Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quatorze heures quatre minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
moment de recueillement, s'il vous plaît! Veuillez prendre vos
sièges.
Aux affaires courantes, déclarations ministérielles. Il
n'y a aucune déclaration ministérielle. Présentation de
projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Aucune, M. le Président.
Le Président: II n'y a aucune présentation de
projets de loi. Dépôt de documents. M. le ministre du Revenu et
leader du gouvernement.
M. Gratton: Je m'excuse, M. le Président, mais est-ce
qu'on pourrait, avec le consentement des membres de l'Assemblée, revenir
à la présentation de projets de loi?
Le Président: Cela va. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix: Oui.
Le Président: Nous revenons donc immédiatement aux
affaires courantes, présentation de projets de loi. Je vous
écoute, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je vous prierais d'appeler
l'article c.
Projet de loi 230
Le Président: À l'article c, il s'agit du projet de
loi privé 230. J'aimerais vous faire immédiatement lecture du
rapport du directeur de la législation. "Au président de
l'Assemblée nationale, "J'ai examiné le projet de loi 230,
intitulé Loi modifiant la Loi constituant en corporation la compagnie de
chemin de fer Roberval-Saguenay, et j'ai constaté que l'avis a
été fait et publié conformément aux règles
de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. "Ce
projet peut être présenté pour adoption pendant la
présente session. "Le directeur de la législation, "Rémi
Geoffrion."
J'aimerais, s'il vous plaît, déposer ce rapport du
directeur de la législation.
L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir du projet de loi 230? Il
s'agit d'un projet de loi présenté par le député de
Dubuc, intitulé Loi modifiant la Loi constituant en corporation la
compagnie de chemin de fer
Roberval-Saguenay.
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
M. Gratton: M. le Président, je fais...
Le Président: Oui, M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de
l'agriculture, des pêcheries
et de l'alimentation
M. Gratton: Je fais motion pour que le projet de loi 230 soit
déféré à la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation et pour que le ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation en soit membre.
Le Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Le projet de loi y est
déféré. Article b?
M. Gratton: Article d, M. le Président.
Projet de loi 216
Le Président: À l'article d, il s'agit du projet de
loi 216. J'aimerais vous faire également lecture immédiatement du
rapport du directeur de la législation. "Au président de
l'Assemblée nationale, "J'ai examiné le projet de loi 216
intitulé Loi concernant la municipalité régionale de
comté de La Rivière-du-Nord. "J'ai constaté que l'avis a
été fait et publié conformément aux règles
de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. "Ce
projet peut être présenté pour adoption pendant la
présente session."
Signé M. Rémi Geoffrion, directeur de la
législation.
Je voudrais déposer ce rapport immédiatement.
L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir du projet de loi portant le
numéro 216 présenté par le député de
Rousseau?
Une voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Renvoi à la commission
de l'aménagement et des
équipements
M. Gratton: M. le Président, je voudrais faire motion pour
que le projet de loi 216 soit déféré à la
commission de l'aménagement et des équipements et que le ministre
des Affaires municipales en soit membre.
Le Président: Y a-t-il consentement? Une voix:
Adopté.
Le Président: Adopté. La loi est
déférée.
Dépôt de documents. M. le Solliciteur
général.
Rapport annuel de la Régie des permis
d'alcool
M. Latulippe: Je voudrais déposer le rapport annuel de la
Régie des permis d'alcool du Québec en vertu de l'article 21 de
la Loi sur les permis d'alcool.
Le Président: Document déposé. M. le leader
du gouvernement.
Rapport annuel du ministère du Revenu
M. Gratton: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel du ministère du Revenu pour
l'année 1984-1985.
Le Président: Rapport déposé.
Rapport annuel du ministère de
l'Habitation et de la Protection
du consommateur
M. Gratton: M. le Président, je voudrais également,
au nom du ministre responsable de l'Habitation, du ministre responsable de la
Protection du consommateur et du ministre responsable de la Commission du
bâtiment, déposer le rapport annuel du ministère de
l'Habitation et de la Protection du consommateur pour l'année
1984-1985.
Le Président: Rapport déposé. Y a-t-il
d'autres dépôts de documents? Dépôt de rapports de
commissions. Dépôt de pétitions, M. le député
de Vanier.
Demande de mener à terme la
reconstitution des débats
parlementaires
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée par 1190 pétitionnaires, anciens parlementaires de
tous groupes politiques, historiens, journalistes, professeurs, gens
d'affaires, enseignants et enseignantes et étudiants invoquant les faits
suivants: "Depuis 1973, l'Assemblée nationale a entrepris de
reconstituer les débats parlementaires du Québec pour la
période de 1867 à 1963, année de la création du
Journal des débats. Ce travail, confié à une équipe
d'historiens, est aujourd'hui complété jusqu'à
l'année 1925. Il s'appuie en grande partie sur les chroniques
parlementaires quotidiennement publiées par les journalistes de la
Tribune de la presse de l'époque. "Cette oeuvre constitue une
contribution inestimable à notre patrimoine politique. Elle
représente une source essentielle pour l'histoire, une
référence importante pour la jurisprudence parlementaire et la
connaissance de nos institutions politiques. "L'Assemblée nationale a
décidé d'abandonner la poursuite de ce projet et d'affecter
à d'autres tâches le personnel responsable de cette
reconstitution. "Nous estimons que ce travail, qui a toujours été
accompli avec un exceptionnel souci d'excellence, doit être mené
à terme. L'Assemblée nationale doit être consciente que,
par cette patiente reconstruction de son passé, elle projette vers
l'avenir la force de ses origines et qu'elle offre ainsi aux
Québécois et aux Québécoises de toute souche une
oeuvre qui est le reflet de leur propre histoire. "Et concluant à ce que
le projet de reconstitution des débats parlementaires antérieurs
à 1963 soit mené à terme."
Le Président: Pétition déposée.
Intervention sur un fait personnel
Affirmations inexactes attribuées au premier
ministre
Aux interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel, j'avise immédiatement cette
Assemblée que dans les délais requis, j'ai reçu avis
concernant une intervention sur un fait personnel, et je vais vous en faire
lecture immédiatement. "M. le Président, conformément
à l'article 71 de nos règles de procédure, je
désire vous informer que j'ai l'intention de soulever une question de
fait personnel à la période prévue à cette fin aux
affaires courantes du 20 mars 1986. "Le premier ministre, en réponse
à une question que je lui posais hier, a affirmé que
j'étais mal informé et que le gouvernement avait annoncé,
quelques heures avant la période de questions, la nomination de M.
Jean-Louis Roux comme membre du comité consultatif sur la
libéralisation des échanges
et les négociations de relations commerciales et
multilatérales. "Comme vous le constaterez, à la lecture des
documents que vous trouverez en annexe, ces affirmations sont inexactes, et je
désire les rectifier. "Je vous prie d'agréer, M. le
Président, l'expression de mes sentiments distingués. J'ai
signé, M. le député de Saint-Jacques."
Avant d'accorder la parole à M. le député de
Saint-Jacques, j'aimerais simplement vous rappeler - simplement à titre
de rappel - le deuxième paragraphe de l'article 71 qui se lit comme
suit: "Ses explications doivent être brèves et formulées de
façon à ne susciter aucun débat." Je vous entends, M. le
député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, la question que je posais
au premier ministre était posée, selon la trancription de nos
débats, à 15 h 20. La réponse qu'il donnait était
qu'il avait annoncé il y a quelques heures la nomination de M.
Jean-Louis Roux, dont je me réjouis d'ailleurs, sauf que l'annonce
officielle a été faite par Telbec à 15 h 48 et 54
secondes, ce qui est très loin des nombreuses heures auparavant. Si je
suis mal informé, je n'ai qu'à le blâmer de
l'être.
M. Bourassa: II semble que j'ai précisé... Le
Président: Je m'excuse, s'il vous plaît! M. le premier
ministre, est-ce que vous intervenez sur une question de privilège?
M. Bourassa: C'est une question de règlement pour
rétablir les faits. Simplement pour dire que j'ai bien
spécifié...
M. Chevrette: Alors, sur la question de règlement, M. le
Président.
M. Bourassa: D'accord, je retire ma question de
règlement.
M. Chevrette: Si vous aviez voulu vous excuser, on vous l'aurait
permis!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Période de questions orales. M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Est-ce que le ministre des affaires canadiennes sera
présent?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Le ministre des affaires canadiennes est
présentement à Ottawa avec le ministre de la Justice à une
conférence fédérale-provinciale sur les autochtones. Il se
peut qu'il revienne à temps pour la fin de la période de
questions, mais je ne peux en donner l'assurance au député.
Le Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean, une question principale.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
L'adhésion du Québec à la charte
canadienne des droits
M. Brassard: Ma question s'adressera donc au premier ministre,
étant donné que le ministre des affaires canadiennes est à
la recherche, sans doute, d'un nouveau conseiller. C'est sur ce sujet-là
que porte ma question.
Récemment, le professeur Léon Dion, conseiller principal
du gouvernement en matière constitutionnelle, annonçait qu'il
démissionnait de son poste parce qu'il était en profond
désaccord avec la décision de l'actuel gouvernement
d'adhérer à la charte canadienne. Pour lui - je fais
référence au Devoir du 17 mars - ce geste constitue "une
adhésion, une obéissance du Québec à la charte
canadienne. Selon M. Dion, cette décision constitue une erreur
stratégique et une improvisation sur le plan des négociations que
le Québec veut entreprendre; elle dénote également des
imprudences juridiques et une philosophie politique avec lesquelles il est en
profond désaccord. Il craint qu'elle n'affaiblisse la position du
gouvernement."
C'est aussi, d'ailleurs, l'avis du professeur Brun qui, dans le Soleil,
déclarait: "Aucun gouvernement n'a le droit de faire ça sans
qu'on lui ait donné le mandat clair par un référendum ou
par une élection référendaire." D'autre part, le lendemain
même, le 18 mars, le ministre des affaires canadiennes affirmait,
à propos de ce départ: "Nous nous quittons, c'est un grand mot.
Nous continuons à avoir des relations extrêmement suivies,
même si nous pouvons avoir des discussions sur des points qui,
finalement, sont bien minimes, vous savez." Ma question au premier ministre: Le
premier ministre, surtout après que d'éminents
constitutionnalistes et des commentateurs spécialistes de la question
aient reconnu la gravité du geste posé par le gouvernement,
est-il disposé à reconnaître que M. Dion avait raison en
parlant d'erreur stratégique, d'improvisation et d'imprudence et qu'il
ne s'agit pas là, comme le disait le ministre des affaires canadiennes,
de points minimes?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je remercie le député de sa question.
Cela me permettra de dire quelques mots sur ce sujet, puisque,
malheureusement, je devrai quitter pour Montréal après la
période de questions. Je ne pourrai donc pas participer à la
motion de censure du chef de l'Opposition. Je suis quand même
obligé de reprendre certains propos que j'avais tenus en réponse
aux questions du chef de l'Opposition. II n'y avait rien de nouveau dans
l'attitude du gouvernement libéral. Nous avons toujours plaidé et
mentionné que si nous reprenions le pouvoir, nous allions accepter la
charte canadienne. L'ancien chef de l'Opposition pourra, dans son discours
à l'occasion de la motion, se référer à des
déclarations très nettes là-dessus.
Je ne vois pas pourquoi, chaque fois qu'on applique le programme du
Parti libéral, on devrait organiser un spectacle son et lumière.
Donc, cela ne s'est pas fait en catimini. Cela s'est fait à la suite des
déclarations formelles de notre programme que nous avons
concrétisées à la première occasion. Je
répète au député et au chef de l'Opposition que ce
n'est pas notre politique de marchander des droits fondamentaux des
Québécois dans une négociation constitutionnelle dans
laquelle nous sommes confiants de pouvoir protéger les droits du
Québec, conformément au programme de notre parti. Le
député invoque des arguments d'autorité. Je pourrais aussi
invoquer des arguments de la plupart des éditorialistes des grands
quotidiens du Québec vis-à-vis de la justesse de notre position
d'accepter la charte canadienne. D'ailleurs, on pourrait citer d'autres cas. Je
prenais connaissance de la situation - d'ailleurs, je l'ai déjà
mentionné au chef de l'Opposition - au mois de juin dernier, sur la
convention européenne des droits de l'homme alors que des pays
souverains acceptent de s'astreindre à limiter, si on peut dire, leur
souveraineté pour respecter des droits fondamentaux. Il n'y a aucune
espèce de contradiction, je le répète, entre
défendre les droits du Québec moyennant certaines
conditions...
M. Johnson (Anjou): Quelles conditions?
M. Bourassa: Je devrai répéter encore une fois au
chef de l'Opposition, étant donné que de nouveau sa
mémoire lui fait défaut, les conditions bien connues, bien
énumérées dans notre programme, notamment, le fait que
dans le préambule de la constitution on reconnaisse le Québec
comme une société distincte, des modifications au pouvoir de
dépenser, un droit de veto, un droit de veto dans le domaine de
l'immigration, la participation du Québec dans la nomination des juges
de la Cour suprême, des choses que nous avions obtenues, dans plusieurs
cas, en 1971. (14 h 20)
À ce moment-là, vous vous souviendrez qu'il y avait un
consensus au Québec qui a fait que le gouvernement du temps avait
refusé la charte de Victoria.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: ...je m'excuse, je sais que nous sommes beaucoup
plus tolérants ordinairement envers le chef du gouvernement, mais rendu
à quatre minutes pour une réponse qui demande trente secondes, je
trouve cela exagéré.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Quand la question a pris près de trois
minutes, je pense que quatre minutes pour y répondre, ce n'est pas
tellement.
Le Président: M. le premier ministre, en conclusion.
M. Bourassa: D'accord, M. le Président. J'ai dit
tantôt au chef de l'Opposition que comme je ne pouvais pas participer au
débat, je me permettrais peut-être de prendre quelques secondes de
plus. Nous demandons des choses qui ont été refusées par
le Québec en 1971. Évidemment, plusieurs disent aujourd'hui,
à la suite de l'échec constitutionnel du gouvernement qui nous a
précédé, qu'il aurait été
préférable d'accepter. C'est toujours plus facile de le dire
quinze ans après.
Ce que je veux dire au député et au chef de l'Opposition,
c'est que nous sommes confiants, convaincus, déterminés à
défendre les intérêts du Québec en appliquant le
programme du Parti libéral. Quant aux arguments d'autorité, je
crois qu'on peut en citer autant sinon plus du côté de la
thèse du gouvernement que du côté de la thèse de
l'Opposition.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Question additionnelle au premier ministre,
tout en comprenant que les obligations du premier ministre le retiendront
à l'extérieur de la Chambre cet après-midi. Je comprends
qu'il n'a peut-être pas voulu résumer là toute son
argumentation. Est-ce que le premier ministre ne reconnaît pas, dans les
circonstances, à moins qu'il nous assure qu'il a obtenu des garanties du
gouvernement fédéral, qu'il a lâché le gros morceau
avant même d'obtenir ces garanties? Quelles sont les garanties qu'il a
obtenues de son collègue, le premier ministre du Canada, à
l'égard de la revendication du droit de veto
en matière d'immigration, à l'égard du "spending
power" et des autres éléments de ce qu'il prétend
être dans le mandat qu'il a reçu de la population, alors qu'il a
noyé ce mandat dans une orgie de promesses et n'a pas souvent
cité son programme?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je pourrais retourner la question au chef de
l'Opposition et lui demander quelles garanties son gouvernement a eues le 16
avril 1981 quand il a abandonné le droit de veto?
Une voix: Oui.
M. Bourassa: Ce n'était pas dans votre programme
électoral de l'élection de 1981 d'abandonner le droit de veto
dans la formule de Victoria alors que, pour nous, c'était clairement
exprimé, d'une façon répétée, durant des
années et des années. Il n'y avait pas de surprise pour ceux qui
ont suivi l'actualité politique, à mon sens, de voir que le Parti
libéral appliquait sur une question aussi fondamentale pour lui que le
respect des libertés individuelles... C'est simple, c'est clair, ce
n'est pas nouveau, nous ne voulons pas marchander les droits fondamentaux des
Québécois dans une négociation constitutionnelle.
M. Levesque: C'est cela!
M. Bourassa: La liberté de presse, la liberté de
parole, ce sont des droits fondamentaux pour le Québec, pour les
Québécois et pour l'ensemble des citoyens. Je citais tantôt
précisément ce que d'autres pays ont accepté, soit des
limites à leur souveraineté - des pays souverains, avec une
expérience séculaire - pour respecter des droits fondamentaux.
Et, nous, nous irions à contre-courant.
Ce que je veux dire au chef de l'Opposition, c'est que notre politique a
toujours été claire, qu'on n'avait pas à demander de
permission à qui que ce soit. Cela ne faisait pas partie de la
négociation parce que c'est fondamental à la liberté de
nos concitoyens.
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean, en additionnelle?
M. Brassard: Une question au ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes qui est arrivé. Je ne sais pas s'il a
trouvé son conseiller. Est-ce que le ministre, après avoir
confirmé que la décision avait été prise le 5 mars
1986, peut nous expliquer que, même avant cette décision, le
ministre du Revenu, le leader du club des neuf...
Une voix: Oui.
M. Brassard: Vous savez, les neuf députés qui, le 2
octobre 1981 se sont rebellés contre le chef d'alors, le
député d'Argenteuil, en...
Des voix: Question.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Lac-Saint-Jean.
Une voix: J'étais en train de définir ce qu'est le
club des neuf.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean, vous êtes en additionnelle; c'est sans préambule.
Si vous voulez poser votre question immédiatement.
Une voix: Je pensais que vous parliez du club Canadien.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brassard: En tout cas, le député d'Argenteuil se
souvient très bien du club des neuf.
Des voix: Question.
M. Brassard: Est-ce que le ministre peut nous expliquer qu'avant
même...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brassard: ...cette décision prise, nous a-t-il dit, le
5 mars, le ministre du Revenu ait retiré la clause "nonobstant" du
projet de loi 2 lors de l'étude en commission parlementaire, le 26
février 1986? Est-ce que le ministre du Revenu a agi de sa propre
initiative ou si la décision était prise avant de soumettre le
dossier au Conseil des ministres ou si le Conseil des ministres a pris cette
décision pour couvrir une autre improvisation du ministre du Revenu?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
M. Rémillard: M. le Président, on parle
d'improvisation. En campagne électorale, on a fait campagne sur ce
point. On l'a dit partout, à tous les Québécois. On a dit
que les Québécois étaient moins bien
protégés que les autres Canadiens. Vous, M. le chef de
l'Opposition, vous ne l'avez pas entendu et on comprend pourquoi.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Rémillard: Lorsque le Parti libéral formait
l'Opposition...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre a la parole.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader de l'Opposition?
M. Chevrette: ...je me demande si le premier ministre et le
leader vont revenir écouter ces savantes explications.
Le Président: II ne s'agit pas d'une question de
règlement.
M. le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, vous avez la parole. Je demanderais à
tous et chacun des membres de cette Assemblée de respecter le droit de
parole de chacun. Je pense que, jusqu'à présent, cela...
Une voix: Les dates? La question porte sur les dates.
Le Président: Vous avez la parole, M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, lorsque le Parti
libéral était dans l'Opposition, il s'est opposé chaque
fois que cette clause a été utilisée dans un projet de
loi. Il s'est opposé vigoureusement. Il l'a fait savoir chaque fois que
vous avez accepté comme gouvernement de mettre une clause "nonobstant"
dans un projet de loi, ce que vous avez fait systématiquement et sans
décision du Conseil des ministres, parce qu'il n'y avait pas de
décision du Conseil des ministres de ce gouvernement d'alors pour
utiliser systématiquement cette clause "nonobstant", pour, justement,
priver les Québécois de leurs droits fondamentaux. Voilà
ce que vous faites.
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rémillard: Au lendemain de votre défaite
à Ottawa...
Une voix: Les dates?
M. Rémillard: ...comme symbole de votre défaite,
vous l'avez utilisée systématiquement dans tous les projets de
loi. Quel mandat aviez-vous, M. le chef de l'Opposition? Quel mandat aviez-vous
pour l'utiliser systématiquement dans chaque projet de loi? Vous venez
nous dire qu'on a agi en improvisant. Nous avons agi en continuation avec nos
principes. Dans l'Opposition on s'est toujours opposé à cette
clause "nonobstant" et maintenant, au pouvoir, dès...
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Président: Question de règlement, s'il vous
plaît! Sur une question de règlement, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: L'article 79 dit que la réponse doit
être brève et se rapporter à la question. La question
c'était: Est-il vrai que le 5 mars vous avez pris une décision au
Conseil des ministres et que le ministre du Revenu avait pris une
décision le 26 février, donc, quelques jours avant?
C'était ça la question. Je veux bien que le ministre des
Relations internationales se regarde dans une glace et s'écoute parler.
Ce n'est pas cela la question.
Le Président: M. le ministre. À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! En conclusion, s'il vous
plaît, M. le ministre. (14 h 30)
M. Rémillard: En conclusion. Tout simplement, c'est que le
5 mars, le Conseil des ministres, le gouvernement du Québec a pris la
décision de ne plus utiliser cette clause "nonobstant" et dès le
premier projet de loi que nous avons eu à présenter ici dans
cette Chambre, nous avons refusé d'utiliser cette clause "nonobstant"
parce que nous refusons d'utiliser les Québécois en otages dans
les négociations constitutionnelles, comme vous l'avez fait.
Voilà la réponse.
Le Président: M. le député de
Verchères, question principale ou question additionnelle?
M. Charbonneau: Question principale.
Le Président: Question principale, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Nous avons voté rapidement cette semaine
le projet de loi 27 pour faire en sorte...
Le Président: Un instant. Je m'excuse. À l'ordre,
s'il vous plaît! Écoutez, le député de
Verchères a la parole actuellement. J'aimerais bien que tous et chacun
respectent le droit de parole du député de Verchères. Je
m'adresse aux deux côtés de la Chambre. M. le député
de Verchères.
L'indexation de l'aide sociale
M. Charbonneau: Cette semaine, on a
voté rapidement le projet de loi 27 pour accorder les
crédits nécessaires au programme d'aide sociale. À ce
moment-là, à l'occasion d'une brève séance de
deuxième lecture, j'avais demandé au ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu si le gouvernement avait
décidé d'indexer l'aide sociale et si les fonds additionnels qui
étaient votés à ce moment prévoyaient, entre
autres, l'indexation de l'aide sociale pour le 1er avril? Comme le ministre m'a
répondu que le gouvernement n'avait pas décidé et que
d'autre part nous, nous avons donné notre accord pour voter rapidement
ce projet de loi parce qu'il fallait que les chèques aillent à
l'impression rapidement pour qu'ils puissent être prêts pour le 1er
avril, est-ce qu'on doit conclure que le gouvernement a décidé de
ne pas accorder l'indexation de l'aide sociale?
Je pose ma question au premier ministre. Le ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu est absent. Il m'a d'ailleurs
informé qu'il ne pouvait pas être ici cet après-midi.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: II n'y a pas de modification sur le principe de
l'indexation. Pas du tout. Je veux dire qu'il peut y avoir dans le calendrier
des changements et je pourrai vérifier avec le ministre responsable.
Mais il n'y a pas du tout, de la part du gouvernement, le moindre changement
sur le principe de l'indexation.
Le Président: M. le député de
Verchères, question additionnelle.
M. Charbonneau: Est-ce que le premier ministre nous dit que
l'indexation trimestrielle qui avait été mise en place par le
précédent gouvernement et qui est une mesure qui existe, presque
un droit acquis qui existe depuis de nombreuses années pour les gens qui
sont bénéficiaires de l'aide sociale, l'indexation trimestrielle,
donc, qui doit arriver dans une semaine et demie ou à peu près,
le 1er avril, va être accordée et est-ce que sur les
chèques qui sont à l'impression actuellement on prévoit
l'indexation de l'aide sociale?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Quitte à vérifier avec le ministre, je
peux dire qu'il peut y avoir des changements dans les modalités. Le
ministre des Finances me disait qu'avant 1982, il n'y avait pas d'indexation
trimestrielle, c'est-à-dire quand le taux d'inflation était de 7
% à 8 %. Actuellement le taux d'inflation est d'environ 3 % à 4 %
et il est stable depuis trois ans. Il peut y avoir eu des changements qui n'ont
pas d'implication concrète, mais je répète au
député que le principe de l'indexation qui est un principe tout
à fait équitable - je suis d'accord avec lui - est maintenu.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Le premier ministre nous dit-il aujourd'hui que
l'indexation pleine et entière qui existe depuis très longtemps,
qui est accordée d'une façon trimestrielle aux
bénéficiaires de l'aide sociale, que le 1er avril prochain les
assistés sociaux du Québec vont recevoir dans leur chèque
l'indexation prévue et pleine indexation?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Les modalités, on pourra en reparler à
un autre moment. Ce que je dis au député, c'est que le pouvoir
d'achat des assistés sociaux sera maintenu. Je pense que c'est ça
qui est fondamental. M. le Président, je veux rappeler au
député -quitte à vérifier parce que je
n'étais pas prévenu de la question - que de 1977 à 1982,
alors que les taux d'inflation étaient supérieurs à ceux
que nous avons aujourd'hui - en 1981, je crois que le taux d'inflation
était de 10 %; en 1980, si ma mémoire est bonne, il était
de 7,8 % alors que les taux d'inflation étaient supérieurs
à ceux que nous avons aujourd'hui - il n'y avait pas d'indexation
trimestrielle. Cela a été établi finalement par le
gouvernement qui nous a précédé devant la persistance de
taux d'inflation élevés. On constate depuis trois ans que ces
taux d'inflation sont stables, cela varie entre 3 % et 4 %, donc, que le
pouvoir d'achat des assistés sociaux n'est pas compromis ou
affecté comme il pouvait être affecté en 1982 avec un taux
d'inflation de 10 % à 12 %.
Je réponds au député, quitte à
vérifier les modalités quant aux dates, qu'il n'est pas question
de toucher au pouvoir d'achat des assistés sociaux par l'indexation.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, en additionnelle.
Est-ce que le premier ministre pourrait simplement nous dire si le Conseil des
ministres a adopté le décret trimestriel d'indexation?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le Conseil des ministres a
adopté un décret hier sur l'aide sociale. Je vais vérifier
la date en question.
Le Président: Mme la députée de
Johnson.
Les directions régionales de
Radio-Québec
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Dernièrement,
nous apprenions que le président du Conseil du trésor aurait
avisé le président-directeur général de
Radio-Québec, M. Jacques Girard, que le budget de fonctionnement de
Radio-Québec serait coupé de 6 000 000 $ à 8 000 000 $,
soit 10 % de son budget. Ma question comporte deux volets et s'adresse au
ministre des Communications.
M. le ministre, est-il exact que le P.-D.G., M. Girard, aurait fait
savoir au ministre que la façon la plus plausible pour
Radio-Québec de satisfaire aux exigences était de sabrer de
façon draconnienne dans les budgets de fonctionnement des directions
régionales de Radio-Québec, pour ne pas dire de les faire
disparaître complètement. Si cela est vrai, M. le ministre, est-ce
que vous êtes d'accord pour dire que cette orientation est
complètement contraire au contenu de la loi de Radio-Québec et va
à l'encontre de l'évolution historique de Radio-Québec
depuis sa fondation?
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: M. le Président, le gouvernement était
aux prises avec des problèmes budgétaires sérieux, ce qui
a amené toute une série d'hypothèses et de rumeurs qui ont
couru un peu partout dans l'appareil public. Avant d'avoir saisi l'ensemble des
parlementaires la semaine prochaine de nos projets dans le domaine des
crédits budgétaires, nous ne pouvons pas discuter des cas
particuliers. Je regrette beaucoup de l'insécurité qui pourrait
régner dans certaines parties de la fonction publique et dans des
organismes autonomes à cause de cela. Néanmoins, je suis
convaincu que la députée de Johnson comprendra avec moi que je ne
peux pas discuter à la pièce des projets budgétaires du
gouvernement.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
additionnelle.
Mme Juneau: Si j'ai bien compris le conseil d'administration
avait été prévenu de ces coupures, M. le ministre? Est-ce
que vous pouvez prendre, devant cette Chambre, l'engagement ferme que les
directions régionales qui, selon l'aveu même de
Radio-Québec, constituent une présence importante dans chacune de
nos régions et auprès des divers groupes régionaux, soit
les universités, les réseaux scolaires, les groupes
socioculturels, et j'en passe... On ne compte pas non plus les emplois perdus.
Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'elles continuent d'offrir ce
soutien important dans nos milieux régionaux?
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: M. le Président, c'est la même
réponse. On ne peut pas faire le débat pièce par
pièce, il faut faire le débat en entier.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais demander au
ministre...
Le Président: Est-ce que vous intervenez sur une question
de règlement M. le leader?
M. Chevrette: Additionnelle, cela va aller plus vite qu'une
question de règlement.
Le Président: Non.
M. Chevrette: Le ministre est-il au courant oui ou non que
Radio-Québec a été avisée par courrier de
prévoir une coupure ou une ponction de 8 000 000 $ dans son budget?
Le Président: M. ministre des Communications.
M. French: M. le Président, je ne suis pas au courant que
Radio-Québec ait été informée par courrier des
décisions budgétaires du gouvernement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais adresser une
question complémentaire à au ministre responsable du Conseil du
trésor. Est-ce que les directives du Conseil du trésor ont
été acheminées à Radio-Québec en fonction de
voir à présenter un plan de compressions de l'ordre de 8 000 000
$?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, à mon connaissance,
aucune directive n'a été acheminée au conseil
d'administration de Radio-Québec par le secrétariat ou le Conseil
du trésor concernant la question soulevée.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je ne
voudrais pas...
Le Président: En additionnelle.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, en additionnelle.
Est-ce que le Conseil du trésor ou le gouvernement... Je vais poser la
question comme cela. Je vais poser ma question au ministre des Communications.
N'avez-vous pas en main un document qui vous demande expressément comme
première hypothèse, pour couper 8 000 000 $, de faire
disparaître les postes régionaux? Oui ou non, avez-vous en main un
document? (14 h 40)
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: M. le Président, j'ai en main un document qui
m'informe des projets de contraintes budgétaires qui touchent mon
ministère et les autres organismes autonomes pour lesquels je suis
responsable. Un de ces trois organismes autonomes est Radio-Québec.
Radio-Québec est appelée à faire sa part dans le fardeau
total des coupures budgétaires qui vont être appliquées
à la fonction publique, à la suite de nos engagements
électoraux et à la suite de la découverte d'un
déficit surprise.
M. Chevrette: Une dernière additionnelle.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, une
dernière additionnelle.
M. Chevrette: Je voudrais demander au ministre des Communications
ou au président du Conseil du trésor ou à celui qui pourra
me répondre, par qui, par quel ministre cette demande de ponction
à Radio-Québec a été faite. Par le ministre des
Communications ou par le président du Conseil du trésor?
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: La responsabilité des décisions...
Le Président: M. le premier ministre.
Des voix: Oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: Je réponds à la question du leader de
l'Opposition. Il demande par qui la demande a été faite. Par le
gouvernement et je suis le chef du gouvernement. Comme on le signalait
tantôt, on a été pris avec un déficit surprise de 1
500 000 000 $ - donc, le gouvernement est obligé de faire un effort
considérable - ce déficit surprise que le chef de l'Opposition
connaissait, mais qu'il n'a pas voulu annoncer à la population, parce
que, si vous aviez annoncé ce déficit, il n'y aurait personne en
face de nous, M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En
additionnelle, M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): En additionnelle au premier ministre, M. le
Président. Est-ce que le premier ministre nous prépare un "sons
et lumières" pour les crédits budgétaires?
Le Président: M. le premier ministre. En principale?
M. Jolivet: Oui.
Le Président: En principale, M. le député de
Laviolette.
M. Garon: C'est pour cela que le monde dit 99 boules et 23
lumières!
M. Jolivet: M. le Président...
Le Président: M. le député de Laviolette, en
principale.
La grève du transport scolaire dans
Terrebonne
M. Jolivet: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Éducation. Dans les comtés de Groulx, de
Mille-Îles et surtout dans le comté de Terrebonne, sévit
toujours une grève du transport scolaire depuis près de cinq mois
maintenant. Une question a été posée la semaine
dernière aussi bien au ministre du Travail qu'au ministre de
l'Éducation. Ils indiquaient qu'ils n'interviendraient - et les
documents de l'Assemblée nationale le prouvent - que si l'année
scolaire des élèves était compromise.
Les parents des 9000 étudiants sont, au moment où on se
parle, exaspérés et à bout de patience, surtout à
la suite du télégramme que le ministre a certainement reçu
et que le premier ministre a reçu de la part de la commission scolaire
des Manoirs qui dit: "Renforcés, M. le ministre de l'Éducation,
par votre invitation à se mobiliser, des groupes de parents ont
entrepris des moyens d'action: absence massive des élèves,
piquetage, hier, 4000 élèves et plus et, aujourd'hui, le
mouvement se continue. Compte tenu de votre invitation, dit toujours le
télégramme au ministre de l'Éducation, à la
mobilisation, elle s'est concrétisée. Nous ne sommes plus en
mesure, comme commission scolaire, de maintenir le contrôle
général de la situation."
Dans ces circonstances, étant donné que l'année
scolaire de certains élèves peut être compromise, est-ce
que le ministre de l'Éducation a l'intention de faire ce qu'il disait en
réponse à la question la semaine
dernière, c'est-à-dire les représentations qui
s'imposent auprès du gouvernement? J'aimerais savoir quelles sont les
actions précises que le ministre de l'Éducation a l'intention de
prendre dans les heures qui viennent.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Ryan: M. le Président, je remercie le
député de Laviolette d'avoir posé cette question. Je pense
que la question porte sur un conflit très aigu qui nous préoccupe
tous. Depuis hier, un changement important est survenu dans la situation.
