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(Dix heures six minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
moment de recueillement. Veuillez vous asseoir. Aux affaires courantes ce
matin, il n'y a pas de déclaration ministérielle.
Présentation de projets de loi. M. le premier ministre.
Projet de loi 103 M. Robert Bourassa
M. Bourassa: M. le Président, ce projet de loi pourvoit
à la constitution et à l'organisation de la Société
d'investissement jeunesse. La société aura pour fonction de
développer avec la participation des entreprises privées l'esprit
d'entreprise chez les jeunes, de fournir une aide aux jeunes qui veulent
établir une entreprise, de favoriser la création d'emplois pour
les jeunes et d'administrer tout fonds requis pour l'exercice de ces
fonctions.
Dans la poursuite de ses objectifs, la société qui sera un
mandataire du gouvernement, pourra recevoir des dons, des legs, des subventions
ou contributions pour conclure des ententes avec toute personne,
société ou organisme.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Président: Si j'ai bien compris, l'Assemblée
accepte de se saisir de ce projet de loi.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, pour l'information des
membres de l'Assemblée il s'agit du projet de loi 103 qui figure
à l'article e du feuilleton.
Je vous demanderais maintenant d'appeler l'article d du feuilleton.
Projet de loi 104
Le Président: À l'article d du feuilleton, M. le
premier ministre, sur le projet de loi 104.
M. Gratton: M. le Président, pour l'information des
membres de l'Assemblée, il s'agit du projet de loi 104.
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: Ce projet de loi a pour objet de pourvoir à
l'institution et à l'organisation du Conseil permanent de la jeunesse,
composé de onze membres nommés sur la recommandation d'un
collège électoral de jeunes. Il aura pour fonction de conseiller
le ministre responsable sur toute question relative à la jeunesse. Il
pourra donner des avis au ministre, effectuer des études, entendre des
requêtes et fournir de l'information au public sur toute question
relative aux besoins et aux intérêts de la jeunesse.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se
saisir de ce projet de loi?
M. Chevrette: Sous réserve du collège
électoral.
Le Président: Adopté. Une voix:
Adopté.
Le Président: Dépôt de documents. M. le
ministre de l'Éducation.
Rapport annuel du ministère de
l'Éducation
M. Ryan: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer
le rapport du ministère de l'Éducation non pas pour
l'année 1984-1985, mais pour 1985-1986.
Le Président: Document déposé. M. le
ministre des Transports.
Rapport annuel de la CTQ
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, j'ai
l'honneur de vous transmettre le rapport annuel de la Commission des transports
du Québec pour l'année terminée le 31 mars 1986.
Le Président: Document déposé. M. le
Solliciteur général.
Rapport annuel de la Régie des permis
d'alcool
M. Latulippe: M. le Président, j'ai l'honneur de vous
transmettre le rapport annuel de la Régie des permis d'alcool du
Québec pour l'exercice financier 1985-1986.
Le Président: Document déposé. M. le
ministre délégué aux Mines et aux Affaires
autochtones.
Rapport annuel de la SOQUEM
M. Savoie: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel de la Société
québécoise d'exploration minière pour l'année
1985-1986.
Le Président: Document déposé.
Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la
commission du budget et de l'administration.
Étude détaillée du projet de loi
68
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé les 6, 9, 13 et 16 juin 1986 afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 68, Loi sur le
ministère des Approvisionnements et Services et modifiant diverses
dispositions législatives. Le projet de loi a été
adopté avec amendements.
Étude détaillée du projet de loi
55
J'ai aussi l'honneur, M. le Président, de déposer le
rapport de la commission du budget et de l'administration qui a
siégé le 16 juin 1986 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 55, Loi sur le
Régime de retraite de certains enseignants et modifiant diverses
dispositions législatives concernant les régimes de retraite des
secteurs public et parapublic. Le projet de loi a été
adopté avec amendements. Merci.
Le Président: Les deux rapports du président de la
commission du budget et de l'administration sont déposés.
M. le président de la commission de l'aménagement et des
équipements.
Étude détaillée des projets de
loi 97 et 36
M. Rochefort: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé le 16 juin 1986 afin de
procéder à l'étude détaillée des projets de
loi suivants: le projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur les
élections dans certaines municipalités; le projet de loi a
été adopté; et le projet de loi 36, Loi modifiant la Loi
sur les cités et villes; ce projet de loi a été
adopté avec amendements.
Étude détaillée du projet de loi
37
Je veux aussi déposer le rapport de cette même commission
qui a aussi siégé le 17 juin dernier afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi
modifiant le Code municipal du Québec. Ce projet de loi a
été adopté avec amendements.
Le Président: M. le président, vos rapports sur les
projets de loi 97, 36 et 37 sont déposés. M. le président
de la commission des affaires sociales.
Étude détaillée du projet de loi
208
M. Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a
siégé le 17 juin 1986 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
208, Loi modifiant la Loi constituant en corporation l'Hôtel-Dieu de
Lévis. Le projet de loi a été adopté.
Étude détaillée du projet de loi
75
J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission des
affaires sociales qui a siégé les 16 et 17 juin 1986 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 75. C'est la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. Le projet de loi a été adopté avec
amendements.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre!
Étude détaillée du projet de loi
77
M. Bélanger: J'ai aussi l'honneur, M. le Président,
de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a
siégé le 17 juin 1986 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 77. C'est la Loi
modifiant la Loi sur le Régime de rentes du Québec. Le projet de
loi a été adopté avec amendements.
Le Président: M. le président, vos rapports sur les
projets de loi 77 et 76 sont déposés. Quant au projet de loi 208,
il est adopté. M. le président de la commission de la
culture.
M. Tremblay (Iberville): M. le Président, j'ai l'honneur
de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation.
Le Président: M. le président, j'ai appelé
le président de la commission de la culture.
M. Tremblay (Iberville): Excusez-moi, M. le Président.
Le Président: M. le président de la
commission de la culture.
Étude détaillée du projet de loi
73
M. Trudel: M. le Président, c'est l'autre culture. J'ai
l'honneur de déposer le rapport de la commission de la culture qui a
siégé le 17 juin 1986 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 73, Loi modifiant la
Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels. Le projet de loi a été
adopté.
Le Président: Rapport déposé. M. le
président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation.
Étude détaillée du projet de loi
69
M. Tremblay (Iberville): M. le Président, excusez-moi de
m'être trompé de sillon. J'ai l'honneur de déposer le
rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation qui a siégé les 10, 16 et 17 juin 1986 afin de
procéder à une consultation particulière et à
l'étude détaillée du projet de loi 69, Loi modifiant la
Loi sur la protection sanitaire des animaux. Le projet de loi a
été adopté avec amendements.
Le Président: Rapport déposé. M. le
président de la commission de l'éducation.
Étude détaillée du projet de loi
30
M. Parent (Sauvé): J'ai l'honneur de déposer le
rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 17
juin dernier afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 30, Loi abrogeant la Loi concernant la
commission scolaire du Nouveau-Québec. Le projet de loi a
été adopté.
Étude détaillée du projet de loi
54
J'ai aussi l'honneur de déposer la rapport de la commission de
l'éducation qui a siégé le 17 juin 1986 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 54, Loi sur le transfert de certains employés du ministère de
l'Éducation à la Société de
radiotélévision du Québec. Le projet de loi a
été adopté avec amendements.
Le Président: Rapports déposés.
Dépôt de pétitions. M. le député de
Shefford.
Demande de poursuivre la construction
d'une école primaire française
dans le canton de Granby
M. Paré: J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une
pétition adressée à l'Assemblée par 968
pétitionnaires, citoyens résidant sur le territoire desservi par
la commission scolaire de Granby. Ils appuient la résolution no
E-8586-395 de la commission scolaire de Granby pour que soit poursuivie la
construction d'une école primaire française dans le canton de
Granby. Je certifie que cet extrait de la pétition est conforme à
l'orginal et aux règlements.
Le Président: Pétition déposée.
Ce matin, il n'y a aucune intervention portant sur une violation de
droit ou de privilège ou sur un fait personnel.
Avant de procéder à la période de questions, on m'a
informé ce matin qu'il y aurait, de la part du ministre de la
Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et du Travail, un
complément de réponse à la question posée le lundi
9 juin dernier, par le député de Verchères, relativement
aux communications possibles entre les agents d'aide sociale et son
ministère et les agents de l'escouade des crimes économiques de
la Sûreté du Québec.
Également, j'informe tous les membres de cette Assemblée
qu'immédiatement après la période de questions, nous
allons procéder à deux votes ce matin ainsi qu'à des
amendements sur un projet de loi.
Période des questions orales. M. le député de
Lévis, question principale.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Révision des allocations de
disponibilité
M. Garon: Le 1er mai dernier, dans son budget, le ministre des
Finances annonçait qu'il réexaminerait toute la question des
allocations de disponibilité. Cette annonce inquiète beaucoup les
femmes qui, d'ailleurs, dans un communiqué récent, indiquent que
depuis quelques semaines le service Action-femmes du Conseil du statut de la
femme ne cesse de recevoir des appels de mères de familles
inquiètes de perdre leur allocation de disponibilité. Ma question
s'adresse au ministre des Finances. À la suite du récent
dépôt du rapport du comité de consultation sur la politique
familiale, le 29 avril dernier, dans lequel est proposée une
réforme globale du système de transfert dans un regroupement des
exemptions et des allocations familiales et de disponibilité et une
bonification du système des allocations familiales et de
disponibilité. Le ministre entend-il, dans la recommandation 3 qu'il a
sûrement lue, réexaminer l'allocation de disponibilité dans
ce sens?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, je trouve la question du
député de Lévis bien à point. Cela est un contraste
avec ce qu'il nous avait raconté ou ce qu'il avait
véhiculé ou tenté de véhiculer à la
population relativement aux allocations de disponibilité dont il avait
annoncé lui-même l'abolition à la suite du discours sur le
budget. Je me rappelle, fort bien, M. le Président, que le
député de Lévis s'était insurgé contre le
fait que nous ayons aboli les allocations de disponibilité.
Or, M. le Président, je remercie le député de
Lévis de reconnaître ce matin que, dans le discours sur le budget,
nous n'avions justement pas aboli les allocations de disponibilité, mais
que nous avions mentionné, et cela tient toujours, que ces allocations
de disponibilité seraient réévaluées à la
lumière de la politique familiale qui serait élaborée par
le gouvernement.
Or, évidemment, cette politique familiale relève d'un
autre ministre que celui qui vous parle, mais je suis évidemment
prêt à collaborer le plus entièrement possible à la
mise en oeuvre d'une telle politique.
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Lévis. (10 h 20)
M. Garon: M. le Président, ma question s'adresse
véritablement au ministre des Finances qui détient les cordons de
la bourse. J'aimerais savoir s'il entend privilégier les exemptions
personnelles au détriment des allocations de disponibilité qui,
elles, comme tout le monde le sait, sont versées directement à la
personne qui s'occupe des enfants entre zéro et six ans et à la
mère de famille elle-même qui veut garder ce caractère
d'autonomie.
J'aimerais avoir une réponse du ministre des Finances, parce que
je n'ai pas de réponse à savoir s'il entend vraiment
privilégier les allocations de disponibilité plutôt que les
exemptions, comme le demande le rapport du comité de consultation sur la
politique familiale.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: Cette question m'intéresse au plus haut point
comme c'est le cas, j'imagine, pour tous les gens en cette Chambre. La seule
chose, c'est que je ne suis pas le ministre responsable des politiques ou de
l'élaboration des politiques ou de la définition de la politique
familiale. Dans ce sens, comme ministre des Finances, je dis que je serai
très attentif et que je pourrai évaluer cette politique au point
de vue budgétaire lorsqu'elle aura été définie, et
ensuite voir si on peut la mettre en application, si nous en avons et dans
quelle mesure nous avons les moyens de le faire.
Une politique familiale qui réponde aux besoins du Québec,
demeurera toujours prioritaire pour nous.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: Une courte question additionnelle. J'aimerais demander
au ministre des Finances s'il est toujours responsable des politiques
fiscales.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, j'espère que le
député fait une distinction entre une politique fiscale et une
politique familiale. Évidemment, les deux peuvent se rejoindre, mais il
ne faut pas mettre certaines choses avant d'autres. Avant de pouvoir fixer un
prix pour quelque chose, je pense bien qu'il faut que cette chose soit
là, qu'elle existe et qu'on puisse l'évaluer. C'est l'enfance de
l'art de dire que la politique fiscale pourra être
développée au fur et à mesure qu'on aura bien
définie cette politique familiale. Il me semble que c'est l'enfance de
l'art, on ne devrait pas poser des questions de ce genre, ce matin.
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, ma question s'adresse à
la ministre responsable de la Politique familiale. Entend-elle recommander
à son collègue responsable des politiques fiscales que soient
maintenues les allocations destinées aux mères d'enfants de moins
de six ans, allocations qui constituent souvent la seule source directe de
revenu pour celles qui ont à gérer le budget familial?
Le Président: Mme la ministre responsable de la Politique
familiale.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre des Finances
et moi-même avons déjà été en contact, au
moment de la préparation du budget, concernant ces allocations de
disponibilité. Une des recommandations ou un des volets importants du
rapport de la consultation sur la politique familiale touche toute la question
de la fiscalité des familles, leurs revenus, et je pense que ce volet
très important d'une politique familiale à être
éventuellement adoptée doit être examiné avec
l'ensemble de tous les éléments qui entrent dans cette analyse de
la situation économique des familles. C'est ce à quoi nous
travaillons et nous ferons connaître les décisions qui s'imposent,
en temps et lieu.
Le Président: M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: Une question additionnelle au premier ministre, M.
le Président.
Le Président: En additionnelle.
M. Rochefort: Le premier ministre peut-il nous assurer qu'aucune
suite ne sera donnée à l'allusion faite par le ministre des
Finances dans son budget aux allocations de disponibilité tant que la
ministre responsable n'aura pas donné suite au rapport de consultation
sur la politique familiale eu égard à ces questions?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, on va prendre les meilleures
décisions en fonction des priorités du gouvernement. Le ministre
des Finances, d'abord, a corrigé une inexactitude, si je puis dire, du
député de Lévis. Le député de Lévis,
le soir de la présentation du budget, annonçait à toute la
province que nous avions aboli les allocations de disponibilité.
Rarement, s'était-on aussi éloigné de la
vérité!
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Bourassa: Mais, ce que je veux dire au député de
Gouin, c'est que nous sommes conscients de l'importance d'avoir une politique
familiale. C'est pourquoi nous voulons réexaminer l'ensemble des mesures
pertinentes à cet effet. S'il y a lieu de procéder rapidement,
nous allons le faire. Mais, il est sûr que nous aurons une politique
familiale en fonction des besoins du Québec.
Le Président: M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: Oui, M. le Président, je vais reprendre ma
question au premier ministre. Ce que nous voulons savoir et les assurances que
nous voulons qu'il nous donne ce matin, c'est qu'aucune décision ne sera
prise au ministère des Finances...
Le Président: Vous êtes en additionnelle.
M. Rochefort: ...avant que la ministre responsable de la
Politique familiale ait terminé ses réflexions.
Le Président: Votre question.
M. Rochefort: Oui, je demande au premier ministre s'il est
prêt à nous donner l'assurance, ce matin, que les décisions
ne viendront pas du ministère des Finances, eu égard à la
politique d'allocations de disponibilité pour les femmes
québécoises, mais qu'elles viendront plutôt de la ministre
responsable de la Politique familiale?
Le Président: M. le premier ministre. À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Bourassa: M. le Président, c'est tout à fait
normal que ce soit ainsi, sauf imprévu.
M. Chevrette: C'est comme la raffinerie de sucre, c'est comme
d'autres choses... imprévues!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Verchères, en principale.
Légalité et constitutionnalité
des visites à domicile des agents d'aide sociale
M. Charbonneau: M. le Président, hier, comme je l'ai
signalé au moment de la période de questions, une vingtaine
d'organismes, 23 plus précisément, dont la
Fédération des femmes du Québec, l'Assemblée des
évêques du Québec, l'Association des juristes
québécois, le Congrès juif canadien, l'Église unie
du Canada, le YMCA international, l'Organisation nationale antipauvreté
et j'en passe - il y en a 23 - dénonçaient l'opération
gouvernementale de visites systématiques au domicile des assistés
sociaux du Québec. Au même moment, le ministre de la Justice,
l'ancien champion des droits et libertés de la personne, donnait
l'impression que le gouvernement était au-dessus de la
mêlée et, qu'en fait, il n'y avait rien là! Ce que je veux
demander au ministre de la Justice, aujourd'hui, c'est s'il est conscient que
les présomptions d'illégalité et
d'insconstitutionnalité sont graves et, qu'en conséquence, il est
urgent d'obtenir des clarifications sur la légalité et la
constitutionnalité de l'opération gouvernementale en cours depuis
trois semaines déjà?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Marx: M. le Président, je répète ce que
j'ai dit hier. Le Contentieux du gouvernement, du ministère de la
Justice a donné une opinion préliminaire au ministre du Travail
en disant que la loi ou la procédure que nous suivons est légale.
Maintenant, on attend une opinion plus approfondie des avocats du Contentieux
avant la fin de cette semaine; quand j'aurai cette opinion, je la transmettrai
au ministre du Travail.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Compte tenu des déclarations publiques qui
ont été faites, des dénonciations publiques qui ont
été faites, le ministre est-il prêt à s'engager
à ce que cette opinion juridique, qu'il nous annonce aujourd'hui pour la
fin de la semaine, soit rendue publique en même temps qu'il la
transmettra à son collègue de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Marx; La procédure au gouvernement, depuis maintenant
des années, est de ne pas rendre publiques ces opinions. Surtout quand
les gens disent qu'ils vont contester la loi, on ne rend jamais publiques ces
opinions; surtout, je le répète, quand les gens disent qu'ils
vont contester la loi. Je vais transmettre l'opinion au ministre du Travail,
comme cela a été fait dans beaucoup de cas avant que je sois
nommé ministre de la Justice.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Est-ce que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu reconnaît que les directives qu'il a
données ouvrent la porte à des décisions qui sont
fondées sur des apparences qui peuvent être trompeuses et qu'il
est un peu simpliste et même dangereux finalement de classer 700 000
personnes...
Le Président: En additionnelle, en additionnelle...
Des voix: Question, question!
M. Charbonneau: M. le Président, j'ai demandé:
Est-ce que le ministre...
Le Président: Oui, mais vous ne pouvez pas argumenter
à l'intérieur... À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Verchères, malgré le "est-ce que", il
n'est pas permis d'argumenter. Vous avez la parole.
M. Charbonneau: M. le Président, je n'argumente pas, je
demande: Est-ce que le ministre...
Des voix: Oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Vous pouvez répéter votre question, M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Est-ce que le ministre reconnaît que ces
directives sont des portes ouvertes au fait que des décisions puissent
être fondées sur des apparences trompeuses? Deuxièmement,
est-ce qu'il ne reconnaît pas qu'il s'agit, en fait, d'un geste simpliste
de classer les 700 000 assistés sociaux du Québec en deux
catégories: les bons, les honnêtes gens et les méchants
fraudeurs?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail. (10 h 30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il fallait que la classification
dont parle le député de Verchères ait lieu, elle serait
nettement simpliste. Chez nous, au ministère de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu, il y a des assistés sociaux qui
sont dans le besoin, et la politique du ministère est de s'assurer que
la loi et les règlements soient appliqués tels qu'ils ont
été adoptés par l'Assemblée nationale de
façon que ces assistés sociaux aient justice.
Comme l'a rapporté un quotidien montréalais en fin de
semaine, ceux et celles qui sont accusés de fraude ne sont pas
considérés, lorsque la fraude est établie, que la
présomption d'innocence a été renversée et qu'il y
a eu condamnation, comme des assistés sociaux et ne sont pas sur les
listes.
Quant au code, M. le député de Verchères, il a
été mis en place parce qu'il y avait des visites qui
s'effectuaient quand même - et vous êtes certainement au courant -
avant l'arrivée du gouvernement libéral, sans code, dans le
laisser-aller. Le code a été bâti par les fonctionnaires
à la demande du ministre de façon à faire en sorte que les
droits et libertés fondamentales de ces gens-là soient
respectés.
Je vous dirai que j'ai déjà indiqué...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...en cette Chambre, dans les
rencontres que j'ai eues avec eux que, comme ministre, je ne tolérerai
pas qu'ils violent les droits et libertés fondamentales des
bénéficiaires de l'aide sociale et que si nous étions en
mesure d'identifier un cas où un fonctionnaire aurait commis de tels
abus, des réprimandes et des mesures très sévères
seraient appliquées à son égard.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que le ministre
est conscient que le climat de crainte qui sévit actuellement dans le
milieu des assistés sociaux fait en sorte -cela a été
indiqué par tous les organismes concernés qui ont
dénoncé cette attitude -que les gens n'osent pas actuellement
dénoncer des abus? J'ai une lettre en main. La personne me demande de
garder l'anonymat...
Le Président: M. le député de
Verchères, votre question est posée.
M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du
revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis conscient que certains
agissements en certains endroits font en sorte qu'un climat peut se
détériorer. Les gens qui posent des questions, font des
conférences de presse, etc., doivent faire preuve d'une grande
responsabilité dans ce dossier pour que les gens qui sont parmi les plus
démunis dans la société, qui sont, si je peux utiliser
cette expression, d'honnêtes bénéficiaires de l'aide
sociale, qui y ont droit, etc., ne soient pas terrorisés par tout ce que
l'on tente de véhiculer.
Dans le but de rassurer encore une fois le député de
Verchères sur les agissements du bureau du ministre, je vous dirai,
parce que cela a été encore une fois reproduit au bulletin de
nouvelles hier soir, la fameuse dénonciation des cagoulards il y a une
semaine...
Le Président: En conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...j'ai effectué, à
partir des indices que j'avais dans les articles de journaux, à peu
près toutes les vérifications possibles et imaginables. Dans le
cas d'une de ces personnes-là qui était revêtue d'une
cagoule, elle a indiqué qu'elle avait été victime d'une
fouille le 21 mai dernier et qu'elle avait reçu son aide sociale
à la suite d'une plainte. Cela tombait dans les 170 dossiers que j'avais
vérifiés...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...personnellement. On a
présumé que cette personne était de la grande
région de Québec vu que cela s'est tenu à Québec.
Je dis bien "de la grande région de Québec". Pendant cette
semaine-là, il y a eu 48 visites à domicile. Dans la
journée du 21, il y en a eu dix dans la grande région de
Québec. Il y a eu cinq dossiers annulés et des dossiers
annulés et réactivés - c'était le cas de cette
personne - il y en a eu un mais pas pour les motifs que cette personne
indiquait.
À partir des indices qu'on nous fournit, nous faisons toutes les
démarches humainement possible pour donner suite aux plaintes et nous
faisons également des démarches pour des plaintes qui nous sont
transmises par courrier ou autrement, par les députés de cette
Chambre dont quelques députés de l'Opposition.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbomeau: Quand le ministre et le gouvernement entendent-ils
respecter leur engagement électoral de hausser et d'indexer le revenu de
travail admissible à l'aide sociale, ce qui serait une mesure incitative
en même temps qu'on met en place des mesures de contrôle?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a deux éléments
au dossier majeur, et je remercie le député de Verchères
de les souligner. Il y a la question de l'application de la loi actuelle et de
la réglementation actuelle de l'aide sociale qui soulève des
questions. Il y a également la question de la réforme de l'aide
sociale que le gouvernement s'est engagé à déposer en
cette Chambre à l'automne. Les deux suscitent des inquiétudes et
également dans certains cas certains espoirs. Je peux vous assurer que,
dans cette réforme, nous réglerons le cas de la discrimination
à cause de l'âge tel que nous nous étions engagés
à le faire en campagne électorale.
Je tiens également à vous réitérer que cette
réforme verra à traiter - je l'ai déjà
indiqué et il me fait plaisir de vous le répéter ce matin
- les bénéficiaires de l'aide sociale qui sont
considérés comme non aptes au travail...
Le Président: En conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...qui souffrent d'un handicap
physique ou mental, avec plus de justice qu'ils ne l'ont été dans
le passé, ce qui laisse sous-entendre une hausse des barèmes pour
ces gens-là.
Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest,
en principale.
Le déroulement des négociations dans les
secteurs public et parapublic
M. Gendron: M. le Président, aujourd'hui, pour le Syndicat
canadien de la fonction publique, ce sera une journée nationale de
protestations dans le dossier des négociations. C'est la même
chose pour le secteur soutien dans les cégeps; au lieu de
négocier, on parle de rien ou pour rien. Au-delà des questions de
forme, il n'y a absolument aucun progrès substantiel sur le fond des
négociations. Du côté du syndicat des infirmiers et des
infirmières, il est prévu, à moins d'une entente de
principe aujourd'hui, une grève probable des infirmières pour
demain. Je voudrais tout simplement poser la question suivante: Est-ce que le
président du Conseil du trésor maintient sa candide
déclaration qu'il faisait
au Conseil général du Parti libéral que les
négociations se déroulent bien et qu'il est très confiant
d'arriver à un résultat d'ici à quelques jours?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
Une voix: Cela va bien.
M. Gobeil: M. le Président...
Une voix: Cela se déroule normalement.
M. Gobeil: ...en réponse à la question du
député d'Abitibi-Ouest, je dois dire qu'il y a toujours des
négociations, à toutes les tables de négociation, que les
discussions se poursuivent, que certaines tables sont plus avancées que
d'autres, qu'à certaines tables il y a un ralentissement dans le sens
que cela n'évolue pas comme on le voudrait. Je dois simplement
mentionner qu'il reste encore douze jours d'ici au 30 juin et qu'il y a encore
espoir de règlement avec plusieurs des syndicats impliqués dans
la négociation actuelle.
Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest,
en additionnelle.
M. Gendron: Plus spécifiquement dans le cas des infirmiers
et des infirmières, les trois fédérations ont fait des
dépôts d'hypothèse générale de
règlement et le président du Conseil du trésor devait
fournir hier une réponse à cette hypothèse de
règlement final concernant le dossier des infirmiers et des
infirmières. Je voudrais savoir si le président du Conseil du
trésor est en mesure de nous donner la réponse du gouvernement
sur cette hypothèse de règlement en ce qui concerne
spécifiquement les infirmiers et les infirmières.
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, il n'y a pas eu de
dépôt formel d'hypothèse de règlement par aucun des
trois syndicats des infirmiers et des infirmières. Nous sommes depuis
environ quinze jours en discussion intensive, d'une façon informelle,
avec ces trois syndicats. Les discussions évoluent bien, avancent bien.
Nous le saurons probablement d'ici à quelques jours, lorsque nous aurons
reçu formellement ces hypothèses. On nous a avisés qu'un
des syndicats doit déposer aujourd'hui une hypothèse formelle.
Nous l'étudierons et nous rendrons compte à cette Chambre des
résultats en temps et lieu.
Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest,
en additionnelle.
M. Gendron: Est-il exact, M. le président du Conseil du
trésor, que la plupart des négociateurs patronaux n'ont,
jusqu'à maintenant, aucun mandat leur permettant d'envisager quelque
hypothèse que ce soit allant au-delà des dépôts
initiaux?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, d'une façon formelle,
le député d'Abitibi-Ouest a raison. Les offres ont
été déposées le 19 février dernier. Depuis,
j'ai eu quotidiennement, si je puis dire, des discussions avec les
représentants du Conseil du trésor responsables en haut lieu des
négociations. Nous avons fait les ajustements et nous continuons
d'examiner les ajustements requis. Nous sommes à l'écoute des
demandes des syndicats et nous donnons des réponses à ces
demandes et elles me sont généralement soumises.
Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest,
en additionnelle.
M. Gendron: Advenant, M. le Président, que la perception
d'autres groupes soit différente de celle du Conseil du trésor
-parce que pour lui, les négociations vont bien, il n'y a pas de
problème - et que, demain, les infirmières décident
d'aller en grève, spécifiquement en ce qui concerne les
infirmiers et les infirmières pour ce qui est des négociations,
quels gestes concrets le président du Conseil du trésor entend-il
poser d'ici à demain?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
Une voix: Rien.
M. Gobeil: M. le Président, il n'y a pas
d'hypothèse réelle de grève au moment où on se
parle et si cela devait survenir, nous appliquerons la loi.
M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle. (10 h 40)
M. Chevrette: Est-ce que le ministre est conscient que, depuis le
19 février, ces négociateurs n'ont aucun mandat pour avancer des
hypothèses globales de solution au problème à chacune des
tables. Est-ce qu'il est conscient qu'aucune des tables ne peut évoluer
dans les circonstances et qu'à moins qu'il ait une recette nouvelle pour
négocier le ministre s'en va nécessairement vers un cul-de-sac en
négociation?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, les mandats ont
été dégagés le 19 février dernier. Je le
répète, les négociateurs patronaux ont le mandat de
négocier et c'est ce qu'ils font continuellement, jour après
jour, semaine après semaine. Il y a eu des ajustements, je le
répète, qui sont survenus en cours de route. On est prêt
à en entendre d'autres dans le cadre financier global qui a
été déposé le 19 février dernier. J'ai dit
à ce moment et j'ai répété à plusieurs
occasions que des réaménagements étaient possibles et
discutables à l'intérieur de ce cadre et c'est ce que nous
continuons de faire.
Le Président: M. le député de Roberval,
question principale.
Possibilité de création de filiales
d'Hydro-Québec
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au vrai ministre de l'Énergie et des Ressources, le député
de Saint-Laurent et premier ministre en même temps.
M. le Président, la semaine dernière, le premier ministre
nous indiquait qu'Hydro-Québec tentait de développer quatre
nouveaux marchés externes aux fins de signer des contrats et de devancer
la construction d'équipements déjà prévus au plan
d'immobilisation. À cette fin, le premier ministre évoquait pour
la première fois la possibilité de création de filiales
d'Hydro-Québec, filiales qui seraient la propriété
à 25 % du client et à 75 % d'Hydro.
M. le Président, ma question au premier ministre est la suivante:
Est-ce que le premier ministre peut nous dire si cette approche qu'il a
évoquée aux journalistes vient d'une demande spécifique
qui a été faite par des clients lors de discussions ou si cela
vient de lui afin de permettre peut-être d'accélérer une
éventuelle signature de contrat?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je crois qu'il y a plusieurs
mois j'avais eu l'occasion, lorsque je m'étais rendu à New York
et à Washington - en février - de parler également, en
accord avec Hydro-Québec, de la possibilité pour
Hydro-Québec d'investir dans des compagnies d'utilité publique
américaines pour des avantages de collaboration plus étroite et
notamment pour ce qui a trait à l'établissement des
interconnexions. Ce que j'ai fait également, c'est que j'accepte aussi
l'hypothèse qu'Hydro-Québec pourrait s'associer à des
entreprises d'utilité publique américaines.
Si j'ai parlé de cette hypothèse - on sait que le
gouvernement serait l'actionnaire en totalité d'Hydro-Québec, il
n'y aurait pas de changement, c'est simplement pour une filiale, pour la
durée de l'existence du contrat - c'est qu'à plusieurs reprises
il a été mentionné de la part de nos interlocuteurs
américains qu'il y avait cet aspect d'insécurité. On admet
que nous avons un coût compétitif avec notre énergie
hydroélectrique, surtout avec les options qui sont offertes. On admet
également que l'énergie hydroélectrique est plus propre
que d'autres formes d'énergie, moins risquée, mais on se pose
parfois des questions. Pas partout, mais dans certains milieux aux
États-Unis on se pose des questions sur l'aspect de la
sécurité de l'approvisionnement. C'est donc pour répondre
à cette inquiétude qui peut exister dans ces milieux sur
l'insécurité de l'approvisionnement sur une période de 20
à 25 ans que j'ai parlé de cette hypothèse d'une
participation d'entreprises d'utilité publique américaines.
Pour conclure, M. le Président, je peux citer le gouverneur
Sununu du New Hampshire, qui est un État clé pour nos
exportations, qui a dit la semaine dernière à la suite de ma
proposition que ceci donnait beaucoup plus de force à la
possibilité pour le Québec d'exporter son énergie, si nous
arrivons avec cette formule.
Le Président: M. le député de Roberval,
question additionnelle.
M. Gauthier: M. le Président, tout en remerciant le
premier ministre, j'aimerais savoir de sa part s'il envisage deux types de
filiales, c'est-à-dire une filiale dont la responsabilité
pourrait être au niveau de la construction et de la gestion des barrages
ici au Québec - j'avais l'impression que c'était de cette sorte
de filiale dont il parlait - et un deuxième type de filiale qui pourrait
être une association d'Hydro-Québec dans les compagnies
d'utilité publique aux États-Unis. Est-ce que le premier ministre
voit deux types de filiales ou est-ce une seule et même boîte qui
ferait tout cela?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: II s'agit de deux types de filiales. J'ai
déjà eu l'occasion de mentionner dans le volume que
j'espère le député de Roberval connaît bien, que la
question du financement pourrait être réglée par
différentes formules de paiement anticipé. Or, j'ai
constaté, depuis que nous sommes au pouvoir, que les problèmes de
financement pourraient être réglés dans la mesure où
nous avons des contrats signés, c'est-à-dire que ce serait
considéré un peu comme un actif par des prêteurs. Il
pourrait arriver qu'il ne soit pas nécessaire de Denser à des
formules de paiement anticipé.
Pour répondre plus précisément à la question
du député, il s'agit de deux types de filiales. Dans un cas,
c'est Hydro-Québec qui participe avec des compagnies américaines
d'utilité publique en Nouvelle-Angleterre. Dans l'autre cas, ce serait
une filiale qui aurait pour but, durant la durée du contrat, d'avoir un
intérêt minoritaire principalement pour donner plus de
sécurité à l'approvisionnement en énergie pour les
Américains. Ils ont été échaudés par la
crise du pétrole. Nous avons actuellement un contre-choc
pétrolier. Les données sont différentes, mais la question
de la sécurité demeure. Mon objectif, c'est de répondre
à cette objection de manière à pouvoir réaliser ces
grands projets tellement importants pour la force économique du
Québec.
Le Président: M. le député de Roberval,
question additionnelle.
M. Gauthier: Est-ce que j'interprète bien le premier
ministre quand je dis -j'essaie de traduire ses paroles le plus exactement
possible - qu'au niveau de l'interne existerait un type de filiale qui aurait
son existence pour la durée de la construction ou est-ce que le premier
ministre envisage que cette filiale puisse faire la construction et
gérer le barrage après la construction?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: J'ai émis cette hypothèse qui reste
sujette a toutes sortes de négociations. J'étais quand même
très heureux de la réaction de certains gouverneurs de la
Nouvelle-Angleterre lorsqu'ils ont dit que cela pouvait répondre
à cette question d'insécurité. J'ai dit tantôt que
si j'abordais et si je présentais cette hypothèse, c'est à
cause de cette question de l'approvisionnement. Or, l'approvisionnement, c'est
pour la durée du contrat. La filiale aurait une durée
équivalente aux 20 ans, aux 25 ans ou 15 ans que pourrait durer le
contrat et elle prendrait fin au terme de l'existence légale.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, question
additionnelle ou question principale?
M. Johnson (Anjou): Question additionnelle. Le premier ministre a
évoqué la notion de deux types de filiales et il a parlé
d'une participation minoritaire à celle qui, dans le fond, aurait un
rôle particulier à jouer au sud de la frontière. Est-ce
qu'il parle d'une participation minoritaire des Américains ou des
intérêts québécois?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition visiblement était
absent lorsque j'ai donné les explications. On sait
qu'Hydro-Québec a manifesté son intérêt de
participer d'une façon minoritaire dans des entreprises en
Nouvelle-Angleterre. C'est pour les entreprises en Nouvelle-Angleterre. L'autre
type de filiale est tout à fait différent, c'est-à-dire
que, là, il s'agit d'une participation minoritaire d'entreprises
d'utilité publique américaines avec HydroQuébec pour le
développement de projets destinés à l'exportation
d'électricité aux États-Unis. J'espère que c'est
assez clair pour le chef de l'Opposition.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, question
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Question additionnelle. Cette participation
éventuelle d'Hydro-Québec en investissant aux États-Unis
se ferait-elle dans des entreprises existantes où il y aurait une
participation minoritaire d'Hydro-Québec à des "public utilities"
de la Nouvelle-Angleterre ou de New York, ou, au contraire, est-ce qu'il
s'agirait de créer des entreprises américaines qui, elles,
auraient des droits spécifiques sur le bail et la distribution des
barrages à construire?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Si je comprends bien, le chef de l'Opposition parle
de l'hypothèse américaine parce que c'est évident que,
dans le cas du Québec, il s'agirait d'entreprises à former
puisqu'il n'y en a pas actuellement. Dans le cas américain, ce
pourraient être des entreprises qui existent déjà et
probablement des entreprises qui existent déjà par l'action...
Beaucoup de ces entreprises, la plupart sont à capital privé. Ce
seraient vraisemblablement des entreprises qui existent déjà,
même si on ne peut pas exclure la possibilité qu'il s'agisse
d'autres entreprises.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: Question additionnelle. J'aimerais savoir de la part
du premier ministre si les filiales ainsi constituées à l'interne
seraient responsables de toutes les opérations, à savoir la vente
et la signature du contrat, le financement, la construction, évidemment
la surveillance des travaux et la gestion totale et complète des plans
d'eau par la suite. (10 h 50)
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, on sait que la SEBJ est une
filiale d'Hydro-Québec
détenue en totalité par Hydro-Québec ou des
entreprises d'État. Cela pourrait être du type de la SEBJ ou cela
pourrait, sujet à négociation, être un autre type de
filiale. Ce qui est important, c'est que les droits du Québec et les
droits du gouvernement du Québec ou de la population du Québec,
par le biais d'Hydro-Québec, soient totalement protégés.
Sauf que de manière à pouvoir assurer la signature de ces
contrats, on permettrait la participation minoritaire - je tiens à le
dire - toujours minoritaire par rapport au contrôle de la population du
Québec par le biais de son institution, l'Hydro-Québec.
J'espère que cela va rassurer maintenant le député de
Roberval.
Le Président: M. le député de La Peltrie en
principale.
Récupération du papier auprès des
fonctionnaires
M. Cannon: M. le Président, Recyclage Québec est un
organisme sans but lucratif voué à l'éducation et à
la sensibilisation du public quant au recyclage du papier.
C'est cet organisme qui assure le fonctionnement du programme de
récupération de papier fin auprès de la moitié des
fonctionnaires provinciaux. Pour ce qui est de l'autre moitié, Recyclage
Québec attend toujours une réponse du gouvernement et ce depuis
plusieurs mois.
À cet égard, Recyclage Québec a l'intention de
fermer ses portes si la situation ne change pas. Ma question, M. le
Président, s'adresse au ministre de l'Environnement. Peut-il nous
indiquer quelles sont les intentions du gouvernement en ce qui concerne la
poursuite et l'élargissement éventuel du programme de
récupération de papier auprès des fonctionnaires
provinciaux?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, le programme de recyclage
dans les bureaux gouvernementaux est divisé en deux parties. Il y a une
partie pour les bâtiments qui sont la propriété du
gouvernement, qui est assurée par Recyclage du Nord et Recyclage
Québec avait l'autre partie.
Recyclage Québec m'a approché il y a plusieurs semaines
pour obtenir 100 % du travail. Après investigation auprès des
autres ministères concernés, il a été impossible de
lui donner tout le travail parce que Recyclage du Nord est une entreprise qui
fait du bon travail depuis longtemps pour le gouvernement du Québec.
Nous avions demandé à Recyclage Québec de s'entendre avec
l'autre entreprise de recyclage afin d'arriver à une entente commune
pour les deux.
Récemment, il y a une entente qui a été atteinte
par Recyclage Québec avec la coopération du comité
régional qui s'appelle le comité Coderre 3 selon laquelle,
Recyclage Québec, dorénavant, va faire purement de la
sensibilisation auprès des groupes de recyclage et de la population et
qu'il y aura d'autres groupes qui vont prendre le travail que Recyclage
Québec faisait auprès des bureaux gouvernementaux.
M. Cannon: En additionnelle, M. le Président.
Le Président: En additionnelle, M. le député
de La Peltrie.
M. Cannon: Est-ce que le ministre de l'Environnement entend
soutenir Recyclage Québec pour les autres programmes de recyclage
proposés par cet organismes?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, Recyclage Québec a
reçu au cours des trois dernières années quelque chose
comme 131 000 $ du ministère de l'Environnement pour les programmes de
sensibilisation et d'activité auprès de la population. On va
continuer à soutenir Recyclage Québec dans le nouveau mandat
qu'il s'est donné lui-même, soit celui de la sensibilisation
auprès des citoyens et de la population.
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Terrebonne.
M. Blais: M. le ministre de l'Environnement peut-il nous dire
à cause des coupures à ce poste de recyclage dans son budget,
combien il donnera à Recyclage Québec cette année?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Je ne peux pas vous dire exactement. Je vais prendre
en considération la question. Je ne sais pas exactement le chiffre. Tout
ce que je peux dire au député, c'est que l'année
dernière il y a eu 226 000 $ qui ont été donnés par
mon ministère aux compagnies de recyclage dans la région de
Québec. Recyclage Québec a obtenu 131 000 $ pour les trois
dernières années. Je vais laisser savoir bientôt au
député quels seront les montants donnés à Recyclage
Québec.
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Terrebonne.
M. Blais: Oui, M. le Président. Si jamais le ministre
trouve des sommes dans
son budget pour favoriser Recyclage Québec, ce sera au
détriment de quel organisme, parce qu'il n'a pas d'argent dans son
budget pour favoriser Recyclage Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, rien n'est plus faux. En
fait, le programme PARFAIR, qui est le programme de recyclage avait dans son
budget 950 000 $. Cette année, il a 850 000 $ dans ce programme.
L'objectif du programme est de permettre à ces groupes de
s'autofinancer, de devenir autonomes. Le but de ce programme est d'appuyer les
organisations afin qu'elles deviennent autonomes, et c'est ce que nous allons
faire. Nous allons collaborer avec tous les organismes qui travaillent pour
devenir autonomes et avec le comité de la région pour que cela se
fasse, incluant le cas de Recyclage Québec.
Le Président: M. le député de Laviolette, en
principale.
Conflit de travail au quotidien Le Nouvelliste
M. Jolivet: M. le Président, je constate qu'aucun membre
de l'équipe du solide de la région 04 MauricieBois-Francs,
en particulier le député de Trois-Rivières, ne s'est
levé en cette Chambre pour poser une question au ministre du Travail
concernant un conflit qui semble s'envenimer entre le journal Le Nouvelliste,
le quotidien régional, et le syndicat des pressiers et des
expéditeurs de ce quotidien. Étant donné que le conflit
est dans sa troisième semaine, que Power Corporation, samedi dernier, a
édité un nouveau journal qui s'appelle Votre Quotidien avec
sous-titre "En attendant le Nouvelliste", j'aimerais poser la question suivante
au ministre du Travail. Peut-il me dire quels sont les gestes qu'il a
posés pour empêcher que ce conflit, somme toute mineur au
départ, ne devienne, dans les jours qui viennent, un conflit d'ordre
majeur?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je
constate que le critique en matière de travail, le député
de Taillon, ne s'est pas intéressé non plus à ce
dossier.
Des voix: Hal Hal Hal
Le Président: M. le ministre.
M. Chevrette: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chevrette: Vous comprendrez que c'est en vertu de l'article
79. Deuxièmement, de ce côté-ci, s'il y a un travail
d'équipe et des responsables régionaux, je pense qu'au moins un
député de la région de Trois-Rivières aurait pu se
lever, étant donné le nombre qu'ils sont.
Des voix: Bravo!
Le Président: Sur une demi-question de
règlement.
M. Gratton: Sur la même question de règlement, M. le
Président. J'ai failli me lever lorsque, dans son préambule, le
député a violé l'article 77 en suscitant un débat.
Je ne me suis pas levé parce que je me suis dit: Cela achève, la
semaine s'écourte. De l'autre côté, si on veut
procéder de cette façon, il ne faudrait pas se plaindre que nous
répondions du tac au tac. Nous ne pouvons certainement pas laisser
passer ce genre d'accusations, surtout quand elles ne sont pas
fondées.
Le Président: À l'ordre, M. le député
de Terrebonne. De part et d'autre, sans commentaire, s'il vous plaît,
pour ne pas susciter de débat. Si vous voulez répondre à
la question, M. le ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président: À l'ordre!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens cependant à
indiquer que c'est la première fois que le député de
Laviolette m'en parle, mais que le député de
Trois-Rivières et mon collègue de Louiseville me harcèlent
chaque jour concernant ce dossier. Je vais vous donner la même
réponse que celle que je leur ai communiquée quant à
l'état du dossier et quant à l'implication du ministère du
Travail dans ce dossier.
Il y a eu rencontre les 29 et 30 mai, 1er et 2 juin. Les points majeurs:
congés de fin de semaine, travail des contremaîtres, changements
technologiques. Il y a eu une autre rencontre les 5 et 6 juin. Il y a eu
dépôt d'offres globales de l'employeur le 9 juin. Elles ont
été rejetées à 40 contre 1. Les points majeurs:
salaires et conditions de travail. Il y a eu une rencontre il y a deux jours,
le 16 juin. Une contreproposition syndicale a été
déposée et il y aura rencontre aujourd'hui.
Le Président: M. le député de Laviolette, en
additionnelle.
M. Jolivet: En additionnelle, M. le Président. Est-ce que
la parution du journal Votre Quotidien avec le sous-titre "En attendant le
Nouvelliste" n'est pas, de la part de Power Corporation, un
procédé qui vient à rencontre de la loi dite
"antiscab"?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, ce n'est
pas l'habitude du ministre de juger a priori ou, si on peut utiliser
l'expression, prima facie. Il y a des dispositions qui existent au Code du
travail, des dispositions antiscab. Lorsqu'on reçoit une demande
d'enquête des parties intéressées, celle-ci est
effectuée rapidement. Je nomme un enquêteur, l'enquête est
effectuée rapidement et on a un rapport d'enquête. Dans le cas qui
nous concerne, nous n'avons pas reçu une telle demande. (11 heures)
Le Président: M. le député de Laviolette, en
additionnelle.
M. Jolivet: Dans le conflit qui nous préoccupe, le
ministre du Travail ne pourrait-il pas avoir la même attitude que celle
qu'a le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
envers les bénéficaires de l'aide sociale qui sont poursuivis
actuellement?
Le Président: M. le ministre du Travail. À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, dans le
cas qui nous intéresse, celui de l'aide sociale, nous suivons les
dossiers le plus près possible en tentant d'avoir l'attitude la plus
humaine possible. Nous consacrons beaucoup de temps à ces dossiers. Dans
le cas du Nouvelliste, nous consacrons également beaucoup de temps
à ce dossier, parce qu'en plus d'être un conflit de travail, c'est
un conflit qui atteint plusieurs consommateurs et qui, sur le plan de
l'information, affecte une région importante au Québec. Je peux
assurer le député de Laviolette que tous les efforts sont mis
à la disposition des parties au moment où on se parle et que,
s'il y a violation à un article de la loi du travail, on donnera suite
à cette demande d'enquête. Si l'enquête conclut à une
violation, des poursuites seront entreprises. Dans un cas comme dans l'autre,
soit ès qualité de ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, soit ès qualité de ministre du
Travail, je tente avec le plus de justice possible, avec le plus
d'intérêt possible, à m'assurer que les lois soient
appliquées selon la lettre et l'esprit que l'Assemblée nationale
du Québec a voulu leur donner lors de leur adoption.
Le Président: M. le député de
Jonquière, une très courte et une seule et unique principale.
Une voix: Très courte.
M. Philibert: M. le Président.
Le Président: Oui.
M. Philibert: Question de directive. Je voudrais savoir de votre
part, M. le Président, de quelle façon je peux faire en sorte que
les faits soient replacés. Le député de Laviolette, de son
siège, affirme que je refuse de m'occuper des dossiers de mon
comté alors qu'essentiellement...
Le Président: Non. La seule et unique allusion qui a
été faite par M. le député de Laviolette, à
savoir qu'il n'y avait pas eu de question de votre part en cette Chambre au
ministre du Travail a été corrigée par le ministre du
Travail dans sa deuxième réponse lorsqu'il a fait état
qu'à plusieurs reprises, vous aviez communiqué avec lui à
l'extérieur de cette Chambre pour lui mentionner les problèmes
que vous aviez dans votre région.
J'avais déjà reconnu une très brève question
principale à M. le député de Jonquière. C'est la
dernière question.
Décision de maintenir ouvert le greffe de
Jonquière
M. Dufour: On va sauter les préambules. Le ministre de la
Justice a informé la population de Jonquière...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Dufour: ...à la suite d'une question d'un journaliste
du poste de radio CKRS d'une décision que j'apprécie, de
maintenir ouvert le greffe de Jonquière à la suite des pressions
de l'ex-député libéral et du maire de Jonquière. En
oubliant toutes les démarches exercées par différents
intervenants de Jonquière, le ministre de la Justice ne croit-il pas
qu'il politise et rapetisse son ministère en faisant de la politique
partisane et mesquine qui est de nature à diminuer l'impartialité
de ses hautes fonctions aux yeux de la population?
Le Président: Vous admettrez que, pour une dernière
principale, les mots "partisane" et "mesquine" étaient de trop. En
réponse, M. le ministre de la Justice et je vous demande de ne pas
susciter de débat, s'il vous plaît, M. le ministre de la
Justice.
M. Marx: Non, il n'y a pas de débat
nécessaire, M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Marx: II n'y a pas eu de pressions. Il y a eu des demandes de
la part de l'ancienne députée de Jonquière, Mme
Saint-Amant, du maire de Jonquière et, malheureusement, l'actuel
député de Jonquière m'a fait la demande longtemps
après les autres. Donc, lorsque j'ai été interviewé
à la radio, j'ai dit la vérité, parce que les demandes me
sont venues de l'ancien député, du maire et, quelques jours plus
tard, du député actuel de Jonquière qui était un
peu en retard.
Des voix: Petit! Petit! Petit!
Le Président: Fin de la période des questions.
Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail en
complément de réponse.
Communications entre les agents d'aide sociale et la
Sûreté du Québec
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le 9 juin
dernier, le député de Verchères me demandait en cette
Chambre si le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu avait établi des mécanismes
particuliers de liaison avec les agents de la Sûreté du
Québec, de l'escouade des crimes économiques et ce, depuis que
nous avons donné des directives et s'il est vrai, comme l'affirme le
Solliciteur général qu'il n'y a aucun lien, donc aucune
information qui serait transmise, etc. J'ai pris avis de cette question en
indiquant que je vérifierais auprès des 150 agents
socio-économiques qui effectuent des visites à domicile pour
savoir s'il y a eu des contacts entre ces agents et les agents des crimes
économiques de la Sûreté du Québec ou d'autres.
On m'informe, après vérification, qu'il n'y a pas eu de
demande de faite à la Sûreté du Québec ou de
renseignements transmis à la Sûreté du Québec par
ces 150 agents socio-économiques. Selon les informations que j'ai pu
obtenir, il semble que deux centres Travail-Québec aient
communiqué à deux reprises avec l'escouade des crimes
économiques de la Sûreté du Québec, soit en 1978 et
en 1984.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: Une très courte question
additionnelle, M. le député de Verchères. À
l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre! M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Outre ces vérifications, le ministre
peut-il nous dire s'il a émis des directives précises quant au
problème de la transmission des informations, d'une part, et est-ce
qu'il peut nous dire si un simple agent de l'aide sociale a l'autorité,
la prérogative de transmettre des informations à un agent de la
Sûreté du Québec sans l'autorisation de ses
supérieurs et des autorités du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu? Troisièmement,
qui a donné les informations pour que, depuis quelque temps, les agents
de la Sûreté du Québec se mettent à la poursuite des
médecins concernant l'aide sociale?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je répondrai quant à
la dernière partie de la question concernant les allégations
contenues dans le journal Le Devoir, sous la plume de Carole Beaulieu, si ma
mémoire est fidèle, selon lesquelles des agents des crimes
économiques de la Sûreté du Québec visitaient des
médecins dans le cas de ce qu'on appelle les certificats de
complaisance. Il n'y a aucune directive qui vient de mon ministère
à cet effet, et j'ai vérifié.
Quant aux autres vérifications, il n'y a pas de directive de
donner des informations, mais, comme dans chacun des cas où un citoyen,
quel qu'il soit dans la société, est témoin d'un acte
criminel, d'un cas de fraude, etc., je pense qu'il est du devoir du citoyen
d'en aviser les autorités et il agit comme simple citoyen à ce
moment-là.
Le Président: Fin de la période
régulière des questions.
Nous allons maintenant procéder aux deux votes qui ont
été reportés. Je demande à tous les membres de
cette Assemblée s'ils sont prêts à procéder à
la première motion présentée par M. le ministre des
Communications. Nous allons attendre quelques instants. (11 h 8 - 11 h 9)
Mise aux voix de la motion proposant l'adoption du
projet de loi 61
Si je comprends bien, on est prêt à procéder
à la première motion. Je vais mettre immédiatement aux
voix la première motion présentée par M. le ministre des
Communications proposant que le projet de loi 61, Loi modifiant la Loi sur la
Société de radiotélévision du Québec, soit
adopté.
Que ceux et celles qui sont en faveur de ladite motion veuillent bien se
lever!
Le Secrétaire adjoint: MM. Gratton (Gatineau), Saintonge
(Laprairie), Marx (D'Arcy McGee), Pagé (Portneuf), Mme Bacon
(Chomedey), MM. Ryan (Argenteuil), Bour-beau (Laporte), Paradis
(Brome-Missisquoi), Latulippe (Chambly), Côté
(Rivière-du-Loup), Dutil (Beauce-Sud), Mmes Gagnon-Tremblay
(Saint-François), Robic (Bourassa), MM. Rémillard (Jean-Talon),
Savoie (Abitibi-Est), Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Côté
(Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Vallières (Richmond), Picotte
(Maskinongé), Fortier (Outremont), Mme Bégin (Bellechasse), MM.
Cusano (Viau), Vaillancourt (Orford), Dauphin (Marquette), Maltais (Saguenay),
Philibert (Trois-Rivières), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM.
Lefebvre (Frontenac), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Sirros (Laurier),
Doyon (Louis-Hébert), Maciocia (Viger), Middlemiss (Pontiac), Beaudin
(Gaspé), Cannon (La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Lemire
(Saint-Maurice), Paradis (Matapédia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Rivard
(Rosemont), Polak (Sainte-Anne), Assad (Papineau), Audet (Beauce-Nord), Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélanger (Laval-des-Rapides),
Bélisle (Mille-Îles), Mme Hovington (Matane), M. Séguin
(Montmorency), Mmes Trépanier (Dorion), Bélanger
(Mégantic-Compton), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent
(Sauvé), Gervais (L'Assomption), Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx),
MM. Bradet (Charlevoix), Camden (Lotbinière), Mme Cardinal
(Châteauguay), M. Després (Limoilou), Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah (Îles-de-la-Madeleine),
Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet),
Gobé (Lafontaine), Hamel (Sherbrooke), Laporte (Sainte-Marie), Dubois
(Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Houde (Berthier),
Kehoe (Chapleau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Hétu (Labelle), Joly
(Fabre), Khelfa (Richelieu), Lemieux (Vanier), Marcil (Beauharnois), Messier
(Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski),
Tremblay (Iberville), Thérien (Rousseau), Théorêt (Vimont),
Saint-Roch (Drummond).
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ladite
motion veuillent bien se lever!
Le Secrétaire adjoint: MM. Johnson (Anjou), Chevrette
(Joliette), Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Jolivet
(Laviolette), Garon (Lévis), Rochefort (Gouin), Charbonneau
(Verchères).
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Secrétaire adjoint: Mme Juneau (Johnson), MM. Brassard
(Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier (Roberval), Godin (Mercier), Mme
Vermette (Marie-Victorin), MM. Paré (Shefford), Claveau (Ungava),
Bou-lerice (Saint-Jacques), Blais (Terrebonne), Dufour (Jonquière),
Parent (Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve), M. Desbiens (Dubuc).
Le Secrétaire: Pour: 88
Contre: 22
Abstentions: 0
Le Président: Le projet de loi 61 est adopté.
Une voix: Ah!
Mise aux voix des amendements et du rapport de la
commission qui a fait l'étude détaillée du projet de loi
58
Le Président: Nous allons maintenant procéder
à la mise aux voix du rapport du projet de loi 58. Je mettrai aux voix
les amendements présentés par le ministre de l'Éducation
et par M. le député de Laviolette, de même que le rapport
de la commission de l'éducation qui a étudié le projet de
loi 58.
Dans un premier temps, je mets aux voix les amendements du ministre de
l'Éducation à l'article 1, à l'article 3, à
l'article 8 où un nouvel article 85.1 de la Charte de la langue
française est proposé, à l'article 10 et à
l'article 11 où un nouvel article 208.2 de la charte est proposé.
Que ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever!
M. Gratton: Si on me le permet, M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: II semble que, du côté
ministériel, nous voterions pour et que, du côté de
l'Opposition, on voterait contre. Donc, on pourrait peut-être enregistrer
le même vote que tantôt.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Nous accepterions
cela.
Le Président: Si je comprends bien, les amendements
proposés par le député de Laviolette ainsi que par le
ministre sont adoptés.
Une voix: J'ai l'impression que cela n'est pas vrai.
M. Chevrette: Je m'excuse, M. le Président, il y a
méprise.
Une voix: Oui.
M. Chevrette: Concernant les amendements du ministre, on est
prêt à prendre le même vote que celui qui a
été pris sur Radio-Québec.
Le Président: Cela va.
M. Chevrette: II est bien évident que, concernant
l'amendement présenté par le député de
Laviolette...
Une voix: On est pour.
Une voix: Tout le monde est pour.
M. Chevrette: ...cette formation politique va se lever en bloc
pour voter pour, alors qu'eux autres peuvent aussi voter pour. C'est
différent un petit peu.
Des voix: C'est cela.
Une voix: On va voter contre.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je suggérerais que
l'autre bloc vote contre; à ce moment, on pourrait renverser le
vote.
Des voix: Ah!
Une voix: On joue aux blocs.
M. Chevrette: Ils peuvent voter pour.
Une voix: Ils sont prêts à voter.
Une voix: C'est peut-être mieux de voter.
M. Gratton: Non. M. le Président, je propose, pour que
cela soit bien clair pour tout le monde...
Le Président: Pour que cela soit bien clair, M. le leader
du gouvernement.
M. Gratton: ...que, sur les amendements du ministre de
l'Éducation, on enregistre le même vote que
précédemment et, que sur l'amendement de l'Opposition, on
enregistre le vote contraire.
Une voix: Renversé.
Une voix: Même chose, mais à l'inverse.
Le Président: Parfait. Les amendements
présentés par M. le ministre de l'Éducation sont
adoptés et l'amendement proposé par M. le député de
Laviolette est rejeté.
Des voix: Ah!
Le Président: Bien? Nous allons maintenant procéder
au vote sur le rapport tel qu'amendé. Même vote, M. le leader de
l'Opposition, sur le rapport tel qu'amendé?
M. Chevrette: Même vote.
Le Président: Le rapport tel qu'amendé est
adopté.
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Est-ce que cela va, M. le
leader de l'Opposition?
M. Chevrette: Je vous dis que c'est inversé par rapport au
vote. Il faut bien se comprendre, M. le Président. Je ne voudrais pas me
faire jouer un tour.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: On va vérifier.
M. Chevrette: Je voudrais bien l'interpréter. Vous me
permettrez de dire ceci, M. le Président, pour clarifier. Concernant les
amendements du ministre de l'Éducation, cela a été
adopté sur division. Pour l'amendement de M. Jolivet, cela a
été rejeté sur division.
Le Président: Exactement.
M. Chevrette: Le rapport a été adopté sur
division.
Le Président: Sur division. Cela va.
Une voix: C'est regrettable.
M. Chevrette: Merci, M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Je voudrais confirmer pour dire oui, non.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: II savait qu'un oui, c'est un non.
Le Président: C'est presque clair. Merci.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: Motions sans préavis.
M. le ministre de la Justice. M. le ministre, attendez un peu. Que ceux
et celles qui veulent bien se retirer le fassent immédiatement, s'il
vous plaît!
Nous allons continuer les affaires courantes. MM. les
députés. Il y a plusieurs avis à communiquer à la
Chambre. Il y a une motion sans préavis également. Veuillez
regagner vos sièges, s'il vous plaît, ou vous retirer. S'il vous
plaît, Mme la députée. M. le député de
Mille-Îles.
M. le ministre de la Justice, vous avez la parole.
10e anniversaire de la
Charte québécoise des droits
et libertés de la personne
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais obtenir le
consentement de tous les collègues parlementaires pour souligner le
dixième anniversaire de l'entrée en vigueur de la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour
débattre cette motion? Consentement. M. le ministre de la Justice, vous
avez la parole.
M. Herbert Marx
M. Marx: M. le Président, l'Assemblée nationale a
adopté la Charte québécoise des droits et libertés
de la personne en 1975, mais l'entrée en vigueur de cette charte a eu
lieu en juin 1976? C'est-à-dire que ce mois-ci, aujourd'hui, cela fait
dix ans que la charte québécoise est entrée en
vigueur.
En 1976, nous avons pris les devants en mettant en vigueur la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne. C'est
une charte qui est, je dirais, la plus protectrice des lois en ce qui concerne
les mesures antidiscriminatoires. Par exemple, à l'article 10, on
interdit la discrimination contre quelqu'un à cause de sa condition
sociale.
J'aimerais ajouter qu'en 1982 l'Assemblée nationale a
modifié cette charte afin de raffermir les droits et les libertés
de la personne. C'était surtout afin de donner
prépondérance à la charte sur toute loi et tout
règlement adopté au Québec, que ces lois ou
règlements aient été adoptés avant ou après
l'adoption de la charte. (11 h 20)
De plus, M. le Président, cette année, nous avons
adopté le règlement qui prévoit des programmes
d'accès à l'égalité. Ce sera en vigueur vers le 1er
septembre 1986. Nous avons l'intention de déposer, soit demain, soit
vendredi, une loi pour prévoir que toutes les dispositions dans les lois
du Québec qui vont à l'encontre de la charte soient
abrogées.
En terminant, j'aimerais simplement lire le préambule de la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec. C'est un
préambule qui n'est pas souvent cité. Je le cite:
"Considérant que tout être humain possède des droits et
libertés intrinsèques, destinés à assurer sa
protection et son épanouissement; considérant que tous les
êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont
droit à une égale protection de la loi; considérant que le
respect de la dignité de l'être humain et la reconnaissance des
droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la
justice et de la paix; considérant que les droits et libertés de
la personne humaine sont inséparables des droits et libertés
d'autrui et du bien-être général; considérant qu'il
y a lieu d'affirmer solennellement dans une charte les libertés et
droits fondamentaux de la personne afin que ceux-ci soient garantis par la
volonté collective et mieux protégés contre toute
violation."
Ce sont les principes qu'on trouve dans la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne, des
principes que l'Assemblée nationale a mis au sommet de la
hiérarchie de ses valeurs. C'est-à-dire que nous voulons que tous
les Québécois et toutes les Québécoises respectent
ces principes et c'est le respect de ces principes qui fait la
différence entre l'Etat du Québec et beaucoup d'autres
États au monde. J'aimerais seulement dire, en terminant, que c'est le
dixième anniversaire de la mise en vigueur de notre Charte des droits et
libertés de la personne qui a bien servi le Québec. Merci.
Le Président: Merci, M. le ministre de la Justice. Nous
allons maintenant entendre, sur la même motion sans préavis, M. le
député de Taillon. M. le député.
M. Claude Filion
M. Filion: En 1975, l'Assemblée nationale se dotait, on le
sait, d'une Charte des droits et libertés de la personne qui est
entrée en vigueur le 28 juin 1976, il y a maintenant dix ans.
Déjà, la charte québécoise était vue comme
une loi progressiste, reconnaissant autant les droits économiques et
sociaux que les droits politiques, et protégeant le droit de ne pas
subir de discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe,
l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue,
l'origine ethnique ou nationale et la condition sociale.
En 1977, le législateur québécois ajoutait
l'orientation sexuelle aux motifs interdits de discrimination et, en 1979, le
fait d'être une personne handicapée ou d'utiliser quelque moyen
pour pallier son handicap.
En 1981, la commission permanente de la justice tenait plusieurs
séances pour entendre des mémoires en vue de modifier la charte.
Soixante organismes ou individus ont participé à cette
consultation. C'est dans ce contexte que le projet de loi 86, Loi modifiant la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec, a
été sanctionné le 18 décembre 1982 et partiellement
mis en vigueur le 1er octobre 1983. De nouveaux droits ont été
introduits, dont deux nouveaux motifs illicites de discrimination: l'âge
et l'état de grossesse. De plus, le harcèlement en raison de l'un
ou l'autre des motifs
illicites de discrimination est aussi interdit.
De la même façon, il est maintenant interdit de
congédier ou autrement pénaliser un employé en raison de
ses antécédents judiciaires. De nouveaux droits juridiques ont
été inclus qui visent à compléter ceux qui s'y
trouvent déjà. Signalons également les programmes
d'accès à l'égalité et l'entrée en vigueur
du règlement de ces programmes le 1er septembre prochain. Enfin, l'une
des réformes majeures apportées par la modification de 1982 est
d'avoir étendu la préséance de la charte à toute la
législation québécoise, qu'elle soit antérieure ou
postérieure à son adoption.
Depuis dix ans, Mme la Présidente, un consensus social important
a émergé et les Québécois, fiers de cette dynamique
québécoise qui assure la protection de leurs droits et
libertés, peuvent, aujourd'hui avec nous, célébrer le
dixième anniversaire de leur charte. Nous espérons que l'actuel
gouvernement respectera le consensus social qui a toujours
précédé toute modification à la charte. Nous
espérons qu'il ne participera pas à un amoindrissement de la
protection des justiciables québécois dans la mesure où il
modifierait la charte de façon substantielle sans s'assurer d'abord
d'avoir consulté les principaux intéressés.
Malheureusement, à cet égard, nous devons constater que le
ministre de la Justice a rompu avec la tradition et avec ce consensus social en
déposant, on le sait, le projet de loi 87, lequel impose un mariage
forcé entre la Commission des droits de la personne et le Comité
de la protection de la jeunesse. L'adoption du principe du projet de loi
n'étant pas terminée, nous osons croire que le ministre de la
Justice reviendra sur sa décision et profitera des vacances
parlementaires pour réétudier plus sérieusement son
dossier. Mme la Présidente, il est triste que le dixième
anniversaire de ce document fondamental que constitue la charte soit
marqué par un précédent aussi dangereux que le projet de
loi 87. Nous osons croire, cependant, que le ministre pourra réviser sa
position et protéger le consensus social qui a permis la mise sur pied
de la charte et son développement. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Taillon. M. le ministre de la Justice en réplique.
M. Herbert Marx (réplique)
M. Marx: Mme la Présidente, je n'avais franchement pas
l'intention de faire une réplique, mais, en entendant le
député de Taillon, j'ai été un peu surpris
d'apprendre que nous avons l'intention de modifier la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec par la loi 87.
En effet, nous n'avons pas l'intention de modifier la charte en ce qui
concerne les droits et libertés de la personne. Je le souligne, nous
n'avons pas cette intention malgré ce que le député de
Taillon a voulu faire passer comme message ici. Nous n'avons pas l'intention de
modifier quoi que ce soit en ce qui concerne les droits et libertés de
la personne au Québec.
Les modifications prévues par le projet de loi 87 touchent la ou
les missions de la Commission des droits de la personne, le fonctionnement de
la commission et son rôle sur le plan administratif. Il n'y a rien dans
le projet de loi 87 en ce qui concerne la modification des droits et
libertés de la personne au Québec.
Je trouve malheureux que le député de Taillon ait choisi
ce moment pour faire de la petite politique quand nous avons l'occasion,
aujourd'hui, de célébrer le dixième anniversaire de la
mise en vigueur de la charte de Québec. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice.
Nous allons donc mettre aux voix la motion qui a été
présentée par le ministre de la Justice concernant le
dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la
personne. Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, nous sommes aux avis
touchant les travaux des commissions.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader du gouvernement. (11
h 30)
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: Je désire aviser l'Assemblée que,
aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures - et
je prie le député de Taillon en particulier d'en prendre note -
donc, à compter de maintenant jusqu'à 13 heures, de 16 heures
à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle
Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions poursuivra l'étude
détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre
ci-après énuméré: le projet de loi 76, Loi relative
à diverses mesures à caractère financier concernant
l'administration de la justice; le projet de loi 62, Loi modifiant la Loi sur
les tribunaux judiciaires; le projet de loi 88, Loi modifiant le Code civil, la
Loi sur les bureaux d'enregistrement et la Loi sur la division territoriale. Je
voudrais qu'on
note qu'à 16 heures la commission commencera ses travaux par
l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi maintenant en
vigueur certains décrets relatifs aux affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Chevrette: On est aussi bien de régler cela tout de
suite, si vous le permettez.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Vous voulez interrompre les travaux du ministre de
la Justice pour étudier la loi du ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes?
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Au début. Je m'excuse, Mme la
Présidente. Est-ce qu'on peut recommencer?
M. Chevrette: Oui.
M. Gratton: Ce ne sera pas à 16 heures, ce sera à
15 heures. À 15 h 30?
Une voix: Oui.
M. Gratton: À 15 h 30, c'est un compromis honorable.
À 15 h 30, en reprenant ses travaux, la commission suspendrait
l'étude des projets de loi du ministre de la Justice et
procéderait à l'étude détaillée du projet de
loi 14, Loi maintenant en vigueur certains décrets relatifs aux affaires
intergouvernementales canadiennes. Elle pourrait poursuivre ensuite
l'étude des projets de loi mentionnés
précédemment.
Ce soir, de 20 heures à 24 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'aménagement et des
équipements procédera à l'étude
détaillée du projet de loi privé 252, Loi concernant la
ville de Saint-Césaire. J'aimerais indiquer, avec le consentement de
l'Opposition, qu'après l'adoption du principe du projet de loi 78, Loi
modifiant diverses lois fiscales afin de donner suite à
l'Énoncé de politiques budgétaires du gouvernement du 18
décembre 1985, à la salle du Conseil législatif, la
commission du budget et de l'administration procédera à
l'étude détaillée de ce projet de loi jusqu'à 18
heures et de 20 heures à 24 heures, si nécessaire.
La Vice-Présidente: Cela va, M. le leader de l'Opposition?
Merci.
Nous allons passer aux affaires du jour, M. le leader du
gouvernement.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
M. Gratton: Mme la Présidente, pour donner un bref
aperçu, nous procéderons d'abord à l'adoption du projet de
loi 60 et nous pourrions ensuite procéder à l'adoption de quatre
projets de loi inscrits au nom de Mme la ministre des Affaires culturelles,
procéder à l'adoption de quatre projets de loi inscrits au nom du
ministre du Revenu pour ensuite aborder l'adoption du projet de loi 84, Loi sur
la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics. Par la suite, nous
pourrions tout au moins commencer le débat sur l'adoption du principe du
projet de loi 78, Loi modifiant diverses lois fiscales afin de donner suite
à l'Énoncé de politiques budgétaires du
gouvernement du 18 décembre 1985.
Cet après-midi, nous procéderons à l'adoption de
deux projets de loi, soit le projet de loi 67 concernant la ville de
Scheffer-ville et le projet de loi 61 concernant la Raffinerie de sucre du
Québec. Nous pourrons en cours de route nous consulter quant à la
suite des travaux après 20 heures.
Projet de loi 60 Adoption
La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le leader du
gouvernement. Si je comprends bien, nous allons maintenant débattre
l'adoption du projet de loi 60, Loi modifiant le Code de la
sécurité routière, présenté par le ministre
des Transports le 14 mai dernier, dont le principe a été
adopté le 3 juin 1986 et dont le rapport de la commission de
l'aménagement et des équipements a été
adopté le 16 juin 1986. M. le ministre des Transports.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Mme la
Présidente, nous en sommes à l'avant-dernière
étape qui fera en sorte que le projet de loi 60 devienne
réalité. Comme vous le savez, nous avons eu l'occasion de
débattre le principe du projet de loi en cette Chambre il y a
déjà quelque temps, comme vous venez de l'évoquer. Nous
avons aussi eu l'occasion de discuter en commission parlementaire article par
article du bien-fondé de chacun des articles et nous sommes revenus
devant vous pour l'adoption en troisième lecture avec un seul amendement
de portée mineure à la proposition que j'avais soumise à
l'Assemblée nationale. Le tout sera concrétisé par une
sanction qui aura lieu en fin d'après-midi chez le
lieutenant-gouverneur. Ce projet de loi 60 sera donc réalité
à partir de ce soir et certains articles pourront éventuellement
être mis en
application par décret gouvernemental, compte tenu de certains
mécanismes à établir et à instaurer au niveau de la
Régie de l'assurance automobile quant à certains aspects
particuliers de la suspension ou de la révocation du permis.
Pour faire un bref retour sur ce que nous avons dit depuis le
début, c'est un premier volet concernant toute une réforme du
Code de la sécurité routière et de l'ensemble de la
problématique reliée aux accidents de la route. Donc, ce premier
volet, qui visait des points particuliers, visait à introduire à
l'intérieur du Code de la sécurité routière des
mesures qui veulent agir sur 50 % des raisons des accidents d'automobile qui
coûtent approximativement 2 000 000 000 $ par année à
l'État. Donc, 50 % de ces accidents sont causés par l'alcool, ce
qui signifie 1 000 000 000 $.
J'ai même vu dans un article de la Presse, il y a environ dix
jours, que quelqu'un pour qui j'ai probablement beaucoup de respect - je ne le
connais pas -avait fait une étude, soi-disant très savante, qui
en arrivait à la conclusion que, plus on prend un coup, moins on a
d'accidents. Finalement, je me pose de sérieuses questions et j'ai bien
hâte de prendre connaissance de l'ensemble de l'étude.
Évidemment, il y avait certaines nuances disant que, lorsqu'on en
prenait beaucoup trop, cela avait des effets sur les accidents. Mais
semble-t-il que le fait de prendre petit verre ammolit certains réflexes
ou le corps, ce qui fait qu'on aurait moins d'accidents ou moins de dommages
dans les accidents. Pour ne pas faire insulte à tous les avocats qui
nous entourent, cela prend toujours des avocats de la défense, mais cela
prend aussi des avocats de l'autre partie. Disons que cette étude va
très certainement pousser la recherche plus avant et que, sans nul
doute, elle démontrera très nettement que l'alcool a des effets
très néfastes sur la conduite automobile et sur les accidents de
la route, et est la cause d'à peu près 50 % des accidents.
C'est donc, en premier lieu, à ce niveau que nous avons voulu
intervenir par le projet de loi pour signifier très nettement à
ceux qui ont pris l'habitude de conduire en état
d'ébriété - eux seuls, comme on l'a dit en deuxième
lecture, même s'ils sont "chauds", se contrôlent, c'est l'autre qui
ne se contrôle pas - qu'on va les contrôler à leur place et
qu'on prend les moyens de façon qu'ils disparaissent de la route
grâce à des mesures assez draconiennes, comme je l'ai dit. C'est
la première mesure. Il y a toute une série d'autres mesures, que
l'on verra tantôt, qui nous permettront d'intervenir.
Dans le cas d'un individu qui serait arrêté avec les
facultés affaiblies ou qui serait arrêté dans le cas des
treize autres possibilités, dont le délit de fuite... Comme vous
le savez, certains délits de fuite ont lieu parce que certaines
personnes craignent que les agents de la Sûreté ne leur fassent
souffler dans ce qu'on appelle la "balloune". C'est ce qu'on veut
éviter. Donc, les délits de fuite, les accidents causés
par l'alcool, entraînant des lésions corporelles ou la mort, ces
actes de nature criminelle seront très sévèrement punis
par la suspension, pour une première offense, par la révocation
du permis de conduire pour un an; dans le cas de récidive, deux ans;
dans le cas d'une nouvelle rédicive, trois ans.
Certains se sont étonnés en disant que c'était une
première. Ce n'est pas une première, puisque le Code criminel
fédéral suspend ou révoque déjà, depuis
décembre dernier, le permis pour trois mois, sans aucune
possibilité d'avoir recours à un permis restreint. Nous allons
encore plus loin en disant qu'au lieu de trois mois c'est un an; dans le cas de
récidive, deux ans; dans le cas d'une nouvelle récidive, trois
ans. (11 h 40)
La période de référence, qui était de deux
ans, passe à cinq ans, mais uniquement - il faut être très
clair - pour les quatorze délits contenus dans les amendements que nous
avons déposés, donc des délits de nature criminelle. Il
n'est pas question ici d'intervenir pour prolonger de deux ans à cinq
ans la période pour les points d'inaptitude qu'un conducteur aurait pu
accumuler en raison d'infractions aux limites de vitesse. Cette mesure n'est
pas du tout touchée, elle demeure exactement ce qu'elle est aujourd'hui,
soit une période de référence de deux ans et douze points
au permis de conduire.
Le deuxième élément, Mme la Présidente, vous
vous en souviendrez, c'est l'impossibilité créée dans la
loi, pour des individus ayant commis des infractions au Code de la
sécurité routière quant aux 14 points que nous avons
mentionnés, d'obtenir un permis restreint. Rappelez-vous, nous l'avons
dit, que 95 % à 97 % des gens qui vont devant les tribunaux ou en font
la demande obtiennent un permis restreint; donc, à toutes fins utiles,
il n'y a pas de suspension de permis. De ces 95 % ou 97 % de gens qui
obtiennent des permis, 95 % ont commis des infractions relatives à la
boisson. Il est très clair que nous ne pouvions tolérer davantage
cette situation; nous nous devions d'agir et c'est ce que nous faisons avec le
projet de loi.
Le troisième élément important était la
période de référence de deux à cinq ans et ce,
uniquement dans le cas de récidive, il faut bien le dire. Dans le cas
où un individu commettrait un premier délit qui peut être
accidentel, s'il était condamné à une révocation de
permis pour un an et si, à l'intérieur des cinq ans, il y avait
un autre
acte de cette nature, la suspension, la révocation serait donc de
deux ans; s'il devait y en avoir une autre, ce serait de trois ans. Donc, des
mesures très sévères, mais qui visent à enrayer le
mal à sa racine.
Cette démarche, comme je vous l'ai dit, fait partie d'un premier
volet d'une série de mesures que nous allons adopter pour aérer
et ventiler le système routier du Québec d'un certain nombre
d'individus qui ne font pas preuve de jugement et que l'on doit protéger
malgré eux. Ils nous forcent à protéger la majorité
et non pas quelques individus à la tête troublée.
