivent être en mesure de le faire sans être pénalisées. C'est dans ce sens que s'inscrit la démarche que nous proposons à l'Assemblée nationale aujourd'hui par une série d'amendements: faire en sorte que le marché financier de Montréal soit de plus en plus efficace, de plus en plus concurrentiel, de plus en plus moderne et tourné vers l'avenir. Tout récemment, cela remonte à un an ou deux, on parle de plus en plus de faire de Montréal un grand centre bancaire international, un grand centre financier international. Je voudrais dire aujourd'hui que non seulement je suis parfaitement d'accord avec cette approche, mais nous mettrons tout en oeuvre pour soutenir cette démarche.

M. le Président, le projet de loi n'est pas très long ni très compliqué. 11 comporte 66 articles dont un bloc majeur qui est la refonte complète du titre IV portant sur les offres publiques; vous le retrouvez dans la loi aux articles 110 à 147.23.

Il y a bien sûr d'autres modifications. Il faut se rappeler aussi que les autres modifications devraient normalement nous indiquer une volonté d'aller vers une meilleure harmonisation avec d'autres marchés financiers avec qui nous sommes en concurrence et devraient aussi souligner la volonté du gouvernement de voir déréglementer de façon efficace ce qui pourrait nous apparaître comme étant des entraves inutiles à la liberté de faire commerce sur le marché des valeurs mobilières. Si nous avons connu autant d'effervescence sur le marché de Montréal depuis les dernières années, sans que l'on veuille prendre tout le crédit, il faut souligner que la création de toute pièce d'un Régime d'épargne-actions par notre gouvernement a été un facteur très important des effervescences que nous avons connues sur le marché de Montréal d'une façon plus soulignée durant les mois de fin d'année. (16 h 10)

Le Régime d'épargne-actions, c'est une chose. Il y a aussi les actions accréditives qui constituent un marché intéressant, également les sociétés en commandite qui ont vu élargir leur part sur ce marché. C'est donc dire, M. le Président, que ce projet de loi qui, pour certains, pourrait paraître venir très rapidement puisque c'est en 1982, au mois de décembre, à peu près jour pour jour, il y a deux ans, que l'Assemblée nationale avait voté une nouvelle Loi sur les valeurs mobilières, mais j'ai toujours pensé aussi que, dans les lois que nous votions ici à l'Assemblée nationale, il nous fallait avoir des lois qui puissent résister solidement à l'épreuve du temps. Je n'ai pas eu le temps de relire la transcription du Journal des débats de décembre 1982, mais la nouvelle Loi sur les valeurs mobilières, qui existe maintenant depuis deux ans, mérite d'être révisée et en particulier sur l'aspect des offres publiques.

Je dois dire qu'en ce qui concerne la réglementation des offres publiques, il faut souligner que la Commission des valeurs mobilières du Québec a fait un travail efficace, un long travail, un méticuleux travail de consultation et de pourparlers avec les autres commissions de valeurs mobilières, qui ont des pouvoirs de réglementation sur d'autres marchés financiers au Canada, en particulier, mais je sais aussi que des consultations ont été faites avec les marchés financiers américains et, dans le domaine des offres publiques, donc, d'opérations qui se limitent très rarement à notre seul territoire, il est souhaitable que nous visions, sinon une harmonisation totale, du moins une uniformité dans la réglementation aussi bien pour les porteurs de la société visée par l'offre publique que pour l'initiateur qui fait l'offre. En effet, le manque d'uniformité dans la réglementation des offres publiques risque d'inciter l'initiateur à ne pas faire l'offre sur certains marchés de manière que les porteurs qui oeuvrent sur ces marchés soient laissés pour compte et cela pourrait être le cas pour le Québec d'une façon particulière. Quant à l'initiateur, l'uniformité lui facilitera les choses puisqu'il n'aura pas à prendre en compte cinq, dix, huit réglementations distinctes et, de ce côté-là, c'est une nette amélioration que nous visons.

Nous espérons, bien sûr, que les commissions des valeurs mobilières, en particulier celle de l'Ontario qui a travaillé étroitement avec la Commission des valeurs mobilières de Québec... La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario doit faire des représentations au gouvernement ontarien pour que l'harmonisation vienne à jour presque en parallèle, sinon simultanément.

Il convient ici de souligner le rôle important qu'a joué le Québec dans l'élaboration de cette réglementation uniforme. Ce sont les innovations qui ont été introduites ici dans notre propre loi, en 1982, qui ont amorcé la remise en cause de la réglementation des offres publiques dans l'ensemble canadien. La réflexion a été alimentée par deux études, le rapport d'un comité d'experts ontariens et le mémoire présenté par un comité formé par les professionnels des valeurs mobilières au Canada. Ce comité était présidé par M. Pierre Lortie, président de la Bourse de Montréal. Donc, les Commissions des valeurs mobilières du Québec, de l'Ontario, de l'Alberta, de la Colombie britannique se sont réunies à de très nombreuses reprises et ont mis au point une certaine formule de réciprocité. Elles ont mis au point une réglementation des offres publiques que nous retrouvons ici, dans le projet de loi. Chacune des commissions s'est engagée - je le disais tout à l'heure - à entreprendre des démarches auprès de leur gouvernement respectif et je sais qu'un projet de loi similaire, du moins pour la partie concernant les offres publiques, est actuellement en instance devant l'Assemblée législative à Toronto.

Pour ce qui touche maintenant aux autres modifications, ce n'est pas parce que nous avions attendu presque 30 ans avant de modifier, il y a deux ans, la Loi sur les valeurs mobilières qu'il nous faudrait encore laisser passer dix ans, quinze ans ou vingt ans avant d'apporter les modifications diverses que vous retrouvez en particulier à partir des articles 37 jusqu'à la fin et dans les 35 premiers. Nous voulons tenir à jour cette loi, nous assurer que nous pourrons suivre l'évolution du marché financier, en particulier à Montréal, afin que nos hommes d'affaires et nos chefs d'entreprise puissent bénéficier au maximum de l'accès au marché des valeurs mobilières.

Quelques mots pour ce qui est de la réglementation des offres publiques. Le comité d'experts ontariens nous avait proposé d'abaisser à 10% les droits de vote, le seuil à partir duquel une offre publique devient obligatoire. C'était la solution déjà retenue dans le projet de loi. 176, présenté à la Législature de l'Ontario en 1982 mais qui ne fut jamais adopté. C'est aussi sensiblement la même chose qui avait été retenue dans la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes. Au contraire, le mémoire du comité, dirigé par M. Lortie, de la Bourse de Montréal, préconisait le maintien de ce seuil à 20% tout en introduisant une déclaration à 10%.

En fin de compte et après consultation, les commissions se sont entendues sur une formule de compromis qui est la suivante: si le seuil est maintenu à 20%, il est néanmoins abaissé puisqu'il n'est plus défini par rapport à l'ensemble des titres comportant le droit de vote, mais par rapport à l'ensemble des titres de la catégorie comme dans la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes. D'autre part, la proposition d'une déclaration au moment où elle franchit le seuil de 10%, faite par le comité Lortie, a été retenue.

En ce qui concerne la dispense pour les cessions de blocs, les autres marchés financiers, les autres commissions immobilières au Canada se sont ralliées à la proposition du Québec. Au lieu du mécanisme de l'offre ultérieure, si vous aimez mieux, le "follow-up offer", qu'on trouve dans la loi ontarienne, les cessions de blocs faites par un nombre restreint de porteurs ne donnent pas lieu à une offre publique dans la mesure où l'on respecte une marge de variation de 15% par rapport au cours du marché.

La seule modification à intervenir dans le domaine consiste en une diminution du nombre de personnes de qui on peut acquérir des titres sous le régime de cette dispense. De 14 dans la loi actuelle, ce nombre passerait à 5 dans les modifications que contient le projet de loi. En outre, deux nouvelles dispenses sont proposées: l'une dans le cas d'une offre qui s'adresse surtout à des porteurs non québécois et l'autre dans le cas d'une offre portant sur les titres d'une société comportant un nombre restreint d'actionnaires. Sous réserve des dispenses, la procédure de l'offre publique prévue par la loi s'appliquerait dès lors que l'initiateur compte acquérir des titres d'au moins un porteur rattaché au Québec. L'offre lierait donc l'initiateur à l'égard de tous les porteurs de titres de la catégorie visée par l'offre pour autant qu'il réside au Québec, soit d'après l'adresse inscrite dans les registres de la société visée, soit dans les faits.

Cependant, l'obligation de transmettre l'offre serait limitée, dans le cas de porteurs non inscrits dans les registres, à ceux qui en font la demande. Cette mesure permettra au porteur québécois dont les titres sont inscrits au nom d'un courtier qui réside à l'extérieur du Québec de bénéficier de toute offre faite au Québec. Un point important est celui de la durée minimale de la période de réflexion laissée au porteur de titres de la société visée, qui serait portée de dix jours à vingt et un jours. Cette extension paraît nécessaire pour assurer que, dans tous les

cas, les porteurs aient le temps de considérer les documents d'information établis à leur intention par le conseil d'administration de la société visée. En outre, le droit de révocation du dépôt des titres renaîtrait si l'initiateur, au terme de 45 jours, n'en a pas encore pris livraison.

Voilà, en quelques mots, pour ce qui est de l'essentiel des modifications au titre IV du projet de loi concernant les offres publiques. (16 h 20)

Quant aux autres modifications que contient le projet de loi, elles sont essentiellement orientées dans le sens d'une simplification de la réglementation. Même si cette affirmation ne paraît pas d'une évidence flamboyante à tous ceux qui ont parcouru le projet de loi, c'est l'intention du législateur de simplifier la réglementation. Par exemple, à la demande des professionnels, le projet de loi propose de donner une consécration législative à l'inscription en compte. Ceci est un changement majeur souhaité, voulu et important. Ce nouveau système permettra la cession ou le nantissement de titres par le jeu de virements dans les comptes tenus par une chambre de compensation. L'effet de ces opérations vis-à-vis des tiers sera mieux assuré si la technique repose sur un texte exprès ou explicite.

Le projet de loi propose également l'introduction du prospectus préalable, une innovation inspirée de la pratique américaine. Ce régime permet aux émetteurs importants, dont les titres sont largement diffusés, de faire viser le prospectus général de sorte qu'il leur suffira, au moment du placement, de déposer auprès de la Commission des valeurs mobilières un supplément ou une version mise à jour du prospectus préalable. Il est également proposé de scinder en deux la dispense de prospectus prévue à l'article 47 de la loi actuelle. Cette dispense serait maintenue telle quelle pour les capitaux de lancement puisqu'il s'agit de faciliter le financement d'une PME; au contraire, dans le cas des valeurs refuges, la dispense ne serait accordée qu'en contrepartie de l'établissement d'une notice d'offre fournissant aux épargnants l'information voulue pour prendre leur décision.

Un nouvel article supprime le bénéfice des dispenses de prospectus dans le cas du placement de titres par un émetteur qui contrevient à la loi ou par une personne qui a acquis ces titres dans le cadre d'un placement irrégulier. Cette mesure nous paraît nécessaire pour empêcher que des personnes qui sont dans une situation irrégulière ne profitent de dispenses qui sont automatiques.

Certaines valeurs placées sous le régime d'une dispense de prospectus sont admises à une dispense définitive de prospectus lorsqu'elles ont été conservées pendant un certain temps par la personne qui les a souscrites. À l'heure actuelle, ces délais sont de 6, 12 ou 18 mois, selon la qualité des titres en cause. Le projet de loi propose de faire disparaître le délai de 18 mois et de ne conserver que les délais de 6 mois et de 12 mois, ce qui constitue un assouplissement important par rapport aux règles en vigueur sur les autres marchés financiers au Canada.

Une autre innovation importante consiste en la faculté offerte à l'émetteur qui satisfait aux obligations d'information établies par une autre autorité législative d'être considéré ici comme un émetteur assujetti et, avec l'autorisation de la commission, de présenter un prospectus simplifié. Voilà une autre mesure de nature à inciter les émetteurs de l'extérieur du Québec à venir faire des placements sur notre propre marché financier.

Le projet de loi apporte des précisions importantes en matière d'utilisation d'information privilégiée. Pour réprimer efficacement l'exploitation de l'information privilégiée, il importe d'interdire non seulement les opérations sur les titres d'émetteur, mais aussi sur les titres reliés à d'autres émetteurs et celles sur les options ou sur les marchés à terme.

En terminant, je voudrais souligner que la Commission des valeurs mobilières du Québec a mis au point le titre IV quant aux offres publiques et je suis à peu près certain que les consultations qui ont été conduites par la Commission des valeurs mobilières du Québec avec leurs correspondants en Ontario, en Colombie britannique, en particulier, devraient connaître un suivi dans le sens que ces autres Parlements devraient être saisis de projets de loi qui iraient dans le même sens que ce que nous faisons ici.

Je voudrais, en terminant, dire un peu ce que j'indiquais à l'ouverture de ce débat. Je souhaite que, dans les jours qui viennent, nous puissions terminer les consultations entreprises. J'admets que les délais sont peut-être fort courts, le projet de loi a été déposé le 15 novembre, nous sommes aujourd'hui le 12 décembre. Pour des spécialistes des valeurs mobilières qui oeuvrent quotidiennement dans ce secteur des affaires, ce projet de loi ne devrait pas créer de mystère et je souhaiterais que dans les jours qui viennent - j'en fais l'ouverture, M. le Président - nous puissions tenter de voir avec ceux qui sont les plus directement visés par les amendements que comporte ce projet de loi, si nous pouvons faire un accord sur certains aspects du projet de loi qui m'apparaissent pour l'instant créer un problème. Par exemple, cette question de l'arbitrage obligatoire; l'aspect de l'ordre non sollicité et sa réglementation que vise le projet de loi; l'aspect de l'harmonisation des

délais de divulgation; certaines définitions que contient le projet de loi. Ce n'est pas là une liste exhaustive mais si l'Opposition, comme le gouvernement, souhaite que ce projet de loi soit adopté dans le courant de la semaine prochaine, je fais l'ouverture que nous pourrions tenir des rencontres, voir si on ne peut pas nous entendre d'abord entre nous, apporter les amendements nécessaires et, mon Dieu! si l'entente cordiale se fait, nous pourrions adopter le projet de loi avant Noël.

Ce que je dis c'est que si cette entente ne se fait pas avant Noël, je demanderais quand même à l'Opposition de voter avec nous sur le principe du projet de loi en deuxième lecture. Nous pourrions déférer ensuite le projet de loi en commission parlementaire, nous réunir entre députés et étudier le projet de loi article par article ou encore recevoir l'Association des banquiers canadiens, recevoir l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, la Bourse de Montréal. On fera ça en janvier ou en février. Il ne m'apparaît pas y avoir suffisamment de problèmes pour retarder de deux ou trois mois l'adoption de ce projet de loi.

Voilà ce que je voulais vous dire là-dessus, M. le Président. J'inviterais l'Assemblée à adopter le principe du projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, M. le Président. D'abord le ministre a parlé du lourd héritage qu'il vient de recevoir de son prédécesseur, M. Parizeau. On convient avec lui qu'il a raison. Il est à la fois obligé d'apprendre les finances publiques, l'économie où il y a toujours quelques petits pas à franchir et maintenant les institutions financières. Il a mis de côté le Vérificateur général, je pense, jusqu'aux calendes grecques comme son prédécesseur, mais il n'était pas capable d'échapper à sa responsabilité pour le projet de loi sur les valeurs mobilières.

Même s'il n'y a que 60 articles, je conviens avec lui que c'est un projet de loi qui est un peu compliqué et qu'on doit procéder avec beaucoup de précautions parce qu'il y a des sous impliqués pour beaucoup de Québécois.

Je dois lui dire d'abord que, comme lui, on a constaté que c'est une loi pour modifier la loi, pour la rendre plus conforme aux lois des autres provinces du Canada. Il ne faut jamais oublier que cette juridiction dans les valeurs mobilières c'est une juridiction provinciale, surtout pour qu'elle concorde avec celle de l'Ontario qui est notre plus grande concurrente.

Je pense que c'est sûr aussi que c'est l'aspect des offres publiques d'achat qui a attiré de loin le plus d'attention, parce que c'est à peu près pour la moitié du projet de loi.

Je pense que le ministre veut que le projet de loi soit adopté avant Noël et on est d'accord avec lui en principe. On doit essayer de le réaliser parce que je pense que ce sera bon pour le Québec. Quant à moi je suis prêt à collaborer avec le ministre jusqu'au bout parce qu'il m'a dit en privé, et aujourd'hui en public, son désir de rendre la Loi sur les valeurs mobilières la plus concurrentielle, la plus conforme possible avec celle de l'Ontario. (16 h 30)

Je conviens avec lui que c'est essentiel. C'est un endroit, je pense, où la spécificité du Québec n'a aucune place. On est ici devant un projet de loi pour régler une situation où, dans le passé, la Commission des valeurs mobilières a trop essayé de développer un modèle de société ou une petite partie de ce modèle de société conforme à certaines idées qu'elle avait. Elle avait oublié d'accepter le fait qu'on vit à l'intérieur d'un ensemble économique canadien et que la conformité avec la loi de l'Ontario qui détient, même aujourd'hui, 75% du marché, est essentielle si notre Bourse veut prospérer et si on veut permettre aux actionnaires, aux acheteurs des actions du Québec de transiger à la Bourse de Montréal plutôt qu'à la Bourse de Toronto. Nous sommes d'accord, en principe, pour collaborer étroitement avec le ministre, comme on l'a fait récemment d'ailleurs, et on espère aussi que cela pourra être réglé.

