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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 18 juin 1986 - Vol. 29 N° 48

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir. Aux affaires courantes ce matin, il n'y a pas de déclaration ministérielle. Présentation de projets de loi. M. le premier ministre.

Projet de loi 103 M. Robert Bourassa

M. Bourassa: M. le Président, ce projet de loi pourvoit à la constitution et à l'organisation de la Société d'investissement jeunesse. La société aura pour fonction de développer avec la participation des entreprises privées l'esprit d'entreprise chez les jeunes, de fournir une aide aux jeunes qui veulent établir une entreprise, de favoriser la création d'emplois pour les jeunes et d'administrer tout fonds requis pour l'exercice de ces fonctions.

Dans la poursuite de ses objectifs, la société qui sera un mandataire du gouvernement, pourra recevoir des dons, des legs, des subventions ou contributions pour conclure des ententes avec toute personne, société ou organisme.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Président: Si j'ai bien compris, l'Assemblée accepte de se saisir de ce projet de loi.

M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, pour l'information des membres de l'Assemblée il s'agit du projet de loi 103 qui figure à l'article e du feuilleton.

Je vous demanderais maintenant d'appeler l'article d du feuilleton.

Projet de loi 104

Le Président: À l'article d du feuilleton, M. le premier ministre, sur le projet de loi 104.

M. Gratton: M. le Président, pour l'information des membres de l'Assemblée, il s'agit du projet de loi 104.

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: Ce projet de loi a pour objet de pourvoir à l'institution et à l'organisation du Conseil permanent de la jeunesse, composé de onze membres nommés sur la recommandation d'un collège électoral de jeunes. Il aura pour fonction de conseiller le ministre responsable sur toute question relative à la jeunesse. Il pourra donner des avis au ministre, effectuer des études, entendre des requêtes et fournir de l'information au public sur toute question relative aux besoins et aux intérêts de la jeunesse.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir de ce projet de loi?

M. Chevrette: Sous réserve du collège électoral.

Le Président: Adopté. Une voix: Adopté.

Le Président: Dépôt de documents. M. le ministre de l'Éducation.

Rapport annuel du ministère de l'Éducation

M. Ryan: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport du ministère de l'Éducation non pas pour l'année 1984-1985, mais pour 1985-1986.

Le Président: Document déposé. M. le ministre des Transports.

Rapport annuel de la CTQ

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, j'ai l'honneur de vous transmettre le rapport annuel de la Commission des transports du Québec pour l'année terminée le 31 mars 1986.

Le Président: Document déposé. M. le Solliciteur général.

Rapport annuel de la Régie des permis d'alcool

M. Latulippe: M. le Président, j'ai l'honneur de vous transmettre le rapport annuel de la Régie des permis d'alcool du Québec pour l'exercice financier 1985-1986.

Le Président: Document déposé. M. le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones.

Rapport annuel de la SOQUEM

M. Savoie: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de la Société québécoise d'exploration minière pour l'année 1985-1986.

Le Président: Document déposé. Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission du budget et de l'administration.

Étude détaillée du projet de loi 68

M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé les 6, 9, 13 et 16 juin 1986 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 68, Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services et modifiant diverses dispositions législatives. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Étude détaillée du projet de loi 55

J'ai aussi l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 16 juin 1986 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 55, Loi sur le Régime de retraite de certains enseignants et modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic. Le projet de loi a été adopté avec amendements. Merci.

Le Président: Les deux rapports du président de la commission du budget et de l'administration sont déposés.

M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements.

Étude détaillée des projets de loi 97 et 36

M. Rochefort: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 16 juin 1986 afin de procéder à l'étude détaillée des projets de loi suivants: le projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur les élections dans certaines municipalités; le projet de loi a été adopté; et le projet de loi 36, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes; ce projet de loi a été adopté avec amendements.

Étude détaillée du projet de loi 37

Je veux aussi déposer le rapport de cette même commission qui a aussi siégé le 17 juin dernier afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi modifiant le Code municipal du Québec. Ce projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: M. le président, vos rapports sur les projets de loi 97, 36 et 37 sont déposés. M. le président de la commission des affaires sociales.

Étude détaillée du projet de loi 208

M. Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 17 juin 1986 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 208, Loi modifiant la Loi constituant en corporation l'Hôtel-Dieu de Lévis. Le projet de loi a été adopté.

Étude détaillée du projet de loi 75

J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé les 16 et 17 juin 1986 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 75. C'est la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

Étude détaillée du projet de loi 77

M. Bélanger: J'ai aussi l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 17 juin 1986 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 77. C'est la Loi modifiant la Loi sur le Régime de rentes du Québec. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: M. le président, vos rapports sur les projets de loi 77 et 76 sont déposés. Quant au projet de loi 208, il est adopté. M. le président de la commission de la culture.

M. Tremblay (Iberville): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

Le Président: M. le président, j'ai appelé le président de la commission de la culture.

M. Tremblay (Iberville): Excusez-moi, M. le Président.

Le Président: M. le président de la

commission de la culture.

Étude détaillée du projet de loi 73

M. Trudel: M. le Président, c'est l'autre culture. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 17 juin 1986 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 73, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Le projet de loi a été adopté.

Le Président: Rapport déposé. M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

Étude détaillée du projet de loi 69

M. Tremblay (Iberville): M. le Président, excusez-moi de m'être trompé de sillon. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé les 10, 16 et 17 juin 1986 afin de procéder à une consultation particulière et à l'étude détaillée du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Rapport déposé. M. le président de la commission de l'éducation.

Étude détaillée du projet de loi 30

M. Parent (Sauvé): J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 17 juin dernier afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 30, Loi abrogeant la Loi concernant la commission scolaire du Nouveau-Québec. Le projet de loi a été adopté.

Étude détaillée du projet de loi 54

J'ai aussi l'honneur de déposer la rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 17 juin 1986 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 54, Loi sur le transfert de certains employés du ministère de l'Éducation à la Société de radiotélévision du Québec. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Rapports déposés. Dépôt de pétitions. M. le député de Shefford.

Demande de poursuivre la construction

d'une école primaire française

dans le canton de Granby

M. Paré: J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée par 968 pétitionnaires, citoyens résidant sur le territoire desservi par la commission scolaire de Granby. Ils appuient la résolution no E-8586-395 de la commission scolaire de Granby pour que soit poursuivie la construction d'une école primaire française dans le canton de Granby. Je certifie que cet extrait de la pétition est conforme à l'orginal et aux règlements.

Le Président: Pétition déposée.

Ce matin, il n'y a aucune intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Avant de procéder à la période de questions, on m'a informé ce matin qu'il y aurait, de la part du ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et du Travail, un complément de réponse à la question posée le lundi 9 juin dernier, par le député de Verchères, relativement aux communications possibles entre les agents d'aide sociale et son ministère et les agents de l'escouade des crimes économiques de la Sûreté du Québec.

Également, j'informe tous les membres de cette Assemblée qu'immédiatement après la période de questions, nous allons procéder à deux votes ce matin ainsi qu'à des amendements sur un projet de loi.

Période des questions orales. M. le député de Lévis, question principale.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Révision des allocations de disponibilité

M. Garon: Le 1er mai dernier, dans son budget, le ministre des Finances annonçait qu'il réexaminerait toute la question des allocations de disponibilité. Cette annonce inquiète beaucoup les femmes qui, d'ailleurs, dans un communiqué récent, indiquent que depuis quelques semaines le service Action-femmes du Conseil du statut de la femme ne cesse de recevoir des appels de mères de familles inquiètes de perdre leur allocation de disponibilité. Ma question s'adresse au ministre des Finances. À la suite du récent dépôt du rapport du comité de consultation sur la politique familiale, le 29 avril dernier, dans lequel est proposée une réforme globale du système de transfert dans un regroupement des exemptions et des allocations familiales et de disponibilité et une bonification du système des allocations familiales et de disponibilité. Le ministre entend-il, dans la recommandation 3 qu'il a sûrement lue, réexaminer l'allocation de disponibilité dans ce sens?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, je trouve la question du député de Lévis bien à point. Cela est un contraste avec ce qu'il nous avait raconté ou ce qu'il avait véhiculé ou tenté de véhiculer à la population relativement aux allocations de disponibilité dont il avait annoncé lui-même l'abolition à la suite du discours sur le budget. Je me rappelle, fort bien, M. le Président, que le député de Lévis s'était insurgé contre le fait que nous ayons aboli les allocations de disponibilité.

Or, M. le Président, je remercie le député de Lévis de reconnaître ce matin que, dans le discours sur le budget, nous n'avions justement pas aboli les allocations de disponibilité, mais que nous avions mentionné, et cela tient toujours, que ces allocations de disponibilité seraient réévaluées à la lumière de la politique familiale qui serait élaborée par le gouvernement.

Or, évidemment, cette politique familiale relève d'un autre ministre que celui qui vous parle, mais je suis évidemment prêt à collaborer le plus entièrement possible à la mise en oeuvre d'une telle politique.

Le Président: En additionnelle, M. le député de Lévis. (10 h 20)

M. Garon: M. le Président, ma question s'adresse véritablement au ministre des Finances qui détient les cordons de la bourse. J'aimerais savoir s'il entend privilégier les exemptions personnelles au détriment des allocations de disponibilité qui, elles, comme tout le monde le sait, sont versées directement à la personne qui s'occupe des enfants entre zéro et six ans et à la mère de famille elle-même qui veut garder ce caractère d'autonomie.

J'aimerais avoir une réponse du ministre des Finances, parce que je n'ai pas de réponse à savoir s'il entend vraiment privilégier les allocations de disponibilité plutôt que les exemptions, comme le demande le rapport du comité de consultation sur la politique familiale.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: Cette question m'intéresse au plus haut point comme c'est le cas, j'imagine, pour tous les gens en cette Chambre. La seule chose, c'est que je ne suis pas le ministre responsable des politiques ou de l'élaboration des politiques ou de la définition de la politique familiale. Dans ce sens, comme ministre des Finances, je dis que je serai très attentif et que je pourrai évaluer cette politique au point de vue budgétaire lorsqu'elle aura été définie, et ensuite voir si on peut la mettre en application, si nous en avons et dans quelle mesure nous avons les moyens de le faire.

Une politique familiale qui réponde aux besoins du Québec, demeurera toujours prioritaire pour nous.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: Une courte question additionnelle. J'aimerais demander au ministre des Finances s'il est toujours responsable des politiques fiscales.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, j'espère que le député fait une distinction entre une politique fiscale et une politique familiale. Évidemment, les deux peuvent se rejoindre, mais il ne faut pas mettre certaines choses avant d'autres. Avant de pouvoir fixer un prix pour quelque chose, je pense bien qu'il faut que cette chose soit là, qu'elle existe et qu'on puisse l'évaluer. C'est l'enfance de l'art de dire que la politique fiscale pourra être développée au fur et à mesure qu'on aura bien définie cette politique familiale. Il me semble que c'est l'enfance de l'art, on ne devrait pas poser des questions de ce genre, ce matin.

Le Président: Mme la députée de Maisonneuve, en additionnelle.

Mme Harel: M. le Président, ma question s'adresse à la ministre responsable de la Politique familiale. Entend-elle recommander à son collègue responsable des politiques fiscales que soient maintenues les allocations destinées aux mères d'enfants de moins de six ans, allocations qui constituent souvent la seule source directe de revenu pour celles qui ont à gérer le budget familial?

Le Président: Mme la ministre responsable de la Politique familiale.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre des Finances et moi-même avons déjà été en contact, au moment de la préparation du budget, concernant ces allocations de disponibilité. Une des recommandations ou un des volets importants du rapport de la consultation sur la politique familiale touche toute la question de la fiscalité des familles, leurs revenus, et je pense que ce volet très important d'une politique familiale à être éventuellement adoptée doit être examiné avec l'ensemble de tous les éléments qui entrent dans cette analyse de la situation économique des familles. C'est ce à quoi nous travaillons et nous ferons connaître les décisions qui s'imposent, en temps et lieu.

Le Président: M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: Une question additionnelle au premier ministre, M. le Président.

Le Président: En additionnelle.

M. Rochefort: Le premier ministre peut-il nous assurer qu'aucune suite ne sera donnée à l'allusion faite par le ministre des Finances dans son budget aux allocations de disponibilité tant que la ministre responsable n'aura pas donné suite au rapport de consultation sur la politique familiale eu égard à ces questions?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, on va prendre les meilleures décisions en fonction des priorités du gouvernement. Le ministre des Finances, d'abord, a corrigé une inexactitude, si je puis dire, du député de Lévis. Le député de Lévis, le soir de la présentation du budget, annonçait à toute la province que nous avions aboli les allocations de disponibilité. Rarement, s'était-on aussi éloigné de la vérité!

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Bourassa: Mais, ce que je veux dire au député de Gouin, c'est que nous sommes conscients de l'importance d'avoir une politique familiale. C'est pourquoi nous voulons réexaminer l'ensemble des mesures pertinentes à cet effet. S'il y a lieu de procéder rapidement, nous allons le faire. Mais, il est sûr que nous aurons une politique familiale en fonction des besoins du Québec.

Le Président: M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: Oui, M. le Président, je vais reprendre ma question au premier ministre. Ce que nous voulons savoir et les assurances que nous voulons qu'il nous donne ce matin, c'est qu'aucune décision ne sera prise au ministère des Finances...

Le Président: Vous êtes en additionnelle.

M. Rochefort: ...avant que la ministre responsable de la Politique familiale ait terminé ses réflexions.

Le Président: Votre question.

M. Rochefort: Oui, je demande au premier ministre s'il est prêt à nous donner l'assurance, ce matin, que les décisions ne viendront pas du ministère des Finances, eu égard à la politique d'allocations de disponibilité pour les femmes québécoises, mais qu'elles viendront plutôt de la ministre responsable de la Politique familiale?

Le Président: M. le premier ministre. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourassa: M. le Président, c'est tout à fait normal que ce soit ainsi, sauf imprévu.

M. Chevrette: C'est comme la raffinerie de sucre, c'est comme d'autres choses... imprévues!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères, en principale.

Légalité et constitutionnalité des visites à domicile des agents d'aide sociale

M. Charbonneau: M. le Président, hier, comme je l'ai signalé au moment de la période de questions, une vingtaine d'organismes, 23 plus précisément, dont la Fédération des femmes du Québec, l'Assemblée des évêques du Québec, l'Association des juristes québécois, le Congrès juif canadien, l'Église unie du Canada, le YMCA international, l'Organisation nationale antipauvreté et j'en passe - il y en a 23 - dénonçaient l'opération gouvernementale de visites systématiques au domicile des assistés sociaux du Québec. Au même moment, le ministre de la Justice, l'ancien champion des droits et libertés de la personne, donnait l'impression que le gouvernement était au-dessus de la mêlée et, qu'en fait, il n'y avait rien là! Ce que je veux demander au ministre de la Justice, aujourd'hui, c'est s'il est conscient que les présomptions d'illégalité et d'insconstitutionnalité sont graves et, qu'en conséquence, il est urgent d'obtenir des clarifications sur la légalité et la constitutionnalité de l'opération gouvernementale en cours depuis trois semaines déjà?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M. le Président, je répète ce que j'ai dit hier. Le Contentieux du gouvernement, du ministère de la Justice a donné une opinion préliminaire au ministre du Travail en disant que la loi ou la procédure que nous suivons est légale. Maintenant, on attend une opinion plus approfondie des avocats du Contentieux avant la fin de cette semaine; quand j'aurai cette opinion, je la transmettrai au ministre du Travail.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Compte tenu des déclarations publiques qui ont été faites, des dénonciations publiques qui ont été faites, le ministre est-il prêt à s'engager à ce que cette opinion juridique, qu'il nous annonce aujourd'hui pour la fin de la semaine, soit rendue publique en même temps qu'il la transmettra à son collègue de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Marx; La procédure au gouvernement, depuis maintenant des années, est de ne pas rendre publiques ces opinions. Surtout quand les gens disent qu'ils vont contester la loi, on ne rend jamais publiques ces opinions; surtout, je le répète, quand les gens disent qu'ils vont contester la loi. Je vais transmettre l'opinion au ministre du Travail, comme cela a été fait dans beaucoup de cas avant que je sois nommé ministre de la Justice.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Est-ce que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu reconnaît que les directives qu'il a données ouvrent la porte à des décisions qui sont fondées sur des apparences qui peuvent être trompeuses et qu'il est un peu simpliste et même dangereux finalement de classer 700 000 personnes...

Le Président: En additionnelle, en additionnelle...

Des voix: Question, question!

M. Charbonneau: M. le Président, j'ai demandé: Est-ce que le ministre...

Le Président: Oui, mais vous ne pouvez pas argumenter à l'intérieur... À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères, malgré le "est-ce que", il n'est pas permis d'argumenter. Vous avez la parole.

M. Charbonneau: M. le Président, je n'argumente pas, je demande: Est-ce que le ministre...

Des voix: Oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Vous pouvez répéter votre question, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Est-ce que le ministre reconnaît que ces directives sont des portes ouvertes au fait que des décisions puissent être fondées sur des apparences trompeuses? Deuxièmement, est-ce qu'il ne reconnaît pas qu'il s'agit, en fait, d'un geste simpliste de classer les 700 000 assistés sociaux du Québec en deux catégories: les bons, les honnêtes gens et les méchants fraudeurs?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et ministre du Travail. (10 h 30)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il fallait que la classification dont parle le député de Verchères ait lieu, elle serait nettement simpliste. Chez nous, au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, il y a des assistés sociaux qui sont dans le besoin, et la politique du ministère est de s'assurer que la loi et les règlements soient appliqués tels qu'ils ont été adoptés par l'Assemblée nationale de façon que ces assistés sociaux aient justice.

Comme l'a rapporté un quotidien montréalais en fin de semaine, ceux et celles qui sont accusés de fraude ne sont pas considérés, lorsque la fraude est établie, que la présomption d'innocence a été renversée et qu'il y a eu condamnation, comme des assistés sociaux et ne sont pas sur les listes.

Quant au code, M. le député de Verchères, il a été mis en place parce qu'il y avait des visites qui s'effectuaient quand même - et vous êtes certainement au courant - avant l'arrivée du gouvernement libéral, sans code, dans le laisser-aller. Le code a été bâti par les fonctionnaires à la demande du ministre de façon à faire en sorte que les droits et libertés fondamentales de ces gens-là soient respectés.

Je vous dirai que j'ai déjà indiqué...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...en cette Chambre, dans les rencontres que j'ai eues avec eux que, comme ministre, je ne tolérerai pas qu'ils violent les droits et libertés fondamentales des bénéficiaires de l'aide sociale et que si nous étions en mesure d'identifier un cas où un fonctionnaire aurait commis de tels abus, des réprimandes et des mesures très sévères seraient appliquées à son égard.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que le ministre est conscient que le climat de crainte qui sévit actuellement dans le milieu des assistés sociaux fait en sorte -cela a été indiqué par tous les organismes concernés qui ont dénoncé cette attitude -que les gens n'osent pas actuellement dénoncer des abus? J'ai une lettre en main. La personne me demande de garder l'anonymat...

Le Président: M. le député de Verchères, votre question est posée.

M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis conscient que certains agissements en certains endroits font en sorte qu'un climat peut se détériorer. Les gens qui posent des questions, font des conférences de presse, etc., doivent faire preuve d'une grande responsabilité dans ce dossier pour que les gens qui sont parmi les plus démunis dans la société, qui sont, si je peux utiliser cette expression, d'honnêtes bénéficiaires de l'aide sociale, qui y ont droit, etc., ne soient pas terrorisés par tout ce que l'on tente de véhiculer.

Dans le but de rassurer encore une fois le député de Verchères sur les agissements du bureau du ministre, je vous dirai, parce que cela a été encore une fois reproduit au bulletin de nouvelles hier soir, la fameuse dénonciation des cagoulards il y a une semaine...

Le Président: En conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...j'ai effectué, à partir des indices que j'avais dans les articles de journaux, à peu près toutes les vérifications possibles et imaginables. Dans le cas d'une de ces personnes-là qui était revêtue d'une cagoule, elle a indiqué qu'elle avait été victime d'une fouille le 21 mai dernier et qu'elle avait reçu son aide sociale à la suite d'une plainte. Cela tombait dans les 170 dossiers que j'avais vérifiés...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...personnellement. On a présumé que cette personne était de la grande région de Québec vu que cela s'est tenu à Québec. Je dis bien "de la grande région de Québec". Pendant cette semaine-là, il y a eu 48 visites à domicile. Dans la journée du 21, il y en a eu dix dans la grande région de Québec. Il y a eu cinq dossiers annulés et des dossiers annulés et réactivés - c'était le cas de cette personne - il y en a eu un mais pas pour les motifs que cette personne indiquait.

À partir des indices qu'on nous fournit, nous faisons toutes les démarches humainement possible pour donner suite aux plaintes et nous faisons également des démarches pour des plaintes qui nous sont transmises par courrier ou autrement, par les députés de cette Chambre dont quelques députés de l'Opposition.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbomeau: Quand le ministre et le gouvernement entendent-ils respecter leur engagement électoral de hausser et d'indexer le revenu de travail admissible à l'aide sociale, ce qui serait une mesure incitative en même temps qu'on met en place des mesures de contrôle?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a deux éléments au dossier majeur, et je remercie le député de Verchères de les souligner. Il y a la question de l'application de la loi actuelle et de la réglementation actuelle de l'aide sociale qui soulève des questions. Il y a également la question de la réforme de l'aide sociale que le gouvernement s'est engagé à déposer en cette Chambre à l'automne. Les deux suscitent des inquiétudes et également dans certains cas certains espoirs. Je peux vous assurer que, dans cette réforme, nous réglerons le cas de la discrimination à cause de l'âge tel que nous nous étions engagés à le faire en campagne électorale.

Je tiens également à vous réitérer que cette réforme verra à traiter - je l'ai déjà indiqué et il me fait plaisir de vous le répéter ce matin - les bénéficiaires de l'aide sociale qui sont considérés comme non aptes au travail...

Le Président: En conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...qui souffrent d'un handicap physique ou mental, avec plus de justice qu'ils ne l'ont été dans le passé, ce qui laisse sous-entendre une hausse des barèmes pour ces gens-là.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest, en principale.

Le déroulement des négociations dans les secteurs public et parapublic

M. Gendron: M. le Président, aujourd'hui, pour le Syndicat canadien de la fonction publique, ce sera une journée nationale de protestations dans le dossier des négociations. C'est la même chose pour le secteur soutien dans les cégeps; au lieu de négocier, on parle de rien ou pour rien. Au-delà des questions de forme, il n'y a absolument aucun progrès substantiel sur le fond des négociations. Du côté du syndicat des infirmiers et des infirmières, il est prévu, à moins d'une entente de principe aujourd'hui, une grève probable des infirmières pour demain. Je voudrais tout simplement poser la question suivante: Est-ce que le président du Conseil du trésor maintient sa candide déclaration qu'il faisait

au Conseil général du Parti libéral que les négociations se déroulent bien et qu'il est très confiant d'arriver à un résultat d'ici à quelques jours?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

Une voix: Cela va bien.

M. Gobeil: M. le Président...

Une voix: Cela se déroule normalement.

M. Gobeil: ...en réponse à la question du député d'Abitibi-Ouest, je dois dire qu'il y a toujours des négociations, à toutes les tables de négociation, que les discussions se poursuivent, que certaines tables sont plus avancées que d'autres, qu'à certaines tables il y a un ralentissement dans le sens que cela n'évolue pas comme on le voudrait. Je dois simplement mentionner qu'il reste encore douze jours d'ici au 30 juin et qu'il y a encore espoir de règlement avec plusieurs des syndicats impliqués dans la négociation actuelle.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest, en additionnelle.

M. Gendron: Plus spécifiquement dans le cas des infirmiers et des infirmières, les trois fédérations ont fait des dépôts d'hypothèse générale de règlement et le président du Conseil du trésor devait fournir hier une réponse à cette hypothèse de règlement final concernant le dossier des infirmiers et des infirmières. Je voudrais savoir si le président du Conseil du trésor est en mesure de nous donner la réponse du gouvernement sur cette hypothèse de règlement en ce qui concerne spécifiquement les infirmiers et les infirmières.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, il n'y a pas eu de dépôt formel d'hypothèse de règlement par aucun des trois syndicats des infirmiers et des infirmières. Nous sommes depuis environ quinze jours en discussion intensive, d'une façon informelle, avec ces trois syndicats. Les discussions évoluent bien, avancent bien. Nous le saurons probablement d'ici à quelques jours, lorsque nous aurons reçu formellement ces hypothèses. On nous a avisés qu'un des syndicats doit déposer aujourd'hui une hypothèse formelle. Nous l'étudierons et nous rendrons compte à cette Chambre des résultats en temps et lieu.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest, en additionnelle.

M. Gendron: Est-il exact, M. le président du Conseil du trésor, que la plupart des négociateurs patronaux n'ont, jusqu'à maintenant, aucun mandat leur permettant d'envisager quelque hypothèse que ce soit allant au-delà des dépôts initiaux?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, d'une façon formelle, le député d'Abitibi-Ouest a raison. Les offres ont été déposées le 19 février dernier. Depuis, j'ai eu quotidiennement, si je puis dire, des discussions avec les représentants du Conseil du trésor responsables en haut lieu des négociations. Nous avons fait les ajustements et nous continuons d'examiner les ajustements requis. Nous sommes à l'écoute des demandes des syndicats et nous donnons des réponses à ces demandes et elles me sont généralement soumises.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest, en additionnelle.

M. Gendron: Advenant, M. le Président, que la perception d'autres groupes soit différente de celle du Conseil du trésor -parce que pour lui, les négociations vont bien, il n'y a pas de problème - et que, demain, les infirmières décident d'aller en grève, spécifiquement en ce qui concerne les infirmiers et les infirmières pour ce qui est des négociations, quels gestes concrets le président du Conseil du trésor entend-il poser d'ici à demain?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

Une voix: Rien.

M. Gobeil: M. le Président, il n'y a pas d'hypothèse réelle de grève au moment où on se parle et si cela devait survenir, nous appliquerons la loi.

M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle. (10 h 40)

M. Chevrette: Est-ce que le ministre est conscient que, depuis le 19 février, ces négociateurs n'ont aucun mandat pour avancer des hypothèses globales de solution au problème à chacune des tables. Est-ce qu'il est conscient qu'aucune des tables ne peut évoluer dans les circonstances et qu'à moins qu'il ait une recette nouvelle pour négocier le ministre s'en va nécessairement vers un cul-de-sac en négociation?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, les mandats ont été dégagés le 19 février dernier. Je le répète, les négociateurs patronaux ont le mandat de négocier et c'est ce qu'ils font continuellement, jour après jour, semaine après semaine. Il y a eu des ajustements, je le répète, qui sont survenus en cours de route. On est prêt à en entendre d'autres dans le cadre financier global qui a été déposé le 19 février dernier. J'ai dit à ce moment et j'ai répété à plusieurs occasions que des réaménagements étaient possibles et discutables à l'intérieur de ce cadre et c'est ce que nous continuons de faire.

Le Président: M. le député de Roberval, question principale.

Possibilité de création de filiales d'Hydro-Québec

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au vrai ministre de l'Énergie et des Ressources, le député de Saint-Laurent et premier ministre en même temps.

M. le Président, la semaine dernière, le premier ministre nous indiquait qu'Hydro-Québec tentait de développer quatre nouveaux marchés externes aux fins de signer des contrats et de devancer la construction d'équipements déjà prévus au plan d'immobilisation. À cette fin, le premier ministre évoquait pour la première fois la possibilité de création de filiales d'Hydro-Québec, filiales qui seraient la propriété à 25 % du client et à 75 % d'Hydro.

M. le Président, ma question au premier ministre est la suivante: Est-ce que le premier ministre peut nous dire si cette approche qu'il a évoquée aux journalistes vient d'une demande spécifique qui a été faite par des clients lors de discussions ou si cela vient de lui afin de permettre peut-être d'accélérer une éventuelle signature de contrat?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je crois qu'il y a plusieurs mois j'avais eu l'occasion, lorsque je m'étais rendu à New York et à Washington - en février - de parler également, en accord avec Hydro-Québec, de la possibilité pour Hydro-Québec d'investir dans des compagnies d'utilité publique américaines pour des avantages de collaboration plus étroite et notamment pour ce qui a trait à l'établissement des interconnexions. Ce que j'ai fait également, c'est que j'accepte aussi l'hypothèse qu'Hydro-Québec pourrait s'associer à des entreprises d'utilité publique américaines.

Si j'ai parlé de cette hypothèse - on sait que le gouvernement serait l'actionnaire en totalité d'Hydro-Québec, il n'y aurait pas de changement, c'est simplement pour une filiale, pour la durée de l'existence du contrat - c'est qu'à plusieurs reprises il a été mentionné de la part de nos interlocuteurs américains qu'il y avait cet aspect d'insécurité. On admet que nous avons un coût compétitif avec notre énergie hydroélectrique, surtout avec les options qui sont offertes. On admet également que l'énergie hydroélectrique est plus propre que d'autres formes d'énergie, moins risquée, mais on se pose parfois des questions. Pas partout, mais dans certains milieux aux États-Unis on se pose des questions sur l'aspect de la sécurité de l'approvisionnement. C'est donc pour répondre à cette inquiétude qui peut exister dans ces milieux sur l'insécurité de l'approvisionnement sur une période de 20 à 25 ans que j'ai parlé de cette hypothèse d'une participation d'entreprises d'utilité publique américaines.

Pour conclure, M. le Président, je peux citer le gouverneur Sununu du New Hampshire, qui est un État clé pour nos exportations, qui a dit la semaine dernière à la suite de ma proposition que ceci donnait beaucoup plus de force à la possibilité pour le Québec d'exporter son énergie, si nous arrivons avec cette formule.

Le Président: M. le député de Roberval, question additionnelle.

M. Gauthier: M. le Président, tout en remerciant le premier ministre, j'aimerais savoir de sa part s'il envisage deux types de filiales, c'est-à-dire une filiale dont la responsabilité pourrait être au niveau de la construction et de la gestion des barrages ici au Québec - j'avais l'impression que c'était de cette sorte de filiale dont il parlait - et un deuxième type de filiale qui pourrait être une association d'Hydro-Québec dans les compagnies d'utilité publique aux États-Unis. Est-ce que le premier ministre voit deux types de filiales ou est-ce une seule et même boîte qui ferait tout cela?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: II s'agit de deux types de filiales. J'ai déjà eu l'occasion de mentionner dans le volume que j'espère le député de Roberval connaît bien, que la question du financement pourrait être réglée par différentes formules de paiement anticipé. Or, j'ai constaté, depuis que nous sommes au pouvoir, que les problèmes de financement pourraient être réglés dans la mesure où nous avons des contrats signés, c'est-à-dire que ce serait considéré un peu comme un actif par des prêteurs. Il pourrait arriver qu'il ne soit pas nécessaire de Denser à des

formules de paiement anticipé.

Pour répondre plus précisément à la question du député, il s'agit de deux types de filiales. Dans un cas, c'est Hydro-Québec qui participe avec des compagnies américaines d'utilité publique en Nouvelle-Angleterre. Dans l'autre cas, ce serait une filiale qui aurait pour but, durant la durée du contrat, d'avoir un intérêt minoritaire principalement pour donner plus de sécurité à l'approvisionnement en énergie pour les Américains. Ils ont été échaudés par la crise du pétrole. Nous avons actuellement un contre-choc pétrolier. Les données sont différentes, mais la question de la sécurité demeure. Mon objectif, c'est de répondre à cette objection de manière à pouvoir réaliser ces grands projets tellement importants pour la force économique du Québec.

Le Président: M. le député de Roberval, question additionnelle.

M. Gauthier: Est-ce que j'interprète bien le premier ministre quand je dis -j'essaie de traduire ses paroles le plus exactement possible - qu'au niveau de l'interne existerait un type de filiale qui aurait son existence pour la durée de la construction ou est-ce que le premier ministre envisage que cette filiale puisse faire la construction et gérer le barrage après la construction?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: J'ai émis cette hypothèse qui reste sujette a toutes sortes de négociations. J'étais quand même très heureux de la réaction de certains gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre lorsqu'ils ont dit que cela pouvait répondre à cette question d'insécurité. J'ai dit tantôt que si j'abordais et si je présentais cette hypothèse, c'est à cause de cette question de l'approvisionnement. Or, l'approvisionnement, c'est pour la durée du contrat. La filiale aurait une durée équivalente aux 20 ans, aux 25 ans ou 15 ans que pourrait durer le contrat et elle prendrait fin au terme de l'existence légale.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, question additionnelle ou question principale?

M. Johnson (Anjou): Question additionnelle. Le premier ministre a évoqué la notion de deux types de filiales et il a parlé d'une participation minoritaire à celle qui, dans le fond, aurait un rôle particulier à jouer au sud de la frontière. Est-ce qu'il parle d'une participation minoritaire des Américains ou des intérêts québécois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition visiblement était absent lorsque j'ai donné les explications. On sait qu'Hydro-Québec a manifesté son intérêt de participer d'une façon minoritaire dans des entreprises en Nouvelle-Angleterre. C'est pour les entreprises en Nouvelle-Angleterre. L'autre type de filiale est tout à fait différent, c'est-à-dire que, là, il s'agit d'une participation minoritaire d'entreprises d'utilité publique américaines avec HydroQuébec pour le développement de projets destinés à l'exportation d'électricité aux États-Unis. J'espère que c'est assez clair pour le chef de l'Opposition.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, question additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Question additionnelle. Cette participation éventuelle d'Hydro-Québec en investissant aux États-Unis se ferait-elle dans des entreprises existantes où il y aurait une participation minoritaire d'Hydro-Québec à des "public utilities" de la Nouvelle-Angleterre ou de New York, ou, au contraire, est-ce qu'il s'agirait de créer des entreprises américaines qui, elles, auraient des droits spécifiques sur le bail et la distribution des barrages à construire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Si je comprends bien, le chef de l'Opposition parle de l'hypothèse américaine parce que c'est évident que, dans le cas du Québec, il s'agirait d'entreprises à former puisqu'il n'y en a pas actuellement. Dans le cas américain, ce pourraient être des entreprises qui existent déjà et probablement des entreprises qui existent déjà par l'action... Beaucoup de ces entreprises, la plupart sont à capital privé. Ce seraient vraisemblablement des entreprises qui existent déjà, même si on ne peut pas exclure la possibilité qu'il s'agisse d'autres entreprises.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Question additionnelle. J'aimerais savoir de la part du premier ministre si les filiales ainsi constituées à l'interne seraient responsables de toutes les opérations, à savoir la vente et la signature du contrat, le financement, la construction, évidemment la surveillance des travaux et la gestion totale et complète des plans d'eau par la suite. (10 h 50)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, on sait que la SEBJ est une filiale d'Hydro-Québec

détenue en totalité par Hydro-Québec ou des entreprises d'État. Cela pourrait être du type de la SEBJ ou cela pourrait, sujet à négociation, être un autre type de filiale. Ce qui est important, c'est que les droits du Québec et les droits du gouvernement du Québec ou de la population du Québec, par le biais d'Hydro-Québec, soient totalement protégés. Sauf que de manière à pouvoir assurer la signature de ces contrats, on permettrait la participation minoritaire - je tiens à le dire - toujours minoritaire par rapport au contrôle de la population du Québec par le biais de son institution, l'Hydro-Québec. J'espère que cela va rassurer maintenant le député de Roberval.

Le Président: M. le député de La Peltrie en principale.

Récupération du papier auprès des fonctionnaires

M. Cannon: M. le Président, Recyclage Québec est un organisme sans but lucratif voué à l'éducation et à la sensibilisation du public quant au recyclage du papier.

C'est cet organisme qui assure le fonctionnement du programme de récupération de papier fin auprès de la moitié des fonctionnaires provinciaux. Pour ce qui est de l'autre moitié, Recyclage Québec attend toujours une réponse du gouvernement et ce depuis plusieurs mois.

À cet égard, Recyclage Québec a l'intention de fermer ses portes si la situation ne change pas. Ma question, M. le Président, s'adresse au ministre de l'Environnement. Peut-il nous indiquer quelles sont les intentions du gouvernement en ce qui concerne la poursuite et l'élargissement éventuel du programme de récupération de papier auprès des fonctionnaires provinciaux?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, le programme de recyclage dans les bureaux gouvernementaux est divisé en deux parties. Il y a une partie pour les bâtiments qui sont la propriété du gouvernement, qui est assurée par Recyclage du Nord et Recyclage Québec avait l'autre partie.

Recyclage Québec m'a approché il y a plusieurs semaines pour obtenir 100 % du travail. Après investigation auprès des autres ministères concernés, il a été impossible de lui donner tout le travail parce que Recyclage du Nord est une entreprise qui fait du bon travail depuis longtemps pour le gouvernement du Québec. Nous avions demandé à Recyclage Québec de s'entendre avec l'autre entreprise de recyclage afin d'arriver à une entente commune pour les deux.

Récemment, il y a une entente qui a été atteinte par Recyclage Québec avec la coopération du comité régional qui s'appelle le comité Coderre 3 selon laquelle, Recyclage Québec, dorénavant, va faire purement de la sensibilisation auprès des groupes de recyclage et de la population et qu'il y aura d'autres groupes qui vont prendre le travail que Recyclage Québec faisait auprès des bureaux gouvernementaux.

M. Cannon: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En additionnelle, M. le député de La Peltrie.

M. Cannon: Est-ce que le ministre de l'Environnement entend soutenir Recyclage Québec pour les autres programmes de recyclage proposés par cet organismes?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, Recyclage Québec a reçu au cours des trois dernières années quelque chose comme 131 000 $ du ministère de l'Environnement pour les programmes de sensibilisation et d'activité auprès de la population. On va continuer à soutenir Recyclage Québec dans le nouveau mandat qu'il s'est donné lui-même, soit celui de la sensibilisation auprès des citoyens et de la population.

Le Président: En additionnelle, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: M. le ministre de l'Environnement peut-il nous dire à cause des coupures à ce poste de recyclage dans son budget, combien il donnera à Recyclage Québec cette année?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Je ne peux pas vous dire exactement. Je vais prendre en considération la question. Je ne sais pas exactement le chiffre. Tout ce que je peux dire au député, c'est que l'année dernière il y a eu 226 000 $ qui ont été donnés par mon ministère aux compagnies de recyclage dans la région de Québec. Recyclage Québec a obtenu 131 000 $ pour les trois dernières années. Je vais laisser savoir bientôt au député quels seront les montants donnés à Recyclage Québec.

Le Président: En additionnelle, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Oui, M. le Président. Si jamais le ministre trouve des sommes dans

son budget pour favoriser Recyclage Québec, ce sera au détriment de quel organisme, parce qu'il n'a pas d'argent dans son budget pour favoriser Recyclage Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, rien n'est plus faux. En fait, le programme PARFAIR, qui est le programme de recyclage avait dans son budget 950 000 $. Cette année, il a 850 000 $ dans ce programme.

L'objectif du programme est de permettre à ces groupes de s'autofinancer, de devenir autonomes. Le but de ce programme est d'appuyer les organisations afin qu'elles deviennent autonomes, et c'est ce que nous allons faire. Nous allons collaborer avec tous les organismes qui travaillent pour devenir autonomes et avec le comité de la région pour que cela se fasse, incluant le cas de Recyclage Québec.

Le Président: M. le député de Laviolette, en principale.

Conflit de travail au quotidien Le Nouvelliste

M. Jolivet: M. le Président, je constate qu'aucun membre de l'équipe du solide de la région 04 Mauricie—Bois-Francs, en particulier le député de Trois-Rivières, ne s'est levé en cette Chambre pour poser une question au ministre du Travail concernant un conflit qui semble s'envenimer entre le journal Le Nouvelliste, le quotidien régional, et le syndicat des pressiers et des expéditeurs de ce quotidien. Étant donné que le conflit est dans sa troisième semaine, que Power Corporation, samedi dernier, a édité un nouveau journal qui s'appelle Votre Quotidien avec sous-titre "En attendant le Nouvelliste", j'aimerais poser la question suivante au ministre du Travail. Peut-il me dire quels sont les gestes qu'il a posés pour empêcher que ce conflit, somme toute mineur au départ, ne devienne, dans les jours qui viennent, un conflit d'ordre majeur?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je constate que le critique en matière de travail, le député de Taillon, ne s'est pas intéressé non plus à ce dossier.

Des voix: Hal Hal Hal

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Vous comprendrez que c'est en vertu de l'article 79. Deuxièmement, de ce côté-ci, s'il y a un travail d'équipe et des responsables régionaux, je pense qu'au moins un député de la région de Trois-Rivières aurait pu se lever, étant donné le nombre qu'ils sont.

Des voix: Bravo!

Le Président: Sur une demi-question de règlement.

M. Gratton: Sur la même question de règlement, M. le Président. J'ai failli me lever lorsque, dans son préambule, le député a violé l'article 77 en suscitant un débat. Je ne me suis pas levé parce que je me suis dit: Cela achève, la semaine s'écourte. De l'autre côté, si on veut procéder de cette façon, il ne faudrait pas se plaindre que nous répondions du tac au tac. Nous ne pouvons certainement pas laisser passer ce genre d'accusations, surtout quand elles ne sont pas fondées.

Le Président: À l'ordre, M. le député de Terrebonne. De part et d'autre, sans commentaire, s'il vous plaît, pour ne pas susciter de débat. Si vous voulez répondre à la question, M. le ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: À l'ordre!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens cependant à indiquer que c'est la première fois que le député de Laviolette m'en parle, mais que le député de Trois-Rivières et mon collègue de Louiseville me harcèlent chaque jour concernant ce dossier. Je vais vous donner la même réponse que celle que je leur ai communiquée quant à l'état du dossier et quant à l'implication du ministère du Travail dans ce dossier.

Il y a eu rencontre les 29 et 30 mai, 1er et 2 juin. Les points majeurs: congés de fin de semaine, travail des contremaîtres, changements technologiques. Il y a eu une autre rencontre les 5 et 6 juin. Il y a eu dépôt d'offres globales de l'employeur le 9 juin. Elles ont été rejetées à 40 contre 1. Les points majeurs: salaires et conditions de travail. Il y a eu une rencontre il y a deux jours, le 16 juin. Une contreproposition syndicale a été déposée et il y aura rencontre aujourd'hui.

Le Président: M. le député de Laviolette, en additionnelle.

M. Jolivet: En additionnelle, M. le Président. Est-ce que la parution du journal Votre Quotidien avec le sous-titre "En attendant le Nouvelliste" n'est pas, de la part de Power Corporation, un procédé qui vient à rencontre de la loi dite "antiscab"?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, ce n'est pas l'habitude du ministre de juger a priori ou, si on peut utiliser l'expression, prima facie. Il y a des dispositions qui existent au Code du travail, des dispositions antiscab. Lorsqu'on reçoit une demande d'enquête des parties intéressées, celle-ci est effectuée rapidement. Je nomme un enquêteur, l'enquête est effectuée rapidement et on a un rapport d'enquête. Dans le cas qui nous concerne, nous n'avons pas reçu une telle demande. (11 heures)

Le Président: M. le député de Laviolette, en additionnelle.

M. Jolivet: Dans le conflit qui nous préoccupe, le ministre du Travail ne pourrait-il pas avoir la même attitude que celle qu'a le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu envers les bénéficaires de l'aide sociale qui sont poursuivis actuellement?

Le Président: M. le ministre du Travail. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, dans le cas qui nous intéresse, celui de l'aide sociale, nous suivons les dossiers le plus près possible en tentant d'avoir l'attitude la plus humaine possible. Nous consacrons beaucoup de temps à ces dossiers. Dans le cas du Nouvelliste, nous consacrons également beaucoup de temps à ce dossier, parce qu'en plus d'être un conflit de travail, c'est un conflit qui atteint plusieurs consommateurs et qui, sur le plan de l'information, affecte une région importante au Québec. Je peux assurer le député de Laviolette que tous les efforts sont mis à la disposition des parties au moment où on se parle et que, s'il y a violation à un article de la loi du travail, on donnera suite à cette demande d'enquête. Si l'enquête conclut à une violation, des poursuites seront entreprises. Dans un cas comme dans l'autre, soit ès qualité de ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, soit ès qualité de ministre du Travail, je tente avec le plus de justice possible, avec le plus d'intérêt possible, à m'assurer que les lois soient appliquées selon la lettre et l'esprit que l'Assemblée nationale du Québec a voulu leur donner lors de leur adoption.

Le Président: M. le député de Jonquière, une très courte et une seule et unique principale.

Une voix: Très courte.

M. Philibert: M. le Président.

Le Président: Oui.

M. Philibert: Question de directive. Je voudrais savoir de votre part, M. le Président, de quelle façon je peux faire en sorte que les faits soient replacés. Le député de Laviolette, de son siège, affirme que je refuse de m'occuper des dossiers de mon comté alors qu'essentiellement...

Le Président: Non. La seule et unique allusion qui a été faite par M. le député de Laviolette, à savoir qu'il n'y avait pas eu de question de votre part en cette Chambre au ministre du Travail a été corrigée par le ministre du Travail dans sa deuxième réponse lorsqu'il a fait état qu'à plusieurs reprises, vous aviez communiqué avec lui à l'extérieur de cette Chambre pour lui mentionner les problèmes que vous aviez dans votre région.

J'avais déjà reconnu une très brève question principale à M. le député de Jonquière. C'est la dernière question.

Décision de maintenir ouvert le greffe de Jonquière

M. Dufour: On va sauter les préambules. Le ministre de la Justice a informé la population de Jonquière...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dufour: ...à la suite d'une question d'un journaliste du poste de radio CKRS d'une décision que j'apprécie, de maintenir ouvert le greffe de Jonquière à la suite des pressions de l'ex-député libéral et du maire de Jonquière. En oubliant toutes les démarches exercées par différents intervenants de Jonquière, le ministre de la Justice ne croit-il pas qu'il politise et rapetisse son ministère en faisant de la politique partisane et mesquine qui est de nature à diminuer l'impartialité de ses hautes fonctions aux yeux de la population?

Le Président: Vous admettrez que, pour une dernière principale, les mots "partisane" et "mesquine" étaient de trop. En réponse, M. le ministre de la Justice et je vous demande de ne pas susciter de débat, s'il vous plaît, M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Non, il n'y a pas de débat

nécessaire, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Marx: II n'y a pas eu de pressions. Il y a eu des demandes de la part de l'ancienne députée de Jonquière, Mme Saint-Amant, du maire de Jonquière et, malheureusement, l'actuel député de Jonquière m'a fait la demande longtemps après les autres. Donc, lorsque j'ai été interviewé à la radio, j'ai dit la vérité, parce que les demandes me sont venues de l'ancien député, du maire et, quelques jours plus tard, du député actuel de Jonquière qui était un peu en retard.

Des voix: Petit! Petit! Petit!

Le Président: Fin de la période des questions.

Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail en complément de réponse.

Communications entre les agents d'aide sociale et la Sûreté du Québec

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le 9 juin dernier, le député de Verchères me demandait en cette Chambre si le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu avait établi des mécanismes particuliers de liaison avec les agents de la Sûreté du Québec, de l'escouade des crimes économiques et ce, depuis que nous avons donné des directives et s'il est vrai, comme l'affirme le Solliciteur général qu'il n'y a aucun lien, donc aucune information qui serait transmise, etc. J'ai pris avis de cette question en indiquant que je vérifierais auprès des 150 agents socio-économiques qui effectuent des visites à domicile pour savoir s'il y a eu des contacts entre ces agents et les agents des crimes économiques de la Sûreté du Québec ou d'autres.

On m'informe, après vérification, qu'il n'y a pas eu de demande de faite à la Sûreté du Québec ou de renseignements transmis à la Sûreté du Québec par ces 150 agents socio-économiques. Selon les informations que j'ai pu obtenir, il semble que deux centres Travail-Québec aient communiqué à deux reprises avec l'escouade des crimes économiques de la Sûreté du Québec, soit en 1978 et en 1984.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président: Une très courte question additionnelle, M. le député de Verchères. À l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre! M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Outre ces vérifications, le ministre peut-il nous dire s'il a émis des directives précises quant au problème de la transmission des informations, d'une part, et est-ce qu'il peut nous dire si un simple agent de l'aide sociale a l'autorité, la prérogative de transmettre des informations à un agent de la Sûreté du Québec sans l'autorisation de ses supérieurs et des autorités du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu? Troisièmement, qui a donné les informations pour que, depuis quelque temps, les agents de la Sûreté du Québec se mettent à la poursuite des médecins concernant l'aide sociale?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je répondrai quant à la dernière partie de la question concernant les allégations contenues dans le journal Le Devoir, sous la plume de Carole Beaulieu, si ma mémoire est fidèle, selon lesquelles des agents des crimes économiques de la Sûreté du Québec visitaient des médecins dans le cas de ce qu'on appelle les certificats de complaisance. Il n'y a aucune directive qui vient de mon ministère à cet effet, et j'ai vérifié.

Quant aux autres vérifications, il n'y a pas de directive de donner des informations, mais, comme dans chacun des cas où un citoyen, quel qu'il soit dans la société, est témoin d'un acte criminel, d'un cas de fraude, etc., je pense qu'il est du devoir du citoyen d'en aviser les autorités et il agit comme simple citoyen à ce moment-là.

Le Président: Fin de la période régulière des questions.

Nous allons maintenant procéder aux deux votes qui ont été reportés. Je demande à tous les membres de cette Assemblée s'ils sont prêts à procéder à la première motion présentée par M. le ministre des Communications. Nous allons attendre quelques instants. (11 h 8 - 11 h 9)

Mise aux voix de la motion proposant l'adoption du projet de loi 61

Si je comprends bien, on est prêt à procéder à la première motion. Je vais mettre immédiatement aux voix la première motion présentée par M. le ministre des Communications proposant que le projet de loi 61, Loi modifiant la Loi sur la Société de radiotélévision du Québec, soit adopté.

Que ceux et celles qui sont en faveur de ladite motion veuillent bien se lever!

Le Secrétaire adjoint: MM. Gratton (Gatineau), Saintonge (Laprairie), Marx (D'Arcy McGee), Pagé (Portneuf), Mme Bacon

(Chomedey), MM. Ryan (Argenteuil), Bour-beau (Laporte), Paradis (Brome-Missisquoi), Latulippe (Chambly), Côté (Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), Mmes Gagnon-Tremblay (Saint-François), Robic (Bourassa), MM. Rémillard (Jean-Talon), Savoie (Abitibi-Est), Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Vallières (Richmond), Picotte (Maskinongé), Fortier (Outremont), Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau), Vaillancourt (Orford), Dauphin (Marquette), Maltais (Saguenay), Philibert (Trois-Rivières), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Lefebvre (Frontenac), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Sirros (Laurier), Doyon (Louis-Hébert), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Cannon (La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice), Paradis (Matapédia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Rivard (Rosemont), Polak (Sainte-Anne), Assad (Papineau), Audet (Beauce-Nord), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger (Laval-des-Rapides), Bélisle (Mille-Îles), Mme Hovington (Matane), M. Séguin (Montmorency), Mmes Trépanier (Dorion), Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent (Sauvé), Gervais (L'Assomption), Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx), MM. Bradet (Charlevoix), Camden (Lotbinière), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoilou), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Hamel (Sherbrooke), Laporte (Sainte-Marie), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Houde (Berthier), Kehoe (Chapleau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Marcil (Beauharnois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski), Tremblay (Iberville), Thérien (Rousseau), Théorêt (Vimont), Saint-Roch (Drummond).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ladite motion veuillent bien se lever!

Le Secrétaire adjoint: MM. Johnson (Anjou), Chevrette (Joliette), Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Jolivet (Laviolette), Garon (Lévis), Rochefort (Gouin), Charbonneau (Verchères).

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Secrétaire adjoint: Mme Juneau (Johnson), MM. Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier (Roberval), Godin (Mercier), Mme Vermette (Marie-Victorin), MM. Paré (Shefford), Claveau (Ungava), Bou-lerice (Saint-Jacques), Blais (Terrebonne), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve), M. Desbiens (Dubuc).

Le Secrétaire: Pour: 88

Contre: 22

Abstentions: 0

Le Président: Le projet de loi 61 est adopté.

Une voix: Ah!

Mise aux voix des amendements et du rapport de la commission qui a fait l'étude détaillée du projet de loi 58

Le Président: Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix du rapport du projet de loi 58. Je mettrai aux voix les amendements présentés par le ministre de l'Éducation et par M. le député de Laviolette, de même que le rapport de la commission de l'éducation qui a étudié le projet de loi 58.

Dans un premier temps, je mets aux voix les amendements du ministre de l'Éducation à l'article 1, à l'article 3, à l'article 8 où un nouvel article 85.1 de la Charte de la langue française est proposé, à l'article 10 et à l'article 11 où un nouvel article 208.2 de la charte est proposé. Que ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever!

M. Gratton: Si on me le permet, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: II semble que, du côté ministériel, nous voterions pour et que, du côté de l'Opposition, on voterait contre. Donc, on pourrait peut-être enregistrer le même vote que tantôt.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Nous accepterions cela.

Le Président: Si je comprends bien, les amendements proposés par le député de Laviolette ainsi que par le ministre sont adoptés.

Une voix: J'ai l'impression que cela n'est pas vrai.

M. Chevrette: Je m'excuse, M. le Président, il y a méprise.

Une voix: Oui.

M. Chevrette: Concernant les amendements du ministre, on est prêt à prendre le même vote que celui qui a été pris sur Radio-Québec.

Le Président: Cela va.

M. Chevrette: II est bien évident que, concernant l'amendement présenté par le député de Laviolette...

Une voix: On est pour.

Une voix: Tout le monde est pour.

M. Chevrette: ...cette formation politique va se lever en bloc pour voter pour, alors qu'eux autres peuvent aussi voter pour. C'est différent un petit peu.

Des voix: C'est cela.

Une voix: On va voter contre.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je suggérerais que l'autre bloc vote contre; à ce moment, on pourrait renverser le vote.

Des voix: Ah!

Une voix: On joue aux blocs.

M. Chevrette: Ils peuvent voter pour.

Une voix: Ils sont prêts à voter.

Une voix: C'est peut-être mieux de voter.

M. Gratton: Non. M. le Président, je propose, pour que cela soit bien clair pour tout le monde...

Le Président: Pour que cela soit bien clair, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: ...que, sur les amendements du ministre de l'Éducation, on enregistre le même vote que précédemment et, que sur l'amendement de l'Opposition, on enregistre le vote contraire.

Une voix: Renversé.

Une voix: Même chose, mais à l'inverse.

Le Président: Parfait. Les amendements présentés par M. le ministre de l'Éducation sont adoptés et l'amendement proposé par M. le député de Laviolette est rejeté.

Des voix: Ah!

Le Président: Bien? Nous allons maintenant procéder au vote sur le rapport tel qu'amendé. Même vote, M. le leader de l'Opposition, sur le rapport tel qu'amendé?

M. Chevrette: Même vote.

Le Président: Le rapport tel qu'amendé est adopté.

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Est-ce que cela va, M. le leader de l'Opposition?

M. Chevrette: Je vous dis que c'est inversé par rapport au vote. Il faut bien se comprendre, M. le Président. Je ne voudrais pas me faire jouer un tour.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: On va vérifier.

M. Chevrette: Je voudrais bien l'interpréter. Vous me permettrez de dire ceci, M. le Président, pour clarifier. Concernant les amendements du ministre de l'Éducation, cela a été adopté sur division. Pour l'amendement de M. Jolivet, cela a été rejeté sur division.

Le Président: Exactement.

M. Chevrette: Le rapport a été adopté sur division.

Le Président: Sur division. Cela va.

Une voix: C'est regrettable.

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je voudrais confirmer pour dire oui, non.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: II savait qu'un oui, c'est un non.

Le Président: C'est presque clair. Merci.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président: Motions sans préavis.

M. le ministre de la Justice. M. le ministre, attendez un peu. Que ceux et celles qui veulent bien se retirer le fassent immédiatement, s'il vous plaît!

Nous allons continuer les affaires courantes. MM. les députés. Il y a plusieurs avis à communiquer à la Chambre. Il y a une motion sans préavis également. Veuillez regagner vos sièges, s'il vous plaît, ou vous retirer. S'il vous plaît, Mme la députée. M. le député de Mille-Îles.

M. le ministre de la Justice, vous avez la parole.

10e anniversaire de la

Charte québécoise des droits

et libertés de la personne

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais obtenir le consentement de tous les collègues parlementaires pour souligner le dixième anniversaire de l'entrée en vigueur de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre cette motion? Consentement. M. le ministre de la Justice, vous avez la parole.

M. Herbert Marx

M. Marx: M. le Président, l'Assemblée nationale a adopté la Charte québécoise des droits et libertés de la personne en 1975, mais l'entrée en vigueur de cette charte a eu lieu en juin 1976? C'est-à-dire que ce mois-ci, aujourd'hui, cela fait dix ans que la charte québécoise est entrée en vigueur.

En 1976, nous avons pris les devants en mettant en vigueur la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. C'est une charte qui est, je dirais, la plus protectrice des lois en ce qui concerne les mesures antidiscriminatoires. Par exemple, à l'article 10, on interdit la discrimination contre quelqu'un à cause de sa condition sociale.

J'aimerais ajouter qu'en 1982 l'Assemblée nationale a modifié cette charte afin de raffermir les droits et les libertés de la personne. C'était surtout afin de donner prépondérance à la charte sur toute loi et tout règlement adopté au Québec, que ces lois ou règlements aient été adoptés avant ou après l'adoption de la charte. (11 h 20)

De plus, M. le Président, cette année, nous avons adopté le règlement qui prévoit des programmes d'accès à l'égalité. Ce sera en vigueur vers le 1er septembre 1986. Nous avons l'intention de déposer, soit demain, soit vendredi, une loi pour prévoir que toutes les dispositions dans les lois du Québec qui vont à l'encontre de la charte soient abrogées.

En terminant, j'aimerais simplement lire le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. C'est un préambule qui n'est pas souvent cité. Je le cite: "Considérant que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son épanouissement; considérant que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi; considérant que le respect de la dignité de l'être humain et la reconnaissance des droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix; considérant que les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général; considérant qu'il y a lieu d'affirmer solennellement dans une charte les libertés et droits fondamentaux de la personne afin que ceux-ci soient garantis par la volonté collective et mieux protégés contre toute violation."

Ce sont les principes qu'on trouve dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, des principes que l'Assemblée nationale a mis au sommet de la hiérarchie de ses valeurs. C'est-à-dire que nous voulons que tous les Québécois et toutes les Québécoises respectent ces principes et c'est le respect de ces principes qui fait la différence entre l'Etat du Québec et beaucoup d'autres États au monde. J'aimerais seulement dire, en terminant, que c'est le dixième anniversaire de la mise en vigueur de notre Charte des droits et libertés de la personne qui a bien servi le Québec. Merci.

Le Président: Merci, M. le ministre de la Justice. Nous allons maintenant entendre, sur la même motion sans préavis, M. le député de Taillon. M. le député.

M. Claude Filion

M. Filion: En 1975, l'Assemblée nationale se dotait, on le sait, d'une Charte des droits et libertés de la personne qui est entrée en vigueur le 28 juin 1976, il y a maintenant dix ans. Déjà, la charte québécoise était vue comme une loi progressiste, reconnaissant autant les droits économiques et sociaux que les droits politiques, et protégeant le droit de ne pas subir de discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale et la condition sociale.

En 1977, le législateur québécois ajoutait l'orientation sexuelle aux motifs interdits de discrimination et, en 1979, le fait d'être une personne handicapée ou d'utiliser quelque moyen pour pallier son handicap.

En 1981, la commission permanente de la justice tenait plusieurs séances pour entendre des mémoires en vue de modifier la charte. Soixante organismes ou individus ont participé à cette consultation. C'est dans ce contexte que le projet de loi 86, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, a été sanctionné le 18 décembre 1982 et partiellement mis en vigueur le 1er octobre 1983. De nouveaux droits ont été introduits, dont deux nouveaux motifs illicites de discrimination: l'âge et l'état de grossesse. De plus, le harcèlement en raison de l'un ou l'autre des motifs

illicites de discrimination est aussi interdit.

De la même façon, il est maintenant interdit de congédier ou autrement pénaliser un employé en raison de ses antécédents judiciaires. De nouveaux droits juridiques ont été inclus qui visent à compléter ceux qui s'y trouvent déjà. Signalons également les programmes d'accès à l'égalité et l'entrée en vigueur du règlement de ces programmes le 1er septembre prochain. Enfin, l'une des réformes majeures apportées par la modification de 1982 est d'avoir étendu la préséance de la charte à toute la législation québécoise, qu'elle soit antérieure ou postérieure à son adoption.

Depuis dix ans, Mme la Présidente, un consensus social important a émergé et les Québécois, fiers de cette dynamique québécoise qui assure la protection de leurs droits et libertés, peuvent, aujourd'hui avec nous, célébrer le dixième anniversaire de leur charte. Nous espérons que l'actuel gouvernement respectera le consensus social qui a toujours précédé toute modification à la charte. Nous espérons qu'il ne participera pas à un amoindrissement de la protection des justiciables québécois dans la mesure où il modifierait la charte de façon substantielle sans s'assurer d'abord d'avoir consulté les principaux intéressés.

Malheureusement, à cet égard, nous devons constater que le ministre de la Justice a rompu avec la tradition et avec ce consensus social en déposant, on le sait, le projet de loi 87, lequel impose un mariage forcé entre la Commission des droits de la personne et le Comité de la protection de la jeunesse. L'adoption du principe du projet de loi n'étant pas terminée, nous osons croire que le ministre de la Justice reviendra sur sa décision et profitera des vacances parlementaires pour réétudier plus sérieusement son dossier. Mme la Présidente, il est triste que le dixième anniversaire de ce document fondamental que constitue la charte soit marqué par un précédent aussi dangereux que le projet de loi 87. Nous osons croire, cependant, que le ministre pourra réviser sa position et protéger le consensus social qui a permis la mise sur pied de la charte et son développement. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre de la Justice en réplique.

M. Herbert Marx (réplique)

M. Marx: Mme la Présidente, je n'avais franchement pas l'intention de faire une réplique, mais, en entendant le député de Taillon, j'ai été un peu surpris d'apprendre que nous avons l'intention de modifier la Charte des droits et libertés de la personne du Québec par la loi 87.

En effet, nous n'avons pas l'intention de modifier la charte en ce qui concerne les droits et libertés de la personne. Je le souligne, nous n'avons pas cette intention malgré ce que le député de Taillon a voulu faire passer comme message ici. Nous n'avons pas l'intention de modifier quoi que ce soit en ce qui concerne les droits et libertés de la personne au Québec.

Les modifications prévues par le projet de loi 87 touchent la ou les missions de la Commission des droits de la personne, le fonctionnement de la commission et son rôle sur le plan administratif. Il n'y a rien dans le projet de loi 87 en ce qui concerne la modification des droits et libertés de la personne au Québec.

Je trouve malheureux que le député de Taillon ait choisi ce moment pour faire de la petite politique quand nous avons l'occasion, aujourd'hui, de célébrer le dixième anniversaire de la mise en vigueur de la charte de Québec. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice. Nous allons donc mettre aux voix la motion qui a été présentée par le ministre de la Justice concernant le dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la personne. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, nous sommes aux avis touchant les travaux des commissions.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader du gouvernement. (11 h 30)

Avis touchant les travaux des commissions

M. Gratton: Je désire aviser l'Assemblée que, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures - et je prie le député de Taillon en particulier d'en prendre note - donc, à compter de maintenant jusqu'à 13 heures, de 16 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre ci-après énuméré: le projet de loi 76, Loi relative à diverses mesures à caractère financier concernant l'administration de la justice; le projet de loi 62, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires; le projet de loi 88, Loi modifiant le Code civil, la Loi sur les bureaux d'enregistrement et la Loi sur la division territoriale. Je voudrais qu'on

note qu'à 16 heures la commission commencera ses travaux par l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi maintenant en vigueur certains décrets relatifs aux affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Chevrette: On est aussi bien de régler cela tout de suite, si vous le permettez.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Vous voulez interrompre les travaux du ministre de la Justice pour étudier la loi du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes?

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Au début. Je m'excuse, Mme la Présidente. Est-ce qu'on peut recommencer?

M. Chevrette: Oui.

M. Gratton: Ce ne sera pas à 16 heures, ce sera à 15 heures. À 15 h 30?

Une voix: Oui.

M. Gratton: À 15 h 30, c'est un compromis honorable. À 15 h 30, en reprenant ses travaux, la commission suspendrait l'étude des projets de loi du ministre de la Justice et procéderait à l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi maintenant en vigueur certains décrets relatifs aux affaires intergouvernementales canadiennes. Elle pourrait poursuivre ensuite l'étude des projets de loi mentionnés précédemment.

Ce soir, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi privé 252, Loi concernant la ville de Saint-Césaire. J'aimerais indiquer, avec le consentement de l'Opposition, qu'après l'adoption du principe du projet de loi 78, Loi modifiant diverses lois fiscales afin de donner suite à l'Énoncé de politiques budgétaires du gouvernement du 18 décembre 1985, à la salle du Conseil législatif, la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée de ce projet de loi jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, si nécessaire.

La Vice-Présidente: Cela va, M. le leader de l'Opposition? Merci.

Nous allons passer aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

M. Gratton: Mme la Présidente, pour donner un bref aperçu, nous procéderons d'abord à l'adoption du projet de loi 60 et nous pourrions ensuite procéder à l'adoption de quatre projets de loi inscrits au nom de Mme la ministre des Affaires culturelles, procéder à l'adoption de quatre projets de loi inscrits au nom du ministre du Revenu pour ensuite aborder l'adoption du projet de loi 84, Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics. Par la suite, nous pourrions tout au moins commencer le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 78, Loi modifiant diverses lois fiscales afin de donner suite à l'Énoncé de politiques budgétaires du gouvernement du 18 décembre 1985.

Cet après-midi, nous procéderons à l'adoption de deux projets de loi, soit le projet de loi 67 concernant la ville de Scheffer-ville et le projet de loi 61 concernant la Raffinerie de sucre du Québec. Nous pourrons en cours de route nous consulter quant à la suite des travaux après 20 heures.

Projet de loi 60 Adoption

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le leader du gouvernement. Si je comprends bien, nous allons maintenant débattre l'adoption du projet de loi 60, Loi modifiant le Code de la sécurité routière, présenté par le ministre des Transports le 14 mai dernier, dont le principe a été adopté le 3 juin 1986 et dont le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements a été adopté le 16 juin 1986. M. le ministre des Transports.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): Mme la

Présidente, nous en sommes à l'avant-dernière étape qui fera en sorte que le projet de loi 60 devienne réalité. Comme vous le savez, nous avons eu l'occasion de débattre le principe du projet de loi en cette Chambre il y a déjà quelque temps, comme vous venez de l'évoquer. Nous avons aussi eu l'occasion de discuter en commission parlementaire article par article du bien-fondé de chacun des articles et nous sommes revenus devant vous pour l'adoption en troisième lecture avec un seul amendement de portée mineure à la proposition que j'avais soumise à l'Assemblée nationale. Le tout sera concrétisé par une sanction qui aura lieu en fin d'après-midi chez le lieutenant-gouverneur. Ce projet de loi 60 sera donc réalité à partir de ce soir et certains articles pourront éventuellement être mis en

application par décret gouvernemental, compte tenu de certains mécanismes à établir et à instaurer au niveau de la Régie de l'assurance automobile quant à certains aspects particuliers de la suspension ou de la révocation du permis.

Pour faire un bref retour sur ce que nous avons dit depuis le début, c'est un premier volet concernant toute une réforme du Code de la sécurité routière et de l'ensemble de la problématique reliée aux accidents de la route. Donc, ce premier volet, qui visait des points particuliers, visait à introduire à l'intérieur du Code de la sécurité routière des mesures qui veulent agir sur 50 % des raisons des accidents d'automobile qui coûtent approximativement 2 000 000 000 $ par année à l'État. Donc, 50 % de ces accidents sont causés par l'alcool, ce qui signifie 1 000 000 000 $.

J'ai même vu dans un article de la Presse, il y a environ dix jours, que quelqu'un pour qui j'ai probablement beaucoup de respect - je ne le connais pas -avait fait une étude, soi-disant très savante, qui en arrivait à la conclusion que, plus on prend un coup, moins on a d'accidents. Finalement, je me pose de sérieuses questions et j'ai bien hâte de prendre connaissance de l'ensemble de l'étude. Évidemment, il y avait certaines nuances disant que, lorsqu'on en prenait beaucoup trop, cela avait des effets sur les accidents. Mais semble-t-il que le fait de prendre petit verre ammolit certains réflexes ou le corps, ce qui fait qu'on aurait moins d'accidents ou moins de dommages dans les accidents. Pour ne pas faire insulte à tous les avocats qui nous entourent, cela prend toujours des avocats de la défense, mais cela prend aussi des avocats de l'autre partie. Disons que cette étude va très certainement pousser la recherche plus avant et que, sans nul doute, elle démontrera très nettement que l'alcool a des effets très néfastes sur la conduite automobile et sur les accidents de la route, et est la cause d'à peu près 50 % des accidents.

C'est donc, en premier lieu, à ce niveau que nous avons voulu intervenir par le projet de loi pour signifier très nettement à ceux qui ont pris l'habitude de conduire en état d'ébriété - eux seuls, comme on l'a dit en deuxième lecture, même s'ils sont "chauds", se contrôlent, c'est l'autre qui ne se contrôle pas - qu'on va les contrôler à leur place et qu'on prend les moyens de façon qu'ils disparaissent de la route grâce à des mesures assez draconiennes, comme je l'ai dit. C'est la première mesure. Il y a toute une série d'autres mesures, que l'on verra tantôt, qui nous permettront d'intervenir.

Dans le cas d'un individu qui serait arrêté avec les facultés affaiblies ou qui serait arrêté dans le cas des treize autres possibilités, dont le délit de fuite... Comme vous le savez, certains délits de fuite ont lieu parce que certaines personnes craignent que les agents de la Sûreté ne leur fassent souffler dans ce qu'on appelle la "balloune". C'est ce qu'on veut éviter. Donc, les délits de fuite, les accidents causés par l'alcool, entraînant des lésions corporelles ou la mort, ces actes de nature criminelle seront très sévèrement punis par la suspension, pour une première offense, par la révocation du permis de conduire pour un an; dans le cas de récidive, deux ans; dans le cas d'une nouvelle rédicive, trois ans.

Certains se sont étonnés en disant que c'était une première. Ce n'est pas une première, puisque le Code criminel fédéral suspend ou révoque déjà, depuis décembre dernier, le permis pour trois mois, sans aucune possibilité d'avoir recours à un permis restreint. Nous allons encore plus loin en disant qu'au lieu de trois mois c'est un an; dans le cas de récidive, deux ans; dans le cas d'une nouvelle récidive, trois ans. (11 h 40)

La période de référence, qui était de deux ans, passe à cinq ans, mais uniquement - il faut être très clair - pour les quatorze délits contenus dans les amendements que nous avons déposés, donc des délits de nature criminelle. Il n'est pas question ici d'intervenir pour prolonger de deux ans à cinq ans la période pour les points d'inaptitude qu'un conducteur aurait pu accumuler en raison d'infractions aux limites de vitesse. Cette mesure n'est pas du tout touchée, elle demeure exactement ce qu'elle est aujourd'hui, soit une période de référence de deux ans et douze points au permis de conduire.

Le deuxième élément, Mme la Présidente, vous vous en souviendrez, c'est l'impossibilité créée dans la loi, pour des individus ayant commis des infractions au Code de la sécurité routière quant aux 14 points que nous avons mentionnés, d'obtenir un permis restreint. Rappelez-vous, nous l'avons dit, que 95 % à 97 % des gens qui vont devant les tribunaux ou en font la demande obtiennent un permis restreint; donc, à toutes fins utiles, il n'y a pas de suspension de permis. De ces 95 % ou 97 % de gens qui obtiennent des permis, 95 % ont commis des infractions relatives à la boisson. Il est très clair que nous ne pouvions tolérer davantage cette situation; nous nous devions d'agir et c'est ce que nous faisons avec le projet de loi.

Le troisième élément important était la période de référence de deux à cinq ans et ce, uniquement dans le cas de récidive, il faut bien le dire. Dans le cas où un individu commettrait un premier délit qui peut être accidentel, s'il était condamné à une révocation de permis pour un an et si, à l'intérieur des cinq ans, il y avait un autre

acte de cette nature, la suspension, la révocation serait donc de deux ans; s'il devait y en avoir une autre, ce serait de trois ans. Donc, des mesures très sévères, mais qui visent à enrayer le mal à sa racine.

Cette démarche, comme je vous l'ai dit, fait partie d'un premier volet d'une série de mesures que nous allons adopter pour aérer et ventiler le système routier du Québec d'un certain nombre d'individus qui ne font pas preuve de jugement et que l'on doit protéger malgré eux. Ils nous forcent à protéger la majorité et non pas quelques individus à la tête troublée.

La deuxième intervention se fera à l'automne, dans le cadre du Code de la sécurité routière, avec deux points majeurs, dont celui du port de la ceinture de sécurité. Est-il besoin de rappeler que 80 % des conducteurs en Ontario respectent le port de la ceinture de sécurité alors qu'au Québec nous sommes passés de 63 % à approximativement 50 %, donc un recul à ce niveau, compte tenu du fait que nous n'avons pas, dans la loi ou dans le Code de la sécurité routière, toutes les dents qu'il faut pour, dans un premier temps, agir et, dans un deuxième temps, donner suffisamment de pouvoirs pour que ceux qui ont à appliquer cette loi le fassent, tout en s'assurant que ceux qui ont à appliquer la loi veuillent l'appliquer, qu'ils ne soient pas eux-mêmes pris dans ce carcan où nous devons imposer à quelqu'un de porter la ceinture, mais nous devons en être exemptés.

Il y a une progression et, à ce sujet, à l'automne, nous ferons appel à la compréhension des différents corps policiers, des chauffeurs de taxi aussi. Nous sommes a étudier un ensemble de mesures qui pourraient inciter les gens à porter davantage la ceinture de sécurité et nous le ferons. Nous allons nous donner une partie de l'été, jusqu'au début de l'automne, pour consulter un ensemble de citoyens du Québec afin que les mesures aient le plus de chance possible d'être appliquées, l'objectif étant la sécurité routière.

Il est clairement démontré qu'un individu qui a un accident d'automobile, qui est pourvu d'une ceinture de sécurité, coûte à l'État deux fois moins cher en soins médicaux. Il y a donc des avantages à être attaché non seulement sur le plan pécuniaire, mais aussi quant à toutes les meurtrissures pour la personne physique. S'il en coûte deux fois moins cher à l'État pour quelqu'un qui est attaché, j'imagine que cela doit nécessairement aller avec ce que la personne a à subir comme blessures sur le plan physique et sur le plan moral toute une série de blessures dont on ne peut mesurer l'ampleur que par des piastres et des cents.

