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(Dix heures deux minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez vous asseoir.
M. le député de Frontenac!
Visite d'une délégation de
parlementaires catalans
J'ai le plaisir de souligner la présence dans les galeries de M.
Miguel Coll, président du Parlement de la Catalogne, qui est
accompagné d'une délégation de parlementaires
catalans.
Visite de l'ambassadeur de la république
d'Argentine
J'ai également le plaisir de souligner la présence dans
les galeries de l'ambassadeur de la république d'Argentine, M. Francisco
José Pulit.
Visite d'une délégation de
l'ACFO
Enfin, je voudrais également souligner la présence dans
nos galeries, ce matin, d'une délégation de l'Association
canadienne-française de l'Ontario qui fête son 75e
anniversaire.
Aux affaires courantes, aux déclarations ministérielles,
M. le ministre des Relations internationales.
Une voix: M. le Président...
Le Président: Non. Nous sommes aux déclarations
ministérielles, M. le député. S'il vous plaît, M. le
député de Verchères! M. le ministre des Relations
internationales. À l'ordre! M. le ministre des Relations
internationales.
M. Landry: Je regrette quasiment de couper la parole à mon
collègue qui voulait souligner la présence des gens d'ONET, ce
merveilleux projet, dans nos tribunes.
Le Président: Je me permets de souligner que, si nous
commençons cette pratique, je laisse au député le soin de
mesurer où elle va nous mener. C'est au président de souligner la
présence d'invités de marque dans la tribune. Si chaque
député y va de son ajout personnel, je vous laisse le soin de
mesurer à quelle heure nous commencerons nos travaux à chaque
séance.
M. le ministre des Relations internationales.
Énoncé de politique de relations
internationales du Québec
M. Bernard Landry
M. Landry: M. le Président, je vous exprime mon repentir
le plus sincère, mais pas absolument profond.
M. le Président, j'ai l'honneur de déposer aujourd'hui
devant cette Chambre l'énoncé de politique de relations
internationales que le gouvernement a approuvé en Conseil des ministres.
Le dépôt de ce document constitue un moment important dans
l'histoire des relations internationales du Québec. Il s'agit, en effet,
d'une première pour le gouvernement dont l'action sur la scène
internationale prend sans cesse plus de vigueur depuis qu'elle a
été amorcée il y a bientôt 25 ans.
Non seulement la démarche d'aujourd'hui est-elle sans
précédent au Québec, mais elle conserve aussi une
originalité certaine sur le plan international. Nous ne sommes pas le
premier gouvernement dans le monde à entreprendre un exercice de ce
type, mais assez peu l'ont mené à terme. Si le document que je
vous soumets aujourd'hui se classe dans les annales de nos relations
internationales, il se situe cependant dans la continuité d'une
démarche à laquelle ont adhéré tous les
gouvernements du Québec depuis le début de la Révolution
tranquille. En effet, nous devons au gouvernement Lesage la création du
réseau de représentation à l'extérieur que nous
avons développé depuis et la signature de nos premiers accords de
coopération avec l'étranger. Le fondement constitutionnel de
l'action internationale du Québec ayant été
élaboré par Paul Gérin-Lajoie dès 1965, chacun des
gouvernements du Québec, depuis cette époque, s'est
attaché à promouvoir la personnalité internationale du
Québec en veillant à ce que les intérêts du peuple
québécois sur le plan international soient vigoureusement
poursuivis. Quoi de plus légitime pour notre peuple, comme le soulignait
Daniel Johnson, que de chercher à avoir accès à
l'oxygène culturel et économique que les relations
internationales apportent!
Le contenu du document qui vous est présenté est le reflet
d'un processus d'élaboration à la fois complexe, ancré
dans la réalité et largement concerté. À l'origine
des orientations qui ont été retenues se retrouve le triple
constat de l'inter-
dépendance croissante qui caractérise l'évolution
des sociétés contemporaines, de l'ampleur de plus en plus
marquée de l'engagement gouvernemental sur la scène
internationale qui en découle et de la présence agissante des
intervenants non gouvernementaux à l'extérieur. Ce triple constat
rend indispensable une formulation par voie d'énoncé de la
politique que le gouvernement entend poursuivre afin de s'assurer que les
intérêts du peuple québécois soient promus aussi
vigoureusement à l'étranger qu'ils le sont au Québec dans
le respect des valeurs propres de celui-ci et des impératifs de la
solidarité avec d'autres peuples.
Trois traits principaux caractérisent les orientations que le
gouvernement a retenues pour sa politique. Premièrement, plusieurs des
orientations retenues se situent dans une optique de continuité par
rapport à l'action menée jusqu'ici. L'importance accordée
à notre politique en matière de relations économiques
internationales et aux relations vitales à développer avec nos
partenaires francophones, ainsi que l'intérêt renouvelé
manifesté à l'égard de nos partenaires traditionnels en
Amérique du Nord et en France doivent être perçus dans une
perspective de développement des acquis considérables issus de ce
qui s'était fait jusqu'ici.
Les mutations en cours cependant commandent une ouverture aux
réalités nouvelles avec lesquelles notre peuple doit compter sur
le plan international. L'accent sur le développement de nos relations
scientifiques et technologiques avec l'étranger, l'importance des
questions environnementales pour notre politique et l'émergence des
relations entre pays nordiques comme nouvel axe de la politique traduisent la
préoccupation du gouvernement de déterminer les objectifs de sa
politique en fonction des enjeux qui confronteront le Québec dans le
monde de demain.
Un troisième trait fondamental des orientations est la
fidélité aux engagements auxquels ont souscrit les participants
au sommet sur le Québec dans le monde. Plusieurs éléments
de la politique, tant en ce qui concerne les principes que l'approche à
retenir vis-à-vis de certains problèmes, épousent
étroitement les consensus établis tout au long de l'année
dernière. En rendant public pour la première fois l'ensemble des
orientations qui nous guideront dans la conduite de notre politique
internationale, le gouvernement a voulu souligner l'importance croissante de
celles-ci pour le développement économique, social et culturel du
peuple québécois. Un grand nombre de Québécois et
de Québécoises de toutes origines et conditions oeuvrent chaque
jour dans les secteurs de notre vie collective en vue de relever le défi
de l'interdépendance que nous sommes appelés à vivre avec
intensité au cours des prochaines années.
J'ai le sentiment que les orientations que le Québec entend
mettre en oeuvre devraient contribuer à nous permettre de relever ce
défi d'une manière efficace et réaliste en gardant comme
point de repère constant les intérêts de notre peuple. Je
dépose, M. le Président, l'énoncé de politique de
relations internationales: Le Québec dans le monde ou le défi de
l'interdépendance.
Le Président: Document déposé. M. le
député de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: S'il y a un élément de notre politique
sur lequel tous les partis politiques au Québec ont été
d'accord et sont toujours d'accord - de ce côté-ci de la Chambre,
nous sommes fortement d'accord -c'est bien celui-là. Nous appuyons sans
réserve toute politique qui pourrait assurer le rayonnement du
Québec dans le monde. En fait, comme l'a souligné le ministre,
c'est à l'époque du gouvernement libéral de Jean Lesage
que le grand rayonnement premier du Québec à travers le monde a
commencé à se faire. L'installation du ministère des
Affaires intergouvernementales, dont le présent leader de l'Opposition
était le titulaire, l'ouverture de délégations à
travers le monde pour promouvoir notre commerce extérieur et notre
présence internationale dans les compétences de notre juridiction
ont été les marques de fabrique de tous les gouvernements du
Québec jusqu'à présent. Donc, tout ce qui contribue
à promouvoir le rayonnement du Québec dans le monde, nous nous en
réjouissons tout à fait. Dans cet esprit nous acceptons avec une
attitude très positive le dépôt d'une politique qui va
consacrer ce rayonnement du Québec dans le monde.
En fait, le ministre se souviendra que, depuis la création
même du ministère du Commerce extérieur en novembre 1982,
c'est la chose que nous avions demandée avant tout. Avant même de
créer le ministère du Commerce extérieur, avant de situer
les balises de la coordination entre le ministère du Commerce
extérieur et le ministère des Affaires intergouvernementales
d'alors, il aurait peut-être fallu situer d'abord les objectifs, la
direction de la politique du Québec par rapport à ses relations
avec le reste du monde pour ce qui est du commerce extérieur et des
autres champs de compétence.
Nous nous réjouissons donc de cette initiative puisque nous en
avons discuté bien des fois en commission parlementaire et nous l'avons
suggérée nous-mêmes à plusieurs reprises.
Naturellement, il est impossible pour nous à ce stade-ci de commenter le
fond même du document du ministre, ne l'ayant pas vu encore.
J'espère que le
ministre se rendra à la requête que nous lui avons faite
plusieurs fois, et qu'il avait acceptée en principe lors des deux
sommets sur le Québec dans le monde, de tenir une commission
parlementaire qui écoutera tous les intervenants dans ce milieu et
où nous pourrons faire des représentations de fond sur le
sujet.
Nous nous réjouissons aussi que le ministre consacre la
continuité de l'action du Québec dans ce domaine. À ce
sujet j'ouvre une parenthèse, car il y a deux points fondamentaux qui
nous séparent de l'action gouvernementale. Premièrement, la
direction globale de notre politique par rapport au pays auquel nous
appartenons, le Canada. Or, n'est-il pas symptomatique que, dans ce document du
ministre, cette déclaration ministérielle d'aujourd'hui, on ne
trouve pas un traître mot sur le Canada qui est, après tout, le
pays dont le Québec fait partie jusqu'à présent?
Il faudrait poser des questions importantes à ce sujet. Comment
s'harmonisera la politique des relations extérieures du Québec
avec celle du Canada, qui est le pays dont nous faisons partie? J'espère
que le document du ministre répondra amplement à ce sujet.
Comment, dans la pratique des choses, sur le terrain, s'harmoniseront la
pratique et les structures de cette politique internationale du Québec
par rapport à celle du Canada? C'est là le point fondamental qui
nous sépare. En effet, je ne peux m'empêcher, à ce sujet,
de demander au ministre: Comment peut-on élaborer une politique
internationale qui fait presque abstraction, en principe, du fait même de
notre appartenance au Canada? C'est là peut-être un grand point
qui nous sépare de ce côté de la Chambre et de l'autre.
Je lisais, en effet, dans l'introduction de notre livre beige du Parti
libéral, ceci: Les tenants de cette vision plus large affirment sans
hésiter le droit du peuple québécois à disposer
librement de son avenir. Mais, aujourd'hui, comme en 1867, ils soutiennent que
les meilleures chances d'avenir résident, pour le Québec, dans le
maintien librement choisi du lien fédéral canadien. À
leurs yeux, le cadre fédéral canadien offre au Québec deux
atouts majeurs: la possibilité de s'épanouir librement suivant
son génie propre à l'intérieur du territoire
québécois et aussi la chance de participer en même temps,
sans renoncer à son identité, aux avantages et aux défis
d'une société plus large et plus riche. Les Pères
québécois de la Confédération, loin de craindre
l'assimilation du Québec en 1867, conçurent le défi
fédéral comme l'occasion unique pour les colonies
dispersées de l'époque de former un grand pays au sein duquel le
Québec serait appelé à jouer un rôle de premier
plan. Ceux qui défendent aujourd'hui le lien fédéral sont
les continuateurs de cette vision.
Donc, quand on parle de continuité, pour nous, la
continuité veut dire la continuité de la politique du rayonnement
du Québec dans le monde au sein du Canada. Pourtant, par contraste -
c'est là qu'on se départage de l'action gouvernementale - je
lisais dans le projet politique du Parti québécois, donc du parti
qui forme le gouvernement maintenant, le dernier projet politique du Parti
québécois, révisé en janvier 1985, ceci que je
cite: "Or, le régime fédéral canadien, de plus en plus
centralisateur, a fait la preuve qu'il freine cet épanouissement et
qu'il ne peut se renouveler sans hypothéquer davantage notre avenir.
C'est pourquoi le Parti québécois, s'appuyant sur le droit des
peuples à l'autodétermination, a pour objectif fondamental de
réaliser la souveraineté du Québec." Et l'article premier
dit: Le Parti québécois a pour objectif fondamental de
réaliser la souveraineté du Québec.
Donc, la question que nous posons au ministre est: Dans cet
énoncé de politique internationale, où vous tenez-vous
réellement par rapport au Canada? Notre position est tout à fait
claire et la vôtre, il nous semble, est tout à fait ambiguë
car c'est le ministre lui-même qui disait l'autre jour, je pense, en mars
1985: À moins que le Canada ne livre la marchandise, nous allons faire
l'indépendance avec la plus grande vigueur. (10 h 20)
Le deuxième point qui nous sépare du gouvernement à
ce stade, c'est qu'on a attendu jusqu'à l'échéance
même du mandat du gouvernement, quelques mois après le mandat
traditionnel du gouvernement du Québec, pour déposer une
politique internationale à l'heure même où le gouvernement
va s'en aller bientôt, nous l'espérons, en élections
générales. C'est à se demander si le ministre est
réaliste d'installer une politique que notre gouvernement aura à
subir ou à amender, à changer ou à accepter. C'est
à se demander si c'était sérieux d'avoir attendu si
longtemps pour faire quelque chose de si important, M. le ministre. C'est
ça la seconde question que nous posons au ministre. Nous
réserverons nos commentaires sur la politique après l'avoir
étudiée. J'espère que le ministre va concourir avec nous
à l'idée de tenir une commission parlementaire dans les plus
brefs délais pour pouvoir examiner à fond cette question si
importante avec tous les grands intervenants du milieu. Merci.
Le Président: M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Avec le consentement de l'Assemblée,
j'aimerais aussi dire quelques mots sur la déclaration du ministre.
Le Président: II vous faut en effet le consentement
unanime de vos collègues à cet effet. Bien, M. le
député de Deux-Montagnes.
M. Pierre de Beltefeuille
M. de Bellefeuille: Merci. Je crois qu'il y a lieu de
féliciter chaleureusement et sans arrière-pensée le
ministre des Relations internationales - attendez la fin - d'avoir fait
préparer ce document dans un domaine qui, comme le député
de Nelligan l'a fait observer au début de ses remarques, a fait
l'unanimité des partis politiques au Québec depuis au moins le
début de la Révolution tranquille, comme l'a signalé le
ministre lui-même d'ailleurs. Ce document devra être examiné
de façon plus approfondie que ce que nous avons pu faire jusqu'à
maintenant, puisque nous n'avons même pas pu en prendre connaissance
encore.
Je voudrais signaler à l'attention du ministre, une fois de plus,
une question qui représente un des angles sous lequel ce document devra
être examiné. Un des aspects de cette unanimité des partis
à propos des relations internationales du Québec au cours des
deux dernières décennies reposait, comme je l'ai
déjà fait observer au ministre, sur l'idée que le
Québec est le foyer national des francophones du Canada et qu'à
ce titre sa vocation internationale doit aller plus loin que la simple
extension internationale de ses compétences constitutionnelles à
titre de province canadienne. Je sais qu'il faut que le Québec
revendique à tout le moins l'extension internationale de ses
compétences comme province. C'est indispensable et c'est la base. Je
sais aussi que cela ne fait pas l'unanimité. Encore récemment,
certains porte-parole du gouvernement fédéral ont voulu faire
obstacle à cette affirmation de la vocation du Québec
fondée sur ses compétences comme province. Mais, à titre
de foyer national des francophones du Canada, le Québec a une vocation
qui va plus loin encore, ce qui explique, par exemple, l'importance de sa
délégation générale à Paris qui est presque
l'équivalent d'une ambassade. Si on n'admet pas ce supplément de
vocation comme foyer national des francophones du Canada, on devra
congédier au moins la moitié des personnes qui nous
représentent si bien à Paris.
Je répète mes félicitations au ministre et,
à l'instar de notre collègue de Nelligan, je l'invite à
nous permettre, en commission parlementaire, d'examiner, de discuter de ce
document le plus tôt possible, de façon approfondie. Merci.
Le Président: En réplique, M. le ministre des
Relations internationales.
M. Bernard Landry (réplique)
M. Landry: Oui. Je ferai plutôt certaines remarques qu'une
véritable réplique, puisque je comprends que les
députés n'ont pu prendre connaissance de l'exposé.
D'abord, je complimente l'un et l'autre d'être sur la même longueur
d'onde que le gouvernement sur la nécessité de publier cet
énoncé de politique internationale. C'est une
nécessité pour un État de la taille du Québec qui a
des relations internationales déjà étendues, qui a une
petite diplomatie extrêmement agissante dans 32 villes de la
planète. Cette chose était nécessaire. Dans les deux cas,
le venin était dans la queue, ce qui n'est pas très surprenant
non plus, sauf que, lorsque le député de Nelligan parle
d'énoncé tardif, cela ne doit pas résonner comme de la
musique aux oreilles du chef de l'Opposition, puisque lui-même a
déjà été en charge de ce dossier et le parti qui
occupe les banquettes d'en face a gouverné pendant très longtemps
sans jamais produire le quart du huitième d'un document de cet
ordre.
Enfin, ce que je déplore, c'est que le député de
Nelligan en particulier en ait fait un débat de politique interne. Il
s'agit véritablement de nos relations avec les autres pays. Le
député de Nelligan n'aurait sûrement pas été
content si j'avais considéré le Canada comme un pays
étranger dans ce document. Qu'il se rassure, il verra l'articulation que
nous devons avoir avec les politiques canadiennes dans notre statut
constitutionnel actuel que nous acceptons à contrecoeur et que nous
travaillons activement à modifier et à changer.
Enfin, aux deux députés et à vous, M. le
Président, je dis que le gouvernement est tout à fait d'accord
pour que la commission parlementaire des institutions en particulier -c'est
celle qui est la plus indiquée - examine ce document en profondeur et
invite les divers agents intéressés à la question
internationale à comparaître devant cette commission pour
commenter les échéanciers et la mise en oeuvre de cette
politique. Merci, M. le Président.
Le Président: À la présentation de projets
de loi, M. le leader du gouvernement. M. le leader adjoint; l'un ou
l'autre.
M. Bédard: Article a, M. le Président.
Le Président: Et b.
M. Bédard: Pardon? Je vous demanderais d'appeler l'article
a...
Le Président: ...projet de loi?
M. Bédard: Oui. Non, l'article a du feuilleton.
Une voix: Et b.
Le Président: Et b.
M. Bédard: Les articles a et b.
Projet de loi 57
Le Président: M. le ministre de la Justice présente
le projet de loi 57, Loi portant abrogation de lois et dispositions
législatives omises lors des refontes de 1888, 1909, 1925, 1941 et 1964.
M. le ministre de la Justice.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il s'agit d'un projet
de loi de délégislation. Ce projet de loi a pour objet
l'abrogation de lois ou dispositions législatives jugées
désuètes, inutiles ou dont l'objet est accompli et qui ont
été omises à l'occasion des refontes des lois du
Québec de 1888, 1909, 1925, 1941 et 1964.
L'annexe visée par le projet de loi comporte tout près de
1500 lois dont l'abrogation entière est prévue. Elle comporte
également environ 2000 articles, 160 préambules, 20 annexes et 9
formules qui avaient été exclus des tableaux d'abrogation dans
les lois refondues. À cela, il faut ajouter l'abrogation de toutes les
dispositions d'entrée en vigueur des lois qui ont été
refondues en 1941 et 1961 et qui avaient été maintenues en
vigueur par l'application concernant les statuts refondus de 1941 et 1964. Ces
dispositions n'apparaissent pas dans l'annexe, leur abrogation étant
prévue par l'article 2 du projet de loi dont il est permis de croire
qu'au-delà de 600 articles seront ainsi abrogés.
Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se
saisir du projet de loi 57?
Des voix: Oui.
Le Président: II en est donc ainsi
décidé.
Projet de loi 61
M. le ministre de l'Énergie et des Ressources présente le
projet de loi 61, Loi sur la Coopérative régionale
d'électricité de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville et abrogeant la
Loi pour favoriser l'électrification rurale par l'entremise de
coopératives d'électricité. M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Jean-Guy Rodrigue M. Rodrigue: M. le Président...
Le Président: Allons! allons! allons! allons!
M. Rodrigue: ...ce projet de loi 61 abroge la Loi pour favoriser
l'électrification rurale par l'entremise de coopératives
d'électricité...
Une voix: Bravo!
M. Rodrigue: ...loi qui remonte, pour l'essentiel, à 1945.
Le projet abolit donc, en conséquence, l'Office de
l'électrification rurale constitué par cette loi.
Le projet de loi prévoit, en outre, que la seule
coopérative encore régie par cette loi continuera son existence
en vertu de la Loi sur les coopératives. Il contient, afin de faciliter
la continuation de cette coopérative, diverses dispositions,
principalement d'ordre technique. Enfin, le projet de loi prévoit
plusieurs dispositions transitoires.
Les lois modifiées par ce projet sont la Loi sur la protection du
consommateur (L.R.Q., chapitre P-40.1) et la Loi sur la Régie de
l'électricité et du gaz, (L.R.Q., chapitre R-6).
Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se
saisir du projet de loi 61?
Des voix: Oui.
Le Président: II en est donc ainsi
décidé.
Au dépôt de documents, M. le ministre des Affaires
sociales.
"Mieux vieillir et mieux vivre"
M. Chevrette: M. le Président, il me fait plaisir de
déposer un document intitulé "Mieux vieillir et mieux vivre" qui
incorpore trois politiques gouvernementales: le logement, la
sécurité du revenu, la santé et les services sociaux.
Une voix: Très bien.
Une voix: Bravo! bravo!
Le Président: Document déposé.
Aux rapports de commissions. M. le président de la commission de
l'aménagement et des équipements. (10 h 30)
Étude détaillée du projet de loi
194
M. Marquis: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé le 4 juin 1985 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 194, Loi concernant la municipalité de
Rivière-Saint-Jean.
Étude détaillée du projet de loi
209
Également, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la
commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 4 juin 1985 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt
privé 209, Loi concernant la Commission d'aqueduc de la vallée du
Richelieu.
Étude détaillée du projet de loi
218
Également, le rapport de la commission de l'aménagement et
des équipements qui a siégé le 4 juin 1985 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi d'intérêt privé 218, Loi concernant la Corporation
municipale de la paroisse de Saint-Augustin-de-Desmaures, comté de La
Peltrie.
Vérification des engagements financiers
Enfin, le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé les 28 et 30 mai 1985 afin de
procéder à la vérification des engagements financiers dont
l'étude a été reportée lors des séances des
19 et 28 mars 1985, ainsi qu'à la vérification des engagements
financiers des mois de janvier à mars 1985 relevant de la
compétence de la commission.
Le Président: Rapports déposés. Les rapports
concernant les projets de loi 209 et 218 sont-ils adoptés?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Dépôt de
pétitions, M. le député de Saguenay.
Demande au ministre du Travail
de rouvrir le décret de la
construction dans le but de
protéger le fonds de retraite
M. Maltais: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par des représentants des travailleurs de
la CSN-Construction et du Conseil central de la Côte-Nord appuyant 153
signataires du comté de Saguenay et invoquant les faits suivants:
l'Office de la construction a puisé, sans consulter les travailleurs,
dans leur fonds de retraite; les travailleurs ont besoin de ces sommes pour
s'assurer d'une pension décente. On conclut ainsi: Que
l'Assemblée nationale demande au ministre du Travail de rouvrir le
décret de l'industrie de la construction pour permettre aux parties de
négocier le déficit du régime d'assurance sans puiser dans
le fonds de pension des travailleurs. Merci, M. le Président.
Le Président: Pétition déposée; ce
qui nous mène à la période des questions. Il y aura un
vote à l'issue de la période des questions. Questions orales, M.
le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Les négociations entre MM. Mulroney
et Lévesque sur les propositions
constitutionnelles du Québec
M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président, ma
question s'adresse à l'honorable premier ministre et cela, dans le
contexte des propositions constitutionnelles du gouvernement. Dans le Soleil du
18 mai, on pouvait lire que le premier ministre croit que cela peut
s'enclencher plus rapidement que l'on pense. Un peu plus tard, également
dans le Soleil du 22 mai, cette fois: "Le premier ministre Lévesque a
indiqué hier à l'Assemblée nationale que M. Mulroney et
lui avaient déjà convenu jeudi dernier de se reparler dès
qu'il sera rentré de son voyage officiel en France." Le bureau du
premier ministre disait qu'une rencontre au sommet était loin
d'être exclue et qu'elle pourrait même avoir lieu le jour du retour
du premier ministre, soit le 28 mai.
Un peu plus tard, on est passé à un autre scénario:
ce serait la rencontre lors de l'inauguration des travaux de la nouvelle usine
de papiers peints de Domtar, à Windsor. Un peu plus tard, on
dépose un échange de correspondance plutôt laconique. Ce
matin, dans le Devoir: "L'échange de lettres ne laisse voir aucun
empressement du côté de M. Mulroney." Doit-on conclure -c'est ma
question - que l'enclenchement de ces négociations est retardé et
que le pensez-y-bien du premier ministre du Québec serait maintenant
transposé dans un pensez-y-bien de la part du premier ministre du
Canada?
Le Président: M. le premier ministre. Une voix: Bel
effort! Bel effort!
M. Paradis: Pensez-y bien avant de répondre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je ne sais
pas qui a pu avoir l'idée saugrenue - je ne sais pas où l'a
pêchée le chef de l'Opposition - que j'aurais souhaité
rencontrer M. Mulroney le jour de mon retour d'un voyage plutôt
éclair en Europe. Je ne sais pas où le chef de l'Opposition a
pêché cela, mais tout ce que je peux dire, c'est que deux
décalages de six heures en moins de six jours, cela ne me donne pas le
goût, d'aucune façon, de faire des rencontres qu'on pourrait dire
substantielles. Pas en arrivant, en tout cas. Mais cela étant dit...
D'ailleurs,
je dois dire que j'ai lu quelque part que les négociations
devaient être enclenchées, etc., à la Trinité. Je ne
sais pas diable où j'ai lu cela ce matin. Ce que j'avais dit, pour
autant que je me souvienne, c'est qu'en travaillant très fort - parce
que c'est très complexe et c'est plein de nuances, on le sait - le
projet proposé par le Québec serait prêt - c'est devenu une
sorte de formule -autour de Pâques, entre Pâques et la
Trinité. Cela a été fait et maintenant...
C'est vrai que M. Mulroney n'a pas trouvé le moyen jusqu'à
présent ou le loisir d'arranger cette rencontre que nous devons avoir.
Je dois dire que d'une part, il n'y a personne, en tout cas, sûrement pas
votre serviteur, parce qu'il y a aussi des déclarations... Il n'y a pas
seulement les lettres qu'évoque le chef de l'Opposition, il y a des
déclarations. Il y a forcément quelques conversations
téléphoniques de lui à votre serviteur et de nos
entourages respectifs et tout cela me confirme l'entière
sincérité et le vif désir aussi du premier ministre
fédéral de régler le mieux possible cette question
constitutionnelle. On aura peut-être remarqué, M. le
Président, qu'il est fort occupé en ce moment à la Chambre
des communes. De jour en jour, il y a des choses qui arrivent et il y a...
Des voix: ...
M. Bédard: Calmez-vous, là!
M. Lévesque (Taillon): Je comprends que le fait que les
lunes de miel finissent toujours par se terminer réjouisse
profondément nos amis d'en face. Il faut que des racines rouges
reparaissent quelque part. Il n'y en a plus beaucoup dans le pays, mais enfin!
Je citais tout simplement un fait. Bon! Et M. le Président, il y a neuf
autres gouvernements provinciaux qu'il faut réintéresser à
la question. Là-dessus, je dois dire que jusqu'à présent -
et je n'irai pas plus loin, mais je trouve cela déplorable que
l'attitude même du Parti libéral provincial, toujours quelque peu
succursale d'un autre...
Des voix: Oh!
M. Bédard: Iona Campagnolo l'a dit, d'ailleurs.
M. Lévesque (Taillon): Quand M. Bourassa est obligé
un peu lourdement de ne pas se dire d'accord avec Mme Campagnolo, trop fort
casse un peu, n'est-ce pas?
Cela étant dit, il y a neuf autres gouvernements provinciaux, M.
le Président, qu'il va falloir réintéresser à la
question et cela, bien sûr, c'est d'abord et avant tout la
responsabilité, au point de vue initiative, en tout cas, du gouvernement
fédéral, parce que beaucoup de gouvernements ont cru que la
question était morte et enterrée un certain matin de novembre
1981. Mais chacun sait que c'était une illusion, parce que tant que ce
ne sera pas réglé dans la dignité et d'une façon
qui permette un climat vivable dans les institutions fondamentales du pays pour
le Québec, ce sera comme le Phénix, la question. Cela
renaîtra toujours de ce qu'on croit peut-être périodiquement
être des cendres. Alors, je pense que tout cela - on essaie de
répondre le plus factuellement possible - explique quand même que
la lettre de M. Mulroney, que j'ai publiée hier et que je pourrai
déposer tout à l'heure, n'est pas un accusé de
réception genre "j'ai bien reçu la vôtre", mais, d'autre
part, n'est pas non plus le début de négociations intensives.
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Cette réponse est un peu longue. Je pense que
la question que tout le monde se pose, c'est une question de calendrier. Il y a
des questions personnelles qui se posent, évidemment, en ce qui concerne
le premier ministre du Québec. Les négociations
constitutionnelles, les élections, qu'est-ce qui arrive après,
avant et pendant? C'est quoi, les dates, exactement? Comment est-ce qu'on va...
Est-ce que vous allez être là pour mener ce dossier? On voudrait
savoir cela.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je pense que je n'ai pas à
répondre à ces questions...
Des voix: Ah!
M. Lévesque (Taillon): ...pour la bonne et simple raison
que je me place dans la peau du député de Jean-Talon, je me mets
à sa place et je me dis: Si lui était à ma place,
qu'est-ce qu'il ferait? Il dirait: En temps et lieu. C'est ce que je dis, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Si j'étais à votre place, je regarderais
derrière moi.
Des voix: Ah! Ah!
M. Rivest: Est-ce que vous ne croyez-pas - par exemple, le
premier ministre du Canada a dit que ce serait long, difficile, etc. - qu'il
est très important que le chef du gouvernement du Québec,
puisqu'il s'agit d'un dossier fondamental pour l'avenir du Québec, ait
au niveau du chef du gouvernement, de son gouvernement, une stabilité,
un engagement et des indications très nettes de
pérennité et de permanence pour défendre cela et
engager d'une façon sérieuse les discussions. (10 h 40)
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Très rapidement, justement
parce que cela peut être long et complexe - Dieu sait que notre histoire
est là depuis deux ou trois générations pour le prouver! -
je ne vois pas en quoi il serait excusable de ne pas espérer et de ne
pas essayer, le plus vite possible, d'amorcer les pourparlers. D'autre part,
pour ce qui est de la pérennité et de la stabilité, je me
contenterai de dire simplement ceci: J'espère que le chef du Parti
libéral du Québec n'attendra pas des élections
générales pour venir faire son tour en Chambre.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: J'aimerais demander au premier ministre s'il ne
pense pas que le corridor dans lequel il a engagé son gouvernement et le
Québec a très peu de chances, après ces
négociations longues et difficiles, d'arriver à des
résultats concrets. Pourquoi cette hâte et cet empressement
à régulariser le statut du Québec puisque, de toute
façon, la constitution canadienne s'applique au Québec, qu'on le
veuille ou non?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je comprends la question du
député de Rosemont. Elle s'explique facilement. Elle s'explique
par le fait que nous sommes ici et nous faisons de notre mieux et que lui est
passé là-bas pour les raisons que l'on connaît. Il continue
d'étayer le mieux possible les raisons pour lesquelles il a
quitté l'équipe ministérielle. Nécessairement, pour
lui, la bouteille est toujours d'avance aux trois quarts vide; quant à
nous, il y a des chances qu'elle devienne convenablement remplie pour
satisfaire aux besoins et même à certaines aspirations du
Québec.
Le Président: M. le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, en complémentaire: Le
premier ministre n'est-il pas d'accord pour dire qu'aujourd'hui la plupart des
commentateurs constatent que c'est une démarche où le
Québec n'a aucun rapport de forces? À ce moment-là,
comment le premier ministre pense-t-il pouvoir se donner un rapport de forces
suffisant pour que ces négociations longues et difficiles arrivent
à quelque résultat tangible que ce soit?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Pour citer simplement un
précédent, il fut un temps où il y avait en cette Chambre
102 députés -c'était presque le parti unique - sur
combien, à ce moment-là? 112?
Une voix: 108.
M. Lévesque (Taillon): 102 députés sur
108.
Une voix: 110. Il y en avait deux qui... M. Bédard:
102 sur 110.
M. Lévesque (Taillon): On me permettra d'oublier
l'évolution de la mathématique parlementaire. Donc, 102 sur 110
et cela a duré, sauf erreur, trois ans. Pendant ce temps, il y a eu pas
mal de va-et-vient constitutionnel. Il y avait un sacré rapport de
forces apparent et quelqu'un a fini par se faire traiter, de haut en bas, de
mangeur de vous savez quoi... Bon.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Le premier ministre ne conviendra-t-il pas qu'au
moins, à ce moment-là, le Québec n'a rien perdu et,
notamment, n'a pas perdu son droit de véto?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Sur d'autres plans non seulement
tout aussi importants, mais à mon humble avis plus près de la vie
des gens, ces trois années, additionnées aux trois autres
années d'un certain mandat qui nous a précédés, ont
été plutôt catastrophiques.
Des voix: Oh!
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Comment le premier ministre peut-il concilier
l'affirmation qu'il vient de faire ou la déclaration qu'il vient de
faire voulant que le Québec allait peut-être trouver la
satisfaction de ses besoins dans cet éventuel accord constitutionnel,
avec l'article premier du programme du Parti québécois qui dit
que le Québec doit devenir indépendant?
Le Président: M. le premier ministre.
Des voix: Ah!
M. Lévesque (Taillon): II y a des gens -il y en a certains
dans cette Chambre, il y en a ailleurs et je ne vise pas tout le monde, loin de
là - qui ne comprennent pas qu'on puisse, même si c'est laborieux,
difficile, déchirant même, être obligé de concilier -
je vais employer une expression assez courante - le coeur et la raison. Il y en
a qui sont privés d'un et parfois, semble-t-il, de ces deux organes
pourtant essentiels; mais, à cela, on n'y peut rien.
Des voix: Oh!
Le Président: M. le député d'Outremont,
question principale.
Des voix: Oh!
Le Président: Allons, allons, allons! M. le
député d'Outremont souhaite poser une question. Il me semble que
nous pourrions l'entendre.
L'évaluation du coût d'une
deuxième
Baie James par le ministre de
l'Énergie et des Ressources
M. Fortier: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Rivest: Ah! notre favori. On l'applaudit! On l'applaudit! On
l'applaudit!
Une voix: Ça, c'est une lumière!
M. Fortier: Le ministre a soulevé une polémique
très récemment sur le coût de la deuxième Baie James
en utilisant des chiffres extrêmement contestables. Ils ont
été contestés par des journalistes sérieux tel
Alain Dubuc dans la Presse et voici qu'ils sont maintenant contestés par
les experts d'Hydro-Québec. Dans le Soleil de ce matin on lit:
"Hydro-Québec réfute les chiffres de Jean-Guy Rodrigue."
La question que j'aimerais poser au ministre est celle-ci: Est-ce que le
ministre peut nous confirmer finalement et très ouvertement que les
calculs qui ont servi à sa déclaration ne provenaient ni des
experts d'Hydro-Québec ni des experts de son ministère, mais
plutôt d'un quelconque attaché politique de son cabinet?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Rodrigue: M. le Président, l'article du Soleil de ce
matin est coiffé d'un titre qui est faux. Si on le lit comme il faut, on
constate que le titre devrait plutôt se lire: Hydro confirme les chiffres
de Jean-Guy
Rodrigue, plutôt que réfute. Des voix: Ah! Ah!
Ah! M. Rodrigue: Effectivement, le... Le Président:
Allons!
M. Bédard: M. le Président, question de
règlement. On laisse continuellement l'Opposition poser ses questions
sans réagir de ce côté-ci. Je pense qu'il devrait en
être de même de la part de l'Opposition. Si elle veut des
réponses qu'elle laisse répondre le ministre. Si l'Opposition
continue à vouloir s'agiter, je comprendrai très bien le ministre
de s'abstenir parce qu'on comprendra que l'Opposition ne veut pas de
réponse.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, sur la question de
règlement. La différence de comportement respectif de part et
d'autre est peut-être bien plus inspirée par le fait que les
questions sont posées sérieusement mais que les réponses
sont complètement loufoques.
Le Président: Tel qu'amorcé à l'origine par
le leader du gouvernement, le rappel au règlement était bien
fondé. D'ailleurs, effectivement, j'avais déjà
commencé à rappeler les députés à l'ordre.
Cela a par contre débordé sur un commentaire qui a amené
un autre commentaire.
M. Bédard: M. le Président, sur la question qui
était plutôt remarque, du leader de l'Opposition, elle est
d'autant moins fondée que le chahut du côté de l'Opposition
a commencé avant même que le ministre n'ait commencé
à donner sa réponse, ce qui montre le peu de sérieux de
l'Opposition, M. le Président.
Une voix: C'est parce qu'on le connaît bien.
Le Président: Puisque tout le monde est d'accord à
savoir qu'on devrait entendre le ministre, M. le ministre de l'Énergie
et des Ressources.
M. Rodrigue: M. le Président, il y a un auteur
célèbre, dont j'ai malheureusement oublié le nom qui a
déjà dit que de se faire traiter d'imbécile par plus
imbécile que soi est un délice de fin gourmet. Quand le
député de Gatineau me traite de loufoque, je dis qu'il me convie
à un magnifique festin.
Une voix: Oh!
M. Rodrigue: J'ai déclaré à cette
Assemblée que les estimations de base sur lesquelles nous nous
étions fondés pour estimer les coûts de ces travaux en
dollars courants entre 1986 et 1994, tel que propose de les réaliser le
chef libéral, nous avaient été fournies par
Hydro-Québec. Je précise ici que cela nous a été
fourni le 17 avril dernier. C'est ce que dit M. Hébert dans la
réponse qu'il a donnée aux journalistes.
Là où M. Hébert se trompe, et je pense qu'il
s'appuie sur un autre article qui est paru la semaine dernière, qui
était erronné là-dessus, c'est lorsqu'il affirme que les
compilations auraient été faites par quelqu'un de mon cabinet.
Les compilations ont été faites par le secteur Énergie du
ministère de l'Énergie et des Ressources. Ce que cela donne en
dollars courants, c'est que le coût de réalisation de ces travaux,
s'ils étaient réalisés au cours de ces années,
serait de 49 000 000 000 $. Cela reflète le coût réel des
travaux parce que ce sont 49 000 000 000 $ qu'il faudrait investir pour les
réaliser en incluant la portion d'autofinancement qu'Hydro-Québec
devrait absorber, c'est-à-dire 25 %. (10 h 50)
Lorsque vous devez investir 49 000 000 000 $ pendant une période
de dix ans, vous atteignez certaines années des niveaux d'investissement
de l'ordre de 4 000 000 000 $ et 5 000 000 000 $. Avec l'obligation
d'autofinancer 25 % de ces travaux, cela veut dire qu'Hydro-Québec
devrait, à ce chapitre seulement, dégager des revenus de 1 000
000 000 $, 1 250 000 000 $ ces années pour être capable de fournir
son autofinancement à 25 %. C'est ce qui me fait dire qu'au cours de
cette période et à terme cela aurait pour effet de faire doubler
les tarifs, tel que cela a été le cas dans la réalisation
du projet d'aménagement La Grande, et je vous ai donné des
indications là-dessus. C'est à cause de l'obligation
d'Hydro-Québec d'autofinancer ces travaux que nous aurions et que les
Québécois devraient subir une telle hausse de tarifs.
M. Fortier: Le ministre ne se rend-il pas compte que la
déclaration d'Hydro-Québec, qui n'accepte pas la paternité
des chiffres du ministère et du ministre, constitue un désaveu du
ministre? Je lui demande quelle sera la nature des relations -maintenant que le
ministre a été désavoué par Hydro-Québec -
entre Hydro-Québec et son ministre, surtout quand celui-ci se retrouvera
dans le "Club Med" d'Hydro-Québec très bientôt?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Rodrigue: M. le Président, cette déclaration a
été faite en Chambre, je crois que c'est jeudi dernier. Vendredi
matin, j'ai eu l'occasion de m'entretenir brièvement sur un autre sujet
avec le P.-D.G. d'Hydro-Québec. Je lui ai demandé s'il avait
été surpris d'un titre où on disait "Hydro-Québec
estime à 49 000 000 000 $ le projet Bourassa", alors que c'est moi qui,
effectivement, avais fait cette déclaration. M. le
président-directeur général m'a tout simplement
indiqué: Écoutez, nous vous fournissons beaucoup de chiffres
durant l'année, des statistiques de toutes sortes, des données de
toutes sortes.
Effectivement, les estimations de base ont été fournies
et, à ce moment, c'est la responsabilité de ceux qui les
compilent de les soutenir. M. le Président, là-dessus, j'assume
cette responsabilité et mon ministère l'assume. Il n'y a pas de
problème là-dessus.
En parlant de désaveu, M. le Président, je pense que le
député d'Outremont est très mal placé, parce que je
lui rappelle ce que j'ai déjà dit ici. Son collègue,
Daniel Johnson, déclarait dans la Presse du 26 août que le projet
de M. Bourassa est un rêve irréalisable et que c'est Pierre
Fortier lui-même qui était celui de ses collègues de
l'Assemblée nationale qui lui avait fourni le plus d'arguments pour
démontrer que le projet Bourassa, c'est de la foutaise.
Le Président: M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, est-ce que le ministre, qui
répète cette allégation continuellement, sans aucune
preuve d'ailleurs, ne se rend pas compte...
Le Président: M. le député. La remarque
très pertinente du leader du gouvernement tantôt s'applique aux
deux côtés de la Chambre. M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: La question est pertinente, M. le Président.
Le ministre, à plusieurs reprises, me met en cause personnellement. La
question que j'aimerais poser au ministre est celle-ci: N'a-t-il pas
assisté, comme moi, à toutes les réunions de la commission
permanente de l'énergie et des ressources où nous avons
discuté des projets d'Hydro-Québec? N'a-t-il pas assisté,
comme moi, à ces réunions très nombreuses avec
l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources où j'ai fait des
déclarations publiques sur toute la question hydroélectrique?
Jamais je n'ai fait de telles déclarations, et je demande au
ministre de confirmer, puisqu'il était présent à toutes
les commissions parlementaires auxquelles j'ai participé depuis 1980,
que jamais, au grand jamais, je n'ai fait de déclarations comme celles
qu'il veut me faire faire.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Rodrigue: M. le Président, le député
d'Outremont, ce matin, me pose une question sur la foi d'un article de journal.
Je lui réponds que son collègue, le député de
Vaudreuil-Soulanges, dans un article qui paraît dans le journal La Presse
daté du 26 août 1983, a fait cette déclaration.
J'ajoute que le député de Vaudreuil-Soulanges, dans la
Presse du 15 octobre 1983, disait ceci quant aux tarifs d'Hydro-Québec:
"Un tel projet - il faisait toujours référence à
l'aventure que nous propose le chef libéral - risque de faire grimper
les tarifs d'électricité sans aucune certitude que les surplus
d'électricité pourront être vendus à
l'étranger." On m'indique qu'il aurait même parlé de
doublement des tarifs à l'occasion du congrès du Parti
libéral.
J'ai déclaré en cette Chambre, jeudi dernier, que, parce
qu'il fallait autofinancer les travaux au quart et parce que cela impliquait
des investissements en dollars courants de 49 000 000 000 $, cela
entraînerait fatalement à terme le doublement des tarifs. Je vous
signale que ce n'est pas la première fois que je fais cette
déclaration, j'avais dit la même chose à
Trois-Rivières cinq, six jours auparavant lors de l'inauguration du
Centre de recherche en électrochimie et, il y a environ un mois et demi,
j'avais dit la même chose à l'occasion d'une conférence de
presse que j'ai tenue après la déclaration ministérielle
que j'ai faite en cette Chambre, où j'annonçais que le
gouvernement avait accepté le plan d'équipement tel que
proposé par HydroQuébec dans lequel celle-ci se propose
d'investir 20 000 000 000 $ au cours des dix prochaines années, de
même que la hausse tarifaire de 2,5 % qui était la plus basse que
nous ayons connue depuis dix ans.
M. Gratton: Dois-je comprendre par les réponses du
ministre qu'Hydro-Québec fournit au ministre des chiffres, mais que le
ministre peut dire n'importe quoi à partir de ces chiffres? Est-ce que
le ministre, qui prétendait tantôt que les augmentations de tarifs
qu'on a connues récemment étaient dues au projet de la
Baie-James, ne se trouve pas lui-même en contradiction avec ce qu'il
disait le 3 décembre 1981 ici même à l'Assemblée
nationale dans le cadre du débat entourant le projet de loi 16 et j'en
citerai un court extrait: En fait, le vrai motif de la récente hausse
des tarifs d'Hydro-Québec, c'est la nécessité devant
laquelle nous nous trouvons de situer le prix de l'électricité
à un niveau compatible avec celui des autres sources
d'énergie?
Quand le ministre dit-il vrai? Quand essaie-t-il de leurrer la
population par ses réponses?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Rodrigue: Je pense que c'est bien connu - la loi 16 en a fait
obligation, elle l'a confirmé, en fait - qu'il est important qu'une
entreprise qui veut se présenter sur les marchés financiers pour
faire des emprunts massifs, comme ceux que réalise Hydro-Québec,
ait une part d'autofinancement, et cette part d'autofinancement qui est
jugée raisonnable et acceptable était d'environ 25 %. Nous
l'avons confirmé dans la loi 16. Il était vrai aussi que, dans le
cadre de la stratégie énergétique du gouvernement du
Québec, qui date de 1978, nous favorisions la pénétration
de l'électricité et du gaz pour remplacer le pétrole.
Cette stratégie a porté ses fruits puisque depuis 1978 il y a une
bonne part du pétrole importé au Québec qui a
été remplacée par l'électricité et le gaz
comme sources énergétiques. Il est évident qu'à ce
moment il faut placer le gaz et l'électricité en position
concurrentielle. Ce à quoi on assiste aujourd'hui, c'est que les
consommateurs québécois profitent de cette situation puisqu'ils
peuvent s'approvisionner indifféremment au gaz ou à
l'électricité, du moins ceux qui sont desservis par le
réseau, parce que le réseau ne se rend pas partout. Les
consommateurs peuvent mettre ces deux sources d'énergie en concurrence.
Des compagnies québécoises font des investissements importants
aujourd'hui pour se transformer et passer du pétrole au gaz ou à
l'électricité. Ce fait favorise les tarifs les plus bas possible
au Québec.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Frontenac.
M. Grégoire: Question complémentaire. J'aimerais
demander pourquoi le gouvernement actuel s'entête à refuser
systématiquement d'étudier sérieusement la suggestion du
développement de la deuxième phase de la Baie-James. Pourquoi ne
l'étudie-t-il pas sérieusement afin, peut-être, de trouver
de nouveaux usages à notre électricité, par exemple,
l'hydrogène liquide, l'automobile électrique, les exportations ou
autres? Les prix doublés dans quinze ans, d'une manière ou d'une
autre, ce le sera, qu'on ait la deuxième phase de la Baie-James ou non.
Pourquoi s'entête-t-il à ne pas vouloir l'étudier
sérieusement, ce projet?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Rodrigue: Je veux rappeler au député de
Frontenac que le gouvernement du Québec actuel est celui qui a
développé les exportations d'électricité vers les
États-Unis. Le chef libéral qui était là de 1970
à 1976
n'avait rien fait en ce sens à l'époque. (11 heures)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rodrigue: Si c'était aussi évident, en 1974,
1975 ou 1976, le gouvernement libéral dirigé par M. Bourassa
à l'époque aurait pu entamer des discussions avec les
Américains et prévoir des contrats à long terme, mais il
ne l'a pas fait. C'est notre gouvernement qui a réalisé cela, de
sorte qu'en 1984 le Québec exportait 20 fois plus
d'électricité aux États-Unis qu'il ne le faisait en 1976,
et, en 1984, les revenus provenant de ces exportations étaient 40 fois
plus élevés que ce qu'ils étaient en 1976. Depuis
1982...
M. Gratton: Question de règlement.
Le Président: Question de règlement, M. le leader
de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, cela fait 20 minutes que le
ministre de l'Énergie et des Ressources répond
complètement à côté de nos questions.
L'article...
M. Grégoire: Question supplémentaire, M. le
Président.
M. Gratton: Attendez, je vais finir de soulever la mienne. Ne
vous énervez pas. Attendez votre tour, M. le leader.
Le Président: Allons, allons, allons! M. Gratton:
Chacun son tour.
Le Président: Allons, allons, allons, allons!
M. Gratton: Je lis l'article 79 pour que le leader du
gouvernement le comprenne: "La réponse à une question doit
être brève, se limiter au point qu'elle touche..." Se limiter au
point qu'elle touche, ne pas faire le tour du monde, comme le ministre le fait
depuis le début. Qu'il se limite au point qu'elle touche. J'ajouterai
que, si le ministre ne sait pas quoi répondre, ce serait à son
avantage de ne rien dire.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Grégoire: M. le Président, question
supplémentaire.
Le Président: Un instant!
M. Grégoire: Question supplémentaire.
Le Président: Un instant!
M. Bédard: Sur la question de règle- ment, je
constate, encore une fois, que le leader de l'Opposition ne connaît qu'un
seul article, l'article 79. Je l'invite encore une fois, même si, sous
certains aspects, il peut avoir raison de soulever cet article, à
poursuivre sa lecture du règlement avant la fin de la session et
à se rendre à l'article 81 qui lui indiquera qu'aucun membre en
cette Chambre...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Bédard: Vous avez au moins quinze jours pour vous
rendre jusqu'à l'article 81 qui dit très clairement qu'il est
défendu - ce que font continuellement le leader et les membres de
l'Opposition officielle - par notre règlement de prétendre qu'une
réponse est insatisfaisante. Si on n'est pas content d'une
réponse, il y a un autre article - au cas où le leader aurait le
temps de continuer sa lecture - de notre règlement qui fait que,
lorsqu'un parlementaire n'est pas satisfait d'une réponse, il peut
recourir à un article qui lui permet d'avoir un débat à la
fin de nos travaux.
Le Président: L'article 79 évoque, entre autres
choses, la pertinence de la réponse. La réponse doit porter sur
la question ou avoir un lien avec la question. J'avoue qu'à
écouter... Ce n'est pas la même chose que la possibilité
qui existe, par un rappel au règlement, de se déclarer
insatisfait de la réponse. La question qui est soulevée à
l'heure actuelle est de savoir si le ministre est en train de répondre
à la question qui a été posée. Je dois dire que
j'ai quelque difficulté à concilier sa réponse avec la
question et avec l'article 79.
M. Bédard: Sur la question de règlement, M. le
Président, une fois pour toutes...
Le Président: Une fois pour toutes aussi, on va
s'entendre. Il y a un abus, de la part des deux leaders, de rappels au
règlement qui n'en sont pas. Les rappels au règlement, par
définition, n'ont pas pour but de se passer des messages de part et
d'autre de la Chambre. C'est pourtant ce qui est en train de devenir une
habitude et qui est une habitude déplorable. C'est pourquoi, si
nécessaire, je vais limiter les rappels au règlement tant qu'on
ne se bornera pas à faire ce qui est effectivement un rappel au
règlement. On fait souvent autre chose par le biais d'un rappel au
règlement.
M. Bédard: M. le Président, comment pouvez-vous
dire qu'il y a un abus de rappels au règlement tant de la part du leader
de l'Opposition que de celle du leader du gouvernement, lorsque, sur un point
de règlement soulevé tout à l'heure, vous avez dit que les
leaders avaient raison de soulever le
point? Est-ce qu'on va...
Le Président: Les services de l'Assemblée pourront
être à la disposition du leader du gouvernement, si besoin est,
à cette fin. Nous pourrons faire la compilation des rappels au
règlement, disons depuis la reprise des travaux en mars et on constatera
qu'il y a un abus de rappels au règlement qui n'en sont pas vraiment. Je
ne dis pas que tous ne le sont pas, mais je dis que certains rappels au
règlement n'en sont pas ou qu'on fait des rappels au règlement et
on élargit considérablement la chose. On profite de l'occasion
qui est fournie d'avoir la parole en faisant un rappel au règlement pour
dire tout autre chose, ce qui enclenche un débat entre leaders, ce qui
n'est pas le but de la période des questions.
M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: Question supplémentaire, M. le
Président, parce que j'ai été satisfait de la
réponse du ministre.
Le Président: Les questions complémentaires ne
comportent pas de préambule, d'une part. D'autre part, il va de soi que,
si un article du règlement fait en sorte qu'on ne peut pas invoquer le
règlement puisqu'on est insatisfait de la réponse, on n'a pas,
non plus, à commenter la satisfaction que l'on peut éprouver
à l'endroit de la réponse.
M. Grégoire: Sans autre commentaire, puisque le
gouvernement actuel a été capable de multiplier par 20
l'exportation d'électricité au cours des cinq dernières
années, ce pourquoi je le félicite...
Le Président: Question.
M. Grégoire: Je pose la question: Pourquoi ne serait-il
pas encore assez bon pour la multiplier par 20 encore une fois au cours des dix
prochaines années et faire le projet de développement de la
deuxième phase de la Baie-James et donner de l'emploi à ceux qui
n'en ont pas?
Le Président: M. le député de Frontenac! M.
le ministre de l'Énergie et des Ressources, rapidement, je vous prie,
puisque la période des questions avance et que de moins en moins de
questions vont pouvoir être posées.
M. Rodrigue: M. le Président, nous avons
évalué le marché américain. Effectivement,
l'État de New York a des installations qui comblent ses besoins d'ici
à l'an 2000 et les États de la Nouvelle-Angleterre n'auront
besoin que d'environ 3500 mégawatts à installer autour des
années 1996 ou 1997 pour combler leurs besoins. Nous sommes donc loin
d'une aventure de 12 000 mégawatts, comme celle qu'on nous propose.
Cependant, Hydro-Québec - et le gouvernement appuie
Hydro-Québec en ce sens - prend les dispositions pour être capable
de satisfaire au moins cette portion du marché. D'ailleurs, les
interconnexions qui ont été réalisées entre le
Québec et les États de la Nouvelle-Angleterre et l'État de
New York sont vingt fois supérieures à ce qu'elles étaient
en 1976. En 1990, elles vont atteindre 4500 mégawatts comparativement
à 200 mégawatts du temps du gouvernement antérieur.
Une voix: Ah!
Le Président: Question principale, M. le
député de Mont-Royal.
Danger à l'échangeur de la ville de
Saint-Pierre?
M. Ciaccia: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Transports. Hier, à la suite d'une question que je lui
posais concernant l'échangeur à la ville de Saint-Pierre, le
ministre nous assurait qu'il n'y avait pas de danger. Il semble que son
affirmation ait été contredite par au moins deux experts, l'un de
l'Université de Montréal et l'autre de l'Université
McGill. Le professeur Harris, de l'Université McGill, affirme que le
problème est encore pire qu'il ne le pensait lui-même et que le
ministre semble l'indiquer. Le professeur Takacs, de l'Université de
Montréal, affirme que non seulement il y a un danger pour ceux qui
circulent sur l'échangeur, mais aussi pour ceux qui passent autour de
l'échangeur s'ils sont frappés par le béton qui tombe. De
plus, le professeur Takacs, de l'Université de Montréal,
recommande que la circulation lourde soit interdite sur l'échangeur
aussi longtemps que les réparations n'auront pas été
complétées. Est-ce que le ministre peut nous dire ce qu'il entend
faire dans les circonstances? (11 h 10)
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Tardif: M. le Président, je maintiens que, selon les
rapports des experts du ministère des Transports, il n'y a aucun danger
pour la sécurité des gens. Le député fait
référence à une déclaration d'un ingénieur
en structure. D'ailleurs, c'est assez intéressant que les gens qui
voient des dangers partout sont des ingénieurs en structure, des
spécialistes en béton et l'Association des constructeurs de
routes et grands travaux, donc tous des gens qui sont, comme par hasard, des
groupes d'intérêts intéressés, évidemment,
à ce que le maximum de travaux se fassent. Je ne les blâme pas,
c'est de bonne guerre. Mais il
faut prendre cela en considération.
Il reste, M. le Président, qu'un de ces experts dit, et je le
cite dans la mesure où la phrase est donnée entre guillemets: "I
certainly do not think the bridge is in danger of imminent collapse. That is
too extreme, but - je vais lire la citation en entier - the other extreme is to
say: Repairs are purely cosmetic." M. le Président, je maintiens que,
selon l'avis des experts du ministère, il n'y a aucun danger structurel.
Il est évident cependant que, si, encore une fois, vu que c'est à
l'extérieur, le revêtement de surface est effrité et, donc,
permet à l'eau de s'infiltrer, à la longue il pourrait se
produire des dangers de la nature de ceux dont parle le député.
On me dit que présentement ce n'est pas le cas. Le maire de la ville de
Saint-Pierre - parce que le ministère était à
étudier ce rapport bien avant, et, de toute façon, il est
prévu de faire des travaux cet été - M. Roger Jolicoeur
dit: "Je ne comprends pas, de mon côté, qu'une véritable
psychose ait pu se développer à la suite d'une simple lettre aux
lecteurs adressée au journal The Gazette. Les vérifications des
rames de l'échangeur ont été faites à la suite de
cette lettre, a-t-il dit. Le tout est solide. Nous avions depuis quelques
semaines entrepris des démarches - j'ajoute que c'est avec le
ministère des Transports - pour améliorer l'environnement visuel
donnant accès à l'échangeur." Le maire de la ville de
Saint-Pierre dixit.
M. le Président, néanmoins, afin d'avoir personnellement
une idée plus juste, sans être un expert, j'ai demandé
qu'on aille sur les lieux faire une nouvelle expertise avec la presse et tous
ceux qui voudront constater si, effectivement, il y a des dangers là.
Mais les experts du ministère me disent qu'il n'y en a pas.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Le ministre peut-il nous assurer que les experts de
son ministère ne sont pas les mêmes experts qui ont construit le
pont à Sept-Îles, qui sont responsables du pont de
Sept-Îles?
Une voix: Question factuelle.
M. Ciaccia: C'est factuel. Vous avez des experts dans le
ministère et regardez ce qui est arrivé. Il y a sept morts
à Sept-îles.
Le Président: M. le député: M. le
député!
M. Ciaccia: Cela est dégueulasse. Ce n'est pas ma question
qui est dégueulasse.
Le Président: M. le député!
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais être
assuré de cela, qu'ils ont une meilleure expertise. Le ministre ne
croirait-il pas que, pour les fins de la prudence et de la
sécurité publique, il serait mieux d'interdire de suivre la
recommandation des experts de l'Université de Montréal? S'il y a
un doute, ne serait-il pas mieux d'interdire, au moins, la circulation lourde
sur l'échangeur et de prendre des mesures préventives pour ceux
qui doivent circuler autour de l'échangeur afin qu'ils ne soient pas
frappés par le béton qui tombe à terre?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Tardif: Je comprends que les applaudissements ne soient pas
très forts pour une question semblable.
M. le Président, non, ce ne sont pas les mêmes experts qui
ont bâti le pont de la rivière Sainte-Marguerite... Merci!
À la première question, je réponds: Non, ce ne sont pas
les experts qui ont bâti le pont de la rivière Sainte-Marguerite.
Oui, ce sont les experts qui sont responsables de l'entretien des quelque 14
000 structures que nous avons au Québec, qui sont empruntées
à tous les jours par les Québécois et qui sont de toute
sécurité.
Troisièmement, M. le Président, si le député
me demande: Serait-il préférable qu'un citoyen n'aille pas se
promener en dessous de l'échangeur au cas où un éclatement
se détacherait au passage d'un camion lourd et lui tomberait dessus, je
lui dis: De toute façon, sur l'autoroute, les piétons ne sont pas
admis, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ne parlais pas de cela, je parlais des automobiles
qui passent en dessous. Voyons! Je ne peux pas vous apporter un
échangeur ici...
Le Président: M. le député! M. le
député!
M. Ciaccia: ...ici à l'Assemblée nationale, pour
vous montrer comment il est fait!
Une voix: Le président ne veut pas! Le
Président: M. le député!
M. Ciaccia: Le nouveau règlement m'empêche de le
faire! Le ministre a-t-il un rapport sur l'inspection de l'échangeur?
Pourrait-il le déposer à l'Assemblée nationale?
Pourrait-il nous dire s'il y a une équipe d'inspecteurs qui font
l'inspection des structures, et quel est le délai entre
l'inspection et le commencement des travaux de réparation, afin
d'éviter le genre de situation à laquelle nous faisons face avec
l'échangeur de la ville de Saint-Pierre?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Tardif: M. le Président, toutes les structures sont
inspectées régulièrement. Je pourrai donner les
cédules d'inspection, de même que les dernières inspections
qui ont été faites - je ne les ai pas ici avec moi -à
cette structure. Quant au délai, au cas où le
député l'ignorerait, notre climat fait en sorte qu'il y a
très peu de travaux de cette nature qui sont entrepris l'hiver. C'est
plutôt généralement après la période de
dégel qu'on commence à faire des travaux de cette nature. Encore
une fois, je lui donne l'exemple du boulevard Métropolitain qui traverse
en partie son comté: le boulevard Métropolitain a
été refait en entier sur une période de deux ou trois
étés, justement à la suite de pièces qui se
détachaient à cause de la vibration ou autrement. Donc, les
mesures vont être prises, mais en plus, M. le Président, j'ai
demandé qu'on aille s'assurer sur les lieux si véritablement il y
avait, comme on en voit d'ailleurs le long de certaines routes, des avis
"danger de roc qui tombe" sur le bord de certaines routes et, s'il y avait des
dangers d'éclatement, qu'on aille voir et qu'on aille prendre les
mesures nécessaires.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Richmond.
M. Vallières: M. le Président, le ministre peut-il
nous indiquer si les experts auxquels il fait allusion seront plus efficaces
que ceux qui ont étudié la situation qui prévalait dans le
secteur de Sainte-Madeleine sur l'autoroute 20, et qui ont permis la
répétition de carambolages mortels avant d'agir dans le
dossier?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Tardif: Oui, M. le Président, sauf que j'ai
l'impression que celui qui est responsable de l'émission de brume dans
ce secteur, c'est beaucoup plus le député Vallières,
pardon, le député de Richmond. Je m'excuse, M. le
Président. C'est effectivement une zone de brouillard contre laquelle le
ministère ne peut rien. Cela fait partie des "acts of God". Là,
ce qu'on peut faire, c'est avoir des annonces pour dire aux gens: Attention, il
y a des dangers ici de visibilité réduite à certaines
périodes de l'année. C'est ce qu'on a, d'ailleurs. On a mis de
telles affiches.
Le Président: Question principale, M. le
député de Fabre.
Détérioration de l'enseignement
religieux et loi 3
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Ce matin, dans
les journaux, on fait état d'un avis rendu public hier par le
Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation qui
se dit préoccupé par la qualité de l'enseignement
religieux dans les écoles québécoises. On dit même
dans cet avis que beaucoup d'enseignants donnent des cours de religion sans
croire en Dieu et en l'Église. On dit qu'au primaire, seulement 1 % des
maîtres ont demandé d'être exemptés des cours de
religion, alors qu'ils sont bien plus nombreux à ne pas être de
foi catholique, indique le comité. Au secondaire, les procédures
d'ancienneté obligent certains à enseigner la religion sans
conviction ou sans compétence.
M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
l'Éducation. Je voudrais demander au ministre ce qu'il compte faire
devant une telle détérioration de l'enseignement religieux dans
nos écoles, et je voudrais lui demander en deuxième lieu si la
loi 3 permet de régler de tels problèmes.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Gendron: Oui, M. le Président. J'ai été
heureux hier de recevoir l'avis du Comité catholique du Conseil
supérieur de l'éducation sur une question importante. Je pense
que c'est une question qui doit nous préoccuper. C'est pour cela qu'on a
demandé à certains comités spécifiques, au Conseil
supérieur de l'éducation, de transmettre graduellement des avis
sur des questions qui sont soulevées par la population et des personnes
intéressées.