Je vais revenir sur le processus dans quelques minutes, mais avant de passer au projet de loi, je voudrais parler brièvement de ce marché des valeurs mobilières au Québec. Il faut constater que ce qui était, il y a quelques années, un loisir ou une occupation pour les privilégiés de notre société, est devenu essentiellement l'affaire de tout le monde. Il y a des centaines de milliers de Québécois qui sont aujourd'hui les détenteurs d'actions de compagnies publiques. La Bourse de Toronto, qui est la plus grande au Canada, transige pour une valeur de 35 000 000 000 $ par année. Notre Bourse de Montréal qui devient de plus en plus importante va transiger, cette année, pour au moins 7 000 000 000 $. Il y a au moins 400 compagnies et au-delà de 800 titres inscrits à la Bourse de Montréal. Les Québécois ont un grand choix. Cependant, il faut accepter qu'il y a presque deux fois plus de titres qui sont transigés à Toronto, et cela fait partie du défi de notre Bourse de faire en sorte qu'ils soient tous transigés à notre Bourse de Montréal éventuellement.

De toute façon, les marchés boursiers sont devenus un peu l'affaire de tout le

monde aujourd'hui. Au Québec, on a fait des progrès très importants depuis quelques années. Le ministre les a attribués au système REA qui a été développé par son prédécesseur. Je pense que la plupart des Québécois, surtout ceux qui connaissent le domaine, seront plus portés à donner le crédit pour ce développement à un certain nombre d'hommes et de femmes qui travaillent à la Bourse de Montréal, dans le domaine du courtage immobilier et dans l'industrie, aux industriels eux-mêmes, dans le secteur privé, qui ont pris la relève ces dernières années et qui sont vraiment les personnes responsables de ce développement. Ce n'est pas le secteur public, ce n'est pas le ministre des Finances, ce n'est pas une loi de l'Assemblée nationale qui a été le moteur de ce développement rapide qu'on a connu dernièrement à Montréal.

Pour ce qui est de la Bourse de Montréal, depuis 1981, quand M. Lortie en est devenu le président, on a vu beaucoup de changements. La constitution de la Bourse de Montréal a été refaite. Il y avait des marchés très importants dans les options qui étaient développés. La Bourse de Montréal était devenue une des plus automatisées en Amérique du Nord. Des accords internationaux ont été faits et quelques-uns sont très importants. La Bourse du Québec a accepté le défi de la concurrence. Je le répète, cela n'a rien à faire avec le gouvernement si cela s'est réalisé. Le marché s'est agrandi. Le nombre de compagnies québécoises qui sont publiques aujourd'hui est devenu plus important. On peut acheter aujourd'hui au Québec non seulement les titres traditionnels comme Alcan, la Banque Royale, la Banque Nationale et Domtar, mais on a droit aussi d'acheter des actions dans les compagnies comme Papier Cascades, Ivaco, Bombardier, Provigo, des compagnies québécoises qui se sont développées. Si vous voulez un symbole de cette croissance, de cet intérêt accru, vous n'avez qu'à regarder Le téléjournal tous les soirs. Dorénavant, vous auriez le droit non seulement de savoir si les Nordiques ont battu les Canucks de Vancouver, mais vous avez le droit, même aujourd'hui, de savoir ce qui s'est passé aux Bourses de Montréal, Toronto et New York au téléjournal. Si les gens des médias électroniques s'en occupent, c'est parce qu'ils savent que c'est quelque chose qui est très important et très intéressant. Je pense que le leader veut faire une déclaration, alors je m'arrête.

Le Président: C'est le leader qui souhaite que vous arrêtiez, M. le député, parce que c'est à moi de faire part à la Chambre qu'il n'y a pas eu accord à la suite de la conférence que nous avons eue en vertu de l'article 242.

Motion de clôture

M. Bertrand: Je remercie le député de Notre-Dame-de-Grâce de me permettre, relativement à la conférence qui a été demandée par le leader du gouvernement, qui a été convoquée par le président de l'Assemblée nationale et qui a réuni les leaders des deux formations politiques à l'Assemblée nationale, le leader du gouvernement et le leader de l'Opposition, de procéder en vertu de l'article 244, puisque vous venez d'indiquer qu'en vertu de l'article 242, il n'y a pas eu accord, entente entre les leaders des formations politiques quant à un processus qui nous permettrait d'aboutir à l'adoption du projet de loi 3 avant le 21 décembre prochain. En conséquence, me prévalant de l'article 244 de notre règlement, je voudrais présenter la motion suivante: Que les travaux de la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre sur le projet de loi 3, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, se terminent immédiatement et que le rapport soit déposé dès l'adoption de la présente motion.

Je voudrais simplement indiquer, pour la bonne compréhension des membres de l'Assemblée nationale, que ce nouveau type de libellé de la motion, par rapport à celle qui existait dans le passé, avec les mots "se terminent immédiatement" ne veut pas indiquer, n'indique pas que la commission met en ce moment fin à ses travaux, mais qu'elle mettra fin à ses travaux quand la motion sera adoptée.

Cette motion que je présente à ce moment-ci, motion sans préavis, ne peut être discutée qu'à la séance suivante et forcément elle suivra son cours, c'est-à-dire qu'elle sera débattue à l'Assemblée nationale du Québec. Si nous procédons à l'adoption de cette motion, c'est à ce moment seulement que la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre qui étudie le projet de loi 3 mettra fin à ses travaux.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en espérant que vous n'avez pas perdu le fil de votre idée.

Projet de loi 7 M. Reed Scowen (suite)

M. Scowen: Non, je ne l'ai pas perdu. Je vais poursuivre exactement où j'en étais quand le leader m'a interrompu. J'avais terminé une partie de mon discours dans lequel je voulais démontrer que ce projet de loi qui n'a pas suscité beaucoup d'intérêt peut avoir des implications pour beaucoup de monde au Québec. Il y a des centaines de milliers et indirectement des millions de Québécois qui détiennent des actions ordinaires et qui sont protégés et réglementés effectivement par ce

projet de loi. C'est quelque chose qui est en train de devenir de plus en plus intéressant pour beaucoup de monde.

Il y a un autre phénomène qu'il faut signaler, qui est important pour comprendre le contexte dans lequel on adopte ce projet de loi. L'industrie de courtage évolue très rapidement non seulement quant à ses marchés, mais quant à ses structures. Je peux mentionner deux ou trois aspects seulement pour illustrer ceci. Premièrement, il y a toute cette question de décloisonnement. Si l'Association canadienne des banquiers, par exemple, a un intérêt dans ce projet de loi, c'est parce que le rôle des banquiers et le rôle du courtage mobilier commencent à se rapprocher d'une façon très importante. On a parlé, au mois de mai, de décloisonnement des activités des compagnies d'assurances. Ce projet de loi n'a pas pour but d'aller dans ce sens en ce qui concerne le courtage mobilier. On a remarqué pendant les discussions qu'on a eues avec des compagnies, des banques et même avec des courtiers, que cela touchait le projet de loi à plusieurs égards. Il est important de le constater parce qu'à l'étude article par article cette question va revenir. (16 h 40)

Nous sommes aujourd'hui dans une situation où plusieurs de nos compagnies d'assurances ont commencé à acheter des actions, des parts importantes dans des compagnies de courtage mobilier: La Laurentien-ne, Geoffrion Leclerc, par exemple, et il y en a d'autres. Il y a certainement des liens d'affinité ou d'amitié entre l'Industrielle et Lévesque Beaubien. Aux États-Unis, c'est même allé plus loin. La compagnie Sears et ses magasins sont maintenant courtiers en valeurs mobilières aux États-Unis. À Toronto, il y a la Toronto Dominion Bank qui a commencé à transiger les valeurs mobilières d'une certaine façon et la Banque Nationale est aussi impliquée dans quelques démarches qui ont suscité des règlements et des décisions de notre Commission des valeurs mobilières dans ces derniers jours.

Il y a aussi toute la question de la déréglementation des commissions qui a été effectuée récemment. Il y a la situation très importante de l'automatisation de l'industrie. Un élément très important qui sera touché, j'espère, par la loi, c'est la dématérialisation des titres. Cela veut dire qu'on va effectivement essayer de trouver les moyens de permettre le transfert des titres sans être obligé de passer les certificats de papier à gauche et à droite partout en Amérique du Nord, quelque chose qui va devenir de plus en plus difficile vu que le nombre de personnes qui ont des actions devient de plus en plus important.

Il y a aussi l'internationalisation de ces marchés boursiers. Aujourd'hui, il est possible de transiger 24 heures par jour sur un certain nombre d'actions, sur l'or et certaines monnaies. Toutes ces choses ont pour effet de situer le projet de loi dans un cadre exceptionnellement complexe et exceptionnellement important, dans le sens que si on fait des erreurs lors de l'étude article par article, on risque de créer des problèmes non seulement pour un courtier mais pour un tas d'autres personnes et institutions.

Passons maintenant, M. le Président, au projet de loi comme tel. Je le répète, la Loi sur les valeurs mobilières, c'est une loi provinciale. Chaque province a le droit de légiférer dans ce domaine. Notre loi, qui existe depuis longtemps, a à peu près cinq objets principaux. Premièrement, la loi a pour effet de régler les appels publics à l'épargne. Effectivement, elle définit ce qu'on doit mettre dans un prospectus pour s'assurer que les acheteurs potentiels sont bien informés.

Une deuxième partie touche l'information que les détenteurs d'actions ont le droit de recevoir, sur une base régulière, des compagnies.

Une troisième section touche les règles qui définissent les courtiers et les conseillers en valeurs qui peuvent agir et quelles sont les règles du jeu qu'ils doivent respecter.

Une quatrième section de notre loi avait pour effet de créer la Commission des valeurs mobilières, l'organisme d'autorégle-mentation de l'industrie, et de définir son rôle.

Finalement, un titre a pour effet de contrôler ce qu'on appelle les offres publiques d'achat. C'est cette cinquième partie qui est la plus affectée. L'objet principal de notre projet de loi aujourd'hui est de modifier cette cinquième partie.

J'espère que le ministre et moi-même nous nous entendrons au moins sur ce titre parce que ce sera le centre de nos discussions à l'étude article par article. L'objectif, c'est l'harmonisation, la concordance avec nos voisins de l'Ontario qui détiennent la majeure partie du marché. Si on s'entend aujourd'hui sur ce principe - je pense qu'on s'entend et j'espère que le ministre va le répéter dans sa réplique - je suis persuadé qu'on peut adopter le projet de loi assez rapidement. Il faut éviter les petits débats stériles sur les points qui causent seulement des problèmes pour les marchés.

Je vais lui donner un exemple qu'il connaît déjà, mais je vais le répéter parce que c'est seulement un exemple: c'est la question des délais dans les rapports trimestriels et annuels qui sont soumis par les compagnies à la fin de leur exercice pour informer les actionnaires des résultats financiers pour l'année précédente et le trimestre précédent. En Ontario, par exemple, le rapport annuel doit être déposé pas plus loin que 140 jours après la fin de l'exercice. Pour des raisons métaphysiques,

quant à moi, le Québec a décidé que ce n'était pas 140 jours, mais 90 jours. Une compagnie qui est inscrite à la Bourse de Toronto où elle fait probablement 80% de ses activités est invitée par le président de la Bourse de Montréal à s'inscrire également à Montréal pour que les Québécois puissent acheter dans leur propre marché et elle dit: Bon! C'est une bonne idée. On veut le faire, mais elle se trouve devant un article de la loi qui dit: Si vous vous inscrivez à Montréal, vous êtes obligée de nous donner votre rapport annuel, pas 140 jours après la fin de votre exercice, mais 90 jours.

Le système de cette compagnie est organisé par les règles de Toronto et elle dit: Je n'ai pas l'intention de changer en entier mon comportement et mon administration, simplement pour faire plaisir à la Bourse de Montréal. Je n'ai pas besoin de la Bourse de Montréal. J'aimerais être inscrit là, mais si vous êtes ici pour... Si vous dites que vous avez toutes sortes de règles qui sont différentes de celles de Toronto, je veux rester à Toronto. Et le monsieur de Montréal ou la dame de Sherbrooke qui veut acheter une action va simplement faire acheter cette action à la Bourse de Toronto. Ce n'est pas compliqué. Le courtier peut le faire également sous l'une ou l'autre. Si on s'entend, le ministre et moi, à savoir que notre objectif est de mettre fin à ces petites différences qui se sont développées pour toutes sortes de raisons - et on ne va pas s'interroger sur les raisons, on va laisser de côté le passé et on va essayer de créer une concordance pour permettre à notre Bourse d'encourager les courtiers à Montréal à favoriser la Bourse de Montréal - on n'aura pas de problème avec le projet de loi, j'en suis persuadé.

Quant au projet de loi comme tel, on va en parler brièvement, mais avant d'en discuter, j'aimerais seulement parler deux minutes, au ministre, au sujet du processus qui a été utilisé par son prédécesseur. Je ne le blâme pas. Ce n'est pas lui qui est responsable des dernières semaines dans le développement de ce projet de loi, mais on est aujourd'hui devant certains petits accrocs. Un problème, c'est que le projet de loi que nous avons devant nous, comme le ministre le sait très bien - il ne l'a pas dit, mais il le sait - ce n'est pas le projet de loi qu'on va adopter. On a déjà au moins une trentaine d'amendements importants pour un projet de loi qui comporte à peu près 60 articles et ce sont des amendements qui ont été proposés, soit par la Bourse, soit par la Commission des valeurs mobilières, soit par l'Opposition, soit par, plus récemment, l'Association canadienne des banquiers. Ces amendements ont été proposés après qu'un avant-projet de loi eut été soumis et je pense que dans le cas d'un projet de loi qui a un intérêt limité - c'est une loi spécialisée - ce n'est pas mauvais en soi que le ministre essaie de consulter les intéressés, qu'il donne l'avant-projet de loi, par exemple, à l'Association des courtiers en valeurs et à la Bourse. Mais je ne serai jamais capable de comprendre pourquoi le ministre n'a pas donné l'avant-projet de loi à l'Association canadienne des banquiers, parce que si on se trouve aujourd'hui dans une situation où les banquiers arrivent devant nous à peine 24 heures avant le débat avec toutes sortes de problèmes qu'ils soulèvent et ils disent qu'ils n'ont pas été consultés, il faut admettre qu'ils ont raison en quelque sorte. C'est sûr que les banquiers sont impliqués ou affectés par ce projet de loi et j'espère que le ministre va essayer dorénavant de trouver une meilleure façon de s'assurer que le milieu, tous les intéressés soient consultés. Une façon de le faire - je le sais très bien -ce sont les audiences publiques, une invitation à tout le monde de venir. J'ai toujours pensé que c'est la meilleure façon. Comme ça, vous ne courez jamais le risque de voir le jour où quelqu'un dira: Je n'ai pas été invité à une consultation. Mais si vous décidez de ne pas aller vers le public, que vous vous assuriez au moins que vous avez envoyé les documents et que vous avez consulté toutes les personnes qui peuvent y avoir un intérêt. (16 h 50)

Ceci étant, je suis persuadé, et j'espère, que les problèmes, soulevés par l'Association canadienne des banquiers, peuvent être réglés dans les prochaines heures et dans les prochains jours. Si c'est le cas, bien sûr, on va adopter le projet de loi avec plaisir.

L'aspect principal du projet de loi est l'amendement du titre "Les offres publiques d'achat". Je veux en parler brièvement. Les offres publiques d'achat font l'objet de règles particulières dans la loi parce qu'on considère que lorsqu'une personne ou un groupe de personnes désirent acquérir une part significative du droit de vote d'une corporation, toute prime que cet acquéreur est disposé à payer, en raison du fait qu'il détient un plus grand nombre de votes, devrait être répartie d'une façon équilibrée, équitable entre les actionnaires de la corporation, sur la base du prorata, si vous voulez. Par conséquent, celui qui détient un pourcentage spécifique d'actions votantes du capital-actions ne peut en acquérir d'autres, sauf exception prévue par la loi, sans procéder à une offre formelle d'achat à tous les détenteurs de sous-titres d'actions effectués au prorata du nombre d'actions de chacun de ces détenteurs. C'est l'idée de base.

Le projet de loi, dans notre esprit, a pour effet de déterminer à partir de quel moment un actionnaire détient une part suffisante des actions votantes. Le ministre a

décrit un peu la définition qui est prévue dans la loi pour justifier qu'on lui impose de procéder à une offre publique d'achat. La loi doit et va certainement aussi établir la marge de variation permise entre le prix auquel peuvent être acquises des actions dans le cas de l'application d'une dispense et le cours du marché. Il y a deux ou trois articles qui le mentionnent.

Tous ces effets étant dans le projet de loi sur les offres publiques d'achat, nous ne pouvons que nous déclarer pour la poursuite d'un tel objectif. En effet, dans un commerce effectué pour sa quasi totalité sur une échelle nationale et même internationale, l'existence de règles particulières pour le Québec entraînent inévitablement une diminution de la participation du Québec et surtout de la participation de la Bourse de Montréal.

Dans un contexte de juste concurrence, nos marchés financiers doivent être tout aussi accessibles que ceux des autres provinces canadiennes, sans comporter des contraintes additionnelles, tout en étant structurés d'une façon à assurer une protection optimale des épargnants. L'idée de l'harmonisation des règles concernant les offres publiques d'achat est une mesure qui a été reçue par tous les intervenants. Jusqu'ici, je pense qu'on fait l'unanimité là-dessus. Il y a des modifications qui seront apportées et qui vont certainement dans ce sens.

En général, on est d'accord sur les principes et les articles dans la section qu'on appelle les offres publiques d'achat. Il y a quand même certaines modifications qui sont proposées et sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord. Je vais souligner simplement les plus importantes.

Premièrement, et je l'ai déjà mentionné, dans un objectif d'harmonisation totale, nous sommes en désaccord avec toute disparité pouvant demeurer entre les législations québécoise et ontarienne. Le projet de loi fait toujours certaines disparités. Elles sont plutôt d'ordre technique. Sans les mentionner ici, nous désirons faire connaître notre dissidence sur ces articles qui ne sont pas en concordance, s'il en reste.

Deuxièmement, il y a bien sûr cette question que j'ai soulevée, il y a quelques minutes. Ce sont les délais dans les rapports trimestriels et annuels. On va revenir là-dessus parce que nous trouvons que c'est fondamental. Par la suite, il y a quelques questions sur les pouvoirs de surveillance de la commission. Le projet de loi introduit une forme de contrôle pour la Commission des valeurs mobilières. Il lui confère l'intérêt requis pour intenter au nom et pour le compte des porteurs intéressés toute action visant à repérer les conséquences d'une contravention à la loi ou à ses règlements.