Donc, à l'automne, premier point. Le deuxième est la vérification mécanique afin d'éliminer des routes du Québec les véhicules dangereux. Vérification mécanique qui, normalement, du moins dans la phase actuelle, se ferait aux six mois pour les véhicules commerciaux, avec toute une série de mesures assez contraignantes, merci! Elles feront en sorte que les éléments reliés à la sécurité d'une voiture sur les routes... En cela, on fait abstraction d'un moteur et d'une transmission. Si le moteur ne fonctionne pas ni la transmission, il y a de fortes chances que vous ne soyez pas très dangereux sur les routes. Quand on fait appel à la sécurité, c'est toute une série de mesures relatives aux freins et à d'autres mesures que nous verrons à l'automne. Donc, intervention à ce niveau-là et de manière tout aussi efficace, je pense, que ce que nous avons fait dans la première phase.

Troisièmement, comme l'avait souligné à juste titre Mme la députée de Maisonneuve, on peut agir avec des mesures coercitives. Nous en sommes rendus à mettre à l'intérieur de la loi davantage de mesures coercitives. Mais il faut aussi agir sur le comportement de l'individu. Cela se fait par de l'éducation, par de l'information et à ce niveau la Régie de l'assurance automobile du Québec entamera très bientôt des campagnes de publicité dans le but de sensibiliser la population. Sur ce volet il est clair que nous devons aussi agir au niveau de certains règlements. Il y a devant le Conseil des ministres actuellement un règlement sur les écoles de conduite automobile qui sera adopté très prochainement, au plus tard le 9 juillet. Il fera, pour la première fois, époque chez nous par le fait que les écoles de conduite seront maintenant régies par un règlement et devront se conformer à un certain nombre de choses en termes d'enseignement. Si nous agissons là où les jeunes vont apprendre comment conduire, vont apprendre ce qu'est un Code de la sécurité routière avec tous ses éléments, nous avons de fortes chances que celui qui a un comportement délinquant puisse être corrigé dès ce moment-là. Je mets en garde très sérieusement certaines écoles de conduite, heureusement ce ne sont pas toutes, qui auraient la fâcheuse manie de prendre certains moyens pour obtenir les examens de la Régie de l'assurance automobile et qui feraient le montage du cours en fonction des questions que peut poser la Régie de l'assurance automobile dans ses examens et non pas sur l'ensemble du Code de la sécurité routière.

Lorsque l'on veut faire un travail honnête, ce pourquoi on a une raison sociale, c'est l'ensemble du Code de la sécurité routière que doivent connaître les gens lorsqu'ils sortent des écoles et passent des examens et non pas uniquement de la matière en fonction de passer un examen. À ce niveau, la Régie de l'assurance automobile du Québec a resserré les examens faisant

passer le taux d'échec de 8 % à 35 %, ce qui est beaucoup plus conforme à ce qui se passe ailleurs.

Ce sont des mesures qui s'en viennent, qui sont complémentaires à ce que nous avons fait jusqu'à maintenant - toujours dans l'optique de la sécurité des gens - des mesures contraignantes, par l'éducation, par l'information. Elles seront beaucoup plus efficaces et permettront d'éviter meurtrissures, blessures et de faire épargner de l'argent directement à l'État par les coûts inhérents à l'assurance-hospitalisation. Aussi éventuellement - dans la mesure où notre comportement sera plus sain - les mesures occasionnant moins d'accidents, il y aura peut-être des baisses de primes d'assurance des individus qui ont à protéger la tôle. On ne parle pas de celle-là mais il y a aussi des frais attachés à cela. (11 h 50)

Ce que nous ferons aussi très prochainement c'est une simplification de la tarification afin que ceux qui ont à appliquer les règlements et les lois du Québec relatifs à ceux qui circulent sur les routes du Québec puissent avoir une bonne compréhension de ce qu'est le règlement, au moins être capable de le comprendre si on veut l'appliquer. Éviter aussi, par une nouvelle tarification, de 30 % à 40 % d'erreurs auprès des mandataires de la Régie de l'assurance automobile qui font l'immatriculation. Cela coûte des sous, cela coûte de l'argent. Dans ce sens-là, nous allons simplifier la tarification très prochainement et nous allons aussi faire en sorte que, pour une voiture de promenade, il n'y ait plus 124 tarifs et que, pour le camionnage, il n'y ait plus 124 sortes de tarifs non plus. Comme vous le savez, pour vous donner un exemple, le droit payé dépend de la masse totale en charge. Quotidiennement, nous rencontrons des camionneurs qui disent: On fait rire de nous - c'est à la demande de l'Association des camionneurs du Québec que nous intervenons - parce qu'on est enregistré sur la masse totale en charge permise. Cela signifie un montant X de dollars, X centaines de dollars, alors que le "smatte", à côté, lui, a décidé que son camion pesait 7900 livres, qu'il l'enregistrait pour 7900 livres, payait moins cher que ce qu'il devrait normalement payer, donc de la fraude. Il n'est pas rare de trouver qu'un camion pesant vide, en masse totale, 7400 livres pèse, chargé, 7900 livres. On ne transporte pas grand-chose, M. le Président, et c'est à voir si cela vaut vraiment la peine d'investir autant d'argent pour transporter si peu de marchandises.

Cette situation sera corrigée par l'introduction d'un tarif à partir des essieux et non plus à partir de la masse totale en charge. Aux petits amis un peu partout qui ont, jusqu'à présent, passé à travers le système, préparez-vous à sortir votre carnet de chèques, un carnet de chèques qui sera augmenté par rapport à ce que vous avez toujours payé et qui rendra justice et reconnaîtra ceux qui, dans le passé, ont toujours été conformes aux lois et règlements, ont été honnêtes envers la tarification. Nous arriverons avec cela très bientôt, et ce ne sera pas une cachette pour personne. Je vous l'annonce, M. le Président. Effectivement, il y aura de ces individus qui subiront nécessairement des hausses de paiements par rapport à leur histoire. Cette mesure est très claire, et c'est pour très bientôt.

Quant à l'autre volet, j'ai créé la semaine dernière deux comités, un sur la signalisation routière et un sur les limites de vitesse, présidés par deux députés de la majorité. Au comité sur la signalisation routière, c'est le député de Matapédia qui présidera, et il a déjà commencé à travailler. L'objectif est très simple. L'une des causes additionnelles des accidents de la route est une mauvaise signalisation. Je ne dis pas que la signalisation au Québec est mauvaise par rapport à d'autres. Ce n'est pas ce que je dis. Nous avons une équipe qui travaille très bien, qui fait des progrès fantastiques et qui a même permis à des pays étrangers et à des provinces canadiennes de venir chercher chez nous certains pictogrammes et de pouvoir les appliquer dans leur propre milieu. Donc, il y a chez nous une réflexion qui est très saine, qui est très bonne. Il y a aussi ailleurs des réflexions, des expériences qui sont valables, que nous pouvons aller chercher et appliquer chez nous. Donc, le comité sur la signalisation aura ce premier objectif, le deuxième étant celui d'une meilleure signalisation quant aux travaux de construction. Très souvent, on a des plaintes nous disant que la signalisation est trop près des travaux, qu'il devrait y avoir une signalisation avancée. Au cours de l'automne, nous aurons un rapport de ce comité qui proposera un certain nombre de choses que nous analyserons et que nous mettrons en marche le plus rapidement possible.

Quant au deuxième comité présidé par le député de Trois-Rivières, c'est celui sur les limites de vitesse. Mme la Présidente, je dois vous dire que le ministre des Transports se déplace beaucoup, rencontre beaucoup de gens, et il n'y a pas un endroit où on ne se fait pas parler des limites de vitesse sur l'autoroute 20 en particulier. On dit: 100 kilomètres, ce n'est pas très réaliste compte tenu de la capacité du système autoroutier. On dit: En Allemagne, il n'y a plus de limite de vitesse et, semble-t-il, cela a des effets bénéfiques quant au taux d'accidents. Est-ce qu'on ne pourrait pas revoir chez nous un certain nombre de choses? D'autres individus nous disent: Quelle est la logique de notre

système de vitesse, de nos limites de vitesse, alors qu'on permet sur une autoroute à quatre voies, deux voies à sens unique, deux en allant et deux en revenant, 100 kilomètres, alors qu'au sortir d'une autoroute on tombe sur une route régionale à une voie dans un sens, une voie dans l'autre, beaucoup plus étroites, et qu'on se retrouve avec des vitesses permises de 90 kilomètres? Les gens disent: Où est la logique? Certains se demandent si cette logique ne serait pas d'augmenter la vitesse sur les autoroutes. D'autres prétendent la maintenir sur les autoroutes et la diminuer dans le réseau interrégional. Mme la Présidente, le député de Trois-Rivières, avec son équipe, a déjà commencé des réunions. À 7 heures ce matin, ce beau monde était au travail et commençait à produire. C'est tout à fait intéressant et nul doute qu'à l'automne nous pourrions avoir là aussi des recommandations fort intéressantes touchant l'ensemble de la question de la sécurité routière.

Donc, Mme la Présidente, comme vous le constatez, voilà un projet qui aboutit aujourd'hui par l'adoption en troisième lecture du projet de loi 60 qui sera sanctionné en fin d'après-midi. Donc, toutes les étapes sont franchies. Toute une série de mesures, dans la machine actuellement, sont soit très avancées, soit en début de travail et elles auront leur point de chute à l'automne et permettront d'avoir la vision d'une réforme globale du Code de la sécurité routière. Dieu sait que cet objectif est de protéger ceux qui utilisent le système routier du Québec, bien sûr avec les moyens dont nous disposons. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Transports. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Je crois comprendre que nous procéderons à l'adoption de ce projet de loi en présence de jeunes Québécois, je crois, garçons et filles, qui, selon une tradition maintenant solidement implantée au Parlement, viennent à la fin de chaque session, à la fin d'ailleurs de leur session scolaire, vivre un peu la vie d'un premier ministre et, tout au moins, circuler à travers les diverses activités parlementaires et ils assisteront à l'adoption de ce projet de loi. Je crois qu'il s'agit là d'une heureuse initiative, quand on sait combien il faut intensifier les campagnes de sensibilisation auprès des jeunes Québécois, de 15 à 25 ans en particulier.

Des chiffres évidemment éloquents, des chiffres connus mais des chiffres qu'il vaut toujours la peine de rappeler nous amènent à considérer comme extrêmement dramatique Cette situation qui occasionne, comme première cause de mortalité chez les moins de 35 ans, première cause de mortalité avant tout autre qui fauche des jeunes dans la force de l'âge, ces accidents de la route meurtriers. Il est certainement important qu'on intensifie, particulièrement dans le milieu scolaire, ces campagnes de sensibilisation à l'égard, en particulier, des jeunes hommes, parce qu'il faut se rappeler - je le fais en ouverture à ce discours de troisième lecture, c'est une réalité - que les hommes sont au volant trois fois plus dangereux que les femmes. Ce sont là des chiffres qu'a publiés le Bureau d'assurance du Canada et qui démontrent notamment que, dans le groupe même des 16 à 19 ans, le groupe le plus touché par les accidents, bien! toutes proportions gardées, les adolescents ont toujours là trois fois plus d'accidents que les adolescentes.

Mme la Présidente, je pense qu'un élément extrêmement important, finalement, dans l'ensemble des comportements sur la route, c'est celui des conduites, je dirais, en état d'agressivité. Le ministre a parlé d'une étude qui a été réalisée fort sérieusement par des chercheurs d'université, semble-t-il, durant plus de deux ans et qui a conduit à des résultats assez surprenants. Ces résultats, d'ailleurs, dont il était fait mention à la radio de Radio-Canada ce matin même, révélaient qu'un petit coup a comme effet de diminuer l'agressivité et, d'une certaine façon, d'amener le conducteur à une sorte d'agressivité affaiblie plutôt qu'à une "conduite affaiblie". (12 heures)

C'est le petit coup de trop qui, évidemment, est meurtrier. Le bilan est connu, la moitié des accidents mortels sont causés par des conducteurs en état d'ébriété. Mais les conducteurs qui sont en état d'ébriété sont donc en conduite dangereuse. Cette conduite dangereuse, c'est souvent une conduite agressive et je dis souvent une conduite de matamore sur son "char". Qu'elle soit en état d'ébriété ou pas, ce type de conduite agressive, ce type de conduite de matamore est le facteur le plus important qui provoque ces accidents meurtriers. Une parenthèse, je pense qu'il vaut toujours la peine de rappeler le bilan - ce bilan tragique que détient le Québec depuis des années -qui va en s'aggravant en matière d'accidents mortels, ce bilan qui est très coûteux, Les coûts sociaux sont évalués à 2 000 000 000 $. Vous vous rendez compte de ce qu'il serait possible de faire dans une société avec l'équivalent de 2 000 000 000 $. Pour illustrer ce bilan, il faut simplement, penser par exemple, pour les gens de la région de Montréal, qu'un centre de - santé aussi important que le centre hospitalier de Laval, à lui seul, ne suffirait pas à soigner l'ensemble des victimes, ne suffirait pas à assurer simple-

ment par une occupation totale à donner les soins suffisants pour l'ensemble dans une année de toutes les victimes des accidents de la route.

C'est donc dire que c'est un bilan qui ne peut pas être banalisé comme trop souvent maintenant dans l'opinion publique puisque, chaque fin de semaine et plus encore les fins de semaine qui durent un peu plus longtemps, on s'attend comme d'une façon normale qu'il y ait des accidents qui soient meurtriers. Je pense qu'au contraire il faut maintenant s'engager à sensibiliser l'ensemble de l'opinion publique contre cet état de fait qui certainement ne peut pas durer. On n'a pas à se résigner devant cette situation comme s'il y avait une fatalité qui ne permettrait pas d'en être autrement. II y a des sociétés qui ont réussi. On pense en particulier au Japon et à la France qui, dans les dernières années, ont réussi par une combinaison - c'est vrai - de mesures sévères pour des conducteurs qui ont des conduites dangereuses et aussi des campagnes vigoureuses d'éducation à diminuer de façon considérable ce bilan tragique. Je crois qu'au Québec on peut performer dans ce sens.

Cela étant dit, nous avons discuté, lors de l'étude en deuxième lecture à l'étude article par article en commission, de certains amendements apportés au projet de loi initial. L'Opposition à pu introduire un amendement qui fait une distinction importante quant à la révocation ou la suspension d'un permis ou le montant des amendes selon que le motif en est l'annulation à cause des points de démérite ou la condamnation pour certaines infractions relevant cette fois du Code criminel, en particulier, la conduite en état d'ébriété. Il faut pouvoir doser la sévérité en cette matière parce qu'une sévérité excessive conduit souvent à l'effet inverse de ce qui est recherché. Une sévérité excessive ne permet plus à l'opinion publique de bien différencier ce qui est totalement répréhensible et qui doit être très sévèrement réprimé de ce qui est évidemment à ne pas sanctionner, mais qui peut donner lieu à des amendes moins sévères. Perdre des points de démérite, c'est différent si on le fait parce qu'on contrevient au Code criminel, parce qu'on met sa propre vie en danger, mais on met aussi la vie de ses concitoyens en danger parce qu'on conduit en état d'ébriété. Il y a là un degré de gravité. Il faut bien évaluer les degrés de gravité dans les peines qu'un Parlement sanctionne, c'est très important pour le respect même des sanctions sur lesquelles on entend légiférer, parce que ce degré de gravité, évidemment, permet de bien savoir ce qu'une société réprouve de façon totale et ce contre quoi elle entend n'avoir aucun pardon.

Cela étant dit, nous avons eu des représentations qui ont été faites par l'Association des avocats de la défense du Québec qui, à bien des égards, a fait valoir des sentences minimales. Il faut voir qu'un tel projet de loi prévoit des sentences qui ne sont plus laissées à la discrétion d'un juge et qui doivent obligatoirement s'appliquer, quelles que soient les circonstances ou quelles que soient les conditions dans lesquelles l'infraction s'est commise.

Ces sentences minimales... Je vous rappelle que dans le cas d'une infraction prévue au projet de loi il s'agit d'une amende d'au moins 600 $ - c'est le minimum - et d'au plus 2000 $ - c'est le maximum -si le permis de conduire est révoqué ou suspendu pour une infraction commise qui relève du Code criminel ou pour un délit qui résulte d'une conduite en état d'ébriété. C'est maintenant différent avec l'amendement qui a été apporté d'une amende qui est réduite à 200 $ au minimum, au plus 500 $, si cette fois le délit résulte d'une accumulation de points de démérite.

Il faut bien voir que, si le délit résulte d'une conduite en état d'ébriété, il y a là un problème parce qu'on a assez répété dans notre société que l'alcoolisme, c'est une maladie. L'alcoolisme devient une infraction quand on met la vie des autres en danger, mais c'est aussi une maladie qui a besoin d'être soignée.

De ce côté-ci, Mme la Présidente, on souhaite faire les représentations les plus sérieuses pour qu'il y ait mise en vigueur des dispositions déjà prévues au Code criminel fédéral, je pense en particulier à l'article 239, paragraphe 5, et qui permettent aux provinces de procéder à un choix: plutôt que de condamner dans des cas semblables, envoyer, de façon obligatoire, à des cures de désintoxication les personnes qui ont commis une infraction, mais pour un problème d'alcool.

Actuellement, il y a quelques provinces - on le sait pour l'Alberta, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et les Terrritoires du Nord-Ouest - qui ont déjà légiféré pour appliquer cet article qui permet à un juge, au lieu de condamner à une amende ou à une révocation, d'envoyer en cure de désintoxication toute personne qui se rend responsable d'une telle infraction et de s'assurer que la cure est suivie.

Il nous semble qu'il ne faut pas se cacher le problème. La moitié des accidents mortels au Québec sont produits par des conducteurs qui conduisent en état d'ébriété. Ces personnes, avec la sévérité accrue de nos lois, vont se retrouver devant les tribunaux et vont voir, pour la plupart d'entre elles, maintenant, avec les dispositions de la loi, de façon automatique leur permis révoqué ou suspendu. Donc, elles n'auront même plus la possibilité de se présenter devant un juge pour obtenir un permis restreint.

II faut bien voir que cela peut conduire... Cela a été le cas dans bien d'autres sociétés. J'en veux à preuve une étude sérieuse qui a été menée en Californie, qui a duré six années et qui a montré que 46 % des conducteurs dont le permis avait été suspendu à la suite d'une infraction pour conduite en état d'ébriété ont été, par la suite, arrêtés ou ont eu un accident durant leur suspension. Ils ont été arrêtés parce qu'ils conduisaient sans permis de conduire. Il peut s'avérer que ces personnes continuent à conduire leur véhicule même si leur permis a été révoqué ou suspendu. C'est là la constatation qu'on peut faire à la suite de toutes ces études qui ont été menées. (12 h 10)

C'est donc dire que le problème perdure, finalement. Si on veut véritablement résoudre de façon sérieuse le problème, qui est un problème d'alcoolisme, qui est un problème grave, qui est un problème qui a des conséquences importantes sur le bilan tragique, sur le bilan meurtrier dont malheureusement le Québec détient la tête de liste, il faut agir sur les causes mêmes qui sont, finalement, des causes d'alcoolisme et procéder à la mise en vigueur de ces dispositions du Code criminel qui permettent à un juge d'obliger les personnes en état d'infraction à suivre une cure de désintoxication.

C'est là certainement un aspect important parce qu'il ne suffit pas de répéter, même avec la plus grande sincérité, combien il est important de modifier le bilan des accidents routiers. Il ne suffit pas non plus d'augmenter la sévérité de nos lois contre les conducteurs qui mettent en danger leur vie et celle de leurs concitoyens en conduisant en état d'ébriété, il faut également trouver les moyens de résoudre ce problème de façon responsable.

Mme la Présidente, le ministre des Transports a fait valoir que 95 % à 97 % des contrevenants qui vont devant les tribunaux obtenaient jusqu'à maintenant un permis restreint: c'est donc 95 % à 97 % de ceux qui voyaient leur permis suspendu ou révoqué à la suite d'une conduite avec facultés affaiblies et qui se présentaient pour obtenir un permis restreint devant un tribunal qui voyaient leur demande agréée. Vous savez, il faut être très circonspect avec ces pourcentages parce que, évidemment, les personnes qui se présentent devant les tribunaux le font parce qu'elles ont des motifs raisonnables de plaider pour l'obtention d'un permis restreint. Il ne faut pas passer trop vite aux conclusions et croire que 95 % à 97 % des personnes qui ont un permis suspendu ou révoqué à la suite d'une conduite en état d'ébriété ont nécessairement un permis restreint. Ce sont ceux et celles qui se présentent devant les tribunaux qui voient leur demande agréée dans un très fort pourcentage, mais sans doute faut-il également prendre en considération que les personnes parmi celles qui ont un permis suspendu ou révoqué et qui se présentent devant les tribunaux ont des motifs raisonnables de plaider les circonstances qui justifient un permis restreint.

De toute façon, nous sommes dans un domaine où nous devons certainement, de façon très régulière, suivre l'évolution des dispositions législatives de manière à pouvoir mieux connaître l'effet et les conséquences qu'elles ont. Il y a de plus en plus de centres de recherche dans les universités, de centres d'étude très sérieux sur ces questions, et il est important de bien vérifier que les interventions législatives qui sont faites, parfois avec les meilleures intentions du monde, ont réellement l'effet recherché et non l'effet inverse en augmentant le nombre de personnes sur nos routes qui conduisent sans permis ou en aggravant le problème par une sévérité qui n'est pas combinée avec des mesures qui ont pour objectif de régler véritablement ce problème qui est, comme je le répétais tantôt, un problème d'alcool.

D'autre part, le ministre des Transports a indiqué à cette Chambre qu'il entendait, dès l'automne prochain, réviser de façon globale le Code de la sécurité routière de manière à revoir l'économie générale des dispositions de façon à bien graduer la gravité des infractions en cette matière. On sait, avec les études qui se font maintenant, que les conducteurs les plus lents sont ceux qui causent les accidents les plus importants. On sait également qu'en plus de la conduite en état d'ébriété, la conduite agressive ou la conduite dangereuse l'inattention, le défaut de signaler, par exemple, sont des facteurs déterminants sur le bilan routier.

Il est évident que l'Opposition entend collaborer et s'associer étroitement à toute campagne visant à sensibiliser l'opinion publique pour responsabiliser les Québécois sur cette question, comme je vous l'indiquais tout à l'heure, extrêmement importante. Des peines plus sévères peuvent avoir un effet dissuasif, inciter à une plus grande prudence, inspirer une sorte de crainte salutaire mais, évidemment, ce n'est pas suffisant. Il faut en plus - et, c'est essentiel - que cela soit combiné avec une campagne, je dirais presque nationale, une campagne à l'échelle de tout le Québec, un campagne de promotion de la santé des Québécois.

J'aimerais, à ce moment-ci, insister sur un aspect dont on parle peu, qui est méconnu, soit le port de la ceinture de sécurité pour les jeunes enfants. C'est avec raison, je pense, qu'il faut insister non pas sur l'utilité mais, plus encore, sur l'aspect absolument essentiel du port de la ceinture de sécurité. La personne qui plaide

présentement, évidemment, était parmi celles qui, avant d'avoir une connaissance plus approfondie de toute cette question, ignorait combien le port de la ceinture pouvait avoir un effet déterminant sur les accidents mortels. Toutes les études à ce sujet concluent qu'entre 75 % et 80 % des accidents mortels peuvent être évités grâce au port de la ceinture de sécurité. Vous comprendrez combien il est important de saisir l'occasion qui nous est donnée, lors de cette étude en troisième lecture, pour insister là-dessus.

Je voudrais vous parler d'une étude qui a été faite par des intervenants en matière de santé à l'hôpital Sainte-Justine. Elle démontre que sur cinq jeunes bébés, cinq nourrissons qui quittaient l'hôpital dans les bras de leur mère, habituellement accompagnée du conjoint, un seul était installé sur un siège sécuritaire; les quatre autres, pour des raisons que les parents pensent affectives, étaient laissés entre les bras de leur mère. Mais ce n'est pas là nécessairement la bonne façon de manifester son affection à l'égard même d'un enfant nouveau-né, qui consiste à le garder en situation de pouvoir subir un traumatisme grave à la suite d'un accident, même d'un accident bénin.

Bon nombre de nos concitoyens se disent: Ce n'est pas nécessaire de porter la ceinture; de toute façon, c'est un court trajet, je n'ai pas à faire un long trajet. Mais il faut savoir que 70 % des accidents graves se produisent lors de trajets de moins de 25 milles ou de 40 kilomètres. Vous vous rendez compte que le simple trajet de l'hôpital à la maison pour emmener son bébé chéri commande un comportement responsable de la part des parents, commande un comportement qui, au-delà de l'affection immédiate qu'on veut manifester à l'enfant, prend en considération son intérêt en le maintenant vivant.

Je crois que l'Opposition actuelle a démontré, par une série de mesures, lorsqu'elle formait le gouvernement précédent, combien elle était préoccupée de cette question et elle entend le demeurer. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le député de Papineau.

M. Mark Assad

M. Assad: Merci, Mme la Présidente. Juste quelques mots sur cette question de conduite en état d'ébriété. Une expérience a été tentée aux États-Unis, il y a quelques années, avec un pilote d'automobile de course qui n'avait pas l'habitude de prendre de l'alcool. Une association lui a demandé de tenter l'expérience suivante. Sur une route à obstacles, en l'espace de 60 minutes, on lui a fait prendre quelques onces d'alcool mais en dessous du seuil d'ébriété. Le pilote a raconté par la suite qu'avant de prendre la route où il y avait des obstacles qu'on rencontre normalement, il était un peu embarrassé, parce que lui-même était convaincu que c'était impossible, avec son expérience au volant qu'il accroche ces obstacles sur environ un quart de mille. À sa grande surprise, il a pris le volant après avoir avalé quelques onces d'alcool et il a accroché trois obstacles. Parmi ces obstacles, un aurait pu être très grave. (12 h 20)

C'est le problème des gens qui sont en état d'ébriété, ils ne réalisent pas... Au contraire, ils croient plus que jamais qu'ils ont le contrôle. C'est pour cela qu'il faut mettre l'accent sur la sensibilisation des jeunes et de tous ceux qui prennent le volant pour qu'ils se méfient lorsqu'ils ont l'occasion de prendre de l'alcool. C'est le pire moment quand on croit être en possession de toutes ses facultés.

Lorsqu'on regarde les sentences ou les amendes imposées par la loi, il faut reconnaître qu'on est loin d'être radical. Je voudrais vous relater des amendes ou des sentences qui sont imposées ailleurs dans le monde. En Angleterre et en Suède, si vous êtes arrêté en état d'ébriété, c'est un an de prison, automatiquement; en Afrique du Sud, si vous êtes arrêté en état d'ébriété, c'est 10 000 $ ou un an de prison, ou les deux; en Australie, si vous êtes arrêté en état d'ébriété, votre nom paraît dans les journaux et c'est inscrit: "He is drunk and in jail", il est en état d'ébriété et en prison.

Chose curieuse, en Malaisie, si vous êtes impliqué dans un accident en état d'ébriété, vous allez en prison et votre femme y va avec vous. J'ai essayé d'avoir des renseignements. J'ai posé la question à des gens de l'ambassade de Malaisie, je leur ai demandé: Si la femme est arrêtée en état d'ébriété et qu'elle va en prison, est-ce que son mari la suit? Malheureusement, ils n'avaient pas de documentation à cet effet. Au sujet des amendes et des sentences, au Salvador, le problème est bien simple, si vous êtes impliqué dans un accident d'automobile alors que vous êtes en état d'ébriété, il n'est pas nécessaire qu'on vous enlève votre permis parce que, la sentence, c'est la peine capitale, "the firing squad". Donc, ils ont réglé le problème là-bas.

Là où je veux en venir, si on regarde les statistiques c'est que, conduire en état d'ébriété, c'est non seulement déplorable, c'est littéralement criminel. Il est évident que c'est dans l'intérêt de l'ensemble de la population... Surtout au Québec où nous bénéficions de l'assurance automobile, il est nécessaire que l'on mette l'accent sur le fait que conduire en état d'ébriété, c'est criminel

et qu'on sera traité en criminel. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Papineau. M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: J'aimerais dire que nous allons concourir à l'adoption de ce projet de loi. Nous avons travaillé très sérieusement en commission parlementaire, nous avons fait les nettes distinctions qui s'imposaient entre les actes criminels et d'autres gestes qui seront, eux, étudiés cet automne. Le ministre a accepté certaines amendements qui ont bonifié le projet de loi et j'avais le goût, en écoutant le député de Papineau, de faire une farce. Quand il disait qu'en Malaisie on arrêtait la femme en même temps que le conducteur, je vous dirai que ce serait malaisé de faire cela ici... Blague à part, je pense que l'Assemblée nationale, sans qu'il n'y ait de vote enregistré, concourra de façon unanime à l'adoption de ce projet.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition. Le débat étant clos, je vais donc mettre aux voix le projet de loi 60. Est-ce que le projet de loi 60, Loi modifiant le Code de la sécurité routière, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

Avis de sanction

J'aimerais aviser cette Chambre que le lieutenant-gouverneur sanctionnera ledit projet de loi à 17 h 15 cet après-midi.

M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente. Voulez-vous appeler l'article 59 du feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi 67

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

La Vice-Présidente: L'article 59. Il s'agit de la prise en considération du rapport sur le projet de loi 67, Loi concernant la ville de Schefferville. Est-ce que le rapport de la commission concernant ledit projet de loi est adopté?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je vous prie d'appeler l'article 61 du feuilleton.

Projet de loi 65

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

La Vice-Présidente: Article 61. Il s'agit également d'une prise en considération du rapport de la commission sur le projet de loi 65, Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec. Est-ce que ce rapport est adopté?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je vous prie maintenant d'appeler l'article 63 du feuilleton.

Projet de loi 15 Adoption

La Vice-Présidente: Article 63. Il s'agit de l'adoption du projet de loi 15, Loi modifiant la Loi modifiant la Loi sur les biens culturels et d'autres dispositions législatives qui avait été présenté par la ministre des Affaires culturelles le 11 mars 1986 et dont le principe avait été adopté le 18 mars 1986.

Mme la ministre des Affaires culturelles?

M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Après avoir entendu des moeurs aussi sévères tantôt, il est bon de revenir à une culture un peu plus humaine. Mme la Présidente, nous avons pris en considération le projet de loi 15, Loi modifiant la Loi sur les biens culturels et d'autres dispositions législatives. Si je lis bien le texte, il s'agit tout simplement de remplacer le mot "corporation" par le mot "municipalité". Je dois vous avouer bien humblement qu'on aurait préféré un projet de loi ajoutant à la Loi sur les biens culturels, un projet de loi qui nous aurait peut-être permis de classer le mont Royal comme c'est recommandé, le "square mile" à Montréal comme nous le propose Héritage Montréal et Sauvons Montréal.

Puisqu'on parle de municipalité, Mme la Présidente, je vois bien que la ministre, depuis quelque temps, semonce les municipalités. J'espère qu'elle exposera bientôt en tout cas le nouveau mode de financement qu'elle propose pour la culture au Québec. Elle a été jusqu'à cette date un peu succincte. Donc, nous considérons le projet de loi 15 comme adopté, Mme la

Présidente.

La Vice-Présidente: Mme la ministre des Affaires culturelles, en réplique.

Mme Lise Bacon (réplique)

Mme Bacon: Je serai très brève, Mme la Présidente. Il arrive quelquefois où, à cause de nouvelles lois, nous devons en corriger d'autres. Il s'agit tout simplement de dispositions d'ordre terminologique. C'est pour cela que, dans la loi 15, nous avons voulu corriger "corporation régionale de comté" par "municipalité régionale de comté" pour se conformer aux lois qui existent depuis.

Je ne commencerai pas une querelle de mots avec le député de Saint-Jacques. Je pense que le projet de loi n'est pas suffisamment important pour commencer cette querelle. Je sens qu'il a quand même lu Lise Bissonnette dans le Devoir, puisqu'il a utilisé ses propres mots en exigeant des gestes de la part de la ministre des Affaires culturelles, qui soient succincts. Je pense que c'étaient littéralement les mots de Mme Bissonnette dans son article du Devoir.

Je dois dire, pour reprendre peut-être un peu les paroles du député de Saint-Jacques, qu'il est temps que les municipalités s'intéressent à la culture et j'ose espérer que le député de Saint-Jacques n'est pas contre cela. S'il fallait qu'il soit contre le fait que nous demandions aux municipalités de faire leur part au niveau de la culture, j'en serais fort désolée, parce que je pense qu'il est temps que les municipalités, après avoir investi des sommes énormes dans les loisirs, dans les sports, investissent autant d'argent dans la culture. (12 h 30)

Cela fait partie d'un dialogue que nous avons déjà ouvert depuis six mois avec les municipalités. Au cours de ma tournée dans la province, je dois dire que j'ai été agréablement surprise, lors de mes rencontres avec les maires, de voir l'ouverture d'esprit des maires de certaines municipalités de cette province qui sont prêts maintenant à faire un effort considérable concernant les dossiers culturels. C'était peut-être le temps qu'il y ait un ministre des Affaires culturelles qui leur rappelle aussi leurs responsabilités. C'est ce que j'ai l'intention de continuer de faire. J'ai l'intention aussi de chercher des partenaires et les municipalités me semblent des partenaires importants dans ce dossier de la culture au Québec, comme l'entreprise privée peut l'être. C'est le but de mes discussions en ce moment et je vais continuer de le faire.

J'aurai d'autres occasions d'aller plus Join, mais si cela a permis au député de poser certaines questions et de s'interroger sur la place publique, cela me permet à moi aussi de vous dire qu'il est temps que les municipalités et l'entreprise privée fassent leur part au niveau de la culture. Le ministère des Affaires culturelles n'est pas un ministère qui doit agir comme un ministère pompier. Les municipalités ont une responsabilité quant aux... On parlait du mont Royal. Le député de Saint-Jacques mentionnait le mont Royal. C'est une responsabilité de la ville de Montréal qui doit prendre ses responsabilités. Si la ville ne le fait pas, à ce moment-là le ministère des Affaires culturelles doit entrer dans le dossier. Mais le ministère des Affaires culturelles ne doit pas agir en ministère pompier avant que les municipalités prennent leurs responsabilités.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires culturelles.

Le débat étant clos, est-ce que le projet de loi 15, Loi modifiant la Loi modifiant la Loi sur les biens culturels et d'autres dispositions législatives, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 64 au feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 16 Adoption

La Vice-Présidente: II s'agit de l'adoption du projet de loi 16, Loi sur la composition du conseil d'administration du Musée des beaux-arts de Montréal, qui avait été présenté par la ministre des Affaires culturelles le 11 mars dernier et dont le principe avait été adopté le 18 mars dernier.

Mme la ministre des Affaires culturelles?

M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Mme la Présidente, il s'agit d'un projet de loi qui est présenté à la demande même du Musée des beaux-arts de Montréal. Je me verrais très mal venu, compte tenu de l'immense respect que j'ai toujours eu pour le Musée d'art contemporain, le Musée des beaux-arts, je m'excuse... Il y a de vieilles rivalités qui subsistent encore et qui, dans un lapsus, s'expriment encore. J'ai toujours eu beaucoup de respect pour le Musée des beaux-arts et beaucoup de respect pour l'autonomie du Musée des beaux-arts.

Le Musée des beaux-arts est situé, hors de tout doute évidemment, dans une de ces

municipalités du Québec... Pertinemment, je souhaite, Mme la Présidente, moi aussi, que les municipalités s'engagent. Mais au moment où elles vont s'engager, puisqu'elles ne l'ont pas encore fait, il n'y a que de pieuses incitations à l'engagement qui sont faites. Il y a, à mon point de vue, peut-être un certain désengagement prématuré du ministère des Affaires culturelles. Je ne demande pas au ministère des Affaires culturelles d'être pompier, sauf qu'à la commission de la culture, les gens l'ont bien dit, les gens souhaitaient que le ministère des Affaires culturelles soit une locomotive, un engin, Mme la Présidente. Je pense que le désengagement du ministère de la culture est très prématuré et dangereux.

On aurait souhaité, bien entendu, que le projet de loi 16, en plus de porter sur le conseil d'administration, nous indique certaines mesures qui auraient facilité l'agrandissement urgent, important et souhaitable qui doit avoir lieu au Musée des beaux-arts pour le développement de la vie culturelle d'une municipalité importante au Québec qui est celle de Montréal. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saint-Jacques.

Mme la ministre des Affaires culturelles, en réplique.

Mme Lise Bacon (réplique)

Mme Bacon: Mme la Présidente, le député de Saint-Jacques véhicule un discours qui n'est pas correct. Il sait très bien que ce qu'il véhicule en ce moment n'est pas tout à fait la vérité. Je n'ai jamais dit que le ministère des Affaires culturelles se désengagerait. Au contraire, j'ai toujours dit que le ministère des Affaires culturelles continuerait à soutenir l'artiste et soutenir aussi le créateur. De plus, Mme la Présidente, jamais l'ancien gouvernement n'a fait pour les artistes et les créateurs ce que nous avons fait, soit leur permettre de venir ici au Parlement parler à leurs élus sur la place publique et nous dire quels sont leurs besoins, quelles sont leurs attentes, quelles sont leurs espérances. Je pense qu'il faudrait que le député de Saint-Jacques corrige son tir et dise exactement quels sont les faits.

Le ministère des Affaires culturelles, je le redis, cherche des partenaires dans cette poursuite des dossiers culturels, les partenaires étant les municipalités et l'entreprise privée. Le ministère des Affaires culturelles ne cherche pas à se sortir des dossiers, à se retirer des dossiers. Au contraire, il veut l'implication de d'autres partenaires. Il sera la locomotive qui traînera les autres peut-être, mais qui entraînera à sa suite, dans les gestes qui seront posés, des gens qui seront aussi impliqués que nous voulons qu'ils le soient. Je pense que c'est important de le dire.

Le député de Saint-Jacques connaît trop la culture pour s'exprimer comme il vient de le faire. Il connaît trop aussi les décisions et les désirs de la ministre des Affaires culturelles pour parler comme il vient de le faire. Alors, il faut peut-être corriger ce tir immédiatement pour ne pas qu'au cours des mois d'été le parti de l'Opposition, le Parti québécois propage de telles choses qui ne sont pas correctes... je n'oserais pas dire fausses.

Nous avons voulu corriger pour le Musée des beaux-arts et, en passant, Mme la Présidente, je voudrais rassurer le député de Saint-Jacques: II n'est pas question que nous nous désengagions de l'aide que nous avions témoignée au Musée des beaux-arts; nous attendons que les plans de construction du Musée des beaux-arts soient prêts et nous sommes en communication avec les responsables du conseil d'administration; les communications ne sont pas interrompues que je sache.

Je pense que nous continuons de travailler de très près avec les responsables du Musée des beaux-arts pour permettre cette construction. Quand on pense à toutes les coupures budgétaires que nous avons faites ailleurs, je pense que ce n'est pas mauvais de rappeler au député de Saint-Jacques, comme je l'ai fait à l'occasion des crédits - j'ai l'impression qu'il n'écoute pas ce que nous lui disons - que nous n'avions pas l'intention d'enlever la contribution du ministère au Musée des beaux-arts.

Je dois dire que, dans la loi qui est devant nous, nous voulons corriger une expression qui a été souvent employée chez nous par le passé et qui doit disparaître de notre vocabulaire, de notre langage, soit le terme "faible d'esprit" qui était dans cette loi qui gère le Musée des beaux-arts. Nous avons inscrit à ce projet de loi "une personne déclarée incapable par un tribunal". Je pense qu'en ce moment nous ne devons plus utiliser cette expression "faible d'esprit". Je comprends que cela prenait une correction, un amendement à la loi, et c'est ce que nous mettons à l'intérieur du projet de loi 16.

Nous avons voulu aussi assurer une continuité au conseil d'administration en modifiant la durée des mandats, la fixant à trois ans au lieu de quatre ans. C'est ce qu'il y a à l'intérieur de cette loi 16.

Je pense que le député de Saint-Jacques doit sûrement être rassuré. Je voudrais qu'il le soit, pour ne pas avoir à propager je dirais peut-être des paroles mensongères. C'est sur le bord du mensonge, Mme la Présidente. Ce sont les paroles qui sont mensongères, non le député.

La Vice-Présidente: Là-dessus, Mme la

ministre, vous savez qu'il y a une jurisprudence ici selon laquelle sont antiparlementaires les termes suivants: mensonge, mensonger, parole mensongère. S'il vous platt, Mme la ministre, j'aimerais que vous retiriez vos paroles.

Mme Bacon: Je ne m'attaque pas au député, Mme la Présidente, je m'attaque à ses paroles. Il faudrait peut-être qu'il corrige son discours au cours des prochains mois pour l'ajuster à la vérité.

La Vice-Présidente; Merci, Mme la ministre des Affaires culturelles. Le débat étant clos, est-ce que le projet de loi 16, Loi sur la composition du conseil d'administration du Musée des beaux-arts de Montréal, est adopté?

M. Boulerice: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 65 du feuilleton. (12 h 40)

Projet de loi 17 Adoption

La Vice-Présidente: Nous allons donc débattre l'adoption du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur les archives, qui avait été présenté par la ministre des Affaires culturelles, le 11 mars dernier, dont le principe avait été adopté le 18 mars 1986 et dont le rapport à la commission avait été également adopté le 17 juin dernier. Mme la ministre des Affaires culturelles? M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Je voudrais rassurer la ministre des Affaires culturelles, si vous me le permettez, quant à l'interprétation qu'elle donne à mes propos. Vous savez que j'ai toujours dit la vérité, comme je le disais hier, comme je le dis aujourd'hui et comme je le dirai demain.

Mme la ministre des Affaires culturelles me dit que son ministère ne se désengage pas. Il se désengage de 3 200 000 $ dans le soutien, l'implantation, l'amélioration des équipements culturels, et de A 000 000 $ dans le programme d'implantation du fonctionnement des bibliothèques municipales. On a vu mon collègue, le député de Jonquière, intervenir au nom des municipalités du Québec pour dénoncer ce désengagement dramatique envers la culture au Québec. Je ne vous parlerai pas de la promotion des arts. C'est 600 000 $ à la commercialisation des arts plastiques. Je pourrais continuer cette litanie, ce désengagement prématuré au niveau de la culture au Québec, sans pour autant que déjà le secteur privé et le secteur municipal aient commencé à s'engager. On se retire avant qu'ils soient eux-mêmes entrés. C'est prématuré.

Quant à la Loi modifiant la Loi sur les archives, il s'agit d'un report quant aux dates prévues selon la loi 3, Loi sur les archives. Nous allons l'accepter en vous disant que dans le domaine de la culture, une autre loi que nous aurions préféré recevoir du ministère des Affaires culturelles, au lieu de recevoir ce régime minceur, aurait été un menu plus consistant. On aurait peut-être préféré, vu que les archives constituent la mémoire de notre peuple, recevoir le projet de loi 17, loi permettant de continuer la reconstitution des débats de l'Assemblée nationale. Cela aurait été consistant dans le domaine de la culture, un projet de loi comme celui-là.

Là on se borne uniquement à un report de dates, soi-disant important pour les gens qui ont à appliquer la loi, mais cela ne fait malheureusement pas avancer le domaine de la culture au Québec, notamment, l'archivistique qui est très importante ici dans le Parlement du Québec. Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saint-Jacques. Mme la ministre des Affaires culturelles, en réplique.

Mme Lise Bacon (réplique)

Mme Bacon: Si nous avons présenté le projet de loi 17, c'est parce qu'il répondait à un besoin du milieu qui nous a été maintes fois témoigné. Ce besoin fait en sorte que les gens avaient besoin d'une date ultérieure pour soumettre leurs dossiers. Je pense qu'il faut, à un certain moment, être à l'écoute aussi du milieu et faire en sorte d'ajuster nos lois pour leur permettre de répondre à ces lois et de les appliquer. L'application des lois est souvent difficile à faire. Le législateur doit être à l'écoute du milieu pour les corriger, s'il le faut, et les amender pour permettre à la population, ceux qui sont concernés en particulier, de les appliquer. Le député de Saint-Jacques en profite pour reprendre la discussion que nous avons eue à l'occasion des crédits. Les caméras aidant, cela le rend peut-être un peu plus volubile. Je voudrais lui dire que si nous avons dû faire des compressions budgétaires cette année, c'est parce qu'on a hérité d'un gouvernement qui ne s'était pas soucié de ce qu'il dépensait, des dépenses qu'il avait et des dépenses qui étaient drôlement importantes.

Je ne mentionnerai qu'un seul dossier, celui des subventions qui sont données aux organismes culturels et que j'ai eu d'ailleurs l'occasion de rappeler au député de Saint-Jacques à l'occasion de l'étude des crédits.

Quand le député de Saint-Jacques fait la nomenclature des coupures budgétaires il ne dit pas que ce sont des coupures, il dit que nous nous retirons. Nous avons dit cette année que nous avions à faire des coupures budgétaires pour assainir les finances publiques. Nous n'avons jamais dit que nous nous retirions, soit du dossier des bibliothèques, soit d'autres dossiers, Mme la Présidente.

Dans un dossier important, celui des subventions aux organismes culturels, le député oublie de dire que mon prédécesseur, un collègue à lui, avait engagé, au poste de subventions aux organismes culturels, la somme 1 200 000 $ pour cette année. Donc, un dossier qui n'est pas le sien, que je dois apprendre et 1 200 000 $ à un poste qui ne comporte qu'une somme de 600 000 $.

C'est donc dire que cette année, toutes les sommes étaient déjà engagées à mon arrivée au ministère et les sommes de l'an prochain sont aussi engagées par celui qui m'a précédé, celui qui est un membre de la formation politique du député de Saint-Jacques.

Mme la Présidente, quand on arrive et qu'on accepte un tel dossier, il nous faut faire des compressions budgétaires et il faut faire mal à d'autres. Je pense que cela, le député de Saint-Jacques oublie de le dire quand il mentionne que nous avons fait des coupures budgétaires qu'il prétend être des retraits de certains dossiers. Nous ne nous retirons pas des dossiers, nous tentons d'assainir les finances publiques vu que nous avons reçu les finances publiques en si piteux état. C'est la réponse que je peux donner, Mme la Présidente, au député de Saint-Jacques, sur cette question qui est bien loin de la loi que nous étudions en ce moment.

La Vice-Présidente: Le débat est terminé sur l'adoption du projet de loi 17. Est-ce que le projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur les archives est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 66 du feuilleton.

Projet de loi 18

Adoption

La Vice-Présidente: II s'agit également d'une adoption, celle du projet de loi 18, Loi modifiant la Loi sur le cinéma, qui avait été présenté par la ministre des Affaires culturelles le 11 mars dernier dont le principe avait été adopté le 18 mars dernier et dont le rapport de la commission a été adopté le 17 juin dernier.

Mme la ministre des Affaires culturelles?

M. le député.

Compte tenu du fait qu'il n'y a aucune intervention, je déclare le débat clos. Nous allons passser au vote. Est-ce que le projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur les archives est adopté?

M. André Boulerice

M. Boulerice: Je veux insister. La Vice-Présidente: Adopté?

M. Boulerice: Mme la ministre m'invite à parler sur cette loi. Effectivement en vertu des articles 209...

La Vice-Présidente: M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: ...et 239 je pourrais me prévaloir du droit de parler et je crois que vous m'accorderiez, n'est-ce pas, Mme la Présidente, au minimum 60 minutes. C'est bien entendu que ce serait scandaleux de prendre 60 minutes sur une loi qui ne contient environ que 40 mots et qui dit: Remplacer dans la première ligne le mot "mai" - je le regrette, le mois de mai est un très joli mois, Mme la ministre - par le mot "juillet". Juillet est également un beau mois. Occasionnellement et historiquement, cela coïncide avec l'été dans ce pays, et la présente loi entre en vigueur à la date de sanction de la présente loi. On entend un discours sur le soutien de l'artiste, comme j'ai entendu très souvent Mme la ministre le faire, ce rejet du béton, quand on sait fort bien que les artistes nous demandent ce béton. On rejette le béton, et je suis étonné de voir que le gouvernement libéral ne veut plus être "cimenteur".

Une voix: ...

M. Boulerice: C-i-m-e-n-t-e-u-r. C'est une subtilité de la langue. Est-ce une loi qui va ajouter au soutien de l'artiste? Elle n'apporte rien et depuis exactement sept mois, c'est-à-dire depuis le 3 décembre, à part cette commission parlementaire - je lui accorde - vraiment très intéressante où les gens sont venus exprimer leurs besoins - on verra la suite, par contre - qu'y a-t-il eu de tangible, de pertinent dans le domaine culturel? Ce ne sont que quatre projets de loi qui viennent modifier des lois existantes

et qui n'ont aucune relation quant au soutien de l'artiste. (12 h 50)

Nous la considérons adoptée, puisqu'il s'agit de permettre à la Société générale du cinéma de faire cela, mais nous aurions été intéressés par une Loi sur le cinéma contenant quelque chose de plus substantiel, quelque chose qui est en regard avec les récentes discussions ou ambassades que fait M. Fox au nom du gouvernement du Québec pour ce qui est du dossier de la Loi sur le cinéma. On se serait attendu à des choses à ce sujet. M. Fox, semble-t-il, est en mission avec un projet de réglementation, et je demanderai à la ministre si le projet de réglementation a été déposé au Conseil des ministres. Y a-t-il eu accord? Est-ce qu'il pourrait être déposé à l'Assemblée nationale pour qu'on sache bien ce que M. Fox va négocier en notre nom, puisqu'il s'agit de l'Assemblée nationale? Cela aurait été intéressant.

Une Loi modifiant la Loi sur le cinéma concernant les échanges de films aurait été intéressante, des études du marché avec les États-Unis, des choses comme celles-là. Non, il a remplacé le mot "mai" par le mot "juillet". Ce sera sans doute pratique pour remettre le rapport, poétique dans le texte, ce sont deux jolis mots, mais c'est immensément loin d'une préoccupation que la ministre sème à tous vents, soit le soutien à l'artiste, comme si rien n'avait été fait sur le soutien à l'artiste par le précédent gouvernement. C'est tout à fait le contraire. Je ne nie pas qu'il faille faire plus, mais pour ce faire, il faudra investir un peu plus, ce que ne fait pas la ministre.

Il y a déjà un désengagement manifeste, qui était l'engagement électoral de porter le budget du ministère des Affaires culturelles à 1 % de celui du Québec. On assiste à quoi? À un camouflage derrière le paravent de la rationalisation d'une situation financière épouvantable qu'on a vécue auparavant et dont on se désengage. On se désengage manifestement au niveau de la culture au Québec.

Mme la ministre citait l'éditorial de Mme Bissonnette et j'ose espérer qu'elle va le relire et bien le méditer, parce qu'il y a à l'intérieur une réflexion très pertinente quant à l'importance du ministère des Affaires culturelles au Québec. La réponse universelle du gouvernement du Québec, comme le dit Mme Bissonnette, au problème de l'obésité étatique et c'est pour cela qu'il y a, d'ailleurs, des entailles faites par le président du Conseil du trésor... Par contre, la "responsabilisation" locale dont la ministre nous parle, qu'elle nous vante - elle a rencontré tous les maires du Québec - c'est un voeu, ce n'est pas encore arrivé. Si cela arrive, est-ce que cela pourrait, justement, comme nous le dit Mme Bissonnette, nous entraîner là où le Québec n'est jamais allé?

Est-ce qu'on veut mettre en cause, comme le disait encore Mme Bissonnette, le statut culturel particulier de facto que s'est donné le Québec? C'est tout de même - elle le disait à juste titre - M. Bourassa qui, depuis un fort jeune âge en politique, s'est fait le promoteur du concept de la souveraineté culturelle, toute galvaudée qu'elle ait été par la suite - mais cela n'est pas ma responsabilité. Il en faisait le rempart de l'État québécois, concluait-elle, l'endroit où sa primauté ne faisait aucun doute comme seul gouvernement de langue française en Amérique du Nord.

J'insiste donc de nouveau auprès de la ministre en disant qu'on se serait attendu à des choses plus substantielles.

Une voix: Pour le cinéma.

M. Boulerice: Tout au moins, en tout cas, pour le cinéma. La création cinématographique au Québec connaît un nouvel élan, un nouvel essor. De quelle façon aurait-on pu l'encourager? Cela aurait pu être la loi pour encourager la création cinématographique au Québec.

Je pense qu'en sept mois, dans ce ministère... Il s'agit de donner une orientation politique au ministère des Affaires culturelles. Je connais le personnel de ce ministère. Nous avons la chance d'avoir un ministère des Affaires culturelles ayant un personnel d'une qualité extraordinaire. Ce gens-là sont en attente; ils aimeraient bien avoir une oeuvre sur le métier. Il y a des gens, au ministère des Affaires culturelles, qui auraient pu facilement, selon une indication politique, puisque la ministre détient le pouvoir politique mais non pas la volonté...

Une voix: On ne lui donne pas d'argent.

M. Boulerice: La ministre aurait pu donner cette indication aux fonctionnaires, aux hauts fonctionnaires, aux grands fonctionnaires, en termes de qualité, du ministère des Affaires culturelles et dire: II serait peut-être intéressant... Au moment où on savait ou on pressentait qu'une production cinématographique québécoise était pour obtenir un succès extraordinaire à Cannes, avec le film de Denys Arcand, elle aurait pu commander une loi visant l'encouragement et la création d'une entreprise cinématographique typiquement québécoise.

Une voix: ...défendre ses crédits au Conseil du trésor.

M. Boulerice: Le ministère, enfin, les fonctionnaires n'ont pas eu cette commande. La défense des crédits au ministère, cela m'inquiète. La ministre des Affaires

culturelles n'est pas n'importe quel ministre,

Mme la Présidente, ce n'est pas n'importe quel ministre, c'est la vice-première ministre! Oui! Oui!

Des voix: Bravo!

M. Boulerice: Oui, oui!

Des voix: Bravo!

Une voix: Elle défend ses crédits.

M. Boulerice: Oui, je le reconnais, c'est une femme qui a une influence politique très forte au Québec.

Des voix: C'est vrai.

M. Boulerice: Elle est le no 2, si je peux me permettre cela. Pour nous, c'est la personne avant toute chose; c'est une expression en politique peut-être un peu banale mais significative, elle est la no 2 du gouvernement.

Une voix: C'est "Boubou-Two"!

M. Boulerice: Je ne veux pas offenser les nos 3, 4, 5, 6 ni le 27e mais elle est le no 2 du gouvernement. Comment a-t-elle pu céder aussi facilement auprès du président du Conseil du trésor, elle qui détient ce pouvoir? Comment n'a-t-elle pas voulu se battre plus à fond et plus fortement pour la culture?

Mme Bacon: Allez-vous me laisser deux minutes?

M. Boulerice: Je lui laisse les deux minutes en conclusion, en toute amitié...

Une voix: Deux minutes.

M. Boulerice: ...mais en espérant... Je vois que mon propos l'atteint, il y a presque un chagrin. J'espère que, lors de la prochaine étude des crédits, la no 2 ne se laissera pas charcuter son budget par le no X comme la majorité des autres ministres se sont fait charcuter leur budget.

Une voix: Qu'elle devienne la dame de coeur.

M. Boulerice: Qu'elle devienne la dame de coeur de la culture!

Des voix: Voilà!

M. Boulerice: Cela, je le souhaite parce que nous ne travaillons pas uniquement pour nos formations politiques, nous travaillons pour la culture au Québec. Je ne serai jamais jaloux d'un succès culturel pour le

Québec dont elle aura été l'instigatrice. C'est pour cela que je l'invite, que je lui offre ma collaboration, mais, de grâce! qu'elle fasse un pas et qu'on cesse de nous présenter un régime minceur pour une culture qui est affamée. Ce n'est pas ce qu'il faut. Merci, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo! Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saint-Jacques. Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Lise Bacon (réplique)

Mme Bacon: Je serais tentée de dire que ce député est adorable et suave, Mme la Présidente. Je dois dire cependant au député de Saint-Jacques que cela a l'air banal de changer le mois de mai pour le mois de juillet, mais encore là mon souci pour le soutien aux artistes et aux créateurs, Mme la Présidente, a présidé à ce choix. Il fallait changer le mois de mai pour le mois de juillet pour la production du rapport annuel de la Société générale du cinéma parce que le mois de mai est le mois où les gens de la société sont le plus occupés, justement, pour permettre à ces artistes, à ces créateurs de venir chercher les fonds nécessaires pour produire des films. Vous connaissez le climat que nous avons au Québec, les extérieurs sont souvent produits au cours des mois d'été et les productions se font à ce moment-là. Donc, nous n'avons pas voulu nuire à la Société générale du cinéma et nous avons décidé de changer le mois de mai pour le mois de juillet au moment où ils ont terminé les travaux de rencontre de prêts aux créateurs et aux artistes.

Le député de Saint-Jacques s'est aventuré sur des terrains qui ne sont pas les meilleurs pour lui, quand il s'en va sur le terrain du cinéma, de la loi et de la réglementation du cinéma, eux - le gouvernement du Parti québécois - qui n'avaient jamais, avant la dernière élection, adopté la réglementation de la loi 109, donc, qui n'ont pas posé de gestes importants pour régler ce dossier du cinéma.

En six mois, nous avons déjà permis de travailler sur la réglementation, de l'amender. Nous avons adopté au Conseil des ministres le principe d'une republication de la réglementation - donc, elle devra repasser par le Conseil des ministres - et, en plus de cela, nous avons envoyé un ambassadeur. Il ne faut pas ridiculiser cet ambassadeur, qui est un de nos avocats les plus émérites au niveau de la culture, ancien ministre des Communications, qui a été un ambassadeur extraordinaire pour le Québec à l'occasion de cette rencontre. Je dois dire que je suis remplie d'espoir pour régler ce dossier grâce au choix que nous avons fait d'une personne

capable de nous régler le dossier du cinéma. C'est un gouvernement libéral qui le fera, ce que jamais le gouvernement qui était représenté par les gens d'en face n'a fait dans le passé. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires culturelles.

Le débat étant donc clos, est-ce que le projet de loi 18, Loi modifiant la Loi sur le cinéma, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, il faudrait vérifier si je peux obtenir le consentement de l'Opposition pour que le ministre de l'Environnement puisse présenter son projet de loi 84. Je dois souligner à l'Opposition que le ministre de l'Environnement sera absent cet après-midi. J'apprécierais évidemment qu'on nous donne un consentement pour qu'on puisse continuer jusqu'à environ 13 h 10 ou 13 h 15.

La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement de l'Opposition.

M. Blais: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Personnellement, j'en saurais gré, mais je n'ai pas l'autorité pour ce faire et on ne s'attendait pas à cela. C'est une proposition de dernière seconde. On peut suspendre une minute et aller se renseigner, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Compte tenu des faits, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 13 h 7)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît; Je vais demander s'il y a consentement pour que l'on continue nos travaux au-delà de 13 heures afin de pouvoir adopter le projet de loi 84 discuter de l'adoption du projet de loi 84, Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics. Est-ce qu'il y a consentement, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Le leader du gouvernement m'informe qu'il y a entente avec notre leader. À ce moment, nous y allons, Madame.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le député de Terrebonne. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 71 du feuilleton.

Projet de loi 84 Adoption

La Vice-Présidente: Donc, nous allons maintenant débattre l'adoption du projet de loi 84, Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics. M. le ministre de l'Environnement.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: Mme la Présidente, je suis très heureux que cette Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics atteigne le dernier stade de son évolution à l'Assemblée nationale avant la sanction par le lieutenant-gouverneur cet après-midi.

Cette loi, simple comme elle l'est, avec seulement une trentaine d'articles, est importante en ce sens qu'elle représente l'affirmation du principe de la protection de certains droits fondamentaux d'un grand groupe de citoyens qui forment aujourd'hui, la majorité au Québec. En ce sens, cette loi représente un pas en avant. Qui plus est, je suis très content que le Québec, la province où il y a le plus de fumeurs dans la société, comparé à n'importe quelle autre province du Canada, soit la première à avoir eu le courage d'adopter une loi pareille. Cette loi est donc beaucoup plus importante pour l'affirmation du principe qu'elle représente que pour les sanctions qu'elle prévoit.

I believe the adoption of this bill represents a milestone in the evolution of mentalities in Québec, the expression of a principle that certain fundamental rights will be recognized for a great number of people in society who today represent a majority. I think the affirmation of this principle is far more important thant the sanctions that the bill must inevitably contain.

Je suis aussi très content que cette loi ait été adoptée sans controverse, malgré qu'au début on disait que des questions pareilles étaient tellement polarisées qu'il y aurait toujours des controverses. Cela démontre que, lorsqu'il y a de la bonne volonté de part et d'autre, même dans des camps opposés, on peut arriver à des compromis, à des solutions aux problèmes. Je pense que dans ce sens aussi cette loi représente un grand pas en avant.

Finalement, je suis désolé que cet après-midi, quand la loi va être sanctionnée devant le lieutenant-gouverneur - c'est une des deux lois qui ont été choisies, avec celle de la sécurité routière, pour exemplifier un peu ce que nous faisons par rapport à

l'évolution de la protection de la jeunesse dans la société - que les jeunes vont être là pour observer la sanction, je ne pourrai y être, parce que je dois me rendre à Montréal. Mais je serai représenté par mon adjoint parlementaire, le député de Pontiac, qui m'a beaucoup aidé par son travail dans l'élaboration de ce projet de loi. 3e voudrais finalement remercier tous les collègues du côté ministériel qui m'ont appuyé avec patience lors de l'étude du projet de loi en commission parlementaire et aussi les députés de l'Opposition et le critique de l'environnement de l'Opposition qui ont travaillé de façon constructive à ce que le projet de loi en arrive à ce stade. Ce sont les remarques que je voulais faire en troisième lecture.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Environnement. M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Comme disait le ministre de la Justice, c'est aujourd'hui, le dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la personne. Vu que nous fêtons une chose aussi sérieuse qu'une charte des droits et libertés, j'aurais bien aimé, moi, que cette loi sur les non-fumeurs ait été inspirée sous le signe un peu plus grand de la tolérance. Je crois que cette loi n'a pas été inspirée par la tolérance, mais elle est pour les fumeurs assez coercitive, même beaucoup coercitive. Malgré que l'on se doive au respect des gens qui ne fument pas, dont je suis, les gens qui ne fument pas, doivent avoir du respect et de la tolérance pour les gens qui fument. En ce dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la personne, je crois que, dans cette loi, les gens qui fument sont brimés.

Il n'y a pas que ces droits. Nous avons, par des amendements, apporté des modifications de taille à cette loi, en ajoutant que les handicapés doivent avoir les mêmes droits dans leur transport que les autres personnes. Je remercie le ministre d'avoir accepté cet amendement. Il y a un amendement qu'on n'a pu faire adopter. Nous voulions que les passagers des autobus aient les mêmes droits que les passagers des trains, c'est-à-dire que 50 % des gens aient le droit de fumer et que 50 % n'aient pas le droit de fumer. Dans les trains, vous avez un wagon dans lequel on ne fume pas et un wagon où l'on fume. C'est aussi simple que cela. D'autre part il y a tellement d'autobus, par exemple, qui partent de Montréal pour venir à Québec - il y en a deux, trois, quatre, cinq à l'heure selon les circonstances - qu'on avait pu en avoir un pour les fumeurs et un pour les non-fumeurs. Donc, il y aurait eu là égalité des droits pour les gens. Cet amendement ou cette façon de procéder pour que 50-50 soient respectés autant pour le transport par autobus que pour le transport en train, nous n'avons pas pu le faire accepter.

Il y a eu un amendement pour les autobus, mais cela a été reporté en 1989 et d'une façon qui ne plaisait pas à l'Opposition mais soit dit en passant, sous le nombre, nous avons dû plier.

Troisièmement, à cause justement de cette charte des libertés dont nous fêtons le dixième anniversaire, nous aurions voulu le respect des droits des jeunes. Par respect de la jeunesse, nous avons demandé et nous aurions aimé que la publicité sur le tabac entre dans ce projet de loi. Que ce projet de loi soit coercitif, si on veut, mais pour la publicité, afin que l'on respecte les droits de nos jeunes Québécois et de nos jeunes Québécoises. Et que c'était une belle occasion, Mme la Présidente, en ce jour du dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la personnel Je vois que vous êtes neutre, vous ne pouvez pas... Mais je vois dans votre oeil et votre attitude que vous-même vous auriez aimé le dire, mais vous ne le pouvez pas à cause des circonstances.

Je sens chez vous que vous auriez bien aimé cela et que vous êtes encline vers ces droits de la personne. Vous voulez vous aussi, j'en suis persuadé, que les jeunes soient respectés. On aurait dû respecter les jeunes et réglementer de façon très coercitive - et ça aurait été le temps - la publicité contre le tabac. Ne fusse que d'éteindre ce tabous qu'"un grand gars, ça fume. Tant qu'on ne fume pas, on est un p'tit gars". C'est ce qu'on dit. Ce sont des tabous. Il aurait fallu que dans ce projet de loi, il y ait des règles pour régir la publicité, aussi par respect des droits de la personne. Je sais qu'il est de bon aloi et qu'il est en cette décennie beaucoup plus populaire de parler des droits des non-fumeurs que de parler des droits des fumeurs. Je sais que c'est plus populaire de parler des uns que de parler des autres. Cependant, quand on est imbu de ce principe de droits et de libertés, même si on sait qu'on serait plus populaire en ne défendant que les non-fumeurs - je le sais et ce serait de bon aloi - personnellement, je suis trop imbu de liberté pour ne pas dire, Mme la Présidente, que les fumeurs, eux aussi, ont des droits et libertés. Comme un buveur. Quand un gouvernement n'a pas le courage, l'étoffe et la racine assez ancrée dans des principes pour défendre ces drogues qui sont l'alcool et la cigarette... Ce sont deux drogues. On n'a jamais légiféré sur ces drogues. On a légiféré sur l'application ou l'utilisation de ces drogues. Jamais un gouvernement n'a défendu ces drogues, parce que ce sont deux drogues.

On légifère sur l'utilisation du tabac et on légifère sur l'utilisation de l'alcool. Eh bien! Mme la Présidente, je tiens à dire qu'un type qui veut prendre un verre de bière en a le droit autant qu'un type qui veut fumer une cigarette a le droit de griller sa cigarette, sa pipe ou de chiquer. Il en a le droit.

Une personne a le droit de fumer la pipe, la cigarette, le cigare ou de chiquer. C'est permis même de priser. Je me souviens du temps des prises. Vous connaissez certainement la prise. On appelle cela du "snuff", de façon générale. C'est permis. Cette loi - j'en suis fort heureux - défend que le tabac soit allumé dans certains endroits. C'est ainsi que la loi décrit "fumer". C'est du tabac allumé; du tabac qui brûle.

C'est défendu dans certains endroits; j'en suis fort aise et j'en suis très heureux. Cependant, il y a très peu dans ce projet de loi. Le titre lui-même est intolérant. C'est écrit: "Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics". Nous avons essayé de faire changer le titre: Loi de protection des droits des fumeurs et des non-fumeurs. On n'en a pas été capable, Mme la Présidente. En ce dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la personne, j'aurais mieux aimé un peu plus de tolérance de la part du gouvernement.

Une autre chose: Le ministre avait le droit et le pouvoir de légiférer dans plusieurs détails. Encore là, il a renvoyé ses responsabilités aux municipalités, aux institutions gouvernementales, aux organismes gouvernementaux. Regardez la multiplication des gens responsables, Mme la Présidente. Encore là, la multiplicité des gens qui partagent la responsabilité est un facteur pour brimer les droits des gens; parce qu'on n'interprète pas à 3000 avec pleine autorité pour chacun dans son petit "home" la loi de la même façon. Si on a l'autorité de le faire, on pourra fumer dans un endroit déterminé, dans certaines villes. Dans une autre ville, dans le même endroit, on n'y aurait pas le droit. Les citoyens ne sont donc pas sur un pied d'égalité sur le territoire québécois. (13 h 20)

Je ne veux pas m'éterniser, mais en ce jour des droits et libertés de la personne, je tenais à dire que ce projet de loi a des faiblesses quant aux droits et aux libertés. Par devoir, je me devais de le signaler au législateur majoritaire, comme législateur minoritaire.

En conclusion, j'aurais voulu que ce projet de loi soit mieux préparé, mieux campé dans la réalité de notre décennie et écrit sous le signe et à l'encre de la tolérance. Mais faute de mieux, nous voterons pour ce projet de loi. Un tiens vaut certainement mieux que deux tu l'auras.

Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Terrebonne. M. le député de Jonquière.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Mme la Présidente, lorsqu'on a étudié ce projet de loi, on a voulu le présenter comme un petit projet de loi, soit d'une façon anodine. Lorsqu'on a commencé à l'étudier, on s'est bien rendu compte que, par la description des organismes gouvernementaux, on impliquait l'ensemble des intervenants sur tout le territoire du Québec. On a bien pris soin d'intégrer tous les organismes qui peuvent s'apparenter de loin ou de près à un organisme public ou gouvernemental.

C'est un projet de loi qui, se voulant innovateur, puisque c'est le premier projet de loi du genre à être adopté en Amérique, semble-t-il, et que c'est certainement le premier au Québec, va aussi apporter des éléments nouveaux, des éléments de réflexion à la population et pourra également servir de modèle à l'extérieur du Québec.

Pour l'Opposition, il est évident que le fait de critiquer ce projet de loi peut nous faire paraître comme des rabat-joie, des gens qui se prononcent contre tout et rien. Mais à mes yeux il faut aller un peu plus loin dans notre démarche et considérer que l'on pourrait avoir comme principe, et c'est le cas chaque fois, lorsque l'on fait des lois pour les handicapés, que c'est difficile pour les gens bien portants de vouloir s'opposer ou déranger certaines parties de la loi.

Mme la Présidente, on pourrait vouloir que tout le monde aille au ciel, mais on n'est pas obligé de les tuer la même journée pour les faire aller au ciel au plus vite. C'est une loi qui dans son essence même est excellente, puisqu'elle touche la santé des gens. Qui pourrait s'opposer à la santé des gens? Donc, nous de l'Opposition, il a fallu que nous regardions article par article ce que cachait ce gouvernement ou cette loi qui va attaquer certainement les droits des fumeurs. Cette façon de procéder fait qu'on peut déceler quelque part... L'on confie au plus haut fonctionnaire de quelque établissement que ce soit, de la municipalité ou du domaine scolaire, le pouvoir de faire appliquer ces lois, sans qu'il ait quelque recours, puisque cette personne aura le droit de décider quels sont les endroits où l'on peut fumer ou ne pas fumer sans rendre des comptes à personne. Après beaucoup de débats on a réussi à faire accepter au ministre que ces rapports lui parviennent pour qu'il puisse en faire part dans les rapports de son ministère.

Donc, c'est une forme de mise en tutelle, puisque ces gens qui sont nommés dans la loi ont des pouvoirs plus grands que

le juge, puisqu'ils pourront décider où on fume et où on ne fume pas. Cela pourrait Être un motif où des gens auraient des différends dans la façon de voir les choses. Si, par exemple, la plus haute autorité dans une municipalité c'est le maire et qu'il ne consulte pas trop son conseil municipal et qu'il y a des fumeurs à l'intérieur de son conseil, il pourra dire: Dans tel appartement on ne fume pas et il n'y a plus rien à dire. Il pourrait même bannir complètement de l'hôtel de ville la possibilité de fumer. Donc, il pourrait certainement y avoir des différends entre le conseil municipal et le maire.

Aussi, au point de vue scolaire, on n'est même pas capable de déterminer si c'est le président qui est la plus haute autorité dans le domaine scolaire ou si c'est le directeur général. Alors, s'ils ne se parlent pas trop, je ne sais pas ce qui va arriver avec cette loi qui se veut une loi pour améliorer l'environnement de la population ou des gens. Mais je la mets en doute tout de même. C'est une forme, à mon sens, de tutelle. Il y a aussi beaucoup de fonctionnaires qui exercent la plus haute autorité et qui n'ont pas été engagés pour cela. Donc, c'est un nouvel élément qu'on ajoute à leur travail et de quelle façon pourront-ils exercer leur jugement par rapport à leur conseil d'administration? De ce côté-là il y aurait eu moyen de réfléchir à cette question, à savoir comment on pourrait fonctionner.

C'est aussi un transfert de responsabilités nouvelles aux municipalités. Après l'adoption de ce projet de loi, les municipalités vont avoir le pouvoir de réglementer et l'obligation d'interdire de fumer dans certains endroits, puisque c'est l'application de la loi. Donc, ce sera un ensemble de règlements qui pourront être différents d'une municipalité à une autre, comme l'expliquait mon collègue de Terrebonne. Il y aura aussi un pouvoir de surveillance, donc il faudra des inspecteurs. Je ne sais pas comment on pourra les appeler, les "boubouboucanes", pourrait-on dire, parce qu'on a des "bouboumacoutes" pour les assistés sociaux.

Donc, il y a un ensemble... Pour un gouvernement qui ne se voulait pas tatillon ni réglementaire et qui ne voulait pas adopter beaucoup de lois, on se ramasse aujourd'hui, à une première session, avec un ensemble de lois pas volumineuses dans leur contenu mais nombreuses. Ces lois vont obliger les municipalités à rédiger des règlements. On ne les fait pas ici, au Parlement, on fait la petite loi. Les règlements vont apporter, dans leur ensemble, beaucoup de nouvelles règles dans les municipalités. C'est une façon différente de faire les choses. On transfère nos responsabilités aux autres.

Il y a la question des amendes, l'article 33, où on dit que celles-ci sont perçues par la municipalité. La petite Cour municipale va se prononcer quant aux infractions concernant cette loi. Donc, ces montants d'argent... Je sais que le ministère de la Justice a toujours été chatouilleux pour qu'on donne le moins possible aux municipalités le produit des amendes. Dans cette loi-ci, on le donne; donc, on n'a pas peur qu'il y ait d'abus nulle part. C'est évident que pour les municipalités, les fumeurs, c'est une race à part. Au lieu de bannir complètement le tabac, on va bannir les fumeurs. Je ne vois pas de quelle façon, de cause à effet, on va pouvoir appliquer cette loi, puisque pour ce qui est de l'industrie du tabac, on n'a pu, comme Opposition, obtenir que les gens qui sont affectés par cette loi viennent en commission parlementaire nous dire ce qu'ils en pensaient. Donc, jusqu'à un certain point, l'Opposition s'est sentie brimée, puisqu'on a été obligé de prendre la parole du ministre, qui nous disait régulièrement: Vous savez, j'ai consulté et tout le monde a dit oui.

Le ministre, c'est une personne et il nous a donné l'exemple de la ville d'Aylmer, où on applique un tel règlement depuis onze ans et où jamais personne n'a été mis à l'amende. C'est facile à comprendre, car, légalement, je mets en doute que ces personnes auraient pu aller en cour. Certainement, elles auraient pu, quant à ce règlement, s'opposer, ce qui aurait probablement amené la cour à décréter que le règlement d'Aylmer était illégal. C'est vrai qu'il n'a pas été... Si, dans une loi, il n'y a aucune contravention et que personne n'est mis à l'amende ou que personne ne va en cour, tel que voulait nous le faire voir le ministre par rapport au projet de loi qu'il nous proposait, cela veut dire que le projet de loi aurait pu facilement être reporté à l'automne et mis en consultation durant tout l'été.

