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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le jeudi 6 juin 1985 - Vol. 28 N° 70

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures deux minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir.

M. le député de Frontenac!

Visite d'une délégation de parlementaires catalans

J'ai le plaisir de souligner la présence dans les galeries de M. Miguel Coll, président du Parlement de la Catalogne, qui est accompagné d'une délégation de parlementaires catalans.

Visite de l'ambassadeur de la république d'Argentine

J'ai également le plaisir de souligner la présence dans les galeries de l'ambassadeur de la république d'Argentine, M. Francisco José Pulit.

Visite d'une délégation de l'ACFO

Enfin, je voudrais également souligner la présence dans nos galeries, ce matin, d'une délégation de l'Association canadienne-française de l'Ontario qui fête son 75e anniversaire.

Aux affaires courantes, aux déclarations ministérielles, M. le ministre des Relations internationales.

Une voix: M. le Président...

Le Président: Non. Nous sommes aux déclarations ministérielles, M. le député. S'il vous plaît, M. le député de Verchères! M. le ministre des Relations internationales. À l'ordre! M. le ministre des Relations internationales.

M. Landry: Je regrette quasiment de couper la parole à mon collègue qui voulait souligner la présence des gens d'ONET, ce merveilleux projet, dans nos tribunes.

Le Président: Je me permets de souligner que, si nous commençons cette pratique, je laisse au député le soin de mesurer où elle va nous mener. C'est au président de souligner la présence d'invités de marque dans la tribune. Si chaque député y va de son ajout personnel, je vous laisse le soin de mesurer à quelle heure nous commencerons nos travaux à chaque séance.

M. le ministre des Relations internationales.

Énoncé de politique de relations internationales du Québec

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, je vous exprime mon repentir le plus sincère, mais pas absolument profond.

M. le Président, j'ai l'honneur de déposer aujourd'hui devant cette Chambre l'énoncé de politique de relations internationales que le gouvernement a approuvé en Conseil des ministres. Le dépôt de ce document constitue un moment important dans l'histoire des relations internationales du Québec. Il s'agit, en effet, d'une première pour le gouvernement dont l'action sur la scène internationale prend sans cesse plus de vigueur depuis qu'elle a été amorcée il y a bientôt 25 ans.

Non seulement la démarche d'aujourd'hui est-elle sans précédent au Québec, mais elle conserve aussi une originalité certaine sur le plan international. Nous ne sommes pas le premier gouvernement dans le monde à entreprendre un exercice de ce type, mais assez peu l'ont mené à terme. Si le document que je vous soumets aujourd'hui se classe dans les annales de nos relations internationales, il se situe cependant dans la continuité d'une démarche à laquelle ont adhéré tous les gouvernements du Québec depuis le début de la Révolution tranquille. En effet, nous devons au gouvernement Lesage la création du réseau de représentation à l'extérieur que nous avons développé depuis et la signature de nos premiers accords de coopération avec l'étranger. Le fondement constitutionnel de l'action internationale du Québec ayant été élaboré par Paul Gérin-Lajoie dès 1965, chacun des gouvernements du Québec, depuis cette époque, s'est attaché à promouvoir la personnalité internationale du Québec en veillant à ce que les intérêts du peuple québécois sur le plan international soient vigoureusement poursuivis. Quoi de plus légitime pour notre peuple, comme le soulignait Daniel Johnson, que de chercher à avoir accès à l'oxygène culturel et économique que les relations internationales apportent!

Le contenu du document qui vous est présenté est le reflet d'un processus d'élaboration à la fois complexe, ancré dans la réalité et largement concerté. À l'origine des orientations qui ont été retenues se retrouve le triple constat de l'inter-

dépendance croissante qui caractérise l'évolution des sociétés contemporaines, de l'ampleur de plus en plus marquée de l'engagement gouvernemental sur la scène internationale qui en découle et de la présence agissante des intervenants non gouvernementaux à l'extérieur. Ce triple constat rend indispensable une formulation par voie d'énoncé de la politique que le gouvernement entend poursuivre afin de s'assurer que les intérêts du peuple québécois soient promus aussi vigoureusement à l'étranger qu'ils le sont au Québec dans le respect des valeurs propres de celui-ci et des impératifs de la solidarité avec d'autres peuples.

Trois traits principaux caractérisent les orientations que le gouvernement a retenues pour sa politique. Premièrement, plusieurs des orientations retenues se situent dans une optique de continuité par rapport à l'action menée jusqu'ici. L'importance accordée à notre politique en matière de relations économiques internationales et aux relations vitales à développer avec nos partenaires francophones, ainsi que l'intérêt renouvelé manifesté à l'égard de nos partenaires traditionnels en Amérique du Nord et en France doivent être perçus dans une perspective de développement des acquis considérables issus de ce qui s'était fait jusqu'ici.

Les mutations en cours cependant commandent une ouverture aux réalités nouvelles avec lesquelles notre peuple doit compter sur le plan international. L'accent sur le développement de nos relations scientifiques et technologiques avec l'étranger, l'importance des questions environnementales pour notre politique et l'émergence des relations entre pays nordiques comme nouvel axe de la politique traduisent la préoccupation du gouvernement de déterminer les objectifs de sa politique en fonction des enjeux qui confronteront le Québec dans le monde de demain.

Un troisième trait fondamental des orientations est la fidélité aux engagements auxquels ont souscrit les participants au sommet sur le Québec dans le monde. Plusieurs éléments de la politique, tant en ce qui concerne les principes que l'approche à retenir vis-à-vis de certains problèmes, épousent étroitement les consensus établis tout au long de l'année dernière. En rendant public pour la première fois l'ensemble des orientations qui nous guideront dans la conduite de notre politique internationale, le gouvernement a voulu souligner l'importance croissante de celles-ci pour le développement économique, social et culturel du peuple québécois. Un grand nombre de Québécois et de Québécoises de toutes origines et conditions oeuvrent chaque jour dans les secteurs de notre vie collective en vue de relever le défi de l'interdépendance que nous sommes appelés à vivre avec intensité au cours des prochaines années.

J'ai le sentiment que les orientations que le Québec entend mettre en oeuvre devraient contribuer à nous permettre de relever ce défi d'une manière efficace et réaliste en gardant comme point de repère constant les intérêts de notre peuple. Je dépose, M. le Président, l'énoncé de politique de relations internationales: Le Québec dans le monde ou le défi de l'interdépendance.

Le Président: Document déposé. M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: S'il y a un élément de notre politique sur lequel tous les partis politiques au Québec ont été d'accord et sont toujours d'accord - de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes fortement d'accord -c'est bien celui-là. Nous appuyons sans réserve toute politique qui pourrait assurer le rayonnement du Québec dans le monde. En fait, comme l'a souligné le ministre, c'est à l'époque du gouvernement libéral de Jean Lesage que le grand rayonnement premier du Québec à travers le monde a commencé à se faire. L'installation du ministère des Affaires intergouvernementales, dont le présent leader de l'Opposition était le titulaire, l'ouverture de délégations à travers le monde pour promouvoir notre commerce extérieur et notre présence internationale dans les compétences de notre juridiction ont été les marques de fabrique de tous les gouvernements du Québec jusqu'à présent. Donc, tout ce qui contribue à promouvoir le rayonnement du Québec dans le monde, nous nous en réjouissons tout à fait. Dans cet esprit nous acceptons avec une attitude très positive le dépôt d'une politique qui va consacrer ce rayonnement du Québec dans le monde.

En fait, le ministre se souviendra que, depuis la création même du ministère du Commerce extérieur en novembre 1982, c'est la chose que nous avions demandée avant tout. Avant même de créer le ministère du Commerce extérieur, avant de situer les balises de la coordination entre le ministère du Commerce extérieur et le ministère des Affaires intergouvernementales d'alors, il aurait peut-être fallu situer d'abord les objectifs, la direction de la politique du Québec par rapport à ses relations avec le reste du monde pour ce qui est du commerce extérieur et des autres champs de compétence.

Nous nous réjouissons donc de cette initiative puisque nous en avons discuté bien des fois en commission parlementaire et nous l'avons suggérée nous-mêmes à plusieurs reprises. Naturellement, il est impossible pour nous à ce stade-ci de commenter le fond même du document du ministre, ne l'ayant pas vu encore. J'espère que le

ministre se rendra à la requête que nous lui avons faite plusieurs fois, et qu'il avait acceptée en principe lors des deux sommets sur le Québec dans le monde, de tenir une commission parlementaire qui écoutera tous les intervenants dans ce milieu et où nous pourrons faire des représentations de fond sur le sujet.

Nous nous réjouissons aussi que le ministre consacre la continuité de l'action du Québec dans ce domaine. À ce sujet j'ouvre une parenthèse, car il y a deux points fondamentaux qui nous séparent de l'action gouvernementale. Premièrement, la direction globale de notre politique par rapport au pays auquel nous appartenons, le Canada. Or, n'est-il pas symptomatique que, dans ce document du ministre, cette déclaration ministérielle d'aujourd'hui, on ne trouve pas un traître mot sur le Canada qui est, après tout, le pays dont le Québec fait partie jusqu'à présent?

Il faudrait poser des questions importantes à ce sujet. Comment s'harmonisera la politique des relations extérieures du Québec avec celle du Canada, qui est le pays dont nous faisons partie? J'espère que le document du ministre répondra amplement à ce sujet. Comment, dans la pratique des choses, sur le terrain, s'harmoniseront la pratique et les structures de cette politique internationale du Québec par rapport à celle du Canada? C'est là le point fondamental qui nous sépare. En effet, je ne peux m'empêcher, à ce sujet, de demander au ministre: Comment peut-on élaborer une politique internationale qui fait presque abstraction, en principe, du fait même de notre appartenance au Canada? C'est là peut-être un grand point qui nous sépare de ce côté de la Chambre et de l'autre.

Je lisais, en effet, dans l'introduction de notre livre beige du Parti libéral, ceci: Les tenants de cette vision plus large affirment sans hésiter le droit du peuple québécois à disposer librement de son avenir. Mais, aujourd'hui, comme en 1867, ils soutiennent que les meilleures chances d'avenir résident, pour le Québec, dans le maintien librement choisi du lien fédéral canadien. À leurs yeux, le cadre fédéral canadien offre au Québec deux atouts majeurs: la possibilité de s'épanouir librement suivant son génie propre à l'intérieur du territoire québécois et aussi la chance de participer en même temps, sans renoncer à son identité, aux avantages et aux défis d'une société plus large et plus riche. Les Pères québécois de la Confédération, loin de craindre l'assimilation du Québec en 1867, conçurent le défi fédéral comme l'occasion unique pour les colonies dispersées de l'époque de former un grand pays au sein duquel le Québec serait appelé à jouer un rôle de premier plan. Ceux qui défendent aujourd'hui le lien fédéral sont les continuateurs de cette vision.

Donc, quand on parle de continuité, pour nous, la continuité veut dire la continuité de la politique du rayonnement du Québec dans le monde au sein du Canada. Pourtant, par contraste - c'est là qu'on se départage de l'action gouvernementale - je lisais dans le projet politique du Parti québécois, donc du parti qui forme le gouvernement maintenant, le dernier projet politique du Parti québécois, révisé en janvier 1985, ceci que je cite: "Or, le régime fédéral canadien, de plus en plus centralisateur, a fait la preuve qu'il freine cet épanouissement et qu'il ne peut se renouveler sans hypothéquer davantage notre avenir. C'est pourquoi le Parti québécois, s'appuyant sur le droit des peuples à l'autodétermination, a pour objectif fondamental de réaliser la souveraineté du Québec." Et l'article premier dit: Le Parti québécois a pour objectif fondamental de réaliser la souveraineté du Québec.

Donc, la question que nous posons au ministre est: Dans cet énoncé de politique internationale, où vous tenez-vous réellement par rapport au Canada? Notre position est tout à fait claire et la vôtre, il nous semble, est tout à fait ambiguë car c'est le ministre lui-même qui disait l'autre jour, je pense, en mars 1985: À moins que le Canada ne livre la marchandise, nous allons faire l'indépendance avec la plus grande vigueur. (10 h 20)

Le deuxième point qui nous sépare du gouvernement à ce stade, c'est qu'on a attendu jusqu'à l'échéance même du mandat du gouvernement, quelques mois après le mandat traditionnel du gouvernement du Québec, pour déposer une politique internationale à l'heure même où le gouvernement va s'en aller bientôt, nous l'espérons, en élections générales. C'est à se demander si le ministre est réaliste d'installer une politique que notre gouvernement aura à subir ou à amender, à changer ou à accepter. C'est à se demander si c'était sérieux d'avoir attendu si longtemps pour faire quelque chose de si important, M. le ministre. C'est ça la seconde question que nous posons au ministre. Nous réserverons nos commentaires sur la politique après l'avoir étudiée. J'espère que le ministre va concourir avec nous à l'idée de tenir une commission parlementaire dans les plus brefs délais pour pouvoir examiner à fond cette question si importante avec tous les grands intervenants du milieu. Merci.

Le Président: M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Avec le consentement de l'Assemblée, j'aimerais aussi dire quelques mots sur la déclaration du ministre.

Le Président: II vous faut en effet le consentement unanime de vos collègues à cet effet. Bien, M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Beltefeuille

M. de Bellefeuille: Merci. Je crois qu'il y a lieu de féliciter chaleureusement et sans arrière-pensée le ministre des Relations internationales - attendez la fin - d'avoir fait préparer ce document dans un domaine qui, comme le député de Nelligan l'a fait observer au début de ses remarques, a fait l'unanimité des partis politiques au Québec depuis au moins le début de la Révolution tranquille, comme l'a signalé le ministre lui-même d'ailleurs. Ce document devra être examiné de façon plus approfondie que ce que nous avons pu faire jusqu'à maintenant, puisque nous n'avons même pas pu en prendre connaissance encore.

Je voudrais signaler à l'attention du ministre, une fois de plus, une question qui représente un des angles sous lequel ce document devra être examiné. Un des aspects de cette unanimité des partis à propos des relations internationales du Québec au cours des deux dernières décennies reposait, comme je l'ai déjà fait observer au ministre, sur l'idée que le Québec est le foyer national des francophones du Canada et qu'à ce titre sa vocation internationale doit aller plus loin que la simple extension internationale de ses compétences constitutionnelles à titre de province canadienne. Je sais qu'il faut que le Québec revendique à tout le moins l'extension internationale de ses compétences comme province. C'est indispensable et c'est la base. Je sais aussi que cela ne fait pas l'unanimité. Encore récemment, certains porte-parole du gouvernement fédéral ont voulu faire obstacle à cette affirmation de la vocation du Québec fondée sur ses compétences comme province. Mais, à titre de foyer national des francophones du Canada, le Québec a une vocation qui va plus loin encore, ce qui explique, par exemple, l'importance de sa délégation générale à Paris qui est presque l'équivalent d'une ambassade. Si on n'admet pas ce supplément de vocation comme foyer national des francophones du Canada, on devra congédier au moins la moitié des personnes qui nous représentent si bien à Paris.

Je répète mes félicitations au ministre et, à l'instar de notre collègue de Nelligan, je l'invite à nous permettre, en commission parlementaire, d'examiner, de discuter de ce document le plus tôt possible, de façon approfondie. Merci.

Le Président: En réplique, M. le ministre des Relations internationales.

M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry: Oui. Je ferai plutôt certaines remarques qu'une véritable réplique, puisque je comprends que les députés n'ont pu prendre connaissance de l'exposé. D'abord, je complimente l'un et l'autre d'être sur la même longueur d'onde que le gouvernement sur la nécessité de publier cet énoncé de politique internationale. C'est une nécessité pour un État de la taille du Québec qui a des relations internationales déjà étendues, qui a une petite diplomatie extrêmement agissante dans 32 villes de la planète. Cette chose était nécessaire. Dans les deux cas, le venin était dans la queue, ce qui n'est pas très surprenant non plus, sauf que, lorsque le député de Nelligan parle d'énoncé tardif, cela ne doit pas résonner comme de la musique aux oreilles du chef de l'Opposition, puisque lui-même a déjà été en charge de ce dossier et le parti qui occupe les banquettes d'en face a gouverné pendant très longtemps sans jamais produire le quart du huitième d'un document de cet ordre.

Enfin, ce que je déplore, c'est que le député de Nelligan en particulier en ait fait un débat de politique interne. Il s'agit véritablement de nos relations avec les autres pays. Le député de Nelligan n'aurait sûrement pas été content si j'avais considéré le Canada comme un pays étranger dans ce document. Qu'il se rassure, il verra l'articulation que nous devons avoir avec les politiques canadiennes dans notre statut constitutionnel actuel que nous acceptons à contrecoeur et que nous travaillons activement à modifier et à changer.

Enfin, aux deux députés et à vous, M. le Président, je dis que le gouvernement est tout à fait d'accord pour que la commission parlementaire des institutions en particulier -c'est celle qui est la plus indiquée - examine ce document en profondeur et invite les divers agents intéressés à la question internationale à comparaître devant cette commission pour commenter les échéanciers et la mise en oeuvre de cette politique. Merci, M. le Président.

Le Président: À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement. M. le leader adjoint; l'un ou l'autre.

M. Bédard: Article a, M. le Président.

Le Président: Et b.

M. Bédard: Pardon? Je vous demanderais d'appeler l'article a...

Le Président: ...projet de loi?

M. Bédard: Oui. Non, l'article a du feuilleton.

Une voix: Et b.

Le Président: Et b.

M. Bédard: Les articles a et b.

Projet de loi 57

Le Président: M. le ministre de la Justice présente le projet de loi 57, Loi portant abrogation de lois et dispositions législatives omises lors des refontes de 1888, 1909, 1925, 1941 et 1964. M. le ministre de la Justice.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, il s'agit d'un projet de loi de délégislation. Ce projet de loi a pour objet l'abrogation de lois ou dispositions législatives jugées désuètes, inutiles ou dont l'objet est accompli et qui ont été omises à l'occasion des refontes des lois du Québec de 1888, 1909, 1925, 1941 et 1964.

L'annexe visée par le projet de loi comporte tout près de 1500 lois dont l'abrogation entière est prévue. Elle comporte également environ 2000 articles, 160 préambules, 20 annexes et 9 formules qui avaient été exclus des tableaux d'abrogation dans les lois refondues. À cela, il faut ajouter l'abrogation de toutes les dispositions d'entrée en vigueur des lois qui ont été refondues en 1941 et 1961 et qui avaient été maintenues en vigueur par l'application concernant les statuts refondus de 1941 et 1964. Ces dispositions n'apparaissent pas dans l'annexe, leur abrogation étant prévue par l'article 2 du projet de loi dont il est permis de croire qu'au-delà de 600 articles seront ainsi abrogés.

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir du projet de loi 57?

Des voix: Oui.

Le Président: II en est donc ainsi décidé.

Projet de loi 61

M. le ministre de l'Énergie et des Ressources présente le projet de loi 61, Loi sur la Coopérative régionale d'électricité de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville et abrogeant la Loi pour favoriser l'électrification rurale par l'entremise de coopératives d'électricité. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Jean-Guy Rodrigue M. Rodrigue: M. le Président...

Le Président: Allons! allons! allons! allons!

M. Rodrigue: ...ce projet de loi 61 abroge la Loi pour favoriser l'électrification rurale par l'entremise de coopératives d'électricité...

Une voix: Bravo!

M. Rodrigue: ...loi qui remonte, pour l'essentiel, à 1945. Le projet abolit donc, en conséquence, l'Office de l'électrification rurale constitué par cette loi.

Le projet de loi prévoit, en outre, que la seule coopérative encore régie par cette loi continuera son existence en vertu de la Loi sur les coopératives. Il contient, afin de faciliter la continuation de cette coopérative, diverses dispositions, principalement d'ordre technique. Enfin, le projet de loi prévoit plusieurs dispositions transitoires.

Les lois modifiées par ce projet sont la Loi sur la protection du consommateur (L.R.Q., chapitre P-40.1) et la Loi sur la Régie de l'électricité et du gaz, (L.R.Q., chapitre R-6).

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir du projet de loi 61?

Des voix: Oui.

Le Président: II en est donc ainsi décidé.

Au dépôt de documents, M. le ministre des Affaires sociales.

"Mieux vieillir et mieux vivre"

M. Chevrette: M. le Président, il me fait plaisir de déposer un document intitulé "Mieux vieillir et mieux vivre" qui incorpore trois politiques gouvernementales: le logement, la sécurité du revenu, la santé et les services sociaux.

Une voix: Très bien.

Une voix: Bravo! bravo!

Le Président: Document déposé.

Aux rapports de commissions. M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements. (10 h 30)

Étude détaillée du projet de loi 194

M. Marquis: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 4 juin 1985 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 194, Loi concernant la municipalité de Rivière-Saint-Jean.

Étude détaillée du projet de loi 209

Également, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 4 juin 1985 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 209, Loi concernant la Commission d'aqueduc de la vallée du Richelieu.

Étude détaillée du projet de loi 218

Également, le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 4 juin 1985 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 218, Loi concernant la Corporation municipale de la paroisse de Saint-Augustin-de-Desmaures, comté de La Peltrie.

Vérification des engagements financiers

Enfin, le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 28 et 30 mai 1985 afin de procéder à la vérification des engagements financiers dont l'étude a été reportée lors des séances des 19 et 28 mars 1985, ainsi qu'à la vérification des engagements financiers des mois de janvier à mars 1985 relevant de la compétence de la commission.

Le Président: Rapports déposés. Les rapports concernant les projets de loi 209 et 218 sont-ils adoptés?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Dépôt de pétitions, M. le député de Saguenay.

Demande au ministre du Travail

de rouvrir le décret de la

construction dans le but de

protéger le fonds de retraite

M. Maltais: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par des représentants des travailleurs de la CSN-Construction et du Conseil central de la Côte-Nord appuyant 153 signataires du comté de Saguenay et invoquant les faits suivants: l'Office de la construction a puisé, sans consulter les travailleurs, dans leur fonds de retraite; les travailleurs ont besoin de ces sommes pour s'assurer d'une pension décente. On conclut ainsi: Que l'Assemblée nationale demande au ministre du Travail de rouvrir le décret de l'industrie de la construction pour permettre aux parties de négocier le déficit du régime d'assurance sans puiser dans le fonds de pension des travailleurs. Merci, M. le Président.

Le Président: Pétition déposée; ce qui nous mène à la période des questions. Il y aura un vote à l'issue de la période des questions. Questions orales, M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Les négociations entre MM. Mulroney

et Lévesque sur les propositions

constitutionnelles du Québec

M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable premier ministre et cela, dans le contexte des propositions constitutionnelles du gouvernement. Dans le Soleil du 18 mai, on pouvait lire que le premier ministre croit que cela peut s'enclencher plus rapidement que l'on pense. Un peu plus tard, également dans le Soleil du 22 mai, cette fois: "Le premier ministre Lévesque a indiqué hier à l'Assemblée nationale que M. Mulroney et lui avaient déjà convenu jeudi dernier de se reparler dès qu'il sera rentré de son voyage officiel en France." Le bureau du premier ministre disait qu'une rencontre au sommet était loin d'être exclue et qu'elle pourrait même avoir lieu le jour du retour du premier ministre, soit le 28 mai.

Un peu plus tard, on est passé à un autre scénario: ce serait la rencontre lors de l'inauguration des travaux de la nouvelle usine de papiers peints de Domtar, à Windsor. Un peu plus tard, on dépose un échange de correspondance plutôt laconique. Ce matin, dans le Devoir: "L'échange de lettres ne laisse voir aucun empressement du côté de M. Mulroney." Doit-on conclure -c'est ma question - que l'enclenchement de ces négociations est retardé et que le pensez-y-bien du premier ministre du Québec serait maintenant transposé dans un pensez-y-bien de la part du premier ministre du Canada?

Le Président: M. le premier ministre. Une voix: Bel effort! Bel effort!

M. Paradis: Pensez-y bien avant de répondre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je ne sais pas qui a pu avoir l'idée saugrenue - je ne sais pas où l'a pêchée le chef de l'Opposition - que j'aurais souhaité rencontrer M. Mulroney le jour de mon retour d'un voyage plutôt éclair en Europe. Je ne sais pas où le chef de l'Opposition a pêché cela, mais tout ce que je peux dire, c'est que deux décalages de six heures en moins de six jours, cela ne me donne pas le goût, d'aucune façon, de faire des rencontres qu'on pourrait dire substantielles. Pas en arrivant, en tout cas. Mais cela étant dit... D'ailleurs,

je dois dire que j'ai lu quelque part que les négociations devaient être enclenchées, etc., à la Trinité. Je ne sais pas diable où j'ai lu cela ce matin. Ce que j'avais dit, pour autant que je me souvienne, c'est qu'en travaillant très fort - parce que c'est très complexe et c'est plein de nuances, on le sait - le projet proposé par le Québec serait prêt - c'est devenu une sorte de formule -autour de Pâques, entre Pâques et la Trinité. Cela a été fait et maintenant...

C'est vrai que M. Mulroney n'a pas trouvé le moyen jusqu'à présent ou le loisir d'arranger cette rencontre que nous devons avoir. Je dois dire que d'une part, il n'y a personne, en tout cas, sûrement pas votre serviteur, parce qu'il y a aussi des déclarations... Il n'y a pas seulement les lettres qu'évoque le chef de l'Opposition, il y a des déclarations. Il y a forcément quelques conversations téléphoniques de lui à votre serviteur et de nos entourages respectifs et tout cela me confirme l'entière sincérité et le vif désir aussi du premier ministre fédéral de régler le mieux possible cette question constitutionnelle. On aura peut-être remarqué, M. le Président, qu'il est fort occupé en ce moment à la Chambre des communes. De jour en jour, il y a des choses qui arrivent et il y a...

Des voix: ...

M. Bédard: Calmez-vous, là!

M. Lévesque (Taillon): Je comprends que le fait que les lunes de miel finissent toujours par se terminer réjouisse profondément nos amis d'en face. Il faut que des racines rouges reparaissent quelque part. Il n'y en a plus beaucoup dans le pays, mais enfin! Je citais tout simplement un fait. Bon! Et M. le Président, il y a neuf autres gouvernements provinciaux qu'il faut réintéresser à la question. Là-dessus, je dois dire que jusqu'à présent - et je n'irai pas plus loin, mais je trouve cela déplorable que l'attitude même du Parti libéral provincial, toujours quelque peu succursale d'un autre...

Des voix: Oh!

M. Bédard: Iona Campagnolo l'a dit, d'ailleurs.

M. Lévesque (Taillon): Quand M. Bourassa est obligé un peu lourdement de ne pas se dire d'accord avec Mme Campagnolo, trop fort casse un peu, n'est-ce pas?

Cela étant dit, il y a neuf autres gouvernements provinciaux, M. le Président, qu'il va falloir réintéresser à la question et cela, bien sûr, c'est d'abord et avant tout la responsabilité, au point de vue initiative, en tout cas, du gouvernement fédéral, parce que beaucoup de gouvernements ont cru que la question était morte et enterrée un certain matin de novembre 1981. Mais chacun sait que c'était une illusion, parce que tant que ce ne sera pas réglé dans la dignité et d'une façon qui permette un climat vivable dans les institutions fondamentales du pays pour le Québec, ce sera comme le Phénix, la question. Cela renaîtra toujours de ce qu'on croit peut-être périodiquement être des cendres. Alors, je pense que tout cela - on essaie de répondre le plus factuellement possible - explique quand même que la lettre de M. Mulroney, que j'ai publiée hier et que je pourrai déposer tout à l'heure, n'est pas un accusé de réception genre "j'ai bien reçu la vôtre", mais, d'autre part, n'est pas non plus le début de négociations intensives.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Cette réponse est un peu longue. Je pense que la question que tout le monde se pose, c'est une question de calendrier. Il y a des questions personnelles qui se posent, évidemment, en ce qui concerne le premier ministre du Québec. Les négociations constitutionnelles, les élections, qu'est-ce qui arrive après, avant et pendant? C'est quoi, les dates, exactement? Comment est-ce qu'on va... Est-ce que vous allez être là pour mener ce dossier? On voudrait savoir cela.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je pense que je n'ai pas à répondre à ces questions...

Des voix: Ah!

M. Lévesque (Taillon): ...pour la bonne et simple raison que je me place dans la peau du député de Jean-Talon, je me mets à sa place et je me dis: Si lui était à ma place, qu'est-ce qu'il ferait? Il dirait: En temps et lieu. C'est ce que je dis, M. le Président.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Si j'étais à votre place, je regarderais derrière moi.

Des voix: Ah! Ah!

M. Rivest: Est-ce que vous ne croyez-pas - par exemple, le premier ministre du Canada a dit que ce serait long, difficile, etc. - qu'il est très important que le chef du gouvernement du Québec, puisqu'il s'agit d'un dossier fondamental pour l'avenir du Québec, ait au niveau du chef du gouvernement, de son gouvernement, une stabilité, un engagement et des indications très nettes de

pérennité et de permanence pour défendre cela et engager d'une façon sérieuse les discussions. (10 h 40)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Très rapidement, justement parce que cela peut être long et complexe - Dieu sait que notre histoire est là depuis deux ou trois générations pour le prouver! - je ne vois pas en quoi il serait excusable de ne pas espérer et de ne pas essayer, le plus vite possible, d'amorcer les pourparlers. D'autre part, pour ce qui est de la pérennité et de la stabilité, je me contenterai de dire simplement ceci: J'espère que le chef du Parti libéral du Québec n'attendra pas des élections générales pour venir faire son tour en Chambre.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: J'aimerais demander au premier ministre s'il ne pense pas que le corridor dans lequel il a engagé son gouvernement et le Québec a très peu de chances, après ces négociations longues et difficiles, d'arriver à des résultats concrets. Pourquoi cette hâte et cet empressement à régulariser le statut du Québec puisque, de toute façon, la constitution canadienne s'applique au Québec, qu'on le veuille ou non?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je comprends la question du député de Rosemont. Elle s'explique facilement. Elle s'explique par le fait que nous sommes ici et nous faisons de notre mieux et que lui est passé là-bas pour les raisons que l'on connaît. Il continue d'étayer le mieux possible les raisons pour lesquelles il a quitté l'équipe ministérielle. Nécessairement, pour lui, la bouteille est toujours d'avance aux trois quarts vide; quant à nous, il y a des chances qu'elle devienne convenablement remplie pour satisfaire aux besoins et même à certaines aspirations du Québec.

Le Président: M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, en complémentaire: Le premier ministre n'est-il pas d'accord pour dire qu'aujourd'hui la plupart des commentateurs constatent que c'est une démarche où le Québec n'a aucun rapport de forces? À ce moment-là, comment le premier ministre pense-t-il pouvoir se donner un rapport de forces suffisant pour que ces négociations longues et difficiles arrivent à quelque résultat tangible que ce soit?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Pour citer simplement un précédent, il fut un temps où il y avait en cette Chambre 102 députés -c'était presque le parti unique - sur combien, à ce moment-là? 112?

Une voix: 108.

M. Lévesque (Taillon): 102 députés sur 108.

Une voix: 110. Il y en avait deux qui... M. Bédard: 102 sur 110.

M. Lévesque (Taillon): On me permettra d'oublier l'évolution de la mathématique parlementaire. Donc, 102 sur 110 et cela a duré, sauf erreur, trois ans. Pendant ce temps, il y a eu pas mal de va-et-vient constitutionnel. Il y avait un sacré rapport de forces apparent et quelqu'un a fini par se faire traiter, de haut en bas, de mangeur de vous savez quoi... Bon.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Le premier ministre ne conviendra-t-il pas qu'au moins, à ce moment-là, le Québec n'a rien perdu et, notamment, n'a pas perdu son droit de véto?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Sur d'autres plans non seulement tout aussi importants, mais à mon humble avis plus près de la vie des gens, ces trois années, additionnées aux trois autres années d'un certain mandat qui nous a précédés, ont été plutôt catastrophiques.

Des voix: Oh!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Comment le premier ministre peut-il concilier l'affirmation qu'il vient de faire ou la déclaration qu'il vient de faire voulant que le Québec allait peut-être trouver la satisfaction de ses besoins dans cet éventuel accord constitutionnel, avec l'article premier du programme du Parti québécois qui dit que le Québec doit devenir indépendant?

Le Président: M. le premier ministre.

Des voix: Ah!

M. Lévesque (Taillon): II y a des gens -il y en a certains dans cette Chambre, il y en a ailleurs et je ne vise pas tout le monde, loin de là - qui ne comprennent pas qu'on puisse, même si c'est laborieux, difficile, déchirant même, être obligé de concilier - je vais employer une expression assez courante - le coeur et la raison. Il y en a qui sont privés d'un et parfois, semble-t-il, de ces deux organes pourtant essentiels; mais, à cela, on n'y peut rien.

Des voix: Oh!

Le Président: M. le député d'Outremont, question principale.

Des voix: Oh!

Le Président: Allons, allons, allons! M. le député d'Outremont souhaite poser une question. Il me semble que nous pourrions l'entendre.

L'évaluation du coût d'une deuxième

Baie James par le ministre de

l'Énergie et des Ressources

M. Fortier: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Rivest: Ah! notre favori. On l'applaudit! On l'applaudit! On l'applaudit!

Une voix: Ça, c'est une lumière!

M. Fortier: Le ministre a soulevé une polémique très récemment sur le coût de la deuxième Baie James en utilisant des chiffres extrêmement contestables. Ils ont été contestés par des journalistes sérieux tel Alain Dubuc dans la Presse et voici qu'ils sont maintenant contestés par les experts d'Hydro-Québec. Dans le Soleil de ce matin on lit: "Hydro-Québec réfute les chiffres de Jean-Guy Rodrigue."

La question que j'aimerais poser au ministre est celle-ci: Est-ce que le ministre peut nous confirmer finalement et très ouvertement que les calculs qui ont servi à sa déclaration ne provenaient ni des experts d'Hydro-Québec ni des experts de son ministère, mais plutôt d'un quelconque attaché politique de son cabinet?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Rodrigue: M. le Président, l'article du Soleil de ce matin est coiffé d'un titre qui est faux. Si on le lit comme il faut, on constate que le titre devrait plutôt se lire: Hydro confirme les chiffres de Jean-Guy

Rodrigue, plutôt que réfute. Des voix: Ah! Ah! Ah! M. Rodrigue: Effectivement, le... Le Président: Allons!

M. Bédard: M. le Président, question de règlement. On laisse continuellement l'Opposition poser ses questions sans réagir de ce côté-ci. Je pense qu'il devrait en être de même de la part de l'Opposition. Si elle veut des réponses qu'elle laisse répondre le ministre. Si l'Opposition continue à vouloir s'agiter, je comprendrai très bien le ministre de s'abstenir parce qu'on comprendra que l'Opposition ne veut pas de réponse.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, sur la question de règlement. La différence de comportement respectif de part et d'autre est peut-être bien plus inspirée par le fait que les questions sont posées sérieusement mais que les réponses sont complètement loufoques.

Le Président: Tel qu'amorcé à l'origine par le leader du gouvernement, le rappel au règlement était bien fondé. D'ailleurs, effectivement, j'avais déjà commencé à rappeler les députés à l'ordre. Cela a par contre débordé sur un commentaire qui a amené un autre commentaire.

M. Bédard: M. le Président, sur la question qui était plutôt remarque, du leader de l'Opposition, elle est d'autant moins fondée que le chahut du côté de l'Opposition a commencé avant même que le ministre n'ait commencé à donner sa réponse, ce qui montre le peu de sérieux de l'Opposition, M. le Président.

Une voix: C'est parce qu'on le connaît bien.

Le Président: Puisque tout le monde est d'accord à savoir qu'on devrait entendre le ministre, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Rodrigue: M. le Président, il y a un auteur célèbre, dont j'ai malheureusement oublié le nom qui a déjà dit que de se faire traiter d'imbécile par plus imbécile que soi est un délice de fin gourmet. Quand le député de Gatineau me traite de loufoque, je dis qu'il me convie à un magnifique festin.

Une voix: Oh!

M. Rodrigue: J'ai déclaré à cette

Assemblée que les estimations de base sur lesquelles nous nous étions fondés pour estimer les coûts de ces travaux en dollars courants entre 1986 et 1994, tel que propose de les réaliser le chef libéral, nous avaient été fournies par Hydro-Québec. Je précise ici que cela nous a été fourni le 17 avril dernier. C'est ce que dit M. Hébert dans la réponse qu'il a donnée aux journalistes.

Là où M. Hébert se trompe, et je pense qu'il s'appuie sur un autre article qui est paru la semaine dernière, qui était erronné là-dessus, c'est lorsqu'il affirme que les compilations auraient été faites par quelqu'un de mon cabinet. Les compilations ont été faites par le secteur Énergie du ministère de l'Énergie et des Ressources. Ce que cela donne en dollars courants, c'est que le coût de réalisation de ces travaux, s'ils étaient réalisés au cours de ces années, serait de 49 000 000 000 $. Cela reflète le coût réel des travaux parce que ce sont 49 000 000 000 $ qu'il faudrait investir pour les réaliser en incluant la portion d'autofinancement qu'Hydro-Québec devrait absorber, c'est-à-dire 25 %. (10 h 50)

Lorsque vous devez investir 49 000 000 000 $ pendant une période de dix ans, vous atteignez certaines années des niveaux d'investissement de l'ordre de 4 000 000 000 $ et 5 000 000 000 $. Avec l'obligation d'autofinancer 25 % de ces travaux, cela veut dire qu'Hydro-Québec devrait, à ce chapitre seulement, dégager des revenus de 1 000 000 000 $, 1 250 000 000 $ ces années pour être capable de fournir son autofinancement à 25 %. C'est ce qui me fait dire qu'au cours de cette période et à terme cela aurait pour effet de faire doubler les tarifs, tel que cela a été le cas dans la réalisation du projet d'aménagement La Grande, et je vous ai donné des indications là-dessus. C'est à cause de l'obligation d'Hydro-Québec d'autofinancer ces travaux que nous aurions et que les Québécois devraient subir une telle hausse de tarifs.

M. Fortier: Le ministre ne se rend-il pas compte que la déclaration d'Hydro-Québec, qui n'accepte pas la paternité des chiffres du ministère et du ministre, constitue un désaveu du ministre? Je lui demande quelle sera la nature des relations -maintenant que le ministre a été désavoué par Hydro-Québec - entre Hydro-Québec et son ministre, surtout quand celui-ci se retrouvera dans le "Club Med" d'Hydro-Québec très bientôt?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Rodrigue: M. le Président, cette déclaration a été faite en Chambre, je crois que c'est jeudi dernier. Vendredi matin, j'ai eu l'occasion de m'entretenir brièvement sur un autre sujet avec le P.-D.G. d'Hydro-Québec. Je lui ai demandé s'il avait été surpris d'un titre où on disait "Hydro-Québec estime à 49 000 000 000 $ le projet Bourassa", alors que c'est moi qui, effectivement, avais fait cette déclaration. M. le président-directeur général m'a tout simplement indiqué: Écoutez, nous vous fournissons beaucoup de chiffres durant l'année, des statistiques de toutes sortes, des données de toutes sortes.

Effectivement, les estimations de base ont été fournies et, à ce moment, c'est la responsabilité de ceux qui les compilent de les soutenir. M. le Président, là-dessus, j'assume cette responsabilité et mon ministère l'assume. Il n'y a pas de problème là-dessus.

En parlant de désaveu, M. le Président, je pense que le député d'Outremont est très mal placé, parce que je lui rappelle ce que j'ai déjà dit ici. Son collègue, Daniel Johnson, déclarait dans la Presse du 26 août que le projet de M. Bourassa est un rêve irréalisable et que c'est Pierre Fortier lui-même qui était celui de ses collègues de l'Assemblée nationale qui lui avait fourni le plus d'arguments pour démontrer que le projet Bourassa, c'est de la foutaise.

Le Président: M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, est-ce que le ministre, qui répète cette allégation continuellement, sans aucune preuve d'ailleurs, ne se rend pas compte...

Le Président: M. le député. La remarque très pertinente du leader du gouvernement tantôt s'applique aux deux côtés de la Chambre. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: La question est pertinente, M. le Président. Le ministre, à plusieurs reprises, me met en cause personnellement. La question que j'aimerais poser au ministre est celle-ci: N'a-t-il pas assisté, comme moi, à toutes les réunions de la commission permanente de l'énergie et des ressources où nous avons discuté des projets d'Hydro-Québec? N'a-t-il pas assisté, comme moi, à ces réunions très nombreuses avec l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources où j'ai fait des déclarations publiques sur toute la question hydroélectrique?

Jamais je n'ai fait de telles déclarations, et je demande au ministre de confirmer, puisqu'il était présent à toutes les commissions parlementaires auxquelles j'ai participé depuis 1980, que jamais, au grand jamais, je n'ai fait de déclarations comme celles qu'il veut me faire faire.

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Rodrigue: M. le Président, le député d'Outremont, ce matin, me pose une question sur la foi d'un article de journal. Je lui réponds que son collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, dans un article qui paraît dans le journal La Presse daté du 26 août 1983, a fait cette déclaration.

J'ajoute que le député de Vaudreuil-Soulanges, dans la Presse du 15 octobre 1983, disait ceci quant aux tarifs d'Hydro-Québec: "Un tel projet - il faisait toujours référence à l'aventure que nous propose le chef libéral - risque de faire grimper les tarifs d'électricité sans aucune certitude que les surplus d'électricité pourront être vendus à l'étranger." On m'indique qu'il aurait même parlé de doublement des tarifs à l'occasion du congrès du Parti libéral.

J'ai déclaré en cette Chambre, jeudi dernier, que, parce qu'il fallait autofinancer les travaux au quart et parce que cela impliquait des investissements en dollars courants de 49 000 000 000 $, cela entraînerait fatalement à terme le doublement des tarifs. Je vous signale que ce n'est pas la première fois que je fais cette déclaration, j'avais dit la même chose à Trois-Rivières cinq, six jours auparavant lors de l'inauguration du Centre de recherche en électrochimie et, il y a environ un mois et demi, j'avais dit la même chose à l'occasion d'une conférence de presse que j'ai tenue après la déclaration ministérielle que j'ai faite en cette Chambre, où j'annonçais que le gouvernement avait accepté le plan d'équipement tel que proposé par HydroQuébec dans lequel celle-ci se propose d'investir 20 000 000 000 $ au cours des dix prochaines années, de même que la hausse tarifaire de 2,5 % qui était la plus basse que nous ayons connue depuis dix ans.

M. Gratton: Dois-je comprendre par les réponses du ministre qu'Hydro-Québec fournit au ministre des chiffres, mais que le ministre peut dire n'importe quoi à partir de ces chiffres? Est-ce que le ministre, qui prétendait tantôt que les augmentations de tarifs qu'on a connues récemment étaient dues au projet de la Baie-James, ne se trouve pas lui-même en contradiction avec ce qu'il disait le 3 décembre 1981 ici même à l'Assemblée nationale dans le cadre du débat entourant le projet de loi 16 et j'en citerai un court extrait: En fait, le vrai motif de la récente hausse des tarifs d'Hydro-Québec, c'est la nécessité devant laquelle nous nous trouvons de situer le prix de l'électricité à un niveau compatible avec celui des autres sources d'énergie?

Quand le ministre dit-il vrai? Quand essaie-t-il de leurrer la population par ses réponses?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Rodrigue: Je pense que c'est bien connu - la loi 16 en a fait obligation, elle l'a confirmé, en fait - qu'il est important qu'une entreprise qui veut se présenter sur les marchés financiers pour faire des emprunts massifs, comme ceux que réalise Hydro-Québec, ait une part d'autofinancement, et cette part d'autofinancement qui est jugée raisonnable et acceptable était d'environ 25 %. Nous l'avons confirmé dans la loi 16. Il était vrai aussi que, dans le cadre de la stratégie énergétique du gouvernement du Québec, qui date de 1978, nous favorisions la pénétration de l'électricité et du gaz pour remplacer le pétrole. Cette stratégie a porté ses fruits puisque depuis 1978 il y a une bonne part du pétrole importé au Québec qui a été remplacée par l'électricité et le gaz comme sources énergétiques. Il est évident qu'à ce moment il faut placer le gaz et l'électricité en position concurrentielle. Ce à quoi on assiste aujourd'hui, c'est que les consommateurs québécois profitent de cette situation puisqu'ils peuvent s'approvisionner indifféremment au gaz ou à l'électricité, du moins ceux qui sont desservis par le réseau, parce que le réseau ne se rend pas partout. Les consommateurs peuvent mettre ces deux sources d'énergie en concurrence. Des compagnies québécoises font des investissements importants aujourd'hui pour se transformer et passer du pétrole au gaz ou à l'électricité. Ce fait favorise les tarifs les plus bas possible au Québec.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Question complémentaire. J'aimerais demander pourquoi le gouvernement actuel s'entête à refuser systématiquement d'étudier sérieusement la suggestion du développement de la deuxième phase de la Baie-James. Pourquoi ne l'étudie-t-il pas sérieusement afin, peut-être, de trouver de nouveaux usages à notre électricité, par exemple, l'hydrogène liquide, l'automobile électrique, les exportations ou autres? Les prix doublés dans quinze ans, d'une manière ou d'une autre, ce le sera, qu'on ait la deuxième phase de la Baie-James ou non. Pourquoi s'entête-t-il à ne pas vouloir l'étudier sérieusement, ce projet?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Rodrigue: Je veux rappeler au député de Frontenac que le gouvernement du Québec actuel est celui qui a développé les exportations d'électricité vers les États-Unis. Le chef libéral qui était là de 1970 à 1976

n'avait rien fait en ce sens à l'époque. (11 heures)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rodrigue: Si c'était aussi évident, en 1974, 1975 ou 1976, le gouvernement libéral dirigé par M. Bourassa à l'époque aurait pu entamer des discussions avec les Américains et prévoir des contrats à long terme, mais il ne l'a pas fait. C'est notre gouvernement qui a réalisé cela, de sorte qu'en 1984 le Québec exportait 20 fois plus d'électricité aux États-Unis qu'il ne le faisait en 1976, et, en 1984, les revenus provenant de ces exportations étaient 40 fois plus élevés que ce qu'ils étaient en 1976. Depuis 1982...

M. Gratton: Question de règlement.

Le Président: Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, cela fait 20 minutes que le ministre de l'Énergie et des Ressources répond complètement à côté de nos questions. L'article...

M. Grégoire: Question supplémentaire, M. le Président.

M. Gratton: Attendez, je vais finir de soulever la mienne. Ne vous énervez pas. Attendez votre tour, M. le leader.

Le Président: Allons, allons, allons! M. Gratton: Chacun son tour.

Le Président: Allons, allons, allons, allons!

M. Gratton: Je lis l'article 79 pour que le leader du gouvernement le comprenne: "La réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche..." Se limiter au point qu'elle touche, ne pas faire le tour du monde, comme le ministre le fait depuis le début. Qu'il se limite au point qu'elle touche. J'ajouterai que, si le ministre ne sait pas quoi répondre, ce serait à son avantage de ne rien dire.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Grégoire: M. le Président, question supplémentaire.

Le Président: Un instant!

M. Grégoire: Question supplémentaire.

Le Président: Un instant!

M. Bédard: Sur la question de règle- ment, je constate, encore une fois, que le leader de l'Opposition ne connaît qu'un seul article, l'article 79. Je l'invite encore une fois, même si, sous certains aspects, il peut avoir raison de soulever cet article, à poursuivre sa lecture du règlement avant la fin de la session et à se rendre à l'article 81 qui lui indiquera qu'aucun membre en cette Chambre...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Bédard: Vous avez au moins quinze jours pour vous rendre jusqu'à l'article 81 qui dit très clairement qu'il est défendu - ce que font continuellement le leader et les membres de l'Opposition officielle - par notre règlement de prétendre qu'une réponse est insatisfaisante. Si on n'est pas content d'une réponse, il y a un autre article - au cas où le leader aurait le temps de continuer sa lecture - de notre règlement qui fait que, lorsqu'un parlementaire n'est pas satisfait d'une réponse, il peut recourir à un article qui lui permet d'avoir un débat à la fin de nos travaux.

Le Président: L'article 79 évoque, entre autres choses, la pertinence de la réponse. La réponse doit porter sur la question ou avoir un lien avec la question. J'avoue qu'à écouter... Ce n'est pas la même chose que la possibilité qui existe, par un rappel au règlement, de se déclarer insatisfait de la réponse. La question qui est soulevée à l'heure actuelle est de savoir si le ministre est en train de répondre à la question qui a été posée. Je dois dire que j'ai quelque difficulté à concilier sa réponse avec la question et avec l'article 79.

M. Bédard: Sur la question de règlement, M. le Président, une fois pour toutes...

Le Président: Une fois pour toutes aussi, on va s'entendre. Il y a un abus, de la part des deux leaders, de rappels au règlement qui n'en sont pas. Les rappels au règlement, par définition, n'ont pas pour but de se passer des messages de part et d'autre de la Chambre. C'est pourtant ce qui est en train de devenir une habitude et qui est une habitude déplorable. C'est pourquoi, si nécessaire, je vais limiter les rappels au règlement tant qu'on ne se bornera pas à faire ce qui est effectivement un rappel au règlement. On fait souvent autre chose par le biais d'un rappel au règlement.

M. Bédard: M. le Président, comment pouvez-vous dire qu'il y a un abus de rappels au règlement tant de la part du leader de l'Opposition que de celle du leader du gouvernement, lorsque, sur un point de règlement soulevé tout à l'heure, vous avez dit que les leaders avaient raison de soulever le

point? Est-ce qu'on va...

Le Président: Les services de l'Assemblée pourront être à la disposition du leader du gouvernement, si besoin est, à cette fin. Nous pourrons faire la compilation des rappels au règlement, disons depuis la reprise des travaux en mars et on constatera qu'il y a un abus de rappels au règlement qui n'en sont pas vraiment. Je ne dis pas que tous ne le sont pas, mais je dis que certains rappels au règlement n'en sont pas ou qu'on fait des rappels au règlement et on élargit considérablement la chose. On profite de l'occasion qui est fournie d'avoir la parole en faisant un rappel au règlement pour dire tout autre chose, ce qui enclenche un débat entre leaders, ce qui n'est pas le but de la période des questions.

M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Question supplémentaire, M. le Président, parce que j'ai été satisfait de la réponse du ministre.

Le Président: Les questions complémentaires ne comportent pas de préambule, d'une part. D'autre part, il va de soi que, si un article du règlement fait en sorte qu'on ne peut pas invoquer le règlement puisqu'on est insatisfait de la réponse, on n'a pas, non plus, à commenter la satisfaction que l'on peut éprouver à l'endroit de la réponse.

M. Grégoire: Sans autre commentaire, puisque le gouvernement actuel a été capable de multiplier par 20 l'exportation d'électricité au cours des cinq dernières années, ce pourquoi je le félicite...

Le Président: Question.

M. Grégoire: Je pose la question: Pourquoi ne serait-il pas encore assez bon pour la multiplier par 20 encore une fois au cours des dix prochaines années et faire le projet de développement de la deuxième phase de la Baie-James et donner de l'emploi à ceux qui n'en ont pas?

Le Président: M. le député de Frontenac! M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, rapidement, je vous prie, puisque la période des questions avance et que de moins en moins de questions vont pouvoir être posées.

M. Rodrigue: M. le Président, nous avons évalué le marché américain. Effectivement, l'État de New York a des installations qui comblent ses besoins d'ici à l'an 2000 et les États de la Nouvelle-Angleterre n'auront besoin que d'environ 3500 mégawatts à installer autour des années 1996 ou 1997 pour combler leurs besoins. Nous sommes donc loin d'une aventure de 12 000 mégawatts, comme celle qu'on nous propose.

Cependant, Hydro-Québec - et le gouvernement appuie Hydro-Québec en ce sens - prend les dispositions pour être capable de satisfaire au moins cette portion du marché. D'ailleurs, les interconnexions qui ont été réalisées entre le Québec et les États de la Nouvelle-Angleterre et l'État de New York sont vingt fois supérieures à ce qu'elles étaient en 1976. En 1990, elles vont atteindre 4500 mégawatts comparativement à 200 mégawatts du temps du gouvernement antérieur.

Une voix: Ah!

Le Président: Question principale, M. le député de Mont-Royal.

Danger à l'échangeur de la ville de Saint-Pierre?

M. Ciaccia: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Hier, à la suite d'une question que je lui posais concernant l'échangeur à la ville de Saint-Pierre, le ministre nous assurait qu'il n'y avait pas de danger. Il semble que son affirmation ait été contredite par au moins deux experts, l'un de l'Université de Montréal et l'autre de l'Université McGill. Le professeur Harris, de l'Université McGill, affirme que le problème est encore pire qu'il ne le pensait lui-même et que le ministre semble l'indiquer. Le professeur Takacs, de l'Université de Montréal, affirme que non seulement il y a un danger pour ceux qui circulent sur l'échangeur, mais aussi pour ceux qui passent autour de l'échangeur s'ils sont frappés par le béton qui tombe. De plus, le professeur Takacs, de l'Université de Montréal, recommande que la circulation lourde soit interdite sur l'échangeur aussi longtemps que les réparations n'auront pas été complétées. Est-ce que le ministre peut nous dire ce qu'il entend faire dans les circonstances? (11 h 10)

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Tardif: M. le Président, je maintiens que, selon les rapports des experts du ministère des Transports, il n'y a aucun danger pour la sécurité des gens. Le député fait référence à une déclaration d'un ingénieur en structure. D'ailleurs, c'est assez intéressant que les gens qui voient des dangers partout sont des ingénieurs en structure, des spécialistes en béton et l'Association des constructeurs de routes et grands travaux, donc tous des gens qui sont, comme par hasard, des groupes d'intérêts intéressés, évidemment, à ce que le maximum de travaux se fassent. Je ne les blâme pas, c'est de bonne guerre. Mais il

faut prendre cela en considération.

Il reste, M. le Président, qu'un de ces experts dit, et je le cite dans la mesure où la phrase est donnée entre guillemets: "I certainly do not think the bridge is in danger of imminent collapse. That is too extreme, but - je vais lire la citation en entier - the other extreme is to say: Repairs are purely cosmetic." M. le Président, je maintiens que, selon l'avis des experts du ministère, il n'y a aucun danger structurel. Il est évident cependant que, si, encore une fois, vu que c'est à l'extérieur, le revêtement de surface est effrité et, donc, permet à l'eau de s'infiltrer, à la longue il pourrait se produire des dangers de la nature de ceux dont parle le député. On me dit que présentement ce n'est pas le cas. Le maire de la ville de Saint-Pierre - parce que le ministère était à étudier ce rapport bien avant, et, de toute façon, il est prévu de faire des travaux cet été - M. Roger Jolicoeur dit: "Je ne comprends pas, de mon côté, qu'une véritable psychose ait pu se développer à la suite d'une simple lettre aux lecteurs adressée au journal The Gazette. Les vérifications des rames de l'échangeur ont été faites à la suite de cette lettre, a-t-il dit. Le tout est solide. Nous avions depuis quelques semaines entrepris des démarches - j'ajoute que c'est avec le ministère des Transports - pour améliorer l'environnement visuel donnant accès à l'échangeur." Le maire de la ville de Saint-Pierre dixit.

M. le Président, néanmoins, afin d'avoir personnellement une idée plus juste, sans être un expert, j'ai demandé qu'on aille sur les lieux faire une nouvelle expertise avec la presse et tous ceux qui voudront constater si, effectivement, il y a des dangers là. Mais les experts du ministère me disent qu'il n'y en a pas.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Le ministre peut-il nous assurer que les experts de son ministère ne sont pas les mêmes experts qui ont construit le pont à Sept-Îles, qui sont responsables du pont de Sept-Îles?

Une voix: Question factuelle.

M. Ciaccia: C'est factuel. Vous avez des experts dans le ministère et regardez ce qui est arrivé. Il y a sept morts à Sept-îles.

Le Président: M. le député: M. le député!

M. Ciaccia: Cela est dégueulasse. Ce n'est pas ma question qui est dégueulasse.

Le Président: M. le député!

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais être assuré de cela, qu'ils ont une meilleure expertise. Le ministre ne croirait-il pas que, pour les fins de la prudence et de la sécurité publique, il serait mieux d'interdire de suivre la recommandation des experts de l'Université de Montréal? S'il y a un doute, ne serait-il pas mieux d'interdire, au moins, la circulation lourde sur l'échangeur et de prendre des mesures préventives pour ceux qui doivent circuler autour de l'échangeur afin qu'ils ne soient pas frappés par le béton qui tombe à terre?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Tardif: Je comprends que les applaudissements ne soient pas très forts pour une question semblable.

M. le Président, non, ce ne sont pas les mêmes experts qui ont bâti le pont de la rivière Sainte-Marguerite... Merci! À la première question, je réponds: Non, ce ne sont pas les experts qui ont bâti le pont de la rivière Sainte-Marguerite. Oui, ce sont les experts qui sont responsables de l'entretien des quelque 14 000 structures que nous avons au Québec, qui sont empruntées à tous les jours par les Québécois et qui sont de toute sécurité.

Troisièmement, M. le Président, si le député me demande: Serait-il préférable qu'un citoyen n'aille pas se promener en dessous de l'échangeur au cas où un éclatement se détacherait au passage d'un camion lourd et lui tomberait dessus, je lui dis: De toute façon, sur l'autoroute, les piétons ne sont pas admis, M. le Président.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne parlais pas de cela, je parlais des automobiles qui passent en dessous. Voyons! Je ne peux pas vous apporter un échangeur ici...

Le Président: M. le député! M. le député!

M. Ciaccia: ...ici à l'Assemblée nationale, pour vous montrer comment il est fait!

Une voix: Le président ne veut pas! Le Président: M. le député!

M. Ciaccia: Le nouveau règlement m'empêche de le faire! Le ministre a-t-il un rapport sur l'inspection de l'échangeur? Pourrait-il le déposer à l'Assemblée nationale? Pourrait-il nous dire s'il y a une équipe d'inspecteurs qui font l'inspection des structures, et quel est le délai entre

l'inspection et le commencement des travaux de réparation, afin d'éviter le genre de situation à laquelle nous faisons face avec l'échangeur de la ville de Saint-Pierre?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Tardif: M. le Président, toutes les structures sont inspectées régulièrement. Je pourrai donner les cédules d'inspection, de même que les dernières inspections qui ont été faites - je ne les ai pas ici avec moi -à cette structure. Quant au délai, au cas où le député l'ignorerait, notre climat fait en sorte qu'il y a très peu de travaux de cette nature qui sont entrepris l'hiver. C'est plutôt généralement après la période de dégel qu'on commence à faire des travaux de cette nature. Encore une fois, je lui donne l'exemple du boulevard Métropolitain qui traverse en partie son comté: le boulevard Métropolitain a été refait en entier sur une période de deux ou trois étés, justement à la suite de pièces qui se détachaient à cause de la vibration ou autrement. Donc, les mesures vont être prises, mais en plus, M. le Président, j'ai demandé qu'on aille s'assurer sur les lieux si véritablement il y avait, comme on en voit d'ailleurs le long de certaines routes, des avis "danger de roc qui tombe" sur le bord de certaines routes et, s'il y avait des dangers d'éclatement, qu'on aille voir et qu'on aille prendre les mesures nécessaires.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, le ministre peut-il nous indiquer si les experts auxquels il fait allusion seront plus efficaces que ceux qui ont étudié la situation qui prévalait dans le secteur de Sainte-Madeleine sur l'autoroute 20, et qui ont permis la répétition de carambolages mortels avant d'agir dans le dossier?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Tardif: Oui, M. le Président, sauf que j'ai l'impression que celui qui est responsable de l'émission de brume dans ce secteur, c'est beaucoup plus le député Vallières, pardon, le député de Richmond. Je m'excuse, M. le Président. C'est effectivement une zone de brouillard contre laquelle le ministère ne peut rien. Cela fait partie des "acts of God". Là, ce qu'on peut faire, c'est avoir des annonces pour dire aux gens: Attention, il y a des dangers ici de visibilité réduite à certaines périodes de l'année. C'est ce qu'on a, d'ailleurs. On a mis de telles affiches.

Le Président: Question principale, M. le député de Fabre.

Détérioration de l'enseignement religieux et loi 3

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Ce matin, dans les journaux, on fait état d'un avis rendu public hier par le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation qui se dit préoccupé par la qualité de l'enseignement religieux dans les écoles québécoises. On dit même dans cet avis que beaucoup d'enseignants donnent des cours de religion sans croire en Dieu et en l'Église. On dit qu'au primaire, seulement 1 % des maîtres ont demandé d'être exemptés des cours de religion, alors qu'ils sont bien plus nombreux à ne pas être de foi catholique, indique le comité. Au secondaire, les procédures d'ancienneté obligent certains à enseigner la religion sans conviction ou sans compétence.

M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Éducation. Je voudrais demander au ministre ce qu'il compte faire devant une telle détérioration de l'enseignement religieux dans nos écoles, et je voudrais lui demander en deuxième lieu si la loi 3 permet de régler de tels problèmes.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Gendron: Oui, M. le Président. J'ai été heureux hier de recevoir l'avis du Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation sur une question importante. Je pense que c'est une question qui doit nous préoccuper. C'est pour cela qu'on a demandé à certains comités spécifiques, au Conseil supérieur de l'éducation, de transmettre graduellement des avis sur des questions qui sont soulevées par la population et des personnes intéressées.