Compte tenu du pouvoir d'intervention que possède déjà la commission dans les recours civils, compte tenu de la possibilité pour les porteurs d'exercer eux-mêmes un recours, compte tenu de la possibilité pour un groupe de porteurs d'intenter des recours collectifs financés par les fonds publics, compte tenu de toutes les mesures administratives et pénales déjà prévues dans la loi, nous ne pouvons identifier un besoin particulier pour qu'un tel intérêt soit légalement conféré à la commission. Nous allons attendre avec intérêt des justifications de la part du ministre.

Finalement, en ce qui concerne les choses avec lesquelles on n'est pas en accord, il s'agit de la question de la création d'un tribunal d'arbitrage. Les dernières modifications au projet de loi que nous avons devant nous, un des derniers amendements proposés par l'un des intéressés, apportés au projet de loi, contenait une disposition au terme de laquelle on prévoit la création d'un tribunal d'arbitrage devant lequel le client d'un courtier aura éventuellement la faculté de soumettre tout litige l'opposant à son courtier, la procédure d'arbitrage et le mode de désignation de l'arbitre devant être établi par règlement.

Sans nous prononcer à ce stade sur le fond de la question, à savoir si un tel système d'arbitrage doit exister, nous trouvons que l'ajout d'une telle modification à la loi actuelle est inapproprié. D'une part, la mise en place d'un nouveau recours devrait se faire après consultation et surtout après consultation avec le barreau parce qu'on est en train d'établir un autre tribunal administratif. D'autre part, quant à nous, les modalités d'exercice d'un recours, y compris la limite de l'objet du litige, devraient être beaucoup mieux définies dans la loi et pas par règlement.

Ce sont nos soucis principaux, les choses sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord. On ne va pas parler de tous les éléments avec lesquels on est en accord, je pense que c'est clair. Un seul élément que nous voulons ajouter est que nous tenons énormément à une idée qui a été soumise et qui fait maintenant partie des amendements, je pense, le ministre l'a mentionné, c'est la question de définir la légalité du transfert et du nantissement des titres dématérialisés. Cet ajout prévoit le mode de transfert et de nantissement dématérialisé dans un contexte moderne. Ce processus de dématérialisation des titres est déjà répandu en Europe et aux États-Unis et cela est maintenant engagé au Québec et au Canada.

Face à cette réalité, il est nécessaire, quant à nous, d'ouvrir la voie aux valeurs mobilières sans certificat et d'ajuster certains principes de droit civil québécois afin de qualifier et de légaliser les transferts et les nantissements de ces titres de valeur. On comprend très bien que les banques

doivent s'impliquer dans la rédaction de cet article parce que ce sont les banques qui sont les plus impliquées. L'existence de cette idée est une autre très bonne raison d'encourager l'Association canadienne des banquiers à faire partie de nos discussions dans les heures et les jours qui suivent.

En terminant, je veux féliciter la Commission des valeurs mobilières qui a participé, je pense, à la rédaction d'une grande partie de ce projet de loi. Ils ont démontré enfin qu'ils sont capables de faire face aux grands défis de la concurrence nationale et internationale à laquelle le Québec fait face. S'ils ne se sont pas complètement débarrassés de leurs vieux complexes, de leur désir de créer un monde à part ici, au Québec, cela se comprend parce qu'ils sont issus d'un gouvernement qui a exactement le même problème. Mais vous faites un peu de progrès, vous autres, la commission fait des progrès avec vous et on espère tous que le progrès va continuer. Vous avez mis de côté vos idées, selon lesquelles le secteur public doit être le moteur de l'économie, vous avez commencé à mettre cela de côté, je pense, il y a trois ou quatre ans. Vous avez commencé à mettre de côté l'idée que c'est par la réglementation que le bonheur va arriver pour tous les Québécois. C'est le deuxième pilier de votre programme politique. Plus récemment, bravo! vous avez commencé à mettre de côté l'idée que le bonheur peut arriver seulement par la voie de l'indépendance. (17 heures)

Une voix: Non...

M. Scowen: Oui, il y en a quelques-uns au moins. Sur cet aspect, le troisième, il y a un peu de confusion toujours, mais quand même c'est intéressant de voir que vous devenez de plus en plus réalistes. Si la Commission des valeurs mobilières commence elle-même à se débarrasser de ses vieux complexes, c'est au profit de tous les Québécois.

On peut dire, dans un certain sens, que nous sommes devant un projet de loi libéral parce que vous avez véhiculé les idées libérales dans une grande partie de ce projet de loi. Je pense avoir l'engagement du ministre qu'il va continuer dans cette voie lors de l'étude article par article.

Avant de terminer et d'énoncer en terminant trois ou quatre principes libéraux que je trouve incarnés enfin, Dieu merci! dans le projet de loi, je veux simplement remercier les personnes que nous avons consultées dernièrement dans le développement de notre position, notamment M. Lortie, le président de la Bourse, et son personnel ainsi que M. Pierre Brunet, le président de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, et son personnel, qui ont été très utiles pour les intérêts de tous les Québécois.

Si le ministre peut nous donner son engagement qu'il veut travailler dans le sens de ces quatre principes libéraux que je vais énumérer en terminant, il pourra compter sur notre appui lors de l'étude article par article et pour l'adoption de ce projet de loi dans les plus brefs délais.

Le premier, c'est la nécessité d'accepter qu'on vit ici, au Québec, au Canada, d'accepter les règles de jeu de la concurrence canadienne et de gagner, et on peut gagner.

Le deuxième principe qu'on a essayé d'expliquer à la population depuis maintenant huit ans et que vous commencez à comprendre de votre côté, c'est la nécessité de reconnaître le rôle national et international de Montréal comme centre financier et d'encourager les chefs de file du secteur privé à Montréal, la Bourse, les courtiers, les hommes d'affaires, par une législation québécoise qui va leur permettre de réaliser ce rôle pour Montréal.

Le troisième principe libéral c'est la nécessité d'encourager les entreprises québécoises de taille moyenne à avoir accès au marché financier québécois et, pour le réaliser, il faut une Bourse à Montréal qui soit forte.

Le quatrième principe libéral c'est la nécessité d'encourager tous les gens au Québec à investir davantage dans le secteur privé de leur propre économie, avec à la fois l'incitation et la protection que seule une législation gouvernementale peut apporter.

Si c'est ça l'objectif du ministre, peu importe qu'il décide de rester avec le gouvernement du Parti québécois ou de passer de notre côté, ce n'est pas important s'il accepte ces principes libéraux que nous avons véhiculés depuis huit ans, s'il peut les adopter comme siens, s'il peut procéder d'ici à la fin de la troisième lecture de ce projet de loi dans cette voie, on va regarder chaque article, on va écouter les autres. On va écouter la commission, la Bourse, les banquiers, mais lui et moi on va procéder, sur la base de ces principes libéraux, à développer un Québec concurrentiel dans le monde canadien, dans le monde nord-américain, dans le monde entier pour encourager nos propres entreprises privées, encourager les Québécois à avoir confiance dans les entreprises québécoises du secteur privé.

Si on s'entend sur tout cela, M. le Président, je suis certain qu'on aura une très bonne loi et qu'on l'aura dans un très bref avenir. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Roberval et adjoint parlementaire au ministre des Finances.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que ce n'est pas particulièrement facile de structurer une intervention très passionnante autour d'un sujet qui est passionnant pour les spécialistes, mais qui est si peu, hélas, à la portée de l'ensemble des citoyens qui, bénéficiant de réglementation, d'un encadrement dans le domaine financier, le protégeant, lui permettant de faire des affaires dans le meilleur contexte possible, même s'ils profitent du système, n'en connaissent pas nécessairement toutes les modalités et tout l'A B C. Mais nous allons quand même tenter, au cours de ce débat en deuxième lecture, de clarifier certains éléments.

Je voudrais tout d'abord remercier le critique officiel de l'Opposition dans ce domaine qui nous a offert sa collaboration la plus totale, la plus entière. Je dois dire que je crois en ces paroles de collaboration puisque j'ai eu l'occasion, depuis quelques années, de travailler avec le député de Notre-Dame-de-Grâce qui a toujours montré une très grande ouverture quand il s'agissait de discuter de projets de loi un peu techniques, soit, mais tellement importants sur le plan de la protection des finances des citoyens du Québec. Nous avons eu l'occasion de travailler dans le domaine de la déréglementation des assurances concernant les compagnies d'assurances et je me souviens des remarques fort à propos qu'il nous a soumises. C'est avec plaisir que nous avons travaillé à essayer de trouver tous ensemble la meilleure voie possible, je le répète, pour garantir aux Québécoises et aux Québécois la protection de leurs épargnes.

Il y a quelques éléments sur lesquels j'aimerais revenir, et je me permettrai de le faire par une boutade. Quand le député de Notre-Dame-de-Grâce a parlé de principes libéraux, un moment j'ai pensé qu'il s'agissait là de principes qui sous-tendaient l'action et la pensée du Parti libéral du Québec. J'ai écouté avec attention et j'ai compris que le député de Notre-Dame-de-Grâce, quand il parlait de principes libéraux, parlait d'une pensée libérale, c'est-à-dire une pensée innovatrice, une pensée dynamique, une pensée ouverte, ce qui n'a rien à voir, bien sûr, on l'aura compris, avec le parti du même nom qui forme l'Opposition officielle.

Les principes libéraux dont le député de Notre-Dame-de-Grâce nous a parlés, je pense qu'on est entièrement d'accord pour les respecter. On nous parle d'encourager les gens du Québec. C'est le député de Notre-Dame-de-Grâce qui nous parle d'encourager les citoyens du Québec à investir dans le secteur privé au Québec. Soit, M. le Président, et je rappellerai à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce les efforts inouïs qui ont été faits par ce gouvernement et par l'ex-ministre des Finances pour intéresser les Québécoises et les Québécois à investir dans le secteur privé. Je me permettrai de rappeler à cette Chambre, très brièvement, la mise sur pied du Régime d'épargne-actions qui a ouvert définitivement, je pense, une porte aux Québécoises et aux Québécois moyens dans le domaine de l'investissement, dans l'achat d'actions d'entreprises qui sont inscrites à la Bourse. C'était là, je crois, le plus grand pas qu'on pouvait faire et c'est là aussi la démonstration claire et évidente au député de Notre-Dame-de-Grâce que nous acceptons ce premier principe, ce principe d'encourager les gens du Québec à investir dans l'entreprise privée. Nous y croyons et nous posons des gestes, nous avons posé des gestes qui étaient garants de notre bonne foi en ce domaine. (17 h 10)

Le député de Notre-Dame-de-Grâce nous a parlé également d'un principe d'encourager les entreprises québécoises à avoir accès aux marchés boursiers, aux marchés étrangers. Il nous a également parlé de l'ouverture sur le reste du Canada dans le domaine des opérations financières. Je dois dire que, quand on nous parle d'encourager les entreprises québécoises à avoir accès aux marchés boursiers, il y a eu des mesures aussi dans les derniers budgets qui étaient nettement dans cette direction et qui, je pense, sont la preuve évidente que nous acceptons ce principe de permettre à Montréal de jouer un rôle national et international, soit. Le ministre des Finances l'avait indiqué très clairement dans son intervention de départ. Il y a une volonté ferme et nous n'avons qu'à constater les succès absolument renversants de la Bourse de Montréal actuellement, qui dérange d'autres Bourses au Canada et qui - la Bourse de Toronto, en l'occurrence - fait des progrès absolument intéressants parce que la Bourse de Montréal a trouvé chez ce gouvernement une collaboration constante, un esprit d'ouverture et le goût de voir cette Bourse se développer.

Également, on nous parle d'accepter le principe qu'on vit dans l'espace économique canadien, en concurrence. Oui, nous admettons que nous sommes en concurrence avec chacune des parties du Canada. Nous sommes aussi en concurrence - que ce soit sur le plan du commerce ou sur le plan des marchés financiers - avec tout l'espace américain en quelque sorte, car les échanges se font de plus en plus fréquents. Les ouvertures, à ce niveau, ne se mesurent plus. C'est à chaque jour que nous prenons connaissance de mouvements de capitaux, de transactions, de jonctions d'entreprises entre les entreprises américaines, canadiennes et québécoises, et nous sommes tellement conscients de cette nécessité de s'ouvrir à

tous ces marchés et de vivre dans cet espace économique canadien, d'un océan à l'autre, que nous avons aujourd'hui un projet de loi qui a comme but essentiel d'harmoniser des réglementations, de simplifier la tâche aux investisseurs comme aux acheteurs. Leur permettre - que ce soit dans un territoire plutôt que dans un autre -de faire des transactions avec beaucoup plus de facilité sans avoir de complications administratives indues.

C'est dans cette perspective que les gens de la Bourse de Montréal ont travaillé; que les gens de valeurs mobilières ont travaillé avec M. Lortie de la Bourse pour préparer un rapport. C'est dans cette perspective également que nous avons tenu compte dans la confection même de la loi d'un rapport qui avait été préparé par des experts ontariens. Nous sommes non seulement d'accord avec les principes "libéraux", entre guillemets, énoncés par le député de Notre-Dame-de-Grâce, mais nous sommes ceux qui avons fait le plus pour placer ces principes dans toute notre action, dans le domaine économique, dans le domaine commercial aussi. J'élargis davantage. Nous avons posé des gestes concrets qui devraient être de nature à rassurer notre bon ami, le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Revenons-en plus particulièrement à l'essence même du projet de loi 7 et essayons de vulgariser, même si cela n'est pas nécessairement facile, le contenu de ces quelque 60 articles qui portent le nom de Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières. Essentiellement, un des objectifs - j'en ai traité brièvement - c'est d'ouvrir tous les marchés à cet espace économique canadien. C'est de permettre qu'une uniformisation de la réglementation simplifie le travail des offrants, des vendeurs comme des acheteurs. C'est de permettre d'éviter, d'enlever un ensemble de barrières susceptible de priver, de laisser pour compte des détenteurs d'actions de certaines entreprises qui seraient dans d'autres territoires, de les priver de certaines offres d'achat qui seraient faites sur un territoire donné.

Il s'agit de favoriser de façon la plus claire possible la circulation de l'information dans les deux sens. Il s'agit, dans ce projet de loi, de faire en sorte qu'il n'existe pas sur l'espace économique qui nous intéresse plus particulièrement de frein à la circulation de cette information concernant les transactions importantes, les offres d'achat, les offres de vente qui pourraient survenir sur le marché, les discussions impliquant plusieurs groupes et des blocs d'actions importantes de compagnies importantes. Il s'agit, par le projet de loi, de faciliter cette information. Le public, ceux qui nous écoutent, ceux dont on est les représentants sont fortement intéressés parce qu'ils peuvent être eux-mêmes détenteurs d'actions, ils peuvent être eux-mêmes impliqués dans une transaction d'importance et ils ont tout intérêt à ce que, de façon très claire et très précise, l'information circule, qu'elle soit diffusée.

Le projet de loi veut également faciliter les transactions en permettant, dans certains cas, de s'abstenir de certains processus dont l'offre publique obligatoire entre autres. Il y a des circonstances où il n'est pas essentiel pour la protection du public, où il n'est pas nécessaire que tout le processus de l'offre publique qui est obligatoire pour un ensemble de transactions ne soit pas nécessairement retenu comme étant obligatoire, dans certains cas bien particuliers qui sont précisés dans le projet de loi.

Également, M. le Président, le projet de loi voudrait éviter qu'il se passe sur les marchés financiers et tous les projets de loi qui touchent ce sujet veulent éviter des concentrations exagérées de blocs d'actions et surtout des concentrations insoupçonnées. Il est important que le public qui peut détenir une partie d'un portefeuille sache qui s'intéresse à l'entreprise dont il détient des actions. Il est important que le public sache quelles sont les offres qui sont faites, à quel montant, qui sont les groupes qui détiennent des blocs d'actions importants et qui peuvent détenir une partie importante du contrôle d'une entreprise dans laquelle ils ont eux-mêmes des intérêts.

Voilà, pour l'essentiel, les objectifs poursuivis par le projet de loi 7. J'essaie évidemment de les rendre le plus claires et le plus simples possible. Mais je vous avoue que, à travers des parties du projet de loi, certains articles de loi pourraient éventuellement être assez difficiles à interpréter pour un profane. On parle évidemment des prospectus, de la circulation de l'information, de la Commission des valeurs mobilières, de ses pouvoirs. On parle de la façon de procéder lorsqu'il se passe des mouvements financiers importants. Bref, M. le Président, un certain nombre de changements qui sont très certainement souhaités puisqu'ils ont été entrepris par des groupes qui connaissent le domaine en question, mais sur lesquels il faudra poursuivre une certaine consultation avec l'Association des banquiers canadiens, bien sûr, qui a très certainement, et à juste titre d'ailleurs, un point de vue intéressant à faire connaître. Le gouvernement veut, avec l'Opposition, avec les intervenants qui sont intéressés à la question, élaborer un projet de loi le plus simple possible, le plus clair possible, qui permette de protéger les épargnes, de protéger les investissements et de permettre à tous et à chacun des Québécoises et des Québécois qui sont intéressés dans des entreprises de savoir ce

qui s'y passe quand on parle de grands mouvements de capitaux ou de grands mouvements de blocs d'actions.