À la deuxième partie de la question: Est-ce que la loi 3
va contribuer à améliorer cette situation, la réponse est
oui, M. le Président, puisque dans la loi 3 il y a une disposition qui,
dorénavant, va obliger toutes les écoles, confessionnelles ou
non, à offrir au choix l'enseignement religieux catholique,
l'enseignement religieux protestant ou ce qu'on appelle la formation morale.
Dans ce sens, une disposition comme celle qui est prévue à la loi
3 va permettre une meilleure liberté de choix personnel des enseignants
à qui on demandera d'être des titulaires de l'enseignement
religieux. (11 h 20)
La première partie de la question concernait les causes qui ont
contribué à ce que le conseil supérieur fasse des constats
assez difficiles en termes de recommandation, exacts par rapport aux faits.
C'est sûr qu'à partir du moment où, depuis plusieurs
années, on engage moins dans l'éducation on est
obligé de suivre l'affectation du personnel enseignant suivant une
règle qui nous est imposée par les conventions collectives,
laquelle on convient être, de toute façon, la règle de
l'ancienneté, ce qui a comme conséquence que certains professeurs
n'ont peut-être pas fait le choix personnel d'être professeurs
d'enseignement moral ou religieux. Dans ce sens, le conseil supérieur
sera plus exigeant quant à la formation et à la sélection;
il invite les commissions scolaires à s'assurer que les professeurs qui
auront la responsabilité de l'enseignement religieux soient
véritablement des personnes qui professent la foi religieuse ou
protestante.
Le Président: II faudrait le consentement de la Chambre,
M. le député d'Argenteuil, pour qu'il y ait une question
complémentaire.
Des voix: Consentement, consentement. Le Président: II y a
consentement.
M. Ryan: Le comité catholique ayant recommandé dans
cet avis que les attributions, les responsabilités et les moyens des
responsables du soutien à l'enseignement religieux dans les commissions
scolaires soient augmentés et définis de manière plus
précise, le ministre est-il prêt à envisager de
réviser les règles budgétaires de manière que ce
problème trouve une solution efficace?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Gendron: D'abord, la première chose que je devrai faire
sera de prendre connaissance d'une façon plus détaillée
des recommandations que nous avons reçues hier. Je n'ai pas l'intention
de transformer ou de modifier les règles budgétaires. Les
règles budgétaires ont été acceptées par le
Conseil du trésor et je pense que les commissions scolaires du
Québec et le ministère de l'Éducation devront fonctionner
avec les règles budgétaires acceptées.
Cependant, cela ne nous soustrait pas à l'obligation, selon
l'avis que nous venons de recevoir, tout comme on l'a fait quand il nous avait
donné un avis sur la condition enseignante, de mettre des gens au
travail afin de regarder les possibilités d'aller tout de suite dans le
sens de certaines recommandations. Si, dans certains cas, cela requiert une
allocation différente, un certain soutien financier, je serai ouvert
pour regarder cela.
Le Président: La période des questions est
terminée.
Nous allons procéder au vote qui a été
reporté lors de la séance d'hier dès que nos
collègues qui sont à l'extérieur nous auront rejoints.
Mise aux voix de la motion
proposant l'adoption du principe du projet de loi
39
À l'ordre! Je mets maintenant aux voix la motion de M. le
ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie
proposant que le principe du projet de loi 39, Loi sur le ministère de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie et
modifiant diverses dispositions législatives, soit maintenant
adopté.
Que les députés qui sont favorables à cette motion
veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Bédard (Chicoutimi),
Rancourt (Saint-François), Marcoux (Rimouski), Mme Marois (La Peltrie),
MM. Clair (Drummond), Duhaime (Saint-Maurice), Johnson (Anjou), Landry
(Laval-des-Rapides), Bérubé (Matane), Richard (Montmorency),
Tardif (Crémazie), Jolivet (Laviolette), Godin (Mercier), Rochefort
(Gouin), Dean (Prévost), Léger (Lafontaine), Gendron
(Abitibi-Ouest), Martel (Richelieu), Le May (Gaspé), Biron
(Lotbinière), Garon (Lévis), Fréchette (Sherbrooke),
Bertrand (Vanier), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Rodrigue (Vimont), Chevrette
(Joliette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Ouellette (Beauce-Nord), Brouillet
(Chauveau), Leduc (Fabre), Bordeleau (Abitibi-Est), Gravel (Limoilou), Marquis
(Matapédia), Gauthier (Roberval), Beaumier (Nicolet), Blouin (Rousseau),
Lavigne (Beauharnois), Baril (Arthabaska), Dupré (Saint-Hyacinthe),
Gagnon (Champlain), Dussault (Châteauguay), Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Mme Juneau (Johnson),
MM. Charbonneau (Verchères), Perron (Duplessis), Beauséjour
(Iberville), Le Blanc (Montmagny-L'Islet), Laplante (Bourassa), Champagne
(Mille-Iles), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Blais (Terrebonne), Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Tremblay (Chambly), Lachance (Bellechasse),
Paré (Shefford), Payne (Vachon), Lafrenière (Ungava),
Grégoire (Frontenac)
Le Président: Que les députés qui s'opposent
à cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Gratton
(Gatineau), O'Gallagher (Robert Baldwin), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce),
Ciaccia (Mont-Royal), Mme La-voie-Roux (L'Acadie), MM. Ryan (Argenteuil),
Vaillancourt (Orford), Mme Bacon (Chome-dey), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Middlemiss (Pontiac), Vallières
(Richmond), Assad (Papineau), Blank (Saint-Louis), Hains (Saint-Hen-
ri), Polak (Sainte-Anne), Saintonge (Laprairie), Rocheleau (Hull),
Fortier (Outremont), Rivest (Jean-Talon), Côté (Charlesbourg),
Paradis (Brome-Missisquoi), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Bourbeau (Laporte),
Lincoln (Nelligan), Doyon (Louis-Hébert), Dubois (Huntingdon), Picotte
(Maskinongé), French (Westmount), Bissonnet (Jeanne-Mance), Kehoe
(Chapleau), Houde (Berthier), Leduc (Saint-Laurent), Maltais (Saguenay), Mmes
Bélanger (Mégantic-Compton), Saint-Amand (Jonquière), MM.
Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Pratt (Marie-Victorin), Parent
(Sauvé),
Le Président: Que les députés qui
s'abstiennent veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint; MM. Paquette (Rosemont) et de Bellefeuille
(Deux-Montagnes).
Le Secrétaire: Pour: 59
Contre: 40
Abstentions: 2
Le Président: La motion est adoptée. Aux motions
sans préavis.
M. Bédard: II n'y a pas de motions sans
préavis.
Le Président: Aux avis touchant les travaux des
commissions, M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: Avant...
Le Président: Motion de renvoi?
Renvoi à la commission de l'éducation et
de la main-d'oeuvre
M. Bédard: Oui. Je voudrais faire une motion pour
déférer ce projet de loi en commission.
Le Président: Quelle commission? M. Bédard:
De l'éducation.
Le Président: La motion est-elle adoptée?
Adopté.
Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Bédard: Tout d'abord, jusqu'à 13 heures
aujourd'hui, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de
l'aménagement et des équipements entreprendra la consultation
particulière sur le projet de loi 190, Loi concernant les villes de
Rouyn et de Noranda. La commission poursuivra ses travaux de 15 heures à
18 heures et de 20 heures à 24 heures, si nécessaire.
Après les affaires courantes, jusqu'à 13 heures, à
la salle du Conseil législatif, la commission de l'éducation et
de la main-d'oeuvre entreprendra l'étude détaillée du
projet de loi 39, Loi sur le ministère de l'Enseignement
supérieur, de la Science et de la Technologie, que nous venons d'adopter
en deuxième lecture. La commission poursuivra ses travaux de 15 heures
à 18 heures et de 18 heures à 24 heures à la salle
Louis-Joseph-Papineau.
De 15 heures à 18 heures, également aujourd'hui, et de 20
heures à 24 heures, la commission du budget et de l'administration
entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi
sur le régime de négociation des conventions collectives dans les
secteurs public et parapublic. Cette commission siégera à la
salle du Conseil législatif.
Le Président: D'autre part - un instant - à la
salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May, à compter de maintenant,
la commission des affaires sociales tiendra une séance de travail.
À l'issue de la séance de travail... On me dit que ce n'est pas
au 101 de l'édifice Pamphile-Le May, mais à la salle 150 de
l'Hôtel du Parlement. À l'issue de cette séance de travail,
la sous-commission des affaires sociales aura, à son tour, une
séance de travail. À 20 heures ce soir, à la salle 101 de
l'édifice Pamphile-Le May, la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation tiendra également une séance
de travail.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais demander
au leader parlementaire...
Le Président: Un instant. Un instant. Un instant.
Voulez-vous attendre d'avoir la parole? Cela implique effectivement que quatre
commissions doivent siéger ce matin. La quatrième, pour une
séance de travail, celle des affaires sociales. Est-ce qu'il y a
consentement pour que quatre commissions siègent? Il y a consentement.
Bien.
Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le
député de Frontenac.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
M. Grégoire: M. le Président, sur les travaux de
l'Assemblée, on sait qu'en vertu d'un article du règlement une
commission parlementaire peut, chaque année, interroger un organisme
d'État. Notre commission parlementaire de l'économie et du
travail ne l'a pas fait encore non plus qu'elle n'a étudié les
engagements financiers qui relèvent de notre commission. On sait que
c'est parce qu'il a manqué un président
pendant plusieurs mois. Malgré le manque de président,
nous avons collaboré avec le parti au pouvoir en acceptant
d'étudier les crédits budgétaires, cette année,
sans président. J'y viens, M. le Président.
Le Président: Une question sur les travaux de
l'Assemblée... Je veux bien que quelqu'un ou moi, le cas
échéant, réponde à votre question, mais je ne vois
pas ce que l'argumentation que vous faites a à voir avec cela. Quelle
est la question que vous posez?
M. Grégoire: Une demande de directive. À notre
commission parlementaire, l'Opposition a demandé de faire venir
l'organisme d'État qui s'appelle la Société nationale de
l'amiante et rien n'a été décidé parce qu'il faut
la majorité des deux côtés. Dans ces conditions, je vous
demande une directive: S'il n'y a pas de majorité des deux
côtés qui s'entende, comment doit-on procéder pour pouvoir
entendre un organisme d'État? On peut procéder en donnant notre
consentement, ce que nous avons fait à maintes reprises...
Le Président: J'ai compris la question et vous trouvez
sans doute la réponse dans le livre des règlements de
l'Assemblée nationale. Le président n'est pas une banque
d'informations à cet effet. Il y a des mécanismes prévus
dans les règlements de l'Assemblée nationale.
M. Grégoire: Concernant les travaux de la Chambre, est-ce
que je peux demander au leader parlementaire s'il pourrait employer les
mécanismes prévus pour qu'on puisse entendre une
société d'État relevant de notre commission,
c'est-à-dire la Société nationale de l'amiante? Cette
année...
M. Bédard: Je prends note de la question du
député, en espérant...
M. Grégoire: C'est la deuxième fois que le leader
parlementaire prend notel
Le Président: Si vous voulez soulever un débat, M.
le député, ce n'est pas le moment et peut-être même
pas l'endroit.
M. Bédard: Justement, je voulais souligner au
député que c'est plutôt à la commission que doit se
faire le débat. Je ne vois pas pourquoi il est transposé ici,
à l'Assemblée nationale, même si je comprends très
bien la préoccupation du député de vouloir que cette
société d'État soit entendue.
M. Grégoire: Nous, on a collaboré quand cela a
été le temps; vous autres, vous ne collaborez pas quand c'est le
temps.
Le Président: Bon. Il n'y a pas d'autres questions
à ce chapitre-ci. Nous allons en venir aux affaires du jour et à
l'adoption... Pardon?
M. Bédard: Ce n'est pas une question de non-collaboration;
c'est une question de règlement, comme vous venez de le dire, M. le
Président, à l'endroit du député qui posait une
question tout à l'heure.
Je vous demanderais, M. le Président, de suspendre nos travaux
pour quelques minutes parce qu'il y a une entente afin de suspendre quelques
minutes pour voir sur quel point du feuilleton nous allons entreprendre nos
travaux.
M. Grégoire: Est-ce qu'on peut demander le vote sur la
suspension?
Le Président: C'est un peu inusité comme
procédure, je vous le ferai remarquer, de suspendre les travaux de la
Chambre parce qu'on ne sait pas quelle est la nature du débat qui doit
avoir lieu. Enfin, je veux bien suspendre pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 11 h 37)
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, après cette
brève suspension, nous allons reprendre nos travaux pour discuter de la
Loi sur les sociétés de développement de l'entreprise
québécoise. Il s'agit de l'article 18 de notre feuilleton, s'il
vous plaît.
Projet de loi 55 Adoption du principe
Le Président: Bien! Nous en sommes à l'adoption du
principe du projet de loi 55, Loi abrogeant la Loi sur les
sociétés de développement de l'entreprise
québécoise. Je cède la parole au ministre de l'Industrie
et du Commerce.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, je pense qu'aujourd'hui nous
sommes en train de tourner une autre page d'histoire dans l'évolution de
l'aide aux entreprises, aux PME, particulièrement aux PME
manufacturières, puisque, au cours des prochains jours, nous
débattrons un autre projet de loi, celui des sociétés de
placement dans l'entreprise québécoise, qui s'adapte beaucoup
mieux ou qui va répondre beaucoup mieux aux besoins de capitalisation et
de
financement des petites ou des moyennes entreprises du
Québec.
Le projet de loi que nous débattons aujourd'hui, c'est celui qui
abroge la Loi sur les sociétés de développement de
l'entreprise québécoise. Nous n'avons pas voulu placer ce projet
de loi, même s'il n'a que quelques articles, dans le projet omnibus,
parce que nous croyions qu'il était important pour la population de
savoir pourquoi le gouvernement du Québec s'est rendu à la
demande des actionnaires et des dirigeants des sociétés qu'on
appelle les SODEQ, les sociétés de développement de
l'entreprise québécoise, de même qu'à l'une des
nombreuses recommandations de la commission Saucier sur la capitalisation des
PME, pour remplacer les SODEQ par une nouvelle formule plus adaptée aux
préoccupations et aux besoins de capitalisation et de financement des
petites et des moyennes entreprises du Québec.
D'abord, la Loi sur les SODEQ a été adoptée en
1976, soit il y a tout près de dix ans, avec un bon objectif, celui
d'essayer de trouver les fonds et les capitaux nécessaires pour mieux
capitaliser les PME manufacturières. Cette loi, qui a été
adoptée en 1976, prévoyait que les SODEQ apporteraient des
capitaux aux PME manufacturières québécoises et, en
même temps, des capacités de gestion afin d'aider nos PME à
mieux gérer leurs finances, leur production et leurs ventes.
En plus, la Loi sur les SODEQ prévoyait un crédit
d'impôt de 25 % des sommes investies dans les SODEQ. Si un individu
investissait 1000 $ dans une SODEQ, il avait le droit de déduire sur ses
impôts à payer au gouvernement du Québec la somme de 250 $,
c'est-à-dire 25 % de son investissement dans une SODEQ.
Ce qui est arrivé, c'est que, d'abord, deux SODEQ ont
été fondées en 1978; dix autres en 1979 et 1980 et, avec
le temps, l'une n'est plus en opération; six de ces SODEQ ont
fusionné pour former le premier groupe SODEQ et cinq autres ont une
capitalisation qui varie entre 1 000 000 $ et 5 000 000 $. Les six SODEQ
fusionnées ont ensemble une capitalisation d'au-delà de 10 000
000 $. (11 h 40)
Finalement, la totalité de ces SODEQ au Québec a recueilli
environ 25 000 000 $, avec 4400 actionnaires, et elles ont réussi
à investir dans environ 50 PME manufacturières, ce qui est
très loin de l'objectif visé à l'époque. À
l'époque, dans le fond, on visait quelques centaines de millions de
dollars que les SODEQ investiraient dans des PME. On s'aperçoit, avec le
temps, que nous avons réussi à atteindre seulement 25 000 000 $
et que seulement une cinquantaine de petites ou moyennes entreprises ont pu en
bénéficier pour toutes sortes de raisons.
Je ne veux pas faire le procès ni de la Loi sur les SODEQ, ni des
administrateurs, ni des gestionnaires, ni des petites ou moyennes entreprises
dans lesquelles les sommes d'argent ont été investies. Je pense
qu'on a peut-être tout simplement visé un peu grand à
l'époque, il y a au-delà d'une dizaine d'années. On a
peut-être essayé de régler tous les problèmes en
même temps et surtout de faire en sorte d'habituer des gens à
investir dans des sociétés à capitaux de risque.
Une SODEQ était une société à capital de
risque qui pouvait oeuvrer sur une base régionale. On devait en
même temps, pour les dirigeants des SODEQ, être des
spécialistes dans la production de meubles, de vêtements, de
chaussures, dans l'électronique, dans l'aéronautique et dans tous
les domaines de l'activité économique possibles, ce qui, à
mon point de vue, était impossible. Surtout, on essayait de confiner les
investissements de ces SODEQ dans une région donnée, alors qu'on
peut souvent faire un bon investissement à Montréal et un autre
à peu près dans le même domaine à Rimouski et ainsi
de suite, alors que les SODEQ étaient confinées dans une
région pour essayer d'atteindre le plus grand "spectrum" possible de
l'activité manufacturière. C'était demander un peu trop,
je pense, à ces sociétés de développement de
l'entreprise québécoise, à ces SODEQ, compte tenu aussi
qu'elles n'avaient pas beaucoup de capitaux disponibles. Une petite SODEQ, avec
2 000 000 $ de capital-actions, c'est difficile pour elle dans le fond de
pouvoir investir dans 10, 15 ou 20 entreprises et de diversifier ses
placements.
Deuxièmement, les SODEQ ont dû aussi faire face à
l'histoire économique du Québec, c'est-à-dire les chefs
d'entreprise qui hésitent à accepter de nouveaux investisseurs
dans leur entreprise, sauf lorsque l'entreprise va très mal et est
littéralement presque sur le bord de la faillite. Les SODEQ ont fait
certains bons placements, et d'autres placements ont été faits
aussi dans des entreprises qui étaient véritablement en
difficulté; les SODEC n'ont pas pu récupéré la
totalité de ces entreprises et souvent, pour essayer de garantir le
placement qu'elles avaient fait dans une entreprise donnée, elles
faisaient un deuxième ou un troisième placement,
c'est-à-dire qu'on mettait du bon argent par-dessus du mauvais et, dans
plusieurs cas, ces sommes ont été perdues.
Avec le temps, on a essayé d'assouplir le plus possible la Loi
sur les SODEQ et leur réglementation. Je me suis rendu deux fois durant
les quatre dernières années à des demandes des dirigeants
des SODEQ pour leur donner une plus grande marge de manoeuvre. On sait que,
légalement, ils ne
devaient investir que dans des PME manufacturières et que du
capital de risque, ce qui est presque impossible à faire à
très court terme. Un capital de risque, un investissement dans la
capitalisation d'une entreprise, il faut que ce soit prêt, il faut
trouver l'entreprise. Alors, légalement, lorsque l'argent entrait dans
la SODEQ, il aurait dû être placé le lendemain matin dans
une entreprise sous forme de capital de risque; dans le fond, tous ceux et
celles qui connaissent un peu l'économie savent que c'est presque
impossible.
On a ouvert davantage la réglementation, on a
déréglementé la Loi sur les SODEQ, mais on a aussi
confié il y a un peu plus d'un an à la commission d'étude
sur la capitalisation des PME, la commission Saucier, la responsabilité
de nous faire des recommandations. La commission Saucier, parmi ses autres
recommandations pour financer les PME manufacturières
québécoises, a fait une recommandation bien précise sur la
loi sur les SODEQ, c'est-à-dire d'abroger la loi sur les SODEQ et faire
en sorte que les six SODEQ qui demeurent, qui sont encore en activité
présentement puissent complètement être
libérées de leurs obligations, de leur réglementation et
agir comme des sociétés à capital de risque,
c'est-à-dire agir en vertu de la partie 1 de la Loi sur les compagnies.
Nous nous sommes rendus à cette recommandation de la commission Saucier.
Nous avons discuté avec les gens des SODEQ là-dessus. Il semble
que ce soit accepté un peu partout.
Donc, nous abrogeons aujourd'hui la Loi des SODEQ en disant quand
même que ceux et celles qui ont bénéficié d'un abri
fiscal, c'est-à-dire d'un crédit d'impôt de 25 %, peuvent
garder le crédit d'impôt. Ces gens ont investi il y a
déjà cinq, six ou sept ans dans des SODEQ et, comme ces sommes
d'argent ont été investies il y a déjà plusieurs
années, le ministre des Finances s'est rendu à une de mes
demandes et fait en sorte de laisser complètement ni plus ni moins un
cadeau fiscal aux gens qui ont investi dans des SODEQ. Même si la Loi sur
les SODEQ disait que si les SODEQ disparaissaient, l'abri fiscal devait
être remboursé au gouvernement du Québec, le ministre des
Finances a accepté et, dans son dernier discours sur le budget, il a dit
tout simplement que les crédits d'impôt qui étaient
gagnés par ceux et celles qui ont investi dans les SODEQ pourraient
être conservés par ces gens-là. Cela représente une
somme d'argent d'environ 6 000 000 $ de crédits d'impôt qui sont
laissés à 4400 citoyens et citoyennes du Québec qui ont
investi dans les SODEQ.
Maintenant, il faut se demander ce qu'on fait pour la suite des
événements. La suite des événements viendra la
semaine prochaine avec le nouveau projet de loi que j'ai déposé
en première lecture sur les sociétés de placement des
entreprises québécoises, les SPEQ, qui feront en sorte
d'être beaucoup plus flexibles que les SODEQ. Dans une SODEQ, vous aviez
40 ou 50 ou une centaine d'actionnaires par SODEQ. En fait, en moyenne, nous
avions environ 400 actionnaires par SODEQ, alors que dans les SPEQ, vous
pourrez avoir trois, quatre ou cinq actionnaires qui vont investir dans une,
deux ou trois PME manufacturières. En soi, les SODEQ devaient chercher
quelque 100 actionnaires, investir dans des dizaines et des dizaines
d'entreprises, donc, être très diversifiées et
connaître tous les secteurs d'activité manufacturière, ce
qui était difficile, comme je l'ai dit tout à l'heure, au
début de ma présentation. On a voulu, non pas rendre les choses
difficiles pour les gens qui investissent, mais essayer de rendre cela le plus
facile possible. C'est dans ce sens que les sociétés de placement
des entreprises québécoises qu'on va connaître la semaine
prochaine, sous le nom de SPEQ, permettront à des individus, trois,
quatre ou dix individus ensemble, d'investir dans une seule PME s'ils le
veulent et de bénéficier d'un crédit d'impôt, alors
que la SODEQ devait investir dans plusieurs entreprises. D'ailleurs, à
400, c'est difficile pour chacun de s'impliquer directement dans la gestion de
son investissement, alors qu'avec la nouvelle formule des SPEQ qui a
été recommandée par la commission Saucier, c'est beaucoup
plus facile et cela permettra à ceux et celles qui veulent investir dans
l'économie québécoise d'investir dans des PME
manufacturières de leur goût et suivre de très près
l'évolution ou la gestion des finances de cette entreprise, donc, de
leur investissement.
M. le Président, je pense que finalement, les SODEQ ont
été utiles à l'économie québécoise
pendant une période donnée. La Loi sur les SODEQ, qui a
été pilotée par un de mes prédécesseurs,
l'honorable Guy Saint-Pierre, était une excellente loi, une bonne loi
à l'époque, mais comme on dit souvent en politique: "Other days,
other ways". Au fur et à mesure de l'évolution de
l'économie québécoise, des besoins des citoyens et des
entreprises, nous nous apercevons que nous devons abroger cette loi, laisser la
marge de manoeuvre nécessaire à ces entreprises pour devenir des
entreprises adultes, c'est-à-dire comme des entreprises à capital
de risque et permettre maintenant à d'autres sortes de gens ou les
mêmes gens, mais dans un véhicule nouveau, de répondre
mieux et davantage en 1985 aux besoins des PME manufacturières. Le
projet de loi que nous soumettrons la semaine prochaine pour étude
devant cette Chambre sera-t-il encore à la mode dans dix ou vingt ans et
répondra-t-il encore aux besoins des entreprises
québécoises? Nul ne le sait. Peut-être pas. Mais au
moins, si nous pouvons rendre service à l'économie
québécoise pendant une dizaine d'années, je pense que nous
aurons été véritablement utiles à la
création d'emplois et au dynamisme des entreprises
manufacturières.
La Loi sur les SODEQ a donc été une bonne loi. Elle a
été appliquée difficilement - c'est vrai - pendant
plusieurs années. Aujourd'hui, il est temps de se rendre à la
demande des actionnaires et des dirigeants des SODEQ, d'abroger leur loi, de
leur laisser une plus grande marge de manoeuvre et de remplacer ce moyen
d'investir dans des PME manufacturières par un nouveau moyen plus
adapté en 1985 aux besoins de la collectivité
québécoise. C'est pour cela, M. le Président, que je
propose à cette Assemblée d'accepter le projet de loi 55 pour
abroger la Loi sur les SODEQ et permettre une plus grande marge de manoeuvre
à ceux et celles qui ont investi dans les SODEQ ou qui, à l'heure
actuelle, gouvernent les SODEQ au Québec. (11 h 50)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le projet de loi 55 a
pour objet d'abroger la Loi sur les sociétés de
développement de l'entreprise québécoise appelée la
Loi sur les SODEQ. C'est en octobre 1974 que la Chambre de commerce de la
province de Québec remettait au gouvernement du Québec un
mémoire recommandant la mise sur pied d'un réseau de
sociétés de capital de risque à travers le Québec.
Dix ans et demi plus tard, la boucle est fermée. La Commission
québécoise sur la capitalisation des entreprises recommande que
le gouvernement révoque la Loi sur les SODEQ. Selon la commission, cette
loi n'est plus nécessaire et est devenue une contrainte superflue pour
les quelques institutions qui s'en sont prévalues.
Les SODEQ n'auront-elles été qu'une aventure de quelques
années? À mon avis, non. Nous arrivons à la fin d'une
étape dans la constitution d'un réseau québécois de
sociétés de capital de risque; d'autres étapes devront
venir. La proposition de constituer les SODEQ émana d'un comité
spécial de la Chambre de commerce du Québec formé de
représentants des institutions financières et des milieux
intéressés au développement des PME. À la suite
d'une analyse des problèmes de financement et de croissance des PME et
à un examen des expériences tentées ailleurs pour
résoudre ces problèmes, ce comité recommandait la
formation d'un réseau de sociétés de capital de risque
pour les PME québécoises. La formation des SODEQ sera
favorisée par des exemptions fiscales pour ceux qui y investiraient.
En contrepartie, les SODEQ devraient investir une partie importante de
leurs fonds dans le capital action des PME. Toutefois, la réglementation
qui encadrerait les politiques de placement des SODEQ devrait être souple
et éviter d'imposer des contraintes inutiles. La seule véritable
contrainte recommandée était de limiter ces SODEQ au rôle
d'actionnaire minoritaire. Le rapport de la chambre de commerce suscita un
solide appui au sein du milieu des affaires; toutefois, ce n'est que deux ans
plus tard, soit en 1976, qu'on adopta la Loi sur les SODEQ et en 1978, quatre
ans après la proposition, la réglementation des SODEQ fut
publiée.
C'est alors que se constituèrent, de novembre 1978 à
décembre 1979, les dix premières SODEQ; deux autres virent le
jour en 1980. Quelque 25 000 000 $ furent recueillis par les SODEQ de 1978
à 1982.
La lune de miel entre les investisseurs et les SODEQ fut toutefois de
courte durée. Les premiers placements n'eurent rien de spectaculaire et
inévitalement certains furent des échecs. Les dépenses
d'administration s'avérèrent plus importantes que prévu et
grugèrent les maigres profits de placement. Déjà en 1982,
on parlait de l'échec des SODEQ. En 1983, SODECOM, la seule SODEQ
cotée à la Bourse, faisait face à d'importantes
difficultés financières et cessait ses activités. À
peine six mois plus tôt, quelques milliers de Québécois y
avaient investi 2 000 000 $ à la recherche de crédits
d'impôt. Aucune autre SODEQ n'a fait appel à l'épargne
populaire depuis 1982.
Au printemps 1984, six des douze SODEQ fusionnaient pour former le
premier groupe SODEQ avec plus de 12 000 000 $ en capital disponible. Cette
société de capital de risque établit son siège
à Longueuil, sur la rive sud de Montréal; les cinq autres SODEQ,
celles de Trois-Rivières, de Québec, d'Abitibi, de Saguenay et de
Rimouski se partagent un capital de moins de 7 000 000 $.
Lors de sa présentation devant la Commission
québécoise sur la capitalisation des entreprises, le premier
groupe SODEQ demandait d'être dorénavant soustrait à la Loi
sur les SODEQ qui serait devenue un carcan inutile, car il était
virtuellement certain qu'aucune nouvelle SODEQ ne serait formée et que
les SODEQ existantes n'iraient pas solliciter de nouveaux fonds auprès
du public.
On reproche d'abord et avant tout aux SODEQ d'avoir failli à leur
mission originale, soit de fournir du capital de risque aux PME
québécoises. Ce reproche est-il justifié? À mon
avis, il s'agit d'un verdict trop sévère car les SODEQ ont
effectivement investi dans un grand nombre de PME québécoises. En
cinq ans, les SODEQ auraient fait une soixantaine de placements dans le
capital-
actions des PME pour une somme de 10 000 000 $. Aucun de ces placements
ne semble s'être avéré spectaculaire. Les SODEQ n'ont pas
trouvé un nouveau Bombardier ou un nouveau CANAM-MANAC mais, durant la
même période, très peu d'investisseurs
québécois ont eu des succès spectaculaires avec des
investissements dans le secteur manufacturier. Les SODEQ n'ont toutefois
investi que 40 % de leurs fonds dans des PME manufacturières.
En somme, bien que des déductions fiscales aient
été accordées sur la totalité des fonds recueillis
par les SODEQ - les crédits d'impôt dépassèrent 6
000 000 $ -l'impact fut atténué par le fait que les SODEQ
conservèrent une partie importante de leurs fonds sous forme de
placements liquides. Les critiques les plus dures adressées aux SODEQ
font état du manque d'agressivité des SODEQ qui ont
favorisé des placements, somme toute, peu risqués.
De plus, les investissements typiques dans le secteur manufacturier se
firent dans des entreprises traditionnelles et ils ne contribuèrent pas
à transformer la structure industrielle du Québec.
Paradoxalement, on leur reproche aussi quelques investissements trop
risqués qui s'avérèrent des échecs.
La Commission québécoise sur la capitalisation des
entreprises nuança, heureusement, ce jugement. Selon la commission, il
est prématuré de juger définitivement une institution cinq
ans seulement après sa création. La plupart des plus grandes
sociétés de capital de risque américaines telle l'American
Research Development Corporation, fondée par le général
Doriot de l'Université Harvard, auraient cessé
prématurément leurs activités si nos censeurs
québécois avaient donné libre cours à leur jugement
cinq ans seulement après leur fondation.
En somme, un apprentissage est normal pour toute nouvelle institution.
En 1979, lors de la création des SODEQ, il y avait très peu de
spécialistes québécois du capital de risque. Les SODEQ ont
dû payer le coût de l'innovation.
En fait, l'émergence d'une société de capital de
risque de taille importante, soit le premier groupe SODEQ, est une
réussite en soi. Il s'agit de la plus importante société
de capital de risque au Québec. Il reste que l'expérience a
coûté des fonds au Trésor public, mais a-t-on
reproché au gouvernement du Québec d'avoir financé l'achat
de TransCanada PipeLines par Bell Canada grâce à des fonds
provenant des régimes d'épargne-actions? On s'attaque aux SODEQ
et on laisse filer en douce Bell Canada, Alcan et la Banque de Montréal
qui ont obtenu plusieurs centaines de millions de dollars, subventionnés
à des taux fort alléchants, dans le cadre du régime
d'épargne-actions.
Le rapport de la Commission québécoise sur la
capitalisation des entreprises, le rapport Saucier, a souligné plusieurs
failles structurelles de la loi des SODEQ. Ainsi, les SODEQ devraient demeurer
des sociétés publiques, une contrainte importante pour une
société de capital de risque. La très grande
majorité des sociétés de capital de risque sont d'ailleurs
des firmes privées. La loi empêchait aussi la présence
d'actionnaires dominants ou en position de contrôle. Cette
dernière contrainte, qui est une concession à un idéalisme
qui n'a pas sa place dans le capital de risque, a placé plusieurs SODEQ
dans les mains d'activistes régionaux qui avaient peut-être
beaucoup de bonne volonté, mais qui n'étaient pas en mesure
d'apporter la fermeté de direction qu'une nouvelle entreprise
nécessite dans ce secteur. (12 heures)
La loi limitait aussi la taille des placements des SODEQ et les
confinait dans des investissements de petite taille, les empêchant de
réaliser des économies d'échelle. Les plafonds en vigueur
présentement sont ceux qui étaient recommandés par la
chambre de commerce en 1974. Depuis ce temps, l'inflation a fait diminuer de
plus de la moitié les plafonds réels.
La Commission québécoise sur la capitalisation des
entreprises recommandait donc le rappel de la loi sur les SODEQ. Le
raisonnement qui appuie cette recommandation est convaincant. D'une part, il
est peu probable qu'à l'avenir une SODEQ aurait pu faire un appel
à l'épargne publique. La prolifération d'abris fiscaux
compétitifs de même que l'image ternie des SODEQ rendaient bien
peu probable un tel financement. C'est donc dire que l'utilisation du
crédit fiscal des SODEQ devenait peu probable à l'avenir. D'autre
part, les contraintes imposées par la loi sur les SODEQ gênent le
fonctionnement des SODEQ et empêchent leur évolution vers des
activités financières normales et compétitives.
Selon la commission, si la loi était abrogée, le premier
SODEQ continuerait sa mission de financement des PME et s'affirmerait comme une
société de capital de risque autonome. Les cinq autres SODEQ se
transformeraient probablement en "holdings" financiers régionaux par
voie de fusion. Les actionnaires des SODEQ y gagneraient. Ils verraient leurs
titres se bonifier grâce à une plus grande liquidité. La
possibilité, pour un individu ou une institution, d'acquérir plus
de 5 % des actions augmenterait la valeur de ces mêmes actions.
Par contre, si le cadre rigide actuel avait été maintenu,
le premier SODEQ aurait continué à se développer mais avec
des carcans inutiles qui auraient gêné ses activités. Les
cinq petites SODEQ régionales auraient continué de vivoter
probablement dans l'illégalité car elles ne peuvent pas
rencontrer toutes les contraintes de la régie-
mentation actuelle.
Le rappel de la loi sur les SODEQ n'aura donc pas d'effet dramatique sur
les placements des milliers d'actionnaires des SODEQ. Leurs placements ne
deviendront que plus profitables et plus intéressants. En effet, les
SODEQ se verront dégrevées de contraintes particulières au
chapitre de la propriété de leurs actions, ce qui bonifiera la
valeur de leurs actions et de leurs placements. Elles continueront
néanmoins à être régies par l'ensemble des lois
québécoises comme toute autre compagnie publique.
La recommandation visant à abroger la loi sur les SODEQ est
probablement la recommandation de la commission Saucier la plus facile à
appliquer. Nous nous réjouissons que le gouvernement ait enfin
décidé d'y donner suite après avoir tergiversé
aussi longtemps.
M. le Président, les recommandations de la commission Saucier se
distinguent des mesures de relance auxquelles nous avait habitués le
gouvernement. Pour l'ensemble, il s'agit de réformes de structures et du
cadre juridique et non de saupoudrer des soi-disant secteurs
névralgiques avec des millions de dollars d'assistance et en
investissements publics. Le rapport de la Commission sur la capitalisation des
entreprises a reçu un accueil quasi unanime dans les milieux de
l'entreprise et particulièrement dans les régions. Le
gouvernement du Québec, talonné depuis plusieurs mois en ce sens
par l'Opposition, se devait d'agir et, entre autres, en révoquant la loi
sur les SODEQ, de démontrer sa volonté de prendre des mesures
fermes en vue de pouvoir amorcer la reprise économique.
Espérons que le gouvernement se décidera, tardivement
hélas, à relire le rapport Saucier pour mettre en oeuvre les
autres recommandations qui y sont contenues et dont plusieurs n'ont pas encore
retenu l'attention du gouvernement. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de
l'Industrie et du Commerce.
M. Rodrigue Biron (réplique)
M. Biron: M. le Président, je voudrais faire une
brève réplique à l'intervention du député de
Laporte. J'ai écouté ses propos et je réalise qu'il appuie
sans réserve le gouvernement du Québec dans la
présentation de ce projet de loi, de laisser une marge de manoeuvre
beaucoup plus grande aux SODEQ, aux anciennes SODEQ qui deviendront maintenant
des sociétés à capital de risque. Il va dans le même
sens que ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il dit:
Oui, c'était excellent à l'époque, c'était une
bonne idée. L'objectif était louable, mais, avec le temps, cela
ne répond plus aux besoins des entreprises ni des investisseurs.
J'ai moins aimé un peu son attaque politique. C'est de la petite
politique partisane lorsqu'il dit qu'on s'attaque aux SODEQ et qu'on laisse
filer Bell Canada, la Banque Royale, la Banque de Montréal, et ainsi de
suite. C'est le contraire qui a été fait par le ministre des
Finances dans son dernier budget puisqu'il a limité les montants
investissables dans Bell Canada, la Banque Royale, la Banque de
Montréal, c'est-à-dire les grandes entreprises, et il a
privilégié les investissements dans de petites ou de moyennes
entreprises.
Loin de s'attaquer aux SODEQ, au contraire, on leur laisse le cadeau
fiscal qui a été obtenu grâce à une décision
du Parti québécois. On leur laisse le cadeau fiscal qui a
été obtenu, on leur laisse la marge de manoeuvre
nécessaire et on répond intégralement à la demande
des dirigeants de ces SODEQ; donc, une plus grande marge de manoeuvre. Loin de
s'attaquer aux SODEQ, au contraire, on essaie de les protéger davantage
et on s'est attaqué, dans le discours sur le budget, aux grosses
entreprises multinationales qui n'avaient pas besoin d'autant d'aide, bien
sûr, de la part des gouvernements.
L'autre point sur la commission Saucier, la Commission sur la
capitalisation des PME. Je rappelle au député de Laporte que
cette commission a été formée par le gouvernement du
Québec, par le ministre de l'Industrie et du Commerce en particulier.
Les gens qui y ont siégé ont été invités un
par un par le ministre de l'Industrie et du Commerce du gouvernement du Parti
québécois. Ces gens ont accepté de siéger à
la commission Saucier en disant: Nous, si vous voulez nous comparer à
une commission formée par le Parti libéral, la commission
Macdonald, dans laquelle le président, M. Macdonald, obtient 800 $ par
jour des contribuables canadiens pour siéger là, les commissaires
obtiennent beaucoup d'argent... Cela a coûté au-delà de 25
000 000 $, la commission Macdonald pour ne rien nous dire jusqu'à
maintenant. Absolument rien.
Les gens qui ont siégé à la commission Saucier, que
ce soit M. Serge Saucier, le président, ou Raymond Blais, le
président des caisses populaires Desjardins, Pierre Lortie, l'ancien
président de la Bourse, maintenant chez Provigo, Pierre Brunet, le
président de Lévesque, Beaubien; M. Fillion, président du
Groupement québécois d'entreprises, et d'autres, ces gens ont
dit: Nous allons siéger gratuitement. On ne demandera rien au
gouvernement du Québec. On n'exigera pas de dépenses de voyages.
Ce qu'on veut, c'est siéger à cette commission pendant quelques
mois. Lorsque notre rapport sera déposé, on veut s'assurer qu'il
ne reste pas sur les tablettes comme d'autres rapports qui ont
été faits pour les libéraux, à l'époque.
Ces
gens, connaissant très bien le gouvernement du Parti
québécois et le ministre de l'Industrie et du Commerce, savaient
que ce rapport ne resterait pas sur les tablettes. Ce n'est pas le Parti
libéral qui nous a dit de former cette commission Saucier. Ce n'est pas
le Parti libéral qui nous a dit d'aider les PME, il ne connaît pas
les PME. Il n'en parle même pas. Je me souviens de M. Bourassa, il
était comme ça à l'époque et il est encore comme
cela aujourd'hui, il disait: Les petites entreprises, ce n'est pas bon, c'est
trop petit. Il faut les fusionner, faire de grandes entreprises. Autrement,
ça ne reste pas. Pourtant, ce sont les PME qui créent de
l'emploi, qui créent de l'activité économique.
Les conclusions, les recommandations de la commission Saucier ont fait
l'objet d'études à l'intérieur du gouvernement du
Québec et, à la première occasion qui nous a
été donnée de prendre une décision,
c'est-à-dire à l'occasion du discours sur le budget,
puisqu'au-delà de la moitié, 14 sur les 20 résolutions,
étaient d'ordre fiscal... Donc, il fallait que le ministre des Finances,
dans un discours sur le budget, prenne position sur 14 des 20 recommandations
de la commission Saucier. Le ministre des Finances a pris position. Je dois
dire, aujourd'hui, que la très grande majorité des
recommandations de la commission Saucier sont maintenant ou dans le discours
sur le budget, ou déjà réalisées, ou en voie de se
réaliser, comme la loi que nous proposons aujourd'hui ou comme la loi
que nous proposerons la semaine prochaine sur les SPEQ, c'est-à-dire les
sociétés de placements dans l'entreprise
québécoise.
C'est l'image d'un gouvernement qui décide, qui demande à
des gens de collaborer, de donner de leur temps, et des gens compétents.
Je veux remercier publiquement aujourd'hui les gens qui ont siégé
à la commission Saucier de donner de leur temps pour siéger
à une commission gouvernementale québécoise et faire des
recommandations pour améliorer l'économie, améliorer les
PME, améliorer ceux et celles qui veulent investir et, bien sûr,
en même temps, automatiquement, créer des emplois. Lorsque les
recommandations sont faites, nous ne laissons pas les rapports sur les
tablettes. Nous prenons le temps nécessaire, bien sûr, pour savoir
comment on va y arriver. Nous préparons les projets de loi.
Préparer des projets de loi, cela prend quand même quelques
semaines ou quelques mois. À la première occasion, nous passons
à l'action. (12 h 10)
C'est ce que nous faisons présentement. Moins d'un an
après le dépôt du rapport de la commission Saucier, la
plupart des recommandations des commissaires sont déjà ou
appouvées ou en voie de réalisation, sinon
réalisées complètement. C'est l'action d'un gouvernement
qui ne fait pas seulement du "memérage" et du placotage, mais de
l'action précise pour aider au développement économique du
Québec.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Le principe du projet de
loi 55, Loi abrogeant la Loi sur les sociétés de
développement de l'entreprise québécoise, est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Brauillet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Blouin: M. le Président, je propose donc que ce projet
de loi soit maintenant déféré à la commission
permanente de l'économie et du travail qui procédera à son
étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Brauillet): Cette motion est-elle
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.
M. Blouin: M. le Président, maintenant, nous discuterons
du Centre de recherche industrielle du Québec. Je vous demande donc
d'appeler l'article 8 de notre feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 52 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Nous
allons entreprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi
52,
Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du
Québec.
M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: Un bon gouvernement, M. le Président,
présente beaucoup de projets de loi à caractère
économique. Je suis heureux d'en présenter un autre. Je vous dis,
au départ, que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de
ce projet de loi et il en recommande l'étude à
l'Assemblée.
M. le Président, je vous rappelle qu'il y a quelques mois, nous
étions ensemble dans votre comté, si je ne m'abuse, pour parler
du Centre de recherche industrielle du Québec, de ses actions. Comment
ce Centre de recherche industrielle du Québec, le CRIQ, peut-il
répondre davantage et mieux à
la collectivité québécoise, faire un virage
technologique important, créer des emplois, bien sûr, et aider les
entreprises manufacturières?
Aujourd'hui, ce projet de loi qui est devant nous fait en sorte que nous
donnions encore une plus grande marge de manoeuvre au Centre de recherche
industrielle du Québec dans le sens qu'on pourra lui dire cinq ans
d'avance les sommes qui lui seront allouées par le gouvernement du
Québec pour aider les petites et moyennes entreprises
québécoises.
Les sommes qui seront allouées au Centre de recherche
industrielle du Québec, à compter du 1er avril 1985 jusqu'au 31
mars 1990, seront de 105 000 000 $. C'est de l'argent qui est investi dans le
développement économique; c'est de l'argent qui est investi dans
des entreprises dynamiques, non pas des entreprises qui regardent le
passé, donc non pas des entreprises libérales, mais des
entreprises qui regardent l'avenir plus orientées selon la vision du
Parti québécois.
M. le Président, le Centre de recherche industrielle du
Québec a été fondé en 1969. Le Centre de recherche
industrielle du Québec représente aujourd'hui l'un des outils les
mieux structurés dont dispose le gouvernement pour assurer le
développement technologique des PME manufacturières du
Québec.
À l'aube d'une quinzième année de services à
l'industrie et à l'entreprise manufacturière, à la PME
manufacturière, le CRIQ, qu'on appelle le centre de recherche des PME,
s'est acquis, au grand profit des PME, un incontestable leadership dans le
domaine de l'innovation industrielle si bien qu'il est aujourd'hui reconnu
comme chef de file de tous les organismes provinciaux de recherche au Canada.
Le CRIQ est donc meilleur que tous les autres organismes de toutes les autres
provinces canadiennes.
La demande exceptionnelle enregistrée au cours des
dernières années pour les services du centre confirme que le
développement industriel du Québec amorce un tournant critique de
son évolution. Le resserrement de la concurrence internationale, de
même que l'évolution rapide des technologies de fabrication en
élargissent d'autant les horizons.
Comme principal partenaire technologique des PME, le CRIQ s'est
résolument engagé à relever, avec les chefs d'entreprise,
le défi de l'excellence auquel l'ensemble du milieu industriel
québécois est confronté s'il veut survivre et
prospérer.
De tous les gestes qui ont été posés par le CRIQ,
depuis 1982, la mise en place de nouveaux locaux sur le territoire de
Montréal demeure sans doute le plus manifeste et le plus significatif de
sa volonté de répondre aux objectifs que le gouvernement lui
avait fixés et de rendre le centre résolument présent
auprès de l'industrie montréalaise.
Sans compromettre la qualité des services déjà
offerts aux entreprises, l'urgence et la nécessité pour le CRIQ
de s'implanter dans la région de Montréal ont été
d'ailleurs largement confirmées. Le CRIQ y offrira une gamme de services
adaptés aux besoins des industriels qui ont leur base d'affaires
à Montréal. Surtout, le CRIQ se rapprochera davantage de la plus
grande concentration d'entreprises manufacturières au Québec; 60
% des entreprises manufacturières au Québec seront dans un rayon
de 25 à 30 kilomètres du nouveau CRIQ à Montréal,
sur Christophe-Colomb et Crémazie.
L'envergure du projet mis de l'avant oblige cependant le Centre de
recherche industrielle à revoir bon nombre des principaux
paramètres qui ont encadré ses activités jusqu'ici. Elle
impose en particulier la révision des grandes coordonnées
d'exploitation que sont le financement, la stratégie de marketing et
l'approvisionnement en main-d'oeuvre spécialisée de façon
à placer la réalisation de ce projet dans les meilleures
conditions pour en garantir le succès.
Ainsi, le plan 1985-1990 cherche-t-il à donner au CRIQ l'horizon
de cinq ans essentiel au financement des activités qu'il entreprend
à Montréal et vise à doubler cette stabilité
financière de la flexibilité de moyens requis pour en assurer le
plein épanouissement. Le plan de développement
révisé ne déroge cependant pas aux grandes orientations
définies en 1982 et retient toujours comme principaux axes de
développement du centre, premièrements
l'élargissement de sa clientèle cible; deuxièmement,
l'accroissement de la gamme des services offerts et, troisièmement, le
développement de technologies nouvelles. Depuis sa création, le
CRIQ n'a cessé de se renouveler et d'adapter ses services aux besoins de
la communauté industrielle. La période de 1985-1990 ne fait pas
exception à la règle. Les perspectives économiques qui y
sont liées confirment le rôle stratégique qu'il est
appelé à jouer dans le développement industriel du
Québec et la nécessité d'en faire un partenaire dynamique
à la mesure et au rythme de l'industrie.
M. le Président, la principale mission du CRIQ consiste à
favoriser l'essor économique du Québec en soutenant et en
stimulant le développement technologique des entreprises
manufacturières, principalement des petites et moyennes entreprises.
Concrètement, cela signifie que le CRIQ aide les entreprises
québécoises, les PME québécoises à faire
face aux exigences du marché et de la concurrence en leur fournissant
des informations d'ordre technique ou industriel, en solutionnant leurs
problèmes
de production ou en les assistant dans le développement ou dans
l'amélioration de leurs produits et de leurs procédés de
fabrication. Ce sont les problèmes rencontrés au sein de la PME
et leur importance pour le développement économique du
Québec qui ont amené le gouvernement du Québec à
mettre sur pied un organisme susceptible d'aider adéquatement,
rapidement et sans frais excessifs ce secteur important d'activité pour
le monde industriel.
Aussi, les services fournis par le CRIQ sont-ils tout
particulièrement destinés aux PME manufacturières qui,
pour la plupart, ne disposent pas des moyens suffisants pour entreprendre
elles-mêmes des travaux de recherche et de développement sur une
base permanente ou même sur une base ponctuelle.
Pour vous donner une idée de la dimension industrielle au
Québec, voici quelques chiffres révélateurs: sur les 10
000 PME manufacturières québécoises, 3000 n'ont aucun
ingénieur ni technicien à leur emploi. On retrouve, par contre,
5200 ingénieurs, scientifiques ou techniciens au sein de 525 entreprises
qui s'adonnent à des activités de recherche et de
développement. De ce nombre, 87 % travaillent dans des entreprises de
plus de 750 employés, qui sont, d'ailleurs, dans une forte proportion
des filiales de multinationales ou de sociétés
étrangères. Il reste donc 300 ingénieurs, scientifiques et
techniciens qui peuvent aider les 3000 PME précédemment
citées. Ce personnel se retrouve soit au CRIQ, soit dans certaines
universités. Le CRIQ, avec ses quelque 400 employés, tente de
pallier cette carence. C'est pourquoi on peut affirmer que le CRIQ est le
centre de recherche, le centre corporatif ou communautaire des PME
québécoises. Il est important puisqu'on a besoin, pour suivre le
développement technologique, surtout de lancer ou de nouveaux produits
plus avancés qui répondent mieux aux besoins, ou d'avoir les
pièces d'équipement les plus avancées possible, si nous
voulons concurrencer les autres pays dans le monde entier. Je vois le
député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense qu'il est un client du
CRIQ, si je me souviens des discussions qu'on a eues ensemble. Je pense que,
dans toute la communauté du monde des affaires, d'ailleurs, le CRIQ est
vraiment reconnu comme un centre qui peut répondre et répondre
très bien aux besoins de sa clientèle, c'est-à-dire les
PME québécoises. (12 h 20)
Maintenant, M. le Président, je veux dire un mot sur la
révision du plan en cours. Nous avons voté - c'est vrai - il y a
trois ans, un plan quinquennal. À travers le plan quinquennal, il y
avait des objectifs précis et en cours de route, des gens de
l'agglomération de Montréal nous ont dit que le CRIQ
n'était pas assez présent à Montréal. Le
CRIQ était présent à Montréal dans la
région de Montréal, c'est-à-dire à Pointe-Claire,
mais avec environ 85 personnes à son service, alors qu'il y en avait 250
à Québec. Nous avons fait des chiffres, des statistiques, des
recherches et nous avons considéré que les entreprises
manufacturières de l'agglomération de Québec profitaient
beaucoup plus du CRIQ que les entreprises manufacturières de la
région de Montréal, puisque le CRIQ n'était pas assez
présent physiquement dans cette grande région qui compte, comme
je l'ai dit tout à l'heure, 60 % des entreprises
manufacturières.
La décision a été prise l'an dernier de faire un
développement du CRIQ à Montréal, une construction
nouvelle, un investissement important, environ 20 000 000 $. La nouvelle
bâtisse, la nouvelle construction, les nouveaux équipements seront
inaugurés possiblement en août ou septembre de cette année
puisque nous sommes dans les budgets selon le calendrier prévu.
Maintenant, nous pourrons ajouter aux effectifs du CRIQ à
Montréal au moins 100 personnes. On pense qu'au cours des deux ou trois
prochaines années on pourra se rendre jusqu'à 125 personnes
additionnelles et la plupart seront des ingénieurs et des techniciens
qui seront à Montréal pour mieux répondre aux besoins des
PME manufacturières de cette région.
Cela ne veut pas dire qu'on délaisse Québec, mais cela
veut dire que l'expansion dans la région de Québec est
déjà prise; nous sommes déjà très
présents. Nous voulons être beaucoup plus présents à
Montréal et nous réalisons que, si nous sommes venus un peu plus
dans l'est de la ville, c'est que du point de vue de la recherche, du
développement, du virage technologique, les entreprises de l'ouest de
Montréal ont déjà pris en grande partie ce virage
technologique, alors que les entreprises de l'est sont restées
peut-être dans des secteurs industriels moins développés
technologiquement. Or, on constate aussi, d'après les recherches qu'on a
faites, que plus une entreprise est près physiquement du CRIQ, plus elle
peut faire appel rapidement au CRIQ et avoir une réponse précise
de la part des ingénieurs et des techniciens du CRIQ. C'est dans ce sens
qu'on s'est déplacé plus vers l'est de Montréal pour
répondre mieux et davantage aux entreprises de l'est de Montréal
et, bien sûr aussi, aux entreprises de la rive sud, de Longueuil,
Boucherville, tout cela, qui peuvent maintenant, par les voies d'accès,
atteindre le CRIQ très facilement, par les boulevards Crémazie et
Christophe-Colomb.
Ces entreprises pourront, à compter du mois de septembre,
bénéficier beaucoup plus de la présence physique accrue du
CRIQ puisque nous faisons plus que doubler nos effectifs - ce serait à
peu près 150 % de plus d'effectifs dans la région de
Montréal -et puisque nous nous déplaçons aussi
géogra-
phiquement beaucoup plus près des entreprises
manufacturières de cette région. C'est pour cela que finalement,
après trois ans, nous demandons d'abroger le plan quinquennal de deux
ans et de voter un autre plan quinquennal pour les cinq prochaines
années pour permettre justement aux dirigeants du Centre de recherche
industrielle du Québec de mieux planifier leur action,
particulièrement à Montréal. À Québec, nous
savons déjà où nous irons au cours des prochaines
années, mais à Montréal, nous voulons mieux planifier,
mettre tous les efforts nécessaires au développement de
l'industrie manufacturière de Montréal.
L'ampleur de toutes les implications que je viens de citer oblige dans
une certaine mesure la direction du centre à faire valider l'appui et la
caution déjà reçus à son projet d'expansion en
regard de nouvelles données qui se sont ajoutées depuis et
surtout, à se faire investir de l'autonomie de gestion nécessaire
pour affronter avec toute la flexibilité voulue les conditions de ce
nouvel environnement. D'une part, en effet, bon nombre des modifications
requises dans l'organisation du CRIQ n'avaient pas, lors de la soumission du
projet de construction du gouvernement à l'automne 1983,
l'éclairage qu'elles ont aujourd'hui. L'image plus nette et plus
précise qui s'en est formée depuis appelle un appui
renouvelé de la part du gouvernement, notamment quant aux objectifs
poursuivis pour les premières années d'activité. D'autre
part, l'objectif d'aménager dans les nouveaux locaux avant l'automne
1985 suppose que tout soit mis en oeuvre d'ici là pour assurer un
départ réussi aux activités qui y sont projetées.
Or, certaines des conditions qui déterminent la marge de manoeuvre dont
dispose actuellement le centre peuvent être la source de
difficultés potentiellement préjudiciables à la bonne
marche des activités des années à venir. C'est le cas,
notamment, des moyens financiers requis au-delà de 1987 pour assurer au
projet une base de financement suffisante et continue sur un minimum
d'années. C'est aussi le cas du règlement sur les normes et
barèmes de rémunération dont la rigidité place le
centre sur le territoire montréalais en situation de nette
infériorité dans le recrutement et le maintien d'équipes
de spécialistes compétents.
Dans le premier cas, c'est la garantie d'une stabilité
financière pour une période suffisamment longue pour bien asseoir
le projet qui est requise et, dans le second, c'est plutôt la
nécessité de disposer dès le départ de moyens
adéquats pour monter au bénéfice des PME
manufacturières des équipes d'experts dont seules les grandes
entreprises sont aujourd'hui en mesure de se doter.
C'est pourquoi, afin de maximiser les chances de succès de cette
phase cruciale de développement dans laquelle elle s'engage pour les
quatre ou cinq prochaines années, le gouvernement du Québec a
décidé de revoir les paramètres qui formeront le cadre des
cinq prochaines années d'activité à l'intérieur
d'un nouveau plan de développement couvrant la période 1985-1990.
Bâti à la lumière du nouvel environnement que constitue le
milieu industriel montréalais et les exigences qui y sont liées
sans pour autant, bien sûr, négliger les besoins industriels des
autres régions du Québec, ce plan de développement tient
compte des nombreuses modifications requises aux structures et au mode de
fonctionnement actuel du centre pour assurer son plein
épanouissement.
Dans le fond, le résumé des raisons pour lesquelles nous
sommes aujourd'hui devant ce projet de loi à voter un nouveau plan
quinquennal, c'est d'abord bien sûr et surtout le projet d'expansion
à Montréal. Ce projet a des implications importantes:
restructuration complète des budgets d'immobilisation et de
fonctionnement basée sur une nouvelle organisation de l'espace et du
volume d'activités. Ce projet place aussi les gestionnaires du CRIQ
Montréal en quête d'une main-d'oeuvre spécialisée
dans les domaines de pointe, sur un marché où la concurrence
dépasse tout ce que le CRIQ a affronté jusqu'ici. L'actuel plan
devait se terminer le 31 mars 1987, ce qui laisserait environ 18 mois
après le début des activités à Montréal pour
mettre en place les services envisagés. Cette période est
nettement trop courte pour une planification ordonnée, suivie et, au
besoin, révisée des activités de recherche et de
développement.
Du côté des revenus budgétaires du CRIQ, bien
sûr, le gouvernement du Québec va y verser au cours des cinq
prochaines années 105 000 000 $ mais nous demandons au CRIQ de faire
beaucoup plus que cela, c'est-à-dire de ne pas vivre avec seulement
l'argent qui vient du gouvernement du Québec. Depuis quatre ans, je me
suis efforcé d'être exigeant auprès du CRIQ de ce
côté. Je dois rendre hommage aux dirigeants, aux membres du
conseil d'administration, à l'exécutif du CRIQ pour avoir
très bien répondu aux demandes que je leur avais faites
d'augmenter leur pourcentage d'autofinancement, donc de charger des sommes
d'argent minimes, mais de charger des sommes d'argent à des entreprises
pour lesquelles nous travaillons et non pas de faire simplement de la recherche
en rêvant de l'avenir.
Du côté des revenus, le dernier plan quinquennal
prévoyait, pour couvrir les dépenses, 127 000 000 $ sur une
période de cinq ans avec une contribution gouvernementale de 85 000 000
$, la différence se retrouvant dans la participation du secteur
privé. Ceci confirmait la tendance amorcée
depuis 1976 en vue de favoriser un accroissement du niveau
d'autofinancement des activités du CRIQ. À cet égard, les
performances n'ont cessé de s'améliorer, depuis le début
de plan, de 1982 à 1987. La proportion d'autofinancement est en effet
passée successivement en 1983-1984 à 33 % et en 1984-1985
à 36 %. Cela constitue certes un fait marquant lorsque l'on
considère que le taux d'autofinancement pour l'ensemble de la
période 1976-1981 s'établissait à 23 %. Au début,
en 1976, il y avait peut-être 10 % d'autofinancement; maintenant, on est
à au-delà de 36 % d'autofinancement. Nous travaillons donc sur
des commandes précises de la part des entreprises. Nous chargeons, bien
sûr, la totalité des frais lorsque c'est une grande entreprise,
mais nous ne chargeons que la moitié des frais, c'est-à-dire la
totalité des frais directs, mais pas de frais indirects, aux petites et
moyennes entreprises. (12 h 30)
Quant aux résultats de fonctionnement, ii faut retenir, au terme
des trois premières années du plan 1982-1987, les performances
globales exceptionnelles enregistrées au chapitre des activités
commerciales et ce, malgré une année de démarrage
plutôt difficile. L'année 1982-1983 fut, en effet,
caractérisée par une conjoncture économique difficile qui
tardait à se redresser, laissant ainsi les industriels dans un climat
d'incertitude et de retenue face à leurs dépenses de recherche et
de développement. Cela n'empêche pas néanmoins le CRIQ de
présenter un bilan d'ensemble fort positif, en particulier au chapitre
des ventes cumulatives qui ont pratiquement atteint les 24 000 000 $
après seulement trois années de fonctionnement.
En 1982, nous avions 460 contrats avec des entreprises
manufacturières; en 1983, 620 contrats et, en 1984, 754 contrats.
C'est-à-dire qu'il y a de plus en plus d'entreprises
manufacturières qui viennent voir le CRIQ non seulement pour s'informer,
mais pour donner un contrat pour réaliser des pièces
d'équipement ou pour développer des produits. Les valeurs de ces
contrats étaient de près de 6 000 000 $ en 1982 et sont
maintenant passées à près de 11 000 000 $ en
1984-1985.
M. le Président, je voudrais vous faire part de quelques-unes des
réalisations du CRIQ au cours des dernières années.
Même si l'aspect confidentiel est une préoccupation constante du
personnel du CRIQ, il y a certains projets dont nous avons reçu le
consentement des industriels pour dire un peu à la population ce qui se
passe, justement pour convaincre d'autres industriels, ou d'autres citoyens et
citoyennes du Québec de faire appel au CRIQ pour développer leurs
produits ou leurs pièces d'équipement.
Nous avons développé pour les camions
Pierre Thibault, de Pierreville, une entreprise qui est à
l'avant-garde des fabricants mondiaux pour les équipements de lutte
contre les incendies. L'entreprise Thibault exporte aux États-Unis, en
Australie et en Amérique du Sud. Nous avons développé pour
cette entreprise une gamme d'échelles aériennes de 30
mètres à 45 mètres de haut avec plate-forme et tour d'eau
- ce sont les seules au monde qui se font comme cela -réalisées
avec la méthode de conception assistée par ordinateur, la
méthode CAO, et des programmes d'analyse et d'essai au comportement de
l'échelle en dynamique, des éléments finis, analyses
modales, etc.
J'ai personnellement essayé cette échelle au CRIQ
lorsqu'on l'a développée. Je trouve que c'est très
élevé. Quand on parle de 45 mètres, quand on est dans une
nacelle au bout de cela, cela veut dire, pour nous autres qui traduisons encore
de temps à autre en pieds, près de 150 pieds de hauteur. Je pense
qu'au bout de cela il faut quand même avoir la technique
nécessaire pour tout faire cela comme il faut.
Le CRIQ a réussi et permet maintenant à la compagnie
québécoise Pierre Thibault d'exporter ses camions avec ses
échelles aériennes modernes et les plus longues au monde, non
seulement au Canada, mais aux États-Unis et à l'extérieur
de l'Amérique du Nord.
Nous avons développé aussi au CRIQ, avec une entreprise
licenciée qui s'appelle Kamyr Inc. et qui est maintenant en discussion
avec la compagnie Canron de Trois-Rivières pour y installer des usines
de production, un pressoir rotatif qui connaît un succès
intéressant auprès des intervenants de pâtes et
papiers.
La licence a été accordée à Kamyr. Le
premier modèle commercial a été construit par la division
mécanique de Canron de Trois-Rivières - on essaie de voir pour
les modèles en grande production - et le dispositif qui essore - qui
s'applique surtout dans les pâtes et papiers - en continu une masse
humide peut s'appliquer, bien sûr, à d'autres matières que
les pâtes et papiers, mais c'est surtout pour les usines de pâtes
et papiers.