À la deuxième partie de la question: Est-ce que la loi 3 va contribuer à améliorer cette situation, la réponse est oui, M. le Président, puisque dans la loi 3 il y a une disposition qui, dorénavant, va obliger toutes les écoles, confessionnelles ou non, à offrir au choix l'enseignement religieux catholique, l'enseignement religieux protestant ou ce qu'on appelle la formation morale. Dans ce sens, une disposition comme celle qui est prévue à la loi 3 va permettre une meilleure liberté de choix personnel des enseignants à qui on demandera d'être des titulaires de l'enseignement religieux. (11 h 20)

La première partie de la question concernait les causes qui ont contribué à ce que le conseil supérieur fasse des constats assez difficiles en termes de recommandation, exacts par rapport aux faits. C'est sûr qu'à partir du moment où, depuis plusieurs

années, on engage moins dans l'éducation on est obligé de suivre l'affectation du personnel enseignant suivant une règle qui nous est imposée par les conventions collectives, laquelle on convient être, de toute façon, la règle de l'ancienneté, ce qui a comme conséquence que certains professeurs n'ont peut-être pas fait le choix personnel d'être professeurs d'enseignement moral ou religieux. Dans ce sens, le conseil supérieur sera plus exigeant quant à la formation et à la sélection; il invite les commissions scolaires à s'assurer que les professeurs qui auront la responsabilité de l'enseignement religieux soient véritablement des personnes qui professent la foi religieuse ou protestante.

Le Président: II faudrait le consentement de la Chambre, M. le député d'Argenteuil, pour qu'il y ait une question complémentaire.

Des voix: Consentement, consentement. Le Président: II y a consentement.

M. Ryan: Le comité catholique ayant recommandé dans cet avis que les attributions, les responsabilités et les moyens des responsables du soutien à l'enseignement religieux dans les commissions scolaires soient augmentés et définis de manière plus précise, le ministre est-il prêt à envisager de réviser les règles budgétaires de manière que ce problème trouve une solution efficace?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Gendron: D'abord, la première chose que je devrai faire sera de prendre connaissance d'une façon plus détaillée des recommandations que nous avons reçues hier. Je n'ai pas l'intention de transformer ou de modifier les règles budgétaires. Les règles budgétaires ont été acceptées par le Conseil du trésor et je pense que les commissions scolaires du Québec et le ministère de l'Éducation devront fonctionner avec les règles budgétaires acceptées.

Cependant, cela ne nous soustrait pas à l'obligation, selon l'avis que nous venons de recevoir, tout comme on l'a fait quand il nous avait donné un avis sur la condition enseignante, de mettre des gens au travail afin de regarder les possibilités d'aller tout de suite dans le sens de certaines recommandations. Si, dans certains cas, cela requiert une allocation différente, un certain soutien financier, je serai ouvert pour regarder cela.

Le Président: La période des questions est terminée.

Nous allons procéder au vote qui a été reporté lors de la séance d'hier dès que nos collègues qui sont à l'extérieur nous auront rejoints.

Mise aux voix de la motion

proposant l'adoption du principe du projet de loi 39

À l'ordre! Je mets maintenant aux voix la motion de M. le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie proposant que le principe du projet de loi 39, Loi sur le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie et modifiant diverses dispositions législatives, soit maintenant adopté.

Que les députés qui sont favorables à cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Bédard (Chicoutimi), Rancourt (Saint-François), Marcoux (Rimouski), Mme Marois (La Peltrie), MM. Clair (Drummond), Duhaime (Saint-Maurice), Johnson (Anjou), Landry (Laval-des-Rapides), Bérubé (Matane), Richard (Montmorency), Tardif (Crémazie), Jolivet (Laviolette), Godin (Mercier), Rochefort (Gouin), Dean (Prévost), Léger (Lafontaine), Gendron (Abitibi-Ouest), Martel (Richelieu), Le May (Gaspé), Biron (Lotbinière), Garon (Lévis), Fréchette (Sherbrooke), Bertrand (Vanier), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Rodrigue (Vimont), Chevrette (Joliette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Ouellette (Beauce-Nord), Brouillet (Chauveau), Leduc (Fabre), Bordeleau (Abitibi-Est), Gravel (Limoilou), Marquis (Matapédia), Gauthier (Roberval), Beaumier (Nicolet), Blouin (Rousseau), Lavigne (Beauharnois), Baril (Arthabaska), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gagnon (Champlain), Dussault (Châteauguay), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Mme Juneau (Johnson), MM. Charbonneau (Verchères), Perron (Duplessis), Beauséjour (Iberville), Le Blanc (Montmagny-L'Islet), Laplante (Bourassa), Champagne (Mille-Iles), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Blais (Terrebonne), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Tremblay (Chambly), Lachance (Bellechasse), Paré (Shefford), Payne (Vachon), Lafrenière (Ungava), Grégoire (Frontenac)

Le Président: Que les députés qui s'opposent à cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Gratton (Gatineau), O'Gallagher (Robert Baldwin), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Ciaccia (Mont-Royal), Mme La-voie-Roux (L'Acadie), MM. Ryan (Argenteuil), Vaillancourt (Orford), Mme Bacon (Chome-dey), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Middlemiss (Pontiac), Vallières (Richmond), Assad (Papineau), Blank (Saint-Louis), Hains (Saint-Hen-

ri), Polak (Sainte-Anne), Saintonge (Laprairie), Rocheleau (Hull), Fortier (Outremont), Rivest (Jean-Talon), Côté (Charlesbourg), Paradis (Brome-Missisquoi), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Bourbeau (Laporte), Lincoln (Nelligan), Doyon (Louis-Hébert), Dubois (Huntingdon), Picotte (Maskinongé), French (Westmount), Bissonnet (Jeanne-Mance), Kehoe (Chapleau), Houde (Berthier), Leduc (Saint-Laurent), Maltais (Saguenay), Mmes Bélanger (Mégantic-Compton), Saint-Amand (Jonquière), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Pratt (Marie-Victorin), Parent (Sauvé),

Le Président: Que les députés qui s'abstiennent veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint; MM. Paquette (Rosemont) et de Bellefeuille (Deux-Montagnes).

Le Secrétaire: Pour: 59

Contre: 40

Abstentions: 2

Le Président: La motion est adoptée. Aux motions sans préavis.

M. Bédard: II n'y a pas de motions sans préavis.

Le Président: Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Avant...

Le Président: Motion de renvoi?

Renvoi à la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre

M. Bédard: Oui. Je voudrais faire une motion pour déférer ce projet de loi en commission.

Le Président: Quelle commission? M. Bédard: De l'éducation.

Le Président: La motion est-elle adoptée? Adopté.

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Bédard: Tout d'abord, jusqu'à 13 heures aujourd'hui, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'aménagement et des équipements entreprendra la consultation particulière sur le projet de loi 190, Loi concernant les villes de Rouyn et de Noranda. La commission poursuivra ses travaux de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, si nécessaire.

Après les affaires courantes, jusqu'à 13 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 39, Loi sur le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, que nous venons d'adopter en deuxième lecture. La commission poursuivra ses travaux de 15 heures à 18 heures et de 18 heures à 24 heures à la salle Louis-Joseph-Papineau.

De 15 heures à 18 heures, également aujourd'hui, et de 20 heures à 24 heures, la commission du budget et de l'administration entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Cette commission siégera à la salle du Conseil législatif.

Le Président: D'autre part - un instant - à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May, à compter de maintenant, la commission des affaires sociales tiendra une séance de travail. À l'issue de la séance de travail... On me dit que ce n'est pas au 101 de l'édifice Pamphile-Le May, mais à la salle 150 de l'Hôtel du Parlement. À l'issue de cette séance de travail, la sous-commission des affaires sociales aura, à son tour, une séance de travail. À 20 heures ce soir, à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation tiendra également une séance de travail.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais demander au leader parlementaire...

Le Président: Un instant. Un instant. Un instant. Voulez-vous attendre d'avoir la parole? Cela implique effectivement que quatre commissions doivent siéger ce matin. La quatrième, pour une séance de travail, celle des affaires sociales. Est-ce qu'il y a consentement pour que quatre commissions siègent? Il y a consentement. Bien.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le député de Frontenac.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

M. Grégoire: M. le Président, sur les travaux de l'Assemblée, on sait qu'en vertu d'un article du règlement une commission parlementaire peut, chaque année, interroger un organisme d'État. Notre commission parlementaire de l'économie et du travail ne l'a pas fait encore non plus qu'elle n'a étudié les engagements financiers qui relèvent de notre commission. On sait que c'est parce qu'il a manqué un président

pendant plusieurs mois. Malgré le manque de président, nous avons collaboré avec le parti au pouvoir en acceptant d'étudier les crédits budgétaires, cette année, sans président. J'y viens, M. le Président.

Le Président: Une question sur les travaux de l'Assemblée... Je veux bien que quelqu'un ou moi, le cas échéant, réponde à votre question, mais je ne vois pas ce que l'argumentation que vous faites a à voir avec cela. Quelle est la question que vous posez?

M. Grégoire: Une demande de directive. À notre commission parlementaire, l'Opposition a demandé de faire venir l'organisme d'État qui s'appelle la Société nationale de l'amiante et rien n'a été décidé parce qu'il faut la majorité des deux côtés. Dans ces conditions, je vous demande une directive: S'il n'y a pas de majorité des deux côtés qui s'entende, comment doit-on procéder pour pouvoir entendre un organisme d'État? On peut procéder en donnant notre consentement, ce que nous avons fait à maintes reprises...

Le Président: J'ai compris la question et vous trouvez sans doute la réponse dans le livre des règlements de l'Assemblée nationale. Le président n'est pas une banque d'informations à cet effet. Il y a des mécanismes prévus dans les règlements de l'Assemblée nationale.

M. Grégoire: Concernant les travaux de la Chambre, est-ce que je peux demander au leader parlementaire s'il pourrait employer les mécanismes prévus pour qu'on puisse entendre une société d'État relevant de notre commission, c'est-à-dire la Société nationale de l'amiante? Cette année...

M. Bédard: Je prends note de la question du député, en espérant...

M. Grégoire: C'est la deuxième fois que le leader parlementaire prend notel

Le Président: Si vous voulez soulever un débat, M. le député, ce n'est pas le moment et peut-être même pas l'endroit.

M. Bédard: Justement, je voulais souligner au député que c'est plutôt à la commission que doit se faire le débat. Je ne vois pas pourquoi il est transposé ici, à l'Assemblée nationale, même si je comprends très bien la préoccupation du député de vouloir que cette société d'État soit entendue.

M. Grégoire: Nous, on a collaboré quand cela a été le temps; vous autres, vous ne collaborez pas quand c'est le temps.

Le Président: Bon. Il n'y a pas d'autres questions à ce chapitre-ci. Nous allons en venir aux affaires du jour et à l'adoption... Pardon?

M. Bédard: Ce n'est pas une question de non-collaboration; c'est une question de règlement, comme vous venez de le dire, M. le Président, à l'endroit du député qui posait une question tout à l'heure.

Je vous demanderais, M. le Président, de suspendre nos travaux pour quelques minutes parce qu'il y a une entente afin de suspendre quelques minutes pour voir sur quel point du feuilleton nous allons entreprendre nos travaux.

M. Grégoire: Est-ce qu'on peut demander le vote sur la suspension?

Le Président: C'est un peu inusité comme procédure, je vous le ferai remarquer, de suspendre les travaux de la Chambre parce qu'on ne sait pas quelle est la nature du débat qui doit avoir lieu. Enfin, je veux bien suspendre pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 35)

(Reprise à 11 h 37)

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, après cette brève suspension, nous allons reprendre nos travaux pour discuter de la Loi sur les sociétés de développement de l'entreprise québécoise. Il s'agit de l'article 18 de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 55 Adoption du principe

Le Président: Bien! Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 55, Loi abrogeant la Loi sur les sociétés de développement de l'entreprise québécoise. Je cède la parole au ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, je pense qu'aujourd'hui nous sommes en train de tourner une autre page d'histoire dans l'évolution de l'aide aux entreprises, aux PME, particulièrement aux PME manufacturières, puisque, au cours des prochains jours, nous débattrons un autre projet de loi, celui des sociétés de placement dans l'entreprise québécoise, qui s'adapte beaucoup mieux ou qui va répondre beaucoup mieux aux besoins de capitalisation et de

financement des petites ou des moyennes entreprises du Québec.

Le projet de loi que nous débattons aujourd'hui, c'est celui qui abroge la Loi sur les sociétés de développement de l'entreprise québécoise. Nous n'avons pas voulu placer ce projet de loi, même s'il n'a que quelques articles, dans le projet omnibus, parce que nous croyions qu'il était important pour la population de savoir pourquoi le gouvernement du Québec s'est rendu à la demande des actionnaires et des dirigeants des sociétés qu'on appelle les SODEQ, les sociétés de développement de l'entreprise québécoise, de même qu'à l'une des nombreuses recommandations de la commission Saucier sur la capitalisation des PME, pour remplacer les SODEQ par une nouvelle formule plus adaptée aux préoccupations et aux besoins de capitalisation et de financement des petites et des moyennes entreprises du Québec.

D'abord, la Loi sur les SODEQ a été adoptée en 1976, soit il y a tout près de dix ans, avec un bon objectif, celui d'essayer de trouver les fonds et les capitaux nécessaires pour mieux capitaliser les PME manufacturières. Cette loi, qui a été adoptée en 1976, prévoyait que les SODEQ apporteraient des capitaux aux PME manufacturières québécoises et, en même temps, des capacités de gestion afin d'aider nos PME à mieux gérer leurs finances, leur production et leurs ventes.

En plus, la Loi sur les SODEQ prévoyait un crédit d'impôt de 25 % des sommes investies dans les SODEQ. Si un individu investissait 1000 $ dans une SODEQ, il avait le droit de déduire sur ses impôts à payer au gouvernement du Québec la somme de 250 $, c'est-à-dire 25 % de son investissement dans une SODEQ.

Ce qui est arrivé, c'est que, d'abord, deux SODEQ ont été fondées en 1978; dix autres en 1979 et 1980 et, avec le temps, l'une n'est plus en opération; six de ces SODEQ ont fusionné pour former le premier groupe SODEQ et cinq autres ont une capitalisation qui varie entre 1 000 000 $ et 5 000 000 $. Les six SODEQ fusionnées ont ensemble une capitalisation d'au-delà de 10 000 000 $. (11 h 40)

Finalement, la totalité de ces SODEQ au Québec a recueilli environ 25 000 000 $, avec 4400 actionnaires, et elles ont réussi à investir dans environ 50 PME manufacturières, ce qui est très loin de l'objectif visé à l'époque. À l'époque, dans le fond, on visait quelques centaines de millions de dollars que les SODEQ investiraient dans des PME. On s'aperçoit, avec le temps, que nous avons réussi à atteindre seulement 25 000 000 $ et que seulement une cinquantaine de petites ou moyennes entreprises ont pu en bénéficier pour toutes sortes de raisons.

Je ne veux pas faire le procès ni de la Loi sur les SODEQ, ni des administrateurs, ni des gestionnaires, ni des petites ou moyennes entreprises dans lesquelles les sommes d'argent ont été investies. Je pense qu'on a peut-être tout simplement visé un peu grand à l'époque, il y a au-delà d'une dizaine d'années. On a peut-être essayé de régler tous les problèmes en même temps et surtout de faire en sorte d'habituer des gens à investir dans des sociétés à capitaux de risque.

Une SODEQ était une société à capital de risque qui pouvait oeuvrer sur une base régionale. On devait en même temps, pour les dirigeants des SODEQ, être des spécialistes dans la production de meubles, de vêtements, de chaussures, dans l'électronique, dans l'aéronautique et dans tous les domaines de l'activité économique possibles, ce qui, à mon point de vue, était impossible. Surtout, on essayait de confiner les investissements de ces SODEQ dans une région donnée, alors qu'on peut souvent faire un bon investissement à Montréal et un autre à peu près dans le même domaine à Rimouski et ainsi de suite, alors que les SODEQ étaient confinées dans une région pour essayer d'atteindre le plus grand "spectrum" possible de l'activité manufacturière. C'était demander un peu trop, je pense, à ces sociétés de développement de l'entreprise québécoise, à ces SODEQ, compte tenu aussi qu'elles n'avaient pas beaucoup de capitaux disponibles. Une petite SODEQ, avec 2 000 000 $ de capital-actions, c'est difficile pour elle dans le fond de pouvoir investir dans 10, 15 ou 20 entreprises et de diversifier ses placements.

Deuxièmement, les SODEQ ont dû aussi faire face à l'histoire économique du Québec, c'est-à-dire les chefs d'entreprise qui hésitent à accepter de nouveaux investisseurs dans leur entreprise, sauf lorsque l'entreprise va très mal et est littéralement presque sur le bord de la faillite. Les SODEQ ont fait certains bons placements, et d'autres placements ont été faits aussi dans des entreprises qui étaient véritablement en difficulté; les SODEC n'ont pas pu récupéré la totalité de ces entreprises et souvent, pour essayer de garantir le placement qu'elles avaient fait dans une entreprise donnée, elles faisaient un deuxième ou un troisième placement, c'est-à-dire qu'on mettait du bon argent par-dessus du mauvais et, dans plusieurs cas, ces sommes ont été perdues.

Avec le temps, on a essayé d'assouplir le plus possible la Loi sur les SODEQ et leur réglementation. Je me suis rendu deux fois durant les quatre dernières années à des demandes des dirigeants des SODEQ pour leur donner une plus grande marge de manoeuvre. On sait que, légalement, ils ne

devaient investir que dans des PME manufacturières et que du capital de risque, ce qui est presque impossible à faire à très court terme. Un capital de risque, un investissement dans la capitalisation d'une entreprise, il faut que ce soit prêt, il faut trouver l'entreprise. Alors, légalement, lorsque l'argent entrait dans la SODEQ, il aurait dû être placé le lendemain matin dans une entreprise sous forme de capital de risque; dans le fond, tous ceux et celles qui connaissent un peu l'économie savent que c'est presque impossible.

On a ouvert davantage la réglementation, on a déréglementé la Loi sur les SODEQ, mais on a aussi confié il y a un peu plus d'un an à la commission d'étude sur la capitalisation des PME, la commission Saucier, la responsabilité de nous faire des recommandations. La commission Saucier, parmi ses autres recommandations pour financer les PME manufacturières québécoises, a fait une recommandation bien précise sur la loi sur les SODEQ, c'est-à-dire d'abroger la loi sur les SODEQ et faire en sorte que les six SODEQ qui demeurent, qui sont encore en activité présentement puissent complètement être libérées de leurs obligations, de leur réglementation et agir comme des sociétés à capital de risque, c'est-à-dire agir en vertu de la partie 1 de la Loi sur les compagnies. Nous nous sommes rendus à cette recommandation de la commission Saucier. Nous avons discuté avec les gens des SODEQ là-dessus. Il semble que ce soit accepté un peu partout.

Donc, nous abrogeons aujourd'hui la Loi des SODEQ en disant quand même que ceux et celles qui ont bénéficié d'un abri fiscal, c'est-à-dire d'un crédit d'impôt de 25 %, peuvent garder le crédit d'impôt. Ces gens ont investi il y a déjà cinq, six ou sept ans dans des SODEQ et, comme ces sommes d'argent ont été investies il y a déjà plusieurs années, le ministre des Finances s'est rendu à une de mes demandes et fait en sorte de laisser complètement ni plus ni moins un cadeau fiscal aux gens qui ont investi dans des SODEQ. Même si la Loi sur les SODEQ disait que si les SODEQ disparaissaient, l'abri fiscal devait être remboursé au gouvernement du Québec, le ministre des Finances a accepté et, dans son dernier discours sur le budget, il a dit tout simplement que les crédits d'impôt qui étaient gagnés par ceux et celles qui ont investi dans les SODEQ pourraient être conservés par ces gens-là. Cela représente une somme d'argent d'environ 6 000 000 $ de crédits d'impôt qui sont laissés à 4400 citoyens et citoyennes du Québec qui ont investi dans les SODEQ.

Maintenant, il faut se demander ce qu'on fait pour la suite des événements. La suite des événements viendra la semaine prochaine avec le nouveau projet de loi que j'ai déposé en première lecture sur les sociétés de placement des entreprises québécoises, les SPEQ, qui feront en sorte d'être beaucoup plus flexibles que les SODEQ. Dans une SODEQ, vous aviez 40 ou 50 ou une centaine d'actionnaires par SODEQ. En fait, en moyenne, nous avions environ 400 actionnaires par SODEQ, alors que dans les SPEQ, vous pourrez avoir trois, quatre ou cinq actionnaires qui vont investir dans une, deux ou trois PME manufacturières. En soi, les SODEQ devaient chercher quelque 100 actionnaires, investir dans des dizaines et des dizaines d'entreprises, donc, être très diversifiées et connaître tous les secteurs d'activité manufacturière, ce qui était difficile, comme je l'ai dit tout à l'heure, au début de ma présentation. On a voulu, non pas rendre les choses difficiles pour les gens qui investissent, mais essayer de rendre cela le plus facile possible. C'est dans ce sens que les sociétés de placement des entreprises québécoises qu'on va connaître la semaine prochaine, sous le nom de SPEQ, permettront à des individus, trois, quatre ou dix individus ensemble, d'investir dans une seule PME s'ils le veulent et de bénéficier d'un crédit d'impôt, alors que la SODEQ devait investir dans plusieurs entreprises. D'ailleurs, à 400, c'est difficile pour chacun de s'impliquer directement dans la gestion de son investissement, alors qu'avec la nouvelle formule des SPEQ qui a été recommandée par la commission Saucier, c'est beaucoup plus facile et cela permettra à ceux et celles qui veulent investir dans l'économie québécoise d'investir dans des PME manufacturières de leur goût et suivre de très près l'évolution ou la gestion des finances de cette entreprise, donc, de leur investissement.

M. le Président, je pense que finalement, les SODEQ ont été utiles à l'économie québécoise pendant une période donnée. La Loi sur les SODEQ, qui a été pilotée par un de mes prédécesseurs, l'honorable Guy Saint-Pierre, était une excellente loi, une bonne loi à l'époque, mais comme on dit souvent en politique: "Other days, other ways". Au fur et à mesure de l'évolution de l'économie québécoise, des besoins des citoyens et des entreprises, nous nous apercevons que nous devons abroger cette loi, laisser la marge de manoeuvre nécessaire à ces entreprises pour devenir des entreprises adultes, c'est-à-dire comme des entreprises à capital de risque et permettre maintenant à d'autres sortes de gens ou les mêmes gens, mais dans un véhicule nouveau, de répondre mieux et davantage en 1985 aux besoins des PME manufacturières. Le projet de loi que nous soumettrons la semaine prochaine pour étude devant cette Chambre sera-t-il encore à la mode dans dix ou vingt ans et répondra-t-il encore aux besoins des entreprises

québécoises? Nul ne le sait. Peut-être pas. Mais au moins, si nous pouvons rendre service à l'économie québécoise pendant une dizaine d'années, je pense que nous aurons été véritablement utiles à la création d'emplois et au dynamisme des entreprises manufacturières.

La Loi sur les SODEQ a donc été une bonne loi. Elle a été appliquée difficilement - c'est vrai - pendant plusieurs années. Aujourd'hui, il est temps de se rendre à la demande des actionnaires et des dirigeants des SODEQ, d'abroger leur loi, de leur laisser une plus grande marge de manoeuvre et de remplacer ce moyen d'investir dans des PME manufacturières par un nouveau moyen plus adapté en 1985 aux besoins de la collectivité québécoise. C'est pour cela, M. le Président, que je propose à cette Assemblée d'accepter le projet de loi 55 pour abroger la Loi sur les SODEQ et permettre une plus grande marge de manoeuvre à ceux et celles qui ont investi dans les SODEQ ou qui, à l'heure actuelle, gouvernent les SODEQ au Québec. (11 h 50)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le projet de loi 55 a pour objet d'abroger la Loi sur les sociétés de développement de l'entreprise québécoise appelée la Loi sur les SODEQ. C'est en octobre 1974 que la Chambre de commerce de la province de Québec remettait au gouvernement du Québec un mémoire recommandant la mise sur pied d'un réseau de sociétés de capital de risque à travers le Québec. Dix ans et demi plus tard, la boucle est fermée. La Commission québécoise sur la capitalisation des entreprises recommande que le gouvernement révoque la Loi sur les SODEQ. Selon la commission, cette loi n'est plus nécessaire et est devenue une contrainte superflue pour les quelques institutions qui s'en sont prévalues.

Les SODEQ n'auront-elles été qu'une aventure de quelques années? À mon avis, non. Nous arrivons à la fin d'une étape dans la constitution d'un réseau québécois de sociétés de capital de risque; d'autres étapes devront venir. La proposition de constituer les SODEQ émana d'un comité spécial de la Chambre de commerce du Québec formé de représentants des institutions financières et des milieux intéressés au développement des PME. À la suite d'une analyse des problèmes de financement et de croissance des PME et à un examen des expériences tentées ailleurs pour résoudre ces problèmes, ce comité recommandait la formation d'un réseau de sociétés de capital de risque pour les PME québécoises. La formation des SODEQ sera favorisée par des exemptions fiscales pour ceux qui y investiraient.

En contrepartie, les SODEQ devraient investir une partie importante de leurs fonds dans le capital action des PME. Toutefois, la réglementation qui encadrerait les politiques de placement des SODEQ devrait être souple et éviter d'imposer des contraintes inutiles. La seule véritable contrainte recommandée était de limiter ces SODEQ au rôle d'actionnaire minoritaire. Le rapport de la chambre de commerce suscita un solide appui au sein du milieu des affaires; toutefois, ce n'est que deux ans plus tard, soit en 1976, qu'on adopta la Loi sur les SODEQ et en 1978, quatre ans après la proposition, la réglementation des SODEQ fut publiée.

C'est alors que se constituèrent, de novembre 1978 à décembre 1979, les dix premières SODEQ; deux autres virent le jour en 1980. Quelque 25 000 000 $ furent recueillis par les SODEQ de 1978 à 1982.

La lune de miel entre les investisseurs et les SODEQ fut toutefois de courte durée. Les premiers placements n'eurent rien de spectaculaire et inévitalement certains furent des échecs. Les dépenses d'administration s'avérèrent plus importantes que prévu et grugèrent les maigres profits de placement. Déjà en 1982, on parlait de l'échec des SODEQ. En 1983, SODECOM, la seule SODEQ cotée à la Bourse, faisait face à d'importantes difficultés financières et cessait ses activités. À peine six mois plus tôt, quelques milliers de Québécois y avaient investi 2 000 000 $ à la recherche de crédits d'impôt. Aucune autre SODEQ n'a fait appel à l'épargne populaire depuis 1982.

Au printemps 1984, six des douze SODEQ fusionnaient pour former le premier groupe SODEQ avec plus de 12 000 000 $ en capital disponible. Cette société de capital de risque établit son siège à Longueuil, sur la rive sud de Montréal; les cinq autres SODEQ, celles de Trois-Rivières, de Québec, d'Abitibi, de Saguenay et de Rimouski se partagent un capital de moins de 7 000 000 $.

Lors de sa présentation devant la Commission québécoise sur la capitalisation des entreprises, le premier groupe SODEQ demandait d'être dorénavant soustrait à la Loi sur les SODEQ qui serait devenue un carcan inutile, car il était virtuellement certain qu'aucune nouvelle SODEQ ne serait formée et que les SODEQ existantes n'iraient pas solliciter de nouveaux fonds auprès du public.

On reproche d'abord et avant tout aux SODEQ d'avoir failli à leur mission originale, soit de fournir du capital de risque aux PME québécoises. Ce reproche est-il justifié? À mon avis, il s'agit d'un verdict trop sévère car les SODEQ ont effectivement investi dans un grand nombre de PME québécoises. En cinq ans, les SODEQ auraient fait une soixantaine de placements dans le capital-

actions des PME pour une somme de 10 000 000 $. Aucun de ces placements ne semble s'être avéré spectaculaire. Les SODEQ n'ont pas trouvé un nouveau Bombardier ou un nouveau CANAM-MANAC mais, durant la même période, très peu d'investisseurs québécois ont eu des succès spectaculaires avec des investissements dans le secteur manufacturier. Les SODEQ n'ont toutefois investi que 40 % de leurs fonds dans des PME manufacturières.

En somme, bien que des déductions fiscales aient été accordées sur la totalité des fonds recueillis par les SODEQ - les crédits d'impôt dépassèrent 6 000 000 $ -l'impact fut atténué par le fait que les SODEQ conservèrent une partie importante de leurs fonds sous forme de placements liquides. Les critiques les plus dures adressées aux SODEQ font état du manque d'agressivité des SODEQ qui ont favorisé des placements, somme toute, peu risqués.

De plus, les investissements typiques dans le secteur manufacturier se firent dans des entreprises traditionnelles et ils ne contribuèrent pas à transformer la structure industrielle du Québec. Paradoxalement, on leur reproche aussi quelques investissements trop risqués qui s'avérèrent des échecs.

La Commission québécoise sur la capitalisation des entreprises nuança, heureusement, ce jugement. Selon la commission, il est prématuré de juger définitivement une institution cinq ans seulement après sa création. La plupart des plus grandes sociétés de capital de risque américaines telle l'American Research Development Corporation, fondée par le général Doriot de l'Université Harvard, auraient cessé prématurément leurs activités si nos censeurs québécois avaient donné libre cours à leur jugement cinq ans seulement après leur fondation.

En somme, un apprentissage est normal pour toute nouvelle institution. En 1979, lors de la création des SODEQ, il y avait très peu de spécialistes québécois du capital de risque. Les SODEQ ont dû payer le coût de l'innovation.

En fait, l'émergence d'une société de capital de risque de taille importante, soit le premier groupe SODEQ, est une réussite en soi. Il s'agit de la plus importante société de capital de risque au Québec. Il reste que l'expérience a coûté des fonds au Trésor public, mais a-t-on reproché au gouvernement du Québec d'avoir financé l'achat de TransCanada PipeLines par Bell Canada grâce à des fonds provenant des régimes d'épargne-actions? On s'attaque aux SODEQ et on laisse filer en douce Bell Canada, Alcan et la Banque de Montréal qui ont obtenu plusieurs centaines de millions de dollars, subventionnés à des taux fort alléchants, dans le cadre du régime d'épargne-actions.

Le rapport de la Commission québécoise sur la capitalisation des entreprises, le rapport Saucier, a souligné plusieurs failles structurelles de la loi des SODEQ. Ainsi, les SODEQ devraient demeurer des sociétés publiques, une contrainte importante pour une société de capital de risque. La très grande majorité des sociétés de capital de risque sont d'ailleurs des firmes privées. La loi empêchait aussi la présence d'actionnaires dominants ou en position de contrôle. Cette dernière contrainte, qui est une concession à un idéalisme qui n'a pas sa place dans le capital de risque, a placé plusieurs SODEQ dans les mains d'activistes régionaux qui avaient peut-être beaucoup de bonne volonté, mais qui n'étaient pas en mesure d'apporter la fermeté de direction qu'une nouvelle entreprise nécessite dans ce secteur. (12 heures)

La loi limitait aussi la taille des placements des SODEQ et les confinait dans des investissements de petite taille, les empêchant de réaliser des économies d'échelle. Les plafonds en vigueur présentement sont ceux qui étaient recommandés par la chambre de commerce en 1974. Depuis ce temps, l'inflation a fait diminuer de plus de la moitié les plafonds réels.

La Commission québécoise sur la capitalisation des entreprises recommandait donc le rappel de la loi sur les SODEQ. Le raisonnement qui appuie cette recommandation est convaincant. D'une part, il est peu probable qu'à l'avenir une SODEQ aurait pu faire un appel à l'épargne publique. La prolifération d'abris fiscaux compétitifs de même que l'image ternie des SODEQ rendaient bien peu probable un tel financement. C'est donc dire que l'utilisation du crédit fiscal des SODEQ devenait peu probable à l'avenir. D'autre part, les contraintes imposées par la loi sur les SODEQ gênent le fonctionnement des SODEQ et empêchent leur évolution vers des activités financières normales et compétitives.

Selon la commission, si la loi était abrogée, le premier SODEQ continuerait sa mission de financement des PME et s'affirmerait comme une société de capital de risque autonome. Les cinq autres SODEQ se transformeraient probablement en "holdings" financiers régionaux par voie de fusion. Les actionnaires des SODEQ y gagneraient. Ils verraient leurs titres se bonifier grâce à une plus grande liquidité. La possibilité, pour un individu ou une institution, d'acquérir plus de 5 % des actions augmenterait la valeur de ces mêmes actions.

Par contre, si le cadre rigide actuel avait été maintenu, le premier SODEQ aurait continué à se développer mais avec des carcans inutiles qui auraient gêné ses activités. Les cinq petites SODEQ régionales auraient continué de vivoter probablement dans l'illégalité car elles ne peuvent pas rencontrer toutes les contraintes de la régie-

mentation actuelle.

Le rappel de la loi sur les SODEQ n'aura donc pas d'effet dramatique sur les placements des milliers d'actionnaires des SODEQ. Leurs placements ne deviendront que plus profitables et plus intéressants. En effet, les SODEQ se verront dégrevées de contraintes particulières au chapitre de la propriété de leurs actions, ce qui bonifiera la valeur de leurs actions et de leurs placements. Elles continueront néanmoins à être régies par l'ensemble des lois québécoises comme toute autre compagnie publique.

La recommandation visant à abroger la loi sur les SODEQ est probablement la recommandation de la commission Saucier la plus facile à appliquer. Nous nous réjouissons que le gouvernement ait enfin décidé d'y donner suite après avoir tergiversé aussi longtemps.

M. le Président, les recommandations de la commission Saucier se distinguent des mesures de relance auxquelles nous avait habitués le gouvernement. Pour l'ensemble, il s'agit de réformes de structures et du cadre juridique et non de saupoudrer des soi-disant secteurs névralgiques avec des millions de dollars d'assistance et en investissements publics. Le rapport de la Commission sur la capitalisation des entreprises a reçu un accueil quasi unanime dans les milieux de l'entreprise et particulièrement dans les régions. Le gouvernement du Québec, talonné depuis plusieurs mois en ce sens par l'Opposition, se devait d'agir et, entre autres, en révoquant la loi sur les SODEQ, de démontrer sa volonté de prendre des mesures fermes en vue de pouvoir amorcer la reprise économique.

Espérons que le gouvernement se décidera, tardivement hélas, à relire le rapport Saucier pour mettre en oeuvre les autres recommandations qui y sont contenues et dont plusieurs n'ont pas encore retenu l'attention du gouvernement. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Rodrigue Biron (réplique)

M. Biron: M. le Président, je voudrais faire une brève réplique à l'intervention du député de Laporte. J'ai écouté ses propos et je réalise qu'il appuie sans réserve le gouvernement du Québec dans la présentation de ce projet de loi, de laisser une marge de manoeuvre beaucoup plus grande aux SODEQ, aux anciennes SODEQ qui deviendront maintenant des sociétés à capital de risque. Il va dans le même sens que ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il dit: Oui, c'était excellent à l'époque, c'était une bonne idée. L'objectif était louable, mais, avec le temps, cela ne répond plus aux besoins des entreprises ni des investisseurs.

J'ai moins aimé un peu son attaque politique. C'est de la petite politique partisane lorsqu'il dit qu'on s'attaque aux SODEQ et qu'on laisse filer Bell Canada, la Banque Royale, la Banque de Montréal, et ainsi de suite. C'est le contraire qui a été fait par le ministre des Finances dans son dernier budget puisqu'il a limité les montants investissables dans Bell Canada, la Banque Royale, la Banque de Montréal, c'est-à-dire les grandes entreprises, et il a privilégié les investissements dans de petites ou de moyennes entreprises.

Loin de s'attaquer aux SODEQ, au contraire, on leur laisse le cadeau fiscal qui a été obtenu grâce à une décision du Parti québécois. On leur laisse le cadeau fiscal qui a été obtenu, on leur laisse la marge de manoeuvre nécessaire et on répond intégralement à la demande des dirigeants de ces SODEQ; donc, une plus grande marge de manoeuvre. Loin de s'attaquer aux SODEQ, au contraire, on essaie de les protéger davantage et on s'est attaqué, dans le discours sur le budget, aux grosses entreprises multinationales qui n'avaient pas besoin d'autant d'aide, bien sûr, de la part des gouvernements.

L'autre point sur la commission Saucier, la Commission sur la capitalisation des PME. Je rappelle au député de Laporte que cette commission a été formée par le gouvernement du Québec, par le ministre de l'Industrie et du Commerce en particulier. Les gens qui y ont siégé ont été invités un par un par le ministre de l'Industrie et du Commerce du gouvernement du Parti québécois. Ces gens ont accepté de siéger à la commission Saucier en disant: Nous, si vous voulez nous comparer à une commission formée par le Parti libéral, la commission Macdonald, dans laquelle le président, M. Macdonald, obtient 800 $ par jour des contribuables canadiens pour siéger là, les commissaires obtiennent beaucoup d'argent... Cela a coûté au-delà de 25 000 000 $, la commission Macdonald pour ne rien nous dire jusqu'à maintenant. Absolument rien.

Les gens qui ont siégé à la commission Saucier, que ce soit M. Serge Saucier, le président, ou Raymond Blais, le président des caisses populaires Desjardins, Pierre Lortie, l'ancien président de la Bourse, maintenant chez Provigo, Pierre Brunet, le président de Lévesque, Beaubien; M. Fillion, président du Groupement québécois d'entreprises, et d'autres, ces gens ont dit: Nous allons siéger gratuitement. On ne demandera rien au gouvernement du Québec. On n'exigera pas de dépenses de voyages. Ce qu'on veut, c'est siéger à cette commission pendant quelques mois. Lorsque notre rapport sera déposé, on veut s'assurer qu'il ne reste pas sur les tablettes comme d'autres rapports qui ont été faits pour les libéraux, à l'époque. Ces

gens, connaissant très bien le gouvernement du Parti québécois et le ministre de l'Industrie et du Commerce, savaient que ce rapport ne resterait pas sur les tablettes. Ce n'est pas le Parti libéral qui nous a dit de former cette commission Saucier. Ce n'est pas le Parti libéral qui nous a dit d'aider les PME, il ne connaît pas les PME. Il n'en parle même pas. Je me souviens de M. Bourassa, il était comme ça à l'époque et il est encore comme cela aujourd'hui, il disait: Les petites entreprises, ce n'est pas bon, c'est trop petit. Il faut les fusionner, faire de grandes entreprises. Autrement, ça ne reste pas. Pourtant, ce sont les PME qui créent de l'emploi, qui créent de l'activité économique.

Les conclusions, les recommandations de la commission Saucier ont fait l'objet d'études à l'intérieur du gouvernement du Québec et, à la première occasion qui nous a été donnée de prendre une décision, c'est-à-dire à l'occasion du discours sur le budget, puisqu'au-delà de la moitié, 14 sur les 20 résolutions, étaient d'ordre fiscal... Donc, il fallait que le ministre des Finances, dans un discours sur le budget, prenne position sur 14 des 20 recommandations de la commission Saucier. Le ministre des Finances a pris position. Je dois dire, aujourd'hui, que la très grande majorité des recommandations de la commission Saucier sont maintenant ou dans le discours sur le budget, ou déjà réalisées, ou en voie de se réaliser, comme la loi que nous proposons aujourd'hui ou comme la loi que nous proposerons la semaine prochaine sur les SPEQ, c'est-à-dire les sociétés de placements dans l'entreprise québécoise.

C'est l'image d'un gouvernement qui décide, qui demande à des gens de collaborer, de donner de leur temps, et des gens compétents. Je veux remercier publiquement aujourd'hui les gens qui ont siégé à la commission Saucier de donner de leur temps pour siéger à une commission gouvernementale québécoise et faire des recommandations pour améliorer l'économie, améliorer les PME, améliorer ceux et celles qui veulent investir et, bien sûr, en même temps, automatiquement, créer des emplois. Lorsque les recommandations sont faites, nous ne laissons pas les rapports sur les tablettes. Nous prenons le temps nécessaire, bien sûr, pour savoir comment on va y arriver. Nous préparons les projets de loi. Préparer des projets de loi, cela prend quand même quelques semaines ou quelques mois. À la première occasion, nous passons à l'action. (12 h 10)

C'est ce que nous faisons présentement. Moins d'un an après le dépôt du rapport de la commission Saucier, la plupart des recommandations des commissaires sont déjà ou appouvées ou en voie de réalisation, sinon réalisées complètement. C'est l'action d'un gouvernement qui ne fait pas seulement du "memérage" et du placotage, mais de l'action précise pour aider au développement économique du Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le principe du projet de loi 55, Loi abrogeant la Loi sur les sociétés de développement de l'entreprise québécoise, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brauillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Blouin: M. le Président, je propose donc que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission permanente de l'économie et du travail qui procédera à son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brauillet): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

M. Blouin: M. le Président, maintenant, nous discuterons du Centre de recherche industrielle du Québec. Je vous demande donc d'appeler l'article 8 de notre feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 52 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Nous allons entreprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 52,

Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec.

M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: Un bon gouvernement, M. le Président, présente beaucoup de projets de loi à caractère économique. Je suis heureux d'en présenter un autre. Je vous dis, au départ, que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. le Président, je vous rappelle qu'il y a quelques mois, nous étions ensemble dans votre comté, si je ne m'abuse, pour parler du Centre de recherche industrielle du Québec, de ses actions. Comment ce Centre de recherche industrielle du Québec, le CRIQ, peut-il répondre davantage et mieux à

la collectivité québécoise, faire un virage technologique important, créer des emplois, bien sûr, et aider les entreprises manufacturières?

Aujourd'hui, ce projet de loi qui est devant nous fait en sorte que nous donnions encore une plus grande marge de manoeuvre au Centre de recherche industrielle du Québec dans le sens qu'on pourra lui dire cinq ans d'avance les sommes qui lui seront allouées par le gouvernement du Québec pour aider les petites et moyennes entreprises québécoises.

Les sommes qui seront allouées au Centre de recherche industrielle du Québec, à compter du 1er avril 1985 jusqu'au 31 mars 1990, seront de 105 000 000 $. C'est de l'argent qui est investi dans le développement économique; c'est de l'argent qui est investi dans des entreprises dynamiques, non pas des entreprises qui regardent le passé, donc non pas des entreprises libérales, mais des entreprises qui regardent l'avenir plus orientées selon la vision du Parti québécois.

M. le Président, le Centre de recherche industrielle du Québec a été fondé en 1969. Le Centre de recherche industrielle du Québec représente aujourd'hui l'un des outils les mieux structurés dont dispose le gouvernement pour assurer le développement technologique des PME manufacturières du Québec.

À l'aube d'une quinzième année de services à l'industrie et à l'entreprise manufacturière, à la PME manufacturière, le CRIQ, qu'on appelle le centre de recherche des PME, s'est acquis, au grand profit des PME, un incontestable leadership dans le domaine de l'innovation industrielle si bien qu'il est aujourd'hui reconnu comme chef de file de tous les organismes provinciaux de recherche au Canada. Le CRIQ est donc meilleur que tous les autres organismes de toutes les autres provinces canadiennes.

La demande exceptionnelle enregistrée au cours des dernières années pour les services du centre confirme que le développement industriel du Québec amorce un tournant critique de son évolution. Le resserrement de la concurrence internationale, de même que l'évolution rapide des technologies de fabrication en élargissent d'autant les horizons.

Comme principal partenaire technologique des PME, le CRIQ s'est résolument engagé à relever, avec les chefs d'entreprise, le défi de l'excellence auquel l'ensemble du milieu industriel québécois est confronté s'il veut survivre et prospérer.

De tous les gestes qui ont été posés par le CRIQ, depuis 1982, la mise en place de nouveaux locaux sur le territoire de Montréal demeure sans doute le plus manifeste et le plus significatif de sa volonté de répondre aux objectifs que le gouvernement lui avait fixés et de rendre le centre résolument présent auprès de l'industrie montréalaise.

Sans compromettre la qualité des services déjà offerts aux entreprises, l'urgence et la nécessité pour le CRIQ de s'implanter dans la région de Montréal ont été d'ailleurs largement confirmées. Le CRIQ y offrira une gamme de services adaptés aux besoins des industriels qui ont leur base d'affaires à Montréal. Surtout, le CRIQ se rapprochera davantage de la plus grande concentration d'entreprises manufacturières au Québec; 60 % des entreprises manufacturières au Québec seront dans un rayon de 25 à 30 kilomètres du nouveau CRIQ à Montréal, sur Christophe-Colomb et Crémazie.

L'envergure du projet mis de l'avant oblige cependant le Centre de recherche industrielle à revoir bon nombre des principaux paramètres qui ont encadré ses activités jusqu'ici. Elle impose en particulier la révision des grandes coordonnées d'exploitation que sont le financement, la stratégie de marketing et l'approvisionnement en main-d'oeuvre spécialisée de façon à placer la réalisation de ce projet dans les meilleures conditions pour en garantir le succès.

Ainsi, le plan 1985-1990 cherche-t-il à donner au CRIQ l'horizon de cinq ans essentiel au financement des activités qu'il entreprend à Montréal et vise à doubler cette stabilité financière de la flexibilité de moyens requis pour en assurer le plein épanouissement. Le plan de développement révisé ne déroge cependant pas aux grandes orientations définies en 1982 et retient toujours comme principaux axes de développement du centre, premièrements l'élargissement de sa clientèle cible; deuxièmement, l'accroissement de la gamme des services offerts et, troisièmement, le développement de technologies nouvelles. Depuis sa création, le CRIQ n'a cessé de se renouveler et d'adapter ses services aux besoins de la communauté industrielle. La période de 1985-1990 ne fait pas exception à la règle. Les perspectives économiques qui y sont liées confirment le rôle stratégique qu'il est appelé à jouer dans le développement industriel du Québec et la nécessité d'en faire un partenaire dynamique à la mesure et au rythme de l'industrie.

M. le Président, la principale mission du CRIQ consiste à favoriser l'essor économique du Québec en soutenant et en stimulant le développement technologique des entreprises manufacturières, principalement des petites et moyennes entreprises. Concrètement, cela signifie que le CRIQ aide les entreprises québécoises, les PME québécoises à faire face aux exigences du marché et de la concurrence en leur fournissant des informations d'ordre technique ou industriel, en solutionnant leurs problèmes

de production ou en les assistant dans le développement ou dans l'amélioration de leurs produits et de leurs procédés de fabrication. Ce sont les problèmes rencontrés au sein de la PME et leur importance pour le développement économique du Québec qui ont amené le gouvernement du Québec à mettre sur pied un organisme susceptible d'aider adéquatement, rapidement et sans frais excessifs ce secteur important d'activité pour le monde industriel.

Aussi, les services fournis par le CRIQ sont-ils tout particulièrement destinés aux PME manufacturières qui, pour la plupart, ne disposent pas des moyens suffisants pour entreprendre elles-mêmes des travaux de recherche et de développement sur une base permanente ou même sur une base ponctuelle.

Pour vous donner une idée de la dimension industrielle au Québec, voici quelques chiffres révélateurs: sur les 10 000 PME manufacturières québécoises, 3000 n'ont aucun ingénieur ni technicien à leur emploi. On retrouve, par contre, 5200 ingénieurs, scientifiques ou techniciens au sein de 525 entreprises qui s'adonnent à des activités de recherche et de développement. De ce nombre, 87 % travaillent dans des entreprises de plus de 750 employés, qui sont, d'ailleurs, dans une forte proportion des filiales de multinationales ou de sociétés étrangères. Il reste donc 300 ingénieurs, scientifiques et techniciens qui peuvent aider les 3000 PME précédemment citées. Ce personnel se retrouve soit au CRIQ, soit dans certaines universités. Le CRIQ, avec ses quelque 400 employés, tente de pallier cette carence. C'est pourquoi on peut affirmer que le CRIQ est le centre de recherche, le centre corporatif ou communautaire des PME québécoises. Il est important puisqu'on a besoin, pour suivre le développement technologique, surtout de lancer ou de nouveaux produits plus avancés qui répondent mieux aux besoins, ou d'avoir les pièces d'équipement les plus avancées possible, si nous voulons concurrencer les autres pays dans le monde entier. Je vois le député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense qu'il est un client du CRIQ, si je me souviens des discussions qu'on a eues ensemble. Je pense que, dans toute la communauté du monde des affaires, d'ailleurs, le CRIQ est vraiment reconnu comme un centre qui peut répondre et répondre très bien aux besoins de sa clientèle, c'est-à-dire les PME québécoises. (12 h 20)

Maintenant, M. le Président, je veux dire un mot sur la révision du plan en cours. Nous avons voté - c'est vrai - il y a trois ans, un plan quinquennal. À travers le plan quinquennal, il y avait des objectifs précis et en cours de route, des gens de l'agglomération de Montréal nous ont dit que le CRIQ n'était pas assez présent à Montréal. Le

CRIQ était présent à Montréal dans la région de Montréal, c'est-à-dire à Pointe-Claire, mais avec environ 85 personnes à son service, alors qu'il y en avait 250 à Québec. Nous avons fait des chiffres, des statistiques, des recherches et nous avons considéré que les entreprises manufacturières de l'agglomération de Québec profitaient beaucoup plus du CRIQ que les entreprises manufacturières de la région de Montréal, puisque le CRIQ n'était pas assez présent physiquement dans cette grande région qui compte, comme je l'ai dit tout à l'heure, 60 % des entreprises manufacturières.

La décision a été prise l'an dernier de faire un développement du CRIQ à Montréal, une construction nouvelle, un investissement important, environ 20 000 000 $. La nouvelle bâtisse, la nouvelle construction, les nouveaux équipements seront inaugurés possiblement en août ou septembre de cette année puisque nous sommes dans les budgets selon le calendrier prévu. Maintenant, nous pourrons ajouter aux effectifs du CRIQ à Montréal au moins 100 personnes. On pense qu'au cours des deux ou trois prochaines années on pourra se rendre jusqu'à 125 personnes additionnelles et la plupart seront des ingénieurs et des techniciens qui seront à Montréal pour mieux répondre aux besoins des PME manufacturières de cette région.

Cela ne veut pas dire qu'on délaisse Québec, mais cela veut dire que l'expansion dans la région de Québec est déjà prise; nous sommes déjà très présents. Nous voulons être beaucoup plus présents à Montréal et nous réalisons que, si nous sommes venus un peu plus dans l'est de la ville, c'est que du point de vue de la recherche, du développement, du virage technologique, les entreprises de l'ouest de Montréal ont déjà pris en grande partie ce virage technologique, alors que les entreprises de l'est sont restées peut-être dans des secteurs industriels moins développés technologiquement. Or, on constate aussi, d'après les recherches qu'on a faites, que plus une entreprise est près physiquement du CRIQ, plus elle peut faire appel rapidement au CRIQ et avoir une réponse précise de la part des ingénieurs et des techniciens du CRIQ. C'est dans ce sens qu'on s'est déplacé plus vers l'est de Montréal pour répondre mieux et davantage aux entreprises de l'est de Montréal et, bien sûr aussi, aux entreprises de la rive sud, de Longueuil, Boucherville, tout cela, qui peuvent maintenant, par les voies d'accès, atteindre le CRIQ très facilement, par les boulevards Crémazie et Christophe-Colomb.

Ces entreprises pourront, à compter du mois de septembre, bénéficier beaucoup plus de la présence physique accrue du CRIQ puisque nous faisons plus que doubler nos effectifs - ce serait à peu près 150 % de plus d'effectifs dans la région de Montréal -et puisque nous nous déplaçons aussi géogra-

phiquement beaucoup plus près des entreprises manufacturières de cette région. C'est pour cela que finalement, après trois ans, nous demandons d'abroger le plan quinquennal de deux ans et de voter un autre plan quinquennal pour les cinq prochaines années pour permettre justement aux dirigeants du Centre de recherche industrielle du Québec de mieux planifier leur action, particulièrement à Montréal. À Québec, nous savons déjà où nous irons au cours des prochaines années, mais à Montréal, nous voulons mieux planifier, mettre tous les efforts nécessaires au développement de l'industrie manufacturière de Montréal.

L'ampleur de toutes les implications que je viens de citer oblige dans une certaine mesure la direction du centre à faire valider l'appui et la caution déjà reçus à son projet d'expansion en regard de nouvelles données qui se sont ajoutées depuis et surtout, à se faire investir de l'autonomie de gestion nécessaire pour affronter avec toute la flexibilité voulue les conditions de ce nouvel environnement. D'une part, en effet, bon nombre des modifications requises dans l'organisation du CRIQ n'avaient pas, lors de la soumission du projet de construction du gouvernement à l'automne 1983, l'éclairage qu'elles ont aujourd'hui. L'image plus nette et plus précise qui s'en est formée depuis appelle un appui renouvelé de la part du gouvernement, notamment quant aux objectifs poursuivis pour les premières années d'activité. D'autre part, l'objectif d'aménager dans les nouveaux locaux avant l'automne 1985 suppose que tout soit mis en oeuvre d'ici là pour assurer un départ réussi aux activités qui y sont projetées. Or, certaines des conditions qui déterminent la marge de manoeuvre dont dispose actuellement le centre peuvent être la source de difficultés potentiellement préjudiciables à la bonne marche des activités des années à venir. C'est le cas, notamment, des moyens financiers requis au-delà de 1987 pour assurer au projet une base de financement suffisante et continue sur un minimum d'années. C'est aussi le cas du règlement sur les normes et barèmes de rémunération dont la rigidité place le centre sur le territoire montréalais en situation de nette infériorité dans le recrutement et le maintien d'équipes de spécialistes compétents.

Dans le premier cas, c'est la garantie d'une stabilité financière pour une période suffisamment longue pour bien asseoir le projet qui est requise et, dans le second, c'est plutôt la nécessité de disposer dès le départ de moyens adéquats pour monter au bénéfice des PME manufacturières des équipes d'experts dont seules les grandes entreprises sont aujourd'hui en mesure de se doter.

C'est pourquoi, afin de maximiser les chances de succès de cette phase cruciale de développement dans laquelle elle s'engage pour les quatre ou cinq prochaines années, le gouvernement du Québec a décidé de revoir les paramètres qui formeront le cadre des cinq prochaines années d'activité à l'intérieur d'un nouveau plan de développement couvrant la période 1985-1990. Bâti à la lumière du nouvel environnement que constitue le milieu industriel montréalais et les exigences qui y sont liées sans pour autant, bien sûr, négliger les besoins industriels des autres régions du Québec, ce plan de développement tient compte des nombreuses modifications requises aux structures et au mode de fonctionnement actuel du centre pour assurer son plein épanouissement.

Dans le fond, le résumé des raisons pour lesquelles nous sommes aujourd'hui devant ce projet de loi à voter un nouveau plan quinquennal, c'est d'abord bien sûr et surtout le projet d'expansion à Montréal. Ce projet a des implications importantes: restructuration complète des budgets d'immobilisation et de fonctionnement basée sur une nouvelle organisation de l'espace et du volume d'activités. Ce projet place aussi les gestionnaires du CRIQ Montréal en quête d'une main-d'oeuvre spécialisée dans les domaines de pointe, sur un marché où la concurrence dépasse tout ce que le CRIQ a affronté jusqu'ici. L'actuel plan devait se terminer le 31 mars 1987, ce qui laisserait environ 18 mois après le début des activités à Montréal pour mettre en place les services envisagés. Cette période est nettement trop courte pour une planification ordonnée, suivie et, au besoin, révisée des activités de recherche et de développement.

Du côté des revenus budgétaires du CRIQ, bien sûr, le gouvernement du Québec va y verser au cours des cinq prochaines années 105 000 000 $ mais nous demandons au CRIQ de faire beaucoup plus que cela, c'est-à-dire de ne pas vivre avec seulement l'argent qui vient du gouvernement du Québec. Depuis quatre ans, je me suis efforcé d'être exigeant auprès du CRIQ de ce côté. Je dois rendre hommage aux dirigeants, aux membres du conseil d'administration, à l'exécutif du CRIQ pour avoir très bien répondu aux demandes que je leur avais faites d'augmenter leur pourcentage d'autofinancement, donc de charger des sommes d'argent minimes, mais de charger des sommes d'argent à des entreprises pour lesquelles nous travaillons et non pas de faire simplement de la recherche en rêvant de l'avenir.

Du côté des revenus, le dernier plan quinquennal prévoyait, pour couvrir les dépenses, 127 000 000 $ sur une période de cinq ans avec une contribution gouvernementale de 85 000 000 $, la différence se retrouvant dans la participation du secteur privé. Ceci confirmait la tendance amorcée

depuis 1976 en vue de favoriser un accroissement du niveau d'autofinancement des activités du CRIQ. À cet égard, les performances n'ont cessé de s'améliorer, depuis le début de plan, de 1982 à 1987. La proportion d'autofinancement est en effet passée successivement en 1983-1984 à 33 % et en 1984-1985 à 36 %. Cela constitue certes un fait marquant lorsque l'on considère que le taux d'autofinancement pour l'ensemble de la période 1976-1981 s'établissait à 23 %. Au début, en 1976, il y avait peut-être 10 % d'autofinancement; maintenant, on est à au-delà de 36 % d'autofinancement. Nous travaillons donc sur des commandes précises de la part des entreprises. Nous chargeons, bien sûr, la totalité des frais lorsque c'est une grande entreprise, mais nous ne chargeons que la moitié des frais, c'est-à-dire la totalité des frais directs, mais pas de frais indirects, aux petites et moyennes entreprises. (12 h 30)

Quant aux résultats de fonctionnement, ii faut retenir, au terme des trois premières années du plan 1982-1987, les performances globales exceptionnelles enregistrées au chapitre des activités commerciales et ce, malgré une année de démarrage plutôt difficile. L'année 1982-1983 fut, en effet, caractérisée par une conjoncture économique difficile qui tardait à se redresser, laissant ainsi les industriels dans un climat d'incertitude et de retenue face à leurs dépenses de recherche et de développement. Cela n'empêche pas néanmoins le CRIQ de présenter un bilan d'ensemble fort positif, en particulier au chapitre des ventes cumulatives qui ont pratiquement atteint les 24 000 000 $ après seulement trois années de fonctionnement.

En 1982, nous avions 460 contrats avec des entreprises manufacturières; en 1983, 620 contrats et, en 1984, 754 contrats. C'est-à-dire qu'il y a de plus en plus d'entreprises manufacturières qui viennent voir le CRIQ non seulement pour s'informer, mais pour donner un contrat pour réaliser des pièces d'équipement ou pour développer des produits. Les valeurs de ces contrats étaient de près de 6 000 000 $ en 1982 et sont maintenant passées à près de 11 000 000 $ en 1984-1985.

M. le Président, je voudrais vous faire part de quelques-unes des réalisations du CRIQ au cours des dernières années. Même si l'aspect confidentiel est une préoccupation constante du personnel du CRIQ, il y a certains projets dont nous avons reçu le consentement des industriels pour dire un peu à la population ce qui se passe, justement pour convaincre d'autres industriels, ou d'autres citoyens et citoyennes du Québec de faire appel au CRIQ pour développer leurs produits ou leurs pièces d'équipement.

Nous avons développé pour les camions

Pierre Thibault, de Pierreville, une entreprise qui est à l'avant-garde des fabricants mondiaux pour les équipements de lutte contre les incendies. L'entreprise Thibault exporte aux États-Unis, en Australie et en Amérique du Sud. Nous avons développé pour cette entreprise une gamme d'échelles aériennes de 30 mètres à 45 mètres de haut avec plate-forme et tour d'eau - ce sont les seules au monde qui se font comme cela -réalisées avec la méthode de conception assistée par ordinateur, la méthode CAO, et des programmes d'analyse et d'essai au comportement de l'échelle en dynamique, des éléments finis, analyses modales, etc.

J'ai personnellement essayé cette échelle au CRIQ lorsqu'on l'a développée. Je trouve que c'est très élevé. Quand on parle de 45 mètres, quand on est dans une nacelle au bout de cela, cela veut dire, pour nous autres qui traduisons encore de temps à autre en pieds, près de 150 pieds de hauteur. Je pense qu'au bout de cela il faut quand même avoir la technique nécessaire pour tout faire cela comme il faut.

Le CRIQ a réussi et permet maintenant à la compagnie québécoise Pierre Thibault d'exporter ses camions avec ses échelles aériennes modernes et les plus longues au monde, non seulement au Canada, mais aux États-Unis et à l'extérieur de l'Amérique du Nord.

Nous avons développé aussi au CRIQ, avec une entreprise licenciée qui s'appelle Kamyr Inc. et qui est maintenant en discussion avec la compagnie Canron de Trois-Rivières pour y installer des usines de production, un pressoir rotatif qui connaît un succès intéressant auprès des intervenants de pâtes et papiers.

La licence a été accordée à Kamyr. Le premier modèle commercial a été construit par la division mécanique de Canron de Trois-Rivières - on essaie de voir pour les modèles en grande production - et le dispositif qui essore - qui s'applique surtout dans les pâtes et papiers - en continu une masse humide peut s'appliquer, bien sûr, à d'autres matières que les pâtes et papiers, mais c'est surtout pour les usines de pâtes et papiers.

Nous avons développé pour une entreprise électronique de Québec, Dap Electronique, la mise au point et le design d'un rnicro-ordinateur portatif pour la gestion des stocks, des inventaires. Après un an, l'entreprise a vendu 810 unités pour un montant d'au-delà de 1 000 000 $ et a créé onze nouveaux emplois avec ce nouveau rnicro-ordinateur portatif qui a été développé avec l'entreprise Dap Electronique et les ingénieurs du CRIQ à Québec.

Nous avons développé en électronique un système de design portatif de commande à distance pour pont roulant et autres accessoires, seul système canadien du genre

à répondre aux normes de la Canadian Standard Association, l'Association canadienne de normalisation. Cela a été développé pour une entreprise de Sainte-Foy, Télésystème National Ltée.