La deuxième intervention se fera à l'automne, dans le
cadre du Code de la sécurité routière, avec deux points
majeurs, dont celui du port de la ceinture de sécurité. Est-il
besoin de rappeler que 80 % des conducteurs en Ontario respectent le port de la
ceinture de sécurité alors qu'au Québec nous sommes
passés de 63 % à approximativement 50 %, donc un recul à
ce niveau, compte tenu du fait que nous n'avons pas, dans la loi ou dans le
Code de la sécurité routière, toutes les dents qu'il faut
pour, dans un premier temps, agir et, dans un deuxième temps, donner
suffisamment de pouvoirs pour que ceux qui ont à appliquer cette loi le
fassent, tout en s'assurant que ceux qui ont à appliquer la loi
veuillent l'appliquer, qu'ils ne soient pas eux-mêmes pris dans ce carcan
où nous devons imposer à quelqu'un de porter la ceinture, mais
nous devons en être exemptés.
Il y a une progression et, à ce sujet, à l'automne, nous
ferons appel à la compréhension des différents corps
policiers, des chauffeurs de taxi aussi. Nous sommes a étudier un
ensemble de mesures qui pourraient inciter les gens à porter davantage
la ceinture de sécurité et nous le ferons. Nous allons nous
donner une partie de l'été, jusqu'au début de l'automne,
pour consulter un ensemble de citoyens du Québec afin que les mesures
aient le plus de chance possible d'être appliquées, l'objectif
étant la sécurité routière.
Il est clairement démontré qu'un individu qui a un
accident d'automobile, qui est pourvu d'une ceinture de sécurité,
coûte à l'État deux fois moins cher en soins
médicaux. Il y a donc des avantages à être attaché
non seulement sur le plan pécuniaire, mais aussi quant à toutes
les meurtrissures pour la personne physique. S'il en coûte deux fois
moins cher à l'État pour quelqu'un qui est attaché,
j'imagine que cela doit nécessairement aller avec ce que la personne a
à subir comme blessures sur le plan physique et sur le plan moral toute
une série de blessures dont on ne peut mesurer l'ampleur que par des
piastres et des cents.
Donc, à l'automne, premier point. Le deuxième est la
vérification mécanique afin d'éliminer des routes du
Québec les véhicules dangereux. Vérification
mécanique qui, normalement, du moins dans la phase actuelle, se ferait
aux six mois pour les véhicules commerciaux, avec toute une série
de mesures assez contraignantes, merci! Elles feront en sorte que les
éléments reliés à la sécurité d'une
voiture sur les routes... En cela, on fait abstraction d'un moteur et d'une
transmission. Si le moteur ne fonctionne pas ni la transmission, il y a de
fortes chances que vous ne soyez pas très dangereux sur les routes.
Quand on fait appel à la sécurité, c'est toute une
série de mesures relatives aux freins et à d'autres mesures que
nous verrons à l'automne. Donc, intervention à ce
niveau-là et de manière tout aussi efficace, je pense, que ce que
nous avons fait dans la première phase.
Troisièmement, comme l'avait souligné à juste titre
Mme la députée de Maisonneuve, on peut agir avec des mesures
coercitives. Nous en sommes rendus à mettre à l'intérieur
de la loi davantage de mesures coercitives. Mais il faut aussi agir sur le
comportement de l'individu. Cela se fait par de l'éducation, par de
l'information et à ce niveau la Régie de l'assurance automobile
du Québec entamera très bientôt des campagnes de
publicité dans le but de sensibiliser la population. Sur ce volet il est
clair que nous devons aussi agir au niveau de certains règlements. Il y
a devant le Conseil des ministres actuellement un règlement sur les
écoles de conduite automobile qui sera adopté très
prochainement, au plus tard le 9 juillet. Il fera, pour la première
fois, époque chez nous par le fait que les écoles de conduite
seront maintenant régies par un règlement et devront se conformer
à un certain nombre de choses en termes d'enseignement. Si nous agissons
là où les jeunes vont apprendre comment conduire, vont apprendre
ce qu'est un Code de la sécurité routière avec tous ses
éléments, nous avons de fortes chances que celui qui a un
comportement délinquant puisse être corrigé dès ce
moment-là. Je mets en garde très sérieusement certaines
écoles de conduite, heureusement ce ne sont pas toutes, qui auraient la
fâcheuse manie de prendre certains moyens pour obtenir les examens de la
Régie de l'assurance automobile et qui feraient le montage du cours en
fonction des questions que peut poser la Régie de l'assurance automobile
dans ses examens et non pas sur l'ensemble du Code de la sécurité
routière.
Lorsque l'on veut faire un travail honnête, ce pourquoi on a une
raison sociale, c'est l'ensemble du Code de la sécurité
routière que doivent connaître les gens lorsqu'ils sortent des
écoles et passent des examens et non pas uniquement de la matière
en fonction de passer un examen. À ce niveau, la Régie de
l'assurance automobile du Québec a resserré les examens
faisant
passer le taux d'échec de 8 % à 35 %, ce qui est beaucoup
plus conforme à ce qui se passe ailleurs.
Ce sont des mesures qui s'en viennent, qui sont complémentaires
à ce que nous avons fait jusqu'à maintenant - toujours dans
l'optique de la sécurité des gens - des mesures contraignantes,
par l'éducation, par l'information. Elles seront beaucoup plus efficaces
et permettront d'éviter meurtrissures, blessures et de faire
épargner de l'argent directement à l'État par les
coûts inhérents à l'assurance-hospitalisation. Aussi
éventuellement - dans la mesure où notre comportement sera plus
sain - les mesures occasionnant moins d'accidents, il y aura peut-être
des baisses de primes d'assurance des individus qui ont à
protéger la tôle. On ne parle pas de celle-là mais il y a
aussi des frais attachés à cela. (11 h 50)
Ce que nous ferons aussi très prochainement c'est une
simplification de la tarification afin que ceux qui ont à appliquer les
règlements et les lois du Québec relatifs à ceux qui
circulent sur les routes du Québec puissent avoir une bonne
compréhension de ce qu'est le règlement, au moins être
capable de le comprendre si on veut l'appliquer. Éviter aussi, par une
nouvelle tarification, de 30 % à 40 % d'erreurs auprès des
mandataires de la Régie de l'assurance automobile qui font
l'immatriculation. Cela coûte des sous, cela coûte de l'argent.
Dans ce sens-là, nous allons simplifier la tarification très
prochainement et nous allons aussi faire en sorte que, pour une voiture de
promenade, il n'y ait plus 124 tarifs et que, pour le camionnage, il n'y ait
plus 124 sortes de tarifs non plus. Comme vous le savez, pour vous donner un
exemple, le droit payé dépend de la masse totale en charge.
Quotidiennement, nous rencontrons des camionneurs qui disent: On fait rire de
nous - c'est à la demande de l'Association des camionneurs du
Québec que nous intervenons - parce qu'on est enregistré sur la
masse totale en charge permise. Cela signifie un montant X de dollars, X
centaines de dollars, alors que le "smatte", à côté, lui, a
décidé que son camion pesait 7900 livres, qu'il l'enregistrait
pour 7900 livres, payait moins cher que ce qu'il devrait normalement payer,
donc de la fraude. Il n'est pas rare de trouver qu'un camion pesant vide, en
masse totale, 7400 livres pèse, chargé, 7900 livres. On ne
transporte pas grand-chose, M. le Président, et c'est à voir si
cela vaut vraiment la peine d'investir autant d'argent pour transporter si peu
de marchandises.
Cette situation sera corrigée par l'introduction d'un tarif
à partir des essieux et non plus à partir de la masse totale en
charge. Aux petits amis un peu partout qui ont, jusqu'à présent,
passé à travers le système, préparez-vous à
sortir votre carnet de chèques, un carnet de chèques qui sera
augmenté par rapport à ce que vous avez toujours payé et
qui rendra justice et reconnaîtra ceux qui, dans le passé, ont
toujours été conformes aux lois et règlements, ont
été honnêtes envers la tarification. Nous arriverons avec
cela très bientôt, et ce ne sera pas une cachette pour personne.
Je vous l'annonce, M. le Président. Effectivement, il y aura de ces
individus qui subiront nécessairement des hausses de paiements par
rapport à leur histoire. Cette mesure est très claire, et c'est
pour très bientôt.
Quant à l'autre volet, j'ai créé la semaine
dernière deux comités, un sur la signalisation routière et
un sur les limites de vitesse, présidés par deux
députés de la majorité. Au comité sur la
signalisation routière, c'est le député de
Matapédia qui présidera, et il a déjà
commencé à travailler. L'objectif est très simple. L'une
des causes additionnelles des accidents de la route est une mauvaise
signalisation. Je ne dis pas que la signalisation au Québec est mauvaise
par rapport à d'autres. Ce n'est pas ce que je dis. Nous avons une
équipe qui travaille très bien, qui fait des progrès
fantastiques et qui a même permis à des pays étrangers et
à des provinces canadiennes de venir chercher chez nous certains
pictogrammes et de pouvoir les appliquer dans leur propre milieu. Donc, il y a
chez nous une réflexion qui est très saine, qui est très
bonne. Il y a aussi ailleurs des réflexions, des expériences qui
sont valables, que nous pouvons aller chercher et appliquer chez nous. Donc, le
comité sur la signalisation aura ce premier objectif, le deuxième
étant celui d'une meilleure signalisation quant aux travaux de
construction. Très souvent, on a des plaintes nous disant que la
signalisation est trop près des travaux, qu'il devrait y avoir une
signalisation avancée. Au cours de l'automne, nous aurons un rapport de
ce comité qui proposera un certain nombre de choses que nous analyserons
et que nous mettrons en marche le plus rapidement possible.
Quant au deuxième comité présidé par le
député de Trois-Rivières, c'est celui sur les limites de
vitesse. Mme la Présidente, je dois vous dire que le ministre des
Transports se déplace beaucoup, rencontre beaucoup de gens, et il n'y a
pas un endroit où on ne se fait pas parler des limites de vitesse sur
l'autoroute 20 en particulier. On dit: 100 kilomètres, ce n'est pas
très réaliste compte tenu de la capacité du système
autoroutier. On dit: En Allemagne, il n'y a plus de limite de vitesse et,
semble-t-il, cela a des effets bénéfiques quant au taux
d'accidents. Est-ce qu'on ne pourrait pas revoir chez nous un certain nombre de
choses? D'autres individus nous disent: Quelle est la logique de notre
système de vitesse, de nos limites de vitesse, alors qu'on permet
sur une autoroute à quatre voies, deux voies à sens unique, deux
en allant et deux en revenant, 100 kilomètres, alors qu'au sortir d'une
autoroute on tombe sur une route régionale à une voie dans un
sens, une voie dans l'autre, beaucoup plus étroites, et qu'on se
retrouve avec des vitesses permises de 90 kilomètres? Les gens disent:
Où est la logique? Certains se demandent si cette logique ne serait pas
d'augmenter la vitesse sur les autoroutes. D'autres prétendent la
maintenir sur les autoroutes et la diminuer dans le réseau
interrégional. Mme la Présidente, le député de
Trois-Rivières, avec son équipe, a déjà
commencé des réunions. À 7 heures ce matin, ce beau monde
était au travail et commençait à produire. C'est tout
à fait intéressant et nul doute qu'à l'automne nous
pourrions avoir là aussi des recommandations fort intéressantes
touchant l'ensemble de la question de la sécurité
routière.
Donc, Mme la Présidente, comme vous le constatez, voilà un
projet qui aboutit aujourd'hui par l'adoption en troisième lecture du
projet de loi 60 qui sera sanctionné en fin d'après-midi. Donc,
toutes les étapes sont franchies. Toute une série de mesures,
dans la machine actuellement, sont soit très avancées, soit en
début de travail et elles auront leur point de chute à l'automne
et permettront d'avoir la vision d'une réforme globale du Code de la
sécurité routière. Dieu sait que cet objectif est de
protéger ceux qui utilisent le système routier du Québec,
bien sûr avec les moyens dont nous disposons. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Transports.
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Je crois comprendre
que nous procéderons à l'adoption de ce projet de loi en
présence de jeunes Québécois, je crois, garçons et
filles, qui, selon une tradition maintenant solidement implantée au
Parlement, viennent à la fin de chaque session, à la fin
d'ailleurs de leur session scolaire, vivre un peu la vie d'un premier ministre
et, tout au moins, circuler à travers les diverses activités
parlementaires et ils assisteront à l'adoption de ce projet de loi. Je
crois qu'il s'agit là d'une heureuse initiative, quand on sait combien
il faut intensifier les campagnes de sensibilisation auprès des jeunes
Québécois, de 15 à 25 ans en particulier.
Des chiffres évidemment éloquents, des chiffres connus
mais des chiffres qu'il vaut toujours la peine de rappeler nous amènent
à considérer comme extrêmement dramatique Cette situation
qui occasionne, comme première cause de mortalité chez les moins
de 35 ans, première cause de mortalité avant tout autre qui
fauche des jeunes dans la force de l'âge, ces accidents de la route
meurtriers. Il est certainement important qu'on intensifie,
particulièrement dans le milieu scolaire, ces campagnes de
sensibilisation à l'égard, en particulier, des jeunes hommes,
parce qu'il faut se rappeler - je le fais en ouverture à ce discours de
troisième lecture, c'est une réalité - que les hommes sont
au volant trois fois plus dangereux que les femmes. Ce sont là des
chiffres qu'a publiés le Bureau d'assurance du Canada et qui
démontrent notamment que, dans le groupe même des 16 à 19
ans, le groupe le plus touché par les accidents, bien! toutes
proportions gardées, les adolescents ont toujours là trois fois
plus d'accidents que les adolescentes.
Mme la Présidente, je pense qu'un élément
extrêmement important, finalement, dans l'ensemble des comportements sur
la route, c'est celui des conduites, je dirais, en état
d'agressivité. Le ministre a parlé d'une étude qui a
été réalisée fort sérieusement par des
chercheurs d'université, semble-t-il, durant plus de deux ans et qui a
conduit à des résultats assez surprenants. Ces résultats,
d'ailleurs, dont il était fait mention à la radio de Radio-Canada
ce matin même, révélaient qu'un petit coup a comme effet de
diminuer l'agressivité et, d'une certaine façon, d'amener le
conducteur à une sorte d'agressivité affaiblie plutôt
qu'à une "conduite affaiblie". (12 heures)
C'est le petit coup de trop qui, évidemment, est meurtrier. Le
bilan est connu, la moitié des accidents mortels sont causés par
des conducteurs en état d'ébriété. Mais les
conducteurs qui sont en état d'ébriété sont donc en
conduite dangereuse. Cette conduite dangereuse, c'est souvent une conduite
agressive et je dis souvent une conduite de matamore sur son "char". Qu'elle
soit en état d'ébriété ou pas, ce type de conduite
agressive, ce type de conduite de matamore est le facteur le plus important qui
provoque ces accidents meurtriers. Une parenthèse, je pense qu'il vaut
toujours la peine de rappeler le bilan - ce bilan tragique que détient
le Québec depuis des années -qui va en s'aggravant en
matière d'accidents mortels, ce bilan qui est très coûteux,
Les coûts sociaux sont évalués à 2 000 000 000 $.
Vous vous rendez compte de ce qu'il serait possible de faire dans une
société avec l'équivalent de 2 000 000 000 $. Pour
illustrer ce bilan, il faut simplement, penser par exemple, pour les gens de la
région de Montréal, qu'un centre de - santé aussi
important que le centre hospitalier de Laval, à lui seul, ne suffirait
pas à soigner l'ensemble des victimes, ne suffirait pas à assurer
simple-
ment par une occupation totale à donner les soins suffisants pour
l'ensemble dans une année de toutes les victimes des accidents de la
route.
C'est donc dire que c'est un bilan qui ne peut pas être
banalisé comme trop souvent maintenant dans l'opinion publique puisque,
chaque fin de semaine et plus encore les fins de semaine qui durent un peu plus
longtemps, on s'attend comme d'une façon normale qu'il y ait des
accidents qui soient meurtriers. Je pense qu'au contraire il faut maintenant
s'engager à sensibiliser l'ensemble de l'opinion publique contre cet
état de fait qui certainement ne peut pas durer. On n'a pas à se
résigner devant cette situation comme s'il y avait une fatalité
qui ne permettrait pas d'en être autrement. II y a des
sociétés qui ont réussi. On pense en particulier au Japon
et à la France qui, dans les dernières années, ont
réussi par une combinaison - c'est vrai - de mesures
sévères pour des conducteurs qui ont des conduites dangereuses et
aussi des campagnes vigoureuses d'éducation à diminuer de
façon considérable ce bilan tragique. Je crois qu'au
Québec on peut performer dans ce sens.
Cela étant dit, nous avons discuté, lors de l'étude
en deuxième lecture à l'étude article par article en
commission, de certains amendements apportés au projet de loi initial.
L'Opposition à pu introduire un amendement qui fait une distinction
importante quant à la révocation ou la suspension d'un permis ou
le montant des amendes selon que le motif en est l'annulation à cause
des points de démérite ou la condamnation pour certaines
infractions relevant cette fois du Code criminel, en particulier, la conduite
en état d'ébriété. Il faut pouvoir doser la
sévérité en cette matière parce qu'une
sévérité excessive conduit souvent à l'effet
inverse de ce qui est recherché. Une sévérité
excessive ne permet plus à l'opinion publique de bien
différencier ce qui est totalement répréhensible et qui
doit être très sévèrement réprimé de
ce qui est évidemment à ne pas sanctionner, mais qui peut donner
lieu à des amendes moins sévères. Perdre des points de
démérite, c'est différent si on le fait parce qu'on
contrevient au Code criminel, parce qu'on met sa propre vie en danger, mais on
met aussi la vie de ses concitoyens en danger parce qu'on conduit en
état d'ébriété. Il y a là un degré de
gravité. Il faut bien évaluer les degrés de gravité
dans les peines qu'un Parlement sanctionne, c'est très important pour le
respect même des sanctions sur lesquelles on entend
légiférer, parce que ce degré de gravité,
évidemment, permet de bien savoir ce qu'une société
réprouve de façon totale et ce contre quoi elle entend n'avoir
aucun pardon.
Cela étant dit, nous avons eu des représentations qui ont
été faites par l'Association des avocats de la défense du
Québec qui, à bien des égards, a fait valoir des sentences
minimales. Il faut voir qu'un tel projet de loi prévoit des sentences
qui ne sont plus laissées à la discrétion d'un juge et qui
doivent obligatoirement s'appliquer, quelles que soient les circonstances ou
quelles que soient les conditions dans lesquelles l'infraction s'est
commise.
Ces sentences minimales... Je vous rappelle que dans le cas d'une
infraction prévue au projet de loi il s'agit d'une amende d'au moins 600
$ - c'est le minimum - et d'au plus 2000 $ - c'est le maximum -si le permis de
conduire est révoqué ou suspendu pour une infraction commise qui
relève du Code criminel ou pour un délit qui résulte d'une
conduite en état d'ébriété. C'est maintenant
différent avec l'amendement qui a été apporté d'une
amende qui est réduite à 200 $ au minimum, au plus 500 $, si
cette fois le délit résulte d'une accumulation de points de
démérite.
Il faut bien voir que, si le délit résulte d'une conduite
en état d'ébriété, il y a là un
problème parce qu'on a assez répété dans notre
société que l'alcoolisme, c'est une maladie. L'alcoolisme devient
une infraction quand on met la vie des autres en danger, mais c'est aussi une
maladie qui a besoin d'être soignée.
De ce côté-ci, Mme la Présidente, on souhaite faire
les représentations les plus sérieuses pour qu'il y ait mise en
vigueur des dispositions déjà prévues au Code criminel
fédéral, je pense en particulier à l'article 239,
paragraphe 5, et qui permettent aux provinces de procéder à un
choix: plutôt que de condamner dans des cas semblables, envoyer, de
façon obligatoire, à des cures de désintoxication les
personnes qui ont commis une infraction, mais pour un problème
d'alcool.
Actuellement, il y a quelques provinces - on le sait pour l'Alberta, le
Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et les Terrritoires du
Nord-Ouest - qui ont déjà légiféré pour
appliquer cet article qui permet à un juge, au lieu de condamner
à une amende ou à une révocation, d'envoyer en cure de
désintoxication toute personne qui se rend responsable d'une telle
infraction et de s'assurer que la cure est suivie.
Il nous semble qu'il ne faut pas se cacher le problème. La
moitié des accidents mortels au Québec sont produits par des
conducteurs qui conduisent en état d'ébriété. Ces
personnes, avec la sévérité accrue de nos lois, vont se
retrouver devant les tribunaux et vont voir, pour la plupart d'entre elles,
maintenant, avec les dispositions de la loi, de façon automatique leur
permis révoqué ou suspendu. Donc, elles n'auront même plus
la possibilité de se présenter devant un juge pour obtenir un
permis restreint.
II faut bien voir que cela peut conduire... Cela a été le
cas dans bien d'autres sociétés. J'en veux à preuve une
étude sérieuse qui a été menée en
Californie, qui a duré six années et qui a montré que 46 %
des conducteurs dont le permis avait été suspendu à la
suite d'une infraction pour conduite en état
d'ébriété ont été, par la suite,
arrêtés ou ont eu un accident durant leur suspension. Ils ont
été arrêtés parce qu'ils conduisaient sans permis de
conduire. Il peut s'avérer que ces personnes continuent à
conduire leur véhicule même si leur permis a été
révoqué ou suspendu. C'est là la constatation qu'on peut
faire à la suite de toutes ces études qui ont été
menées. (12 h 10)
C'est donc dire que le problème perdure, finalement. Si on veut
véritablement résoudre de façon sérieuse le
problème, qui est un problème d'alcoolisme, qui est un
problème grave, qui est un problème qui a des conséquences
importantes sur le bilan tragique, sur le bilan meurtrier dont malheureusement
le Québec détient la tête de liste, il faut agir sur les
causes mêmes qui sont, finalement, des causes d'alcoolisme et
procéder à la mise en vigueur de ces dispositions du Code
criminel qui permettent à un juge d'obliger les personnes en état
d'infraction à suivre une cure de désintoxication.
C'est là certainement un aspect important parce qu'il ne suffit
pas de répéter, même avec la plus grande
sincérité, combien il est important de modifier le bilan des
accidents routiers. Il ne suffit pas non plus d'augmenter la
sévérité de nos lois contre les conducteurs qui mettent en
danger leur vie et celle de leurs concitoyens en conduisant en état
d'ébriété, il faut également trouver les moyens de
résoudre ce problème de façon responsable.
Mme la Présidente, le ministre des Transports a fait valoir que
95 % à 97 % des contrevenants qui vont devant les tribunaux obtenaient
jusqu'à maintenant un permis restreint: c'est donc 95 % à 97 % de
ceux qui voyaient leur permis suspendu ou révoqué à la
suite d'une conduite avec facultés affaiblies et qui se
présentaient pour obtenir un permis restreint devant un tribunal qui
voyaient leur demande agréée. Vous savez, il faut être
très circonspect avec ces pourcentages parce que, évidemment, les
personnes qui se présentent devant les tribunaux le font parce qu'elles
ont des motifs raisonnables de plaider pour l'obtention d'un permis restreint.
Il ne faut pas passer trop vite aux conclusions et croire que 95 % à 97
% des personnes qui ont un permis suspendu ou révoqué à la
suite d'une conduite en état d'ébriété ont
nécessairement un permis restreint. Ce sont ceux et celles qui se
présentent devant les tribunaux qui voient leur demande
agréée dans un très fort pourcentage, mais sans doute
faut-il également prendre en considération que les personnes
parmi celles qui ont un permis suspendu ou révoqué et qui se
présentent devant les tribunaux ont des motifs raisonnables de plaider
les circonstances qui justifient un permis restreint.
De toute façon, nous sommes dans un domaine où nous devons
certainement, de façon très régulière, suivre
l'évolution des dispositions législatives de manière
à pouvoir mieux connaître l'effet et les conséquences
qu'elles ont. Il y a de plus en plus de centres de recherche dans les
universités, de centres d'étude très sérieux sur
ces questions, et il est important de bien vérifier que les
interventions législatives qui sont faites, parfois avec les meilleures
intentions du monde, ont réellement l'effet recherché et non
l'effet inverse en augmentant le nombre de personnes sur nos routes qui
conduisent sans permis ou en aggravant le problème par une
sévérité qui n'est pas combinée avec des mesures
qui ont pour objectif de régler véritablement ce problème
qui est, comme je le répétais tantôt, un problème
d'alcool.
D'autre part, le ministre des Transports a indiqué à cette
Chambre qu'il entendait, dès l'automne prochain, réviser de
façon globale le Code de la sécurité routière de
manière à revoir l'économie générale des
dispositions de façon à bien graduer la gravité des
infractions en cette matière. On sait, avec les études qui se
font maintenant, que les conducteurs les plus lents sont ceux qui causent les
accidents les plus importants. On sait également qu'en plus de la
conduite en état d'ébriété, la conduite agressive
ou la conduite dangereuse l'inattention, le défaut de signaler, par
exemple, sont des facteurs déterminants sur le bilan routier.
Il est évident que l'Opposition entend collaborer et s'associer
étroitement à toute campagne visant à sensibiliser
l'opinion publique pour responsabiliser les Québécois sur cette
question, comme je vous l'indiquais tout à l'heure, extrêmement
importante. Des peines plus sévères peuvent avoir un effet
dissuasif, inciter à une plus grande prudence, inspirer une sorte de
crainte salutaire mais, évidemment, ce n'est pas suffisant. Il faut en
plus - et, c'est essentiel - que cela soit combiné avec une campagne, je
dirais presque nationale, une campagne à l'échelle de tout le
Québec, un campagne de promotion de la santé des
Québécois.
J'aimerais, à ce moment-ci, insister sur un aspect dont on parle
peu, qui est méconnu, soit le port de la ceinture de
sécurité pour les jeunes enfants. C'est avec raison, je pense,
qu'il faut insister non pas sur l'utilité mais, plus encore, sur
l'aspect absolument essentiel du port de la ceinture de sécurité.
La personne qui plaide
présentement, évidemment, était parmi celles qui,
avant d'avoir une connaissance plus approfondie de toute cette question,
ignorait combien le port de la ceinture pouvait avoir un effet
déterminant sur les accidents mortels. Toutes les études à
ce sujet concluent qu'entre 75 % et 80 % des accidents mortels peuvent
être évités grâce au port de la ceinture de
sécurité. Vous comprendrez combien il est important de saisir
l'occasion qui nous est donnée, lors de cette étude en
troisième lecture, pour insister là-dessus.
Je voudrais vous parler d'une étude qui a été faite
par des intervenants en matière de santé à l'hôpital
Sainte-Justine. Elle démontre que sur cinq jeunes bébés,
cinq nourrissons qui quittaient l'hôpital dans les bras de leur
mère, habituellement accompagnée du conjoint, un seul
était installé sur un siège sécuritaire; les quatre
autres, pour des raisons que les parents pensent affectives, étaient
laissés entre les bras de leur mère. Mais ce n'est pas là
nécessairement la bonne façon de manifester son affection
à l'égard même d'un enfant nouveau-né, qui consiste
à le garder en situation de pouvoir subir un traumatisme grave à
la suite d'un accident, même d'un accident bénin.
Bon nombre de nos concitoyens se disent: Ce n'est pas nécessaire
de porter la ceinture; de toute façon, c'est un court trajet, je n'ai
pas à faire un long trajet. Mais il faut savoir que 70 % des accidents
graves se produisent lors de trajets de moins de 25 milles ou de 40
kilomètres. Vous vous rendez compte que le simple trajet de
l'hôpital à la maison pour emmener son bébé
chéri commande un comportement responsable de la part des parents,
commande un comportement qui, au-delà de l'affection immédiate
qu'on veut manifester à l'enfant, prend en considération son
intérêt en le maintenant vivant.
Je crois que l'Opposition actuelle a démontré, par une
série de mesures, lorsqu'elle formait le gouvernement
précédent, combien elle était préoccupée de
cette question et elle entend le demeurer. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Maisonneuve. M. le député de Papineau.
M. Mark Assad
M. Assad: Merci, Mme la Présidente. Juste quelques mots
sur cette question de conduite en état d'ébriété.
Une expérience a été tentée aux États-Unis,
il y a quelques années, avec un pilote d'automobile de course qui
n'avait pas l'habitude de prendre de l'alcool. Une association lui a
demandé de tenter l'expérience suivante. Sur une route à
obstacles, en l'espace de 60 minutes, on lui a fait prendre quelques onces
d'alcool mais en dessous du seuil d'ébriété. Le pilote a
raconté par la suite qu'avant de prendre la route où il y avait
des obstacles qu'on rencontre normalement, il était un peu
embarrassé, parce que lui-même était convaincu que
c'était impossible, avec son expérience au volant qu'il accroche
ces obstacles sur environ un quart de mille. À sa grande surprise, il a
pris le volant après avoir avalé quelques onces d'alcool et il a
accroché trois obstacles. Parmi ces obstacles, un aurait pu être
très grave. (12 h 20)
C'est le problème des gens qui sont en état
d'ébriété, ils ne réalisent pas... Au contraire,
ils croient plus que jamais qu'ils ont le contrôle. C'est pour cela qu'il
faut mettre l'accent sur la sensibilisation des jeunes et de tous ceux qui
prennent le volant pour qu'ils se méfient lorsqu'ils ont l'occasion de
prendre de l'alcool. C'est le pire moment quand on croit être en
possession de toutes ses facultés.
Lorsqu'on regarde les sentences ou les amendes imposées par la
loi, il faut reconnaître qu'on est loin d'être radical. Je voudrais
vous relater des amendes ou des sentences qui sont imposées ailleurs
dans le monde. En Angleterre et en Suède, si vous êtes
arrêté en état d'ébriété, c'est un an
de prison, automatiquement; en Afrique du Sud, si vous êtes
arrêté en état d'ébriété, c'est 10 000
$ ou un an de prison, ou les deux; en Australie, si vous êtes
arrêté en état d'ébriété, votre nom
paraît dans les journaux et c'est inscrit: "He is drunk and in jail", il
est en état d'ébriété et en prison.
Chose curieuse, en Malaisie, si vous êtes impliqué dans un
accident en état d'ébriété, vous allez en prison et
votre femme y va avec vous. J'ai essayé d'avoir des renseignements. J'ai
posé la question à des gens de l'ambassade de Malaisie, je leur
ai demandé: Si la femme est arrêtée en état
d'ébriété et qu'elle va en prison, est-ce que son mari la
suit? Malheureusement, ils n'avaient pas de documentation à cet effet.
Au sujet des amendes et des sentences, au Salvador, le problème est bien
simple, si vous êtes impliqué dans un accident d'automobile alors
que vous êtes en état d'ébriété, il n'est pas
nécessaire qu'on vous enlève votre permis parce que, la sentence,
c'est la peine capitale, "the firing squad". Donc, ils ont réglé
le problème là-bas.
Là où je veux en venir, si on regarde les statistiques
c'est que, conduire en état d'ébriété, c'est non
seulement déplorable, c'est littéralement criminel. Il est
évident que c'est dans l'intérêt de l'ensemble de la
population... Surtout au Québec où nous bénéficions
de l'assurance automobile, il est nécessaire que l'on mette l'accent sur
le fait que conduire en état d'ébriété, c'est
criminel
et qu'on sera traité en criminel. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Papineau. M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: J'aimerais dire que nous allons concourir à
l'adoption de ce projet de loi. Nous avons travaillé très
sérieusement en commission parlementaire, nous avons fait les nettes
distinctions qui s'imposaient entre les actes criminels et d'autres gestes qui
seront, eux, étudiés cet automne. Le ministre a accepté
certaines amendements qui ont bonifié le projet de loi et j'avais le
goût, en écoutant le député de Papineau, de faire
une farce. Quand il disait qu'en Malaisie on arrêtait la femme en
même temps que le conducteur, je vous dirai que ce serait malaisé
de faire cela ici... Blague à part, je pense que l'Assemblée
nationale, sans qu'il n'y ait de vote enregistré, concourra de
façon unanime à l'adoption de ce projet.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Joliette et leader de l'Opposition. Le débat étant clos, je vais
donc mettre aux voix le projet de loi 60. Est-ce que le projet de loi 60, Loi
modifiant le Code de la sécurité routière, est
adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
Avis de sanction
J'aimerais aviser cette Chambre que le lieutenant-gouverneur
sanctionnera ledit projet de loi à 17 h 15 cet après-midi.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente. Voulez-vous appeler
l'article 59 du feuilleton, s'il vous plaît?
Projet de loi 67
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
La Vice-Présidente: L'article 59. Il s'agit de la prise en
considération du rapport sur le projet de loi 67, Loi concernant la
ville de Schefferville. Est-ce que le rapport de la commission concernant ledit
projet de loi est adopté?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je vous prie d'appeler
l'article 61 du feuilleton.
Projet de loi 65
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
La Vice-Présidente: Article 61. Il s'agit également
d'une prise en considération du rapport de la commission sur le projet
de loi 65, Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec. Est-ce
que ce rapport est adopté?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Je vous prie maintenant d'appeler l'article 63 du
feuilleton.
Projet de loi 15 Adoption
La Vice-Présidente: Article 63. Il s'agit de l'adoption du
projet de loi 15, Loi modifiant la Loi modifiant la Loi sur les biens culturels
et d'autres dispositions législatives qui avait été
présenté par la ministre des Affaires culturelles le 11 mars 1986
et dont le principe avait été adopté le 18 mars 1986.
Mme la ministre des Affaires culturelles?
M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Après avoir entendu des moeurs aussi
sévères tantôt, il est bon de revenir à une culture
un peu plus humaine. Mme la Présidente, nous avons pris en
considération le projet de loi 15, Loi modifiant la Loi sur les biens
culturels et d'autres dispositions législatives. Si je lis bien le
texte, il s'agit tout simplement de remplacer le mot "corporation" par le mot
"municipalité". Je dois vous avouer bien humblement qu'on aurait
préféré un projet de loi ajoutant à la Loi sur les
biens culturels, un projet de loi qui nous aurait peut-être permis de
classer le mont Royal comme c'est recommandé, le "square mile" à
Montréal comme nous le propose Héritage Montréal et
Sauvons Montréal.
Puisqu'on parle de municipalité, Mme la Présidente, je
vois bien que la ministre, depuis quelque temps, semonce les
municipalités. J'espère qu'elle exposera bientôt en tout
cas le nouveau mode de financement qu'elle propose pour la culture au
Québec. Elle a été jusqu'à cette date un peu
succincte. Donc, nous considérons le projet de loi 15 comme
adopté, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Mme la ministre des Affaires
culturelles, en réplique.
Mme Lise Bacon (réplique)
Mme Bacon: Je serai très brève, Mme la
Présidente. Il arrive quelquefois où, à cause de nouvelles
lois, nous devons en corriger d'autres. Il s'agit tout simplement de
dispositions d'ordre terminologique. C'est pour cela que, dans la loi 15, nous
avons voulu corriger "corporation régionale de comté" par
"municipalité régionale de comté" pour se conformer aux
lois qui existent depuis.
Je ne commencerai pas une querelle de mots avec le député
de Saint-Jacques. Je pense que le projet de loi n'est pas suffisamment
important pour commencer cette querelle. Je sens qu'il a quand même lu
Lise Bissonnette dans le Devoir, puisqu'il a utilisé ses propres mots en
exigeant des gestes de la part de la ministre des Affaires culturelles, qui
soient succincts. Je pense que c'étaient littéralement les mots
de Mme Bissonnette dans son article du Devoir.
Je dois dire, pour reprendre peut-être un peu les paroles du
député de Saint-Jacques, qu'il est temps que les
municipalités s'intéressent à la culture et j'ose
espérer que le député de Saint-Jacques n'est pas contre
cela. S'il fallait qu'il soit contre le fait que nous demandions aux
municipalités de faire leur part au niveau de la culture, j'en serais
fort désolée, parce que je pense qu'il est temps que les
municipalités, après avoir investi des sommes énormes dans
les loisirs, dans les sports, investissent autant d'argent dans la culture. (12
h 30)
Cela fait partie d'un dialogue que nous avons déjà ouvert
depuis six mois avec les municipalités. Au cours de ma tournée
dans la province, je dois dire que j'ai été agréablement
surprise, lors de mes rencontres avec les maires, de voir l'ouverture d'esprit
des maires de certaines municipalités de cette province qui sont
prêts maintenant à faire un effort considérable concernant
les dossiers culturels. C'était peut-être le temps qu'il y ait un
ministre des Affaires culturelles qui leur rappelle aussi leurs
responsabilités. C'est ce que j'ai l'intention de continuer de faire.
J'ai l'intention aussi de chercher des partenaires et les municipalités
me semblent des partenaires importants dans ce dossier de la culture au
Québec, comme l'entreprise privée peut l'être. C'est le but
de mes discussions en ce moment et je vais continuer de le faire.
J'aurai d'autres occasions d'aller plus Join, mais si cela a permis au
député de poser certaines questions et de s'interroger sur la
place publique, cela me permet à moi aussi de vous dire qu'il est temps
que les municipalités et l'entreprise privée fassent leur part au
niveau de la culture. Le ministère des Affaires culturelles n'est pas un
ministère qui doit agir comme un ministère pompier. Les
municipalités ont une responsabilité quant aux... On parlait du
mont Royal. Le député de Saint-Jacques mentionnait le mont Royal.
C'est une responsabilité de la ville de Montréal qui doit prendre
ses responsabilités. Si la ville ne le fait pas, à ce
moment-là le ministère des Affaires culturelles doit entrer dans
le dossier. Mais le ministère des Affaires culturelles ne doit pas agir
en ministère pompier avant que les municipalités prennent leurs
responsabilités.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Le débat étant clos, est-ce que le projet de loi 15, Loi
modifiant la Loi modifiant la Loi sur les biens culturels et d'autres
dispositions législatives, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 64 au feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 16 Adoption
La Vice-Présidente: II s'agit de l'adoption du projet de
loi 16, Loi sur la composition du conseil d'administration du Musée des
beaux-arts de Montréal, qui avait été
présenté par la ministre des Affaires culturelles le 11 mars
dernier et dont le principe avait été adopté le 18 mars
dernier.
Mme la ministre des Affaires culturelles?
M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Mme la Présidente, il s'agit d'un projet de
loi qui est présenté à la demande même du
Musée des beaux-arts de Montréal. Je me verrais très mal
venu, compte tenu de l'immense respect que j'ai toujours eu pour le
Musée d'art contemporain, le Musée des beaux-arts, je m'excuse...
Il y a de vieilles rivalités qui subsistent encore et qui, dans un
lapsus, s'expriment encore. J'ai toujours eu beaucoup de respect pour le
Musée des beaux-arts et beaucoup de respect pour l'autonomie du
Musée des beaux-arts.
Le Musée des beaux-arts est situé, hors de tout doute
évidemment, dans une de ces
municipalités du Québec... Pertinemment, je souhaite, Mme
la Présidente, moi aussi, que les municipalités s'engagent. Mais
au moment où elles vont s'engager, puisqu'elles ne l'ont pas encore
fait, il n'y a que de pieuses incitations à l'engagement qui sont
faites. Il y a, à mon point de vue, peut-être un certain
désengagement prématuré du ministère des Affaires
culturelles. Je ne demande pas au ministère des Affaires culturelles
d'être pompier, sauf qu'à la commission de la culture, les gens
l'ont bien dit, les gens souhaitaient que le ministère des Affaires
culturelles soit une locomotive, un engin, Mme la Présidente. Je pense
que le désengagement du ministère de la culture est très
prématuré et dangereux.
On aurait souhaité, bien entendu, que le projet de loi 16, en
plus de porter sur le conseil d'administration, nous indique certaines mesures
qui auraient facilité l'agrandissement urgent, important et souhaitable
qui doit avoir lieu au Musée des beaux-arts pour le développement
de la vie culturelle d'une municipalité importante au Québec qui
est celle de Montréal. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques.
Mme la ministre des Affaires culturelles, en réplique.
Mme Lise Bacon (réplique)
Mme Bacon: Mme la Présidente, le député de
Saint-Jacques véhicule un discours qui n'est pas correct. Il sait
très bien que ce qu'il véhicule en ce moment n'est pas tout
à fait la vérité. Je n'ai jamais dit que le
ministère des Affaires culturelles se désengagerait. Au
contraire, j'ai toujours dit que le ministère des Affaires culturelles
continuerait à soutenir l'artiste et soutenir aussi le créateur.
De plus, Mme la Présidente, jamais l'ancien gouvernement n'a fait pour
les artistes et les créateurs ce que nous avons fait, soit leur
permettre de venir ici au Parlement parler à leurs élus sur la
place publique et nous dire quels sont leurs besoins, quelles sont leurs
attentes, quelles sont leurs espérances. Je pense qu'il faudrait que le
député de Saint-Jacques corrige son tir et dise exactement quels
sont les faits.
Le ministère des Affaires culturelles, je le redis, cherche des
partenaires dans cette poursuite des dossiers culturels, les partenaires
étant les municipalités et l'entreprise privée. Le
ministère des Affaires culturelles ne cherche pas à se sortir des
dossiers, à se retirer des dossiers. Au contraire, il veut l'implication
de d'autres partenaires. Il sera la locomotive qui traînera les autres
peut-être, mais qui entraînera à sa suite, dans les gestes
qui seront posés, des gens qui seront aussi impliqués que nous
voulons qu'ils le soient. Je pense que c'est important de le dire.
Le député de Saint-Jacques connaît trop la culture
pour s'exprimer comme il vient de le faire. Il connaît trop aussi les
décisions et les désirs de la ministre des Affaires culturelles
pour parler comme il vient de le faire. Alors, il faut peut-être corriger
ce tir immédiatement pour ne pas qu'au cours des mois
d'été le parti de l'Opposition, le Parti québécois
propage de telles choses qui ne sont pas correctes... je n'oserais pas dire
fausses.
Nous avons voulu corriger pour le Musée des beaux-arts et, en
passant, Mme la Présidente, je voudrais rassurer le député
de Saint-Jacques: II n'est pas question que nous nous désengagions de
l'aide que nous avions témoignée au Musée des beaux-arts;
nous attendons que les plans de construction du Musée des beaux-arts
soient prêts et nous sommes en communication avec les responsables du
conseil d'administration; les communications ne sont pas interrompues que je
sache.
Je pense que nous continuons de travailler de très près
avec les responsables du Musée des beaux-arts pour permettre cette
construction. Quand on pense à toutes les coupures budgétaires
que nous avons faites ailleurs, je pense que ce n'est pas mauvais de rappeler
au député de Saint-Jacques, comme je l'ai fait à
l'occasion des crédits - j'ai l'impression qu'il n'écoute pas ce
que nous lui disons - que nous n'avions pas l'intention d'enlever la
contribution du ministère au Musée des beaux-arts.
Je dois dire que, dans la loi qui est devant nous, nous voulons corriger
une expression qui a été souvent employée chez nous par le
passé et qui doit disparaître de notre vocabulaire, de notre
langage, soit le terme "faible d'esprit" qui était dans cette loi qui
gère le Musée des beaux-arts. Nous avons inscrit à ce
projet de loi "une personne déclarée incapable par un tribunal".
Je pense qu'en ce moment nous ne devons plus utiliser cette expression "faible
d'esprit". Je comprends que cela prenait une correction, un amendement à
la loi, et c'est ce que nous mettons à l'intérieur du projet de
loi 16.
Nous avons voulu aussi assurer une continuité au conseil
d'administration en modifiant la durée des mandats, la fixant à
trois ans au lieu de quatre ans. C'est ce qu'il y a à l'intérieur
de cette loi 16.
Je pense que le député de Saint-Jacques doit
sûrement être rassuré. Je voudrais qu'il le soit, pour ne
pas avoir à propager je dirais peut-être des paroles
mensongères. C'est sur le bord du mensonge, Mme la Présidente. Ce
sont les paroles qui sont mensongères, non le député.
La Vice-Présidente: Là-dessus, Mme la
ministre, vous savez qu'il y a une jurisprudence ici selon laquelle sont
antiparlementaires les termes suivants: mensonge, mensonger, parole
mensongère. S'il vous platt, Mme la ministre, j'aimerais que vous
retiriez vos paroles.
Mme Bacon: Je ne m'attaque pas au député, Mme la
Présidente, je m'attaque à ses paroles. Il faudrait
peut-être qu'il corrige son discours au cours des prochains mois pour
l'ajuster à la vérité.
La Vice-Présidente; Merci, Mme la ministre des Affaires
culturelles. Le débat étant clos, est-ce que le projet de loi 16,
Loi sur la composition du conseil d'administration du Musée des
beaux-arts de Montréal, est adopté?
M. Boulerice: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler maintenant l'article 65 du feuilleton. (12 h 40)
Projet de loi 17 Adoption
La Vice-Présidente: Nous allons donc débattre
l'adoption du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur les archives, qui
avait été présenté par la ministre des Affaires
culturelles, le 11 mars dernier, dont le principe avait été
adopté le 18 mars 1986 et dont le rapport à la commission avait
été également adopté le 17 juin dernier. Mme la
ministre des Affaires culturelles? M. le député de
Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Je voudrais rassurer la ministre des Affaires
culturelles, si vous me le permettez, quant à l'interprétation
qu'elle donne à mes propos. Vous savez que j'ai toujours dit la
vérité, comme je le disais hier, comme je le dis aujourd'hui et
comme je le dirai demain.
Mme la ministre des Affaires culturelles me dit que son ministère
ne se désengage pas. Il se désengage de 3 200 000 $ dans le
soutien, l'implantation, l'amélioration des équipements
culturels, et de A 000 000 $ dans le programme d'implantation du fonctionnement
des bibliothèques municipales. On a vu mon collègue, le
député de Jonquière, intervenir au nom des
municipalités du Québec pour dénoncer ce
désengagement dramatique envers la culture au Québec. Je ne vous
parlerai pas de la promotion des arts. C'est 600 000 $ à la
commercialisation des arts plastiques. Je pourrais continuer cette litanie, ce
désengagement prématuré au niveau de la culture au
Québec, sans pour autant que déjà le secteur privé
et le secteur municipal aient commencé à s'engager. On se retire
avant qu'ils soient eux-mêmes entrés. C'est
prématuré.
Quant à la Loi modifiant la Loi sur les archives, il s'agit d'un
report quant aux dates prévues selon la loi 3, Loi sur les archives.
Nous allons l'accepter en vous disant que dans le domaine de la culture, une
autre loi que nous aurions préféré recevoir du
ministère des Affaires culturelles, au lieu de recevoir ce régime
minceur, aurait été un menu plus consistant. On aurait
peut-être préféré, vu que les archives constituent
la mémoire de notre peuple, recevoir le projet de loi 17, loi permettant
de continuer la reconstitution des débats de l'Assemblée
nationale. Cela aurait été consistant dans le domaine de la
culture, un projet de loi comme celui-là.
Là on se borne uniquement à un report de dates, soi-disant
important pour les gens qui ont à appliquer la loi, mais cela ne fait
malheureusement pas avancer le domaine de la culture au Québec,
notamment, l'archivistique qui est très importante ici dans le Parlement
du Québec. Je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques. Mme la ministre des Affaires culturelles, en
réplique.
Mme Lise Bacon (réplique)
Mme Bacon: Si nous avons présenté le projet de loi
17, c'est parce qu'il répondait à un besoin du milieu qui nous a
été maintes fois témoigné. Ce besoin fait en sorte
que les gens avaient besoin d'une date ultérieure pour soumettre leurs
dossiers. Je pense qu'il faut, à un certain moment, être à
l'écoute aussi du milieu et faire en sorte d'ajuster nos lois pour leur
permettre de répondre à ces lois et de les appliquer.
L'application des lois est souvent difficile à faire. Le
législateur doit être à l'écoute du milieu pour les
corriger, s'il le faut, et les amender pour permettre à la population,
ceux qui sont concernés en particulier, de les appliquer. Le
député de Saint-Jacques en profite pour reprendre la discussion
que nous avons eue à l'occasion des crédits. Les caméras
aidant, cela le rend peut-être un peu plus volubile. Je voudrais lui dire
que si nous avons dû faire des compressions budgétaires cette
année, c'est parce qu'on a hérité d'un gouvernement qui ne
s'était pas soucié de ce qu'il dépensait, des
dépenses qu'il avait et des dépenses qui étaient
drôlement importantes.
Je ne mentionnerai qu'un seul dossier, celui des subventions qui sont
données aux organismes culturels et que j'ai eu d'ailleurs l'occasion de
rappeler au député de Saint-Jacques à l'occasion de
l'étude des crédits.
Quand le député de Saint-Jacques fait la nomenclature des
coupures budgétaires il ne dit pas que ce sont des coupures, il dit que
nous nous retirons. Nous avons dit cette année que nous avions à
faire des coupures budgétaires pour assainir les finances publiques.
Nous n'avons jamais dit que nous nous retirions, soit du dossier des
bibliothèques, soit d'autres dossiers, Mme la Présidente.
Dans un dossier important, celui des subventions aux organismes
culturels, le député oublie de dire que mon
prédécesseur, un collègue à lui, avait
engagé, au poste de subventions aux organismes culturels, la somme 1 200
000 $ pour cette année. Donc, un dossier qui n'est pas le sien, que je
dois apprendre et 1 200 000 $ à un poste qui ne comporte qu'une somme de
600 000 $.
C'est donc dire que cette année, toutes les sommes étaient
déjà engagées à mon arrivée au
ministère et les sommes de l'an prochain sont aussi engagées par
celui qui m'a précédé, celui qui est un membre de la
formation politique du député de Saint-Jacques.
Mme la Présidente, quand on arrive et qu'on accepte un tel
dossier, il nous faut faire des compressions budgétaires et il faut
faire mal à d'autres. Je pense que cela, le député de
Saint-Jacques oublie de le dire quand il mentionne que nous avons fait des
coupures budgétaires qu'il prétend être des retraits de
certains dossiers. Nous ne nous retirons pas des dossiers, nous tentons
d'assainir les finances publiques vu que nous avons reçu les finances
publiques en si piteux état. C'est la réponse que je peux donner,
Mme la Présidente, au député de Saint-Jacques, sur cette
question qui est bien loin de la loi que nous étudions en ce moment.
La Vice-Présidente: Le débat est terminé sur
l'adoption du projet de loi 17. Est-ce que le projet de loi 17, Loi modifiant
la Loi sur les archives est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 66 du feuilleton.
Projet de loi 18
Adoption
La Vice-Présidente: II s'agit également d'une
adoption, celle du projet de loi 18, Loi modifiant la Loi sur le cinéma,
qui avait été présenté par la ministre des Affaires
culturelles le 11 mars dernier dont le principe avait été
adopté le 18 mars dernier et dont le rapport de la commission a
été adopté le 17 juin dernier.
Mme la ministre des Affaires culturelles?
M. le député.
Compte tenu du fait qu'il n'y a aucune intervention, je déclare
le débat clos. Nous allons passser au vote. Est-ce que le projet de loi
17, Loi modifiant la Loi sur les archives est adopté?
M. André Boulerice
M. Boulerice: Je veux insister. La Vice-Présidente:
Adopté?
M. Boulerice: Mme la ministre m'invite à parler sur cette
loi. Effectivement en vertu des articles 209...
La Vice-Présidente: M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: ...et 239 je pourrais me prévaloir du droit
de parler et je crois que vous m'accorderiez, n'est-ce pas, Mme la
Présidente, au minimum 60 minutes. C'est bien entendu que ce serait
scandaleux de prendre 60 minutes sur une loi qui ne contient environ que 40
mots et qui dit: Remplacer dans la première ligne le mot "mai" - je le
regrette, le mois de mai est un très joli mois, Mme la ministre - par le
mot "juillet". Juillet est également un beau mois. Occasionnellement et
historiquement, cela coïncide avec l'été dans ce pays, et la
présente loi entre en vigueur à la date de sanction de la
présente loi. On entend un discours sur le soutien de l'artiste, comme
j'ai entendu très souvent Mme la ministre le faire, ce rejet du
béton, quand on sait fort bien que les artistes nous demandent ce
béton. On rejette le béton, et je suis étonné de
voir que le gouvernement libéral ne veut plus être
"cimenteur".
Une voix: ...
M. Boulerice: C-i-m-e-n-t-e-u-r. C'est une subtilité de la
langue. Est-ce une loi qui va ajouter au soutien de l'artiste? Elle n'apporte
rien et depuis exactement sept mois, c'est-à-dire depuis le 3
décembre, à part cette commission parlementaire - je lui accorde
- vraiment très intéressante où les gens sont venus
exprimer leurs besoins - on verra la suite, par contre - qu'y a-t-il eu de
tangible, de pertinent dans le domaine culturel? Ce ne sont que quatre projets
de loi qui viennent modifier des lois existantes
et qui n'ont aucune relation quant au soutien de l'artiste. (12 h
50)
Nous la considérons adoptée, puisqu'il s'agit de permettre
à la Société générale du cinéma de
faire cela, mais nous aurions été intéressés par
une Loi sur le cinéma contenant quelque chose de plus substantiel,
quelque chose qui est en regard avec les récentes discussions ou
ambassades que fait M. Fox au nom du gouvernement du Québec pour ce qui
est du dossier de la Loi sur le cinéma. On se serait attendu à
des choses à ce sujet. M. Fox, semble-t-il, est en mission avec un
projet de réglementation, et je demanderai à la ministre si le
projet de réglementation a été déposé au
Conseil des ministres. Y a-t-il eu accord? Est-ce qu'il pourrait être
déposé à l'Assemblée nationale pour qu'on sache
bien ce que M. Fox va négocier en notre nom, puisqu'il s'agit de
l'Assemblée nationale? Cela aurait été
intéressant.
Une Loi modifiant la Loi sur le cinéma concernant les
échanges de films aurait été intéressante, des
études du marché avec les États-Unis, des choses comme
celles-là. Non, il a remplacé le mot "mai" par le mot "juillet".
Ce sera sans doute pratique pour remettre le rapport, poétique dans le
texte, ce sont deux jolis mots, mais c'est immensément loin d'une
préoccupation que la ministre sème à tous vents, soit le
soutien à l'artiste, comme si rien n'avait été fait sur le
soutien à l'artiste par le précédent gouvernement. C'est
tout à fait le contraire. Je ne nie pas qu'il faille faire plus, mais
pour ce faire, il faudra investir un peu plus, ce que ne fait pas la
ministre.
Il y a déjà un désengagement manifeste, qui
était l'engagement électoral de porter le budget du
ministère des Affaires culturelles à 1 % de celui du
Québec. On assiste à quoi? À un camouflage derrière
le paravent de la rationalisation d'une situation financière
épouvantable qu'on a vécue auparavant et dont on se
désengage. On se désengage manifestement au niveau de la culture
au Québec.
Mme la ministre citait l'éditorial de Mme Bissonnette et j'ose
espérer qu'elle va le relire et bien le méditer, parce qu'il y a
à l'intérieur une réflexion très pertinente quant
à l'importance du ministère des Affaires culturelles au
Québec. La réponse universelle du gouvernement du Québec,
comme le dit Mme Bissonnette, au problème de l'obésité
étatique et c'est pour cela qu'il y a, d'ailleurs, des entailles faites
par le président du Conseil du trésor... Par contre, la
"responsabilisation" locale dont la ministre nous parle, qu'elle nous vante -
elle a rencontré tous les maires du Québec - c'est un voeu, ce
n'est pas encore arrivé. Si cela arrive, est-ce que cela pourrait,
justement, comme nous le dit Mme Bissonnette, nous entraîner là
où le Québec n'est jamais allé?
Est-ce qu'on veut mettre en cause, comme le disait encore Mme
Bissonnette, le statut culturel particulier de facto que s'est donné le
Québec? C'est tout de même - elle le disait à juste titre -
M. Bourassa qui, depuis un fort jeune âge en politique, s'est fait le
promoteur du concept de la souveraineté culturelle, toute
galvaudée qu'elle ait été par la suite - mais cela n'est
pas ma responsabilité. Il en faisait le rempart de l'État
québécois, concluait-elle, l'endroit où sa primauté
ne faisait aucun doute comme seul gouvernement de langue française en
Amérique du Nord.
J'insiste donc de nouveau auprès de la ministre en disant qu'on
se serait attendu à des choses plus substantielles.
Une voix: Pour le cinéma.
M. Boulerice: Tout au moins, en tout cas, pour le cinéma.
La création cinématographique au Québec connaît un
nouvel élan, un nouvel essor. De quelle façon aurait-on pu
l'encourager? Cela aurait pu être la loi pour encourager la
création cinématographique au Québec.
Je pense qu'en sept mois, dans ce ministère... Il s'agit de
donner une orientation politique au ministère des Affaires culturelles.
Je connais le personnel de ce ministère. Nous avons la chance d'avoir un
ministère des Affaires culturelles ayant un personnel d'une
qualité extraordinaire. Ce gens-là sont en attente; ils
aimeraient bien avoir une oeuvre sur le métier. Il y a des gens, au
ministère des Affaires culturelles, qui auraient pu facilement, selon
une indication politique, puisque la ministre détient le pouvoir
politique mais non pas la volonté...
Une voix: On ne lui donne pas d'argent.
M. Boulerice: La ministre aurait pu donner cette indication aux
fonctionnaires, aux hauts fonctionnaires, aux grands fonctionnaires, en termes
de qualité, du ministère des Affaires culturelles et dire: II
serait peut-être intéressant... Au moment où on savait ou
on pressentait qu'une production cinématographique
québécoise était pour obtenir un succès
extraordinaire à Cannes, avec le film de Denys Arcand, elle aurait pu
commander une loi visant l'encouragement et la création d'une entreprise
cinématographique typiquement québécoise.
Une voix: ...défendre ses crédits au Conseil du
trésor.
M. Boulerice: Le ministère, enfin, les fonctionnaires
n'ont pas eu cette commande. La défense des crédits au
ministère, cela m'inquiète. La ministre des Affaires
culturelles n'est pas n'importe quel ministre,
Mme la Présidente, ce n'est pas n'importe quel ministre, c'est la
vice-première ministre! Oui! Oui!
Des voix: Bravo!
M. Boulerice: Oui, oui!
Des voix: Bravo!
Une voix: Elle défend ses crédits.
M. Boulerice: Oui, je le reconnais, c'est une femme qui a une
influence politique très forte au Québec.
Des voix: C'est vrai.
M. Boulerice: Elle est le no 2, si je peux me permettre cela.
Pour nous, c'est la personne avant toute chose; c'est une expression en
politique peut-être un peu banale mais significative, elle est la no 2 du
gouvernement.
Une voix: C'est "Boubou-Two"!
M. Boulerice: Je ne veux pas offenser les nos 3, 4, 5, 6 ni le
27e mais elle est le no 2 du gouvernement. Comment a-t-elle pu céder
aussi facilement auprès du président du Conseil du trésor,
elle qui détient ce pouvoir? Comment n'a-t-elle pas voulu se battre plus
à fond et plus fortement pour la culture?
Mme Bacon: Allez-vous me laisser deux minutes?
M. Boulerice: Je lui laisse les deux minutes en conclusion, en
toute amitié...
Une voix: Deux minutes.
M. Boulerice: ...mais en espérant... Je vois que mon
propos l'atteint, il y a presque un chagrin. J'espère que, lors de la
prochaine étude des crédits, la no 2 ne se laissera pas charcuter
son budget par le no X comme la majorité des autres ministres se sont
fait charcuter leur budget.
Une voix: Qu'elle devienne la dame de coeur.
M. Boulerice: Qu'elle devienne la dame de coeur de la
culture!
Des voix: Voilà!
M. Boulerice: Cela, je le souhaite parce que nous ne travaillons
pas uniquement pour nos formations politiques, nous travaillons pour la culture
au Québec. Je ne serai jamais jaloux d'un succès culturel pour
le
Québec dont elle aura été l'instigatrice. C'est
pour cela que je l'invite, que je lui offre ma collaboration, mais, de
grâce! qu'elle fasse un pas et qu'on cesse de nous présenter un
régime minceur pour une culture qui est affamée. Ce n'est pas ce
qu'il faut. Merci, Mme la Présidente.
Des voix: Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques. Mme la ministre des Affaires culturelles.
Mme Lise Bacon (réplique)
Mme Bacon: Je serais tentée de dire que ce
député est adorable et suave, Mme la Présidente. Je dois
dire cependant au député de Saint-Jacques que cela a l'air banal
de changer le mois de mai pour le mois de juillet, mais encore là mon
souci pour le soutien aux artistes et aux créateurs, Mme la
Présidente, a présidé à ce choix. Il fallait
changer le mois de mai pour le mois de juillet pour la production du rapport
annuel de la Société générale du cinéma
parce que le mois de mai est le mois où les gens de la
société sont le plus occupés, justement, pour permettre
à ces artistes, à ces créateurs de venir chercher les
fonds nécessaires pour produire des films. Vous connaissez le climat que
nous avons au Québec, les extérieurs sont souvent produits au
cours des mois d'été et les productions se font à ce
moment-là. Donc, nous n'avons pas voulu nuire à la
Société générale du cinéma et nous avons
décidé de changer le mois de mai pour le mois de juillet au
moment où ils ont terminé les travaux de rencontre de prêts
aux créateurs et aux artistes.
Le député de Saint-Jacques s'est aventuré sur des
terrains qui ne sont pas les meilleurs pour lui, quand il s'en va sur le
terrain du cinéma, de la loi et de la réglementation du
cinéma, eux - le gouvernement du Parti québécois - qui
n'avaient jamais, avant la dernière élection, adopté la
réglementation de la loi 109, donc, qui n'ont pas posé de gestes
importants pour régler ce dossier du cinéma.
En six mois, nous avons déjà permis de travailler sur la
réglementation, de l'amender. Nous avons adopté au Conseil des
ministres le principe d'une republication de la réglementation - donc,
elle devra repasser par le Conseil des ministres - et, en plus de cela, nous
avons envoyé un ambassadeur. Il ne faut pas ridiculiser cet ambassadeur,
qui est un de nos avocats les plus émérites au niveau de la
culture, ancien ministre des Communications, qui a été un
ambassadeur extraordinaire pour le Québec à l'occasion de cette
rencontre. Je dois dire que je suis remplie d'espoir pour régler ce
dossier grâce au choix que nous avons fait d'une personne
capable de nous régler le dossier du cinéma. C'est un
gouvernement libéral qui le fera, ce que jamais le gouvernement qui
était représenté par les gens d'en face n'a fait dans le
passé. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Le débat étant donc clos, est-ce que le projet de loi 18,
Loi modifiant la Loi sur le cinéma, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, il faudrait
vérifier si je peux obtenir le consentement de l'Opposition pour que le
ministre de l'Environnement puisse présenter son projet de loi 84. Je
dois souligner à l'Opposition que le ministre de l'Environnement sera
absent cet après-midi. J'apprécierais évidemment qu'on
nous donne un consentement pour qu'on puisse continuer jusqu'à environ
13 h 10 ou 13 h 15.
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement de
l'Opposition.
M. Blais: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Personnellement, j'en saurais gré, mais je n'ai
pas l'autorité pour ce faire et on ne s'attendait pas à cela.
C'est une proposition de dernière seconde. On peut suspendre une minute
et aller se renseigner, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Compte tenu des faits, nous allons
suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 13 h 7)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît; Je vais demander s'il y a consentement pour que l'on continue nos
travaux au-delà de 13 heures afin de pouvoir adopter le projet de loi 84
discuter de l'adoption du projet de loi 84, Loi sur la protection des
non-fumeurs dans certains lieux publics. Est-ce qu'il y a consentement, M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Le leader du gouvernement m'informe qu'il y a entente
avec notre leader. À ce moment, nous y allons, Madame.
La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le
député de Terrebonne. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 71 du feuilleton.
Projet de loi 84 Adoption
La Vice-Présidente: Donc, nous allons maintenant
débattre l'adoption du projet de loi 84, Loi sur la protection des
non-fumeurs dans certains lieux publics. M. le ministre de l'Environnement.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: Mme la Présidente, je suis très heureux
que cette Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics
atteigne le dernier stade de son évolution à l'Assemblée
nationale avant la sanction par le lieutenant-gouverneur cet
après-midi.
Cette loi, simple comme elle l'est, avec seulement une trentaine
d'articles, est importante en ce sens qu'elle représente l'affirmation
du principe de la protection de certains droits fondamentaux d'un grand groupe
de citoyens qui forment aujourd'hui, la majorité au Québec. En ce
sens, cette loi représente un pas en avant. Qui plus est, je suis
très content que le Québec, la province où il y a le plus
de fumeurs dans la société, comparé à n'importe
quelle autre province du Canada, soit la première à avoir eu le
courage d'adopter une loi pareille. Cette loi est donc beaucoup plus importante
pour l'affirmation du principe qu'elle représente que pour les sanctions
qu'elle prévoit.
I believe the adoption of this bill represents a milestone in the
evolution of mentalities in Québec, the expression of a principle that
certain fundamental rights will be recognized for a great number of people in
society who today represent a majority. I think the affirmation of this
principle is far more important thant the sanctions that the bill must
inevitably contain.
Je suis aussi très content que cette loi ait été
adoptée sans controverse, malgré qu'au début on disait que
des questions pareilles étaient tellement polarisées qu'il y
aurait toujours des controverses. Cela démontre que, lorsqu'il y a de la
bonne volonté de part et d'autre, même dans des camps
opposés, on peut arriver à des compromis, à des solutions
aux problèmes. Je pense que dans ce sens aussi cette loi
représente un grand pas en avant.
Finalement, je suis désolé que cet après-midi,
quand la loi va être sanctionnée devant le lieutenant-gouverneur -
c'est une des deux lois qui ont été choisies, avec celle de la
sécurité routière, pour exemplifier un peu ce que nous
faisons par rapport à
l'évolution de la protection de la jeunesse dans la
société - que les jeunes vont être là pour observer
la sanction, je ne pourrai y être, parce que je dois me rendre à
Montréal. Mais je serai représenté par mon adjoint
parlementaire, le député de Pontiac, qui m'a beaucoup aidé
par son travail dans l'élaboration de ce projet de loi. 3e voudrais
finalement remercier tous les collègues du côté
ministériel qui m'ont appuyé avec patience lors de l'étude
du projet de loi en commission parlementaire et aussi les députés
de l'Opposition et le critique de l'environnement de l'Opposition qui ont
travaillé de façon constructive à ce que le projet de loi
en arrive à ce stade. Ce sont les remarques que je voulais faire en
troisième lecture.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Environnement. M. le député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Comme disait
le ministre de la Justice, c'est aujourd'hui, le dixième anniversaire de
la Charte des droits et libertés de la personne. Vu que nous
fêtons une chose aussi sérieuse qu'une charte des droits et
libertés, j'aurais bien aimé, moi, que cette loi sur les
non-fumeurs ait été inspirée sous le signe un peu plus
grand de la tolérance. Je crois que cette loi n'a pas été
inspirée par la tolérance, mais elle est pour les fumeurs assez
coercitive, même beaucoup coercitive. Malgré que l'on se doive au
respect des gens qui ne fument pas, dont je suis, les gens qui ne fument pas,
doivent avoir du respect et de la tolérance pour les gens qui fument. En
ce dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la
personne, je crois que, dans cette loi, les gens qui fument sont
brimés.
Il n'y a pas que ces droits. Nous avons, par des amendements,
apporté des modifications de taille à cette loi, en ajoutant que
les handicapés doivent avoir les mêmes droits dans leur transport
que les autres personnes. Je remercie le ministre d'avoir accepté cet
amendement. Il y a un amendement qu'on n'a pu faire adopter. Nous voulions que
les passagers des autobus aient les mêmes droits que les passagers des
trains, c'est-à-dire que 50 % des gens aient le droit de fumer et que 50
% n'aient pas le droit de fumer. Dans les trains, vous avez un wagon dans
lequel on ne fume pas et un wagon où l'on fume. C'est aussi simple que
cela. D'autre part il y a tellement d'autobus, par exemple, qui partent de
Montréal pour venir à Québec - il y en a deux, trois,
quatre, cinq à l'heure selon les circonstances - qu'on avait pu en avoir
un pour les fumeurs et un pour les non-fumeurs. Donc, il y aurait eu là
égalité des droits pour les gens. Cet amendement ou cette
façon de procéder pour que 50-50 soient respectés autant
pour le transport par autobus que pour le transport en train, nous n'avons pas
pu le faire accepter.
Il y a eu un amendement pour les autobus, mais cela a été
reporté en 1989 et d'une façon qui ne plaisait pas à
l'Opposition mais soit dit en passant, sous le nombre, nous avons dû
plier.
Troisièmement, à cause justement de cette charte des
libertés dont nous fêtons le dixième anniversaire, nous
aurions voulu le respect des droits des jeunes. Par respect de la jeunesse,
nous avons demandé et nous aurions aimé que la publicité
sur le tabac entre dans ce projet de loi. Que ce projet de loi soit coercitif,
si on veut, mais pour la publicité, afin que l'on respecte les droits de
nos jeunes Québécois et de nos jeunes Québécoises.
Et que c'était une belle occasion, Mme la Présidente, en ce jour
du dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la
personnel Je vois que vous êtes neutre, vous ne pouvez pas... Mais je
vois dans votre oeil et votre attitude que vous-même vous auriez
aimé le dire, mais vous ne le pouvez pas à cause des
circonstances.
Je sens chez vous que vous auriez bien aimé cela et que vous
êtes encline vers ces droits de la personne. Vous voulez vous aussi, j'en
suis persuadé, que les jeunes soient respectés. On aurait
dû respecter les jeunes et réglementer de façon très
coercitive - et ça aurait été le temps - la
publicité contre le tabac. Ne fusse que d'éteindre ce tabous
qu'"un grand gars, ça fume. Tant qu'on ne fume pas, on est un p'tit
gars". C'est ce qu'on dit. Ce sont des tabous. Il aurait fallu que dans ce
projet de loi, il y ait des règles pour régir la
publicité, aussi par respect des droits de la personne. Je sais qu'il
est de bon aloi et qu'il est en cette décennie beaucoup plus populaire
de parler des droits des non-fumeurs que de parler des droits des fumeurs. Je
sais que c'est plus populaire de parler des uns que de parler des autres.
Cependant, quand on est imbu de ce principe de droits et de libertés,
même si on sait qu'on serait plus populaire en ne défendant que
les non-fumeurs - je le sais et ce serait de bon aloi - personnellement, je
suis trop imbu de liberté pour ne pas dire, Mme la Présidente,
que les fumeurs, eux aussi, ont des droits et libertés. Comme un buveur.
Quand un gouvernement n'a pas le courage, l'étoffe et la racine assez
ancrée dans des principes pour défendre ces drogues qui sont
l'alcool et la cigarette... Ce sont deux drogues. On n'a jamais
légiféré sur ces drogues. On a
légiféré sur l'application ou l'utilisation de ces
drogues. Jamais un gouvernement n'a défendu ces drogues, parce que ce
sont deux drogues.
On légifère sur l'utilisation du tabac et on
légifère sur l'utilisation de l'alcool. Eh bien! Mme la
Présidente, je tiens à dire qu'un type qui veut prendre un verre
de bière en a le droit autant qu'un type qui veut fumer une cigarette a
le droit de griller sa cigarette, sa pipe ou de chiquer. Il en a le droit.
Une personne a le droit de fumer la pipe, la cigarette, le cigare ou de
chiquer. C'est permis même de priser. Je me souviens du temps des prises.
Vous connaissez certainement la prise. On appelle cela du "snuff", de
façon générale. C'est permis. Cette loi - j'en suis fort
heureux - défend que le tabac soit allumé dans certains endroits.
C'est ainsi que la loi décrit "fumer". C'est du tabac allumé; du
tabac qui brûle.
C'est défendu dans certains endroits; j'en suis fort aise et j'en
suis très heureux. Cependant, il y a très peu dans ce projet de
loi. Le titre lui-même est intolérant. C'est écrit: "Loi
sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics". Nous avons
essayé de faire changer le titre: Loi de protection des droits des
fumeurs et des non-fumeurs. On n'en a pas été capable, Mme la
Présidente. En ce dixième anniversaire de la Charte des droits et
libertés de la personne, j'aurais mieux aimé un peu plus de
tolérance de la part du gouvernement.
Une autre chose: Le ministre avait le droit et le pouvoir de
légiférer dans plusieurs détails. Encore là, il a
renvoyé ses responsabilités aux municipalités, aux
institutions gouvernementales, aux organismes gouvernementaux. Regardez la
multiplication des gens responsables, Mme la Présidente. Encore
là, la multiplicité des gens qui partagent la
responsabilité est un facteur pour brimer les droits des gens; parce
qu'on n'interprète pas à 3000 avec pleine autorité pour
chacun dans son petit "home" la loi de la même façon. Si on a
l'autorité de le faire, on pourra fumer dans un endroit
déterminé, dans certaines villes. Dans une autre ville, dans le
même endroit, on n'y aurait pas le droit. Les citoyens ne sont donc pas
sur un pied d'égalité sur le territoire québécois.
(13 h 20)
Je ne veux pas m'éterniser, mais en ce jour des droits et
libertés de la personne, je tenais à dire que ce projet de loi a
des faiblesses quant aux droits et aux libertés. Par devoir, je me
devais de le signaler au législateur majoritaire, comme
législateur minoritaire.
En conclusion, j'aurais voulu que ce projet de loi soit mieux
préparé, mieux campé dans la réalité de
notre décennie et écrit sous le signe et à l'encre de la
tolérance. Mais faute de mieux, nous voterons pour ce projet de loi. Un
tiens vaut certainement mieux que deux tu l'auras.
Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Terrebonne. M. le député de Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Mme la Présidente, lorsqu'on a
étudié ce projet de loi, on a voulu le présenter comme un
petit projet de loi, soit d'une façon anodine. Lorsqu'on a
commencé à l'étudier, on s'est bien rendu compte que, par
la description des organismes gouvernementaux, on impliquait l'ensemble des
intervenants sur tout le territoire du Québec. On a bien pris soin
d'intégrer tous les organismes qui peuvent s'apparenter de loin ou de
près à un organisme public ou gouvernemental.
C'est un projet de loi qui, se voulant innovateur, puisque c'est le
premier projet de loi du genre à être adopté en
Amérique, semble-t-il, et que c'est certainement le premier au
Québec, va aussi apporter des éléments nouveaux, des
éléments de réflexion à la population et pourra
également servir de modèle à l'extérieur du
Québec.
Pour l'Opposition, il est évident que le fait de critiquer ce
projet de loi peut nous faire paraître comme des rabat-joie, des gens qui
se prononcent contre tout et rien. Mais à mes yeux il faut aller un peu
plus loin dans notre démarche et considérer que l'on pourrait
avoir comme principe, et c'est le cas chaque fois, lorsque l'on fait des lois
pour les handicapés, que c'est difficile pour les gens bien portants de
vouloir s'opposer ou déranger certaines parties de la loi.
Mme la Présidente, on pourrait vouloir que tout le monde aille au
ciel, mais on n'est pas obligé de les tuer la même journée
pour les faire aller au ciel au plus vite. C'est une loi qui dans son essence
même est excellente, puisqu'elle touche la santé des gens. Qui
pourrait s'opposer à la santé des gens? Donc, nous de
l'Opposition, il a fallu que nous regardions article par article ce que cachait
ce gouvernement ou cette loi qui va attaquer certainement les droits des
fumeurs. Cette façon de procéder fait qu'on peut déceler
quelque part... L'on confie au plus haut fonctionnaire de quelque
établissement que ce soit, de la municipalité ou du domaine
scolaire, le pouvoir de faire appliquer ces lois, sans qu'il ait quelque
recours, puisque cette personne aura le droit de décider quels sont les
endroits où l'on peut fumer ou ne pas fumer sans rendre des comptes
à personne. Après beaucoup de débats on a réussi
à faire accepter au ministre que ces rapports lui parviennent pour qu'il
puisse en faire part dans les rapports de son ministère.
Donc, c'est une forme de mise en tutelle, puisque ces gens qui sont
nommés dans la loi ont des pouvoirs plus grands que
le juge, puisqu'ils pourront décider où on fume et
où on ne fume pas. Cela pourrait Être un motif où des gens
auraient des différends dans la façon de voir les choses. Si, par
exemple, la plus haute autorité dans une municipalité c'est le
maire et qu'il ne consulte pas trop son conseil municipal et qu'il y a des
fumeurs à l'intérieur de son conseil, il pourra dire: Dans tel
appartement on ne fume pas et il n'y a plus rien à dire. Il pourrait
même bannir complètement de l'hôtel de ville la
possibilité de fumer. Donc, il pourrait certainement y avoir des
différends entre le conseil municipal et le maire.
Aussi, au point de vue scolaire, on n'est même pas capable de
déterminer si c'est le président qui est la plus haute
autorité dans le domaine scolaire ou si c'est le directeur
général. Alors, s'ils ne se parlent pas trop, je ne sais pas ce
qui va arriver avec cette loi qui se veut une loi pour améliorer
l'environnement de la population ou des gens. Mais je la mets en doute tout de
même. C'est une forme, à mon sens, de tutelle. Il y a aussi
beaucoup de fonctionnaires qui exercent la plus haute autorité et qui
n'ont pas été engagés pour cela. Donc, c'est un nouvel
élément qu'on ajoute à leur travail et de quelle
façon pourront-ils exercer leur jugement par rapport à leur
conseil d'administration? De ce côté-là il y aurait eu
moyen de réfléchir à cette question, à savoir
comment on pourrait fonctionner.
C'est aussi un transfert de responsabilités nouvelles aux
municipalités. Après l'adoption de ce projet de loi, les
municipalités vont avoir le pouvoir de réglementer et
l'obligation d'interdire de fumer dans certains endroits, puisque c'est
l'application de la loi. Donc, ce sera un ensemble de règlements qui
pourront être différents d'une municipalité à une
autre, comme l'expliquait mon collègue de Terrebonne. Il y aura aussi un
pouvoir de surveillance, donc il faudra des inspecteurs. Je ne sais pas comment
on pourra les appeler, les "boubouboucanes", pourrait-on dire, parce qu'on a
des "bouboumacoutes" pour les assistés sociaux.
Donc, il y a un ensemble... Pour un gouvernement qui ne se voulait pas
tatillon ni réglementaire et qui ne voulait pas adopter beaucoup de
lois, on se ramasse aujourd'hui, à une première session, avec un
ensemble de lois pas volumineuses dans leur contenu mais nombreuses. Ces lois
vont obliger les municipalités à rédiger des
règlements. On ne les fait pas ici, au Parlement, on fait la petite loi.
Les règlements vont apporter, dans leur ensemble, beaucoup de nouvelles
règles dans les municipalités. C'est une façon
différente de faire les choses. On transfère nos
responsabilités aux autres.