Modifier, M. le Président, pour harmoniser notre réglementation. Modifier parce qu'il faut éviter que des personnes qui sont des détenteurs d'actions soient laissées pour compte dans certains secteurs. Il faut modifier parce que d'autres provinces vont aussi ajuster leur réglementation de telle sorte que, dans tout l'espace économique canadien, il y ait des possibilités intéressantes pour les marchés financiers, des facilités, une simplification de la procédure. (17 h 20)

M. le Président, il y a des changements dont le ministre a fait état et sur lesquels j'avais l'intention de faire porter une partie de mon intervention, mais je crois qu'il est inutile de rappeler tout ce qui a été dit déjà, sinon qu'on a simplifié toute la question de l'offre publique à partir des recommandations qui ont été faites par différents groupes. On a simplifié cette procédure. D'aucuns diront que cette simplification, qui assure la protection du public, surtout parce que c'est l'objectif de l'offre publique, est peut-être un peu trop complexe encore, ne permet peut-être pas toutes les facilités qu'elle voulait bien initialement prévoir. À ce moment-là, il s'agira en commission parlementaire de regarder, avec les recommandations de chacun, comment on peut en arriver à arranger le tout dans un projet de loi correct. Il y a des dispenses qui sont également prévues. Il y a beaucoup de cas pour lesquels il est prévu une dispense de cette offre publique, des cas où la sécurité publique ne semble pas exiger une offre publique.

Il y a des cas sur lesquels on pourra s'arrêter en commission parlementaire, à l'étude article par article, pour nous permettre de vérifier si, effectivement, le législateur est dans la bonne voie, dans ce qui est inscrit dans le projet de loi. Il y a un article qui prévoit que des personnes qui seraient lésées par suite d'une contravention à la réglementation des offres publiques puissent demander une réparation. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a fait tout à l'heure une suggestion, je pense, à cet égard. Il s'agira de voir, mais j'ai bien l'impression que ce qui est prévu dans le projet de loi est satisfaisant. Nos points de vue pourront s'échanger en commission parlementaire. On pourra regarder quel est l'intérêt d'apporter des modifications à cet égard, mais il nous semble toujours, dans la perspective où il faille simplifier le processus, que ce qui est prévu dans le projet de loi, le mécanisme prévu - le recours au tribunal - soit le plus approprié à ce moment-ci. Il y a également d'autres modifications qui sont prévues et qui sont de nature, encore une fois, à encadrer, entre autres, l'utilisation de l'information privilégiée.

En conclusion, M. le Président - parce que je ne veux pas indûment prolonger ce débat - nous aurons l'occasion de revenir là-dessus en commission parlementaire, pour la meilleure protection des citoyens du Québec, des épargnants, des hommes d'affaires, des entreprises aussi qui travaillent dans ces marchés, qui font leur pain quotidien de ces transactions, ces mouvements boursiers. Nous allons faire une loi, avec la collaboration assurée de l'Opposition, qui sera la meilleure possible. Nous aurons réussi à simplifier, je pense, à déréglementer, à uniformiser et à rajeunir tout ce domaine des valeurs mobilières, de telle sorte que nous serons heureux de pouvoir continuer tout ce travail déjà amorcé de rajeunissement et de décloisonnement dans le domaine de la finance, dans le domaine du monde financier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Je ne cesse jamais de m'étonner devant les propos du député de Roberval qui a indiqué sa surprise que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce plaide en faveur de principes libéraux. Je rappelle à cette Chambre que les principes libéraux dont notre parti s'inspire sont cohérents. Ce sont ceux dont se réclame aujourd'hui de façon bien tardive le député de Roberval d'une façon très claire, je dirais grossière. Le ministre des Finances, quant à lui, n'a pas versé dans ces excès. Je l'en remercie, d'ailleurs. Cela permet de garder le débat à un niveau d'assez haute tenue.

Ce que le député de Roberval évoquait, entre autres, c'était que le Régime d'épargne-actions était un exemple de la façon dont les principes "libéraux" - entre guillemets - pouvaient être appliqués par le gouvernement actuel. Je me permets de rappeler au député que c'est en raison des taux d'imposition particulièrement sauvages qui existent au Québec, comparativement au reste du Canada, que sous la force des pressions qui montaient constamment, sous la force ou le constat de l'érosion d'une grande partie du secteur économique, notamment dans la région métropolitaine, que le ministre des Finances d'alors avait consenti à inventer un système, par ailleurs assez compliqué, qui permettait à des gens de diminuer leurs impôts, non pas d'investir dans l'avenir du Québec. Cela devenait incident. L'objectif premier était de réduire les impôts. Il faut bien avoir cela à l'esprit.

Par ailleurs, quand on a un gouvernement qui se targue, par la voix du député

de Roberval, de faire preuve de grande cohérence dans son action quant à l'application de principes économiques d'ouverture sur le monde, de libre échange avec nos voisins, il faut également se souvenir et rappeler, de toute façon, au député de Roberval que ce sont des collègues de son gouvernement qui parlent constamment, notamment en matière d'agriculture, d'autosuffisance, qui parlent d'achats chez nous, qui parlent de favoriser les fournisseurs domestiques. On a donc une situation absolument étrange où, si tout le monde se comportait comme le gouvernement du Québec actuellement, tous les gouvernements du monde exhorteraient leurs citoyens à exporter et s'assureraient en retour que les citoyens ne pourraient pas importer de l'étranger. On voit tout de suite l'espèce de cul-de-sac, l'illogisme total dans lequel on baigne, si tous les gouvernements, ne prenons que deux pays voisins, à titre d'exemple, avaient tous les deux des politiques d'exportation extrêmement agressives pour pénétrer le marché de l'autre et avaient en même temps des barrières douanières ou tarifaires, non tarifaires ou politiques très élevées afin de ne pas laisser entrer les produits qui viennent de chez le voisin.

On voit donc, quand on parle de principes libéraux en matière économique, au moins, de ce côté-ci de la Chambre, que nous sommes parfaitement disposés, compte tenu des impératifs de concurrence auxquels il faut nous astreindre, à avoir les mêmes gestes que nos discours annoncent, contrairement à ce qu'on voit trop souvent de la part du gouvernement du Parti québécois, depuis plusieurs années.

Il n'en reste pas moins qu'il y a des choses qu'on a soulignées comme étant positives qui, dans ce projet de loi, reflètent des demandes des milieux particulièrement intéressés aux institutions financières au Québec. Non pas simplement au Québec, mais, évidemment, dans d'autres provinces dans la mesure où certaines des dispositions ici viennent d'un consensus qui a été établi avec les régulateurs d'institutions financières, de marchés financiers d'autres provinces, notamment, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie britannique, bien entendu.

Pourquoi donc faut-il applaudir à la cohérence, à la concordance des lois des différents territoires voisins? Tout simplement parce que si on veut attirer des investissements pour vrai, il faut s'assurer que le climat en est un, que les lois en sont et que les règlements sont également des expressions du caractère prévisible de ce qui attend l'investisseur, prévisible parce que c'est comparable, semblable, cela concorde avec ce qui se fait ailleurs. Cela simplifie également la tâche. Le caractère prévisible comme tel est déjà un gros actif comme point de vente, si on veut, ou comme argument de vente pour des investisseurs. On lui dit: Voici, quel est l'état de notre législation, de notre réglementation. Vous agissez déjà ailleurs? Fort bien. Vous n'aurez pas tellement d'ajustements à faire car nous avons une législation qui est semblable à celle de nos voisins. C'est un excellent argument de vente pour attirer l'investisseur.

Deuxièmement, la simplicité, même dans les lois compliquées. Je m'explique. Dans la mesure où, quand plusieurs juridictions ont les mêmes complications, les mêmes réglementations ou les mêmes points techniques extrêmement difficiles à manipuler, déjà, on simplifie le problème d'une juridiction à l'autre quand tout le monde reflète dans sa législation le même degré de complication auquel on ne peut pas toujours échapper. Quand on regarde les façons de calculer certaines choses, quand on regarde les délais, quand on regarde des définitions parce que le marché des institutions financières devient de plus en plus sophistiqué et que les définitions se multiplient, on parle, à titre d'exemple, de choses pas tellement courantes chez nous mais qui le deviennent, des titres dématérialisés, c'est-à-dire ces représentations d'une part dans une société qui n'est pas nécessairement exprimée par un certificat de papier, comme c'est encore la vieille méthode, majoritairement, chez nous. (17 h 30)

Déjà en Europe, dans certains endroits, il y a un immense marché de compensation à même des "certificats", entre guillemets, des actions dématérialisées. C'est dans ce contexte qu'on peut parler de simplification. Une fois que les investisseurs, les institutions financières, les intermédiaires financiers se sont habitués à un système même compliqué, il est fort simple pour eux de faire affaires sur d'autres territoires parce qu'ils n'ont pas d'ajustement additionnel à faire, ils connaissent déjà le tabac, ils connaissent la chanson, ils connaissent même les mots de la chanson et, dans ce sens, on simplifie la tâche et, donc, on attire les investisseurs.

La conclusion de ce double caractère de prévisibilité et de simplicité c'est qu'on peut à ce moment-là parler de certitude. Il y a quand même un climat, une espèce d'indication ou un symptôme, une fois qu'on a ces éléments, qui se révèle aux yeux de l'investisseur à l'effet qu'il est certain - et cela est très important à des fins de planification - de ce qui l'attend. Il a conscience d'entrer sur un terrain connu et il n'y a rien de tel que l'inconnu pour décourager les investisseurs; il n'y a rien de tel que l'instabilité, il n'y a rien de tel que la complexité additionnelle, il n'y a rien de tel que la nécessité de s'adapter à des choses dont il n'a jamais entendu parler, il n'y a rien de tel, autrement dit, à l'égard de

ce qui était et de ce qui est encore, à bien des égards, le problème no 1 déterminé par les politiques du gouvernement du Parti québécois, il n'y a rien de pis que d'être tout seul à avoir le pas. On peut voir que finalement on s'est rendu compte, de l'autre côté, que d'être seul à avoir le pas, de s'attendre que tout le reste du régiment, sur tout le continent, emboîte le pas de celui qui n'est pas au même pas que les autres, c'est tout à fait irréaliste.

Les politiques dont nous parlons de ce côté-ci, ce sont des politiques où on parle de réalisme, effectivement, de pragmatisme, mais collées à ce qui se passe sur le continent nord-américain en matière économique, financière, fiscale, commerciale, industrielle. C'est de cela qu'on parle de ce côté-ci. Et le député de Roberval pourra faire toutes les petites blagues qu'il voudra, lorsqu'il intervient sur un projet de loi, il n'en reste pas moins que la population peut comparer la cohérence et surtout la façon dont nous, de ce côté-ci, sommes collés à la réalité nord-américaine contrairement à ce qui se passe de l'autre côté, où il y a essentiellement des débats pour adopter un modèle suédois ou un modèle autrichien de société. Ce n'est pas vraiment de cela dont il est question, ce n'est pas de cela que les Québécois veulent entendre parler.

J'aimerais simplement, pour illustrer un peu ce que je viens de dire quant à l'attrait qu'un territoire peut constituer pour un investisseur, d'une part, et quant à certaines des contradictions qu'on peut entendre de l'autre côté, retenir un simple élément, celui sur les offres publiques d'achat d'actions. La question doit se poser quand même dès le départ: Si les offres d'achat d'actions amènent quelque chose à l'économie. Il y a un débat qui continue à cet égard afin de savoir si une société financière qui prend le contrôle d'une autre accomplit quelque chose dans l'économie. Est-ce que notre produit intérieur brut a augmenté? Est-ce que le nombre d'emplois a augmenté? Ce n'est pas évident à sa face même, quand on regarde les bilans successifs, avant et après une prise de contrôle, qu'il y ait quelque chose de substantiel de changé.

Pour avoir vécu, avant d'être député à temps plein comme je le suis depuis près de quatre ans, des situations en raison de ma profession, de mon occupation, j'ai constaté ce qui se passait dans les offres d'achat d'actions. Je peux dire que dans bien des cas, alors qu'à l'évidence même le bilan pro forma, avant et après la prise de contrôle, ne semble pas dénoter quelque différence substantielle au point de vue économique, sur une période de temps où celui qui prend le contrôle d'une institution - le gouvernement l'a fait avec les sociétés d'État, il pourrait nous en parler aussi - prend des décisions qui ont trait à la qualité de la gestion qu'on peut retrouver à l'intérieur de la nouvelle filiale. On peut, par le biais du conseil d'administration, changer les gens qui sont là, changer les directions stratégiques qu'une société emprunte et, à cet égard, on peut prétendre qu'il y a des bénéfices possibles pour l'économie, à supposer que celui qui a pris le contrôle d'une société est lui-même compétent, comprend lui-même comment fonctionne l'économie et est particulièrement sensible au fait qu'une gestion rigoureuse, dans le sens que d'abord on ne gaspille pas et que, deuxièmement, on doit apprendre et s'astreindre à planifier l'avenir, cela dépend essentiellement, donc, de la qualité des retombées d'une prise de contrôle, de celui qui achète. Ça, c'est une chose.

Il n'en reste pas moins qu'il faut maintenir cette capacité de nos entreprises de croître de façon externe. On peut croître, quand on est une entreprise, de ses propres initiatives en réinvestissant dans le même genre d'équipement, dans le même genre de machinerie, en développant par, je ne sais trop, l'instauration de nouveaux systèmes de contrôle, en diminuant les dépenses, en devenant plus rentable, pouvant ainsi réinvestir, en développant de nouveaux marchés; toujours à l'interne, ce développement et cette croissance. On peut également souhaiter que la loi permette, de façon pas trop compliquée ou à tout le moins, pas trop différente d'ailleurs, que nos entreprises puissent croître de façon externe afin de diversifier leurs activités, en devenant les propriétaires, les compagnies mères, les sièges sociaux de sociétés qui sont dans d'autres genres d'activités.

C'est pour ça que ces dispositions sur les offres publiques d'achat existent, doivent être maintenues, doivent se rapprocher le plus possible de celles qui existent ailleurs afin de continuer à conserver un climat quelconque qui devient un peu certain, donc prévisible, donc attrayant pour les investisseurs qui se demandent comment se comporter sur le marché des institutions financières, le marché financier au Québec.

La question est de savoir si, une fois qu'on a accepté que c'est fait comme ça, il faut regarder dans la loi pour trouver là l'expression d'une cohérence de la part du gouvernement. Cohérence entre l'action et le discours, prétendait le député de Roberval. Peut-être, sauf que lorsqu'on regarde, à l'égard de l'article 114 qui est proposé, par exemple, je cite des notes explicatives, des commentaires: "Cet article vise à empêcher qu'on échappe à la réglementation sur les offres publiques en acquérant des titres d'une société par la voie d'une prise de contrôle d'une société dont les titres ne sont pas négociés sur un marché organisé." Savez-vous ce que ça me rappelle, M. le Président? Ça me rappelle l'amiante, Asbestos, où des centaines ou des milliers d'individus au

Québec, détenteurs d'actions de la Société Asbestos, ont été privés du bénéfice que General Dynamics a eu de pouvoir vendre sa part non pas d'actions d'Asbestos mais d'une filiale canadienne dont les actions n'étaient pas transigées, donc étaient en marché fermé et qui elle-même détenait une majorité des actions d'Asbestos. Ce sont les Américains qui, par le biais d'une filiale dont ils ont vendu les actions au gouvernement du Québec avec lequel ils ont conclu un contrat vont réaliser un gain substantiel. C'est précisément ça l'exemple que le projet de loi tente de corriger. À sa rédaction pure et simple, cet article vise à empêcher qu'on échappe à la réglementation qui oblige celui qui prend le contrôle, à offrir au moins la même chose aux pauvres gens qui, eux, n'ont pas des blocs de contrôle dans ces sociétés-là, si, évidemment, les règles de 15% excédant le cours du marché sont appliquées. C'est précisément ça que le gouvernement du Québec n'a pas fait. Il n'a pas protégé les petits actionnaires qui avaient cru dans l'avenir, à tort ou à raison, d'une société qui exploitait les richesses naturelles du Québec.

L'exemple m'est venu à l'esprit en écoutant le député de Roberval. Je n'ai donc pas un tas de chiffres devant moi, de dates, d'adresses des actionnaires, de listes d'actionnaires mais je serais très curieux de savoir si ce n'est pas important pour les gens de la région de l'amiante qui s'étaient peut-être fait vendre des actions de cette société assez facilement... Ils y étaient attachés, ils voyaient la mine, les camions, leur mari, leur oncle, leur tante, leur frère, leur soeur travaillaient là. Ils avaient véritablement une participation au développement économique de leur région. Le gouvernement du Québec est arrivé avec ses raisons idéologiques, d'une part, mais, d'autre part, de façon extrêmement cynique, a acheté une prise de contrôle que des Américains détenaient sans être tenus, comme ils seraient peut-être aujourd'hui - il faudrait voir les chiffres - du moins en principe ou moralement - le gouvernement aime ça parler d'obligation morale et de victoire morale - tenus de donner la même chance, une chance semblable aux petits actionnaires d'Asbestos qui avaient investi dans cette société de chez eux. (17 h 40)

Quand on parle de cohérence entre le discours et l'action, il me semble qu'il reste beaucoup de chemin à faire. En matière d'institutions financières, un marché fort concurrentiel, le gouvernement semble peut-être encore trop disposé à se donner des chances que les autres n'ont pas. Je parle de la façon dont les sociétés de la couronne peuvent intervenir dans le marché. D'abord, au point de vue des coûts du capital d'une société de la couronne - mais on n'en parle pas - c'est l'argent de nos taxes, c'est voté ici, à l'Assemblée. Il n'y a aucune espèce d'exigence à verser des dividendes, à rembourser ou quoi que ce soit. Il faut quand même être raisonnable et voir que, sur le marché privé, ce n'est pas comme ça que cela fonctionne. Si quelqu'un veut ramasser du capital, il faut quand même qu'il s'engage - c'est très ferme - à verser, un jour, un dividende et, si c'est un emprunt à long terme, à verser de l'intérêt et à rembourser le prêt. Ce n'est pas comme cela que les sociétés de la couronne du Québec se comportent.