On a aussi développé pour Hydrocon International de Montréal une conception de moules et mise au point d'une formulation de polyuréthane pour un système de poulies utilisées pour les câbles à haute tension.

La même chose pour Procycle dans la Beauce, une entreprise qui fabrique des bicyclettes. Développement d'un équipement automatique pour la production du jambage arrière de bicyclette de 10 vitesses en un cycle total moyen de quinze secondes. Auparavant, le cycle moyen était de 2,25 minutes par jambage. Autres avantages de la machine, elle élimine le nettoyage et le rejet par le contrôle de qualité, économie d'énergie et de fondant à braser.

C'est dire comment on peut aider des petites ou des moyennes entreprises à développer des produits ou des pièces d'équipement.

Nous avons développé, pour une entreprise dans le comté de Huntingdon, Autopro, de Saint-Rémi, pour augmenter sa productivité et améliorer la coupe, une machine pour couper simultanément les deux côtés des boucles de cuivre d'un stator usagé d'automobile. Cette entreprise refait des stators usagés d'automobiles et a fait la demande au CRIQ pour l'aider à développer ce produit ou cette pièce d'équipement.

La même chose, on a développé, dans le domaine des arts, avec Albert Nadeau, de Saint-Jean-Port-Joli, la mise au point d'une technique de reproduction en série de bas-reliefs en cuivre par galvanoplastie, ce qui place l'entreprise Albert Nadeau au rang de pionnière dans ce domaine avant-gardiste de la diffusion d'oeuvres d'art.

C'est un exemple, M. le Président, d'ateliers d'artisans qui se transforment lentement, mais sûrement en petites entreprises où les considérations de productivité et de rentabilité sont devenues des préoccupations quotidiennes. En effet, plusieurs artistes doivent opter pour la reproduction en série pour vivre de leur travail et maintenir le prix de leurs créations à un niveau intéressant pour les consommateurs.

La même chose, nous avons développé, pour les Produits progressifs Ltée, de Terrebonne, une machine qui assemble automatiquement les rasoirs jetables d'usage médical, les emballe et les distribue dans des boîtes prêtes pour l'expédition. Le CRIQ a développé les systèmes périphériques nécessaires à l'alimentation d'un module d'assemblage de série ainsi qu'à la manutention du produit fini. On peut produire et emballer à une cadence de 40 à 60 rasoirs à la minute. Or, M. le Président, c'est toute une série d'appareils de production que nous avons pu faire ou de pièces d'équipement qui rendent service non seulement aux entreprises, mais, bien sûr, aussi, à la création d'emplois.

M. le Président, globalement, les trois dernières années d'opération auront constitué, de toute évidence, la période la plus active que le CRIQ ait connue depuis sa fondation, en 1969. Dans un premier temps, des efforts répétés au niveau de la promotion et de la commercialisation des services du centre ont non seulement porté fruit, mais ils ont surtout confirmé l'existence de besoins diversifiés et croissants de la part des industriels québécois pour des services de recherche et de développement et d'information technologique.

Le CRIQ s'est par ailleurs donné les moyens pour atteindre les objectifs qui lui avaient été fixés et, ainsi, accroître davantage sa contribution au développement technologique des entreprises québécoises. Signalons en particulier l'élaboration d'un plan de marketing, la mise en chantier d'un projet d'expansion de ses activités à Montréal et la mise en application d'un plan de développement des services d'information technologique et industrielle. Enfin, un programme de recherche prioritaire a été mis sur pied afin de privilégier trois grands domaines de pointe: les biotechnologies, les transformations mécaniques, la biomasse et les technologies modernes de fabrication en série. Au niveau des résultats de l'opération, la performance globale au chapitre des activités de recherche et de développement et des activités d'information technologique traduit un rythme de croissance jusqu'ici inégalé.

En résumé, M. le Président, et en terminant, je suis fier de proposer à l'Assemblée nationale d'adopter ce projet de loi qui met à la disposition des PME manufacturières du Québec, par l'entremise du gouvernement du Québec, au cours des cinq prochaines années, une somme de 105 000 000 $ qui servira véritablement et exclusivement, d'abord, au Centre de recherche industrielle du Québec pour aider les PME. On peut dire qu'au-delà de 50 000 000 $ viendront des entreprises, c'est-à-dire que le CRIQ, au cours des cinq prochaines années, pourra gérer pour 150 000 000 $ de recherche et de développement au niveau des PME manufacturières, pour aider ces PME à prendre le virage technologique, si elles ne l'ont pas déjà pris, à développer leur virage technologique encore plus et, bien sûr aussi, à créer des emplois stables et sûrs.

Depuis sa création, le CRIQ n'a cessé de se renouveler et d'adapter ses services aux besoins de la communauté industrielle. La période de 1985-1990 ne fera pas exception à la règle. Les perspectives

économiques qui y sont liées confirment le rôle stratégique que le CRIQ est appelé à jouer dans le développement industriel du

Québec et la nécessité d'en faire un partenaire dynamique, à la mesure et au rythme de la PME manufacturière du Québec. (12 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le Centre de recherche industrielle du Québec est l'un des fleurons de la recherche appliquée au Québec. Depuis sa création, en 1969, c'est avec une compétence et une expérience sans cesse accrues que ce centre a pu soutenir le développement d'une multitude de petites et de moyennes entreprises québécoises. Avec le phénomène du décloisonnement de l'économie et les poussées technologiques, les entreprises québécoises doivent effectivement parvenir à rationaliser leurs coûts tout en innovant dans les produits. Pour accroître leur compétitivité et affronter la concurrence, elles peuvent depuis une quinzaine d'années se tourner vers le CRIQ qui a mis au point diverses formules de collaboration avec les entreprises.

Le centre de recherche a soumis en 1982 un nouveau plan de développement quinquennal reflétant les progrès accomplis au cours de la période de 1970 à 1975, qui fut la phase d'organisation du centre, et de 1976 à 1981, où le centre a pu entreprendre une démarche plus directe auprès des entrepreneurs. En 1981, trois grands axes avaient été retenus pour favoriser l'émergence d'innovations au Québec: le développement de technologies nouvelles, l'élargissement de la clientèle et l'élargissement de la gamme de services offerts. Ce plan avait été agréé par le gouvernement. La Loi sur le Centre de recherche industriel a été amendée en 1982 pour donner au centre les fonds nécessaires à la poursuite de ce plan. Par le projet de loi 52 qu'on nous présente aujourd'hui, c'est ce plan que le gouvernement veut reconduire en faisant une nouvelle dotation quinquennale. À l'examen de ce projet de loi, nous avons été surpris de constater que le gouvernement a pris prétexte de ce nouveau plan budgétaire pour miner la situation financière du centre de recherche. En effet, selon le plan quinquennal de 1981 à 1986, présenté le 9 février 1981, le CRIQ prévoyait des dépenses de fonctionnement de 107 700 000 $ et des revenus totalisant 109 500 000 $ dont 87 700 000 $ provenaient du gouvernement, soit 17 500 000 $ en moyenne par année.

Ce plan quinquennal de même que les prévisions budgétaires s'y rattachant tenaient compte, disait-on, de l'expérience acquise au cours des dernières années et des avis nombreux et pertinents recueillis auprès de ses principaux partenaires dans la réalisation de son mandat. Il faut rappeler qu'au printemps de 1982 la loi autorisant la mise en oeuvre de ce plan fut adoptée. L'article 25 dit ceci: "Le ministre des Finances paie au centre sur le fonds consolidé du revenu une somme de 85 000 000 $ au cours de la période du 1er avril 1982 au 31 mars 1987. Cette somme est payée au centre en un ou plusieurs versements dont le montant et les conditions sont déterminés par le gouvernement. Le total de ces versements pour l'exercice financier 1982-1983 ne peut être inférieur à 13 000 000 $. Pour chacun des exercices subséquents jusqu'à épuisement de la somme de 85 000 000 $ visée au premier article, le total des versements ne peut être inférieur au minimum prévu pour l'exercice précédent indexé de 10 %."

Ceci est important, M. le Président. Le gouvernement accordait donc un financement annuel moyen de 17 000 000 $ au CRIQ. Par rapport à la demande initiale de 17 500 000 $ par année, pour la période de 1981 à 1986, au total, 2 500 000 $ ont donc été retenus. Sur la base d'une indexation annuelle de 10 %, 1 750 000 $ additionnels ont été épargnés par le gouvernement en reportant le plan d'une année. Il y a donc eu, au départ, un manque à gagner potentiel de 4 250 000 $ pour la période.

Voici les montants qui ont été effectivement versés par le gouvernement: pour 1982-1983, 13 000 000 $; pour 1983-1984, 14 300 000 $; pour 1985-1986, 15 730 000 $; donc un total, pour la période des trois années, de 43 030 000 $, la moyenne annuelle ayant été de 14 343 333 $. Si on soustrayait de 85 000 000 $, montant prévu pour le plan quinquennal en 1982, le total des sommes versés au 31 mars 1985, le CRIQ devrait donc, en principe, recevoir obligatoirement 41 000 970 $ au cours des deux prochaines années. Si on applique la règle des 10 % pour l'exercice 1985-1986, le CRIQ devrait recevoir, au minimum, 17 300 000 $, mais, obligatoirement, 24 667 000 $ pour l'exercice 1986-1987, donc 17 300 000 $ pour l'année courante et 24 667 000 $ pour l'année prochaine.

Or, le projet de loi 52 a pour but, nous dit-on, de reconduire le plan quinquennal, dès à présent, deux ans plus tôt que prévu, pour tenir compte de changements survenus dans l'environnement économique et de l'expansion majeure du CRIQ à Montréal.

Le nouveau budget quinquennal est établi à 105 000 000 $ pour la période 1985-1990, soit en moyenne 21 000 000 $ par année. À supposer que ce montant moyen soit versé pour 1985-1986 et 1986-1987, cela ne représenterait que ce que le CRIQ aurait

dû recevoir selon la loi de 1982, soit 42 000 000 $, et rien de plus.

Or, il n'est pas évident qu'on octroiera une telle somme au CRIQ. Le gouvernement, depuis trois ans, s'est, en effet, contenté de verser le montant minimal prévu dans la loi. Le projet de loi 52, quant à lui, laisse tomber le mécanisme d'indexation automatique de 10 % pour le remplacer par un plancher de versement minimum annuel de 17 500 000 $. L'indexation automatique ne jouant plus, l'obligation minimale du gouvernement n'est donc que de 37 000 000 $ sur deux ans et de 87 500 000 $ sur cinq ans, soit le même montant que celui initialement demandé pour le premier plan, le plan précédent de 1981 à 1986. Le niveau de plancher de 17 500 000 $ par année prévu dans le projet de loi que nous étudions présentement correspond d'ailleurs au montant de contribution moyenne demandé dans le plan quiquennal qui avait été présenté en 1981. Le nouveau projet de loi parle bien d'une dotation de 105 000 000 $, mais d'une somme n'excédant pas un tel montant. On doit donc parler en réalité d'un gel des engagements gouvernementaux au cours des cinq prochaines années au niveau de la demande initiale de 1981.

Cela revient à dire, M. le Président, que, compte tenu de l'inflation au cours des années à venir, le gouvernement s'autorise à diminuer ses obligations envers le CRIQ à un rythme équivalant au taux de l'inflation. Si l'on se réfère au mécanisme d'indexation automatique, cela veut dire à un rythme de 10 % par année. Si on s'était contenté de reconduire le budget quinquennal strictement à partir du mécanisme d'indexation automatique prévu dans le projet de loi de 1982, voici quel devrait être le budget minimum auquel aurait eu droit le CRIQ pour la période de 1985 à 1990: pour 1985-1986: 17 303 000 $; pour 1986-1987: 19 033 000 $; pour l'année 1987-1988: 20 936 000 $; pour l'année 1988-1989, 23 030 000 $ et, finalement, pour la dernière année, 1989-1990, 25 333 000 $, pour un total au cours des cinq années de 105 000 000 $. Le gouvernement aurait donc comme obligation minimale de verser ce montant. Avec le projet de loi 52, l'obligation minimale est de 87 500 000 $.

(12 h 50)

Le but de ce projet de loi est donc d'autoriser le gouvernement à faire une économie en cinq ans de près de 20 000 000 $ sur le dos du CRIQ. On camoufle le tout en parlant d'une contribution n'excédant pas 105 000 000 $. En fait, M. le Président, la contribution totale ou maximale aurait dû être beaucoup plus élevée, si vraiment on avait voulu reconduire le budget quinquennal, puisque la contribution minimale aurait dû être de 105 000 000 $. Enfin, si le gouvernement n'a manifestement pas l'intention de respecter son obligation de verser 85 000 000 $ au cours de la période de 1982 à 1987, le versement des 105 000 000 $ apparaît alors très aléatoire pour la période de 1985 à 1990. Ce chiffre sert de trompe-l'oeil. En somme, le gouvernement, par ce projet de loi, ne fait que s'autoriser à donner moins d'argent au CRIQ au cours des cinq prochaines années et plus spécialement au cours des deux prochaines années.

Le corollaire de cette intention se retrouve dans le nouvel article 25.1 que nous propose le projet de loi. À défaut d'assurer un financement adéquat, on autorise le CRIQ à emprunter avec la garantie gouvernementale. Cela équivaut à réduire les dépenses et le déficit gouvernemental d'autant et de refiler la facture des intérêts payables sur les sommes empruntées au CRIQ. Le CRIQ était déjà autorisé à faire des emprunts sur son propre crédit. Aujourd'hui, on l'autorise à emprunter sur le crédit du gouvernement. D'ailleurs, si on se rapporte au plan de développement quinquennal préparé par le CRIQ pour les années 1985 à 1990, on s'aperçoit que le CRIQ entend emprunter une somme de 10 000 000 $ dont la charge financière serait ultérieurement assumée par le gouvernement. D'autre part, ce même plan de développement ne prévoit qu'un rythme de croissance de 4 % par année des revenus provenant du gouvernement du Québec, ce qui accrédite nos appréhensions, à savoir que le gouvernement n'entend pas insuffler des fonds pour la recherche et le développement au-delà du seuil normal de l'inflation. Doit-on en conclure que le rythme de croissance d'un organisme voué à la recherche et au développement ne saurait excéder le rythme d'augmentation de l'inflation et ce, en période de relance économique? Cette perspective nous apparaît illogique. De toute façon, rien ne nous garantit que le gouvernement actuel acceptera de subventionner le CRIQ au-delà du minimum de 17 500 000 $ prévu dans la loi puisque, dans le passé, le gouvernement s'est toujours contenté d'avancer les sommes minimales auxquelles il était tenu par la loi.

Le gouvernement choisit donc, là aussi, d'hypothéquer les avoirs collectifs. La formule n'est pas nouvelle. L'an dernier, on créait la Société immobilière du Québec en lui refilant les immeubles gouvernementaux pour mieux les hypothéquer. On vend cette année les magasins de la Société des alcools du Québec. Même chose pour une fraction des actions d'Hydro-Québec. Pareillement, plutôt que d'investir dans les sociétés de la couronne, on les fait emprunter. En somme, on déplace les problèmes en pénalisant les contribuables sans que cela ne paraisse trop,

puis on se vante de contenir le déficit. Dans le cas du CRIQ qui est voué à la recherche avec tout ce que cela comporte d'impondérable, c'est aller à l'encontre du bon sens. Le virage technologique, la recherche et le développement ne sont pas simplement du matériel à discours. Cela exige des choix et, par conséquent, un certain courage politique.

Avec ce projet de loi, le gouvernement recule précisément au moment où les besoins sont pressants, au moment où le CRIQ amorce une importante expansion vers Montréal. Le gouvernement ne nous a pas prouvé que le CRIQ avait des besoins réduits. Au contraire. Pourquoi le gouvernement ne prend-il pas les mesures nécessaires pour assurer au CRIQ non seulement les moyens de survivre, comme il le fait avec le présent projet de loi, mais surtout d'accélérer le rythme de son développement et de favoriser encore davantage au Québec la recherche et le développement, activités essentiellement porteuses d'espoir, de croissance économique et de création d'emplois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Le Blanc: Je demande la suspension du débat, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons suspendre le débat jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 56)

(Reprise à 15 h 1)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 52, Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec.

M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Le Blanc: Merci, M. le Président. Même si j'ai demandé la suspension des travaux avant 13 heures je voudrais céder mon droit de parole pour ce tour à mon collègue de Châteauguay, quitte à le reprendre tantôt.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien.

M. le député de Châteauguay.

M. Roland Oussault

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier mon collègue de Montmagny-L'Islet qui reconnaît une sorte de hiérarchie un petit peu entre nous puisque je suis adjoint parlementaire du ministre et lui aussi est adjoint parlementaire d'un autre ministre, bien sûr.

Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'étude au stade du principe du projet de loi 52, Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec.

Ce projet de loi a pour objet, conformément aux notes explicatives, de reconduire le plan quinquennal du Centre de recherche industrielle du Québec sans attendre la fin de la période quinquennale en cours. Cela, plus précisément à l'occasion de l'avènement d'une expansion majeure du Centre de recherche industrielle du Québec dans sa partie plus spécifique de Montréal.

Avant d'aborder plus précisément les principales raisons qui ont justifié le Centre de recherche industrielle du Québec de demander au gouvernement du Québec d'amputer deux années de l'actuel plan quinquennal, de même qu'avant d'aborder les paramètres du plan de 1985-1990, je voudrais d'abord rappeler la raison d'être du Centre de recherche industrielle du Québec. Je pense que c'est important de le rappeler sinon on ne peut pas vraiment saisir profondément pourquoi on se donne la peine de prendre une avance de deux ans dans ce plan.

Je pense qu'il faut le rappeler, la principale mission du Centre de recherche industrielle du Québec, qui a été créé par une loi sanctionnée en décembre 1969, donc un instrument qui ne date pas d'hier, consiste à favoriser l'essor économique du Québec en soutenant et en stimulant le développement technologique des entreprises manufacturières, principalement celles de petite et moyenne envergure. C'est important. On n'en parle jamais assez. Je sais, M. le Président, que dans le passé on attachait beaucoup d'importance aux grandes entreprises. On a même subventionné très largement, donc en petit nombre, de grandes entreprises et on a un peu délaissé la petite et moyenne entreprise. C'est peut-être une marque de commerce du présent gouvernement de vouloir aider davantage la petite et moyenne entreprise. Le CRIQ est un instrument au service de la petite et moyenne entreprise.

Concrètement, cela signifie que le Centre de recherche industrielle du Québec aide les entreprises québécoises à faire face aux exigences du marché et de la concurrence en leur fournissant des informations d'ordre technique et industriel, en résolvant leurs problèmes de production ou en les assistant dans le développement ou dans l'amélioration de leurs produits et de leurs procédés de fabrication.

En réalité, ce sont les problèmes rencontrés au sein de la petite et moyenne

entreprise et leur importance pour le développement économique du Québec qui ont amené le gouvernement du Québec à mettre sur pied un organisme susceptible d'aider adéquatement, rapidement et sans frais excessifs ce secteur important d'activité pour notre monde industriel. Je suis bien à l'aise pour le dire puisque c'est une réalisation d'un gouvernement qui nous a précédés. Pas celui qui nous a précédés immédiatement -c'est peut-être la raison pour laquelle, très souvent, l'Opposition est hargneuse à l'égard du CRIQ - mais le gouvernement qui avait précédé l'Opposition actuelle.

Aussi, les services fournis par le CRIQ sont-ils tout particulièrement destinés aux petites et moyennes entreprises qui, pour la plupart, ne disposent pas de moyens suffisants pour entreprendre elles-mêmes des travaux de recherche et de développement sur une base permanente ou même ponctuelle. Je vais rappeler quelques éléments qui ont déjà été évoqués par le ministre ce matin. Cela me paraît important de bien démontrer sur quoi s'appuie cette nécessité d'avoir un instrument tel que le Centre de recherche industrielle du Québec.

Par exemple - le ministre le disait, je pense, clairement - sur les 10 000 PME québécoises, 3000 n'ont aucun ingénieur ni technicien à leur emploi. Il faut quand même en prendre conscience. On retrouve 5200 ingénieurs, scientifiques ou techniciens au sein des 525 entreprises qui s'adonnent à des activités de recherche et de développement, c'est-à-dire dix pour une. C'est quand même important aussi, donc, de constater qu'il est nécessaire d'avoir un potentiel en dehors de ces entreprises puisqu'elles ne sont pas à même nécessairement de se donner un tel service. De ce nombre, 87 % travaillent dans des entreprises de plus de 750 employés, qui sont d'ailleurs, dans une forte proportion, des filiales de multinationales ou de sociétés étrangères.

Donc, M. le Président, il reste 300 ingénieurs, scientifiques et techniciens qui peuvent aider les 3000 petites et moyennes entreprises précédemment citées. Ce personnel se retrouve soit au CRIQ, soit dans certaines universités. Le CRIQ, avec ses quelque 400 employés, tente de pallier cette carence. C'est pourquoi on peut affirmer que le CRIQ est le centre de recherche corporatif ou communautaire des petites et moyennes entreprises québécoises. C'est leur instrument à eux. C'est un instrument qui est susceptible de leur donner encore plus de vitalité.

En ce sens, je vous ai fait part de quelques chiffres révélateurs susceptibles de donner une idée de la dimension industrielle au Québec, ainsi qu'il y a lieu de se rappeler, si on veut vraiment comprendre pourquoi le gouvernement se donne la peine de prendre de l'avance sur le plan qui a été établi pour cinq ans pour faire en sorte que maintenant le CRIQ soit en mesure de savoir où il s'en va pour les cinq prochaines années, toujours, bien sûr, en ayant à l'esprit qu'il y a maintenant une expansion.

D'abord, il y a ce projet d'expansion à Montréal qui n'était pas prévu au plan de développement. Ce projet a des implications importantes dont celle d'une restructuration complète des budgets d'immobilisation et de fonctionnement. Une restructuration basée sur des configurations nouvelles d'organisation, d'espace et de volume d'activité. C'est une conséquence normale de l'expansion et c'est une conséquence qui tombe sous le sens encore plus qu'on se donne la peine de prendre les moyens d'apporter les correctifs. De plus, ce projet place les gestionnaires du CRIQ, spécifiquement ceux de Montréal, en quête d'une main-d'oeuvre spécialisée dans les domaines de pointe sur un marché où la concurrence dépasse tout ce que le CRIQ a affronté jusqu'ici. On doit ajouter que l'actuel plan devait se terminer le 31 mars 1987, ce qui laisserait au plus 18 mois après le début des activités à Montréal pour mettre en place les services envisagés. Cette période est nettement trop courte pour une planification ordonnée, suivie et au besoin révisée des activités de recherche et de développement. Deux raisons majeures qui appuient la demande des dirigeants du CRIQ: s'assurer d'une stabilité financière et disposer d'une plus grande autonomie.

D'autres raisons nous ont amenés à considérer le fait que l'on devait prendre une certaine avance dans ce plan. Je voudrais rappeler que ça se retrouve particulièrement du côté des activités budgétaires, question de revenus plus particulièrement. Rappelons que le budget quinquennal prévoyait, pour couvrir les dépenses de 127 000 000 $ de la période, une contribution gouvernementale de 85 000 000 $ et des revenus de sources propres de 44 000 000 $ lorsqu'on sait que le CRIQ génère des revenus, la différence se retrouvant au fonds de roulement en fin de période. Ceci confirmait la tendance amorcée depuis 1976 en vue de favoriser un accroissement du niveau d'autofinancement des activités du centre. (15 h 10)

À cet égard, les performances n'ont cessé de s'améliorer depuis le début du plan 1982-1987. La proportion d'autofinancement excluant, bien sûr, les dépenses d'immobilisation est, en effet, passée successivement de 33,2 % à 36,5 % en 1984-1985. Ceci constitue, certes, un fait marquant si l'on considère que le taux d'autofinancement pour l'ensemble de la période de 1976 à 1981 s'établissait à 23,1 %.

Il faut aussi regarder, M. le Président, pour bien comprendre le sens du fonctionnement, du côté des activités commerciales. En

ce qui a trait aux résultats d'exploitation, il faut retenir, au terme des trois premières années du plan de 1982 à 1987, les performances globales exceptionnelles enregistrées au chapitre des activités commerciales, et ce, malgré une année de démarrage plutôt difficile. L'année 1982-1983 a été, en effet, caractérisée par une conjoncture éconnomique difficile - tout le monde se rappelle de cela; certaines personnes essaient de le faire oublier, mais c'est difficile - qui tardait à se redresser, laissant ainsi les industriels dans un climat d'incertitude et de retenue face à leurs dépenses de recherche et de développement. Ceci n'empêche pas, néanmoins, le centre de présenter un bilan d'ensemble fort positif, en particulier au chapitre des ventes cumulatives qui auront pratiquement atteint les 24 000 000 $ après seulement trois années d'exploitation.

Afin de bien faire voir l'évolution des activités commerciales, je voudrais donner quelques exemples. Par exemple, en 1982-1983, il y a eu un total de 460 contrats de signés avec le CRIQ pour une valeur totale, en fait, de 5 900 000 $. En 1983-1984, on est passé de 460 à 620 contrats pour un total de 7 000 000 $ et, en 1984-1985, de 620 à 754 contrats, toujours une croissance significative, pour atteindre une valeur totale des contrats de 10 500 000 $.

Il est facile de constater, selon ces chiffres, que les services du CRIQ ne font pas de doute quant aux besoins que le centre est censé combler.

Dans le même sens, M. le Président, je voudrais apporter un témoignage un peu particulier extrait d'une lettre qui a été envoyée au député d'Outremont par un homme d'affaires qui a été à même d'apprécier le type de service que vise à donner le CRIQ. Je pense que c'est important de le rappeler. Je me rappelle encore la dernière fois où nous avons eu l'occasion de parler du CRIQ à l'Assemblée nationale, de l'attitude - je le répète -plutôt hargneuse de la part de l'Opposition. Heureusement que cela a évolué parce qu'on m'a dit - je n'étais pas là en fin d'avant-midi - que c'était largement différent de ce qui s'était fait la dernière fois. La dernière fois, à toutes fins utiles, on devait conclure des propos de l'Opposition que le CRIQ était un instrument inutile. Là, on constate que l'Opposition a plutôt déplacé son argumentation en laissant entendre qu'on ne faisait pas assez pour le CRIQ. Je pense, M. le Président, qu'on fait ce que le CRIQ nous identifie comme étant nécessaire et je ne vois pas pourquoi on devrait faire plus, puisque de toute façon, les personnes concernées sont celles qui nous disent quels sont les besoins à toutes fins utiles qu'il faut satisfaire.

Je voudrais donc, M. le Président, vous faire part du témoignage - je ne veux pas faire d'erreur - de M. Théodore Wildi qui est une personne - c'est cela - à une faculté de l'Université Laval qui écrivait au député d'Outremont, qui écrivait à ce moment-là, bien sûr, à titre de personne étant engagée à l'Université Laval à la Faculté de science et de génie en 1982. C'est fort révélateur parce que déjà, en 1982, M. Wildi nous faisait vraiment voir le type de besoins qu'il fallait combler par cet instrument qui est le CRIQ. Il disait, et j'en cite un extrait révélateur: "II y a quelque temps déjà, j'étais le président d'une PME qui comptait une cinquantaine d'employés. Je me souviens bien des problèmes qu'on avait à résoudre, toutes sortes de problèmes "banals" - entre guillemets - qui étaient loin de la technologie de pointe dont tout le monde parle - oui, c'était déjà significatif à ce moment-là - quelle sorte de peinture utiliser, quelle soudure pour fusionner deux types de métaux, quel accouplement ultrarapide pour réunir deux machines, quelle forme esthétique donner à notre produit, comment stabiliser un ressort, comment obtenir un brevet d'invention, comment faire une demande pour une subvention, etc. C'était le genre de problèmes qui nous préoccupaient. En effet, si on avait pu les résoudre, notre progrès sinon notre survie auraient été compromise - "notre survie", M. le Président, aurait été compromise. "C'était le genre de problèmes qui nous préoccupaient, disait-il. En effet, si on n'avait pu les résoudre, notre progrès sinon notre survie auraient été compromis. Le CRIQ n'existait pas à cette époque et par conséquent, on ne pouvait faire appel à ses services. Heureusement, notre entreprise comptait quelques ingénieurs et techniciens de sorte que nous avons pu tant bien que mal résoudre nos propres problèmes. C'est ma ferme conviction que le progrès d'une entreprise repose sur la résolution de ces problèmes "ordinaires", entre guillemets. Le rôle du CRIQ devient alors primordial lorsqu'un de ces problèmes dépasse la compétence technologique de l'entreprise." Il ajoutait, et je vais terminer la citation de cette façon: "Le CRIQ doit donc répondre à une foule de problèmes concernant les matériaux et les méthodes de fabrication dans le domaine de la chimie, de la mécanique, de l'électronique, etc. Son groupe d'ingénieurs, de scientifiques et de techniciens hautement spécialisés a résolu les difficultés particulières d'un grand nombre de PME." Comme M. Bertrand l'a signalé, plus de 1200 entreprises ont profité de ses services et près de 250 d'entre elles sont devenues des clients réguliers.

J'aimerais, dans les quelques minutes qui me restent, faire part du nom de quelques entreprises qui ont profité des services du CRIQ. Ce sont des raisons très

évidentes pour lesquelles il est impartant de continuer à aider le CRIQ à fonctionner correctement et, dans le fond, à lui permettre de se mettre à jour, à toutes fins utiles, pour mieux aider les entreprises. Par exemple, le CRIQ a participé avec grand intérêt au développement du premier modèle commercial d'un pressoir rotatif - développé par le CRIQ - qui a connu un succès intéressant auprès des intervenants des pâtes et papiers. C'est important, M. le Président. C'est la compagnie Kamyr, compagnie licenciée, qui a bénéficié de cette aide de la part du CRIQ. Le premier modèle commercial a été construit par la division mécanique de Canron à Trois-Rivières. Le dispositif sur lequel le CRIQ a travaillé, qui essore en continu une masse humide, peut s'appliquer à d'autres matières que la pâte à papier et le CRIQ poursuit ses recherches en ce sens. Le CRIQ a travaillé pour une entreprise, mais il continue de travailler pour faire en sorte que le fruit de son travail serve à d'autres applications plus tard.

Le CRIQ a aussi participé au développement électronique et au design d'un système portatif de commande à distance pour ponts roulants et autres accessoires. C'est le seul système canadien du genre à satisfaire aux normes imposées dans ce secteur. C'est Télésystème National Ltée, de Sainte-Foy, qui a profité du "know-how", de la capacité de travail du CRIQ. Il y a également eu participation du CRIQ au développement - et cela pour augmenter la productivité et améliorer la coupe - d'une machine pour couper simultanément les deux côtés des boucles de cuivre d'un stator usagé d'automobile. On sait que le stator est la partie fixe d'un alternateur d'auto. C'est une compagnie que je connais bien, puisqu'elle est installée dans ma région, Autopro Inc., qui est installée à Saint-Rémi, qui a pris de l'expansion à la suite de ce travail qui a été fait par le CRIQ et qui s'est installée plus largement à Sainte-Martine, dans ma région, tout près de mon comté. Autopro Inc., profite donc avantageusement du marché en pleine expansion des pièces d'automobile remises à neuf.

Un autre exemple: le développement d'une machine qui assemble automatiquement les rasoirs jetables d'usage médical, les emballe et les distribue dans des boîtes prêtes pour l'expédition. Le CRIQ a développé les systèmes périphériques nécessaires à l'alimentation d'un module d'assemblage de série, ainsi qu'à la manutention du produit fini. C'est un instrument qui permet une cadence de 40 à 60 rasoirs-minute. Je sais, pour avoir visité le CRIQ au moment où il travaillait à ce dossier, qu'il a travaillé énormément pour que le produit soit le plus compétitif, ce qui fait qu'aujourd'hui les Produits progressifs Limitée, de Terrebonne, profitent très avantageusement du travail qui a été fait par le CRIQ.

M. le Président, je dois terminer. Étant donné que le CRIQ constitue un outil dont les PME ne pourraient se passer - le preuve est maintenant faite - étant donné que le CRIQ connaît présentement une expansion jugée nécessaire, qui impose de toute évidence un correctif au plan quinquennal déjà adopté par cette Assemblée lors d'un projet de loi antécédent il y a quelques années, étant donné que l'ampleur et les implications de cette expansion rendent souhaitable l'adoption d'un nouveau plan, ce qui est l'objet du présent projet de loi, il me paraît qu'il faille adopter le projet de loi 52 dans les plus brefs délais. C'est à cela que j'invite, bien sûr, mes collègues de l'Assemblée nationale. Merci, M. le Président. (15 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la parole.

M. Reed Scowen

M. Scowen: M. le Président, j'aimerais faire avec vous, cet après-midi, une petite réflexion sur le mandat du CRIQ et ses réalisations. Si je suis parfois un peu négatif, j'aimerais que vous sachiez que ce n'est pas du tout dans un esprit hargneux, comme l'a prétendu mon collègue le député de Châteauguay, mais c'est simplement parce que je veux stimuler un petit débat sur l'avenir de cette institution très importante pour le Québec.

Je veux d'abord faire deux constatations. La première est que, si j'étais le ministre de l'Industrie et du Commerce, je n'aurais jamais accepté ce document qui s'appelle "Le plan de développement pour la période de 1985-1990." Je trouve que c'est un document incomplet et insatisfaisant et je vais vous expliquer pourquoi tantôt.

La deuxième chose que je prétends, c'est que le Centre de recherche industrielle du Québec n'est pas un centre de recherche du tout. C'est devenu effectivement une espèce d'atelier de dépannage pour les PME, assorti peut-être d'une petite maison d'édition. Je dois vous dire que je me tiens un peu responsable sur le plan personnel de cette évolution du CRIQ parce que j'avais un petit rôle à jouer dans ses orientations il y a une dizaine d'années. Laissez-moi m'expliquer. Regardons, d'abord, le mandat du CRIQ dans la loi de 1979 qui fait partie maintenant de sa charte. Le centre avait pour objet trois choses: premièrement, "la recherche en sciences appliquées"; deuxièmement, "la mise au point de produits, procédés et appareils industriels"; et, troisièmement, la "collection et la diffusion de l'information". Recherche en sciences

appliquées; mise au point de produits, services et procédés; et collection et diffusion de l'information.

Ce que je prétends, M. le Président, c'est que c'est effectivement devenu un atelier pour la mise au point d'une multitude de produits et de procédés, surtout pour les PME, une espèce d'atelier de dépannage, peut-être utile, mais très très loin de l'idée d'un centre de recherche proprement dit. Oui, ils ont fait un certain nombre de choses dans le domaine de la cueillette et de la diffusion de l'information, notamment le Répertoire des produits fabriqués au Québec qui a effectivement très peu à faire, quant à moi, avec un centre de recherche.

Je ne veux pas parler plus longtemps du problème du Répertoire des produits fabriqués au Québec mais je soutiens que l'idée de la recherche est très très loin de l'idée de dresser un catalogue des produits dont le contenu est d'au moins 10 %, 15 %, 20 % ou 50 % québécois. C'est un projet qui n'a rien à faire avec un centre de recherche.

Revenons à l'activité de ce centre de recherche aujourd'hui. Je regarde dans le plan de développement et je trouve que c'est un document de quinze pages. Il y a un plan quinquennal de quinze pages seulement, auquel on ajoute une annexe de 20 pages qui est un résumé des réalisations des cinq dernières années. Dans les quinze pages qui portent sur le plan qui implique des millions et des millions de dollars et des engagements gouvernementaux pour cinq ans, on voit à peine quatre pages, les pages 6, 7, 8 et une partie de la page 9, qui touchent les objectifs. On parle beaucoup de l'endroit où on va faire les travaux parce qu'on parle beaucoup de l'idée de déménager de Québec à Montréal. On parle un peu de la façon dont on fera les choses. On parle, par exemple, du marketing des services. On parle de la nécessité d'avoir plus de liberté dans l'embauche du personnel, mais on ne parle presque pas dans ce document de ce qu'on doit faire, du rôle du CRIQ.

Je suis content que le ministre soit ici parce que je trouve que c'est très important. S'il regarde les pages 6, 7, 8 et 9, c'est toute l'information que le Centre de recherche industrielle du Québec lui a donnée sur ses objectifs pour les cinq prochaines années, d'une façon descriptive, pour justifier des millions et des millions de dollars qu'ils vont dépenser.

Le problème, c'est que dans ces quatre pages on ne parle presque pas des choix sectoriels. C'est précisément à cause de l'absence des priorités sectorielles, des choix de la recherche qui va se faire par le CRIQ qu'on se retrouve aujourd'hui avec quelque chose qui n'a jamais réalisé son potentiel. Comme je l'ai dit et je le répète, c'est devenu une espèce d'atelier de dépannage pour les PME.

Écoutez avec moi, seulement un moment, le nombre de sujets, le nombre d'activités de recherche dans lesquelles le CRIQ nous dit qu'il va agir. Imaginons. C'est une boîte de 300 personnes dont plusieurs font de l'administration et du soutien. Je ne sais pas combien font de la recherche, peut-être les deux tiers. C'est une affaire de 16 000 000 $ d'immobilisations. Ils nous proposent de faire de la recherche sérieuse. Imaginons maintenant l'ampleur de la recherche qui se fait dans ces domaines aujourd'hui dans le monde entier.

Mais, dans le même groupe de recherche, au Québec, avec le budget qu'on connaît de 15 000 000 $ ou 20 000 000 $ par année, on propose de faire de la recherche dans... Et c'est très confus parce que parfois ils parlent des industries qu'ils vont desservir, parfois ils parlent des sciences qu'ils vont utiliser, parfois ils parlent d'une façon horizontale, parfois verticale. Mais écoutez: Ils proposent de devenir excellents dans le domaine de la machinerie, le développement d'équipement et le développement des systèmes - c'est déjà un gros morceau - auxquels ils ajoutent la biotechnologie - c'est là un autre gros morceau - auxquels ils ajoutent la recherche en alimentation, la recherche en procédés chimiques, la recherche en design industriel, la recherche en robotisation, la recherche en électronique industrielle, la recherche en électronique de communication - imaginez-vous, la recherche en électronique de communication. On va faire la concurrence avec Northern Telecom - dans la transformation mécanique de biomasse - ce n'est pas la biotechnologie, c'est un autre secteur complètement à part - dans la production automatisée. Ils proposent de desservir - je ne vais qu'en mentionner que quelques-uns - les industries de fabrication de produits électriques et électroniques, l'industrie des aliments et boissons, du caoutchouc, du plastique, de produits en métal, de fabrication de machines, de fabrication de matériel de transport - on pense à Bombardier, à Pratt & Withney, à GM - dans les meubles, dans les textiles, dans le vêtement, dans la bonnetterie.

Effectivement, M. le Président, dans les trois dernières minutes, je pense que j'ai mentionné à peu près tout ce qu'il y a des domaines de la recherche appliquée scientifique qui touche directement ou indirectement l'industrie en Amérique du Nord. Le CRIQ, avec ses 16 000 000 $ d'immobilisation, avec ses peut-être 200 recherchistes, avec ses budgets de 20 000 000 $, 30 000 000 $ par année, nous propose de faire de la recherche dans tous ces domaines. C'est trop. C'est 1000 fois trop. Et quelqu'un va me dire: Comment se fait-il qu'il puisse même parler comme cela? Je dis: Je ne sais pas. Je pense que l'idée

de base - ici, je reviens à la partie du problème qui me revient à moi personnellement, je pense - c'est qu'en 1975, quand je faisais partie du cabinet du ministre de l'Industrie et du Commerce de l'époque, on s'inquiétait beaucoup de la rentabilité du CRIQ. On ne savait pas ce qui se passait là-bas dans le château, dans la forêt près de l'aéroport et on disait: Comment peut-on avoir une idée de la rentabilité, de l'efficacité de cette organisation? (15 h 30)

Nous avons proposé l'idée qu'il devrait essayer de chercher le contrat, l'idée que si quelqu'un acceptait de payer quelque chose pour les services, cela pouvait prouver que le CRIQ était utile. C'était une nouvelle idée à l'époque parce que le CRIQ pensait qu'il était un groupe de recherche et que la rentabilité n'était pas importante. C'était un effort de notre part pour essayer d'établir une base de rentabilité. Je remarque que, dans un sens, ils ont réussi parce que j'ai constaté qu'au plan quinquennal d'il y a cinq ans ils ont proposé, de 1981 à 1985, de réaliser des commandites de 20 000 000 $. Ils ont effectivement réalisé 21 000 000 $, donc, ils sont rentables. Mais je dois ajouter qu'il avait un autre objectif dans le plan d'il y a cinq ans qui était d'essayer de chercher les redevances à la suite des inventions qu'il pouvait développer lui-même. Sur ce plan, les résultats depuis sont très minces.

Nous sommes essentiellement devant une organisation qui répond aux demandes des PME du Québec. Un jour, ça pourrait être une petite compagnie dans le fromage qui a un problème technique. On s'installe dans la biochimie. Le lendemain, c'est une petite compagnie qui fait des maisons mobiles et on veut savoir comment on peut développer des roues pour des maisons mobiles qui fonctionnent un peu mieux, alors, on s'installe dans le matériel de transport. Le lendemain, c'est une autre chose. C'est effectivement un atelier de dépannage pour les PME du Québec et ce n'est pas un centre de recherche. J'espère que je me suis expliqué assez clairement.

Si je reviens au mandat du CRIQ, je peux dire que les. deuxième et troisième objectifs ont été réalisés jusqu'à un certain point, mais que le premier objectif et je cite de nouveau: "La recherche en sciences appliquées, ce n'est pas quelque chose qui se fait." Je ne sais pas. J'ai l'impression que le Québec vaut mieux que cela, que nous avons la capacité de développer quelque chose qui sera rentable d'une façon beaucoup plus importante que par le système de rentabilité mesuré par les commandites annuelles qui arrivent des compagnies québécoises qui profitent de leurs services.

Je pense, que le ministre, au moins, avant d'accepter ce plan de développement pour la période 1985-1990, doit insister pour que les pages 6, 7, 8 et 9 de ce document soient refaites pour rendre beaucoup plus cohérentes les priorités sectorielles, si vous voulez, les activités, les définitions des activités auxquelles le centre de recherche va consacrer les fonds et les efforts de son personnel. Il est invraisemblable qu'un centre de recherche au Québec, même un centre de recherche voué au dépannage des PME, puisse, avec les moyens qui sont à sa disposition, réaliser une performance qui est excellente, dans le sens de la concurrence mondiale, dans des domaines aussi divers que la biotechnologie, les procédés chimiques, la robotisation, le développement de la machinerie et les systèmes de production, l'électronique des communications, la transformation de la biomasse et j'en passe. Je ne dis pas que c'est stupide, mais ce n'est pas défendable. Je pense que le président et le conseil d'administration doivent être rappelés à l'ordre dans ce sens avant que ce plan de développement ne soit accepté.

En terminant, M. le Président, j'appuie aussi les commentaires qui ont été faits par mon collègue, le député de Laporte, et porte-parole dans ce dossier, pour arriver à un consensus qui n'existe pas aujourd'hui sur la nature sectorielle des activités du CRIQ, activités dans lesquelles il peut devenir excellent. Une fois que c'est fait, le gouvernement doit devenir sérieux et consacrer les sommes nécessaires pour la réalisation de cet objectif d'excellence pour les cinq prochaines années. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Jacques Le Blanc

M. Le Blanc: Merci, M. le Président. Dans la conjoncture actuelle sur le plan industriel, conjoncture largement influencée par l'évolution technologique que vit le monde industrialisé au Québec et dans tous les pays qui veulent rapidement s'adapter à la transformation qui s'effectue dans le monde industriel, le Québec se doit d'agir rapidement et efficacement s'il veut que son essor économique ne prenne pas de retard par rapport aux autres centres industriels dans le monde et particulièrement ceux avec lesquels nous sommes en constante concurrence. C'est l'une des principales raisons qui ont justifié la présentation du projet de loi 52 dont l'objet est le suivant. Je fais référence aux notes explicatives qui sont inscrites à la page 2 du projet de loi: "Ce projet de loi a pour but de reconduire le plan quinquennal du CRIQ, Centre de recherche industrielle du Québec, sans attendre la fin de la période quinquennale en cours. L'évolution des activités du centre, les changements survenus dans son environnement

économique, son expansion majeure à Montréal justifient une nouvelle détermination, des montants de l'aide gouvernementale à lui être accordée pour les cinq prochaines années ainsi que des modalités de versement de cette aide."

M. le Président, le Québec est dans une position privilégiée au plan des ressources naturelles et, également, au plan de l'énergie, deux éléments qui posent des problèmes et des contraintes de développement dans de nombreux pays du monde. Mais ce n'est pas le cas au Québec. Nous avons ces deux atouts majeurs en quantité considérable ici au Québec et à des coûts fort concurrentiels.

À ces atouts, M. le Président, s'ajoute ce que j'appellerais la chaîne industrielle du Québec, chaîne formée d'autant de maillons qu'il y a de PME au Québec. Ces entreprises, par leur nombre, leur dynamisme, leur esprit compétitif, seraient désignées faussement comme complémentaires aux grandes multinationales tellement elles occupent une place importante dans l'ensemble de l'activité industrielle du Québec. Pour elles surtout, le CRIQ est un organisme absolument indispensable, d'autant plus que nos PME du Québec ne disposent pas - et cela s'explique assez facilement -au même titre que les multinationales d'équipes de chercheurs, de laboratoires bien équipés, de budgets imposants pour répondre aux besoins de recherche et de développement inhérents à chacune de ces entreprises. C'est non seulement, pour la plupart d'entre elles, une question de survivance, mais c'est une possibilité de progression et de développement.

La concurrence, M. le Président, c'est une lutte féroce et personne ne peut l'ignorer très longtemps sans compromettre son avenir comme entreprise.

La contribution du CRIQ, dont la raison d'être est de fournir sous diverses formes des services aux PME, s'avère absolument indispensable pour une réalisation de plus en plus concrète de l'objectif majeur que doit poursuivre le Québec. Utiliser son énergie humaine et matérielle pour transformer nos matières premières abondantes, pour certaines renouvelables en produits finis ou semi-finis, c'est cela l'objectif fondamental de l'essor économique du Québec. (15 h 40)

Pour réaliser cet objectif de la meilleure façon, il faut être concurrentiel. On l'a répété et on le redit, mais c'est toujours vrai. C'est le défi auquel sont confrontées constamment nos PME québécoises. Il faut être concurrentiel à tous les instants. Il faut rechercher les meilleures méthodes d'exploitation ou de fabrication, raffiner les moyens de transformation, améliorer le produit, perfectionner la machinerie ou l'outillage pour le réaliser.

Toutes ces opérations peuvent se résumer dans une désignation bien connue maintenant sous le nom de développement économique et plus particulièrement sous le vocable de virage technologique.

Pour faciliter la réalisation de ce développement technologique, M. le Président, il existe un organisme qui s'appelle le Centre de recherche industrielle du Québec. Cet organisme contribue d'une façon efficace à la réalisation de ce projet. Le projet de loi 52 veut rendre encore plus productifs, plus accessibles aux entreprises, particulièrement à Montréal, des services mieux adaptés à 1985 pour la réalisation du développement industriel. Le CRIQ remplit son rôle principal qui est de favoriser l'essor économique du Québec. Il est connu de la plupart de nos PME au Québec. Combien de nos petites et moyennes entreprises ont fait, à un moment ou à un autre de leur existence, une démarche auprès du CRIQ pour soumettre un problème technique relié à un projet de développement, relié à la production d'une nouvelle pièce de machinerie, d'une nouvelle pièce d'outillage, d'un nouveau produit et, ce qui est peut-être le plus important, pour mettre au point un produit particulièrement destiné à l'exportation, surtout s'il a un caractère d'exclusivité. Le CRIQ contribue largement à faciliter le passage difficile que doit franchir l'industrie québécoise en voie de transformation perpétuelle.

D'autres avant moi ont signalé certaines PME qui ont bénéficié des services du Centre de recherche industrielle du Québec. Je voudrais en mentionner une en particulier, qui est située dans mon comté et qui s'appelle l'industrie Albert Nadeau Inc. de Saint-Jean-Port-Joli. Comme vous le savez, Saint-Jean-Port-Joli, c'est le berceau de la sculpture au Québec; et, même si c'est artisanal et que cela demeure un travail de créativité, il demeure tout de même que certaines pièces doivent être produites en quantités assez industrielles pour répondre à un marché sans cesse grandissant. C'est ce qu'a fait Nadeau Inc. de Saint-Jean-Port-Joli en faisant une démarche auprès du CRIQ pour mettre au point une technique de reproduction en série de bas-reliefs en cuivre par galvanoplastie. Cette innovation place l'entreprise, qui est pionnière en ce domaine, à l'avant-garde de la diffusion d'oeuvres d'art.

La galvanoplastie est un procédé qui permet la déposition d'un métal par voie électrolytique sur une matrice constituant l'empreinte de l'objet à reproduire. Ce cas est un exemple d'atelier d'artisans qui se transforme en petite usine et où les considérations de productivité et de rentabilité sont devenues des préoccupations quotidiennes. En effet, plusieurs artistes doivent opter pour la reproduction en série

pour vivre de leur travail et maintenir les prix de leurs créations à un niveau intéressant pour les consommateurs, et, en même temps, faire échec à la concurrence de produits un peu similaires qui proviennent de pays où la main-d'oeuvre est beaucoup moins dispendieuse. Je pense à Taiwan ou à d'autres pays d'Extrême-Orient qui envahissent nos marchés avec des produits un peu de même nature, mais qui n'ont pas le caractère d'exclusivité de nos artisans ou de nos artistes.

Il y a d'autres industries également dans mon comté. J'y ai visité une industrie plastique qui, avec l'aide du CRIQ également, a mis au point une technique d'imprimerie de figurines de plastique, un peu du même modèle que la fameuse effigie du Carnaval de Québec qui est d'ailleurs fabriquée dans mon comté, à Saint-Jean-Port-Joli, chez Plastiques Gagnon. Cette entreprise a mis au point une technique d'impression en plusieurs couleurs accompagnée d'un procédé de séchage ultra-rapide qui en fait une entreprise produisant en exclusivité, avec une méthode exclusive également, ce produit. Vous pouvez le voir annoncé, sans que je fasse ici aujourd'hui de la publicité gratuite pour McDonald, mais puisque cette compagnie encourage une entreprise de chez nous, aussi bien le dire. Toutes les figurines qui sont annoncées à 0,45 $ l'unité dans une campagne publicitaire assez étendue actuellement sont fabriquées à partir de ce procédé qui est complètement nouveau.

On pourrait allonger cette liste en mentionnant beaucoup d'autres PME qui ont, avec l'équipe du CRIQ, mis au point ce qui n'aurait pu être autrement réalisé. Bien sûr, cela peut toujours se faire dans les multinationales qui disposent de grands budgets, de chercheurs et qui font cela à plein temps. Mais nos PME ne peuvent se permettre ces budgets énormes pour mettre au point de nouveaux produits, perfectionner leur machinerie et développer de nouvelles méthodes de fabrication. L'ingéniosité des Québécois - d'aucuns diront les patenteux québécois - est fort bien secondée par l'intervention du CRIQ qui possède, lui, l'équipement approprié et des spécialistes dans des domaines très variés.

En plus de la confidentialité qui est une consigne scrupuleusement respectée par le personnel du CRIQ, tout comme les multinationales se protègent contre l'espionnage industriel, l'organisme travaille en collaboration avec l'entreprise pour faire les tests nécessaires assurant la sécurité, l'efficacité et la qualité du produit ou de l'outillage qui fait l'objet de la recherche et de sa mise au point finale.

Je fais référence au bilan des activités du CRIQ pour souligner, puisque le projet de loi 42 veut raccourcir les délais d'expiration du plan quinquennal 1982-1987 pour faire un nouveau plan quinquennal 1985-1990, pour rappeler dans ce bilan que dans cette première période où le CRIQ avait comme mission le développement de nouvelles technologies, l'élargissement de sa clientèle, l'accroissement de la gamme des services offerts à sa clientèle industrielle, la mission du centre de recherche, qui a été créé en 1969, demeure toujours la recherche en sciences appliquées dans ses propres laboratoires ou dans ceux de d'autres centres de recherche également. La mise au point de produits et de procédés d'appareils industriels et scientifiques, la collecte et la diffusion d'information et de renseignements d'ordre technologique et industriel, tout cela pour contribuer à l'amélioration de la productivité de nos entreprises québécoises, pour assurer sur les marchés locaux et les marchés extérieurs la présence de nos produits partout dans le monde avec des exportations sans cesse croissantes. Cela veut dire de l'emploi pour nos Québécois, cela veut dire l'utilisation de nos ressources naturelles, cela veut dire l'utilisation chez nous également de notre énergie et nous en avons en abondance. Inutile de vous dire, M. le Président, que j'appuie sans réserve ce projet de loi présenté par le ministre de l'Industrie et du Commerce et je voterai pour le projet de loi 52. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je crois que nous devons attendre le ministre pour son droit de réplique. Je ne sais pas s'il est dans les environs. Je vais laisser passer quelques secondes pour voir s'il n'est pas tout près. Ah! le voici! Il arrive. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, vous avez un droit de réplique.

M. Rodrigue Biron (réplique)

M. Biron: M. le Président, on m'avait dit qu'il y avait un autre collègue de l'Opposition qui devait s'intéresser au dossier du CRIQ. Il semble qu'il n'y ait pas beaucoup d'intéressés de l'autre côté, quoique j'ai apprécié l'intervention du député de Laporte ce matin. On voit que le député de Laporte, dans ce cas en particulier, a suivi son dossier, qu'il a étudié sérieusement ce qui se passe au CRIQ. (15 h 50)

Je ne dirai pas la même chose du député de Notre-Dame-de-Grâce. Habituellement, j'ai beaucoup de respect pour le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est un bonhomme qui étudie ses dossiers avant de parler mais, aujourd'hui, je pense qu'il a parlé avant d'étudier. J'ai écouté son intervention et j'en ai été déçu. D'abord, le CRIQ, ce n'est pas un centre de recherche; ce matin, dans mon intervention, je l'ai bien noté. D'ailleurs, je l'ai toujours dit. Ceux et

celles qui ont travaillé avec le CRIQ devraient le savoir, d'autant plus que le député de Notre-Dame-de-Grâce a dit qu'en 1975 il a travaillé dans le cabinet du ministre de l'Industrie et du Commerce sur le dossier du CRIQ. Il devrait savoir que le CRIQ n'est pas un centre de recherche qui fait de la recherche en l'air sans savoir ce qu'il cherche, c'est un centre de recherche au service des petites et des moyennes entreprises, au service de l'entreprise québécoise.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait que c'était un centre de dépannage pour les PME, pour développer des technologies nouvelles, des produits nouveaux. Oui, c'est vrai, c'est pour développer des technologies nouvelles, des produits nouveaux. Le CRIQ travaille au service des PME. Donc, il va travailler sur des commandes qu'il reçoit des entreprises. Il ne mettra pas 5, 10 ou 50 de ses chercheurs à chercher quelque chose de nouveau dans le domaine de la biotechnologie, de la biomasse ou de l'électronique, ce n'est pas vrai, ce n'est pas ce que va faire le CRIQ. Le CRIQ, bien sûr, va d'abord donner des renseignements à ceux et à celles qui veulent inventer des choses ou qui croient avoir inventé quelque chose. Il va les mettre en contact avec d'autres inventeurs ou d'autres gens qui ont inventé à peu près le même produit. Le CRIQ va répondre à des questions très précises, techniquement, de la part des entreprises. Le CRIQ, en plus, va travailler avec une commande d'une entreprise pour produire une pièce d'équipement, une machinerie ou pour développer un produit un peu mieux développé une fois que le chercheur, lui, a trouvé son produit ou l'a développé un peu.

Finalement, le CRIQ n'est pas un centre de recherche pure, si on peut dire, c'est un atelier mécanique très sophistiqué qui emploie les méthodes les plus modernes au monde telle la conception assistée par ordinateur, la fabrication assistée par ordinateur pour aider les entreprises manufacturières québécoises à avoir de meilleures pièces d'équipement, à prendre le virage technologique et à être véritablement modernes dans leur capacité de produire ou le CRIQ va développer avec l'entreprise des produits nouveaux. Lorsque l'entreprise a développé un voilier - je me souviens avoir vu cela - une allée de quilles, l'entreprise l'avait développé mais elle demandait quand même de chercher encore plus loin pour faire l'autre étape du virage technologique et passer devant ses autres compétiteurs à travers le monde. Le CRIQ a aidé cette entreprise manufacturière.

Lorsque le CRIQ a développé, avec Pierre Thibault, des échelles à incendie de 50 mètres ou à peu près, Pierre Thibault avait les premières idées, Pierre Thibault avait développé les premières échelles plus courtes et a demandé au CRIQ de l'aider à développer cette échelle ultra-longue qu'on fabrique maintenant au Québec et qu'on peut exporter partout à travers le monde. Dans ce sens, le CRIQ a travaillé sur une commande précise de la part de l'entreprise.

Si le CRIQ travaille pour une grande entreprise, il va facturer à l'entreprise la totalité de ses frais directs et la totalité de ses frais indirects. Si le CRIQ travaille pour une petite entreprise, il va facturer à la petite entreprise la totalité des frais directs sans rien facturer des frais indirects, ce qui représente à peu près autant ou 50-50. Finalement, c'est beaucoup plus dans ce sens que nous aidons les petites et moyennes entreprises.

Faire un peu de charriage comme l'a fait le député de Notre-Dame-de-Grâce tout à l'heure, c'est complètement inacceptable. Dire que le CRIQ veut se lancer dans la recherche pure dans le domaine de l'alimentation, ce n'est pas vrai. Le CRIQ va faire des pièces d'équipement pour des gens qui travaillent dans l'alimentation, le CRIQ va travailler pour Vachon, le CRIQ va travailler pour des entreprises qui mettent des légumes en conserve et des choses comme cela, il va leur aider en faisant les pièces d'équipement nécessaires pour mettre en boîte les produits. Dans ce sens, je pense que ce n'est rien de très compliqué, comme voulait le laisser entendre le député de Notre-Dame-de-Grâce tout à l'heure, mais ce sont des actions précises d'aide à l'entreprise.

Je voudrais simplement, M. le Président, demander par votre intermédiaire, bien humblement au député de Notre-Dame-de-Grâce d'au moins refaire ses devoirs jusqu'à demain matin, alors qu'il pourra questionner le président-directeur général du CRIQ. Il pourra certainement s'informer auprès de son collègue de Laporte qui a fait ses devoirs convenablement au cours des derniers jours pour savoir exactement ce dont il parle lorsqu'il parle du CRIQ.

Je veux aussi dire un mot sur les sommes disponibles pour le CRIQ. On a décidé, au gouvernement du Québec, d'augmenter les sommes disponibles pour le CRIQ. Au cours du dernier plan quinquennal, on avait 85 000 000 $ dont une partie de frais d'immobilisation, ce qui nous permet justement d'investir plus à Montréal avec la construction du nouveau CRIQ dans l'Est de Montréal. C'était 85 000 000 $ pour cinq ans, alors que cette année nous voulons un plan quinquennal qui mettra à la disposition du CRIQ 105 000 000 $ pour les cinq prochaines années. Vous voyez donc, M. le Président, que le gouvernement du Québec met beaucoup plus d'argent dans le développement économique et surtout dans l'aide à l'entreprise, dans la PME, puisque notre participation comme gouvernement aide

surtout les petites et moyennes entreprises alors que la grande entreprise qui veut travailler, qui veut faire travailler le CRIQ ou qui veut travailler avec le CRIQ doit payer la totalité de ses coûts.

Ceci dit, je suis quand même heureux de constater que des deux côtés de la Chambre, on accepte notre projet de loi. Nous aurons l'honneur, demain matin, d'avoir avec nous le président-directeur général du CRIQ qui répondra, avant l'étude article par article du projet de loi, à toutes les questions de nos collègues de l'Opposition officielle. Je lui transmets d'ailleurs ce soir les galées de nos débats en Chambre afin qu'il puisse être informé des questions que lui poseront les honorables membres de l'Opposition. Je dois dire que tous ensemble nous serons fiers d'avoir donné à la PME québécoise un instrument de développement économique fort important.

L'objectif de ce gouvernement c'est, bien sûr, d'aider l'entreprise, d'aider à la création d'emplois mais pas d'aider l'entreprise à n'importe quel prix et à faire n'importe quoi. Il s'agit d'aider des entreprises dynamiques, des entreprises qui peuvent nous assurer qu'au cours des années à venir, elles pourront créer des emplois de façon permanente. Je suis fier, avec le gouvernement du Parti québécois, de voter ces montants disponibles qui serviront certainement les PME et qui serviront à la création d'emplois au Québec au cours des prochaines années.

M. Scowen: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: ...en vertu de l'article 212, j'estime que mes propos ont été mal compris et déformés par le ministre et je veux donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé, avec votre permission, bien sûr.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je dois ajouter aussi que ces explications ne doivent apporter aucun élément nouveau à la discussion ni susciter de débat. Si vous vous conformez à ces règles, vous avez la parole, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Vous pouvez compter sur moi, M. le Président, je ne susciterai pas de débat et n'apporterai pas d'élément nouveau. Ceci étant dit, j'ai expliqué au ministre que les pages 6, 7, 8 et 9 du rapport du plan quinquennal du CRIQ sont essentiellement un communiqué de presse plutôt qu'un plan et qu'il n'apporte...