Il y a la question des amendes, l'article 33, où on dit que
celles-ci sont perçues par la municipalité. La petite Cour
municipale va se prononcer quant aux infractions concernant cette loi. Donc,
ces montants d'argent... Je sais que le ministère de la Justice a
toujours été chatouilleux pour qu'on donne le moins possible aux
municipalités le produit des amendes. Dans cette loi-ci, on le donne;
donc, on n'a pas peur qu'il y ait d'abus nulle part. C'est évident que
pour les municipalités, les fumeurs, c'est une race à part. Au
lieu de bannir complètement le tabac, on va bannir les fumeurs. Je ne
vois pas de quelle façon, de cause à effet, on va pouvoir
appliquer cette loi, puisque pour ce qui est de l'industrie du tabac, on n'a
pu, comme Opposition, obtenir que les gens qui sont affectés par cette
loi viennent en commission parlementaire nous dire ce qu'ils en pensaient.
Donc, jusqu'à un certain point, l'Opposition s'est sentie brimée,
puisqu'on a été obligé de prendre la parole du ministre,
qui nous disait régulièrement: Vous savez, j'ai consulté
et tout le monde a dit oui.
Le ministre, c'est une personne et il nous a donné l'exemple de
la ville d'Aylmer, où on applique un tel règlement depuis onze
ans et où jamais personne n'a été mis à l'amende.
C'est facile à comprendre, car, légalement, je mets en doute que
ces personnes auraient pu aller en cour. Certainement, elles auraient pu, quant
à ce règlement, s'opposer, ce qui aurait probablement
amené la cour à décréter que le règlement
d'Aylmer était illégal. C'est vrai qu'il n'a pas
été... Si, dans une loi, il n'y a aucune contravention et que
personne n'est mis à l'amende ou que personne ne va en cour, tel que
voulait nous le faire voir le ministre par rapport au projet de loi qu'il nous
proposait, cela veut dire que le projet de loi aurait pu facilement être
reporté à l'automne et mis en consultation durant tout
l'été.
Nous allons accepter, voter pour le projet de loi mais on peut penser,
en tant qu'Opposition, qu'il y a certains problèmes qui seront
soulevés et qu'on aura encore à parler d'ici très
bientôt de la Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux
publics. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Jonquière. M. le ministre de l'Environnement en réplique.
M. Clifford Lincoln (réplique)
M. Lincoln: Mme la Présidente, malheureusement l'heure se
fait tardive, mais je vais devoir prendre quelques minutes pour rectifier
beaucoup de choses qui ont été dites par deux
députés de l'Opposition.
Tout d'abord, la question des autobus et la discrimination entre les
autobus et les trains. J'ai expliqué bien clairement en
commission parlementaire que, pour ce qui est des trains, c'est une
situation tout à fait différente des autobus parce que, dans les
trains, il y a des compartiments séparés, un compartiment pour
les non-fumeurs et un compartiment pour fumeurs. Ce n'est pas le cas dans les
autobus, c'est pourquoi, il y a une dimension de 50 %.
Pour ce qui est des autobus, nous nous sommes assis avec les
propriétaires d'autobus privés. Les suggestions qui ont
été apportées, les amendements qui ont été
apportés dans la loi font l'objet d'un consensus avec l'Association des
propriétaires d'autobus qui a situé le niveau à 70 % que
nous avons accepté et à 100 % à partir du 1er janvier 1989
pour les autobus voyageant sur une distance de moins de 300 kilomètres.
Il restera 70 % pour les autobus qui parcourent plus de 300 kilomètres,
pour les raisons qui nous ont été expliquées et
justifiées par l'Association des propriétaires d'autobus. (13 h
30)
Pour ce qui est de la publicité que le député a
suggéré d'inclure, cette loi constitue une première
étape. Depuis dix ans, le projet était sur la tablette. C'est un
peu ironique que ce soient les députés de l'Opposition qui
demandent d'aller plus loin dans la loi, alors que, pendant dix ans, neuf ans,
durant lesquels ils ont été au pouvoir, ils ont eu ce projet de
loi sur les tablettes. Depuis 1976 qu'ils avaient été
élus, et chaque année, cela revenait. Ils n'ont pas eu le courage
de produire une loi, même plus minime que celle-ci. Mon collègue
de Saint-Louis déposait chaque année un projet de loi pour qu'ils
tentent d'avoir le courage de présenter, eux, une loi, et le ministre de
l'Environnement du temps, M. Léger et le ministre Ouellette, ah, oui,
ils avaient des projets de loi, mais jamais ils n'ont eu le courage de
déposer cela à l'Assemblée nationale. Mon collègue
de Saint-Louis déposait un projet, et il restait au feuilleton.
Maintenant que nous avons le courage d'aller plus loin avec cela,
après dix ans de tergiversations, depuis 1976, ils nous disent: Vous
n'allez pas assez loin, mettez-y la publicité. Faites des amendements,
mettez-y de la publicité et on va les accepter avec grand plaisir. C'est
toujours comme cela. Si on fait quelque chose, on n'en fait pas assez. Si on ne
le fait pas, on n'a rien fait. Je vais vous dire, c'est le premier pas fait par
le Québec et c'est un pas courageux qu'on fait. S'il faut ajouter de la
publicité ensuite, on en ajoutera.
Comme le député le sait très bien, toute la
question de la publicité, le gros de cette affaire est régi par
le gouvernement fédéral. C'est ainsi dans toutes sortes de
domaines. C'est une affaire très complexe qu'il faudrait faire avec
l'assentiment de mon collègue des Communications. C'est toute une
affaire. C'est une seconde étape.
Il fallait d'abord poser un premier geste et c'est ce que nous avons
fait.
Il y a aussi eu une question abordée par deux
députés. On aura des municipalités qui pourront faire des
règlements sur les non-fumeurs et sur l'usage du tabac en public. Une
municipalité fera son règlement dans un certain sens, une autre
le fera dans un autre sens. Mais naturellement, c'est cela, l'autonomie
municipale. C'est pourquoi, nous, dans la province de Québec, pouvons
faire des lois différentes de celles de l'Ontario, si on le veut ainsi.
C'est pourquoi chaque État des États-Unis est autonome quant
à certaines lois et à certains pouvoirs. C'est pourquoi on
délègue des pouvoirs, afin qu'une petite municipalité qui
croit que ses circonstances sont différentes de celles d'une grande
ville, puisse faire des règlements différents. C'est le cas de
tous les sujets municipaux. Pourquoi les lois, d'Aylmer, d'Ottawa, de Toronto,
de Côte-Saint-Luc ou de Westmount seraient-elles uniformes? Si
c'était ainsi, on n'aurait pas besoin de municipalités, on
pourrait tout légiférer.
Mais, au contraire, c'est cela le sens de l'autonomie municipale.
Lorsqu'on dit qu'on aurait dû faire le travail des municipalités,
lorsqu'on a consulté l'Union des municipalités du Québec
et l'Union des municipalités régionales de comté, elles
nous ont dit: Non, on veut faire cela nous-mêmes. C'est pourquoi nous
avons laissé ce pouvoir aux municipalités. Si les
municipalités le font différemment l'une de l'autre, le principe
sera le même, mais les modalités seront peut-être
différentes. Je m'en réjouis et c'est le principe même de
l'autonomie du gouvernement de base que nous appuyons tout a fait.
Le député de Jonquière disait que c'était
une première en Amérique. Il a même dit que c'était
une première partout. Il faudrait faire bien attention. Je pense qu'il
n'a pas suivi le débat en commission parlementaire et, ici, en Chambre.
J'ai dit qu'il y avait 31 États des États-Unis qui avaient une
loi semblable à ce projet de loi, qu'il y avait 49 États sur 50
qui en étaient au stade d'adopter une loi ou qui avaient des projets de
loi en gestation devant eux. Il n'y a qu'un seul État qui n'en a pas
actuellement. Il y a 81 comtés américains et des quantités
de villes, il y a plusieurs villes canadiennes. Ce n'est donc pas une
invention. Il y a environ 25 pays dans le monde, dont plusieurs pays d'Europe,
Singapour, par exemple. On a pris là des modèles pour
travailler.
Sur la question du rapport en Chambre du ministre de l'Environnement sur
ce projet de loi, le député de Dubuc - je dois l'en remercier - a
apporté une suggestion très intéressante. Il dit que le
ministre de l'Environnement devrait voir ce qui s'est fait dans les organismes
gouvernementaux en général et préparer un rapport de tout
ce qui s'est
fait ailleurs. Le député de Jonquière disait qu'il
devait y avoir une grande discussion avant de l'adopter. Le Journal des
débats va nous démontrer que j'ai agréé cette
suggestion avec grand empressement parce que j'ai trouvé cela
très constructif. Au contraire, on a travaillé ensemble pour
trouver un mot à mot qui allait convenir. C'est malheureux qu'on dise
qu'on ne voulait pas accepter qu'il y ait une vaste discussion.
Ce que j'ai dit au sujet des amendes, c'est que lorsqu'une loi contient
des interdictions, il faut prévoir des sanctions quelque part. C'est ce
qui donne de l'étoffe à la loi. Par exemple, on dit que sur les
routes, si on jette les déchets par la fenêtre de l'automobile, il
y aura 50 $ d'amende. Pouvez-vous me citer des cas où des gens sont en
prison ou ont eu une amende de 50 $ pour cela? C'est un geste symbolique que
l'on a posé. Je ne veux pas que cette loi soit une loi coercitive.
À Toronto, il y a une loi adoptée depuis 1978 et on a
compté seulement quinze personnes qui ont eu de petites amendes à
cause de l'affichage. On a vérifié au Minnesota, il n'y en a pas
du tout; à Chicago, il y a eu quelques cas. C'est comme cela, c'est
surtout un effet d'entraînement, le symbole même d'une expression.
C'est cela, la qualité de la loi.
Le député a parlé des audiences publiques qu'on n'a
pas tenues. Il fallait attendre jusqu'à l'automne. Cette question
traîne dans le décor depuis 1976. Si le député de
Jonquière avait été à l'Assemblée nationale
comme moi, il aurait su que chaque année, on discutait de cela en
commission parlementaire. Le Conseil consultatif de l'environnement a
déposé une étude très volumineuse en 1979 qui
donnait tous les paramètres d'une loi. Il avait consulté 35
organismes, dont les organismes que le député voulait entendre
maintenant: l'industrie du tabac, les syndicats et tout le reste. Il y a eu
toutes sortes d'études au ministère des Affaires sociales, il y a
eu je ne sais combien d'études sur cette question. Fallait-il toujours
tergiverser? C'était l'attitude péquiste par excellence; quand
ces gens ne pouvaient pas prendre de décision, ils tergiversaient. Ils
disaient: Bon, on va faire cela, on ne va pas faire cela, pour essayer de faire
croire qu'on faisait quelque chose, alors qu'on n'avait pas le courage de le
faire.
Nous avons pris les devants et nous allons agir. C'est cela qui est
formidable. Nous avions une loi qui traînait dans le décor depuis
dix ans et maintenant, nous l'adoptons. On parle d'intolérance, on parle
de coercition. Au contraire, le journal The Gazette dit que cette loi n'est pas
assez coercitive pour assurer qu'elle sera appliquée. J'ai dit à
plusieurs reprises que c'est une loi qui aura une valeur beaucoup plus
symbolique qu'une valeur de sanction. Est-ce qu'on devrait ne pas adopter une
loi parce qu'elle contient des mesures coercitives? Est-ce qu'on ne devrait pas
avoir une loi qui dit que certains citoyens seront mandatés pour
protéger un groupe majoritaire de citoyens qui le demandent depuis des
années? Est-ce que c'est cela la coercition ou l'intolérance? Je
ne crois pas du tout.
En fait, je répète que depuis les années
soixante-dix, le Conseil nordique, sur les pays Scandinaves, le Conseil de
l'Europe, l'Organisation mondiale de la santé, nous-mêmes au
Québec, notre propre Conseil consultatif de l'environnement, le ministre
des Affaires sociales en plusieurs occasions et surtout la Commission des
droits de la personne recommandaient fortement que nous adoptions une telle
loi.
Juste avant de terminer, je vais vous citer ce que la Commission des
droits de la personne disait en ce sens: "Le droit de respirer un air pur dans
les lieux publics devrait être reconnu et respecté, et ce,
même s'il affecte les fumeurs, l'exercice d'une autre liberté,
mais non fondamentale celle-là, celle de fumer dans les lieux publics."
C'est dans ce sens que nous avons rédigé cette loi, dans un
objectif de protéger les droits de ces non-fumeurs qui le demandent
depuis des années. Ce n'est pas une loi contre les fumeurs, ce n'est pas
une agression contre les fumeurs, c'est la reconnaissance de certains droits
fondamentaux d'un groupe de la société qui le demande et qui est
justifié de le faire. C'est cela, l'objectif de cette loi.
En terminant, je voudrais remercier tous les gens qui ont
travaillé pour que ce pas en avant soit fait. C'est une évolution
sociale, bien sûr. C'est une petite loi, mais c'est une évolution
sociale et il faut l'accepter. Je suis très content que, cet
après-midi, des jeunes soient là pour la sanction de la loi.
Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Environnement. Le débat étant clos, est-ce que le projet de loi
84, Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics, est
adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. Étant
donné l'heure, nous allons suspendre les travaux jusqu'à cet
après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 39)
(Reprise à 15 h 7)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! Que chacun regagne son siège. Asseoyez-vous. M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 59 du feuilleton, particulièrement d'appeler le
projet de loi 67 pour son adoption. Je voudrais vous informer tout de suite
qu'il y a une entente avec l'Opposition à savoir que le temps de parole
sera partagé de la façon suivante. Il y aura 60 minutes à
l'Opposition réparties, semble-t-il, de la façon suivante: 30
minutes au député de Duplessis, 30 minutes réparties entre
deux autres députés, et il y aura 30 minutes du côté
du ministre des Affaires municipales.
Projet de loi 67 Adoption
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement qu'on
procède immédiatement à l'adoption du projet de loi 67?
Est-ce qu'il y a consentement également pour qu'on fasse un ordre de la
Chambre concernant la répartition du temps? Y a-t-il consentement?
Une voix: Consentement.
La Vice-Présidente: Consentement. M. le
député de Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Au cours du
débat sur la loi 67, c'est-à-dire la Loi concernant la ville de
Schefferville et la disparition de l'entité juridique blanche de cette
ville, nous avons vécu des expériences comme Opposition, en
première lecture, en deuxième lecture et, bien sûr, en
commission parlementaire. Aujourd'hui, face à cette troisième
lecture, j'affirme devant cette Chambre que l'Opposition est toujours contre la
façon de procéder de ce gouvernement libéral. Nous
trouvons, et ce à l'unanimité, que ce gouvernement agit d'une
façon déplorable et unilatérale, face à toute une
population qui ne comprend pas seulement les 253 Blancs de Schefferville, mais
aussi les Métis de Schefferville dans la partie blanche, qui concerne le
peuple naskapi et qui concerne aussi le peuple montagnais.
Ce que j'ai vu en cette Chambre, je le répète, même
si je l'ai dit en commission parlementaire, et ce de la part des
ministériels lorsqu'on s'adressaient à ce gouvernement,
c'était bien sûr des grimaces, c'était bien sûr des
sourires narquois et des sourires en coin. C'étaient des gesticulations
qui venaient de la part de ces ministériels qui faisaient penser en
quelque sorte que nous étions quelque peu dans un cirque qui
était favorisé par ce gouvernement. Ce que j'ai entendu, bien
sûr, de la part de certains députés et, en particulier, du
député de Mille-Îles, c'étaient des balivernes qui
exprimaient en même temps la tristesse de cette décision
gouvernementale.
Mme la Présidente, vous comprendrez sûrement que mon
attitude face à cette décision gouvernementale s'exprime par la
déception et, bien sûr, le goût amer qui seront
laissés autant aux membres de l'Opposition à cette
Assemblée nationale qu'à la population de Schefferville ainsi
qu'à la population du Québec dans son ensemble. Ce goût
amer nous a été laissé par l'ensemble de ces 99
députés libéraux qui ont été élus le
2 décembre dernier pour gouverner le Québec.
Je puis vous dire que ni le ministre des Affaires municipales, ni ce
gouvernement du Parti libéral n'a respecté ceux et celles qui
demeurent actuellement à Schefferville. Je vais revenir tout à
l'heure sur la question de la commission parlementaire. Lorsqu'on parle de ceux
et celles qui demeurent à Schefferville, il faut penser aux femmes et il
faut penser aux hommes. Il faut penser aux familles qui ont des enfants dans
cette ville nordique ainsi qu'aux représentants et aux
représentantes des organismes qui font partie de la coalition
formée le 17 mai dernier, coalition formée en bonne et due forme
par cette population presque d'une façon unanime. Il est remarquable de
voir que ce gouvernement n'a aucun respect pour ces organismes, en particulier
pour les entendre en commission parlementaire.
Pendant que l'Opposition, au cours des dernières semaines, en
particulier la semaine dernière et cette semaine, s'évertuait
à protéger les intérêts collectifs de la population
de Schefferville, le gouvernement, en particulier, le ministre des Affaires
municipales, voulait sa loi 67 pour en finir au plus vite avec la
décision de "bulldozer" non seulement la ville elle-même quant aux
immobilisations, mais en même temps la population de Schefferville.
Pendant que l'Opposition s'évertuait à protéger les
intérêts collectifs et les intérêts individuels de
cette population de Schefferville, le gouvernement ainsi que son ministre des
Affaires municipales nous "bulldozaient", encore une fois, au détriment
de tous les droits de cette population qui, dans l'ensemble, est contre la
fermeture de sa propre ville.
Mme la Présidente, en commission parlementaire, plusieurs
questions fondamentales furent posées au ministre des Affaires
municipales du gouvernement libéral. Je vous assure que très peu
de réponses furent données, que très peu d'interventions
furent faites par les ministériels, sinon, encore une fois, quelques
balivernes de la part des gens d'en face. Tout le monde a compris, au cours de
cette commission parlementaire, en particulier les membres de l'Opposition et
la population de Schefferville, que ce gouvernement était vraiment nul
en ce qui a trait à la transparence lors des périodes de
questions et sur les sujets qui ont
été soulevés en commission parlementaire.
Lorsque je dis "nul", c'est surtout au regard des consultations. Peu
importe ce qu'a dit le ministre des Affaires municipales ici même dans
cette enceinte, dans le salon bleu de l'Assemblée nationale, peu importe
ce qu'a dit le ministre lors de cette commission parlementaire qui a
siégé pour étudier la loi 67 concernant la ville de
Schefferville, le résultat est que les informations qui nous
été données par le ministre ont démontré
qu'il n'y avait vraiment eu aucune consultation, sinon celle que son
gouvernement a faite, et peut-être lui-même, auprès du maire
de la ville de Schefferville qui était d'accord avec la fermeture de sa
propre ville.
Je ne reviendrai pas sur cette question du conseil municipal et du maire
lui-même, mais je peux vous assurer, ainsi que les membres de cette
Chambre et la population du Québec, que cette consultation, comme l'a
dit le ministre, n'a pas été faite. La preuve, c'est que tous les
représentants et représentantes d'organismes de la ville de
Schefferville, même après le dépôt de cette
pétition, n'ont eu aucune information directe relativement à leur
avenir, autant pour ceux et celles qui veulent demeurer à Schefferville
que pour ceux et celles qui veulent partir.
Bien sûr, nous avons eu en commission parlementaire quelques
bribes d'information qui vont nous permettre, dans l'ensemble, du moins sur
quelques points, de talonner le gouvernement et de le suivre de très
près dans les actions qu'il entreprendra à la suite de l'adoption
de cette loi. Lorsqu'on entend les ministériels prononcer des discours
sur la santé des animaux et qu'on se voit refuser
systématiquement, heure après heure, jour après jour,
d'entendre les organismes touchés par la fermeture de cette ville, je
trouve déplorable l'attitude gouvernementale. À plusieurs
reprises, nous avons présenté au cours de cette commission
parlementaire des motions pour faire en sorte d'inviter des
représentants et des représentantes des organismes suivants: le
Conseil municipal de Schefferville, la Coalition des résidents et
résidentes de Schefferville, le Conseil de bande des Naskapis, le
Conseil de bande des Montagnais, la Société de
développement touristique Norbec, le Syndicat des employés de
l'hôpital de Schefferville, le Syndicat des enseignantes et enseignants
de la région du fer, l'Association des mines de métaux du
Québec, l'Association des pourvoyeurs du Nouveau-Québec. Jamais
ce gouvernement, par le biais de son ministre des Affaires municipales, n'a dit
oui à quelque demande que ce soit concernant cet avenir fondamental pour
les citoyens et les citoyennes de Schefferville.
En commission parlementaire, le ministre nous a avoué candidement
qu'il y avait dans la loi elle-même la disparition concrète de
l'entité juridique territoriale blanche de la ville de Schefferville
pour en faire remise au Conseil de bande des Montagnais. Malgré les
dires du ministre des Affaires municipales, il n'y a presque pas eu de
consultation avec les Naskapis, et encore bien moins avec les Montagnais, en
rapport avec cette remise de juridiction au peuple montagnais. Jamais le
ministre ne nous a confirmé qu'il y avait une entente
Canada-Québec qui avait été signée en rapport avec
le dossier particulier de Schefferville concernant l'avenir de cette ville et
la prise en charge par les Montagnais de cette partie blanche.
Le ministre des Affaires municipales, au cours de cette commission
parlementaire, nous a confirmé que le rôle d'évaluation qui
servirait à établir les allocations aux propriétaires
résidents et non-résidents était Je rôle de 1986,
c'est-à-dire le rôle qui a été préparé
à la demande du conseil municipal en juillet dernier et qui est
applicable au cours de l'année 1986. Il ne faut pas oublier que ce
rôle d'évaluation réduit à un cinquième
l'évaluation de chacune des résidences et de chacun des
commerces, c'est-à-dire quatre cinquièmes de moins qu'au cours de
1985, de 1984 et jusqu'en 1982. Il est assuré maintenant que cette
population, qui a appris par le biais des médias d'information la
disparition juridique de sa ville, cela nous a aussi été
confirmé en commission parlementaire. Encore une fois, je trouve
vraiment déplorable ce qui s'est passé au cours des
dernières semaines.
Le ministre nous a dit à plusieurs reprises qu'il fallait prendre
sa parole. Je suis bien prêt, comme membre de l'Opposition, à
prendre la parole du ministre des Affaires municipales, mais ce qui
m'inquiète le plus, dans l'ensemble du dossier de Schefferville, c'est
que je ne peux en aucun temps prendre la parole de ce gouvernement
libéral du Québec parce qu'on sait très bien, qu'à
la suite de son élection du 2 décembre dernier, il a renié
- je dis bien renié -l'ensemble de toutes les promesses qui avaient
été faites au cours de la campagne électorale. Il a
renié l'ensemble de toutes les promesses qu'il avait faites au cours de
son mandat dans l'Opposition, entre 1981 et 1985. Il n'est pas question pour
l'Opposition du Parti québécois, l'Opposition à
l'Assemblée nationale, de se fier à la parole de ce gouvernement.
(15 h 20)
En commission parlementaire, j'ai posé une question au ministre
en rapport avec la MRC de Caniapiscau, à savoir s'il avait
consulté le préfet, c'est-à-dire le maire de la ville de
Fermont. La réponse a été non. Lorsqu'on parle, par
exemple, de l'article 2 qui remet le reste du territoire de la ville de
Schefferville à la MRC de Caniapiscau,
ces gens ne sont même pas informés qu'ils devront prendre
en main ce territoire de plusieurs centaines de kilomètres
carrés. Il est impossible de comprendre vraiment sur le fond l'attitude
de ce gouvernement qui se dit transparent, qui se dit prêt à
toutes les consultations. On en arrive aujourd'hui à avoir des
non-consultations sur la question de Schefferville, sur la question des
illégaux face à la loi 58, sur la question de
Radio-Québec, et j'en passe, Mme la Présidente.
Il y a des choses qui sont déplorables en cette Chambre. Ayant
vécu dans une démocratie comme celle que nous avons
établie en particulier de 1976 à 1985, on se rend compte que la
population du Québec a sûrement fait une erreur en élisant
ce gouvernement libéral le 2 décembre dernier.
Des voix: Oh!
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît, à l'ordre! Vous pouvez continuer, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: S'il y a des gens d'en face qui sont
intéressés à savoir ce que pensaient les anciens membres
du Parti libéral qui sont toujours en cette Chambre mais qui
étaient dans l'Opposition dans le temps en rapport avec le dossier de
Schefferville, je vais vous lire quelques bribes du compte rendu de la
commission parlementaire sur Schefferville qui a siégé les 10 et
11 février 1983. Je cite M. Fortier, député d'Outremont:
"C'est qu'il s'agit de la fermeture d'une ville nordique, pas n'importe quelle.
De plus, comme il est question de fermeture de d'autres villes nordiques, je
crois qu'il est important pour les parlementaires de voir par expérience
personnelle, de constater et de rencontrer les gens du milieu et de comprendre
les problèmes que vivent les gens de Schefferville et, par
conséquent, les problèmes des autres villes nordiques qui,
malheureusement, pourront être fermées dans l'avenir." Ce
même député d'Outremont continue: "Mais nous, du Parti
libéral du Québec, sommes déjà sensibilisés
aux problèmes humains qui sont créés par la fermeture de
la mine et nous tenterons de collaborer avec tous les intervenants qui feront
des recommandations positives dans ce sens. Cependant, ce que j'aimerais
souligner, c'est qu'il est également important d'assurer le
développement à long terme de Schefferville, des autres villes
nordiques et de la Côte-Nord dans son ensemble. Nous sommes convaincus
que la Côte-Nord, les villes nordiques et Schefferville en particulier
ont un avenir, et un avenir brillant."
Au cours des dernières années le gouvernement du Parti
québécois, à la suite de cette commission parlementaire, a
toujours refusé et refusé systématiquement les
recommandations des fonctionnaires du gouvernement du Québec à
l'effet de fermer la ville de Schefferville. C'est pourquoi ce même
gouvernement, au cours des trois dernières années, a
appliqué des programmes de création d'emplois, des programmes de
soutien aux entreprises comme les pourvoyeurs, comme, par exemple, les
commerçants de Schefferville, sur les recommandations formelles qui
venaient de l'Office de planification et de développement du
Québec. Si, aujourd'hui, on a encore une ville qui s'appelle
Schefferville, ce n'est pas grâce au Parti libéral et aux
recommandations qui ont été faites par les députés
qui étaient présents en commission parlementaire à
Schefferville en date des 10 et 11 février 1983, mais bien grâce
aux recommandations qui ont été faites par les
ministériels du temps et qui ont permis que les natifs de Schefferville
puissent continuer à vivre dans leur ville, qui ont permis que des
familles complètes puissent continuer à vivre dans la ville de
Schefferville. Maintenant, nous nous trouvons devant un fait presque accompli.
Ce fait provient des voeux de ce gouvernement d'aller faire le maximum pour
fermer le maximum d'entreprises qui appartiennent à la
société québécoise et pour fermer même dans
ce cas la ville de Schefferville. Pour aller chercher des sous pour faire quoi?
Je vais vous en parler tout à l'heure, Mme la Présidente.
Lorsqu'on parle, par exemple, des 44 natifs de Schefferville,
c'est-à-dire des jeunes qui ont entre 20 et 30 ans et qui demeurent
toujours à Schefferville et qui veulent y demeurer pour le reste de
leurs jours, le ministre ne nous a rien dit quant à leur avenir. Le
ministre n'a déposé aucun document en commission parlementaire,
bien qu'il ne soit pas tenu de le faire, malgré qu'on le lui ait
demandé. Le ministre n'a pas fait savoir par écrit ce qui
arriverait à cette population de Schefferville, peu importent les
groupements, que ce soit ceux qui travaillent à l'aéroport, que
ce soit ceux qui travaillent au centre de santé de Schefferville, que ce
soit dans le secteur scolaire, que ce soit dans le secteur commercial, que ce
soit les employés syndiqués ou les employés non
syndiqués. Rien n'a été déposé. Cette
population n'est pas informée du tout de ce qui va lui arriver au cours
des prochaines semaines et au cours des prochains mois.
Mme la Présidente, il y a très peu de gens qui le savent
ici en cette Chambre. Il ne faut pas oublier que, dans le cas de la disparition
juridique de Schefferville, quant au territoire lui-même, tous les Blancs
et tous les Métis, qui voudront se rendre à Schefferville pour
demeurer sur le territoire qui sera décrété comme
territoire de la bande montagnaise, seront dans l'obligation de demander
l'autorisation à la bande montagnaise pour y demeurer. Dans les jours ou
les semaines qui suivraient, il serait
possible, sur un avis même verbal, de faire en sorte que ces
Blancs et ces Métis soient tenus de laisser le territoire juridique de
la bande montagnaise. Actuellement, on laisse pour compte tous ces Blancs et
ces Métis de Schefferville en leur disant: Votre ville disparaît;
vous devez disparaître du paysage de Schefferville dans les prochains
jours, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois.
Alors que l'ancien gouvernement a fait tous les efforts
nécessaires pour maintenir cette ville, je peux vous dire, Mme la
Présidente, que cela prend du culot de la part de ce gouvernement pour
dire aujourd'hui et pour avoir dit hier que, si la décision de ce
gouvernement est prise aujourd'hui, c'est la faute de l'ancien gouvernement et
que l'ancien gouvernement avait même fait de la démagogie sur le
dossier de Schefferville entre 1982 et 1986.
Une voix: C'est vrai.
M. Perron: J'entends "c'est vrai" en cette Chambre. Je m'excuse,
Mme la Présidente, mais il y a des gens du parti ministériel, des
hommes et des femmes, qui n'ont vraiment pas compris la situation qui est
vécue actuellement et les déboires qui sont vécus
actuellement par la population blanche de Schefferville et par la population
métisse, et j'inclus là-dedans la population naskapie et la
population montagnaise. J'ai eu la confirmation - je le répète -
qu'il n'y a eu aucune consultation avec les Blancs, qu'il n'y a presque pas eu
de consultation avec les bandes amérindiennes et qu'il n'y a eu aucune
consultation avec les Métis de Schefferville qui sont au nombre
d'environ 40.
Mme la Présidente, si vous me permettez, je vais
répéter et relire textuellement ce que j'ai dit en date du 12
juin dernier devant cette Assemblée nationale. J'accuse les 99
députés de cette Chambre, les 99 députés
libéraux, en particulier le ministre des Affaires municipales, en
particulier le ministre délégué aux Mines, en particulier
le ministre de l'Énergie et des Ressources et aussi le premier ministre
du Québec de ne pas s'être rendus, de ne pas avoir
contribué aux demandes de la population de Schefferville et d'avoir
contribué plutôt à tout le négatif qui est sorti de
la part des ministériels en cette Chambre face au projet de loi 67 et
tout ce qui a été négatif face à la population de
Schefferville qui a été complètement oubliée dans
le décor par le gouvernement libéral.
Lorsqu'on dit en cette Chambre et lorsqu'on l'a dit en commission
parlementaire que le gouvernement s'était systématiquement
refusé de considérer même la demande qui était faite
par la coalition des citoyens et des citoyennes de Schefferville en rapport
avec un moratoire sur la loi 67, en rapport avec l'étude de ce projet de
loi en commission parlementaire où on devrait entendre des
mémoires de toutes les parties, en rapport avec une entente
Canada-Québec où les gens de Schefferville voudraient être
informés de cette entente et où les gens de Schefferville
voudraient aussi connaître les positions gouvernementales se rapportant
aux allocations, aux comités de reclassement, etc. (15 h 30)
Rien n'a été donné par ce gouvernement et ce
gouvernement n'a pas su se rendre non seulement aux demandes de l'Opposition du
Parti québécois mais, encore plus, n'a pas su se rendre aux
demandes expresses qui avaient été faites par 192 citoyens et
citoyennes adultes de Schefferville qui ont signé la pétition que
j'ai mentionnée. Mme la Présidente, un jour il est assuré
que ce gouvernement libéral va regretter les attitudes qui furent prises
en cette Chambre et va aussi regretter la façon unilatérale avec
laquelle il a procédé sans consultation en rapport avec l'avenir
de la ville de Schefferville. Ses membres vont aussi se rappeler que le tout a
été fait sans respect pour toutes les populations actuellement
résidentes de Schefferville.
On ne peut pas dire autrement, Mme la Présidente, mais au cours
des derniers mois et en particulier au cours des dernières semaines, on
a pu constater que ce gouvernement était un gouvernement formé de
liquidateurs. C'est un gouvernement qui contribue actuellement à
liquider - je dis bien liquider - à peu près tout ce qui bouge
dans le paysage pour faire en sorte que des montants d'argent entrent dans le
fonds consolidé du Québec pour éventuellement faire de la
petite politique partisane avec les fonds qui seront retournés au fonds
consolidé du Québec, incluant des fonds qui proviendraient de la
ville de Schefferville si on la maintenait en vie.
Mme la Présidente, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est
donnée dans ces quelques dernières minutes sur la question de
Schefferville pour vous lire une lettre qui m'a été transmise
tout dernièrement par des jeunes de Schefferville, c'est-à-dire
des natifs de Schefferville. J'espère que les membres du gouvernement,
c'est-à-dire les ministériels, ne feront pas comme ils font
d'habitude et rire de ce qui va être dit dans cette lettre.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Vice-Présidente: Sur une question de règlement,
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Je pense que le député de
Duplessis a une expérience de parlementaire qui lui permet de
comprendre la portée de l'article 35 où on dit, entre autres,
à différents endroits de l'article que le député ne
peut "imputer des motifs indignes à un député... se servir
d'un langage violent, injurieux ou blessant... employer un langage grossier ou
irrespectueux envers l'Assemblée, tenir des propos séditieux".
Dire avant même qu'il ait lu la lettre qu'il a en main que les
députés ministériels vont rire de ses propos, je pense que
c'est contraire à l'esprit de l'article 35. J'inviterais le
député de Duplessis à respecter l'esprit de l'article en
question.
La Vice-Présidente: M. le député de
Duplessis, je ne voudrais pas, avant que vous fassiez vos remarques, que vous
imputiez des motifs à la suite d'une lettre que vous pourriez lire. Je
comprends, M. le député de Duplessis, que vous avez un sens de
l'honneur et des responsabilités et que là-dessus vous allez
pouvoir poursuivre votre intervention.
M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais vous
faire remarquer en passant, à la suite de l'intervention du leader
adjoint, que je ne m'adressais pas à un député en le
nommant par son comté. Je m'adressais à cette députation
libérale que nous avons en face de nous et dans l'ensemble. C'est
là que je faisais mon intervention. Je voudrais vous lire cette lettre
qui est adressée au Secrétariat à la jeunesse,
Québec. "À qui de droit "La présente est pour solliciter
votre aide pour des jeunes travailleurs et travailleuses de Schefferville. Vous
êtes probablement au courant de la fermeture de cette dernière, ce
qui entraîne plusieurs pertes d'emplois en majorité chez les
jeunes. Dans un premier temps, nous avons déposé une
pétition collective des résidents et résidentes à
l'Assemblée nationale; par le biais des médias, nous avons appris
que le gouvernement n'a pas l'intention d'en tenir compte. "Alors, avons-nous
des droits au niveau humain, en tant que personnes représentant la
jeunesse à Schefferville? Comme les taux de chômage et
d'assistance sociale sont très élevés, et ceci à la
grandeur du Québec, que pouvons-nous faire pour garder nos emplois? Ou
si cela s'avère impossible, pouvons-nous compter sur votre appui pour
aider ces mêmes jeunes à se retrouver du travail ailleurs? Par
exemple, au niveau des centres de main-d'oeuvre, y aurait-il possibilité
que ceux-ci fassent partie d'une liste spéciale? Une éventuelle
indemnité de perte d'emploi ou encore une prime de déracinement?
- Ce sont des natifs qui parlent - Ou pouvez-vous du moins nous informer des
démarches que nous pouvons entreprendre pour les aider? Une fermeture et
même une seconde fermeture de ville implique une situation hors du
commun. Espérant votre appui, veuillez accepter nos sentiments les
meilleurs. Signé par les travailleurs et travailleuses de
Schefferville."
Il y a encore une pétition qui provient des jeunes de
Schefferville. Encore une pétition parce que ceux-ci n'ont pas
été consultés sur la décision gouvernementale.
Je voudrais en dernier lieu remercier mes collègues de cette
Assemblée nationale, c'est-à-dire ceux et celles de l'Opposition
qui sont intervenus d'une façon positive face au dossier de
Schefferville et qui sont intervenus pour défendre les
intérêts, non pas d'un groupe, mais de l'ensemble de cette
population de Scheffervile. Je voudrais mettre en garde ce gouvernement du
Parti libéral et, en particulier, le ministre des Affaires municipales,
puisqu'il tient tellement à sa loi 67, afin qu'il fasse les choses
correctement, humainement et d'une façon civilisée - je parle de
l'avenir, c'est-à-dire à compter d'aujourd'hui - et qu'il ne
fasse pas ce qu'il a fait au cours des dernières semaines en ne
consultant pas et en prenant une décision qui aura un impact très
négatif sur des hommes, des femmes, des familles et des jeunes de cette
ville nordique qu'est Schefferville.
Mme la Présidente, ce gouvernement peut être assuré
que je vais le talonner et que je vais continuer à faire l'essentiel
pour que les droits et les privilèges de cette population soient
respectés par ce gouvernement. J'invite aussi les membres du parti
ministériel à faire bien attention à ce qu'ils feront avec
les humains qui demeurent dans cette ville.
Je termine en maintenant ce que j'ai dit au cours de la commission
parlementaire et au cours du discours que j'ai prononcé
antérieurement devant cette Chambre: pour ce qui concerne les membres de
l'Opposition, c'est oui à la consultation. Je lance un appel à ce
gouvernement libéral, encore une fois, pour que le tissu blanc et
juridique de la ville de Schefferville soit maintenu, pour que le
contrôle soit fait par la MRC ou encore par un administrateur
nommé par Québec, pour que le système policier de la ville
de Schefferville soit remplacé par la Sûreté du
Québec et pour qu'une entente Canada-Québec soit signée
permettant à tous ces résidents et à toutes ces
résidentes de Schefferville d'obtenir leurs droits.
J'invite, en dernier lieu, le gouvernement à respecter ceux qui
veulent rester et à respecter également ceux et celles qui
veulent partir. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Duplessis. M. le député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le 2
décembre est passé; les promesses sont oubliées. Les
libéraux sont élus; Schefferville n'existe plus.
Une voix: Voilà.
M. Blais: Mme la Présidente, c'est à peu
près le contenu de l'appel téléphonique que j'ai
reçu cet avant-midi d'une personne qui habite Schefferville pour nous
dire...
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît: À l'ordre!
M. Blais: ...qu'en ce dixième anniversaire...
La Vice-Présidente: M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Merci.
La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre! M.
le député de Terrebonne, vous pouvez continuer.
M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. En ce
dixième anniversaire de la Charte des droits et libertés de la
personne, je suis presque heureux que nous n'ayons pas aujourd'hui des
visiteurs de pays étrangers pour nous voir adopter cette loi en cette
Chambre. Nous devrions être gênés du geste que nous posons
aujourd'hui. (15 h 40)
Si nous lisions dans un journal qu'en Amérique du Sud, quel que
soit le pays, un village entier est déménagé sans que la
population touchée ait été consultée, la
première chose que l'on dirait ici: Ce pays n'est pas un pays
démocratique. Aujourd'hui, au Québec, en ce 10e anniversaire de
la mise en vigueur de la Charte des droits et libertés de la personne,
on ferme une ville sans aucune consultation publique, je dis consultation
"publique". Nous de l'Opposition avons essayé, nous avons demandé
et nous avons insisté pour que le gouvernement amène les
intéressés en commission parlementaire. Nous voulions consulter
les intéressés dans ce dossier. Ce fut un mur de refus total et
absolu. Nous voulions recevoir les représentants des résidents
qui, à 97 %, ont signé une pétition. Ces gens voulaient
être entendus. Refus total de la part du gouvernement, refus total!
Pourtant, ces Blancs qui étaient là apportaient beaucoup
au trésor des différents gouvernements. Ils étaient
là pour que les gens du sud vivent mieux. Ils avaient accepté cet
éloignement, cet isolement en faisant des sacrifices énormes
d'adaptation, d'abord, à ce pays nordique et d'adaptation d'enracinement
à cet endroit. C'était une nouvelle façon de vivre. Une
fois enracinés, on décide qu'on élimine leur ville sans
consultation publique. On ne voit pas cela normalement dans les
démocraties.
Il y a aussi les autochtones, les Montagnais, 575 Montagnais qui sont
là, à Matimekosh plus précisément, tout près
de Schefferville. On dit que ces gens prendraient une partie du village ou le
village, on ne sait pas. Eux non plus ne le savent pas et ils n'ont pas
été consultés. Nous avons demandé au gouvernement
que des représentants des Montagnais viennent s'expliquer. Refus total
absolu! Les droits et libertés de la personne, on en fait fil
Nous avons demandé que les Naskapis et leur chef, Joseph Guanish,
viennent en commission parlementaire parler au nom de la bande des Naskapis,
qui sont environ 400. Refus total! Déjà, c'est leur
deuxième déportation. En 1955, ils étaient à
Kuujjuaq ou Fort-Chimo, et on les a déportés à
Schefferville. En 1986, on ferme leur ville sans consultation, le jour du 10e
anniversaire des droits et libertés de la personne. II y a
historiquement des choses qui coïncident et qui font frémir. C'est
la deuxième déportation d'une bande d'autochtones, le jour du 10e
anniversaire de la Charte des droits et libertés de la personne, et
cette déportation est faite sans consultation. S'il y avait quelqu'un
d'un pays étranger ici qui nous voyait faire, nous devrions en
être gênés.
De plus, ces gens-là, on ferme leur ville, ils l'apprennent par
les journaux - on ferme votre ville - sans qu'ils connaissent les règles
du jeu, sans que la population autant blanche qu'autochtone de Schefferville
connaisse les règles du jeu. Nous avons déjà
été obligés de fermer Gagnonville. Il est possible que ce
soit nécessaire de fermer Schefferville. Il y a des façons d'agir
pour respecter les peuples, les gens, les populations, la démocratie,
les droits et libertés de la personne. À Gagnonville, nous
l'avons fait. Il y a eu consultation, il y a eu entente avec toutes les parties
avant que le gouvernement ne procède. Ici, ce n'est pas ce que l'on
fait. Sous la force du nombre, 99 contre 23, on dit: Voilà, nous fermons
Schefferville, nous ferons des consultations après, nous
établirons après les règles du jeu; les gens n'ont
qu'à se plier.
Mme la Présidente, en ce dixième anniversaire de la Charte
des droits et libertés de la personne, plût au ciel qu'il n'y ait
pas d'étrangers qui nous voient faire pour rapporter cela dans leur pays
et dire: Québec est devenu, depuis le 2 décembre, un pays
où on ne respecte pas les droits de la personne. C'est
intolérant! Il est possible qu'après que nous aurons
adopté cette loi, le gouvernement aille faire des consultations et
traite très bien les gens après, c'est possible, mais ce n'est
pas ainsi qu'en démocratie nous devons procéder. En
démocratie, nous
consultons d'abord. Nous établissons les règles du jeu,
surtout dans des cas exceptionnels, comme dans le cas de fermeture d'une
ville.
Le Parti libéral, le parti majoritaire, avec cette loi, met une
ombre sur ses réalisations dès le début de son mandat.
Personnellement, je trouve que cette loi est une négation des droits les
plus primaires de la personne. Ce gouvernement devra se voiler la face pour le
geste par derrière la porte qu'il pose aujourd'hui envers la population
de Schefferville. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Terrebonne. M. le député de Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Mme la Présidente, dans la vie, il y a des
jours heureux, des jours où c'est plus sérieux et d'autres
où c'est plus triste. Pour ma part, j'estime que la fermeture de
Schefferville est l'un de ces gestes qui marquent l'histoire du Québec,
qui marquent aussi les citoyens de l'ensemble du Québec.
Lorsqu'on examine les événements qui ont
précédé l'annonce de la fermeture de Schefferville, on ne
peut pas faire autrement que de se montrer surpris, surtout après les
événements qui se sont succédé à partir du
mois de novembre, lorsque la fermeture de la mine Iron Ore a été
annoncée. Immédiatement, le député de Duplessis qui
a à coeur l'intérêt et l'avenir de ses concitoyens s'est
mis au travail pour sensibiliser l'ensemble du Parti québécois
qui exerçait le pouvoir à ce moment et l'inciter à aller
voir sur place ce qui se produisait. Cette commission parlementaire a aussi
permis aux membres de l'Opposition d'aller consulter sur place pour voir ce qui
se passait à Schefferville. On constate que les gens qui ont fait le
plus de spectacles sont ceux qui avaient, avant la tenue de cette commission
parlementaire, pris la peine de dire: II ne faudrait pas que cela tourne en
spectacle. Il faut s'assurer que le gouvernement du Parti
québécois ne vienne pas faire une "Opération charme", mais
fasse une démarche sérieuse. (15 h 50)
Lorsqu'on examine les gens qui étaient dans l'Opposition à
ce moment-là et qui, aujourd'hui, occupent des postes importants, comme
le ministre de l'Énergie et des Ressources, le ministre
délégué à la Privatisation, on pourrait dire
à ces gens: Un instant, nous sommes ici, il faut que ce soit
sérieux. Ils avaient trouvé des solutions, dont une solution
aussi farfelue que de dire que non seulement il ne fallait pas fermer
Schefferville, mais qu'il faudrait trouver des débouchés pour nos
jeunes. On parlait d'ouvrir une usine pour traiter le métal sur place.
Il y a loin des paroles aux actes. C'est probablement là que le Parti
libéral a trouvé le moyen de proposer son projet de
société pour nos jeunes.
Quand on regarde, après six mois, ce qu'on a fait pour les jeunes
du Québec, on se rend compte que le bilan est mince, que les jeunes
n'ont pas plus et probablement moins d'avenir qu'auparavant. Le
côté spectacle était le lot de l'Opposition au moment de
cette commission parlementaire.
C'est évident aussi qu'on s'est empressé d'écouter
tout le monde. Je me demande si l'Opposition n'était pas là
simplement pour écouter. C'était probablement aussi pour voir ce
qui se passait, sans qu'il y ait vraiment rien de sérieux dans cette
question. On ne voulait pas fermer Schefferville dans ce temps-là, on
voulait même lui ouvrir des perspectives nouvelles. Malheureusement, on
constate que la fermeture a été annoncée sans aucune
consultation. On a dit: Possiblement que par un coup de téléphone
ou deux - parce qu'on est fort sur le téléphone, de l'autre
côté - on aura toutes les réponses à nos
questions.
Ces gens, devant le manque de volonté politique du gouvernement
actuel, ont semblé découragés devant toutes les portes qui
se fermaient. La consultation bidon qui a été faite a
peut-être permis au ministre des Affaires municipales de dire que ces
gens étaient d'accord sur la fermeture de leur communauté. Le
député de Duplessis - qui, je le répète, dans ce
dossier de fermeture, a accompli son devoir à 100 % et même plus
-est allé vérifier sur place l'idée de ces gens sur la
fermeture de leur village qui avait été annoncée d'une
façon aussi brutale. Ces gens se sont pris en main et ont même
amené le conseil municipal, qui s'était prononcé pour la
fermeture, à travailler, tous ensemble, pour examiner les solutions
possibles avant de procéder à la fermeture de leur
municipalité.
Ces propositions ont été colligées dans une
pétition qui a été présentée à
l'Assemblée nationale, pétition qui nous donne un certain nombre
d'éléments de solution, certaines avenues ou certaines pistes
à explorer. Il y a la solution du moratoire consistant à dire non
à la fermeture du village pendant un certain temps pour qu'on puisse
examiner des solutions potables et savoir si toutes les avenues ont
été explorées, savoir si Schefferville a un avenir. La
réponse a été non, la réponse du parti au pouvoir
actuellement.
Deuxième solution avancée: une commission parlementaire
où des groupes, des gens du milieu pourraient venir nous dire ce qu'ils
pensent de la fermeture de la municipalité dans laquelle ils ont mis
tant d'efforts et tant d'espoir. Lorsqu'on fonde une municipalité, les
gens sont enthousiastes,
les gens croient en l'avenir de leur municipalité. Ces gens, qui
ont des racines dans le milieu, auraient pu venir nous dire, en plus du
ministre des Affaires municipales, ce qu'ils pensaient de leur milieu, comment
ils voyaient leur avenir. Que ce soit les Naskapis, les Montagnais, les peuples
fondateurs, les peuples qui sont enracinés dans le milieu ou les Blancs
qui sont venus au monde dans ce coin, que ce soit les enseignants ou les
syndicats qui, eux, avaient mis de l'espoir dans leur travail, ils veulent
savoir quel sera leur avenir par rapport à leur vécu et par
rapport à leurs obligations, que ce soit l'Association des mines et de
métaux, que ce soient les pourvoyeurs, la société
touristique Norbec, tous ces gens-là auraient pu venir nous dire ce
qu'ils pensaient, ce qu'ils voyaient comme avenir et nous convaincre ou nous
assurer que la décision de fermer leur village ou leur
municipalité n'était pas une solution prématurée,
mais qui manquait d'exploration et de perspective économique.
Ces gens-là, qui ont pris des racines dans ce milieu, avaient le
droit d'être écoutés, ce qui a toujours été
fait antérieurement par le gouvernement précédent.
Malheureusement, après sept mois de pouvoir, on se conduit, dans ce
gouvernement, comme des propriétaires. Vous savez ce que font les
propriétaires? Ce sont des gens qui peuvent disposer et qui ont droit de
vie ou de mort sur l'ensemble de la population. Je trouve que c'est malheureux,
après tout le travail que l'Opposition a essayé de faire pour
convaincre nos vis-à-vis du bien-fondé de nos arguments, que ces
gens-là aient été ignorés et laissés pour
compte. On a eu l'impression, à beaucoup de moments qu'on parlait
à un mur. Je pense que cela est malheureux.
Où étaient ces gens d'en face qui, avant le 2
décembre, se sont présentés devant la population avec
chacun son discours pour développer l'économie du Québec?
Ces gens-là avaient toutes les solutions. Ils pouvaient créer de
l'emploi, ils pouvaient dire comment on pouvait "runner" le Québec comme
une "business". C'était important. Il n'y a pas un député
du gouvernement actuel en cette Chambre qui n'a pas fait son discours
économique dans son milieu pour convaincre les gens qu'ils
étaient prêts à gouverner.
Quand on regarde les faits et qu'on examine ce qui se passe, ces
gens-là ont ignoré qu'il pouvait y avoir de l'avenir dans le
Nord. Un peuple, quel qu'il soit, pour marquer son appartenance, doit
manifester une présence. Avec la fermeture de Schefferville on ferme
possiblement la porte du Nord, la fosse du Labrador qui a été
explorée avec des sommes mises à la disposition des explorateurs
par le gouvernement du Québec, une somme de 3 000 000 $ pour
l'année 1986. On a déjà découvert dans cette fosse
du Labrador certains métaux précieux qui pourraient être
exploités et qui auraient permis à Schefferville d'être la
base du développement d'un territoire de 100 000 kilomètres
carrés. Il n'y a pas beaucoup de peuples qui peuvent se vanter d'avoir
autant d'espace à explorer géographiquement, ce qui pourrait
susciter et qui suscite encore beaucoup d'espoir.
Le discours économique a fini à partir du 2
décembre 1985. Actuellement, on a des solutions comptables. Comment
fait-on pour fermer un village? On additionne des colonnes de chiffres et quand
on n'a pas notre compte, on ferme le village. C'est ce qui arrive exactement
dans ce cas-là. Je pense que l'élément le plus important,
qui nous semble fondamentalement oublié, c'est d'abord et avant tout la
population de Schefferville, population blanche, population autochtone, les
natifs et toutes les perspectives de l'avenir du Nord. Ce n'est pas la
meilleure décision qui a été prise à mon point de
vue. Dans des conditions aussi extrêmes de fermeture, il aurait fallu au
moins aller consulter les gens et leur demander ce qu'ils pensaient.
C'est tellement une solution comptable, la fermeture du village, que
déjà on a décidé de fermer. C'est le ministre qui
nous a dit: On ferme et, ensuite, on négocie. Donc, négocier avec
qui, négocier quoi? C'est une vente de liquidation. Le gouvernement
continue à liquider les actifs du Québec. En comptabilisant, on
dit qu'on va faire un plus. Est-ce 6 000 000 $ versus 0? Non, j'affirme que
ça ne peut pas être un 0 parce qu'il faut maintenir le chemin de
fer, parce qu'on a des engagements avec les bandes indiennes, il faut maintenir
les liaisons par air, il faut continuer à avoir des relations avec ces
gens-là. Il y a des pourvoyeurs. (16 heures)
Au point de vue de l'économie, il y a un certain nombre
d'éléments qui, non seulement nous le permettent, mais nous font
constater qu'il y a des gens qui vivent des produits de la chasse et de la
pêche; donc, une activité qui développe l'économie
du Québec. On continue à avoir des liens. Comment va-t-on traiter
ces gens-là au point de vue du réseau de la santé, au
point de vue de l'éducation? On va transférer - on. est forts
là-dessus - on va donner nos responsabilités au
fédéral comme si, dans l'état actuel des choses,
l'individu qui ne paie des taxes au Québec ne paie pas aussi des taxes
au fédéral et ne paie pas aussi des taxes municipales. Ce sont
exactement les mêmes contribuables. Quand le gouvernement du
Québec se débarrasse d'un problème pour l'envoyer aux
autres, je pense que ce n'est pas une opération comptable qui se traduit
par un plus pour l'ensemble de la population.
Je pense que, de ce côté-là, on a
été
légers dans les décisions qu'on a prises de fermer ce
village ou cette municipalité sans une consultation plus grande, sans
aussi regarder toutes les avenues qui auraient pu se prêter à un
développement ou du moins s'assurer, si un jour on y est obligés,
à cause des richesses potentielles de ce milieu, de ce coin de pays,
qu'on puisse récupérer les investissements qui ont
été faits autant par les gouvernements que par les industries
privées.
C'est cet ensemble de circonstances qui fait que je suis très
déçu de cette fermeture de la municipalité de
Schefferville. C'est plus important qu'une fermeture d'usine, c'est
évident. Lorsque j'ai demandé, en Chambre, au ministre des
Affaires municipales sur quoi il se basait pour prendre sa décision de
la fermeture, il m'a dit qu'il y avait beaucoup de dossiers qui lui
permettaient de déterminer la fermeture de Schefferville. Il m'avait
dit, à ce moment-là, que, si je désirais avoir des
renseignements, j'avais simplement à les demander à son
ministère, je me suis empressé de demander les renseignements, et
qu'est-ce que j'ai reçu? Deux pages et un huitième de
renseignements. J'ai l'impression que c'est là-dessus que le Conseil des
ministres s'est prononcé pour fermer, pour prendre la décision de
fermer le village de Schefferville. Et vous pensez que...
Une voix: II y en avait moins que cela.
M. Dufour: C'est bien possible qu'il y en eût moins que
cela. C'est pensable, Mme la Présidente, que nous, de l'Opposition, on
puisse prendre juste la parole du ministre pour nous dire que c'est fini,
Schefferville? Ce n'est pas tous les jours qu'on prend des décisions,
dans onze articles, de fermer une ville, de décider de l'avenir d'un
certain nombre de gens, une population qui a certainement subi des traumatismes
importants à cause de la façon dont on l'a annoncée, de la
façon dont elle a été consultée et aussi de
l'inquiétude causée pour la méconnaissance de l'avenir qui
n'est pas rassurant pour ces gens-là, à nos yeux, comme
Opposition. Comment peut-on payer les maisons, les avoirs de ces
gens-là? Comment va-t-on reclasser ces gens-là? Comment va-t-on
laisser les pourvoiries? en suspens? Comment va-t-on continuer à les
faire fonctionner? Tout un ensemble d'éléments, Mme la
Présidente, qui me font dire que cette action ou cette décision
n'est certainement pas une action dont le Parti libéral pourra se
vanter. De ce côté-là, il devra s'empêcher et se
dépêcher de la faire oublier. Il y a un élément
important qu'il ne faut pas oublier. C'est qu'aujourd'hui, on se comporte comme
des propriétaires, mais la population leur fera comprendre tantôt
qu'ils seront seulement des locataires. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Jonquière.
M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Mme la Présidente, je serai très
bref. Je voudrais purement et simplement faire une ou deux mises en garde avant
qu'on passe à la réplique du ministre. J'ai participé,
comme membre de ce Parlement, à une commission parlementaire à
Schefferville et je me souviens de toute l'importance dont les parlementaires
faisaient état à ce moment-là. Par un froid de 50 sous
zéro l'Opposition d'alors, gouvernement d'aujourd'hui et ceux de ce
côté-ci de la Chambre, on parlait de l'importance de maintenir
ouverte cette porte sur le Grand Nord. On cherchait à ce
moment-là les moyens de rentabiliser Schefferville et les moyens de le
faire, c'était précisément de rentabiliser les
pourvoiries, de voir s'il n'y aurait pas une commercialisation du caribou,
etc., toutes sortes de pistes dont nous explorions les possibilités.
Je me rappelle de l'Opposition qui nous talonnait, qui, j'allais le
dire, nous enguirlandait chaque fois qu'on mettait certaines réserves
sur certains points, sur la faisabilité entre autres de certaines
options ou certaines hypothèses. Aujourd'hui, sans même consulter,
parce que le ministre dira qu'il a consulté, mais consulter, on sait que
dans les moeurs publiques cela veut dire inviter formellement les
représentants, leur offrir l'occasion de s'exprimer et d'avoir un
écho public aux propos qu'ils tiennent. Consulter en secret, Mme la
Présidente, faire venir un "chum" ou deux pour lui demander ce qu'ils en
pensent, cela n'est pas de la consultation.
Deuxièmement, je voudrais mettre en garde le ministre qui a
refusé certains amendements de l'Opposition. Je voudrais le mettre en
garde des gestes pour la probité publique qui seront posés. On
sait qu'il y a des gens qui, pour des sommes nominales, ont fait des
transactions immobilières. Il ne faudrait pas se retrouver dans six
mois, dans un an, avec des gens qui se bidonnent, qui se gargarisent du fait
qu'ils ont fait la passe du gros Bill et qui, dans l'espace d'une nuit ou de
quelques jours, grâce à un projet de loi présenté
par le ministre des Affaires municipales, ont accumulé des sommes
rondelettes de 500 000 $ à 600 000 $ à court terme. Ce sont les
deniers publics, parce que c'est l'État qui devra payer pour tout cela.
Je voudrais mettre en garde le ministre là-dessus.
Je pense que c'est de bonne foi qu'on le fait de ce côté-ci
de la Chambre parce
que le ministre est conscient que dans toutes ces histoires, si jamais
on ne fait pas de mises en garde, si jamais on ne prend pas de
précautions, il y a des gens qui, allègrement, parce que ce sont
les deniers de l'État, se foutent éperdument de ce qui peut
arriver.
Je voudrais remercier mes collègues aussi de ce
côté-ci de la Chambre, ceux qui ont participé à la
commission, qui ont fait un travail gigantesque, qui ont travaillé
d'arrache-pied pour essayer de présenter le point de vue de ceux qui
auraient voulu avoir voix au chapitre et qui n'ont pas pu, entre autres des
comités de citoyens, ceux qui ont signé des pétitions,
ceux qui ont eu le courage de dire qu'ils ne voulaient pas de consultation
piégée d'avance mais qu'ils voulaient avoir des consultations
formelles. Je voudrais rendre hommage au député de Duplessis qui
a guidé notre équipe tout au cours de cette étude.
Maintenant, je voudrais laisser la parole au ministre pour que, bien
sûr, il tienne compte j'espère, dans sa réplique, des
remarques et des mises en garde que nous faisons. Il pourrait se contenter,
comme il fait d'habitude, ce cher ministre, d'essayer de rétorquer
violemment, de se gargariser et de se faire applaudir. Face à des
citoyens qui perdent leur ville et face également à cette
occasion que nous avions de garder la porte ouverte sur le Grand Nord,
j'aimerais mieux que le ministre soit modeste dans ses propos et qu'il nous
dise que concrètement on a avancé des propos dignes d'être
retenus. Mme la Présidente, merci.
La Vice-Présidente: M. le ministre des Affaires
municipales, en réplique.
M. André Bourbeau (réplique)
M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente, Nous arrivons donc
à la troisième lecture avant l'adoption, l'étape de
l'adoption du projet de loi 67, Loi concernant la ville de Schefferville.
En commençant, j'aimerais faire un certain rappel des faits pour
que tous ensemble nous puissions nous souvenir un peu de ce qui s'est
passé. On se souviendra qu'en 1982, la compagnie Iron Ore du Canada qui
exploitait à Schefferville depuis de nombreuses années une mine
de fer a décidé de fermer ses portes. Aux plus belles
années de la ville de Schefferville, il y avait à Schefferville
environ 3400 personnes dont la très grande majorité travaillait
à la mine d'Iron Ore.
Après la fermeture de l'Iron Ore, un grand nombre de gens ont
décidé de quitter la ville et de trouver une partie du pays
où les possibilités d'emploi étaient meilleures, de sorte
que la ville s'est petit à petit vidée de ses habitants.
Aujourd'hui, il reste à Schefferville environ 250 personnes, soit moins
d'un dixième de la population d'il y a cinq ans. (16 h 10)
Évidemment, il faut qu'on se rende compte que dans la ville de
Schefferville, il y a un logement sur douze qui est habité. Cela
crée un problème pour la municipalité. En tant que
ministre des Affaires municipales je ne peux pas ignorer ce problème. Ce
problème c'est que dans les rues de Schefferville, la plupart des
maisons et des logements sont inhabités. Par contre, la ville est tenue
de donner aux quelques habitants qui restent les services municipaux auxquels
ils ont droit. Comme il y a très peu d'habitants pour payer les comptes
de taxes, le problème qui se pose c'est que la ville de Schefferville ne
peut plus boucler son budget et fait appels en partie à la compagnie
Iron Ore et en partie au gouvernement du Québec pour des
subventions.
La valeur marchande des immeubles a baissé et cela se comprend
puisqu'il n'y a plus aucune demande pour des immeubles. Parce que 90 % des
immeubles sont inoccupés ou vacants, il n'y a personne qui veut acheter
des immeubles ou des maisons à Schefferville de sorte que la valeur des
immeubles a chuté d'une façon absolument spectaculaire. À
titre d'exemple, je vous signale que l'évaluation foncière de la
ville de Schefferville, qui était, il y a deux ou trois ans, de 37 951
000 $ - l'ensemble de la valeur des immeubles - est tombée à 3
000 558 $, soit un dixième de sa valeur originale. Forcément, la
municipalité voit ses revenus de taxes foncières
sévèrement diminués dans la même proportion.
La compagnie Iron Ore, quant à elle, qui était le grand
employeur de la municipalité, payait, il y a trois ans, 82 % du compte
de taxe de la municipalité. Cette année, elle en paiera 43 %
parce qu'elle a démoli plusieurs de ses immeubles et la compagnie nous a
avisés que d'ici à quelques semaines elle en démolirait le
reste afin évidemment d'éviter de payer des taxes sur ces
immeubles, de sorte qu'on peut estimer qu'à compter de l'an prochain la
compagnie Iron Ore ne paiera à peu près plus de taxes
foncières, ses terrains étant redevenus vacants.
Ce qui fait que la totalité du budget de la ville de
Schefferville revient en partie aux quelques habitants blancs qui y restent et
en partie au gouvernement, la compagnie Iron Ore ayant indiqué qu'elle
ne voulait plus payer de contributions ou de subventions à la
municipalité. On doit dire que la compagnie Iron Ore a été
un bon contribuable. Il y a deux ans, par exemple, elle s'était
engagée à payer 2 500 000 $ en acompte sur la dette de la
municipalité, qui était environ de 3 700 000 $. Elle a
payé 600 000 $ l'an dernier à titre de contribution. Cette
année,
elle verse le solde ou 1 900 000 $ en acompte sur la dette de la ville
de Schefferville. Après ces paiements de la compagnie Iron Ore, il
restera donc une dette nette légèrement supérieure
à 1 000 000 $. Si on doit maintenir la ville en vie pour le
bénéfice des quelque 250 Blancs qui restent, cela veut dire qu'il
va falloir continuer à maintenir un corps de police, qu'il va falloir
maintenir un service d'entretien des rues, des gens qui vont travailler
à la voirie, qui vont déblayer la neige l'hiver, qui vont
déneigner, qui vont faire marcher l'usine de filtration d'eau potable.
Il va falloir maintenir un hôtel de ville, une équipe de
fonctionnaires. Or tout cela coûte à peu près aux alentours
de 2 500 000 $ à 3 000 000 $ par année.
En plus de cela, il y a des ministères à Schefferville qui
donnent des services. Le ministère de l'Éducation a des
écoles, le ministère de la Santé et des Services sociaux a
un hôpital et des services. Comme la population a diminué de plus
de 90 % on est en droit de se demander si nous avons le droit d'utiliser les
fonds publics, l'argent de tous les Québécois pour maintenir
à Schefferville une poignée de gens, une petite quantité
d'individus qui en somme n'ont plus de travail. Voilà la raison pour
laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Nous nous sommes posé la question:
Que doit-on faire dans une situation comme celle-ci?
Il y a un précédent. Il y a un an environ, l'ancien
gouvernement du Parti québécois était confronté
à une situation semblable. Dans une ville qui s'appelait Gagnon, une
mine a également fermé. La mine c'est SIDBEC-Normines.
Essentiellement, tous les habitants de Gagnon travaillaient à la
mine SIDBEC-Normines. Qu'est-ce qu'a fait l'ancien gouvernement?
Premièrement, l'ancien gouvernement a fermé la mine de
SIDBEC-Normines, puisqu'il en était l'actionnaire. Le gouvernement du
Parti québécois a pris la décision de fermer la mine de
Gagnon. Deuxièmement, à la suite de cette fermeture, il en est
venu à la conclusion qu'on devait également fermer la ville. On
ferme la mine, conclusion: on ferme la ville. 3e pense que l'ancien
gouvernement a pris une bonne décision. C'était la seule chose
à faire, puisqu'il n'y avait plus de raison de maintenir dans une
région aussi éloignée une population qui n'avait plus de
travail.
Aujourd'hui, nous nous trouvons devant une situation semblable. La mine
est fermée, mais ce n'est pas nous qui l'avons fermée. C'est
l'Iron Ore, et encore, il y a quatre ans, en 1982. Quelles conclusions
devons-nous tirer? Mme la Présidente, je maintiens que les mêmes
causes, dans les mêmes circonstances, produisent les mêmes effets.
Si c'était bon, l'an dernier, de fermer la ville de Gagnon à la
suite de la fermeture de la mine, pourquoi aujourd'hui devrions-nous maintenir
ouverte la ville de Schefferville, alors que la mine est fermée depuis
quatre ans?
Je pense, Mme la Présidente, en toute logique, qu'on doit en
venir à la même conclusion. Pourquoi le Parti
québécois n'a-t-il pas fermé, avant aujourd'hui, la ville
de Schefferville? Pourtant, dès l'an dernier, il était saisi
d'une recommandation en ce sens et au ministère des Affaires
municipales, dont je suis le titulaire présentement, on opinait
également pour cette solution et on la recommandait. Mais il faut se
souvenir qu'à l'automne 1985 il y avait dans l'air, comme on le dit, une
élection provinciale. L'ancien gouvernement a traîné. Il ne
voulait pas fermer la ville de Schefferville à la veille des
élections, d'autant plus que ce gouvernement venait de fermer, quelques
mois auparavant, la ville de Gagnon. Or, fermer deux villes dans la même
année, c'était un peu trop pour le même gouvernement,
à la veille des élections. Voilà la raison pour laquelle
on a retardé et on a refilé, évidemment, le paquet au
gouvernement suivant, le gouvernement du Parti libéral.
Nous avons donc regardé le dossier à son mérite.
Nous avons étudié toutes les facettes du dossier. Nous avons
également pris en considération les problèmes humains.
Nous savons que des traumatismes seront créés par le fait que des
gens devront déménager. Il y a des gens qui sont nés
à Schefferville, qui y ont passé toute leur vie depuis une
trentaine d'années et qui devront quitter. Mais nous devons
également dire que nous avons été élus par la
population pour prendre des décisions, pour bien gérer les fonds
publics et c'est en mettant dans la balance les deux facettes du
problème, l'intérêt privé des citoyens de
Schefferville qui voudraient y demeurer et l'intérêt public qui
nous commande de bien gérer les fonds publics, que nous avons pris cette
décision.
On a fait un plat, de l'autre côté, du prétendu
manque de consultation du gouvernement. Je vous dis que rien n'est plus faux.
Rien n'est plus faux. Nous avons consulté autant qu'on peut consulter
une population de 250 personnes. Je dirais même que jamais un
gouvernement n'aura autant consulté, compte tenu du faible nombre de la
population de Schefferville.
Premièrement, on doit dire qu'il y a deux ou trois ans une
commission parlementaire composée de députés des deux
côtés de la Chambre, donc de députés de la partie
gouvernementale et de la partie de l'Opposition, a entendu ceux qui voulaient
se faire entendre. Je dirais même plus, c'est probablement la
première fois dans l'histoire du Parlement québécois, sauf
erreur, qu'une commission parlementaire se déplaçait et, au lieu
d'entendre des représentants ici même à
Québec, se rendait sur les lieux à Schefferville pour
s'informer de l'état de la situation. On a consulté la population
à ce moment-là sur l'état du dossier.
Sub-séquemment, Mme la Présidente, des fonctionnaires du
ministère des Affaires municipales ont eu de fréquentes
rencontres avec des représentants, tant du conseil municipal que des
citoyens.
J'ai fait état, lors du discours sur l'adoption de principe, ici
en cette Chambre, de ces nombreuses consultations et je n'ai pas l'intention de
reprendre toutes les dates, car j'ai donné les dates exactes auxquelles
les représentants du ministère ont rencontré des gens de
Schefferville. Qu'il me suffise de rappeler qu'il y a eu de nombreuses
rencontres entre de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires
municipales et l'ensemble du Conseil municipal de Schefferville. Non seulement
avec le maire, comme on l'a prétendu de l'autre côté, mais
avec tous les conseillers. (16 h 20)
Nous avons eu également des rencontres avec les citoyens - je me
souviens de la date - le 13 mai où mon sous-ministre associé
s'est rendu à Schefferville pour rencontrer les citoyens, pour les
informer. Nous avons également eu des rencontres avec les deux bandes
amérindiennes, les Naskapis et les Montagnais, avec les conseils de ces
bandes. Il y a eu des rencontres avec le gouvernement fédéral,
avec qui nous négocions encore certaines choses relativement à
l'avenir de Schefferville.
Il y a eu des rencontres avec la compagnie Iron Ore, le principal
contribuable de Schefferville, et ces rencontres ont eu pour effet que la
compagnie Iron Ore a fait des contributions substantielles pour le
remboursement de la dette de Schefferville et a permis d'aplanir beaucoup de
difficultés. Il y a également eu des rencontres ici même au
ministère des Affaires municipales, et j'ai personnellement reçu,
il y a deux ou trois mois, le maire de Schefferville qui est venu nous
rencontrer pour nous informer de l'état de la situation dans ce dossier.
Bref, quand on dit qu'il n'y a pas eu de consultation, vraiment, de l'autre
côté, pour employer une expression très connue, on
charrie.
Il y a eu également des rencontres avec des représentants
des pourvoyeurs. Le président de l'Association des pourvoyeurs a
été reçu, à mon bureau de Québec, par des
représentants de mon cabinet et par mon sous-ministre associé. Le
même individu a prétendu représenter le groupe de citoyens.
C'est difficile de savoir qui représente qui quand des citoyens viennent
nous rencontrer parce que, comme je le disais précédemment, quand
ces gens ne sont pas élus, on ne peut pas savoir qui est le
représentant dûment autorisé d'un groupe de citoyens, mais
nous avons reçu quelqu'un qui prétendait être le
représentant du groupe de citoyens. Bref, il y a eu beaucoup de
consultations, une large consultation, quoi qu'en pensent les
députés de l'Opposition.
Maintenant, puisque la décision est prise, quand le vin est
tiré, il faut le boire. La décision est prise et nous devrons
procéder. Est-ce que nous fermons la ville de Schefferville? La
réponse est non. Nous mettons fin à l'existence juridique de la
ville de Schefferville, mais il y aura toujours des gens qui vont continuer d'y
demeurer, et des services vont continuer d'y être rendus. Je m'explique.
Il y a, à Schefferville, deux bandes amérindiennes, une qui est
située immédiatement à la périphérie de la
ville et une autre à quelques kilomètres plus loin. Ces bandes
amérindiennes sont, si je puis dire, entretenues par les divers
gouvernements. Le gouvernement fédéral s'occupe des Montagnais et
le gouvernement québécois s'occupe des Naskapis en vertu de la
Convention du Nord-Est québécois. Afin de remplir les obligations
que nous avons à l'égard de ces gens, nous devons maintenir sur
place des gens, des Blancs qui veillent à ce que des services soient
rendus à ces populations amérindiennes, que ce soit des services
de dispensaire pour la santé, des services d'éducation ou
d'autres services que nous devons leur rendre.
Il y a également - on ne le dit pas assez - l'engagement du
gouvernement fédéral de maintenir l'aéroport ouvert.
L'aéroport de Schefferville sera maintenu ouvert en tout temps, ce qui
veut dire qu'on pourra toujours y accéder et que des gens devront
demeurer sur place pour effectuer les travaux d'entretien et de
réparation et pour veiller à ce que l'aéroport demeure
accessible en tout temps.
La compagnie Iron Ore s'est engagée à maintenir la ligne
de chemin de fer ouverte entre Sept-Îles et Schefferville. Il y a
également sur place l'équipement et les gens nécessaires
pour maintenir cette ligne de chemin de fer ouverte. Cela veut dire que des
gens demeureront à Schefferville en tout temps afin de s'assurer que ces
services sont rendus. La compagnie Iron Ore s'est également
engagée à maintenir ouvert le barrage qui produit
l'électricité pour la ville de Schefferville. Encore là,
des gens devront demeurer sur place. Ce seront des gens qui vivront là,
qui dormiront, qui mangeront et qui consommeront.
Bref, il y aura toujours des Blancs qui demeureront à
Schefferville. Ces gens feront en sorte qu'il y aura un minimum de commerce qui
va s'exercer à Schefferville. Quand nos pourvoyeurs, les gens qui
veulent chasser le caribou et pêcher voudront se rendre dans le Grand
Nord - on fait beaucoup état de la porte ouverte sur le Nord - ces gens
auront la porte ouverte sur le Nord. Je regrette de vous le dire,
messieurs de l'Opposition, mais la porte - en tant que
député de Laporte, je sais de quoi je parle - est ouverte sur le
Grand Nord et elle demeurera ouverte quoi que vous disiez et quelque
épouvantail que vous agitiez pour faire peur au monde.
Il y a une limite à faire de la démagogie et à
faire croire à des traumatismes qui n'existent pas. À
Schefferville, la porte demeure ouverte. L'aéroport sera là, la
ligne de chemin de fer aussi, nos pourvoyeurs pourront s'y rendre, pourront
atterrir s'ils viennent en avion. Plus que cela, s'ils viennent en hydravion,
il y aura également des facilités pour les recevoir. La ligne de
chemin de fer sera là, on pourra également les accueillir
lorsqu'ils se présenteront à la gare. Il y aura également
un approvisionnement en carburant pour ceux qui voudront s'en procurer. Il y
aura des denrées alimentaires pour ceux qui en voudront pour aller
pousser leur exploration un peu plus loin. Bref, l'objection qui a trait aux
pourvoyeurs ne tient absolument pas; elle est nulle et non avenue.
En ce qui concerne l'exploration de la fosse du Labrador, on nous a fait
tout un plat avec la fosse du Labrador. Là-dedans, il faut distinguer
deux choses, l'exploration minière et l'exploitation des mines. On ne
peut pas exploiter des mines, forcément, aussi longtemps qu'on n'a pas
trouvé du minerai. Or, jusqu'à ce jour, on n'a pas trouvé
et on continue à chercher. On n'a absolument pas besoin de maintenir une
ville complète avec ses rues, son usine de filtration, ses pompiers, ses
policiers pour permettre à des explorateurs d'aller dans la nature
explorer la fosse du Labrador. Cela a été clairement
établi en commission parlementaire alors que j'ai fait lecture à
quelques reprises de certaines lettres que nous avons obtenues des gens qui
sont des experts en la matière. Je voudrais citer cette lettre du
sous-ministre associé aux Mines du gouvernement du Québec, lettre
en date du 4 avril 1986 - ce n'est pas très vieux, vous en conviendrez.
Dans cette lettre, le sous-ministre nous dit et je cite: "Dans l'état
actuel des choses, je vous confirme donc que nous n'avons aucune assurance de
développement minier dans la région de Schefferville à
court ou à moyen terme." Est-ce assez clair? Aucune espérance ou
assurance de développement minier. Cela ne veut pas dire qu'on ne
continuera pas à explorer pour tenter de trouver dans la fosse du
Labrador des gisements miniers. Il y a des explorateurs qui vont continuer
à s'y promener. On dit qu'il y a un certain potentiel. J'espère
qu'un jour, on trouvera dans la fosse du Labrador des mines d'or, des mines
d'argent, de ce que vous voudrez, qui permettront possiblement,
éventuellement, l'exploitation de ces mines.
Je peux vous dire également que, lorsqu'on fait une
découverte minière, selon une autre lettre que nous avons ici, il
appert que cela prend au moins sept ou huit ans à partir du moment de la
découverte avant qu'on puisse commencer l'exploitation. Cela veut dire
qu'on a le temps d'y penser durant plusieurs années.
En ce qui concerne la question des pourvoyeurs, nous avons
également une lettre du sous-ministre associé du ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui nous dit également
qu'il n'y a pas de problème à l'égard des pourvoyeurs et
que ces gens-là pourront continuer à exercer leur sport sans que
le gouvernement du Québec ait à maintenir en vie ou ouverte la
totalité de la ville de Schefferville.