Deuxièmement, les sociétés de la couronne elles-mêmes, comme mandataires du gouvernement, devraient être soumises à une loi comme celle-ci et agir sur le même marché que la Caisse de dépôt, qui n'est pas soumise, dans certains cas, aux dispositions de la loi, ce qui est un peu inquiétant pour les autres acteurs du marché financier. C'est ce que, d'ailleurs, l'Association des courtiers en valeurs mobilières a demandé au ministre. Le commentaire de l'association des courtiers était dans le sens que les activités croissantes dans le marché des valeurs de certains organismes ou fonds qui sont visés à l'article 4 - les définitions, notamment des sociétés de la couronne, les mandataires du gouvernement ou de l'État - justifient que ces derniers, en parlant de la Caisse de dépôt, une autre société de la couronne ou un autre organisme public, soient soumis aux mêmes règles que l'ensemble des participants sur le marché, qu'ils soient ou non considérés comme agents de la couronne. Une chose est certaine, il apparaît particulièrement important que, lors de l'étude article par article, le ministre garde le même - dirais-je, intérêt de coopération, d'ouverture quant à savoir si on va s'assurer que le marché financier au Québec soit comparable à ce qui existe ailleurs afin que ce soit plus simple, plus prévisible et plus certain pour l'investisseur. Que le ministre s'assure donc que le projet de loi qui modifie la Loi sur les valeurs mobilières et qu'il nous soumet aujourd'hui s'applique de façon égale à tout le monde, y compris les mandataires du gouvernement, les sociétés de la couronne. Cela m'apparaît un principe important.

J'aimerais que, dans sa réplique, dans quelques instants, le ministre nous indique de quel côté il penche à cet égard. On parle de marchés en concurrence. On parle de se comparer avec ce qui se passe partout ailleurs. Parlons également, à l'interne, de la façon dont les différents agents peuvent se comparer entre eux quant aux privilèges qu'ils ont dans le cas de certaines sociétés de la couronne et quant aux contraintes, si on parle des gens du secteur privé, qu'automatiquement ces différences qui interviennent déterminent.

M. le Président, à ce moment-ci, vous me faites signe que le temps est écoulé.

J'ose croire que j'ai pu exprimer de ce côté-ci que nous avons de la cohérence dans le discours et dans les gestes que nous avons déjà posés et que nous continuerons à poser. Une chose est certaine, c'est à la lumière de l'expérience pratique du milieu économique, du milieu financier que des gens peuvent ici agir de façon beaucoup plus cohérente, acceptable, quant à moi, et favorable au développement économique du Québec. C'est ce que nous entendons continuer à faire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Finances, votre droit de réplique.

M. Yves Duhaime (réplique)

M. Duhaime: Merci. D'abord, je voudrais donner une assurance à l'Opposition que si j'ai pris la décision, que je l'ai proposée au Conseil des ministres, de ne pas procéder avec la Loi modifiant la Loi du Vérificateur général, la contrepartie c'est qu'au feuilleton il y a une nouvelle loi qui est déposée qui a franchi l'étape de la première lecture qui est un amendement à la Loi de la Caisse de dépôt et de placement. J'en retire une. Je vous en propose une autre.

Je voudrais, non pas commenter le communiqué de presse qu'émettait dans le courant de l'après-midi le député de Vaudreuil-Soulanges parce que sans aucun doute ce sont les inspirations du téléjournal d'hier soir sur les commentaires du Vérificateur général du Canada qui est penché aujourd'hui sur l'administration libérale qui a été là pendant de très longues années. Fédéral, oui. Sinon vos amis, c'est voisin. On parle en particulier d'une transaction concernant Pétro-Canada et Pétrofina qui a été payée, de mémoire,

I 700 000 000 $. Tout le monde convient que c'est passablement au-dessus du marché.

II est toujours question des F-18 que j'avais dénoncés, je me souviens, cela doit faire maintenant cinq ou six ans, en disant que c'était de la folie furieuse. Cela va nous coûter 3 500 000 000 $ de plus. J'aime autant ne pas en parler davantage.

Je ne voudrais pas, avant d'exercer ma réplique comme telle, que le député de Notre-Dame-de-Grâce ait été induit en erreur par mes propos tout à l'heure. Je veux bien rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. La Bourse de Montréal, depuis deux ou trois ans, a fait un travail absolument fantastique de mobilisation, d'abord, et ce que j'appellerais ce souffle de dynamisme qui s'est produit presque comme un coup de vent à Montréal. Habitant une des grandes régions économiques du Québec, je suis très heureux de constater ce dynamisme à la Bourse de Montréal, d'autant plus que le président de la Bourse de Montréal a commencé des tournées en région. Il a l'intention de sensibiliser également les hommes d'affaires et les entrepreneurs des grandes régions économiques à l'extérieur de Montréal à la réalité du marché financier, du marché boursier, des transactions sur les marchés des valeurs mobilières.

Le député de Vaudreuil-Soulanges nous dit: Le Régime d'épargne-actions, ce n'était pas pour encourager tellement l'investissement. C'est parce que les tables d'impôt pour les mieux rémunérés dans notre société sont trop élevées. On a fait nous un choix politique. Ce que j'appellerais un choix de société. Si le gouvernement de l'Ontario choisit d'imposer plus fortement les bas salariés et les moins rémunérés pour donner une marge de manoeuvre plus grande à ceux qui sont dans l'échelle sociale la plus élevée sur le plan de leur rémunération, c'est l'oeuvre d'un gouvernement conservateur dont nous ne sommes pas. Nous avons fait ce choix. Il est entendu que c'est une incitation à l'investissement le Régime épargne-actions.

J'ai ici les chiffres. Prenons les trois dernières années. 1982, 1983, 1984, en disant tout de suite que pour 1985 les prévisions d'investissement à la faveur du Régime d'épargne-actions sont à la hausse. Ce n'est pas étranger, bien sûr, aux activités du marché financier de Montréal, parce que les actions de grandes entreprises sont admises au Régime d'épargne-actions. Je pense à Bell Téléphone, à Alcan et à d'autres, il y en a toute une série. On n'est pas ici pour passer des commerciaux. Il serait peut-être bon que l'Opposition note que lorsque le Régime d'épargne-actions a démarré, en 1979, 14 348 contribuables s'en sont prévalus; en 1982, 43 699; en 1983, 112 729; en 1984, 145 000 Québécois ou Québécoises qui, à la faveur du Régime d'épargne-actions, ont fait des investissements dans du portefeuille-actions d'entreprises au Québec. C'est absolument fantastique. Qu'est-ce que cela a donné comme résultat? En 1982, le total des transactions était de 165 000 000 $; en 1983, de 498 000 000 $; en 1984, de 677 000 000 $. Le député de Notre-Dame-de-Grâce indiquait tantôt que le marché financier de Montréal était autour de 7 000 000 000 $ sur une base annuelle. Ce ne sont pas toutes des transactions qui passent par la Bourse de Montréal, mais la partie la plus importante du Régime d'épargne-actions passe par des transactions de valeurs mobilières inscrites en Bourse sur le marché de Montréal. Cela a coûté au gouvernement en 1983, 139 000 000 $; en 1984, 186 300 000 $. C'est ce qui fait que j'indiquais l'autre jour qu'à la fin du semestre de l'année en cours, il y a une baisse des entrées de fonds au chapitre du revenu, quant à l'impôt sur le revenu des particuliers, justement à cause de la très

haute performance du Régime d'épargne-actions. Il y a une espèce d'action combinée... (17 h 50)

Poser la question, c'est y répondre, M. le Président. Si on abolissait demain matin le Régime d'épargne-actions, y aurait-il autant d'investissements? L'Opposition va dire: Bien sûr! Je vous répondrai: Non! La progression est trop sensationnelle pour refuser de voir les chiffres. 49 000 000 $ d'investissements en 1979 dans le Régime d'épargne-actions et 677 400 000 $ en 1984. Si la Bourse de Montréal a augmenté son volume d'affaires, j'en suis très heureux, mais il faut reconnaître... L'Opposition fait parfois des blagues à l'Assemblée nationale, au fond, elle est bien convaincue que le Régime d'épargne-actions est absolument performant.

Je voudrais cependant mettre en garde le député de Notre-Dame-de-Grâce quand il me parle des grands principes libéraux. Vous devriez plutôt parler des grands principes du libéralisme, dont nous sommes. Le député de Notre-Dame-de-Grâce dit: Le gouvernement a changé! Le gouvernement n'a pas changé. Enfin, vous commencez à comprendre qui nous sommes et où nous allons. C'est bien différent!

M. le Président, j'écoutais tantôt mon bon ami le député de Notre-Dame-de-Grâce dire - comment avez-vous appelé cela? - Les trois piliers, les sociétés d'État ou le secteur public, la réglementation et la souveraineté. Je vais commencer par le début dans le même ordre. Les sociétés d'État, il faut bien comprendre que leur présence est absolument essentielle dans notre économie. Je suis convaincu que le député de Notre-Dame-de-Grâce n'est pas sérieux, il n'est pas prêt à nous faire un discours pour nous demander de privatiser Hydro-Québec. Il n'est pas prêt à nous faire un discours pour dire que la Société générale de financement doit disparaître, parce qu'au fil des années, ce qui s'est produit, ces grands éléphants de la révolution tranquille comme Hydro-Québec, la SGF, Sidbec, ajoutons SOQUIP, SOQUEM, REXFOR, qui a créé ces grandes sociétés d'État? C'est le Parti libéral et je suis parfaitement d'accord avec l'existence de ces sociétés d'État parce que, de plus en plus, nos sociétés d'État s'associent avec l'entreprise privée. Si on prend SOQUEM, par exemple, elle a des partenaires dans la mine Doyon. REXFOR a des partenaires à peu près dans tous ses projets aujourd'hui. La Société générale de financement également, entre autres, une participation de 25% dans l'aluminerie de Bécancour.

Je ne parlerai pas de Sidbec parce que je vais mettre en colère le député de Notre-Dame-de-Grâce. Il connaît très bien ce dossier et surtout la partie des investissements dans le secteur minier qui ont été faits à l'époque où Sidbec, pour être bien correct, M. le Président, ne relevait pas du ministère de l'Industrie et du Commerce où était attaché politique le député de Notre-Dame-de-Grâce aujourd'hui, mais Sidbec relevait du ministre des Finances qui, à l'époque, était M. Garneau. C'est lui qui a pris la décision d'investir 750 000 000 $ sur la Côte-Nord et nous avons dû nous déprendre de cette histoire qui nous faisait perdre au-delà d'une centaine de millions de dollars par année. Pour votre information -cela va vous consoler - la Société de cartographie est en vente et c'est le gouvernement libéral qui l'avait créée en 1975. Je dis cela, non pas pour m'éloigner de notre sujet, mais pour illustrer tout simplement que quand on fait une déclaration comme celle que je viens d'entendre, il faut parfois la qualifier, la nuancer et l'ajuster aussi aux circonstances du moment.

Le deuxième pilier, a-t-on dit, c'est la réglementation. Vous avez parfaitement raison. Nous sommes trop réglementés, archiréglernentés, mais mon Dieu Seigneur, est-ce que je pourrais vous suggérer d'inviter à dîner avec vous ce soir le député de Portneuf? Ma collègue, Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, a annoncé hier en conférence de presse que nous voulions déréglementer un métier, une profession, les coiffeurs et les coiffeuses. Vous avez entendu tantôt le député de Portneuf blâmer le gouvernement parce qu'on venait de déréglementer? Alors, il faudrait peut-être, si vous nous reprochez parfois de ne pas être toujours concordants, essayer d'accorder vos violons aussi de l'autre côté.

Le troisième pilier, M. le Président, la souveraineté. Notre position est très claire là-dessus. Nous sommes des souverainistes. Pour employer l'expression du premier ministre, il a dit: On va la mettre dans le réfrigérateur et qu'est-ce qu'on fait? On va tenter, dans l'honneur, ce que j'appellerais la trêve constitutionnelle. C'est aussi simple que ça.

Maintenant, quant au député de Notre-Dame-de-Grâce, je suis très heureux de ses propos dans l'ensemble, pour être bien honnête, car nous travaillons dans la même direction. Nous travaillons sur les mêmes objectifs, pour ce qui est de ce projet de loi, à tout le moins, soit faire de Montréal un centre financier, un grand centre bancaire international, moderne, où on va dématérialiser ou, dans mes mots, éliminer du papier afin de pouvoir faire inscrire sur le marché boursier de Montréal des transactions qui, à l'heure actuelle, se font à Toronto, Zurich, New York, Londres. Pourquoi? Probablement parce que nous ne sommes pas suffisamment modernes et efficaces. Si l'Opposition veut travailler avec moi dans cette direction, je voudrais vous donner l'assurance qu'on peut y aller très

vite.

Un dernier mot. Le député de Vaudreuil-Soulanges, tout à l'heure, disait: Vous manquez de cohésion parce que, aujourd'hui, vous parlez de vous ouvrir sur un marché et vous semblez dire: Enfin! Ensuite, on nous reproche, par exemple, de parler d'autosuffisance dans le secteur de l'agriculture et d'avoir une politique d'achat.

Je vais vous faire une proposition. Le désarmement n'est jamais unilatéral. Vous savez comment l'Europe verte est construite. Toutes les économies agricoles sont protégées. Celle gui est la plus protégée du monde est aux Etats-Unis et dans l'Ouest canadien, subventionnée au surplus. Quand on dit qu'on veut maintenir une agriculture solide et vivante au Québec, avec les mesures qui ont été adoptées dans le secteur du développement agricole, tout le monde sait que, depuis que nous sommes élus, les superficies cultivées au Québec ont augmenté de 25%. C'est un fait. Si on nous propose de libéraliser le marché agricole, cela ne peut pas se faire unilatéralement non plus. Cela va se faire sur une base bilatérale. Moi, je serais prêt à regarder le dossier. Même chose sur le plan de la politique d'achat.

Les gens de l'Ontario sont très sages. Je devrais dire, non pas qu'ils sont rusés, mais qu'ils sont fins, dans le sens qu'ils ne parlent jamais de leur politique d'achat mais ils l'appliquent. Si vous appelez le président de Bombardier, il va vous en donner des nouvelles. Bombardier ne peut pas entrer en Ontario, mais Bombardier entre à Mexico et dans les grandes villes américaines également. Il doit y avoir une raison. Si on doit désarmer sur le plan de l'agriculture et sur le plan de la politique d'achat, moi, je veux bien qu'on regarde cela, mais on va le faire sur une base de désarmement bilatéral et non pas en allant ouvrir notre marché, abandonner une certaine protection et ne rien retirer en retour. Savez-vous d'où je m'inspire pour vous parler de cette manière? J'ai eu l'occasion de lire il y a plusieurs années, il y a un an ou deux, la date la plus récente, le "Buy America Act". C'est un bel exemple de protectionnisme en matière de politique d'achat et cela existe aux États-Unis d'Amérique, des politiques d'achat.

Si on applique au marché des valeurs mobilières ce que le projet de loi nous propose, qui est en quelque sorte un désarmement, si vous me passez l'expression, cela veut dire qu'on veut que sur notre marché boursier, notre marché financier à Montréal, les valeurs mobilières puissent se transiger en ayant bien sûr à l'esprit le souci de protéger ceux qui se portent acquéreur de titres, s'assurer qu'ils ont l'information divulguée en temps utile, l'information nécessaire pour être en mesure de porter des jugements d'achat, de vente ou de transaction mais, en même temps - et ce n'est pas incompatible ou contradictoire -monter à Montréal un marché financier dont le volume des affaires ira en augmentant.

Nos concurrents, on sait où ils se trouvent. Ils sont à Toronto, bien sûr, principalement, mais ils sont aussi à New York, ils sont en Europe, dans une moindre mesure, mais il est évident que si on ouvre le marché de Montréal à des grandes entreprises étrangères qui veulent venir placer des titres ici, mon Dieu Seigneur, on aura fait un progrès énorme et on aura brassé des affaires et fait avancer les choses.

Je disais récemment au président de la Bourse de Montréal: Si vous prospérez et si vous grandissez à un point tel qu'un jour on parle du centre de Montréal comme étant un grand centre financier international, un grand centre bancaire international, vous pouvez compter sur l'appui inconditionnel de notre propre gouvernement pour vous aider à atteindre cet objectif le plus rapidement possible.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de loi 7 est-il adopté? Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Blouin: M. le Président, je propose donc que ce projet de loi soit maintenant envoyé à la commission du budget et de l'administration qui procédera à son étude détaillée. Je vous signale que cette commission sera présidée pour l'occasion par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Sur ce, M. le Président, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Je vous signale qu'à compter de 20 heures, nous reprendrons l'étude du projet de loi 9, Loi sur la location des forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. le leader adjoint du gouvernement, vous avez la parole.

M. Blouin: M. le Président, comme nous l'avions indiqué à 18 heures, nous allons maintenant poursuivre le débat sur le projet de loi 9. Il s'agit de l'article 5 de notre feuilleton que je vous demande d'appeler, s'il vous plaît.

Projet de loi 9

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Jolivet): II s'agit de l'adoption du principe du projet de loi 9, Loi sur la location de forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc.

M. le député de Pontiac, il vous restait douze minutes et vous avez la parole.

M. Robert Middlemiss (suite)

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Après sept heures de suspension de ce projet de loi 9, nous y revenons. Je pense qu'il faut faire une petite rétrospective. Le projet de loi 9 concerne la location de forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc.

Dans les huit premières minutes de mon intervention, j'ai tenté de démontrer que la société REXFOR a créé jusqu'à maintenant dans toutes les régions du Québec énormément d'attentes chez la population. Malheureusement, que ce soit en Gaspésie, sur la Côte-Nord, dans l'Outaouais, cela s'est toujours terminé par un échec.

Toutefois, pour revenir au projet de loi 9, en terminant son allocution aujourd'hui, le ministre responsable, parrain de ce projet de loi nous disait qu'il s'agit d'un projet, de loi à caractère essentiellement économique. Il est important pour l'avenir de Bellerive-Ka'N'Enda et également pour l'avenir économique de toute la région de Mont-Laurier. Ce projet de loi, loin d'exiger des investissements massifs pour soutenir la création d'emplois, atteint le même but tout en générant des revenus pour le gouvernement du Québec. Dans ces circonstances, je ne peux que souhaiter que l'Assemblée donne suite rapidement à l'adoption de ce projet de loi pour que nous puissions renouveler le bail concernant les forces hydrauliques des rapides de l'Orignal à Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda.