Nous avons développé pour une entreprise
électronique de Québec, Dap Electronique, la mise au point et le
design d'un rnicro-ordinateur portatif pour la gestion des stocks, des
inventaires. Après un an, l'entreprise a vendu 810 unités pour un
montant d'au-delà de 1 000 000 $ et a créé onze nouveaux
emplois avec ce nouveau rnicro-ordinateur portatif qui a été
développé avec l'entreprise Dap Electronique et les
ingénieurs du CRIQ à Québec.
Nous avons développé en électronique un
système de design portatif de commande à distance pour pont
roulant et autres accessoires, seul système canadien du genre
à répondre aux normes de la Canadian Standard Association,
l'Association canadienne de normalisation. Cela a été
développé pour une entreprise de Sainte-Foy,
Télésystème National Ltée.
On a aussi développé pour Hydrocon International de
Montréal une conception de moules et mise au point d'une formulation de
polyuréthane pour un système de poulies utilisées pour les
câbles à haute tension.
La même chose pour Procycle dans la Beauce, une entreprise qui
fabrique des bicyclettes. Développement d'un équipement
automatique pour la production du jambage arrière de bicyclette de 10
vitesses en un cycle total moyen de quinze secondes. Auparavant, le cycle moyen
était de 2,25 minutes par jambage. Autres avantages de la machine, elle
élimine le nettoyage et le rejet par le contrôle de
qualité, économie d'énergie et de fondant à
braser.
C'est dire comment on peut aider des petites ou des moyennes entreprises
à développer des produits ou des pièces
d'équipement.
Nous avons développé, pour une entreprise dans le
comté de Huntingdon, Autopro, de Saint-Rémi, pour augmenter sa
productivité et améliorer la coupe, une machine pour couper
simultanément les deux côtés des boucles de cuivre d'un
stator usagé d'automobile. Cette entreprise refait des stators
usagés d'automobiles et a fait la demande au CRIQ pour l'aider à
développer ce produit ou cette pièce d'équipement.
La même chose, on a développé, dans le domaine des
arts, avec Albert Nadeau, de Saint-Jean-Port-Joli, la mise au point d'une
technique de reproduction en série de bas-reliefs en cuivre par
galvanoplastie, ce qui place l'entreprise Albert Nadeau au rang de
pionnière dans ce domaine avant-gardiste de la diffusion d'oeuvres
d'art.
C'est un exemple, M. le Président, d'ateliers d'artisans qui se
transforment lentement, mais sûrement en petites entreprises où
les considérations de productivité et de rentabilité sont
devenues des préoccupations quotidiennes. En effet, plusieurs artistes
doivent opter pour la reproduction en série pour vivre de leur travail
et maintenir le prix de leurs créations à un niveau
intéressant pour les consommateurs.
La même chose, nous avons développé, pour les
Produits progressifs Ltée, de Terrebonne, une machine qui assemble
automatiquement les rasoirs jetables d'usage médical, les emballe et les
distribue dans des boîtes prêtes pour l'expédition. Le CRIQ
a développé les systèmes périphériques
nécessaires à l'alimentation d'un module d'assemblage de
série ainsi qu'à la manutention du produit fini. On peut produire
et emballer à une cadence de 40 à 60 rasoirs à la minute.
Or, M. le Président, c'est toute une série d'appareils de
production que nous avons pu faire ou de pièces d'équipement qui
rendent service non seulement aux entreprises, mais, bien sûr, aussi,
à la création d'emplois.
M. le Président, globalement, les trois dernières
années d'opération auront constitué, de toute
évidence, la période la plus active que le CRIQ ait connue depuis
sa fondation, en 1969. Dans un premier temps, des efforts
répétés au niveau de la promotion et de la
commercialisation des services du centre ont non seulement porté fruit,
mais ils ont surtout confirmé l'existence de besoins diversifiés
et croissants de la part des industriels québécois pour des
services de recherche et de développement et d'information
technologique.
Le CRIQ s'est par ailleurs donné les moyens pour atteindre les
objectifs qui lui avaient été fixés et, ainsi,
accroître davantage sa contribution au développement technologique
des entreprises québécoises. Signalons en particulier
l'élaboration d'un plan de marketing, la mise en chantier d'un projet
d'expansion de ses activités à Montréal et la mise en
application d'un plan de développement des services d'information
technologique et industrielle. Enfin, un programme de recherche prioritaire a
été mis sur pied afin de privilégier trois grands domaines
de pointe: les biotechnologies, les transformations mécaniques, la
biomasse et les technologies modernes de fabrication en série. Au niveau
des résultats de l'opération, la performance globale au chapitre
des activités de recherche et de développement et des
activités d'information technologique traduit un rythme de croissance
jusqu'ici inégalé.
En résumé, M. le Président, et en terminant, je
suis fier de proposer à l'Assemblée nationale d'adopter ce projet
de loi qui met à la disposition des PME manufacturières du
Québec, par l'entremise du gouvernement du Québec, au cours des
cinq prochaines années, une somme de 105 000 000 $ qui servira
véritablement et exclusivement, d'abord, au Centre de recherche
industrielle du Québec pour aider les PME. On peut dire
qu'au-delà de 50 000 000 $ viendront des entreprises,
c'est-à-dire que le CRIQ, au cours des cinq prochaines années,
pourra gérer pour 150 000 000 $ de recherche et de développement
au niveau des PME manufacturières, pour aider ces PME à prendre
le virage technologique, si elles ne l'ont pas déjà pris,
à développer leur virage technologique encore plus et, bien
sûr aussi, à créer des emplois stables et sûrs.
Depuis sa création, le CRIQ n'a cessé de se renouveler et
d'adapter ses services aux besoins de la communauté industrielle. La
période de 1985-1990 ne fera pas exception à la règle. Les
perspectives
économiques qui y sont liées confirment le rôle
stratégique que le CRIQ est appelé à jouer dans le
développement industriel du
Québec et la nécessité d'en faire un partenaire
dynamique, à la mesure et au rythme de la PME manufacturière du
Québec. (12 h 40)
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le
député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le Centre de
recherche industrielle du Québec est l'un des fleurons de la recherche
appliquée au Québec. Depuis sa création, en 1969, c'est
avec une compétence et une expérience sans cesse accrues que ce
centre a pu soutenir le développement d'une multitude de petites et de
moyennes entreprises québécoises. Avec le phénomène
du décloisonnement de l'économie et les poussées
technologiques, les entreprises québécoises doivent effectivement
parvenir à rationaliser leurs coûts tout en innovant dans les
produits. Pour accroître leur compétitivité et affronter la
concurrence, elles peuvent depuis une quinzaine d'années se tourner vers
le CRIQ qui a mis au point diverses formules de collaboration avec les
entreprises.
Le centre de recherche a soumis en 1982 un nouveau plan de
développement quinquennal reflétant les progrès accomplis
au cours de la période de 1970 à 1975, qui fut la phase
d'organisation du centre, et de 1976 à 1981, où le centre a pu
entreprendre une démarche plus directe auprès des entrepreneurs.
En 1981, trois grands axes avaient été retenus pour favoriser
l'émergence d'innovations au Québec: le développement de
technologies nouvelles, l'élargissement de la clientèle et
l'élargissement de la gamme de services offerts. Ce plan avait
été agréé par le gouvernement. La Loi sur le Centre
de recherche industriel a été amendée en 1982 pour donner
au centre les fonds nécessaires à la poursuite de ce plan. Par le
projet de loi 52 qu'on nous présente aujourd'hui, c'est ce plan que le
gouvernement veut reconduire en faisant une nouvelle dotation quinquennale.
À l'examen de ce projet de loi, nous avons été surpris de
constater que le gouvernement a pris prétexte de ce nouveau plan
budgétaire pour miner la situation financière du centre de
recherche. En effet, selon le plan quinquennal de 1981 à 1986,
présenté le 9 février 1981, le CRIQ prévoyait des
dépenses de fonctionnement de 107 700 000 $ et des revenus totalisant
109 500 000 $ dont 87 700 000 $ provenaient du gouvernement, soit 17 500 000 $
en moyenne par année.
Ce plan quinquennal de même que les prévisions
budgétaires s'y rattachant tenaient compte, disait-on, de
l'expérience acquise au cours des dernières années et des
avis nombreux et pertinents recueillis auprès de ses principaux
partenaires dans la réalisation de son mandat. Il faut rappeler qu'au
printemps de 1982 la loi autorisant la mise en oeuvre de ce plan fut
adoptée. L'article 25 dit ceci: "Le ministre des Finances paie au centre
sur le fonds consolidé du revenu une somme de 85 000 000 $ au cours de
la période du 1er avril 1982 au 31 mars 1987. Cette somme est
payée au centre en un ou plusieurs versements dont le montant et les
conditions sont déterminés par le gouvernement. Le total de ces
versements pour l'exercice financier 1982-1983 ne peut être
inférieur à 13 000 000 $. Pour chacun des exercices
subséquents jusqu'à épuisement de la somme de 85 000 000 $
visée au premier article, le total des versements ne peut être
inférieur au minimum prévu pour l'exercice
précédent indexé de 10 %."
Ceci est important, M. le Président. Le gouvernement accordait
donc un financement annuel moyen de 17 000 000 $ au CRIQ. Par rapport à
la demande initiale de 17 500 000 $ par année, pour la période de
1981 à 1986, au total, 2 500 000 $ ont donc été retenus.
Sur la base d'une indexation annuelle de 10 %, 1 750 000 $ additionnels ont
été épargnés par le gouvernement en reportant le
plan d'une année. Il y a donc eu, au départ, un manque à
gagner potentiel de 4 250 000 $ pour la période.
Voici les montants qui ont été effectivement versés
par le gouvernement: pour 1982-1983, 13 000 000 $; pour 1983-1984, 14 300 000
$; pour 1985-1986, 15 730 000 $; donc un total, pour la période des
trois années, de 43 030 000 $, la moyenne annuelle ayant
été de 14 343 333 $. Si on soustrayait de 85 000 000 $, montant
prévu pour le plan quinquennal en 1982, le total des sommes
versés au 31 mars 1985, le CRIQ devrait donc, en principe, recevoir
obligatoirement 41 000 970 $ au cours des deux prochaines années. Si on
applique la règle des 10 % pour l'exercice 1985-1986, le CRIQ devrait
recevoir, au minimum, 17 300 000 $, mais, obligatoirement, 24 667 000 $ pour
l'exercice 1986-1987, donc 17 300 000 $ pour l'année courante et 24 667
000 $ pour l'année prochaine.
Or, le projet de loi 52 a pour but, nous dit-on, de reconduire le plan
quinquennal, dès à présent, deux ans plus tôt que
prévu, pour tenir compte de changements survenus dans l'environnement
économique et de l'expansion majeure du CRIQ à
Montréal.
Le nouveau budget quinquennal est établi à 105 000 000 $
pour la période 1985-1990, soit en moyenne 21 000 000 $ par
année. À supposer que ce montant moyen soit versé pour
1985-1986 et 1986-1987, cela ne représenterait que ce que le CRIQ
aurait
dû recevoir selon la loi de 1982, soit 42 000 000 $, et rien de
plus.
Or, il n'est pas évident qu'on octroiera une telle somme au CRIQ.
Le gouvernement, depuis trois ans, s'est, en effet, contenté de verser
le montant minimal prévu dans la loi. Le projet de loi 52, quant
à lui, laisse tomber le mécanisme d'indexation automatique de 10
% pour le remplacer par un plancher de versement minimum annuel de 17 500 000
$. L'indexation automatique ne jouant plus, l'obligation minimale du
gouvernement n'est donc que de 37 000 000 $ sur deux ans et de 87 500 000 $ sur
cinq ans, soit le même montant que celui initialement demandé pour
le premier plan, le plan précédent de 1981 à 1986. Le
niveau de plancher de 17 500 000 $ par année prévu dans le projet
de loi que nous étudions présentement correspond d'ailleurs au
montant de contribution moyenne demandé dans le plan quiquennal qui
avait été présenté en 1981. Le nouveau projet de
loi parle bien d'une dotation de 105 000 000 $, mais d'une somme
n'excédant pas un tel montant. On doit donc parler en
réalité d'un gel des engagements gouvernementaux au cours des
cinq prochaines années au niveau de la demande initiale de 1981.
Cela revient à dire, M. le Président, que, compte tenu de
l'inflation au cours des années à venir, le gouvernement
s'autorise à diminuer ses obligations envers le CRIQ à un rythme
équivalant au taux de l'inflation. Si l'on se réfère au
mécanisme d'indexation automatique, cela veut dire à un rythme de
10 % par année. Si on s'était contenté de reconduire le
budget quinquennal strictement à partir du mécanisme d'indexation
automatique prévu dans le projet de loi de 1982, voici quel devrait
être le budget minimum auquel aurait eu droit le CRIQ pour la
période de 1985 à 1990: pour 1985-1986: 17 303 000 $; pour
1986-1987: 19 033 000 $; pour l'année 1987-1988: 20 936 000 $; pour
l'année 1988-1989, 23 030 000 $ et, finalement, pour la dernière
année, 1989-1990, 25 333 000 $, pour un total au cours des cinq
années de 105 000 000 $. Le gouvernement aurait donc comme obligation
minimale de verser ce montant. Avec le projet de loi 52, l'obligation minimale
est de 87 500 000 $.
(12 h 50)
Le but de ce projet de loi est donc d'autoriser le gouvernement à
faire une économie en cinq ans de près de 20 000 000 $ sur le dos
du CRIQ. On camoufle le tout en parlant d'une contribution n'excédant
pas 105 000 000 $. En fait, M. le Président, la contribution totale ou
maximale aurait dû être beaucoup plus élevée, si
vraiment on avait voulu reconduire le budget quinquennal, puisque la
contribution minimale aurait dû être de 105 000 000 $. Enfin, si le
gouvernement n'a manifestement pas l'intention de respecter son obligation de
verser 85 000 000 $ au cours de la période de 1982 à 1987, le
versement des 105 000 000 $ apparaît alors très aléatoire
pour la période de 1985 à 1990. Ce chiffre sert de trompe-l'oeil.
En somme, le gouvernement, par ce projet de loi, ne fait que s'autoriser
à donner moins d'argent au CRIQ au cours des cinq prochaines
années et plus spécialement au cours des deux prochaines
années.
Le corollaire de cette intention se retrouve dans le nouvel article 25.1
que nous propose le projet de loi. À défaut d'assurer un
financement adéquat, on autorise le CRIQ à emprunter avec la
garantie gouvernementale. Cela équivaut à réduire les
dépenses et le déficit gouvernemental d'autant et de refiler la
facture des intérêts payables sur les sommes empruntées au
CRIQ. Le CRIQ était déjà autorisé à faire
des emprunts sur son propre crédit. Aujourd'hui, on l'autorise à
emprunter sur le crédit du gouvernement. D'ailleurs, si on se rapporte
au plan de développement quinquennal préparé par le CRIQ
pour les années 1985 à 1990, on s'aperçoit que le CRIQ
entend emprunter une somme de 10 000 000 $ dont la charge financière
serait ultérieurement assumée par le gouvernement. D'autre part,
ce même plan de développement ne prévoit qu'un rythme de
croissance de 4 % par année des revenus provenant du gouvernement du
Québec, ce qui accrédite nos appréhensions, à
savoir que le gouvernement n'entend pas insuffler des fonds pour la recherche
et le développement au-delà du seuil normal de l'inflation.
Doit-on en conclure que le rythme de croissance d'un organisme voué
à la recherche et au développement ne saurait excéder le
rythme d'augmentation de l'inflation et ce, en période de relance
économique? Cette perspective nous apparaît illogique. De toute
façon, rien ne nous garantit que le gouvernement actuel acceptera de
subventionner le CRIQ au-delà du minimum de 17 500 000 $ prévu
dans la loi puisque, dans le passé, le gouvernement s'est toujours
contenté d'avancer les sommes minimales auxquelles il était tenu
par la loi.
Le gouvernement choisit donc, là aussi, d'hypothéquer les
avoirs collectifs. La formule n'est pas nouvelle. L'an dernier, on
créait la Société immobilière du Québec en
lui refilant les immeubles gouvernementaux pour mieux les hypothéquer.
On vend cette année les magasins de la Société des alcools
du Québec. Même chose pour une fraction des actions
d'Hydro-Québec. Pareillement, plutôt que d'investir dans les
sociétés de la couronne, on les fait emprunter. En somme, on
déplace les problèmes en pénalisant les contribuables sans
que cela ne paraisse trop,
puis on se vante de contenir le déficit. Dans le cas du CRIQ qui
est voué à la recherche avec tout ce que cela comporte
d'impondérable, c'est aller à l'encontre du bon sens. Le virage
technologique, la recherche et le développement ne sont pas simplement
du matériel à discours. Cela exige des choix et, par
conséquent, un certain courage politique.
Avec ce projet de loi, le gouvernement recule précisément
au moment où les besoins sont pressants, au moment où le CRIQ
amorce une importante expansion vers Montréal. Le gouvernement ne nous a
pas prouvé que le CRIQ avait des besoins réduits. Au contraire.
Pourquoi le gouvernement ne prend-il pas les mesures nécessaires pour
assurer au CRIQ non seulement les moyens de survivre, comme il le fait avec le
présent projet de loi, mais surtout d'accélérer le rythme
de son développement et de favoriser encore davantage au Québec
la recherche et le développement, activités essentiellement
porteuses d'espoir, de croissance économique et de création
d'emplois. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Le Blanc: Je demande la suspension du débat, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons suspendre le
débat jusqu'à cet après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 56)
(Reprise à 15 h 1)
Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du
projet de loi 52, Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle
du Québec.
M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Le Blanc: Merci, M. le Président. Même si j'ai
demandé la suspension des travaux avant 13 heures je voudrais
céder mon droit de parole pour ce tour à mon collègue de
Châteauguay, quitte à le reprendre tantôt.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien.
M. le député de Châteauguay.
M. Roland Oussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
mon collègue de Montmagny-L'Islet qui reconnaît une sorte de
hiérarchie un petit peu entre nous puisque je suis adjoint parlementaire
du ministre et lui aussi est adjoint parlementaire d'un autre ministre, bien
sûr.
Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui à
l'Assemblée nationale à l'occasion de l'étude au stade du
principe du projet de loi 52, Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche
industrielle du Québec.
Ce projet de loi a pour objet, conformément aux notes
explicatives, de reconduire le plan quinquennal du Centre de recherche
industrielle du Québec sans attendre la fin de la période
quinquennale en cours. Cela, plus précisément à l'occasion
de l'avènement d'une expansion majeure du Centre de recherche
industrielle du Québec dans sa partie plus spécifique de
Montréal.
Avant d'aborder plus précisément les principales raisons
qui ont justifié le Centre de recherche industrielle du Québec de
demander au gouvernement du Québec d'amputer deux années de
l'actuel plan quinquennal, de même qu'avant d'aborder les
paramètres du plan de 1985-1990, je voudrais d'abord rappeler la raison
d'être du Centre de recherche industrielle du Québec. Je pense que
c'est important de le rappeler sinon on ne peut pas vraiment saisir
profondément pourquoi on se donne la peine de prendre une avance de deux
ans dans ce plan.
Je pense qu'il faut le rappeler, la principale mission du Centre de
recherche industrielle du Québec, qui a été
créé par une loi sanctionnée en décembre 1969, donc
un instrument qui ne date pas d'hier, consiste à favoriser l'essor
économique du Québec en soutenant et en stimulant le
développement technologique des entreprises manufacturières,
principalement celles de petite et moyenne envergure. C'est important. On n'en
parle jamais assez. Je sais, M. le Président, que dans le passé
on attachait beaucoup d'importance aux grandes entreprises. On a même
subventionné très largement, donc en petit nombre, de grandes
entreprises et on a un peu délaissé la petite et moyenne
entreprise. C'est peut-être une marque de commerce du présent
gouvernement de vouloir aider davantage la petite et moyenne entreprise. Le
CRIQ est un instrument au service de la petite et moyenne entreprise.
Concrètement, cela signifie que le Centre de recherche
industrielle du Québec aide les entreprises québécoises
à faire face aux exigences du marché et de la concurrence en leur
fournissant des informations d'ordre technique et industriel, en
résolvant leurs problèmes de production ou en les assistant dans
le développement ou dans l'amélioration de leurs produits et de
leurs procédés de fabrication.
En réalité, ce sont les problèmes rencontrés
au sein de la petite et moyenne
entreprise et leur importance pour le développement
économique du Québec qui ont amené le gouvernement du
Québec à mettre sur pied un organisme susceptible d'aider
adéquatement, rapidement et sans frais excessifs ce secteur important
d'activité pour notre monde industriel. Je suis bien à l'aise
pour le dire puisque c'est une réalisation d'un gouvernement qui nous a
précédés. Pas celui qui nous a
précédés immédiatement -c'est peut-être la
raison pour laquelle, très souvent, l'Opposition est hargneuse à
l'égard du CRIQ - mais le gouvernement qui avait
précédé l'Opposition actuelle.
Aussi, les services fournis par le CRIQ sont-ils tout
particulièrement destinés aux petites et moyennes entreprises
qui, pour la plupart, ne disposent pas de moyens suffisants pour entreprendre
elles-mêmes des travaux de recherche et de développement sur une
base permanente ou même ponctuelle. Je vais rappeler quelques
éléments qui ont déjà été
évoqués par le ministre ce matin. Cela me paraît important
de bien démontrer sur quoi s'appuie cette nécessité
d'avoir un instrument tel que le Centre de recherche industrielle du
Québec.
Par exemple - le ministre le disait, je pense, clairement - sur les 10
000 PME québécoises, 3000 n'ont aucun ingénieur ni
technicien à leur emploi. Il faut quand même en prendre
conscience. On retrouve 5200 ingénieurs, scientifiques ou techniciens au
sein des 525 entreprises qui s'adonnent à des activités de
recherche et de développement, c'est-à-dire dix pour une. C'est
quand même important aussi, donc, de constater qu'il est
nécessaire d'avoir un potentiel en dehors de ces entreprises
puisqu'elles ne sont pas à même nécessairement de se donner
un tel service. De ce nombre, 87 % travaillent dans des entreprises de plus de
750 employés, qui sont d'ailleurs, dans une forte proportion, des
filiales de multinationales ou de sociétés
étrangères.
Donc, M. le Président, il reste 300 ingénieurs,
scientifiques et techniciens qui peuvent aider les 3000 petites et moyennes
entreprises précédemment citées. Ce personnel se retrouve
soit au CRIQ, soit dans certaines universités. Le CRIQ, avec ses quelque
400 employés, tente de pallier cette carence. C'est pourquoi on peut
affirmer que le CRIQ est le centre de recherche corporatif ou communautaire des
petites et moyennes entreprises québécoises. C'est leur
instrument à eux. C'est un instrument qui est susceptible de leur donner
encore plus de vitalité.
En ce sens, je vous ai fait part de quelques chiffres
révélateurs susceptibles de donner une idée de la
dimension industrielle au Québec, ainsi qu'il y a lieu de se rappeler,
si on veut vraiment comprendre pourquoi le gouvernement se donne la peine de
prendre de l'avance sur le plan qui a été établi pour cinq
ans pour faire en sorte que maintenant le CRIQ soit en mesure de savoir
où il s'en va pour les cinq prochaines années, toujours, bien
sûr, en ayant à l'esprit qu'il y a maintenant une expansion.
D'abord, il y a ce projet d'expansion à Montréal qui
n'était pas prévu au plan de développement. Ce projet a
des implications importantes dont celle d'une restructuration complète
des budgets d'immobilisation et de fonctionnement. Une restructuration
basée sur des configurations nouvelles d'organisation, d'espace et de
volume d'activité. C'est une conséquence normale de l'expansion
et c'est une conséquence qui tombe sous le sens encore plus qu'on se
donne la peine de prendre les moyens d'apporter les correctifs. De plus, ce
projet place les gestionnaires du CRIQ, spécifiquement ceux de
Montréal, en quête d'une main-d'oeuvre spécialisée
dans les domaines de pointe sur un marché où la concurrence
dépasse tout ce que le CRIQ a affronté jusqu'ici. On doit ajouter
que l'actuel plan devait se terminer le 31 mars 1987, ce qui laisserait au plus
18 mois après le début des activités à
Montréal pour mettre en place les services envisagés. Cette
période est nettement trop courte pour une planification
ordonnée, suivie et au besoin révisée des activités
de recherche et de développement. Deux raisons majeures qui appuient la
demande des dirigeants du CRIQ: s'assurer d'une stabilité
financière et disposer d'une plus grande autonomie.
D'autres raisons nous ont amenés à considérer le
fait que l'on devait prendre une certaine avance dans ce plan. Je voudrais
rappeler que ça se retrouve particulièrement du côté
des activités budgétaires, question de revenus plus
particulièrement. Rappelons que le budget quinquennal prévoyait,
pour couvrir les dépenses de 127 000 000 $ de la période, une
contribution gouvernementale de 85 000 000 $ et des revenus de sources propres
de 44 000 000 $ lorsqu'on sait que le CRIQ génère des revenus, la
différence se retrouvant au fonds de roulement en fin de période.
Ceci confirmait la tendance amorcée depuis 1976 en vue de favoriser un
accroissement du niveau d'autofinancement des activités du centre. (15 h
10)
À cet égard, les performances n'ont cessé de
s'améliorer depuis le début du plan 1982-1987. La proportion
d'autofinancement excluant, bien sûr, les dépenses
d'immobilisation est, en effet, passée successivement de 33,2 % à
36,5 % en 1984-1985. Ceci constitue, certes, un fait marquant si l'on
considère que le taux d'autofinancement pour l'ensemble de la
période de 1976 à 1981 s'établissait à 23,1 %.
Il faut aussi regarder, M. le Président, pour bien comprendre le
sens du fonctionnement, du côté des activités commerciales.
En
ce qui a trait aux résultats d'exploitation, il faut retenir, au
terme des trois premières années du plan de 1982 à 1987,
les performances globales exceptionnelles enregistrées au chapitre des
activités commerciales, et ce, malgré une année de
démarrage plutôt difficile. L'année 1982-1983 a
été, en effet, caractérisée par une conjoncture
éconnomique difficile - tout le monde se rappelle de cela; certaines
personnes essaient de le faire oublier, mais c'est difficile - qui tardait
à se redresser, laissant ainsi les industriels dans un climat
d'incertitude et de retenue face à leurs dépenses de recherche et
de développement. Ceci n'empêche pas, néanmoins, le centre
de présenter un bilan d'ensemble fort positif, en particulier au
chapitre des ventes cumulatives qui auront pratiquement atteint les 24 000 000
$ après seulement trois années d'exploitation.
Afin de bien faire voir l'évolution des activités
commerciales, je voudrais donner quelques exemples. Par exemple, en 1982-1983,
il y a eu un total de 460 contrats de signés avec le CRIQ pour une
valeur totale, en fait, de 5 900 000 $. En 1983-1984, on est passé de
460 à 620 contrats pour un total de 7 000 000 $ et, en 1984-1985, de 620
à 754 contrats, toujours une croissance significative, pour atteindre
une valeur totale des contrats de 10 500 000 $.
Il est facile de constater, selon ces chiffres, que les services du CRIQ
ne font pas de doute quant aux besoins que le centre est censé
combler.
Dans le même sens, M. le Président, je voudrais apporter un
témoignage un peu particulier extrait d'une lettre qui a
été envoyée au député d'Outremont par un
homme d'affaires qui a été à même d'apprécier
le type de service que vise à donner le CRIQ. Je pense que c'est
important de le rappeler. Je me rappelle encore la dernière fois
où nous avons eu l'occasion de parler du CRIQ à
l'Assemblée nationale, de l'attitude - je le répète
-plutôt hargneuse de la part de l'Opposition. Heureusement que cela a
évolué parce qu'on m'a dit - je n'étais pas là en
fin d'avant-midi - que c'était largement différent de ce qui
s'était fait la dernière fois. La dernière fois, à
toutes fins utiles, on devait conclure des propos de l'Opposition que le CRIQ
était un instrument inutile. Là, on constate que l'Opposition a
plutôt déplacé son argumentation en laissant entendre qu'on
ne faisait pas assez pour le CRIQ. Je pense, M. le Président, qu'on fait
ce que le CRIQ nous identifie comme étant nécessaire et je ne
vois pas pourquoi on devrait faire plus, puisque de toute façon, les
personnes concernées sont celles qui nous disent quels sont les besoins
à toutes fins utiles qu'il faut satisfaire.
Je voudrais donc, M. le Président, vous faire part du
témoignage - je ne veux pas faire d'erreur - de M. Théodore Wildi
qui est une personne - c'est cela - à une faculté de
l'Université Laval qui écrivait au député
d'Outremont, qui écrivait à ce moment-là, bien sûr,
à titre de personne étant engagée à
l'Université Laval à la Faculté de science et de
génie en 1982. C'est fort révélateur parce que
déjà, en 1982, M. Wildi nous faisait vraiment voir le type de
besoins qu'il fallait combler par cet instrument qui est le CRIQ. Il disait, et
j'en cite un extrait révélateur: "II y a quelque temps
déjà, j'étais le président d'une PME qui comptait
une cinquantaine d'employés. Je me souviens bien des problèmes
qu'on avait à résoudre, toutes sortes de problèmes
"banals" - entre guillemets - qui étaient loin de la technologie de
pointe dont tout le monde parle - oui, c'était déjà
significatif à ce moment-là - quelle sorte de peinture utiliser,
quelle soudure pour fusionner deux types de métaux, quel accouplement
ultrarapide pour réunir deux machines, quelle forme esthétique
donner à notre produit, comment stabiliser un ressort, comment obtenir
un brevet d'invention, comment faire une demande pour une subvention, etc.
C'était le genre de problèmes qui nous préoccupaient. En
effet, si on avait pu les résoudre, notre progrès sinon notre
survie auraient été compromise - "notre survie", M. le
Président, aurait été compromise. "C'était le genre
de problèmes qui nous préoccupaient, disait-il. En effet, si on
n'avait pu les résoudre, notre progrès sinon notre survie
auraient été compromis. Le CRIQ n'existait pas à cette
époque et par conséquent, on ne pouvait faire appel à ses
services. Heureusement, notre entreprise comptait quelques ingénieurs et
techniciens de sorte que nous avons pu tant bien que mal résoudre nos
propres problèmes. C'est ma ferme conviction que le progrès d'une
entreprise repose sur la résolution de ces problèmes
"ordinaires", entre guillemets. Le rôle du CRIQ devient alors primordial
lorsqu'un de ces problèmes dépasse la compétence
technologique de l'entreprise." Il ajoutait, et je vais terminer la citation de
cette façon: "Le CRIQ doit donc répondre à une foule de
problèmes concernant les matériaux et les méthodes de
fabrication dans le domaine de la chimie, de la mécanique, de
l'électronique, etc. Son groupe d'ingénieurs, de scientifiques et
de techniciens hautement spécialisés a résolu les
difficultés particulières d'un grand nombre de PME." Comme M.
Bertrand l'a signalé, plus de 1200 entreprises ont profité de ses
services et près de 250 d'entre elles sont devenues des clients
réguliers.
J'aimerais, dans les quelques minutes qui me restent, faire part du nom
de quelques entreprises qui ont profité des services du CRIQ. Ce sont
des raisons très
évidentes pour lesquelles il est impartant de continuer à
aider le CRIQ à fonctionner correctement et, dans le fond, à lui
permettre de se mettre à jour, à toutes fins utiles, pour mieux
aider les entreprises. Par exemple, le CRIQ a participé avec grand
intérêt au développement du premier modèle
commercial d'un pressoir rotatif - développé par le CRIQ - qui a
connu un succès intéressant auprès des intervenants des
pâtes et papiers. C'est important, M. le Président. C'est la
compagnie Kamyr, compagnie licenciée, qui a
bénéficié de cette aide de la part du CRIQ. Le premier
modèle commercial a été construit par la division
mécanique de Canron à Trois-Rivières. Le dispositif sur
lequel le CRIQ a travaillé, qui essore en continu une masse humide, peut
s'appliquer à d'autres matières que la pâte à papier
et le CRIQ poursuit ses recherches en ce sens. Le CRIQ a travaillé pour
une entreprise, mais il continue de travailler pour faire en sorte que le fruit
de son travail serve à d'autres applications plus tard.
Le CRIQ a aussi participé au développement
électronique et au design d'un système portatif de commande
à distance pour ponts roulants et autres accessoires. C'est le seul
système canadien du genre à satisfaire aux normes imposées
dans ce secteur. C'est Télésystème National Ltée,
de Sainte-Foy, qui a profité du "know-how", de la capacité de
travail du CRIQ. Il y a également eu participation du CRIQ au
développement - et cela pour augmenter la productivité et
améliorer la coupe - d'une machine pour couper simultanément les
deux côtés des boucles de cuivre d'un stator usagé
d'automobile. On sait que le stator est la partie fixe d'un alternateur d'auto.
C'est une compagnie que je connais bien, puisqu'elle est installée dans
ma région, Autopro Inc., qui est installée à
Saint-Rémi, qui a pris de l'expansion à la suite de ce travail
qui a été fait par le CRIQ et qui s'est installée plus
largement à Sainte-Martine, dans ma région, tout près de
mon comté. Autopro Inc., profite donc avantageusement du marché
en pleine expansion des pièces d'automobile remises à neuf.
Un autre exemple: le développement d'une machine qui assemble
automatiquement les rasoirs jetables d'usage médical, les emballe et les
distribue dans des boîtes prêtes pour l'expédition. Le CRIQ
a développé les systèmes périphériques
nécessaires à l'alimentation d'un module d'assemblage de
série, ainsi qu'à la manutention du produit fini. C'est un
instrument qui permet une cadence de 40 à 60 rasoirs-minute. Je sais,
pour avoir visité le CRIQ au moment où il travaillait à ce
dossier, qu'il a travaillé énormément pour que le produit
soit le plus compétitif, ce qui fait qu'aujourd'hui les Produits
progressifs Limitée, de Terrebonne, profitent très
avantageusement du travail qui a été fait par le CRIQ.
M. le Président, je dois terminer. Étant donné que
le CRIQ constitue un outil dont les PME ne pourraient se passer - le preuve est
maintenant faite - étant donné que le CRIQ connaît
présentement une expansion jugée nécessaire, qui impose de
toute évidence un correctif au plan quinquennal déjà
adopté par cette Assemblée lors d'un projet de loi
antécédent il y a quelques années, étant
donné que l'ampleur et les implications de cette expansion rendent
souhaitable l'adoption d'un nouveau plan, ce qui est l'objet du présent
projet de loi, il me paraît qu'il faille adopter le projet de loi 52 dans
les plus brefs délais. C'est à cela que j'invite, bien sûr,
mes collègues de l'Assemblée nationale. Merci, M. le
Président. (15 h 20)
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la parole.
M. Reed Scowen
M. Scowen: M. le Président, j'aimerais faire avec vous,
cet après-midi, une petite réflexion sur le mandat du CRIQ et ses
réalisations. Si je suis parfois un peu négatif, j'aimerais que
vous sachiez que ce n'est pas du tout dans un esprit hargneux, comme l'a
prétendu mon collègue le député de
Châteauguay, mais c'est simplement parce que je veux stimuler un petit
débat sur l'avenir de cette institution très importante pour le
Québec.
Je veux d'abord faire deux constatations. La première est que, si
j'étais le ministre de l'Industrie et du Commerce, je n'aurais jamais
accepté ce document qui s'appelle "Le plan de développement pour
la période de 1985-1990." Je trouve que c'est un document incomplet et
insatisfaisant et je vais vous expliquer pourquoi tantôt.
La deuxième chose que je prétends, c'est que le Centre de
recherche industrielle du Québec n'est pas un centre de recherche du
tout. C'est devenu effectivement une espèce d'atelier de
dépannage pour les PME, assorti peut-être d'une petite maison
d'édition. Je dois vous dire que je me tiens un peu responsable sur le
plan personnel de cette évolution du CRIQ parce que j'avais un petit
rôle à jouer dans ses orientations il y a une dizaine
d'années. Laissez-moi m'expliquer. Regardons, d'abord, le mandat du CRIQ
dans la loi de 1979 qui fait partie maintenant de sa charte. Le centre avait
pour objet trois choses: premièrement, "la recherche en sciences
appliquées"; deuxièmement, "la mise au point de produits,
procédés et appareils industriels"; et, troisièmement, la
"collection et la diffusion de l'information". Recherche en sciences
appliquées; mise au point de produits, services et
procédés; et collection et diffusion de l'information.
Ce que je prétends, M. le Président, c'est que c'est
effectivement devenu un atelier pour la mise au point d'une multitude de
produits et de procédés, surtout pour les PME, une espèce
d'atelier de dépannage, peut-être utile, mais très
très loin de l'idée d'un centre de recherche proprement dit. Oui,
ils ont fait un certain nombre de choses dans le domaine de la cueillette et de
la diffusion de l'information, notamment le Répertoire des produits
fabriqués au Québec qui a effectivement très peu à
faire, quant à moi, avec un centre de recherche.
Je ne veux pas parler plus longtemps du problème du
Répertoire des produits fabriqués au Québec mais je
soutiens que l'idée de la recherche est très très loin de
l'idée de dresser un catalogue des produits dont le contenu est d'au
moins 10 %, 15 %, 20 % ou 50 % québécois. C'est un projet qui n'a
rien à faire avec un centre de recherche.
Revenons à l'activité de ce centre de recherche
aujourd'hui. Je regarde dans le plan de développement et je trouve que
c'est un document de quinze pages. Il y a un plan quinquennal de quinze pages
seulement, auquel on ajoute une annexe de 20 pages qui est un
résumé des réalisations des cinq dernières
années. Dans les quinze pages qui portent sur le plan qui implique des
millions et des millions de dollars et des engagements gouvernementaux pour
cinq ans, on voit à peine quatre pages, les pages 6, 7, 8 et une partie
de la page 9, qui touchent les objectifs. On parle beaucoup de l'endroit
où on va faire les travaux parce qu'on parle beaucoup de l'idée
de déménager de Québec à Montréal. On parle
un peu de la façon dont on fera les choses. On parle, par exemple, du
marketing des services. On parle de la nécessité d'avoir plus de
liberté dans l'embauche du personnel, mais on ne parle presque pas dans
ce document de ce qu'on doit faire, du rôle du CRIQ.
Je suis content que le ministre soit ici parce que je trouve que c'est
très important. S'il regarde les pages 6, 7, 8 et 9, c'est toute
l'information que le Centre de recherche industrielle du Québec lui a
donnée sur ses objectifs pour les cinq prochaines années, d'une
façon descriptive, pour justifier des millions et des millions de
dollars qu'ils vont dépenser.
Le problème, c'est que dans ces quatre pages on ne parle presque
pas des choix sectoriels. C'est précisément à cause de
l'absence des priorités sectorielles, des choix de la recherche qui va
se faire par le CRIQ qu'on se retrouve aujourd'hui avec quelque chose qui n'a
jamais réalisé son potentiel. Comme je l'ai dit et je le
répète, c'est devenu une espèce d'atelier de
dépannage pour les PME.
Écoutez avec moi, seulement un moment, le nombre de sujets, le
nombre d'activités de recherche dans lesquelles le CRIQ nous dit qu'il
va agir. Imaginons. C'est une boîte de 300 personnes dont plusieurs font
de l'administration et du soutien. Je ne sais pas combien font de la recherche,
peut-être les deux tiers. C'est une affaire de 16 000 000 $
d'immobilisations. Ils nous proposent de faire de la recherche sérieuse.
Imaginons maintenant l'ampleur de la recherche qui se fait dans ces domaines
aujourd'hui dans le monde entier.
Mais, dans le même groupe de recherche, au Québec, avec le
budget qu'on connaît de 15 000 000 $ ou 20 000 000 $ par année, on
propose de faire de la recherche dans... Et c'est très confus parce que
parfois ils parlent des industries qu'ils vont desservir, parfois ils parlent
des sciences qu'ils vont utiliser, parfois ils parlent d'une façon
horizontale, parfois verticale. Mais écoutez: Ils proposent de devenir
excellents dans le domaine de la machinerie, le développement
d'équipement et le développement des systèmes - c'est
déjà un gros morceau - auxquels ils ajoutent la biotechnologie -
c'est là un autre gros morceau - auxquels ils ajoutent la recherche en
alimentation, la recherche en procédés chimiques, la recherche en
design industriel, la recherche en robotisation, la recherche en
électronique industrielle, la recherche en électronique de
communication - imaginez-vous, la recherche en électronique de
communication. On va faire la concurrence avec Northern Telecom - dans la
transformation mécanique de biomasse - ce n'est pas la biotechnologie,
c'est un autre secteur complètement à part - dans la production
automatisée. Ils proposent de desservir - je ne vais qu'en mentionner
que quelques-uns - les industries de fabrication de produits électriques
et électroniques, l'industrie des aliments et boissons, du caoutchouc,
du plastique, de produits en métal, de fabrication de machines, de
fabrication de matériel de transport - on pense à Bombardier,
à Pratt & Withney, à GM - dans les meubles, dans les
textiles, dans le vêtement, dans la bonnetterie.
Effectivement, M. le Président, dans les trois dernières
minutes, je pense que j'ai mentionné à peu près tout ce
qu'il y a des domaines de la recherche appliquée scientifique qui touche
directement ou indirectement l'industrie en Amérique du Nord. Le CRIQ,
avec ses 16 000 000 $ d'immobilisation, avec ses peut-être 200
recherchistes, avec ses budgets de 20 000 000 $, 30 000 000 $ par année,
nous propose de faire de la recherche dans tous ces domaines. C'est trop. C'est
1000 fois trop. Et quelqu'un va me dire: Comment se fait-il qu'il puisse
même parler comme cela? Je dis: Je ne sais pas. Je pense que
l'idée
de base - ici, je reviens à la partie du problème qui me
revient à moi personnellement, je pense - c'est qu'en 1975, quand je
faisais partie du cabinet du ministre de l'Industrie et du Commerce de
l'époque, on s'inquiétait beaucoup de la rentabilité du
CRIQ. On ne savait pas ce qui se passait là-bas dans le château,
dans la forêt près de l'aéroport et on disait: Comment
peut-on avoir une idée de la rentabilité, de l'efficacité
de cette organisation? (15 h 30)
Nous avons proposé l'idée qu'il devrait essayer de
chercher le contrat, l'idée que si quelqu'un acceptait de payer quelque
chose pour les services, cela pouvait prouver que le CRIQ était utile.
C'était une nouvelle idée à l'époque parce que le
CRIQ pensait qu'il était un groupe de recherche et que la
rentabilité n'était pas importante. C'était un effort de
notre part pour essayer d'établir une base de rentabilité. Je
remarque que, dans un sens, ils ont réussi parce que j'ai
constaté qu'au plan quinquennal d'il y a cinq ans ils ont
proposé, de 1981 à 1985, de réaliser des commandites de 20
000 000 $. Ils ont effectivement réalisé 21 000 000 $, donc, ils
sont rentables. Mais je dois ajouter qu'il avait un autre objectif dans le plan
d'il y a cinq ans qui était d'essayer de chercher les redevances
à la suite des inventions qu'il pouvait développer
lui-même. Sur ce plan, les résultats depuis sont très
minces.
Nous sommes essentiellement devant une organisation qui répond
aux demandes des PME du Québec. Un jour, ça pourrait être
une petite compagnie dans le fromage qui a un problème technique. On
s'installe dans la biochimie. Le lendemain, c'est une petite compagnie qui fait
des maisons mobiles et on veut savoir comment on peut développer des
roues pour des maisons mobiles qui fonctionnent un peu mieux, alors, on
s'installe dans le matériel de transport. Le lendemain, c'est une autre
chose. C'est effectivement un atelier de dépannage pour les PME du
Québec et ce n'est pas un centre de recherche. J'espère que je me
suis expliqué assez clairement.
Si je reviens au mandat du CRIQ, je peux dire que les. deuxième
et troisième objectifs ont été réalisés
jusqu'à un certain point, mais que le premier objectif et je cite de
nouveau: "La recherche en sciences appliquées, ce n'est pas quelque
chose qui se fait." Je ne sais pas. J'ai l'impression que le Québec vaut
mieux que cela, que nous avons la capacité de développer quelque
chose qui sera rentable d'une façon beaucoup plus importante que par le
système de rentabilité mesuré par les commandites
annuelles qui arrivent des compagnies québécoises qui profitent
de leurs services.
Je pense, que le ministre, au moins, avant d'accepter ce plan de
développement pour la période 1985-1990, doit insister pour que
les pages 6, 7, 8 et 9 de ce document soient refaites pour rendre beaucoup plus
cohérentes les priorités sectorielles, si vous voulez, les
activités, les définitions des activités auxquelles le
centre de recherche va consacrer les fonds et les efforts de son personnel. Il
est invraisemblable qu'un centre de recherche au Québec, même un
centre de recherche voué au dépannage des PME, puisse, avec les
moyens qui sont à sa disposition, réaliser une performance qui
est excellente, dans le sens de la concurrence mondiale, dans des domaines
aussi divers que la biotechnologie, les procédés chimiques, la
robotisation, le développement de la machinerie et les systèmes
de production, l'électronique des communications, la transformation de
la biomasse et j'en passe. Je ne dis pas que c'est stupide, mais ce n'est pas
défendable. Je pense que le président et le conseil
d'administration doivent être rappelés à l'ordre dans ce
sens avant que ce plan de développement ne soit accepté.
En terminant, M. le Président, j'appuie aussi les commentaires
qui ont été faits par mon collègue, le
député de Laporte, et porte-parole dans ce dossier, pour arriver
à un consensus qui n'existe pas aujourd'hui sur la nature sectorielle
des activités du CRIQ, activités dans lesquelles il peut devenir
excellent. Une fois que c'est fait, le gouvernement doit devenir sérieux
et consacrer les sommes nécessaires pour la réalisation de cet
objectif d'excellence pour les cinq prochaines années. Merci
beaucoup.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Jacques Le Blanc
M. Le Blanc: Merci, M. le Président. Dans la conjoncture
actuelle sur le plan industriel, conjoncture largement influencée par
l'évolution technologique que vit le monde industrialisé au
Québec et dans tous les pays qui veulent rapidement s'adapter à
la transformation qui s'effectue dans le monde industriel, le Québec se
doit d'agir rapidement et efficacement s'il veut que son essor
économique ne prenne pas de retard par rapport aux autres centres
industriels dans le monde et particulièrement ceux avec lesquels nous
sommes en constante concurrence. C'est l'une des principales raisons qui ont
justifié la présentation du projet de loi 52 dont l'objet est le
suivant. Je fais référence aux notes explicatives qui sont
inscrites à la page 2 du projet de loi: "Ce projet de loi a pour but de
reconduire le plan quinquennal du CRIQ, Centre de recherche industrielle du
Québec, sans attendre la fin de la période quinquennale en cours.
L'évolution des activités du centre, les changements survenus
dans son environnement
économique, son expansion majeure à Montréal
justifient une nouvelle détermination, des montants de l'aide
gouvernementale à lui être accordée pour les cinq
prochaines années ainsi que des modalités de versement de cette
aide."
M. le Président, le Québec est dans une position
privilégiée au plan des ressources naturelles et,
également, au plan de l'énergie, deux éléments qui
posent des problèmes et des contraintes de développement dans de
nombreux pays du monde. Mais ce n'est pas le cas au Québec. Nous avons
ces deux atouts majeurs en quantité considérable ici au
Québec et à des coûts fort concurrentiels.
À ces atouts, M. le Président, s'ajoute ce que
j'appellerais la chaîne industrielle du Québec, chaîne
formée d'autant de maillons qu'il y a de PME au Québec. Ces
entreprises, par leur nombre, leur dynamisme, leur esprit compétitif,
seraient désignées faussement comme complémentaires aux
grandes multinationales tellement elles occupent une place importante dans
l'ensemble de l'activité industrielle du Québec. Pour elles
surtout, le CRIQ est un organisme absolument indispensable, d'autant plus que
nos PME du Québec ne disposent pas - et cela s'explique assez facilement
-au même titre que les multinationales d'équipes de chercheurs, de
laboratoires bien équipés, de budgets imposants pour
répondre aux besoins de recherche et de développement
inhérents à chacune de ces entreprises. C'est non seulement, pour
la plupart d'entre elles, une question de survivance, mais c'est une
possibilité de progression et de développement.
La concurrence, M. le Président, c'est une lutte féroce et
personne ne peut l'ignorer très longtemps sans compromettre son avenir
comme entreprise.
La contribution du CRIQ, dont la raison d'être est de fournir sous
diverses formes des services aux PME, s'avère absolument indispensable
pour une réalisation de plus en plus concrète de l'objectif
majeur que doit poursuivre le Québec. Utiliser son énergie
humaine et matérielle pour transformer nos matières
premières abondantes, pour certaines renouvelables en produits finis ou
semi-finis, c'est cela l'objectif fondamental de l'essor économique du
Québec. (15 h 40)
Pour réaliser cet objectif de la meilleure façon, il faut
être concurrentiel. On l'a répété et on le redit,
mais c'est toujours vrai. C'est le défi auquel sont confrontées
constamment nos PME québécoises. Il faut être concurrentiel
à tous les instants. Il faut rechercher les meilleures méthodes
d'exploitation ou de fabrication, raffiner les moyens de transformation,
améliorer le produit, perfectionner la machinerie ou l'outillage pour le
réaliser.
Toutes ces opérations peuvent se résumer dans une
désignation bien connue maintenant sous le nom de développement
économique et plus particulièrement sous le vocable de virage
technologique.
Pour faciliter la réalisation de ce développement
technologique, M. le Président, il existe un organisme qui s'appelle le
Centre de recherche industrielle du Québec. Cet organisme contribue
d'une façon efficace à la réalisation de ce projet. Le
projet de loi 52 veut rendre encore plus productifs, plus accessibles aux
entreprises, particulièrement à Montréal, des services
mieux adaptés à 1985 pour la réalisation du
développement industriel. Le CRIQ remplit son rôle principal qui
est de favoriser l'essor économique du Québec. Il est connu de la
plupart de nos PME au Québec. Combien de nos petites et moyennes
entreprises ont fait, à un moment ou à un autre de leur
existence, une démarche auprès du CRIQ pour soumettre un
problème technique relié à un projet de
développement, relié à la production d'une nouvelle
pièce de machinerie, d'une nouvelle pièce d'outillage, d'un
nouveau produit et, ce qui est peut-être le plus important, pour mettre
au point un produit particulièrement destiné à
l'exportation, surtout s'il a un caractère d'exclusivité. Le CRIQ
contribue largement à faciliter le passage difficile que doit franchir
l'industrie québécoise en voie de transformation
perpétuelle.
D'autres avant moi ont signalé certaines PME qui ont
bénéficié des services du Centre de recherche industrielle
du Québec. Je voudrais en mentionner une en particulier, qui est
située dans mon comté et qui s'appelle l'industrie Albert Nadeau
Inc. de Saint-Jean-Port-Joli. Comme vous le savez, Saint-Jean-Port-Joli, c'est
le berceau de la sculpture au Québec; et, même si c'est artisanal
et que cela demeure un travail de créativité, il demeure tout de
même que certaines pièces doivent être produites en
quantités assez industrielles pour répondre à un
marché sans cesse grandissant. C'est ce qu'a fait Nadeau Inc. de
Saint-Jean-Port-Joli en faisant une démarche auprès du CRIQ pour
mettre au point une technique de reproduction en série de bas-reliefs en
cuivre par galvanoplastie. Cette innovation place l'entreprise, qui est
pionnière en ce domaine, à l'avant-garde de la diffusion
d'oeuvres d'art.
La galvanoplastie est un procédé qui permet la
déposition d'un métal par voie électrolytique sur une
matrice constituant l'empreinte de l'objet à reproduire. Ce cas est un
exemple d'atelier d'artisans qui se transforme en petite usine et où les
considérations de productivité et de rentabilité sont
devenues des préoccupations quotidiennes. En effet, plusieurs artistes
doivent opter pour la reproduction en série
pour vivre de leur travail et maintenir les prix de leurs
créations à un niveau intéressant pour les consommateurs,
et, en même temps, faire échec à la concurrence de produits
un peu similaires qui proviennent de pays où la main-d'oeuvre est
beaucoup moins dispendieuse. Je pense à Taiwan ou à d'autres pays
d'Extrême-Orient qui envahissent nos marchés avec des produits un
peu de même nature, mais qui n'ont pas le caractère
d'exclusivité de nos artisans ou de nos artistes.
Il y a d'autres industries également dans mon comté. J'y
ai visité une industrie plastique qui, avec l'aide du CRIQ
également, a mis au point une technique d'imprimerie de figurines de
plastique, un peu du même modèle que la fameuse effigie du
Carnaval de Québec qui est d'ailleurs fabriquée dans mon
comté, à Saint-Jean-Port-Joli, chez Plastiques Gagnon. Cette
entreprise a mis au point une technique d'impression en plusieurs couleurs
accompagnée d'un procédé de séchage ultra-rapide
qui en fait une entreprise produisant en exclusivité, avec une
méthode exclusive également, ce produit. Vous pouvez le voir
annoncé, sans que je fasse ici aujourd'hui de la publicité
gratuite pour McDonald, mais puisque cette compagnie encourage une entreprise
de chez nous, aussi bien le dire. Toutes les figurines qui sont
annoncées à 0,45 $ l'unité dans une campagne publicitaire
assez étendue actuellement sont fabriquées à partir de ce
procédé qui est complètement nouveau.
On pourrait allonger cette liste en mentionnant beaucoup d'autres PME
qui ont, avec l'équipe du CRIQ, mis au point ce qui n'aurait pu
être autrement réalisé. Bien sûr, cela peut toujours
se faire dans les multinationales qui disposent de grands budgets, de
chercheurs et qui font cela à plein temps. Mais nos PME ne peuvent se
permettre ces budgets énormes pour mettre au point de nouveaux produits,
perfectionner leur machinerie et développer de nouvelles méthodes
de fabrication. L'ingéniosité des Québécois -
d'aucuns diront les patenteux québécois - est fort bien
secondée par l'intervention du CRIQ qui possède, lui,
l'équipement approprié et des spécialistes dans des
domaines très variés.
En plus de la confidentialité qui est une consigne
scrupuleusement respectée par le personnel du CRIQ, tout comme les
multinationales se protègent contre l'espionnage industriel, l'organisme
travaille en collaboration avec l'entreprise pour faire les tests
nécessaires assurant la sécurité, l'efficacité et
la qualité du produit ou de l'outillage qui fait l'objet de la recherche
et de sa mise au point finale.
Je fais référence au bilan des activités du CRIQ
pour souligner, puisque le projet de loi 42 veut raccourcir les délais
d'expiration du plan quinquennal 1982-1987 pour faire un nouveau plan
quinquennal 1985-1990, pour rappeler dans ce bilan que dans cette
première période où le CRIQ avait comme mission le
développement de nouvelles technologies, l'élargissement de sa
clientèle, l'accroissement de la gamme des services offerts à sa
clientèle industrielle, la mission du centre de recherche, qui a
été créé en 1969, demeure toujours la recherche en
sciences appliquées dans ses propres laboratoires ou dans ceux de
d'autres centres de recherche également. La mise au point de produits et
de procédés d'appareils industriels et scientifiques, la collecte
et la diffusion d'information et de renseignements d'ordre technologique et
industriel, tout cela pour contribuer à l'amélioration de la
productivité de nos entreprises québécoises, pour assurer
sur les marchés locaux et les marchés extérieurs la
présence de nos produits partout dans le monde avec des exportations
sans cesse croissantes. Cela veut dire de l'emploi pour nos
Québécois, cela veut dire l'utilisation de nos ressources
naturelles, cela veut dire l'utilisation chez nous également de notre
énergie et nous en avons en abondance. Inutile de vous dire, M. le
Président, que j'appuie sans réserve ce projet de loi
présenté par le ministre de l'Industrie et du Commerce et je
voterai pour le projet de loi 52. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je crois que nous devons
attendre le ministre pour son droit de réplique. Je ne sais pas s'il est
dans les environs. Je vais laisser passer quelques secondes pour voir s'il
n'est pas tout près. Ah! le voici! Il arrive. M. le ministre de
l'Industrie et du Commerce, vous avez un droit de réplique.
M. Rodrigue Biron (réplique)
M. Biron: M. le Président, on m'avait dit qu'il y avait un
autre collègue de l'Opposition qui devait s'intéresser au dossier
du CRIQ. Il semble qu'il n'y ait pas beaucoup d'intéressés de
l'autre côté, quoique j'ai apprécié l'intervention
du député de Laporte ce matin. On voit que le
député de Laporte, dans ce cas en particulier, a suivi son
dossier, qu'il a étudié sérieusement ce qui se passe au
CRIQ. (15 h 50)
Je ne dirai pas la même chose du député de
Notre-Dame-de-Grâce. Habituellement, j'ai beaucoup de respect pour le
député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est un bonhomme qui
étudie ses dossiers avant de parler mais, aujourd'hui, je pense qu'il a
parlé avant d'étudier. J'ai écouté son intervention
et j'en ai été déçu. D'abord, le CRIQ, ce n'est pas
un centre de recherche; ce matin, dans mon intervention, je l'ai bien
noté. D'ailleurs, je l'ai toujours dit. Ceux et
celles qui ont travaillé avec le CRIQ devraient le savoir,
d'autant plus que le député de Notre-Dame-de-Grâce a dit
qu'en 1975 il a travaillé dans le cabinet du ministre de l'Industrie et
du Commerce sur le dossier du CRIQ. Il devrait savoir que le CRIQ n'est pas un
centre de recherche qui fait de la recherche en l'air sans savoir ce qu'il
cherche, c'est un centre de recherche au service des petites et des moyennes
entreprises, au service de l'entreprise québécoise.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait que
c'était un centre de dépannage pour les PME, pour
développer des technologies nouvelles, des produits nouveaux. Oui, c'est
vrai, c'est pour développer des technologies nouvelles, des produits
nouveaux. Le CRIQ travaille au service des PME. Donc, il va travailler sur des
commandes qu'il reçoit des entreprises. Il ne mettra pas 5, 10 ou 50 de
ses chercheurs à chercher quelque chose de nouveau dans le domaine de la
biotechnologie, de la biomasse ou de l'électronique, ce n'est pas vrai,
ce n'est pas ce que va faire le CRIQ. Le CRIQ, bien sûr, va d'abord
donner des renseignements à ceux et à celles qui veulent inventer
des choses ou qui croient avoir inventé quelque chose. Il va les mettre
en contact avec d'autres inventeurs ou d'autres gens qui ont inventé
à peu près le même produit. Le CRIQ va répondre
à des questions très précises, techniquement, de la part
des entreprises. Le CRIQ, en plus, va travailler avec une commande d'une
entreprise pour produire une pièce d'équipement, une machinerie
ou pour développer un produit un peu mieux développé une
fois que le chercheur, lui, a trouvé son produit ou l'a
développé un peu.
Finalement, le CRIQ n'est pas un centre de recherche pure, si on peut
dire, c'est un atelier mécanique très sophistiqué qui
emploie les méthodes les plus modernes au monde telle la conception
assistée par ordinateur, la fabrication assistée par ordinateur
pour aider les entreprises manufacturières québécoises
à avoir de meilleures pièces d'équipement, à
prendre le virage technologique et à être véritablement
modernes dans leur capacité de produire ou le CRIQ va développer
avec l'entreprise des produits nouveaux. Lorsque l'entreprise a
développé un voilier - je me souviens avoir vu cela - une
allée de quilles, l'entreprise l'avait développé mais elle
demandait quand même de chercher encore plus loin pour faire l'autre
étape du virage technologique et passer devant ses autres
compétiteurs à travers le monde. Le CRIQ a aidé cette
entreprise manufacturière.
Lorsque le CRIQ a développé, avec Pierre Thibault, des
échelles à incendie de 50 mètres ou à peu
près, Pierre Thibault avait les premières idées, Pierre
Thibault avait développé les premières échelles
plus courtes et a demandé au CRIQ de l'aider à développer
cette échelle ultra-longue qu'on fabrique maintenant au Québec et
qu'on peut exporter partout à travers le monde. Dans ce sens, le CRIQ a
travaillé sur une commande précise de la part de
l'entreprise.
Si le CRIQ travaille pour une grande entreprise, il va facturer à
l'entreprise la totalité de ses frais directs et la totalité de
ses frais indirects. Si le CRIQ travaille pour une petite entreprise, il va
facturer à la petite entreprise la totalité des frais directs
sans rien facturer des frais indirects, ce qui représente à peu
près autant ou 50-50. Finalement, c'est beaucoup plus dans ce sens que
nous aidons les petites et moyennes entreprises.
Faire un peu de charriage comme l'a fait le député de
Notre-Dame-de-Grâce tout à l'heure, c'est complètement
inacceptable. Dire que le CRIQ veut se lancer dans la recherche pure dans le
domaine de l'alimentation, ce n'est pas vrai. Le CRIQ va faire des
pièces d'équipement pour des gens qui travaillent dans
l'alimentation, le CRIQ va travailler pour Vachon, le CRIQ va travailler pour
des entreprises qui mettent des légumes en conserve et des choses comme
cela, il va leur aider en faisant les pièces d'équipement
nécessaires pour mettre en boîte les produits. Dans ce sens, je
pense que ce n'est rien de très compliqué, comme voulait le
laisser entendre le député de Notre-Dame-de-Grâce tout
à l'heure, mais ce sont des actions précises d'aide à
l'entreprise.
Je voudrais simplement, M. le Président, demander par votre
intermédiaire, bien humblement au député de
Notre-Dame-de-Grâce d'au moins refaire ses devoirs jusqu'à demain
matin, alors qu'il pourra questionner le président-directeur
général du CRIQ. Il pourra certainement s'informer auprès
de son collègue de Laporte qui a fait ses devoirs convenablement au
cours des derniers jours pour savoir exactement ce dont il parle lorsqu'il
parle du CRIQ.
Je veux aussi dire un mot sur les sommes disponibles pour le CRIQ. On a
décidé, au gouvernement du Québec, d'augmenter les sommes
disponibles pour le CRIQ. Au cours du dernier plan quinquennal, on avait 85 000
000 $ dont une partie de frais d'immobilisation, ce qui nous permet justement
d'investir plus à Montréal avec la construction du nouveau CRIQ
dans l'Est de Montréal. C'était 85 000 000 $ pour cinq ans, alors
que cette année nous voulons un plan quinquennal qui mettra à la
disposition du CRIQ 105 000 000 $ pour les cinq prochaines années. Vous
voyez donc, M. le Président, que le gouvernement du Québec met
beaucoup plus d'argent dans le développement économique et
surtout dans l'aide à l'entreprise, dans la PME, puisque notre
participation comme gouvernement aide
surtout les petites et moyennes entreprises alors que la grande
entreprise qui veut travailler, qui veut faire travailler le CRIQ ou qui veut
travailler avec le CRIQ doit payer la totalité de ses coûts.
Ceci dit, je suis quand même heureux de constater que des deux
côtés de la Chambre, on accepte notre projet de loi. Nous aurons
l'honneur, demain matin, d'avoir avec nous le président-directeur
général du CRIQ qui répondra, avant l'étude article
par article du projet de loi, à toutes les questions de nos
collègues de l'Opposition officielle. Je lui transmets d'ailleurs ce
soir les galées de nos débats en Chambre afin qu'il puisse
être informé des questions que lui poseront les honorables membres
de l'Opposition. Je dois dire que tous ensemble nous serons fiers d'avoir
donné à la PME québécoise un instrument de
développement économique fort important.
L'objectif de ce gouvernement c'est, bien sûr, d'aider
l'entreprise, d'aider à la création d'emplois mais pas d'aider
l'entreprise à n'importe quel prix et à faire n'importe quoi. Il
s'agit d'aider des entreprises dynamiques, des entreprises qui peuvent nous
assurer qu'au cours des années à venir, elles pourront
créer des emplois de façon permanente. Je suis fier, avec le
gouvernement du Parti québécois, de voter ces montants
disponibles qui serviront certainement les PME et qui serviront à la
création d'emplois au Québec au cours des prochaines
années.