Nous allons accepter, voter pour le projet de loi mais on peut penser, en tant qu'Opposition, qu'il y a certains problèmes qui seront soulevés et qu'on aura encore à parler d'ici très bientôt de la Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Jonquière. M. le ministre de l'Environnement en réplique.

M. Clifford Lincoln (réplique)

M. Lincoln: Mme la Présidente, malheureusement l'heure se fait tardive, mais je vais devoir prendre quelques minutes pour rectifier beaucoup de choses qui ont été dites par deux députés de l'Opposition.

Tout d'abord, la question des autobus et la discrimination entre les autobus et les trains. J'ai expliqué bien clairement en

commission parlementaire que, pour ce qui est des trains, c'est une situation tout à fait différente des autobus parce que, dans les trains, il y a des compartiments séparés, un compartiment pour les non-fumeurs et un compartiment pour fumeurs. Ce n'est pas le cas dans les autobus, c'est pourquoi, il y a une dimension de 50 %.

Pour ce qui est des autobus, nous nous sommes assis avec les propriétaires d'autobus privés. Les suggestions qui ont été apportées, les amendements qui ont été apportés dans la loi font l'objet d'un consensus avec l'Association des propriétaires d'autobus qui a situé le niveau à 70 % que nous avons accepté et à 100 % à partir du 1er janvier 1989 pour les autobus voyageant sur une distance de moins de 300 kilomètres. Il restera 70 % pour les autobus qui parcourent plus de 300 kilomètres, pour les raisons qui nous ont été expliquées et justifiées par l'Association des propriétaires d'autobus. (13 h 30)

Pour ce qui est de la publicité que le député a suggéré d'inclure, cette loi constitue une première étape. Depuis dix ans, le projet était sur la tablette. C'est un peu ironique que ce soient les députés de l'Opposition qui demandent d'aller plus loin dans la loi, alors que, pendant dix ans, neuf ans, durant lesquels ils ont été au pouvoir, ils ont eu ce projet de loi sur les tablettes. Depuis 1976 qu'ils avaient été élus, et chaque année, cela revenait. Ils n'ont pas eu le courage de produire une loi, même plus minime que celle-ci. Mon collègue de Saint-Louis déposait chaque année un projet de loi pour qu'ils tentent d'avoir le courage de présenter, eux, une loi, et le ministre de l'Environnement du temps, M. Léger et le ministre Ouellette, ah, oui, ils avaient des projets de loi, mais jamais ils n'ont eu le courage de déposer cela à l'Assemblée nationale. Mon collègue de Saint-Louis déposait un projet, et il restait au feuilleton.

Maintenant que nous avons le courage d'aller plus loin avec cela, après dix ans de tergiversations, depuis 1976, ils nous disent: Vous n'allez pas assez loin, mettez-y la publicité. Faites des amendements, mettez-y de la publicité et on va les accepter avec grand plaisir. C'est toujours comme cela. Si on fait quelque chose, on n'en fait pas assez. Si on ne le fait pas, on n'a rien fait. Je vais vous dire, c'est le premier pas fait par le Québec et c'est un pas courageux qu'on fait. S'il faut ajouter de la publicité ensuite, on en ajoutera.

Comme le député le sait très bien, toute la question de la publicité, le gros de cette affaire est régi par le gouvernement fédéral. C'est ainsi dans toutes sortes de domaines. C'est une affaire très complexe qu'il faudrait faire avec l'assentiment de mon collègue des Communications. C'est toute une affaire. C'est une seconde étape.

Il fallait d'abord poser un premier geste et c'est ce que nous avons fait.

Il y a aussi eu une question abordée par deux députés. On aura des municipalités qui pourront faire des règlements sur les non-fumeurs et sur l'usage du tabac en public. Une municipalité fera son règlement dans un certain sens, une autre le fera dans un autre sens. Mais naturellement, c'est cela, l'autonomie municipale. C'est pourquoi, nous, dans la province de Québec, pouvons faire des lois différentes de celles de l'Ontario, si on le veut ainsi. C'est pourquoi chaque État des États-Unis est autonome quant à certaines lois et à certains pouvoirs. C'est pourquoi on délègue des pouvoirs, afin qu'une petite municipalité qui croit que ses circonstances sont différentes de celles d'une grande ville, puisse faire des règlements différents. C'est le cas de tous les sujets municipaux. Pourquoi les lois, d'Aylmer, d'Ottawa, de Toronto, de Côte-Saint-Luc ou de Westmount seraient-elles uniformes? Si c'était ainsi, on n'aurait pas besoin de municipalités, on pourrait tout légiférer.

Mais, au contraire, c'est cela le sens de l'autonomie municipale. Lorsqu'on dit qu'on aurait dû faire le travail des municipalités, lorsqu'on a consulté l'Union des municipalités du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté, elles nous ont dit: Non, on veut faire cela nous-mêmes. C'est pourquoi nous avons laissé ce pouvoir aux municipalités. Si les municipalités le font différemment l'une de l'autre, le principe sera le même, mais les modalités seront peut-être différentes. Je m'en réjouis et c'est le principe même de l'autonomie du gouvernement de base que nous appuyons tout a fait.

Le député de Jonquière disait que c'était une première en Amérique. Il a même dit que c'était une première partout. Il faudrait faire bien attention. Je pense qu'il n'a pas suivi le débat en commission parlementaire et, ici, en Chambre. J'ai dit qu'il y avait 31 États des États-Unis qui avaient une loi semblable à ce projet de loi, qu'il y avait 49 États sur 50 qui en étaient au stade d'adopter une loi ou qui avaient des projets de loi en gestation devant eux. Il n'y a qu'un seul État qui n'en a pas actuellement. Il y a 81 comtés américains et des quantités de villes, il y a plusieurs villes canadiennes. Ce n'est donc pas une invention. Il y a environ 25 pays dans le monde, dont plusieurs pays d'Europe, Singapour, par exemple. On a pris là des modèles pour travailler.

Sur la question du rapport en Chambre du ministre de l'Environnement sur ce projet de loi, le député de Dubuc - je dois l'en remercier - a apporté une suggestion très intéressante. Il dit que le ministre de l'Environnement devrait voir ce qui s'est fait dans les organismes gouvernementaux en général et préparer un rapport de tout ce qui s'est

fait ailleurs. Le député de Jonquière disait qu'il devait y avoir une grande discussion avant de l'adopter. Le Journal des débats va nous démontrer que j'ai agréé cette suggestion avec grand empressement parce que j'ai trouvé cela très constructif. Au contraire, on a travaillé ensemble pour trouver un mot à mot qui allait convenir. C'est malheureux qu'on dise qu'on ne voulait pas accepter qu'il y ait une vaste discussion.

Ce que j'ai dit au sujet des amendes, c'est que lorsqu'une loi contient des interdictions, il faut prévoir des sanctions quelque part. C'est ce qui donne de l'étoffe à la loi. Par exemple, on dit que sur les routes, si on jette les déchets par la fenêtre de l'automobile, il y aura 50 $ d'amende. Pouvez-vous me citer des cas où des gens sont en prison ou ont eu une amende de 50 $ pour cela? C'est un geste symbolique que l'on a posé. Je ne veux pas que cette loi soit une loi coercitive. À Toronto, il y a une loi adoptée depuis 1978 et on a compté seulement quinze personnes qui ont eu de petites amendes à cause de l'affichage. On a vérifié au Minnesota, il n'y en a pas du tout; à Chicago, il y a eu quelques cas. C'est comme cela, c'est surtout un effet d'entraînement, le symbole même d'une expression. C'est cela, la qualité de la loi.

Le député a parlé des audiences publiques qu'on n'a pas tenues. Il fallait attendre jusqu'à l'automne. Cette question traîne dans le décor depuis 1976. Si le député de Jonquière avait été à l'Assemblée nationale comme moi, il aurait su que chaque année, on discutait de cela en commission parlementaire. Le Conseil consultatif de l'environnement a déposé une étude très volumineuse en 1979 qui donnait tous les paramètres d'une loi. Il avait consulté 35 organismes, dont les organismes que le député voulait entendre maintenant: l'industrie du tabac, les syndicats et tout le reste. Il y a eu toutes sortes d'études au ministère des Affaires sociales, il y a eu je ne sais combien d'études sur cette question. Fallait-il toujours tergiverser? C'était l'attitude péquiste par excellence; quand ces gens ne pouvaient pas prendre de décision, ils tergiversaient. Ils disaient: Bon, on va faire cela, on ne va pas faire cela, pour essayer de faire croire qu'on faisait quelque chose, alors qu'on n'avait pas le courage de le faire.

Nous avons pris les devants et nous allons agir. C'est cela qui est formidable. Nous avions une loi qui traînait dans le décor depuis dix ans et maintenant, nous l'adoptons. On parle d'intolérance, on parle de coercition. Au contraire, le journal The Gazette dit que cette loi n'est pas assez coercitive pour assurer qu'elle sera appliquée. J'ai dit à plusieurs reprises que c'est une loi qui aura une valeur beaucoup plus symbolique qu'une valeur de sanction. Est-ce qu'on devrait ne pas adopter une loi parce qu'elle contient des mesures coercitives? Est-ce qu'on ne devrait pas avoir une loi qui dit que certains citoyens seront mandatés pour protéger un groupe majoritaire de citoyens qui le demandent depuis des années? Est-ce que c'est cela la coercition ou l'intolérance? Je ne crois pas du tout.

En fait, je répète que depuis les années soixante-dix, le Conseil nordique, sur les pays Scandinaves, le Conseil de l'Europe, l'Organisation mondiale de la santé, nous-mêmes au Québec, notre propre Conseil consultatif de l'environnement, le ministre des Affaires sociales en plusieurs occasions et surtout la Commission des droits de la personne recommandaient fortement que nous adoptions une telle loi.

Juste avant de terminer, je vais vous citer ce que la Commission des droits de la personne disait en ce sens: "Le droit de respirer un air pur dans les lieux publics devrait être reconnu et respecté, et ce, même s'il affecte les fumeurs, l'exercice d'une autre liberté, mais non fondamentale celle-là, celle de fumer dans les lieux publics." C'est dans ce sens que nous avons rédigé cette loi, dans un objectif de protéger les droits de ces non-fumeurs qui le demandent depuis des années. Ce n'est pas une loi contre les fumeurs, ce n'est pas une agression contre les fumeurs, c'est la reconnaissance de certains droits fondamentaux d'un groupe de la société qui le demande et qui est justifié de le faire. C'est cela, l'objectif de cette loi.

En terminant, je voudrais remercier tous les gens qui ont travaillé pour que ce pas en avant soit fait. C'est une évolution sociale, bien sûr. C'est une petite loi, mais c'est une évolution sociale et il faut l'accepter. Je suis très content que, cet après-midi, des jeunes soient là pour la sanction de la loi. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Environnement. Le débat étant clos, est-ce que le projet de loi 84, Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Étant donné l'heure, nous allons suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 39)

(Reprise à 15 h 7)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît! Que chacun regagne son siège. Asseoyez-vous. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 59 du feuilleton, particulièrement d'appeler le projet de loi 67 pour son adoption. Je voudrais vous informer tout de suite qu'il y a une entente avec l'Opposition à savoir que le temps de parole sera partagé de la façon suivante. Il y aura 60 minutes à l'Opposition réparties, semble-t-il, de la façon suivante: 30 minutes au député de Duplessis, 30 minutes réparties entre deux autres députés, et il y aura 30 minutes du côté du ministre des Affaires municipales.

Projet de loi 67 Adoption

La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement qu'on procède immédiatement à l'adoption du projet de loi 67? Est-ce qu'il y a consentement également pour qu'on fasse un ordre de la Chambre concernant la répartition du temps? Y a-t-il consentement?

Une voix: Consentement.

La Vice-Présidente: Consentement. M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Au cours du débat sur la loi 67, c'est-à-dire la Loi concernant la ville de Schefferville et la disparition de l'entité juridique blanche de cette ville, nous avons vécu des expériences comme Opposition, en première lecture, en deuxième lecture et, bien sûr, en commission parlementaire. Aujourd'hui, face à cette troisième lecture, j'affirme devant cette Chambre que l'Opposition est toujours contre la façon de procéder de ce gouvernement libéral. Nous trouvons, et ce à l'unanimité, que ce gouvernement agit d'une façon déplorable et unilatérale, face à toute une population qui ne comprend pas seulement les 253 Blancs de Schefferville, mais aussi les Métis de Schefferville dans la partie blanche, qui concerne le peuple naskapi et qui concerne aussi le peuple montagnais.

Ce que j'ai vu en cette Chambre, je le répète, même si je l'ai dit en commission parlementaire, et ce de la part des ministériels lorsqu'on s'adressaient à ce gouvernement, c'était bien sûr des grimaces, c'était bien sûr des sourires narquois et des sourires en coin. C'étaient des gesticulations qui venaient de la part de ces ministériels qui faisaient penser en quelque sorte que nous étions quelque peu dans un cirque qui était favorisé par ce gouvernement. Ce que j'ai entendu, bien sûr, de la part de certains députés et, en particulier, du député de Mille-Îles, c'étaient des balivernes qui exprimaient en même temps la tristesse de cette décision gouvernementale.

Mme la Présidente, vous comprendrez sûrement que mon attitude face à cette décision gouvernementale s'exprime par la déception et, bien sûr, le goût amer qui seront laissés autant aux membres de l'Opposition à cette Assemblée nationale qu'à la population de Schefferville ainsi qu'à la population du Québec dans son ensemble. Ce goût amer nous a été laissé par l'ensemble de ces 99 députés libéraux qui ont été élus le 2 décembre dernier pour gouverner le Québec.

Je puis vous dire que ni le ministre des Affaires municipales, ni ce gouvernement du Parti libéral n'a respecté ceux et celles qui demeurent actuellement à Schefferville. Je vais revenir tout à l'heure sur la question de la commission parlementaire. Lorsqu'on parle de ceux et celles qui demeurent à Schefferville, il faut penser aux femmes et il faut penser aux hommes. Il faut penser aux familles qui ont des enfants dans cette ville nordique ainsi qu'aux représentants et aux représentantes des organismes qui font partie de la coalition formée le 17 mai dernier, coalition formée en bonne et due forme par cette population presque d'une façon unanime. Il est remarquable de voir que ce gouvernement n'a aucun respect pour ces organismes, en particulier pour les entendre en commission parlementaire.

Pendant que l'Opposition, au cours des dernières semaines, en particulier la semaine dernière et cette semaine, s'évertuait à protéger les intérêts collectifs de la population de Schefferville, le gouvernement, en particulier, le ministre des Affaires municipales, voulait sa loi 67 pour en finir au plus vite avec la décision de "bulldozer" non seulement la ville elle-même quant aux immobilisations, mais en même temps la population de Schefferville. Pendant que l'Opposition s'évertuait à protéger les intérêts collectifs et les intérêts individuels de cette population de Schefferville, le gouvernement ainsi que son ministre des Affaires municipales nous "bulldozaient", encore une fois, au détriment de tous les droits de cette population qui, dans l'ensemble, est contre la fermeture de sa propre ville.

Mme la Présidente, en commission parlementaire, plusieurs questions fondamentales furent posées au ministre des Affaires municipales du gouvernement libéral. Je vous assure que très peu de réponses furent données, que très peu d'interventions furent faites par les ministériels, sinon, encore une fois, quelques balivernes de la part des gens d'en face. Tout le monde a compris, au cours de cette commission parlementaire, en particulier les membres de l'Opposition et la population de Schefferville, que ce gouvernement était vraiment nul en ce qui a trait à la transparence lors des périodes de questions et sur les sujets qui ont

été soulevés en commission parlementaire.

Lorsque je dis "nul", c'est surtout au regard des consultations. Peu importe ce qu'a dit le ministre des Affaires municipales ici même dans cette enceinte, dans le salon bleu de l'Assemblée nationale, peu importe ce qu'a dit le ministre lors de cette commission parlementaire qui a siégé pour étudier la loi 67 concernant la ville de Schefferville, le résultat est que les informations qui nous été données par le ministre ont démontré qu'il n'y avait vraiment eu aucune consultation, sinon celle que son gouvernement a faite, et peut-être lui-même, auprès du maire de la ville de Schefferville qui était d'accord avec la fermeture de sa propre ville.

Je ne reviendrai pas sur cette question du conseil municipal et du maire lui-même, mais je peux vous assurer, ainsi que les membres de cette Chambre et la population du Québec, que cette consultation, comme l'a dit le ministre, n'a pas été faite. La preuve, c'est que tous les représentants et représentantes d'organismes de la ville de Schefferville, même après le dépôt de cette pétition, n'ont eu aucune information directe relativement à leur avenir, autant pour ceux et celles qui veulent demeurer à Schefferville que pour ceux et celles qui veulent partir.

Bien sûr, nous avons eu en commission parlementaire quelques bribes d'information qui vont nous permettre, dans l'ensemble, du moins sur quelques points, de talonner le gouvernement et de le suivre de très près dans les actions qu'il entreprendra à la suite de l'adoption de cette loi. Lorsqu'on entend les ministériels prononcer des discours sur la santé des animaux et qu'on se voit refuser systématiquement, heure après heure, jour après jour, d'entendre les organismes touchés par la fermeture de cette ville, je trouve déplorable l'attitude gouvernementale. À plusieurs reprises, nous avons présenté au cours de cette commission parlementaire des motions pour faire en sorte d'inviter des représentants et des représentantes des organismes suivants: le Conseil municipal de Schefferville, la Coalition des résidents et résidentes de Schefferville, le Conseil de bande des Naskapis, le Conseil de bande des Montagnais, la Société de développement touristique Norbec, le Syndicat des employés de l'hôpital de Schefferville, le Syndicat des enseignantes et enseignants de la région du fer, l'Association des mines de métaux du Québec, l'Association des pourvoyeurs du Nouveau-Québec. Jamais ce gouvernement, par le biais de son ministre des Affaires municipales, n'a dit oui à quelque demande que ce soit concernant cet avenir fondamental pour les citoyens et les citoyennes de Schefferville.

En commission parlementaire, le ministre nous a avoué candidement qu'il y avait dans la loi elle-même la disparition concrète de l'entité juridique territoriale blanche de la ville de Schefferville pour en faire remise au Conseil de bande des Montagnais. Malgré les dires du ministre des Affaires municipales, il n'y a presque pas eu de consultation avec les Naskapis, et encore bien moins avec les Montagnais, en rapport avec cette remise de juridiction au peuple montagnais. Jamais le ministre ne nous a confirmé qu'il y avait une entente Canada-Québec qui avait été signée en rapport avec le dossier particulier de Schefferville concernant l'avenir de cette ville et la prise en charge par les Montagnais de cette partie blanche.

Le ministre des Affaires municipales, au cours de cette commission parlementaire, nous a confirmé que le rôle d'évaluation qui servirait à établir les allocations aux propriétaires résidents et non-résidents était Je rôle de 1986, c'est-à-dire le rôle qui a été préparé à la demande du conseil municipal en juillet dernier et qui est applicable au cours de l'année 1986. Il ne faut pas oublier que ce rôle d'évaluation réduit à un cinquième l'évaluation de chacune des résidences et de chacun des commerces, c'est-à-dire quatre cinquièmes de moins qu'au cours de 1985, de 1984 et jusqu'en 1982. Il est assuré maintenant que cette population, qui a appris par le biais des médias d'information la disparition juridique de sa ville, cela nous a aussi été confirmé en commission parlementaire. Encore une fois, je trouve vraiment déplorable ce qui s'est passé au cours des dernières semaines.

Le ministre nous a dit à plusieurs reprises qu'il fallait prendre sa parole. Je suis bien prêt, comme membre de l'Opposition, à prendre la parole du ministre des Affaires municipales, mais ce qui m'inquiète le plus, dans l'ensemble du dossier de Schefferville, c'est que je ne peux en aucun temps prendre la parole de ce gouvernement libéral du Québec parce qu'on sait très bien, qu'à la suite de son élection du 2 décembre dernier, il a renié - je dis bien renié -l'ensemble de toutes les promesses qui avaient été faites au cours de la campagne électorale. Il a renié l'ensemble de toutes les promesses qu'il avait faites au cours de son mandat dans l'Opposition, entre 1981 et 1985. Il n'est pas question pour l'Opposition du Parti québécois, l'Opposition à l'Assemblée nationale, de se fier à la parole de ce gouvernement. (15 h 20)

En commission parlementaire, j'ai posé une question au ministre en rapport avec la MRC de Caniapiscau, à savoir s'il avait consulté le préfet, c'est-à-dire le maire de la ville de Fermont. La réponse a été non. Lorsqu'on parle, par exemple, de l'article 2 qui remet le reste du territoire de la ville de Schefferville à la MRC de Caniapiscau,

ces gens ne sont même pas informés qu'ils devront prendre en main ce territoire de plusieurs centaines de kilomètres carrés. Il est impossible de comprendre vraiment sur le fond l'attitude de ce gouvernement qui se dit transparent, qui se dit prêt à toutes les consultations. On en arrive aujourd'hui à avoir des non-consultations sur la question de Schefferville, sur la question des illégaux face à la loi 58, sur la question de Radio-Québec, et j'en passe, Mme la Présidente.

Il y a des choses qui sont déplorables en cette Chambre. Ayant vécu dans une démocratie comme celle que nous avons établie en particulier de 1976 à 1985, on se rend compte que la population du Québec a sûrement fait une erreur en élisant ce gouvernement libéral le 2 décembre dernier.

Des voix: Oh!

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre! Vous pouvez continuer, M. le député de Duplessis.

M. Perron: S'il y a des gens d'en face qui sont intéressés à savoir ce que pensaient les anciens membres du Parti libéral qui sont toujours en cette Chambre mais qui étaient dans l'Opposition dans le temps en rapport avec le dossier de Schefferville, je vais vous lire quelques bribes du compte rendu de la commission parlementaire sur Schefferville qui a siégé les 10 et 11 février 1983. Je cite M. Fortier, député d'Outremont: "C'est qu'il s'agit de la fermeture d'une ville nordique, pas n'importe quelle. De plus, comme il est question de fermeture de d'autres villes nordiques, je crois qu'il est important pour les parlementaires de voir par expérience personnelle, de constater et de rencontrer les gens du milieu et de comprendre les problèmes que vivent les gens de Schefferville et, par conséquent, les problèmes des autres villes nordiques qui, malheureusement, pourront être fermées dans l'avenir." Ce même député d'Outremont continue: "Mais nous, du Parti libéral du Québec, sommes déjà sensibilisés aux problèmes humains qui sont créés par la fermeture de la mine et nous tenterons de collaborer avec tous les intervenants qui feront des recommandations positives dans ce sens. Cependant, ce que j'aimerais souligner, c'est qu'il est également important d'assurer le développement à long terme de Schefferville, des autres villes nordiques et de la Côte-Nord dans son ensemble. Nous sommes convaincus que la Côte-Nord, les villes nordiques et Schefferville en particulier ont un avenir, et un avenir brillant."

Au cours des dernières années le gouvernement du Parti québécois, à la suite de cette commission parlementaire, a toujours refusé et refusé systématiquement les recommandations des fonctionnaires du gouvernement du Québec à l'effet de fermer la ville de Schefferville. C'est pourquoi ce même gouvernement, au cours des trois dernières années, a appliqué des programmes de création d'emplois, des programmes de soutien aux entreprises comme les pourvoyeurs, comme, par exemple, les commerçants de Schefferville, sur les recommandations formelles qui venaient de l'Office de planification et de développement du Québec. Si, aujourd'hui, on a encore une ville qui s'appelle Schefferville, ce n'est pas grâce au Parti libéral et aux recommandations qui ont été faites par les députés qui étaient présents en commission parlementaire à Schefferville en date des 10 et 11 février 1983, mais bien grâce aux recommandations qui ont été faites par les ministériels du temps et qui ont permis que les natifs de Schefferville puissent continuer à vivre dans leur ville, qui ont permis que des familles complètes puissent continuer à vivre dans la ville de Schefferville. Maintenant, nous nous trouvons devant un fait presque accompli. Ce fait provient des voeux de ce gouvernement d'aller faire le maximum pour fermer le maximum d'entreprises qui appartiennent à la société québécoise et pour fermer même dans ce cas la ville de Schefferville. Pour aller chercher des sous pour faire quoi? Je vais vous en parler tout à l'heure, Mme la Présidente.

Lorsqu'on parle, par exemple, des 44 natifs de Schefferville, c'est-à-dire des jeunes qui ont entre 20 et 30 ans et qui demeurent toujours à Schefferville et qui veulent y demeurer pour le reste de leurs jours, le ministre ne nous a rien dit quant à leur avenir. Le ministre n'a déposé aucun document en commission parlementaire, bien qu'il ne soit pas tenu de le faire, malgré qu'on le lui ait demandé. Le ministre n'a pas fait savoir par écrit ce qui arriverait à cette population de Schefferville, peu importent les groupements, que ce soit ceux qui travaillent à l'aéroport, que ce soit ceux qui travaillent au centre de santé de Schefferville, que ce soit dans le secteur scolaire, que ce soit dans le secteur commercial, que ce soit les employés syndiqués ou les employés non syndiqués. Rien n'a été déposé. Cette population n'est pas informée du tout de ce qui va lui arriver au cours des prochaines semaines et au cours des prochains mois.

Mme la Présidente, il y a très peu de gens qui le savent ici en cette Chambre. Il ne faut pas oublier que, dans le cas de la disparition juridique de Schefferville, quant au territoire lui-même, tous les Blancs et tous les Métis, qui voudront se rendre à Schefferville pour demeurer sur le territoire qui sera décrété comme territoire de la bande montagnaise, seront dans l'obligation de demander l'autorisation à la bande montagnaise pour y demeurer. Dans les jours ou les semaines qui suivraient, il serait

possible, sur un avis même verbal, de faire en sorte que ces Blancs et ces Métis soient tenus de laisser le territoire juridique de la bande montagnaise. Actuellement, on laisse pour compte tous ces Blancs et ces Métis de Schefferville en leur disant: Votre ville disparaît; vous devez disparaître du paysage de Schefferville dans les prochains jours, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois.

Alors que l'ancien gouvernement a fait tous les efforts nécessaires pour maintenir cette ville, je peux vous dire, Mme la Présidente, que cela prend du culot de la part de ce gouvernement pour dire aujourd'hui et pour avoir dit hier que, si la décision de ce gouvernement est prise aujourd'hui, c'est la faute de l'ancien gouvernement et que l'ancien gouvernement avait même fait de la démagogie sur le dossier de Schefferville entre 1982 et 1986.

Une voix: C'est vrai.

M. Perron: J'entends "c'est vrai" en cette Chambre. Je m'excuse, Mme la Présidente, mais il y a des gens du parti ministériel, des hommes et des femmes, qui n'ont vraiment pas compris la situation qui est vécue actuellement et les déboires qui sont vécus actuellement par la population blanche de Schefferville et par la population métisse, et j'inclus là-dedans la population naskapie et la population montagnaise. J'ai eu la confirmation - je le répète - qu'il n'y a eu aucune consultation avec les Blancs, qu'il n'y a presque pas eu de consultation avec les bandes amérindiennes et qu'il n'y a eu aucune consultation avec les Métis de Schefferville qui sont au nombre d'environ 40.

Mme la Présidente, si vous me permettez, je vais répéter et relire textuellement ce que j'ai dit en date du 12 juin dernier devant cette Assemblée nationale. J'accuse les 99 députés de cette Chambre, les 99 députés libéraux, en particulier le ministre des Affaires municipales, en particulier le ministre délégué aux Mines, en particulier le ministre de l'Énergie et des Ressources et aussi le premier ministre du Québec de ne pas s'être rendus, de ne pas avoir contribué aux demandes de la population de Schefferville et d'avoir contribué plutôt à tout le négatif qui est sorti de la part des ministériels en cette Chambre face au projet de loi 67 et tout ce qui a été négatif face à la population de Schefferville qui a été complètement oubliée dans le décor par le gouvernement libéral.

Lorsqu'on dit en cette Chambre et lorsqu'on l'a dit en commission parlementaire que le gouvernement s'était systématiquement refusé de considérer même la demande qui était faite par la coalition des citoyens et des citoyennes de Schefferville en rapport avec un moratoire sur la loi 67, en rapport avec l'étude de ce projet de loi en commission parlementaire où on devrait entendre des mémoires de toutes les parties, en rapport avec une entente Canada-Québec où les gens de Schefferville voudraient être informés de cette entente et où les gens de Schefferville voudraient aussi connaître les positions gouvernementales se rapportant aux allocations, aux comités de reclassement, etc. (15 h 30)

Rien n'a été donné par ce gouvernement et ce gouvernement n'a pas su se rendre non seulement aux demandes de l'Opposition du Parti québécois mais, encore plus, n'a pas su se rendre aux demandes expresses qui avaient été faites par 192 citoyens et citoyennes adultes de Schefferville qui ont signé la pétition que j'ai mentionnée. Mme la Présidente, un jour il est assuré que ce gouvernement libéral va regretter les attitudes qui furent prises en cette Chambre et va aussi regretter la façon unilatérale avec laquelle il a procédé sans consultation en rapport avec l'avenir de la ville de Schefferville. Ses membres vont aussi se rappeler que le tout a été fait sans respect pour toutes les populations actuellement résidentes de Schefferville.

On ne peut pas dire autrement, Mme la Présidente, mais au cours des derniers mois et en particulier au cours des dernières semaines, on a pu constater que ce gouvernement était un gouvernement formé de liquidateurs. C'est un gouvernement qui contribue actuellement à liquider - je dis bien liquider - à peu près tout ce qui bouge dans le paysage pour faire en sorte que des montants d'argent entrent dans le fonds consolidé du Québec pour éventuellement faire de la petite politique partisane avec les fonds qui seront retournés au fonds consolidé du Québec, incluant des fonds qui proviendraient de la ville de Schefferville si on la maintenait en vie.

Mme la Présidente, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée dans ces quelques dernières minutes sur la question de Schefferville pour vous lire une lettre qui m'a été transmise tout dernièrement par des jeunes de Schefferville, c'est-à-dire des natifs de Schefferville. J'espère que les membres du gouvernement, c'est-à-dire les ministériels, ne feront pas comme ils font d'habitude et rire de ce qui va être dit dans cette lettre.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, question de règlement.

La Vice-Présidente: Sur une question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je pense que le député de

Duplessis a une expérience de parlementaire qui lui permet de comprendre la portée de l'article 35 où on dit, entre autres, à différents endroits de l'article que le député ne peut "imputer des motifs indignes à un député... se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant... employer un langage grossier ou irrespectueux envers l'Assemblée, tenir des propos séditieux". Dire avant même qu'il ait lu la lettre qu'il a en main que les députés ministériels vont rire de ses propos, je pense que c'est contraire à l'esprit de l'article 35. J'inviterais le député de Duplessis à respecter l'esprit de l'article en question.

La Vice-Présidente: M. le député de Duplessis, je ne voudrais pas, avant que vous fassiez vos remarques, que vous imputiez des motifs à la suite d'une lettre que vous pourriez lire. Je comprends, M. le député de Duplessis, que vous avez un sens de l'honneur et des responsabilités et que là-dessus vous allez pouvoir poursuivre votre intervention.

M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais vous faire remarquer en passant, à la suite de l'intervention du leader adjoint, que je ne m'adressais pas à un député en le nommant par son comté. Je m'adressais à cette députation libérale que nous avons en face de nous et dans l'ensemble. C'est là que je faisais mon intervention. Je voudrais vous lire cette lettre qui est adressée au Secrétariat à la jeunesse, Québec. "À qui de droit "La présente est pour solliciter votre aide pour des jeunes travailleurs et travailleuses de Schefferville. Vous êtes probablement au courant de la fermeture de cette dernière, ce qui entraîne plusieurs pertes d'emplois en majorité chez les jeunes. Dans un premier temps, nous avons déposé une pétition collective des résidents et résidentes à l'Assemblée nationale; par le biais des médias, nous avons appris que le gouvernement n'a pas l'intention d'en tenir compte. "Alors, avons-nous des droits au niveau humain, en tant que personnes représentant la jeunesse à Schefferville? Comme les taux de chômage et d'assistance sociale sont très élevés, et ceci à la grandeur du Québec, que pouvons-nous faire pour garder nos emplois? Ou si cela s'avère impossible, pouvons-nous compter sur votre appui pour aider ces mêmes jeunes à se retrouver du travail ailleurs? Par exemple, au niveau des centres de main-d'oeuvre, y aurait-il possibilité que ceux-ci fassent partie d'une liste spéciale? Une éventuelle indemnité de perte d'emploi ou encore une prime de déracinement? - Ce sont des natifs qui parlent - Ou pouvez-vous du moins nous informer des démarches que nous pouvons entreprendre pour les aider? Une fermeture et même une seconde fermeture de ville implique une situation hors du commun. Espérant votre appui, veuillez accepter nos sentiments les meilleurs. Signé par les travailleurs et travailleuses de Schefferville."

Il y a encore une pétition qui provient des jeunes de Schefferville. Encore une pétition parce que ceux-ci n'ont pas été consultés sur la décision gouvernementale.

Je voudrais en dernier lieu remercier mes collègues de cette Assemblée nationale, c'est-à-dire ceux et celles de l'Opposition qui sont intervenus d'une façon positive face au dossier de Schefferville et qui sont intervenus pour défendre les intérêts, non pas d'un groupe, mais de l'ensemble de cette population de Scheffervile. Je voudrais mettre en garde ce gouvernement du Parti libéral et, en particulier, le ministre des Affaires municipales, puisqu'il tient tellement à sa loi 67, afin qu'il fasse les choses correctement, humainement et d'une façon civilisée - je parle de l'avenir, c'est-à-dire à compter d'aujourd'hui - et qu'il ne fasse pas ce qu'il a fait au cours des dernières semaines en ne consultant pas et en prenant une décision qui aura un impact très négatif sur des hommes, des femmes, des familles et des jeunes de cette ville nordique qu'est Schefferville.

Mme la Présidente, ce gouvernement peut être assuré que je vais le talonner et que je vais continuer à faire l'essentiel pour que les droits et les privilèges de cette population soient respectés par ce gouvernement. J'invite aussi les membres du parti ministériel à faire bien attention à ce qu'ils feront avec les humains qui demeurent dans cette ville.

Je termine en maintenant ce que j'ai dit au cours de la commission parlementaire et au cours du discours que j'ai prononcé antérieurement devant cette Chambre: pour ce qui concerne les membres de l'Opposition, c'est oui à la consultation. Je lance un appel à ce gouvernement libéral, encore une fois, pour que le tissu blanc et juridique de la ville de Schefferville soit maintenu, pour que le contrôle soit fait par la MRC ou encore par un administrateur nommé par Québec, pour que le système policier de la ville de Schefferville soit remplacé par la Sûreté du Québec et pour qu'une entente Canada-Québec soit signée permettant à tous ces résidents et à toutes ces résidentes de Schefferville d'obtenir leurs droits.

J'invite, en dernier lieu, le gouvernement à respecter ceux qui veulent rester et à respecter également ceux et celles qui veulent partir. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Duplessis. M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le 2 décembre est passé; les promesses sont oubliées. Les libéraux sont élus; Schefferville n'existe plus.

Une voix: Voilà.

M. Blais: Mme la Présidente, c'est à peu près le contenu de l'appel téléphonique que j'ai reçu cet avant-midi d'une personne qui habite Schefferville pour nous dire...

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît: À l'ordre!

M. Blais: ...qu'en ce dixième anniversaire...

La Vice-Présidente: M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci.

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre! M. le député de Terrebonne, vous pouvez continuer.

M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. En ce dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la personne, je suis presque heureux que nous n'ayons pas aujourd'hui des visiteurs de pays étrangers pour nous voir adopter cette loi en cette Chambre. Nous devrions être gênés du geste que nous posons aujourd'hui. (15 h 40)

Si nous lisions dans un journal qu'en Amérique du Sud, quel que soit le pays, un village entier est déménagé sans que la population touchée ait été consultée, la première chose que l'on dirait ici: Ce pays n'est pas un pays démocratique. Aujourd'hui, au Québec, en ce 10e anniversaire de la mise en vigueur de la Charte des droits et libertés de la personne, on ferme une ville sans aucune consultation publique, je dis consultation "publique". Nous de l'Opposition avons essayé, nous avons demandé et nous avons insisté pour que le gouvernement amène les intéressés en commission parlementaire. Nous voulions consulter les intéressés dans ce dossier. Ce fut un mur de refus total et absolu. Nous voulions recevoir les représentants des résidents qui, à 97 %, ont signé une pétition. Ces gens voulaient être entendus. Refus total de la part du gouvernement, refus total!

Pourtant, ces Blancs qui étaient là apportaient beaucoup au trésor des différents gouvernements. Ils étaient là pour que les gens du sud vivent mieux. Ils avaient accepté cet éloignement, cet isolement en faisant des sacrifices énormes d'adaptation, d'abord, à ce pays nordique et d'adaptation d'enracinement à cet endroit. C'était une nouvelle façon de vivre. Une fois enracinés, on décide qu'on élimine leur ville sans consultation publique. On ne voit pas cela normalement dans les démocraties.

Il y a aussi les autochtones, les Montagnais, 575 Montagnais qui sont là, à Matimekosh plus précisément, tout près de Schefferville. On dit que ces gens prendraient une partie du village ou le village, on ne sait pas. Eux non plus ne le savent pas et ils n'ont pas été consultés. Nous avons demandé au gouvernement que des représentants des Montagnais viennent s'expliquer. Refus total absolu! Les droits et libertés de la personne, on en fait fil

Nous avons demandé que les Naskapis et leur chef, Joseph Guanish, viennent en commission parlementaire parler au nom de la bande des Naskapis, qui sont environ 400. Refus total! Déjà, c'est leur deuxième déportation. En 1955, ils étaient à Kuujjuaq ou Fort-Chimo, et on les a déportés à Schefferville. En 1986, on ferme leur ville sans consultation, le jour du 10e anniversaire des droits et libertés de la personne. II y a historiquement des choses qui coïncident et qui font frémir. C'est la deuxième déportation d'une bande d'autochtones, le jour du 10e anniversaire de la Charte des droits et libertés de la personne, et cette déportation est faite sans consultation. S'il y avait quelqu'un d'un pays étranger ici qui nous voyait faire, nous devrions en être gênés.

De plus, ces gens-là, on ferme leur ville, ils l'apprennent par les journaux - on ferme votre ville - sans qu'ils connaissent les règles du jeu, sans que la population autant blanche qu'autochtone de Schefferville connaisse les règles du jeu. Nous avons déjà été obligés de fermer Gagnonville. Il est possible que ce soit nécessaire de fermer Schefferville. Il y a des façons d'agir pour respecter les peuples, les gens, les populations, la démocratie, les droits et libertés de la personne. À Gagnonville, nous l'avons fait. Il y a eu consultation, il y a eu entente avec toutes les parties avant que le gouvernement ne procède. Ici, ce n'est pas ce que l'on fait. Sous la force du nombre, 99 contre 23, on dit: Voilà, nous fermons Schefferville, nous ferons des consultations après, nous établirons après les règles du jeu; les gens n'ont qu'à se plier.

Mme la Présidente, en ce dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la personne, plût au ciel qu'il n'y ait pas d'étrangers qui nous voient faire pour rapporter cela dans leur pays et dire: Québec est devenu, depuis le 2 décembre, un pays où on ne respecte pas les droits de la personne. C'est intolérant! Il est possible qu'après que nous aurons adopté cette loi, le gouvernement aille faire des consultations et traite très bien les gens après, c'est possible, mais ce n'est pas ainsi qu'en démocratie nous devons procéder. En démocratie, nous

consultons d'abord. Nous établissons les règles du jeu, surtout dans des cas exceptionnels, comme dans le cas de fermeture d'une ville.

Le Parti libéral, le parti majoritaire, avec cette loi, met une ombre sur ses réalisations dès le début de son mandat. Personnellement, je trouve que cette loi est une négation des droits les plus primaires de la personne. Ce gouvernement devra se voiler la face pour le geste par derrière la porte qu'il pose aujourd'hui envers la population de Schefferville. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Terrebonne. M. le député de Jonquière.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Mme la Présidente, dans la vie, il y a des jours heureux, des jours où c'est plus sérieux et d'autres où c'est plus triste. Pour ma part, j'estime que la fermeture de Schefferville est l'un de ces gestes qui marquent l'histoire du Québec, qui marquent aussi les citoyens de l'ensemble du Québec.

Lorsqu'on examine les événements qui ont précédé l'annonce de la fermeture de Schefferville, on ne peut pas faire autrement que de se montrer surpris, surtout après les événements qui se sont succédé à partir du mois de novembre, lorsque la fermeture de la mine Iron Ore a été annoncée. Immédiatement, le député de Duplessis qui a à coeur l'intérêt et l'avenir de ses concitoyens s'est mis au travail pour sensibiliser l'ensemble du Parti québécois qui exerçait le pouvoir à ce moment et l'inciter à aller voir sur place ce qui se produisait. Cette commission parlementaire a aussi permis aux membres de l'Opposition d'aller consulter sur place pour voir ce qui se passait à Schefferville. On constate que les gens qui ont fait le plus de spectacles sont ceux qui avaient, avant la tenue de cette commission parlementaire, pris la peine de dire: II ne faudrait pas que cela tourne en spectacle. Il faut s'assurer que le gouvernement du Parti québécois ne vienne pas faire une "Opération charme", mais fasse une démarche sérieuse. (15 h 50)

Lorsqu'on examine les gens qui étaient dans l'Opposition à ce moment-là et qui, aujourd'hui, occupent des postes importants, comme le ministre de l'Énergie et des Ressources, le ministre délégué à la Privatisation, on pourrait dire à ces gens: Un instant, nous sommes ici, il faut que ce soit sérieux. Ils avaient trouvé des solutions, dont une solution aussi farfelue que de dire que non seulement il ne fallait pas fermer Schefferville, mais qu'il faudrait trouver des débouchés pour nos jeunes. On parlait d'ouvrir une usine pour traiter le métal sur place. Il y a loin des paroles aux actes. C'est probablement là que le Parti libéral a trouvé le moyen de proposer son projet de société pour nos jeunes.

Quand on regarde, après six mois, ce qu'on a fait pour les jeunes du Québec, on se rend compte que le bilan est mince, que les jeunes n'ont pas plus et probablement moins d'avenir qu'auparavant. Le côté spectacle était le lot de l'Opposition au moment de cette commission parlementaire.

C'est évident aussi qu'on s'est empressé d'écouter tout le monde. Je me demande si l'Opposition n'était pas là simplement pour écouter. C'était probablement aussi pour voir ce qui se passait, sans qu'il y ait vraiment rien de sérieux dans cette question. On ne voulait pas fermer Schefferville dans ce temps-là, on voulait même lui ouvrir des perspectives nouvelles. Malheureusement, on constate que la fermeture a été annoncée sans aucune consultation. On a dit: Possiblement que par un coup de téléphone ou deux - parce qu'on est fort sur le téléphone, de l'autre côté - on aura toutes les réponses à nos questions.

Ces gens, devant le manque de volonté politique du gouvernement actuel, ont semblé découragés devant toutes les portes qui se fermaient. La consultation bidon qui a été faite a peut-être permis au ministre des Affaires municipales de dire que ces gens étaient d'accord sur la fermeture de leur communauté. Le député de Duplessis - qui, je le répète, dans ce dossier de fermeture, a accompli son devoir à 100 % et même plus -est allé vérifier sur place l'idée de ces gens sur la fermeture de leur village qui avait été annoncée d'une façon aussi brutale. Ces gens se sont pris en main et ont même amené le conseil municipal, qui s'était prononcé pour la fermeture, à travailler, tous ensemble, pour examiner les solutions possibles avant de procéder à la fermeture de leur municipalité.

Ces propositions ont été colligées dans une pétition qui a été présentée à l'Assemblée nationale, pétition qui nous donne un certain nombre d'éléments de solution, certaines avenues ou certaines pistes à explorer. Il y a la solution du moratoire consistant à dire non à la fermeture du village pendant un certain temps pour qu'on puisse examiner des solutions potables et savoir si toutes les avenues ont été explorées, savoir si Schefferville a un avenir. La réponse a été non, la réponse du parti au pouvoir actuellement.

Deuxième solution avancée: une commission parlementaire où des groupes, des gens du milieu pourraient venir nous dire ce qu'ils pensent de la fermeture de la municipalité dans laquelle ils ont mis tant d'efforts et tant d'espoir. Lorsqu'on fonde une municipalité, les gens sont enthousiastes,

les gens croient en l'avenir de leur municipalité. Ces gens, qui ont des racines dans le milieu, auraient pu venir nous dire, en plus du ministre des Affaires municipales, ce qu'ils pensaient de leur milieu, comment ils voyaient leur avenir. Que ce soit les Naskapis, les Montagnais, les peuples fondateurs, les peuples qui sont enracinés dans le milieu ou les Blancs qui sont venus au monde dans ce coin, que ce soit les enseignants ou les syndicats qui, eux, avaient mis de l'espoir dans leur travail, ils veulent savoir quel sera leur avenir par rapport à leur vécu et par rapport à leurs obligations, que ce soit l'Association des mines et de métaux, que ce soient les pourvoyeurs, la société touristique Norbec, tous ces gens-là auraient pu venir nous dire ce qu'ils pensaient, ce qu'ils voyaient comme avenir et nous convaincre ou nous assurer que la décision de fermer leur village ou leur municipalité n'était pas une solution prématurée, mais qui manquait d'exploration et de perspective économique.

Ces gens-là, qui ont pris des racines dans ce milieu, avaient le droit d'être écoutés, ce qui a toujours été fait antérieurement par le gouvernement précédent. Malheureusement, après sept mois de pouvoir, on se conduit, dans ce gouvernement, comme des propriétaires. Vous savez ce que font les propriétaires? Ce sont des gens qui peuvent disposer et qui ont droit de vie ou de mort sur l'ensemble de la population. Je trouve que c'est malheureux, après tout le travail que l'Opposition a essayé de faire pour convaincre nos vis-à-vis du bien-fondé de nos arguments, que ces gens-là aient été ignorés et laissés pour compte. On a eu l'impression, à beaucoup de moments qu'on parlait à un mur. Je pense que cela est malheureux.

Où étaient ces gens d'en face qui, avant le 2 décembre, se sont présentés devant la population avec chacun son discours pour développer l'économie du Québec? Ces gens-là avaient toutes les solutions. Ils pouvaient créer de l'emploi, ils pouvaient dire comment on pouvait "runner" le Québec comme une "business". C'était important. Il n'y a pas un député du gouvernement actuel en cette Chambre qui n'a pas fait son discours économique dans son milieu pour convaincre les gens qu'ils étaient prêts à gouverner.

Quand on regarde les faits et qu'on examine ce qui se passe, ces gens-là ont ignoré qu'il pouvait y avoir de l'avenir dans le Nord. Un peuple, quel qu'il soit, pour marquer son appartenance, doit manifester une présence. Avec la fermeture de Schefferville on ferme possiblement la porte du Nord, la fosse du Labrador qui a été explorée avec des sommes mises à la disposition des explorateurs par le gouvernement du Québec, une somme de 3 000 000 $ pour l'année 1986. On a déjà découvert dans cette fosse du Labrador certains métaux précieux qui pourraient être exploités et qui auraient permis à Schefferville d'être la base du développement d'un territoire de 100 000 kilomètres carrés. Il n'y a pas beaucoup de peuples qui peuvent se vanter d'avoir autant d'espace à explorer géographiquement, ce qui pourrait susciter et qui suscite encore beaucoup d'espoir.

Le discours économique a fini à partir du 2 décembre 1985. Actuellement, on a des solutions comptables. Comment fait-on pour fermer un village? On additionne des colonnes de chiffres et quand on n'a pas notre compte, on ferme le village. C'est ce qui arrive exactement dans ce cas-là. Je pense que l'élément le plus important, qui nous semble fondamentalement oublié, c'est d'abord et avant tout la population de Schefferville, population blanche, population autochtone, les natifs et toutes les perspectives de l'avenir du Nord. Ce n'est pas la meilleure décision qui a été prise à mon point de vue. Dans des conditions aussi extrêmes de fermeture, il aurait fallu au moins aller consulter les gens et leur demander ce qu'ils pensaient.

C'est tellement une solution comptable, la fermeture du village, que déjà on a décidé de fermer. C'est le ministre qui nous a dit: On ferme et, ensuite, on négocie. Donc, négocier avec qui, négocier quoi? C'est une vente de liquidation. Le gouvernement continue à liquider les actifs du Québec. En comptabilisant, on dit qu'on va faire un plus. Est-ce 6 000 000 $ versus 0? Non, j'affirme que ça ne peut pas être un 0 parce qu'il faut maintenir le chemin de fer, parce qu'on a des engagements avec les bandes indiennes, il faut maintenir les liaisons par air, il faut continuer à avoir des relations avec ces gens-là. Il y a des pourvoyeurs. (16 heures)

Au point de vue de l'économie, il y a un certain nombre d'éléments qui, non seulement nous le permettent, mais nous font constater qu'il y a des gens qui vivent des produits de la chasse et de la pêche; donc, une activité qui développe l'économie du Québec. On continue à avoir des liens. Comment va-t-on traiter ces gens-là au point de vue du réseau de la santé, au point de vue de l'éducation? On va transférer - on. est forts là-dessus - on va donner nos responsabilités au fédéral comme si, dans l'état actuel des choses, l'individu qui ne paie des taxes au Québec ne paie pas aussi des taxes au fédéral et ne paie pas aussi des taxes municipales. Ce sont exactement les mêmes contribuables. Quand le gouvernement du Québec se débarrasse d'un problème pour l'envoyer aux autres, je pense que ce n'est pas une opération comptable qui se traduit par un plus pour l'ensemble de la population.

Je pense que, de ce côté-là, on a été

légers dans les décisions qu'on a prises de fermer ce village ou cette municipalité sans une consultation plus grande, sans aussi regarder toutes les avenues qui auraient pu se prêter à un développement ou du moins s'assurer, si un jour on y est obligés, à cause des richesses potentielles de ce milieu, de ce coin de pays, qu'on puisse récupérer les investissements qui ont été faits autant par les gouvernements que par les industries privées.

C'est cet ensemble de circonstances qui fait que je suis très déçu de cette fermeture de la municipalité de Schefferville. C'est plus important qu'une fermeture d'usine, c'est évident. Lorsque j'ai demandé, en Chambre, au ministre des Affaires municipales sur quoi il se basait pour prendre sa décision de la fermeture, il m'a dit qu'il y avait beaucoup de dossiers qui lui permettaient de déterminer la fermeture de Schefferville. Il m'avait dit, à ce moment-là, que, si je désirais avoir des renseignements, j'avais simplement à les demander à son ministère, je me suis empressé de demander les renseignements, et qu'est-ce que j'ai reçu? Deux pages et un huitième de renseignements. J'ai l'impression que c'est là-dessus que le Conseil des ministres s'est prononcé pour fermer, pour prendre la décision de fermer le village de Schefferville. Et vous pensez que...

Une voix: II y en avait moins que cela.

M. Dufour: C'est bien possible qu'il y en eût moins que cela. C'est pensable, Mme la Présidente, que nous, de l'Opposition, on puisse prendre juste la parole du ministre pour nous dire que c'est fini, Schefferville? Ce n'est pas tous les jours qu'on prend des décisions, dans onze articles, de fermer une ville, de décider de l'avenir d'un certain nombre de gens, une population qui a certainement subi des traumatismes importants à cause de la façon dont on l'a annoncée, de la façon dont elle a été consultée et aussi de l'inquiétude causée pour la méconnaissance de l'avenir qui n'est pas rassurant pour ces gens-là, à nos yeux, comme Opposition. Comment peut-on payer les maisons, les avoirs de ces gens-là? Comment va-t-on reclasser ces gens-là? Comment va-t-on laisser les pourvoiries? en suspens? Comment va-t-on continuer à les faire fonctionner? Tout un ensemble d'éléments, Mme la Présidente, qui me font dire que cette action ou cette décision n'est certainement pas une action dont le Parti libéral pourra se vanter. De ce côté-là, il devra s'empêcher et se dépêcher de la faire oublier. Il y a un élément important qu'il ne faut pas oublier. C'est qu'aujourd'hui, on se comporte comme des propriétaires, mais la population leur fera comprendre tantôt qu'ils seront seulement des locataires. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Jonquière.

M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Mme la Présidente, je serai très bref. Je voudrais purement et simplement faire une ou deux mises en garde avant qu'on passe à la réplique du ministre. J'ai participé, comme membre de ce Parlement, à une commission parlementaire à Schefferville et je me souviens de toute l'importance dont les parlementaires faisaient état à ce moment-là. Par un froid de 50 sous zéro l'Opposition d'alors, gouvernement d'aujourd'hui et ceux de ce côté-ci de la Chambre, on parlait de l'importance de maintenir ouverte cette porte sur le Grand Nord. On cherchait à ce moment-là les moyens de rentabiliser Schefferville et les moyens de le faire, c'était précisément de rentabiliser les pourvoiries, de voir s'il n'y aurait pas une commercialisation du caribou, etc., toutes sortes de pistes dont nous explorions les possibilités.

Je me rappelle de l'Opposition qui nous talonnait, qui, j'allais le dire, nous enguirlandait chaque fois qu'on mettait certaines réserves sur certains points, sur la faisabilité entre autres de certaines options ou certaines hypothèses. Aujourd'hui, sans même consulter, parce que le ministre dira qu'il a consulté, mais consulter, on sait que dans les moeurs publiques cela veut dire inviter formellement les représentants, leur offrir l'occasion de s'exprimer et d'avoir un écho public aux propos qu'ils tiennent. Consulter en secret, Mme la Présidente, faire venir un "chum" ou deux pour lui demander ce qu'ils en pensent, cela n'est pas de la consultation.

Deuxièmement, je voudrais mettre en garde le ministre qui a refusé certains amendements de l'Opposition. Je voudrais le mettre en garde des gestes pour la probité publique qui seront posés. On sait qu'il y a des gens qui, pour des sommes nominales, ont fait des transactions immobilières. Il ne faudrait pas se retrouver dans six mois, dans un an, avec des gens qui se bidonnent, qui se gargarisent du fait qu'ils ont fait la passe du gros Bill et qui, dans l'espace d'une nuit ou de quelques jours, grâce à un projet de loi présenté par le ministre des Affaires municipales, ont accumulé des sommes rondelettes de 500 000 $ à 600 000 $ à court terme. Ce sont les deniers publics, parce que c'est l'État qui devra payer pour tout cela. Je voudrais mettre en garde le ministre là-dessus.

Je pense que c'est de bonne foi qu'on le fait de ce côté-ci de la Chambre parce

que le ministre est conscient que dans toutes ces histoires, si jamais on ne fait pas de mises en garde, si jamais on ne prend pas de précautions, il y a des gens qui, allègrement, parce que ce sont les deniers de l'État, se foutent éperdument de ce qui peut arriver.

Je voudrais remercier mes collègues aussi de ce côté-ci de la Chambre, ceux qui ont participé à la commission, qui ont fait un travail gigantesque, qui ont travaillé d'arrache-pied pour essayer de présenter le point de vue de ceux qui auraient voulu avoir voix au chapitre et qui n'ont pas pu, entre autres des comités de citoyens, ceux qui ont signé des pétitions, ceux qui ont eu le courage de dire qu'ils ne voulaient pas de consultation piégée d'avance mais qu'ils voulaient avoir des consultations formelles. Je voudrais rendre hommage au député de Duplessis qui a guidé notre équipe tout au cours de cette étude.

Maintenant, je voudrais laisser la parole au ministre pour que, bien sûr, il tienne compte j'espère, dans sa réplique, des remarques et des mises en garde que nous faisons. Il pourrait se contenter, comme il fait d'habitude, ce cher ministre, d'essayer de rétorquer violemment, de se gargariser et de se faire applaudir. Face à des citoyens qui perdent leur ville et face également à cette occasion que nous avions de garder la porte ouverte sur le Grand Nord, j'aimerais mieux que le ministre soit modeste dans ses propos et qu'il nous dise que concrètement on a avancé des propos dignes d'être retenus. Mme la Présidente, merci.

La Vice-Présidente: M. le ministre des Affaires municipales, en réplique.

M. André Bourbeau (réplique)

M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente, Nous arrivons donc à la troisième lecture avant l'adoption, l'étape de l'adoption du projet de loi 67, Loi concernant la ville de Schefferville.

En commençant, j'aimerais faire un certain rappel des faits pour que tous ensemble nous puissions nous souvenir un peu de ce qui s'est passé. On se souviendra qu'en 1982, la compagnie Iron Ore du Canada qui exploitait à Schefferville depuis de nombreuses années une mine de fer a décidé de fermer ses portes. Aux plus belles années de la ville de Schefferville, il y avait à Schefferville environ 3400 personnes dont la très grande majorité travaillait à la mine d'Iron Ore.

Après la fermeture de l'Iron Ore, un grand nombre de gens ont décidé de quitter la ville et de trouver une partie du pays où les possibilités d'emploi étaient meilleures, de sorte que la ville s'est petit à petit vidée de ses habitants. Aujourd'hui, il reste à Schefferville environ 250 personnes, soit moins d'un dixième de la population d'il y a cinq ans. (16 h 10)

Évidemment, il faut qu'on se rende compte que dans la ville de Schefferville, il y a un logement sur douze qui est habité. Cela crée un problème pour la municipalité. En tant que ministre des Affaires municipales je ne peux pas ignorer ce problème. Ce problème c'est que dans les rues de Schefferville, la plupart des maisons et des logements sont inhabités. Par contre, la ville est tenue de donner aux quelques habitants qui restent les services municipaux auxquels ils ont droit. Comme il y a très peu d'habitants pour payer les comptes de taxes, le problème qui se pose c'est que la ville de Schefferville ne peut plus boucler son budget et fait appels en partie à la compagnie Iron Ore et en partie au gouvernement du Québec pour des subventions.

La valeur marchande des immeubles a baissé et cela se comprend puisqu'il n'y a plus aucune demande pour des immeubles. Parce que 90 % des immeubles sont inoccupés ou vacants, il n'y a personne qui veut acheter des immeubles ou des maisons à Schefferville de sorte que la valeur des immeubles a chuté d'une façon absolument spectaculaire. À titre d'exemple, je vous signale que l'évaluation foncière de la ville de Schefferville, qui était, il y a deux ou trois ans, de 37 951 000 $ - l'ensemble de la valeur des immeubles - est tombée à 3 000 558 $, soit un dixième de sa valeur originale. Forcément, la municipalité voit ses revenus de taxes foncières sévèrement diminués dans la même proportion.

La compagnie Iron Ore, quant à elle, qui était le grand employeur de la municipalité, payait, il y a trois ans, 82 % du compte de taxe de la municipalité. Cette année, elle en paiera 43 % parce qu'elle a démoli plusieurs de ses immeubles et la compagnie nous a avisés que d'ici à quelques semaines elle en démolirait le reste afin évidemment d'éviter de payer des taxes sur ces immeubles, de sorte qu'on peut estimer qu'à compter de l'an prochain la compagnie Iron Ore ne paiera à peu près plus de taxes foncières, ses terrains étant redevenus vacants.

Ce qui fait que la totalité du budget de la ville de Schefferville revient en partie aux quelques habitants blancs qui y restent et en partie au gouvernement, la compagnie Iron Ore ayant indiqué qu'elle ne voulait plus payer de contributions ou de subventions à la municipalité. On doit dire que la compagnie Iron Ore a été un bon contribuable. Il y a deux ans, par exemple, elle s'était engagée à payer 2 500 000 $ en acompte sur la dette de la municipalité, qui était environ de 3 700 000 $. Elle a payé 600 000 $ l'an dernier à titre de contribution. Cette année,

elle verse le solde ou 1 900 000 $ en acompte sur la dette de la ville de Schefferville. Après ces paiements de la compagnie Iron Ore, il restera donc une dette nette légèrement supérieure à 1 000 000 $. Si on doit maintenir la ville en vie pour le bénéfice des quelque 250 Blancs qui restent, cela veut dire qu'il va falloir continuer à maintenir un corps de police, qu'il va falloir maintenir un service d'entretien des rues, des gens qui vont travailler à la voirie, qui vont déblayer la neige l'hiver, qui vont déneigner, qui vont faire marcher l'usine de filtration d'eau potable. Il va falloir maintenir un hôtel de ville, une équipe de fonctionnaires. Or tout cela coûte à peu près aux alentours de 2 500 000 $ à 3 000 000 $ par année.

En plus de cela, il y a des ministères à Schefferville qui donnent des services. Le ministère de l'Éducation a des écoles, le ministère de la Santé et des Services sociaux a un hôpital et des services. Comme la population a diminué de plus de 90 % on est en droit de se demander si nous avons le droit d'utiliser les fonds publics, l'argent de tous les Québécois pour maintenir à Schefferville une poignée de gens, une petite quantité d'individus qui en somme n'ont plus de travail. Voilà la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Nous nous sommes posé la question: Que doit-on faire dans une situation comme celle-ci?

Il y a un précédent. Il y a un an environ, l'ancien gouvernement du Parti québécois était confronté à une situation semblable. Dans une ville qui s'appelait Gagnon, une mine a également fermé. La mine c'est SIDBEC-Normines.

Essentiellement, tous les habitants de Gagnon travaillaient à la mine SIDBEC-Normines. Qu'est-ce qu'a fait l'ancien gouvernement? Premièrement, l'ancien gouvernement a fermé la mine de SIDBEC-Normines, puisqu'il en était l'actionnaire. Le gouvernement du Parti québécois a pris la décision de fermer la mine de Gagnon. Deuxièmement, à la suite de cette fermeture, il en est venu à la conclusion qu'on devait également fermer la ville. On ferme la mine, conclusion: on ferme la ville. 3e pense que l'ancien gouvernement a pris une bonne décision. C'était la seule chose à faire, puisqu'il n'y avait plus de raison de maintenir dans une région aussi éloignée une population qui n'avait plus de travail.

Aujourd'hui, nous nous trouvons devant une situation semblable. La mine est fermée, mais ce n'est pas nous qui l'avons fermée. C'est l'Iron Ore, et encore, il y a quatre ans, en 1982. Quelles conclusions devons-nous tirer? Mme la Présidente, je maintiens que les mêmes causes, dans les mêmes circonstances, produisent les mêmes effets. Si c'était bon, l'an dernier, de fermer la ville de Gagnon à la suite de la fermeture de la mine, pourquoi aujourd'hui devrions-nous maintenir ouverte la ville de Schefferville, alors que la mine est fermée depuis quatre ans?

Je pense, Mme la Présidente, en toute logique, qu'on doit en venir à la même conclusion. Pourquoi le Parti québécois n'a-t-il pas fermé, avant aujourd'hui, la ville de Schefferville? Pourtant, dès l'an dernier, il était saisi d'une recommandation en ce sens et au ministère des Affaires municipales, dont je suis le titulaire présentement, on opinait également pour cette solution et on la recommandait. Mais il faut se souvenir qu'à l'automne 1985 il y avait dans l'air, comme on le dit, une élection provinciale. L'ancien gouvernement a traîné. Il ne voulait pas fermer la ville de Schefferville à la veille des élections, d'autant plus que ce gouvernement venait de fermer, quelques mois auparavant, la ville de Gagnon. Or, fermer deux villes dans la même année, c'était un peu trop pour le même gouvernement, à la veille des élections. Voilà la raison pour laquelle on a retardé et on a refilé, évidemment, le paquet au gouvernement suivant, le gouvernement du Parti libéral.

Nous avons donc regardé le dossier à son mérite. Nous avons étudié toutes les facettes du dossier. Nous avons également pris en considération les problèmes humains. Nous savons que des traumatismes seront créés par le fait que des gens devront déménager. Il y a des gens qui sont nés à Schefferville, qui y ont passé toute leur vie depuis une trentaine d'années et qui devront quitter. Mais nous devons également dire que nous avons été élus par la population pour prendre des décisions, pour bien gérer les fonds publics et c'est en mettant dans la balance les deux facettes du problème, l'intérêt privé des citoyens de Schefferville qui voudraient y demeurer et l'intérêt public qui nous commande de bien gérer les fonds publics, que nous avons pris cette décision.

On a fait un plat, de l'autre côté, du prétendu manque de consultation du gouvernement. Je vous dis que rien n'est plus faux. Rien n'est plus faux. Nous avons consulté autant qu'on peut consulter une population de 250 personnes. Je dirais même que jamais un gouvernement n'aura autant consulté, compte tenu du faible nombre de la population de Schefferville.

Premièrement, on doit dire qu'il y a deux ou trois ans une commission parlementaire composée de députés des deux côtés de la Chambre, donc de députés de la partie gouvernementale et de la partie de l'Opposition, a entendu ceux qui voulaient se faire entendre. Je dirais même plus, c'est probablement la première fois dans l'histoire du Parlement québécois, sauf erreur, qu'une commission parlementaire se déplaçait et, au lieu d'entendre des représentants ici même à

Québec, se rendait sur les lieux à Schefferville pour s'informer de l'état de la situation. On a consulté la population à ce moment-là sur l'état du dossier. Sub-séquemment, Mme la Présidente, des fonctionnaires du ministère des Affaires municipales ont eu de fréquentes rencontres avec des représentants, tant du conseil municipal que des citoyens.

J'ai fait état, lors du discours sur l'adoption de principe, ici en cette Chambre, de ces nombreuses consultations et je n'ai pas l'intention de reprendre toutes les dates, car j'ai donné les dates exactes auxquelles les représentants du ministère ont rencontré des gens de Schefferville. Qu'il me suffise de rappeler qu'il y a eu de nombreuses rencontres entre de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires municipales et l'ensemble du Conseil municipal de Schefferville. Non seulement avec le maire, comme on l'a prétendu de l'autre côté, mais avec tous les conseillers. (16 h 20)

Nous avons eu également des rencontres avec les citoyens - je me souviens de la date - le 13 mai où mon sous-ministre associé s'est rendu à Schefferville pour rencontrer les citoyens, pour les informer. Nous avons également eu des rencontres avec les deux bandes amérindiennes, les Naskapis et les Montagnais, avec les conseils de ces bandes. Il y a eu des rencontres avec le gouvernement fédéral, avec qui nous négocions encore certaines choses relativement à l'avenir de Schefferville.

Il y a eu des rencontres avec la compagnie Iron Ore, le principal contribuable de Schefferville, et ces rencontres ont eu pour effet que la compagnie Iron Ore a fait des contributions substantielles pour le remboursement de la dette de Schefferville et a permis d'aplanir beaucoup de difficultés. Il y a également eu des rencontres ici même au ministère des Affaires municipales, et j'ai personnellement reçu, il y a deux ou trois mois, le maire de Schefferville qui est venu nous rencontrer pour nous informer de l'état de la situation dans ce dossier. Bref, quand on dit qu'il n'y a pas eu de consultation, vraiment, de l'autre côté, pour employer une expression très connue, on charrie.

Il y a eu également des rencontres avec des représentants des pourvoyeurs. Le président de l'Association des pourvoyeurs a été reçu, à mon bureau de Québec, par des représentants de mon cabinet et par mon sous-ministre associé. Le même individu a prétendu représenter le groupe de citoyens. C'est difficile de savoir qui représente qui quand des citoyens viennent nous rencontrer parce que, comme je le disais précédemment, quand ces gens ne sont pas élus, on ne peut pas savoir qui est le représentant dûment autorisé d'un groupe de citoyens, mais nous avons reçu quelqu'un qui prétendait être le représentant du groupe de citoyens. Bref, il y a eu beaucoup de consultations, une large consultation, quoi qu'en pensent les députés de l'Opposition.

Maintenant, puisque la décision est prise, quand le vin est tiré, il faut le boire. La décision est prise et nous devrons procéder. Est-ce que nous fermons la ville de Schefferville? La réponse est non. Nous mettons fin à l'existence juridique de la ville de Schefferville, mais il y aura toujours des gens qui vont continuer d'y demeurer, et des services vont continuer d'y être rendus. Je m'explique. Il y a, à Schefferville, deux bandes amérindiennes, une qui est située immédiatement à la périphérie de la ville et une autre à quelques kilomètres plus loin. Ces bandes amérindiennes sont, si je puis dire, entretenues par les divers gouvernements. Le gouvernement fédéral s'occupe des Montagnais et le gouvernement québécois s'occupe des Naskapis en vertu de la Convention du Nord-Est québécois. Afin de remplir les obligations que nous avons à l'égard de ces gens, nous devons maintenir sur place des gens, des Blancs qui veillent à ce que des services soient rendus à ces populations amérindiennes, que ce soit des services de dispensaire pour la santé, des services d'éducation ou d'autres services que nous devons leur rendre.

Il y a également - on ne le dit pas assez - l'engagement du gouvernement fédéral de maintenir l'aéroport ouvert. L'aéroport de Schefferville sera maintenu ouvert en tout temps, ce qui veut dire qu'on pourra toujours y accéder et que des gens devront demeurer sur place pour effectuer les travaux d'entretien et de réparation et pour veiller à ce que l'aéroport demeure accessible en tout temps.

La compagnie Iron Ore s'est engagée à maintenir la ligne de chemin de fer ouverte entre Sept-Îles et Schefferville. Il y a également sur place l'équipement et les gens nécessaires pour maintenir cette ligne de chemin de fer ouverte. Cela veut dire que des gens demeureront à Schefferville en tout temps afin de s'assurer que ces services sont rendus. La compagnie Iron Ore s'est également engagée à maintenir ouvert le barrage qui produit l'électricité pour la ville de Schefferville. Encore là, des gens devront demeurer sur place. Ce seront des gens qui vivront là, qui dormiront, qui mangeront et qui consommeront.

Bref, il y aura toujours des Blancs qui demeureront à Schefferville. Ces gens feront en sorte qu'il y aura un minimum de commerce qui va s'exercer à Schefferville. Quand nos pourvoyeurs, les gens qui veulent chasser le caribou et pêcher voudront se rendre dans le Grand Nord - on fait beaucoup état de la porte ouverte sur le Nord - ces gens auront la porte ouverte sur le Nord. Je regrette de vous le dire,

messieurs de l'Opposition, mais la porte - en tant que député de Laporte, je sais de quoi je parle - est ouverte sur le Grand Nord et elle demeurera ouverte quoi que vous disiez et quelque épouvantail que vous agitiez pour faire peur au monde.

Il y a une limite à faire de la démagogie et à faire croire à des traumatismes qui n'existent pas. À Schefferville, la porte demeure ouverte. L'aéroport sera là, la ligne de chemin de fer aussi, nos pourvoyeurs pourront s'y rendre, pourront atterrir s'ils viennent en avion. Plus que cela, s'ils viennent en hydravion, il y aura également des facilités pour les recevoir. La ligne de chemin de fer sera là, on pourra également les accueillir lorsqu'ils se présenteront à la gare. Il y aura également un approvisionnement en carburant pour ceux qui voudront s'en procurer. Il y aura des denrées alimentaires pour ceux qui en voudront pour aller pousser leur exploration un peu plus loin. Bref, l'objection qui a trait aux pourvoyeurs ne tient absolument pas; elle est nulle et non avenue.

En ce qui concerne l'exploration de la fosse du Labrador, on nous a fait tout un plat avec la fosse du Labrador. Là-dedans, il faut distinguer deux choses, l'exploration minière et l'exploitation des mines. On ne peut pas exploiter des mines, forcément, aussi longtemps qu'on n'a pas trouvé du minerai. Or, jusqu'à ce jour, on n'a pas trouvé et on continue à chercher. On n'a absolument pas besoin de maintenir une ville complète avec ses rues, son usine de filtration, ses pompiers, ses policiers pour permettre à des explorateurs d'aller dans la nature explorer la fosse du Labrador. Cela a été clairement établi en commission parlementaire alors que j'ai fait lecture à quelques reprises de certaines lettres que nous avons obtenues des gens qui sont des experts en la matière. Je voudrais citer cette lettre du sous-ministre associé aux Mines du gouvernement du Québec, lettre en date du 4 avril 1986 - ce n'est pas très vieux, vous en conviendrez. Dans cette lettre, le sous-ministre nous dit et je cite: "Dans l'état actuel des choses, je vous confirme donc que nous n'avons aucune assurance de développement minier dans la région de Schefferville à court ou à moyen terme." Est-ce assez clair? Aucune espérance ou assurance de développement minier. Cela ne veut pas dire qu'on ne continuera pas à explorer pour tenter de trouver dans la fosse du Labrador des gisements miniers. Il y a des explorateurs qui vont continuer à s'y promener. On dit qu'il y a un certain potentiel. J'espère qu'un jour, on trouvera dans la fosse du Labrador des mines d'or, des mines d'argent, de ce que vous voudrez, qui permettront possiblement, éventuellement, l'exploitation de ces mines.

Je peux vous dire également que, lorsqu'on fait une découverte minière, selon une autre lettre que nous avons ici, il appert que cela prend au moins sept ou huit ans à partir du moment de la découverte avant qu'on puisse commencer l'exploitation. Cela veut dire qu'on a le temps d'y penser durant plusieurs années.

En ce qui concerne la question des pourvoyeurs, nous avons également une lettre du sous-ministre associé du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui nous dit également qu'il n'y a pas de problème à l'égard des pourvoyeurs et que ces gens-là pourront continuer à exercer leur sport sans que le gouvernement du Québec ait à maintenir en vie ou ouverte la totalité de la ville de Schefferville.

Bref, on a fait toutes sortes d'objections de l'autre côté et ces objections ne résistent pas à l'analyse. Finalement, il reste qu'il y a une urgence à procéder. En effet, Schefferville est un territoire où, malheureusement ou heureusement, selon le cas, il ne fait pas 85° Fahrenheit ou 30° Celsius à longueur d'année. C'est un territoire nordique où l'hiver vient très rapidement. En fait, comme je le disais en commission parlementaire, lorsque j'ai travaillé à Schefferville il y a quelques années, qui s'appelait à l'époque Knob-Lake... Le député de Duplessis qui n'était peut-être pas au monde à ce moment-là a peut-être entendu parler de Knob Lake. À Knob-Lake ou à Schefferville, je peux vous dire que, dès le mois d'août, on est susceptible d'avoir des tempêtes de neige. Je me souviens très bien d'une tempête de neige, un 4 août, il y a de cela quelques printemps. Cela veut dire que si nous n'agissons pas bientôt, l'hiver va venir et toute l'opération devra être reportée à l'année suivante, avec les coûts additionnels qu'un tel report occasionnerait pour le Trésor public. (16 h 30)

À partir du moment où la décision est prise, où elle est évidente, où elle est logique, pourquoi tarder davantage? Pourquoi remettre à l'an prochain ce que nous pouvons faire maintenant? Une étude faite au ministère indique que le report de la décision de quelques mois pourrait coûter environ 3 500 000 $ au gouvernement. Je ne vois pas pourquoi nous serions justifiés de reporter à l'an prochain cette décision alors qu'elle s'impose à nous, qu'elle est claire, qu'elle est évidente.