M. Blouin: Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Je pense, M. le Président, que le député a déjà eu son droit de parole. Il est en train d'essayer de faire un deuxième discours parce que j'imagine que les propos du ministre l'ont embêté. Cela n'est pas dans le règlement, M. le Président et nous devons maintenant passer à la phase ultime de ce projet de loi qui est l'adoption de son principe.

M. Scowen: M. le Président, je veux simplement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! L'article 212 donne à un député, s'il croit que ses propos ont été mal compris, la possibilité d'expliquer brièvement et de rectifier. Je crois que le député de Notre-Dame-de-Grâce, dans la mesure où il s'en tient à rectifier ce qu'il juge avoir été déformé, a tout à fait le droit de le faire.

M. Blouin: M. le Président, vous comprenez que des propos déformés ou mal compris doivent manifester des contradictions évidentes. Or, ce que le député est en train de nous dire c'est qu'il évalue - c'est donc une question d'opinion - que certaines pages d'un document qui est celui du CRIQ, seraient des communiqués de presse et, à partir de cela, il veut développer une argumentation pour essayer de contrecarrer les propos du ministre. Nous entrons dans un débat et si nous commençons cela, M. le Président, on n'en finira plus. (16 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez! Mon idée est assez faite quant à la situation. Je crois que le député peut, à partir des propos du ministre, les rectifier s'il juge qu'ils ne sont pas en conformité avec les paroles qu'il a mentionnées.

M. Blouin: M. le Président, je vous rappelle aussi que, dans le même article, on dit que ces propos ne doivent pas susciter de débat ni provoquer une nouvelle discussion...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement, ce sont précisément des points que j'ai mentionnés quand j'ai donné le droit de parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, si vous voulez vous en tenir au point en question. Soyez bref.

M. Scowen: Je pense que le point est important et je serai bref. Je vais essayer de ne pas susciter de débat. Le point que j'ai soulevé dans mon discours était qu'on accepte qu'il y ait un élément du mandat du CRIQ réalisé, soit qu'il est effectivement un atelier de dépannage pour les PME, c'est

important. Mais j'ai dit au ministre, et je le répète parce que c'est important et on va en discuter davantage demain, que, même au niveau de dépannage des PME, il n'est pas possible pour un "centre de recherche", entre guillemets, d'être excellent dans une série de domaines aussi étendus auxquels on prétend s'intéresser dans le document.

J'ai donc demandé au ministre, et je termine là-dessus, de demander au président de refaire les pages 6, 7, 8 et 9 pour que nous ayons un peu plus de précisions sur les sujets dans lesquels ils pouvaient devenir excellents. C'était là l'essentiel de mes propos. Je pense que le ministre a mal compris.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le principe du projet de loi 52, Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): II est adopté.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Blouin: II est adopté, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader adjoint.

M. Blouin: ...après cette mise au point substantielle du député de Notre-Dame-de-Grâce. Sur ce, je propose que nous envoyions ce projet de loi à la commission de l'économie et du travail qui procédera à son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien. Alors, cette proposition est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint.

M. Blouin: M. le Président, maintenant, nous allons discuter du territoire agricole québécois. À cet égard, je vous demande d'appeler l'article 12 de notre feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 44 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons entreprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, le 9 novembre 1978, il y a six ans et sept mois presque jour pour jour, je déposais devant l'Assemblée nationale le projet de loi 90 sur la protection du territoire agricole. Cette date demeure un grand moment de fierté, non seulement pour moi et tous mes collègues du côté du gouvernement, mais aussi pour les producteurs agricoles et l'ensemble de notre population qui voyait ainsi prendre fin un des plus grands scandales des 30 dernières années, celui de la dilapidation éhontée de nos plus belles terres agricoles au Québec.

Au moment d'aborder l'étude du projet de loi 44, qui apporte plusieurs améliorations importantes, nécessaires et souhaitées à cette loi fondamentale, il est impérieux de rappeler les circonstances qui ont amené le jeune gouvernement du Parti québécois -nous n'étions alors au pouvoir que depuis deux ans - à poser un geste qu'aucun de nos prédécesseurs n'avait osé ne serait-ce qu'envisager sérieusement et dont le courage impressionne encore aujourd'hui énormément nos visiteurs qui nous viennent de pays étrangers ou, encore, des autres provinces du Canada.

Lors de notre arrivée au gouvernement, en 1976, l'agriculture était la grande laissée pour compte du développement économique au Québec. Cela se traduisait dans le budget anémique du ministère de l'Agriculture, dont une partie importante allait aux firmes d'ingénieurs et entrepreneurs, amies du régime libéral. On sentait également cet abandon dans les politiques du crédit agricole, de l'assurance-récolte ou de l'assurance-stabilisation dans l'initiative agro-alimentaire qui, tout en existant, était tout à fait incapable de répondre aux besoins des agriculteurs québécois.

L'absence de perspectives sur les marchés ou, encore, le laisser-aller dans l'inspection des aliments qui nous avait valu le scandale des viandes avariées étaient d'autres indices du peu de sérieux accordé à l'agriculture par un gouvernement disconnecté de la réalité rurale du Québec. Tout ce qui comptait à l'époque, c'étaient les mégaprojets: la Baie James, le stade olympique, ITT-Rayonier, les super parcs industriels, etc. Le développement économique, cela se passait en ville, tant pis si la friche gagnait de plus en plus nos campagnes, si nos céréales, notre viande et nos légumes venaient de plus en plus de l'extérieur ou encore si le découragement et l'abandon étaient le lot d'un nombre de plus en plus grand d'agriculteurs.

L'idée dominante au sein du gouvernement libéral de l'époque était que

l'agriculture c'est juste bon à occuper le territoire et la main-d'oeuvre en attendant d'avoir mieux à faire. Avait-on oublié que nos ancêtres ont bâti ce pays en suant à défricher ces millions d'acres de terre pour se nourrir et amorcer la base du développement de l'économie de ce jeune pays. Le gouvernement libéral était-il si ignorant de l'histoire pour faire abstraction du fait qu'au XIXe siècle les Québécois exportaient du blé vers l'Europe alors que l'Ouest n'imaginait pas encore la venue de milliers d'immigrants qui ont établi cette agriculture de boeuf et de céréales que beaucoup croient impossible à concurrencer.

C'était là faire preuve d'étroitesse d'esprit à l'égard des agriculteurs du Québec, descendants de colons ingénieux et vaillants qui ont su admirablement tirer du sol une production considérable dans un contexte qui ferait dresser les cheveux sur la tête des urbains d'aujourd'hui. Technologie rudimentaire, absence d'efficience de l'aide gouvernementale, isolement de l'économie et captivité des marchés dominés par une métropole impérialiste, prix dérisoires, absence d'organisation qui aurait favorisé des revendications génératrices d'améliorations de leurs conditions de vie alors qu'ils étaient pourtant majoritaires dans la population.

Les politiques gouvernementales panca-nadiennes du XXe siècle ont eu pour effet d'empêcher l'agriculture québécoise de se développer sainement en introduisant différentes mesures qui en limitaient les possibilités dont la plus connue est la subvention au transport ferroviaire des grains de provende des provinces de l'Ouest vers l'Atlantique qui a condamné le Québec à la spécialisation et à la dépendance. Pourtant, les agriculteurs québécois ont su passer au travers et le dynamisme accru de l'agriculture depuis 1976 démontre qu'avec le soutien gouvernemental les producteurs agricoles continueront à faire preuve d'ingéniosité, d'initiative et de diversification.

Une des obligations fondamentales d'un gouvernement n'est-elle pas de faire en sorte de nourrir sa population de la façon la plus saine, la plus équilibrée, la plus autonome et la plus économique possible. Conscient de cette réalité, le gouvernement du Parti québécois a compris qu'un acte primordial à poser était avant tout d'établir une assise solide à la production en protégeant le territoire qui, dans une géographie nordique contraignante, présentait les prérequis pour rendre possible la pratique de l'agriculture sous toutes ses formes. À quoi aurait servi de lancer des programmes d'aide à la production et à la modernisation si les agriculteurs se font couper l'herbe sous le pied par l'urbanisation et la spéculation. En remontant le fleuve Saint-Laurent au début du XVIIe siècle, Champlain avait déjà décrit, qualifié et évalué les rives et identifié les secteurs qui lui apparaissaient les plus accueillants pour les établissements humains. Son jugement s'est avéré assez juste car en 1985 plus des deux tiers de la population québécoise se retrouvent dans les régions visitées par Champlain et par Cartier avant lui qui commentait d'ailleurs dans le même sens.

Ces terres étaient les meilleures pour établir des colons qui allaient vivre d'agriculture et ouvrir ainsi le pays pour les Québécois d'aujourd'hui. Si c'étaient les meilleures terres au XVIIe siècle, c'est encore vrai aujourd'hui. La nature n'a pas changé. C'est l'homme avec sa technologie qui en a modifié le visage. Avec le temps, la population s'est accrue. Les fonctions économiques se sont diversifiées en occupant sensiblement le même espace à portée de la main et déjà façonné par des siècles d'agriculture. Mais il a fallu réagir avant que le meilleur ne disparaisse définitivement. L'intervention a été tardive, mais l'hémorragie a pu être arrêtée. Ce n'est toutefois pas suffisant. Il faut aussi prévoir pour l'avenir et empêcher le développement vorace, anarchique, irréfléchi et ponctuel qui particularise certaines tendances toujours vivaces de ce continent neuf qu'est l'Amérique du Nord où s'incarne la mystification des espaces infinis qui hantent l'esprit des Européens. Depuis des siècles, ils ont dû apprendre à gérer rationnellement un espace occupé par une population parfois très dense, alors que l'Amérique représente pour eux le rêve d'un espace à conquérir. Mais cet espace meurt sous les coups de la technologie mal contrôlée qui consomme les meilleures terres agricoles et détruit l'environnement. Il ne faut pas se leurrer et croire que nous sommes sauvés. (16 h 10)

Ces forces spéculatives sont en attente et ce rapport de forces doit toujours être présent dans notre esprit pour aiguiser notre vigilance. L'ogre est sournois, multiple, se cache sous diverses formes et se manifeste en des milliers d'endroits sous des traits de nain inoffensif. Ouvrez-lui votre porte et il prendra possession de votre maison en vous convainquant que vous serez plus heureux de cette façon. Le réveil viendra trop tard.

Le gouvernement du Parti libéral qui nous a précédés était très vulnérable devant ce genre de piège. Il était déjà prêt à céder la place au modernisme, à tourner le dos à l'agriculture sans hésitation et sans regret. De volumineuses études recommandaient l'abandon de l'agriculture dans des régions entières. C'était le cas notamment de l'Abitibi avec le rapport Côté-Duvieusart qui recommandait, à toutes fins utiles, la fermeture de l'agriculture en Abitibi. Depuis ce temps, sous le gouvernement actuel, avec les politiques qui ont été adoptées, il y a un

progrès considérable dans le secteur agricole en Abitibi, mais avec des méthodes adaptées aux gens de l'Abitibi.

Au fond, du temps du régime Bourassa, c'était la belle époque des maires développeurs et des réseaux d'aqueduc et d'égout chromés. Un tel mépris de l'agriculture ne pouvait qu'avoir des conséquences tragiques: entre 1970 et 1976, les terres arables du Québec disparaissaient au rythme d'environ 180 000 acres par année. En 1976, dans la seule région des basses terres du Saint-Laurent et de l'Outaouais, on évaluait à 950 000 acres la superficie livrée à la spéculation, soit presque 20 % de l'ensemble de ce territoire agricole. Une part importante de la richesse collective du Québec était sacrifiée aux intérêts des développeurs amis du régime et souscripteurs de la caisse électorale.

Le Québec était confronté à un choix très simple: arrêter cette hémorragie ou accepter la dépendance alimentaire, accepter la disparition lente, mais sûre, de l'agriculture dans les régions où, paradoxalement, elle disposait des meilleurs atouts: qualité du sol, unités thermiques et proximité des marchés. C'était le cas de l'ensemble de la plaine du Saint-Laurent.

De toute évidence, le gouvernement qui nous a précédés avait opté pour l'abandon de l'agriculture. Pour nous, c'est peut-être une option suicidaire à envisager.

La protection des terres agricoles, après six ans. Pour bien apprécier le bien-fondé de la Loi sur la protection du territoire agricole, il suffit de mesurer le rattrapage effectué par l'agriculture québécoise depuis son adoption. Voici quelques chiffres pour mieux illustrer ce progrès qui a été réalisé depuis l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole. La valeur moyenne d'une ferme, selon les statistiques de l'Office du crédit agricole, est passée, malgré la commission parlementaire sur l'agriculture, de 128 085 $ en 1976 à 366 063 $ en 1984, c'est-à-dire presque trois fois plus. Alors que l'équité moyenne sur une ferme moyenne était de 40,8 % en 1976, elle atteignait l'an dernier 49,6 %; c'est-à-dire presque 25 % de plus, malgré une période de taux usuraires que nous avons vécue au cours des années 1981, 1982 et 1983 et aussi, en partie, en 1984. On assiste à une équité beaucoup plus grande pour les agriculteurs du Québec.

C'est donc dire que les entreprises agricoles valent près de trois fois plus aujourd'hui qu'à la fin du régime Bourassa et que la part qui appartient aux agriculteurs en propre est plus importante. Aujourd'hui, dans beaucoup de nos municipalités, le plus gros chiffre d'affaires, on ne le retrouve plus à l'hôtel du village ou à l'hôtel du coin, non plus qu'au garage, comme c'était souvent le cas auparavant, mais bien sur les fermes des agriculteurs du village. Au lieu d'avoir une poignée de grosses entreprises concentrées dans le village, on en compte des dizaines éparpillées, réparties dans les rangs agricoles. Cela modifie très sensiblement le paysage économique de nos régions rurales et il faut en tenir compte dans les politiques d'aménagement.

Depuis 1976, plus de 11 623 établissements de jeunes agriculteurs ont été financés par l'Office du crédit agricole, ce qui a mis un terme à l'hémorragie que connaissait ce secteur au point de vue des ressources humaines, notamment dans les zones les plus fertiles en périphérie des grands centres, là où la spéculation était la plus féroce. Si on prend comme point de référence l'année d'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, on constate que pendant les six années qui ont précédé cette loi, quelque 6685 personnes se sont établies en agriculture, comparativement à 8210 pour les six années qui l'ont suivie, soit un accroissement de 22,8 % en termes d'établissement, si on compare les années du gouvernement Bourassa avec les années du gouvernement du Parti québécois. Cela est le reflet direct de l'augmentation du niveau de sécurité pour les investissements en agriculture que permet la Loi sur la protection du territoire agricole. D'ailleurs, si on veut comparer, on peut montrer aussi qu'en 1984 - une année encore qui termine les années de gros taux d'intérêt - il y aura plus d'établissements, 150 établissements de plus au Québec que lors de la plus grosse année du régime Bourassa; ce n'était pas, à ce moment-là, considéré comme des années difficiles sur le plan économique, mais c'était difficile en agriculture au Québec.

Par ailleurs, entre 1977 et 1984, nos politiques de crédit agricole ont permis aux agriculteurs d'avoir accès à des fonds de 2 500 000 000 $ pour leurs investissements à long, moyen et court terme. Au cours de la même période, nos politiques d'assurance tant des revenus que des récoltes ont permis de verser aux agriculteurs plus de 450 000 000 $ en indemnités, ce qui fait de l'agriculture un secteur d'investissement beaucoup plus sûr que par le passé, alors qu'auparavant, notre agriculture était complètement coupée de l'industrie de transformation et des réseaux de distribution, ce qui engendrait de véritables culs-de-sac, les agriculteurs restant avec leurs produits sur les bras. Nous avons investi plusieurs centaines de millions depuis 1977 dans les secteurs des céréales, de l'horticulture et des viandes pour créer des capacités d'entreposage, améliorer la qualité des produits, mettre en place des entreprises de transformation axées sur les besoins des marchés, etc. Dans le seul secteur des céréales, 12 000 silos à grains ont été érigés au Québec; 8400 séchoirs à foin et 3000 silos

à fourrage ont été mis en place sur les fermes du Québec grâce au programme d'aide du gouvernement du Québec.

Des voix: Bravo!

M. Garon: En tout, à la ferme seulement, 121 000 000 $ d'investissements ont été ainsi réalisés. Alors que les libéraux de Robert Bourassa avaient renoncé à développer la culture céréalière au Québec, la laissant aux producteurs de l'Ouest, nous avons, grâce à une action concertée, permis à notre production de passer de 830 000 tonnes en 1977 à 2 400 000 tonnes en 1985. Cette augmentation de 300 % en sept ans n'a d'équivalent nulle part ailleurs au monde. Aussi, il a fallu établir également des silos régionaux au Québec, 20 silos régionaux dans les différentes régions du Québec pour faire en sorte qu'on puisse entreposer les grains, les nettoyer ou encore, en cas d'une saison d'automne humide, les sécher avant de les entreposer. Quand on regarde une région seulement, comme la région de la Matapédia, qui aurait dit avant 1976 qu'il y aurait trois silos à grains, trois centres régionaux dans le comté de Matapédia? Qui aurait dit qu'il y aurait un centre régional à Amqui? Qui aurait dit qu'il y aurait un centre régional à Mont-Joli dans le domaine de l'entreposage des céréales et qui aurait dit qu'il y aurait eu aussi à Val-Brillant un centre d'entreposage des semences de céréales cultivées localement pour des céréales adaptées à la région du Bas-Saint-Laurent? Dans le temps, celui qui aurait dit cela aurait sans doute passé pour utopique, mais aujourd'hui, ce sont des choses réalisées qui font la joie des agriculteurs et aujourd'hui, les agriculteurs du Bas-Saint-Laurent connaissent le potentiel de leur région. (16 h 20)

Aujourd'hui, M. le Président, on peut regarder, le domaine des céréales, même dans la région du Témiscamingue où, il y a seulement cinq ans, personne n'aurait envisagé de produire des céréales. Je n'ai pas encore les chiffres pour cette année. Mais l'an dernier, plus de 15 000 acres ont été cultivées pour la production de céréales au Témiscamingue. Si vous aviez dit, il y a cinq ou six ans, qu'on ferait de la production de céréales au Témiscamingue, là encore, on ne vous aurait pas crus, alors qu'aujourd'hui les gens se rendent compte du potentiel de leur région. Autrefois, dans l'agriculture, on voyait toujours le verre à moitié vide. Aujourd'hui, nous considérons d'abord que le verre est à moitié plein en nous donnant comme objectif de remplir la partie qui n'est pas encore pleine. La différence, c'est d'avoir eu confiance dans le développement de l'agriculture.

Il est évident que les libéraux disent souvent que le ministre veut faire croire que l'agriculture a commencé avec lui. L'agriculture n'a pas commencé avec lui et personne ne va croire cela. Mais les gens savent, par exemple, que c'est sous le gouvernement actuel qu'il y a eu véritablement des politiques de développement agricole au lieu de faire de la politique avec l'agriculture, comme c'était le cas avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. Autrefois, on faisait de la politique avec l'agriculture. Aujourd'hui, le gouvernement fait des politiques agricoles qui font le développement de l'agriculture au Québec. De sorte qu'on peut imaginer, dans un temps qui n'est pas très lointain, que le Québec qui s'autosuffisait seulement à 30 % en 1976, qui aujourd'hui est autosuffisant dans le domaine des céréales à un peu plus de 71 % en 1984, on peut commencer à imaginer le jour où le Québec sera complètement autosuffisant dans le secteur des céréales pour l'alimentation animale, mais à la condition que les libéraux ne prennent pas le pouvoir.

S'il fallait que les libéraux prennent le pouvoir, on entendrait ce qu'on commence à voir dans leur programme qui vient de sortir "Maîtriser l'avenir", qu'il faut être réaliste dans le domaine agricole. Le réalisme pour eux, c'est de faire venir les céréales de l'Ouest. Dans plusieurs discours, ils nous ont dit que, dans le domaine des céréales, l'autosuffisance était un mythe. Pourtant, sous le gouvernement actuel, la production a triplé. Elle est passée de 30 % d'autosuffisance à 71 % dans le domaine des céréales. Mais pour réaliser quelque chose, il faut d'abord y croire, il faut d'abord être convaincu que cela peut être réalisé, parce que si on pense, au point de départ, que c'est infaisable, on ne le fera jamais. C'est la différence entre le gouvernement actuel et le gouvernement libéral.

Je comprends que, dans des élections partielles, alors que l'avenir n'est pas en danger, des gens puissent se permettre certaines fantaisies. Mais quand arrive la vraie élection, comme en 1981, comme arrivera éventuellement la vraie élection, il n'y a pas un cultivateur qui va avoir le goût de prendre le risque de voter libéral. S'il fallait revenir comme avant 1976, diront-ils, s'il fallait revenir à un gouvernement qui ne croit pas au développement de la production céréalière au Québec, qui ne croit pas au développement de l'élevage du boeuf au Québec, qui ne croit pas au potentiel, même s'il y a des difficultés temporaires, dans l'élevage du porc, qui ne croit pas au développement de la production de l'agneau au Québec, qui ne croit pas au potentiel de la pomme de terre de semence au Québec, qui ne croit pas au potentiel de l'horticulture fruitière, maraîchère et ornementale au Québec, où irions-nous?

L'an dernier, j'étais en tournée en

Gaspésie quand un cultivateur en vacances, éleveur de boeufs, s'est arrêté à ma table -j'étais en train de dîner - et m'a dit: M. Garon, rien qu'à la pensée que les libéraux pourraient prendre le pouvoir, je frémis d'horreur, je suis inquiet parce que je sais qu'aucun gouvernement n'a cru au développement de l'élevage du boeuf au Québec avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. C'est pourquoi quand je visite les encans, je dis aux agriculteurs: Pensez-y bien. Si vous pensez qu'il est bon pour l'agriculture, comme je suis certain que vous le pensez, que le Parti québécois soit réélu, faites donc votre travail, parlez-en à vos voisins, parce que si, après la prochaine élection, il fallait que, dans les comtés ruraux, vous ayez donné votre appui au Parti libéral alors que le Parti québécois a adopté toutes les mesures qu'il a adoptées au cours des dernières années pour développer l'agriculture, les gens se demanderaient ce qu'il faut faire dans l'agriculture pour que les agriculteurs croient à leur développement?

Ce serait néfaste pour le développement de l'agriculture que les agriculteurs votent contre un gouvernement, au fond, qui a mis en place des politiques qui ont assuré le développement de l'agriculture au Québec. C'est pourquoi je dis que de la même façon que nous essayons d'améliorer en autant que c'est possible la Loi sur la protection du territoire agricole, de la même façon que nous savons, pour que la protection du territoire agricole existe, qu'il faut que les agriculteurs appuient cette protection des terres agricoles, malgré les sacrifices que peut imposer une telle mesure, parce que les avantages sont infiniment plus grands que les désavantages qu'il peut y avoir, il faut que les agriculteurs occupent toute la place qu'ils doivent occuper. À partir de maintenant, je pense qu'il leur appartient, sur le plan politique, d'indiquer ce qu'ils souhaitent comme avenir: revenir à une agriculture de misère, revenir à une politique agricole de décroissance ou un développement malgré la période difficile que nous vivons.

N'oublions pas que dans toute l'Amérique du Nord le cheptel de l'élevage du boeuf baisse. Le cheptel bovin au Canada est passé de 4 000 000 de têtes à près de 3 000 000 de têtes au cours des dernières années. Dans tous les États américains, le cheptel de boeuf a diminué. Le seul endroit où il a augmenté, c'est au Québec. Depuis 1976, ce cheptel est passé de 130 000 à plus de 155 000, en 1984 et pour le bovin d'engraissement, il est passé de 10 000 têtes à plus de 80 000 têtes. Huit fois plus au Québec alors que partout ailleurs, dans le reste de l'Amérique du Nord, le cheptel diminuait. Pourquoi? Parce qu'au Québec il y a des politiques de développement, parce qu'au Québec on pense qu'il n'est pas souhaitable que nous importions 800 000 000 $ par année de carcasses de boeuf.

Quand la terre a été créée, il n'a pas été écrit à l'entrée du Québec: Vous devrez importer votre boeuf de l'Alberta. Cela n'a pas été inscrit nulle part. Il a été dit cependant: Si je vous donne un talent, deux talents ou trois talents, j'espère les voir fructifier. Développer le boeuf au Québec, c'est faire fructifier les talents, les ressources qui nous ont été données. C'est pourquoi, développer la production du boeuf au Québec, c'est l'équivalent de développer les talents, les ressources dont nous avons hérité, mais à la condition d'avoir des méthodes qui sont différentes des méthodes de la Californie, de la Floride ou de l'Argentine, qui élèvent beaucoup de boeuf aussi, parce que nous avons un climat différent, parce que nous avons des éléments nutritifs différents.

Même au Québec, on ne nourrira pas les boeufs de la même façon en Abitibi que dans la plaine de Montréal parce que le potentiel biophysique n'est pas le même. Mais on peut produire autant de boeuf en Abitibi que dans la région de Montréal. Pourquoi? Si nous élevions tous les boeufs dont nous avons besoin pour nous nourrir, au lieu d'élever, de produire et de manger 250 000 carcasses de boeuf, nous en produirions 1 000 000. Nous importons actuellement, bon an mal an, environ 750 000 carcasses de boeuf. C'est du boeuf: Imaginez-vous le nombre de personnes qui peuvent gagner leur vie en développant cette production.

Les gens savent qu'aujourd'hui on a, au Québec, des centaines d'éleveurs de boeuf alors que quand nous sommes arrivés au gouvernement, les éleveurs de boeuf se comptaient sur les doigts. Aujourd'hui, au contraire, il y a des centaines de personnes qui s'adonnent à cette production.

Les recettes des agriculteurs ont dépassé pour la première fois, en 1984, le cap des 3 000 000 000 $, alors que notre degré d'autosuffisance qui, sous le règne de Robert Bourassa, était passé d'environ 60 %, en 1970, quand Robert Bourassa est arrivé au pouvoir, à 47,4 % en 1976, fin du régime Bourassa. Sous l'administration actuelle du gouvernement Lévesque, il est passé à 73,8 % en 1984. De 47,4 % à 73,8 %, cela veut dire plus de 50 % d'augmentation de l'autosuffisance alimentaire dans l'espace de quelques années. Dans tout pays, cela serait considéré comme un miracle économique.

Toutes ces données démontrent que l'agriculture n'est plus ce parent pauvre de l'économie qu'on tolérait en attendant d'avoir mieux à faire avec le territoire qui y était employé mais bel et bien un des moteurs de notre économie, le secteur qui est de loin le plus important par ses retombées directes et indirectes dans la grande majorité de nos municipalités rurales.

(16 h 30)

Les chiffres que j'ai cités jusqu'à présent valent pour l'ensemble du Québec et sont par conséquent indicatifs de grandes tendances observées depuis l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole. À eux seuls ils témoignent du grand virage qui s'est effectué au sein de notre plus grande industrie primaire depuis 1978. Ces résultats ne peuvent être attribués uniquement à la Loi sur la protection du territoire agricole. D'une part, cette mesure n'est pas arrivée seule, mais a plutôt été la pierre d'assise d'un ensemble de programmes et de politiques visant à diversifier et à maximiser le développement de l'agriculture québécoise. D'autre part, elle a coïncidé, du moins dans les premières années de son application, avec une période où les prix des principaux produits agricoles ont été favorables. Mais une chose est certaine, cette loi a apporté un ingrédient essentiel qui a été en quelque sorte le grand catalyseur des progrès observés. Cet ingrédient, c'est la confiance dans l'avenir de leur profession que les agriculteurs ont retrouvée, c'est le sentiment de sécurité minimum face à leurs investissements, c'est la fierté de pouvoir redresser la tête après des décennies de recul face aux autres types d'utilisation du sol.

M. le Président, j'aimerais analyser plus en détail cet aspect psychologique de la Loi sur la protection du territoire agricole qui, à mon sens, est fondamentale. Maintenant que la loi a plus de six ans et demi nous disposons de suffisamment de recul pour évaluer les impacts de cette loi non plus seulement à l'égard des grandes tendances révélées par les statistiques nationales, mais à l'égard d'une région donnée et même d'individus.

Je m'inspire d'une conférence prononcée récemment par l'économiste Jean-Claude Thibodeau, de l'Institut national de la recherche scientifique. J'aimerais montrer à quel point ses effets sont concrets et correspondent aux objectifs fondamentaux que nous poursuivions au moment du dépôt de la loi. Le professeur Thibodeau a choisi comme territoire d'étude une des régions agricoles à la fois les plus riches et les plus affectées par la spéculation et l'urbanisation sauvage avant 1978. J'aimerais dire que le rapport Thibodeau n'est pas encore publié mais qu'il doit l'être incessamment. Il s'agit d'un ensemble de 19 municipalités agricoles du sud de Montréal, où la déstructuration de l'agriculture était très avancée. Comment s'est comportée l'agriculture dans ces municipalités depuis 1978? A-t-elle continué à régresser, comme sous le gouvernement Bourassa, ou au contraire a-t-elle repris le terrain perdu? Les réponses que M. Thibodeau apporte à ces questions sont pour le plus moins éloquentes.

Là, il ne s'agit pas d'une étude du ministère de l'Agriculture, il ne s'agit pas d'une étude du ministre, il ne s'agit pas d'une étude de l'adjoint parlementaire, M. Baril, d'Arthabaska, il ne s'agit pas d'une étude du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, M. Gérald Godin, qui est ici, il ne s'agit pas d'une étude de David Payne, le député de Vachon, il ne s'agit pas de l'étude d'un homme du Parti québécois, il ne s'agit pas de l'étude de Jérôme Proulx, le député de Saint-Jean qui est très heureux de ces mesures. D'ailleurs c'est une des raisons principales qui l'a ramené, qui va le ramener au sein du Parti québécois parce qu'il considère important de continuer ce travail que nous avons fait au cours des deux mandats que nous sommes en train d'achever. Donc, il s'agit d'un ensemble de 19 municipalités agricoles du sud de Montréal où la déstructuration de l'agriculture était très avancée. Comment s'est comportée l'agriculture dans ces municipalités depuis 1978?

Les réponses de M. Thibodeau, dis-je, sont éloquentes, mais avant d'en arriver à ces résultats il est bon de se rappeler ce que signifiait concrètement pour des milliers d'agriculteurs la déstructuration de l'agriculture due à la spéculation et à l'urbanisation sauvage. C'est d'abord un sentiment d'étouffement qu'éprouvait l'agriculteur en constatant que la flambée des prix créée par la spéculation rendait inaccessibles pour lui, sinon par location sans bail et résiliable sur simple avis, les terres agricoles sous-utilisées ou carrément non utilisées qui l'entouraient et dont il aurait eu besoin pour améliorer son entreprise. Puis la menace devenait plus directe, les bungalows surgissaient à gauche et à droite, isolés ou par quartiers entiers, et sans véritable plan d'ensemble, à saute-mouton. Ces nouveaux arrivants ne tardaient pas à réclamer des routes et des autoroutes, des services, des centres commerciaux et des parcs industriels parce que, en venant vivre à la campagne, ils ne voulaient généralement renoncer à aucun des avantages qu'il y avait à vivre en ville. Dans un tel contexte les accrochages étaient inévitables et tôt ou tard l'agriculteur devait plier bagage.

La déstructuration de l'agriculture est un phénomène pernicieux dont le ressort est l'espoir de gains spéculatifs importants chez les détenteurs du sol. Il en découle un blocage des transactions de terres agricoles pour les agriculteurs, qu'il s'agisse de la relève ou d'exploitants déjà établis. Les effets les plus apparents sont un vieillissement de la population agricole qui se décourage, dont la relève est inexistante, une baisse des investissements, l'augmentation des superficies utilisées pour la production de foin ou de pâturage au détriment des cultures plus intensives comme l'horticulture

ou les céréales et, finalement, la chute des revenus bruts agricoles.

En 1972, le professeur Thibodeau, de l'INRS, avait évalué à 150 000 hectares la zone de forte déstructuration dans les 19 municipalités étudiées. C'était, dit-il, un gaspillage pur et simple d'une ressource exceptionnelle. En analysant le marché foncier dans la région déstructurée du sud de Montréal, à partir d'entrevues avec des agriculteurs s'étant établis ou ayant remis des terres en valeur dans cette zone depuis l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole et, également, à partir de l'étude de photos aériennes, le professeur Thibodeau est en mesure de conclure que la Loi sur la protection du territoire agricole a atteint ses objectifs. Quels sont-ils, selon le professeur Thibodeau? Les superficies en friche dans un peu plus de cinq ans sont retournées dans une proportion de 30 % à l'agriculture dans ces municipalités. Les transactions ayant pour effet de transférer la propriété de terres arables à des agriculteurs ont été trois fois plus nombreuses après qu'avant l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole. Trois fois plus de ventes de terres aux agriculteurs qu'auparavant, M. le Président.

Les agriculteurs qui louent des terres peuvent maintenant obtenir des baux d'une durée suffisante pour leur permettre de réaliser certains investissements alors que cela était impossible, à toutes fins utiles, avant l'adoption du projet de loi. Avant l'adoption du projet de la loi, on louait à un agriculteur pour six mois, un an, deux ans tout au plus et aujourd'hui on peut faire des baux à long terme pour cinq, dix ou quinze ans parce que le territoire est zoné agricole.

Les cultures intensives, céréale et horticulture ont augmenté dans ces 19 municipalités de 114 % depuis 1976. Elles ont plus que doublé. Elles ont augmenté plus que tout ce qu'il y avait là avant 1976. Pourquoi? Parce que la zone agricole vient protéger les agriculteurs. Alors qu'il se faisait beaucoup moins de drainage souterrain ou de travaux mécanisés dans la zone déstructurée du sud de Montréal qu'ailleurs, un rattrapage important s'est effectué. Ainsi, 55 % des superficies drainées dans cette zone entre 1970 et 1983 l'ont été dans les cinq ans qui ont suivi l'adoption du projet de loi. C'est pour dire, M. le Président, beaucoup plus de drainage après l'adoption du projet de loi sur la protection du territoire agricole après 1978 que tout ce qui s'était fait auparavant.

Écoutez bien la donnée, écoutez bien, pour ceux qui nous parlent de la relève, ceux qui font des commissions parlementaires pour entendre des "faiseux" qui n'ont jamais réussi quelque chose dans l'agriculture, voici ce que dit le résultat: 26,9 % des agriculteurs de la zone déstructurée avaient moins de 35 ans en 1977, en 1980 cette proportion atteignait 67 %. Pensez-y, M. le Président: 26,9 % des agriculteurs avaient moins de 35 ans en 1977 et après le zonage agricole, quelques années après, 67 % ont moins de 35 ans. Que voulez-vous dire de plus? Aujourd'hui, il y a une population agricole jeune. Pourquoi? Parce qu'il y a une sécurité dans l'établissement, parce que les gens savent qu'ils pourront gagner leur vie dans ce secteur-là.

Je vais devoir suivre davantage mes notes, M. le Président, parce que je vois que le temps s'écoule et je ne veux pas être obligé d'arrêter avant la fin de mon discours. La Loi sur la protection du territoire agricole a donc eu les effets escomptés. Ce succès est attribuable à plusieurs facteurs dont: la prise de conscience pour une majorité de nos concitoyens de l'importance de l'agriculture dans notre société. Un véritable écoeurement existait dans l'opinion publique à la fin du régime Bourassa face au pillage de nos meilleures terres par les spéculateurs amis du régime. (16 h 40)

II a quand même été nécessaire au cours des deux dernières années de notre mandat d'informer les gens sur le coût réel de ce gaspillage en termes de richesse collective, d'emplois, d'investissements et d'exportations, de même que sur les dangers d'une trop grande dépendance alimentaire. Dans cette perspective, le document sur la protection du territoire agricole et la tournée de consultations que j'ai effectuée à l'été 1978 ont été déterminants.

Deuxièmement, l'appui des producteurs agricoles qui ont accepté de limiter leurs droits de disposer de leurs biens comme bon leur semble, sans compensation monétaire directe, était un acte de foi dans l'avenir de leur profession. Si j'en juge par la vigilance dont fait preuve l'UPA actuellement face au projet de loi 44, je ne crois pas que la détermination des agriculteurs ait faibli depuis 1978.

Troisièmement, l'excellence du système mis en place par la loi depuis 1978. Ce système, articulé autour d'un organisme central, la Commission de protection du territoire agricole, a du muscle. Il fallait qu'il en soit ainsi, qu'il en ait pour endiguer l'énorme pression spéculative présente dans la majeure partie du territoire agricole québécois. C'est donc que la conception de base était la bonne. C'est pourquoi le projet de loi que nous discutons aujourd'hui ne fait qu'améliorer une formule déjà éprouvée sans la modifier dans ce qu'elle a d'essentiel. Au sujet des personnes qui ont travaillé à la commission, on pourra conter toutes les histoires qu'on voudra, on pourra dire que de temps en temps elles sont trop moralistes, mais on ne pourra pas dire qu'elles n'ont pas accompli le travail qui leur était demandé,

c'est-à-dire, étudier et régler plus de 80 000 dossiers au cours de six ans et demi.

Quelqu'un à qui je parlais hier a dit: La commission de protection du territoire agricole a rendu plus de décisions que la Cour provinciale, la Cour supérieure et les tribunaux administratifs du Québec ensemble. Pourquoi? Parce qu'il y a eu un véritable dépassement dans le travail. Vous ne trouverez pas d'endroits où vous pouviez appeler à toutes les heures du jour et du soir pour trouver des gens qui étaient à leur travail.

On peut occasionnellement dire qu'on était d'accord ou non avec telle ou telle décision. Cela peut arriver. Vous savez que vous rencontrez toujours des gens qui vont vous dire qu'ils ne sont pas d'accord avec telle décision de la Cour supérieure, pas d'accord avec telle décision de la Cour provinciale, pas d'accord avec telle décision de la Cour d'appel. On sait tous combien souvent au Québec on a dit qu'on n'était pas d'accord avec telle décision de la Cour suprême. Alors, qu'on me dise occasionnellement: Je n'aime pas telle décision de la Commission de protection du territoire agricole, cela n'est pas exceptionnel, cela n'est pas anormal parce qu'il s'agit de gens qui évaluent un projet en fonction d'une loi, d'une réglementation, et on peut occasionnellement diverger. Mais, si on regarde l'ensemble de l'oeuvre accomplie par la commission, tout le monde, et je rencontrais hier des gens qui avaient beaucoup critiqué qui m'ont dit: M. Garon, il faut dire chapeau à la commission et à son président. Même si, occasionnellement, on s'est fait bardasser un peu, qu'est-ce que vous voulez? Vous ne faites pas d'omelette sans casser des oeufs. Alors, vous ne pouvez pas rendre 80 000 décisions sans rendre occasionnellement quelqu'un malheureux parce qu'il n'a pas été dézoné alors qu'il aurait aimé l'être.

M. le Président, si on pensait que tout est parfait dans ce bas monde, il n'y aurait pas d'amendements. Si aujourd'hui on fait certains amendements, c'est parce qu'on pense qu'on peut améliorer le projet de loi, parce qu'on a écouté les doléances, parce qu'on a écouté les représentations des différents organismes que nous avons rencontrés, que nous rencontrons encore. J'en rencontrerai d'autres au cours de la soirée et au cours des journées qui viennent, pour faire que, jusqu'à la fin, le projet de loi contribue à bonifier la loi fondamentale de la protection du territoire agricole que nous administrons depuis le mois de décembre 1978.

Quatrièmement, je soulignerai le travail acharné de la Commission de protection du territoire agricole. L'outil de base était bon. Encore fallait-il s'en servir adéquatement. Je tiens ici à rendre hommage à la commission pour le travail qu'elle a accompli depuis sa création en décembre 1978. Dans un domaine de droit nouveau et alors qu'il a fallu modifier des habitudes enracinées depuis très longtemps, la commission a déterminé les zones agricoles de 1559 municipalités, rendu pas moins de 49 000 décisions, reçu 38 000 déclarations de droits acquis et privilèges, tout en exerçant des râles de contrôle et de surveillance sur un immense territoire. Aucun autre tribunal administratif au Québec ne peut prétendre à un tel bilan. Après six ans et demi d'application, il est toutefois nécessaire de réviser certains aspects de la loi afin de tenir compte de l'expérience acquise, de l'avènement des nouvelles entités municipales que sont les municipalités régionales de comté et, de façon générale, des remarques des citoyens qui s'adressent à ce tribunal administratif.

Plusieurs modifications apportées par le projet de loi ont pour but de permettre aux citoyens qui s'adressent à la commission d'être mieux informés sur le cheminement de leurs dossiers et sur les motifs des décisions qui les touchent. Ces changements sont les suivants: la commission devra transmettre à la personne qui lui a fait une demande qui sera visée par une ordonnance copie de l'analyse faite de son dossier par le personnel de la commission. Cela devra se faire avant la prise de décision par la commission. Le demandeur pourra faire corriger les erreurs faites s'il y a lieu et mieux préparer son argumentation face à une analyse qui lui serait défavorable.

Toute personne qui fait une demande à la commission ou qui est intéressée dans un dossier aura le droit d'exiger une audition publique alors qu'actuellement elle est laissée à la discrétion de la commission, sauf en révision où elle est obligatoire. La commission devra entendre la personne intéressée avant d'émettre une ordonnance, sauf en cas d'urgence comme la coupe d'érables ou l'enlèvement du sol arable.

Les différentes modifications répondent aux souhaits des citoyens qui ont à s'adresser à la commission et qui auront, grâce à l'adoption de ce projet de loi, encore plus de facilité à faire valoir leur point de vue et être mieux informés sur les motifs des décisions qui les concernent.

Une des modifications les plus importantes introduite par le projet de loi concerne le droit qu'aura tout citoyen à une révision complète de son dossier par un banc formé de trois commissaires n'ayant pas participé à la décision en première instance. Actuellement, un demandeur qui a essuyé un refus va invoquer des faits nouveaux pour obtenir une révision de son dossier. De plus, le fait qu'il soit parfois réentendu par certaines des personnes qui se sont déjà prononcées la première fois pourrait donner le sentiment d'un traitement inéquitable.

Cette modification équivaut à l'introduction d'un droit d'appel plein et entier. Une décision en révision sera toutefois finale.

En raison des autres changements qui permettent aux demandeurs d'être mieux informés des motifs de décision qui les concernent et de réagir à ces arguments, les décisions de première instance sont vraisemblablement mieux comprises et mieux acceptées de sorte que le droit de demander une révision introduit par le projet de loi ainsi que le droit à l'audition publique en première instance n'aura pas, selon nous, pour conséquence d'alourdir le fonctionnement de la commission. Depuis l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, des milliers de citoyens se sont prévalus des droits acquis ou privilèges prévus dans la loi pour utiliser leurs terrains en zone agricole à d'autres fins que l'agriculture sur simple déclaration à la commission de l'existence de ce droit acquis ou d'un privilège. Dans l'état actuel de la loi, la commission n'est pas tenue de se prononcer sur l'existence réelle d'un droit acquis ou d'un privilège qui lui est déclaré. Théoriquement, elle pourrait toujours le remettre en cause depuis plusieurs années après qu'une personne eut, par exemple, utilisé le privilège qu'elle croit détenir pour se construire une résidence. Afin d'éliminer l'insécurité juridique ainsi créée, le projet de loi déposé prévoit qu'une déclaration de droit acquis ou de privilèges sera présumée conforme dans un certain délai après qu'elle aura été adressée à la commission, à moins que cette dernière ne la mette en doute avant l'expiration de ce délai. Dans un tel cas, la personne pourra adresser à la commission une demande d'autorisation.

L'introduction de cette nouvelle disposition permettra de traiter des milliers de dossiers simples dans des délais relativement courts de façon à leur conférer la sécurité juridique découlant d'une décision de la commission. Cette mesure s'appliquera aux déclarations de droits acquis et de privilèges qui parviendront à la commission après l'entrée en vigueur du présent projet de loi. Pour les déclarations faites antérieurement, la présomption de conformité jouera deux ans après l'entrée en vigueur de la loi. Ce délai est nécessaire pour permettre à la commission de vérifier le bien-fondé des déclarations, ce qui, dans le nouveau système, se fera au fur et à mesure de leur réception.

Quant à d'autres situations d'aliénation, de lotissement ou de construction à l'égard desquels une déclaration n'est pas obligatoire, la présomption de conformité existe lorsqu'il s'est écoulé plus de cinq ans à compter de la date d'enregistrement de l'acte d'aliénation, de lotissement ou dans le cas d'une construction, cinq ans à compter de la date du premier compte de taxes municipales expédié à l'égard de cette construction.

Le projet de loi introduit aussi le nouveau critère pouvant être pris en considération par la commission et en précise d'autres afin de permettre au commissaire de tenir compte davantage des particularités de chaque cas. Ainsi, la commission pourra prendre en considération les conditions socio-économiques nécessaires à la viabilité d'une collectivité rurale lorsque la faible densité d'occupation du territoire et l'éloignement des autres collectivités le justifient surtout dans les régions périphériques. (16 h 50)

II existe au Québec des zones rurales où le principal problème lié à l'occupation du territoire agricole n'est pas tellement la pression des spéculateurs que le nombre de résidents, trop faible pour justifier le maintien de certains services comme le déneigement des routes, le transport scolaire, ou pour permettre une certaine vie sociale.

La commission pourra, à l'avenir, tenir compte de ces particularités régionales et autoriser, dans les endroits où les conditions le justifient, certains usages non agricoles qu'elle n'admettrait pas nécessairement dans des zones à occupation plus dense. De plus, la commission pourra tenir compte de la disponibilité de sites alternatifs dans l'évaluation d'une demande. Actuellement, parce que cela n'est pas précisé dans la loi, les requérants négligent souvent de démontrer à la commission que le site visé par leurs demandes est le seul permettant la réalisation de leurs projets ou celui dont l'impact est le moindre sur l'agriculture. Ce sont pourtant des considérations très importantes dont tient déjà compte la commission lorsqu'elle en est informée.

Le devoir de mieux informer les citoyens sur l'état de leur dossier et les motifs des décisions touchera également les municipalités. Ainsi, une corporation municipale qui exerce le pouvoir de recommandation prévu à l'article 59 de la loi en regard d'une demande d'autorisation pour un usage autre que l'agriculture transmise par un citoyen à la commission devra motiver sa recommandation, entre autres, sur la base des mêmes critères décisionnels que cette dernière. De plus, la commission devra tenir compte du cadre nouveau créé par l'apparition des municipalités régionales de comté. Une municipalité régionale de comté ou une communauté qui procède à la préparation ou à la révision d'un schéma d'aménagement peut adresser à la commission une demande de révision de la zone agricole. À défaut d'une telle demande, la commission peut prendre l'initiative de cette révision, si elle la juge nécessaire. Dans l'un ou l'autre cas, cette révision s'effectue selon une procédure semblable à celle qui est suivie lors de l'établissement de

la zone agricole originale: demande de la municipalité régionale de comté ou de la communauté, avis de la commission amorçant une période de négociation de 180 jours et signature d'une entente ou, à défaut d'entente, préparation d'un plan révisé de la zone agricole par la commission en tenant compte des représentations qui lui ont été faites, enfin, sanction du plan révisé par le gouvernement.

Une municipalité régionale de comté ou une communauté urbaine doit, lorsqu'une zone agricole est révisée, adopter les mesures nécessaires pour assurer la concordance des limites des zones agricoles prévues dans le schéma d'aménagement pour éviter, entre autres, que les périmètres d'urbanisation empiètent sur les zones agricoles.

La loi prévoit également l'implication formelle de l'Union des producteurs agricoles dans le processus de préparation et de révision des schémas d'aménagement. Des avis seront adressés à cet organisme, l'Union des producteurs agricoles, par la commission pour l'informer du début d'un processus de négociation avec une municipalité régionale de comté en vue de la révision de zones agricoles et pour l'inviter à faire connaître son point de vue. Déjà la commission consulte régulièrement et reçoit les représentations des agriculteurs relativement à différents dossiers qui lui sont soumis. Les producteurs agricoles doivent demeurer vigilants, malgré la sécurité accrue que leur accorde la Loi sur la protection du territoire agricole. Pour ce faire, ils devront être associés au processus de révision des zones agricoles qui se fera en relation avec la préparation des schémas d'aménagement.

Afin de faciliter la mise en place de certains services municipaux ou d'utilité publique, identifiés par le règlement d'application de la Loi sur la protection du territoire agricole, une municipalité ou une entreprise de services publics pourra dorénavant acquérir ou lotir un terrain sans l'autorisation de la commission.

Actuellement, ce règlement s'applique uniquement lorsque la municipalité ou l'organisme de services publics est déjà propriétaire du terrain visé. Je tiens à souligner que cette possibilité de procéder sans l'autorisation de la commission s'applique à certains cas très bien délimités dans les règlements comme l'élargissement d'une route jusqu'à une emprise maximale de 20 mètres et l'installation du service d'aqueduc et d'égout à l'intérieur de cette emprise ou pour desservir un édifice existant.

J'ai l'intention d'apporter des modifications en commission parlementaire à la suite des rencontres que j'ai eues puisqu'on m'a demandé de cerner davantage cet article du projet de loi pour que ceci s'applique essentiellement aux élargissements de routes dans le cadre de l'emprise de 20 mètres à partir de la structure de routes actuelles. J'ai accepté de présenter des amendements et ils le seront dans le cadre de l'étude article par article à la commission parlementaire. Cette disposition permettra d'éviter des demandes inutiles à la commission et les délais qui s'ensuivent inévitablement pour les organismes touchés. Afin de tenir compte des inquiétudes des agriculteurs, des producteurs agricoles, je suis prêt à introduire un amendement, comme je le disais tout à l'heure, afin que la limite de 20 mètres soit inscrite dans la loi et non seulement dans le règlement.

Afin de donner à la commission une plus grande efficacité dans son rôle de gardienne du territoire agricole, certaines dispositions renforcent son rôle de contrôle et de surveillance. Ainsi, la commission pourra, par simple requête à la Cour supérieure, obtenir une ordonnance en nullité d'une aliénation ou d'un lotissement fait en contravention de la loi. Actuellement, il faut intenter une action en justice, un processus beaucoup plus long pour faire respecter la loi.

De plus, la commission pourra, lorsqu'il y a urgence, s'adresser directement à la Cour supérieure pour obtenir non plus une ordonnance, mais une injonction visant à faire cesser immédiatement les usages non autorisés ayant un effet irréversible, comme la coupe d'érables ou l'enlèvement du sol arable. Le contrôle sur ce dernier type d'activité est d'ailleurs resserré. L'expérience a démontré que certaines personnes ont réussi à contourner la loi qui interdit actuellement l'enlèvement de la terre arable pour fins de vente plutôt que l'enlèvement tout court. Tout enlèvement de terre arable sera désormais soumis, avec l'adoption du projet de loi, à l'approbation de la commission puisqu'on ne peut pas savoir, juste à voir enlever la terre arable, si la terre est enlevée pour des fins de vente ou non. Enfin, le privilège dévolu à un producteur agricole de construire une résidence pour lui-même, son enfant ou son employé devra s'exercer sur un lot où ce producteur exerce son exploitation plutôt que sur n'importe quel lot.

M. le Président, essentiellement, ce sont les principaux amendements qu'on retrouve dans le projet de loi. Ce projet de loi aura pour but, au fond, d'essayer, en modifiant différents types de procédures devant la commission, de changer le projet de loi actuel pour répondre à différentes demandes que nous avons reçues au cours des mois de consultation que nous avons menée. Essentiellement, il y a eu jusqu'à maintenant une première phase dans l'application de la Loi sur la protection du territoire agricole qui est la phase de mise en oeuvre,

d'établissement de la protection du territoire agricole. Maintenant, il est possible de raffiner davantage les procédures pour permettre, tout en essayant de maintenir la procédure la plus expéditive possible aussi, à des gens qui veulent davantage s'exprimer devant la commission de pouvoir le faire.

Enfin, dans une première phase, on a parlé d'harmoniser des lois. Je pense que la pratique a démontré que la Loi sur la protection du territoire agricole et la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme sont des lois qui peuvent vivre côte à côte comme mari et femme dans le respect de l'un et de l'autre, ce qui veut dire que les objectifs, par ailleurs, que poursuit chacun ne sont pas nécessairement les mêmes. L'objectif que poursuit la Loi sur la protection du territoire agricole est essentiellement un objectif de protection du territoire pour des fins économiques, de développement économique, alors que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme poursuit un rôle d'aménagement, mais comme les terres agricoles sont limitées, elle constitue une contrainte dans les fins d'aménagement et d'urbanisme pour que la première utilisation des terres soit d'abord l'agriculture avant de servir à autre chose. C'est pourquoi d'autres objectifs poursuivis par l'aménagement peuvent être réalisés sur d'autres terrains que les terres propices à l'agriculture.

De la même façon qu'on ne bâtirait pas un développement domiciliaire sur une mine éventuelle pour bloquer un jour le développement de la mine - une terre agricole, c'est une mine perpétuelle dont la production se renouvelle d'année en année -il est aussi ridicule de vouloir couvrir des terres agricoles de constructions, de les couvrir de terrains d'asphalte ou de les couvrir de béton qu'il serait ridicule de couvrir une mine d'asphalte, de béton ou de maisons. C'est pourquoi il faut aménager les choses de telle façon que les terres agricoles soient réservées pour l'agriculture, d'autant plus que les quelques millions d'acres que nous possédons sont tellement peu nombreuses qu'on peut sûrement, dans tout le territoire du Québec, faire le développement ailleurs que sur les terres agricoles. (17 heures)

Ce sont certaines personnes seulement, par entêtement, par spéculation, par appât du gain personnel, parfois par amitié avec des gens qui, sur le plan politique, peuvent permettre certaines activités qu'on ne devrait pas permettre normalement, qui font en sorte qu'une telle loi est nécessaire pour protéger ceux qui devraient être protégés, pour protéger une agriculture et les terres agricoles où elles sont et non pas pour protéger des rochers pour l'agriculture alors qu'on ne veut pas élever des chèvres de montagne au Québec mais qu'on élève plutôt des poulets, des porcs, des boeufs ou des vaches. Si on décidait de garder les rochers pour l'agriculture et de bâtir sur les terres, notre potentiel serait très faible et il faudrait penser à élever des chèvres de montagne. La raison, le coeur, le bon sens, l'intelligence nous commandent de protéger nos terres. C'est pourquoi la protection du territoire agricole, avec sa commission, par la volonté du Parlement qui a adopté cette loi, par la volonté du gouvernement du Parti québécois qui a répondu aux aspirations de notre peuple, a élaboré cette loi pour le mieux-être de toute notre collectivité. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Portneuf. Je m'excuse. M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, M. le Président. Avant de commencer et que mon temps compte, j'aimerais m'adresser au leader adjoint du gouvernement pour savoir s'il accepterait, à supposer que je n'utilise pas toute l'heure qui m'est allouée au nom de mon parti, d'accorder une dizaine de minutes au député de Huntingdon, si vraiment il y a lieu de le faire, à la fin de mon intervention.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, cela me paraît tout à fait raisonnable s'il s'agit d'un transfert de temps, et nous consentons à cette pratique.

Le Vice-Président (M. Rancourt): II y a donc consentement. M. le député de Maskinongé. S'il vous plaît!

M. Picotte: M. le Président, qu'il est amusant, ce ministre! Il est vraiment drôle, ce ministre! Je pense que tout le monde pourra et a pu, jusqu'à maintenant, le constater. Vous remarquerez sans doute qu'à chacune des lois que nous étudions ici à l'Assemblée nationale, le ministre a toujours le même schéma de discours, du début à la fin. On pourrait, à chacune des occasions, lire le discours précédent et on saurait ce que le ministre de l'Agriculture va dire. Un peu comme - vous vous en rappelez sans doute - les films de Laurel et Hardy qu'on a déjà sûrement regardés ensemble. C'était toujours le même genre de farces et, à certains égards, c'était très amusant. Je pense qu'on est habitué à cela. On est habitué à ce genre de cassette, mais cela devient quand même intéressant, parce qu'on peut se permettre, à chacune des occasions qui nous est fournie quand on rencontre des agriculteurs - je l'ai fait et je vais le faire

encore - de s'approprier du vidéo de l'Assemblée nationale et de le faire écouter à un groupe d'agriculteurs, comme il m'arrive souvent d'en rencontrer et d'analyser avec eux, durant une bonne heure, ce discours de l'honorable ministre et de faire constater aux agriculteurs quel est le style et le genre du ministre qui est supposé défendre leurs intérêts.

Le ministre souffre sans doute fort profondément. De quoi? Je ne le sais pas. Peut-être de nombrilisme. Si bien que, quand il ne réussit pas à se faire vanter par les autres, il accepte volontiers de se vanter lui-même. Si bien que, quand il réussit à se regarder le nombril, j'imagine que le reste du monde n'existe plus, il l'a découvert. C'est son habitude, mais, de toute façon, cela n'a pas d'importance.

Quelle réussite que les politiques agricolesl Je pense que le meilleur test et ce qui parle vraiment de la réussite, non seulement du ministre de l'Agriculture, mais de tout ce gouvernement, c'est sans doute le résultat des élections partielles. Quand un gouvernement en est rendu, après si peu de temps au pouvoir - je dis si peu de temps, parce que c'est un parti qui a été fondé en 1968 ou 1969, et, comme il n'a pu être au pouvoir au cours des années antérieures à 1970 et qu'il a été, dans sa courte vie, au pouvoir de 1976 à 1985-1986, dépendamment de la date des élections, cela veut dire une dizaine d'années. Réussir à devenir un tiers parti dans les élections partielles, après si peu de temps d'administration, il faut le faire! Donc, nous allons continuer de laisser le ministre se vanter, nous allons continuer aussi de permettre à ceux qui veulent bien le vanter de l'autre côté de le faire. D'ailleurs, plus ils vont le faire, plus ils obtiendront les résultats qu'on connaît déjà. Le ministre peut quand même nous parler de ses réussites à ce chapitre, je pense qu'elles sont là pour le prouver.

M. le Président, vous vous souviendrez - celui qui était assis à votre place tantôt pourrait en témoigner - de la tenue d'une commission parlementaire itinérante, qui a circulé dans tout le Québec, parlant de relève agricole, parlant aussi des différentes productions, des producteurs en général, parlant d'endettement, parlant de crédit agricole. J'en prends à témoin le député d'Arthabaska qui est ici présent, j'en prends à témoin le député de Richmond qui a présidé cette commission, le député de Berthier, qui était aussi présent à cette commission, le député de Huntingdon et d'autres qui ne sont pas ici cet après-midi mais qui nous ont suivi, tel le vice-président de la commission.

C'est curieux, nous nous sommes promenés partout au Québec mais nous n'avons entendu personne vanter le ministre. On n'a pas entendu personne venir nous dire que les politiques du gouvernement actuel en matière agricole étaient un miracle économique au monde entier, comme se plaisait à dire le ministre tantôt. À l'écouter, la performance du Québec en agriculture a été un miracle économique dans tout le monde entier.

Une voix: C'est vrai!

M. Picotte: C'est vrai, mais il n'y a personne qui nous l'a dit. Pas un agriculteur ne nous a dit cela. Il y a même des députés des deux côtés de la Chambre qui étaient gênés à certaines occasions d'entendre les commentaires. Pas un seul agriculteur ne nous a dit cela, personne du monde agricole, sauf le ministre de l'Agriculture. C'est normal, M. le Président, je vous ai parlé du nombrilisme tantôt, je vous ai parlé de la vantardise habituelle du ministre de l'Agriculture qui continue à se vanter même si personne, dans le monde agricole, n'a trouvé le moyen de venir nous dire durant toutes nos rencontres qu'ils étaient heureux et satisfaits des politiques du gouvernement du Parti québécois en matière agricole. Personne n'est venu nous dire cela, d'aucune façon. Vous pouvez relire tous les mémoires et on a eu du monde...

Il y a des gens qui se sont identifiés directement comme ayant déjà été des péquistes fanatiques. Lors de mes nombreuses rencontres avec les agriculteurs, plusieurs personnes m'ont dit: M. Picotte, j'étais un péquiste acharné et fanatique et je réalise qu'après un certain temps au pouvoir, avec le genre de politique agricole actuelle, les frais de l'autosuffisance au Québec, ce n'est pas le gouvernement qui les paie, l'autosuffisance a été faite sur notre dos à nous, les agriculteurs, à même notre endettement, à même notre avoir net, à même les politiques qui nous ont collés et menés dans certains cas à la faillite. C'est ce que des gens venaient nous dire, des gens qui se déclaraient fanatiques du Parti québécois en 1976 et en 1981.