Peut-être que dans le passé, avant que la société REXFOR ne devienne propriétaire de Bellerive-Ka'N'Enda, cette entreprise privée créait de l'emploi et avait une vocation économique. Je remonte au 23 février 1981 au moment où REXFOR devenait acquéreur de l'entreprise à Mont-Laurier. Les propriétaires à l'époque, le Dr Georges Lachapelle et M. Gaétan Lauzon, disaient, et je cite: "II y a toutefois à préciser que la vente des entreprises n'avait rien à voir avec leur situation financière, bien au contraire. On pourrait doubler les effectifs et vendre toute la production, ont-ils dit, car le marché que nous avons se compose de clients des États-Unis."

Une entreprise qui avait eu un succès depuis de nombreuses années devient la propriété de la société REXFOR. Qu'est-ce qu'on lit dans L'Écho, de la Lièvre, le 21 octobre 1981? "Fermeture, dès décembre prochain." M. le Président, lorsque le ministre nous dit que c'est une vocation économique, a-t-il oublié que peut-être ce l'était avant que REXFOR devienne propriétaire de Bellerive-Ka'N'Enda? Fermeture, décembre prochain, et c'est seulement une série de fermetures et d'ouvertures. Même si le ministre aujourd'hui nous disait que la raison principale pour laquelle on devrait accéder à cette demande, c'était, premièrement, de rendre l'entreprise concurrentielle et, deuxièmement, de protéger 300 emplois, on lit encore, M. le Président, dans L'Écho, de la Lièvre, le 18 novembre 1981: "Probabilité de mises à pied." Ensuite, on lit: "À compter du 4 décembre, 160 mises à pied chez Bellerive-Ka'N'Enda." Cela donne l'impression qu'une fois que la société REXFOR est devenue propriétaire de Bellerive-Ka'N'Enda, sa vocation économique a totalement disparu. Aujourd'hui, on nous dit: Regardez! Cette usine, cette centrale hydroélectrique produit de l'énergie. La moitié de cette énergie va être consommée par l'entreprise Bellerive-Ka'N'Enda, mais ceci implique aussi la construction d'une usine de panneaux, les panneaux MDF à densité moyenne. Ce projet de construction de panneaux n'est pas encore décidé. Le gouvernement est en train de faire des études de rentabilité. Mais je pense que, dans la région de l'Outaouais, ce n'est pas tellement qu'on fasse des études aujourd'hui qui compte. La région de l'Outaouais se sent encore trahie par un gouvernement qui a promis maintes et maintes fois, et même au moment des élections de 1981, lorsqu'on parlait du CITUF à Maniwaki, le complexe forestier de Maniwaki dont devait faire partie cette usine de panneaux à densité moyenne... Aujourd'hui, on a décidé de construire cette usine, si jamais on la construit, à Mont-Laurier. J'aimerais dire aux gens de Mont-Laurier que lorsqu'on regarde la feuille de route de ce gouvernement et de la société REXFOR...

Allons en Gaspésie, allons dans la

vallée de la Matapédia, l'usine de papier qui était censée y être construite ne l'a pas été. On a construit une usine de panneaux et, malheureusement, cela a été construit en vue du marché d'outre-mer. On s'est aperçu, à la suite de la construction, qu'il n'y avait pas de marché outre-mer. On a donc déplacé l'usine qui était censée être dans la vallée de la Matapédia, à Matane, et, aujourd'hui, après de nombreuses années d'attente, les gens de Matane sont énormément déçus. Est-ce que la papeterie de Matane verra le jour? À cause de la papeterie de Matane, on a tenté de régler les problèmes de Grande-Vallée; on a tenté de régler le problème des scieries de la Gaspésie. La rentabilité de tout le projet en marche aujourd'hui dépendait énormément de l'approvisionnement en copeaux à la papeterie de Matane. Il ne faut pas se leurrer. Les copeaux, il n'y a pas tellement... Les distances qui existent en Gaspésie sont tellement grandes que la vente des copeaux ne pourrait pas être rentable. Les transporter à l'extérieur de la Gaspésie diminuerait encore la rentabilité. Lorsque le ministre - je dois peut-être comprendre que c'est son premier projet de loi; il n'aura pas tellement de choses à nous dire au sujet du projet de loi - nous dit que c'est une vocation économique, que c'est important de transmettre tous les droits à Bellerive-Ka'N'Enda, je pense qu'on a raison de se poser des questions quand on regarde la feuille de route de REXFOR un peu partout dans la province de Québec.

Aussi, on nous dit que cette centrale hydroélectrique va utiliser à peu près 50% de la production. Les autres 50%, c'est Hydro-Québec qui s'est engagée à les acheter. Si on regarde le bilan des dernières années, la période de temps où l'entreprise Bellerive-Ka'N'Enda est en activité, toute cette production d'énergie, si on n'exploite pas la scierie, si on n'exploite pas l'usine du tout, qu'est-ce qui arrive? Est-ce que c'est Hydro-Québec qui, à 100%, doit acheter l'énergie produite par cette centrale?

Un des gros arguments que nous donnait le ministre, c'est que le gouvernement du Québec va s'enrichir de 2 500 000 $ à 2 600 000 $, selon la première hypothèse; en 40 ans, on va toucher ces sommes. Qu'est-ce qui arrive si on n'utilise pas un kilowattheure de production de cette centrale? Où sont les retombées dans la province? Hydro-Québec est obligée, même si le ministre nous a dit au tout début de son intervention qu'Hydro-Québec n'était pas du tout intéressée, de devenir propriétaire de cette centrale hydroélectrique. C'est à se demander... Si on regarde la feuille de route de Bellerive-Ka'N'Enda, ils ont toujours été déficitaires, sauf cette année. Pourquoi? Parce qu'ils ont réussi à vendre pour une somme assez considérable une partie de l'entreprise, ils montrent un profit. Comme le gouvernement tente toujours de démontrer qu'il est excellent dans la gestion, en vendant il fait un profit au lieu d'un déficit. La question à se poser c'est: Est-ce qu'un jour, vu la performance de Bellerive-Ka'N'Enda, celle-ci et REXFOR ne tenteront pas de vendre la centrale hydroélectrique à Hydro-Québec pour montrer des profits dans leurs opérations encore une fois?

En terminant, comme notre porte-parole et moi-même l'avons dit ce matin, on demanderait au ministre de reconsidérer la question. Au lieu de maintenir la période de 40 années pour ce contrat, qu'on le fasse donc pour un ou deux ans afin de donner une chance à REXFOR de se donner un cadre d'opération, une vocation qu'on puisse comprendre. À ce moment-là, pour préserver des emplois - Dieu sait qu'on en a besoin au Québec - nous serions certainement d'accord pour endosser un tel projet, mais pour 40 ans, on se pose de sérieuses questions. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Matapédia et adjoint parlementaire, secteur forêt, du ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Léopold Marquis

M. Marquis: M. le Président, comme vous venez de le mentionner, il me fait grandement plaisir de prendre la parole pour la première fois depuis que j'ai été nommé adjoint parlementaire au ministre de l'Énergie et des Ressources sur un projet de loi présenté par le nouveau ministre de l'Énergie et des Ressources.

Il est peut-être surprenant d'entendre un député de l'Est du Québec, de la Gaspésie, prendre la parole sur un projet de loi qui concerne une région totalement à l'Ouest du Québec, mais je viens de dire que c'est à titre d'adjoint parlementaire d'abord, mais aussi parce que le critique officiel de l'Opposition, l'honorable député d'Outremont, s'est permis, en se prononçant sur le principe de ce projet de loi, de mener une charge à fond de train sur la société REXFOR en particulier sur ses opérations dans notre région, dans la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent et, particulièrement, dans la vallée de la Matapédia - et c'est pour cela que j'y reviendrai un peu plus tard - de même que le député d'Outremont s'est permis de soulever les difficultés qui existent à l'heure actuelle à la Société d'exploitation des ressources des Monts qui est également située dans la Gaspésie et sur laquelle j'aurai l'occasion, si le temps me le permet, de revenir. Mais pour le moment, puisque nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 9 intitulé "Loi sur la location de forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda

Inc.", comme l'a mentionné le ministre et comme l'ont répété les porte-parole de l'Opposition, c'est un projet de loi à caractère essentiellement économique.

En effet, le projet de loi 9 permet d'envisager un investissement important à Mont-Laurier dans une usine de fabrication de panneaux de bois pressé évaluée à environ 70 000 000 $ et qui créera 175 nouveaux emplois. Là-dessus, je comprends mes collègues de la région de l'Outaouais qui ont pris la parole ou qui la prendront après moi puisque, comme vient de le souligner le député de Pontiac, il semble que cette usine de panneaux de bois pressé faisait l'envie des gens de Maniwaki et des gens de la Gatineau. Il semble qu'elle sera dans la région de Maniwaki et elle a été promise aux gens de Mont-Laurier. Là-dessus, cela fait penser, comme l'a souligné également le député tantôt, à un projet de papeterie qui devait s'implanter dans la vallée de la Matapédia, qui a été déménagé à Matane et qui est mis en cause, qui est abandonné à l'heure actuelle.

Le projet de loi 9 vise à autoriser le gouvernement du Québec à livrer, et ce, rétroactivement au 1er janvier 1984, la partie publique des forces hydrauliques aux rapides de l'Orignal sur la rivière du Lièvre, à Mont-Laurier. Cette portion représente environ 90% des forces hydrauliques exploitées à la centrale des rapides de l'Orignal. L'autre 10% des forces hydrauliques appartient déjà à l'entreprise Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc., filiale à 100% de la société d'État REXFOR. Évidemment, c'est à partir de cette affiliation entre Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc. et la société d'État REXFOR que les députés de l'Opposition ont décidé de mener, comme je l'ai dit au début, une charge à fond de train contre cette société d'Etat. (20 h 20)

L'entreprise Bellerive-Ka'N'Enda prévoit produire 16 000 000 de kWh par année qui serviront, entre autres, à alimenter la future usine de panneaux de densité moyenne qu'on appelle MDF, d'une capacité de production annuelle de 75 000 000 de pieds carrés. Présentement, la compagnie génère 300 emplois dans le domaine du contre-plaqué et du sciage. L'usine de contre-plaqué, qui produit essentiellement des portes, est alimentée par les installations hydroélectriques de Bellerive-Ka'N'Enda tandis que l'usine de sciage est approvisionnée à l'heure actuelle par le réseau d'Hydro-Québec.

Comme les installations de Bellerive ne consomment qu'environ la moitié de l'énergie produite par la compagnie, il est possible d'alimenter une nouvelle usine de panneaux MDF avec l'électricité produite par le barrage des rapides de l'Orignal. C'est ce que vient concrétiser le projet de loi 9 en permettant au gouvernement, conformément à l'article 3 de la Loi sur le régime des eaux (LRQ, chapitre R-13), de louer pour une période de 40 ans une partie des forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à la compagnie Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc.

Comme Hydro-Québec n'est pas intéressée à se porter acquéreur de la centrale qui, par ailleurs, est en très bonne condition de production, il est d'intérêt public que ces installations continuent à contribuer au potentiel hydroélectrique du Québec. De plus, ce projet de loi sera profitable au gouvernement du Québec qui s'assure des revenus de location d'environ 2 630 000 $, en dollars courants, pour les 40 prochaines années, c'est-à-dire environ 26 000 $ par année avec un taux moyen d'inflation de 5%.

Donc, en facilitant la construction d'une usine de panneaux de bois pressé évaluée à environ 70 000 000 $, le projet de loi 9 s'avère important pour l'avenir de la compagnie Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc. et pour l'avenir économique de toute la région de Mont-Laurier. C'est pour cela que le ministère de l'Énergie et des Ressources est heureux de présenter ce projet de loi qui permettra de créer environ 175 emplois dans la région de Mont-Laurier lorsque cette usine sera construite et aura atteint son rythme de croisière.

M. le Président, à partir de ce principe et comme il est question de la société d'État REXFOR, puisque la compagnie dont il est question dans le projet de loi est une filiale à 100% de notre société d'État, je voudrais parler un peu de REXFOR et inviter là-dessus mon collègue d'Outremont à faire preuve d'un peu plus de retenue dans les accusations portées à l'endroit d'une société d'État et de vérifier un certain nombre de choses, de vérifier ses dossiers avant de mettre toute la faute, tout ce qui ne va pas bien dans différentes entreprises dans lesquelles la société d'État REXFOR est partenaire, avant de mettre toute la faute sur cette société d'État. J'inviterais le député d'Outremont, qui a une formation d'ingénieur, qui est supposé être une sommité du côté de l'Opposition dans le domaine de l'énergie nucléaire - je le reconnais quand même comme étant un député de grande valeur qui est capable d'approfondir des dossiers - d'être un peu plus positif lorsqu'il parle de sociétés d'État.

L'Opposition a cette fâcheuse habitude de descendre les différentes sociétés d'État qui existent au Québec. Ils ignorent, pour plusieurs d'entre eux, que c'est le Parti libéral, de 1960 à 1966 et de 1970 à 1976 qui a créé le plus de sociétés d'État au Québec. Or, pour un parti qui a formé le gouvernement à l'époque, qui n'avait pas

honte de fonder, de créer des sociétés d'État, je me demande un peu pourquoi aujourd'hui, dans les années quatre-vingt, les sociétés d'État qui ont joué un rôle important dans différents domaines ne seraient pas appelées à jouer également un rôle tout aussi important dans les années à venir.

Ceci m'amène à parler particulièrement d'une région que je connais bien. On pourrait faire des projections, et ajouter que ce qui s'est produit dans notre région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie peut se produire également ailleurs.

Il a été mentionné justement par le député d'Outremont que la société REXFOR s'est impliquée dans des usines de sciage et également dans une usine de panneaux meubles dans la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie et particulièrement dans la région de Matane, de Gaspé-Nord et de la vallée de la Matapédia.

S'il n'y avait pas eu une société d'État comme REXFOR, qui avait pris la décision, si on avait laissé ça à l'entreprise privée, qui aurait été capable, par exemple, dans ma région, de racheter les actifs de la scierie de Saint-Léon-le-Grand ou de celle de Lac-au-Saumon, qui aurait été en mesure de devenir partenaire des frères Kunz, d'Allemagne, en vue de l'implantation de l'usine de panneaux meubles de Sayabec dans la Vallée de la Matapédia qui justement nous a été donnée en échange de la papeterie qui est déménagée, du moins en théorie, à Matane, au cours de l'année 1981? Et qui, dans la situation actuelle de l'industrie du sciage au Québec - je vous prie de retenir que c'est loin d'être intéressant pour les industriels du sciage à l'heure actuelle -quelle est l'entreprise privée qui aurait été capable de se lancer dans un projet de plus de 30 000 000 $ pour une usine de préparation de bois à Matane afin d'ouvrir des débouchés pour l'usine de Grande-Vallée, pour celle de Marsoui, pour celle de Sainte-Anne-des-Monts, pour celle de Saint-Léon-le-Grand, pour celle de la Lac-au-Saumon et pour quelques autres également qui sont prévues dans les prochaines années ou les prochains mois dès que des problèmes de faillite seront réglés? Quelle est l'entreprise privée qui aurait été capable de se lancer dans un tel projet?

Il ne faudrait pas que le Parti libéral répète les mêmes erreurs là-dessus qu'il a faites dans le passé. Qui était propriétaire de l'usine de Saint-Léon? Qui a été le premier promoteur de l'usine de Saint-Léon lorsqu'elle a été implantée? Qui était propriétaire de l'usine de Lac-au-Saumon lorsque la société d'État REXFOR s'en est portée acquéreur? Je pense qu'il y aurait des choses intéressantes à mentionner à ce sujet.

Je ne voudrais pas qu'on mette la société d'État... On voit carrément, par les paroles que j'ai entendues cet après-midi, que le député d'Outremont voudrait ni plus ni moins la mort, carrément, de la société REXFOR. Pour faire quoi? Probablement pour redistribuer les usines les plus rentables parmi un certain nombre d'amis de ce parti, ce qui a été fait dans le passé. La société d'État REXFOR est intervenue dans notre région, elle a pu racheter les actifs et faire redémarrer des usines de sciage dans une période extrêmement difficile dans ce domaine. Donc, avant de jeter la pierre à cette société, avant de vouloir la détruire, avant de lui faire une mauvaise réputation dans tout le Québec, j'invite M. le député d'Outremont - il a dit qu'il venait souvent dans la région; je l'ai rencontré à l'aéroport de Québec; il partait pour la Côte-Nord ou la Gaspésie - à revenir encore plus souvent, à revenir chez nous, et à constater sur place le travail que la société REXFOR a été appelée à faire. Là-dessus, je vais être très clair, je voudrais dire que je n'absous pas la société REXFOR de toute faute. Il est possible, parce qu'on lui a confié des mandats difficiles, que cette société ait fait des bons coups, et elle en a fait. Il est possible qu'elle ait fait des coups un peu moins intéressants, mais quand le gouvernement libéral aussi bien que le nôtre, nous nous sommes servis de cette société pour aller au secours d'entreprises en difficulté, cette société y est allée et pas toujours dans les conditions les plus favorables. Je voudrais que, là-dessus, on donne à chacun ce qui lui est dû et qu'avant de condamner cette société d'État, on s'informe davantage et on approfondisse les dossiers. (20 h 30)

Le député d'Outremont a fait allusion à la papeterie de Matane en disant que nous avions fait perdre comme gouvernement -évidemment, il a mis le ministre de l'Énergie et des Ressources à l'époque, le député de Matane, dans le coup, et également la société REXFOR - huit ans aux gens de Matane qui attendaient une papeterie. Je voudrais corriger d'abord quelque chose. Avant d'être la papeterie de Matane, c'était la papeterie de la Matapédia. J'ai ici ce qui s'est écrit dans les journaux au sujet de la papeterie de la vallée de la Matapédia. Cela s'est passé en 1979-1980 et une partie de 1981. Quand le député d'Outremont vient dire que la population de Matane attend sa papeterie ou attendait une papeterie depuis huit ans, je l'inviterais à vérifier ses sources et à s'informer davantage. Je suis heureux qu'un député de la région de Montréal s'intéresse au dossier d'une région comme la nôtre, mais je l'invite à approfondir davantage ses dossiers avant d'en parler à l'Assemblée nationale et de se prononcer d'une façon catégorique.