Il y a aussi la façon dont nous allons traiter les propriétaires et les locataires de Schefferville. Nous entendons indemniser les propriétaires, les gens qui possèdent des maisons. Nous allons faire des offres, tenter d'acquérir de gré à gré l'ensemble des maisons qui appartiennent aux gens de Schefferville. Nous allons également acheter les commerces, indemniser les propriétaires de commerces, indemniser les locataires qui

vont déménager, de sorte que personne ne sera lésé. Nous allons procéder essentiellement selon la méthode utilisée par l'ancien gouvernement du Parti québécois...

Une voix: C'est faux; C'est faux!

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: ...lors de la fermeture de la ville de Gagnon.

M. Perron: C'est faux!

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre! M. le ministre des Affaires municipales, vous pouvez continuer.

M. Bourbeau: Je disais que nous allons procéder selon exactement la même méthode que celle qui a été employée par le gouvernement du Parti québécois lorsqu'il a fermé la ville de Gagnon.

M. Perron: C'est encore faux! La Vice-Présidente: À l'ordre! M. Perron: C'est encore faux! La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Lefebvre: Mme la Présidente, sur l'intervention du député de Duplessis. Je comprends que vous demandiez aux députés de garder l'ordre à l'Assemblée nationale mais au moment où on peut identifier d'une façon claire celui qui trouble l'ordre, j'aimerais bien que vous avertissiez personnellement le député de Duplessis.

Mme la Présidente, je vous demanderais d'appliquer les dispositions de l'article 35.

La Vice-Présidente: Pour ce qui est des dispositions de l'article 35, M. le leader adjoint du gouvernement, j'aimerais bien vous spécifier que cela concerne le député qui a la parole. Or, le député de Duplessis n'a pas présentement la parole, celle-ci étant reconnue au ministre des Affaires municipales. Mais tout de même, M. le député de Duplessis, j'aimerais vous rappeler un article qui dit bien que vous ne pouvez interrompre les interventions d'un député ou d'un ministre. Là-dessus, M. le ministre des Affaires municipales, vous pouvez continuer.

M. Bourbeau: Les gens qui demeurent à Schefferville et qui, forcément, devront déménager se verront offrir pour leur maison un prix qui représente au départ ce qu'on appelle la valeur marchande. Nous allons faire en sorte de nous assurer - c'est le critère, le principe que nous allons retenir, je l'ai dit en commission parlementaire au député de Duplessis - que les gens qui vont vendre leur propriété au gouvernement vont recevoir un prix qui va leur permettre d'être dans l'état où ils se trouvaient, mais ailleurs, c'est-à-dire que l'indemnité qui leur sera payée va faire en sorte de remettre les gens dans l'état où ils se trouvaient avant l'annonce de la fermeture de la ville. Cela veut dire que quelqu'un qui possède un bungalow à Schefferville pourrait normalement, avec l'indemnité qui lui sera versée, se procurer une maison ailleurs, une maison semblable, dans le même état où elle était, avec la dépréciation, avec l'usure, dans un endroit semblable à l'endroit où elle était précédemment. C'est bien évident qu'on ne pourra pas offrir à des gens le prix d'une maison au centre-ville de Montréal ou dans un quartier huppé de la ville de Québec. Ce sera d'une valeur comparable. Je pense que c'est le critère essentiel, je pense que c'est juste et équitable qu'il en soit ainsi.

Maintenant, il y a une distinction fondamentale à faire entre une maison occupée par son propriétaire, une maison qui est louée et une maison qui est vacante. Je tiens à répéter au député de Duplessis ce que j'ai dit à plusieurs reprises. Nous allons porter une attention toute spéciale à ceux qui auraient voulu faire de la spéculation. Nous ne voulons pas conférer à des gens des bénéfices auxquels ils n'ont pas légalement droit. Si des gens ont tenté de faire des combines ou quelque autre malversation que ce soit, j'ai déjà demandé à mes fonctionnaires de faire enquête pour s'assurer que nous procédions de la façon la plus prudente possible. Je ne peux pas non plus faire en sorte que des gens soient spoliés. Si des gens ont des droits ils les feront valoir. Nous tenterons de faire en sorte que tout se passe selon la plus stricte légalité et selon la plus stricte équité également.

Pour ce qui est des commerces, nous allons faire en sorte qu'ils soient évalués selon les critères généralement reconnus. Ces gens-là se verront également offrir les sommes auxquelles ils ont droit.

En conclusion, Mme la Présidente, j'aimerais dire que ce n'est pas de gaieté de coeur que le gouvernement a pris la décision de mettre fin à l'existence juridique de la ville de Schefferville. Si les Québécois ont élu un nouveau gouvernement, le 2 décembre dernier, c'est qu'ils voulaient du changement. Ils voulaient un gouvernement qui soit capable de prendre des décisions et de mettre de l'ordre dans l'administration de la chose publique. Ils voulaient un gouvernement qui ne se permette pas de faire du gaspillage avec les fonds publics, qui soit capable de prendre ses responsabilités même si la décision peut être difficile et pénible à l'égard de certains citoyens. Les citoyens nous ont également demandé d'assainir les finances publiques et, enfin, de prendre des

décisions qui permettront, après avoir assaini les finances publiques et l'économie, de relancer l'économie et de créer des emplois spécialement pour les jeunes.

En mettant fin à l'existence juridique de la ville de Schefferville, nous posons le seul geste vraiment responsable dans les circonstances. Nous n'avons pas le droit de gaspiller les fonds publics et de maintenir artificiellement en vie une ville qui a, à toutes fins utiles, été frappée à mort en 1982 lors de la fermeture de la mine de Schefferville. Nous démontrons que nous avons le courage politique de prendre une décision difficile et de débrancher le malade qui était maintenu en vie artificiellement. Je sais que la décision n'est pas facile, n'est pas plaisante, elle est même pénible pour certains individus, mais je sais également que nous avons conscience de faire notre devoir de gouvernement, ce pourquoi nous avons été élus le 2 décembre dernier. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Affaires municipales. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: En vertu de l'article 213, est-ce que le ministre me permettrait une question? Sinon, j'utiliserai l'article 212, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le ministre des Affaires municipales, est-ce que vous permettez au leader de l'Opposition de vous poser une question?

M. Bourbeau: Oui, Mme la Présidente.

M. Chevrette: Ma question est la suivante: Est-ce que le ministre peut affirmer de son siège que la procédure suivie dans le cas de la fermeture de la ville de Gagnon est la même qu'il utilise dans le cas de la ville de Schefferville? Je voudrais qu'il soit assez sérieux pour le dire de son siège.

La Vice-Présidente: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Bourbeau: Je présume que je possède le temps nécessaire pour répondre en tout point à la question du député.

La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le ministre des Affaires municipales, je dois vous rappeler qu'en vertu de l'article 213 il est bien spécifié que la question et la réponse doivent être brèves.

Là-dessus, M. le ministre des Affaires municipales, vous pouvez répondre.

M. Bourbeau: II est impossible de répondre avec autant de brièveté que la question parce que la réponse demande des nuances. Si le député veut écouter la réponse, je vais la lui donner. Dans le cas de la fermeture de Gagnon, le gouvernement du temps n'a pas eu besoin de faire adopter un projet de loi comme maintenant, parce que tous les immeubles de la ville de Gagnon ont été achetés par la mine, la compagnie SIDBEC-Normines, une filiale du gouvernement qui a acheté toutes les propriétés et qui a indemnisé les propriétaires.

Dans le cas présent, nous ne pouvons pas utiliser la compagnie Iron Ore, parce que nous n'en sommes pas les actionnaires, c'est une compagnie privée, d'où la raison de procéder par un projet de loi.

Je peux dire au député cependant que nous procéderons selon les mêmes normes qui ont été employées lors de l'achat des propriétés de Gagnon. Les fonctionnaires de mon ministère qui s'occupent du dossier sont les mêmes, que vous connaissez bien d'ailleurs, qui ont travaillé sur le dossier de Gagnon. Ils m'affirment que ce que nous faisons présentement, c'est de suivre exactement la même méthode qui a été employée lors de l'achat des propriétés de Gagnon, achat qui a été effectué, comme je l'ai dit, par SIDBEC-Normines. C'est la même méthode que nous allons employer dans le cas présent. Je peux dire au député que c'est l'explication qu'on m'a donnée, et, personnellement, je suis convaincu qu'elle est exacte. (16 h 40)

M. Chevrette: Toujours en vertu de l'article 213, j'ai une autre question parce qu'on veut clarifier. Je sais que cela doit être bref, et c'est pour cela qu'on doit y aller en répétition.

La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le leader...

M. Lefebvre: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: L'article 213, c'est une question, une réponse.

La Vice-Présidente: En vertu de l'article 213, M. le leader...

M. Chevrette: En vertu de l'article 212, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: En vertu de l'article 212, M. le leader du gouvernement...

M. Chevrette: J'ai parlé.

La Vice-Présidente: Oui, mais il faut que vous fassiez immédiatement votre intervention après votre discours, ce qui n'a pas été le cas.

M. Chevrette: Pardon?

La Vice-Présidente: En vertu de l'article 212...

M. Chevrette: Bien non. Voyons! Une voix: Après le discours...

La Vice-Présidente: Si vous me le permettez. M. le leader du gouvernement, si vous me le permettez. Il est bien spécifié que tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé.

M. Chevrette: Mme la Présidente, question de règlement.

La Vice-Présidente: Question de règlement.

M. Chevrette: Comment voulez-vous, Mme la Présidente, que je sache que mes propos ont été mal interprétés lorsque j'ai fini de parler sans que les autres les interprètent? Entre vous et moi. Je vous pose la question très logique. Il faut bien que j'attende que quelqu'un les ait interprétés pour venir à bout de me servir de l'article 212 pour rectifier les propos qui ont été mal interprétés par un autre. Vous comprendrez que, sans vouloir charrier la présidence, j'aimerais que vous révisiez votre décision là-dessus pour pouvoir interpréter correctement l'article 212.

La Vice-Présidente: Effectivement, M. le leader...

M. Bourbeau: Mme la Présidente, question de règlement.

La Vice-Présidente: Sur une question de règlement, M. le ministre des Affaires municipales.

M. Bourbeau: Sur la même question. Afin de tenter de satisfaire l'Opposition parce que, Mme la Présidente, c'est ce que je voudrais faire, j'aimerais dire au député... Cela fait quand même plusieurs heures que nous discutons en cette Chambre, en deuxième lecture et en troisième lecture, et nous avons passé une vingtaine d'heures en commission parlementaire sur le sujet où nous avons vraiment, je pense, touché tous les points. J'offre au député de Joliette, s'il peut m'écouter, le député de Joliette... Mme la Présidente, est-ce que vous pourriez demander au député de Joliette de m'écouter parce qu'il veut avoir une réponse à sa question?

La Vice-Présidente: M. le ministre, je n'ai pas compris votre question. Je m'excuse. Je demanderais un peu de silence parce que j'ai eu de la misère à comprendre le ministre des Affaires municipales. Pourriez-vous répéter, M. le ministre?

M. Bourbeau: Par votre entremise, Mme la Présidente, j'offre au député de Joliette et aux autres membres de l'Opposition qui voudraient des renseignements additionnels après environ 25 heures de débat, de les rencontrer dans l'antichambre immédiatement, dans quelques secondes, et on pourrait poursuivre la discussion aussi longtemps que vous voudrez.

M. Chevrette: Mme la Présidente, en vertu de l'article 212, vous me permettrez de vous rappeler que le ministre a très mal interprété mes propos. Il ne s'agit pas de se cacher pour faire une discussion...

M. Lefebvre: Mme la Présidente, sur la question de règlement.

La Vice-Présidente: Un instant! M. Lefebvre: L'article...

M. Chevrette: Je n'ai pas encore parlé. Cela me serait...

La Vice-Présidente: Un instant, monsieur...

M. Chevrette: Cela me paraît prématuré, madame, qu'on m'ait interprété.

La Vice-Présidente: Un instant, M. le leader adjoint du gouvernement. J'entendais M. le leader de l'Opposition sur une question de règlement. Si vous me le permettez, je vais entendre M. le leader de l'Opposition sur sa question de règlement et, par la suite, M. le leader adjoint du gouvernement, je vous reconnaîtrai sur une question de règlement.

M. Lefebvre: ...Mme la Présidente... Une voix: Assis, assis.

M. Lefebvre: ...il ne faut pas profiter du fait qu'on se lève sur une question de règlement pour faire un discours.

Une voix: II faut au moins que vous attendiez de voir...

M. Lefebvre: J'aimerais, Mme la

Présidente, que vous invitiez le leader de l'Opposition à s'en tenir à la question de règlement.

La Vice-Présidente: Là-dessus...

M. Chevrette: Mme la Présidente, je pense bien que c'est à vous à faire cela et non pas au leader du gouvernement.

La Vice-Présidente: De toute façon, je suis...

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Là-dessus, je peux vous dire qu'effectivement tantôt je me suis fourvoyée dans mon règlement. J'espère que cela ne se reproduira pas. Il est exact que, lorsqu'un discours a été mal interprété, celui qui a fait le discours peut intervenir à la suite de l'intervention qui aurait provoqué une mauvaise interprétation. Donc, je reconnaîtrai que le député de Joliette donne de brèves explications sur son discours.

M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je vais me servir précisément de l'article 212 pour démontrer que le ministre des Affaires municipales a bien mal interprété mes propos. D'abord, ce n'est pas de discuter dans l'antichambre que j'ai offert au ministre. C'est d'agir en toute transparence pour les discours en cette Chambre. Deuxièmement, Mme la Présidente, j'ai mis en garde le ministre de s'en tenir à la véracité des faits. Quand je lui ai posé la question en vertu de l'article 213, le ministre...

M. Bourbeau: Question de règlement...

Une voix: II est sur une question de règlement.

La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le ministre des Affaires municipales.

M. Bourbeau: L'article 212, l'article dont vous parlez et sur lequel parle le député de Joliette stipule qu'à la fin d'un discours, un député qui a parlé peut...

Une voix: Question de règlement.

M. Bourbeau: Je suis déjà sur une question de règlement.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

La Vice-Présidente: Un instant!

Une voix: Question de règlement.

La Vice-Présidente: Un instant! Il n'y a pas...

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Un instant! Il est bien spécifié qu'en vertu d'un règlement, pendant que quelqu'un fait un discours ou une intervention, quelqu'un peut se lever pour une question de règlement, mais il n'est pas spécifié dans le règlement qu'on peut se lever à l'intérieur d'une question de règlement pour soulever une autre question de règlement. Donc, j'ai bien spécifié que j'ai reconnu le ministre des Affaires municipales sur une question de règlement. Par la suite, s'il y a une autre question de règlement, M. le député de Terrebonne, je vous entendrai. Pour l'instant, M. le ministre des Affaires municipales.

M. Bourbeau: Mme la Présidente, en vertu de nos règlements, quand un député termine son discours et que subséquemment quelqu'un interprète mal ses paroles je reconnais qu'en vertu du règlement il peut se lever pour corriger ce qui a été mal interprété de son discours. Mais ce que le député de Joliette est en train de faire, ce n'est pas de faire corriger la mauvaise interprétation de son discours, Mme la Présidente.

M. Blais: Question de privilège, Mme la Présidente.

M. Bourbeau: Et toujours en vertu de ma question de règlement...

M. Blais: Question de privilège, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Terrebonne, comme je l'ai spécifié tantôt, il n'y a rien dans le règlement qui me dise que je dois, à l'intérieur d'une question de règlement, recevoir une autre question de règlement. Je vais terminer la question de règlement et, par la suite, je reconnaîtrai votre question de règlement.

M. Chevrette: En vertu de l'article 69...

Une voix: Question de règlement, Mme la Présidente.

M. Chevrette: Non, non. Cela touche exactement votre décision, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Aie! Un instant! Un instant! Un instant! Pour ce qui est de la question de règlement, là-dessus, M. le ministre des Affaires municipales, je comprends où vous en êtes venu. Je vais rendre la décision sur votre question de règlement, si vous me permettez.

Est-ce que vous pourriez conclure rapidement, M. le ministre des Affaires municipales.

M. Bourbeau: Je vais conclure sur ma question de règlement, Mme la Présidente.

M. Chevrette: En vertu de l'article 69, question de règlement.

M. Bourbeau: Ce que je suis en train de dire, c'est que le député de Joliette n'a pas le droit, en vertu de nos règlements...

M. Chevrette: Mme la Présidente, question de règlement en vertu de l'article 69.

M. Bourbeau: II n'a pas le droit, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Là-dessus, il faudrait s'entendre. Je demande la collaboration de la Chambre. Vous comprendrez que j'ai des questions de règlement qui se soulèvent ici et là. C'est très difficile pour moi de vous reconnaître tous en même temps. J'aimerais bien vous reconnaître l'un après l'autre. J'ai pris note des questions de règlement. Il y a une question de règlement du ministre des Affaires municipales. Là-dessus, je vais me prononcer. Il y a une autre question du député de Terrebonne qui s'est levé. Je suis prête à le reconnaître. Par la suite, M. le leader de l'Opposition, je vous reconnaîtrai. Vous comprendrez qu'il est très difficile pour moi à ce stade-ci de me prononcer quand l'un après l'autre pose une question de règlement.

M. Chevrette: Mme la Présidente, question de règlement et de privilège et je vais expliquer pourquoi.

M. Bourbeau: Je n'ai pas terminé, Mme la Présidente. Je n'ai pas terminé ma question de règlement encore.

La Vice-Présidente: Pour l'instant, si vous me permettez, je vais suspendre pour quelques instants, le temps qu'on se rencontre, qu'on discute.

(Suspension à 16 h 48)

(Reprise à 17 heures)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît; Le débat étant clos, nous allons donc mettre aux voix l'adoption du projet de loi 67, Loi concernant la ville de Schefferville. Est-ce que ce projet de loi est adopté?

Des voix: Vote!

M. Chevrette: Vote enregistré. Après entente entre les partis, le vote est reporté à demain.

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je vous demanderais de reporter le vote à demain.

La Vice-Présidente: Le vote est reporté à demain aux affaires courantes. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je vous demanderais maintenant d'appeler le projet de loi 85 pour son adoption. Je vous informe qu'il y a une entente semblable à celle qui était intervenue sur l'adoption du projet de loi 67, à savoir que le temps de parole est divisé de la façon suivante: une heure du côté de l'Opposition et 30 minutes réservées à M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Projet de loi 85 Adoption

La Vice-Présidente: Si vous me permettez, si j'ai bien compris, M. le leader adjoint du gouvernement, vous voulez qu'on procède à l'adoption du projet de loi 85, Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec. Je vais reconnaître le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi 85, Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec, soulève, de notre côté, de nombreuses oppositions. La première, la plus évidente à sa face même, c'est que la loi porte un mauvais titre. Elle ne devrait pas s'intituler Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec, mais elle devrait s'intituler Loi sur la liquidation de la Raffinerie de sucre du Québec. Bien entendu, la liquidation suppose la fermeture de la raffinerie de sucre. Comme je vous le disais, il y a plusieurs raisons qui nous animent, qui nous motivent à nous opposer avec vigueur à ce projet de loi. La première qui vient en tête de liste, et vous comprendrez pourquoi elle vient en tête de liste, c'est que ce projet de loi n'est ni plus ni moins qu'un reniement de la parole donnée.

Je vous rappelle qu'à l'occasion de la campagne électorale, il y a six mois, le Parti libéral du Québec, d'une façon très officielle dans sa publicité électorale, s'était engagé dans mon comté, le comté de Verchères, et dans la région de la Montérégie, la rive sud de Montréal, à ce que la Raffinerie de sucre du Québec reste ouverte, ne ferme pas ses portes et

fonctionne douze mois par année. Le dépliant électoral d'ailleurs disait textuellement: "Non, la Raffinerie de sucre du Québec ne fermera pas, parole donnée, parce que le Parti libéral du Québec est le parti de l'emploi, pas du chômage. Parce que la raffinerie est un atout important pour la région et le comté de Verchères, elle doit être en opération douze mois par année."

Comment peut-on avoir dit cela pendant la campagne électorale aux citoyens et aux citoyennes du comté de Verchères, à la population de la région Richelieu-Yamaska, aux producteurs agricoles concernés, aux travailleurs de l'entreprise concernée, aux camionneurs qui, durant la saison d'automne vivaient de la Raffinerie de sucre du Québec et, finalement, à l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec? Cet engagement électoral était appuyé d'une façon non équivoque par le premier ministre lui-même et par tous les candidats du Parti libéral du Québec de la rive sud de Montréal. C'est exactement ce que disait ce dépliant électoral ainsi que les autres dépliants électoraux qu'on a distribués, du côté libéral, à toutes les portes du comté de Verchères et à bien des portes du comté de Saint-Hyacinthe, entre autres, Mme la Présidente.

On a trompé l'électorat lors de la campagne électorale et cette tromperie se concrétise par le projet de loi 85 aujourd'hui devant nous, projet de loi qui fait en sorte que le gouvernement dévalue la parole politique qu'il avait donnée il y a à peine six mois. Il dévalue, finalement, ce faisant, la parole politique de toutes les femmes et de tous les hommes qui s'engagent dans ce métier assez spécial qu'est la politique.

Quand, à peine quelques mois après une campagne électorale, un gouvernement revient d'une façon aussi contradictoire sur sa parole et sur le respect de ses engagements, il y a de quoi être à la fois choqué, scandalisé et outré. On a trompé l'électorat et on a aussi trompé les premiers concernés. On a fait cela dans ce projet de loi 85, comme on l'a fait d'une façon tout aussi cavalière dans d'autres projets de loi que nous avons discutés au cours des derniers jours et des dernières semaines. On a fait cela à l'égard de l'aide sociale. On a fait cela à l'égard du dossier de la taxation. On a fait cela à l'égard de toute une série de consultations qu'on avait promis de faire durant la campagne électorale.

Mme la Présidente, tous ces engagements qui ont été pris durant la campagne électorale ont été reniés. On renie maintenant un engagement qui affecte l'emploi de 1500 personnes engagées dans la raffinerie, dans la production de betteraves et dans les emplois directs et indirects qui sont reliés à cette industrie agro-alimentaire qu'est l'industrie du sucre de betterave du Québec.

Je disais qu'on a également trompé les premiers intéressés. En prenant l'engagement électoral qu'on a fait et en ne le respectant pas, on a trompé ces premiers intéressés. Mais on est allé plus loin dans la mesquinerie politique et on est allé plus loin dans l'effronterie politique. On est allé, par la suite, en janvier, février et mars, jusqu'à laisser entendre aux producteurs agricoles qui approvisionnaient cette industrie et cette usine de transformation de betteraves en sucre, en leur disant: Écoutez, les jeux ne sont pas faits. On attend d'abord la décision du gouvernement fédéral et, de toute façon, si vous êtes intéressés, faites-nous une offre.

Or, Mme la Présidente, ce qu'on a réussi à démontrer durant ce débat, c'est qu'au moment où on tenait ces propos aux producteurs agricoles, par exemple lorsqu'on les a rencontrés pour la première fois le 3 janvier, lorsque le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et son collègue, le ministre délégué à la Privatisation, ont rencontré les producteurs agricoles le 3 février à Québec, rencontre qui a été précédée d'une autre avec les députés de Saint-Hyacinthe et de Verchères, entre autres, on avait déjà pris une décision. On nous trompait, Mme la Présidente, quand on était dans le bureau du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et qu'on nous faisait accroire que les jeux n'étaient pas faits.

Dans les faits - et cela n'a pas été contredit clairement ni démenti - selon les informations qui avaient été publiées dans le Richelieu agricole, un hebdomadaire spécialisé dans le domaine agricole, dès le 10 janvier, le gouvernement avait déjà conclu une entente avec la compagnie Lantic. Comment qualifier une telle attitude d'un gouvernement qui, non seulement renie ses engagements électoraux, mais pousse le reniement jusqu'à laisser croire aux gens que les jeux ne sont pas faits et à leur permettre de faire des propositions d'acquisition de la raffinerie, alors que, de toute façon, une entente est déjà établie avec un des géants du sucre, un des membres du cartel sucrier au Québec et au Canada.

Voilà la situation et la première raison qui nous a amenés, au cours des dernières semaines et des derniers mois, à nous opposer avec véhémence à ce projet de loi. On avait promis, par un engagement électoral, qu'il y aurait une évaluation au mérite du dossier de la Raffinerie de sucre du Québec, qu'il y aurait, en quelque sorte, un procès juste et équitable d'un dossier controversé, d'un dossier sur lequel, même sous l'administration précédente, on avait des divisions. On ne les a pas cachées de ce côté-ci de la Chambre, on n'a pas attendu que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ou le ministre délégué à la Privatisation nous rappelle les

déclarations, les propos ou les documents qui avaient été produits, par exemple, par le ministère des Finances du Québec sous la direction de M. Parizeau et de M. Duhaime par la suite, c'est nous-mêmes qui avons clairement indiqué, et nous l'avons même fait avant la campagne électorale, qu'il y avait effectivement un débat à l'intérieur de l'appareil administratif du gouvernement quant à l'avenir de la Raffinerie de sucre du Québec.

Il y a des gens qui prétendaient et qui prétendent toujours qu'il n'y a pas d'avenir dans cette industrie et dans cette entreprise d'État, alors que d'autres prétendaient et continuent de prétendre qu'il y a un avenir et qu'il y avait un avenir. Nous avions réussi - c'est nous, en faisant, d'une certaine façon, un engagement électoral de faire une évaluation et de mettre sur pied un comité de travail où toutes les parties concernées siégeraient... À la suite de cet engagement pris par le premier ministre Johnson, au mois de novembre, le Parti libéral du Québec a surenchéri et a pris un engagement similaire. Cet engagement donnait au moins une assurance à tout le monde de faire en sorte que ce dossier soit évalué au mérite, qu'on étudie le pour et le contre et qu'on le fasse publiquement avec l'ensemble des données, avec l'ensemble des documents, avec l'ensemble des opinions des experts qui s'opposaient et qui s'opposent toujours. (17 h 10)

C'était là l'engagement principal qui avait été pris durant la campagne électorale, et les gens du comté de Verchères et les gens de la région Richelieu-Yamaska n'en demandaient pas plus à ce moment-là. Ils savaient que la conjoncture était difficile, mais ils avaient cru aux deux formations politiques qui leur promettaient essentiellement la même chose en campagne électorale. Ils avaient cru qu'il y aurait possibilité d'être entendus, de confronter les thèses. C'est ce que nous avons tenté en vain de faire avec des moyens limités, nous de l'Opposition, au cours des quelques jours que nous avons consacrés à l'étude détaillée du projet de loi.

On s'est désâmé pendant trois jours à demander au gouvernement d'accepter, pour une fois, sur un projet considéré important dans l'opinion publique, considéré important par l'Opposition, par les commentateurs... Parce que c'est le premier cas de privatisation du gouvernement, on pensait être capable de convaincre le gouvernement qu'il y avait lieu de faire des consultations. Quelle sorte de consultations voulait-on? On voulait permettre d'entendre les gens principalement touchés, ceux qui perdaient leur emploi par la décision du gouvernement, ceux qui avaient préparé des documents contradictoires au ministère des Finances et au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ceux qui bénéficieront des décisions du gouvernement actuel, ceux qui ont fait des études importantes et complexes sur ce dossier au cours des dernières années: le Syndicat des producteurs de betteraves, le front commun des gens de la région pour la survie de la raffinerie de sucre, la compagnie Lantic - on en reparlera tout à l'heure - la direction de la Raffinerie de sucre du Québec, l'association des cadres, les employés à qui on avait promis de les associer à cette réflexion, le directeur fédéral des enquêtes sur les coalitions, la Fédération nationale des associations de consommateurs, les consultants spécialisés allemands et britanniques qui sont les experts dans ce secteur. On nous a refusé chacune de ces demandes. Aucune consultation n'a été permise par la majorité ministérielle, aucune possibilité de discussion à fond. Et, on est allé plus loin. On nous a refusé tout document pertinent pour évaluer la décision que le gouvernement prendra avec l'adoption de ce projet de loi.

Mme la Présidente, il faut que les gens qui suivent ce dossier et les gens qui nous écoutent sachent qu'il n'y a que 20 articles. Ce sont tous des articles techniques. L'essence du projet de loi qui s'intitule Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec, c'est que le gouvernement veut se donner les moyens de vendre à une entreprise particulière qui, elle, est déjà dans une situation de quasi-monopole. Le gouvernement a annoncé le 10 mars dernier son intention de vendre à cette entreprise qui est la compagnie Lantic, propriété à près de 50 % de Steinberg que tous les Québécois connaissent très bien. Devant cette situation, on demandait les documents préparatoires, les évaluations que le gouvernement a faites sur cette transaction, cette entente qu'il a conclue avec la compagnie Lantic et qu'il va pouvoir concrétiser avec l'adoption de ce projet de loi.

Qu'est-ce qu'on a eu comme document? Celui-ci, un document d'un attaché politique, en fait d'un secrétaire associé au développement économique de l'ancien gouvernement, une page et demie, document que nous avions déjà. C'est tout ce que le gouvernement, par la bouche de ses deux ministres, a accepté de déposer en commission parlementaire alors qu'on nous avait promis, lors du débat sur la motion de report, de faire toute la lumière et de répondre à toutes nos questions et de nous fournir tous les éléments d'information pertinents. Il a fallu que ce soit les députés de l'Opposition qui déposent en commission parlementaire les documents. Ces documents que vous voyez ici, il y en a deux pouces d'épaisseur, des documents qui venaient du ministère des Finances et du ministère de l'Agriculture ainsi que de la Raffinerie de sucre du Québec, des documents que le gouvernement

a refusé de déposer et que nous avons déposés à sa place.

Est-ce que c'est pensable que, dans une transaction de cette importance, sur le premier dossier de privatisation, le premier trophée du ministre délégué à la Privatisation, ce soit l'Opposition qui se charge de rendre publics des documents pertinents qui permettraient aux gens qui veulent se faire une opinion de faire une évaluation correcte de ce dossier? Ce sont des thèses qui sont en présence. Et le ministre de l'Agriculture et le ministre délégué à la Privatisation auraient pu poursuivre et déposer le reste des documents. Ce sont des analyses qu'eux ont faites. Par la suite, on aurait eu suffisamment d'éléments d'information et d'évaluation pour faire ce procès juste et équitable qu'on nous avait promis en campagne électorale. Aucun document déposé, aucune consultation acceptée par le gouvernement, aucune personne qui voit son avenir perturbé, son emploi enterré n'a eu le droit d'être entendue par ce gouvernement. Qu'est-ce qu'il faut faire pour que le gouvernement libéral Bourassa, version II, daigne accepter d'écouter les gens? Cela fait six mois qu'ils sont au pouvoir et il est à peu près impossible, sur aucun projet de loi d'importance, de les convaincre d'écouter les gens qui sont concernés, affectés par leurs décisions.

Est-ce ce que les Québécois voulaient, le 2 décembre dernier, un gouvernement insensible, incapable d'écouter les gens, incapable de donner suite à ses engagements électoraux et incapable de permettre aux citoyens et citoyennes de se faire entendre avant que les décisions finales interviennent, avant que le couperet gouvernemental leur tombe dessus, que les emplois soient coupés, que leur vie familiale soit perturbée? Ce ne sont pas la vie familiale et les emplois des députés libéraux qui sont en cause, ce sont les emplois de 1500 personnes qui vivent dans la région de Richelieu-Yamaska et à qui on avait promis qu'il n'y avait pas de danger.

Le premier ministre du Québec, au mois de novembre, en pleine campagne électorale, en fait le 2 novembre, en présence du ministre du Loisir, M. Picotte, à l'Institut de technologie agricole de Saint-Hyacinthe, s'était engagé à faire en sorte que le gouvernement du Québec maintienne l'exploitation de la Raffinerie de sucre du Québec, à ce qu'il y ait culture de la betterave et ensemencement des terres au printemps 1986, engagement qui avait été fait devant témoins et qui s'ajoutait à ces dépliants électoraux signés par les candidats libéraux, en particulier celui de Verchères, et autorisés par les agents officiels du Parti libéral du Québec.

Le gouvernement s'apprête à liquider une société d'État qui existe depuis une quarantaine d'années, et pourquoi faire? Sous le prétexte que cette société n'est pas rentable. Depuis que le gouvernement a pris cette décision, le marché du sucre a évolué, comme on avait prédit au gouvernement qu'il évoluerait et comme c'était indiqué dans les documents que nous avons déposés, documents sur lesquels s'appuyait le projet de rentabilisation qui avait été déposé par l'ancien ministre de l'Agriculture.

Cette transaction va faire en sorte qu'une companie qui est déjà, comme je l'ai indiqué tantôt, dans une situation de quasi monopole gagne la partie, compagnie qui, depuis des années, fait un lobby épouvantable pour que la Raffinerie de sucre du Québec soit sacrifiée, entreprise qui, dès le début des années soixante-dix, s'était liguée avec d'autres entreprises dans le secteur sucrier pour convaincre le gouvernement Bourassa, version I, de mettre fin à l'exploitation de la Raffinerie de sucre du Québec. (17 h 20)

En 1973, M. Bourassa, qui était premier ministre à l'époque, lorsqu'il y a eu des bris d'équipement, plutôt que d'autoriser la raffinerie de sucre à réparer ses équipements, ce qui lui aurait permis de concurrencer les raffineurs privés de sucre brut importé, plutôt que d'accepter que ces équipements soient réparés, on a cédé le contrat de transformation du sucre fin et de l'emballage à la compagnie Redpath et aux grands sucriers privés. C'est ce qu'on a fait en 1973. Quand on est arrivé au pouvoir -l'ancien ministre de l'Agriculture, qui me suivra, pourra en donner les détails - au mois de novembre 1976, il y avait déjà une décision de l'ancien gouvernement libéral de M. Bourassa de vendre et de liquider la Raffinerie de sucre du Québec: la dette électorale qu'on s'apprêtait à payer.

Depuis ce temps-là, comme le Parti québécois a pris le pouvoir, il a décidé qu'il y avait une place au Québec pour de la concurrence, qu'il devait y avoir, pour concurrencer les grands dans le secteur du sucre importé, une industrie sucrière faite à partir d'une matière première produite ici. À ce moment-là, qu'est-ce que le gouvernement précédent a fait? Il a décidé d'embarquer, de marcher et de rentabiliser cette entreprise. Qu'est-ce qu'on a vu pendant ces années-là? On a vu des lobbyistes se promener dans les couloirs du parlement. On a vu un certain lobbyiste, qui a été présent durant la plupart des heures qu'on a passées en commission parlementaire la semaine dernière, nous regarder en silence, palabrer en commission parlementaire, lui qui, pendant des années, avait payé des lunchs à un député et à un autre pour essayer de les convaincre que c'était une mauvaise affaire, la Raffinerie de sucre du Québec. C'est ce qu'on a fait pendant des années, tenter de miner la

crédibilité de la Raffinerie de sucre du Québec, tenter de miner la réputation de l'industrie du sucre de betterave au Québec et au Canada, tenter de faire croire aux consommateurs que c'était une mauvaise affaire pour eux, tenter de faire croire aux contribuables du Québec qu'ils étaient perdants dans cette activité agro-économique.

Le 10 mars dernier, le gouvernement nous a annoncé une entente avec la compagnie Lantic. Une entente qui donnera quoi à cette entreprise? Quels avantages le gouvernement consentira-t-il? Le gouvernement permet à une entreprise de consolider sa position monopolistique, comme si c'était la vocation sociale et économique du gouvernement du Québec de créer un monopole. Et, en plus d'éliminer un concurrent gênant, qui a obligé les grands du sucre à mener une guerre des prix et à perdre 15 000 000 $ par année pendant toutes ces années qu'a duré la guerre des prix, on lui permet, en vendant cette entreprise, la Raffinerie de sucre du Québec, à la compagnie Lantic d'encaisser dès la première année et ce, sur une base annuelle, près de 20 000 000 $ de profits additionnels à ceux qu'elle encaisse déjà, qui sont déjà exorbitants, si on compare les marges de profit qui existent dans tout le secteur économique agro-alimentaire.

Bénéfices additionnels, 20 000 000 $ par année de plus. Qu'est-ce que cela coûtera à la compagnie Lantic? Dans les documents que nous avons produits, que le ministre n'a pas été capable de démolir, qu'il n'a pas été capable de contredire: "Cela coûtera 50 000 000 $ officiellement", a dit le gouvernement à la compagnie Lantic. Mais, dans les faits, c'est 40 000 000 $. D'abord, parce qu'il y a des inventaires et des comptes à recevoir. Cela veut dire que c'est déjà une valeur de 10 000 000 $ et sur les 40 000 000 $, ce qu'il faut savoir, c'est que la compagnie Lantic bénéficiera d'avantages fiscaux, pourra obtenir des crédits d'impôt pour une valeur de 32 000 000 $ et, en valeurs actualisées, cela nous donne une vingtaine de millions de dollars par année; 40 000 000 $ moins 20 000 000 $, cela fait 20 000 000 $. C'est le coût réel que la compagnie Lantic paiera mais, dans les faits, comme cette entreprise, dès sa première année d'acquisition de la raffinerie, encaissera 20 000 000 $, cela veut dire que le gouvernement donne la raffinerie de sucre à la compagnie Lantic. Il lui permet de se rembourser dès la première année. Et le gouvernement prête les 40 000 000 $ à la compagnie Lantic. Imaginez-vous! Il les prête sur dix ans. Qu'est-ce qu'on peut penser d'une telle transaction? Le gouvernement donne une société d'État à la compagnie Lantic et lui permet d'encaisser des profits considérables, exorbitants.

Quand on sait, dans les documents que nous avons rendus publics et que le gouvernement n'a pas voulu commenter d'aucune façon, qu'on retrouve des analyses sur le comportement de ces entreprises, de cette entreprise en particulier, et qu'on se rend compte que les marges de profit sont passées, de 1980 à 1985, de 19 % à 128 %, Mme la Présidente, on va donner pour une bouchée de pain, finalement, une entreprise qui va encaisser annuellement, à partir de maintenant, 20 000 000 $ de profits additionnels, et on va donner cela à une entreprise qui a déjà des marges de profit exorbitantes et qui a exploité les consommateurs depuis ces dernières années.

Mme la Présidente, on a fait croire pendant des années, et les commentateurs financiers et économiques se sont laissés avoir, que les consommateurs avaient été gagnants et seraient gagnants encore plus dans cette opération. Quand on compare le prix du sucre au Québec, au Canada, où c'est le marché du dumping qui prévaut et qui joue en faveur des grands du sucre à celui des États-Unis ou de la Erance, où il y a une politique de régularisation des prix intérieurs, on se rend compte que, tout compte fait, les consommateurs québécois et canadiens n'ont pas été avantagés, alors qu'ils auraient dû l'être. Quand, sur le marché du dumping, au cours des dernières années, le prix du sucre s'est effondré, les consommateurs n'ont pas vu la couleur de cet effondrement. Les avantages n'ont été que dans les caisses de la compagnie Lantic et de Redpath. C'est le gouvernement du Québec qui continue et qui va permettre que s'amplifie cette opération d'exploitation des consommateurs du Québec et du Canada. C'est quasiment pas croyable que ce soit le gouvernement du Québec qui, tout en reniant sa parole donnée, tout en reniant son engagement électoral, va mettre en place un système économique, une situation économique d'affaires qui va jouer au détriment des consommateurs, déjà que cette situation a joué au cours des dernières années d'une façon éhontée contre les consommateurs du Québec.

On a fait fi des intérêts économiques de la région: 1500 emplois directs et indirects, un chiffre d'affaires de 40 000 000 $, 20 000 000 $ d'achat de biens et services qui se faisait dans la région Richelieu-Yamaska. Tout cela, ce n'était pas important, et on a décidé de faire un cadeau à la compagnie Lantic, compagnie qui, maintenant, va avoir à sa merci ses concurrents. Imaginez-vous, Lantic est propriété à presque 50 % de Steinberg. Or, la raffinerie de sucre qu'elle achète avait des contrats d'exclusivité pour vendre du sucre aux concurrents de Steinberg, c'est-à-dire Métro-Richelieu et Provigo. Là, le gouvernement met Métro-Richelieu et

Provigo à la merci de Steinberg et il fait cela avec les taxes et les impôts des contribuables, avec, finalement, le pouvoir exorbitant qu'il a actuellement.

Mme la Présidente, on fait cela sans même avoir pris la précaution de voir s'il n'y avait pas d'autres possibilités. Il y a une entreprise qui s'appelle Rhône-Poulenc, une multinationale dans le secteur pharmaceutique, qui avait fait des offres au gouvernement précédent. Le dossier était ouvert au moment des dernières élections. Cette entreprise était prête à investir 50 000 000 $ à Saint-Hilaire pour construire une usine de lysine, et elle avait besoin d'approvisionnement en sucre, cette entreprise européenne. Cette industrie qu'on aurait créée au Québec aurait amené 100 emplois nouveaux outre ceux qui existaient déjà dans le secteur de l'industrie de sucre de betterave. Et là, Mme la Présidente, on n'a pas voulu explorer cette voie-là. On avait une dette électorale envers des amis qui, depuis le début des années soixante-dix, appuient le Parti libéral, les grands du sucre. On a fait cela, Mme la Présidente, en prenant...

Maintenant, comme c'est la fin et comme je voulais garder ce document, cela me sert à quoi de garder un document? Cela me sert à quoi de garder la parole donnée du Parti libéral? C'était ce que ça valait la parole du Parti libéral. Rien! On a pris la peine de faire une promesse aux gens dans le comté de Verchères, mais cela ne valait rien.

Je termine en disant: Le gouvernement, par le dossier de la raffinerie de sucre, a entrepris son opération de privatisation, et il y a tout lieu d'être inquiets quant à la façon dont il va poursuivre cette opération. Aucune consultation, aucune étude de rendue publique, aucun expert entendu publiquement en commission parlementaire, aucun débat public sur une entreprise qui appartient aux Québécois. Est-ce qu'on va faire la même chose pour tous les autres dossiers de privatisation? C'est la question qu'on est en droit de se poser à l'égard du dossier de la Raffinerie de sucre du Québec et de la façon dont le gouvernement s'est comporté. (17 h 30)

Mme la Présidente, je termine en vous disant une chose. Je promets au député de Saint-Hyacinthe et à tous ses collègues libéraux de la Montérégie une saprée belle lutte électorale aux prochaines élections. Je peux vous dire une chose, c'est que les électeurs du comté de Verchères vont s'en souvenir longtemps.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Verchères. Avant de céder la parole au député de Lévis, je constate qu'il y a effectivement consentement pour que nous procédions à l'adoption du projet de loi 85.

Des voix: Consentement.

La Vice-Présidente: Consentement. M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, le projet de loi qui s'intitule Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec n'est pas en fait un projet de loi pour faire la vente de la raffinerie mais pour la fermer.

Je vous lis l'article 1 pour vous montrer à quel point c'est un chèque en blanc que le gouvernement demande alors qu'il n'a pas donné l'information nécessaire sur le contrat. Essentiellement, il faut savoir que la Raffinerie de sucre du Québec appartient au public québécois, appartient à tous les contribuables québécois et, puisque c'est une entreprise publique qui a été établie par la loi, elle appartient à tout le monde au Québec.

Le gouvernement nous demande de la vendre. Il demande à l'Assemblée nationale de l'autoriser à vendre cette raffinerie mais sans qu'il sache exactement dans quelles conditions. Nous sommes dans la situation de quelqu'un qui est en train de vendre un produit qui lui appartient sans connaître le prix de la transaction et sans connaître toutes les conditions de la transaction, sans voir le contrat, en donnant un chèque en blanc au gouvernement ou à un agent qui va faire la transaction au nom du propriétaire qui est le public québécois mais sans savoir exactement ce que cela va lui rapporter.

Il y a bien des bribes qu'on a sues. Ces bribes nous ont inquiétés assez pour considérer qu'il est d'intérêt public que l'entente signée entre le gouvernement du Québec ou le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la compagnie de sucre Lantic, soit publique, soit déposée.

Je reviendrai, je parlerai un peu plus longtemps par la suite des conditions de la vente mais auparavant je voudrais lire l'article 1. Je comprends que... Mme la Présidente, j'aimerais vous demander si vous voulez rappeler un peu à l'ordre. Cela placote. J'aimerais que les députés, comme c'est écrit dans le règlement, s'assoient à leur siège.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît, je demanderais la collaboration de la Chambre pour le meilleur décorum et le meilleur déroulement des travaux. M. le député de Lévis, vous pouvez continuer.

M. Garon: Mme la Présidente, j'aimerais que les députés soient assis à leur siège. Cela évitera des caucus. En vertu du règlement, chacun est censé être assis à son siège en Chambre.

La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le député de Lévis, je constate qu'également dans votre formation politique, ce n'est pas tout le monde qui est assis à son siège. Je suis bien prête à ramener à l'ordre, mais que tout le monde des deux formations politiques soit assis à son siège. S'il vous plaît, je demanderais aux députés des deux formations politique d'aller à leur siège.

M. Charbonneau: Sur une question de règlement.

La Vice-Présidente: Quelle question de règlement?

M. Charbonneau: Mme la Présidente, ce que le député de Lévis vous a indiqué, c'est qu'il y a des députés qui étaient debout et qui placotaient. Il n'a pas parlé des députés qui étaient assis même si ce n'était pas nécessairement leur siège. Il a parlé des députés debout qui placotent et font du bruit.

La Vice-Présidente: Bon. Écoutez, M. le député de Verchères, il m'a demandé que les députés regagnent leur siège. J'ai demandé que chacun des députés regagne son siège. Là-dessus, M. le député de Verchères, je tenais à vous aviser que ce n'était pas une question de règlement. Le débat étant clos, M. le député de Lévis, vous pouvez continuer votre intervention.

M. Garon: Mme la Présidente, je ne vous ai pas demandé de faire de la politique. J'ai demandé que les députés regagnent leur siège. Je n'ai pas spécifié les députés d'aucun parti. Il est normal qu'il y ait un certain décorum dans cette Chambre et il n'existe pas, Mme la Présidente.

Mme la Présidente, le projet de loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec, à l'article 1, dit: "Le ministre des Finances et autorisé à verser à la Raffinerie de sucre du Québec un montant que le gouvernement détermine pour un nombre équivalent d'actions entièrement acquittées de son capital social. Ce montant est versé en un ou plusieurs versements et aux autres conditions déterminées par le gouvernement. "Les sommes requises pour l'application du présent article sont prises sur le fonds consolidé du revenu."

Article 2: "La société délivre des certificats d'actions au ministre des Finances en retour des paiements effectués en vertu de l'article 1 au fur et à mesure de leur versement."

Article 3: "Le ministre des Finances peut, à la date et aux conditions déterminées par le gouvernement, vendre les actions de la Raffinerie de sucre du Québec."

À toutes fins utiles, c'est tout, puisque le reste c'est à peu près l'abrogation d'articles. Ce qui veut dire que c'est un chèque en blanc total où il n'y a aucune condition. On demande à l'Assemblée nationale d'autoriser une vente pour fermer une entreprise sans qu'on connaisse les conditions de la vente et sans qu'on voit le protocole d'entente. Les parties qui ont été énoncées par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, jusqu'à maintenant, montrent au contraire qu'il y a anguille sous roche. Exemple: On a dit, et le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et le ministre délégué à la Privatisation, le 10 mars dernier, que la vente était faite pour 10 000 000 $ pour des actifs réalisables à court terme, laissant entendre qu'il y avait 10 000 000 $ comptant, et 40 000 000 $ plus tard.

Quand on gratte un peu l'affaire, on se rend compte qu'il n'y a pas d'argent comptant. Il n'y aura pas un sou comptant. Ce qu'on a dit le 10 mars est complètement inexact. Il y a simplement une transaction qui va se faire plus tard, après que le projet de loi aura été adopté, mais alors que les 10 000 000 $ qui sont devenus 8 000 000 $ représentaient du sucre dans les entrepôts. Il a été vendu et, actuellement, il n'y a plus de sucre dans les entrepôts. La vente du sucre dans les entrepôts a rapporté 8 000 000 $.

Pourquoi embarquer la compagnie de sucre Lantic dans cette opération alors que le sucre a été vendu, que la Raffinerie de sucre du Québec est propriétaire et que Lantic n'a rien à faire dans cette transaction? Pour faire croire aux gens qu'il y avait un montant comptant de payé, alors qu'il n'y a pas de montant comptant de payer, qu'il n'y a pas un cent comptant de payé. Essentiellement, le gouvernement vend la raffinerie pour rien. Il la donne, à toutes fins utiles. Il n'y a pas un sou de payé comptant pour la raffinerie de sucre.

Deuxièmement, le gouvernement paiera 57 000 000 $, plus qu'il n'a mis dans toute l'histoire du Québec en argent sonnant dans la raffinerie de sucre. C'est 57 000 000 $ pour payer les engagements de la raffinerie, c'est-à-dire les emprunts de la raffinerie. Ce qui fait que si le gouvernement voulait vraiment créer des emplois, au lieu de faire faire des profits à ses amis, aux fournisseurs pour des dizaines d'années à sa caisse électorale, s'il versait 57 000 000 $ pour payer les emprunts de la raffinerie, la raffinerie serait dans une position extraordinaire pour produire du sucre et faire des profits.

À ce moment, elle n'aurait plus de dette. Le gouvernement verse 57 000 000 $ pour payer tous les emprunts de la raffinerie. En plus, il va prêter 40 000 000 $ à Lantic à bas taux d'intérêt, qu'il ne veut même pas nous dire, remboursables plus tard. Apparemment dans

une dizaine d'années. Cela fait une drôle de transaction. Les 10 000 000 $ qui sont devenus 8 000 000 $, au fond, pour du sucre vendu, donc, opération inutile juste pour jeter de la poudre aux yeux au monde puisque le sucre est vendu actuellement, que la raffinerie n'est pas vendue et que l'argent est entré dans les coffres de la raffinerie sûrement.

Deuxièmement, 57 000 000 $ pour payer les emprunts de la raffinerie. On sait que la raffinerie est une entreprise qui était évaluée il y a deux ans à 135 000 000 $ comme valeur de remplacement. Bâtir la même entreprise coûtait 135 000 000 $ il y a deux ans selon une évaluation d'une firme d'experts allemands, et, en plus, jusqu'à maintenant Lantic n'a pas donné un sou. On prête 40 000 000 $ à Lantic à bas taux d'intérêt, en bas des prix du marché, pour qu'elle puisse commencer à rembourser ses 40 000 000 $ plus tard. Avec ces 40 000 000 $ qui lui auraient rapporté des intérêts, qui auraient permis son financement, la raffinerie aurait pu fonctionner pendant ce temps. Elle aura eu un prêt de 40 000 000 $, à bas taux d'intérêt, pour éventuellement acheter la raffinerie. Ce qui veut dire que Lantic ne débourse pas un sou pour la raffinerie. (17 h 40)

Dans cinq ans, Lantic n'aura sûrement pas - je défie le gouvernement de mettre le contrat sur la table - donné un sou pour la raffinerie. Je vous dis que l'entente que le gouvernement a conclue avec Lantic, est un scandale. On démontrera sûrement que le gouvernement actuel a investi 57 000 000 $ dans la raffinerie pour la fermer. C'est quelque chose! Alors qu'il dit que l'argent est rare, alors qu'il dit que la situation financière est difficile, le gouvernement versera 57 000 000 $ pour fermer une usine. Après cela, il prêtera 40 000 000 $ à ses amis pour rembourser plus tard, à des taux d'intérêt privilégiés. Certains ont dit que c'était sans intérêt pendant un certain temps. On ne le sait pas, on n'a pas vu le contrat. Mais des gens ont dit que le prêt de 40 000 000 $ serait sans intérêt pendant un certain temps.

En retour, sans verser un seul sou, la compagnie Lantic deviendra propriétaire du contrat de la Raffinerie de sucre du Québec, en vertu duquel Métro et Provigo devront acheter leur sucre de la Raffinerie de sucre du Québec. Selon certains experts et selon ce qu'on me disait il y a deux ans, ce contrat pourrait valoir environ 25 000 000 $. En plus, elle aura le contingent d'exportation aux États-Unis, au prix du marché américain, qui est un prix payant, un quota que les raffineries s'arrachaient pour pouvoir vendre aux États-Unis. Elle aura cela aussi, le quota, le contingent de la Raffinerie de sucre du Québec, gratuitement. Elle pourra aussi sûrement vendre des équipements et des pièces d'équipement qui sont là, ou les utiliser elle-même pour sa raffinerie de Montréal, de Westcane en Ontario, ou de St. John au Nouveau-Brunswick, gratuitement, sans faire aucun paiement.

Et, on vient nous dire que c'est de la privatisation. Je dis que c'est un scandale, un scandale financier dont, un jour, on connaîtra tous les tenants et aboutissants. On verra à quel point la liquidation de la Raffinerie de sucre du Québec a été une question de gros sous, de gros intérêts et de constitution de monopole. C'est ce qu'on verra.

Mme la Présidente, les raffineries de sucre dans le monde ont la réputation de faire ce genre de transactions. Vous savez qu'au cours des dernières années, Steinberg possédait la raffinerie Cartier. Elle l'a fermée. Steinberg a décidé d'acheter le principal actionnaire, et Lantic est devenue Steinberg. Par la suite, elle a acheté Westcane en Ontario. Puis, elle a acheté Sucre Saint-Laurent à Montréal. Elle exploitait, au départ, à St. John au Nouveau-Brunswick. II y aura maintenant une entreprise: Lantic, une entreprise à Toronto: Redpath, et ce sera cela, l'industrie sucrière.

Quand on sait l'importance du sucre dans l'alimentation, le sucre est presque aussi important que les céréales: Non pas le sucre que, souvent, les gens peuvent penser qu'ils consomment quand ils sucrent leur café ou qu'ils sucrent leur thé, mais, essentiellement, on retrouve du sucre dans une foule de produits et beaucoup de gens ne savent pas qu'il y a du sucre. C'est un aliment de base dans le secteur agro-alimentaire, un des plus importants. Quand vous prenez du ketchup, ce n'est pas tout le monde qui sait qu'il y a presque autant de sucre que de tomates dans le ketchup; il y a beaucoup de sucre dans le ketchup. Quand vous mangez de la crème glacée, il y a du lait, mais il y a des quantités considérables de sucre, il y a presque autant de sucre que de produits laitiers. Quand vous consommez une foule de produits, si vous regardez les ingrédients sur l'étiquette, vous vous rendez compte que la quantité de sucre est importante. Vous voyez qu'habituellement, il n'est pas à la fin de la liste, mais au début de la liste. Souvent, c'est le premier ingrédient, le deuxième ou le troisième, mais c'est habituellement un des trois ou quatre premiers ingrédients.

C'est là que le sucre est consommé en grande quantité. Et créer une situation de monopole ou de quasi monopole... On sait que les raffineries n'ont pas la réputation de se faire une lutte féroce au Canada. C'est facile à voir, je suis persuadé que les gens peuvent voir cela, c'est facile de comparer avec les États-Unis, par exemple, où les Américains paient leur sucre au détail à peu près le même prix qu'au Canada, alors que

l'an dernier, les raffineries devaient payer leur sucre aux producteurs jusqu'à dix fois plus cher. Alors que le sucre brut était vendu 0,028 $ au Canada, les raffineurs devaient payer entre 0,27 $ et 0,28 $ aux États-Unis. Ces raffineurs américains qui payaient leur sucre dix fois plus cher réussissaient à le vendre aux consommateurs à peu près au même prix.

Je vous dis, M. le ministre de la Justice, préparez-vous à avoir des demandes d'enquête au nom des consommateurs du Québec. Préparez-vous à entendre parler jour et nuit de ce dossier puisque, maintenant, le gouvernement du Québec aura versé près de 100 000 000 $ pour créer un quasi-monopole sur le territoire québécois. On aura versé 57 000 000 $ pour payer tous les emprunts de la raffinerie et, en plus, on aura prêté à l'acheteur, qui ne versera pas un sou comptant dans cette transaction, 40 000 000 $ à des taux d'intérêt privilégié, dont il commencera le remboursement dans une dizaine d'années. 100 000 000 $ de l'argent des contribuables québécois pour créer un monopole sur le territoire québécois, à toutes fins utiles.

On me dit qu'il y a des substituts. Certainement, si les substituts ont le même raisonnement que le gouvernement, ils vont fermer. Si on considérait que la betterave ne rapportait pas d'argent au cours des deux ou trois dernières années, on devrait voir les pertes qu'ont subies les gens qui font du sucre à partir du maïs en Ontario. Il y a eu des pertes considérables dans le maïs. Tout le monde s'attendait qu'il y ait une politique sucrière fédérale justement parce que les gens qui produisaient à partir du maïs en Ontario perdaient beaucoup d'argent. Il y a eu des demandes faites au gouvernement fédéral pour établir une politique sucrière parce qu'une politique sucrière au Canada pourrait réussir à créer des milliers d'emplois plutôt que d'importer des produits qui peuvent être fabriqués ici.

Je comprends qu'au cours des dernières années - le député de Verchères y a fait allusion - la presse ne s'est pas beaucoup intéressée au dossier parce qu'il y avait des lobbyistes à temps plein. Il y avait le Canadian Sugar Institute. Cela paraît bien, cela a quasiment l'air d'une faculté d'université, sauf que le Canadian Sugar Institute est payé à 50 % par une compagnie de raffinage et l'autre 50 % par l'autre compagnie de sorte que des lobbyistes anglophones à temps plein font le travail auprès des gouvernements. À Québec, on avait un autre lobbyiste qui portait son nom à lui mais qui faisait le lobby, lui aussi, à temps plein. Pendant des années, les seuls chiffres qui ont été véhiculés dans les médias ont été des chiffres produits par les lobbyistes qui, eux, étaient à temps plein. Comme le gouvernement n'a pas mis les fonds pour défendre la raffinerie parce qu'on ne pouvait pas mettre des lobbyistes à temps plein, les médias ont communiqué des chiffres du quasi-monopole du sucre. C'est cela qui a été véhiculé sauf qu'à partir de maintenant, le débat va prendre une nouvelle tournure, parce qu'on sera face maintenant à un quasi-monopole. (17 h 50)

Le débat, qui ne pouvait pas prendre cette tournure auparavant parce qu'on avait toujours la garantie de la Raffinerie de sucre du Québec qui forçait la compétition un peu, qui jouait un rôle, ne sera plus là pour jouer ce rôle... Quand j'entends le député, soi-disant conseiller économique du premier ministre dire que cela a coûté cher, cela n'a pas coûté si cher que cela, parce que j'ai mis les profits et les pertes de la raffinerie depuis le début de son histoire. Entre 1943 et 1982, la raffinerie a fait 1 000 000 $ de profits de plus que de pertes. Elle a produit 1 000 000 $ de profits en 40 ans de plus que de pertes. C'est simplement qu'au cours des dernières années où il y a eu des investissements considérables de 56 000 000 $ dans l'entreprise, le gouvernement n'a pas mis un sou. Elle l'a fait à même ses surplus alors qu'elle a été obligée d'emprunter à un taux d'intérêt de 20 %, parce qu'une fois engagée sur la voie et que les travaux furent effectués, le gouvernement lui a demandé d'emprunter plutôt que de lui fournir du capital-actions, comme cela arrive souvent.

Je vais vous dire une chose: les consommateurs, durant ce temps, pour les déficits des trois dernières années... J'ai dit que de 1943 à 1982, il y avait eu un profit de 1 000 000 $ de plus que de pertes, en 1982-1983, alors qu'elle a investi quelque 50 000 000 $ en empruntant tout l'argent sur le marché à des taux entre 15 % et 20 %, elle a eu une perte de 2 894 000 $ en 1982-1983 et de 6 800 000 $ en 1983-1984. Je vous ferai remarquer que pendant ce temps, Zimaise, bâtie en Ontario à peu près à la même époque, faisait plus de 30 000 000 $ de pertes dans un an. Ce qui veut dire que la raffinerie, pour jouer ce rôle important pour les consommateurs, n'a pas eu les déficits fabuleux qui ont été mentionnés. On a dit: Ahl Elle a pris des engagements pour 115 000 000 $. Trouvez-les, les engagements pour 115 000 000 $. Je vous défie de mettre sur la table les engagements de 115 000 000 $. Quand on dit que le gouvernement a dépensé 115 000 000 $, c'est faux! Le gouvernement n'a jamais dépensé 115 000 000 $. L'entreprise qui valait il y a deux ans -valeur de remplacement - 135 000 000 $, aujourd'hui, avec l'inflation, doit être évaluée autour de 150 000 000 $, avait des dettes qui seront payées par le gouvernement actuel, pour 57 000 000 $. Une entreprise

qui vaut 150 000 000 $ et qui a des dettes pour 57 000 000 $, qui a fait deux ou trois déficits durant les dernières années alors que pendant 40 ans elle a fait 1 000 000 $ de profits, même si les prix sont bas actuellement - on est dans une période de bas prix -je pense que c'est une entreprise qui joue un rôle important. Nos pseudo-experts qui sont arrivés au pouvoir le 13 décembre ont demandé au gouvernement fédéral imaginez-vous! - de bâtir une politique immédiatement alors que chaque fois qu'on leur pose des questions ils répondent: Cela ne fait que cinq ou six mois qu'on est au pouvoir. Le 10 mars, ils exigeaient déjà du gouvernement qu'il ait une politique en moins de quelques semaines. Deux poids, deux mesures.

Quand le gouvernement fédéral a annoncé sa politique pour le mercredi, en conférence de presse, à Québec, on s'est empressé, le 10, trois jours avant, de convoquer une conférence de presse pour dire qu'on vendrait la raffinerie, qu'on liquidait. Cela s'est fait le lundi, alors que le gouvernement fédéral annonçait une politique sucrière, un début de politique sucrière le mercredi.

Évidemment, les gens ont lu des articles provenant de personnes qui n'ont pas, qui n'ont jamais fouillé le dossier. M. Dubuc a dit: Quand on n'est pas sûr des chiffres, comme nous, il faut choisir l'argumentation des Finances au lieu de celle du ministère de l'Agriculture parce qu'elle a plus de chance d'être vraie. Je peux vous dire que s'il fallait établir des bilans et des choix de cette façon, je pense bien qu'il n'y aurait pas beaucoup de gouvernements qui seraient considérés comme sérieux. Vous ne connaissez pas un seul commentateur, pas un seul journaliste économique qui a fait une analyse de ce dossier. C'est malheureux, je le déplore, je l'aurais souhaité, mais il n'y a pas eu véritablement d'analyse économique qui a été faite de ce dossier.

Il y a eu des éditorialistes qui ont improvisé dans le cours d'une soirée un éditorial pour dire que la raffinerie, ce n'était pas bon. Mais combien de personnes, dans un marché qui est compliqué, dans un secteur complexe, ont véritablement analysé ce dossier? Personne, même pas les gens du gouvernement. Quant aux gens des Finances, les pseudo-experts qui ont parlé de ce dossier, ils nous disaient que l'avenir était dans la canne alors que tous les experts disent au contraire que l'avenir n'est pas dans la canne et qu'on peut anticiper le jour où le niveau de vie augmentant, les pays n'accepteront plus les conditions moyenâgeuses de travail ou l'esclavage moderne, comme l'a dit le Tribunal antiesclavage de Londres. Si on considère le type de travail qui se fait dans la canne à sucre, les experts dans le monde disent qu'un jour on peut prévoir qu'il n'y aura peut-être plus de production de canne à sucre parce qu'il n'y a pas d'augmentation de productivité et que c'est de l'esclavage moderne, la production de la canne à sucre. L'avenir, au contraire - on le voit dans les pays dynamiques d'Europe ou aux États-Unis - est principalement dans la betterave ou dans d'autres productions comme le maïs.

Donc, dossier basé sur des prémisses fausses, reconnues par tous les experts. On a également fait des analyses, on a essayé de faire venir certains de ces experts devant la commission, ce qui a été refusé par le gouvernement qui ne voulait pas confronter ses données avec des gens qui sont des experts dans le sucre. On a fait référence à plusieurs personnes, à plusieurs groupes qui sont reconnus, qui sont les consultants professionnels les plus haut cotés au monde. Le gouvernement n'était pas intéressé, le parti au pouvoir n'était pas intéressé, le ministre de l'Agriculture n'était pas intéressé, le ministre délégué à la Privatisation n'était pas intéressé. Sauf qu'il reste que le gouvernement du Québec, qui dit que les finances de l'État sont mauvaises, a trouvé 100 000 000 $ pour fermer une usine et faire disparaître autour de 1500 emplois directs et indirects.

Si on considère les emplois sur la ferme, dans l'usine, dans les voyages de camion, dans la distribution, dans l'emballage, dans toutes sortes de sous-productions, selon les gens qui ont fait les documents, qui connaissent le secteur au Québec, un grand nombre d'emplois vont disparaître avec la fermeture de cette entreprise. Le gouvernement aura trouvé 100 000 000 $, 57 000 000 $ pour liquider les emprunts de la raffinerie et 40 000 000 $ pour prêter à son acheteur mais qui ne paiera pas.

Le ministre de l'Agriculture et le ministre délégué à la Privatisation n'ont jamais voulu nous montrer les conditions de ces 40 000 000 $, comme si c'était une maladie honteuse. Pourtant, s'ils étaient si fiers de cette privatisation, ils seraient les premiers à montrer à quel point ils sont de bons vendeurs, de bons courtiers, à quel point ils ont pu faire une bonne entente en montrant les chiffres et en mettant le document sur la table.

Quant à nous, nous n'avons pas hésité à rendre publics les documents. Je peux vous dire que pendant neuf ans, comme ministre de l'Agriculture, j'ai eu à produire beaucoup de documents. Ceux-ci peuvent être regardés, je n'ai pas honte des documents que j'ai signés. Je n'ai pas honte non plus des décisions du gouvernement. J'aimerais que le nouveau gouvernement, qui se prépare à fermer une entreprise qui employait des centaines de personnes au Québec directement et indirectement, soit assez courageux

pour mettre son contrat sur la table. Le public québécois a le droit de voir à quel prix et dans quelles conditions on a vendu une entreprise qui lui appartient.

Quand M. Lesage, ex-premier ministre du Québec, a nationalisé Hydro-Québec en 1962, on a eu tous les chiffres sur la table. Son ministre était M. René Lévesque et tous les chiffres ont été sur la table, les documents ont été sur la table. Le public savait de quoi il s'agissait. Il savait entièrement quelle était la transaction, quel était le prix payé et dans quelles conditions. Quand on vend ou qu'on liquide une entreprise qu'on dénationalise - c'est le contraire de la nationalisation, on fait l'inverse - les documents devraient être aussi accessibles que quand René Lévesque les a rendus accessibles au public en 1962, lorsqu'il a été question d'acheter les compagnies d'électricité du Québec pour former HydroQuébec. C'est cette même transparence que nous n'avons pu obtenir en commission parlementaire. Nous n'avons pu obtenir aucun document.

Ce projet de loi sera une loi honteuse puisqu'on demande actuellement à l'Assemblée nationale de voter une loi autorisant une vente qui constitue un chèque en blanc pour fermer l'usine, créer un quasi-monopole et faire en sorte qu'il y ait une seule entreprise qui raffine du sucre sur le territoire québécois, mais qui a ses succursales en Ontario et au Nouveau-Brunswick - avec tout ce que cela veut dire pour l'avenir.

Mme la Présidente, en neuf ans, au Parlement, je n'ai jamais vu une procédure aussi honteuse, aussi scandaleuse. Je vous dis que, dans les semaines et les mois qui vont suivre, ce dossier va demeurer plus vivant que jamais. Il va être connu plus que jamais, parce que des gens qui ne sentaient pas la nécessité de le connaître, maintenant qu'il y aura un quasi-monopole, vont suivre ce dossier a la trace et ils ne le laisseront pas tant que toute la vérité n'aura pas été connue dans ce dossier, afin de protéger les 6 500 000 consommateurs québécois. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lévis.

M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. (18 heures)

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je constate qu'il est 18 heures et il me faut le consentement de cette Chambre pour poursuivre les travaux.

M. Charbonneau: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je voulais demander au leader... Je n'étais pas partie aux ententes. Je sais qu'il y a une entente sur la répartition de l'enveloppe de temps totale, mais quant à savoir si on doit dépasser le temps, je l'ignore.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, il y a un consentement pour une réplique d'un maximum de 20 minutes.

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en réplique.

M. Michel Pagé (réplique)

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Nous en sommes au dernier volet parlementaire du débat sur le projet de loi que j'ai déposé à l'Assemblée nationale, au nom du gouvernement, au nom de l'équipe ministérielle, au sujet de la vente des actions de la Raffinerie de sucre du Québec annoncée le 10 mars dernier.

Plusieurs interventions ont eu lieu en cette Chambre, des questions ont été soulevées, des déclarations ont été faites par plusieurs députés et notamment les députés de l'Opposition, particulièrement le député de Verchères que j'ai écouté avec beaucoup d'attention et beaucoup d'intérêt.

Dans un premier temps, il a dénoncé, soulevé le fait qu'il n'y avait pas eu de consultation comme il l'aurait souhaité. Pour lui, c'est définitif que, dans ce dossier, il aurait souhaité - et c'est explicable parce qu'il représente le comté de Verchères - que tous les moyens soient utilisés afin de déboucher sur une transaction non conclue. Il aurait souhaité gagner du temps. Il a fait référence aux engagements électoraux qui ont été formulés. Les engagements électoraux que notre formation politique a formulés en cours de campagne électorale, par la voix de nos candidats dans la région, par la voix de notre candidat dans le comté de Verchères, ont été respectés.

Nous nous étions engagés, comme parti politique, immédiatement après notre mandat, après notre élection, a voir le dossier de la Raffinerie de sucre du Québec. C'est ce qu'on a fait à compter du 13 décembre, le lendemain de la formation du cabinet. Nous nous étions engagés à mettre une équipe sur pied. On s'était engagé à consulter ceux et celles qui sont touchés. On s'était engagé à rencontrer les députés. Qu'est-il arrivé? À la lecture, à la face même du dossier produit, soumis à mon bureau dès le 13 décembre,

j'ai été à même de constater en janvier qu'on se dirigeait, si la raffinerie demeurait ouverte en 1986-1987, et ce, en l'absence d'une politique sucrière, qu'on se dirigeait encore pour la prochaine année vers un déficit d'exploitation d'environ 12 000 000 $ et une participation indirecte du gouvernement par le biais des régimes d'assurance-stabilisation d'environ 3 000 000 $.

Nous avions donc un choix à faire où on pouvait, d'une part, attendre et s'engager à y injecter 15 000 000 $ de plus ou à convier les intéressés, à convier ceux qui s'y étaient intéressés, ceux concernés au gouvernement du Québec à un exercice de réflexion, à un exercice d'analyse immédiat. C'est ce qui s'est fait par la formation d'un comité interministériel où siégeaient la Raffinerie de sucre du Québec, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le ministère des Finances et les députés de la majorité. Les députés ont été consultés, les députés ont été rencontrés. On a eu l'occasion, j'ai eu l'occasion, comme ministre, de discuter avec eux. J'ai même invité à mon bureau le député de Verchères pour lui indiquer la problématique de la Raffinerie de sucre du Québec, la problématique dans laquelle on se retrouvait comme gouvernement, dans laquelle je me retrouvais comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ayant à formuler des recommandations au Conseil des ministres.

Lors de cette rencontre avec l'honorable député de Verchères, je lui ai clairement indiqué qu'en l'absence d'une politique sucrière canadienne qui avait de la chair, une politique sucrière canadienne qui aurait pu exiger des raffineurs du Canada qui importent du sucre de canne de consommer la totalité du sucre de betterave produit au Canada, ou encore, d'une politique sucrière canadienne qui aurait établi un prix intérieur, un prix de soutien, un prix minimal garanti ici... Cela aurait été tout à fait différent. La lecture du dossier financier de la raffinerie de sucre aurait été différente.

On a même rencontré les producteurs. J'ai même offert aux producteurs, quand on leur a dit qu'on était vendeur, de nous déposer une offre. Ils nous ont effectivement déposé une offre. Ils ont eu accès à tous les documents, les producteurs, ces 103 producteurs - ils étaient 103 à produire en 1985 - par la voix de leurs représentants qui les ont défendus avec beaucoup de détermination. Leurs représentants ont eu l'occasion de prendre connaissance de l'ensemble du dossier, de toute notre documentation, de nos analyses. Ils se sont forgé une opinion. Ils se sont montrés non seulement intéressés, ils ont même déposé une offre d'achat de la raffinerie de sucre dans la perspective de l'exploiter à partir d'une alimentation en betterave à sucre.

La conclusion, cependant, de leur offre disait ceci: On va produire la betterave raffinée à Saint-Hilaire, le sucre brut - car on ne fait pas encore du sucre blanc - sera vendu à la société Lantic. À la raffinerie, nous vendrons les contrats que la raffinerie a avec Provigo, Métro-Richelieu, les grandes chaînes et, en contrepartie, la société devra nous verser à nous, producteurs et propriétaires de la raffinerie, 15 000 000 $ par année pendant sept ans. Les producteurs eux-mêmes ont été à même de constater qu'il fallait injecter 15 000 000 $ par année, pendant un minimum de sept ans, pour être capables de rentabiliser et d'exploiter cette entreprise.

Je vois le député de Verchères qui nie cette affirmation. Prenez l'offre des producteurs, elle est visible, elle est là. L'avis d'exploitation de la raffinerie achetée par les producteurs obligeait l'injection d'un minimum de 15 000 000 $ par année et ce, chaque année pendant sept ans. On leur a demandé: Pourquoi seulement sept ans? Ils ont dit: Après sept ans, on verra. Et, après sept ans, on reviendra et on demandera à nouveau au gouvernement de prendre position.

Mme la Présidente, tout cela pour vous dire qu'on s'est convié à une analyse rigoureuse, approfondie, sérieuse et réfléchie de ce dossier. On a insisté auprès du gouvernement du Canada. J'ai rencontré M. Mayer, le ministre responsable de ce dossier, à mon bureau, ici à Québec. Nous avons eu l'occasion de discuter. C'était au mois de janvier. Le 30 janvier dernier, lors de la conférence fédérale-provinciale des ministres de l'Agriculture du Canada, j'ai indiqué, au nom du gouvernement du Québec, le caractère urgent de l'obligation que le gouvernement du Canada a et avait de doter notre pays d'une politique sucrière canadienne pour rentabiliser la production et pour rentabiliser des structures d'entreprises comme la Raffinerie de sucre du Québec. Le gouvernement du Canada n'a pas voulu adopter sa politique sucrière.

Le député de Lévis nous disait tout à l'heure que c'était trop leur demander. Depuis plusieurs mois que la demande avait été formulée, non pas par moi, mais par mon prédécesseur - le député de Lévis lui-même l'avait demandé à la conférence précédente, soit à la conférence d'été des ministres de l'Agriculture, en 1985 - cette "politique sucrière" - entre guillemets, parce qu'elle n'en est pas vraiment une - a été retardée de semaine en semaine. (18 h 10)

Elle a été finalement rendue publique le 12 mars et si nous n'avions pas annoncé le 10 mars, le lundi précédent, mon collègue le ministre des Finances et moi, notre intention de vente à la suite d'un protocole d'entente qu'on avait signé, jamais la

politique sucrière n'aurait été déposée. Certainement pas avant le mois de juin ou juillet. Dans cette politique sucrière, il n'y avait aucune garantie de rentabilité ou de pouvoir rentabiliser la raffinerie. Ce qu'on appelle une politique sucrière à Ottawa n'était finalement qu'un programme d'assurance-stabilisation tripartite et on avait déjà un programme d'assurance-stabilisation qui était là pour protéger les revenus des producteurs.