Le discours qu'a prononcé tantôt le ministre de l'Agriculture, dans un langage fort amusant, très drôle, j'en conviens -c'est déridant - n'est cependant pas le genre de discours qu'on entend sur le terrain. J'ai même été surpris qu'on appelle ce projet de loi en plein après-midi parce que, habituellement, au mois de juin et au mois de décembre, les projets de loi agricoles sont appelés à minuit le soir. Cela nous permet de nous dérider en écoutant le ministre de l'Agriculture. Cela nous permet de nous amuser un peu car il est comique, le ministre de l'Agriculture. Même les gens d'en face nous disent tous en arrière: Mais c'est un comique, le ministre de l'Agriculture. On a du "fun", on se paie une bonne pinte de rire avec lui. C'est pour cela que c'est plus

souvent après minuit qu'avant. Il faut quand même se dérider à certaines occasions quand on siège depuis 10 heures le matin. (17 h 10)

M. le Président, quelle réussite quand je regarde le rapport annuel de la Régie des assurances agricoles du Québec qui a été déposé récemment! Le rapport annuel de 1983-1984 a été déposé par le gouvernement, et c'est fait par un organisme responsable qui s'appelle la Régie des assurances agricoles du Québec. Qu'est-ce que je constate, M. le Président, à la page 40? Le ministre se vante de son autosuffisance, il se vante que ça va bien en agriculture. Mais savez-vous comment cela coûte, en plus de l'endettement des agriculteurs, en plus d'avoir mené certains agriculteurs à la faillite, en plus d'avoir des agriculteurs qui sont en très sérieuse difficulté financière? Mais ce n'est pas fini là. Si cela n'avait pas coûté tant d'effortsl Si cela n'avait pas coûté autant au point de vue humain, au point de vue divorce, si cela n'avait pas coûté autant! Combien d'agriculteurs qui, dans la crise de production du porc, ont dû forcément abandonner, laisser tomber complètement ce qu'ils ont mis des années à bâtir, ce que leurs parents leur avait légué de peine et de misère et qui, en plus après d'avoir perdu dix ans de travail et d'efforts, après dix ans de frustration, après avoir été laissés pour compte par le gouvernement, ont dû faire face à des difficultés familiales parce que les enfants et la femme ne pouvaient plus supporter ce genre de situation! Qu'est-ce que cela a coûté au point de vue humain? Qu'est-ce que cela a coûté au point de vue familial? Qu'est-ce que cela a coûté au point de vue millions? Qu'est-ce que cela a coûté au point de vue travail? C'est là le côté du producteur, c'est le côté de la famille.

Qu'est-ce que cela a coûté au point de vue de l'État, malgré qu'occasionnellement cela est négligeable quand cela ne fait pas trop de dommages du côté des individus? Solde déficitaire au 31 mars 1984 à la Régie des assurances agricoles du Québec, document officiel: 96 000 985 $ de déficit en assurance-stabilisation, en assurance-récolte, etc.; 97 000 000 $ de déficit à la Régie des assurances agricoles! Vous allez penser, M. le Président, que je vais applaudir et rire au film comique style Laurel et Hardy du ministre de l'Agriculture quand il me dit que ça va bien en agriculture, qu'on a réussi l'autosuffisance et qu'il n'y avait rien auparavant. Vous allez penser que moi, je vais applaudir et que je vais trouver cela drôle! Bien, je regrette! Je vous laisse cela à vous autres, les gars d'en face, de vous amuser non pas à si bon marché, mais avec si cher de deniers publics, avec si cher d'endettement de la part de nos agriculteurs et avec autant de pertes de capital humain et autant de problèmes familiaux engendrés par cette situation créée de toutes pièces par le "smiling minister", le ministre drôle.

Non, ne croyez pas que je vais m'amuser avec cela, au contraire. 97 000 000 $ de déficit à la Régie des assurances agricoles, et on va se vanter d'avoir des politiques d'autosuffisance et on va se vanter de bien fonctionner en agriculture! M. le Président, je regrette! Il n'y a pas un agriculteur sérieux au Québec et il n'y a pas un organisme sérieux en agriculture au Québec qui croient ce genre de langage, mais tous savent... Je discutais dernièrement avec un représentant de l'UPA qui me disait: C'est bien évident que de la façon dont les déficits s'accumulent à la Régie des assurances agricoles il va se trouver un temps où l'État va devoir nous dire qu'il faut changer de style parce que l'État ne pourra pas toujours accumuler déficits par-dessus déficits. Vous savez ce que cela veut dire, on commence à en voir des résultats: 31 mars 1983, 15 000 000 $ de déficit. On a fait un saut. Au moment où cela va bien en agriculture le miracle économique du ministre du 31 mars 1983 au 31 mars 1984 a fait passer le déficit de la Régie des assurances agricoles de 15 000 000 $ à 97 000 000 $. Quel miracle! N'importe qui est capable de faire des miracles comme ça. Je conseillerais au ministre de venir se promener dans notre région un peu et d'aller faire un séjour au sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Il va peut-être apprendre que les miracles ne se font pas comme ça et que les miracles ne sont pas de ce genre-là.

M. le Président, je...

Une voix: ...

M. Picotte: Oui, c'est vrai. II y a un de mes collègues d'en face, un de mes bons amis d'ailleurs, qui me montre sa canne. C'est vrai que ces politiques-là du gouvernement sont boiteuses. C'est vrai que de plus en plus le gouvernement et même les gens au Conseil des ministres ont besoin d'une canne. Les politiques sont tellement boiteuses, M. le Président, dans le domaine de l'agriculture comme dans d'autres! Tantôt je ne serais pas surpris de voir les ministres du Conseil des ministres se promener en béquilles avec le genre de politiques que ces gens-là apportent aux Québécois. Prompt rétablissement quand même, M. le ministre, vous méritez bien ça!

J'aimerais maintenant vous parler quelque peu... Dans tout ce style, dans tout ce genre de discussions que nous a tenues le ministre, dans toute cette vantardise, dans tout ce pot-pourri, dans tout ce - Ah! je ne le sais pas, il y a un genre de dessert, je ne peux pas nommer le nom, où on met toutes sortes de choses - genre de bagatelle

agricole que nous a faite tantôt le ministre, j'aimerais aussi parler un peu du projet de loi 44. Même si notre protection du sol agricole, vous en conviendrez, c'est pour ça que vous avez été tolérant ou que votre prédécesseur a été tolérant tantôt dans la pertinence... Vous savez que quand on parle de protection du sol arable, ça touche tellement à toute l'agriculture et aux productions qu'on peut parler de bien des choses là-dedans, comme le ministre de l'Agriculture l'a fait. Je me permets de donner un peu une certaine réplique.

Sur le projet de loi 44 qui modifie la Loi sur la protection du territoire agricole, j'aimerais vous ramener - vous n'étiez pas ici, M. le Président, ce sera probablement utile de relire les débats si vous ne l'avez pas encore fait - en 1978 et 1979. C'est l'année où le Parti québécois a fait adopter ici en cette Chambre la loi qu'on appelait dans le temps la loi 90 qui est la loi créant la Commission de protection du territoire agricole. Vous vous souviendrez que le 22 décembre 1978, la loi 90 a été sanctionnée par le lieutenant-gouverneur du Québec. Cette même loi 90 qui a été amendée le 23 juin 1982, qui s'appelait à ce moment-là la loi 76, a été, elle aussi, votée le 23 juin 1982. Dans toutes les discussions que nous avons eues, je peux en parler parce que j'étais présent, en commission parlementaire... Certains de mes collègues vous diront tantôt comment ils ont pu être perspicaces à ce moment-là dans ce qu'ils faisaient comme recommandations au ministre quand ils lui disaient de surveiller telle ou telle chose importante. Vous verrez, M. le Président, que certains de mes collègues vont ramener le ministre de l'Agriculture à du réalisme, ce qui s'est passé dans ce temps-là, situation qu'on retrouve exactement aujourd'hui.

Je me souviens, pour avoir participé à cette discussion avec mon collègue, M. Giasson, qui était député de Montmagny-L'Islet dans le temps, où on disait au ministre de l'Agriculture, le même ministre parce qu'il est permanent, il est très difficile à tasser, vous en conviendrez, c'est probablement pour ça qu'il est le seul à rester là, à ne pas avoir modifié ou changé de ministère... Vous vous souviendrez que l'Opposition officielle, le député de Maskinongé entre autres avait mis en garde le ministre de l'Agriculture du temps, qui est le même que celui d'aujourd'hui, le député de Lévis, de parler de l'harmonisation d'une autre loi qui allait être votée par le gouvernement, qui s'appelait la loi 125, celle qui créait les MRC, les municipalités régionales de comté et qui était susceptible de préparer tout l'aménagement du territoire québécois. Nous avions dit au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation à ce moment: M. le ministre, on va avoir de sérieux problèmes. On adopte la loi 90. Nous adopterons plus tard la loi 125 sur les mêmes territoires. Qui va avoir juridiction sur quoi et sur qui? Est-ce qu'il n'y aura pas, à un moment donné, un problème entre l'aménagement du territoire qui a été chapeauté par la loi 125, est-ce qu'il n'y aura pas un problème avec la loi 90 que nous adoptons aujourd'hui? (17 h 20)

Effectivement, la loi 125, celle de l'aménagement du territoire, a été adoptée ici en cette Chambre le 7 novembre 1979, soit un petit peu moins de onze mois plus tard que celle de la protection du territoire. Voilà qu'aujourd'hui, M. le Président, nous sommes appelés à modifier cette loi et à essayer d'harmoniser ce que le gouvernement n'a pas prévu, essayer d'harmoniser ces deux lois qui chapeautent et qui sont là tout simplement pour organiser le territoire au Québec. Puis, on a deux instances. On a évidemment le monde agricole qui veut protéger les 5 500 000 d'acres de sol cultivable au Québec, entre 5 000 000 et 6 000 000 d'acres de sol cultivable au Québec. On a les gens de l'agriculture qui veulent faire cela, à bon escient, à bon sens et aussi de façon très pertinente. Et nous en sommes. Il y a à peu près une acre de terre par Québécois. Si on parle de 6 000 000 d'acres de sol cultivable, on ne doit pas gruger trop souvent dans ce sol arable parce que, forcément, il faut le conserver.

Les gens du domaine de l'agriculture, les gens de l'UPA, les fédérations de l'UPA, les agriculteurs eux-mêmes veulent, avec un soin jaloux, conserver ce sol arable. Et nous en sommes. Et nous sommes d'accord. Nous allons continuer. Si jamais la population nous fait confiance pour gouverner l'État, nous allons continuer dans le même sens parce qu'on y croit.

Vous avez aussi l'aménagement du territoire, toutes ces MRC, toutes ces municipalités qui ont l'obligation, je parle des maires et des conseillers, je parle des préfets des MRC, qui ont l'obligation de rendre viables, à l'intérieur d'une municipalité, les services qu'on offre à nos citoyens qui veulent, eux aussi, avoir un petit coin pour faire de l'industrie, qui veulent avoir un petit coin pour faire du lotissement et qui veulent, j'imagine, et je ne voudrais pas leur prêter de mauvaises intentions parce que je suis certain que ce n'est pas cela, qui veulent eux aussi protéger le sol arable.

Mais, force nous est de constater que l'instance agricole, les gens de l'agriculture ne sont pas nécessairement très bien représentés dans les instances décisionnelles quand arrive le temps de demander des modifications au sol arable du Québec. M. le Président, c'est probablement la raison pour laquelle on en arrive obligatoirement à

apporter des modifications.

Cela fait longtemps que des amendements à cette loi sont demandés par les différents intervenants, que ce soit l'Union des producteurs agricoles, que ce soient les MRC ou les municipalités, que ce soit la Chambre des notaires, que ce soient même des agriculteurs lésés par des décisions. Il y a longtemps qu'un paquet de monde demande à l'honorable ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation d'apporter des amendements à cette loi. Il n'est pas trop tard pour qu'on en en apporte, c'est bien évident, mais pas en apporter à n'importe quel prix, à n'importe quelle condition et de n'importe quelle façon.

Le ministre, tantôt, se vantait. Il disait: Après quelques mois de consultations. Il faut connaître le genre, le style de ministre et la façon de penser de ce ministre pour savoir que lui, quand il parle de consultation, c'est déjà nous dire qu'il n'y en a pas eu, qu'il n'en a pas voulu et vous savez ce qu'est le genre de consultation que fait le ministre de l'Agriculture. Il administre comme autrefois, c'est un ou deux coups de téléphone à sa guise, au gars, à la personne qu'il veut bien consulter - pas n'importe qui, mais des amis du régime ou autres - un coup de téléphone pour lui demander qu'est-ce que tu penses si on faisait telle affaire? Et se préparer un paquet de papillons dans toutes ses poches pour arriver en commission parlementaire et essayer de plaire à tout le monde.

Vous savez ce que c'est des papillons? En langage parlementaire, ce sont des amendements de sorte que si ça chiale trop d'un côté ou il veut arriver à une contestation forte, on aurait un papillon pour essayer d'en contenter un petit groupe. Si ce n'est pas cela, on va essayer de garder le papillon dans nos poches. On en sortira un autre pour une autre "game" ou un autre groupe.

C'est le genre de consultation qu'a fait le ministre. Le ministre n'a pas pensé de faire une consultation en commission parlementaire devant les élus du peuple. C'est compréhensible parce que, vous savez, j'ai entendu le ministre de l'Agriculture, faire certaines remarques sur la commission parlementaire itinérante avec les nouvelles règles de la Chambre. Vous savez, les commentaires qu'il faisait au sujet de notre commission agricole qui est composée, en majorité, des gens de sa "gang", des gens de son clan, des gens de son groupe, les péquistes. Vous savez, ce n'est pas surprenant avec le mépris qu'ils peuvent avoir de nos institutions, ce n'est pas surprenant qu'il ait écarté rapidement et facilement du revers de la main une consultation en commission parlementaire. Ce n'est pas dans le style habituel du ministre d'être un démocrate à outrance. Ce n'est pas dans le style habituel du ministre d'être un gars qui consulte et qui écoute et qui se laisse persuader. C'est plutôt le genre de ministre - on l'a déjà vu dans la fin de session - qui aime que son chef et ses collègues et tout le monde se mettent à quatre pattes devant lui.

Là, il est grand parce que les autres sont à genoux. C'est bien évident qu'il a discarté du revers de la main en commission parlementaire d'entendre les organismes. Il a fait quelques téléphones. Je ne le nierai pas. D'ailleurs, je ne peux pas, je ne pourrais pas non plus ni le nier ni le corroborer, il a sûrement fait quelques téléphones, mais je sais, pour avoir discuté avec des gens du monde de l'agriculture, du syndicalisme agricole, je sais qu'eux ont exigé une commission parlementaire, ont demandé une commission parlementaire et se sont fait simplement ridiculiser par le champion de la démocratie qu'est le ministre de l'Agriculture. C'est-à-dire qu'il n'y a que lui qui pense comme il faut. Il y a la Chambre des notaires aussi qui aurait aimé être consultée - pas deux jours avant de déposer le projet de loi - sur ce projet. On aurait pu entendre en commission parlementaire. On pouvait facilement consacrer une journée à entendre cet organisme. Il y a l'Union des municipalités du Québec, les MRC, l'Union des MRC, il y a les municipalités du Québec qui auraient aussi aimé être consultées, pouvoir venir dire exactement ce qu'ils pensent de ce projet de loi. Mais non, le champion de la consultation qu'est le ministre de l'Agriculture, c'est-à-dire celui qui décide de tout et qui veut tout régler et réglementer par décret le champion ministre de l'Agriculture, le "faiseux" de miracles comme il s'appelle si bien, vous savez, il a préféré ne pas se soucier des intervenants dignes de foi, des intervenants crédibles comme l'Union des producteurs agricoles, la Chambre des notaires, les municipalités au Québec, il n'a pas daigné se rendre à cette demande. C'est pour cela qu'on en arrive à un projet de loi semblable. Je vous dirai que la majorité des gens ne sont pas en parfaite harmonie avec les décisions que nous propose le ministre de l'Agriculture. (17 h 30)

Vous savez, l'Union des producteurs agricoles du Québec, qui est quand même un organisme fort responsable avec des gens sérieux à sa tête, autant du côté des fédérations que du côté de la confédération et tout cela, tous des gens sérieux, qui connaissent le territoire agricole du Québec autrement que le ministre de l'Agriculture, l'Union des producteurs agricoles au Québec s'inquiète quelque peu de certaines dispositions. On dit à juste titre qu'en donnant peut-être plus de latitude aux municipalités, aux ministères ou aux autres organismes publics, il peut y avoir là en fin

de compte un abus. Ils ont le droit de s'interroger là-dessus. Cela ne veut pas dire qu'ils ont raison de penser que cela peut arriver comme cela, mais ils ont raison de s'interroger. Ce n'est pas quand le mal est fait qu'il faut courir, qu'il faut crier et qu'il faut demander au ministre de modifier certaines choses.

On sait jusqu'à quel point le ministre a la tête dure, M. le Président. Cela va prendre évidemment un bon bout de temps avant qu'il en vienne à modifier certaines choses, même s'il réalise qu'il s'est trompé. Un gars comme cela qui fait des miracles économiques en 1985 avec le nombre de faillites qu'il y a dans le domaine de l'agriculture, un gars qui fait des miracles -vous le savez - ne change pas d'idée parce que, évidemment, c'est le summum. Notre faiseux de miracles québécois! Je dis que l'Union des producteurs agricoles aurait pu savoir du ministre de l'Agriculture, en allant lui tortiller les tripes, en allant lui brasser les osselets, comme on dit en québécois, quelle idée il y a en dessous de cela afin de rassurer à la fois le monde agricole et probablement aussi les municipalités et de bien déterminer qui fait quoi, quel rôle elle doit jouer. Mais le ministre de l'Agriculture s'est organisé pour ne pas la consulter, pour ne pas l'écouter. C'est un organisme crédible.

Les dangers d'abus que peut entraîner la révision périodique des zones agricoles, peut-être qu'il n'y a rien de sorcier là-dedans, de vérifier occasionnellement, périodiquement, les zones agricoles dans les municipalités. Qu'on se questionne à nouveau là-dessus, ce n'est pas grave, qu'on essaie d'améliorer des situations, ce n'est pas grave, mais ce qu'on ne sait pas du ministre, c'est quels pouvoirs auront les municipalités ou quelle sera leur influence si elles n'ont pas de pouvoirs. Je répète que si elles n'ont pas de pouvoirs, quelle influence auront-elles auprès de la CPTA pour faire accepter des modifications?

L'Union des producteurs agricoles aurait droit de connaître quelles sont les vraies intentions, et, pour le savoir, ce n'est pas les élus du peuple qui vont questionner le ministre de l'Agriculture, parce que lorsqu'il agit ici en bouffon à certains égards, dans certaines discussions, il est pareil en commission parlementaire, il n'est pas différent; il est aussi drôle et ridicule. Il est aussi loufoque en commission parlementaire. Quand on lui pose une question à laquelle il ne veut pas répondre, il s'amuse, il rit, il fait le drôle et il ne s'occupe pas des parlementaires, mais peut-être que s'il y avait eu des questions de l'Union des producteurs agricoles en commission parlementaire, cela l'aurait aidé à se baliser et à être un peu moins comique et à être un peu plus rigoureux dans ses arguments. Peut- être qu'on aurait pu savoir du ministre de l'Agriculture ce que cela voulait dire de réviser périodiquement des zones agricoles.

Si je dis cela pour l'UPA, c'est aussi vrai, M. le Président, pour l'Union des municipalités du Québec ou pour les MRC. C'est aussi vrai de ce côté-là. Parce qu'elles non plus, ne vous en déplaise, ne sont pas en parfaite harmonie avec le projet de loi que nous sommes en train d'étudier. Ces gens ne savent pas exactement quels droits ils vont avoir, s'ils vont avoir des droits ou s'ils n'en auront pas, quelle sorte d'influence ils peuvent avoir, ce que cela va changer en fin de compte. Il y a un paquet de récriminations qu'ils aimeraient faire connaître au législateur et à la CPTA, mais vous savez, pour pénétrer la CPTA, c'est toute une histoire. Ce n'est pas n'importe qui qui peut parler à Sa Majesté Pierre-Luc Blain, le président de la CPTA. Un instant! Même les députés n'ont pas l'autorisation d'écrire à Sa Majesté Pierre-Luc 1er. Ce n'est pas n'importe qui, à l'intérieur de la CPTA, qui peut s'adresser à l'honorable président. Ben voyons! Allons donc! On ne parle pas à n'importe qui quand on siège si haut, sauf que quand on tombe, on se fait beaucoup mal quand on est si haut. Et arrivera une journée où certaines de ces personnes vont dégringoler et cela va être dangereux. Il y aura des fractures du crâne si jamais il y a lieu d'en avoir dans certains cas. Il y aura des fractures du crâne. Mais peut-être qu'en commission parlementaire, si on avait pu discuter et avoir la CPTA et pour une fois, être capables de questionner M. Pierre-Luc Blain, on aurait eu des surprises et peut-être bien qu'on aurait su exactement tout ce qui se passe dans cette sainte boîte.

La Chambre des notaires, M. le Président, aurait eu des recommandations à nous faire. Ce sont eux qui passent les contrats. Ce sont eux qui procèdent à l'enregistrement des contrats. Ce sont eux qui ont les difficultés inhérentes à l'application de cette loi, souventefois critiquée, non pas pour le plaisir de critiquer par la Chambre des notaires, mais tout simplement pour le plaisir d'essayer d'améliorer ou de bonifier un projet de loi qui, à certains égards, cause un paquet de soucis, pas uniquement à la Chambre des notaires et au notaire consultant ou au notaire qui officie, mais à la clientèle qui est forcément des agriculteurs et d'autres. Peut-être que la Chambre des notaires aurait pu essayer de mettre un peu de matière grise dans la cervelle du ministre de l'Agriculture à certains égards et dans ce projet de loi qui est déjà à l'usure et qu'on utilise depuis déjà 1978. Il y a peut-être des choses à corriger.

Le ministre de l'Agriculture, notre gars qui a fait le miracle économique agricole au

Québec et dans le monde entier, la révolution miraculeuse de l'agriculture, l'honorable ministre, M. Garon, le député de Lévis - je m'excuse, M. le Président - il sait tout, il n'a pas besoin d'écouter ces gens et il n'a pas besoin d'avoir de sages conseils de la part des organismes oeuvrant dans ce domaine. Si le ministre de l'Agriculture avait écouté, il aurait su que le droit de révision qu'il tente de faire accroire qu'il va donner, le droit d'appel - il tente de nous dire qu'il va exister maintenant - il aurait su que tout le monde dans le milieu agricole, tout le monde au Québec se rend compte que c'est un "frame up" de la pire espèce. C'est leurrer la population que de créer cette commission d'appel et moi, il faut que je vous en parle, parce que c'est trop drôle. Vous savez ce qui se passe? Je pense que je vais prendre quelques minutes, M. le Président. Vous êtes issu d'un comté urbain et je pense que c'est important que vous sachiez cela.

M. le Président, quand quelqu'un au Québec, un Québécois, fait une demande à la Commission de protection du territoire agricole, après des mois d'attente, après des semaines, on lui donne un accusé de réception probablement parce qu'il faut avoir l'autorisation de M. Pierre-Luc Blain pour l'envoyer. Alors, c'est pour cela que cela prend un peu plus de temps. Ce n'est pas n'importe qui qui peut écrire dans cette boîte-là. Après quelques semaines, cinq, six ou sept semaines, on donne un accusé de réception. Après trois mois, on commence à lui dire qu'il sera peut-être sur le rôle pour être entendu vers telle date. Après cinq ou six mois, on lui dit que, peut-être, il faut l'entendre. (17 h 40)

Après tout ce délai, il arrive qu'on porte un jugement. Si le jugement n'est pas satisfaisant pour celui qui a fait une demande à la CPTA, imaginez... Vous saviez quel recours avait ce citoyen? Il fallait qu'il demande à la CPTA, c'est-à-dire à M. Luc Blain et compagnie, de réviser ou qu'il lui dise, par la voie d'un notaire ou d'un professionnel, pourquoi on devait réviser, en ajoutant des éléments nouveaux, des faits nouveaux au dossier, et il fallait retourner en appel devant la même instance. C'étaient les mêmes personnes qui allaient décider si, effectivement, elles s'étaient trompées la première fois qu'elles avaient jugé ou si elles ne s'étaient pas trompées. On ne demande pas cela à des gars comme cela de dire publiquement qu'ils se sont trompés. Mais ces gens-là ne se trompent pas. Vous les connaissez comme moi. Ils ne se trompent pas, surtout ceux qui sont dans la tour d'ivoire, en haut; ils ne peuvent pas se tromper. Ils sont un peu à l'image du ministre. Ils sont miraculeux, eux aussi. Ils sentent le baume. C'est un droit d'appel qui n'existait pas, à toutes fins utiles, et au ministre de l'Agriculture, on l'a dit des dizaines et des dizaines de fois. Moi, comme député de Maskinongé, je lui ai dit: Cela n'a pas de bon sens, ton droit d'appel; cela n'a pas d'allure. Il faut que tu permettes aux gens d'avoir un vrai droit d'appel devant une autre instance. Alors, le ministre crée maintenant ce qu'il appelle un vrai droit d'appel, c'est-à-dire que: les gens vont se réadresser à la même commission, dit-il, mais ce ne seront pas ceux qui ont entendu la première cause qui vont entendre l'appel. Autrement dit, les autres commissaires qui siègent à la commission vont entendre l'appel, j'imagine, après avoir consulté les deux autres qui ont rendu une première décision pour leur demander: Pourquoi n'avez-vous pas voulu donner cela? Éclairez-moi donc sur le dossier. Ils vont se faire éclairer par ceux qui avaient la tête sous le tonneau quand ils ont pris la décision. Imaginez! Le ministre essaie de nous faire croire - le ministre aurait peut-être besoin qu'Hydro-Québec lui pose une 100 watts -qu'il a donné un vrai droit d'appel.

Je regrette, mais un droit d'appel, un droit de révision, c'est tout simplement d'aller à une autre instance que celle à laquelle on a fait appel quand on a eu un premier jugement. C'est aussi imbécile comme raisonnement - malgré que ce ne sera pas la première fois qu'on en voit de semblables par les gens d'en face - que si quelqu'un qui n'était pas satisfait d'un jugement quand il est allé devant une cour civile, soit la Cour supérieure ou la Cour provinciale, il retournait devant le même juge pour faire appel du jugement, devant le même "gang" ou devant la même cour. On ne fait pas cela dans les tribunaux civils. Vous savez pourquoi? Parce qu'on veut qu'il y ait un souci de justice.

On va faire croire aux gens qu'il y aura un soupçon de justice, qu'il va y avoir de la justice en procédant de cette façon, en faisant par en arrière ce qu'on ne veut pas faire par en avant, en faisant de façon détournée ce qu'on faisait auparavant. Bien, voyons donc! II n'y a que le ministre de l'Agriculture qui peut penser à des choses semblables. Il n'y a que le ministre de l'Agriculture, qui peut prétendre que la justice sera exercée pleinement, que le citoyen sera bien jugé de cette façon.

Ce qui est encore pire, c'est que le ministre de l'Agriculture est supposé avoir un doctorat en droit, c'est un avocat, il a fait un cours de droit. Je commence à comprendre pourquoi il ne pratique pas. Je commence à comprendre pourquoi il aime mieux être ici qu'à l'Université Laval pour enseigner le droit. Si ce sont ses principes élémentaires de justice, il est mieux d'avoir une bonne pension quand les élections vont arriver parce que j'ai l'impression qu'il ne

pourra pas retourner dans ce domaine facilement. Il n'aura pas beaucoup de crédibilité.

Je vous dis à l'avance, M. le Président, qu'on ne laissera pas passer ce droit d'appel, ce droit de révision facilement, en commission parlementaire. Bien non, il y a trop de gens qui veulent avoir un vrai droit d'appel. L'agriculteur veut un vrai droit d'appel pour être sûr de ne pas avoir été lésé dans les décisions. Les MRC, les municipalités désirent un vrai droit d'appel. Tout le monde, en fait, veut un vrai droit d'appel. Je dénonce avec la plus grande des vigueurs, avec toute la force dont je suis capable cette façon du ministre de l'Agriculture d'essayer de nous passer un papillon sur le droit d'appel qui n'en est pas un.

Le ministre nous a dit qu'il a consulté. Il nous a annoncé tantôt qu'il apporterait un amendement. Oui. Bien sûr, cela a été discuté au bout du bras avec le président de l'Union des producteurs agricoles, M. Proulx, qui a fini par lui faire valoir, avec beaucoup de raison, d'intelligence et d'acuité, qu'on ne pouvait pas se permettre de laisser passer un organisme public sur un territoire sans limiter les mètres. C'est pour cela qu'on a parlé tantôt de 20 mètres, à peu près 66 pieds de largeur. D'accord, il fallait que ce soit amélioré. Quand on arrivait pour corriger une courbe en milieu rural ou agricole, cela prenait des mois avant d'avoir l'autorisation de la Commission de la protection du territoire agricole pour enlever cette courbe où il y avait eu des dizaines de morts par accident. C'est bien évident qu'en permettant qu'il y ait 20 mètres, on pourra à la fois installer un aqueduc, un réseau d'égout, on pourra corriger une courbe meurtrière sur les chemins publics de certaines municipalités sans devoir se mettre à genoux et sans avoir à se prosterner devant Sa Majesté Pierre-Luc, sans devoir non plus attendre des mois une décision qu'il aurait été facile d'avoir à la demande, même au bout de cinq minutes. C'était facile de leur dire: Oui, vous avez l'autorisation parce que c'est du logique et c'est du bon sens. Mais du logique et du bon sens cela ne trône pas sur le même siège que sa majesté. C'est regrettable mais c'est cela malheureusement.

Vous savez, c'est drôle de voir comment sont les événements. Quand le ministre de l'Agriculture a déposé cette loi, il a dit que c'était pour la rendre plus accessible et pour faire en sorte que ceux qui vont l'utiliser puissent avoir accès à l'information de leur dossier en tout. Le ministre a parlé de cela à un moment donné. C'est tellement drôle, M. le Président, d'entendre ce que le ministre dit d'un côté de la bouche et ce que ses acolytes... Quand je dis ses acolytes, le président de la CPTA, c'est un ami. Le président de la CPTA n'a pas été nommé là - vous en conviendrez -parce qu'il était un ami de l'Opposition. Il faut connaître M. le ministre de l'Agriculture pour savoir qu'il ne nomme pas d'amis de l'Opposition. Il ne nomme que ses amis. Voyez comment ces gens parlent des deux côtés de la bouche en même temps et le ministre de l'Agriculture parle des deux côtés de la bouche en même temps, lui aussi, souvent. C'est pour cela qu'il est drôle, parce qu'il parle des deux côtés de la bouche en même temps. Au même moment, M. Pierre-Luc Blain, le président de la CPTA, le 17 avril 1985, envoyait une directive à tout son personnel, sans exception, pour dire: À l'avenir, vous ne donnez aucun renseignement sur les dossiers. Que ce soit d'ordre juridique, que ce soit des renseignements sur le dossier en général, vous ne donnez plus de renseignements sur le dossier. Le ministre de l'Agriculture, ce grand valseur miraculeux arrive et, de l'autre côté de la bouche, il dit: On fait ces amendements pour donner plus d'accès à l'information dans les dossiers. Et quel genre d'information? Est-ce que le ministre est capable de nous garantir qu'on va donner toutes les informations, non pas une partie des informations?

Écoutez, je vais vous dire ceci: On va prendre une chance en deuxième lecture. On va voter pour la loi en disant cependant à l'honorable ministre de l'Agriculture qu'il devra nous convaincre, dans l'étude article par article, qu'il va donner aux Québécois une vraie commission d'appel, qu'il va rendre le processus décisionnel plus transparent, qu'il y aura des précisions d'apportées sur le contenu des dossiers servant à rendre une décision à la commission, que toute ordonnance devra obligatoirement passer en Cour supérieure avant d'être enregistrée, que la décision finale du zonage appartiendra à un organisme ayant une compétence en agriculture, qu'on permettra aux MRC et aux municipalités de parler, de pouvoir dire quelque chose sur des zones agricoles. Oui, mais qu'on donne des pouvoirs à l'Union des producteurs agricoles ou à un organisme responsable qui est là pour protéger aussi les 5 000 000 à 6 000 000 d'acres cultivables de sol arable qui existent au Québec. On va exiger ces garanties pour être bien certain qu'il n'y a pas seulement le monde municipal.

On voudrait aussi, non pas quand le monde municipal a envoyé une demande et que par la suite on en informe les instances, pouvoir faire participer les instances agricoles à tout ça. Les gens de l'agriculture, des MRC et des municipalités sont capables de se parler. Ce n'est pas un combat de boxe. Ils sont capables de s'asseoir ensemble, de discuter et de protéger les intérêts de tout le monde. C'est possible d'avoir une vraie table de

concertation et de vraies personnes qui se concertent.

M. le Président, j'aurais encore beaucoup d'autres choses à dire, c'est bien évident. On utilisera le temps qu'il faut en commission parlementaire pour le dire évidemment. J'espère que l'honorable ministre de l'Agriculture oubliera pour un certain temps qu'il est un faiseur de miracles comme il se vante si bien, qu'il va penser qu'il y a d'autres personnes qui ont quelque chose à dire là-dessus et qu'il acceptera que tout le monde ensemble bonifie le projet de loi. Comme je n'ai pas pris tout mon temps, il me reste environ une dizaine de minutes; selon l'entente prévue, ces dix minutes seront dévolues à mon collègue de Huntingdon après l'heure du lunch. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Huntingdon, il vous reste effectivement huit minutes de votre temps.

M. Dubois: Puis-je demander la suspension du débat?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Nous allons immédiatement suspendre le débat jusqu'à ce soir 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 54)

(Reprise à 20 h 1)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place. Nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 55, Loi abrogeant la Loi sur la société de développement__ Non. Je m'excuse, cela a été changé. Nous en sommes à l'article 12, le projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole.

Avant de donner la parole au député de Huntingdon, de consentement, il y a huit minutes disponibles, de la part du député de Maskinongé, plus les vingt minutes que vous avez de façon normale, ce qui veut dire que vous avez vingt-huit minutes, M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: M. le Président, il me fait plaisir, après environ sept ans, de revenir, ce soir, discuter de la Loi sur la protection du territoire agricole. Cela me rappelle beaucoup de souvenirs, M. le Président, parce qu'au mois de novembre 1978 je participais de façon très intensive aux travaux, dans cette Chambre, à l'étape de la deuxième lecture, à la commission parlementaire qui a suivi et à l'étape de troisième lecture où, M. le Président, je faisais part de mes appréhensions et de plusieurs amendements au ministre de l'Agriculture. Vous comprendrez que, ce soir, je ne pouvais être muet, face aux propositions que nous amène le projet de loi 44.

Je me souviens très bien, M. le Président, de la multitude d'amendements que j'ai proposés, à ce moment-là, en 1978, lors de la commission parlementaire, au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour bonifier le projet de loi 90, tel qu'on l'appelait dans le temps. Vu l'arrogance traditionnelle - qui se manifestait déjà - du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, il n'a reçu aucun de mes amendements. Si je me souviens bien, cela se chiffrait à environ 80 amendements.

M. le Président, je faisais part au ministre, à cette époque, de ce qui ne me semblait pas tout à fait sain dans l'application d'une loi qui protège le territoire agricole. On apportait des mesures qui étaient discriminatoires, à ce moment-là. Le projet de loi 44 qu'on nous présente, ce soir, n'amène à peu près pas de correctif aux éléments inacceptables qui existaient dans la loi 90, en 1978. II y avait beaucoup d'interrogations de la part de tous les intervenants du monde agricole, de la part du monde municipal, de la part de la Chambre des notaires, de la part de tous les intervenants intéressés dans le monde de l'agriculture. Je me souviens très bien d'avoir suggéré certaines choses même que le ministre actuellement nous apporte ce soir. Je pense que le ministre n'a pas voulu faire un devoir cohérent dans le temps. Il essaie aujourd'hui de le corriger par le projet de loi 44 mais c'est encore un devoir mal fait, incomplet.

M. le Président, en 1978, j'avais mis le ministre en garde sur plusieurs aspects que contenait la loi 90, plusieurs aspects où on enlevait presque la possession de biens ou le droit de disposer de biens chez les agriculteurs. Les correctifs que le ministre apporte aujourd'hui n'ont pas encore tenu compte des points que je soulevais à ce moment.

Je me souviens très bien d'un discours de deuxième lecture au mois de novembre 1978 et, pour la première fois depuis sept ans, je l'ai relu aujourd'hui. Franchement, je dois vous dire que je me suis retrouvé dans les propos puisque je pourrais répéter ce soir et relire le même discours de deuxième lecture. Il serait totalement approprié. J'avais soulevé une multitude de points dont j'essaierai plus tard, si le temps me le permet, de vous faire part. J'avais soulevé une multitude de points qui sont encore exacts, qui correspondent encore à la réalité et qui correspondent encore aux besoins des agriculteurs et aux besoins des intervenants du milieu agricole.

Mes propos - et vous savez que c'est sans vantardise que je vais le dire, je ne m'appelle pas le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je ne suis pas rempli de moi-même - mais je dois dire que mes propos du temps étaient vrais, étaient clairvoyants en plus puisque je pourrai vous soumettre, tout à l'heure, tous les points que je soulevais à ce moment. Je dois dire que, en toute bonne foi, j'espère que le ministre saura répondre, même si c'est un peu tard, à certains points que je dois soulever encore ce soir.

J'aimerais formuler le voeu ou, en tout cas, inviter mes collègues, les collègues intéressés à l'agriculture en cette Chambre, à relire le discours que je livrais en 1978, le discours où je faisais part de toutes les inquiétudes du monde agricole. Je les invite encore ce soir à le faire, sept ans après. Je pense qu'ils constateront qu'à ce moment je soulevais des points qui sont toujours pertinents encore aujourd'hui. Vous verrez qu'à la lecture de ces propos, je ne charrie pas dans le sens où le fait le ministre de l'Agriculture.

J'avais indiqué, en 1976, que toutes les mesures incluses dans le projet de loi 90 visaient l'indépendance du Québec. Elles visaient la mise en tutelle des terres agricoles, la mise en tutelle des agriculteurs. En relisant le texte de 1978, où je faisais part au ministre de cette inquiétude, je dois dire aujourd'hui que le ministre est peut-être aussi indépendantiste qu'il l'était dans le temps, mais qu'il a pris un virage fédéraliste temporaire, le virage du "beau risque", comme on l'appelle. Il l'a fait pour des fins politiques et partisanes. Cela, M. le Président, nous en sommes assurés. Le ministre a toujours été un pur et vrai indépendantiste, un des membres du premier ralliement indépendantiste au Québec et je dois dire carrément qu'il s'agit pour le ministre, actuellement, dans son beau risque et son beau revirement fédéraliste, de pure hypocrisie. Si j'étais lui, j'aurais honte.

Dans le projet de loi 44, le ministre reconnaît quelques erreurs du passé, certaines petites erreurs du passé. Il en corrige quelques-unes d'ailleurs d'une façon mitigée, mais il ne réussit à satisfaire personne du milieu agricole. Il ne satisfait pas les milieux ruraux. Il ne satisfait pas les agriculteurs. Il ne réussit pas à satisfaire non plus nos élus municipaux. Il ne satisfait pas la Chambre des notaires. Il ne satisfait personne. Son projet de loi, c'est encore un devoir mal fait, mal écrit. C'est assez difficile pour moi de souscrire au contenu du texte qu'il nous présente ce soir.

Sans doute que le ministre aura à réviser ce projet de loi. S'il y a des amendements qui nous amènent à y souscrire, nous saurons le reconnaître. Mais à la lumière de ce qu'on voit ici ce soir, de ce qu'on peut lire au texte du projet de loi, il n'y a pas beaucoup d'éléments qui sont intéressants et qui nous incitent à appuyer largement un tel projet de loi. De toute façon, j'attends bien du ministre des indications à savoir qu'il aura l'esprit plus ouvert, qu'il saura reconnaître les besoins des agriculteurs, qu'il saura reconnaître les droits des agriculteurs, qu'il saura respecter les droits et les propriétés des agriculteurs, qu'il saura respecter les instances municipales sur le plan décisionnel. J'espère que le ministre saura répondre à nos aspirations lors de la discussion qu'on aura en commission parlementaire à l'étude article par article. (20 h 10)

M. le Président, le ministre avait commencé à la fin de 1976 et au début de 1977 à vouloir isoler les agriculteurs du Québec, à les barricader. L'un des grands projets de loi où il a réussi à le faire, c'est bien le projet de loi 90, Loi sur la protection du territoire agricole. Il les a amenés également à s'endetter massivement, c'est un cheminement qui s'est poursuivi. La loi 90 amenait des restrictions aux agriculteurs: l'obligation de demeurer définitivement sur leur ferme: ils n'avaient pas d'autre choix. On leur a enlevé le droit de disposer de leurs biens, alors il ne restait pour eux que de pouvoir cultiver leur sol. Dans ce sens-là, le ministre a cru bon de les endetter à un point tel qu'ils ne pouvaient faire autrement que de travailler encore plus fort pour s'en sortir. Alors, les agriculteurs sont devenus les mandataires de l'État du Québec que le ministre de l'Agriculture souhaitait. Il fallait produire pour l'État. Il fallait presque donner sa terre à l'État. C'est à peu près cela. Quand on n'a pas le droit de faire autre chose ou de disposer d'un bien, c'est donner ses biens à l'État. C'est ce qu'impliquait, à l'époque, le projet de loi 90.

On a forcé, M. le Président, les agriculteurs à produire massivement d'ailleurs, le ministre a fait état aujourd'hui d'augmentation, d'auto-approvisionnement, d'augmentation dans les céréales, d'augmentation dans la production de boeuf de boucherie, d'augmentation dans d'autres cultures - mais ceux-ci avaient les mains liées, ils n'avaient pas tellement de choix: c'était cela ou crever. L'agriculteur n'avait pas d'autre choix que de produire pour pouvoir payer des dettes massives dans lesquelles le ministre de l'Agriculture les avait amenés.

M. le Président, c'est cela la situation actuelle. D'ailleurs, si vous vous souvenez bien, il y a quelque temps, on a dû rencontrer plusieurs intervenants du monde agricole quand on a étudié l'endettement agricole, la relève agricole. C'est là qu'on a constaté que l'augmentation de l'endettement

massif des producteurs agricoles du Québec dépassait même le pourcentage ou le volume de production accru depuis huit ans. Alors, on a endetté les producteurs agricoles plus qu'on ne les a fait produire. Ce qui équivaut à forcer, par législation, les producteurs à produire ou à crever. Dans ce sens, je ne peux souscrire à ce genre de pressions exercées sur les agriculteurs du Québec. Autrement dit, M. le Président, le ministre a hypothéqué dangereusement l'agriculture à des fins politiques et partisanes. On sait très bien que le ministre voyait un Québec indépendant. Il s'attendait de l'avoir en 1981. Il s'attendait à cela. Mais ce n'est pas cela. De plus en plus, les producteurs agricoles du Québec sont Canadiens et Québécois. Ils ne sont pas séparatistes. Ils ne veulent plus produire pour un État. Ils veulent produire pour leur bien, la collectivité et leur bien personnel. Il est évident que le ministre de l'Agriculture a manqué son coup dans toutes ses politiques visant à amener les agriculteurs du Québec à produire pour l'État, à les encercler dans un Québec indépendant. Malheureusement pour le ministre, mais heureusement pour nous, Québécois et Canadiens, ce n'est pas arrivé.

M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, les chiffres qui nous ont été soumis lors des séances sur le financement agricole, l'endettement des agriculteurs et la relève agricole, nous confirment très bien l'aventure dans laquelle le ministre a poussé l'agriculture au Québec. Je pourrais dire - et je le fais avec reproche au ministre - qu'il y a là grossière indécence à l'endroit de tous les producteurs agricoles du Québec. Je pense que tous souscrivent à l'augmentation de la productivité, à l'augmentation de la production et à un meilleur "auto-approvisionnement." Tout le monde souscrit à cela, mais nous souscrivons à cela sans avoir les mains liées dans le dos, sans être pris dans un endettement massif où on n'a pas le choix de faire autrement. Dans ce sens, j'aimerais me porter à la défense des agriculteurs du comté de Huntingdon.

S'il y a un groupe d'agriculteurs qui a été pénalisé depuis quelques années par un ministre, ce sont bien les agriculteurs du comté de Huntingdon. Premièrement, on a laissé traîner les dossiers qui touchent le comté de Huntingdon, et j'aimerais que le ministre puisse me dire autrement. On sait très bien que le comté de Huntingdon est un des plus développés sur le plan de l'horticulture, et, même s'il se fait d'autres productions, que ce soit les céréales, l'élevage ou l'industrie laitière, toutes les productions sont représentées dans le comté de Huntingdon. Mais s'il y a un comté qui a été délaissé au Québec, à cause des politiques péquistes de Garon, c'est bien le comté de Huntingdon qui est pénalisé. Je m'excuse d'avoir dit Garon, M. le Président.

J'aurais dû dire le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Vous alliez me le rappeler, M. le Président, mais c'était plus fort que moi. Je n'oserai peut-être pas le répéter, mais j'aurais le goût de le répéter encore.

S'il y a un comté qui a été pénalisé, c'est bien le comté de Huntingdon. Pourtant, c'est un comté qui est pourvoyeur de tout le Québec en matière de produits horticoles. C'est un comté qui paie... Je dirais que c'est le comté qui paie le plus d'impôts, le plus de taxes de tous les comtés où il se fait de l'horticulture. Je pense que le ministre ne dira pas le contraire. Mais s'il y a un comté qui a été piraté par le ministre, c'est le comté de Huntingdon. Je dénonce l'attitude du ministre de l'Agriculture, face aux agriculteurs du comté et la façon dont ils ont été pénalisés. Je crois qu'en toute honnêteté, en toute décence et en toute équité, on ne doit pas pénaliser un comté parce qu'il est dans l'Opposition. Le ministre peut ne pas m'aimer et je peux bien ne pas l'aimer et ne pas le priser, mais ce n'est pas une raison pour pénaliser les contribuables du comté de Huntingdon. Je dénonce une attitude dans ce sens. Parce qu'un comté n'est pas au pouvoir, il n'a pas droit à telle ou telle chose.

Le ministre va me dire qu'il y a eu beaucoup de subventions dans le comté de Huntingdon, c'est vrai. Mais il y en a eu dans des programmes ou à des endroits où il n'avait pas le choix. Si on parle de conservation de légumes, par exemple, il est bien sûr que c'est là que les légumes sont produits. Le ministre n'avait d'autre choix que de donner des subventions à ceux qui en faisaient la demande, parce que le programme s'applique particulièrement au comté de Huntingdon. Si on parle de refroidissement sous vide de la laitue, c'est bien sûr, c'est là qu'elle est produite. Si on parle de refroidissement sur glace, c'est encore là que la majorité des produits horticoles sont produits. Le ministre n'avait d'autre choix que de souscrire aux demandes des horticulteurs du comté de Huntingdon dans ces domaines. Mais si on parle de réfection de cours d'eau, de creusage de cours d'eau, d'assainissement des sols, s'il y a un comté délaissé par le ministre de l'Agriculture, au Québec qui laisse traîner des papiers sur son bureau, qui ne veut même pas souscrire aux demandes du comté de Huntingdon, c'est malheureux mais ce sont les concitoyens que je défends ici en cette Chambre qui sont pénalisés.

Je devais, dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, soulever ce fait et indiquer au ministre qu'on ne peut accepter cette attitude. Quand on parle de zonage agricole, quand on parle de protection du territoire agricole, on parle aussi d'économie agricole. Au sens économique, je ne peux tolérer que

les concitoyens que je dois défendre ici soient pénalisés, parce que moi, je suis membre de l'Opposition. Je pense que le ministre aurait intérêt à refaire ses études dans ce sens, à être moins arrogant, plus tolérant. De la tolérance, c'est ce dont on a besoin. C'est très malheureux. Je dénonce cette situation et je fais part au ministre que nous ne pouvons accepter d'aucune façon cette attitude antiproductive. Le comté de Huntingdon, comme je l'ai dit tout à l'heure, paie des taxes et des impôts comme tout le monde et grassement. Sur le plan de la création d'emplois et de l'exportation, il n'y a pas de comté qui rivalise avec le comté de Huntingdon. Des fermes horticoles avec 50 ou 60 employés, c'est courant. Des fermes qui exportent massivement aux États-Unis, du milieu de l'été à l'automne tard et même presque toute la saison, c'est dans Huntingdon que cela se fait. Dans ce sens, nous méritons d'être au moins reçus au même titre que les autres comtés du Québec qui ont des députés au pouvoir. Je dénonce l'attitude du ministre, encore une fois. (20 h 20)

Après avoir dénoncé l'irresponsabilité et l'intolérance du ministre, de même que sa petite partisanerie dans les dossiers de Huntingdon, je me dis qu'il reste une chose, un qualificatif à ajouter: l'incompétence. Pour agir ainsi, il faut être incompétent et Huntingdon mérite mieux que cela. Je peux vous dire en toute franchise que les électeurs de Huntingdon ont hâte d'un changement. Cela s'en vient vite, je pense que vous en êtes conscient, M. le Président, comme tous le sont. Tout ce que veulent les électeurs de Huntingdon, c'est de voir le ministre de l'Agriculture disparaître. Ce sera pour bientôt, je l'espère, pour autant que le gouvernement actuel voudra bien décréter une élection. C'est ce que tous souhaitent; tous les Québécois le souhaitent, environ 80 %, en tout cas.

M. le Président, j'aimerais souligner les points du projet de loi que je mentionnais en 1978. Je pense que vous allez pouvoir constater que tout ce que je dénonçais sur la loi 90 en 1978 pourrait être répété mot à mot aujourd'hui. Ces propos correspondent aux interrogations et aux besoins des agriculteurs, aux besoins des conseils municipaux, aux besoins des intervenants du monde agricole. Tout ce que j'ai pu dire en deuxième lecture, comme toutes les suggestions que j'ai pu faire au moment de l'étude article par article du projet de loi 90, pourrait être répété aujourd'hui, si on apportait des amendements majeurs correspondant aux aspirations des producteurs et des agriculteurs du Québec. Je ne vous en énumère que quelques-uns, M. le Président.

Je vous réfère au Journal des débats de l'Assemblée nationale du 16 novembre 1978, de la page 3792 à la page 3797. Je disais à ce moment-là: "Nous sommes d'accord que nos meilleurs sols de classe A-1 puissent conserver un statut irréversible de pourvoyeur en produits alimentaires pour et au bénéfice de tous les Québécois. Aujourd'hui, nous avons devant nous un projet de loi à la fois irrespectueux dans certains domaines, discutable dans sa formulation -c'est toujours vrai - contradictoire sur certains points et imprécis sur d'autres, en plus de ne pas être complet et de ne pas apporter des solutions globales."

M. le Président, on n'a jamais eu de solutions globales avec le projet de loi 90. Vous connaissez le méli-mélo dans lequel on se retrouve depuis huit ans et dans lequel se retrouvent les propriétaires de ferme dans les zones vertes.

Je poursuis, M. le Président. J'indiquais à ce moment-là: "Un projet de loi de cette nature visant le respect des sols fertiles devrait et doit s'inscrire dans un plan global d'utilisation et d'aménagement du territoire." Le plan global qu'on devait nous soumettre à ce moment vous vous souvenez très bien, M. le Président, que le ministre de l'Aménagement aurait dû être responsable de ce projet de loi. Il n'était même pas présent dans le dossier, on n'a même pas pu l'avoir en commission parlementaire. À ce moment-là, j'ai fait part au ministre de l'Agriculture que ce projet de loi devrait être soumis en Chambre par le ministre responsable de l'Aménagement. D'ailleurs, on se trouve dans la même situation aujourd'hui. Le ministre apporte des amendements à la loi 90 de 1978 et le ministre responsable de l'Aménagement du territoire n'est même pas présent dans le dossier. On est poigné avec la même situation depuis huit ans où le vrai ministre qui doit voir à l'utilisation des sols dans le grand programme d'aménagement n'est pas là.

Comment peut-on faire un devoir cohérent, qui tienne debout, qui respecte tous les intervenants quand le ministre responsable de l'Aménagement n'est pas dans le dossier? C'est avec ça qu'on se retrouve aujourd'hui et encore une fois, je dénonce l'attitude du ministre de l'Agriculture.

J'indiquais que c'est notre volonté première, de ce côté-ci de la Chambre, que la protection du territoire agricole s'inscrive dans un grand plan global d'aménagement et d'utilisation du territoire. Le ministre responsable de l'Aménagement est toujours absent du zonage agricole.

Je poursuivais, M. le Président. "L'élaboration d'un guide d'aménagement et d'utilisation du territoire se fait donc attendre." C'est vrai. En 1978, ça se faisait attendre et ça se fait attendre encore aujourd'hui. "Malgré toutes les pressions exercées de part et d'autre par différents groupements le manque d'une planification globale de nos futures infrastructures n'aide

en rien le développement économique dont le Québec souffre énormément en ce moment." Le Québec souffrait de développement économique dans le temps et il en souffre encore davantage aujourd'hui. Je pense que tous le constatent.

J'insistais de plus sur le fait que "le projet de loi aurait dû s'intituler loi favorisant l'aménagement et l'utilisation rationnelle du territoire agricole." Je serais prêt à tenir les mêmes propos aujourd'hui parce que c'est de cette façon-là que le projet de loi aurait dû s'intituler.

Si on parle d'aménagement du territoire et je pense que les ministres responsables, soit de l'Agriculture, soit de l'Aménagement, parlent toujours d'aménagement du territoire... On aménage un territoire pour fins agricoles et un territoire pour fins d'urbanisation ou autres. Encore une fois, je dénonce l'attitude du ministre responsable de l'Aménagement de ne pas être dans le dossier. Les mêmes propos que je tenais en 1978 sont toujours cohérents, c'est pour ça que je vous disais tout à l'heure qu'il n'y a pas eu de changements depuis 1978. On s'est entêté à ce que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation soit le ministre responsable de l'Aménagement du territoire agricole. Voyez, M. le Président, la cohérence qu'a ce gouvernement-là.

Je parlais à ce moment-là de la commission de contrôle. Je disais: "Pour ce qui a trait à la commission de contrôle que je qualifie de désignation déguisée pour, en fait, ne pas avoir voulu l'appeler régie d'État..." C'est à peu près une régie d'État, on connaît les pouvoirs que la commission de contrôle a sur les dossiers qui traitent d'aménagement du territoire en milieu agricole.

Le ministre apporte certains correctifs ou il donne un certain droit d'appel devant une commission autre que celle qui porte le premier jugement. Ce n'est pas encore une cour provinciale ni une cour d'appel; c'est une commission désignée par le ministre. Ce ne sont peut-être pas les mêmes personnes qui portent un premier jugement sur le dossier. Encore une fois, on ne peut pas avoir, comme on l'aurait dans tout autre domaine au Québec, un droit d'appel à la Cour provinciale ou devant une autre cour civile.

M. le Président, je ne peux pas accepter que le ministre offre un petit bonbon aux agriculteurs. Vous allez avoir un petit droit d'appel qui va être devant une autre commission qui n'aura pas été juge et partie en première instance, c'est à peu près ce qu'on nous propose. D'ailleurs, je pense que tous ceux qui sont intéressés à la cause auraient pu voir les documents. Que ce soit l'UPA, les MRC, les municipalités ou la Chambre des notaires, personne n'est heureux de cette loi. Elle ne répond en rien aux demandes exprimées depuis très longtemps par les gens intéressés au développement de l'agriculture et à l'aménagement du territoire.

M. le Président, si vous me permettez, je vais poursuivre, je vois que le temps avance rapidement. Je parlais de la participation des conseils municipaux, à l'époque. À ce moment-là, le ministre a eu l'audace d'indiquer qu'il y aurait une participation active des conseils municipaux dans les décisions. Vous avez pu voir et constater que, depuis huit ans, il n'y a pas un conseil municipal qui a pu avoir un mot à dire. J'indiquais, dans le temps, que les conseils municipaux seraient relégués au poste de porteurs de documents. C'est ce qu'ils ont été depuis huit ans: porteurs de documents, dans le cadre de demandes formulées à la Commission de protection du territoire agricole. En 1978, M. le Président, on a eu l'audace de confier aux conseils municipaux le privilège de porter des documents mais non le privilège de prendre des décisions. Encore aujourd'hui, on leur demande peut-être leur opinion sur papier mais la Commission de protection du territoire agricole, c'est encore elle qui a totale juridiction. On essaie, par le biais d'un petit mot inscrit au projet de loi 44, de nous faire croire que les conseils municipaux ou les MRC auront des prérogatives plus grandes qu'avant: c'est faux, totalement faux, M. le Président.

Je soulevais le cas des longueurs administratives, à cette époque. Vous savez très bien aujourd'hui combien cela prend de temps pour que la commission porte un jugement sur une demande d'autorisation ou d'exclusion. M. le Président, à ce moment-là, je disais que, tel que cela est conçu dans le document que nous étudions, c'est-à-dire la loi 90, la commission serait, en pratique, inapte à rendre un verdict dans un laps de temps raisonnable. J'indiquais cela en 1978 et vous voyez bien, M. le Président, que c'est encore pertinent aujourd'hui. Un laps de temps raisonnable, nous n'en avons pas eu depuis 1978. Je l'indiquais au ministre en 1978; cela n'a pas été corrigé et cela ne l'est pas plus aujourd'hui.

Je parlais de la participation des gens du milieu ainsi que de plusieurs sujets, à ce moment-là. Si je relevais tous les propos du discours de deuxième lecture du 16 novembre 1978, vous seriez renversé de voir que tous les problèmes qui existent aujourd'hui dans la Loi 90, la Loi sur la protection du territoire agricole, ont été soulevés dans ce discours. J'invite le ministre à le relire puisque je suis en droit de faire valoir des arguments sur des problèmes que j'ai soulevés et dénoncés en 1978 et que je dénonce encore aujourd'hui, parce qu'ils ne sont pas corrigés par la loi 44.

Je faisais des suggestions, M. le

Président, à ce moment-là. En 1978, je demandais au ministre la disparition des droits successoraux. C'est arrivé il n'y a pas longtemps. Remarquez bien que cela fait huit ans que j'ai demandé cela, M. le Président. (20 h 30)

J'ai demandé un droit d'appel juste et équitable. On ne l'a pas encore. On nous en donne un petit. Je disais que ce projet de loi n'apporte pas de droit d'appel à aucun agriculteur, aucun intervenant. Là, on lui donne une deuxième instance qui n'est même pas un droit d'appel vrai et équitable puisque ce sont encore des gens de la commission qui vont juger de la première décision.

J'ajoutais au ministre à ce moment la nécessité d'apporter des mesures incitatrices. C'est bien beau de zoner des terres mais pour cela il faut s'assurer que les agriculteurs puissent vivre sur leur ferme. Tout ce qui est arrivé depuis huit ans a été un endettement massif. On n'a pas aidé les agriculteurs à vivre sur leur ferme. On a gelé leur sol, on leur a enlevé le pouvoir de disposer de leurs biens et on n'a rien donné aux agriculteurs, comme incitatifs, à produire et à vivre convenablement sur leur ferme.

Je ne peux que dénoncer l'attitude du ministre une autre fois. Je la dénonce depuis 1978 dans sa loi 90 et j'ai continué depuis ce temps. La loi 44 ne corrige absolument rien, n'apporte rien pour les agriculteurs. Tout ce que je peux faire c'est, encore une fois, demander au ministre de bien vouloir nous écouter, de prendre nos recommandations et de les inscrire dans le projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, je suis heureux d'intervenir après le député de Huntingdon puisqu'il a précisément évoqué le ministre de l'Aménagement et que, comme ministre des Affaires municipales, je suis responsable de la loi 125, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme que le gouvernement du Québec a adoptée en 1979.

Il faut bien dire pour comprendre que l'aspect que je voudrais aborder n'est pas l'ensemble de la loi 44 qui est déposée et qui a pour but d'améliorer la loi 90, la Loi sur la protection du territoire agricole. Je voudrais aborder spécifiquement les aspects qui concernent le monde municipal. Il faut se souvenir que le gouvernement du Québec a décidé que, en 1978, il établissait comme priorité gouvernementale la protection du territoire agricole. C'est ainsi que, dès 1978, nous avons adopté une Loi sur la protection du territoire agricole qui définissait des zones agricoles dès le point de départ et, par la suite, il y a eu des négociations entre la Commission de protection du territoire agricole et chacune des municipalités du Québec pour définir une zone de protection du territoire agricole, une zone définitive ou presque de protection du territoire agricole.

Une année plus tard, le même gouvernement, notre gouvernement adoptait une Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la loi 125 - en 1979 - qui avait pour but de confier aux municipalités du Québec regroupées dans les municipalités régionales de comté une responsabilité face à l'aménagement du territoire parce que ce que nous avions constaté au fil des années c'est qu'un aménagement irrationnel du territoire, non planifié du territoire, était très coûteux, à la fois pour le gouvernement et pour nos concitoyens et qu'il était important de confier à des élus, non à des fonctionnaires mais vraiment à des élus, le pouvoir de déterminer l'aménagement du territoire. Nous décidions que cet aménagement du territoire était la responsabilité principale des maires des municipalités du Québec regroupées dans des municipalités régionales de comté. Évidemment, sous certains aspects, dans une coresponsabilité avec le gouvernement du Québec. Alors qu'auparavant cette responsabilité était complètement diffuse, en partie pour le gouvernement, en partie pour les municipalités, nous décidions d'encadrer la responsabilité de l'aménagement du territoire.