M. Scowen: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: ...en vertu de l'article 212, j'estime que mes propos
ont été mal compris et déformés par le ministre et
je veux donner de très brèves explications sur le discours qu'il
a prononcé, avec votre permission, bien sûr.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je dois ajouter aussi
que ces explications ne doivent apporter aucun élément nouveau
à la discussion ni susciter de débat. Si vous vous conformez
à ces règles, vous avez la parole, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Vous pouvez compter sur moi, M. le Président,
je ne susciterai pas de débat et n'apporterai pas
d'élément nouveau. Ceci étant dit, j'ai expliqué au
ministre que les pages 6, 7, 8 et 9 du rapport du plan quinquennal du CRIQ sont
essentiellement un communiqué de presse plutôt qu'un plan et qu'il
n'apporte...
M. Blouin: Sur une question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: Je pense, M. le Président, que le
député a déjà eu son droit de parole. Il est en
train d'essayer de faire un deuxième discours parce que j'imagine que
les propos du ministre l'ont embêté. Cela n'est pas dans le
règlement, M. le Président et nous devons maintenant passer
à la phase ultime de ce projet de loi qui est l'adoption de son
principe.
M. Scowen: M. le Président, je veux simplement...
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît!
L'article 212 donne à un député, s'il croit que ses propos
ont été mal compris, la possibilité d'expliquer
brièvement et de rectifier. Je crois que le député de
Notre-Dame-de-Grâce, dans la mesure où il s'en tient à
rectifier ce qu'il juge avoir été déformé, a tout
à fait le droit de le faire.
M. Blouin: M. le Président, vous comprenez que des propos
déformés ou mal compris doivent manifester des contradictions
évidentes. Or, ce que le député est en train de nous dire
c'est qu'il évalue - c'est donc une question d'opinion - que certaines
pages d'un document qui est celui du CRIQ, seraient des communiqués de
presse et, à partir de cela, il veut développer une argumentation
pour essayer de contrecarrer les propos du ministre. Nous entrons dans un
débat et si nous commençons cela, M. le Président, on n'en
finira plus. (16 heures)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez! Mon
idée est assez faite quant à la situation. Je crois que le
député peut, à partir des propos du ministre, les
rectifier s'il juge qu'ils ne sont pas en conformité avec les paroles
qu'il a mentionnées.
M. Blouin: M. le Président, je vous rappelle aussi que,
dans le même article, on dit que ces propos ne doivent pas susciter de
débat ni provoquer une nouvelle discussion...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du
gouvernement, ce sont précisément des points que j'ai
mentionnés quand j'ai donné le droit de parole au
député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce, si vous voulez vous en tenir au point en
question. Soyez bref.
M. Scowen: Je pense que le point est important et je serai bref.
Je vais essayer de ne pas susciter de débat. Le point que j'ai
soulevé dans mon discours était qu'on accepte qu'il y ait un
élément du mandat du CRIQ réalisé, soit qu'il est
effectivement un atelier de dépannage pour les PME, c'est
important. Mais j'ai dit au ministre, et je le répète
parce que c'est important et on va en discuter davantage demain, que,
même au niveau de dépannage des PME, il n'est pas possible pour un
"centre de recherche", entre guillemets, d'être excellent dans une
série de domaines aussi étendus auxquels on prétend
s'intéresser dans le document.
J'ai donc demandé au ministre, et je termine là-dessus, de
demander au président de refaire les pages 6, 7, 8 et 9 pour que nous
ayons un peu plus de précisions sur les sujets dans lesquels ils
pouvaient devenir excellents. C'était là l'essentiel de mes
propos. Je pense que le ministre a mal compris.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le principe du
projet de loi 52, Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle
du Québec, est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Brouillet): II est
adopté.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Blouin: II est adopté, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader
adjoint.
M. Blouin: ...après cette mise au point substantielle du
député de Notre-Dame-de-Grâce. Sur ce, je propose que nous
envoyions ce projet de loi à la commission de l'économie et du
travail qui procédera à son étude
détaillée.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien. Alors, cette
proposition est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le
leader adjoint.
M. Blouin: M. le Président, maintenant, nous allons
discuter du territoire agricole québécois. À cet
égard, je vous demande d'appeler l'article 12 de notre feuilleton, s'il
vous plaît!
Projet de loi 44 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons entreprendre
le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant
la Loi sur la protection du territoire agricole. M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, le 9 novembre 1978, il y a six
ans et sept mois presque jour pour jour, je déposais devant
l'Assemblée nationale le projet de loi 90 sur la protection du
territoire agricole. Cette date demeure un grand moment de fierté, non
seulement pour moi et tous mes collègues du côté du
gouvernement, mais aussi pour les producteurs agricoles et l'ensemble de notre
population qui voyait ainsi prendre fin un des plus grands scandales des 30
dernières années, celui de la dilapidation éhontée
de nos plus belles terres agricoles au Québec.
Au moment d'aborder l'étude du projet de loi 44, qui apporte
plusieurs améliorations importantes, nécessaires et
souhaitées à cette loi fondamentale, il est impérieux de
rappeler les circonstances qui ont amené le jeune gouvernement du Parti
québécois -nous n'étions alors au pouvoir que depuis deux
ans - à poser un geste qu'aucun de nos prédécesseurs
n'avait osé ne serait-ce qu'envisager sérieusement et dont le
courage impressionne encore aujourd'hui énormément nos visiteurs
qui nous viennent de pays étrangers ou, encore, des autres provinces du
Canada.
Lors de notre arrivée au gouvernement, en 1976, l'agriculture
était la grande laissée pour compte du développement
économique au Québec. Cela se traduisait dans le budget
anémique du ministère de l'Agriculture, dont une partie
importante allait aux firmes d'ingénieurs et entrepreneurs, amies du
régime libéral. On sentait également cet abandon dans les
politiques du crédit agricole, de l'assurance-récolte ou de
l'assurance-stabilisation dans l'initiative agro-alimentaire qui, tout en
existant, était tout à fait incapable de répondre aux
besoins des agriculteurs québécois.
L'absence de perspectives sur les marchés ou, encore, le
laisser-aller dans l'inspection des aliments qui nous avait valu le scandale
des viandes avariées étaient d'autres indices du peu de
sérieux accordé à l'agriculture par un gouvernement
disconnecté de la réalité rurale du Québec. Tout ce
qui comptait à l'époque, c'étaient les mégaprojets:
la Baie James, le stade olympique, ITT-Rayonier, les super parcs industriels,
etc. Le développement économique, cela se passait en ville, tant
pis si la friche gagnait de plus en plus nos campagnes, si nos
céréales, notre viande et nos légumes venaient de plus en
plus de l'extérieur ou encore si le découragement et l'abandon
étaient le lot d'un nombre de plus en plus grand d'agriculteurs.
L'idée dominante au sein du gouvernement libéral de
l'époque était que
l'agriculture c'est juste bon à occuper le territoire et la
main-d'oeuvre en attendant d'avoir mieux à faire. Avait-on oublié
que nos ancêtres ont bâti ce pays en suant à
défricher ces millions d'acres de terre pour se nourrir et amorcer la
base du développement de l'économie de ce jeune pays. Le
gouvernement libéral était-il si ignorant de l'histoire pour
faire abstraction du fait qu'au XIXe siècle les Québécois
exportaient du blé vers l'Europe alors que l'Ouest n'imaginait pas
encore la venue de milliers d'immigrants qui ont établi cette
agriculture de boeuf et de céréales que beaucoup croient
impossible à concurrencer.
C'était là faire preuve d'étroitesse d'esprit
à l'égard des agriculteurs du Québec, descendants de
colons ingénieux et vaillants qui ont su admirablement tirer du sol une
production considérable dans un contexte qui ferait dresser les cheveux
sur la tête des urbains d'aujourd'hui. Technologie rudimentaire, absence
d'efficience de l'aide gouvernementale, isolement de l'économie et
captivité des marchés dominés par une métropole
impérialiste, prix dérisoires, absence d'organisation qui aurait
favorisé des revendications génératrices
d'améliorations de leurs conditions de vie alors qu'ils étaient
pourtant majoritaires dans la population.
Les politiques gouvernementales panca-nadiennes du XXe siècle ont
eu pour effet d'empêcher l'agriculture québécoise de se
développer sainement en introduisant différentes mesures qui en
limitaient les possibilités dont la plus connue est la subvention au
transport ferroviaire des grains de provende des provinces de l'Ouest vers
l'Atlantique qui a condamné le Québec à la
spécialisation et à la dépendance. Pourtant, les
agriculteurs québécois ont su passer au travers et le dynamisme
accru de l'agriculture depuis 1976 démontre qu'avec le soutien
gouvernemental les producteurs agricoles continueront à faire preuve
d'ingéniosité, d'initiative et de diversification.
Une des obligations fondamentales d'un gouvernement n'est-elle pas de
faire en sorte de nourrir sa population de la façon la plus saine, la
plus équilibrée, la plus autonome et la plus économique
possible. Conscient de cette réalité, le gouvernement du Parti
québécois a compris qu'un acte primordial à poser
était avant tout d'établir une assise solide à la
production en protégeant le territoire qui, dans une géographie
nordique contraignante, présentait les prérequis pour rendre
possible la pratique de l'agriculture sous toutes ses formes. À quoi
aurait servi de lancer des programmes d'aide à la production et à
la modernisation si les agriculteurs se font couper l'herbe sous le pied par
l'urbanisation et la spéculation. En remontant le fleuve Saint-Laurent
au début du XVIIe siècle, Champlain avait déjà
décrit, qualifié et évalué les rives et
identifié les secteurs qui lui apparaissaient les plus accueillants pour
les établissements humains. Son jugement s'est avéré assez
juste car en 1985 plus des deux tiers de la population québécoise
se retrouvent dans les régions visitées par Champlain et par
Cartier avant lui qui commentait d'ailleurs dans le même sens.
Ces terres étaient les meilleures pour établir des colons
qui allaient vivre d'agriculture et ouvrir ainsi le pays pour les
Québécois d'aujourd'hui. Si c'étaient les meilleures
terres au XVIIe siècle, c'est encore vrai aujourd'hui. La nature n'a pas
changé. C'est l'homme avec sa technologie qui en a modifié le
visage. Avec le temps, la population s'est accrue. Les fonctions
économiques se sont diversifiées en occupant sensiblement le
même espace à portée de la main et déjà
façonné par des siècles d'agriculture. Mais il a fallu
réagir avant que le meilleur ne disparaisse définitivement.
L'intervention a été tardive, mais l'hémorragie a pu
être arrêtée. Ce n'est toutefois pas suffisant. Il faut
aussi prévoir pour l'avenir et empêcher le développement
vorace, anarchique, irréfléchi et ponctuel qui particularise
certaines tendances toujours vivaces de ce continent neuf qu'est
l'Amérique du Nord où s'incarne la mystification des espaces
infinis qui hantent l'esprit des Européens. Depuis des siècles,
ils ont dû apprendre à gérer rationnellement un espace
occupé par une population parfois très dense, alors que
l'Amérique représente pour eux le rêve d'un espace à
conquérir. Mais cet espace meurt sous les coups de la technologie mal
contrôlée qui consomme les meilleures terres agricoles et
détruit l'environnement. Il ne faut pas se leurrer et croire que nous
sommes sauvés. (16 h 10)
Ces forces spéculatives sont en attente et ce rapport de forces
doit toujours être présent dans notre esprit pour aiguiser notre
vigilance. L'ogre est sournois, multiple, se cache sous diverses formes et se
manifeste en des milliers d'endroits sous des traits de nain inoffensif.
Ouvrez-lui votre porte et il prendra possession de votre maison en vous
convainquant que vous serez plus heureux de cette façon. Le
réveil viendra trop tard.
Le gouvernement du Parti libéral qui nous a
précédés était très vulnérable devant
ce genre de piège. Il était déjà prêt
à céder la place au modernisme, à tourner le dos à
l'agriculture sans hésitation et sans regret. De volumineuses
études recommandaient l'abandon de l'agriculture dans des régions
entières. C'était le cas notamment de l'Abitibi avec le rapport
Côté-Duvieusart qui recommandait, à toutes fins utiles, la
fermeture de l'agriculture en Abitibi. Depuis ce temps, sous le gouvernement
actuel, avec les politiques qui ont été adoptées, il y a
un
progrès considérable dans le secteur agricole en Abitibi,
mais avec des méthodes adaptées aux gens de l'Abitibi.
Au fond, du temps du régime Bourassa, c'était la belle
époque des maires développeurs et des réseaux d'aqueduc et
d'égout chromés. Un tel mépris de l'agriculture ne pouvait
qu'avoir des conséquences tragiques: entre 1970 et 1976, les terres
arables du Québec disparaissaient au rythme d'environ 180 000 acres par
année. En 1976, dans la seule région des basses terres du
Saint-Laurent et de l'Outaouais, on évaluait à 950 000 acres la
superficie livrée à la spéculation, soit presque 20 % de
l'ensemble de ce territoire agricole. Une part importante de la richesse
collective du Québec était sacrifiée aux
intérêts des développeurs amis du régime et
souscripteurs de la caisse électorale.
Le Québec était confronté à un choix
très simple: arrêter cette hémorragie ou accepter la
dépendance alimentaire, accepter la disparition lente, mais sûre,
de l'agriculture dans les régions où, paradoxalement, elle
disposait des meilleurs atouts: qualité du sol, unités thermiques
et proximité des marchés. C'était le cas de l'ensemble de
la plaine du Saint-Laurent.
De toute évidence, le gouvernement qui nous a
précédés avait opté pour l'abandon de
l'agriculture. Pour nous, c'est peut-être une option suicidaire à
envisager.
La protection des terres agricoles, après six ans. Pour bien
apprécier le bien-fondé de la Loi sur la protection du territoire
agricole, il suffit de mesurer le rattrapage effectué par l'agriculture
québécoise depuis son adoption. Voici quelques chiffres pour
mieux illustrer ce progrès qui a été réalisé
depuis l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole. La valeur
moyenne d'une ferme, selon les statistiques de l'Office du crédit
agricole, est passée, malgré la commission parlementaire sur
l'agriculture, de 128 085 $ en 1976 à 366 063 $ en 1984,
c'est-à-dire presque trois fois plus. Alors que l'équité
moyenne sur une ferme moyenne était de 40,8 % en 1976, elle atteignait
l'an dernier 49,6 %; c'est-à-dire presque 25 % de plus, malgré
une période de taux usuraires que nous avons vécue au cours des
années 1981, 1982 et 1983 et aussi, en partie, en 1984. On assiste
à une équité beaucoup plus grande pour les agriculteurs du
Québec.
C'est donc dire que les entreprises agricoles valent près de
trois fois plus aujourd'hui qu'à la fin du régime Bourassa et que
la part qui appartient aux agriculteurs en propre est plus importante.
Aujourd'hui, dans beaucoup de nos municipalités, le plus gros chiffre
d'affaires, on ne le retrouve plus à l'hôtel du village ou
à l'hôtel du coin, non plus qu'au garage, comme c'était
souvent le cas auparavant, mais bien sur les fermes des agriculteurs du
village. Au lieu d'avoir une poignée de grosses entreprises
concentrées dans le village, on en compte des dizaines
éparpillées, réparties dans les rangs agricoles. Cela
modifie très sensiblement le paysage économique de nos
régions rurales et il faut en tenir compte dans les politiques
d'aménagement.
Depuis 1976, plus de 11 623 établissements de jeunes agriculteurs
ont été financés par l'Office du crédit agricole,
ce qui a mis un terme à l'hémorragie que connaissait ce secteur
au point de vue des ressources humaines, notamment dans les zones les plus
fertiles en périphérie des grands centres, là où la
spéculation était la plus féroce. Si on prend comme point
de référence l'année d'adoption de la Loi sur la
protection du territoire agricole, on constate que pendant les six
années qui ont précédé cette loi, quelque 6685
personnes se sont établies en agriculture, comparativement à 8210
pour les six années qui l'ont suivie, soit un accroissement de 22,8 % en
termes d'établissement, si on compare les années du gouvernement
Bourassa avec les années du gouvernement du Parti
québécois. Cela est le reflet direct de l'augmentation du niveau
de sécurité pour les investissements en agriculture que permet la
Loi sur la protection du territoire agricole. D'ailleurs, si on veut comparer,
on peut montrer aussi qu'en 1984 - une année encore qui termine les
années de gros taux d'intérêt - il y aura plus
d'établissements, 150 établissements de plus au Québec que
lors de la plus grosse année du régime Bourassa; ce
n'était pas, à ce moment-là, considéré comme
des années difficiles sur le plan économique, mais c'était
difficile en agriculture au Québec.
Par ailleurs, entre 1977 et 1984, nos politiques de crédit
agricole ont permis aux agriculteurs d'avoir accès à des fonds de
2 500 000 000 $ pour leurs investissements à long, moyen et court terme.
Au cours de la même période, nos politiques d'assurance tant des
revenus que des récoltes ont permis de verser aux agriculteurs plus de
450 000 000 $ en indemnités, ce qui fait de l'agriculture un secteur
d'investissement beaucoup plus sûr que par le passé, alors
qu'auparavant, notre agriculture était complètement coupée
de l'industrie de transformation et des réseaux de distribution, ce qui
engendrait de véritables culs-de-sac, les agriculteurs restant avec
leurs produits sur les bras. Nous avons investi plusieurs centaines de millions
depuis 1977 dans les secteurs des céréales, de l'horticulture et
des viandes pour créer des capacités d'entreposage,
améliorer la qualité des produits, mettre en place des
entreprises de transformation axées sur les besoins des marchés,
etc. Dans le seul secteur des céréales, 12 000 silos à
grains ont été érigés au Québec; 8400
séchoirs à foin et 3000 silos
à fourrage ont été mis en place sur les fermes du
Québec grâce au programme d'aide du gouvernement du
Québec.
Des voix: Bravo!
M. Garon: En tout, à la ferme seulement, 121 000 000 $
d'investissements ont été ainsi réalisés. Alors que
les libéraux de Robert Bourassa avaient renoncé à
développer la culture céréalière au Québec,
la laissant aux producteurs de l'Ouest, nous avons, grâce à une
action concertée, permis à notre production de passer de 830 000
tonnes en 1977 à 2 400 000 tonnes en 1985. Cette augmentation de 300 %
en sept ans n'a d'équivalent nulle part ailleurs au monde. Aussi, il a
fallu établir également des silos régionaux au
Québec, 20 silos régionaux dans les différentes
régions du Québec pour faire en sorte qu'on puisse entreposer les
grains, les nettoyer ou encore, en cas d'une saison d'automne humide, les
sécher avant de les entreposer. Quand on regarde une région
seulement, comme la région de la Matapédia, qui aurait dit avant
1976 qu'il y aurait trois silos à grains, trois centres régionaux
dans le comté de Matapédia? Qui aurait dit qu'il y aurait un
centre régional à Amqui? Qui aurait dit qu'il y aurait un centre
régional à Mont-Joli dans le domaine de l'entreposage des
céréales et qui aurait dit qu'il y aurait eu aussi à
Val-Brillant un centre d'entreposage des semences de céréales
cultivées localement pour des céréales adaptées
à la région du Bas-Saint-Laurent? Dans le temps, celui qui aurait
dit cela aurait sans doute passé pour utopique, mais aujourd'hui, ce
sont des choses réalisées qui font la joie des agriculteurs et
aujourd'hui, les agriculteurs du Bas-Saint-Laurent connaissent le potentiel de
leur région. (16 h 20)
Aujourd'hui, M. le Président, on peut regarder, le domaine des
céréales, même dans la région du
Témiscamingue où, il y a seulement cinq ans, personne n'aurait
envisagé de produire des céréales. Je n'ai pas encore les
chiffres pour cette année. Mais l'an dernier, plus de 15 000 acres ont
été cultivées pour la production de céréales
au Témiscamingue. Si vous aviez dit, il y a cinq ou six ans, qu'on
ferait de la production de céréales au Témiscamingue,
là encore, on ne vous aurait pas crus, alors qu'aujourd'hui les gens se
rendent compte du potentiel de leur région. Autrefois, dans
l'agriculture, on voyait toujours le verre à moitié vide.
Aujourd'hui, nous considérons d'abord que le verre est à
moitié plein en nous donnant comme objectif de remplir la partie qui
n'est pas encore pleine. La différence, c'est d'avoir eu confiance dans
le développement de l'agriculture.
Il est évident que les libéraux disent souvent que le
ministre veut faire croire que l'agriculture a commencé avec lui.
L'agriculture n'a pas commencé avec lui et personne ne va croire cela.
Mais les gens savent, par exemple, que c'est sous le gouvernement actuel qu'il
y a eu véritablement des politiques de développement agricole au
lieu de faire de la politique avec l'agriculture, comme c'était le cas
avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. Autrefois,
on faisait de la politique avec l'agriculture. Aujourd'hui, le gouvernement
fait des politiques agricoles qui font le développement de l'agriculture
au Québec. De sorte qu'on peut imaginer, dans un temps qui n'est pas
très lointain, que le Québec qui s'autosuffisait seulement
à 30 % en 1976, qui aujourd'hui est autosuffisant dans le domaine des
céréales à un peu plus de 71 % en 1984, on peut commencer
à imaginer le jour où le Québec sera complètement
autosuffisant dans le secteur des céréales pour l'alimentation
animale, mais à la condition que les libéraux ne prennent pas le
pouvoir.
S'il fallait que les libéraux prennent le pouvoir, on entendrait
ce qu'on commence à voir dans leur programme qui vient de sortir
"Maîtriser l'avenir", qu'il faut être réaliste dans le
domaine agricole. Le réalisme pour eux, c'est de faire venir les
céréales de l'Ouest. Dans plusieurs discours, ils nous ont dit
que, dans le domaine des céréales, l'autosuffisance était
un mythe. Pourtant, sous le gouvernement actuel, la production a triplé.
Elle est passée de 30 % d'autosuffisance à 71 % dans le domaine
des céréales. Mais pour réaliser quelque chose, il faut
d'abord y croire, il faut d'abord être convaincu que cela peut être
réalisé, parce que si on pense, au point de départ, que
c'est infaisable, on ne le fera jamais. C'est la différence entre le
gouvernement actuel et le gouvernement libéral.
Je comprends que, dans des élections partielles, alors que
l'avenir n'est pas en danger, des gens puissent se permettre certaines
fantaisies. Mais quand arrive la vraie élection, comme en 1981, comme
arrivera éventuellement la vraie élection, il n'y a pas un
cultivateur qui va avoir le goût de prendre le risque de voter
libéral. S'il fallait revenir comme avant 1976, diront-ils, s'il fallait
revenir à un gouvernement qui ne croit pas au développement de la
production céréalière au Québec, qui ne croit pas
au développement de l'élevage du boeuf au Québec, qui ne
croit pas au potentiel, même s'il y a des difficultés temporaires,
dans l'élevage du porc, qui ne croit pas au développement de la
production de l'agneau au Québec, qui ne croit pas au potentiel de la
pomme de terre de semence au Québec, qui ne croit pas au potentiel de
l'horticulture fruitière, maraîchère et ornementale au
Québec, où irions-nous?
L'an dernier, j'étais en tournée en
Gaspésie quand un cultivateur en vacances, éleveur de
boeufs, s'est arrêté à ma table -j'étais en train de
dîner - et m'a dit: M. Garon, rien qu'à la pensée que les
libéraux pourraient prendre le pouvoir, je frémis d'horreur, je
suis inquiet parce que je sais qu'aucun gouvernement n'a cru au
développement de l'élevage du boeuf au Québec avant
l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. C'est pourquoi
quand je visite les encans, je dis aux agriculteurs: Pensez-y bien. Si vous
pensez qu'il est bon pour l'agriculture, comme je suis certain que vous le
pensez, que le Parti québécois soit réélu, faites
donc votre travail, parlez-en à vos voisins, parce que si, après
la prochaine élection, il fallait que, dans les comtés ruraux,
vous ayez donné votre appui au Parti libéral alors que le Parti
québécois a adopté toutes les mesures qu'il a
adoptées au cours des dernières années pour
développer l'agriculture, les gens se demanderaient ce qu'il faut faire
dans l'agriculture pour que les agriculteurs croient à leur
développement?
Ce serait néfaste pour le développement de l'agriculture
que les agriculteurs votent contre un gouvernement, au fond, qui a mis en place
des politiques qui ont assuré le développement de l'agriculture
au Québec. C'est pourquoi je dis que de la même façon que
nous essayons d'améliorer en autant que c'est possible la Loi sur la
protection du territoire agricole, de la même façon que nous
savons, pour que la protection du territoire agricole existe, qu'il faut que
les agriculteurs appuient cette protection des terres agricoles, malgré
les sacrifices que peut imposer une telle mesure, parce que les avantages sont
infiniment plus grands que les désavantages qu'il peut y avoir, il faut
que les agriculteurs occupent toute la place qu'ils doivent occuper. À
partir de maintenant, je pense qu'il leur appartient, sur le plan politique,
d'indiquer ce qu'ils souhaitent comme avenir: revenir à une agriculture
de misère, revenir à une politique agricole de
décroissance ou un développement malgré la période
difficile que nous vivons.
N'oublions pas que dans toute l'Amérique du Nord le cheptel de
l'élevage du boeuf baisse. Le cheptel bovin au Canada est passé
de 4 000 000 de têtes à près de 3 000 000 de têtes au
cours des dernières années. Dans tous les États
américains, le cheptel de boeuf a diminué. Le seul endroit
où il a augmenté, c'est au Québec. Depuis 1976, ce cheptel
est passé de 130 000 à plus de 155 000, en 1984 et pour le bovin
d'engraissement, il est passé de 10 000 têtes à plus de 80
000 têtes. Huit fois plus au Québec alors que partout ailleurs,
dans le reste de l'Amérique du Nord, le cheptel diminuait. Pourquoi?
Parce qu'au Québec il y a des politiques de développement, parce
qu'au Québec on pense qu'il n'est pas souhaitable que nous importions
800 000 000 $ par année de carcasses de boeuf.
Quand la terre a été créée, il n'a pas
été écrit à l'entrée du Québec: Vous
devrez importer votre boeuf de l'Alberta. Cela n'a pas été
inscrit nulle part. Il a été dit cependant: Si je vous donne un
talent, deux talents ou trois talents, j'espère les voir fructifier.
Développer le boeuf au Québec, c'est faire fructifier les
talents, les ressources qui nous ont été données. C'est
pourquoi, développer la production du boeuf au Québec, c'est
l'équivalent de développer les talents, les ressources dont nous
avons hérité, mais à la condition d'avoir des
méthodes qui sont différentes des méthodes de la
Californie, de la Floride ou de l'Argentine, qui élèvent beaucoup
de boeuf aussi, parce que nous avons un climat différent, parce que nous
avons des éléments nutritifs différents.
Même au Québec, on ne nourrira pas les boeufs de la
même façon en Abitibi que dans la plaine de Montréal parce
que le potentiel biophysique n'est pas le même. Mais on peut produire
autant de boeuf en Abitibi que dans la région de Montréal.
Pourquoi? Si nous élevions tous les boeufs dont nous avons besoin pour
nous nourrir, au lieu d'élever, de produire et de manger 250 000
carcasses de boeuf, nous en produirions 1 000 000. Nous importons actuellement,
bon an mal an, environ 750 000 carcasses de boeuf. C'est du boeuf:
Imaginez-vous le nombre de personnes qui peuvent gagner leur vie en
développant cette production.
Les gens savent qu'aujourd'hui on a, au Québec, des centaines
d'éleveurs de boeuf alors que quand nous sommes arrivés au
gouvernement, les éleveurs de boeuf se comptaient sur les doigts.
Aujourd'hui, au contraire, il y a des centaines de personnes qui s'adonnent
à cette production.
Les recettes des agriculteurs ont dépassé pour la
première fois, en 1984, le cap des 3 000 000 000 $, alors que notre
degré d'autosuffisance qui, sous le règne de Robert Bourassa,
était passé d'environ 60 %, en 1970, quand Robert Bourassa est
arrivé au pouvoir, à 47,4 % en 1976, fin du régime
Bourassa. Sous l'administration actuelle du gouvernement Lévesque, il
est passé à 73,8 % en 1984. De 47,4 % à 73,8 %, cela veut
dire plus de 50 % d'augmentation de l'autosuffisance alimentaire dans l'espace
de quelques années. Dans tout pays, cela serait considéré
comme un miracle économique.
Toutes ces données démontrent que l'agriculture n'est plus
ce parent pauvre de l'économie qu'on tolérait en attendant
d'avoir mieux à faire avec le territoire qui y était
employé mais bel et bien un des moteurs de notre économie, le
secteur qui est de loin le plus important par ses retombées directes et
indirectes dans la grande majorité de nos municipalités
rurales.
(16 h 30)
Les chiffres que j'ai cités jusqu'à présent valent
pour l'ensemble du Québec et sont par conséquent indicatifs de
grandes tendances observées depuis l'adoption de la Loi sur la
protection du territoire agricole. À eux seuls ils témoignent du
grand virage qui s'est effectué au sein de notre plus grande industrie
primaire depuis 1978. Ces résultats ne peuvent être
attribués uniquement à la Loi sur la protection du territoire
agricole. D'une part, cette mesure n'est pas arrivée seule, mais a
plutôt été la pierre d'assise d'un ensemble de programmes
et de politiques visant à diversifier et à maximiser le
développement de l'agriculture québécoise. D'autre part,
elle a coïncidé, du moins dans les premières années
de son application, avec une période où les prix des principaux
produits agricoles ont été favorables. Mais une chose est
certaine, cette loi a apporté un ingrédient essentiel qui a
été en quelque sorte le grand catalyseur des progrès
observés. Cet ingrédient, c'est la confiance dans l'avenir de
leur profession que les agriculteurs ont retrouvée, c'est le sentiment
de sécurité minimum face à leurs investissements, c'est la
fierté de pouvoir redresser la tête après des
décennies de recul face aux autres types d'utilisation du sol.
M. le Président, j'aimerais analyser plus en détail cet
aspect psychologique de la Loi sur la protection du territoire agricole qui,
à mon sens, est fondamentale. Maintenant que la loi a plus de six ans et
demi nous disposons de suffisamment de recul pour évaluer les impacts de
cette loi non plus seulement à l'égard des grandes tendances
révélées par les statistiques nationales, mais à
l'égard d'une région donnée et même d'individus.
Je m'inspire d'une conférence prononcée récemment
par l'économiste Jean-Claude Thibodeau, de l'Institut national de la
recherche scientifique. J'aimerais montrer à quel point ses effets sont
concrets et correspondent aux objectifs fondamentaux que nous poursuivions au
moment du dépôt de la loi. Le professeur Thibodeau a choisi comme
territoire d'étude une des régions agricoles à la fois les
plus riches et les plus affectées par la spéculation et
l'urbanisation sauvage avant 1978. J'aimerais dire que le rapport Thibodeau
n'est pas encore publié mais qu'il doit l'être incessamment. Il
s'agit d'un ensemble de 19 municipalités agricoles du sud de
Montréal, où la déstructuration de l'agriculture
était très avancée. Comment s'est comportée
l'agriculture dans ces municipalités depuis 1978? A-t-elle
continué à régresser, comme sous le gouvernement Bourassa,
ou au contraire a-t-elle repris le terrain perdu? Les réponses que M.
Thibodeau apporte à ces questions sont pour le plus moins
éloquentes.
Là, il ne s'agit pas d'une étude du ministère de
l'Agriculture, il ne s'agit pas d'une étude du ministre, il ne s'agit
pas d'une étude de l'adjoint parlementaire, M. Baril, d'Arthabaska, il
ne s'agit pas d'une étude du ministre des Communautés culturelles
et de l'Immigration, M. Gérald Godin, qui est ici, il ne s'agit pas
d'une étude de David Payne, le député de Vachon, il ne
s'agit pas de l'étude d'un homme du Parti québécois, il ne
s'agit pas de l'étude de Jérôme Proulx, le
député de Saint-Jean qui est très heureux de ces mesures.
D'ailleurs c'est une des raisons principales qui l'a ramené, qui va le
ramener au sein du Parti québécois parce qu'il considère
important de continuer ce travail que nous avons fait au cours des deux mandats
que nous sommes en train d'achever. Donc, il s'agit d'un ensemble de 19
municipalités agricoles du sud de Montréal où la
déstructuration de l'agriculture était très
avancée. Comment s'est comportée l'agriculture dans ces
municipalités depuis 1978?
Les réponses de M. Thibodeau, dis-je, sont éloquentes,
mais avant d'en arriver à ces résultats il est bon de se rappeler
ce que signifiait concrètement pour des milliers d'agriculteurs la
déstructuration de l'agriculture due à la spéculation et
à l'urbanisation sauvage. C'est d'abord un sentiment
d'étouffement qu'éprouvait l'agriculteur en constatant que la
flambée des prix créée par la spéculation rendait
inaccessibles pour lui, sinon par location sans bail et résiliable sur
simple avis, les terres agricoles sous-utilisées ou carrément non
utilisées qui l'entouraient et dont il aurait eu besoin pour
améliorer son entreprise. Puis la menace devenait plus directe, les
bungalows surgissaient à gauche et à droite, isolés ou par
quartiers entiers, et sans véritable plan d'ensemble, à
saute-mouton. Ces nouveaux arrivants ne tardaient pas à réclamer
des routes et des autoroutes, des services, des centres commerciaux et des
parcs industriels parce que, en venant vivre à la campagne, ils ne
voulaient généralement renoncer à aucun des avantages
qu'il y avait à vivre en ville. Dans un tel contexte les accrochages
étaient inévitables et tôt ou tard l'agriculteur devait
plier bagage.
La déstructuration de l'agriculture est un
phénomène pernicieux dont le ressort est l'espoir de gains
spéculatifs importants chez les détenteurs du sol. Il en
découle un blocage des transactions de terres agricoles pour les
agriculteurs, qu'il s'agisse de la relève ou d'exploitants
déjà établis. Les effets les plus apparents sont un
vieillissement de la population agricole qui se décourage, dont la
relève est inexistante, une baisse des investissements, l'augmentation
des superficies utilisées pour la production de foin ou de
pâturage au détriment des cultures plus intensives comme
l'horticulture
ou les céréales et, finalement, la chute des revenus bruts
agricoles.
En 1972, le professeur Thibodeau, de l'INRS, avait évalué
à 150 000 hectares la zone de forte déstructuration dans les 19
municipalités étudiées. C'était, dit-il, un
gaspillage pur et simple d'une ressource exceptionnelle. En analysant le
marché foncier dans la région déstructurée du sud
de Montréal, à partir d'entrevues avec des agriculteurs
s'étant établis ou ayant remis des terres en valeur dans cette
zone depuis l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole et,
également, à partir de l'étude de photos aériennes,
le professeur Thibodeau est en mesure de conclure que la Loi sur la protection
du territoire agricole a atteint ses objectifs. Quels sont-ils, selon le
professeur Thibodeau? Les superficies en friche dans un peu plus de cinq ans
sont retournées dans une proportion de 30 % à l'agriculture dans
ces municipalités. Les transactions ayant pour effet de
transférer la propriété de terres arables à des
agriculteurs ont été trois fois plus nombreuses après
qu'avant l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole. Trois
fois plus de ventes de terres aux agriculteurs qu'auparavant, M. le
Président.
Les agriculteurs qui louent des terres peuvent maintenant obtenir des
baux d'une durée suffisante pour leur permettre de réaliser
certains investissements alors que cela était impossible, à
toutes fins utiles, avant l'adoption du projet de loi. Avant l'adoption du
projet de la loi, on louait à un agriculteur pour six mois, un an, deux
ans tout au plus et aujourd'hui on peut faire des baux à long terme pour
cinq, dix ou quinze ans parce que le territoire est zoné agricole.
Les cultures intensives, céréale et horticulture ont
augmenté dans ces 19 municipalités de 114 % depuis 1976. Elles
ont plus que doublé. Elles ont augmenté plus que tout ce qu'il y
avait là avant 1976. Pourquoi? Parce que la zone agricole vient
protéger les agriculteurs. Alors qu'il se faisait beaucoup moins de
drainage souterrain ou de travaux mécanisés dans la zone
déstructurée du sud de Montréal qu'ailleurs, un rattrapage
important s'est effectué. Ainsi, 55 % des superficies drainées
dans cette zone entre 1970 et 1983 l'ont été dans les cinq ans
qui ont suivi l'adoption du projet de loi. C'est pour dire, M. le
Président, beaucoup plus de drainage après l'adoption du projet
de loi sur la protection du territoire agricole après 1978 que tout ce
qui s'était fait auparavant.
Écoutez bien la donnée, écoutez bien, pour ceux qui
nous parlent de la relève, ceux qui font des commissions parlementaires
pour entendre des "faiseux" qui n'ont jamais réussi quelque chose dans
l'agriculture, voici ce que dit le résultat: 26,9 % des agriculteurs de
la zone déstructurée avaient moins de 35 ans en 1977, en 1980
cette proportion atteignait 67 %. Pensez-y, M. le Président: 26,9 % des
agriculteurs avaient moins de 35 ans en 1977 et après le zonage
agricole, quelques années après, 67 % ont moins de 35 ans. Que
voulez-vous dire de plus? Aujourd'hui, il y a une population agricole jeune.
Pourquoi? Parce qu'il y a une sécurité dans
l'établissement, parce que les gens savent qu'ils pourront gagner leur
vie dans ce secteur-là.
Je vais devoir suivre davantage mes notes, M. le Président, parce
que je vois que le temps s'écoule et je ne veux pas être
obligé d'arrêter avant la fin de mon discours. La Loi sur la
protection du territoire agricole a donc eu les effets escomptés. Ce
succès est attribuable à plusieurs facteurs dont: la prise de
conscience pour une majorité de nos concitoyens de l'importance de
l'agriculture dans notre société. Un véritable
écoeurement existait dans l'opinion publique à la fin du
régime Bourassa face au pillage de nos meilleures terres par les
spéculateurs amis du régime. (16 h 40)
II a quand même été nécessaire au cours des
deux dernières années de notre mandat d'informer les gens sur le
coût réel de ce gaspillage en termes de richesse collective,
d'emplois, d'investissements et d'exportations, de même que sur les
dangers d'une trop grande dépendance alimentaire. Dans cette
perspective, le document sur la protection du territoire agricole et la
tournée de consultations que j'ai effectuée à
l'été 1978 ont été déterminants.
Deuxièmement, l'appui des producteurs agricoles qui ont
accepté de limiter leurs droits de disposer de leurs biens comme bon
leur semble, sans compensation monétaire directe, était un acte
de foi dans l'avenir de leur profession. Si j'en juge par la vigilance dont
fait preuve l'UPA actuellement face au projet de loi 44, je ne crois pas que la
détermination des agriculteurs ait faibli depuis 1978.
Troisièmement, l'excellence du système mis en place par la
loi depuis 1978. Ce système, articulé autour d'un organisme
central, la Commission de protection du territoire agricole, a du muscle. Il
fallait qu'il en soit ainsi, qu'il en ait pour endiguer l'énorme
pression spéculative présente dans la majeure partie du
territoire agricole québécois. C'est donc que la conception de
base était la bonne. C'est pourquoi le projet de loi que nous discutons
aujourd'hui ne fait qu'améliorer une formule déjà
éprouvée sans la modifier dans ce qu'elle a d'essentiel. Au sujet
des personnes qui ont travaillé à la commission, on pourra conter
toutes les histoires qu'on voudra, on pourra dire que de temps en temps elles
sont trop moralistes, mais on ne pourra pas dire qu'elles n'ont pas accompli le
travail qui leur était demandé,
c'est-à-dire, étudier et régler plus de 80 000
dossiers au cours de six ans et demi.
Quelqu'un à qui je parlais hier a dit: La commission de
protection du territoire agricole a rendu plus de décisions que la Cour
provinciale, la Cour supérieure et les tribunaux administratifs du
Québec ensemble. Pourquoi? Parce qu'il y a eu un véritable
dépassement dans le travail. Vous ne trouverez pas d'endroits où
vous pouviez appeler à toutes les heures du jour et du soir pour trouver
des gens qui étaient à leur travail.
On peut occasionnellement dire qu'on était d'accord ou non avec
telle ou telle décision. Cela peut arriver. Vous savez que vous
rencontrez toujours des gens qui vont vous dire qu'ils ne sont pas d'accord
avec telle décision de la Cour supérieure, pas d'accord avec
telle décision de la Cour provinciale, pas d'accord avec telle
décision de la Cour d'appel. On sait tous combien souvent au
Québec on a dit qu'on n'était pas d'accord avec telle
décision de la Cour suprême. Alors, qu'on me dise
occasionnellement: Je n'aime pas telle décision de la Commission de
protection du territoire agricole, cela n'est pas exceptionnel, cela n'est pas
anormal parce qu'il s'agit de gens qui évaluent un projet en fonction
d'une loi, d'une réglementation, et on peut occasionnellement diverger.
Mais, si on regarde l'ensemble de l'oeuvre accomplie par la commission, tout le
monde, et je rencontrais hier des gens qui avaient beaucoup critiqué qui
m'ont dit: M. Garon, il faut dire chapeau à la commission et à
son président. Même si, occasionnellement, on s'est fait bardasser
un peu, qu'est-ce que vous voulez? Vous ne faites pas d'omelette sans casser
des oeufs. Alors, vous ne pouvez pas rendre 80 000 décisions sans rendre
occasionnellement quelqu'un malheureux parce qu'il n'a pas été
dézoné alors qu'il aurait aimé l'être.
M. le Président, si on pensait que tout est parfait dans ce bas
monde, il n'y aurait pas d'amendements. Si aujourd'hui on fait certains
amendements, c'est parce qu'on pense qu'on peut améliorer le projet de
loi, parce qu'on a écouté les doléances, parce qu'on a
écouté les représentations des différents
organismes que nous avons rencontrés, que nous rencontrons encore. J'en
rencontrerai d'autres au cours de la soirée et au cours des
journées qui viennent, pour faire que, jusqu'à la fin, le projet
de loi contribue à bonifier la loi fondamentale de la protection du
territoire agricole que nous administrons depuis le mois de décembre
1978.
Quatrièmement, je soulignerai le travail acharné de la
Commission de protection du territoire agricole. L'outil de base était
bon. Encore fallait-il s'en servir adéquatement. Je tiens ici à
rendre hommage à la commission pour le travail qu'elle a accompli depuis
sa création en décembre 1978. Dans un domaine de droit nouveau et
alors qu'il a fallu modifier des habitudes enracinées depuis très
longtemps, la commission a déterminé les zones agricoles de 1559
municipalités, rendu pas moins de 49 000 décisions, reçu
38 000 déclarations de droits acquis et privilèges, tout en
exerçant des râles de contrôle et de surveillance sur un
immense territoire. Aucun autre tribunal administratif au Québec ne peut
prétendre à un tel bilan. Après six ans et demi
d'application, il est toutefois nécessaire de réviser certains
aspects de la loi afin de tenir compte de l'expérience acquise, de
l'avènement des nouvelles entités municipales que sont les
municipalités régionales de comté et, de façon
générale, des remarques des citoyens qui s'adressent à ce
tribunal administratif.
Plusieurs modifications apportées par le projet de loi ont pour
but de permettre aux citoyens qui s'adressent à la commission
d'être mieux informés sur le cheminement de leurs dossiers et sur
les motifs des décisions qui les touchent. Ces changements sont les
suivants: la commission devra transmettre à la personne qui lui a fait
une demande qui sera visée par une ordonnance copie de l'analyse faite
de son dossier par le personnel de la commission. Cela devra se faire avant la
prise de décision par la commission. Le demandeur pourra faire corriger
les erreurs faites s'il y a lieu et mieux préparer son argumentation
face à une analyse qui lui serait défavorable.
Toute personne qui fait une demande à la commission ou qui est
intéressée dans un dossier aura le droit d'exiger une audition
publique alors qu'actuellement elle est laissée à la
discrétion de la commission, sauf en révision où elle est
obligatoire. La commission devra entendre la personne intéressée
avant d'émettre une ordonnance, sauf en cas d'urgence comme la coupe
d'érables ou l'enlèvement du sol arable.
Les différentes modifications répondent aux souhaits des
citoyens qui ont à s'adresser à la commission et qui auront,
grâce à l'adoption de ce projet de loi, encore plus de
facilité à faire valoir leur point de vue et être mieux
informés sur les motifs des décisions qui les concernent.
Une des modifications les plus importantes introduite par le projet de
loi concerne le droit qu'aura tout citoyen à une révision
complète de son dossier par un banc formé de trois commissaires
n'ayant pas participé à la décision en première
instance. Actuellement, un demandeur qui a essuyé un refus va invoquer
des faits nouveaux pour obtenir une révision de son dossier. De plus, le
fait qu'il soit parfois réentendu par certaines des personnes qui se
sont déjà prononcées la première fois pourrait
donner le sentiment d'un traitement inéquitable.
Cette modification équivaut à l'introduction d'un droit
d'appel plein et entier. Une décision en révision sera toutefois
finale.
En raison des autres changements qui permettent aux demandeurs
d'être mieux informés des motifs de décision qui les
concernent et de réagir à ces arguments, les décisions de
première instance sont vraisemblablement mieux comprises et mieux
acceptées de sorte que le droit de demander une révision
introduit par le projet de loi ainsi que le droit à l'audition publique
en première instance n'aura pas, selon nous, pour conséquence
d'alourdir le fonctionnement de la commission. Depuis l'adoption de la Loi sur
la protection du territoire agricole, des milliers de citoyens se sont
prévalus des droits acquis ou privilèges prévus dans la
loi pour utiliser leurs terrains en zone agricole à d'autres fins que
l'agriculture sur simple déclaration à la commission de
l'existence de ce droit acquis ou d'un privilège. Dans l'état
actuel de la loi, la commission n'est pas tenue de se prononcer sur l'existence
réelle d'un droit acquis ou d'un privilège qui lui est
déclaré. Théoriquement, elle pourrait toujours le remettre
en cause depuis plusieurs années après qu'une personne eut, par
exemple, utilisé le privilège qu'elle croit détenir pour
se construire une résidence. Afin d'éliminer
l'insécurité juridique ainsi créée, le projet de
loi déposé prévoit qu'une déclaration de droit
acquis ou de privilèges sera présumée conforme dans un
certain délai après qu'elle aura été
adressée à la commission, à moins que cette
dernière ne la mette en doute avant l'expiration de ce délai.
Dans un tel cas, la personne pourra adresser à la commission une demande
d'autorisation.
L'introduction de cette nouvelle disposition permettra de traiter des
milliers de dossiers simples dans des délais relativement courts de
façon à leur conférer la sécurité juridique
découlant d'une décision de la commission. Cette mesure
s'appliquera aux déclarations de droits acquis et de privilèges
qui parviendront à la commission après l'entrée en vigueur
du présent projet de loi. Pour les déclarations faites
antérieurement, la présomption de conformité jouera deux
ans après l'entrée en vigueur de la loi. Ce délai est
nécessaire pour permettre à la commission de vérifier le
bien-fondé des déclarations, ce qui, dans le nouveau
système, se fera au fur et à mesure de leur réception.
Quant à d'autres situations d'aliénation, de lotissement
ou de construction à l'égard desquels une déclaration
n'est pas obligatoire, la présomption de conformité existe
lorsqu'il s'est écoulé plus de cinq ans à compter de la
date d'enregistrement de l'acte d'aliénation, de lotissement ou dans le
cas d'une construction, cinq ans à compter de la date du premier compte
de taxes municipales expédié à l'égard de cette
construction.
Le projet de loi introduit aussi le nouveau critère pouvant
être pris en considération par la commission et en précise
d'autres afin de permettre au commissaire de tenir compte davantage des
particularités de chaque cas. Ainsi, la commission pourra prendre en
considération les conditions socio-économiques nécessaires
à la viabilité d'une collectivité rurale lorsque la faible
densité d'occupation du territoire et l'éloignement des autres
collectivités le justifient surtout dans les régions
périphériques. (16 h 50)
II existe au Québec des zones rurales où le principal
problème lié à l'occupation du territoire agricole n'est
pas tellement la pression des spéculateurs que le nombre de
résidents, trop faible pour justifier le maintien de certains services
comme le déneigement des routes, le transport scolaire, ou pour
permettre une certaine vie sociale.
La commission pourra, à l'avenir, tenir compte de ces
particularités régionales et autoriser, dans les endroits
où les conditions le justifient, certains usages non agricoles qu'elle
n'admettrait pas nécessairement dans des zones à occupation plus
dense. De plus, la commission pourra tenir compte de la disponibilité de
sites alternatifs dans l'évaluation d'une demande. Actuellement, parce
que cela n'est pas précisé dans la loi, les requérants
négligent souvent de démontrer à la commission que le site
visé par leurs demandes est le seul permettant la réalisation de
leurs projets ou celui dont l'impact est le moindre sur l'agriculture. Ce sont
pourtant des considérations très importantes dont tient
déjà compte la commission lorsqu'elle en est informée.
Le devoir de mieux informer les citoyens sur l'état de leur
dossier et les motifs des décisions touchera également les
municipalités. Ainsi, une corporation municipale qui exerce le pouvoir
de recommandation prévu à l'article 59 de la loi en regard d'une
demande d'autorisation pour un usage autre que l'agriculture transmise par un
citoyen à la commission devra motiver sa recommandation, entre autres,
sur la base des mêmes critères décisionnels que cette
dernière. De plus, la commission devra tenir compte du cadre nouveau
créé par l'apparition des municipalités régionales
de comté. Une municipalité régionale de comté ou
une communauté qui procède à la préparation ou
à la révision d'un schéma d'aménagement peut
adresser à la commission une demande de révision de la zone
agricole. À défaut d'une telle demande, la commission peut
prendre l'initiative de cette révision, si elle la juge
nécessaire. Dans l'un ou l'autre cas, cette révision s'effectue
selon une procédure semblable à celle qui est suivie lors de
l'établissement de
la zone agricole originale: demande de la municipalité
régionale de comté ou de la communauté, avis de la
commission amorçant une période de négociation de 180
jours et signature d'une entente ou, à défaut d'entente,
préparation d'un plan révisé de la zone agricole par la
commission en tenant compte des représentations qui lui ont
été faites, enfin, sanction du plan révisé par le
gouvernement.
Une municipalité régionale de comté ou une
communauté urbaine doit, lorsqu'une zone agricole est
révisée, adopter les mesures nécessaires pour assurer la
concordance des limites des zones agricoles prévues dans le
schéma d'aménagement pour éviter, entre autres, que les
périmètres d'urbanisation empiètent sur les zones
agricoles.
La loi prévoit également l'implication formelle de l'Union
des producteurs agricoles dans le processus de préparation et de
révision des schémas d'aménagement. Des avis seront
adressés à cet organisme, l'Union des producteurs agricoles, par
la commission pour l'informer du début d'un processus de
négociation avec une municipalité régionale de
comté en vue de la révision de zones agricoles et pour l'inviter
à faire connaître son point de vue. Déjà la
commission consulte régulièrement et reçoit les
représentations des agriculteurs relativement à différents
dossiers qui lui sont soumis. Les producteurs agricoles doivent demeurer
vigilants, malgré la sécurité accrue que leur accorde la
Loi sur la protection du territoire agricole. Pour ce faire, ils devront
être associés au processus de révision des zones agricoles
qui se fera en relation avec la préparation des schémas
d'aménagement.
Afin de faciliter la mise en place de certains services municipaux ou
d'utilité publique, identifiés par le règlement
d'application de la Loi sur la protection du territoire agricole, une
municipalité ou une entreprise de services publics pourra
dorénavant acquérir ou lotir un terrain sans l'autorisation de la
commission.
Actuellement, ce règlement s'applique uniquement lorsque la
municipalité ou l'organisme de services publics est déjà
propriétaire du terrain visé. Je tiens à souligner que
cette possibilité de procéder sans l'autorisation de la
commission s'applique à certains cas très bien
délimités dans les règlements comme l'élargissement
d'une route jusqu'à une emprise maximale de 20 mètres et
l'installation du service d'aqueduc et d'égout à
l'intérieur de cette emprise ou pour desservir un édifice
existant.
J'ai l'intention d'apporter des modifications en commission
parlementaire à la suite des rencontres que j'ai eues puisqu'on m'a
demandé de cerner davantage cet article du projet de loi pour que ceci
s'applique essentiellement aux élargissements de routes dans le cadre de
l'emprise de 20 mètres à partir de la structure de routes
actuelles. J'ai accepté de présenter des amendements et ils le
seront dans le cadre de l'étude article par article à la
commission parlementaire. Cette disposition permettra d'éviter des
demandes inutiles à la commission et les délais qui s'ensuivent
inévitablement pour les organismes touchés. Afin de tenir compte
des inquiétudes des agriculteurs, des producteurs agricoles, je suis
prêt à introduire un amendement, comme je le disais tout à
l'heure, afin que la limite de 20 mètres soit inscrite dans la loi et
non seulement dans le règlement.
Afin de donner à la commission une plus grande efficacité
dans son rôle de gardienne du territoire agricole, certaines dispositions
renforcent son rôle de contrôle et de surveillance. Ainsi, la
commission pourra, par simple requête à la Cour supérieure,
obtenir une ordonnance en nullité d'une aliénation ou d'un
lotissement fait en contravention de la loi. Actuellement, il faut intenter une
action en justice, un processus beaucoup plus long pour faire respecter la
loi.
De plus, la commission pourra, lorsqu'il y a urgence, s'adresser
directement à la Cour supérieure pour obtenir non plus une
ordonnance, mais une injonction visant à faire cesser
immédiatement les usages non autorisés ayant un effet
irréversible, comme la coupe d'érables ou l'enlèvement du
sol arable. Le contrôle sur ce dernier type d'activité est
d'ailleurs resserré. L'expérience a démontré que
certaines personnes ont réussi à contourner la loi qui interdit
actuellement l'enlèvement de la terre arable pour fins de vente
plutôt que l'enlèvement tout court. Tout enlèvement de
terre arable sera désormais soumis, avec l'adoption du projet de loi,
à l'approbation de la commission puisqu'on ne peut pas savoir, juste
à voir enlever la terre arable, si la terre est enlevée pour des
fins de vente ou non. Enfin, le privilège dévolu à un
producteur agricole de construire une résidence pour lui-même, son
enfant ou son employé devra s'exercer sur un lot où ce producteur
exerce son exploitation plutôt que sur n'importe quel lot.
M. le Président, essentiellement, ce sont les principaux
amendements qu'on retrouve dans le projet de loi. Ce projet de loi aura pour
but, au fond, d'essayer, en modifiant différents types de
procédures devant la commission, de changer le projet de loi actuel pour
répondre à différentes demandes que nous avons
reçues au cours des mois de consultation que nous avons menée.
Essentiellement, il y a eu jusqu'à maintenant une première phase
dans l'application de la Loi sur la protection du territoire agricole qui est
la phase de mise en oeuvre,
d'établissement de la protection du territoire agricole.
Maintenant, il est possible de raffiner davantage les procédures pour
permettre, tout en essayant de maintenir la procédure la plus
expéditive possible aussi, à des gens qui veulent davantage
s'exprimer devant la commission de pouvoir le faire.
Enfin, dans une première phase, on a parlé d'harmoniser
des lois. Je pense que la pratique a démontré que la Loi sur la
protection du territoire agricole et la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme sont des lois qui peuvent vivre côte à côte
comme mari et femme dans le respect de l'un et de l'autre, ce qui veut dire que
les objectifs, par ailleurs, que poursuit chacun ne sont pas
nécessairement les mêmes. L'objectif que poursuit la Loi sur la
protection du territoire agricole est essentiellement un objectif de protection
du territoire pour des fins économiques, de développement
économique, alors que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme
poursuit un rôle d'aménagement, mais comme les terres agricoles
sont limitées, elle constitue une contrainte dans les fins
d'aménagement et d'urbanisme pour que la première utilisation des
terres soit d'abord l'agriculture avant de servir à autre chose. C'est
pourquoi d'autres objectifs poursuivis par l'aménagement peuvent
être réalisés sur d'autres terrains que les terres propices
à l'agriculture.
De la même façon qu'on ne bâtirait pas un
développement domiciliaire sur une mine éventuelle pour bloquer
un jour le développement de la mine - une terre agricole, c'est une mine
perpétuelle dont la production se renouvelle d'année en
année -il est aussi ridicule de vouloir couvrir des terres agricoles de
constructions, de les couvrir de terrains d'asphalte ou de les couvrir de
béton qu'il serait ridicule de couvrir une mine d'asphalte, de
béton ou de maisons. C'est pourquoi il faut aménager les choses
de telle façon que les terres agricoles soient réservées
pour l'agriculture, d'autant plus que les quelques millions d'acres que nous
possédons sont tellement peu nombreuses qu'on peut sûrement, dans
tout le territoire du Québec, faire le développement ailleurs que
sur les terres agricoles. (17 heures)
Ce sont certaines personnes seulement, par entêtement, par
spéculation, par appât du gain personnel, parfois par
amitié avec des gens qui, sur le plan politique, peuvent permettre
certaines activités qu'on ne devrait pas permettre normalement, qui font
en sorte qu'une telle loi est nécessaire pour protéger ceux qui
devraient être protégés, pour protéger une
agriculture et les terres agricoles où elles sont et non pas pour
protéger des rochers pour l'agriculture alors qu'on ne veut pas
élever des chèvres de montagne au Québec mais qu'on
élève plutôt des poulets, des porcs, des boeufs ou des
vaches. Si on décidait de garder les rochers pour l'agriculture et de
bâtir sur les terres, notre potentiel serait très faible et il
faudrait penser à élever des chèvres de montagne. La
raison, le coeur, le bon sens, l'intelligence nous commandent de
protéger nos terres. C'est pourquoi la protection du territoire
agricole, avec sa commission, par la volonté du Parlement qui a
adopté cette loi, par la volonté du gouvernement du Parti
québécois qui a répondu aux aspirations de notre peuple, a
élaboré cette loi pour le mieux-être de toute notre
collectivité. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Portneuf. Je m'excuse. M. le député de
Maskinongé.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. Avant de commencer et
que mon temps compte, j'aimerais m'adresser au leader adjoint du gouvernement
pour savoir s'il accepterait, à supposer que je n'utilise pas toute
l'heure qui m'est allouée au nom de mon parti, d'accorder une dizaine de
minutes au député de Huntingdon, si vraiment il y a lieu de le
faire, à la fin de mon intervention.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, cela me paraît tout
à fait raisonnable s'il s'agit d'un transfert de temps, et nous
consentons à cette pratique.
Le Vice-Président (M. Rancourt): II y a donc consentement.
M. le député de Maskinongé. S'il vous plaît!
M. Picotte: M. le Président, qu'il est amusant, ce
ministre! Il est vraiment drôle, ce ministre! Je pense que tout le monde
pourra et a pu, jusqu'à maintenant, le constater. Vous remarquerez sans
doute qu'à chacune des lois que nous étudions ici à
l'Assemblée nationale, le ministre a toujours le même
schéma de discours, du début à la fin. On pourrait,
à chacune des occasions, lire le discours précédent et on
saurait ce que le ministre de l'Agriculture va dire. Un peu comme - vous vous
en rappelez sans doute - les films de Laurel et Hardy qu'on a
déjà sûrement regardés ensemble. C'était
toujours le même genre de farces et, à certains égards,
c'était très amusant. Je pense qu'on est habitué à
cela. On est habitué à ce genre de cassette, mais cela devient
quand même intéressant, parce qu'on peut se permettre, à
chacune des occasions qui nous est fournie quand on rencontre des agriculteurs
- je l'ai fait et je vais le faire
encore - de s'approprier du vidéo de l'Assemblée nationale
et de le faire écouter à un groupe d'agriculteurs, comme il
m'arrive souvent d'en rencontrer et d'analyser avec eux, durant une bonne
heure, ce discours de l'honorable ministre et de faire constater aux
agriculteurs quel est le style et le genre du ministre qui est supposé
défendre leurs intérêts.
Le ministre souffre sans doute fort profondément. De quoi? Je ne
le sais pas. Peut-être de nombrilisme. Si bien que, quand il ne
réussit pas à se faire vanter par les autres, il accepte
volontiers de se vanter lui-même. Si bien que, quand il réussit
à se regarder le nombril, j'imagine que le reste du monde n'existe plus,
il l'a découvert. C'est son habitude, mais, de toute façon, cela
n'a pas d'importance.
Quelle réussite que les politiques agricolesl Je pense que le
meilleur test et ce qui parle vraiment de la réussite, non seulement du
ministre de l'Agriculture, mais de tout ce gouvernement, c'est sans doute le
résultat des élections partielles. Quand un gouvernement en est
rendu, après si peu de temps au pouvoir - je dis si peu de temps, parce
que c'est un parti qui a été fondé en 1968 ou 1969, et,
comme il n'a pu être au pouvoir au cours des années
antérieures à 1970 et qu'il a été, dans sa courte
vie, au pouvoir de 1976 à 1985-1986, dépendamment de la date des
élections, cela veut dire une dizaine d'années. Réussir
à devenir un tiers parti dans les élections partielles,
après si peu de temps d'administration, il faut le faire! Donc, nous
allons continuer de laisser le ministre se vanter, nous allons continuer aussi
de permettre à ceux qui veulent bien le vanter de l'autre
côté de le faire. D'ailleurs, plus ils vont le faire, plus ils
obtiendront les résultats qu'on connaît déjà. Le
ministre peut quand même nous parler de ses réussites à ce
chapitre, je pense qu'elles sont là pour le prouver.
M. le Président, vous vous souviendrez - celui qui était
assis à votre place tantôt pourrait en témoigner - de la
tenue d'une commission parlementaire itinérante, qui a circulé
dans tout le Québec, parlant de relève agricole, parlant aussi
des différentes productions, des producteurs en général,
parlant d'endettement, parlant de crédit agricole. J'en prends à
témoin le député d'Arthabaska qui est ici présent,
j'en prends à témoin le député de Richmond qui a
présidé cette commission, le député de Berthier,
qui était aussi présent à cette commission, le
député de Huntingdon et d'autres qui ne sont pas ici cet
après-midi mais qui nous ont suivi, tel le vice-président de la
commission.
C'est curieux, nous nous sommes promenés partout au Québec
mais nous n'avons entendu personne vanter le ministre. On n'a pas entendu
personne venir nous dire que les politiques du gouvernement actuel en
matière agricole étaient un miracle économique au monde
entier, comme se plaisait à dire le ministre tantôt. À
l'écouter, la performance du Québec en agriculture a
été un miracle économique dans tout le monde entier.
Une voix: C'est vrai!
M. Picotte: C'est vrai, mais il n'y a personne qui nous l'a dit.
Pas un agriculteur ne nous a dit cela. Il y a même des
députés des deux côtés de la Chambre qui
étaient gênés à certaines occasions d'entendre les
commentaires. Pas un seul agriculteur ne nous a dit cela, personne du monde
agricole, sauf le ministre de l'Agriculture. C'est normal, M. le
Président, je vous ai parlé du nombrilisme tantôt, je vous
ai parlé de la vantardise habituelle du ministre de l'Agriculture qui
continue à se vanter même si personne, dans le monde agricole, n'a
trouvé le moyen de venir nous dire durant toutes nos rencontres qu'ils
étaient heureux et satisfaits des politiques du gouvernement du Parti
québécois en matière agricole. Personne n'est venu nous
dire cela, d'aucune façon. Vous pouvez relire tous les mémoires
et on a eu du monde...
Il y a des gens qui se sont identifiés directement comme ayant
déjà été des péquistes fanatiques. Lors de
mes nombreuses rencontres avec les agriculteurs, plusieurs personnes m'ont dit:
M. Picotte, j'étais un péquiste acharné et fanatique et je
réalise qu'après un certain temps au pouvoir, avec le genre de
politique agricole actuelle, les frais de l'autosuffisance au Québec, ce
n'est pas le gouvernement qui les paie, l'autosuffisance a été
faite sur notre dos à nous, les agriculteurs, à même notre
endettement, à même notre avoir net, à même les
politiques qui nous ont collés et menés dans certains cas
à la faillite. C'est ce que des gens venaient nous dire, des gens qui se
déclaraient fanatiques du Parti québécois en 1976 et en
1981.