Il y a eu de la consultation. On a respecté notre engagement électoral. On a fait notre "homework", comme on dit dans le langage parlementaire. Le député de Verchères a évoqué la commission parlementaire. J'ai été très déçu, Mme la Présidente. Je croyais, la semaine dernière, qu'on pouvait faire à un exercice d'analyse, un exercice d'échange. Je souhaitais que cette commission parlementaire nous place dans une situation d'une véritable dynamique d'échange sur la rentabilité de la raffinerie. Mais nonl Les députés de l'Opposition ont préféré user de moyens dilatoires, présenter des motions l'une après l'autre, pour entendre les producteurs avec lesquels, entre parenthèses, on a eu rarement l'occasion de discuter, pour entendre un groupe après l'autre. Chaque fois qu'une motion était présentée... Évidemment, quand les députés de l'Opposition ne veulent pas adopter un projet de loi ou ne veulent même pas discuter, ils présentent une motion et chacun des députés intervient pendant 20 minutes. C'est ce que les péquistes ont fait. Et le dernier qui intervient présente un amendement et, alors, on recommence dans l'autre sens: chacun parle pendant 20 minutes. Tout cela a duré trois jours. Quand, lundi, les députés ont décidé de quitter, on ne faisait qu'amorcer l'étude de l'article 1 après plusieurs dizaines d'heures de débat. Le député de Lévis a indiqué qu'on n'avait pas rendu public le protocole. Il devrait comprendre, pour avoir été ministre pendant neuf ans, qu'il n'est pas d'intérêt public de déposer un protocole d'entente qui enclenche une transaction tant que la transaction n'est pas conclue.

Très rapidement - il me reste neuf ou dix minutes, Mme la Présidente - je vous dirai que la vente de la Raffinerie de sucre du Québec constitue la fin d'une hémorragie financière importante qui a été coûteuse, qui a été onéreuse pour le gouvernement du Québec, pour ces femmes et ces hommes qui nous écoutent et qui paient des taxes et des impôts, qui en paient beaucoup.

Mme la Présidente, le déficit accumulé était de plus de 30 000 000 $. On se conviait, si on maintenait la raffinerie ouverte, à un déficit additionnel de 12 000 000 $ au minimum, comme je l'indiquais tout à l'heure. La Raffinerie de sucre du Québec était techniquement en faillite depuis seize mois. À chaque fin de mois, le ministre des Finances devait signer une lettre de réconfort pour garantir les créanciers, notamment les banques qui ont financé la raffinerie. On n'a pas eu de politique sucrière.

Le député de Lévis s'est référé aux engagements gouvernementaux. Globalement, c'est 115 000 000 $ qui ont été engagés dans la raffinerie. Il aurait fallu et ce, en regard des chiffres de 1986, vendre le sucre 0,39 $ US pour être capable d'arriver et ne pas perdre d'argent. Il était vendu à un prix fluctuant entre 0,06 $ et 0,08 $ US. Essentiellement, cela coûtait 0,42 $ pour produire du sucre et on le vendait 0,10 $.

L'Opposition, je le comprends et je le respecte, est attachée à ce dossier parce qu'elle y a injecté beaucoup d'argent. C'est vrai que la raffinerie était rentable en 1981. Il y avait d'ailleurs de l'argent dans le fonds de réserve. C'est là que le précédent gouvernement a décidé de se lancer dans la commercialisation du sucre blanc. C'est là que le gouvernement a décidé de se convier lui-même et d'enclencher un plan de modernisation et d'agrandissement par l'achat d'équipement. Force nous est de constater que c'est à partir de ce moment-là que des sommes aussi importantes ont été engagées et qu'on s'est retrouvé dans l'obligation de poser le geste qu'on pose aujourd'hui.

Le député de Lévis a vanté les mérites de la production de sucre à partir de la betterave en nous disant qu'il n'y avait pas d'avenir dans le sucre de canne. Je me rappelle son discours en deuxième lecture. C'était inacceptable de raffiner du sucre à partir du sucre brut produit à même la canne, c'était exploiter, promouvoir l'esclavagisme, c'était aberrant, disait-il.

Le plan de développement dernière phase, qu'il a lui-même déposé au Conseil des ministres en 1985, prévoyait... C'est pour ça que les députés péquistes parlent avec tant de vigueur sur ce projet de loi, ils y tenaient, ils y ont fondé des espoirs, le PQ a engagé des sommes importantes dans ce dossier. En 1985, le ministre de l'Agriculture de l'époque proposait qu'on aille encore plus loin, qu'on investisse 25 000 000 $, entre 25 000 000 $ et 30 000 000 $ de plus, sans compter les déficits pour raffiner le sucre blanc. Ce projet ne résistait pas à l'analyse, il n'y résiste pas plus aujourd'hui. C'est d'ailleurs pourquoi il n'a pas été accepté par le Conseil des ministres.

Le plan du PQ prévoyait, dans un premier temps, que la raffinerie double ses ventes dans un marché qui est fermé, au Québec, à 250 000 tonnes par année. La proposition prévoyait que la production allait augmenter de 60 000 à 120 000 tonnes; on allait prendre tout d'un coup non pas 25 % ou 30 % du marché, mais 50 % du marché. Cela impliquait, entre parenthèses,

nécessairement, dans un marché qui est fermé en termes de consommation à 250 000 tonnes, des pertes d'emplois ailleurs, normalement.

Le plan du PQ s'appuyait aussi sur la disparition des escomptes; les escomptes de 100 $ disparaissaient. C'était l'analyse des prédécesseurs. On a bien pu avoir des déficits. Les déficits ont bien pu monter de 500 % depuis que le Parti québécois était là, entre 1976 et 1985, c'est le genre d'analyse sur lequel il s'appuyait.

Troisième élément intéressant: la rentabilité de la raffinerie de sucre du Québec située à Saint-Hilaire, secteur où il se produisait du sucre à partir de la betterave, la betterave sucrière. Sa rentabilité s'appuyait sur une production additionnelle, mais provenant du sucre de canne. C'est très clair dans le document déposé au Conseil des ministres. On sait qu'en 1984-1985 il s'est produit 16 000 tonnes à partir du sucre de canne acheté. L'ensemble de l'opération prévoyait, entre autres, pour l'année 1986-1987, pour la prochaine année, 27 600 tonnes produites à partir de la betterave et 83 400 tonnes à partir de la canne. C'est le même député qui, dans son discours de deuxième lecture, nous disait que c'était profiter de l'esclavagisme.

Mme la Présidente, si acheter - je ne veux pas en faire un débat - du sucre de canne c'est favoriser l'esclavagisme et le promouvoir, le député de Lévis s'est associé à des démarches en vertu desquelles les esclaves sont exploités. Pas de suite dans le langage, entre le verbe et l'action.

Mme la Présidente, je vais aller rapidement parce qu'il ne me reste que deux minutes. (18 h 20)

Une voix: Hein?

M. Pagé; Mme la Présidente, il me reste deux minutes.

Des voix: Cinq.

M. Pagé: Mme la Présidente, le député de Lévis a parlé d'une entente internationale qui aurait pu être signée, parce que c'était la demande du Canada dans l'énoncé de sa politique sucrière. Il y a eu une entente internationale signée en 1977. Elle n'est pas respectée. La Communauté économique européenne n'y a pas souscrit. Face à l'absence d'une politique sucrière canadienne, face à l'obligation d'injecter des sommes aussi importantes, le gouvernement a pris la meilleure des décisions. On ne pouvait pas maintenir le statu quo. Le plan de rentabilisation sur la table du Conseil des ministres, préparé par le prédécesseur, ne résistait pas à l'analyse comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer tantôt. On se devait donc d'agir. C'est une transaction qui est avantageuse. L'hémorragie cesse avec l'adoption de ce projet de loi. On récupère 50 000 000 $, comme produit de la vente.

Mme la Présidente, je peux donner l'assurance que, dans le protocole d'entente, on s'est donné des dispositions nous permettant de racheter l'équipement. Je dois vous dire que je vais travailler avec beaucoup de détermination pour faire en sorte que cet immeuble puisse revivre une fois que ce sera terminé.

Concernant les consommateurs, je termine là-dessus, les députés ont longuement causé en disant que les consommateurs allaient payer le prix. L'un a parlé de monopole. L'autre de quasi-monopole. Il faut quand même constater que les raffineurs américains vendent du sucre au Québec. Que Redpath sera encore présent au Québec.

Mme la Présidente, je dis que les propos des députés de l'Opposition ont été exagérés, notamment lorsqu'ils ont parlé de 1500 emplois perdus. Ce sont seulement 93 emplois dans l'usine et, quand on parle des 100 producteurs, les 103 producteurs ne perdront pas leur job. Ces gens travaillent à d'autres productions et d'ailleurs, en plus d'un programme d'indemnités, tous les efforts sont humainement faits pour continuer à renforcer la production de ces producteurs dans d'autres secteurs, afin de les aider. Nous sommes bien conscients que cette région constitue une partie importante des grands jardins du Québec.

Mme la Présidente, je terminerai en vous disant que je remercie, finalement, les députés qui ont participé à l'étude de ce projet de loi et je salue cordialement les gens de l'Opposition qui ne partagent pas notre opinion, compte tenu du gouffre financier auquel ils nous avaient conviés comme Québécois.

La Vice-Présidente: Le débat étant clos sur l'adoption du projet de loi 85, est-ce que le projet de loi 85, Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec, est adopté?

M. Chevrette: Mme la Présidence, vote enregistré.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais de reporter le vote à demain.

La Vice-Présidente: Le vote va être reporté à demain aux affaires courantes. M. le leader de l'Opposition.

Projet de loi 87 Adoption du principe

M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais à ce stade-ci vous faire part d'une

entente qui a été conclue entre le gouvernement et l'Opposition, impliquant tout d'abord le ministre de la Justice ainsi que notre critique, le député de Taillon, en présence des deux leaders, c'est-à-dire M. le député de Frontenac et moi-même. Celle-ci va dans le sens que le ministre de la Justice accepte de scinder le projet de loi qui portait sur la modification... A toutes fins utiles, la décision du ministre était de fusionner la Commission des droits de la personne avec le Comité de la protection de la jeunesse. Le ministre vient de nous annoncer qu'il accepte de scinder ledit projet de loi et que nécessairement, étant donné que ce projet de loi est en discussion devant cette Chambre relativement à l'adoption du principe, pour permettre d'y soustraire la partie relative au Comité de la protection de la jeunesse, nous acceptons de clore la discussion, d'adopter le principe ici en deuxième lecture pour permettre précisément ce soir d'aller en commission et soustraire par voie d'amendement tous les articles traitant du Comité de la protection de la jeunesse. Le ministre dit s'engager à produire un autre projet de loi en ce qui a trait au Comité de la protection de la jeunesse.

Mme la Présidente, il faudrait bien interpréter le vote à ce stade-ci, en deuxième lecture. Nous accepterions de voter immédiatement en deuxième lecture sur le principe pour permettre de concrétiser cette entente dans le cadre des propos que je viens de tenir.

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je confirme l'entente à laquelle vient de faire référence le leader de l'Opposition et, dans les circonstances, je vous demanderais d'appeler le projet de loi 87.

La Vice-Présidente: II s'agit de l'adoption du principe du projet de loi 87, si je comprends bien.

M. Lefebvre: L'adoption du principe, c'est cela.

La Vice-Présidente: Pourriez-vous me dire, M. le leader adjoint du gouvernement, quel...

M. Lefebvre: L'intitulé du projet de loi, Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Oui.

M. Lefebvre: ...je m'excuse...

La Vice-Présidente: Oui.

M. Lefebvre: C'est la loi concernant certains organismes relevant du ministre de la Justice. C'est le libellé de la loi.

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Oui. Est-ce que le principe du projet de loi 87, Loi concernant certains organismes relevant du ministre de la Justice, est adopté?

Une voix: Sur division, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Adopté sur division. M. Lefebvre: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Lefebvre: Vous me permettrez de faire motion pour déférer le projet de loi 87 à la commission des institutions dès ce soir après que l'étude des autres projets de loi présentement déférés à la commission sera terminée.

La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Compte tenu du délai...

M. Lefebvre: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Lefebvre: Je m'excuse, M. la Présidente, j'ai un avis à donner: J'avise cette Assemblée que ce soir de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail procédera dans un premier temps à l'étude détaillée du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur la Société de développement industriel du Québec et dans un deuxième temps, de consentement avec l'Opposition, la même commission entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 212, soit la Loi modifiant la Loi refondant la charte de la Société coopérative fédérée des agriculteurs de la province de Québec.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Est-ce que vous avez d'autres avis à faire de part et d'autre? Non? Nous allons donc suspendre les

travaux jusqu'à ce soir 20 heures. (Suspension de la séance à 18 h 27)

(Reprise à 20 h 5)

La Vice-Présidente: Veuillez vous asseoir. Nous allons reprendre les travaux de la Chambre.

M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais vous demander d'appeler le projet de loi 58. Nous avons voté ce matin l'adoption du rapport et je voudrais maintenant que vous appeliez le débat sur son adoption.

Projet de loi 58 Adoption

La Vice-Présidente: Avant de commencer le débat sur l'adoption, est-ce que j'ai le consentement pour que nous puissions maintenant débattre de l'adoption du projet de loi? En vertu de l'article 230, vous savez qu'on ne peut débattre la même journée de deux étapes du projet. Est-ce que j'ai le consentement?

M. Gratton: Consentement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Consentement. Nous allons maintenant débattre de l'adoption du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants, qui avait été présenté par le ministre de l'Éducation. M. le ministre de l'Éducation.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Mme la Présidente, nous voici rendus à l'étape finale de la longue démarche que nous avons commencée le 15 mai dernier avec le dépôt du projet de loi et que nous devons compléter maintenant avec ce dernier débat avant l'adoption définitive du projet de loi par la Chambre.

Pour les enfants concernés qui sont l'objet central de notre attention, l'adoption du projet de loi sera un immense soulagement. Elle leur ouvrira la porte vers le traitement égal auquel ils ont droit dans notre système d'enseignement. Elle ouvrira la porte à la régularisation d'une situation de fait qui eût été destinée à continuer de toute manière si le gouvernement n'avait pas décidé de prendre la situation en main et de rétablir, dans ce secteur comme dans tous les autres secteurs de notre société, cette normalité dans la légalité, qui est la loi même d'existence d'une société démocratique et civilisée.

Au terme de ce débat, je ne veux pas rouvrir les querelles qui ont pu nous opposer à diverses stades de nos échanges de vues, je ne veux pas non plus reprendre les longs exposés qu'il nous a été donné de faire, de part et d'autre de la Chambre, à l'appui de nos thèses respectives. Je voudrais plus simplement signaler en quoi la démarche que nous couronnerons par l'adoption du projet de loi était profondément justifiée. Je voudrais signaler, en deuxième lieu, en quoi la solution que le projet de loi 58 apporte au problème des élèves illégaux est la meilleure qui se pouvait concevoir dans les circonstances.

Tout d'abord nous étions devant une situation sur laquelle il fallait agir. Le problème de la présence d'un certain nombre d'élèves qui fréquentent de manière illégale l'école anglaise, surtout dans la région de Montréal, n'est pas un problème nouveau. Il a commencé à l'automne de 1977. Il s'est perpétué année après année depuis ce mois de septembre 1977 qui a marqué l'entrée en scène de la loi 101. Ces élèves, depuis neuf ans, n'ont été l'objet d'aucune reconnaissance de la part du gouvernement, d'aucune certification des études pourtant très bonnes qu'ils ont faites, d'aucune subvention gouvernementale. Ils sont passés à travers le système uniquement par l'initiative et je dirais même le dévouement. On peut penser qu'il s'est agi d'un dévouement mal éclairé, mais on ne peut pas nier qu'il y ait eu beaucoup de dévouement dans cette entreprise.

Ils ont reçu une éducation qui paraît être d'excellente qualité. Le gouvernement précédent - je le répète à dessin parce que hier soir j'ai entendu une tentative de réplique à cet argument - s'est révélé foncièrement impuissant pendant neuf ans. Je sais que certaines démarches ont semblé être faites à diverses étapes. Je me souviens aussi de choses qui ont été dites pendant nos débats, en particulier de ce souvenir que rapportait le député de Viau quand il a mentionné que, pendant les premières semaines de l'existence du problème, les personnes concernées se sont adressées à 27 reprises différentes à l'autorité gouvernementale pour demander d'être reçues, pour demander d'avoir la chance d'expliquer leur point de vue, pour demander un dialogue avec l'autorité légitime. Cela leur fut refusé parce qu'alors il était bien porté de dire: Je ne m'approche pas de ces brebis galeuses, de la part du gouvernement. Il ne fallait pas toucher à cela. Il fallait les approcher avec une pôle. On les a gardés à distance, on les a parqués, on les a installés dans cette illégalité à laquelle il eût été infiniment plus facile de mettre fin dès les débuts si la volonté de le faire avait véritablement existé. Après neuf ans, il était absolument

impensable que nous laissions la situation continuer de pourrir. Par conséquent, il fallait agir. (20 h 10)

Deuxièmement, il fallait agir au plan politique. Pourquoi? Les solutions policières avaient déjà été exclues dès le début du processus. J'ai déjà dit dans cette Chambre que je comprenais très bien l'ancien gouvernement de n'avoir point voulu envoyer la police dans les écoles pour sortir de force ces enfants. Par conséquent, il est encore beaucoup moins question pour un gouvernement libéral de recourir aux méthodes policières dans une telle situation.

Des solutions administratives auraient été hautement souhaitables; j'en avais moi-même proposé plusieurs dans une étude que j'ai faite en 1983. À mesure que le temps passait, les solutions administratives devenaient de plus en plus difficiles, voire impossibles. Et je veux signaler que le groupe de travail présidé par Jean-Claude Rondeau a examiné très soigneusement toutes les possibilités de solutions et il a dû conclure à regret que le recours à des solutions administratives ne serait pas la voie permettant de régler ce problème de manière rapide et complète.

Ce qu'on a peut-être trop oublié jusqu'à maintenant dans nos débats sur ce problème, c'est qu'en plus de comprendre une dimension purement légale la situation à laquelle faisait face le gouvernement comportait également une dimension politique. Les parents de ces enfants les avaient parqués dans l'illégalité, c'est un fait. Nous n'approuvons aucunement la conduite qu'ils ont tenue, mais l'avaient-ils fait pour mal faire? L'avaient-ils fait pour dévaliser leurs voisins? L'avaient-ils fait pour causer du tort à qui que ce soit, pour s'emparer d'un bien qui ne leur eût point appartenu? Pas à ma connaissance. Ils l'ont fait parce qu'ils avaient des convictions politiques très fortement installées qui n'étaient pas celles du gouvernement d'alors et auxquelles ils ont cru devoir donner libre cours par le comportement qu'ils ont choisi.

On peut être en désaccord avec eux, on peut les condamner, les désapprouver, mais c'est parce qu'il y avait des motivations politiques que leur résistance a pu durer aussi longtemps. S'ils avaient été parqués dans une illégalité de type ordinaire, il y a longtemps que l'autorité constituée, par tous les moyens dont elle disposait, serait venue à bout du problème. Si le problème a duré aussi longtemps, c'est parce qu'il y avait une dimension politique que l'ancien gouvernement a toujours refusé de voir parce qu'il était incapable de la comprendre. C'est une dimension qui sortait complètement de sa manière de voir, de son univers de perception hélas souvent très limité. Il s'est montré absolument incapable de comprendre cette situation profondément humaine dans laquelle ces personnes ont été placées.

Vous aurez beau faire les discours que vous voudrez sur la minorité anglophone, ce n'est pas elle, c'étaient des personnes appartenant en très grande partie à des communautés ethniques, à des foyers immigrants qui étaient venus ici - je l'ai expliqué à plusieurs reprises en cette Chambre - qui sont venus... D'abord, quand il sont venus du fond de la Lombardie ou de la Grèce, est-ce qu'ils ont regardé la carte géographique et fait un choix délibéré et complètement éclairé en faveur du Québec? Voyons donc! Ils ont d'abord pensé à l'Amérique du Nord. J'ai vécu en Italie moi-même pendant une année dans une période où il y avait un très fort mouvement d'immigration, vers les années 1951-1952, où la plus grande chose que des milliers d'Italiens pouvaient souhaiter, c'était d'avoir la chance d'immigrer au Canada. Pensez-vous qu'ils parlaient d'abord du Québec? C'était le Canada qui les intéressait, c'était l'Amérique du Nord. Et, s'ils avaient la chance d'aller au New Jersey, en Ontario, au Québec ou dans l'Ouest, ils prenaient la chance qui se présentait en général. Cela venait par des liens de famille. Ils avaient un cousin qui était établi à Montréal, ils venaient s'établir à Montréal. Ils avaient un oncle qui était établi à Toronto, ils venaient s'établir à Toronto. Il y avait des liens de famille dans tout ce monde. Ils avaient de la famille au New Jersey, ils en avaient dans l'État de New York, dans la province d'Ontario, dans l'Ouest. Un bon nombre d'entre eux sont venus au Québec, nous en sommes très fiers, nous l'avons apprécié. Ils étaient venus avec une perception qui était celle de l'époque à laquelle ils sont venus. Devant les changements très importants, très rapides qui sont survenus à la suite de certaines pièces législatives adoptées sous l'ancien gouvernement, ils ont eu un problème d'adaptation, un problème de transition d'une période à une autre qui ne s'est pas effectuée sans heurt.

S'il nous était resté seulement ce résidu, ce reliquat auquel nous faisons face avec le problème des "illégaux", je pense qu'en comparaison les immenses avantages que nous avons tirés de ces changements effectués avec le consentement général, en tout cas très fortement majoritaire des Québécois, au cours des quinze dernières années, cela aurait valu la peine d'entreprendre tous ces changements. Et le reliquat fort mineur qui nous reste aujourd'hui, je pense que cela vaut la peine de le régler dans un esprit de compréhension et d'humanité, et non pas dans un esprit de revanche ou dans un esprit punitif. Cela, c'est le contexte de fond. Ces enfants sont parqués dans des écoles anglaises. La plupart d'entre eux y sont depuis déjà quatre, cinq, six ou sept ans. J'ai établi bien clairement

en cette Chambre que les trois quarts d'entre eux ont maintenant passé la cinquième année du cours élémentaire. Il faut prendre une décision. Est-ce qu'on va les transplanter dans une autre école maintenant qu'ils sont aussi avancés là où ils sont? J'ajoute ceci: Dans les classes inférieures du cours primaire, ceux qui sont là sont les frères et soeurs de ceux qui y sont depuis quatre ou cinq ans ou plus. Par conséquent, c'est un phénomène familial auquel, j'en suis sûr, l'Opposition est loin d'être insensible; c'est cela qu'on veut régler, c'est cela qu'on veut normaliser, régulariser. Il fallait agir au plan politique, par conséquent, au plan législatif. Il fallait qu'une volonté politique se manifeste et la façon la plus classique pour une volonté politique de se manifester, c'est par l'action législative. Il fallait agir maintenant. Pour une raison que j'ai déjà évoquée, le problème avait suffisamment pourri depuis neuf ans, mais pour une autre raison aussi: Si le gouvernement actuel s'était endormi sur ce problème sans agir tout de suite, nous savons tous qu'à mesure qu'il eût avancé dans son mandat une action énergique lui fût apparu beaucoup plus difficile. C'est pourquoi il fallait agir maintenant.

Et il y a une troisième raison bien simple, il fallait penser à l'année scolaire qui s'en vient au mois de septembre. Est-ce que nous allions recommencer une autre année scolaire dans ce contexte d'équivoque, d'hypocrisie sociale et légale, d'ambiguïté dans lequel nous avons tous baigné depuis neuf ans? Nous avons conclu qu'il ne le fallait point, nous avons conclu qu'il fallait prendre le taureau par les cornes et régler le problème à temps pour qu'il ne soit plus dans le paysage politique du Québec à compter du mois de septembre prochain et c'est pourquoi il fallait présenter à l'Assemblée nationale une loi qui serait adoptée avant la fin de la présente session.

La démarche que nous voulons couronner par cette dernière étape de notre débat n'est pas une démarche improvisée; on voudrait bien, de l'autre côté de la Chambre, laisser croire que c'est une démarche improvisée, on sait très bien que c'est faux, on sait très bien que ce n'est pas le cas, les faits sont là pour l'illustrer. On le sait très bien et ceux qui ne le sauraient point n'ont qu'à se référer aux journaux du temps. Le ministre actuel de l'Éducation s'est intéressé à ce problème dès le jour où il a surgi, au tout début de septembre 1977. Dès ce moment-là, il pressait le gouvernement d'agir comme il n'a jamais cessé de le faire pendant toutes les années qui ont suivi.

Ensuite, on se souvient très bien - et je ne veux pas insister longtemps là-dessus -que lorsque je devins critique de l'Opposition en matière d'éducation, à la fin de 1982, l'un de mes premiers soucis, après avoir fait mon travail de base sur le projet de réforme des structures scolaires qu'avait mis de l'avant l'ancien gouvernement, fut de faire la lumière dans mon esprit au sujet du problème des élèves illégaux. J'ai consacré plusieurs semaines à une étude sérieuse du problème, laquelle déboucha sur toute une série de conclusions devant lesquelles l'ancien gouvernement demeura complètement indifférent. (20 h 20)

II y eut ensuite le groupe de travail présidé par M. Rondeau. On peut mettre en doute l'impartialité politique du comité Rondeau pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la qualité des personnes impliquées dans cet organisme, mais personne ne peut mettre en doute la compétence de chacune des personnes qui avaient été invitées à faire partie du comité. Personne ne peut mettre en doute la compréhension que ces personnes avaient de la situation sur laquelle elles furent invitées à se pencher et je pense que personne qui soit sérieux et impartial ne peut mettre en doute l'excellente qualité du rapport qui fut fait dans un délai relativement rapide par le comité Rondeau.

Je signale enfin que, s'il y avait eu quelque trace d'improvisation dans la démarche gouvernementale, nous avons eu tout le temps nécessaire depuis un mois pour éliminer les risques d'erreur. Le projet de loi fut déposé dès le 15 mai. Nous l'avons débattu à l'étape du principe dans un débat auquel ont participé à peu près tous les députés de l'Opposition. Nous l'avons débattu longuement en commission parlementaire. Nous sommes revenus ici pour un débat également substantiel au stade de la présentation du rapport de la commission. Nous nous retrouvons de nouveau ce soir. Nous avons débattu du projet à propos d'une motion spéciale du leader du gouvernement qui mettait fin aux travaux de la commission. Cinq étapes pour un projet de loi qui comporte douze articles! Je ne pense pas qu'on aurait pu tirer plus de lumière des parlementaires qu'on ne l'a fait honnêtement à travers ces étapes qui se sont étalées sur plus d'un mois.

Maintenant, je voudrais montrer, Mme la Présidente, en quoi la solution que présente le projet de loi 58 est la meilleure qu'on pouvait trouver dans les circonstances. On a fait des gorges chaudes du côté de l'Opposition. On a dit: Le ministre de l'Éducation a trouvé la solution, sa solution; il n'y en a pas d'autre. C'est parfaitement farfelu. Ce n'est pas ma solution. Je l'ai dit moi-même: Lisez le rapport que j'ai produit sur ce sujet en 1983; vous verrez très bien que j'avais proposé toute une série de mesures qui ne sont pas celles qui sont présentées dans le projet de loi. Pourquoi en sommes-nous venus là? C'est parce que le problème a continué de pourrir pendant les

trois années qui ont suivi et, avant d'agir, ne voulant pas agir sur la foi de ma seule inspiration, j'ai voulu m'entourer des conseils d'un groupe de personnes compétentes. Ces personnes avaient commencé leur travail avec un préjugé de départ qui était justement de ne pas commencer par cette solution-là. Elles avaient aligné une série de solutions possibles et celle que véhicule, en gros, le projet de loi 58 est celle dont elles s'approchaient avec le plus d'hésitation et de circonspection. Ils ont voulu étudier toutes les autres solutions possibles avant. C'est eux qui ont tiré la conclusion que, dans les circonstances, c'était la seule façon de régler rapidement, justement, efficacement et complètement le problème auquel nous faisions face. On peut bien attaquer les personnes de l'autre côté, on peut bien dire: Hum! Hum! Hum! Les gens sérieux n'écouteront pas cela. Les gens sérieux feront le tour du jardin, comme nous le faisons présentement, et tireront eux-mêmes leurs conclusions. Je n'ai aucun doute sur le bon sens et l'esprit d'équité de nos concitoyens lorsqu'ils sont en présence d'un dossier complet.

C'est là la vraie situation. Pourquoi la solution que préconise le gouvernement est-elle la meilleure dans les circonstances? Pour les raisons suivantes, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais la résumer très brièvement. Elle tient dans trois éléments très simples. D'un côté, nous régularisons la situation de ces enfants. Au lieu de faire tout un déménagement, toute une perturbation et tout un mouvement de migrations interscolaires, nous disons: Vous les avez parqués dans ces écoles depuix six, sept, huit, neuf ans; ils vont finir leurs études là. Cela va finir là. Ils vont finir leurs études là, ils vont être reconnus par le gouvernement et cesseront d'être des "non-persons", une des expressions les plus infamantes que j'aie jamais entendues dans cette Chambre. Ils vont cesser, ils vont être des élèves réguliers, sur un pied d'égalité comme les autres. Ils vont finir leurs études en étant reconnus pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des élèves, des enfants au même titre que les autres. C'est bien simple.

Deuxièmement, à l'intention de ceux qui pourraient être tentés de récidiver dans l'avenir, nous disons: Ne recommencez point. Avant de brandir le spectre de sanctions éventuelles, nous avons voulu instaurer un dialogue avec ces personnes et ces organismes. Nous avons obtenu l'assurance, réitérée publiquement à maintes reprises au cours des dernières semaines, que cette situation ne se reproduirait plus.

Je lisais encore dans le journal, ce matin, un article où l'on rendait compte de déclarations qui ont été faites hier à Montréal. La conclusion de cet article qui a paru dans le Devoir était une conclusion que l'on imputait, je pense, au président de la Provincial Association of Catholic Teachers, dans laquelle il disait en toutes lettres qu'ils étaient bien résolus à ne pas recommencer dans le sens où ils ont agi depuis neuf ans.

Je signale entre parenthèses - j'y reviendrai tantôt - que M. Palumbo a donné des chiffres dans le Devoir de ce matin sur le nombre d'enfants qui seront touchés par le projet de loi dans les trois principales commissions scolaires concernées à Montréal, c'est-à-dire la CECM, la commission scolaire Le Royer et la commission scolaire Robert Baldwin. Tous ceux qui ont le moindrement d'impartialité auront constaté qu'entre les chiffres donnés par M. Palumbo, ceux que nous avons donnés en commission parlementaire et pendant le débat sur le projet de loi 58 il y a une étroite correspondance. Il y a peut-être une différence de 20 ou 30 unités. Les chiffres sont ceux que nous vous avions donnés. Pas parce que nous étions des phénix, mais parce que nous étions allés les chercher aux vraies sources, parce que nous nous étions renseignés de première main et que nous avions vu à nous procurer des listes qui nous permettaient d'établir nous-mêmes une estimation réaliste et sûre de la situation à laquelle nous ferions face avec cette nouvelle loi.

Premier élément, nous régularisons la situation des enfants illégaux. Deuxièmement, nous créons un climat de compréhension, de dialogue et de concorde sous lequel les gens ne seront plus tentés, parce qu'ils n'auront plus peur de l'avenir, de se lancer dans des orientations comme celle qui a conduit à la situation des élèves illégaux. Nous instituons en outre des sanctions exemplaires qui devraient décourager toute personne sérieuse de la tentation de se lancer de nouveau dans cette voie. Les sanctions que nous instituons sont, d'une part, la disqualification pure et simple pour tout commissaire d'école élu qui participerait à une entreprise de violation de la loi 101 à l'avenir, en ce qui touche l'inscription aux écoles anglaises et, deuxièmement, pour toute personne qui est à l'emploi d'une commission scolaire. Cela comprend autant un enseignant qu'un directeur d'école, qu'un cadre scolaire ou qu'un directeur général de commission scolaire. Cette personne, si elle est prise en défaut en ce qui touche l'observance de la loi 101 dans le monde scolaire sera passible d'une suspension de six mois avec perte complète de salaire pendant cette période, ce qui veut dire qu'elle encourra une amende d'au moins 20 000 $, 25 000 $, 30 000 $ parce qu'on connaît les salaires des cadres scolaires. Il n'y a pas beaucoup de délits au Québec pour lesquels les personnes vont encourir des peines aussi considérables surtout dans le domaine dont nous discutons.

Vous n'avez qu'à voir ce qu'on a mis dans la loi 101 pour les grandes entreprises

qui vont violer les règles législatives en matière d'affichage. Comparez ces règles et ces sanctions à celles que nous instituons dans le projet de loi 58, et je pense que vous conviendrez du sérieux de notre démarche. En troisième lieu, nous instituons une soupape de sûreté bien circonscrite, pas du tout dangereuse, pour permettre de traiter avec humanité et compréhension certains cas spéciaux présentant des problèmes exceptionnels du point de vue familial ou humanitaire d'enfants qui devraient être admis à l'école anglaise, mais qui ne pourraient pas l'être en vertu du seul critère défini dans l'article 73 de la loi 101. Ce mécanisme que nous instituons est tellement bien balisé qu'il faudrait vraiment être un agitateur d'épouvantail de corneilles pour penser qu'il entraînera des conséquences dangereuses pour l'avenir de notre collectivité. Le ministre ne pourra pas se saisir d'un dossier lui-même. Il faudra qu'il en soit saisi par une commission d'appel qui agit d'une manière complètement indépendante du ministre et dont le mandat sera d'appliquer la loi comme elle est. Et, encore une fois, je signale fortement, pour éviter toute distorsion de l'autre côté de la Chambre, que nous ne modifions en rien les critères fondamentaux de la loi 101 en ce qui touche l'admission à l'école anglaise. (20 h 30)

Non seulement nous les conservons, mais nous avons dit formellement, à plusieurs reprises pendant le débat, que nous entendons les conserver. Cette soupape de sûreté était requise pour des motifs de justice, de compréhension et de bon sens élémentaire dans l'exercice du gouvernement. Je suis très fier que nous ayons pu l'instituer parce que, déjà en 1983, j'avais conclus, dans l'étude qu'il m'avait été donné de faire à l'époque, à la nécessité d'une soupape comme celle-là.

La solution que nous préconisons comprend, par conséquent, ces trois volets très simples à comprendre, pas du tout compliqués. En quoi est-elle la meilleure à laquelle on pouvait penser dans les circonstances? Tout d'abord, disons que c'est une solution juste pour les enfants concernés. Je pense que personne n'en doutera. J'ai entendu de l'autre côté de la Chambre à plusieurs reprises l'argument voulant qu'on donne une récompense à ces enfants. Si on avait voulu leur donner une récompense, on les aurait envoyés à l'école française. Je ne comprends pas l'Opposition de penser que c'est une récompense d'aller a l'école anglaise. Il me semble que la plus belle récompense qu'on puisse leur donner, c'est d'aller à l'école française. Je me souviens, moi-même, j'ai eu à faire le choix...

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Je pense que cet argument trahit un vieux complexe profondément enraciné dont j'espère que l'Opposition réussira à se libérer dans les meilleurs délais. Nous n'avons point du tout ce complexe de ce côté-ci de la Chambre. Je me souviens très bien, j'avais fait le débat avec ma femme quand ces lois ont commencé à être introduites dans nos Parlements. Je lui avais dit: Cela va nous obliger à envoyer nos enfants à l'école française et nous nous étions dit, tous les deux: Quel motif de fierté? Il n'y a aucune espèce de punition là-dedans. C'est magnifique. Jamais il n'y a eu de grommellement d'aucune sorte dans notre foyer pour des choses comme celle-là. Je pense que tous les francophones qui se respectent ont réagi de cette manière.

Aujourd'hui, vous savez comme moi qu'il y a de très nombreux anglophones qui réagissent de la même manière. Je les trouve très intelligents, ceux-là. Ils se disent: On vit dans une société française. On va faire un beau cadeau à nos enfants, on va les envoyer à l'école française. Ils ne les punissent en aucune manière. J'espère qu'on n'a pas du tout cette idée de l'autre côté de la Chambre.

Nous autres, nous disons que ces enfants ont été placés dans une situation difficile. Nous ne portons pas de jugement moral sur ceci ou cela. Nous disons: Ce qu'il y a de plus humain, ce qu'il y a de plus réaliste, de plus équitable dans leur cas, c'est de les laisser finir leurs études comme le gouvernement les a laissés les commencer et les poursuivre pendant bien des années sous l'ancien régime. Cela, c'est un premier point pour les enfants concernés. C'est une solution juste parce qu'elle leur donne tous les avantages qui sont accessibles aux autres enfants de leur âge.

Celui qui est à l'école, disons que c'est St. Patrick ou St. Raphael à Montréal ou je ne sais pas, qui est en cinquième année, il va cesser d'être un anonyme qui n'est pas sur les listes officielles. Il va cesser d'être un enfant dont les parents se demanderont: S'il quitte l'école dans deux ans ou dans trois ans, qu'est-ce qui va lui rester comme certificat? Si jamais il y a un gouvernement qui décide de procéder à la hache, qu'est-ce qui va nous arriver? Ils vont pouvoir se présenter partout librement, franchement, simplement. Ce n'est pas grand-chose, mais quand on ne l'a pas eu, c'est beaucoup. On leur donne tout cela.

En plus, les éducateurs qui s'occupent de leur formation scolaire pourront bénéficier des mêmes conditions que les autres. Ces éducateurs, on peut en dire tout le mal qu'on voudra, ils se sont quand même imposé des sacrifices considérables pour les former pendant toutes ces années. Cela veut dire qu'ils ont augmenté le ratio dans les classes, qu'ils ont augmenté la tâche éducative consi-

dérablement parce que ces enfants n'étaient pas reconnus pour les fins du calcul du ratio dans les classes. Ces enfants n'étaient pas reconnus pour les fins du calcul du travail que l'éducateur devait faire avec eux. Ils corrigeaient leurs devoirs, ce n'était pas compté. Ils passaient des heures avec eux pour leur formation personnelle, ce n'était pas compté non plus.

On ne porte pas de jugement encore une fois, mais on se dit qu'à partir de maintenant ils vont être traités sur un pied d'égalité. Quand ils vont sortir du cours primaire, surtout du cours secondaire, ils auront un diplôme régulier en bonne et due forme au sujet duquel ils n'auront aucuje espèce d'inquiétude pour l'avenir. Et cette assurance qui leur viendra de la normalisation de leur situation vaudra infiniment mieux que les assurances artificielles qu'ils auraient pu tirer des ratiocinations que nous avons entendues de l'autre côté de la Chambre. C'est le vieux proverbe: Mieux vaut un tiens que deux tu l'auras. C'est ce qu'ils auront, un tiens. Ils auront quelque chose de solide dans les mains comme tous les autres. Cela, c'est le premier point, je pense que c'est un argument dont la clarté est tellement forte que je m'étonne qu'il n'ait point encore frappé l'intelligence de nos collègues d'en face.

Deuxièmement, c'est une solution qui n'enlève rien à personne, une solution qui n'ajoute aucun effectif nouveau à ceux qui sont présentement inscrits dans les écoles anglaises. Ils sont déjà là. Par conséquent, nous ne modifions en rien l'équilibre des inscriptions réelles. Quand on examinera les statistiques, dans un an, il y aura 1000, 1200, 1300 - je ne sais pas, cela va graviter autour de ces chiffres - élèves de plus du côté des écoles anglaises. Cela va affecter légèrement les pourcentages officiels du ministre de l'Éducation. Dans le prochain rapport annuel, le pourcentage sera quelque peu influencé, mais la réalité va demeurer exactement la même. Vous savez comme moi que les chiffres traduisent la réalité le mieux qu'ils peuvent et ils sont souvent à côté de la réalité parce qu'il y a des aspects de la réalité qui leur échappent. La réalité véritable ne sera aucunement modifiée par ce qui s'est passé, par ce qui va se passer. On n'enlève rien à personne. Ils sont déjà là. On n'enlève rien aux écoles françaises. On n'enlève rien à leurs camarades qui ont été envoyés à l'école française, même si leurs parents eussent préféré les envoyer à l'école anglaise. Ils ont déjà leur récompense. Ils sont dans le courant principal de la vie culturelle au Québec d'une manière beaucoup plus prononcée que les autres.

Il me semble que c'est la plus grande contribution qu'on puisse faire au bonheur d'un citoyen au Québec que de lui donner la chance d'être en plein coeur, dans ce qu'on appelle en anglais le "main stream", le courant principal de la vie commune. On n'oblige personne, cependant. De ce côté, il y a peut-être des légères différences entre nous et nos amis de l'autre côté de la Chambre. Nous croyons que, de manière générale et fondamentale, la persuasion, l'amitié, la confiance réciproque sont plus efficaces en ces choses que les contraintes législatives ou réglementaires.

C'est une solution qui survient en plus, Mme la Présidente, dans un contexte où il n'y a pas lieu de s'inquiéter au point de vue démographique, du moins en ce qui touche le monde scolaire. Les perspectives démographiques du Québec ne sont pas roses. Les perspectives de la communauté francophone au Canada ne sont pas particulièrement réjouissantes, nous en sommes tous conscients. Ce n'est pas de l'école que viennent les problèmes. À l'école, pendant que notre importance relative dans l'ensemble de la population canadienne a diminué depuis quinze ans, notre importance relative a augmenté.

Nous avons aujourd'hui, dans les écoles françaises, 89 % de toute la clientèle inscrite aux niveaux primaire et secondaire. Si vous prenez seulement le niveau primaire, c'est 90,93 % de la clientèle inscrite dans nos écoles qui est inscrite à l'école française alors que notre part dans la population totale du Québec, nous les francophones, est d'environ 82 %. Par conséquent, en vertu des lois linguistiques que nous avons adoptées ces dernières années - je veux parler de la loi 22 d'abord et, ensuite, de la loi 101 - il s'est effectué, de ce côté, un redressement magnifique qui est encourageant pour l'avenir, à la condition que nous sachions créer le climat d'amitié et de concorde qui permettra à tous ces enfants de communautés ethniques que nous obligeons à fréquenter l'école française de vouloir, librement ensuite, s'insérer en plénitude dans la communauté française.

Si nous allions faire montre d'intolérance et d'incompréhension et opter trop pour la voie de la rigueur et de la raideur, il y aurait de grandes chances qu'après être passés par l'obligation de l'école primaire et secondaire ils se dépêchent de s'en aller de l'autre côté alors qu'ils n'auraient plus de contrainte. Nous, nous voulons que non seulement ils soient à l'école française, mais qu'ils y soient avec conviction, avec une adhésion profonde de manière que cette adhésion puisse se poursuivre ensuite pendant toute leur existence. C'est une solution, par conséquent, qui n'enlève rien, qui survient dans un contexte éminemment propice pour ce genre d'entreprise.

C'est une solution réaliste aussi, réaliste pourquoi? Parce que, d'abord - nous

en avons la preuve à mesure que nous progressons - elle repose sur une connaissance et une appréciation juste de la réalité à laquelle nous faisons face. Pendant des années, on s'est fait dire par le gouvernement précédent qu'il ne pouvait pas rendre compte de la situation avec précision parce qu'il n'était pas au courant des faits. Il n'avait pas pris les véritables moyens pour être au courant des faits. Nous, après quelques bonnes séances de travail, nous nous étions munis des renseignements dont nous avions besoin et les faits, à mesure que nous avançons, prouvent que nos perceptions étaient fort exactes. (20 h 40)

Deuxièmement, nous nous sommes assuré en cours de route - il eût été impossible de régler le problème autrement -de la collaboration des intéressés. Si nous n'avions pas eu la collaboration des intéressés, l'impuissance qui s'est manifestée du côté du gouvernement depuis une dizaine d'années aurait continué. Nous leur avons dit: Nous cherchons une solution juste et équitable, nous avons besoin de votre collaboration; voulez-vous vous mettre à table, voulez-vous causer sérieusement avec le gouvernement légitimement élu? Quand ils ont senti que nous étions sincères et justes, ils se sont mis à table, ils ont causé, ils ont apporté leurs documents, ils ont fourni les renseignements nécessaires.

A mesure que nous avancions et lorsque le comité Rondeau eut fait connaître ses conclusions, il a fallu les rencontrer et nous leur avons dit: À la suite des recommandations contenues dans le rapport Rondeau, qu'est-ce que vous allez faire? Est-ce que nous aurons toute votre collaboration pour avancer? Deuxièmement, qu'est-ce qui arrivera? Vous connaissez toutes les déclarations publiques qui ont été faites à ce sujet. Maintenant, nous savons tous que, de ce point de vue, la réponse a été éminemment positive. Je vous dirai une chose, Mme la Présidente: Je pense que l'esprit positif appelle l'esprit positif. Quand on fait preuve d'esprit constructif et ouvert, il y a de grandes chances qu'on trouve sur son chemin des esprits positifs et ouverts. Je pense que c'est le phénomène qui s'est produit au cours de cette expérience et j'en suis personnellement très heureux.

Je pense que la solution que nous proposons est une bonne solution au point de vue social. J'ai eu l'occasion de le dire lors de l'étape précédente de notre débat: Quel est le plus grand bien d'une société? Est-ce que c'est la prospérité économique? Non. Est-ce que c'est le degré de liberté individuelle de chaque citoyen? Pas nécessairement parce que nous savons tous que les libertés individuelles peuvent souvent être utilisées au détriment du bien général. Est-ce que c'est un gouvernement fort qui voit à ce que tout le monde respecte les feux rouges partout, qui voit à ce que personne ne dépasse les limites de vitesse et que chacun soit ramené dans la légalité dès qu'il semble s'en écarter? Non. Le vrai bien par excellence d'une société, c'est la paix, l'unité. La paix et l'unité se nourrissent de la concorde, de la confiance et de l'amitié entre les citoyens.

La solution que nous proposons est, à mon point de vue, la plus réaliste. Je pense qu'on va se dire de tous côtés: Voici un gouvernement qui ne veut pas faire d'idéologie, voici un gouvernement qui ne veut pas faire de récrimination à propos du passé, voici un gouvernement qui veut agir, qui veut régler un problème qui était embarrassant pour tout le monde et auquel il n'existait pas de solution. C'est la réaction que j'entends de la part de nos concitoyens qui nous parlent du projet de loi. Ils disent: À certains égards, on l'aime plus ou moins, votre projet de loi. Il y a des choses qu'on aurait vues de manière différente, et je parlerai d'un élément tantôt. Mais ils ajoutent: En y pensant comme il faut, vous n'aviez pas d'autre solution et on vous félicite de vouloir agir vite.

C'est pour cela que les tentatives de l'Opposition pour agiter l'opinion publique ont été plutôt infructueuses jusqu'à maintenant, puisque les gens se rendent compte, quand on va au noeud du problème, qu'il n'y avait pas beaucoup d'autres solutions que celle-là, surtout dans la perspective de celui qui recherche la paix et la concorde entre les citoyens. C'est une solution qui est de nature à créer entre nous un climat de confiance et de collaboration pour l'avenir. C'est une solution qui préserve intégralement les éléments essentiels de la loi 101 en matière de langue d'enseignement.

Parce que la loi 58 présente cette caractéristique, nous devrions être capables, des deux côtés de cette Chambre, de profiter de cette expérience. Nous avons été en désaccord pendant le débat, c'est normal, cela fait partie de nos moeurs parlementaires, mais nous devrions profiter de cette expérience pour conclure en disant: Réglons le problème des élèves illégaux sans délai, comme le permettra désormais, dans quelques heures, je l'espère, le projet de loi 58, et mettons-nous à l'oeuvre ensemble pour assurer que partout au Québec la loi 101 soit respectée dans ses dispositions concernant la langue d'enseignement. Je ne veux pas exclure les autres dispositions, mais j'ai le mandat de parler de cette partie de la loi 101. Cela ne veut pas dire que les autres chapitres m'intéressent moins, mais d'autres de mes collègues ont la responsabilité plus immédiate de veiller à l'application et, éventuellement aussi, à l'amélioration de ces autres parties de la loi 101. Mais là, nous parlons du chapitre concernant la langue

d'enseignement.

Je pense que la conclusion la plus constructive que nous pourrions retirer ensemble de ce débat serait de nous dire: Réglons ce problème complètement et une fois pour toutes et passons tous ensemble à l'application, à l'observance intégrale et positive de la loi 101 en ce qui touche l'inscription dans nos écoles.

Je voudrais seulement ajouter un dernier point, parce qu'il est assez central dans le débat. En écoutant les réactions de nos concitoyens et de l'Opposition, j'ai cru discerner une chose et le chef de l'Opposition, lorsqu'il parlera tout à l'heure, pourra me dire si je me trompe. J'ai cru discerner que, même du côté de l'Opposition, si nous avions présenté une solution allant dans le sens de celle que préconise le projet de loi 58, mais dont les avantages ne se fussent point étendus aux descendants des élèves concernés, l'accueil eut été plus positif. Il l'aurait probablement été, parce que, lorsque je suis arrivé au ministère de l'Éducation, savez-vous ce que j'ai trouvé? J'ai trouvé un projet de loi qui allait dans ce sens, qui allait dans le sens d'une reconnaissance de fait de la situation. Nous n'avons rien inventé. Le comité Rondeau n'était point au courant. On ne le lui avait point communiqué à ce moment-là. Nous avons trouvé un projet de loi qui avait été esquissé sous l'ancien gouvernement. Par conséquent, ce que nous discutons n'est pas aussi neuf qu'on pourrait le penser. Je pense que, si cet argument n'avait pas été au coeur de la solution que nous proposons, il eut peut-être été plus facile de nous entendre des deux côtés de la Chambre.

De notre côté, nous avons opté pour la solution qui est dans le projet de loi 58 pour les raisons suivantes. D'abord, comme vous le savez, il n'est pas question des frères et soeurs, ni des descendants des élèves illégaux dans le projet de loi 58; le projet de loi n'en traite point. Pourquoi? Il n'y a pas de cachette. C'est parce qu'une autre loi en traite. Une autre loi en traite, nous le savons tous. Il y a une loi qui en traite et c'est la constitution du pays qui est en vigueur au Québec. Je ne sais pas si on le sait du côté de l'Opposition. Hier, j'ai entendu des députés qui n'avaient pas l'air au courant. En tout cas, vous le savez comme nous, cette loi est déjà en vigueur. La Loi constitutionnelle de 1982 est en vigueur au Québec. Par conséquent, un enfant qui fréquente aujourd'hui l'école anglaise est autorisé à envoyer ses descendants à l'école anglaise et les frères et soeurs de cet enfant sont autorisés à fréquenter l'école anglaise en vertu des articles 23(1) b) et 23(2) de la Loi constitutionnelle de 1982. Nous aurions pu inscrire dans notre projet de loi une disposition qui eut limité la régularisation de la situation des élèves illégaux à eux-mêmes et ne se fut point étendue à leur descendance ou à leurs frères et soeurs. Cette loi eut été infirmée par les tribunaux à un stade ultérieur.

L'ancien gouvernement semblait parfois courtiser les désaveux judiciaires. On l'a vu se lancer dans des initiatives législatives qui étaient condamnées, de toute évidence, au désaveu de la part des tribunaux. Il a foncé dans le tas quand même avec les résultats que nous avons pu observer ces dernières années. Lorsque, un an, deux ans ou trois ans après avoir battu de l'aile, après vous être "autocongratulés" en vous félicitant de votre audace, la Cour suprême vient vous dire: Votre projet de loi n'était pas bon, tout ce qui s'est fait depuis ce temps était inconstitutionnel, vous avez l'air fins! On est bien avancé à ce moment-là.

Nous, nous voulons légiférer d'une manière différente. Peut-être sommes-nous moins audacieux de ce point de vue. En matière juridique en général, je suis plutôt porté à la prudence. Nous voulons légiférer d'une manière durable et efficace. Nous savions, parce que nos conseillers juridiques nous l'avaient dit - nous ne prétendons pas avoir la science infuse, nous consultons continuellement, nous écoutons les personnes versées dans ces questions, j'en ai même cité des extraits hier - que si, nous allions dans cette voie, nous serions désavoués par les tribunaux tôt ou tard. On aurait eu l'air fins, tous ensemble! C'est pour cela que nous avons agi comme cela. Deuxièmement, parce que nous nous disions qu'en vertu d'un principe élémentaire d'équité, il fallait régulariser la situation de ces enfants complètement, pas à 50 %, pas à 40 %, à 100 %. Comme le poids de l'évidence était de ce côté, nous avons dit: Si nous optons de ce côté, nous optons véritablement. Et il arrivait qu'au point de vue constitutionnel, c'était la voie la plus réaliste. Par conséquent, je pense qu'à tous les points de vue nous avons mesuré les différents éléments auxquels nous devions penser, nous avons mis au point une solution qui est très simple et d'application immédiate, qui sera facile à réaliser d'ici le mois de septembre 1986. (20 h 50)

Je suis heureux de conclure ces propos en me réjouissant à l'avance à la perspective qu'à compter de septembre prochain nous cesserons de parler du problème des élèves illégaux dans les écoles anglaises du Québec, sauf dans les manuels d'histoire qui tireront leurs propres conclusions, qui feront leur propre synthèse. Nous, les hommes et les femmes d'action d'aujourd'hui et de demain, nous passerons aux problèmes véritables qui doivent nous préoccuper et nous cesserons d'avoir sur notre route ce problème qui était un sujet de gêne pour tout le monde et

auquel nous avions le devoir, comme législateurs et comme gouvernants, de mettre un terme.

Je remercie tous ceux de mes collègues qui ont participé à nos travaux d'une manière assidue et combien attentive même si, par discipline, pour permettre au leader de la Chambre de disposer de plus de temps pour réaliser son immense programme législatif, ils ont souvent gardé le silence alors que tout leur instinct les eût portés à intervenir dans des débats auxquels ils étaient vitalement intéressés. Je les remercie de l'aide qu'ils nous ont apportée tout au long de cette expérience.

Je remercie aussi nos collègues de l'Opposition; ils nous ont fait des difficultés, c'était leur droit. Toutes les difficultés que nous a causées l'Opposition, pour embarrassantes qu'elles aient pu être à certains moments, ont été faites dans le respect de notre discipline réglementaire. L'Opposition était profondément opposée à certaines dispositions du projet de loi, elle l'a fait valoir avec tous les recours que notre règlement et notre tradition mettent à sa portée. Nous acceptons ce fait avec équanimité...

Une voix: Avec quoi?

M. Ryan: ...avec équanimité, d'un esprit égal, sans aucune récrimination, sans aucune arrière-pensée d'amertume. Au contraire, je pense que vous avez fait votre devoir, nous le reconnaissons. Je pense qu'au point où nous en sommes rendus nous approchons des conclusions et je voudrais, pour ma part, que nous approchions de cette étape décisive dans un esprit serein, constructif et empreint du respect réciproque qui doit caractériser la conclusion de travaux comme ceux-là. Merci.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Éducation. M. le chef de l'Opposition.

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, le ministre de l'Éducation est un homme plus difficile à saisir qu'on ne le pense: tantôt généreux, faisant appel aux bons sentiments et à l'humanité des gens, tantôt d'une dureté, d'une habileté et d'une renardise autour d'un certain nombre d'arguments. Cet homme, ce ministre nous a parlé de paix, il nous a parlé de préoccupations très élevées dans la société, il nous a parlé aussi de choses plutôt vernaculaires au sujet de ses amendements et je vais tenter de me situer dans l'ensemble des registres qu'il nous a imposés.

Le ministre dit: Dans le fond, quelle est la plus grande valeur dans une société? Est-ce un gouvernement fort qui fait respecter tous les feux rouges? Pas vraiment, dit-il. Ce doit être, d'ailleurs, pour cela que son gouvernement, sous la houlette habile de son leader et du ministre des Transports, va nous faire adopter tout à l'heure une loi qui va imposer des amendes extrêmement sévères à ceux qui roulent plus vite et à ceux qui brûlent les feux rouges.

Le ministre nous dit: Ce n'est pas, non plus, une société où on n'est préoccupé que par les libertés individuelles, car, on le sait, la limite de l'exercice de la liberté individuelle, c'est la liberté des autres et, ma foi, vivre en société, c'est réconcilier l'exercice de toutes les libertés de chacun. Le ministre nous dit: Non, c'est la paix. C'est la paix dans la société qui est la chose à valoriser le plus. Je dirai qu'il a raison, mais que ce n'est pas suffisant. C'est aussi une paix basée sur la fierté de ceux qui vivent dans cette société parce que les gens y sont libres et, précisément parce qu'ils sont libres, ils ont des opinions divergentes et ils parviennent à réconcilier leurs opinions divergentes en ayant conscience chaque fois qu'ils doivent le faire avec franchise. La valeur, l'importance et la profondeur du ciment qu'est la paix sociale dans une société dépendent de la franchise des compromis sociaux.

Je dirai, Mme la Présidente, que, dans cette loi et parmi certains des arguments invoqués par le ministre, il manquait quelques éléments de franchise. Entre autres, le ministre est sorti de son chemin à quelques reprises pendant ses propos pour nous expliquer que les grands principes de la loi 101 en matière d'éducation qui relève de lui - les autres, on le sait, relèvent d'une ministre, d'ailleurs, qui n'en a que faire et qui confie le tout à un comité - n'étaient pas touchés. Il est revenu là-dessus cinq fois dans son exposé. Et pourtant, c'est comme si ce ministre n'avait pas été là pendant la deuxième lecture, comme s'il n'avait pas relu lui-même ses propres éditoriaux à l'époque de la loi 101, comme s'il n'avait pas été en commission parlementaire où les discours que j'ai entendus venant de la plupart de ses collègues étaient beaucoup plus des charges contre la loi 101 et l'époque où elle a été adoptée qu'une défense du projet de loi 58.

Le ministre nous parle d'humanité, mais son projet de loi et sa façon de le défendre sont un éloge de l'illégalité. Un éloge de l'illégalité. Le ministre - c'était presque à en faire pleurer - en commission parlementaire, nous présentait ces citoyens qui ont décidé de ne pas respecter la loi. Il nous peignait une espèce d'image d'Épinal où on avait l'impression qu'on assistait à Ellis Island en 1915, expliquant la fragilité de ces nouveaux Québécois, leur vulnérabilité et, dans le fond, qu'ils se retrouvaient dans le

système anglophone parce qu'ils se sentaient quelque peu menacés ou qu'ils avaient été mal renseignés en arrivant au Québec puisqu'ils avaient choisi l'Amérique. Je ne disconviens pas que, chez beaucoup de nos concitoyens nouveaux, quand ils sont arrivés ici dans les années cinquante, ils arrivaient en Amérique. Même jusque dans les années soixante, à la rigueur, s'ils arrivaient au Canada, ils n'avaient pas l'impression qu'ils arrivaient à un endroit où on parlait français. Mais on ne peut pas dire que c'est exactement le cas à partir du milieu des années soixante-dix quand même, de façon générale.

Le ministre, ce soir, nous donne cette fois une version contradictoire. Là, il ne s'agit plus du problème d'un groupe de citoyens extrêmement vulnérables qu'il nous dépeignait comme étant tellement fragiles qu'ils ont suivi un courant dans lequel ils étaient appelés malgré eux. Non! C'était un défi des lois qui découlait d'une conviction politique. C'est ce que nous a dit le ministre en commençant son exposé ce soir. Mais je pense que, dans certains cas, là, il a un peu plus raison par exemple, car la démonstration est faite, Mme la Présidente, qu'une bonne partie de celles et ceux qui ont décidé de ne pas respecter la loi 101 en matière scolaire l'ont fait d'abord à grands frais. Ils l'ont fait à grands frais, parce que les commissions scolaires n'ont pas été payées pour ces places en trop dans le système scolaire. Elles n'ont pas obtenu les subventions de l'État. Elles ont dû payer pour cela. Je ne pense pas que c'était accessible à l'ensemble des Néo-Québécois que de choisir de payer l'école primaire ou secondaire à leurs enfants. On n'a peut-être pas affaire donc aux mêmes personnes qui nous étaient décrites en commission parlementaire.

Deuxièmement, ces personnes ont bénéficié de la complicité du député de Sauvé, alors président de la Commission des écoles catholiques de Montréal, et du député de Viau. Non pas en 1977, je le sais. En 1977, le député de Viau, je le sais, avait dû subir une intervention chirurgicale majeure qui l'a amené, je crois, à l'Institut de cardiologie de Montréal. Je sais que, dans cette année, il n'était pas, même s'il avait conservé son titre de directeur d'école, de ceux qui étaient de la première fournée des "illégaux". Mais dans les années qui ont suivi, le député de Viau, membre du comité du ministre, était un directeur d'école sous la présidence du député de Sauvé qui était le président de la CECM et qui, par complicité politique, Mme la Présidente, ont permis que soient défiées les lois du Québec et de ce Parlement. (21 heures)

C'est cela, la réalité qu'il y a derrière cela. Qu'on ne vienne pas nous présenter comme des espèces de marâtres ou des espèces de violents à l'égard de celles et ceux qui fréquentent l'école anglaise. Nous l'avons dit depuis le début, nous ne nous en prenons pas aux enfants. Nous ne nous en prenons même pas aux parents, mais nous aimerions cependant que la franchise et la réalité soient reconnues sur le plan au moins sociologique. Il ne s'agissait quand même pas là d'un lumpenproletariat de l'éducation; il s'agissait de citoyens venant de milieux souvent aisés ou des classes moyennes, dans certains coins de Montréal en particulier, et qui sentaient qu'ils et qu'elles avaient la complicité de gens comme le député de Viau, le député de Sauvé et la complicité du Parti libéral dont on a attendu simplement qu'il reprenne le pouvoir. Et le Parti libéral a livré la marchandise. Cela sera bien la seule d'ailleurs, Mme la Présidente, qu'il aura livrée pendant cette session.

Mme la Présidente, ce geste que le ministre qualifie d'humanitaire depuis le début, souhaité et planifié par lui - je ne disconviens pas du fait qu'il nous avait annoncé ses couleurs il y a plusieurs années autour de certains de ses objectifs - est en train de devenir cependant un panier d'attitudes contradictoires de sa part. D'abord, autoritarisme, et je dirais à l'occasion mépris, évidemment, de celles et ceux qui ont respecté la loi et qui sont l'immense majorité.

Mépris de l'Opposition puisque, après 27 heures de débat, on a décidé en face que c'en était assez et que, ma foi, l'Opposition, on va lui passer la guillotine, le couperet, le bâillon, nommez-les. On va leur trancher les mains, la tête avec, si c'est possible. Puis, on va passer notre loi après 27 heures de débat. Pas après 75 heures, 100 heures, comme je l'ai déjà vu dans ce Parlement, après 27 heures de débat.

Et mépris à l'occasion, je dois le dire, dans le cas du ministre de l'Éducation, dans les mots qu'il utilise notamment à l'égard de ma collègue, la députée de Chicoutimi. Et il revient constamment. J'espère qu'au moins dans sa réplique, Mme la Présidente, ma collègue sera à l'abri des camouflets verbaux de ce ministre - j'allais dire verbeux.

Deuxièmement, improvisation, hésitation du ministre absolument incompréhensible dans cette valse que nous avons connue depuis à peine 48 heures. Dépôt d'un projet d'amendement auprès du Secrétaire général à l'article 5.1. Retrait à peine 36 heures après, par le ministre, de ce projet d'amendement. Un amendement, on le sait, c'est censé améliorer, bonifier, comme on le dit dans ce français qui n'est pas très bon à l'Assemblée nationale, préciser un article d'un projet de loi, et non pas donner à la loi une exsention qu'elle ne devrait pas avoir ou qui n'est pas comprise dans la deuxième lecture.

Et que disait ce projet d'article déposé auprès du secrétariat en fonction du règle-

ment? On ajoutait un article 5.1 au projet de loi 58 qui disait: "Une personne qui, avant le 1er septembre 1986, a reçu l'enseignement en anglais au Québec sans y être admissible peut demander au ministre de l'Éducation de reconnaître les résultats scolaires qu'elle a obtenus et qui sont nécessaires pour l'obtention d'un diplôme d'études secondaires."

Tout cela, Mme la Présidente, transformait ou aurait transformé profondément le projet de loi dont nous avions été saisis en première et deuxième lecture et en 27 courtes heures en commission, parce que ce n'est plus de 1500 cas dont on aurait parlé, c'est de 2000 autres qui s'y ajoutaient selon les chiffres mêmes du ministre, toutes celles et tous ceux qui, à un moment ou à un autre, depuis 1977, auraient fréquenté l'école anglaise. Plus l'extension aux frères et soeurs et aux descendants de ceux qui sont les sujets ou qui font l'objet de la loi ainsi que les frères et soeurs, et projeter cela sur une demi-génération, sur à peu près quinze ans, compte tenu de leur âge, le mariage, l'école primaire pour les autres. On doublait ou presque triplait les effets de la loi initiale prévue par le ministre.

Inadmissible, Mme la Présidente, que cette improvisation du ministre de l'Éducation. J'ignore les motifs du ministre. D'ailleurs, je ne peux pas lui en prêter ni de bons ni de mauvais, en vertu de notre règlement. Je constate un certain nombre de résultats. Ce ministre, parce que mon collègue le député de Laviolette est intervenu en commission au sujet de la commission scolaire du Nouveau-Québec, a dû réimprimer un projet de loi de quatre articles après avoir accepté, enfin, d'entendre les parties qui se présentaient en commission. Il a bien dû admettre que, ma foi, il s'était trompé. Il a dû réimprimer ce projet de loi 30. On lui a demandé une commission parlementaire pour le projet de loi 57, il nous a répondu: Niet! Non! Never!

Deuxièmement, je constate que les effets de ce projet de loi sont mal contrôlés. Le ministre nous cite l'amélioration des statistiques de la fréquentation scolaire en français au Québec depuis dix ans. Je comprends. C'était cela l'objet de la loi 101. On ne devrait quand même pas dire... on ne devrait quand même pas s'en plaindre. C'était cela l'objet de la loi 101 parce que nous croyons qu'une des façons d'affirmer que le Québec est une terre différente en Amérique, c'est de s'organiser pour que les générations qui viennent sur ce territoire considèrent qu'ils vivent dans une société majoritairement francophone et que la meilleure garantie de durée, comme société, que nous ayons, c'est cette adaptation et cette intégration par la voie de l'école.

Ce n'est quand même pas avec nos quatre postes de télévision, peut-être nos cinq, selon ce qui restera de Radio-Québec, qu'on s'imaginera qu'on va faire l'intégration culturelle au Québec, quand on sait qu'il y a 38 canaux américains ou canadiens de langue anglaise qui entrent ici. La dimension scolaire est importante, et c'est un choix que cette société a fait en 1977 à partir d'une volonté, premièrement, de répondre à cet objectif et, deuxièmement, de créer des conditions d'un climat social qui, dans la fierté, la franchise, a engendré la paix. Je remarque aussi que les modifications au projet de loi 58 allaient modifier de façon considérable les clientèles visées et que heureusement que le ministre a retiré son projet d'amendement. Je remarque également que le ministre n'a pas accepté de changer la date d'admissibilité aux dispositions d'amnistie de sa loi pour les faire passer du 15 avril 1986, donc, il y a quelques semaines, au 30 septembre 1985. Pourquoi? Parce qu'il est évident qu'entre le 2 décembre 1985, jour de l'élection de ce gouvernement, et le 15 avril, il y a eu un certain nombre de mouvements dans le monde scolaire, étant donné qu'on voyait venir la loi d'amnistie, et qu'il y a eu des inscriptions à l'école anglaise, qui ne respectaient pas les dispositions de la loi 101. C'est clair. (21 h 10)

Le ministre nous l'a dit lui-même. C'était une objection politique que présentait un certain nombre de groupes, et ils bénéficiaient d'une complicité politique du député de Sauvé, du député de Viau et d'un certain nombre d'autres. Je constate le refus de la consultation de ce ministre. Son refus de retenir cet amendement que lui proposait l'Opposition. Pourtant, on connaissait la réputation de rigueur de l'ancien chef de l'Opposition, on connaissait la réputation de rigueur de l'ancien éditorialiste du Devoir. Ma foi, Mme la Présidente, peut-être que le pouvoir ne lui va pas, serait-ce possible, qu'il y ait des choses qui sont plus difficiles à porter que d'autres et qui affectent la fibre même sur le plan, je dirais des qualités intellectuelles des hommes et des femmes qui sont en politique? Et de la rigueur qu'on lui connaissait, le ministre de l'Éducation nous a fait connaître son côté renard qu'on lui connaissait moins, mais qu'on avait pressenti, il faut bien le dire, à quelques occasions.

Le seul argument du ministre est le suivant: L'Opposition ne comprend rien. Évidemment, on est des béotiens nous de ce côté-ci. Qu'est-ce que vous voulez? Si on n'est pas de ce côté-là, on nous dit: On n'est pas idéologiques. Nous, de l'autre côté, on est des gens ouverts et tout cela, mais dans le fond, vous autres vous êtes des tartes, une espèce de vision manichéenne des choses, les bons, les méchants. Ma foi, j'ai l'impression que je me retrouve dans un de

mes cours de morale en méthode ou en versification. Au moins, ils étaient optionnels a l'époque alors que dans le cas du ministre, on est bien obligé de l'écouter quand il parle.

Mme la Présidente, nous comprenons et nous comprenons trop bien. Nous comprenons, Mme la Présidente, et vous me permettrez d'aller au-delà des considérations de troisième lecture comme le ministre l'a fait lui-même, qui a fait appel à des questions de principe, pas seulement à la technique. Nous comprenons que ce gouvernement n'a pas de politique linguistique. Nous comprenons que la ministre responsable du dossier, vice-première ministre et ministre des Affaires culturelles sent le besoin de confier ses problèmes à un comité pendant l'été. Nous comprenons que cette ministre et ce gouvernement sont incapables de parler du français langue de travail. Nous comprenons qu'ils sont incapables de parler du français langue de service et nous comprenons qu'ils s'en rabattent sur des évidences que nous partageons, que l'évolution du français, de la langue française et de sa qualité passent aussi par la famille et l'école. Mais une fois qu'on a dit cela, on ne s'est pas donné beaucoup d'instruments collectifs pour agir là-dessus. Nous comprenons que ce gouvernement est aussi composé d'un ministre de la Justice qui, dans les questions linguistiques, a soulevé les trois quarts du problème que ce gouvernement vit en ce moment. Ce n'est pas l'Opposition qui vous a ennuyés, c'est vous-mêmes, parce que vous n'en avez pas de politique linguistique. C'est aussi simple que cela. Ce gouvernement, Mme la Présidente, n'a pas de politique linguistique, il a une dette linguistique à régler et il la règle par ce projet de loi.

Incapable de concilier les agissements contradictoires, parfois même risibles de ses ministres, le premier ministre, lui, ne peut que signifier son embarras, souhaitant évidemment que peut-être l'été en éclairera quelques-uns, qu'un comité qu'on ne connaît pas sans doute fait d'autres bénévoles lui livre des solutions toutes faites à moins qu'il ne nous réserve un remaniement ministériel sur ces questions, ce qui ma foi serait peut-être une amélioration.

Mme la Présidente, je constate que ce ministre qui refuse la consultation, qui livre la marchandise promise par son parti dans certains comtés, qui efface à grande eau l'ardoise, non pas avec une éponge sèche pour qu'on y ait encore une vague idée du dessin qui était sur le tableau, à la grande eau, Mme la Présidente, avec un geste si violent qu'on risque de briser l'ardoise de la loi 101 qui est encore un instrument de protection, mais de promotion. Il y a quelque chose évidemment qui, dans mon cas comme peut-être un peu dans le cas du ministre, me préoccupe quand on parle de protection du français. Je comprends cela pour les Franco-manitobains. Je comprends cela pour 1 % à peine de parlant français de Colombie britannique. Je comprends cela même pour L'Acadie et une partie de l'Ontario. Parler de protection de la langue française au Québec, cela m'ennuie un peu, mais c'est une réalité historique, géographique, politique, sociologique, linguistique et économique, qui est en train de changer un peu, qui a fait que nous ayons dû nous donner, comme société, des instruments de protection, même si nous sommes majoritaires, une société majoritairement francophone.

Je préfère voir, cependant, dans les années qui viennent, une vision de promotion du français et je ne la vois pas dans ce gouvernement. Je vois une ministre responsable du dossier pour qui le français c'est une contrainte à administrer plutôt qu'un fait à affirmer. Je l'ai déjà dit, Mme la Présidente. Je n'ai rien contre l'anglais, il m'arrive de le parler, souvent d'ailleurs. Je souhaite qu'une bonne partie des Québécoises et des Québécois qui aspirent à oeuvrer dans le domaine des affaires, dans les questions scientifiques, apprennent la langue anglaise. Mais je veux que le français rayonne sur ce territoire car il fait partie de ce que nous sommes. S'il est vrai que cette question a été traitée à une certaine époque dans un contexte où on avait l'impression qu'il y avait là une obsession, je crois qu'il faut maintenant traiter de cette question avec passion, si ce n'est pas avec obsession.

Ce que je reproche à ce gouvernement, c'est d'être incapable d'assumer cette passion et cette fierté d'être différent et de le traduire dans des gestes législatifs, dans une politique linguistique, dans une vision du développement du Québec qui reconnaisse ce fait comme une force et non pas une contrainte, comme un objet de fierté et non pas comme un souci, comme une occasion de solidarité plutôt qu'une occasion de division. Si j'avais l'impression que ce gouvernement n'est pas lui-même divisé autour de ces questions et qu'il est capable d'assumer ce que cela signifie, d'affirmer la promotion du français sur un territoire québécois avec fierté, avec enthousiasme, avec conviction, je ne serais pas préoccupé par un certain nombre de contradictions que j'ai vues. Je les imputerais à l'inexpérience de ces gens qui, nous disait-on, étaient prêts à gouverner.

Je suis préoccupé de voir que la seule personne cohérente dans ce gouvernement autour des questions linguistiques, jusqu'à maintenant, a été, et encore avec des accrocs considérables, le ministre de l'Éducation qui, pourtant, par ce projet de loi, pour l'essentiel, nous livre et livre la marchandise à ses collègues du Parti libéral d'une promesse électorale. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, pourrais-je proposer l'ajournement du débat, s'il vous plaît, et ceci en conformité avec une entente que nous avons faite avec l'Opposition?

La Vice-Présidente: Nous allons donc ajourner le débat concernant l'adoption du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants.

M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, toujours en vertu de l'entente que nous avons conclue, je vous prie maintenant d'appeler l'article 16 du feuilleton. Nous entendrons une intervention de la ministre de la Santé et des Services sociaux et une intervention du côté de l'Opposition. Nous ajournerons ensuite le débat pour revenir à autre chose. (21 h 20)

Projet de loi 74 Adoption du principe

La Vice-Présidente: Nous allons maintenant débattre l'adoption du principe du projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie, qui a été présenté par la ministre de la Santé et des Services sociaux le 15 mai dernier.

Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. Il s'agit du projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. Après étude la semaine dernière du projet de loi 75, nous en sommes aujourd'hui arrivés à l'adoption du principe du projet de loi 74. Ce projet effectue en partie une concordance avec le projet de loi 75, qui modifiait la Loi sur les services de santé et les services sociaux, en ce sens qu'il reprend la notion de l'obligation d'un avis de 60 jours pour un médecin ou un dentiste avant de quitter un établissement.

L'article 6 du projet de loi prévoit que la Régie de l'assurance-maladie doit, lorsqu'un médecin ou un dentiste devient un professionnel non participant pour une période donnée, en vertu des articles qui viennent amender cette loi, émettre une ordonnance à cet effet, en aviser le médecin ou le dentiste auquel elle s'applique et publier un avis à la Gazette officielle du Québec. J'apporterai également en commission parlementaire un amendement qui permettra à la Régie de l'assurance-maladie, après consultation des établissements concernés, de déterminer des dates différentes pour le début de la période de non-participation de ces médecins ou dentistes et de les échelonner sur la période qu'ils jugent appropriée.

Je ne saurais m'étendre plus longuement sur ce sujet qui a déjà fait l'objet d'un long débat lors du discours sur le principe du projet de loi 75. Toutefois, compte tenu des multiples commentaires qui ont déjà été apportés au cours du précédent débat, il m'apparaît important de souligner que cet article de loi ne s'apparente en rien à l'aspect coercitif dont on a voulu le caractériser. Il s'apparente, au contraire, aux règles élémentaires qui caractérisent la marche du travail en ce sens qu'il est normal pour tout travailleur ou professionnel d'avertir suffisamment tôt l'employeur de son départ prochain et ce, afin qu'un départ effectué de façon prématurée ne vienne perturber le fonctionnement d'une entreprise. Ceci constitue même une règle au sein de la fonction publique et parapublique, autant au niveau du personnel de soutien que du personnel infirmier.

Mme la Présidente, ce que nous disons, c'est que désormais un médecin ou un dentiste, avant de quitter un établissement, devra donner un avis préalable ou un préavis de 60 jours pour pouvoir quitter l'établissement. Ceci est dans le but de protéger la population. Nous avons connu certaines circonstances, généralement des circonstances où il y avait un conflit à l'intérieur d'un établissement, et à ce moment-là un ou des médecins, pour exercer des mesures de pression, décidaient de quitter l'établissement et rien ne les obligeait à donner un préavis. C'est simplement une mesure de sécurité que nous voulons ajouter pour protéger la population.

Il est essentiel que l'Assemblée nationale adopte cet article afin de rendre effectifs ceux prévus à la loi 75 auxquels je me référais tout à l'heure. Si, au lendemain d'une sortie massive des médecins d'un établissement, le gouvernement ne peut faire respecter ou ne détient pas les moyens nécessaires pour faire respecter un préavis de départ de 60 jours, c'est la population de toute cette région qui se retrouve démunie devant une pression que des professionnels peuvent décider d'exercer.

Il s'agit, d'abord et avant tout, de protéger la population contre les dangers d'une crise qui pourrait avoir des conséquences malheureuses. Les exemples à cet égard sont malheureusement trop fréquents dans ces circonstances. C'est pourquoi le gouvernement se dote de ce moyen législatif afin d'empêcher le plus possible des situations difficiles comme celles déjà vécues par des centres hospitaliers ou celles qui pourraient prévaloir dans l'avenir.

Je puis vous dire qu'à cet égard, nous avons reçu de multiples appuis.

En second lieu, ce projet de loi a pour objet de prévoir les services de planification familiale déterminés par règlement et rendus par un médecin comme constituant des services assurés. On se rappellera qu'en janvier dernier, le dossier de la vasectomie a fait l'objet des manchettes de journaux, selon lesquelles ce service ne serait plus assuré. Il faut, je crois, M. le Président, faire un court historique de ce dossier. En fait, la Cour d'appel du Québec rendait en 1985 un jugement faisant référence à la cause Roy-Macchabée, jugement par lequel la cour décidait que la vasectomie pratiquée pour des fins de planification familiale n'était pas requise sur le plan médical. Comme, selon notre loi, des services qui ne sont pas requis sur le plan médical ne sont pas assurés, la cour concluait en conséquence que la vasectomie ne constituait pas un service assuré dans le cadre du Régime d'assurance-maladie.

En fait, cette cause est venue devant les tribunaux lorsque la Régie de l'assurance-maladie a constaté qu'un médecin avait surfacturé dans un cas de vasectomie. Le médecin, partant du principe que ce n'était pas un acte médicalement requis, a poursuivi parce que la Régie de l'assurance-maladie lui imposait un remboursement. De fait, il a gagné en cour. Considérant les impacts de cette décision de la cour qui, par extension, aurait pu s'étendre à d'autres services de planification familiale, comme les ligatures des trompes, considérant également qu'un grand nombre de personnes recourent particulièrement à la ligature des trompes, le gouvernement a pris des moyens pour remédier a cette situation. L'intention de modifier la Loi sur l'assurance-maladie pour qu'un tel type de service soit assuré a déjà été annoncée. Ce sur quoi nous nous penchons actuellement... Et je voudrais rappeler que, d'ici à la date d'entrée en vigueur des modifications législatives, un programme d'aide a été institué à l'égard des personnes vasectomisées qui ne pouvaient avoir de remboursement ou auxquelles le médecin ne se déclarant plus participant pour cette mesure particulière pouvait facturer directement ce service, alors que, normalement, ces services avaient été assurés depuis 1970, non seulement au Québec, mais dans l'ensemble du Canada. C'est un service qui est assuré dans toutes les provinces.

Ce programme que nous avons mis en place est en vigueur depuis le 1er avril 1986. Au cours de la période de transition où ce programme n'existait pas et où, à la suite du jugement, cet acte n'était pas reconnu comme un acte médicalement requis, tout bénéficiaire qui a subi une vasectomie s'est vu réclamer par son médecin le paiement de celle-ci et a eu le droit d'en réclamer le remboursement à la Régie de l'assurance-maladie. Toutefois, depuis le 1er avril et depuis l'entrée en vigueur du programme, c'est le médecin et non plus le bénéficiaire qui a le droit de réclamer de la régie le coût d'une vasectomie. Du fait que l'amendement ne soit pas encore adopté, le médecin qui la pratique peut décider s'il est participant ou non participant. La personne qui se présente chez lui, à moins qu'elle ne s'assure que le médecin est participant eu égard à cet acte médical, si elle ne s'en informe pas et que le médecin n'est pas participant, doit payer le montant qui lui est exigé par le médecin. À ce moment-là, le médecin peut exiger un taux qui n'est pas le taux auquel on est arrivé par entente, par négociation avec la Fédération des médecins spécialistes, si bien qu'il peut réclamer des frais bien supérieurs à ceux qui sont prévus normalement et qui étaient prévus dans le passé par la Régie de l'assurance-maladie pour couvrir les frais de la vasectomie.

Il est donc évident que, pour éviter tout malentendu pour les bénéficiaires, il faut, le plus rapidement possible, procéder à l'adoption du projet de loi 74. Cet amendement permettra subséquemment de déterminer par règlements que sont assurés les services de stérilisation chirurgicale, dont la ligature des trompes et la vasectomie, afin que le gouvernement puisse maintenir ce qui a toujours été sa pratique en matière de planification familiale. (21 h 30)

Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de contestation ou de surfacturation de la part des médecins, qui a créé la même équivoque ou le même problème, mais on pourrait se retrouver dans la même situation et c'est pour cela que nous profitons de cet amendement qui va protéger les bénéficiaires pour faire en sorte que tous les médecins, à l'avenir, devront être participants à la Régie de l'assurance-maladie pour la couverture de cet acte qui sera assuré par la loi de telle sorte qu'il n'y aura plus de possibilité de surfacturation.

Tout le monde entend parler ces jours-ci des problèmes de surfacturation en Ontario et des difficultés que cela crée pour la population de l'Ontario. Au Québec, et je pense que c'est l'une des caractéristiques de l'application de notre Régime d'assurance-maladie, nous n'avons jamais eu de surfacturation possible; là-dessus, je pense qu'à la fois le gouvernement et les fédérations de médecins ont pris leurs responsabilités à cet égard et ont toujours réussi - je pense qu'il faut s'en réjouir - à protéger la population contre une surfacturation. C'était peut-être la première fois qu'il y avait une brèche de faite dans ce domaine, c'est-à-dire que des médecins

pouvaient surfacturer pour un acte très particulier, mais par l'adoption de la loi, ce problème ne se présentera plus puisque, étant désormais assuré précisément ou nommément dans la loi, il n'y aura plus de possibilité de surfacturation. Je pense que ce qu'on veut viser, en dehors des services aux bénéficiaires eux-mêmes, c'est vraiment aussi un objectif de protection de l'esprit de notre Loi sur l'assurance-maladie.

Ce projet de loi comporte finalement un troisième aspect. En effet, ce projet de loi modifie la Loi sur l'assurance-maladie pour y prévoir que le gouvernement pourra déterminer la fréquence à laquelle certains services dentaires peuvent être rendus pour demeurer des services assurés.

M. Rochefort: Question de règlement.

La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais que vous rappeliez à l'ordre Mme la ministre en vertu de l'article 239 de notre règlement eu égard à la pertinence du débat.

La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le député de Gouin, vous savez qu'on n'a pas donné... Correct? En vertu de l'article 239, il est bien spécifié que le débat doit porter exclusivement sur l'opportunité du projet de loi ou... Bon. Mais vous savez que la jurisprudence à cet effet est qu'on ne donne pas une interprétation trop restrictive dudit article de sorte que je suis certaine que Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux va très bientôt reprendre le débat sur le projet de loi concernant le planning familial.

M. Rochefort: Sur la question de règlement, Mme la Présidente. Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire quant à l'application, la pratique et la jurisprudence entourant l'article 239 traitant de la pertinence du débat, mais je vous soulignerai que la ministre est en train de traiter d'un dossier qui s'appelle les soins dentaires, Mme la Présidente, alors que le projet de loi, déposé ici avant le 15 mai, ne traite d'aucune façon, ni directement ni indirectement, de cette question. Il traite, comme l'a dit la ministre, d'une part, de l'application d'une disposition qui découle du projet de loi 75, quant à la non-participation des médecins qui ne respecteraient pas un préavis de 60 jours; d'autre part, il traite du problème de la stérilisation par voie de vasectomie, qui n'était pas payée par la Régie de l'assurance-maladie. Mais d'aucune façon il n'est question, ni de près ni de loin, ni directement ni indirectement, de questions touchant le programme de soins dentaires de la Régie de l'assurance-maladie. En ce sens, Mme la Présidente, je vous demande effectivement de rappeler à l'ordre Mme la ministre quant à la pertinence du débat.

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement, sur la question de règlement.

M. Gratton: Sur la question de règlement, Mme la Présidente. Je devine où veut aller le député de Gouin et je lui rappelle bien amicalement que le projet de loi 74 s'intitule Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. À partir du moment où Mme la ministre traite d'un sujet qui fait l'objet de considérations dans la Loi sur l'assurance-maladie, elle est tout à fait et elle pourrait même s'aviser, si cela était son désir, d'annoncer des amendements qu'elle pourrait vouloir soumettre au moment de l'étude détaillée en commission parlementaire sur tout sujet qui est couvert par la Loi sur l'assurance-maladie. Donc, Mme la Présidente, je pense que vous devez reconnaître que Mme la ministre est tout à fait pertinente dans ses propos. Qu'on lui laisse la chance de dire ce qu'elle a à dire avant qu'on intervienne pour parler de la non-pertinence.

M. Chevrette: Mme la Présidente, sur la question de règlement.

La Vice-Présidente: Sur la question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je vais vous demander, bien sûr, de trancher ce débat puisqu'il est d'une importance capitale, et je vais expliquer pourquoi à l'aide de cas de jurisprudence précis.

La ministre est en train d'annoncer qu'elle apporte des sujets nouveaux de modification. Elle s'en était tenue, à l'intérieur du projet de loi 74, à un amendement concernant la vasectomie et à un autre sujet sur la désassurance, ce qui est son droit. Si je suivais la logique du leader du gouvernement, une loi sur les amendements à la Régie de l'assurance-maladie, cela voudrait donc dire que la ministre pourrait intituler cela "amendements au régime d'assurance-maladie, article 1, vasectomie", se présenter en Chambre et ajouter 101, tous les aspects, ce qui est complètement farfelu et qui va à l'encontre, d'ailleurs, de ce que le leader du gouvernement lui-même préconise. Ce gouvernement s'est présenté devant nous, Mme la Présidente, en disant ceci: II n'y aura plus de bill omnibus. C'est le leader du gouvernement lui-même qui défendait avec acharnement les quatre petites lois de la ministre des Affaires culturelles en déposant quatre lois de quatre lignes. Plus encore, je plaide sur le fond...

M. Gratton: Question de règlement.

La Vice-Présidente: Question de règle-

ment, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, le leader de l'Opposition...

M. Chevrette: ...règlement.

M. Gratton: ...est en train de...

Une voix: Faire un discours.

M. Gratton: ...parler d'une question de règlement et il n'est pas pertinent lui-même. Il ne s'agit pas de parler des lois de Mme la ministre des Affaires culturelles. On parle de la loi de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Je veux bien l'entendre sur les questions de règlement et je pense que vous le devez vous aussi, mais qu'on ne se perde pas dans les lois.

M. Chevrette: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Je vais vous montrer que cela a un rapport. Le leader du gouvernement lui-même s'est levé en cette Chambre à un dépôt de projet de loi et je lui ai dit: Ceci ne devrait-il pas faire l'objet d'un projet de loi omnibus? Il a dit: Non. J'ai pris la peine de me lever pour lui demander précisément: Ne croyez-vous pas qu'il y a deux principes que vous êtes en train de proposer? Il a dit: Non, dorénavant, c'est un projet de loi par principe.

Deuxièmement, j'attire votre attention, Mme la Présidente, sur la jurisprudence suivante. Je vous rappellerai tout d'abord, à l'article 240, ce qu'est un amendement. Un amendement ne doit pas changer la nature même du principe et je vous réfère à la sentence prononcée par le député de Vanier, Jean-François Bertrand...

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente.

Une voix: II est déjà sur une question de règlement.

M. Gratton: Mais oui...

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, le leader est en train de vous dire que des amendements ne sont pas recevables. Effectivement, je lui donne tout à fait raison. Il n'est pas question de présenter des amendements au moment de l'adoption du principe d'un projet de loi. Il y a un seul amendement qui est permis par le règlement. C'est celui de reporter à plus tard l'étude d'un projet de loi. Je ne pense pas que Mme la ministre ait proposé qu'on reporte à plus tard l'adoption de son projet de loi. Elle était en train, Mme la Présidente, d'expliquer ses intentions par rapport au projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie, et vous n'avez pas à trancher maintenant, Mme la Présidente, d'amendements éventuels qui pourront venir. Ce n'est pas ici à l'Assemblée nationale qu'on décide, au moment du débat sur l'adoption du principe d'un projet de loi, si un amendement annoncé pour plus tard est recevable ou pas. C'est à la commission qui procède à l'étude détaillée après qu'on a adopté le principe du projet de loi. Tant et aussi longtemps que le principe du projet de loi n'a pas été adopté ici, Mme la Présidente, quant à moi, toute volonté d'amendement est recevable puisque le principe lui-même n'est pas voté.

Mme la Présidente, je pense que vous devez trancher et accorder la parole à Mme la ministre pour qu'elle nous indique quelles sont ses intentions et on jugera plus tard, au moment de l'étude détaillée en commission parlementaire, si les amendements qu'annonce présentement Mme la ministre sont recevables ou non, mais ce n'est pas à vous d'en trancher maintenant. On n'a pas d'amendement devant nous, Mme la Présidente. (21 h 40)

M. Chevrette: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Je réinvoquerais à ce moment l'article 239, si je suis la logique du leader du gouvernement. Mme la ministre nous a conviés à cette Chambre comme parraine ou marraine - je ne sais pas comment on l'appelle - comme tutrice en tout cas de ce projet de loi. Et elle nous dit ceci. Il y a des titres qui englobent les deux, Mme la ministre.

Elle nous a convoqués pour étudier la vasectomie et l'autre aspect. S'il y avait un amendement d'annoncé relatif aux deux principes compris dans cette loi, j'admettrais qu'elle est pertinente et je ne me lèverais pas. Mais, de la bouche à la vasectomie, il y a une limite. Cela n'a pas du tout la même connotation. Cela n'a aucun lien, cela n'a aucun rapport et je pense que c'est complètement discordant par rapport aux deux éléments de la loi. Les deux éléments de la loi...

La Vice-Présidente: S'il vous plaît, à l'ordre! À l'ordre! Bon, à l'ordre! Vous pouvez poursuivre, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente.

Avec votre sourire et votre permission, je vais continuer.

Mme la Présidente, les deux principes compris dans cette loi sont d'une clarté et d'une limpidité. Les seuls éléments acceptables, à moins que la ministre décide de faire une réimpression du projet de loi, ce sont des amendements en marge des articles relatifs à la vasectomie et à la désassurance. C'est impossible. Autrement, ce serait fou comme balai de présenter un projet de loi et, en arrivant en Chambre, le projet de loi est dénaturé, ce n'est plus le même. Elle pourrait tout aussi bien arriver et dire: Bon, on va indemniser ceux qui ont la perte des cheveux. Voyons, Mme la Prési-dente! Ce n'est pas cela qu'est la convocation dans ce projet de loi. Le projet de loi est d'une clarté et d'une limpidité.

C'est ainsi qu'on s'est préparé comme parlementaires à discuter sur un projet de loi qui comprenait deux principes de modifications. Ils auraient beau mettre le titre le plus large, à ce compte-là, si je suivais la logique du leader du gouvernement, je dirais: Loi amendant les lois sur la santé. Et cela permettrait à la ministre de se lever n'importe quand et de dire n'importe quoi sans qu'on puisse se préparer adéquatement pour répondre aux sujets. Cela n'a ni queue ni tête. Cela n'a aucun bon sens. Si c'est cela légiférer avec transparence, comme le disait le leader du gouvernement, si c'est cela légiférer un seul principe à la fois, lui qui est en train de défendre l'introduction d'un troisième, si c'est cela éviter les omnibus, lui qui permettrait de faire n'importe quoi, c'est un manque de logique et de cohérence et nous n'acceptons pas qu'on soit "bulldozé" dans les projets de loi.

Ils ont fait leur lit eux de cette formation politique, quant a la rédaction des lois; ils ont fait leur lit quant à l'étude. Il y a des articles du règlement qui traitent de pertinence, il y a des articles du règlement qui parlent de la pertinence et surtout de ce qu'est un amendement réel à un projet de loi. Il y a des articles de loi et de règlement qui précisent que, quand on saisit une Chambre d'un principe, on ne peut pas en changer le contenu. Il y a une jurisprudence dans les commissions parlementaires qui, hors de tout doute, démontre qu'un ministre ne peut pas introduire de nouveaux principes. Il me semble, Mme la Présidente... Ce n'est pas notre faute si c'est après le 15 mai que la ministre a pensé à introduire de nouveaux principes. Elle avait le loisir de présenter d'autres lois, mais on ne nous fera pas gober par la bande des nouveaux principes dans ce projet de loi.

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: D'abord, je pense qu'on peut rester calme...

M. Chevrette: Je suis très calme.

M. Gratton: Oui. Cela paraît! Mme la Présidente, je dis simplement qu'au moment où Mme la ministre fait son intervention sur le principe du projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie, au moment où elle annonce d'avance ses intentions, je voudrais savoir de la part de quiconque en quoi cela vient en contradiction avec l'article 239 qui dit: "Le débat porte exclusivement sur l'opportunité du projet de loi, sur sa valeur intrinsèque ou sur tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins."

Mme la Présidente, le leader de l'Opposition blâme la ministre de ne pas être transparente alors qu'elle lui indique d'avance ses intentions. Il faudrait presque inviter Mme la ministre à être moins transparente, à en dire le moins possible pour satisfaire l'Opposition. De toute façon, la question de droit parlementaire dont vous devez décider de déterminer si ce que dit Mme la ministre est pertinent ou non en vertu de l'article 239. Vous n'avez pas à décider si des amendements qu'elle pourrait même annoncer à ce moment-ci sont recevables ou non en vertu du règlement. Elle n'a pas déposé d'amendements. Elle n'a pas demandé à l'Assemblée nationale de se prononcer sur des amendements. Elle informe simplement l'Assemblée nationale de son intention de saisir la commission qui va éventuellement procéder à l'étude détaillée du projet de loi de son intention de déposer des amendements.

Si l'Opposition ne veut même pas être éclairée et informée dès maintenant, la ministre ne les informera pas, et, dès demain, ils pourront se plaindre que le gouvernement manque de transparence. Je vous invite à reconnaître Mme la ministre, à la laisser intervenir et quand viendra le montant opportun de juger de la recevabilité des intentions que nous annonce la ministre, en commission parlementaire, pas ici, il sera toujours temps de décider si le tout est conforme au règlement ou non.

La Vice-Présidente: Je vais rendre ma décision. Effectivement, on a l'article 239 de notre règlement qui édicte... Je pense que, pour l'intérêt de la Chambre, je vais le lire, cela va permettre de bien comprendre la décision à laquelle je vais en arriver. Il y est bien spécifié que "le débat porte exclusivement sur l'opportunité du projet de loi, sur sa valeur intrinsèque, ou sur tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins". À la lecture des notes explicatives du projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-

maladie, à la lecture desdites notes explicatives, on remarque et je lis que le projet de loi modifie la Loi sur l'assurance-maladie pour prévoir entre autres, les services de planification familiale...

M. Chevrette: ...pas "entres autres".

La Vice-Présidente: C'est moi qui l'ajoute, M. le député, pour prévoir, entre autres - il y a deux sujets, deux paragraphes, donc, deux sujets - entre autres, on prévoit dans le projet de loi, il est bien spécifié qu'on vise à modifier la Loi sur l'assurance-maladie pour prévoir les services de planification familiale et pour prévoir en outre que la régie, lorsqu'un médecin ou un dentiste devient un professionnel non participant, pour une période déterminée, émette une ordonnance afin d'aviser les médecins, les dentistes auxquels cela s'applique pour publier dans l'avis.

Il est bien sûr qu'il ne faut pas restreindre l'application, donner une interprétation stricte dudit article 239 parce qu'on va limiter le débat, et on n'est pas ici pour limiter les débats. On est au stade parlementaire. Il faut favoriser les débats. Je comprends qu'il faut s'en remettre à l'esprit de la loi. L'esprit de la loi, d'après moi, Mme la ministre, est très clair. Il vise à modifier deux choses que je viens d'énumérer. Je comprends que vous pouvez, à un moment donné, vous écarter pourvu que vous reveniez sur le sujet. Là-dessus, Mme la ministre, je vous demanderais de revenir sur le sujet qui fait l'objet de votre loi. Là-dessus, vous pouvez continuer.

Mme Lavoie-Roux: J'ai, je pense, déjà discuté des deux sujets que vous avez vous-même mentionnés. J'ai également voulu indiquer, par souci de transparence, d'ailleurs, transparence selon laquelle j'ai déjà fait part à la population que nous avions l'intention de modifier la Loi sur l'assurance-maladie...

M. Chevrette: Question de règlement.

La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Est-ce que vous ne pourriez pas constater immédiatement que la ministre semble contester votre décision? Vous avez bel et bien dit qu'il y avait deux choses qu'on devait traiter. Tout écart de ces deux objectifs, tout amendement qui ne serait pas relatif à ces deux objectifs viole le règlement et est tout à fait non avenu.

M. Gratton: Mme la Présidente-La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Sur la question de règlement. On parle de la Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. Est-ce que Mme la ministre est en train d'annoncer ou de parler de quelque chose qui ne modifie pas la Loi sur l'assurance-maladie? Je pense que cela saute aux yeux et, à partir du moment où on parle de la Loi sur l'assurance-maladie et des modifications qu'on veut y apporter, si on avait voulu dire que cela se limitait uniquement aux deux points touchés, on aurait appelé cela la Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie pour prévoir les questions de vasectomie, pour prévoir la désassurance et les avis qu'on doit donner. (21 h 50)

Mme la Présidente, il me semble que c'est tellement patent, que c'est tellement clair que le leader de l'Opposition doit jouer un jeu - j'allais dire que je ne comprends pas, je le comprends - il voudrait empêcher Mme la ministre d'informer valablement les membres de l'Assemblée de ses intentions. C'est tout ce qu'elle fait, Mme la Présidente, et il me semble que vous devez la laisser continuer dans le respect du règlement.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: La loi qui a été déposée a des notes explicatives que vous avez bien lues à l'exception des mots "entre autres". C'était clair, c'était net. Cela vise deux objets, deux principes et s'il faut les lire, on va les lire. Il n'est pas question de ne pas vouloir renseigner la population, vous les avez lus vous-même, Mme la Présidente. Accepter que Mme la ministre aille en dehors de ces deux principes, c'est accepter des modifications au principe même du projet de loi.

Mme la Présidente, quand l'Opposition reçoit un projet de loi, elle se prépare en fonction des objectifs qui sont prescrits dans le projet de loi, en fonction des principes qui y sont écrits. Mme la ministre arrive avec de nouvelles choses. Elle veut parler des soins dentaires, ce soir, ce n'est pas ça ce soir, ce n'est pas cela les soins dentaires, ce n'est pas compris dans le projet de loi. Vous irez demander à Mme Lise Payette, l'ex-ministre, ce qu'elle a fait avec ses assurances, lorsqu'elle a présenté la possibilité d'introduire un mécanisme. C'était relatif à l'assurance, plus que relatif à l'assurance, c'était la possibilité d'implanter une compagnie d'assurances pour les dégâts matériels. Ce n'était pas compris dans les principes de la loi, cela a été carrément refusé.

La ministre est en train de dire ce soir: J'aurais pu écrire; Amendements à la Loi sur l'assurance-maladie. À ce compte-là, elle n'avait pas besoin d'inscrire aucune note

explicative si elle n'avait pas voulu parler de vasectomie d'une façon plus particulière ou autre chose. L'assurance-maladie lui offrait tous les volets de l'assurance-maladie, Mme la Présidente. Voyons! Est-ce qu'on veut parler de la vasectomie ou si on veut parler - je ne sais pas moi - de la mammographie, du diabète? on veut parler de quoi, des plans assurés? Cela n'a aucun bon sens, c'est faire fi du Parlement que d'agir de la sorte.

Si la présidence de l'Assemblée nationale ne cherche pas à restreindre le débat sur les principes mêmes d'un projet de loi, je donne ma langue au chat. Qu'est-ce que cela nous donne comme Opposition de se préparer à répondre à des principes de loi si la ministre ou un ministre en cause arrive et change tous les principes, ajoute des principes, diminue des principes, modifie des principes ou la portée des principes? Cela n'a aucun bon sens. Je pense, Mme la Présidente, que vous devez statuer d'une façon claire, nette et limpide, sinon le Parlement quand il étudie un principe de loi pourrait être "bulldozé" à tout moment, transporté comme à la va comme je te pousse, aucun respect pour les préparations que l'Opposition fait en fonction d'un projet de loi. Je pense que vous devez, Mme la Présidente, exiger qu'on s'en tienne aux notes explicatives et aux deux principes. Vous avez rendu une décision et il vous faut purement et simplement à ce stade-ci, la faire respecter.

M. Gratton: Mme la Présidente, question de règlement.

La Vice-Présidente: Je pense que j'ai donné aux deux partis la chance de se faire entendre. J'ai donné l'opportunité aux deux partis de se faire entendre par l'intermédiaire de votre leader, M. le député de Gouin. J'ai entendu les deux partis de part et d'autre et je pense que je suis prête a rendre une décision. 11 est bien entendu que je ne peux tout de même pas revenir sur la décision que j'ai rendue. Je vais maintenir ma décision. C'est sûr, comme je l'ai dit tantôt, qu'on ne peut pas passer au peigne fin, ce qui est pertinent ou pas. Je vais permettre à un certain moment, mais il faut naturellement revenir sur le sujet et je demanderais à la ministre de la Santé et des Services sociaux de bien vouloir revenir sur le projet de loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie qui regroupe deux sujets. Mme la ministre, là-dessus, je vous redonne la parole.

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, je pense que je dois avoir au moins la possibilité de situer le projet de loi que je présente. Dans le projet de loi que je présente, Mme la Présidente, il s'agit de modifications qui sont apportées à la Loi sur l'assurance-maladie. Si cela avait été un projet de loi sur la vasectomie, cela aurait été un projet de loi sur la vasectomie. Si cela avait été un projet de loi sur les pénalités pour les médecins, cela aurait été un projet de loi sur la désassurance des médecins dans le cas qui nous occupe.

Le projet de loi dont je parle ou dont je traite ce soir, Mme la Présidente, est un projet de loi qui apporte certaines modifications à la loi actuelle de la Régie de l'assurance-maladie. Mme la Présidente, s'ils ne veulent pas m'entendre, cela les regarde. J'avais d'ailleurs déjà annoncé, lors d'une conférence de presse, que j'apporterais une modification supplémentaire aux deux premières modifications qui sont ici touchant la fréquence à laquelle certains services dentaires peuvent demeurer assurés.

La Vice-Présidente: Je m'excuse, j'ai une question de règlement. Question de règlement, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Oui, Mme la Présidente, toujours en vertu de l'article 239 quant à la pertinence, je voudrais rappeler que nous discutons ici d'un projet de loi qui n'est pas un projet de loi qui serait une refonte de la Loi sur l'assurance-maladie au Québec. L'argumentation du député de Gatineau, leader du gouvernement, et de Mme la ministre serait juste si le titre du projet de loi était projet de loi 74, Loi sur l'assurance-maladie. Toutes les questions concernant la Loi sur l'assurance-maladie seraient pleinement pertinentes et pourraient être abordées ici même dans le discours.

Le projet de loi dont nous discutons ici, Mme la Présidente, s'appelle non pas Loi sur l'assurance-maladie, mais Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. C'est cela le titre du projet de loi et ce qu'il modifie, ce sont deux choses: d'une part, la question de la vasectomie; deuxièmement, l'application de la règle de non-participation par rapport à la clause de l'avis de 60 jours prévue dans le projet de loi 75.

Si on avait voulu faire une loi dans laquelle on aurait pu aborder toutes les questions relevant de la Loi sur l'assurance-maladie, Mme la Présidente, je vous souligne respectueusement que le titre de la loi serait projet de loi 74, Loi sur l'assurance-maladie. Toutes les questions reliées à l'assurance-maladie seraient alors pleinement pertinentes et nous n'interviendrions pas dans le débat sur la pertinence.

Le projet de loi n'a pas pour titre Loi sur l'assurance-maladie, il a pour titre: Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et les deux modifications ce sont la question reliée à la vasactomie et la question reliée à la non-participation des médecins qui ne respecteront pas un délai de préavis de 60 jours.

Mme la Présidente, je vous souligne respectueusement que si la ministre veut nous informer d'autres questions, il y aura d'autres lieux, d'autres articles de notre règlement qui lui permettront de nous en informer en étant pertinente. Par exemple, déclaration ministérielle ou toute autre façon de nous informer de certaines choses.

Mme la Présidente, je vous demande de rappeler à l'ordre la ministre qui conteste, pour une deuxième fois, la décision que vous avez rendue.

La Vice-Présidente: Une question de règlement, M. le député de Laurier.

M. Sirros: Mme la Présidente, j'aimerais savoir si j'ai bien compris votre décision. Votre décision, si j'ai bien entendu et bien compris, était que la ministre pouvait parler sur la Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie en autant qu'elle revenait, durant son discours, plus précisément sur les deux points.

Je pense que durant le discours de la ministre, elle a, pendant un bon bout de temps, parlé des deux points précis qui étaient déjà mentionnés dans les notes explicatives. Elle a parlé des intentions qu'elle avait quant à une autre modification qu'elle avait l'intention de présenter en commission parlementaire, encore une fois, relativement à la Loi sur l'assurance-maladie et elle est revenue quand même, comme vous lui avez demandé de le faire, sur les questions précises mentionnées dans les notes explicatives. Dans ce sens, je pense qu'il est tout à fait pertinent d'annoncer ses intentions quant à des modifications éventuelles à la Loi sur l'assurance-maladie. Dans ce sens, elle est très pertinente. (22 heures)

La Vice-Présidente: Là-dessus, je vais répéter pour une troisième fois ma décision. J'ai dit qu'il ne fallait pas interpréter l'article 239 d'une façon restrictive, d'une façon limitative. Je permets, comme j'ai permis à certains membres de cette Assemblée, à un moment donné, de bifurquer de la loi, mais il est bien entendu, par contre, qu'il ne faut pas bifurquer d'une façon telle qu'on s'écarte du sujet. Le sujet présentement, c'est la Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. Ce projet de loi, selon les notes explicatives que j'ai lues, vise deux sujets: les services de planification familiale et la désassurance des médecins et dentistes.

Mme la ministre, pour le décorum et le bon déroulement de cette Assemblée, je vous demanderais de revenir sur le sujet.

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, j'espère que je ne nuis pas au décorum de l'Assemblée nationale, tel que vous semblez l'indiquer. Je voudrais vous demander deux directives. Est-ce qu'il est possible, d'une part, de faire connaître une intention quant à un amendement qu'on aurait l'intention de proposer en commission parlementaire au moment de l'étude article par article. J'ai vu des amendements à multiples reprises, j'en ai même annoncé, au moment de l'étude du projet de loi 75, qui venaient restreindre la portée de la loi. Je les ai annoncés ici et j'étais très heureuse de le faire parce que je pense que l'Opposition, dans la mesure du possible, doit être informée des intentions de celui qui parraine la loi. C'est une directive que je veux vous demander.

Je vais vous demander une deuxième directive. Quel sens donnez-vous au mot "restrictif"? Vous avez dit: II ne faut quand même pas donner un sens restrictif à l'article 239. Je ne sais pas si j'ai eu la chance de dire quatre mots, je n'ai même pas fait une phrase complète sur un autre sujet, et je suis un peu embêtée d'interpréter le sens que vous donnez au mot "restrictif" dans le débat.

M. Chevrette: Question de règlement.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: J'ajouterai une demande de directive, ce qui va vous permettre de répondre d'un seul trait. Quand une ministre se lève pour demander s'il est possible d'élargir le débat sur l'adoption du principe, elle a même le droit - je consens sans vous mettre dans le bain, Mme la Présidente -d'annoncer tout amendement qu'elle aurait l'intention de présenter sur la vasectomie et sur la désassurance des dentistes et des médecins. Nous sommes d'accord et nous allons rester cloués à notre siège et nous allons l'écouter religieusement, mais on ne se laissera pas imposer un nouveau principe dans ce projet de loi.

Des voix: Voilà! C'est cela! Bravo!

La Vice-Présidente: Si vous me permettez, afin de répondre aux questions qui m'ont été posées, je vais suspendre quelques minutes.

Une voix: Parfait! (Suspension de la séance à 22 h 3)

(Reprise à 23 h 1)

La Vice-Présidente: Que chacun regagne son siège. Je vais maintenant rendre ma décision concernant les questions de règlement qui ont été soulevées antérieurement.

Il a toujours été de tradition en cette

Chambre de permettre au ministre, au stade du débat sur le principe d'un projet de loi, d'annoncer son intention d'apporter ultérieurement en commission des amendements à un projet de loi. Ce fait découle d'un principe plus vaste selon lequel la pertinence d'un intervenant lors de l'étude du principe d'un projet de loi doit être appréciée d'une façon ni trop étroite ni trop restrictive.

Dans ce cadre, le fait pour un ministre d'annoncer son intention de proposer des amendements en commission rend ses propos pertinents, à condition toutefois que ses propos ne portent qu'accessoirement sur ses projets d'amendements, puisque l'étude détaillée et, conséquemment, l'étude des amendements doivent se faire en commission. C'est également en commission que sera appréciée la recevabilité desdits amendements, conformément aux dispositions des articles 197 et 244.

Dès lors, il n'appartient pas à la présidence de la Chambre de se prononcer prématurément sur la recevabilité d'amendements à venir, ce qui est une question différente de la pertinence du débat soulevé à ce stade-ci.

C'est donc en ce sens que j'interprète l'article 239 et, de ce fait, je vais céder la parole à la ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Chevrette: Mme la Présidente, question de directive.

La Vice-Présidente: Question de directive, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. Je vais vous poser la question carrément.

Une voix: C'est arrangé avec le gars des vues.

M. Chevrette: Dans quelques minutes, je serai appelé à faire un discours en deuxième lecture sur les principes de la loi 74 que vous avez devant vous. J'aimerais savoir si je pourrai parler du coût des soins pour les gens qui ont des varices, des gens qui ont le diabète, le coût des soins dentaires pour les handicapés. Est-ce que je pourrai parler également de ceux qui ont des malformations congénitales-Une voix: La tarification des médecins.

M. Chevrette: ...qui sont touchés par la Loi sur l'assurance-maladie? J'aimerais le savoir avant de faire mon discours qui était tout préparé en fonction de la vasectomie et de la désassurance. Il faudrait que vous me donniez le temps de suspendre les travaux de cette Chambre pour aller nous préparer en fonction d'éventuels amendements qu'on pourrait avoir à toute heure du jour. M. Gratton: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Si cela peut être utile au leader de l'Opposition, je lui rappellerai l'entente qu'on a prise ensemble qu'effectivement, immédiatement après l'intervention de la ministre de la Santé et des Services sociaux et une première intervention du député de Gouin, nous allons suspendre pour retourner au projet de loi 58. Alors, effectivement, le leader de l'Opposition aura tout le temps voulu pour modifier son discours.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Chevrette: Mme la Présidente, je trouve cela fort habile. Mais je voudrais vous demander maintenant de m'expliquer comment je dois interpréter vos deux premières décisions par rapport à celle-ci.

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je trouve que les questions ou les pseudoquestions que vous pose le leader de l'Opposition frisent le non-respect de l'article 41 qui dit que le président se prononce sur les rappels au règlement au moment où il le juge opportun en indiquant le motif de sa décision. Il peut aussi choisir de soumettre la question à l'Assemblée. La décision du président de l'Assemblée ne peut être discutée. Mme la Présidente, ce n'est pas parce qu'on dit "je vous demande une directive" qu'on peut permettre de faire indirectement ce que le règlement interdit de faire directement.

La Vice-Présidente: Bon.

M. Chevrette: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: S'il vous plaît! L'article 41 dit précisément ceci et je vous le cite: "Le président se prononce sur les rappels au règlement au moment où il le juge opportun, en indiquant le motif de sa décision". J'aimerais connaître les motifs qui vous ont poussée à changer les deux premières décisions que vous avez rendues.

La Vice-Présidente: Là-dessus, je suis prête à rendre ma décision ou mes décisions, parce que vous avez soulevé plusieurs points de droit, M. le leader de l'Opposition. Sur la

première question que vous avez soulevée, à savoir si vous deviez changer votre intervention, là-dessus, je vous répondrai que pour moi, c'est une question hypothétique à ce stade-ci et je n'ai pas à me prononcer immédiatement.

Pour ce qui est de votre deuxième question, à savoir si...

M. Chevrette: Vos motifs.

La Vice-Présidente: ...mes motifs sont distincts d'une décision à l'autre, je vous ferai savoir qu'ils sont identiques parce que j'ai donné une interprétation ni trop large ni trop restrictive à l'article 239. Là-dessus, je reconnais la ministre.

M. Chevrette: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Je veux bien ne pas contester votre décision, mais je dois être en droit de connaître les motifs qui vous ont amenée à dire, dans un premier temps, que la ministre devait faire de légers écarts mais revenir aux deux sujets principaux. Vous venez de donner une version qui lui permet d'arriver à quarante écarts. Je veux bien suivre le raisonnement, mais pour que je puisse le comprendre, il faudrait que vous m'expliquiez ce qui vous a amenée à avoir ce grand écart.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition, si vous me le permettez, je vais relire la décision et vous allez comprendre que mes deux décisions se tiennent et vont dans le même sens. J'ai dit, dans ma décision - elle est écrite, cette fois-ci -"que tous ces propos ne doivent qu'accessoirement... "À condition toutefois que ces propos ne portent qu'accessoirement sur ces projets d'amendements." Je pense que c'est assez clair.

M. Chevrette: Mme la Présidente, est-ce qu'il m'est permis de proposer à ce stade-ci, dans ce cas, étant donné qu'il y a de nouveaux principes dans la loi, une scission du projet de loi?

M. Gratton: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Le leader de l'Opposition le sait fort bien, pour pouvoir proposer une motion de scission du projet de loi, il faudrait qu'un député ait la parole et au moment où on se parle, le député qui a la parole, c'est Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Effectivement, quand quelqu'un de l'autre côté se décidera à enfin parler du fond du projet de loi, quand ce sera à son tour, vous pourrez juger de la possibilité d'une motion de scission. Il me semble, Mme la Présidente, qu'au moment où le leader de l'Opposition vous demande de vous prononcer, c'est une question purement hypothétique puisqu'il n'a même pas le droit de parole à ce moment-ci.

La Vice-Présidente: Cela va, M. le leader de l'Opposition? Là-dessus je veux dire que si vous jugez opportun, à un moment donné, de présenter une motion de scission, vous la ferez et on jugera en temps utile si elle est recevable ou non.

M. Chevrette: Mme la Présidente, j'ai une dernière question à vous adresser.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: C'est une demande de directive. Est-ce qu'on doit interpréter qu'à compter de cet instant Mme la ministre peut annoncer quatre amendements de principe si elle le veut au projet de loi?

Une voix: 50 au moins.

La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le leader de l'Opposition, je vais répéter ce que je dois dire: La ministre, à condition que ses propos ne portent qu'accessoirement sur ces projets d'amendements. Il me semble que les mots sont mûrement réfléchis "qu'accessoirement", M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je vais devoir vous redemander une directive...

M. Gratton: Mme la Présidente, il avait promis que ce serait sa dernière question.

M. Chevrette: Je ne voudrais pas vous faire...

M. Gratton: II ne respecte pas ses promesses.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Une voix: Comme vous autres.

La Vice-Présidente: Je vais vous rappeler à l'ordre et je vais vous reconnaître. Bon. À l'ordre!

M. Chevrette: Quand je vous parle du règlement...

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...je ne voudrais pas dire

que j'ai poigné la maladie des libéraux, Mme la Présidente, de ne pas respecter mes engagements. Je les tiens parce que vous venez de dire "qu'accessoirement". Donc, voulez-vous m'interpréter "accessoirement"? Cela veut donc dire, si je l'interprète, et cela a de l'importance, Mme la Présidente, dans la conduite du débat en deuxième lecture, que Mme la ministre peut, à l'occasion ou accessoirement, faire allusion à d'autre chose, j'en conviens, mais est-ce que la ministre peut annoncer en cette Chambre des amendements de principe? C'est là la question fondamentale et ça, vous n'y répondez pas. Ce n'est pas une hypothèse. Elle annonce un amendement de principe sur les soins dentaires. (23 h 10)

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je regrette, mais le leader de l'Opposition le sait. Je le vois dans son visage, Mme la Présidente.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Gratton: Je lis cela sur son visage. Il le sait qu'il fait...

Une voix: Pas d'interprétation.

M. Gratton: ...quelque chose présentement qui est interdit par le règlement.

Une voix: II interprète.

M. Gratton: Le deuxième alinéa de l'article 41 du règlement dit bien: "La décision du président ou de l'Assemblée ne peut être discutée."

Une voix: C'est cela.

M. Gratton: Et cela fait un bon quinze minutes que le leader de l'Opposition discute de votre décision, Mme la Présidente. Je ne voudrais pas vous rappeler les articles suivants qui vous permettraient peut-être de demander au leader de l'Opposition, de façon très ferme, de respecter le règlement.

M. Chevrette: M. le Président. La Vice-Présidente: Madame.

M. Chevrette: Mme la Présidente. D'abord, le leader du gouvernement n'a pas à me prêter d'intention.

Une voix: Première demande.

M- Chevrette: Premièrement, c'est une question de règlement. Deuxièmement, Mme la Présidente...

Des voix: On ne vous en prêtera pas, vous ne les remettrez pas:

M. Chevrette: Deuxièmement, je veux bien respecter votre décision, mais je veux bien la comprendre.

Une voix: C'est cela.

M. Chevrette: Et pour la comprendre, je dois au moins savoir ce que veut dire dans votre tête le mot "accessoire". Est-ce que c'est s'en servir dans le cadre des discussions sans avoir aucun effet quant aux modifications de principe sur le fond? Si on ne sait pas cela, on ne peut pas continuer le débat. C'est clair.

Une voix: C'est vrai.

La Vice-Présidente: Si vous me le permettez, je pense qu'en reprenant la décision que j'ai rendue tantôt, on va peut-être se comprendre un peu plus facilement. J'ai bien dit que la ministre, si elle a des amendements, pouvait le faire dans son discours, mais d'une façon accessoire, accessoirement, c'est-à-dire que son discours ne doit pas porter exclusivement sur ces amendements, mais elle peut, au cours de son discours, présenter des amendements. Mais ce n'est pas à moi, à ce stade-ci, de juger de la pertinence ou non des amendements. Est-ce assez clair? Là-dessus, M. le leader de l'Opposition, je considère que ma décision est rendue. Je considère qu'on va sur des questions hypothétiques. Si vous jugez, à un moment donné, que la ministre dépasse le mot "accessoirement", vous aurez toujours l'opportunité de poser la question de règlement.

Une voix: Cela n'a pas d'importance.

La Vice-Présidente: Mme la ministre, s'il vous plaît, vous pouvez continuer.

Une voix: Mme la ministre ne le fera pas.

Une voix: Bon.

Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. Vos décisions ont éclairé la demande de directive que je vous avais adressée. Je voudrais d'abord vous rassurer, Mme la Présidente, que ce projet de loi porte strictement... le principe de ce projet de loi vise à assurer ou à désassurer certains services. C'est cela le principe du projet de loi. Ce n'est pas un projet de loi qui porte sur la vasectomie ou qui porte sur le préavis que les médecins doivent donner. C'est un

projet de loi qui, compte tenu de certaines dispositions, vise à assurer ou à désassurer certains services. Je voulais strictement, pour question de transparence vis-à-vis de l'Opposition, indiquer qu'il y aurait un amendement de proposé pour permettre qu'un service supplémentaire soit désassuré ou que son mode d'assurance soit modifié.

Alors, il faut toujours garder en tête, M. le Président, que c'est d'un principe d'assurance ou de désassurance dont il est question lorsque l'on parle de modifications à apporter à la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Mais, cela étant dit, M. le Président, j'avais déjà fait connaître mon intention publiquement d'apporter une modification supplémentaire à des services assurés mais, comme on ne veut pas que je m'étende là-dessus, au moins j'ai fait connaître à l'Assemblée nationale mon intention. J'ai déjà parlé suffisamment, je pense, de la nécessité d'apporter les deux corrections qui sont déjà dans le projet de loi et qui, d'une part, touchent l'assurance des services de planification familiale et, d'autre part, prévoient une désassurance ou un désengagement des médecins qui ne se seraient pas conformés à la directive, c'est-à-dire à la loi qui prévoit qu'ils donnent un préavis de 60 jours avant de quitter un établissement. Je pense que ces mesures ont pour objet de protéger la population et de corriger des injustices qui pourraient arriver.

Mais pour éviter tout autre débat inutile, M. le Président, je suis prête à proposer l'adoption du principe du projet de loi.

Le Vice-Président: Je cède la parole a M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort; Merci, M. le Président. Je commencerai mon intervention sur le projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie, en relevant les propos que la ministre a tenus en conclusion de son intervention. M. le Président, si la ministre avait maintenu tel quel son projet de loi 74, les Québécois et les Québécoises auraient pu profiter, avant le 21 juin, dans trois jours, d'une loi qui permettrait que les services de vasectomie soient payés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec sans aucun danger de recours judiciaire de la part d'un certain nombre d'intervenants pour contester le fait que ce soit payé. Ils pourraient le faire sans aucun danger de surfacturation de la part d'un certain nombre de professionnels de la santé qui pourraient utiliser un jugement récent qui a été rendu et surfacturer des Québécois et des Québécoises. Finalement, la ministre pourrait profiter de la disposition prévue à l'article 74 qui lui permet de rendre opérationnel le projet de loi 75 qu'elle a déposé et qui a déjà été étudié article par article à la commission parlementaire de l'Assemblée nationale.

Mais la décision que vient de prendre la ministre de la Santé et des Services sociaux d'ajouter un nouveau principe au projet de loi, est celui d'apporter un amendement lui permettant de couper le programme des soins dentaires des jeunes enfants du Québec, fera en sorte que l'Opposition ne donnera aucun consentement permettant au gouvernement de faire adopter un tel projet de loi. Puisque nous sommes rendus à mercredi, il faut informer la population du Québec que ce projet de loi ne pourra être adopté à moins de consentements formels et nombreux de l'Opposition et j'annonce immédiatement que nous ne donnerons aucun consentement à la ministre de la Santé et des Services sociaux pour lui permettre d'adopter une loi qui couperait les soins dentaires pour les jeunes enfanta du Québec. Ce faisant, la ministre de la Santé et des Services sociaux illustre une fois de plus son irresponsabilité totale en matière de santé des Québécois et des Québécoises parce que le projet de loi 74 qui a été déposé le 12 ou le 13 mai dernier est un projet de loi dont les Québécois et les Québécoises ont besoin, est un projet de loi dont le bien-fondé est reconnu par tous, y compris par l'Opposition, par le Parti québécois à l'Assemblée nationale du Québec. Dès hier, encore une fois, j'avais en commission parlementaire, en présence du président de la commission, de la ministre, de son adjoint parlementaire, des députés ministériels et des députés de l'Opposition membres de cette commission, indiqué à la ministre que, même si l'avancement des travaux de son projet de loi ne permettait pas de faire adopter la loi 74 sans consentement, nous étions prêts à donner tous les consentements requis pour permettre que cette loi soit adoptée, même si le gouvernement avait décidé de ne pas en faire une loi prioritaire pour les Québécois dans son plan de travaux parlementaires.

J'avais indiqué à la ministre que cette entente, cet accord, cette offre de collaboration de l'Opposition ne tenait que dans la mesure où elle maintenait le projet de loi 74 dans la forme qu'il avait au moment de son dépôt, c'est-à-dire sans aucune inclusion d'amendement visant à désassurer les soins dentaires des enfants du Québec. La ministre, sachant que l'Opposition bloquerait son projet de loi, advenant qu'elle dépose un amendement sur les soins dentaires...

Le Vice-Président: Excusez-moi, M. le député de Gouin. Question de règlement, M. le député de Laurier.

M. Sirros: Je voudrais simplement savoir, M. le Président, si, dans un discours de trois minutes, pendant deux minutes et demie à peu près on parle des dents, c'est de façon accessoire qu'on s'y réfère. (23 h 20)

Une voix: On fera ce qu'on veut.

Le Vice-Président: Un instant! M. le député de Laviolette, M. le député de Gouin, je vous dirai qu'il y a une personne qui fera respecter le règlement, d'accord? Je veux être clair dans cette chose.

M. Rochefort: Je n'ai rien dit.

Le Vice-Président: Je m'excuse. J'ai compris que cela venait de vous. Je m'excuse, je retire votre nom, mais j'ai clairement entendu un des députés à ma gauche, qui était le député de Laviolette, et un autre député. Là-dessus, au niveau de la discussion, de ce qui est admissible ou pas dans la discussion de principe du projet de loi, s'il y a une question de règlement, le président décidera. Je vous demande simplement, tel que le prescrit le règlement, de respecter la décision de la présidence. Dans ce sens, si vous revenez sur la question précise au niveau de la recevabilité ou non, c'est-à-dire de la pertinence ou pas du sujet à ce moment-ci, à mon point de vue le député de Gouin est dans la pertinence du sujet et je lui cède la parole. Question de règlement? Question de règlement.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai respecté la décision de la présidence quand on m'a demandé de ne pas parler de ce sujet, compte tenu qu'il devrait être apporté en commission parlementaire. On m'a dit que, si on devait en traiter, c'était d'une façon absolument accessoire. Je me suis conformée à la décision. Je pense qu'on doit pouvoir espérer la même chose de l'autre côté de la Chambre, M. le Président.

M. Gendron: Un instant, s'il vous plaît! Sur la question de règlement soulevée.

Le Vice-Président: D'accord, sur la question de règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Non, je ne soulève pas une question de règlement, je veux parler sur la question de règlement soulevée par...

Le Vice-Président: D'accord, sur la même question.

M. Gendron: D'accord, sur la même question de règlement, je veux vous dire bien simplement qu'en ce qui nous concerne je pense qu'il appartient à chacune des formations politiques de soulever une question de règlement sur la non-pertinence lorsqu'on prétend qu'un des parlementaires est non pertinent par rapport au principe du projet de loi. Vous venez d'indiquer qu'il appartient au président également de diriger les travaux. S'il prétend que les propos d'un parlementaire sont non pertinents, nous on peut vous dire que, lorsqu'il l'indiquera, on va essayer de se conformer à la décision ou on plaidera.

À ce moment-ci, à ce que je sache, mon collègue le député de Gouin n'a été en aucune façon interpellé par la présidence parce que ses propos avaient été non pertinents. Je pense que votre décision est sage de lui permettre de continuer à parler sur le principe du projet de loi. Si jamais, selon votre responsabilité, ses propos devenaient non pertinents, vous le signalerez et nous on plaidera si on n'est pas d'accord.

Le Vice-Président: Évidemment là-dessus, Mme la ministre, sur le point où je dis que le député de Gouin est pertinent au débat, il est évident que ce qui a été décidé tantôt c'est fort simple, c'est qu'au niveau de la recevabilité d'un amendement ce n'est pas ici en deuxième lecture, lors de la discussion sur l'adoption du principe, qu'on pourra décider si un amendement est recevable ou pas. Ce forum-là est le forum qui est prévu en commission parlementaire. Ce qui est permis par notre règlement, et la décision de la présidence a été en ce sens, c'est qu'un ministre peut, dans le cadre d'un projet de loi, annoncer certains amendements qu'il entend apporter même si ces amendements ne transpirent pas du texte vu dans le projet de loi. En tout cas, c'est de tradition et c'est ce qui s'est toujours passé dans cette Chambre. En ce sens, la décision de la présidence n'a absolument rien changé sur le sujet en cours actuellement. Si effectivement on voulait modifier cela, on modifiera le règlement en conséquence. Il y a moyen d'y arriver grâce aux comités qui s'occupent de ces décisions à l'Assemblée nationale.

Maintenant, si le député de Gouin faisait un discours en réplique, son temps de discours est d'une heure. Si je me rendais compte au bout de la moitié du temps ou après un certain temps de son discours qu'il parle exclusivement des amendements que vous avez proposés, à ce moment-là, je l'aviserai, de la même façon qu'accessoirement vous pouvez apporter certains amendements, qu'on peut faire certains commentaires accessoires également aux amendements proposés. De cette façon, il devra revenir au sujet en discussion sur le principe du projet de loi fondamental ou des articles qui sont là.

Il est évident qu'un projet de loi peut contenir plusieurs principes. C'est entendu, on l'a déjà vu dans plusieurs autres cas. Mais

le forum de la décision sur la recevabilité des amendements que Mme la ministre a proposés, ce sera fait en commission lors de l'étude détaillée. Dans ce sens-là, je vais céder la parole à nouveau au député de Gouin, qui peut faire certains commentaires au niveau des amendements que vous avez annoncés, mais à un moment de son discours - qui ne devra pas être trop lointain - il devra revenir fondamentalement au principe du projet de loi, aux articles qui sont actuellement intégrés dans le projet de loi puisqu'on ne peut juger d'avance, ici, que les amendements proposés seront inclus dans le projet de loi.

M. le député de Gouin, la parole est à vous.

M. Sirros: Question de directive.

Le Vice-Président: Question de directive, M. le député de Laurier.

M. Sirros: Pour bien comprendre et pour le bon déroulement des débats, j'aimerais simplement comprendre si votre intervention indique que les interventions qui portent sur l'allusion à l'amendement éventuel de la ministre doivent, comme la décision de tout à l'heure, demeurer accessoires à la discussion du principe du projet de loi. Il faut que cela demeure accessoire, si j'ai bien compris?

Le Vice-Président: Oui, c'est ce que la décision de la présidence mentionnait. Dans ce sens, je pense qu'on ne peut empêcher personne d'arriver au discours. Il reste quand même qu'en droit parlementaire il est reconnu que parfois dans un discours, quand quelqu'un fait une certaine digression et que cette digression n'a pas été corrigée, on peut répondre à la digression en question. Si vous lisez les auteurs, en ce sens, c'est clair et précis. Évidemment, en réponse à une telle digression, on ne pourrait pas permettre un discours d'une heure sur ce sujet. À ce moment-ci, il est très clair que l'amendement proposé, qui est une annonce, n'est jugé en aucune façon recevable ou non, ici, en cette Chambre. La décision sera prise en commission parlementaire, lors de l'étude détaillée, dans un autre forum. À ce moment-ci, on ne peut pas juger de ce sujet. C'est une question de pertinence. Selon l'interprétation qu'on a donnée, la pertinence peut toucher à un sujet élargi et je vais maintenir cette décision.

M. le député de Gouin, la parole est à vous.

M. Rochefort: Merci, M. le Président. J'espère bien que le temps de procédure que nous venons de prendre ne sera pas comptabilisé dans mon heure de droit de parole. Évidemment, j'ai l'intention de prendre mon heure.

M. le Président, je disais donc que...

Le Vice-Président: M. le député de Gouin, simplement pour mettre les choses au point immédiatement. Au sens de notre règlement, toute question de règlement, de directive ou de quoique ce soit est toujours imputée au temps du député qui parle. Donc, je vous cède la parole.

M. Rochefort: M. le Président, je prends bonne note de votre décision et j'espère que le député de Laurier prendra son temps de parole pour intervenir dans le débat plutôt que le mien, pour soulever des questions de règlement.

M. le Président, comme je le disais tantôt, la ministre fait preuve d'irresponsabilité, d'une irresponsabilité consciente dans ce dossier. La ministre, au moment où nous étudiions le projet de loi 75, a apporté un amendement au dernier article du projet de loi qui disait: Cette loi entre en vigueur le jour de sa sanction. La ministre a apporté un amendement disant: Cette loi entrera en vigueur au moment décrété par le Conseil des ministres. J'ai demandé à la ministre de la Santé et des Services sociaux: Pourquoi cet amendement? Elle me dit: C'est parce que j'ai entendu dire que le député de Gouin veut bloquer l'adoption du projet de loi 74 et, puisque le projet de loi 74 comprend une disposition qui permet d'opérationnaliser d'autres dispositions du projet de loi 75, je devrai attendre que le projet de loi 74 ait été adopté pour que je puisse appliquer le projet de loi 75. Donc, je devrai décaler dans le temps l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi 75.

J'ai dit, M. le Président...

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Gouin. Sur une question de règlement, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Je voulais vous demander une directive. Quand on est mal interprété ou qu'un parlementaire est lésé, est-ce à ce moment-là qu'on doit faire les corrections ou plus tard, M. le Président?

Le Vice-Président: Mme la ministre... M. Jolivet: ...

Le Vice-Président: Vous avez déjà joué ce rôle, M. le député de Laviolette, mais maintenant, c'est moi qui... D'accord?

M. Perron: C'est vous qui...

Le Vice-Président: D'accord, M. le député de Duplessis. Dans ce sens, je vais vous rappeler à l'ordre.

Mme la ministre, si vous voulez rectifier des propos que vous avez tenus dans un discours précédent, les corriger, c'est à la fin du discours du député de Gouin, en vertu de l'article 212.

M. Gendron: M. le Président, je suis obligé de vous poser une question de directive. À partir du moment où vous venez d'interpréter que toutes les interférences, les interpellations inutiles, les questions de directive sont prises sur le temps de parole de mon collègue, on va avoir un problème. Il est manifeste que ces gens n'ont pas l'intention d'entendre mon collègue s'exprimer, comme il en a droit en vertu du règlement et conformément à la décision que vous avez prise tantôt.

En conséquence, si notre collègue ne peut pas avoir le temps requis pour s'exprimer, on devra prendre, nous aussi, des dispositions pour vous demander de faire appliquer le règlement. Le règlement dit que le député de l'Opposition a un droit de parole d'une heure. Si on ne lui donne un droit de parole que de quinze minutes, en multipliant les questions de règlement qui n'en sont pas suivant votre jugement, les directives que vous savez carrément inopportunes à ce moment-ci, on va devoir vous poser une autre question.

Le Vice-Président: D'accord. J'ai répondu brièvement à une question très brève de Mme la ministre. Je cède la parole au député de Gouin. Je demande la collaboration de tout le monde pour respecter le sens et l'esprit de notre règlement.

M. Rochefort: M. le Président, je vous réitère mon entière collaboration pour respecter les fonctions que nous vous avons confiées à l'unanimité de cette Chambre. (23 h 30)

Je disais qu'au moment de l'étude du projet de loi 75, à l'article 11, la ministre nous a dit: Je dois décaler l'entrée en vigueur du projet de loi 75 parce que l'Opposition m'a indiqué qu'elle n'acceptera pas d'adopter le projet de loi 74 et que j'ai besoin du projet de loi 74 pour appliquer le projet de loi 75. C'est là que j'ai dit à la ministre, et c'est consigné au Journal des débats de notre commission d'hier en fin de journée, que, si elle maintenait le projet de loi 74 dans le cadre des deux principes contenus dans le projet de loi tel qu'il a été déposé au mois de mai dernier, nous étions prêts à donner notre pleine et entière collaboration et tous les consentements requis pour lui permettre de faire adopter son projet de loi 74.

Donc, l'irresponsabilité de la ministre non seulement par son geste, par sa décision d'inclure la coupure au programme de soins dentaires pour les enfants du Québec au projet de loi 74, vient-elle bloquer et empêcher l'adoption des deux principes du projet de loi 74, soit celui de permettre que les services de vasectomie soient payés par la RAMQ dans un cadre où aucun professionnel de la santé ne pourra surfacturer les bénéficiaires de ce service; non seulement la ministre empêche-t-elle l'adoption des dispositions de l'article 6 qui lui aurait permis de donner effet au projet de loi 74 auquel elle tient tant, mais, en plus, son irresponsabilité la pousse à empêcher les Québécois et les Québécoises de profiter du projet de loi 75, qu'elle vient nous présenter ici dans un grand discours en nous disant: J'ai besoin de faire adopter le projet de loi 75 pour permettre aux Québécois vivant dans les régions éloignées d'avoir plus de médecins et pour nous permettre, disait-elle, de régler une fois pour toutes le problème de pénurie de médecins, notamment de médecins spécialistes, dans les régions éloignées du Québec.

M. le Président, la ministre, qui nous dit y tenir et qui nous dit que c'est un projet fondamental pour les Québécois et les Québécoises, qui nous dit que c'est un projet de loi absolument essentiel, maintenant, pour les Québécois et les Québécoises, pour leur permettre d'obtenir des services de santé conformes aux besoins qu'ils nous expriment, vient en même temps, par son geste qui illustre son irresponsabilité totale, reporter de quelques mois l'application, les effets concrets du projet de loi qu'elle nous a tant vanté pour des personnes qui vivent dans des régions éloignées.

Encore une fois, dans un dossier de santé et de services sociaux, nous assistons à l'irresponsabilité totale de la ministre de la Santé et des Services sociaux dans le cadre des dossiers qu'elle présente à l'Assemblée et qu'elle prétend être une nécessité pour le mieux-être des Québécois et des Québécoises. Par ses propres gestes, elle fait en sorte que ces projets de loi ne seront pas adoptés et ne seront pas en vigueur aux dates prévues et souhaitées par la ministre pour lui permettre d'apporter les solutions qu'elle semble avoir retenues pour faire face à des problèmes aussi importants que la répartition des médecins dans les régions du Québec.

M. le Président, nous voulons, par les interventions que nous ferons au cours de la soirée sur cette question, démasquer l'irresponsabilité totale de la députée de L'Acadie dans les responsabilités lourdes, importantes et pour lesquelles beaucoup de Québécoises et de Québécois sont en attente. Cette ministre traite ses dossiers de façon irresponsable. En fin de compte, ce n'est pas la ministre qui va en payer la facture, ce sont des Québécois et des Québécoises qui seront privés de services de santé et de services sociaux auxquels ils ont droit et pour lesquels ils ont donné un mandat plus

que clair à la ministre de la Santé et des Services sociaux et à sa formation politique, le 2 décembre dernier.

Après six mois, nous assistons, encore une fois, à une illustration d'incompétence et d'irresponsabilité en matière de santé et de services sociaux de la part de celle à qui le premier ministre a confié l'ultime responsabilité d'assurer des services de santé et des services sociaux de qualité et en quantité suffisante pour répondre aux besoins de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

M. le Président, le projet de loi 74, comme je l'ai dit, contrairement à ce que la ministre a dit, n'est pas une nouvelle Loi sur l'assurance-maladie au Québec. C'est un projet de loi qui modifie deux aspects de la présente Loi sur l'assurance-maladie du Québec. Ce projet de loi répond, premièrement, à un besoin très précis, très bien identifié de la part des Québécois et des Québécoises eu égard à la vasectomie. On sait, M. le Président, comme la ministre l'a expliqué, qu'à la suite d'un jugement rendu par un tribunal des Québécois se retrouvaient dans une situation où ils ne pouvaient profiter de l'appui financier de la RAMQ lorsqu'ils décidaient de subir une vasectomie. Par une telle situation, on se retrouvait comme société à faire porter totalement la pression des mesures de stérilisation sur les femmes du Québec et non pas sur un partage dans les couples entre femmes et hommes, selon le cas. En ce sens, nous souscrivons au projet de loi qui a été déposé pour permettre que non seulement les femmes aient droit à des services de stérilisation lorsqu'elles en ont besoin, mais que les hommes aussi puissent avoir ces services; non pas pour qu'un nombre plus grand de Québécois et de Québécoises soient stérilisés, bien au contraire, mais pour permettre que, dans les couples où une décision de cette nature se prend, on n'ait pas à mettre totalement la pression et la responsabilité de la stérilisation sur la femme, mais qu'on puisse avoir la possibilité de faire un choix et donc de décider si c'est l'homme ou la femme qui aura recours à des mesures de stérilisation. Je pense qu'il s'agit là d'un choix personnel que des hommes et des femmes peuvent faire et le projet de loi ne vient pas encourager la stérilisation.

Le projet de loi ne vient pas donner une ligne de conduite aux Québécois et aux Québécoises en matière de politique familiale ou de planification familiale, bien au contraire. Nous n'avons pas l'intention par ce projet de loi d'entrer dans ce débat qui est un débat important pour notre société, mais qui ne doit pas être fait à partir du projet de loi qui est présenté ici. Le seul but du projet de loi par rapport au dossier de la stérilisation et auquel nous souscrivons, c'est de permettre autant à un homme qu'à une femme d'avoir recours au soutien financier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec lorsqu'ils décident de se faire stériliser.

Cela dit, je dois indiquer immédiatement que le projet de loi tel que rédigé nécessitera, quant à nous, un amendement; Le projet de loi demande, au fond, à l'Assemblée nationale de donner un mandat au Conseil exécutif, au gouvernement qui lui permettra de déterminer par règlement les services de planification familiale qui doivent être considérés comme des services assurés aux fins du paragraphe d du premier alinéa de l'article 3. Nulle part il n'est dit dans le projet de loi quels seront les services qui seront couverts par ce règlement du Conseil exécutif. En ce sens, comme parlementaires, comme législateurs, comme détenteurs d'un mandat démocratiquement obtenu de la population, nous refusons de donner un pouvoir aussi large, aussi imprécis, de donner un pouvoir de la nature d'un chèque en blanc au gouvernement sur ces questions.

Si l'objectif visé par la ministre - là-dessus, je prends sa parole - c'est de couvrir des services de vasectomie, pourquoi ne pas prévoir dans le projet de loi que les services de pose de stérilet, de stérilisation chez les femmes, comme chez les hommes, par ligatures de trompes et vasectomies seront reconnus comme des services assurés par la Régie de l'assurance-maladie de façon que les législateurs prennent les décisions pour lesquelles ils ont été élus, mais aussi deuxièmement, avouons-le, disons-le nous franchement, pour bien nous assurer que, dans trois mois, un an, deux ans ou quatre ans, nous n'apprendrons pas que le gouvernement a adopté un nouveau règlement qui prévoirait, par exemple, que les ligatures de trompes ne sont plus assurées par la Régie de l'assurance-maladie ou que les vasectomies ne sont plus assurées par la Régie de l'assurance-maladie, ou les deux? Nous ne voulons pas nous retrouver en présence d'une boîte à surprise où, par simple décret du Conseil des ministres, un jour, des décisions seront prises qui iraient à l'encontre des objectifs visés par la ministre et auxquels l'Opposition, le Parti québécois souscrit. (23 h 40)

J'indique immédiatement que nous apporterons un amendement en commission parlementaire pour permettre de préciser dans la loi la nature des services qui devront être assurés par la Régie de l'assurance-maladie dans le cadre des services de planification familiale pour éviter qu'on ne se retrouve dans des situations comme celle que je viens de décrire.

M. le Président, j'indique aussi que la ministre devra sûrement entreprendre des consultations avec son homologue fédéral, le ministre de la Santé, M. Jake Epp, pour voir

comment ce projet de loi sera appliqué dans le cadre de la loi fédérale C-3 quant à la notion des services médicalement requis au sens de la loi canadienne d'assurance-maladie.

On sait que ce n'est pas clair pour tout le monde. Même ici, à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on voit le débat que cette question a soulevé au cours des derniers mois. Nous devrons avoir l'assurance, M. le Président, que ces services médicalement requis seront intégrés, seront couverts par la loi nationale de l'assurance-maladie pour faire en sorte que, là comme ailleurs, ces frais soient à coûts partagés entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada puisque nous participons largement à l'assiette fiscale fédérale. Donc ces services, comme d'autres, devront être à coûts partagés.

D'autre part, M. le Président, comme j'ai eu l'occasion de le dire, le projet de loi apporte une corrélation quant à l'application d'une disposition prévue au projet de loi 75. Le projet de loi 75 prévoit en cette matière, à cet égard, que le médecin qui aura un poste dans un plan d'effectifs médicaux d'établissement ou de conseil régional devra, lorsqu'il souhaitera quitter cet établissement, donner un préavis de 60 jours pour faire en sorte que la population desservie par ce médecin profite des services de celui-ci pendant que l'établissement recrute un nouveau médecin pour dispenser après son départ les mêmes services, en termes de qualité et de quantité, à la population.

Nous avons dit, M. le Président, que nous appuyons ce projet, que nous considérons qu'il s'agit d'un outil utile, d'un outil nécessaire à la gestion des effectifs médicaux et à la stabilité des effectifs médicaux dans l'ensemble des centres hospitaliers, des centres locaux de services communautaires, des centres d'accueil du Québec et, aussi, dans l'ensemble des régions du Québec.

Sauf que la ministre a refusé, dans son projet de loi 75, un amendement présenté par l'Opposition et réclamé par tous les intervenants, permettant aux médecins qui seront sous le joug des sanctions sévères qui sont prévues au projet de loi 75 et qu'on retrouve aussi au projet de loi 74 d'aller en appel de cette décision. J'explique la situation, M. le Président. Le médecin qui quittera avant d'avoir donné son préavis de 60 jours se verra retirer son droit de participation au Régime d'assurance-maladie du Québec pour deux fois le nombre de jours où il n'aura pas respecté le délai de soixante jours de préavis.

Il faut savoir que, dans notre système de santé, un médecin qui se voit déclaré non participant à la Régie de l'assurance-maladie du Québec ne peut continuer de pratiquer la médecine puisque à peine 30 ou 40 médecins à travers le Québec, actuellement, et dans des domaines très spécialisés, très particuliers, pratiquent la médecine sans être participants au Régime d'assurance-maladie du Québec. Cela fait en sorte que ces médecins - pour être concret, clair - ne pourront recevoir des clients qui donneront la carte d'assurance-maladie qui, en passant dans le petit appareil du médecin, fait en sorte que les services dispensés par le médecin en question seront payés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. M. le Président, c'est voir combien la sanction est sévère, c'est voir combien la sanction est lourde de conséquences pour le professionnel de la santé qui n'aurait pas respecté le préavis de 60 jours pour quitter un plan d'effectifs.

Cela dit, M. le Président, nous avons dit: Oui, nous sommes d'accord avec cette disposition du projet de loi parce qu'effectivement il faut que les médecins puissent respecter une stabilité dans les plans d'effectifs de façon que la population ait la possibilité de bénéficier de façon régulière et constante des services de santé auxquels elle a droit et pour lesquels elle a des besoins bien identifiés.

Cela dit, M. le Président, si nous souscrivons au mécanisme du préavis de 60 jours, si nous souscrivons à la sanction, nous demandons à la ministre qu'un droit d'appel soit reconnu dans la loi aux médecins de façon à leur permettre, comme à n'importe quel autre citoyen, dans n'importe quelle autre situation, d'aller en appel sur une décision qui les concerne personnellement.

La ministre a refusé l'amendement que nous avions déposé et - je le répète - qui a été demandé par l'ensemble des intervenants concernés, pour permettre qu'un droit d'appel soit prévu pour l'ensemble des professionnels de la santé qui seront concernés par ces sanctions. Pour permettre à la loi de s'appliquer dans sa totalité, avec ce droit d'appel, nous avions même prévu dans notre amendement que la décision de désassu-rance ou de non-participation au Régime d'assurance-maladie du Québec soit maintenue, soit en vigueur tant et aussi longtemps que l'appel n'aurait pas été entendu par la Commission des affaires sociales, de façon à permettre à la ministre de faire appliquer correctement...

Le Vice-Président: M. le député de Gouin, un instant. Sur une question de règlement, M. le député de Laurier.

M. Sirros: M. le Président, le député fait référence au projet de loi 75 qui a déjà été adopté en principe. À mon avis, ce n'est pas pertinent au débat sur le projet de loi 74.

Le Vice-Président: M. le député de

Laurier, ce que je peux constater ici dans la discussion de ce projet de loi, c'est que, suivant les dispositions du projet de loi 75, cela a un effet sur le projet de loi 74. Je dois donc considérer que le sujet est pertinent. M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, je vous remercie. Je reconnais encore une fois votre sagesse et je reconnais encore une fois que le député de Laurier brille par ses interventions de fond dans cette Assemblée.

M. le Président, comme je le disais, l'amendement que nous avions apporté aurait permis pleinement, à cet outil du préavis de 60 jours de s'appliquer dans sa totalité avec toutes les garanties recherchées par la ministre et auxquelles nous souscrivons. Mais aussi il aurait permis de reconnaître les droits de ces individus de se faire entendre lorsqu'une décision vient les affecter dans leurs droits et dans leurs privilèges dans notre société.