Il s'est écrit beaucoup de textes, beaucoup de discours, de 1978 à aujourd'hui, sur la nécessaire harmonisation entre la loi 90 sur la protection du territoire agricole et la loi 125 sur l'aménagement du territoire. D'ailleurs, dès que j'ai été nommé ministre des Affaires municipales, dans mes premières rencontres de consultation avec le monde municipal on m'a fait part qu'une des priorités que je devrais avoir c'était l'harmonisation entre la loi 90 et la loi 125. C'est ce à quoi je me suis employé dans les récents mois. C'est ainsi que le ministre de l'Agriculture est venu rencontrer la table Québec-municipalités qui regroupe l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionales de comté ainsi que le ministre des Affaires municipales. Il est venu les rencontrer pendant plusieurs heures pour discuter de différentes façons d'harmoniser la loi 90 et la loi 125. Certains bureaucrates ou technocrates auraient rêvé d'un troisième organisme, je dirais, qui aurait été au-dessus de la loi 90 et de la loi 125 pour harmoniser ces deux lois. D'autres ont inventé toutes sortes d'hypothèses sur la façon d'harmoniser la loi 90, Loi sur la protection du territoire agricole, et la loi 125, Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Dans les discussions que j'ai eues avec mon collègue de l'Agriculture, notre objectif était de trouver une formule simple qui n'ajouterait pas un autre élément bureaucratique, mais reconnaîtrait de façon

très claire la responsabilité des municipalités régionales de comté quant à l'aménagement du territoire. C'est ainsi que la formule qui est présentée dans la loi 44, que nous étudions actuellement à l'Assemblée nationale propose à l'Assemblée nationale, de faire en sorte qu'à l'avenir les municipalités régionales de comté, lorsqu'elles feront leur premier schéma d'aménagement, ce qu'elles seront en train de faire d'ici le 31 décembre 1986, ou lorsqu'elles feront la révision de leur schéma d'aménagement, au minimum à tous les cinq ans, puissent demander à la Commission de protection du territoire agricole de réviser la zone agricole sur leur territoire. Je crois que c'est ainsi reconnaître de façon très claire, de façon explicite, qu'entre 1978, année où a été adoptée la Loi sur la protection du territoire agricole, et aujourd'hui a été mise en place une nouvelle institution politique au Québec, un nouvel organisme très important, les municipalités régionales de comté. Ce que nous proposons à cette Assemblée nationale dans le cadre de la loi 44, c'est de reconnaître un rôle important aux municipalités régionales de comté dans la révision de la zone de protection agricole à différentes époques des années qui s'écoulent, principalement au moment de la préparation du schéma d'aménagement, ce qui sera fait d'ici le 31 décembre 1986 pour l'ensemble des municipalités régionales de comté, et par la suite à tous les cinq ans.

Si j'ai bien compris les revendications du monde municipal, je crois que ce que nous proposons satisfait à son exigence essentielle qui était de reconnaître les municipalités régionales de comté au-delà et en sus des municipalités elles-mêmes comme responsables de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du zonage. Je crois que dans ces négociations qui pourront s'entreprendre entre la Commission de protection du territoire agricole et les municipalités régionales de comté, nous reconnaissons ainsi pour l'avenir le rôle fondamental, face à l'aménagement du territoire, que nous avons décidé collectivement ici en 1979 de confier aux municipalités régionales de comté. Mais, davantage, l'aménagement du territoire est une responsabilité des élus. On le sait, en 1968, en 1972, en 1975, il y a eu divers projets au Québec de formulés, même des projets de loi visant à organiser l'aménagement du territoire, mais à chaque fois on proposait de confier l'aménagement du territoire à la fonction publique.

On proposait de faire des grands schémas d'aménagement pour les territoires, pour les régions administratives. Ces schémas d'aménagement auraient été préparés fondamentalement par la fonction publique. Le choix que le gouvernement du Québec a fait en 1979, c'est de dire que l'aménagement du territoire était une responsabilité d'élus municipaux. C'est cela que nous retrouvons fondamentalement dans le projet de loi 44. Nous disons: Les municipalités régionales de comté vont discuter avec un intermédiaire, la Commission de protection du territoire agricole. Si elles s'entendent sur la zone agricole, cette entente sera ratifiée par le Conseil des ministres. S'il y a désaccord, à ce moment, la Commission de protection du territoire agricole du Québec présentera une hypothèse au Conseil des ministres qui pourra être acceptée ou refusée. (20 h 40)

Si nous sauvegardons les principes essentiels de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la loi 125, à savoir que l'aménagement du territoire est d'abord une responsabilité d'élus puisque, à la suite des négociations entre la Commission de protection du territoire agricole du Québec et la municipalité régionale de comté, ce sera finalement le Conseil des ministres du Québec qui entérinera l'entente ou une proposition faite par la Commission de protection du territoire agricole. Ainsi, nous respectons fondamentalement l'esprit développé dans le cadre de la loi 125.

Ce projet de loi 44 touche le monde municipal à trois autres titres. En plus de la préparation et de la révision des schémas d'aménagement et de la zone de protection agricole, elle touche les municipalités à un deuxième titre, en ce sens que les municipalités à l'avenir, lorsqu'elles auront à donner leur avis à la Commission de protection du territoire agricole sur une demande de dézonage ou une demande d'utilisation à d'autres fins que des fins agricoles d'un territoire zoné vert, au lieu de dire simplement: "Nous approuvons la demande ou nous la rejetons ou nous ne sommes pas d'accord avec la demande d'un citoyen ou d'une corporation", devront indiquer les motifs pour lesquels elles favorisent ou refusent cette demande en tenant compte des critères invoqués dans la Loi sur la protection du territoire agricole. C'est une façon de responsabiliser le monde municipal qui a à donner son avis sur des demandes qui sont faites par les citoyens. À l'avenir, un conseil municipal aura à dire: Voici une demande d'un citoyen qui veut le dézonage de son terrain ou qui veut une utilisation à des fins autres que des fins agricoles de son terrain actuel. Nous jugeons cette demande acceptable compte tenu des critères de la loi 90 ou nous refusons cette demande compte tenu des critères de la loi 90 et d'autres critères qui peuvent être invoqués par le conseil municipal.

Cette loi touche également le monde municipal à un troisième titre. Cela correspond en particulier à une demande des régions périphériques du Québec depuis

plusieurs années, à savoir que la Commission de protection du territoire agricole du Québec puisse tenir compte, lorsqu'il y a des demande de dézonage, du peu de densité de population dans certains rangs du Québec. À ce titre, la commission pourra, à l'avenir, prendre en considération les conditions socio-économiques nécessaires à la viabilité d'une collectivité rurale lorsque la faible densité d'occupation du territoire et l'éloignement des autres collectivités le justifient. Elle pourra tenir compte du fait que, a un moment donné, le nombre de résidences serait trop faible si elle n'acceptait pas la demande de dézonage pour justifier, par exemple, les services de transport scolaire, d'électricité, de service postal ou d'autres services publics ou communautaires. Je crois que c'est une amélioration considérable qui va permettre à plusieurs petites collectivités rurales, plusieurs petites municipalités rurales d'obtenir dans certains cas que des terrains soient dézonés, qui va permettre d'obtenir ou de maintenir une certaine densité de population dans les rangs au Québec, pour permettre aux municipalités d'offrir des services qui soient d'une certaine façon viables, utiles ou rentables pour une communauté rurale.

Également, une quatrième amélioration qui va toucher le monde municipal, c'est lorsqu'une municipalité demande le dézonage d'un terrain. Actuellement, la Commission de protection du territoire agricole a le choix entre accepter la demande ou la refuser. Elle ne peut pas proposer d'autres sites qui seraient moins dommageables à l'agriculture et acceptables à la protection de l'environnement. Nous modifions la loi de telle façon que la Commission de protection du territoire agricole du Québec pourra, au moment où elle tiendra ses séances, faire intervenir des faits qui permettront d'accepter d'autres terrains que celui proposé initialement par une municipalité et ainsi régler immédiatement des problèmes qui, autrement, dans les récentes années prenaient des mois à se régler. La Commission de protection du territoire agricole du Québec n'avait pas le choix jusqu'à maintenant, elle devait accepter ou refuser intégralement la demande faite par une corporation municipale. À l'avenir, la Commission de protection du territoire agricole pourra tenir compte de la disponibilité d'autres sites, des sites de rechange, dans l'évaluation d'une demande. En ce sens, je pense que la loi 44 constitue une amélioration importante pour le monde municipal et correspond, pour l'essentiel, aux demandes faites par ce dernier quant à l'harmonisation entre la loi 90 et la loi 125.

Je puis dire qu'à ce titre les discussions qui ont eu lieu entre les élus municipaux, le ministère des Affaires municipales et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation se sont déroulées dans un climat positif. Je crois que ceci augure bien pour le défi qui nous attend tous comme Québécois, comme citoyens de différentes municipalités au Québec. Le défi est le suivant. Il nous reste environ un an et demi pour élaborer dans tout le Québec des schémas d'aménagement à l'intérieur de chacune des municipalités régionales de comté, qui atteignent un certain équilibre entre le souci du développement économique - et lorsqu'on parle d'agriculture, on parle de développement économique - et le souci, d'autre part, d'avoir des aires ou des territoires qui permettent le développement des activités de loisirs, des activités de récréation, des activités ou des besoins qui permettent aux municipalités de prendre une certaine expansion résidentielle, une certaine expansion industrielle, une certaine expansion commerciale.

Je crois que la loi 44 illustre de façon très concrète qu'il y a possibilité que la concertation, à l'intérieur du gouvernement lui-même, entre les différents ministères et la concertation, à l'autre bout, entre les municipalités arrive à des résultats positifs. Voilà le défi essentiel des municipalités régionales de comté. C'est de réaliser une concertation au ras du sol, au niveau du territoire, au niveau de chacune des municipalités entre les besoins de chacune des municipalités et, d'autre part, que le ministère des Affaires municipales arrive à réaliser une concertation entre les différents ministères du gouvernement du Québec et que les municipalités régionales de comté soient le point de synthèse, le point de coordination et le point de concertation qui permettent au Québec de développer son territoire, d'aménager son territoire de façon cohérente, de façon rationnelle et de façon à permettre d'augmenter la qualité de la vie.

Je peux dire que, si le monde municipal a eu des appréhensions à l'origine face à la Loi sur la protection du territoire agricole, je suis convaincu maintenant qu'il réalise toutes les économies que cette loi lui a permis de réaliser puisque, maintenant, les développements anarchiques ne sont plus possibles. Maintenant, il n'est plus possible de dire: Nous allons sauter trois ou quatre terres pour aller construire un parc de roulottes ou un parc résidentiel à environ un demi-kilomètre ou un mille d'un village ou d'une ville. Non. À cause de la Loi sur la protection du territoire agricole et de la conscience qu'elle nous a fait prendre de la nécessité de sauver au maximum les territoires agricoles du Québec, l'effet de cette loi a été de permettre de rationaliser les investissements, par exemple, pour les aqueducs et les égouts, la construction de rues, la construction de routes. En ce sens, je crois que le monde municipal est plus conscient que jamais qu'un aménagement

rationnel du territoire a permis depuis plusieurs années et va permettre à l'avenir des économies substantielles, des économies financières et des économies quant à nos ressources qui sont limitées. (20 h 50)

Même s'il peut subsister encore des différences de perspectives entre le monde agricole et le monde municipal face à l'aménagement du territoire, je pense que la loi 44 va permettre de diminuer considérablement ces différences de perspective. D'autant plus que la loi prévoit que lorsque la municipalité régionale de comté prendra l'initiative de réviser la zone agricole en coordination avec la Commission de protection du territoire agricole, celle-ci avisera l'Union des producteurs agricoles de la région de cette renégociation, de cette réanalyse de l'utilisation du territoire et l'Union des producteurs agricoles pourra participer pleinement au processus de consultation visant à la redéfinition de la zone agricole.

Finalement, ce qui va permettre d'assurer cette cohérence accrue, c'est que, lorsque la municipalité régionale de comté aura renégocié le territoire aménageable à des fins agricoles avec la municipalité régionale de comté et la Commission de protection du territoire agricole, la municipalité régionale de comté ainsi que chacune des municipalités devront assurer la parfaite coordination entre la zone verte et la zone blanche et le schéma d'aménagement comme tel, c'est-à-dire que les zones d'urbanisation différée ne seront plus possibles et qu'il faudra qu'il y ait parfaite coordination entre la zone agricole définie par des négociations entre la CPTA et les municipalités régionales de comté et le périmètre d'urbanisation de chacune des municipalités du Québec.

Je crois pouvoir dire que les discussions qui ont eu lieu depuis quelques mois entre le monde municipal, le ministère de l'Agriculture et le ministère des Affaires municipales ont abouti à des résultats heureux. Personnellement, je suis convaincu que c'est une double clé dans la porte en ce sens que, plus que jamais il sera difficile de remettre en question la zone agricole. Je peux vous assurer que, tout en étant ministre des Affaires municipales et en souhaitant -et c'est ce que cette loi réalise - que le monde municipal participe pleinement à la définition de la zone agricole, mon souci le plus important c'est qu'au Québec, nous prenions conscience que notre territoire agricole est limité et qu'il doit être protégé de façon permamente et qu'il ne doit pas être constamment remis en question. En ce sens, je pense qu'en faisant une concordance entre le zonage agricole au niveau municipal, au niveau de la municipalité régionale de comté, à la suite de discussions avec la

Commission de protection du territoire agricole, nous arriverons à faire en sorte que la zone agricole soit définie de façon plus permanente qu'auparavant. Je crois que c'est le souhait fondamental, profond, à la fois du milieu municipal et du milieu agricole.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, mes remarques seront brèves, mais je tenais à intervenir dans le débat sur le projet de loi 44 comportant la modification de la Loi sur le zonage agricole, parce que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale un comté dont la partie agricole et rurale est très importante.

Nous avons dans le comté d'Argenteuil plusieurs centaines de producteurs agricoles et, chose assez curieuse, je demandais cet après-midi au directeur de la Fédération de l'UPA de la région des Laurentides la répartition des producteurs agricoles de mon comté suivant leur caractère linguistique. Il me disait que parmi les membres de l'UPA pour le comté d'Argenteuil, on compte à peu près 160 producteurs agricoles de langue française et 170 de langue anglaise. Dans l'UPA - ce peut être bon pour le gouvernement de le noter - on reconnaît le droit des producteurs agricoles de langue anglaise de se regrouper dans un syndicat à eux qui puisse fonctionner dans leur langue. On ne les oblige pas tous à faire partie du syndicat francophone. C'est ainsi que dans le comté d'Argenteuil, nous avons un syndicat anglophone de l'Union des producteurs agricoles et un syndicat francophone. Entre les deux, il existe des liens de collaboration, mais chacun est autonome et poursuit son action à l'intérieur de la grande confédération de l'Union des producteurs agricoles du Québec, et les choses vont très bien ainsi.

Je signale que dans le comté d'Argenteuil la communauté anglophone a des racines très profondes. Elle a été à l'origine du développement de cette partie du territoire québécois. Il s'agissait de colons qui sont venus, les uns des États-Unis, chercher un régime politique qui leur convenait davantage, celui du Canada plutôt que celui des États-Unis, au début du siècle dernier; d'autres sont venus d'Irlande, d'Écosse et d'Angleterre. Plusieurs d'entre eux se sont assimilés à la majorité francophone, d'autres ont insisté pour conserver leur culture et leur langue. À travers les générations, ils sont encore très fiers de parler aujourd'hui leur langue d'origine. Ils sont des citoyens très actifs, très responsables au Québec. Dans plusieurs de nos villages du comté, ils constituent une

proportion très importante, parfois une majorité qui fonctionne en général dans un climat de collaboration et de respect mutuel avec la majorité ou la minorité francophone, selon le cas.

J'ai noté une chose. Au cours des années, chaque fois que j'ai discuté avec nos producteurs agricoles des questions relatives au zonage agricole, j'ai constaté qu'ils étaient profondément d'accord avec l'objectif général de la loi sur le zonage agricole au Québec. Souvent, il est arrivé que des personnes ou des entreprises qui voulaient faire du développement économique, résidentiel, industriel ou commercial éprouvaient des difficultés avec la Commission de protection des terres agricoles. Il est arrivé dans bien des cas que cette commission a rendu des décisions tout à fait inacceptables, hautement contestables sur lesquelles elle a parfois pris un temps trop long avant de réviser ses positions.

De manière générale, du point de vue des producteurs agricoles, je pense que nous devons convenir que l'orientation générale de la loi sur le zonage agricole est un fait accepté depuis longtemps. Comme l'a dit celui qui est intervenu avant moi, le ministre des Affaires municipales, je crois que les producteurs agricoles du Québec, en particulier ceux du comté d'Argenteuil, désirent que nous maintenions un régime ferme de zonage agricole au Québec. Nous reconnaissons que l'idéal serait que ces questions soient décidées par les organismes responsables de l'aménagement du territoire. Nous l'avions soutenu, du côté de l'Opposition, dès les débats sur la loi sur le zonage agricole et la loi sur l'aménagement du territoire, en 1978 et 1979.

Le régime logique et idéal serait que l'organisme, tantôt municipal, tantôt régional, qui a la vocation générale de l'aménagement global du territoire soit aussi responsable de l'aménagement de la partie agricole. Mais la détérioration de notre patrimoine agricole avait été si rapide et si intensive au cours de la dernière génération, je dirais au cours des années qui ont suivi la guerre, depuis les années d'industrialisation et de développement urbain intensif, qu'il fallait que la protection du territoire agricole devienne une priorité majeure des gouvernements québécois. Je pense que nous n'en sommes pas encore rendus au stade où il faudrait que cette responsabilité soit transférée, comme la logique de structures claires et simples le demanderait, à l'autorité pure et simple des municipalités et des municipalités régionales de comté.

Je me réjouis cependant de constater qu'il y a quelques élargissements dans le projet de loi qu'on a déposé à l'Assemblée nationale, voulant qu'on tienne davantage compte de la place de plus en plus importante que les municipalités régionales de comté occupent ou veulent occuper et devraient occuper dans ce domaine. J'espère que l'étape très limitée que propose à ce sujet le projet de loi 44 sera suivie dans l'avenir de nouvelles adaptations qui permettront à toute la communauté québécoise d'assumer cette responsabilité de la protection de son patrimoine agricole et non pas de continuer dans un régime où c'est seulement une petite commission, souvent malheureusement coupée de la réalité, qui prend ses décisions dans la solitude de ses bureaux administratifs à Longueuil. Je pense que le plus tôt nous arriverons à un régime où cela sera beaucoup plus assumé par tout le monde, le mieux ce sera pour tous. (21 heures)

Je me souviens, lorsque nous avons discuté du projet de loi, que nous avions protesté avec toute l'énergie possible contre l'absence de procédure de révision des décisions de la Commission de protection du territoire agricole, le gouvernement n'avait pas voulu entendre notre point de vue à ce moment-là. Il nous avait dit: Les choses sont ainsi et elles vont rester ainsi. Je suis convaincu que des centaines de citoyens du Québec ont été brimés dans leurs droits les plus fondamentaux par l'absence de toute garantie de révision en bonne et due forme des décisions de la commission.

On a une garantie de révision par les mêmes personnes qui ont pris la décision. Je vous ai condamné une journée, M. le Président; vous venez me voir le lendemain pour me demander: Voulez-vous réviser votre décision? Vous prétendez que vous avez des faits nouveaux à soumettre à mon attention, parce que c'est cela que la loi actuelle exige, et là, vous dites: Dans ma très grande bonté je vais peut-être consentir. Mais, en général, les chances que vous acceptiez de réviser votre décision sont très faibles.

C'est sous ce régime que nous avons vécu depuis 1979. Je suis content de constater que dans le projet de loi 44 on apporte certaines améliorations. On introduit une procédure de révision qui est loin d'être satisfaisante parce que, finalement, si j'ai bien compris l'esprit de cette partie du projet de loi, à supposer qu'une décision ait été rendue dans le cas d'une municipalité, d'un propriétaire agricole ou d'une personne qui voudrait faire l'acquisition d'une terre ou la développer autrement, la Commission de protection du territoire agricole rend une décision à l'aide d'un banc composé de deux de ses membres et, en cas de division, de trois de ses membres. Si une personne veut contester la décision, celle-ci sera révisée par un banc composé d'autres membres de la Commission de protection du territoire agricole. Ce ne seront pas les mêmes membres mais c'est la même commission.

Ce que je crains dans le mécanisme qu'on propose, c'est qu'il y ait une espèce

d'interinfluence des décisions les unes sur les autres et des membres les uns sur les autres. Un jour un membre de la commission siégera en première instance. Il rendra une décision et là, par souci de ne pas voir sa décision renversée par d'autres collègues, peut-être la prendra-t-il dans un certain sens. Et, vice versa, il pourra arriver qu'une personne prenne une décision en appel qui sera contraire à des décisions qu'elle aurait elle-même rendues en première instance ou encore qu'elle se sente obligée de maintenir, lorsqu'elle siégera en appel, des décisions qu'elle aurait rendues au niveau de la première instance. Il aurait pu arriver que face à un cas, elle s'inspire d'un certain nombre de critères, qu'elle les interprète d'une certaine manière et qu'au niveau de l'appel elle se sente obligée de faire exactement la même chose. Je ne connais pas de cas où l'on procède de cette manière-là. Je pense qu'il aurait été mieux de procéder de manière distincte.

Ce que propose le ministre, c'est mieux que le régime que nous avons actuellement, mais je pense que c'est loin d'être vraiment satisfaisant pour ceux qui veulent assurer que nous ayons un véritable régime de droit, de respect des libertés fondamentales dans cette question-là.

Je m'aperçois que le gouvernement apprend lentement ces leçons-là. Il absorbe à très petites doses les choses tout à fait élémentaires que, du côté de l'Opposition, nous n'avons cessé de porter à son attention depuis sept ou huit ans. J'espère que le gouvernement - il ne lui reste pas grand temps, je l'avertis - va trouver le temps avant la fin de son mandat et peut-être même de son régime, de modifier ses conceptions pour en revenir aux conceptions qui sont très généralement acceptées partout, à savoir que la révision d'une décision ne doit pas être faite par le même corps qui l'a rendue. Dans ce cas-ci, le principe de la révision par le même corps est maintenu. Je crois qu'il y a quelque chose qui cloche, mais c'est mieux que ce qui existait avant.

Au point de vue des droits des personnes qui sont appelées à se présenter devant la commission, il y avait d'énormes failles dans la loi que le Parti québécois a fait adopter en 1978. J'en mentionne une en particulier. Lorsque vous présentiez une requête en révision de décision, vous n'aviez pas la garantie que l'examen de votre requête serait fait à l'occasion de séances publiques. Il était laissé à la Commission de protection du territoire agricole de décider si elle devait tenir, à cette occasion-là, des séances publiques ou non. Heureusement que dans l'amendement que nous apporte le projet de loi 44, on dit que la commission devra tenir des séances publiques dans ces cas-là. Je ne sais pas trop si c'est sur requête des personnes intéressées ou non mais, en tout cas, le principe du droit à des séances publiques de révision est clairement établi. C'est une disposition à laquelle je souscris fondamentalement, M. le Président. Je suis très heureux qu'on évolue un petit peu de ce côté-là du côté du gouvernement. J'aurais souhaité, encore une fois, que cela eût été fait beaucoup plus tôt mais c'est quand même une amélioration qu'on doit noter.

Cela dit, je pense que, dans l'ensemble, il y a de légères améliorations et j'ose espérer que... Malheureusement, je n'étais pas ici plus tôt cet après-midi, quand le ministre a fait son discours. Je ne sais s'il a laissé entendre que des amendements seraient apportés au projet de loi. J'espère qu'il apportera certaines modifications qui rendront le projet davantage acceptable et j'espère que ces modifications seront raisonnables et assez empreintes d'esprit libéral, au meilleur sens du terme. J'espère que ces modifications, s'il y en a - je pense qu'il devrait y en avoir - rendront le projet acceptable de manière que tous ensemble dans cette Assemblée nationale, nous puissions, après quelques années de mise au point et de raffinement du système, nous entendre sur la nécessité d'un système de protection de notre territoire agricole qui permettra d'envisager, pour l'avenir de notre agriculture, des conditions de développement encore plus intéressantes.

Je voudrais souligner en terminant qu'il ne suffit évidemment pas de garantir le zonage de nos terres à vocation agricole pour que celles-ci soient pleinement développées. Je pense qu'il y a des problèmes fondamentaux qui sont encore aussi importants que ceux-là. Tant qu'on n'aura pas fait face en particulier aux problèmes très graves de financement qu'affrontent aujourd'hui nos entreprises agricoles, il pourrait arriver que nous ayons l'illusion de cultiver plus d'espace à des fins d'agriculture, alors que, en fait, beaucoup de nos entreprises agricoles seront acculées à des situations voisines de la faillite ou de la misère. Il y a des problèmes très sérieux qui se posent de ce côté.

Je pense en particulier au problème de la relève agricole. Nous avons un problème, du côté de Mirabel, qui a été porté à l'attention de toute la population québécoise. Nous l'avons aussi dans d'autres parties du comté. C'est un problème très difficile pour les chefs de famille qui arrivent à un âge où ils ne peuvent plus continuer à cultiver leur terre et à garder la responsabilité de cette entreprise qui est devenue extrêmement complexe aujourd'hui. Ils veulent la passer à leurs enfants, mais les conditions dans lesquelles les enfants doivent faire face aux obligations extraordinairement accrues qui sont la caractéristique de nos entreprises agricoles aujourd'hui ne sont pas toujours

faciles. Le régime actuel de financement est loin d'être satisfaisant, et, si le gouvernement veut compléter l'oeuvre qu'il prétend accomplir dans le domaine de l'agriculture, il faudra également accorder à ces problèmes une attention qui a malheureusement trop tardé.

Encore une fois, je me réjouis de certaines améliorations qui sont apportées à la loi. Je trouve que ces améliorations sont le plus souvent trop timides et trop empreintes d'une certaine retenue que je m'explique mal. J'espère qu'on continuera d'évoluer dans cette voie et, dans la mesure où on le fera, je pense que je serai très heureux de seconder les efforts du gouvernement, avec l'appui des producteurs agricoles du beau comté d'Argenteuil. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Arthabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, à entendre le député d'Argenteuil après le député de Huntingdon, et le député de Maskinongé, je pourrais dire que c'est pratiquement un baume sur une plaie parce que, bien honnêtement, je crois que le député d'Argenteuil a eu un discours, a pris une position tout à fait positive et objective, face à la loi 44, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, si je me réfère aux propos du député de Huntingdon qui a passé au moins 75 % de son temps à déblatérer sur le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en disant qu'il a isolé le comté de Huntingdon depuis huit ans, neuf ans et que le comté de Huntingdon mérite mieux que cela. Je suis certain que le comté de Huntingdon mérite beaucoup mieux que le député qu'il a actuellement. Ce n'est pas le ministre de l'Agriculture actuel qui est à blâmer si le député de Huntingdon n'a pas fait "sa job" dans son comté.

Il y a quelques années pour refaire un cours d'eau dont je ne me rappelle pas très bien du nom, il en aurait coûté environ 5 000 000 $. Parce que le ministre n'avait pas les budgets disponibles pour creuser un cours d'eau d'une telle valeur, il l'a retardé de quelques années pour être capable d'en faire plus dans l'ensemble du Québec. Si c'est vrai que ce même comté en est un où on retrouve beaucoup d'horticulture, de culture maraîchère, et en l'ensemble des programmes gouvernementaux, que ce soit Sol-Plus, que ce soit le programme d'assurance agricole ou tout autre programme de financement agricole, ces gens ont eu droit, comme n'importe quel autre agriculteur, producteur, productrice de n'importe quel comté du Québec. (21 h 10)

C'est vrai qu'ils mériteraient beaucoup mieux que cela pour essayer d'avoir un député qui essaie de revaloriser le rôle que les agriculteurs de son comté ont joué et non de venir ici et dire que les gens ont été défavorisés, qu'ils sont un peu plus... Une chance qu'il arrêtait parce que je me serais pratiquement apitoyé sur son sort et je me serais mis à pleurer. Comme cela allait mal dans ce comté!

Il y a le député de Maskinongé qui, lui, a reproché au ministre d'avoir toujours le même schéma de discours, de toujours vanter l'agriculture, vanter les agriculteurs, que cela va bien, tout va bien, le monde produit, le monde vend. C'est un discours cassette qu'il nous répète depuis neuf ans. Il a sorti, lui aussi, sa même cassette à savoir évidemment, que quand cela va bien dans un secteur, ce n'est pas drôle pour eux de constater l'amélioration de la production agricole alors que le Parti québécois est au pouvoir à comparer avec les années du Parti libéral au pouvoir. Il faut se souvenir que le Parti libéral a réussi tout un tour de force puisque l'autosuffisance au Québec est passée d'environ 60 % à 47 %. Quand M. Bourassa a laissé le pouvoir ou a perdu le pouvoir on était descendu à 47 %. Avec le Parti québécois au pouvoir, avec des politiques qui collaient à la réalité, nous sommes remontés de 47 % à environ de 73 %. C'est grâce à la volonté des agriculteurs que nous l'avons fait. Nous sommes fiers d'eux parce que, eux, étaient fiers de produire. Ils sont fiers de leurs terres. Arrêtons donc de dire que ces gens sont tous mal pris, qu'ils produisent mal, qu'ils ne produisent pas bien, etc.

Je ne veux pas dire ainsi qu'il n'y a aucun problème en agriculture. Il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Mais il s'agit d'avoir un gouvernement qui est capable d'y faire face, qui croit d'abord à l'agriculture, pour être capable d'amener des politiques, corriger des politiques, améliorer les programmes qui répondent réellement aux besoins des agriculteurs.

Le député de Maskinongé parlait également des faillites, des nombreuses faillites dans l'agriculture, du taux d'endettement élevé. C'est pareil. Il accusait toujours le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation évidemment de ne rien faire ou de se moquer, de rire, d'agir avec une sorte de bonhommie coutumière. Pourtant, ce qui est étonnant, c'est que les libéraux en face de nous ne semblent pas comprendre que la crise économique qui a frappé le Québec a aussi frappé toute l'Amérique du Nord, elle a frappé les États-Unis, elle a frappé le monde entier malheureusement.

Ils sont quasiment portés à convaincre le monde, à faire comprendre au monde que le gouvernement du Parti québécois, c'est lui qui est responsable de tous les péchés sur la

terre. Je lui soulignerais, en passant, que je ne sais pas si c'est le gouvernement du Parti québécois qui a fait en sorte qu'en Alberta, où on a toujours eu un taux de chômage d'à peu près 2 % ou 3 %, le taux de chômage, malheureusement, est monté au-dessus de 10 % et 11 %. Est-ce la faute du gouvernement du Québec si le taux de chômage en Alberta a monté à ce point? Nous aussi, avons eu à vivre la crise. Cela prend évidemment souvent nos voisins pour nous dire que c'est nous, au Québec, qui nous en sommes sortis le mieux et nous en sommes sortis le plus rapidement.

Quand on parle précisément des faillites agricoles, on affirme que c'est un secteur tellement délaissé par le gouvernement du Québec! Des gens, des hommes et des femmes dans ce milieu entendent les libéraux dire qu'ils ne sont pas capables de s'en sortir. Je vais seulement donner des chiffres qui nous ont été fournis par la Corporation des agronomes de la région de Rivière-du-Loup-Gaspé. C'est une lettre qu'ils faisaient parvenir aux membres de la commission parlementaire sur l'agriculture, les pêcheries et l'alimentation. On nous fournissait des chiffres, des données concernant les faillites d'entreprises au Québec au cours des dernières années. On part de 1980 et, dans le domaine agricole, il y a eu 44 faillites. Dans d'autres secteurs que l'agriculture, il y a eu 2605 faillites en 1980. Je vais passer les autres années parce que le temps court vite. En 1984, il y a eu 164 faillites dans le domaine agricole et, dans les autres secteurs d'activité économique au Québec, il y a eu 3337 faillites. En pourcentage, cela donne, pour les faillites dans le domaine agricole, par rapport au nombre d'entreprises agricoles, 1,09 %. Les faillites dans les autres secteurs par rapport au total des entreprises, sauf l'agriculture, cela donne 8,1 %. On viendra nous dire que l'agriculture, le gouvernement ne s'en occupe pas; que les agriculteurs, les hommes, les femmes qui sont dans ce domaine ne sont pas capables de se serrer les coudes, ne sont pas capables de faire face à la crise!

Encore une fois, je dis bien que ces chiffres ne veulent pas dire qu'il n'y a pas de problèmes. On a des problèmes. C'est vrai qu'il y en a, mais il s'agit d'être capable d'être là et de les résoudre. Le député de Maskinongé faisait également allusion au rapport de la Régie des assurances agricoles déposée dernièrement pour l'année 1983, dans lequel il était fait mention d'un déficit de 97 000 000 $. Il s'arrachait pratiquement les cheveux de voir qu'il y avait 97 000 000 $ de déficit dans les assurances agricoles. On laissait sous-entendre que c'était un autre déficit caché. J'aimerais lui souligner -pourtant il était là durant ces années - qu'en 1974, imaginez-vous - je suis allé fouiller rapidement et j'ai été un peu étonné - le ministre de l'Agriculture du temps, M. Toupin, en 1974, a été obligé de faire adopter une loi ici en cette Assemblée pour effacer le déficit de l'assurance agricole qui était déjà rendu à 9 000 000 $. À 10 %, cela faisait 900 000 $ d'intérêt par année. On s'en souvient - dans ce temps-là, j'étais encore sur ma ferme - la majorité des agriculteurs ne voulait plus s'assurer, ne voulait plus participer au régime d'assurance agricole parce que, disaient-ils: Les primes que nous allons verser vont compenser uniquement pour payer les intérêts sur le déficit. Ils ne voulaient plus s'assurer.

La Régie des assurances agricoles a payé, de l'année 1968 à l'année 1975-1976, 20 900 000 $ d'indemnisations et sur cela elle a accumulé 9 000 000 $ de déficit, ce qui correspond à 43 % des indemnisations versées. De 1976 à 1984, avec un gouvernement du Parti québécois au pouvoir, il y a eu 456 900 000 $ d'indemnisations de versées aux agriculteurs, aux assurés et sur 456 900 000 $, évidemment, il y a eu 97 000 000 $ de déficit, ce qui représente 21 % des sommes versées. La moitié moins que sous le Parti libéral. Nous, je ne pense pas qu'on soit obligés de faire adopter une loi pour que ce soit l'ensemble des citoyens québécois qui paient ce déficit parce que durant l'année 1984-1985, la Régie des assurances agricoles a accumulé 125 000 000 $ de primes et a versé en indemnisations 85 000 000 $. Donc, dès cette année en 1984, la Régie des assurances agricoles diminue le déficit de 40 000 000 $. À l'heure où on se parle, ce même déficit est de 57 000 000 $. Dans les prévisions pour 1985-1986, il y a entre 135 000 000 $ et 150 000 000 $ de primes qui seront perçues et si nous avons un été ou une température équivalente à celle de l'an passé, si on verse environ 85 000 000 $, on effacera complètement le déficit et on aura des fonds en réserve. C'est ça l'administration d'un gouvernement du Parti québécois. Ce n'est pas ce qu'on veut démontrer en face de nous.

(21 h 20)

Je disais tout à l'heure qu'évidemment un gouvernement doit être capable d'ajuster ses politiques aux besoins agricoles. En 1976, il y avait au Québec, en assurance-récolte, 6852 assurés. En 1985, imaginez-vous, il y aura 17 318 assurés, des gens qui participeront à l'assurance-récolte. En 1976, il y avait pour 32 269 000 $ de valeurs assurées et en 1985, il y en aura pour 374 281 000 $, ce qui veut dire douze fois plus que dans le temps du Parti libéral. Là, on s'en vient nous dire que les agriculteurs sont plus endettés qu'ils ne l'étaient avant. C'est bien évident qu'ils le sont plus qu'ils ne l'étaient avant parce que les terres d'il y a dix ans et les terres d'aujourd'hui ne sont pas pareilles. Si on recule de dix ou quinze

ans, n'importe quel agriculteur qui allait s'acheter un tracteur de 50 ou 60 forces obtenait cela pour environ 10 000 $ à 12 000 $. Aujourd'hui, le même tracteur coûte 20 000 $ à 25 000 $. Cela coûte beaucoup plus cher, donc les agriculteurs sont plus endettées, mais le député de Maskinongé aurait dû fouiller le livre qu'on nous avait fourni en commission parlementaire qui démontrait clairement que l'actif net, la valeur nette appartenant aux agriculteurs était beaucoup plus élevée qu'il y a dix ans. Évidemment, le député de Maskinongé passe outre à ces choses positives. Il aime mieux parler négativement de toutes sortes de choses en agriculture.

Quand il parle de cassette, je lui lancerais une invitation ce soir - je le vois rire de l'autre bord - à venir rencontrer les agriculteurs chez nous. On va faire une assemblée de 200 à 300 agriculteurs. Je vous invite à venir dans mon comté; dites-moi quand vous serez disponible, on va organiser cela. Vous viendrez défendre vos politiques et je vais défendre les miennes, celles de mon gouvernement et on verra tous les deux.

Quand vous retournerez dans votre parti, j'espère que vous direz à votre chef, qu'on a hâte de le voir ici; mais il se trouve des moyens pour aller à New York et ne pas venir ici... On verra, M. le Président. J'espère que lorsque le député de Maskinongé aura réussi à écouter les agriculteurs, il réussira de la même façon à retourner voir son chef et lui dire: M. le chef, si on veut maîtriser l'avenir, il va falloir d'abord se faire un programme agricole.

Des voix: Bravo!

M. Baril (Arthabaska): II faut se souvenir qu'en 1978, les libéraux avaient d'abord voté contre la loi. Je me souviens, peu après qu'elle ait été adoptée, l'ancien ministre de l'Agriculture, M. Drummond, disait aux gens: J'aurais aimé que ce soit moi qui présente cette loi, mais mon gouvernement, mon chef, ne voulait pas que je le fasse. Pourtant, c'est le même bonhomme, si vous me permettez l'expression, c'est le même phénomène nouveau qui nous revient et qui dit qu'il va défendre l'agriculture et qu'il va y avoir des politiques qui collent à la réalité.

Si cette loi avait existé il y a 10, 15 et 20 ans, les agriculteurs, par exemple dans mon comté, qui sont poignés avec les résidents de sept chalets établis dans un rang il y a un certain temps et qui, à cause de toutes sortes d'avantages, de droits acquis supposément sur un cours d'eau ou une rivière, ne veulent pas que la municipalité démolisse volontairement un barrage dressé sur cette rivière, mais qui est inutile et qui inonde environ 100 acres de terre, qui prive l'agriculteur du coin de cultiver ces terres, le prive de revenu... Cela va devant les tribunaux; cela fait trois ou quatre ans que cela traîne. Si cette loi était appliquée, les villégiateurs de ce rang, le 11e rang de Princeville, aujourd'hui, s'apercevraient que les agriculteurs eux aussi ont des droits dans les campagnes. Aussi, combien de fois voit-on dans les journaux d'autres individus qui vont devant les tribunaux pour contester le droit des agriculteurs d'être capables d'épandre leur fumier sur du sol qui leur appartient? Pourtant, c'est à eux. J'écoutais parler le député de Huntingdon tout à l'heure. Je crois qu'il se pensait en Russie ou je ne sais trop où. Il disait: Les agriculteurs produisent maintenant de plus en plus pour l'État. Je ne sais pas où il a pris cela. Ces agriculteurs n'auraient pas aujourd'hui à se battre pour rien contre des gens qui ont le droit de vivre, mais eux aussi ont ce droit.

Il faut regarder les côtés positifs des amendements à la loi qu'on présente. Entre autres, je vais vous en énumérer quelques-uns. Avant cela, pour aller en appel d'une décision, il fallait trouver des faits nouveaux. C'était difficile pour les gens de trouver des faits nouveaux quand ils ne savaient même pas sur quoi là commission s'était basée pour t'accorder un refus ou accepter ta demande. Donc, avec les amendements qu'on propose, chaque demandeur aura un droit d'appel automatique et, en plus, la commission sera dans l'obligation de fournir au demandeur l'analyse de son dossier, sur quoi elle se base pour rendre une décision future. Le demandeur pourra évidemment faire connaître son opposition s'il y a eu des oublis de faits dans l'étude du dossier.

Également, les municipalités auront à justifier leur décision. Il faut se rappeler qu'aujourd'hui il y a des municipalités qui prennent leurs responsabilités, heureusement, qui ne disent pas oui à n'importe qui et qui ne disent pas non à n'importe qui non plus, mais cela fait en sorte qu'il y a un paquet de demandes qui viennent à la commission. Si les municipalités avaient fait un tri au préalable, si elles avaient justifié l'appui du demandeur, il y a plusieurs de ces demandes qui ne seraient pas venues à la commission. On n'aurait pas engorgé la commission de toutes sortes de demandes. En faisant justifier par les municipalités ces demandes, cela diminuera sans doute le travail.

On se plaignait beaucoup aussi des droits acquis; quand il fallait se faire confirmer un droit acquis. Je ne suis pas un avocat, mais je me disais que cela devait être facile de trouver un moyen. On me répondait: Ce n'est pas à la commission de confirmer un droit acquis. Ce n'est pas son rôle. C'est à une Cour provinciale à le faire ou à une autre cour, mais ce n'est pas tout le monde qui aime cela partir, s'en aller

devant les juges et commencer par se prendre un avocat pour aller défendre un droit acquis devant les tribunaux. Ce n'est pas facile. Je suis allé une fois dans ma vie en cour et je me suis juré de ne pas y retourner et d'essayer de régler mes comptes avant. Maintenant, avec un amendement, la personne qui pense avoir un droit acquis... parce que si tu allais chez le notaire, le notaire disait: Je ne suis pas sûr que tu aies un droit acquis. Si tu allais à la municipalité pour avoir un permis, la municipalité disait: Je ne suis pas sûr que tu aies un droit acquis aussi et la personne... Il y avait un vide. Et là, avec l'amendement qu'on propose, le demandeur fera parvenir un avis d'utilisation de son droit acquis et, si la commission, après un délai dont on a discuté d'environ trois mois n'a pas donné de réponse, le droit acquis sera automatiquement acquis. Je me répète, mais il sera reconnu.

La commission aura aussi l'obligation de publier toutes ses décisions dans une sorte de recueil de décisions. Vous conviendrez avec moi, M. le Président, que ce ne sera pas tout le monde qui va lire cela le soir avant de se coucher, mais, par contre, ceux qui travaillent avec la loi, soit les avocats, les notaires, d'autres personnes qui ont à travailler avec cela, se feront un devoir de vérifier l'ensemble des décisions qui seront rendues pour savoir si elles sont uniformes. Les décisions seront aussi rendues beaucoup plus en tenant compte des besoins distincts, des particularités de chacune des demandes. Pour essayer de corriger aussi l'administration ou l'application de cette loi, j'espère. Comme je l'ai déjà dit sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail, ce n'est pas par une loi qu'on peut corriger ou qu'on peut améliorer le fonctionnement ou la capacité de penser ou d'agir des commissaires et j'espère qu'au niveau de la commission, les commissaires, le président aussi et les gens qui sont appelés à administrer cette loi pourront - j'oserais dire - appliquer cette loi qui est une bonne loi, d'une façon peut-être plus, je vais dire intelligente parce que je ne trouve pas d'autre mot - il est peut-être dur - mais j'espère qu'ils essaieront de l'appliquer d'une façon plus souple tout en ne changeant rien aux principes fondamentaux de la loi qui préserve notre sol agricole.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Orford. (21 h 30)

M. Georges Vaillancourt

M. Vaillancourt: Merci, M. le Président. Comme député représentant un comté à 30 % rural, c'est-à-dire 30 % agricole, je pense qu'il est bon que je fasse entendre ma voix sur le projet de loi 44 qui modifie la Loi sur la protection du territoire agricole, c'est-à-dire qui amende la loi 90 votée en 1978. Cette loi ne me paraît pas suffisamment crédible au point de pouvoir parler d'une relance du secteur de l'agriculture. En effet, le Parti libéral du Québec souhaitait qu'un droit d'appel soit introduit dans la Loi sur la protection du territoire agricole lequel pourrait être exercé par ceux et celles qui se sentent lésés à la suite d'une décision des membres de la commission. Il nous paraît en effet douteux que les membres de la Commission de protection du territoire agricole puissent être à la fois juge et partie dans le dossier. J'ai peine à imaginer un agriculteur qui exercerait ce droit d'appel en sachant à l'avance que d'autres membres du même tribunal auraient à statuer de façon contraire à la décision prise antérieurement par le même tribunal.

Je me souviens, lors de l'étude de la loi 90, nous, de l'Opposition, en commission parlementaire, nous avions proposé des amendements pour permettre d'avoir un tribunal régional, ce qui aurait permis, premièrement, d'approuver beaucoup plus rapidement les demandes des agriculteurs. Si, par la suite, le tribunal régional ne donnait pas satisfaction aux producteurs de la région, ils auraient pu faire appel et se présenter devant le tribunal provincial. Avec les amendements que la loi apporte, à mon avis, cela améliore un peu mais ce n'est pas encore satisfaisant et j'espère qu'en commission parlementaire, le ministre sera assez généreux pour apporter des amendements permettant d'avoir un tribunal régional.

Voilà l'ironie de la situation que nous propose le ministre de l'Agriculture, qui ne semble pas du tout saisir l'importance du secteur agricole au Québec mais surtout une question essentielle à la bonne marche de notre démocratie, soit la valorisation des droits individuels. Dans le passé, ces droits individuels ont été bafoués par le présent gouvernement. Je ne parle pas ici uniquement du secteur de l'agriculture, mais également de d'autres secteurs où on faisait prévaloir des principes qui allaient à l'encontre du bon sens.

On sent, depuis quelques mois, que la présentation de projets de loi par le gouvernement s'avère une démarche de plus en plus pénible et difficile. Pénible, parce que cette formation politique n'arrive plus à recueillir de consensus au sein de la population du Québec. Difficile, parce qu'au fur et à mesure qu'on soumet des projets, qu'ils soient sectoriels ou globaux, on se rend bien compte de la carence ou, si vous préférez, de l'absence d'un projet de société. Ainsi en

va-t-il du projet de loi 44 qui vise à modifier une situation qui devenait de plus en plus absurde dans le secteur agricole, bien que certains objectifs soient reconnus comme étant valables dans la loi générale sur la protection du territoire agricole. Le ministre de l'Agriculture devrait se faire un véritable cas de conscience des problèmes soulevés en matière agricole depuis quelques années.

Le ministre de l'Agriculture, avec l'encouragement à l'endettement de nos agriculteurs leur permettant de produire dans certains domaines des denrées ou des productions... On s'aperçoit aujourd'hui qu'il n'y a pas eu de contrôle concernant la mise en marché de plusieurs produits. Il y a beaucoup de porcheries, par exemple, qui font faillite. Je déplore que ces agriculteurs aient été mal conseillés. Aujourd'hui, ils sont pris avec des monstres, ils n'ont pas le marché nécessaire pour écouler leur produit. Je trouve cela malheureux, mais que voulez-vous?

Le ministre de l'Agriculture a complètement ignoré l'impact des mesures administratives adoptées à la suite de la Loi sur la protection du territoire agricole. Nombre de dossiers qui se sont accumulés à la Commission de protection du territoire agricole n'ont pu être étudiés dans un délai acceptable. Mes collègues en ont parlé avant moi, beaucoup de dossiers de producteurs qui ont demandé de dézoner une partie de leur terre ont été soumis à la Commission de la protection du territoire agricole et attendent depuis de nombreux mois. Je trouve cela malheureux et c'est pour cette raison que j'ai déjà proposé qu'il y ait un bureau régional permettant d'accélérer le traitement des dossiers.

C'est ainsi que les agriculteurs ont dû souffrir des situations injustes et intolérables sur le plan agricole. Le droit d'appel inclus dans ce projet de loi 44 constitue un aspect positif, certes, mais dans la mesure où on y mettra la dose de crédibilité que requiert une telle instance. Je crains fort que la crédibilité même du ministre de l'Agriculture ne soit atteinte depuis longtemps. Je prendrai comme seul exemple le dossier de l'environnement alors que le ministre a déjà déclaré sans nuance qu'il n'était plus le protecteur du dossier environnemental au sein de son ministère. Je vous demande bien franchement, M. le Président, s'il l'a déjà été.

En effet, on n'aurait qu'à rappeler nombre de dossiers qui ont fait l'objet de litiges entre le secteur agricole et le secteur environnemental en essayant de trouver un tant soit peu de crédibilité à travers les propos du ministre de l'Agriculture tentant de défendre la cause de la protection de notre environnement pour s'apercevoir que jamais cette préoccupation ne lui a effleuré l'esprit. Et pourtant, le dossier environnemental implique davantage que des droits individuels. Il s'agit de défendre les droits d'une collectivité toute entière, soit celle des Québécois, en regard d'une qualité de vie tant recherchée sur notre territoire. Imaginez un peu la façon dont le ministre de l'Agriculture défendra dorénavant les droits individuels des agriculteurs dans le cadre de la Loi sur la protection du territoire agricole.

On s'est bien rendu compte au sein de la population que ce gouvernement n'est plus en mesure de nous présenter quelques éléments valables pouvant refléter un tant soit peu un projet de société. D'ailleurs, les principaux responsables de cette formation politique n'hésitent plus à dire que ce fut là une des principales causes des défaites du Parti québécois lors des élections partielles récentes tenues dans quatre comtés du Québec.

Il en est également de même pour le dossier agricole sur lequel le gouvernement semble incapable de susciter des consensus, tant globaux que sectoriels, et n'arrive plus à rallier les troupes de sa propre formation politique autour de projets susceptibles d'améliorer le bilan agricole au Québec.

En terminant, je souhaite que les membres de l'Assemblée nationale ne tolèrent plus longtemps ces pertes de temps dans le cadre de nos travaux à étudier des amendements ou des correctifs à des lois déjà présentées par l'actuel gouvernement. Pour y arriver, rien ne serait plus opportun que le premier ministre déclenche des élections générales au plus tôt afin que les Québécois aient le droit à des projets plus substantiels et plus conformes à leurs besoins et à leurs aspirations. (21 h 40)

M. le Président, pour ma part je suis pour le projet de loi malgré qu'il ne contienne pas tous les amendements que j'aurais désiré. Mieux vaut avoir un peu que rien. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Élie Fallu

M. Fallu: M. le Président, je suis très heureux d'entendre le député se prononcer pour le projet de loi. C'est appréciable; le langage a changé en cours de journée en cette Chambre. Il y a sans doute eu un caucus à l'heure du souper chez les libéraux. Ils ont donc décidé de lire enfin le projet de loi.

Quant à la ritournelle "Delenda est Carthago", c'est-à-dire faites des élections! faites des élections! laissez courir, s'il vous plaît. Il y a un gouvernement légitimement élu qui a une majorité parlementaire et qui

entend bien faire des choses, selon le mandat qu'il a reçu du peuple québécois.

Dans ce mandat reçu en 1981, M. le Président, il y avait entre autres un engagement formel à humaniser les rapports entre l'État et ses citoyens. Le geste que nous posons aujourd'hui est subséquent toutefois à une loi que nous avons nous-mêmes présentée en 1978 et après application de six ans et sept mois, nous apportons des révisions, précisément en vue d'humaniser entre autres les relations entre les citoyens et une commission. Ce réflexe, donc, nous nous y sommes engagés lors de l'élection de 1981. Nous avons posé un certain nombre de gestes. Notamment le gouvernement a créé un secrétariat et a désigné un ministre responsable, un ministre délégué comme on dit en jargon administratif. Alors se sont établis une série de mécanismes comme la création d'un certain nombre de répondants, c'est-à-dire d'adjoints aux présidents-directeurs généraux des sociétés, régies, offices ou autres ou encore un adjoint au sous-ministre. Ces répondants se réunissent régulièrement à tous les deux mois, réunions, au demeurant, présidées par le ministre délégué aux Relations avec les citoyens. Ainsi, dans chaque région également, réunis sous l'égide du directeur régional de Communication-Québec, se réunissent les directeurs régionaux ou leurs délégués, représentants immédiats de tous les organismes, ministères et sociétés d'État qui sont là en région. Donc, depuis les bureaux régionaux du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, en passant par Hydro-Québec et tous les autres ministères et organismes, chacun s'est donné, dans son ministère, dans son organisme, dans sa société, un plan d'amélioration des services aux citoyens et citoyennes, agit en conséquence et évalue régulièrement, lors de ces réunions au niveau national ou au niveau régional, l'amélioration qui a été apportée.

C'est très précisément dans ces sons de cloche qu'on avait sur le territoire que le caucus ministériel portait à l'attention du gouvernement qu'il est devenu évident qu'un certain nombre d'ajustements devaient être apportés à la loi 90, la Loi sur la protection du territoire agricole, notamment en ce qui a trait au fonctionnement de l'institution centrale qui voit à la protection du territoire agricole, c'est-à-dire de la commission, en vue de simplifier les rapports entre ce tribunal qu'on dit quasi judiciaire, cette commission et les citoyens et citoyennes qui y font appel.

Donc, dans cet esprit d'amélioration des relations avec l'appareil d'État et les citoyens et les citoyennes, ce projet de loi est apporté aujourd'hui. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en a fait état rapidement. Évidemment, il a surtout relevé les aspects positifs du secteur agricole. Notamment, il s'est permis, six ans et sept mois après le dépôt de la loi, de faire le bilan absolument extraordinaire des effets d'entraînement de la loi 90. Il a néanmoins souligné rapidement le rationnel de ce projet de loi.

Permettez-moi, M. le Président, de redire les choses sous cet angle précis d'amélioration des relations d'une commission avec les citoyens et les citoyennes.

En premier lieu, la commission devra établir ses règles de procédure. Donc, les commissaires devront se réunir et rédiger les règles de preuve, les règles de procédure et les règles de pratique. Ils devront, par la suite, établir les règles relatives à l'acheminement, à la présentation d'une demande. Ils devront également établir les formulaires que les citoyens et les citoyennes devront remplir pour avoir accès à la commission. Par un vote majoritaire, ces dispositions seront adoptées et, ensuite, confiées au Conseil des ministres pour examen, approuvés, et publiés à la Gazette officielle. De telle sorte qu'un citoyen qui aura affaire à la commission saura d'avance sur quel formulaire inscrire sa demande. Il saura exactement quelles sont les règles relatives au lieu où il faut déposer le formulaire, comment il faut présenter la demande. De la même façon, cette personne saura d'avance quelles sont les règles de preuve, ce qu'il faut dire dans le mémoire pour convaincre les commissaires du bien-fondé de la demande. Elle saura également d'avance quelles sont les règles de procédure, c'est-à-dire comment cela se déroule une séance de la commission, quand il faut arriver, comment on fait les interrogatoires, pendant combien de temps se déroulent les séances, comment on établit les procès-verbaux, quand on va connaître par la suite le jugement, etc.

Donc, avant même de se présenter devant la commission, les citoyens et les citoyennes pourront savoir exactement comment cela va se passer. Je dirai même davantage, M. le Président. À propos des formulaires, il faudra que la commission, comme d'ailleurs elle le fait déjà, dépose préalablement ses formulaires, avant même de les faire accepter par le Conseil des ministres, au secrétariat des relations avec les citoyens ou les citoyennes car c'est là que tous les formulaires émanant d'organismes, de sociétés et de ministères doivent d'abord être visés, regardés et analysés pour leur simplification, pour qu'ils soient les plus simples possible, avec les mots les moins compliqués. Quand je dis les mots les moins compliqués, je pense justement à l'analyse que nous faisions d'un formulaire de la Commission de protection du territoire agricole il y a à peine un mois, un mois et demi. Nous leur faisions des

remarques relatives au vocabulaire utilisé.

Donc, les règles de procédure seront établies et connues. Ensuite, la personne fait sa demande. Là, avant même que la cause ne soit entendue devant la commission, les techniciens et spécialistes de la commission qui feront l'analyse de la demande vont faire connaître à la personne intéressée les conclusions auxquelles ils arrivent. Est-ce que c'est un bon dossier? Est-ce qu'il manque des arguments? Est-ce qu'il est complet? Est-ce que les techniciens proposent déjà aux commissaires un jugement plutôt négatif ou plutôt positif? Donc, sur la foi de ce document qui sera présenté aux commissaires, les personnes, les propriétaires de terrains, par exemple, pourront bien voir immédiatement ce qui manque à ce dossier, que, par exemple, eux-mêmes, lorsqu'ils ont rempli les formulaires ou lorsqu'ils ont fait leur lettre de présentation, ont oublié des éléments qui auraient pu faire que l'analyse soit différente. Donc, la personne intéressée dans la cause recevra l'analyse qui aura été faite par les techniciens. (21 h 50)

Puis, un jour, la cause doit être entendue. Contrairement à ce qui se passe maintenant, on pourra y faire un plaidoyer supplémentaire. Donc, après avoir pris connaissance des notes préparées par des techniciens de la commission, on pourra y faire un plaidoyer par écrit. Si on juge à propos, donc si la personne juge à propos, si le citoyen, si la citoyenne juge à propos, on pourra demander à être entendu devant la commission.

Alors, on n'est pas satisfait du jugement. On demande à aller en appel. Il y a d'abord des correctifs qui sont apportés sur l'appel lui-même. Les commissaires qui ont siégé en première instance, c'est-à-dire lors de l'audition ou qui ont fait la lecture des représentations faites par les personnes, ne peuvent pas siéger en appel. Il y a donc des mécanismes prévus à cet effet.

Lors de l'appel, le citoyen, la citoyenne, peut à nouveau présenter un plaidoyer écrit et, à sa demande, peut également exiger que la cause soit entendue en sa présence alors qu'elle pourra personnellement s'exprimer, faire comprendre peut-être par des photos, par des gestes, par des paroles, ce qui n'a pas été écrit, ce qui n'était pas prévu au formulaire, etc.

Donc, vous voyez par là toute cette limpidité qui va s'établir, cette simplification administrative. Pensons simplement à ce qui a trait aux municipalités parce que le monde municipal fait aussi quelquefois affaire avec la commission. La municipalité possède un terrain. Simplifions, M. le Président. La municipalité a une route municipale, un chemin municipal, qu'elle veut élargir. Eh bien! On sait qu'à tout coup la commission va approuver l'élargissement d'un chemin à 20 mètres, à 45 pieds. Alors, il est entendu maintenant que la municipalité n'a qu'à aviser la commission qu'elle élargit son chemin, pourvu que ce soit dans l'emprise ou, si elle veut faire passer un tuyau d'aqueduc dans l'emprise de la route, en-dedans des 20 mètres, elle le fera et en ne faisant qu'en aviser la commission. Donc, la simplification pour non seulement les citoyens et les citoyennes mais aussi pour les municipalités.

De la même façon, la municipalité qui a déjà un terrain mais qui est zoné agricole, qui devait servir à l'installation de la patinoire, du tennis municipal, dans des petites communautés où, effectivement, il n'y a pas de pressions de spéculations, où, effectivement, l'agriculture n'est pas vraiment massivement menacée, la municipalité pourra simplement en avertir la commission. De la même façon, le citoyen qui sait avoir des droits et qui, actuellement, en prévient la commission mais doit attendre, à cause de délais, assez longtemps, après trois mois, si j'ai bonne souvenance, d'après l'amendement qui est apporté, automatiquement, son droit sera reconnu. Si la commission veut aller fouiller, elle le fera en-dedans de ces délais. Donc, simplification administrative, transparence et raccourcissement des délais.

M. le Président, ce qui se fait dans cette loi aujourd'hui en Chambre n'est pas étranger à ce que nous faisons, je dirai pratiquement tous les jours. Je n'étais pas en Chambre ce matin, mais j'ai trouvé dans mes cahiers, tout à l'heure, un projet de loi déposé aujourd'hui, le 6 juin. Le projet de loi 57, Loi portant abrogation de lois et dispositions législatives omises lors des refontes de 1888, 1909, 1925, 1941 et 1964. On trouve là l'abrogation de lois. On ne trouve dans ce projet de loi que le titre des lois et leur numéro. Ce qui signifie que ces lois abrogées vont retirer de nos cahiers de lois une sacrée belle épaisseur. C'est quasi l'équivalent d'un rayon de bibliothèque ce qui est retiré aujourd'hui, ce qu'on propose à l'Assemblée nationale de retirer. Voilà une simplification administrative.

Parlons des lois récentes. Il y a la Loi sur les mesureurs de bois, la loi 26, qui a été votée en cette Chambre il y a à peine quelques jours, qui simplifie l'organisation du métier de mesureur de bois. La Loi sur le bâtiment qui est présentement en commission parlementaire pour y entendre des consultations particulières, qui réunit en une seule huit lois anciennes et qui va simplifier toute la réglementation en ce qui a trait au bâtiment. Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu présentait, il y a tout juste un mois, une loi sur le Régime de rentes où elle simplifiait la vie notamment aux femmes qui ont droit au Régime de rentes du Québec. Pensons à

toutes ces réformes, à la refonte du Code municipal et de la Loi sur les cités et villes. Simplification des lois, harmonisation des lois municipales. Pensons à cette loi que nous avons votée juste avant Noël qui biffait des autorisntions ministérielles pour les municipalités de telle sorte que cette année le nombre d'autorisations va passer de 13 000 à 4000. Simplification administrative. Pensons à une loi d'il y a à peine un an sur le Bureau de révision de l'évaluation foncière qui a simplifié considérablement... D'ailleurs, c'est de la même nature que ce que nous faisons aujourd'hui à propos d'une autre commission puisque le Bureau de révision de l'évaluation foncière est lui aussi un tribunal administratif. On l'appelle le bureau. Celle-ci, on l'appelle la commission. Ils ont des mandats de même nature.