Jusqu'à hier, la situation au point de vue scolaire était
relativement sous contrôle, ainsi que je l'ai exposé à
maintes reprises dans cette Chambre.
Mais, d'un autre côté, les parents se voient imposer des
sacrifices énormes pour aller reconduire leurs enfants à
l'école par toutes sortes de moyens et chez eux l'impatience a
monté jour après jour au point qu'elle s'est manifestée
depuis deux jours sous les formes que nous connaissons et qui entraînent
un mouvement d'absence beaucoup plus considérable dans les écoles
relevant des deux commissions scolaire affectées.
J'ai parlé au président de la commission scolaire des
Manoirs juste avant la période des questions cet après-midi. Je
n'avais pas reçu son télégramme; il me l'a lu. Je lui ai
dit que je le prenais en très sérieuse considération. En
fin de semaine, j'irai vérifier moi-même sur les lieux la nature
véritable de la situation qui a surgi pour m'assurer que c'est vraiment
un mouvement de fond. Si c'est la situation à laquelle nous sommes
confrontés, il est évident que, dès le début de la
semaine, je devrai soumettre au gouvernement un rapport dans lequel je ferai
des recommandations appropriées. Mais une dernière
vérification s'impose. C'est aujourd'hui jeudi et je crois que nous
pourrons déterminer au cours de la fin de semaine des mesures à
recommander au gouvernement dès le début de la semaine prochaine,
parce que la situation commence à être hors de contrôle et
il va falloir s'en occuper directement.
M. Blais: Question supplémentaire, M. le
Président.
Le Président: Est-ce que c'est une question additionnelle,
M. le député de Terrebonne?
M. Blais: S'il vous plaît, M. le Président.
Le Président: Je vous reconnais, M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement
supérieur et de la Science, il y a une quinzaine de jours, nous avons
rencontré les parents ensemble. À votre demande, les parents se
sont rassemblés pour vous prouver... Est-ce que vous croyez que votre
visite d'il y a quinze jours - points d'exclamation et d'interrogation -
où vous avez demandé aux parents de se rassembler pour vous
prouver qu'il y avait vraiment un problème... Depuis deux jours, plus de
6500 élèves se sont abstenus d'aller à l'école; ne
croyez-vous pas qu'il est immédiatement nécessaire de prendre
aujourd'hui des décisions pour que les parents et les
élèves retrouvent leur droit à la scolarité?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: II me fait toujours plaisir de discuter avec le
député de Terrebonne sur cette question à laquelle il
porte un intérêt, ce dont j'ai manifesté mon
appréciation en cette Chambre.
Je réponds non à sa question aujourd'hui. Je dois
vérifier pourquoi ce mouvement s'est produit et sous quelle forme il
s'est produit exactement. Est-ce qu'il est vraiment l'expression d'une
réaction spontanée? Il va falloir qu'on vérifie exactement
ce qui est arrivé et c'est sur la base de ces faits que j'espère
avoir l'occasion de vérifier, avec vous d'ailleurs et avec les autres
députés concernés. J'arriverai à des conclusions
que je transmettrai au gouvernement dès que l'enquête aura
été complétée.
Le Président: M. le député de Terrebonne,
sur une question additionnelle.
M. Blais: Est-ce que le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science ne trouve pas suffisantes les
pressions que les parents font depuis plus de cinq mois? Est-ce qu'il attend
des signes plus tangibles? Est-ce que vous voulez que les syndicats, qui font
une grève normale, brûlent les autobus ou que les parents
boycottent complètement les écoles et en fassent le saccage pour
prendre enfin une décision?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: J'ai toujours insisté auprès des parents
pour qu'ils emploient des moyens légaux et démocratiques pour
faire valoir leurs réactions. Si on devait utiliser des moyens violents
et illégaux, le genre de réaction que nous devrions avoir ne
serait pas le même.
Le Président: M. le whip du gouvernement, sur une question
principale.
La protection des sols agricoles et des rives
M. Vallières: M. le Président, ma question
s'adresse au ministre de l'Environnement. Le journal Le Devoir publie dans son
édition d'aujourd'hui que "le ministre de l'Environnement, afin de
combler le retard du Québec en matière de pollution agricole,
préconise l'adoption d'une loi qui protégerait à la fois
les sols agricoles et les rives". Est-ce que le ministre pourrait nous
indiquer, compte tenu du manque de nuances, du manque de clarté à
ce chapitre dans l'article, quelle est sa position exacte sur la pollution
agricole? Étant donné que le ministre parle d'une
réorientation du programme d'assainissement des eaux, comment entend-il
agir à l'endroit des producteurs agricoles qui sont concernés par
ce dossier?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, je devrais expliquer que la
position traditionnelle de notre parti, qui a été
expliquée sur la loi 6 l'année dernière, en cette Chambre,
consiste en la protection des rives et du littoral dans tout le Québec.
On va essayer de travailler le plus durement possible pour arriver à une
conclusion et présenter un projet de règlement-cadre ou de
loi-cadre en ce sens.
Mais, entre-temps, je dois expliquer que mon collègue de
l'Agriculture m'a fait valoir, depuis déjà plusieurs semaines,
que les producteurs agricoles étaient très inquiets au sujet
d'inspections parfois trop agressives de la part du ministère de
l'Environnement et aussi par rapport aux mesures parfois inefficaces qui leur
sont imposées, comme des fosses en béton, etc.
Nous avons conclu deux choses. Il y a un groupe de travail qui va
être affecté à l'assainissement des eaux, dont le
vice-président de l'UPA va être un membre à part
entière. Nous espérons ainsi revoir en profondeur toute la
question de la pollution agricole. Aussi, le ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation et celui de l'Environnement, pour ce
qui est des fonctionnaires comme pour ce qui est du Conseil des ministres, vont
se rencontrer de façon continue d'ici là pour essayer de trouver
une solution mutuellement acceptable à un problème qui, nous en
convenons, est très ennuyeux parfois et très important pour les
producteurs agricoles. (14 h 50)
Le Président: M. le député de Shefford,
question principale.
La construction de logements sociaux
M. Paré: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation.
Depuis quelques jours, les manifestations se multiplient dans tout le
Québec pour appuyer la démarche de la coalition pour le logement
social qui s'oppose au projet de l'actuel gouvernement libéral de
freiner le développement des logements sociaux. Le 5 mars dernier, le
ministre rencontrait la coalition et lui confiait qu'il envisageait pour 1986
la construction de 2300 logements HLM. Or, le 14 mars dernier, le ministre
recevait une directive du Conseil du trésor à l'effet de geler
tous les projets de construction et d'immobilisations de logements sociaux de
1986 à 1989. Quelles sont aujourd'hui les intentions réelles du
ministre dans ce dossier important pour la qualité de vie des gens
à faible revenu?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales et
responsable de l'Habitation.
M. Bourbeau: M. le Président, je remercie le
député de me donner l'occasion de dégonfler un bobard qui
court depuis quelques jours au sujet des présumées intentions du
gouvernement de réduire le volume des habitations HLM au cours de
l'année prochaine. Je peux dire au député que le
décret du Conseil du trésor fait référence à
des initiatives nouvelles. Le programme de HLM est un programme qui est en
cours depuis plusieurs années. Il y a actuellement au Québec
environ 48 000 unités qui ont été construites depuis le
début du programme au début des années soixante-dix et
notre intention pour l'année prochaine, comme je l'ai d'ailleurs
indiqué aux gens qui sont venus me visiter à mon bureau et que
j'ai rencontrés il y a une dizaine de jours, est de maintenir l'an
prochain exactement le même niveau de construction de HLM que celui de
l'année dernière.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Shefford.
M. Paré: Donc, si j'ai bien compris, M. le ministre, on
peut s'attendre à la construction des 2300 HLM déjà
annoncées. J'ai une autre question additionnelle, M. le Président
si vous permettez, toujours au ministre des Affaires municipales et responsable
de l'Habitation. Le développement en matière d'habitation ne
sera-t-il pas compromis pour l'année 1986-1987, puisque les
recommandations du conseil sur l'habitation - selon l'annonce qui a
été faite hier - qui est encore une fois formé de
non-élus, ne seront connues qu'en juin alors que les crédits vont
être déposés le 25 mars
prochain. Ne compromet-on pas tout le développement dans
l'habitation pour l'année 1986-1987?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales et
responsable de l'Habitation.
M. Bourbeau: Je ne crois pas, M. le Président, le
comité conseil sur l'habitation va se pencher sur l'ensemble de la
documentation qui existe présentement à la suite du
dépôt du livre vert et des consultations qui ont suivi. Son mandat
est de faire l'analyse de cette documentation et des consultations qui ont
suivi et de conseiller le ministre sur les orientations à suivre au
cours des prochaines années ainsi que de tenter de dégager un
plan d'action pour les deux ou trois prochaines années. En ce qui
concerne l'année qui vient, forcément, la programmation est
enclenchée et l'action du comité vraisemblablement ne pourra pas
se faire sentir ou les recommandations qu'il fera et la décision que
prendra le Conseil des ministres ne pourra pas s'appliquer avant l'an
prochain.
Le Président: M. le député de Shefford,
question additionnelle.
M. Paré: Merci, M. le Président. Une
dernière question sur la formation du conseil sur l'habitation.
Croyez-vous que les groupes de consommateurs et d'utilisateurs de logements
sociaux sont suffisamment représentés ou, tout comme avec les
députés ministériels, les "back-benchers", sont-ils
oubliés?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales et
responsable de l'Habitation.
M. Bourbeau: La réponse est oui, M. le Président.
Je crois que les groupes sociaux sont très bien
représentés. Il y a parmi les membres du conseil consultatif un
individu qui fait partie du groupe Champlain, qui est l'OSBL le plus
représentatif au Québec - il a d'ailleurs été
primé lors du Salon national de l'habitation. Il y a également un
représentant du monde coopératif, il y a également un
représentant qui vient du milieu des sociétés municipales.
Il y a également un représentant du ministère des Affaires
sociales. Je pense effectivement que l'ensemble de ceux qui
s'intéressent à la construction sociale est très bien
représenté. Merci.
M. Gauthier: Question principale, M. le Président.
Le Président: M. le député de Roberval,
question principale.
Des démarches sont-elles faites pour
acquérir la raffinerie Gulf
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre de l'Énergie et des Ressources. La semaine dernière
le ministre nous annonçait l'acquisition, par le gouvernement, de la
section pétrochimique de production de phénol du complexe Gulf
pour la somme de 1 $. Également, on sait que Lavalin et SNC ont des
propositions d'achat pour tout le complexe en entier qui permettraient de
préserver les 450 emplois au total. Il y a aussi, dans le décor,
le rapport O'Farrell qui dit que le manque de concurrence va faire en sorte que
les Québécois ne profiteront peut-être probablement pas
suffisamment des baisses du prix de l'essence auxquelles ils pourraient avoir
droit.
Dans ce contexte, M. le Président, ma question au ministre est la
suivante. Est-ce que le ministre peut nous indiquer s'il a fait des
démarches pour acquérir tout le complexe ou s'il fait
actuellement des démarches dans ce sens? Si c'était le cas,
est-ce qu'il a un échéancier précis qu'il s'est
fixé pour aboutir à un résultat positif?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Ciaccia: M. le Président, en ce qui concerne les usines
de pétrochimie, nous avons presque conclu une entente avec une
société et nous serons en mesure, au début de la semaine,
d'annoncer la réouverture de cette usine.
En ce qui concerne la raffinerie elle-même, j'ai tenté
d'obtenir des contrats de raffinage pour essayer d'intéresser des
acheteurs éventuels. Malheureusement, je n'ai, à ce moment-ci,
aucun acheteur qui est intéressé à acheter la raffinerie
et à la rouvrir.
Cependant, vous savez les démarches que nous avons faites
auprès d'Ultramar, les pressions que nous avions faites auprès du
gouvernement fédéral pour un moratoire sur la décision. Au
moment où nous nous parlons, la raffinerie ne sera pas rouverte, on n'a
pas d'annonce et on n'a pas les gens intéressés pour le moment.
Nous ne perdons pas espoir.
Quant à la sous-capacité, nous avons conclu une entente
avec Ultramar, et celle-ci s'est engagée à augmenter la
capacité de raffinage à sa raffinerie de Saint-Romuald. Cela ne
répond pas totalement à la sous-capacité au Québec,
mais au moins c'est quelque chose d'additionnel qui va aider à la
capacité totale du raffinage au Québec.
Le Président: M. le député de Roberval, une
dernière additionnelle.
M. Gauthier: D'accord, M. le Président.
Est-ce que le ministre pourrait faire la lumière sur les offres
qui sont faites par SNC et Lavalin et qui, semble-t-il, permettraient de sauver
beaucoup plus que 100 emplois? Le ministre nous dit qu'il n'y aucune entreprise
intéressée à exploiter la raffinerie de quelque
façon. J'aimerai qu'il situe dans ce contexte les offres de SNC et de
Lavalin.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Ciaccia: M. le Président, je remercie le
député de sa question. Il y a une entente qui sera prise pour la
réouverture de l'usine de phénol. Cela va représenter 100
emplois. Nous sommes en discussion pour négocier l'acquisition de
l'usine de Cumène qui se trouve de l'autre côté de la rue
Sherbrooke et qui est maintenant liée à l'équipement de la
raffinerie et de l'usine de phénol.
Je ne peux pas, à ce moment-ci, dévoiler toutes les
ententes et les négociations que nous avons conclues jusqu'à
présent. Je peux assurer le député que,
premièrement, lundi, nous serons en mesure de dévoiler les
détails d'une partie des usines pétrochimiques. Je peux assurer
le député et cette Chambre que, aussitôt que nous aurons
d'autres informations et que nous aurons conclu d'autres ententes sur les
autres usines pétrochimiques, il me fera grand plaisir d'en informer
l'Assemblée nationale et la population. Merci. (15 heures)
Le Président: Fin de la période de questions.
Nous continuons maintenant les affaires courantes. Je crois que tous et
chacun d'entre vous se rappellent que nous avons reporté deux votes
hier. J'aimerais vous faire mention et lecture immédiatement des deux
votes qui ont été reportés.
Nous allons maintenant mettre aux voix... M. le whip du gouvernement et
M. le whip de l'Opposition, est-ce que vous êtes prêts à
procéder immédiatement aux deux votes? M. le whip du
gouvernement? À l'ordre, s'il vous plattl Cela va? Nous allons attendre
quelques minutes avant de procéder au vote.
On est prêt? M. le whip de l'Opposition?
Mise aux voix de l'amendement à la motion de
censure de
l'Opposition au sujet
de la situation dans les salles
d'urgence des hôpitaux
Nous allons maintenant mettre aux voix la motion du député
de Gouin de même que l'amendement du député de Laurier
à cette motion. La motion de fond du député de Gouin se
lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement
libéral qu'il mette fin au climat d'attente et
d'insécurité suscité par le Parti libéral face au
dossier des salles d'urgence."
L'amendement du député de Laurier se lit comme suit: "Que
la motion soit amendée, premièrement, en retranchant dans la
première ligne, les mots "l'Assemblée nationale exige du"; dans
la deuxième ligne, les mots "libéral qu'il"; dans les
troisième et quatrième lignes, les mots "et
d'insécurité suscité par le Parti libéral".
Dans un deuxième temps, l'amendement veut ajouter à la
deuxième ligne, avant le mot "gouvernement", le mot "le" et après
le mot "fin", les mots "dans les meilleurs délais". Enfin, toujours en
amendement, ajouter à la deuxième ligne, avant le mot
"gouvernement", le mot "le" et après le mot "fin", les mots "dans les
meilleurs délais". De sorte que si cet amendement était
adopté, la motion principale se lirait comme suit: "Que le gouvernement
mette fin dans les meilleurs délais au climat d'attente dans le dossier
des salles d'urgence."
C'est donc d'abord sur l'amendement que nous allons procéder. Que
les députés qui sont pour l'amendement veuillent bien se
lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent),
Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprairie), Pagé (Portneuf), Levesque
(Bonaventure), M. Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Bourbeau
(Laporte), Latulippe (Chambly), Côté (Rivière-du-Loup),
Mmes Gagnon-Tremblay (Saint-François), Ro-bic (Bourassa), MM.
Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Vallerand
(Crémazie), Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Côté
(Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Johnson (Vaudreuil-Soulanges),
Vallières (Richmond), Fortier (Outremont), Rocheleau (Hull), Gobeil
(Verdun), Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cu-sano (Viau), Vaillancourt
(Orford), Dauphin (Marquette), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Lefebvre
(Frontenac), Sirros (Laurier), Doyon (Louis-Hébert), Middlemiss
(Pon-tiac), Cannon (La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice),
Paradis (Matapédia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Rivard (Rosemont), Polak
(Sainte-Anne), Audet (Beauce-Nord), Baril
(Rouyn-Noranda-Témis-camingue), Bélanger (Laval-des-Rapides),
Bélisle (Mille-Îles), Mme Hovington (Matane), M. Séguin
(Montmorency), Mmes Trépanier (Dorion), Bélanger
(Mégantic-Compton), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent
(Sauvé), Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx), MM. Bradet (Charlevoix),
Brouillette (Champlain), Camden (Lotbinière), Mme Cardinal
(Châteauguay), MM. Després (Limoilou), Forget (Prévost),
Gardner (Arthabaska), Gauvin
(Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Laporte (Sainte-Marie),
Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Houde
(Berthier), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Leclerc (Taschereau), Hétu
(Labelle), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Marcil
(Beauharnois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Richard (Nicolet),
Tremblay (Rimouski), Tremblay (Iberville), Thérien (Rousseau),
Théorêt (Vimont), Saint-Roch (Drummond).
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cet
amendement veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Johnson (Anjou), Chevrette
(Joliette), Jolivet (Laviolette), Garon (Lévis), Rochefort (Gouin),
Charbonneau (Verchères), Mme Juneau (Johnson), MM. Gendron
(Abitibi-Ouest), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier
(Roberval), Godin (Mercier), Mme Vermette (Marie-Victorin), MM. Paré
(Shefford), Claveau (Ungava), Blais (Terrebonne), Dufour (Jonquière),
Parent (Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve), M. Desbiens (Dubuc).
Le Président: Y en a-t-il qui s'abstiennent?
Le Secrétaire: Pour: 81
Contre: 20
Abstentions: 0
Le Président: La motion est adoptée.
Mise aux voix de la motion amendée
Nous allons maintenant mettre aux voix la motion telle
qu'amendée.
Que ceux et celles qui sont en faveur de la motion telle
qu'amendée veuillent bien se lever.
Une voix: Vote unanime, s'il y a consentement.
Le Président: II y a consentement. La motion est-elle
adoptée? La motion est adoptée.
Une voix: Le vote est considéré comme
enregistré?
Le Président: Oui. Motions sans préavis. M. le
premier ministre.
Félicitations à M. Jacques
Chirac, nouveau premier
ministre de France
M. Robert Bourassa M. Bourassa: Avec votre permission et la
permission de la Chambre, M. le Président, je voudrais faire une motion
pour féliciter M. Jacques Chirac pour son retour comme premier ministre
de France, retour qu'on vient d'annoncer il y a quelques heures. Avec votre
permission et en vous remerciant de votre consentement, la motion sans
préavis se lirait comme suit: "Que l'Assemblée nationale offre
ses félicitations à M. Jacques Chirac à la suite de sa
nomination comme premier ministre de France."
J'ai bien connu M. Chirac puisqu'il a été premier ministre
jusqu'à la fin de l'été 1976. Non seulement c'est un ami
personnel, mais c'est un ami très fidèle du Québec. M.
Chirac et moi-même avions signé des accords, en 1974, qui avaient
permis le développement et le renforcement des relations
franco-québécoises.
On doit constater que ces relations du Québec avec notre
mère patrie se situent au-delà de toute partisanerie d'un
côté comme de l'autre de l'océan. Que ce soit au
Québec ou en France, avec les différents gouvernements, depuis le
début de la révolution tranquille ces relations se situent dans
l'ordre naturel des choses. Elles sont importantes parce qu'elles permettent au
Québec d'avoir un allié très précieux et
très important, notamment lorsqu'il s'agit pour lui de jouer un
rôle sur le plan international.
On peut certainement signaler l'appui déterminant que la France
nous a accordé pour jouer un rôle et pour participer au dernier
sommet francophone, de même que l'appui qu'elle nous a apporté
pour que le prochain sommet francophone ait lieu à Québec,
probablement l'automne prochain.
Donc, je suis très heureux et je suis confiant dans ce retour de
M. Chirac à la direction de la France, comme premier ministre
évidemment. J'espère bien que nous pourrons en cette Chambre
unanimement le saluer et le féliciter très chaleureusement.
Le Président: M. le chef de l'Opposition. (15 h 10)
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est
évidemment avec grand plaisir que j'appuie la motion
déposée par le chef du gouvernement. D'une part parce que, comme
il vient de le rappeler, les relations entre la France et le Québec sont
d'une importance telle qu'elles vont bien au-delà des lignes de parti,
en tout cas en ce qui concerne le Québec. Je dirais que nous pouvons
être confiants que cela s'applique aussi en France au-delà des
lignes de parti.
En confiant à M. Chirac la responsabilité de former le
gouvernement, ce qui, je crois, a été fait cet après-midi
avec
la nomination d'un certain nombre de personnes dont, nous le savons,
quelques amis du Québec, le président de la République
française a évidemment pris acte des résultats des
dernières législatives en France.
On sait que M. Chirac a déjà été premier
ministre, comme l'a rappelé le premier ministre, de 1974 à 1976,
qu'il est également député de la Corrèze, dans le
centre de la France, et qu'il a participé à de nombreux
échanges avec le Québec alors qu'il était premier ministre
mais aussi comme maire de Paris, alors qu'il est venu nous visiter à
quelques reprises.
Nous savons aussi que dans cette majorité française il y a
de nombreux amis du Québec qui ont été élus. Je
pense notamment à Alain Peyrefitte qui, pendant près de 25 ans,
aura contribué au renforcement constant des relations entre le
Québec et la France.
Le défi qui guette M. Chirac est considérable. On peut se
demander si la cohabitation entre un président de la République
socialiste et un premier ministre du groupe de la droite durera jusqu'aux
élections présidentielles de 1988. On peut se demander si la
majorité fragile de la droite en France qui, on le sait, est
formée essentiellement de deux grands blocs, le bloc
présidé par M. Chirac du RPR et le bloc de l'UDR, pourra tenir
sans avoir recours à l'aide de l'extrême droite pour gouverner. On
peut se demander aussi si le gouvernement pourra gouverner par la
procédure législative habituelle ou si, au contraire, ce
gouvernement devra avoir recours à la procédure des ordonnances
et des décrets pour gouverner et appliquer ses politiques.
On sait que le nouveau premier ministre français arrive aussi
dans un contexte de crise en France quand on pense, notamment, à la
question des otages au Moyen-Orient, et nous souhaitons évidemment qu'il
puisse faire face avec grand succès, pour le peuple français,
à cette crise ainsi qu'à l'autre qui s'est
déclenchée ce matin, on le sait, avec une explosion qui a fait
des morts et des blessés sur les Champs-Elysées.
Je voudrais profiter de l'occasion - le premier ministre me le permettra
sûrement -pour également remercier personnellement le premier
ministre, Laurent Fabius, qui vient de remettre sa démission, pour
l'intérêt qu'il a porté dans le dossier de la
coopération franco-québécoise. La formation dont il a
dirigé le gouvernement, le Parti socialiste, n'a pas connu la
déroute électorale qu'on avait anticipée et, avec 215
élus, la gauche française non communiste demeure une force
politique réelle en France.
Enfin, je voudrais souhaiter que l'action conjointe de ce
président socialiste et de ce premier ministre des groupes de droite
bénéficie non seulement aux Français, à la paix du
monde, au progrès de l'Europe, mais évidemment aux relations
franco-québécoises. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le premier ministre. M. Robert
Bourassa
M. Bourassa: Juste un mot, M. le Président, pour remercier
le chef de l'Opposition pour son appui à la présentation de cette
motion et, en même temps, le remercier, puisque je n'avais pas eu
l'occasion de le faire, pour l'appui sans réserve qu'il m'avait
accordé à l'occasion de ma participation au sommet
francophone.
Je voudrais également appuyer, mais d'une façon plus
précise, comme il l'a fait -je l'ai mentionné de façon
générale, mais je crois qu'il y a lieu également de le
mentionner d'une façon plus précise - le rôle qui a
été joué par les différents premiers ministres
depuis le début de la révolution tranquille. J'ai eu l'occasion,
à Paris, de remettre le mérite québécois, l'Ordre
du Québec, à plusieurs anciens premiers ministres, M. Barre, M.
Mauroy et, évidemment, M. Fabius.
Le gouvernement sera de centre droit, si je peux rectifier bien
amicalement le chef de l'Opposition. C'est un gouvernement de centre droit et
non pas de la droite. Ce gouvernement de centre droit, sûrement, avec
l'expérience qu'il a eue dans les relations avec le Québec, peut
nous permettre d'envisager l'avenir avec confiance.
Le Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Une voix: Vote enregistré.
Une voix: Adopté.
Le Président: Vote enregistré?
Une voix: Vote enregistré, oui.
Le Président: Qu'on veuille bien appeler les
députés, s'il vous plaît! À l'ordre s'il vous
plaît! Que chacun regagne son siège s'il vous plaît! Je vais
vous faire lecture immédiatement de la motion présentée
par M. le premier ministre. "Que l'Assemblée nationale offre ses
félicitations à M. Jacques Chirac à la suite de sa
nomination comme premier ministre de la France." Je vais mettre aux voix
immédiatement ladite motion. Que ceux et celles qui sont en faveur
veuillent bien se lever. (15 h 20)
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent),
Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprairie), Pagé (Portneuf), Levesque
(Bonaventure), M. Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-
Roux (L'Acadie), MM. Bourbeau (Laporte), Latulippe (Chambly),
Côté (Rivière-du-Loup), Mmes Gagnon-Tremblay
(Saint-François), Robic (Bourassa), MM. Rémillard (Jean-Talon),
Savoie (Abitibi-Est), Vallerand (Crémazie), Lincoln (Nelligan), French
(Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Johnson
(Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Fortier (Outremont),
Rocheleau (Hull), Gobeil (Verdun), Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cusano
(Viau), Vaillancourt (Orford), Dauphin (Marquette), Mme Dougherty
(Jacques-Cartier), MM. Lefebvre (Frontenac), Sirros (Laurier), Doyon
(Louis-Hébert), Middlemiss (Pontiac), Cannon (La Peltrie), Lemire
(Saint-Maurice), Paradis (Matapédia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Rivard
(Rosemont), Polak (Sainte-Anne), Audet (Beauce-Nord), Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger
(Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Îles), Mme Hovington
(Matane), M. Séguin (Montmorency), Mmes Trépanier (Dorion),
Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys),
Parent (Sauvé), Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx), MM. Bradet
(Charlevoix), Brouillette (Champlain), Camden (Lotbinière), Mme Cardinal
(Châteauguay), MM. Després (Limoilou), Forget (Prévost),
Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine),
Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains
(Saint-Henri), Houde (Berthier), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Leclerc
(Taschereau), Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux
(Vanier), Marcil (Beauharnois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau),
Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski), Tremblay (Iberville), Thérien
(Rousseau), Théorêt (Vimont), Saint-Roch (Drummond).
MM. Johnson (Anjou), Chevrette (Joliette), Jolivet (Laviolette), Garon
(Lévis), Ro-chefort (Gouin), Charbonneau (Verchères), Mme Juneau
(Johnson), MM. Gendron (Abitibi-Ouest), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion
(Taillon), Gauthier (Roberval), Mme Vermette (Marie-Victorin), MM. Paré
(Shefford), Blais (Terrebonne), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand),
Mme Harel (Maisonneuve), M. Desbiens (Dubuc).
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ladite
motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire: Pour: 98
Contre: 0
Abstentions: 0
Le Président: La motion est adoptée. Est-ce qu'il y
a d'autres motions sans préavis?
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.
À l'ordre s'il vous plaît!
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: M. le Président, je donne avis que la
commission du budget et de l'administration siégera le mercredi 26 mars
à compter 10 heures à la salle Louis-Joseph-Papineau pour
procéder à l'étude des projets de loi privés 231,
Loi modifiant la Loi concernant les maîtres entrepreneurs en
réfrigération du Québec, et 239, Loi concernant le Conseil
de planning social de Pontiac Inc.
Le Président: Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée. M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. le Président, compte tenu des
déplacements, je ne suis pas sûr d'avoir compris. Est-ce que vous
avez bien dit: La commission du budget et de l'administration?
M. Gratton: C'est exact.
M. Gendron: J'aimerais que le leader m'indique...
Le Président: M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: ...pourquoi ces projets de loi sont
déférés à la commission du budget et de
l'adminstration.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: On m'a dit que c'est le ministre des Finances qui
doit être présent.
M. Gendron: Pour piloter ces projets de loi?
M. Gratton: Oui.
M. Gendron: D'accord. Si c'est...
M. Gratton: C'est l'indication qu'on m'a donnée; je peux
vérifier, mais il me semble que c'est le ministre des Finances et que
c'est bien la commission du budget et de l'administration.
Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest,
est-ce que ça répond à votre question? M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je vous avoue que si j'en avais été
informé, j'aurais pu regarder de quoi il s'agit pour ces deux projets de
loi. On m'a dit que c'est le ministre des Finances qui pilotait ces projets de
loi. Je comprends que la commission des finances relève du budget et de
l'administration, mais
lorsque le leader du gouvernement a annoncé les deux projets de
loi, j'ai compris qu'il s'agissait de deux projets de loi concernant les
corporations. Je ne suis pas capable de faire le lien.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, il s'agit, dans un premier
cas, de la Loi concernant les maîtres entrepreneurs en
réfrigération du Québec et, dans un deuxième cas,
du Conseil de planning social de Pontiac. Je vais vérifier et je vais
fournir les informations.
Le Président: M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. le Président, je veux simplement vous
indiquer que j'aimerais effectivement que la vérification soit faite. Il
y a également une autre raison que j'aimerais discuter avec mes
collègues avant de donner notre consentement pour être capables de
siéger à cette commission.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: On m'informe à l'instant même que ces
deux organismes relèvent de l'Inspecteur général des
institutions financières. C'est ce qui fait que le ministre responsable
est le ministre des Finances, et qu'il s'agit de la commission du budget et de
l'administration.
Le Président: Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée. Affaires du jour.
Motion proposant que l'Assemblée
blâme le gouvernement d'avoir
accepté la Charte canadienne des
droite et libertés
Aux affaires prioritaires, j'aimerais vous faire lecture de la motion du
chef de l'Opposition: "Que l'Assemblée nationale blâme
sévèrement le gouvernement libéral d'avoir agi de
façon prématurée, imprudente et improvisée en
reconnaissant une partie substantielle de la Loi constitutionnelle de 1982,
à savoir la Charte canadienne des droits et libertés, sans avoir
publiquement débattu des conséquences majeures d'un tel geste
à l'égard des droits du Québec et sans même en avoir
saisi l'Assemblée nationale."
M. le chef de l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le leader pourrait-il
m'indiquer si je dois attendre le ministre des Relations internationales et
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes?
J'avais cru comprendre qu'il serait avec nous.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, le ministre est dans une
salle attenante, il sera ici dans quelques minutes.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, cette motion de
censure, comme elle le dit clairement, vise à blâmer
sévèrement le gouvernement actuel d'avoir agi d'une façon
à la fois prématurée, imprudente et improvisée en
reconnaissant une partie substantielle de la Loi constitutionnelle de 1982,
à savoir la Charte canadienne des droits et libertés, sans avoir
publiquement débattu les conséquences majeures d'un tel geste et,
à l'égard des droits du Québec, sans même avoir
saisi l'Assemblée nationale de cette question.
Le gouvernement a posé - particulièrement le nouveau
ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes - un geste malhabile,
par en arrière, en catimini, en laissant très largement
l'impulsivité du ministre du Revenu décider des droits du
Québec, montrant ainsi sa faiblesse ou son indifférence à
l'égard d'un contenu et d'un enjeu fondamental pour le
Québec.
Évidemment, ce ne sont pas des kilowatts. Ce ne sont pas des
mégawatts. Ce n'est pas un extrait de "L'énergie du Nord". Ce
n'est pas non plus quantifié par le taux d'inflation. Mais cela demeure,
M. le Président, fondamental, puisque cela fait partie de la permanence
des choses dans notre société. De la même façon, ce
geste malhabile démontre une mollesse d'attitude de la part de ce
gouvernement qui porte à conséquence pour l'avenir du
Québec. Cette imprudence de début de mandat du nouveau ministre,
qui commence ainsi une carrière d'une façon quelque peu
étonnante, affaiblira le Québec dont les intérêts
sont mal défendus dans cette précipitation
irréfléchie.
Car, contrairement à ce que certains peuvent prétendre,
l'affaire du "nonobstant" n'est pas qu'une simple question de vertu ou de
querelle de vertu. Deux chartes valent mieux qu'une ou, encore, il ne doit pas
y avoir deux catégories de Canadiens. On ne doit pas troquer les droits
et libertés dans le dossier constitutionnel. Phrases dramatiques, M. le
Président! (15 h 30)
Mais il reste quand même que cette question du "nonobstant" touche
ce qui est au coeur même de la reconnaissance de
l'existence ou non d'un peuple québécois ou d'une
société distincte du Québec, pour reprendre les vocables
du Parti libéral.