Le député d'Outremont, dans son intervention sur le principe de la loi, a

également mentionné le problème qui existe à la Société d'exploitation des ressources des Monts qui, à l'heure actuelle, éprouve de sérieuses difficultés financières, à la suite d'erreurs administratives possibles - ce sera démontré en temps et lieu si on doit aller jusque là. Le député d'Outremont semblait mettre la faute sur REXFOR parce que REXFOR est allée en soumissions et que la Société des Monts a eu le contrat de coupe de bois. Il ne s'interroge pas sur toutes les causes qui pourraient être à la source de ce problème qui existe à la Société des Monts. Là aussi, je voudrais faire un bref historique des sociétés d'exploitation. D'où cela vient-il? Il y en a partout dans la région chez nous. Il y en a une dizaine ou une quinzaine dans la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. Elles sont nées des opérations "Dignité" dans les années où il devait y avoir une quarantaine de paroisses fermées dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie et que les gens des petites paroisses se sont levés pour dire: Vous ne fermerez pas nos paroisses. C'était sous le gouvernement libéral. D'ailleurs, le rapport Higgins, Martin, Raynauld - dont l'un des coauteurs était l'ancien député d'Outremont que je respecte beaucoup -recommandait de fermer les paroisses dans notre région et d'envoyer le monde dans les villages et dans les villes et de les faire vivre dans des HLM. Cela a réussi dans une dizaine de villages, mais, à un moment donné, les opérations "Dignité" ont commencé et cela s'est arrêté. Ensuite, cela a donné lieu a la fondation de sociétés d'exploitation des ressources. Dans ces sociétés qui sont des groupements populaires, ce ne sont pas des gens qui ont de grandes connaissances en administration qui dirigent ces sociétés, ces conseils d'administration. Ils ont sauvé notre région et, même s'il y a eu des erreurs commises à cause d'un manque de connaissances ou carrément des erreurs, il ne faudrait peut-être pas leur jeter la pierre immédiatement, parce que, dans les entreprises privées, les petites, les moyennes et les grandes comme Massey-Ferguson aux États-Unis - il y en a également au Canada et au Québec - il y a des compagnies privées qui ont fait des erreurs. Pourtant, elles sont censées être dirigées par des gens d'une grande compétence. Alors, avant de lancer la pierre aux gens de la région de Matane qui ont supporté la Société d'exploitation des Monts pendant des années, qui ont créé des emplois, là aussi, je recommande au député d'Outremont d'aller voir un peu plus loin ce qu'il y a dans ce dossier. En passant, hier, au cabinet du ministre, il y a eu une réunion qui a duré plusieurs heures avec les représentants de la société par le biais du Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent et, dès vendredi, une recommandation sera remise au ministre de l'Énergie et des

Ressources et une décision sera prise dans ce dossier.

Voilà ce que j'avais à dire, d'abord, sur l'adoption du principe du projet de loi et aussi dans une tentative de relever un certain nombre d'erreurs qui ont été mentionnées par le critique officiel de l'Opposition sur ce dossier. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Mark Assad

M. Assad: Merci, M. le Président. J'écoutais le député de Matapédia parler de REXFOR, et le reste, une société de la couronne ou une société d'État, si vous voulez. Vous savez, dans le passé je crois qu'on a hésité à critiquer les sociétés d'État pour la simple raison que c'est la création d'un gouvernement, la création d'une collectivité. Les objectifs sont toujours fort louables et on hésite à critiquer. Mais je crois que depuis des années on n'a pas eu un grand succès avec nos sociétés d'État. La raison est peut-être qu'on a hésité à les critiquer. D'ailleurs, du fait que ce sont des sociétés d'État, on aurait dû davantage critiquer, c'est-à-dire vouloir que ce soit absolument impeccable comme activité. Si ça ne peut pas être rentable, au moins qu'il n'y ait pas les déficits énormes qu'on connaît chez nos sociétés d'État.

Dans ce projet de loi-ci, on sait que le maître-d'oeuvre, c'est REXFOR. Je voudrais simplement, sans faire le procès de la société d'État REXFOR, rétablir quelques faits, faire l'évaluation des objectifs de REXFOR. Il y a peut-être cinq grandes lignes qui pourraient définir les objectifs de REXFOR: la récupération du bois, la stabilisation, l'aménagement forestier, la sauvegarde des intérêts locaux, comme le député de Matapédia l'a mentionné pour sa région, la création d'emplois.

Au chapitre de la récupération, REXFOR a été créée en 1969 pour récupérer et exploiter toute agglomération de bois qui est menacée d'être perdue sur les terrains des domaines publics et que le lieutenant-gouverneur en conseil a jugé assez considérable pour qu'il soit dans l'intérêt général du Québec de la récupérer et de l'exploiter. Je crois que REXFOR a encore subi un échec il y a quelques années avec une quantité énorme de bois qui finalement était perdu, n'avait pas été récupéré à temps et, évidemment, cela n'a pas été exploité à notre avantage. Avec le temps, cet objectif déclina progressivement. On n'en conserve plus, à toutes fins utiles, que le nom. Il est à noter que l'implication de REXFOR dans la récupération du bois a été affectée par la tordeuse et ça n'a pas été tellement efficace.

Qu'est-ce qui touche la stabilisation et l'approvisionnement? On voit qu'en 1973, REXFOR devient une compagnie à fonds social ayant le mandat de stimuler l'implantation et le développement de l'industrie forestière. Elle va garantir des approvisionnements en bois aux industries forestières. Elle utilise ce levier d'approvisionnement pour exiger, dans certains cas, une participation avec l'entreprise privée en achetant une partie du capital-actions. En 1973, REXFOR s'implique de plus en plus dans l'industrie forestière et tente de développer une stratégie industrielle.

Pour ce qui concerne l'aménagement forestier, de 1973 à 1978, REXFOR a construit 148 000 kilomètres de chemins d'accès afin de rendre possible la cueillette dans certains territoires. Bien que la loi de REXFOR stipule que la société doit, en premier, revaloriser, conserver et protéger la forêt, il semble qu'il n'existe pas de véritable préoccupation de revalorisation des ressources forestières, surtout depuis 1976.

Qu'est-ce qui touche la sauvegarde des intérêts locaux? Encore en 1973, REXFOR s'est impliquée dans plusieurs industries et dans plusieurs régions du Québec. Au fil des années, sa participation dans les filiales a beaucoup changé. Cinq de ses filiales principales sur un total de sept ont fait des pertes en 1982 et 1983. Certes REXFOR a une signification vitale pour certaines régions comme la Gaspésie. Cependant, on devrait s'interroger sur la manière d'agir et la gestion de cette compagnie dans certains cas, c'est-à-dire pour la scierie de Taschereau et Samoco, ITT Rayonier et d'autres. (20 h 40)

Dans le domaine de la création d'emplois, depuis quelques années REXFOR essaie autant que possible de sauvegarder des emplois dans l'industrie. Son apport est important, mais ce qui nous inquiète, c'est que REXFOR a tendance à faire concurrence à l'entreprise privée, ce qui diminue la performance de cette dernière et provoque une baisse de l'emploi. C'est cela qui arrive finalement.

Si on regarde l'évolution des filiales de REXFOR depuis 1977, elles ont connu une expansion et un changement remarquable. Si on arrête à l'examen des états financiers des trois dernières années, il s'avère que la scierie Bernier Inc. a connu des profits nets de l'ordre de 88 000 $ en 1981 et des pertes de 635 000 $ en 1982. Finalement, en 1983, une perte qui a presque atteint 900 000 $. Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc. ont connu des bénéfices nets de l'ordre de 54 000 $ en 1981 et des pertes nettes de 1 300 000 $ en 1983 et de 3 200 000 $ en 1982 et 1983 respectivement.

Finalement lorsqu'on regarde la performance de REXFOR, il faut dire qu'elle a eu un rôle un peu ambigu c'est-à-dire celui de compétiteur du secteur privé et celui d'aide au secteur privé. Cela nous fait poser la question de la mission de REXFOR. Quelle est-elle? Doit-elle aider les entreprises en difficulté? Ou doit-elle prendre un contrôle majoritaire et absolu des sociétés en difficulté une fois qu'elle les aura remis en route? En effet, c'est la confusion dans les rôles de REXFOR. On se rappellera qu'il y a environ deux ans, REXFOR a présenté un plan de développement au Conseil des ministres. Celui-ci n'a jamais été approuvé. REXFOR se trouve avec une mission et un mandat confus et ambigu depuis quelques années. Nous déplorons le manque d'orientation du gouvernement et de REXFOR. Nous déplorons que l'orientation et les définitions d'orientation ne soient pas données par le gouvernement, comme c'est d'ailleurs son rôle. REXFOR doit se comporter comme une société rentable tout en tenant compte de l'aspect social. Il est évident que dans des périodes d'inflation où le taux d'intérêt est très élevé, il n'est pas toujours possible d'être rentable. Mais au moins que les pertes soient réduites autant que possible.

Finalement quand on dit que le rôle de REXFOR est ambigu. Pourtant, l'article 24.1 de la Loi sur REXFOR stipule que la société doit, à chaque année, soumettre au gouvernement pour approbation son plan de développement et celui de ses filiales. Le gouvernement détermine la forme et la teneur du plan de développement ainsi que l'époque où il doit être présenté.

En conclusion, M. le Président, on prétend que le rôle de REXFOR devrait être celui d'une aide à l'entreprise privée. Pas de faire de concurrence avec l'entreprise privée et pas non plus de prendre le contrôle de l'entreprise privée, mais d'être une aide. Pour jouer ce rôle, c'est au gouvernement de le définir, une fois pour toutes. Qu'on sache tous que son rôle est d'aider des compagnies pour exploiter la forêt, les compagnies privées et que le gouvernement qui définira le rôle de REXFOR s'assure effectivement qu'elle le remplira.

Que REXFOR possède des compagnies privées, on trouve que c'est la manière la plus efficace pour l'ensemble de la population parce que le gouvernement possède les deux armes les plus importantes dans une démocratie, c'est-à-dire le droit de légiférer et le droit de taxer. Donc, l'État possède l'instrument par excellence, que ce soit l'entreprise privée - ce n'est pas un péché mortel - et ce n'est pas un péché mortel non plus que le gouvernement, par l'entremise de ses compagnies, comme ses filiales ou ses sociétés d'État qui l'aident, soit prospère, qu'il crée des emplois, qu'il

stabilfse le marché des produits forestiers. Dans l'ensemble, on va bénéficier de ces créations d'emplois et avec des profits, évidemment, le gouvernement va avoir sa part par la taxation et on va être tous des gagnants à la fin. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Hull.

M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Merci à mes collègues de leurs applaudissements. Le projet de loi dont nous étudions le principe ce soir en deuxième lecture concerne la location de forces hydrauliques de la rivière du Lièvre située effectivement dans l'Outaouais québécois Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc., qui appartient maintenant à REXFOR. C'est un projet de loi qui peut paraître anodin, parce que c'est de reconduire un bail pour une durée de 40 ans, mais quand on examine de plus près le rôle qu'a joué cette société d'État jusqu'à maintenant, c'est-à-dire la société REXFOR, on peut se poser de sérieuses questions, à savoir si on doit continuer à faire confiance à cette société d'État et plus particulièrement à faire confiance à ce gouvernement qui nous arrive avec des projets de loi semblables.

Si j'ai accepté de dire quelques mots sur ce projet de loi, c'est parce que chez nous, en Outaouais, cela nous préoccupe davantage parce qu'on avait promis aux cinq comtés de l'Outaouais dont je suis l'un des représentants en 1981 entre autres, la construction d'un complexe forestier en Haute-Gatineau. On se souvient à ce moment-là que les ministres du gouvernement actuel, avant l'élection de 1981, faisaient la parade dans les différents comtés du Québec et allaient annoncer des projets ou l'implantation de projets. Ce qui me préoccupe aujourd'hui dans le projet de loi 9, c'est qu'on confie à une société d'État, c'est-à-dire à REXFOR un mandat, un bail à long terme et ce bail à long terme...

On devrait, premièrement, discuter de la raison d'être aujourd'hui ou de la raison de continuer d'être, de REXFOR. Pour nous, dans l'Outaouais québécois, REXFOR, c'est pratiquement un concurrent. C'est une société d'État qui a servi ou qui a été en complicité avec le gouvernement actuel pour nous soustraire littéralement un complexe forestier en Haute-Gatineau et plus précisément à Maniwaki, un complexe forestier d'une valeur approximative de 11 000 000 $. Maniwaki devait implanter une usine de MDF. Depuis ce temps, on a appris quoi? Pourtant, en 1981, les ministres du gouvernement, comme je le disais tantôt, entre autres, M. Bérubé, qui était ministre de l'Énergie et des Ressources à ce moment- là, le ministre Landry du Développement économique, le ministre Duhaime, qui est allé faire un tour dans les parages de la Haute-Gatineau, la députée et ministre des Travaux publics, Mme Jocelyne Ouellette, la marraine de l'Outaouais à ce moment-là, avaient annoncé ce complexe forestier qui avait été approuvé par le Comité des priorités du gouvernement. (20 h 50)

On s'aperçoit aujourd'hui, à la lecture du projet de loi 9, que l'on veut confier une autre fois un bail à long terme à une société d'État qui a effectivement été complice avec le gouvernement au cours des dernières années pour nous soustraire les promesses qu'on nous avait faites. Je m'explique mal que le ministre, ce matin, nous ait dit à peine quelques mots sur ce projet de loi et soit parti immédiatement, avant même d'entendre la réplique de mon collègue, le député d'Outremont, qui était très pertinente à l'ensemble du projet de loi et très pertinente aussi quant à la remise en question de cette société par l'Opposition officielle. Nous considérons qu'elle est devenue à toutes fins utiles un concurrent de l'entreprise privée. Et encore, si c'était un concurrent qui rapportait à l'État des profits... Mais, au contraire, elle accumule des pertes d'année en année. Son coût d'administration est assez élevé et ses succès sont relatifs.

Chez nous, dans l'Outaouais, on pourrait nous annoncer demain matin que REXFOR a été tout simplement limogée, je pense que tous les gens de l'Outaouais en seraient heureux. Heureux, je l'ai mentionné tantôt, parce qu'on s'est fait avoir une autre fois par la complicité entre le gouvernement et REXFOR dans le but d'aménager une industrie à Mont-Laurier. On se souviendra qu'à ce moment-là, le ministre et député du comté de Labelle, ex-ministre des Affaires municipales et ex-ministre des Transports, maintenant député indépendant, avait travaillé fort lui aussi dans le but de soustraire à l'Outaouais ce projet important afin de l'implanter plutôt à Mont-Laurier par l'entremise de la société REXFOR.

Ce qui m'a déçu le plus, à ce moment-là, c'est que REXFOR est effectivement venue en concurrence avec la compagnie MacLaren qui, à ce moment-là, étudiait les possibilités de l'implantation d'une usine de MDF à Maniwaki. On n'a jamais su effectivement le fond de l'histoire. REXFOR, d'une part, Mont-Laurier et, d'autre part, MacLaren à Maniwaki, MacLaren qui avait déjà dépensé des milliers de dollars dans le but de parfaire une étude sur les intérêts et les possibilités de l'implantation de ce complexe forestier dans le secteur Maniwaki, dans la Haute-Gatineau, et l'implantation d'une usine MDF.

Selon ce qu'on a entendu par la suite,

certaines pressions se sont exercées sur MacLaren afin qu'elle se retire tout simplement du dossier, qu'elle abandonne la possibilité d'implanter un projet ou un complexe forestier en Haute-Gatineau et, plus particulièrement, dans le secteur Maniwaki. Je sais pertinemment que MacLaren ne pourrait pas aller dénoncer le gouvernement du Québec, que MacLaren ne pourrait pas non plus affirmer ou infirmer le fait qu'elle a dû abandonner son projet à Maniwaki au bénéfice de REXFOR à Mont-Laurier, tout simplement à cause du fait que les coupes de bois, les permissions et les concessions sont accordées par le gouvernement du Québec. À ce moment-là, MacLaren se serait trouvée dans une situation délicate pour renouveler ses baux ou ses possibilités de concessions de bois, d'autant plus qu'elle avait certaines de ses coupes dans le secteur de Mont-Laurier.

J'ai été terriblement déçu à l'époque, d'autant plus que je trouve que c'est malhonnête de la part d'un gouvernement ou de la part de ministres qui se rendent dans une région frappée par un chômage fort élevé, qui connaît un niveau d'assistance sociale très important, faire miroiter des projets semblables pour, par la suite, tout simplement les transférer d'une région à une autre, c'est-à-dire dans le secteur Mont-Laurier qui, à la suite du découpage de l'Outaouais québécois, fait maintenant partie des Laurentides.

Ce n'était pas acceptable pour nous, ce l'est encore moins aujourd'hui et nous contestons le fait que cette société d'État, à qui on a confié des mandats importants, devienne ni plus ni moins un compétiteur pour l'entreprise privée qui aurait pu faire démarrer un projet important employant un nombre assez important d'ouvriers.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, comme mon collègue d'Outremont l'a mentionné ce matin, nous consentirions à voter pour le projet de loi moyennant le fait que le ministre accepte de modifier, par un amendement, la durée du bail en faisant passer la durée de 40 ans à deux ans.

Durant ce temps, la société d'État REXFOR pourrait faire une remise en question de son existence. Si elle n'était pas capable de le faire elle-même, le gouvernement pourrait sûrement confier un mandat à une firme d'experts-conseils dans le but de réévaluer cette société d'État et d'empêcher qu'elle serve de complice au gouvernement pour éviter l'implantation au Québec d'industries de l'entreprise privée.