Bref, on a fait toutes sortes d'objections de l'autre côté
et ces objections ne résistent pas à l'analyse. Finalement, il
reste qu'il y a une urgence à procéder. En effet, Schefferville
est un territoire où, malheureusement ou heureusement, selon le cas, il
ne fait pas 85° Fahrenheit ou 30° Celsius à longueur
d'année. C'est un territoire nordique où l'hiver vient
très rapidement. En fait, comme je le disais en commission
parlementaire, lorsque j'ai travaillé à Schefferville il y a
quelques années, qui s'appelait à l'époque Knob-Lake... Le
député de Duplessis qui n'était peut-être pas au
monde à ce moment-là a peut-être entendu parler de Knob
Lake. À Knob-Lake ou à Schefferville, je peux vous dire que,
dès le mois d'août, on est susceptible d'avoir des tempêtes
de neige. Je me souviens très bien d'une tempête de neige, un 4
août, il y a de cela quelques printemps. Cela veut dire que si nous
n'agissons pas bientôt, l'hiver va venir et toute l'opération
devra être reportée à l'année suivante, avec les
coûts additionnels qu'un tel report occasionnerait pour le Trésor
public. (16 h 30)
À partir du moment où la décision est prise,
où elle est évidente, où elle est logique, pourquoi tarder
davantage? Pourquoi remettre à l'an prochain ce que nous pouvons faire
maintenant? Une étude faite au ministère indique que le report de
la décision de quelques mois pourrait coûter environ 3 500 000 $
au gouvernement. Je ne vois pas pourquoi nous serions justifiés de
reporter à l'an prochain cette décision alors qu'elle s'impose
à nous, qu'elle est claire, qu'elle est évidente.
Il y a aussi la façon dont nous allons traiter les
propriétaires et les locataires de Schefferville. Nous entendons
indemniser les propriétaires, les gens qui possèdent des maisons.
Nous allons faire des offres, tenter d'acquérir de gré à
gré l'ensemble des maisons qui appartiennent aux gens de Schefferville.
Nous allons également acheter les commerces, indemniser les
propriétaires de commerces, indemniser les locataires qui
vont déménager, de sorte que personne ne sera
lésé. Nous allons procéder essentiellement selon la
méthode utilisée par l'ancien gouvernement du Parti
québécois...
Une voix: C'est faux; C'est faux!
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bourbeau: ...lors de la fermeture de la ville de Gagnon.
M. Perron: C'est faux!
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît, à l'ordre! M. le ministre des Affaires municipales, vous
pouvez continuer.
M. Bourbeau: Je disais que nous allons procéder selon
exactement la même méthode que celle qui a été
employée par le gouvernement du Parti québécois lorsqu'il
a fermé la ville de Gagnon.
M. Perron: C'est encore faux! La Vice-Présidente:
À l'ordre! M. Perron: C'est encore faux! La
Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Lefebvre: Mme la Présidente, sur l'intervention du
député de Duplessis. Je comprends que vous demandiez aux
députés de garder l'ordre à l'Assemblée nationale
mais au moment où on peut identifier d'une façon claire celui qui
trouble l'ordre, j'aimerais bien que vous avertissiez personnellement le
député de Duplessis.
Mme la Présidente, je vous demanderais d'appliquer les
dispositions de l'article 35.
La Vice-Présidente: Pour ce qui est des dispositions de
l'article 35, M. le leader adjoint du gouvernement, j'aimerais bien vous
spécifier que cela concerne le député qui a la parole. Or,
le député de Duplessis n'a pas présentement la parole,
celle-ci étant reconnue au ministre des Affaires municipales. Mais tout
de même, M. le député de Duplessis, j'aimerais vous
rappeler un article qui dit bien que vous ne pouvez interrompre les
interventions d'un député ou d'un ministre. Là-dessus, M.
le ministre des Affaires municipales, vous pouvez continuer.
M. Bourbeau: Les gens qui demeurent à Schefferville et
qui, forcément, devront déménager se verront offrir pour
leur maison un prix qui représente au départ ce qu'on appelle la
valeur marchande. Nous allons faire en sorte de nous assurer - c'est le
critère, le principe que nous allons retenir, je l'ai dit en commission
parlementaire au député de Duplessis - que les gens qui vont
vendre leur propriété au gouvernement vont recevoir un prix qui
va leur permettre d'être dans l'état où ils se trouvaient,
mais ailleurs, c'est-à-dire que l'indemnité qui leur sera
payée va faire en sorte de remettre les gens dans l'état
où ils se trouvaient avant l'annonce de la fermeture de la ville. Cela
veut dire que quelqu'un qui possède un bungalow à Schefferville
pourrait normalement, avec l'indemnité qui lui sera versée, se
procurer une maison ailleurs, une maison semblable, dans le même
état où elle était, avec la dépréciation,
avec l'usure, dans un endroit semblable à l'endroit où elle
était précédemment. C'est bien évident qu'on ne
pourra pas offrir à des gens le prix d'une maison au centre-ville de
Montréal ou dans un quartier huppé de la ville de Québec.
Ce sera d'une valeur comparable. Je pense que c'est le critère
essentiel, je pense que c'est juste et équitable qu'il en soit
ainsi.
Maintenant, il y a une distinction fondamentale à faire entre une
maison occupée par son propriétaire, une maison qui est
louée et une maison qui est vacante. Je tiens à
répéter au député de Duplessis ce que j'ai dit
à plusieurs reprises. Nous allons porter une attention toute
spéciale à ceux qui auraient voulu faire de la
spéculation. Nous ne voulons pas conférer à des gens des
bénéfices auxquels ils n'ont pas légalement droit. Si des
gens ont tenté de faire des combines ou quelque autre malversation que
ce soit, j'ai déjà demandé à mes fonctionnaires de
faire enquête pour s'assurer que nous procédions de la
façon la plus prudente possible. Je ne peux pas non plus faire en sorte
que des gens soient spoliés. Si des gens ont des droits ils les feront
valoir. Nous tenterons de faire en sorte que tout se passe selon la plus
stricte légalité et selon la plus stricte équité
également.
Pour ce qui est des commerces, nous allons faire en sorte qu'ils soient
évalués selon les critères généralement
reconnus. Ces gens-là se verront également offrir les sommes
auxquelles ils ont droit.
En conclusion, Mme la Présidente, j'aimerais dire que ce n'est
pas de gaieté de coeur que le gouvernement a pris la décision de
mettre fin à l'existence juridique de la ville de Schefferville. Si les
Québécois ont élu un nouveau gouvernement, le 2
décembre dernier, c'est qu'ils voulaient du changement. Ils voulaient un
gouvernement qui soit capable de prendre des décisions et de mettre de
l'ordre dans l'administration de la chose publique. Ils voulaient un
gouvernement qui ne se permette pas de faire du gaspillage avec les fonds
publics, qui soit capable de prendre ses responsabilités même si
la décision peut être difficile et pénible à
l'égard de certains citoyens. Les citoyens nous ont également
demandé d'assainir les finances publiques et, enfin, de prendre des
décisions qui permettront, après avoir assaini les
finances publiques et l'économie, de relancer l'économie et de
créer des emplois spécialement pour les jeunes.
En mettant fin à l'existence juridique de la ville de
Schefferville, nous posons le seul geste vraiment responsable dans les
circonstances. Nous n'avons pas le droit de gaspiller les fonds publics et de
maintenir artificiellement en vie une ville qui a, à toutes fins utiles,
été frappée à mort en 1982 lors de la fermeture de
la mine de Schefferville. Nous démontrons que nous avons le courage
politique de prendre une décision difficile et de débrancher le
malade qui était maintenu en vie artificiellement. Je sais que la
décision n'est pas facile, n'est pas plaisante, elle est même
pénible pour certains individus, mais je sais également que nous
avons conscience de faire notre devoir de gouvernement, ce pourquoi nous avons
été élus le 2 décembre dernier. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Affaires
municipales. M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: En vertu de l'article 213, est-ce que le ministre
me permettrait une question? Sinon, j'utiliserai l'article 212, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le ministre des Affaires
municipales, est-ce que vous permettez au leader de l'Opposition de vous poser
une question?
M. Bourbeau: Oui, Mme la Présidente.
M. Chevrette: Ma question est la suivante: Est-ce que le ministre
peut affirmer de son siège que la procédure suivie dans le cas de
la fermeture de la ville de Gagnon est la même qu'il utilise dans le cas
de la ville de Schefferville? Je voudrais qu'il soit assez sérieux pour
le dire de son siège.
La Vice-Présidente: M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Bourbeau: Je présume que je possède le temps
nécessaire pour répondre en tout point à la question du
député.
La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le ministre des
Affaires municipales, je dois vous rappeler qu'en vertu de l'article 213 il est
bien spécifié que la question et la réponse doivent
être brèves.
Là-dessus, M. le ministre des Affaires municipales, vous pouvez
répondre.
M. Bourbeau: II est impossible de répondre avec autant de
brièveté que la question parce que la réponse demande des
nuances. Si le député veut écouter la réponse, je
vais la lui donner. Dans le cas de la fermeture de Gagnon, le gouvernement du
temps n'a pas eu besoin de faire adopter un projet de loi comme maintenant,
parce que tous les immeubles de la ville de Gagnon ont été
achetés par la mine, la compagnie SIDBEC-Normines, une filiale du
gouvernement qui a acheté toutes les propriétés et qui a
indemnisé les propriétaires.
Dans le cas présent, nous ne pouvons pas utiliser la compagnie
Iron Ore, parce que nous n'en sommes pas les actionnaires, c'est une compagnie
privée, d'où la raison de procéder par un projet de
loi.
Je peux dire au député cependant que nous
procéderons selon les mêmes normes qui ont été
employées lors de l'achat des propriétés de Gagnon. Les
fonctionnaires de mon ministère qui s'occupent du dossier sont les
mêmes, que vous connaissez bien d'ailleurs, qui ont travaillé sur
le dossier de Gagnon. Ils m'affirment que ce que nous faisons
présentement, c'est de suivre exactement la même méthode
qui a été employée lors de l'achat des
propriétés de Gagnon, achat qui a été
effectué, comme je l'ai dit, par SIDBEC-Normines. C'est la même
méthode que nous allons employer dans le cas présent. Je peux
dire au député que c'est l'explication qu'on m'a donnée,
et, personnellement, je suis convaincu qu'elle est exacte. (16 h 40)
M. Chevrette: Toujours en vertu de l'article 213, j'ai une autre
question parce qu'on veut clarifier. Je sais que cela doit être bref, et
c'est pour cela qu'on doit y aller en répétition.
La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le leader...
M. Lefebvre: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: L'article 213, c'est une question, une
réponse.
La Vice-Présidente: En vertu de l'article 213, M. le
leader...
M. Chevrette: En vertu de l'article 212, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: En vertu de l'article 212, M. le
leader du gouvernement...
M. Chevrette: J'ai parlé.
La Vice-Présidente: Oui, mais il faut que vous fassiez
immédiatement votre intervention après votre discours, ce qui n'a
pas été le cas.
M. Chevrette: Pardon?
La Vice-Présidente: En vertu de l'article 212...
M. Chevrette: Bien non. Voyons! Une voix: Après le
discours...
La Vice-Présidente: Si vous me le permettez. M. le leader
du gouvernement, si vous me le permettez. Il est bien spécifié
que tout député estimant que ses propos ont été mal
compris ou déformés peut donner de très brèves
explications sur le discours qu'il a prononcé.
M. Chevrette: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement.
M. Chevrette: Comment voulez-vous, Mme la Présidente, que
je sache que mes propos ont été mal interprétés
lorsque j'ai fini de parler sans que les autres les interprètent? Entre
vous et moi. Je vous pose la question très logique. Il faut bien que
j'attende que quelqu'un les ait interprétés pour venir à
bout de me servir de l'article 212 pour rectifier les propos qui ont
été mal interprétés par un autre. Vous comprendrez
que, sans vouloir charrier la présidence, j'aimerais que vous
révisiez votre décision là-dessus pour pouvoir
interpréter correctement l'article 212.
La Vice-Présidente: Effectivement, M. le leader...
M. Bourbeau: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Vice-Présidente: Sur une question de règlement,
M. le ministre des Affaires municipales.
M. Bourbeau: Sur la même question. Afin de tenter de
satisfaire l'Opposition parce que, Mme la Présidente, c'est ce que je
voudrais faire, j'aimerais dire au député... Cela fait quand
même plusieurs heures que nous discutons en cette Chambre, en
deuxième lecture et en troisième lecture, et nous avons
passé une vingtaine d'heures en commission parlementaire sur le sujet
où nous avons vraiment, je pense, touché tous les points. J'offre
au député de Joliette, s'il peut m'écouter, le
député de Joliette... Mme la Présidente, est-ce que vous
pourriez demander au député de Joliette de m'écouter parce
qu'il veut avoir une réponse à sa question?
La Vice-Présidente: M. le ministre, je n'ai pas compris
votre question. Je m'excuse. Je demanderais un peu de silence parce que j'ai eu
de la misère à comprendre le ministre des Affaires municipales.
Pourriez-vous répéter, M. le ministre?
M. Bourbeau: Par votre entremise, Mme la Présidente,
j'offre au député de Joliette et aux autres membres de
l'Opposition qui voudraient des renseignements additionnels après
environ 25 heures de débat, de les rencontrer dans l'antichambre
immédiatement, dans quelques secondes, et on pourrait poursuivre la
discussion aussi longtemps que vous voudrez.
M. Chevrette: Mme la Présidente, en vertu de l'article
212, vous me permettrez de vous rappeler que le ministre a très mal
interprété mes propos. Il ne s'agit pas de se cacher pour faire
une discussion...
M. Lefebvre: Mme la Présidente, sur la question de
règlement.
La Vice-Présidente: Un instant! M. Lefebvre:
L'article...
M. Chevrette: Je n'ai pas encore parlé. Cela me
serait...
La Vice-Présidente: Un instant, monsieur...
M. Chevrette: Cela me paraît prématuré,
madame, qu'on m'ait interprété.
La Vice-Présidente: Un instant, M. le leader adjoint du
gouvernement. J'entendais M. le leader de l'Opposition sur une question de
règlement. Si vous me le permettez, je vais entendre M. le leader de
l'Opposition sur sa question de règlement et, par la suite, M. le leader
adjoint du gouvernement, je vous reconnaîtrai sur une question de
règlement.
M. Lefebvre: ...Mme la Présidente... Une voix:
Assis, assis.
M. Lefebvre: ...il ne faut pas profiter du fait qu'on se
lève sur une question de règlement pour faire un discours.
Une voix: II faut au moins que vous attendiez de voir...
M. Lefebvre: J'aimerais, Mme la
Présidente, que vous invitiez le leader de l'Opposition à
s'en tenir à la question de règlement.
La Vice-Présidente: Là-dessus...
M. Chevrette: Mme la Présidente, je pense bien que c'est
à vous à faire cela et non pas au leader du gouvernement.
La Vice-Présidente: De toute façon, je suis...
Une voix: ...
La Vice-Présidente: Là-dessus, je peux vous dire
qu'effectivement tantôt je me suis fourvoyée dans mon
règlement. J'espère que cela ne se reproduira pas. Il est exact
que, lorsqu'un discours a été mal interprété, celui
qui a fait le discours peut intervenir à la suite de l'intervention qui
aurait provoqué une mauvaise interprétation. Donc, je
reconnaîtrai que le député de Joliette donne de
brèves explications sur son discours.
M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je vais me servir
précisément de l'article 212 pour démontrer que le
ministre des Affaires municipales a bien mal interprété mes
propos. D'abord, ce n'est pas de discuter dans l'antichambre que j'ai offert au
ministre. C'est d'agir en toute transparence pour les discours en cette
Chambre. Deuxièmement, Mme la Présidente, j'ai mis en garde le
ministre de s'en tenir à la véracité des faits. Quand je
lui ai posé la question en vertu de l'article 213, le ministre...
M. Bourbeau: Question de règlement...
Une voix: II est sur une question de règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le
ministre des Affaires municipales.
M. Bourbeau: L'article 212, l'article dont vous parlez et sur
lequel parle le député de Joliette stipule qu'à la fin
d'un discours, un député qui a parlé peut...
Une voix: Question de règlement.
M. Bourbeau: Je suis déjà sur une question de
règlement.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
La Vice-Présidente: Un instant!
Une voix: Question de règlement.
La Vice-Présidente: Un instant! Il n'y a pas...
Une voix: ...
La Vice-Présidente: Un instant! Il est bien
spécifié qu'en vertu d'un règlement, pendant que quelqu'un
fait un discours ou une intervention, quelqu'un peut se lever pour une question
de règlement, mais il n'est pas spécifié dans le
règlement qu'on peut se lever à l'intérieur d'une question
de règlement pour soulever une autre question de règlement. Donc,
j'ai bien spécifié que j'ai reconnu le ministre des Affaires
municipales sur une question de règlement. Par la suite, s'il y a une
autre question de règlement, M. le député de Terrebonne,
je vous entendrai. Pour l'instant, M. le ministre des Affaires municipales.
M. Bourbeau: Mme la Présidente, en vertu de nos
règlements, quand un député termine son discours et que
subséquemment quelqu'un interprète mal ses paroles je reconnais
qu'en vertu du règlement il peut se lever pour corriger ce qui a
été mal interprété de son discours. Mais ce que le
député de Joliette est en train de faire, ce n'est pas de faire
corriger la mauvaise interprétation de son discours, Mme la
Présidente.
M. Blais: Question de privilège, Mme la
Présidente.
M. Bourbeau: Et toujours en vertu de ma question de
règlement...
M. Blais: Question de privilège, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Terrebonne, comme je l'ai spécifié tantôt, il n'y a rien
dans le règlement qui me dise que je dois, à l'intérieur
d'une question de règlement, recevoir une autre question de
règlement. Je vais terminer la question de règlement et, par la
suite, je reconnaîtrai votre question de règlement.
M. Chevrette: En vertu de l'article 69...
Une voix: Question de règlement, Mme la
Présidente.
M. Chevrette: Non, non. Cela touche exactement votre
décision, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Aie! Un instant! Un instant! Un
instant! Pour ce qui est de la question de règlement, là-dessus,
M. le ministre des Affaires municipales, je comprends où vous en
êtes venu. Je vais rendre la décision sur votre question de
règlement, si vous me permettez.
Est-ce que vous pourriez conclure rapidement, M. le ministre des
Affaires municipales.
M. Bourbeau: Je vais conclure sur ma question de
règlement, Mme la Présidente.
M. Chevrette: En vertu de l'article 69, question de
règlement.
M. Bourbeau: Ce que je suis en train de dire, c'est que le
député de Joliette n'a pas le droit, en vertu de nos
règlements...
M. Chevrette: Mme la Présidente, question de
règlement en vertu de l'article 69.
M. Bourbeau: II n'a pas le droit, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Là-dessus, il faudrait
s'entendre. Je demande la collaboration de la Chambre. Vous comprendrez que
j'ai des questions de règlement qui se soulèvent ici et
là. C'est très difficile pour moi de vous reconnaître tous
en même temps. J'aimerais bien vous reconnaître l'un après
l'autre. J'ai pris note des questions de règlement. Il y a une question
de règlement du ministre des Affaires municipales. Là-dessus, je
vais me prononcer. Il y a une autre question du député de
Terrebonne qui s'est levé. Je suis prête à le
reconnaître. Par la suite, M. le leader de l'Opposition, je vous
reconnaîtrai. Vous comprendrez qu'il est très difficile pour moi
à ce stade-ci de me prononcer quand l'un après l'autre pose une
question de règlement.
M. Chevrette: Mme la Présidente, question de
règlement et de privilège et je vais expliquer pourquoi.
M. Bourbeau: Je n'ai pas terminé, Mme la
Présidente. Je n'ai pas terminé ma question de règlement
encore.
La Vice-Présidente: Pour l'instant, si vous me permettez,
je vais suspendre pour quelques instants, le temps qu'on se rencontre, qu'on
discute.
(Suspension à 16 h 48)
(Reprise à 17 heures)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît; Le débat étant clos, nous allons donc mettre aux
voix l'adoption du projet de loi 67, Loi concernant la ville de Schefferville.
Est-ce que ce projet de loi est adopté?
Des voix: Vote!
M. Chevrette: Vote enregistré. Après entente entre
les partis, le vote est reporté à demain.
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Je vous demanderais de reporter le vote à
demain.
La Vice-Présidente: Le vote est reporté à
demain aux affaires courantes. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Je vous demanderais maintenant d'appeler le projet
de loi 85 pour son adoption. Je vous informe qu'il y a une entente semblable
à celle qui était intervenue sur l'adoption du projet de loi 67,
à savoir que le temps de parole est divisé de la façon
suivante: une heure du côté de l'Opposition et 30 minutes
réservées à M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
Projet de loi 85 Adoption
La Vice-Présidente: Si vous me permettez, si j'ai bien
compris, M. le leader adjoint du gouvernement, vous voulez qu'on procède
à l'adoption du projet de loi 85, Loi sur la vente de la Raffinerie de
sucre du Québec. Je vais reconnaître le député de
Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi
85, Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec,
soulève, de notre côté, de nombreuses oppositions. La
première, la plus évidente à sa face même, c'est que
la loi porte un mauvais titre. Elle ne devrait pas s'intituler Loi sur la vente
de la Raffinerie de sucre du Québec, mais elle devrait s'intituler Loi
sur la liquidation de la Raffinerie de sucre du Québec. Bien entendu, la
liquidation suppose la fermeture de la raffinerie de sucre. Comme je vous le
disais, il y a plusieurs raisons qui nous animent, qui nous motivent à
nous opposer avec vigueur à ce projet de loi. La première qui
vient en tête de liste, et vous comprendrez pourquoi elle vient en
tête de liste, c'est que ce projet de loi n'est ni plus ni moins qu'un
reniement de la parole donnée.
Je vous rappelle qu'à l'occasion de la campagne
électorale, il y a six mois, le Parti libéral du Québec,
d'une façon très officielle dans sa publicité
électorale, s'était engagé dans mon comté, le
comté de Verchères, et dans la région de la
Montérégie, la rive sud de Montréal, à ce que la
Raffinerie de sucre du Québec reste ouverte, ne ferme pas ses portes
et
fonctionne douze mois par année. Le dépliant
électoral d'ailleurs disait textuellement: "Non, la Raffinerie de sucre
du Québec ne fermera pas, parole donnée, parce que le Parti
libéral du Québec est le parti de l'emploi, pas du chômage.
Parce que la raffinerie est un atout important pour la région et le
comté de Verchères, elle doit être en opération
douze mois par année."
Comment peut-on avoir dit cela pendant la campagne électorale aux
citoyens et aux citoyennes du comté de Verchères, à la
population de la région Richelieu-Yamaska, aux producteurs agricoles
concernés, aux travailleurs de l'entreprise concernée, aux
camionneurs qui, durant la saison d'automne vivaient de la Raffinerie de sucre
du Québec et, finalement, à l'ensemble des citoyens et citoyennes
du Québec? Cet engagement électoral était appuyé
d'une façon non équivoque par le premier ministre lui-même
et par tous les candidats du Parti libéral du Québec de la rive
sud de Montréal. C'est exactement ce que disait ce dépliant
électoral ainsi que les autres dépliants électoraux qu'on
a distribués, du côté libéral, à toutes les
portes du comté de Verchères et à bien des portes du
comté de Saint-Hyacinthe, entre autres, Mme la Présidente.
On a trompé l'électorat lors de la campagne
électorale et cette tromperie se concrétise par le projet de loi
85 aujourd'hui devant nous, projet de loi qui fait en sorte que le gouvernement
dévalue la parole politique qu'il avait donnée il y a à
peine six mois. Il dévalue, finalement, ce faisant, la parole politique
de toutes les femmes et de tous les hommes qui s'engagent dans ce métier
assez spécial qu'est la politique.
Quand, à peine quelques mois après une campagne
électorale, un gouvernement revient d'une façon aussi
contradictoire sur sa parole et sur le respect de ses engagements, il y a de
quoi être à la fois choqué, scandalisé et
outré. On a trompé l'électorat et on a aussi trompé
les premiers concernés. On a fait cela dans ce projet de loi 85, comme
on l'a fait d'une façon tout aussi cavalière dans d'autres
projets de loi que nous avons discutés au cours des derniers jours et
des dernières semaines. On a fait cela à l'égard de l'aide
sociale. On a fait cela à l'égard du dossier de la taxation. On a
fait cela à l'égard de toute une série de consultations
qu'on avait promis de faire durant la campagne électorale.
Mme la Présidente, tous ces engagements qui ont été
pris durant la campagne électorale ont été reniés.
On renie maintenant un engagement qui affecte l'emploi de 1500 personnes
engagées dans la raffinerie, dans la production de betteraves et dans
les emplois directs et indirects qui sont reliés à cette
industrie agro-alimentaire qu'est l'industrie du sucre de betterave du
Québec.
Je disais qu'on a également trompé les premiers
intéressés. En prenant l'engagement électoral qu'on a fait
et en ne le respectant pas, on a trompé ces premiers
intéressés. Mais on est allé plus loin dans la mesquinerie
politique et on est allé plus loin dans l'effronterie politique. On est
allé, par la suite, en janvier, février et mars, jusqu'à
laisser entendre aux producteurs agricoles qui approvisionnaient cette
industrie et cette usine de transformation de betteraves en sucre, en leur
disant: Écoutez, les jeux ne sont pas faits. On attend d'abord la
décision du gouvernement fédéral et, de toute
façon, si vous êtes intéressés, faites-nous une
offre.
Or, Mme la Présidente, ce qu'on a réussi à
démontrer durant ce débat, c'est qu'au moment où on tenait
ces propos aux producteurs agricoles, par exemple lorsqu'on les a
rencontrés pour la première fois le 3 janvier, lorsque le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et son
collègue, le ministre délégué à la
Privatisation, ont rencontré les producteurs agricoles le 3
février à Québec, rencontre qui a été
précédée d'une autre avec les députés de
Saint-Hyacinthe et de Verchères, entre autres, on avait
déjà pris une décision. On nous trompait, Mme la
Présidente, quand on était dans le bureau du ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et qu'on nous faisait
accroire que les jeux n'étaient pas faits.
Dans les faits - et cela n'a pas été contredit clairement
ni démenti - selon les informations qui avaient été
publiées dans le Richelieu agricole, un hebdomadaire
spécialisé dans le domaine agricole, dès le 10 janvier, le
gouvernement avait déjà conclu une entente avec la compagnie
Lantic. Comment qualifier une telle attitude d'un gouvernement qui, non
seulement renie ses engagements électoraux, mais pousse le reniement
jusqu'à laisser croire aux gens que les jeux ne sont pas faits et
à leur permettre de faire des propositions d'acquisition de la
raffinerie, alors que, de toute façon, une entente est
déjà établie avec un des géants du sucre, un des
membres du cartel sucrier au Québec et au Canada.
Voilà la situation et la première raison qui nous a
amenés, au cours des dernières semaines et des derniers mois,
à nous opposer avec véhémence à ce projet de loi.
On avait promis, par un engagement électoral, qu'il y aurait une
évaluation au mérite du dossier de la Raffinerie de sucre du
Québec, qu'il y aurait, en quelque sorte, un procès juste et
équitable d'un dossier controversé, d'un dossier sur lequel,
même sous l'administration précédente, on avait des
divisions. On ne les a pas cachées de ce côté-ci de la
Chambre, on n'a pas attendu que le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation ou le ministre
délégué à la Privatisation nous rappelle les
déclarations, les propos ou les documents qui avaient
été produits, par exemple, par le ministère des Finances
du Québec sous la direction de M. Parizeau et de M. Duhaime par la
suite, c'est nous-mêmes qui avons clairement indiqué, et nous
l'avons même fait avant la campagne électorale, qu'il y avait
effectivement un débat à l'intérieur de l'appareil
administratif du gouvernement quant à l'avenir de la Raffinerie de sucre
du Québec.
Il y a des gens qui prétendaient et qui prétendent
toujours qu'il n'y a pas d'avenir dans cette industrie et dans cette entreprise
d'État, alors que d'autres prétendaient et continuent de
prétendre qu'il y a un avenir et qu'il y avait un avenir. Nous avions
réussi - c'est nous, en faisant, d'une certaine façon, un
engagement électoral de faire une évaluation et de mettre sur
pied un comité de travail où toutes les parties concernées
siégeraient... À la suite de cet engagement pris par le premier
ministre Johnson, au mois de novembre, le Parti libéral du Québec
a surenchéri et a pris un engagement similaire. Cet engagement donnait
au moins une assurance à tout le monde de faire en sorte que ce dossier
soit évalué au mérite, qu'on étudie le pour et le
contre et qu'on le fasse publiquement avec l'ensemble des données, avec
l'ensemble des documents, avec l'ensemble des opinions des experts qui
s'opposaient et qui s'opposent toujours. (17 h 10)
C'était là l'engagement principal qui avait
été pris durant la campagne électorale, et les gens du
comté de Verchères et les gens de la région
Richelieu-Yamaska n'en demandaient pas plus à ce moment-là. Ils
savaient que la conjoncture était difficile, mais ils avaient cru aux
deux formations politiques qui leur promettaient essentiellement la même
chose en campagne électorale. Ils avaient cru qu'il y aurait
possibilité d'être entendus, de confronter les thèses.
C'est ce que nous avons tenté en vain de faire avec des moyens
limités, nous de l'Opposition, au cours des quelques jours que nous
avons consacrés à l'étude détaillée du
projet de loi.
On s'est désâmé pendant trois jours à
demander au gouvernement d'accepter, pour une fois, sur un projet
considéré important dans l'opinion publique,
considéré important par l'Opposition, par les commentateurs...
Parce que c'est le premier cas de privatisation du gouvernement, on pensait
être capable de convaincre le gouvernement qu'il y avait lieu de faire
des consultations. Quelle sorte de consultations voulait-on? On voulait
permettre d'entendre les gens principalement touchés, ceux qui perdaient
leur emploi par la décision du gouvernement, ceux qui avaient
préparé des documents contradictoires au ministère des
Finances et au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, ceux qui bénéficieront des décisions du
gouvernement actuel, ceux qui ont fait des études importantes et
complexes sur ce dossier au cours des dernières années: le
Syndicat des producteurs de betteraves, le front commun des gens de la
région pour la survie de la raffinerie de sucre, la compagnie Lantic -
on en reparlera tout à l'heure - la direction de la Raffinerie de sucre
du Québec, l'association des cadres, les employés à qui on
avait promis de les associer à cette réflexion, le directeur
fédéral des enquêtes sur les coalitions, la
Fédération nationale des associations de consommateurs, les
consultants spécialisés allemands et britanniques qui sont les
experts dans ce secteur. On nous a refusé chacune de ces demandes.
Aucune consultation n'a été permise par la majorité
ministérielle, aucune possibilité de discussion à fond.
Et, on est allé plus loin. On nous a refusé tout document
pertinent pour évaluer la décision que le gouvernement prendra
avec l'adoption de ce projet de loi.
Mme la Présidente, il faut que les gens qui suivent ce dossier et
les gens qui nous écoutent sachent qu'il n'y a que 20 articles. Ce sont
tous des articles techniques. L'essence du projet de loi qui s'intitule Loi sur
la vente de la Raffinerie de sucre du Québec, c'est que le gouvernement
veut se donner les moyens de vendre à une entreprise particulière
qui, elle, est déjà dans une situation de quasi-monopole. Le
gouvernement a annoncé le 10 mars dernier son intention de vendre
à cette entreprise qui est la compagnie Lantic, propriété
à près de 50 % de Steinberg que tous les Québécois
connaissent très bien. Devant cette situation, on demandait les
documents préparatoires, les évaluations que le gouvernement a
faites sur cette transaction, cette entente qu'il a conclue avec la compagnie
Lantic et qu'il va pouvoir concrétiser avec l'adoption de ce projet de
loi.
Qu'est-ce qu'on a eu comme document? Celui-ci, un document d'un
attaché politique, en fait d'un secrétaire associé au
développement économique de l'ancien gouvernement, une page et
demie, document que nous avions déjà. C'est tout ce que le
gouvernement, par la bouche de ses deux ministres, a accepté de
déposer en commission parlementaire alors qu'on nous avait promis, lors
du débat sur la motion de report, de faire toute la lumière et de
répondre à toutes nos questions et de nous fournir tous les
éléments d'information pertinents. Il a fallu que ce soit les
députés de l'Opposition qui déposent en commission
parlementaire les documents. Ces documents que vous voyez ici, il y en a deux
pouces d'épaisseur, des documents qui venaient du ministère des
Finances et du ministère de l'Agriculture ainsi que de la Raffinerie de
sucre du Québec, des documents que le gouvernement
a refusé de déposer et que nous avons
déposés à sa place.
Est-ce que c'est pensable que, dans une transaction de cette importance,
sur le premier dossier de privatisation, le premier trophée du ministre
délégué à la Privatisation, ce soit l'Opposition
qui se charge de rendre publics des documents pertinents qui permettraient aux
gens qui veulent se faire une opinion de faire une évaluation correcte
de ce dossier? Ce sont des thèses qui sont en présence. Et le
ministre de l'Agriculture et le ministre délégué à
la Privatisation auraient pu poursuivre et déposer le reste des
documents. Ce sont des analyses qu'eux ont faites. Par la suite, on aurait eu
suffisamment d'éléments d'information et d'évaluation pour
faire ce procès juste et équitable qu'on nous avait promis en
campagne électorale. Aucun document déposé, aucune
consultation acceptée par le gouvernement, aucune personne qui voit son
avenir perturbé, son emploi enterré n'a eu le droit d'être
entendue par ce gouvernement. Qu'est-ce qu'il faut faire pour que le
gouvernement libéral Bourassa, version II, daigne accepter
d'écouter les gens? Cela fait six mois qu'ils sont au pouvoir et il est
à peu près impossible, sur aucun projet de loi d'importance, de
les convaincre d'écouter les gens qui sont concernés,
affectés par leurs décisions.
Est-ce ce que les Québécois voulaient, le 2
décembre dernier, un gouvernement insensible, incapable d'écouter
les gens, incapable de donner suite à ses engagements électoraux
et incapable de permettre aux citoyens et citoyennes de se faire entendre avant
que les décisions finales interviennent, avant que le couperet
gouvernemental leur tombe dessus, que les emplois soient coupés, que
leur vie familiale soit perturbée? Ce ne sont pas la vie familiale et
les emplois des députés libéraux qui sont en cause, ce
sont les emplois de 1500 personnes qui vivent dans la région de
Richelieu-Yamaska et à qui on avait promis qu'il n'y avait pas de
danger.
Le premier ministre du Québec, au mois de novembre, en pleine
campagne électorale, en fait le 2 novembre, en présence du
ministre du Loisir, M. Picotte, à l'Institut de technologie agricole de
Saint-Hyacinthe, s'était engagé à faire en sorte que le
gouvernement du Québec maintienne l'exploitation de la Raffinerie de
sucre du Québec, à ce qu'il y ait culture de la betterave et
ensemencement des terres au printemps 1986, engagement qui avait
été fait devant témoins et qui s'ajoutait à ces
dépliants électoraux signés par les candidats
libéraux, en particulier celui de Verchères, et autorisés
par les agents officiels du Parti libéral du Québec.
Le gouvernement s'apprête à liquider une
société d'État qui existe depuis une quarantaine
d'années, et pourquoi faire? Sous le prétexte que cette
société n'est pas rentable. Depuis que le gouvernement a pris
cette décision, le marché du sucre a évolué, comme
on avait prédit au gouvernement qu'il évoluerait et comme
c'était indiqué dans les documents que nous avons
déposés, documents sur lesquels s'appuyait le projet de
rentabilisation qui avait été déposé par l'ancien
ministre de l'Agriculture.
Cette transaction va faire en sorte qu'une companie qui est
déjà, comme je l'ai indiqué tantôt, dans une
situation de quasi monopole gagne la partie, compagnie qui, depuis des
années, fait un lobby épouvantable pour que la Raffinerie de
sucre du Québec soit sacrifiée, entreprise qui, dès le
début des années soixante-dix, s'était liguée avec
d'autres entreprises dans le secteur sucrier pour convaincre le gouvernement
Bourassa, version I, de mettre fin à l'exploitation de la Raffinerie de
sucre du Québec. (17 h 20)
En 1973, M. Bourassa, qui était premier ministre à
l'époque, lorsqu'il y a eu des bris d'équipement, plutôt
que d'autoriser la raffinerie de sucre à réparer ses
équipements, ce qui lui aurait permis de concurrencer les raffineurs
privés de sucre brut importé, plutôt que d'accepter que ces
équipements soient réparés, on a cédé le
contrat de transformation du sucre fin et de l'emballage à la compagnie
Redpath et aux grands sucriers privés. C'est ce qu'on a fait en 1973.
Quand on est arrivé au pouvoir -l'ancien ministre de l'Agriculture, qui
me suivra, pourra en donner les détails - au mois de novembre 1976, il y
avait déjà une décision de l'ancien gouvernement
libéral de M. Bourassa de vendre et de liquider la Raffinerie de sucre
du Québec: la dette électorale qu'on s'apprêtait à
payer.
Depuis ce temps-là, comme le Parti québécois a pris
le pouvoir, il a décidé qu'il y avait une place au Québec
pour de la concurrence, qu'il devait y avoir, pour concurrencer les grands dans
le secteur du sucre importé, une industrie sucrière faite
à partir d'une matière première produite ici. À ce
moment-là, qu'est-ce que le gouvernement précédent a fait?
Il a décidé d'embarquer, de marcher et de rentabiliser cette
entreprise. Qu'est-ce qu'on a vu pendant ces années-là? On a vu
des lobbyistes se promener dans les couloirs du parlement. On a vu un certain
lobbyiste, qui a été présent durant la plupart des heures
qu'on a passées en commission parlementaire la semaine dernière,
nous regarder en silence, palabrer en commission parlementaire, lui qui,
pendant des années, avait payé des lunchs à un
député et à un autre pour essayer de les convaincre que
c'était une mauvaise affaire, la Raffinerie de sucre du Québec.
C'est ce qu'on a fait pendant des années, tenter de miner la
crédibilité de la Raffinerie de sucre du Québec,
tenter de miner la réputation de l'industrie du sucre de betterave au
Québec et au Canada, tenter de faire croire aux consommateurs que
c'était une mauvaise affaire pour eux, tenter de faire croire aux
contribuables du Québec qu'ils étaient perdants dans cette
activité agro-économique.
Le 10 mars dernier, le gouvernement nous a annoncé une entente
avec la compagnie Lantic. Une entente qui donnera quoi à cette
entreprise? Quels avantages le gouvernement consentira-t-il? Le gouvernement
permet à une entreprise de consolider sa position monopolistique, comme
si c'était la vocation sociale et économique du gouvernement du
Québec de créer un monopole. Et, en plus d'éliminer un
concurrent gênant, qui a obligé les grands du sucre à mener
une guerre des prix et à perdre 15 000 000 $ par année pendant
toutes ces années qu'a duré la guerre des prix, on lui permet, en
vendant cette entreprise, la Raffinerie de sucre du Québec, à la
compagnie Lantic d'encaisser dès la première année et ce,
sur une base annuelle, près de 20 000 000 $ de profits additionnels
à ceux qu'elle encaisse déjà, qui sont déjà
exorbitants, si on compare les marges de profit qui existent dans tout le
secteur économique agro-alimentaire.
Bénéfices additionnels, 20 000 000 $ par année de
plus. Qu'est-ce que cela coûtera à la compagnie Lantic? Dans les
documents que nous avons produits, que le ministre n'a pas été
capable de démolir, qu'il n'a pas été capable de
contredire: "Cela coûtera 50 000 000 $ officiellement", a dit le
gouvernement à la compagnie Lantic. Mais, dans les faits, c'est 40 000
000 $. D'abord, parce qu'il y a des inventaires et des comptes à
recevoir. Cela veut dire que c'est déjà une valeur de 10 000 000
$ et sur les 40 000 000 $, ce qu'il faut savoir, c'est que la compagnie Lantic
bénéficiera d'avantages fiscaux, pourra obtenir des
crédits d'impôt pour une valeur de 32 000 000 $ et, en valeurs
actualisées, cela nous donne une vingtaine de millions de dollars par
année; 40 000 000 $ moins 20 000 000 $, cela fait 20 000 000 $. C'est le
coût réel que la compagnie Lantic paiera mais, dans les faits,
comme cette entreprise, dès sa première année
d'acquisition de la raffinerie, encaissera 20 000 000 $, cela veut dire que le
gouvernement donne la raffinerie de sucre à la compagnie Lantic. Il lui
permet de se rembourser dès la première année. Et le
gouvernement prête les 40 000 000 $ à la compagnie Lantic.
Imaginez-vous! Il les prête sur dix ans. Qu'est-ce qu'on peut penser
d'une telle transaction? Le gouvernement donne une société
d'État à la compagnie Lantic et lui permet d'encaisser des
profits considérables, exorbitants.
Quand on sait, dans les documents que nous avons rendus publics et que
le gouvernement n'a pas voulu commenter d'aucune façon, qu'on retrouve
des analyses sur le comportement de ces entreprises, de cette entreprise en
particulier, et qu'on se rend compte que les marges de profit sont
passées, de 1980 à 1985, de 19 % à 128 %, Mme la
Présidente, on va donner pour une bouchée de pain, finalement,
une entreprise qui va encaisser annuellement, à partir de maintenant, 20
000 000 $ de profits additionnels, et on va donner cela à une entreprise
qui a déjà des marges de profit exorbitantes et qui a
exploité les consommateurs depuis ces dernières
années.
Mme la Présidente, on a fait croire pendant des années, et
les commentateurs financiers et économiques se sont laissés
avoir, que les consommateurs avaient été gagnants et seraient
gagnants encore plus dans cette opération. Quand on compare le prix du
sucre au Québec, au Canada, où c'est le marché du dumping
qui prévaut et qui joue en faveur des grands du sucre à celui des
États-Unis ou de la Erance, où il y a une politique de
régularisation des prix intérieurs, on se rend compte que, tout
compte fait, les consommateurs québécois et canadiens n'ont pas
été avantagés, alors qu'ils auraient dû
l'être. Quand, sur le marché du dumping, au cours des
dernières années, le prix du sucre s'est effondré, les
consommateurs n'ont pas vu la couleur de cet effondrement. Les avantages n'ont
été que dans les caisses de la compagnie Lantic et de Redpath.
C'est le gouvernement du Québec qui continue et qui va permettre que
s'amplifie cette opération d'exploitation des consommateurs du
Québec et du Canada. C'est quasiment pas croyable que ce soit le
gouvernement du Québec qui, tout en reniant sa parole donnée,
tout en reniant son engagement électoral, va mettre en place un
système économique, une situation économique d'affaires
qui va jouer au détriment des consommateurs, déjà que
cette situation a joué au cours des dernières années d'une
façon éhontée contre les consommateurs du
Québec.
On a fait fi des intérêts économiques de la
région: 1500 emplois directs et indirects, un chiffre d'affaires de 40
000 000 $, 20 000 000 $ d'achat de biens et services qui se faisait dans la
région Richelieu-Yamaska. Tout cela, ce n'était pas important, et
on a décidé de faire un cadeau à la compagnie Lantic,
compagnie qui, maintenant, va avoir à sa merci ses concurrents.
Imaginez-vous, Lantic est propriété à presque 50 % de
Steinberg. Or, la raffinerie de sucre qu'elle achète avait des contrats
d'exclusivité pour vendre du sucre aux concurrents de Steinberg,
c'est-à-dire Métro-Richelieu et Provigo. Là, le
gouvernement met Métro-Richelieu et
Provigo à la merci de Steinberg et il fait cela avec les taxes et
les impôts des contribuables, avec, finalement, le pouvoir exorbitant
qu'il a actuellement.
Mme la Présidente, on fait cela sans même avoir pris la
précaution de voir s'il n'y avait pas d'autres possibilités. Il y
a une entreprise qui s'appelle Rhône-Poulenc, une multinationale dans le
secteur pharmaceutique, qui avait fait des offres au gouvernement
précédent. Le dossier était ouvert au moment des
dernières élections. Cette entreprise était prête
à investir 50 000 000 $ à Saint-Hilaire pour construire une usine
de lysine, et elle avait besoin d'approvisionnement en sucre, cette entreprise
européenne. Cette industrie qu'on aurait créée au
Québec aurait amené 100 emplois nouveaux outre ceux qui
existaient déjà dans le secteur de l'industrie de sucre de
betterave. Et là, Mme la Présidente, on n'a pas voulu explorer
cette voie-là. On avait une dette électorale envers des amis qui,
depuis le début des années soixante-dix, appuient le Parti
libéral, les grands du sucre. On a fait cela, Mme la Présidente,
en prenant...
Maintenant, comme c'est la fin et comme je voulais garder ce document,
cela me sert à quoi de garder un document? Cela me sert à quoi de
garder la parole donnée du Parti libéral? C'était ce que
ça valait la parole du Parti libéral. Rien! On a pris la peine de
faire une promesse aux gens dans le comté de Verchères, mais cela
ne valait rien.
Je termine en disant: Le gouvernement, par le dossier de la raffinerie
de sucre, a entrepris son opération de privatisation, et il y a tout
lieu d'être inquiets quant à la façon dont il va poursuivre
cette opération. Aucune consultation, aucune étude de rendue
publique, aucun expert entendu publiquement en commission parlementaire, aucun
débat public sur une entreprise qui appartient aux
Québécois. Est-ce qu'on va faire la même chose pour tous
les autres dossiers de privatisation? C'est la question qu'on est en droit de
se poser à l'égard du dossier de la Raffinerie de sucre du
Québec et de la façon dont le gouvernement s'est comporté.
(17 h 30)
Mme la Présidente, je termine en vous disant une chose. Je
promets au député de Saint-Hyacinthe et à tous ses
collègues libéraux de la Montérégie une
saprée belle lutte électorale aux prochaines élections. Je
peux vous dire une chose, c'est que les électeurs du comté de
Verchères vont s'en souvenir longtemps.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Verchères. Avant de céder la parole au député de
Lévis, je constate qu'il y a effectivement consentement pour que nous
procédions à l'adoption du projet de loi 85.
Des voix: Consentement.
La Vice-Présidente: Consentement. M. le
député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, le projet de loi qui
s'intitule Loi sur la vente de la Raffinerie de sucre du Québec n'est
pas en fait un projet de loi pour faire la vente de la raffinerie mais pour la
fermer.
Je vous lis l'article 1 pour vous montrer à quel point c'est un
chèque en blanc que le gouvernement demande alors qu'il n'a pas
donné l'information nécessaire sur le contrat. Essentiellement,
il faut savoir que la Raffinerie de sucre du Québec appartient au public
québécois, appartient à tous les contribuables
québécois et, puisque c'est une entreprise publique qui a
été établie par la loi, elle appartient à tout le
monde au Québec.
Le gouvernement nous demande de la vendre. Il demande à
l'Assemblée nationale de l'autoriser à vendre cette raffinerie
mais sans qu'il sache exactement dans quelles conditions. Nous sommes dans la
situation de quelqu'un qui est en train de vendre un produit qui lui appartient
sans connaître le prix de la transaction et sans connaître toutes
les conditions de la transaction, sans voir le contrat, en donnant un
chèque en blanc au gouvernement ou à un agent qui va faire la
transaction au nom du propriétaire qui est le public
québécois mais sans savoir exactement ce que cela va lui
rapporter.
Il y a bien des bribes qu'on a sues. Ces bribes nous ont
inquiétés assez pour considérer qu'il est
d'intérêt public que l'entente signée entre le gouvernement
du Québec ou le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation et la compagnie de sucre Lantic, soit publique, soit
déposée.
Je reviendrai, je parlerai un peu plus longtemps par la suite des
conditions de la vente mais auparavant je voudrais lire l'article 1. Je
comprends que... Mme la Présidente, j'aimerais vous demander si vous
voulez rappeler un peu à l'ordre. Cela placote. J'aimerais que les
députés, comme c'est écrit dans le règlement,
s'assoient à leur siège.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît, je demanderais
la collaboration de la Chambre pour le meilleur décorum et le meilleur
déroulement des travaux. M. le député de Lévis,
vous pouvez continuer.
M. Garon: Mme la Présidente, j'aimerais que les
députés soient assis à leur siège. Cela
évitera des caucus. En vertu du règlement, chacun est
censé être assis à son siège en Chambre.
La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le
député de Lévis, je constate qu'également dans
votre formation politique, ce n'est pas tout le monde qui est assis à
son siège. Je suis bien prête à ramener à l'ordre,
mais que tout le monde des deux formations politiques soit assis à son
siège. S'il vous plaît, je demanderais aux députés
des deux formations politique d'aller à leur siège.
M. Charbonneau: Sur une question de règlement.
La Vice-Présidente: Quelle question de
règlement?
M. Charbonneau: Mme la Présidente, ce que le
député de Lévis vous a indiqué, c'est qu'il y a des
députés qui étaient debout et qui placotaient. Il n'a pas
parlé des députés qui étaient assis même si
ce n'était pas nécessairement leur siège. Il a
parlé des députés debout qui placotent et font du
bruit.
La Vice-Présidente: Bon. Écoutez, M. le
député de Verchères, il m'a demandé que les
députés regagnent leur siège. J'ai demandé que
chacun des députés regagne son siège. Là-dessus, M.
le député de Verchères, je tenais à vous aviser que
ce n'était pas une question de règlement. Le débat
étant clos, M. le député de Lévis, vous pouvez
continuer votre intervention.
M. Garon: Mme la Présidente, je ne vous ai pas
demandé de faire de la politique. J'ai demandé que les
députés regagnent leur siège. Je n'ai pas
spécifié les députés d'aucun parti. Il est normal
qu'il y ait un certain décorum dans cette Chambre et il n'existe pas,
Mme la Présidente.
Mme la Présidente, le projet de loi sur la vente de la Raffinerie
de sucre du Québec, à l'article 1, dit: "Le ministre des Finances
et autorisé à verser à la Raffinerie de sucre du
Québec un montant que le gouvernement détermine pour un nombre
équivalent d'actions entièrement acquittées de son capital
social. Ce montant est versé en un ou plusieurs versements et aux autres
conditions déterminées par le gouvernement. "Les sommes requises
pour l'application du présent article sont prises sur le fonds
consolidé du revenu."
Article 2: "La société délivre des certificats
d'actions au ministre des Finances en retour des paiements effectués en
vertu de l'article 1 au fur et à mesure de leur versement."
Article 3: "Le ministre des Finances peut, à la date et aux
conditions déterminées par le gouvernement, vendre les actions de
la Raffinerie de sucre du Québec."
À toutes fins utiles, c'est tout, puisque le reste c'est à
peu près l'abrogation d'articles. Ce qui veut dire que c'est un
chèque en blanc total où il n'y a aucune condition. On demande
à l'Assemblée nationale d'autoriser une vente pour fermer une
entreprise sans qu'on connaisse les conditions de la vente et sans qu'on voit
le protocole d'entente. Les parties qui ont été
énoncées par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation, jusqu'à maintenant, montrent au contraire qu'il y a
anguille sous roche. Exemple: On a dit, et le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation et le ministre
délégué à la Privatisation, le 10 mars dernier, que
la vente était faite pour 10 000 000 $ pour des actifs
réalisables à court terme, laissant entendre qu'il y avait 10 000
000 $ comptant, et 40 000 000 $ plus tard.
Quand on gratte un peu l'affaire, on se rend compte qu'il n'y a pas
d'argent comptant. Il n'y aura pas un sou comptant. Ce qu'on a dit le 10 mars
est complètement inexact. Il y a simplement une transaction qui va se
faire plus tard, après que le projet de loi aura été
adopté, mais alors que les 10 000 000 $ qui sont devenus 8 000 000 $
représentaient du sucre dans les entrepôts. Il a été
vendu et, actuellement, il n'y a plus de sucre dans les entrepôts. La
vente du sucre dans les entrepôts a rapporté 8 000 000 $.
Pourquoi embarquer la compagnie de sucre Lantic dans cette
opération alors que le sucre a été vendu, que la
Raffinerie de sucre du Québec est propriétaire et que Lantic n'a
rien à faire dans cette transaction? Pour faire croire aux gens qu'il y
avait un montant comptant de payé, alors qu'il n'y a pas de montant
comptant de payer, qu'il n'y a pas un cent comptant de payé.
Essentiellement, le gouvernement vend la raffinerie pour rien. Il la donne,
à toutes fins utiles. Il n'y a pas un sou de payé comptant pour
la raffinerie de sucre.
Deuxièmement, le gouvernement paiera 57 000 000 $, plus qu'il n'a
mis dans toute l'histoire du Québec en argent sonnant dans la raffinerie
de sucre. C'est 57 000 000 $ pour payer les engagements de la raffinerie,
c'est-à-dire les emprunts de la raffinerie. Ce qui fait que si le
gouvernement voulait vraiment créer des emplois, au lieu de faire faire
des profits à ses amis, aux fournisseurs pour des dizaines
d'années à sa caisse électorale, s'il versait 57 000 000 $
pour payer les emprunts de la raffinerie, la raffinerie serait dans une
position extraordinaire pour produire du sucre et faire des profits.
À ce moment, elle n'aurait plus de dette. Le gouvernement verse
57 000 000 $ pour payer tous les emprunts de la raffinerie. En plus, il va
prêter 40 000 000 $ à Lantic à bas taux
d'intérêt, qu'il ne veut même pas nous dire, remboursables
plus tard. Apparemment dans
une dizaine d'années. Cela fait une drôle de transaction.
Les 10 000 000 $ qui sont devenus 8 000 000 $, au fond, pour du sucre vendu,
donc, opération inutile juste pour jeter de la poudre aux yeux au monde
puisque le sucre est vendu actuellement, que la raffinerie n'est pas vendue et
que l'argent est entré dans les coffres de la raffinerie
sûrement.
Deuxièmement, 57 000 000 $ pour payer les emprunts de la
raffinerie. On sait que la raffinerie est une entreprise qui était
évaluée il y a deux ans à 135 000 000 $ comme valeur de
remplacement. Bâtir la même entreprise coûtait 135 000 000 $
il y a deux ans selon une évaluation d'une firme d'experts allemands,
et, en plus, jusqu'à maintenant Lantic n'a pas donné un sou. On
prête 40 000 000 $ à Lantic à bas taux
d'intérêt, en bas des prix du marché, pour qu'elle puisse
commencer à rembourser ses 40 000 000 $ plus tard. Avec ces 40 000 000 $
qui lui auraient rapporté des intérêts, qui auraient permis
son financement, la raffinerie aurait pu fonctionner pendant ce temps. Elle
aura eu un prêt de 40 000 000 $, à bas taux
d'intérêt, pour éventuellement acheter la raffinerie. Ce
qui veut dire que Lantic ne débourse pas un sou pour la raffinerie. (17
h 40)
Dans cinq ans, Lantic n'aura sûrement pas - je défie le
gouvernement de mettre le contrat sur la table - donné un sou pour la
raffinerie. Je vous dis que l'entente que le gouvernement a conclue avec
Lantic, est un scandale. On démontrera sûrement que le
gouvernement actuel a investi 57 000 000 $ dans la raffinerie pour la fermer.
C'est quelque chose! Alors qu'il dit que l'argent est rare, alors qu'il dit que
la situation financière est difficile, le gouvernement versera 57 000
000 $ pour fermer une usine. Après cela, il prêtera 40 000 000 $
à ses amis pour rembourser plus tard, à des taux
d'intérêt privilégiés. Certains ont dit que
c'était sans intérêt pendant un certain temps. On ne le
sait pas, on n'a pas vu le contrat. Mais des gens ont dit que le prêt de
40 000 000 $ serait sans intérêt pendant un certain temps.
En retour, sans verser un seul sou, la compagnie Lantic deviendra
propriétaire du contrat de la Raffinerie de sucre du Québec, en
vertu duquel Métro et Provigo devront acheter leur sucre de la
Raffinerie de sucre du Québec. Selon certains experts et selon ce qu'on
me disait il y a deux ans, ce contrat pourrait valoir environ 25 000 000 $. En
plus, elle aura le contingent d'exportation aux États-Unis, au prix du
marché américain, qui est un prix payant, un quota que les
raffineries s'arrachaient pour pouvoir vendre aux États-Unis. Elle aura
cela aussi, le quota, le contingent de la Raffinerie de sucre du Québec,
gratuitement. Elle pourra aussi sûrement vendre des équipements et
des pièces d'équipement qui sont là, ou les utiliser
elle-même pour sa raffinerie de Montréal, de Westcane en Ontario,
ou de St. John au Nouveau-Brunswick, gratuitement, sans faire aucun
paiement.
Et, on vient nous dire que c'est de la privatisation. Je dis que c'est
un scandale, un scandale financier dont, un jour, on connaîtra tous les
tenants et aboutissants. On verra à quel point la liquidation de la
Raffinerie de sucre du Québec a été une question de gros
sous, de gros intérêts et de constitution de monopole. C'est ce
qu'on verra.
Mme la Présidente, les raffineries de sucre dans le monde ont la
réputation de faire ce genre de transactions. Vous savez qu'au cours des
dernières années, Steinberg possédait la raffinerie
Cartier. Elle l'a fermée. Steinberg a décidé d'acheter le
principal actionnaire, et Lantic est devenue Steinberg. Par la suite, elle a
acheté Westcane en Ontario. Puis, elle a acheté Sucre
Saint-Laurent à Montréal. Elle exploitait, au départ,
à St. John au Nouveau-Brunswick. II y aura maintenant une entreprise:
Lantic, une entreprise à Toronto: Redpath, et ce sera cela, l'industrie
sucrière.
Quand on sait l'importance du sucre dans l'alimentation, le sucre est
presque aussi important que les céréales: Non pas le sucre que,
souvent, les gens peuvent penser qu'ils consomment quand ils sucrent leur
café ou qu'ils sucrent leur thé, mais, essentiellement, on
retrouve du sucre dans une foule de produits et beaucoup de gens ne savent pas
qu'il y a du sucre. C'est un aliment de base dans le secteur agro-alimentaire,
un des plus importants. Quand vous prenez du ketchup, ce n'est pas tout le
monde qui sait qu'il y a presque autant de sucre que de tomates dans le
ketchup; il y a beaucoup de sucre dans le ketchup. Quand vous mangez de la
crème glacée, il y a du lait, mais il y a des quantités
considérables de sucre, il y a presque autant de sucre que de produits
laitiers. Quand vous consommez une foule de produits, si vous regardez les
ingrédients sur l'étiquette, vous vous rendez compte que la
quantité de sucre est importante. Vous voyez qu'habituellement, il n'est
pas à la fin de la liste, mais au début de la liste. Souvent,
c'est le premier ingrédient, le deuxième ou le troisième,
mais c'est habituellement un des trois ou quatre premiers
ingrédients.
C'est là que le sucre est consommé en grande
quantité. Et créer une situation de monopole ou de quasi
monopole... On sait que les raffineries n'ont pas la réputation de se
faire une lutte féroce au Canada. C'est facile à voir, je suis
persuadé que les gens peuvent voir cela, c'est facile de comparer avec
les États-Unis, par exemple, où les Américains paient leur
sucre au détail à peu près le même prix qu'au
Canada, alors que
l'an dernier, les raffineries devaient payer leur sucre aux producteurs
jusqu'à dix fois plus cher. Alors que le sucre brut était vendu
0,028 $ au Canada, les raffineurs devaient payer entre 0,27 $ et 0,28 $ aux
États-Unis. Ces raffineurs américains qui payaient leur sucre dix
fois plus cher réussissaient à le vendre aux consommateurs
à peu près au même prix.
Je vous dis, M. le ministre de la Justice, préparez-vous à
avoir des demandes d'enquête au nom des consommateurs du Québec.
Préparez-vous à entendre parler jour et nuit de ce dossier
puisque, maintenant, le gouvernement du Québec aura versé
près de 100 000 000 $ pour créer un quasi-monopole sur le
territoire québécois. On aura versé 57 000 000 $ pour
payer tous les emprunts de la raffinerie et, en plus, on aura
prêté à l'acheteur, qui ne versera pas un sou comptant dans
cette transaction, 40 000 000 $ à des taux d'intérêt
privilégié, dont il commencera le remboursement dans une dizaine
d'années. 100 000 000 $ de l'argent des contribuables
québécois pour créer un monopole sur le territoire
québécois, à toutes fins utiles.
On me dit qu'il y a des substituts. Certainement, si les substituts ont
le même raisonnement que le gouvernement, ils vont fermer. Si on
considérait que la betterave ne rapportait pas d'argent au cours des
deux ou trois dernières années, on devrait voir les pertes qu'ont
subies les gens qui font du sucre à partir du maïs en Ontario. Il y
a eu des pertes considérables dans le maïs. Tout le monde
s'attendait qu'il y ait une politique sucrière fédérale
justement parce que les gens qui produisaient à partir du maïs en
Ontario perdaient beaucoup d'argent. Il y a eu des demandes faites au
gouvernement fédéral pour établir une politique
sucrière parce qu'une politique sucrière au Canada pourrait
réussir à créer des milliers d'emplois plutôt que
d'importer des produits qui peuvent être fabriqués ici.
Je comprends qu'au cours des dernières années - le
député de Verchères y a fait allusion - la presse ne s'est
pas beaucoup intéressée au dossier parce qu'il y avait des
lobbyistes à temps plein. Il y avait le Canadian Sugar Institute. Cela
paraît bien, cela a quasiment l'air d'une faculté
d'université, sauf que le Canadian Sugar Institute est payé
à 50 % par une compagnie de raffinage et l'autre 50 % par l'autre
compagnie de sorte que des lobbyistes anglophones à temps plein font le
travail auprès des gouvernements. À Québec, on avait un
autre lobbyiste qui portait son nom à lui mais qui faisait le lobby, lui
aussi, à temps plein. Pendant des années, les seuls chiffres qui
ont été véhiculés dans les médias ont
été des chiffres produits par les lobbyistes qui, eux,
étaient à temps plein. Comme le gouvernement n'a pas mis les
fonds pour défendre la raffinerie parce qu'on ne pouvait pas mettre des
lobbyistes à temps plein, les médias ont communiqué des
chiffres du quasi-monopole du sucre. C'est cela qui a été
véhiculé sauf qu'à partir de maintenant, le débat
va prendre une nouvelle tournure, parce qu'on sera face maintenant à un
quasi-monopole. (17 h 50)
Le débat, qui ne pouvait pas prendre cette tournure auparavant
parce qu'on avait toujours la garantie de la Raffinerie de sucre du
Québec qui forçait la compétition un peu, qui jouait un
rôle, ne sera plus là pour jouer ce rôle... Quand j'entends
le député, soi-disant conseiller économique du premier
ministre dire que cela a coûté cher, cela n'a pas
coûté si cher que cela, parce que j'ai mis les profits et les
pertes de la raffinerie depuis le début de son histoire. Entre 1943 et
1982, la raffinerie a fait 1 000 000 $ de profits de plus que de pertes. Elle a
produit 1 000 000 $ de profits en 40 ans de plus que de pertes. C'est
simplement qu'au cours des dernières années où il y a eu
des investissements considérables de 56 000 000 $ dans l'entreprise, le
gouvernement n'a pas mis un sou. Elle l'a fait à même ses surplus
alors qu'elle a été obligée d'emprunter à un taux
d'intérêt de 20 %, parce qu'une fois engagée sur la voie et
que les travaux furent effectués, le gouvernement lui a demandé
d'emprunter plutôt que de lui fournir du capital-actions, comme cela
arrive souvent.
Je vais vous dire une chose: les consommateurs, durant ce temps, pour
les déficits des trois dernières années... J'ai dit que de
1943 à 1982, il y avait eu un profit de 1 000 000 $ de plus que de
pertes, en 1982-1983, alors qu'elle a investi quelque 50 000 000 $ en
empruntant tout l'argent sur le marché à des taux entre 15 % et
20 %, elle a eu une perte de 2 894 000 $ en 1982-1983 et de 6 800 000 $ en
1983-1984. Je vous ferai remarquer que pendant ce temps, Zimaise, bâtie
en Ontario à peu près à la même époque,
faisait plus de 30 000 000 $ de pertes dans un an. Ce qui veut dire que la
raffinerie, pour jouer ce rôle important pour les consommateurs, n'a pas
eu les déficits fabuleux qui ont été mentionnés. On
a dit: Ahl Elle a pris des engagements pour 115 000 000 $. Trouvez-les, les
engagements pour 115 000 000 $. Je vous défie de mettre sur la table les
engagements de 115 000 000 $. Quand on dit que le gouvernement a
dépensé 115 000 000 $, c'est faux! Le gouvernement n'a jamais
dépensé 115 000 000 $. L'entreprise qui valait il y a deux ans
-valeur de remplacement - 135 000 000 $, aujourd'hui, avec l'inflation, doit
être évaluée autour de 150 000 000 $, avait des dettes qui
seront payées par le gouvernement actuel, pour 57 000 000 $. Une
entreprise
qui vaut 150 000 000 $ et qui a des dettes pour 57 000 000 $, qui a fait
deux ou trois déficits durant les dernières années alors
que pendant 40 ans elle a fait 1 000 000 $ de profits, même si les prix
sont bas actuellement - on est dans une période de bas prix -je pense
que c'est une entreprise qui joue un rôle important. Nos pseudo-experts
qui sont arrivés au pouvoir le 13 décembre ont demandé au
gouvernement fédéral imaginez-vous! - de bâtir une
politique immédiatement alors que chaque fois qu'on leur pose des
questions ils répondent: Cela ne fait que cinq ou six mois qu'on est au
pouvoir. Le 10 mars, ils exigeaient déjà du gouvernement qu'il
ait une politique en moins de quelques semaines. Deux poids, deux mesures.
Quand le gouvernement fédéral a annoncé sa
politique pour le mercredi, en conférence de presse, à
Québec, on s'est empressé, le 10, trois jours avant, de convoquer
une conférence de presse pour dire qu'on vendrait la raffinerie, qu'on
liquidait. Cela s'est fait le lundi, alors que le gouvernement
fédéral annonçait une politique sucrière, un
début de politique sucrière le mercredi.
Évidemment, les gens ont lu des articles provenant de personnes
qui n'ont pas, qui n'ont jamais fouillé le dossier. M. Dubuc a dit:
Quand on n'est pas sûr des chiffres, comme nous, il faut choisir
l'argumentation des Finances au lieu de celle du ministère de
l'Agriculture parce qu'elle a plus de chance d'être vraie. Je peux vous
dire que s'il fallait établir des bilans et des choix de cette
façon, je pense bien qu'il n'y aurait pas beaucoup de gouvernements qui
seraient considérés comme sérieux. Vous ne connaissez pas
un seul commentateur, pas un seul journaliste économique qui a fait une
analyse de ce dossier. C'est malheureux, je le déplore, je l'aurais
souhaité, mais il n'y a pas eu véritablement d'analyse
économique qui a été faite de ce dossier.
Il y a eu des éditorialistes qui ont improvisé dans le
cours d'une soirée un éditorial pour dire que la raffinerie, ce
n'était pas bon. Mais combien de personnes, dans un marché qui
est compliqué, dans un secteur complexe, ont véritablement
analysé ce dossier? Personne, même pas les gens du gouvernement.
Quant aux gens des Finances, les pseudo-experts qui ont parlé de ce
dossier, ils nous disaient que l'avenir était dans la canne alors que
tous les experts disent au contraire que l'avenir n'est pas dans la canne et
qu'on peut anticiper le jour où le niveau de vie augmentant, les pays
n'accepteront plus les conditions moyenâgeuses de travail ou l'esclavage
moderne, comme l'a dit le Tribunal antiesclavage de Londres. Si on
considère le type de travail qui se fait dans la canne à sucre,
les experts dans le monde disent qu'un jour on peut prévoir qu'il n'y
aura peut-être plus de production de canne à sucre parce qu'il n'y
a pas d'augmentation de productivité et que c'est de l'esclavage
moderne, la production de la canne à sucre. L'avenir, au contraire - on
le voit dans les pays dynamiques d'Europe ou aux États-Unis - est
principalement dans la betterave ou dans d'autres productions comme le
maïs.
Donc, dossier basé sur des prémisses fausses, reconnues
par tous les experts. On a également fait des analyses, on a
essayé de faire venir certains de ces experts devant la commission, ce
qui a été refusé par le gouvernement qui ne voulait pas
confronter ses données avec des gens qui sont des experts dans le sucre.
On a fait référence à plusieurs personnes, à
plusieurs groupes qui sont reconnus, qui sont les consultants professionnels
les plus haut cotés au monde. Le gouvernement n'était pas
intéressé, le parti au pouvoir n'était pas
intéressé, le ministre de l'Agriculture n'était pas
intéressé, le ministre délégué à la
Privatisation n'était pas intéressé. Sauf qu'il reste que
le gouvernement du Québec, qui dit que les finances de l'État
sont mauvaises, a trouvé 100 000 000 $ pour fermer une usine et faire
disparaître autour de 1500 emplois directs et indirects.
Si on considère les emplois sur la ferme, dans l'usine, dans les
voyages de camion, dans la distribution, dans l'emballage, dans toutes sortes
de sous-productions, selon les gens qui ont fait les documents, qui connaissent
le secteur au Québec, un grand nombre d'emplois vont disparaître
avec la fermeture de cette entreprise. Le gouvernement aura trouvé 100
000 000 $, 57 000 000 $ pour liquider les emprunts de la raffinerie et 40 000
000 $ pour prêter à son acheteur mais qui ne paiera pas.
Le ministre de l'Agriculture et le ministre délégué
à la Privatisation n'ont jamais voulu nous montrer les conditions de ces
40 000 000 $, comme si c'était une maladie honteuse. Pourtant, s'ils
étaient si fiers de cette privatisation, ils seraient les premiers
à montrer à quel point ils sont de bons vendeurs, de bons
courtiers, à quel point ils ont pu faire une bonne entente en montrant
les chiffres et en mettant le document sur la table.
Quant à nous, nous n'avons pas hésité à
rendre publics les documents. Je peux vous dire que pendant neuf ans, comme
ministre de l'Agriculture, j'ai eu à produire beaucoup de documents.
Ceux-ci peuvent être regardés, je n'ai pas honte des documents que
j'ai signés. Je n'ai pas honte non plus des décisions du
gouvernement. J'aimerais que le nouveau gouvernement, qui se prépare
à fermer une entreprise qui employait des centaines de personnes au
Québec directement et indirectement, soit assez courageux
pour mettre son contrat sur la table. Le public québécois
a le droit de voir à quel prix et dans quelles conditions on a vendu une
entreprise qui lui appartient.
Quand M. Lesage, ex-premier ministre du Québec, a
nationalisé Hydro-Québec en 1962, on a eu tous les chiffres sur
la table. Son ministre était M. René Lévesque et tous les
chiffres ont été sur la table, les documents ont
été sur la table. Le public savait de quoi il s'agissait. Il
savait entièrement quelle était la transaction, quel était
le prix payé et dans quelles conditions. Quand on vend ou qu'on liquide
une entreprise qu'on dénationalise - c'est le contraire de la
nationalisation, on fait l'inverse - les documents devraient être aussi
accessibles que quand René Lévesque les a rendus accessibles au
public en 1962, lorsqu'il a été question d'acheter les compagnies
d'électricité du Québec pour former HydroQuébec.
C'est cette même transparence que nous n'avons pu obtenir en commission
parlementaire. Nous n'avons pu obtenir aucun document.
Ce projet de loi sera une loi honteuse puisqu'on demande actuellement
à l'Assemblée nationale de voter une loi autorisant une vente qui
constitue un chèque en blanc pour fermer l'usine, créer un
quasi-monopole et faire en sorte qu'il y ait une seule entreprise qui raffine
du sucre sur le territoire québécois, mais qui a ses succursales
en Ontario et au Nouveau-Brunswick - avec tout ce que cela veut dire pour
l'avenir.
Mme la Présidente, en neuf ans, au Parlement, je n'ai jamais vu
une procédure aussi honteuse, aussi scandaleuse. Je vous dis que, dans
les semaines et les mois qui vont suivre, ce dossier va demeurer plus vivant
que jamais. Il va être connu plus que jamais, parce que des gens qui ne
sentaient pas la nécessité de le connaître, maintenant
qu'il y aura un quasi-monopole, vont suivre ce dossier a la trace et ils ne le
laisseront pas tant que toute la vérité n'aura pas
été connue dans ce dossier, afin de protéger les 6 500 000
consommateurs québécois. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lévis.
M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. (18 heures)
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, je constate qu'il est 18 heures et il me
faut le consentement de cette Chambre pour poursuivre les travaux.
M. Charbonneau: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Je voulais demander au leader... Je
n'étais pas partie aux ententes. Je sais qu'il y a une entente sur la
répartition de l'enveloppe de temps totale, mais quant à savoir
si on doit dépasser le temps, je l'ignore.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, il y a un
consentement pour une réplique d'un maximum de 20 minutes.
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, en réplique.
M. Michel Pagé (réplique)
M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Nous en sommes
au dernier volet parlementaire du débat sur le projet de loi que j'ai
déposé à l'Assemblée nationale, au nom du
gouvernement, au nom de l'équipe ministérielle, au sujet de la
vente des actions de la Raffinerie de sucre du Québec annoncée le
10 mars dernier.
Plusieurs interventions ont eu lieu en cette Chambre, des questions ont
été soulevées, des déclarations ont
été faites par plusieurs députés et notamment les
députés de l'Opposition, particulièrement le
député de Verchères que j'ai écouté avec
beaucoup d'attention et beaucoup d'intérêt.
Dans un premier temps, il a dénoncé, soulevé le
fait qu'il n'y avait pas eu de consultation comme il l'aurait souhaité.
Pour lui, c'est définitif que, dans ce dossier, il aurait
souhaité - et c'est explicable parce qu'il représente le
comté de Verchères - que tous les moyens soient utilisés
afin de déboucher sur une transaction non conclue. Il aurait
souhaité gagner du temps. Il a fait référence aux
engagements électoraux qui ont été formulés. Les
engagements électoraux que notre formation politique a formulés
en cours de campagne électorale, par la voix de nos candidats dans la
région, par la voix de notre candidat dans le comté de
Verchères, ont été respectés.
Nous nous étions engagés, comme parti politique,
immédiatement après notre mandat, après notre
élection, a voir le dossier de la Raffinerie de sucre du Québec.
C'est ce qu'on a fait à compter du 13 décembre, le lendemain de
la formation du cabinet. Nous nous étions engagés à mettre
une équipe sur pied. On s'était engagé à consulter
ceux et celles qui sont touchés. On s'était engagé
à rencontrer les députés. Qu'est-il arrivé?
À la lecture, à la face même du dossier produit, soumis
à mon bureau dès le 13 décembre,
j'ai été à même de constater en janvier qu'on
se dirigeait, si la raffinerie demeurait ouverte en 1986-1987, et ce, en
l'absence d'une politique sucrière, qu'on se dirigeait encore pour la
prochaine année vers un déficit d'exploitation d'environ 12 000
000 $ et une participation indirecte du gouvernement par le biais des
régimes d'assurance-stabilisation d'environ 3 000 000 $.
Nous avions donc un choix à faire où on pouvait, d'une
part, attendre et s'engager à y injecter 15 000 000 $ de plus ou
à convier les intéressés, à convier ceux qui s'y
étaient intéressés, ceux concernés au gouvernement
du Québec à un exercice de réflexion, à un exercice
d'analyse immédiat. C'est ce qui s'est fait par la formation d'un
comité interministériel où siégeaient la Raffinerie
de sucre du Québec, le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le ministère des
Finances et les députés de la majorité. Les
députés ont été consultés, les
députés ont été rencontrés. On a eu
l'occasion, j'ai eu l'occasion, comme ministre, de discuter avec eux. J'ai
même invité à mon bureau le député de
Verchères pour lui indiquer la problématique de la Raffinerie de
sucre du Québec, la problématique dans laquelle on se retrouvait
comme gouvernement, dans laquelle je me retrouvais comme ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ayant à formuler
des recommandations au Conseil des ministres.
Lors de cette rencontre avec l'honorable député de
Verchères, je lui ai clairement indiqué qu'en l'absence d'une
politique sucrière canadienne qui avait de la chair, une politique
sucrière canadienne qui aurait pu exiger des raffineurs du Canada qui
importent du sucre de canne de consommer la totalité du sucre de
betterave produit au Canada, ou encore, d'une politique sucrière
canadienne qui aurait établi un prix intérieur, un prix de
soutien, un prix minimal garanti ici... Cela aurait été tout
à fait différent. La lecture du dossier financier de la
raffinerie de sucre aurait été différente.
On a même rencontré les producteurs. J'ai même offert
aux producteurs, quand on leur a dit qu'on était vendeur, de nous
déposer une offre. Ils nous ont effectivement déposé une
offre. Ils ont eu accès à tous les documents, les producteurs,
ces 103 producteurs - ils étaient 103 à produire en 1985 - par la
voix de leurs représentants qui les ont défendus avec beaucoup de
détermination. Leurs représentants ont eu l'occasion de prendre
connaissance de l'ensemble du dossier, de toute notre documentation, de nos
analyses. Ils se sont forgé une opinion. Ils se sont montrés non
seulement intéressés, ils ont même déposé une
offre d'achat de la raffinerie de sucre dans la perspective de l'exploiter
à partir d'une alimentation en betterave à sucre.
La conclusion, cependant, de leur offre disait ceci: On va produire la
betterave raffinée à Saint-Hilaire, le sucre brut - car on ne
fait pas encore du sucre blanc - sera vendu à la société
Lantic. À la raffinerie, nous vendrons les contrats que la raffinerie a
avec Provigo, Métro-Richelieu, les grandes chaînes et, en
contrepartie, la société devra nous verser à nous,
producteurs et propriétaires de la raffinerie, 15 000 000 $ par
année pendant sept ans. Les producteurs eux-mêmes ont
été à même de constater qu'il fallait injecter 15
000 000 $ par année, pendant un minimum de sept ans, pour être
capables de rentabiliser et d'exploiter cette entreprise.
Je vois le député de Verchères qui nie cette
affirmation. Prenez l'offre des producteurs, elle est visible, elle est
là. L'avis d'exploitation de la raffinerie achetée par les
producteurs obligeait l'injection d'un minimum de 15 000 000 $ par année
et ce, chaque année pendant sept ans. On leur a demandé: Pourquoi
seulement sept ans? Ils ont dit: Après sept ans, on verra. Et,
après sept ans, on reviendra et on demandera à nouveau au
gouvernement de prendre position.
Mme la Présidente, tout cela pour vous dire qu'on s'est
convié à une analyse rigoureuse, approfondie, sérieuse et
réfléchie de ce dossier. On a insisté auprès du
gouvernement du Canada. J'ai rencontré M. Mayer, le ministre responsable
de ce dossier, à mon bureau, ici à Québec. Nous avons eu
l'occasion de discuter. C'était au mois de janvier. Le 30 janvier
dernier, lors de la conférence fédérale-provinciale des
ministres de l'Agriculture du Canada, j'ai indiqué, au nom du
gouvernement du Québec, le caractère urgent de l'obligation que
le gouvernement du Canada a et avait de doter notre pays d'une politique
sucrière canadienne pour rentabiliser la production et pour rentabiliser
des structures d'entreprises comme la Raffinerie de sucre du Québec. Le
gouvernement du Canada n'a pas voulu adopter sa politique sucrière.