Car, en effet, cette décision irréfléchie,
improvisée et gravement imprudente du gouvernement libéral va
modifier considérablement ce qu'on pourrait appeler l'ère de'
liberté de la collectivité québécoise, du peuple
québécois ou de la société distincte du
Québec en matière de droits de la personne, sans compter que ce
geste constitue une erreur stratégique indéniable sur le plan des
négociations constitutionnelles avec le reste du Canada.
Car, en effet, M. le Président, jusqu'à maintenant, c'est
au peuple québécois, par l'entremise de son système
démocratique, soit le Parlement de Québec, ici, où ce ne
sont pas des choses insignifiantes qui doivent se décider mais des
choses signifiantes à la fois à l'égard des droits et
libertés, comme pour l'avenir du Québec, c'est dans cette
institution démocratique qu'est l'Assemblée nationale que,
jusqu'à maintenant, il appartenait de définir le contenu, la mise
en oeuvre des droits et libertés des citoyens de cette
collectivité québécoise.
Dorénavant, ce que certains ont convenu d'appeler la
"capitulation Rémillard" fera en sorte qu'il appartiendra au Canada et
sur le territoire du Québec à sept premiers ministres du Canada,
sans même le consentement du Québec, de définir et de
donner un contenu aux droits et libertés. Il appartiendra à neuf
juges de la Cour suprême, dont trois viennent du Québec mais qui
n'ont pas en tant que tel de statut, qui ne siègent pas dans une chambre
particulière quand il s'agit du droit québécois, il
appartiendra, dis-je, dorénavant, à ces neuf juges de la Cour
suprême d'être les derniers interprètes du sens et du
contenu des droits et libertés sur le territoire du Québec, parce
que le territoire du Québec fait partie du Canada.
Qui pourrait prétendre, dans un tel contexte, que continuerait
d'exister et de se développer un peuple québécois ou une
société distincte, à partir du moment où elle
abandonne, à toutes fins utiles, son droit et sa capacité de
définir ici, d'aménager les uns par rapport aux autres les droits
et libertés? C'est concret, non seulement à l'égard du
pouvoir des institutions démocratiques et de nos institutions
parlementaires, mais également à l'égard des droits des
citoyens.
Je n'en donnerai qu'un exemple. Il est évident que nous sommes en
faveur de la liberté d'expression. Il est évident que nous sommes
en faveur de la liberté au sujet des pratiques religieuses, que nous
sommes en faveur de la liberté d'assemblée mais je sais, moi, que
la liberté d'expression au Québec s'analyse aussi avec le droit
à la réputation dans notre Charte des droits et libertés.
Quel est l'aménagement du rapport à faire entre ces deux droits
que la collectivité, ici dans ce Parlement, non pas les jugements de
"common law", des tribunaux et des citoyens qui, dans l'indépendance
judiciaire, n'ont à répondre à personne des valeurs qu'ils
vont établir dans la définition des droits... Est-ce qu'il ne
faut pas reconnaître que cet abandon de la définition même
du contenu de ces droits qui, dans une charte, ne sont que théoriques,
puisque ce sont des mots, est-ce qu'il ne faut pas en conclure que nous
abandonnons ainsi ce qu'est l'essence même de former une
collectivité distincte? C'est, malheureusement, la conclusion à
laquelle nous force d'arriver le gouvernement, par ce geste
prématuré.
Est-ce que ce serait, M. le Président, parce que le Québec
est en retard en matière de droits et libertés? Serions-nous
faibles ou honteux en cette matière, comme société? Non.
Rien ne permet de le soutenir, bien au contraire. Prenons d'abord la question
des droits démocratiques, le droit de vote, la nécessité
de tenir des élections à périodes
déterminées. Ces droits existent dans l'une des plus vieilles -
est-il besoin de le rappeler? - démocraties parlementaires en Occident,
c'est-à-dire ce Parlement dans lequel nous siégeons.
Par ailleurs, le Québec, dans le projet d'accord constitutionnel
de 1985, avait reconnu qu'il adhérait à ces principes reconnus au
Canada que sont ce qu'on appelle les droits démocratiques, acceptant
ainsi d'être lié aux articles de la charte canadienne qui y
pourvoyaient.
Mais les droits démocratiques aussi au Québec, c'est plus
que cela, c'est la Loi sur le financement des partis politiques, la Loi sur la
consultation populaire, la démocratie municipale, un ensemble de mesures
que cette Assemblée a adoptées depuis cinq, dix, quinze, vingt
ans et qui, à bien des égards, font l'envie des autres coins du
Canada.
Parlons un peu des libertés individuelles et des droits
individuels. Aurions-nous raison d'être honteux ou de nous sentir faibles
en cette matière? Je sais que toute une génération, qui
écrivait dans les années cinquante contre l'émergence des
forces nationalistes du Québec, s'est servie de cet argument
qu'heureusement que nous avions la Cour suprême pour défendre les
droits et libertés. Cette génération a pris le pouvoir un
jour à Ottawa et nous a rentré dans la gorge le "Canada Bill" en
1982, on le sait.
L'adhésion philosophique de ces hommes et de ces femmes
était que nous étions incapables, ici, de décider de
questions de droits et libertés. C'est ce qu'on appelle la
mentalité de colonisé. Je crois que ces gens ont fait leur temps.
Je suis convaincu que le ministre n'appartient pas à cette
génération et à cette école de pensée, mais
néanmoins il adopte, dans les faits, l'attitude de ceux et celles qui
croyaient que ce peuple était incapable de disposer de questions
fondamentales en matière de droits et de libertés.
Le Québec s'est, depuis, donné un appareillage en
matière de droits et libertés qui est remarquable. Notre charte
des droits et libertés couvre d'une façon large, explicite, les
droits de la personne. Cette charte fait d'ailleurs l'envie - il faut le dire -
de la plupart des provinces canadiennes, pour ne pas dire de gens d'ailleurs
aussi. Et pourquoi? Parce que cela correspond à un large consensus de
l'ensemble québécois quant aux valeurs profondes que nous
partageons, une sorte de tolérance active et évolutive qui
caractérise notre société à cet égard et qui
n'a pas à se faire imposer un cadre comme si elle était incapable
d'y voir.
Serait-ce que notre charte est inopérante, M. le
Président? Non, elle n'est pas inopérante, bien au contraire.
D'abord, on nous plaidera la dérogation à la charte des droits et
libertés. Faut-il souligner dès maintenant, clairement, que le
Parlement fédéral et le Parlement de toute province au Canada a
la capacité de déroger aux articles 2 et 7 à 15 du "Canada
Bill", que le Parlement de Québec l'a à l'égard de sa
propre charte des droits et libertés, et qu'en ce sens, nous ne
constituons pas une exception, et que le recours à cette
dérogation peut se faire habituellement dans deux contextes: ou bien
dans un contexte où on tranche dans les valeurs et où l'on croit
que l'interprétation d'un droit dans son application ralentit la
capacité de l'État de faire une réforme... Exemple, la Loi
des petites créances. On permet aux citoyens d'aller devant la Cour des
petites créances pour obtenir rapidement des règlements en
matière de justice, mais cela contrevient au principe qu'on a droit
à son avocat. Est-ce qu'il faut dire pour autant que de contrevenir
à ce principe qu'on a droit à son avocat, pour créer la
Cour des petites créances, c'est être abusif? Non, c'est un choix
du Parlement, un choix de société, un choix qui a fait consensus.
(15 h 40)
L'autre dimension dans laquelle apparaît la dérogation
à notre charte, c'est le contexte de la crise politique ou sociale et
où on suspend temporairement, pour les fins d'application d'une loi,
certains des droits et libertés qui peuvent s'y retrouver. Je le sais,
M. le Président, il y a une sanction à cette dérogation,
nous l'avons vu, quant à nous, le 2 décembre. La loi 111
dérogeait à la présomption d'innocence dans les
procédures intentées à l'égard des employés
du secteur public et parapublic qui ne respectaient pas la loi 111. Je crois
que démocratiquement ils nous l'ont fort bien expliqué le 2
décembre dernier: de dire qu'une dérogation politique n'a pas de
sanction, c'est se tromper. C'est la sanction la plus grave, la plus importante
qu'on puisse avoir dans un système démocratique. C'est le
gouvernement qui doit répondre de ses actes.
Pour la mise en oeuvre, serait-elle inopérante la Charte des
droits et libertés du Québec? Non, bien au contraire. Alors que
la charte canadienne, à toutes fins utiles, pour donner lieu à
l'exercice de certains droits et libertés fondamentaux présuppose
le long cheminement judiciaire, celle du Québec ouvre, par la Commission
des droits de la personne, une façon relativement expéditive
d'obtenir satisfaction à l'égard des droits et
libertés.
Pourquoi cette attitude du gouvernement? J'ai recherché et j'ai
recensé, M. le Président, un certain nombre de textes de l'actuel
ministre pour voir la réponse à ce pourquoi. Entre autres, j'ai
retrouvé celui-ci: article du Devoir du 12 juin 1985. M. Gil
Rémillard écrit: "La charte des droits aurait pu être
incluse dans une constitution du Québec la mettant à l'abri
d'interventions à tout bout de champ." Le ministre sait que je suis
d'accord avec cette approche, d'autant plus que j'ai eu l'occasion de le
consulter au moment où j'étais affairé à
préparer le projet d'accord constitutionnel du gouvernement en 1984. Il
sait que je crois et que nous croyons de ce côté-ci - j'ai eu
l'occasion de le répéter récemment - qu'il faudrait
trouver dans le cadre d'une constitution interne du Québec le moyen
d'encadrer, de stabiliser et de baliser les moyens démocratiques de
modifier, d'amender la Charte des droits et libertés ou même d'y
déroger.
Le ministre croyait que cela était important au moment où
il écrivait cela. Il n'a certes pas pris le temps depuis sa nomination
de considérer cette avenue sérieusement avant de
reconnaître l'application intégrale de la charte canadienne. Il
serait intéressant d'entendre le ministre à ce sujet d'ailleurs.
Quelle suite veut-il donner à ses propos qu'il tenait à
l'époque, sans nous servir l'argument démagogique de: vous auriez
donc dû? Sauf que dans son sons et lumières - pour reprendre les
mots de son chef - peut-être nous servira-t-il la même ritournelle:
Mais il a maintenant des outils de décision en main. Pourquoi n'a-t-il
pas repris cette alternative que lui-même proposait avant
carrément de capituler en matière de droits et libertés?
Ne voit-il pas que ce sont là les intérêts vitaux du
Québec qui sont en cause?
Le ministre disait également, le 27 mars 1982, toujours dans un
article du Devoir - le ministre publiait souvent dans le Devoir: "Dans la
perspective du fédéralisme canadien, l'enchâssement des
droits fondamentaux fait problème puisqu'il met en cause le
régionalisme et le dualisme. De plus, le fait d'enchâsser les
droits fondamentaux limite la souveraineté des Parlements et donne aux
tribunaux un
pouvoir considérable d'interprétation non seulement
juridique, mais aussi politique." M. Gil Rémillard, 27 mars 1982. Il
continue en disant: "Les règles d'interprétation qui vont se
dégager de l'application de la charte ne manqueront pas d'influencer
l'ensemble de l'interprétation du droit canadien tant au niveau
fédéral que provincial." C'était la conclusion d'une
conférence que M. Rémillard donnait à Strasbourg, le 6
juillet 1984.
N'est-ce pas dire que par le geste qu'a posé le gouvernement,
confirmé par ce ministre, l'Assemblée nationale se voit
amputée d'une partie substantielle de ses pouvoirs, notamment celui de
faire et d'avoir le choix du dernier mot en matière de droits et
libertés, et tout cela au profit de quoi? Au profit d'un système
judiciaire pancanadien extrêmement centralisé où nous
n'avons rien à voir avec la nomination des juges et où,
tantôt, la jurisprudence de Saskatchewan, d'Alberta ou de Colombie
britannique influencera profondément le droit
québécois.
D'autant plus que le ministre lui-même reconnaissait, il y a
quelques jours, que la charte canadienne comporte une grande
ambiguïté puisque la Cour suprême n'a toujours pas
tranché si elle s'applique aux relations entre individus. Dans ses cours
à la formation permanente du Barreau, le cours numéro 83, aux
pages 8 et 9, d'ailleurs, il soutenait la thèse stipulant que la charte
canadienne devait s'appliquer dans les rapports de droit privé. Ce qui
veut dire quoi en pratique? Ce qui veut dire qu'au Québec, depuis 1774,
l'Acte de Québec, après la conquête, on a vécu
pendant un certain nombre d'années sous l'empire de la "common law". Les
habitants, les colons et ceux qui restaient après que les élites
soient retournées en France ont décidé d'arbitrer leurs
problèmes de droit entre eux sans avoir recours aux tribunaux
britanniques. Murray dut le constater et il accorda le maintien de la coutume
de Paris sur notre territoire à compter de 1774, ce qui s'est traduit
par quoi, en 1985? C'est le Code civil, lui-même reconnu dans la
constitution de 1867.
Or, si la Charte canadienne des droits et libertés devait
s'appliquer aux rapports de droit privé, cela veut dire que notre droit
civil sera non seulement profondément affecté par le "common
law", mais à toutes fins utiles, les grandes règles de droit en
matière de droit civil seront dorénavant dictées par le
"common law". Voire même, si on regarde l'arrêt Hunter de la Cour
suprême, par la jurisprudence de la Cour suprême des
États-Unis, c'est faire bon marché dans une conférence de
presse un peu rapide, un mercredi après-midi, du droit civil et de son
évolution sur notre territoire. Et c'est présenter une
très grande vulnérabilité du Québec à
l'égard de l'évolution de son droit essentiel à la
capacité pour le Québec, comme minorité de 2 % de ce
continent, de maintenir sa spécificité.
La spécificité du Québec ne vient pas que de la
langue que nous parlons comme majorité, elle vient aussi de nos
institutions. Parmi ces institutions, il y a une pierre angulaire qui s'appelle
le Parlement, et une seconde qui s'appelle le Code civil. La décision
annoncée par le ministre met les deux en cause, et on vient nous parler
de société distincte au nom d'une certaine vision
internationaliste. (15 h 50)
J'ai peut-être trouvé le fondement de l'attitude du
ministre dans un autre écrit. Le Devoir, 12 juin 1985 - toujours le
Devoir -"Je - c'est M. Rémillard qui parle - signale que 22 pays
européens indépendants et souverains ont accepté de donner
prépondérance à la Charte des droits -évoquant ici
la Convention sur les droits de l'homme en Europe. Le Québec ne
pourrait-il pas faire de même dans l'ensemble fédéral
canadien?"
Je présume que c'est là son argument. Ce ne sont
sûrement pas les autres. On a démontré très
clairement que cela ne pouvait pas être cela. C'est sans doute son
argument matraque. Mais regardons un peu comment ce ministre voudrait nous
convaincre que le processus judiciaire pancanadien, en définitive, est
celui qui doit dominer dans l'interprétation des droits fondamentaux sur
notre territoire plutôt que l'Assemblée nationale du
Québec.
L'expérience européenne, c'est vrai, est concluante, mais
il ne faudrait pas l'importer d'une façon inconditionnelle. D'abord, il
s'agit de droit international. Le droit international ne prétend pas
supplanter ou remplacer le droit interne des États. Or, dans le cas de
la charte canadienne, la reconnaissance des clauses 2 et 7 à 15 est,
à toutes fins utiles, un abandon de notre juridiction en droit interne,
sans compter la dimension à l'égard du droit civil, si la Cour
suprême devait décider que cela s'applique en matière de
droit privé.
Deuxièmement, les États participant à la convention
européenne ont adhéré volontairement à cette
déclaration commune. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cela n'a pas
été le cas du Québec en 1982.
Troisièmement, les pays qui participent à la convention
européenne sont dans un état de fait fort différent de
celui du Québec. Je vois mal la France être assimilée par
l'Allemagne, l'Italie être assimilée par la Hollande. Nous, par
ailleurs, nous formons 2 % de ce continent et nous sommes dans une position,
notamment à l'égard des droits et libertés, de plus grande
fragilité que les autres, puisque notre droit est différent de
celui du reste du continent et qu'il fait partie de notre personnalité
collective.
C'est sans doute pour cela que les
professeurs Brun et Tremblay écrivaient récemment que,
lorsqu'elles se penchent sur les limites apportées aux droits garantis
par la Convention européenne des droits de l'homme, la cour et la
commission européennes tiennent compte largement de l'histoire et de la
culture du pays en cause. Non seulement ces pays y ont-ils adhéré
volontairement, non seulement peuvent-ils continuer d'avoir totale
liberté dans leur droit interne, mais également la cour,
puisqu'il s'agit d'États souverains - ce qui n'est pas le cas du
Québec - tient compte de l'interprétation circonstanciée
et locale des droits et libertés.
Or, nous n'avons aucune garantie à cet égard dans le geste
irréfléchi et dangereux posé par le gouvernement, sans
compter que dans le cas de la cour européenne les pays ont une
préemption sur la nomination des juges, sur l'étendue de leur
juridiction, sur le rôle des États participants. Encore
faudrait-il peut-être que le ministre pousse un peu plus loin sa
réflexion, s'il peut se trouver quelques conseillers.
Une voix: M. Dion était libre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce n'est pas un
détail, ce qui s'est passé l'autre jour. Ce n'est pas non plus
une affaire pour quelques initiés. Sur le fond comme sur la forme, ce
gouvernement manipule les intérêts du Québec d'une
façon un peu désinvolte, légère et dangereuse pour
notre avenir. L'improvisation, le caractère prématuré de
la décision, l'imprudence, le côté
irréfléchi, sans débat, sans consultation, sans que
l'Assemblée n'en soit saisie, tout cela est grave, parce qu'on touche
à des choses fondamentales à l'égard des
intérêts du Québec mais aussi des intérêts de
chacun des citoyens. Je donnerai un exemple concret, encore une fois, de ce que
signifie une Assemblée qui décide, en matière de droits et
de libertés, plutôt que les tribunaux ou plutôt qu'un
amendement dans 17 ans, fait par sept premiers ministres sauf celui du
Québec, a la constitution canadienne.
Au Québec, dans notre Charte des droits et libertés, on
prévoit et on prévoyait l'interdiction de la discrimination sur
la base des sexes. Un tribunal, un jour, a décidé que le fait
d'être enceinte, que la grossesse n'était pas
considérée comme un attribut du caractère sexuel de la
discrimination. Cela veut dire quoi, en pratique? Cela veut dire qu'un jour,
une femme se présente chez un employeur, dit qu'elle aimerait être
employée et l'employeur lui répond: Madame, avez-vous l'intention
d'avoir un enfant? Elle répond: Oui. Il lui dit: Madame, je ne vous
embauche pas.
Cette citoyenne se présente devant la commission et par la suite
devant les tribunaux où on lui dit: Le fait qu'il n'y ait pas de
discrimination sexuelle et que ce soit interdit dans la Charte des droits et
libertés du Québec n'implique pas que cet employeur avait tort en
matière de grossesse. Interprétation restrictive du tribunal
quant à un droit et une liberté.
Qu'est-ce que nous avons fait? Nous avons modifié la Charte des
droits et libertés du Parlement de Québec et nous avons
prévu que dorénavant la grossesse est un facteur contre lequel on
ne peut pas discriminer dans l'emploi. C'est cela, le processus des droits et
libertés dans une société démocratique. Ce n'est
pas simplement de dire le mot "liberté", c'est la vivre à travers
les institutions démocratiques. Cette flexibilité, cette
souplesse, cette capacité de modifier des droits et libertés en
pleine évolution dans notre société, et dans une
évolution progressiste qui fait l'envie de la plupart des autres
endroits sur ce continent, c'est le pouvoir de l'Assemblée
nationale.
Qu'il faille resserrer les conditions pour amender la Charte des droits
et libertés, possiblement; la constitution interne le permettrait. On
pourrait, par exemple, le prévoir dans la constitution écrite
interne du Québec qui, elle-même, devrait être
approuvée par référendum, donc bien au-delà du
Parlement, par le peuple. Cela serait mieux que simplement sept premiers
ministres dans une chambre d'hôtel. On pourrait prévoir que la
Charte des droits et libertés du Québec ne peut être
amendée que si le Parlement vote aux deux tiers deux fois sur une
période de douze mois ou on pourrait prévoir carrément que
ces droits et libertés sont contenus dans la constitution interne du
Québec et ne peuvent être modifiés que par un changement de
la constitution, donc, par référendum. Non pas par sept premiers
ministres dans une chambre d'hôtel à Saskatoon, mais ici, chez
nous, à partir de nos institutions démocratiques et de la
volonté du peuple québécois qui forme cette
société distincte dont on nous parle.
Or, cette chose fondamentale à laquelle a touché le
gouvernement, presque distraitement, et je dirais presque subrepticement ou
machiavéliquement, par le ministre du Revenu en commission
parlementaire, c'est à la suite du sablage de champagne de 1982. Tout
cela, en plus, a des conséquences sur le plan des relations entre le
gouvernement canadien, le gouvernement québécois et l'ensemble du
Canada, des provinces canadiennes dans le dossier constitutionnel qui n'est
même pas amorcé. Quelle garantie a obtenue le premier ministre du
Québec ou son ministre chargé du dossier constitutionnel quant au
rôle du Québec dans la nomination des juges de la Cour
suprême? Quelle garantie a-t-il obtenue quant à la reconnaissance
du caractère distinct du Québec et quel en est le libellé?
Quelles en
sont les conséquences sur l'évolution du droit, du droit
des personnes comme du droit collectif? (16 heures)
Quelle garantie a obtenue le gouvernement avant de prendre une telle
décision d'abdiquer les pouvoirs de l'Assemblée nationale en ces
matières? Que le "Canada Bill" serait modifié de façon
acceptable pour le gouvernement et pour l'Assemblée nationale. Et
pourtant, on a manipulé sans grande attention un élément
sans lequel nous resterons et nous demeurerons toujours fragiles sur ce
continent, c'est-à-dire la capacité des institutions
démocratiques de définir le droit dans cette
société. Ce n'est pas fait que pour les avocats, c'est fait pour
tout le monde, pour tous les citoyens.
Ah! on plaidera la sécurité juridique de la charte
canadienne. Quelle sécurité? La sécurité qu'un
Parlement ne peut pas y déroger? Voyons donc! Tous les Parlements
canadiens peuvent y déroger. La sécurité qu'elle ne peut
pas être modifiée parce qu'elle est constitutionnelle facilement?
C'est vrai et, je vous en passe un papier, elle ne sera pas modifiée
avant 20 ans quand on regarde ce que cela a pris de temps pour la faire
évoluer.
On voudrait nous soumettre pendant cinq ans, dix ans à des
décisions de "common law" et on pourrait arriver à la conclusion
qu'il faut modifier au Québec l'application ou l'aménagement de
deux droits ou de deux libertés fondamentales et qu'il faudrait attendre
que cela tente à sept premiers ministres du reste du Canada. On n'aurait
aucun pouvoir d'initiatives là-dessus et, en plus de cela, ils
pourraient décider de la modifier sans notre consentement. M. le
Président, ce geste, de toute évidence de mollesse dans
l'attitude, de faiblesse dans le contenu, impardonnable est un geste qui met en
péril les intérêts du Québec.
Le gouvernement libéral n'a pas le droit de traiter des
intérêts du Québec à la pièce, sans vue
d'ensemble, en prenant en catimini des décisions qui sont cruciales pour
l'avenir collectif. Nos gouvernants ont à susciter ce type de
débats plutôt qu'à les éviter. Ils ont à
cerner les véritables enjeux plutôt qu'à trouver des
formules lapidaires pour banaliser des questions aussi fondamentales.
Ah! on nous dira que c'était dans le programme du Parti
libéral, comme l'a dit le premier ministre tout à l'heure, mais,
M. le Président, le programme du Parti libéral, personne ne l'a
vu pendant la campagne. C'était la valse des milliards, l'orgie des
promesses. Je suis convaincu qu'avoir présenté cette dimension du
programme libéral de façon spécifique et claire à
nos concitoyens comme étant un enjeu important, car Dieu sait que c'est
un enjeu important pour le Québec, les libéraux auraient dû
changer d'attitude s'ils avaient voulu être élus.
Par-delà des intérêts partisans, l'Opposition
assumera son rôle dans ce dossier, notamment en exigeant que
l'Assemblée en soit saisie car ce n'est pas vrai qu'on va laisser le
Parti libéral et ce gouvernement, parce qu'il a une majorité,
parce qu'il invoque un programme qu'il a à peine cité pendant son
élection, traiter de questions aussi fondamentales sans revenir devant
le Parlement. C'est leur devoir de le faire. Le gouvernement
précédent qui, Dieu sait, avait subi les foudres et les affres de
ce que signifiait le résultat référendaire de 1980, a
déposé devant cette Assemblée un projet d'accord
constitutionnel aux yeux de tous. Clair, pas à la pièce, avec une
vue d'ensemble. Qu'on ne nous renvoie pas à une ligne ouverte de M.
Bourassa ou à un extrait de programme d'il y a trois ans ou au livre
beige de l'ancien chef du Parti libéral. Qu'on nous produise un document
et qu'on le dépose devant l'Assemblée nationale.
Le Parti libéral affirme rechercher la reconnaissance du
Québec comme société distincte. Cette reconnaissance par
le Canada anglais, pour ne pas être un voeu pieux, doit se traduire,
notamment, par la reconnaissance de la primauté des institutions
démocratiques du Québec en matière de droits et
libertés. Affirmer qu'il revient à nos institutions
démocratiques de faire des choix de valeurs que représentent des
textes aussi fondamentaux qu'une constitution interne pour le Québec ou
une charte des droits et libertés, c'est se porter à la
défense de notre système de droit, se porter à la
défense de la légitimité de nos institutions
parlementaires, car, mesdames et messieurs, vous n'êtes pas ici pour
disposer seulement de questions de plomberie. Nous sommes ici pour disposer de
valeurs en société et rien de plus clair à l'égard
des valeurs qu'une Charte des droits et libertés.
C'est aussi se porter à la défense de l'affirmation de
notre spécificité collective, mais surtout, pour nous, c'est
d'être animés de la profonde conviction que le peuple du
Québec valorise les droits et libertés car, oui, il y a des
Canadiens différents, il y a les Québécois, M. le
Président.
Des voix: Adopté.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Le ministre arrive
à l'instant même.
Une voix: II est allé se cacher.
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes,
vous avez la parole.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, nous faisons face
cet après-midi à une motion de blâme. L'Opposition
blâme le gouvernement d'avoir pris la décision de ne plus utiliser
dans ses projets de loi, systématiquement, comme eux le faisaient
lorsqu'ils étaient au pouvoir, cette clause "nonobstant", cette
possibilité de légiférer à l'encontre de la charte
canadienne, qui existe dans la charte canadienne et qu'ils ont utilisée
systématiquement dans leurs projets de loi.
On nous blâme donc pour une décision qui a
été confirmée formellement par le Conseil des ministres le
5 mars 1986 et qui se lit comme suit: "De ne pas inclure
systématiquement dans les lois québécoises une clause les
soustrayant de l'application de certains articles de la Charte canadienne des
droits et libertés, étant entendu que le gouvernement du
Québec pourra se prévaloir de cette prérogative chaque
fois que le dictera l'intérêt du Québec."
C'est pour avoir pris cette décision que, cet après-midi,
nous devons débattre une motion de blâme que l'Opposition
présente contre le gouvernement.
Il n'est pas toujours facile pour l'ensemble de la population, vous le
savez, M. le Président, de comprendre les réels enjeux de cette
discussion que nous avons sur un point bien technique, la clause "nonobstant".
Qu'est-ce que la clause "nonobstant"? Il faudrait donc faire tout d'abord, si
vous me le permettez, un petit historique pour vraiment comprendre ce qu'est
cette clause "nonobstant", ce qu'elle signifie, pour ensuite en voir les
réelles conséquences et les conséquences de cette
décision que nous avons prise formellement au Conseil des ministres le 5
mars dernier, cette décision que nous avons prise, devrais-je dire,
dès le premier projet de loi que nous avons présenté comme
gouvernement. Nous avons décidé sans aucune hésitation,
bien sûr, de ne plus utiliser systématiquement cette clause
"nonobstant". (16 h 10)
Pourquoi cette clause dans la charte canadienne? Que vient faire cette
charte? Que vient faire cette clause à l'intérieur de cette
charte canadienne qui est nôtre depuis le 17 avril 1982, depuis le
rapatriement de la constitution? Il faut se rappeler qu'une charte est un
élément qui est essentiel au respect de la démocratie d'un
État, d'un gouvernement, d'un pays qui se veut vraiment
démocrate. Pourquoi? Eh bien, parce que lorsque des hommes, des femmes
décident de vivre ensemble parce qu'ils ont des intérêts en
commun, parce qu'ils savent qu'ils peuvent partager un bien commun ensemble et
décident de former ce qu'on appelle une société, de former
un État, de former un gouvernement, ils acceptent, par le fait
même, de se départir de leur pleine souveraineté, de leur
pleine liberté. Ils ne vivent plus isolément. Ils vivent en
société. Ils partagent avec les autres membres de la
société des façons d'être, des façons de
vivre.
En contrepartie de cet abandon qu'ils doivent faire de leur
liberté absolue, ils reçoivent la possibilité de
bénéficier des services de la société. C'est
ça le fondement de notre vie en société. On accepte de se
départir de notre pleine liberté pour, en contrepartie, recevoir
les bienfaits d'une société. On forme un gouvernement et on dit
à ce gouvernement: Vous allez agir pour que nous puissions former cette
société à laquelle nous tendons, cette
société, dans notre cas, démocratique, libre, capable
d'atteindre les buts communs qu'on s'est fixés.
Mais, nous savons tous qu'il y a des possibilités pour tout
organisme, pour toute personne qui exerce un pouvoir d'abuser de ce pouvoir.
C'est une vérité que tous les philosophes de tous les
siècles, de toutes les périodes, nous ont enseignée: Une
personne, un organisme qui a un pouvoir est porté naturellement à
vouloir l'augmenter, voire même éventuellement à en abuser
de ce pouvoir. C'est dans ce contexte qu'on doit situer une charte des droits
et libertés. Ce que font ces gens qui veulent vivre ensemble, ils
forment un gouvernement, mais ils disent à ce gouvernement: II y a des
droits, il y a des libertés que nous considérons comme
essentielles parce qu'elles découlent de notre essence même
d'êtres humains, parce qu'elles découlent, fondamentalement, de la
façon dont nous voulons vivre en société; et ces droits,
ces libertés vous n'aurez pas le droit d'y toucher, ils seront
intouchables.
Ce sont nos droits fondamentaux et on inclura, pour être plus
certain que le gouvernement respectera cette limite à la
possibilité de légiférer, ces droits, ces libertés
dans la constitution. Car une constitution, ce n'est pas simplement la
structure juridique du pouvoir. Une constitution, c'est un contrat social.
C'est le contrat que nous passons ensemble parce que nous voulons vivre
ensemble. C'est dans ce contrat social qu'on inclura ces droits, ces
libertés que nous voulons intouchables de la part de l'action du
gouvernement. C'est donc une pièce maîtresse. C'est donc le
fondement de toute démocratie.
C'est ce qui garantit la vie en démocratie. C'est certain que
lorsqu'on parle d'une charte des droits et libertés, on parle de limites
à la possibilité de légiférer. C'est
évident. Cela découle de l'essence même de ce qu'est une
charte. Une charte existe pour empêcher les gouvernements d'agir dans
certains domaines que les citoyens se
réservent exclusivement. Le droit à la vie. Y a-t-il un
droit plus important que le droit à la vie? Le droit à la
sécurité de la personne? La liberté de pensée? La
liberté de religion? Le droit d'avoir un procès juste et
équitable? Le droit d'être entendu d'une façon pleine et
entière avant d'être condamné?
Ce sont ces genres de droits qu'on inclut dans une charte des droits et
libertés. Mais, évidemment, lorsque l'on vit en
société, il y a l'intérêt individuel et aussi il y a
ce qu'on appelle l'intérêt de la collectivité. Il se peut
que, dans certaines circonstances, il y ait possibilité de conflit entre
l'intérêt de la collectivité et l'intérêt
individuel. C'est un conflit immanquable.
Dès qu'on accepte le fait qu'il y a une charte, on accepte ce
principe qu'il se peut qu'il y ait un conflit à un certain moment
donné entre les droits collectifs et les droits individuels. Qui
tranchera dans ce conflit? Il y a deux possibilités. Ou bien ce sont les
juges, ceux qui normalement tranchent les conflits quand ils arrivent avec les
citoyens. Ce sont les juges qui détermineront si c'est
l'intérêt collectif qui doit primer l'intérêt
individuel ou si c'est le droit individuel qui doit primer
l'intérêt collectif, dans certains cas.
Ce n'est pas parce qu'on est dans une situation de guerre qu'on a le
droit de torturer les gens. C'est bien évident. Il y a des droits qui
sont inaliénables. Il y a des droits qui appartiennent à
l'essence même de l'être humain et, peu importent les
circonstances, un gouvernement ne peut pas toucher à ces droits
aliénables. C'est donc, dans un premier temps, aux tribunaux qu'on
s'adressera pour leur demander de trancher ce conflit entre les droits
individuels et les droits collectifs.
On connaît leur impartialité. On connaît aussi leur
expertise dans ces genres de conflits pour les amener à situer dans son
réel contexte social, politique et économique le conflit qui met
en cause les droits de la collectivité et les droits individuels. C'est
eux qui auront à trancher.