Pour cette raison en particulier, je sais pertinemment que notre formation politique devra se prononcer contre le projet de loi 9 et attendre en commission parlementaire pour savoir si le ministre a l'intention d'y apporter certains amendements dans le but de permettre à cette société d'État de faire une évaluation de son travail jusqu'à aujourd'hui, d'examiner aussi les programmes qu'elle envisage pour les années à venir et de soumettre ça à l'attention de l'Assemblée nationale ou à l'attention du ministre responsable pour qu'on puisse, par la suite, en faire une évaluation et y apporter nos commentaires.

Là-dessus, je conclus, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, dans votre droit de réplique.

M. Jean-Guy Rodrigue (réplique)

M. Rodrigue: Merci, M. le Président. Quand on s'adresse à des hommes d'affaires et qu'on leur demande d'investir dans l'économie du Québec, de prendre des risques jusqu'à un certain point, parce que tous ceux qui investissent assument plus ou moins des risques dans ce domaine-là, il ne m'apparaît pas sérieux de faire comme l'Opposition et de leur dire: Dans deux ans on vous dira si on continue les ententes qu'on a avec vous ou bien on décidera si, au contraire, on les annule.

Ce n'est pas comme ça que ça se passe. Il me semble que là-dessus l'Opposition utilise ce que je qualifie non pas d'un argument mais d'un prétexte pour la justifier de voter contre un projet de loi qui, somme toute, a sensiblement les mêmes conséquences que le projet de loi 70 que nous avons adopté l'an passé, pour lequel elle a voté et qui concernait des quantités d'énergie beaucoup plus fortes que celle qui est concernée par ce projet de loi. Finalement, nos amis d'en face ont beaucoup parlé de REXFOR pendant le débat mais il est peut-être utile de rappeler, pour ceux qui nous écoutent, que finalement l'objet de ce projet de loi, c'est de louer une partie des forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à la société Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc, filiale de REXFOR. (21 heures)

Finalement, il s'agit de renouveler un bail qui avait été consenti en 1943. Qui plus est, cette compagnie est propriétaire de 10% des forces hydauliques, propriétaire à parts entières. D'autre part, 90% des forces hydrauliques étaient inutilisées et elles lui ont été louées, mais cette compagnie était déjà sur place et elle possède encore les 10% des forces hydrauliques en propre. À ce moment-là, si on ne consent pas à les lui louer, qui va opérer cette petite centrale qui est à Mont-Laurier? J'aimerais que l'Opposition réfléchisse à cela, parce que...

Enfin, M. le Président, je pense que tout cela, c'est un prétexte finalement. C'est un prétexte pour attaquer REXFOR. Je pense que le projet de loi 9 avait un tout autre objet, mais, là, on a trouvé que l'occasion était belle. Je ne sais pas si c'est pour

régler des vieux comptes. Je sais que, l'an passé, il y a eu une commission parlementaire et je ne sais pas si l'Opposition est frustrée de ce qui s'est déroulé cette journée-là. Je sais qu'elle avait beaucoup de questions à poser. Elle les a posées et elle a eu les réponses qu'elle cherchait. Cela ne cadrait pas toujours avec ce qu'ils auraient voulu entendre comme réponses, mais les réponses étaient là et ils ont bien dû les accepter. Dans un contexte comme celui-là, c'est peut-être le fruit d'une frustration qui, aujourd'hui, nous amène à entendre tous ces éclats concernant REXFOR alors que nous étudions un petit projet de loi tout simple qui a pour objet de renouveler un bail qui avait déjà été consenti en 1943 et que nous voulons renouveler pour une autre quarantaine d'années parce que cette compagnie est la seule à pouvoir utiliser ces forces hydrauliques, de toute façon.

Je pense que c'est utile de le rappeler, ce projet de loi 9, qui porte sur la location des forces hydrauliques de la rivière du Lièvre, est un projet de loi qui, dans le fond, a un caractère essentiellement économique. Son adoption nous permettrait d'envisager un investissement important à Mont-Laurier, un investissement important dans une usine de fabrication de panneaux de bois qui est évaluée à environ 70 000 000 $ et qui permettrait de générer 175 nouveaux emplois. Comme ministre de l'Énergie et des Ressources - je pense que c'est l'attitude de l'ensemble des collègues du gouvernement -nous n'avons aucune objection à ce que des investissements se fassent à Maniwaki aussi. Dans la mesure du possible, nous allons tenter également de susciter des investissements à Maniwaki. Mais il appert que, pour cette usine de bois, ceux qui ont fait l'analyse économique du côté de REXFOR et compte tenu qu'il y a peut-être là un avantage parce qu'il y a une petite centrale qui lui appartient, en sont venus à la conclusion que, sur le plan économique, il y avait intérêt pour eux à s'installer à Mont-Laurier. Mais je sais que mon prédécesseur, l'actuel ministre des Finances, enfin l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources, soit directement ou par l'intermédiaire de ses fonctionnaires, avait établi des contacts avec les gens de Maniwaki à l'occasion de certaines manifestations et il avait quand même été convenu de faire l'examen d'un certain nombre de mesures et de tenter de piloter des projets pour en arriver à créer également une activité économique dans la région de Maniwaki de façon qu'ils puissent aussi profiter de la relance économique qui se produit au Québec cette année.

M. le Président, le fait que ce soit bon pour Mont-Laurier, je pense, ne doit pas être pris avec ombrage par les gens de la vallée de la Gatineau. Le projet de route de Belleterre, si le gouvernement fédéral veut s'impliquer, comme l'a souligné mon prédécesseur, quant à nous, nous sommes disposés à le pousser également. Je pense que les gens de Maniwaki le souhaitent ardemment. Il y a également d'autres projets qui ont été envisagés lors de ces rencontres et qui pourraient éventuellement aboutir.

En fait, l'Opposition, dans ce débat, n'a pas montré beaucoup d'intérêt pour le projet de loi. Son porte-parole, le député d'Outremont, finalement, a utilisé - je l'ai chronométré - je pense qu'il a parlé trois minutes sur le projet de loi et il a parlé 17 minutes pour faire le procès de REXFOR, une importante société d'État. Je trouve que cette méthode est un peu cavalière dans la mesure où on fait le procès d'une entreprise, on la critique, on l'attaque alors qu'elle n'est pas là pour se défendre. Lorsque la commission parlementaire a eu lieu en juin dernier, les porte-parole de REXFOR étaient présents, les députés de l'Opposition étaient là. Ils ont pu poser toutes les questions aux porte-parole de REXFOR, à ceux qui représentaient cette compagnie et ils ont eu les réponses qu'ils souhaitaient. Je pense que c'est dans le cadre d'un débat comme celui-là qu'on doit soulever ce genre de questions.

Il ne s'agit pas de cesser de s'interroger sur l'orientation, sur la façon dont sont administrées les sociétés d'État, sur les résultats qu'elles obtiennent ou non. C'est notre rôle d'examiner la gestion des sociétés d'État et dans ce sens, l'Opposition a le droit de le faire autant que les députés ministériels. Mais de profiter d'un projet de loi comme celui-là qui porte sur un tout autre objet pour attaquer indûment une société d'État qui, je pense, dans la période difficile que nous avons connue récemment a quand même tiré son épingle du jeu et a permis de sauvegarder un bon nombre d'emplois au Québec et de le faire alors que cette société n'est pas en mesure de se défendre par ses représentants, cela me paraît cavalier et cela ne me paraît pas très courageux non plus. En juin dernier, lors de la commission parlementaire, les échanges entre les parlementaires et REXFOR ont duré une journée. À ce moment-là, l'Opposition a eu toute la chance de poser les questions qu'elle voulait poser à REXFOR. Si elle en avait d'autres, pourquoi ne pas l'avoir fait à ce moment-là? Il me semble que cela démontre un peu, finalement, que c'est plus facile d'attaquer quand ceux qui sont visés ne sont pas là pour donner la réplique. C'est un peu ce qui se produit aujourd'hui.

Un peu dans la même veine, d'ailleurs, dans le discours qu'a prononcé le porte-parole officiel de l'Opposition, il s'est demandé - et il a laissé planer des doutes là-dessus - si mon prédécesseur, le ministre des Finances et député de Saint-Maurice, avait menti à l'Assemblée nationale en juin

dernier lorsqu'il a demandé de voter pour le projet de loi 66 qui octroyait un capital-actions de 35 000 000 $ à REXFOR pour la réalisation de la papeterie de Matane alors que, trois mois plus tard, le mandat était transféré à la Société générale de financement. Puisque la question a été posée, j'aimerais y apporter ici la réponse qui est toute simple. Au moment où l'actuel ministre des Finances qui était à cette époque ministre de l'Énergie et des Ressources a fait cette annonce, effectivement, REXFOR avait reçu mandat de piloter ce projet à Matane. Ce qui est intervenu par la suite, c'est qu'à la mi-septembre, la Société générale de financement et la compagnie Consolidated Bathurst Inc. ont annoncé qu'elles entreprenaient de leur côté une étude de faisabilité pour une usine de pâte chimico-thermo-mécanique blanchie à Matane d'une capacité de 180 000 tonnes. Matane peut recevoir une usine; elle ne peut pas en recevoir deux. Il y a une question d'approvisionnement. La Société générale de financement est une société d'État; REXFOR est une société d'État. Vous comprendrez que, devant cette situation, étant donné que le projet SGF-Consol, comme on l'appelle, semblait prometteur, le gouvernement a décidé en octobre 1984, sous la recommandation du ministre de l'Énergie et des Ressouces, de mettre fin, d'une part, au mandat de REXFOR quant à la papeterie de Matane, de confier le mandat de poursuivre son étude de faisabilité au consortium SGF et Consolidated Bathurst et a demandé, par ailleurs, à REXFOR d'aller examiner quelles seraient les possibilités d'aménagement d'une usine de pâte du côté de Port-Cartier, c'est-à-dire à l'ancienne usine de Rayonier. En fin de compte, il était un peu ridicule d'avoir deux sociétés d'État qui visaient le même projet et le même emplacement et, d'un autre côté, d'être pris avec une usine qui est fermée, pour laquelle on cherche une vocation et dont personne ne s'occupe.

C'est la raison pour laquelle le Conseil des ministres du gouvernement du Québec a décidé de confier à chacune des entreprises un mandat bien spécifique: SGF-Consol à Matane et REXFOR du côté de Port-Cartier. Je sais que REXFOR envisage un certain nombre de projets de ce côté. Il y a des consortiums européens qui sont en train de faire des analyses. REXFOR agit avec eux pour essayer de les intéresser le plus possible et de les amener à utiliser cette usine. (21 h 10)

C'est cela qui s'est passé tout simplement. Je ne pense pas qu'il y ait lieu de monter sur ses grands chevaux et faire des drames avec ça. Ce sont des décisions toutes simples et toutes logiques et souvent les décisions les plus logiques sont les plus simples. C'est ce qui s'est passé dans ce cas. Maintenant, il serait peut-être utile qu'on revienne au projet de loi 9 parce que finalement c'est ça qui est l'objet de notre débat. L'Opposition dit que le projet de loi sur la location des forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda est à peu près identique au projet de loi 70 adopté en juin dernier qui a permis d'approuver un nouveau bail hydroélectrique pour une période de 50 ans sur la rivière Péribonka.

Si l'objectif est identique et comme l'Opposition a voté pour, je ne sais pas ce qui a pu survenir entre le moment où ils ont décidé de voter sur ce projet de loi et aujourd'hui, alors qu'ils nous annoncent qu'ils vont voter contre, mais il me semble qu'il y a là un illogisme qui n'est pas expliqué et qui n'a pas été expliqué par eux à l'occasion de leurs discours. En fait, l'objectif du projet de loi 70 qui portait sur la rivière Péribonka était un projet de nature économique qui a permis des investissements importants dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et qui a permis de créer un certain nombre d'emplois. L'objectif du projet de loi qui est devant nous est également économique. Il permettrait également de créer un certain nombre d'emplois, soit environ 175 dans la région de Mont-Laurier cette fois. Curieusement, quand il s'agit de Mont-Laurier, l'Opposition dit non à la création d'emplois. Elle dit non aux investissements, tout simplement parce qu'il y a là une source d'énergie qui pourrait procurer un léger avantage aux gens de Mont-Laurier.

Lorsque c'était le cas de la région du Saguenay, lorsque c'était le cas de Péribonka, ils disaient oui. Parce que c'est Mont-Laurier, ils disent non. Ce qui est remarquable, ceux qui disent non sont des gens qui sont pour la plupart de la région de l'Outaouais et de la région de la Gatineau, les députés de l'Opposition qui sont de la région de la Gatineau et de l'Outaouais. Cela sent un peu l'esprit de clocher. Cela sent un peu la vengeance. Il me semble que la population de Mont-Laurier mérite mieux que cela. Je pense que les travailleurs de Mont-Laurier qui ont entendu les discours des députés de l'Opposition sur ce projet de loi et qui, finalement, se rendent compte que lorsqu'il s'agit de leur région, l'Opposition dit non à la création d'emplois dans cette région, je pense que ces travailleurs sauront s'en rappeler le temps venu.

L'Opposition prétend que la location des droits hydroélectriques sur une période de 40 ans fera bénéficier Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda d'une subvention de 5 000 000 $ à 10 000 000 $. Ils ont l'air de trouver cela tout à fait inusité, tout à fait effrayant. D'abord, il faut dire que 5 000 000 $ à 10 000 000 $ sur une période de 40 ans, cela ne fait pas énormément lorsqu'on répartit cela sur un an. Bien sûr, pour un individu cela représente

beaucoup de choses.

Mais pour une compagnie qui fabrique, qui emploie 175 personnes, 5 000 000 $ pendant 40 ans cela représente quoi? 125 000 $ par année. C'est la paie des trois quarts, à peu près, des cadres payés pas trop cher, c'est tout. Finalement, il n'y a pas de quoi en faire un plat. Il ne s'agit pas d'un précédent parce que Hydro-Québec a négocié des tarifs privilégiés avec des entreprises récemment; elle l'a fait avec Reynolds, elle l'a fait avec Pechiney. Hydro-Québec a, pour les entreprises, un programme de tarifs d'électricité réduits. Aux entreprises qui viennent s'installer au Québec ou encore aux entreprises québécoises qui augmentent leur production, donc leur consommation d'énergie, Hydro-Québec offre des tarifs particuliers pour leur surplus de consommation d'énergie. Il ne s'agit pas là de quelque chose qui est tout à fait inusité, qui arrive comme cela dans le décor sans qu'il n'y ait de précédent. Des précédents, M. le Président, il y en a. Plusieurs entreprises du Québec qui viendraient investir, des petites et moyennes entreprises, pourraient bénéficier de rabais tarifaires d'Hydro-Québec si ce sont de nouvelles entreprises, c'est-à-dire si ce sont de nouvelles consommatrices, ou encore si elles augmentent leur consommation d'électricité.

Je ne vois pas en quoi l'Opposition peut trouver scandaleux que cela puisse être également le cas de la compangie Bellerive-Ka'N'Enda. Je ne vois pas vraiment là de scandale. Je ne vois pas ce qui peut motiver l'Opposition à crier au scandale. Cela se fait sur une grande échelle au Québec parce que, justement, nous voulons profiter de cet avantage important que nous procurent nos ressources hydroélectriques pour attirer des industriels au Québec et pour créer des emplois permanents dans des industries de base, des industries qui vont rester ici longtemps et qui seront permanentes longtemps. Il y a permanent et permanent. Il y a du permanent temporaire, du permanent à temps partiel, du permanent qui dure longtemps. Dans le cas qui nous occupe, quand des investisseurs injectent 75 000 000 $, ce n'est pas pour fermer boutique deux ans après. C'est parce qu'ils sont sérieux, qu'ils ont bien analysé leurs dossiers et qu'à ce moment-là ils veulent s'installer pour un bon bout de temps. Ils ont fait leur analyse de marché.

M. le Président, en conclusion, on constate que tout en maintenant la production d'une usine qui permet à une entreprise d'avoir accès à des sources d'énergie à faible coût et d'être concurrentielle on maintient des emplois dans la région de Mont-Laurier. Le projet d'usine de panneaux MDF permet d'augmenter même le nombre d'emplois dans cette région et, en même temps, par le biais des redevances, de gonfler les coffres du gouvernement du Québec d'une somme qui peut varier entre 2 500 000 $ et 2 600 000 $ selon l'hypothèse d'un taux d'inflation de 5%, et ce pour une période de 40 ans.

En somme, M. le Président, il s'agit ici d'un projet de loi à caractère essentiellement économique. Il est important pour l'avenir de Bellerive-Ka'N'Enda et également pour l'avenir économique de toute la région de Mont-Laurier. Ce projet de loi est loin d'exiger des investissements massifs pour soutenir la création d'emplois parce que, en fin de compte, il n'y a rien à investir. Tout ce qu'il y a à faire, c'est d'accorder un bail. Cela sauvegarde les emplois actuels et incite une entreprise à venir investir pour créer 175 emplois nouveaux.

Donc, pour le gouvernement comme tel, il y a un revenu, pas d'investissement et des emplois sont créés. Peut-on demander une situation plus intéressante que celle-là? Pourtant, M. le Président, l'Opposition dit non à la création d'emplois à Mont-Laurier. C'est assez difficile à comprendre. Quant à moi, dans ces circonstances, je ne peux que souhaiter que l'Assemblée donne suite rapidement à l'adoption de ce projet de loi pour que nous puissions renouveler le bail concernant les forces hydrauliques des rapides de l'Orignal et accorder à la société forestière Bellerive-Ka'N'Enda les conditions qu'elle souhaite pour poursuive son exploitation dans les usines actuelles et, également, mener à terme le projet important d'investissements qu'elle a pour Mont-Laurier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de loi 9, Loi sur la location de forces hydrauliques de la rivière du Lièvre à Les Produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc. est-il adopté?

Des voix: Adopté. Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Blouin: M. le Président, conformément à notre règlement, je propose donc que nous envoyions ce projet de loi pour étude détaillée à la commission de l'économie et du travail en vous rappelant que cette commission sera présidée par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de renvoi est adoptée? Adopté.

M. Blouin: Sur ce, M. le Président, nous allons ajourner nos travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos travaux sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 20)

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