Le député de Lévis nous disait tout à
l'heure que c'était trop leur demander. Depuis plusieurs mois que la
demande avait été formulée, non pas par moi, mais par mon
prédécesseur - le député de Lévis
lui-même l'avait demandé à la conférence
précédente, soit à la conférence
d'été des ministres de l'Agriculture, en 1985 - cette "politique
sucrière" - entre guillemets, parce qu'elle n'en est pas vraiment une -
a été retardée de semaine en semaine. (18 h 10)
Elle a été finalement rendue publique le 12 mars et si
nous n'avions pas annoncé le 10 mars, le lundi précédent,
mon collègue le ministre des Finances et moi, notre intention de vente
à la suite d'un protocole d'entente qu'on avait signé, jamais
la
politique sucrière n'aurait été
déposée. Certainement pas avant le mois de juin ou juillet. Dans
cette politique sucrière, il n'y avait aucune garantie de
rentabilité ou de pouvoir rentabiliser la raffinerie. Ce qu'on appelle
une politique sucrière à Ottawa n'était finalement qu'un
programme d'assurance-stabilisation tripartite et on avait déjà
un programme d'assurance-stabilisation qui était là pour
protéger les revenus des producteurs.
Il y a eu de la consultation. On a respecté notre engagement
électoral. On a fait notre "homework", comme on dit dans le langage
parlementaire. Le député de Verchères a
évoqué la commission parlementaire. J'ai été
très déçu, Mme la Présidente. Je croyais, la
semaine dernière, qu'on pouvait faire à un exercice d'analyse, un
exercice d'échange. Je souhaitais que cette commission parlementaire
nous place dans une situation d'une véritable dynamique d'échange
sur la rentabilité de la raffinerie. Mais nonl Les députés
de l'Opposition ont préféré user de moyens dilatoires,
présenter des motions l'une après l'autre, pour entendre les
producteurs avec lesquels, entre parenthèses, on a eu rarement
l'occasion de discuter, pour entendre un groupe après l'autre. Chaque
fois qu'une motion était présentée... Évidemment,
quand les députés de l'Opposition ne veulent pas adopter un
projet de loi ou ne veulent même pas discuter, ils présentent une
motion et chacun des députés intervient pendant 20 minutes. C'est
ce que les péquistes ont fait. Et le dernier qui intervient
présente un amendement et, alors, on recommence dans l'autre sens:
chacun parle pendant 20 minutes. Tout cela a duré trois jours. Quand,
lundi, les députés ont décidé de quitter, on ne
faisait qu'amorcer l'étude de l'article 1 après plusieurs
dizaines d'heures de débat. Le député de Lévis a
indiqué qu'on n'avait pas rendu public le protocole. Il devrait
comprendre, pour avoir été ministre pendant neuf ans, qu'il n'est
pas d'intérêt public de déposer un protocole d'entente qui
enclenche une transaction tant que la transaction n'est pas conclue.
Très rapidement - il me reste neuf ou dix minutes, Mme la
Présidente - je vous dirai que la vente de la Raffinerie de sucre du
Québec constitue la fin d'une hémorragie financière
importante qui a été coûteuse, qui a été
onéreuse pour le gouvernement du Québec, pour ces femmes et ces
hommes qui nous écoutent et qui paient des taxes et des impôts,
qui en paient beaucoup.
Mme la Présidente, le déficit accumulé était
de plus de 30 000 000 $. On se conviait, si on maintenait la raffinerie
ouverte, à un déficit additionnel de 12 000 000 $ au minimum,
comme je l'indiquais tout à l'heure. La Raffinerie de sucre du
Québec était techniquement en faillite depuis seize mois.
À chaque fin de mois, le ministre des Finances devait signer une lettre
de réconfort pour garantir les créanciers, notamment les banques
qui ont financé la raffinerie. On n'a pas eu de politique
sucrière.
Le député de Lévis s'est
référé aux engagements gouvernementaux. Globalement, c'est
115 000 000 $ qui ont été engagés dans la raffinerie. Il
aurait fallu et ce, en regard des chiffres de 1986, vendre le sucre 0,39 $ US
pour être capable d'arriver et ne pas perdre d'argent. Il était
vendu à un prix fluctuant entre 0,06 $ et 0,08 $ US. Essentiellement,
cela coûtait 0,42 $ pour produire du sucre et on le vendait 0,10 $.
L'Opposition, je le comprends et je le respecte, est attachée
à ce dossier parce qu'elle y a injecté beaucoup d'argent. C'est
vrai que la raffinerie était rentable en 1981. Il y avait d'ailleurs de
l'argent dans le fonds de réserve. C'est là que le
précédent gouvernement a décidé de se lancer dans
la commercialisation du sucre blanc. C'est là que le gouvernement a
décidé de se convier lui-même et d'enclencher un plan de
modernisation et d'agrandissement par l'achat d'équipement. Force nous
est de constater que c'est à partir de ce moment-là que des
sommes aussi importantes ont été engagées et qu'on s'est
retrouvé dans l'obligation de poser le geste qu'on pose aujourd'hui.
Le député de Lévis a vanté les
mérites de la production de sucre à partir de la betterave en
nous disant qu'il n'y avait pas d'avenir dans le sucre de canne. Je me rappelle
son discours en deuxième lecture. C'était inacceptable de
raffiner du sucre à partir du sucre brut produit à même la
canne, c'était exploiter, promouvoir l'esclavagisme, c'était
aberrant, disait-il.
Le plan de développement dernière phase, qu'il a
lui-même déposé au Conseil des ministres en 1985,
prévoyait... C'est pour ça que les députés
péquistes parlent avec tant de vigueur sur ce projet de loi, ils y
tenaient, ils y ont fondé des espoirs, le PQ a engagé des sommes
importantes dans ce dossier. En 1985, le ministre de l'Agriculture de
l'époque proposait qu'on aille encore plus loin, qu'on investisse 25 000
000 $, entre 25 000 000 $ et 30 000 000 $ de plus, sans compter les
déficits pour raffiner le sucre blanc. Ce projet ne résistait pas
à l'analyse, il n'y résiste pas plus aujourd'hui. C'est
d'ailleurs pourquoi il n'a pas été accepté par le Conseil
des ministres.
Le plan du PQ prévoyait, dans un premier temps, que la raffinerie
double ses ventes dans un marché qui est fermé, au Québec,
à 250 000 tonnes par année. La proposition prévoyait que
la production allait augmenter de 60 000 à 120 000 tonnes; on allait
prendre tout d'un coup non pas 25 % ou 30 % du marché, mais 50 % du
marché. Cela impliquait, entre parenthèses,
nécessairement, dans un marché qui est fermé en
termes de consommation à 250 000 tonnes, des pertes d'emplois ailleurs,
normalement.
Le plan du PQ s'appuyait aussi sur la disparition des escomptes; les
escomptes de 100 $ disparaissaient. C'était l'analyse des
prédécesseurs. On a bien pu avoir des déficits. Les
déficits ont bien pu monter de 500 % depuis que le Parti
québécois était là, entre 1976 et 1985, c'est le
genre d'analyse sur lequel il s'appuyait.
Troisième élément intéressant: la
rentabilité de la raffinerie de sucre du Québec située
à Saint-Hilaire, secteur où il se produisait du sucre à
partir de la betterave, la betterave sucrière. Sa rentabilité
s'appuyait sur une production additionnelle, mais provenant du sucre de canne.
C'est très clair dans le document déposé au Conseil des
ministres. On sait qu'en 1984-1985 il s'est produit 16 000 tonnes à
partir du sucre de canne acheté. L'ensemble de l'opération
prévoyait, entre autres, pour l'année 1986-1987, pour la
prochaine année, 27 600 tonnes produites à partir de la betterave
et 83 400 tonnes à partir de la canne. C'est le même
député qui, dans son discours de deuxième lecture, nous
disait que c'était profiter de l'esclavagisme.
Mme la Présidente, si acheter - je ne veux pas en faire un
débat - du sucre de canne c'est favoriser l'esclavagisme et le
promouvoir, le député de Lévis s'est associé
à des démarches en vertu desquelles les esclaves sont
exploités. Pas de suite dans le langage, entre le verbe et l'action.
Mme la Présidente, je vais aller rapidement parce qu'il ne me
reste que deux minutes. (18 h 20)
Une voix: Hein?
M. Pagé; Mme la Présidente, il me reste deux
minutes.
Des voix: Cinq.
M. Pagé: Mme la Présidente, le député
de Lévis a parlé d'une entente internationale qui aurait pu
être signée, parce que c'était la demande du Canada dans
l'énoncé de sa politique sucrière. Il y a eu une entente
internationale signée en 1977. Elle n'est pas respectée. La
Communauté économique européenne n'y a pas souscrit. Face
à l'absence d'une politique sucrière canadienne, face à
l'obligation d'injecter des sommes aussi importantes, le gouvernement a pris la
meilleure des décisions. On ne pouvait pas maintenir le statu quo. Le
plan de rentabilisation sur la table du Conseil des ministres,
préparé par le prédécesseur, ne résistait
pas à l'analyse comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer tantôt. On
se devait donc d'agir. C'est une transaction qui est avantageuse.
L'hémorragie cesse avec l'adoption de ce projet de loi. On
récupère 50 000 000 $, comme produit de la vente.
Mme la Présidente, je peux donner l'assurance que, dans le
protocole d'entente, on s'est donné des dispositions nous permettant de
racheter l'équipement. Je dois vous dire que je vais travailler avec
beaucoup de détermination pour faire en sorte que cet immeuble puisse
revivre une fois que ce sera terminé.
Concernant les consommateurs, je termine là-dessus, les
députés ont longuement causé en disant que les
consommateurs allaient payer le prix. L'un a parlé de monopole. L'autre
de quasi-monopole. Il faut quand même constater que les raffineurs
américains vendent du sucre au Québec. Que Redpath sera encore
présent au Québec.
Mme la Présidente, je dis que les propos des
députés de l'Opposition ont été
exagérés, notamment lorsqu'ils ont parlé de 1500 emplois
perdus. Ce sont seulement 93 emplois dans l'usine et, quand on parle des 100
producteurs, les 103 producteurs ne perdront pas leur job. Ces gens travaillent
à d'autres productions et d'ailleurs, en plus d'un programme
d'indemnités, tous les efforts sont humainement faits pour continuer
à renforcer la production de ces producteurs dans d'autres secteurs,
afin de les aider. Nous sommes bien conscients que cette région
constitue une partie importante des grands jardins du Québec.
Mme la Présidente, je terminerai en vous disant que je remercie,
finalement, les députés qui ont participé à
l'étude de ce projet de loi et je salue cordialement les gens de
l'Opposition qui ne partagent pas notre opinion, compte tenu du gouffre
financier auquel ils nous avaient conviés comme
Québécois.
La Vice-Présidente: Le débat étant clos sur
l'adoption du projet de loi 85, est-ce que le projet de loi 85, Loi sur la
vente de la Raffinerie de sucre du Québec, est adopté?
M. Chevrette: Mme la Présidence, vote
enregistré.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais de
reporter le vote à demain.
La Vice-Présidente: Le vote va être reporté
à demain aux affaires courantes. M. le leader de l'Opposition.
Projet de loi 87 Adoption du principe
M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais à ce
stade-ci vous faire part d'une
entente qui a été conclue entre le gouvernement et
l'Opposition, impliquant tout d'abord le ministre de la Justice ainsi que notre
critique, le député de Taillon, en présence des deux
leaders, c'est-à-dire M. le député de Frontenac et
moi-même. Celle-ci va dans le sens que le ministre de la Justice accepte
de scinder le projet de loi qui portait sur la modification... A toutes fins
utiles, la décision du ministre était de fusionner la Commission
des droits de la personne avec le Comité de la protection de la
jeunesse. Le ministre vient de nous annoncer qu'il accepte de scinder ledit
projet de loi et que nécessairement, étant donné que ce
projet de loi est en discussion devant cette Chambre relativement à
l'adoption du principe, pour permettre d'y soustraire la partie relative au
Comité de la protection de la jeunesse, nous acceptons de clore la
discussion, d'adopter le principe ici en deuxième lecture pour permettre
précisément ce soir d'aller en commission et soustraire par voie
d'amendement tous les articles traitant du Comité de la protection de la
jeunesse. Le ministre dit s'engager à produire un autre projet de loi en
ce qui a trait au Comité de la protection de la jeunesse.
Mme la Présidente, il faudrait bien interpréter le vote
à ce stade-ci, en deuxième lecture. Nous accepterions de voter
immédiatement en deuxième lecture sur le principe pour permettre
de concrétiser cette entente dans le cadre des propos que je viens de
tenir.
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je confirme l'entente
à laquelle vient de faire référence le leader de
l'Opposition et, dans les circonstances, je vous demanderais d'appeler le
projet de loi 87.
La Vice-Présidente: II s'agit de l'adoption du principe du
projet de loi 87, si je comprends bien.
M. Lefebvre: L'adoption du principe, c'est cela.
La Vice-Présidente: Pourriez-vous me dire, M. le leader
adjoint du gouvernement, quel...
M. Lefebvre: L'intitulé du projet de loi, Mme la
Présidente...
La Vice-Présidente: Oui.
M. Lefebvre: ...je m'excuse...
La Vice-Présidente: Oui.
M. Lefebvre: C'est la loi concernant certains organismes relevant
du ministre de la Justice. C'est le libellé de la loi.
Une voix: ...
La Vice-Présidente: Oui. Est-ce que le principe du projet
de loi 87, Loi concernant certains organismes relevant du ministre de la
Justice, est adopté?
Une voix: Sur division, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Adopté sur division. M.
Lefebvre: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
M. Lefebvre: Vous me permettrez de faire motion pour
déférer le projet de loi 87 à la commission des
institutions dès ce soir après que l'étude des autres
projets de loi présentement déférés à la
commission sera terminée.
La Vice-Présidente: Cette motion est-elle
adoptée?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. Compte tenu du
délai...
M. Lefebvre: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Lefebvre: Je m'excuse, M. la Présidente, j'ai un avis
à donner: J'avise cette Assemblée que ce soir de 20 heures
à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la
commission de l'économie et du travail procédera dans un premier
temps à l'étude détaillée du projet de loi 35, Loi
modifiant la Loi sur la Société de développement
industriel du Québec et dans un deuxième temps, de consentement
avec l'Opposition, la même commission entendra les
intéressés et procédera à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
212, soit la Loi modifiant la Loi refondant la charte de la
Société coopérative fédérée des
agriculteurs de la province de Québec.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du
gouvernement. Est-ce que vous avez d'autres avis à faire de part et
d'autre? Non? Nous allons donc suspendre les
travaux jusqu'à ce soir 20 heures. (Suspension de la
séance à 18 h 27)
(Reprise à 20 h 5)
La Vice-Présidente: Veuillez vous asseoir. Nous allons
reprendre les travaux de la Chambre.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais vous
demander d'appeler le projet de loi 58. Nous avons voté ce matin
l'adoption du rapport et je voudrais maintenant que vous appeliez le
débat sur son adoption.
Projet de loi 58 Adoption
La Vice-Présidente: Avant de commencer le débat sur
l'adoption, est-ce que j'ai le consentement pour que nous puissions maintenant
débattre de l'adoption du projet de loi? En vertu de l'article 230, vous
savez qu'on ne peut débattre la même journée de deux
étapes du projet. Est-ce que j'ai le consentement?
M. Gratton: Consentement, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Consentement. Nous allons maintenant
débattre de l'adoption du projet de loi 58, Loi sur
l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants,
qui avait été présenté par le ministre de
l'Éducation. M. le ministre de l'Éducation.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Mme la Présidente, nous voici rendus à
l'étape finale de la longue démarche que nous avons
commencée le 15 mai dernier avec le dépôt du projet de loi
et que nous devons compléter maintenant avec ce dernier débat
avant l'adoption définitive du projet de loi par la Chambre.
Pour les enfants concernés qui sont l'objet central de notre
attention, l'adoption du projet de loi sera un immense soulagement. Elle leur
ouvrira la porte vers le traitement égal auquel ils ont droit dans notre
système d'enseignement. Elle ouvrira la porte à la
régularisation d'une situation de fait qui eût été
destinée à continuer de toute manière si le gouvernement
n'avait pas décidé de prendre la situation en main et de
rétablir, dans ce secteur comme dans tous les autres secteurs de notre
société, cette normalité dans la légalité,
qui est la loi même d'existence d'une société
démocratique et civilisée.
Au terme de ce débat, je ne veux pas rouvrir les querelles qui
ont pu nous opposer à diverses stades de nos échanges de vues, je
ne veux pas non plus reprendre les longs exposés qu'il nous a
été donné de faire, de part et d'autre de la Chambre,
à l'appui de nos thèses respectives. Je voudrais plus simplement
signaler en quoi la démarche que nous couronnerons par l'adoption du
projet de loi était profondément justifiée. Je voudrais
signaler, en deuxième lieu, en quoi la solution que le projet de loi 58
apporte au problème des élèves illégaux est la
meilleure qui se pouvait concevoir dans les circonstances.
Tout d'abord nous étions devant une situation sur laquelle il
fallait agir. Le problème de la présence d'un certain nombre
d'élèves qui fréquentent de manière illégale
l'école anglaise, surtout dans la région de Montréal,
n'est pas un problème nouveau. Il a commencé à l'automne
de 1977. Il s'est perpétué année après année
depuis ce mois de septembre 1977 qui a marqué l'entrée en
scène de la loi 101. Ces élèves, depuis neuf ans, n'ont
été l'objet d'aucune reconnaissance de la part du gouvernement,
d'aucune certification des études pourtant très bonnes qu'ils ont
faites, d'aucune subvention gouvernementale. Ils sont passés à
travers le système uniquement par l'initiative et je dirais même
le dévouement. On peut penser qu'il s'est agi d'un dévouement mal
éclairé, mais on ne peut pas nier qu'il y ait eu beaucoup de
dévouement dans cette entreprise.
Ils ont reçu une éducation qui paraît être
d'excellente qualité. Le gouvernement précédent - je le
répète à dessin parce que hier soir j'ai entendu une
tentative de réplique à cet argument - s'est
révélé foncièrement impuissant pendant neuf ans. Je
sais que certaines démarches ont semblé être faites
à diverses étapes. Je me souviens aussi de choses qui ont
été dites pendant nos débats, en particulier de ce
souvenir que rapportait le député de Viau quand il a
mentionné que, pendant les premières semaines de l'existence du
problème, les personnes concernées se sont adressées
à 27 reprises différentes à l'autorité
gouvernementale pour demander d'être reçues, pour demander d'avoir
la chance d'expliquer leur point de vue, pour demander un dialogue avec
l'autorité légitime. Cela leur fut refusé parce qu'alors
il était bien porté de dire: Je ne m'approche pas de ces brebis
galeuses, de la part du gouvernement. Il ne fallait pas toucher à cela.
Il fallait les approcher avec une pôle. On les a gardés à
distance, on les a parqués, on les a installés dans cette
illégalité à laquelle il eût été
infiniment plus facile de mettre fin dès les débuts si la
volonté de le faire avait véritablement existé.
Après neuf ans, il était absolument
impensable que nous laissions la situation continuer de pourrir. Par
conséquent, il fallait agir. (20 h 10)
Deuxièmement, il fallait agir au plan politique. Pourquoi? Les
solutions policières avaient déjà été
exclues dès le début du processus. J'ai déjà dit
dans cette Chambre que je comprenais très bien l'ancien gouvernement de
n'avoir point voulu envoyer la police dans les écoles pour sortir de
force ces enfants. Par conséquent, il est encore beaucoup moins question
pour un gouvernement libéral de recourir aux méthodes
policières dans une telle situation.
Des solutions administratives auraient été hautement
souhaitables; j'en avais moi-même proposé plusieurs dans une
étude que j'ai faite en 1983. À mesure que le temps passait, les
solutions administratives devenaient de plus en plus difficiles, voire
impossibles. Et je veux signaler que le groupe de travail présidé
par Jean-Claude Rondeau a examiné très soigneusement toutes les
possibilités de solutions et il a dû conclure à regret que
le recours à des solutions administratives ne serait pas la voie
permettant de régler ce problème de manière rapide et
complète.
Ce qu'on a peut-être trop oublié jusqu'à maintenant
dans nos débats sur ce problème, c'est qu'en plus de comprendre
une dimension purement légale la situation à laquelle faisait
face le gouvernement comportait également une dimension politique. Les
parents de ces enfants les avaient parqués dans
l'illégalité, c'est un fait. Nous n'approuvons aucunement la
conduite qu'ils ont tenue, mais l'avaient-ils fait pour mal faire?
L'avaient-ils fait pour dévaliser leurs voisins? L'avaient-ils fait pour
causer du tort à qui que ce soit, pour s'emparer d'un bien qui ne leur
eût point appartenu? Pas à ma connaissance. Ils l'ont fait parce
qu'ils avaient des convictions politiques très fortement
installées qui n'étaient pas celles du gouvernement d'alors et
auxquelles ils ont cru devoir donner libre cours par le comportement qu'ils ont
choisi.
On peut être en désaccord avec eux, on peut les condamner,
les désapprouver, mais c'est parce qu'il y avait des motivations
politiques que leur résistance a pu durer aussi longtemps. S'ils avaient
été parqués dans une illégalité de type
ordinaire, il y a longtemps que l'autorité constituée, par tous
les moyens dont elle disposait, serait venue à bout du problème.
Si le problème a duré aussi longtemps, c'est parce qu'il y avait
une dimension politique que l'ancien gouvernement a toujours refusé de
voir parce qu'il était incapable de la comprendre. C'est une dimension
qui sortait complètement de sa manière de voir, de son univers de
perception hélas souvent très limité. Il s'est
montré absolument incapable de comprendre cette situation
profondément humaine dans laquelle ces personnes ont été
placées.
Vous aurez beau faire les discours que vous voudrez sur la
minorité anglophone, ce n'est pas elle, c'étaient des personnes
appartenant en très grande partie à des communautés
ethniques, à des foyers immigrants qui étaient venus ici - je
l'ai expliqué à plusieurs reprises en cette Chambre - qui sont
venus... D'abord, quand il sont venus du fond de la Lombardie ou de la
Grèce, est-ce qu'ils ont regardé la carte géographique et
fait un choix délibéré et complètement
éclairé en faveur du Québec? Voyons donc! Ils ont d'abord
pensé à l'Amérique du Nord. J'ai vécu en Italie
moi-même pendant une année dans une période où il y
avait un très fort mouvement d'immigration, vers les années
1951-1952, où la plus grande chose que des milliers d'Italiens pouvaient
souhaiter, c'était d'avoir la chance d'immigrer au Canada. Pensez-vous
qu'ils parlaient d'abord du Québec? C'était le Canada qui les
intéressait, c'était l'Amérique du Nord. Et, s'ils avaient
la chance d'aller au New Jersey, en Ontario, au Québec ou dans l'Ouest,
ils prenaient la chance qui se présentait en général. Cela
venait par des liens de famille. Ils avaient un cousin qui était
établi à Montréal, ils venaient s'établir à
Montréal. Ils avaient un oncle qui était établi à
Toronto, ils venaient s'établir à Toronto. Il y avait des liens
de famille dans tout ce monde. Ils avaient de la famille au New Jersey, ils en
avaient dans l'État de New York, dans la province d'Ontario, dans
l'Ouest. Un bon nombre d'entre eux sont venus au Québec, nous en sommes
très fiers, nous l'avons apprécié. Ils étaient
venus avec une perception qui était celle de l'époque à
laquelle ils sont venus. Devant les changements très importants,
très rapides qui sont survenus à la suite de certaines
pièces législatives adoptées sous l'ancien gouvernement,
ils ont eu un problème d'adaptation, un problème de transition
d'une période à une autre qui ne s'est pas effectuée sans
heurt.
S'il nous était resté seulement ce résidu, ce
reliquat auquel nous faisons face avec le problème des
"illégaux", je pense qu'en comparaison les immenses avantages que nous
avons tirés de ces changements effectués avec le consentement
général, en tout cas très fortement majoritaire des
Québécois, au cours des quinze dernières années,
cela aurait valu la peine d'entreprendre tous ces changements. Et le reliquat
fort mineur qui nous reste aujourd'hui, je pense que cela vaut la peine de le
régler dans un esprit de compréhension et d'humanité, et
non pas dans un esprit de revanche ou dans un esprit punitif. Cela, c'est le
contexte de fond. Ces enfants sont parqués dans des écoles
anglaises. La plupart d'entre eux y sont depuis déjà quatre,
cinq, six ou sept ans. J'ai établi bien clairement
en cette Chambre que les trois quarts d'entre eux ont maintenant
passé la cinquième année du cours
élémentaire. Il faut prendre une décision. Est-ce qu'on va
les transplanter dans une autre école maintenant qu'ils sont aussi
avancés là où ils sont? J'ajoute ceci: Dans les classes
inférieures du cours primaire, ceux qui sont là sont les
frères et soeurs de ceux qui y sont depuis quatre ou cinq ans ou plus.
Par conséquent, c'est un phénomène familial auquel, j'en
suis sûr, l'Opposition est loin d'être insensible; c'est cela qu'on
veut régler, c'est cela qu'on veut normaliser, régulariser. Il
fallait agir au plan politique, par conséquent, au plan
législatif. Il fallait qu'une volonté politique se manifeste et
la façon la plus classique pour une volonté politique de se
manifester, c'est par l'action législative. Il fallait agir maintenant.
Pour une raison que j'ai déjà évoquée, le
problème avait suffisamment pourri depuis neuf ans, mais pour une autre
raison aussi: Si le gouvernement actuel s'était endormi sur ce
problème sans agir tout de suite, nous savons tous qu'à mesure
qu'il eût avancé dans son mandat une action énergique lui
fût apparu beaucoup plus difficile. C'est pourquoi il fallait agir
maintenant.
Et il y a une troisième raison bien simple, il fallait penser
à l'année scolaire qui s'en vient au mois de septembre. Est-ce
que nous allions recommencer une autre année scolaire dans ce contexte
d'équivoque, d'hypocrisie sociale et légale,
d'ambiguïté dans lequel nous avons tous baigné depuis neuf
ans? Nous avons conclu qu'il ne le fallait point, nous avons conclu qu'il
fallait prendre le taureau par les cornes et régler le problème
à temps pour qu'il ne soit plus dans le paysage politique du
Québec à compter du mois de septembre prochain et c'est pourquoi
il fallait présenter à l'Assemblée nationale une loi qui
serait adoptée avant la fin de la présente session.
La démarche que nous voulons couronner par cette dernière
étape de notre débat n'est pas une démarche
improvisée; on voudrait bien, de l'autre côté de la
Chambre, laisser croire que c'est une démarche improvisée, on
sait très bien que c'est faux, on sait très bien que ce n'est pas
le cas, les faits sont là pour l'illustrer. On le sait très bien
et ceux qui ne le sauraient point n'ont qu'à se référer
aux journaux du temps. Le ministre actuel de l'Éducation s'est
intéressé à ce problème dès le jour
où il a surgi, au tout début de septembre 1977. Dès ce
moment-là, il pressait le gouvernement d'agir comme il n'a jamais
cessé de le faire pendant toutes les années qui ont suivi.
Ensuite, on se souvient très bien - et je ne veux pas insister
longtemps là-dessus -que lorsque je devins critique de l'Opposition en
matière d'éducation, à la fin de 1982, l'un de mes
premiers soucis, après avoir fait mon travail de base sur le projet de
réforme des structures scolaires qu'avait mis de l'avant l'ancien
gouvernement, fut de faire la lumière dans mon esprit au sujet du
problème des élèves illégaux. J'ai consacré
plusieurs semaines à une étude sérieuse du
problème, laquelle déboucha sur toute une série de
conclusions devant lesquelles l'ancien gouvernement demeura complètement
indifférent. (20 h 20)
II y eut ensuite le groupe de travail présidé par M.
Rondeau. On peut mettre en doute l'impartialité politique du
comité Rondeau pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la
qualité des personnes impliquées dans cet organisme, mais
personne ne peut mettre en doute la compétence de chacune des personnes
qui avaient été invitées à faire partie du
comité. Personne ne peut mettre en doute la compréhension que ces
personnes avaient de la situation sur laquelle elles furent invitées
à se pencher et je pense que personne qui soit sérieux et
impartial ne peut mettre en doute l'excellente qualité du rapport qui
fut fait dans un délai relativement rapide par le comité
Rondeau.
Je signale enfin que, s'il y avait eu quelque trace d'improvisation dans
la démarche gouvernementale, nous avons eu tout le temps
nécessaire depuis un mois pour éliminer les risques d'erreur. Le
projet de loi fut déposé dès le 15 mai. Nous l'avons
débattu à l'étape du principe dans un débat auquel
ont participé à peu près tous les députés de
l'Opposition. Nous l'avons débattu longuement en commission
parlementaire. Nous sommes revenus ici pour un débat également
substantiel au stade de la présentation du rapport de la commission.
Nous nous retrouvons de nouveau ce soir. Nous avons débattu du projet
à propos d'une motion spéciale du leader du gouvernement qui
mettait fin aux travaux de la commission. Cinq étapes pour un projet de
loi qui comporte douze articles! Je ne pense pas qu'on aurait pu tirer plus de
lumière des parlementaires qu'on ne l'a fait honnêtement à
travers ces étapes qui se sont étalées sur plus d'un
mois.
Maintenant, je voudrais montrer, Mme la Présidente, en quoi la
solution que présente le projet de loi 58 est la meilleure qu'on pouvait
trouver dans les circonstances. On a fait des gorges chaudes du
côté de l'Opposition. On a dit: Le ministre de l'Éducation
a trouvé la solution, sa solution; il n'y en a pas d'autre. C'est
parfaitement farfelu. Ce n'est pas ma solution. Je l'ai dit moi-même:
Lisez le rapport que j'ai produit sur ce sujet en 1983; vous verrez très
bien que j'avais proposé toute une série de mesures qui ne sont
pas celles qui sont présentées dans le projet de loi. Pourquoi en
sommes-nous venus là? C'est parce que le problème a
continué de pourrir pendant les
trois années qui ont suivi et, avant d'agir, ne voulant pas agir
sur la foi de ma seule inspiration, j'ai voulu m'entourer des conseils d'un
groupe de personnes compétentes. Ces personnes avaient commencé
leur travail avec un préjugé de départ qui était
justement de ne pas commencer par cette solution-là. Elles avaient
aligné une série de solutions possibles et celle que
véhicule, en gros, le projet de loi 58 est celle dont elles
s'approchaient avec le plus d'hésitation et de circonspection. Ils ont
voulu étudier toutes les autres solutions possibles avant. C'est eux qui
ont tiré la conclusion que, dans les circonstances, c'était la
seule façon de régler rapidement, justement, efficacement et
complètement le problème auquel nous faisions face. On peut bien
attaquer les personnes de l'autre côté, on peut bien dire: Hum!
Hum! Hum! Les gens sérieux n'écouteront pas cela. Les gens
sérieux feront le tour du jardin, comme nous le faisons
présentement, et tireront eux-mêmes leurs conclusions. Je n'ai
aucun doute sur le bon sens et l'esprit d'équité de nos
concitoyens lorsqu'ils sont en présence d'un dossier complet.
C'est là la vraie situation. Pourquoi la solution que
préconise le gouvernement est-elle la meilleure dans les circonstances?
Pour les raisons suivantes, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais la
résumer très brièvement. Elle tient dans trois
éléments très simples. D'un côté, nous
régularisons la situation de ces enfants. Au lieu de faire tout un
déménagement, toute une perturbation et tout un mouvement de
migrations interscolaires, nous disons: Vous les avez parqués dans ces
écoles depuix six, sept, huit, neuf ans; ils vont finir leurs
études là. Cela va finir là. Ils vont finir leurs
études là, ils vont être reconnus par le gouvernement et
cesseront d'être des "non-persons", une des expressions les plus
infamantes que j'aie jamais entendues dans cette Chambre. Ils vont cesser, ils
vont être des élèves réguliers, sur un pied
d'égalité comme les autres. Ils vont finir leurs études en
étant reconnus pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des
élèves, des enfants au même titre que les autres. C'est
bien simple.
Deuxièmement, à l'intention de ceux qui pourraient
être tentés de récidiver dans l'avenir, nous disons: Ne
recommencez point. Avant de brandir le spectre de sanctions éventuelles,
nous avons voulu instaurer un dialogue avec ces personnes et ces organismes.
Nous avons obtenu l'assurance, réitérée publiquement
à maintes reprises au cours des dernières semaines, que cette
situation ne se reproduirait plus.
Je lisais encore dans le journal, ce matin, un article où l'on
rendait compte de déclarations qui ont été faites hier
à Montréal. La conclusion de cet article qui a paru dans le
Devoir était une conclusion que l'on imputait, je pense, au
président de la Provincial Association of Catholic Teachers, dans
laquelle il disait en toutes lettres qu'ils étaient bien résolus
à ne pas recommencer dans le sens où ils ont agi depuis neuf
ans.
Je signale entre parenthèses - j'y reviendrai tantôt - que
M. Palumbo a donné des chiffres dans le Devoir de ce matin sur le nombre
d'enfants qui seront touchés par le projet de loi dans les trois
principales commissions scolaires concernées à Montréal,
c'est-à-dire la CECM, la commission scolaire Le Royer et la commission
scolaire Robert Baldwin. Tous ceux qui ont le moindrement d'impartialité
auront constaté qu'entre les chiffres donnés par M. Palumbo, ceux
que nous avons donnés en commission parlementaire et pendant le
débat sur le projet de loi 58 il y a une étroite correspondance.
Il y a peut-être une différence de 20 ou 30 unités. Les
chiffres sont ceux que nous vous avions donnés. Pas parce que nous
étions des phénix, mais parce que nous étions allés
les chercher aux vraies sources, parce que nous nous étions
renseignés de première main et que nous avions vu à nous
procurer des listes qui nous permettaient d'établir nous-mêmes une
estimation réaliste et sûre de la situation à laquelle nous
ferions face avec cette nouvelle loi.
Premier élément, nous régularisons la situation des
enfants illégaux. Deuxièmement, nous créons un climat de
compréhension, de dialogue et de concorde sous lequel les gens ne seront
plus tentés, parce qu'ils n'auront plus peur de l'avenir, de se lancer
dans des orientations comme celle qui a conduit à la situation des
élèves illégaux. Nous instituons en outre des sanctions
exemplaires qui devraient décourager toute personne sérieuse de
la tentation de se lancer de nouveau dans cette voie. Les sanctions que nous
instituons sont, d'une part, la disqualification pure et simple pour tout
commissaire d'école élu qui participerait à une entreprise
de violation de la loi 101 à l'avenir, en ce qui touche l'inscription
aux écoles anglaises et, deuxièmement, pour toute personne qui
est à l'emploi d'une commission scolaire. Cela comprend autant un
enseignant qu'un directeur d'école, qu'un cadre scolaire ou qu'un
directeur général de commission scolaire. Cette personne, si elle
est prise en défaut en ce qui touche l'observance de la loi 101 dans le
monde scolaire sera passible d'une suspension de six mois avec perte
complète de salaire pendant cette période, ce qui veut dire
qu'elle encourra une amende d'au moins 20 000 $, 25 000 $, 30 000 $ parce qu'on
connaît les salaires des cadres scolaires. Il n'y a pas beaucoup de
délits au Québec pour lesquels les personnes vont encourir des
peines aussi considérables surtout dans le domaine dont nous
discutons.
Vous n'avez qu'à voir ce qu'on a mis dans la loi 101 pour les
grandes entreprises
qui vont violer les règles législatives en matière
d'affichage. Comparez ces règles et ces sanctions à celles que
nous instituons dans le projet de loi 58, et je pense que vous conviendrez du
sérieux de notre démarche. En troisième lieu, nous
instituons une soupape de sûreté bien circonscrite, pas du tout
dangereuse, pour permettre de traiter avec humanité et
compréhension certains cas spéciaux présentant des
problèmes exceptionnels du point de vue familial ou humanitaire
d'enfants qui devraient être admis à l'école anglaise, mais
qui ne pourraient pas l'être en vertu du seul critère
défini dans l'article 73 de la loi 101. Ce mécanisme que nous
instituons est tellement bien balisé qu'il faudrait vraiment être
un agitateur d'épouvantail de corneilles pour penser qu'il
entraînera des conséquences dangereuses pour l'avenir de notre
collectivité. Le ministre ne pourra pas se saisir d'un dossier
lui-même. Il faudra qu'il en soit saisi par une commission d'appel qui
agit d'une manière complètement indépendante du ministre
et dont le mandat sera d'appliquer la loi comme elle est. Et, encore une fois,
je signale fortement, pour éviter toute distorsion de l'autre
côté de la Chambre, que nous ne modifions en rien les
critères fondamentaux de la loi 101 en ce qui touche l'admission
à l'école anglaise. (20 h 30)
Non seulement nous les conservons, mais nous avons dit formellement,
à plusieurs reprises pendant le débat, que nous entendons les
conserver. Cette soupape de sûreté était requise pour des
motifs de justice, de compréhension et de bon sens
élémentaire dans l'exercice du gouvernement. Je suis très
fier que nous ayons pu l'instituer parce que, déjà en 1983,
j'avais conclus, dans l'étude qu'il m'avait été
donné de faire à l'époque, à la
nécessité d'une soupape comme celle-là.
La solution que nous préconisons comprend, par conséquent,
ces trois volets très simples à comprendre, pas du tout
compliqués. En quoi est-elle la meilleure à laquelle on pouvait
penser dans les circonstances? Tout d'abord, disons que c'est une solution
juste pour les enfants concernés. Je pense que personne n'en doutera.
J'ai entendu de l'autre côté de la Chambre à plusieurs
reprises l'argument voulant qu'on donne une récompense à ces
enfants. Si on avait voulu leur donner une récompense, on les aurait
envoyés à l'école française. Je ne comprends pas
l'Opposition de penser que c'est une récompense d'aller a l'école
anglaise. Il me semble que la plus belle récompense qu'on puisse leur
donner, c'est d'aller à l'école française. Je me souviens,
moi-même, j'ai eu à faire le choix...
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ryan: Je pense que cet argument trahit un vieux complexe
profondément enraciné dont j'espère que l'Opposition
réussira à se libérer dans les meilleurs délais.
Nous n'avons point du tout ce complexe de ce côté-ci de la
Chambre. Je me souviens très bien, j'avais fait le débat avec ma
femme quand ces lois ont commencé à être introduites dans
nos Parlements. Je lui avais dit: Cela va nous obliger à envoyer nos
enfants à l'école française et nous nous étions
dit, tous les deux: Quel motif de fierté? Il n'y a aucune espèce
de punition là-dedans. C'est magnifique. Jamais il n'y a eu de
grommellement d'aucune sorte dans notre foyer pour des choses comme
celle-là. Je pense que tous les francophones qui se respectent ont
réagi de cette manière.
Aujourd'hui, vous savez comme moi qu'il y a de très nombreux
anglophones qui réagissent de la même manière. Je les
trouve très intelligents, ceux-là. Ils se disent: On vit dans une
société française. On va faire un beau cadeau à nos
enfants, on va les envoyer à l'école française. Ils ne les
punissent en aucune manière. J'espère qu'on n'a pas du tout cette
idée de l'autre côté de la Chambre.
Nous autres, nous disons que ces enfants ont été
placés dans une situation difficile. Nous ne portons pas de jugement
moral sur ceci ou cela. Nous disons: Ce qu'il y a de plus humain, ce qu'il y a
de plus réaliste, de plus équitable dans leur cas, c'est de les
laisser finir leurs études comme le gouvernement les a laissés
les commencer et les poursuivre pendant bien des années sous l'ancien
régime. Cela, c'est un premier point pour les enfants concernés.
C'est une solution juste parce qu'elle leur donne tous les avantages qui sont
accessibles aux autres enfants de leur âge.
Celui qui est à l'école, disons que c'est St. Patrick ou
St. Raphael à Montréal ou je ne sais pas, qui est en
cinquième année, il va cesser d'être un anonyme qui n'est
pas sur les listes officielles. Il va cesser d'être un enfant dont les
parents se demanderont: S'il quitte l'école dans deux ans ou dans trois
ans, qu'est-ce qui va lui rester comme certificat? Si jamais il y a un
gouvernement qui décide de procéder à la hache, qu'est-ce
qui va nous arriver? Ils vont pouvoir se présenter partout librement,
franchement, simplement. Ce n'est pas grand-chose, mais quand on ne l'a pas eu,
c'est beaucoup. On leur donne tout cela.
En plus, les éducateurs qui s'occupent de leur formation scolaire
pourront bénéficier des mêmes conditions que les autres.
Ces éducateurs, on peut en dire tout le mal qu'on voudra, ils se sont
quand même imposé des sacrifices considérables pour les
former pendant toutes ces années. Cela veut dire qu'ils ont
augmenté le ratio dans les classes, qu'ils ont augmenté la
tâche éducative consi-
dérablement parce que ces enfants n'étaient pas reconnus
pour les fins du calcul du ratio dans les classes. Ces enfants n'étaient
pas reconnus pour les fins du calcul du travail que l'éducateur devait
faire avec eux. Ils corrigeaient leurs devoirs, ce n'était pas
compté. Ils passaient des heures avec eux pour leur formation
personnelle, ce n'était pas compté non plus.
On ne porte pas de jugement encore une fois, mais on se dit qu'à
partir de maintenant ils vont être traités sur un pied
d'égalité. Quand ils vont sortir du cours primaire, surtout du
cours secondaire, ils auront un diplôme régulier en bonne et due
forme au sujet duquel ils n'auront aucuje espèce d'inquiétude
pour l'avenir. Et cette assurance qui leur viendra de la normalisation de leur
situation vaudra infiniment mieux que les assurances artificielles qu'ils
auraient pu tirer des ratiocinations que nous avons entendues de l'autre
côté de la Chambre. C'est le vieux proverbe: Mieux vaut un tiens
que deux tu l'auras. C'est ce qu'ils auront, un tiens. Ils auront quelque chose
de solide dans les mains comme tous les autres. Cela, c'est le premier point,
je pense que c'est un argument dont la clarté est tellement forte que je
m'étonne qu'il n'ait point encore frappé l'intelligence de nos
collègues d'en face.
Deuxièmement, c'est une solution qui n'enlève rien
à personne, une solution qui n'ajoute aucun effectif nouveau à
ceux qui sont présentement inscrits dans les écoles anglaises.
Ils sont déjà là. Par conséquent, nous ne modifions
en rien l'équilibre des inscriptions réelles. Quand on examinera
les statistiques, dans un an, il y aura 1000, 1200, 1300 - je ne sais pas, cela
va graviter autour de ces chiffres - élèves de plus du
côté des écoles anglaises. Cela va affecter
légèrement les pourcentages officiels du ministre de
l'Éducation. Dans le prochain rapport annuel, le pourcentage sera
quelque peu influencé, mais la réalité va demeurer
exactement la même. Vous savez comme moi que les chiffres traduisent la
réalité le mieux qu'ils peuvent et ils sont souvent à
côté de la réalité parce qu'il y a des aspects de la
réalité qui leur échappent. La réalité
véritable ne sera aucunement modifiée par ce qui s'est
passé, par ce qui va se passer. On n'enlève rien à
personne. Ils sont déjà là. On n'enlève rien aux
écoles françaises. On n'enlève rien à leurs
camarades qui ont été envoyés à l'école
française, même si leurs parents eussent
préféré les envoyer à l'école anglaise. Ils
ont déjà leur récompense. Ils sont dans le courant
principal de la vie culturelle au Québec d'une manière beaucoup
plus prononcée que les autres.
Il me semble que c'est la plus grande contribution qu'on puisse faire au
bonheur d'un citoyen au Québec que de lui donner la chance d'être
en plein coeur, dans ce qu'on appelle en anglais le "main stream", le courant
principal de la vie commune. On n'oblige personne, cependant. De ce
côté, il y a peut-être des légères
différences entre nous et nos amis de l'autre côté de la
Chambre. Nous croyons que, de manière générale et
fondamentale, la persuasion, l'amitié, la confiance réciproque
sont plus efficaces en ces choses que les contraintes législatives ou
réglementaires.
C'est une solution qui survient en plus, Mme la Présidente, dans
un contexte où il n'y a pas lieu de s'inquiéter au point de vue
démographique, du moins en ce qui touche le monde scolaire. Les
perspectives démographiques du Québec ne sont pas roses. Les
perspectives de la communauté francophone au Canada ne sont pas
particulièrement réjouissantes, nous en sommes tous conscients.
Ce n'est pas de l'école que viennent les problèmes. À
l'école, pendant que notre importance relative dans l'ensemble de la
population canadienne a diminué depuis quinze ans, notre importance
relative a augmenté.
Nous avons aujourd'hui, dans les écoles françaises, 89 %
de toute la clientèle inscrite aux niveaux primaire et secondaire. Si
vous prenez seulement le niveau primaire, c'est 90,93 % de la clientèle
inscrite dans nos écoles qui est inscrite à l'école
française alors que notre part dans la population totale du
Québec, nous les francophones, est d'environ 82 %. Par
conséquent, en vertu des lois linguistiques que nous avons
adoptées ces dernières années - je veux parler de la loi
22 d'abord et, ensuite, de la loi 101 - il s'est effectué, de ce
côté, un redressement magnifique qui est encourageant pour
l'avenir, à la condition que nous sachions créer le climat
d'amitié et de concorde qui permettra à tous ces enfants de
communautés ethniques que nous obligeons à fréquenter
l'école française de vouloir, librement ensuite, s'insérer
en plénitude dans la communauté française.
Si nous allions faire montre d'intolérance et
d'incompréhension et opter trop pour la voie de la rigueur et de la
raideur, il y aurait de grandes chances qu'après être
passés par l'obligation de l'école primaire et secondaire ils se
dépêchent de s'en aller de l'autre côté alors qu'ils
n'auraient plus de contrainte. Nous, nous voulons que non seulement ils soient
à l'école française, mais qu'ils y soient avec conviction,
avec une adhésion profonde de manière que cette adhésion
puisse se poursuivre ensuite pendant toute leur existence. C'est une solution,
par conséquent, qui n'enlève rien, qui survient dans un contexte
éminemment propice pour ce genre d'entreprise.
C'est une solution réaliste aussi, réaliste pourquoi?
Parce que, d'abord - nous
en avons la preuve à mesure que nous progressons - elle repose
sur une connaissance et une appréciation juste de la
réalité à laquelle nous faisons face. Pendant des
années, on s'est fait dire par le gouvernement précédent
qu'il ne pouvait pas rendre compte de la situation avec précision parce
qu'il n'était pas au courant des faits. Il n'avait pas pris les
véritables moyens pour être au courant des faits. Nous,
après quelques bonnes séances de travail, nous nous étions
munis des renseignements dont nous avions besoin et les faits, à mesure
que nous avançons, prouvent que nos perceptions étaient fort
exactes. (20 h 40)
Deuxièmement, nous nous sommes assuré en cours de route -
il eût été impossible de régler le problème
autrement -de la collaboration des intéressés. Si nous n'avions
pas eu la collaboration des intéressés, l'impuissance qui s'est
manifestée du côté du gouvernement depuis une dizaine
d'années aurait continué. Nous leur avons dit: Nous cherchons une
solution juste et équitable, nous avons besoin de votre collaboration;
voulez-vous vous mettre à table, voulez-vous causer sérieusement
avec le gouvernement légitimement élu? Quand ils ont senti que
nous étions sincères et justes, ils se sont mis à table,
ils ont causé, ils ont apporté leurs documents, ils ont fourni
les renseignements nécessaires.
A mesure que nous avancions et lorsque le comité Rondeau eut fait
connaître ses conclusions, il a fallu les rencontrer et nous leur avons
dit: À la suite des recommandations contenues dans le rapport Rondeau,
qu'est-ce que vous allez faire? Est-ce que nous aurons toute votre
collaboration pour avancer? Deuxièmement, qu'est-ce qui arrivera? Vous
connaissez toutes les déclarations publiques qui ont été
faites à ce sujet. Maintenant, nous savons tous que, de ce point de vue,
la réponse a été éminemment positive. Je vous dirai
une chose, Mme la Présidente: Je pense que l'esprit positif appelle
l'esprit positif. Quand on fait preuve d'esprit constructif et ouvert, il y a
de grandes chances qu'on trouve sur son chemin des esprits positifs et ouverts.
Je pense que c'est le phénomène qui s'est produit au cours de
cette expérience et j'en suis personnellement très heureux.
Je pense que la solution que nous proposons est une bonne solution au
point de vue social. J'ai eu l'occasion de le dire lors de l'étape
précédente de notre débat: Quel est le plus grand bien
d'une société? Est-ce que c'est la prospérité
économique? Non. Est-ce que c'est le degré de liberté
individuelle de chaque citoyen? Pas nécessairement parce que nous savons
tous que les libertés individuelles peuvent souvent être
utilisées au détriment du bien général. Est-ce que
c'est un gouvernement fort qui voit à ce que tout le monde respecte les
feux rouges partout, qui voit à ce que personne ne dépasse les
limites de vitesse et que chacun soit ramené dans la
légalité dès qu'il semble s'en écarter? Non. Le
vrai bien par excellence d'une société, c'est la paix,
l'unité. La paix et l'unité se nourrissent de la concorde, de la
confiance et de l'amitié entre les citoyens.
La solution que nous proposons est, à mon point de vue, la plus
réaliste. Je pense qu'on va se dire de tous côtés: Voici un
gouvernement qui ne veut pas faire d'idéologie, voici un gouvernement
qui ne veut pas faire de récrimination à propos du passé,
voici un gouvernement qui veut agir, qui veut régler un problème
qui était embarrassant pour tout le monde et auquel il n'existait pas de
solution. C'est la réaction que j'entends de la part de nos concitoyens
qui nous parlent du projet de loi. Ils disent: À certains égards,
on l'aime plus ou moins, votre projet de loi. Il y a des choses qu'on aurait
vues de manière différente, et je parlerai d'un
élément tantôt. Mais ils ajoutent: En y pensant comme il
faut, vous n'aviez pas d'autre solution et on vous félicite de vouloir
agir vite.
C'est pour cela que les tentatives de l'Opposition pour agiter l'opinion
publique ont été plutôt infructueuses jusqu'à
maintenant, puisque les gens se rendent compte, quand on va au noeud du
problème, qu'il n'y avait pas beaucoup d'autres solutions que
celle-là, surtout dans la perspective de celui qui recherche la paix et
la concorde entre les citoyens. C'est une solution qui est de nature à
créer entre nous un climat de confiance et de collaboration pour
l'avenir. C'est une solution qui préserve intégralement les
éléments essentiels de la loi 101 en matière de langue
d'enseignement.
Parce que la loi 58 présente cette caractéristique, nous
devrions être capables, des deux côtés de cette Chambre, de
profiter de cette expérience. Nous avons été en
désaccord pendant le débat, c'est normal, cela fait partie de nos
moeurs parlementaires, mais nous devrions profiter de cette expérience
pour conclure en disant: Réglons le problème des
élèves illégaux sans délai, comme le permettra
désormais, dans quelques heures, je l'espère, le projet de loi
58, et mettons-nous à l'oeuvre ensemble pour assurer que partout au
Québec la loi 101 soit respectée dans ses dispositions concernant
la langue d'enseignement. Je ne veux pas exclure les autres dispositions, mais
j'ai le mandat de parler de cette partie de la loi 101. Cela ne veut pas dire
que les autres chapitres m'intéressent moins, mais d'autres de mes
collègues ont la responsabilité plus immédiate de veiller
à l'application et, éventuellement aussi, à
l'amélioration de ces autres parties de la loi 101. Mais là, nous
parlons du chapitre concernant la langue
d'enseignement.
Je pense que la conclusion la plus constructive que nous pourrions
retirer ensemble de ce débat serait de nous dire: Réglons ce
problème complètement et une fois pour toutes et passons tous
ensemble à l'application, à l'observance intégrale et
positive de la loi 101 en ce qui touche l'inscription dans nos
écoles.
Je voudrais seulement ajouter un dernier point, parce qu'il est assez
central dans le débat. En écoutant les réactions de nos
concitoyens et de l'Opposition, j'ai cru discerner une chose et le chef de
l'Opposition, lorsqu'il parlera tout à l'heure, pourra me dire si je me
trompe. J'ai cru discerner que, même du côté de
l'Opposition, si nous avions présenté une solution allant dans le
sens de celle que préconise le projet de loi 58, mais dont les avantages
ne se fussent point étendus aux descendants des élèves
concernés, l'accueil eut été plus positif. Il l'aurait
probablement été, parce que, lorsque je suis arrivé au
ministère de l'Éducation, savez-vous ce que j'ai trouvé?
J'ai trouvé un projet de loi qui allait dans ce sens, qui allait dans le
sens d'une reconnaissance de fait de la situation. Nous n'avons rien
inventé. Le comité Rondeau n'était point au courant. On ne
le lui avait point communiqué à ce moment-là. Nous avons
trouvé un projet de loi qui avait été esquissé sous
l'ancien gouvernement. Par conséquent, ce que nous discutons n'est pas
aussi neuf qu'on pourrait le penser. Je pense que, si cet argument n'avait pas
été au coeur de la solution que nous proposons, il eut
peut-être été plus facile de nous entendre des deux
côtés de la Chambre.
De notre côté, nous avons opté pour la solution qui
est dans le projet de loi 58 pour les raisons suivantes. D'abord, comme vous le
savez, il n'est pas question des frères et soeurs, ni des descendants
des élèves illégaux dans le projet de loi 58; le projet de
loi n'en traite point. Pourquoi? Il n'y a pas de cachette. C'est parce qu'une
autre loi en traite. Une autre loi en traite, nous le savons tous. Il y a une
loi qui en traite et c'est la constitution du pays qui est en vigueur au
Québec. Je ne sais pas si on le sait du côté de
l'Opposition. Hier, j'ai entendu des députés qui n'avaient pas
l'air au courant. En tout cas, vous le savez comme nous, cette loi est
déjà en vigueur. La Loi constitutionnelle de 1982 est en vigueur
au Québec. Par conséquent, un enfant qui fréquente
aujourd'hui l'école anglaise est autorisé à envoyer ses
descendants à l'école anglaise et les frères et soeurs de
cet enfant sont autorisés à fréquenter l'école
anglaise en vertu des articles 23(1) b) et 23(2) de la Loi constitutionnelle de
1982. Nous aurions pu inscrire dans notre projet de loi une disposition qui eut
limité la régularisation de la situation des élèves
illégaux à eux-mêmes et ne se fut point étendue
à leur descendance ou à leurs frères et soeurs. Cette loi
eut été infirmée par les tribunaux à un stade
ultérieur.
L'ancien gouvernement semblait parfois courtiser les désaveux
judiciaires. On l'a vu se lancer dans des initiatives législatives qui
étaient condamnées, de toute évidence, au désaveu
de la part des tribunaux. Il a foncé dans le tas quand même avec
les résultats que nous avons pu observer ces dernières
années. Lorsque, un an, deux ans ou trois ans après avoir battu
de l'aile, après vous être "autocongratulés" en vous
félicitant de votre audace, la Cour suprême vient vous dire: Votre
projet de loi n'était pas bon, tout ce qui s'est fait depuis ce temps
était inconstitutionnel, vous avez l'air fins! On est bien avancé
à ce moment-là.
Nous, nous voulons légiférer d'une manière
différente. Peut-être sommes-nous moins audacieux de ce point de
vue. En matière juridique en général, je suis plutôt
porté à la prudence. Nous voulons légiférer d'une
manière durable et efficace. Nous savions, parce que nos conseillers
juridiques nous l'avaient dit - nous ne prétendons pas avoir la science
infuse, nous consultons continuellement, nous écoutons les personnes
versées dans ces questions, j'en ai même cité des extraits
hier - que si, nous allions dans cette voie, nous serions
désavoués par les tribunaux tôt ou tard. On aurait eu l'air
fins, tous ensemble! C'est pour cela que nous avons agi comme cela.
Deuxièmement, parce que nous nous disions qu'en vertu d'un principe
élémentaire d'équité, il fallait régulariser
la situation de ces enfants complètement, pas à 50 %, pas
à 40 %, à 100 %. Comme le poids de l'évidence était
de ce côté, nous avons dit: Si nous optons de ce
côté, nous optons véritablement. Et il arrivait qu'au point
de vue constitutionnel, c'était la voie la plus réaliste. Par
conséquent, je pense qu'à tous les points de vue nous avons
mesuré les différents éléments auxquels nous
devions penser, nous avons mis au point une solution qui est très simple
et d'application immédiate, qui sera facile à réaliser
d'ici le mois de septembre 1986. (20 h 50)
Je suis heureux de conclure ces propos en me réjouissant à
l'avance à la perspective qu'à compter de septembre prochain nous
cesserons de parler du problème des élèves illégaux
dans les écoles anglaises du Québec, sauf dans les manuels
d'histoire qui tireront leurs propres conclusions, qui feront leur propre
synthèse. Nous, les hommes et les femmes d'action d'aujourd'hui et de
demain, nous passerons aux problèmes véritables qui doivent nous
préoccuper et nous cesserons d'avoir sur notre route ce problème
qui était un sujet de gêne pour tout le monde et
auquel nous avions le devoir, comme législateurs et comme
gouvernants, de mettre un terme.
Je remercie tous ceux de mes collègues qui ont participé
à nos travaux d'une manière assidue et combien attentive
même si, par discipline, pour permettre au leader de la Chambre de
disposer de plus de temps pour réaliser son immense programme
législatif, ils ont souvent gardé le silence alors que tout leur
instinct les eût portés à intervenir dans des débats
auxquels ils étaient vitalement intéressés. Je les
remercie de l'aide qu'ils nous ont apportée tout au long de cette
expérience.
Je remercie aussi nos collègues de l'Opposition; ils nous ont
fait des difficultés, c'était leur droit. Toutes les
difficultés que nous a causées l'Opposition, pour embarrassantes
qu'elles aient pu être à certains moments, ont été
faites dans le respect de notre discipline réglementaire. L'Opposition
était profondément opposée à certaines dispositions
du projet de loi, elle l'a fait valoir avec tous les recours que notre
règlement et notre tradition mettent à sa portée. Nous
acceptons ce fait avec équanimité...
Une voix: Avec quoi?
M. Ryan: ...avec équanimité, d'un esprit
égal, sans aucune récrimination, sans aucune
arrière-pensée d'amertume. Au contraire, je pense que vous avez
fait votre devoir, nous le reconnaissons. Je pense qu'au point où nous
en sommes rendus nous approchons des conclusions et je voudrais, pour ma part,
que nous approchions de cette étape décisive dans un esprit
serein, constructif et empreint du respect réciproque qui doit
caractériser la conclusion de travaux comme ceux-là. Merci.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Éducation. M. le chef de l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, le ministre de
l'Éducation est un homme plus difficile à saisir qu'on ne le
pense: tantôt généreux, faisant appel aux bons sentiments
et à l'humanité des gens, tantôt d'une dureté, d'une
habileté et d'une renardise autour d'un certain nombre d'arguments. Cet
homme, ce ministre nous a parlé de paix, il nous a parlé de
préoccupations très élevées dans la
société, il nous a parlé aussi de choses plutôt
vernaculaires au sujet de ses amendements et je vais tenter de me situer dans
l'ensemble des registres qu'il nous a imposés.
Le ministre dit: Dans le fond, quelle est la plus grande valeur dans une
société? Est-ce un gouvernement fort qui fait respecter tous les
feux rouges? Pas vraiment, dit-il. Ce doit être, d'ailleurs, pour cela
que son gouvernement, sous la houlette habile de son leader et du ministre des
Transports, va nous faire adopter tout à l'heure une loi qui va imposer
des amendes extrêmement sévères à ceux qui roulent
plus vite et à ceux qui brûlent les feux rouges.
Le ministre nous dit: Ce n'est pas, non plus, une société
où on n'est préoccupé que par les libertés
individuelles, car, on le sait, la limite de l'exercice de la liberté
individuelle, c'est la liberté des autres et, ma foi, vivre en
société, c'est réconcilier l'exercice de toutes les
libertés de chacun. Le ministre nous dit: Non, c'est la paix. C'est la
paix dans la société qui est la chose à valoriser le plus.
Je dirai qu'il a raison, mais que ce n'est pas suffisant. C'est aussi une paix
basée sur la fierté de ceux qui vivent dans cette
société parce que les gens y sont libres et,
précisément parce qu'ils sont libres, ils ont des opinions
divergentes et ils parviennent à réconcilier leurs opinions
divergentes en ayant conscience chaque fois qu'ils doivent le faire avec
franchise. La valeur, l'importance et la profondeur du ciment qu'est la paix
sociale dans une société dépendent de la franchise des
compromis sociaux.
Je dirai, Mme la Présidente, que, dans cette loi et parmi
certains des arguments invoqués par le ministre, il manquait quelques
éléments de franchise. Entre autres, le ministre est sorti de son
chemin à quelques reprises pendant ses propos pour nous expliquer que
les grands principes de la loi 101 en matière d'éducation qui
relève de lui - les autres, on le sait, relèvent d'une ministre,
d'ailleurs, qui n'en a que faire et qui confie le tout à un
comité - n'étaient pas touchés. Il est revenu
là-dessus cinq fois dans son exposé. Et pourtant, c'est comme si
ce ministre n'avait pas été là pendant la deuxième
lecture, comme s'il n'avait pas relu lui-même ses propres
éditoriaux à l'époque de la loi 101, comme s'il n'avait
pas été en commission parlementaire où les discours que
j'ai entendus venant de la plupart de ses collègues étaient
beaucoup plus des charges contre la loi 101 et l'époque où elle a
été adoptée qu'une défense du projet de loi 58.
Le ministre nous parle d'humanité, mais son projet de loi et sa
façon de le défendre sont un éloge de
l'illégalité. Un éloge de l'illégalité. Le
ministre - c'était presque à en faire pleurer - en commission
parlementaire, nous présentait ces citoyens qui ont décidé
de ne pas respecter la loi. Il nous peignait une espèce d'image
d'Épinal où on avait l'impression qu'on assistait à Ellis
Island en 1915, expliquant la fragilité de ces nouveaux
Québécois, leur vulnérabilité et, dans le fond,
qu'ils se retrouvaient dans le
système anglophone parce qu'ils se sentaient quelque peu
menacés ou qu'ils avaient été mal renseignés en
arrivant au Québec puisqu'ils avaient choisi l'Amérique. Je ne
disconviens pas que, chez beaucoup de nos concitoyens nouveaux, quand ils sont
arrivés ici dans les années cinquante, ils arrivaient en
Amérique. Même jusque dans les années soixante, à la
rigueur, s'ils arrivaient au Canada, ils n'avaient pas l'impression qu'ils
arrivaient à un endroit où on parlait français. Mais on ne
peut pas dire que c'est exactement le cas à partir du milieu des
années soixante-dix quand même, de façon
générale.
Le ministre, ce soir, nous donne cette fois une version contradictoire.
Là, il ne s'agit plus du problème d'un groupe de citoyens
extrêmement vulnérables qu'il nous dépeignait comme
étant tellement fragiles qu'ils ont suivi un courant dans lequel ils
étaient appelés malgré eux. Non! C'était un
défi des lois qui découlait d'une conviction politique. C'est ce
que nous a dit le ministre en commençant son exposé ce soir. Mais
je pense que, dans certains cas, là, il a un peu plus raison par
exemple, car la démonstration est faite, Mme la Présidente,
qu'une bonne partie de celles et ceux qui ont décidé de ne pas
respecter la loi 101 en matière scolaire l'ont fait d'abord à
grands frais. Ils l'ont fait à grands frais, parce que les commissions
scolaires n'ont pas été payées pour ces places en trop
dans le système scolaire. Elles n'ont pas obtenu les subventions de
l'État. Elles ont dû payer pour cela. Je ne pense pas que
c'était accessible à l'ensemble des
Néo-Québécois que de choisir de payer l'école
primaire ou secondaire à leurs enfants. On n'a peut-être pas
affaire donc aux mêmes personnes qui nous étaient décrites
en commission parlementaire.
Deuxièmement, ces personnes ont bénéficié de
la complicité du député de Sauvé, alors
président de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, et du député de Viau. Non pas en 1977, je le
sais. En 1977, le député de Viau, je le sais, avait dû
subir une intervention chirurgicale majeure qui l'a amené, je crois,
à l'Institut de cardiologie de Montréal. Je sais que, dans cette
année, il n'était pas, même s'il avait conservé son
titre de directeur d'école, de ceux qui étaient de la
première fournée des "illégaux". Mais dans les
années qui ont suivi, le député de Viau, membre du
comité du ministre, était un directeur d'école sous la
présidence du député de Sauvé qui était le
président de la CECM et qui, par complicité politique, Mme la
Présidente, ont permis que soient défiées les lois du
Québec et de ce Parlement. (21 heures)
C'est cela, la réalité qu'il y a derrière cela.
Qu'on ne vienne pas nous présenter comme des espèces de
marâtres ou des espèces de violents à l'égard de
celles et ceux qui fréquentent l'école anglaise. Nous l'avons dit
depuis le début, nous ne nous en prenons pas aux enfants. Nous ne nous
en prenons même pas aux parents, mais nous aimerions cependant que la
franchise et la réalité soient reconnues sur le plan au moins
sociologique. Il ne s'agissait quand même pas là d'un
lumpenproletariat de l'éducation; il s'agissait de citoyens venant de
milieux souvent aisés ou des classes moyennes, dans certains coins de
Montréal en particulier, et qui sentaient qu'ils et qu'elles avaient la
complicité de gens comme le député de Viau, le
député de Sauvé et la complicité du Parti
libéral dont on a attendu simplement qu'il reprenne le pouvoir. Et le
Parti libéral a livré la marchandise. Cela sera bien la seule
d'ailleurs, Mme la Présidente, qu'il aura livrée pendant cette
session.
Mme la Présidente, ce geste que le ministre qualifie
d'humanitaire depuis le début, souhaité et planifié par
lui - je ne disconviens pas du fait qu'il nous avait annoncé ses
couleurs il y a plusieurs années autour de certains de ses objectifs -
est en train de devenir cependant un panier d'attitudes contradictoires de sa
part. D'abord, autoritarisme, et je dirais à l'occasion mépris,
évidemment, de celles et ceux qui ont respecté la loi et qui sont
l'immense majorité.
Mépris de l'Opposition puisque, après 27 heures de
débat, on a décidé en face que c'en était assez et
que, ma foi, l'Opposition, on va lui passer la guillotine, le couperet, le
bâillon, nommez-les. On va leur trancher les mains, la tête avec,
si c'est possible. Puis, on va passer notre loi après 27 heures de
débat. Pas après 75 heures, 100 heures, comme je l'ai
déjà vu dans ce Parlement, après 27 heures de
débat.
Et mépris à l'occasion, je dois le dire, dans le cas du
ministre de l'Éducation, dans les mots qu'il utilise notamment à
l'égard de ma collègue, la députée de Chicoutimi.
Et il revient constamment. J'espère qu'au moins dans sa réplique,
Mme la Présidente, ma collègue sera à l'abri des
camouflets verbaux de ce ministre - j'allais dire verbeux.
Deuxièmement, improvisation, hésitation du ministre
absolument incompréhensible dans cette valse que nous avons connue
depuis à peine 48 heures. Dépôt d'un projet d'amendement
auprès du Secrétaire général à l'article
5.1. Retrait à peine 36 heures après, par le ministre, de ce
projet d'amendement. Un amendement, on le sait, c'est censé
améliorer, bonifier, comme on le dit dans ce français qui n'est
pas très bon à l'Assemblée nationale, préciser un
article d'un projet de loi, et non pas donner à la loi une exsention
qu'elle ne devrait pas avoir ou qui n'est pas comprise dans la deuxième
lecture.
Et que disait ce projet d'article déposé auprès du
secrétariat en fonction du règle-
ment? On ajoutait un article 5.1 au projet de loi 58 qui disait: "Une
personne qui, avant le 1er septembre 1986, a reçu l'enseignement en
anglais au Québec sans y être admissible peut demander au ministre
de l'Éducation de reconnaître les résultats scolaires
qu'elle a obtenus et qui sont nécessaires pour l'obtention d'un
diplôme d'études secondaires."
Tout cela, Mme la Présidente, transformait ou aurait
transformé profondément le projet de loi dont nous avions
été saisis en première et deuxième lecture et en 27
courtes heures en commission, parce que ce n'est plus de 1500 cas dont on
aurait parlé, c'est de 2000 autres qui s'y ajoutaient selon les chiffres
mêmes du ministre, toutes celles et tous ceux qui, à un moment ou
à un autre, depuis 1977, auraient fréquenté l'école
anglaise. Plus l'extension aux frères et soeurs et aux descendants de
ceux qui sont les sujets ou qui font l'objet de la loi ainsi que les
frères et soeurs, et projeter cela sur une
demi-génération, sur à peu près quinze ans, compte
tenu de leur âge, le mariage, l'école primaire pour les autres. On
doublait ou presque triplait les effets de la loi initiale prévue par le
ministre.
Inadmissible, Mme la Présidente, que cette improvisation du
ministre de l'Éducation. J'ignore les motifs du ministre. D'ailleurs, je
ne peux pas lui en prêter ni de bons ni de mauvais, en vertu de notre
règlement. Je constate un certain nombre de résultats. Ce
ministre, parce que mon collègue le député de Laviolette
est intervenu en commission au sujet de la commission scolaire du
Nouveau-Québec, a dû réimprimer un projet de loi de quatre
articles après avoir accepté, enfin, d'entendre les parties qui
se présentaient en commission. Il a bien dû admettre que, ma foi,
il s'était trompé. Il a dû réimprimer ce projet de
loi 30. On lui a demandé une commission parlementaire pour le projet de
loi 57, il nous a répondu: Niet! Non! Never!
Deuxièmement, je constate que les effets de ce projet de loi sont
mal contrôlés. Le ministre nous cite l'amélioration des
statistiques de la fréquentation scolaire en français au
Québec depuis dix ans. Je comprends. C'était cela l'objet de la
loi 101. On ne devrait quand même pas dire... on ne devrait quand
même pas s'en plaindre. C'était cela l'objet de la loi 101 parce
que nous croyons qu'une des façons d'affirmer que le Québec est
une terre différente en Amérique, c'est de s'organiser pour que
les générations qui viennent sur ce territoire considèrent
qu'ils vivent dans une société majoritairement francophone et que
la meilleure garantie de durée, comme société, que nous
ayons, c'est cette adaptation et cette intégration par la voie de
l'école.
Ce n'est quand même pas avec nos quatre postes de
télévision, peut-être nos cinq, selon ce qui restera de
Radio-Québec, qu'on s'imaginera qu'on va faire l'intégration
culturelle au Québec, quand on sait qu'il y a 38 canaux
américains ou canadiens de langue anglaise qui entrent ici. La dimension
scolaire est importante, et c'est un choix que cette société a
fait en 1977 à partir d'une volonté, premièrement, de
répondre à cet objectif et, deuxièmement, de créer
des conditions d'un climat social qui, dans la fierté, la franchise, a
engendré la paix. Je remarque aussi que les modifications au projet de
loi 58 allaient modifier de façon considérable les
clientèles visées et que heureusement que le ministre a
retiré son projet d'amendement. Je remarque également que le
ministre n'a pas accepté de changer la date d'admissibilité aux
dispositions d'amnistie de sa loi pour les faire passer du 15 avril 1986, donc,
il y a quelques semaines, au 30 septembre 1985. Pourquoi? Parce qu'il est
évident qu'entre le 2 décembre 1985, jour de l'élection de
ce gouvernement, et le 15 avril, il y a eu un certain nombre de mouvements dans
le monde scolaire, étant donné qu'on voyait venir la loi
d'amnistie, et qu'il y a eu des inscriptions à l'école anglaise,
qui ne respectaient pas les dispositions de la loi 101. C'est clair. (21 h
10)
Le ministre nous l'a dit lui-même. C'était une objection
politique que présentait un certain nombre de groupes, et ils
bénéficiaient d'une complicité politique du
député de Sauvé, du député de Viau et d'un
certain nombre d'autres. Je constate le refus de la consultation de ce
ministre. Son refus de retenir cet amendement que lui proposait l'Opposition.
Pourtant, on connaissait la réputation de rigueur de l'ancien chef de
l'Opposition, on connaissait la réputation de rigueur de l'ancien
éditorialiste du Devoir. Ma foi, Mme la Présidente,
peut-être que le pouvoir ne lui va pas, serait-ce possible, qu'il y ait
des choses qui sont plus difficiles à porter que d'autres et qui
affectent la fibre même sur le plan, je dirais des qualités
intellectuelles des hommes et des femmes qui sont en politique? Et de la
rigueur qu'on lui connaissait, le ministre de l'Éducation nous a fait
connaître son côté renard qu'on lui connaissait moins, mais
qu'on avait pressenti, il faut bien le dire, à quelques occasions.
Le seul argument du ministre est le suivant: L'Opposition ne comprend
rien. Évidemment, on est des béotiens nous de ce
côté-ci. Qu'est-ce que vous voulez? Si on n'est pas de ce
côté-là, on nous dit: On n'est pas idéologiques.
Nous, de l'autre côté, on est des gens ouverts et tout cela, mais
dans le fond, vous autres vous êtes des tartes, une espèce de
vision manichéenne des choses, les bons, les méchants. Ma foi,
j'ai l'impression que je me retrouve dans un de
mes cours de morale en méthode ou en versification. Au moins, ils
étaient optionnels a l'époque alors que dans le cas du ministre,
on est bien obligé de l'écouter quand il parle.
Mme la Présidente, nous comprenons et nous comprenons trop bien.
Nous comprenons, Mme la Présidente, et vous me permettrez d'aller
au-delà des considérations de troisième lecture comme le
ministre l'a fait lui-même, qui a fait appel à des questions de
principe, pas seulement à la technique. Nous comprenons que ce
gouvernement n'a pas de politique linguistique. Nous comprenons que la ministre
responsable du dossier, vice-première ministre et ministre des Affaires
culturelles sent le besoin de confier ses problèmes à un
comité pendant l'été. Nous comprenons que cette ministre
et ce gouvernement sont incapables de parler du français langue de
travail. Nous comprenons qu'ils sont incapables de parler du français
langue de service et nous comprenons qu'ils s'en rabattent sur des
évidences que nous partageons, que l'évolution du
français, de la langue française et de sa qualité passent
aussi par la famille et l'école. Mais une fois qu'on a dit cela, on ne
s'est pas donné beaucoup d'instruments collectifs pour agir
là-dessus. Nous comprenons que ce gouvernement est aussi composé
d'un ministre de la Justice qui, dans les questions linguistiques, a
soulevé les trois quarts du problème que ce gouvernement vit en
ce moment. Ce n'est pas l'Opposition qui vous a ennuyés, c'est
vous-mêmes, parce que vous n'en avez pas de politique linguistique. C'est
aussi simple que cela. Ce gouvernement, Mme la Présidente, n'a pas de
politique linguistique, il a une dette linguistique à régler et
il la règle par ce projet de loi.
Incapable de concilier les agissements contradictoires, parfois
même risibles de ses ministres, le premier ministre, lui, ne peut que
signifier son embarras, souhaitant évidemment que peut-être
l'été en éclairera quelques-uns, qu'un comité qu'on
ne connaît pas sans doute fait d'autres bénévoles lui livre
des solutions toutes faites à moins qu'il ne nous réserve un
remaniement ministériel sur ces questions, ce qui ma foi serait
peut-être une amélioration.
Mme la Présidente, je constate que ce ministre qui refuse la
consultation, qui livre la marchandise promise par son parti dans certains
comtés, qui efface à grande eau l'ardoise, non pas avec une
éponge sèche pour qu'on y ait encore une vague idée du
dessin qui était sur le tableau, à la grande eau, Mme la
Présidente, avec un geste si violent qu'on risque de briser l'ardoise de
la loi 101 qui est encore un instrument de protection, mais de promotion. Il y
a quelque chose évidemment qui, dans mon cas comme peut-être un
peu dans le cas du ministre, me préoccupe quand on parle de protection
du français. Je comprends cela pour les Franco-manitobains. Je comprends
cela pour 1 % à peine de parlant français de Colombie
britannique. Je comprends cela même pour L'Acadie et une partie de
l'Ontario. Parler de protection de la langue française au Québec,
cela m'ennuie un peu, mais c'est une réalité historique,
géographique, politique, sociologique, linguistique et
économique, qui est en train de changer un peu, qui a fait que nous
ayons dû nous donner, comme société, des instruments de
protection, même si nous sommes majoritaires, une société
majoritairement francophone.
Je préfère voir, cependant, dans les années qui
viennent, une vision de promotion du français et je ne la vois pas dans
ce gouvernement. Je vois une ministre responsable du dossier pour qui le
français c'est une contrainte à administrer plutôt qu'un
fait à affirmer. Je l'ai déjà dit, Mme la
Présidente. Je n'ai rien contre l'anglais, il m'arrive de le parler,
souvent d'ailleurs. Je souhaite qu'une bonne partie des
Québécoises et des Québécois qui aspirent à
oeuvrer dans le domaine des affaires, dans les questions scientifiques,
apprennent la langue anglaise. Mais je veux que le français rayonne sur
ce territoire car il fait partie de ce que nous sommes. S'il est vrai que cette
question a été traitée à une certaine époque
dans un contexte où on avait l'impression qu'il y avait là une
obsession, je crois qu'il faut maintenant traiter de cette question avec
passion, si ce n'est pas avec obsession.
Ce que je reproche à ce gouvernement, c'est d'être
incapable d'assumer cette passion et cette fierté d'être
différent et de le traduire dans des gestes législatifs, dans une
politique linguistique, dans une vision du développement du
Québec qui reconnaisse ce fait comme une force et non pas une
contrainte, comme un objet de fierté et non pas comme un souci, comme
une occasion de solidarité plutôt qu'une occasion de division. Si
j'avais l'impression que ce gouvernement n'est pas lui-même divisé
autour de ces questions et qu'il est capable d'assumer ce que cela signifie,
d'affirmer la promotion du français sur un territoire
québécois avec fierté, avec enthousiasme, avec conviction,
je ne serais pas préoccupé par un certain nombre de
contradictions que j'ai vues. Je les imputerais à l'inexpérience
de ces gens qui, nous disait-on, étaient prêts à
gouverner.
Je suis préoccupé de voir que la seule personne
cohérente dans ce gouvernement autour des questions linguistiques,
jusqu'à maintenant, a été, et encore avec des accrocs
considérables, le ministre de l'Éducation qui, pourtant, par ce
projet de loi, pour l'essentiel, nous livre et livre la marchandise à
ses collègues du Parti libéral d'une promesse électorale.
Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le chef de l'Opposition. M.
le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, pourrais-je proposer
l'ajournement du débat, s'il vous plaît, et ceci en
conformité avec une entente que nous avons faite avec l'Opposition?