Ou bien l'autre possibilité, c'est de donner au pouvoir politique
lui-même la possibilité de trancher ce dilemme des droits
collectifs et des droits individuels.
On dit: S'il y a des circonstances, s'il y a des situations où il
y a conflit entre les droits individuels et les droits collectifs, ce sera le
politique, le gouvernement, le Parlement qui décidera dans ce conflit.
C'est une situation qui peut être dangereuse, parce que le Parlement, le
gouvernement, se retrouve un peu dans une situation où il est juge et
partie. C'est lui qui légifère, sa loi amène un conflit
qui implique les droits collectifs et les droits individuels et c'est lui en
plus qui décide si c'est la collectivité et les droits collectifs
qui doivent l'emporter sur les droits individuels.
C'est donc une situation difficile. C'est pourquoi, dans toutes les
chartes au monde, il existe ces genres de possibilité de clauses qui
permettent aux gouvernements, aux Parlements, de légiférer pour
restreindre, non pas annuler - la distinction est importante; la Cour
suprême canadienne a fait cette distinction - un droit. Il ne s'agit pas
d'annuler un droit, il ne s'agit pas d'enfreindre un droit, mais il s'agit de
le restreindre, parce que les circonstances font que l'intérêt de
la collectivité doit primer. (16 h 20)
C'est dans ce contexte qu'on doit situer la clause "nonobsant", dans un
contexte où l'intérêt de la collectivité est en
cause et doit primer l'intérêt des individus, pas des droits
inaliénables, comme le droit à la vie, mais des droits qui
peuvent, dans certains cas, sous certains aspects, pour certaines fins,
être restreints pour un certain temps, dans des cas limités. C'est
ce qu'on appelle des clauses "nonobstant". Ce n'est pas sorcier, c'est comme
cela qu'on les appelle ces clauses "nonobstant". Des clauses qui permettent au
gouvernement de restreindre les droits individuels parce qu'il y a une
situation qui implique l'intérêt de la collectivité qui est
en cause. C'est comme cela qu'on s'est retrouvé dans la charte
canadienne avec cette clause qu'on appelle la clause "nonobstant". La clause
qui permet au gouvernement des provinces et au gouvernement
fédéral de légiférer en restreignant les droits
fondamentaux qui sont inscrits aux articles 2 et 7 à 15.
Mme la Présidente, j'insiste sur ce point, la clause "nonobstant"
ne s'applique pas à l'ensemble de la charte, mais la clause "nonobstant"
s'applique aux articles 2 et 7 à 15. C'est un point
particulièrement important. L'article 2, ce sont les libertés
fondamentales: la liberté de penser, la liberté de croyance,
d'opinion, la liberté de réunion pacifique, la liberté
d'association. Les articles 7 à 15, c'est le droit à la vie,
à la liberté, à la sécurité de sa personne,
le droit à un procès juste et équitable. Voilà les
droits qu'on retrouve aux articles 2 et 1 à 15 et qui, par la clause
"nonobstant", peuvent être restreints pour permettre à un
intérêt de la collectivité de venir s'imposer dans
certaines circonstances pour une période de temps
déterminée parce que la collectivité l'exige.
Donc, M. le Président, je voudrais quand même bien
préciser que cette clause "nonobstant" ne s'applique qu'aux articles 2
et 7 à 15, que les droits linguistiques ne sont absolument pas en cause,
que la liberté de circulation de l'article 6 n'est non plus en cause.
Ces droits, les droits linguistiques, la liberté de circulation, que le
gouvernement péquiste contestait lorsqu'il était au pouvoir, ce
n'est pas en utilisant la clause
"nonobstant" qu'il a pu quand même les mettre de côté
parce que la clause "nonobstant" ne s'applique pas. La clause "nonobstant" fait
en sorte qu'on empêche des droits aussi fondamentaux que le droit
à la vie, le droit à la sécurité de la personne, le
droit à un procès juste et équitable, le droit à la
liberté de penser, de religion.
Mme la Présidente, ce sont ces droits qu'on met de
côté par la clause "nonobstant" et ce sont ces droits que le
gouvernement péquiste a mis de côté systématiquement
en utilisant la clause "nonobstant". Je dois dire aussi qu'une telle clause
"nonobstant" existe dans la charte québécoise de la même
façon. Dans la charte québécoise il y a une telle clause
"nonobstant" comme il y a aussi une clause - et la même chose dans la
charte canadienne - qui permet au juge d'apprécier les droits collectifs
et les droits individuels et de rendre jugement à savoir si les uns
doivent primer les autres. Dans les deux chartes, la charte canadienne et la
charte québécoise, on retrouve ces clauses "nonobstant", ces
clauses de limitation qui appartiennent au pouvoir judiciaire. Elles sont
là pour permettre aux organismes compétents de prendre des
décisions dans le meilleur intérêt de la
collectivité.
Pour comprendre la réelle signification de notre débat,
Mme la Présidente, il faut se référer à un principe
vraiment fondamental. Un principe qui n'est contesté par aucun auteur,
aucun spécialiste. La Charte des droits et libertés canadienne a
une force que la charte québécoise ne peut avoir. Tous les
auteurs s'entendent sur ce point. La Cour suprême canadienne l'a
confirmé dans plusieurs décisions. C'est un point qui est
intouchable. Pourquoi? Parce que la charte canadienne fait partie de la
constitution canadienne, ce qui signifie, premièrement, que pour la
modifier, il faut utiliser la formule d'amendement qui est incluse dans la
constitution elle-même.
Tout à l'heure, le chef de l'Opposition nous disait: Eh oui, elle
est bien plus forte parce qu'elle est dans la constitution et, pour la
modifier, il faut utiliser la formule d'amendement. C'est terrible, on va
être pris avec des décisions qu'on ne pourra plus changer! Mais ce
n'est pas terrible, c'est ça qu'on veut. On veut des droits et
libertés qui sont inscrits dans la constitution et qui ne peuvent pas
être modifiés, être changés au gré d'un
pouvoir. C'est pour ça qu'on veut qu'une charte soit dans une
constitution, c'est parce qu'on veut justement que ces droits et
libertés soient respectés. Ce ne sera pas facile de changer un
droit et une liberté inscrits dans la constitution canadienne. Ce ne
sera pas facile. Il faut sept provinces totalisant 50 % de la population des
provinces. Il faut l'accord du Parlement canadien. Ce ne sera pas facile.
C'est ce qui fait la force de ces droits et ces libertés. Ce
droit à la vie, ce droit à la sécurité de la
personne que nous avons, ce droit de liberté de pensée, de
liberté de religion, nous ne voulons pas qu'ils soient touchés,
demain, par un gouvernement qui, tout à coup, déciderait que ces
droits et libertés n'ont plus leur raison d'être. C'est pour
ça qu'on veut qu'une charte soit incluse dans une constitution et c'est
pour ça que la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne n'a pas la même force que la charte
canadienne, parce qu'elle est une simple loi et qu'il est un principe de notre
droit à savoir qu'une loi est toujours amendable par une autre loi.
Toutes les lois qu'adopte cette Assemblée peuvent être
modifiées par cette Assemblée.
La Charte des droits et libertés de la personne est une loi du
Québec, une des lois importantes que nous avons, une loi dont nous
pouvons être fiers, mais ce n'est qu'une loi, une loi qui peut être
amendée par une autre loi. C'est ce qui fait qu'elle offre moins de
garanties que la charte canadienne qui, elle, est dans la constitution
canadienne. Bien sûr, M. le chef de l'Opposition l'a mentionné
tout à l'heure, on peut penser en termes d'une constitution
québécoise. Ce n'est pas la trouvaille du siècle, une
constitution du Québec. Cela fait vingt ans, au moins, qu'on parle d'une
constitution du Québec. Il y a une quarantaine d'États
américains qui ont leur propre constitution.
Ce serait quoi, une constitution du Québec? Ce serait une
codification, un contrat social que les Québécois peuvent se
donner. Ils peuvent le faire à l'intérieur de la
Fédération canadienne, ça ne pose pas de problème,
mais même cette constitution demeurerait une loi de cette
Assemblée, qu'elle soit approuvée par un référendum
populaire ou non. Et la charte qu'on pourrait y inclure pourrait, bien
sûr, contenir des restrictions à savoir qu'elle ne pourrait pas
être amendée à cause de telle circonstance ou avec une
majorité qualifiée. On pourrait tout inclure cela, mais le fond
du problème demeurerait parce qu'une constitution du Québec, pour
autant que le Québec est une province canadienne, ne pourrait être
autre chose qu'une codification, qu'un contrat social que les
Québécois voudraient se donner, mais qui n'aurait pas de valeur
constitutionnelle au même sens que la constitution canadienne qui, elle,
est la seule constitution qui peut être souveraine. S'il y a un
spécialiste en droit qui peut me dire le contraire, qu'il vienne me le
dire, on va en discuter. (16 h 30)
Donc, il serait intéressant, j'en conviens, d'inclure,
éventuellement, une charte québécoise des droits et
libertés de la personne dans une constitution du Québec. Une
constitution du Québec, ce n'est pas la trouvaille du siècle.
Cela fait nombre
d'années qu'on en parle. On peut se donner une constitution comme
État fédéré. Cela ne pose pas de difficulté.
Mais, lorsqu'on va à Ottawa négocier précisément
notre champ de juridiction, qu'on va chercher de nouveaux pouvoirs, est-ce que
c'est le temps de commencer à parler d'une constitution du
Québec, alors qu'on ne sait même pas exactement quel sera notre
champ de juridiction? Cela pourrait venir éventuellement. Mais,
même si on incluait une charte des droits et libertés dans la
constitution du Québec, elle ne pourrait pas avoir la même force
que la charte canadienne. Cela, c'est clair.
Une deuxième conséquence indiquant que la charte
canadienne donne plus de garanties, a plus de force que la charte du
Québec, c'est ce que nous appelons en droit les règles
d'interprétation. Je connais assez les qualités juridiques du
chef de l'Opposition pour savoir qu'il sait très bien ce que je veux
dire. C'est un point qui est fondamental et qu'il a pu vérifier
lorsqu'il était ministre de la Justice. Les tribunaux
n'interprètent pas la Charte canadienne des droits et libertés de
la même façon que la Charte des droits et libertés du
Québec. Pourquoi? Parce que, là encore, on revient à cette
distinction: la Charte des droits et libertés du Québec est une
loi. Donc, les tribunaux, pour l'interpréter, doivent prendre des
règles d'interprétation législative. Qu'est-ce que c'est
que ces règles d'interprétation législative? C'est facile
à comprendre. Dans notre droit, cela signifie que le juge doit scruter
la loi et y chercher l'intention du législateur. C'est cela, notre
règle d'interprétation. Lorsqu'on se présente devant le
juge, qu'on a un conflit avec notre voisin au sujet de l'interprétation
d'une loi, le juge va essayer de trancher. Le premier moyen juridique qu'il a
pour trouver la solution sera d'examiner le texte de la loi et de dire ce que
le législateur a voulu dire, ce qu'il a voulu signifier. C'est cela,
l'interprétation législative. C'est complètement
différent lorsqu'on parle de l'interprétation constitutionnelle.
Lorsqu'il s'agit d'interpréter une disposition constitutionnelle comme
la Charte canadienne des droits et libertés, les tribunaux se
réfèrent à des règles que nous appelons
d'interprétation large et généreuse, pour favoriser les
droits des individus. La règle de base pour interpréter la Charte
des droits et libertés de la constitution - et la Cour suprême l'a
confirmé dans les quelque douze ou quinze décisions qu'elle a
rendues à ce jour sur la Charte des droits et libertés; elle l'a
confirmé dans à peu près chacune de ces décisions -
c'est que la cour doit donner une interprétation large et
généreuse en fonction des droits et des libertés des
individus. Ce qui donne le résultat que le professeur Brun,
éminent constitutionnaliste de l'Université Laval, un ancien
collègue pour lequel j'ai énormément de respect,
mentionnait justement dans le journal Le Soleil de la semaine dernière
que, maintenant que nous n'utilisons plus la clause "nonobstant", on pourrait
faire appel à la Charte canadienne des droits et libertés pour
faire déclarer inconstitutionnelle la loi ou la disposition
administrative qui fait que les jeunes assistés sociaux de moins de 30
ans et ceux de plus de 30 ans n'ont pas le même montant d'argent. Ah!
Tiens, la trouvaille! Dans un premier temps, on dit: La charte
québécoise couvre tout, pas de problème. Pourquoi a-t-on
besoin de la charte canadienne? Et tout à coup, on dit: Ah! Magnifique!
Maintenant que ce gouvernement n'utilise plus systématiquement la clause
"nonobstant", on pourra contester cette situation et voir à
l'application d'un principe d'égalité. C'est une
possibilité.
Mais ce sur quoi je veux insister, c'est de voir, en pratique, les
conséquences du fait de ne plus utiliser systématiquement la
clause "nonobstant". Pour les clauses qui regardent l'égalité,
par exemple, l'égalité des femmes dans cette
société, nous, du gouvernement libéral, avons pris
l'engagement ferme de donner aux femmes les mêmes droits que les hommes
dans cette société. Il n'y a pas meilleure garantie, une garantie
quasi absolue de ce droit des femmes, des Québécoises à
l'égalité dans cette société, que cette garantie
que nous retrouvons à l'article 28 de la Charte canadienne des droits et
libertés et qui a été incluse à la demande expresse
des femmes pour garantir leurs droits et leurs libertés, pour garantir
leur droit à l'égalité dans notre société.
Il n'y a pas de meilleure garantie dans aucune loi provinciale. Il y a des
programmes d'égalité dans la Charte des droits et libertés
du Québec, mais ils ne peuvent offrir la même garantie que cette
clause que nous retrouvons dans la constitution canadienne.
Bien sûr, tout cela signifie que les juges ont à
interpréter notre société; oui, c'est vrai, ils ont
à le faire avec la charte québécoise comme avec la charte
canadienne. Le chef de l'Opposition a dit: Ce sont les règles du "common
law" qui viendront s'appliquer au Québec; on prendra des principes de
jurisprudence établis pour le reste du Canada pour les établir
ici, au Québec. Le chef de l'Opposition a été ministre de
la Justice. S'il n'a pas eu le temps de pratiquer comme avocat, comme ancien
ministre de la Justice, je crois qu'il peut réaliser, que ce soit sous
la charte québécoise ou sous la charte canadienne, que le
processus judiciaire est le même. La charte québécoise
offre une possibilité, bien sûr, d'aller à la commission,
mais si vous voulez faire valoir un droit, s'il y a un droit que vous
considérez avoir s'il y a un droit qui est enfreint par une
disposition
législative que vous voulez contester devant les tribunaux, vous
allez devant un tribunal. Que ce soit un droit que vous trouvez dans la charte
québécoise ou dans la charte canadienne, vous devez
procéder de la même façon; il n'y a pas deux
systèmes judiciaires, il n'y a qu'un système judiciaire au
Canada. Vous allez vous adresser à un juge de première instance,
à la Cour supérieure, ensuite, vous pourrez aller à la
Cour d'appel et ensuite, sur permission, vous pourrez aller à la Cour
suprême du Canada.
Mais qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que, que ce soit sous la
charte québécoise ou que ce soit sous la charte canadienne, c'est
la Cour suprême, en dernier lieu, qui a le mot de la fin. Y a-t-il
quelque chose d'odieux dans cela? Absolument pas. Bien sûr, nous n'avons
pas tous les moyens que nous réclamons. D'ailleurs, c'est une demande
constitutionnelle que nous allons faire formellement très prochainement,
Nous n'avons pas les moyens, comme province, de dire le mot que nous devrions
avoi- à dire sur la nomination des juges de la Cour suprême, mais
cela vaut autant pour la charte du Québec que pour la charte canadienne.
Il n'y a pas un processus judiciaire spécial en instance d'appel pour la
charte québécoise, c'est la même chose. C'est la Cour
suprême qui établit le droit. Est-ce que la Cour suprême
établira ce droit sans prendre en considération les
spécificités locales, la façon de vivre locale, selon les
régions, selon les provinces canadiennes? (16 h 40)
Mme la Présidente, c'est évident qu'il y a
différentes façons de voir les choses dans ce pays, dans le
Canada. Prenons un exemple très simple: les films. Il y a des films qui
sont censurés dans une province canadienne, en Ontario, par exemple, et
qu'on peut voir ici, dans nos cégeps, au Québec. L'exemple que
tout le monde connaît, c'est le film sur la pornographie
réalisé par l'ONF, qui a été censuré en
Ontario et qu'on montre ici dans nos cégeps. On n'est pas plus mauvais
ou meilleurs que les autres mais, pour nous, cela ne cause pas de
difficultés. Dans d'autres circonstances, cela pourrait être
l'inverse. C'était le cas du film "The Last Tango in Paris" qu'on
pouvait voir d'une façon très libre ici, au Québec, alors
qu'il était censuré au Nouveau-Brunswick. Dans l'affaire McNeil,
justement, la Cour suprême a dit: Pour rendre une décision comme
celle-là, il faut laisser la possibilité d'apprécier les
valeurs locales.
De toute façon, faisons l'exercice d'une requête d'une
instance judiciaire en fonction d'un droit qu'on veut faire respecter pour voir
à quel résultat on en arrivera. Vous avez un exemple
particulièrement intéressant ces jours-ci sur ce plan-là:
l'affichage bilingue, dans les deux langues, concernant l'application de la loi
101. Voilà un droit, qu'on se réclame de la charte
québécoise ou de la charte canadienne, mais voilà un droit
qui a été tout d'abord interprété par deux juges de
la Cour supérieure qui en sont d'ailleurs arrivés à deux
décisions contradictoires. Deux juges de la Cour supérieure se
prononcent sur ce cas-là. Ensuite, on va en appel, où la cause
est actuellement discutée, où cinq juges de la Cour d'appel se
prononceront sur ce cas. Et si on décidait de vouloir aller à la
Cour suprême et si celle-ci accordait la permission de plaider la cause
devant elle, il y aurait neuf juges, puisque la Cour suprême est
composée de neuf juges, dont trois sont des juges
québécois. Faites le décompte comme moi, Mme la
Présidente. Cela veut dire que dix juges de formation civiliste, pour
reprendre l'expression du chef de l'Opposition, dix juges du Québec
comparativement à sept juges de "common law" se seront prononcés
sur cette cause-là.
Lorsque la Cour suprême entend une cause, elle se
réfère au dossier, à la preuve qui a déjà
été faite en première instance. Les tribunaux de
première instance jugent justement en fonction de ce contexte social,
politique, culturel qui est propre aux provinces. Comment peut-on venir dire
que la Cour suprême interprétera, en devenant le grand
interprète de la société, sans tenir compte de la
spécificité des provinces canadiennes, à l'encontre de
toute la jurisprudence que nous avons jusqu'à présent sur cette
Charte canadienne des droits et libertés que nous avons?
Mme la Présidente, c'est certain, là encore, que lorsqu'on
accepte une charte, lorsqu'on accepte de mettre dans une charte les droits et
libertés, on accepte de limiter la capacité législative,
la possibilité pour les Parlements de faire des lois. Mais c'est fait
pour cela une charte, pour limiter la possibilité des Parlements de
faire des lois. C'est pour cela qu'on fait des chartes, pour se protéger
contre des abus possibles du pouvoir, pour se protéger contre des lois
qui pourraient aller à l'encontre de certains droits qu'on
considère comme essentiels à notre dignité humaine,
à notre façon d'être dans une société.
C'est bien certain qu'une charte des droits et libertés restreint
les possibilités de législation, mais pour nous, du gouvernement,
c'est le but que nous recherchons parce que nous voulons que les citoyens qui
vivent en société au Québec aient un maximum de protection
pour leurs droits fondamentaux. Le fait qu'on limite la capacité de
législation ne fait que renforcer ces droits et ces libertés que
chacun et chacune d'entre nous avons. Pour nous, Mme la Présidente,
l'homme, la femme, ne sont pas au service de l'institution, de l'État,
mais c'est l'État, c'est l'institution qui est au service du citoyen.
Pour nous, la souveraineté, ceux qui
sont souverains, c'est le peuple. Ce sont les Québécois et
les Québécoises qui sont souverains. Ce sont eux qui nous
délèguent des mandats de venir ici à l'Assemblée,
de faire des lois et de faire des règlements pour les gouverner, mais
avec cette restriction, dans une charte des droits, de limiter nos
possibilités d'agir parce que certains droits et certaines
libertés sont intouchables, et c'est ce que nous respectons.
Bien sûr, il y aura des possibilités de restriction
législative, mais c'est dans la mesure où nous acceptons qu'une
charte existe qu'il doit y avoir restriction législative, et cette
restriction législative existe autant avec la charte
québécoise qu'avec la charte canadienne. La différence,
c'est que la charte canadienne a une meilleure garantie que la charte
québécoise. Mais qu'on ne vienne pas nous dire que, parce qu'on a
une charte canadienne, on limite la capacité de législation de
l'autorité législative du Québec, qu'on met en cause la
spécificité québécoise, qu'on met en cause
l'identité du peuple québécois.
Mme la Présidente, en parlant de reconnaissance de la
spécificité du peuple québécois, en parlant de
l'identité que nous avons, nous, comme Québécois et
Québécoises, je me permets de rappeler que nous allons vivre,
dans les prochains jours, un anniversaire. Nous allons vivre un anniversaire
qui fait date dans l'histoire politique du Québec, un anniversaire
triste, Mme la Présidente, très triste. Ce gouvernement qui
refuse la Charte canadienne des droits et libertés au nom de la
spécificité des Québécois, au nom du peuple
québécois, eh bien, c'est ce gouvernement, le 16 avril 1981, qui
a signé un document que jamais un gouvernement québécois
n'aurait pu voter, un document que l'histoire va juger sévèrement
- jamais il n'y a eu de tel précédent dans notre histoire
politique - un document qui fait du Québec une province comme les
autres. Ce sont ces gens qui viennent nous dire: Non, on ne veut pas de la
protection de la constitution canadienne pour les droits et libertés des
Québécois et des Québécoises parce que nous, nous
voulons la spécificité du Québec. Nous voulons
l'identité du peuple québécois. (16 h 50)
Nous, nous la voulons cette spécificité. Nous la voulons
cette reconnaissance du peuple québécois. Nous allons la demander
et nous allons l'exiger du gouvernement fédéral, des autres
provinces. Nous allons la faire inscrire dans le préambule de la
constitution canadienne. Nous n'allons pas la sacrifier comme ils l'ont fait,
trois jours après avoir reçu un deuxième mandat du peuple
québécois, signer un document que jamais, dans toute l'histoire
du Québec, un gouvernement aurait pu penser signer, faire du
Québec une province comme les autres. Ce sont ces gens qui veulent nous
donner des leçons, maintenant, de respect de la
spécificité du peuple québécois.
Nous sommes des Québécois, nous. Nous sommes des
Québécois fiers de l'être. Nous sommes profondément,
du fond de notre âme, des Québécois heureux de notre
spécificité, heureux de notre identité. Nous promettons
devant cette Chambre, nous repromettons de ne jamais sacrifier les droits
historiques du Québec pour des négociations constitutionnelles
qu'on voudrait faire, ce qu'a fait le Parti québécois lorsqu'il
formait le gouvernement de cette province. Jamais nous n'accepterons de prendre
en otage les Québécois, les Québécoises pour des
négociations constitutionnelles avec le gouvernement
fédéral. Jamais! On vient, dans cette motion de blâme, nous
dire que c'est une démarche, une décision politique de ne plus
utiliser cette clause "nonobstant" qui est improvisée, qui met en cause
le succès de nos relations de discussions avec le gouvernement
fédéral et les autres provinces pour rendre acceptable cette Loi
constitutionnelle de 1982 que nous n'acceptons pas, qu'aucun gouvernement
québécois ne pourra accepter dans sa formule actuelle.
J'arrive, il y a à peine quelques heures, d'une conférence
fédérale-provinciale sur les autochtones à Ottawa. Nous
avons accepté de participer à cette conférence,
étant donné notre attachement aux droits fondamentaux,
étant donné l'importance que nous accordons au respect des droits
ancestraux des autochtones du Québec. J'ai bien mentionné, au nom
du gouvernement québécois, que notre participation se faisait
strictement en fonction de ces objectifs de reconnaître des droits qui
doivent appartenir au peuple autochtone, que cela ne signifiait en rien notre
acceptation de la Loi constitutionnelle de 1982. Au contraire, j'ai
rappelé que cette constitution de 1982 était inacceptable pour
nous. Nous allons négocier de bonne foi avec le gouvernement
fédéral, avec les autres provinces parce que nous devons avoir
aussi l'assentiment des autres provinces pour la changer et la rendre
acceptable pour tous les Québécois et pour toutes les
Québécoises.
En quoi avoir accepté d'inclure une clause "nonobstant" et priver
les Québécois et les Québécoises de leurs droits
fondamentaux pendant cinq ans, en quoi cela a-t-il pu donner une meilleure
approche dans les négociations constitutionnelles? Comment expliquer une
telle situation? Ce qui est important dans notre contexte à nous, ce qui
nous apparaît comme essentiel à nous du gouvernement du
Québec, c'est que nous puissions faire reconnaître ces droits du
Québec à être reconnu comme une société
distincte, à ce que nous puissions avoir la possibilité de
participer à la nomination des juges de la Cour suprême, à
ce que nous
puissions avoir cette compétence en matière d'immigration,
à ce que nous puissions avoir ces droits dont nous avons besoin pour
nous exprimer comme société distincte pour faire en sorte que
nous puissions prendre notre place dans la fédération
canadienne.
L'argumentation du chef de l'Opposition, qu'est-ce qu'elle signifie?
Elle signifie qu'on revient à ce nationalisme xénophobe
replié sur lui-même des années cinquante, des années
de la noirceur. Souvenons-nous de l'affaire Roncarelli, ce monsieur dans les
années cinquante, restaurateur à Montréal, témoin
de Jéhovah, dont le premier ministre du Québec d'alors, M.
Duplessis, avait enlevé le permis de boisson, qui a contesté
jusqu'en Cour suprême cette situation discriminatoire qu'on lui causait
et qui a eu gain de cause.
Pendant toute cette période des années cinquante, c'est de
fait la Cour suprême - je voudrais bien que quelqu'un puisse le nier
-canadienne qui est venue garantir des droits et des libertés pour tous
les Québécois et toutes les Québécoises, les droits
à la liberté de pensée, les droits à la
liberté d'association, les droits à liberté de religion.
On ne veut plus revenir à ces années de noirceur. Il a fallu le
gouvernement libéral de la révolution tranquille des
années soixante pour voir enfin une époque nouvelle, pour voir
enfin une société démocratique, pouvoir s'affirmer.
Notre nationalisme à nous, Mme la Présidente, c'est un
nationalisme en fonction de nos racines comme francophones. Nous sommes fiers
d'être des Québécois. Nous allons exprimer notre
nationalisme, notre façon d'être, notre spécificité,
par notre compétence, par notre excellence. C'est cela que nous voulons
donner à nos jeunes, non pas une situation qui fait d'eux, finalement,
des Québécois restreints à considérer l'État
comme la seule chose qui pourrait les protéger. Non, des gens fiers
d'être des Canadiens et d'être Québécois et fiers
d'exprimer partout au monde leur excellence, leur compétence dans leur
domaine.
Mme la Présidente, on nous dit que nous avons agi d'une
façon improvisée. Pendant tout le temps où le Parti
libéral faisait l'opposition, était de l'Opposition de cette
Chambre, toutes les fois qu'on a inclus, que le gouvernement péquiste a
inclus dans les lois du Québec cette clause "nonobstant", le Parti
libéral, l'Opposition libérale, s'y est opposée
vigoureusement.
En campagne électorale, j'ai fait personnellement campagne sur ce
point partout au Québec. Le premier ministre du Québec a fait
campagne partout au Québec sur ce point aussi. Nous avons dit aux
Québécois, aux Québécoises: Vous êtes moins
bien protégés que les autres Canadiens quant à leurs
droits fondamentaux. Il est temps que cela change. Quand nous serons au
pouvoir, cela va changer. C'est ce qui s'est passé dès que nous
sommes arrivés au pouvoir, dès notre premier projet de loi.
Cette clause "nonobstant" est disparue. C'est ce que nous avons fait. Et
tout à coup, les gens de l'Opposition en font un plat: Vous avez
sacrifié la spécificité du Québec. Vous allez faire
en sorte que la Cour suprême vienne nous interpréter notre droit
en fonction des principes de "common law".
Mme la Présidente, il n'y a aucun de ces arguments qui se tienne,
ni en droit, ni certainement pas en tactique politique. Ce ne sont certainement
pas les amis d'en face qui vont venir nous donner des leçons de tactique
politique pour aller négocier avec le gouvernement fédéral
et les autres provinces. Certainement pas! Nous aurons besoin de leurs
conseils. 3e sais que le chef de l'Opposition peut nous donner de judicieux
conseils en vertu de ses qualités de juriste. J'ai eu l'occasion de
discuter, à plusieurs reprises, avec lui bien amicalement. Cela a
toujours été pour moi un plaisir, parce que je sais que nous
pourrons avoir dans cette Chambre de bons débats ou qu'à
l'extérieur de cette Chambre, nous pourrons discuter ensemble pour
essayer de trouver les meilleures formules, bien sûr, pour faire en sorte
que les Québécois et les Québécoises aient les
meilleures garanties, que cette entente constitutionnelle que nous allons
négocier soit la meilleure possible. Je compte sur la collaboration du
chef de l'Opposition et tous ses collègues, mais, dans ce dossier, il
n'y a aucun argument qui, juridiquement, se vérifie. (17 heures)
Mme la Présidente, quant à l'argument politique, notre
décision de ne plus utiliser la clause "nonobstant" ne préjudicie
absolument rien aux négociations constitutionnelles que nous aurons avec
le gouvernement fédéral et les autres provinces. Ce sont deux
choses complètement différentes. On nous dit: Vous n'aviez pas le
mandat de ne plus utiliser cette clause "nonobstant". Tout d'abord, je dis au
chef de l'Opposition: Aviez-vous le mandat de l'utiliser
systématiquement, cette clause "nonobstant", dans tous les projets de
loi? Aviez-vous le mandat de priver les Québécois et les
Québécoises de leurs droits fondamentaux? Aviez-vous une
décision du Conseil des ministres en ce sens?
Mme la Présidente, en terminant, je voudrais assurer cette
Chambre, assurer tous les Québécois, toutes les
Québécoises que jamais nous ne renoncerons à faire
reconnaître dans la constitution canadienne les droits et libertés
qui leur reviennent comme citoyens québécois, comme citoyens
canadiens, jamais. Jamais nous n'accepterons d'utiliser les citoyens
québécois comme des otages de négociations
constitutionnelles que nous pourrons avoir à Ottawa et dans les
autres provinces.
Je peux m'engager, au nom de ce gouvernement, à ce que les
négociations constitutionnelles que nous allons avoir dans les jours
prochains, dans les semaines prochaines, soient faites de bonne foi pour
reconnaître les droits fondamentaux des Québécois, des
Québécoises et pour reconnaîre la spécificité
du Québec et le droit que nous avons à la place qui nous revient
dans cette fédération, la Fédération canadienne.
Mais nous ne le ferons jamais sur le dos des Québécois et des
Québécoises. Nous le ferons de bonne foi, en respectant leurs
droits fondamentaux et en faisant en sorte que nous puissions signer dans la
dignité, dans l'honneur, cette constitution de 1982 et ses droits, ses
pouvoirs que nous aurons pour faire en sorte que le Québec puisse
exprimer dans sa plénitude sa spécificité. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Relations
internationales et délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes. M. le député de
Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Mme la Présidente, je pense qu'il faut que
les Québécois le sachent, c'est de l'improvisation
constitutionnelle. Cela se dit, cela se parle et cela s'écrit
déjà. Quand le plus grand quotidien français
d'Amérique titre en page éditoriale "De l'improvisation
constitutionnelle", c'est qu'il y a passablement de Québécois et
de Québécoises au Québec qui partagent cette opinion.
Mme la Présidente, sur un sujet d'une telle importance pour le
Québec, ce qui est le plus scandaleux, c'est l'absence de débat
et l'absence de consultation. Son caractère improvisé ressort
dans le fait même que l'annonce a été faite par une
entrevue journalistique. Un peu plus et on assistait au jeu des cassettes qu'on
a si bien connu entre 1970 et 1976. Je pense que c'est présumer de
l'intelligence des Québécois de pouvoir faire un débat et
de juger les opinions qui peuvent s'exprimer.
C'est doublement improvisé, Mme la Présidente. On retire
le "nonobstant" le 26 février et, comme le rappelait mon collègue
de Lac-Saint-Jean ce matin, l'annonce officielle du Conseil des ministres date
du 5 mars, huit jours plus tard. Le ministre capitulard n'a pas répondu
à la question qu'on lui a posée: Est-ce qu'on a voulu couvrir par
sanction officielle un ministre imprudent qui met en péril les droits du
Québec ou était-ce encore, ce qu'on présume de nouveau
puisqu'on a assisté à la session du mois de décembre, de
l'improvisation?
C'est prématuré et ça met en péril les
droits du Québec. Même le ministre a longuement
péroré là-dessus avec une vision très
théorique, style salle d'école. C'est prématuré
parce que les négociations constitutionnelles ne sont pas
amorcées et qu'on ne connaît pas les éléments
importants de cette négociation qui sont, premièrement, le
rôle du Québec dans la nomination des juges. C'est beau, son
modèle théorique, mais on ne connaît pas le rôle du
Québec dans la nomination des juges, notamment ceux de la Cour
suprême. On ne connaît pas l'acceptation ou le refus par le Canada
anglais de l'inclusion dans la constitution du caractère distinct du
Québec et surtout de son libellé exprès. On ne
connaît pas encore, ce qui rend cela doublement imprudent et
improvisé, les conditions qui pourraient rendre acceptables le "Canada
Bill" pour le Québec. Même le ministre capitulard l'admettait.