Le discours qu'a prononcé tantôt le ministre de
l'Agriculture, dans un langage fort amusant, très drôle, j'en
conviens -c'est déridant - n'est cependant pas le genre de discours
qu'on entend sur le terrain. J'ai même été surpris qu'on
appelle ce projet de loi en plein après-midi parce que, habituellement,
au mois de juin et au mois de décembre, les projets de loi agricoles
sont appelés à minuit le soir. Cela nous permet de nous
dérider en écoutant le ministre de l'Agriculture. Cela nous
permet de nous amuser un peu car il est comique, le ministre de l'Agriculture.
Même les gens d'en face nous disent tous en arrière: Mais c'est un
comique, le ministre de l'Agriculture. On a du "fun", on se paie une bonne
pinte de rire avec lui. C'est pour cela que c'est plus
souvent après minuit qu'avant. Il faut quand même se
dérider à certaines occasions quand on siège depuis 10
heures le matin. (17 h 10)
M. le Président, quelle réussite quand je regarde le
rapport annuel de la Régie des assurances agricoles du Québec qui
a été déposé récemment! Le rapport annuel de
1983-1984 a été déposé par le gouvernement, et
c'est fait par un organisme responsable qui s'appelle la Régie des
assurances agricoles du Québec. Qu'est-ce que je constate, M. le
Président, à la page 40? Le ministre se vante de son
autosuffisance, il se vante que ça va bien en agriculture. Mais
savez-vous comment cela coûte, en plus de l'endettement des agriculteurs,
en plus d'avoir mené certains agriculteurs à la faillite, en plus
d'avoir des agriculteurs qui sont en très sérieuse
difficulté financière? Mais ce n'est pas fini là. Si cela
n'avait pas coûté tant d'effortsl Si cela n'avait pas
coûté autant au point de vue humain, au point de vue divorce, si
cela n'avait pas coûté autant! Combien d'agriculteurs qui, dans la
crise de production du porc, ont dû forcément abandonner, laisser
tomber complètement ce qu'ils ont mis des années à
bâtir, ce que leurs parents leur avait légué de peine et de
misère et qui, en plus après d'avoir perdu dix ans de travail et
d'efforts, après dix ans de frustration, après avoir
été laissés pour compte par le gouvernement, ont dû
faire face à des difficultés familiales parce que les enfants et
la femme ne pouvaient plus supporter ce genre de situation! Qu'est-ce que cela
a coûté au point de vue humain? Qu'est-ce que cela a
coûté au point de vue familial? Qu'est-ce que cela a
coûté au point de vue millions? Qu'est-ce que cela a
coûté au point de vue travail? C'est là le
côté du producteur, c'est le côté de la famille.
Qu'est-ce que cela a coûté au point de vue de
l'État, malgré qu'occasionnellement cela est négligeable
quand cela ne fait pas trop de dommages du côté des individus?
Solde déficitaire au 31 mars 1984 à la Régie des
assurances agricoles du Québec, document officiel: 96 000 985 $ de
déficit en assurance-stabilisation, en assurance-récolte, etc.;
97 000 000 $ de déficit à la Régie des assurances
agricoles! Vous allez penser, M. le Président, que je vais applaudir et
rire au film comique style Laurel et Hardy du ministre de l'Agriculture quand
il me dit que ça va bien en agriculture, qu'on a réussi
l'autosuffisance et qu'il n'y avait rien auparavant. Vous allez penser que moi,
je vais applaudir et que je vais trouver cela drôle! Bien, je regrette!
Je vous laisse cela à vous autres, les gars d'en face, de vous amuser
non pas à si bon marché, mais avec si cher de deniers publics,
avec si cher d'endettement de la part de nos agriculteurs et avec autant de
pertes de capital humain et autant de problèmes familiaux
engendrés par cette situation créée de toutes
pièces par le "smiling minister", le ministre drôle.
Non, ne croyez pas que je vais m'amuser avec cela, au contraire. 97 000
000 $ de déficit à la Régie des assurances agricoles, et
on va se vanter d'avoir des politiques d'autosuffisance et on va se vanter de
bien fonctionner en agriculture! M. le Président, je regrette! Il n'y a
pas un agriculteur sérieux au Québec et il n'y a pas un organisme
sérieux en agriculture au Québec qui croient ce genre de langage,
mais tous savent... Je discutais dernièrement avec un
représentant de l'UPA qui me disait: C'est bien évident que de la
façon dont les déficits s'accumulent à la Régie des
assurances agricoles il va se trouver un temps où l'État va
devoir nous dire qu'il faut changer de style parce que l'État ne pourra
pas toujours accumuler déficits par-dessus déficits. Vous savez
ce que cela veut dire, on commence à en voir des résultats: 31
mars 1983, 15 000 000 $ de déficit. On a fait un saut. Au moment
où cela va bien en agriculture le miracle économique du ministre
du 31 mars 1983 au 31 mars 1984 a fait passer le déficit de la
Régie des assurances agricoles de 15 000 000 $ à 97 000 000 $.
Quel miracle! N'importe qui est capable de faire des miracles comme ça.
Je conseillerais au ministre de venir se promener dans notre région un
peu et d'aller faire un séjour au sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Il va
peut-être apprendre que les miracles ne se font pas comme ça et
que les miracles ne sont pas de ce genre-là.
M. le Président, je...
Une voix: ...
M. Picotte: Oui, c'est vrai. II y a un de mes collègues
d'en face, un de mes bons amis d'ailleurs, qui me montre sa canne. C'est vrai
que ces politiques-là du gouvernement sont boiteuses. C'est vrai que de
plus en plus le gouvernement et même les gens au Conseil des ministres
ont besoin d'une canne. Les politiques sont tellement boiteuses, M. le
Président, dans le domaine de l'agriculture comme dans d'autres!
Tantôt je ne serais pas surpris de voir les ministres du Conseil des
ministres se promener en béquilles avec le genre de politiques que ces
gens-là apportent aux Québécois. Prompt
rétablissement quand même, M. le ministre, vous méritez
bien ça!
J'aimerais maintenant vous parler quelque peu... Dans tout ce style,
dans tout ce genre de discussions que nous a tenues le ministre, dans toute
cette vantardise, dans tout ce pot-pourri, dans tout ce - Ah! je ne le sais
pas, il y a un genre de dessert, je ne peux pas nommer le nom, où on met
toutes sortes de choses - genre de bagatelle
agricole que nous a faite tantôt le ministre, j'aimerais aussi
parler un peu du projet de loi 44. Même si notre protection du sol
agricole, vous en conviendrez, c'est pour ça que vous avez
été tolérant ou que votre prédécesseur a
été tolérant tantôt dans la pertinence... Vous savez
que quand on parle de protection du sol arable, ça touche tellement
à toute l'agriculture et aux productions qu'on peut parler de bien des
choses là-dedans, comme le ministre de l'Agriculture l'a fait. Je me
permets de donner un peu une certaine réplique.
Sur le projet de loi 44 qui modifie la Loi sur la protection du
territoire agricole, j'aimerais vous ramener - vous n'étiez pas ici, M.
le Président, ce sera probablement utile de relire les débats si
vous ne l'avez pas encore fait - en 1978 et 1979. C'est l'année
où le Parti québécois a fait adopter ici en cette Chambre
la loi qu'on appelait dans le temps la loi 90 qui est la loi créant la
Commission de protection du territoire agricole. Vous vous souviendrez que le
22 décembre 1978, la loi 90 a été sanctionnée par
le lieutenant-gouverneur du Québec. Cette même loi 90 qui a
été amendée le 23 juin 1982, qui s'appelait à ce
moment-là la loi 76, a été, elle aussi, votée le 23
juin 1982. Dans toutes les discussions que nous avons eues, je peux en parler
parce que j'étais présent, en commission parlementaire...
Certains de mes collègues vous diront tantôt comment ils ont pu
être perspicaces à ce moment-là dans ce qu'ils faisaient
comme recommandations au ministre quand ils lui disaient de surveiller telle ou
telle chose importante. Vous verrez, M. le Président, que certains de
mes collègues vont ramener le ministre de l'Agriculture à du
réalisme, ce qui s'est passé dans ce temps-là, situation
qu'on retrouve exactement aujourd'hui.
Je me souviens, pour avoir participé à cette discussion
avec mon collègue, M. Giasson, qui était député de
Montmagny-L'Islet dans le temps, où on disait au ministre de
l'Agriculture, le même ministre parce qu'il est permanent, il est
très difficile à tasser, vous en conviendrez, c'est probablement
pour ça qu'il est le seul à rester là, à ne pas
avoir modifié ou changé de ministère... Vous vous
souviendrez que l'Opposition officielle, le député de
Maskinongé entre autres avait mis en garde le ministre de l'Agriculture
du temps, qui est le même que celui d'aujourd'hui, le
député de Lévis, de parler de l'harmonisation d'une autre
loi qui allait être votée par le gouvernement, qui s'appelait la
loi 125, celle qui créait les MRC, les municipalités
régionales de comté et qui était susceptible de
préparer tout l'aménagement du territoire
québécois. Nous avions dit au ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation à ce moment: M. le ministre, on va
avoir de sérieux problèmes. On adopte la loi 90. Nous adopterons
plus tard la loi 125 sur les mêmes territoires. Qui va avoir juridiction
sur quoi et sur qui? Est-ce qu'il n'y aura pas, à un moment
donné, un problème entre l'aménagement du territoire qui a
été chapeauté par la loi 125, est-ce qu'il n'y aura pas un
problème avec la loi 90 que nous adoptons aujourd'hui? (17 h 20)
Effectivement, la loi 125, celle de l'aménagement du territoire,
a été adoptée ici en cette Chambre le 7 novembre 1979,
soit un petit peu moins de onze mois plus tard que celle de la protection du
territoire. Voilà qu'aujourd'hui, M. le Président, nous sommes
appelés à modifier cette loi et à essayer d'harmoniser ce
que le gouvernement n'a pas prévu, essayer d'harmoniser ces deux lois
qui chapeautent et qui sont là tout simplement pour organiser le
territoire au Québec. Puis, on a deux instances. On a évidemment
le monde agricole qui veut protéger les 5 500 000 d'acres de sol
cultivable au Québec, entre 5 000 000 et 6 000 000 d'acres de sol
cultivable au Québec. On a les gens de l'agriculture qui veulent faire
cela, à bon escient, à bon sens et aussi de façon
très pertinente. Et nous en sommes. Il y a à peu près une
acre de terre par Québécois. Si on parle de 6 000 000 d'acres de
sol cultivable, on ne doit pas gruger trop souvent dans ce sol arable parce
que, forcément, il faut le conserver.
Les gens du domaine de l'agriculture, les gens de l'UPA, les
fédérations de l'UPA, les agriculteurs eux-mêmes veulent,
avec un soin jaloux, conserver ce sol arable. Et nous en sommes. Et nous sommes
d'accord. Nous allons continuer. Si jamais la population nous fait confiance
pour gouverner l'État, nous allons continuer dans le même sens
parce qu'on y croit.
Vous avez aussi l'aménagement du territoire, toutes ces MRC,
toutes ces municipalités qui ont l'obligation, je parle des maires et
des conseillers, je parle des préfets des MRC, qui ont l'obligation de
rendre viables, à l'intérieur d'une municipalité, les
services qu'on offre à nos citoyens qui veulent, eux aussi, avoir un
petit coin pour faire de l'industrie, qui veulent avoir un petit coin pour
faire du lotissement et qui veulent, j'imagine, et je ne voudrais pas leur
prêter de mauvaises intentions parce que je suis certain que ce n'est pas
cela, qui veulent eux aussi protéger le sol arable.
Mais, force nous est de constater que l'instance agricole, les gens de
l'agriculture ne sont pas nécessairement très bien
représentés dans les instances décisionnelles quand arrive
le temps de demander des modifications au sol arable du Québec. M. le
Président, c'est probablement la raison pour laquelle on en arrive
obligatoirement à
apporter des modifications.
Cela fait longtemps que des amendements à cette loi sont
demandés par les différents intervenants, que ce soit l'Union des
producteurs agricoles, que ce soient les MRC ou les municipalités, que
ce soit la Chambre des notaires, que ce soient même des agriculteurs
lésés par des décisions. Il y a longtemps qu'un paquet de
monde demande à l'honorable ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation d'apporter des amendements à cette
loi. Il n'est pas trop tard pour qu'on en en apporte, c'est bien
évident, mais pas en apporter à n'importe quel prix, à
n'importe quelle condition et de n'importe quelle façon.
Le ministre, tantôt, se vantait. Il disait: Après quelques
mois de consultations. Il faut connaître le genre, le style de ministre
et la façon de penser de ce ministre pour savoir que lui, quand il parle
de consultation, c'est déjà nous dire qu'il n'y en a pas eu,
qu'il n'en a pas voulu et vous savez ce qu'est le genre de consultation que
fait le ministre de l'Agriculture. Il administre comme autrefois, c'est un ou
deux coups de téléphone à sa guise, au gars, à la
personne qu'il veut bien consulter - pas n'importe qui, mais des amis du
régime ou autres - un coup de téléphone pour lui demander
qu'est-ce que tu penses si on faisait telle affaire? Et se préparer un
paquet de papillons dans toutes ses poches pour arriver en commission
parlementaire et essayer de plaire à tout le monde.
Vous savez ce que c'est des papillons? En langage parlementaire, ce sont
des amendements de sorte que si ça chiale trop d'un côté ou
il veut arriver à une contestation forte, on aurait un papillon pour
essayer d'en contenter un petit groupe. Si ce n'est pas cela, on va essayer de
garder le papillon dans nos poches. On en sortira un autre pour une autre
"game" ou un autre groupe.
C'est le genre de consultation qu'a fait le ministre. Le ministre n'a
pas pensé de faire une consultation en commission parlementaire devant
les élus du peuple. C'est compréhensible parce que, vous savez,
j'ai entendu le ministre de l'Agriculture, faire certaines remarques sur la
commission parlementaire itinérante avec les nouvelles règles de
la Chambre. Vous savez, les commentaires qu'il faisait au sujet de notre
commission agricole qui est composée, en majorité, des gens de sa
"gang", des gens de son clan, des gens de son groupe, les péquistes.
Vous savez, ce n'est pas surprenant avec le mépris qu'ils peuvent avoir
de nos institutions, ce n'est pas surprenant qu'il ait écarté
rapidement et facilement du revers de la main une consultation en commission
parlementaire. Ce n'est pas dans le style habituel du ministre d'être un
démocrate à outrance. Ce n'est pas dans le style habituel du
ministre d'être un gars qui consulte et qui écoute et qui se
laisse persuader. C'est plutôt le genre de ministre - on l'a
déjà vu dans la fin de session - qui aime que son chef et ses
collègues et tout le monde se mettent à quatre pattes devant
lui.
Là, il est grand parce que les autres sont à genoux. C'est
bien évident qu'il a discarté du revers de la main en commission
parlementaire d'entendre les organismes. Il a fait quelques
téléphones. Je ne le nierai pas. D'ailleurs, je ne peux pas, je
ne pourrais pas non plus ni le nier ni le corroborer, il a sûrement fait
quelques téléphones, mais je sais, pour avoir discuté avec
des gens du monde de l'agriculture, du syndicalisme agricole, je sais qu'eux
ont exigé une commission parlementaire, ont demandé une
commission parlementaire et se sont fait simplement ridiculiser par le champion
de la démocratie qu'est le ministre de l'Agriculture.
C'est-à-dire qu'il n'y a que lui qui pense comme il faut. Il y a la
Chambre des notaires aussi qui aurait aimé être consultée -
pas deux jours avant de déposer le projet de loi - sur ce projet. On
aurait pu entendre en commission parlementaire. On pouvait facilement consacrer
une journée à entendre cet organisme. Il y a l'Union des
municipalités du Québec, les MRC, l'Union des MRC, il y a les
municipalités du Québec qui auraient aussi aimé être
consultées, pouvoir venir dire exactement ce qu'ils pensent de ce projet
de loi. Mais non, le champion de la consultation qu'est le ministre de
l'Agriculture, c'est-à-dire celui qui décide de tout et qui veut
tout régler et réglementer par décret le champion ministre
de l'Agriculture, le "faiseux" de miracles comme il s'appelle si bien, vous
savez, il a préféré ne pas se soucier des intervenants
dignes de foi, des intervenants crédibles comme l'Union des producteurs
agricoles, la Chambre des notaires, les municipalités au Québec,
il n'a pas daigné se rendre à cette demande. C'est pour cela
qu'on en arrive à un projet de loi semblable. Je vous dirai que la
majorité des gens ne sont pas en parfaite harmonie avec les
décisions que nous propose le ministre de l'Agriculture. (17 h 30)
Vous savez, l'Union des producteurs agricoles du Québec, qui est
quand même un organisme fort responsable avec des gens sérieux
à sa tête, autant du côté des
fédérations que du côté de la
confédération et tout cela, tous des gens sérieux, qui
connaissent le territoire agricole du Québec autrement que le ministre
de l'Agriculture, l'Union des producteurs agricoles au Québec
s'inquiète quelque peu de certaines dispositions. On dit à juste
titre qu'en donnant peut-être plus de latitude aux municipalités,
aux ministères ou aux autres organismes publics, il peut y avoir
là en fin
de compte un abus. Ils ont le droit de s'interroger là-dessus.
Cela ne veut pas dire qu'ils ont raison de penser que cela peut arriver comme
cela, mais ils ont raison de s'interroger. Ce n'est pas quand le mal est fait
qu'il faut courir, qu'il faut crier et qu'il faut demander au ministre de
modifier certaines choses.
On sait jusqu'à quel point le ministre a la tête dure, M.
le Président. Cela va prendre évidemment un bon bout de temps
avant qu'il en vienne à modifier certaines choses, même s'il
réalise qu'il s'est trompé. Un gars comme cela qui fait des
miracles économiques en 1985 avec le nombre de faillites qu'il y a dans
le domaine de l'agriculture, un gars qui fait des miracles -vous le savez - ne
change pas d'idée parce que, évidemment, c'est le summum. Notre
faiseux de miracles québécois! Je dis que l'Union des producteurs
agricoles aurait pu savoir du ministre de l'Agriculture, en allant lui
tortiller les tripes, en allant lui brasser les osselets, comme on dit en
québécois, quelle idée il y a en dessous de cela afin de
rassurer à la fois le monde agricole et probablement aussi les
municipalités et de bien déterminer qui fait quoi, quel
rôle elle doit jouer. Mais le ministre de l'Agriculture s'est
organisé pour ne pas la consulter, pour ne pas l'écouter. C'est
un organisme crédible.
Les dangers d'abus que peut entraîner la révision
périodique des zones agricoles, peut-être qu'il n'y a rien de
sorcier là-dedans, de vérifier occasionnellement,
périodiquement, les zones agricoles dans les municipalités. Qu'on
se questionne à nouveau là-dessus, ce n'est pas grave, qu'on
essaie d'améliorer des situations, ce n'est pas grave, mais ce qu'on ne
sait pas du ministre, c'est quels pouvoirs auront les municipalités ou
quelle sera leur influence si elles n'ont pas de pouvoirs. Je
répète que si elles n'ont pas de pouvoirs, quelle influence
auront-elles auprès de la CPTA pour faire accepter des
modifications?
L'Union des producteurs agricoles aurait droit de connaître
quelles sont les vraies intentions, et, pour le savoir, ce n'est pas les
élus du peuple qui vont questionner le ministre de l'Agriculture, parce
que lorsqu'il agit ici en bouffon à certains égards, dans
certaines discussions, il est pareil en commission parlementaire, il n'est pas
différent; il est aussi drôle et ridicule. Il est aussi loufoque
en commission parlementaire. Quand on lui pose une question à laquelle
il ne veut pas répondre, il s'amuse, il rit, il fait le drôle et
il ne s'occupe pas des parlementaires, mais peut-être que s'il y avait eu
des questions de l'Union des producteurs agricoles en commission parlementaire,
cela l'aurait aidé à se baliser et à être un peu
moins comique et à être un peu plus rigoureux dans ses arguments.
Peut- être qu'on aurait pu savoir du ministre de l'Agriculture ce que
cela voulait dire de réviser périodiquement des zones
agricoles.
Si je dis cela pour l'UPA, c'est aussi vrai, M. le Président,
pour l'Union des municipalités du Québec ou pour les MRC. C'est
aussi vrai de ce côté-là. Parce qu'elles non plus, ne vous
en déplaise, ne sont pas en parfaite harmonie avec le projet de loi que
nous sommes en train d'étudier. Ces gens ne savent pas exactement quels
droits ils vont avoir, s'ils vont avoir des droits ou s'ils n'en auront pas,
quelle sorte d'influence ils peuvent avoir, ce que cela va changer en fin de
compte. Il y a un paquet de récriminations qu'ils aimeraient faire
connaître au législateur et à la CPTA, mais vous savez,
pour pénétrer la CPTA, c'est toute une histoire. Ce n'est pas
n'importe qui qui peut parler à Sa Majesté Pierre-Luc Blain, le
président de la CPTA. Un instant! Même les députés
n'ont pas l'autorisation d'écrire à Sa Majesté Pierre-Luc
1er. Ce n'est pas n'importe qui, à l'intérieur de la CPTA, qui
peut s'adresser à l'honorable président. Ben voyons! Allons donc!
On ne parle pas à n'importe qui quand on siège si haut, sauf que
quand on tombe, on se fait beaucoup mal quand on est si haut. Et arrivera une
journée où certaines de ces personnes vont dégringoler et
cela va être dangereux. Il y aura des fractures du crâne si jamais
il y a lieu d'en avoir dans certains cas. Il y aura des fractures du
crâne. Mais peut-être qu'en commission parlementaire, si on avait
pu discuter et avoir la CPTA et pour une fois, être capables de
questionner M. Pierre-Luc Blain, on aurait eu des surprises et peut-être
bien qu'on aurait su exactement tout ce qui se passe dans cette sainte
boîte.
La Chambre des notaires, M. le Président, aurait eu des
recommandations à nous faire. Ce sont eux qui passent les contrats. Ce
sont eux qui procèdent à l'enregistrement des contrats. Ce sont
eux qui ont les difficultés inhérentes à l'application de
cette loi, souventefois critiquée, non pas pour le plaisir de critiquer
par la Chambre des notaires, mais tout simplement pour le plaisir d'essayer
d'améliorer ou de bonifier un projet de loi qui, à certains
égards, cause un paquet de soucis, pas uniquement à la Chambre
des notaires et au notaire consultant ou au notaire qui officie, mais à
la clientèle qui est forcément des agriculteurs et d'autres.
Peut-être que la Chambre des notaires aurait pu essayer de mettre un peu
de matière grise dans la cervelle du ministre de l'Agriculture à
certains égards et dans ce projet de loi qui est déjà
à l'usure et qu'on utilise depuis déjà 1978. Il y a
peut-être des choses à corriger.
Le ministre de l'Agriculture, notre gars qui a fait le miracle
économique agricole au
Québec et dans le monde entier, la révolution miraculeuse
de l'agriculture, l'honorable ministre, M. Garon, le député de
Lévis - je m'excuse, M. le Président - il sait tout, il n'a pas
besoin d'écouter ces gens et il n'a pas besoin d'avoir de sages conseils
de la part des organismes oeuvrant dans ce domaine. Si le ministre de
l'Agriculture avait écouté, il aurait su que le droit de
révision qu'il tente de faire accroire qu'il va donner, le droit d'appel
- il tente de nous dire qu'il va exister maintenant - il aurait su que tout le
monde dans le milieu agricole, tout le monde au Québec se rend compte
que c'est un "frame up" de la pire espèce. C'est leurrer la population
que de créer cette commission d'appel et moi, il faut que je vous en
parle, parce que c'est trop drôle. Vous savez ce qui se passe? Je pense
que je vais prendre quelques minutes, M. le Président. Vous êtes
issu d'un comté urbain et je pense que c'est important que vous sachiez
cela.
M. le Président, quand quelqu'un au Québec, un
Québécois, fait une demande à la Commission de protection
du territoire agricole, après des mois d'attente, après des
semaines, on lui donne un accusé de réception probablement parce
qu'il faut avoir l'autorisation de M. Pierre-Luc Blain pour l'envoyer. Alors,
c'est pour cela que cela prend un peu plus de temps. Ce n'est pas n'importe qui
qui peut écrire dans cette boîte-là. Après quelques
semaines, cinq, six ou sept semaines, on donne un accusé de
réception. Après trois mois, on commence à lui dire qu'il
sera peut-être sur le rôle pour être entendu vers telle date.
Après cinq ou six mois, on lui dit que, peut-être, il faut
l'entendre. (17 h 40)
Après tout ce délai, il arrive qu'on porte un jugement. Si
le jugement n'est pas satisfaisant pour celui qui a fait une demande à
la CPTA, imaginez... Vous saviez quel recours avait ce citoyen? Il fallait
qu'il demande à la CPTA, c'est-à-dire à M. Luc Blain et
compagnie, de réviser ou qu'il lui dise, par la voie d'un notaire ou
d'un professionnel, pourquoi on devait réviser, en ajoutant des
éléments nouveaux, des faits nouveaux au dossier, et il fallait
retourner en appel devant la même instance. C'étaient les
mêmes personnes qui allaient décider si, effectivement, elles
s'étaient trompées la première fois qu'elles avaient
jugé ou si elles ne s'étaient pas trompées. On ne demande
pas cela à des gars comme cela de dire publiquement qu'ils se sont
trompés. Mais ces gens-là ne se trompent pas. Vous les connaissez
comme moi. Ils ne se trompent pas, surtout ceux qui sont dans la tour d'ivoire,
en haut; ils ne peuvent pas se tromper. Ils sont un peu à l'image du
ministre. Ils sont miraculeux, eux aussi. Ils sentent le baume. C'est un droit
d'appel qui n'existait pas, à toutes fins utiles, et au ministre de
l'Agriculture, on l'a dit des dizaines et des dizaines de fois. Moi, comme
député de Maskinongé, je lui ai dit: Cela n'a pas de bon
sens, ton droit d'appel; cela n'a pas d'allure. Il faut que tu permettes aux
gens d'avoir un vrai droit d'appel devant une autre instance. Alors, le
ministre crée maintenant ce qu'il appelle un vrai droit d'appel,
c'est-à-dire que: les gens vont se réadresser à la
même commission, dit-il, mais ce ne seront pas ceux qui ont entendu la
première cause qui vont entendre l'appel. Autrement dit, les autres
commissaires qui siègent à la commission vont entendre l'appel,
j'imagine, après avoir consulté les deux autres qui ont rendu une
première décision pour leur demander: Pourquoi n'avez-vous pas
voulu donner cela? Éclairez-moi donc sur le dossier. Ils vont se faire
éclairer par ceux qui avaient la tête sous le tonneau quand ils
ont pris la décision. Imaginez! Le ministre essaie de nous faire croire
- le ministre aurait peut-être besoin qu'Hydro-Québec lui pose une
100 watts -qu'il a donné un vrai droit d'appel.
Je regrette, mais un droit d'appel, un droit de révision, c'est
tout simplement d'aller à une autre instance que celle à laquelle
on a fait appel quand on a eu un premier jugement. C'est aussi imbécile
comme raisonnement - malgré que ce ne sera pas la première fois
qu'on en voit de semblables par les gens d'en face - que si quelqu'un qui
n'était pas satisfait d'un jugement quand il est allé devant une
cour civile, soit la Cour supérieure ou la Cour provinciale, il
retournait devant le même juge pour faire appel du jugement, devant le
même "gang" ou devant la même cour. On ne fait pas cela dans les
tribunaux civils. Vous savez pourquoi? Parce qu'on veut qu'il y ait un souci de
justice.
On va faire croire aux gens qu'il y aura un soupçon de justice,
qu'il va y avoir de la justice en procédant de cette façon, en
faisant par en arrière ce qu'on ne veut pas faire par en avant, en
faisant de façon détournée ce qu'on faisait auparavant.
Bien, voyons donc! II n'y a que le ministre de l'Agriculture qui peut penser
à des choses semblables. Il n'y a que le ministre de l'Agriculture, qui
peut prétendre que la justice sera exercée pleinement, que le
citoyen sera bien jugé de cette façon.
Ce qui est encore pire, c'est que le ministre de l'Agriculture est
supposé avoir un doctorat en droit, c'est un avocat, il a fait un cours
de droit. Je commence à comprendre pourquoi il ne pratique pas. Je
commence à comprendre pourquoi il aime mieux être ici qu'à
l'Université Laval pour enseigner le droit. Si ce sont ses principes
élémentaires de justice, il est mieux d'avoir une bonne pension
quand les élections vont arriver parce que j'ai l'impression qu'il
ne
pourra pas retourner dans ce domaine facilement. Il n'aura pas beaucoup
de crédibilité.
Je vous dis à l'avance, M. le Président, qu'on ne laissera
pas passer ce droit d'appel, ce droit de révision facilement, en
commission parlementaire. Bien non, il y a trop de gens qui veulent avoir un
vrai droit d'appel. L'agriculteur veut un vrai droit d'appel pour être
sûr de ne pas avoir été lésé dans les
décisions. Les MRC, les municipalités désirent un vrai
droit d'appel. Tout le monde, en fait, veut un vrai droit d'appel. Je
dénonce avec la plus grande des vigueurs, avec toute la force dont je
suis capable cette façon du ministre de l'Agriculture d'essayer de nous
passer un papillon sur le droit d'appel qui n'en est pas un.
Le ministre nous a dit qu'il a consulté. Il nous a annoncé
tantôt qu'il apporterait un amendement. Oui. Bien sûr, cela a
été discuté au bout du bras avec le président de
l'Union des producteurs agricoles, M. Proulx, qui a fini par lui faire valoir,
avec beaucoup de raison, d'intelligence et d'acuité, qu'on ne pouvait
pas se permettre de laisser passer un organisme public sur un territoire sans
limiter les mètres. C'est pour cela qu'on a parlé tantôt de
20 mètres, à peu près 66 pieds de largeur. D'accord, il
fallait que ce soit amélioré. Quand on arrivait pour corriger une
courbe en milieu rural ou agricole, cela prenait des mois avant d'avoir
l'autorisation de la Commission de la protection du territoire agricole pour
enlever cette courbe où il y avait eu des dizaines de morts par
accident. C'est bien évident qu'en permettant qu'il y ait 20
mètres, on pourra à la fois installer un aqueduc, un
réseau d'égout, on pourra corriger une courbe meurtrière
sur les chemins publics de certaines municipalités sans devoir se mettre
à genoux et sans avoir à se prosterner devant Sa Majesté
Pierre-Luc, sans devoir non plus attendre des mois une décision qu'il
aurait été facile d'avoir à la demande, même au bout
de cinq minutes. C'était facile de leur dire: Oui, vous avez
l'autorisation parce que c'est du logique et c'est du bon sens. Mais du logique
et du bon sens cela ne trône pas sur le même siège que sa
majesté. C'est regrettable mais c'est cela malheureusement.
Vous savez, c'est drôle de voir comment sont les
événements. Quand le ministre de l'Agriculture a
déposé cette loi, il a dit que c'était pour la rendre plus
accessible et pour faire en sorte que ceux qui vont l'utiliser puissent avoir
accès à l'information de leur dossier en tout. Le ministre a
parlé de cela à un moment donné. C'est tellement
drôle, M. le Président, d'entendre ce que le ministre dit d'un
côté de la bouche et ce que ses acolytes... Quand je dis ses
acolytes, le président de la CPTA, c'est un ami. Le président de
la CPTA n'a pas été nommé là - vous en conviendrez
-parce qu'il était un ami de l'Opposition. Il faut connaître M. le
ministre de l'Agriculture pour savoir qu'il ne nomme pas d'amis de
l'Opposition. Il ne nomme que ses amis. Voyez comment ces gens parlent des deux
côtés de la bouche en même temps et le ministre de
l'Agriculture parle des deux côtés de la bouche en même
temps, lui aussi, souvent. C'est pour cela qu'il est drôle, parce qu'il
parle des deux côtés de la bouche en même temps. Au
même moment, M. Pierre-Luc Blain, le président de la CPTA, le 17
avril 1985, envoyait une directive à tout son personnel, sans exception,
pour dire: À l'avenir, vous ne donnez aucun renseignement sur les
dossiers. Que ce soit d'ordre juridique, que ce soit des renseignements sur le
dossier en général, vous ne donnez plus de renseignements sur le
dossier. Le ministre de l'Agriculture, ce grand valseur miraculeux arrive et,
de l'autre côté de la bouche, il dit: On fait ces amendements pour
donner plus d'accès à l'information dans les dossiers. Et quel
genre d'information? Est-ce que le ministre est capable de nous garantir qu'on
va donner toutes les informations, non pas une partie des informations?
Écoutez, je vais vous dire ceci: On va prendre une chance en
deuxième lecture. On va voter pour la loi en disant cependant à
l'honorable ministre de l'Agriculture qu'il devra nous convaincre, dans
l'étude article par article, qu'il va donner aux Québécois
une vraie commission d'appel, qu'il va rendre le processus décisionnel
plus transparent, qu'il y aura des précisions d'apportées sur le
contenu des dossiers servant à rendre une décision à la
commission, que toute ordonnance devra obligatoirement passer en Cour
supérieure avant d'être enregistrée, que la décision
finale du zonage appartiendra à un organisme ayant une compétence
en agriculture, qu'on permettra aux MRC et aux municipalités de parler,
de pouvoir dire quelque chose sur des zones agricoles. Oui, mais qu'on donne
des pouvoirs à l'Union des producteurs agricoles ou à un
organisme responsable qui est là pour protéger aussi les 5 000
000 à 6 000 000 d'acres cultivables de sol arable qui existent au
Québec. On va exiger ces garanties pour être bien certain qu'il
n'y a pas seulement le monde municipal.
On voudrait aussi, non pas quand le monde municipal a envoyé une
demande et que par la suite on en informe les instances, pouvoir faire
participer les instances agricoles à tout ça. Les gens de
l'agriculture, des MRC et des municipalités sont capables de se parler.
Ce n'est pas un combat de boxe. Ils sont capables de s'asseoir ensemble, de
discuter et de protéger les intérêts de tout le monde.
C'est possible d'avoir une vraie table de
concertation et de vraies personnes qui se concertent.
M. le Président, j'aurais encore beaucoup d'autres choses
à dire, c'est bien évident. On utilisera le temps qu'il faut en
commission parlementaire pour le dire évidemment. J'espère que
l'honorable ministre de l'Agriculture oubliera pour un certain temps qu'il est
un faiseur de miracles comme il se vante si bien, qu'il va penser qu'il y a
d'autres personnes qui ont quelque chose à dire là-dessus et
qu'il acceptera que tout le monde ensemble bonifie le projet de loi. Comme je
n'ai pas pris tout mon temps, il me reste environ une dizaine de minutes; selon
l'entente prévue, ces dix minutes seront dévolues à mon
collègue de Huntingdon après l'heure du lunch. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le
député de Huntingdon, il vous reste effectivement huit minutes de
votre temps.
M. Dubois: Puis-je demander la suspension du débat?
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Nous
allons immédiatement suspendre le débat jusqu'à ce soir 20
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 54)
(Reprise à 20 h 1)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Veuillez prendre place. Nous allons poursuivre le
débat sur l'adoption du principe du projet de loi 55, Loi abrogeant la
Loi sur la société de développement__ Non. Je m'excuse,
cela a été changé. Nous en sommes à l'article 12,
le projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire
agricole.
Avant de donner la parole au député de Huntingdon, de
consentement, il y a huit minutes disponibles, de la part du
député de Maskinongé, plus les vingt minutes que vous avez
de façon normale, ce qui veut dire que vous avez vingt-huit minutes, M.
le député de Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: M. le Président, il me fait plaisir,
après environ sept ans, de revenir, ce soir, discuter de la Loi sur la
protection du territoire agricole. Cela me rappelle beaucoup de souvenirs, M.
le Président, parce qu'au mois de novembre 1978 je participais de
façon très intensive aux travaux, dans cette Chambre, à
l'étape de la deuxième lecture, à la commission
parlementaire qui a suivi et à l'étape de troisième
lecture où, M. le Président, je faisais part de mes
appréhensions et de plusieurs amendements au ministre de l'Agriculture.
Vous comprendrez que, ce soir, je ne pouvais être muet, face aux
propositions que nous amène le projet de loi 44.
Je me souviens très bien, M. le Président, de la multitude
d'amendements que j'ai proposés, à ce moment-là, en 1978,
lors de la commission parlementaire, au ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation pour bonifier le projet de loi 90, tel
qu'on l'appelait dans le temps. Vu l'arrogance traditionnelle - qui se
manifestait déjà - du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, il n'a reçu aucun de mes
amendements. Si je me souviens bien, cela se chiffrait à environ 80
amendements.
M. le Président, je faisais part au ministre, à cette
époque, de ce qui ne me semblait pas tout à fait sain dans
l'application d'une loi qui protège le territoire agricole. On apportait
des mesures qui étaient discriminatoires, à ce moment-là.
Le projet de loi 44 qu'on nous présente, ce soir, n'amène
à peu près pas de correctif aux éléments
inacceptables qui existaient dans la loi 90, en 1978. II y avait beaucoup
d'interrogations de la part de tous les intervenants du monde agricole, de la
part du monde municipal, de la part de la Chambre des notaires, de la part de
tous les intervenants intéressés dans le monde de l'agriculture.
Je me souviens très bien d'avoir suggéré certaines choses
même que le ministre actuellement nous apporte ce soir. Je pense que le
ministre n'a pas voulu faire un devoir cohérent dans le temps. Il essaie
aujourd'hui de le corriger par le projet de loi 44 mais c'est encore un devoir
mal fait, incomplet.
M. le Président, en 1978, j'avais mis le ministre en garde sur
plusieurs aspects que contenait la loi 90, plusieurs aspects où on
enlevait presque la possession de biens ou le droit de disposer de biens chez
les agriculteurs. Les correctifs que le ministre apporte aujourd'hui n'ont pas
encore tenu compte des points que je soulevais à ce moment.
Je me souviens très bien d'un discours de deuxième lecture
au mois de novembre 1978 et, pour la première fois depuis sept ans, je
l'ai relu aujourd'hui. Franchement, je dois vous dire que je me suis
retrouvé dans les propos puisque je pourrais répéter ce
soir et relire le même discours de deuxième lecture. Il serait
totalement approprié. J'avais soulevé une multitude de points
dont j'essaierai plus tard, si le temps me le permet, de vous faire part.
J'avais soulevé une multitude de points qui sont encore exacts, qui
correspondent encore à la réalité et qui correspondent
encore aux besoins des agriculteurs et aux besoins des intervenants du milieu
agricole.
Mes propos - et vous savez que c'est sans vantardise que je vais le
dire, je ne m'appelle pas le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation, je ne suis pas rempli de moi-même - mais je dois dire
que mes propos du temps étaient vrais, étaient clairvoyants en
plus puisque je pourrai vous soumettre, tout à l'heure, tous les points
que je soulevais à ce moment. Je dois dire que, en toute bonne foi,
j'espère que le ministre saura répondre, même si c'est un
peu tard, à certains points que je dois soulever encore ce soir.
J'aimerais formuler le voeu ou, en tout cas, inviter mes
collègues, les collègues intéressés à
l'agriculture en cette Chambre, à relire le discours que je livrais en
1978, le discours où je faisais part de toutes les inquiétudes du
monde agricole. Je les invite encore ce soir à le faire, sept ans
après. Je pense qu'ils constateront qu'à ce moment je soulevais
des points qui sont toujours pertinents encore aujourd'hui. Vous verrez
qu'à la lecture de ces propos, je ne charrie pas dans le sens où
le fait le ministre de l'Agriculture.
J'avais indiqué, en 1976, que toutes les mesures incluses dans le
projet de loi 90 visaient l'indépendance du Québec. Elles
visaient la mise en tutelle des terres agricoles, la mise en tutelle des
agriculteurs. En relisant le texte de 1978, où je faisais part au
ministre de cette inquiétude, je dois dire aujourd'hui que le ministre
est peut-être aussi indépendantiste qu'il l'était dans le
temps, mais qu'il a pris un virage fédéraliste temporaire, le
virage du "beau risque", comme on l'appelle. Il l'a fait pour des fins
politiques et partisanes. Cela, M. le Président, nous en sommes
assurés. Le ministre a toujours été un pur et vrai
indépendantiste, un des membres du premier ralliement
indépendantiste au Québec et je dois dire carrément qu'il
s'agit pour le ministre, actuellement, dans son beau risque et son beau
revirement fédéraliste, de pure hypocrisie. Si j'étais
lui, j'aurais honte.
Dans le projet de loi 44, le ministre reconnaît quelques erreurs
du passé, certaines petites erreurs du passé. Il en corrige
quelques-unes d'ailleurs d'une façon mitigée, mais il ne
réussit à satisfaire personne du milieu agricole. Il ne satisfait
pas les milieux ruraux. Il ne satisfait pas les agriculteurs. Il ne
réussit pas à satisfaire non plus nos élus municipaux. Il
ne satisfait pas la Chambre des notaires. Il ne satisfait personne. Son projet
de loi, c'est encore un devoir mal fait, mal écrit. C'est assez
difficile pour moi de souscrire au contenu du texte qu'il nous présente
ce soir.
Sans doute que le ministre aura à réviser ce projet de
loi. S'il y a des amendements qui nous amènent à y souscrire,
nous saurons le reconnaître. Mais à la lumière de ce qu'on
voit ici ce soir, de ce qu'on peut lire au texte du projet de loi, il n'y a pas
beaucoup d'éléments qui sont intéressants et qui nous
incitent à appuyer largement un tel projet de loi. De toute
façon, j'attends bien du ministre des indications à savoir qu'il
aura l'esprit plus ouvert, qu'il saura reconnaître les besoins des
agriculteurs, qu'il saura reconnaître les droits des agriculteurs, qu'il
saura respecter les droits et les propriétés des agriculteurs,
qu'il saura respecter les instances municipales sur le plan décisionnel.
J'espère que le ministre saura répondre à nos aspirations
lors de la discussion qu'on aura en commission parlementaire à
l'étude article par article. (20 h 10)
M. le Président, le ministre avait commencé à la
fin de 1976 et au début de 1977 à vouloir isoler les agriculteurs
du Québec, à les barricader. L'un des grands projets de loi
où il a réussi à le faire, c'est bien le projet de loi 90,
Loi sur la protection du territoire agricole. Il les a amenés
également à s'endetter massivement, c'est un cheminement qui
s'est poursuivi. La loi 90 amenait des restrictions aux agriculteurs:
l'obligation de demeurer définitivement sur leur ferme: ils n'avaient
pas d'autre choix. On leur a enlevé le droit de disposer de leurs biens,
alors il ne restait pour eux que de pouvoir cultiver leur sol. Dans ce
sens-là, le ministre a cru bon de les endetter à un point tel
qu'ils ne pouvaient faire autrement que de travailler encore plus fort pour
s'en sortir. Alors, les agriculteurs sont devenus les mandataires de
l'État du Québec que le ministre de l'Agriculture souhaitait. Il
fallait produire pour l'État. Il fallait presque donner sa terre
à l'État. C'est à peu près cela. Quand on n'a pas
le droit de faire autre chose ou de disposer d'un bien, c'est donner ses biens
à l'État. C'est ce qu'impliquait, à l'époque, le
projet de loi 90.
On a forcé, M. le Président, les agriculteurs à
produire massivement d'ailleurs, le ministre a fait état aujourd'hui
d'augmentation, d'auto-approvisionnement, d'augmentation dans les
céréales, d'augmentation dans la production de boeuf de
boucherie, d'augmentation dans d'autres cultures - mais ceux-ci avaient les
mains liées, ils n'avaient pas tellement de choix: c'était cela
ou crever. L'agriculteur n'avait pas d'autre choix que de produire pour pouvoir
payer des dettes massives dans lesquelles le ministre de l'Agriculture les
avait amenés.
M. le Président, c'est cela la situation actuelle. D'ailleurs, si
vous vous souvenez bien, il y a quelque temps, on a dû rencontrer
plusieurs intervenants du monde agricole quand on a étudié
l'endettement agricole, la relève agricole. C'est là qu'on a
constaté que l'augmentation de l'endettement
massif des producteurs agricoles du Québec dépassait
même le pourcentage ou le volume de production accru depuis huit ans.
Alors, on a endetté les producteurs agricoles plus qu'on ne les a fait
produire. Ce qui équivaut à forcer, par législation, les
producteurs à produire ou à crever. Dans ce sens, je ne peux
souscrire à ce genre de pressions exercées sur les agriculteurs
du Québec. Autrement dit, M. le Président, le ministre a
hypothéqué dangereusement l'agriculture à des fins
politiques et partisanes. On sait très bien que le ministre voyait un
Québec indépendant. Il s'attendait de l'avoir en 1981. Il
s'attendait à cela. Mais ce n'est pas cela. De plus en plus, les
producteurs agricoles du Québec sont Canadiens et
Québécois. Ils ne sont pas séparatistes. Ils ne veulent
plus produire pour un État. Ils veulent produire pour leur bien, la
collectivité et leur bien personnel. Il est évident que le
ministre de l'Agriculture a manqué son coup dans toutes ses politiques
visant à amener les agriculteurs du Québec à produire pour
l'État, à les encercler dans un Québec indépendant.
Malheureusement pour le ministre, mais heureusement pour nous,
Québécois et Canadiens, ce n'est pas arrivé.
M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, les
chiffres qui nous ont été soumis lors des séances sur le
financement agricole, l'endettement des agriculteurs et la relève
agricole, nous confirment très bien l'aventure dans laquelle le ministre
a poussé l'agriculture au Québec. Je pourrais dire - et je le
fais avec reproche au ministre - qu'il y a là grossière
indécence à l'endroit de tous les producteurs agricoles du
Québec. Je pense que tous souscrivent à l'augmentation de la
productivité, à l'augmentation de la production et à un
meilleur "auto-approvisionnement." Tout le monde souscrit à cela, mais
nous souscrivons à cela sans avoir les mains liées dans le dos,
sans être pris dans un endettement massif où on n'a pas le choix
de faire autrement. Dans ce sens, j'aimerais me porter à la
défense des agriculteurs du comté de Huntingdon.
S'il y a un groupe d'agriculteurs qui a été
pénalisé depuis quelques années par un ministre, ce sont
bien les agriculteurs du comté de Huntingdon. Premièrement, on a
laissé traîner les dossiers qui touchent le comté de
Huntingdon, et j'aimerais que le ministre puisse me dire autrement. On sait
très bien que le comté de Huntingdon est un des plus
développés sur le plan de l'horticulture, et, même s'il se
fait d'autres productions, que ce soit les céréales,
l'élevage ou l'industrie laitière, toutes les productions sont
représentées dans le comté de Huntingdon. Mais s'il y a un
comté qui a été délaissé au Québec,
à cause des politiques péquistes de Garon, c'est bien le
comté de Huntingdon qui est pénalisé. Je m'excuse d'avoir
dit Garon, M. le Président.
J'aurais dû dire le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation. Vous alliez me le rappeler, M. le Président, mais
c'était plus fort que moi. Je n'oserai peut-être pas le
répéter, mais j'aurais le goût de le répéter
encore.
S'il y a un comté qui a été pénalisé,
c'est bien le comté de Huntingdon. Pourtant, c'est un comté qui
est pourvoyeur de tout le Québec en matière de produits
horticoles. C'est un comté qui paie... Je dirais que c'est le
comté qui paie le plus d'impôts, le plus de taxes de tous les
comtés où il se fait de l'horticulture. Je pense que le ministre
ne dira pas le contraire. Mais s'il y a un comté qui a été
piraté par le ministre, c'est le comté de Huntingdon. Je
dénonce l'attitude du ministre de l'Agriculture, face aux agriculteurs
du comté et la façon dont ils ont été
pénalisés. Je crois qu'en toute honnêteté, en toute
décence et en toute équité, on ne doit pas
pénaliser un comté parce qu'il est dans l'Opposition. Le ministre
peut ne pas m'aimer et je peux bien ne pas l'aimer et ne pas le priser, mais ce
n'est pas une raison pour pénaliser les contribuables du comté de
Huntingdon. Je dénonce une attitude dans ce sens. Parce qu'un
comté n'est pas au pouvoir, il n'a pas droit à telle ou telle
chose.
Le ministre va me dire qu'il y a eu beaucoup de subventions dans le
comté de Huntingdon, c'est vrai. Mais il y en a eu dans des programmes
ou à des endroits où il n'avait pas le choix. Si on parle de
conservation de légumes, par exemple, il est bien sûr que c'est
là que les légumes sont produits. Le ministre n'avait d'autre
choix que de donner des subventions à ceux qui en faisaient la demande,
parce que le programme s'applique particulièrement au comté de
Huntingdon. Si on parle de refroidissement sous vide de la laitue, c'est bien
sûr, c'est là qu'elle est produite. Si on parle de refroidissement
sur glace, c'est encore là que la majorité des produits
horticoles sont produits. Le ministre n'avait d'autre choix que de souscrire
aux demandes des horticulteurs du comté de Huntingdon dans ces domaines.
Mais si on parle de réfection de cours d'eau, de creusage de cours
d'eau, d'assainissement des sols, s'il y a un comté
délaissé par le ministre de l'Agriculture, au Québec qui
laisse traîner des papiers sur son bureau, qui ne veut même pas
souscrire aux demandes du comté de Huntingdon, c'est malheureux mais ce
sont les concitoyens que je défends ici en cette Chambre qui sont
pénalisés.
Je devais, dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, soulever
ce fait et indiquer au ministre qu'on ne peut accepter cette attitude. Quand on
parle de zonage agricole, quand on parle de protection du territoire agricole,
on parle aussi d'économie agricole. Au sens économique, je ne
peux tolérer que
les concitoyens que je dois défendre ici soient
pénalisés, parce que moi, je suis membre de l'Opposition. Je
pense que le ministre aurait intérêt à refaire ses
études dans ce sens, à être moins arrogant, plus
tolérant. De la tolérance, c'est ce dont on a besoin. C'est
très malheureux. Je dénonce cette situation et je fais part au
ministre que nous ne pouvons accepter d'aucune façon cette attitude
antiproductive. Le comté de Huntingdon, comme je l'ai dit tout à
l'heure, paie des taxes et des impôts comme tout le monde et grassement.
Sur le plan de la création d'emplois et de l'exportation, il n'y a pas
de comté qui rivalise avec le comté de Huntingdon. Des fermes
horticoles avec 50 ou 60 employés, c'est courant. Des fermes qui
exportent massivement aux États-Unis, du milieu de l'été
à l'automne tard et même presque toute la saison, c'est dans
Huntingdon que cela se fait. Dans ce sens, nous méritons d'être au
moins reçus au même titre que les autres comtés du
Québec qui ont des députés au pouvoir. Je dénonce
l'attitude du ministre, encore une fois. (20 h 20)
Après avoir dénoncé l'irresponsabilité et
l'intolérance du ministre, de même que sa petite partisanerie dans
les dossiers de Huntingdon, je me dis qu'il reste une chose, un qualificatif
à ajouter: l'incompétence. Pour agir ainsi, il faut être
incompétent et Huntingdon mérite mieux que cela. Je peux vous
dire en toute franchise que les électeurs de Huntingdon ont hâte
d'un changement. Cela s'en vient vite, je pense que vous en êtes
conscient, M. le Président, comme tous le sont. Tout ce que veulent les
électeurs de Huntingdon, c'est de voir le ministre de l'Agriculture
disparaître. Ce sera pour bientôt, je l'espère, pour autant
que le gouvernement actuel voudra bien décréter une
élection. C'est ce que tous souhaitent; tous les Québécois
le souhaitent, environ 80 %, en tout cas.
M. le Président, j'aimerais souligner les points du projet de loi
que je mentionnais en 1978. Je pense que vous allez pouvoir constater que tout
ce que je dénonçais sur la loi 90 en 1978 pourrait être
répété mot à mot aujourd'hui. Ces propos
correspondent aux interrogations et aux besoins des agriculteurs, aux besoins
des conseils municipaux, aux besoins des intervenants du monde agricole. Tout
ce que j'ai pu dire en deuxième lecture, comme toutes les suggestions
que j'ai pu faire au moment de l'étude article par article du projet de
loi 90, pourrait être répété aujourd'hui, si on
apportait des amendements majeurs correspondant aux aspirations des producteurs
et des agriculteurs du Québec. Je ne vous en énumère que
quelques-uns, M. le Président.
Je vous réfère au Journal des débats de
l'Assemblée nationale du 16 novembre 1978, de la page 3792 à la
page 3797. Je disais à ce moment-là: "Nous sommes d'accord que
nos meilleurs sols de classe A-1 puissent conserver un statut
irréversible de pourvoyeur en produits alimentaires pour et au
bénéfice de tous les Québécois. Aujourd'hui, nous
avons devant nous un projet de loi à la fois irrespectueux dans certains
domaines, discutable dans sa formulation -c'est toujours vrai - contradictoire
sur certains points et imprécis sur d'autres, en plus de ne pas
être complet et de ne pas apporter des solutions globales."
M. le Président, on n'a jamais eu de solutions globales avec le
projet de loi 90. Vous connaissez le méli-mélo dans lequel on se
retrouve depuis huit ans et dans lequel se retrouvent les propriétaires
de ferme dans les zones vertes.
Je poursuis, M. le Président. J'indiquais à ce
moment-là: "Un projet de loi de cette nature visant le respect des sols
fertiles devrait et doit s'inscrire dans un plan global d'utilisation et
d'aménagement du territoire." Le plan global qu'on devait nous soumettre
à ce moment vous vous souvenez très bien, M. le Président,
que le ministre de l'Aménagement aurait dû être responsable
de ce projet de loi. Il n'était même pas présent dans le
dossier, on n'a même pas pu l'avoir en commission parlementaire. À
ce moment-là, j'ai fait part au ministre de l'Agriculture que ce projet
de loi devrait être soumis en Chambre par le ministre responsable de
l'Aménagement. D'ailleurs, on se trouve dans la même situation
aujourd'hui. Le ministre apporte des amendements à la loi 90 de 1978 et
le ministre responsable de l'Aménagement du territoire n'est même
pas présent dans le dossier. On est poigné avec la même
situation depuis huit ans où le vrai ministre qui doit voir à
l'utilisation des sols dans le grand programme d'aménagement n'est pas
là.
Comment peut-on faire un devoir cohérent, qui tienne debout, qui
respecte tous les intervenants quand le ministre responsable de
l'Aménagement n'est pas dans le dossier? C'est avec ça qu'on se
retrouve aujourd'hui et encore une fois, je dénonce l'attitude du
ministre de l'Agriculture.
J'indiquais que c'est notre volonté première, de ce
côté-ci de la Chambre, que la protection du territoire agricole
s'inscrive dans un grand plan global d'aménagement et d'utilisation du
territoire. Le ministre responsable de l'Aménagement est toujours absent
du zonage agricole.
Je poursuivais, M. le Président. "L'élaboration d'un guide
d'aménagement et d'utilisation du territoire se fait donc attendre."
C'est vrai. En 1978, ça se faisait attendre et ça se fait
attendre encore aujourd'hui. "Malgré toutes les pressions
exercées de part et d'autre par différents groupements le manque
d'une planification globale de nos futures infrastructures n'aide
en rien le développement économique dont le Québec
souffre énormément en ce moment." Le Québec souffrait de
développement économique dans le temps et il en souffre encore
davantage aujourd'hui. Je pense que tous le constatent.
J'insistais de plus sur le fait que "le projet de loi aurait dû
s'intituler loi favorisant l'aménagement et l'utilisation rationnelle du
territoire agricole." Je serais prêt à tenir les mêmes
propos aujourd'hui parce que c'est de cette façon-là que le
projet de loi aurait dû s'intituler.
Si on parle d'aménagement du territoire et je pense que les
ministres responsables, soit de l'Agriculture, soit de l'Aménagement,
parlent toujours d'aménagement du territoire... On aménage un
territoire pour fins agricoles et un territoire pour fins d'urbanisation ou
autres. Encore une fois, je dénonce l'attitude du ministre responsable
de l'Aménagement de ne pas être dans le dossier. Les mêmes
propos que je tenais en 1978 sont toujours cohérents, c'est pour
ça que je vous disais tout à l'heure qu'il n'y a pas eu de
changements depuis 1978. On s'est entêté à ce que le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation soit le
ministre responsable de l'Aménagement du territoire agricole. Voyez, M.
le Président, la cohérence qu'a ce gouvernement-là.
Je parlais à ce moment-là de la commission de
contrôle. Je disais: "Pour ce qui a trait à la commission de
contrôle que je qualifie de désignation déguisée
pour, en fait, ne pas avoir voulu l'appeler régie d'État..."
C'est à peu près une régie d'État, on connaît
les pouvoirs que la commission de contrôle a sur les dossiers qui
traitent d'aménagement du territoire en milieu agricole.
Le ministre apporte certains correctifs ou il donne un certain droit
d'appel devant une commission autre que celle qui porte le premier jugement. Ce
n'est pas encore une cour provinciale ni une cour d'appel; c'est une commission
désignée par le ministre. Ce ne sont peut-être pas les
mêmes personnes qui portent un premier jugement sur le dossier. Encore
une fois, on ne peut pas avoir, comme on l'aurait dans tout autre domaine au
Québec, un droit d'appel à la Cour provinciale ou devant une
autre cour civile.
M. le Président, je ne peux pas accepter que le ministre offre un
petit bonbon aux agriculteurs. Vous allez avoir un petit droit d'appel qui va
être devant une autre commission qui n'aura pas été juge et
partie en première instance, c'est à peu près ce qu'on
nous propose. D'ailleurs, je pense que tous ceux qui sont
intéressés à la cause auraient pu voir les documents. Que
ce soit l'UPA, les MRC, les municipalités ou la Chambre des notaires,
personne n'est heureux de cette loi. Elle ne répond en rien aux demandes
exprimées depuis très longtemps par les gens
intéressés au développement de l'agriculture et à
l'aménagement du territoire.
M. le Président, si vous me permettez, je vais poursuivre, je
vois que le temps avance rapidement. Je parlais de la participation des
conseils municipaux, à l'époque. À ce moment-là, le
ministre a eu l'audace d'indiquer qu'il y aurait une participation active des
conseils municipaux dans les décisions. Vous avez pu voir et constater
que, depuis huit ans, il n'y a pas un conseil municipal qui a pu avoir un mot
à dire. J'indiquais, dans le temps, que les conseils municipaux seraient
relégués au poste de porteurs de documents. C'est ce qu'ils ont
été depuis huit ans: porteurs de documents, dans le cadre de
demandes formulées à la Commission de protection du territoire
agricole. En 1978, M. le Président, on a eu l'audace de confier aux
conseils municipaux le privilège de porter des documents mais non le
privilège de prendre des décisions. Encore aujourd'hui, on leur
demande peut-être leur opinion sur papier mais la Commission de
protection du territoire agricole, c'est encore elle qui a totale juridiction.
On essaie, par le biais d'un petit mot inscrit au projet de loi 44, de nous
faire croire que les conseils municipaux ou les MRC auront des
prérogatives plus grandes qu'avant: c'est faux, totalement faux, M. le
Président.
Je soulevais le cas des longueurs administratives, à cette
époque. Vous savez très bien aujourd'hui combien cela prend de
temps pour que la commission porte un jugement sur une demande d'autorisation
ou d'exclusion. M. le Président, à ce moment-là, je disais
que, tel que cela est conçu dans le document que nous étudions,
c'est-à-dire la loi 90, la commission serait, en pratique, inapte
à rendre un verdict dans un laps de temps raisonnable. J'indiquais cela
en 1978 et vous voyez bien, M. le Président, que c'est encore pertinent
aujourd'hui. Un laps de temps raisonnable, nous n'en avons pas eu depuis 1978.
Je l'indiquais au ministre en 1978; cela n'a pas été
corrigé et cela ne l'est pas plus aujourd'hui.
Je parlais de la participation des gens du milieu ainsi que de plusieurs
sujets, à ce moment-là. Si je relevais tous les propos du
discours de deuxième lecture du 16 novembre 1978, vous seriez
renversé de voir que tous les problèmes qui existent aujourd'hui
dans la Loi 90, la Loi sur la protection du territoire agricole, ont
été soulevés dans ce discours. J'invite le ministre
à le relire puisque je suis en droit de faire valoir des arguments sur
des problèmes que j'ai soulevés et dénoncés en 1978
et que je dénonce encore aujourd'hui, parce qu'ils ne sont pas
corrigés par la loi 44.
Je faisais des suggestions, M. le
Président, à ce moment-là. En 1978, je demandais au
ministre la disparition des droits successoraux. C'est arrivé il n'y a
pas longtemps. Remarquez bien que cela fait huit ans que j'ai demandé
cela, M. le Président. (20 h 30)
J'ai demandé un droit d'appel juste et équitable. On ne
l'a pas encore. On nous en donne un petit. Je disais que ce projet de loi
n'apporte pas de droit d'appel à aucun agriculteur, aucun intervenant.
Là, on lui donne une deuxième instance qui n'est même pas
un droit d'appel vrai et équitable puisque ce sont encore des gens de la
commission qui vont juger de la première décision.
J'ajoutais au ministre à ce moment la nécessité
d'apporter des mesures incitatrices. C'est bien beau de zoner des terres mais
pour cela il faut s'assurer que les agriculteurs puissent vivre sur leur ferme.
Tout ce qui est arrivé depuis huit ans a été un
endettement massif. On n'a pas aidé les agriculteurs à vivre sur
leur ferme. On a gelé leur sol, on leur a enlevé le pouvoir de
disposer de leurs biens et on n'a rien donné aux agriculteurs, comme
incitatifs, à produire et à vivre convenablement sur leur
ferme.
Je ne peux que dénoncer l'attitude du ministre une autre fois. Je
la dénonce depuis 1978 dans sa loi 90 et j'ai continué depuis ce
temps. La loi 44 ne corrige absolument rien, n'apporte rien pour les
agriculteurs. Tout ce que je peux faire c'est, encore une fois, demander au
ministre de bien vouloir nous écouter, de prendre nos recommandations et
de les inscrire dans le projet de loi. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Affaires municipales.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, je suis heureux d'intervenir
après le député de Huntingdon puisqu'il a
précisément évoqué le ministre de
l'Aménagement et que, comme ministre des Affaires municipales, je suis
responsable de la loi 125, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme que
le gouvernement du Québec a adoptée en 1979.
Il faut bien dire pour comprendre que l'aspect que je voudrais aborder
n'est pas l'ensemble de la loi 44 qui est déposée et qui a pour
but d'améliorer la loi 90, la Loi sur la protection du territoire
agricole. Je voudrais aborder spécifiquement les aspects qui concernent
le monde municipal. Il faut se souvenir que le gouvernement du Québec a
décidé que, en 1978, il établissait comme priorité
gouvernementale la protection du territoire agricole. C'est ainsi que,
dès 1978, nous avons adopté une Loi sur la protection du
territoire agricole qui définissait des zones agricoles dès le
point de départ et, par la suite, il y a eu des négociations
entre la Commission de protection du territoire agricole et chacune des
municipalités du Québec pour définir une zone de
protection du territoire agricole, une zone définitive ou presque de
protection du territoire agricole.
Une année plus tard, le même gouvernement, notre
gouvernement adoptait une Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la loi
125 - en 1979 - qui avait pour but de confier aux municipalités du
Québec regroupées dans les municipalités régionales
de comté une responsabilité face à l'aménagement du
territoire parce que ce que nous avions constaté au fil des
années c'est qu'un aménagement irrationnel du territoire, non
planifié du territoire, était très coûteux, à
la fois pour le gouvernement et pour nos concitoyens et qu'il était
important de confier à des élus, non à des fonctionnaires
mais vraiment à des élus, le pouvoir de déterminer
l'aménagement du territoire. Nous décidions que cet
aménagement du territoire était la responsabilité
principale des maires des municipalités du Québec
regroupées dans des municipalités régionales de
comté. Évidemment, sous certains aspects, dans une
coresponsabilité avec le gouvernement du Québec. Alors
qu'auparavant cette responsabilité était complètement
diffuse, en partie pour le gouvernement, en partie pour les
municipalités, nous décidions d'encadrer la responsabilité
de l'aménagement du territoire.