La Vice-Présidente: Nous allons donc ajourner le
débat concernant l'adoption du projet de loi 58, Loi sur
l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains
enfants.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, toujours en vertu de
l'entente que nous avons conclue, je vous prie maintenant d'appeler l'article
16 du feuilleton. Nous entendrons une intervention de la ministre de la
Santé et des Services sociaux et une intervention du côté
de l'Opposition. Nous ajournerons ensuite le débat pour revenir à
autre chose. (21 h 20)
Projet de loi 74 Adoption du principe
La Vice-Présidente: Nous allons maintenant débattre
l'adoption du principe du projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur
l'assurance-maladie, qui a été présenté par la
ministre de la Santé et des Services sociaux le 15 mai dernier.
Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. Il s'agit du
projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. Après
étude la semaine dernière du projet de loi 75, nous en sommes
aujourd'hui arrivés à l'adoption du principe du projet de loi 74.
Ce projet effectue en partie une concordance avec le projet de loi 75, qui
modifiait la Loi sur les services de santé et les services sociaux, en
ce sens qu'il reprend la notion de l'obligation d'un avis de 60 jours pour un
médecin ou un dentiste avant de quitter un établissement.
L'article 6 du projet de loi prévoit que la Régie de
l'assurance-maladie doit, lorsqu'un médecin ou un dentiste devient un
professionnel non participant pour une période donnée, en vertu
des articles qui viennent amender cette loi, émettre une ordonnance
à cet effet, en aviser le médecin ou le dentiste auquel elle
s'applique et publier un avis à la Gazette officielle du Québec.
J'apporterai également en commission parlementaire un amendement qui
permettra à la Régie de l'assurance-maladie, après
consultation des établissements concernés, de déterminer
des dates différentes pour le début de la période de
non-participation de ces médecins ou dentistes et de les
échelonner sur la période qu'ils jugent appropriée.
Je ne saurais m'étendre plus longuement sur ce sujet qui a
déjà fait l'objet d'un long débat lors du discours sur le
principe du projet de loi 75. Toutefois, compte tenu des multiples commentaires
qui ont déjà été apportés au cours du
précédent débat, il m'apparaît important de
souligner que cet article de loi ne s'apparente en rien à l'aspect
coercitif dont on a voulu le caractériser. Il s'apparente, au contraire,
aux règles élémentaires qui caractérisent la marche
du travail en ce sens qu'il est normal pour tout travailleur ou professionnel
d'avertir suffisamment tôt l'employeur de son départ prochain et
ce, afin qu'un départ effectué de façon
prématurée ne vienne perturber le fonctionnement d'une
entreprise. Ceci constitue même une règle au sein de la fonction
publique et parapublique, autant au niveau du personnel de soutien que du
personnel infirmier.
Mme la Présidente, ce que nous disons, c'est que désormais
un médecin ou un dentiste, avant de quitter un établissement,
devra donner un avis préalable ou un préavis de 60 jours pour
pouvoir quitter l'établissement. Ceci est dans le but de protéger
la population. Nous avons connu certaines circonstances,
généralement des circonstances où il y avait un conflit
à l'intérieur d'un établissement, et à ce
moment-là un ou des médecins, pour exercer des mesures de
pression, décidaient de quitter l'établissement et rien ne les
obligeait à donner un préavis. C'est simplement une mesure de
sécurité que nous voulons ajouter pour protéger la
population.
Il est essentiel que l'Assemblée nationale adopte cet article
afin de rendre effectifs ceux prévus à la loi 75 auxquels je me
référais tout à l'heure. Si, au lendemain d'une sortie
massive des médecins d'un établissement, le gouvernement ne peut
faire respecter ou ne détient pas les moyens nécessaires pour
faire respecter un préavis de départ de 60 jours, c'est la
population de toute cette région qui se retrouve démunie devant
une pression que des professionnels peuvent décider d'exercer.
Il s'agit, d'abord et avant tout, de protéger la population
contre les dangers d'une crise qui pourrait avoir des conséquences
malheureuses. Les exemples à cet égard sont malheureusement trop
fréquents dans ces circonstances. C'est pourquoi le gouvernement se dote
de ce moyen législatif afin d'empêcher le plus possible des
situations difficiles comme celles déjà vécues par des
centres hospitaliers ou celles qui pourraient prévaloir dans
l'avenir.
Je puis vous dire qu'à cet égard, nous avons reçu
de multiples appuis.
En second lieu, ce projet de loi a pour objet de prévoir les
services de planification familiale déterminés par
règlement et rendus par un médecin comme constituant des services
assurés. On se rappellera qu'en janvier dernier, le dossier de la
vasectomie a fait l'objet des manchettes de journaux, selon lesquelles ce
service ne serait plus assuré. Il faut, je crois, M. le
Président, faire un court historique de ce dossier. En fait, la Cour
d'appel du Québec rendait en 1985 un jugement faisant
référence à la cause Roy-Macchabée, jugement par
lequel la cour décidait que la vasectomie pratiquée pour des fins
de planification familiale n'était pas requise sur le plan
médical. Comme, selon notre loi, des services qui ne sont pas requis sur
le plan médical ne sont pas assurés, la cour concluait en
conséquence que la vasectomie ne constituait pas un service
assuré dans le cadre du Régime d'assurance-maladie.
En fait, cette cause est venue devant les tribunaux lorsque la
Régie de l'assurance-maladie a constaté qu'un médecin
avait surfacturé dans un cas de vasectomie. Le médecin, partant
du principe que ce n'était pas un acte médicalement requis, a
poursuivi parce que la Régie de l'assurance-maladie lui imposait un
remboursement. De fait, il a gagné en cour. Considérant les
impacts de cette décision de la cour qui, par extension, aurait pu
s'étendre à d'autres services de planification familiale, comme
les ligatures des trompes, considérant également qu'un grand
nombre de personnes recourent particulièrement à la ligature des
trompes, le gouvernement a pris des moyens pour remédier a cette
situation. L'intention de modifier la Loi sur l'assurance-maladie pour qu'un
tel type de service soit assuré a déjà été
annoncée. Ce sur quoi nous nous penchons actuellement... Et je voudrais
rappeler que, d'ici à la date d'entrée en vigueur des
modifications législatives, un programme d'aide a été
institué à l'égard des personnes vasectomisées qui
ne pouvaient avoir de remboursement ou auxquelles le médecin ne se
déclarant plus participant pour cette mesure particulière pouvait
facturer directement ce service, alors que, normalement, ces services avaient
été assurés depuis 1970, non seulement au Québec,
mais dans l'ensemble du Canada. C'est un service qui est assuré dans
toutes les provinces.
Ce programme que nous avons mis en place est en vigueur depuis le 1er
avril 1986. Au cours de la période de transition où ce programme
n'existait pas et où, à la suite du jugement, cet acte
n'était pas reconnu comme un acte médicalement requis, tout
bénéficiaire qui a subi une vasectomie s'est vu réclamer
par son médecin le paiement de celle-ci et a eu le droit d'en
réclamer le remboursement à la Régie de
l'assurance-maladie. Toutefois, depuis le 1er avril et depuis l'entrée
en vigueur du programme, c'est le médecin et non plus le
bénéficiaire qui a le droit de réclamer de la régie
le coût d'une vasectomie. Du fait que l'amendement ne soit pas encore
adopté, le médecin qui la pratique peut décider s'il est
participant ou non participant. La personne qui se présente chez lui,
à moins qu'elle ne s'assure que le médecin est participant eu
égard à cet acte médical, si elle ne s'en informe pas et
que le médecin n'est pas participant, doit payer le montant qui lui est
exigé par le médecin. À ce moment-là, le
médecin peut exiger un taux qui n'est pas le taux auquel on est
arrivé par entente, par négociation avec la
Fédération des médecins spécialistes, si bien qu'il
peut réclamer des frais bien supérieurs à ceux qui sont
prévus normalement et qui étaient prévus dans le
passé par la Régie de l'assurance-maladie pour couvrir les frais
de la vasectomie.
Il est donc évident que, pour éviter tout malentendu pour
les bénéficiaires, il faut, le plus rapidement possible,
procéder à l'adoption du projet de loi 74. Cet amendement
permettra subséquemment de déterminer par règlements que
sont assurés les services de stérilisation chirurgicale, dont la
ligature des trompes et la vasectomie, afin que le gouvernement puisse
maintenir ce qui a toujours été sa pratique en matière de
planification familiale. (21 h 30)
Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de contestation ou de
surfacturation de la part des médecins, qui a créé la
même équivoque ou le même problème, mais on pourrait
se retrouver dans la même situation et c'est pour cela que nous profitons
de cet amendement qui va protéger les bénéficiaires pour
faire en sorte que tous les médecins, à l'avenir, devront
être participants à la Régie de l'assurance-maladie pour la
couverture de cet acte qui sera assuré par la loi de telle sorte qu'il
n'y aura plus de possibilité de surfacturation.
Tout le monde entend parler ces jours-ci des problèmes de
surfacturation en Ontario et des difficultés que cela crée pour
la population de l'Ontario. Au Québec, et je pense que c'est l'une des
caractéristiques de l'application de notre Régime
d'assurance-maladie, nous n'avons jamais eu de surfacturation possible;
là-dessus, je pense qu'à la fois le gouvernement et les
fédérations de médecins ont pris leurs
responsabilités à cet égard et ont toujours réussi
- je pense qu'il faut s'en réjouir - à protéger la
population contre une surfacturation. C'était peut-être la
première fois qu'il y avait une brèche de faite dans ce domaine,
c'est-à-dire que des médecins
pouvaient surfacturer pour un acte très particulier, mais par
l'adoption de la loi, ce problème ne se présentera plus puisque,
étant désormais assuré précisément ou
nommément dans la loi, il n'y aura plus de possibilité de
surfacturation. Je pense que ce qu'on veut viser, en dehors des services aux
bénéficiaires eux-mêmes, c'est vraiment aussi un objectif
de protection de l'esprit de notre Loi sur l'assurance-maladie.
Ce projet de loi comporte finalement un troisième aspect. En
effet, ce projet de loi modifie la Loi sur l'assurance-maladie pour y
prévoir que le gouvernement pourra déterminer la fréquence
à laquelle certains services dentaires peuvent être rendus pour
demeurer des services assurés.
M. Rochefort: Question de règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais que vous
rappeliez à l'ordre Mme la ministre en vertu de l'article 239 de notre
règlement eu égard à la pertinence du débat.
La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le
député de Gouin, vous savez qu'on n'a pas donné...
Correct? En vertu de l'article 239, il est bien spécifié que le
débat doit porter exclusivement sur l'opportunité du projet de
loi ou... Bon. Mais vous savez que la jurisprudence à cet effet est
qu'on ne donne pas une interprétation trop restrictive dudit article de
sorte que je suis certaine que Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux va très bientôt reprendre le débat sur le
projet de loi concernant le planning familial.
M. Rochefort: Sur la question de règlement, Mme la
Présidente. Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire quant
à l'application, la pratique et la jurisprudence entourant l'article 239
traitant de la pertinence du débat, mais je vous soulignerai que la
ministre est en train de traiter d'un dossier qui s'appelle les soins
dentaires, Mme la Présidente, alors que le projet de loi,
déposé ici avant le 15 mai, ne traite d'aucune façon, ni
directement ni indirectement, de cette question. Il traite, comme l'a dit la
ministre, d'une part, de l'application d'une disposition qui découle du
projet de loi 75, quant à la non-participation des médecins qui
ne respecteraient pas un préavis de 60 jours; d'autre part, il traite du
problème de la stérilisation par voie de vasectomie, qui
n'était pas payée par la Régie de l'assurance-maladie.
Mais d'aucune façon il n'est question, ni de près ni de loin, ni
directement ni indirectement, de questions touchant le programme de soins
dentaires de la Régie de l'assurance-maladie. En ce sens, Mme la
Présidente, je vous demande effectivement de rappeler à l'ordre
Mme la ministre quant à la pertinence du débat.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement, sur la
question de règlement.
M. Gratton: Sur la question de règlement, Mme la
Présidente. Je devine où veut aller le député de
Gouin et je lui rappelle bien amicalement que le projet de loi 74 s'intitule
Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. À partir du moment
où Mme la ministre traite d'un sujet qui fait l'objet de
considérations dans la Loi sur l'assurance-maladie, elle est tout
à fait et elle pourrait même s'aviser, si cela était son
désir, d'annoncer des amendements qu'elle pourrait vouloir soumettre au
moment de l'étude détaillée en commission parlementaire
sur tout sujet qui est couvert par la Loi sur l'assurance-maladie. Donc, Mme la
Présidente, je pense que vous devez reconnaître que Mme la
ministre est tout à fait pertinente dans ses propos. Qu'on lui laisse la
chance de dire ce qu'elle a à dire avant qu'on intervienne pour parler
de la non-pertinence.
M. Chevrette: Mme la Présidente, sur la question de
règlement.
La Vice-Présidente: Sur la question de règlement,
M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je vais vous demander,
bien sûr, de trancher ce débat puisqu'il est d'une importance
capitale, et je vais expliquer pourquoi à l'aide de cas de jurisprudence
précis.
La ministre est en train d'annoncer qu'elle apporte des sujets nouveaux
de modification. Elle s'en était tenue, à l'intérieur du
projet de loi 74, à un amendement concernant la vasectomie et à
un autre sujet sur la désassurance, ce qui est son droit. Si je suivais
la logique du leader du gouvernement, une loi sur les amendements à la
Régie de l'assurance-maladie, cela voudrait donc dire que la ministre
pourrait intituler cela "amendements au régime d'assurance-maladie,
article 1, vasectomie", se présenter en Chambre et ajouter 101, tous les
aspects, ce qui est complètement farfelu et qui va à l'encontre,
d'ailleurs, de ce que le leader du gouvernement lui-même
préconise. Ce gouvernement s'est présenté devant nous, Mme
la Présidente, en disant ceci: II n'y aura plus de bill omnibus. C'est
le leader du gouvernement lui-même qui défendait avec acharnement
les quatre petites lois de la ministre des Affaires culturelles en
déposant quatre lois de quatre lignes. Plus encore, je plaide sur le
fond...
M. Gratton: Question de règlement.
La Vice-Présidente: Question de règle-
ment, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, le leader de
l'Opposition...
M. Chevrette: ...règlement.
M. Gratton: ...est en train de...
Une voix: Faire un discours.
M. Gratton: ...parler d'une question de règlement et il
n'est pas pertinent lui-même. Il ne s'agit pas de parler des lois de Mme
la ministre des Affaires culturelles. On parle de la loi de Mme la ministre de
la Santé et des Services sociaux. Je veux bien l'entendre sur les
questions de règlement et je pense que vous le devez vous aussi, mais
qu'on ne se perde pas dans les lois.
M. Chevrette: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Je vais vous montrer que cela a un rapport. Le
leader du gouvernement lui-même s'est levé en cette Chambre
à un dépôt de projet de loi et je lui ai dit: Ceci ne
devrait-il pas faire l'objet d'un projet de loi omnibus? Il a dit: Non. J'ai
pris la peine de me lever pour lui demander précisément: Ne
croyez-vous pas qu'il y a deux principes que vous êtes en train de
proposer? Il a dit: Non, dorénavant, c'est un projet de loi par
principe.
Deuxièmement, j'attire votre attention, Mme la Présidente,
sur la jurisprudence suivante. Je vous rappellerai tout d'abord, à
l'article 240, ce qu'est un amendement. Un amendement ne doit pas changer la
nature même du principe et je vous réfère à la
sentence prononcée par le député de Vanier,
Jean-François Bertrand...
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente.
Une voix: II est déjà sur une question de
règlement.
M. Gratton: Mais oui...
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, le leader est en train de
vous dire que des amendements ne sont pas recevables. Effectivement, je lui
donne tout à fait raison. Il n'est pas question de présenter des
amendements au moment de l'adoption du principe d'un projet de loi. Il y a un
seul amendement qui est permis par le règlement. C'est celui de reporter
à plus tard l'étude d'un projet de loi. Je ne pense pas que Mme
la ministre ait proposé qu'on reporte à plus tard l'adoption de
son projet de loi. Elle était en train, Mme la Présidente,
d'expliquer ses intentions par rapport au projet de loi 74, Loi modifiant la
Loi sur l'assurance-maladie, et vous n'avez pas à trancher maintenant,
Mme la Présidente, d'amendements éventuels qui pourront venir. Ce
n'est pas ici à l'Assemblée nationale qu'on décide, au
moment du débat sur l'adoption du principe d'un projet de loi, si un
amendement annoncé pour plus tard est recevable ou pas. C'est à
la commission qui procède à l'étude
détaillée après qu'on a adopté le principe du
projet de loi. Tant et aussi longtemps que le principe du projet de loi n'a pas
été adopté ici, Mme la Présidente, quant à
moi, toute volonté d'amendement est recevable puisque le principe
lui-même n'est pas voté.
Mme la Présidente, je pense que vous devez trancher et accorder
la parole à Mme la ministre pour qu'elle nous indique quelles sont ses
intentions et on jugera plus tard, au moment de l'étude
détaillée en commission parlementaire, si les amendements
qu'annonce présentement Mme la ministre sont recevables ou non, mais ce
n'est pas à vous d'en trancher maintenant. On n'a pas d'amendement
devant nous, Mme la Présidente. (21 h 40)
M. Chevrette: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Je réinvoquerais à ce moment
l'article 239, si je suis la logique du leader du gouvernement. Mme la ministre
nous a conviés à cette Chambre comme parraine ou marraine - je ne
sais pas comment on l'appelle - comme tutrice en tout cas de ce projet de loi.
Et elle nous dit ceci. Il y a des titres qui englobent les deux, Mme la
ministre.
Elle nous a convoqués pour étudier la vasectomie et
l'autre aspect. S'il y avait un amendement d'annoncé relatif aux deux
principes compris dans cette loi, j'admettrais qu'elle est pertinente et je ne
me lèverais pas. Mais, de la bouche à la vasectomie, il y a une
limite. Cela n'a pas du tout la même connotation. Cela n'a aucun lien,
cela n'a aucun rapport et je pense que c'est complètement discordant par
rapport aux deux éléments de la loi. Les deux
éléments de la loi...
La Vice-Présidente: S'il vous plaît, à
l'ordre! À l'ordre! Bon, à l'ordre! Vous pouvez poursuivre, M. le
leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente.
Avec votre sourire et votre permission, je vais continuer.
Mme la Présidente, les deux principes compris dans cette loi sont
d'une clarté et d'une limpidité. Les seuls éléments
acceptables, à moins que la ministre décide de faire une
réimpression du projet de loi, ce sont des amendements en marge des
articles relatifs à la vasectomie et à la désassurance.
C'est impossible. Autrement, ce serait fou comme balai de présenter un
projet de loi et, en arrivant en Chambre, le projet de loi est
dénaturé, ce n'est plus le même. Elle pourrait tout aussi
bien arriver et dire: Bon, on va indemniser ceux qui ont la perte des cheveux.
Voyons, Mme la Prési-dente! Ce n'est pas cela qu'est la convocation dans
ce projet de loi. Le projet de loi est d'une clarté et d'une
limpidité.
C'est ainsi qu'on s'est préparé comme parlementaires
à discuter sur un projet de loi qui comprenait deux principes de
modifications. Ils auraient beau mettre le titre le plus large, à ce
compte-là, si je suivais la logique du leader du gouvernement, je
dirais: Loi amendant les lois sur la santé. Et cela permettrait à
la ministre de se lever n'importe quand et de dire n'importe quoi sans qu'on
puisse se préparer adéquatement pour répondre aux sujets.
Cela n'a ni queue ni tête. Cela n'a aucun bon sens. Si c'est cela
légiférer avec transparence, comme le disait le leader du
gouvernement, si c'est cela légiférer un seul principe à
la fois, lui qui est en train de défendre l'introduction d'un
troisième, si c'est cela éviter les omnibus, lui qui permettrait
de faire n'importe quoi, c'est un manque de logique et de cohérence et
nous n'acceptons pas qu'on soit "bulldozé" dans les projets de loi.
Ils ont fait leur lit eux de cette formation politique, quant a la
rédaction des lois; ils ont fait leur lit quant à l'étude.
Il y a des articles du règlement qui traitent de pertinence, il y a des
articles du règlement qui parlent de la pertinence et surtout de ce
qu'est un amendement réel à un projet de loi. Il y a des articles
de loi et de règlement qui précisent que, quand on saisit une
Chambre d'un principe, on ne peut pas en changer le contenu. Il y a une
jurisprudence dans les commissions parlementaires qui, hors de tout doute,
démontre qu'un ministre ne peut pas introduire de nouveaux principes. Il
me semble, Mme la Présidente... Ce n'est pas notre faute si c'est
après le 15 mai que la ministre a pensé à introduire de
nouveaux principes. Elle avait le loisir de présenter d'autres lois,
mais on ne nous fera pas gober par la bande des nouveaux principes dans ce
projet de loi.
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Sur la question de règlement,
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: D'abord, je pense qu'on peut rester calme...
M. Chevrette: Je suis très calme.
M. Gratton: Oui. Cela paraît! Mme la Présidente, je
dis simplement qu'au moment où Mme la ministre fait son intervention sur
le principe du projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie,
au moment où elle annonce d'avance ses intentions, je voudrais savoir de
la part de quiconque en quoi cela vient en contradiction avec l'article 239 qui
dit: "Le débat porte exclusivement sur l'opportunité du projet de
loi, sur sa valeur intrinsèque ou sur tout autre moyen d'atteindre les
mêmes fins."
Mme la Présidente, le leader de l'Opposition blâme la
ministre de ne pas être transparente alors qu'elle lui indique d'avance
ses intentions. Il faudrait presque inviter Mme la ministre à être
moins transparente, à en dire le moins possible pour satisfaire
l'Opposition. De toute façon, la question de droit parlementaire dont
vous devez décider de déterminer si ce que dit Mme la ministre
est pertinent ou non en vertu de l'article 239. Vous n'avez pas à
décider si des amendements qu'elle pourrait même annoncer à
ce moment-ci sont recevables ou non en vertu du règlement. Elle n'a pas
déposé d'amendements. Elle n'a pas demandé à
l'Assemblée nationale de se prononcer sur des amendements. Elle informe
simplement l'Assemblée nationale de son intention de saisir la
commission qui va éventuellement procéder à l'étude
détaillée du projet de loi de son intention de déposer des
amendements.
Si l'Opposition ne veut même pas être éclairée
et informée dès maintenant, la ministre ne les informera pas, et,
dès demain, ils pourront se plaindre que le gouvernement manque de
transparence. Je vous invite à reconnaître Mme la ministre,
à la laisser intervenir et quand viendra le montant opportun de juger de
la recevabilité des intentions que nous annonce la ministre, en
commission parlementaire, pas ici, il sera toujours temps de décider si
le tout est conforme au règlement ou non.
La Vice-Présidente: Je vais rendre ma décision.
Effectivement, on a l'article 239 de notre règlement qui
édicte... Je pense que, pour l'intérêt de la Chambre, je
vais le lire, cela va permettre de bien comprendre la décision à
laquelle je vais en arriver. Il y est bien spécifié que "le
débat porte exclusivement sur l'opportunité du projet de loi, sur
sa valeur intrinsèque, ou sur tout autre moyen d'atteindre les
mêmes fins". À la lecture des notes explicatives du projet de loi
74, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-
maladie, à la lecture desdites notes explicatives, on remarque et
je lis que le projet de loi modifie la Loi sur l'assurance-maladie pour
prévoir entre autres, les services de planification familiale...
M. Chevrette: ...pas "entres autres".
La Vice-Présidente: C'est moi qui l'ajoute, M. le
député, pour prévoir, entre autres - il y a deux sujets,
deux paragraphes, donc, deux sujets - entre autres, on prévoit dans le
projet de loi, il est bien spécifié qu'on vise à modifier
la Loi sur l'assurance-maladie pour prévoir les services de
planification familiale et pour prévoir en outre que la régie,
lorsqu'un médecin ou un dentiste devient un professionnel non
participant, pour une période déterminée, émette
une ordonnance afin d'aviser les médecins, les dentistes auxquels cela
s'applique pour publier dans l'avis.
Il est bien sûr qu'il ne faut pas restreindre l'application,
donner une interprétation stricte dudit article 239 parce qu'on va
limiter le débat, et on n'est pas ici pour limiter les débats. On
est au stade parlementaire. Il faut favoriser les débats. Je comprends
qu'il faut s'en remettre à l'esprit de la loi. L'esprit de la loi,
d'après moi, Mme la ministre, est très clair. Il vise à
modifier deux choses que je viens d'énumérer. Je comprends que
vous pouvez, à un moment donné, vous écarter pourvu que
vous reveniez sur le sujet. Là-dessus, Mme la ministre, je vous
demanderais de revenir sur le sujet qui fait l'objet de votre loi.
Là-dessus, vous pouvez continuer.
Mme Lavoie-Roux: J'ai, je pense, déjà
discuté des deux sujets que vous avez vous-même mentionnés.
J'ai également voulu indiquer, par souci de transparence, d'ailleurs,
transparence selon laquelle j'ai déjà fait part à la
population que nous avions l'intention de modifier la Loi sur
l'assurance-maladie...
M. Chevrette: Question de règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le
leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Est-ce que vous ne pourriez pas constater
immédiatement que la ministre semble contester votre décision?
Vous avez bel et bien dit qu'il y avait deux choses qu'on devait traiter. Tout
écart de ces deux objectifs, tout amendement qui ne serait pas relatif
à ces deux objectifs viole le règlement et est tout à fait
non avenu.
M. Gratton: Mme la Présidente-La
Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Sur la question de règlement. On parle de la
Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. Est-ce que Mme la ministre est en
train d'annoncer ou de parler de quelque chose qui ne modifie pas la Loi sur
l'assurance-maladie? Je pense que cela saute aux yeux et, à partir du
moment où on parle de la Loi sur l'assurance-maladie et des
modifications qu'on veut y apporter, si on avait voulu dire que cela se
limitait uniquement aux deux points touchés, on aurait appelé
cela la Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie pour prévoir les
questions de vasectomie, pour prévoir la désassurance et les avis
qu'on doit donner. (21 h 50)
Mme la Présidente, il me semble que c'est tellement patent, que
c'est tellement clair que le leader de l'Opposition doit jouer un jeu -
j'allais dire que je ne comprends pas, je le comprends - il voudrait
empêcher Mme la ministre d'informer valablement les membres de
l'Assemblée de ses intentions. C'est tout ce qu'elle fait, Mme la
Présidente, et il me semble que vous devez la laisser continuer dans le
respect du règlement.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: La loi qui a été
déposée a des notes explicatives que vous avez bien lues à
l'exception des mots "entre autres". C'était clair, c'était net.
Cela vise deux objets, deux principes et s'il faut les lire, on va les lire. Il
n'est pas question de ne pas vouloir renseigner la population, vous les avez
lus vous-même, Mme la Présidente. Accepter que Mme la ministre
aille en dehors de ces deux principes, c'est accepter des modifications au
principe même du projet de loi.
Mme la Présidente, quand l'Opposition reçoit un projet de
loi, elle se prépare en fonction des objectifs qui sont prescrits dans
le projet de loi, en fonction des principes qui y sont écrits. Mme la
ministre arrive avec de nouvelles choses. Elle veut parler des soins dentaires,
ce soir, ce n'est pas ça ce soir, ce n'est pas cela les soins dentaires,
ce n'est pas compris dans le projet de loi. Vous irez demander à Mme
Lise Payette, l'ex-ministre, ce qu'elle a fait avec ses assurances, lorsqu'elle
a présenté la possibilité d'introduire un
mécanisme. C'était relatif à l'assurance, plus que relatif
à l'assurance, c'était la possibilité d'implanter une
compagnie d'assurances pour les dégâts matériels. Ce
n'était pas compris dans les principes de la loi, cela a
été carrément refusé.
La ministre est en train de dire ce soir: J'aurais pu écrire;
Amendements à la Loi sur l'assurance-maladie. À ce
compte-là, elle n'avait pas besoin d'inscrire aucune note
explicative si elle n'avait pas voulu parler de vasectomie d'une
façon plus particulière ou autre chose. L'assurance-maladie lui
offrait tous les volets de l'assurance-maladie, Mme la Présidente.
Voyons! Est-ce qu'on veut parler de la vasectomie ou si on veut parler - je ne
sais pas moi - de la mammographie, du diabète? on veut parler de quoi,
des plans assurés? Cela n'a aucun bon sens, c'est faire fi du Parlement
que d'agir de la sorte.
Si la présidence de l'Assemblée nationale ne cherche pas
à restreindre le débat sur les principes mêmes d'un projet
de loi, je donne ma langue au chat. Qu'est-ce que cela nous donne comme
Opposition de se préparer à répondre à des
principes de loi si la ministre ou un ministre en cause arrive et change tous
les principes, ajoute des principes, diminue des principes, modifie des
principes ou la portée des principes? Cela n'a aucun bon sens. Je pense,
Mme la Présidente, que vous devez statuer d'une façon claire,
nette et limpide, sinon le Parlement quand il étudie un principe de loi
pourrait être "bulldozé" à tout moment, transporté
comme à la va comme je te pousse, aucun respect pour les
préparations que l'Opposition fait en fonction d'un projet de loi. Je
pense que vous devez, Mme la Présidente, exiger qu'on s'en tienne aux
notes explicatives et aux deux principes. Vous avez rendu une décision
et il vous faut purement et simplement à ce stade-ci, la faire
respecter.
M. Gratton: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Vice-Présidente: Je pense que j'ai donné aux
deux partis la chance de se faire entendre. J'ai donné
l'opportunité aux deux partis de se faire entendre par
l'intermédiaire de votre leader, M. le député de Gouin.
J'ai entendu les deux partis de part et d'autre et je pense que je suis
prête a rendre une décision. 11 est bien entendu que je ne peux
tout de même pas revenir sur la décision que j'ai rendue. Je vais
maintenir ma décision. C'est sûr, comme je l'ai dit tantôt,
qu'on ne peut pas passer au peigne fin, ce qui est pertinent ou pas. Je vais
permettre à un certain moment, mais il faut naturellement revenir sur le
sujet et je demanderais à la ministre de la Santé et des Services
sociaux de bien vouloir revenir sur le projet de loi modifiant la Loi sur
l'assurance-maladie qui regroupe deux sujets. Mme la ministre,
là-dessus, je vous redonne la parole.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, je pense que je dois
avoir au moins la possibilité de situer le projet de loi que je
présente. Dans le projet de loi que je présente, Mme la
Présidente, il s'agit de modifications qui sont apportées
à la Loi sur l'assurance-maladie. Si cela avait été un
projet de loi sur la vasectomie, cela aurait été un projet de loi
sur la vasectomie. Si cela avait été un projet de loi sur les
pénalités pour les médecins, cela aurait été
un projet de loi sur la désassurance des médecins dans le cas qui
nous occupe.
Le projet de loi dont je parle ou dont je traite ce soir, Mme la
Présidente, est un projet de loi qui apporte certaines modifications
à la loi actuelle de la Régie de l'assurance-maladie. Mme la
Présidente, s'ils ne veulent pas m'entendre, cela les regarde. J'avais
d'ailleurs déjà annoncé, lors d'une conférence de
presse, que j'apporterais une modification supplémentaire aux deux
premières modifications qui sont ici touchant la fréquence
à laquelle certains services dentaires peuvent demeurer
assurés.
La Vice-Présidente: Je m'excuse, j'ai une question de
règlement. Question de règlement, M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Oui, Mme la Présidente, toujours en vertu de
l'article 239 quant à la pertinence, je voudrais rappeler que nous
discutons ici d'un projet de loi qui n'est pas un projet de loi qui serait une
refonte de la Loi sur l'assurance-maladie au Québec. L'argumentation du
député de Gatineau, leader du gouvernement, et de Mme la ministre
serait juste si le titre du projet de loi était projet de loi 74, Loi
sur l'assurance-maladie. Toutes les questions concernant la Loi sur
l'assurance-maladie seraient pleinement pertinentes et pourraient être
abordées ici même dans le discours.
Le projet de loi dont nous discutons ici, Mme la Présidente,
s'appelle non pas Loi sur l'assurance-maladie, mais Loi modifiant la Loi sur
l'assurance-maladie. C'est cela le titre du projet de loi et ce qu'il modifie,
ce sont deux choses: d'une part, la question de la vasectomie;
deuxièmement, l'application de la règle de non-participation par
rapport à la clause de l'avis de 60 jours prévue dans le projet
de loi 75.
Si on avait voulu faire une loi dans laquelle on aurait pu aborder
toutes les questions relevant de la Loi sur l'assurance-maladie, Mme la
Présidente, je vous souligne respectueusement que le titre de la loi
serait projet de loi 74, Loi sur l'assurance-maladie. Toutes les questions
reliées à l'assurance-maladie seraient alors pleinement
pertinentes et nous n'interviendrions pas dans le débat sur la
pertinence.
Le projet de loi n'a pas pour titre Loi sur l'assurance-maladie, il a
pour titre: Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et les deux
modifications ce sont la question reliée à la vasactomie et la
question reliée à la non-participation des médecins qui ne
respecteront pas un délai de préavis de 60 jours.
Mme la Présidente, je vous souligne respectueusement que si la
ministre veut nous informer d'autres questions, il y aura d'autres lieux,
d'autres articles de notre règlement qui lui permettront de nous en
informer en étant pertinente. Par exemple, déclaration
ministérielle ou toute autre façon de nous informer de certaines
choses.
Mme la Présidente, je vous demande de rappeler à l'ordre
la ministre qui conteste, pour une deuxième fois, la décision que
vous avez rendue.
La Vice-Présidente: Une question de règlement, M.
le député de Laurier.
M. Sirros: Mme la Présidente, j'aimerais savoir si j'ai
bien compris votre décision. Votre décision, si j'ai bien entendu
et bien compris, était que la ministre pouvait parler sur la Loi
modifiant la Loi sur l'assurance-maladie en autant qu'elle revenait, durant son
discours, plus précisément sur les deux points.
Je pense que durant le discours de la ministre, elle a, pendant un bon
bout de temps, parlé des deux points précis qui étaient
déjà mentionnés dans les notes explicatives. Elle a
parlé des intentions qu'elle avait quant à une autre modification
qu'elle avait l'intention de présenter en commission parlementaire,
encore une fois, relativement à la Loi sur l'assurance-maladie et elle
est revenue quand même, comme vous lui avez demandé de le faire,
sur les questions précises mentionnées dans les notes
explicatives. Dans ce sens, je pense qu'il est tout à fait pertinent
d'annoncer ses intentions quant à des modifications éventuelles
à la Loi sur l'assurance-maladie. Dans ce sens, elle est très
pertinente. (22 heures)
La Vice-Présidente: Là-dessus, je vais
répéter pour une troisième fois ma décision. J'ai
dit qu'il ne fallait pas interpréter l'article 239 d'une façon
restrictive, d'une façon limitative. Je permets, comme j'ai permis
à certains membres de cette Assemblée, à un moment
donné, de bifurquer de la loi, mais il est bien entendu, par contre,
qu'il ne faut pas bifurquer d'une façon telle qu'on s'écarte du
sujet. Le sujet présentement, c'est la Loi modifiant la Loi sur
l'assurance-maladie. Ce projet de loi, selon les notes explicatives que j'ai
lues, vise deux sujets: les services de planification familiale et la
désassurance des médecins et dentistes.
Mme la ministre, pour le décorum et le bon déroulement de
cette Assemblée, je vous demanderais de revenir sur le sujet.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, j'espère que je
ne nuis pas au décorum de l'Assemblée nationale, tel que vous
semblez l'indiquer. Je voudrais vous demander deux directives. Est-ce qu'il est
possible, d'une part, de faire connaître une intention quant à un
amendement qu'on aurait l'intention de proposer en commission parlementaire au
moment de l'étude article par article. J'ai vu des amendements à
multiples reprises, j'en ai même annoncé, au moment de
l'étude du projet de loi 75, qui venaient restreindre la portée
de la loi. Je les ai annoncés ici et j'étais très heureuse
de le faire parce que je pense que l'Opposition, dans la mesure du possible,
doit être informée des intentions de celui qui parraine la loi.
C'est une directive que je veux vous demander.
Je vais vous demander une deuxième directive. Quel sens
donnez-vous au mot "restrictif"? Vous avez dit: II ne faut quand même pas
donner un sens restrictif à l'article 239. Je ne sais pas si j'ai eu la
chance de dire quatre mots, je n'ai même pas fait une phrase
complète sur un autre sujet, et je suis un peu embêtée
d'interpréter le sens que vous donnez au mot "restrictif" dans le
débat.
M. Chevrette: Question de règlement.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: J'ajouterai une demande de directive, ce qui va
vous permettre de répondre d'un seul trait. Quand une ministre se
lève pour demander s'il est possible d'élargir le débat
sur l'adoption du principe, elle a même le droit - je consens sans vous
mettre dans le bain, Mme la Présidente -d'annoncer tout amendement
qu'elle aurait l'intention de présenter sur la vasectomie et sur la
désassurance des dentistes et des médecins. Nous sommes d'accord
et nous allons rester cloués à notre siège et nous allons
l'écouter religieusement, mais on ne se laissera pas imposer un nouveau
principe dans ce projet de loi.
Des voix: Voilà! C'est cela! Bravo!
La Vice-Présidente: Si vous me permettez, afin de
répondre aux questions qui m'ont été posées, je
vais suspendre quelques minutes.
Une voix: Parfait! (Suspension de la séance à 22 h
3)
(Reprise à 23 h 1)
La Vice-Présidente: Que chacun regagne son siège.
Je vais maintenant rendre ma décision concernant les questions de
règlement qui ont été soulevées
antérieurement.
Il a toujours été de tradition en cette
Chambre de permettre au ministre, au stade du débat sur le
principe d'un projet de loi, d'annoncer son intention d'apporter
ultérieurement en commission des amendements à un projet de loi.
Ce fait découle d'un principe plus vaste selon lequel la pertinence d'un
intervenant lors de l'étude du principe d'un projet de loi doit
être appréciée d'une façon ni trop étroite ni
trop restrictive.
Dans ce cadre, le fait pour un ministre d'annoncer son intention de
proposer des amendements en commission rend ses propos pertinents, à
condition toutefois que ses propos ne portent qu'accessoirement sur ses projets
d'amendements, puisque l'étude détaillée et,
conséquemment, l'étude des amendements doivent se faire en
commission. C'est également en commission que sera
appréciée la recevabilité desdits amendements,
conformément aux dispositions des articles 197 et 244.
Dès lors, il n'appartient pas à la présidence de la
Chambre de se prononcer prématurément sur la recevabilité
d'amendements à venir, ce qui est une question différente de la
pertinence du débat soulevé à ce stade-ci.
C'est donc en ce sens que j'interprète l'article 239 et, de ce
fait, je vais céder la parole à la ministre de la Santé et
des Services sociaux.
M. Chevrette: Mme la Présidente, question de
directive.
La Vice-Présidente: Question de directive, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. Je vais vous poser
la question carrément.
Une voix: C'est arrangé avec le gars des vues.
M. Chevrette: Dans quelques minutes, je serai appelé
à faire un discours en deuxième lecture sur les principes de la
loi 74 que vous avez devant vous. J'aimerais savoir si je pourrai parler du
coût des soins pour les gens qui ont des varices, des gens qui ont le
diabète, le coût des soins dentaires pour les handicapés.
Est-ce que je pourrai parler également de ceux qui ont des malformations
congénitales-Une voix: La tarification des médecins.
M. Chevrette: ...qui sont touchés par la Loi sur
l'assurance-maladie? J'aimerais le savoir avant de faire mon discours qui
était tout préparé en fonction de la vasectomie et de la
désassurance. Il faudrait que vous me donniez le temps de suspendre les
travaux de cette Chambre pour aller nous préparer en fonction
d'éventuels amendements qu'on pourrait avoir à toute heure du
jour. M. Gratton: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Si cela peut être utile au leader de
l'Opposition, je lui rappellerai l'entente qu'on a prise ensemble
qu'effectivement, immédiatement après l'intervention de la
ministre de la Santé et des Services sociaux et une première
intervention du député de Gouin, nous allons suspendre pour
retourner au projet de loi 58. Alors, effectivement, le leader de l'Opposition
aura tout le temps voulu pour modifier son discours.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Chevrette: Mme la Présidente, je trouve cela fort
habile. Mais je voudrais vous demander maintenant de m'expliquer comment je
dois interpréter vos deux premières décisions par rapport
à celle-ci.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je trouve que les questions
ou les pseudoquestions que vous pose le leader de l'Opposition frisent le
non-respect de l'article 41 qui dit que le président se prononce sur les
rappels au règlement au moment où il le juge opportun en
indiquant le motif de sa décision. Il peut aussi choisir de soumettre la
question à l'Assemblée. La décision du président de
l'Assemblée ne peut être discutée. Mme la
Présidente, ce n'est pas parce qu'on dit "je vous demande une directive"
qu'on peut permettre de faire indirectement ce que le règlement interdit
de faire directement.
La Vice-Présidente: Bon.
M. Chevrette: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: S'il vous plaît! L'article 41 dit
précisément ceci et je vous le cite: "Le président se
prononce sur les rappels au règlement au moment où il le juge
opportun, en indiquant le motif de sa décision". J'aimerais
connaître les motifs qui vous ont poussée à changer les
deux premières décisions que vous avez rendues.
La Vice-Présidente: Là-dessus, je suis prête
à rendre ma décision ou mes décisions, parce que vous avez
soulevé plusieurs points de droit, M. le leader de l'Opposition. Sur
la
première question que vous avez soulevée, à savoir
si vous deviez changer votre intervention, là-dessus, je vous
répondrai que pour moi, c'est une question hypothétique à
ce stade-ci et je n'ai pas à me prononcer immédiatement.
Pour ce qui est de votre deuxième question, à savoir
si...
M. Chevrette: Vos motifs.
La Vice-Présidente: ...mes motifs sont distincts d'une
décision à l'autre, je vous ferai savoir qu'ils sont identiques
parce que j'ai donné une interprétation ni trop large ni trop
restrictive à l'article 239. Là-dessus, je reconnais la
ministre.
M. Chevrette: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Je veux bien ne pas contester votre
décision, mais je dois être en droit de connaître les motifs
qui vous ont amenée à dire, dans un premier temps, que la
ministre devait faire de légers écarts mais revenir aux deux
sujets principaux. Vous venez de donner une version qui lui permet d'arriver
à quarante écarts. Je veux bien suivre le raisonnement, mais pour
que je puisse le comprendre, il faudrait que vous m'expliquiez ce qui vous a
amenée à avoir ce grand écart.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition, si vous
me le permettez, je vais relire la décision et vous allez comprendre que
mes deux décisions se tiennent et vont dans le même sens. J'ai
dit, dans ma décision - elle est écrite, cette fois-ci -"que tous
ces propos ne doivent qu'accessoirement... "À condition toutefois que
ces propos ne portent qu'accessoirement sur ces projets d'amendements." Je
pense que c'est assez clair.
M. Chevrette: Mme la Présidente, est-ce qu'il m'est permis
de proposer à ce stade-ci, dans ce cas, étant donné qu'il
y a de nouveaux principes dans la loi, une scission du projet de loi?
M. Gratton: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Le leader de l'Opposition le sait fort bien, pour
pouvoir proposer une motion de scission du projet de loi, il faudrait qu'un
député ait la parole et au moment où on se parle, le
député qui a la parole, c'est Mme la ministre de la Santé
et des Services sociaux. Effectivement, quand quelqu'un de l'autre
côté se décidera à enfin parler du fond du projet de
loi, quand ce sera à son tour, vous pourrez juger de la
possibilité d'une motion de scission. Il me semble, Mme la
Présidente, qu'au moment où le leader de l'Opposition vous
demande de vous prononcer, c'est une question purement hypothétique
puisqu'il n'a même pas le droit de parole à ce moment-ci.
La Vice-Présidente: Cela va, M. le leader de l'Opposition?
Là-dessus je veux dire que si vous jugez opportun, à un moment
donné, de présenter une motion de scission, vous la ferez et on
jugera en temps utile si elle est recevable ou non.
M. Chevrette: Mme la Présidente, j'ai une dernière
question à vous adresser.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: C'est une demande de directive. Est-ce qu'on doit
interpréter qu'à compter de cet instant Mme la ministre peut
annoncer quatre amendements de principe si elle le veut au projet de loi?
Une voix: 50 au moins.
La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le leader de
l'Opposition, je vais répéter ce que je dois dire: La ministre,
à condition que ses propos ne portent qu'accessoirement sur ces projets
d'amendements. Il me semble que les mots sont mûrement
réfléchis "qu'accessoirement", M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je vais devoir vous
redemander une directive...
M. Gratton: Mme la Présidente, il avait promis que ce
serait sa dernière question.
M. Chevrette: Je ne voudrais pas vous faire...
M. Gratton: II ne respecte pas ses promesses.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Une voix: Comme vous autres.
La Vice-Présidente: Je vais vous rappeler à l'ordre
et je vais vous reconnaître. Bon. À l'ordre!
M. Chevrette: Quand je vous parle du règlement...
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: ...je ne voudrais pas dire
que j'ai poigné la maladie des libéraux, Mme la
Présidente, de ne pas respecter mes engagements. Je les tiens parce que
vous venez de dire "qu'accessoirement". Donc, voulez-vous m'interpréter
"accessoirement"? Cela veut donc dire, si je l'interprète, et cela a de
l'importance, Mme la Présidente, dans la conduite du débat en
deuxième lecture, que Mme la ministre peut, à l'occasion ou
accessoirement, faire allusion à d'autre chose, j'en conviens, mais
est-ce que la ministre peut annoncer en cette Chambre des amendements de
principe? C'est là la question fondamentale et ça, vous n'y
répondez pas. Ce n'est pas une hypothèse. Elle annonce un
amendement de principe sur les soins dentaires. (23 h 10)
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: Je regrette, mais le leader de l'Opposition le sait.
Je le vois dans son visage, Mme la Présidente.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gratton: Je lis cela sur son visage. Il le sait qu'il
fait...
Une voix: Pas d'interprétation.
M. Gratton: ...quelque chose présentement qui est interdit
par le règlement.
Une voix: II interprète.
M. Gratton: Le deuxième alinéa de l'article 41 du
règlement dit bien: "La décision du président ou de
l'Assemblée ne peut être discutée."
Une voix: C'est cela.
M. Gratton: Et cela fait un bon quinze minutes que le leader de
l'Opposition discute de votre décision, Mme la Présidente. Je ne
voudrais pas vous rappeler les articles suivants qui vous permettraient
peut-être de demander au leader de l'Opposition, de façon
très ferme, de respecter le règlement.
M. Chevrette: M. le Président. La
Vice-Présidente: Madame.
M. Chevrette: Mme la Présidente. D'abord, le leader du
gouvernement n'a pas à me prêter d'intention.
Une voix: Première demande.
M- Chevrette: Premièrement, c'est une question de
règlement. Deuxièmement, Mme la Présidente...
Des voix: On ne vous en prêtera pas, vous ne les remettrez
pas:
M. Chevrette: Deuxièmement, je veux bien respecter votre
décision, mais je veux bien la comprendre.
Une voix: C'est cela.
M. Chevrette: Et pour la comprendre, je dois au moins savoir ce
que veut dire dans votre tête le mot "accessoire". Est-ce que c'est s'en
servir dans le cadre des discussions sans avoir aucun effet quant aux
modifications de principe sur le fond? Si on ne sait pas cela, on ne peut pas
continuer le débat. C'est clair.
Une voix: C'est vrai.
La Vice-Présidente: Si vous me le permettez, je pense
qu'en reprenant la décision que j'ai rendue tantôt, on va
peut-être se comprendre un peu plus facilement. J'ai bien dit que la
ministre, si elle a des amendements, pouvait le faire dans son discours, mais
d'une façon accessoire, accessoirement, c'est-à-dire que son
discours ne doit pas porter exclusivement sur ces amendements, mais elle peut,
au cours de son discours, présenter des amendements. Mais ce n'est pas
à moi, à ce stade-ci, de juger de la pertinence ou non des
amendements. Est-ce assez clair? Là-dessus, M. le leader de
l'Opposition, je considère que ma décision est rendue. Je
considère qu'on va sur des questions hypothétiques. Si vous
jugez, à un moment donné, que la ministre dépasse le mot
"accessoirement", vous aurez toujours l'opportunité de poser la question
de règlement.
Une voix: Cela n'a pas d'importance.
La Vice-Présidente: Mme la ministre, s'il vous
plaît, vous pouvez continuer.
Une voix: Mme la ministre ne le fera pas.
Une voix: Bon.
Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. Vos
décisions ont éclairé la demande de directive que je vous
avais adressée. Je voudrais d'abord vous rassurer, Mme la
Présidente, que ce projet de loi porte strictement... le principe de ce
projet de loi vise à assurer ou à désassurer certains
services. C'est cela le principe du projet de loi. Ce n'est pas un projet de
loi qui porte sur la vasectomie ou qui porte sur le préavis que les
médecins doivent donner. C'est un
projet de loi qui, compte tenu de certaines dispositions, vise à
assurer ou à désassurer certains services. Je voulais
strictement, pour question de transparence vis-à-vis de l'Opposition,
indiquer qu'il y aurait un amendement de proposé pour permettre qu'un
service supplémentaire soit désassuré ou que son mode
d'assurance soit modifié.
Alors, il faut toujours garder en tête, M. le Président,
que c'est d'un principe d'assurance ou de désassurance dont il est
question lorsque l'on parle de modifications à apporter à la Loi
sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec.
Mais, cela étant dit, M. le Président, j'avais
déjà fait connaître mon intention publiquement d'apporter
une modification supplémentaire à des services assurés
mais, comme on ne veut pas que je m'étende là-dessus, au moins
j'ai fait connaître à l'Assemblée nationale mon intention.
J'ai déjà parlé suffisamment, je pense, de la
nécessité d'apporter les deux corrections qui sont
déjà dans le projet de loi et qui, d'une part, touchent
l'assurance des services de planification familiale et, d'autre part,
prévoient une désassurance ou un désengagement des
médecins qui ne se seraient pas conformés à la directive,
c'est-à-dire à la loi qui prévoit qu'ils donnent un
préavis de 60 jours avant de quitter un établissement. Je pense
que ces mesures ont pour objet de protéger la population et de corriger
des injustices qui pourraient arriver.
Mais pour éviter tout autre débat inutile, M. le
Président, je suis prête à proposer l'adoption du principe
du projet de loi.
Le Vice-Président: Je cède la parole a M. le
député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort; Merci, M. le Président. Je commencerai mon
intervention sur le projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur
l'assurance-maladie, en relevant les propos que la ministre a tenus en
conclusion de son intervention. M. le Président, si la ministre avait
maintenu tel quel son projet de loi 74, les Québécois et les
Québécoises auraient pu profiter, avant le 21 juin, dans trois
jours, d'une loi qui permettrait que les services de vasectomie soient
payés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec sans
aucun danger de recours judiciaire de la part d'un certain nombre
d'intervenants pour contester le fait que ce soit payé. Ils pourraient
le faire sans aucun danger de surfacturation de la part d'un certain nombre de
professionnels de la santé qui pourraient utiliser un jugement
récent qui a été rendu et surfacturer des
Québécois et des Québécoises. Finalement, la
ministre pourrait profiter de la disposition prévue à l'article
74 qui lui permet de rendre opérationnel le projet de loi 75 qu'elle a
déposé et qui a déjà été
étudié article par article à la commission parlementaire
de l'Assemblée nationale.
Mais la décision que vient de prendre la ministre de la
Santé et des Services sociaux d'ajouter un nouveau principe au projet de
loi, est celui d'apporter un amendement lui permettant de couper le programme
des soins dentaires des jeunes enfants du Québec, fera en sorte que
l'Opposition ne donnera aucun consentement permettant au gouvernement de faire
adopter un tel projet de loi. Puisque nous sommes rendus à mercredi, il
faut informer la population du Québec que ce projet de loi ne pourra
être adopté à moins de consentements formels et nombreux de
l'Opposition et j'annonce immédiatement que nous ne donnerons aucun
consentement à la ministre de la Santé et des Services sociaux
pour lui permettre d'adopter une loi qui couperait les soins dentaires pour les
jeunes enfanta du Québec. Ce faisant, la ministre de la Santé et
des Services sociaux illustre une fois de plus son irresponsabilité
totale en matière de santé des Québécois et des
Québécoises parce que le projet de loi 74 qui a été
déposé le 12 ou le 13 mai dernier est un projet de loi dont les
Québécois et les Québécoises ont besoin, est un
projet de loi dont le bien-fondé est reconnu par tous, y compris par
l'Opposition, par le Parti québécois à l'Assemblée
nationale du Québec. Dès hier, encore une fois, j'avais en
commission parlementaire, en présence du président de la
commission, de la ministre, de son adjoint parlementaire, des
députés ministériels et des députés de
l'Opposition membres de cette commission, indiqué à la ministre
que, même si l'avancement des travaux de son projet de loi ne permettait
pas de faire adopter la loi 74 sans consentement, nous étions
prêts à donner tous les consentements requis pour permettre que
cette loi soit adoptée, même si le gouvernement avait
décidé de ne pas en faire une loi prioritaire pour les
Québécois dans son plan de travaux parlementaires.
J'avais indiqué à la ministre que cette entente, cet
accord, cette offre de collaboration de l'Opposition ne tenait que dans la
mesure où elle maintenait le projet de loi 74 dans la forme qu'il avait
au moment de son dépôt, c'est-à-dire sans aucune inclusion
d'amendement visant à désassurer les soins dentaires des enfants
du Québec. La ministre, sachant que l'Opposition bloquerait son projet
de loi, advenant qu'elle dépose un amendement sur les soins
dentaires...
Le Vice-Président: Excusez-moi, M. le député
de Gouin. Question de règlement, M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Je voudrais simplement savoir, M. le Président,
si, dans un discours de trois minutes, pendant deux minutes et demie à
peu près on parle des dents, c'est de façon accessoire qu'on s'y
réfère. (23 h 20)
Une voix: On fera ce qu'on veut.
Le Vice-Président: Un instant! M. le député
de Laviolette, M. le député de Gouin, je vous dirai qu'il y a une
personne qui fera respecter le règlement, d'accord? Je veux être
clair dans cette chose.
M. Rochefort: Je n'ai rien dit.
Le Vice-Président: Je m'excuse. J'ai compris que cela
venait de vous. Je m'excuse, je retire votre nom, mais j'ai clairement entendu
un des députés à ma gauche, qui était le
député de Laviolette, et un autre député.
Là-dessus, au niveau de la discussion, de ce qui est admissible ou pas
dans la discussion de principe du projet de loi, s'il y a une question de
règlement, le président décidera. Je vous demande
simplement, tel que le prescrit le règlement, de respecter la
décision de la présidence. Dans ce sens, si vous revenez sur la
question précise au niveau de la recevabilité ou non,
c'est-à-dire de la pertinence ou pas du sujet à ce moment-ci,
à mon point de vue le député de Gouin est dans la
pertinence du sujet et je lui cède la parole. Question de
règlement? Question de règlement.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai respecté la
décision de la présidence quand on m'a demandé de ne pas
parler de ce sujet, compte tenu qu'il devrait être apporté en
commission parlementaire. On m'a dit que, si on devait en traiter,
c'était d'une façon absolument accessoire. Je me suis
conformée à la décision. Je pense qu'on doit pouvoir
espérer la même chose de l'autre côté de la Chambre,
M. le Président.
M. Gendron: Un instant, s'il vous plaît! Sur la question de
règlement soulevée.
Le Vice-Président: D'accord, sur la question de
règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: Non, je ne soulève pas une question de
règlement, je veux parler sur la question de règlement
soulevée par...
Le Vice-Président: D'accord, sur la même
question.
M. Gendron: D'accord, sur la même question de
règlement, je veux vous dire bien simplement qu'en ce qui nous concerne
je pense qu'il appartient à chacune des formations politiques de
soulever une question de règlement sur la non-pertinence lorsqu'on
prétend qu'un des parlementaires est non pertinent par rapport au
principe du projet de loi. Vous venez d'indiquer qu'il appartient au
président également de diriger les travaux. S'il prétend
que les propos d'un parlementaire sont non pertinents, nous on peut vous dire
que, lorsqu'il l'indiquera, on va essayer de se conformer à la
décision ou on plaidera.
À ce moment-ci, à ce que je sache, mon collègue le
député de Gouin n'a été en aucune façon
interpellé par la présidence parce que ses propos avaient
été non pertinents. Je pense que votre décision est sage
de lui permettre de continuer à parler sur le principe du projet de loi.
Si jamais, selon votre responsabilité, ses propos devenaient non
pertinents, vous le signalerez et nous on plaidera si on n'est pas
d'accord.
Le Vice-Président: Évidemment là-dessus, Mme
la ministre, sur le point où je dis que le député de Gouin
est pertinent au débat, il est évident que ce qui a
été décidé tantôt c'est fort simple, c'est
qu'au niveau de la recevabilité d'un amendement ce n'est pas ici en
deuxième lecture, lors de la discussion sur l'adoption du principe,
qu'on pourra décider si un amendement est recevable ou pas. Ce
forum-là est le forum qui est prévu en commission parlementaire.
Ce qui est permis par notre règlement, et la décision de la
présidence a été en ce sens, c'est qu'un ministre peut,
dans le cadre d'un projet de loi, annoncer certains amendements qu'il entend
apporter même si ces amendements ne transpirent pas du texte vu dans le
projet de loi. En tout cas, c'est de tradition et c'est ce qui s'est toujours
passé dans cette Chambre. En ce sens, la décision de la
présidence n'a absolument rien changé sur le sujet en cours
actuellement. Si effectivement on voulait modifier cela, on modifiera le
règlement en conséquence. Il y a moyen d'y arriver grâce
aux comités qui s'occupent de ces décisions à
l'Assemblée nationale.
Maintenant, si le député de Gouin faisait un discours en
réplique, son temps de discours est d'une heure. Si je me rendais compte
au bout de la moitié du temps ou après un certain temps de son
discours qu'il parle exclusivement des amendements que vous avez
proposés, à ce moment-là, je l'aviserai, de la même
façon qu'accessoirement vous pouvez apporter certains amendements, qu'on
peut faire certains commentaires accessoires également aux amendements
proposés. De cette façon, il devra revenir au sujet en discussion
sur le principe du projet de loi fondamental ou des articles qui sont
là.
Il est évident qu'un projet de loi peut contenir plusieurs
principes. C'est entendu, on l'a déjà vu dans plusieurs autres
cas. Mais
le forum de la décision sur la recevabilité des
amendements que Mme la ministre a proposés, ce sera fait en commission
lors de l'étude détaillée. Dans ce sens-là, je vais
céder la parole à nouveau au député de Gouin, qui
peut faire certains commentaires au niveau des amendements que vous avez
annoncés, mais à un moment de son discours - qui ne devra pas
être trop lointain - il devra revenir fondamentalement au principe du
projet de loi, aux articles qui sont actuellement intégrés dans
le projet de loi puisqu'on ne peut juger d'avance, ici, que les amendements
proposés seront inclus dans le projet de loi.
M. le député de Gouin, la parole est à vous.
M. Sirros: Question de directive.
Le Vice-Président: Question de directive, M. le
député de Laurier.
M. Sirros: Pour bien comprendre et pour le bon déroulement
des débats, j'aimerais simplement comprendre si votre intervention
indique que les interventions qui portent sur l'allusion à l'amendement
éventuel de la ministre doivent, comme la décision de tout
à l'heure, demeurer accessoires à la discussion du principe du
projet de loi. Il faut que cela demeure accessoire, si j'ai bien compris?
Le Vice-Président: Oui, c'est ce que la décision de
la présidence mentionnait. Dans ce sens, je pense qu'on ne peut
empêcher personne d'arriver au discours. Il reste quand même qu'en
droit parlementaire il est reconnu que parfois dans un discours, quand
quelqu'un fait une certaine digression et que cette digression n'a pas
été corrigée, on peut répondre à la
digression en question. Si vous lisez les auteurs, en ce sens, c'est clair et
précis. Évidemment, en réponse à une telle
digression, on ne pourrait pas permettre un discours d'une heure sur ce sujet.
À ce moment-ci, il est très clair que l'amendement
proposé, qui est une annonce, n'est jugé en aucune façon
recevable ou non, ici, en cette Chambre. La décision sera prise en
commission parlementaire, lors de l'étude détaillée, dans
un autre forum. À ce moment-ci, on ne peut pas juger de ce sujet. C'est
une question de pertinence. Selon l'interprétation qu'on a
donnée, la pertinence peut toucher à un sujet élargi et je
vais maintenir cette décision.
M. le député de Gouin, la parole est à vous.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. J'espère bien
que le temps de procédure que nous venons de prendre ne sera pas
comptabilisé dans mon heure de droit de parole. Évidemment, j'ai
l'intention de prendre mon heure.
M. le Président, je disais donc que...
Le Vice-Président: M. le député de Gouin,
simplement pour mettre les choses au point immédiatement. Au sens de
notre règlement, toute question de règlement, de directive ou de
quoique ce soit est toujours imputée au temps du député
qui parle. Donc, je vous cède la parole.
M. Rochefort: M. le Président, je prends bonne note de
votre décision et j'espère que le député de Laurier
prendra son temps de parole pour intervenir dans le débat plutôt
que le mien, pour soulever des questions de règlement.
M. le Président, comme je le disais tantôt, la ministre
fait preuve d'irresponsabilité, d'une irresponsabilité consciente
dans ce dossier. La ministre, au moment où nous étudiions le
projet de loi 75, a apporté un amendement au dernier article du projet
de loi qui disait: Cette loi entre en vigueur le jour de sa sanction. La
ministre a apporté un amendement disant: Cette loi entrera en vigueur au
moment décrété par le Conseil des ministres. J'ai
demandé à la ministre de la Santé et des Services sociaux:
Pourquoi cet amendement? Elle me dit: C'est parce que j'ai entendu dire que le
député de Gouin veut bloquer l'adoption du projet de loi 74 et,
puisque le projet de loi 74 comprend une disposition qui permet
d'opérationnaliser d'autres dispositions du projet de loi 75, je devrai
attendre que le projet de loi 74 ait été adopté pour que
je puisse appliquer le projet de loi 75. Donc, je devrai décaler dans le
temps l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi 75.
J'ai dit, M. le Président...
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Gouin. Sur une question de règlement, Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Je voulais vous demander une directive. Quand on
est mal interprété ou qu'un parlementaire est lésé,
est-ce à ce moment-là qu'on doit faire les corrections ou plus
tard, M. le Président?
Le Vice-Président: Mme la ministre... M. Jolivet:
...
Le Vice-Président: Vous avez déjà
joué ce rôle, M. le député de Laviolette, mais
maintenant, c'est moi qui... D'accord?
M. Perron: C'est vous qui...
Le Vice-Président: D'accord, M. le député de
Duplessis. Dans ce sens, je vais vous rappeler à l'ordre.
Mme la ministre, si vous voulez rectifier des propos que vous avez tenus
dans un discours précédent, les corriger, c'est à la fin
du discours du député de Gouin, en vertu de l'article 212.
M. Gendron: M. le Président, je suis obligé de vous
poser une question de directive. À partir du moment où vous venez
d'interpréter que toutes les interférences, les interpellations
inutiles, les questions de directive sont prises sur le temps de parole de mon
collègue, on va avoir un problème. Il est manifeste que ces gens
n'ont pas l'intention d'entendre mon collègue s'exprimer, comme il en a
droit en vertu du règlement et conformément à la
décision que vous avez prise tantôt.
En conséquence, si notre collègue ne peut pas avoir le
temps requis pour s'exprimer, on devra prendre, nous aussi, des dispositions
pour vous demander de faire appliquer le règlement. Le règlement
dit que le député de l'Opposition a un droit de parole d'une
heure. Si on ne lui donne un droit de parole que de quinze minutes, en
multipliant les questions de règlement qui n'en sont pas suivant votre
jugement, les directives que vous savez carrément inopportunes à
ce moment-ci, on va devoir vous poser une autre question.
Le Vice-Président: D'accord. J'ai répondu
brièvement à une question très brève de Mme la
ministre. Je cède la parole au député de Gouin. Je demande
la collaboration de tout le monde pour respecter le sens et l'esprit de notre
règlement.
M. Rochefort: M. le Président, je vous
réitère mon entière collaboration pour respecter les
fonctions que nous vous avons confiées à l'unanimité de
cette Chambre. (23 h 30)
Je disais qu'au moment de l'étude du projet de loi 75, à
l'article 11, la ministre nous a dit: Je dois décaler l'entrée en
vigueur du projet de loi 75 parce que l'Opposition m'a indiqué qu'elle
n'acceptera pas d'adopter le projet de loi 74 et que j'ai besoin du projet de
loi 74 pour appliquer le projet de loi 75. C'est là que j'ai dit
à la ministre, et c'est consigné au Journal des débats de
notre commission d'hier en fin de journée, que, si elle maintenait le
projet de loi 74 dans le cadre des deux principes contenus dans le projet de
loi tel qu'il a été déposé au mois de mai dernier,
nous étions prêts à donner notre pleine et entière
collaboration et tous les consentements requis pour lui permettre de faire
adopter son projet de loi 74.
Donc, l'irresponsabilité de la ministre non seulement par son
geste, par sa décision d'inclure la coupure au programme de soins
dentaires pour les enfants du Québec au projet de loi 74, vient-elle
bloquer et empêcher l'adoption des deux principes du projet de loi 74,
soit celui de permettre que les services de vasectomie soient payés par
la RAMQ dans un cadre où aucun professionnel de la santé ne
pourra surfacturer les bénéficiaires de ce service; non seulement
la ministre empêche-t-elle l'adoption des dispositions de l'article 6 qui
lui aurait permis de donner effet au projet de loi 74 auquel elle tient tant,
mais, en plus, son irresponsabilité la pousse à empêcher
les Québécois et les Québécoises de profiter du
projet de loi 75, qu'elle vient nous présenter ici dans un grand
discours en nous disant: J'ai besoin de faire adopter le projet de loi 75 pour
permettre aux Québécois vivant dans les régions
éloignées d'avoir plus de médecins et pour nous permettre,
disait-elle, de régler une fois pour toutes le problème de
pénurie de médecins, notamment de médecins
spécialistes, dans les régions éloignées du
Québec.
M. le Président, la ministre, qui nous dit y tenir et qui nous
dit que c'est un projet fondamental pour les Québécois et les
Québécoises, qui nous dit que c'est un projet de loi absolument
essentiel, maintenant, pour les Québécois et les
Québécoises, pour leur permettre d'obtenir des services de
santé conformes aux besoins qu'ils nous expriment, vient en même
temps, par son geste qui illustre son irresponsabilité totale, reporter
de quelques mois l'application, les effets concrets du projet de loi qu'elle
nous a tant vanté pour des personnes qui vivent dans des régions
éloignées.
Encore une fois, dans un dossier de santé et de services sociaux,
nous assistons à l'irresponsabilité totale de la ministre de la
Santé et des Services sociaux dans le cadre des dossiers qu'elle
présente à l'Assemblée et qu'elle prétend
être une nécessité pour le mieux-être des
Québécois et des Québécoises. Par ses propres
gestes, elle fait en sorte que ces projets de loi ne seront pas adoptés
et ne seront pas en vigueur aux dates prévues et souhaitées par
la ministre pour lui permettre d'apporter les solutions qu'elle semble avoir
retenues pour faire face à des problèmes aussi importants que la
répartition des médecins dans les régions du
Québec.
M. le Président, nous voulons, par les interventions que nous
ferons au cours de la soirée sur cette question, démasquer
l'irresponsabilité totale de la députée de L'Acadie dans
les responsabilités lourdes, importantes et pour lesquelles beaucoup de
Québécoises et de Québécois sont en attente. Cette
ministre traite ses dossiers de façon irresponsable. En fin de compte,
ce n'est pas la ministre qui va en payer la facture, ce sont des
Québécois et des Québécoises qui seront
privés de services de santé et de services sociaux auxquels ils
ont droit et pour lesquels ils ont donné un mandat plus
que clair à la ministre de la Santé et des Services
sociaux et à sa formation politique, le 2 décembre dernier.
Après six mois, nous assistons, encore une fois, à une
illustration d'incompétence et d'irresponsabilité en
matière de santé et de services sociaux de la part de celle
à qui le premier ministre a confié l'ultime responsabilité
d'assurer des services de santé et des services sociaux de
qualité et en quantité suffisante pour répondre aux
besoins de l'ensemble des Québécois et des
Québécoises.
M. le Président, le projet de loi 74, comme je l'ai dit,
contrairement à ce que la ministre a dit, n'est pas une nouvelle Loi sur
l'assurance-maladie au Québec. C'est un projet de loi qui modifie deux
aspects de la présente Loi sur l'assurance-maladie du Québec. Ce
projet de loi répond, premièrement, à un besoin
très précis, très bien identifié de la part des
Québécois et des Québécoises eu égard
à la vasectomie. On sait, M. le Président, comme la ministre l'a
expliqué, qu'à la suite d'un jugement rendu par un tribunal des
Québécois se retrouvaient dans une situation où ils ne
pouvaient profiter de l'appui financier de la RAMQ lorsqu'ils décidaient
de subir une vasectomie. Par une telle situation, on se retrouvait comme
société à faire porter totalement la pression des mesures
de stérilisation sur les femmes du Québec et non pas sur un
partage dans les couples entre femmes et hommes, selon le cas. En ce sens, nous
souscrivons au projet de loi qui a été déposé pour
permettre que non seulement les femmes aient droit à des services de
stérilisation lorsqu'elles en ont besoin, mais que les hommes aussi
puissent avoir ces services; non pas pour qu'un nombre plus grand de
Québécois et de Québécoises soient
stérilisés, bien au contraire, mais pour permettre que, dans les
couples où une décision de cette nature se prend, on n'ait pas
à mettre totalement la pression et la responsabilité de la
stérilisation sur la femme, mais qu'on puisse avoir la
possibilité de faire un choix et donc de décider si c'est l'homme
ou la femme qui aura recours à des mesures de stérilisation. Je
pense qu'il s'agit là d'un choix personnel que des hommes et des femmes
peuvent faire et le projet de loi ne vient pas encourager la
stérilisation.
Le projet de loi ne vient pas donner une ligne de conduite aux
Québécois et aux Québécoises en matière de
politique familiale ou de planification familiale, bien au contraire. Nous
n'avons pas l'intention par ce projet de loi d'entrer dans ce débat qui
est un débat important pour notre société, mais qui ne
doit pas être fait à partir du projet de loi qui est
présenté ici. Le seul but du projet de loi par rapport au dossier
de la stérilisation et auquel nous souscrivons, c'est de permettre
autant à un homme qu'à une femme d'avoir recours au soutien
financier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec lorsqu'ils
décident de se faire stériliser.
Cela dit, je dois indiquer immédiatement que le projet de loi tel
que rédigé nécessitera, quant à nous, un
amendement; Le projet de loi demande, au fond, à l'Assemblée
nationale de donner un mandat au Conseil exécutif, au gouvernement qui
lui permettra de déterminer par règlement les services de
planification familiale qui doivent être considérés comme
des services assurés aux fins du paragraphe d du premier alinéa
de l'article 3. Nulle part il n'est dit dans le projet de loi quels seront les
services qui seront couverts par ce règlement du Conseil
exécutif. En ce sens, comme parlementaires, comme législateurs,
comme détenteurs d'un mandat démocratiquement obtenu de la
population, nous refusons de donner un pouvoir aussi large, aussi
imprécis, de donner un pouvoir de la nature d'un chèque en blanc
au gouvernement sur ces questions.
Si l'objectif visé par la ministre - là-dessus, je prends
sa parole - c'est de couvrir des services de vasectomie, pourquoi ne pas
prévoir dans le projet de loi que les services de pose de
stérilet, de stérilisation chez les femmes, comme chez les
hommes, par ligatures de trompes et vasectomies seront reconnus comme des
services assurés par la Régie de l'assurance-maladie de
façon que les législateurs prennent les décisions pour
lesquelles ils ont été élus, mais aussi
deuxièmement, avouons-le, disons-le nous franchement, pour bien nous
assurer que, dans trois mois, un an, deux ans ou quatre ans, nous n'apprendrons
pas que le gouvernement a adopté un nouveau règlement qui
prévoirait, par exemple, que les ligatures de trompes ne sont plus
assurées par la Régie de l'assurance-maladie ou que les
vasectomies ne sont plus assurées par la Régie de
l'assurance-maladie, ou les deux? Nous ne voulons pas nous retrouver en
présence d'une boîte à surprise où, par simple
décret du Conseil des ministres, un jour, des décisions seront
prises qui iraient à l'encontre des objectifs visés par la
ministre et auxquels l'Opposition, le Parti québécois souscrit.
(23 h 40)
J'indique immédiatement que nous apporterons un amendement en
commission parlementaire pour permettre de préciser dans la loi la
nature des services qui devront être assurés par la Régie
de l'assurance-maladie dans le cadre des services de planification familiale
pour éviter qu'on ne se retrouve dans des situations comme celle que je
viens de décrire.
M. le Président, j'indique aussi que la ministre devra
sûrement entreprendre des consultations avec son homologue
fédéral, le ministre de la Santé, M. Jake Epp, pour
voir
comment ce projet de loi sera appliqué dans le cadre de la loi
fédérale C-3 quant à la notion des services
médicalement requis au sens de la loi canadienne
d'assurance-maladie.
On sait que ce n'est pas clair pour tout le monde. Même ici,
à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on voit le
débat que cette question a soulevé au cours des derniers mois.
Nous devrons avoir l'assurance, M. le Président, que ces services
médicalement requis seront intégrés, seront couverts par
la loi nationale de l'assurance-maladie pour faire en sorte que, là
comme ailleurs, ces frais soient à coûts partagés entre le
gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada puisque nous
participons largement à l'assiette fiscale fédérale. Donc
ces services, comme d'autres, devront être à coûts
partagés.
D'autre part, M. le Président, comme j'ai eu l'occasion de le
dire, le projet de loi apporte une corrélation quant à
l'application d'une disposition prévue au projet de loi 75. Le projet de
loi 75 prévoit en cette matière, à cet égard, que
le médecin qui aura un poste dans un plan d'effectifs médicaux
d'établissement ou de conseil régional devra, lorsqu'il
souhaitera quitter cet établissement, donner un préavis de 60
jours pour faire en sorte que la population desservie par ce médecin
profite des services de celui-ci pendant que l'établissement recrute un
nouveau médecin pour dispenser après son départ les
mêmes services, en termes de qualité et de quantité,
à la population.
Nous avons dit, M. le Président, que nous appuyons ce projet, que
nous considérons qu'il s'agit d'un outil utile, d'un outil
nécessaire à la gestion des effectifs médicaux et à
la stabilité des effectifs médicaux dans l'ensemble des centres
hospitaliers, des centres locaux de services communautaires, des centres
d'accueil du Québec et, aussi, dans l'ensemble des régions du
Québec.
Sauf que la ministre a refusé, dans son projet de loi 75, un
amendement présenté par l'Opposition et réclamé par
tous les intervenants, permettant aux médecins qui seront sous le joug
des sanctions sévères qui sont prévues au projet de loi 75
et qu'on retrouve aussi au projet de loi 74 d'aller en appel de cette
décision. J'explique la situation, M. le Président. Le
médecin qui quittera avant d'avoir donné son préavis de 60
jours se verra retirer son droit de participation au Régime
d'assurance-maladie du Québec pour deux fois le nombre de jours
où il n'aura pas respecté le délai de soixante jours de
préavis.
Il faut savoir que, dans notre système de santé, un
médecin qui se voit déclaré non participant à la
Régie de l'assurance-maladie du Québec ne peut continuer de
pratiquer la médecine puisque à peine 30 ou 40 médecins
à travers le Québec, actuellement, et dans des domaines
très spécialisés, très particuliers, pratiquent la
médecine sans être participants au Régime
d'assurance-maladie du Québec. Cela fait en sorte que ces
médecins - pour être concret, clair - ne pourront recevoir des
clients qui donneront la carte d'assurance-maladie qui, en passant dans le
petit appareil du médecin, fait en sorte que les services
dispensés par le médecin en question seront payés par la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. M. le Président,
c'est voir combien la sanction est sévère, c'est voir combien la
sanction est lourde de conséquences pour le professionnel de la
santé qui n'aurait pas respecté le préavis de 60 jours
pour quitter un plan d'effectifs.
Cela dit, M. le Président, nous avons dit: Oui, nous sommes
d'accord avec cette disposition du projet de loi parce qu'effectivement il faut
que les médecins puissent respecter une stabilité dans les plans
d'effectifs de façon que la population ait la possibilité de
bénéficier de façon régulière et constante
des services de santé auxquels elle a droit et pour lesquels elle a des
besoins bien identifiés.
Cela dit, M. le Président, si nous souscrivons au
mécanisme du préavis de 60 jours, si nous souscrivons à la
sanction, nous demandons à la ministre qu'un droit d'appel soit reconnu
dans la loi aux médecins de façon à leur permettre, comme
à n'importe quel autre citoyen, dans n'importe quelle autre situation,
d'aller en appel sur une décision qui les concerne personnellement.
La ministre a refusé l'amendement que nous avions
déposé et - je le répète - qui a été
demandé par l'ensemble des intervenants concernés, pour permettre
qu'un droit d'appel soit prévu pour l'ensemble des professionnels de la
santé qui seront concernés par ces sanctions. Pour permettre
à la loi de s'appliquer dans sa totalité, avec ce droit d'appel,
nous avions même prévu dans notre amendement que la
décision de désassu-rance ou de non-participation au
Régime d'assurance-maladie du Québec soit maintenue, soit en
vigueur tant et aussi longtemps que l'appel n'aurait pas été
entendu par la Commission des affaires sociales, de façon à
permettre à la ministre de faire appliquer correctement...
Le Vice-Président: M. le député de Gouin, un
instant. Sur une question de règlement, M. le député de
Laurier.
M. Sirros: M. le Président, le député fait
référence au projet de loi 75 qui a déjà
été adopté en principe. À mon avis, ce n'est pas
pertinent au débat sur le projet de loi 74.
Le Vice-Président: M. le député de
Laurier, ce que je peux constater ici dans la discussion de ce projet de
loi, c'est que, suivant les dispositions du projet de loi 75, cela a un effet
sur le projet de loi 74. Je dois donc considérer que le sujet est
pertinent. M. le député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, je vous remercie. Je
reconnais encore une fois votre sagesse et je reconnais encore une fois que le
député de Laurier brille par ses interventions de fond dans cette
Assemblée.
M. le Président, comme je le disais, l'amendement que nous avions
apporté aurait permis pleinement, à cet outil du préavis
de 60 jours de s'appliquer dans sa totalité avec toutes les garanties
recherchées par la ministre et auxquelles nous souscrivons. Mais aussi
il aurait permis de reconnaître les droits de ces individus de se faire
entendre lorsqu'une décision vient les affecter dans leurs droits et
dans leurs privilèges dans notre société.