M. le Président, nous, on connaît les conditions qui
rendraient acceptable le "Canada Bill" pour le Québec. Mais pour ce qui
est du gouvernement libéral, c'est flou. Il y a d'abord le discours du
premier ministre, puis, tantôt, il y a le programme du Parti
libéral. Ce beau programme du Parti libéral a été
tellement noyé dans les promesses qu'on ne sait pas ce qui est
crédible en matière constitutionnelle. C'est improvisé. Il
n'y a pas de débat et on ne voulait pas de débat; surtout, il n'y
a pas de garantie pour le Québec. Si le gouvernement du Parti
libéral n'était pas si pressé de jouer au bulldozer
législatif! Pendant toute la campagne électorale, il y a eu des
engagements, et là on retarde les projets de loi sur les engagements
électoraux, mais sur ce point, contrairement à ce qu'affirme le
ministre des Relations internationales, on a peu discuté pendant la
campagne électorale, mais il y a urgence et on se sent pressé
d'agir.
Si, au lieu de jouer au bulldozer, le gouvernement et le ministre se
mettaient à réfléchir, ils trouveraient d'autres
solutions. Des solutions, on est prêt à en proposer. Sur
l'élaboration d'une constitution du Québec, dans une
édition du Devoir, M. le député de Jean-Talon était
d'accord. Donc, l'élaboration d'une constitution du Québec, avec
l'intégration de notre charte à l'intérieur.
Deuxième suggestion, des mesures de resserrement pour rendre plus
formel tout amendement possible à notre charte. Par exemple, notre
charte, incluse dans notre constitution, ne pourrait être modifiée
qu'à la condition que les deux tiers des membres de l'Assemblée
nationale se prononcent dans deux prises en considération du
gouvernement en douze mois. L'envie de trafiquer la charte devient très
difficile, voire quasi impossible. Pour rendre une sécurité
juridique "sécurité" est un terme familier au gouvernement
libéral - à notre propre législation, nous n'avons
qu'à codifier
certains droits et libertés. Cela permettrait justement au
gouvernement d'apporter un menu législatif plus consistant que celui
qu'il nous apporte depuis les journées où on siège dans ce
Parlement.
Cela aurait pu être un mandat d'initiative possible pour la
commission des institutions, mais quand on regarde les lois du ministère
du Revenu, les décisions du "nonobstant", j'ai l'impression que le
Parlement, l'Assemblée nationale, la démocratie, les
débats, c'est gênant pour le gouvernement libéral. Le
gouvernement libéral a préféré jouer dans la
noirceur du "bunker" probablement, dans l'improvisation et surtout dans le
risqué de sa décision. Et lui qui parle de
sécurité, sécurité culturelle! (17 h 10)
Dans mon premier discours, je vous disais que je m'inquiétais de
ce gouvernement en matière culturelle. Je m'inquiète de ce
gouvernement en matière constitutionnelle. Le seul mot qu'on a à
la bouche, c'est "Ottawa". On attend la politique sucrière d'Ottawa, on
attend d'aller à la conférence à Ottawa. C'est seulement
Ottawa qui compte. La démocratie, cela peut se vivre au Québec.
La visibilité, cela peut se faire au Québec. Le débat
public peut se faire au Québec. La franchise peut s'exprimer et
s'exercer au Québec. Je sais qu'il y a d'autres intervenants qui veulent
parler de ce dossier. Quant à la loi du "nonobstant", compte tenu de ce
que j'ai vécu de 1970 à 1976 en observant le gouvernement actuel
qui était là, je suggérerais un libellé qui lui
convient très bien. Appelons donc la loi du "nonobstant" la loi des
mesures de naguère. Cela correspond bien au gouvernement libéral.
Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques. M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Merci, Mme la Présidente. En ma qualité de
membre du gouvernement, j'ai participé à la décision qui a
été prise concernant ce qu'il est convenu d'appeler la clause
"nonobstant". Je n'ai aucunement à rougir de cette décision. Je
l'assume pleinement. Je suis même fier d'y avoir été
associé car c'est une décison qui permettra à nos
concitoyens du Québec de disposer d'une protection beaucoup plus forte
dans la libre jouissance de leurs droits fondamentaux.
En vertu de l'article 33 de la Charte canadienne des droits et
libertés, le Parlement d'une province peut adopter une loi où il
est expressément déclaré que ladite loi aura effet
indépendamment des dispositions de la Charte canadienne des droits et
libertés. L'ancien gouvernement avait, on s'en souvient,
décidé de se prévaloir systématiquement, à
temps et à contretemps, qu'il eût de bonnes raisons de le faire ou
qu'il n'en eût point, de cette clause dérogatoire. Le nouveau
gouvernement du Québec a plutôt décidé de ne
recourir à cette clause d'exception que lorsque l'intérêt
du Québec le rendra nécessaire. Entre ces deux attitudes, il y a
une profonde différence de philosophie politique. Permettez que je vous
explique en quoi consiste cette différence, à mon humble point de
vue.
Tout d'abord, je voudrais dissiper une équivoque qu'entretient
systématiquement l'Opposition. Devant la décision qu'a prise le
gouvernement, les porte-parole de l'Opposition se sont déclarés
surpris, voire scandalisés. Cette réaction scandalisée
n'est, hélas, à mes yeux que mascarade malhabile. Si l'Opposition
veut en effet se souvenir de ce qui s'est dit dans cette Chambre au cours des
dernières années, elle se rappellera très bien que,
dès les débats qui précédaient l'adoption de la loi
62, au printemps de 1982, le Parti libéral du Québec, par ses
représentants en cette Chambre, tint à se dissocier formellement
de l'attitude de bouderie systématique que cherchait à propager
le gouvernement de l'époque autour de la Charte canadienne des droits et
libertés. Non seulement avons-nous alors exprimé fermement notre
opposition à la ligne de conduite que préconisait le Parti
québécois mais, chaque fois que l'ancien gouvernement a voulu
insérer sans raison la clause "nonobstant" dans ses projets de loi, nous
avons clairement affirmé que nous étions opposés à
cette manière d'agir. Loin de trahir nos idéaux et les
intérêts du peuple québécois, nous sommes donc
logiques avec nous-mêmes et fidèles à notre propre
tradition en refusant de nous laisser encarcaner dans la ligne étroite,
mesquine et réductrice que voudrait nous voir perpétuer
l'Opposition. Je rappelle d'autant plus volontiers ces
antécédents pourtant bien connus que, chaque fois que nous nous
sommes opposés dans cette Chambre et en commission parlementaire -
combien de fois avons-nous dû le faire - à l'emploi de la clause
"nonobstant", nous l'avons fait en nous appuyant sur des arguments
raisonnables, solides, honnêtes auxquels les porte-parole du Parti
québécois n'ont jamais été capables d'apporter des
réponses satisfaisantes. La seule réponse dont on puisse se
souvenir au bout de la ligne, c'est qu'on nous disait: Vos juges de la Cour
suprême, ce sont des juges à majorité anglophone, nous
n'avons pas confiance. C'est évident que, quand on raisonne comme cela,
il n'y a plus rien à faire.
Nous étions opposés, Mme la Présidente, et nous le
sommes toujours, a la manière unilatérale et inacceptable pour le
Québec dont a été adoptée par le Parlement
fédéral et les autres provinces la Loi constitutionnelle
de 1982. Nous étions également opposés à la
manière inqualifiable dont le gouvernement du Parti
québécois a abandonné nos droits les plus sacrés en
apposant furtivement sa signature le 16 avril 1981 sur une formule d'amendement
qui ne disait pas un seul mot, ni de la dualité linguistique et
culturelle du Canada, ni du caractère propre du Québec, et qui
fut d'ailleurs signée par le chef d'un gouvernement péquiste sans
que l'Assemblée nationale ait été consultée, ni
même informée, de ce à quoi il nous engageait. René
Lévesque était son nom. Et vous faisiez partie du gouvernement
qui a consenti cette manoeuvre, M. l'ancien ministre de l'Agriculture.
Nous oeuvrerons de toutes nos forces à réparer l'affront
historique qui a été fait au Québec en 1982, en tentant de
négocier une nouvelle entente constitutionnelle à la
lumière des conditions précises que nous avons clairement
définies dans notre programme politique et qui incluent, notamment, une
révision de la formule d'amendement constitutionnel, dont vous
êtes en très grande partie les parents illégitimes, une
participation du Québec à la nomination des juges de la Cour
suprême, une meilleure définition du pouvoir fédéral
de dépenser, la reconnaissance des droits du Québec en
matière d'immigration et de culture.
Mais, en attendant l'aboutissement de ces négociations à
venir, nous devons faire dès maintenant des choix concrets qui soient
les plus avantageux possible pour la population du Québec.
Déjà, plusieurs parties de la Loi constitutionnelle de 1982,
notamment, les dispositions relatives aux droits linguistiques, ont bel et bien
force de loi au Québec, à l'heure actuelle, ainsi qu'en ont
décidé les tribunaux. Il en va de même des dispositions de
la Loi constitutionnelle de 1982 relative à la formule d'amendement,
relative aux peuples autochtones, à la péréquation et aux
inégalités régionales ainsi qu'à la tenue
obligatoire de conférences constitutionnelles périodiques. On
peut mettre en doute la légitimité politique de ces dispositions,
mais sur leur validité constitutionnelle, il n'existe par contre
guère de doute dans les milieux informés.
La Loi constitutionnelle de 1982 est donc en vigueur au Québec,
que nous aimions cela ou non. Loin d'être étrangère
à ce fait, la faiblesse de l'ancien gouvernement en a été,
au contraire, largement responsable. Si nous voulons redresser la situation et
modifier la Loi constitutionnelle de 1982, c'est sur le plan politique que nous
devrons agir. Le problème que nous devons trancher, en relation avec la
motion soumise par l'Opposition, se ramène à ceci. Vu que nous
pouvons, par l'article 33 de la charte canadienne, soustraire nos lois
québécoises à l'application de cette charte, y a-t-il lieu
pour l'Assemblée nationale de le faire d'une manière
systématique et continue? Et quelles peuvent être les
conséquences de nos décisions? Voilà les vraies questions
que nous devons nous poser.
Ces questions doivent être abordées sous deux aspects, soit
sous l'angle des droits de la personne et, ensuite, sous l'angle des droits de
l'Assemblée nationale et du peuple québécois. Sous chacun
de ces deux aspects, la réponse qu'offre le gouvernement est, à
mon sens, nettement supérieure à celle que propose l'Opposition.
Sous l'angle des droits individuels des citoyens, on peut toujours dire qu'en
gros - et le ministre des Affaires intergouvernementales en a fait la
démonstration tantôt - la Charte québécoise des
droits de la personne offre les mêmes droits que la charte canadienne et
qu'il n'y aurait pas de mal, en conséquence, à décider que
les articles 2 à 15 de la charte canadienne ne s'appliqueront pas aux
lois adoptées par l'Assemblée nationale à compter de
maintenant. (17 h 20)
Le raisonnement est celui-ci: Si les deux chartes disent la même
chose, appliquons la charte québécoise et ne nous occupons point
de l'autre. C'est la position de nos amis du Parti québécois. Or,
raisonner ainsi, c'est faire abstraction de plusieurs avantages
indéniables qui découlent, pour les citoyens du Québec, de
la Charte canadienne des droits et libertés. Cette charte offre en effet
à nos citoyens une protection plus solide et plus efficace que la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne et voici,
rapidement, pourquoi.
D'abord, la charte canadienne est une charte constitutionnelle et non
pas une simple charte législative. La charte québécoise,
si excellente soit-elle dans son contenu objectif, est une charte
législative. C'est une loi de l'Assemblée nationale susceptible
d'être modifiée n'importe quand, au gré d'une simple
majorité de députés. Nous autres, les anciens dans cette
Chambre, nous avons le souvenir d'une certaine loi 111 qui fut adoptée
par la majorité péquiste à l'époque et qui rayait
d'un trait de plume des droits fondamentaux d'association, de libre
négociation, de réunion des citoyens de cette province pour des
raisons que nous avons toujours mises en doute. C'est un exemple de choses qui
peuvent arriver. On l'a fait dans ce cas-là. Nous autres, de ce
côté-ci, nous pourrions être tentés de le faire
également devant une situation qui ne ferait pas notre affaire, mais
sous l'empire de la charte canadienne des droits, nous ne pourrions pas faire
de choses comme celle-là, parce que c'est beaucoup plus astreignant pour
celui qui doit faire des lois et pour celui qui doit les appliquer. C'est la
première différence qui doit être soulignée
et rappelée à temps et à contre-temps.
La deuxième différence, c'est la protection du pouvoir
judiciaire que vient nous offrir la charte canadienne des droits. La charte
canadienne des droits a enlevé des droits à l'Assemblée
nationale. Il y a bien des choses qu'on pouvait faire avant l'avènement
de la charte canadienne des droits que nous ne pouvons pas faire avec autant de
liberté maintenant. C'est vrai, mais si on me dit que j'ai une charte
canadienne qui restreint la liberté du législateur
québécois de faire des folies avec la liberté
d'association, avec la liberté de presse, avec la liberté de
religion, je pense que c'est une restriction salutaire pour le bien
général. Peut-être pas pour mon orgueil de
législateur ou de ministre. Peut-être que j'aimerais mieux avoir
plus de pouvoirs dans les mains, mais la sagesse collective a
décidé que mieux valait restreindre mes pouvoirs et j'accepte
cette restriction parce que je soutiens, Mme la Présidente, que
gouverner c'est agir dans la retenue, agir dans la contrainte également
qui nous est imposée par la primauté des droits des citoyens sur
les prérogatives des gouvernants.
J'ajoute enfin, en toute justice, que la charte canadienne, dans son
contenu - vous ne parlez jamais du contenu de la charte canadienne de l'autre
côté, cela vous gêne -est une charte judicieuse,
éclairée, équilibrée, dont tous les experts
considèrent à juste titre qu'elle est l'un des meilleurs
documents du genre au monde. Loin d'en être gênés, nous
avons toutes les raisons d'en être fiers comme citoyens du Québec
et comme citoyens du Canada. C'est un document civilisé qui est à
l'honneur de ce pays. Il tombe sous le sens que les citoyens du Québec
seront mieux protégés en matière de droits fondamentaux si
l'Assemblée nationale n'applique pas systématiquement la clause
dérogatoire que si elle l'applique à toutes les sauces, à
tous les vents, sans aucune considération des objets visés ou de
la nature des lois concernées.
J'ajoute une parenthèse. Vous savez très bien qu'un
jugement a été rendu par les tribunaux qui vous dit qu'on n'a pas
le droit de l'appliquer inconsidérément, comme vous l'avez fait.
On est obligé d'aller jusqu'en Cour suprême à cause de vous
autres pour ce genre de comportement que vous avez eu. Je doute que la position
que vous avez défendue puisse résister. Elle ne résiste
pas à l'examen du sens commun et je doute qu'elle puisse résister
à celui des plus hauts tribunaux du pays. C'est parce que nous voulons
que les droits fondamentaux garantis aux citoyens du Québec soient aussi
forts, aussi solidement protégés au Québec que partout
ailleurs, au Canada, que nous refusons de nous laisser emprisonner dans le
carcan législatif inventé par le gouvernement
précédent.
Le reproche voulant que nous soyons complices, en agissant comme nous le
faisons, d'une quelconque diminution des droits et privilèges de
l'Assemblée nationale ne résiste pas davantage à l'examen.
Le droit de dérogation dont nous discutons est inscrit dans l'article 33
de la charte canadienne des droits. Que nous l'utilisions ou non, il est
là pour y rester jusqu'à nouvel ordre. Il a exactement la
même signification essentielle, que nous l'utilisions ou non en chaque
circonstance. Je peux avoir le droit de punir mon enfant; je ne suis pas
obligé de l'exercer, et le moins souvent je l'exercerai, le plus
intelligent je serai. Cela n'enlève rien à mon droit fondamental,
mais c'est le genre de droit précisément dont on fait montre de
sagesse en l'utilisant le moins possible.
Je pense que cela s'applique très bien à cette situation
que nous discutons. Que nous utilisions ce droit de dérogation deux
fois, cinq fois, dix fois, cinquante fois, le droit de dérogation ne
sera ni plus étendu ni plus restreint. Il demeure le même en ce
qui touche les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Celle-ci - je le dis
avec toute la clarté dont je suis capable - agit, Mme la
Présidente, de manière tout aussi libre et souveraine quand elle
décide de ne point recourir au droit de dérogation, par souci de
respect envers les droits du citoyen du Québec, que quand elle
décide de se servir systématiquement de son droit de
dérogation pour assouvir l'instinct de bouderie d'un gouvernement qui
s'est révélé piètre négociateur quand
c'était le temps de se tenir debout.
Ces choses étant nettement établies, il nous reste
à identifier la nature profonde de notre désaccord. Elle est
facile à établir. Du côté du gouvernement, nous
n'avons jamais cessé, depuis la publication du livre beige du Parti
libéral du Québec, d'adhérer à l'objectif d'une
charte canadienne des droits. Nous avions mûrement réfléchi
à l'époque. Nous avions discuté soigneusement le pour et
le contre. Je me souviens des réunions très longues de la
commission constitutionnelle du parti où, en compagnie de juristes et de
spécialistes éminents, nous avons pesé le pour et le
contre de toutes ces choses. Au bout de l'examen, il y avait des arguments
favorables et il y avait des arguments défavorables. Nous avons fait le
choix en faveur d'une Charte canadienne des droits et libertés et,
depuis ce temps, nous avons maintenu la même attitude, même
à travers la période difficile qu'a été pour nous
la période 1981-1982, parce que, par-delà les gouvernements, fort
heureusement passagers, qui se sont succédé à
l'époque à Québec et à Ottawa, nous croyions et
nous croyons toujours à la valeur du projet politique canadien.
Nous croyons que la société politique canadienne nous
offre un projet noble, généreux, digne d'être poursuivi par
les
citoyens du Québec et des autres provinces. Parce que nous
croyons aussi qu'il est souhaitable d'enrichir nos institutions d'origine
britannique en y ajoutant avec prudence des apports empruntés à
la grande tradition américaine d'affirmation des libertés
fondamentales des citoyens, nous sommes convaincu qu'il est bon, hautement
souhaitable, d'asseoir notre projet de société canadienne sur le
fondement le plus élevé, le plus universel et le plus solide qui
soit, c'est-à-dire sur la garantie constitutionnelle des droits des
citoyens. Et cela nous paraît si important que seules des raisons
sérieuses, qui ne sauraient raisonnablement exister à propos de
chaque projet de loi, pourraient nous justifier de diminuer les droits garantis
aux citoyens du Québec par la constitution du pays lorsque nous
présentons un projet de loi en cette Assemblée nationale.
Du côté du Parti québécois - je le dis avec
toute la sympathie dont je suis capable pour le chef de l'Opposition qui aura
des choix difficiles à faire au cours des prochains mois - on n'a jamais
accepté et on n'accepte pas encore aujourd'hui, du moins à ma
connaissance, le projet canadien. On a toujours cherché en
conséquence à éviter de faire face au projet d'une charte
canadienne des droits. Le Parti québécois sait très bien -
je pense que le chef de l'Opposition me le confirmera - qu'en longue
période, des droits fondamentaux partagés et vécus
ensemble, sur un pied d'égalité, par tous les citoyens de ce pays
peuvent devenir pour le pays canadien un ciment unificateur très
puissant. Comme ce parti ne veut pas du projet canadien, il cherche très
logiquement à éluder les questions difficiles que soulève
pour lui l'idée d'une charte canadienne des droits. À
défaut d'arguments positifs, il ne recule pas devant les
épouvantails. Il succombe trop souvent à la tentation qui
l'incite à exploiter des frayeurs fort compréhensibles qui sont
toujours présentes au coeur de notre conscience collective. (17 h
30)
Nous avons tenté à d'innombrables reprises en cette
Chambre, en particulier en commission parlementaire, quand on nous en a
donné l'occasion, d'obtenir de l'ancien gouvernement qu'il énonce
des positions nettes et claires à ce sujet. Nos tentatives se sont
toujours heurtées à un mur de silence et d'ambiguïté.
Le Parti québécois sera toujours incapable, tant qu'il n'aura pas
clarifié, une fois pour toutes, son option constitutionnelle, de
considérer avec objectivité et générosité
l'idée pourtant fort simple d'une Charte canadienne des droits.
Voilà l'essentiel de ce qui nous divise. D'un côté,
l'on refuse l'idée même du Canada et on rejette en
conséquence le projet d'une Charte canadienne des droits et
libertés qui en est l'une des expressions les plus éloquentes. De
l'autre côté, on accepte le défi canadien et l'on accepte
aussi l'idée d'une Charte canadienne des droits comme le prolongement
logique et souhaitable de l'idée même qu'on se fait du Canada.
J'aimerais mieux que nous soyons tous unis autour d'une vision identique de
notre avenir. Mais à défaut de cette unité qui
s'avère hors d'atteinte à court terme, je préfère
sans hésitation les divergences viriles, mais franches comme celles qui
nous opposent dans ce débat aux fausses unanimités que l'ancien
gouvernement a trop souvent cherché à nous imposer.
Notre choix est franc et net. Nous entendons faire en sorte que les
droits garantis à tous les citoyens de notre pays par la Charte
canadienne des droits et libertés soient accessibles dès
maintenant dans une mesure égale à tous les citoyens et à
toutes les citoyennes du Québec. Nous nous résignerons au besoin
à restreindre ces libertés dans les cas où cela sera
dicté par l'intérêt supérieur du Québec, mais
en dehors de ces situations que nous souhaitons exceptionnelles et rares, nous
voulons que les Québécois et les Québécoises soient
dès maintenant en matière de droits fondamentaux des citoyens de
première classe dans leur pays, le pays canadien.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la Science. M.
le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci. J'écoute attentivement depuis
tantôt les interventions gouvernementales. On nous dit essentiellement:
On est mieux protégé quand on est protégé par les
autres. Règle générale, comme nous formons un peuple de 6
000 000 sur un territoire comptant 250 000 000 de population, le reste
étant, on le sait, de souche anglaise, je dis qu'il est toujours
préférable, règle générale, de chercher
à se protéger soi-même. Dans ce cas-ci, si au moins le
gouvernement libéral avait l'excuse de dire: Écoutez, leur charte
est meilleure que la nôtre. Ce n'est même pas le cas. La charte
québécoise représente une protection de base fantastique
pour les Québécoises et les Québécois. De plus,
à la grande différence, c'est que nous contrôlons
nous-mêmes cette charte alors qu'autrement, la charte canadienne,
évidemment, n'est pas contrôlée entièrement par
notre peuple. C'est cela la différence. Le peuple
québécois veut se protéger lui-même et de la
meilleure façon possible.
Déjà il n'est pas facile pour la population en
général de saisir nos débats sur les deux chartes ou sur
les enjeux de l'abandon de la clause dérogatoire. Le gouvernement
libéral vient nous compliquer
la tâche en procédant en plus de cela en cachette, dans la
noirceur. La reconnaissance de la charte canadienne et son application
systématique au Québec se font dans un contexte nébuleux,
en catimini et les conséquences pourtant singulièrement graves
pour les Québécois et les Québécoises, on les
escamote. Le chef de l'Opposition et mon collègue, le
député de Saint-Jacques, ont déjà
évoqué sur le plan politique les conséquences du geste
imprudent posé par le gouvernement. Je voudrais maintenant m'attarder
à certaines des conséquences sur le plan juridique.
D'abord, en ce qui concerne notre Code civil, j'ai eu l'occasion
d'interroger, dès la première période de questions,
à la reprise de la session, le ministre de la Justice en ce qui concerne
la menace qui plane sur notre droit civil.
Notre droit civil, sans être étudiant en droit ni avocat,
on le sait, c'est la base de notre droit que nous avons hérité du
code Napoléon. Et nous avons construit, au fil des années, depuis
200 ans, une jurisprudence, une façon de traiter ce droit qui nous
appartient en propre.
Or, le ministre de la Justice, Mme la Présidente, m'a
répondu en évoquant ou en invoquant la séparation des
pouvoirs. Ce n'est pas de cela qu'il est question ici. C'est carrément
de vouloir éviter le problème posé par plusieurs des
intervenants. Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes
reconnaît lui-même que la charte canadienne comporte une grande
ambiguïté, puisque la Cour suprême n'a toujours pas
tranché si elle s'applique aux relations privées, aux relations
entre individus.
L'on doit s'interroger sérieusement à ce sujet. En toute
logique, peut-on penser qu'un tribunal refusera de tenir compte de la
liberté de presse, l'article 2 de la charte, dans une poursuite en
diffamation contre un journal. S'il ne le fait pas, alors, il faut conclure que
la charte canadienne n'est pas cette panacée que nous présente
les libéraux et, ainsi, elle n'a pas tous les mérites qu'on
cherche à lui reconnaître. Ou bien, le tribunal se servira
effectivement de cet article de la charte pour disposer du litige. Dans cette
deuxième hypothèse, cela revient à admettre que nos
articles du Code civil seront interprétés conformément
à la charte canadienne, elle-même interprétée par
l'ensemble des tribunaux canadiens à grande majorité - on le sait
- anglo-canadienne inspirée par le "common law". Il est
intéressant de noter à ce sujet que la Cour d'appel de l'Ontario
rend, à elle seule, plus du tiers des décisions que rendent, sur
la charte canadienne, les treize cours d'appel canadiens.
Donc, notre droit civil intimement lié à notre
identité, a notre culture, serait progressivement imprégné
de la jurisprudence dominante du "common law" et intégré à
celle-ci, quant aux principes de droits fondamentaux.
Je voudrais, Mme la Présidente, à ce stade, citer un
passage du supplément du droit constitutionnel des professeurs Henri
Brun et Guy Tremblay à ce sujet, car il faut bien se l'avouer - tout le
monde le dit au gouvernement - qu'ils ont agi de façon imprudente et
qu'ils doivent maintenant reculer. Tous les constitutionalistes sont d'accord,
sauf, évidemment, le ministre des Affaires intergouvernementales
canadiennes.
Lorsque ce consensus se crée dans une société, il
serait prudent d'écouter, d'analyser, de refaire ses devoirs et - comme
c'est le cas maintenant - de reculer dignement. Si on veut signer dignement
quoi que ce soit, il faut que chacune des démarches menant à la
conclusion d'un accord soit faite dans la dignité.
Les professeurs Brun et Tremblay s'expriment comme suit à la page
74: "Or, c'est au stade de l'interprétation et de l'application
concrète que les droits fondamentaux jouent un rôle, non à
celui de leur formulation abstraite..." En deux mots, les textes dans une
charte, c'est une chose. Mais c'en est une autre que leur interprétation
qui, souvent, est beaucoup plus importante que le texte lui-même. "...La
compréhension appliquée des droits d'une charte canadienne
résulte forcément de l'interprétation uniformisée
des tribunaux fédéraux et de ceux des douze provinces et
territoires. La collectivité dominante dans ce contexte ne peut que
dominer davantage et l'acculturation en découlant a pour objet des
valeurs de base d'une collectivité." (17 h 40)
Un peu plus loin: "II nous semble que la question se résume
à celle de savoir si une minorité fragile qui a encore le choix
de certaines de ces valeurs peut se permettre d'abandonner ce choix aux mains
de la majorité qui la domine. La charte canadienne est un instrument qui
échappe entièrement au Québec, tant en ce qui régit
son application qu'en ce qui régit son évolution par addition ou
soustraction." Ce n'est pas moi qui parle, Mme la Présidente, ce sont
les professeurs Henri Brun et Guy Tremblay.
Face à cet état de choses, quel empressement justifiait de
s'exposer maintenant à une telle menace? A-t-on pris le temps de bien
mesurer les lourdes conséquences de la prise de position de l'actuel
gouvernement? Car, Mme la Présidente, on le dit souvent: Gouverner,
c'est prévoir. Dans ce cas-ci, le fait que l'on puisse faire chapeauter
notre droit civil par la charte canadienne est un risque. Il faut le
prévoir et c'est le rôle du gouvernement de prévoir ce qui
peut arriver. Or, dans ce cas-
ci, la réponse est évidente: le gouvernement n'a rien
prévu, il a agi de la façon qu'on connaît maintenant
très bien, en amendant un projet de loi en cachette, ou presgue, et en
adoptant une position ministérielle par la suite. Improvisation, Mme la
Présidente!
Autre point juridique que je voudrais soulever. Quand les
intérêts collectifs du Québec seront en cause, le
gouvernement dit - maintenant qu'on le sait, au début du mois de mars -
qu'il acceptera de se prévaloir de la clause de dérogation.
Pourtant, lors de l'annonce de cette décision, M. le ministre disait aux
journalistes que la clause "nonobstant" ne serait utilisée que lorsque
l'ordre public ou la sécurité des personnes serait
menacé.
Comment s'y retrouver? Quel sera le critère, le véritable
critère qui guidera le gouvernement dans l'utilisation ou non de la
clause dérogatoire? Il semble bien que ce soit l'arbitraire. On
décidera encore en catimini, en sous-groupe, peut-être par un
nouveau comité de sages, bénévoles, non élus s'il y
a matière à intégrer la clause "nonobstant". Ces
matières, Mme la Présidente, doivent se décider en Chambre
par les élus du peuple.
Qui plus est, pour y arriver, il faudra procéder à une
évaluation de chacune des lois. Laquelle mérite une clause
"nonobstant", laquelle n'en mérite pas? Il y aura donc deux types de
législation qui émaneront de ce Parlement: les lois importantes,
vitales pour le Québec et les autres. C'est en fonction de cette
évaluation arbitraire qu'on décidera de l'application de la
clause dérogatoire. Beau principe, Mme la Présidente, que celui
ainsi défendu par les supposés grands défenseurs des
droits de la personnel
Le résultat final de cette opération sera un fouillis
juridique où certaines lois seront soumises à la charte
canadienne et d'autres pas. On peut même imaginer qu'à
l'intérieur d'une même loi certains articles toucheront des
intérêts collectifs et d'autres pas. Ainsi, la clause "nonobstant"
pourrait s'appliquer seulement à certains articles d'une loi. Bref, un
cafouillage juridique en perspective, à moins que l'objectif
inavoué du gouvernement soit de ne pas appliquer systématiquement
la clause "nonobstant", c'est-à-dire de reconnaître
inconditionnellement la charte canadienne.
Cette décision de reconnaître la charte canadienne survient
simultanément à la présence du Procureur
général, ministre de la Justice, qui n'est malheureusement pas
ici pour écouter nos débats, qui plaide devant la Cour
suprême la constitutionnalité de la loi 62.
La Vice-Présidente: M. le ministre.
M. Rémillard: On vient d'accuser le ministre de la Justice
de ne pas être présent alors qu'il est retenu à une
conférence fédérale-provinciale pour, justement,
défendre les droits des autochtones à Ottawa.
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, simplement pour
qu'il n'y ait pas de précédent en cette matière, le
député devrait savoir, aurait dû savoir ou saura
probablement à l'avenir que quand il voudra faire de telles
rectifications, il attendra à la fin de l'exposé de celui qui
parle.
M. Garon: En vertu de notre règlement.
La Vice-Présidente: Oui...
M. Gratton: II me semble que la solution la plus facile serait,
pour le député de Taillon, de ne pas faire d'affirmation
contraire à sa connaissance des faits.
La Vice-Présidente: M. le député de
Taillon.
M. Filion: Alors donc, Mme la Présidente, d'une part le
Procureur général plaide devant la Cour suprême la
constitutionnalité de la loi 62, dont l'effet est d'inclure la clause
"nonobstant" dans toutes nos lois québécoises. Comment le
ministre de la Justice et Procureur général peut-il être
partie prenante d'une décision du Conseil des ministres et plaider
à l'opposé devant la Cour suprême? Le ministre de la
Justice et Procureur général, encore une fois, à une
période de questions la semaine dernière, à une de mes
questions, a refusé par surcroît d'informer cette Chambre des
arguments qu'il entend soulever devant le tribunal. Il invoquait
erronément la théorie de la séparation des pouvoirs alors
que la question ne concernait d'aucune façon l'empiétement du
législatif sur l'exécutif ou de l'exécutif sur le
judiciaire. Nous ne lui avons jamais demandé son opinion sur le litige
ni comment la cour devrait trancher le débat. Nous lui avions simplement
demandé de nous informer des arguments qu'il entendait soumettre au
tribunal.
Le refus de répondre du ministre de la Justice et Procureur
général s'explique bien davantage par la position
incohérente dans laquelle le gouvernement s'est lui-même
placé en voulant jouer sur plusieurs tableaux à la fois. Le
gouvernement doit maintenant avoir le courage de ses idées et admettre
qu'il faut reculer quelque part. Nous lui suggérons de remettre en
question la décision improvisée de son gouvernement, à
savoir de reconnaître la charte canadienne. C'est la voie qui s'impose
pour la sauvergarde des intérêts du Québec. Sinon,
après nous avoir affaiblis collectivement, le Procureur
général ira ridiculiser le Québec en Cour suprême en
plaidant le contraire d'une décision du Conseil des ministres du
gouvernement auquel
il appartient.