La loi a permis de simplifier les procédures. La loi 42, que dis-je, la loi de la Commission de la santé et de la sécurité du travail va permettre, dès son application le 19 août, une simplification administrative, une meilleure transparence, une meilleure connaissance aussi des droits que les gens ont à l'égard de la commission. Je ne souligne ici que des lois extrêmement récentes. Ce souci de simplification, d'harmonisation, ce souci d'établir de bonnes relations avec les citoyens... Je vous dirai honnêtement, M. le Président que certes nous, députés, lorsque nous accueillons à nos bureaux des citoyens nous pouvons avoir un répondeur téléphonique, des bureaux mieux présentés, du papier sur lequel notre adresse de retour est inscrite, etc., mais pensez à tous ces fonctionnaires qui, dans tous les organismes, tous les ministères, sont aux premières lignes, au téléphone, dans les comptoirs d'accueil et regardez ce qu'ils ont fait depuis quelques années. Regardez ces kiosques d'accueil qui ont poussé partout.

Nous allons en inaugurer bientôt toute une série ici alentour du parlement. Le dernier né c'est celui de l'édifice H en face de nous. Au ministère des Communications, renseignements et accueil dorénavant. On les trouve maintenant dans chacun des grands édifices administratifs, pas partout encore, cela viendra d'ici six mois, un an. On est en train de les mettre sur pied partout, de revoir toute la signalisation. La fonction publique a fait l'expérience dans cinq grands édifices administratifs, notamment l'édifice G. Je vous engage à faire un tour à l'édifice G; en bas, il y a un kiosque d'accueil pour vous renseigner et toute la signalisation a été revue pour que les gens puissent s'y retrouver dans cet édifice. (22 heures)

La simplification des formulaires - j'en ai dit un mot tantôt - comme de l'accessibilité aux édifices pour les personnes handicapées, l'ouverture le midi de tous les bureaux; 70 % des bureaux gouvernementaux sont ouverts le midi, et cela depuis à peine huit mois. Il y a eu un enthousiasme extraordinaire. Lorsqu'on ne peut pas être là le midi, il y a pour le moins un répondeur téléphonique, ou encore on a regroupé des lignes téléphoniques pour assurer un service aux citoyens et citoyennes.

Tout cela est dans le même esprit. Nous avions pris un engagement en 1981 lors des élections. Je vous dis, M. le Président: Voilà, ce projet de loi 44 fait partie des réalisations de cet engagement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Beauharnois.

M. Laurent Lavigne

M. Lavigne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de parler ce soir en deuxième lecture sur le projet de loi 44, qui apporte des amendements à la loi 90 qui, bien souvent, on le sait, a créé certaines difficultés dans son application aux agriculteurs qui demandaient du dézonage pour se construire. Il arrive que, ce soir, avec le projet de loi 44, on apporte des amendements qui, je pense, vont être à la satisfaction de l'ensemble des agriculteurs du Québec.

J'écoutais moi aussi, comme mon collègue le disait tout à l'heure, les députés de l'Opposition qui avaient l'air de dire dans leurs discours que, depuis qu'on est là, depuis que le Parti québécois est au pouvoir, le ministre Jean Garon n'avait rien fait et que le gouvernement du Parti québécois n'avait rien fait pour l'agriculture. Il ne faut pas être tellement versé dans la question agricole pour s'apercevoir qu'au contraire il y a eu beaucoup plus de fait depuis 1976, depuis que le Parti québécois est au pouvoir, dans le domaine agricole, que durant toutes les années précédentes et particulièrement dans les six années qui ont précédé ce gouvernement, sous le règne de M. Bourassa. Imaginez-vous M. Bourassa prenant le pouvoir, M. le Président, et mettant comme ministre de l'Agriculture le député de Maskinongé. Je vois d'ici la réaction des agriculteurs et je vois d'ici, à mon avis, un fiasco pour l'agriculture. Je suis convaincu de cela. S'il y en a un qui s'est débattu dans son ministère, qui a pris à coeur la cause agricole, c'est le ministre de l'Agriculture, M. Garon, appuyé du Conseil des ministres et du Conseil des députés, pour faire en sorte que l'agriculture soit un domaine vivant au Québec. Quoi de plus important pour un peuple que d'avoir une agriculture en santé. Quand on regarde comment l'agriculture s'est développée au Québec depuis les huit ou neuf dernières années, cela ne se compare pas avec les années qui ont précédé sous le règne de M. Bourassa.

La Loi sur le zonage agricole, M. le Président, était une loi maîtresse, une loi importante. Les libéraux avaient commencé à la préparer, mais ils n'ont jamais eu la volonté politique de la présenter et de l'adopter à l'Assemblée nationale. Pourquoi? Parce que les libéraux étaient de connivence avec les spéculateurs. On avait laissé aller une bonne partie de notre sol arable, de nos terres agricoles dans les mains des spéculateurs de sorte que, même si on dit que le Québec est grand, il n'en reste pas moins que la superficie propice à l'agriculture au Québec n'est pas si grande que cela et, dans la mesure où on n'y fait pas attention, qu'on ne protège pas notre terre arable, c'est évidemment l'agriculture et l'ensemble des Québécois qui en prennent pour leur rhume. On devait donc, comme gouvernement responsable, adopter la loi 90, qui a fait en sorte que toute la zone agricole soit sous la protection de cette loi, permettant ainsi d'y aller à fond de train dans des programmes qui allaient faire de l'agriculture un domaine prospère, un domaine en santé. De là, est venue une série de programmes et les cultivateurs en sont témoins, des programmes, par exemple, qui ont aidé les cultivateurs à se construire des silos à la ferme, à faire du drainage. Il s'était fait avant nous du drainage agricole, du drainage souterrain, mais il s'en est fait plus pendant les huit dernières années, M. le Président, qu'il s'en est fait dans toutes les années précédentes.

Pensez aussi au programme d'épierrement. Combien de terres arables étaient laissées pour compte, laissées sans culture, soi-disant parce qu'il y avait trop de pierre. On a sorti des programmes permettant justement de donner des subventions aux agriculteurs qui ont bénéficié de ces programmes et ces programmes ont redonné une valeur agricole à des sols qui étaient riches comme sols agricoles mais où il y avait trop de pierre. Avec le programme de l'épierrement, plusieurs acres de terre au Québec sont revenues à l'agriculture. La même chose pour le défrichement. Combien de terre arables avaient été vendues à des spéculateurs étaient restées sans culture, sans labour! Particulièrement quand le sol est riche, si une terre est laissée à elle-même, si on ne fait plus les labours, si on ne la cultive pas, cette terre pousse en friche, en fardoches, et elle est à toutes fins utiles abandonnée. Plusieurs de ces terres avaient été abandonnées entre les mains des spéculateurs, attendant des ventes, des achats, des ventes et des reventes et, pendant ce temps, ces terres n'étaient pas cultivées.

Avec le zonage agricole, on a éloigné les spéculateurs. On a permis avec la loi 90 sur le zonage agricole la reprise de ces terres par les agriculteurs et on a fait profiter les agriculteurs d'un programme de défrichement. Quand on se promène, M. le Président, comme j'ai l'occasion de le faire chaque semaine de mon comté de Beauharnois jusqu'à Québec par la Transcanadienne, on s'aperçoit que, depuis les huit dernières années, beaucoup de terres étaient laissées en friche, étaient restées non cultivées, mais, d'année en année, depuis les huit dernières années, beaucoup de terres qui étaient en friche à l'époque sont redevenues cultivées à cause du programme de défrichement. Je suis content que les cultivateurs aient profité des programmes d'épierrement, des programmes de silos, des programmes de drainage, des programmes de défrichement et qu'on ait, par le fait même, éloigné les spéculateurs.

C'est sûr que quand on remet des terres arables en valeur comme on l'a fait, inévitablement, on augmente notre production et notre autosuffisance, M. le Président. Notre production est ainsi passée de quelque chose comme 35 % qu'elle était sous le régime Bourassa à quelque part autour de 70 % ou 73 % aujourd'hui, je pense. Donc, il y a là un vif intérêt pour l'agriculture au Québec. C'est sûr qu'il y a encore des problèmes. Il y aura toujours des problèmes, mais nous sommes attentifs au gouvernement du Québec à essayer de trouver des solutions avec les agriculteurs pour que ceux-ci soient de plus en plus heureux de plus en plus productifs sur leur ferme et de plus en plus concurrentiels.

Dans la mesure où on arrive à atteindre ces objectifs, qui en profite? Les agriculteurs, dans un premier temps, et l'ensemble de la collectivité, dans un deuxième temps, parce que, si les citoyens et les citoyennes du Québec peuvent bénéficier de l'achat de produits ou de denrées alimentaires venant de chez eux, ils ont de grosses chances d'avoir d'abord un produit frais, un produit de qualité et un produit qui va être moins dispendieux. Donc, c'est tout à notre avantage d'augmenter notre production.

Dans certaines productions, on est plus qu'autosuffisant. On commence même à exporter des produits cultivés au Québec. On n'a qu'à penser, M. le Président, à l'essor qui s'est produit en agriculture dans le domaine des céréales, par exemple. On a énormément augmenté notre production céréalière, la même chose pour notre production horticole. Il y a un très grand effort qui a été fait par le gouvernement du Parti québécois dans le domaine agricole. Je suis sûr et certain qu'en dépit des couleurs politiques que certains cultivateurs peuvent avoir - tous les cultivateurs du Québec ne sont pas nécessairement pour le Parti québécois, mais en conscience, même s'ils sont encore libéraux, ils devront réfléchir sérieusement aux abords des prochaines

élections et penser à ce qu'était l'agriculture dans le temps de M. Bourassa et à ce qu'est devenue l'agriculture pour l'ensemble des Québécois depuis que le Parti québécois est au pouvoir. Que ce soit dans le sirop d'érable, dans les abeilles, dans l'élevage, dans la production des céréales ou ailleurs, il y a là, il y a eu et il y aura encore pour le gouvernement du Parti québécois un intérêt marqué, à cause des efforts magistraux qui ont été faits. (22 h 10)

Je pense honnêtement, en toute conscience, que les agriculteurs du Québec qui voudraient réfléchir un instant sur le travail qui a été fait par le ministre de l'Agriculture, M. Jean Garon, appuyé par le Conseil des ministres et le gouvernement, vont se rendre compte que l'agriculture a fait un bond énorme depuis les huit dernières années. Nous sommes prêts à continuer à faire en sorte que l'agriculture au Québec demeure pour nous une préoccupation de tous les instants. Quant à moi, je suis toujours un de ceux dans ce gouvernement qui verront à appuyer toutes les politiques mettant de l'avant l'agriculture au Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Vas-y, Albert! Le Président: M. le député de Berthier. M. Albert Houde

M. Houde: Merci, M. le Président. Nous avons parlé ce soir du projet de loi 44, modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole. Je veux répondre aux députés d'en face qui disaient que les discours avaient changé au cours de la soirée. Ils n'ont pas écouté ceux de cet après-midi, parce que, dans tous les discours qui ont été faits de notre côté en ce qui concerne le projet de loi 44 sur la protection du territoire, nous avons dit que nous voterions en deuxième lecture pour le projet de loi. C'est ce qu'on a dit.

De sérieuses questions se posent du côté de l'Union des producteurs agricoles. Pour l'UPA, le projet de loi 44 réduit la portée de la loi actuelle et remet en question le principe de la protection du sol arable, le danger d'abus que peut entraîner la révision périodique des zones agricoles. Je lis dans le préambule du projet de loi: "Le projet de loi établit par ailleurs un mode nouveau de révision périodique des zones agricoles dans le cadre de l'élaboration et de la révision des schémas d'aménagement des communautés ou des municipalités régionales de comté. Cette révision pourra être faite à tous les cinq ans par voie d'entente entre la commission et les communautés ou les municipalités régionales de comté et à défaut d'entente par décision du gouver- nement, selon une procédure impliquant les corporations municipales et la Confédération de l'Union des producteurs agricoles."

Je pense que l'UPA a raison de se poser des questions, parce que le ministre, dans le projet de loi qui est devant nous, est passablement muet. C'est quoi, cela? Qu'est-ce qu'il fera? Quand le fera-t-il? Qu'est-ce qu'il en fera? Ce sont les questions que l'UPA se pose. Un organisme aussi important que l'UPA, aurait aimé être consulté lorsque le ministre a préparé le projet de loi 44.

Je vous lirai un extrait de la lettre que l'Union des producteurs agricoles a fait parvenir au ministre de l'Agriculture en date du 21 février 1985: "M. le ministre Jean Garon. Objet: Amendements à la Loi sur la protection du territoire agricole. M. le ministre. Lors de notre dernière rencontre du 10 janvier 1985, vous avez manifesté le désir de consulter l'UPA sur les amendements qui pourraient être apportés à la Loi sur la protection du territoire agricole. Suite à une consultation interne et à l'étude de ce dossier, le conseil général de l'UPA a appuyé les recommandations soumises ci-après - je vais vous en énumérer seulement un paragraphe, parce qu'il y en a trois pages -"Que tous les dossiers, inclusions, transferts, morcellements impliquant un producteur agricole soient traités prioritairement par la commission..."

Je passe les trois pages pour terminer avec le dernier paragraphe: "Que l'UPA et ses fédérations régionales soient plus associées aux modifications à la loi et aux règlements et que le gouvernement et le MAPAQ soient tenus de consulter l'UPA avant toute modification. Veuillez agréer, M. le ministre, l'expression de mes sentiments les plus distingués. Jacques Proulx, président général."

Je pense que le ministre a oublié - je ne sais pas, il me semble que c'est important d'y penser, étant donné qu'il est ministre de l'Agriculture, que c'est l'un des organismes les plus importants de la province. Il n'a pas pensé de consulter l'UPA avant de mettre sur papier son projet de loi 44. Dans le même mémoire, l'UPA réclamait une commission parlementaire pour entendre les parties intéressées. Cela a paru dans le journal Le Soleil du 5 juin 1985. C'est tout récent.

Parlons un peu de la Chambre des notaires. Que dit la Chambre des notaires? Ceci. Elle n'est pas foncièrement contre le projet de loi mais veut émettre certaines objections. La Chambre des notaires regrette de n'avoir été consultée que deux jours avant le dépôt du projet de loi. On s'attend à des amendements de dernière minute, ce qui va probablement arriver. On a entendu dire à travers les branches que le ministre allait présenter des papillons lors de l'étude du projet de loi article par article; pourquoi ne

pas les inclure dans le projet de loi actuel? Est-ce qu'il a quelque chose à cacher? Est-ce qu'il va falloir que les gens se lèvent et parlent fort pour que le ministre se rende compte que c'est important, ce qu'il dépose devant nous?

L'article 5 concernant le droit d'appel traite d'un droit important; tout comme l'article 14 concernant le dossier du demandeur et l'accès à l'information; l'article 100 sur la sécurité des titres est trop compliqué et va créer davantage d'incertitude. Justement, la semaine dernière, j'ai rencontré un avocat de mon comté qui connaît passablement les règlements de la protection du territoire agricole. Il m'a dit: M. Houde, c'est de valeur, mais le ministre, par les amendements qu'il va présenter à son projet de loi, va dans certains cas compliquer davantage les démarches auprès de la Commission de protection du territoire agricole à Longueuil.

Parlons du droit de révision. Ce droit d'être entendu en appel par des commissaires de la CPTA, même si ce sont les mêmes que lors du premier jugement, manque totalement de crédibilité et doit être combattu avec vigueur. Pourquoi? Actuellement, tout le monde sait très bien que, lorsque quelqu'un fait une demande à la Commission de protection du territoire agricole, on étudie le dossier, on étudie la demande et, par la suite, si le requérant n'est pas satisfait, il va en appel. Quand il va en appel, c'est devant les mêmes personnes qui ont décidé à un certain moment que la demande était refusée. Ce sont les mêmes personnes qui l'entendent.

Ce qui va arriver avec le projet de loi qui est ici devant nous, ce sera à peu près la même chose. Ce ne seront pas les mêmes personnes, mais ce seront des personnes de la même boîte. Il va arriver quoi? Un refus catégorique. Il ne faudrait pas prendre les gens pour des idiots. Il me semble que le ministre devrait être plus sérieux.

J'aimerais dire un mot sur la mise en place et la révision du schéma d'aménagement. Encore là, l'UPA craint l'ingérence des MRC dans les réaménagements de la zone verte. Une MRC ou une communauté peut adresser à la CPTA une demande de révision du zonage agricole. Les MRC croient qu'elles n'ont aucun pouvoir là-dessus. S'il n'y a pas d'entente, la CPTA prépare un plan révisé. Le plan révisé est sanctionné par le gouvernement, le ministre ou ses fonctionnaires. Ce sera toujours la même chose, toujours du pareil au même.

Services d'utilité publique et zonage agricole. Plus besoin d'obtenir de permis de la CPTA pour acquérir un lot ou lotir un terrain pour fins publiques. Exemple: l'élargissement d'une route de 20 mètres. Plus besoin de demander à la Commission de protection du territoire agricole pour pouvoir faire des améliorations, redresser des courbes là où il y a des accidents souvent mortels. Cela fait six ans et demi, tout près de sept ans, que cette loi est en vigueur; il me semble que cela aurait été facile d'apporter une modification. On n'aurait pas dû avoir à attendre sept ans pour avoir un changement comme celui qui est apporté aujourd'hui.

Le ministre est muet lorsqu'il est question de la construction d'une résidence pour le producteur, son enfant ou son employé sur un lot où le producteur exerce un emploi principal. Actuellement, on ne précise pas de quel lot il s'agit, pour autant que le producteur en est propriétaire. Il me semble que le ministre devrait donner des explications là-dessus, lorsqu'on étudiera le projet article par article. Peut-être qu'il aura un papillon à apporter pour expliquer d'une façon bien claire et nette ce que c'est. (22 h 20)

Le ministre n'a pas consulté à l'avance les organismes touchés par ces amendements. D'après nos informations, le ministre de la Justice ne serait pas d'accord avec le type de tribunal d'appel proposé dans le projet de loi, comme je vous le disais tantôt. Il parle souvent, ce ministre-là, mais souvent ils ne se parlent pas entre ministres du même gouvernement. Cela arrive, comme avec le ministère de l'Environnement, le MLCP, on en a eu une preuve avec le lac Saint-Pierre, qui touche un petit peu à mon comté.

La directive interne émise par le président, Me Pierre-Luc Blain, est fort éloquente en ce qui touche les relations de la CPTA avec sa clientèle, les informations qu'il a envoyées à des personnes disant une chose, le ministre disant autre chose. Je vais vous lire une lettre que Me Pierre-Luc Blain, que je connais très bien, a envoyée. Il dit ceci au directeur, le 17 avril 1985: "Directive concernant l'information juridique ou autre aux citoyens et à toute personne ou organisme faisant affaires avec la commission.

Vous trouverez ci-joint directive susmentionnée. Pourriez-vous en prendre connaissance et la distribuer aux professionnels de votre direction?" Ici, information juridique ou autre aux citoyens et à toute personne ou organisme faisant affaires avec la commission. Premièrement, le service de l'information. Les renseignements fournis par le service de l'information devront se limiter aux personnes, aux groupes, direction des services techniques, direction des enquêtes et inspections, direction des affaires juridiques. En terminant, on lit dans cette même lettre que M. Pierre-Luc Blain envoie: "La présente directive entre en vigueur immédiatement."

Vous savez que, lorsqu'on communique avec la Commission de protection du territoire agricole à 25, Lafayette,

Longueuil... j'ai communiqué à plusieurs reprises pour essayer d'avoir des renseignements. Premièrement, la ligne était occupée ou, quand la ligne n'était pas occupée, il fallait attendre des fonctionnaires pour avoir une réponse aux questions qu'on voulait poser. Cela prenait énormément de temps. On rappelait, on rappelait, on laissait le message, on pouvait nous rappeler à un certain moment.

Pour avoir des renseignements, d'après le projet de loi qu'on a devant nous, le projet de loi 44, on ne donnera plus d'information. Le ministre de l'Agriculture dit: Oui, vous allez avoir de l'information. D'un autre côté, Pierre-Luc Blain, qui est président de la Commission de protection du territoire agricole, le ministre l'a nommé il y a sept ans, dit le contraire. Qui dit vrai?

De Me Pierre-Luc Blain, je pourrais vous parler un bon moment. On était en commission parlementaire ici il y a deux ans - cela va faire deux ans dans quelques jours - nous étions à étudier des documents en ce qui concerne la protection du territoire agricole et, la séance terminée, je demande à Pierre-Luc Blain, étant donné que je le connaissais depuis longtemps: Pierre, pourrais-tu t'occuper entre autres de deux cas? Pas six, deux cas. Je ne te demande pas de faveur non plus. Si les deux personnes n'ont pas la permission de construire, oublie-les complètement mais regarde-les. — C'est correct, Albert, je vais m'en occuper.

Qu'est-ce qu'il a fait? Je ne sais pas s'il les a regardés, ça va faire deux ans bientôt, je n'ai jamais eu de réponse. Un des deux cas en question, touchait la protection du territoire agricole. La commission était venue deux mois auparavant dans mon comté. Sur six cas, il a dit: Tu peux en avoir quatre probablement qui vont être acceptés, mais au moins entre autres, deux. Je n'ai jamais eu de réponse de Pierre-Luc Blain. C'est pas mal comme président de la Commission de protection du territoire agricole. C'est lui qui a écrit les lettres en question dont je parlais tantôt.

Lorsqu'on parle de la protection du territoire agricole et qu'on regarde ce qui s'est passé dans ma paroisse, chez nous, pas plus tard qu'il y a environ trois mois, la municipalité du village de Saint-Félix voulait installer une usine d'épuration sur un terrain dont elle s'était portée acquéreur en 1971, un emplacement qui n'est pratiquement pas cultivable, qui ne servait pas pour la culture. On a d'abord demandé la permission d'installer l'usine d'épuration sur ce terrain. Si je vous disais, M. le Président, que, encore hier soir, la municipalité n'avait pas pu obtenir la permission de construire l'usine d'épuration sur ledit terrain, à cause de la Commission de protection du territoire agricole, et du "taponnage" qu'il y avait là-bas. Il l'a obtenu en 1972. Ce qui est plus grave dans tout cela, c'est que le ministère de l'Environnement donne des subventions assez élevées. Qu'est-ce qui arrive? Il y avait un certain temps pour construire ces usines. Si on n'arrive pas à l'intérieur des dates qui sont inscrites dans le programmes, les 90 % ou 95 % diminuent peut-être à 50 %; on ne le sait pas. Le conseil ne l'avait pas encore hier soir.

Prenez la municipalité de Notre-Dame-des-Prairies, dans Joliette. C'était des millions. Ses représentants se sont battus, ils ont tout fait. Le maire de Notre-Dame-des-Prairies est allé jusqu'à dire, à un moment donné, dans les journaux: Est-ce qu'il n'y a pas une entente entre le ministère de l'Environnement et la Commission de protection du territoire agricole pour ne pas s'entendre, pour ne pas donner les subventions? Le maire de Notre-Dame-des-Prairies est allé jusqu'à poser cette question dans les journaux.

Lorsqu'on va à la Commission de protection du territoire à Montréal, on nous dit qu'on veut accélérer les dossiers et donner la chance à ceux qui en font la demande de pouvoir fonctionner. Quand on voit les personnes responsables des dossiers -j'ai communiqué avec eux à plusieurs reprises qui prennent des vacances de quatre semaines en plein coeur d'été, il me semble que ce n'est pas pardonnable. Cela se faisait à la Commission de protection du territoire agricole. Je ne sais si cela se fait encore cet été, mais cela s'est fait les années passées.

M. le Président, en terminant, nous allons voter pour le projet de loi 44 en deuxième lecture. Nous allons voter pour le projet, parce qu'il y a des choses qui sont bonnes dedans. On veut aussi que le ministre de l'Agriculture soit conscient qu'il y a des lacunes et on voudrait, lorsqu'on l'étudiera article par article, qu'il soit présent et qu'il écoute attentivement les recommandations que nous pourrons lui faire pour qu'enfin il puisse apporter un projet de loi qui pourra répondre aux attentes des personnes concernées, pour le bien, encore une fois, et l'avancement du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Jacques Le Blanc

M. Le Blanc: Merci, M. le Président. J'ai entendu, de la part d'un membre de l'Opposition comme des membres du côté gouvernemental également, des raisons expliquant la pertinence du projet de loi 44. Il est évident, M. le Président, que s'il n'y avait pas eu de difficultés, pendant les six ans et demi d'application de la loi 90, loi protégeant le territoire agricole du Québec, il n'y aurait pas aujourd'hui de projet de loi

44 apportant des modifications à cette loi qui remonte déjà à six ans et demi.

J'aurais pu, comme le député de Berthier, énumérer certains cas de comté que j'ai eu à traiter moi aussi, dans mon bureau. C'est justement pour essayer de régler certaines de ces difficultés que le projet de loi 44 est apporté. On a reproché bien sûr à la commission et aux commissaires la rigueur d'application de la loi 90. Je pense qu'il était nécessaire, pour que la loi joue véritablement son rôle. C'était un élément assez nouveau au Québec de décider de protéger les terres agricoles. Parmi les nombreux cas de comté que j'ai eus également, comme beaucoup d'autres députés, il faut bien reconnaître que la grande majorité comportait, non pas des applications normales de la loi, mais des cas de dérogation à cette loi. Si la loi pouvait tout permettre, cela équivaudrait à sa non-existence. Si la loi n'apportait pas de contrainte, comme n'importe quelle loi au Québec, que ce soit la loi qui limite la vitesse ou toute autre loi contraignante, elle n'aurait pas de raison d'exister et elle ne jouerait pas non plus le râle pour lequel elle a été votée et adoptée. (22 h 30)

II fallait, je pense, M. le Président, ce laps de temps pour que la loi soit véritablement rodée et que les modifications que l'on apporte aujourd'hui répondent le mieux possible aux ajustements que cette période de rodage a fait ressortir. Toutes les modifications que le présent projet de loi apporte dans la nomenclature des articles qui composent le projet de loi y ont été évoquées de façon éloquente par ceux qui m'ont précédé. Je ne voudrais souligner qu'un point sur lequel j'ai peut-être plus d'intérêt que sur les autres points car, presqu'en même temps que la loi 90 commençait à s'appliquer, que les premiers territoires étaient décrétés, j'avais la tâche de mettre en place, avec 18 autres collègues qui faisaient le même travail que moi, les municipalités régionales de comté, donc de vendre et d'appliquer la loi 125 sur l'aménagement et l'urbanisme.

Plusieurs réflexions nous venaient à ce moment, par exemple, que la loi 90 venait trop tôt par rapport à la loi 125 qui venait trop tard. J'ai entendu maintes fois ces réflexions de la part des élus municipaux avec lesquels j'ai travaillé pendant plusieurs mois. Je pense que cette prise de responsabilité et cette conscience nouvelle qui se réveillaient dans le monde municipal de vouloir assumer l'aménagement de son territoire, de vouloir décider de la vocation de chaque parcelle de terrain sur le territoire qu'eux-mêmes voulaient désigner, territoire auquel ils voulaient donner eux-mêmes les limites, je n'ai jamais vu un découpage qui se faisait de façon aussi démocratique et dans un respect aussi grand des décisions des élus du peuple qui commandaient ce découpage.

Il y a eu, bien sûr, des difficultés d'ajustement dans certains coins du Québec, assez souvent sur des territoires inhabités, ce qu'on appelait les TNO, mais dans l'ensemble sur les 94 MRC du Québec, je pense que dans la très grande majorité des cas les décisions locales des élus municipaux en consultation ont été très respectées.

Je reviens sur le point qui fait référence et qui fait le lien avec les modifications qui sont apportées dans le projet de loi 44 par rapport à la loi 90 et qui s'harmonisent mieux avec la loi 125, qui fait aux municipalités régionales de comté l'obligation de préparer, d'élaborer et de rédiger le schéma d'aménagement de leur municipalité régionale de comté.

Je pense que cette expérience, cette tâche qui est dévolue aux municipalités régionales de comté constitue un exercice d'une importance capitale. C'est une expérience qui aura des conséquences sur le développement des territoires des municipalités régionales de comté. Je pense que ce sont, c'est nettement reconnu depuis leur existence, ce sont des interlocuteurs valables sur le plan régional, des partenaires dans une table de concertation municipale sur un territoire donné, qui pourront faire entendre une voix qui sera écoutée au niveau gouvernemental.

Cette modification dans le projet de loi 44 qui lie les municipalités régionales de comté et qui oblige les municipalités régionales de comté à procéder à l'élaboration de son schéma d'aménagement l'intègre également à l'application de la loi 90 modifiée par le projet de loi 44 pour l'établissement de la révision des zones agricoles sur leur territoire. Cela se fera de la même façon en négociation avec la municipalité régionale de comté, comme cela s'est fait avec chacune des municipalités locales qui ont eu à négocier avec la Commission de protection du territoire agricole, leur zonage agricole, et c'était communément désigné sous le nom de zone blanche et de zone verte.

Ces protocoles d'entente et cette façon de procéder sont élaborés dans le projet de loi 44 pour que cela s'harmonise avec l'obligation qu'ont les municipalités régionales de comté de préparer leur schéma d'aménagement. Moi, j'ai très hâte de voir les résultats. Il y a des schémas d'aménagement qui sont en préparation maintenant. Il y a des copies préliminaires qui sont sorties dans certaines municipalités régionales de comté qui sont un peu en avance sur l'échéancier prévu. D'autres prennent un peu plus de retard. Je pense que tout le monde, dans cette opération, n'a peut-être pas réagi de la même façon.

Petit à petit, les municipalités régionales de comté récupéreront des responsabilités dans la délimitation du territoire agricole dans leurs limites. Sur ce point, je trouve que c'est une modification qui est heureuse parce qu'on reconnaît aux municipalités régionales de comté une plus grande participation dans leur rôle de décideur de l'usage et de la vocation de leur territoire.

Je conclus en disant que ces modifications étaient nécessaires et viennent à point. Mais il ressort une évidence incontestée: la protection du territoire agricole du Québec était et demeure une mesure législative nécessaire pour permettre de continuer la progression du développement de l'agriculture au Québec qui a fait, au cours des dernières années, un bond formidable. Notre objectif d'autosuffisance alimentaire, notre objectif de produire de plus en plus de céréales, on se devait, pour les réaliser, de valoriser la terre agricole du Québec. C'est ce que le projet de loi 90 a fait et c'est ce que le projet de loi 44 va contribuer à faire également.

Je suis heureux aussi de constater qu'il y a eu, de la part des membres de l'Opposition, une modification d'attitude importante. L'Opposition, lorsque la loi 90 a été votée, était contre le principe de la loi. Aujourd'hui, elle va voter pour le projet de loi 44. C'est déjà un pas énorme de franchi dans ses réflexions. Je suis sûr qu'elle le fait aussi parce que les cultivateurs du Québec veulent que leur territoire soit protégé et le projet de loi 44 contribue à cette protection également. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): II n'y a aucun autre intervenant. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, votre droit de réplique.

M. Jean Garon (réplique)

M. Garon: Je serai très bref. C'est simplement pour dire que le projet de loi 44 que nous avons déposé en vue d'apporter certains amendements à la Loi sur la protection du territoire agricole a fait l'objet de consultations depuis à peu près deux ans. Il y a eu un très grand nombre de rencontres avec des députés du Parti québécois, du milieu agricole, particulièrement, où ont été mises en commun les différentes interventions qu'ils ont eues dans leurs bureaux concernant la Loi sur la protection du territoire agricole. J'ai aussi rencontré les membres de la commission pour discuter avec eux, après tant d'années d'application, à savoir comment ils voyaient les modifications qui pourraient être apportées à la loi.

Là encore, il y a eu de nombreuses heures de discussion pour voir quels étaient les principaux points qui devraient être modifiés et je dois dire que les points mentionnés par les députés et les points mentionnés par les gens de la commission qui, eux aussi, voyaient des améliorations à apporter à la loi à la lumière de l'application de la loi pendant plusieurs années coïncidaient dans une très grande proportion. (22 h 40)

J'ai eu l'occasion aussi de lire, dans la revue du barreau ou dans le journal du barreau, les représentations ou les analyses qui ont été faites par les avocats de pratique. J'ai aussi eu l'occasion de rencontrer à deux reprises le Barreau du Québec, de rencontrer également à deux reprises les représentants de la Chambre des notaires et, encore hier soir pendant plusieurs heures, je dirai même jusqu'à 1 heure du matin, nous avons discuté des différents amendements et des différentes améliorations qui pourraient être faits en vertu de la loi. Je suis actuellement aussi en train de consulter l'Union des municipalités régionales de comté et j'ai même arrêté temporairement notre rencontre pour pouvoir venir terminer le débat sur le principe de la loi en deuxième lecture. Nous devons rencontrer aussi au cours des prochains jours l'Union des municipalités du Québec pour connaître son opinion. J'ai rencontré également l'Union des producteurs agricoles pour discuter sur différents points. Je dois dire que j'ai eu d'excellentes suggestions, notamment concernant l'élargissement des routes en milieu rural; les appréhensions de l'Union des producteurs agricoles étaient, à mon avis, justifiées concernant un article et je lui ai donné l'assurance qu'il y aurait des modifications en commission parlementaire.

M. Baril (Arthabaska): Très bien.

M. Garon: Je dois dire que, au fond, il fallait que je dépose le projet de loi avant ou au plus tard le 15 mai pour qu'il puisse être adopté avant l'ajournement du 21. En commission parlementaire, certains amendements seront suggérés à la suite des différentes consultations que nous avons menées avec les différents organismes pour bonifier encore les amendements que nous proposons dans ce projet de loi. Il y a eu, je dirais, pas seulement des dizaines d'heures, mais peut-être des centaines d'heures de consultations puisque, si on additionne ensemble tous les débats qu'il y a eu dans les caucus agricoles, si on additionne tout le travail dans les différents organismes que je viens de mentionner, il ne pourrait pas y avoir véritablement beaucoup plus de consultations que cela. Maintenant, il est évident qu'il faut toujours faire des arbitrages là-dedans. Il est difficile d'arriver avec une solution qui n'est peut-être pas identique pour tout le monde, mais

l'orientation de ce projet de loi va dans le sens que souhaite l'ensemble des participants.

Ce qui sera aussi très important pour les schémas d'aménagement, c'est que l'Union des producteurs agricoles aura un rôle, en vertu de la loi, plus important à jouer. Je pense aussi que, sur le plan technique ou administratif, le gouvernement du Québec devra aider financièrement l'Union des producteurs agricoles pour qu'elle puisse jouer ce rôle. De la même façon que l'Union des municipalités régionales de comté a des aides financières pour établir des schémas d'aménagement, il ne serait pas normal de ne pas aider aussi financièrement les agriculteurs pour participer à certains débats au niveau régional.

C'est pourquoi, dans ce projet de loi, nous avons souhaité qu'il y ait le maximum de consensus qui se fasse au niveau local ou régional. La perspective qui a été adoptée dans ce projet de loi a été cette perspective de consensus, de débat au niveau local pour, au fond, qu'on trouve les meilleurs aménagements possible d'équipements qui doivent être situés à l'avantage de tout le monde.

Maintenant, comme l'utilisation des terres est limitée par le projet de loi, par la commission dont le mandat principal est la protection des terres agricoles, il ne s'agit pas de situer des équipements sur des terres agricoles quand on peut les placer ailleurs. Le nombre de terres au Québec est limité. Il y a aussi des terres qui ne sont pas en production actuellement. Les terres que nous avons n'augmenteront pas en nombre au cours des années, de sorte qu'on ne peut pas véritablement détruire les terres, les couvrir d'asphalte, les couvrir de béton, les couvrir de maisons sans perdre une de nos principales richesses.

Au point de vue de la révision ou de l'appel, nous avons privilégié une commission avec deux niveau; la première instance et la deuxième instance. Je pense, non seulement je pense, mais je suis complètement convaincu que c'est la meilleure formule. Je sais que des organismes ont proposé d'avoir des mécanismes d'appel plus traditionnels comme les tribunaux de droit commun, mais les agriculteurs, au cours des dernières années et depuis de nombreuses années, ont eu souvent à se plaindre d'avoir à comparaître devant des tribunaux de droit commun pour des questions agricoles et de ne pas être compris sur des questions qui sont souvent complexes, parce que, quand ils avaient à comparaître devant certains tribunaux, ils se trouvaient face à des juges qui ne connaissaient pas du tout le domaine agricole. Souvent, cela a occasionné des dépenses considérables, parce que les agriculteurs ont dû aller à d'autres niveaux pour obtenir des décisions qui leur rendaient justice. Je pense particulièrement au cas des plans conjoints, des quotas de production ou des contingentements, où il est arrivé que les producteurs ont dû dépenser des sommes d'argent considérables pour aller devant des tribunaux supérieurs parce qu'ils n'avaient pas été compris en première instance.

Je crois - et c'est l'opinion de plusieurs personnes - que sur le plan des tribunaux administratifs, quand il s'agit d'une matière très spécialisée, il peut être plus avantageux d'avoir un seul organisme avec deux niveaux de décision pour que la matière soit bien comprise. Là-dedans comme dans toute chose, il y a des questions d'opinion. Nous avons privilégié cette formule parce que nous sommes convaincus que c'est la meilleure. Nous croyons également que le fait d'avoir deux niveaux de décision au sein de la commission, qui seront étanches puisque les personnes qui siégeront en deuxième instance seront des vice-présidents ou le président avec des vice-présidents, par rapport à un autre niveau où il y aura eu une décision en première instance, permettra véritablement aux gens d'avoir une deuxième occasion de faire valoir leur point de vue sans même avoir à justifier des faits nouveaux puisqu'il s'agira d'un appel ou d'une révision de novo, c'est-à-dire qu'on recommencera véritablement en deuxième instance devant un autre banc qui viendra déterminer si le jugement de première instance a été exact.

Enfin, concernant l'information, je pense bien qu'il n'y a pas beaucoup d'organismes qui se sont autant promenés pour donner de l'information que la Commission de protection du territoire agricole, mais il est évident aussi que, comme c'est une loi majeure du gouvernement, une loi que peu de pays ont eu le courage d'adopter, et qu'elle touche l'ensemble du territoire québécois, elle a un impact beaucoup plus considérable que d'autres lois qui n'ont pas la même importance. Aujourd'hui, au fond, les gens se sont avec le temps habitués à vivre avec cette loi. Nous avons toujours dit, du côté du gouvernement, qu'avec les années la protection du territoire agricole entrerait dans les moeurs. J'ai eu l'occasion de rencontrer des délégations venant des différentes parties du Canada, des États-Unis ou même de l'Europe. Aujourd'hui, je peux vous dire à quel point ces gens sont admiratifs vis-à-vis du Québec qui a réussi à adopter une telle mesure de protection des terres agricoles. Je me rappelle avoir vu des délégations venant avec des hommes politiques d'autres pays, où les agriculteurs de la délégation faisaient quasiment une colère devant leurs hommes politiques pour dire: Comment se fait-il que, chez nous, on n'est pas capable d'avoir un aussi bon instrument que celui qu'on voit au Québec? (22 h 50)

C'est évident que, comme dans toute loi, dans tout mécanisme, dans toute

formule, il y a place pour de l'amélioration; avec l'évolution dans le temps des institutions, il faut modifier certaines parties ou certaines mesures qu'on trouve dans une loi, la meilleure soit-elle. C'est pourquoi nous avons présenté ce projet de loi, ces amendements. Nous aurons l'occasion de présenter d'autres modifications en commission parlementaire, mais je suis persuadé qu'au point de vue du public, de plus en plus, aujourd'hui, et de plus en plus avec les années, les gens connaîtront la Loi sur la protection du territoire agricole un peu comme l'ensemble de notre population connaît le Code de la route, ce que les gens ont le droit de faire quand ils conduisent leur automobile et ce qu'ils n'ont pas le droit de faire.

La Loi sur la protection du territoire agricole, par rapport aux terres ou à l'ensemble du territoire québécois, est une loi qui est ausssi importante pour le droit immobilier ou pour l'ensemble du territoire du Québec que le Code de la route pour les routes ou les autoroutes. Mais il fallait d'abord que la loi entre dans les moeurs. Il fallait d'abord qu'on apprenne à vivre avec cette loi. Aujourd'hui, je pense qu'on peut être fier, comme peuple québécois, de s'être donné un instrument qui aurait dû arriver beaucoup plus tôt. Si cette loi était arrivée 30 ans plus tôt, il y a des milliers et des centaines de milliers d'acres d'une très grande valeur, surtout dans la plaine de Montréal, qui auraient été protégées pour l'agriculture et qui, aujourd'hui, ont été recouvertes de béton, d'asphalte ou de maisons.

Je ne veux pas être plus long. Je voudrais remercier tous ceux qui ont participé à ce débat, puisque, pour une fois, depuis 1978, j'ai l'impression aujourd'hui, avec le temps, non pas l'usure du temps, mais l'expérience du temps, avec la maturité qui se développe chez des gens qui vivent avec des instruments juridiques nouveaux, de sentir au sein du Québec un large consensus pour la protection du territoire agricole, mais aussi une grande fierté d'avoir réalisé ce que peu de peuples ont réalisé dans le monde.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Bertrand: Je fais maintenant motion pour que ce projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, soit déféré à la commission parlementaire de l'agriculture, qu'il y ait président de séance pour cette commission parlementaire et que le ministre de l'Agriculture, bien sûr, puisse en être membre.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de renvoi est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 29) du feuilleton, pour la prise en considération du projet de loi 46.

Projet de loi 46

Prise en considération du rapport

de la commission qui en a

fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Rancourt): Prise en considération du rapport de la commission qui a étudié le projet de loi 46, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments.

Est-ce que le rapport de cette commission est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais maintenant d'appeler l'article 27) du feuilleton portant sur le projet de loi 28, encore là pour une prise en considération.

Projet de loi 28

Prise en considération du rapport

de la commission qui en a

fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Rancourt): Prise en considération du rapport de la commission qui a étudié le projet de loi 28, Loi sur le mérite du pêcheur. Est-ce que ce rapport est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci, M. le Président. Ce projet de loi 28, présenté par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qui sert à décorer les pêcheurs méritants et qui s'intitule Loi sur le mérite du pêcheur, a pour but d'instaurer un Ordre du mérite du pêcheur pour récompenser les bons pêcheurs et les bons producteurs.

Nous avons eu, au cours de la commission parlementaire et du débat en première lecture, l'occasion de dire au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation que ce projet de loi, quoique valable, comportait quand même certains dangers d'appropriation. Lorsqu'on regarde ce projet de loi article par article - il a quand même à peine douze articles - on s'aperçoit que le ministre s'approprie à peu près tout ce que le projet de loi peut contenir.

On regarde, par exemple, l'article 2: "Le gouvernement peut accorder les décorations et les diplômes suivants..." Il s'agit de quatre décorations qui sont accordées à différentes catégories de pêcheurs. À l'article 3, on ajoute: "Chaque année, le ministre organise un ou plusieurs concours de mérite du pêcheur..." À l'article 4: "Le gouvernement peut par règlement..." À l'article 5: "Le ministre choisit les juges..." À l'article 6: "le ministre décerne les médailles..." À l'article 7: "Le ministre est d'office commandeur de l'ordre." À l'article 9: Dans la mesure que le ministre et le gouvernement détermine, les sommes sont prises sur le fonds consolidé. À l'article 10: "Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est chargé de l'application de la présente loi." Sur un projet de loi de douze articles, il y en a dix qui sont propriété du ministre.

Or, essentiellement ce projet de loi a pour but d'accorder des médailles, des diplômes de l'Ordre du mérite du pêcheur à différentes catégories de personnes. On se pose la question à ce stade-ci à savoir si c'était un projet de loi ultra-nécessaire. Dans le domaine des pêches, est-ce que ça va assez bien pour qu'on puisse s'asseoir sur nos lauriers et dire: Maintenant que tout va très bien au Québec dans le domaine des pêches, on va vous donner des médailles?

Les pêcheurs québécois s'attendaient à autre chose. Les pêcheurs québécois sont pris, par exemple, avec des problèmes, les cercueils flottants dont le ministre nous parlait; différents pêcheurs - treize pêcheurs - au Québec sont pris avec des bateaux de 200 000 $ à 300 000 $ qui ne correspondent pas aux normes minimales de sécurité. Quand on pense aux usines de Pêcheries Cartier qui ne sont pas ouvertes, dont les travailleurs sont présentement en chômage, lorsqu'on pense à Newport où ce n'est pas complété encore, lorsqu'on pense à certaines usines sur la Côte-Nord, on peut se demander si c'est là un désir de l'ensemble des pêcheurs de recevoir des médailles.

Il est évident que personne n'est contre le fait d'accorder une médaille ou un diplôme à quelqu'un qui est compétent. Pour nous, ce n'était pas là la priorité. Je pense que le ministre a manqué un peu de sérieux avant de plonger dans les problèmes réels et urgents qu'il aura à régler cette année. De se certifier grand commandeur de l'Ordre du mérite du pêcheur et de distribuer des médailles, on se croirait dans une classe de maternelle, M. le Président, tellement ce projet de loi ne fait pas sérieux! La question qu'on se pose, c'est: Pourquoi le ministre, à ce stade-ci, non seulement veut-il décorer les pêcheurs - on le voit dans la loi 27 sur la restauration, on le voit dans l'Ordre du mérite forestier et dans l'Ordre du mérite agricole mais il se crée grand commandeur de tout ce monde-là et il distribue des médailles? Est-ce que c'est essentiel pour les Québécois, chaque fois qu'ils vont faire quelque chose de bien, de leur mettre une médaille autour du cou? Est-ce qu'on peut dire maintenant qu'au Québec on est assez bien dans le domaine des pêcheries pour s'asseoir sur nos lauriers en disant: II n'y a plus de problème, maintenant, ce qu'il nous reste à faire, c'est de vous donner des médailles?

Lorsqu'on regarde la situation dans le domaine maritime présentement, on s'aperçoit que les gens du monde des pêcheries s'attardent à autre chose que des médailles. Malheureusement, déjà la saison de pêche est en cours, des problèmes tout à fait extraordinaires ne sont pas réglés et le ministre ne s'y penche pas. J'avais apporté un exemple la semaine dernière et on en avait discuté tout bonnement. Il va me dire que cela ne le regarde pas et que cela relève du fédéral. (23 heures)

Dans mon comté en particulier, différents cueilleurs de mollusques ont perdu 40 000 $ parce qu'on a, au Québec, un mauvais service d'inspection qui relève du fédéral. Le ministre va nous dire: Cela ne relève pas de mon ministère, mais n'empêche que, si, avec la loi 48, au lieu de se chicaner pendant des semaines et des semaines et des années avec le gouvernement fédéral, une entente avait été signée, ces gens aujourd'hui auraient 40 000 $ dans leurs poches. Je me demande, maintenant, si vous passiez à la Conserverie de Portneuf, de quelle façon les gens vous recevraient avec vos médailles. Je n'ai pas l'impression que le ministre serait le bienvenu. Pourquoi? Ce n'est pas juste la faute du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. C'est la faute de Pêches et Océans aussi, mais, lorsque personne ne s'entend et que tout le monde

se chicane, on se retrouve devant des situations aussi ridicules et aussi désastreuses que celles que ces gens ont dû vivre il y a quelques semaines.

Il n'y a rien qui nous dit que dans l'avenir on ne continuera pas à vivre des situations aussi précaires. Je pense qu'il aurait été du devoir du ministre de s'empresser de rencontrer le fédéral et de lui dire: Écoutez, cela ne marche pas. Ces citoyens perdent de l'argent. Au lieu de leur donner des médailles, on va leur donner un service d'inspection adéquat pour qu'ils puissent vendre leurs excellents produits et les mettre en marché au Québec.

Dans les lois 48, 49 et 82, il y a eu des modifications que le ministre aurait pu apporter pour alléger le fardeau des pêcheurs, alléger le fardeau des propriétaires d'usines, et je parle particulièrement du service d'inspection qui s'en vient de plus en plus coûteux pour les pêcheurs et les propriétaires d'usines, qui d'ici un an sera complètement à la charge de ces gens. Lorsqu'on regarde, par exemple, la distorsion qui existe entre les propriétaires d'usines et les pêcheurs qui doivent débarquer leur chargement à ces usines, et quand on regarde, par exemple, l'achat qui se fait directement sur les quais, ce poisson n'est pas inspecté, il est mis en marché dans les autres provinces et on dit: C'est du poisson du Québec. C'est pour cela que notre qualité est encore mise en doute même si nos pêcheurs chez nous doivent payer, les propriétaires d'usines doivent payer pour se faire inspecter et, à côté, on pirate la qualité du Québec. Je pense que cela aurait été une occasion rêvée pour le ministre d'apporter une modification à sa loi sur l'inspection: au lieu de mettre l'inspecteur dans l'usine, l'inspecteur aurait dû être au quai, là où se font les débarquements, et on serait assuré, de cette façon, que tout le poisson débarqué des bateaux de pêche du Québec aurait eu la même qualité. Encore là, on retrouve une distorsion qui fait une mauvaise réputation au Québec et qui continue de se propager dans les autres provinces, la mauvaise réputation que le Québec avait dans ce domaine.

On a mis le ministre en garde lors de l'approbation de ses projets de loi. Malheureusement, et on l'a répété au cours de l'année, le ministre a préféré apporter un projet de loi, même si on n'est pas contre, qui, à mon avis, n'est pas essentiel. Un projet de loi qui n'est pas essentiel, et qui ne règle rien dans le domaine maritime. Un projet de loi qui va apporter une petite médaille, comme on le faisait à la maternelle, et le ministre portera l'habit du grand commandeur, le chapeau, le tricorne, la cape et l'épée, tout le bazar. Cela va donner quoi à l'ensemble des pêcheurs québécois? Cela va donner quoi aux usines qui sont fermées présentement, aux pêcheurs qui ne savent pas où débarquer leurs chargements de poisson? Cela n'allège aucune mesure des lois qui, souvent, sont iniques vis-à-vis de ceux qui doivent gagner leur vie dans ce domaine.

M. le Président, le Parti libéral ne votera pas contre le projet de loi du mérite du pêcheur parce que, récompenser l'excellence, tout le monde est pour la vertu, sauf que là où on doit s'interroger, c'est sur sa pertinence à ce stade-ci. Alors qu'il y a des problèmes cruciaux qui n'ont pas été réglés, on aurait dû apporter des amendements qui auraient permis de régler des situations tout à fait injustes, des situations tout à fait désastreuses pour certains propriétaires d'usines et certains pêcheurs.

Mon temps sera partagé par mon collègue de Nelligan sur cette intervention; c'est pour cela que j'arrête ici et que je cède la parole à mon collègue de Nelligan. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, je voulais, avant de commencer mon intervention, vous demander la permission et celle du ministre, parce qu'on a cherché le leader du gouvernement - mon collègue a pris seulement quelques minutes de son intervention - pour avoir quelques minutes additionnelles en plus des dix minutes pour mon intervention. Je suis sûr que le ministre sera tout à fait d'accord, avec sa gentillesse habituelle.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il consentement? Quelques minutes supplémentaires vous sont accordées, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, c'est la deuxième fois que je prends la parole par rapport au projet de loi 28, alors que toutes sortes de pêcheurs sont au bord de l'abîme financier - c'est vrai, on peut dire cela -alors que nous avons toutes sortes de crises au Québec, crise dans les affaires sociales, crise dans les pêcheries, crise dans le milieu de la fiscalité publique, crise dans les finances publiques, alors que nous venons de taxer les Québécois avec 450 000 000 $ de taxes additionnelles. Voilà que nous faisons encore un petit débat sur le projet de loi 28 qui va créer l'Ordre du mérite du pêcheur.

Nous sommes tous pour le mérite des pêcheurs. Je pense que les pêcheurs sont les gens les plus méritants du monde, mais je ne peux pas comprendre comment le ministre, lui, soit celui qui s'arroge le titre de Commandeur de l'Ordre du mérite du

pêcheur. Je me demande quel est le mérite du ministre pour être devenu Grand Commandeur de l'Ordre du mérite du pêcheur immédiatement, d'un jour à l'autre. L'autre jour, on discutait de l'Ordre du mérite de la restauration et voilà maintenant le ministre qui est deux fois Commandeur de l'Ordre du mérite du pêcheur et de l'Ordre du mérite de la restauration. Hier soir, je me souviens avoir écouté le ministre de l'Enseignement supérieur qui nous disait avoir fait un rêve où il avait vu toutes sortes de choses. Quand je suis entré chez moi hier, j'ai eu malheureusement un cauchemar. J'ai rêvé qu'enfin, la république du Québec était arrivée. Dans ce cauchemar, il y avait une grande parade pour célébrer l'arrivée de la république du Québec et là, dans la parade d'honneur, il y avait le Grand Commandeur lui-même, l'empereur. Alors, on a crié "Vive l'empereur!"

Le Président: Non, non, non! Je pense, M. le député, que vous dépassez nettement les bornes admissibles. Je le pense, moi, et c'est moi qui suis le président. À l'ordre! M. le député, si vous voulez prendre la parole, votre siège est là-bas. Je vous prie de bien vouloir retirer ce qui n'est pas un tableau didactique, ce qui est une... Si tous les députés commencent à agir ainsi, vous voyez un peu ce que cela va donner. Demain matin ou ce soir, un député de l'autre parti va arriver avec une caricature de vous. Alors là, il y a 122 députés. Vous imaginez un peu le cirque que cela va donner dans cette Chambre. Je vous prie de bien vouloir retirer ce...

Cela étant dit... Bien.

M. Lincoln: Je vais accepter, mais en même temps, je vais dire quelque chose, M. le Président. Je pense que si dans cette Assemblée nationale on est arrivé à un point où on ne peut même pas avoir un peu le sens de l'humour - le ministre lui-même ne s'est pas opposé à la chose... Ce que je voulais démontrer, c'était le ridicule de la chose. C'était le ridicule de la chose...

Le Président: M. le député!

M. Lincoln: ...parce que aujourd'hui, à cette époque que l'on vit au Québec où on cherche...

Le Président: Je veux bien, mais c'est parce que ce faisant, vous mettez en cause ou vous en appelez indirectement de la décision que je viens de rendre, ce qu'un député n'a pas le droit de faire. Je suis tout à fait d'accord avec toutes les manifestations du sens de l'humour que l'on peut avoir, dans la mesure où cela respecte aussi les bornes du décorum de ce Parlement, qui en prennent un peu pour leur rhume depuis un certain temps. Je pense que cela va à l'encontre du décorum qu'on doit avoir à l'Assemblée nationale. Je crois que c'est aussi, si cela devait être permis, parce qu'on ne peut pas... Les tableaux didactiques, c'est une chose. Vous conviendrez avec moi qu'on va bien au-delà d'un tableau didactique et qu'à partir du moment où on permet cela, forcément, il va y avoir la contrepartie de l'autre côté. D'autres députés vont arriver et, enfin... Vous imaginez un peu' la foire que cela va devenir ici. Je pense que tout en...

Une voix: ...

(23 h 10)

Le Président: À l'ordre! Tout en pouvant avoir le sens de l'humour, la parole est là pour le manifester; il n'est pas nécessaire d'avoir recours à de telles manifestations, du moins ici.

M. Gratton: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Je pense que le député de Nelligan a obtempéré à votre directive, a mis son placard de côté. Je pense, par contre, qu'il a le droit d'expliquer pourquoi il avait choisi de tenter de procéder de cette façon. Je pense que c'est ce qu'il était en train de faire, et j'espère qu'il pourra continuer l'explication qu'il était en train de nous livrer.

Des voix: Oh! Voyons! Une voix: C'est honteux!

Le Président: À l'ordre! Le député de Nelligan, comme tous les autres députés, peut dire tout ce qu'il veut dans les limites du règlement, dans des termes admis et selon la pertinence du débat, dans la mesure où ce que l'on dit n'a pas pour effet de contester la décision du président, ce qui, vous le savez très bien, n'est pas permis.

M. Gratton: Évidemment, M. le Président, simplement une question. Est-ce que parler du ridicule du projet de loi n'est pas très pertinent?

Une voix: Voyons donc!

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Tout ce que je ne peux dire par la caricature que je voulais vous montrer, je vais le dire en parole. Pour moi, c'est quelque chose d'inacceptable qu'aujourd'hui, alors que le taux de chômage touche presque le million de personnes au

Québec, on vienne ici nous présenter deux projets de loi pour consacrer des bébelles et cela au cours d'une session que l'on dit tellement importante. C'est bien ce qu'on est en train de faire. Tout le monde ici est pour le mérite du pêcheur, tout le monde est pour le mérite des restaurateurs, mais je n'accepte pas, quelle que soit l'importance du ministre, qu'il se donne lui-même des titres de gloriole qu'il a mérités de quelle façon? C'est pourquoi j'essayais de démontrer à ma façon, un peu par l'humour, le ridicule de la chose.

Quand on lit ce qui est arrivé dans les empires, ce qui est arrivé lorsqu'on voit des photos de toutes ces grandes parades ici ou là, que ce soit en Afrique centrale avec Jean Bedel Bokassa...

Une voix: Wo! Wo! Wo!

M. Bertrand: M. le Président...

Une voix: En Afrique centrale?

Le Président: Vous vous levez sur quoi?

M. Bertand: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Un rappel au règlement.

M. Bertrand: Si vous avez entendu les dernières paroles prononcées par le député de Nelligan... C'est peut-être une chose pour le député d'avoir recours à l'humour dans un discours, je pense que c'est un droit absolu de la liberté d'expression, mais de là à tenter de faire des apparentements entre quelque membre de l'Assemblée nationale et certaines situations...

Le Président: Allons, allons, allons! Je vois mal, puisque vous vous leviez sur un rappel au règlement, quel est l'article du règlement qui justifiait cette intervention. Le député a le droit de faire les paralèlles qu'il veut dans la limite où il reste à l'intérieur des bornes des expressions parlementaires.

M. Lincoln: Ce n'est pas parce que je n'ai pas pu faire d'humour à travers mon dessin que je vais faire de l'humour noir. Ce n'est nullement une comparaison personnelle, ce n'est pas cela et je tiens à le souligner. Tout ce que je veux dire, c'est que quand on commence, que ce soit le ministre ou quelqu'un d'autre, à se donner des décorations ridicules... Ce n'est pas le sens de la décoration elle-même mais le fait de se donner cette décoration. Quand on commence à se donner des décorations, on commence par l'Ordre du mérite du pêcheur, on continue par l'Ordre du mérite de la restauration et quoi encore? L'Ordre du mérite de quoi? De la sucrerie? Des betteraves? Ensuite, ce sera quoi? Quel autre ordre va-t-on créer encore pour le ministre? En fin de compte, quand il aura toutes ces médailles, quand il les aura toutes eues, à quoi cela va-t-il rimer? Qu'est-ce qu'on a consacré dans ce projet de loi pendant qu'on a des problèmes des plus graves au Québec? Pour moi, c'est quelque chose de futile, et je voulais le démontrer de la façon la plus claire possible. Il me semblait que c'était la façon de le démontrer. Dans tous les endroits où on porte des médailles sans les avoir méritées vraiment soi-même, on se fait ridiculiser et c'est ce que je voulais démontrer. Parce que je n'ai pas pu le démontrer, je pense que tout ce petit débat qu'on a eu l'a démontré bien mieux que je ne l'aurais fait moi-même.

Quand les gens qui nous regardent aujourd'hui réaliseront que, ce soir, on discute de l'Ordre du mérite du pêcheur où le ministre se fait grand commandeur de l'ordre, ils réaliseront par eux-mêmes la futilité de la chose, de ce gouvernement en fin de pouvoir qui se donne toutes ces petites médailles qui ne valent rien de bon. C'est ça que je voulais dire. Malheureusement, je n'ai pas pu le faire de la façon que je voulais le faire, donc, je le dis tout à fait simplement. C'est ce que je pense profondément. Lorsque j'ai cité la République centrafricaine, c'était purement un exemple. On aurait pu citer des centaines d'exemples de poitrines bombées de décorations qui ne veulent rien dire. C'est ça.

Le député de Vachon peut rire, mais, le jour de l'élection, il aura à expliquer aux gens de son comté que c'est comme ça qu'on a fait la création de jobs au Québec, en passant l'Ordre du mérite du pêcheur et l'Ordre du mérite de la restauration pendant que les pêcheurs de la Basse-Côte-Nord crèvent de faim avec 8000 $ par an. Oui, c'est ça, c'est ça et, si le ministre veut que je lui cite des extraits de lettres que j'ai reçues, je vais le faire. Pendant qu'à Newport on a bâti deux usines quand une seule pourrait faire l'affaire et qu'il y a 400 pêcheurs qui cherchent du travail, et on crée l'Ordre du mérite du pêcheur et le mérite se donne le ministre de grand commandeur de l'ordre.

C'est tout ce que je voulais indiquer, sans aucune question de personnalité envers le ministre que, personnellement, je trouve très sympathique. Seulement, le principe de la chose, pour moi, est inacceptable et c'est ce que je voulais souligner tout à fait simplement. C'est ça.

Des voix: Parfait! parfait!

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: C'est quoi, le numéro du projet de loi?

Une voix: C'est le numéro 28. M. Jean Garon (réplique)

M. Garon: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'étonnement les discours de l'Opposition. J'ai présenté un projet de loi sur le mérite du pêcheur et, tantôt, on débattra le projet de loi sur le mérite de la restauration, qui sont des projets de loi de même nature que le projet de loi sur le mérite agricole qui existe depuis 1890. C'est un concours qui avait été institué par le premier ministre du Québec du temps pour imiter le mérite agricole qui existait en France. Dans quatre ans, on fêtera son centième anniversaire. J'ai pensé que les pêcheurs du Québec seraient très heureux d'avoir un mérite comme le mérite agricole. J'ai peu innové, voyant que la Loi sur le mérite agricole a duré 96 ans avec une grande fierté des agriculteurs du Québec et j'ai pensé faire la même chose pour les pêcheurs, pour valoriser leur excellence professionnelle.