Il s'est écrit beaucoup de textes, beaucoup de discours, de 1978
à aujourd'hui, sur la nécessaire harmonisation entre la loi 90
sur la protection du territoire agricole et la loi 125 sur l'aménagement
du territoire. D'ailleurs, dès que j'ai été nommé
ministre des Affaires municipales, dans mes premières rencontres de
consultation avec le monde municipal on m'a fait part qu'une des
priorités que je devrais avoir c'était l'harmonisation entre la
loi 90 et la loi 125. C'est ce à quoi je me suis employé dans les
récents mois. C'est ainsi que le ministre de l'Agriculture est venu
rencontrer la table Québec-municipalités qui regroupe l'Union des
municipalités du Québec, l'Union des municipalités
régionales de comté ainsi que le ministre des Affaires
municipales. Il est venu les rencontrer pendant plusieurs heures pour discuter
de différentes façons d'harmoniser la loi 90 et la loi 125.
Certains bureaucrates ou technocrates auraient rêvé d'un
troisième organisme, je dirais, qui aurait été au-dessus
de la loi 90 et de la loi 125 pour harmoniser ces deux lois. D'autres ont
inventé toutes sortes d'hypothèses sur la façon
d'harmoniser la loi 90, Loi sur la protection du territoire agricole, et la loi
125, Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
Dans les discussions que j'ai eues avec mon collègue de
l'Agriculture, notre objectif était de trouver une formule simple qui
n'ajouterait pas un autre élément bureaucratique, mais
reconnaîtrait de façon
très claire la responsabilité des municipalités
régionales de comté quant à l'aménagement du
territoire. C'est ainsi que la formule qui est présentée dans la
loi 44, que nous étudions actuellement à l'Assemblée
nationale propose à l'Assemblée nationale, de faire en sorte
qu'à l'avenir les municipalités régionales de
comté, lorsqu'elles feront leur premier schéma
d'aménagement, ce qu'elles seront en train de faire d'ici le 31
décembre 1986, ou lorsqu'elles feront la révision de leur
schéma d'aménagement, au minimum à tous les cinq ans,
puissent demander à la Commission de protection du territoire agricole
de réviser la zone agricole sur leur territoire. Je crois que c'est
ainsi reconnaître de façon très claire, de façon
explicite, qu'entre 1978, année où a été
adoptée la Loi sur la protection du territoire agricole, et aujourd'hui
a été mise en place une nouvelle institution politique au
Québec, un nouvel organisme très important, les
municipalités régionales de comté. Ce que nous proposons
à cette Assemblée nationale dans le cadre de la loi 44, c'est de
reconnaître un rôle important aux municipalités
régionales de comté dans la révision de la zone de
protection agricole à différentes époques des
années qui s'écoulent, principalement au moment de la
préparation du schéma d'aménagement, ce qui sera fait
d'ici le 31 décembre 1986 pour l'ensemble des municipalités
régionales de comté, et par la suite à tous les cinq
ans.
Si j'ai bien compris les revendications du monde municipal, je crois que
ce que nous proposons satisfait à son exigence essentielle qui
était de reconnaître les municipalités régionales de
comté au-delà et en sus des municipalités
elles-mêmes comme responsables de l'aménagement du territoire, de
l'urbanisme et du zonage. Je crois que dans ces négociations qui
pourront s'entreprendre entre la Commission de protection du territoire
agricole et les municipalités régionales de comté, nous
reconnaissons ainsi pour l'avenir le rôle fondamental, face à
l'aménagement du territoire, que nous avons décidé
collectivement ici en 1979 de confier aux municipalités
régionales de comté. Mais, davantage, l'aménagement du
territoire est une responsabilité des élus. On le sait, en 1968,
en 1972, en 1975, il y a eu divers projets au Québec de formulés,
même des projets de loi visant à organiser l'aménagement du
territoire, mais à chaque fois on proposait de confier
l'aménagement du territoire à la fonction publique.
On proposait de faire des grands schémas d'aménagement
pour les territoires, pour les régions administratives. Ces
schémas d'aménagement auraient été
préparés fondamentalement par la fonction publique. Le choix que
le gouvernement du Québec a fait en 1979, c'est de dire que
l'aménagement du territoire était une responsabilité
d'élus municipaux. C'est cela que nous retrouvons fondamentalement dans
le projet de loi 44. Nous disons: Les municipalités régionales de
comté vont discuter avec un intermédiaire, la Commission de
protection du territoire agricole. Si elles s'entendent sur la zone agricole,
cette entente sera ratifiée par le Conseil des ministres. S'il y a
désaccord, à ce moment, la Commission de protection du territoire
agricole du Québec présentera une hypothèse au Conseil des
ministres qui pourra être acceptée ou refusée. (20 h
40)
Si nous sauvegardons les principes essentiels de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, la loi 125, à savoir que
l'aménagement du territoire est d'abord une responsabilité
d'élus puisque, à la suite des négociations entre la
Commission de protection du territoire agricole du Québec et la
municipalité régionale de comté, ce sera finalement le
Conseil des ministres du Québec qui entérinera l'entente ou une
proposition faite par la Commission de protection du territoire agricole.
Ainsi, nous respectons fondamentalement l'esprit développé dans
le cadre de la loi 125.
Ce projet de loi 44 touche le monde municipal à trois autres
titres. En plus de la préparation et de la révision des
schémas d'aménagement et de la zone de protection agricole, elle
touche les municipalités à un deuxième titre, en ce sens
que les municipalités à l'avenir, lorsqu'elles auront à
donner leur avis à la Commission de protection du territoire agricole
sur une demande de dézonage ou une demande d'utilisation à
d'autres fins que des fins agricoles d'un territoire zoné vert, au lieu
de dire simplement: "Nous approuvons la demande ou nous la rejetons ou nous ne
sommes pas d'accord avec la demande d'un citoyen ou d'une corporation", devront
indiquer les motifs pour lesquels elles favorisent ou refusent cette demande en
tenant compte des critères invoqués dans la Loi sur la protection
du territoire agricole. C'est une façon de responsabiliser le monde
municipal qui a à donner son avis sur des demandes qui sont faites par
les citoyens. À l'avenir, un conseil municipal aura à dire: Voici
une demande d'un citoyen qui veut le dézonage de son terrain ou qui veut
une utilisation à des fins autres que des fins agricoles de son terrain
actuel. Nous jugeons cette demande acceptable compte tenu des critères
de la loi 90 ou nous refusons cette demande compte tenu des critères de
la loi 90 et d'autres critères qui peuvent être invoqués
par le conseil municipal.
Cette loi touche également le monde municipal à un
troisième titre. Cela correspond en particulier à une demande des
régions périphériques du Québec depuis
plusieurs années, à savoir que la Commission de protection
du territoire agricole du Québec puisse tenir compte, lorsqu'il y a des
demande de dézonage, du peu de densité de population dans
certains rangs du Québec. À ce titre, la commission pourra,
à l'avenir, prendre en considération les conditions
socio-économiques nécessaires à la viabilité d'une
collectivité rurale lorsque la faible densité d'occupation du
territoire et l'éloignement des autres collectivités le
justifient. Elle pourra tenir compte du fait que, a un moment donné, le
nombre de résidences serait trop faible si elle n'acceptait pas la
demande de dézonage pour justifier, par exemple, les services de
transport scolaire, d'électricité, de service postal ou d'autres
services publics ou communautaires. Je crois que c'est une amélioration
considérable qui va permettre à plusieurs petites
collectivités rurales, plusieurs petites municipalités rurales
d'obtenir dans certains cas que des terrains soient dézonés, qui
va permettre d'obtenir ou de maintenir une certaine densité de
population dans les rangs au Québec, pour permettre aux
municipalités d'offrir des services qui soient d'une certaine
façon viables, utiles ou rentables pour une communauté
rurale.
Également, une quatrième amélioration qui va
toucher le monde municipal, c'est lorsqu'une municipalité demande le
dézonage d'un terrain. Actuellement, la Commission de protection du
territoire agricole a le choix entre accepter la demande ou la refuser. Elle ne
peut pas proposer d'autres sites qui seraient moins dommageables à
l'agriculture et acceptables à la protection de l'environnement. Nous
modifions la loi de telle façon que la Commission de protection du
territoire agricole du Québec pourra, au moment où elle tiendra
ses séances, faire intervenir des faits qui permettront d'accepter
d'autres terrains que celui proposé initialement par une
municipalité et ainsi régler immédiatement des
problèmes qui, autrement, dans les récentes années
prenaient des mois à se régler. La Commission de protection du
territoire agricole du Québec n'avait pas le choix jusqu'à
maintenant, elle devait accepter ou refuser intégralement la demande
faite par une corporation municipale. À l'avenir, la Commission de
protection du territoire agricole pourra tenir compte de la
disponibilité d'autres sites, des sites de rechange, dans
l'évaluation d'une demande. En ce sens, je pense que la loi 44 constitue
une amélioration importante pour le monde municipal et correspond, pour
l'essentiel, aux demandes faites par ce dernier quant à l'harmonisation
entre la loi 90 et la loi 125.
Je puis dire qu'à ce titre les discussions qui ont eu lieu entre
les élus municipaux, le ministère des Affaires municipales et le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation se
sont déroulées dans un climat positif. Je crois que ceci augure
bien pour le défi qui nous attend tous comme Québécois,
comme citoyens de différentes municipalités au Québec. Le
défi est le suivant. Il nous reste environ un an et demi pour
élaborer dans tout le Québec des schémas
d'aménagement à l'intérieur de chacune des
municipalités régionales de comté, qui atteignent un
certain équilibre entre le souci du développement
économique - et lorsqu'on parle d'agriculture, on parle de
développement économique - et le souci, d'autre part, d'avoir des
aires ou des territoires qui permettent le développement des
activités de loisirs, des activités de récréation,
des activités ou des besoins qui permettent aux municipalités de
prendre une certaine expansion résidentielle, une certaine expansion
industrielle, une certaine expansion commerciale.
Je crois que la loi 44 illustre de façon très
concrète qu'il y a possibilité que la concertation, à
l'intérieur du gouvernement lui-même, entre les différents
ministères et la concertation, à l'autre bout, entre les
municipalités arrive à des résultats positifs.
Voilà le défi essentiel des municipalités
régionales de comté. C'est de réaliser une concertation au
ras du sol, au niveau du territoire, au niveau de chacune des
municipalités entre les besoins de chacune des municipalités et,
d'autre part, que le ministère des Affaires municipales arrive à
réaliser une concertation entre les différents ministères
du gouvernement du Québec et que les municipalités
régionales de comté soient le point de synthèse, le point
de coordination et le point de concertation qui permettent au Québec de
développer son territoire, d'aménager son territoire de
façon cohérente, de façon rationnelle et de façon
à permettre d'augmenter la qualité de la vie.
Je peux dire que, si le monde municipal a eu des appréhensions
à l'origine face à la Loi sur la protection du territoire
agricole, je suis convaincu maintenant qu'il réalise toutes les
économies que cette loi lui a permis de réaliser puisque,
maintenant, les développements anarchiques ne sont plus possibles.
Maintenant, il n'est plus possible de dire: Nous allons sauter trois ou quatre
terres pour aller construire un parc de roulottes ou un parc résidentiel
à environ un demi-kilomètre ou un mille d'un village ou d'une
ville. Non. À cause de la Loi sur la protection du territoire agricole
et de la conscience qu'elle nous a fait prendre de la nécessité
de sauver au maximum les territoires agricoles du Québec, l'effet de
cette loi a été de permettre de rationaliser les investissements,
par exemple, pour les aqueducs et les égouts, la construction de rues,
la construction de routes. En ce sens, je crois que le monde municipal est plus
conscient que jamais qu'un aménagement
rationnel du territoire a permis depuis plusieurs années et va
permettre à l'avenir des économies substantielles, des
économies financières et des économies quant à nos
ressources qui sont limitées. (20 h 50)
Même s'il peut subsister encore des différences de
perspectives entre le monde agricole et le monde municipal face à
l'aménagement du territoire, je pense que la loi 44 va permettre de
diminuer considérablement ces différences de perspective.
D'autant plus que la loi prévoit que lorsque la municipalité
régionale de comté prendra l'initiative de réviser la zone
agricole en coordination avec la Commission de protection du territoire
agricole, celle-ci avisera l'Union des producteurs agricoles de la
région de cette renégociation, de cette réanalyse de
l'utilisation du territoire et l'Union des producteurs agricoles pourra
participer pleinement au processus de consultation visant à la
redéfinition de la zone agricole.
Finalement, ce qui va permettre d'assurer cette cohérence accrue,
c'est que, lorsque la municipalité régionale de comté aura
renégocié le territoire aménageable à des fins
agricoles avec la municipalité régionale de comté et la
Commission de protection du territoire agricole, la municipalité
régionale de comté ainsi que chacune des municipalités
devront assurer la parfaite coordination entre la zone verte et la zone blanche
et le schéma d'aménagement comme tel, c'est-à-dire que les
zones d'urbanisation différée ne seront plus possibles et qu'il
faudra qu'il y ait parfaite coordination entre la zone agricole définie
par des négociations entre la CPTA et les municipalités
régionales de comté et le périmètre d'urbanisation
de chacune des municipalités du Québec.
Je crois pouvoir dire que les discussions qui ont eu lieu depuis
quelques mois entre le monde municipal, le ministère de l'Agriculture et
le ministère des Affaires municipales ont abouti à des
résultats heureux. Personnellement, je suis convaincu que c'est une
double clé dans la porte en ce sens que, plus que jamais il sera
difficile de remettre en question la zone agricole. Je peux vous assurer que,
tout en étant ministre des Affaires municipales et en souhaitant -et
c'est ce que cette loi réalise - que le monde municipal participe
pleinement à la définition de la zone agricole, mon souci le plus
important c'est qu'au Québec, nous prenions conscience que notre
territoire agricole est limité et qu'il doit être
protégé de façon permamente et qu'il ne doit pas
être constamment remis en question. En ce sens, je pense qu'en faisant
une concordance entre le zonage agricole au niveau municipal, au niveau de la
municipalité régionale de comté, à la suite de
discussions avec la
Commission de protection du territoire agricole, nous arriverons
à faire en sorte que la zone agricole soit définie de
façon plus permanente qu'auparavant. Je crois que c'est le souhait
fondamental, profond, à la fois du milieu municipal et du milieu
agricole.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, mes remarques seront
brèves, mais je tenais à intervenir dans le débat sur le
projet de loi 44 comportant la modification de la Loi sur le zonage agricole,
parce que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée
nationale un comté dont la partie agricole et rurale est très
importante.
Nous avons dans le comté d'Argenteuil plusieurs centaines de
producteurs agricoles et, chose assez curieuse, je demandais cet
après-midi au directeur de la Fédération de l'UPA de la
région des Laurentides la répartition des producteurs agricoles
de mon comté suivant leur caractère linguistique. Il me disait
que parmi les membres de l'UPA pour le comté d'Argenteuil, on compte
à peu près 160 producteurs agricoles de langue française
et 170 de langue anglaise. Dans l'UPA - ce peut être bon pour le
gouvernement de le noter - on reconnaît le droit des producteurs
agricoles de langue anglaise de se regrouper dans un syndicat à eux qui
puisse fonctionner dans leur langue. On ne les oblige pas tous à faire
partie du syndicat francophone. C'est ainsi que dans le comté
d'Argenteuil, nous avons un syndicat anglophone de l'Union des producteurs
agricoles et un syndicat francophone. Entre les deux, il existe des liens de
collaboration, mais chacun est autonome et poursuit son action à
l'intérieur de la grande confédération de l'Union des
producteurs agricoles du Québec, et les choses vont très bien
ainsi.
Je signale que dans le comté d'Argenteuil la communauté
anglophone a des racines très profondes. Elle a été
à l'origine du développement de cette partie du territoire
québécois. Il s'agissait de colons qui sont venus, les uns des
États-Unis, chercher un régime politique qui leur convenait
davantage, celui du Canada plutôt que celui des États-Unis, au
début du siècle dernier; d'autres sont venus d'Irlande,
d'Écosse et d'Angleterre. Plusieurs d'entre eux se sont assimilés
à la majorité francophone, d'autres ont insisté pour
conserver leur culture et leur langue. À travers les
générations, ils sont encore très fiers de parler
aujourd'hui leur langue d'origine. Ils sont des citoyens très actifs,
très responsables au Québec. Dans plusieurs de nos villages du
comté, ils constituent une
proportion très importante, parfois une majorité qui
fonctionne en général dans un climat de collaboration et de
respect mutuel avec la majorité ou la minorité francophone, selon
le cas.
J'ai noté une chose. Au cours des années, chaque fois que
j'ai discuté avec nos producteurs agricoles des questions relatives au
zonage agricole, j'ai constaté qu'ils étaient profondément
d'accord avec l'objectif général de la loi sur le zonage agricole
au Québec. Souvent, il est arrivé que des personnes ou des
entreprises qui voulaient faire du développement économique,
résidentiel, industriel ou commercial éprouvaient des
difficultés avec la Commission de protection des terres agricoles. Il
est arrivé dans bien des cas que cette commission a rendu des
décisions tout à fait inacceptables, hautement contestables sur
lesquelles elle a parfois pris un temps trop long avant de réviser ses
positions.
De manière générale, du point de vue des
producteurs agricoles, je pense que nous devons convenir que l'orientation
générale de la loi sur le zonage agricole est un fait
accepté depuis longtemps. Comme l'a dit celui qui est intervenu avant
moi, le ministre des Affaires municipales, je crois que les producteurs
agricoles du Québec, en particulier ceux du comté d'Argenteuil,
désirent que nous maintenions un régime ferme de zonage agricole
au Québec. Nous reconnaissons que l'idéal serait que ces
questions soient décidées par les organismes responsables de
l'aménagement du territoire. Nous l'avions soutenu, du côté
de l'Opposition, dès les débats sur la loi sur le zonage agricole
et la loi sur l'aménagement du territoire, en 1978 et 1979.
Le régime logique et idéal serait que l'organisme,
tantôt municipal, tantôt régional, qui a la vocation
générale de l'aménagement global du territoire soit aussi
responsable de l'aménagement de la partie agricole. Mais la
détérioration de notre patrimoine agricole avait
été si rapide et si intensive au cours de la dernière
génération, je dirais au cours des années qui ont suivi la
guerre, depuis les années d'industrialisation et de développement
urbain intensif, qu'il fallait que la protection du territoire agricole
devienne une priorité majeure des gouvernements québécois.
Je pense que nous n'en sommes pas encore rendus au stade où il faudrait
que cette responsabilité soit transférée, comme la logique
de structures claires et simples le demanderait, à l'autorité
pure et simple des municipalités et des municipalités
régionales de comté.
Je me réjouis cependant de constater qu'il y a quelques
élargissements dans le projet de loi qu'on a déposé
à l'Assemblée nationale, voulant qu'on tienne davantage compte de
la place de plus en plus importante que les municipalités
régionales de comté occupent ou veulent occuper et devraient
occuper dans ce domaine. J'espère que l'étape très
limitée que propose à ce sujet le projet de loi 44 sera suivie
dans l'avenir de nouvelles adaptations qui permettront à toute la
communauté québécoise d'assumer cette
responsabilité de la protection de son patrimoine agricole et non pas de
continuer dans un régime où c'est seulement une petite
commission, souvent malheureusement coupée de la réalité,
qui prend ses décisions dans la solitude de ses bureaux administratifs
à Longueuil. Je pense que le plus tôt nous arriverons à un
régime où cela sera beaucoup plus assumé par tout le
monde, le mieux ce sera pour tous. (21 heures)
Je me souviens, lorsque nous avons discuté du projet de loi, que
nous avions protesté avec toute l'énergie possible contre
l'absence de procédure de révision des décisions de la
Commission de protection du territoire agricole, le gouvernement n'avait pas
voulu entendre notre point de vue à ce moment-là. Il nous avait
dit: Les choses sont ainsi et elles vont rester ainsi. Je suis convaincu que
des centaines de citoyens du Québec ont été brimés
dans leurs droits les plus fondamentaux par l'absence de toute garantie de
révision en bonne et due forme des décisions de la
commission.
On a une garantie de révision par les mêmes personnes qui
ont pris la décision. Je vous ai condamné une journée, M.
le Président; vous venez me voir le lendemain pour me demander:
Voulez-vous réviser votre décision? Vous prétendez que
vous avez des faits nouveaux à soumettre à mon attention, parce
que c'est cela que la loi actuelle exige, et là, vous dites: Dans ma
très grande bonté je vais peut-être consentir. Mais, en
général, les chances que vous acceptiez de réviser votre
décision sont très faibles.
C'est sous ce régime que nous avons vécu depuis 1979. Je
suis content de constater que dans le projet de loi 44 on apporte certaines
améliorations. On introduit une procédure de révision qui
est loin d'être satisfaisante parce que, finalement, si j'ai bien compris
l'esprit de cette partie du projet de loi, à supposer qu'une
décision ait été rendue dans le cas d'une
municipalité, d'un propriétaire agricole ou d'une personne qui
voudrait faire l'acquisition d'une terre ou la développer autrement, la
Commission de protection du territoire agricole rend une décision
à l'aide d'un banc composé de deux de ses membres et, en cas de
division, de trois de ses membres. Si une personne veut contester la
décision, celle-ci sera révisée par un banc composé
d'autres membres de la Commission de protection du territoire agricole. Ce ne
seront pas les mêmes membres mais c'est la même commission.
Ce que je crains dans le mécanisme qu'on propose, c'est qu'il y
ait une espèce
d'interinfluence des décisions les unes sur les autres et des
membres les uns sur les autres. Un jour un membre de la commission
siégera en première instance. Il rendra une décision et
là, par souci de ne pas voir sa décision renversée par
d'autres collègues, peut-être la prendra-t-il dans un certain
sens. Et, vice versa, il pourra arriver qu'une personne prenne une
décision en appel qui sera contraire à des décisions
qu'elle aurait elle-même rendues en première instance ou encore
qu'elle se sente obligée de maintenir, lorsqu'elle siégera en
appel, des décisions qu'elle aurait rendues au niveau de la
première instance. Il aurait pu arriver que face à un cas, elle
s'inspire d'un certain nombre de critères, qu'elle les interprète
d'une certaine manière et qu'au niveau de l'appel elle se sente
obligée de faire exactement la même chose. Je ne connais pas de
cas où l'on procède de cette manière-là. Je pense
qu'il aurait été mieux de procéder de manière
distincte.
Ce que propose le ministre, c'est mieux que le régime que nous
avons actuellement, mais je pense que c'est loin d'être vraiment
satisfaisant pour ceux qui veulent assurer que nous ayons un véritable
régime de droit, de respect des libertés fondamentales dans cette
question-là.
Je m'aperçois que le gouvernement apprend lentement ces
leçons-là. Il absorbe à très petites doses les
choses tout à fait élémentaires que, du côté
de l'Opposition, nous n'avons cessé de porter à son attention
depuis sept ou huit ans. J'espère que le gouvernement - il ne lui reste
pas grand temps, je l'avertis - va trouver le temps avant la fin de son mandat
et peut-être même de son régime, de modifier ses conceptions
pour en revenir aux conceptions qui sont très généralement
acceptées partout, à savoir que la révision d'une
décision ne doit pas être faite par le même corps qui l'a
rendue. Dans ce cas-ci, le principe de la révision par le même
corps est maintenu. Je crois qu'il y a quelque chose qui cloche, mais c'est
mieux que ce qui existait avant.
Au point de vue des droits des personnes qui sont appelées
à se présenter devant la commission, il y avait d'énormes
failles dans la loi que le Parti québécois a fait adopter en
1978. J'en mentionne une en particulier. Lorsque vous présentiez une
requête en révision de décision, vous n'aviez pas la
garantie que l'examen de votre requête serait fait à l'occasion de
séances publiques. Il était laissé à la Commission
de protection du territoire agricole de décider si elle devait tenir,
à cette occasion-là, des séances publiques ou non.
Heureusement que dans l'amendement que nous apporte le projet de loi 44, on dit
que la commission devra tenir des séances publiques dans ces
cas-là. Je ne sais pas trop si c'est sur requête des personnes
intéressées ou non mais, en tout cas, le principe du droit
à des séances publiques de révision est clairement
établi. C'est une disposition à laquelle je souscris
fondamentalement, M. le Président. Je suis très heureux qu'on
évolue un petit peu de ce côté-là du
côté du gouvernement. J'aurais souhaité, encore une fois,
que cela eût été fait beaucoup plus tôt mais c'est
quand même une amélioration qu'on doit noter.
Cela dit, je pense que, dans l'ensemble, il y a de légères
améliorations et j'ose espérer que... Malheureusement, je
n'étais pas ici plus tôt cet après-midi, quand le ministre
a fait son discours. Je ne sais s'il a laissé entendre que des
amendements seraient apportés au projet de loi. J'espère qu'il
apportera certaines modifications qui rendront le projet davantage acceptable
et j'espère que ces modifications seront raisonnables et assez
empreintes d'esprit libéral, au meilleur sens du terme. J'espère
que ces modifications, s'il y en a - je pense qu'il devrait y en avoir -
rendront le projet acceptable de manière que tous ensemble dans cette
Assemblée nationale, nous puissions, après quelques années
de mise au point et de raffinement du système, nous entendre sur la
nécessité d'un système de protection de notre territoire
agricole qui permettra d'envisager, pour l'avenir de notre agriculture, des
conditions de développement encore plus intéressantes.
Je voudrais souligner en terminant qu'il ne suffit évidemment pas
de garantir le zonage de nos terres à vocation agricole pour que
celles-ci soient pleinement développées. Je pense qu'il y a des
problèmes fondamentaux qui sont encore aussi importants que
ceux-là. Tant qu'on n'aura pas fait face en particulier aux
problèmes très graves de financement qu'affrontent aujourd'hui
nos entreprises agricoles, il pourrait arriver que nous ayons l'illusion de
cultiver plus d'espace à des fins d'agriculture, alors que, en fait,
beaucoup de nos entreprises agricoles seront acculées à des
situations voisines de la faillite ou de la misère. Il y a des
problèmes très sérieux qui se posent de ce
côté.
Je pense en particulier au problème de la relève agricole.
Nous avons un problème, du côté de Mirabel, qui a
été porté à l'attention de toute la population
québécoise. Nous l'avons aussi dans d'autres parties du
comté. C'est un problème très difficile pour les chefs de
famille qui arrivent à un âge où ils ne peuvent plus
continuer à cultiver leur terre et à garder la
responsabilité de cette entreprise qui est devenue extrêmement
complexe aujourd'hui. Ils veulent la passer à leurs enfants, mais les
conditions dans lesquelles les enfants doivent faire face aux obligations
extraordinairement accrues qui sont la caractéristique de nos
entreprises agricoles aujourd'hui ne sont pas toujours
faciles. Le régime actuel de financement est loin d'être
satisfaisant, et, si le gouvernement veut compléter l'oeuvre qu'il
prétend accomplir dans le domaine de l'agriculture, il faudra
également accorder à ces problèmes une attention qui a
malheureusement trop tardé.
Encore une fois, je me réjouis de certaines améliorations
qui sont apportées à la loi. Je trouve que ces
améliorations sont le plus souvent trop timides et trop empreintes d'une
certaine retenue que je m'explique mal. J'espère qu'on continuera
d'évoluer dans cette voie et, dans la mesure où on le fera, je
pense que je serai très heureux de seconder les efforts du gouvernement,
avec l'appui des producteurs agricoles du beau comté d'Argenteuil.
Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Arthabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, à entendre
le député d'Argenteuil après le député de
Huntingdon, et le député de Maskinongé, je pourrais dire
que c'est pratiquement un baume sur une plaie parce que, bien
honnêtement, je crois que le député d'Argenteuil a eu un
discours, a pris une position tout à fait positive et objective, face
à la loi 44, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire
agricole, si je me réfère aux propos du député de
Huntingdon qui a passé au moins 75 % de son temps à
déblatérer sur le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation en disant qu'il a isolé le comté de
Huntingdon depuis huit ans, neuf ans et que le comté de Huntingdon
mérite mieux que cela. Je suis certain que le comté de Huntingdon
mérite beaucoup mieux que le député qu'il a actuellement.
Ce n'est pas le ministre de l'Agriculture actuel qui est à blâmer
si le député de Huntingdon n'a pas fait "sa job" dans son
comté.
Il y a quelques années pour refaire un cours d'eau dont je ne me
rappelle pas très bien du nom, il en aurait coûté environ 5
000 000 $. Parce que le ministre n'avait pas les budgets disponibles pour
creuser un cours d'eau d'une telle valeur, il l'a retardé de quelques
années pour être capable d'en faire plus dans l'ensemble du
Québec. Si c'est vrai que ce même comté en est un où
on retrouve beaucoup d'horticulture, de culture maraîchère, et en
l'ensemble des programmes gouvernementaux, que ce soit Sol-Plus, que ce soit le
programme d'assurance agricole ou tout autre programme de financement agricole,
ces gens ont eu droit, comme n'importe quel autre agriculteur, producteur,
productrice de n'importe quel comté du Québec. (21 h 10)
C'est vrai qu'ils mériteraient beaucoup mieux que cela pour
essayer d'avoir un député qui essaie de revaloriser le rôle
que les agriculteurs de son comté ont joué et non de venir ici et
dire que les gens ont été défavorisés, qu'ils sont
un peu plus... Une chance qu'il arrêtait parce que je me serais
pratiquement apitoyé sur son sort et je me serais mis à pleurer.
Comme cela allait mal dans ce comté!
Il y a le député de Maskinongé qui, lui, a
reproché au ministre d'avoir toujours le même schéma de
discours, de toujours vanter l'agriculture, vanter les agriculteurs, que cela
va bien, tout va bien, le monde produit, le monde vend. C'est un discours
cassette qu'il nous répète depuis neuf ans. Il a sorti, lui
aussi, sa même cassette à savoir évidemment, que quand cela
va bien dans un secteur, ce n'est pas drôle pour eux de constater
l'amélioration de la production agricole alors que le Parti
québécois est au pouvoir à comparer avec les années
du Parti libéral au pouvoir. Il faut se souvenir que le Parti
libéral a réussi tout un tour de force puisque l'autosuffisance
au Québec est passée d'environ 60 % à 47 %. Quand M.
Bourassa a laissé le pouvoir ou a perdu le pouvoir on était
descendu à 47 %. Avec le Parti québécois au pouvoir, avec
des politiques qui collaient à la réalité, nous sommes
remontés de 47 % à environ de 73 %. C'est grâce à la
volonté des agriculteurs que nous l'avons fait. Nous sommes fiers d'eux
parce que, eux, étaient fiers de produire. Ils sont fiers de leurs
terres. Arrêtons donc de dire que ces gens sont tous mal pris, qu'ils
produisent mal, qu'ils ne produisent pas bien, etc.
Je ne veux pas dire ainsi qu'il n'y a aucun problème en
agriculture. Il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Mais il s'agit
d'avoir un gouvernement qui est capable d'y faire face, qui croit d'abord
à l'agriculture, pour être capable d'amener des politiques,
corriger des politiques, améliorer les programmes qui répondent
réellement aux besoins des agriculteurs.
Le député de Maskinongé parlait également
des faillites, des nombreuses faillites dans l'agriculture, du taux
d'endettement élevé. C'est pareil. Il accusait toujours le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
évidemment de ne rien faire ou de se moquer, de rire, d'agir avec une
sorte de bonhommie coutumière. Pourtant, ce qui est étonnant,
c'est que les libéraux en face de nous ne semblent pas comprendre que la
crise économique qui a frappé le Québec a aussi
frappé toute l'Amérique du Nord, elle a frappé les
États-Unis, elle a frappé le monde entier malheureusement.
Ils sont quasiment portés à convaincre le monde, à
faire comprendre au monde que le gouvernement du Parti québécois,
c'est lui qui est responsable de tous les péchés sur la
terre. Je lui soulignerais, en passant, que je ne sais pas si c'est le
gouvernement du Parti québécois qui a fait en sorte qu'en
Alberta, où on a toujours eu un taux de chômage d'à peu
près 2 % ou 3 %, le taux de chômage, malheureusement, est
monté au-dessus de 10 % et 11 %. Est-ce la faute du gouvernement du
Québec si le taux de chômage en Alberta a monté à ce
point? Nous aussi, avons eu à vivre la crise. Cela prend
évidemment souvent nos voisins pour nous dire que c'est nous, au
Québec, qui nous en sommes sortis le mieux et nous en sommes sortis le
plus rapidement.
Quand on parle précisément des faillites agricoles, on
affirme que c'est un secteur tellement délaissé par le
gouvernement du Québec! Des gens, des hommes et des femmes dans ce
milieu entendent les libéraux dire qu'ils ne sont pas capables de s'en
sortir. Je vais seulement donner des chiffres qui nous ont été
fournis par la Corporation des agronomes de la région de
Rivière-du-Loup-Gaspé. C'est une lettre qu'ils faisaient parvenir
aux membres de la commission parlementaire sur l'agriculture, les
pêcheries et l'alimentation. On nous fournissait des chiffres, des
données concernant les faillites d'entreprises au Québec au cours
des dernières années. On part de 1980 et, dans le domaine
agricole, il y a eu 44 faillites. Dans d'autres secteurs que l'agriculture, il
y a eu 2605 faillites en 1980. Je vais passer les autres années parce
que le temps court vite. En 1984, il y a eu 164 faillites dans le domaine
agricole et, dans les autres secteurs d'activité économique au
Québec, il y a eu 3337 faillites. En pourcentage, cela donne, pour les
faillites dans le domaine agricole, par rapport au nombre d'entreprises
agricoles, 1,09 %. Les faillites dans les autres secteurs par rapport au total
des entreprises, sauf l'agriculture, cela donne 8,1 %. On viendra nous dire que
l'agriculture, le gouvernement ne s'en occupe pas; que les agriculteurs, les
hommes, les femmes qui sont dans ce domaine ne sont pas capables de se serrer
les coudes, ne sont pas capables de faire face à la crise!
Encore une fois, je dis bien que ces chiffres ne veulent pas dire qu'il
n'y a pas de problèmes. On a des problèmes. C'est vrai qu'il y en
a, mais il s'agit d'être capable d'être là et de les
résoudre. Le député de Maskinongé faisait
également allusion au rapport de la Régie des assurances
agricoles déposée dernièrement pour l'année 1983,
dans lequel il était fait mention d'un déficit de 97 000 000 $.
Il s'arrachait pratiquement les cheveux de voir qu'il y avait 97 000 000 $ de
déficit dans les assurances agricoles. On laissait sous-entendre que
c'était un autre déficit caché. J'aimerais lui souligner
-pourtant il était là durant ces années - qu'en 1974,
imaginez-vous - je suis allé fouiller rapidement et j'ai
été un peu étonné - le ministre de l'Agriculture du
temps, M. Toupin, en 1974, a été obligé de faire adopter
une loi ici en cette Assemblée pour effacer le déficit de
l'assurance agricole qui était déjà rendu à 9 000
000 $. À 10 %, cela faisait 900 000 $ d'intérêt par
année. On s'en souvient - dans ce temps-là, j'étais encore
sur ma ferme - la majorité des agriculteurs ne voulait plus s'assurer,
ne voulait plus participer au régime d'assurance agricole parce que,
disaient-ils: Les primes que nous allons verser vont compenser uniquement pour
payer les intérêts sur le déficit. Ils ne voulaient plus
s'assurer.
La Régie des assurances agricoles a payé, de
l'année 1968 à l'année 1975-1976, 20 900 000 $
d'indemnisations et sur cela elle a accumulé 9 000 000 $ de
déficit, ce qui correspond à 43 % des indemnisations
versées. De 1976 à 1984, avec un gouvernement du Parti
québécois au pouvoir, il y a eu 456 900 000 $ d'indemnisations de
versées aux agriculteurs, aux assurés et sur 456 900 000 $,
évidemment, il y a eu 97 000 000 $ de déficit, ce qui
représente 21 % des sommes versées. La moitié moins que
sous le Parti libéral. Nous, je ne pense pas qu'on soit obligés
de faire adopter une loi pour que ce soit l'ensemble des citoyens
québécois qui paient ce déficit parce que durant
l'année 1984-1985, la Régie des assurances agricoles a
accumulé 125 000 000 $ de primes et a versé en indemnisations 85
000 000 $. Donc, dès cette année en 1984, la Régie des
assurances agricoles diminue le déficit de 40 000 000 $. À
l'heure où on se parle, ce même déficit est de 57 000 000
$. Dans les prévisions pour 1985-1986, il y a entre 135 000 000 $ et 150
000 000 $ de primes qui seront perçues et si nous avons un
été ou une température équivalente à celle
de l'an passé, si on verse environ 85 000 000 $, on effacera
complètement le déficit et on aura des fonds en réserve.
C'est ça l'administration d'un gouvernement du Parti
québécois. Ce n'est pas ce qu'on veut démontrer en face de
nous.
(21 h 20)
Je disais tout à l'heure qu'évidemment un gouvernement
doit être capable d'ajuster ses politiques aux besoins agricoles. En
1976, il y avait au Québec, en assurance-récolte, 6852
assurés. En 1985, imaginez-vous, il y aura 17 318 assurés, des
gens qui participeront à l'assurance-récolte. En 1976, il y avait
pour 32 269 000 $ de valeurs assurées et en 1985, il y en aura pour 374
281 000 $, ce qui veut dire douze fois plus que dans le temps du Parti
libéral. Là, on s'en vient nous dire que les agriculteurs sont
plus endettés qu'ils ne l'étaient avant. C'est bien
évident qu'ils le sont plus qu'ils ne l'étaient avant parce que
les terres d'il y a dix ans et les terres d'aujourd'hui ne sont pas pareilles.
Si on recule de dix ou quinze
ans, n'importe quel agriculteur qui allait s'acheter un tracteur de 50
ou 60 forces obtenait cela pour environ 10 000 $ à 12 000 $.
Aujourd'hui, le même tracteur coûte 20 000 $ à 25 000 $.
Cela coûte beaucoup plus cher, donc les agriculteurs sont plus
endettées, mais le député de Maskinongé aurait
dû fouiller le livre qu'on nous avait fourni en commission parlementaire
qui démontrait clairement que l'actif net, la valeur nette appartenant
aux agriculteurs était beaucoup plus élevée qu'il y a dix
ans. Évidemment, le député de Maskinongé passe
outre à ces choses positives. Il aime mieux parler négativement
de toutes sortes de choses en agriculture.
Quand il parle de cassette, je lui lancerais une invitation ce soir - je
le vois rire de l'autre bord - à venir rencontrer les agriculteurs chez
nous. On va faire une assemblée de 200 à 300 agriculteurs. Je
vous invite à venir dans mon comté; dites-moi quand vous serez
disponible, on va organiser cela. Vous viendrez défendre vos politiques
et je vais défendre les miennes, celles de mon gouvernement et on verra
tous les deux.
Quand vous retournerez dans votre parti, j'espère que vous direz
à votre chef, qu'on a hâte de le voir ici; mais il se trouve des
moyens pour aller à New York et ne pas venir ici... On verra, M. le
Président. J'espère que lorsque le député de
Maskinongé aura réussi à écouter les agriculteurs,
il réussira de la même façon à retourner voir son
chef et lui dire: M. le chef, si on veut maîtriser l'avenir, il va
falloir d'abord se faire un programme agricole.
Des voix: Bravo!
M. Baril (Arthabaska): II faut se souvenir qu'en 1978, les
libéraux avaient d'abord voté contre la loi. Je me souviens, peu
après qu'elle ait été adoptée, l'ancien ministre de
l'Agriculture, M. Drummond, disait aux gens: J'aurais aimé que ce soit
moi qui présente cette loi, mais mon gouvernement, mon chef, ne voulait
pas que je le fasse. Pourtant, c'est le même bonhomme, si vous me
permettez l'expression, c'est le même phénomène nouveau qui
nous revient et qui dit qu'il va défendre l'agriculture et qu'il va y
avoir des politiques qui collent à la réalité.
Si cette loi avait existé il y a 10, 15 et 20 ans, les
agriculteurs, par exemple dans mon comté, qui sont poignés avec
les résidents de sept chalets établis dans un rang il y a un
certain temps et qui, à cause de toutes sortes d'avantages, de droits
acquis supposément sur un cours d'eau ou une rivière, ne veulent
pas que la municipalité démolisse volontairement un barrage
dressé sur cette rivière, mais qui est inutile et qui inonde
environ 100 acres de terre, qui prive l'agriculteur du coin de cultiver ces
terres, le prive de revenu... Cela va devant les tribunaux; cela fait trois ou
quatre ans que cela traîne. Si cette loi était appliquée,
les villégiateurs de ce rang, le 11e rang de Princeville, aujourd'hui,
s'apercevraient que les agriculteurs eux aussi ont des droits dans les
campagnes. Aussi, combien de fois voit-on dans les journaux d'autres individus
qui vont devant les tribunaux pour contester le droit des agriculteurs
d'être capables d'épandre leur fumier sur du sol qui leur
appartient? Pourtant, c'est à eux. J'écoutais parler le
député de Huntingdon tout à l'heure. Je crois qu'il se
pensait en Russie ou je ne sais trop où. Il disait: Les agriculteurs
produisent maintenant de plus en plus pour l'État. Je ne sais pas
où il a pris cela. Ces agriculteurs n'auraient pas aujourd'hui à
se battre pour rien contre des gens qui ont le droit de vivre, mais eux aussi
ont ce droit.
Il faut regarder les côtés positifs des amendements
à la loi qu'on présente. Entre autres, je vais vous en
énumérer quelques-uns. Avant cela, pour aller en appel d'une
décision, il fallait trouver des faits nouveaux. C'était
difficile pour les gens de trouver des faits nouveaux quand ils ne savaient
même pas sur quoi là commission s'était basée pour
t'accorder un refus ou accepter ta demande. Donc, avec les amendements qu'on
propose, chaque demandeur aura un droit d'appel automatique et, en plus, la
commission sera dans l'obligation de fournir au demandeur l'analyse de son
dossier, sur quoi elle se base pour rendre une décision future. Le
demandeur pourra évidemment faire connaître son opposition s'il y
a eu des oublis de faits dans l'étude du dossier.
Également, les municipalités auront à justifier
leur décision. Il faut se rappeler qu'aujourd'hui il y a des
municipalités qui prennent leurs responsabilités, heureusement,
qui ne disent pas oui à n'importe qui et qui ne disent pas non à
n'importe qui non plus, mais cela fait en sorte qu'il y a un paquet de demandes
qui viennent à la commission. Si les municipalités avaient fait
un tri au préalable, si elles avaient justifié l'appui du
demandeur, il y a plusieurs de ces demandes qui ne seraient pas venues à
la commission. On n'aurait pas engorgé la commission de toutes sortes de
demandes. En faisant justifier par les municipalités ces demandes, cela
diminuera sans doute le travail.
On se plaignait beaucoup aussi des droits acquis; quand il fallait se
faire confirmer un droit acquis. Je ne suis pas un avocat, mais je me disais
que cela devait être facile de trouver un moyen. On me répondait:
Ce n'est pas à la commission de confirmer un droit acquis. Ce n'est pas
son rôle. C'est à une Cour provinciale à le faire ou
à une autre cour, mais ce n'est pas tout le monde qui aime cela partir,
s'en aller
devant les juges et commencer par se prendre un avocat pour aller
défendre un droit acquis devant les tribunaux. Ce n'est pas facile. Je
suis allé une fois dans ma vie en cour et je me suis juré de ne
pas y retourner et d'essayer de régler mes comptes avant. Maintenant,
avec un amendement, la personne qui pense avoir un droit acquis... parce que si
tu allais chez le notaire, le notaire disait: Je ne suis pas sûr que tu
aies un droit acquis. Si tu allais à la municipalité pour avoir
un permis, la municipalité disait: Je ne suis pas sûr que tu aies
un droit acquis aussi et la personne... Il y avait un vide. Et là, avec
l'amendement qu'on propose, le demandeur fera parvenir un avis d'utilisation de
son droit acquis et, si la commission, après un délai dont on a
discuté d'environ trois mois n'a pas donné de réponse, le
droit acquis sera automatiquement acquis. Je me répète, mais il
sera reconnu.
La commission aura aussi l'obligation de publier toutes ses
décisions dans une sorte de recueil de décisions. Vous
conviendrez avec moi, M. le Président, que ce ne sera pas tout le monde
qui va lire cela le soir avant de se coucher, mais, par contre, ceux qui
travaillent avec la loi, soit les avocats, les notaires, d'autres personnes qui
ont à travailler avec cela, se feront un devoir de vérifier
l'ensemble des décisions qui seront rendues pour savoir si elles sont
uniformes. Les décisions seront aussi rendues beaucoup plus en tenant
compte des besoins distincts, des particularités de chacune des
demandes. Pour essayer de corriger aussi l'administration ou l'application de
cette loi, j'espère. Comme je l'ai déjà dit sur la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, ce
n'est pas par une loi qu'on peut corriger ou qu'on peut améliorer le
fonctionnement ou la capacité de penser ou d'agir des commissaires et
j'espère qu'au niveau de la commission, les commissaires, le
président aussi et les gens qui sont appelés à administrer
cette loi pourront - j'oserais dire - appliquer cette loi qui est une bonne
loi, d'une façon peut-être plus, je vais dire intelligente parce
que je ne trouve pas d'autre mot - il est peut-être dur - mais
j'espère qu'ils essaieront de l'appliquer d'une façon plus souple
tout en ne changeant rien aux principes fondamentaux de la loi qui
préserve notre sol agricole.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Orford. (21 h 30)
M. Georges Vaillancourt
M. Vaillancourt: Merci, M. le Président. Comme
député représentant un comté à 30 % rural,
c'est-à-dire 30 % agricole, je pense qu'il est bon que je fasse entendre
ma voix sur le projet de loi 44 qui modifie la Loi sur la protection du
territoire agricole, c'est-à-dire qui amende la loi 90 votée en
1978. Cette loi ne me paraît pas suffisamment crédible au point de
pouvoir parler d'une relance du secteur de l'agriculture. En effet, le Parti
libéral du Québec souhaitait qu'un droit d'appel soit introduit
dans la Loi sur la protection du territoire agricole lequel pourrait être
exercé par ceux et celles qui se sentent lésés à la
suite d'une décision des membres de la commission. Il nous paraît
en effet douteux que les membres de la Commission de protection du territoire
agricole puissent être à la fois juge et partie dans le dossier.
J'ai peine à imaginer un agriculteur qui exercerait ce droit d'appel en
sachant à l'avance que d'autres membres du même tribunal auraient
à statuer de façon contraire à la décision prise
antérieurement par le même tribunal.
Je me souviens, lors de l'étude de la loi 90, nous, de
l'Opposition, en commission parlementaire, nous avions proposé des
amendements pour permettre d'avoir un tribunal régional, ce qui aurait
permis, premièrement, d'approuver beaucoup plus rapidement les demandes
des agriculteurs. Si, par la suite, le tribunal régional ne donnait pas
satisfaction aux producteurs de la région, ils auraient pu faire appel
et se présenter devant le tribunal provincial. Avec les amendements que
la loi apporte, à mon avis, cela améliore un peu mais ce n'est
pas encore satisfaisant et j'espère qu'en commission parlementaire, le
ministre sera assez généreux pour apporter des amendements
permettant d'avoir un tribunal régional.
Voilà l'ironie de la situation que nous propose le ministre de
l'Agriculture, qui ne semble pas du tout saisir l'importance du secteur
agricole au Québec mais surtout une question essentielle à la
bonne marche de notre démocratie, soit la valorisation des droits
individuels. Dans le passé, ces droits individuels ont été
bafoués par le présent gouvernement. Je ne parle pas ici
uniquement du secteur de l'agriculture, mais également de d'autres
secteurs où on faisait prévaloir des principes qui allaient
à l'encontre du bon sens.
On sent, depuis quelques mois, que la présentation de projets de
loi par le gouvernement s'avère une démarche de plus en plus
pénible et difficile. Pénible, parce que cette formation
politique n'arrive plus à recueillir de consensus au sein de la
population du Québec. Difficile, parce qu'au fur et à mesure
qu'on soumet des projets, qu'ils soient sectoriels ou globaux, on se rend bien
compte de la carence ou, si vous préférez, de l'absence d'un
projet de société. Ainsi en
va-t-il du projet de loi 44 qui vise à modifier une situation qui
devenait de plus en plus absurde dans le secteur agricole, bien que certains
objectifs soient reconnus comme étant valables dans la loi
générale sur la protection du territoire agricole. Le ministre de
l'Agriculture devrait se faire un véritable cas de conscience des
problèmes soulevés en matière agricole depuis quelques
années.
Le ministre de l'Agriculture, avec l'encouragement à
l'endettement de nos agriculteurs leur permettant de produire dans certains
domaines des denrées ou des productions... On s'aperçoit
aujourd'hui qu'il n'y a pas eu de contrôle concernant la mise en
marché de plusieurs produits. Il y a beaucoup de porcheries, par
exemple, qui font faillite. Je déplore que ces agriculteurs aient
été mal conseillés. Aujourd'hui, ils sont pris avec des
monstres, ils n'ont pas le marché nécessaire pour écouler
leur produit. Je trouve cela malheureux, mais que voulez-vous?
Le ministre de l'Agriculture a complètement ignoré
l'impact des mesures administratives adoptées à la suite de la
Loi sur la protection du territoire agricole. Nombre de dossiers qui se sont
accumulés à la Commission de protection du territoire agricole
n'ont pu être étudiés dans un délai acceptable. Mes
collègues en ont parlé avant moi, beaucoup de dossiers de
producteurs qui ont demandé de dézoner une partie de leur terre
ont été soumis à la Commission de la protection du
territoire agricole et attendent depuis de nombreux mois. Je trouve cela
malheureux et c'est pour cette raison que j'ai déjà
proposé qu'il y ait un bureau régional permettant
d'accélérer le traitement des dossiers.
C'est ainsi que les agriculteurs ont dû souffrir des situations
injustes et intolérables sur le plan agricole. Le droit d'appel inclus
dans ce projet de loi 44 constitue un aspect positif, certes, mais dans la
mesure où on y mettra la dose de crédibilité que requiert
une telle instance. Je crains fort que la crédibilité même
du ministre de l'Agriculture ne soit atteinte depuis longtemps. Je prendrai
comme seul exemple le dossier de l'environnement alors que le ministre a
déjà déclaré sans nuance qu'il n'était plus
le protecteur du dossier environnemental au sein de son ministère. Je
vous demande bien franchement, M. le Président, s'il l'a
déjà été.
En effet, on n'aurait qu'à rappeler nombre de dossiers qui ont
fait l'objet de litiges entre le secteur agricole et le secteur environnemental
en essayant de trouver un tant soit peu de crédibilité à
travers les propos du ministre de l'Agriculture tentant de défendre la
cause de la protection de notre environnement pour s'apercevoir que jamais
cette préoccupation ne lui a effleuré l'esprit. Et pourtant, le
dossier environnemental implique davantage que des droits individuels. Il
s'agit de défendre les droits d'une collectivité toute
entière, soit celle des Québécois, en regard d'une
qualité de vie tant recherchée sur notre territoire. Imaginez un
peu la façon dont le ministre de l'Agriculture défendra
dorénavant les droits individuels des agriculteurs dans le cadre de la
Loi sur la protection du territoire agricole.
On s'est bien rendu compte au sein de la population que ce gouvernement
n'est plus en mesure de nous présenter quelques éléments
valables pouvant refléter un tant soit peu un projet de
société. D'ailleurs, les principaux responsables de cette
formation politique n'hésitent plus à dire que ce fut là
une des principales causes des défaites du Parti québécois
lors des élections partielles récentes tenues dans quatre
comtés du Québec.
Il en est également de même pour le dossier agricole sur
lequel le gouvernement semble incapable de susciter des consensus, tant globaux
que sectoriels, et n'arrive plus à rallier les troupes de sa propre
formation politique autour de projets susceptibles d'améliorer le bilan
agricole au Québec.
En terminant, je souhaite que les membres de l'Assemblée
nationale ne tolèrent plus longtemps ces pertes de temps dans le cadre
de nos travaux à étudier des amendements ou des correctifs
à des lois déjà présentées par l'actuel
gouvernement. Pour y arriver, rien ne serait plus opportun que le premier
ministre déclenche des élections générales au plus
tôt afin que les Québécois aient le droit à des
projets plus substantiels et plus conformes à leurs besoins et à
leurs aspirations. (21 h 40)
M. le Président, pour ma part je suis pour le projet de loi
malgré qu'il ne contienne pas tous les amendements que j'aurais
désiré. Mieux vaut avoir un peu que rien. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens.
M. Élie Fallu
M. Fallu: M. le Président, je suis très heureux
d'entendre le député se prononcer pour le projet de loi. C'est
appréciable; le langage a changé en cours de journée en
cette Chambre. Il y a sans doute eu un caucus à l'heure du souper chez
les libéraux. Ils ont donc décidé de lire enfin le projet
de loi.
Quant à la ritournelle "Delenda est Carthago",
c'est-à-dire faites des élections! faites des élections!
laissez courir, s'il vous plaît. Il y a un gouvernement
légitimement élu qui a une majorité parlementaire et
qui
entend bien faire des choses, selon le mandat qu'il a reçu du
peuple québécois.
Dans ce mandat reçu en 1981, M. le Président, il y avait
entre autres un engagement formel à humaniser les rapports entre
l'État et ses citoyens. Le geste que nous posons aujourd'hui est
subséquent toutefois à une loi que nous avons nous-mêmes
présentée en 1978 et après application de six ans et sept
mois, nous apportons des révisions, précisément en vue
d'humaniser entre autres les relations entre les citoyens et une commission. Ce
réflexe, donc, nous nous y sommes engagés lors de
l'élection de 1981. Nous avons posé un certain nombre de gestes.
Notamment le gouvernement a créé un secrétariat et a
désigné un ministre responsable, un ministre
délégué comme on dit en jargon administratif. Alors se
sont établis une série de mécanismes comme la
création d'un certain nombre de répondants, c'est-à-dire
d'adjoints aux présidents-directeurs généraux des
sociétés, régies, offices ou autres ou encore un adjoint
au sous-ministre. Ces répondants se réunissent
régulièrement à tous les deux mois, réunions, au
demeurant, présidées par le ministre délégué
aux Relations avec les citoyens. Ainsi, dans chaque région
également, réunis sous l'égide du directeur
régional de Communication-Québec, se réunissent les
directeurs régionaux ou leurs délégués,
représentants immédiats de tous les organismes, ministères
et sociétés d'État qui sont là en région.
Donc, depuis les bureaux régionaux du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, en passant par
Hydro-Québec et tous les autres ministères et organismes, chacun
s'est donné, dans son ministère, dans son organisme, dans sa
société, un plan d'amélioration des services aux citoyens
et citoyennes, agit en conséquence et évalue
régulièrement, lors de ces réunions au niveau national ou
au niveau régional, l'amélioration qui a été
apportée.
C'est très précisément dans ces sons de cloche
qu'on avait sur le territoire que le caucus ministériel portait à
l'attention du gouvernement qu'il est devenu évident qu'un certain
nombre d'ajustements devaient être apportés à la loi 90, la
Loi sur la protection du territoire agricole, notamment en ce qui a trait au
fonctionnement de l'institution centrale qui voit à la protection du
territoire agricole, c'est-à-dire de la commission, en vue de simplifier
les rapports entre ce tribunal qu'on dit quasi judiciaire, cette commission et
les citoyens et citoyennes qui y font appel.
Donc, dans cet esprit d'amélioration des relations avec
l'appareil d'État et les citoyens et les citoyennes, ce projet de loi
est apporté aujourd'hui. Le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation en a fait état rapidement.
Évidemment, il a surtout relevé les aspects positifs du secteur
agricole. Notamment, il s'est permis, six ans et sept mois après le
dépôt de la loi, de faire le bilan absolument extraordinaire des
effets d'entraînement de la loi 90. Il a néanmoins souligné
rapidement le rationnel de ce projet de loi.
Permettez-moi, M. le Président, de redire les choses sous cet
angle précis d'amélioration des relations d'une commission avec
les citoyens et les citoyennes.
En premier lieu, la commission devra établir ses règles de
procédure. Donc, les commissaires devront se réunir et
rédiger les règles de preuve, les règles de
procédure et les règles de pratique. Ils devront, par la suite,
établir les règles relatives à l'acheminement, à la
présentation d'une demande. Ils devront également établir
les formulaires que les citoyens et les citoyennes devront remplir pour avoir
accès à la commission. Par un vote majoritaire, ces dispositions
seront adoptées et, ensuite, confiées au Conseil des ministres
pour examen, approuvés, et publiés à la Gazette
officielle. De telle sorte qu'un citoyen qui aura affaire à la
commission saura d'avance sur quel formulaire inscrire sa demande. Il saura
exactement quelles sont les règles relatives au lieu où il faut
déposer le formulaire, comment il faut présenter la demande. De
la même façon, cette personne saura d'avance quelles sont les
règles de preuve, ce qu'il faut dire dans le mémoire pour
convaincre les commissaires du bien-fondé de la demande. Elle saura
également d'avance quelles sont les règles de procédure,
c'est-à-dire comment cela se déroule une séance de la
commission, quand il faut arriver, comment on fait les interrogatoires, pendant
combien de temps se déroulent les séances, comment on
établit les procès-verbaux, quand on va connaître par la
suite le jugement, etc.
Donc, avant même de se présenter devant la commission, les
citoyens et les citoyennes pourront savoir exactement comment cela va se
passer. Je dirai même davantage, M. le Président. À propos
des formulaires, il faudra que la commission, comme d'ailleurs elle le fait
déjà, dépose préalablement ses formulaires, avant
même de les faire accepter par le Conseil des ministres, au
secrétariat des relations avec les citoyens ou les citoyennes car c'est
là que tous les formulaires émanant d'organismes, de
sociétés et de ministères doivent d'abord être
visés, regardés et analysés pour leur simplification, pour
qu'ils soient les plus simples possible, avec les mots les moins
compliqués. Quand je dis les mots les moins compliqués, je pense
justement à l'analyse que nous faisions d'un formulaire de la Commission
de protection du territoire agricole il y a à peine un mois, un mois et
demi. Nous leur faisions des
remarques relatives au vocabulaire utilisé.
Donc, les règles de procédure seront établies et
connues. Ensuite, la personne fait sa demande. Là, avant même que
la cause ne soit entendue devant la commission, les techniciens et
spécialistes de la commission qui feront l'analyse de la demande vont
faire connaître à la personne intéressée les
conclusions auxquelles ils arrivent. Est-ce que c'est un bon dossier? Est-ce
qu'il manque des arguments? Est-ce qu'il est complet? Est-ce que les
techniciens proposent déjà aux commissaires un jugement
plutôt négatif ou plutôt positif? Donc, sur la foi de ce
document qui sera présenté aux commissaires, les personnes, les
propriétaires de terrains, par exemple, pourront bien voir
immédiatement ce qui manque à ce dossier, que, par exemple,
eux-mêmes, lorsqu'ils ont rempli les formulaires ou lorsqu'ils ont fait
leur lettre de présentation, ont oublié des
éléments qui auraient pu faire que l'analyse soit
différente. Donc, la personne intéressée dans la cause
recevra l'analyse qui aura été faite par les techniciens. (21 h
50)
Puis, un jour, la cause doit être entendue. Contrairement à
ce qui se passe maintenant, on pourra y faire un plaidoyer
supplémentaire. Donc, après avoir pris connaissance des notes
préparées par des techniciens de la commission, on pourra y faire
un plaidoyer par écrit. Si on juge à propos, donc si la personne
juge à propos, si le citoyen, si la citoyenne juge à propos, on
pourra demander à être entendu devant la commission.
Alors, on n'est pas satisfait du jugement. On demande à aller en
appel. Il y a d'abord des correctifs qui sont apportés sur l'appel
lui-même. Les commissaires qui ont siégé en première
instance, c'est-à-dire lors de l'audition ou qui ont fait la lecture des
représentations faites par les personnes, ne peuvent pas siéger
en appel. Il y a donc des mécanismes prévus à cet
effet.
Lors de l'appel, le citoyen, la citoyenne, peut à nouveau
présenter un plaidoyer écrit et, à sa demande, peut
également exiger que la cause soit entendue en sa présence alors
qu'elle pourra personnellement s'exprimer, faire comprendre peut-être par
des photos, par des gestes, par des paroles, ce qui n'a pas été
écrit, ce qui n'était pas prévu au formulaire, etc.
Donc, vous voyez par là toute cette limpidité qui va
s'établir, cette simplification administrative. Pensons simplement
à ce qui a trait aux municipalités parce que le monde municipal
fait aussi quelquefois affaire avec la commission. La municipalité
possède un terrain. Simplifions, M. le Président. La
municipalité a une route municipale, un chemin municipal, qu'elle veut
élargir. Eh bien! On sait qu'à tout coup la commission va
approuver l'élargissement d'un chemin à 20 mètres,
à 45 pieds. Alors, il est entendu maintenant que la municipalité
n'a qu'à aviser la commission qu'elle élargit son chemin, pourvu
que ce soit dans l'emprise ou, si elle veut faire passer un tuyau d'aqueduc
dans l'emprise de la route, en-dedans des 20 mètres, elle le fera et en
ne faisant qu'en aviser la commission. Donc, la simplification pour non
seulement les citoyens et les citoyennes mais aussi pour les
municipalités.
De la même façon, la municipalité qui a
déjà un terrain mais qui est zoné agricole, qui devait
servir à l'installation de la patinoire, du tennis municipal, dans des
petites communautés où, effectivement, il n'y a pas de pressions
de spéculations, où, effectivement, l'agriculture n'est pas
vraiment massivement menacée, la municipalité pourra simplement
en avertir la commission. De la même façon, le citoyen qui sait
avoir des droits et qui, actuellement, en prévient la commission mais
doit attendre, à cause de délais, assez longtemps, après
trois mois, si j'ai bonne souvenance, d'après l'amendement qui est
apporté, automatiquement, son droit sera reconnu. Si la commission veut
aller fouiller, elle le fera en-dedans de ces délais. Donc,
simplification administrative, transparence et raccourcissement des
délais.
M. le Président, ce qui se fait dans cette loi aujourd'hui en
Chambre n'est pas étranger à ce que nous faisons, je dirai
pratiquement tous les jours. Je n'étais pas en Chambre ce matin, mais
j'ai trouvé dans mes cahiers, tout à l'heure, un projet de loi
déposé aujourd'hui, le 6 juin. Le projet de loi 57, Loi portant
abrogation de lois et dispositions législatives omises lors des refontes
de 1888, 1909, 1925, 1941 et 1964. On trouve là l'abrogation de lois. On
ne trouve dans ce projet de loi que le titre des lois et leur numéro. Ce
qui signifie que ces lois abrogées vont retirer de nos cahiers de lois
une sacrée belle épaisseur. C'est quasi l'équivalent d'un
rayon de bibliothèque ce qui est retiré aujourd'hui, ce qu'on
propose à l'Assemblée nationale de retirer. Voilà une
simplification administrative.
Parlons des lois récentes. Il y a la Loi sur les mesureurs de
bois, la loi 26, qui a été votée en cette Chambre il y a
à peine quelques jours, qui simplifie l'organisation du métier de
mesureur de bois. La Loi sur le bâtiment qui est présentement en
commission parlementaire pour y entendre des consultations
particulières, qui réunit en une seule huit lois anciennes et qui
va simplifier toute la réglementation en ce qui a trait au
bâtiment. Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu présentait, il y a tout juste un mois,
une loi sur le Régime de rentes où elle simplifiait la vie
notamment aux femmes qui ont droit au Régime de rentes du Québec.
Pensons à
toutes ces réformes, à la refonte du Code municipal et de
la Loi sur les cités et villes. Simplification des lois, harmonisation
des lois municipales. Pensons à cette loi que nous avons votée
juste avant Noël qui biffait des autorisntions ministérielles pour
les municipalités de telle sorte que cette année le nombre
d'autorisations va passer de 13 000 à 4000. Simplification
administrative. Pensons à une loi d'il y a à peine un an sur le
Bureau de révision de l'évaluation foncière qui a
simplifié considérablement... D'ailleurs, c'est de la même
nature que ce que nous faisons aujourd'hui à propos d'une autre
commission puisque le Bureau de révision de l'évaluation
foncière est lui aussi un tribunal administratif. On l'appelle le
bureau. Celle-ci, on l'appelle la commission. Ils ont des mandats de même
nature.