Mme la Présidente, en conclusion, comment s'étonner dans
ce contexte que la décision du gouvernement ait été
qualifiée par tout le monde d'erreur stratégique, d'improvisation
et d'imprudence? Tout le monde le dit. Les professeurs, les
spécialistes, les éditorialistes, même le conseiller
principal - c'est une première - du ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes y voit une démarche menaçante
pour les intérêts du Québec au point qu'il remet sa
démission. Unique dans nos annales, uniquel
Le professeur Brun, pour sa part, considère qu'il s'agit - et je
le cite - "d'une décision énorme et historique au point
où, dit-il, aucun gouvernement n'a le droit de faire cela sans qu'on lui
en ait donné le mandat clair par un référendum ou par une
élection référendaire." Le chef de l'Opposition soulignait
dans son intervention cette appréciation du professeur Brun. Les
libéraux peuvent bien - je termine - a posteriori, tenter de banaliser
le débat et chercher à le rendre tellement
ésotérique en espérant que plus personne ne s'y retrouve
mais, de ce côté-ci de la Chambre, nous ne passerons pas sous
silence cette aliénation de nos pouvoirs chèrement acquis au
profit de la majorité anglaise du Canada.
Le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes peut faire les professions de foi qu'il veut,
embrasser les drapeaux qu'il veut, mais il n'a pas le droit de jouer la
protection de l'avenir des Québécoises et des
Québécois. Il n'a pas le droit d'affaiblir le Québec de
façon insouciante en remplaçant les droits historiques du
Québec par des dogmes improvisés, fussent-ils libéraux. Il
n'est pas trop tard pour le gouvernement et pour le ministre pour
réviser leur position et refaire leurs devoirs mal bâclés.
(17 h 50)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Taillon. M. le député de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. J'écoute
attentivement depuis le début de ce débat les paroles et les
arguments de l'autre côté, parce que, sincèrement, j'essaie
de comprendre. Je suis convaincu que la plupart des citoyens qui nous
écoutent essaient de comprendre aussi. Le député disait
tout à l'heure que quelqu'un nous accusait de ce côté-ci de
vouloir être ésotériques dans nos arguments. Pourtant, en
écoutant et en résumant très brièvement les
arguments qui nous ont été présentés, les seuls
arguments ésotériques se trouvent de l'autre côté.
Il est très intéressant de voir que, de l'autre
côté, le député qui m'a précédé
il y a à peine quelques minutes, s'acharne à défendre des
choses que la population, à mon avis, trouve très
ésotériques. Il est intéressant de voir que, de l'autre
côté, on s'acharne à défendre beaucoup plus
l'importance d'un système judiciaire, d'un Code civil en opposition avec
l'importance des droits fondamentaux des individus. Il est très
intéressant de noter que, de l'autre côté, on nous
présente les possibilités d'un cafouillage juridique - je pense
que ce sont les mots qui ont été utilisés - parce qu'on
soustrait l'utilisation systématique de la clause "nonobstant" dans les
lois adoptées par l'Assemblée nationale du Québec. Pour
ceux qui ne sont pas "ferrés" en la matière - je ne suis ni
avocat, ni juriste, ni expert constitutionnel - cela vaut la peine...
Une voix: Cela paraît!
M. Sirros: J'espère que cela paraît parce que les
citoyens ordinaires, les gens ordinaires ne sont pas des experts
constitutionnels et cela les intéresse de savoir de quoi on parle. On
parle des droits fondamentaux de ces individus qu'on appelle les citoyens d'un
pays, les résidants, les citoyens d'une province. On parle de
l'application d'un instrument de protection des droits fondamentaux de ces
individus. J'étais ici, en cette Chambre, quand le gouvernement
précédent avait décidé, d'une façon
intempestive, je dirais... Parce que, effectivement, c'étaient eux qui
avaient terriblement affaibli la position du Québec dans la
Fédération canadienne, le 16 avril 1981, en signant dans la nuit
un document, comme le disait très bien le ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes, qu'aucun gouvernement libéral
n'aurait jamais accepté de signer.
À la suite de cela, une réaction intempestive les a
conduits à adopter une approche qui faisait en sorte que
systématiquement, sans prendre la peine d'évaluer si, oui ou non,
on devrait soustraire, à cause d'une condition particulière, une
loi adoptée par l'Assemblée nationale à la Charte
canadienne des droits et libertés, c'était de façon
systématique, c'était simplement pour démontrer ou pour
exprimer leur frustration face à ce qu'ils avaient fait le 16 avril
1981. Mais ce n'est pas une façon responsable d'agir, si on veut
gouverner une société.
Je me réfère au ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes qui expliquait d'une façon très
claire et très succincte ce qu'est effectivement une charte et quelle
est la différence entre la charte canadienne et la charte
québécoise. De l'autre côté, on semble vouloir jouer
au sourd. On ne veut pas accepter qu'il y ait une primauté entre ces
deux chartes et que c'est celle de la charte canadienne parce qu'elle est
enchâssée dans la constitution,
parce qu'elle n'est pas simplement une loi que nous, les
législateurs, pouvons modifier à notre gré. Il y a quelque
chose de plus fondamental quand un texte est inscrit ou enchâssé
dans la constitution d'un pays, plus que si c'est quelque chose adopté,
que ce soit par les deux tiers de cette Assemblée ou la majorité
simple.
Il n'en demeure pas moins que c'est une loi de l'Assemblée
nationale, d'un Parlement, et non pas un instrument enchâssé dans
une constitution. C'est cela, la véritable différence entre les
deux partis qui sont ici représentés en cette Chambre. Il est
rare que les choses qui nous opposent dans les débats s'opposent si
carrément comme ces articles-ci. Nous avons souvent des
différences de vues; souvent, nous avons des façons
différentes de voir les choses, mais ce sujet que nous débattons
aujourd'hui est véritablement un des sujets qui distinguent le Parti
libéral du Québec du Parti québécois.
Nous, de ce côté-ci, ce qui guide notre action politique,
c'est effectivement une philosophie qui se base sur la liberté
individuelle et la protection de ces libertés. Dans ce sens-là,
la décision du gouvernement libéral de ne plus utiliser de
façon systématique la clause "nonobstant" n'est ni
improvisée ni une nouvelle affaire parce que, dès le
départ, dès le moment où cela a été
utilisé comme instrument pour exprimer sa frustration - celle du Parti
québécois - nous nous sommes levés en cette Chambre et
nous avons dit exactement les mêmes choses. Nous avons dit que
c'était inacceptable. Nous avons dit qu'il n'était pas possible
qu'un gouvernement agisse d'une façon aussi irrespectueuse des droits et
des libertés fondamentales des individus et des citoyens.
Et, pourtant, ils l'ont fait. À ce moment-là, nous avions
dit qu'à la première occasion cette chose-là changerait.
Je me rappelle très bien qu'à chaque occasion où on devait
étudier un projet de loi article par article en commission
parlementaire, chaque fois qu'on arrivait à l'article de la clause
"nonobstant", c'était adopté sur division. Ce n'était
jamais quelque chose qu'on avait accepté. Qu'on ne vienne pas nous dire
aujourd'hui que c'est improvisé, qu'on a pensé, tout à
coup, à faire quelque chose, qu'on n'a pas pensé effectivement
aux conséquences. Les conséquences, c'est que les citoyens du
Québec seront beaucoup plus protégés qu'ils ne
l'étaient auparavant. C'est la véritable conséquence.
Qu'il découle de cela que l'Assemblée nationale soit
restreinte dans son droit de légiférer, j'en conviens, mais
où est le drame? Au fond, les gens qui nous écoutent se posent la
question à savoir de quoi on s'excite, de l'autre côté. On
nous parle du Code civil qui sera peut-être remis en question, des
conséquences sur le pouvoir de légiférer de
l'Assemblée nationale. Un fait demeure: en ayant la protection de la
charte - je vous lirai tout à l'heure, pour qu'on se rafraîchisse
tous la mémoire, les points que touche la clause "nonobstant" - les
citoyens seront protégés de toute possibilité d'abus de
pouvoir par tout Parlement, que ce soit le Parlement de Québec ou le
Parlement d'Ottawa, beaucoup plus qu'ils ne l'étaient auparavant.
Laissez-moi simplement vous référer aux articles qui sont
touchés par la clause "nonobstant" et aux lois qu'on y soustrayait. On
soustrayait à l'application de ces articles les lois qu'on adoptait ici.
Les articles 2 et 7 à 15 pour lesquels s'appliquait la clause
"nonobstant" se réfèrent à la liberté de conscience
et de religion, à la liberté de pensée, de croyance,
d'opinion et d'expression, y compris la liberté de presse et des autres
moyens de communication, à la liberté de réunion pacifique
- on se rappellera la loi 111 - à la liberté d'association,
à la protection du droit à la vie et à la liberté,
à la sécurité de la personne, à la protection
contre les fouilles, les perquisitions et saisies abusives - je me demande si
quelques-uns n'auraient pas aimé avoir l'application de la charte il y a
des années - les droits fondamentaux en cas d'arrestation et de
détention. Le député de Mercier n'est pas ici?
La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le
député de Laurier. Je constate qu'il est 18 heures. Est-ce qu'il
y a consentement pour qu'on poursuive?
M. Sirros: Je serai bref. Deux minutes.
M. Gendron: Mme la Présidente, cela dépend de la
longueur de l'intervention.
La Vice-Présidente: II lui reste au maximum douze
minutes.
M. Sirros: Plus que deux minutes.
Une voix: Mais cela ne coûte pas de l'argent?
M. Gendron: Ce n'est pas cela que je veux savoir. Je veux savoir
si le député de Laurier va conclure dans une minute ou deux.
Une voix: Deux minutes.
M. Gendron: Deux minutes. Consentement.
La Vice-Présidente: II y a consentement. M. le
député de Laurier.
M. Sirros: J'allais terminer, Mme la Présidente, en disant
qu'effectivement les droits auxquels je faisais référence, c'est
là
l'épouvantail de faire appliquer ces droits fondamentaux à
toutes les lois qu'on adopte ici. Si jamais il advient que nous ayons une
décision à prendre quant à l'application de la clause
"nonobstant" - parce que ce qu'on fait, ce n'est pas renoncer à
l'utilisation de la clause "nonobstant", mais c'est renoncer à son
application systématique, aveugle, ce que faisait le gouvernement
précédent - on le fera de façon claire, limpide, en venant
dire ici que cette loi sera soumise à la clause "nonobstant". Cela prend
beaucoup plus de courage pour faire cela que de l'appliquer aveuglément,
comme vous l'avez fait. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laurier.
Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 2)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît! Prenez vos places. Nous reprenons le débat sur la motion de
censure présentée par le chef de l'Opposition. La parole - un
instant - est à M. le whip de l'Opposition. M. le whip de l'Opposition,
vous avez la parole.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, vous savez qu'un
député est littéralement submergé de documents, de
rapports, de mémoires, de journaux, de revues et qu'on ne peut pas tout
garder. Il faut être très sélectif dans la documentation
qu'on reçoit. On conserve ce qui nous paraît toujours l'essentiel.
De l'année 1981, j'ai très facilement retrouvé un document
que j'avais conservé, donc, que j'ai considéré comme
essentiel. C'est un mémoire soumis au Sénat, à la Chambre
des communes, au comité mixte spécial sur la constitution du
Canada, sur le projet de résolution concernant la constitution du
Canada, présenté par Gil Rémillard, avocat, professeur
à la Faculté de droit de l'Université Laval, en janvier
1981. Je l'ai relu, d'ailleurs, et j'ai compris pourquoi je l'ai
conservé. C'est un document bien écrit, clair, articulé,
fortement documenté, étoffé, pourrait-on dire, solide
aussi sur le plan juridique. Bref, l'oeuvre d'un grand constitutionnaliste,
d'un juriste éminent, d'un grand professeur de droit.
On y retrouve des éléments extrêmement
intéressants, des conclusions remarquables. Je vous en livre
quelques-unes. Entre autres, il y est dit et démontré que tout
projet de modification relatif aux élé- ments
fédératifs essentiels doit et devrait avoir reçu
l'assentiment de toutes les provinces. Excellente conclusion. Il va même
plus loin. L'éminent professeur affirme que le projet de
résolution - c'était un projet à ce moment là -
concernant la constitution du Canada est illégal parce que contraire
à la théorie du pacte. Le professeur Rémillard
était un adepte de la théorie du pacte. Également
illégal parce que contraire à la convention constitutionnelle de
l'unanimité pour toucher le partage des pouvoirs.
Troisièmement, il affirme que le projet lui apparaît, quant
à lui, illégitime. Quatrièmement, si l'on veut modifier
une constitution fédérative qui est un contrat entre
États, et les États et le peuple doivent y participer. C'est
à la page 41 du document.
On retrouve tout cela aussi remarquez bien, M. le Président -
dans la véritable somme sur le fédéralisme canadien
écrit par le même auteur. Juste à titre d'exemple, je vous
en donne un paragraphe c'est une véritable bible. Il y a deux tomes
comme cela.
Une voix: Qui l'a écrit?
M. Brassard: M. Rémillard, évidemment, l'actuel
ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes. Je vous lis un petit
paragraphe relativement à ce qui s'est passé lors de la fameuse
"nuit des longs couteaux", le 5 novembre 1981. "René Lévesque,
écrit-il, n'a d'autre choix que de dénoncer cet accord
négocié sans lui et qui implique des éléments qu'il
ne peut selon lui accepter, et qui, de fait, n'auraient été
acceptables par aucun gouvernement québécois quelles qu'aient pu
être ses options politiques". C'est à la page 161 du tome 2.
Admirable, n'est-ce pas, M. le Président? Voilà que cet
éminent constitutionnaliste devient député et ministre.
Connaissant sa pensée, connaissant ses opinions, ses convictions, on
pouvait être raisonnablement rassuré. D'autant plus qu'il avait
déclaré au moment où il annonçait sa candidature:
Je vais en politique. J'entre en politique tout comme on entre en religion,
n'est-ce pas? J'entre en politique... pour appliquer les principes auxquels
j'adhère, auxquels je crois.
Il faut le dire, c'était rassurant. Au moins, il y avait
là un gardien vigilant de nos droits et de nos institutions
démocratiques dans ce cabinet. Il faut dire qu'il y avait aussi, dans ce
même gouvernement, le député d'Argenteuil. Lui aussi, je
pense qu'on peut le considérer comme étant un défenseur de
nos droits et de nos institutions, parce qu'on se souviendra que le 2 octobre
1981, le député d'Argenteuil, alors chef du Parti libéral,
avait voté, malgré la
rébellion des neuf dont je parlerai tout à l'heure, une
motion qui s'opposait à tout geste qui pourrait porter atteinte aux
droits de cette Assemblée nationale et affecter ses pouvoirs.
Le député d'Argenteuil, chef du Parti libéral
à l'époque, avait voté avec une majorité de ses
députés pour cette motion. Malheureusement, M. le
Président, on ne pouvait pas prévoir que le grand professeur, le
grand juriste commencerait sa carrière politique en jetant par-dessus
bord les beaux, les nobles et solides principes qu'on retrouve exposés
si brillamment, si savamment et avec tant de conviction dans son oeuvre. C'est
un peu triste à voir, un juriste d'une telle réputation qui
amorce sa vie politique, sa carrière politique en reniant purement et
simplement ses convictions. J'avoue que ce n'est pas un très beau
spectacle. En tout cas, ce n'est pas un spectacle sons et lumières,
comme celui dont parlait le chef du Parti libéral cet avant-midi.
Lui, ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, qui affirmait qu'aucun gouvernement du
Québec, peu importe l'allégeance de celui-ci, ne devrait accepter
le fruit du coup de force de Trudeau, il en accepte aujourd'hui le plus gros
morceau, de ce coup de force. C'est Henri Brun, également un
constitutionnaliste réputé, qui déclarait que la charte
canadienne, c'est le plus gros morceau de l'Acte constitutionnel de 1982. Donc,
c'est l'essentiel du coup de force de Trudeau et il en accepte le plus gros
morceau, soit la charte des droits, sans même qu'on le lui demande, sans
même que le gouvernement fédéral le lui demande, sans
négociation, sans la moindre garantie. Il en accepte l'essentiel sans la
moindre discussion préalable avec Ottawa, avec le gouvernement
fédéral.
Comment réagit Ottawa face à une telle attitude? En disant
essentiellement, en quelque sorte: C'est une preuve de bonne volonté;
à vous de faire un autre pas, un autre geste. Vous avez fait preuve de
bonne volonté, allez-y, c'est bien, bravo, continuez dans le même
sens. Cela a été la réaction des porte-parole du
gouvernement fédéral. Quand on pense que les responsables de ce
qu'on pourrait appeler cette mauvaise posture du Québec dans laquelle le
Québec se retrouve sont ceux-là mêmes qui nous accusaient,
il n'y a pas longtemps, d'affaiblir le Québec, de placer le
Québec dans une position de faiblesse. (20 h 10)
Lui - je parle toujours du ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes - qui déclarait que non
seulement les États - je l'ai cité tantôt - mais le peuple
devait participer à la modification de la constitution, il fait
adhérer le Québec à l'essentiel de l'Acte constitutionnel
de 1982 en cachette, en secret, en catimini, par décret, adopté
dans le "bunker", sans débat, sans déclaration à
l'Assemblée nationale, sans appui de l'Assemblée nationale.
Lui qui évoque même le recours au peuple par la voie
référendaire ne juge même pas utile d'obtenir l'accord des
représentants légitimement élus de ce peuple à
l'Assemblée nationale. Si c'est cela, la nouvelle conception de la
démocratie du nouveau ministre, c'est inquiétant et c'est
dangereux. Pour un juriste de cette taille, de cette dimension, qui s'est fait
reconnaître comme un défenseur de la démocratie et du
parlementarisme, c'est, ma foi, mal commencer sa carrière de ministre
que de la commencer par un geste de mépris à l'égard du
Parlement, un geste de mépris à l'égard de l'institution
démocratique par excellence au Québec, l'Assemblée
nationale.
Le ministre nous indiquait que la décision a été
prise le 5 mars. Or - c'était, d'ailleurs l'objet de l'une de mes
questions à la période de questions d'aujourd'hui - le 26
février, en commission parlementaire, le ministre du Revenu, leader du
gouvernement, retirait la clause "nonobstant" du projet de loi 2 qui
était à l'étude. C'était assez étonnant,
surprenant. Est-ce à dire que le ministre du Revenu a agi de sa propre
initiative? C'est la question que je posais. Le ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes n'a-t-il pas, en quelque sorte,
été mis devant le fait accompli, que le gouvernement a dû
cautionner par la suite? Est-ce cela qui s'est produit? On aimerait le savoir,
évidemment. On peut le penser, en tout cas, surtout quand on
connaît le député de Gatineau, ministre du Revenu, leader
du gouvernement, leader également - je le disais au début - du
club des neuf.
Une voix: L'homme fort du régime.
M. Brassard: Rappelons les faits, je pense qu'il faut le faire.
Le 2 octobre 1981, une motion était débattue en cette Chambre,
motion qui s'opposait à la réduction des droits et des pouvoirs
de cette Assemblée par le gouvernement fédéral. Lorsque
cette motion a été mise aux voix, neuf des députés
du Parti libéral se sont carrément mutinés,
rebellés contre leur chef de l'époque, le député
d'Argenteuil, et ils ont voté contre cette motion.
Une voix: J'ai mon voyage!
M. Brassard: Ils ont voté contre cette motion. Il y en a
plusieurs. Il faudrait peut-être les citer, ces neuf-là.
M. Rochefort: Oui, qui cela? Vas-y donc! Qu'est-ce qu'ils font,
maintenant?
M. Brassard: MM. O'Gallagher, Ciaccia, Caron, Lincoln, Gratton,
Maciocia, Cusano,
French et Mme Dougherty. Ils étaient neuf. Je vous signale qu'il
y en a actuellement quatre qui siègent au Conseil des ministres: le
député de Nelligan, ministre de l'Environnement, le
député de Mont-Royal, ministre de l'Énergie et des
Ressources, le député de Gatineau, ministre du Revenu, le
député de Westmount, ministre des Communications. Il y a quatre
députés, quatre mutins de 1981 qui siègent au Conseil des
ministres.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Brassard: Quatre rebelles. C'est bien connu que le leader du
club des neuf, le leader du clan, était le député de
Gatineau; tout le monde se le rappelle. Il a d'ailleurs, lui, participé
avec plaisir - il l'a indiqué au journal Le Droit - aux
cérémonies du rapatriement de la constitution lorsque Sa
Majesté est venue signer le papier.
Des voix: Bravo!
M. Brassard: II y assistait avec plaisir. Il y avait 22
députés libéraux qui ont participé à ces
célébrations.
Une voix: Cela a coûté 7 000 000 $.
M. Brassard: C'est étonnant, c'est même un peu
surprenant que l'on applaudisse cela.
Une voix: Ils n'ont pas tous applaudi.
M. Brassard: Ils n'ont pas tous applaudi? Tant mieux.
C'était donc le député de Gatineau qui était le
leader de ce clan des neuf. Il était - il l'a indiqué puisqu'il a
applaudi au coup de force - d'accord avec le coup de force constitutionnel de
Trudeau. Il était pleinement d'accord. C'est cet homme qui a pris la
décision - lui qui a applaudi, qui a appuyé, qui a soutenu le
coup de force, qui a participé aux célébrations aux
côtés de Sa Majesté - c'est probablement cet homme, le vrai
conseiller du gouvernement en matière constitutionnelle.
Une voix: C'est vrai, c'est cela, voilà!
M. Brassard: C'est probablement lui. Le ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes n'a plus besoin de chercher, il l'a sous la
main, son conseiller, le vrai conseiller du gouvernement. C'est lui qui a
fixé en quelque sorte les orientations constitutionnelles du
gouvernement.
On fait des gorges chaudes actuellement, on rigole, on semble se moquer
d'un éminent juriste, Léon Dion, de réputation, un
politicologue connu, respecté. Je ne trouve pas cela très digne
de cette Assemblée.
Une voix: Ce sont des "politicailleux".
M. Brassard: Et au ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes, il ne restait, au fond, M. le
Président, qu'à cautionner le fait accompli, qu'à suivre
l'orientation définie par le leader du clan des neuf. C'est ce qu'il a
fait, il a suivi, et il a accepté. Il s'est mis à la remorque du
leader du club des neuf, reniant ainsi un engagement récent qu'il avait
pris en cette Chambre, au mois de décembre dernier, à la suite
d'une question posée par le chef de l'Opposition où il disait:
"Pour le respect de cette démocratie parlementaire, nous aurons
l'occasion d'en discuter et de vous informer pleinement sur la façon
dont nous allons procéder pour négocier ce dossier historique."
Une décision prise dans le secret du "bunker" et annoncée
à la sauvette, avec une certaine gêne, il faut le dire aussi.
Est-ce que c'est cela qu'il appelle le respect de la démocratie
parlementaire?
Il a l'air d'approuver, d'appuyer. Bon! Alors, drôle de conception
du respect de la démocratie parlementaire. C'est un peu
inquiétant, M. le Président. N'eût été la
motion de blâme du chef de l'Opposition, on n'en aurait pas
discuté et on n'aurait pas débattu de cette question à
l'Assemblée nationale.
C'est inquiétant, M. le Président, et il va falloir
être vigilant. Je dirais que ce gouvernement devrait être mis sous
surveillance-Une voix: En garderie.
M. Brassard: ...car il est dominé par les inconditionnels
du fédéralisme qui sont prêts à adhérer sans
la moindre modification, sans changement - ils l'ont démontré
dans le passé - à l'Acte constitutionnel de 1982. Ce sont ces
gens-là qui dominent ce gouvernement. J'avertis le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, au
cas où il ne s'en serait pas aperçu, où il ne l'aurait pas
remarqué. Vous l'avez remarqué?
Une voix: ...
M. Brassard: J'espère que vous allez réagir
vigoureusement.
En conclusion, je dirais qu'à entendre les discours des
libéraux, en particulier celui du ministre de même que celui du
député d'Argenteuil, ministre de l'Éducation, on en
arriverait à la conclusion suivante. En tout cas, un habitant de Sirius
tomberait parmi nous tout d'un coup et, s'il entendait les discours
prononcés par les libéraux, il en arriverait sans doute à
la conclusion suivante. C'est qu'avant 1982, avant la Charte canadienne des
droits, nous étions, nous, pauvres Québécois,
démunis, dépourvus
de droits, sans droits. Nous étions sans protection. Nous
étions à la merci de l'arbitraire et de l'oppression. Nous
étions dans une véritable société barbare. Il y
avait là un vide juridique terrible. Nous étions sans protection
et sans droits. Après 1982, cela a été l'illumination en
quelque sorte grâce au gouvernement fédéral, grâce
aux fédéraux et à leur charte, nous voilà enfin
citoyens québécois jouissant de véritables droits. Nous
voilà enfin protégés, grâce à la
magnanimité des fédéraux, à leur grandeur
d'âme, à leur bonté d'âme. C'est un peu simpliste.
(20 h 20)
Les droits fondamentaux dont on parle aujourd'hui sont reconnus
pleinement dans la société québécoise depuis
longtemps. Nous disposons, je pense qu'il faut le dire, d'une des meilleures
chartes des droits et libertés de la personne. Une des plus
complètes. Une des plus exemplaires. J'entendais le député
d'Argenteuil énumérer les qualités de la charte
canadienne, il aurait pu énumérer les qualités de la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec,
également. Il n'y a pas de vide juridique. Il n'y a pas de vaccuum. Ce
n'est pas l'abîme infernal de l'arbitraire si on se soustrait à la
charte canadienne. Donc, il n'y avait rien d'urgent, il n'y avait rien de
pressant, surtout pas avant les négociations constitutionnelles. Ce
n'était pas le moment de faire des concessions majeures sur ce plan et
de se placer ainsi dans une position de faiblesse. Ce n'était pas le
moment de tout lâcher. Surtout à cette période-ci avant des
négociations. Il faudrait - je sais que c'est un souhait qui ne se
réalisera sans doute pas - que le gouvernement reconnaisse qu'il a
commis une grave erreur de stratégie, une erreur de stratégie
d'une gravité considérable et d'une ampleur dangereuse et qu'il
revienne si c'est possible. On le lui demande qu'il revienne sur cette
décision qu'on a qualifiée quant à nous, à juste
titre de prématurée, d'improvisée et d'imprudente.
Le Vice-Président: La parole revient au
député de Bourget.
M. Claude Trudel
M. Trudel: Le débat qui s'est engagé sur la motion
de censure du chef de l'Opposition est d'une importance majeure. Il est
important par le sujet même qu'il permet de discuter. Il est important
aussi dans la mesure où il donnera une fois de plus aux deux groupes
parlementaires en présence dans cette Assemblée l'occasion de
réitérer leurs positions traditionnelles dont le moins que l'on
puisse dire est qu'elles sont fort éloignées l'une de l'autre,
pour ne pas dire irréconciliables. Ce débat a
démontré jusqu'à maintenant, une fois de plus, si cela
était nécessaire, que nous n'avons pas de leçon à
recevoir de personne quand il en va de la protection des droits fondamentaux de
nos concitoyens.
Est-il nécessaire de rappeler que notre non de 1980 était
Québécois à 100 %? Que nos positions constitutionnelles de
1981 et celle toute récente de 1985 étaient, elles aussi,
québécoises pure laine? Je le répète, quand il
s'agit de défendre ce qu'il y a de plus précieux,
c'est-à-dire les libertés fondamentales de nos concitoyennes
quand il s'agit d'assurer la protection et l'épanouissement du peuple
québécois, le gouvernement libéral du Québec n'a de
leçon à recevoir de personne et surtout pas de ceux qui, de 1976
à .1985, n'avaient qu'un but: diviser les citoyens et les citoyennes du
Québec entre bons et mauvais Québécois, entre patriotes et
traîtres, entre loyaux et vendus.
Je n'invente rien, M. le Président, et vous le savez. Les termes
que je viens d'employer ont fait partie du langage politique quasi quotidien de
l'ancien gouvernement pendant neuf longues années. Pour reprendre les
mots de l'actuel ministre de l'Éducation, alors qu'il était chef
de l'Opposition: "Le Parti libéral du Québec a toujours
été, est et demeurera fermement attaché à la
défense et à la promotion des intérêts
légitimes du Québec dans tous les domaines reliés à
la constitution, à la vie économique et sociale, à
l'éducation, à l'action politique au sens le plus
élevé du terme. "Nous sommes au service du Québec et du
peuple québécois. Notre premier souci est le service de la
communauté québécoise, la défense des
intérêts du Québec et la promotion du peuple
québécois. Mais nous sommes aussi un parti résolument et
franchement canadien. Nous croyons au Canada et à notre système
fédéral de gouvernement. Nous sommes convaincus que le
Québec peut le mieux s'épanouir en étant un membre
à part entière de l'ensemble fédéral canadien". Fin
de la citation.
Nous ne tenions pas un autre langage et nous écrivions dans notre
programme politique "Maîtriser l'avenir", adopté l'an dernier,
qu'il est grand temps que le Québec reprenne ses destinées en
main et qu'il redevienne, dans la fédération canadienne, ce
partenaire indispensable sur lequel on peut et doit compter en toute
circonstance.
M. le Président, les Québécoises et les
Québécois peuvent avoir confiance dans leur gouvernement quand il
en va de la protection et de la défense de leurs droits fondamentaux.
Nous pensons que ces droits sont tellement importants qu'il faut leur accorder
la protection la plus élevée et la plus efficace qui soit,
c'est-à-dire une protection constitutionnelle.
Or, l'utilisation systématique de la clause "nonobstant" par nos
prédécesseurs avait précisément pour but de
soustraire les
Québécoises et les Québécois à cette
protection. Notre livre beige de 1980, notre programme constitutionnel de la
même année, nos engagements électoraux de 1981 en cette
matière nous ont permis de réitérer à l'envi cet
objectif de manière très claire, très nette et très
ferme.
Toute réforme constitutionnelle, disions-nous, devra assurer la
primauté juridique des droits et libertés fondamentaux de la
personne dans le système politique canadien, convaincus que nous
étions que l'inclusion de certains droits fondamentaux dans une charte
constitutionnelle assurerait de manière certaine et définitive la
primauté de ces droits contre les volontés changeantes du
Parlement fédéral et des Législatures provinciales.
Ces droits fondamentaux sont, vous le savez, M. le Président,
essentiels à la dignité humaine et au processus
démocratique. Tout État démocratique a l'obligation,
à tout le moins morale, de respecter les droits individuels tout en
aidant à l'accomplissement des droits collectifs. Le fait qu'une
personne consente à vivre en société n'implique
aucunement, bien au contraire, qu'elle doive abandonner certains droits et
certaines libertés qui lui sont propres. C'est précisément
sur le caractère inaltérable de ces droits et libertés, de
ces droits qu'on reconnaît comme fondamentaux que les Parlements
occidentaux ont statué et qu'ils l'ont mis sous forme légale
depuis quelques décennies. Le Canada et le Québec n'ont pas
échappé à ce mouvement, quoique leur façon de
réaliser cet objectif fondamental et nécessaire ait pris des
voies quelque peu différentes.
M. le Président, j'ai laissé à des collègues
beaucoup plus qualifiés que moi sur le sujet le soin de vous faire part
des subtilités légales qui caractérisent les deux chartes
dont les Québécoises et les Québécois
bénéficient. Je soulignerai cependant, à ce moment-ci, le
caractère constitutionnel de l'une, la charte canadienne, et le
caractère législatif de l'autre, la charte
québécoise.
En effet, étant donné que la charte canadienne est
enchâssée dans la constitution, elle acquiert de ce fait un
caractère supralégislatif. Elle se situe, pour ainsi dire,
au-dessus des gouvernements et des Parlements. Elle ne peut donc être
modifiée, amendée ou abrogée que suivant la
procédure prévue dans la constitution. Cette procédure
spécifie que toute modification au texte de la constitution et, de ce
fait, au texte de la charte canadienne nécessite l'accord de sept
provinces comptant au moins 50 % de la population du Canada.
La Charte québécoise des droits et libertés, quant
à elle, n'est qu'une simple loi de l'Assemblée. Non seulement
peut-elle être amendée, mais elle peut être
complètement abrogée par une simple loi de l'Assemblée
nationale votée par la majorité. C'est donc dire que cette charte
peut être écartée ou complètement abrogée,
suivant la volonté du gouvernement. (20 h 30)
Des droits fondamentaux enchâssés dans une constitution
sont nettement mieux protégés que ceux qui dépendent d'une
loi semblable, sur le plan légal, à toutes les autres. Le titre
d'une loi, la pompe que l'on met à la présenter, à
l'expliquer et à la faire adopter ne changent en rien son
caractère fondamental. Il s'agit et il s'agira toujours d'une loi que
l'Assemblée nationale souveraine pourra amender en tout temps et,
grâce à la majorité dont dispose le gouvernement, à
sa guise. Faut-il rappeler les jours honteux et sombres de la loi 111, alors
que des milliers de Québécoises et de Québécois se
faisaient enlever des droits fondamentaux, des droits sacrés dans le
cadre d'une loi de retour au travail par l'application de la clause
"nonobstant"?
En ce qui a trait à l'interprétation, je soulignerai
l'interprétation large de l'une, la québécoise, et
l'interprétation stricte de l'autre, la canadienne. Cette question, vous
en conviendrez, ne manque pas d'intérêt, puisque c'est de
l'interprétation qu'en font les tribunaux que découle la force ou
la faiblesse des droits fondamentaux qui sont reconnus.