Ce parti, ce gouvernement libéral qui s'est toujours pourfendu discours par-dessus discours quant à la protection des droits et libertés des personnes, quant au fait qu'il fallait reconnaître dans nos chartes et dans nos lois et respecter ces droits et libertés des personnes, est venu refuser en commission parlementaire ce droit d'appel. Nous voterons contre l'article 6, parce que la ministre refuse ce droit d'appel dans le projet de loi 75. Nous souscrivions au mécanisme des 60 jours - je le répète - nous souscrivions, même si nous la jugeons sévère, à la sanction qui est prévue. Compte tenu qu'il n'y aura pas de droit d'appel qui aurait quand même permis d'appliquer dans sa totalité et en tout temps le projet de loi 75, nous ne souscrirons pas à la mise en vigueur demandée à l'article 6 du projet de loi 74 de ce mécanisme qu'on retrouve dans le projet de loi 75.

Oui, il faut prendre les mesures qui permettent aux citoyens du Québec de bénéficier de services de santé de qualité en quantité suffisante et de façon constante. Mais, en même temps, il y a moyen de faire cela en respectant les droits des citoyens. Les médecins du Québec sont aussi des citoyens qui ont des droits comme les autres citoyens du Québec. Par l'attitude de la ministre sur cette question, comme sur l'ensemble de la discussion entourant le contrôle de la pratique médicale au Québec, nous avons l'impression que la ministre est en train de tenter de faire une nouvelle classe de citoyens à part avec les professionnels de la santé que sont les médecins. Sur cela, nous avons répété plusieurs fois nos positions. Nous considérons que ce n'est pas en traitant les professionnels de la santé de la sorte que nous pourrons par la suite leur demander collaboration, confiance, participation à l'édification et au maintien d'un système de santé de qualité qui doit profiter à l'ensemble des Québécois et des Québécoises. (23 h 50)

Finalement, sur le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi 74, la ministre de la Santé et des Services sociaux nous a annoncé qu'elle avait l'intention d'apporter en commission parlementaire un amendement lui permettant d'appliquer sa coupure budgétaire au programme de soins dentaires pour les enfants du Québec. M. le Président, d'abord, il faut rappeler que, quand la ministre de la Santé et des Services sociaux a décidé d'appliquer au programme de soins dentaires la coupure budgétaire que lui demandait le président du Conseil du trésor dans les crédits budgétaires qu'il lui avait accordés, elle nous indiquait, du même souffle, du même coup, que la santé dentaire des enfants du Québec était au dernier rang de ses priorités en matière de santé pour les Québécois et les Québécoises.

M. le Président, la Régie de l'assurance-maladie administre de nombreux programmes. Elle administre un budget qui s'approche des 2 000 000 000 $. L'ensemble des sommes mises à la disposition du secteur de la santé et des services sociaux au Québec représente une somme de 8 000 000 000 $. Quand on décide d'appliquer une coupure budgétaire de l'ordre de 8 000 000 $ à 20 000 000 $ dans un secteur, c'est parce qu'on considère que c'est là la moins grande priorité, que ce secteur n'est pas une priorité pour le gouvernement.

Donc, la décision de la ministre de la Santé et des Services sociaux d'appliquer la coupure budgétaire prévue pour la Régie de l'assurance-maladie du Québec au programme de soins dentaires indique clairement que, pour la ministre de la Santé et des Services sociaux, la dernière de ses inquiétudes, la dernière de ses préoccupations, la dernière de ses priorités, c'est la santé dentaire des enfants du Québec.

Une voix: Un scandale!

M. Rochefort: M. le Président, non seulement vient-elle indiquer que c'est sa dernière priorité, mais, par l'insistance qu'elle a manifestée à maintenir cette coupure au programme de soins dentaires, la ministre, du même coup, en tant que grande responsable de tout le dossier de la santé et des services sociaux au Québec, vient donner une indication, vient donner un signe à l'ensemble des parents du Québec que, finalement, la santé dentaire des enfants ne doit pas être quelque chose de si prioritaire que cela.

Elle vient leur dire que non seulement dans le budget de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et dans le budget de la Santé et des Services sociaux au Québec, ce

n'est pas une priorité, c'est sa dernière priorité, mais elle vient presque dire aux gens: Écoutez, je ne vous incite pas tant que cela à vous occuper de la santé dentaire de vos enfants, parce que je ne suis même pas prête à faire ma part, comme ministre de la Santé et des Services sociaux, pour faire en sorte que la santé dentaire des enfants du Québec soit de qualité et soit bien encadrée par un programme qui donne des résultats.

Effectivement, M. le Président, c'est le cas. Les spécialistes du Québec, qui se sont penchés sur la question de la santé dentaire des enfants du Québec depuis quelques années, ont tous, sans aucune exception, reconnu que le programme qui avait été mis en place et qui existait depuis 1982, avait donné d'excellents résultats, nous avait permis de faire des rattrapages importants à comparer à la santé dentaire des enfants de l'Ontario, du reste du Canada et des États-Unis. Mais aussi tous reconnaissaient que ce programme devait être maintenu et, si possible, prolongé, parce qu'on avait encore des retards importants à rattraper en matière de santé dentaire et particulièrement chez nos enfants.

M. le Président, la ministre, par la décision qu'elle a prise de couper le programme des soins dentaires, vient anéantir, réduire, diminuer, remettre en question les nombreux efforts, les nombreuses ressources et toutes les énergies que les Québécois et les Québécoises, dans leur ensemble, ont consacrés à la santé dentaire des enfants du Québec au cours des dernières années et qui ont donné des résultats que tous les spécialistes ont reconnus et ont affirmés avec fierté.

La dernière étude est celle de l'Association des directeurs généraux des districts de santé communautaire du Québec qui est venue dire: Voilà un bon programme, voilà un programme qui a donné des résultats concrets, mesurables, positifs. Voilà un programme qui doit être maintenu. Je le répète, M. le Président: Non seulement les spécialistes de ces organismes recommandaient de maintenir le programme, mais ils recommandaient de le prolonger dans la mesure de nos disponibilités budgétaires.

La ministre non seulement va à l'encontre de ces études et de ces recommandations, mais elle coupe aveuglément dans le programme des soins dentaires pour les enfants du Québec. Comment, demain, après-demain ou dans les prochains mois, pourra-t-elle venir, comme ministre de la Santé et des Services sociaux, prêcher aux parents du Québec l'importance de la santé dentaire pour les enfants du Québec? Comment pourra-t-elle venir dire aux parents: Accordez donc plus d'importance à la santé dentaire des enfants du Québec, alors qu'elle n'est même pas prête à accorder les sommes qui étaient prévues dans son budget? Voilà une décision absolument irresponsable de la part de la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Il faut rappeler aussi que, dans le dossier des soins dentaires, la ministre n'en est pas à une irresponsabilité près. Elle avait même envisagé de décréter...

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Gouin. M. le député de Laurier, sur une question de règlement.

M. Sirros: M. le Président, j'aimerais simplement savoir si les références au programme de soins dentaires sont toujours accessoires, parce que c'est dans le moment une intention qui a été annoncée.

Le Vice-Président: Nous avons convenu, lors du débat antérieur lorsque Mme la ministre a proposé un amendement, que l'amendement au stade de la discussion du projet de loi ne se faisait que d'une façon accessoire, c'est-à-dire qu'on ne permettait pas à la ministre de parler pendant son intervention longuement sur l'amendement qui doit être apporté et qui, fondamentalement, n'a pas encore été jugé recevable au sens du projet de loi. C'est la commission qui le décidera. Vous avez, évidemment, le loisir d'en discuter, mais je vous demanderais, de la même façon qu'on peut permettre un amendement et d'en parler d'une façon accessoire, de vous en tenir également dans votre cas au niveau du débat à ne pas discuter d'une façon trop longue de cet amendement dont, finalement, au niveau du projet de loi, on aura à décider ultérieurement s'il est recevable ou non.

Je vous demanderais donc de limiter vos propos, l'étendue de votre discours, sur ce point précis du projet de loi. À vous la parole.

M. Rochefort: M. le Président, je respecte entièrement votre décision. Je veux simplement vous faire part que, pour moi, c'est une façon d'expliquer le vote que je prendrai sur le projet de loi 74 qui est débattu actuellement. J'explique pourquoi je m'opposerai, comme l'ensemble des membres de ma formation politique, à l'adoption de ce projet de loi, à cause de l'inclusion de cet amendement. C'est pour permettre à tout le monde de bien comprendre pourquoi et comment nous voterons sur ce projet de loi. C'est directement relié au contenu et vous pouvez reconnaître que j'ai traité très longuement du projet de loi, au cours des minutes qui ont précédé cette intervention.

Je disais donc, quand le député de Laurier m'a interrompu à nouveau avec ses brillantes interventions de fond qui illustrent combien c'est un homme de contenu, que la ministre n'en était pas à une irresponsabilité près dans ce dossier, qu'elle était même

allée jusqu'à envisager d'annoncer une décision comme quoi un impôt serait levé sur le dos des enfants du Québec. La ministre a annoncé cela dans un communiqué de presse clair. Elle l'a redit mille et une fois à des journalistes du Québec que maintenant les enfants du Québec...

M. Sirros: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Question de règlement, M. le député de Laurier.

M. Sirros: J'aimerais simplement savoir si vous n'avez pas rappelé le député de Gouin à l'ordre, tout à l'heure?

Le Vice-Président: Je l'ai rappelé. Un instant! Sur la question de règlement. Allez- y:

M. Charbonneau: M. le Président, la ministre de la Santé et des Services sociaux a choisi, dans ses derniers propos, de nous indiquer qu'elle ne prendrait pas tout son temps de parole. Cela a été son choix à elle. Elle aurait très bien pu s'exprimer longuement sur l'amendement, tout en respectant la décision que la présidence avait prise précédemment. Elle a choisi de ne pas prendre cette voie. Très bien. Mais le député de Gouin, lui, peut décider d'agir autrement que la ministre et prendre tout son temps de parole pour s'exprimer sur ce dossier important et sur l'amendement de la ministre.

Le Vice-Président: Sur la même question, M. le député de Laurier, brièvement.

M. Sirros: M. le Président, je pense qu'il faudrait que vous expliquiez au député de Verchères la décision que la présidence a rendue tout à l'heure concernant la notion accessoire. Il comprendra peut-être.

M. Rochefort: Question de règlement, M. le Président. Une très courte intervention.

Le Vice-Président: Question de règlement, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, je soulève une question de règlement en vertu des autres dispositions de notre règlement qui vous demandent de protéger pleinement mon droit de parole. Je pense qu'on a empiété sur mon droit de parole par les multiples questions de règlement du député de Laurier dont vous n'avez jamais reconnu le bien-fondé, (minuit)

Le Vice-Président: À ce stade-ci, je ne veux pas que le débat s'éternise ni vous refuser votre droit de parole. Pour tout député en cette Chambre, quand il juge qu'un député déroge d'une quelconque façon au règlement, c'est son droit le plus strict de se lever, d'intervenir et de soulever le point à la présidence. Cela ne va pas contre votre droit de parole, c'est quelque chose qui est prévu dans notre règlement. Tout député, à tout moment, peut soulever une question de règlement. Donc, je vous recède la parole sur votre droit d'intervention. Évidemment, on a décidé d'une certaine façon tantôt - je serai très bref là-dessus, 30 secondes - que pour l'adoption du principe, si la ministre ou un ministre décide dans son projet de loi d'annoncer certains amendements, c'est son droit le plus strict, tel que la présidente l'a déclaré tantôt. Simplement c'était d'une façon accessoire à la discussion du principe du projet de loi. Dans ce sens-là, sans vouloir limiter le droit de parole des personnes de l'Opposition, on a demandé et je continue de demander que vos propos se rapportent dans la mesure du possible au fond du projet de loi tel qu'énoncé dans le document déposé et la discussion sur l'amendement devient accessoire. Donc, je vous demande de limiter vos propos, à ce moment-ci, à l'amendement qui a été proposé pour respecter, si on veut, cette question d'un débat accessoire et non pas le débat principal, puisque, et je le répète à nouveau, il n'a aucunement été question pour la présidence de décider de la recevabilité ou pas de ce point.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président: Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux simplement vous faire remarquer qu'on m'a même empêchée de présenter l'amendement, sous prétexte qu'il devait être présenté en commission parlementaire et non pas ici et que je ne pouvais m'y référer qu'accessoirement. De toute façon, on ne m'a pas donné le loisir de le présenter. Alors, il me semble que les règles doivent être les mêmes pour les deux côtés de la Chambre.

Le Vice-Président: À ce moment-ci, Mme la ministre, ce qui a été décidé, c'est qu'à la discussion en deuxième lecture sur l'adoption du principe vous pouviez proposer certains amendements, annoncer des amendements que vous allez proposer en commission parlementaire et ces propos sont pertinents, à condition toutefois qu'ils ne portent qu'accessoirement sur les projets d'amendements. Donc, finalement il n'est pas question de discuter, à ce stade-ci de l'adoption du principe du projet de loi, des amendements.

Les amendements ne sont pas déposés et ils ne sont pas au dossier. Ils le seront en commission parlementaire et vous aurez tout le loisir de les débattre à ce moment-là. C'est dans ce sens-là que je vous demande de revenir au fond du projet de loi et, au niveau des amendements annoncés sans que l'on ait le texte formel des amendements, que vous reveniez à ce moment-ci à en discuter brièvement, mais le fond de vos propos doit porter sur les principes énoncés dans le projet de loi tel que déposé.

M. Rochefort: M. le Président, comme je vous l'ai dit tantôt, sur la question de règlement, j'explique le sens du vote que nous prendrons sur le projet de loi 74. Je redis que si cet amendement n'avait pas été évoqué ici nous aurions voté pour, mais là nous voterons contre et j'explique pourquoi, M. le Président.

Le Vice-Président: Parfait.

M. Rochefort: M. le Président, il me reste à peu près 15 minutes d'intervention. Je réitère la possibilité pour la ministre de retirer son intention de déposer cet amendement et nous adopterons le projet de loi 74 dans les minutes qui suivent, M. le Président. Qu'elle prenne ses responsabilités, nous sommes bien disposés pour lui permettre d'assumer ses responsabilités.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, puisque le député de Gouin m'a posé une question...

Le Vice-Président: Un instant! Un instant!

M. Rochefort: Je ne vous ai pas posé de question.

Le Vice-Président: Vous avez un droit de réplique, Mme la ministre, et vous y reviendrez à ce moment-là. M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, comme je l'expliquais, la ministre a même envisagé de décréter un impôt sur les enfants, mesure qu'elle a déjà annoncée, qui était décidée à l'époque et qui aurait fait en sorte que tous les parents du Québec qui ont des enfants de moins de 15 ans auraient un impôt spécial sur le dos de leurs enfants pour les soins dentaires. On aurait payé un impôt en fonction du nombre d'enfants que l'on a et on aurait été partiellement remboursé si on n'avait pas amené nos enfants chez le dentiste ou selon le nombre de visites qu'ils auraient effectuées chez le dentiste.

M. le Président, voilà une preuve d'irresponsabilité, mais Dieu soit loué, par les interventions de tout le monde au

Québec, nous avons réussi à faire en sorte que la ministre retire...

M. Sirros: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant! Question de règlement, M. le député de Laurier.

M. Sirros: M. le Président, je m'excuse, mais il me semble que je vous ai bien entendu dire il y a à peu près trois minutes que le député de Gouin devait se limiter aux discussions centrales sur le projet de loi. C'est la deuxième fois qu'il vous ignore, M. le Président. J'aimerais savoir si vous entendez le rappeler à l'ordre une autre fois.

Le Vice-Président: M. le député de Laurier, je vous dirai - à l'ordre, s'il vous plaît! - à ce moment-ci, que la décision... Vous pouvez invoquer la pertinence du débat et je jugerai par moi-même si le discours du député est pertinent. Je le lui ai demandé, et je lui répète, je jugerai en temps utile. Quant au contenu de son intervention, s'il parle de sa décision de voter pour ou contre le projet de loi, je ne peux pas l'empêcher d'exprimer ses propos.

Ce que je lui ai demandé, dans les remarques que je lui adressais, c'est de tenter de s'en tenir au fond du projet de loi tel que déposé - relativement aux amendements, on ne connaît pas leur teneur - et d'y accéder brièvement, purement et simplement.

Je vous répète cette invitation. Si je juge que les propos du député de Gouin sont non pertinents, je verrai à les sanctionner. Donc, je vous laisse la parole, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président, de me redonner pour une nouvelle fois le droit de parole après les brillantes et très pertinentes interventions du député de Laurier.

M. le Président, je disais que la ministre avait envisagé, dans le dossier des soins dentaires, de décréter un impôt sur le dos des enfants, mais la pression populaire au Québec a eu raison de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Dans l'amendement - d'après ce qu'elle nous annonce - qu'elle déposera au projet de loi 74, Dieu soit loué, il n'y aura pas d'impôt sur les enfants. Mais cet amendement, auquel la ministre a fait référence, elle vient de nous l'annoncer, lui permettra de couper un des deux examens dentaires annuels, payés, en ce moment, à l'ensemble des enfants du Québec et qui était prévu au programme qui existe depuis un certain nombre d'années.

Cette coupure, M. le Président, représente n'importe quoi entre 8 000 000 $ et 20 000 000 $ puisque le deuxième

examen à lui seul représente 8 000 000 $. Quand les parents amenaient leurs enfants chez le dentiste pour un des deux examens annuels, le dentiste, à l'occasion, dépistait des caries et les réparait sur-le-champ. Cette réparation des caries, soin assuré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, représente à elle seule un montant d'environ 12 000 000 $.

Les parents du Québec n'ayant pas les moyens de payer 23 $ pour un deuxième examen dentaire annuel n'amèneront pas les enfants chez le dentiste. Donc, le dentiste ne pourra dépister une carie chez l'enfant et en conséquence n'aura pas à facturer la Régie de l'assurance-maladie pour une somme d'environ 12 000 000 $. C'est ce qui nous fait dire que cette coupure, dans les faits, et là encore la ministre manque de franchise, représentera une économie pour le gouvernement de l'ordre de 8 000 000 $ à 20 000 000 $...

Mme Bleau: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Gouin. Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Je ne comprends pas, M. le Président, selon nos règlements, comment le député peut s'étendre si longtemps sur le sujet des dents quand on n'a même pas voulu...

Le Vice-Président: Un instant, Mme la députée de Groulx. J'ai rendu une décision relativement à la pertinence du débat. Ce sujet a été ouvert, le député de Gouin peut en traiter, je l'ai mentionné tantôt. Il doit en traiter de la façon la plus limitative possible, je l'ai expliqué tantôt. S'il se conforme à l'ensemble du projet de loi, je ne peux rien y faire. Je lui cède à nouveau la parole, Mme la député.

Mme Bleau: Je voudrais un renseignement, M. le Président, à savoir ce que vous entendez...

Le Vice-Président: Un instant, Mme la députée de Groulx, je vous donne la parole brièvement.

Mme Bleau: Je veux savoir ce que vous voulez dire quand vous dites "brièvement" dans le cadre du sujet.

Le Vice-Président: Très simplement, Mme la députée de Groulx, notre règlement en cette Chambre est vaste, large, en ce qui concerne la pertinence du débat. Cela a été répété tantôt. On doit laisser les députés discuter comme ils le veulent, sur un projet de loi pour autant qu'on reste dans le contenu du projet de loi.

Un député peut intervenir vingt minutes sur un projet de loi en prenant un seul petit élément du projet de loi et en traiter. Dans ce cas-ci, le député de Gouin traite d'une façon un peu plus longue une certaine partie du projet de loi, en l'occurrence des amendements annoncés. Je dois reconnaître son droit de parole à cet égard.

Donc, simplement, M. le député de Gouin, puisque vous avez quand même, sans étendre le débat, parlé d'une façon assez importante du principe de l'amendement annoncé, mais qui n'est pas déposé, je vous demandrais de revenir au fond du projet de loi, c'est-à-dire les autres principes qui sont en discussion. Je vous cède la parole. (0 h 10)

M. Rochefort: M. le Président, je disais donc que la ministre a décidé d'apporter une coupure qui représentera une économie dans son budget de 8 000 000 $ à 20 000 000 $, touchant la santé dentaire des enfants du Québec.

M. le Président, cette décision qu'elle compte rendre légale par son projet de loi 74 que nous étudions présentement, justifiera, de notre part, de nous opposer à ce projet de loi dont, par ailleurs, nous étions prêts à souscrire aux autres dispositions. Je dirai que la ministre, dans le dossier des soins dentaires, a à l'occasion tenté de reporter l'odieux de sa décision sur des décisions qu'avait prises le Parti québécois en 1982. Je rappelerai qu'en 1982 les Québécois vivaient la pire crise économique qu'on ait jamais connue depuis 1929 mais, en même temps -ce que la ministre a toujours omis de dire -nous avons investi des sommes importantes, de l'ordre de plusieurs millions de dollars, dans un programme que nous avons mis en place dans les centres locaux de services communautaires et dispensé par des hygiénistes dentaires, ce qui faisait que 100 % des jeunes enfants du Québec profitaient du programme de soins dentaires et en profitent encore aujourd'hui. Avant l'application des restrictions de la ministre, nous déservions non seulement les enfants qui se présentent chez le dentiste mais, par ce nouveau programme mis en place par le Parti québécois, nous visitions les enfants dans les écoles. Donc, 100 % des enfants du Québec profitaient de ce nouveau programme que nous avions mis en place en 1982. Je le rappelle, M. le Président, alors que nous étions en pleine crise économique, la pire que nous ayons connue depuis 1929.

M. le Président, quand on vient essayer de comparer cette décision au geste que nous avons posé, je mets au défi la ministre. Qu'elle investisse autant que nous dans un programme qui permettra à tous les enfants du Québec de bénéficier de nouveaux services de santé dentaire. Nous l'appuierons et, par la suite, elle pourra comparer ses actions à celles du Parti québécois dans le

secteur de la santé dentaire.

M. le Président, je vois la ministre dire 2 000 000 $. Je lui rappelerai qu'elle-même, en commission parlementaire, nous a rappelé qu'il s'agissait-là d'un budget de 9 000 000 $ à 10 000 000 $ par année. Que la ministre puisse peut-être consulter ses dossiers avant de faire de telles affirmations.

Donc, je conclus puisque l'essentiel de mon temps a été occupé par les questions de règlement du député de Laurier. Je conclus en disant que nous étions prêts à souscrire à un projet de loi qui permettait de rendre gratuits les services médicaux de vasectomie dispensés par des médecins du Québec au même titre que les ligatures de trompes, que nous étions prêts à donner notre appui à un projet de loi qui aurait permis de rendre opérationnel, dès maintenant, le projet de loi 75 pour lequel la ministre nous a fait de grands discours. Mais, par la décision de la ministre d'inclure au projet de loi 74 son amendement au programme de soins dentaires, non seulement la ministre est obligée de reporter l'entrée en vigueur de l'essentiel des dispositions du projet de loi 75 qu'elle a tenté de faire adopter à la vapeur par l'Assemblée nationale, mais la ministre, en même temps, empêchera les Québécois et les Québécoises de profiter des deux dispositions du projet de loi 74 qu'elle leur avait promises pour ce printemps, qu'elle s'était engagée à leur rendre disponibles, pour lesquelles elle avait déposé un projet de loi et pour lesquelles nous étions prêts à donner tous les consentements requis, pour permettre aux Québécois et aux Québécoises de profiter maintenant des nouvelles dispositions de ce projet de loi que la ministre avait promis de faire adopter avant l'ajournement d'été.

Par son irresponsabilité, encore une fois, la ministre ne respectera pas ses engagements - ce qui commence à être la marque de commerce de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Une machine à faire des promesses mais qui ne livre pas beaucoup de marchandise dans une même semaine.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Laurier.

M. Gratton: M. le Président.

Le Vice-Président: J'ai une question de règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Sirros: Selon l'article 213, j'aimerais demander la permission au député de Gouin de lui poser une question.

Le Vice-Président: Un instant. M. le député de Gouin, j'ai une demande en vertu de l'article 213. Est-ce que vous acceptez qu'on vous pose une question? Et cette question, je le répète, devra être très brève et la réponse devra être brève également.

M. Rochefort: M. le Président, quand le député de Laurier...

Le Vice-Président: Un instant. Je ne vous ai pas donné la parole. Je vous demande simplement, M. le député de Gouin - et c'est très précis au règlement - si vous acceptez ou non que le député de Laurier vous pose une question.

Oui ou non? Je vous demande une réponse. Oui ou non?

M. Rochefort: Je veux vous donner ma réponse, M. le Président.

Le Vice-Président: Oui.

M. Rochefort: M. le Président, quand le député de Laurier reviendra dans l'Opposition...

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Gouin!

Une voix: C'est non.

Le Vice-Président: Donc, la réponse est non. Sur l'intervention, M. le leader du gouvernement. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le leader du gouvernement.

M. Rochefort: Quand vous viendrez dans l'Opposition... Ça s'en vient...

Le Vice-Président: À l'ordre! M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: J'espère que cela ne décevra pas trop le député de Gouin si on attend quelques années.

Le Vice-Président: Sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Non, M. le Président, ce n'est pas pour une question de règlement, j'aimerais proposer l'ajournement du débat tel que nous nous étions entendus de le faire.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je vous demanderais maintenant de revenir à l'adoption du projet de loi 58, s'il vous plaît. Il s'agit de l'adoption du projet de loi dont nous avons adopté le rapport lors d'un vote enregistré ce matin.

Projet de loi 58 Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président: Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité de certains enfants à l'enseignement en anglais.

La parole est au leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, j'avais demandé l'ajournement du débat de façon à respecter l'entente que j'avais avec les leaders de l'Opposition, mais je voudrais maintenant céder à quiconque voudra prendre la parole sans pour autant perdre mon droit de parole dans ce débat.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'aurais pensé qu'un membre du gouvernement aurait défendu le projet de loi 58. Je me suis levé parce que personne de la commission parlementaire du côté du gouvernement ne s'est levé pour parler sur un projet de loi considéré comme si essentiel. Je dois vous dire, en même temps, que cela ne diffère pas beaucoup de la commission parlementaire que j'ai vécue et au cours de laquelle les gens n'ont même pas pris la parole, laissant le soin au ministre de se défendre sur les objectifs qu'il avait voulu bien démontrer. Quant à moi, je dois vous dire que c'est avec beaucoup d'émotion que je prends la parole pour la dernière fois sur un projet de loi qui est, en fait, une pièce d'une mozaïque dont on ne connaît pas l'ampleur au moment où on se parle et qui concerne l'ensemble de la loi 101.

Je ne voudrais pas non plus, M. le Président, demander à mes enfants de prendre la cassette vidéo pour écouter les discours qui ont été faits par le ministre aussi bien sur mon dos, comme député responsable de ce dossier et comme critique de l'Opposition en matière d'éducation primaire, secondaire, que sur ceux de mes collègues, en particulier de ma collègue de Chicoutimi, où le ministre a été d'une arrogance inqualifiable. Je ne voudrais pas qu'ils aient l'impression que je suis un minus habens, c'est-à-dire une personne de moindre importance. J'ai essayé le plus honnêtement possible comme membre de l'Opposition de faire valoir des points et ce qu'on a reçu de la part du ministre, ma collègue et moi qui avons participé à presque toutes les séances de la commission - et tous ceux qui m'ont accompagné, le député d'Abitibi-Ouest était une des personnes qui m'ont accompagné pendant les 27 heures... Lors de la discussion en deuxième lecture, ce qu'on appelle l'adoption du principe, soit lors de la prise en considération du rapport et même ce soir, au moment où il est intervenu dans la dernière étape qui est celle de l'adoption du projet de loi, nous avons été considérés comme des gens dépourvus d'intelligence et incapables de lire des projets de loi, incapables de saisir la portée des projets de loi, incapables comme individus d'être quelqu'un qui puisse faire un discours convenable pour faire valoir nos points.

Ce qu'on a eu comme impression, c'est ce que le député de Richelieu m'a laissé la dernière fois: c'est d'être en vain des gens de l'Opposition qui n'auraient jamais dû exister. On laisse libre choix, libre possibilité à ce ministre de tout faire. Il est défendu pour moi de l'accuser des mots que vous savez, mais je peux au moins dire une chose: il n'a pas dit toute la vérité. Il a même, dans d'autres projets de loi - j'aurai l'occasion de le faire valoir - fait en sorte qu'en fin de compte les gens sous le regard et l'impression...

M, Perron: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Question de règlement, M. le député de Duplessis.

M. Jolivet: ...les gens, sous le regard et l'impression...

M. Perron: Une question de règlement, M. le Président.

M. Jolivet: Je m'excuse, M. le Président.

Le Vice-Président: Une question de règlement, M. le député de Duplessis.

M. Perron: En vertu de nos règles parlementaires, est-ce que vous pourriez vérifier le quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président: Très bien. Je demanderais aux gens du secrétariat de vérifier, d'abord, si les commissions parlementaires sont terminées ou pas. Pendant ce temps, je vais compter les députés en cette Chambre. À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous demande de prendre place, MM. les députés.

Nous allons suspendre quelques instants pour vérifier si les commissions sont toujours en activité ou pas. Cela modifie d'une façon importante le règlement du quorum. Nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 0 h 21)

(Reprise à 0 h 22)

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Pour le bon déroulement des travaux et pour les besoins de cette Assemblée, je vous informerai qu'il y a toujours une commission parlementaire qui continue à siéger. Effectivement, nous avons quorum et tantôt, j'aurais pu constater qu'il y avait quorum.

M. le député de Laviolette, à vous la parole.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Avant de commencer, est-ce que je peux savoir si la suspension fait partie de mes dix minutes?

Le Vice-Président: Évidemment, M. le député de Laviolette, la suspension ne fait pas partie de vos vingt minutes. C'est une suspension de nos travaux. Vous avez la parole à nouveau.

M. Jolivet: Merci. M. le Président, j'étais en train de dire que le ministre nous avait considérés pendant l'étude de ce projet de loi comme des gens qui n'ont pas d'intelligence, qui ne sont pas capables de lire les projets de loi. Je dois vous dire que le ministre aura l'occasion à cette Assemblée de s'apercevoir que lui non plus n'est pas capable de faire des projets de loi convenables de telle sorte qu'il a fallu réimprimer le projet de loi 30.

J'aurai l'occasion de lui faire la preuve qu'il n'a pas dit toute la vérité. Je pense que le ministre, dans le projet qui nous concerne, veut, une fois pour toutes, régler un vieux litige qu'il y avait. Il veut, une fois pour toutes, démontrer qu'il avait raison à une certaine époque où il était éditorialiste, de s'opposer à la loi 101 sur certains de ses "regards", certains de ses principes.

Aujourd'hui, il est en train de livrer une marchandise. Cette marchandise qu'il est en train de livrer, c'est une marchandise due à une dette électorale. Il n'a jamais été capable de nous jurer, d'en faire la promesse et d'indiquer de son siège qu'entre le 2 décembre dernier et le moment où la loi allait s'appliquer, c'est-à-dire le 15 avril -au moment où les gens peuvent avoir le droit de suivre des cours comme jeunes - il n'y en a pas qui se sont inscrits, à la suite de ce que le Parti libéral avait promis de faire et de régler pendant la campagne électorale.

M. le Président, est-ce que je peux avoir le silence, s'il vous plaît?

Le Vice-Président: Oui, effectivement, M. le député de Laviolette. Je vais rappeler à l'ordre certains députés. S'il y a des caucus qui doivent se tenir...

Une voix: Mme la ministre...

Le Vice-Président: Un instant! Je vais rappeler à l'ordre les députés. Nous allons donc faire en sorte que les règles soient appliquées de façon stricte, si vous voulez. Je vais les appliquer strictement et je vais demander à chacun des députés de regagner sa place immédiatement. Nous allons poursuivre les débats, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: J'étais en train de dire, M. le Président, que le ministre n'a jamais été capable de nous dire de son siège qu'il n'y avait pas eu de jeunes qui avaient transféré des écoles françaises vers les écoles anglaises entre le 2 décembre et le 15 avril, à partir du moment où le gouvernement formé par le Parti libéral avait pris le pouvoir. Or, j'ai demandé en privé au ministre qu'est-ce qu'il pensait de changer la date du 15 avril pour la date précise d'inscription scolaire du 30 septembre. Il m'a dit en privé que oui il y pensait, qu'il ne voulait pas avoir de problèmes et qu'il était intéressé à ramener la date au 30 septembre. Malheureusement quand il est arrivé à la commission parlementaire il a tout refusé. Il a tout refusé, parce qu'il a revisé sa position comme une girouette. Exactement comme il l'a fait, alors que le dépôt à cette Assemblée avait été forcé par une motion de bâillon. Il a proposé des amendements et hier soir, pas même 36 heures après, il a enlevé l'amendement. Il a enlevé l'amendement pourquoi? Il l'a placé pourquoi? On peut s'interroger sur les raisons. Il y a eu un conseil général de son parti en fin de semaine où on a dit de choses sur la loi 101, et il a voulu montrer qu'il était capable d'appliquer des actions de la loi 101. C'est ce qu'il a amené comme proposition à l'amendement. Quand le ministre a vu que l'Opposition faisait des difficultés à l'amendement qu'il était en train de proposer, il l'a retiré, hier soir, 36 heures après l'avoir déposé. Le ministre m'a dit et a dit à tout le monde: Nous voulons traiter avec amitié, avec humanité et sans utiliser les contraintes législatives... Ce que le ministre a oublié de dire c'est que, pendant qu'il nous disait ce soir et pendant les autres débats qu'il a faits ici à cette Assemblée: Pourquoi, n'avez-vous pas pris les contraintes législatives au moment où vous formiez un gouvernement? Il savait que c'étaient ses amis, le député de Viau et le député de Sauvé qui étaient à la commission scolaire, dans un cas comme président de la Commission des écoles catholiques de Montréal et dans l'autre cas comme directeur, qui avaient amené la collusion qui a permis justement à des gens de désobéir à une loi. Mais jamais nous n'accepterons - on l'a dit, on l'a répété, c'est la dernière fois que j'ai la possibilité de le dire - de faire en sorte que des gens qui ont agi dans l'illégalité soient récompensés, quoi qu'en pense le ministre.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît. La parole est au député de Laviolette. Je demanderais de respecter le droit de parole. Si certains députés ont des commentaires à faire je les invite à se lever au moment où ils en auront le droit et à adresser la parole. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Surtout qu'ils n'ont pas parlé en commission parlementaire bien souvent.

Le Vice-Président: En conclusion, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Surtout des gens qui étaient les amis du ministre dans un parti politique et à partir d'un rapport qui est biaisé, qui est partial et qui est justement basé sur le fait qu'on récompense l'illégalité. Nous allons continuer à le dire et à le répéter. Si M. le ministre veut prendre les risques qu'il veut prendre qu'il les prenne, mais jamais nous n'appuierons une telle démarche.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président: Je cède la parole a Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Après le discours de troisième lecture du ministre de l'Éducation je suis montée à mon bureau vérifier le sens du mot "sophisme". Le petit Robert en donne la définition suivante: "Argument, raisonnement faux malgré une apparence de vérité." Je dois vous dire que les exemples de sophisme étaient à ce point nombreux que je ne sais plus vraiment par lequel commencer.

Permettez-moi peut-être simplement de relire les notes explicatives du projet de loi qui disent: Ce projet de loi a pour objet de régulariser la situation des enfants qui fréquentent illégalement l'école anglaise. À la suite des propos tenus par le ministre, on pourrait très bien plutôt y lire: Ce projet de loi a pour objet de régulariser la situation des enfants qui auraient été tenus de fréquenter injustement l'école française. C'est de cela dont il s'est agi dans les propos que le ministre a tenus. Des exemples de sophisme, par exemple: Que le gouvernement précédent n'aurait proposé aucune solution concrète, passant sous silence les solutions proposées qui ont été mises de côté par les contrevenants, assurés d'ailleurs de l'appui de celui-là même qui, aujourd'hui prétend que de solutions il n'y en a pas eu, c'est-à-dire le ministre de l'Éducation lui-même.

Des exemples encore: Le groupe de travail, le ministre nous dit que ce groupe qu'il a nommé jouit d'une totale crédibilité. Il faudrait se rappeler qu'y siégeaient quelques-uns de ceux qui ont fait la promotion de l'inscription illégale. (0 h 30)

Encore d'autres exemples? Que des enfants ont été profondément traumatisés; le ministre a même à maintes fois répété, "parqués" par le précédent gouvernement. N'est-ce pas leur propre parent et encore plus les autorités du réseau anglo-catholique, dont certains siègent maintenant en cette Chambre, qui ont choisi, en toute connaissance de cause, délibérément de mettre et de maintenir ces enfants dans cette situation qui, au dire du ministre, serait catastrophique?

Plus encore, j'ai été profondément indignée quand le ministre, pour justifier le caractère spécial de sa loi d'amnistie, a plaidé notamment hier, après les propos de ma collègue la députée de Chicoutimi, le caractère similaire de cette loi à certaines autres lois qui, à l'occasion, sont venues régulariser la situation des personnes réfugiées sans statut, illégalement sur notre territoire.

Ces mesures spéciales qui ont été prises à l'égard de ces personnes réfugiées l'ont toujours été et ont été appliquées à des personnes qui pouvaient sérieusement craindre pour leur vie, leur intégrité, celle de leur famille en cas de retour forcé dans leur pays. Quels sont donc ces traumatismes que ces enfants ont toujours et dont ils sont toujours menacés et qu'il faut à tout prix leur épargner en votant un tel projet de loi? L'école française n'est-ce pas? C'est l'école française qui est cette menace qui traumatise à ce point les parents de ces enfants, qu'ils aient choisi de les "parquer" et de les maintenir dans la situation que nous dit décrire le ministre.

Je l'ai dit, dès le débat en deuxième lecture, je me suis, au départ, intéressée au sort de ces enfants. Je me suis rendue compte, en lisant attentivement tout ce qui avait pu s'écrire dans ce dossier, qu'il n'avait réellement été question de rien d'autre concernant ces enfants, dans les 35 pages du rapport Rondeau autant que dans les 27 heures de discussion en commission, que d'une possible absence de certification pour certains d'entre eux. Encore là, il semble que le statut imprécis qu'ils avaient depuis qu'ils s'étaient mis dans cette situation n'avait empêché aucun ou aucune d'entre eux de poursuivre des études au cégep et dans les universités anglophones.

Dans sa recherche d'une solution humaine et raisonnable, pourquoi le ministre n'a-t-il pas donné suite aux recommendations de la CEQ, de l'Alliance des professeurs de Montréal en faveur d'une amnistie, oui, mais conditionnelle à la nécessité d'un examen de connaissance du français pour les plus âgés

et, à l'école française avec classe de transition pour les plus jeunes. Le même ministre qui annonce, à la satisfaction générale, il faut le dire, des examens écrits de français plus rigoureux ne viendra quand même pas nous dire et prétendre que cela aurait été une attitude inhumaine, celle de faire passer des examens à des enfants.

Le ministre a décidé, politiquement, d'agir autrement et de légiférer en présentant un projet de loi 58 qui va au-delà même de l'admissibilité à l'école anglaise prévue dans la constitution canadienne. J'espère que les parlementaires de cette Chambre qui auront à voter cette loi seront conscients, au moment où ils l'adopteront, que ces enfants étaient toujours inadmissibles à l'école anglaise, même après et malgré la décision de la Cour suprême d'appliquer l'article 23 de la constitution canadienne et de voir appliquer la clause Canada.

Ces enfants n'étaient toujours pas admissibles à l'école anglaise parce qu'ils ne répondaient pas aux critères de l'article 23 de la constitution canadienne, mais leurs frères, soeurs et descendants deviendront, eux, admissibles à l'école anglaise à cause même de l'article 23 de la constitution canadienne. C'est là qu'on peut conclure à une contradiction assez importante, quand on sait que la majorité de ces enfants sont de familles, pour la moitié, venant d'Italie, le quart du Portugal, l'autre quart qui sont d'origine grecque, chinoise et un certain nombre, très peu d'entre eux, canadienne. On nous dit encore que 10 % et plus de ces enfants sont de familles qui n'ont même pas la citoyenneté canadienne.

Vous vous rendez compte, dans une société, dans n'importe quel Parlement, adopter une loi d'amnistie pour rendre admissibles à l'école publique des enfants de parents qui ne sont même pas citoyens canadiens. C'est la réalité. J'ai vérifié ces chiffres et on me dit: Environ 9 % ou 10 % des enfants dont les parents ne sont pas citoyens canadiens.

Au-delà de tout cela, je crois que ce qui est certainement le plus pernicieux dans ce débat qui a eu lieu, c'est cette idée qu'il pourrait y avoir en matière linguistique des interventions législatives qui n'aient pas de résonnance autre et qui auraient une sorte de caractère de neutralité, que l'on pourrait légiférer sans que cela n'ait d'effet sur le fragile équilibre linguistique qui est établi au Québec.

Je veux, avec toute l'énergie qui m'est possible à cette heure-ci, m'indigner contre la prétention du ministre à savoir que les membres d'un seul côté de la Chambre sont conscients du contexte interculturel dans lequel se vivent les relations au Québec, que seuls les membres du côté ministériel seraient désireux de protéger les nouveaux venus, les immigrants, contre les méchants qui ne savent pas les accueillir convenablement. Il faut rappeler que le parti qui a gouverné pendant les neuf dernières années est le parti qui a instauré une réforme permettant la création d'un Conseil des communautés culturelles. Il a d'ailleurs établi une loi pour qu'il y ait un ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Il a établi des programmes de subventions permettant l'enseignement des langues d'origine. Plus de 20 000 Québécois de toutes origines reçoivent actuellement l'enseignement de leur langue d'origine.

Fondamentalement, la question qui reste en suspens est la suivante: Quelle est la culture d'accueil quand on arrive ici au Québec? Est-ce qu'on a le choix entre deux cultures d'accueil? Est-ce que ce serait au choix? Vous choisissez la culture d'accueil de la communauté anglophone ou de la communauté francophone. Ce n'est pas possible. Il y a, dans le respect de la diversité culturelle et dans le respect de la culture d'origine, la nécessité d'avoir une culture d'accueil qui soit la culture francophone. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Hier soir, en réplique à mon intervention sur la prise en considération du rapport de la commission parlementaire chargée d'examiner le projet de loi 58 dit des "illégaux", le ministre m'a invitée à refaire mon travail, tout simplement parce que, par erreur, j'ai cité le mauvais paragraphe de l'article 23 de la charte canadienne. Il en a profité pour me faire une longue leçon et prouver en fait sa mauvaise foi qui n'a échappé à personne, pas plus que son intervention teintée d'arrogance et de mépris.

Cependant, son attitude s'explique, je l'ai déjà dit, parce que incapable de défendre au plan de la logique, du sens commun et de l'équité, de justifier son projet de loi, il travaille à discréditer l'Opposition, à distraire notre attention pour éviter de se voir dans l'obligation de justifier un projet de loi qui est injustifiable.

Le ministre accuse l'Opposition de se montrer implacable, indifférente vis-à-vis de la situation de ces enfants qui se trouvent illégalement dans les écoles anglaises. Humaniste, il se fait le grand défenseur de ces enfants, seul, dit-il, capable de comprendre leur situation. Selon le ministre, ces enfants sont traumatisés. Ils entrent dans les écoles par les soupiraux, par les vasistas. Ils se cachent à la vue d'un étranger. Pourtant, dans le rapport Rondeau, pas une seule ligne qui fasse état de situations plus ou moins traumatisantes qui seraient vécues

par ces enfants.

J'ajouterais, si c'est nécessaire, qu'en commission parlementaire, au moment où je m'inquiétais de l'éthique professionnelle qui fait que les enseignants enseignent la désobéissance à des enfants et ce, pendant neuf ans, et les effets que cela pouvait avoir sur ces enfants, on m'a répondu: Mais ce n'est pas comme ça que ça se passe, Mme la députée. Les enfants qui sont dans nos classes, souvent, ignorent même qu'ils sont des "illégaux". Même les enseignants l'ignorent. De parler en même temps qu'ils vivent un traumatisme insupportable et qu'ils ignorent la situation dans laquelle ils se trouvent, il y a quelque chose qui ne va pas. (0 h 40)

Par ailleurs, hier, le ministre comparait la loi d'exception - parce qu'il faut reconnaître que c'est une loi d'exception - à une décision du fédéral qui avait décidé et je cite: "de conférer un statut légal à des personnes illégalement entrées au Canada". Cela leur donnait le droit de postuler la citoyenneté canadienne. Comparer une telle décision alors que, on le sait, les personnes qui entrent illégalement au Canada sont souvent des personnes qui sont en fuite de leur pays et que, si on les y retournait, c'est leur vie qui serait menacée, comparer les "illégaux" dans nos écoles à la situation qui se passe par rapport aux immigrants qui entrent illégalement au pays, c'est dramatiser une situation et c'est diminuer l'importance qu'on peut, dans notre pays, attacher à la vie des individus.

Cet humanisme que le ministre se targue d'être le seul à posséder et qu'il veut placer au-dessus de la loi en plus de nous reprocher de ne pas vouloir le rejoindre dans sa sphère, je lui dis: Non, merci. Parce que je doute de son humanisme comme de sa sensibilité à l'endroit des jeunes. S'il était sensible et humain, tel qu'il veut nous le faire croire, il n'aurait pas traité, avec autant de mépris les étudiants qu'il a trompés en leur promettant un meilleur régime d'aide financière et même le gel des frais de scolarité à l'université. On connaît les décisions: 24 000 000 $ de moins dans l'aide financière aux étudiants, 1 400 000 î en frais de scolarité nouveaux au niveau collégial et des frais dits afférents dans près de la moitié des universités.

À ceux qui lui rappellent qu'il n'a pas respecté ses engagements à l'endroit des étudiants, le ministre tient un langage tout à fait cynique. Il dit, à l'égard des étudiants: On ne les égorge pas, on ne ramassera pas les cadavres le long de la route. Comme si c'était une mesure pour évaluer la qualité d'une politique gouvernementale.

Quand on me parle de sensibilité, je voudrais connaître quelle est celle de ce gouvernement si libéral, de cet homme si humaniste à l'endroit des jeunes, des jeunes assistés sociaux victimes de harcèlement. Des jeunes sans abris, des jeunes sans travail, des jeunes maltraités alors qu'on s'apprête à faire des économies dans le seul organisme qui a la mission exclusive de veiller à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Le Comité de la protection de la jeunesse que ce gouvernement a qualifié "d'ombudsman" des enfants maltraités, on est en train de vouloir l'abolir pour des économies de bouts de chandelle.

Quelle est la sensibilité du ministre? Est-ce qu'il s'est porté à la défense de ces jeunes dans différentes situations pour le moins aussi traumatisantes que les jeunes illégaux? S'il l'a fait, il n'en a pas fait état. Y aurait-il, par ailleurs, une jeunesse qui, au Québec, mérite plus de générosité et d'attention de la part du ministre, plus de magnanimité? On le pense oui, on le pense, ce sont les jeunes "illégaux", mais on sait aussi que c'est pour plaire à certains groupes anglophones. Donc, il y a des clientèles jeunes au Québec qui méritent plus d'attention et plus de magnanimité que certaines autres.

Quand on parle d'insensibilité à l'endroit de la situation des jeunes, à cet égard, je n'ai pas de leçon à recevoir du ministre. Je suis aussi capable que lui de respecter les personnes, de respecter mes engagements et de respecter certaines valeurs.

Je peux, en effet, trouver plus malheureuse la situation des itinérants - il y en a de 5000 à 10 000 dans la région de Montréal - des enfants maltraités qui, eux, je le dis, ne bénéficient pas du puissant lobby dont ont bénéficié les jeunes "illégaux".

Dans la loi 54, le ministre nous dit: Par sens d'humanité. Moi, je dis que c'est par sens politique et c'est parce qu'il était obligé de payer une dette politique.

Libéral nous dit ce ministre, gouvernement libéral ouvert, transparent. Pourtant, ce gouvernement, sur toutes les législations et les lois importantes au cours de la présente session, n'a fait aucune consultation en commission parlementaire à l'exception de la santé animale et quelques questions importantes, mais relativement mineures par rapport aux questions et à la loi 58 qui nous concernent.

Refus d'entendre les organismes parce que cette loi est indéfendable et parce que le ministre aurait dû expliquer pourquoi il a retenu la plus mauvaise ou la solution du rapport Nadeau, qui présentait le plus grand nombre de difficultés. Il faut le reconnaître, le seul argument que le ministre nous offre pour dire que c'était la meilleure solution, c'est un supposé caractère d'urgence. Il nous dit en même temps en commission parlementaire: Cela n'était pas ma solution, la solution qu'a proposée Rondeau. Alors on se demande à quelle pression le ministre a cédé

pour nous apporter la solution qui présentait le plus grand nombre d'inconvénients, à l'exception d'un avantage qui, pour lui, a été estimé comme étant majeur, soit qu'il plaisait aux groupes de pression anglophones. Si le ministre avait accepté d'entendre des organismes en commission parlementaire, il aurait dû justifier le choix de cette hypothèse. C'est ce qu'il s'est refusé de faire.

Cette loi ouvre la porte à des précédents dangereux. Nous n'en connaîtrons les effets que dans quelques années. Parce que tous ceux et celles qui sont passés par l'école anglaise, si on accepte ce qui, à mon avis, est inacceptable, l'interprétation que l'on fait de l'article 23 de la charte canadienne, c'est-à-dire même si vous êtes pour un bref séjour dans une école anglaise, non seulement cela vous donne le droit à l'école anglaise, mais à tous vos descendants et frères et soeurs, alors si on prend cette interprétation, cela veut dire que tantôt la loi que l'on vient d'adopter va s'appliquer aux 2000 déjà sortis du réseau et va aussi pouvoir s'appliquer à ceux et celles qui ont fréquenté l'école anglaise et qui ont accepté de s'en aller dans l'école française. Cela veut dire qu'ils ont été là un mois, deux mois, six mois et cela leur donnerait les mêmes droits que les "illégaux" qui, aujourd'hui, ont l'amnistie et qui, je le rappelle, n'auraient pas été admissibles en vertu de l'article 23 de la charte canadienne.

Ce que l'on fait aujourd'hui va beaucoup plus loin, c'est le libre choix de l'enseignement. Il reste plusieurs questions. Plusieurs questions demeurent en effet, et l'une qui pourrait être particulièrement préoccupante c'est celle du 15 avril. Pourquoi avoir arrêté la date du 15 avril? Vraisemblablement pour pouvoir reconnaître des enfants qui sont entrés à l'école anglaise après le 2 décembre: entre le 2 décembre, après l'élection du Parti libéral, et le 15 avril. D'ailleurs, le ministre ne s'en cache pas autrement, parce qu'à une question ici, à savoir pourquoi le 15 avril 1986 plutôt que le 30 septembre 1985, le ministre répond ici, hier, et je reprends textuellement: "Pour les fins d'inscriptions scolaires, la date c'est le mois de février, le mois de mars et ce n'est pas le 30 septembre. C'est pour les compter une fois qu'elles sont entrées." Je ne pourrais pas dire qu'au plan du texte, cela me semble très rigoureux, mais de toute façon, allez voir quand les parents inscrivent leurs enfants à l'école, vous allez voir si c'est au mois de février ou au mois de mars.

C'est d'ailleurs une partie de l'origine du problème que nous avons. Nous avons dit le 15 avril, parce que nous voulions une date pas trop éloignée de la date à laquelle serait adopté le projet de loi. Je ne comprends toujours pas pourquoi, si ce sont les enfants qui sont inscrits et qui étudient dans les écoles actuellement, une date qui permettrait une vérification raisonnable dans des conditions humaines et aussi parce que nous étions saisis du cas d'une vingtaine à une trentaine d'enfants qui présentent des difficultés particulières et qui auraient été probablement référés au ministre par la voie de la commission d'appel, n'eût été de cette date que nous avons choisie...

Donc, ce que le ministre est en train de nous dire c'est qu'il passe par-dessus la tête de la commission d'appel. Sans qu'un organisme ne se soit penché sérieusement sur le cas de ces enfants qui posent des difficultés - est-ce qu'il pose des difficultés aux enfants ou au ministre? on ne le sait pas trop - sans attendre la commission d'appel, le ministre décide en fixant le 15 avril que les enfants qui se sont inscrits entre le 2 décembre et le 15 avril sont admissibles. C'est la seule raison qui justifie le 15 avril. À présent une telle attitude a de quoi nous inquiéter par rapport à l'interprétation que le ministre fera du pouvoir qui va lui être conféré tantôt de décider de ces cas.

Pour ces raisons, M. le Président, cette loi est inacceptable et elle demeurera, je pense, dans la mémoire des Québécois et de cette Chambre comme étant une loi teintée de politique partisane comme une dette de ce parti à l'endroit de certains groupes de pression anglophones. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: M. le Président, au départ, je n'avais pas l'intention d'intervenir. Je m'excuse si je prends la place du député de Saint-Jacques que j'ai vu prêt à intervenir. Cela fait quelques soirs que je me retrouve en cette Chambre à entendre des discours sur la loi 58. C'est honnêtement une réaction très spontanée d'intervenir et je le fais plus particulièrement en tant que Néo-Québécois dans le sens que, souvent, durant les discours, j'ai entendu les gens parler des Néo-Québécois, des immigrants, de l'intégration à la société québécoise, de la francophonie, etc., par rapport au problème des "illégaux" comme on les appelle dans les écoles. (0 h 50)

Je serai bref et je ne reprendrai pas les arguments des gens d'en face pour répliquer. Je pense que cela a été amplement fait. C'est surtout une constatation à un témoignage que j'aimerais apporter dans ce débat en tant que Néo-Québécois.

M. le Président, je constate une chose: les interventions de l'autre côté ont peut-être une certaine rigueur juridique. Il n'y a personne qui a remis cela en cause. Il n'y a

personne qui a dit que c'est un processus normal que d'entériner quelque chose qui est illégal par une loi. Le ministre lui-même a qualifié la loi d'exceptionnelle. Le ministre a insisté sur la nécessité d'une générosité dans ce cas-ci. Chose que l'Opposition a choisi d'ignorer: elle porte ses arguments sur les aspects juridiques et sur les aspects qui touchent les intentions, le comportement des administrateurs scolaires, que je déplore et j'ai que toujours déploré. Elle a systématiquement aussi ignoré la réalité que vivent ces gens, c'est-à-dire les parents et les enfants qui sont des "illégaux". Et, ce qui est encore plus grave, je pense qu'elle manque le bateau en regard de la réalité que les gens vivaient au moment où ces choses se passaient.

La seule constatation, s'il y en a une que je peux faire, c'est qu'il y a dix ans et même avant cela, avec la loi 22, on a vécu au Québec une période bouleversante, qui a effectivement, avec raison - et j'ai toujours été parmi ceux qui ont dit que c'était avec raison. Même avec la loi 22, j'ai déploré des modalités et, dans la loi 101, il y avait des raisons pour faire ces changements cette affirmation collective en tant que société francophone en Amérique du Nord.

Mais il y avait des individus à travers ce processus qui ont vécu des bouleversements qu'ils n'ont pas compris. Ce n'est pas difficile de comprendre pourquoi ils n'ont pas compris et je me prendrai en exemple. Si j'ai la chance, aujourd'hui, de parler français et de me considérer complètement intégré du côté francophone, ce n'est pas parce qu'à mon arrivée ou à l'arrivée de ma famille ici je pouvais le faire. Il y avait - et je parle peut-être plus comme quelqu'un d'origine grecque qui, quand on essayait d'entrer du côté des écoles francophones, on ne pouvait pas - le critère de la religion. Il fallait être de religion catholique pour avoir accès à l'école francophone. Moi-même, je n'ai pas pu aller à l'école francophone. J'ai fait toutes mes études en anglais. J'ai évolué du côté anglophone.

M. le Président, tout cela ce n'est pas quelque chose que les gens comprennent tout de suite. Ce n'est pas quelque chose que les gens qui étaient ici, bien avant tous ces événements, qui ont eu ici les enfants par après, ont pu comprendre et suivre. Tout ce que je pense réellement, aujourd'hui, c'est de reconnaître une situation de fait qui existe avec un certain nombre d'enfants qui sont "illégalement" entre guillemets inscrits dans le système anglophone. Mal conseillés par les administrateurs, j'en conviens peut-être, il demeure que ce sont des enfants qui n'ont aucun statut dans les écoles. Ces enfants ne recevront pas de diplôme. Peu importent les raisons techniques que l'autre côté peut avoir quant aux arguments juridiques, il reste que ceux qui vont payer, si l'attitude de l'Opposition est adoptée, ce sont les enfants. Il arrive un moment dans une société ou dans une collectivité où il faut trouver la générosité de reconnaître des faits et de dire: On met fin à cette page. On a eu le changement nécessaire. On se sent confiant. On se sent sécure et on peut trouver la générosité de dire - et je pense que c'est dommage, parce que ce n'est pas une prime, aujourd'hui, d'aller à l'école anglophone au Québec. Ceux qui le font, et je le dis très publiquement, je trouve qu'ils se mettent dans une position désavantageuse par rapport à leur propre avenir. Mais s'ils ont choisi de le faire, s'ils vivent des situations de fait dans la réalité, je pense que nous, comme Assemblée nationale et plus largement comme société, nous avons le devoir de trouver cette générosité à l'intérieur, au-delà des arguments juridiques, au-delà de la hargne qu'on peut avoir contre les administrateurs scolaires qui ont choisi de "bargainer" les enfants - c'était le mot, je pense, à un moment donné pour des subventions. Au-delà de tout ça je pense que nous avons la responsabilité de reconnaître les faits, de mettre un terme à cette page de notre histoire collective et de procéder en se sentant effectivement en sécurité. Je pense que le problème de l'autre côté, c'est que, mesdames et messieurs de l'Opposition, vous êtes en train de vous parler à vous-mêmes. Vous vous parlez à vous-mêmes et vous ne parlez pas aux gens qui vivent le problème, aux gens qui... Je crois bien que, après dix ans, il y en a plusieurs qui ont reconnu que c'était peut-être quelque chose qu'ils n'auraient pas dû faire, et ils ne demandent à l'heure actuelle qu'une possibilité d'avoir une fin à cette histoire. Je pense que le Québec peut trouver cette générosité et c'est ce que le gouvernement propose. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, tout au long de la commission parlementaire, lorsqu'on a étudié le projet de loi 58 présenté par le ministre de l'Éducation, j'écoutais attentivement ses propos, je regardais ses attitudes et j'avais un sentiment de déjà vu. Ce sentiment de déjà vu, j'avais le goût de l'approfondir et de remonter aux racines de ce déjà vu. Donc, je me suis livré hier soir, malgré l'heure à laquelle on a terminé, à une lecture des éditoriaux que le ministre de l'Éducation faisait à l'époque où il était directeur du Devoir, lorsqu'il s'agissait pour nous de l'Assemblée nationale de voter la loi 101, qui est la Charte de la langue française. J'y ai lu, et c'était là le déjà vu face à sa

commission, une attitude hargneuse, une attitude méprisante, insultante, comme dit l'expression québécoise typique, vieux brûlot.

Ses éditoriaux avaient une force de hargne telle qu'il allait à l'époque en utilisant des mots très forts, presque des mots comme "faciste", je crois, à l'endroit du ministre qui parrainait cette loi, le Dr Laurin, à qui je rends hommage ce soir, parce qu'il a donné par cette Charte de la langue française aux Québécois majoritairement francophones une fierté qu'ils n'avaient pas. Maintenant, ils la possèdent, cette fierté. Donc, j'ai l'impression que le revanchard quant à la question de la langue ces derniers jours, ce ne sont pas les gens de ce côté, c'est l'attitude des gens d'en face et notamment celle du ministre de l'Éducation. Le ministre plaide l'humanité envers ces enfants, le ministre se transforme en pater dolorosa au sujet de ces enfants qui fréquentent illégalement l'école anglaise et mon collègue, enfin, votre collègue, le collègue de Laurier parlait de générosité. Les Québécois, je pense, expriment la générosité et la première générosité a été de les accueillir. Face à une attitude généreuse de la part des Québécois de les avoir accueillis, je pense qu'il y aurait eu des devoirs de la part de ces gens d'accepter l'école française. Même là, c'est aberrant de dire: accepter l'école française. Cela devrait être la chose normale, d'accepter l'école française. (1 heure)

Je me resitue, M. le Président, dans les fonctions antérieures que j'excerçais, qui étaient celles de l'admission à l'école anglaise et de responsable des classes d'accueil et je vois ces centaines, ces dizaines et même ces milliers de jeunes nouveaux Québécois et Québécoises que j'ai reçus dans mon bureau, avec leurs parents, avec l'assistance, très souvent, d'un traducteur à qui j'expliquais qu'il y avait au Québec une loi qui disait que les enfants d'immigrants, ceux qui arrivaient dans ce pays-ci, allaient à l'école française, mais, comme ils ne parlaient pas le français, ils allaient dans une classe d'accueil auparavant. Ces gens ont accepté, certains peut-être moins spontanément que d'autres, je vous l'accorde, parce qu'ils étaient respectueux des lois du pays qui les accueillait. C'était leur devoir face à la générosité première que nous avions de les accueillir. Voilà maintenant qu'il y a un groupe d'irréductibles qui, eux, ont dit carrément non, et c'est là ce qui est méprisant et insultant face à la majorité francophone de ce pays. Ils ont dit: Non, nous, on ne veut rien savoir de l'école française. On veut aller à l'école anglaise.

J'avoue qu'effectivement le Québec a vécu une période de changements sociaux profonds. C'était pertinent, pour mon collègue de Laurier, d'en faire état. Mais la situation des "illégaux" a commencé en 1977 et le projet de loi qu'a déposé le ministre ne considère pas les élèves qui sont entrés en 1977 avec une fin au 31 décembre 1977. Des "illégaux" entraient dans certaines commissions scolaires même ces jours derniers et on dit, même, avec la complicité de certains députés qui siégeraient à l'Assemblée nationale. Si c'est le cas, je pense qu'ils sont indignes de siéger à l'Assemblée nationale, pour avoir eu une attitude pareille: celle de défier les lois votées par ce Parlement et, après, de venir s'asseoir ici et de s'instaurer législateurs pour promulguer une nouvelle loi.

Le rapport Rondeau qui a été présenté est effectivement un rapport étonnamment et éminemment partisan et très partiel. Le ministre l'a senti lui-même parce qu'il avait une grande frousse d'une commission parlementaire où les gens du Québec pouvaient intervenir, où les gens associés à l'éducation au Québec pouvaient intervenir. Tout cela était, de sa part, un mépris face à la loi 101 et un mépris également face à ces centaines de milliers de nouveaux Québécois qui, eux, en arrivant ici, ont décidé d'accepter l'école française, d'envoyer leurs enfants à l'école française et eux-mêmes, d'ailleurs, d'aller dans les COFI, qui sont des centres de formation et d'orientation pour les immigrants dont la ministre des Communautés culturelles pourrait nous parler. Les parents eux-mêmes se sont intégrés avec une étonnante facilité et, pour cela, je leur rend hommage.

Une voix: Elle leur a écrit en anglais.

M. Boulerice: Sauf que quelquefois, malheureusement, elle leur écrit en anglais, mais elle a promis de ne plus le faire.

M. le Président, dans toute la démonstration que le ministre a faite, au moment où il prêchait l'humanité, lui avait, face aux propos que nous tenions, une morale austère et rigoriste. Cela, c'est inacceptable. Au moment où des administrateurs scolaires, des enseignants, des parents ont accepté les données de base de ce pays, qui était un pays majoritairement francophone avec une loi disant que les enfants vont à l'école française, il est inacceptable que ceux qui ont poursuivi l'irréductibilité jusqu'au bout se voient offrir une récompense visant à perpétuer un privilège auquel ils n'avaient pas droit. Il est également immoral que l'on ne songe même pas à sanctionner ceux qui ont été les rabatteurs pour ces enfants, ceux qui sont allés les chercher volontairement et qui les ont amenés dans ces classes anglaises de certaines commissions scolaires. De cela, la preuve est évidente. Il va de soi, M. le Président, que le débat s'achève sur cette question, mais, au moment du vote, ma position va être aussi ferme que celle de mes collègues. Il n'en est pas question. Ce Parle-

ment ne se déshonorera pas en votant une loi rétroactive récompensant l'illégalité dans notre système scolaire. Que ceux qui l'ont encouragée aient la décence de ne plus siéger dans ce Parlementl Ce serait la moindre des choses.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Nous voilà aux dernières heures où nous pouvons encore défendre la légalité sur ce territoire québécois. C'est le troisième discours que je fais sur le sujet et je tiens à dire, M. le Président, que je vais lui donner la même orientation que les deux précédents.

Je me suis rendu à la commission de l'éducation qui étudiait avec attention ce projet de loi et j'en ai parlé aussi personnellement, en coulisse, avec le ministre de l'Éducation à qui je disais: S'il y avait à cette loi un préambule où seraient insérés les droits de la majorité et les devoirs de la majorité, ainsi que les droits de la minorité et les devoirs de la minorité qui habitent la province de Québec actuelle, mon pays à moi, si les droits et les devoirs du groupe majoritaire et du groupe minoritaire étaient définis en préambule à cette loi, je considérerais la possibilité de voter pour cette loi. Parce que le préambule n'y est pas, il est impossible pour moi de voter pour cette loi. Avec ce préambule, il aurait été impossible que nous retrouvions dans cinq ans, dix ans ou quinze ans le même problème que nous trouvons aujourd'hui.

M. le Président, c'est exceptionnel, le sérieux que chacun des députés se doit d'avoir devant cette loi. Ce sera très rare et j'espère que c'est la dernière fois, la dernière fois qu'on est obligé de parler d'une loi aussi outrageante pour un peuple.

Une voix: C'est vrai, cela.

M. Blais: Dans cette charte qui se voudrait le préambule d'une loi - non celle que nous avons, mais celle dont on parle, celle que j'aimerais qui soit - il y a des droits pour la majorité et des droits pour la minorité qui devraient être inclus: un système complet d'éducation, de la maternelle jusqu'aux spécialisations universitaires, pour la majorité du Québec, c'est-à-dire les francophones et pour la minorité, c'est-à-dire les anglophones; deuxièmement, le financement des deux groupes sur un pied d'égalité serait supporté par l'État; troisièmement, les deux groupes ont droit à un système public et à un système privé.

Dans les devoirs, il y a aussi des choses très importantes. D'abord, que la majorité se doit de respecter la minorité et que la minorité, elle aussi, se doit de respecter la majorité. Nous faisons cette loi aujourd'hui, non parce que moi, qui suis de la majorité, je n'ai pas respecté la minorité québécoise, c'est parce qu'il y a une minorité de la minorité québécoise qui n'a pas respecté la majorité dont je fais partie. C'est clair, c'est évident, c'est net et précis et personne ne peut contredire ceci. Ce n'est pas que moi, de la majorité francophone, j'aie manqué de respect envers la minorité anglophone du Québec, ce n'est pas pour cela qu'on parle de cette loi. C'est parce qu'il y a, sur le territoire québécois, une partie de la minorité qui n'a pas respecté la majorité dont je suis. Et qu'on vienne, de l'autre côté, me dire le contraire! (1 h 10)

Moi, je fais partie d'une majorité et d'un parti politique qui respecte de A à Z la minorité au Québec et, je le répète, s'il en était autrement, je démissionnerais. Mais si on est fier de la majorité dont je fais partie si on est fier de mes collègues et si on est fier du Parti québécois, parce que nous respectons la minorité, vous devriez avoir la même fierté de demander à la minorité de nous respecter. Vous ne l'avez pas fait durant les dix dernières années et vous venez, comme des vierges offensées aujourd'hui, me dire, à moi, que je suis coupable de la situation. Jamais, jamais je n'accepterai de passer pour le coupable. Jamais. Il y a des limites à faire croire à des gens qu'ils sont coupables quand ils ne le sont pas.

Les coupables, M. le Président, se trouvent parmi les minoritaires qui n'ont pas respecté la majorité dont je fais partie. Ce sont là les coupables et ce ne sont pas les enfants qui sont coupables. Je suis triste pour les enfants qu'ils soient dans cette situation. Je suis triste, nous le sommes tous de ce côté. Même à la rigueur les parents -je vais loin - qui ne parlaient souvent ni français ni anglais en arrivant, l'épouvantail que vous leur brandissiez les a peut-être fait choisir l'école anglaise, peut-être. Mais les commissaires d'écoles qui y ont participé, c'est impardonnable! Si, au moins, il y avait quelque chose dans cette loi qui leur faisait payer leur erreur. De façon étudiée, de façon volontaire, de façon rationnelle, pleins de renseignements, avec la science autour d'eux, avec un système qui les protégeait, avec des quêtes publiques dans tout le Canada, avec l'aide des compagnies et le Parti libéral par-dessous. Et je ne sais pas si Alliance Québec y participait je ne le sais pas, mais ça sonne, c'est du même airain... Si le grelot se balançait, je suis persuadé qu'Alliance Québec sonnait l'angélus, j'en suis persuadé.

C'est malheureux que des gens qui sont

d'une minorité ne respectent pas la majorité dont je suis. Et attention: je suis fier d'être de cette majorité qui respecte cette minorité. C'est le Québec qui est un symbole dans le monde du respect, de la tolérance; ce n'est pas le Canada. Quand on dit que sur le continent nord-américain vit un peuple qui a le respect de ses minorités, on dit souvent que c'est le Canada. C'est faux! C'est le Québec parce qu'au Canada les gens ne nous respectent pas, nous, les francophones, pas du tout. Pensez-vous qu'en Ontario il pourrait y avoir un projet de loi comme celui qu'on a devant nous aujourd'hui, pour permettre à des francophones d'aller illégalement à l'école française? Il n'y en a même pas, d'école française. Il y en a quelques-unes qui traînent au hasard dans les forêts du Texas, d'accord, mais ce n'est pas érigé en système.

M. le Président, je tiens à vous dire que je suis fier d'être un francophone habitant ce territoire nord-américain, fier parce que nous sommes une nation qui respecte les minorités, mais que j'aimerais donc qu'on mette autant d'acharnement de l'autre côté pour dire aux minoritaires aussi de nous respecter comme moi, je les respectel Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. François Gendron

M. Gendron: Ayant été associé à chacune des phases de ce projet de loi et comme nous en sommes à l'étape finale, en troisième lecture, je tenais à exprimer encore une fois la conviction de ce côté de cette Chambre que le projet de loi 58 ne rend pas justice effectivement à tous ceux qui ont observé une loi du Québec, à savoir la loi de la majorité en ce qui concerne la loi 101.

J'ai été très attentif, tout autant en commission qu'en deuxième lecture et même lors de l'étude en commission parlementaire. J'ai été également attentif à la réplique finale du ministre de l'Éducation en troisième lecture qui indiquait que, pour lui, ce qui était important et fondamental dans ce projet de loi, c'étaient les enfants qui étaient concernés comme point central. Il nous a expliqué pendant plusieurs minutes en quoi sa démarche était profondément justifiée, disait-il, puisqu'il fallait agir. Il fallait agir parce que le problème n'était pas nouveau. Il fallait agir parce que ces gens n'avaient aucune certification et il fallait agir également parce que toutes les solutions administratives n'étaient pas appropriées.

M. le Président, je voudrais simplement signaler que, même si le ministre de l'Education a toujours prétendu que nous, on le taxait d'avoir trouvé "la" solution, comme je l'ai fait en deuxième lecture et comme je l'ai fait en commission, ce n'est pas nous, mais d'autres intervenants intéressés par cette question qui ont prétendu que le ministre a toujours été assis sur sa vérité tranquille parce qu'il avait confié à un comité partisan l'analyse de cette question et que la recommandation qui était faite était l'amnistie totale sans nuance. Premièrement, il nous a indiqué que c'était la meilleure solution parce qu'il régularisait une situation. Deuxièmement, c'était la meilleure solution, parce que c'était une solution qui créait un climat de dialogue. Troisièmement - parce que j'ai pris des notes c'était la meilleure solution parce que cette solution offrait une soupape de sécurité et de sûreté.

M. le Président, je pense qu'en commission on a essayé de faire voir au ministre de l'Éducation qu'il y avait d'autres intervenants qui, eux aussi, peut-être pas d'une façon "circonvulatoire", avaient pris le temps de regarder l'hypothèse qui a été recommandée par le comité Rondeau. Je veux parler de l'Alliance des professeurs de Montréal, de la CEQ et d'autres intervenants, que ce soit le Mouvement Québec français et ainsi de suite. Ils ont prétendu que c'était une solution qui créait une source de droit qui, par rapport au problème à régler, était disproportionnée. Je voudrais seulement revenir pendant quelques minutes là-dessus.

On régularise une situation, j'en suis, sauf que j'ai fait valoir en commission parlementaire et en deuxième lecture que le problème des "illégaux" n'était pas dans sa crête la plus importante puisque c'est un problème qui était, en termes numériques, moins important que ce qu'il a été pendant quelques années. A partir du moment où un problème comme celui-là était en voie d'extinction, je suis toujours convaincu que, si on s'était donné la peine d'évaluer une solution administrative avec l'ensemble des intervenants concernés, compte tenu du fait que ce gouvernement a l'habitude de composer avec ces gens qui ont toléré, encouragé et, dans certains cas, cautionné l'illégalité, il aurait été facile, je pense, avec eux d'envisager des solutions administratives pour régler une fois pour toutes le problème.

M. le Président, je n'ai pas encore la conviction que, parce qu'on a la prétention que la solution évoquée crée un climat de dialogue, cela prend un projet de loi qui fasse abstraction de ce que nous sommes comme parlementaires, qui fasse abstraction de la légitimité de ce Parlement. Je ne crois

pas que, pour créer, dit-il, un climat de dialogue, il fallait absolument voter une loi qui renie, dans le fond, la primauté du Parlement sur des choses aussi fondamentales. En conséquence, je pense qu'on peut très bien créer un climat de dialogue, un climat propice a des arrangements administratifs lorsqu'on fait comprendre à des gens qu'en ce qui nous concerne le Parlement est souverain et qu'une loi, cela se respecte. Prétendre qu'il s'agit d'une solution des plus justes et qui n'enlève rien à personne, je pense que c'est faire, encore là, une analyse très serrée, mais tellement serrée qu'elle devient simpliste par rapport à l'ampleur et à l'envergure du problème. (1 h 20)

Le ministre de l'Éducation, comme il l'a fait en deuxième lecture, a répété en troisième lecture que, dans une société, l'important pour régler un problème, c'est d'essayer de prendre une position qui va nous donner la paix sociale, qui va nous donner l'unité comme si, dans cette question, M. le Président, nous allions effectivement éteindre les velléités de certaines personnes, de certains groupes qui prétendent que ce gouvernement n'a pas véritablement de politique linguistique. Penser que la solution qu'il a préconisée va régler le problème et offrir toute la sécurité au plan social, je pense que c'est errer. Je pense qu'on n'a à recevoir de leçon de personne, et pas plus du ministre de l'Éducation, là-dessus. Depuis plusieurs années, on a réussi au Québec, dans une relative paix linguistique, à atténuer les tensions, à atténuer un climat de représailles. On le voit, d'ailleurs, de plus en plus car certains éditorialistes le disent. M. Comeau, je pense, récemment dans le Devoir, sentait le besoin de dire: La loi 101 offrait des dispositions de climat social facilitant une compréhension de la minorité, compte tenu que nous avions pris le temps à ce moment-là de faire les débats qui s'imposaient pour s'assurer d'un climat social, d'une paix linguistique qui nous permettrait de respirer.