J'ai été estomaqué d'entendre les discours de l'Opposition tant au niveau du mérite du pêcheur qu'au niveau du mérite de la restauration. J'espère qu'ils feront ce même discours devant leur chef parce que leur chef a été assez ridicule pour se faire donner cette médaille.

Une voix: Hein? Quoi?

M. Garon: En 1972, Robert Bourassa, premier ministre du Québec, s'est fait donner la médaille du mérite agricole.

Une voix: Hein? Des voix: Quoi?

Une voix: Elle est bonne! Elle est bonne!

M. Garon: Et après tous les discours insignifiants que j'ai entendus de la part du député de Louis-Hébert, il pourrait lire les dix-sept dictionnaires qu'il a commandés dans sa réquisition lorsqu'il a été élu député, parce que ça lui prenait dix-sept dictionnaires, comme député de Louis-Hébert, des centaines de crayons et des centaines de plumes pour fonctionner aujourd'hui avec des discours insignifiants, méprisants pour le peuple québécois par les députés de l'Opposition. Je vais vous dire une chose: j'ai toutes les galées, du député de Charlesbourg en particulier, du député de Louis-Hébert, du député de Saguenay, du député de Nelligan pour qui chaque discours est un mépris des Québécois. Il a dit: Ce sont des bebelles, ces mérites. Un mérite agricole qui a duré 96 ans, qui fait la fierté de tout le monde agricole québécois, a été piétiné par les députés du Parti libéral.

Une voix: C'est ça.

Une voix: Odieux! Odieux! Odieux! (23 h 20)

M. Garon: On a parlé de décorations ridicules, de décorations qui ne veulent rien dire, comme l'a dit le député de Nelligan. Pour la première fois dans cette Chambre, je me suis senti humilié comme Québécois par ce genre de discours.

Juste pour le plaisir de la chose, je vais vous renseigner un peu comme député, qui venez de nulle part, qui ne connaissez pas le Québec. Qui a eu le mérite agricole au Québec? Vous direz: J'ai tellement respecté ces médailles que je n'en ai donné aucune. Depuis 1976, et pour la première fois cette année, je vais en donner plusieurs. Sous le Parti libéral, on a donné des médailles en 1961, quand Jean Lesage gouvernait, à Ernest Mercier du Parlement de Québec, à Firmin Létourneau, pas des cultivateurs qui avaient gagné des concours parce qu'on pensait légitime d'honorer des Québécois qui avaient fait leurs marques dans le domaine agricole, à Firmin Létourneau d'Oka, dans Deux-Montagnes. Personne ne va traiter au Québec, dans le monde agricole, Firmin Létourneau d'être ridicule. Adhémar Belzile de Normandin, Adélard Bellemarre de Yamachiche, Noé Ponton à titre posthume. On a pensé que cela honorerait la famille d'honorer quelqu'un qui avait fait sa marque dans le domaine agricole.

En 1962, Pierre Gignac de Disraeli, Jean-Baptiste Lemoine qui avait fait sa marque dans le monde agricole à Saint-Robert de Richelieu, Stéphane Boily de Montréal, John Dickson de Montréal. En 1963, à chaque année, les libéraux ont donné des médailles. Mgr Paul Roy de Nicolet, le révérend père Louis-Marie Régis de Montréal, Mlle Marie-Blanche Paradis de Notre-Dame-de-la-Doré, Jean-Paul Lettre du Parlement de Québec. En 1966, Everett Biggs de Toronto en Ontario; on voulait rire, je suppose, de quelqu'un de l'Ontario. Andrew Graham de Montréal, Rolland Poirier d'Ottawa, Louis-Philippe Poulin, directeur général de la Coopérative fédérée. Le Parti libéral a voulu, je suppose, le ridiculiser en lui donnant une médaille.

En 1967, l'Union Nationale a nommé Roméo Lalande, aujourd'hui directeur général des meuniers, on lui a donné une médaille du mérite agricole pour reconnaître les années qu'il a passé dans l'agriculture. Éloi Saint-Germain de Saint-Casimir de Portneuf, Georges Monnet de Paris, France. En 1968, l'Union Nationale a nommé Albert Gingras de

Montréal, Lionel Sorel qui a été pendant plusieurs années le président de l'UPA. En 1969, la médaille a été donnée à l'honorable Jean-Jacques Bertrand, premier ministre du Québec. En 1971, Roland Pigeon qui a été président de la Coopérative fédérée a reçu la médaille du mérite agricole. Les libéraux l'ont donnée en 1971 à un sous-ministre qu'ils avaient nommé un an auparavant, Gaétan Lussier, Parlement de Québec. Ils ont voulu l'honorer après un an comme sous-ministre. Benoît Beauregard de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, Albert Alain qui avait été président de l'UPA qui est ajourd'hui à la Commission de protection du territoire agricole. Les libéraux lui avaient donné la médaille du mérite agricole.

En 1972, Robert Bourassa, premier ministre du Québec, se fait donner la médaille par son ministre de l'Agriculture. Présentement, vous avez le député de Nelligan, je vais envoyer les notes à son chef et je vais vous dire plus que cela. Quand il va arriver en cette Chambre, je vais porter la médaille comme commandeur, comme ministre de l'Agriculture en vertu de la loi, qui est le président de l'ordre, en quelque sorte, puisqu'il administre cette loi. La loi a décidé en 1890 que, d'office, le ministre de l'Agriculture serait commandeur de l'ordre. Ce n'est pas moi qui ai décidé cela, c'est la loi de 1890 qui imitait la Loi sur le mérite agricole de France de 1885-1886. Ils trouvaient cela normal.

Pendant des années, même Maurice Duplessis a eu la médaille du mérite agricole, M. le Président. En 1946...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, je trouve très instructive, très intéressante l'intervention du ministre, mais, si je ne m'abuse, on est en train de parler du projet de loi 28, Loi sur le mérite du pêcheur et non pas de l'Ordre du mérite agricole. Est-ce que le ministre, pour être pertinent, ne devrait pas nous parler un peu au moins du projet de loi 28?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, sur le projet de loi 28.

M. Garon: M. le Président, en 1946 -pour montrer les personnes qui étaient honorées - il y avait, entre autres, le juge Thomas Tremblay de Québec, pour le mérite agricole, parce qu'on considérait qu'il avait rendu des services. En 1946, l'honorable Maurice Duplessis et, la même année, l'honorable Hector Laferté - vous le connaissez peut-être plus celui-là, il était libéral - ont été honorés. Vous savez, de grands hommes au Québec ont été honorés par le mérite agricole. Je dois vous dire que celui qui a donné le moins de médailles - qui n'en a même donné aucune, à part à des cultivateurs qui les ont méritées dans des concours déterminés par des jurys - c'est moi. Je ne les ai pas multipliées, les médailles, au contraire.

Mais j'ai pensé que les pêcheurs seraient très contents d'avoir un mérite qui reconnaîtrait l'excellence des pêcheurs, des pêcheurs qui ont été la plupart du temps oubliés. Vous savez, quand je suis allé sur la Côte-Nord et sur la Basse-Côte-Nord, il n'y avait pas beaucoup de ministres qui ont été responsables des pêches qui y étaient allés. Vous pouvez demander au député de Bonaventure, qui a été ministre des pêches pendant plusieurs années, combien de fois il est allé sur la Basse-Côte-Nord. Zéro. Vous pourriez demander: Dans toutes les années du régime du Parti libéral, combien de fois ils sont allés voir les pêcheurs de la Basse-Côte-Nord? Je vais vous le dire: depuis la Confédération, zéro fois, pas une fois. Comprenez-vous! Vous demanderez aux pêcheurs actuellement combien de fois j'y suis allé, sur la Basse-Côte-Nord, les rencontrer et travailler avec eux.

Une voix: Combien?

M. Garon: Quand le député de Nelligan dit qu'ils crèvent de faim... Je dois vous dire une chose: en 1976, lorsque nous sommes arrivés au gouvernement, le pêcheur de la Basse-CÔte-Nord, en moyenne, gagnait 2500 $ par année.

Une voix: Combien?

M. Garon: En 1981, quatre ans plus tard, il était presque rendu à 10 000 $, le pêcheur de la Basse-Côte-Nord. Il avait une augmentation considérable. Pourquoi? Parce qu'on s'est occupé des gens du territoire maritime. Allez aujourd'hui aux Îles-de-la-Madeleine, alors que se bâtit une nouvelle usine à Cap-aux-Meules, à Grande-Entrée, à l'anse de l'Étang du Nord, voir si les gens trouvent cela drôle et ridicule de reconnaître leur talent professionnel. Je vais vous dire une chose: Vous allez en entendre parler des médailles.

Les discours insignifiants du député de Louis-Hébert, je vais les lire un peu partout. Je vais en même temps lire sa réquisition pour 17 dictionnaires lorsqu'il a été élu. Imaginez-vous un député qui se fait élire et qui a besoin de 17 dictionnaires pour connaître l'orthographe. Je vais en parler de cela aussi. Je vais vous dire une chose: tous les pêcheurs du Québec vont être valorisés

par le mérite du pêcheur, tous les gens qui ont travaillé et qui se sont illustrés vont être récompensés et reconnus pour leur mérite professionnel. Vous savez, pour obtenir le mérite du pêcheur, comme pour le mérite agricole, il faut avoir excellé pendant des années avant de se qualifier.

Quand je vois que le premier ministre du Québec de 1972 s'est fait donner le mérite agricole par son ministre pour avoir été celui sans doute qui a nui le plus aux cultivateurs dans toute l'histoire du cultivateur! Je vais vous dire une chose, j'ai l'impression que, si je porte la médaille de l'agriculture comme commandeur et ministre responsable de l'Agriculture, je vais vous dire qu'il n'y a aucun cultivateur qui va rire de cela. Je défie votre chef de porter sa médaille. Je défie votre chef Robert Bourassa de la mettre sa médaille. Là, cela va être l'éclat de rire général, de bord en bord du Québec, les gens vont se tordre de rire. Ils vont dire: Comment? Ce roseau penchant, ce fouet, cette terre en friche qui va nous dire vraiment qu'il est méritoire, et c'est sous son gouvernement qu'il y a eu le plus de terres qui ont été en friche, 150 000 acres par année, c'était la spéculation d'un bord à l'autre du Québec. Il s'est fait donner la médaille du mérite agricole en 1972, M. le Président.

Le Président: Une question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, le ministre s'enflamme et on sait que cela peut être long quand il part; pourriez-vous le ramener sur terre et le ramener surtout à la pertinence du débat? Il ne s'agit pas d'un projet de loi sur le mérite agricole, il ne s'agit pas d'un projet de loi sur la performance des gouvernements depuis la Confédération en agriculture; il s'agit du projet de loi sur le mérite du pêcheur. Si le ministre n'a rien à dire sur cela, qu'on passe à d'autres chosesl (23 h 30)

Le Président: M. le ministre, en respectant la pertinence, s'il vous plaîtl

M. Garon: M. le Président, moi, ce qui m'étonne, c'est que les députés qui ont fait des discours sur ce sujet ne se sont pas renseignés pour connaître la valeur du mérite. Il m'aurait semblé naturel qu'ils lisent l'histoire du mérite agricole pour voir ce que cela donnerait dans le domaine de la pêche, un mérite du pêcheur. Nous avons une histoire complète, depuis le début, qui explique tous les avantages, qui donne tous les noms. Ils auraient constaté que le nom de leur chef est là. Bien, ils ne l'ont même pas lue, ils ne se sont pas renseignés sur le projet. Ils n'en ont pas vu l'intérêt et ils se sont moqués du projet.

Une voix: Ils se moquent de leur chef.

M. Garon: Je peux vous dire qu'en ce qui concerne le mérite du pêcheur j'espère instituer ce concours dès cette année pour faire en sorte qu'il y ait, avec un règlement qui va être adopté rapidement après l'adoption de la loi, un mérite du pêcheur si possible cette année. Je peux vous dire qu'il y aura une grande fierté dans tout le territoire maritime. Il y aura une grande cérémonie. Pour compenser les années où je n'ai pas donné de médailles, de 1976 à 1985, je vais compenser cette année...

Une voix: Très bien.

M. Garon: ...en récompensant davantage et j'inviterai à cette occasion les anciens qui ont obtenu des médailles au cours des années passées. Je vais leur demander de porter leur médaille, de venir possiblement ici, au salon rouge, pour rencontrer de nouveaux médaillés dont, M. le Président... M. le Président, j'aurai sûrement à demander votre autorisation pour faire en sorte qu'on reconnaisse les mérites de gens qui ont excellé dans ce secteur. Il serait heureux que, dans le domaine des pêches, une première année en 1985, on reconnaisse les mérites d'un certain nombre de personnes qui ont fait des efforts considérables pour que le secteur des pêches puisse se développer.

M. le Président, je sais que cette leçon d'histoire est dure pour l'Opposition. Je sais que les discours qui ont été prononcés par le député de Charlesbourg, par le député de Louis-Hébert, par le député de Saguenay, par le député de Nelligan, par le député de Brome-Missisquoi et beaucoup d'autres vont faire l'objet d'analyse pour montrer à quel point ces gens erraient. À toutes fins utiles, ils se sont moqués, mais, dans un élan de vertu ou de sincérité, le député de Saguenay a dit: On ne peut pas être contre ce projet de loi parce qu'on ne peut pas être contre la vertu.

Alors, pourquoi parler des deux côtés de la bouche? Pourquoi se moquer d'un concours qui va être excellent, qui va être extraordinaire pour la promotion de l'excellence, du professionnalisme dans le secteur des pêches? Pourquoi avoir parlé pendant des heures contre un projet de loi alors que, dans le fond, ce sera un projet de loi bon pour l'ensemble des pêcheurs du Québec? Je me dis que, si l'Opposition a trouvé ce projet de loi aussi ridicule, elle aura le courage de voter contre puisque, quand un projet de loi est ridicule-Une voix: On vote contre.

M. Garon: ...on ne vote pas pour, on vote contre. À ce moment-là, je verrai si les députés et vous-même... J'aimerais que le

leader en fasse un vote enregistré, même, au cours de la journée de demain, pour que nous puissions voir...

Une voix: Very good.

M. Garon: ...ceux qui vont voter pour ou contre ce projet de loi qui sera excellent pour l'ensemble du territoire québécois et excellent pour la promotion de nos produits marins, pour la reconnaissance, enfin, sur le territoire québécois, d'une catégorie de travailleurs qui, dans le passé, a été trop souvent oubliée.

Je vous dis qu'on fait actuellement un pas depuis le Dr Camille Pouliot, que nous avons honoré en donnant son nom à un bateau-patrouilleur. Le Dr Camille Pouliot a été un grand ministre des pêches sous le gouvernement Duplessis. Quand je passe dans le territoire maritime, les gens me disent: Dans le fond, vous êtes le premier gouvernement qui, depuis le départ de Camille Pouliot ou de l'Union Nationale, dans le temps où Camille Pouliot était ministre des pêches, a renoué avec le développement dans le secteur des pêches. Ils ont dit: Entre Camille Pouliot et le Parti québécois, il n'y a rien eu dans le secteur des pêches.

J'espère que M. Bourassa ne pourra pas prétendre à la médaille dans ce cas. En 1976, le budget pour la réparation et la construction des bateaux était de 75 000 $ pour l'ensemble du territoire québécois sous Robert Bourassa, alors que le budget en 1984 était de 11 500 000 $; nous sommes en train de renouveler la flotte de pêche avec des bateaux qui font l'envie de tout l'Est du Canada, M. le Président!

Je peux vous dire que, quand on ira dans le territoire maritime, on aura l'occasion de lire ces extraits de discours des députés de l'Opposition qui ont pensé que ce serait ridicule de reconnaître les talents des pêcheurs, qui ont pensé que ce seraient des décorations qui ne veulent rien dire, des bebelles et qu'on a essayé de faire des portraits. Si j'avais à faire le portrait du député de Nelligan, ce serait vite fait; ce serait cela; ce ne serait pas davantage.

Je ne perdrai pas de temps à faire ce genre de caricature et je préfère, au contraire, qu'on voit à ce projet le plus rapidement possible pour pouvoir, finalement, adopter un règlement au Conseil des ministres et mettre en vigueur ce programme de mérite du pêcheur le plus rapidement possible, parce qu'on a les instruments pour le faire avec le contrôle de la qualité par le triage, avec l'inspection du poisson, avec des bateaux qui sont maintenant en mesure de fournir la qualité, avec des cales réfrigérées - il n'y en a eu aucune dans le temps des libéraux - avec des bateaux qui sont équipés, qui sont organisés et qui permettent un certain confort aux pêcheurs, qui étaient inexistants avant 1976.

Autrefois, c'était différent dans le secteur des pêches. Aujourd'hui, le Québec est en train de s'affirmer et, si le Québec s'affirme, essentiellement, c'est parce qu'il y a des gens courageux qui travaillent sur la mer, les travailleurs de mer, comme dit souvent la députée des Îles-de-la-Madeleine, qui vont passer quatre ou cinq jours en mer dans des temps difficiles et durs, des journées de vingt heures de pêche, lorsque la pêche est bonne, qui naviguent sur les mers, qui prennent des risques et qui font en sorte qu'aujourd'hui, des gens dans les usines peuvent travailler, parce qu'ils rapportent le poisson.

Le gouvernement actuel a collaboré à moderniser ce secteur et a fait en sorte de donner une perspective nouvelle au secteur des pêches. Aujourd'hui, ce projet de loi sur le mérite du pêcheur vient couronner l'ensemble des mesures que nous avons mises en place et je suis persuadé que, dans le territoire maritime, ce projet de loi sera bien accueilli, ce concours sera bien accueilli, parce qu'on valorisera les gens du territoire maritime.

Le Président: Le rapport de la commission qui a étudié le projet de loi 28 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Le rapport de la commission, adopté. Je n'ai entendu aucune voix dissidente, ce qui nous mène à la reprise du débat sur le projet de loi 27. M. le leader adjoint.

M. Bertrand: M. le Président, effectivement, je vous demanderais d'appeler l'article 2 du feuilleton.

Projet de loi 27

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Reprise du débat sur le projet de loi 27, Loi sur le mérite de la restauration. Le débat va être ajourné au nom de M. le leader de l'Opposition à qui je cède la parole. (23 h 40)

M. Michel Gratton

M. Gratton: Merci, M. le Président. Très brièvement, j'aimerais tâcher de faire comprendre, en supposant qu'on veuille bien tenter de comprendre, que ce que nous avons fait, par rapport au projet de loi précédent, le projet de loi 28 sur l'Ordre du mérite du pêcheur, et ce que nous faisons, au moment de débattre l'adoption du principe du projet

de loi 27, Loi sur le mérite de la restauration, ce n'est pas condamner les projets de loi comme tels. Le ministre l'a dit lui-même, comment pourrions-nous considérer ces projets de loi ridicules quand nous votons en faveur de leur adoption? Ce que le ministre sait fort bien que nous considérons ridicule, et ce que nous reprochons au gouvernement, c'est que, au moment où, par exemple, dans le domaine de la restauration, on connaît la pire situation dans cette industrie dans tout le Canada, ce gouvernement - et je n'en fais même pas un reproche au ministre de l'Agriculture, parce que cela ne relève pas du ministère de l'Agriculture, que de s'occuper de l'industrie de la restauration - au moment où l'industrie de la restauration au Québec est dans la situation la plus précaire de toutes les provinces canadiennes, tout ce qu'il a à offrir pour tenter de venir en aide à l'industrie, c'est un Ordre du mérite de la restauration.

M. le Président, on voyait dans le journal La Presse du 1er juin dernier - il y a à peine trois jours - un article signé par Michel Girard, dont le titre est le suivant: "Le Québec a enregistré à lui seul la moitié des faillites de restaurants au Canada." La moitié des faillites de restaurants qu'on a connues au cours de la période de deux ans entre 1981 et 1983 a été enregistrée au Québec, alors que, pourtant, l'industrie de la restauration au Québec ne représente qu'environ 25% de l'ensemble canadien. C'est donc dire, M. le Président, qu'avec à peine le quart du volume d'affaires qui se fait en restauration au Canada on a quand même la moitié des faillites. Est-ce que l'Ordre du mérite de la restauration va venir régler ce problème? M. le Président, c'est évident que non. Est-ce que cela va donner quelque chose à ces milliers de propriétaires de restaurants qui ont fait faillite au cours des trois dernières années? Cela va leur donner quoi de savoir qu'à compter d'aujourd'hui ou à compter de l'adoption du projet de loi 27 il y aura maintenant possibilité de donner des médailles aux propriétaires de ces restaurants? C'est ce que l'on trouve ridicule, M. le Président, pour le ministre de l'Agriculture et pour le gouvernement, de venir présenter un tel projet de loi.

Je vous citerai une partie de l'article, M. le Président, parce que je pense que c'est tout à fait pertinent à ce que nous discutons ce soir. En dépit d'une forte augmentation des recettes, soit 21,3 % en deux ans, l'industrie québécoise de la restauration connaît de sérieux problèmes de rentabilité. Les Québécois bouffent de plus en plus au restaurant, mais, paradoxalement, les restaurateurs, eux, vivent de plus en plus maigrement. Pourquoi? Parce que l'augmentation du chiffre d'affaires, expliquent les restaurateurs interrogés par la

Presse, n'arrive pas à compenser la hausse constante des frais d'exploitation.

M. le Président, est-ce que l'on retrouve un seul article dans ce projet de loi 27 qui concerne la question fondamentale des frais d'exploitation? Aucunement, M. le Président. Quand on se rend compte qu'au cours des quatre années, de 1981 à 1984, 1875 restaurateurs ont fait faillite au Québec, que donne le projet de loi 27 pour les propriétaires de ces 1875 restaurants, M. le Président? Il y en avait eu au total 3665 déclarés dans l'ensemble du Canada et les 1875 représentent comme on l'a dit tantôt la moitié.

On le mentionne dans l'article, les revenus dans le domaine ont augmenté de 21,3% au cours de ces années, mais justement si cette augmentation est aussi importante c'est parce que c'est ici que les restaurateurs ont connu les pires effets de la récession et les augmentations qui ont été connues pendant les années qui ont suivi cette récession l'ont été strictement en guise de rattrapage de ce qui avait été perdu. Et pourtant, pendant cette période de rattrapage, pendant que les choses reprenaient leur cours normal, on a retrouvé 1875 restaurateurs qui ont dû déclarer faillite. Je le répète, M. le Président, les frais d'exploitation - et prenons seulement les taxes, anciennes et nouvelles imposées récemment par le ministre des Finances - le projet de loi 27 n'en fait aucun cas. On est probablement le seul endroit au monde qui, pour promouvoir l'industrie de la restauration, impose une taxe spéciale sur les spiritueux.

Pourquoi les restaurateurs doivent-ils payer plus cher la bouteille de vin, la bouteille d'alcool qu'ils achètent à la Régie des alcools que n'importe quel autre individu? Comme si ce n'était pas toujours le même individu, contribuable, consommateur qui, finalement en défraie la note en fin de compte. Une mesure qu'on aurait préféré voir, qu'on aurait préférée à ce projet de loi 27 sur l'Ordre du mérite de la restauration cela aurait été simplement une décision du ministre des Finances dans son discours sur le budget d'éliminer cette surtaxe sur les spiritueux aux restaurateurs. Évidemment, mon collègue de Vaudreuil-Soulanges s'esclaffe et avec raison puisque non seulement le ministre des Finances n'a pas aboli cette taxe mais il a choisi de les augmenter, non pas celle-là en particulier, quoique demain le prix des spiritueux augmentera à cause des taxes et on aura une taxe sur la taxe et les restaurateurs paieront encore plus cher les spiritueux.

Tout cela pour aider l'industrie de la restauration. Et à ceux qui ne feront pas faillite on donnera peut-être une médaille si le grand commandeur de l'Ordre qui est le ministre de l'Agriculture choisit d'agir ainsi. Alors, non seulement le ministre des Finan-

ces il n'a pas aboli la taxe sur les spiritueux dans son budget mais il a choisi d'en imposer des nouvelles et notamment d'imposer une taxe de 9 % sur les assurances. On sait que dans le domaine de la restauration, la responsabilité civile, les polices d'assurance contre l'incendie et les responsabilités sont beaucoup plus élevées dans ce domaine que dans plusieurs autres. Encore là, on viendra aider l'industrie de la restauration en imposant cette taxe.

La réglementation. Est-ce que le projet de loi 43 sur les impôts des personnes travaillant au pourboire a été de nature à venir en aide à l'industrie de la restauration? Poser la question c'est y répondre. Bref, si le gouvernement avait choisi, lui qui, semble-t-il, est obsédé par la nécessité de créer des emplois, par la nécessité de relancer l'entreprise - c'est ce qu'on nous dit dans les discours de ces messieurs - si cela était vrai est-ce que le projet de loi qu'on étudie ce soir se limiterait à créer l'Ordre du mérite de la restauration? Je vous soumets que les députés de l'Opposition ont eu raison et continuent d'avoir raison de dire que c'est ridicule pour le gouvernement d'agir ainsi. Le projet de loi on n'a rien contre. On n'a rien contre la possibilité, pour le gouvernement, de reconnaître le mérite dans le domaine de la restauration, dans le domaine des pêcheries ou dans tout domaine où le gouvernement choisira d'agir, c'est d'ailleurs pourquoi on vote en faveur de l'adoption du projet de loi. (23 h 50)

Je sais d'avance que le ministre, dans sa réplique, va essayer de confondre les choses. Il aime faire rire ses collègues péquistes. D'ailleurs, ses pauvres collègues péquistes n'ont pas souvent l'occasion de rire ces temps-ci. Alors, bravo! Le ministre s'évertuera à dire que les députés libéraux sont contre l'Ordre du mérite, font toutes sortes de chinoiseries autour de cela. M. le Président, je répète que nous concourons d'emblée à l'adoption du projet de loi parce que nous n'y voyons rien de repréhensible, bien au contraire.

Ce que nous disons, c'est que le gouvernement n'est pas sérieux. Le gouvernement est complètement déconnecté de la réalité, quand, en cours de session qui se veut consacrée à l'économie, il vient nous dire: Ce qu'on a trouvé de mieux pour venir en aide à l'industrie de la restauration, une industrie où on a retrouvé la moitié des faillites canadiennes au cours de la dernière période de trois ans, c'est de créer l'Ordre du mérite de la restauration.

M. le Président, le ridicule ne tue pas.

Une voix: En conclusion.

M. Gratton: Oui, je conclurai quand j'aurai terminé, M. le ministre. On aurait souhaité que vous terminiez votre discours du budget un peu plus tôt avant d'en arriver aux nouvelles taxes, M. le ministre des Finances, soit dit en passant.

Nous voterons donc en faveur du projet de loi...

Des voix: Bravo!

M. Gratton: ...mais nous souhaitons que le gouvernement se rende compte que les résultats qu'il obtient - notamment aux dernières élections partielles - dans les sondages des intentions de vote sont justement dus à ce manque flagrant de réalisme de la part du gouvernement qui, en voulant régler ou venir en aide à une industrie, ne trouve rien de mieux que des projets de loi comme le projet de loi 27.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Très bien. M. le député de Saint-Laurent.

Une voix: Vous ne parlez pas là-dessus?

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Germain Leduc

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, j'écoutais, l'autre jour, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation dire que le Parti libéral entendait parler contre le projet, mais qu'il voterait pour. On n'a jamais parlé nécessairement contre le projet. On dit qu'il y a des problèmes dans le domaine de la restauration, chez les restaurateurs et le hôteliers. C'est surtout cela qu'on a voulu rappeler au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ce que j'entends d'ailleurs, ce soir, établir à l'occasion de l'étude du projet de loi 27.

Il faut bien reconnaître que le projet de loi 27 est un projet de loi qui reconnaît l'excellence dans la restauration et qui incite les restaurateurs à servir les meilleurs plats possible que nous faisons chez nous. Il s'agit, par ce projet de loi, de valoriser la profession. Personne ne peut être contre le fait qu'on valorise la profession de restaurateur ou d'hôtelier.

Ce projet de loi prévoit la remise, à la suite de concours, de trois décorations ou médailles. D'abord, la médaille d'or au Commandeur de l'Ordre du mérite de la restauration, ensuite la médaille d'argent à l'Officier de l'Ordre du mérite de la restauration et, enfin, la médaille de bronze au Chevalier de l'Ordre du mérite de la restauration. Ce projet de loi prévoit également qu'à la suite d'un concours, on remettra un diplôme de mérite à un ou plusieurs jeunes restaurateurs.

Ce projet de loi prévoit la remise de

récompenses. La question qu'il faudrait peut-être se poser est la suivante. Quelles seront ces récompenses dont on parle dans ce projet de loi? Il n'est pas fait état du montant ou de la forme de la récompense exactement. Est-ce que ces récompenses seront établies par règlement, tel qu'il est permis et prévu par le projet de loi? On sait que le mérite de la restauration prévoyait auparavant une bourse de 1500 $. Quel sera le montant -c'est une question que je pose au ministre -de la bourse de la loi 27? C'est une question, je pense, que plusieurs restaurateurs, plusieurs hôteliers doivent se poser actuellement. En fait, ce qui arrive, c'est que le projet de loi 27 officialise ou sanctionne - il faut bien le dire, ce n'est pas le ministre qui l'a inventé - le mérite de la restauration, qui existait depuis déjà quelque temps. Il faut reconnaître d'ailleurs que ce concours est très apprécié dans le milieu même de la restauration.

Une voix: Ah! Ah!

M. Leduc (Saint-Laurent): Nous le reconnaissons, M. le Président.

Une voix: Bravo.

M. Leduc (Saint-Laurent): De ce côté-là, il n'y a aucune réserve. Il y a une réserve, par exemple, que l'on peut faire en ce qui concerne le projet de loi 27, c'est qu'en prenant ce concours à sa charge, l'État fait une manière de mainmise complète sur le mérite dans la restauration. Ce sont des choses qu'il faut dire.

En effet, contrairement à ce qui existait auparavant, le gouvernement, maintenant, va choisir les juges. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation se déclare d'autorité - c'est ce que la loi dit - le commandeur de l'Ordre du mérite de la restauration et fixe toutes les modalités d'application de la loi par son pouvoir de réglementation. Auparavant, nous avions le Comité du mérite de la restauration, qui était formé de gens provenant du milieu même de la restauration, de journalistes et de gens du MAPAQ, trois personnes de chaque instance. Le jury national était formé de deux personnes provenant du milieu de la restauration et d'une personne du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Auparavant, seuls les restaurateurs étaient admissibles au concours et un seul prix leur était accordé en plus du titre de gagnant national.

On peut se demander si le projet de loi 27 ne cherche pas à adoucir, si ce n'est pas une occasion d'adoucir les critiques très sévères du milieu de la restauration à la suite du fameux projet de loi 43 que nous avons connu et qui a été sanctionné et à la suite du projet de loi 94 qui n'a même jamais été étudié.

Il faut reconnaître - plusieurs de mes collègues l'ont fait, tantôt le député de Gatineau l'a établi - qu'au-delà des médailles il y a de sérieux problèmes dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie. En s'intéressant à une mesure symbolique comme le mérite de la restauration, le gouvernement oublie complètement tous les irritants dont il est, à mon sens, le seul responsable. Ce gouvernement du Parti québécois, c'est un gouvernement fort en symboles. Nous avons connu beaucoup de symboles de ce gouvernement. C'est également un gouvernement très fort en publicité. Cela a coûté exactement, depuis un an, 20 000 000 $ en publicité. "On s'est donné des forces!" Je ne sais pas si on s'est donné tellement de forces dans le domaine de la restauration! Comme l'établissait tantôt mon collègue de Gatineau, le Québec a enregistré à lui seul la moitié des faillites canadiennes des restaurants.

Quels sont ces irritants? D'abord, en premier, la surtaxe de 4,4 % sur les vins et les spiritueux. Depuis près d'un an, le gouvernement en promet l'abolition; il n'en est pas question, elle n'est pas abolie encore. A mon sens et au sens de plusieurs Québécois, il devrait être évident que, lorsqu'on achète beaucoup de marchandise, il devrait y avoir un escompte. Ici, c'est juste l'inverse. Qu'on achète beaucoup ou moins, dans le cas des hôteliers et des restaurateurs, je pense qu'ils doivent acheter beaucoup, on leur impose une surtaxe; non seulement on ne leur donne pas un escompte, mais on leur impose une surtaxe. En outre, les restaurateurs et les hôteliers ont à payer une surtaxe sur la bière depuis plus de deux ans. Ils connaissent aussi toute la question, tous les irritants, les embarras causés par le vin libre où le gouvernement est revenu sur sa décision. (Minuit)

Les gens de la restauration connaissent la taxe de 10 % sur les repas depuis 1977. Ici, c'est l'industrie touristique qui écope, et le "fast-food", il faut bien le reconnaître, qui en jouit, qui en bénéficie. Autre irritant, les charges fixes. Les frais d'assurance-maladie sont très onéreux, tout le monde le reconnaît, pour l'industrie de la restauration qui emploie une main-d'oeuvre, une main-d'oeuvre très importante. Autre problème qui existe: les heures d'affaires des tavernes et des brasseries. Où en sommes-nous, M. le Président? La question est toujours à l'étude. Enfin, un irritant majeur qui a été imposé récemment: la SAQ annonçait, pas plus tard qu'avant-hier, une hausse de 7,1 % sur les spiritueux et de 5,4 % sur les vins.

On voit donc que le gouvernement étudie beaucoup - il faut bien le reconnaître ce gouvernement étudie beaucoup,

particulièrement le ministre, mais, lorsqu'il prend une décision, c'est rarement en faveur du milieu de la restauration. Quand il prend une décision, ce gouvernement, dans le domaine de l'hôtellerie, de la restauration, c'est pour imposer des taxes. Pas surprenant dès lors qu'on ait assisté au Québec à une croissance vertigineuse des faillites dans les restaurants. De 1979 à 1984, on est passé de 229 faillites à près du double, soit 441 faillites, pour une croissance exacte de 92 % sur une période de cinq ans. Pourtant, il faut bien le reconnaître, M. le Président, les employés au pourboire dans ces établissements gagnent 3,28 $ l'heure et ceux qui ont moins de 18 ans gagnent 2,95 $ l'heure, soit exactement, nettement moins que le salaire minimum de 4 $ l'heure. Il faut bien reconnaître que, s'il y a des faillites dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie, ce n'est sûrement pas dû aux salaires exagérés qui sont payés aux employés, aux gens qui peinent dans ce domaine.

Un des irritants qui a fait couler beaucoup d'encre, qu'on se le rappelle, c'est le fameux projet de loi 43 déposé en décembre 1983 et adopté en juin 1984. Bien sûr, M. le Président, que nous étions d'accord, que nous étions d'accord pour que les gens au pourboire comme tous les autres citoyens du Québec paient leurs impôts. J'imagine que ces gens qui oeuvrent dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie étaient d'accord pour payer leurs impôts. Mais, si l'État a des problèmes à percevoir ses impôts, je dirais que ce sont ses problèmes à lui et non ceux des employés au pourboire et des employeurs. C'était sa responsabilité de percevoir les prétendus 40 000 000 $ qu'il perd. Ce n'était nullement, on ne devait pas refiler le problème aux employeurs ou aux gens qui oeuvrent dans le domaine de la restauration, aux employés. L'État est sûrement mieux équipé - je jjense que tout le monde est d'accord - l'État est sûrement mieux équipé et organisé pour percevoir ses impôts que les restaurateurs et les employés, beaucoup mieux, bien sûr, que les petits propriétaires de restaurants.

Les problèmes, on les a connus avec la loi 43, une loi 43 qui, à mon sens, était inacceptable parce que arbitraire. Comment accepter qu'un gouvernement statue que les Québécois, et surtout les Québécois qui ont des revenus très bas, qui travaillent le soir et les fins de semaine surtout, sont présumés avoir des revenus égaux à 8 % du chiffre de vente du propriétaire du restaurant? Comment accepter que ces employés au pourboire soient l'objet, je dirais, de "spot taxing"? Pourquoi frapper ces gens-là?

À mon sens, c'était un précédent dangereux, c'était une première. Les travailleurs au pourboire, M. le Président, sont des travailleurs autonomes au même titre que d'autres travailleurs autonomes. Je pense ici aux commerçants, aux professionnels qui doivent déclarer eux-mêmes leurs revenus. Libre ensuite, bien sûr, à l'État, si l'État juge que les revenus déclarés ne sont pas suffisants ou ne seraient pas adéquats, libre à l'État, à mon sens, de vérifier si les revenus déclarés étaient réalistes ou non.

Oui, M. le Président, la restauration est un domaine important dans l'activité économique du Québec; nous le reconnaissons. Elle touche et affecte avec l'hôtellerie plus de 200 000 personnes dont 70 000 employés au pourboire. Fait important, également, 60 % des emplois dans la restauration et l'hôtellerie sont détenus par des femmes. Nous recensons 17 600 établissements dans le domaine de la restauration et leur chiffre d'affaires annuel en 1982 - il y a deux ans -était de 3 000 000 000 $, soit tout près de 3 % du PIB au Québec.

Nous avons, M. le Président - nous le reconnaissons - une table excellente au Québec. Nous avons de grands chefs cuisiniers, nous avons de grands restaurants. À mon sens, c'est un avoir, c'est un patrimoine; il faut en prendre soin et il faut le développer. Nous devons, malheureusement, constater que depuis 1976 le gouvernement du Parti québécois a très rarement pris des décisions favorables au milieu de la restauration. Il a surtout frappé ce milieu de taxes et d'irritants.

D'ailleurs, ces taxes et irritants sont toujours en vigueur. Ce qu'il aurait dû faire, c'est lui donner de l'oxygène, lui donner les moyens de se développer. Le projet de loi 27 est, je dirais, la première mesure depuis neuf ans qui soit favorable au milieu de la restauration. Encore là, cette mesure est purement symbolique, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Puisqu'il n'y a aucun autre intervenant, M. le ministre, c'est votre droit de réplique.

M. Jean Garon (réplique)

M. Garon: M. le Président, c'est un moment important pour moi que celui de faire le discours de réplique sur le projet de loi 27, Loi sur le mérite de la restauration. Évidemment, j'ai senti qu'après avoir indiqué à cette Chambre, alors que les députés du Parti libéral, jusqu'à maintenant, se moquaient du mérite du pêcheur et du mérite de la restauration, que leur chef, M. Bourassa, s'était donné un mérite en 1972, ils ont réajusté leur tir assez rapidement. Mais, j'ai mieux que cela.

Vous savez qu'on m'a accusé, on a dit que j'essayais de me donner des mérites que je n'avais pas, que je n'avais pas eu un grand mérite à faire ce projet de loi, que je

copiais les idées des autres, etc. Mais, j'ai ici des documents. Je répondrai, par exemple, au député de Louis-Hébert par une page d'annonces qui vient de la Beauce et j'aurai l'occasion de démentir tous les discours qui ont été faits principalement sur ce projet de loi par les députés de Louis-Hébert, de Charlesbourg, de Nelligan, de différents comtés. Nous allons ramasser tous ces discours pour faire connaître cela aux gens.

Évidemment, ils ont parlé surtout du domaine de la restauration et le député le plus suave a été le député de Saint-Laurent. Il a commencé par dire qu'il n'y avait jamais eu autant de faillites. Après cela, il a dit: 70 % des restaurateurs sont des femmes. J'aimerais que le député de Saint-Laurent fasse attention à ce qu'il dit, qu'il n'accuse pas les restaurateurs de faire faillite parce que les femmes administrent des restaurants.

M. le Président, il faudrait quand même faire attention aux discours qu'on fait. Au contraire, je connais un grand nombre de restaurants administrés par des femmes qui sont un grand succès. Justement, la présidente de l'Association des restaurateurs, Mme Gaudet, est une femme qui administre un restaurant à Farnham et qui connaît un grand succès. (0 h 10)

Le député de Charlesbourg a essayé de dire: Le ministre n'a rien eu à faire là-dedans, etc. Voici la lettre que j'ai envoyée à tous les restaurateurs du Québec le 12 mai 1983 pour leur indiquer comment fonctionnait le concours du mérite de la restauration. Ensuite, j'aurai l'occasion de vous lire des éditoriaux de la revue Le Restaurateur, qui indiquent comment cela va fonctionner et comment ils sont heureux. Après cela, je vous dirai pourquoi j'ai dû faire un projet de loi, justement, sur le mérite agricole, pour sortir des incidents politiques un mérite qui doit être au-dessus des incidents politiques comme le mérite agricole l'a été depuis 1890. Quel que soit le parti au pouvoir et quels que soient les débats politiques, le mérite agricole a fonctionné d'une façon parfaite parce qu'il était situé en dehors de la politique. C'est exactement pour cela que j'ai voulu instituer un concours du mérite du pêcheur et du mérite de la restauration pour que si, occasionnellement, il y a un débat entre les restaurateurs et le gouvernement le concours puisse fonctionner de la même façon et qu'on ne fasse pas de politique avec le concours.

Le 12 mai 1983, j'écrivais: "Monsieur, madame - cela répondra au député de Charlesbourg qui disait que le ministre de l'Agriculture n'a rien eu à faire dans le concours - il y a près de trois ans, à l'occasion du salon Rest-Hôte tenu à Québec, je proposais la mise en place d'un concours du mérite de la restauration..." À ce moment-là, le président de l'Association des restaurateurs était M. Michel Moreau, propriétaire de restaurants à Québec, confrère de classe, que j'avais connu il y a plusieurs années. En circulant au salon Rest-Hôte et chaque année par la suite je lui avais indiqué que ce serait intéressant d'avoir un concours du mérite de la restauration, mais cela a pris un certain nombre d'années à s'organiser. Les différents travaux préparatoires ont été faits, il est arrivé à maturité sous la présidence de Mme Gaudet qui était, à ce moment-là, présidente de l'Association des restaurateurs. C'est de cette façon que le concours a eu lieu en 1983.

Je lis ma lettre: "II y a près de trois ans, à l'occasion du salon Rest-Hôte tenu à Québec, je proposais la mise en place d'un concours du mérite de la restauration québécoise qui aurait comme objectif la mise en valeur de la restauration québécoise et des personnes qui en font partie et la promotion des produits agricoles, marins et alimentaires du Québec."

Quand les députés disent: Cela devrait aller au ministère du Tourisme, ce n'est pas du tourisme que l'on fait avec la restauration, c'est la promotion de produits alimentaires de chez nous. "De nombreuses discussions entre restaurateurs, entre chefs cuisiniers et les gens du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ont eu lieu. De longues consultations ont abouti à la formation d'un comité en octobre 1982. Ce comité, formé de représentants de l'Association des restaurateurs du Québec, de journalistes de la presse spécialisée dans la restauration et de représentants du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, élaborait un projet du concours du mérite de la restauration québécoise. "Aujourd'hui, il me fait plaisir, à titre de ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, de vous informer du lancement du concours du mérite de la restauration et en même temps de vous inviter à vous y inscrire. Je suis particulièrement heureux de compter sur la collaboration de l'Association des restaurateurs du Québec pour mener à bien ce concours. Par ce concours, nous voulons souligner l'importance du rôle que joue la restauration dans la chaîne agro-alimentaire québécoise, particulièrement dans le secteur de la consommation et, en même temps, mettre en valeur l'excellence de la bonne table québécoise. "En mettant l'accent sur l'originalité et la créativité, le mérite de la restauration québécoise veut, de plus, favoriser les façons différentes de préparer les produits agricoles, marins et alimentaires que l'on retrouve en abondance dans les régions du Québec. Les

noms des gagnants, national et régionaux, seront dévoilés en novembre prochain, à l'occasion du bal de la restauration qui couronnera le mérite de tous les artisans et artisanes de la restauration. "Pour en savoir davantage sur le contenu de ce concours, je vous saurais gré de lire les règlements généraux qui seront publiés dans la revue Le Restaurateur du mois de juin 1983. Je vous réitère donc l'invitation à inscrire votre établissement à ce concours sur le formulaire que vous retrouverez dans cette revue." J'ai signé cette lettre expédiée le 12 mai 1983 aux restaurateurs québécois.

M. le Président, je sais que différentes personnes ont essayé de déprécier le concours, particulièrement le député de Louis-Hébert, le député de Charlesbourg, le député de Nelligan et différents autres députés. Aujourd'hui, je sais à quel point les gens sont heureux de ce concours: les restaurateurs, les chefs cuisiniers, les ouvriers en usine. Je vous dirai plus, M. le Président: Depuis plusieurs années, nous travaillons pour reconnaître le statut professionnel également des cuisiniers. Depuis longtemps, ces gens souhaitent être reconnus sur le plan professionnel. Nous avons travaillé pendant un grand nombre d'années pour essayer de définir les critères qui feraient en sorte que les ouvriers, les gens de cuisine aient un statut professionnel comme on en retrouve dans différents autres secteurs de la vie des affaires, de la vie de la transformation ou dans le secteur industriel.

M. le Président, j'ai écouté les discours et je dois vous dire que je n'ai pas été estomaqué par le député d'Orford qui, à toutes fins utiles, n'avait rien à dire. Je ne pourrai pas vraiment commenter ses propos. Le député de Louis-Hébert a dit: Le ministre s'est donné le titre de commandeur. Il ne comprend pas vraiment ce qu'est un mérite professionnel. Pourtant, lui qui avait ridiculisé la statue de Bolivar, il a été le premier à accepter une médaille. J'ai eu le sentiment même que le pays qui lui donnait la médaille voulait un peu le ridiculiser. J'étais certain qu'il refuserait la médaille. Après avoir parlé contre tout cela, il accepte la médaille.

Une voix: II a pris cela au sérieux.

M. Garon: II semble que, si la médaille va à un restaurateur, elle n'est pas bonne, si elle va à un pêcheur, elle n'est pas bonne, si elle va à un agriculteur, elle n'est pas bonne, mais si elle va au député de Louis-Hébert, elle est bonne.

Une voix: Les deux côtés de la médaille.

M. Garon: II a parlé des taxes sur la boisson, mais je n'ai pas vu le Parti libéral promettre de les enlever. Je mets le Parti libéral au défi, lui qui a parlé contre les taxes sur le vin et contre les taxes sur la boisson, s'il est sincère, de promettre d'enlever ces taxes. Comme on juge l'homme à ses oeuvres, si le Parti libéral peut... Je comprends qu'il a déjà enlevé les fonds de pension des fonctionnaires, il n'a pas payé les fonds de pension des fonctionnaires pendant deux ans sans demander la permission à personne, ce qui équivalait à un genre de vol.

Une voix: Pendant sept ans.

M. Garon: Pardon! Pas deux ans, mais sept ans...

Une voix: Ah! Ah!

M. Garon: ...sans payer les fonds de pension, la partie du gouvernement. M. Bourassa ne payait pas ces fonds de pension-là. Nous du Parti québécois, on a remis l'argent qui devait être la part du gouvernement dans les fonds de pension des employés pendant sept ans. Eux qui parlent d'enlever des taxes, j'aimerais qu'ils fassent des promesses formelles. Ils ont plutôt l'habitude de piger dans nos poches, même sans adopter de loi, dans leur cas. Cela a été le cas des fonds de pension. Y a-t-il quelque chose de plus traître que le fait d'enlever le fonds de pension de quelqu'un sans lui dire? Un personne arrive à la veillesse, plus de fonds de pension. C'est le Parti libéral qui a fait cela.

Le député de Louis-Hébert a bien parlé, sauf que je lui dirai que, dans sa famille, il y a des gens plus intelligents puisqu'ils ont pris la peine de payer une page d'annonce pour féliciter le ministre. Je vous lis ceci dans la revue de juin 1983, volume 1, no 9: "Gailuron, félicitations à l'Association des restaurateurs du Québec et au ministre de l'Agriculture. Signé Raymond Doyon, président de Gailuron".

Une voix: Elle est bonne, celle-là!

M. Garon: Vous remarquerez que, dans la famille du député de Louis-Hébert, il y a des gens plus intelligents qui, eux, ont trouvé que c'était un bon concours, que le ministre faisait bien de donner des médailles aux restaurateurs et de reconnaître les talents culinaires du Québec.

J'en lirai maintenant un autre pour ceux qui disent que le ministre n'avait rien à faire là-dedans. Le président de l'association, en juin 1983, dit: "La place que le restaurateur occupe dans la société et qu'il défend par un labeur acharné et une fidélité à toute épreuve sera enfin reconnue." Ce

n'est pas il y a plusieurs années; c'est en juin 1983. Le concours n'a pas eu lieu en 1984; il a eu lieu une fois. Quand le député de Saint-Laurent dit plusieurs années, il devrait changer de recherchiste.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Garon: Écoutez bien ce que dit le président des restaurateurs: "Même les hommes les plus tenaces ont besoin d'encouragement et de modèles à suivre. Pour ces raisons, nous sommes heureux de participer à un événement sans précédent -sans précédent, pas depuis 50 ans, depuis 10 ans, depuis 3 ans, depuis 2 ans - dans nos annales. Il s'agit d'honorer certains des nôtres d'une façon prestigieuse et officielle. Puisque le restaurateur est l'artiste qui travaille cette matière première que sont les victuailles issues de notre terroir, il est normal que notre terroir reconnaisse ceux qui savent le mieux le mettre en valeur, mais qui mieux - écoutez bien ce qu'il dit; c'est le président de l'Association des restaurateurs qui parle - que tout autre peut s'enorgueillir de représenter le terroir, sinon notre ministre de l'Agriculture?

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Garon: "C'est lui qui, conjointement avec l'Association des restaurateurs du Québec, organise et préside le concours du mérite de la restauration." C'est-y assez beau? On ne peut pas demander mieux que cela.

Ce concours, les gens en sont très fiers dans cette revue. Je pourrais en lire d'autres. Il y a un message du comité. Il y a une page complète sur le comité. Ils ont même mis ma photo dans la revue.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

(0 h 20)

M. Garon: C'est écrit, en titre: "Enfin, un concours d'envergure pour les restaurateurs." Ce n'est pas pire, non? Et on dit: "Lors de son passage à Montréal, le 4 mai 1983, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a donné le coup d'envoi officiel au concours du mérite de la restauration." Évidemment, ce n'était pas le député de Charlesbourg, il n'était pas là.

Après cela, quand vous avez eu le concours, c'était des pages et des pages sur le concours et des titres de journaux. Les gens étaient heureux, comprenez-vous. Cela a été une grande cérémonie où les restaurateurs d'un peu partout sont venus pour recevoir les médailles qu'ils avaient gagnées. Ils étaient tous heureux. C'était dans une grande soirée pour tous. C'était le numéro de janvier 1984.

En février 1984 - M. le député de

Saint-Laurent, cela existe depuis longtemps -Mme Marie Gaudet, présidente a dit: "La mérite était une première et ce fut un premier succès. Avec ce répit pour mesurer l'effort, il faut maintenant préparer les Méritas de 1984." Voyez-vous, elle a dit: II faut continuer, cela a bien été. C'est bon, il faut continuer. Je ne lirai pas tout l'article, mais les gens étaient fiers de cela. C'est pourquoi, en 1984, je ne cacherai pas que j'ai déploré le fait que, parce qu'il y avait un imbroglio au sujet des pourboires, le concours n'ait pas eu lieu. C'est pourquoi j'ai pensé qu'il devrait y avoir une loi sur le mérite de la restauration pour que le concours soit en dehors de la politique.

Il y a, aujourd'hui, au ministère de l'Agriculture, un certain nombre de concours que nous administrons avec beaucoup de succès, d'ailleurs. Évidemment, ce n'est pas le député de Saint-Jacques qui a fait son petit discours, lui aussi, qui a refusé 40 000 000 $ dans son comté avec le parc des expositions agro-alimentaires...

Une voix: II a fait cela, lui!

M. Garon: ...notamment un édifice sur la gastronomie québécoise qu'il va y avoir là... Parce qu'une des façons de développer la promotion de nos produits, c'est de bien les apprêter. Il y aura une bâtisse, particulièrement à la Maison du Québec, pour développer la restauration, les produits du Québec, la façon de les apprêter. Quand je vois le député de Saint-Jacques, non seulement il a parlé contre le mérite de la restauration, mais, en plus, il a refusé 40 000 000 $ dans son comté. Il a voté contre, pas contre les modalités mais contre le principe en deuxième lecture, contre 40 000 000 $ dans son comté. Vous n'avez pas vu beaucoup de "zarzais" de même. Je m'excuse, M. le Président, ce n'est peut-être pas parlementaire, mais je veux dire que vous n'avez pas vu cela souvent, un député qui refuse 40 000 000 $ dans son comté pour développer l'île Notre-Dame, pour en faire une île entièrement utilisée. Je vais vous dire mieux que cela: En fin de semaine, samedi, parce que la semaine est trop remplie, je vais rencontrer le maire de Montréal et nous allons commencer à établir l'échéancier ensemble...

Une voix: Ah oui!

M, Garon: ...pour les travaux qui vont se faire. Des fonctionnaires avaient peur que le maire et moi, nous allions trop vite. J'ai dit: Au contraire, nous voulons aller le plus vite possible. J'espère qu'il va y avoir le maximum de travaux en 1984 pour que la saison 1985 soit la plus extraordinaire possible sur l'île Notre-Dame. Mais, là encore, il s'agit de mettre en oeuvre, de

vanter, de faire connaître les produits agroalimentaires québécois. Il y aura un parc des expositions agro-alimentaires où toutes les facettes de nos produits vont être représentées: les produits agricoles, les produits marins, les produits alimentaires, M. le Président.

Mais là non plus, il n'y a pas eu de collaboration du député de Saint-Jacques. Il vote contre, même si cela a lieu dans son comté. Il en est gêné un peu puisque, l'autre jour, il y avait des gens et il a dit: Je me suis abstenu. J'ai dit: Non, vous êtes un jeune député, vous ne savez peut-être pas cela, mais votre vote est enregistré. J'ai demandé un vote enregistré justement pour avoir le plaisir de vous dire pendant longtemps que vous avez voté contre ce projet de loi.

Une voix: Très bien, très bien.

M. Garon: II commençait déjà... J'ai dit: Non, non, non, ne commencez pas. Vous êtes trop jeune pour conter des blagues, vous avez voté contre 40 000 000 $ dans votre comté. Vous savez que nous administrons plusieurs mérites au ministère de l'Agriculture, le mérite agricole pour les cultivateurs...

Une voix: Ah! C'est quoi, cela?

M. Garon: ...le Lys d'Or pour l'industrie laitière, où on reconnaît les mérites des meilleurs fabricants de beurre, de fromage, de lait, de yogourt, différents produits laitiers. Parce que cela prend une année, avec des inspections quotidiennes des produits et ceux qui se classent le mieux au point de vue de la qualité à la fin de l'année ont le droit d'être décorés, d'être reconnus dans une soirée. Vous avez là un concours qui demande 365 jours de travail, qui valorise l'excellence de nos produits. C'est la meilleure façon qu'on ait trouvée dans le domaine agro-alimentaire pour reconnaître les talents.

Ces concours n'existent pas depuis cinq ans ou dix ans. Vous savez, dans l'humanité, il y a 1000, 2000, 3000 ans, il y avait de ces grandes expositions, de ces grands concours, de ces grandes foires agricoles où l'on reconnaissait le talent des meilleurs.

Un autre concours que nous avons institué en 1979, le concours Villes, villages et campagnes fleuris, est renouvelé cette année. Actuellement, nous pensons atteindre à peu près 500 municipalités qui vont être inscrites au concours. Nous avons l'intention d'aller dans la ville de Hull. Je suis un peu étonné que le Parti libéral se moque de ces concours puisque la ville de Hull voulait recevoir les gens. C'est la ville de Warwick, dans le comté d'Arthabaska, qui a gagné quatre fois le concours du village fleuri au

Québec. L'an dernier, nous sommes allés à Côte-Saint-Luc et je vous dis que le député du Parti libéral était très heureux de voir au-dessus de 1000 personnes réunies pour recevoir les prix, 1000 personnes qui venaient d'un bout à l'autre du Québec, de tous les territoires du Québec pour voir décorer leur municipalité qui avait gagné le concours Villes, villages et campagnes fleuris. Elles ne se moquaient pas du concours. Au contraire, elles étaient très fières d'être là. Je vous dis qu'à Hull, cette année, il y aura encore sûrement 1000 personnes, et peut-être davantage, pour venir recevoir leur prix du concours Villes, villages et campagnes fleuris. Quant au concours de la restauration, cela a été la même chose, M. le Président. Je peux vous dire que jusqu'à maintenant vous n'avez jamais eu de plaintes au point de vue des jurys. Les gens disent: Vous "taponnez" les jurys. Vous savez, quand vous avez 500 inscriptions dans le concours Villes, villages et campagnes fleuris, quand vous avez pour le mérite agricole des centaines et des centaines d'inscriptions, quand, pour l'ensemble de l'industrie laitière québécoise...

Une voix: II y a le mérite forestier aussi.

M. Garon: ...les gens s'inscrivent à un concours qui est basé sur des points évalués chaque jour pendant des mois, les gens savent à quel point ces concours sont corrects, sont bien administrés.

C'est la marque du Parti libéral d'être un peu déconnecté. J'ai remarqué que le député de Charlesbourg, par exemple, n'a pas dit un mot des chefs de cuisine, des ouvriers de cuisine qui ont un rôle important à jouer. Je peux vous dire aussi que le Gala culinaire, si cela n'avait pas été du gouvernement actuel, il était en train de disparaître. Nous l'avons inclus dans le Salon international de l'agriculture. Le Gala culinaire était en train de disparaître et vous demanderez au chef Demers, qui était à ce moment président des chefs cuisiniers du Québec, à quel point il était content que nous participions financièrement à cet événement pour le maintenir en vie parce qu'il était en train de disparaître.

Je crois à cette formule et je sais que c'est une des meilleures pour reconnaître les talents. Vous savez, pour les restaurants -parce que, là-dessus, il y a des points -50 % des points vont à des produits désignés, des produits régionaux. Qu'y a-t-il de plus sain sur le plan de la cuisine que de voir des gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui vont essayer d'utiliser davantage le bleuet dans les restaurants, qui vont essayer d'utiliser davantage des produits comme la gourgane; que, de voir dans le comté de Charlevoix, qu'on utilise davantage des produits locaux, ainsi que dans la Gaspésie?

Qu'on ne puisse pas gagner aux concours si on n'utilise pas les produits régionaux et que la cuisine régionale essaie de mettre en valeur les produits régionaux, est-ce qu'il y a quelque chose de plus sain que cela?

Une voix: Non.

M. Garon: Après cela, on va me dire: Oui, mais c'est pour les touristes. Voyons donc! C'est évident qu'un bon restaurant, c'est bon pour les touristes. C'est évident que les touristes vont vouloir aller dans un bon restaurant. Mais vous savez, au point de vue des efforts, au point de vue économique, cela n'empêche rien parce que ce sont deux concours différents. C'est bon que ce soient deux concours différents. Le ministre du Tourisme reconnaît le rôle que jouent les restaurants ou les hôteliers au point de vue de l'accueil et du développement touristiques. C'est excellent, mais le concours du mérite de la restauration ne poursuit pas les mêmes fins. Il est là pour mettre en valeur les produits alimentaires québécois, pour faire en sorte qu'on développe davantage ces produits, qu'on les utilise davantage. Vous irez faire un tour, par exemple, au restaurant de Renaud Cyr, à Montmagny, pour voir le nombre de produits qu'il fabrique maintenant avec le sirop d'érable afin d'utiliser ce produit, au Manoir des érables. Vous irez voir dans les différents restaurants du Québec les efforts qui sont faits. Je pense, par exemple, au restaurant Le Doyen, à Aima, qui a fait des efforts considérables pour mettre en valeur des produits.

Je sais que les députés vont me permettre de continuer pendant une minute ou deux, comme j'ai eu la gentillesse de le permettre au député de Nelligan. Je vous dirai, en terminant, qu'il est important... Je sais que les députés libéraux deviennent fatigués de bonne heure. Ils n'aiment pas parler beaucoup de ces questions, mais, quand on parle de développement économique, de mise en valeur de nos produits agricoles, de nos produits marins et de nos produits alimentaires, c'est une question fondamentale. Ce concours sera une occasion, dans l'ensemble du Québec, pour tous les restaurateurs, les cuisiniers qui se seront inscrits, de travailler ensemble pour que nos produits soient mieux utilisés, pour qu'on trouve différentes recettes et qu'on travaille ensemble à trouver différentes façons d'apprêter les produits de chez nous, pour qu'on puisse davantage les utiliser, davantage les vendre et davantage faire le plaisir tant de nos populations locale, régionale, nationale que de la clientèle étrangère, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, je voudrais invoquer l'article 212. Dans sa fébrilité, le ministre de l'Agriculture m'a fait dire que 60 % des faillis dans la restauration étaient des femmes. Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit plutôt que 60 % des emplois dans la restauration et l'hôtellerie étaient détenus par des femmes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Est-ce que le principe du projet de loi 27, Loi sur le mérite de la restauration, est adopté?

Une voix: Bien sûr, M. le Président. M. Garon: Hein?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de

l'agriculture, des pêcheries

et de l'alimentation

M. Bertrand: M. le Président, dans cette belle unanimité, maintenant que le ministre de l'Agriculture met l'État au service de nos estomacs, nous allons pouvoir faire motion pour déférer ce projet de loi à la commission parlementaire de l'agriculture en acceptant que le ministre de l'Agriculture puisse en être membre.

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de renvoi est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. Bertrand: Sur ce, M. le Président, je fais motion pour que nous puissions ajourner nos travaux à ce matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est adoptée. Nos travaux sont ajournés à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 32)

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