Les chartes canadienne et québécoise s'interprètent
sur des bases très différentes. En effet, dans le cas de la
charte québécoise, les tribunaux se référeront
à l'intention exprimée par le législateur
québécois au moment où la loi, c'est-à-dire la
charte québécoise, a été votée pour
préciser la portée et le contenu des droits et libertés
qui y sont mentionnés. Dans le cas de la charte canadienne, les
tribunaux ne peuvent s'en reporter à une interprétation aussi
stricte des droits et libertés reconnus dans ce document
constitutionnel. Cette caractéristique fait en sorte que les droits et
libertés qui y sont mentionnés évoluent,
évidemment, avec la société.
Les deux chartes qui protègent les Québécoises et
les Québécois sont différentes dans leur essence
même. Ainsi que le rappelait l'actuel ministre de la Justice, le
député de D'Arcy McGee, lors du débat sur le projet de loi
62, et je cite: "La charte fédérale est essentiellement une
charte qui protège les libertés fondamentales. La charte
québécoise, par contre, est une loi contre la discrimination. Les
deux sont valables, les deux sont nécessaires, mais les deux ont des
fonctions différentes." Le débat quant à savoir laquelle
des chartes canadienne ou québécoise est meilleure que l'autre
est un faux débat. Comme l'écrivait Jean-Louis Roy dans un
article du 26 juin 1985 publié dans le journal Le Devoir: "La bataille
des chartes
est une guerre absurde." Aussi, n'ai-je pas l'intention de la reprendre
aujourd'hui, me contentant tout simplement de souligner que nos concitoyens et
concitoyennes du Québec ont la chance de jouer sur les deux tableaux,
puisqu'ils peuvent compter sur la protection de deux chartes plutôt
qu'une, du moins depuis que notre gouvernement a décidé de ne
plus recourir de façon systématique à la clause
"nonobstant".
En effet, de quoi s'agit-il? La clause "nonobstant" est ce qu'on appelle
une clause dérogatoire qui permet tant au Parlement
fédéral qu'aux Législatures provinciales de déroger
à la Charte canadienne des droits et libertés, donc de
réduire les avantages et les protections contenus dans cette charte.
C'est précisément parce qu'elle est dérogatoire en
permettant aux gouvernements de se soustraire à l'application de
certains articles que cette clause leur impose implicitement le devoir d'y
recourir avec la plus grande parcimonie. Qu'a fait le gouvernement du Parti
québécois? Loin de recourir le moins possible à la clause
"nonobstant", il y a recouru de façon systématique au seul motif
d'établir le symbole de son attitude de rejet de la charte canadienne,
à la suite de son lamentable échec aux pourparlers
constitutionnels de 1981, alors qu'il aliénait en toute connaissance de
cause et de façon permanente le droit séculaire de veto que la
tradition reconnaissait au Québec. Le recours systématique
à la clause "nonobstant" a eu pour effet de soustraire toutes les lois
québécoises de l'application de la charte canadienne, privant
ainsi les Québécoises et les Québécois de la
protection que leur accordait cette charte.
Je juge, comme bien d'autres, d'ailleurs, tout à fait
inacceptable qu'un gouvernement qui se prétend haut et fort et, souvent,
à cor et à cri, le défenseur des libertés
fondamentales, nie aux détenteurs de ces libertés la
possibilité de bénéficier de la protection qui leur est
conférée dans la charte canadienne, sous prétexte d'un
désaccord avec les autorités fédérales quant au
contenu de la loi constitutionnelle. Je n'accepte pas non plus qu'un
gouvernement utilise les Québécoises et les
Québécois comme éléments de négociation avec
le gouvernement fédéral ou celui des autres provinces, comme l'a
fait le gouvernement qui nous a précédés. Les droits
fondamentaux reconnus par la charte canadienne passent avant toute autre forme
de droit. Il est inacceptable que ces droits deviennent l'enjeu de querelles
entre les gouvernements. La protection des droits et libertés transcende
les stratégies, et un État démocratique ne peut en aucune
façon se justifier de les utiliser comme pouvoir de
négociation.
Ainsi que le rappelait récemment le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
l'actuel gouvernement n'a pas pour politique d'établir sa
stratégie de négociation constitutionnelle sur le dos des
Québécoises et des Québécois. Notre gouvernement a
donc décidé de ne plus recourir de façon
systématique à la clause "nonobstant". Désormais, ce qui
était la règle deviendra l'exception, assurant ainsi aux
citoyennes et aux citoyens québécois le même degré
de protection, quant à leurs droits fondamentaux, que celui qui est
accordé aux autres Canadiens.
Le recours systématique à la clause dérogatoire
était, pour l'ancien gouvernement, un symbole, un autre symbole parmi
tant d'autres. Nous, de l'actuel gouvernement, faisons du retrait de cette
clause un principe, celui de l'égalité de tous les Canadiens, y
compris, bien sûr, toutes les Québécoises et les
Québécois, par rapport aux lois du Parlement.
En reconnaissant la Charte canadienne des droits et libertés, le
gouvernement a pour seul motif de ne pas distinguer deux catégories de
Canadiens tout en assurant que les droits fondamentaux des
Québécois seront aussi bien protégés que ceux des
autres Canadiens. Cette position, je le rappelle, est en tout point conforme
à celle que tenait le Parti libéral alors qu'il formait
l'Opposition en cette Chambre et qu'il s'engageait à garantir une
meilleure protection des droits fondamentaux aux Québécois en
leur donnant accès à deux chartes, l'une canadienne, l'autre
québécoise, qui représentent deux sources possibles de
droits qui ont le mérite de se compléter.
Cette position est également entièrement conforme aux
propositions constitutionnelles que notre parti tenait au cours de la
dernière campagne électorale, notamment en ce qui a trait au
droit de veto, au pouvoir de dépenser, à la nomination des juges
à la Cour supérieure, aux politiques en matière
d'immigration et de communications et à notre demande fondamentale que
le Québec soit reconnu comme société distincte dans le
préambule de la constitution.
Bref, l'acceptation de la charte fédérale ne modifie en
rien les demandes du Parti libéral en matière constitutionnelle.
Vouloir lier l'abandon du recours systématique à la clause
"nonobstant" à la négociation constitutionnelle, c'est agiter des
épouvantails à corneilles. Or, pour répéter
l'heureuse expression du rédacteur en chef de la Presse, M. Michel Roy,
"les oiseaux du Québec n'ont pas peur des épouvantails en forme
de nonobstant".
En abrogeant le recours systématique à la clause
"nonobstant", le gouvernement du Québec ne fait que remplir un
engagement qui date d'aussi loin que les discussions qui ont entouré
l'adoption de la loi 62. À ce sujet, et en guise de conclusion, je
rappelle les paroles de l'ancien chef de notre
formation, l'actuel ministre de l'Éducation, qui disait au cours
du débat et je cite: "Lorsqu'un gouvernement libéral sera au
pouvoir, ce sera l'une des premières lois qu'il se fera un devoir de
modifier pour qu'enfin les Québécois puissent participer de
plain-pied à la protection plénière, à la
protection fondamentale, à la protection stable et solide que leur
garantit la Charte canadienne des droits et des libertés."
Encore une fois, le gouvernement, que 56 % des Québécoises
et des Québécois se sont donné le 2 décembre
dernier, peut dire, je pense, avec fierté: Engagement tenu, mission
accomplie.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: M. le député de
Lévis, vous avez la parole. (20 h 40)
M. Jean Garon
M. Garon: Nous venons d'entendre le député de
Bourget expliquer que si on a deux sources de droit, on est plus chanceux. Cela
me fait un peu penser à un enfant qui vient d'avoir un oeuf à
deux jaunes et qui est content. Depuis quand le fait d'avoir deux sources de
droit, cela donne-t-il plus de droits? Plus on va avoir de sources de droit
mêlées, plus on va avoir un fouillis, plus ce sera le
capharnaüm, plus on va être heureux. Voyons donc! Ce n'est pas cela
le droit. J'imagine que le député de Bourget n'est pas dans le
domaine du droit, mais il n'y a pas d'avantage à avoir un droit
mêlé. Peut-être que dans l'élevage des animaux, avoir
des hybrides, cela peut donner plus de force, mais dans le domaine du droit,
cela mène au fouillis.
J'ai assisté à ce débat depuis le début de
l'après-midi et je suis estomaqué d'entendre tout ce que j'ai
entendu. J'ai entendu le député de Jean-Talon dire: Pour vivre en
société, il faut abandonner un peu de sa souveraineté. Il
a dit: C'est cela vivre en société. Depuis quand vivre en
société, cela veut-il dire, pour les Québécois,
qu'il faut donner nos pouvoirs aux autres en disant: Bon, prenez nos pouvoirs;
administrez-nous à notre place. Depuis quand? J'ai entendu le
député de Jean-Talon dire: Celui qui a un pouvoir est
porté à en abuser. Donc, donnons nos pouvoirs; on n'en abusera
pas. J'ai l'impression de vivre dans un monde, d'après le débat
d'aujourd'hui, inquiétant. Celui qui a un pouvoir est porté
à en abuser. 11 a dit une chose: Une constitution, c'est un contrat
social. C'est vrai qu'une constitution, c'est un contrat social, mais où
est le contrat social à l'heure actuelle?
Une voix: II n'y en a pas.
M. Garon: Justement, il n'y a pas de contrat social. Il n'y a pas
eu de contrat social. Il y a eu neuf groupes, neuf provinces qui, avec le
gouvernement fédéral, ont fait un contrat. Nous autres, est-ce
qu'il faudrait courir en arrière pour quêter une participation? Il
n'y a pas eu de contrat social. Pourquoi donner des pouvoirs à ceux qui
n'ont pas voulu de nous dans le contrat social, qui n'ont pas voulu satisfaire
nos demandes? Je ne comprends pas ce genre de raisonnement. Je suis
porté à croire, comme le député de Lac-Saint-Jean,
que l'homme fort du régime, c'est le député de Gatineau
qui a même réussi à "bulldozer" le député
d'Argenteuil. Il l'a mis dans sa petite poche. J'entendais le
député d'Argenteuil, cet après-midi, lui aussi faire des
constatations incohérentes en... J'ai envie de lui faire cadeau d'un
livre d'Albert Memmi, "Le portrait d'un colonisé". Il verra à
quel point le député d'Argenteuil lui-même, qui laissait
entendre qu'on serait mieux administrés par les autres que par
nous-mêmes... Donnons nos droits aux autres, ils vont les administrer, on
va être prémunis contre nous-mêmes. C'est un peu cela.
Le député de Laurier a dit encore pire que cela. Il a dit,
d'une façon incroyable: La charte va nous protéger, les citoyens,
contre notre Parlement. Cela va nous protéger contre notre Parlement. Le
député de Laurier a dit cela cet après-midi.
Une voix: C'est fort!
M. Garon: Écoutez! Dans quel monde vivons-nous?
Une voix: II devrait démissionner.
M. Garon: Ce n'est pas un gouvernement. Un gouvernement est
là pour protéger. Je ne suis pas surpris de voir que, depuis
à peine trois mois, nous sommes constamment obligés de
protéger les droits du Parlement. On dirait qu'il n'y a pas de
Parlement. Le Parlement est considéré comme une menace par les
gens du gouvernement. J'ai l'impression de vivre un rêve incroyable. La
seule chose que je constate, c'est une certaine filiation entre Adélard
Godbout et...
Une voix: Le député de Jean-Talon.
M. Garon: ...le député de Jean-Talon. J'ai
l'impression de retrouver le fils d'Adélard Godbout en cette
Chambre.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Garon: Adélard Godbout avait vendu nos droits, nos
pouvoirs de taxation. Il avait donné nos pouvoirs de taxation et le
Québec a été mal pris depuis 1944 parce qu'il a
été obligé de constamment lutter pour regagner
ses pouvoirs de taxation. Aujourd'hui, qu'est-ce que vient faire le
député de Jean-Talon?
Une voix: II donne nos droits.
M. Garon: II vient de donner nos droits fondamentaux, de les
donner aux autres en disant: On ne veut pas abuser de nos droits, de nos
pouvoirs. Faites cela à notre place. On vit en société,
donc on a peur de vous déranger; on va vous donner nos droits;
occupez-vous-en. Pendant des années, nos ancêtres se sont battus
essentiellement ici pour une façon de vivre, pour une culture, pour un
peuple. Essentiellement, est-ce qu'il y a un peuple au Québec ou s'il
n'y a pas de peuple au Québec? C'est la question fondamentale. S'il y a
un peuple, il y a une façon de vivre, il y a une culture. Que
révèlent les droits fondamentaux? Les droits fondamentaux, c'est
la façon de vivre d'un peuple. C'est aussi simple que cela. C'est la
manière de vivre d'un peuple en société avec des
règles, des contraintes, des libertés exprimées
différemment. On ne me fera pas croire qu'on a besoin
d'interprétation sur les causes de la liberté d'expression des
doukhobors en Alberta pour comprendre notre droit. Cela n'enrichira pas notre
droit. Qu'est-ce que cela va nous donner? Il y a des façons
différentes de comprendre ces choses. Il y a des comportements
différents.
Pourquoi aurait-on besoin, pour vivre dans notre société,
de l'interprétation des comportements d'ailleurs selon des traditions,
des coutumes différentes? Je me rappelle -le député
d'Argenteuil se le rappellera sans doute s'il lit le Devoir d'il y a 30 ou 40
ans - lorsque la Société centrale d'hypothèques et de
logement a été créée. À ce moment, elle
faisait faire ses plans d'architectes par les ingénieurs de Toronto.
Résultat: il ne se vendait quasiment pas de maisons, il ne se faisait
quasiment pas de prêts au Québec avec la Société
centrale d'hypothèques et de logement. Pourquoi? Parce que les plans des
gens de Toronto comprenaient d'immenses salons et des petites cuisines alors
qu'au Québec les gens vivaient dans de grandes cuisines et de petits
salons. Essentiellement, les gens ne voulaient pas avoir de maisons avec des
petites cuisines et des grands salons parce que cela n'était pas leur
manière de vivre. La Société centrale d'hypothèques
et de logement prêtait dix fois plus en Ontario qu'au Québec parce
que les plans leur convenaient. Les plans convenaient à leur
façon de vivre.
Aujourd'hui, si on se promène dans les maisons du Québec,
on voit que les gens vivent d'une façon qui est particulière, qui
est différente. Quand on va en Grèce, on voit que les gens vivent
d'une façon particulière. Essentiellement, le droit c'est quoi?
C'est le reflet des valeurs fondamentales, des valeurs auxquelles on croit.
Vouloir faire interpréter nos coutumes, notre culture et notre
identité par les gens d'ailleurs, ce n'est pas normal. C'est une forme
de colonialisme incroyable pour un peuple de 6 500 000, organisé sur le
plan technique comme il l'est, que de retourner sur le plan des institutions au
colonialisme du XIXe siècle.
C'est cela qu'a proposé le député de Jean-Talon
sous la férule du député de Gatineau et, aujourd'hui,
c'est ça que nous avons. Avait-on besoin de faire interpréter
notre droit par les tribunaux de "common law", par les tribunaux de
l'île-du-Prince-Édouard ou de la Saskatchewan? Avait-on besoin de
ça? Il me semble que poser la question, c'est y répondre. Ce
n'était pas nécessaire. Il n'y a aucune utilité à
cela. On a beau chasser les sorcières en disant: Oui, mais Roncarelli,
Duplessis. Hein? On pourrait dire aussi Morin versus Ryan. Cela aussi serait de
la jurisprudence. Pourtant les gens sont allés devant les tribunaux, ils
n'avaient pas ces chartes et le droit s'est exercé. Avant même ces
grandes chartes, le droit s'est exercé parce que la façon de
vivre, l'état du droit ne permettait pas cette discrimination.
Aujourd'hui, notre droit reflète nos valeurs communes et
démocratiques telles que voulues comme valeurs de notre culture. Il ne
faut pas se faire de grands schémas, au fond, le droit c'est
essentiellement la façon de vivre. Avant que ce soit écrit,
c'étaient des coutumes. Cela n'a pas toujours été
écrit. Cela a été des coutumes. Nos ancêtres, en
1774, les premiers droits qu'ils ont voulus, ce sont leurs droits civils pour
pouvoir faire leurs contrats entre voisins, pour pouvoir réglementer
leur vie à leur façon, selon leurs traditions. Vous savez qu'une
grande partie de ces gens ne savait ni lire ni écrire, mais ils
connaissaient leurs traditions, leurs coutumes et la façon de faire. Ils
voulaient vivre selon leur façon de faire.
Pourquoi aujourd'hui vouloir changer tout cela? Des mesures de guerre,
ce n'est pas notre société qui a apporté cela ici. C'est
venu de l'autre côté de la rivière. Aujourd'hui, on dirait
qu'on serait mieux protégé par les gens de l'autre cflté
de la rivière. Je n'ai pas le sentiment que les Québécois
ont beaucoup de leçons de démocratie, de tolérance
à apprendre. Nous ne sommes pas dans la Grèce des colonels. Nous
ne sommes pas dans les Philippines de Marcos. Nous ne sommes pas dans la
Grèce des Duvalier non plus ici. Dans le Haïti de Duvalier.
Des voix: ...
M. Garon: Oui, dans un certain sens. Qu'est-ce que cela veut
dire? Cela veut dire qu'ici c'est une façon de vivre. Il n'y a pas
beaucoup d'endroits dans le monde où il y a une tradition de
tolérance, d'absence de discrimination comme il y en a une ici. Il n'y
en a pas beaucoup dans le monde. On nous fera croire après cela, dans un
esprit de colonialisme, qu'on a besoin de se faire indiquer la voie de la
liberté, la voie des droits fondamentaux, par ailleurs. Pourquoi? Nous
sommes essentiellement un peuple, et ces règles sont fondamentales.
L'application de la charte canadienne viendra d'une interprétation
largement dominée par la culture anglo-saxone. Je n'ai rien contre la
culture anglo-saxone, sauf que ce n'est pas celle de notre monde, de notre
société, qui a évolué différemment. Dans
certains cas, cela se ressemble beaucoup, mais dans d'autres cas, c'est
différent. (20 h 50)
Pourquoi vouloir faire interpréter notre jurisprudence? Parce que
c'est cela, au fond. La charte - quand le député de Jean-Talon
parle de la charte - la charte, il n'y pas de problème. Il n'y a pas de
problème dans des chartes. Le problème, c'est de soumettre
l'administration du droit à des tribunaux qui ne sont pas les
nôtres, qui ne sont pas dirigés par notre système de droit
et qui vont être influencés largement par un système de
droit qui n'est pas le nôtre.
On sait qu'il n'y a pas seulement le droit écrit. Dans le droit,
il faut qu'on se réfère souvent d'une façon presque
automatique, innée. Les juges ne peuvent pas se dissocier de leur
société normalement. Il y a une grande partie en arrière
du droit, il s'agit de coutumes ou de façons de faire.
On sait, souvent naturellement, que telle chose dans notre
société n'est pas tolérable, alors qu'ailleurs, ce l'est.
Dans notre société, certaines choses sont largement
tolérables, facilement tolérables, alors qu'ailleurs, cela ne
l'est pas, parce qu'on est plus ou moins puritain, parce qu'on a plus ou moins
telle ou telle façon de penser dans notre société.
Pourquoi le Québec aurait-il besoin d'une charte canadienne alors
qu'il a une charte québécoise qui le protégeait et qui le
protège largement? Pourquoi soumettre l'ensemble à l'ensemble des
tribunaux canadiens qui interprétera chacun des droits fondamentaux de
la charte canadienne et qui influencera tout notre système de droit?
La jurisprudence ainsi établie sera largement influencée
par le "common law". Les règles fondamentales de droit seront
interprétées de la même façon en Ontario, en
Saskatchewan et au Québec. Pourtant entre le Saskatchewan, l'Ontario et
le Québec, il y a beaucoup de choses qui sont différentes dans la
culture et la conception des choses.
Quand M. Ryan nous dit qu'on est mieux protégés par les
autres que par nous-mêmes, qu'on sera mieux protégés par
les tribunaux anglais ou canadiens-anglais, moi, je vous dis qu'il y a quelque
chose de dénaturé dans tout cela. Nous sommes une minorité
dans l'ensemble canadien, et il n'y a rien de mal à être une
minorité. Mais être une minorité, par exemple, cela oblige
à des combats plus grands, à une façon de faire
différente.
Si le peuple québécois n'avait pas été si
combatif au cours des années, tout le peuple québécois,
c'est le peuple québécois avec les influences qu'il a eues, mais
avec sa façon de vivre qui est différente... Nous sommes une
collectivité différente également en Amérique du
Nord. Je ne peux pas comprendre le député de Jean-Talon et le
député d'Argenteuil quand ils nous disent que nous allons
être mieux protégés par les autres; je ne peux pas
comprendre ce raisonnement.
Je ne peux pas comprendre comment on peut penser que
l'interprétation de notre droit avec l'influence d'une charte canadienne
interprétée par les tribunaux anglo-saxons, de formation de
"common law", va mieux faire notre affaire que si nous avons notre propre
charte.
La charte canadienne fait passer de l'Assemblée nationale vers un
pouvoir judiciaire anglo-saxon et très centralisé la
capacité de décider en dernier ressort de la définition
des droits et des libertés, et sans que le Québec n'ait eu un mot
à dire. Il y a un peuple ici? Il y a le peuple québécois,
un peuple distinct dont le droit est le gardien des valeurs. Si on n'avait pas
une culture et des valeurs qui nous sont propres, notre peuple n'aurait pas
besoin d'exister. Notre peuple s'affaiblirait immédiatement et j'imagine
que, si le peuple savait demain matin que cela pourrait être le cas, on
serait surpris du choix qu'il ferait. On serait surpris, parce que je pense
qu'immédiatement, une grande partie de notre peuple demanderait de
devenir nord-américain. Pourquoi se tracasser au sujet du
libre-échange? En tant qu'une autre province américaine, on nous
ferait participer au libre-échange d'une claque et d'un coup sec, sans
même une discussion, sans même une négociation.
C'est ce qui fait que le peuple québécois, au fond, tient
à ses institutions parce qu'il a conscience d'être
différent, d'être un ensemble humain différent qui s'est
forgé au cours des années graduellement, non pas par un trait de
plume qui s'est fait la nuit ou en fin d'après-midi, sans même un
fonctionnaire pour l'annoncer dans un communiqué. Le peuple s'est
forgé graduellement par des apports humains de toutes sortes qui ont
fait, avec ses traditions, avec l'évolution, un ensemble humain
particulier. C'est cet ensemble humain que le peuple québécois
veut protéger.
Les libéraux n'ont pas eu de mandat au
cours de cette élection pour faire cela. Ils n'en ont
parlé d'aucune façon et jamais ils n'ont dit, après toutes
les luttes qui ont été faites par nos ancêtres pour
obtenir, en 1774, ces droits civils qui ont été
protégés au cours des années, que d'un trait de plume
notre droit civil serait trahi de cette façon. C'est une
véritable trahison par rapport à notre façon de faire, par
rapport à notre droit civil. Nous ne pouvons pas le permettre. C'est
pourquoi cette motion de blâme est si importante. Les libéraux en
sont tellement conscients qu'ils ont dit que la charte était la loi la
plus importante. Il n'y a même pas eu un communiqué de presse, il
n'y a même pas eu une déclaration ministérielle, il n'y a
rien eu. Cela a été traité comme une maladie honteuse,
comme si le gouvernement avait honte.
La plus grande charte, la loi suprême qui va protéger nos
libertés fondamentales, on l'a traitée comme quelqu'un qui vient
de découvrir qu'il a une malade honteuse. Voilà qu'on va nous
faire croire qu'ils ont ressenti que nos meilleurs droits reposeraient sur
notre système de valeurs. C'est un peu anormal, il n'y a personne qui va
nous faire croire cela.
J'écoutais le député d'Argenteuil qui nous disait
qu'il fallait être franc. Imaginez-vous! Un gouvernement va prendre une
telle décision sans rien... On l'a appris parce que Léon Dion a
dû se sentir gêné et il a dû penser, comme je connais
le professeur Dion: Mon silence me rendra complice de cette décision
honteuse. C'est pourquoi c'est lui qui a annoncé indirectement, par sa
démission, la décision du gouvernement. Il n'a pas voulu
être complice par son silence de cette décision, et il a
démissionné. Ce n'est pas n'importe qui, Léon Dion. Pour
annoncer l'arrivée de Léon Dion comme conseiller, il y a eu un
communiqué de presse, il y a eu une conférence de presse.
Lorsqu'il a quitté, parce qu'il avait quitté depuis plusieurs
jours, il n'y a rien eu, aucun communiqué, aucune déclaration et
une charte aurait été adoptée sans une seule
déclaration du gouvernement du Parti libéral.
Les gens vont venir nous dire, ces jeunes députés qui sont
là, qui arrivaient, tout feu tout flamme, pleins d'idéal, ils
vont participer à cette trahison sans dire un mot, d'une façon
incroyable. Pensez-yî Sur la charte des droits qui va diriger notre
société fondamentalement, au point de vue des grandes
libertés et de l'interprétation du droit, il n'y a même pas
eu un communiqué, il n'y a même pas eu une décision
publique. C'est simplement parce que le principal conseiller du gouvernement
n'a pas voulu se faire solidaire et complice de cette décision et qu'il
a démissionné que nous l'avons appris et que les journaux l'ont
appris.
M. le Président, quand on travaille dans une équipe, il
faut que chacun joue son rôle.
Ce n'est pas comme au Parti libéral, où le
député de Gatineau sort...
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Garon: Il ne faudrait pas que vous preniez les désirs
du ministre de la Justice pour des réalités. Vous avez
remarqué que ça l'a tellement fatigué qu'il n'est pas venu
de la journée. Peut-être que sa conscience lui parle un peu aussi;
il n'aime pas beaucoup ce genre de décision que le gouvernement prend.
La seule chose que je vous dis aujourd'hui, c'est que vous venez
d'asséner un clou sur un tombeau dont on va parler longtemps.
Aujourd'hui, la motion de blâme qui a été
présentée par le chef de l'Opposition est le départ d'une
bataille qui va durer jusqu'à ce que cette chose soit
résorbée, soit changée, parce que le peuple
québécois n'acceptera pas que tous les droits pour lesquels il a
combattu pendant 200 ou 225 ans soient brimés d'une seule claque par la
signature d'un jeune député qui, de façon intempestive, a
voulu prendre une telle décision, décision, comme l'a dit le
professeur Dion, incroyablement maladroite. (21 heures)
Le Vice-Président: Je cède la parole à Mme
la députée de Vachon.
Mme Christiane Pelchat
Mme Pelchat: M. le Président, la motion qui nous concerne,
aujourd'hui, touche la décision de notre gouvernement de ne plus
recourir systématiquement à la clause dérogatoire
prévue à l'article 33 de la Charte canadienne des droits et
libertés.
En effet, le gouvernement décidait, le 5 mars dernier, de ne plus
inclure systématiquement dans les lois québécoises une
clause les soustrayant aux dispositions de certains articles de la Charte
canadienne des droits et libertés. Il y est précisé, il
est entendu que le gouvernement pourra se prévaloir de cette
prérogative chaque fois que le lui dictera l'intérêt
collectif.
Il me paraît tout à fait normal et évident pour un
gouvernement libéral d'adopter une telle position de principe. Le
gouvernement l'a fait parce que l'utilisation de la clause "nonobstant" de la
charte dans toutes nos lois enlève la protection des droits et des
libertés fondamentales telles que la liberté de conscience, la
liberté de religion, la liberté de croyance. En plus, elle
enlève toutes les garanties juridiques, elle annule toute protection
contre la discrimination et enlève la reconnaissance de
l'égalité de tous face à la loi.
Depuis 1982, les citoyens et citoyennes du Québec étaient
sous-protégés dans leurs droits et libertés,
sous-protégés comparativement à la population du reste du
Canada.
Nous étions moins bien protégés au Québec
qu'en Ontario. C'est cela que signifie l'utilisation systématique de
ladite clause.
Le gouvernement a éliminé, par sa prise de position, cette
situation injuste et l'Opposition crie au scandale. Mais tel qu'annoncé
par le Parti libéral, la position du gouvernement est le premier pas
pour redonner au Québec un rôle positif dans les relations
intergouvernementales. Je vois mal pourquoi l'Opposition manifeste,
aujourd'hui, autant de surprise devant une position que le Parti libéral
a toujours soutenue et que l'on applique aujourd'hui. Pour notre gouvernement,
le recours systématique à cette clause n'est plus
nécessaire. La décision du gouvernement précise bien que
l'on pourra se prévaloir de cette prérogative lorsque les
intérêts du Québec le dicteront.
Un exemple qui illustre bien la privation des droits résultant de
l'insertion de la clause dérogatoire dans nos lois est sans doute la
discrimination que le Parti québécois a maintenue pendant ces
dernières années face aux jeunes bénéficiaires de
l'aide sociale. Comme on le sait, les bénéficiaires de l'aide
sociale âgés de moins de 30 ans sont victimes de discrimination
à cause de leur âge. L'utilisation de la clause "nonobstant" a
pour effet de soutraire l'application de cette loi à l'article 15 de la
Charte canadienne des droits et libertés qui veut que tous aient droit
à la même protection et aux mêmes bénéfices de
la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment de
discrimination fondée sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la
couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales
ou physiques. Cette situation a pour effet de déposséder les
jeunes bénéficiaires d'une possibilité de recours que leur
reconnaît l'article 24 de la charte canadienne.
Le chef de l'Opposition nous dira sûrement que ce droit est aussi
inscrit dans la charte québécoise. Cependant, je lui rappellerai
que la charte québécoise comporte également une clause de
dérogation que le gouvernement du Parti québécois a
utilisée plus de 18 fois, spécialement dans le cas de la loi 111
où des droits fondamentaux ont été écartés
du revers de la main. L'utilisation systématique de cette clause a eu
pour effet de légitimer la discrimination face aux jeunes en
matière de prestations d'assistance sociale.
La position du gouvernement libéral de ne plus disposer de la
clause "nonobstant" à toutes les sauces est, selon moi, un premier pas
vers le rétablissement de l'égalité juridique de tous les
citoyens, jeunes ou vieux, face au statut qu'on leur donne dans la loi. Non
seulement le geste du gouvernement va-t-il dans le même sens que nos
engagements électoraux en matière constitutionnelle, mais le
geste va aussi dans la même veine que nos engagements face à
l'élimination de la discrimination sur le critère d'âge en
matière d'aide sociale.
J'ajouterai que notre position est tout à fait légitime et
éclairée puisque les Québécois pourront maintenant
profiter d'une plus grande protection de leurs droits et libertés. De
plus, il faut absolument préciser qu'il ne s'agit aucunement, comme le
prétend l'Opposition, de l'abandon de la clause "nonobstant", mais
plutôt de l'abandon de l'attitude négative du gouvernement
péquiste d'y recourir systématiquement. La polémique
entourant ce débat illustre très bien, encore une fois, la
différence fondamentale entre le Parti libéral, qui en est un
fédéraliste, et le Parti québécois, parti
indépendantiste. Mais au grand désarroi du Parti
québécois, le 2 décembre, la population a choisi de
façon très claire de rester membre de la fédération
canadienne et de profiter de tous ses avantages. Merci.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président: Mme la députée de
Maisonneuve, vous avez la parole.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. On a dit, au cours du
débat, cet après-midi, que ce n'était pas
nécessaire d'être avocat pour participer au débat sur cette
motion. Mais quand on est avocat, juriste et, en plus, ancien professeur de
droit constitutionnel, comme le ministre des Relations internationales, alors
là, je pense qu'on n'a pas le droit de laisser planer n'importe quoi,
surtout dans le domaine des droits. Que l'on décide d'opter, comme l'a
fait le Parti libéral, pour la primauté de la Charte canadienne
des droits, qui a été imposée au Québec sans son
consentement, qu'on décide d'opter pour la primauté de cette
charte, c'est là un choix politique contesté, contestable, mais
légitime. Mais que l'on utilise une argumentation juridique, comme l'a
fait le ministre cet après-midi, pour confondre dans cette Chambre les
Québécoises et les Québécois qui nous
écoutent, à savoir que sur le fond des droits eux-mêmes les
Québécoises et les Québécois avaient
été privés, étaient moins bien
protégés, étaient pris en otage, ajoute-t-il, par
l'utilisation de la clause dérogatoire, alors là, cette attitude
dépasse ce qu'il est permis de faire en politique, même dans cette
Chambre.
Les ministériels d'en face ont parlé comme si les
dispositions fondamentales des articles 2 et 7 à 15, retranchés
par l'utilisation de la clause dérogatoire, ne trouvaient plus
application, ne trouvaient pas autrement application dans les dispositions
équivalentes de la charte québécoise toujours
en vigueur. Quiconque, de bonne foi et de bon sens, écoutait les
débats cet après-midi pouvait se poser la question: Mais de quels
droits fondamentaux au juste aurais-je été privé qu'il
était urgent pour le nouveau gouvernement de rétablir? Aucun,
faut-il répondre.
De quels droits fondamentaux les Québécois ont-ils
été privés? Il n'y a jamais eu ni vide juridique ni vacuum
puisque les dispositions fondamentales de la charte québécoise
s'appliquaient. Si certains imaginent que sur le plan des droits
eux-mêmes, nous étions perdants avec la charte
québécoise, qu'ils se détrompent. Je leur rappellerai ce
qu'en disait l'actuel ministre de la Justice lorsqu'il était dans
l'Opposition. "Notre charte, disait-il, est la plus progressiste, la
législation la plus progressive." Il ajoutait même: "Nous pouvons
et devons être fiers de nos accomplissements dans le domaine de la
protection des droits et libertés de la personne."