La loi a permis de simplifier les procédures. La loi 42, que
dis-je, la loi de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail va permettre, dès son application le
19 août, une simplification administrative, une meilleure transparence,
une meilleure connaissance aussi des droits que les gens ont à
l'égard de la commission. Je ne souligne ici que des lois
extrêmement récentes. Ce souci de simplification, d'harmonisation,
ce souci d'établir de bonnes relations avec les citoyens... Je vous
dirai honnêtement, M. le Président que certes nous,
députés, lorsque nous accueillons à nos bureaux des
citoyens nous pouvons avoir un répondeur téléphonique, des
bureaux mieux présentés, du papier sur lequel notre adresse de
retour est inscrite, etc., mais pensez à tous ces fonctionnaires qui,
dans tous les organismes, tous les ministères, sont aux premières
lignes, au téléphone, dans les comptoirs d'accueil et regardez ce
qu'ils ont fait depuis quelques années. Regardez ces kiosques d'accueil
qui ont poussé partout.
Nous allons en inaugurer bientôt toute une série ici
alentour du parlement. Le dernier né c'est celui de l'édifice H
en face de nous. Au ministère des Communications, renseignements et
accueil dorénavant. On les trouve maintenant dans chacun des grands
édifices administratifs, pas partout encore, cela viendra d'ici six
mois, un an. On est en train de les mettre sur pied partout, de revoir toute la
signalisation. La fonction publique a fait l'expérience dans cinq grands
édifices administratifs, notamment l'édifice G. Je vous engage
à faire un tour à l'édifice G; en bas, il y a un kiosque
d'accueil pour vous renseigner et toute la signalisation a été
revue pour que les gens puissent s'y retrouver dans cet édifice. (22
heures)
La simplification des formulaires - j'en ai dit un mot tantôt -
comme de l'accessibilité aux édifices pour les personnes
handicapées, l'ouverture le midi de tous les bureaux; 70 % des bureaux
gouvernementaux sont ouverts le midi, et cela depuis à peine huit mois.
Il y a eu un enthousiasme extraordinaire. Lorsqu'on ne peut pas être
là le midi, il y a pour le moins un répondeur
téléphonique, ou encore on a regroupé des lignes
téléphoniques pour assurer un service aux citoyens et
citoyennes.
Tout cela est dans le même esprit. Nous avions pris un engagement
en 1981 lors des élections. Je vous dis, M. le Président:
Voilà, ce projet de loi 44 fait partie des réalisations de cet
engagement. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Beauharnois.
M. Laurent Lavigne
M. Lavigne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
parler ce soir en deuxième lecture sur le projet de loi 44, qui apporte
des amendements à la loi 90 qui, bien souvent, on le sait, a
créé certaines difficultés dans son application aux
agriculteurs qui demandaient du dézonage pour se construire. Il arrive
que, ce soir, avec le projet de loi 44, on apporte des amendements qui, je
pense, vont être à la satisfaction de l'ensemble des agriculteurs
du Québec.
J'écoutais moi aussi, comme mon collègue le disait tout
à l'heure, les députés de l'Opposition qui avaient l'air
de dire dans leurs discours que, depuis qu'on est là, depuis que le
Parti québécois est au pouvoir, le ministre Jean Garon n'avait
rien fait et que le gouvernement du Parti québécois n'avait rien
fait pour l'agriculture. Il ne faut pas être tellement versé dans
la question agricole pour s'apercevoir qu'au contraire il y a eu beaucoup plus
de fait depuis 1976, depuis que le Parti québécois est au
pouvoir, dans le domaine agricole, que durant toutes les années
précédentes et particulièrement dans les six années
qui ont précédé ce gouvernement, sous le règne de
M. Bourassa. Imaginez-vous M. Bourassa prenant le pouvoir, M. le
Président, et mettant comme ministre de l'Agriculture le
député de Maskinongé. Je vois d'ici la réaction des
agriculteurs et je vois d'ici, à mon avis, un fiasco pour l'agriculture.
Je suis convaincu de cela. S'il y en a un qui s'est débattu dans son
ministère, qui a pris à coeur la cause agricole, c'est le
ministre de l'Agriculture, M. Garon, appuyé du Conseil des ministres et
du Conseil des députés, pour faire en sorte que l'agriculture
soit un domaine vivant au Québec. Quoi de plus important pour un peuple
que d'avoir une agriculture en santé. Quand on regarde comment
l'agriculture s'est développée au Québec depuis les huit
ou neuf dernières années, cela ne se compare pas avec les
années qui ont précédé sous le règne de M.
Bourassa.
La Loi sur le zonage agricole, M. le Président, était une
loi maîtresse, une loi importante. Les libéraux avaient
commencé à la préparer, mais ils n'ont jamais eu la
volonté politique de la présenter et de l'adopter à
l'Assemblée nationale. Pourquoi? Parce que les libéraux
étaient de connivence avec les spéculateurs. On avait
laissé aller une bonne partie de notre sol arable, de nos terres
agricoles dans les mains des spéculateurs de sorte que, même si on
dit que le Québec est grand, il n'en reste pas moins que la superficie
propice à l'agriculture au Québec n'est pas si grande que cela
et, dans la mesure où on n'y fait pas attention, qu'on ne protège
pas notre terre arable, c'est évidemment l'agriculture et l'ensemble des
Québécois qui en prennent pour leur rhume. On devait donc, comme
gouvernement responsable, adopter la loi 90, qui a fait en sorte que toute la
zone agricole soit sous la protection de cette loi, permettant ainsi d'y aller
à fond de train dans des programmes qui allaient faire de l'agriculture
un domaine prospère, un domaine en santé. De là, est venue
une série de programmes et les cultivateurs en sont témoins, des
programmes, par exemple, qui ont aidé les cultivateurs à se
construire des silos à la ferme, à faire du drainage. Il
s'était fait avant nous du drainage agricole, du drainage souterrain,
mais il s'en est fait plus pendant les huit dernières années, M.
le Président, qu'il s'en est fait dans toutes les années
précédentes.
Pensez aussi au programme d'épierrement. Combien de terres
arables étaient laissées pour compte, laissées sans
culture, soi-disant parce qu'il y avait trop de pierre. On a sorti des
programmes permettant justement de donner des subventions aux agriculteurs qui
ont bénéficié de ces programmes et ces programmes ont
redonné une valeur agricole à des sols qui étaient riches
comme sols agricoles mais où il y avait trop de pierre. Avec le
programme de l'épierrement, plusieurs acres de terre au Québec
sont revenues à l'agriculture. La même chose pour le
défrichement. Combien de terre arables avaient été vendues
à des spéculateurs étaient restées sans culture,
sans labour! Particulièrement quand le sol est riche, si une terre est
laissée à elle-même, si on ne fait plus les labours, si on
ne la cultive pas, cette terre pousse en friche, en fardoches, et elle est
à toutes fins utiles abandonnée. Plusieurs de ces terres avaient
été abandonnées entre les mains des spéculateurs,
attendant des ventes, des achats, des ventes et des reventes et, pendant ce
temps, ces terres n'étaient pas cultivées.
Avec le zonage agricole, on a éloigné les
spéculateurs. On a permis avec la loi 90 sur le zonage agricole la
reprise de ces terres par les agriculteurs et on a fait profiter les
agriculteurs d'un programme de défrichement. Quand on se promène,
M. le Président, comme j'ai l'occasion de le faire chaque semaine de mon
comté de Beauharnois jusqu'à Québec par la
Transcanadienne, on s'aperçoit que, depuis les huit dernières
années, beaucoup de terres étaient laissées en friche,
étaient restées non cultivées, mais, d'année en
année, depuis les huit dernières années, beaucoup de
terres qui étaient en friche à l'époque sont redevenues
cultivées à cause du programme de défrichement. Je suis
content que les cultivateurs aient profité des programmes
d'épierrement, des programmes de silos, des programmes de drainage, des
programmes de défrichement et qu'on ait, par le fait même,
éloigné les spéculateurs.
C'est sûr que quand on remet des terres arables en valeur comme on
l'a fait, inévitablement, on augmente notre production et notre
autosuffisance, M. le Président. Notre production est ainsi
passée de quelque chose comme 35 % qu'elle était sous le
régime Bourassa à quelque part autour de 70 % ou 73 %
aujourd'hui, je pense. Donc, il y a là un vif intérêt pour
l'agriculture au Québec. C'est sûr qu'il y a encore des
problèmes. Il y aura toujours des problèmes, mais nous sommes
attentifs au gouvernement du Québec à essayer de trouver des
solutions avec les agriculteurs pour que ceux-ci soient de plus en plus heureux
de plus en plus productifs sur leur ferme et de plus en plus
concurrentiels.
Dans la mesure où on arrive à atteindre ces objectifs, qui
en profite? Les agriculteurs, dans un premier temps, et l'ensemble de la
collectivité, dans un deuxième temps, parce que, si les citoyens
et les citoyennes du Québec peuvent bénéficier de l'achat
de produits ou de denrées alimentaires venant de chez eux, ils ont de
grosses chances d'avoir d'abord un produit frais, un produit de qualité
et un produit qui va être moins dispendieux. Donc, c'est tout à
notre avantage d'augmenter notre production.
Dans certaines productions, on est plus qu'autosuffisant. On commence
même à exporter des produits cultivés au Québec. On
n'a qu'à penser, M. le Président, à l'essor qui s'est
produit en agriculture dans le domaine des céréales, par exemple.
On a énormément augmenté notre production
céréalière, la même chose pour notre production
horticole. Il y a un très grand effort qui a été fait par
le gouvernement du Parti québécois dans le domaine agricole. Je
suis sûr et certain qu'en dépit des couleurs politiques que
certains cultivateurs peuvent avoir - tous les cultivateurs du Québec ne
sont pas nécessairement pour le Parti québécois, mais en
conscience, même s'ils sont encore libéraux, ils devront
réfléchir sérieusement aux abords des prochaines
élections et penser à ce qu'était l'agriculture
dans le temps de M. Bourassa et à ce qu'est devenue l'agriculture pour
l'ensemble des Québécois depuis que le Parti
québécois est au pouvoir. Que ce soit dans le sirop
d'érable, dans les abeilles, dans l'élevage, dans la production
des céréales ou ailleurs, il y a là, il y a eu et il y
aura encore pour le gouvernement du Parti québécois un
intérêt marqué, à cause des efforts magistraux qui
ont été faits. (22 h 10)
Je pense honnêtement, en toute conscience, que les agriculteurs du
Québec qui voudraient réfléchir un instant sur le travail
qui a été fait par le ministre de l'Agriculture, M. Jean Garon,
appuyé par le Conseil des ministres et le gouvernement, vont se rendre
compte que l'agriculture a fait un bond énorme depuis les huit
dernières années. Nous sommes prêts à continuer
à faire en sorte que l'agriculture au Québec demeure pour nous
une préoccupation de tous les instants. Quant à moi, je suis
toujours un de ceux dans ce gouvernement qui verront à appuyer toutes
les politiques mettant de l'avant l'agriculture au Québec. Je vous
remercie, M. le Président.
Une voix: Vas-y, Albert! Le Président: M. le
député de Berthier. M. Albert Houde
M. Houde: Merci, M. le Président. Nous avons parlé
ce soir du projet de loi 44, modifiant la Loi sur la protection du territoire
agricole. Je veux répondre aux députés d'en face qui
disaient que les discours avaient changé au cours de la soirée.
Ils n'ont pas écouté ceux de cet après-midi, parce que,
dans tous les discours qui ont été faits de notre
côté en ce qui concerne le projet de loi 44 sur la protection du
territoire, nous avons dit que nous voterions en deuxième lecture pour
le projet de loi. C'est ce qu'on a dit.
De sérieuses questions se posent du côté de l'Union
des producteurs agricoles. Pour l'UPA, le projet de loi 44 réduit la
portée de la loi actuelle et remet en question le principe de la
protection du sol arable, le danger d'abus que peut entraîner la
révision périodique des zones agricoles. Je lis dans le
préambule du projet de loi: "Le projet de loi établit par
ailleurs un mode nouveau de révision périodique des zones
agricoles dans le cadre de l'élaboration et de la révision des
schémas d'aménagement des communautés ou des
municipalités régionales de comté. Cette révision
pourra être faite à tous les cinq ans par voie d'entente entre la
commission et les communautés ou les municipalités
régionales de comté et à défaut d'entente par
décision du gouver- nement, selon une procédure impliquant les
corporations municipales et la Confédération de l'Union des
producteurs agricoles."
Je pense que l'UPA a raison de se poser des questions, parce que le
ministre, dans le projet de loi qui est devant nous, est passablement muet.
C'est quoi, cela? Qu'est-ce qu'il fera? Quand le fera-t-il? Qu'est-ce qu'il en
fera? Ce sont les questions que l'UPA se pose. Un organisme aussi important que
l'UPA, aurait aimé être consulté lorsque le ministre a
préparé le projet de loi 44.
Je vous lirai un extrait de la lettre que l'Union des producteurs
agricoles a fait parvenir au ministre de l'Agriculture en date du 21
février 1985: "M. le ministre Jean Garon. Objet: Amendements à la
Loi sur la protection du territoire agricole. M. le ministre. Lors de notre
dernière rencontre du 10 janvier 1985, vous avez manifesté le
désir de consulter l'UPA sur les amendements qui pourraient être
apportés à la Loi sur la protection du territoire agricole. Suite
à une consultation interne et à l'étude de ce dossier, le
conseil général de l'UPA a appuyé les recommandations
soumises ci-après - je vais vous en énumérer seulement un
paragraphe, parce qu'il y en a trois pages -"Que tous les dossiers, inclusions,
transferts, morcellements impliquant un producteur agricole soient
traités prioritairement par la commission..."
Je passe les trois pages pour terminer avec le dernier paragraphe: "Que
l'UPA et ses fédérations régionales soient plus
associées aux modifications à la loi et aux règlements et
que le gouvernement et le MAPAQ soient tenus de consulter l'UPA avant toute
modification. Veuillez agréer, M. le ministre, l'expression de mes
sentiments les plus distingués. Jacques Proulx, président
général."
Je pense que le ministre a oublié - je ne sais pas, il me semble
que c'est important d'y penser, étant donné qu'il est ministre de
l'Agriculture, que c'est l'un des organismes les plus importants de la
province. Il n'a pas pensé de consulter l'UPA avant de mettre sur papier
son projet de loi 44. Dans le même mémoire, l'UPA réclamait
une commission parlementaire pour entendre les parties
intéressées. Cela a paru dans le journal Le Soleil du 5 juin
1985. C'est tout récent.
Parlons un peu de la Chambre des notaires. Que dit la Chambre des
notaires? Ceci. Elle n'est pas foncièrement contre le projet de loi mais
veut émettre certaines objections. La Chambre des notaires regrette de
n'avoir été consultée que deux jours avant le
dépôt du projet de loi. On s'attend à des amendements de
dernière minute, ce qui va probablement arriver. On a entendu dire
à travers les branches que le ministre allait présenter des
papillons lors de l'étude du projet de loi article par article; pourquoi
ne
pas les inclure dans le projet de loi actuel? Est-ce qu'il a quelque
chose à cacher? Est-ce qu'il va falloir que les gens se lèvent et
parlent fort pour que le ministre se rende compte que c'est important, ce qu'il
dépose devant nous?
L'article 5 concernant le droit d'appel traite d'un droit important;
tout comme l'article 14 concernant le dossier du demandeur et l'accès
à l'information; l'article 100 sur la sécurité des titres
est trop compliqué et va créer davantage d'incertitude.
Justement, la semaine dernière, j'ai rencontré un avocat de mon
comté qui connaît passablement les règlements de la
protection du territoire agricole. Il m'a dit: M. Houde, c'est de valeur, mais
le ministre, par les amendements qu'il va présenter à son projet
de loi, va dans certains cas compliquer davantage les démarches
auprès de la Commission de protection du territoire agricole à
Longueuil.
Parlons du droit de révision. Ce droit d'être entendu en
appel par des commissaires de la CPTA, même si ce sont les mêmes
que lors du premier jugement, manque totalement de crédibilité et
doit être combattu avec vigueur. Pourquoi? Actuellement, tout le monde
sait très bien que, lorsque quelqu'un fait une demande à la
Commission de protection du territoire agricole, on étudie le dossier,
on étudie la demande et, par la suite, si le requérant n'est pas
satisfait, il va en appel. Quand il va en appel, c'est devant les mêmes
personnes qui ont décidé à un certain moment que la
demande était refusée. Ce sont les mêmes personnes qui
l'entendent.
Ce qui va arriver avec le projet de loi qui est ici devant nous, ce sera
à peu près la même chose. Ce ne seront pas les mêmes
personnes, mais ce seront des personnes de la même boîte. Il va
arriver quoi? Un refus catégorique. Il ne faudrait pas prendre les gens
pour des idiots. Il me semble que le ministre devrait être plus
sérieux.
J'aimerais dire un mot sur la mise en place et la révision du
schéma d'aménagement. Encore là, l'UPA craint
l'ingérence des MRC dans les réaménagements de la zone
verte. Une MRC ou une communauté peut adresser à la CPTA une
demande de révision du zonage agricole. Les MRC croient qu'elles n'ont
aucun pouvoir là-dessus. S'il n'y a pas d'entente, la CPTA
prépare un plan révisé. Le plan révisé est
sanctionné par le gouvernement, le ministre ou ses fonctionnaires. Ce
sera toujours la même chose, toujours du pareil au même.
Services d'utilité publique et zonage agricole. Plus besoin
d'obtenir de permis de la CPTA pour acquérir un lot ou lotir un terrain
pour fins publiques. Exemple: l'élargissement d'une route de 20
mètres. Plus besoin de demander à la Commission de protection du
territoire agricole pour pouvoir faire des améliorations, redresser des
courbes là où il y a des accidents souvent mortels. Cela fait six
ans et demi, tout près de sept ans, que cette loi est en vigueur; il me
semble que cela aurait été facile d'apporter une modification. On
n'aurait pas dû avoir à attendre sept ans pour avoir un changement
comme celui qui est apporté aujourd'hui.
Le ministre est muet lorsqu'il est question de la construction d'une
résidence pour le producteur, son enfant ou son employé sur un
lot où le producteur exerce un emploi principal. Actuellement, on ne
précise pas de quel lot il s'agit, pour autant que le producteur en est
propriétaire. Il me semble que le ministre devrait donner des
explications là-dessus, lorsqu'on étudiera le projet article par
article. Peut-être qu'il aura un papillon à apporter pour
expliquer d'une façon bien claire et nette ce que c'est. (22 h 20)
Le ministre n'a pas consulté à l'avance les organismes
touchés par ces amendements. D'après nos informations, le
ministre de la Justice ne serait pas d'accord avec le type de tribunal d'appel
proposé dans le projet de loi, comme je vous le disais tantôt. Il
parle souvent, ce ministre-là, mais souvent ils ne se parlent pas entre
ministres du même gouvernement. Cela arrive, comme avec le
ministère de l'Environnement, le MLCP, on en a eu une preuve avec le lac
Saint-Pierre, qui touche un petit peu à mon comté.
La directive interne émise par le président, Me Pierre-Luc
Blain, est fort éloquente en ce qui touche les relations de la CPTA avec
sa clientèle, les informations qu'il a envoyées à des
personnes disant une chose, le ministre disant autre chose. Je vais vous lire
une lettre que Me Pierre-Luc Blain, que je connais très bien, a
envoyée. Il dit ceci au directeur, le 17 avril 1985: "Directive
concernant l'information juridique ou autre aux citoyens et à toute
personne ou organisme faisant affaires avec la commission.
Vous trouverez ci-joint directive susmentionnée. Pourriez-vous en
prendre connaissance et la distribuer aux professionnels de votre direction?"
Ici, information juridique ou autre aux citoyens et à toute personne ou
organisme faisant affaires avec la commission. Premièrement, le service
de l'information. Les renseignements fournis par le service de l'information
devront se limiter aux personnes, aux groupes, direction des services
techniques, direction des enquêtes et inspections, direction des affaires
juridiques. En terminant, on lit dans cette même lettre que M. Pierre-Luc
Blain envoie: "La présente directive entre en vigueur
immédiatement."
Vous savez que, lorsqu'on communique avec la Commission de protection du
territoire agricole à 25, Lafayette,
Longueuil... j'ai communiqué à plusieurs reprises pour
essayer d'avoir des renseignements. Premièrement, la ligne était
occupée ou, quand la ligne n'était pas occupée, il fallait
attendre des fonctionnaires pour avoir une réponse aux questions qu'on
voulait poser. Cela prenait énormément de temps. On rappelait, on
rappelait, on laissait le message, on pouvait nous rappeler à un certain
moment.
Pour avoir des renseignements, d'après le projet de loi qu'on a
devant nous, le projet de loi 44, on ne donnera plus d'information. Le ministre
de l'Agriculture dit: Oui, vous allez avoir de l'information. D'un autre
côté, Pierre-Luc Blain, qui est président de la Commission
de protection du territoire agricole, le ministre l'a nommé il y a sept
ans, dit le contraire. Qui dit vrai?
De Me Pierre-Luc Blain, je pourrais vous parler un bon moment. On
était en commission parlementaire ici il y a deux ans - cela va faire
deux ans dans quelques jours - nous étions à étudier des
documents en ce qui concerne la protection du territoire agricole et, la
séance terminée, je demande à Pierre-Luc Blain,
étant donné que je le connaissais depuis longtemps: Pierre,
pourrais-tu t'occuper entre autres de deux cas? Pas six, deux cas. Je ne te
demande pas de faveur non plus. Si les deux personnes n'ont pas la permission
de construire, oublie-les complètement mais regarde-les. C'est
correct, Albert, je vais m'en occuper.
Qu'est-ce qu'il a fait? Je ne sais pas s'il les a regardés,
ça va faire deux ans bientôt, je n'ai jamais eu de réponse.
Un des deux cas en question, touchait la protection du territoire agricole. La
commission était venue deux mois auparavant dans mon comté. Sur
six cas, il a dit: Tu peux en avoir quatre probablement qui vont être
acceptés, mais au moins entre autres, deux. Je n'ai jamais eu de
réponse de Pierre-Luc Blain. C'est pas mal comme président de la
Commission de protection du territoire agricole. C'est lui qui a écrit
les lettres en question dont je parlais tantôt.
Lorsqu'on parle de la protection du territoire agricole et qu'on regarde
ce qui s'est passé dans ma paroisse, chez nous, pas plus tard qu'il y a
environ trois mois, la municipalité du village de Saint-Félix
voulait installer une usine d'épuration sur un terrain dont elle
s'était portée acquéreur en 1971, un emplacement qui n'est
pratiquement pas cultivable, qui ne servait pas pour la culture. On a d'abord
demandé la permission d'installer l'usine d'épuration sur ce
terrain. Si je vous disais, M. le Président, que, encore hier soir, la
municipalité n'avait pas pu obtenir la permission de construire l'usine
d'épuration sur ledit terrain, à cause de la Commission de
protection du territoire agricole, et du "taponnage" qu'il y avait
là-bas. Il l'a obtenu en 1972. Ce qui est plus grave dans tout cela,
c'est que le ministère de l'Environnement donne des subventions assez
élevées. Qu'est-ce qui arrive? Il y avait un certain temps pour
construire ces usines. Si on n'arrive pas à l'intérieur des dates
qui sont inscrites dans le programmes, les 90 % ou 95 % diminuent
peut-être à 50 %; on ne le sait pas. Le conseil ne l'avait pas
encore hier soir.
Prenez la municipalité de Notre-Dame-des-Prairies, dans Joliette.
C'était des millions. Ses représentants se sont battus, ils ont
tout fait. Le maire de Notre-Dame-des-Prairies est allé jusqu'à
dire, à un moment donné, dans les journaux: Est-ce qu'il n'y a
pas une entente entre le ministère de l'Environnement et la Commission
de protection du territoire agricole pour ne pas s'entendre, pour ne pas donner
les subventions? Le maire de Notre-Dame-des-Prairies est allé
jusqu'à poser cette question dans les journaux.
Lorsqu'on va à la Commission de protection du territoire à
Montréal, on nous dit qu'on veut accélérer les dossiers et
donner la chance à ceux qui en font la demande de pouvoir fonctionner.
Quand on voit les personnes responsables des dossiers -j'ai communiqué
avec eux à plusieurs reprises qui prennent des vacances de quatre
semaines en plein coeur d'été, il me semble que ce n'est pas
pardonnable. Cela se faisait à la Commission de protection du territoire
agricole. Je ne sais si cela se fait encore cet été, mais cela
s'est fait les années passées.
M. le Président, en terminant, nous allons voter pour le projet
de loi 44 en deuxième lecture. Nous allons voter pour le projet, parce
qu'il y a des choses qui sont bonnes dedans. On veut aussi que le ministre de
l'Agriculture soit conscient qu'il y a des lacunes et on voudrait, lorsqu'on
l'étudiera article par article, qu'il soit présent et qu'il
écoute attentivement les recommandations que nous pourrons lui faire
pour qu'enfin il puisse apporter un projet de loi qui pourra répondre
aux attentes des personnes concernées, pour le bien, encore une fois, et
l'avancement du Québec. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Jacques Le Blanc
M. Le Blanc: Merci, M. le Président. J'ai entendu, de la
part d'un membre de l'Opposition comme des membres du côté
gouvernemental également, des raisons expliquant la pertinence du projet
de loi 44. Il est évident, M. le Président, que s'il n'y avait
pas eu de difficultés, pendant les six ans et demi d'application de la
loi 90, loi protégeant le territoire agricole du Québec, il n'y
aurait pas aujourd'hui de projet de loi
44 apportant des modifications à cette loi qui remonte
déjà à six ans et demi.
J'aurais pu, comme le député de Berthier,
énumérer certains cas de comté que j'ai eu à
traiter moi aussi, dans mon bureau. C'est justement pour essayer de
régler certaines de ces difficultés que le projet de loi 44 est
apporté. On a reproché bien sûr à la commission et
aux commissaires la rigueur d'application de la loi 90. Je pense qu'il
était nécessaire, pour que la loi joue véritablement son
rôle. C'était un élément assez nouveau au
Québec de décider de protéger les terres agricoles. Parmi
les nombreux cas de comté que j'ai eus également, comme beaucoup
d'autres députés, il faut bien reconnaître que la grande
majorité comportait, non pas des applications normales de la loi, mais
des cas de dérogation à cette loi. Si la loi pouvait tout
permettre, cela équivaudrait à sa non-existence. Si la loi
n'apportait pas de contrainte, comme n'importe quelle loi au Québec, que
ce soit la loi qui limite la vitesse ou toute autre loi contraignante, elle
n'aurait pas de raison d'exister et elle ne jouerait pas non plus le râle
pour lequel elle a été votée et adoptée. (22 h
30)
II fallait, je pense, M. le Président, ce laps de temps pour que
la loi soit véritablement rodée et que les modifications que l'on
apporte aujourd'hui répondent le mieux possible aux ajustements que
cette période de rodage a fait ressortir. Toutes les modifications que
le présent projet de loi apporte dans la nomenclature des articles qui
composent le projet de loi y ont été évoquées de
façon éloquente par ceux qui m'ont précédé.
Je ne voudrais souligner qu'un point sur lequel j'ai peut-être plus
d'intérêt que sur les autres points car, presqu'en même
temps que la loi 90 commençait à s'appliquer, que les premiers
territoires étaient décrétés, j'avais la
tâche de mettre en place, avec 18 autres collègues qui faisaient
le même travail que moi, les municipalités régionales de
comté, donc de vendre et d'appliquer la loi 125 sur l'aménagement
et l'urbanisme.
Plusieurs réflexions nous venaient à ce moment, par
exemple, que la loi 90 venait trop tôt par rapport à la loi 125
qui venait trop tard. J'ai entendu maintes fois ces réflexions de la
part des élus municipaux avec lesquels j'ai travaillé pendant
plusieurs mois. Je pense que cette prise de responsabilité et cette
conscience nouvelle qui se réveillaient dans le monde municipal de
vouloir assumer l'aménagement de son territoire, de vouloir
décider de la vocation de chaque parcelle de terrain sur le territoire
qu'eux-mêmes voulaient désigner, territoire auquel ils voulaient
donner eux-mêmes les limites, je n'ai jamais vu un découpage qui
se faisait de façon aussi démocratique et dans un respect aussi
grand des décisions des élus du peuple qui commandaient ce
découpage.
Il y a eu, bien sûr, des difficultés d'ajustement dans
certains coins du Québec, assez souvent sur des territoires
inhabités, ce qu'on appelait les TNO, mais dans l'ensemble sur les 94
MRC du Québec, je pense que dans la très grande majorité
des cas les décisions locales des élus municipaux en consultation
ont été très respectées.
Je reviens sur le point qui fait référence et qui fait le
lien avec les modifications qui sont apportées dans le projet de loi 44
par rapport à la loi 90 et qui s'harmonisent mieux avec la loi 125, qui
fait aux municipalités régionales de comté l'obligation de
préparer, d'élaborer et de rédiger le schéma
d'aménagement de leur municipalité régionale de
comté.
Je pense que cette expérience, cette tâche qui est
dévolue aux municipalités régionales de comté
constitue un exercice d'une importance capitale. C'est une expérience
qui aura des conséquences sur le développement des territoires
des municipalités régionales de comté. Je pense que ce
sont, c'est nettement reconnu depuis leur existence, ce sont des interlocuteurs
valables sur le plan régional, des partenaires dans une table de
concertation municipale sur un territoire donné, qui pourront faire
entendre une voix qui sera écoutée au niveau gouvernemental.
Cette modification dans le projet de loi 44 qui lie les
municipalités régionales de comté et qui oblige les
municipalités régionales de comté à procéder
à l'élaboration de son schéma d'aménagement
l'intègre également à l'application de la loi 90
modifiée par le projet de loi 44 pour l'établissement de la
révision des zones agricoles sur leur territoire. Cela se fera de la
même façon en négociation avec la municipalité
régionale de comté, comme cela s'est fait avec chacune des
municipalités locales qui ont eu à négocier avec la
Commission de protection du territoire agricole, leur zonage agricole, et
c'était communément désigné sous le nom de zone
blanche et de zone verte.
Ces protocoles d'entente et cette façon de procéder sont
élaborés dans le projet de loi 44 pour que cela s'harmonise avec
l'obligation qu'ont les municipalités régionales de comté
de préparer leur schéma d'aménagement. Moi, j'ai
très hâte de voir les résultats. Il y a des schémas
d'aménagement qui sont en préparation maintenant. Il y a des
copies préliminaires qui sont sorties dans certaines
municipalités régionales de comté qui sont un peu en
avance sur l'échéancier prévu. D'autres prennent un peu
plus de retard. Je pense que tout le monde, dans cette opération, n'a
peut-être pas réagi de la même façon.
Petit à petit, les municipalités régionales de
comté récupéreront des responsabilités dans la
délimitation du territoire agricole dans leurs limites. Sur ce point, je
trouve que c'est une modification qui est heureuse parce qu'on reconnaît
aux municipalités régionales de comté une plus grande
participation dans leur rôle de décideur de l'usage et de la
vocation de leur territoire.
Je conclus en disant que ces modifications étaient
nécessaires et viennent à point. Mais il ressort une
évidence incontestée: la protection du territoire agricole du
Québec était et demeure une mesure législative
nécessaire pour permettre de continuer la progression du
développement de l'agriculture au Québec qui a fait, au cours des
dernières années, un bond formidable. Notre objectif
d'autosuffisance alimentaire, notre objectif de produire de plus en plus de
céréales, on se devait, pour les réaliser, de valoriser la
terre agricole du Québec. C'est ce que le projet de loi 90 a fait et
c'est ce que le projet de loi 44 va contribuer à faire
également.
Je suis heureux aussi de constater qu'il y a eu, de la part des membres
de l'Opposition, une modification d'attitude importante. L'Opposition, lorsque
la loi 90 a été votée, était contre le principe de
la loi. Aujourd'hui, elle va voter pour le projet de loi 44. C'est
déjà un pas énorme de franchi dans ses réflexions.
Je suis sûr qu'elle le fait aussi parce que les cultivateurs du
Québec veulent que leur territoire soit protégé et le
projet de loi 44 contribue à cette protection également.
Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): II n'y a aucun autre
intervenant. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, votre droit de réplique.
M. Jean Garon (réplique)
M. Garon: Je serai très bref. C'est simplement pour dire
que le projet de loi 44 que nous avons déposé en vue d'apporter
certains amendements à la Loi sur la protection du territoire agricole a
fait l'objet de consultations depuis à peu près deux ans. Il y a
eu un très grand nombre de rencontres avec des députés du
Parti québécois, du milieu agricole, particulièrement,
où ont été mises en commun les différentes
interventions qu'ils ont eues dans leurs bureaux concernant la Loi sur la
protection du territoire agricole. J'ai aussi rencontré les membres de
la commission pour discuter avec eux, après tant d'années
d'application, à savoir comment ils voyaient les modifications qui
pourraient être apportées à la loi.
Là encore, il y a eu de nombreuses heures de discussion pour voir
quels étaient les principaux points qui devraient être
modifiés et je dois dire que les points mentionnés par les
députés et les points mentionnés par les gens de la
commission qui, eux aussi, voyaient des améliorations à apporter
à la loi à la lumière de l'application de la loi pendant
plusieurs années coïncidaient dans une très grande
proportion. (22 h 40)
J'ai eu l'occasion aussi de lire, dans la revue du barreau ou dans le
journal du barreau, les représentations ou les analyses qui ont
été faites par les avocats de pratique. J'ai aussi eu l'occasion
de rencontrer à deux reprises le Barreau du Québec, de rencontrer
également à deux reprises les représentants de la Chambre
des notaires et, encore hier soir pendant plusieurs heures, je dirai même
jusqu'à 1 heure du matin, nous avons discuté des
différents amendements et des différentes améliorations
qui pourraient être faits en vertu de la loi. Je suis actuellement aussi
en train de consulter l'Union des municipalités régionales de
comté et j'ai même arrêté temporairement notre
rencontre pour pouvoir venir terminer le débat sur le principe de la loi
en deuxième lecture. Nous devons rencontrer aussi au cours des prochains
jours l'Union des municipalités du Québec pour connaître
son opinion. J'ai rencontré également l'Union des producteurs
agricoles pour discuter sur différents points. Je dois dire que j'ai eu
d'excellentes suggestions, notamment concernant l'élargissement des
routes en milieu rural; les appréhensions de l'Union des producteurs
agricoles étaient, à mon avis, justifiées concernant un
article et je lui ai donné l'assurance qu'il y aurait des modifications
en commission parlementaire.
M. Baril (Arthabaska): Très bien.
M. Garon: Je dois dire que, au fond, il fallait que je
dépose le projet de loi avant ou au plus tard le 15 mai pour qu'il
puisse être adopté avant l'ajournement du 21. En commission
parlementaire, certains amendements seront suggérés à la
suite des différentes consultations que nous avons menées avec
les différents organismes pour bonifier encore les amendements que nous
proposons dans ce projet de loi. Il y a eu, je dirais, pas seulement des
dizaines d'heures, mais peut-être des centaines d'heures de consultations
puisque, si on additionne ensemble tous les débats qu'il y a eu dans les
caucus agricoles, si on additionne tout le travail dans les différents
organismes que je viens de mentionner, il ne pourrait pas y avoir
véritablement beaucoup plus de consultations que cela. Maintenant, il
est évident qu'il faut toujours faire des arbitrages là-dedans.
Il est difficile d'arriver avec une solution qui n'est peut-être pas
identique pour tout le monde, mais
l'orientation de ce projet de loi va dans le sens que souhaite
l'ensemble des participants.
Ce qui sera aussi très important pour les schémas
d'aménagement, c'est que l'Union des producteurs agricoles aura un
rôle, en vertu de la loi, plus important à jouer. Je pense aussi
que, sur le plan technique ou administratif, le gouvernement du Québec
devra aider financièrement l'Union des producteurs agricoles pour
qu'elle puisse jouer ce rôle. De la même façon que l'Union
des municipalités régionales de comté a des aides
financières pour établir des schémas d'aménagement,
il ne serait pas normal de ne pas aider aussi financièrement les
agriculteurs pour participer à certains débats au niveau
régional.
C'est pourquoi, dans ce projet de loi, nous avons souhaité qu'il
y ait le maximum de consensus qui se fasse au niveau local ou régional.
La perspective qui a été adoptée dans ce projet de loi a
été cette perspective de consensus, de débat au niveau
local pour, au fond, qu'on trouve les meilleurs aménagements possible
d'équipements qui doivent être situés à l'avantage
de tout le monde.
Maintenant, comme l'utilisation des terres est limitée par le
projet de loi, par la commission dont le mandat principal est la protection des
terres agricoles, il ne s'agit pas de situer des équipements sur des
terres agricoles quand on peut les placer ailleurs. Le nombre de terres au
Québec est limité. Il y a aussi des terres qui ne sont pas en
production actuellement. Les terres que nous avons n'augmenteront pas en nombre
au cours des années, de sorte qu'on ne peut pas véritablement
détruire les terres, les couvrir d'asphalte, les couvrir de
béton, les couvrir de maisons sans perdre une de nos principales
richesses.
Au point de vue de la révision ou de l'appel, nous avons
privilégié une commission avec deux niveau; la première
instance et la deuxième instance. Je pense, non seulement je pense, mais
je suis complètement convaincu que c'est la meilleure formule. Je sais
que des organismes ont proposé d'avoir des mécanismes d'appel
plus traditionnels comme les tribunaux de droit commun, mais les agriculteurs,
au cours des dernières années et depuis de nombreuses
années, ont eu souvent à se plaindre d'avoir à
comparaître devant des tribunaux de droit commun pour des questions
agricoles et de ne pas être compris sur des questions qui sont souvent
complexes, parce que, quand ils avaient à comparaître devant
certains tribunaux, ils se trouvaient face à des juges qui ne
connaissaient pas du tout le domaine agricole. Souvent, cela a
occasionné des dépenses considérables, parce que les
agriculteurs ont dû aller à d'autres niveaux pour obtenir des
décisions qui leur rendaient justice. Je pense particulièrement
au cas des plans conjoints, des quotas de production ou des contingentements,
où il est arrivé que les producteurs ont dû dépenser
des sommes d'argent considérables pour aller devant des tribunaux
supérieurs parce qu'ils n'avaient pas été compris en
première instance.
Je crois - et c'est l'opinion de plusieurs personnes - que sur le plan
des tribunaux administratifs, quand il s'agit d'une matière très
spécialisée, il peut être plus avantageux d'avoir un seul
organisme avec deux niveaux de décision pour que la matière soit
bien comprise. Là-dedans comme dans toute chose, il y a des questions
d'opinion. Nous avons privilégié cette formule parce que nous
sommes convaincus que c'est la meilleure. Nous croyons également que le
fait d'avoir deux niveaux de décision au sein de la commission, qui
seront étanches puisque les personnes qui siégeront en
deuxième instance seront des vice-présidents ou le
président avec des vice-présidents, par rapport à un autre
niveau où il y aura eu une décision en première instance,
permettra véritablement aux gens d'avoir une deuxième occasion de
faire valoir leur point de vue sans même avoir à justifier des
faits nouveaux puisqu'il s'agira d'un appel ou d'une révision de novo,
c'est-à-dire qu'on recommencera véritablement en deuxième
instance devant un autre banc qui viendra déterminer si le jugement de
première instance a été exact.
Enfin, concernant l'information, je pense bien qu'il n'y a pas beaucoup
d'organismes qui se sont autant promenés pour donner de l'information
que la Commission de protection du territoire agricole, mais il est
évident aussi que, comme c'est une loi majeure du gouvernement, une loi
que peu de pays ont eu le courage d'adopter, et qu'elle touche l'ensemble du
territoire québécois, elle a un impact beaucoup plus
considérable que d'autres lois qui n'ont pas la même importance.
Aujourd'hui, au fond, les gens se sont avec le temps habitués à
vivre avec cette loi. Nous avons toujours dit, du côté du
gouvernement, qu'avec les années la protection du territoire agricole
entrerait dans les moeurs. J'ai eu l'occasion de rencontrer des
délégations venant des différentes parties du Canada, des
États-Unis ou même de l'Europe. Aujourd'hui, je peux vous dire
à quel point ces gens sont admiratifs vis-à-vis du Québec
qui a réussi à adopter une telle mesure de protection des terres
agricoles. Je me rappelle avoir vu des délégations venant avec
des hommes politiques d'autres pays, où les agriculteurs de la
délégation faisaient quasiment une colère devant leurs
hommes politiques pour dire: Comment se fait-il que, chez nous, on n'est pas
capable d'avoir un aussi bon instrument que celui qu'on voit au Québec?
(22 h 50)
C'est évident que, comme dans toute loi, dans tout
mécanisme, dans toute
formule, il y a place pour de l'amélioration; avec
l'évolution dans le temps des institutions, il faut modifier certaines
parties ou certaines mesures qu'on trouve dans une loi, la meilleure soit-elle.
C'est pourquoi nous avons présenté ce projet de loi, ces
amendements. Nous aurons l'occasion de présenter d'autres modifications
en commission parlementaire, mais je suis persuadé qu'au point de vue du
public, de plus en plus, aujourd'hui, et de plus en plus avec les
années, les gens connaîtront la Loi sur la protection du
territoire agricole un peu comme l'ensemble de notre population connaît
le Code de la route, ce que les gens ont le droit de faire quand ils conduisent
leur automobile et ce qu'ils n'ont pas le droit de faire.
La Loi sur la protection du territoire agricole, par rapport aux terres
ou à l'ensemble du territoire québécois, est une loi qui
est ausssi importante pour le droit immobilier ou pour l'ensemble du territoire
du Québec que le Code de la route pour les routes ou les autoroutes.
Mais il fallait d'abord que la loi entre dans les moeurs. Il fallait d'abord
qu'on apprenne à vivre avec cette loi. Aujourd'hui, je pense qu'on peut
être fier, comme peuple québécois, de s'être
donné un instrument qui aurait dû arriver beaucoup plus tôt.
Si cette loi était arrivée 30 ans plus tôt, il y a des
milliers et des centaines de milliers d'acres d'une très grande valeur,
surtout dans la plaine de Montréal, qui auraient été
protégées pour l'agriculture et qui, aujourd'hui, ont
été recouvertes de béton, d'asphalte ou de maisons.
Je ne veux pas être plus long. Je voudrais remercier tous ceux qui
ont participé à ce débat, puisque, pour une fois, depuis
1978, j'ai l'impression aujourd'hui, avec le temps, non pas l'usure du temps,
mais l'expérience du temps, avec la maturité qui se
développe chez des gens qui vivent avec des instruments juridiques
nouveaux, de sentir au sein du Québec un large consensus pour la
protection du territoire agricole, mais aussi une grande fierté d'avoir
réalisé ce que peu de peuples ont réalisé dans le
monde.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de
loi 44, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation
M. Bertrand: Je fais maintenant motion pour que ce projet de loi
44, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, soit
déféré à la commission parlementaire de
l'agriculture, qu'il y ait président de séance pour cette
commission parlementaire et que le ministre de l'Agriculture, bien sûr,
puisse en être membre.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de renvoi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 29) du feuilleton, pour la prise en considération du
projet de loi 46.
Projet de loi 46
Prise en considération du rapport
de la commission qui en a
fait l'étude détaillée
Le Vice-Président (M. Rancourt): Prise en
considération du rapport de la commission qui a étudié le
projet de loi 46, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits
marins et les aliments.
Est-ce que le rapport de cette commission est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
maintenant d'appeler l'article 27) du feuilleton portant sur le projet de loi
28, encore là pour une prise en considération.
Projet de loi 28
Prise en considération du rapport
de la commission qui en a
fait l'étude détaillée
Le Vice-Président (M. Rancourt): Prise en
considération du rapport de la commission qui a étudié le
projet de loi 28, Loi sur le mérite du pêcheur. Est-ce que ce
rapport est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saguenay.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: Merci, M. le Président. Ce projet de loi 28,
présenté par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation, qui sert à décorer les pêcheurs
méritants et qui s'intitule Loi sur le mérite du pêcheur, a
pour but d'instaurer un Ordre du mérite du pêcheur pour
récompenser les bons pêcheurs et les bons producteurs.
Nous avons eu, au cours de la commission parlementaire et du
débat en première lecture, l'occasion de dire au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation que ce projet de loi,
quoique valable, comportait quand même certains dangers d'appropriation.
Lorsqu'on regarde ce projet de loi article par article - il a quand même
à peine douze articles - on s'aperçoit que le ministre
s'approprie à peu près tout ce que le projet de loi peut
contenir.
On regarde, par exemple, l'article 2: "Le gouvernement peut accorder les
décorations et les diplômes suivants..." Il s'agit de quatre
décorations qui sont accordées à différentes
catégories de pêcheurs. À l'article 3, on ajoute: "Chaque
année, le ministre organise un ou plusieurs concours de mérite du
pêcheur..." À l'article 4: "Le gouvernement peut par
règlement..." À l'article 5: "Le ministre choisit les juges..."
À l'article 6: "le ministre décerne les médailles..."
À l'article 7: "Le ministre est d'office commandeur de l'ordre."
À l'article 9: Dans la mesure que le ministre et le gouvernement
détermine, les sommes sont prises sur le fonds consolidé.
À l'article 10: "Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation est chargé de l'application de la présente loi."
Sur un projet de loi de douze articles, il y en a dix qui sont
propriété du ministre.
Or, essentiellement ce projet de loi a pour but d'accorder des
médailles, des diplômes de l'Ordre du mérite du
pêcheur à différentes catégories de personnes. On se
pose la question à ce stade-ci à savoir si c'était un
projet de loi ultra-nécessaire. Dans le domaine des pêches, est-ce
que ça va assez bien pour qu'on puisse s'asseoir sur nos lauriers et
dire: Maintenant que tout va très bien au Québec dans le domaine
des pêches, on va vous donner des médailles?
Les pêcheurs québécois s'attendaient à autre
chose. Les pêcheurs québécois sont pris, par exemple, avec
des problèmes, les cercueils flottants dont le ministre nous parlait;
différents pêcheurs - treize pêcheurs - au Québec
sont pris avec des bateaux de 200 000 $ à 300 000 $ qui ne correspondent
pas aux normes minimales de sécurité. Quand on pense aux usines
de Pêcheries Cartier qui ne sont pas ouvertes, dont les travailleurs sont
présentement en chômage, lorsqu'on pense à Newport
où ce n'est pas complété encore, lorsqu'on pense à
certaines usines sur la Côte-Nord, on peut se demander si c'est là
un désir de l'ensemble des pêcheurs de recevoir des
médailles.
Il est évident que personne n'est contre le fait d'accorder une
médaille ou un diplôme à quelqu'un qui est
compétent. Pour nous, ce n'était pas là la
priorité. Je pense que le ministre a manqué un peu de
sérieux avant de plonger dans les problèmes réels et
urgents qu'il aura à régler cette année. De se certifier
grand commandeur de l'Ordre du mérite du pêcheur et de distribuer
des médailles, on se croirait dans une classe de maternelle, M. le
Président, tellement ce projet de loi ne fait pas sérieux! La
question qu'on se pose, c'est: Pourquoi le ministre, à ce stade-ci, non
seulement veut-il décorer les pêcheurs - on le voit dans la loi 27
sur la restauration, on le voit dans l'Ordre du mérite forestier et dans
l'Ordre du mérite agricole mais il se crée grand commandeur de
tout ce monde-là et il distribue des médailles? Est-ce que c'est
essentiel pour les Québécois, chaque fois qu'ils vont faire
quelque chose de bien, de leur mettre une médaille autour du cou? Est-ce
qu'on peut dire maintenant qu'au Québec on est assez bien dans le
domaine des pêcheries pour s'asseoir sur nos lauriers en disant: II n'y a
plus de problème, maintenant, ce qu'il nous reste à faire, c'est
de vous donner des médailles?
Lorsqu'on regarde la situation dans le domaine maritime
présentement, on s'aperçoit que les gens du monde des
pêcheries s'attardent à autre chose que des médailles.
Malheureusement, déjà la saison de pêche est en cours, des
problèmes tout à fait extraordinaires ne sont pas
réglés et le ministre ne s'y penche pas. J'avais apporté
un exemple la semaine dernière et on en avait discuté tout
bonnement. Il va me dire que cela ne le regarde pas et que cela relève
du fédéral. (23 heures)
Dans mon comté en particulier, différents cueilleurs de
mollusques ont perdu 40 000 $ parce qu'on a, au Québec, un mauvais
service d'inspection qui relève du fédéral. Le ministre va
nous dire: Cela ne relève pas de mon ministère, mais
n'empêche que, si, avec la loi 48, au lieu de se chicaner pendant des
semaines et des semaines et des années avec le gouvernement
fédéral, une entente avait été signée, ces
gens aujourd'hui auraient 40 000 $ dans leurs poches. Je me demande,
maintenant, si vous passiez à la Conserverie de Portneuf, de quelle
façon les gens vous recevraient avec vos médailles. Je n'ai pas
l'impression que le ministre serait le bienvenu. Pourquoi? Ce n'est pas juste
la faute du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
du Québec. C'est la faute de Pêches et Océans aussi, mais,
lorsque personne ne s'entend et que tout le monde
se chicane, on se retrouve devant des situations aussi ridicules et
aussi désastreuses que celles que ces gens ont dû vivre il y a
quelques semaines.
Il n'y a rien qui nous dit que dans l'avenir on ne continuera pas
à vivre des situations aussi précaires. Je pense qu'il aurait
été du devoir du ministre de s'empresser de rencontrer le
fédéral et de lui dire: Écoutez, cela ne marche pas. Ces
citoyens perdent de l'argent. Au lieu de leur donner des médailles, on
va leur donner un service d'inspection adéquat pour qu'ils puissent
vendre leurs excellents produits et les mettre en marché au
Québec.
Dans les lois 48, 49 et 82, il y a eu des modifications que le ministre
aurait pu apporter pour alléger le fardeau des pêcheurs,
alléger le fardeau des propriétaires d'usines, et je parle
particulièrement du service d'inspection qui s'en vient de plus en plus
coûteux pour les pêcheurs et les propriétaires d'usines, qui
d'ici un an sera complètement à la charge de ces gens. Lorsqu'on
regarde, par exemple, la distorsion qui existe entre les propriétaires
d'usines et les pêcheurs qui doivent débarquer leur chargement
à ces usines, et quand on regarde, par exemple, l'achat qui se fait
directement sur les quais, ce poisson n'est pas inspecté, il est mis en
marché dans les autres provinces et on dit: C'est du poisson du
Québec. C'est pour cela que notre qualité est encore mise en
doute même si nos pêcheurs chez nous doivent payer, les
propriétaires d'usines doivent payer pour se faire inspecter et,
à côté, on pirate la qualité du Québec. Je
pense que cela aurait été une occasion rêvée pour le
ministre d'apporter une modification à sa loi sur l'inspection: au lieu
de mettre l'inspecteur dans l'usine, l'inspecteur aurait dû être au
quai, là où se font les débarquements, et on serait
assuré, de cette façon, que tout le poisson
débarqué des bateaux de pêche du Québec aurait eu la
même qualité. Encore là, on retrouve une distorsion qui
fait une mauvaise réputation au Québec et qui continue de se
propager dans les autres provinces, la mauvaise réputation que le
Québec avait dans ce domaine.
On a mis le ministre en garde lors de l'approbation de ses projets de
loi. Malheureusement, et on l'a répété au cours de
l'année, le ministre a préféré apporter un projet
de loi, même si on n'est pas contre, qui, à mon avis, n'est pas
essentiel. Un projet de loi qui n'est pas essentiel, et qui ne règle
rien dans le domaine maritime. Un projet de loi qui va apporter une petite
médaille, comme on le faisait à la maternelle, et le ministre
portera l'habit du grand commandeur, le chapeau, le tricorne, la cape et
l'épée, tout le bazar. Cela va donner quoi à l'ensemble
des pêcheurs québécois? Cela va donner quoi aux usines qui
sont fermées présentement, aux pêcheurs qui ne savent pas
où débarquer leurs chargements de poisson? Cela n'allège
aucune mesure des lois qui, souvent, sont iniques vis-à-vis de ceux qui
doivent gagner leur vie dans ce domaine.
M. le Président, le Parti libéral ne votera pas contre le
projet de loi du mérite du pêcheur parce que, récompenser
l'excellence, tout le monde est pour la vertu, sauf que là où on
doit s'interroger, c'est sur sa pertinence à ce stade-ci. Alors qu'il y
a des problèmes cruciaux qui n'ont pas été
réglés, on aurait dû apporter des amendements qui auraient
permis de régler des situations tout à fait injustes, des
situations tout à fait désastreuses pour certains
propriétaires d'usines et certains pêcheurs.
Mon temps sera partagé par mon collègue de Nelligan sur
cette intervention; c'est pour cela que j'arrête ici et que je
cède la parole à mon collègue de Nelligan. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, je voulais, avant de
commencer mon intervention, vous demander la permission et celle du ministre,
parce qu'on a cherché le leader du gouvernement - mon collègue a
pris seulement quelques minutes de son intervention - pour avoir quelques
minutes additionnelles en plus des dix minutes pour mon intervention. Je suis
sûr que le ministre sera tout à fait d'accord, avec sa gentillesse
habituelle.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il consentement?
Quelques minutes supplémentaires vous sont accordées, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, c'est la deuxième fois
que je prends la parole par rapport au projet de loi 28, alors que toutes
sortes de pêcheurs sont au bord de l'abîme financier - c'est vrai,
on peut dire cela -alors que nous avons toutes sortes de crises au
Québec, crise dans les affaires sociales, crise dans les
pêcheries, crise dans le milieu de la fiscalité publique, crise
dans les finances publiques, alors que nous venons de taxer les
Québécois avec 450 000 000 $ de taxes additionnelles.
Voilà que nous faisons encore un petit débat sur le projet de loi
28 qui va créer l'Ordre du mérite du pêcheur.
Nous sommes tous pour le mérite des pêcheurs. Je pense que
les pêcheurs sont les gens les plus méritants du monde, mais je ne
peux pas comprendre comment le ministre, lui, soit celui qui s'arroge le titre
de Commandeur de l'Ordre du mérite du
pêcheur. Je me demande quel est le mérite du ministre pour
être devenu Grand Commandeur de l'Ordre du mérite du pêcheur
immédiatement, d'un jour à l'autre. L'autre jour, on discutait de
l'Ordre du mérite de la restauration et voilà maintenant le
ministre qui est deux fois Commandeur de l'Ordre du mérite du
pêcheur et de l'Ordre du mérite de la restauration. Hier soir, je
me souviens avoir écouté le ministre de l'Enseignement
supérieur qui nous disait avoir fait un rêve où il avait vu
toutes sortes de choses. Quand je suis entré chez moi hier, j'ai eu
malheureusement un cauchemar. J'ai rêvé qu'enfin, la
république du Québec était arrivée. Dans ce
cauchemar, il y avait une grande parade pour célébrer
l'arrivée de la république du Québec et là, dans la
parade d'honneur, il y avait le Grand Commandeur lui-même, l'empereur.
Alors, on a crié "Vive l'empereur!"
Le Président: Non, non, non! Je pense, M. le
député, que vous dépassez nettement les bornes
admissibles. Je le pense, moi, et c'est moi qui suis le président.
À l'ordre! M. le député, si vous voulez prendre la parole,
votre siège est là-bas. Je vous prie de bien vouloir retirer ce
qui n'est pas un tableau didactique, ce qui est une... Si tous les
députés commencent à agir ainsi, vous voyez un peu ce que
cela va donner. Demain matin ou ce soir, un député de l'autre
parti va arriver avec une caricature de vous. Alors là, il y a 122
députés. Vous imaginez un peu le cirque que cela va donner dans
cette Chambre. Je vous prie de bien vouloir retirer ce...
Cela étant dit... Bien.
M. Lincoln: Je vais accepter, mais en même temps, je vais
dire quelque chose, M. le Président. Je pense que si dans cette
Assemblée nationale on est arrivé à un point où on
ne peut même pas avoir un peu le sens de l'humour - le ministre
lui-même ne s'est pas opposé à la chose... Ce que je
voulais démontrer, c'était le ridicule de la chose.
C'était le ridicule de la chose...
Le Président: M. le député!
M. Lincoln: ...parce que aujourd'hui, à cette
époque que l'on vit au Québec où on cherche...
Le Président: Je veux bien, mais c'est parce que ce
faisant, vous mettez en cause ou vous en appelez indirectement de la
décision que je viens de rendre, ce qu'un député n'a pas
le droit de faire. Je suis tout à fait d'accord avec toutes les
manifestations du sens de l'humour que l'on peut avoir, dans la mesure
où cela respecte aussi les bornes du décorum de ce Parlement, qui
en prennent un peu pour leur rhume depuis un certain temps. Je pense que cela
va à l'encontre du décorum qu'on doit avoir à
l'Assemblée nationale. Je crois que c'est aussi, si cela devait
être permis, parce qu'on ne peut pas... Les tableaux didactiques, c'est
une chose. Vous conviendrez avec moi qu'on va bien au-delà d'un tableau
didactique et qu'à partir du moment où on permet cela,
forcément, il va y avoir la contrepartie de l'autre côté.
D'autres députés vont arriver et, enfin... Vous imaginez un peu'
la foire que cela va devenir ici. Je pense que tout en...
Une voix: ...
(23 h 10)
Le Président: À l'ordre! Tout en pouvant avoir le
sens de l'humour, la parole est là pour le manifester; il n'est pas
nécessaire d'avoir recours à de telles manifestations, du moins
ici.
M. Gratton: M. le Président, sur une question de
règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Je pense que le député de Nelligan a
obtempéré à votre directive, a mis son placard de
côté. Je pense, par contre, qu'il a le droit d'expliquer pourquoi
il avait choisi de tenter de procéder de cette façon. Je pense
que c'est ce qu'il était en train de faire, et j'espère qu'il
pourra continuer l'explication qu'il était en train de nous livrer.
Des voix: Oh! Voyons! Une voix: C'est honteux!
Le Président: À l'ordre! Le député de
Nelligan, comme tous les autres députés, peut dire tout ce qu'il
veut dans les limites du règlement, dans des termes admis et selon la
pertinence du débat, dans la mesure où ce que l'on dit n'a pas
pour effet de contester la décision du président, ce qui, vous le
savez très bien, n'est pas permis.
M. Gratton: Évidemment, M. le Président, simplement
une question. Est-ce que parler du ridicule du projet de loi n'est pas
très pertinent?
Une voix: Voyons donc!
Le Président: M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Tout ce que je ne peux dire par la caricature que je
voulais vous montrer, je vais le dire en parole. Pour moi, c'est quelque chose
d'inacceptable qu'aujourd'hui, alors que le taux de chômage touche
presque le million de personnes au
Québec, on vienne ici nous présenter deux projets de loi
pour consacrer des bébelles et cela au cours d'une session que l'on dit
tellement importante. C'est bien ce qu'on est en train de faire. Tout le monde
ici est pour le mérite du pêcheur, tout le monde est pour le
mérite des restaurateurs, mais je n'accepte pas, quelle que soit
l'importance du ministre, qu'il se donne lui-même des titres de gloriole
qu'il a mérités de quelle façon? C'est pourquoi j'essayais
de démontrer à ma façon, un peu par l'humour, le ridicule
de la chose.
Quand on lit ce qui est arrivé dans les empires, ce qui est
arrivé lorsqu'on voit des photos de toutes ces grandes parades ici ou
là, que ce soit en Afrique centrale avec Jean Bedel Bokassa...
Une voix: Wo! Wo! Wo!
M. Bertrand: M. le Président...
Une voix: En Afrique centrale?
Le Président: Vous vous levez sur quoi?
M. Bertand: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Un rappel au règlement.
M. Bertrand: Si vous avez entendu les dernières paroles
prononcées par le député de Nelligan... C'est
peut-être une chose pour le député d'avoir recours à
l'humour dans un discours, je pense que c'est un droit absolu de la
liberté d'expression, mais de là à tenter de faire des
apparentements entre quelque membre de l'Assemblée nationale et
certaines situations...
Le Président: Allons, allons, allons! Je vois mal, puisque
vous vous leviez sur un rappel au règlement, quel est l'article du
règlement qui justifiait cette intervention. Le député a
le droit de faire les paralèlles qu'il veut dans la limite où il
reste à l'intérieur des bornes des expressions
parlementaires.
M. Lincoln: Ce n'est pas parce que je n'ai pas pu faire d'humour
à travers mon dessin que je vais faire de l'humour noir. Ce n'est
nullement une comparaison personnelle, ce n'est pas cela et je tiens à
le souligner. Tout ce que je veux dire, c'est que quand on commence, que ce
soit le ministre ou quelqu'un d'autre, à se donner des
décorations ridicules... Ce n'est pas le sens de la décoration
elle-même mais le fait de se donner cette décoration. Quand on
commence à se donner des décorations, on commence par l'Ordre du
mérite du pêcheur, on continue par l'Ordre du mérite de la
restauration et quoi encore? L'Ordre du mérite de quoi? De la sucrerie?
Des betteraves? Ensuite, ce sera quoi? Quel autre ordre va-t-on créer
encore pour le ministre? En fin de compte, quand il aura toutes ces
médailles, quand il les aura toutes eues, à quoi cela va-t-il
rimer? Qu'est-ce qu'on a consacré dans ce projet de loi pendant qu'on a
des problèmes des plus graves au Québec? Pour moi, c'est quelque
chose de futile, et je voulais le démontrer de la façon la plus
claire possible. Il me semblait que c'était la façon de le
démontrer. Dans tous les endroits où on porte des
médailles sans les avoir méritées vraiment soi-même,
on se fait ridiculiser et c'est ce que je voulais démontrer. Parce que
je n'ai pas pu le démontrer, je pense que tout ce petit débat
qu'on a eu l'a démontré bien mieux que je ne l'aurais fait
moi-même.
Quand les gens qui nous regardent aujourd'hui réaliseront que, ce
soir, on discute de l'Ordre du mérite du pêcheur où le
ministre se fait grand commandeur de l'ordre, ils réaliseront par
eux-mêmes la futilité de la chose, de ce gouvernement en fin de
pouvoir qui se donne toutes ces petites médailles qui ne valent rien de
bon. C'est ça que je voulais dire. Malheureusement, je n'ai pas pu le
faire de la façon que je voulais le faire, donc, je le dis tout à
fait simplement. C'est ce que je pense profondément. Lorsque j'ai
cité la République centrafricaine, c'était purement un
exemple. On aurait pu citer des centaines d'exemples de poitrines
bombées de décorations qui ne veulent rien dire. C'est
ça.
Le député de Vachon peut rire, mais, le jour de
l'élection, il aura à expliquer aux gens de son comté que
c'est comme ça qu'on a fait la création de jobs au Québec,
en passant l'Ordre du mérite du pêcheur et l'Ordre du
mérite de la restauration pendant que les pêcheurs de la
Basse-Côte-Nord crèvent de faim avec 8000 $ par an. Oui, c'est
ça, c'est ça et, si le ministre veut que je lui cite des extraits
de lettres que j'ai reçues, je vais le faire. Pendant qu'à
Newport on a bâti deux usines quand une seule pourrait faire l'affaire et
qu'il y a 400 pêcheurs qui cherchent du travail, et on crée
l'Ordre du mérite du pêcheur et le mérite se donne le
ministre de grand commandeur de l'ordre.
C'est tout ce que je voulais indiquer, sans aucune question de
personnalité envers le ministre que, personnellement, je trouve
très sympathique. Seulement, le principe de la chose, pour moi, est
inacceptable et c'est ce que je voulais souligner tout à fait
simplement. C'est ça.
Des voix: Parfait! parfait!
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: C'est quoi, le numéro du projet de loi?
Une voix: C'est le numéro 28. M. Jean Garon
(réplique)
M. Garon: M. le Président, j'ai écouté avec
beaucoup d'étonnement les discours de l'Opposition. J'ai
présenté un projet de loi sur le mérite du pêcheur
et, tantôt, on débattra le projet de loi sur le mérite de
la restauration, qui sont des projets de loi de même nature que le projet
de loi sur le mérite agricole qui existe depuis 1890. C'est un concours
qui avait été institué par le premier ministre du
Québec du temps pour imiter le mérite agricole qui existait en
France. Dans quatre ans, on fêtera son centième anniversaire. J'ai
pensé que les pêcheurs du Québec seraient très
heureux d'avoir un mérite comme le mérite agricole. J'ai peu
innové, voyant que la Loi sur le mérite agricole a duré 96
ans avec une grande fierté des agriculteurs du Québec et j'ai
pensé faire la même chose pour les pêcheurs, pour valoriser
leur excellence professionnelle.