Ce parti, ce gouvernement libéral qui s'est toujours pourfendu
discours par-dessus discours quant à la protection des droits et
libertés des personnes, quant au fait qu'il fallait reconnaître
dans nos chartes et dans nos lois et respecter ces droits et libertés
des personnes, est venu refuser en commission parlementaire ce droit d'appel.
Nous voterons contre l'article 6, parce que la ministre refuse ce droit d'appel
dans le projet de loi 75. Nous souscrivions au mécanisme des 60 jours -
je le répète - nous souscrivions, même si nous la jugeons
sévère, à la sanction qui est prévue. Compte tenu
qu'il n'y aura pas de droit d'appel qui aurait quand même permis
d'appliquer dans sa totalité et en tout temps le projet de loi 75, nous
ne souscrirons pas à la mise en vigueur demandée à
l'article 6 du projet de loi 74 de ce mécanisme qu'on retrouve dans le
projet de loi 75.
Oui, il faut prendre les mesures qui permettent aux citoyens du
Québec de bénéficier de services de santé de
qualité en quantité suffisante et de façon constante.
Mais, en même temps, il y a moyen de faire cela en respectant les droits
des citoyens. Les médecins du Québec sont aussi des citoyens qui
ont des droits comme les autres citoyens du Québec. Par l'attitude de la
ministre sur cette question, comme sur l'ensemble de la discussion entourant le
contrôle de la pratique médicale au Québec, nous avons
l'impression que la ministre est en train de tenter de faire une nouvelle
classe de citoyens à part avec les professionnels de la santé que
sont les médecins. Sur cela, nous avons répété
plusieurs fois nos positions. Nous considérons que ce n'est pas en
traitant les professionnels de la santé de la sorte que nous pourrons
par la suite leur demander collaboration, confiance, participation à
l'édification et au maintien d'un système de santé de
qualité qui doit profiter à l'ensemble des
Québécois et des Québécoises. (23 h 50)
Finalement, sur le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi
74, la ministre de la Santé et des Services sociaux nous a
annoncé qu'elle avait l'intention d'apporter en commission parlementaire
un amendement lui permettant d'appliquer sa coupure budgétaire au
programme de soins dentaires pour les enfants du Québec. M. le
Président, d'abord, il faut rappeler que, quand la ministre de la
Santé et des Services sociaux a décidé d'appliquer au
programme de soins dentaires la coupure budgétaire que lui demandait le
président du Conseil du trésor dans les crédits
budgétaires qu'il lui avait accordés, elle nous indiquait, du
même souffle, du même coup, que la santé dentaire des
enfants du Québec était au dernier rang de ses priorités
en matière de santé pour les Québécois et les
Québécoises.
M. le Président, la Régie de l'assurance-maladie
administre de nombreux programmes. Elle administre un budget qui s'approche des
2 000 000 000 $. L'ensemble des sommes mises à la disposition du secteur
de la santé et des services sociaux au Québec représente
une somme de 8 000 000 000 $. Quand on décide d'appliquer une coupure
budgétaire de l'ordre de 8 000 000 $ à 20 000 000 $ dans un
secteur, c'est parce qu'on considère que c'est là la moins grande
priorité, que ce secteur n'est pas une priorité pour le
gouvernement.
Donc, la décision de la ministre de la Santé et des
Services sociaux d'appliquer la coupure budgétaire prévue pour la
Régie de l'assurance-maladie du Québec au programme de soins
dentaires indique clairement que, pour la ministre de la Santé et des
Services sociaux, la dernière de ses inquiétudes, la
dernière de ses préoccupations, la dernière de ses
priorités, c'est la santé dentaire des enfants du
Québec.
Une voix: Un scandale!
M. Rochefort: M. le Président, non seulement vient-elle
indiquer que c'est sa dernière priorité, mais, par l'insistance
qu'elle a manifestée à maintenir cette coupure au programme de
soins dentaires, la ministre, du même coup, en tant que grande
responsable de tout le dossier de la santé et des services sociaux au
Québec, vient donner une indication, vient donner un signe à
l'ensemble des parents du Québec que, finalement, la santé
dentaire des enfants ne doit pas être quelque chose de si prioritaire que
cela.
Elle vient leur dire que non seulement dans le budget de la Régie
de l'assurance-maladie du Québec et dans le budget de la Santé et
des Services sociaux au Québec, ce
n'est pas une priorité, c'est sa dernière priorité,
mais elle vient presque dire aux gens: Écoutez, je ne vous incite pas
tant que cela à vous occuper de la santé dentaire de vos enfants,
parce que je ne suis même pas prête à faire ma part, comme
ministre de la Santé et des Services sociaux, pour faire en sorte que la
santé dentaire des enfants du Québec soit de qualité et
soit bien encadrée par un programme qui donne des résultats.
Effectivement, M. le Président, c'est le cas. Les
spécialistes du Québec, qui se sont penchés sur la
question de la santé dentaire des enfants du Québec depuis
quelques années, ont tous, sans aucune exception, reconnu que le
programme qui avait été mis en place et qui existait depuis 1982,
avait donné d'excellents résultats, nous avait permis de faire
des rattrapages importants à comparer à la santé dentaire
des enfants de l'Ontario, du reste du Canada et des États-Unis. Mais
aussi tous reconnaissaient que ce programme devait être maintenu et, si
possible, prolongé, parce qu'on avait encore des retards importants
à rattraper en matière de santé dentaire et
particulièrement chez nos enfants.
M. le Président, la ministre, par la décision qu'elle a
prise de couper le programme des soins dentaires, vient anéantir,
réduire, diminuer, remettre en question les nombreux efforts, les
nombreuses ressources et toutes les énergies que les
Québécois et les Québécoises, dans leur ensemble,
ont consacrés à la santé dentaire des enfants du
Québec au cours des dernières années et qui ont
donné des résultats que tous les spécialistes ont reconnus
et ont affirmés avec fierté.
La dernière étude est celle de l'Association des
directeurs généraux des districts de santé communautaire
du Québec qui est venue dire: Voilà un bon programme,
voilà un programme qui a donné des résultats concrets,
mesurables, positifs. Voilà un programme qui doit être maintenu.
Je le répète, M. le Président: Non seulement les
spécialistes de ces organismes recommandaient de maintenir le programme,
mais ils recommandaient de le prolonger dans la mesure de nos
disponibilités budgétaires.
La ministre non seulement va à l'encontre de ces études et
de ces recommandations, mais elle coupe aveuglément dans le programme
des soins dentaires pour les enfants du Québec. Comment, demain,
après-demain ou dans les prochains mois, pourra-t-elle venir, comme
ministre de la Santé et des Services sociaux, prêcher aux parents
du Québec l'importance de la santé dentaire pour les enfants du
Québec? Comment pourra-t-elle venir dire aux parents: Accordez donc plus
d'importance à la santé dentaire des enfants du Québec,
alors qu'elle n'est même pas prête à accorder les sommes qui
étaient prévues dans son budget? Voilà une décision
absolument irresponsable de la part de la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Il faut rappeler aussi que, dans le dossier des soins dentaires, la
ministre n'en est pas à une irresponsabilité près. Elle
avait même envisagé de décréter...
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Gouin. M. le député de Laurier, sur une question de
règlement.
M. Sirros: M. le Président, j'aimerais simplement savoir
si les références au programme de soins dentaires sont toujours
accessoires, parce que c'est dans le moment une intention qui a
été annoncée.
Le Vice-Président: Nous avons convenu, lors du
débat antérieur lorsque Mme la ministre a proposé un
amendement, que l'amendement au stade de la discussion du projet de loi ne se
faisait que d'une façon accessoire, c'est-à-dire qu'on ne
permettait pas à la ministre de parler pendant son intervention
longuement sur l'amendement qui doit être apporté et qui,
fondamentalement, n'a pas encore été jugé recevable au
sens du projet de loi. C'est la commission qui le décidera. Vous avez,
évidemment, le loisir d'en discuter, mais je vous demanderais, de la
même façon qu'on peut permettre un amendement et d'en parler d'une
façon accessoire, de vous en tenir également dans votre cas au
niveau du débat à ne pas discuter d'une façon trop longue
de cet amendement dont, finalement, au niveau du projet de loi, on aura
à décider ultérieurement s'il est recevable ou non.
Je vous demanderais donc de limiter vos propos, l'étendue de
votre discours, sur ce point précis du projet de loi. À vous la
parole.
M. Rochefort: M. le Président, je respecte
entièrement votre décision. Je veux simplement vous faire part
que, pour moi, c'est une façon d'expliquer le vote que je prendrai sur
le projet de loi 74 qui est débattu actuellement. J'explique pourquoi je
m'opposerai, comme l'ensemble des membres de ma formation politique, à
l'adoption de ce projet de loi, à cause de l'inclusion de cet
amendement. C'est pour permettre à tout le monde de bien comprendre
pourquoi et comment nous voterons sur ce projet de loi. C'est directement
relié au contenu et vous pouvez reconnaître que j'ai traité
très longuement du projet de loi, au cours des minutes qui ont
précédé cette intervention.
Je disais donc, quand le député de Laurier m'a interrompu
à nouveau avec ses brillantes interventions de fond qui illustrent
combien c'est un homme de contenu, que la ministre n'en était pas
à une irresponsabilité près dans ce dossier, qu'elle
était même
allée jusqu'à envisager d'annoncer une décision
comme quoi un impôt serait levé sur le dos des enfants du
Québec. La ministre a annoncé cela dans un communiqué de
presse clair. Elle l'a redit mille et une fois à des journalistes du
Québec que maintenant les enfants du Québec...
M. Sirros: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Question de règlement, M. le
député de Laurier.
M. Sirros: J'aimerais simplement savoir si vous n'avez pas
rappelé le député de Gouin à l'ordre, tout à
l'heure?
Le Vice-Président: Je l'ai rappelé. Un instant! Sur
la question de règlement. Allez- y:
M. Charbonneau: M. le Président, la ministre de la
Santé et des Services sociaux a choisi, dans ses derniers propos, de
nous indiquer qu'elle ne prendrait pas tout son temps de parole. Cela a
été son choix à elle. Elle aurait très bien pu
s'exprimer longuement sur l'amendement, tout en respectant la décision
que la présidence avait prise précédemment. Elle a choisi
de ne pas prendre cette voie. Très bien. Mais le député de
Gouin, lui, peut décider d'agir autrement que la ministre et prendre
tout son temps de parole pour s'exprimer sur ce dossier important et sur
l'amendement de la ministre.
Le Vice-Président: Sur la même question, M. le
député de Laurier, brièvement.
M. Sirros: M. le Président, je pense qu'il faudrait que
vous expliquiez au député de Verchères la décision
que la présidence a rendue tout à l'heure concernant la notion
accessoire. Il comprendra peut-être.
M. Rochefort: Question de règlement, M. le
Président. Une très courte intervention.
Le Vice-Président: Question de règlement, M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, je soulève une
question de règlement en vertu des autres dispositions de notre
règlement qui vous demandent de protéger pleinement mon droit de
parole. Je pense qu'on a empiété sur mon droit de parole par les
multiples questions de règlement du député de Laurier dont
vous n'avez jamais reconnu le bien-fondé, (minuit)
Le Vice-Président: À ce stade-ci, je ne veux pas
que le débat s'éternise ni vous refuser votre droit de parole.
Pour tout député en cette Chambre, quand il juge qu'un
député déroge d'une quelconque façon au
règlement, c'est son droit le plus strict de se lever, d'intervenir et
de soulever le point à la présidence. Cela ne va pas contre votre
droit de parole, c'est quelque chose qui est prévu dans notre
règlement. Tout député, à tout moment, peut
soulever une question de règlement. Donc, je vous recède la
parole sur votre droit d'intervention. Évidemment, on a
décidé d'une certaine façon tantôt - je serai
très bref là-dessus, 30 secondes - que pour l'adoption du
principe, si la ministre ou un ministre décide dans son projet de loi
d'annoncer certains amendements, c'est son droit le plus strict, tel que la
présidente l'a déclaré tantôt. Simplement
c'était d'une façon accessoire à la discussion du principe
du projet de loi. Dans ce sens-là, sans vouloir limiter le droit de
parole des personnes de l'Opposition, on a demandé et je continue de
demander que vos propos se rapportent dans la mesure du possible au fond du
projet de loi tel qu'énoncé dans le document déposé
et la discussion sur l'amendement devient accessoire. Donc, je vous demande de
limiter vos propos, à ce moment-ci, à l'amendement qui a
été proposé pour respecter, si on veut, cette question
d'un débat accessoire et non pas le débat principal, puisque, et
je le répète à nouveau, il n'a aucunement
été question pour la présidence de décider de la
recevabilité ou pas de ce point.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président: Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux simplement vous
faire remarquer qu'on m'a même empêchée de présenter
l'amendement, sous prétexte qu'il devait être
présenté en commission parlementaire et non pas ici et que je ne
pouvais m'y référer qu'accessoirement. De toute façon, on
ne m'a pas donné le loisir de le présenter. Alors, il me semble
que les règles doivent être les mêmes pour les deux
côtés de la Chambre.
Le Vice-Président: À ce moment-ci, Mme la ministre,
ce qui a été décidé, c'est qu'à la
discussion en deuxième lecture sur l'adoption du principe vous pouviez
proposer certains amendements, annoncer des amendements que vous allez proposer
en commission parlementaire et ces propos sont pertinents, à condition
toutefois qu'ils ne portent qu'accessoirement sur les projets d'amendements.
Donc, finalement il n'est pas question de discuter, à ce stade-ci de
l'adoption du principe du projet de loi, des amendements.
Les amendements ne sont pas déposés et ils ne sont pas au
dossier. Ils le seront en commission parlementaire et vous aurez tout le loisir
de les débattre à ce moment-là. C'est dans ce
sens-là que je vous demande de revenir au fond du projet de loi et, au
niveau des amendements annoncés sans que l'on ait le texte formel des
amendements, que vous reveniez à ce moment-ci à en discuter
brièvement, mais le fond de vos propos doit porter sur les principes
énoncés dans le projet de loi tel que déposé.
M. Rochefort: M. le Président, comme je vous l'ai dit
tantôt, sur la question de règlement, j'explique le sens du vote
que nous prendrons sur le projet de loi 74. Je redis que si cet amendement
n'avait pas été évoqué ici nous aurions voté
pour, mais là nous voterons contre et j'explique pourquoi, M. le
Président.
Le Vice-Président: Parfait.
M. Rochefort: M. le Président, il me reste à peu
près 15 minutes d'intervention. Je réitère la
possibilité pour la ministre de retirer son intention de déposer
cet amendement et nous adopterons le projet de loi 74 dans les minutes qui
suivent, M. le Président. Qu'elle prenne ses responsabilités,
nous sommes bien disposés pour lui permettre d'assumer ses
responsabilités.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, puisque le
député de Gouin m'a posé une question...
Le Vice-Président: Un instant! Un instant!
M. Rochefort: Je ne vous ai pas posé de question.
Le Vice-Président: Vous avez un droit de réplique,
Mme la ministre, et vous y reviendrez à ce moment-là. M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, comme je l'expliquais, la
ministre a même envisagé de décréter un impôt
sur les enfants, mesure qu'elle a déjà annoncée, qui
était décidée à l'époque et qui aurait fait
en sorte que tous les parents du Québec qui ont des enfants de moins de
15 ans auraient un impôt spécial sur le dos de leurs enfants pour
les soins dentaires. On aurait payé un impôt en fonction du nombre
d'enfants que l'on a et on aurait été partiellement
remboursé si on n'avait pas amené nos enfants chez le dentiste ou
selon le nombre de visites qu'ils auraient effectuées chez le
dentiste.
M. le Président, voilà une preuve
d'irresponsabilité, mais Dieu soit loué, par les interventions de
tout le monde au
Québec, nous avons réussi à faire en sorte que la
ministre retire...
M. Sirros: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Un instant! Question de
règlement, M. le député de Laurier.
M. Sirros: M. le Président, je m'excuse, mais il me semble
que je vous ai bien entendu dire il y a à peu près trois minutes
que le député de Gouin devait se limiter aux discussions
centrales sur le projet de loi. C'est la deuxième fois qu'il vous
ignore, M. le Président. J'aimerais savoir si vous entendez le rappeler
à l'ordre une autre fois.
Le Vice-Président: M. le député de Laurier,
je vous dirai - à l'ordre, s'il vous plaît! - à ce
moment-ci, que la décision... Vous pouvez invoquer la pertinence du
débat et je jugerai par moi-même si le discours du
député est pertinent. Je le lui ai demandé, et je lui
répète, je jugerai en temps utile. Quant au contenu de son
intervention, s'il parle de sa décision de voter pour ou contre le
projet de loi, je ne peux pas l'empêcher d'exprimer ses propos.
Ce que je lui ai demandé, dans les remarques que je lui
adressais, c'est de tenter de s'en tenir au fond du projet de loi tel que
déposé - relativement aux amendements, on ne connaît pas
leur teneur - et d'y accéder brièvement, purement et
simplement.
Je vous répète cette invitation. Si je juge que les propos
du député de Gouin sont non pertinents, je verrai à les
sanctionner. Donc, je vous laisse la parole, M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président, de me
redonner pour une nouvelle fois le droit de parole après les brillantes
et très pertinentes interventions du député de
Laurier.
M. le Président, je disais que la ministre avait envisagé,
dans le dossier des soins dentaires, de décréter un impôt
sur le dos des enfants, mais la pression populaire au Québec a eu raison
de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Dans l'amendement -
d'après ce qu'elle nous annonce - qu'elle déposera au projet de
loi 74, Dieu soit loué, il n'y aura pas d'impôt sur les enfants.
Mais cet amendement, auquel la ministre a fait référence, elle
vient de nous l'annoncer, lui permettra de couper un des deux examens dentaires
annuels, payés, en ce moment, à l'ensemble des enfants du
Québec et qui était prévu au programme qui existe depuis
un certain nombre d'années.
Cette coupure, M. le Président, représente n'importe quoi
entre 8 000 000 $ et 20 000 000 $ puisque le deuxième
examen à lui seul représente 8 000 000 $. Quand les
parents amenaient leurs enfants chez le dentiste pour un des deux examens
annuels, le dentiste, à l'occasion, dépistait des caries et les
réparait sur-le-champ. Cette réparation des caries, soin
assuré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec,
représente à elle seule un montant d'environ 12 000 000 $.
Les parents du Québec n'ayant pas les moyens de payer 23 $ pour
un deuxième examen dentaire annuel n'amèneront pas les enfants
chez le dentiste. Donc, le dentiste ne pourra dépister une carie chez
l'enfant et en conséquence n'aura pas à facturer la Régie
de l'assurance-maladie pour une somme d'environ 12 000 000 $. C'est ce qui nous
fait dire que cette coupure, dans les faits, et là encore la ministre
manque de franchise, représentera une économie pour le
gouvernement de l'ordre de 8 000 000 $ à 20 000 000 $...
Mme Bleau: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Gouin. Mme la députée de Groulx.
Mme Bleau: Je ne comprends pas, M. le Président, selon nos
règlements, comment le député peut s'étendre si
longtemps sur le sujet des dents quand on n'a même pas voulu...
Le Vice-Président: Un instant, Mme la
députée de Groulx. J'ai rendu une décision relativement
à la pertinence du débat. Ce sujet a été ouvert, le
député de Gouin peut en traiter, je l'ai mentionné
tantôt. Il doit en traiter de la façon la plus limitative
possible, je l'ai expliqué tantôt. S'il se conforme à
l'ensemble du projet de loi, je ne peux rien y faire. Je lui cède
à nouveau la parole, Mme la député.
Mme Bleau: Je voudrais un renseignement, M. le Président,
à savoir ce que vous entendez...
Le Vice-Président: Un instant, Mme la
députée de Groulx, je vous donne la parole brièvement.
Mme Bleau: Je veux savoir ce que vous voulez dire quand vous
dites "brièvement" dans le cadre du sujet.
Le Vice-Président: Très simplement, Mme la
députée de Groulx, notre règlement en cette Chambre est
vaste, large, en ce qui concerne la pertinence du débat. Cela a
été répété tantôt. On doit laisser les
députés discuter comme ils le veulent, sur un projet de loi pour
autant qu'on reste dans le contenu du projet de loi.
Un député peut intervenir vingt minutes sur un projet de
loi en prenant un seul petit élément du projet de loi et en
traiter. Dans ce cas-ci, le député de Gouin traite d'une
façon un peu plus longue une certaine partie du projet de loi, en
l'occurrence des amendements annoncés. Je dois reconnaître son
droit de parole à cet égard.
Donc, simplement, M. le député de Gouin, puisque vous avez
quand même, sans étendre le débat, parlé d'une
façon assez importante du principe de l'amendement annoncé, mais
qui n'est pas déposé, je vous demandrais de revenir au fond du
projet de loi, c'est-à-dire les autres principes qui sont en discussion.
Je vous cède la parole. (0 h 10)
M. Rochefort: M. le Président, je disais donc que la
ministre a décidé d'apporter une coupure qui représentera
une économie dans son budget de 8 000 000 $ à 20 000 000 $,
touchant la santé dentaire des enfants du Québec.
M. le Président, cette décision qu'elle compte rendre
légale par son projet de loi 74 que nous étudions
présentement, justifiera, de notre part, de nous opposer à ce
projet de loi dont, par ailleurs, nous étions prêts à
souscrire aux autres dispositions. Je dirai que la ministre, dans le dossier
des soins dentaires, a à l'occasion tenté de reporter l'odieux de
sa décision sur des décisions qu'avait prises le Parti
québécois en 1982. Je rappelerai qu'en 1982 les
Québécois vivaient la pire crise économique qu'on ait
jamais connue depuis 1929 mais, en même temps -ce que la ministre a
toujours omis de dire -nous avons investi des sommes importantes, de l'ordre de
plusieurs millions de dollars, dans un programme que nous avons mis en place
dans les centres locaux de services communautaires et dispensé par des
hygiénistes dentaires, ce qui faisait que 100 % des jeunes enfants du
Québec profitaient du programme de soins dentaires et en profitent
encore aujourd'hui. Avant l'application des restrictions de la ministre, nous
déservions non seulement les enfants qui se présentent chez le
dentiste mais, par ce nouveau programme mis en place par le Parti
québécois, nous visitions les enfants dans les écoles.
Donc, 100 % des enfants du Québec profitaient de ce nouveau programme
que nous avions mis en place en 1982. Je le rappelle, M. le Président,
alors que nous étions en pleine crise économique, la pire que
nous ayons connue depuis 1929.
M. le Président, quand on vient essayer de comparer cette
décision au geste que nous avons posé, je mets au défi la
ministre. Qu'elle investisse autant que nous dans un programme qui permettra
à tous les enfants du Québec de bénéficier de
nouveaux services de santé dentaire. Nous l'appuierons et, par la suite,
elle pourra comparer ses actions à celles du Parti
québécois dans le
secteur de la santé dentaire.
M. le Président, je vois la ministre dire 2 000 000 $. Je lui
rappelerai qu'elle-même, en commission parlementaire, nous a
rappelé qu'il s'agissait-là d'un budget de 9 000 000 $ à
10 000 000 $ par année. Que la ministre puisse peut-être consulter
ses dossiers avant de faire de telles affirmations.
Donc, je conclus puisque l'essentiel de mon temps a été
occupé par les questions de règlement du député de
Laurier. Je conclus en disant que nous étions prêts à
souscrire à un projet de loi qui permettait de rendre gratuits les
services médicaux de vasectomie dispensés par des médecins
du Québec au même titre que les ligatures de trompes, que nous
étions prêts à donner notre appui à un projet de loi
qui aurait permis de rendre opérationnel, dès maintenant, le
projet de loi 75 pour lequel la ministre nous a fait de grands discours. Mais,
par la décision de la ministre d'inclure au projet de loi 74 son
amendement au programme de soins dentaires, non seulement la ministre est
obligée de reporter l'entrée en vigueur de l'essentiel des
dispositions du projet de loi 75 qu'elle a tenté de faire adopter
à la vapeur par l'Assemblée nationale, mais la ministre, en
même temps, empêchera les Québécois et les
Québécoises de profiter des deux dispositions du projet de loi 74
qu'elle leur avait promises pour ce printemps, qu'elle s'était
engagée à leur rendre disponibles, pour lesquelles elle avait
déposé un projet de loi et pour lesquelles nous étions
prêts à donner tous les consentements requis, pour permettre aux
Québécois et aux Québécoises de profiter maintenant
des nouvelles dispositions de ce projet de loi que la ministre avait promis de
faire adopter avant l'ajournement d'été.
Par son irresponsabilité, encore une fois, la ministre ne
respectera pas ses engagements - ce qui commence à être la marque
de commerce de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Une
machine à faire des promesses mais qui ne livre pas beaucoup de
marchandise dans une même semaine.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Laurier.
M. Gratton: M. le Président.
Le Vice-Président: J'ai une question de règlement.
M. le leader du gouvernement.
M. Sirros: Selon l'article 213, j'aimerais demander la permission
au député de Gouin de lui poser une question.
Le Vice-Président: Un instant. M. le député
de Gouin, j'ai une demande en vertu de l'article 213. Est-ce que vous acceptez
qu'on vous pose une question? Et cette question, je le répète,
devra être très brève et la réponse devra être
brève également.
M. Rochefort: M. le Président, quand le
député de Laurier...
Le Vice-Président: Un instant. Je ne vous ai pas
donné la parole. Je vous demande simplement, M. le député
de Gouin - et c'est très précis au règlement - si vous
acceptez ou non que le député de Laurier vous pose une
question.
Oui ou non? Je vous demande une réponse. Oui ou non?
M. Rochefort: Je veux vous donner ma réponse, M. le
Président.
Le Vice-Président: Oui.
M. Rochefort: M. le Président, quand le
député de Laurier reviendra dans l'Opposition...
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Gouin!
Une voix: C'est non.
Le Vice-Président: Donc, la réponse est non. Sur
l'intervention, M. le leader du gouvernement. À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le leader du gouvernement.
M. Rochefort: Quand vous viendrez dans l'Opposition... Ça
s'en vient...
Le Vice-Président: À l'ordre! M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: J'espère que cela ne décevra pas trop
le député de Gouin si on attend quelques années.
Le Vice-Président: Sur la question de règlement, M.
le leader du gouvernement.
M. Gratton: Non, M. le Président, ce n'est pas pour une
question de règlement, j'aimerais proposer l'ajournement du débat
tel que nous nous étions entendus de le faire.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
du débat est adoptée? Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je vous demanderais
maintenant de revenir à l'adoption du projet de loi 58, s'il vous
plaît. Il s'agit de l'adoption du projet de loi dont nous avons
adopté le rapport lors d'un vote enregistré ce matin.
Projet de loi 58 Reprise du débat sur
l'adoption
Le Vice-Président: Nous allons reprendre le débat
sur l'adoption du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité de certains
enfants à l'enseignement en anglais.
La parole est au leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, j'avais demandé
l'ajournement du débat de façon à respecter l'entente que
j'avais avec les leaders de l'Opposition, mais je voudrais maintenant
céder à quiconque voudra prendre la parole sans pour autant
perdre mon droit de parole dans ce débat.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'aurais pensé
qu'un membre du gouvernement aurait défendu le projet de loi 58. Je me
suis levé parce que personne de la commission parlementaire du
côté du gouvernement ne s'est levé pour parler sur un
projet de loi considéré comme si essentiel. Je dois vous dire, en
même temps, que cela ne diffère pas beaucoup de la commission
parlementaire que j'ai vécue et au cours de laquelle les gens n'ont
même pas pris la parole, laissant le soin au ministre de se
défendre sur les objectifs qu'il avait voulu bien démontrer.
Quant à moi, je dois vous dire que c'est avec beaucoup d'émotion
que je prends la parole pour la dernière fois sur un projet de loi qui
est, en fait, une pièce d'une mozaïque dont on ne connaît pas
l'ampleur au moment où on se parle et qui concerne l'ensemble de la loi
101.
Je ne voudrais pas non plus, M. le Président, demander à
mes enfants de prendre la cassette vidéo pour écouter les
discours qui ont été faits par le ministre aussi bien sur mon
dos, comme député responsable de ce dossier et comme critique de
l'Opposition en matière d'éducation primaire, secondaire, que sur
ceux de mes collègues, en particulier de ma collègue de
Chicoutimi, où le ministre a été d'une arrogance
inqualifiable. Je ne voudrais pas qu'ils aient l'impression que je suis un
minus habens, c'est-à-dire une personne de moindre importance. J'ai
essayé le plus honnêtement possible comme membre de l'Opposition
de faire valoir des points et ce qu'on a reçu de la part du ministre, ma
collègue et moi qui avons participé à presque toutes les
séances de la commission - et tous ceux qui m'ont accompagné, le
député d'Abitibi-Ouest était une des personnes qui m'ont
accompagné pendant les 27 heures... Lors de la discussion en
deuxième lecture, ce qu'on appelle l'adoption du principe, soit lors de
la prise en considération du rapport et même ce soir, au moment
où il est intervenu dans la dernière étape qui est celle
de l'adoption du projet de loi, nous avons été
considérés comme des gens dépourvus d'intelligence et
incapables de lire des projets de loi, incapables de saisir la portée
des projets de loi, incapables comme individus d'être quelqu'un qui
puisse faire un discours convenable pour faire valoir nos points.
Ce qu'on a eu comme impression, c'est ce que le député de
Richelieu m'a laissé la dernière fois: c'est d'être en vain
des gens de l'Opposition qui n'auraient jamais dû exister. On laisse
libre choix, libre possibilité à ce ministre de tout faire. Il
est défendu pour moi de l'accuser des mots que vous savez, mais je peux
au moins dire une chose: il n'a pas dit toute la vérité. Il a
même, dans d'autres projets de loi - j'aurai l'occasion de le faire
valoir - fait en sorte qu'en fin de compte les gens sous le regard et
l'impression...
M, Perron: Question de règlement, M. le Président.
Le Vice-Président: Question de règlement, M. le
député de Duplessis.
M. Jolivet: ...les gens, sous le regard et l'impression...
M. Perron: Une question de règlement, M. le
Président.
M. Jolivet: Je m'excuse, M. le Président.
Le Vice-Président: Une question de règlement, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: En vertu de nos règles parlementaires, est-ce
que vous pourriez vérifier le quorum, s'il vous plaît?
Le Vice-Président: Très bien. Je demanderais aux
gens du secrétariat de vérifier, d'abord, si les commissions
parlementaires sont terminées ou pas. Pendant ce temps, je vais compter
les députés en cette Chambre. À l'ordre, s'il vous
plaît! Je vous demande de prendre place, MM. les
députés.
Nous allons suspendre quelques instants pour vérifier si les
commissions sont toujours en activité ou pas. Cela modifie d'une
façon importante le règlement du quorum. Nous suspendons quelques
instants.
(Suspension de la séance à 0 h 21)
(Reprise à 0 h 22)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Pour le bon déroulement des travaux et pour les besoins de cette
Assemblée, je vous informerai qu'il y a toujours une commission
parlementaire qui continue à siéger. Effectivement, nous avons
quorum et tantôt, j'aurais pu constater qu'il y avait quorum.
M. le député de Laviolette, à vous la parole.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Avant de commencer,
est-ce que je peux savoir si la suspension fait partie de mes dix minutes?
Le Vice-Président: Évidemment, M. le
député de Laviolette, la suspension ne fait pas partie de vos
vingt minutes. C'est une suspension de nos travaux. Vous avez la parole
à nouveau.
M. Jolivet: Merci. M. le Président, j'étais en
train de dire que le ministre nous avait considérés pendant
l'étude de ce projet de loi comme des gens qui n'ont pas d'intelligence,
qui ne sont pas capables de lire les projets de loi. Je dois vous dire que le
ministre aura l'occasion à cette Assemblée de s'apercevoir que
lui non plus n'est pas capable de faire des projets de loi convenables de telle
sorte qu'il a fallu réimprimer le projet de loi 30.
J'aurai l'occasion de lui faire la preuve qu'il n'a pas dit toute la
vérité. Je pense que le ministre, dans le projet qui nous
concerne, veut, une fois pour toutes, régler un vieux litige qu'il y
avait. Il veut, une fois pour toutes, démontrer qu'il avait raison
à une certaine époque où il était
éditorialiste, de s'opposer à la loi 101 sur certains de ses
"regards", certains de ses principes.
Aujourd'hui, il est en train de livrer une marchandise. Cette
marchandise qu'il est en train de livrer, c'est une marchandise due à
une dette électorale. Il n'a jamais été capable de nous
jurer, d'en faire la promesse et d'indiquer de son siège qu'entre le 2
décembre dernier et le moment où la loi allait s'appliquer,
c'est-à-dire le 15 avril -au moment où les gens peuvent avoir le
droit de suivre des cours comme jeunes - il n'y en a pas qui se sont inscrits,
à la suite de ce que le Parti libéral avait promis de faire et de
régler pendant la campagne électorale.
M. le Président, est-ce que je peux avoir le silence, s'il vous
plaît?
Le Vice-Président: Oui, effectivement, M. le
député de Laviolette. Je vais rappeler à l'ordre certains
députés. S'il y a des caucus qui doivent se tenir...
Une voix: Mme la ministre...
Le Vice-Président: Un instant! Je vais rappeler à
l'ordre les députés. Nous allons donc faire en sorte que les
règles soient appliquées de façon stricte, si vous voulez.
Je vais les appliquer strictement et je vais demander à chacun des
députés de regagner sa place immédiatement. Nous allons
poursuivre les débats, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: J'étais en train de dire, M. le
Président, que le ministre n'a jamais été capable de nous
dire de son siège qu'il n'y avait pas eu de jeunes qui avaient
transféré des écoles françaises vers les
écoles anglaises entre le 2 décembre et le 15 avril, à
partir du moment où le gouvernement formé par le Parti
libéral avait pris le pouvoir. Or, j'ai demandé en privé
au ministre qu'est-ce qu'il pensait de changer la date du 15 avril pour la date
précise d'inscription scolaire du 30 septembre. Il m'a dit en
privé que oui il y pensait, qu'il ne voulait pas avoir de
problèmes et qu'il était intéressé à ramener
la date au 30 septembre. Malheureusement quand il est arrivé à la
commission parlementaire il a tout refusé. Il a tout refusé,
parce qu'il a revisé sa position comme une girouette. Exactement comme
il l'a fait, alors que le dépôt à cette Assemblée
avait été forcé par une motion de bâillon. Il a
proposé des amendements et hier soir, pas même 36 heures
après, il a enlevé l'amendement. Il a enlevé l'amendement
pourquoi? Il l'a placé pourquoi? On peut s'interroger sur les raisons.
Il y a eu un conseil général de son parti en fin de semaine
où on a dit de choses sur la loi 101, et il a voulu montrer qu'il
était capable d'appliquer des actions de la loi 101. C'est ce qu'il a
amené comme proposition à l'amendement. Quand le ministre a vu
que l'Opposition faisait des difficultés à l'amendement qu'il
était en train de proposer, il l'a retiré, hier soir, 36 heures
après l'avoir déposé. Le ministre m'a dit et a dit
à tout le monde: Nous voulons traiter avec amitié, avec
humanité et sans utiliser les contraintes législatives... Ce que
le ministre a oublié de dire c'est que, pendant qu'il nous disait ce
soir et pendant les autres débats qu'il a faits ici à cette
Assemblée: Pourquoi, n'avez-vous pas pris les contraintes
législatives au moment où vous formiez un gouvernement? Il savait
que c'étaient ses amis, le député de Viau et le
député de Sauvé qui étaient à la commission
scolaire, dans un cas comme président de la Commission des écoles
catholiques de Montréal et dans l'autre cas comme directeur, qui avaient
amené la collusion qui a permis justement à des gens de
désobéir à une loi. Mais jamais nous n'accepterons - on
l'a dit, on l'a répété, c'est la dernière fois que
j'ai la possibilité de le dire - de faire en sorte que des gens qui ont
agi dans l'illégalité soient récompensés, quoi
qu'en pense le ministre.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît. La parole est au député de Laviolette. Je
demanderais de respecter le droit de parole. Si certains députés
ont des commentaires à faire je les invite à se lever au moment
où ils en auront le droit et à adresser la parole. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Surtout qu'ils n'ont pas parlé en commission
parlementaire bien souvent.
Le Vice-Président: En conclusion, M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Surtout des gens qui étaient les amis du
ministre dans un parti politique et à partir d'un rapport qui est
biaisé, qui est partial et qui est justement basé sur le fait
qu'on récompense l'illégalité. Nous allons continuer
à le dire et à le répéter. Si M. le ministre veut
prendre les risques qu'il veut prendre qu'il les prenne, mais jamais nous
n'appuierons une telle démarche.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président: Je cède la parole a Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Après le
discours de troisième lecture du ministre de l'Éducation je suis
montée à mon bureau vérifier le sens du mot "sophisme". Le
petit Robert en donne la définition suivante: "Argument, raisonnement
faux malgré une apparence de vérité." Je dois vous dire
que les exemples de sophisme étaient à ce point nombreux que je
ne sais plus vraiment par lequel commencer.
Permettez-moi peut-être simplement de relire les notes
explicatives du projet de loi qui disent: Ce projet de loi a pour objet de
régulariser la situation des enfants qui fréquentent
illégalement l'école anglaise. À la suite des propos tenus
par le ministre, on pourrait très bien plutôt y lire: Ce projet de
loi a pour objet de régulariser la situation des enfants qui auraient
été tenus de fréquenter injustement l'école
française. C'est de cela dont il s'est agi dans les propos que le
ministre a tenus. Des exemples de sophisme, par exemple: Que le gouvernement
précédent n'aurait proposé aucune solution
concrète, passant sous silence les solutions proposées qui ont
été mises de côté par les contrevenants,
assurés d'ailleurs de l'appui de celui-là même qui,
aujourd'hui prétend que de solutions il n'y en a pas eu,
c'est-à-dire le ministre de l'Éducation lui-même.
Des exemples encore: Le groupe de travail, le ministre nous dit que ce
groupe qu'il a nommé jouit d'une totale crédibilité. Il
faudrait se rappeler qu'y siégeaient quelques-uns de ceux qui ont fait
la promotion de l'inscription illégale. (0 h 30)
Encore d'autres exemples? Que des enfants ont été
profondément traumatisés; le ministre a même à
maintes fois répété, "parqués" par le
précédent gouvernement. N'est-ce pas leur propre parent et encore
plus les autorités du réseau anglo-catholique, dont certains
siègent maintenant en cette Chambre, qui ont choisi, en toute
connaissance de cause, délibérément de mettre et de
maintenir ces enfants dans cette situation qui, au dire du ministre, serait
catastrophique?
Plus encore, j'ai été profondément indignée
quand le ministre, pour justifier le caractère spécial de sa loi
d'amnistie, a plaidé notamment hier, après les propos de ma
collègue la députée de Chicoutimi, le caractère
similaire de cette loi à certaines autres lois qui, à l'occasion,
sont venues régulariser la situation des personnes
réfugiées sans statut, illégalement sur notre
territoire.
Ces mesures spéciales qui ont été prises à
l'égard de ces personnes réfugiées l'ont toujours
été et ont été appliquées à des
personnes qui pouvaient sérieusement craindre pour leur vie, leur
intégrité, celle de leur famille en cas de retour forcé
dans leur pays. Quels sont donc ces traumatismes que ces enfants ont toujours
et dont ils sont toujours menacés et qu'il faut à tout prix leur
épargner en votant un tel projet de loi? L'école française
n'est-ce pas? C'est l'école française qui est cette menace qui
traumatise à ce point les parents de ces enfants, qu'ils aient choisi de
les "parquer" et de les maintenir dans la situation que nous dit décrire
le ministre.
Je l'ai dit, dès le débat en deuxième lecture, je
me suis, au départ, intéressée au sort de ces enfants. Je
me suis rendue compte, en lisant attentivement tout ce qui avait pu
s'écrire dans ce dossier, qu'il n'avait réellement
été question de rien d'autre concernant ces enfants, dans les 35
pages du rapport Rondeau autant que dans les 27 heures de discussion en
commission, que d'une possible absence de certification pour certains d'entre
eux. Encore là, il semble que le statut imprécis qu'ils avaient
depuis qu'ils s'étaient mis dans cette situation n'avait
empêché aucun ou aucune d'entre eux de poursuivre des
études au cégep et dans les universités anglophones.
Dans sa recherche d'une solution humaine et raisonnable, pourquoi le
ministre n'a-t-il pas donné suite aux recommendations de la CEQ, de
l'Alliance des professeurs de Montréal en faveur d'une amnistie, oui,
mais conditionnelle à la nécessité d'un examen de
connaissance du français pour les plus âgés
et, à l'école française avec classe de transition
pour les plus jeunes. Le même ministre qui annonce, à la
satisfaction générale, il faut le dire, des examens écrits
de français plus rigoureux ne viendra quand même pas nous dire et
prétendre que cela aurait été une attitude inhumaine,
celle de faire passer des examens à des enfants.
Le ministre a décidé, politiquement, d'agir autrement et
de légiférer en présentant un projet de loi 58 qui va
au-delà même de l'admissibilité à l'école
anglaise prévue dans la constitution canadienne. J'espère que les
parlementaires de cette Chambre qui auront à voter cette loi seront
conscients, au moment où ils l'adopteront, que ces enfants
étaient toujours inadmissibles à l'école anglaise,
même après et malgré la décision de la Cour
suprême d'appliquer l'article 23 de la constitution canadienne et de voir
appliquer la clause Canada.
Ces enfants n'étaient toujours pas admissibles à
l'école anglaise parce qu'ils ne répondaient pas aux
critères de l'article 23 de la constitution canadienne, mais leurs
frères, soeurs et descendants deviendront, eux, admissibles à
l'école anglaise à cause même de l'article 23 de la
constitution canadienne. C'est là qu'on peut conclure à une
contradiction assez importante, quand on sait que la majorité de ces
enfants sont de familles, pour la moitié, venant d'Italie, le quart du
Portugal, l'autre quart qui sont d'origine grecque, chinoise et un certain
nombre, très peu d'entre eux, canadienne. On nous dit encore que 10 % et
plus de ces enfants sont de familles qui n'ont même pas la
citoyenneté canadienne.
Vous vous rendez compte, dans une société, dans n'importe
quel Parlement, adopter une loi d'amnistie pour rendre admissibles à
l'école publique des enfants de parents qui ne sont même pas
citoyens canadiens. C'est la réalité. J'ai vérifié
ces chiffres et on me dit: Environ 9 % ou 10 % des enfants dont les parents ne
sont pas citoyens canadiens.
Au-delà de tout cela, je crois que ce qui est certainement le
plus pernicieux dans ce débat qui a eu lieu, c'est cette idée
qu'il pourrait y avoir en matière linguistique des interventions
législatives qui n'aient pas de résonnance autre et qui auraient
une sorte de caractère de neutralité, que l'on pourrait
légiférer sans que cela n'ait d'effet sur le fragile
équilibre linguistique qui est établi au Québec.
Je veux, avec toute l'énergie qui m'est possible à cette
heure-ci, m'indigner contre la prétention du ministre à savoir
que les membres d'un seul côté de la Chambre sont conscients du
contexte interculturel dans lequel se vivent les relations au Québec,
que seuls les membres du côté ministériel seraient
désireux de protéger les nouveaux venus, les immigrants, contre
les méchants qui ne savent pas les accueillir convenablement. Il faut
rappeler que le parti qui a gouverné pendant les neuf dernières
années est le parti qui a instauré une réforme permettant
la création d'un Conseil des communautés culturelles. Il a
d'ailleurs établi une loi pour qu'il y ait un ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration. Il a établi des
programmes de subventions permettant l'enseignement des langues d'origine. Plus
de 20 000 Québécois de toutes origines reçoivent
actuellement l'enseignement de leur langue d'origine.
Fondamentalement, la question qui reste en suspens est la suivante:
Quelle est la culture d'accueil quand on arrive ici au Québec? Est-ce
qu'on a le choix entre deux cultures d'accueil? Est-ce que ce serait au choix?
Vous choisissez la culture d'accueil de la communauté anglophone ou de
la communauté francophone. Ce n'est pas possible. Il y a, dans le
respect de la diversité culturelle et dans le respect de la culture
d'origine, la nécessité d'avoir une culture d'accueil qui soit la
culture francophone. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Hier soir, en
réplique à mon intervention sur la prise en considération
du rapport de la commission parlementaire chargée d'examiner le projet
de loi 58 dit des "illégaux", le ministre m'a invitée à
refaire mon travail, tout simplement parce que, par erreur, j'ai cité le
mauvais paragraphe de l'article 23 de la charte canadienne. Il en a
profité pour me faire une longue leçon et prouver en fait sa
mauvaise foi qui n'a échappé à personne, pas plus que son
intervention teintée d'arrogance et de mépris.
Cependant, son attitude s'explique, je l'ai déjà dit,
parce que incapable de défendre au plan de la logique, du sens commun et
de l'équité, de justifier son projet de loi, il travaille
à discréditer l'Opposition, à distraire notre attention
pour éviter de se voir dans l'obligation de justifier un projet de loi
qui est injustifiable.
Le ministre accuse l'Opposition de se montrer implacable,
indifférente vis-à-vis de la situation de ces enfants qui se
trouvent illégalement dans les écoles anglaises. Humaniste, il se
fait le grand défenseur de ces enfants, seul, dit-il, capable de
comprendre leur situation. Selon le ministre, ces enfants sont
traumatisés. Ils entrent dans les écoles par les soupiraux, par
les vasistas. Ils se cachent à la vue d'un étranger. Pourtant,
dans le rapport Rondeau, pas une seule ligne qui fasse état de
situations plus ou moins traumatisantes qui seraient vécues
par ces enfants.
J'ajouterais, si c'est nécessaire, qu'en commission
parlementaire, au moment où je m'inquiétais de l'éthique
professionnelle qui fait que les enseignants enseignent la
désobéissance à des enfants et ce, pendant neuf ans, et
les effets que cela pouvait avoir sur ces enfants, on m'a répondu: Mais
ce n'est pas comme ça que ça se passe, Mme la
députée. Les enfants qui sont dans nos classes, souvent, ignorent
même qu'ils sont des "illégaux". Même les enseignants
l'ignorent. De parler en même temps qu'ils vivent un traumatisme
insupportable et qu'ils ignorent la situation dans laquelle ils se trouvent, il
y a quelque chose qui ne va pas. (0 h 40)
Par ailleurs, hier, le ministre comparait la loi d'exception - parce
qu'il faut reconnaître que c'est une loi d'exception - à une
décision du fédéral qui avait décidé et je
cite: "de conférer un statut légal à des personnes
illégalement entrées au Canada". Cela leur donnait le droit de
postuler la citoyenneté canadienne. Comparer une telle décision
alors que, on le sait, les personnes qui entrent illégalement au Canada
sont souvent des personnes qui sont en fuite de leur pays et que, si on les y
retournait, c'est leur vie qui serait menacée, comparer les
"illégaux" dans nos écoles à la situation qui se passe par
rapport aux immigrants qui entrent illégalement au pays, c'est
dramatiser une situation et c'est diminuer l'importance qu'on peut, dans notre
pays, attacher à la vie des individus.
Cet humanisme que le ministre se targue d'être le seul à
posséder et qu'il veut placer au-dessus de la loi en plus de nous
reprocher de ne pas vouloir le rejoindre dans sa sphère, je lui dis:
Non, merci. Parce que je doute de son humanisme comme de sa sensibilité
à l'endroit des jeunes. S'il était sensible et humain, tel qu'il
veut nous le faire croire, il n'aurait pas traité, avec autant de
mépris les étudiants qu'il a trompés en leur promettant un
meilleur régime d'aide financière et même le gel des frais
de scolarité à l'université. On connaît les
décisions: 24 000 000 $ de moins dans l'aide financière aux
étudiants, 1 400 000 î en frais de scolarité nouveaux au
niveau collégial et des frais dits afférents dans près de
la moitié des universités.
À ceux qui lui rappellent qu'il n'a pas respecté ses
engagements à l'endroit des étudiants, le ministre tient un
langage tout à fait cynique. Il dit, à l'égard des
étudiants: On ne les égorge pas, on ne ramassera pas les cadavres
le long de la route. Comme si c'était une mesure pour évaluer la
qualité d'une politique gouvernementale.
Quand on me parle de sensibilité, je voudrais connaître
quelle est celle de ce gouvernement si libéral, de cet homme si
humaniste à l'endroit des jeunes, des jeunes assistés sociaux
victimes de harcèlement. Des jeunes sans abris, des jeunes sans travail,
des jeunes maltraités alors qu'on s'apprête à faire des
économies dans le seul organisme qui a la mission exclusive de veiller
à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Le
Comité de la protection de la jeunesse que ce gouvernement a
qualifié "d'ombudsman" des enfants maltraités, on est en train de
vouloir l'abolir pour des économies de bouts de chandelle.
Quelle est la sensibilité du ministre? Est-ce qu'il s'est
porté à la défense de ces jeunes dans différentes
situations pour le moins aussi traumatisantes que les jeunes illégaux?
S'il l'a fait, il n'en a pas fait état. Y aurait-il, par ailleurs, une
jeunesse qui, au Québec, mérite plus de
générosité et d'attention de la part du ministre, plus de
magnanimité? On le pense oui, on le pense, ce sont les jeunes
"illégaux", mais on sait aussi que c'est pour plaire à certains
groupes anglophones. Donc, il y a des clientèles jeunes au Québec
qui méritent plus d'attention et plus de magnanimité que
certaines autres.
Quand on parle d'insensibilité à l'endroit de la situation
des jeunes, à cet égard, je n'ai pas de leçon à
recevoir du ministre. Je suis aussi capable que lui de respecter les personnes,
de respecter mes engagements et de respecter certaines valeurs.
Je peux, en effet, trouver plus malheureuse la situation des
itinérants - il y en a de 5000 à 10 000 dans la région de
Montréal - des enfants maltraités qui, eux, je le dis, ne
bénéficient pas du puissant lobby dont ont
bénéficié les jeunes "illégaux".
Dans la loi 54, le ministre nous dit: Par sens d'humanité. Moi,
je dis que c'est par sens politique et c'est parce qu'il était
obligé de payer une dette politique.
Libéral nous dit ce ministre, gouvernement libéral ouvert,
transparent. Pourtant, ce gouvernement, sur toutes les législations et
les lois importantes au cours de la présente session, n'a fait aucune
consultation en commission parlementaire à l'exception de la
santé animale et quelques questions importantes, mais relativement
mineures par rapport aux questions et à la loi 58 qui nous
concernent.
Refus d'entendre les organismes parce que cette loi est
indéfendable et parce que le ministre aurait dû expliquer pourquoi
il a retenu la plus mauvaise ou la solution du rapport Nadeau, qui
présentait le plus grand nombre de difficultés. Il faut le
reconnaître, le seul argument que le ministre nous offre pour dire que
c'était la meilleure solution, c'est un supposé caractère
d'urgence. Il nous dit en même temps en commission parlementaire: Cela
n'était pas ma solution, la solution qu'a proposée Rondeau. Alors
on se demande à quelle pression le ministre a cédé
pour nous apporter la solution qui présentait le plus grand
nombre d'inconvénients, à l'exception d'un avantage qui, pour
lui, a été estimé comme étant majeur, soit qu'il
plaisait aux groupes de pression anglophones. Si le ministre avait
accepté d'entendre des organismes en commission parlementaire, il aurait
dû justifier le choix de cette hypothèse. C'est ce qu'il s'est
refusé de faire.
Cette loi ouvre la porte à des précédents
dangereux. Nous n'en connaîtrons les effets que dans quelques
années. Parce que tous ceux et celles qui sont passés par
l'école anglaise, si on accepte ce qui, à mon avis, est
inacceptable, l'interprétation que l'on fait de l'article 23 de la
charte canadienne, c'est-à-dire même si vous êtes pour un
bref séjour dans une école anglaise, non seulement cela vous
donne le droit à l'école anglaise, mais à tous vos
descendants et frères et soeurs, alors si on prend cette
interprétation, cela veut dire que tantôt la loi que l'on vient
d'adopter va s'appliquer aux 2000 déjà sortis du réseau et
va aussi pouvoir s'appliquer à ceux et celles qui ont
fréquenté l'école anglaise et qui ont accepté de
s'en aller dans l'école française. Cela veut dire qu'ils ont
été là un mois, deux mois, six mois et cela leur donnerait
les mêmes droits que les "illégaux" qui, aujourd'hui, ont
l'amnistie et qui, je le rappelle, n'auraient pas été admissibles
en vertu de l'article 23 de la charte canadienne.
Ce que l'on fait aujourd'hui va beaucoup plus loin, c'est le libre choix
de l'enseignement. Il reste plusieurs questions. Plusieurs questions demeurent
en effet, et l'une qui pourrait être particulièrement
préoccupante c'est celle du 15 avril. Pourquoi avoir arrêté
la date du 15 avril? Vraisemblablement pour pouvoir reconnaître des
enfants qui sont entrés à l'école anglaise après le
2 décembre: entre le 2 décembre, après l'élection
du Parti libéral, et le 15 avril. D'ailleurs, le ministre ne s'en cache
pas autrement, parce qu'à une question ici, à savoir pourquoi le
15 avril 1986 plutôt que le 30 septembre 1985, le ministre répond
ici, hier, et je reprends textuellement: "Pour les fins d'inscriptions
scolaires, la date c'est le mois de février, le mois de mars et ce n'est
pas le 30 septembre. C'est pour les compter une fois qu'elles sont
entrées." Je ne pourrais pas dire qu'au plan du texte, cela me semble
très rigoureux, mais de toute façon, allez voir quand les parents
inscrivent leurs enfants à l'école, vous allez voir si c'est au
mois de février ou au mois de mars.
C'est d'ailleurs une partie de l'origine du problème que nous
avons. Nous avons dit le 15 avril, parce que nous voulions une date pas trop
éloignée de la date à laquelle serait adopté le
projet de loi. Je ne comprends toujours pas pourquoi, si ce sont les enfants
qui sont inscrits et qui étudient dans les écoles actuellement,
une date qui permettrait une vérification raisonnable dans des
conditions humaines et aussi parce que nous étions saisis du cas d'une
vingtaine à une trentaine d'enfants qui présentent des
difficultés particulières et qui auraient été
probablement référés au ministre par la voie de la
commission d'appel, n'eût été de cette date que nous avons
choisie...
Donc, ce que le ministre est en train de nous dire c'est qu'il passe
par-dessus la tête de la commission d'appel. Sans qu'un organisme ne se
soit penché sérieusement sur le cas de ces enfants qui posent des
difficultés - est-ce qu'il pose des difficultés aux enfants ou au
ministre? on ne le sait pas trop - sans attendre la commission d'appel, le
ministre décide en fixant le 15 avril que les enfants qui se sont
inscrits entre le 2 décembre et le 15 avril sont admissibles. C'est la
seule raison qui justifie le 15 avril. À présent une telle
attitude a de quoi nous inquiéter par rapport à
l'interprétation que le ministre fera du pouvoir qui va lui être
conféré tantôt de décider de ces cas.
Pour ces raisons, M. le Président, cette loi est inacceptable et
elle demeurera, je pense, dans la mémoire des Québécois et
de cette Chambre comme étant une loi teintée de politique
partisane comme une dette de ce parti à l'endroit de certains groupes de
pression anglophones. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le
député de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: M. le Président, au départ, je n'avais
pas l'intention d'intervenir. Je m'excuse si je prends la place du
député de Saint-Jacques que j'ai vu prêt à
intervenir. Cela fait quelques soirs que je me retrouve en cette Chambre
à entendre des discours sur la loi 58. C'est honnêtement une
réaction très spontanée d'intervenir et je le fais plus
particulièrement en tant que Néo-Québécois dans le
sens que, souvent, durant les discours, j'ai entendu les gens parler des
Néo-Québécois, des immigrants, de l'intégration
à la société québécoise, de la francophonie,
etc., par rapport au problème des "illégaux" comme on les appelle
dans les écoles. (0 h 50)
Je serai bref et je ne reprendrai pas les arguments des gens d'en face
pour répliquer. Je pense que cela a été amplement fait.
C'est surtout une constatation à un témoignage que j'aimerais
apporter dans ce débat en tant que
Néo-Québécois.
M. le Président, je constate une chose: les interventions de
l'autre côté ont peut-être une certaine rigueur juridique.
Il n'y a personne qui a remis cela en cause. Il n'y a
personne qui a dit que c'est un processus normal que d'entériner
quelque chose qui est illégal par une loi. Le ministre lui-même a
qualifié la loi d'exceptionnelle. Le ministre a insisté sur la
nécessité d'une générosité dans ce cas-ci.
Chose que l'Opposition a choisi d'ignorer: elle porte ses arguments sur les
aspects juridiques et sur les aspects qui touchent les intentions, le
comportement des administrateurs scolaires, que je déplore et j'ai que
toujours déploré. Elle a systématiquement aussi
ignoré la réalité que vivent ces gens, c'est-à-dire
les parents et les enfants qui sont des "illégaux". Et, ce qui est
encore plus grave, je pense qu'elle manque le bateau en regard de la
réalité que les gens vivaient au moment où ces choses se
passaient.
La seule constatation, s'il y en a une que je peux faire, c'est qu'il y
a dix ans et même avant cela, avec la loi 22, on a vécu au
Québec une période bouleversante, qui a effectivement, avec
raison - et j'ai toujours été parmi ceux qui ont dit que
c'était avec raison. Même avec la loi 22, j'ai
déploré des modalités et, dans la loi 101, il y avait des
raisons pour faire ces changements cette affirmation collective en tant que
société francophone en Amérique du Nord.
Mais il y avait des individus à travers ce processus qui ont
vécu des bouleversements qu'ils n'ont pas compris. Ce n'est pas
difficile de comprendre pourquoi ils n'ont pas compris et je me prendrai en
exemple. Si j'ai la chance, aujourd'hui, de parler français et de me
considérer complètement intégré du
côté francophone, ce n'est pas parce qu'à mon
arrivée ou à l'arrivée de ma famille ici je pouvais le
faire. Il y avait - et je parle peut-être plus comme quelqu'un d'origine
grecque qui, quand on essayait d'entrer du côté des écoles
francophones, on ne pouvait pas - le critère de la religion. Il fallait
être de religion catholique pour avoir accès à
l'école francophone. Moi-même, je n'ai pas pu aller à
l'école francophone. J'ai fait toutes mes études en anglais. J'ai
évolué du côté anglophone.
M. le Président, tout cela ce n'est pas quelque chose que les
gens comprennent tout de suite. Ce n'est pas quelque chose que les gens qui
étaient ici, bien avant tous ces événements, qui ont eu
ici les enfants par après, ont pu comprendre et suivre. Tout ce que je
pense réellement, aujourd'hui, c'est de reconnaître une situation
de fait qui existe avec un certain nombre d'enfants qui sont
"illégalement" entre guillemets inscrits dans le système
anglophone. Mal conseillés par les administrateurs, j'en conviens
peut-être, il demeure que ce sont des enfants qui n'ont aucun statut dans
les écoles. Ces enfants ne recevront pas de diplôme. Peu importent
les raisons techniques que l'autre côté peut avoir quant aux
arguments juridiques, il reste que ceux qui vont payer, si l'attitude de
l'Opposition est adoptée, ce sont les enfants. Il arrive un moment dans
une société ou dans une collectivité où il faut
trouver la générosité de reconnaître des faits et de
dire: On met fin à cette page. On a eu le changement nécessaire.
On se sent confiant. On se sent sécure et on peut trouver la
générosité de dire - et je pense que c'est dommage, parce
que ce n'est pas une prime, aujourd'hui, d'aller à l'école
anglophone au Québec. Ceux qui le font, et je le dis très
publiquement, je trouve qu'ils se mettent dans une position
désavantageuse par rapport à leur propre avenir. Mais s'ils ont
choisi de le faire, s'ils vivent des situations de fait dans la
réalité, je pense que nous, comme Assemblée nationale et
plus largement comme société, nous avons le devoir de trouver
cette générosité à l'intérieur,
au-delà des arguments juridiques, au-delà de la hargne qu'on peut
avoir contre les administrateurs scolaires qui ont choisi de "bargainer" les
enfants - c'était le mot, je pense, à un moment donné pour
des subventions. Au-delà de tout ça je pense que nous avons la
responsabilité de reconnaître les faits, de mettre un terme
à cette page de notre histoire collective et de procéder en se
sentant effectivement en sécurité. Je pense que le
problème de l'autre côté, c'est que, mesdames et messieurs
de l'Opposition, vous êtes en train de vous parler à
vous-mêmes. Vous vous parlez à vous-mêmes et vous ne parlez
pas aux gens qui vivent le problème, aux gens qui... Je crois bien que,
après dix ans, il y en a plusieurs qui ont reconnu que c'était
peut-être quelque chose qu'ils n'auraient pas dû faire, et ils ne
demandent à l'heure actuelle qu'une possibilité d'avoir une fin
à cette histoire. Je pense que le Québec peut trouver cette
générosité et c'est ce que le gouvernement propose. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le
député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, tout au long de la
commission parlementaire, lorsqu'on a étudié le projet de loi 58
présenté par le ministre de l'Éducation, j'écoutais
attentivement ses propos, je regardais ses attitudes et j'avais un sentiment de
déjà vu. Ce sentiment de déjà vu, j'avais le
goût de l'approfondir et de remonter aux racines de ce déjà
vu. Donc, je me suis livré hier soir, malgré l'heure à
laquelle on a terminé, à une lecture des éditoriaux que le
ministre de l'Éducation faisait à l'époque où il
était directeur du Devoir, lorsqu'il s'agissait pour nous de
l'Assemblée nationale de voter la loi 101, qui est la Charte de la
langue française. J'y ai lu, et c'était là le
déjà vu face à sa
commission, une attitude hargneuse, une attitude méprisante,
insultante, comme dit l'expression québécoise typique, vieux
brûlot.
Ses éditoriaux avaient une force de hargne telle qu'il allait
à l'époque en utilisant des mots très forts, presque des
mots comme "faciste", je crois, à l'endroit du ministre qui parrainait
cette loi, le Dr Laurin, à qui je rends hommage ce soir, parce qu'il a
donné par cette Charte de la langue française aux
Québécois majoritairement francophones une fierté qu'ils
n'avaient pas. Maintenant, ils la possèdent, cette fierté. Donc,
j'ai l'impression que le revanchard quant à la question de la langue ces
derniers jours, ce ne sont pas les gens de ce côté, c'est
l'attitude des gens d'en face et notamment celle du ministre de
l'Éducation. Le ministre plaide l'humanité envers ces enfants, le
ministre se transforme en pater dolorosa au sujet de ces enfants qui
fréquentent illégalement l'école anglaise et mon
collègue, enfin, votre collègue, le collègue de Laurier
parlait de générosité. Les Québécois, je
pense, expriment la générosité et la première
générosité a été de les accueillir. Face
à une attitude généreuse de la part des
Québécois de les avoir accueillis, je pense qu'il y aurait eu des
devoirs de la part de ces gens d'accepter l'école française.
Même là, c'est aberrant de dire: accepter l'école
française. Cela devrait être la chose normale, d'accepter
l'école française. (1 heure)
Je me resitue, M. le Président, dans les fonctions
antérieures que j'excerçais, qui étaient celles de
l'admission à l'école anglaise et de responsable des classes
d'accueil et je vois ces centaines, ces dizaines et même ces milliers de
jeunes nouveaux Québécois et Québécoises que j'ai
reçus dans mon bureau, avec leurs parents, avec l'assistance,
très souvent, d'un traducteur à qui j'expliquais qu'il y avait au
Québec une loi qui disait que les enfants d'immigrants, ceux qui
arrivaient dans ce pays-ci, allaient à l'école française,
mais, comme ils ne parlaient pas le français, ils allaient dans une
classe d'accueil auparavant. Ces gens ont accepté, certains
peut-être moins spontanément que d'autres, je vous l'accorde,
parce qu'ils étaient respectueux des lois du pays qui les accueillait.
C'était leur devoir face à la générosité
première que nous avions de les accueillir. Voilà maintenant
qu'il y a un groupe d'irréductibles qui, eux, ont dit carrément
non, et c'est là ce qui est méprisant et insultant face à
la majorité francophone de ce pays. Ils ont dit: Non, nous, on ne veut
rien savoir de l'école française. On veut aller à
l'école anglaise.
J'avoue qu'effectivement le Québec a vécu une
période de changements sociaux profonds. C'était pertinent, pour
mon collègue de Laurier, d'en faire état. Mais la situation des
"illégaux" a commencé en 1977 et le projet de loi qu'a
déposé le ministre ne considère pas les
élèves qui sont entrés en 1977 avec une fin au 31
décembre 1977. Des "illégaux" entraient dans certaines
commissions scolaires même ces jours derniers et on dit, même, avec
la complicité de certains députés qui siégeraient
à l'Assemblée nationale. Si c'est le cas, je pense qu'ils sont
indignes de siéger à l'Assemblée nationale, pour avoir eu
une attitude pareille: celle de défier les lois votées par ce
Parlement et, après, de venir s'asseoir ici et de s'instaurer
législateurs pour promulguer une nouvelle loi.
Le rapport Rondeau qui a été présenté est
effectivement un rapport étonnamment et éminemment partisan et
très partiel. Le ministre l'a senti lui-même parce qu'il avait une
grande frousse d'une commission parlementaire où les gens du
Québec pouvaient intervenir, où les gens associés à
l'éducation au Québec pouvaient intervenir. Tout cela
était, de sa part, un mépris face à la loi 101 et un
mépris également face à ces centaines de milliers de
nouveaux Québécois qui, eux, en arrivant ici, ont
décidé d'accepter l'école française, d'envoyer
leurs enfants à l'école française et eux-mêmes,
d'ailleurs, d'aller dans les COFI, qui sont des centres de formation et
d'orientation pour les immigrants dont la ministre des Communautés
culturelles pourrait nous parler. Les parents eux-mêmes se sont
intégrés avec une étonnante facilité et, pour cela,
je leur rend hommage.
Une voix: Elle leur a écrit en anglais.
M. Boulerice: Sauf que quelquefois, malheureusement, elle leur
écrit en anglais, mais elle a promis de ne plus le faire.
M. le Président, dans toute la démonstration que le
ministre a faite, au moment où il prêchait l'humanité, lui
avait, face aux propos que nous tenions, une morale austère et
rigoriste. Cela, c'est inacceptable. Au moment où des administrateurs
scolaires, des enseignants, des parents ont accepté les données
de base de ce pays, qui était un pays majoritairement francophone avec
une loi disant que les enfants vont à l'école française,
il est inacceptable que ceux qui ont poursuivi l'irréductibilité
jusqu'au bout se voient offrir une récompense visant à
perpétuer un privilège auquel ils n'avaient pas droit. Il est
également immoral que l'on ne songe même pas à sanctionner
ceux qui ont été les rabatteurs pour ces enfants, ceux qui sont
allés les chercher volontairement et qui les ont amenés dans ces
classes anglaises de certaines commissions scolaires. De cela, la preuve est
évidente. Il va de soi, M. le Président, que le débat
s'achève sur cette question, mais, au moment du vote, ma position va
être aussi ferme que celle de mes collègues. Il n'en est pas
question. Ce Parle-
ment ne se déshonorera pas en votant une loi rétroactive
récompensant l'illégalité dans notre système
scolaire. Que ceux qui l'ont encouragée aient la décence de ne
plus siéger dans ce Parlementl Ce serait la moindre des choses.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Nous
voilà aux dernières heures où nous pouvons encore
défendre la légalité sur ce territoire
québécois. C'est le troisième discours que je fais sur le
sujet et je tiens à dire, M. le Président, que je vais lui donner
la même orientation que les deux précédents.
Je me suis rendu à la commission de l'éducation qui
étudiait avec attention ce projet de loi et j'en ai parlé aussi
personnellement, en coulisse, avec le ministre de l'Éducation à
qui je disais: S'il y avait à cette loi un préambule où
seraient insérés les droits de la majorité et les devoirs
de la majorité, ainsi que les droits de la minorité et les
devoirs de la minorité qui habitent la province de Québec
actuelle, mon pays à moi, si les droits et les devoirs du groupe
majoritaire et du groupe minoritaire étaient définis en
préambule à cette loi, je considérerais la
possibilité de voter pour cette loi. Parce que le préambule n'y
est pas, il est impossible pour moi de voter pour cette loi. Avec ce
préambule, il aurait été impossible que nous retrouvions
dans cinq ans, dix ans ou quinze ans le même problème que nous
trouvons aujourd'hui.
M. le Président, c'est exceptionnel, le sérieux que chacun
des députés se doit d'avoir devant cette loi. Ce sera très
rare et j'espère que c'est la dernière fois, la dernière
fois qu'on est obligé de parler d'une loi aussi outrageante pour un
peuple.
Une voix: C'est vrai, cela.
M. Blais: Dans cette charte qui se voudrait le préambule
d'une loi - non celle que nous avons, mais celle dont on parle, celle que
j'aimerais qui soit - il y a des droits pour la majorité et des droits
pour la minorité qui devraient être inclus: un système
complet d'éducation, de la maternelle jusqu'aux spécialisations
universitaires, pour la majorité du Québec, c'est-à-dire
les francophones et pour la minorité, c'est-à-dire les
anglophones; deuxièmement, le financement des deux groupes sur un pied
d'égalité serait supporté par l'État;
troisièmement, les deux groupes ont droit à un système
public et à un système privé.
Dans les devoirs, il y a aussi des choses très importantes.
D'abord, que la majorité se doit de respecter la minorité et que
la minorité, elle aussi, se doit de respecter la majorité. Nous
faisons cette loi aujourd'hui, non parce que moi, qui suis de la
majorité, je n'ai pas respecté la minorité
québécoise, c'est parce qu'il y a une minorité de la
minorité québécoise qui n'a pas respecté la
majorité dont je fais partie. C'est clair, c'est évident, c'est
net et précis et personne ne peut contredire ceci. Ce n'est pas que moi,
de la majorité francophone, j'aie manqué de respect envers la
minorité anglophone du Québec, ce n'est pas pour cela qu'on parle
de cette loi. C'est parce qu'il y a, sur le territoire québécois,
une partie de la minorité qui n'a pas respecté la majorité
dont je suis. Et qu'on vienne, de l'autre côté, me dire le
contraire! (1 h 10)
Moi, je fais partie d'une majorité et d'un parti politique qui
respecte de A à Z la minorité au Québec et, je le
répète, s'il en était autrement, je
démissionnerais. Mais si on est fier de la majorité dont je fais
partie si on est fier de mes collègues et si on est fier du Parti
québécois, parce que nous respectons la minorité, vous
devriez avoir la même fierté de demander à la
minorité de nous respecter. Vous ne l'avez pas fait durant les dix
dernières années et vous venez, comme des vierges
offensées aujourd'hui, me dire, à moi, que je suis coupable de la
situation. Jamais, jamais je n'accepterai de passer pour le coupable. Jamais.
Il y a des limites à faire croire à des gens qu'ils sont
coupables quand ils ne le sont pas.
Les coupables, M. le Président, se trouvent parmi les
minoritaires qui n'ont pas respecté la majorité dont je fais
partie. Ce sont là les coupables et ce ne sont pas les enfants qui sont
coupables. Je suis triste pour les enfants qu'ils soient dans cette situation.
Je suis triste, nous le sommes tous de ce côté. Même
à la rigueur les parents -je vais loin - qui ne parlaient souvent ni
français ni anglais en arrivant, l'épouvantail que vous leur
brandissiez les a peut-être fait choisir l'école anglaise,
peut-être. Mais les commissaires d'écoles qui y ont
participé, c'est impardonnable! Si, au moins, il y avait quelque chose
dans cette loi qui leur faisait payer leur erreur. De façon
étudiée, de façon volontaire, de façon rationnelle,
pleins de renseignements, avec la science autour d'eux, avec un système
qui les protégeait, avec des quêtes publiques dans tout le Canada,
avec l'aide des compagnies et le Parti libéral par-dessous. Et je ne
sais pas si Alliance Québec y participait je ne le sais pas, mais
ça sonne, c'est du même airain... Si le grelot se
balançait, je suis persuadé qu'Alliance Québec sonnait
l'angélus, j'en suis persuadé.
C'est malheureux que des gens qui sont
d'une minorité ne respectent pas la majorité dont je suis.
Et attention: je suis fier d'être de cette majorité qui respecte
cette minorité. C'est le Québec qui est un symbole dans le monde
du respect, de la tolérance; ce n'est pas le Canada. Quand on dit que
sur le continent nord-américain vit un peuple qui a le respect de ses
minorités, on dit souvent que c'est le Canada. C'est faux! C'est le
Québec parce qu'au Canada les gens ne nous respectent pas, nous, les
francophones, pas du tout. Pensez-vous qu'en Ontario il pourrait y avoir un
projet de loi comme celui qu'on a devant nous aujourd'hui, pour permettre
à des francophones d'aller illégalement à l'école
française? Il n'y en a même pas, d'école française.
Il y en a quelques-unes qui traînent au hasard dans les forêts du
Texas, d'accord, mais ce n'est pas érigé en système.
M. le Président, je tiens à vous dire que je suis fier
d'être un francophone habitant ce territoire nord-américain, fier
parce que nous sommes une nation qui respecte les minorités, mais que
j'aimerais donc qu'on mette autant d'acharnement de l'autre côté
pour dire aux minoritaires aussi de nous respecter comme moi, je les respectel
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gendron: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. François Gendron
M. Gendron: Ayant été associé à
chacune des phases de ce projet de loi et comme nous en sommes à
l'étape finale, en troisième lecture, je tenais à exprimer
encore une fois la conviction de ce côté de cette Chambre que le
projet de loi 58 ne rend pas justice effectivement à tous ceux qui ont
observé une loi du Québec, à savoir la loi de la
majorité en ce qui concerne la loi 101.
J'ai été très attentif, tout autant en commission
qu'en deuxième lecture et même lors de l'étude en
commission parlementaire. J'ai été également attentif
à la réplique finale du ministre de l'Éducation en
troisième lecture qui indiquait que, pour lui, ce qui était
important et fondamental dans ce projet de loi, c'étaient les enfants
qui étaient concernés comme point central. Il nous a
expliqué pendant plusieurs minutes en quoi sa démarche
était profondément justifiée, disait-il, puisqu'il fallait
agir. Il fallait agir parce que le problème n'était pas nouveau.
Il fallait agir parce que ces gens n'avaient aucune certification et il fallait
agir également parce que toutes les solutions administratives
n'étaient pas appropriées.
M. le Président, je voudrais simplement signaler que, même
si le ministre de l'Education a toujours prétendu que nous, on le taxait
d'avoir trouvé "la" solution, comme je l'ai fait en deuxième
lecture et comme je l'ai fait en commission, ce n'est pas nous, mais d'autres
intervenants intéressés par cette question qui ont
prétendu que le ministre a toujours été assis sur sa
vérité tranquille parce qu'il avait confié à un
comité partisan l'analyse de cette question et que la recommandation qui
était faite était l'amnistie totale sans nuance.
Premièrement, il nous a indiqué que c'était la meilleure
solution parce qu'il régularisait une situation. Deuxièmement,
c'était la meilleure solution, parce que c'était une solution qui
créait un climat de dialogue. Troisièmement - parce que j'ai pris
des notes c'était la meilleure solution parce que cette solution offrait
une soupape de sécurité et de sûreté.
M. le Président, je pense qu'en commission on a essayé de
faire voir au ministre de l'Éducation qu'il y avait d'autres
intervenants qui, eux aussi, peut-être pas d'une façon
"circonvulatoire", avaient pris le temps de regarder l'hypothèse qui a
été recommandée par le comité Rondeau. Je veux
parler de l'Alliance des professeurs de Montréal, de la CEQ et d'autres
intervenants, que ce soit le Mouvement Québec français et ainsi
de suite. Ils ont prétendu que c'était une solution qui
créait une source de droit qui, par rapport au problème à
régler, était disproportionnée. Je voudrais seulement
revenir pendant quelques minutes là-dessus.
On régularise une situation, j'en suis, sauf que j'ai fait valoir
en commission parlementaire et en deuxième lecture que le
problème des "illégaux" n'était pas dans sa crête la
plus importante puisque c'est un problème qui était, en termes
numériques, moins important que ce qu'il a été pendant
quelques années. A partir du moment où un problème comme
celui-là était en voie d'extinction, je suis toujours convaincu
que, si on s'était donné la peine d'évaluer une solution
administrative avec l'ensemble des intervenants concernés, compte tenu
du fait que ce gouvernement a l'habitude de composer avec ces gens qui ont
toléré, encouragé et, dans certains cas, cautionné
l'illégalité, il aurait été facile, je pense, avec
eux d'envisager des solutions administratives pour régler une fois pour
toutes le problème.
M. le Président, je n'ai pas encore la conviction que, parce
qu'on a la prétention que la solution évoquée crée
un climat de dialogue, cela prend un projet de loi qui fasse abstraction de ce
que nous sommes comme parlementaires, qui fasse abstraction de la
légitimité de ce Parlement. Je ne crois
pas que, pour créer, dit-il, un climat de dialogue, il fallait
absolument voter une loi qui renie, dans le fond, la primauté du
Parlement sur des choses aussi fondamentales. En conséquence, je pense
qu'on peut très bien créer un climat de dialogue, un climat
propice a des arrangements administratifs lorsqu'on fait comprendre à
des gens qu'en ce qui nous concerne le Parlement est souverain et qu'une loi,
cela se respecte. Prétendre qu'il s'agit d'une solution des plus justes
et qui n'enlève rien à personne, je pense que c'est faire, encore
là, une analyse très serrée, mais tellement serrée
qu'elle devient simpliste par rapport à l'ampleur et à
l'envergure du problème. (1 h 20)
Le ministre de l'Éducation, comme il l'a fait en deuxième
lecture, a répété en troisième lecture que, dans
une société, l'important pour régler un problème,
c'est d'essayer de prendre une position qui va nous donner la paix sociale, qui
va nous donner l'unité comme si, dans cette question, M. le
Président, nous allions effectivement éteindre les
velléités de certaines personnes, de certains groupes qui
prétendent que ce gouvernement n'a pas véritablement de politique
linguistique. Penser que la solution qu'il a préconisée va
régler le problème et offrir toute la sécurité au
plan social, je pense que c'est errer. Je pense qu'on n'a à recevoir de
leçon de personne, et pas plus du ministre de l'Éducation,
là-dessus. Depuis plusieurs années, on a réussi au
Québec, dans une relative paix linguistique, à atténuer
les tensions, à atténuer un climat de représailles. On le
voit, d'ailleurs, de plus en plus car certains éditorialistes le disent.