Je voudrais me référer à un récent cahier de
formation du Barreau du Québec qui portait justement sur l'interaction
des chartes canadienne et québécoise des droits et
libertés. On peut lire, à la page 184 de ce cahier de formation
des avocats du Québec, ceci: "La Charte des droits et libertés de
la personne offre-t-elle la même protection que la charte
constitutionnelle?" On répond: "Sur le fond des droits eux-mêmes,
la réponse paraît être affirmative. J'ajouterais même,
dit l'auteur, que certains droits prévus dans la charte
québécoise ne se retrouvent pas dans la charte canadienne". Et il
cite le droit au respect de la vie privée, article 5, à la
jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, article 6,
au secret professionnel, article 9, à l'avocat, article 34. (21 h
10)
On pourrait ajouter - ce n'est pas exhaustif - que l'on retrouve
également dans la charte québécoise l'interdiction de la
discrimination à l'égard d'une femme enceinte ou qui a
l'intention de le devenir, ce qu'on ne retrouve pas dans la charte
constitutionnelle; la reconnaissance de l'égalité entre les
femmes et les hommes; et plus encore que dans la charte canadienne, la
reconnaissance du droit à un salaire égal pour un travail
équivalent; l'interdiction de la discrimination fondée sur les
convictions politiques, sur la condition sociale, sur l'orientation
sexuelle.
Alors, si ce n'est pas sur le plan des droits eux-mêmes, demandent
les Québécois qui ne sont pas avocats, mais qui suivent ce
débat ce soir, si ce n'est pas sur le plan des droits, quelle
était donc l'urgence et quels sont donc les avantages de recourir
à la charte canadienne? Certainement pas à cause des recours
puisque la charte constitutionnelle oblige à un recours devant les
tribunaux contrairement à la charte québécoise qui permet
un recours à la Commission des droits de la personne; pas plus à
cause des limites qui peuvent être apportées aux droits
eux-mêmes contenus dans chacune des chartes. Il faut rappeler que chaque
charte comprend une clause dérogatoire. Sur les clauses limitatives
elles-mêmes, je me réfère toujours à ce cahier de
formation du Barreau dans lequel on pouvait lire: "D'une part, l'article 1 de
la charte constitutionnelle vise tous les droits alors que l'article 9.1 de la
charte québécoise ne vise que les droits fondamentaux. En
conséquence, y lit-on, la protection de la charte
québécoise paraît plus complète en ce sens que moins
nombreux sont les droits dont la restriction pourra se justifier par une
dérogation générale."
Finalement, nous en arrivons à la vraie différence au
coeur du débat. La charte québécoise n'a pas de statut
constitutionnel au sens fort. Elle peut être modifiée comme une
loi ordinaire. Tandis que la procédure de modification de la charte
constitutionnelle canadienne est ainsi faite qu'il est impossible pour le
Québec d'obtenir quelque changement majeur sans l'accord des deux
Chambres du Parlement fédéral et des Législatures d'au
moins les deux tiers des provinces anglaises, six provinces sur neuf. A
contrario, il faut voir là qu'il est évident que le Québec
pourrait aussi se faire imposer un changement majeur contre sa volonté,
comme le "Canada Bill" lui-même, mais cette fois, en toute
quiétude de conformité à la procédure de
modification.
Il en va des chartes de ce que les sociétés en font. Il
n'y a aucune raison de s'enorgueillir, de céder aux tribunaux le soin
d'arbitrer l'évolution d'une société. Il n'y a aucune
raison de se réjouir de ce qu'une charte des droits ne puisse
pratiquement pas être modifiée.
S'il y a une leçon à tirer, c'est bien celle de la longue
campagne inachevée des femmes américaines pour obtenir le "Equal
Rights Amendment" présenté pour la première fois au
Congrès américain en 1923, il y a 63 ans. Cet amendement n'est
toujours pas en vigueur. L'histoire nous rappelle que, adopté par le
Congrès en mars 1972, il a été soumis à la
ratification des États en 1972, alors qu'il faut que 38 États
ratifient l'amendement pour qu'il soit adopté. En 1977, 35 États
le ratifient, mais 3 États ne le font pas; en 1983, 35 encore le
ratifient, 4 votent contre. En 1985, l'amendement n'est toujours pas
adopté. Après 63 années, l'amendement n'est toujours pas
en vigueur.
M. le Président, quand on parle de charte de droits et
libertés, comme l'a si bien dit le député de Lévis,
on parle essentiellement de valeurs, de questions fondamentales à
arbitrer, comme c'est inévitable dans une société en
mutation. Le
ministre des Relations internationales nous a dit, cet
après-midi, que les Québécois et les
Québécoises pouvaient compter sur lui et sur son gouvernement
pour négocier et faire reconnaître le caractère distinct de
la société dans le préambule de la constitution. Je sais
que, pour lui, cette garantie juridique - il l'écrivait lui-même
dans ce cahier de formation du Barreau - était indispensable. Compte
tenu que la première condition de spécificité d'une
société, la première condition de son identité,
c'est certainement d'être responsable dans la plus large mesure possible
de ses propres valeurs fondamentales, y compris les droits de la
collectivité et les libertés de chacun, pourquoi ne pas, M. le
ministre des Relations internationales, faire reconnaître la
primauté de la charte québécoise dans le préambule
de la constitution? Pourquoi justement? Est-ce que ça ne serait pas plus
efficace que de réclamer la nomination de juges québécois
pour interpréter une charte canadienne? Merci.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Maisonneuve. M. le député de Mille-Îles.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: Je m'associe immédiatement aux
commentaires de mes collègues de la majorité ministérielle
relativement à leur distinction quant à la Charte canadienne des
droits et libertés comparativement à la charte
québécoise des droits et également quant aux autres
distinctions faites relativement à la Loi constitutionnelle de 1982.
Ce qui m'amène à parler, ce soir, bien entendu, c'est
l'énoncé par décret, en date du 5 mars 1986, par le
gouvernement du Parti libéral du Québec d'une intention qui est
la suivante: De ne pas inclure systématiquement dans les lois
québécoises -ce que faisait le gouvernement du Parti
québécois - une clause les soustrayant aux dispositions de
certains articles de la Charte canadienne des droits et libertés,
étant entendu que le gouvernement pourra se prévaloir de cette
prérogative chaque fois que le lui dictera l'intérêt
collectif.
Dans les courtes minutes qu'il me reste, je pense que la question
fondamentale qu'il faut se poser est: Pourquoi l'ancien gouvernement du Parti
québécois a-t-il utilisé systématiquement cette
clause? Moi, je vois trois motifs. Le premier motif, c'est avant tout pour
corriger la bévue constitutionnelle de 1981, la perte du droit de veto
par le gouvernement qui n'a pas su et n'a pas voulu négocier avec les
autres provinces canadiennes et le gouvernement fédéral. Quand on
nous parle de la nuit des longs couteaux, le 5 novembre 1981, il y a d'autres
versions que la version des gens de l'Opposition, qui étaient au pouvoir
à cette époque. Je fais référence à un
article publié dans la Gazette de Montréal, le 10 novembre 1984,
à la page J-l, où d'autres participants tels que M. Roy Romanow,
qui était le Procureur général du gouvernement de la
Saskatchewan et qui a écrit un volume en compagnie de deux autres
fonctionnaires, MM. John Whyte et Howard Leeson du gouvernement de la
Saskatchewan, qui ont affirmé dans leur volume la position suivante:
"Quebec had planned well for a constitutional war, but not at all for a
constitutional peace". À un autre endroit: "Quebec's sole objective at
this stage of the negotiations was to wreck Ottawa's plan for patriation".
Bien entendu, il faudrait peut-être retourner à d'autres
éminents constitu-tionnalistes qui, par le passé, ont fait
démarrer au Québec ce qu'on connaît maintenant comme des
causes un peu extraordinaires dans le domaine du droit constitutionnel. Je fais
référence à M. Stephen A. Scott qui était
associé, à l'époque, à la cause de Roncarelli. M.
Scott, dans un article publié en 1982, dans un texte intitulé
"The New Constitution and the Charter of Rights", on disait ceci à la
page 309: "My depression as details of the accord came through the wire
services flowed in part from the realization that the characteristic response
of the Parti québécois Government would be to frustrate the
entire scheme and to enact "override" clauses in all legislation as a matter of
course, partly on principle, partly to numb the public to the use of the power
and to call no special attention to any particular legislation in which it was
employed". (21 h 20)
Monsieur, Scott fait référence, à la page suivante,
à la page 310, à la loi qui a suivi immédiatement la loi
62. La loi qui suivait immédiatement la 62, Mme la Présidente,
c'était la Loi concernant la Raffinerie de sucre du Québec, une
loi dont on a beaucoup parlé ces derniers temps en Chambre et ce
célèbre auteur en droit constitutionnel nous dit: "In a political
sense, this is not a bona fide exercise of the power confered by Section 33.
But I cannot see how "judicious" use of that power, if such a thing has any
meaning, can be imposed judicially and made a matter of legal obligation". Ce
que disait le professeur Scott était tout simple. C'est que
c'était impensable que dans la loi qui suivait immédiatement la
loi 62 on applique systématiquement le blocage constitutionnel à
une loi qui touchait à la création d'une raffinerie de sucre.
Je vais traiter, Mme la Présidente, également, de deux
auteurs, Henri Brun et Guy Tremblay, qui ont souligné une autre raison
pour laquelle le Parti québécois a agi
ainsi. Je cite du Droit constitutionnel, supplément, 1er juin
1985, les professeurs Henri Brun et Guy Tremblay aux pages 67 et 68: "Une
constitutionnalisation relative qui, dans les domaines de compétence
québécoise, laisse le dernier mot à la Législature
québécoise répond à nos yeux de façon
équilibrée aux droits individuels des personnes et aux besoins
collectifs d'une communauté fragile, ce qui ne veut pas dire que le
mécanisme de la clause de dérogation expresse soit la seule
façon d'atteindre cet objectif.
Troisième motif pour lequel le Parti québécois a
utilisé cette clause de dérogation expresse dans toutes les lois,
à compter de 1982 et même rétroactivement jusqu'à
1975, c'est la notion de la fragilité de la société
québécoise. Dans la conception péquiste, la nation
québécoise, les gens qui demeurent au Québec, ce sont des
gens fragiles; ils ont besoin de protection additionnelle. Nous avons besoin
d'un repli sur nous. Nous avons, par conséquent, une peur d'autrui, une
peur de l'étranger et l'étranger, bien entendu, c'est le reste du
Canada.
Les trois objections que le chef de l'Opposition a soulignées
dans l'article de la Presse du 18 mars 1986, Mme la Présidente, je vais
les traiter à tour de rôle. Je pense qu'elles ne soutiennent pas
une analyse minutieuse.
Premier point. Le chef de l'Opposition s'exprime: "La charte canadienne
est incomplète et l'utilisation systématique de la clause
dérogatoire permettait, en attendant tous les jugements des tribunaux,
une certaine compatibilité des lois du Québec".
L'affirmation est fausse et erronée, première des choses.
La Charte canadienne des droits et libertés comporte plusieurs droits et
libertés civils non inclus dans ceux du Québec: mobilité,
circulation, et il y en a beaucoup d'autres également.
Deuxième point. La charte canadienne se conforme en tout point au
modèle que tous les peuples occidentaux ont élaboré depuis
des décennies. Nous pouvons retourner à la Magna Carta en 1215.
Je pourrais, Mme la Présidente, vous faire une citation élogieuse
de tous les États américains qui, à tour de rôle,
à partir de 1606 avec la Virgine, la Nouvelle-Angleterre en 1620, le
Massachussetts en 1629, le Maryland en 1632, le Connecticut en 1662, le Rhode
Island en 1632, jusqu'à la Déclaration d'indépendance et
également la charte constitutionnelle, ont l'inclusion et
l'enchâssement dans leur constitution d'une Charte des droits et
libertés de la personne.
Également, on nous dit qu'il est inutile d'attendre les
décisions des tribunaux pour voir s'il y a incompatibilité parce
que la thèse du Parti québécois, c'est que les tribunaux
ne devraient pas être supérieurs à l'Assemblée
nationale. Pourquoi nous sortir cet argument? Il ne tient pas. On nous dit: On
va attendre les décisions des tribunaux. Mais la position de
l'Opposition, c'est justement de dire: Non, nous voulons garder notre
souveraineté à l'Assemblée nationale. L'argument ne tient
pas, à sa face même.
Il y a également une erreur sur la notion
d'incompatibilité. Alors que la théorie du Parti
québécois est de rejeter la primauté des tribunaux, je
voudrais citer un article de la Presse du samedi 5 mars 1983, où on
parlait des fameuses poursuites de la loi 111. Je cite Louis Falardeau: "II
faut aussi dire que cet article 28 n'est pas illégal, puisque les
chartes canadienne et québécoise, par leurs articles 33 et 52,
permettent expressément pareille dérogation. Mais il est certain
qu'elle devrait être exceptionnelle, si on ne veut pas que nos chartes
perdent leur caractère fondamental et deviennent des lois comme les
autres." Il semble que le Parti québécois n'ait pas compris.
Ceci étant dit, et pour couper directement dans la discussion,
j'aimerais conclure en disant que contrairement à ce que les gens de
l'Opposition essaient de nous faire croire et surtout à ce que les gens
de la presse essaient de nous faire dire... Je cite le Devoir du 18 mars 1986,
à la page 8: "Le nouveau gouvernement, de façon
unilatérale et subreptice, sans en informer l'Assemblée
nationale, jette un important atout sur la table sans garantie préalable
et sans condition."
Je dis deux choses en conclusion. Premièrement, les droits et
libertés fondamentaux des Québécois ne sont pas des
atouts, parce qu'on ne joue pas aux cartes avec ces droits et libertés.
Par voie de conséquence, il est évident que pour nous du Parti
libéral du Québec, comme l'a si bien dit dans des articles de
journaux très récents le chef de l'Opposition qui voulait que son
parti laisse tomber son petit côté soviétique, nous
voulons, de façon très résolue, que ce petit
côté soviétique soit éliminé et qu'un
individu ait des droits supérieurs aux droits de l'Assemblée
nationale par voie et en considérant la justice naturelle, les droits,
les libertés fondamentales.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Mille-Îles. M. le leader du gouvernement.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Mme la Présidente, encore aujourd'hui, avec
cette motion de blâme, le Parti québécois est fidèle
à lui-même. Écran de fumée derrière lequel le
Parti québécois voudrait cacher le manque de cohérence
dans son option constitutionnelle. On voit, d'une part, le député
de Lévis ressortir le discours indépendantiste, pour ensuite
entendre le chef de l'Opposition nous parler de l'ouverture de son parti face
à la fédération
canadienne.
M. le Président, la seule raison qui motive le Parti
québécois à présenter cette motion de blâme,
c'est qu'il voudrait faire croire aux Québécois que ce qu'il a
fait à compter du 16 avril 1981 était la chose à faire.
Ils nous accusent d'avoir improvisé, d'avoir commis une erreur
stratégique. Là-dessus, ils sont connaissants, les gens du Parti
québécois, parce qu'une erreur stratégique, ils en ont
commis tout une, le 16 avril 1981, quand, trois jours après
l'élection générale, ils sont allés signer un
document avec sept autres provinces canadiennes dans lequel ils reconnaissaient
implicitement que le Québec était une province comme les autres,
que la spécificité du Québec n'existait plus. (21 h
30)
C'est cela que ces messieurs d'en face ont signé le 16 avril.
Ont-ils présenté la chose devant l'Assemblée nationale
comme ils nous reprochent de ne pas avoir fait? Mais non. Ont-ils
consulté quiconque? Absolument pas! Le résultat concret de cela,
cela n'a pas été simplement d'affaiblir la position
stratégique du Québec. Cela a été effectivement de
faire perdre le pouvoir de veto du Québec, pouvoir de veto qu'on n'a
jamais eu, me lance-t-on de l'autre côté, mais qu'on a
exercé par exemple. Le chef actuel du gouvernement l'a exercé
à Victoria en 1971. On l'a exercé, ce pouvoir qu'on n'a jamais eu
et que vous n'avez pas perdu, messieurs du Parti québécois.
C'est à la suite de cet impair, cette erreur historique du Parti
québécois qu'on a commencé, après l'entente
constitutionnelle... M. le Président, il ne faudrait surtout pas que le
député de Lévis s'étouffe. ls ont voulu essayer de
cacher à la population cette erreur historique en faisant quoi? En
adoptant une politique de bouderie. On a fait du boudin. Dans toutes les lois
que l'Assemblée nationale du Québec a adoptées,
systématiquement, sans aucune espèce de raison, sans aucune
justification, on retrouvait constamment cette clause "nonobstant" simplement
pour essayer de faire croire à la population qu'on s'était fait
avoir. Effectivement, le gouvernement du Québec, le gouvernement
péquiste s'est fait avoir à l'automne 1981 à Ottawa. Il
s'est fait avoir parce qu'il dormait de la même façon qu'il
dormait en décembre dernier. Quand le député de
Lévis prétend que, pour la première fois, le nouveau
gouvernement libéral a exercé cette décision de ne plus
inclure la clause "nonobstant", c'est au mois de février... Où
étiez-vous donc en décembre dernier? On a adopté huit
projets de loi ici, entre le 15 et le 19 décembre. En quatre jours, huit
projets de loi. Il n'y en avait pas un seul qui contenait cette clause. Est-ce
que les députés du Parti québécois n'ont pas lu les
projets de loi?
Une voix: Voyons!
M. Gratton: La raison pour laquelle on a dû retirer par un
amendement cette clause "nonobstant" dans le projet de loi 2, c'est que
celui-ci avait été préparé par l'ancien
gouvernement - un projet de loi péquiste -et qu'on a dû le
corriger, comme on doit corriger combien d'autres choses que nous ont
laissées les gens du Parti québécois. Huit lois en
décembre, personne ne s'en était aperçu. Cela a pris un
journaliste de la Presse canadienne pour réveiller l'Opposition, pour
l'amener enfin à faire son travail.
Une voix: Exactement.
M. Gratton: Aujourd'hui, avec la motion d'amendement, on tente de
reprendre un peu le terrain perdu.
Une voix: Camouflage.
M. Gratton: C'était strictement une politique de bouderie.
On boudait, histoire de faire croire aux Québécois qu'on avait un
gouvernement, comme le dit le chef de l'Opposition, qui défendait les
droits du Québec.
Une voix: C'est Garon.
M. Gratton: Évidemment, au diable les droits des
Québécois! Ce n'est pas important. Que les
Québécois soient les seuls Canadiens à ne pas jouir des
mêmes droits, cela, c'est moins important, à condition que les
droits du Québec... Vous savez, vous vous rappelez la campagne
électorale. On a toujours les yeux fermés quand on parle du
Québec. Ce ne sont pas les discours ronflants qui nous parlent du peuple
québécois qui comptent, c'est bien plus des gestes concrets qui
visent à protéger les citoyens québécois. C'est ce
geste qu'a posé le gouvernement non pas le 5 mars en adoptant un
décret, parce que cela faisait déjà longtemps que la
décision était prise. Elle avait été inscrite dans
les projets de loi en décembre dernier. Huit projets de loi. Elle avait
été traduite par une motion d'amendement du projet de loi 2 pour
enlever la clause "nonobstant" du projet de loi dont nous avions
hérité du Parti québécois. C'est seulement
après que ces messieurs de l'Opposition aient feint l'indignation que
l'on a cru devoir l'officialiser. Cela nous semblait aller de soi.
De 1982 à 1985, à chaque fois que nous avions à
étudier des projets de loi en commission parlementaire, il n'y a pas une
seule occasion où on n'a pas fait état de notre opposition
à l'adoption de la clause "nonobstant". Dans chacun des cas, nous
l'avons fait. Le député de D'Arcy McGee, maintenant ministre de
la Justice, a prononcé des discours à répétition, a
écrit
des articles que je pourrais vous citer pour démontrer que les
libéraux n'étaient pas d'accord avec l'emploi systématique
de la clause "nonobstant".
Et tout à coup, on se surprend, de l'autre côté,
qu'on soit constant dans notre façon de faire. Je comprends que cela
surprenne les péquistes, eux qui ont l'habitude de tenir un discours
avant les élections et un autre après les élections. Mais,
pour nous, ce n'est pas comme cela que cela fonctionne.
En terminant, je dirai que je trouve bien drôle quand on parle de
ma personne comme étant le leader du groupe des neuf.
Des voix: Oui.
M. Gratton: Je vous dirai, mes chers amis, membres de
l'Assemblée nationale, et Mme la Présidente, que s'il y a un
geste que je n'ai jamais regretté, c'est celui que j'ai posé le 2
octobre 1981, alors que j'ai expliqué ce geste en disant que, sur le
fond, j'étais tout à fait d'accord avec la motion, et que, si
elle avait été présentée par quelque autre parti
que le Parti québécois, j'aurais voté pour la motion, mais
que je me refusais à faire confiance à des gens qui ne le
méritaient pas.
Nous étions neuf à l'époque à voter dans ce
sens, et on a vu l'utilisation partisane et malhonnête qu'a fait l'ancien
gouvernement de cette motion dans des annonces publiées dans les
journaux où on parlait de la motion Ryan-Lévesque. Je n'ai jamais
regretté ce geste et je le dis en toute candeur. Je n'ai pas besoin de
faire des virages à 180 degrés pour convaincre les gens de mes
convictions. Elles ont toujours été les mêmes.
Je vous dis ce soir que si l'Opposition est sérieuse, si
l'Opposition veut surtout que la population la prenne au sérieux, de
grâce, commencez donc par nettoyer les contradictions qui règnent
dans votre parti, commencez donc par nous dire là où vous vous
logez sur la question constitutionnelle. Dites-nous clairement où vous
vous logez, et, ensuite, on pourra peut-être vous prendre au
sérieux. En attendant, Mme la Présidente, on fera en sorte que
cette motion de blâme subisse le sort qu'elle mérite,
c'est-à-dire qu'on n'en parle plus, mardi.
Des voix: Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader du
gouvernement.
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, mon droit de
réplique.
La Vice-Présidente: Si vous me le permettez, j'aimerais
obtenir le consentement de la Chambre. On m'a informé qu'il y avait eu
entente entre les leaders et j'aimerais que l'Assemblée ratifie ce
consentement pour que les débats se poursuivent au-delà de 21 h
45 afin de continuer jusqu'à 22 heures. Est-ce qu'il y a
consentement?
Des voix: Oui, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition, votre
réplique.
M. Pierre Marc Johnson (réplique)
M. Johnson (Anjou): Merci, Mme la Présidente.
Évidemment, Mme la Présidente, vous comprendrez que je ne peux
pas ne pas réagir à la crise que vient de nous faire le leader et
"boss" en matière constitutionnelle de ce gouvernement, le
député de Gatineau. Il vient, à lui seul, de nous livrer
un chapitre entier d'Albert Memmi.
Je relèverai un certain nombre de choses. Les huit lois qui ont
été présentées avant Noël étaient huit
amendements à des lois existantes comportant le "nonobstant". Si le
leader comprenait cela, il ne dirait pas n'importe quoi. À l'exception
d'une, une loi des crédits pour laquelle jamais nous n'avions
utilisé le "nonobstant" auparavant. Bravo! Bien faits vos devoirs! Si
c'est comme cela que vous allez gérer les intérêts du
Québec, ce sera édifiant.
Deuxièmement, le leader ne nous dit pas qu'en commission
parlementaire, sur la loi 2, il a déposé tous ses amendements en
liasse, mais pas celui sur le "nonobstant" qui est arrivé à la
dernière minute, probablement sans que le nouveau député
de Jean-Talon ne le sache. Le député de Jean-Talon a
été pris, comme l'a si bien exposé mon collègue le
whip, au Conseil des ministres pour voir un Conseil des ministres ratifier un
geste impulsif, préjugé et découlant d'une vision
incantatoire de la politique...
Des voix: Oh!
M. Johnson (Anjou): J'y reviendrai, M. le Président, parce
que ce ne sont pas des arguments juridiques que l'on nous a servis. On nous a
servi de l'incantation politique pendant ce débat, pas des arguments
juridiques. Je crois que la députée de Maisonneuve l'a fort bien
démontré à l'égard, notamment, du
député de Jean-Talon. (21 h 40)
On nous dit et on nous a affirmé des hérésies ici.
Je pense en particulier à Mme la députée de Vachon qui a
dit: Les Québécois étaient sous-protégés.
Mais où a-t-elle pris cela, pour l'amour du ciel? D'abord, elle oublie
une chose assez fondamentale. C'est que notre histoire, notre passé, nos
traditions, notre culture, l'attachement du peuple québécois aux
droits et libertés, cela a précédé la charte
canadienne de 1982, et
que la liberté existait dans cette société avant
qu'on la codifie, quelque part dans un hôtel de l'autre côté
de la rivière. Avant qu'on en fasse la formulation abstraite, les droits
fondamentaux existaient. Ils ne sont pas de génération
spontanée. Cette façon démagogique de décrire et de
donner à la charte canadienne des vertus qu'elle n'a pas, comme si nous
étions un peuple incapable de définir sa liberté, c'est un
comportement qui travestit le sens du geste politique que vient de poser ce
gouvernement.
Deuxièmement, on nous parle de sécurité.
Sécurité à l'égard, de quoi, des clauses
dérogatoires? On nous a servi à satiété et a ad
nauseam la loi 111; on le sait. Elle nous a été servie
brutalement le 2 décembre, je l'ai dit. Mais il reste que charte
canadienne ou pas charte canadienne -le ministre de l'Éducation l'a dit;
au moins il a eu l'honnêteté intellectuelle de le dire dans son
discours - une loi comme la loi 111, comportant une dérogation, par
exemple, à la présomption d'innocence, pourrait fort bien
être adoptée par le Parti libéral, avec ou sans charte
canadienne. Et c'est leurrer les citoyens que de leur laisser entendre que, par
leur geste, il n'est plus possible de suspendre les droits fondamentaux et les
libertés fondamentales. Pour les amendements, c'est pour cela que serait
plus "sécure" la charte canadienne, parce qu'on ne peut pas l'amender?
Car c'est ce dont il s'agit. Là aussi, la démonstration est faite
que pour modifier les droits fondamentaux -et on a toujours modifié
à la hausse les droits fondamentaux au Québec, il faut se mettre
cela dans la tête aussi - on n'a jamais reculé depuis 25 ans. Au
contraire, chaque année, dans nos lois, on a augmenté l'aire des
droits et libertés dans cette société.
Les amendements deviennent impossibles pour nous. On n'en a plus
l'initiative et on pourrait même, dans le reste du Canada, décider
d'amender la charte canadienne qui s'appliquera dorénavant par
volonté politique sur notre territoire sans même qu'on ait
participé à cela. On appelle cela de la sécurité
juridique. J'appelle cela de la stagnation et de l'impuissance.
On nous dit: Ce qui rend aussi "sécures" les droits dans le geste
du gouvernement, c'est que la charte canadienne est constitutionnelle et que si
nous avions une constitution interne du Québec, cela resterait une
simple loi. Là, je regrette d'être en désaccord, car la
déformation juridique du ministre apparaît. Quel est le fondement
du droit constitutionnel canadien? C'est d'abord, historiquement, une loi du
Parlement anglais, puis le rapatriement de 1982. Comment? Par neuf premiers
ministres de provinces, un premier ministre fédéral, une
participation accessoire et secondaire des Législatures des provinces et
l'absence du
Québec.
Que serait une constitution interne du Québec? Elle trouverait sa
légitimité dans le peuple québécois. Pas dans une
chambre d'hôtel de l'autre bord de la rivière. C'est ça que
le ministre ne comprend pas, quand il dit qu'une constitution interne du
Québec ne serait qu'une simple loi. Non, elle ne serait pas une simple
loi si c'est le peuple québécois qui l'approuve. Vous ne pourriez
pas la modifier sans retourner devant le peuple. Je préfère 6 500
000 Québécois à neuf premiers ministres des autres
provinces.
Dans ce discours incantatoire où on citait Roncarelli C.
Duplessis, j'avais l'impression d'être en train de lire Cité libre
en 1957, en écoutant le député de Jean-Talon où
s'est formée cette vision misérabiliste de la capacité du
peuple québécois pour s'occuper de droits et libertés, et
qu'il a épousée ici en citant la cause Roncarelli C. Duplessis,
comme j'entends notre collègue de Mille-Îles qui cite Roy Romanow,
le tireur en chef de couteaux au moment de la nuit des longs couteaux à
Ottawa... Très édifiant.
Il y a aussi un choix. Vous dites: II y a un choix à
l'égard fondamentalement de votre adhésion ou non au projet
canadien. Le ministre de l'Éducation en a parlé ainsi que le
leader du gouvernement. Il faudrait donc conclure que l'actuel gouvernement a
embauché un conseiller politique senior en matière
constitutionnelle qui, parce qu'il n'accepte pas l'application de la charte
canadienne, ferait donc partie de ceux qui rejettent le Canada. Ce n'est
pourtant pas en ces termes qu'on a annoncé la nomination de M. Dion. On
nous a dit tout au long de ces exposés pour justifier ce geste
précipité... Le ministre et d'autres ont invoqué la
démarche constitutionnelle du Parti libéral composée de
plusieurs documents, un livre beige, des documents remontant à 1970,
sûrement des transcriptions de lignes ouvertes auxquelles aurait
participé un certain nombre de députés, un toast ou deux
à Ottawa du député de Gatineau au mois d'avril 1982,
évidemment, le programme du Parti libéral dont personne n'a
entendu parler en-dessous de l'avalanche et l'orgie complètement
indécente des promesses du Parti libéral lors de
l'élection.
En nous citant chaque fois les projets constitutionnels du Parti
libéral qui ne sont pas codifiés, que je sache, qui ne sont pas
venus devant cette Assemblée, qui n'ont pas fait l'objet d'une
décision ou d'un mémoire au Conseil des ministres, chaque fois on
nous a fait quoi comme démonstration? On nous a fait la
démonstration que, effectivement, on ne peut dissocier ce geste du
gouvernement du dossier constitutionnel dans son ensemble. C'est
précisément ce que cette motion vise à démontrer.
Quand le ministre, député de
Jean-Talon, nous dit: Oui, et nous demandons d'être
présents dans la nomination des juges de la Cour suprême. Quand le
premier ministre nous dit: Nous demanderons un droit de veto sur l'immigration.
L'a-t-il ce droit de veto? L'a-t-il ce droit de nomination des juges? Ils ne
l'ont pas. Mais ils nous démontrent une chose. Ils ont
procédé dans ce dossier à la pièce. ls ont
touché quelque chose de fondamental quant aux droits du Québec,
quant à la capacité du Québec de se développer au
niveau constitutionnel et ils ont agi avec imprudence, un peu comme si on
passait de l'université au Conseil exécutif comme un apprenti
sorcier. Ce n'est pas comme cela qu'on doit traiter des droits du
Québec.
On a aussi travesti le sens de l'utilisation de la clause "nonobstant".
On a même d'ailleurs cité, dans le cas du député de
Mille-Îles, en travestissant, le professeur Henri Brun. L'utilisation de
la clause "nonobstant" est une façon de restreindre ponctuellement
l'application de la charte canadienne. La clause "nonobstant" n'est pas une
panacée. C'est pourquoi la solution la plus globale à cet
égard doit être envisagée. C'est celle de la
primauté reconnue à notre charte, dans notre système de
droit, pour ce peuple, sur son territoire.
En somme, Mme la Présidente, je crois que nous aurons pu faire,
lors de cette motion de blâme, la démonstration de ce qu'elle
contient, que ce gouvernement, oui, a agi de façon
prématurée. Deuxièmement, ce gouvernement a agi de
façon imprudente avec nos droits collectifs. Troisièmement, ce
gouvernement agit en brouillon, de façon improvisée et, pire, il
le fait en cachette, comme il l'a fait à l'égard de la hausse des
impôts, comme il l'a fait à l'égard de l'affichage
français à Montréal, comme il l'a fait à
l'égard de la rémunération dans les secteurs public et
parapublic.
Tout se fait par la porte d'en arrière et en catimini. Nous ne
laisserons pas faire le Parti libéral, surtout pas dans ces
matières qui touchent la permanence des choses de ce peuple. Car vous
avez parlé, certains d'entre vous, du peuple québécois. Ce
peuple pour être respecté, cela implique qu'on respecte au minimum
celles et ceux qui ont été élus par lui le 2
décembre. Cela présuppose que, quand il y a des enjeux collectifs
fondamentaux, on vienne devant cette Assemblée, qu'on sorte du "bunker".
On ne laissera pas le Parti libéral toucher à ces questions
vitales pour notre avenir dans le secret des comités secrets et des
bénévoles secrets.
C'est pour cela, Mme la Présidente, que nous croyons que cette
motion, que la majorité rejettera les yeux fermés, restera bien
fondée.
La Vice-Présidente: Merci, M. le chef de l'Opposition.
Là, on serait à la mise aux voix de la motion.
Une voix: Vote enregistré.
M. Gratton: Mme la Présidente, pourrai-je suggérer
et vous demander de reporter le vote à mardi, à la fin de la
période des affaires courantes?
La Vice-Présidente: Vote reporté à mardi
à la période des affaires courantes.
M. Gratton: Et cela étant, Mme la Présidente,
puis-je vous suggérer d'ajourner les travaux de l'Assemblée
jusqu'à mardi 14 heures?
La Vice-Présidente: Y a-t-il consentement pour
l'ajournement des travaux?
M. Gendron: Adopté.
La Vice-Présidente: Travaux ajournés à mardi
14 heures.
(Fin de la séance à 21 h 53)