J'ai été estomaqué d'entendre les discours de
l'Opposition tant au niveau du mérite du pêcheur qu'au niveau du
mérite de la restauration. J'espère qu'ils feront ce même
discours devant leur chef parce que leur chef a été assez
ridicule pour se faire donner cette médaille.
Une voix: Hein? Quoi?
M. Garon: En 1972, Robert Bourassa, premier ministre du
Québec, s'est fait donner la médaille du mérite
agricole.
Une voix: Hein? Des voix: Quoi?
Une voix: Elle est bonne! Elle est bonne!
M. Garon: Et après tous les discours insignifiants que
j'ai entendus de la part du député de Louis-Hébert, il
pourrait lire les dix-sept dictionnaires qu'il a commandés dans sa
réquisition lorsqu'il a été élu
député, parce que ça lui prenait dix-sept dictionnaires,
comme député de Louis-Hébert, des centaines de crayons et
des centaines de plumes pour fonctionner aujourd'hui avec des discours
insignifiants, méprisants pour le peuple québécois par les
députés de l'Opposition. Je vais vous dire une chose: j'ai toutes
les galées, du député de Charlesbourg en particulier, du
député de Louis-Hébert, du député de
Saguenay, du député de Nelligan pour qui chaque discours est un
mépris des Québécois. Il a dit: Ce sont des bebelles, ces
mérites. Un mérite agricole qui a duré 96 ans, qui fait la
fierté de tout le monde agricole québécois, a
été piétiné par les députés du Parti
libéral.
Une voix: C'est ça.
Une voix: Odieux! Odieux! Odieux! (23 h 20)
M. Garon: On a parlé de décorations ridicules, de
décorations qui ne veulent rien dire, comme l'a dit le
député de Nelligan. Pour la première fois dans cette
Chambre, je me suis senti humilié comme Québécois par ce
genre de discours.
Juste pour le plaisir de la chose, je vais vous renseigner un peu comme
député, qui venez de nulle part, qui ne connaissez pas le
Québec. Qui a eu le mérite agricole au Québec? Vous direz:
J'ai tellement respecté ces médailles que je n'en ai donné
aucune. Depuis 1976, et pour la première fois cette année, je
vais en donner plusieurs. Sous le Parti libéral, on a donné des
médailles en 1961, quand Jean Lesage gouvernait, à Ernest Mercier
du Parlement de Québec, à Firmin Létourneau, pas des
cultivateurs qui avaient gagné des concours parce qu'on pensait
légitime d'honorer des Québécois qui avaient fait leurs
marques dans le domaine agricole, à Firmin Létourneau d'Oka, dans
Deux-Montagnes. Personne ne va traiter au Québec, dans le monde
agricole, Firmin Létourneau d'être ridicule. Adhémar
Belzile de Normandin, Adélard Bellemarre de Yamachiche, Noé
Ponton à titre posthume. On a pensé que cela honorerait la
famille d'honorer quelqu'un qui avait fait sa marque dans le domaine
agricole.
En 1962, Pierre Gignac de Disraeli, Jean-Baptiste Lemoine qui avait fait
sa marque dans le monde agricole à Saint-Robert de Richelieu,
Stéphane Boily de Montréal, John Dickson de Montréal. En
1963, à chaque année, les libéraux ont donné des
médailles. Mgr Paul Roy de Nicolet, le révérend
père Louis-Marie Régis de Montréal, Mlle Marie-Blanche
Paradis de Notre-Dame-de-la-Doré, Jean-Paul Lettre du Parlement de
Québec. En 1966, Everett Biggs de Toronto en Ontario; on voulait rire,
je suppose, de quelqu'un de l'Ontario. Andrew Graham de Montréal,
Rolland Poirier d'Ottawa, Louis-Philippe Poulin, directeur
général de la Coopérative fédérée. Le
Parti libéral a voulu, je suppose, le ridiculiser en lui donnant une
médaille.
En 1967, l'Union Nationale a nommé Roméo Lalande,
aujourd'hui directeur général des meuniers, on lui a donné
une médaille du mérite agricole pour reconnaître les
années qu'il a passé dans l'agriculture. Éloi
Saint-Germain de Saint-Casimir de Portneuf, Georges Monnet de Paris, France. En
1968, l'Union Nationale a nommé Albert Gingras de
Montréal, Lionel Sorel qui a été pendant plusieurs
années le président de l'UPA. En 1969, la médaille a
été donnée à l'honorable Jean-Jacques Bertrand,
premier ministre du Québec. En 1971, Roland Pigeon qui a
été président de la Coopérative
fédérée a reçu la médaille du mérite
agricole. Les libéraux l'ont donnée en 1971 à un
sous-ministre qu'ils avaient nommé un an auparavant, Gaétan
Lussier, Parlement de Québec. Ils ont voulu l'honorer après un an
comme sous-ministre. Benoît Beauregard de
Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, Albert Alain qui avait été
président de l'UPA qui est ajourd'hui à la Commission de
protection du territoire agricole. Les libéraux lui avaient donné
la médaille du mérite agricole.
En 1972, Robert Bourassa, premier ministre du Québec, se fait
donner la médaille par son ministre de l'Agriculture.
Présentement, vous avez le député de Nelligan, je vais
envoyer les notes à son chef et je vais vous dire plus que cela. Quand
il va arriver en cette Chambre, je vais porter la médaille comme
commandeur, comme ministre de l'Agriculture en vertu de la loi, qui est le
président de l'ordre, en quelque sorte, puisqu'il administre cette loi.
La loi a décidé en 1890 que, d'office, le ministre de
l'Agriculture serait commandeur de l'ordre. Ce n'est pas moi qui ai
décidé cela, c'est la loi de 1890 qui imitait la Loi sur le
mérite agricole de France de 1885-1886. Ils trouvaient cela normal.
Pendant des années, même Maurice Duplessis a eu la
médaille du mérite agricole, M. le Président. En
1946...
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, je trouve très
instructive, très intéressante l'intervention du ministre, mais,
si je ne m'abuse, on est en train de parler du projet de loi 28, Loi sur le
mérite du pêcheur et non pas de l'Ordre du mérite agricole.
Est-ce que le ministre, pour être pertinent, ne devrait pas nous parler
un peu au moins du projet de loi 28?
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, sur le
projet de loi 28.
M. Garon: M. le Président, en 1946 -pour montrer les
personnes qui étaient honorées - il y avait, entre autres, le
juge Thomas Tremblay de Québec, pour le mérite agricole, parce
qu'on considérait qu'il avait rendu des services. En 1946, l'honorable
Maurice Duplessis et, la même année, l'honorable Hector
Laferté - vous le connaissez peut-être plus celui-là, il
était libéral - ont été honorés. Vous savez,
de grands hommes au Québec ont été honorés par le
mérite agricole. Je dois vous dire que celui qui a donné le moins
de médailles - qui n'en a même donné aucune, à part
à des cultivateurs qui les ont méritées dans des concours
déterminés par des jurys - c'est moi. Je ne les ai pas
multipliées, les médailles, au contraire.
Mais j'ai pensé que les pêcheurs seraient très
contents d'avoir un mérite qui reconnaîtrait l'excellence des
pêcheurs, des pêcheurs qui ont été la plupart du
temps oubliés. Vous savez, quand je suis allé sur la
Côte-Nord et sur la Basse-Côte-Nord, il n'y avait pas beaucoup de
ministres qui ont été responsables des pêches qui y
étaient allés. Vous pouvez demander au député de
Bonaventure, qui a été ministre des pêches pendant
plusieurs années, combien de fois il est allé sur la
Basse-Côte-Nord. Zéro. Vous pourriez demander: Dans toutes les
années du régime du Parti libéral, combien de fois ils
sont allés voir les pêcheurs de la Basse-Côte-Nord? Je vais
vous le dire: depuis la Confédération, zéro fois, pas une
fois. Comprenez-vous! Vous demanderez aux pêcheurs actuellement combien
de fois j'y suis allé, sur la Basse-Côte-Nord, les rencontrer et
travailler avec eux.
Une voix: Combien?
M. Garon: Quand le député de Nelligan dit qu'ils
crèvent de faim... Je dois vous dire une chose: en 1976, lorsque nous
sommes arrivés au gouvernement, le pêcheur de la
Basse-CÔte-Nord, en moyenne, gagnait 2500 $ par année.
Une voix: Combien?
M. Garon: En 1981, quatre ans plus tard, il était presque
rendu à 10 000 $, le pêcheur de la Basse-Côte-Nord. Il avait
une augmentation considérable. Pourquoi? Parce qu'on s'est occupé
des gens du territoire maritime. Allez aujourd'hui aux
Îles-de-la-Madeleine, alors que se bâtit une nouvelle usine
à Cap-aux-Meules, à Grande-Entrée, à l'anse de
l'Étang du Nord, voir si les gens trouvent cela drôle et ridicule
de reconnaître leur talent professionnel. Je vais vous dire une chose:
Vous allez en entendre parler des médailles.
Les discours insignifiants du député de
Louis-Hébert, je vais les lire un peu partout. Je vais en même
temps lire sa réquisition pour 17 dictionnaires lorsqu'il a
été élu. Imaginez-vous un député qui se fait
élire et qui a besoin de 17 dictionnaires pour connaître
l'orthographe. Je vais en parler de cela aussi. Je vais vous dire une chose:
tous les pêcheurs du Québec vont être valorisés
par le mérite du pêcheur, tous les gens qui ont
travaillé et qui se sont illustrés vont être
récompensés et reconnus pour leur mérite professionnel.
Vous savez, pour obtenir le mérite du pêcheur, comme pour le
mérite agricole, il faut avoir excellé pendant des années
avant de se qualifier.
Quand je vois que le premier ministre du Québec de 1972 s'est
fait donner le mérite agricole par son ministre pour avoir
été celui sans doute qui a nui le plus aux cultivateurs dans
toute l'histoire du cultivateur! Je vais vous dire une chose, j'ai l'impression
que, si je porte la médaille de l'agriculture comme commandeur et
ministre responsable de l'Agriculture, je vais vous dire qu'il n'y a aucun
cultivateur qui va rire de cela. Je défie votre chef de porter sa
médaille. Je défie votre chef Robert Bourassa de la mettre sa
médaille. Là, cela va être l'éclat de rire
général, de bord en bord du Québec, les gens vont se
tordre de rire. Ils vont dire: Comment? Ce roseau penchant, ce fouet, cette
terre en friche qui va nous dire vraiment qu'il est méritoire, et c'est
sous son gouvernement qu'il y a eu le plus de terres qui ont été
en friche, 150 000 acres par année, c'était la spéculation
d'un bord à l'autre du Québec. Il s'est fait donner la
médaille du mérite agricole en 1972, M. le Président.
Le Président: Une question de règlement, M. le
leader de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, le ministre s'enflamme et on
sait que cela peut être long quand il part; pourriez-vous le ramener sur
terre et le ramener surtout à la pertinence du débat? Il ne
s'agit pas d'un projet de loi sur le mérite agricole, il ne s'agit pas
d'un projet de loi sur la performance des gouvernements depuis la
Confédération en agriculture; il s'agit du projet de loi sur le
mérite du pêcheur. Si le ministre n'a rien à dire sur cela,
qu'on passe à d'autres chosesl (23 h 30)
Le Président: M. le ministre, en respectant la pertinence,
s'il vous plaîtl
M. Garon: M. le Président, moi, ce qui m'étonne,
c'est que les députés qui ont fait des discours sur ce sujet ne
se sont pas renseignés pour connaître la valeur du mérite.
Il m'aurait semblé naturel qu'ils lisent l'histoire du mérite
agricole pour voir ce que cela donnerait dans le domaine de la pêche, un
mérite du pêcheur. Nous avons une histoire complète, depuis
le début, qui explique tous les avantages, qui donne tous les noms. Ils
auraient constaté que le nom de leur chef est là. Bien, ils ne
l'ont même pas lue, ils ne se sont pas renseignés sur le projet.
Ils n'en ont pas vu l'intérêt et ils se sont moqués du
projet.
Une voix: Ils se moquent de leur chef.
M. Garon: Je peux vous dire qu'en ce qui concerne le
mérite du pêcheur j'espère instituer ce concours dès
cette année pour faire en sorte qu'il y ait, avec un règlement
qui va être adopté rapidement après l'adoption de la loi,
un mérite du pêcheur si possible cette année. Je peux vous
dire qu'il y aura une grande fierté dans tout le territoire maritime. Il
y aura une grande cérémonie. Pour compenser les années
où je n'ai pas donné de médailles, de 1976 à 1985,
je vais compenser cette année...
Une voix: Très bien.
M. Garon: ...en récompensant davantage et j'inviterai
à cette occasion les anciens qui ont obtenu des médailles au
cours des années passées. Je vais leur demander de porter leur
médaille, de venir possiblement ici, au salon rouge, pour rencontrer de
nouveaux médaillés dont, M. le Président... M. le
Président, j'aurai sûrement à demander votre autorisation
pour faire en sorte qu'on reconnaisse les mérites de gens qui ont
excellé dans ce secteur. Il serait heureux que, dans le domaine des
pêches, une première année en 1985, on reconnaisse les
mérites d'un certain nombre de personnes qui ont fait des efforts
considérables pour que le secteur des pêches puisse se
développer.
M. le Président, je sais que cette leçon d'histoire est
dure pour l'Opposition. Je sais que les discours qui ont été
prononcés par le député de Charlesbourg, par le
député de Louis-Hébert, par le député de
Saguenay, par le député de Nelligan, par le député
de Brome-Missisquoi et beaucoup d'autres vont faire l'objet d'analyse pour
montrer à quel point ces gens erraient. À toutes fins utiles, ils
se sont moqués, mais, dans un élan de vertu ou de
sincérité, le député de Saguenay a dit: On ne peut
pas être contre ce projet de loi parce qu'on ne peut pas être
contre la vertu.
Alors, pourquoi parler des deux côtés de la bouche?
Pourquoi se moquer d'un concours qui va être excellent, qui va être
extraordinaire pour la promotion de l'excellence, du professionnalisme dans le
secteur des pêches? Pourquoi avoir parlé pendant des heures contre
un projet de loi alors que, dans le fond, ce sera un projet de loi bon pour
l'ensemble des pêcheurs du Québec? Je me dis que, si l'Opposition
a trouvé ce projet de loi aussi ridicule, elle aura le courage de voter
contre puisque, quand un projet de loi est ridicule-Une voix: On vote
contre.
M. Garon: ...on ne vote pas pour, on vote contre. À ce
moment-là, je verrai si les députés et vous-même...
J'aimerais que le
leader en fasse un vote enregistré, même, au cours de la
journée de demain, pour que nous puissions voir...
Une voix: Very good.
M. Garon: ...ceux qui vont voter pour ou contre ce projet de loi
qui sera excellent pour l'ensemble du territoire québécois et
excellent pour la promotion de nos produits marins, pour la reconnaissance,
enfin, sur le territoire québécois, d'une catégorie de
travailleurs qui, dans le passé, a été trop souvent
oubliée.
Je vous dis qu'on fait actuellement un pas depuis le Dr Camille Pouliot,
que nous avons honoré en donnant son nom à un
bateau-patrouilleur. Le Dr Camille Pouliot a été un grand
ministre des pêches sous le gouvernement Duplessis. Quand je passe dans
le territoire maritime, les gens me disent: Dans le fond, vous êtes le
premier gouvernement qui, depuis le départ de Camille Pouliot ou de
l'Union Nationale, dans le temps où Camille Pouliot était
ministre des pêches, a renoué avec le développement dans le
secteur des pêches. Ils ont dit: Entre Camille Pouliot et le Parti
québécois, il n'y a rien eu dans le secteur des pêches.
J'espère que M. Bourassa ne pourra pas prétendre à
la médaille dans ce cas. En 1976, le budget pour la réparation et
la construction des bateaux était de 75 000 $ pour l'ensemble du
territoire québécois sous Robert Bourassa, alors que le budget en
1984 était de 11 500 000 $; nous sommes en train de renouveler la flotte
de pêche avec des bateaux qui font l'envie de tout l'Est du Canada, M. le
Président!
Je peux vous dire que, quand on ira dans le territoire maritime, on aura
l'occasion de lire ces extraits de discours des députés de
l'Opposition qui ont pensé que ce serait ridicule de reconnaître
les talents des pêcheurs, qui ont pensé que ce seraient des
décorations qui ne veulent rien dire, des bebelles et qu'on a
essayé de faire des portraits. Si j'avais à faire le portrait du
député de Nelligan, ce serait vite fait; ce serait cela; ce ne
serait pas davantage.
Je ne perdrai pas de temps à faire ce genre de caricature et je
préfère, au contraire, qu'on voit à ce projet le plus
rapidement possible pour pouvoir, finalement, adopter un règlement au
Conseil des ministres et mettre en vigueur ce programme de mérite du
pêcheur le plus rapidement possible, parce qu'on a les instruments pour
le faire avec le contrôle de la qualité par le triage, avec
l'inspection du poisson, avec des bateaux qui sont maintenant en mesure de
fournir la qualité, avec des cales réfrigérées - il
n'y en a eu aucune dans le temps des libéraux - avec des bateaux qui
sont équipés, qui sont organisés et qui permettent un
certain confort aux pêcheurs, qui étaient inexistants avant
1976.
Autrefois, c'était différent dans le secteur des
pêches. Aujourd'hui, le Québec est en train de s'affirmer et, si
le Québec s'affirme, essentiellement, c'est parce qu'il y a des gens
courageux qui travaillent sur la mer, les travailleurs de mer, comme dit
souvent la députée des Îles-de-la-Madeleine, qui vont
passer quatre ou cinq jours en mer dans des temps difficiles et durs, des
journées de vingt heures de pêche, lorsque la pêche est
bonne, qui naviguent sur les mers, qui prennent des risques et qui font en
sorte qu'aujourd'hui, des gens dans les usines peuvent travailler, parce qu'ils
rapportent le poisson.
Le gouvernement actuel a collaboré à moderniser ce secteur
et a fait en sorte de donner une perspective nouvelle au secteur des
pêches. Aujourd'hui, ce projet de loi sur le mérite du
pêcheur vient couronner l'ensemble des mesures que nous avons mises en
place et je suis persuadé que, dans le territoire maritime, ce projet de
loi sera bien accueilli, ce concours sera bien accueilli, parce qu'on
valorisera les gens du territoire maritime.
Le Président: Le rapport de la commission qui a
étudié le projet de loi 28 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Le rapport de la commission,
adopté. Je n'ai entendu aucune voix dissidente, ce qui nous mène
à la reprise du débat sur le projet de loi 27. M. le leader
adjoint.
M. Bertrand: M. le Président, effectivement, je vous
demanderais d'appeler l'article 2 du feuilleton.
Projet de loi 27
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Président: Reprise du débat sur le projet de loi
27, Loi sur le mérite de la restauration. Le débat va être
ajourné au nom de M. le leader de l'Opposition à qui je
cède la parole. (23 h 40)
M. Michel Gratton
M. Gratton: Merci, M. le Président. Très
brièvement, j'aimerais tâcher de faire comprendre, en supposant
qu'on veuille bien tenter de comprendre, que ce que nous avons fait, par
rapport au projet de loi précédent, le projet de loi 28 sur
l'Ordre du mérite du pêcheur, et ce que nous faisons, au moment de
débattre l'adoption du principe du projet
de loi 27, Loi sur le mérite de la restauration, ce n'est pas
condamner les projets de loi comme tels. Le ministre l'a dit lui-même,
comment pourrions-nous considérer ces projets de loi ridicules quand
nous votons en faveur de leur adoption? Ce que le ministre sait fort bien que
nous considérons ridicule, et ce que nous reprochons au gouvernement,
c'est que, au moment où, par exemple, dans le domaine de la
restauration, on connaît la pire situation dans cette industrie dans tout
le Canada, ce gouvernement - et je n'en fais même pas un reproche au
ministre de l'Agriculture, parce que cela ne relève pas du
ministère de l'Agriculture, que de s'occuper de l'industrie de la
restauration - au moment où l'industrie de la restauration au
Québec est dans la situation la plus précaire de toutes les
provinces canadiennes, tout ce qu'il a à offrir pour tenter de venir en
aide à l'industrie, c'est un Ordre du mérite de la
restauration.
M. le Président, on voyait dans le journal La Presse du 1er juin
dernier - il y a à peine trois jours - un article signé par
Michel Girard, dont le titre est le suivant: "Le Québec a
enregistré à lui seul la moitié des faillites de
restaurants au Canada." La moitié des faillites de restaurants qu'on a
connues au cours de la période de deux ans entre 1981 et 1983 a
été enregistrée au Québec, alors que, pourtant,
l'industrie de la restauration au Québec ne représente qu'environ
25% de l'ensemble canadien. C'est donc dire, M. le Président, qu'avec
à peine le quart du volume d'affaires qui se fait en restauration au
Canada on a quand même la moitié des faillites. Est-ce que l'Ordre
du mérite de la restauration va venir régler ce problème?
M. le Président, c'est évident que non. Est-ce que cela va donner
quelque chose à ces milliers de propriétaires de restaurants qui
ont fait faillite au cours des trois dernières années? Cela va
leur donner quoi de savoir qu'à compter d'aujourd'hui ou à
compter de l'adoption du projet de loi 27 il y aura maintenant
possibilité de donner des médailles aux propriétaires de
ces restaurants? C'est ce que l'on trouve ridicule, M. le Président,
pour le ministre de l'Agriculture et pour le gouvernement, de venir
présenter un tel projet de loi.
Je vous citerai une partie de l'article, M. le Président, parce
que je pense que c'est tout à fait pertinent à ce que nous
discutons ce soir. En dépit d'une forte augmentation des recettes, soit
21,3 % en deux ans, l'industrie québécoise de la restauration
connaît de sérieux problèmes de rentabilité. Les
Québécois bouffent de plus en plus au restaurant, mais,
paradoxalement, les restaurateurs, eux, vivent de plus en plus maigrement.
Pourquoi? Parce que l'augmentation du chiffre d'affaires, expliquent les
restaurateurs interrogés par la
Presse, n'arrive pas à compenser la hausse constante des frais
d'exploitation.
M. le Président, est-ce que l'on retrouve un seul article dans ce
projet de loi 27 qui concerne la question fondamentale des frais
d'exploitation? Aucunement, M. le Président. Quand on se rend compte
qu'au cours des quatre années, de 1981 à 1984, 1875 restaurateurs
ont fait faillite au Québec, que donne le projet de loi 27 pour les
propriétaires de ces 1875 restaurants, M. le Président? Il y en
avait eu au total 3665 déclarés dans l'ensemble du Canada et les
1875 représentent comme on l'a dit tantôt la moitié.
On le mentionne dans l'article, les revenus dans le domaine ont
augmenté de 21,3% au cours de ces années, mais justement si cette
augmentation est aussi importante c'est parce que c'est ici que les
restaurateurs ont connu les pires effets de la récession et les
augmentations qui ont été connues pendant les années qui
ont suivi cette récession l'ont été strictement en guise
de rattrapage de ce qui avait été perdu. Et pourtant, pendant
cette période de rattrapage, pendant que les choses reprenaient leur
cours normal, on a retrouvé 1875 restaurateurs qui ont dû
déclarer faillite. Je le répète, M. le Président,
les frais d'exploitation - et prenons seulement les taxes, anciennes et
nouvelles imposées récemment par le ministre des Finances - le
projet de loi 27 n'en fait aucun cas. On est probablement le seul endroit au
monde qui, pour promouvoir l'industrie de la restauration, impose une taxe
spéciale sur les spiritueux.
Pourquoi les restaurateurs doivent-ils payer plus cher la bouteille de
vin, la bouteille d'alcool qu'ils achètent à la Régie des
alcools que n'importe quel autre individu? Comme si ce n'était pas
toujours le même individu, contribuable, consommateur qui, finalement en
défraie la note en fin de compte. Une mesure qu'on aurait
préféré voir, qu'on aurait préférée
à ce projet de loi 27 sur l'Ordre du mérite de la restauration
cela aurait été simplement une décision du ministre des
Finances dans son discours sur le budget d'éliminer cette surtaxe sur
les spiritueux aux restaurateurs. Évidemment, mon collègue de
Vaudreuil-Soulanges s'esclaffe et avec raison puisque non seulement le ministre
des Finances n'a pas aboli cette taxe mais il a choisi de les augmenter, non
pas celle-là en particulier, quoique demain le prix des spiritueux
augmentera à cause des taxes et on aura une taxe sur la taxe et les
restaurateurs paieront encore plus cher les spiritueux.
Tout cela pour aider l'industrie de la restauration. Et à ceux
qui ne feront pas faillite on donnera peut-être une médaille si le
grand commandeur de l'Ordre qui est le ministre de l'Agriculture choisit d'agir
ainsi. Alors, non seulement le ministre des Finan-
ces il n'a pas aboli la taxe sur les spiritueux dans son budget mais il
a choisi d'en imposer des nouvelles et notamment d'imposer une taxe de 9 % sur
les assurances. On sait que dans le domaine de la restauration, la
responsabilité civile, les polices d'assurance contre l'incendie et les
responsabilités sont beaucoup plus élevées dans ce domaine
que dans plusieurs autres. Encore là, on viendra aider l'industrie de la
restauration en imposant cette taxe.
La réglementation. Est-ce que le projet de loi 43 sur les
impôts des personnes travaillant au pourboire a été de
nature à venir en aide à l'industrie de la restauration? Poser la
question c'est y répondre. Bref, si le gouvernement avait choisi, lui
qui, semble-t-il, est obsédé par la nécessité de
créer des emplois, par la nécessité de relancer
l'entreprise - c'est ce qu'on nous dit dans les discours de ces messieurs - si
cela était vrai est-ce que le projet de loi qu'on étudie ce soir
se limiterait à créer l'Ordre du mérite de la
restauration? Je vous soumets que les députés de l'Opposition ont
eu raison et continuent d'avoir raison de dire que c'est ridicule pour le
gouvernement d'agir ainsi. Le projet de loi on n'a rien contre. On n'a rien
contre la possibilité, pour le gouvernement, de reconnaître le
mérite dans le domaine de la restauration, dans le domaine des
pêcheries ou dans tout domaine où le gouvernement choisira d'agir,
c'est d'ailleurs pourquoi on vote en faveur de l'adoption du projet de loi. (23
h 50)
Je sais d'avance que le ministre, dans sa réplique, va essayer de
confondre les choses. Il aime faire rire ses collègues péquistes.
D'ailleurs, ses pauvres collègues péquistes n'ont pas souvent
l'occasion de rire ces temps-ci. Alors, bravo! Le ministre s'évertuera
à dire que les députés libéraux sont contre l'Ordre
du mérite, font toutes sortes de chinoiseries autour de cela. M. le
Président, je répète que nous concourons d'emblée
à l'adoption du projet de loi parce que nous n'y voyons rien de
repréhensible, bien au contraire.
Ce que nous disons, c'est que le gouvernement n'est pas sérieux.
Le gouvernement est complètement déconnecté de la
réalité, quand, en cours de session qui se veut consacrée
à l'économie, il vient nous dire: Ce qu'on a trouvé de
mieux pour venir en aide à l'industrie de la restauration, une industrie
où on a retrouvé la moitié des faillites canadiennes au
cours de la dernière période de trois ans, c'est de créer
l'Ordre du mérite de la restauration.
M. le Président, le ridicule ne tue pas.
Une voix: En conclusion.
M. Gratton: Oui, je conclurai quand j'aurai terminé, M. le
ministre. On aurait souhaité que vous terminiez votre discours du budget
un peu plus tôt avant d'en arriver aux nouvelles taxes, M. le ministre
des Finances, soit dit en passant.
Nous voterons donc en faveur du projet de loi...
Des voix: Bravo!
M. Gratton: ...mais nous souhaitons que le gouvernement se rende
compte que les résultats qu'il obtient - notamment aux dernières
élections partielles - dans les sondages des intentions de vote sont
justement dus à ce manque flagrant de réalisme de la part du
gouvernement qui, en voulant régler ou venir en aide à une
industrie, ne trouve rien de mieux que des projets de loi comme le projet de
loi 27.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Très bien. M. le
député de Saint-Laurent.
Une voix: Vous ne parlez pas là-dessus?
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Germain Leduc
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président,
j'écoutais, l'autre jour, le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation dire que le Parti libéral entendait
parler contre le projet, mais qu'il voterait pour. On n'a jamais parlé
nécessairement contre le projet. On dit qu'il y a des problèmes
dans le domaine de la restauration, chez les restaurateurs et le
hôteliers. C'est surtout cela qu'on a voulu rappeler au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ce que j'entends
d'ailleurs, ce soir, établir à l'occasion de l'étude du
projet de loi 27.
Il faut bien reconnaître que le projet de loi 27 est un projet de
loi qui reconnaît l'excellence dans la restauration et qui incite les
restaurateurs à servir les meilleurs plats possible que nous faisons
chez nous. Il s'agit, par ce projet de loi, de valoriser la profession.
Personne ne peut être contre le fait qu'on valorise la profession de
restaurateur ou d'hôtelier.
Ce projet de loi prévoit la remise, à la suite de
concours, de trois décorations ou médailles. D'abord, la
médaille d'or au Commandeur de l'Ordre du mérite de la
restauration, ensuite la médaille d'argent à l'Officier de
l'Ordre du mérite de la restauration et, enfin, la médaille de
bronze au Chevalier de l'Ordre du mérite de la restauration. Ce projet
de loi prévoit également qu'à la suite d'un concours, on
remettra un diplôme de mérite à un ou plusieurs jeunes
restaurateurs.
Ce projet de loi prévoit la remise de
récompenses. La question qu'il faudrait peut-être se poser
est la suivante. Quelles seront ces récompenses dont on parle dans ce
projet de loi? Il n'est pas fait état du montant ou de la forme de la
récompense exactement. Est-ce que ces récompenses seront
établies par règlement, tel qu'il est permis et prévu par
le projet de loi? On sait que le mérite de la restauration
prévoyait auparavant une bourse de 1500 $. Quel sera le montant -c'est
une question que je pose au ministre -de la bourse de la loi 27? C'est une
question, je pense, que plusieurs restaurateurs, plusieurs hôteliers
doivent se poser actuellement. En fait, ce qui arrive, c'est que le projet de
loi 27 officialise ou sanctionne - il faut bien le dire, ce n'est pas le
ministre qui l'a inventé - le mérite de la restauration, qui
existait depuis déjà quelque temps. Il faut reconnaître
d'ailleurs que ce concours est très apprécié dans le
milieu même de la restauration.
Une voix: Ah! Ah!
M. Leduc (Saint-Laurent): Nous le reconnaissons, M. le
Président.
Une voix: Bravo.
M. Leduc (Saint-Laurent): De ce côté-là, il
n'y a aucune réserve. Il y a une réserve, par exemple, que l'on
peut faire en ce qui concerne le projet de loi 27, c'est qu'en prenant ce
concours à sa charge, l'État fait une manière de mainmise
complète sur le mérite dans la restauration. Ce sont des choses
qu'il faut dire.
En effet, contrairement à ce qui existait auparavant, le
gouvernement, maintenant, va choisir les juges. Le ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation se déclare d'autorité -
c'est ce que la loi dit - le commandeur de l'Ordre du mérite de la
restauration et fixe toutes les modalités d'application de la loi par
son pouvoir de réglementation. Auparavant, nous avions le Comité
du mérite de la restauration, qui était formé de gens
provenant du milieu même de la restauration, de journalistes et de gens
du MAPAQ, trois personnes de chaque instance. Le jury national était
formé de deux personnes provenant du milieu de la restauration et d'une
personne du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. Auparavant, seuls les restaurateurs étaient admissibles
au concours et un seul prix leur était accordé en plus du titre
de gagnant national.
On peut se demander si le projet de loi 27 ne cherche pas à
adoucir, si ce n'est pas une occasion d'adoucir les critiques très
sévères du milieu de la restauration à la suite du fameux
projet de loi 43 que nous avons connu et qui a été
sanctionné et à la suite du projet de loi 94 qui n'a même
jamais été étudié.
Il faut reconnaître - plusieurs de mes collègues l'ont
fait, tantôt le député de Gatineau l'a établi -
qu'au-delà des médailles il y a de sérieux
problèmes dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie.
En s'intéressant à une mesure symbolique comme le mérite
de la restauration, le gouvernement oublie complètement tous les
irritants dont il est, à mon sens, le seul responsable. Ce gouvernement
du Parti québécois, c'est un gouvernement fort en symboles. Nous
avons connu beaucoup de symboles de ce gouvernement. C'est également un
gouvernement très fort en publicité. Cela a coûté
exactement, depuis un an, 20 000 000 $ en publicité. "On s'est
donné des forces!" Je ne sais pas si on s'est donné tellement de
forces dans le domaine de la restauration! Comme l'établissait
tantôt mon collègue de Gatineau, le Québec a
enregistré à lui seul la moitié des faillites canadiennes
des restaurants.
Quels sont ces irritants? D'abord, en premier, la surtaxe de 4,4 % sur
les vins et les spiritueux. Depuis près d'un an, le gouvernement en
promet l'abolition; il n'en est pas question, elle n'est pas abolie encore. A
mon sens et au sens de plusieurs Québécois, il devrait être
évident que, lorsqu'on achète beaucoup de marchandise, il devrait
y avoir un escompte. Ici, c'est juste l'inverse. Qu'on achète beaucoup
ou moins, dans le cas des hôteliers et des restaurateurs, je pense qu'ils
doivent acheter beaucoup, on leur impose une surtaxe; non seulement on ne leur
donne pas un escompte, mais on leur impose une surtaxe. En outre, les
restaurateurs et les hôteliers ont à payer une surtaxe sur la
bière depuis plus de deux ans. Ils connaissent aussi toute la question,
tous les irritants, les embarras causés par le vin libre où le
gouvernement est revenu sur sa décision. (Minuit)
Les gens de la restauration connaissent la taxe de 10 % sur les repas
depuis 1977. Ici, c'est l'industrie touristique qui écope, et le
"fast-food", il faut bien le reconnaître, qui en jouit, qui en
bénéficie. Autre irritant, les charges fixes. Les frais
d'assurance-maladie sont très onéreux, tout le monde le
reconnaît, pour l'industrie de la restauration qui emploie une
main-d'oeuvre, une main-d'oeuvre très importante. Autre problème
qui existe: les heures d'affaires des tavernes et des brasseries. Où en
sommes-nous, M. le Président? La question est toujours à
l'étude. Enfin, un irritant majeur qui a été imposé
récemment: la SAQ annonçait, pas plus tard qu'avant-hier, une
hausse de 7,1 % sur les spiritueux et de 5,4 % sur les vins.
On voit donc que le gouvernement étudie beaucoup - il faut bien
le reconnaître ce gouvernement étudie beaucoup,
particulièrement le ministre, mais, lorsqu'il prend une
décision, c'est rarement en faveur du milieu de la restauration. Quand
il prend une décision, ce gouvernement, dans le domaine de
l'hôtellerie, de la restauration, c'est pour imposer des taxes. Pas
surprenant dès lors qu'on ait assisté au Québec à
une croissance vertigineuse des faillites dans les restaurants. De 1979
à 1984, on est passé de 229 faillites à près du
double, soit 441 faillites, pour une croissance exacte de 92 % sur une
période de cinq ans. Pourtant, il faut bien le reconnaître, M. le
Président, les employés au pourboire dans ces
établissements gagnent 3,28 $ l'heure et ceux qui ont moins de 18 ans
gagnent 2,95 $ l'heure, soit exactement, nettement moins que le salaire minimum
de 4 $ l'heure. Il faut bien reconnaître que, s'il y a des faillites dans
le domaine de la restauration et de l'hôtellerie, ce n'est sûrement
pas dû aux salaires exagérés qui sont payés aux
employés, aux gens qui peinent dans ce domaine.
Un des irritants qui a fait couler beaucoup d'encre, qu'on se le
rappelle, c'est le fameux projet de loi 43 déposé en
décembre 1983 et adopté en juin 1984. Bien sûr, M. le
Président, que nous étions d'accord, que nous étions
d'accord pour que les gens au pourboire comme tous les autres citoyens du
Québec paient leurs impôts. J'imagine que ces gens qui oeuvrent
dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie étaient
d'accord pour payer leurs impôts. Mais, si l'État a des
problèmes à percevoir ses impôts, je dirais que ce sont ses
problèmes à lui et non ceux des employés au pourboire et
des employeurs. C'était sa responsabilité de percevoir les
prétendus 40 000 000 $ qu'il perd. Ce n'était nullement, on ne
devait pas refiler le problème aux employeurs ou aux gens qui oeuvrent
dans le domaine de la restauration, aux employés. L'État est
sûrement mieux équipé - je jjense que tout le monde est
d'accord - l'État est sûrement mieux équipé et
organisé pour percevoir ses impôts que les restaurateurs et les
employés, beaucoup mieux, bien sûr, que les petits
propriétaires de restaurants.
Les problèmes, on les a connus avec la loi 43, une loi 43 qui,
à mon sens, était inacceptable parce que arbitraire. Comment
accepter qu'un gouvernement statue que les Québécois, et surtout
les Québécois qui ont des revenus très bas, qui
travaillent le soir et les fins de semaine surtout, sont présumés
avoir des revenus égaux à 8 % du chiffre de vente du
propriétaire du restaurant? Comment accepter que ces employés au
pourboire soient l'objet, je dirais, de "spot taxing"? Pourquoi frapper ces
gens-là?
À mon sens, c'était un précédent dangereux,
c'était une première. Les travailleurs au pourboire, M. le
Président, sont des travailleurs autonomes au même titre que
d'autres travailleurs autonomes. Je pense ici aux commerçants, aux
professionnels qui doivent déclarer eux-mêmes leurs revenus. Libre
ensuite, bien sûr, à l'État, si l'État juge que les
revenus déclarés ne sont pas suffisants ou ne seraient pas
adéquats, libre à l'État, à mon sens, de
vérifier si les revenus déclarés étaient
réalistes ou non.
Oui, M. le Président, la restauration est un domaine important
dans l'activité économique du Québec; nous le
reconnaissons. Elle touche et affecte avec l'hôtellerie plus de 200 000
personnes dont 70 000 employés au pourboire. Fait important,
également, 60 % des emplois dans la restauration et l'hôtellerie
sont détenus par des femmes. Nous recensons 17 600 établissements
dans le domaine de la restauration et leur chiffre d'affaires annuel en 1982 -
il y a deux ans -était de 3 000 000 000 $, soit tout près de 3 %
du PIB au Québec.
Nous avons, M. le Président - nous le reconnaissons - une table
excellente au Québec. Nous avons de grands chefs cuisiniers, nous avons
de grands restaurants. À mon sens, c'est un avoir, c'est un patrimoine;
il faut en prendre soin et il faut le développer. Nous devons,
malheureusement, constater que depuis 1976 le gouvernement du Parti
québécois a très rarement pris des décisions
favorables au milieu de la restauration. Il a surtout frappé ce milieu
de taxes et d'irritants.
D'ailleurs, ces taxes et irritants sont toujours en vigueur. Ce qu'il
aurait dû faire, c'est lui donner de l'oxygène, lui donner les
moyens de se développer. Le projet de loi 27 est, je dirais, la
première mesure depuis neuf ans qui soit favorable au milieu de la
restauration. Encore là, cette mesure est purement symbolique, M. le
Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Puisqu'il n'y a aucun autre intervenant, M. le ministre, c'est votre
droit de réplique.
M. Jean Garon (réplique)
M. Garon: M. le Président, c'est un moment important pour
moi que celui de faire le discours de réplique sur le projet de loi 27,
Loi sur le mérite de la restauration. Évidemment, j'ai senti
qu'après avoir indiqué à cette Chambre, alors que les
députés du Parti libéral, jusqu'à maintenant, se
moquaient du mérite du pêcheur et du mérite de la
restauration, que leur chef, M. Bourassa, s'était donné un
mérite en 1972, ils ont réajusté leur tir assez
rapidement. Mais, j'ai mieux que cela.
Vous savez qu'on m'a accusé, on a dit que j'essayais de me donner
des mérites que je n'avais pas, que je n'avais pas eu un grand
mérite à faire ce projet de loi, que je
copiais les idées des autres, etc. Mais, j'ai ici des documents.
Je répondrai, par exemple, au député de
Louis-Hébert par une page d'annonces qui vient de la Beauce et j'aurai
l'occasion de démentir tous les discours qui ont été faits
principalement sur ce projet de loi par les députés de
Louis-Hébert, de Charlesbourg, de Nelligan, de différents
comtés. Nous allons ramasser tous ces discours pour faire
connaître cela aux gens.
Évidemment, ils ont parlé surtout du domaine de la
restauration et le député le plus suave a été le
député de Saint-Laurent. Il a commencé par dire qu'il n'y
avait jamais eu autant de faillites. Après cela, il a dit: 70 % des
restaurateurs sont des femmes. J'aimerais que le député de
Saint-Laurent fasse attention à ce qu'il dit, qu'il n'accuse pas les
restaurateurs de faire faillite parce que les femmes administrent des
restaurants.
M. le Président, il faudrait quand même faire attention aux
discours qu'on fait. Au contraire, je connais un grand nombre de restaurants
administrés par des femmes qui sont un grand succès. Justement,
la présidente de l'Association des restaurateurs, Mme Gaudet, est une
femme qui administre un restaurant à Farnham et qui connaît un
grand succès. (0 h 10)
Le député de Charlesbourg a essayé de dire: Le
ministre n'a rien eu à faire là-dedans, etc. Voici la lettre que
j'ai envoyée à tous les restaurateurs du Québec le 12 mai
1983 pour leur indiquer comment fonctionnait le concours du mérite de la
restauration. Ensuite, j'aurai l'occasion de vous lire des éditoriaux de
la revue Le Restaurateur, qui indiquent comment cela va fonctionner et comment
ils sont heureux. Après cela, je vous dirai pourquoi j'ai dû faire
un projet de loi, justement, sur le mérite agricole, pour sortir des
incidents politiques un mérite qui doit être au-dessus des
incidents politiques comme le mérite agricole l'a été
depuis 1890. Quel que soit le parti au pouvoir et quels que soient les
débats politiques, le mérite agricole a fonctionné d'une
façon parfaite parce qu'il était situé en dehors de la
politique. C'est exactement pour cela que j'ai voulu instituer un concours du
mérite du pêcheur et du mérite de la restauration pour que
si, occasionnellement, il y a un débat entre les restaurateurs et le
gouvernement le concours puisse fonctionner de la même façon et
qu'on ne fasse pas de politique avec le concours.
Le 12 mai 1983, j'écrivais: "Monsieur, madame - cela
répondra au député de Charlesbourg qui disait que le
ministre de l'Agriculture n'a rien eu à faire dans le concours - il y a
près de trois ans, à l'occasion du salon Rest-Hôte tenu
à Québec, je proposais la mise en place d'un concours du
mérite de la restauration..." À ce moment-là, le
président de l'Association des restaurateurs était M. Michel
Moreau, propriétaire de restaurants à Québec,
confrère de classe, que j'avais connu il y a plusieurs années. En
circulant au salon Rest-Hôte et chaque année par la suite je lui
avais indiqué que ce serait intéressant d'avoir un concours du
mérite de la restauration, mais cela a pris un certain nombre
d'années à s'organiser. Les différents travaux
préparatoires ont été faits, il est arrivé à
maturité sous la présidence de Mme Gaudet qui était,
à ce moment-là, présidente de l'Association des
restaurateurs. C'est de cette façon que le concours a eu lieu en
1983.
Je lis ma lettre: "II y a près de trois ans, à l'occasion
du salon Rest-Hôte tenu à Québec, je proposais la mise en
place d'un concours du mérite de la restauration
québécoise qui aurait comme objectif la mise en valeur de la
restauration québécoise et des personnes qui en font partie et la
promotion des produits agricoles, marins et alimentaires du Québec."
Quand les députés disent: Cela devrait aller au
ministère du Tourisme, ce n'est pas du tourisme que l'on fait avec la
restauration, c'est la promotion de produits alimentaires de chez nous. "De
nombreuses discussions entre restaurateurs, entre chefs cuisiniers et les gens
du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
ont eu lieu. De longues consultations ont abouti à la formation d'un
comité en octobre 1982. Ce comité, formé de
représentants de l'Association des restaurateurs du Québec, de
journalistes de la presse spécialisée dans la restauration et de
représentants du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation, élaborait un projet du concours du mérite
de la restauration québécoise. "Aujourd'hui, il me fait plaisir,
à titre de ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation du Québec, de vous informer du lancement du concours du
mérite de la restauration et en même temps de vous inviter
à vous y inscrire. Je suis particulièrement heureux de compter
sur la collaboration de l'Association des restaurateurs du Québec pour
mener à bien ce concours. Par ce concours, nous voulons souligner
l'importance du rôle que joue la restauration dans la chaîne
agro-alimentaire québécoise, particulièrement dans le
secteur de la consommation et, en même temps, mettre en valeur
l'excellence de la bonne table québécoise. "En mettant l'accent
sur l'originalité et la créativité, le mérite de la
restauration québécoise veut, de plus, favoriser les
façons différentes de préparer les produits agricoles,
marins et alimentaires que l'on retrouve en abondance dans les régions
du Québec. Les
noms des gagnants, national et régionaux, seront
dévoilés en novembre prochain, à l'occasion du bal de la
restauration qui couronnera le mérite de tous les artisans et artisanes
de la restauration. "Pour en savoir davantage sur le contenu de ce concours, je
vous saurais gré de lire les règlements généraux
qui seront publiés dans la revue Le Restaurateur du mois de juin 1983.
Je vous réitère donc l'invitation à inscrire votre
établissement à ce concours sur le formulaire que vous
retrouverez dans cette revue." J'ai signé cette lettre
expédiée le 12 mai 1983 aux restaurateurs
québécois.
M. le Président, je sais que différentes personnes ont
essayé de déprécier le concours, particulièrement
le député de Louis-Hébert, le député de
Charlesbourg, le député de Nelligan et différents autres
députés. Aujourd'hui, je sais à quel point les gens sont
heureux de ce concours: les restaurateurs, les chefs cuisiniers, les ouvriers
en usine. Je vous dirai plus, M. le Président: Depuis plusieurs
années, nous travaillons pour reconnaître le statut professionnel
également des cuisiniers. Depuis longtemps, ces gens souhaitent
être reconnus sur le plan professionnel. Nous avons travaillé
pendant un grand nombre d'années pour essayer de définir les
critères qui feraient en sorte que les ouvriers, les gens de cuisine
aient un statut professionnel comme on en retrouve dans différents
autres secteurs de la vie des affaires, de la vie de la transformation ou dans
le secteur industriel.
M. le Président, j'ai écouté les discours et je
dois vous dire que je n'ai pas été estomaqué par le
député d'Orford qui, à toutes fins utiles, n'avait rien
à dire. Je ne pourrai pas vraiment commenter ses propos. Le
député de Louis-Hébert a dit: Le ministre s'est
donné le titre de commandeur. Il ne comprend pas vraiment ce qu'est un
mérite professionnel. Pourtant, lui qui avait ridiculisé la
statue de Bolivar, il a été le premier à accepter une
médaille. J'ai eu le sentiment même que le pays qui lui donnait la
médaille voulait un peu le ridiculiser. J'étais certain qu'il
refuserait la médaille. Après avoir parlé contre tout
cela, il accepte la médaille.
Une voix: II a pris cela au sérieux.
M. Garon: II semble que, si la médaille va à un
restaurateur, elle n'est pas bonne, si elle va à un pêcheur, elle
n'est pas bonne, si elle va à un agriculteur, elle n'est pas bonne, mais
si elle va au député de Louis-Hébert, elle est bonne.
Une voix: Les deux côtés de la médaille.
M. Garon: II a parlé des taxes sur la boisson, mais je
n'ai pas vu le Parti libéral promettre de les enlever. Je mets le Parti
libéral au défi, lui qui a parlé contre les taxes sur le
vin et contre les taxes sur la boisson, s'il est sincère, de promettre
d'enlever ces taxes. Comme on juge l'homme à ses oeuvres, si le Parti
libéral peut... Je comprends qu'il a déjà enlevé
les fonds de pension des fonctionnaires, il n'a pas payé les fonds de
pension des fonctionnaires pendant deux ans sans demander la permission
à personne, ce qui équivalait à un genre de vol.
Une voix: Pendant sept ans.
M. Garon: Pardon! Pas deux ans, mais sept ans...
Une voix: Ah! Ah!
M. Garon: ...sans payer les fonds de pension, la partie du
gouvernement. M. Bourassa ne payait pas ces fonds de pension-là. Nous du
Parti québécois, on a remis l'argent qui devait être la
part du gouvernement dans les fonds de pension des employés pendant sept
ans. Eux qui parlent d'enlever des taxes, j'aimerais qu'ils fassent des
promesses formelles. Ils ont plutôt l'habitude de piger dans nos poches,
même sans adopter de loi, dans leur cas. Cela a été le cas
des fonds de pension. Y a-t-il quelque chose de plus traître que le fait
d'enlever le fonds de pension de quelqu'un sans lui dire? Un personne arrive
à la veillesse, plus de fonds de pension. C'est le Parti libéral
qui a fait cela.
Le député de Louis-Hébert a bien parlé, sauf
que je lui dirai que, dans sa famille, il y a des gens plus intelligents
puisqu'ils ont pris la peine de payer une page d'annonce pour féliciter
le ministre. Je vous lis ceci dans la revue de juin 1983, volume 1, no 9:
"Gailuron, félicitations à l'Association des restaurateurs du
Québec et au ministre de l'Agriculture. Signé Raymond Doyon,
président de Gailuron".
Une voix: Elle est bonne, celle-là!
M. Garon: Vous remarquerez que, dans la famille du
député de Louis-Hébert, il y a des gens plus intelligents
qui, eux, ont trouvé que c'était un bon concours, que le ministre
faisait bien de donner des médailles aux restaurateurs et de
reconnaître les talents culinaires du Québec.
J'en lirai maintenant un autre pour ceux qui disent que le ministre
n'avait rien à faire là-dedans. Le président de
l'association, en juin 1983, dit: "La place que le restaurateur occupe dans la
société et qu'il défend par un labeur acharné et
une fidélité à toute épreuve sera enfin reconnue."
Ce
n'est pas il y a plusieurs années; c'est en juin 1983. Le
concours n'a pas eu lieu en 1984; il a eu lieu une fois. Quand le
député de Saint-Laurent dit plusieurs années, il devrait
changer de recherchiste.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Garon: Écoutez bien ce que dit le président des
restaurateurs: "Même les hommes les plus tenaces ont besoin
d'encouragement et de modèles à suivre. Pour ces raisons, nous
sommes heureux de participer à un événement sans
précédent -sans précédent, pas depuis 50 ans,
depuis 10 ans, depuis 3 ans, depuis 2 ans - dans nos annales. Il s'agit
d'honorer certains des nôtres d'une façon prestigieuse et
officielle. Puisque le restaurateur est l'artiste qui travaille cette
matière première que sont les victuailles issues de notre
terroir, il est normal que notre terroir reconnaisse ceux qui savent le mieux
le mettre en valeur, mais qui mieux - écoutez bien ce qu'il dit; c'est
le président de l'Association des restaurateurs qui parle - que tout
autre peut s'enorgueillir de représenter le terroir, sinon notre
ministre de l'Agriculture?
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Garon: "C'est lui qui, conjointement avec l'Association des
restaurateurs du Québec, organise et préside le concours du
mérite de la restauration." C'est-y assez beau? On ne peut pas demander
mieux que cela.
Ce concours, les gens en sont très fiers dans cette revue. Je
pourrais en lire d'autres. Il y a un message du comité. Il y a une page
complète sur le comité. Ils ont même mis ma photo dans la
revue.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
(0 h 20)
M. Garon: C'est écrit, en titre: "Enfin, un concours
d'envergure pour les restaurateurs." Ce n'est pas pire, non? Et on dit: "Lors
de son passage à Montréal, le 4 mai 1983, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a donné le coup
d'envoi officiel au concours du mérite de la restauration."
Évidemment, ce n'était pas le député de
Charlesbourg, il n'était pas là.
Après cela, quand vous avez eu le concours, c'était des
pages et des pages sur le concours et des titres de journaux. Les gens
étaient heureux, comprenez-vous. Cela a été une grande
cérémonie où les restaurateurs d'un peu partout sont venus
pour recevoir les médailles qu'ils avaient gagnées. Ils
étaient tous heureux. C'était dans une grande soirée pour
tous. C'était le numéro de janvier 1984.
En février 1984 - M. le député de
Saint-Laurent, cela existe depuis longtemps -Mme Marie Gaudet,
présidente a dit: "La mérite était une première et
ce fut un premier succès. Avec ce répit pour mesurer l'effort, il
faut maintenant préparer les Méritas de 1984." Voyez-vous, elle a
dit: II faut continuer, cela a bien été. C'est bon, il faut
continuer. Je ne lirai pas tout l'article, mais les gens étaient fiers
de cela. C'est pourquoi, en 1984, je ne cacherai pas que j'ai
déploré le fait que, parce qu'il y avait un imbroglio au sujet
des pourboires, le concours n'ait pas eu lieu. C'est pourquoi j'ai pensé
qu'il devrait y avoir une loi sur le mérite de la restauration pour que
le concours soit en dehors de la politique.
Il y a, aujourd'hui, au ministère de l'Agriculture, un certain
nombre de concours que nous administrons avec beaucoup de succès,
d'ailleurs. Évidemment, ce n'est pas le député de
Saint-Jacques qui a fait son petit discours, lui aussi, qui a refusé 40
000 000 $ dans son comté avec le parc des expositions
agro-alimentaires...
Une voix: II a fait cela, lui!
M. Garon: ...notamment un édifice sur la gastronomie
québécoise qu'il va y avoir là... Parce qu'une des
façons de développer la promotion de nos produits, c'est de bien
les apprêter. Il y aura une bâtisse, particulièrement
à la Maison du Québec, pour développer la restauration,
les produits du Québec, la façon de les apprêter. Quand je
vois le député de Saint-Jacques, non seulement il a parlé
contre le mérite de la restauration, mais, en plus, il a refusé
40 000 000 $ dans son comté. Il a voté contre, pas contre les
modalités mais contre le principe en deuxième lecture, contre 40
000 000 $ dans son comté. Vous n'avez pas vu beaucoup de "zarzais" de
même. Je m'excuse, M. le Président, ce n'est peut-être pas
parlementaire, mais je veux dire que vous n'avez pas vu cela souvent, un
député qui refuse 40 000 000 $ dans son comté pour
développer l'île Notre-Dame, pour en faire une île
entièrement utilisée. Je vais vous dire mieux que cela: En fin de
semaine, samedi, parce que la semaine est trop remplie, je vais rencontrer le
maire de Montréal et nous allons commencer à établir
l'échéancier ensemble...
Une voix: Ah oui!
M, Garon: ...pour les travaux qui vont se faire. Des
fonctionnaires avaient peur que le maire et moi, nous allions trop vite. J'ai
dit: Au contraire, nous voulons aller le plus vite possible. J'espère
qu'il va y avoir le maximum de travaux en 1984 pour que la saison 1985 soit la
plus extraordinaire possible sur l'île Notre-Dame. Mais, là
encore, il s'agit de mettre en oeuvre, de
vanter, de faire connaître les produits agroalimentaires
québécois. Il y aura un parc des expositions agro-alimentaires
où toutes les facettes de nos produits vont être
représentées: les produits agricoles, les produits marins, les
produits alimentaires, M. le Président.
Mais là non plus, il n'y a pas eu de collaboration du
député de Saint-Jacques. Il vote contre, même si cela a
lieu dans son comté. Il en est gêné un peu puisque, l'autre
jour, il y avait des gens et il a dit: Je me suis abstenu. J'ai dit: Non, vous
êtes un jeune député, vous ne savez peut-être pas
cela, mais votre vote est enregistré. J'ai demandé un vote
enregistré justement pour avoir le plaisir de vous dire pendant
longtemps que vous avez voté contre ce projet de loi.
Une voix: Très bien, très bien.
M. Garon: II commençait déjà... J'ai dit:
Non, non, non, ne commencez pas. Vous êtes trop jeune pour conter des
blagues, vous avez voté contre 40 000 000 $ dans votre comté.
Vous savez que nous administrons plusieurs mérites au ministère
de l'Agriculture, le mérite agricole pour les cultivateurs...
Une voix: Ah! C'est quoi, cela?
M. Garon: ...le Lys d'Or pour l'industrie laitière,
où on reconnaît les mérites des meilleurs fabricants de
beurre, de fromage, de lait, de yogourt, différents produits laitiers.
Parce que cela prend une année, avec des inspections quotidiennes des
produits et ceux qui se classent le mieux au point de vue de la qualité
à la fin de l'année ont le droit d'être
décorés, d'être reconnus dans une soirée. Vous avez
là un concours qui demande 365 jours de travail, qui valorise
l'excellence de nos produits. C'est la meilleure façon qu'on ait
trouvée dans le domaine agro-alimentaire pour reconnaître les
talents.
Ces concours n'existent pas depuis cinq ans ou dix ans. Vous savez, dans
l'humanité, il y a 1000, 2000, 3000 ans, il y avait de ces grandes
expositions, de ces grands concours, de ces grandes foires agricoles où
l'on reconnaissait le talent des meilleurs.
Un autre concours que nous avons institué en 1979, le concours
Villes, villages et campagnes fleuris, est renouvelé cette année.
Actuellement, nous pensons atteindre à peu près 500
municipalités qui vont être inscrites au concours. Nous avons
l'intention d'aller dans la ville de Hull. Je suis un peu étonné
que le Parti libéral se moque de ces concours puisque la ville de Hull
voulait recevoir les gens. C'est la ville de Warwick, dans le comté
d'Arthabaska, qui a gagné quatre fois le concours du village fleuri
au
Québec. L'an dernier, nous sommes allés à
Côte-Saint-Luc et je vous dis que le député du Parti
libéral était très heureux de voir au-dessus de 1000
personnes réunies pour recevoir les prix, 1000 personnes qui venaient
d'un bout à l'autre du Québec, de tous les territoires du
Québec pour voir décorer leur municipalité qui avait
gagné le concours Villes, villages et campagnes fleuris. Elles ne se
moquaient pas du concours. Au contraire, elles étaient très
fières d'être là. Je vous dis qu'à Hull, cette
année, il y aura encore sûrement 1000 personnes, et
peut-être davantage, pour venir recevoir leur prix du concours Villes,
villages et campagnes fleuris. Quant au concours de la restauration, cela a
été la même chose, M. le Président. Je peux vous
dire que jusqu'à maintenant vous n'avez jamais eu de plaintes au point
de vue des jurys. Les gens disent: Vous "taponnez" les jurys. Vous savez, quand
vous avez 500 inscriptions dans le concours Villes, villages et campagnes
fleuris, quand vous avez pour le mérite agricole des centaines et des
centaines d'inscriptions, quand, pour l'ensemble de l'industrie laitière
québécoise...
Une voix: II y a le mérite forestier aussi.
M. Garon: ...les gens s'inscrivent à un concours qui est
basé sur des points évalués chaque jour pendant des mois,
les gens savent à quel point ces concours sont corrects, sont bien
administrés.
C'est la marque du Parti libéral d'être un peu
déconnecté. J'ai remarqué que le député de
Charlesbourg, par exemple, n'a pas dit un mot des chefs de cuisine, des
ouvriers de cuisine qui ont un rôle important à jouer. Je peux
vous dire aussi que le Gala culinaire, si cela n'avait pas été du
gouvernement actuel, il était en train de disparaître. Nous
l'avons inclus dans le Salon international de l'agriculture. Le Gala culinaire
était en train de disparaître et vous demanderez au chef Demers,
qui était à ce moment président des chefs cuisiniers du
Québec, à quel point il était content que nous
participions financièrement à cet événement pour le
maintenir en vie parce qu'il était en train de disparaître.
Je crois à cette formule et je sais que c'est une des meilleures
pour reconnaître les talents. Vous savez, pour les restaurants -parce
que, là-dessus, il y a des points -50 % des points vont à des
produits désignés, des produits régionaux. Qu'y a-t-il de
plus sain sur le plan de la cuisine que de voir des gens du
Saguenay-Lac-Saint-Jean qui vont essayer d'utiliser davantage le bleuet dans
les restaurants, qui vont essayer d'utiliser davantage des produits comme la
gourgane; que, de voir dans le comté de Charlevoix, qu'on utilise
davantage des produits locaux, ainsi que dans la Gaspésie?
Qu'on ne puisse pas gagner aux concours si on n'utilise pas les produits
régionaux et que la cuisine régionale essaie de mettre en valeur
les produits régionaux, est-ce qu'il y a quelque chose de plus sain que
cela?
Une voix: Non.
M. Garon: Après cela, on va me dire: Oui, mais c'est pour
les touristes. Voyons donc! C'est évident qu'un bon restaurant, c'est
bon pour les touristes. C'est évident que les touristes vont vouloir
aller dans un bon restaurant. Mais vous savez, au point de vue des efforts, au
point de vue économique, cela n'empêche rien parce que ce sont
deux concours différents. C'est bon que ce soient deux concours
différents. Le ministre du Tourisme reconnaît le rôle que
jouent les restaurants ou les hôteliers au point de vue de l'accueil et
du développement touristiques. C'est excellent, mais le concours du
mérite de la restauration ne poursuit pas les mêmes fins. Il est
là pour mettre en valeur les produits alimentaires
québécois, pour faire en sorte qu'on développe davantage
ces produits, qu'on les utilise davantage. Vous irez faire un tour, par
exemple, au restaurant de Renaud Cyr, à Montmagny, pour voir le nombre
de produits qu'il fabrique maintenant avec le sirop d'érable afin
d'utiliser ce produit, au Manoir des érables. Vous irez voir dans les
différents restaurants du Québec les efforts qui sont faits. Je
pense, par exemple, au restaurant Le Doyen, à Aima, qui a fait des
efforts considérables pour mettre en valeur des produits.
Je sais que les députés vont me permettre de continuer
pendant une minute ou deux, comme j'ai eu la gentillesse de le permettre au
député de Nelligan. Je vous dirai, en terminant, qu'il est
important... Je sais que les députés libéraux deviennent
fatigués de bonne heure. Ils n'aiment pas parler beaucoup de ces
questions, mais, quand on parle de développement économique, de
mise en valeur de nos produits agricoles, de nos produits marins et de nos
produits alimentaires, c'est une question fondamentale. Ce concours sera une
occasion, dans l'ensemble du Québec, pour tous les restaurateurs, les
cuisiniers qui se seront inscrits, de travailler ensemble pour que nos produits
soient mieux utilisés, pour qu'on trouve différentes recettes et
qu'on travaille ensemble à trouver différentes façons
d'apprêter les produits de chez nous, pour qu'on puisse davantage les
utiliser, davantage les vendre et davantage faire le plaisir tant de nos
populations locale, régionale, nationale que de la clientèle
étrangère, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, je voudrais
invoquer l'article 212. Dans sa fébrilité, le ministre de
l'Agriculture m'a fait dire que 60 % des faillis dans la restauration
étaient des femmes. Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit plutôt que
60 % des emplois dans la restauration et l'hôtellerie étaient
détenus par des femmes.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Est-ce que le principe du projet de loi 27, Loi sur le mérite de la
restauration, est adopté?
Une voix: Bien sûr, M. le Président. M. Garon:
Hein?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de
l'agriculture, des pêcheries
et de l'alimentation
M. Bertrand: M. le Président, dans cette belle
unanimité, maintenant que le ministre de l'Agriculture met l'État
au service de nos estomacs, nous allons pouvoir faire motion pour
déférer ce projet de loi à la commission parlementaire de
l'agriculture en acceptant que le ministre de l'Agriculture puisse en
être membre.
Une voix: Consentement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de renvoi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. Bertrand: Sur ce, M. le Président, je fais motion pour
que nous puissions ajourner nos travaux à ce matin, 10 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est
adoptée. Nos travaux sont ajournés à ce matin, 10
heures.
(Fin de la séance à 0 h 32)