M. Comeau, je pense, récemment dans le Devoir, sentait le besoin de
dire: La loi 101 offrait des dispositions de climat social facilitant une
compréhension de la minorité, compte tenu que nous avions pris le
temps à ce moment-là de faire les débats qui s'imposaient
pour s'assurer d'un climat social, d'une paix linguistique qui nous permettrait
de respirer.
J'ai été également étonné de voir
qu'on fasse abstraction de cette dimension dans le problème, qui est
d'avoir une certaine fierté dans la solution préconisée.
Je suis loin d'être convaincu que, par la solution
préconisée par le ministre de l'Éducation, l'ensemble des
Québécois et des Québécoises pourra conserver cette
fierté de vouloir réaffirmer d'abord le respect d'un Parlement
face à une loi adoptée majoritairement et, également, le
respect d'une majorité au Québec qui a toujours
préconisée l'affirmation du fait français. Je pense que
nous avons essayé pendant plusieurs heures de faire comprendre au
ministre de l'Éducation que ce problème aurait sûrement
mérité d'être regardé par plus de groupes
intéressés par cette question. D'aucune façon! On n'a
jamais voulu entendre ces gens sous prétexte qu'on avait fait le tour de
la question.
Le ministre avait fait le tour de la question. En conséquence, il
nous appartenait d'aller voir privément les autres groupes et les autres
personnes qui préconisaient une autre solution, alors que nous, nous lui
disions que, comme il l'avait si bien dit en deuxième lecture,
normalement la véritable démocratie doit s'exercer par la
confrontation des opinions. Comme sur ce sujet-là il y a effectivement
des opinions divergentes, cela aurait été intéressant de
les entendre en commission parlementaire, non pas parce qu'on voulait par des
mesures dilatoires empêcher l'évolution normale de nos travaux,
mais parce qu'on avait besoin d'un échange d'idées, compte tenu
qu'il y avait d'autres groupes qui avaient la prétention que la solution
offerte par le ministre de l'Éducation était une solution
dangereuse, une solution qui crée une source de droit nouveau et qui,
donc, était lourde de conséquence pour l'avenir.
À l'avenir, il s'agira juste de conclure des ententes avec un
parti politique lors d'une campagne électorale pour dire: Ce n'est pas
si grave que cela, défier une loi. Il s'agira d'avoir une bonne entente.
Quand on sentira que le courant est fort et dans la perspective où des
gens prennent l'engagement de régler cette affaire par voie
législative indépendamment des conséquences, il y aura
peut-être des gens qui, dans l'avenir, auront le goût de
défier les lois du Parlement au nom de toutes sortes de logiques: la
légitimité du moment, le contexte dans lequel la population du
Québec a toujours dû évoluer sur le plan linguistique.
C'est ce qu'on a essayé de faire valoir au ministre dé
l'Éducation, mais il nous a répété à
plusieurs reprises que nous, on ne sait pas lire, nous, on ne comprend rien.
Nous, tout ce qui nous intéresse, M. le Président, c'est d'avoir
des motions dilatoires pour empêcher ce gouvernement de prendre les
décisions qui s'imposent. On a essayé d'éclairer sa
lanterne, mais sa lanterne c'est la voie, la vérité et la
vie.
Dans ce sens, je tenais, en troisième lecture, à
réaffirmer notre opposition à ce projet de loi. Nous sommes
convaincus que ce n'est pas la solution au problème parce qu'elle
engendre du droit nouveau dangereux. En conséquence, c'est clair,
même si nous sommes rendus à l'étape finale comme il l'a
dit si bien, nous aurons la même attitude responsable de dire, en ce qui
nous concerne: C'est inacceptable et nous allons voter contre.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant le
député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: M. le Président, on a voulu nous
présenter ce projet de loi comme étant un projet de loi mineur
qui visait à régler le problème de 1500 enfants et qui,
finalement, ne remettait pas en cause toute la démarche que la
société québécoise a faite au cours des
dernières années à l'égard de la protection et de
la promotion de la langue française.
M. le Président, rien n'est plus faux. Ce qu'il faut voir dans ce
projet de loi, c'est un élément additionnel à toute une
série d'attitudes que le gouvernement libéral a prises et prend
depuis qu'il est en fonction. Ce qu'il faut faire, c'est situer ce projet de
loi dans le contexte qui se développe depuis six mois au Québec.
Je crois qu'il est important à ce moment-ci, alors que c'est la
dernière occasion que nous avons de le faire, de situer le contexte dans
lequel intervient le projet de loi 58. Un contexte où le gouvernement a
commencé par donner des messages, à savoir que la langue
d'affichage au Québec, ce n'était pas uniquement le
français. Le respect de la Charte de la langue française à
l'égard de l'affichage, cela ne l'intéressait pas tellement, M.
le Président. On n'était pas très intéressé
à faire appliquer la loi pour que les poursuites qui auraient dû
être prises soient prises et faire en sorte de donner des messages clairs
dans le West Island ou dans la région de l'Outaouais, à savoir
que le Québec, cela n'est pas l'Ontario, le Québec, cela n'est
pas l'Alberta, le Québec, cela n'est pas la Colombie britannique.
Le Québec, c'est le seul territoire en Amérique du Nord
où notre peuple francophone est majoritaire. On tient à ce que la
patrie québécoise, la maison québécoise,
témoigne dans son visage de ce caractère français. C'est
ce que l'on voulait en 1977 quand on a adopté la Charte de la langue
française et c'est ce que ce gouvernement commence à
détruire. Et c'est dans ce contexte-là qu'intervient le projet de
loi 58. C'est dans ce contexte aussi qu'il y a à peine quelques jours
des journalistes et des enquêteurs nous ont indiqué que la langue
du travail au Québec depuis le 2 décembre s'en va en
déclinant. La francisation dans les lieux de travail au Québec
ralentit. Pourquoi? Parce que l'on donne des messages à des gens qui les
attendaient depuis des années et qui n'étaient pas
intéressés à poursuivre ce processus de francisation. Vous
savez, nous du côté libéral, cela ne nous intéresse
pas tellement. Comment voulez-vous que des entreprises qui se font tirer
l'oreille continuent le processus de francisation dans les lieux de travail
quand le gouvernement, qui a la responsabilité première de faire
appliquer la Charte de la langue française et de défendre la
langue française au Québec, n'est pas intéressé
à le faire, M. le Président? C'est d'ailleurs ce qu'a
démontré récemment le sondage qui est utilisé - on
y reviendra tantôt - par le Parti libéral pour présenter
ces arguments. Ce sondage indiquait que les Québécois se
méfient du gouvernement libéral et considèrent que ce
gouvernement ne porte pas suffisamment d'intérêt à la
promotion et à la défense du français. Ils
considèrent que c'est le rôle de l'État de voir à ce
que le français soit non seulement respecté, mais appliqué
et que ce soit la langue du travail, la langue de la société en
général, la langue des communications et la langue du
Québec, M. le Président.
C'est aussi dans un contexte particulier qu'intervient le projet de loi
58. Et là, on arrive au coeur de l'ambiguïté, de ce qui est
inacceptable à l'égard du comportement du gouvernement. On a une
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration qui choisit
délibérément de s'adresser uniquement en anglais dans ses
messages aux communautés ethniques du Québec, leur disant: Pour
nous, il n'y a que deux communautés au Québec: la
communauté anglophone et la communauté francophone et, pour nous,
tous les Néo-Québécois, tous les nouveaux arrivants sont
des anglophones. C'est pourquoi je m'adresse à eux uniquement en
anglais. C'est le message que le gouvernement donne en permettant à la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration d'agir de la
sorte. (1 h 30)
Aucun ministre, aucun député libéral ne s'est
levé, ni en cette Chambre ni à l'extérieur, publiquement,
pour dénoncer l'attitude et le comportement de la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration. Ce qu'on nous
présente aujourd'hui c'est un projet de loi qui va amnistier le
comportement d'adultes, de parents, d'enseignants, de dirigeants de commission
scolaire et de fonctionnaires qui sont tous concernés par la situation
de vie des communautés ethniques du Québec. On additionne au
message antifrancophone de la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration un autre message dans le même sens en disant aux
communautés ethniques du Québec: Vous savez, nous on pense que
vous devriez vous intégrer à la communauté anglophone.
Nous, on pense que de toute façon vous êtes des anglophones. Nous,
on pense qu'au Québec ce n'est pas une société
francophone, c'est une société bilingue. C'est le petit Canada en
miniature. Le problème c'est que le Québec ce n'est pas cela. Le
Québec c'est la patrie d'un peuple. Moi, je n'aime pas tellement me
faire faire la morale et la leçon par des députés qui sont
nés à l'extérieur du Québec et qui sont
arrivés ici, qu'on a accueillis correctement et mieux que les immigrants
et
mieux que les Canadiens français sont traités partout
ailleurs au Canada. Et on se fait faire la morale dans ce Parlement et un peu
partout par des gens qui nous disent: Nous n'accueillons pas bien les
immigrants. Nous ne les traitons pas bien. Nous ne leur permettons pas de
s'intégrer où ils le veulent. Non, M. le Président. Nous
avons dit il y a plusieurs années déjà qu'au Québec
cela va se faire comme partout ailleurs dans le monde; qu'au Québec si
on choisit d'y venir on choisit le territoire et la patrie d'un peuple
particulier qui est francophone et que c'est en français que les
nouveaux immigrants doivent fonctionner. C'est avec la communauté
francophone qu'ils doivent s'intégrer. C'était cela la loi 101.
Faire en sorte que les 'immigrants, les nouveaux arrivants envoient leurs
enfants à l'école française. C'était le message que
donnait la loi 101. C'était le consensus au Québec
également.
M. le Président, aujourd'hui on a un gouvernement, dont un
certain nombre de membres ont participé à
l'illégalité, qui vient dire aux nouveaux arrivants:
Écoutez, vous pouvez aller vers la communauté anglophone, la
communauté qui domine en Amérique du Nord, qui a la force de 95 %
de la population de l'Amérique du Nord. Allez-y, ce n'est pas grave. Au
Québec on va faire comme nulle part ailleurs au monde on a fait. Ici, on
va permettre aux nouveaux arrivants d'aller constituer avec la
communauté anglophone un noyau qui va aller en s'amplifiant.
C'était cela qu'on voulait stopper avec la loi 101. C'est le message sur
lequel on revient avec le projet de loi 58 et avec l'attitude du gouvernement.
Cela se fait aussi dans un contexte - ce sont les sondages qui nous l'indiquent
- où les Québécois francophones, où les Canadiens
français, si on veut utiliser le terme qu'utilisent souvent certains
membres du gouvernement, ont l'impression qu'au Québec il n'y a plus de
problème. C'est d'ailleurs ce que nous a servi le député
de Sauvé et plusieurs autres membres de la commission de
l'éducation lorsqu'on a étudié le projet de loi 58. Vous
savez, ce n'est pas grave. Depuis la loi 101, le français est
protégé au Québec. Il n'y a plus de dangers. La
réalité c'est que pendant qu'on étudiait ce projet de loi
il y avait des études d'experts qui nous disaient que l'anglais,
malgré la loi 101, continue d'avoir une force d'attraction trois fois
plus grande que le français. Où? Chez les communautés
ethniques, chez justement ces gens qui ont choisi en un certain nombre de cas
de défier la loi 101 et qui ont été encouragés par
des députés et par des ministres qui sont aujourd'hui de ce
côté-là de la Chambre. Pendant que ce parti était
dans l'Opposition il a encouragé l'illégalité. Des
députés ministériels d'aujourd'hui ont fait des discours
et ont dit à des gens dans leurs bureaux de comté et en public:
Pas de problème, attendez qu'on reprenne le pouvoir. La loi 101 ne vous
en inquiétez pas. Quand le Parti libéral va reprendre le pouvoir
on va vous régler cela. C'est exactement ce que le Parti libéral
fait. On leur règle cela mais en même temps ce qu'on fait c'est
qu'on détruit le travail et le message qu'on a voulu donner aux nouveaux
arrivants au cours des dernières années: au Québec c'est
en français que cela se passe et au Québec c'est à la
communauté francophone - quand on choisit le Québec - qu'on doit
s'intégrer. Si ce n'est pas cela qu'on veut, l'Amérique du Nord
est immense et anglophone partout ailleurs. On peut choisir d'aller ailleurs.
Mais, quand on choisit de venir au Québec, on choisit
premièrement le territoire d'un peuple francophone. Ce sont les racines
du Québec. C'est la fierté du Québec. C'est la vie et la
survie du Québec. Et cela, on ne laissera jamais le Parti libéral
du Québec le détruire.
Le Vice-Président: Est-ce que vous voulez intervenir? Oui.
Vous devez donc vous lever, Mme la députée...
Mme Vermette: Je pensais que...
Le Vice-Président: Je vous rappelle évidemment,
selon notre règlement, que vous devez vous lever pour que je vous
reconnaisse pour intervenir. Je vous reconnais donc et je vous cède la
parole, Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. À la suite de
tous mes collègues qui se sont prononcés contre le projet de loi
concernant l'amnistie des "illégaux", je ne peux accepter moi non plus
le dépôt de ce projet de loi en troisième lecture. Je vais
vous signaler les motifs pour lesquels il m'est impossible de souscrire
à un tel projet de loi.
Jamais, dans une société, l'illégalité ne
fait partie d'un principe que l'on doit reconnaître dans un projet de
loi. Les institutions doivent démontrer au contraire le respect de tout
ce qui fait qu'une société doit s'orienter ou vivre selon des
règles et des principes, mais les intervenants qui doivent sanctionner
des projets de loi, ces gens qui doivent penser ces projets de loi le font dans
le sens de l'illégalité, dans l'irrespect. Je pense à tous
ceux qui ont compris que, pour eux, il était essentiel de respecter ces
lois s'ils voulaient vraiment s'intégrer à la culture
francophone, à la culture des gens qui les avaient admis sur cette terre
du Québec, qui étaient prêts à les recevoir,
à les accueillir avec toute la chaleur et la
générosité que l'on reconnaît si bien aux gens de
chez nous. Qu'adviendra-t-il de tous ces gens pour qui il était
essentiel
de respecter les lois et qui ont voulu démontrer à leurs
enfants et à leurs descendants qu'il est important de respecter ceux qui
veulent si bien les intégrer à leur vie, à leur culture et
à leur quotidien?
Partager la terre qui nous accueille demande, pour plusieurs, une
adaptation qui n'est pas toujours facile. Il est certain, compte tenu de ces
circonstances, que des mécanismes avaient été
prévus pour favoriser l'intégration de ces enfants dans notre
culture francophone. On avait pensé à des classes d'accueil. On a
mis en place des moyens d'intégrer ces enfants sans heurts et en
respectant toute la dimension qu'on pouvait reconnaître à une
telle situation. Pourquoi ces gens ont-ils inscrit illégalement leurs
enfants dans les écoles anglophones? On peut s'imaginer que, très
souvent, ces gens qui arrivent chez nous pour une première fois, qui
arrivent sur une terre inconnue, ne peuvent pas toujours comprendre ce qui se
passe au chapitre de la culture, au chapitre des institutions. Mais il y a des
gens qui représentent le pouvoir, les institutions et qui, par leurs
fonctions, ont la tâche d'orienter les gens dans des gestes et dans des
choix qui leur permettent d'aller dans le sens et dans le respect de nos lois
et de nos institutions. (1 h 40)
Qu'ont-ils fait de ce devoir qui leur revenait? Qu'en ont-ils fait? On
peut se poser aujourd'hui la question, puisque de nombreux enfants ont tout de
même, malgré la loi et malgré les mécanismes qu'on
avait mis en place pour empêcher que ces enfants puissent être
reconnus comme étant non intégrés à notre culture
francophone... Qu'en est-il arrivé de ces devoirs qu'on avait
donnés à des gens soi-disant responsables? Aujourd'hui, on est
obligé de constater qu'il y a eu abus de pouvoir et un abus qui est
grave, à mon avis, parce que ces gens qui détiennent justement
des postes de responsabilité doivent démontrer à des plus
jeunes le respect de ces institutions par leur comportement et par leurs
agissements. Moi, je me sentirais vraiment très mal à l'aise, en
tant que directeur d'une école ou directeur d'une commission scolaire,
face à ces enfants. Parce qu'eux, ces enfants, oui, ils sont victimes,
victimes de ces adultes qui ont la connaissance et qui doivent assumer par leur
choix les responsabilités qui leur incombent. Mais ces adultes, on ne
les remet pas en question. On dit: Bon, ce qui est important aujourd'hui, c'est
de répondre à une promesse électorale et c'est de faire fi
de tous ceux qui ont bien voulu se conformer à ce qu'on leur demandait
et ce qui était tout à fait légitime, c'est-à-dire
de s'adapter à la culture des gens du pays et des gens qui voulaient
bien les accueillir.
Pourquoi bénir l'illégalité? On sait qu'il existait
d'autres moyens et on sait qu'on pouvait prendre d'autres moyens qu'une loi.
Pourquoi vouloir, envers et contre tous, maintenir de telles attitudes aussi
arrogantes vis-à-vis des gens qui veulent bien faire mais à qui
on indique un autre chemin? Pour des motifs tout à fait particuliers et
personnels, quand on regarde l'attitude des professeurs anglophones
catholiques, on se pose bien des questions. Pourquoi, dans un premier temps,
à la veille des élections de 1981 où on prévoyait
que le Parti québécois pouvait reprendre le pouvoir, avait-on un
langage où on disait: Oui, il faut se soumettre à la loi, il faut
aller dans le sens de la loi? Et un peu plus tard, lorsque le vent tourne, on
sent que, bon, pour une fois, on va pouvoir imposer ses volontés,
imposer ses choix et surtout démontrer à tous ceux qui ont voulu
respecter la loi et respectueux des institutions et surtout respectueux du
peuple qui les avait accueillis... Tous ceux qui se sont montrés
téméraires vis-à-vis de cette loi se sont sentis
très forts avec le nouveau gouvernement élu, le 2
décembre. Malheureusement, il avait promis de sanctionner
l'illégalité et de faire en sorte que les "illégaux"
pourraient devenir maintenant des enfants comme tous les autres? On a bien
voulu essayer de nous démontrer que ces enfants étaient des
victimes. Quand on connaît les enfants, je pense que, s'il y a une
catégorie dans notre société qui a la capacité de
s'adapter rapidement, ce sont bien les enfants. Il faudrait retrouver dans le
système tous ceux qui ne pourront pas profiter des
bénéfices de la loi: Tous ceux qui, aujourd'hui, l'ont
déjà été, qui ont passé dans le
système, qui n'ont pas reçu leur diplôme et qui n'ont pas
été reconnus. Où sont-ils maintenant ces enfants?
Plusieurs ont dû déjà trouver des emplois, plusieurs ont
fait autre chose. Sont-ils beaucoup plus malheureux pour autant? Est-ce que,
pour eux, cela devient plus difficile de travailler? Est-ce qu'ils se sentent
marginalisés à un point tel qu'il n'est plus possible de parler
d'avenir? Je pense que c'est aller beaucoup trop loin dans le débat et
qu'il aurait davantage fallu regarder les institutions qui existaient
déjà et favoriser une intégration beaucoup plus humaine
qu'une loi comme telle parce qu'il ne faut pas se leurrer, cette loi va faire
vraiment de ces enfants des "illégaux", parce qu'on aura apporté
une attention particulière au-delà du problème
existant.
Je serai obligée de conclure en disant que nous aurions
souhaité pouvoir entendre les différents intervenants qui
auraient pu nous éclairer tout au cours de la commission pour vraiment
démontrer et faire la lumière sur toute la problématique
autour de ces enfants illégaux. Mais il était très
difficile de pouvoir aller plus loin que la décision du ministre parce
que, quant à lui, tout avait déjà été
décidé la journée où, le 2
décembre, ce gouvernement a pris le pouvoir. Déjà,
il avait pris sa décision et, peu importent les pressions que
l'Opposition aurait pu faire, il fallait vraiment répondre à un
promesse électorale. M. le ministre peut très bien, en
déposant son projet de loi, dire: Mission accomplie.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. Moi aussi je tiens
à intervenir, en troisième lecture, sur le projet de loi 58 pour
venir expliquer les raisons pour lesquelles non seulement on s'est battu contre
ce projet de loi, mais pour lesquelles on va voter contre. Premièrement,
je voterai contre par inquiétude. J'espère que, même s'ils
ne sont pas nombreux, beaucoup de députés libéraux vont
écouter. C'est important de voir tous les effets et ce que cela veut
dire. C'est quoi, ce comportement qui est relié à l'adoption de
ce projet de loi 58 venant confirmer les "illégaux" dans la
légalité? Je trouve que c'est inacceptable en soi, mais c'est
inquiétant. Si c'était seulement ce geste qui était
posé face à la Charte québécoise de la langue
française, si c'était un geste isolé, on pourrait
être tranquille. On pourrait essayer de ne pas le dénoncer avec
autant de conviction et de ferveur, sauf que ce n'est pas la
réalité.
M. le Président, c'est terrible, ce qui se passe, et il faut le
dire aux Québécois. Il faut le dire aussi à ceux qui vont
voter là-dessus probablement dans quelques heures. C'est inacceptable
parce que ce n'est pas un geste isolé. Cela fait partie d'une
série de gestes et de comportements de ce gouvernement. On en a dit
plusieurs et je vais les rappeler parce que, quand on les met un à la
suite de l'autre, on peut voir vers quoi on s'en va. C'est sur cela qu'il faut
réveiller les députés qui vont voter aujourd'hui. Je ne
suis pas certain qu'ils se rendent compte que ce n'est pas une injustice qu'on
est en train de réparer parce qu'il n'y a pas eu d'injustice de la part
du gouvernement, mais c'est une démarche contre le fait français
au Québec.
Cette démarche, on la retrouve, entre autres, dans l'affichage
bilingue. Comment accepter un comportement semblable d'un gouvernement qui se
dit responsable, alors que le ministre de la Justice n'est même pas
capable de faire respecter une loi qui existe, parce que l'affichage bilingue,
selon la loi 101, c'est défendu? Pourtant, le ministre a
décidé de ne pas intervenir, sauf sur l'affichage unilingue
anglais. Premier geste. Premier comportement. Même le ministre de la
Justice actuel n'a pas la volonté, ne veut pas faire respecter la loi
101 dans le domaine de l'affichage. Premier geste, comportement inacceptable du
ministre de la Justice du Québec. C'est inquiétant. (1 h 50)
Deuxième geste: le ministre de l'Éducation qui propose et
qui veut faire adopter la loi 58. C'est de toute beauté d'entendre le
discours du ministre de l'Éducation. Je l'ai écouté
attentivement et c'était incroyable la contradiction entre le geste et
la parole, quand il disait tout feu tout flamme: On est pour la loi 101, on est
pour l'intégration et on va faire en sorte que ce soit ce qui se fasse
pour les nouveaux venus au Québec. Mais en même temps son projet
de loi - et il le dit en parlant de son projet de loi 58 - c'est pour permettre
à des jeunes illégalement inscrits à l'école
anglaise de pouvoir être transférés automatiquement. C'est
inquiétant comme comportement de reconnaître
l'illégalité. Donc, le geste est inacceptable en soi et va contre
le discours d'intégration. On dit quelque chose et on fait le contraire.
Cela n'est pas nouveau de ce gouvernement, c'est ce qu'il fait depuis le 2
décembre, sauf que dans ce contexte-là cela fait partie, comme je
le disais tantôt, d'une série qui n'en finit plus d'attaques
contre la loi 101.
Ce qu'on lisait dans les journaux cette semaine, c'est encore une fois
le geste qui va contre la parole. Il y a quelques jours j'étais à
la réception du président de l'Italie de l'autre
côté et j'écoutais avec attention la vice-première
ministre expliquer la vie québécoise au président. Je dois
vous dire que j'ai applaudi et que j'étais fier quand elle a dit que
nous avions des sources françaises et que nous étions pour nous
battre avec acharnement pour notre survie, parce que nous ne sommes pas
nombreux en Amérique du Nord. C'était de toute beauté
d'entendre cela, mais pourtant ce qu'elle était en train de monter en
même temps c'est un comité qui va nous amener des changements sur
la loi 101 à l'automne.
Comment voulez-vous que l'on ne soit pas inquiets quand, pour la loi
101, on a fait une commission qui n'en finissait plus, même pendant
l'été, parce que c'était important, parce que cela
touchait non seulement l'avenir de la majorité francophone du
Québec, mais aussi la minorité? On a entendu tout le monde et
là, maintenant, pour sabrer dans la loi 101, pour affaiblir le seul
endroit en Amérique du Nord où on peut avoir une place où
collectivement on peut vivre, on peut se développer, hé bien!
cela va être un petit comité de sages, encore une fois, qui va
venir décider des changements que l'on va apporter à la loi 101.
C'est inquiétant. C'est aussi inquiétant et cela fait partie
encore de la série noire de la loi 101 quand la ministre responsable des
Communautés culturelles s'adresse à un organisme en anglais
seulement et le pire c'est que ce n'est pas dans une revue
anglaise, je l'ai vu, c'est dans la Montérégie sur la rive
sud. C'est une revue bilingue et la ministre s'adresse à la
communauté en anglais seulement. C'est de petits gestes semblables qui
ont des conséquences énormes et on dit: On peut se permettre cela
parce que la loi 101 a fait ses preuves. Le français a pris plus de
place; il s'est développé. Bon Dieu, faudrait-il être
malheureux que la loi 101 ait fait avancer un peu les choses! Au contraire, on
devrait en être fier et au lieu de vouloir faire reculer la place du
français, parce qu'il a fait quelques pas en avant... Cela n'est pas une
danse, c'est l'avenir du Québec qu'on est en train de jouer, j'ai
l'impression, de l'autre côté. Ce n'est pas parce qu'on a
avancé un peu qu'il faudrait maintenant se mettre à reculer.
Allons donc! Est-ce comme cela? Cela n'est pas parce que vous changez de chef
et que vous retournez en arrière qu'il faudrait faire la même
chose avec le peuple. Réveillez-vous!
Des voix: Bravo!
M. Paré: Cela n'a pas de bon sens ce que vous êtes
en train de faire. Réveillez-vous! Vous n'avez pas le droit de vous
faire reculer sur tous les fronts comme cela. Tous les ministres, regardez-les,
c'est la même chose. Quand on dit: On a avancé, il n'y a plus de
danger, c'est faux, on va toujours être menacés. Il va toujours
falloir se battre. Si au moins on a des polices d'assurance ou des lois qui
sont là pour nous garantir le minimum, hé bien! vous n'avez pas
le droit, parce que vous êtes 99, de venir enlever cet outil
indispensable pour la survie des Québécois. On dit qu'on a
avancé. Est-ce que, parce qu'on a avancé, il va falloir reculer?
Cela n'a pas de bon sens. Si on a avancé en nombre, on n'a pas
nécessairement garanti l'avenir. C'est à cela qu'il faut faire
attention. Ce sont des portes que vous êtes en train d'ouvrir. Je les ai
nommées: l'affichage est déjà affecté,
l'enseignement est déjà affecté. On ouvre maintenant aussi
sur la clause Canada. Le ministre de la Justice ne fait même pas
respecter ses lois. Le ministre de l'Éducation reconnaît
l'illégalité comme quelque chose d'acceptable. C'est incroyable
comme on a un discours trompeur, M. le Président! On dit oui à la
loi 101 mais, en même temps, on dit oui à l'école anglaise.
C'est inacceptable. Comment se fait-il que depuis le 2 décembre, quand
on dit quelque chose, on fait le contraire? C'est toujours comme cela. Si, par
la discussion sur le projet de loi 58, on a au moins réussi à
prouver aux gens deux choses: premièrement, qu'on s'est fait leurrer et
tromper depuis le 2 décembre dans tous les domaines, y compris dans le
domaine linguistique, et, en plus, qu'on est en train de sabrer dans la loi 101
et qu'il est temps de se réveiller... Tout le monde, les
députés, les journalistes, la population, il est temps de voir
que c'est une série de gestes qui sont catastrophiques et dangereux pour
notre avenir.
Je voudrais terminer en disant à ceux qui ont accepté de
venir aux écoles françaises qu'on est heureux de les avoir avec
nous. On espère avoir tous les nouveaux Québécois avec
nous. On est ouverts. On n'est pas en train de se battre pour vous envoyer. On
est en train de se battre pour vous accueillir. On ne veut pas deux
sociétés québécoises. On en veut une seule, une
société ouverte, une société française et,
en même temps, une société qui accepte et qui s'ouvre
à ceux qui viennent. Mais, si on veut s'ouvrir, cela veut dire leur
permettre de partager nos écoles et non pas d'avoir des écoles
qui ne sont pas de la majorité. Est-ce que vous avez compris, M. le
ministre de l'Éducation? Je ne pense pas. Je pense que vous n'avez pas
compris votre rôle dans l'éducation parce que vous êtes, en
tant que ministre de l'Éducation, responsable de la jeunesse et des
adultes de demain, responsable de l'orientation que va prendre la jeune
génération. Vous êtes en train de leur enseigner non
seulement que de venir à l'école française est une
punition, mais que l'illégalité est payante. Quand un
gouvernement se comporte comme cela dans l'éducation, dans l'affichage
avec un ministre de la Justice semblable, et comme cela avec tous les ministres
qui ont promis des choses, mais qui font le contraire, vers quelle sorte de
société le Parti libéral est-il en train de nous mener? Je
ne le sais pas, mais cela m'inquiète. Merci beaucoup.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au
leader du gouvernement.
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, à la suite d'une
entente avec le leader de l'Opposition, je serai le dernier à intervenir
dans ce débat.
Du côté de l'Opposition - les quelque douze derniers
intervenants l'ont répété à satiété -
on interprète le projet de loi 58 comme un geste qui porte atteinte
à la loi 101, qui porte atteinte à la promotion, à la
défense du français au Québec alors qu'il s'agit
simplement de lire brièvement les notes explicatives du projet de loi 58
pour s'apercevoir que ce n'est pas de cela du tout qu'il s'agit. Le projet de
loi a simplement pour objet de régulariser la situation de certains
enfants qui fréquentent illégalement l'école anglaise. Il
prévoit la façon dont les parents peuvent en arriver à
faire régulariser leur situation et il prévoit des mesures visant
à empêcher que des enfants reçoivent
illégalement un enseignement en anglais à l'avenir. C'est
tout cela, mais c'est seulement cela que le projet de loi 58
décrète. (2 heures)
On dit du côté de l'Opposition: Le projet de loi ne rend
pas justice à ceux qui ont observé ou qui ont respecté la
loi. Mais, comme l'a fait remarquer le ministre de l'Éducation plus
tôt ce soir, comment les gens qui ont respecté la loi,
c'est-à-dire les parents qui ont inscrit leurs enfants à
l'école française, sont-ils pénalisés? Quelle
pénalité a résulté du fait qu'ils aient inscrit
leurs enfants à l'école française? Est-ce que c'est un
désavantage, pour les gens de l'Opposition, que de faire en sorte que
ces enfants aillent à l'école française au Québec?
C'est un drôle de raisonnement. Ces gens-là, qui se disent les
défenseurs du français, les apôtres de sa promotion, nous
disent en même temps: Les gens qui ont envoyé leurs enfants
à l'école française - parlons des immigrants et des gens
des communautés ethniques parce que les enfants illégaux sont en
grande majorité issus des communautés ethniques -ceux qui ont
respecté la loi, donc qui ont inscrit leurs enfants à
l'école française, sont pénalisés. C'est tout
à fait illogique. C'est tout à fait incohérent. M. le
Président, on voudrait nous faire croire en même temps que ceux
qui ont agi illégalement, les parents qui ont inscrit leurs enfants
à l'école anglaise, eux, sont gratifiés d'une
récompense quelconque, mais pas du tout. Le projet de loi 58, au
contraire, prévoit, c'est très clair, que ceux qui voudront
à l'avenir agir illégalement, inscrire leurs enfants à
l'école anglaise alors qu'ils n'y sont pas admissibles, seront sujets
à des sanctions très sévères. C'est clair dans le
projet dé loi, en toutes lettres.
Tout ce qu'on veut faire, pour le projet de loi 58, c'est de
régler le problème de ceux qui sont déjà là.
On nous dit de l'autre côté: cela pourrait se faire sans loi, cela
pourrait se faire par une mesure administrative. Mais, si c'était
possible de le faire par une mesure administrative, comment se fait-il que le
Parti québécois, qui a été au pouvoir pendant neuf
ans, ne l'a pas adoptée, cette mesure administrative? Pourquoi ne
l'a-t-on pas réglé avant, le problème? Parce que cela ne
se faisait pas par une mesure administrative et le mieux placé pour le
savoir, c'est celui qui le suggérait tantôt, le
député de l'Abitibi-Ouest, qui a été lui-même
ministre de l'Éducation. Je le connais trop comme un homme franc et
honnête; s'il était ici, j'ai l'impression qu'il se
lèverait et dirait: II est vrai que je n'ai pas trouvé de moyens,
au moment où j'étais ministre de l'Education, de régler le
problème des "illégaux" par une mesure administrative. La raison
pour laquelle le Parti québécois n'a pas voulu poser le geste que
nous posons, c'est-à-dire présenter une loi, c'était que
cela aurait été inacceptable pour ses militants. Si
j'étais militant péquiste, moi non plus, je ne l'aurais pas
accepté, compte tenu du discours qu'on a tenu dans ce parti depuis sa
fondation. Je ne le leur reproche pas au Parti québécois, ils ont
droit à leurs convictions et je trouve cela tout à fait normal
qu'ils les défendent; mais, ils n'ont pas le droit de les
défendre en triturant les faits, en prêtant des intentions et
surtout en faisant des déclarations qui ne sont pas conformes à
la réalité, qui ne sont pas conformes à la
vérité.
Quand on dit que le projet de loi 58 est une invitation au non-respect
de la loi, quand on dit que c'est permettre aux immigrants, dire aux immigrants
qui vont venir plus tard: Venez au Québec, vous pouvez inscrire vos
enfants à l'école anglaise! Je dis: C'est faux! Ce que le projet
de loi 58 dit aux immigrants qui veulent venir au Québec, c'est:
Inscrivez vos enfants à l'école française, sans quoi vous
aurez à subir des sanctions. C'est ça que le projet de loi 58 dit
et non le contraire, comme l'affirment et l'ont affirmé combien de fois
les membres de l'Opposition.
M. le Président, je terminerai en disant que ceux qui disent de
l'autre côté qu'on n'a pas de politique linguistique de ce
côté, encore là, ils disent des faussetés. Au moment
de l'adoption du projet de loi 57 qui modifiait la loi 101, j'étais
porte-parole de l'Opposition et avec le député de Mercier
aujourd'hui, qui était alors ministre responsable du dossier de la
langue, on a réussi à bonifier la loi 101. Pourquoi? Parce que
dans plusieurs cas on était sur la même longueur d'onde. On a
toujours reconnu, nous au Parti libéral - c'est nous, d'ailleurs, qui
avons été les premiers à légiférer pour
faire du français la langue officielle au Québec -on a toujours
reconnu que, dans le contexte nord-américain, le Québec se devait
d'avoir une loi pour défendre et promouvoir la langue française.
C'est nous qui avons adopté la première loi dans le sens. On n'a
jamais prétendu mettre à bas la loi 101. C'est faux de nous
prêter ces intentions. Ce qu'on a toujours dit, ce qu'on continue de
dire, c'est qu'il y a des éléments de la loi 101 - qui nous
avaient d'ailleurs amené à voter contre cette loi en 1977 - qui
nous étaient inacceptables. Tout en étant conscients de devoir
défendre et promouvoir le français -on en a toujours
été conscients et responsables - nous nous sommes sentis
responsables de le faire dans le respect de ceux qui n'étaient pas
francophones et dans le respect de la constitution canadienne.
Si aujourd'hui on se plaint de l'autre côté que la loi 101
a été charcutée par des décisions de la Cour
surpême, c'est uniquement parce que le Parti québécois
s'est entêté, malgré les avertissements de
l'Opposition libérale, à adopter des mesures dans la loi
101 qu'on savait déjà inconstitutionnelles, notamment la langue
de la Législature, la langue des tribunaux et la clause Québec.
M. le Président, je dis à l'intention de ceux qui nous
accompagnent et de ceux qui nous écoutent que le ministre de
l'Éducation, le député d'Argenteuil, n'a pas voulu faire
autre chose avec le projet de loi 58, et ne fait rien d'autre avec le projet de
loi 58 que de régler le problème des "illégaux".
À compter de demain, lorsque le projet de loi 58 deviendra loi,
sera sanctionné, on aura fini au Québec de parler de jeunes
enfants comme étant des citoyens de deuxième classe, des
"illégaux". Tout le monde redeviendra sur le même pied, M. le
Président, des citoyens à part entière et je remercie le
ministre de l'Éducation pour ce geste courageux qu'il a posé en
se faisant le parrain du projet de loi 58.
Le Vice-Président: Le débat étant clos,
cette motion d'adoption du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité
à l'enseignement en anglais de certains enfants, est-elle
adoptée?
M. Chevrette: Vote enregistré, M. le Président.
Le Vice-Président: Le vote enregistré. M. le leader
du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Je suggère qu'on
reporte le vote à la fin de la période de... Vous voulez
procéder tout de suite?
Des voix: Oui.
M. Gratton: Alors, qu'on appelle les députés, M. le
Président.
Qu'on me le dise, bien clairement.
M. Chevrette: Le vote sera reporté, comme le demande le
leader du gouvernement.
Le Vice-Président: J'ai la demande du leader du
gouvernement en ce sens. Donc, le vote est reporté à la prochaine
période des affaires courantes, soit le jeudi 19 juin.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je vous prierais maintenant
d'appeler l'article 16 du feuilleton.
Projet de loi 74
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président: À l'article 16, nous reprenons
le débat sur la motion de Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux sur l'adoption du principe du projet de loi 74, Loi modifiant
la Loi sur l'assurance-maladie.
M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: J'aurais quelques questions à poser, de
consentement, au leader du gouvernement.
Est-il de l'intention du leader d'appeler ce projet de loi, à
supposer qu'on l'adopte en deuxième lecture ce soir, en commission
parlementaire avant la fin de l'ajournement de cette présente
session?
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, comme je l'avais
indiqué au porte-parole en la matière, le député de
Gouin, il y a deux ou trois semaines, ce que nous souhaitons est de voir le
projet de loi 74 passer l'étape de l'adoption du principe et nous
aviserons du moment de l'étude détaillée en commission
parlementaire. Ce ne sera sûrement pas -comme je l'ai d'ailleurs
indiqué il y a plusieurs jours - avant l'ajournement
d'été.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, le leader du gouvernement
peut-il me confirmer s'il est possible que ce projet de loi ne soit
appelé qu'en septembre sur consentement des deux partis?
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, oui. Je me rends à la
demande de l'Opposition sans juger des raisons qu'on puisse invoquer pour que
la commission qui procédera à l'étude
détaillée du projet de loi 74 ne soit pas convoquée avant
le 1er septembre prochain.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, sur le fond de la motion
maintenant. Sur le fond de l'article à l'ordre du jour.
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement, vous
aviez demandé l'ajournement? (2 h 10)
M. Gratton: Oui. M. le Président, ce n'est pas pour
intervenir à ce moment-ci mais je voudrais à mon tour faire
confirmer par le leader de l'Opposition une entente selon laquelle ce dernier
pourrait intervenir pendant dix minutes et qu'ensuite Mme... la
ministre pourrait exercer son droit de réplique alors que le
débat sur l'adoption du principe du projet de loi 74 pourrait se
terminer soit par un vote immédiat ou reporté à
demain.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, il y a effectivement
entente en ce sens que, compte tenu des deux réponses positives que nous
avons reçues aux questions que nous avons posées au leader du
gouvernement, je serai le seul à intervenir de mon
côté.
Le Vice-Président: À ce moment-ci, j'avais
demandé que si on confirme ceci, nous en faisions un ordre de la
Chambre. Le leader de l'Opposition aurait un droit de parole de dix minutes et
Mme la ministre de la Santé et des Sercices sociaux aurait son droit de
réplique de vingt minutes. Est-ce que nous en faisons un ordre de
l'Assemblée?
M. le leader de l'Opposition.
Est-ce que c'est un ordre de l'Assemblée? Tel que je viens de le
mentionner, dix minutes pour le leader de l'Opposition et vingt minutes en
réplique à Mme la ministre de la Santé et des Services
sociaux. Donc, je cède la parole à M. le leader de
l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. C'est plutôt
rare en cette Chambre qu'un projet de loi qui recevait l'unanimité des
parlementaires ait été défendu de façon que
l'Opposition soit maintenant dans l'obligation de voter contre ledit projet de
loi. Je vais expliquer pourquoi.
Il est de tradition et de coutume, quand on dépose un projet de
loi de mettre dans ce projet de loi l'essence même du projet de loi.
L'essence même du projet de loi, c'était de faire
bénéficier les citoyens du Québec d'un avantage sur le
plan de l'assurance-santé, qu'un acte médical soit
rémunéré par la régie. Également, il y avait
un autre principe qui était qu'on réglemente la
désassurance de certains médecins face à l'objectif que
recherche Mme la ministre de la répartition des effectifs
médicaux sur le territoire du Québec.
Ce sont là les deux principes que l'on retrouvait dans le projet
de loi. C'était les deux principes en faveur desquels on
s'apprêtait à voter, comme Opposition, à l'exception d'un
léger amendement, d'un petit amendement qui ne changeait pas le sens
même du projet de loi ou les principes mêmes du projet de loi.
La ministre a elle-même concouru au changement d'attitude de
l'Opposition. Elle veut introduire un nouveau principe même si la
tradition parlementaire défend de le faire, même s'il y a de la
jurisprudence, tant au niveau des commissions parlementaires qu'en cette
Chambre qui nous défend de changer, d'ajouter au niveau des principes
mêmes de la législation. Je pourrais vous référer
à l'assurance automobile, je pourrais vous référer
à d'autres projets de loi qui ont été discutés en
cette Chambre. Mais Mme la ministre a décidé d'essayer de faire
croire que c'est l'Opposition qui va empêcher les citoyens de toucher
à des avantages de la législation qui sont prévus dans la
loi 74.
C'est sa faute à elle-même. Elle essaie de conditionner un
amendement sous prétexte que c'est un amendement, mais c'est un ajout.
Si on suivait le raisonnement de la ministre et le raisonnement qui a
été discuté à quelques reprises en cette Chambre ce
soir, on pourrait déposer un projet de loi avec un titre et le ministre
ferait ce qu'il veut, ce qui serait un non-sens, ce qui serait une aberration:
loi amendant la Régie de l'assurance-maladie du Québec. A ce
moment, on pourrait prendre n'importe quel aspect. Sur quoi le Parlement se
préparerait-il? À quoi les citoyens seraient en droit de
s'attendre comme discussion sur un tel projet de loi? C'est fou comme balai.
Cela ne tient pas debout. Cela n'a ni queue ni tête.
M. le Président, la ministre a choisi de l'annoncer ici. C'est
peut-être le seul côté positif, c'est sa franchise. Sauf
qu'on ne sait pas pourquoi. Il y a sûrement des objectifs cachés
de conditionner l'acceptation d'un projet de loi qu'on était prêt
à faire par consentement. On était prêt, par consentement,
à lui donner la loi 74 et elle le savait. En commission parlementaire,
hier, au cours de l'étude de la loi 75, on l'a dit à Mme la
ministre, qu'on était prêt à accepter avant la fermeture de
cette session, qu'on était prêt à adopter cette loi 74 et
lui dire carrément: Mme la ministre, voilà deux choses avec
lesquelles on est d'accord, cela fait partie du projet de loi, bravo! Non, elle
veut essayer de nous en passer une petite vite dans une fin de session.
Elle vivra avec M. le Président. On se battra avec acharnement en
commission parlementaire parce qu'il y a de la jurisprudence très
claire, très très claire en ce sens qu'on ne peut ajouter de
principe à un projet de loi. On sortira la jurisprudence et nos
représentants mèneront une lutte à finir sur cela. C'est
clair. Cependant, si vraiment elle a le sens des responsabilités comme
elle aime le dire en public, si elle a tout le sens de la responsabilité
qu'elle veut bien exprimer ici et là lorsqu'elle se promène au
Québec, on lui offre l'occasion de le manifester.
Je voudrais formellement, au nom de l'Opposition, faire autant la
proposition au leader du gouvernement qu'à Mme la ministre. Je suis
prêt, comme leader de
l'Opposition, à recommander l'adoption du projet de loi 74
à la suite d'une brève apparition en commission parlementaire
pour un amendement. Je suis prêt à accepter que la ministre
dépose en cette Chambre un nouveau projet de loi concernant le principe,
relativement aux soins dentaires pour montrer l'ouverture de ce
côté de la Chambre. Ce n'est pas nous qui allons porter l'odieux
en fin de session de priver les Québécois de deux principes avec
lesquels nous sommes d'accord et les deux seuls principes qui apparaissent au
projet de loi 74. Je répète, comme Opposition, que je suis
prêt à recommander un consentement, indépendamment du fait
qu'il n'y ait pas de préavis au feuilleton pour le projet de loi
concernant les soins dentaires et qu'on le dépose demain matin. Nous
allons accepter de le recevoir de plein consentement et plus encore nous allons
collaborer avec la ministre. Nous sommes prêts à aller à
une quatrième commission s'il le faut pour étudier le projet de
loi 74 pour montrer la bonne foi que nous avons de ce côté de la
Chambre.
M. le Président, je ne vois pas comment la ministre de la
Santé et des Services sociaux - elle qui veut toujours dire comment elle
est ouverte, comment elle veut être de bonne foi, comment elle veut
traiter du fond des choses - peut concrètement aller sur un principe
additionnel, un principe qu'elle sait contesté de ce côté
de la Chambre, puisque cela fait deux mois que le député de Gouin
et que d'autres députés en cette Chambre mènent une lutte
sans merci à l'impôt sur les enfants concernant les soins
dentaires. Mme la ministre le sait très bien. Nous lui offrons cette
ouverture. Nous lui offrons cette possibilité. Elle pourrait tirer
exemple de ce que nous avons fait cet après-midi avec un de ses
collègues qui avait un projet de loi contesté et qui voulait en
voir adopter une partie. Que s'est-il passé? Nous nous sommes
réunis: les deux leaders, le critique et député de Taillon
et le ministre de la Justice. Nous avons consenti à ce que, demain
matin, il y ait un dépôt de projet de loi sur la partie litigieuse
pour permettre d'adopter la partie qui fait consensus. Vous qui vouliez
légiférer pratiquement un sujet à la fois - changer le mot
"municipalité" par le mot "corporation municipale" faisait l'objet d'un
projet de loi - il me semble qu'à cette heure, vous pourriez accepter
que les soins dentaires fassent partie d'un projet de loi et il me semble que
l'autre partie touchant la vasectomie et touchant la désassurance de
certains médecins pourrait faire partie d'un autre projet de loi. Cela
serait en plein dans le mille par rapport à votre argumentation.
Des voix: Bravo!
M. Chevrette: M. le Président, c'est toujours deux
engagements, deux discours. Je ne comprends pas ce monde. Ils prennent des
engagements, ils les déchirent. Quand cela fait leur affaire ils
changent de discours. La cohérence va être démasquée
à très court terme y compris pour la ministre de la Santé
et des Services sociaux. Vous pourrez lire Lysianne Gagnon depuis deux jours et
vous allez voir jusqu'à quel point on est en train de voir les jeux, les
petites "gamiques"; on est en train de mettre à jour le véritable
portrait et les véritables attitudes de la ministre de la Santé
et des Services sociaux. Mais encore une fois - j'ai pris l'engagement de
parler dix minutes seulement - je répète et j'offre au leader du
gouvernement, j'offre à la ministre et s'il le faut au premier ministre,
qui était censé administrer la transparence, avec ouverture, dans
un dialogue et dans une ouverture d'esprit qu'on n'a jamais connus au
Québec, l'occasion d'adopter deux principes que vous nous avez
présentés le 15 mai.
Et, plus encore, en dehors des délais nous sommes prêts
à reconnaître que la ministre a le droit de déposer en
cette Chambre un nouveau projet de loi que nous étudierons dans les
cadres et dans les formes qui s'imposent et conformément à notre
règlement. Mais entre-temps vouloir, par un subterfuge, sans dire
d'ailleurs les motifs qui les guident, essayer de passer un sapin à
l'Opposition, c'est bien mal nous connaître. Nous sommes pas mal plus
délurés que vous ne le pensez. (2 h 20)
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Je veux solliciter le consentement pour
répondre à l'offre que vient de faire le leader de l'Opposition.
Est-ce qu'on me le permet?
Le Vice-Président: Y a-t-il consentement à ce
sujet?
Des voix: Oui.
Le Vice-Président: Oui, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Le leader de l'Opposition nous dit: On donnerait
notre consentement si le gouvernement s'engageait à déposer un
projet de loi qui toucherait les soins dentaires, demain. Je suis prêt,
en consultation avec Mme la ministre, à procéder de cette
façon. Comme le leader de l'Opposition a dit qu'il serait prêt
à adopter deux principes différents, je serais prêt
à ce que dès demain nous présentions le projet de loi,
à la condition, bien sûr,
qu'avant l'ajournement d'été on puisse adopter le projet
de loi 74, tel que le souhaite l'Opposition, de façon à faire en
sorte que ce que contient présentement le projet de loi 74 puisse
s'appliquer immédiatement et qu'on adopte également le principe
du projet de loi que l'on déposerait avant l'ajournement
d'été, de façon à nous rendre à la
même étape où nous serons rendus une fois que Mme la
ministre aura exercé son droit de réplique.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Voici ce que je comprends des propos du leader du
gouvernement. C'est peut-être important qu'on les clarifie. Le leader du
gouvernement m'a dit: Oui je suis prêt à déposer un projet
de loi demain qui traiterait exclusivement des soins dentaires, à la
condition que vous fassiez la première et la deuxième lecture.
C'est bien cela qu'il dit. Parce que, adopter le principe des deux veut dire
aller à la deuxième lecture du principe même que l'on
conteste comme étant recevable dans le présent projet de loi.
Donc, à plus forte raison, je peux vous dire une chose, c'est que le
projet de loi 74, dans ce contexte-là, si c'est ce que le ministre veut,
on pourrait y garantir une chose, c'est que oui, nous allons adopter le projet
de loi 74, mais il n'est pas sûr que vous passiez le cap de la
deuxième lecture avec le nouveau projet de loi. Je vais être
honnête avec le leader du gouvernement.
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, pour que l'on se comprenne
bien, l'Opposition refuse de s'engager à voter le principe d'un projet
de loi séparé pour les soins dentaires avant l'ajournement
d'été et invite ainsi le gouvernement à procéder,
tel que nous l'avons indiqué, c'est-à-dire par voie d'amendement
au projet de loi 74. Je constate que l'on ne peut pas s'entendre, M. le
Président.
Je l'offre à nouveau et on pourra s'en reparler demain matin.
J'offre à nouveau à l'Opposition que l'on dépose demain
matin un projet de loi sur les soins dentaires, que l'on adopte le projet de
loi 74 tel qu'il existe présentement, donnant cours immédiatement
à l'ensemble des avantages pour les citoyens québécois qui
se retrouvent dans le projet de loi 74. Le projet de loi à être
déposé demain, l'Opposition pourrait voter contre et on s'attend
très bien à ce qu'elle vote contre. Je ne l'appellerais pas, je
respecterais les deux conditions qu'a posées le leader de l'Opposition,
à savoir qu'il ne serait pas déféré à une
commission parlementaire pour l'étude détaillée avant le
1er septembre et on pourrait reprendre le débat à ce
moment-là. Il me semble que ce serait un compromis honorable.
Alors, je ne demande pas au leader de l'Opposition de me répondre
tout de suite. Il pourrait peut-être y réfléchir et nous
donner sa réponse demain matin.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: II y a un point sur lequel je veux répondre
immédiatement. Enlevez du décor les soins dentaires et le projet
de loi 74, sans aucune condition et on va voter pour. J'espère que c'est
clair. On voterait pour le projet de loi 74 sans aucune condition. Quant au
dépôt d'un nouveau projet de loi intitulé loi modifiant
l'assurance-maladie concernant les soins dentaires ou l'impôt sur les
enfants, celui-là, on accepterait de consentement qu'il soit
déposé même si c'est au-delà du 15 mai. On verra
plus tard. En tout cas, pour le moment, je n'ai pas d'autres informations quant
à la procédure qui pourrait être suivie
ultérieurement. Je peux vous dire une chose, c'est que le projet de loi
74, que le ministre se le tienne pour dit, on est prêt à le voter
tel qu'il est avec un léger amendement.
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je termine en disant que le
projet de loi que l'on déposerait demain s'intitulerait: Loi modifiant
la Loi sur l'assurance-maladie du Québec, quant à nous. Le
deuxième projet de loi, on lui donnerait peut-être le
numéro 76.
Deuxièmement, je constate que l'Opposition est en faveur du
projet de loi 74 tel qu'il existe présentement, mais pas suffisamment
pour accepter le compromis que j'ai suggéré, mais on se reparle
ce matin et l'offre sera toujours valable.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Je m'excuse mais il y a méprise. Le
gouvernement nous demande si on est d'accord avec le projet de loi 74. Je lui
répond oui, pour autant qu'il demeure avec les deux principes qui ont
été édictés dans les notes explicatives et dans les
articles. Si la ministre et le leader du gouvernement nous garantissent qu'il
n'y aura pas d'autres principes inclus dans le projet de loi 74, je vous dis
même qu'il sera adopté. Nous changerons l'orientation de notre
vote. Pourquoi avons-nous pris l'orientation de voter contre ce soir? C'est
parce que la ministre s'est obstinée à vouloir
introduire un nouveau principe. Mais s'il n'y a pas de nouveau principe,
nous allons concourir à son adoption en donnant les consentements qui
s'imposent pour l'étude du rapport pour la troisième lecture. M.
le Président, il n'y a pas de problème. Mais qu'on ne vienne pas
subordonner notre accord à de nouveaux principes qui plaisent à
la ministre qui voudrait peut-être, en fin de session, en passer une
petite vite à l'ensemble des Québécois. Pas nous
autres!
Le Vice-Président: Je voudrais voir. Il y a eu
consentement à question et réponse. Je ne veux pas faire un
débat interminable.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je constate une chose, c'est
que l'Opposition voudrait comme on dit en anglais "have his cake and eat it
too, and you can't have it that way".
Le Vice-Président: Très bien. Donc, suivant
l'entente intervenue précédemment et suivant l'ordre de la
Chambre, nous allons procéder à la réplique de la ministre
de la Santé et des Services sociaux sur le projet de loi 74. Mme la
ministre, la parole est à vous pour 20 minutes.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
(réplique)
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.
Vous me permettrez au tout début de faire quelques rectifications
parce que le député de Gouin a été égal
à lui-même dans toute sa démagogie, sa grande
capacité de déformer les faits, de créer la confusion et
de brandir les spectres. En cela, il n'a guère d'égal.
M. le Président, je voudrais, et je ne m'adresserai plus au
député de Gouin parce que je pense que la population est capable
de juger elle-même, mais compte tenu de toute la déformation des
faits qu'il a faite...
M. Chevrette: Sur l'article 239 du règlement...
Le Vice-Président: Un instant, Mme la ministre. M. le
leader de l'Opposition. Article 239. Je vous écoute.
M. Chevrette: M. le Président, je crois que l'article 239
parle de la pertinence du débat. Est-ce que la ministre veut introduire
un nouveau chapitre qui serait le député de Gouin dans son projet
de loi?
Le Vice-Président: Ah, M. le leader de l'Opposition, vous
avez... Tout simplement, à ce moment-ci, je dois demander la
collaboration de la Chambre et vous saviez pertinemment que ce n'était
pas une question de règlement.
Mme la ministre de la Santé et des Service sociaux.
M. Rochefort: M. le Président, question de
règlement, M. le Président.
Le Vice-Président: Question de règlement, M. le
député de Gouin. Question de règlement en vertu de quel
article, M. le député?
M. Rochefort: En vertu de l'article 35, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je vous écoute.
M. Rochefort: En vertu de l'article 35, je voudrais que vous
rappeliez à l'ordre la ministre qui, à l'article 35,5 , ne
respecte pas le règlement, qui, à l'article 35,7 , ne respecte
pas le règlement, qui, à l'article 35,6 , ne respecte pas le
règlement. Je peux vous faire lecture de ces articles, M. le
Président. L'article 35 dit que "le député qui a la parole
ne peut: ...5° attaquer la conduite du député, si ce n'est
par une motion mettant sa conduite en question; 6°, imputer des motifs
indignes à un député ou refuser de respecter sa parole;
7°, se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à
l'endroit de qui que soit.." M. le Président, nous pourrions continuer
à lire l'article 35 tout au long.
M. le Président, je vous demanderais effectivement...
Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît!
Avez-vous fini votre argumentation?
M. Rochefort: M. le Président, j'essayais de terminer mais
j'avais un peu de concurrence.
M. le Président...
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Rochefort: Donc, je vous demandais de rappeler à
l'ordre la ministre de la Santé et des Services sociaux en fonction des
alinéas 5°, 6° et 7° de l'article 35 de notre
règlement.
Le Vice-Président: Sur cela, M. le député de
Gouin, j'ai entendu certains propos que Mme la ministre a introduits au
début de son discours. Et, en ce qui concerne les remarques qu'elle a
apportées en qualifiant votre discours, je ne pense pas que je puisse
conclure qu'elle était en contravention avec l'article 35, de la
même façon que vous aviez qualifié les propos de Mme la
ministre précédemment lors de votre intervention.
Mme la ministre, je vous cède la parole.
M. Gratton: Une autre question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Un autre question de règlement,
M. le leader du gouvernement. (2 h 30)
M. Gratton: M. le Président. Parce que tantôt
lorsque Mme la ministre a fait son intervention sur l'adoption du principe du
projet de loi, on l'a interrompue constamment par des questions de
règlement du côté de l'Opposition et on l'a même
empêchée d'exercer son droit de parole librement. Je le
prétends, M. le Président, et je voudrais vous inviter à
être vigilant pour faire en sorte que l'Opposition ne soulève pas
des questions de règlement qui n'en sont pas comme vient de le faire le
député de Gouin, strictement dans le but d'empêcher Mme la
ministre d'exercer son droit de parole. Elle y a droit. On n'a pas interrompu
le leader de l'Opposition tantôt, M. le Président, qu'on ait donc
la même courtoisie et la même politesse de l'autre
côté.
Le Vice-Président: Très bien. Un instant.
Des voix: Bravo.
M. Rochefort: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Sur une nouvelle question de
règlement? M. le député de Gouin.
M. Rochefort: Oui, une nouvelle question de règlement, M.
le Président, je soulève une nouvelle question de
règlement en vertu de l'article 35 de notre règlement quant aux
propos que le député de Gatineau vient de tenir à mon
endroit.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le leader du gouvernement. M. le député de Gouin,
en vertu de l'article 35, je vous entends brièvement.
M. Rochefort: M. le Président, le député de
Gatineau m'impute des motifs, ce qui est contre notre règlement à
l'article 35 quand il dit que je soulève des questions...
Le Vice-Président: Très bien. D'accord.
Là-dessus j'ai déjà statué lors du débat,
lors de votre intervention, tout autant que quand des députés
ministériels se levaient pour des questions de règlement. Vous
avez soulevé exactement les mêmes motifs que le leader du
gouvernement vient de soulever. Ce que je peux dire au sens de notre
règlement tel qu'il est, c'est que tout député en cette
Chambre au cours de quelque intervention que ce soit, s'il juge qu'il doit
soulever une question de règlement ou qu'il peut soulever une question
de règlement, il peut la soulever brièvement et je rendrai ma
décision en ce sens. À ce moment-ci, sans imputer de motifs
à personne, chaque député, comme je l'ai dit tantôt,
avait énoncé les mêmes propos que le leader de l'Opposition
tantôt disant qu'on voulait les empêcher de parler. Je vous
rappelle sûrement, simplement que je me dois d'écouter tout
député qui a une intervention à faire sur une question de
règlement. Ce n'est d'aucune façon brimer la liberté de
quelque parlementaire que d'agir ainsi. Cependant, je demande évidemment
la collaboration de l'ensemble des membres de cette Chambre. Notre
règlement étant ce qu'il est, il est évident qu'un
député qui a la parole pour vingt minutes, un
député qui a la parole pour une heure, à tout moment
donné... Si un député se lève toutes les deux
minutes pour soulever une question de règlement qui n'en est pas une, je
me dois comme président de cette Assemblée d'écouter la
demande ou le rappel au règlement qu'on veut me soumettre et rendre une
décision. Mais je ne peux rien y faire. C'est évident que cela
prend la collaboration de tous les députés des deux
côtés de la Chambre pour permettre à nos débats de
se dérouler d'une façon qui corresponde à nos
règles, c'est-à-dire laisser la chance aux gens de s'exprimer et
faire en sorte que notre règlement puisse s'appliquer en ce sens. Je
cède la parole à Mme la députée, à Mme la
ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Gratton: Question de règlement.
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Je veux que ce soit bien clair, je n'impute aucun
motif indigne au député de Gouin. Ce que j'ai dit c'est que le
député de Gouin, en soulevant des questions de règlement,
empêche Mme la ministre d'exercer son droit de parole et si ce n'est pas
ce que veut faire le député de Gouin je lui demande très
humblement simplement d'écouter la ministre de façon qu'elle
puisse prendre la parole au moins une fois au cours de ce débat. Elle
n'a pas réussi.
Le Vice-Président: Très bien.
M. Johnson (Anjou): Question de règlement.
Le Vice-Président: Question de règlement. Un
instant. Sur la question de règlement, M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président, je comprends que
le leader, et en fin de session c'est normal, ait eu à vaquer à
plusieurs occupations - si le député me
permet - auprès des commissions etc., mais moi j'ai
été témoin, j'aimerais que le leader se le rappelle, j'ai
été témoin d'au moins neuf interruptions de la part du
député de Laurier pendant le discours du député de
Gouin.
Le Vice-Président: Un instant. Ceci étant
dit, je pense que les propos que j'ai énoncés tantôt
s'expliquent par eux-mêmes. Ils sont assez clairs. Je cède la
parole à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je peux rassurer le
député de Gouin: je n'adresserai pas d'autres propos et je ne
corrigerai pas ses inexactitudes dans lesquelles il excelle.
On a, tout à l'heure, parlé des coupures des soins
dentaires que le gouvernement actuel a décidé de faire dans le
programme de soins dentaires pour les enfants totalisant un montant de 8 000
000 $ et non pas un montant de 20 000 000 $ comme le député de
Gouin aime le dire.
Encore une fois - et j'ai l'impression que c'est au moins la
cinquième fois que je le répète en Chambre - quand le
député de Gouin parle d'irresponsabilité et de mon
non-intérêt pour les programmes de soins dentaires pour les
enfants, faut-il rappeler qu'en 1982, c'est 27 500 000 $ que le gouvernement
d'en face a coupés dans les soins dentaires, alors qu'aujourd'hui, tout
ce que nous faisons, c'est de réduire de deux à un seul l'examen
dentaire pour les enfants. C'est tout ce que nous faisons alors que je pourrais
vous lire la liste de tout ce que le gouvernement du temps a coupé: dans
le diagnostic et la radiologie, dans le curatif, la restauration. L'ablation de
dents et de racines. La restauration de certaines dents. La non-restauration
d'autres et j'en passe. Nous, tout ce que nous faisons dans cette compression
de 8 000 000 $ que nous avons toujours faite publiquement, que nous avons
toujours annoncée publiquement et, d'ailleurs, j'avais annoncé
publiquement qu'à la suite de cette décision du gouvernement,
nous devrions apporter un amendement à la Loi sur l'assurance-maladie.
Aujourd'hui, ce que j'ai voulu faire, c'est encore dans cette même
idée de transparence que j'ai voulu l'annnoncer, en dépit du fait
qu'on m'en ait empêchée.
M. le Président, il faudrait également rappeler que le
chef de l'Opposition qui est devant nous, qui était ministre des
Affaires sociales, est celui qui a fait cette coupure de 27 500 000 $, en 1982.
J'aimerais aussi rappeler au chef de l'Opposition qu'il a
présenté un mémoire au Conseil des ministres, dans lequel
il proposait non pas...
M. Jolivet: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Question de règlement. M. le député, en vertu de
quel article, s'il vous plaît?
M. Jolivet: M. le Président, sur la pertinence du
débat. J'aimerais demander au député de Laurier de
demander à sa ministre d'être très pertinente.
Le Vice-Président: M. le député de Gouin,
les propos de Mme la ministre si je considère la latitude qui a eu cours
lors de votre intervention, je pense que je dois permettre à la ministre
de répondre à certains des arguments que vous aviez
apportés dans le débat à ce moment-là.
Je vais lui laisser la parole en ce sens.
Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président. Dans le Soleil du 8
février 1982, on dit: "Le ministre signale qu'en ce qui concerne -c'est
toujours le député d'Anjou, l'actuel chef de l'Opposition et
ministre des Affaires sociales du temps - les soins dentaires pour les enfants,
on aurait pu envisager la désassurance de certains services. Mais il
ajoute aussitôt et je cite au texte: Comme ces économies, environ
32 000 000 $, ne m'apparaissent pas suffisantes, je dois considérer la
désassurance complète des soins dentaires pour enfants, ce qui
permettrait de récupérer 93 715 000 $."
M. le Président, j'ai cité au texte. Je dois dire que
c'est 27 500 000 $ qui ont été coupés en 1982 et que les
compressions que nous faisons sont de l'ordre de 8 000 000 $. Ils ne touchent
pas toute une série d'actes qui étaient extrêmement
importants pour la santé dentaire des enfants. Par exemple, on a aboli
la restauration pour les dents des enfants de 14 et 15 ans. J'arrête
ceci, M. le Président. Je voudrais seulement ajouter un autre
élément - ce sera le dernier sur les dents - on se scandalise, de
l'autre côté, de la réduction de deux examens à un
examen. On déchire ses vêtements en face. Je voudrais simplement
signaler, ici, dans cette Chambre, que, dans la Gazette officielle du
Québec du 2 juin 1982, sous la signature du ministre des Affaires
sociales du temps, Pierre Marc Johnson, député d'Anjou et chef de
l'Opposition actuelle, il y avait toute une série de mesures contenues
dans ce règlement, dont l'une était un examen de rappel par
période de douze mois, c'est-à-dire un examen par année.
(2 h 40)
Une voix: Non! Non! Voyons donc!
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaîti Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, vous aurez remarqué,
premièrement, que les plus hauts cris ne venaient pas de ce
côté-ci. Deuxièmement, si la ministre trouvait cela si
terrible en 1982, pourquoi continue-t-elle à...
Le Vice-Président: Ce n'était pas une question de
règlement. Je cède la parole à Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, cela était un
règlement en prépublication à la Gazette officielle. La
raison pour laquelle il n'a pas été retenu, qu'il n'a pas
dépassé l'étape de la prépublication à la
Gazette officielle, c'est qu'à ce moment-là, le ministre
était en train de négocier l'entente avec les
chirurgiens-dentistes, et, sous la pression de ces derniers, il a
cédé.
Une voix: Ah! C'est 27 000 000 $ de coupés.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais dire
à la population du Québec qu'en dépit de toutes les
déformations que l'on voudra faire en face, il est important pour elle
qu'elle sache que tous les éléments du programme de services
dentaires pour les enfants sont maintenus, sauf que l'examen dentaire sera
réduit de deux fois à une fois par année. C'est
également la norme dans la seule autre province qui a un programme
comparable au nôtre, la Nouvelle-Écosse.
M. Brassard: Question de règlement.
Le Vice-Président: Question de règlement, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je vous réfère à la
décision qui a été rendue par la présidence
à ce sujet et qui parlait de propos accessoires. J'ai hâte
d'entendre parler de vasectomie par la ministre.
Le Vice-Président: À l'ordre! Vous allez en
entendre parler. Je comprends que nous sommes dans une atmosphère de fin
de session, mais la décision qui a été rendue tantôt
par la présidence touchait un point précis, soit l'introduction
d'un amendement au projet de loi présenté par la ministre.
Des voix: ...
Le Vice-Président: Un instant! À ce moment-ci, lors
de son discours, le député de Gouin a parlé abondamment de
certains arguments concernant les soins dentaires, et le débat a
été élargi dans le sens de notre règlement.
J'invite Mme la ministre à compléter son intervention en tentant
de limiter le plus possible ses propos aux deux principes du projet de loi
précis.
Une voix: À la vasectomie!
Le Vice-Président: Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux dire à la
population que tous les éléments du programme de soins dentaires
pour les enfants sont maintenus, sauf la réduction de deux examens
à un. Il demeure un des programmes les plus généreux du
Canada.
Je vais maintenant parler de la vasectomie, parce que cela
préoccupe beaucoup les amis d'en face.
Une voix: Surtout le député de Lac-Saint-Jean.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président... M. Chevrette: Question
de règlement. Mme Lavoie-Roux: C'est pertinent!
Le Vice-Président: En vertu de quel article, M. le leader
de l'Opposition?
M. Chevrette: M. le Président, c'est très
sérieux. Vous avez rendu une décision et je veux faire...
Le Vice-Président: Un instant! Si vous avez une question
de règlement précise à soulever, je vais vous entendre. Si
vous pouvez m'indiquer l'article du règlement, je vous entendrai, mais
je ne veux pas de commentaire sur la décision qui a été
rendue. Vous n'avez pas de commentaire à exprimer sur ce sujet, M. le
leader de l'Opposition, et vous le savez fort bien. Si vous avez une question
de règlement, je vous écoute.
Une voix: Quel article?
M. Chevrette: M. le Président, en vertu de l'article
239.
Le Vice-Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Je voudrais savoir ceci... Je vais poser la
question comme je le pense. Lorsqu'une décision est émise sur le
banc -c'est une directive que je veux vous demander - est-ce que cela lie
l'ensemble des parlementaires? Je vais expliquer pourquoi. Si cela lie
l'ensemble des parlementaires et que vous prenez la peine comme
président de vous retirer pendant une demi-heure pour analyser une
demande de directive, que vous en ressortez, que vous dites vous-même que
tout ce qui ressort des projets de loi doit être accessoire et qu'il
reste six minutes sur vingt pour parler de l'essentiel, je trouve cela
grave.
Le Vice-Président: Je m'exprimerai brièvement sur
la décision précise qui a été rendue. À
l'ordre, s'il vous plaît! Sur la question soulevée, la
décision de la présidence a été qu'apporter un
amendement, qui n'était pas inclus originellement dans le grand principe
qu'on avait reconnu dans le projet de loi était, au sens de notre
règlement, permis pour autant que... Évidemment, on parlait ici
de notre règlement selon lequel les amendements proposés au
projet de loi par Mme la ministre dans son énoncé sur le projet
de loi en question demeurent des accessoires.
Évidemment qu'au niveau du débat qui s'ensuit et, tel que
je l'ai mentionné, s'il y a une certaine digression qui s'exerce... Le
député de Gouin a pu à loisir, je pense, assez longuement
pendant son intervention parler de toute la question des soins dentaires.
Malgré des questions de règlement des ministériels
là-dessus, j'ai laissé le député de Gouin continuer
son exposé en lui demandant de s'étendre le moins possible sur ce
sujet. Je vous dirai que j'ai minuté sommairement son intervention et
que j'ai calculé au minimum 20 minutes d'intervention sur la question
des soins dentaires. Donc, Mme la ministre a terminé son point
là-dessus et je lui laisse la parole pour conclure son
exposé.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je dois vous dire que,
eu égard à la modification de la Loi sur l'assurance-maladie
touchant les services de planification familiale, nous prenons nos
responsabilités. Nous les prenons également à
l'égard de la protection de la population qui, dans des situations de
conflit, voit les médecins partir, parfois en groupes, pour exercer une
pression. À cet égard, je pense que nous prenons largement nos
responsabilités, comme nous les prenons, d'ailleurs, dans tous les
domaines de la santé, contrairement à ce que les gens d'en face
ont fait pendant qu'ils étaient au pouvoir.
Mais ce qui me frappe ce soir, M. le Président, c'est
l'espèce d'attendrissement auquel on veut laisser croire la population.
On nous dit: II faut absolument adopter la loi 74. On leur offre les moyens de
l'adopter et, lorsqu'on leur donne le loisir de l'adopter, on refuse. M. le
Président, les masques sont tombés. Lorsqu'on a voté, en
première lecture, contre la loi 75 qui veut voir à une meilleure
répartition des effectifs médicaux...
M. Brassard: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Question de règlement, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je voudrais savoir si c'est parlementaire d'accuser
des membres de cette Chambre d'avoir un masque.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: Enlève le tien.
Le Vice-Président: Je ne suis pas maître des propos
que chaque parlementaire emploie. Quant à moi, cette expression n'a pas
été déclarée antiparlementaire. Mme la ministre, en
conclusion, pour deux minutes, s'il vous plaît!
Une voix: Vous pouvez garder le vôtre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, l'Opposition ne veut
même pas qu'on fasse une rationalisation des ressources médicales
à l'intérieur du territoire du Québec. Elle a voté
en deuxième lecture contre le principe du projet de loi 75. Elle a
voté aussi, à l'étude article par article de ce projet de
loi, contre le projet de loi. Aujourd'hui, on veut nous faire croire qu'on veut
adopter la loi 74 pour permettre à la loi 75 d'être en vigueur.
Elle le sera, sauf pour un article, parce qu'on refusera de voter pour la loi
74. Les gens que nous avons en face ne sont pas sincères, ils ne veulent
pas le bien-être du Québec, ils ne veulent pas qu'on règle
le problème des effectifs médicaux dans l'ensemble du
Québec. Je pense que nous avons eu la preuve tout à
l'heure...
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît! En conclusion, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Nous avons eu la preuve tout à l'heure,
M. le Président, que leurs intentions ne sont pas sincères. Alors
qu'ils prétendent vouloir que la loi 74 soit adoptée, ils
prennent tous les moyens pour en bloquer l'adoption. (2 h 50)
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: M. le député de Gouin, en
vertu de quel article?
M. Rochefort: En vertu de l'article 212 de notre
règlement, M. le Président.
Le Vice-Président: 200?
M. Rochefort: 212 qui se lit comme suit: "Tout
député estimant que ses propos ont été mal compris
ou déformés peut donner de très brèves explications
sur le discours qu'il a prononcé. "Il doit donner ces explications
immédiatement après l'intervention qui les suscite."
Ce que je veux dire, c'est que, contrairement à ce que vient
d'affirmer la ministre de la Santé et des Services sociaux, nous avons
collaboré afin que le projet de loi
soit adopté avant l'ajournement de la session.
Deuxièmement, nous réitérons que, si le projet de loi 74
ne contient pas l'amendement sur les soins dentaires, nous donnerons tous les
consentements dont la ministre aura besoin pour le faire adopter puisque,
malgré les avertissements nombreux que nous leur avons donnés,
ces gens ont décidé d'ajouter un amendement sur les soins
dentaires, ce qui privera les Québécois, à cause de leur
décision, d'un vote qui permettrait aux Québécois de
profiter de la loi 74.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Le débat étant maintenant
clos, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 74, Loi
modifiant la Loi sur l'assurance-maladie, est adoptée?
Mme Lavoie-Roux: Vote enregistré!
M. Chevrette: Oui, madame, vote enregistré.
Le Vice-Président: Vote enregistré. M. Gratton: M.
le Président...
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
Une voix: On reviendra lundi.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Une voix: On sera ici lundi.
Le Vice-Président: Bon, un instant!
Une voix: M. le Président, bonne fin de semaine!
Le Vice-Président: Bon. Je rappellerai aux
députés de cette Chambre que la fin de la session n'est pas
encore arrivée, il reste encore quelques heures.
Une voix: Lundi, M. le Président, lundi!
Le Vice-Président: Un instant! M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, tout simplement pour
réitérer l'offre que je faisais à l'Opposition
tantôt. Demain, ils pourront nous en aviser. Nous sommes prêts
à déposer un projet de loi séparé sur la question
des soins dentaires aux conditions que j'ai énumérées
tantôt. On verra si vraiment l'Opposition est pour le projet de loi 74,
amendement ou pas.
J'aimerais également dire que, quant à nous, nous pensons
avoir respecté l'entente que nous avions conclue, c'est-à-dire un
droit de parole de dix minutes au leader de l'Opposition sans interruption.
Malheureusement, je constate que, du côté de la ministre qui
devait exercer son droit de réplique pendant vingt minutes, elle l'a
exercé pendant à peine...
Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du
gouvernement. Un instant, juste une seconde avant d'en arriver là. M. le
leader de l'Opposition, dois-je comprendre de vos propos que le vote qui a
été demandé est reporté à demain, à
la période des affaires courantes?
M. Gratton: Je serais tenté de faire comme
l'Opposition...
Une voix: On va voter tout de suite.
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement, ma
question est fort précise et brève: Est-ce que vous demandez que
le vote ait lieu maintenant ou qu'il soit reporté à demain, aux
affaires courantes?
M. Gratton: M. le Président, jamais je ne manque à
la parole donnée, moi. Je vous demande donc d'ajourner les travaux de
l'Assemblée.
Le Vice-Président: Un instant, est-ce que vous demandez un
vote reporté?
M. Gratton: Oui, vote reporté à demain, M. le
Président.
Le Vice-Président: Le vote sur le projet de loi 74 est
reporté à la prochaine période des affaires courantes du
jeudi 19 juin. M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Sur l'offre que vient de réitérer le
leader du gouvernement, je voudrais lui dire que nous réitérons
aussi notre volonté même de voter pour la loi 74, mais il n'y aura
jamais un consentement de cette formation politique pour imposer un impôt
sur les soins dentaires.
Le Vice-Président: Très bien, est-ce que la
motion...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président... Le
Vice-Président: Sur une question de?
Mme Lavoie-Roux: ...une question de privilège.
Le Vice-Président: Mme la ministre, il n'y a pas de
question de privilège sur les propos qui ont été
énoncés, je regrette infiniment. Est-ce que la motion
d'ajournement de nos travaux est adoptée? Un
instant, un instant, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, en vertu de l'article
212.
Le Vice-Président; Mme la ministre, en vertu de l'article
212.
Mme Lavoie-Roux: Le député de Joliette vient de
déformer ou de m'attribuer des propos qui n'ont jamais été
tenus, M. le Président. Le député de Joliette s'obstine
à parler de l'impôt sur les enfants alors qu'il s'agit...
Des voix: Oui, oui!
Une voix: Ce n'est pas grave.
Le Vice-Président: Un instant! Les messages étant
passés, d'accord, est-ce que cette motion d'ajournement de nos travaux
est adoptée?
M. Chevrette: Adopté.
Le Vice-Président: Nos travaux sont ajournés
à ce matin, 19 juin, dix heures.
(Fin de la séance à 2 h 55)