J'ai été également étonné de voir qu'on fasse abstraction de cette dimension dans le problème, qui est d'avoir une certaine fierté dans la solution préconisée. Je suis loin d'être convaincu que, par la solution préconisée par le ministre de l'Éducation, l'ensemble des Québécois et des Québécoises pourra conserver cette fierté de vouloir réaffirmer d'abord le respect d'un Parlement face à une loi adoptée majoritairement et, également, le respect d'une majorité au Québec qui a toujours préconisée l'affirmation du fait français. Je pense que nous avons essayé pendant plusieurs heures de faire comprendre au ministre de l'Éducation que ce problème aurait sûrement mérité d'être regardé par plus de groupes intéressés par cette question. D'aucune façon! On n'a jamais voulu entendre ces gens sous prétexte qu'on avait fait le tour de la question.

Le ministre avait fait le tour de la question. En conséquence, il nous appartenait d'aller voir privément les autres groupes et les autres personnes qui préconisaient une autre solution, alors que nous, nous lui disions que, comme il l'avait si bien dit en deuxième lecture, normalement la véritable démocratie doit s'exercer par la confrontation des opinions. Comme sur ce sujet-là il y a effectivement des opinions divergentes, cela aurait été intéressant de les entendre en commission parlementaire, non pas parce qu'on voulait par des mesures dilatoires empêcher l'évolution normale de nos travaux, mais parce qu'on avait besoin d'un échange d'idées, compte tenu qu'il y avait d'autres groupes qui avaient la prétention que la solution offerte par le ministre de l'Éducation était une solution dangereuse, une solution qui crée une source de droit nouveau et qui, donc, était lourde de conséquence pour l'avenir.

À l'avenir, il s'agira juste de conclure des ententes avec un parti politique lors d'une campagne électorale pour dire: Ce n'est pas si grave que cela, défier une loi. Il s'agira d'avoir une bonne entente. Quand on sentira que le courant est fort et dans la perspective où des gens prennent l'engagement de régler cette affaire par voie législative indépendamment des conséquences, il y aura peut-être des gens qui, dans l'avenir, auront le goût de défier les lois du Parlement au nom de toutes sortes de logiques: la légitimité du moment, le contexte dans lequel la population du Québec a toujours dû évoluer sur le plan linguistique.

C'est ce qu'on a essayé de faire valoir au ministre dé l'Éducation, mais il nous a répété à plusieurs reprises que nous, on ne sait pas lire, nous, on ne comprend rien. Nous, tout ce qui nous intéresse, M. le Président, c'est d'avoir des motions dilatoires pour empêcher ce gouvernement de prendre les décisions qui s'imposent. On a essayé d'éclairer sa lanterne, mais sa lanterne c'est la voie, la vérité et la vie.

Dans ce sens, je tenais, en troisième lecture, à réaffirmer notre opposition à ce projet de loi. Nous sommes convaincus que ce n'est pas la solution au problème parce qu'elle engendre du droit nouveau dangereux. En conséquence, c'est clair, même si nous sommes rendus à l'étape finale comme il l'a dit si bien, nous aurons la même attitude responsable de dire, en ce qui nous concerne: C'est inacceptable et nous allons voter contre.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, on a voulu nous présenter ce projet de loi comme étant un projet de loi mineur qui visait à régler le problème de 1500 enfants et qui, finalement, ne remettait pas en cause toute la démarche que la société québécoise a faite au cours des dernières années à l'égard de la protection et de la promotion de la langue française.

M. le Président, rien n'est plus faux. Ce qu'il faut voir dans ce projet de loi, c'est un élément additionnel à toute une série d'attitudes que le gouvernement libéral a prises et prend depuis qu'il est en fonction. Ce qu'il faut faire, c'est situer ce projet de loi dans le contexte qui se développe depuis six mois au Québec. Je crois qu'il est important à ce moment-ci, alors que c'est la dernière occasion que nous avons de le faire, de situer le contexte dans lequel intervient le projet de loi 58. Un contexte où le gouvernement a commencé par donner des messages, à savoir que la langue d'affichage au Québec, ce n'était pas uniquement le français. Le respect de la Charte de la langue française à l'égard de l'affichage, cela ne l'intéressait pas tellement, M. le Président. On n'était pas très intéressé à faire appliquer la loi pour que les poursuites qui auraient dû être prises soient prises et faire en sorte de donner des messages clairs dans le West Island ou dans la région de l'Outaouais, à savoir que le Québec, cela n'est pas l'Ontario, le Québec, cela n'est pas l'Alberta, le Québec, cela n'est pas la Colombie britannique.

Le Québec, c'est le seul territoire en Amérique du Nord où notre peuple francophone est majoritaire. On tient à ce que la patrie québécoise, la maison québécoise, témoigne dans son visage de ce caractère français. C'est ce que l'on voulait en 1977 quand on a adopté la Charte de la langue française et c'est ce que ce gouvernement commence à détruire. Et c'est dans ce contexte-là qu'intervient le projet de loi 58. C'est dans ce contexte aussi qu'il y a à peine quelques jours des journalistes et des enquêteurs nous ont indiqué que la langue du travail au Québec depuis le 2 décembre s'en va en déclinant. La francisation dans les lieux de travail au Québec ralentit. Pourquoi? Parce que l'on donne des messages à des gens qui les attendaient depuis des années et qui n'étaient pas intéressés à poursuivre ce processus de francisation. Vous savez, nous du côté libéral, cela ne nous intéresse pas tellement. Comment voulez-vous que des entreprises qui se font tirer l'oreille continuent le processus de francisation dans les lieux de travail quand le gouvernement, qui a la responsabilité première de faire appliquer la Charte de la langue française et de défendre la langue française au Québec, n'est pas intéressé à le faire, M. le Président? C'est d'ailleurs ce qu'a démontré récemment le sondage qui est utilisé - on y reviendra tantôt - par le Parti libéral pour présenter ces arguments. Ce sondage indiquait que les Québécois se méfient du gouvernement libéral et considèrent que ce gouvernement ne porte pas suffisamment d'intérêt à la promotion et à la défense du français. Ils considèrent que c'est le rôle de l'État de voir à ce que le français soit non seulement respecté, mais appliqué et que ce soit la langue du travail, la langue de la société en général, la langue des communications et la langue du Québec, M. le Président.

C'est aussi dans un contexte particulier qu'intervient le projet de loi 58. Et là, on arrive au coeur de l'ambiguïté, de ce qui est inacceptable à l'égard du comportement du gouvernement. On a une ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration qui choisit délibérément de s'adresser uniquement en anglais dans ses messages aux communautés ethniques du Québec, leur disant: Pour nous, il n'y a que deux communautés au Québec: la communauté anglophone et la communauté francophone et, pour nous, tous les Néo-Québécois, tous les nouveaux arrivants sont des anglophones. C'est pourquoi je m'adresse à eux uniquement en anglais. C'est le message que le gouvernement donne en permettant à la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration d'agir de la sorte. (1 h 30)

Aucun ministre, aucun député libéral ne s'est levé, ni en cette Chambre ni à l'extérieur, publiquement, pour dénoncer l'attitude et le comportement de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Ce qu'on nous présente aujourd'hui c'est un projet de loi qui va amnistier le comportement d'adultes, de parents, d'enseignants, de dirigeants de commission scolaire et de fonctionnaires qui sont tous concernés par la situation de vie des communautés ethniques du Québec. On additionne au message antifrancophone de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration un autre message dans le même sens en disant aux communautés ethniques du Québec: Vous savez, nous on pense que vous devriez vous intégrer à la communauté anglophone. Nous, on pense que de toute façon vous êtes des anglophones. Nous, on pense qu'au Québec ce n'est pas une société francophone, c'est une société bilingue. C'est le petit Canada en miniature. Le problème c'est que le Québec ce n'est pas cela. Le Québec c'est la patrie d'un peuple. Moi, je n'aime pas tellement me faire faire la morale et la leçon par des députés qui sont nés à l'extérieur du Québec et qui sont arrivés ici, qu'on a accueillis correctement et mieux que les immigrants et

mieux que les Canadiens français sont traités partout ailleurs au Canada. Et on se fait faire la morale dans ce Parlement et un peu partout par des gens qui nous disent: Nous n'accueillons pas bien les immigrants. Nous ne les traitons pas bien. Nous ne leur permettons pas de s'intégrer où ils le veulent. Non, M. le Président. Nous avons dit il y a plusieurs années déjà qu'au Québec cela va se faire comme partout ailleurs dans le monde; qu'au Québec si on choisit d'y venir on choisit le territoire et la patrie d'un peuple particulier qui est francophone et que c'est en français que les nouveaux immigrants doivent fonctionner. C'est avec la communauté francophone qu'ils doivent s'intégrer. C'était cela la loi 101. Faire en sorte que les 'immigrants, les nouveaux arrivants envoient leurs enfants à l'école française. C'était le message que donnait la loi 101. C'était le consensus au Québec également.

M. le Président, aujourd'hui on a un gouvernement, dont un certain nombre de membres ont participé à l'illégalité, qui vient dire aux nouveaux arrivants: Écoutez, vous pouvez aller vers la communauté anglophone, la communauté qui domine en Amérique du Nord, qui a la force de 95 % de la population de l'Amérique du Nord. Allez-y, ce n'est pas grave. Au Québec on va faire comme nulle part ailleurs au monde on a fait. Ici, on va permettre aux nouveaux arrivants d'aller constituer avec la communauté anglophone un noyau qui va aller en s'amplifiant. C'était cela qu'on voulait stopper avec la loi 101. C'est le message sur lequel on revient avec le projet de loi 58 et avec l'attitude du gouvernement. Cela se fait aussi dans un contexte - ce sont les sondages qui nous l'indiquent - où les Québécois francophones, où les Canadiens français, si on veut utiliser le terme qu'utilisent souvent certains membres du gouvernement, ont l'impression qu'au Québec il n'y a plus de problème. C'est d'ailleurs ce que nous a servi le député de Sauvé et plusieurs autres membres de la commission de l'éducation lorsqu'on a étudié le projet de loi 58. Vous savez, ce n'est pas grave. Depuis la loi 101, le français est protégé au Québec. Il n'y a plus de dangers. La réalité c'est que pendant qu'on étudiait ce projet de loi il y avait des études d'experts qui nous disaient que l'anglais, malgré la loi 101, continue d'avoir une force d'attraction trois fois plus grande que le français. Où? Chez les communautés ethniques, chez justement ces gens qui ont choisi en un certain nombre de cas de défier la loi 101 et qui ont été encouragés par des députés et par des ministres qui sont aujourd'hui de ce côté-là de la Chambre. Pendant que ce parti était dans l'Opposition il a encouragé l'illégalité. Des députés ministériels d'aujourd'hui ont fait des discours et ont dit à des gens dans leurs bureaux de comté et en public: Pas de problème, attendez qu'on reprenne le pouvoir. La loi 101 ne vous en inquiétez pas. Quand le Parti libéral va reprendre le pouvoir on va vous régler cela. C'est exactement ce que le Parti libéral fait. On leur règle cela mais en même temps ce qu'on fait c'est qu'on détruit le travail et le message qu'on a voulu donner aux nouveaux arrivants au cours des dernières années: au Québec c'est en français que cela se passe et au Québec c'est à la communauté francophone - quand on choisit le Québec - qu'on doit s'intégrer. Si ce n'est pas cela qu'on veut, l'Amérique du Nord est immense et anglophone partout ailleurs. On peut choisir d'aller ailleurs. Mais, quand on choisit de venir au Québec, on choisit premièrement le territoire d'un peuple francophone. Ce sont les racines du Québec. C'est la fierté du Québec. C'est la vie et la survie du Québec. Et cela, on ne laissera jamais le Parti libéral du Québec le détruire.

Le Vice-Président: Est-ce que vous voulez intervenir? Oui. Vous devez donc vous lever, Mme la députée...

Mme Vermette: Je pensais que...

Le Vice-Président: Je vous rappelle évidemment, selon notre règlement, que vous devez vous lever pour que je vous reconnaisse pour intervenir. Je vous reconnais donc et je vous cède la parole, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. À la suite de tous mes collègues qui se sont prononcés contre le projet de loi concernant l'amnistie des "illégaux", je ne peux accepter moi non plus le dépôt de ce projet de loi en troisième lecture. Je vais vous signaler les motifs pour lesquels il m'est impossible de souscrire à un tel projet de loi.

Jamais, dans une société, l'illégalité ne fait partie d'un principe que l'on doit reconnaître dans un projet de loi. Les institutions doivent démontrer au contraire le respect de tout ce qui fait qu'une société doit s'orienter ou vivre selon des règles et des principes, mais les intervenants qui doivent sanctionner des projets de loi, ces gens qui doivent penser ces projets de loi le font dans le sens de l'illégalité, dans l'irrespect. Je pense à tous ceux qui ont compris que, pour eux, il était essentiel de respecter ces lois s'ils voulaient vraiment s'intégrer à la culture francophone, à la culture des gens qui les avaient admis sur cette terre du Québec, qui étaient prêts à les recevoir, à les accueillir avec toute la chaleur et la générosité que l'on reconnaît si bien aux gens de chez nous. Qu'adviendra-t-il de tous ces gens pour qui il était essentiel

de respecter les lois et qui ont voulu démontrer à leurs enfants et à leurs descendants qu'il est important de respecter ceux qui veulent si bien les intégrer à leur vie, à leur culture et à leur quotidien?

Partager la terre qui nous accueille demande, pour plusieurs, une adaptation qui n'est pas toujours facile. Il est certain, compte tenu de ces circonstances, que des mécanismes avaient été prévus pour favoriser l'intégration de ces enfants dans notre culture francophone. On avait pensé à des classes d'accueil. On a mis en place des moyens d'intégrer ces enfants sans heurts et en respectant toute la dimension qu'on pouvait reconnaître à une telle situation. Pourquoi ces gens ont-ils inscrit illégalement leurs enfants dans les écoles anglophones? On peut s'imaginer que, très souvent, ces gens qui arrivent chez nous pour une première fois, qui arrivent sur une terre inconnue, ne peuvent pas toujours comprendre ce qui se passe au chapitre de la culture, au chapitre des institutions. Mais il y a des gens qui représentent le pouvoir, les institutions et qui, par leurs fonctions, ont la tâche d'orienter les gens dans des gestes et dans des choix qui leur permettent d'aller dans le sens et dans le respect de nos lois et de nos institutions. (1 h 40)

Qu'ont-ils fait de ce devoir qui leur revenait? Qu'en ont-ils fait? On peut se poser aujourd'hui la question, puisque de nombreux enfants ont tout de même, malgré la loi et malgré les mécanismes qu'on avait mis en place pour empêcher que ces enfants puissent être reconnus comme étant non intégrés à notre culture francophone... Qu'en est-il arrivé de ces devoirs qu'on avait donnés à des gens soi-disant responsables? Aujourd'hui, on est obligé de constater qu'il y a eu abus de pouvoir et un abus qui est grave, à mon avis, parce que ces gens qui détiennent justement des postes de responsabilité doivent démontrer à des plus jeunes le respect de ces institutions par leur comportement et par leurs agissements. Moi, je me sentirais vraiment très mal à l'aise, en tant que directeur d'une école ou directeur d'une commission scolaire, face à ces enfants. Parce qu'eux, ces enfants, oui, ils sont victimes, victimes de ces adultes qui ont la connaissance et qui doivent assumer par leur choix les responsabilités qui leur incombent. Mais ces adultes, on ne les remet pas en question. On dit: Bon, ce qui est important aujourd'hui, c'est de répondre à une promesse électorale et c'est de faire fi de tous ceux qui ont bien voulu se conformer à ce qu'on leur demandait et ce qui était tout à fait légitime, c'est-à-dire de s'adapter à la culture des gens du pays et des gens qui voulaient bien les accueillir.

Pourquoi bénir l'illégalité? On sait qu'il existait d'autres moyens et on sait qu'on pouvait prendre d'autres moyens qu'une loi. Pourquoi vouloir, envers et contre tous, maintenir de telles attitudes aussi arrogantes vis-à-vis des gens qui veulent bien faire mais à qui on indique un autre chemin? Pour des motifs tout à fait particuliers et personnels, quand on regarde l'attitude des professeurs anglophones catholiques, on se pose bien des questions. Pourquoi, dans un premier temps, à la veille des élections de 1981 où on prévoyait que le Parti québécois pouvait reprendre le pouvoir, avait-on un langage où on disait: Oui, il faut se soumettre à la loi, il faut aller dans le sens de la loi? Et un peu plus tard, lorsque le vent tourne, on sent que, bon, pour une fois, on va pouvoir imposer ses volontés, imposer ses choix et surtout démontrer à tous ceux qui ont voulu respecter la loi et respectueux des institutions et surtout respectueux du peuple qui les avait accueillis... Tous ceux qui se sont montrés téméraires vis-à-vis de cette loi se sont sentis très forts avec le nouveau gouvernement élu, le 2 décembre. Malheureusement, il avait promis de sanctionner l'illégalité et de faire en sorte que les "illégaux" pourraient devenir maintenant des enfants comme tous les autres? On a bien voulu essayer de nous démontrer que ces enfants étaient des victimes. Quand on connaît les enfants, je pense que, s'il y a une catégorie dans notre société qui a la capacité de s'adapter rapidement, ce sont bien les enfants. Il faudrait retrouver dans le système tous ceux qui ne pourront pas profiter des bénéfices de la loi: Tous ceux qui, aujourd'hui, l'ont déjà été, qui ont passé dans le système, qui n'ont pas reçu leur diplôme et qui n'ont pas été reconnus. Où sont-ils maintenant ces enfants? Plusieurs ont dû déjà trouver des emplois, plusieurs ont fait autre chose. Sont-ils beaucoup plus malheureux pour autant? Est-ce que, pour eux, cela devient plus difficile de travailler? Est-ce qu'ils se sentent marginalisés à un point tel qu'il n'est plus possible de parler d'avenir? Je pense que c'est aller beaucoup trop loin dans le débat et qu'il aurait davantage fallu regarder les institutions qui existaient déjà et favoriser une intégration beaucoup plus humaine qu'une loi comme telle parce qu'il ne faut pas se leurrer, cette loi va faire vraiment de ces enfants des "illégaux", parce qu'on aura apporté une attention particulière au-delà du problème existant.

Je serai obligée de conclure en disant que nous aurions souhaité pouvoir entendre les différents intervenants qui auraient pu nous éclairer tout au cours de la commission pour vraiment démontrer et faire la lumière sur toute la problématique autour de ces enfants illégaux. Mais il était très difficile de pouvoir aller plus loin que la décision du ministre parce que, quant à lui, tout avait déjà été décidé la journée où, le 2

décembre, ce gouvernement a pris le pouvoir. Déjà, il avait pris sa décision et, peu importent les pressions que l'Opposition aurait pu faire, il fallait vraiment répondre à un promesse électorale. M. le ministre peut très bien, en déposant son projet de loi, dire: Mission accomplie.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Moi aussi je tiens à intervenir, en troisième lecture, sur le projet de loi 58 pour venir expliquer les raisons pour lesquelles non seulement on s'est battu contre ce projet de loi, mais pour lesquelles on va voter contre. Premièrement, je voterai contre par inquiétude. J'espère que, même s'ils ne sont pas nombreux, beaucoup de députés libéraux vont écouter. C'est important de voir tous les effets et ce que cela veut dire. C'est quoi, ce comportement qui est relié à l'adoption de ce projet de loi 58 venant confirmer les "illégaux" dans la légalité? Je trouve que c'est inacceptable en soi, mais c'est inquiétant. Si c'était seulement ce geste qui était posé face à la Charte québécoise de la langue française, si c'était un geste isolé, on pourrait être tranquille. On pourrait essayer de ne pas le dénoncer avec autant de conviction et de ferveur, sauf que ce n'est pas la réalité.

M. le Président, c'est terrible, ce qui se passe, et il faut le dire aux Québécois. Il faut le dire aussi à ceux qui vont voter là-dessus probablement dans quelques heures. C'est inacceptable parce que ce n'est pas un geste isolé. Cela fait partie d'une série de gestes et de comportements de ce gouvernement. On en a dit plusieurs et je vais les rappeler parce que, quand on les met un à la suite de l'autre, on peut voir vers quoi on s'en va. C'est sur cela qu'il faut réveiller les députés qui vont voter aujourd'hui. Je ne suis pas certain qu'ils se rendent compte que ce n'est pas une injustice qu'on est en train de réparer parce qu'il n'y a pas eu d'injustice de la part du gouvernement, mais c'est une démarche contre le fait français au Québec.

Cette démarche, on la retrouve, entre autres, dans l'affichage bilingue. Comment accepter un comportement semblable d'un gouvernement qui se dit responsable, alors que le ministre de la Justice n'est même pas capable de faire respecter une loi qui existe, parce que l'affichage bilingue, selon la loi 101, c'est défendu? Pourtant, le ministre a décidé de ne pas intervenir, sauf sur l'affichage unilingue anglais. Premier geste. Premier comportement. Même le ministre de la Justice actuel n'a pas la volonté, ne veut pas faire respecter la loi 101 dans le domaine de l'affichage. Premier geste, comportement inacceptable du ministre de la Justice du Québec. C'est inquiétant. (1 h 50)

Deuxième geste: le ministre de l'Éducation qui propose et qui veut faire adopter la loi 58. C'est de toute beauté d'entendre le discours du ministre de l'Éducation. Je l'ai écouté attentivement et c'était incroyable la contradiction entre le geste et la parole, quand il disait tout feu tout flamme: On est pour la loi 101, on est pour l'intégration et on va faire en sorte que ce soit ce qui se fasse pour les nouveaux venus au Québec. Mais en même temps son projet de loi - et il le dit en parlant de son projet de loi 58 - c'est pour permettre à des jeunes illégalement inscrits à l'école anglaise de pouvoir être transférés automatiquement. C'est inquiétant comme comportement de reconnaître l'illégalité. Donc, le geste est inacceptable en soi et va contre le discours d'intégration. On dit quelque chose et on fait le contraire. Cela n'est pas nouveau de ce gouvernement, c'est ce qu'il fait depuis le 2 décembre, sauf que dans ce contexte-là cela fait partie, comme je le disais tantôt, d'une série qui n'en finit plus d'attaques contre la loi 101.

Ce qu'on lisait dans les journaux cette semaine, c'est encore une fois le geste qui va contre la parole. Il y a quelques jours j'étais à la réception du président de l'Italie de l'autre côté et j'écoutais avec attention la vice-première ministre expliquer la vie québécoise au président. Je dois vous dire que j'ai applaudi et que j'étais fier quand elle a dit que nous avions des sources françaises et que nous étions pour nous battre avec acharnement pour notre survie, parce que nous ne sommes pas nombreux en Amérique du Nord. C'était de toute beauté d'entendre cela, mais pourtant ce qu'elle était en train de monter en même temps c'est un comité qui va nous amener des changements sur la loi 101 à l'automne.

Comment voulez-vous que l'on ne soit pas inquiets quand, pour la loi 101, on a fait une commission qui n'en finissait plus, même pendant l'été, parce que c'était important, parce que cela touchait non seulement l'avenir de la majorité francophone du Québec, mais aussi la minorité? On a entendu tout le monde et là, maintenant, pour sabrer dans la loi 101, pour affaiblir le seul endroit en Amérique du Nord où on peut avoir une place où collectivement on peut vivre, on peut se développer, hé bien! cela va être un petit comité de sages, encore une fois, qui va venir décider des changements que l'on va apporter à la loi 101. C'est inquiétant. C'est aussi inquiétant et cela fait partie encore de la série noire de la loi 101 quand la ministre responsable des Communautés culturelles s'adresse à un organisme en anglais seulement et le pire c'est que ce n'est pas dans une revue

anglaise, je l'ai vu, c'est dans la Montérégie sur la rive sud. C'est une revue bilingue et la ministre s'adresse à la communauté en anglais seulement. C'est de petits gestes semblables qui ont des conséquences énormes et on dit: On peut se permettre cela parce que la loi 101 a fait ses preuves. Le français a pris plus de place; il s'est développé. Bon Dieu, faudrait-il être malheureux que la loi 101 ait fait avancer un peu les choses! Au contraire, on devrait en être fier et au lieu de vouloir faire reculer la place du français, parce qu'il a fait quelques pas en avant... Cela n'est pas une danse, c'est l'avenir du Québec qu'on est en train de jouer, j'ai l'impression, de l'autre côté. Ce n'est pas parce qu'on a avancé un peu qu'il faudrait maintenant se mettre à reculer. Allons donc! Est-ce comme cela? Cela n'est pas parce que vous changez de chef et que vous retournez en arrière qu'il faudrait faire la même chose avec le peuple. Réveillez-vous!

Des voix: Bravo!

M. Paré: Cela n'a pas de bon sens ce que vous êtes en train de faire. Réveillez-vous! Vous n'avez pas le droit de vous faire reculer sur tous les fronts comme cela. Tous les ministres, regardez-les, c'est la même chose. Quand on dit: On a avancé, il n'y a plus de danger, c'est faux, on va toujours être menacés. Il va toujours falloir se battre. Si au moins on a des polices d'assurance ou des lois qui sont là pour nous garantir le minimum, hé bien! vous n'avez pas le droit, parce que vous êtes 99, de venir enlever cet outil indispensable pour la survie des Québécois. On dit qu'on a avancé. Est-ce que, parce qu'on a avancé, il va falloir reculer? Cela n'a pas de bon sens. Si on a avancé en nombre, on n'a pas nécessairement garanti l'avenir. C'est à cela qu'il faut faire attention. Ce sont des portes que vous êtes en train d'ouvrir. Je les ai nommées: l'affichage est déjà affecté, l'enseignement est déjà affecté. On ouvre maintenant aussi sur la clause Canada. Le ministre de la Justice ne fait même pas respecter ses lois. Le ministre de l'Éducation reconnaît l'illégalité comme quelque chose d'acceptable. C'est incroyable comme on a un discours trompeur, M. le Président! On dit oui à la loi 101 mais, en même temps, on dit oui à l'école anglaise. C'est inacceptable. Comment se fait-il que depuis le 2 décembre, quand on dit quelque chose, on fait le contraire? C'est toujours comme cela. Si, par la discussion sur le projet de loi 58, on a au moins réussi à prouver aux gens deux choses: premièrement, qu'on s'est fait leurrer et tromper depuis le 2 décembre dans tous les domaines, y compris dans le domaine linguistique, et, en plus, qu'on est en train de sabrer dans la loi 101 et qu'il est temps de se réveiller... Tout le monde, les députés, les journalistes, la population, il est temps de voir que c'est une série de gestes qui sont catastrophiques et dangereux pour notre avenir.

Je voudrais terminer en disant à ceux qui ont accepté de venir aux écoles françaises qu'on est heureux de les avoir avec nous. On espère avoir tous les nouveaux Québécois avec nous. On est ouverts. On n'est pas en train de se battre pour vous envoyer. On est en train de se battre pour vous accueillir. On ne veut pas deux sociétés québécoises. On en veut une seule, une société ouverte, une société française et, en même temps, une société qui accepte et qui s'ouvre à ceux qui viennent. Mais, si on veut s'ouvrir, cela veut dire leur permettre de partager nos écoles et non pas d'avoir des écoles qui ne sont pas de la majorité. Est-ce que vous avez compris, M. le ministre de l'Éducation? Je ne pense pas. Je pense que vous n'avez pas compris votre rôle dans l'éducation parce que vous êtes, en tant que ministre de l'Éducation, responsable de la jeunesse et des adultes de demain, responsable de l'orientation que va prendre la jeune génération. Vous êtes en train de leur enseigner non seulement que de venir à l'école française est une punition, mais que l'illégalité est payante. Quand un gouvernement se comporte comme cela dans l'éducation, dans l'affichage avec un ministre de la Justice semblable, et comme cela avec tous les ministres qui ont promis des choses, mais qui font le contraire, vers quelle sorte de société le Parti libéral est-il en train de nous mener? Je ne le sais pas, mais cela m'inquiète. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au leader du gouvernement.

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, à la suite d'une entente avec le leader de l'Opposition, je serai le dernier à intervenir dans ce débat.

Du côté de l'Opposition - les quelque douze derniers intervenants l'ont répété à satiété - on interprète le projet de loi 58 comme un geste qui porte atteinte à la loi 101, qui porte atteinte à la promotion, à la défense du français au Québec alors qu'il s'agit simplement de lire brièvement les notes explicatives du projet de loi 58 pour s'apercevoir que ce n'est pas de cela du tout qu'il s'agit. Le projet de loi a simplement pour objet de régulariser la situation de certains enfants qui fréquentent illégalement l'école anglaise. Il prévoit la façon dont les parents peuvent en arriver à faire régulariser leur situation et il prévoit des mesures visant à empêcher que des enfants reçoivent

illégalement un enseignement en anglais à l'avenir. C'est tout cela, mais c'est seulement cela que le projet de loi 58 décrète. (2 heures)

On dit du côté de l'Opposition: Le projet de loi ne rend pas justice à ceux qui ont observé ou qui ont respecté la loi. Mais, comme l'a fait remarquer le ministre de l'Éducation plus tôt ce soir, comment les gens qui ont respecté la loi, c'est-à-dire les parents qui ont inscrit leurs enfants à l'école française, sont-ils pénalisés? Quelle pénalité a résulté du fait qu'ils aient inscrit leurs enfants à l'école française? Est-ce que c'est un désavantage, pour les gens de l'Opposition, que de faire en sorte que ces enfants aillent à l'école française au Québec? C'est un drôle de raisonnement. Ces gens-là, qui se disent les défenseurs du français, les apôtres de sa promotion, nous disent en même temps: Les gens qui ont envoyé leurs enfants à l'école française - parlons des immigrants et des gens des communautés ethniques parce que les enfants illégaux sont en grande majorité issus des communautés ethniques -ceux qui ont respecté la loi, donc qui ont inscrit leurs enfants à l'école française, sont pénalisés. C'est tout à fait illogique. C'est tout à fait incohérent. M. le Président, on voudrait nous faire croire en même temps que ceux qui ont agi illégalement, les parents qui ont inscrit leurs enfants à l'école anglaise, eux, sont gratifiés d'une récompense quelconque, mais pas du tout. Le projet de loi 58, au contraire, prévoit, c'est très clair, que ceux qui voudront à l'avenir agir illégalement, inscrire leurs enfants à l'école anglaise alors qu'ils n'y sont pas admissibles, seront sujets à des sanctions très sévères. C'est clair dans le projet dé loi, en toutes lettres.

Tout ce qu'on veut faire, pour le projet de loi 58, c'est de régler le problème de ceux qui sont déjà là. On nous dit de l'autre côté: cela pourrait se faire sans loi, cela pourrait se faire par une mesure administrative. Mais, si c'était possible de le faire par une mesure administrative, comment se fait-il que le Parti québécois, qui a été au pouvoir pendant neuf ans, ne l'a pas adoptée, cette mesure administrative? Pourquoi ne l'a-t-on pas réglé avant, le problème? Parce que cela ne se faisait pas par une mesure administrative et le mieux placé pour le savoir, c'est celui qui le suggérait tantôt, le député de l'Abitibi-Ouest, qui a été lui-même ministre de l'Éducation. Je le connais trop comme un homme franc et honnête; s'il était ici, j'ai l'impression qu'il se lèverait et dirait: II est vrai que je n'ai pas trouvé de moyens, au moment où j'étais ministre de l'Education, de régler le problème des "illégaux" par une mesure administrative. La raison pour laquelle le Parti québécois n'a pas voulu poser le geste que nous posons, c'est-à-dire présenter une loi, c'était que cela aurait été inacceptable pour ses militants. Si j'étais militant péquiste, moi non plus, je ne l'aurais pas accepté, compte tenu du discours qu'on a tenu dans ce parti depuis sa fondation. Je ne le leur reproche pas au Parti québécois, ils ont droit à leurs convictions et je trouve cela tout à fait normal qu'ils les défendent; mais, ils n'ont pas le droit de les défendre en triturant les faits, en prêtant des intentions et surtout en faisant des déclarations qui ne sont pas conformes à la réalité, qui ne sont pas conformes à la vérité.

Quand on dit que le projet de loi 58 est une invitation au non-respect de la loi, quand on dit que c'est permettre aux immigrants, dire aux immigrants qui vont venir plus tard: Venez au Québec, vous pouvez inscrire vos enfants à l'école anglaise! Je dis: C'est faux! Ce que le projet de loi 58 dit aux immigrants qui veulent venir au Québec, c'est: Inscrivez vos enfants à l'école française, sans quoi vous aurez à subir des sanctions. C'est ça que le projet de loi 58 dit et non le contraire, comme l'affirment et l'ont affirmé combien de fois les membres de l'Opposition.

M. le Président, je terminerai en disant que ceux qui disent de l'autre côté qu'on n'a pas de politique linguistique de ce côté, encore là, ils disent des faussetés. Au moment de l'adoption du projet de loi 57 qui modifiait la loi 101, j'étais porte-parole de l'Opposition et avec le député de Mercier aujourd'hui, qui était alors ministre responsable du dossier de la langue, on a réussi à bonifier la loi 101. Pourquoi? Parce que dans plusieurs cas on était sur la même longueur d'onde. On a toujours reconnu, nous au Parti libéral - c'est nous, d'ailleurs, qui avons été les premiers à légiférer pour faire du français la langue officielle au Québec -on a toujours reconnu que, dans le contexte nord-américain, le Québec se devait d'avoir une loi pour défendre et promouvoir la langue française. C'est nous qui avons adopté la première loi dans le sens. On n'a jamais prétendu mettre à bas la loi 101. C'est faux de nous prêter ces intentions. Ce qu'on a toujours dit, ce qu'on continue de dire, c'est qu'il y a des éléments de la loi 101 - qui nous avaient d'ailleurs amené à voter contre cette loi en 1977 - qui nous étaient inacceptables. Tout en étant conscients de devoir défendre et promouvoir le français -on en a toujours été conscients et responsables - nous nous sommes sentis responsables de le faire dans le respect de ceux qui n'étaient pas francophones et dans le respect de la constitution canadienne.

Si aujourd'hui on se plaint de l'autre côté que la loi 101 a été charcutée par des décisions de la Cour surpême, c'est uniquement parce que le Parti québécois s'est entêté, malgré les avertissements de

l'Opposition libérale, à adopter des mesures dans la loi 101 qu'on savait déjà inconstitutionnelles, notamment la langue de la Législature, la langue des tribunaux et la clause Québec. M. le Président, je dis à l'intention de ceux qui nous accompagnent et de ceux qui nous écoutent que le ministre de l'Éducation, le député d'Argenteuil, n'a pas voulu faire autre chose avec le projet de loi 58, et ne fait rien d'autre avec le projet de loi 58 que de régler le problème des "illégaux".

À compter de demain, lorsque le projet de loi 58 deviendra loi, sera sanctionné, on aura fini au Québec de parler de jeunes enfants comme étant des citoyens de deuxième classe, des "illégaux". Tout le monde redeviendra sur le même pied, M. le Président, des citoyens à part entière et je remercie le ministre de l'Éducation pour ce geste courageux qu'il a posé en se faisant le parrain du projet de loi 58.

Le Vice-Président: Le débat étant clos, cette motion d'adoption du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants, est-elle adoptée?

M. Chevrette: Vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président: Le vote enregistré. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, M. le Président. Je suggère qu'on reporte le vote à la fin de la période de... Vous voulez procéder tout de suite?

Des voix: Oui.

M. Gratton: Alors, qu'on appelle les députés, M. le Président.

Qu'on me le dise, bien clairement.

M. Chevrette: Le vote sera reporté, comme le demande le leader du gouvernement.

Le Vice-Président: J'ai la demande du leader du gouvernement en ce sens. Donc, le vote est reporté à la prochaine période des affaires courantes, soit le jeudi 19 juin.

M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je vous prierais maintenant d'appeler l'article 16 du feuilleton.

Projet de loi 74

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 16, nous reprenons le débat sur la motion de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux sur l'adoption du principe du projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie.

M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: J'aurais quelques questions à poser, de consentement, au leader du gouvernement.

Est-il de l'intention du leader d'appeler ce projet de loi, à supposer qu'on l'adopte en deuxième lecture ce soir, en commission parlementaire avant la fin de l'ajournement de cette présente session?

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, comme je l'avais indiqué au porte-parole en la matière, le député de Gouin, il y a deux ou trois semaines, ce que nous souhaitons est de voir le projet de loi 74 passer l'étape de l'adoption du principe et nous aviserons du moment de l'étude détaillée en commission parlementaire. Ce ne sera sûrement pas -comme je l'ai d'ailleurs indiqué il y a plusieurs jours - avant l'ajournement d'été.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, le leader du gouvernement peut-il me confirmer s'il est possible que ce projet de loi ne soit appelé qu'en septembre sur consentement des deux partis?

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, oui. Je me rends à la demande de l'Opposition sans juger des raisons qu'on puisse invoquer pour que la commission qui procédera à l'étude détaillée du projet de loi 74 ne soit pas convoquée avant le 1er septembre prochain.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, sur le fond de la motion maintenant. Sur le fond de l'article à l'ordre du jour.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement, vous aviez demandé l'ajournement? (2 h 10)

M. Gratton: Oui. M. le Président, ce n'est pas pour intervenir à ce moment-ci mais je voudrais à mon tour faire confirmer par le leader de l'Opposition une entente selon laquelle ce dernier pourrait intervenir pendant dix minutes et qu'ensuite Mme... la

ministre pourrait exercer son droit de réplique alors que le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 74 pourrait se terminer soit par un vote immédiat ou reporté à demain.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, il y a effectivement entente en ce sens que, compte tenu des deux réponses positives que nous avons reçues aux questions que nous avons posées au leader du gouvernement, je serai le seul à intervenir de mon côté.

Le Vice-Président: À ce moment-ci, j'avais demandé que si on confirme ceci, nous en faisions un ordre de la Chambre. Le leader de l'Opposition aurait un droit de parole de dix minutes et Mme la ministre de la Santé et des Sercices sociaux aurait son droit de réplique de vingt minutes. Est-ce que nous en faisons un ordre de l'Assemblée?

M. le leader de l'Opposition.

Est-ce que c'est un ordre de l'Assemblée? Tel que je viens de le mentionner, dix minutes pour le leader de l'Opposition et vingt minutes en réplique à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Donc, je cède la parole à M. le leader de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. C'est plutôt rare en cette Chambre qu'un projet de loi qui recevait l'unanimité des parlementaires ait été défendu de façon que l'Opposition soit maintenant dans l'obligation de voter contre ledit projet de loi. Je vais expliquer pourquoi.

Il est de tradition et de coutume, quand on dépose un projet de loi de mettre dans ce projet de loi l'essence même du projet de loi. L'essence même du projet de loi, c'était de faire bénéficier les citoyens du Québec d'un avantage sur le plan de l'assurance-santé, qu'un acte médical soit rémunéré par la régie. Également, il y avait un autre principe qui était qu'on réglemente la désassurance de certains médecins face à l'objectif que recherche Mme la ministre de la répartition des effectifs médicaux sur le territoire du Québec.

Ce sont là les deux principes que l'on retrouvait dans le projet de loi. C'était les deux principes en faveur desquels on s'apprêtait à voter, comme Opposition, à l'exception d'un léger amendement, d'un petit amendement qui ne changeait pas le sens même du projet de loi ou les principes mêmes du projet de loi.

La ministre a elle-même concouru au changement d'attitude de l'Opposition. Elle veut introduire un nouveau principe même si la tradition parlementaire défend de le faire, même s'il y a de la jurisprudence, tant au niveau des commissions parlementaires qu'en cette Chambre qui nous défend de changer, d'ajouter au niveau des principes mêmes de la législation. Je pourrais vous référer à l'assurance automobile, je pourrais vous référer à d'autres projets de loi qui ont été discutés en cette Chambre. Mais Mme la ministre a décidé d'essayer de faire croire que c'est l'Opposition qui va empêcher les citoyens de toucher à des avantages de la législation qui sont prévus dans la loi 74.

C'est sa faute à elle-même. Elle essaie de conditionner un amendement sous prétexte que c'est un amendement, mais c'est un ajout. Si on suivait le raisonnement de la ministre et le raisonnement qui a été discuté à quelques reprises en cette Chambre ce soir, on pourrait déposer un projet de loi avec un titre et le ministre ferait ce qu'il veut, ce qui serait un non-sens, ce qui serait une aberration: loi amendant la Régie de l'assurance-maladie du Québec. A ce moment, on pourrait prendre n'importe quel aspect. Sur quoi le Parlement se préparerait-il? À quoi les citoyens seraient en droit de s'attendre comme discussion sur un tel projet de loi? C'est fou comme balai. Cela ne tient pas debout. Cela n'a ni queue ni tête.

M. le Président, la ministre a choisi de l'annoncer ici. C'est peut-être le seul côté positif, c'est sa franchise. Sauf qu'on ne sait pas pourquoi. Il y a sûrement des objectifs cachés de conditionner l'acceptation d'un projet de loi qu'on était prêt à faire par consentement. On était prêt, par consentement, à lui donner la loi 74 et elle le savait. En commission parlementaire, hier, au cours de l'étude de la loi 75, on l'a dit à Mme la ministre, qu'on était prêt à accepter avant la fermeture de cette session, qu'on était prêt à adopter cette loi 74 et lui dire carrément: Mme la ministre, voilà deux choses avec lesquelles on est d'accord, cela fait partie du projet de loi, bravo! Non, elle veut essayer de nous en passer une petite vite dans une fin de session.

Elle vivra avec M. le Président. On se battra avec acharnement en commission parlementaire parce qu'il y a de la jurisprudence très claire, très très claire en ce sens qu'on ne peut ajouter de principe à un projet de loi. On sortira la jurisprudence et nos représentants mèneront une lutte à finir sur cela. C'est clair. Cependant, si vraiment elle a le sens des responsabilités comme elle aime le dire en public, si elle a tout le sens de la responsabilité qu'elle veut bien exprimer ici et là lorsqu'elle se promène au Québec, on lui offre l'occasion de le manifester.

Je voudrais formellement, au nom de l'Opposition, faire autant la proposition au leader du gouvernement qu'à Mme la ministre. Je suis prêt, comme leader de

l'Opposition, à recommander l'adoption du projet de loi 74 à la suite d'une brève apparition en commission parlementaire pour un amendement. Je suis prêt à accepter que la ministre dépose en cette Chambre un nouveau projet de loi concernant le principe, relativement aux soins dentaires pour montrer l'ouverture de ce côté de la Chambre. Ce n'est pas nous qui allons porter l'odieux en fin de session de priver les Québécois de deux principes avec lesquels nous sommes d'accord et les deux seuls principes qui apparaissent au projet de loi 74. Je répète, comme Opposition, que je suis prêt à recommander un consentement, indépendamment du fait qu'il n'y ait pas de préavis au feuilleton pour le projet de loi concernant les soins dentaires et qu'on le dépose demain matin. Nous allons accepter de le recevoir de plein consentement et plus encore nous allons collaborer avec la ministre. Nous sommes prêts à aller à une quatrième commission s'il le faut pour étudier le projet de loi 74 pour montrer la bonne foi que nous avons de ce côté de la Chambre.

M. le Président, je ne vois pas comment la ministre de la Santé et des Services sociaux - elle qui veut toujours dire comment elle est ouverte, comment elle veut être de bonne foi, comment elle veut traiter du fond des choses - peut concrètement aller sur un principe additionnel, un principe qu'elle sait contesté de ce côté de la Chambre, puisque cela fait deux mois que le député de Gouin et que d'autres députés en cette Chambre mènent une lutte sans merci à l'impôt sur les enfants concernant les soins dentaires. Mme la ministre le sait très bien. Nous lui offrons cette ouverture. Nous lui offrons cette possibilité. Elle pourrait tirer exemple de ce que nous avons fait cet après-midi avec un de ses collègues qui avait un projet de loi contesté et qui voulait en voir adopter une partie. Que s'est-il passé? Nous nous sommes réunis: les deux leaders, le critique et député de Taillon et le ministre de la Justice. Nous avons consenti à ce que, demain matin, il y ait un dépôt de projet de loi sur la partie litigieuse pour permettre d'adopter la partie qui fait consensus. Vous qui vouliez légiférer pratiquement un sujet à la fois - changer le mot "municipalité" par le mot "corporation municipale" faisait l'objet d'un projet de loi - il me semble qu'à cette heure, vous pourriez accepter que les soins dentaires fassent partie d'un projet de loi et il me semble que l'autre partie touchant la vasectomie et touchant la désassurance de certains médecins pourrait faire partie d'un autre projet de loi. Cela serait en plein dans le mille par rapport à votre argumentation.

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: M. le Président, c'est toujours deux engagements, deux discours. Je ne comprends pas ce monde. Ils prennent des engagements, ils les déchirent. Quand cela fait leur affaire ils changent de discours. La cohérence va être démasquée à très court terme y compris pour la ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous pourrez lire Lysianne Gagnon depuis deux jours et vous allez voir jusqu'à quel point on est en train de voir les jeux, les petites "gamiques"; on est en train de mettre à jour le véritable portrait et les véritables attitudes de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mais encore une fois - j'ai pris l'engagement de parler dix minutes seulement - je répète et j'offre au leader du gouvernement, j'offre à la ministre et s'il le faut au premier ministre, qui était censé administrer la transparence, avec ouverture, dans un dialogue et dans une ouverture d'esprit qu'on n'a jamais connus au Québec, l'occasion d'adopter deux principes que vous nous avez présentés le 15 mai.

Et, plus encore, en dehors des délais nous sommes prêts à reconnaître que la ministre a le droit de déposer en cette Chambre un nouveau projet de loi que nous étudierons dans les cadres et dans les formes qui s'imposent et conformément à notre règlement. Mais entre-temps vouloir, par un subterfuge, sans dire d'ailleurs les motifs qui les guident, essayer de passer un sapin à l'Opposition, c'est bien mal nous connaître. Nous sommes pas mal plus délurés que vous ne le pensez. (2 h 20)

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je veux solliciter le consentement pour répondre à l'offre que vient de faire le leader de l'Opposition. Est-ce qu'on me le permet?

Le Vice-Président: Y a-t-il consentement à ce sujet?

Des voix: Oui.

Le Vice-Président: Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Le leader de l'Opposition nous dit: On donnerait notre consentement si le gouvernement s'engageait à déposer un projet de loi qui toucherait les soins dentaires, demain. Je suis prêt, en consultation avec Mme la ministre, à procéder de cette façon. Comme le leader de l'Opposition a dit qu'il serait prêt à adopter deux principes différents, je serais prêt à ce que dès demain nous présentions le projet de loi, à la condition, bien sûr,

qu'avant l'ajournement d'été on puisse adopter le projet de loi 74, tel que le souhaite l'Opposition, de façon à faire en sorte que ce que contient présentement le projet de loi 74 puisse s'appliquer immédiatement et qu'on adopte également le principe du projet de loi que l'on déposerait avant l'ajournement d'été, de façon à nous rendre à la même étape où nous serons rendus une fois que Mme la ministre aura exercé son droit de réplique.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Voici ce que je comprends des propos du leader du gouvernement. C'est peut-être important qu'on les clarifie. Le leader du gouvernement m'a dit: Oui je suis prêt à déposer un projet de loi demain qui traiterait exclusivement des soins dentaires, à la condition que vous fassiez la première et la deuxième lecture. C'est bien cela qu'il dit. Parce que, adopter le principe des deux veut dire aller à la deuxième lecture du principe même que l'on conteste comme étant recevable dans le présent projet de loi. Donc, à plus forte raison, je peux vous dire une chose, c'est que le projet de loi 74, dans ce contexte-là, si c'est ce que le ministre veut, on pourrait y garantir une chose, c'est que oui, nous allons adopter le projet de loi 74, mais il n'est pas sûr que vous passiez le cap de la deuxième lecture avec le nouveau projet de loi. Je vais être honnête avec le leader du gouvernement.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, pour que l'on se comprenne bien, l'Opposition refuse de s'engager à voter le principe d'un projet de loi séparé pour les soins dentaires avant l'ajournement d'été et invite ainsi le gouvernement à procéder, tel que nous l'avons indiqué, c'est-à-dire par voie d'amendement au projet de loi 74. Je constate que l'on ne peut pas s'entendre, M. le Président.

Je l'offre à nouveau et on pourra s'en reparler demain matin. J'offre à nouveau à l'Opposition que l'on dépose demain matin un projet de loi sur les soins dentaires, que l'on adopte le projet de loi 74 tel qu'il existe présentement, donnant cours immédiatement à l'ensemble des avantages pour les citoyens québécois qui se retrouvent dans le projet de loi 74. Le projet de loi à être déposé demain, l'Opposition pourrait voter contre et on s'attend très bien à ce qu'elle vote contre. Je ne l'appellerais pas, je respecterais les deux conditions qu'a posées le leader de l'Opposition, à savoir qu'il ne serait pas déféré à une commission parlementaire pour l'étude détaillée avant le 1er septembre et on pourrait reprendre le débat à ce moment-là. Il me semble que ce serait un compromis honorable.

Alors, je ne demande pas au leader de l'Opposition de me répondre tout de suite. Il pourrait peut-être y réfléchir et nous donner sa réponse demain matin.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: II y a un point sur lequel je veux répondre immédiatement. Enlevez du décor les soins dentaires et le projet de loi 74, sans aucune condition et on va voter pour. J'espère que c'est clair. On voterait pour le projet de loi 74 sans aucune condition. Quant au dépôt d'un nouveau projet de loi intitulé loi modifiant l'assurance-maladie concernant les soins dentaires ou l'impôt sur les enfants, celui-là, on accepterait de consentement qu'il soit déposé même si c'est au-delà du 15 mai. On verra plus tard. En tout cas, pour le moment, je n'ai pas d'autres informations quant à la procédure qui pourrait être suivie ultérieurement. Je peux vous dire une chose, c'est que le projet de loi 74, que le ministre se le tienne pour dit, on est prêt à le voter tel qu'il est avec un léger amendement.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je termine en disant que le projet de loi que l'on déposerait demain s'intitulerait: Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie du Québec, quant à nous. Le deuxième projet de loi, on lui donnerait peut-être le numéro 76.

Deuxièmement, je constate que l'Opposition est en faveur du projet de loi 74 tel qu'il existe présentement, mais pas suffisamment pour accepter le compromis que j'ai suggéré, mais on se reparle ce matin et l'offre sera toujours valable.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Je m'excuse mais il y a méprise. Le gouvernement nous demande si on est d'accord avec le projet de loi 74. Je lui répond oui, pour autant qu'il demeure avec les deux principes qui ont été édictés dans les notes explicatives et dans les articles. Si la ministre et le leader du gouvernement nous garantissent qu'il n'y aura pas d'autres principes inclus dans le projet de loi 74, je vous dis même qu'il sera adopté. Nous changerons l'orientation de notre vote. Pourquoi avons-nous pris l'orientation de voter contre ce soir? C'est parce que la ministre s'est obstinée à vouloir

introduire un nouveau principe. Mais s'il n'y a pas de nouveau principe, nous allons concourir à son adoption en donnant les consentements qui s'imposent pour l'étude du rapport pour la troisième lecture. M. le Président, il n'y a pas de problème. Mais qu'on ne vienne pas subordonner notre accord à de nouveaux principes qui plaisent à la ministre qui voudrait peut-être, en fin de session, en passer une petite vite à l'ensemble des Québécois. Pas nous autres!

Le Vice-Président: Je voudrais voir. Il y a eu consentement à question et réponse. Je ne veux pas faire un débat interminable.

M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je constate une chose, c'est que l'Opposition voudrait comme on dit en anglais "have his cake and eat it too, and you can't have it that way".

Le Vice-Président: Très bien. Donc, suivant l'entente intervenue précédemment et suivant l'ordre de la Chambre, nous allons procéder à la réplique de la ministre de la Santé et des Services sociaux sur le projet de loi 74. Mme la ministre, la parole est à vous pour 20 minutes.

Mme Thérèse Lavoie-Roux (réplique)

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Vous me permettrez au tout début de faire quelques rectifications parce que le député de Gouin a été égal à lui-même dans toute sa démagogie, sa grande capacité de déformer les faits, de créer la confusion et de brandir les spectres. En cela, il n'a guère d'égal.

M. le Président, je voudrais, et je ne m'adresserai plus au député de Gouin parce que je pense que la population est capable de juger elle-même, mais compte tenu de toute la déformation des faits qu'il a faite...

M. Chevrette: Sur l'article 239 du règlement...

Le Vice-Président: Un instant, Mme la ministre. M. le leader de l'Opposition. Article 239. Je vous écoute.

M. Chevrette: M. le Président, je crois que l'article 239 parle de la pertinence du débat. Est-ce que la ministre veut introduire un nouveau chapitre qui serait le député de Gouin dans son projet de loi?

Le Vice-Président: Ah, M. le leader de l'Opposition, vous avez... Tout simplement, à ce moment-ci, je dois demander la collaboration de la Chambre et vous saviez pertinemment que ce n'était pas une question de règlement.

Mme la ministre de la Santé et des Service sociaux.

M. Rochefort: M. le Président, question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Question de règlement, M. le député de Gouin. Question de règlement en vertu de quel article, M. le député?

M. Rochefort: En vertu de l'article 35, M. le Président.

Le Vice-Président: Je vous écoute.

M. Rochefort: En vertu de l'article 35, je voudrais que vous rappeliez à l'ordre la ministre qui, à l'article 35,5 , ne respecte pas le règlement, qui, à l'article 35,7 , ne respecte pas le règlement, qui, à l'article 35,6 , ne respecte pas le règlement. Je peux vous faire lecture de ces articles, M. le Président. L'article 35 dit que "le député qui a la parole ne peut: ...5° attaquer la conduite du député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en question; 6°, imputer des motifs indignes à un député ou refuser de respecter sa parole; 7°, se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'endroit de qui que soit.." M. le Président, nous pourrions continuer à lire l'article 35 tout au long.

M. le Président, je vous demanderais effectivement...

Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît! Avez-vous fini votre argumentation?

M. Rochefort: M. le Président, j'essayais de terminer mais j'avais un peu de concurrence.

M. le Président...

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rochefort: Donc, je vous demandais de rappeler à l'ordre la ministre de la Santé et des Services sociaux en fonction des alinéas 5°, 6° et 7° de l'article 35 de notre règlement.

Le Vice-Président: Sur cela, M. le député de Gouin, j'ai entendu certains propos que Mme la ministre a introduits au début de son discours. Et, en ce qui concerne les remarques qu'elle a apportées en qualifiant votre discours, je ne pense pas que je puisse conclure qu'elle était en contravention avec l'article 35, de la même façon que vous aviez qualifié les propos de Mme la ministre précédemment lors de votre intervention.

Mme la ministre, je vous cède la parole.

M. Gratton: Une autre question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Un autre question de règlement, M. le leader du gouvernement. (2 h 30)

M. Gratton: M. le Président. Parce que tantôt lorsque Mme la ministre a fait son intervention sur l'adoption du principe du projet de loi, on l'a interrompue constamment par des questions de règlement du côté de l'Opposition et on l'a même empêchée d'exercer son droit de parole librement. Je le prétends, M. le Président, et je voudrais vous inviter à être vigilant pour faire en sorte que l'Opposition ne soulève pas des questions de règlement qui n'en sont pas comme vient de le faire le député de Gouin, strictement dans le but d'empêcher Mme la ministre d'exercer son droit de parole. Elle y a droit. On n'a pas interrompu le leader de l'Opposition tantôt, M. le Président, qu'on ait donc la même courtoisie et la même politesse de l'autre côté.

Le Vice-Président: Très bien. Un instant.

Des voix: Bravo.

M. Rochefort: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Sur une nouvelle question de règlement? M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Oui, une nouvelle question de règlement, M. le Président, je soulève une nouvelle question de règlement en vertu de l'article 35 de notre règlement quant aux propos que le député de Gatineau vient de tenir à mon endroit.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement. M. le député de Gouin, en vertu de l'article 35, je vous entends brièvement.

M. Rochefort: M. le Président, le député de Gatineau m'impute des motifs, ce qui est contre notre règlement à l'article 35 quand il dit que je soulève des questions...

Le Vice-Président: Très bien. D'accord. Là-dessus j'ai déjà statué lors du débat, lors de votre intervention, tout autant que quand des députés ministériels se levaient pour des questions de règlement. Vous avez soulevé exactement les mêmes motifs que le leader du gouvernement vient de soulever. Ce que je peux dire au sens de notre règlement tel qu'il est, c'est que tout député en cette Chambre au cours de quelque intervention que ce soit, s'il juge qu'il doit soulever une question de règlement ou qu'il peut soulever une question de règlement, il peut la soulever brièvement et je rendrai ma décision en ce sens. À ce moment-ci, sans imputer de motifs à personne, chaque député, comme je l'ai dit tantôt, avait énoncé les mêmes propos que le leader de l'Opposition tantôt disant qu'on voulait les empêcher de parler. Je vous rappelle sûrement, simplement que je me dois d'écouter tout député qui a une intervention à faire sur une question de règlement. Ce n'est d'aucune façon brimer la liberté de quelque parlementaire que d'agir ainsi. Cependant, je demande évidemment la collaboration de l'ensemble des membres de cette Chambre. Notre règlement étant ce qu'il est, il est évident qu'un député qui a la parole pour vingt minutes, un député qui a la parole pour une heure, à tout moment donné... Si un député se lève toutes les deux minutes pour soulever une question de règlement qui n'en est pas une, je me dois comme président de cette Assemblée d'écouter la demande ou le rappel au règlement qu'on veut me soumettre et rendre une décision. Mais je ne peux rien y faire. C'est évident que cela prend la collaboration de tous les députés des deux côtés de la Chambre pour permettre à nos débats de se dérouler d'une façon qui corresponde à nos règles, c'est-à-dire laisser la chance aux gens de s'exprimer et faire en sorte que notre règlement puisse s'appliquer en ce sens. Je cède la parole à Mme la députée, à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Gratton: Question de règlement.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je veux que ce soit bien clair, je n'impute aucun motif indigne au député de Gouin. Ce que j'ai dit c'est que le député de Gouin, en soulevant des questions de règlement, empêche Mme la ministre d'exercer son droit de parole et si ce n'est pas ce que veut faire le député de Gouin je lui demande très humblement simplement d'écouter la ministre de façon qu'elle puisse prendre la parole au moins une fois au cours de ce débat. Elle n'a pas réussi.

Le Vice-Président: Très bien.

M. Johnson (Anjou): Question de règlement.

Le Vice-Président: Question de règlement. Un instant. Sur la question de règlement, M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président, je comprends que le leader, et en fin de session c'est normal, ait eu à vaquer à plusieurs occupations - si le député me

permet - auprès des commissions etc., mais moi j'ai été témoin, j'aimerais que le leader se le rappelle, j'ai été témoin d'au moins neuf interruptions de la part du député de Laurier pendant le discours du député de Gouin.

Le Vice-Président: Un instant. Ceci étant dit, je pense que les propos que j'ai énoncés tantôt s'expliquent par eux-mêmes. Ils sont assez clairs. Je cède la parole à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je peux rassurer le député de Gouin: je n'adresserai pas d'autres propos et je ne corrigerai pas ses inexactitudes dans lesquelles il excelle.

On a, tout à l'heure, parlé des coupures des soins dentaires que le gouvernement actuel a décidé de faire dans le programme de soins dentaires pour les enfants totalisant un montant de 8 000 000 $ et non pas un montant de 20 000 000 $ comme le député de Gouin aime le dire.

Encore une fois - et j'ai l'impression que c'est au moins la cinquième fois que je le répète en Chambre - quand le député de Gouin parle d'irresponsabilité et de mon non-intérêt pour les programmes de soins dentaires pour les enfants, faut-il rappeler qu'en 1982, c'est 27 500 000 $ que le gouvernement d'en face a coupés dans les soins dentaires, alors qu'aujourd'hui, tout ce que nous faisons, c'est de réduire de deux à un seul l'examen dentaire pour les enfants. C'est tout ce que nous faisons alors que je pourrais vous lire la liste de tout ce que le gouvernement du temps a coupé: dans le diagnostic et la radiologie, dans le curatif, la restauration. L'ablation de dents et de racines. La restauration de certaines dents. La non-restauration d'autres et j'en passe. Nous, tout ce que nous faisons dans cette compression de 8 000 000 $ que nous avons toujours faite publiquement, que nous avons toujours annoncée publiquement et, d'ailleurs, j'avais annoncé publiquement qu'à la suite de cette décision du gouvernement, nous devrions apporter un amendement à la Loi sur l'assurance-maladie. Aujourd'hui, ce que j'ai voulu faire, c'est encore dans cette même idée de transparence que j'ai voulu l'annnoncer, en dépit du fait qu'on m'en ait empêchée.

M. le Président, il faudrait également rappeler que le chef de l'Opposition qui est devant nous, qui était ministre des Affaires sociales, est celui qui a fait cette coupure de 27 500 000 $, en 1982. J'aimerais aussi rappeler au chef de l'Opposition qu'il a présenté un mémoire au Conseil des ministres, dans lequel il proposait non pas...

M. Jolivet: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Question de règlement. M. le député, en vertu de quel article, s'il vous plaît?

M. Jolivet: M. le Président, sur la pertinence du débat. J'aimerais demander au député de Laurier de demander à sa ministre d'être très pertinente.

Le Vice-Président: M. le député de Gouin, les propos de Mme la ministre si je considère la latitude qui a eu cours lors de votre intervention, je pense que je dois permettre à la ministre de répondre à certains des arguments que vous aviez apportés dans le débat à ce moment-là.

Je vais lui laisser la parole en ce sens.

Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président. Dans le Soleil du 8 février 1982, on dit: "Le ministre signale qu'en ce qui concerne -c'est toujours le député d'Anjou, l'actuel chef de l'Opposition et ministre des Affaires sociales du temps - les soins dentaires pour les enfants, on aurait pu envisager la désassurance de certains services. Mais il ajoute aussitôt et je cite au texte: Comme ces économies, environ 32 000 000 $, ne m'apparaissent pas suffisantes, je dois considérer la désassurance complète des soins dentaires pour enfants, ce qui permettrait de récupérer 93 715 000 $."

M. le Président, j'ai cité au texte. Je dois dire que c'est 27 500 000 $ qui ont été coupés en 1982 et que les compressions que nous faisons sont de l'ordre de 8 000 000 $. Ils ne touchent pas toute une série d'actes qui étaient extrêmement importants pour la santé dentaire des enfants. Par exemple, on a aboli la restauration pour les dents des enfants de 14 et 15 ans. J'arrête ceci, M. le Président. Je voudrais seulement ajouter un autre élément - ce sera le dernier sur les dents - on se scandalise, de l'autre côté, de la réduction de deux examens à un examen. On déchire ses vêtements en face. Je voudrais simplement signaler, ici, dans cette Chambre, que, dans la Gazette officielle du Québec du 2 juin 1982, sous la signature du ministre des Affaires sociales du temps, Pierre Marc Johnson, député d'Anjou et chef de l'Opposition actuelle, il y avait toute une série de mesures contenues dans ce règlement, dont l'une était un examen de rappel par période de douze mois, c'est-à-dire un examen par année. (2 h 40)

Une voix: Non! Non! Voyons donc!

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaîti Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, vous aurez remarqué, premièrement, que les plus hauts cris ne venaient pas de ce côté-ci. Deuxièmement, si la ministre trouvait cela si terrible en 1982, pourquoi continue-t-elle à...

Le Vice-Président: Ce n'était pas une question de règlement. Je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, cela était un règlement en prépublication à la Gazette officielle. La raison pour laquelle il n'a pas été retenu, qu'il n'a pas dépassé l'étape de la prépublication à la Gazette officielle, c'est qu'à ce moment-là, le ministre était en train de négocier l'entente avec les chirurgiens-dentistes, et, sous la pression de ces derniers, il a cédé.

Une voix: Ah! C'est 27 000 000 $ de coupés.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais dire à la population du Québec qu'en dépit de toutes les déformations que l'on voudra faire en face, il est important pour elle qu'elle sache que tous les éléments du programme de services dentaires pour les enfants sont maintenus, sauf que l'examen dentaire sera réduit de deux fois à une fois par année. C'est également la norme dans la seule autre province qui a un programme comparable au nôtre, la Nouvelle-Écosse.

M. Brassard: Question de règlement.

Le Vice-Président: Question de règlement, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je vous réfère à la décision qui a été rendue par la présidence à ce sujet et qui parlait de propos accessoires. J'ai hâte d'entendre parler de vasectomie par la ministre.

Le Vice-Président: À l'ordre! Vous allez en entendre parler. Je comprends que nous sommes dans une atmosphère de fin de session, mais la décision qui a été rendue tantôt par la présidence touchait un point précis, soit l'introduction d'un amendement au projet de loi présenté par la ministre.

Des voix: ...

Le Vice-Président: Un instant! À ce moment-ci, lors de son discours, le député de Gouin a parlé abondamment de certains arguments concernant les soins dentaires, et le débat a été élargi dans le sens de notre règlement. J'invite Mme la ministre à compléter son intervention en tentant de limiter le plus possible ses propos aux deux principes du projet de loi précis.

Une voix: À la vasectomie!

Le Vice-Président: Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux dire à la population que tous les éléments du programme de soins dentaires pour les enfants sont maintenus, sauf la réduction de deux examens à un. Il demeure un des programmes les plus généreux du Canada.

Je vais maintenant parler de la vasectomie, parce que cela préoccupe beaucoup les amis d'en face.

Une voix: Surtout le député de Lac-Saint-Jean.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président... M. Chevrette: Question de règlement. Mme Lavoie-Roux: C'est pertinent!

Le Vice-Président: En vertu de quel article, M. le leader de l'Opposition?

M. Chevrette: M. le Président, c'est très sérieux. Vous avez rendu une décision et je veux faire...

Le Vice-Président: Un instant! Si vous avez une question de règlement précise à soulever, je vais vous entendre. Si vous pouvez m'indiquer l'article du règlement, je vous entendrai, mais je ne veux pas de commentaire sur la décision qui a été rendue. Vous n'avez pas de commentaire à exprimer sur ce sujet, M. le leader de l'Opposition, et vous le savez fort bien. Si vous avez une question de règlement, je vous écoute.

Une voix: Quel article?

M. Chevrette: M. le Président, en vertu de l'article 239.

Le Vice-Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Je voudrais savoir ceci... Je vais poser la question comme je le pense. Lorsqu'une décision est émise sur le banc -c'est une directive que je veux vous demander - est-ce que cela lie l'ensemble des parlementaires? Je vais expliquer pourquoi. Si cela lie l'ensemble des parlementaires et que vous prenez la peine comme président de vous retirer pendant une demi-heure pour analyser une demande de directive, que vous en ressortez, que vous dites vous-même que tout ce qui ressort des projets de loi doit être accessoire et qu'il reste six minutes sur vingt pour parler de l'essentiel, je trouve cela grave.

Le Vice-Président: Je m'exprimerai brièvement sur la décision précise qui a été rendue. À l'ordre, s'il vous plaît! Sur la question soulevée, la décision de la présidence a été qu'apporter un amendement, qui n'était pas inclus originellement dans le grand principe qu'on avait reconnu dans le projet de loi était, au sens de notre règlement, permis pour autant que... Évidemment, on parlait ici de notre règlement selon lequel les amendements proposés au projet de loi par Mme la ministre dans son énoncé sur le projet de loi en question demeurent des accessoires.

Évidemment qu'au niveau du débat qui s'ensuit et, tel que je l'ai mentionné, s'il y a une certaine digression qui s'exerce... Le député de Gouin a pu à loisir, je pense, assez longuement pendant son intervention parler de toute la question des soins dentaires. Malgré des questions de règlement des ministériels là-dessus, j'ai laissé le député de Gouin continuer son exposé en lui demandant de s'étendre le moins possible sur ce sujet. Je vous dirai que j'ai minuté sommairement son intervention et que j'ai calculé au minimum 20 minutes d'intervention sur la question des soins dentaires. Donc, Mme la ministre a terminé son point là-dessus et je lui laisse la parole pour conclure son exposé.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je dois vous dire que, eu égard à la modification de la Loi sur l'assurance-maladie touchant les services de planification familiale, nous prenons nos responsabilités. Nous les prenons également à l'égard de la protection de la population qui, dans des situations de conflit, voit les médecins partir, parfois en groupes, pour exercer une pression. À cet égard, je pense que nous prenons largement nos responsabilités, comme nous les prenons, d'ailleurs, dans tous les domaines de la santé, contrairement à ce que les gens d'en face ont fait pendant qu'ils étaient au pouvoir.

Mais ce qui me frappe ce soir, M. le Président, c'est l'espèce d'attendrissement auquel on veut laisser croire la population. On nous dit: II faut absolument adopter la loi 74. On leur offre les moyens de l'adopter et, lorsqu'on leur donne le loisir de l'adopter, on refuse. M. le Président, les masques sont tombés. Lorsqu'on a voté, en première lecture, contre la loi 75 qui veut voir à une meilleure répartition des effectifs médicaux...

M. Brassard: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Question de règlement, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je voudrais savoir si c'est parlementaire d'accuser des membres de cette Chambre d'avoir un masque.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: Enlève le tien.

Le Vice-Président: Je ne suis pas maître des propos que chaque parlementaire emploie. Quant à moi, cette expression n'a pas été déclarée antiparlementaire. Mme la ministre, en conclusion, pour deux minutes, s'il vous plaît!

Une voix: Vous pouvez garder le vôtre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, l'Opposition ne veut même pas qu'on fasse une rationalisation des ressources médicales à l'intérieur du territoire du Québec. Elle a voté en deuxième lecture contre le principe du projet de loi 75. Elle a voté aussi, à l'étude article par article de ce projet de loi, contre le projet de loi. Aujourd'hui, on veut nous faire croire qu'on veut adopter la loi 74 pour permettre à la loi 75 d'être en vigueur. Elle le sera, sauf pour un article, parce qu'on refusera de voter pour la loi 74. Les gens que nous avons en face ne sont pas sincères, ils ne veulent pas le bien-être du Québec, ils ne veulent pas qu'on règle le problème des effectifs médicaux dans l'ensemble du Québec. Je pense que nous avons eu la preuve tout à l'heure...

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En conclusion, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Nous avons eu la preuve tout à l'heure, M. le Président, que leurs intentions ne sont pas sincères. Alors qu'ils prétendent vouloir que la loi 74 soit adoptée, ils prennent tous les moyens pour en bloquer l'adoption. (2 h 50)

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: M. le député de Gouin, en vertu de quel article?

M. Rochefort: En vertu de l'article 212 de notre règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: 200?

M. Rochefort: 212 qui se lit comme suit: "Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé. "Il doit donner ces explications immédiatement après l'intervention qui les suscite."

Ce que je veux dire, c'est que, contrairement à ce que vient d'affirmer la ministre de la Santé et des Services sociaux, nous avons collaboré afin que le projet de loi

soit adopté avant l'ajournement de la session. Deuxièmement, nous réitérons que, si le projet de loi 74 ne contient pas l'amendement sur les soins dentaires, nous donnerons tous les consentements dont la ministre aura besoin pour le faire adopter puisque, malgré les avertissements nombreux que nous leur avons donnés, ces gens ont décidé d'ajouter un amendement sur les soins dentaires, ce qui privera les Québécois, à cause de leur décision, d'un vote qui permettrait aux Québécois de profiter de la loi 74.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Le débat étant maintenant clos, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie, est adoptée?

Mme Lavoie-Roux: Vote enregistré!

M. Chevrette: Oui, madame, vote enregistré.

Le Vice-Président: Vote enregistré. M. Gratton: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

Une voix: On reviendra lundi.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: On sera ici lundi.

Le Vice-Président: Bon, un instant!

Une voix: M. le Président, bonne fin de semaine!

Le Vice-Président: Bon. Je rappellerai aux députés de cette Chambre que la fin de la session n'est pas encore arrivée, il reste encore quelques heures.

Une voix: Lundi, M. le Président, lundi!

Le Vice-Président: Un instant! M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, tout simplement pour réitérer l'offre que je faisais à l'Opposition tantôt. Demain, ils pourront nous en aviser. Nous sommes prêts à déposer un projet de loi séparé sur la question des soins dentaires aux conditions que j'ai énumérées tantôt. On verra si vraiment l'Opposition est pour le projet de loi 74, amendement ou pas.

J'aimerais également dire que, quant à nous, nous pensons avoir respecté l'entente que nous avions conclue, c'est-à-dire un droit de parole de dix minutes au leader de l'Opposition sans interruption. Malheureusement, je constate que, du côté de la ministre qui devait exercer son droit de réplique pendant vingt minutes, elle l'a exercé pendant à peine...

Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du gouvernement. Un instant, juste une seconde avant d'en arriver là. M. le leader de l'Opposition, dois-je comprendre de vos propos que le vote qui a été demandé est reporté à demain, à la période des affaires courantes?

M. Gratton: Je serais tenté de faire comme l'Opposition...

Une voix: On va voter tout de suite.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement, ma question est fort précise et brève: Est-ce que vous demandez que le vote ait lieu maintenant ou qu'il soit reporté à demain, aux affaires courantes?

M. Gratton: M. le Président, jamais je ne manque à la parole donnée, moi. Je vous demande donc d'ajourner les travaux de l'Assemblée.

Le Vice-Président: Un instant, est-ce que vous demandez un vote reporté?

M. Gratton: Oui, vote reporté à demain, M. le Président.

Le Vice-Président: Le vote sur le projet de loi 74 est reporté à la prochaine période des affaires courantes du jeudi 19 juin. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Sur l'offre que vient de réitérer le leader du gouvernement, je voudrais lui dire que nous réitérons aussi notre volonté même de voter pour la loi 74, mais il n'y aura jamais un consentement de cette formation politique pour imposer un impôt sur les soins dentaires.

Le Vice-Président: Très bien, est-ce que la motion...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président... Le Vice-Président: Sur une question de?

Mme Lavoie-Roux: ...une question de privilège.

Le Vice-Président: Mme la ministre, il n'y a pas de question de privilège sur les propos qui ont été énoncés, je regrette infiniment. Est-ce que la motion d'ajournement de nos travaux est adoptée? Un

instant, un instant, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, en vertu de l'article 212.

Le Vice-Président; Mme la ministre, en vertu de l'article 212.

Mme Lavoie-Roux: Le député de Joliette vient de déformer ou de m'attribuer des propos qui n'ont jamais été tenus, M. le Président. Le député de Joliette s'obstine à parler de l'impôt sur les enfants alors qu'il s'agit...

Des voix: Oui, oui!

Une voix: Ce n'est pas grave.

Le Vice-Président: Un instant! Les messages étant passés, d'accord, est-ce que cette motion d'ajournement de nos travaux est adoptée?

M. Chevrette: Adopté.

Le Vice-Président: Nos travaux sont ajournés à ce matin, 19 juin, dix heures.

(Fin de la séance à 2 h 55)

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